accélérateur du savoir

Mensuel n° 1014 - mars 2002

Echographie
Les vraies raisons
du malaise

Technologie
Des écrans souple
et ultraplats
Êii Qjiliî

id ? Comment ? Pourquoi ?

T 02578-1014-F: 3,50 €
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L'astuce par Bruce Libre/coiffeur créateur :

^ -S — •'
ARNIGR
l'événement

Motre lecteur dans l'espace

Le 5 février dernier, n est en plein jour et le ciel est tout noir, c'est in
Hervé L'helguen, croyable. » Assis dans l'habitacle étrangement si
le gagnant de notre lencieux du Mig-25, l'avion de chasse qui vole le
concours de l'été, plus haut du monde, Hervé L'helguen savoure une
s'envolait aux fron vision unique : à 25 km d'altitude, lancé à Mach 2,5
tières de l'espace dans la stratosphère, il contemple la courbure de la
à bord d'un Mig-25 Terre et la profondeur infinie de l'espace. «Je n'oublierai
Foxbat-C. jamais cette expérience », avoue-t-il de retour à la base de
Zhukovsky, près de Moscou. Une aventure que Science & Vie
offrait au lauréat du concours du numéro d'août dernier, ré
compense d'une grande connaissance de l'histoire de la
conquête spatiale et d'un sérieux talent de fouineur du Web,
où se trouvaient toutes les bonnes réponses. «Quand je me
suis vu au pied de cet avion de chasse, j'ai été très impres
sionné. Je n'imaginais pas un tel monstre de puissance, ra-
conte-t-il. Mais une fois ficelé dans la combinaison anti-g
et conduit vers la piste, je ne pouvais plus reculer. A ce mo
ment, j'étais aussi inquiet qu'impatient de vivre la suite. »
Enseignant en informatique de 34 ans, Hervé L'helguen
s'est envolé aux frontières de l'espace le 5 février dernier. Il
n'en a ramené qu'un regret : «Ça ne dure qu'une demi-heu
re. .. » Après une courte visite touristique de la capitale russe,
notre lecteur a été accueilli à la rédaction de Science & Vie,
à Paris. C'est là qu'il a pris connaissance des dernières nou
velles : un communiqué de l'université américaine de Purdue
annonçant que Buzz Aldrin, deuxième homme à avoir
marché sur la Lune, prend la direction d'une équipe de cher
cheurs pour mettre au point la première navette spatiale
touristique Terre-Mars. Lancement prévu en 2018... S &V
1014 • MARS 2002 • StiamlRe 3
 g L accélérateur du savoir ^

ScibubbMib Sommaire
n° 1014 «mars 2002
1, rue du Colonel-Pierre-Avia - 75503 Paris Cedex 15 Forum 8
Tél. : 01 46 48 48 48 - Fax ; 01 46 48 48 67
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d'abonnement se trouvent p. 42 et p. 129. Vous pouvez
aussi vous abonner par minitel en tapant 3615 ABON
(0,20 € la minute), par téléphone au 01 48 48 47 08,
Recherche 20
ou par l'internet (httpy/www.excelsior.fr).
Environnement 32
Un CD-Rom Cliib-Intemei est collé p. 81 sur les exemplaires
abonnés. Diffusion : France métropolitaine.Un encart Technologie 38
abonnement est broché sur les exemplaires de la vente au
numéro. Diffusion : France métropolitaine. Médecine 44

En couverture

Ce que sera
la fin du monde .48
Quand, comment, pourquoi
• La fin de la vie sur Terre . .50
• La fin du système solaire .56
• L'Univers sans fin 62

• Histoire d'un mythe 66

Couveriure : Rev. R. Royer/SPUCosmos ; J. Burgess/Cosmos.

Médecine
Une éponge contre le diabète .70
Géologie
Falaises : attention danger! .. .74
Neuropsychologie
La pub force notre cerveau 78
• Bien que difficile
à évaluer scientifi
Obstétrique
quement, le bien- Echographies
être des animaux
d'élevage est La crise de confiance 82
désormais pris
en compte au
niveau européen.
Avec des
Dossier
résultats
parfois sur
prenants.
Fallait-i! libérer les poules?. .88
 • Grains de pollen, aca
riens... les allergènes
Physique
provoquent des i/x^ la loi de l'inégalité .98
allergies qui empoison
nent la vie de millions
de personnes. Un dos
Ecologie
sier complet pour tout L'énigmatique invasion
savoir sur un mal en
constante progression. des crabes géants — ,104

Focus
L'allergie en questions ... .108
Géodésie
Mont Blanc
Il mesure en réalité 4810,40! .116
Electronique
Des écrans plats
de 1 millimètre! 122
Biométrie
La marche livre ses secrets .. .126
Aéronautique
Le mur du son en douceur ...130
Archéologie
Nola : l'autre colère du Vésuve 132
• On peut les rouler,
les coller sur un mur comme un
poster : les écrans ultra-plats
Science net
vont révolutionner téléviseurs Le créateur
et téléphones mobiles. de planètes virtuelles 137
Internet
La consécration mondiale
du Net 142
Conso
• Pour franchir le mur du son
avec discrétion, les futurs avions
Le montage vidéo pour tous . .144
de ligne supersoniques adopteront
d'Incroyables formes
Loisirs
aérodynamiques. Le ciel du mois 148
CD-Rom 150
Livres 152
Histoire
_ Poincaré, la science
^ et la conscience 156
Rétro
lly a 25 ans 164
* Contrôle dynamique de stabilité, disponible sur les motorisations V6.

V..
 FAIT POUR MARCHER DESSUS

*
^TECHNOLOGIE N'EST LÀ QUE POUR LE PLAISIR DE L'HOMME. PEUGEOT
 Forum
La télévision
numérique
en questions
Uid ta» an, «otM ton vMw
1 QU'EST-CE QUE *2
LA TÉLÉVISION
NUMÉRIQUE
HERTZIENNE?
Haute définit on «Com
me vous le signalez dans
votre article "La télévi
sion numérique en ques
tions", page 122 du nu
méro 1012 de janvier
2002, il va falloir adjoindre un dé
codeur externe ou remplacer le té
léviseur lorsque les nouveaux mo
dèles seront disponibles, puisque
les tuners des téléviseurs actuels
sont incompatibles avec le signal
numérique. Pourquoi alors ne pas
en profiter pour améliorer la défi
nition de l'image? Des normes ont
été définies dans les années 90 (D2-
MAC, puis HD-MAC) à cet effet.
Des constructeurs comme Philips
ou Thomson y ont fondé leurs
espoirs. N'oublions pas que Thom
son avait équipé les studios des
Jeux olympiques d'Albertville de
caméras HD1250.
D'après vous, pourquoi ne pas-
Erratum
Dans l'article "Un gène contre
la drépanocytose", page 36 du
numéro 1013, c'est de moelle
osseuse qu'il était question et
non de moelie épiniére.
8 SdumUe • h' 1014•MARS 2002
PAR uunei VAiw
2P0URQLK>I
ABANDONNER
L'ANALOGJQUE?
se-t-on pas à la télévision haute
définition?
Fabrice Ponthier, par l'internet
Techniquement, le numérique
terrestre pourrait assurer le
convoyage de programmes en
TVHD (télévision haute défini
tion). Pour cela, il suffit de coupler
plusieurs canaux numériques.
C'est-à-dire que le programme de
2 ou 4 chaînes serait monopolisé
pour acheminer le flux de données
d'une unique retransmission. Il
faut, en effet, un débit numérique
beaucoup plus important pour
transmettre un programme en
TVHD. Le problème est essentiel
lement commercial. En effet, sur
les bouquets numériques de de
main, chaque chaîne se verra attri
buer un canal. Il faudra donc qu'û
y ait accord commercial entre les
chaînes appartenant à un même
multiplex (voir article cité) pour
qu'une retransmission HDTV soit
possible. Les diffuseurs jugeront-
ils une teUe opération intéressan
te ? Rien n'est moins sûr. D'autant
plus que seuls les téléviseurs ca
pables de décoder et d'afficher de
la TVHD jouiront de sa qualité. •
DUbois, c'est mieux
Dans "Les arbres pren
nent la relève du pétro
le", page 118 du numé
ro 1013 de février 2002,
vous écrivez : « Les
rejets de carbone engendrés par
la combustion du bois sont com
pensés par l'absorption du car
bone de l'atmosphère par les
arbres.» C'est vrai également
des rejets dus à la combustion
du fuel. Votre article ne prouve
pas votre affirmation : « Faire
du feu dans sa cheminée, c'est
donc réduire les émissions de
gaz à effet de serre. » Le seul
intérêt de l'affaire avec lequel je
suis d'accord, c'est d'économiser
les énergies fossiles.
Michel Feuillée, Franconville
Brûler du bois, c'est exploiter
une ressource renouvelable
et en cours de croissance grâce
à l'absorption de carbone.
Brûler du fuel, c'est exploiter
une ressource qui s'est
constituée il y a des millions
d'années. Le déséquilibre actuel
provient justement du fait que
l'on relargue dans l'atmosphère
les produits de combustion
de stocks accumulés dans
le passé. En brûlant du bois,
on n'économise donc pas
seulement une énergie fossile,
on empêche également la
combustion de plantes qui ont
équilibré i'atmosphère il y a
Lajuste dose «A la
des millions d'années et qui
la déséquilibrent aujourd'hui. •
page 99 du n" 1012, vous
écrivez : "Une partie par
billion égale un milliardiè-
me de gramme." Le ppb
(comme le ppm ou le ppt)
n'est pas une unité de poids, mais
de dose. Vous auriez donc dû
écrire ; "Une partie par biliion éga
le un milliardième de gramme par
gramme".» M. Camus, Malestroit
 L'intrusdémasqué «L'insecte photographié mmimii
en haut à droite de la page 12 du n° 1011 illus
trant l'article "Blasons chimiques" ne me sem
ble pas être une coccinelle, mais le bien connu
et honni Leptinotarsus decemlineatus, plus cé
lèbre sous le nom de doryphore. Cet insecte a été
reproduit sensiblement à la même taille que les trois
coccinelles indiscutables qui l'accompagnent, mais
en réalité l'animal est beaucoup plus volumineux. Se
conde différence notable : les
lignes (au nombre de dix,
comme son nom l'indique) ne
sont pas de simples différences
de coloration dans la masse de
la chitine comme pour les coc
cinelles, mais présentent un
Blasons chimiques relief longitudinal que les
ombres et les reflets soulignent
parfaitement sur votre cliché.
Plus que ces signes "mor
phologiques", le mode de vie et
la nutrition des chrysomélidés
(auxquels appartient le doryphore) et des coccinelles
sont très différents : les coccinellidés sont des prédateurs
redoutables (pour les pucerons) et précieux (pour les
agriculteurs et les horticulteurs), alors que les chryso
mélidés sont strictement "végétariens".
C'est même en tant que tel que Leptinotarsus decem
lineatus a acquis sa triste réputation, proportionnée
au sévère prélèvement qu'il effectue sur les plants de
pomme de terre... »•
Jacques Espagne, par l'Internet
Tintin chez les savants
Une édition spéciaie
de Science & Vie.
En kiosque
ie 2 mars 2002 (6,80 €)
Hergé avait raison : pour aller sur
la Lune avec sa fusée atomique,
Tintin et ses amis auraient bien
mis quatre heures. Science & Vie
a refait les calculs, ça tombe
pile. Fasciné par les avancées de
son siècle, Hergé a fait de Tintin un témoin de ces
bouleversements technologiques. Comme le
montre cette édition spéciale de Science & Vie,
chaque aventure est l'occasion d'initier le lecteur
à un phénomène scientifique, en laissant parfois
libre court à l'imagination la plus débridée.
Pour vous abonner: oi 46 48 47 08
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Pharaonissime.
R. Paravel, de Lyon, formule
une autre hypothèse que celle des
pierres moulées avancée par Joël
Bertho, à savoir la construction aAHPB
D'AGCBS
d'un cuvelage de pieux ou de bri
Vi
.1"- ques. Ce dispositif ceinture l'empla
•r
.i'ï
'• cement prévu de la pyramide, en
;,•!;& H.^
ménageant une aire de circulation
à sa base pour offrir une marge de
i V.
manœuvre suffisante aux ouvriers.
Sur les quatre côtés de ce cube
t-S
.-n viennent s'appuyer quatre rampes
d'accès définitives, évitant ainsi une
•i
surélévation constante à mesure
de l'édification du monument On
i •-
peut utiliser des panneaux de bois
'ANTPJS
pour faire glisser les blocs au )'ACGSS

niveau des degrés de la pyramide.»

>1?^' •A^
L'avis de Jean-Pierre Adam: "Cette
n<v i hypothèse appartient à la catégorie
des propositions dont Diodore de
Sicile (r s avant J.-C.) fut le chef de
file, qui Impliquent l'édification d'une _ _ _
"levée de terre", c'est-à-dire une rampe de briques crues. Celle-ci inclut
C à la fois quatre rampes d'accès d'une pente de 6 % et d'immenses murs
>4.u'-X de cuvelage, aussi hauts que la pyramide elle-même. Le volume de
chacune des rampes est à lui seul plusieurs fois supérieur à celui de
l'édifice lui-même. Un tel chantier est plus que pharaonique... »

facile, assez rapide et sécurisée L 'avis dé Jean-

Chadouts en séria des blocs. Associée à des ron Pierre Adam:

F. Janin, de VHIette-de-Vienne
regrette que l'utilisation des bras
a* -^-ii-i
vV- V de levier tels que le chadouf ait,
dans notre article, été éliminée
d'emblée. « J'ai imaginé un
1- système simple que l'on peut
y>J\ appeler "cage de chadoufs" qui
, *
dins, pour faire rouler les blocs
sur un plan horizontal, et à des
cales pour les ajustements,
cette Cage, avec une dizaine
d'hommes, peut permettre
d'élever 3 tonnes à 1 mètre
en moins de 2 minutes, soit
environ 10 blocs de 3 tonnes
" Cette installation,
trop volumineuse pour tenir sur
la largeur d'une assise, ne pouvait
être montée sur les flancs de la
pyramide. L'existence du chadouf,
dont le principe repose sur le contre
poids, n 'est tenue pour acquise
que 1500 ans après l'achèvement

devrait permettre une élévation à l'heure. » des pyramides de Gisa. "

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 les pyramides
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Notre dossier sur

les pyramides {Science & Vie
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I
h^<* d e
-h cUd<,^p,, de construction des monu
ments exaltant la gloire des
pharaons. Certaines de ces
propositions, présentées sous
forme de lettres, de croquis,
de pages de calculs, voire - t

d'animations sur CD-ROM, - ^ >.

àwt

sont particulièrement astu- J ^

cleusës. Nous les avons
soumises à l'appréciation de
Jean-Pierre Adam, architecte ^
au CNRS et spécialiste des" . v-r

constructions antiquers.'

-7- lean-Pferre Adam :

.Architecte, spécialiste des constructions' %
-1- 1-
•"i-
rdans-lebasSirv méditerranéen .sous l'Antiquitél-^ •^•CSC'L
- Directeur de recherche ài1nstiJut-de recherche? 5
sur l'architecture antique, CNRS Pans. '
- >

N* 1014 -IWARS 2002^-

 Forum
;^Vî-<%a
--ftr;
• -« i\ - '':>,
Méthode de la sauterelle
Les techniques utilisées par
les carriers jusqu'au xix* siècle
semblent à Christian Robin,
de St-Porchaire, tout à fait
adaptées à la construction
des pyramides. Notre lecteur
explique avoir testé la méthode
dite de "la sauterelle" sur des
blocs d'une tonne. « Pour élever
des blocs à section carrée, on
les fait rouler sur des marches
dont la hauteur fait environ
le quart de la hauteur du bloc.
Chaque quart de tour permet
d'élever le bloc d'un quart de sa
hauteur. Sur les côtés du bloc,
seul l'espace pour positionner
les rouleaux est nécessaire. On
répète l'opération autant de fois
que nécessaire pour arriver à la
hauteur souhaitée. Le matériel
12 &»KKlffi;.N°1014.MAl!S 2002
employé est rudimentaire. Cette
méthode utilise les gradins
comme échelle et les pierres
peuvent être acheminées à
la chaîne, en aménageant des
étapes intermédiaires sur
chaque gradin. La rotation du
bloc permet de démultiplier
l'effort et peu d'hommes sont
nécessaires à chaque étape
(2 hommes par tonne). »
L'avis de Jean-Pierre Adam :
" Dans cet exemple, le bloc est
hissé sur une hauteur proche du
diamètre du rondin de bols utilisé.
Mais dans le cas des pyramides,
le gradin à franchir possède
la même hauteur que le bloc.
Chaque pierre doit être hissée
sur environ un mètre, ce qui rend
peu probable l'usage de bols. »
Et si les pierres avaient
été acheminées par bateau
jusqu'au sommet des
pyramides ? C'est l'idée que
défend A. Guèvremont, de
Sainte-Rosalie, au Canada,
qui propose de faire monter et
descendre des barges le long
de l'édifice, au moyen d'écluses.
« Il fallait d'abord creuser un
canal reliant le Nil jusqu'à la
base des pyramides, puis bâtir
des écluses doubles et
parallèles en pierre. On utilisait
du bois pour les panneaux
verticaux mobiles fermant
les écluses. Les vannes du
sommet des 2 systèmes
d'écluse communiquaient pour
permettre aux navires ayant
achevé leur ascension de

descendre sans croiser les
bateaux en montée. Un système
d'écoulement devait permettre
de transférer l'eau d'une écluse
à l'écluse Inférieure située
en parallèle, pour rendre
possible la progression d'un
navire chargé de pierres. La
perte en eau minimale devait
être égale à la longueur de
l'écluse multipliée par sa largeur
et par sa hauteur.»
L'avis de Jean-Pierre Adam:
«C'est l'idée la plus folle, en tout
cas la plus originale. Imaginez
le travail nécessaire pour bâtir
ces écluses et les recouvrir par
d'autres. Ajouté au maniement fort
délicat de ce système, il m'incite
à considérer cette hypothèse
comme totalement irréaliste. "
¥
T^'rl'^JS'- /f,
Donnez-moi un point d'appui
A. Cannizzaro, de Marseille
propose une technique de
manutention des blocs
de pierre recourant au levier.
En résumé, le bloc est disposé
sur des rouleaux de cuivre,
sur une pente Inclinée en pierre.
« Sur la partie supérieure
du côté du bloc exposé vers
la pente, on place un "renvoi
de force", traîneau en pierre
percé d'un trou pour le passage
d'un tronc d'arbre qui sert de
contrepoids. Sur cette même
face du bloc, un chariot en bols
est adossé à un levier en appui
sur un tasseau. Le déplacement
du bloc s'effectue par traction
sur une corde reliée au chariot
et qui passe sous le bloc,
dans une rainure de la rampe.
- M
Le chariot descend, plaqué
sur le bloc par le levier.
Ce faisant II pousse le bloc
dans le sens de la traction.
Une fois le chariot en buttée,
la pierre est bloquée à l'aide
de coins. Le chariot et le levier
d'action sont remontés au
moyen de la corde de traction
que l'on détache du chariot
et que l'on passe dans la
fente du renvoi de force.
Puis on remonte le tasseau. »
L'avis de Jean-Pierre Adam:
« Ce système est beaucoup
trop sophistiqué. En réalité,
il s'agit d'une projection dans
le passé de connaissances
techniques contemporaines
qui ne repose sur aucun
témoignage archéologique. »
N° 1ou ' MARS 2002' AÛIICfSJl! 13
 Une pyramide tout en sucre
Un de nos lecteurs a porté à
notre connaissance les travaux
de Pierre Crozat qui prépare
une thèse sur la construction
des pyramides, au laboratoire
environnement, géomécanique
et ouvrage, de l'Ecole des
mines de Nancy. Les
recherches de cet architecte
ingénieur sont présentées sur
le site : www.mines.u-nancy.fr
En voici quelques extraits.
« Le mode opératoire consiste à
poser un bloc sur deux autres,
décalé en "encorbellement» et
de façon additive et récurrente.
Ce mouvement récurrent est
répété bloc après bloc, en
escalier, face par face, générant
des couches - enveloppes
successives, emboîtées les
unes sur les autres, à partir
d'un pyramidion au centre de
la base. Il permet d'accroître
la pyramide par homothétie, par
simple répétition additive.
Ce procédé est
14 h'mh MARS 2002
aisément modélisable avec
des éléments plus ou
moins standardisés : briques,
morceaux de sucre,
le mouvement élémentaire
représentant un algorithme.
Ce modèle est de plus interactif
et prédictif. Interactif, parce
qu'il permet de réaliser, au fur
et à mesure de l'érection
de la pyramide, l'ensemble
des dispositifs intérieurs de la
pyramide de Khéops :
chambres, couloirs, grande
galerie et conduits de
ventilation. Par anticipation de
la construction sur la face
nord, on réalise tout un faisceau
de plans inclinés, parallèles
et superposés, dans lequel, au
moment opportun, on peut
ménager une galerie.
Les monolithes de granité
et de calcaire de la chambre
du roi seront alors hissés par
glissemenL à ciel ouvert sur ce
faisceau,. Le couloir ascendant
et la grande galerie en sont
les témoins archéologiques.
La grande galerie peut être
interprétée de façon purement
utilitaire, comme un
extraordinaire ascenseur
oblique, permettant de hisser
les 52 monolithes de granité
de la chambre du roi, jusqu'à
65 mètres de hauteur.
Ce mode de raisonnement
permet de situer les grandes
pyramides lisses à l'intérieur
d'un continuum technique,
dès le premier épierrement
agricole du néolithique, basé
sur une méthode universelle
de construction dite
"d'accrétion-exhaussement"
qui génère, ordonne
et formalise l'ensemble des
édifices tumulaires, y compris
les pyramides à degrés, dans
le temps et dans l'espace. [...]
Cette méthode repose sur
trois postulats fondamentaux :
- les matériaux de gros
œuvre sont pris sur place,
au plateau de Gisa selon le
principe "exploiter alentour
pour foisonner au centre";
- la méthode de construction
est simple, efficace,
répétitive et économe en
travail, basée sur le
principe "toujours
construire sur
ce qu'on vient de
construire";
- l'outillage doit
être simple
d'utilisation et
« Le mouvement élémentaire accompli
pour le positionnement de chaque
bloc représente un algorithme. »
Pierre Crozat
facile à réaliser, dans le contexte
technologique de l'époque.
Préalablement, il convient de
distinguer les blocs de calcaire
(de 2,5 tonnes en moyenne)
qui constituent le massif de gros
œuvre de la pyramide, d'une
part, et, d'autre part, les
52 monolithes de granité
(de 30 tonnes en moyenne)
qui couvrent la chambre du roi.
En toute logique, ces deux types
de blocs ne peuvent être mis en
œuvre selon la même technique
de transport-levage. Les
premiers sont soulevés d'une ' Modélisation .
assise sur l'autre à l'aide d'une du procédé
"d'accroissemént
simple machine de bois : un
pyramidal", par il-: rpl..'
levier sur un trépied, générant enveloppes
un système en escalier. successives, à •
Les seconds doivent être hissés partir d'un
pyramidion i: f
par glissement sur des plans
élémentaire (4+1 ) ad<^,; »* —y- . '

inclinés qui seront réalisés, centre de la base, face-par face,

au moment opportun, par bloc par bloc selon un algofittime.îr;-f;' . ^ ,,.
anticipation de la construction Extrait de la présentation des trayait/x^'r'-r:- ' '
de Pierre Crozat. . u' ' ;;
sur la face nord, en appli , .y,
^ y *<•
cation du système. Enfin, une
troisième sorte de pierre -
calcaire ou granité - constituant
la dernière enveloppe,
posée selon le système et
ensuite ravalée.
Le bloc soulevé est posé
en recouvrement sur deux
"'fe'.-Av'.
autres blocs, et décalé
en encorbellement Cette
disposition assure la meilleure
cohérence de l'édifice.

L'avis de Jean-Pierre Adam:

" Ce modèle met en œuvre
des pierres "calibrées". Si
l'ordonnancement du parement
est régulier, il n'en est rien en deçà Vfpîci-la^^:^
des premières enveloppes des téch'niqtèr^^
pyramides. Ensuite, ce sont des élever e t - ' i C X
assemblages Irréguliers de blocs reposer
de tout gabarit, qui n'obéissent .'blbeéUr;
pas au principe de Pierre Crozat."

• •r a , -v ? . ,, -4v • r-.,- • ï-f, ..

:u
Intuition
Défendue par Joël
Une pyramide sous verre Bertho, l'éventualité
L'écrivain Géraid Messadié, qui fut rédacteur en chef
adjoint à ia rédaction de Science & Vie, nous a envoyé qu'aient été utilisées
queiques échantillons de pierre recueillis sur une
pyramide. « En 1955, nous écrit-ii, J'ai escaladé ia pyramide des pierres reconsti
rhomboïdaie de Dahchour. J'ai été frappé par le fait que les tuées rebute égyptolo-
surfaces supérieures des blocs étaient couvertes de ce qui
me paraissait être des plaques de mica. Lors de l'escalade, gues et archéologues,
j'ai constaté qu'elles étaient régulièrement intercalées en particulier
entre toutes les couches de blocs. Intrigué, j'en ai prélevé
quelques échantillons et les ai conservés jusqu'à ce jour. Jean-Pierre Adam.
Personne ne m'en a jamais expliqué ia présence. » Nous Discours croisés.
avons fait analyser ces échantillons par Suzanne Raynaud,
géologue au laboratoire de tectono-
physique (université Montpellier II) : ^ , Jean-Pierre Adam : « Si l'archéo
Il s'agit de gypse fer de lance. logie reste muette sur bien des
L'avis de Jean-Pierre Adam: « Ce points concernant l'organisation
gypse devait entrer dans ia composition du chantier des pyramides, c'est
d'un plâtre de liaison mai cuit ou faute de disposer d'éléments
%
peu cuit, ce qui explique qu'il soit concluants. Il s'agit d'une légitime
en partie resté sous cette forme. attitude de prudence. Les hypo
Les Egyptiens utilisaient une sorte de thèses formulées régulièrement
mortier à base de gypse et de céra par des amateurs ne reposent
mique pilée ou de sable pour jointoyer strictement sur aucun constat, ni
les pierres ou faire des raccords. » sur aucune preuve archéologique.
La récente proposition de consi
dérer que les pyramides furent
bâties avec des pierres artificielles
La pierre aux douze angles est irrationnelle. L'Egypte abonde
Plusieurs lecteurs évoquent l'ajustement parfait de certaines en pierre propre à l'architecture.
constructions précolombiennes, ici "la pierre aux 12 angles" Le concept d'extraire ce matériau
de Cuzco (Pérou) «Comme les maçons égyptiens, les Incas pour le broyer et le reconstituer
taillaient ou moulaient ia pierre selon des formes com laborieusement avec du mortier est
plexes», écrit ainsi Daniel Roiiin, de Gatineau, au Québec une offense à l'intelligence des
L'avis de Jean-Pierre Egyptiens. En réalité, les pierres
Adam: » il ne peut des pyramides sont identifiées
s'agir que de la depuis longtemps et leur pro
première hypothèse. venance connue. C'est ainsi que
Les Incas ne l'énorme carrière de Khéops se
connaissaient pas situe à seulement 300 mètres au
le fer. Leurs ouvriers sud de la Grande Pyramide, et sa
utilisaient des outils cavité estimée coïncide approxi
en cuivre pour tailler mativement avec le volume cons
les pierres et les truit. La carrière de BChéfren est
polissaient avec tout aussi convaincante, puis
du sable ou des qu'elle donne avec précision la
laves dures comme dimension des blocs extraits par la
du basalte. » lecture des tranchées de havage
très régulières. »

16 •Kl'1014. KURS200^1,'
-- s- „ '
géniale ou calembredaine?
Joël Bertho : «Mon hypothèse ne
met pas en cause la provenance des
matériaux de construction. En an
alysant un béton, on peut connaître
l'origine du gravier qui le compose.
Je pense que les gravats, venant
de l'arasement du plateau de Gisa
et de la préparation de la butte
rocheuse sur laquelle la pyramide de
£^Mon
hypothèse
ne met pas en
cause la provenance
des matériaux de
construction. 99
; Joël Bertho, scénographe
' développe une théorie sur la I des pyramides, donnant de
construction des grandes pyramides.!
Khéops est construite, et les pierres
extraites des galeries souterraines
du plateau rocheux ont été recyclés
pour agglomérer les pierres.»
JPA : «En admettant la proposition
de la recomposition des pierres,
quelle serait la nature du liant ? On
sait que l'Egypte a fait un large
usage du plâtre et des mortiers
au plâtre, dès l'ancien Empire.
Mais le plâtre ne peut supporter les
charges d'écrasement considé
rables qui pèsent sur les blocs
des pyramides. Il serait indis
pensable de pouvoir les fabriquer
avec de la chaux entrant dans la
constitution d'un mortier, toutes
opérations laissant obligatoi
rement des traces indélébiles. Or
la chaux s'obtient à une tem
pérature de 1000°C et nécessite
l'usage incontournable d'un four
fonctionnant sans interruption au
moins trois jours, pour les plus
petits d'entre eux. Où a-t-on
retrouvé les chantiers de pulvé
risation des millions de mètres
cubes de pierre ? Où sont les restes
des innombrables fours à chaux
indispensables ?»
JB : « Les fours auraient pu être
construits près du chantier puis
détruits. Le plâtre ou la chaux
pouvaient aussi arriver de bien
plus loin, transportées sur les
barges du Nil.»
JPA : <L'auteur de cette billevesée
écarte résolument les témoignages
apportés par la recherche égyp-
tologique comme la découverte, à
Dashour, d'un énorme traîneau
ayant servi à transporter les pierres.
Citons aussi les inscriptions de
chantiers, peintes sur les blocs
précieuses informations sur les
équipes d'ouvriers et la nature de
leurs tâches. Nous connaissons
ainsi le nom, toujours flatteur, de
nombreuses équipes, telle "l'Equipe
vigoureuse" à Meidoum.
Certains ouvriers notent leur
qualification, comme le "chef des
tireurs de cordes", trouvé par Au-
dran Labrousse, à la pyxamide de
Pépi I". D'autres graffitis portent
mention de la date de livraison de
la pierre. Il serait parfaitement
absurde de maquiller le travail des
appareilleurs en apposant sur des
blocs artificiels des inscriptions
destinées à faire croire qu'il s'agit de
vraies pierres ! Enfin, que faire
des traces d'extraction, de bardage
et de taille laissées sur d'innom
brables blocs? Auraient-elles été
aussi fabriquées artificiellement
pour tromper les visiteurs ?»
JB : « Le fait d'avoir trouvé un
traîneau à Dashour ne prouve
pas qu'il a été utilisé pour monter
des pierres. On voit mal d'ailleurs
comment s'en servir pour hisser
des blocs pesant jusqu'à plusieurs
dizaines de tonnes ! Quant à la
gravure, eUe peut s'envisager aussi
bien sur une pierre artificielle
fraîchement démoulée que sur
une pierre naturelle. L'opération
est même plus aisée sur la
première. Les traces d'extraction
pourraient être postérieures au
monument et avoir été laissées par
des récupérateurs de matériaux.
Par ailleurs, l'hypothèse que je
défends n'exclut pas le fait que
certaines parties des constructions
aient été réalisées avec des pierres
taillées.»
JPA : « La finesse des joints des
pvTamides n'est pas exceptionnelle.
Cette perfection d'exécution, ces
ajustements d'une absolue intimité
qui ne concernaient que les pierres
de qualité étaient obtenues par
L'auteur
de cette bille
vesée écarte
les témoignages appor
tés par la recherche
égyptologique. 99
Jean-Pierre Adam, architecte j
archéoiogue, récuse l'hypo
thèse des pierres reconstituées, i
rodage des blocs entre eux, par
le sciage de deux pierres juxta
posées voire le sciage d'un grand
bloc fractiormé lors de la mise en
JB : « Comment, dès lors, exphquer
l'emboîtage de formes convexes et
concaves ? Pas de réponse non plus
au fait que les blocs du dallage
au pied de la Grande pyramide,
épousent les failles du plateau
rocheux... »
N** 1014- MARS 2002 SausesJ^ 17
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ir^j|^- ;V» •"••••• • »*. •

Les nuages de gaz observés ..
•'
» par le VLTsur cette image^ v
, . laissent voir de jeunes étoiles, '
^ (points rouges), quirestaient ' .
.>• . invisibles sur le cliché
(ci-dessous) pris par le *•* ,
*' •*". * télescope spatial Hubb/e.

Bébés étoiles
Figures féeriques de l'Univers, les "piliers de la
création" sont le berceau de très jeunes étoiles,

Pourla première fois, le

dont la formation a pu récemment être observée.

VLT (le très grand téles

cope européen, installé
dans le désert de l'Ataca-
ma, au Chili) a réussi à
observer de très jeunes
étoiles en train de se former à l'in
térieur des "piliers de la création".
Ces immenses colonnes de gaz et
de poussières, d'une année-lumiè
re de long, font partie de la nébu
leuse de l'Aigle, une région riche
en jeunes étoiles dans la direction
de la constellation du Serpent, à
7000 années-lumière de la Terre.
Ils étaient devenus célèbres grâce
aux magnifiques clichés pris par le
télescope spatial Hubble au milieu
des années 1990. Mais leur inté
rieur restait opaque aux astro
nomes, tant les poussières étaient
épaisses. En les observant dans
l'infrarouge, le VLT a réussi à per
cer le mystère et à démasquer une
véritable pouponnière de jeunes
étoiles, visibles sur l'image sous la
forme de petits points rouges.
Reste à comprendre comment
ces "bébés" étoiles se sont formées :
sans doute sont-elles nées des for
tes radiations ultraviolettes émises
par les étoiles massives environ
nantes qui, en comprimant et en
échauffant le gaz des colonnes, au
raient joué le rôle d"'étincelles" de
la vie céleste. V. G.

20 . M*1014 , MARS 2002

INFORMATIQUE
Compter avec
l'ordinateur quantique
Banal, unordinateurquipar
vient à trouver les facteurs
premiers du nombre quinze
- à savoir trois et cinq ? Pas
tant que ça : la machine conçue
par une équipe de chercheurs de
l'université de Stanford et du
centre de recherches d'IBM à Al-
maden (Californie) ne manipule
pas des bits classiques, mais leurs
équivalents quantiques, les qubits.
Son cœur n'est d'ailleurs pas fait
de silicium, mais d'un liquide dont
chaque molécule comporte deux
atomes de carbone 13 et cinq
atomes de fluor. Sept atomes por
ÉCOLOGIE
FINE BOUCHE
• Les plantes carnivores ne
se contentent pas toujours
de ce qui leur tombe sous la
dent... Pour la première fois,
des chercheurs allemands
viennent de prouver qu'une
Par la toison de Nepenthes
albomarginata attirés...
teurs d'autant de qubits : de même
qu'un bit informatique classique
indique la présence (1) ou l'absen
ce (0) d'une charge électrique, le
qubit se définit par la valeur du
spin (sorte de rotation quantique
du noyau) d'un atome. En présen
ce d'un champ magnétique, ce
spin s'aligne dans le sens du
champ (1) ou dans le sens opposé
(0). Mais le spin peut aussi avoir
pour valeur une combinaison des
deux, un peu comme une roue qui
tournerait simultanément dans un
sens et dans l'autre : c'est la super
position quantique. L'avantage ?
espèce de népenthes, origi-
naii'e de l'île de Bornéo,
choisit activement ses proies
en utilisant ses propres tissus
comme appât. Dans la cruche
d'une seule Nepenthes
albomarginata, les botanistes
ont ainsi découvert jusqu'à
plusievirs centaines de
termites, tous de la même
espèce et dans le même état
de décomposition. Cela
suggère qu'ils ont été capturés
en même temps. La plante
les attire en effet grâce
à une frange de poils blancs
comestibles, ressemblant
à leur nourriture habituelle.
Lorsqu'un termite découvre
par hasard l'appât, il prévient
ses congénères de la colonie
qui se précipitent alors
en masse dans la cruche. Le
festin s'achève lorsqu'il ne
reste plus de poils comestibles
pour les termites... E. G.
/
W
isaacChuatg ^
rii centre IBM
du
En manipulant les atomes à l'aide
d'impulsions magnétiques, on
peut effectuer des opérations pa
rallèles sur différentes valeurs si
multanées du spin. Et développer
une puissance de calcul que l'on
promet phénoménale, croissant de
manière exponentielle lorsqu'on
augmente le nombre de qubits...
Ce qui reste aujourd'hui plus faci
le à dire qu'à faire. M. C.
ASTRONOMIE
Turquoise
comme
l'Univers
En combinant les couleurs
de 200 000 galaxies situées
entre deux et trois milliards
d'années-lumière de la Terre,
deux astronomes de l'uni
versité Johns Hopkins
à Baltimore (Etats-Unis) ont
trouvé une couleur moyenne
d'une teinte vert d'eau. Cette
"couleur de l'Univers", comme
ils la nomment avec humour,
est due à la fois au grand
nombre de jeunes étoiles
bleues et de vieilles géantes
rouges : les astres qui nous
entourent ne sont donc pas si
vieux qu'on le pensait. V. G.
N^1014- mars 2002-amKLii; 21
RECHERCHE
ARCHÉOLOGIE
La galère
de Venise
Des archéologues italiens,
sur les traces d'un monastè
re du xrv' siècle, ont décou
vert les vestiges de deux
épaves devant l'île immergée de
San Marco de Boccalama, dans la
lagune de Venise. Ce sont les
moines qui, à l'époque, ont coulé
les narires qu'ils avaient lestés de
sable pour faire une digue et pro
téger leur île de la montée des
eaux. L'entreprise fut vaine, et
l'île sombra. En 1996, un mor
ceau de bois, laissant penser à un
pilier de blocage pour bateau, a
é\"eillé la curiosité des arcbéo-
GÉNIE GÉNÉTIQUE
MISSILES INTERIEURS
• Agrobacterlum tumefaciens est
responsable de lourds dégâts sur
les plantes et les arbres fruitiers.
Au gré d'une blessure au niveau
du collet, cette bactérie du sol
Injecte un fragment de son ADN
dans celui de la cellule végétale.
L'ADN transféré comprend
plusieurs gènes dont deux Initient
la synthèse d'hormones de
croissance (auxine et cytokinine),
provoquant des tumeurs caracté
ristiques, les "galles du collet".
Une équipe de l'université
de Callfomie (Davis, Etats-Unis)
a réussi, par génie génétique, à
museler ces deux oncogènes
chez Arabidopsis thaliana, la
plante cobaye, et chez la tomate.
Quel est le gène Introduit qui a pu
empêcher 75% des tomates et la
quasi totalité des arabettes trans
géniques de fomer des tumeurs?
C'est un type de construction,
appelé ARN interférence (ARNI),
22 N*" 1014 • MARS 2002
Dans la lagune de Venise, devant Itle de San Marco, artificiellement
recrée, on distingue, au premier plan, deux épaves : cette galère (à g.)
et ce bateau de transport ont passé plus de sept cents ans sous l'eau.
logues. Quelques mois plus tard,
ils mettaient au jour un bateau de
transport de 24 m et une galère
commerciale, unique vestige de
ce tv^pe, longue de 38 m, assurant
les échanges entre la Sérénissime
utilisé pour "éteindre" un gène
Inopportun. En résumé, Il s'agit
de deux séquences tête-bêche
du gène à éteindre ; transcrites
en ARN, elles deviennent
deux séquences successives
complémentaires en un brin
d'ARN dont les deux séquences
complémentaires se replient
l'une sur l'autre, formant un
ARN double brin, l'ARNI. Cette
molécule hybride est dégradée
par la cellule hôte. Exitdonc tout
produit, et, par suite, tout effet du
gène, Ici les deux oncogènes
hérités de l'agresseur. M.-L M.
et les ports de la péninsule.
Pour dégager les natdres de leur
gangue de vase, les scientifiques
ont recréé artificiellement l'île de
San Marco en installant une mu
raille de fer utihsée habituellement
pour mettre à sec un canal. Après
sept cents ans d'immersion, ces
vaisseaux, admirablement conser
vés, vont livTerde précieuses infor
mations sur la construction nava
le de cette époque. N. Z.
MÉDECINE
Virus spatial
De nouvelles maladies
pourraient se déclarer chez les
voyageurs spatiaux, selon
trois chercheurs de l'université
du Texas. Ils ont analysé le
sang de 28 astronautes avant
et après une mission. Les
résultats établissent un
lien entre le stress du vol
et une réactivation du virus
d'Epstein-Barr. Bien que
présent dans nos cellules,
ce virus latent n'a pas d'effet
pathologique. Mais il est
à l'origine, lorsqu'il se réveille,
de certaines formes de
mononucléose. M. C.
BIOLOGIE
A 2 mois,
le fœtus "pense »»
Quand l'activité cérébrale du
fœtus démarre-t-elle? Des
chercheurs de l'Inserm, à
Marseille, ont pu l'établir chez
le macaque. En analysant, in
utero, le cerveau de ce primate
au cours de son dévelop
pement, Yehezkel Ben-Ari et
son équipe ont déterminé le
stade à partir duquel les con
nexions entre les neurones
sont suffisamment établies
pour engendrer un comporte
ment. Le cerveau passe du
stade silencieux au stade
actif en moins de deux mois.
A la moitié de la période de la
gestation, le cerveau du singe
est encore immature. Une
semaine avant la naissance,
les neurones seraient très
développés, avec près de
7000 connexions (10000 chez
l'adulte). Si le fœtus est
atteint d'épilepsie, le risque
qu'il développe une crise n'est
possible que dans les deux
derniers mois. La confirmation
que les primates peuvent être
atteints. In utero, de cette
maladie pourrait aider à
mettre au point un outil de
diagnostic destiné aux bébés
humains épileptiques. V. T. M.
La caméra thermique
visualise les zones
autour des yeux.
PHYSIOLOGIE
La couleur du mensonge
Aprèsle détecteurdemen
songe polygraphique et
l'imagerie par résonance
magnétique fonctionnelle
(voir Science <& Vie n° 1013,
p. 72), une caméra thermique à
haute résolution vient renforcer
l'arsenal pour confondre les men
teurs. Le principe de ce nouveau
dispositif est simple : il s'agit de
visualiser des zones spécifiques
autour des yeux où le volume san
guin augmente lorsqu'on ment.
Ce phénomène, invisible à l'œil
nu, est détecté par la caméra, ca
pable de distinguer un change
ment de température dermique
avec une précision de 0,025 °C,
même à travers un épais ma
CHIMIE
L'OXYGENE SE MET EN QUATRE
• Une nouvelle forme de
molécule d'oxygène vient d'être
découverte. Tout le monde
connaît O2, la molécule de
dioxygène que nous respirons en
permanence, et O3, la molécule
d'ozone qui se forme dans
l'atmosphère en petite quantité.
Fluvio Cacace et ses collègues
de l'université de Rome-La
Sapienza ont montré que cet
élément chimique peut aussi se
mettre en quatre. Cette molécule
O4, dont l'existence était
envisagée par les chimistes dès
les années 20, n'avait jamais pu
quillage. L'efficacité de cette nou
velle technique, mise au point par
des chercheurs américains du
Minnesota, est proche de celle du
détecteur de mensonge tradition
nel. Tout comme le polygraphe,
elle enregistre un phénomène
physiologique émotionnel contrô
lé par le système nerveux sympa
thique. Cependant, la caméra peut
être utilisée à l'insu des personnes
interrogées car elle ne nécessite
aucun contact physique et donne
une réponse quasi instantanée.
Une découverte qui pourrait trou
ver une application dans les aéro
ports, notamment, où l'on envisa
ge d'interroger les voyageurs
avant l'embarquement. M. V.
être observée expérimentalement.
C'est désormais chose faite : les
mesures spectrométriques de
masse des chercheurs italiens
attestent que des molécules de
dioxygène se sont combinées
deux à deux dans leur laboratoire
pour former l'allotrope annoncé
depuis si longtemps. La molécule
O4 permet de stocker dans un
même volume plus d'atomes
d'oxygène que les molécules O3
ou Oj. Un intérêt pratique évident
pour les constructeurs de fusée,
qui exploitent actuellement
l'oxygène comme carburant. H. P.
N' 1014 • MARS 2002 SatacesHie 23
RECHERCHE
EXPOSITION

Mille ans
de cultures
entrelacées
Deux expositions retraçant l'histoire des Celtes et
des Romains de Hongrie illustrent un chapitre peu
connu des peuples celtes qui, avant les Romains,

Laplaine fertile du Danube,

s'étaient installés dans la plaine du Danube.

que l'on nomme le bassin

des Carpates - situé sur une
partie de la Hongrie, la Slo
vaquie et l'Ukraine -, a été
mes enrichies par les cultures chi
noise et perse, se reconnaissent
dans le travail de l'or, le développe
ment d'im art animaher et l'impor
tance de la place prise par le che
Deux exemples de traitement du
bronze dans la statuaire : portrait
romain de l'empereur Marc Aurèie
(ii° siècle après J.-C.) et statuette
celte d'un homme jouant de la
double flûte (vi' siècle avant J.-C.).

pendant un millénaire (du val, dont on a retrouvé les dépouil

V siècle avant J.-C. au V siècle les sacrifiées dans des sépultures
après J.-C.), le théâtre d'un mélan de guerriers. Experts dans le travail
ge de cultures, dont la plus impor des métaiLX. les Celtes de Hongrie
tante est la culture celte. Cette ré ont produit des objets du quotidien
gion, jusqu'alors occupée par des (armes, vaisselle, bijoux...) d'une
peuples nomades originaires des grande richesse ; Osont su créer un
steppes d'Asie centrale, notamment art original où se mêlent différents
les ScvJhes, devient un véritable courants culturels : les céramiques
carrefour entre l'est et l'ouest de et les cornes à boire épousent des
l'Eitrope où s'échangent modes de formes grecques, tandis que les dé
vie, croyances, innovations tech cors s'apparentent à l'univers fan
niques et courants artistiques. Ces tastique des Scythes.
influences steppiques, elles-mê L'invasion romaine, qui dé
bute en 9 avant notre ère,
ne modifiera en
rien ce particularis
me de la région pourtant
devenue une province forte
ment romanisée à cause de
l'implantation massive de lé
gions. C'est là que sera installé le
limes, une frontière militaire le
L'art animalier exprimé dans un vase
aviforme en bronze (x" siècle avant J.-C.),
d'origine inconnue, découvert en Hongrie.
long du Danube assurant la sécuri
té contre les Germains, au nord, et
les Sarmates, à l'est. La Pannonie,
nom donné à cette nouvelle provin
ce du bassin des Carpates, conser
vera en partie sa culture, ses tradi
tions et ses croyances ; ainsi les
femmes garderont-elles leur costu
me traditiormel celte, alors que les
hommes opteront portr la tenue ro
maine. Plus curieux encore, la pré
sence en ces terres de tombes rece
lant des chars ainsi que leurs
statues de bronze consacrées à la
mythologie romaine... N.Z
Expositions du 14 décembre 2001
au 31 mai 2002. Celtes de Hongrie
au musée et sites archéologiques
de Saint-Romain-en-Gal (Vienne).
www.cg69.fr/saintromain.html
Romains de Hongrie au musée
de la Civilisation gallo-romaine,
Lyon-Fourvière (Vienne).
www.cg69.fr/galloromain.html

24 • N* 1014 MARS 2002

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RECHERCHE
ÉCOLOGIE
L'épave
laboratoire...
Coulé par37 mètresdefondà
2 milles au large de l'île de
la Réunion en 2000, YAnto
nio Lorenzo, un palangrier
de 55 mètres, sert aujourd'hui
de laboratoire sous-marin pour
étudier la colonisation des
coraux et des poissons...
Pour les scientifiques de l'Agen
ce pour la recherche et la valori
sation marines (Arvam), une
agence privée d'expertise sur le
CHIMIE
CROISSANCE OSSEUSE ARTIFICIELLE
• L'alliance de la biologie et
de l'ingénierie des matériaux a
engendré un exploit : une struc
ture chimique longue de quelques
nanomètres (millionièmes de milli
mètres), constituée de molécules
synthétiques qui s'assemblent et
croissent à la manière du tissu
osseux.Les os sont constitués de
fibres de collagène sur lesquelles
sont fixés des cristaux minéraux
d'hydroxyapatite. Samuel Stupp et
ses collaborateurs de l'université
Northwestern (lllinois), ont conçu
une molécule complexe (1 ) de
forme conique allongée, dont
l'extrémité étroite est hydrophobe,
l'autre étant hydrophile. Dans
l'eau, ces molécules s'assemblent
par leurs parties hydrophobes, qui
s'agglutinent, les parties
26 SeiBKt^.«'wu
milieu marin, cette épave est une
aubaine : pour la première fois,
ils peuvent suiwe la colonisation
d'une épave dès les tout premiers
stades. Ils multiplient les pion-
hydrophiles restant à l'extérieur.
Ces molécules se structurent
ainsi en fibres cylindriques (2)
dont la carapace hydrophile, très
résistante, interagit avec les ions
calcium pour tonner des cristaux
d'hydroxyapatite. Chose
surprenante, cette cristallisation
s'effectue spontanément suivant
l'axe de la fibre, comme dans les
os véritables. Ce travail pourrait
conduire à plusieurs types
d'applications : réparation des os,
constmction de nano-structures
pour imiter d'autres organes,
fabrication de cristaux très bien
alignés pour
l'électronique.
H. G.
Remi Garnier,
chercheur à l'Arvam
fixe des repères
sur la coque de
\'Antonio Lorenzo.
gées et accumulent pléthore
de données qu'il faudra encore
analyser dans le détail. Mais déjà,
les surprises ne manquent pas.
Les scientifiques ont pu observer
100 colonies de coraux sur Imh
quand on en trouve dix fois
moins sur des récifs artificiels
beaucoup moins profonds que
l'on rencontre à quelques milles
de là. Les spécialistes des récifs
coralliens ne savent toujours pas
expliquer comment se crée l'équi
libre entre la diversité des es
pèces et leur nombre. Mais ils ont
observé comment s'installent les
différentes espèces de poissons
attirées par le nouveau récif en
formation.
Les herbivores, Anthias orangés
et poissons chirurgiens, ouvTent
le ban. Viennent ensuite les Lut-
jans kasmira, premiers carni
vores à squatter cet abri sans pré
dateur. La colonisation de l'épave
prendra encore trois années, que
l'agence mettra à profit pour
fournir la première étude dé
taillée sur le peuplement coral
lien artificiel. Les données re
cueillies serviront ensuite à faire
revivre des récifs coralliens dé
gradés. A ce stade, on saura alors
implanter les coraux spécifiques
qui seront capables de surviwe,
ainsi que ceux pouvant offrir aux
poissons pionniers de la nourri
ture adaptée et une meilleure
protection. C. G.
 BIOLOGIE CHIMIE

Œil neuf
en stock
Pour la première fols dans
le monde, des chercheurs
japonais de l'université de
Tokyo sont parvenus à créer
et à implanter un globe
oculaire chez un têtard.
L'équipe, dirigée par le
biologiste Makoto
Asashima, a prélevé sur un
embryon de grenouille des
cellules encore
indifférenciées et les a
mises en culture pendant
cinq jours dans une
solution d'acide rétinoïque.
Le premier exploit de ces
chercheurs a consisté à
recréer des organes
spécifiques in vitro, en
faisant varier la
concentration en acide dans
le milieu. Une solution peu
concentrée active un
groupe de gènes impliqués
dans la différenciation des
cellules en œil. Une fois le
globe oculaire constitué,
les scientifiques l'ont
implanté chez un têtard
UN MONET RESTAURE PAR LA NASA!
• Un tableau de Monet très abîmé
par les fumées d'un incendie en
1958, pourrait bien trouver son
saiut grâce à une technique mise
au point par la Nasa. Conçu par
des chimistes du centre de
recherche Gienn de Cieveiand
(Ohio) afin de simuler les
agressions subies par les engins
spatiaux en orbite basse, ce
dispositif avait fait ses preuves
pour restaurer une œuvre d'Andy
Warhoi. La technique consistait à
PHYSIQUE
Le papier se froisse à l'infini
Laphysiquedupapierfrois é
est à revoir! Kittiwit Matan et
ses collègues du département
de physique de l'université de
Chicago ont en effet découvert un
phénomène non prévu par les mo
dèles théoriques actuels du froisse
ment de papier : si vous compres
sez une feuille de papier avec une
force constante pour en faire une
boule aussi dure que possible, le
volume de la boule de papier se ré
duira indéfiniment... Il y aura tou
jours du volume à gagner.
Les physiciens américains
recréer les conditions oxydantes
présentes en orbite en soumettant
des molécules d'oxygène et
d'hélium à un champ électrique.
Celles-ci provoquent l'apparition
d'oxygène radioactif,qui "nettoie"
les vaisseaux. Cet oxygène modi
fié offre une nouvelle jeunesse aux
toiles endommagées. Il permet de
vaporiser les particules qui recou
vrent la peinture tout en préser
vant les pigments, essentiellement
constitués de métaux oxydés. M.V.
dans ses plis. Les physiciens poin
tent deux facteurs négligés dans les
modèles actuels : ceux-ci ne pren
nent pas en compte l'énergie dissi
pée par les forces de frottements
entre les faces du papier plié, ni
l'énergie absorbée par les phages ir
réversibles, qui ne se déplient plus
lorsqu'on relâche la pression. Les
futurs modèles devront intégrer ces
deux facteurs pour pronostiquer le
très lent tassement observé. H. P.

borgne. Une semaine plus

tard, les connexions avec le
nerf optique s'étaient
reformées et l'œil ne
présentait aucun sigpie de
rejet. Compte tenu de la
ont multiplié les expérien
ces, en froissant le papier à
K
l'aide d'un piston vertical
lesté, qui descend à l'in-
térieur d'un cylindre : i ""
et en mesurant les va
riations de la hauteur

pénurie des dons d'organe, du piston. Ils ont éta

cette prouesse scientifique
pourrait offrir de nouveaux
espoirs pour le traitement
H des malvoyants et des
o personnes en attente de
d transplantation. M. V.
bli que le papier se
comporte comme une
sorte de ressort et stocke
l'énergie de la compression
Les physiciens en sont tout
chiffonnés : leur modèle théorique
du froissement de papier est à revoir.

h" 1014 • MARS 2002 ftocesli! 27

RECHERCHE
PALÉONTOLOGIE

Un homme moderne
de 70 millénaires
Près de 40 CGC ans avant que
Cro Magnon ne couvre de chefs-
d'œuvre les parois de la grotte
Chauvet, d'autres hommes, dans
le sud de l'Afrique, étaient déjà
capables de représentations

Des fragments d'ocre

symboliques complexes.

rouge décorés, qui ont

été découverts il y a une
dizaine d'années dans
une grotte sud-africai
ne, laissent à penser
qaHomo sapiens a développé une
forme d'intelligence conceptuelle
plusiettrs dizaines de milliers d'an
nées plus tôt que ce que l'on pen
sait généralement. Une équipe in
ternationale de paléontologues
s'est récemment penchée sur des
pointes en os et des fragments
d'ocre gravés de manière géomé
trique. Ils attestent de manière ir
réfutable l'apparition précoce d'im
comportement "moderne". Ces
manifestations artistiques et sym
boliques sont en effet révélatrices
i
Quelque 8 000 fragments d'ocre rouge décorés ont été découverts, il y a
une dizaine d'années, dans la grotte de Blombos (Afrique du Sud). L'ocre
était utilisé pour la protection de la peau humaine et pour le tannage.
de ce comportement. Les cher tion due à la radioactivité naturel
cheurs du Laboratoire des le. La dose accumulée permet
sciences du climat et de l'environ d'évaluer le temps écoulé. Cette
nement et leurs collègues britan technique présente l'intérêt -
niques, américains et sud-afri contrairement au carbone 14 -,
cains viennent de confirmer de remonter à plusieurs centaines
l'ancienneté de ces objets, qui re de milliers d'armées.
montent à 77 000 ans environ, in Ces travaux, publiés récemment
dique le CEA. Les premières data par le magazine scientifique amé
tions au carbone 14 suggéraient, ricain Science, contribuent au dé
pour ces pièces, un âge supérieur bat sur les origines du comporte
à 40 000 ans. ment moderne de l'homme,
Les objets retrouvés sur le site souligne le CEA. Il y a ime vingtai
de Blombos, à 300 km à l'est du ne d'années, en effet, les scienti
Cap, ont été datés par thermolu- fiques pensaient que les premiers
minescence. Cette méthode s'ap hommes modernes - par leur ana-
plique aux minéraux siliceux, qui tomie et leur comportement -
accumulent au cours de leur en étaient apparus il y a 40 000 ans
fouissement une dose de radia en Europe. P. L

28 Soauêa h' 1014 • MARS 2002

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RECHERCHE
COGNITIVES
Les babouins,
les icônes et
l'abstraction
Lafaculté deformerdes liens
analogiques est considérée
comme l'un des fondements
de la pensée abstraite et du
raisonnement humain. Cette
compétence existe aussi chez les
chimpanzés, qui apprennent à
manipuler des symboles. Mais,
pour la première fois, une équipe
de recherche franco-américaine
\àent de mettre en é^^dence cette
capacité d'abstraction chez deux
GEOPHYSIQUE
LE VESUVE TOUT EN PROFONDEUR
• Des géophysiciens franco-
italiens ont réussi à localiser, à
8 km en dessous du Vésuve, un
réservoir de magma d'au moins
400 km^ de côté. Cette décou
verte ne permet de tirer aucune
conclusion directe sur de futures
éruptions, mais elle apporte de
nouvelles données fondamentales
sur la structure des volcans.
Les chambres magmatiques
superficielles pourraient être
alimentées par des réservoirs de
ce type, beaucoup plus grands
et plus profonds. Pour le localiser,
les chercheurs de l'université
de Naples et du laboratoire
Géosciences Azur (près de Nice),
ont utilisé une technique dite de
"tomographie
4 km
acousti
30 SmeàHe »
Portrait d'un penseur : babouin doguera (Papio anubis) aduite.
babouins de Guinée, primates
moins proches de l'homme. On
présente d'abord au babouin une
planche représentant seize icônes
- soit identiques, soit différentes.
sismique" : depuis un bateau,
dans la baie de Naples, ils ont
déclenché des détonations sous-
marines à l'aide de canons
à air. En mesurant l'amplitude
des ondes acoustiques remontant
à la surface, ils ont localisé une
discontinuité dans la croûte
terrestre, à 8 km de profondeur :
« Ce que nous avons identifié
n'est pas un grand lac de magma
entièrement liquide, mais plutôt
une zone où se mêlent roches
solides et matériaux fondus,
explique Emmanuel Auger. Nous
allons essayer de déterminer si
ce réservoir alimente aussi les
Champs Phlégréens, un système
volcanique qui se trouve de l'autre
côté de Naples. •> V. G.
Baie
de Naples
Puis on lui montre deux grilles
composées de nouveaux picto
grammes : l'une avec seize copies
de la même image, l'autre avec
seize icônes différentes.
L'animal est récompensé d'une
banane lorsqu'il choisit, parmi
ces deux nouvelles planches, cel
le qui présente la même relation
- objets tous identiques ou tous
différents - que la planche initia
le. Après un entraînement de
quelques milliers d'essais, «l'exis
tence d'une pensée abstraite a pu
être démontrée chez ces deux ba
bouins de Guinée en dehors d'un
raisonnement lié au langage », ex
plique Joël Fagot, qui a réalisé
cette étude au Centre de re
cherche en neurosciences cogni-
tives (CNRS, Marseille). Ces
résultats tendent à prouver que la
capacité à développer une pensée
abstraite n'est pas forcément liée
au langage. E G.
Ont collaboré à cette rubrique :
Matthieu Crocq, Emilie
Gillet, Valérie Greffoz, Cécile
Guérin, Hélène Guillemot,
Pedro Lima, Marie-Laure
Moinet, Vahé Ter Minassian,
Mathilde Vaudon,
Nassera Zaïd.
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ériiplions volcani(]iies .ces expériences lasr,manies, iiisriu'ici réservées aux seuls volcanulorjues, suiil aii)oijrd'hiij ^ ÊM • I '>
accessrblns àtous Dans une archilecture saisrssanle, riiobriisant les lessoirices des toirtes dernières technologres, I I I • • I •
Vtricairra vorrs propose irne exploratrorr vivante dir inonde des volcans, dus sciences do la lune ut de l'Univers, " III
Des origines rlir système solaire aux plus récerilesdricouvertus, parcoure/ err une lournée -1 rnriliards d'années ! parc EUROPEEN DU volcanisme

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1 ^'

Parmi lfi§'thèmes dll Salon de

1agriculture : la reconnaissance
du rôle de/^griculteur dans la
préservation des paysages;-.

<'••<«: ^f- SALON INTERNATIONAL DE

L'agriculture
retrouve le bon sens
Alors que s'ouvre à Paris le Salon de l'agriculture, mis en jeu) aux exploitations qui
appliquent une rotation, c'est-à-dire
un ensemble de mesures vise à favoriser les prati une succession de cultures diffé
ques agricoles respectueuses de l'environnement rentes sur une parcelle, afin de ne

Ecobilans, lut e intégrée, fer

Après produire plus, il s'agit de produire mieux.
tilisation raisonnée, bien-
être animal, compteurs d'ir
rigation... Tels sont les nou
veaux chevaux de bataille
de l'agriculture, qui tient
son traditionnel salon international
jusqu'au 3 mars, à Paris. Ainsi, les
certificats de bonne conduite fleu
rissent. Et fin mars, un décret de-
vxait être signé par le ministre de
l'Agriculture pour donner un carac
tère officiel à r"agriculture raison-
née", une qualification revendiquée
par des agriculteurs responsables
mais non opposés aux pesticides,
engrais, etc. Une autre mesure, dite
"de diversification", fera son appari
tion du côté des grandes cultures
(blé, maïs, colza, tournesol, soja,
pois...). Cofinancée par la France et
l'Union européenne, elle délivrera
ime prime de bonne conduite (pro
portionnelle au nombre d'hectares
pas épuiser le sol et de casser le cy
cle des parasites. Jusqu'à présent, ce
principe de l'agronomie avait ten
dance à se limiter au petit cercle de
l'agriculture biologique. Autre ou
til : le contrat territorial d'exploita
tion (CTE),agréé au niveau départe
mental. En échange d'une aide pu
blique, l'agriculteur s'engage pour
cinq ans sur une liste de projets,
dont certains portent sur des ser
vices collectifs, comme la préserva
tion d'emplois, de paysages (haies,
prairies...), la qualité de l'eau... bref,
tout service qui ne peut être rému-

32 SâacealieH' 1014 . MARS 2002

néré par un produit vendu sur le
marché. Environ 20000 de ces CTE,
concernant un million d'hectares,
sont déjà signés. Une formule, in
troduite par la loi d'orientation agri
cole en juillet 1999,qui fait toutefois
grincer quelques dents ; à raison de
26678 € en moyenne pour le béné
ficiaire, ces sommes sont financées
par des prélèvements sur les aides
(proportionnelles au nombre d'hec
tares) allouées aux plus grosses ex
ploitations. Un impôt sur le revenu,
en quelque sorte, car les aides cons
tituent de 100 à 120 % du revenu
des exploitants de grandes cultures !
ŒNOLOGIE
Du bois
dans le vin
Comment obtenir des notes
boisées dans un vin? En
mettant le breuvage au
contact du bois lors de son
élevage. Cette pratique
œnologique ancienne pour
les fûts de chêne n'avait
jamais été codifiée par
l'Office international de
la vigne et du vin (OIV).
C'est aujour-d'hui chose
faite. Mais l'OlV autorise
aussi les "morceaux" de bois,
PHYSIOLOGIE
L'ALTITUDE A PLEIN POUMON
• Qu'y a-t-il de commun entre les
Tibétains et les Boliviens Aymara
du lac Titicaca? L'hypoxie, c'est-
à-dire le manque d'oxygène dans
l'air des hauts plateaux où ils vi
vent, à 4200 m pour les Hima-
layens, à 3900 m pour les An-
dins. Or, des biologistes de
Cleveland (Etats-Unis) et de La
Paz (Bolivie) ont observé que les
Tibétains expirent deux fois plus
d'oxyde nitrique que des Amé
ricains "témoins" vivant à basse
altitude, et les Andins 25 % de
plus. Ceci correspond à une oxygéné vers les organes. Reste
synthèse plus élevée d'oxyde à connaître le mécanisme qui,
malgré l'hypoxie, permet d'ac
nitrique dans leurs poumons,
un gaz qui favorise l'oxygénation croître chez ces montagnards
des globules rouges, la dilatation l'efficacité de la synthèse d'oxyde
des vaisseaux pulmonaires et nitrique, qui dépend normalement
l'accélération du fluxde sang de la disponibilité en oxygène.
ÉCOLOGIE
Le prédateur devenu proie
Surles îles dugolfe deCalifor
nie, l'introduction d'une proie
des cadawes de renards, les cher
cheurs ont identifié le vrai coupable
exotique a provoqué la quasi- : l'aigle royal. Autrefois, ce rapace
disparition d'un prédateur. n'était que de passage sur les îles.
C'est l'étrange conclusion d'une Mais il s'y est installé à mesure que
équipe franco-américaine. Depuis se sont multipliées les populations
dix ans, les biologistes ont constaté de cochons. « Contrairement aux

en infusion. Certains y voient
la porte ouverte à l'aroma-
tisation par ajout de clous de
girofle ou de baies de cassis.
D'autres souhaitent cette
alternative moderne, rapide
et meilleur marché que la
barrique. Vins de pays et
de table du Vieux Continent
seraient alors mieux armés
pour lutter contre leurs
concurrents australiens et
californiens qui autorisent
cette pratique. S. R-C.
une forte diminution des popula
tions de renards insulaires, alors
que cet animal est au sommet de la
pyramide alimentaire, avec la
mouffette tachetée. On a d'abord
suspecté une compétition alimen
taire entre ces deux super pré
dateurs. Mais cette com
pétition «ne peut à elle
seule expliquer une
telle chute démo
graphique »,
estime l'un
des auteurs de
l'étude, Franck Courchamp
(CNRS, Orsay). En autopsiant
proies indigènes, les cochons satis
font les besoins caloriques des
aigles, suffisamment pour qu'ils se
reproduisent sur place. Les aigles se
sont aussi nourris de re
nards». Le renard a alors
quasiment disparu, tandis
^ue les mouffettes, qui
. chassent la nuit à
l'abri des aigles,
prospéré.
EG.
ENVIRONNEMENT
PÈCHE
La traque
des baleines
continue
Enattendantl'hypothétiqueré
ouverture de la chasse à la ba
leine, interdite depuis seize
ans, le Japon en\'isage de
créer la première ferme aquacole
de ce mammifère marin en fer
mant la haie d'Hirado par tm filet
placé à son embouchure. Les céta
cés communs prélevés au large (pe
tit rorqual, rorqual de Bryde, Mé-
gaptère, grand cachalot) y seraient
HYDRAULIQUE
AMORTISSEURS DECRUES
• Comment calmer la colère d'un
fleuve en crue? En canalisant ses
débordements vers les zones
inondables de ses bassins
naturels d'expansion. Un dispositif
original vient d'être mis au point
par Hydroplus, société du groupe
Vinci, avec l'aide du département
hydraulique de l'Ecole poly
technique de Milan (Italie). C'est
un ouvrage escamotable en béton
constitué de modules successifs
d'environ 5 m de long, 2 m de
large et 2 m de haut, placé à des
endroits stratégiques au-dessus
d'un seuil fixe. Quand l'eau atteint
Petit rorqual (Balaenoptera
acutorostrata).
concentrés pour le tourisme, la re
cherche et l'élevage. Les adver
saires, sceptiques sur l'aptitude à
la reproduction en captivité de ces
migrateurs, ne voient dans cette
ferme qu'un alibi des Japonais
pour justifier leur chasse. Ils conti
nuent en effet de pêcher la baleine
(au harpon) dans l'Antarctique,
sous couvert de recherche scienti
fique, seule dérogation acceptée au
une hauteur prédéfinie, elle
s'engouffre à l'intérieur du
module, simplement posé sur le
sol, et le fait basculer, ouvrant
ainsi une brèche qui dérive les
eaux vers le bassin de rétention.
D'où le nom de "hausses fusibles"
donné à ces déversoirs
dimensionnés pour réagir aux
crues exceptionnelles. Après la
Chine, Ils Intéressent la Pologne,
la Hongrie, l'Italie pour le Pô
et l'Arno, dont la crue mémorable
de novembre 1966 a marqué
Florence... En France, la Loire
pourrait être le premier candidat.
MEYER
moratoire Introduit en 1986 par la
Commission baleinière internatio
nale (CBI). Selon le comité scienti
fique de la CBI, les effectifs de pe
tit rorqual (ou baleine Minke) dans
le Pacifique Sud sont passés de
760000 en 1991 à 268000 en 2001.
Les Japonais, eux, prétendent que
le mammifère se multiplie au
contraire, au point de prendre le
poisson aux pêcheurs ! Pour s'en
convaincre, ils comptent justement
lancer en octobre un satellite qui
suivTa les migrations de ces céta
cés dotés d'émetteurs. La prochai
ne réunion annuelle de la CBI, pré
vue en mai prochain, promet donc
d'être encore plus houleuse que cel
le de juillet dernier. Opposé à l'idée
de zones sanctuaires pour les céta
cés, proposée par la Nouvelle-Zé
lande dans le Pacifique sud, et par
le Brésil dans l'Atlantique Sud, le
Japon parviendra-t-il à rallier suf
fisamment d'alliés pour transfor
mer le moratoire en quotas de cap
tures? Le pari est loin d'être gagné.
Ont collaboré à cette rubrique :
Emilie Gillet,
Sylvie Redon-Clauzard.
SANTÉ
Les vertus
du régime au lin
Pierre Weill et sa société de
nutrition Valorex font renaître
la culture du Un alimentaire.
Cette plante a des graines
riches en acides gras poly-
insaturés de type omega-3,
bénéfiques pour la santé.
Nous en consommons trois
fois moins que l'apport nutri-
tionnel conseillé (2 g par
jour pour un adulte de 70 kg).
Quelque 20000 ha de lin
seront semés cette année
(8000 ont été récoltés l'an
dernier). De quoi améliorer
le régime des Français grâce
à... celui des vaches. Si l'on
ajoute des graines de lin
dans leur ration, leur lait est
en effet d'une qualité identi
que à celui qu'elles donnent
au printemps, lorsqu'elles
sont au pré. Lait qui possède
un profil d'acides gras enrichi
en omega-3. D'autres produits
(œufe, viande, jambon), por
tant le logo de l'association
Bleu-Blanc-Cœur, bénéficient
aussi de cet atout. Du coup, le
Centre d'enseignement et de
recherche en nutrition (Lo-
rient) a lancé une étude sur
l'intérêt du beurre et du pain
"au lin" dans l'alimentation
de certains diabétiques.
LE PETROLE SUIVRA-T-IL?
1,4-
cr
1,2-
\<cr
1
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0,6
s >
.2-5 cP"
II
«.S" 0,4
1o c=
0,2
• «Si les 5 milliards d'hommes
qui ont un accès limité au trans
port individuel (en jaune) se
mettaient à adopter le mode de
vie mobile des pays
industrialisés (en rouge), il
faudrait au moins tripler la
production actuelle de pétrole
(4 milliards de tonnes
par an), dont 50 % servent à
nos déplacements», a rappelé
Georges Dupont-Roc, directeur
chez TotalFinaElf, lors d'un ré
cent colloque sur la contribution
de l'agriculture à la chimie et à
POLLUTION
Graisser sans salir
Huilesperdues, lidangessau
vages, fuites accidentelles :
plus de 100(K)0 tonnes d'hui
le de pétrole disparaissent
dans la nature. Une véritable marée
noire insidieuse. Dans le seul sec
teur forestier, les bûcherons
consomment dix millions de litre
d'huiles minérales pour graisser
leurs chaînes de tronçonneuses.
Or, une huile minérale n'est détrui
te qu'à 50 % en vingt et un jours
contre 95 % pour une huile végéta
le qui présente d'autres atouts : une
TRANSPORT
^ Grande mobilité
Moblilité réduite
<S!>®
6®
2 3 4 5
Population cumulée (en milliards)
l'énergie. «Les actuelles réser
ves de pétrole de 150 milliards
de tonnes, auxquelles le
progrés technologique et les
découvertes futures ajouteront
très vraisemblablement de
150 à 300 milliards de
tonnes, ne permettront pas
de soutenir un tel rythme de
production. Au cours du xx'
siècle, environ 100 milliards
de tonnes de pétrole ont
été produites, soit de
20 à 25 % des ressources
totales escomptées.»
riscosité plus stable quand la tem
pérature augmente et des frotte
ments réduits. Fabriqués à partie
d'huiles (tournesol oléique, colza,
crambe, etc.) et d'esters d'acides
gras, les biolubrifiants apparais
sent sur le marché. Dans un docu
ment intitulé "Les mystères de l'or
vert", Agrice (Agriculture pour la
chimie et l'énergie) dévoile la mon
tée en puissance des produits in
dustriels qui puisent ainsi leurs
avantages dans les végétaux plutôt
que dans le pétrole fossile.
H° 1014. MARS 2002- SaHcesKi 35
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S&V 1014
TECHNOLOGIE PAR GERMAIN CHAMBOST

Un capteur nasal dé
tecte la concentration
des arémes volatils.

Le spectre du goût
Une méthode objective d'analyse du goût est en boisson Juste après son absorp
tion. En faisant varier la composi
test en Grande-Bretagne. Objectif : améliorer la

L'appréciationd'un mets ou
saveur des aliments pour qu'ils plaisent au public.
d'une boisson varie en fonc
tion des indiridus. C'est xme
affaire de goût, dit-on sou
vent. Pourtant, une équipe
de chercheurs de l'universi
té de Nottingham (Grande-Bre
tagne) a tenté d'analyser objective
ment saveurs et arômes, en recher
chant les composés aromatiques
présents dans l'haleine après l'in
gestion d'un aliment solide ou li
quide. Cette analyse a été effectuée
grâce à un spectromètre de masse
capable de détecter des composés
présents à des taux d'à peine dix
molécules pour un nulhard.
On peut ainsi repérer ce qui
constitue la saveur et l'arôme d'un
fruit, d'un plat composé ou d'une
tion d'un arôme, par exemple, en
modifiant les proportions de sucre
ou d'éléments acides, on peut dé
terminer avec précision quelles
sont les proportions qui obtiennent
les meilleures appréciations.
L'objectif de ces recherches est
de fabriquer des aliments et des
boissons qui plaisent au consom
mateur en y ajoutant des compo
sés chimiques soulignant saveurs
et arômes. Mais de là à tromper
les véritables gastronomes...

38 ftfBseesIfe h°ioi4 • MARS 2002

TÉLÉPHONIE
Le portable
à manivelle
On connaît déjà les récep
teurs radio alimentés par
une génératrice qui tourne
sous l'effet d'un ressort
"remonté" par l'utilisateur,
comme sur les bonnes
vieilles montres. Ils sont
très utilisés, notamment,
dans les pays du tiers
monde, où les piles sont
rares et coûteuses. La firme
américaine Freeplay Energy
Group, qui a conçu ces "ra
dios à ressort", applique
désormais la même tech
nique à l'alimentation des
téléphones portables. Une
manivelle permet de faire
tourner le générateur élec
trique quand on veut rechar
ger les batteries d'alimen
tation ou téléphoner alors
qu'elles sont déchargées.
Selon le constructeur, le
bruit de la manivelle est
tout juste perceptible. Dans
un premier temps, seuls
les mobiles de marque
Motorola sont susceptibles
d'être alimentés de la sorte.
Mais Freeplay Energy Group
envisage de commercialiser
un adaptateur pour tout type
de mobile.
Le navire 1er
embarquera des
passagers d'ici un à
deux ans au moins.
TRANSPORTS
Des traversées
de l'Atlantique à 70 km/h
Lescraintessuscitéeschez les
passagers aériens par les at
tentats de septembre 2001
redonnent du poids au projet
de bateaux transatlantiques ultra
rapides, déjà surnommés "navires
jets". Ces bateaux seraient propul
sés non pas par des hélices mais
par des turbines à eau intégrées
dans la coque - des moteurs déri
vés des turboréacteurs aéronau
tiques : l'eau captée à l'avant est
rejetée à grande vitesse à l'arrière.
Grâce à leur coque en forme de
voûte, à leur proue très effilée et à
leur mode de propulsion, ils n'au
raient pas à réduire leur vitesse
par gros temps, ce qui leur per
mettrait de vosoier à 40 nœuds de
MÉCANIQUE
TREUIL A EAU POUR HANDICAPES
• Et si, pour faire tourner un
moteur, on remplaçait l'élec
tricité par de l'eau sous pres
sion? L'idée a inspiré une
équipe de chercheurs japonais
de l'Institut de technologie
(Tokyo). Le moteur à eau se
branche tout simplement sur
un robinet. L'eau entraîne une
turbine interne qui produit le
mouvement. Le moteur mesure
vitesse moyenne, soit plus de
70 km/h. La durée d'une traver
sée transatlantique serait alors de
trois jours et demi, presque deux
fois moins qu'avec un paquebot
comme le Qiieen Elizabeth 2 !
Maintenir cette vitesse de croisiè
re quel que soit l'état de la mer
imposera des mesures de sécuri
té particulières, notamment des
ponts fermés, pour protéger les
passagers.
Le premier de ces navires jets
doit être construit par une société
américaine, FastShip Atlantic, et
propulsé par des turbines foiunies
par le groupe britannique Rolls
Royce. La construction doit com
mencer cette année en Virainie.
14 centimètres de diamètre,
10 cm de large, pèse 1,9 kg
et développe une puissance
de 15 W. Selon son inventeur,
le Pr Ato Kitaga-wa, il pourrait
se révéler particulièrement utile
aux personnes handicapées qui
ont besoin d'un treuil électrique
pour les sortir de la baignoire :
avec ce moteur, aucun risque
d'électrocution.
n" 1014 ' MARS 2002 • SWBUSl/K 39
TECHNOLOGIE
Chambre
de a)mbustion
Piston
Carter de
pré-compression
MÉCANIQUE
Le moteur sans embiellage est arrivé
Conçuparl'inventeurfrançais
Antoine Fuster, le moteur
sans embiellage se caractéri
se par le nombre très réduit
de ses pièces en mouvement. Une
double crémaillère et un pignon
remplacent l'embiellage des mo
teurs traditionnels, qui transforme
le mouvement alternatif des pistons
en mouvement rotatif. Son archi
tecture générale rappelle celle d'un
MATÉRIAUX
POUR CHAUFFER LA MAISON,
ALLUMEZ LA PEINTURE
• Plus de radiateurs encom
brants, de tuyaux disgracieux,
de bruits de chaudière pour
chauffer un appartement. Une
entreprise espagnole lance
sur le marché un moyen origi
nal de chauffage électrique,
qui permettrait de réaliser des
économies de 40 % sur la
consommation par rapport
aux moyens traditionnels au
gaz ou au fioul. D'après la
description qu'en fait le Bulle
tin espagnol de diffusion
technologique, il s'agit de
panneaux multicouches qui
contiennent une peinture
conductrice de l'électricité et
que l'on peut plaquer sur les
murs. Les panneaux ont une
épaisseur de 0,6 millimètre.
40 Amteslir n"" 1014 • MARS 2002
Double Pignon
crémaillère dente
— Gorge
de guidage
flat twin, un type de moteur dont les
pistons sont disposés à plat comme
sur certaines motos de BMW. Cha
que piston est relié à une extrémité
de la double crémaillère. Lorsque
l'un d'eux pousse, la crémaillère se
déplace, entraînant la demi-rota
tion du pignon. Quand le deuxiè
me piston entre en action, la cré
maillère repart dans l'autre sens,
provoquant la demi-rotation sui-
Ils peuvent atteindre une
température de 20 à 70 "C,
les panneaux diffusent ensuite
leur chaleur dans la pièce. Un
thermostat régule le tout selon
les desiderata des occupants.
Les panneaux sont imper
méables et ininflammables.
On peut suspendre des ta
bleaux ou d'autres objets
de décoration, comme sur
des murs normaux. A l'installa
tion, le système des panneaux
diffusants coûte deux fois moins
cher qu'un système traditionnel.
L'économie de fonctionnement,
quant à elle, vient notamment
du double rôle des panneaux :
ils servent à la fois de plaques
d'isolation thermique et de
surfaces chauffantes.
Carter de
pré-compression
Piston
Chambre
de combustion
vante - le pignon ne porte des dents
que sur la moitié de sa circonféren
ce (voir schéma ci-dessus). Une gor
ge de guidage assure la synchro
nisation entre le pignon et les cré
maillères à chaque demi-tour.
Aux dires de son concepteur, ce
type de configuration offre un ren
dement plus élevé et un taux de pol
lution inférieur à ceux d'un moteur
traditionnel à quatre temps. Une
performance, pour un moteur à
deux temps. Antoine Fuster a réali
sé un prototype et travaille à opti
miser son moteur. H.-P. P.
SÉCURITÉ
Des couteaux
à pleine main
La firme japonaise Hamani
Corp. vient de commercia
liser des gants de sécurité
capables de résister à des
lames de couteau ou de ra
soir. Ils sont en fibre arami-
de (Kevlar), un matériau
utilisé pour les gilets pare-
balles. La partie qui protège
la paume est doublée d'un
cuir synthétique qui permet
de prendre des lames à pleine
main. Ce gant est pourtant
très mince, afin de conserver
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Chien
d'aveugle
mécanique
Ce "chien mécanique" est
doté d'un système de recon
naissance destiné à guider
les aveugles. Mis au point
par des chercheurs japonais de
l'université de Yamanashi et des
ingénieurs de Suzuki et Hitachi, il
navigue entre les points mar
quants d'un itinéraire parcouru
au préalable sous la direction
d'un programmateur. Feux de si
gnalisation, croisements, trot-
A collaboré à cette rubrique :
Henri-Pierre Penel.
I individus confrontés à une
toirs, escaliers... tous les obs
tacles sont filmés et gardés en
mémoire. Grâce à ses caméras, ce
robot est capable de contourner
les obstacles et
lorsque son trajet croise celui
d'un piéton ou d'un cycliste. Le
non-voyant le pousse devant lui
grâce à deux poignées, et il reçoit
les indications sous forme vocale.
Un logiciel
contre la panique
Comment se comportent des
situation d'urgence - incendie,
gaz toxique - dans un espace
clos? Des chercheurs de
l'université de Greenwich
(Londres) ont créé un logiciel
qui simule les comportements
en pareil cas : l'attitude face
au danger, le trajet emprunté
pour tenter de se sauver, etc.
Il leur a fallu quinze ans pour
de s'arrêter
le mettre au point, à partir
d'observations réelles. Ce
logiciel peut être utilisé
dans de nombreux domaines
(architecture, sécurité...).

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TIXTIN acteur du siècle où tout a ehaugé ; avec S(11EN(]E é: ME


Le retour
de la capsule
Pour observer l'estomac, une gélule munie d'une
Le24 mai 20 0, une équipe
caméra se révèle plus efficace que l'entéroscopie.
anglo-israélienne annon
çait la mise au point d'une
caméra ininiature capable
de filmer le fantastique
voyage réalisé, chaque jour,
par nos aliments à travers l'en
semble du système digestif. S'ava-
lant comme un simple bonbon,
cette gélule truffée d'électronique,
longue de 2,7 cm et large de 1,1
était alors présentée, à grand ren
44 StKKtSJlK N* 1014- MARS 2002
kj. y
fort de publicité, comme une alter
native possible aux endoscopies
intestinales classiques. Deux ans
plus tard, cette petite men-eille de
miniaturisation due à l'imagina
tion de la société Given Imaging
vient d'être essayée en France.
L'équipe de Christian Florent, gas-
tro-enterologue à l'hôpital Saint-
Antoine, à Paris, a en effet com
paré les performances du procédé
par capsule à celles de l'entérosco-
Cette mini
caméra vidéo
en forme de
gélule s'avale
comme un bonbon.
pie, une technique consistant à re
cueillir des images à l'aide d'une
fibre optique introduite par voies
naturelles dans l'estomac ou le cô
lon. Conclusion des chercheurs :
lorsqu'il s'agit d'établir un diagnos
tic, la gélule est plus performante.
Outre qu'elle ne nécessite pas
d'anesthésie générale pour être uti
lisée, la mini-caméra vidéo serait
plus efficace pour repérer, dans le
long intestin grêle, les angiomes,
des tumeurs vasculaires bénignes
pouvant conduire à des cas d'ané
mie. Testée sur 60 patients, elle a
observé ces malformations dans
78 % des cas contre 56 % pour
la méthode classique. Seulement
6 fois sur 59, l'entéroscopie s'est
avérée la meilleirre. V. T. M.
CANCÉROLOGIE
Quand le
traitement rend
malade
Depuis une décennie, le
principal traitement du cancer
du sein consiste, notamment
chez les femmes jeunes, à
retirer la tumeur, puis à pro
céder à une chimiothérapie
suivie d'une prise prolongée
de tamoxifen. Or, une étude
menée sur 763 femmes par le
Georgetown University
Médical Center, en collabo
ration avec le jonsson
Comprehensive Cancer Center
(université de Californie,
à LosAngeles), indique que
ce traitement entraîne à long
terme des effets secondaires
qui ne semblent pas compen
sés par une augmentation de
la survie, au contraire : une
fois opérées d'une tumeur de
moins de 1 cm, les femmes
qui ne suivent aucune
chimiothérapie et ne prennent
pas de tamoxifen ont 90% de
chance de ne plus développer
cette maladie, contre 93%
pour celles qui choisissent
le traitement classique.
CARDIOLOGIE
LE CŒUR PEUT S'AUTOREPARER
• Les scientifiques estimaient,
jusqu'à présent, que les tissus
cardiaques étaient incapables de
se régénérer. Piero Anversa et
son équipe du département de
médecine du New York Médical
Collège de Valhallaviennent de
démontrer le contraire. Ils ont en
effet constaté que des cœurs
transplantés avaient été colonisés
par des cellules souches du
receveur. Ces dernières s'étant
en partie différenciées en
cellules du cœur ou des tissus
environnants tels que myocytes,
artérioles coronaires ou
capillaires. Pour leur étude, les
chercheurs ont suivi l'évolution
de greffes de cœur de femme
chez des hommes. Cette ruse
leur a permis de distinguer les
cellules issues de la donneuse
ou du receveur. En effet, les
CHIRURGIE
Progrès pour la xénogreffe
In nouveau pas vers la xéno
greffe. Deux laboratoires,
PPL Therapeutics et Immer
ge Biotherapeutics, ont obte
nu par clonage des cochons trans
géniques plus aptes à servir de don
neurs d'organes pour l'homme. La
modification porte sur le gène co
dant l'enzyme alphal-3 galactosyl
1»
Cœur transplanté et colonisé...
cellules provenant du greffon
possédaient deux chromosomes
X. Tandis que celles du patient
étaient équipées d'un X et d'un Y.
L'équipe américano-italienne
espère appréhender et
déclencher les mécanismes de
migration des cellules souches
et de leur différenciation. Ce
serait un moyen de soigner des
altérations des tissus cardiaques
pour lesquels ilexiste peu de
traitements efficaces. J. G.
transférase. L'inactivation de ce
gène bloque la formation d'un sucre
à la surface des cellules. Or, ce sucre
sert de signal de recotmaissance au
système immunitaire des receveurs.
Sans ce signal, les organes porcins
ne seront plus reconnus comme
étrangers, ce qui limite les risques
de rejet. Seules ont été obtenues des
femelles au génome partiellement
modifié qu'il faudra croiser avec des
mâles f)orteur-sde la même modifi
cation. Leur progéniture devTait
une fois sur quatre présenter l'inac
tivation complète du gène. Mais les
rétrovirtts, inactifs chez le porc,
pourraient s'éveiller chez l'homme
provoquant des maladies. J. 0.
Ces petits cochons trangéniques
pourraient être de futurs donneurs
d'organes pour l'homme.
N° 1014 . MARS 2002 . ftMCKftife 45

% Selon les résultats d'une
NEUROLOGIE
L'anémone qui soigne
L'anémonedemerutilise son
venin pour paralyser ses
proies. Les chercheurs font
l'inverse. En pratiquant des ex
périences sur des rats, les labora
toires d'immunologie de la Faculté
de médecine de la Timone (Mar
seille) et de l'université d'Irvine
(Etats-Unis) ont découvert qu'une
to.xine issue du venin de l'anémone
de mer empêchait la paralysie pro
voquée par l'encéphalomyélite
auto-immune e.xpérimentale, le
modèle animal de la sclérose en
plaques (SEP) humaine. Cette toxi
ne bloquerait certaines voies de
communication des lymphocytes T.
Ces globules blancs, lorsqu'ils sont
NEUROLOGIE
DE L'ASPIRINE POUR LE CERVEAU
• On sait que l'aspirine
prévient le risque de maladie
coronarienne. On apprend qu'elle
réduit aussi le risque d'attaque
cérébrale, comme vient de
l'établir FUS Preventive Services
Task Force (Rockville, Maryland).
Aussi cet organisme, qui dépend
du ministère de la Santé des
Etats-Unis, recommande-t-il la
prise régulière de ce médicament,
46 Sêamêne H' 1014. MARS 2002
activés, sont à l'origine des réponses
immunitaires contre la myéline (la
gaine protégeant les axones du
système nerveux central), ime réac
tion dont on ignore encore la cau
se (voir Science et Vie n° 1009,
p.ll2). Cette découverte laisse en
trevoir un traitement mieux ciblé
de la SEP, dans lequel la toxine
n'agirait que sur les canaux acti
vés. Il reste à tester l'efficacité de la
toxine sur d'autres espèces ani
males, avant un essai sur l'homme.
D'autre part, la longévité de la toxi
ne dans le corps est courte. Les
chercheurs doivent encore la stabi-
hser ou lui trouver un analogue, de
durée de vie plus longue. A. P.
principalement aux hommes
âgés de plus de 40 ans et aux
femmes après la ménopause,
ainsi qu'aux personnes souffrant
d'hypertension et de diabète.
Néanmoins, étant donné les
risques d'hémorragie interne liés
à l'aspirine, ilest préférable de
consulter un médecin avant
d'opter pour une prise régulière
de ce produit. P. R.
EPIDÉMIOLOGIE
Le sida reprend
le dessus
enquête menée par
l'université de Californie,
à San Diego, et présentés
lors du dernier congrès
de la Société américaine de
microbiologie, à Chicago,
il ressort que 78 % des
209 000 patients suivis par
cette étude présentent une
résistance à un ou plusieurs
des 18 médicaments anti-ViH,
actuellement disponibles.
En outre, 42 % de ces malades
sont résistants à tous les
inhibiteurs de protéase,
c'est-à-dire à 7 de ces 18
médicaments. « En France on
assiste à un phénomène
comparable, ce qui oblige
à traiter certains patients
avec des cocktails de
7 médicaments, voire plus,
afin de surpasser les
résistances. D'où la nécessité
de mieux connaître, chez
chaque patient, les mutations
du virus et sa sensibilité
aux 18 médicaments, afin
d'optimiser le traitement au
cas par cas. Ce qui obligera
à généraliser 2 tests, l'un
génotypique, l'autre phéno-
typique, capables de fournir
ces données », estime le
Pr François Raffi, spécialiste
du sida (CHU, Nantes). P. R.
Ont collaboré : Julie
Coquait, Amélie Padioleau,
Pierre Rossion,
Vahé Ter Minassian.
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 De tout temps, les hom
mes ont cherché à percer
l'avenir du monde. Sans
jamais pouvoir répondre
qu'en imagination. Qu'en
est-il au juste de notre
destin ? Comment tout fini-
ra-t-il ? Et y a-t-il une fin ?...
A toutes ces questions, les
scientifiques apportent
désormais des réponses.
En établissant les desti

nées de la Terre, du Soleil

et de l'Univers, ils nous
disent enfin à quoi l'on
peut s'attendre.

Quand ^ Comment Pourquoi

48 Sâeaa ÏK N® 1014 • MARS 2002
 Dans 1 milliard d'années

Apocalypse i
Histoire
d'un mythe
p. 66 -

nde
N" 1014 • MARS 2002 ' Soime ne 49
 Dans 1 milliard d'années
La fin de la vie
Si personne ne peut prédire
l'avenir de l'humanité, on sait
pourtant que la vie va s'étein
sur Terre
dre sur Terre. Un processus
inéluctable, que deux chercheurs américains
sont parvenus à modéliser. Grand responsa
ble de cette extinction biologique : le Soleil,
qui préside pourtant à la vie sur notre planète.
Lescontinents dérivent et se heur
PAR HÉLENE GUILLEMOT
tent. Des montagnes se dressent;
d'autres s'érodent. Des océans
s'outrent. Ailleurs, des mers se re
ferment. Des volcans surgissent.
Les espèces végétales et animales
évoluent, certaines s'éteignent, d'autres
s'imposent. Le climat change lui aussi. La
teire se couvre de glace, de forêts ou de
déserts. En accéléré, voilà ce qui attend
notre bonne vieille planète... pour les di
zaines de millions d'années à venir! L'es
pèce humaine dans tout ça? En fait, ces
bouleversements ne la concerneront peut-
être déjà plus. Car, à l'échelle du million
d'années, l'humanité aura eu mille fois
l'occasion de disparaître. Cataclysme cli
matique ou nucléaire, pollution asphy
xiante, virus assassins, collision d'asté
roïdes, guerre totale, voire invasion
d'"Ahens" ou révolte de robots... L'homme
n'a que l'embarras du choix pour imaginer
dès aujourd'hui sa propre fin et spéculer
sur sa disparition à la suite de calamités
naturelles d'ampleur inédite ou de désas
tres inouïs résultant de sa propre incon
séquence. Autant d'apocaltqtses toujours
possibles, peut-être, mais totalement hy
pothétiques. Rien ne permet, en effet, d'af
firmer qu'elles surviendront ou non. Ce
qui nous préoccupe le plus directement
est ainsi ce sur quoi on en sait le moins.
Quoi qu'il en soit, Homo sapiens est ap
paru il y a 100000 ans environ, c'est-à-dire
3 milliards et demi d'années après les pre-
mières formes de vie, 1 milliard d'années
après les premiers animaux pluriceUulaires,
220 millions d'années après les dinosaures
et 65 millions d'années après leur extinc
tion. Et que sont les cent mille ans qui tien
nent de s'écouler au regard des millions
d'années pendant lesquelles la Terre pour-
suhxa tranquillement son évolution de pe
tite planète tellurique? Si nul ne peut dire
quand et comment l'humanité disparaîtra,
une chose apparaît probable ; d'autres es
pèces lui survivront. Jusqu'à quand?
UNE MENACE À CHERCHER DANS
LE CIEL ETÀ TRÈS LONG TERME
Oublions l'avenir incertain de l'espèce hu
maine et projetons-nous allègrement dans
le temps : à l'échelle, cette fois, non de mil
liers ou dizaines de milliers d'années, mais
de millions d'années. Dans cette perspective
très large, on l'a dit, tout change sans cesse
sur la Terre : continents, reliefs, climat. Au
tant de bouleversements qui obligent les es
pèces vivantes à évoluer et à s'adapter.
Mais, pas plus que dans le passé, ces muta
tions ne devraient mettre la vie en danger.
En fait, la menace est beaucoup plus loin
taine. Cette fois, il faut penser en centaines
de millions d'années, voire en milliards
d'armées. Là, les choses s'éclairent im peu.
Il est, en effet, un facteur dont la scien
ce prévoit assez bien l'évolution. Celui qui
préside justement à la vie : le Soleil. Notre
Terre, avec ses océans et ses animaux, est
unique et imprévisible, mais notre Soleil,
lui, est banal ; on connaît des rmUiers d'étoi
les semblables dans l'Univers, dont les as
tronomes étudient l'évolution. Ce qui les
autorise à nous dire aujourd'hui que le
Soleil s'éteindra dans 7 milliards d'années,
au terme de transformations tumultueu
ses (voir article, p. 56). Bien avant cela,
son rayoïmement, devenu au fil du temps
de plus en plus intense, aura provoqué la
disparition lente de tous les organismes
vivants de la Terre. L'astre qui a permis
l'épanouissement de la vie commandera
aussi son extinction.
Deux scientifiques américains, spécia
listes des atmosphères planétaires et des
cycles bio-géochimiques, se sont penchés
sur cette mort programmée à très long ter
me. Au départ, la mort sur Terre les pas
sionnait moins que la vie dans l'espace. Car
comprendre comment la vie peut s'éteindre
peimet justement de préciser les conditions
A cette dal
dans une lumic
forte de 5 % qu'.
sgne désormais
loyenne de 20
taux de CO2 dat
tellement dim
60 % de la végt
maux ont disi
avant dû évolu

Le Soleil
et le CO2
D'ici 1 milliard d'an
nées, la luminosité
du Soleil va progres
ser régulièrement La
Terre va se réchauf
fer, lentement puis
rapidement En
même temps, le taux
de CO2 dans l'atmo
sphère devrait chu
ter, éradiquant toute
vie sur la planète.
g: 80%
o
60%
40%
0.4 0.8
Temps (milliards d'années)
limites et la plage de temps durant laquelle
l'acthité biologique peut subsister sur une
planète semblable à la nôtre, en fonction de
l'évolution de son étoile. C'est pourquoi,
alors qu'ils travaillaient tous deux à l'uni
versité de Pennsylvanie, James Kasting,
professeur de sciences de la Terre à l'uni
versité du Michigan, et Ken Caldeira, géo
chimiste au Lawence Livermore Laborato-
ry, ont pu construire il y a quelques années
un modèle simple d'évolution de la Terre à
très long terme. Grâce à lui, savons-nous
enfin ce qu'il va advenir?
Avant d'aller plus loin, une question es
sentielle se pose : l'avenir de la Terre est-il
véritablement prévisible? On n'évoque pas
ici l'éventualité d'évé
nements catastro
phiques, ni même les
énormes approxima
tions, omissions et
simphfications inhé
rentes au modèle.
Plus fondamentale
ment, il s'agit de se
10000 Q.
demander si la scien
S ce autorise à faire
-1000 JS
des projections dans
un avenir très loin
tain. Autrement dit,
si les lois scientifi
1.2 1,6
ques sont vraiment "déterministes", si
elles permettent d'envisager l'avenir de la
planète à partir de son passé. Il y a vingt
ans, on ne se serait sans doute même pas
posé la question. Mais, depuis, les astro
nomes ont découvert que le système so
laire, ce parangon de régularité, est en fait
soumis au chaos. La position des pla
nètes, leur orbite même, sont imprévi
sibles à très long terme ! Quel sens ont
alors les prévisions d'évolution de la vie?
LA DRAMATIQUE DIMINUTION
DU COj DANS L'ATMOSPHÈRE
Là encore, tout est affaire d'échelle de
temps : selon les estimations des astrono
mes, le chaos ne se manifesterait en fait
qu'au-delà de 1,5 milliard d'années, donc
après l'extinction de la vie sur Terre (voir
encadré). On a donc le droit de considé
rer que, pour la période qui nous intéres
se, l'orbite terrestre suivra sagement une
év'olution prévisible... Et l'on peut refer
mer la parenthèse du chaos.
Les scientifiques ressemblent parfois à
cet homme qui, ayant perdu sa clé la nuit,
la cherche autour d'un réverbère parce
que c'est le seul endroit éclairé. Ainsi, le
modèle de Kasting et Caldeira ne prend en
compte que les paramètres connus et es
sentiels - l'évolution du Soleil, le cycle du
sico-chimiques nécessaires à la vie telle
•-W
qu'elle existe actuellement, un volcanis
me constant - et omet de nombreux fac
teurs (action des nuages sur l'effet de ser
re, modifications éventuelles de la physi
co-chimie des végétaux et des sédiments,
etc.). Le résultat ne prétend pas représen
ter l'avenir de la Terre - ambition hors de
portée de la science -, mais simplement
donner une idée des phénomènes et des
échelles de temps en jeu.
C'est donc l'évolution du Soleil qui déter
mine celle de la Terre. A mesure que l'hy
drogène se transmute en hélium au centre
de l'astre, la fusion thermonucléaire s'accé
lère, le cœur du Soleil devient plus dense
et plus chaud et sa luminosité augmente
d'environ un pour cent chaque million
d'années. Cet accroissement de luminosité,
qui se poursuit depuis des milliards d'an
nées, est justement ce qui conditionne
l'avenir de la vie. Et pourtant, ce n'est pas
la chaleur qui menacera d'abord les es
pèces biologiques. Dans 400 mUlions d'an
nées, avec un Soleil de 5 % plus lumineux,
la température moyenne à la surface de
notre planète atteindra à peine 20 °C,
contre 15 °C aujourd'hui. Si la Terre ne se
réchauffe que très lentement, c'est parce
que l'accroissement de la luminosité du So
leil fait décroître le taux de CO, (dioxyde
avenir de notre planète
Livrée au chaos ?
• La ronde des planètes a longtemps symbolisé la régularité
de la nature, ainsi que la puissance de la science, capable de
calculer les trajectoires des astres. Illusions! Si le Soleil seul
attirait les planètes, elles suivraient des ellipses parfaitement
régulières. Mais la gravitation s'exerce aussi entre les planètes,
et ces faibles attractions compliquent le problème : les
équations de Newton ne sont pas solubles quand trois corps
(ou plus) s'attirent. Les astronomes calculent donc les
trajectoires planétaires en partant d'orbites idéales et en
ajoutant les perturbations des autres planètes. Ces calculs
approximatifs aboutissaient à des orbites stables.
Mais en simulant le système solaire sur de très longues
durées, l'astronome Jacques Laskar, s'est aperçu en 1989
que la Terre, Mars, Mercure et Vénus ont des trajectoires
chaotiques, donc imprévisibles à long terme. Une imprécision
de 15 mètres sur leur position actuelle conduit à un écart de
150 millions de kilomètres dans 100 millions d'années. Pire :
la forme même des orbites et l'inclinaison de l'axe des
planètes (obliquité) peuvent subir des fluctuations
imprévisibles. De fait, la vitesse de rotation de la Terre diminue
lentement, en raison d'effet de marées et de friction entre le
noyau et le manteau internes. Si la rotation de la Terre devenait
assez lente, des résonances se produiraient avec d'autres
mouvements périodiques, et son axe se mettrait à osciller de
façon desordonnée. Ainsi, l'obliquité de la Terre pourrait
devenir chaotique d'ici de 1,5 à 5 milliards d'années. Donc
probablement après la disparition de toute vie sur Terre. Ouf!
 de carbone) dans l'air, ce qui réduit l'effet
de serre (1). Ainsi, par un mécanisme de
feed-back (ou rétroaction négative), le
rayonnement solaire direct augmente,
mais le rayonnement qui se trouve réémis
vers la Terre par le CO2 de l'atmosphère
diminue, si bien que la température ne
grimpe que très lentement. Or, cette dimi
nution du COt est dramatique pour l'acti
vité biologique, puisqu'il est le principal
carburant des plantes grâce à la photosyn
thèse. C'est ainsi le manque de gaz carbo
nique, bien plus que le réchauffement, qui
va tuer à petit feu toutes les espèces végé
tales - et, par suite, les espèces animales.
LA CANNE ÀSUCRE, DERNIÈRE
SURVIVANTE DES ESPÈCES VÉGÉTALES
Ironie de l'histoire : aujourd'hui, on parle
beaucoup de l'accroissement du CO2 d'ori
gine humaine dans l'atmosphère, qui me
nace de créer un important réchauffement
climatique par effet de serre en quelques
décennies. Quand on compte en millions
d'années, le rôle du GO, est toujours aussi
déterminant, mais dans un sens inverse.
Et ce n'est plus l'action de l'homme qui
joue : c'est cele du Soleil...
Comment l'accroissement de la lumino
sité du Soleil conduit-eUe à une diminu
tion du CO2?Il faut savoir que le cycle du
A cette date, plus aucune trace de vie ne subsiste sur Terre. Ayant
dépassé les 100 °C, la température a fait s'évaporer les fleuves et
les océans. La vapeur d'eau qui charge l'atmosphère va disparaître,
dissociée par les rayons solaires, en quelques centaines de millions
d'années, l'hydrogène s'évanouissant dans l'espace
N* 1014-MARS 2002
CG2 est extrêmement complexe, entre
océan, atmosphère, végétaux, sédiments
marins, etc. ; mais à l'échelle des temps
géologiques, on peut considérer que la
seule source véritable de CO9 est le V'olca-
nisme, tandis que son seul "puits" est
l'érosion des roches silicatées. Quand le
CQ2 atmosphérique est dissout par les
précipitations, il donne de l'acide carbo
nique, qui dissout les minéraux des
roches, produisant des ions bicarbonate.
Ceux-ci, entraînés par les rivières, précipi
tent partiellement sous forme de carbona
te de calcium qui tombe au fond des
océans. Sur le long terme, un équilibre
s'établit entre les émissions de CQ2 dans
l'atmosphère par les volcans, et sa fixation
au fond des mers, via l'érosion des sili
cates. Mais les études des climats du pas
sé et la géologie montrent que l'accroisse
ment de température accélère beaucoup
l'altération des roches, et par suite accroît
la capture du CQ2 de l'atmosphère. Ainsi,
l'augmentation de l'activité solaire devrait
se traduire par un accroissement de l'éro
sion des roches silicatées, conduisant à
tme baisse du CQ2 atmosphérique.
Le modèle de Kasting et Caldeira prévoit
une diminution importante du taux de
CQ2 atmosphérique au bout de quelques
centaines de millions d'années, condui
sant à une véritable chute de l'activité bio
logique. Dans 500 millions d'années, la
teneur en COj de l'atmosphère aura en ef
fet baissé jusqu'à 150 ppm (parties par
million), contre 370 ppm de CO2 aujour-
•a-erî;
d'hui. Or, 150 ppm est considéré comme
Influence positive
le seuil à partir duquel la plupart des vé Luminosité
gétaux ne peuvent plus assurer leur pho- du Soleil Influence négative
tosxmthèse. La plupart, mais pas toutes :
une petite proportion des espèces végé Dissociation de l'eau,
tales utilise en effet un autre mécanisme perte d'hydrogène
de photosynthèse, plus économe en CO2,
appelé C4 (c'est le cas du maïs, de la can
ne à sucre, ainsi que d'autres espèces Température moyenne Taux de CO2
sur la Terre dans l'atmosphère
d'origine tropicale, qui constituent envi
ron 5 % de la masse végétale). Ces es
pèces, ou plutôt leurs lointaines descen
dantes, pourront peut-être subsister avec Altération des roches Production
des teneurs atmosphériques en CO2 plus silicatées biologique
faibles. Mais, quand le taux de CO2dans
l'atmosphère tombera en dessous de
10 ppm - d'ici à 900 milhons d'années se trace de vapeur d'eau dans l'atmosphère. La Terre
lon le modèle -, les plantes C4 disparaî Mais les volcans continuent à émettre du
sous
tront aussi, et seules subsisteront des or CO2, qui s'accumule, puisque l'altération
ganismes aquatiques microscopiques. des roches et la capture du CO2 ont cessé influence
avec l'arrêt des précipitations. Enfermée Dans le modèle de
LE TEMPS D'UN LONG SOUPIR Kasting et Caldeira,
dans sa serre brûlante, la Terre morte res
voici schématisés
A partir d'un milliard d'années, la tem semble désormais à sa sœur Vénus. les divers para
pérature augmente plus vite ; l'évapora- Si le modèle de Kasting et Caldeira dit métres qui détermi
tion s'accroît, et l'effet de serre de la va vrai, la vie, apparue sur Terre il y a environ nent l'évolution de
la Terre soumise à
peur d'eau accélère encore le réchauffe 3,5 milliards d'armées, pourrait disparaître
ia luminosité crois
ment, quî détruit les dernières formes de en moins d'un milliard d'armées. Un soupir, sante du Soleil. L'un
vie. Dans 1,4 milliard d'années, la tempé peut-être, à l'échelle astronomique, mais des plus notables
rature dépasse 50 °C. Moins de 200 mil qui nous laisse encore un bon moment de est le taux de gaz
carbonique dans
lions d'années plus tard, elle atteint vant nous, simples mortels. • l'atmosphère, dont
100 °C. Les océans s'évaporent, la Terre dépend la produc
est définitivement stérilisée. Puis la va (1) Une partiedu rayonnementsolaire reçu par laTer tion biologique,
re est réémis par le sol sous forme d'infrarouges. Mais autrement dit ia
peur d'eau est dissociée dans l'atmosphè
certains 932 de l'atmosphère {CO2, méthane, etc.) vie sur Terre.
re par l'effet du rayonnement, et l'hydro
piègent ce rayonnement Infrarouge et le renvoient à
gène s'évanouit dans l'espace. nouveau vers le sol, comme les parois d'une serre,
Dans 2,5 milliards d'années, il n'y a plus ce qui a pour effet de réchauffer l'atmosphère.

1.5>,

"fi

^ -H* 1014. MARS 2002

 Dans 8 milliards d'années
Comme tous les astres, le Soleil mourra
un jour. Et son agonie plongera le système
solaire dans un enfer de feu, engloutissant
une à une les planètes les plus proches
de lui. La Terre survivra-t-elle à la fin
cataclysmique de son étoile?
PAR VALERIE GREFFOZ
rojetons-nous dans un milliard
Il I d'années. Toute forme de vie a
.•r^^^1 vraisemblablement disparu de la
surface de la Terre (voir article
I précédent). Dans le ciel, la lumi-
I nosité du Soleil n'en finit pas
d'augmenter au fur et à mesure qu'il brûle
en son centre ses réserves d'hydrogène,
réchauffant toujours plus la surface de
notre planète. A tel point que les océans se
sont évaporés et que l'atmosphère elle-
même s'est dissipée dans l'espace. Désor
mais, notre planète n'est plus qu'une mas
se de roche stérile et nue.
Passe le temps. Au centre du Soleil, l'hy
drogène, ce précieux carburant qui lui a
permis de briller depuis sa naissance - il
y a 4,5 milliards d'années - se fait de plus
en plus rare. Pour compenser ce manque
de combustible, le cœur de l'astre se
contracte, provoquant, par réaction, le gon
flement des couches extérieures de l'étoi
le. Le Soleil grossit de plus en plus, ce qui
fait chuter sa t^pnpélB^re de surface, lui
donnant airiSÏdiTC^ffèts orangés^ puis -
francfierrent rougeoyants. Dans sept mil-
liâfds âdemi d'années,c'est un grandSo
leil rouge qui éclaire» ce qu'il restera de
i^l^notre planète. On astre deux fois plus
^ ^brillant que celuLqulpuMil connaissons
i^^'BujOBRMitn liifékTois plus large, puisque
son~rayon atteindra 7 millions de kilo-
«e N° 1014 MARS 2002
mètres. Il sera alors devenu ce que les as
tronomes appellent une géante rouge.
Cette fois, la vie du Soleil touche à sa
fin. Il ne lui reste plus que deux cents mil
lions d'années à vivre. Une broutille com
parée aux douze milliards d'années pen
dant lesquelles il a inondé de lumière
toutes ses planètes. Si aucune autre étoi
le de la galaxie n'est venue, entre-temps,
frôler le système solaire et perturber son
bel équilibre gravitationnel, toutes les
planètes doivent encore y être à leurs
places respectives, y compris la Terre.
D'après le physicien Fred Adams, qui a
étudié l'évolution du système solaire et
des objets astrophysiques à i'université
du Michigan (Etats-Unis), il n'y a pas plus
d'une chance sur 100000 pour qu'une
étoile se soit suffisamment rapprochée
du Soleil pour éjecter la Terre de son or
bite. Ce qui lui aurait évité le pire...
DE FEU
C^r tout s'accélére maintenant La mort
du Soleil est imminente. Elle va être cata
clysmique. L'hydrogène ne brûle plus que
dans une fine couche à la périphérie du
noyau de l'astre et, comme s'emballant
l'étoile se met à gonfler dans des propor
tions gigantesques, véritable baudruche
de feu qui va avaler tout ce qui se trouve
à sa portée. En une soixantaine de mil
lions d'années seulement le rayon du So
leil dépasse l'orbite de Mercure (58 mil
lions de kilomètres), et la petite planète
est engloutie par le monstre brûlant Puis
c'est au tour de Vénus (à 108 millions de
kilomètre du centre de l'étoile) de dispa-
raî^e dans les entrailles du Soleil. La Ter
re est la prochaine sur la liste.
A ce moment, à l'intérieur du Soleil, les
réserves d'hydrogène sont complètement
épuisées. Tout a été transformé en hélium.
L'étoile n'a désormais plus que ce carbu
rant à sa disposition qu'elle transforme
 I>lll I II II II II
i iii-i.il iivL.1.1
/ ^
n oiMiMCCC
u 1 il il ii.i *

Le Soleil est sur le point de

mourir. Il a tellement gonflé
qu'il est devenu cent fois plus
gros qu'aujourd'fiui. Vu de la
Terre, il occupe presque tout
le ciel. La surface de notre
planète, cfiauffée à plus de
1 000 °C, n'est plus qu'un
immense lac de lave.

N® 1014 • MARS 2002 -

Les
derniers
soubresauts
du Soleil + 7.60 MILLIARDS D'ANNEES Le Soleil
commence à manquer d'hydrogène :
+ 7,67 MILLIARDS D'ANNEES Le Solell,
devenu une géante rouge, engloutit
il se met alors à gonfler, menaçant Mercure et Venus. Mais il devrait épar
alors les planètes les plus proches gner la Terre (en bleu) et Mars, qui se
(Mercure, Venus, la Terre et Mars). sont éloignées pendant ce temps.

alors en carbone et en oxygène. Ce brutal traces de la vie qui l'a façonnée pendant
changement de régime la fait subitement plus de quatre milliards d'années ? Ou
se dégonfler. Le rayon du Soleil rétrécit bien réussira-t-eUe à se soustraire à la fin
jusqu'à ne plus mesurer qu'une petite di apocalyptique du Soleil, comme cette pla
zaine de millions de kilomètres. La Terre nète miraculée que des astronomes vien
est sortie d'affaire... du moins pour une nent de découvrir autour d'une géante
centaine de millions d'années. Car, au bout rouge (voir encadré)?
de ce court répit, la combustion s'emballe
de nouveau. L'astre se remet à enfler. Et PULVÉRISÉES PAR LE SOLEIL
encore plus cite que la première fois. Pour les astrophysiciens, la cause parais
C'est véritablement ici que se joue le des sait entendue depuis longtemps : la Terre
tin de notre planète. Certes, nous ne se finirait engloutie par son étoile. Sur le pa
rons plus là depuis très longtemps. Mais pier, leurs calculs ne lui laissaient aucime
peut-être nos lointains descendants chance : le Soleil, au maximum de son hy
contempleront-ils ce spectacle depuis une pertrophie, devait dépasser les 350 mil
autre planète sur laquelle ils auront réus lions de kilomètres de rayon, pulvérisant
si à migrer... Que verront-ils alors? La au passage l'orbite de la Terre, qui ne se
Terre disparaître et, avec elle, toutes les trouve qu'à 150 millions de kilomètres.
Même Mars (230 millions de kilomètres)
ne survivrait pas. Seules les planètes les
plus reculées du système, à commencer
par Jupiter (780 millions de kilomètres),
( n puis Saturne, Uranus, Neptune et Fluton,
\,u étaient assurées de s'en sortir indemnes.
Mais en 1993, trois astrophysiciens, Julia-
iMii I I ~ii ifii"*
na Sackmann, du Califomia Institute of
I iiNU.i
# ^ Technology, à Pasadena, Arnold Boo-
n oiviiMCCc throyd de l'université de Toronto, et Kath-
leen Kraemer, de l'université de Boston,
ont attiré l'attention de leurs confrères sur
un phénomène crucial, qui bouleversa ce
Si elle a résisté à la scénario ; la perte de masse du Soleil.
/nort flamboyante Pour comprendre, il faut savoir qu'en
du Soleil, la Terre
même temps que grossit le Soleil, il expul
n'est plus qu'un pauvre
astéroïde recouvert
se dans l'espace ses couches superficielles.
de lave durcie. Au loin, Et plus il gonfle, plus cette fuite de matiè-
brille la faible lueur , re s'accentue, car les couches externes res-
. ultraviolette du cadavre
d sentent d'autant moins l'attraction aravita-
de son etoile. devenue
une naine blanche.
+ 7,68 MiLLiARns li'aîvw: i-s Ayant
épuisé tout son hydrogène, le Soleil
commence à brûler son hélium. Ce
brutal changement de régime le fait
dégonfler subitement.
+ 7,79 MiLLiARD.s d'annffs C'est le
chant du cygne : de nouveau le Soleil
recommence à enfler, repoussant
une seconde fois les orbites de la
Terre et de Mars.
+ 7,80 Mil I lARos [VANNEE? Ayant
désormais épuisé tout son hélium,
l'astre s'effondre sur lui-même. Il
devient une naine blanche, qui va
faiblement briller, puis s'éteindre.

tionnelle du cœur de l'étoile. Si cette hé
morragie de gaz solaire est très importan
te, on peut en déduire que le Soleil ne gon
flera pas autant que prévu. Parallèlement,
la Terre, qui ressentira moins l'attraction
gravitationnelle de son étoile, pourrait
s'éloigner petit à petit, jusqu'à se retrouver
finalement hors de danger.
Seulement voilà : évaluer le débit de cette
fuite de matière solaire est loin d'être évi
dent. «La perte de masse est l'un des pro
blèmes qui irritent le plus les astrophysi-
ciens, car nous n'avons pas encore de
bonne théorie pour l'expliquer, confirme
Jean-Paul Zahn, spécialiste du Soleil à l'ob
servatoire de Paris-Meudon. Malgré ce que
l'on pomrait croire, le fonctiormement du
Soleil est encore assez mal compris. »
À17 MILLIONS DE KILOMÈTRES PRÈS
Ces difficultés n'ont pas empêché trois
astronomes britanniques de l'université du
Sussex, à Brighton, de s'atteler à la tâche.
Et, en décembre dernier. Peter Schrôder,
Robert Smith et Kevin Apps ont finalement
annoncé la bonne nouvelle : la Terre devrait
réchapper de justesse aux derniers soubre
sauts du Soleil. Si leurs calculs sont justes,
le Soleil devrait perdre environ 20 % de sa
masse durant son premier gonflement; son
rayon atteindra alors 168 millions de kilo
mètres, tandis que, dans le même temps,
l'orbite de notre planète reculera de 150 à
185 milhons de kilomètres. Dix-sept petits
millions de kilomètres devraient donc sépa
rer, in extremis, la surface du Soleil de la
Terre. Suffisant? Car il fera bougrement
chaud sur notre planète. «Probablement
autour de 1800 °C», indique Peter Schrô
der. Mais la Terre devrait y résister. Sa sur
face, en grande partie fondue, ressemblera
alors probablement à de la lave solidifiée.
Il n'empêche ! Même mal en point, notre
planète sera toujours là. Et elle devrait s'en
sortir encore mieux lors du second gonfle
ment du Soleil, quand son rayon atteindra
cette fois 172 millions de kilomètres. En
effet, l'étoile devrait avoir perdu le tiers de
sa masse et, du coup, l'orbite de la Terre
avoir reculé à 220 millions de kilomètres.
Comment les scientifiques britanniques
ont-ils réussi à obtenir des chiffres aussi
précis sur le comportement futur de notre
étoile? «Nous nous sommes basés sur l'ob
servation d'étoiles situées au sein de vieux
amas globulaires, ainsi que sur l'étude de
géantes rouges plus proches de nous, et
mieux connues», révèle Peter Schrôder. En
modéhsant sur ordinateur la perte de masse
Autour df géante rouge
La planète miraculée
• La nouvelle a fait grand bruit au congrès de la Société
astronomique américaine, qui s'est déroulé en janvier dernier
à Washington : des astronomes ont réussi à identifier la pré
sence d'une planète autour de la géante rouge Iota Draconis,
à 1 million de milliards de kilomètres de nous. C'est la
première fois qu'une planète est découverte aux alentours
d'une étoile qui a atteint la fin de sa vie. La preuve est
maintenant faite que des planètes peuvent survivre aux
transformations de leur astre mourant. On peut rêver que
la Terre y parvienne aussi...

N° 1014. MARS 2002 ' SnsKSâli? 59

 des étoiles, il a suffi ensuite
d appliquer cette modélisation
au cas du Soleil. Simple. Trop?
Les travaux de Peter Schrôder et de
ses collègues, pourtant très rigoureux, n'ont
en effet pas convaincu Lee Anne Willson,
une astrophysicienne de l'université de
ITowa, aux Etats-Unis, qui étudie la ques
tion de la perte de masse du Soleil depuis
une trentaine d'années : « Les conclusions
de Peter Schrôder reposent sur des observa
tions d'étoiles, et non pas sur la compré
hension du phénomène de perte de masse,
ce qui est, à mon avis, une erreur. Les ob-
senations permettent de savoir quelles sont
les étoiles qui perdent de la masse, mais pas
comment elles la perdent. »

UNE DERNIÈRE LUEUR

ULTRAVIOLETTE DANS LA NUIT

D'après les analyses de l'astrophysicien-

ne, il semblerait que la Terre finisse en
réalité par tomber en spirale dans le Soleil,
freinée par ses gaz incandescents avant
que celui-ci n'ait eu le temps de perdre suf
fisamment de masse. «Il reste cependant
une étape que nous n'arrivons pas à mo-
déliser correctement ni à observer : c'est
le moment où l'hélium se met subitement
à se transformer en carbone et en oxygène,
engendrant la brutale contraction du So
leil. Nous ne pouvons tirer aucune conclu
sion définitive avant d'avoir bien compris
ce phénomène. » Une dernière chance
pour la Terre, dont la pérennité reste donc
encore incertaine.
L'avenir du Soleil, quant à lui, est tout tra
cé : juste après avoir atteint sa taiUe maxi
male et épuisé tout son hélium, il va s'ef
fondrer subitement. Il ne restera plus qu'un
minuscule noyau très lourd, cent fois plus
petit que le Soleil que nous connaissons,
dont chaque centimètre cube pèsera 1 ton
ne! Pendant encore 100000 ans, il brûlera
ses noyaux de carbone et d'oxygène. Sa
faible lueur ultraviolette éclairera le gaz
qu'il aura perdu, formant une majestueuse
nébuleuse planétaire. Puis la nuit s'étendra
tout autour. Devenu ce que les astronomes
appellent une naine blanche, il agonisera
doucement dans la quasi-obscurité pen
dant des milliards d'années. Avant de
s'éteindre tout à fait. •

60 SdueesKe n' 1014 • MARS 2002

 Et après...
L'Univers
sans fin
Dans cent mille milliards
d'années, ce sera l'extinction
des galaxies. Plongé dans
une obscurité totale, l'Univers
connaîtra alors une très lente
agonie. Elle n'aura pas de fin.
PAR VALÉRIE GREFFOZ
Unjour, toute formede vie dispa
raîtra de la Terre. Un jour plus
lointain encore, le Soleil s'arrête
ra de briller, ainsi que toutes les
autres étoiles. Mais ITJnivers, lui,
n'aura pas de fin! Du moins pas
une fin apocalyptique telle que les scienti
fiques l'envisageaient encore il y a quelques
années. Le "big crunch", ce scénario inver
se du big bang, selon lequel tout l'espace
pourrait un jour se recroqueviller sous le
poids de la matière qu'il renferme, n'aura
probablement jamais lieu. Depuis quatre
ans, les satellites et les ballons stratosphé-
riques envoyés pour scruter le ciel aboutis
sent en effet tous à la même conclusion :
l'expansion de l'espace-temps, qui a com
mencé lors du big bang, voici 15 milliards
d'années environ, est en train de s'accélérer.
Autrement dit, les galaxies vont s'éloigner
toujours plus vite les unes des autres, la
température moyenne va continuer à bais
ser, tandis que l'énergie et la matière vont
se diluer dans tm espace toujours plus vas
te. L'Univers, loin de finir dans un grand
"bang" comme il est né, va donc plutôt
s'éteindre en un très long soupir.
62 Uau§JlK n" 1014 • MARS 2002
A quoi ressemblera ce long soupir? Diffi
cile de le dire. Au contraire de la mort du
Soleil, qui est un événement assez prévi
sible puisque les astronomes ont déjà ob
servé des miUiers étoiles en train de mourir,
prévoir l'avenir de l'Univers se heurte à l'im
possibilité de vérifier e.xpérimentalement
les hypothèses que l'on avance. A la fin des
années 70, le physicien américain Freeman
Dyson s'essaya pourtant à l'exercice. Au
jourd'hui, ils sont quelques scientifiques de
par le monde à relever le défi. Et, parmi
eux, l'Américain Fred Adams, cosmologis-
te de l'université du Michigan, et le Fran
çais Nicolas Prantzos, de l'Institut d'astro
physique de Paris. En utilisant toutes les
connaissances actuelles de la physique, ils
se sont appliqués à lister et à dater approxi
mativement les grandes étapes de ITiistoire
à venir de l'Univers. Un voyage vertigineux,
où l'on perd vite toute notion du temps.
UNE ÀUNE, LES ÉTOILES S'ÉTEIGNENT
L'Univers «est encore dans son adoles
cence », commente Fred Adams. On y voit
aujourd'hui briller des milliards d'étoiles.
Et, à travers un puissant télescope, des
mvTiades de galaxies se découvTent. Mais
si divers et fertile qu'il nous apparaisse,
cet Univers n'aura qu'un temps. «A mesu
re que l'expansion va s'accélérer, les ga
laxies vont s'écarter de plus en plus vite,
jusqu'à finir par disparaître de notre vne,
décrit Fred Adams. Lorsque l'âge de l'Uni
vers aura doublé, les futurs astronomes de
la Voie lactée ne verront plus que les ga-
la.xies qui font partie de notre voisinage
et qui sont liées gravitationnellement à la
nôtre. » Si tant est qu'il existe encore un
astronome dans 30 milliards d'années.
 , ( I 111 Ml II I
•r I U U U U U
§ ^
i~iM I inFifii" Fi FiIMIMFFF
I ML.I.II llNU.i U I II II P-i I

Toutes les galaxies se sont éteintes.

Au loin, quelques cadavres d étoiles
émettent encore une lueur à peine
visible, La Terre, si elle existe encore,
ressemblera alors certainement à ce
vieil astéroïde nu et stérile...
0)
M Les galaxies
talement noir. Au-delà de cette limite, il y a
très peu de chance jxDur qu'une forme quel
conque de vie continue d'exister, sans cette
source d'énergie essentielle et facilement
s'évaporent accessible qu'est la lumière des étoiles.
Bien après que les A ce stade crépusculaire de l'évolution de
étoiles aient cessé
l'Univers, les galaxies se composeront d'un
de briller, les gala
xies vont peu à peu bestiaire macabre. Il y aura d'abord des ca
"s'évaporer", c'est-à- davres steUaires : des naines noires (rési
dire que les corps dus d'étoiles semblables au Soleil, après
froids (cadavres
d'étoiles, planètes)
avoir été des naines blanches), des étoiles à
qui les constituent neutrons (débris d'étoiles massives) et des
vont se dissoudre trous noirs (restes d'étoiles très massives).
dans l'espace. En Mais aussi des astres ratés : les naines
effet, à force de se
frôler, ces corps brunes (étoiles qui n'étaient pas assez mas
froids voient leur sives pour se mettre à briller). Et de la ma
équilibre gravitation tière froide, c'est-à-dire des planètes, des co
nel modifié. Quel
mètes, des astéroïdes et de la poussière
ques-uns (10 %)
perdent de l'énergie interstellaire. Réduite à l'état de caillou sté
et tombent dans un rile, la Terre fera peut-être partie de ce tris
trou noir géant (au te cortège... Enfin, n'oublions pas la "ma
centre) ; la plupart
(90 %) en gagnent, tière sombre", cette matière invisible qui
et s'éloignent dans constitue 90 % de la masse de l'Univers et
l'espace (en bas). dont la nature exacte (particules exotiques
Cela prendra cent
ou étoiles ratées) reste un mystère. Ici, la
milliards de milliards
d'années... seule certitude des scientifiques est qu'elle
devrait rester au voisinage de la matière vi
sible et suivre les mêmes évolutions.
Puis les étoiles vont s'éteindre. Petit à pe
tit. Les physiciens en sont à peu près sûrs : UN TROU NOIR D'UN MILLIARD
en tenant compte de la quantité de gaz (la DE FOIS LA MASSE DU SOLEIL

matière première des étoiles) contenue au Lentement, quelques-uns de ces corps

jourd'hui dans notre galaxie, et de l'espé
rance de vie des astres (miUe milliards d'an
nées au plus), toutes les étoiles de la Voie
lactée, ainsi que celles des autres galaxies,
auront cessé de briller d'ici cent mille mil-
hards d'années (10 ' ans). Autrement dit, il
faudra un temps dix mille fois plus long
que celui qui s'est écoulé depuis la naissan
ce de l'Univers pour que le ciel devienne to
froids vont tomber au centre de leur galaxie
pour, finalement, venir nourrir tm énorme
trou noir central, extrêmement massif : en
viron un miUiard de fois la masse du Soleil.
Mais la majorité d'entre eux réussiront à
échapper à cette attraction fatale. Emmenés
par l'expansion, ils s'éloigneront alors les
ims des autres, plongeant dans l'obscurité.
Dans cent milliards de milliards d'années

H f"l
i l I ' «C • inonc
r I !««•_ I ||\u_« U»- I HI.I.II ll\L

PiC ' iODî~iC • «C I iOO'~'C '"'C • 'OOr''C f

«.II. I UI. I III.L.II II\U_I l-X. I III.I.II JIM.I.I l

Les derniers trous noirs finissent

de s'évaporer, éclairant le ciel d'un
ultime flasti intense de lumière.
 (10"° ans), toutes les galaxies se seront ainsi
"évaporées", selon le terme employé par les
chercheurs. ICf ans? Pour se faire une idée
de cette durée, on peut imaginer que les
15 milliards d'aimées qui se sont écoulées
entre le big hang et aujourd'hui représen
tent 1 millimètre sur l'axe du temps; alors
10" ans, soit la fin de l'évaporation des ga
laxies, se situent à 10000 kilomètres...
TOUT DÉPEND D'UNE PARTICULE
Les trous noirs eux-mêmes deiTaient en
suite s'évaporer. Selon une théorie dévelop
pée par Stephen Hawking en 1974, les trous
noirs ne sont pas des gouffres sans retour :
ils peuvent émettre une radiation, compo
sée de toutes sortes de particules élémen
taires (électrons, positrons, neutrinos ou
photons). «C'est un phénomène quantique,
précise Nicolas Prantzos. Il est extrême
ment lent, mais si l'on attend suffisamment
de temps, il finit par se produire. Ainsi, les
trous noirs se videront progressivement de
leur énergie.» "Suffisamment de temps" est
un euphémisme : il faudra 10" ans pour que
les petits trous noirs (les cadavres d'étoiles)
s'évaporent tous; et 10"" ans (soit im nombre
d'armées coirespondant à 1 suivi de 100 zé
ros) pour que ce soit le cas des trous noirs
galactiques ! Une échelle de temps qui n'est
même plus représentable. Juste avant l'éva
poration totale des trous noirs, leur rayon
nement s'emballera : ils émettront un flash
très violent, qui sera la dernière lumière vi
sible dans l'Univers.
Fin de l'histoire? Pas stîr. Car tout dépend
d'une particule : le proton, l'un des consti
tuants essentiels de la matière, dont les
êtres humains comme les planètes sont
faits. Selon certaines théories physiques,
dites "de grande unification", qui n'ont pas
iC '"'C • 'OOS^'C s~'C
>.• I ui- I
iC nii I iQOnc n e mi >^ic«unc
». I illL.1.11 IIM.i.i p.». I lll^P.n
encore été démontrées, le proton serait une
particule instable, c'est-à-dire qu'O finirait
par se désintégrer en particules plus petites A lire..
que lui. Au bout de combien de temps? Les • Voyages
physiciens l'ignorent. Ce qui n'empêche pas dans le futur,
les hypothèses. Ainsi, si les protons vivent L'aventure
moins longtemps que les trous noirs, à la fin cosmique de
de la période d'évaporation, l'Univers ne de l'humanité,
vrait plus comporter qu'une hottUlie de par Nicolas
ticules élémentaires et de rayoïmements à Prantzos,
très basse longueur d'onde. Mais s'ils leur Seuil/Science
survivent, des objets solides, comme des ouverte, 1998.
planètes et des astéroïdes, pourraient enco
Nicolas Prantzos
re exister après l'évaporation des trous
noirs. Détail : à cause de l'expansion, la dis
tance moyenne entre ces corps serait des
milliards de mOliards de fois plus grande
que la taille de l'Univers visible actuel.
Dans cet univers dont la température (et
donc l'énergie) continuera à baisser inexo
rablement, les atomes de ces petits corps
froids évolueront vers des états toujours
plus stables (dont l'énergie est toujours • The five âges
plus faible). Au bout de 10"" ans, ils de of the Universe,
vraient tous s'être transformés en atomes inside the
de fer, selon des mécanismes quantiques. physics of
Ils se recombineront ensuite en des réseaux eternity (en
cristallins de neutrons, l'état le plus stable anglais), Fred
d'entre tous. D'après les calculs de Freeman Adams & Greg
Dyson, cela devrait se produire au bout de Laughiin, The
(10'°)" ans : probablement le plus grand Free Press,
nombre jamais évoqué en physique ! Alors, 1999.
ils se transformeront en infimes trous noirs,
qui, à leur tour, s'évaporeront.
Telle serait donc l'histoire de l'Univers.
Une histoire sans fin. «Selon toute évidence,
raconte en effet Nicolas Prantzos, l'éternité
appartiendra aux électrons, positrons, neu
trinos et photons, seules entités capables
d'exister dans la nuit sans fin de l'Univers
en expansion. » Une nuit sans étoile. •
• iQor'iC n e fîïii I iOU> 'C
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66 5taitMrslfe.N°ioi4.
 Apocalypse
Histoire d'un
mythe
Lethèmede la fin du monde est si
profondément ancré dans notre
imaginaire que nous le croyons vo
lontiers universel... Or, il n'en est
tien. La fin du monde a une histoi
re, et une géographie. Elle est inti
mement liée aux religions monothéistes
- judaïsme, islam, christianisme.
Les mythes de fin du monde, les "escha
tologies" (du grec eskhaton : sciences des
choses ultimes, des fins dernières de l'hom
me) présupposent certaines conceptions du
temps, de la divinité, de l'homme. L'escha
tologie mêle indissolublement les destins
des individus après leur mort et les événe
ments liés à la fin de l'Univers. Ce qui im
plique, explique Michel Hulin, professeur
de philosophie à Paris IV (1), que les indi
vidus aient une existence et une conscien
ce propres hors du groupe social auquel ils
appartiennent. Ainsi, les cultures orales
d'Afrique noire ou d'Océanie n'admettent
pas de mvthe de fin du monde, parce que
le destin d'un individu ne se distingue pas
assez de celui de son groupe. Les ancêtres
accueillent les morts dans l'au-delà, et des
cycles de réincarnations assurent un renou
vellement et une continuité de la vie.
Le mythe de la fin du monde implique
aussi une conception linéaire, et non plus
cyclique, du temps. Dans les civilisations
les plus anciennes, «les "âmes" - ou les
doubles - circulaient pour ainsi dire libre
ment entre un "ici-bas" et un "là-bas" »,
écrit Michel Hulin. Mais les civilisations du
Proche-Orient ancien ont placé une bar
rière entre ces deux mondes, interdisant le
Le triomphe de la mort, de Pieter
Bruegel l'Ancien (vers 1560).
Bien avant d'intéresser les
sciences, la fin du monde
a hanté les esprits. Histo
riquement repérable, ce
thème, loin d'être univer
sel, est indissociable des
religions du Livre.
PAR HELENE GUILLEMOT
retour des morts. Comment surmonter cet
te séparation définitive? En imaginant «un
grand retour collectif des morts, rendu
possible par im bouleversement radical de
l'ordonnance présente du cosmos». Ainsi
naît l'idée d'une résurrection générale suc
cédant aux cataclysmes de la fin du mon
de. Au temps cyclique, on substitue un
temps orienté, avec un début et une fin. Le
destin de l'humanité est modelé sur celui
de chaque homme, et ces destins se rejoi
gnent à la fin des temps.
FABRIQUER UN SENS ÀL'HISTOIRE
Les récits de fléaux et cataclysmes abon
dent dans toutes les civilisations. Mais il
faut distinguer les fléaux provisoires, qui
s'inscrivent dans une conception cyclique
du temps, et la fin de l'Univers, qui suppo
se un déroulement du temps linéaire. On
trouve des déluges et des feux purificateurs
dans l'Ancien Testament comme chez Pla
ton ou dans la cosmologie iranienne. Ces
fléaux, qui ponctuent une échelle tempo
relle infinie, racontent les bouleversements
du cosmos et de l'humanité. Mais Us épar
gnent ce qui permettra une nouvelle créa
tion, semblable à la précédente.
L'idée de fin du monde radicale et défi
nitive, au contraire, présuppose un dieu
transcendant, créateur de ce monde. C'est
N° 1014• MARS 2002• Sdaa^ 67
 pourquoi les anciens grecs
ont longtemps ignoré la fin du vBi TLeeesqceMceveâïLn
monde, « inconcevable dans un
eftT5juia)He»LATJ0Aa.ïifE
univers peuplé de dieux qui en sont
partie intégrante», analyse Christine Du-
mas-Reungoat, spécialiste de littérature
grecque à l'université de Caen (2). Seul un
dieu tout puissant peut en commander la
fin absolue. L'histoire a désormais rm sens.
La fin du monde et le jugement dernier en
sont l'avenir et le couroimement.
Le thème de la fin du monde est peut-être
apparu avec le zoroastrisme. Dans cette re
ligion de l'Iran ancien (qui subsiste encore,
notamment en Inde du Nord), les âmes sont
rétribuées selon leur vie passée, tandis que
se déroule une lutte cosmique entre les prin
cipes du Bien et du Mal. Cette lutte s'achè
ve par la victoire du Bien, la résurrection
des morts et leur récompense finale, la fin
des temps et la purification de l'Univers.
Les Hébreux pourraient ainsi avoir em
prunté à l'Iran ancien l'idée de fin du mon
de. C'est dans le Livre de Daniel qu'apparaît -i:. ,%."•»

le thème de l'apocalypse. Les prophètes de

l'Ancien Testament annoncent la venue du
Messie, qui annoncera la fin du monde,
avec ses cataclysmes et son jugement der
nier, promesse de bonheur pour les justes.

LES SCIENCES ONT PRIS EN CHARGE

L'IMAGINAIRE RELIGIEUX

Le christianisme primitif, écrasé sous le

joug romain, vit dans l'espérance du Royau
me promis par les Evangiles et dans l'atten
te du jugement dernier. Les Apocalypses
frappent les esprits, en particulier celle de
saint Jean : elle annonce une seconde ré
surrection du Christ qui reviendra sur Ter
re fonder un Royaume de miUe ans avec les
martyrs et les Justes (c'est le miUénarisme),
avant la résurrection générale et le juge
ment dernier. A partir du V-" siècle, l'Eglise
terrestre devient puissante, le jugement der
nier s'éloigne, supplanté par une eschatolo
gie individuelle - même si l'aspiration miOé-
nariste se réveille périodiquement
C'est peut-être dans l'islam que l'eschato
logie joue le plus grand rôle. Issues du fond
commun monothéiste, la foi en l'au-delà,
la rencontre avec la Vérité, la préparation
au Jour de la résurrection et les promesses
de châtiment et de bonheur y tiennent une

68 SâmilMS n' 1014 ' MARS 2002

%

rOSJECTVRE SELf.SITE
«r./« l<ux allamit f>ar In h-rrinn ponr rdarJir U n/raidiutmenl it Uur plani

A la fin de la guerre place centrale. De nombreuses tombes por

14-18, sorte d'apo tent cette inscription : «Tout ce qui se trou
calypse sur Terre,
ce dessin. Intitulé
ve sur Terre périra mais la face de ton Sei
"Conjecture sélé- gneur demeurera, majestueuse et noble. »
nite", parut dans le Les sciences et les techniques ont pris en
journal satirique la
charge l'imaginaire eschatologique - qu'il
Baïonnette. Le per
sonnage de droite s'agisse des menaces qu'elles font surgir
affirme : "C'est, pour (l'apocalypse nucléaire) ou des récits cos
moi, de grands feux mologiques. Cette évolution est assez ré
allumés par les Ter
cente ; la science a d'abord imaginé un uni
riens pour retarder
le refroidissement vers statique, avec des lois de la nature
de leur planète." immuables et une dynamique réversible.
Ce n'est qu'au xix' siècle, avec le concept
d'entropie, et avec la théorie de l'évolution
de Darwin, que l'irréversibihté du temps a
fait son entrée dans les sciences. Au
Les bêtes à sept
têtes : miniature xx' siècle, peu de disciplines échappent à
d'art wisigoth cette historicité - on pense à la cosmologie,
illustrant un
mais aussi à la dérive des continents ou à
manuscrit daté
de 975, du la théorie du chaos. Nous n'en avons pas
Commentaire fini avec la fin du monde. •
de l'Apocalypse
écrit par l'abbé (1) Article "Eschatologie" de YEncychpaedia
espagnol Beatus Universalis.
de Liebana (2) La fin du monde, Enquête sur l'origine d'un
au VIII' siècle. mythe, Les Belles Lettres.

N° 1014. MARS 2002 ftniaeeâlfe 69

0)
c
C'est un formidable
u
0)
•a
.Q)
espoir pour des centai
nes de milliers de dia
bétiques : une molécule
Une éponge
isolée dans une éponge
du Pacifique a permis
d'enrayer l'évolution du
diabète chez la souris.
Des essais sur l'homme
sont programmés...

La molécule de demain
contre la forme la plus gra
ve de diabète pourrait pro
venir d'une éponge pêchée
au large du Japon. Actuel
lement testée avec succès
chez la souris, elle devrait faire pro
chainement l'objet d'essais cli
niques chez l'homme. Avec, esti
ment déjà les chercheurs, de réelles
chances de réussite. Ce serait alors
la vie des diabétiques soignés aux
premiers stades des symptômes qui
s'en trouverait totalement transfor
mée, soit, rien qu'en France, entre
10 000 et 20 000 personnes.

200000 MALADES CONCERNÉS

Par la suite, à condition de pra
tiquer un dépistage précoce, tous
les diabétiques potentiels, soit
quelque 200 000 chez nous, pour
raient en bénéficier. Telle est la
réjouissante découverte que vien
nent d'annoncer conjointement
l'équipe canadienne du Dr Terry
Delovitch, du John P. Robarts Re-
De cette éponge, Agelas mauritianus, ramassée sur l'île de Kume-jima,
search Institute, et, à l'Inserm au large d'OkInawa (Japon) a été extraite la molécule anti-diabète.
Unité 25 de l'hôpital Necker, de
Paris, le Dr André Herbelin et le reux, régime équilibré. Elle porte plusieurs gènes, mais aussi des fac-
Pr Jean-François Bach. sur la forme la plus redoutable du teirrs environnementaux, en parti
Attention : cette découverte ne diabète (type 1), celle qui suspend culier l'excès d'hygiène ou un virus
concerne pas la forme dite de type 2 la vie des malades à des injections d'une origine encore indéterminée.
de la maladie qui, résultant d'un ex quotidiennes d'insuline (voir enca Conjuguées, ces deux causes abou
cès pondéral, se soigne essentielle dré). A l'origine de ce diabète de tissent à la destruction de certaines
ment par un simple, quoique rigou- type 1, on trouve des anomalies de cellules du pancréas, notamment

70 Seme^ •H' 1014•MARS 2002


contre le diabète
Une maladie à deux visages
• Le diabète de type 1 est
une maladie auto-immune qui
se traduit par la destruction
des îlots de Langerhans du
pancréas, et donc par un
défaut de sécrétion d'insuline.
La maladie, qui se manifeste
entre l'adolescence et la
trentaine, se soigne par des
injections quotidiennes
d'insuline. Elle concerne
200 000 personnes en France.
les cellules bêta des îlots de Lange
rhans, sécrétrices d'insuline, qui se
voient attaquées par celles du sys
tème immunitaire. Il s'agit donc
d'une maladie auto-immune. De là
les obligatoires injections d'insuli
ne : elles ont pour but de rempla
cer cette hormone que les îlots de
Langerhans ne peuvent plus pro
duire. Grâce à cet apport, le taux
de sucre sanguin se trouve mainte
nu à un niveau normal - soit 1,20
gramme par litre de sang. En re
vanche, en l'absence d'insuline, la
glycémie augmente inéluctable
ment, conduisant à un coma, à
brève échéance.
LE COUP DE POUCE DU HASARD
Comme les greffes d'îlots de Lan
gerhans et les appareils automati
sés délhTant de l'insuline en conti
nu sont encore loin d'être au
point, les chercheurs n'ont jamais
cessé d'explorer d'autres voies.
Mais il fallait aussi un petit coup
de pouce du hasard. Il y a une
trentaine d'années, en recherchant
dans divers animaux et végétaux
marins du Pacifique des molécules
susceptibles d'avoir une activité
antitumorale, des chercheurs ja-
• Le diabète de type 2 touche
1,8 million de Français et appa
raît vers 40 ans. Il est dû à un
bouleversement des habitudes
alimentaires (passage d'une
nourriture traditionnelle et variée
à une autre riche en sucres et
en graisses). Il se soigne par
un régime approprié et par des
médicaments hypoglycémiants.
Et, dans les cas les plus graves,
par des injections d'insuline.
ponais isolèrent une curieuse mo
lécule sécrétée par une éponge.
Répertoriée dans les flores ma
rines sous le nom d'Agelas mauri-
tianus, cette éponge fut trouvée sur
le littoral de Kume-jima, une petite
île située au large d'Okinawa.
« Malgré son nom, je ne suis pas
sûr qu'elle soit originaire de Mau
ritanie et qu'on la trouve ailleurs
qu'au large du Japon», précise
toutefois le Pr Takashi Mise, atta
ché à la division pharmaceutique
de la firme japonaise Kirin.
Actuellement commercialisée,
sous forme synthétique, par la fir
me Kirin, cette précieuse molécule,
baptisée alpha-GalCer (pour alpha-
galactosyicéramide), est tm glycoli-
pide, soit un sucre associé à un
corps gras. Or, cette substance se
révéla particulièrement effica
ce, chez la souris comme chez
l'homme, pour traiter les mé
tastases de tumeurs primi
tives du foie et celles de ^
mélanomes. Comme le dé-
montrèrent des équipes
japonaises (1), la mo-
lécule aidait le sys- —
tème immunitaire
à se défendre con
PAR PIERRE ROSSION
tre les métastases. Les chercheurs
français et canadiens ont alors eu
l'idée d'étudier son éventuelle ac
tion sur le diabète de type 1. C'est
sur une lignée particulière de sou
ris, appelée NOD (pour Non Obese
Diabetic), qu'eurent lieu les essais.
Il s'agit de souris naturellement
diabétiques, apparues au Japon
dans un élevage de laboratoire, à
la suite d'une mutation accidentel
le. Ces souris furent ensuite croi
sées entre elles, afin d'obtenir une
lignée stable. A partir de l'âge de
15 semaines, ces rongeurs, déve
loppent un diabète insulino-dé-
pendant qui constitue un excellent
modèle pour étudier le diabète de
type 1 chez l'homme. Si les cher
cheurs espéraient des résultats, ils
furent comblés : traitées à l'alpa-
GalCer, les souris sortirent du test
bormement protégées du diabète !
Et pas de n'importe quelle maniè
re : la molécule remettait ni plus
ni moins le système immunitaire
dans le droit chemin, arrêtant la
destruction des îlots de Lange
rhans. Autrement dit, elle agissait
directement à la source du mal.
On comprend aujourd'hui pour
quoi. En 1996, André Herbelin et
Jean Marc Gombert, deux autres
chercheurs de l'Unité 25, ont
Molécule miracle
A la fois sucre et corps
gras, l'alpha-GalCer,
maintenant produite
synthétiquement
l par les
Japonais,
s'était d'abord
montrée active
contre ie cancer.
N° 1014 • MARS 2002 . jlfllBBICSSlS? 71
 0)
c
obsen'é chez des souris NOD un
• Mi
déficit, autant numérique que
u fonctionnel, d'un type particulier
Q) de cellules du système immunitai
re : les cellules NKT (Natural Killer
"O
T cells, ou lymphocytes T naturel
lement tueurs). Un phénomène qui
s'observe également chez l'homme,
ainsi que l'établit en 1998 le Dr Mi-
chael Wilson (2). Pour le démon
trer, ce chercheur américain étu
dia de vrais jumeaux, l'un étant
diabétique insulino-dépendant et
l'autre parfaitement sain.
U GUERRE DES CELLULES
Surprise : le taux de cellules NKT
était plus faible chez celui qui dé
veloppait la maladie. A ce jour, on
ignore toujours quand ce déficit
survient. Est-ce à la naissance, ou
lors de l'apparition du diabète? En
revanche, on sait que les cellules
NKT ont une ontogenèse tardive,
c'est-à-dire qu'elles se forment
bien après la naissance...
Pour comprendre, il faut avoir
en tête que les cellules NKT sont
au cœur du système immunitaire,
leur rôle étant de coordonner les
différentes "troupes" de celui-ci en
vue d'éliminer tout agent patho-
72 SHMteslfe N°ioi4 • MARS 2002
Parer au déficit d'insuiina
Pancréas....
Ilot de Langerhans ...
Chez tout sujet,
non prédisposé génétiquement
à développer un diabète de type 1, les îlots
de Langerhans du pancréas sont protégés des agressifs lymphocytes T
autoréactifs par un double cordon sanitaire : un rempart de cellules NKT ;
une substance neutralisante, l'IL-4.
gène opportun. Ce sont également
elles qui, chez les sujets sains, em
pêchent le diabète de se manifes
ter. En effet, les NKT forment un
cordon sanitaire autour du pan
créas, empêchant ainsi une caté
gorie de lymphocytes T, dits au
toréactifs, de se ruer sur les îlots
de Langerhans pour les détruire.
A la différence des cellules NKT,
ces lymphocytes T autoréactifs
sont en effet de redoutables fan
tassins, attaquant au corps à
corps les îlots de Langerhans et
les détruisant à l'aide du poison
qu'ils leur injectent. Et cela sans
jamais se tromper : armés d'un
système de guidage qui leur per
met de reconnaître spécifique
ment les îlots, ils ne ratent jamais
leur cible. Leur secret? Un récep
teur incrusté dans leur membra
ne externe qui se lie, telle une clé
dans une serrure, avec des pro
téines particulières présentes sur
les îlots, et sur eux seuls.
Que se passe-t-îl chez les diabé
tiques ? Comme on l'a dît, les cel
lules NKT ont un effectif réduit et
Cellule bêta d'un îlot de
Langerhans du pancréas avec
son stock d'Insuline (petites
boules rouges), nécessaire au
maintien de la glycémie sanguine.
Lymphocyte T
ellule NKT
i..lL-4
elles se trouvent donc rapidement
submergées par les lymphocytes
T autoréactifs qui, dès lors, ont le
champ libre pour s'attaquer aux
îlots de Langerhans. En outre, ces
cellules NKT présentent un déficit
fonctionnel, à savoir qu'elles pro
duisent moins d'interleukine -4
(IL-4), une substance agissant
comme une hormone et dont le
rôle est de neutraliser les lympho
cytes T autoréactifs. Comme l'IL-T
est faiblement sécrétée, le diabète
s'en trouve ipso facto aggravé.
L'ACTION DE L'ALPHA-GALCER
Pour les chercheurs, toute la
question est de parvenir à enrayer
la destruction des îlots. C'est là
qu'intervient la précieuse molécule
extraite de l'éponge du Pacifique.
En l'injectant dans des souris
NOD, les chercheurs ont constaté
que celles-ci se trouvaient proté
gées contre le diabète. Pourquoi ?
Parce que l'alpha-GalCer a la pro
priété de se fixer spécifiquement
sur un récepteur des cellules NKT
et de stimuler ainsi la production
d'IL-4. «Notre groupe a démontré
que ce glycolipide empêche le dé
veloppement du diabète chez les
souris jeunes dont les îlots sont
déjà abîmés », précise André Her-
Chez un sujet prédisposé au diabète, en revanche, les
cellules NKT sont déficitaires et sécrètent moins d'IL-4. Les
lymphocytes T autoréactifs pénètrent à travers le cordon
sanitaire et s'attaquent aux îlots de Langerhans. A un stade
précoce, l'insuline est produite en quantité suffisante.

En l'absence de traitement, la destruction des îlots

de Langerhans se poursuit inéluctablement, jusqu'à
tarir complètement la source d'insuline. Pour survivre,
le patient doit se faire des injections quotidiennes
de la précieuse hormone.

belin, chercheur dans l'équipe de 4

Jean-François Bach. En clair, grâ
ce à cette molécule, les cellules
NKT sont amenées à travailler
plus, compensant ainsi leur effectif
réduit (voir infographie).
BIENTÔT UN MÉDICAMENT
Ce n'est pas tout : le traitement
par l'alpha-GalCer prolonge aussi
la survie des îlots transplantés chez
des souris NOD ayant déjà un dia
bète avancé. En injectant aux sou
ris une autre interleukine, l'IL-?,
on observe en effet une synergie
d'action avec le glycolipide. De là
à penser que l'IL-? sensibiliserait
les cellules NKT à l'action de l'al-
pha-GalCer... Mais le plus intéres
sant reste à venir : le diabète de
l'homme présentant les mêmes ca-
Efficace sur le diabète de la souris
comme sur celui de l'homme?
L'alpha-
GalCer,
injectée
au patient,
a pour
propriété
de se fixer
sur la
membrane
des cellules
NKT et de
stimuler la production d'IL-4.
Les lymphocytes T autoréactifs sont
neutralisés, les îlots sauvegardés et
l'insuline produite normalement.
GalCer est dénuée de toxicité sé de insulo-dépendant : il permettra
rieuse chez l'homme, ainsi que l'ont seulement que la maladie ne s'ag
montré les essais contre le cancer, grave pas, ce qui est déjà énorme.
des effets secondaires ne sont pas à Et oblige, d'ores et déjà, à mettre
craindre. Mais attention, ce médi au point un test de diagnostic le
cament n'aura d'effet que s'il est plus précoce possible du diabète,
pris à temps, car il ne reconstitue test auquel travaillent aujourd'hui
activement les chercheurs. En pa
rallèle, les premiers essais sur
l'homme devraient être bientôt
programmés. De quoi faire reculer
enfin le front du diabète. •

ractéristiques que celui des souris
NOD, la pépite extraite de l'épon
ge du Pacifique devrait produire
sur lui la même action, ce qui lais
se espérer la mise au point d'un
médicament dans les années qui
viennent. Mieux : comme l'alpha-
pas les îlots de Langerhans : il ne
fait que sauvegarder ceux qui n'ont
pas encore été détruits. Autrement
dit, ce médicament, injecté à rai
son de deux fois par semaine chez
la souris, n'effacera pas d'un coup
d'éponge le diabète chez un mala-
(1) Celle du Pr Yasuhiko Koezuka, du Labo
ratoire de recherche pharmaceutique de Ki-
rin (Gunma), et celle du Prlakashi Nishi-
mura, du Laboratoire de génétique et
d'immunologie de l'université Tokai (Kana-
gawa).
(2) Du Laboratoire de microbiologie et d'im
munologie de l'institut médical Howard Hu-
ghes, à Nashviiie,Tennessee.

n°ioi4 MARS 2002 73

0)
CI
0
.Q)
Falaises
01
Attention
danger !
Des pans entiers qui s'effondrent, des villages
menacés... les falaises s'érodent inexorablement
Pour prévenir des risques, deux programmes ont
Emportée par un raz de ma
été lancés. Surprise : la mer n'est pas si fautive.
rée au XV siècle, l'ancienne
église d'Ault repose au
jourd'hui sous plusieurs
mètres d'eau. Par les nuits
de forte tempête, on peut
entendre ses cloches sonner, assure
le folklore local. Une légende qui a
tout d'un exorcisme pour les habi
tants de cette petite commune du
littoral de la Somme, nichée entre
d'impressiormantes falaises furieu
sement battues par les vagues. Car,
ici, on vit depuis toujours dans la
hantise : celle de la mer, qui avan
ce à mesure que l'érosion attaque
les falaises de craie, menaçant ici
une habitation, là un chemin de
promenade ou une rue. Un lent re
cul du trait de côte, rythmé par des
effondrements et qui, étalé sur cent
soixante-dix ans, représente par en
droits 45 m ! Ault peut-elle se proté
ger ou devra-t-elle se déplacer?
A cette question, deux pro
grammes européens de recherche
devraient, pour la première fois,
74 SaHeesXe • N" 1014•MARS 2002
apporter des réponses. Baptisés
PROTECT et ROCC (1), Us concer
nent l'ensemble du littoral, de part
et d'autre de la Manche. Objectif :
comprendre les mécanismes pro
fonds de l'instabUité des falaises de
craie. Et il y a urgence. Sur les
côtes anglaises ou françaises, la
plupart des falaises crayeuses se
trouvent, en effet, dans des zones à
forte concentration de popiUation.
EN REÇU IDE 30 CM PAR AN!
Au Royaume-Uni, c'est un front
de 40 km de stations balnéaires et
de complexes hôteliers qui est me
nacé dans l'East Sussex; en Haute
Normandie et en Picardie, la
moindre densité d'habitants est
compensée par l'ampleur du terri
toire concerné : 140 km, entre le
(1) PROJECT (Prédiction Of The Erosion of
Cliffed Terrains), démarré en avril 2001, et
ROCC (Risk of Cliff Collapse), lancé en
1998 et qui s'est achevé en décembre der
nier, sont deux projets initiés par la Com
mission européenne.
<1
cap d'Antifer et la baie de Somme.
Or, cette ligne blanche, quasiment
continue, haute de 60 à 120 m par
endroit, n'est pas figée pour l'éter
nité; elle ne cesse de bouger sous
l'effet de l'érosion. En France, les
photos aériermes ont relevé un re
cul considérable : 30 cm par an!
Problème pour les habitants du
littoral, il ne s'agit là que d'une
moyenne. Car le mal des falaises ne
se développe pas progressivement
et à un rythme régulier, mais par
à-coups, à une fréquence variable
à l'échelle humaine, éboulant ici
d'énormes pans, rien ailleurs. Anne
Duperret, professeur à l'université
du Havre, confirme que les effon
drements constituent bien la cau
se principale du recul. Des éboule-

ments d'ampleur variable : si cer
taines zones n'ont pas bougé de
puis le XIVsiècle, à l'instar de l'ai
guille d'Etretat - ce qui n'empêche
pas ce joyau d'être menacé... (voir
encadré) -, dans d'autres, ils sont
répétitifs et impressionnants.
EMPORTÉE PAR UN ÉBOULIS
Depuis le 17 mai 2000, 80000 m'
de roches gisent sur la plage du
Puys, près de Dieppe; à Beachy
Head, outre-Manche, un pan de fa
laise long de 70 m et épais de 10 m,
représentant 150000 m'de craie et
de sUex, s'était détaché le 11 janvier
1999, se fracassant 120 m plus bas!
Les pouvoirs publics ont fini par
s'émouvoir. En effet, le bord de la
falaise se rapprochant insidieuse
PAR VAHE TER MINASSIAN
#> • :
;, / , i' F ^ -
, :'"h%
'-'i' *-v. #'-'1 *« i-
V ;_ ,i i-> -•-•"j:,' ' tSj'
t:S
«v.
ment d'habitations, les communes
font pression pour savoir comment
se protéger; l'industrie du tourisme
réclame un état des lieux avant de
se lancer dans des investissements
à long terme ; et les risques d'acci
dents hés à la chute de roches sont
avérés. En octobre 1995, à Bargac
(Lozère), une boulangère est morte
après que la falaise s'est effondrée
sous ses pieds; en acril 2001, un
pan de roche a enseveli un super
marché de Brighton, heureusement
désert... De tels incidents sont ra
rissimes, mais il s'agit désormais
de prévenir plutôt que.., rien. La chute des roches
De là le lancement du program Se déplaçant autour des failles qui
strient la falaise, d'énormes blocs
me de recherche européen PRO-
de roche se détachent et tombent
TECT. Associant, pour la France, le Ici, un éboulement de falaise à
BRGM (Bureau de recherche géo- Bénouville, dans le Calvados.
N° 1014 . MARS 2002 . ftÉBEESlfe 75
 Q)
• mm
logique et minière), IINERIS (Insti
O)
tut national de l'emaronnement et
O des risques) et la DDE (Direction
départementale de l'équipement)
0 de Seine-Maritime, il vise à mettre
au point, pour un coût de 1,5 M€,
.Q)
une technique de surveillance des
01 effondrements dans le pays de
Caux. Avec une idée originale :
écouter la falaise. Car la craie n'est
pas silencieuse. La nuit, par temps
calme, les habitants du littoral peu
vent entendre la roche craquer. Une
drôle de chanson, due au déplace
ment des blocs autour des failles
qui lardent la falaise... Début dé
cembre, les scientifiques du PRO-
TECT ont lancé une expérience sur
un escarpement haut de 50 m à
MesnU-Val, près du Tréport. Grâce
à une foreuse de 500 kg et au con
cours d'alpinistes, ils ont introduit
dans la pierre cinq capteurs répar
tis sur une longueur de 60 m. Ces
appareils, appelés accéléromètres
et géophones, détectent l'amplitude
et la fréquence du son sur des ban
des différentes. Ils sont déjà em
ployés par riNERIS pour repérer
les risques d'effondrement dans les
galeries des mines.
LE CHANT DES FALAISES
Mais jamais ils n'avaient été utili
sés en surface. D'où un patient tra
vail préalable pour identifier, par
mi les signaux recueillis par les
capteurs, ceux correspondant spé
cifiquement à un mouvement des
roches. Après cette phase de cali
brage, les géologues ausculteront la
falaise. Si un craquement se pro
duit, le son traversera la roche et
atteindra chaque détecteur à un
moment différent. Par trigonomé
trie, les géologues en déduiront la
position exacte de la faille en train
de s'agrandir. La falaise étant sur-
.-î
76 aonslSf. N'.IOU . MARS 2002
ETRETAT MENACE?
Le 25 juilletdernier, au large
de Bénouville (Calvados), des
estivants assistaient en direct
depuis leur bateau à l'effondre
ment du fameux escalier du Curé,
creusé au xix* siècle à flanc de
falaise par un ecclésiastique
philanthrope. Une perte pour
le patrimoine touristique. Et une
source d'inquiétude : à quelques
encablures se dressent en
effet les majestueuses falaises
d'Etretat, classées parmi les
merveilles de France. La célèbre
arche, qui attire chaque année
des milliers de touristes et dont
veillée par d'autres instruments, les
scientifiques associeront à chaque
son le mouvement correspondant.
Au terme du programme, qui du
rera trois ans, ils disposeront d'un
système d'alerte capable d'équiper
à coût réduit les plages les plus fré
quentées par les vacanciers.
Cette approche "acoustique" est
complémentaire de celle du pro
gramme ROCC qui, arrivé à terme
en décembre dernier, a réuni trois
ans durant des membres du BRGM
et du Laboratoire de mécanique de
l'université du Havre et de l'univer
sité de Brighton. Ici, il ne s'agissait
pas tant de protéger les personnes
que les biens. Le but? Dresser, sur
l'Angleterre et la France, la premiè
re carte au 1/100 000' des risques
liés aux effondrements. En cours de
Au Laboratoire de
mécanique de l'uni
versité du Havre,
les chercheurs de
ROCC utilisent
un canal de houle
artificiel pour voir si
les galets diminuent
l'effet de houle.
la forme, remarquait Guy de
Maupassant, rappelle «un
éléphant trempant sa trompe
dans la mer», est-elle menacée?
D'après les scientifiques, l'analyse
du réseau de fractures dont la
roche est striée ne permet aucune
prévision... qui ne soit à l'échelle
des phénornènes géologiques.
Autrement dit, la catastrophe
peut survenir dans un jour
comme dans un siècle. Mais ils
en sont sûrs : le site ne pourra
résister éternellement aux
assauts de la nature et sa fin est
d'ores et déjà programmée.
finalisation, ce plan pourra être uti
lisé par les aménageurs, et permet
tra d'estimer l'efficacité des dispo
sitifs de protection actuels : digues
pour bloquer la houle, épis pour
empêcher la migration des galets,
enrochements artificiels au pied
des falaises ou murs de protection
en béton contre la mer. Les scienti
fiques de ROCC ont commencé par
répertorier les causes des éboule-
ments. Il leur a d'abord fallu étudier
la nature de la craie, qui n'est pas
la même sur toute la côte. D'une fa
laise à l'autre, ce sont jusqu'à six
sortes de calcaires qui ont été iden
tifiés, et pas toujours stratifiés dans
le même ordre. Un problème quand
chaque type de craie induit des pro
priétés mécaniques différentes.
Anne Duperret a ainsi cartographié

cette stratification sur un front de
120 km. Dans une vingtaine de
sites, elle a aussi relevé le nombre,
la direction et le type de fractures
striant la falaise. Pour, enfin, corré-
1er ces données avec celles déjà
connues ou calculées : formes de la
falaise et de la plage, positions des
nappes phréatiques, inventaires des
sources, énergie de la houle...
U PLUIE PLUS QUE LA HOULE I
En tout, une quinzaine de para
mètres qui, confrontés à des expé
riences en laboratoire, ont permis
de lever certaines idées reçues : ain
si, ce n'est pas la mer qui, en creu
sant la falaise, provoque des effon
drements! Pas plus qu'elle n'est
capable, lors des tempêtes, de la
briser. Le principal responsable de
l'érosion serait le même qu'à l'inté
rieur des terres : les pluies. En s'in
filtrant dans le sol, elles augmente
raient la densité de la roche poreuse
et accéléreraient ruptures et éboule
Un grand ennemi !
Ce sont les pluies qui Pluie (et gel)
détruisent principalement
les falaises ! En s'infiltrant
dans le sol, elles augmen
tent le volume des nappes
phréatiques et fragilisent
la falaise en agrandissant
les fractures. La houle et
le vent menacent la
falaise seulement en
surface. En augmentant
la hauteur de la plage,
les galets peuvent limiter
m cet effet. Le ressac, en
revanche, dégage les
Infiltrations
éboulements et les
galets, mettant à nu le
pied de falaise.
A MesnII-Val, les scien
tifiques du programme
PROTECT ont dû faire
Nappes phréatiques
appel à des alpinistes.
ments. Localement, l'importance
de la pluie au regard des autres fac
Failles
teurs (houle, vent, etc.) reste diffici
le à mesurer. Il est donc envisagé
d'installer des réseaux de piézo-
mètres - des instruments capables
de mesurer finement les variations
de la position des nappes aquifères
en fonction des précipitations.
Une seconde solution serait l'im
plantation d'un Observatoire des
falaises qui, via des photos aé
riennes et sur le terrain, effectue
rait des relevés des effondre
ments. Rien de trop, quand des
scientifiques réunis à Brighton,
mi-décembre, ont déjà tiré la son
nette d'alarme : avec les change
ments climatiques liés au ré
chauffement de la Terre,
l'érosion ne fera que s'accé
lérer. En attendant, des ha
bitants de Criel-sur-Mer,
près du Tréport, ont
dû être évacués • -ï
il y a peu. • Houle
Erosion
N- 1014- MARS 2002 SamiKIe
La pub force
notre cerveau
D'inédites alliances se forment aujourd'hui entre
publicitaires et spécialistes du cerveau pour que
pénètrent plus profondément en nous les mes
sages vantant un produit. Une intrusion dans

Commentmémorisonsnous
nos mémoires qui n'est pas sans conséquence.

Pour sa part, un chercheur britan

un événement visuel ou so
nore ? Cette question inté
resse les chercheurs... et
les publicitaires. Pas pour
les mêmes raisons, on s'en
doute. Et pourtant, d'étran-ges no
ces se célèbrent aujourd'hui de plus
en plus ouvertement. Celles de la
nique, Alaister Goode, a publié les
premiers résultats d'une enquête
qu'U a menée à l'université du Sus-
sex. D'où il ressort que la mémorisa
tion d'une pub implique au tout pre
mier chef notre mémoire "incons vpmc
ciente" (voir encadré, p. suivante).
RM!S£

pub et de la science, où la première ÉVALUER ETOPTIMISER

apporte en dot un terrain d'expéri
mentation grandeur nature, tandis
que la seconde met dans la corbeille
sa compréhension des mécanismes
du cerveau. Au risque que naissent
de ces improbables unions des en
fants qui laissent perplexes.
Ainsi, à l'université d'Harvard, le
programme Mind of Market tente
de percer les mécanismes mentaux
qui poussent à acheter un produit
plutôt qu'un autre. L'idée est ici de
connaître les zones cérébrales acti
vées lors des messages publicitaires,
ce qui permettrait d'adapter les
campagnes en fonction de nos fa
çons de penser et de créer de nou
veaux types de messages s'incrus-
tant plus profondément en nous...
L'IMPACTSUR LA MÉMOIRE
Les publicitaires se frottent déjà
les mains. Car leur demande est
claire. Pour mesurer l'impact d'une
campagne, ils ne disposent que
d'études, dites publicitaires, s'ap-
puyant essentiellement sur des en
quêtes d'opinion. Une méthodologie
peu fiable, d'autant que les pubs ti
tillent volontiers la part irrationnel
le des consommateurs. Et contro
versée quand les budgets des an
nonceurs sont colossaux. « Je sais
que la moitié de mes opérations pu
blicitaires est inefficiente», avoue
ainsi le géant de la distribution,
John Wanamaker. Qui ajoute, non
sans malice : «Le problème, c'est
que je ne sais pas de quelle moitié il
s'agit. » C'est pour y remédier que les
pubhcitaires rêvent d'une méthode
qui évaluerait de manière objective
l'impact de leurs messages.
C'est ici qu'entrent en scène les
chercheurs en neurosciences. En
mettant en lumière comment notre
cerveau capte et retient une infor
mation, leurs travaux peuvent-ils
établir de manière scientifique com
ment un message publicitaire est
mémorisé, s'il s'inscrit durablement
en nous, pourquoi certains mar
chent mieux que d'autres? Ce serait
alors le Graal méthodologique que
cherchent les publicitaires.

78 ftKBn!âi& n°ioi4 ' MARS 2002


LE FÉMININ ABS
Evaluer l'impact
d'une campagne
L'œil rouge de l'enfant
qui vante les mérites de
l'eau minérale Volvic est
censé provoquer chez
le spectateur un choc
émotionnel qui inscrira
durablement le message
dans sa mémoire. La
publicité de la Mairie de
Paris joue, elle aussi, sur
la surprise, mais en faisant
en plus appel au raisonne
ment de celui qui la voit
Quant à la campagne Dior,
elle mise sur des codes
visuels forts destinés à
stimuler notre imagination
"créatrice". C'est à partir
de teis ingrédients "cognl-
tifs" (choc émotionnel,
appel au raisonnement
mais aussi mnémotechnie,
etc.) que les publicitaires
tentent aujourd'hui de
quantifier, grâce aux tra
vaux de chercheurs en
neurosciences, l'impact
de leurs créations pour
optimiser l'impact qu'elles
ont sur notre mémoire.
PAR MARC LAIME
Depuis cet été, leur rêve est peut-
être devenu réalité. Réunis sous le
nom d'Impact Mémoire, un publi
citaire, Bernard Poyet, un neurolo
gue, Bernard CroisUe, et un profes
seur en sciences cognitives, Olivier
Koenig, ont annoncé avoir élaboré
un outil révélant la force de mémo
risation d'une publicité, quel que
soit son support (télé, affichage...).
ÀL'AIDE D'INDICES MÉMORIELS
Le principe ? Ils ont mis en équa
tion une trentaine d'"indices mémo-
riels", soit des critères tels que l'ef
fet de surprise, l'appel au raisorme-
ment, la mnémotechnie, etc. De
quoi évaluer, dès lors, si l'émotion
qui se dégage d'une attitude, d'une
couleur, d'une trame narrative... ac
centue ou non les "traces mémoriel-
les" laissées par un message. N'im
porte quelle pub pourrait ainsi être
décryptée, son impact sur la mé
moire mesuré, le message optimisé
avant d'être diffusé afin qu'il s'ins
crive «durablement parmi les mil
liards d'informations que traite en
permanence notre cerveau».
L'avantage de cette grille, c'est
qu'elle est immédiatement opéra
tionnelle et ne recourt à aucune
étude d'opinion. L'ennui, c'est que
sa méthodologie, pour des raisons
commerciales, n'a pas été divulguée
et qu'il est donc impossible de ju
ger de sa valeur scientifique, pour
tant argument de vente désigné
d'Impact Mémoire. Lequel balaye
la critique en arguant que son ou
til, analysant l'impact de 77 campa
gnes télévisuelles, a donné des ré
sultats similaires à ceux obtenus
par des études IPSOS. Suffisant ?
En tout cas, plusieurs marques
(Lou, Urgo, Lever, etc.) se disent
déjà intéressées par cet outil qui
leur promet de doper la mémorisa
tion de leurs messages. Par exemple
en affinant leurs pratiques de ma
traquage, puisqu'une pub «répétée
tme fois par semaine pendant cinq
semaines est davantage mémorisée
N° 1014 • MARS 2002 SaesctUe 79
Q)

que la même diffusée cinq fois par

a)
o
jour pendant une semaine», révè
lent les analyses d'Impact Mémoire.
LA MECANIQUE DE LA MEMOIRE
Lesquelles vont plus loin : pour • Deux types de anciens (de quel le stockage, qui les
qu'un consommateur s'intéresse à mémoire cohabitent ques minutes à la transforme en traces
un produit, mieux vaut qu'il le con dans notre cerveau. petite enfance) dé durables; et l'organi
naisse déjà, car cela fait ressurgir L'une, à court terme, pendent, eux, de la sation de ces traces.
des souvenirs publicitaires anciens, travaille avec des évé mémoire à long ter Phase ultime de la
0) conscients ou inconscients. nements immédiats. me. "Consciente" ou mémorisation, la
c Elle mobilise la mé "inconsciente", elle reconstruction, ou
TROUBLES DE LA MÉMOIRE moire "instantanée", est liée à l'apprentis "récupération", est
Cette "reconstruction mémoiielle" qui naît de percep sage (faire du vélo, soit spontanée, soit
serait justement ce qui permet d'as tions sensorielles et par exemple) ou aux déclenchée à l'aide
socier au produit une image, une ar qui dure une fraction expériences person d'indices dits
u
gumentation, voire une envie, qui de seconde, et la mé nelles (la promenade "d'amorçage" (c'est,
>1 vont faciliter ime décision d'achat. moire dite "de travail", du week-end dernier). notamment, la fameu
(/) Et peut-être un vote ! En effet, des liée, elle, aux capaci La disponibilité de se madeleine de
tests ont montré que des sujets qui tés d'attention et qui cette mémoire perma Proust I) et que les
fermaient les yeux voyaient resur permet de retenir nente passe par trois publicitaires tentent
gir plus rapidement les logos de par pendant environ étapes successives : d'activer.
tis politiques qui évoquaient un ob une minute et trente l'enregis
jet déjà connu. Le poing à la rose du secondes une infor trement,
PS, la faucille et le marteau du PC, mation comme, par ou "enco
COURT TERME
la flamme du FN;les sigles abstraits exemple, un numéro dage" d'in
de l'UDF ou du RPR étaient, eux, de téléphone que l'on formations
moins bien mémorisés. A quelques vient de nous donner. sensoriel
semaines de l'élection présidentielle, Les souvenirs plus les brutes; TRAVAIL

voilà de quoi faire réfléchir les char

gés de communication des partis
politiques. Et les électeurs.
Nous aurions donc une mémoire
pubhcitaire? Cela ne serait toutefois
pas sans conséquence. De récents
travaux cierment en effet de révéler
que la pub peut modifier certains de
nos souvenirs, et même en inventer!
Professeur de psychologie à l'uni
versité de Seattle, Ehsabeth Loftus a
soumis, à im groupe d'adultes, une
série de spots publicitaires, dont
figuré dans les parcs Disney ! «Des LONG TERME
publicités basées sur des éléments INCONSCIENT CONSCIENT
autobiographiques peuvent donner • Habiletés * Faits
• Habitudes • Evénements
l'impression que des événements se • Amorçage
sont produits dans l'enfance, même
si c'est impossible», analyse Elisa
beth Loftus. Le même déroutant de curieux troubles de la mémoire ;
phénomène a été observé par le fa des "morceaux de souvenirs" les
bricant américain de bières Ste- envahissent, jusqu'à les placer dans
wart's ; plusieurs de ses clients se une situation de confusion tempo
rappellent avoir grandi en buvant sa relle, à l'instar de l'amnésie. Ils
souffriraient d'un excès de souve

"Ils se rappellent avoir serré la main à nirs, une toute nouvelle pathologie,
baptisée "confabulation" par le
Pr Schnider. L'imagerie fonction
Bugs Bunny, alors que c'est Impossible" nelle devrait bientôt permettre d'en
apprendre plus sur ces troubles de
une pub du parc Disneyworld mon bière à la bouteille, alors que celle-ci la mémoire qui, ironiquement, sur
trant des visiteurs serrant la main n'existe en bouteille que depuis viennent à l'heure du renforcement
de Bugs Bunny. Surprise : certains quelques années seulement... mémoriel des pubs. H
ont affirmé se rappeler avoir serré la Inquiétant ? Médecin chef aux hô
Pour en savoir plus : le site d'Impact Mé-
main du célèbre lapin lors d'une vi pitaux universitaires genevois, le
moire est à l'adresse http://wvi/w.!-memoire.
site effectuée lorsqu'ils étaient en Pr Armin Schnider vient de pubher corn; celui d'Elisabeth Loftus : http://faculty
fants. Mais Bugs Bunny n'a jamais le cas de deux patients présentant .washington.edu/eloftus/

80 Sâaasini • n" 1014 • MARS 2002

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0)

tcnog
(A
n
La crise de
o 40 % des malformations

confiance
du fœtus ne sont pas
détectées à l'échogra-
phie ! A qui la faute?
Aux machines, aux
opérateurs, ou à un mal
entendu sur la mission
exacte de ces derniers?

Toutparais ait normal à

Enquête-_sur un malaise.

1echographie, et pourtant !
Depuis une vingtaine d'an
nées que cet examen pré
natal est passé dans les
mœurs, voilà qu'il connaît
aujourd'hui une véritable crise de
confiance. Lui aurait-on un peu
trop vite fait crédit d'un dépistage
exemplaire? En tout cas, on dé
couvre maintenant que cette mé
thode d'exploration du fœtus au
moyen d'ultrasons est faillible. Glo
balement, elle détecte 60 % des
malformations. C'est beaucoup... et
c'est peu, au regard d'une exigence
thérapeutique de plus en plus sou
mise à la pression sociale.
De fait, plusieurs affaires impli
quant des échographistes ont été
portées ces derniers mois devant les
tribunaux. Au point de créer un vé
ritable malaise au sein des profes
sionnels de l'échographie prénatale.
Malaise qui, en ce début d'année, a
même éclaté au grand jour, lorsque
nombre d'entre eux ont suspendu
leur activité pour alerter sur leur si-

82 SmaStJTie • MARS 2002

 PAR MARIELLE MAYO

Désormais,
nous sommes

face à des plai

gnants, et non
plus face à des 1
patients!
Professeur Israël Nisand

Professeur de gynécologie-
obstétrique, chef de service
au CHU de Strasbourg
(Centre-médico-chirurgica!
obstétrical de Schiltigheim)

tuation. En toile de fond, les débats «La relation de confiance s'est dé

L'échographie offre des
images toujours plus
spectaculaires (ici, en 3D).
Mais de belles Images ne
garantissent pas un bon
dépistage...
mouvementés autour de l'arrêt Per
ruche (1), qui, pour la première fois,
instaure le principe de l'indemnisa
tion d'un enfant handicapé pour le
préjudice d'être né, une absence de
diagnostic ayant privé sa mère du
choLX d'interrompre sa grossesse.
gradée, déplore le Pr Israël Nisand,
spécialiste reconnu. Désormais,
nous sommes face à des plaignants
potentiels, et non plus face à des pa
tients. » Et d'ajouter : «Dans mon
service, nous avons détecté 20 cas
de trisomie 21 en 2001 ; mais nous

1014 • MARS 2002 • ScâmêlTK 83

0)
sommes en procès pour 2 cas non
dépistés, » Pourtant, d'après les sta
tistiques, l'échographie ne permet
de déceler, au mieux, que 3 cas de
trisomie 21 sur 4! Par ailleurs, trois
femmes ont obtenu l'autorisation
d'interrompre leur grossesse parce
que des doigts manquaient à une
(/) main de leur bébé. S'achemine-t-on
n vers une situation où, pour se pré
munir, on conseillera l'avortement
thérapeutique dès lors que subsiste
une incertitude sur la "normalité"
du bébé? En adoptant, le 10 jan
vier, une proposition de loi stipu
lant que «Nul, fut-il né handicapé,
ne peut se prévaloir d'un préjudice
du seul fait de sa naissance», les lé
gislateurs ont voulu contrer les
éventuelles dérives éthiques de l'ar
rêt Perruche, Il n'empêche : le ma
laise est profond. Et sans doute im
putable au succès de l'échographie,
quand la quasi-totalité des femmes
1-EMISSION
Des fréque'fees. Ultrasono
sont emises par une sonde
placée sur le ventre de
la mère. Elles se
propagent dans
les tissus
mous.
• n" 1014 • MARS 2002
enceintes bénéficient aujourd'hui
de trois examens de dépistage (un
système unique au monde). Les
images, toujours plus nettes, ou
vrent même parfois l'album photo
du chérubin,,. Mais le décalage
entre les attentes des futurs parents
et les performances réelles des exa
mens s'est accentué. En réalité,
qu'est-on vraiment en droit d'at
tendre de l'échographie fœtale?
"ON NE FAIT QU'ÉVALUER"
La question se pose, d'autant que
le contenu de l'examen reste mal dé
fini, de même que les conditions de
son exercice,,, De leur côté, les pro-
fessiormels rappellent vigoureuse
ment qu'ils sont tenus à une obli
gation de moyens, et non à une
obligation de résultat, «L'objectif
des examens de dépistage est d'éva
luer la santé fœtale et de rechercher
d'éventuels facteurs de risque pour
Une exploration
par ultrasons
l'avenir immédiat ou à long terme.
On regarde si le bébé se développe
bien, on vérifie la conformité des
mesures effectuées à des para
mètres de croissance prédéfinis»,
insiste le Dr Roger Bessis, président
du Collège français d'échographie
fœtale (CFEF), Au premier trimes
tre, l'échographie permet ainsi de
détecter les grossesses multiples,
de dater le début de grossesse, de
surveiller la vitalité de l'embryon.
Le "bilan morphologique com
plet" évoqué par la nomenclature
de la Sécurité sociale (sans que l'on
sache, au fond, de quoi Hs'agit, tant
le champ d'investigation est vaste)
viendra plus tard,.. Reste que les
performances diagnostiques réelles
sont difficiles à évaluer en raison de
la faible prévalence des pathologies
rencontrées - le facteur de risque
s'avère souvent inférieur à 1/1000
(0,5 cas pour 10000 naissances de
3-RECONSTRUCTION DE L'IMAGE
tficatiori etJtaitement des
signaux, on visualise sur l'écran des
coupes des organes en 2 dimensions.
L'image est reconstituée grâce aux
mouvements de la sonde
qui balaie le fœtus.
2-RÉFLEXION
Le faisceau subit
une réflexion partielle à
l'interface des différents
tissus. Le temps de
retour de cet éctio
sur la sonde varie
avec la profondeur
de l'organe rencontré.
spina-bifida, une malformation
congénitale de la colonne vertébra
le; 1 cas sur 3500 d'atrésie de l'œso
phage, soit d'interruption anorma
le de cet organe)... Néanmoins,
plusieurs enquêtes européennes,
incluant la France, donnent une
idée de la sensibilité du dépistage :
celle-ci est plutôt borme pour les
malformations du cerveau et de la
moelle épinière (86 %) ou pour les
malformations graves des reins et
de la vessie (85 %) ; mais très mé
diocre pour les becs-de-lièvre
(25 %). L'absence complète d'un
membre n'est décelée que dans
67 % des cas. Une étude récente fait
état d'un taux global de dépistage
des malformations graves du cœur
de seulement 42 % en Europe.
UNE SCIENCE... NON EXAQE
Toutefois, ces performances sont
celles enregistrées dans les centres
d'expertise, ce qui signifie qu'elles
sont loin d'être toujours atteintes
dans la réalité... Bonne nouvelle ce
pendant : les échographistes fran
çais arrivent largement en tête
quant à l'efficacité du dépistage.
« La sensibilité du diagnostic de
malformation cardiaque est très
bonne en France, souligne le Fr Is
raël Nisand. Dans l'étude Eurocat,
elle atteint par exemple 89 % à Pa
ris pour l'hypoplasie du ventricule
gauche, contre 33 % en Toscane,
9 % à Anvers... ou 0 % à Copen
hague !» Des chiffres qui révèlent
avant toute chose l'intérêt du dépis-
CtlOGRAPHIE 2D
C'est une
sonde
pivotante
qui permet
ici l'explo
ration du
fœtus
tage systématique, lequel n'existe
pas au Danemark, par exemple...
Normalité apparente
Les mesures biométriques
Mais les bonnes performances fran évaluent le développement
çaises tiendraient aussi à des inves du fœtus. Un examen "normal"
tigations plus poussées. «Le dia appelle un commentaire prudent,
du type : «Fœtus de biométrie et
gnostic prénatal des cardiopathies a
de vitalité en rapport avec l'âge
progressé parallèlement à la chirur théorique. Pas d'anomalie
gie cardiaque, lorsqu'il est devenu morphologique fœtale décelée.»
utile à l'enfant en permettant sa pri
se en charge dès la naissance, ex
plique Roger Bessis. En France, la
médecine prénatale s'est construite
dans la pluridisciplinarité. Le ca
hier des charges de l'échographie
prend en compte l'évolution des
performances de toute l'équipe. » ClRCONFEREHCe""
On l'aura pourtant compris,
l'échographie fœtale n'est pas une
science exacte. En premier lieu, cer
taines fonctions (audition, vision,
aptitude intellectuelle...) lui sont in
accessibles, de même que diverses
pathologies (malformations évolu
tives, contaminations virales ou pa
rasitaires...) "silencieuses" à leurs
débuts. Sur le moniteur, que le
bébé bouge et un membre ou un
organe peuvent être masqués par
sa position. En outre, la bonne
conduction des ultrasons - qui dé
pend de la teneur en graisse des tis
sus, du volume de la poche amnio
tique -, donc la qualité des images,
est très variable d'rme grossesse et
d'une femme à l'autre. Dans ce
contexte, la vigilance de l'opérateur
joue évidemment un rôle fonda
mental. «fl s'agit sans aucun doute
du facteur limitant le plus mani
feste, explique Roger Bessis. En
ECHOGRAPHIE3D
♦
Dans ce cas,
'exploration
du fœtus est
effectuée
selon trois
plans de
coupe ortho
gonaux.
N** 1014 • MARS 2002 Ss^Mie 85
0)
fonction du professionnel qui le
réalise, la pertinence du dépistage
peut vaiier de 1 à 5.» En cause, l'ex
trême diversité des formations et
des approches... Et c'est bien là où
le bât blesse ! «L'écbograpbie, en
tant que discipline, n'existe même
pas !», s'exclame Roger Bessis. En
(/I clair, il suffit d'être équipé du ma
n tériel pour la pratiquer.
o OPÉRATEURS SANS DIPLÔME
<i Deux types d'écbograpbistes
interviennent dans le dépistage,
précise le Dr Cbristion Delattre,
président d'honneur du Syndicat
national de l'union des échogra-
phistes (SNUDE). Des spécialistes,
gynécologues-obstétriciens ou ra
diologues, et des médecins généra
listes ayant acquis une formation
complémentaire en échographie. »
Un diplôme inter-universitaire
(DIU) a d'ailleurs été institué en
1996 afin d'homogénéiser les for
mations sur le territoire national.
Il n'est toutefois pas obhgatoire...
Au-delà des querelles de chapelle
- certains obstétriciens mettent en
cause le manque de compétence en
médecine fœtale des généralistes,
lesquels émettent parfois des dou
tes sur la qualité d'examens prati
qués "à la va vite" entre deux ac
couchements... -, c'est surtout
DES ÉCHOGRAPHES TOUJOURS PLUS SOPHISTIQUÉS
• Introduite en 1957
par l'Ecossais lan
Donald, l'échographie
s'est imposée dans les
années 80. Sans effet
délétère démontré, elle
repose sur un principe
simple d'exploration par
ultrasons (voir schéma
p. 80). Et, ces dernières
années, la résolution des
images s'est beaucoup
86 isJne 1014 . MARS 2002
l'expérience qui est en cause. Car si,
en cas de suspicion de malforma
tion, les futures mamans sont
adressées à des e.xperts spécialisés
en échographie fœtale, en revan
che, les examens de dépistage pra
tiqués en routine peuvent être le
fait de praticiens occasionnels,
dont le coup de main est forcément
moins bon et le coup d'œil moins
aigu... De l'avis unanime des spé
cialistes, le niveau de formation en
France serait pourtant élevé. Et no
tamment grâce à la formation mé
dicale continue, largement suivie.
Il faut dire que la mise à niveau des
coimaissances est fondamentale au
regard d'évolutions technologiques
rapides, car l'amélioration de la ré
solution des images ou les nouvel
les options modifient la démarche en circulation seraient, par
diagnostique. ailleurs, obsolètes. «La situation
En France, le parc d'échographes s'est cependant assainie ces der
suit-il ces évolutions? «Des inno nières années et le marché des ap
vations majeures sont introduites pareils d'occasion de troisième
tous les deux ans environ», indique main a pratiquement disparu. Les
Jean-Pien-e Vilaverde, responsable appareils très bas de gamme ne
Hitachi France (l'un des principaux se vendent pas non plus. »
fabricants présents sur le marché Reste que les performances des
français). En l'absence d'évaluation échographes, même neufs - les prix
officielle, il estime que le rempla s'échelonnent entre 25 000 et 250
cement du matériel s'effectue plus 000 euros - sont inégales. Faute de
lentement, en moyenne tous les modahtés d'apphcation, l'obligation
quatre ans, avec de fortes dispari légale de remplacer ou de mettre à
tés. Quelque 15 % des échographes niveau les appareils vieux de plus
améliorée. «Ces amélio capables de travailler L'examen Doppler (noir
rations concernent à des fréquences plus et blanc ou couleur)
surtout les traitements élevées», explique le étudie la circulation
informatiques, via des Dr Jean-Marc Levaillant, sanguine. Ilse fonde sur
logiciels de plus en échographiste et l'analyse des variations
plus puissants, et les enseignant à l'université de fréquence de l'onde
sondes. Ces cristaux Paris-XII. De nouvelles ultrasonore réfléchie.
de céramique, qui modalités d'examen «Il capte les vitesses
vibrent dans un champ (Doppler, Doppler de déplacement des
électrique, utilisent couleur, Doppler puisé, globules rouges dans
aujourd'hui de plus imagerie harmonique...) les artères utérines
nombreux canaux et sont sont aussi apparues. et foetales», précise

SI
de sept ans n'a jamais pu être mise
en œuvre. «Les syndicats n'étaient
pas opposés à ce principe, indique
le Dr Delattre.Mais les mesures
d'accompagnement nécessaires
n'ont jamais été prises. »
UN GUIDE DE LA PROFESSION
Le renouvellement des machines,
de même que leur maintenance,
n'est donc soumis à aucun contrô
le ! Pour la Caisse primaire d'assu
rance maladie, une échographie
reste une échographie, qu'elle ait
été effectuée avec tm viettx coucou
44 fonc-
tion du profes
sionnel qui le
réalise, la perti
nence du dépis
tage peut varier
delà5/
Docteur Roger Bessis
Président du Collège français
d'échographie fœtale.
ou im modèle dernier cri. Le contrô
le qualité est totalement laissé à la
discrétion des professionnels. Aucu
ne norme spécifique n'a été définie.
Un Comité national technique de
l'échographie de dépistage anténatal
a été formé le 20 décembre dernier
par le ministre Bernard Kouchner,
pour «promouvoir une poli- tique
de l'assurance qualité et développer
une stratégie d'information du pu
blic (...)». Objectif principal : élabo
rer un guide de bonnes pratiques
chez les échographistes, qui pour
rait être réactualisé chaque année.
Cela sous-entend de définir claire
ment les objectifs fixés à l'acte écho-
graphique. Donc d'évaluer son bé
néfice. S'il permet de sauver chaque
année quelques dizaines de vies,
comme l'estime Israël Nisand, la
mortalité périnatale en France res
te supérieure à celle de pays d'Eu
rope du Nord, qui ne pratiquent pas
de dépistage systématique. Un phé
nomène qui dépend plutôt de la
qualité des soins périnataux. Et lors
que le handicap est mineur (comme
l'anomalie d'une main), l'intérêt de
son annonce aux parents avant la
naissance reste discuté. Leur per
met-elle de se préparer à accueillir
l'enfant ou est-elle source d'im vécu
difficile de la grossesse qui se réper
cutera sur la relation parents-en
fant? Le débat est à peine entamé.
Déjà, les professionnels consta
tent une modification du regard
porté sur leur activité : l'échogra
phie était auparavant vécue par
les parents comme un moment
magique; ils comprerment aujour
d'hui qu'elle peut aussi se trans
former en oiseau de malheur... •
Le 17 novembre 2000, la Cour de cassation
s'est prononcée en faveur de l'indemnisa
tion de Nicolas Perruche, né handicapé en
raison de la rubéole de sa mère, non dia
gnostiquée pendant la grossesse. Cet arrêt
a été confirmé le 28 novembre 2001.

Jean-Marc Levaillant. (fréquences multiples de coupe orthogonaux lui apporter un utile

Le Doppler puisé, de celle de base) apparaissent. En France, complément, notamment
lui, est destiné de très faible amplitude. une vingtaine d'unités en pour l'étude du rachis,
à rexploratlon des Et l'échographie 3D ? sont déjà équipées. Les des membres ou de la
vaisseaux profonds. «Les premières images images formées sont face. «Elle permet par
Autre innovation, 3D étaient reconstruites fixes ou dynamiques, exemple de visualiser
l'imagerie harmonique, à partir des signaux ce que nous appelons de petites anomalies
qui améliore le recueillis par la sonde la "4D temps réel".» vertébrales, ou apporte
rapport signal/bruit 2D. Aujourd'hui, des Encore très marginale, une expertise pré
grâce à la prise en appareils qui sondent la 3D n'est pas appelée opératoire en cas de
compte de résonances directement le fœtus à remplacer la 2D. fente labio-palatine»,
harmoniques selon trois plans Elle peut, en revanche. précise le spécialiste.

n"1014• MARS 2002• 87

libérer les

30U
Libérées des batteries, les poules pondeuses s'écharpenL
souvent jusqu'à s'entre-tuer! La preuve que les bons
sentiments ne suffisent pas pour améliorer le sort des
animaux dans les élevages industriels. Surtout que le bien-
être animal reste, scientifiquement, difficile à évaluer.

mm n" 1014 - MARS 2002

 PAR VINCENT-

k / -^P i . 1, l-l.
\ es poules toutes pimpantes qui seront, à terme, "libérées". Les ministres En France, 90 %
y j picorent du grain parmi l'herbe européens de l'Agriculture ont pourtant des poules pon
deuses sont éle
I tendre et pondent de beaux résisté longtemps. Mais le 15 juin 1999,
vées en batterie,
I œufs frais. Vous en avez rêvé ? ils ont fini par céder aux protecteurs des dans des condi
'L'Europe l'a fait! Finies les animaux : leur directive prévoit qu'à par tions souvent

cages métalliques de 45 cm sur
50 où peuvent s'entasser jusqu'à cinq
poules pondeuses, chacune ayant l'espa
ce d'une feuille A4I Au rencard les cla
piers inclinés afin que les œufs glissent
sans se briser jusqu'à des tapis roulants
de collecte, qui condamnent les gallina
cés à constamment bloquer leurs pattes
et provoquent fractures et inconfort Près
de 300 millions de poules européennes
tir de 2012, toutes les poules pondeuses effroyables. Mais
de nouvelles direc
devront vivre en groupe, soit au sol ou tives européennes
sur perchoirs, soit dans des cages agran prévoient de pren
dies (750 cm^ par poule) et "enrichies" dre en compte le
bien-être animal
d'un nid, un perchoir, une litière, une
et d'instaurer des
mangeoire et un abreuvoir. Les éleveurs élevages plus
seront, en outre, priés de baisser le son "naturels".
des souffleries et des machines, d'ouvrir
plus souvent les volets pour que pénètre
la lumière du jour et de faire davantage le

N** 1014 • MARS 2002

 ménage... Dans le sillage de la crise de la
libérer^ "vache folle", les consommateurs ne veu
les poules lent plus seulement manger mieux et
sain : ils exigent aussi de manger "digne",
sans faire souffrir inutilement le bétail.
Veaux, vaches, cochons, poules et poulets,
animaux à fourrure, transport... : depuis
cinq ans, en Europe, toutes les filières
d'élevage intensif sont passées au peigne
fin du bien-être animal. Les rapports
scientifiques se multiplient, les recom
mandations se succèdent, et les premières
directives tombent. Avec des résultats
d'ores et déjà paradoxaux.

UNE RÉVOLUTION CULTURELLE

Car non seulement le bien-être animal ap
paraît chose bien difficile à mesurer, mais
améliorer les conditions d'élevage ne ga
rantit pas toujours le mieux-être des bêtes.
Un pavé dans la mare des bons senti
ments. Le cas des gallinacés est
exemplaire. «Une fois mises en
groupe, les poules deviennent
souvent agressives et se pi aussi de rituels sociaux, comme le toilet
quent à coups de bec », révè tage mutuel. «C'est vrai, mais sous la pres
le François Porin économis sion du nombre et des conditions d'éleva
te des filières d'élevage à ge intensif - chaleur, bruit, impossibilité
l'Institut national de la re de picorer et de gratter au sol, carence en
cherche agronomique (Inra) acides aminés... -, les piquages jusqu'au
d'Ivry. Certes, ces "piquages" sang sont légion. Ils peuvent même dégé
' ne sont pas tous d'infâmes nérer en pur cannibalisme ! », reconnaît
agressions; ils témoignent Jean-Michel Faure, de la station de re-

RELATION HOMME-ANIMAL

LA RUPTURE D'UN CONTRAT ÉTHIQUE

• «Auparavant, un
vrai échange existait
entre Phomme et
l'animai : l'éleveur
apportait soins et
pitance à l'animal; ce
dernier lui accordait
sa présence et ses
produits», explique
Raphaël Larière,
dans les années 50, que l'Union européen protection dœ ani
des productions in ne a officiellement maux peuvent repré
dustrielles faisant de reconnu Panimal com senter devant les tri
l'animal un "lot de me un "être sensible", bunaux. Un nouveau
produchon". Depuis, et non plus comme un ^tut qui a inspiré les
celui-ci est perçu, au "produit agricole". Ce récents règlements
mieux, comme une remaniement séman européens M matière
"machine vivante" à tique fait désormais de bien-être animal,
usage multiple; au des animaux de ferme mais qui demeure
pire, comme un ot^ des "sujets de droit", néanmoins contra

sociologue à l'Inra vétusté ou "hors nor dont les impératifs dictoire avec l'usage
d'Yvry. Or, ce "contrat me" commerciale qu'il biologiques doivrait que les élevages
domestique" a été s'agit d'éliminer. Ce être respectés et que inten»fs font des
rompu avec l'arrivée. n'est qu'en juin 1997 les associations de animaux...

90 n" 1014 • MARS 2002

 tion est jugée cruelle et on lui préfère les
cages enrichies. » C'est que le bec, orga
ne précieux chez la poule pour picorer,
fouiller le sol et communiquer avec ses
congénères, est richement innervé, donc
sensible. Pour limiter ce piquage, l'équi
pe de Tours travaille actuellement, avec
la profession avicole, sur la sélection
d'une souche de pondeuses moins "pi-
queuses". Des expériences d'élevage de
poules en petits effectifs tendraient aussi
à réduire le problème. Au risque d'une
moindre rentabilité...
Ce paradoxe de la libération des poules
se répète pour d'autres espèces domes
tiques. Au point de constituer aujourd'hui
une sérieuse épine pour tous ceux qui, en
Europe, veulent améliorer la condition
animale dans les élevages. Un souci qui va
pourtant grandissant. En France, l'Inra a
même initié depuis décembre 1998 un
programme transversal sur le bien-être
animal, baptisé AGRI Bien-Etre (1). En-

cherches avicoles à l'Inra de Tours. Les

plus teigneuses ne sont en général qu'une
poignée, mais leur hystérie est contagieu
se. «On prétend souvent que ce phéno
mène est propre aux souches indus
trielles, ajoute le généticien de Tours. Je
n'en suis pas sûr : j'ai déjà vu des pro
blèmes analogues chez des souches plus
rustiques. Et en volières collectives, on
peut connaître des mortalités de l'ordre de
30 % ! Voilà pourquoi je ne crois pas que
leur libération apportera un mieux-être. »
Que ces désastreuses conséquences sur
viennent chez les poules en batterie Univers core en marge des départements de pro
n'étonne guère. Mais à l'air libre! En duction, il mobilise une trentaine de cher
France, ce sont plus de deux millions de
carcéral cheurs de différentes disciplines, ainsi que
Près de 800 mil
pondeuses qui sont déjà élevées en plein plusieurs instituts et universités. Au
lions de poulets
air (de 2,5 à 3 m' par poule), en "libre français vivent menu : en savoir enfin plus sur la douleur
parcours" (10 m' par poule) ou en filière dans des hangars et les émotions ressenties par les ani
biologique (de 3 à 3,5 m' par poule). sombres, surpeu maux, mais aussi sur les critères d'éva
plés, surchauffés
Comment ces élevages améliorés règlent- luation de leur bien-être. De premières
et souvent assour
ils le problème du piquage des poules ? dissants. Les por conclusions ont été rassemblées dans un
«Ils leur coupent le bec ! Sinon, ils enre cheries industriel liwe (2)... qui fait des vagues dans le mon
gistrent une mortalité impressionnante, les ne sont guère de des zootechniciens. « On ne cherche
mieux loties. Un
que seul le prix plus élevé des œufs vient espoir cependant : plus seulement à adapter l'animal au sys
compenser, répond Jean-Michel Faure. en Europe, les tème industriel, comme cela s'est fait jus
Depuis 1992 que les Suisses ont adopté truies seront qu'ici, mais on souhaite partir de la per
prochainement
l'élevage en groupe, ils pratiquent ainsi le ception et des émotions des animaux pour
"libérées".
débéquage. Mais en Suède, cette mutila- mieux adapter les élevages», e.xplique l'un

N" 1014•MARS 2002• Stâm-dne 91

 Fallait-il des animateurs du réseau AGRI, Robert
libérer^ Dantzer, docteur vétérinaire de l'Inra et
les pouleîç directeur de l'unité de recherches de neu
robiologie intégrative à l'Inserm de Bor
deaux. Un total renversement de perspec
tive aux allures de révolution culturelle.
Laquelle ne va pas sans doutes ni ten
En outre, la souffrance physique n'est
pas tout : l'animal souffre aussi psychi-
quement et l'oublier, c'est occulter une
partie du problème.
DES ÉLEVEURS AUSTRALIENS JOUENT
SUR LA RELATION AVEC L'ANIMAL

sions. Car pris en tenaille entre les pro
fessionnels de l'élevage et
l'opinion, les scientifiques
sont sommés d'évaluer "ob
Leproblè jectivement" la souffrance
animale et son bien-être.
me, c*est qu'il Loin de tout anthropomor
phisme et des pressions éco
n'existe pas nomiques. Périlleux ! De fait,
les animaux ne parlent tou
d'instrument de jours pas et décoder ce qu'ils
vivent et ressentent exacte
mesure unique ment reste délicat. Familier
autant qu'étrange, leur uni
et efficace de vers mental demeure une
énigme pour l'homme. Es
la souffrance sayons néanmoins de cerner
ce hien-être en question. Se
animale ff rait-il sjTionyme d'une bon
ne santé physique ? On est
Robert Dantzer vite tenté de répondre oui.
Unité de recherche de
L'ahsence de maladies, d'in
neurologie intégrative vasion de pathogènes, de
(Inserm-Inra, Bordeaux). plaies, de coupures ou enco
re de pelade, autant de
signes d'im certain bien-être. Mais au vrai,
il faut plutôt inverser le raisonnement :
c'est la présence de toutes ces pathologies
qui serait le signe d'une mauvaise adap
tation de l'animal à son envirormement...
Faut-il alors chercher dans les perfor
mances zootechniques les traces d'un
épanouissement du bétail? C'est, à peu
de choses près, la réponse des instituts
techniques d'élevage. Un peu court, fait
remarquer Robert Dantzer. Car «ces per
formances zootechniques se mesurent au
niveau d'un lot et non d'un individu ; or,
le bien-être est un phénomène individuel
et non collectif». Des travaux norvégiens
de 1977 chez les porcs montrent, par
exemple, que des performances "nor
males" sont atteintes avec un pourcenta
ge d'animaux souffrant de faiblesse des
pattes et de troubles locomoteurs (de
l'ordre de 14 à 20,5 % chez les truies).
Plus récemment, des études publiées par
le Comité scientifique de la santé et de la
protection animale (CSSPA), créé par la
Commission de Bruxelles en 1997, signa
lent qu'une vache laitière sur deux
souffre de boiterie et qu'elles connais
sent, presque dans la même proportion,
un épisode de mammite (inflammation
des pis) dans leur courte vie de produc
tion, pourtant prolifique...
Il n'empêche ! Certaines études témoi
gnent d'un lien entre amélioration de la
condition animale et productivité : en
Australie, des centres techniques préten-

Transporté
comme...
du bétail
De nombreuses
inspections souli
gnent l'absence
de respect des
règles en matière
de transport du
bétail : les durées
dépassent large
ment huit heures,
les surcharges
sont fréquentes,
l'aération médiocre,
l'alimentation
Insuffisante...

92 Sâuetiiie N° 1014 . MARS 2002


^Sav.ti'^
dent obtenir une viande plus tendre et,
en moyenne, un porcelet supplémentaire
par truie et par an, du seul fait de mettre
l'accent sur la relation homme-animal
dans la formation des éleveurs...
La physiologie, seule, ne permet pas da
vantage une rigoureuse évaluation du
bien-être des animaux. Certes, l'absence
de stress peut servir d'étalon de mesure,
en analysant dans le sang, les urines ou
la salive les dosages de cortisol et des ca-
técholamines (adrénaline et noradrénali-
ne) libérés en réponse au stress par le
cortex surrénalien. Les physiologistes ont
ainsi pu mettre en évidence l'impact dé
sastreux qu'avaient l'isolement des ani
maux domestiques, leur introduction
dans un nouvel environnement, la priva
tion brutale de nourriture, l'exposition à
une température élevée, etc.
DES SONAGRAMMES POUR ÉVALUER
LA DOULEUR DE LA CASTRATION
«Le problème, tempère Robert Dantzer.
c'est que cette réponse cortico-surénalien-
ne à un stress s'atténue rapidement, si
bien qu'elle n'est observable qu'à court
terme. En outre, dans les situations de
stress chronique, comme chez les truies à
l'attache ou les veaux en case, cette répon
se hormonale est beaucoup moins nette et
fiable. » Qui plus est, il est arrivé qu'elle
concerne davantage des animaux élevés
en groupe que des bêtes isolées et entra
vées... D'autres hormones témoignent
également de stress, mais leur dosage
s'avère difficile. Bref, le "stressomètre"
ÉLEVAGE PORCIN
L'HOMME
SOUFFRE AUSSI
• «Lorsque ranimai souffre,
l'éleveur trinque aUssi!», affirme
loceiyne Porcher, docteur en
zootechnie à l'Inra (Paris-Gri-
gnon), à l'origine d'une vaste
enquête auprès des profession
nels des porcheries bretonnes
(57 % de la production française
de viande porcine). L'mcemple du
porc est édifiant, pour qui tout a
Pathologies basculé en 1970, lorsqu'un plan
de "rationalisation de la produc
chroniques tion" a instauré des groupements
Selon les experts
de producteurs, uniformisé bâti
européens, une
vache laitière sur ments et alimentation, dévelop
deux boite ; dans pé la sélection génétique... La
la même propor
"filière porcine" est alors deve
tion, on observe
une inflammation
nue un enfer pour les bêtes : en
des pis. Quant tre 1968 et 1997, la taille moyen
aux veaux de bou ne du cheptel est passée de 12
cherie, ils présen
porcs par exploitation à 700, tan
tent au moins un
épisode diarrhé- dis que doublait la production de
ique ou respira viande et que s'accélérait la con
toire dans leur vie. centration des exploitations. Ré
sultat : la durée de l'allaitement a
diminué de 48 à 26 jours, l'inter
valle entre le sevrage des porce
lets et la saillie s'est trouvé ré
duit de moitié, et le temps de
travail consacré à l'animai divisé
par huit De quoi rompre tout lien
entre le porc et l'homme. Lequel
a vu son travail lui échapper dans
un univers devenu non moins in
fernal : une atmosphère étouf
fante^ sombre, imprégnée de
poussières et de gaz toxiques,
saturée par les cris des bêtes et
le bruit des barrières métalliques
et des machines. Une déshuma-
nisation source d'un vrai stress
pour les éleveurs. Au point que,
dans cette filière, le volume des
offres d'emploi est aujourd'hui
deux fois supérieur à la deman
de, avec un him-over croissant»
1014 MARS 2002 93
 Fallait-il universel n'existe pas ! Sans compter
libérer^ qu'une forte concentration hormonale de
les poules^ stress ne signifie pas nécessairement une
souffrance mais, peut-être, une réaction
individuelle particulièrement forte à une
situation. A l'inverse, son absence n'est
pas toujours le signe d'une
parfaite sérénité.
Reste les critères com
D'un Strict portementaux. Subtils, ils
sont malaisés à interpréter
point de vue et à quantifier. A preuve les
cris aigus qu'entraine la
zootechnique, castration chez le porcelet.
Pour une oreille non exer
il n'est pas sûr cée, ces cris ne paraissent
pas plus intenses que ceux
que ces mutila des cochons à qui l'on fait
une injection. Des sona-
tions soient grammes ont pourtant ré
vélé, en 1998, que la castra
justifiées... tion donne lieu à des
vocalisations dont la fré
Armelle Prunier quence est plus élevée et
Unité de recherche qui augmente au moment
sur le veau et le porc des étapes certainement
(Inra de Rennes). les plus douloureuses de
l'opération, à savoir l'incision du scrotum,
l'extraction du testicule et la section du
cordon. Une même difficulté se retrouve
pour interpréter les stéréotypies, ces
mouvements à peine ébauchés que répè
tent inlassablement les animaux dans les
élevages ou les zoos. Que conclure de ces
mordillements de corde par les vaches, du
mâchonnement des barreaux de leur box
par les truies, voire des piquages compul
sifs chez les poules ? Habitude ? Ennui ?
Souffrance plus profonde? Pathologie
grave? Les experts se perdent en conjec
tures... Du coup, les éthologistes préfè
rent chercher dans une autre direction.
UNE RÉPONSE ANIMALE DÉROUTANTE
L'idée est de demander à l'animal lui-
même d'exprimer ses choix pour apprécier
où et comment se situent ses priorités. Un
exemple, raconté par Robert Dantzer : l'im
portance de l'éclairage pour les animaux,
souvent logés dans des bâtiments obscurs
afin de réduire leur agressbité... et les fac
tures d'électricité. Si on donne à des porcs
à l'engrais l'accès libre à un interrupteur
marche/arrêt, la lumière reste allumée de
70 à 80 % du temps. Luxe ou nécessité? Si
l'on remplace maintenant l'interrupteur
par une minuterie, les animaux s'octroient
de la lumière pendant quelques minutes,
puis se désintéressent du bouton pous
soir... Comme quoi ces tests sur les goûts
et les aversions animales sont loin d'être
une science exacte ! L'animal peut baser ses

OIES ET CANARDS

LE GAVAGE : PAS SI BARBARE!

• Gavage : pas si barbare?
S'il existe une pratique qui
heurte la sensibilité, c'est bien
le gavage des oies et des
canards. Un tube métallique
de près de 40 cm enfoncé
dans l'œsophage, les
palmipèdes se voient enfour
ner deux à trois fois par jour
une bouillie chaude de maïs
salé, très riche en amidon et
en protéines. Au bout de deux
à trois semaines de ce régime^
alors que le foie normal d'un
canard pèse environ 120 g et
présente une couleur rouge, il
devient de six à dix fois plus
gros et il tourne au Jaune
cireux et luisant
Barbare? Etudiant l'impact du
gavage, les scientifiques n'ont
pourtant observé, à l'excep
tion de diarrhées régulières,
aucun dommage significatif
des tissuS internes chez ces
palmipèdes ayant une ten
dance naturelle à se goinfrer.
Sur 20000 carcasses étudiées
en 1992 par Joël Bénard, de
l'Inra de Tours, moins de 0,5 %
présentaient des péri hépa
tites, des nécroses ou des
fibroses. Autre surprise : très
récemment, une équipe
d'anatopathologistes de
Nantes n'a pas décelé plus
d'altération dans l'œsophage
des canards gavés que chez
ceux boulottant des graviers.
Et de son côté, le groupe de
Jacques Servière, à l'Inra de
Jouy-en-Josas, n'a guère
constaté de surdosage par
ticulier d'une hormone de
stress. Enfin, les taux de
mortalité des oiseaux durant
la période de gavage, surveil
lés en France, en Belgique et

94 SeiauMie • h" 1014•MARS 2002

choix sur d'autres préoccupations que
celles conçues par l'expérimentateur, il
peut refuser l'alternative proposée, ou ré
pondre de façon aléatoire. On le voit, au
cune de ces approches n'est, à elle seule, sa
tisfaisante pour évaluer le bien-être
animal. Les chercheurs doivent les croiser
et multiplier les critères. Mais aussi appro
fondir l'étude des émotions et des capacités
cognitives du cheptel, en particuher dans
son milieu de vie (cage et hangar). A ces
difficultés méthodologiques s'ajoutent cer
tains résultats bien déroutants. Ainsi, le ga
vage des oies et des canards ne serait pas
si douloureux (voir encadré ci-dessous). De
même que la coupe des queues des porce
lets, pour empêcher que des congénères
trop agressifs ne les mordillent, ou encore
l'épointage des dents, afin d'éviter de bles
ser les mamelles des truies.
melle Prunier, de l'unité mixte de re
cherche sur le veau et le porc (Inra de
Rennes), qui a évalué l'impact de ces mu
tilations avec ses collègues de l'Institut
technique du porc. A plus long terme, ses
travaux menés actuellement avec l'Ecole
vétérinaire de Toulouse montrent toute
fois que les porcelets épointés ont des ab
cès, leur pulpe dentaire (où passe le nerf)
Confinés et leur gencive sont souvent abîmées, ce
Avant les qui doit être douloureux.
semaines de gava Souffrance aiguë ou pas, ces mutilations
ge proprement dit, sont-eUes justifiées ? «D'un strict point de
les canards d'éle
vage industriel vue zootechnique, cela est discutable,
sont immobilisés avance Armelle Prunier. Lors de notre
dans de minus étude sur l'épointage des dents, nous nous
cules boîtes indivi
sommes aperçus qu'il n'y avait pas eu de
duelles de 25 cm
sur 15 cm où Ils lésions sur les mamelles des truies plus
sont suralimentés. nombreuses ou plus sévères par les por-

LES ÉLEVEURS REFUSENT

DE RÉSOUDRE, SEULS, LE PROBLÈME
«En gros, les porcelets se débattent et
couinent avec force, d'autant plus si ces
opérations sont pratiquées sans anesthé-
sie. Mais leur douleur semble peu inten
se et, surtout, passagère : environ quinze
minutes après ces interventions, ils n'ont
pas un comportement différent des
autres porcelets non traités», résume Ar-

en Espagne, restent bas : in Il n'empêche! Ce bilan encore sur les conséquences

férieurs à 4 % en moyenne,
contre 0,2 % au même âge
dans des^evages de canante
de chair... Ces résultats sont
tellement surprenants qu'ils
font planer un doute sur les
méthodes d'imœshgation.
«Il est toujours possible qite
c^tains de nos indicateurs ne
soient pas pertînmits, admet
Jacques Smvière, mais s'il
existait une souffrance forte,
croyez-mtd, nous la
dâecAerions, d'une teçon ou
d'une autre.»
(diysiologique est vigou
reusement contesté par les
assodatiçms animalistes. En
Franœ, Talis parte ainsi de
«perfmations du «3MI et du
jabot ^ de brûlures internes
par te maïs trop diaud».
iWais Patisence de données
statistiques omre^xmdantes
rend invminatdes ces accu
sations. D'ailleurs^ d'autres
études manqumit àTappeJ :
^sur l'impact des tubes pour
Porppharynx, un organe trte
senstde diez te palmipède, ou
de i'hypmtrophie du foie pour
la tocomotion ou la respira
tion. En mibe, certains résul
tats paraissent difficiles à
interpn^m'. L'absence de sur
dosage de certaines hormo
nes du Stress chez les itiseaux
gavés, par miemple : présen
tée par Jacques Smvière com
me un ^pie de faitde fœrtu-
ftialion, d'aubes scimitifiques
y voient fdutôt la manpie
d'une ré^naticm désespmée
des anmiauK gavés... Allez
savoir! Car tout de même, ^

N" 1014 •MARS 2002• SâausXi 95

 Fallait-il celets qui avaient conservé leurs dents in
libérer^ tactes que par ceux à qui on avait meulé
les poulesj les dents... » Cette observation faite dans
une seule ferme expérimentale doit enco
re être confirmée à l'échelle industrielle.
En attendant, ces mutilations, légales en
Europe, continuent.
Au-delà de son évaluation rigoureuse, le
bien-être animal butte toujours sur le
même écueil : celui de la rentabilité des
systèmes de production plus respectueux
de l'animal. A juste titre, les éleveurs refu
sent de résoudre, seuls, le problème.
LES CONSOMMATEURS SONT-ILS
PRÊTSÀ PAYER PLUS CHER ?
Les consommateurs doivent les y aider.
Pour l'heure, ceax-ci exigent tout à la fois :
des élevages sûrs, naturels, savoureux,
sans souffrance, abondants et à bas prix...
Mais seront-ils prêts à payer plus cher
leur steak de charolais pâturant dans les
prés ou, comme un sondage de la Sofres
de février 1999 l'indique, leurs œufs de
poules picorant en plein air (93 % des son
dés) ? « En interviewant des groupes de
consommateurs, explique Carine La-
touche, à rinra de Rennes, il est apparu
que le consommateur semble prêt à
consentir un effort financier lorsqu'il en
retire un avantage direct pour sa santé ou
son plaisir gustatif. Si cela améliore en
plus la vie de l'animal, tant mieux. Si ce
n'est pas le cas, tant pis !» Même son de
cloche au Pays-Bas, où Alison Burrell,
professeur associé à l'université de Wage-
ningen, constate que seule une minorité
de Néerlandais (de 10 à 15 % selon les
produits) est disposée à payer davantage
pour des aliments produits sans souffran
ce animale, et s'y emploie. Une majorité se
déclare prête à en faire autant, mais ne le
fait pas la plupart du temps. «Plus qu'un
problème d'argent, il semble que leur ré
ticence vient du fait qu'ils ont l'impression
d'être les seuls à faire cet effort pour le
bien-être animal, alors que leurs voisins se
contentent d'acheter bon marché. Si cette
impression était confirmée, je pense que
des normes minimales s'appliquant à
toutes les productions, devant être payées
par chacun, seraient largement acceptées
aux Pays-Bas. » Entre désirs et réalité des
éleveurs comme des consommateurs,
l'épineuse question du bien-être animal
reste encore... en souffrance. •
(1) Leur site internet :
http://www.tours.inra.fr/BienEtre/accueil.htm
(2) Les animaux d'élevage ont-Ils droit au bien-
être ?. coordonné par Florence Burgat, philosophe
à linra, collection "Un point sur...", INRA éditions.
2001, Paris.

OIES ET CANARDS

^ plusieurs observations, en (Inra) : «Nous ne nions pas contestable. Le choix d'inter

milieu industriel ou expérimen
tal, montrent des canards refu
ser spontanément de retourner
dans l'endos de gavage. S'il
n'y a pas de souffrance nette,
le gavage ne semble donc pas
être une partie de plaisir pour
le palmipède.
Mal à l'aise face ces résultats
scientifiques, les experts
européens du Comité pour la
santé et la protection animale
(CSSPA) ont rendu, te 16 dé
cembre 1998, un rapport
ambigu sur le gavage.
Explication de son président,
l'éthologiste Pierre Le Neindre
que le gavage présente de
possibles souffrances. Le
problème. C'est que tes études
ne sont pas nettes et qu'il
n'existe pas d'autres méthodes
pour produire du foie gras.
Nous avons donc recommandé
certaines dispositions pour
réduire toute souffrance
dairement constatée, en
particulier la suppression des
troîtes métalliques où logent
les canards et qui tevorisent
des lésions du sternum et
diverses ftadures.^ Mais
soyons honnêtes, cela reste un
aménagement d'une pratique
dire te gavage relève de la
décision politique, pas des
sdentifiques.»
En Europe, de nombreux pays
européens ont déjà tranché,
interdisant purement et
simplement la production de
foie gras. AaaMird'hui, il s'en
produit ma^ré tout 150001
diaque années dont 70 % en
France, 5 % en Belgique et
en Espagne, te reste en
Hongrie et en Israël. La
palme revenant décidément
à l'Hexagone, puisqu'il
consomme à lui tout seul
85% des foies.

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la loi de
rinégalité
Les physiciens
n'hésitent plus à sortir
de leur domaine pour
décrire, à partir de lois
mathématiques, les
processus économi
ques et les inégalités
sociales. Et si c'était
eux qui en parlaient
Ala fin du xix' siècle,
le mieux?
leconomiste italien Vil-
fredo Pareto remarque
un phénomène statis
tique bizarre ; quel que
soit le pays qu'il étudie,
la répartition de la richesse au sein
de la population semble suivre
une même loi mathématique.
Qu'il analyse les données fiscales
de l'Angleterre, de la Russie, de la
France, de la Suisse, de l'Italie ou
de la Prusse, il constate que le
c pourcentage de la population dont
la richesse est supérieure à une va
leur Xest toujours proportionnel
à l/x'', le coefficient E variant
entre 2 et 3 suivant les pays. Alfre-
do Pareto fait de cette étrangeté
statistique une loi, la loi de Pare
to. Et de cette loi le fondement
d'une pensée politique : puisque
les inégalités sont régies par une
loi mathématique, il est vain de
chercher à les remettre en cause
PAR HERVE POIRIER
en redistribuant les richesses.
La loi de Pareto a été remarqua
blement vérifiée tout au long du
XX'" siècle (1). Pourtant, plus de
cent ans après le travail de l'éco
nomiste italien, deux physiciens
viennent contredire aujourd'hui
ses conclusions. En effet, selon
Jean-Phihppe Bouchaud, du Servi
ce de physique de l'état condensé
du Centre d'étude de Saclay, et
Marc Mézard, du Laboratoire de
physique théorique de l'Ecole nor
male supérieure, «il est toujours
possible de passer à une situation
où la richesse est plus équitable-
ment distribuée».
Les deux chercheurs ne remettent
pas en cause la loi de Pareto. Ils en
justifient même l'existence. Mais
c'est pour mieux montrer comment
le coefficient E dépend de para
mètres économiques... modu
lables. Car l'inégalité n'est pas la
même selon la valeur de ce coeffi
cient. Si E est inférieur à 2, elle est
énoime, une toute petite minorité
d'individus concentre ime grande
majorité de la richesse. A l'inverse,
plus la valeur de E est grande,
mieux la richesse est répartie et
moindres sont les inégalités.
LA VÉRITÉ SUR LES IMPÔTS
Pour Jean-Philippe Bouchaud et
Marc Mézard, voilà qui permet
d'esquisser quelques conseils "éco-
nophysiques". Lesquels remettent
allègrement en question certaines
idées reçues. Par exemple, «l'im
pôt sur le revenu tend à baisser les
N° 1014. MARS 2002' ftCMKSJfe 99
Q)
inégalités, et cela d'autant plus si
une grande partie de cet impôt est
redistribuée vers le plus grand
monde». Plus surprenant encore :
«Si une partie insuffisante de l'im
pôt sur le revenu est redistribuée,
l'impôt sur le capital ne remplira
alors plus son rôle social, mais
augmentera les inégalités de ré
partition de la richesse... »
Des physiciens qui dorment des
leçons de politique économique ?
Imagine-t-on des financiers expli
quer la dynamique de relaxation
des systèmes vitreux ou l'impor
tance des impuretés dans un mi
lieu supraconducteur... Et pour
tant, ces deux spécialistes des
matières condensées et désordon
nées ne se gênent pas pour li\Ter
leur avis sur l'évolution des inéga
lités. Par quel prodige?
LA PHYSIQUE DES PARTICULES
COMME MODÈLE ÉCONOMIQUE
«Les physiciens sont très bien ar
més pour comprendre l'écono
mie», répond dans un sourire
Jean-Philippe Bouchaud. Son col
lègue est moins laconique : «Les
modèles économiques tradition
nels sont essentiellement mathé
matiques. Ils supposent que les
agents économiques sont tous
identiques et mfmiment ratiormels.
Cette hypothèse d'homogénéité
permet de démontrer des théo-
100 Sauasini - n" 1014 • MARS 2002
La plus grande distance est souvent parcourue par un minimum de
^—déplaeements. C'est ce que montrelatrajectoiretle^tte particule.
A l'Instar d'un voyageur qui va à pied, prend un taxi, se rend à
l'aéroport : c'est pourtant en avion qu'il fait le plus long trajet
rèmes. Mais, dans la réalité, les
agents économiques ne sont pas si
homogènes. Chaque individu a des
a prioii, des motivations, des ré
flexes différents. Pendant long
temps, les physiciens de la matière
se sont, eux aussi, préoccupés des
systèmes où toutes les particules
sont identiques, comme les liqui
des ou les cristaux. Mais, à partir
des années 80, ils ont commencé à
se pencher sur des systèmes où
l'environnement des particules les
rend toutes différentes les unes des
autres. Grâce aux progrès des or
dinateurs et des méthodes de cal
cul, ils ont ainsi appris à travailler
sur des structures aussi désordon
nées et hétérogènes que celles que
l'on rencontre en économie. »
Depuis une dizaine d'années.
Richesse
Jean-Philippe Bouchaud et Marc
Mézard sont ainsi des pionniers de
féconophysique", une nouvelle
discipline qui tente de repenser
l'économie en oubliant les axiomes
mathématiques. Il s'agit ici de re
partir de zéro : une économie est
un grand nombre dindhidus qui
investissent et marchandent les uns
avec les autres. Ce postulat accepté,
chacun a un capital de départ, qu'il
utilise pour investir ou pour ache
ter des biens et services, faisant
ainsi évoluer sa fortune. Mais qui
échange avec qui ? Quels sont les
investissements qui rapportent
beaucoup d'argent? Quels sont
ceux qui en font perdre?... Pour
pouvoir mettre l'économie en équa
tion, quelques hypothèses supplé
mentaires sont encore nécessaires.
Nos deux éconophysiciens en font
deux. La première avance que le
hasard est le maître de l'économie.
La rentabilité des investissements
est aléatoire et les échanges des
biens et services se font entre des
La loi de Pareto montre qu'un
très petit nombre détient toujours
la majorité des ressources.
D'équation y = l/x^, où E varie
selon la population étudiée,
la courbe révélé une Inégalité
bien plus forte avec un coef
ficient E = 2 qu'avec E = 3.
Dans les faits, les mesures
sociales (RMI, etc.) modifient la
régularité de cette loi physique.
 Départs
Departures
individus choisis au hasard dans la
population. Seconde hypothèse :
plus on a d'argent, plus on consom
me. Autrement dit, les échanges
sont proportionnels au capital de
chacun. Pour minimahstes qu'elles
soient, ces deu.x hypothèses suffi
sent pour construire une équation
qui régit l'évolution de la richesse
des individus au cours du temps.
Une équation assez simple à écrire
(2), mais extraordinairement com
plexe à résoudre.
La chance sourit aux audacieux,
dit-on. Elle va en tout cas aider
Jean-Philippe Bouchaud et Marc
Mézard dans leur entreprise. Car
leur équation se ré\'èle assez pro
che d'un tas d'autres formules que
l'on rencontre un peu partout en
physique. Du coup, ces analogies
vont les guider dans leur travail.
Notamment, ils vont s'inspirer des
phénomènes physiques de diffu
sion pour résoudre un cas parti
culier de leur modèle, le cas plus
simple, où tout le monde échange
avec tout le monde la même pro
portion de son capital. Ils s'inspi
rent ensuite du mouvement des
polymères dans un gel désordonné
pour le cas, plus réaliste, où les
échanges entre indhidus se limi
tent à un proche voisinage variant
aléatoirement. Enfin, ils trouvent
dans le mouvement d'une particu
le soumise à plusieurs forces lo
cales le modèle pour étudier le cas,
encore plus complexe, où les échan
ges de richesse entre individus ne
sont plus totalement symétriques
(lorsqu'un individu fournit à un
autre indhidu un travail rémuné
ré, par exemple).
Profitant de quelque vingt an
nées de recherches en phvsique,
nos éconophysiciens vont finale
ment parvenir à dégager une dy
namique de la répartition de ri
chesse. Et c'est la surprise : ils
tombent à chaque fois sur... la loi
de Pareto. En partant d'une répar
tition homogène de la richesse,
des riches et des pamres apparais-
La répartition des richesses ne se
fait aucunement de manière aléatoire
sent inévitablement dans leurs
équations. Peu à peu, les inégalités
se creusent, puis se stabilisent,
comme par magie, dans une dis
tribution ayant la forme de la fa
meuse courbe de formule l/x"^ de
l'économiste italien. La répartition
de la richesse ne se fait aucune
ment de manière aléatoire. La loi
de Pareto semble donc une loi uni
verselle de l'économie.
L'émergence de cette loi, dite "de
puissance", est en fait un phéno
mène physique classique. On la re
trouve, par exemple, lorsqu'on étu
die la taille des gouttes de rosée
s'accumulant sur une vitre, au pe
tit matin. Si la formation de ces
gouttes était totalement aléatoire,
la répartition graphique de leur
taille aurait la forme d'une courbe
en cloche, finement centrée au
tour d'une grossem moyenne. Or,
ce n'est pas le cas : la courbe ob
servée est beaucoup plus écrasée
que celle en cloche et suit une loi
de puissance, en l/x"^. Autrement
dit, il règne sur nos carreaux la
même inégalité que dans nos so
ciétés ! De même qu'un petit nom
bre de personnes détient la plu
part des richesses, la majeure
partie de l'eau est contenue dans
seulement un petit nombre de
grosses gouttes.
De telles lois de puissance se re
trouvent dans beaucoup d'autres
domaines : la plupart des livres
vendus sont ainsi achetés par une
minorité de lecteurs ; une petite
partie des routes supporte une
grande partie du trafic; une mino
rité de mots suffit pour la majori
té des discours - c'est la loi de
Zipf. Même la relation entre la
taille des rilles et leur rang dans le
pays se trouve vérifiée de façon
précise par la loi de Pareto (voir
encadré, p. 107).
Pour comprendre cet étrange
phénomène, il faut remonter aux
travaux du grand probabiliste
français Paul Lévy dans les an
nées 40. Le premier, il a cerné les
mécanismes secrets de cette distri
bution non aléatoire, dominée par
les extrêmes et non par la moyen
ne. D'où il ressort que les lois de
puissance émergent de la bataille
entre un processus cumulatif,
multiplicateur, qui avantage les
N° 1014 . MARS 2002 ' 101
0)

gros aux dépens des petits, et un
processus limitatif de redistribu
tion, qui jugule ce premier effet.
C'est ce qui se passe pour la répar
tition de richesse dans l'économie.
« La loi de Pareto apparaît dans
nos modèles comme un équilibre
entre la spéculation qui concentre
les richesses - on gagne dix fois
plus d'argent avec 1000 F investis
AU NOM DE LA LOI
L'INEGALITE AU XX^ SIECLE
• Pour étudier l'évolution de
l'inégalité au sein d'une popu
lation, Thomas Piketty, de l'Ecole
des hautes études en sciences
qu'avec 100 F... - et les échanges
qui en redistribuent une partie»,
explique Jean-Philippe Bouchaud.
Le coefficient de Pareto E que
les deax éconophysiciens ont CEil-
culés à partir de leurs modèles
simplifiés dépend ainsi principa
lement du niveau d'échange et de
la volatilité des investissements.
L'augmentation des échanges fait
revanche, les inégalités salariales
sont restées très stables sur un
siècle. » Le travailde Piketty
invalide ainsi la loi de Kuznets,
augmenter ce coefficient, et donc
baisser les inégalités. A l'inverse,
l'augmentation des risques finan
ciers, avec la possibilité de gros
profits ou de grosses pertes, dimi
nue la valeur de E, et augmente
dès lors les inégalités. Allant plus
loin, Jean-Philippe Bouchaud et
Marc Mézard ont enrichi leur mo
dèle en calculant l'impact sur la
distribution de richesse des im
pôts sur le revenu et sur le capi
tal. « Il faut être extrêmement mo
deste sur les résultats de nos
travaux, prévient cependant Marc
Mézard. L'éconophysique n'en est
qu'à ses débuts. »
"RIEN D'ORIGINAL!"

sociales, a compilé les déclara
tions de succession pour la
France depuis 1901 et celles
des revenus depuis 1914. Un
travail colossal, publié ily a
quelques mois (1). Première
constatation : «Les inégalités se
sont réduites en France au xx"
siècle», le coefficient de la loi de
Pareto, qui a été «globalement
bien vérifiée par les données
fiscales françaises», passant de
1,6 au début du siècle à 2,4
aujourd'hui. Mais cette baisse
des inégalités est principalement
due à « l'effondrement des
patrimoines importants (les 1%
des revenus les plus élevés) à la
suite de la période 1914-1945,
qui n'ont pu se reformer ensuite,
en particulier à cause de l'effet
de l'impôt progressif. En
proposée en 1953 par l'éco
nomiste américain, selon laquelle
les inégalités tendent naturel
lement à se réduire au sein d'une
économie libérale. «La réduction
observée ne ressemble en rien à
un phénomène généralisé et
irréversible. Aux Etats-Unis, les
Inégalités ont retrouvé, au cours
des années 80-90, le niveau qui
était le leur à la veille de la
première guerre mondiale... »
Le même phénomène va-t-ilse
passer pour la France? Selon
l'économiste, «tout semble
concourir à faire des premières
années de ce siècle des années
fastes pour les détenteurs de
patrimoine.»
(1) Les hauts revenus en France au
xrf siècle, éd. Grasset, 807 pages.
De fait, il faudra encore intégrer
de nombreux autres paramètres et
affiner les modèles pour que ceux-
ci soient vraiment réalistes et ex
ploitables. A l'université hébraïque
de Jérusalem, Moshe Lévy et Soiin
Solomon, deux autres éconophysi
ciens, ont d'ailleurs montré que le
coefficient de Pareto dépend aussi
de la taille moyenne des familles
dans la population...
Les économistes, dans leur en
semble, sont plutôt sceptiques. «La
plupart des études d'éconophy-
siques que j'ai vues ne contenaient
rien de particulièrement original,
expliquait récemment Andrew Lo,
économiste du Massachusetts Ins
titut of Technology. Dans la plu
part des cas, ils réinventent des
choses que les économistes ont
déjà découvertes depuis de nom-

46%
Sur un siècle, l'évolution du pourcentage des pius gros
44%
revenus (10 % de la population) aux Etats-Unis et en
42%
France est irréguiière. La preuve que les politiques et
40%
les événements influent sur les inégalités.
38%
36% °/o du revenu % . ,
34% total
de la
32%
population
30% V
28%

e S î? g g s

102 n°ioi4 • MARS 2002

 URBANISME

LA DURE LOI DES VILLES

D) De New York • Répertoriez toutes les Remarquée en 1949 par sement de la population
C
ni (première villesd'un pays et placez le linguiste américain d'une ville ne dépend
q: ville des
Etats-Unis
sur un graphe la taille de George Zipf, cette régu pas de sa taille : qu'elles
250
avec 7,3 mil ces villes en fonction de larité a longtemps éton soient grandes ou peti
lions d'habi leur rang. Surprise : les né les statisticiens. tes, les villes ont un mê
Portsmouth tants) jusqu'à points s'ordonnent sui XavierGabaix, un jeune me taux de croissance
200 Portsmouth
(New Hamp- vant une courbe très économiste français du moyen et une même
shire), 200" régulière, d'équation Massachusetts Institut of déviation par rapport à la
ville améri y = k/x(où y est le rang, Technology, croit bien moyenne. Or, Xavier
caine avec
150 X la taille et k une cons aujourd'hui tenir l'explica Gabaix vient de démon
quelque
103000 habi tante). Le rang de la ville tion, trouvée simultané trer que la loi de Zipf
tants, la semble proportionnel ment par les économis est une conséquence
courbe des à l'inverse de sa taille. tes allemands Damian mathématique directe
100
villes est
Cîomme la loi de Pareto Zanette et Susanna de cette loi de Gibrat.
remarqua
blement (1/x^, cette loi de puis Manrubia. En effet, le Cette dernière se jus
régulière. sance, dont le coefficient Français Robert Gibrat tifiant facilement, la loi
50
E est égal à 1, se vérifie avait remarqué en 1931 des villes n'est donc
partout et tout le temps. que la vitesse d'accrois plus si mystérieuse.

6 7 8
Mill ions d'habitants

breuses années. » Un seul exemple :
les deux éconophysiclens français
ignoraient que l'économiste britan
nique David Champemowne avait
déjà construit en 1953 un modèle
de la distribution des revenus d'où
émergeait la fameuse loi de puis
sance de Pareto. «Son modèle
n'était pas très réaliste, se défend
Jean-Philippe Bouchaud. Pour ar
river à une distribution en Pareto,
David Champemowne a dû suppo
ser que le revenu global diminue
au fil du temps... »
LA PHYSIQUE AU SECOURS
DES BOURSICOTEURS
Mais peu importe. Avec le savoir
accumulé par la physique depuis
vingt ans, les éconophysiclens ont
aujourd'hui un arsenal beaucoup
plus puissant qu'il y a cinquante
ans pour s'attaquer à l'économie.
Pour convaincre les spécialistes en
ce domaine de cet apport des physi
ciens (et aussi donner aux physi
ciens un peu plus de culture écono
mique...), un colloque internatio
nal d'éconophysique est organisé
au mois de juin à Bali. «J'espère
que l'économie deviendra ainsi plus
prédictive grâce à la physique»,
lâche Jean-Philippe Bouchaud.
Les financiers, eux, n'ont pas at
tendu pour être convaincus de l'in
térêt de ces techniques. En 1994,
Jean-Philippe Bouchaud partici
pait déjà à la fondation de la com
pagnie Science & Finance, basée
à Levallois-Perret (Hauts-de-Sei-
ne), qui fournit à des organismes
financiers des techniques inspi
rées de la physique pour analyser
les risques et optimiser les place
ments boursiers. «Le but est de fi
nancer ainsi d'autres travaux éco-
nophysiques», tient à souligner le
chercheur. Cela dit, les relations
entre la physique et la finance ne
sont, là encore, pas nouvelles.
Dans les années 70, le mathémati
cien français Benoît Mandelbrot
ne montrait-il pas que les mouve
ments financiers pouvaient être
étudiés à l'aide des phénomènes
physiques ? Reste que c'est seule
ment aujourd'hui que ces tech
niques commencent à être vérita
blement opérationnelles.
Ne rêvons pas : d'ores et déjà e.x-
ploitée par les spéculateurs, l'écono-
physique ne rendra sûrement pas
le monde moins inégal. Mais cette
nouvelle discipline qui émerge doit
permettre de mieux comprendre les
lois qui régissent ces inégahtés. De
quoi amener, qui sait, les politiques
à prendre des décisions se fondant
désormais sur des bases objectives.
Des bases physiques. •
(1) En tout cas en ce qui concerne les hauts
revenus, les politiques sociales d'aides en
vers les plus pauvres évitant que la courbe
se prolonge pour les très bas revenus.
jrti ' ' i*l'
où Wj représente la richesse de l'individu i ;
Jjj décrit latransaction de l'individu j vers i
et Sj la spéculation aléatoire de i.

N° 1014 ' MIRS 2002 103

0)

OI

o
u
.Q) invasion d

gean
Depuis vingt ans, des crabes
géants venus du fond de la Russie
envahissent les fjords norvégiens.
Jusqu'où iront-ils? Personne ne
sait... Une énigme scientifique, pour
une catastrophe écologique qui est

C'estla sérieB
de l'an ée. Un
aussi une aubaine économique.

mes qui, en rangs serrés, déferle de

mélange de l'Espion qui ve puis des années vers les eaux pois tion se

nait du froid et des Enva sonneuses de l'Atlantique. chiffre par

hisseurs arrivent de l'Est,
mâtiné d'une belle pincée
d'épouvante style la Créa
ture des abysses. L'action? Elle se
situe aux confins de l'Europe du
Nord, dans les profondeurs glacées
des f]ords qui marquent la frontiè
re entre la Russie et le royaume de
Au pays du soleil de minuit, tout le
monde connaît désormais Parali-
thodes Camtschaticus, plus célèbre
sous le nom hautement gastrono
mique de crabe royal. Une bête dont
l'envergure peut atteindre 1,5 m
d'une pince à l'autre et peser plu
sieurs kilogrammes. Un terrible pré
dizaines de miUions
d'individus dans les eaux norvé
giennes ! Et débordant d'un Ijord à
l'autre, il avance inexorablement
vers le sud, sans que personne ne
sache ni comment ni où l'arrêter.
UNE DESCENTE VERS LE SUD

Norvège. Mais point d'espion ni de dateur, qui se nourrit de tout ce qui TOTALEMENT ABERRANTE

sous-marin fantôme ici. Nul mons passe à sa portée : coquillages, œufs Aux dernières nouvelles, Parali-
tre des abîmes. Seulement un cra de poissons, alevins et autres es thodes Camtschaticus avait franchi
be. Mais pas n'importe lequel : un pèces locales. Pas méchant à lui le cercle polaire arctique et envahis
crustacé aux dimensions hors nor- seul. Mais aujourd'hui, sa popula sait les eaux des îles Lofoten, à

104 SBoadlB • 1014 • MARS 2002


31
l?5 A
U ,8oMETR'
4r
KAMTÇtft'TirÀ Nom ; Paralithodes
Camtschaticus, ou crabe du
r Kamtchatka (aussi dit royal).
Taille et poids : péché en
Alaska, le plus gros spécimen
Europe CENTRAkÉ connu pesait 13 kg et mesurait
1,80 m d'une pince à l'autre.
Mais son poids habituel est
1? Eur®
de l'ordre de 3 à 5 kg.
Habitat : crustacé des mers
'V Fonnldable pn
le crabe du Kamtchatka
envahit inexorablement
les eaux Scandinaves.
Et rien ne semble pou
voir arrêter sa progres
sion vers le sud.
iC
GUI
fro ides, il adore les fonds sableux
et se plaît dans les eaux plutôt
profondes. On en a observé
jusqu'à 400 m de fond.
Particularités : il peut vivre jusqu'à
10 ans. Seules ses pattes et ses
pinces sont commercialisées. En
boîte ou congelé, il faut compter
entre 15 et 30 € pour 150 g de
crabe royal.
N* 1014 • MARS 2002 • Saamtie 105
0)

l'ouest de la Norvège. Le phénomè

O)
ne surprend les scientifiques. Car
o le réchauffement des océans amène
plutôt les espèces tropicales à re
o monter vers le nord. On a ainsi pé
ché des espadons au large des côtes
u du large sur son chalutier de 10 mètres pour remonter cabillauds,
hollandaises et la Méditerranée de
.QJ vient une mer tropicale aux mul
tiples espèces de requins. Mais des
crabes du Grand Nord en villégiatu
re dans le sud de l'Europe ? Ce se
rait vraiment le monde à l'envers !
UNE VÉRITÉ ACCABLANTE
Pourtant, le phénomène ne date
pas d'hier. «Dans nos régions, nous
péchons traditionnellement le ca
billaud et le heu avec des lignes de
fond longues de plusieurs kilo
mètres», raconte Jens Nibe, ancien
patron norvégien d'une pêcherie de
la région d'Hammerfest. Mais, il y a
une vingtaine d'années, nos navires
ont commencé à remonter quantité
de poissons abîmés, découpés, en
tellement sale état qu'ils devenaient
invendables. Personne ne se dou
tait alors du phénomène. Nous
nous posions bien des questions. »
Surtout que, peu à peu, les filets
aussi sont déchirés, les lignes arra
chées... L'étonnement est général.
Il ne prendra fin qu'avec la dé
couverte de l'identité de l'envahis
seur. Pour en susciter un plus
«DANS DIX ANS, LA PECHE
AU CRABE SERA MAjORITAIRE»
Pécheur norvégien du Grand Nord, habitué à affronter les tempêtes
flétans et autres colins, Jan Andersen - 45 ans - se dit prêt à inves
tir pour changer ses méthodes de pêche et ramasser la manne venue
de l'est. «Pour le moment, explique-t-il, seuls cent vingt navires
de la région ont obtenu le droit de pêcher ces crustacés géants.
Mais la demande est forte I Le kilogramme de crabe nous est payé
100 couronnes norvégiennes (environ 13 €), contre seulement
20 couronnes (2,5 €) pour le cabillaud... Il est vrai que la saison
de pêche est courte, quelques semaines seulement en hiver, mais
ça peut représenter un gain d'un demi-million de couronnes par
bateau (60000 €). Tout cela pour un investissement relativement
minime, de l'ordre de 12000 €. C'est un bon rapport! Ici, tout
le monde prédit que dans les dix ans qui viennent, cette nouvelle
pêche aura largement supplanté les activités traditionnelles. Il faut
bien s'adapter à ce que la mer nous offre I»
question d'enquêter. Ce n'est que entament une inéluctable et mas
trente ans plus tard que la vérité sive migration en direction des
éclatera. Accablante. eaux norvégiennes.
Comme son nom l'indique, Pa- Les autorités d'Oslo sont totale
mlithodes Camtschaticus est origi ment dépassées. Ainsi, il faut at
naire du Kamtchatka, sur la côte tendre 1993 pour voir les toutes
Pacifique de la Russie. Dans les premières tentatives de recense
années 30, pour des raisons éco ment. Résultat : la population de
nomiques, les autorités soviéti crabes géants s'évalue déjà à
ques tentent d'acclimater sur leur 200000 individus. Et rien ne pa
façade maritime occidentale ces raît arrêter cette marée. A terme,
crustacés séants dont la chair s'ar- c'est tout l'écosystème marin de la
région qui menace d'être modifié

Des "expériences écologiques" et appauvri. Et donc les pratiques

de pêche dans la région. Or, les pê

menées par l'URSS I yatrente ans I cheurs hésitent : s'ils redoutent

grand encore : effrayant et totale
ment inconnu dans ces eaux habi
tuellement propices aux espèces
pélagiques (qui vivent en pleine
eau, en haute mer) et aux saumons,
comment Paralithodes Camtschati
cus est-il arrivé là? Très vite, les re
gards se portent sur le voisin rus
se. Dans les années 60, de l'autre
côté de la frontière, la péninsule de
Kola et la mer de Barents sont des
zones hautement stratégiques. Pas
rache à prix d'or. C'est un échec.
Dans les années 60, ils renouvel
lent l'expérience autour de Mour
mansk. En pleine guerre froide, le
voisin norvégien - qui est membre
de l'Otan - n'est évidemment pas
tenu au courant de ces manipu
lations écologiques. Cette fois, en
mer de Barents, les animaux
s'adaptent et se développent. Trop
bien même ! Rapidement à l'étroit
dans leur nouvel espace vital, ils
une catastrophe écologique, ils se
réjouissent aussi d'une bénédic
tion économique tombant... de la
mer. De fait, la chair goûteuse de
ce crabe, d'une saveur entre celles
du homard et de la coquille Saint-
Jacques, est très prisée et, sur le
marché norvégien, les prix s'envo
lent : jusqu'à 13 € le kilogramme!
Flairant l'aubaine, même les ache
teurs japonais se ruent vers les
quais nordiques. Jusqu'à la fin
2001, les captures à seule fin de re
cherche scientifique étaient limi-

106 h' 1014 - MARS 2002


tées à 200000 individus, réparties
entre Russie et Norvège ; ces quo
tas sont désormais supprimés...
Runar Hartvigsen, directeur des
pêches pour le nord de la Norvège,
en est convaincu : il ne s'agit nulle
ment d'une catastrophe. «Le crabe
royal ne prend la place d'aucune
autre espèce, affirme-t-il. Il a de la
nourriture à profusion et n'est en
rien nuisible à l'environnement.
Notre seul souci consiste à trou
ver les bonnes méthodes de cap
ture.» Optimisme excessif?
LA FRANCE TOUCHÉE?
Sur les quais, nombre de pé
cheurs fulminent contre ces crabes
à la fois étrangers à l'écosystème de
la région comme aux traditions. Et
ne se privent pas d'insister : «Les
conséquences de cette invasion
sont catastrophiques. Les crabes se
prennent dans nos filets et les dé
truisent. Ça nous coûte des for
tunes. Nous essayons bien de pê
cher dans des eaux plus profondes,
mais là, ce sont les phoques qui
font des ravages... » La solution?
Que les navires norvégiens s'équi
pent de ces énormes nasses métal
liques qu'utilisent déjà les pêcheurs
américains en Alaska. Mais en at
tendant, la vraie question demeure :
jusqu'où iront les crabes géants?
Là encore, les scientifiques sem
blent désarmés devant le compor
tement de l'espèce. Tandis que des
chercheurs russes prédisent que
seules les eaux chaudes des côtes
portugaises ou marocaines pour
ront stopper leur marche vers le
Un mets royal
Péché dans d'énormes nasses,
le crabe royal Intéresse fort le
marché asiatique. Il est devenu
une manne pour les pêcheurs
locaux. Le spécimen ci-dessous
pèse 7 kg, pour environ 1 mètre
d'envergure.
sud, à l'Institut norvégien des pê
ches de Bergen, on penche plutôt
pour un arrêt de la migration vers
le sud de la Scandinavie et le nord
de l'Ecosse. La France peut-elle
être touchée? Très rares à étudier
chez nous le phénomène, les ex
perts se disent plutôt sceptiques.
«Tant qu'elle ne rencontre pas
d'obstacle biologique, écologique
ou physiologique, une espèce con
tinue de progresser, explique pour
tant Pierre Noël, chercheur au
CNRS et spécialiste des cmstacés.
Ils Vont s'arrêter naturellement à la
limite de température qui leur
convient. Là où les œufs ne vont
plus éclore, où la mue ne se fera
plus, où un prédateur se nourrira
de leurs larves. C'est vrai que cette
progressiona un côté "science-fic
tion", mais je ne crois pas à une ca
tastrophe écologique. » On ne peut
que souhaiter qu'il ait raison, avant
qu'il ne soit trop tard. •
N' 1014 . MARS 2002 . SBBKt-JIU 107
I L*aller§^e
en questions
Chaque année, les allergies empoisonnent
la vie de millions de personnes, en tuant
même quelques milliers. Pathologies les
plus fréquentes, causes, traitements... tout
Salvesd'étemuements, nez qui
sur un mal qui ne cesse de progresser.
coule et œil qui pique à peine mis
le pied dehors ? Si chaque prin
temps vous inflige invariable
ment le même calvaire, sans dou
te faites-vous partie des quelque
10 à 20 % de Français sensibilisés au pol
len. Et donc susceptibles, jusqu'à la fin de
l'été, d'attraper ce fameux "rhume des
foins" qui transforme en supplice la moin
dre balade champêtre.
D'armée en année, les médecins le cons
tatent : nous sommes de plus en plus
nombreux à souffrir d'aUergies les plus di
verses. Réactions au pollen, mais aussi
aux acariens, au latex, à certains médica
ments ou aliments... Près d'un Français
sur quatre serait déjà concerné. Une lame
de fond qui touche l'ensemble des pays in
dustrialisés. Et qui a de quoi inquiéter, car
à côté des symptômes généralement bé
nins que sont les rhinites, conjonctivites
ou eczémas à répétition, certaines aller
gies peuvent tuer en quelques minutes.
Que ce soit par gonflement de la gorge
lors d'un banal repas au restaurant (œdè
me de Quincke), par choc anaphylactique
- avec chute de tension et perte de con
naissance - après une piqûre d'abeille ou
lors d'une anesthésie. Ou au cours d'une
de ces crises d'asthme aiguës qui, chaque
année, causent encore aujourd'hui près de
2000 décès en France....
108 Sâmuêns • n"1014 mars 2002
Des agents
multiples
Les substances
allergènes ne
manquent pas dans
notre environne
ment ; grains de
pollen, acariens,
cacahuètes... Au
1 QU'EST-CE
tant d'agressions
QU'UNE
qui sollicitent le
système Immuni
ALLERGIE?
taire de manière
excessive. D'où • L'allergie est une réaction excessive du
l'allergie. système immunitaire, qui s'emballe pour
éhminer une substance étrangère (l'aller-
gène) pourtant inoffensive. Comme une
grenade que l'on ferait exploser pour se
débarrasser d'un modeste moustique.
Les premiers contacts avec l'allergène ne
sont jamais aussi violents. Ils passent au
contraire inaperçus. Mais ils finissent par
provoquer ce que l'on nomme ime "sensi
bilisation" : le système immunitaire enre
gistre ces rencontres successives, et se met
peu à peu à produire contre cet intrus
- qui est en général une protéine - des an
ticorps particuliers appelés IgE. Ce sont
ces anticorps qui, à chaque nouveUe ren
contre avec l'allergène, vont déclencher
illico l'inflammation. Le système immu
nitaire libère alors de lliistamine, une mo
lécule qui contracte les bronches, dilate
les vaisseaux sanguins, donne des rou
geurs, une sensation de chaleur, l'envie
de se gratter ou d eternuer. Bref, tous les
symptômes du "rhume des foins".
D'autres types de réactions allergiques,
comme l'eczéma, sont beaucoup plus
lents : ils ne surviennent qu'un à deux
jours après le contact avec l'allergène. Le
mécanisme est alors un peu différent.
Mais il comporte, dans tous les cas, cette
première phase de sensibilisation.
2 QUELLE EST
LA PART DE
L'HÉRÉDITÉ DANS
L'ALLERGIE?
• Les études sont unanimes : environ
80 % des enfants allergiques ont un pa
rent allergique. Le plus souvent à la même
substance, et avec des symptômes iden
tiques (rhinite, conjonctivite, eczéma...)
à quantité égale d'allergènes. Cette mala
die a donc une forte composante géné
tique, qui se traduit par ce qu'on appelle
l'atopie. Plus précisément, un "atopique"
est une personne prédisposée génétique
ment à fabriquer, en quantité anormale.
VUE MALADIE MAL MESURÉE
Les spécialistes ne cessent
de le répéter : la fréquence
des allergies augmente de
façon continue. Mais cette
augmentation reste très mal
connue. En France, notam
ment, on ne dispose que
d'études très localisées,
portant sur des critères
souvent discordants, et
des périodes de temps
différentes, qui Interdisent
d'obtenir une mesure
globale de la progression
des allergies. Cependant,
si l'on tient compte des
rares données disponibles,
l'augmentation de leur
fréquence apparaît systé
matiquement et presque
partout. Aux Etats-Unis, la
prévalence de l'asthme
serait ainsi passée de 7,6 %
-
à 16,4 % entre 1980 et ,
1991, en Suisse le rhume
des foins qui frappait 10 %
de la population en 1986; ; s
en atteint 24 % en 1996, ; •
tandis qu'en Allemagne de
l'Est, la rhinite allergique est.
passée de 2,4 % en 1991 à
13,4 % en 1996. Partielles ; ;
et peu homogènes, ces
données ne permettaient s i
peis de dresser un tableau
global de l'importance
qu'ont prise les allergies
à l'échelle du globe. La
situation évolue grâce,
notamment, à l'enquête
ISAAC (International Study r,
of Asthma and Allergies in ;
Chilhood), lancée en 1996,
et dont les résultats ne sont
encore que partiellement
connus.
1014•MARS 2002 • ftMBKâffV 109
des anticorps de type IgE, c'est-à-dire ca
pables de déclencher une réaction aller L'allergie ;un processus en deux temps
gique. Un enfant atopique va donc se sen
sibiliser facilement aux multiples aller- 1-La phase (Insensibilisation
gènes de son environnement. Plus il sera
en présence d'un allergène, plus il risque
ra de devenir allergique à cette substan
ce. Et ce, d'autant plus que l'exposition O Desparticules \
allergènes pénètrent
aura été précoce. dans la peau.
Ceci dit, tout le monde peut devenir al Allergène

lergique : 0 suffit pour cela d'être soumis à

des quantités importantes d'allergènes. O Les macrophages, N-
/j il I . . Macrophage
Mais l'enfant atopique le deviendra plus (des cellules immuni- Bs^phile
rapidement que les autres. taires) lesphagocytent ^^ '
et les digèrent

QUELLES SONT
LES ALLERGIES
LES PLUS
FRÉQUENTES?
• Ponens et acariens. Transportés par
l'air, ils sont responsables à eux seuls des
deux tiers des allergies, et provoquent des
crises d'éternuements ou d'asthme, des
rhinites et/ou des conjonctivites. Contrai
rement à l'allergie au pollen, qui est sai
sonnière, l'allergie aux acariens perdure
toute l'année. Environ 30 % des enfants
français seraient sensibilisés à ces ani
maux microscopiques qui prolifèrent
dans les moquettes, la literie, les tentures
ou la poussière. Parmi les principaux al-
lergènes aériens, on trouve ensuite les
moisissures et les poils de chat, ou plus
exactement des protéines que les chats dé
posent sur leur pelage en se léchant.
• Guêpes, abeilles et frelons. Leurs pi
qûres causent chaque année une vingtai
ne de décès en France. La réaction aller
gique se différencie des effets toxiques
normaux du venin par son étendue (plus
d'une dizaine de centimètres autour de la
piqûre) et par sa durée (supérieure à
vingt-quatre heures). Elle peut s'accom
pagner d'une urticaire généralisée, d'un
malaise ou d'un choc anaphylactique. De
tels symptômes doivent être pris au sé
rieux, car ils signifient que toute nouvelle
piqûre pourra être mortelle.
• Allergies alimentaires. Ces allergies,
dont le nombre a doublé en cinq ans,
concernent aujourd'hui environ 3 % des
3 Ces macrophages^ ^ Ces IgE
présentent alors Waccrochent à
des fragments ^ y d'autres cellules
d'allergènes y immunitaires
digérés aux iym- spécialisées : les
phocytes T (d'autres , yX mastocytes et
celluies immunitairas), les ba^philes.
qui alertent les /
lymphocytes B.
Français. Chez l'enfant de moins de quin
ze ans, elles sont causées dans les trois
quarts des cas par cinq aliments ; l'œuf,
d'autant plus allergisant qu'il est consom
mé cru, l'arachide, le lait de vache, la
moutarde et le poisson. Chez l'adulte, c'est
plus varié : on trouve la pomme, la noiset
te, le céleri, l'œuf, la banane, le sésame,
l'arachide, l'avocat... Certaines de ces al
lergies disparaissent avec le temps, com
me celle au lait ou à l'œuf. Mais d'autres
persistent toute la vie. C'est le cas de l'al
lergie à l'arachide.
Avant trois ans, l'enfant réagit par des
poussées d'eczéma, des diarrhées et des
vomissements. Mais chez l'adulte, la ré
action est souvent plus violente ; une fois
sur quatre, elle débouche sur un œdème,
une urticaire généralisée ou un choc ana
phylactique qui surviennent quelques mi
nutes après l'ingestion. Aux Etats-Unis,
une centaine de décès par choc anaphy
lactique alimentaire sont d'ailleurs décla
rés chaque année.

110 SdumilK •n"1014•MARS 2002


Q C'est cette histamine
2 - Le déclenctiement libérée qui provoque la
O Plustard,dès que réaction allergique (ici,
des particules du mê éruption cutanée).
me allergène
trent à n
la peauJg processi
ailet^à^^ ei
asophiie
Molécules
Macrophage d'histamine
2 Les macrophages présentent
Vaisseau
des fragments digérés de l'aiiergéne.
sanguin Lesquels s'accrochent bien aux IgE
tapissant la membrane des màsto-
cytes et des basophiles. Mai.s cette
fois, ^eux-ci libèrentde l'histamine.
• Allergies aux médicaments. Certains
médicaments peuvent provoquer des ré
actions allergiques. C'est le cas, en parti
culier, des anesthésiques, des antibio
tiques, des anti-inflammatoires et des
médicaments antidouleur, ou des pro
duits de contraste iodé. Les effets peu
vent être graves, voire mortels ; urticaire
géante, choc anaphylactique, ou syndro
me de Lyell, composé de lésions hui
leuses, réparties sur l'ensemble de la
peau et des muqueuses, donnant un as
pect de "grand brûlé". Ces réactions ne
doivent pas être confondues, bien sûr,
avec les effets secondaires que possède
tout médicament.
• Allergies professionnelles. On peut
être amené, dans son métier, à manipu
ler ou à respirer des substances allergi
santes : colorants et produits de perma
nente pour les coiffeurs; ou sels de
chrome et de cobalt pour les travailleurs
du bâtiment, qui voient apparaître sur
leurs mains des eczémas assez sévères ap
pelés "gale du ciment". Citons, pour fi
nir, l'asthme du boulanger, provoqué par
la farine ou par les acariens qui nichent
dedans. Ou l'asthme dû aux isocyanates
que respirent les ouvriers qui pulvérisent
la peinture au pistolet dans l'industrie au
tomobile. Quand elles sont prises en char
ge comme maladies professiormeUes, ces
allergies donnent droit à des indemnités.
Malheureusement, elles nécessitent en
général de changer de métier.
• Allergie au latex. Elle concerne envi
ron 1 % de la population. Un chiffre qui a
tendance à augmenter car nous sommes
de plus en plus exposés à cette substance.
On la trouve dans les gants de chirurgie,
dans ceux que l'on utilise pour faire le mé
nage, dans les préservatifs, les tétines de
biberons, les ballons de baudruches, les
bonnets de bain, etc. Cette allergie touche
déjà de 10 à 17 % du personnel médical
et paramédical (à cause des gants), et on
la retrouve chez 30 à 50 % des enfants qui
ont été opérés plusieurs fois.
Les symptômes ? Urticaire, œdème, con
jonctivite, rhinite, asthme. Et dans les cas
les plus sévères, œdème de Quincke ou
choc anaphylactique. Toute intervention
chirurgicale présente un risque mortel
pour une personne sensibilisée au latex,
car cette substance est présente partout
dans un bloc opératoire. Si vous devez
être opéré, assurez-vous donc que vous
ne souffrez pas de cette allergie.
• Allergies au soleil. Le soleil peut dé
clencher sur la peau diverses éruptions,
dont toutes ne sont pas de nature aller
gique. La plus courante est la Incite esti
vale bénigne : chaque année, aux pre
mières expositions solaires intenses, de
petites papules rouges apparaissent sur le
décolleté et le dos des mains, mais jamais
sur le visage. Ces rougeurs, qui déman
gent beaucoup, disparaissent au bout de
huit à quinze jours. Dans le cas d'une pho-
toaUergie, la réaction est provoquée par
une substance que l'on a déposée sur sa
peau (parfums, crèmes...) ou ingérée (mé
dicament) et qui est activée dès qu'elle re
çoit la lumière du soleil. En général, ces
allergies provoquent un eczéma ou des
rougeurs qui s'étendent au-delà des zones
exposées au soleil.
' 1014. MARS 2002 . Scam» 111
4 POURQUOI
Y A-T-IL
DE PLUS EN PLUS
D'ALLERGIES?
• Cette question taraude les spécialistes.
Nos appartements et bureaux surchauf
fés, à l'intérieur desquels nous passons
l'essentiel de nos journées, y seraient
bien sûr pour quelque chose. Souvent
mal ventilés et garnis d'épaisses mo
quettes, ils regorgent d'acariens, respon
sables de 80 % des asthmes et rhinites
chez les jeunes. Notre alimentation serait
aussi en cause. Elle s'est enrichie de ki
wis, d'ananas, de pistaches, de soja ou
de grains de sésame... autant d'aliments
nouveaux, consommés dès le plus jeune
âge, qui ont entraîné par ricochet de nou
velles allergies. En particulier la caca
huète, devenue en quelques années la
première cause d'allergie alimentaire
chez l'enfant de plus de 3 ans.
Mais d'autres hypothèses, plus inatten
dues, sont également proposées. De nom semble de ces éléments qui vont l'aiguiller Immunisés
breux aUergologues affirment que si l'on vers un ou plusieurs allergènes particu
liers. Ainsi, une rhinite persistante, qui se
en groupe
devient aujourd'hui plus facilement aller
Les enfants placés
gique, c'est aussi parce que, paradoxale déclenche tout au long de l'année, plutôt en crèche sont plus
ment, on se soigne mieux. Les infections le matin au réveil, et qui disparaît lorsque souvent confrontés
contractées durant l'enfance, supposent- vous partez marcher en montagne, sont que les autres aux
maladies infectieu
ils, auraient protégé nos ancêtres des al autant d'indices qui mettront sur la voie
ses. C'est ia raison
lergies en favorisant des réponses immu d'une allergie aux acariens. En revanche, pour iaqueile, pius
nitaires mieux adaptées. Pour preuve, les si la rhinite se déclenche systématique tard, iis dévelop
enfants gardés en crèche collective (où le ment au printemps, et plutôt à l'extérieur peraient moins
d'aliergies.
partage des microbes est la règle) ou de votre maison, on s'orientera plutôt vers
ayant vécu avec de nombreux frères et une allergie aux pollens.
sœurs, développeraient plus tard moins Pour confirmer son diagnostic et iden
d'allergies que les autres. tifier l'allergène responsable, l'allergo-
logue utilise ensuite un ensemble de
tests, dont la plupart peuvent être effec
COMMENT
tués immédiatement dans son cabinet.
SAVOIR Pour une allergie respiratoire ou ahmen-
À QUOI ON EST taire, ils consistent à déposer l'allergène
suspecté sur la peau de l'avant-bras ou
ALLERGIQUE? du dos ; si vous êtes sensibilisé à cette
• Le mieux, bien sûr, est de consulter un substance, un gonflement et une rougeur
allergologue. Vous lui préciserez depuis apparaissent au bout d'un quart d'heure.
quand vos symptômes surviennent, à quel On teste de cette façon les acariens, les
moment de l'année ou de la journée ils ap pollens, les poils d'animaux, les moisis
paraissent, quelles sont les circonstances sures et les allergènes de cafards. Les
qui les favorisent ou les situations qui, au venins de guêpe, abeille et certains
contraire, peuvent les atténuer. C'est l'en médicaments étant introduits plus

112 fiteeslfe •n"1014•MARS 2002

^ :
profondément à l'aide d'une seringue.
Lorsqu'il s'agit d'eczémas, l'allergologue
place sur le haut du dos une série de spa
radraps, contenant dix petits carrés de bu
vard. Chaque carré est imprégné d'une
substance à tester : métal, colorant,
conservateur, cosmétique, parfums, etc.
Ils restent sur votre dos de deux à trois
jours. Si un petit eczéma apparaît dans
l'emplacement d'une substance, le test est
positif pour cette substance.
Ces tests sont fiables. Mais ils ne font
que détecter une sensibilisation. Ils ne
permettent pas de déterminer, à eux seuls,
si cette sensibibsation est bien celle qui est
responsable des symptômes dont vous
souffrez. Les résultats obtenus doivent
être cohérents avec vos symptômes pour
pouvoir conclure.
En dernier recours, l'allergologue peut
demander un test "de provocation" : la
personne est mise directement en
présence de l'allergène, en mibeu hospi
talier. Soit en consommant l'aliment ou
le médicament, soit en respirant l'allergè
ne s'il est volatil. Si rien ne se passe,
c'est que vous n'êtes pas allergique à
cette substance.
Trouver
Tennemi
6 QUELS SONT
AUJOURD'HUI
Pour démasquer la
substance respon LES TRAITEMENTS
sable d'un eczéma,
on applique sur DISPONIBLES?
la peau une série
• Une fois l'allergène identifié, le traite
de sparadraps
contenant chacun ment le plus efficace consiste à éviter tout
un allergène parti contact avec lui. C'est une lapalissade,
culier. Le test est mais elle est primordiale : si vous ne ren
positif si un petit
contrez pas l'allergène, vous ne pouvez
eczéma apparaît
sous l'un des spa pas faire de réaction allergique. Cela pa
radraps au bout de raît assez simple à réahser lorsqu'O s'agit
deux à trois jours. d'ime allergie au chat ou à un aliment peu
courant, mais c'est évidemment impos
sible pour les acariens, les pollens ou les
moisissures. On peut néanmoins s'effor
cer de réduire la quantité d'allergènes
présents dans son envirormement. On di
minue alors d'autant la fréquence et la
gravité des symptômes.
Certains médicaments peuvent appor
ter un soulagement momentané. C'est le
cas des antihistaminiques, qui empê
chent l'histamine de déclencher l'inflam
mation en bloquant sur nos cellules les
récepteurs de cette substance. Consé
quence : plus de nez bouché, de déman-
N'1014 . MARS 2002. ftîBnâft 113
geaisons, de rougeurs ou de sensation de
chaleur... Mais si la réaction allergique
est suffisamment grave pour déclencher
une chute de tension, ces médicaments
seront impuissants. Ils ne sont donc
d'aucun secours lors d'un choc anaphy
lactique. Ni d'ailleurs en cas d'allergie
alimentaire.
Plus puissants, les corticoïdes sont des
anti-inflammatoires. Ils agissent sur l'en
semble des molécules-messages qui, à
l'intérieur du corps, vont déclencher l'in
flammation et la faire durer. Quand ils
sont utilisés par voie orale dans le traite
ment d'une allergie, les corticoïdes doi
vent être consommés sur des périodes
très courtes (moins d'une semaine). C'est
pourquoi ils ne sont prescrits en général
que durant les périodes de recrudescence
de l'allergie, pour passer un cap difficile. Parmi les médicaments les plus récents,
Dans le cas d'un choc anaphylactique, ils les cromones bloquent la hbération d'his-
peuvent être injectés par piqûre, en com tamine. Ils agissent donc à un stade plus
plément de l'adrénaline, qui reste le seul précoce de la réaction allergique que les
médicament efficace lors de telles réac antihistaminiques.
tions gra\'issimes. Bien qu'efficaces, tous ces traitements
Les corticoïdes locaux, sous forme de ne font que calmer les symptômes. Ils ne
spray ou de poudre à inhaler pour l'asth guérissent en aucun cas l'allergie. Seule
me, et en spray nasal pour la rhinite, peu Le remède l'absence de contact avec l'aUergène fini
vent être pris sur de longues périodes, ra par la faire disparaître. Ou tme désensi
même chez les nourrissons. Car ils ont
qui cause bilisation, que l'aUergologue peut propo
très peu d'effets gênants tant qu'ils sont le mal ser si les symptômes deviennent trop
pris à des doses raisonnables. Us peuvent Libérée par le fréquents et handicapants.
aussi s'appliquer sous forme de crème, système immuni

pour soigner un eczéma.

taire pour éliminer
la substance aller-
gène, ihistamine
7QUEL EST
(ici, une molécule LE PRINCIPE
modéiisée) provo
que en retour œdè
D'UNE DÉSEN
me, rougeurs et
irritations...
SIBILISATION?
• La méthode est simple : on injecte à in
tervalle régulier, par piqûre sous-cuta-
née, une dose de plus en plus importan
te d'allergènes. La désensibilisation
commence en général par une piqûre
toutes les semaines, pendant environ
quatre mois (sauf pour les allergies au ve
nin de guêpe et d'abeille, où cette phase
se fait de façon accélérée en deux jours
d'hospitalisation). On espace ensuite les
piqûres, pour arriver à une injection
d'entretien par mois durant de trois à
cinq ans (une autre méthode consiste,
depuis peu, à déposer tous les matins

114 Saouâtic -n^1014maR5\002


L'abeille quelques gouttes d'allergènes sous la
langue). Si l'on évite par ailleurs les
et le latex contacts avec l'allergène, ce traitement
Abeilles, guêpes et
empêche l'allergie de s'aggraver et per
frelons provoquent
chaque année une met en général d'en atténuer les symp
vingtaine de décès tômes au bout de trois à douze mois, voi
en France. Moins re de les faire totalement disparaître. EUe
connue, i'ailergie
au latex peut, elle
limite aussi l'apparition, plus tard, de
aussi, se révéler nouvelles allergies. La désensibilisation a
fatale, notamment prouvé son efficacité pour les allergies
lors d'une opéra aux piqûres d'abeilles ou de guêpes, aux
tion dans un bioc
chirurgical, où cette acariens, à différentes sortes de pollen,
substance est très aux poils de chat ou aux moisissures do
présente. mestiques telles que YAltemaria.
Comment agit-elle ? Comme un "vac
cin" anti-allergique : les allergènes injec
tés vont peu à peu modifier la réponse du
système immunitaire vis-à-vis de cette
substance, probablement en régulant la
production des anticorps IgE. Il est pos
sible qu'elle favorise aussi la production
d'un autre type d'anticorps - les IgG - qui
bloquent l'action des IgE.
Depuis peu, les allergologues soupçon
nent la désensibilisation d'agir sur les
lymphocytes T4. Des cellules très impor
tantes, car ce sont elles qui permettent à
notre système immunitaire de garder en
mémoire les combats qu'il mène contre
les corps étrangers. Ces lymphocytes T4
sont divisés en deux familles : les Tbl et
les Tb2. Les Tbl sont des cellules inflam
matoires qui ne participent pas aux ré
actions allergiques, contrairement aux
Tb2, qui libèrent des signaux pro-aller-
giques. Normalement, ces deux popula
tions de lymphocytes sont en équilibre.
Sauf pour les personnes allergiques, qui
produisent trop de Tb2. La désensibili
sation rétablirait cet équilibre en favori
sant la sécrétion de signaux inflamma
toires de type non-allergique, au
détriment des lymphocytes pro
allergiques.
S QUELLES SONT
LES PISTES
THÉRÂPEUTIOUES
POUR L'AVENIR?
• Un nouveau traitement devrait bientôt
apparaître, qui consistera à injecter des
anticorps dirigés contre les IgE - respon
sables de la réaction allergique - pour les
neutraliser. Des injections régulières de
tels anticorps permettraient d'éliminer
pratiquement tous les symptômes de l'al
lergie. Mais ils réapparaîtront dès l'arrêt
du traitement.
Une autre piste, plus lointaine, serait de
désensibiliser par thérapie génique : on
injecterait un gène qui, une fois inséré
dans le noyau des cellules, favoriserait
l'orientation Tbl, anti-aUergique, des lym
phocytes. Reste à trouver le meiUemrgène
et à s'assurer qu'il ne perturbe pas le fonc
tionnement normal de l'organisme.
Enfin, une dernière voie, encore plus
hypothétique, consisterait à utiliser de
petits morceaux d'allergènes dont on au
rait modifié une partie. Ils iraient se fixer
sur les récepteurs des lymphocytes T qui
ordonnent la production des IgE. Mais
ils auraient été modifiés de façon à blo
quer le récepteur sans entraîner de réac
tion du lymphocyte. Comme une clé qui
se glisse dans la serrure d'une porte mais
qui ne peut pas l'ouvrir. Le lymphocyte
ayant tous ses récepteurs bloqués, il ne
peut plus réagir avec le véritable allergè-
ne : la sensibilisation deviendra inopé
rante. Le rhume des foins ne sera plus
qu'un lointain souvenir. •
Pour en savoir plus : les Allergies, Dr Isabelle Begon
et Emmanuel Monnier, Editions In Press, 2001.
N" 1014 • MARS 2002 • 115
 ?iîisD

'i.

Il mesure en réalité
Tout le monde a appris que le mont Blanc culmine tier ne se limite pas à mesurer la
surface d'un studio ou à calculer
à 4807 m. Faux : grâce à des techniques de pointe, l'inclinaison d'une conduite d'eau.

une expédition a mesuré le toit de l'Europe avec Et même ces mesures, simples en
apparence, font aujourd'hui ap
une précision jamais atteinte, rendant au massif pel à des techniques de pointe.

Quandles ingénieurs s'en

3 mètres et des poussières qui lui appartiennent.
mêlent, tous les repères
se brouillent : on ne peut
même plus faire con
fiance à la tranquille im-
muabilité des monta
gnes. Prenez le mont Blanc, par
exemple : tout le monde a appris,
sur les bancs de l'école, qu'il mesu
rait 4 807 mètres. Des entreprises
ont même adopté ce chiffre my
thique comme enseigne. Eh bien !
tout est à revoir. Les livres sco
laires, les enseignes... et les cartes.
4810 m et 40 cm, à 5 cm près : le
résultat date du mois de septem
bre dernier, et la précision est la
meilleure jamais atteinte.
DES SIECLES DE RELEVES
Tout commence par un coup de
pub, lorsque les géomètres-ex
perts de Haute-Savoie décident de
redorer leur blason. Car leur mé
Mais comment montrer cela au
public? Pourquoi pas en détermi
nant la hauteur du mont Blanc ?
Le toit de l'Europe...
Mesurer une montagne, on sait
faire. Voilà des siècles que la hau
teur du mont Blanc est régulière
ment revue. Chaque nouveau ré
sultat différait du précédent : par
fois plus, parfois moins (voir ta
bleau, page 125). On a commencé
tout d'abord par la trigonométrie,
en mesurant l'angle apparent en
tre le sommet et la base. On a es
sayé le nivellement barométrique,

116 SâtÊUSêne • 1014 •MARS 2002


4810,40 m!
en relevant la différence de pres
sion atmosphérique entre vallée et
mont. On a effectué des levées to
pographiques en modélisant par
triangulation, de point en point, le
chemin qui conduit au sommet.
On a mis à profit la restitution
photogrammétrique, cette techni
que couramment utilisée pour
dessiner les cartes : deux photos
aériennes du même paysage pris
sous deux angles permettent d'en
reproduire le relief en stéréosco-
pie. Les derniers calculs, effectués
par l'Institut géographique natio
nal (IGN) dataient de 1986, et
donnaient à l'époque déjà 4 808 m.
Mais avec un risque sur vingt que
l'erreur sur ce nombre dépasse les
2 mètres, le résultat n'avait rien de
révolutionnaire.
Mais revenons-en à l'été dernier.
Pour mener à bien leur petit ex
ploit, les géomètres-experts font
appel aux ingénieurs de Leica Geo-
systems, qui emportent avec eux
un récepteur GPS de précision et
son antenne. Les Savoyards s'adjoi
gnent aussi, comme caution scien
tifique, les géodésiens de IIGN.
TECHNOLOGIE DE POINTE
Ceux-ci vont en profiter pour ef
fectuer une série de mesures de
la pesanteur, au moyen d'un ap
pareil appelé gravimètre. Cette
grosse boîte enveloppée dans un
matériau isolant et les panneaux
solaires qui l'alimentent en élec
tricité pèsent plus de 15 kg... et
l'appareil est sensible aux chocs :
pas question de le heurter durant
PAR MATTHIEU CROCQ
Record battu I
Record de précision : ies ingé
nieurs (ici, l'un des membres '
de l'équipe au sommet, avec
l'antenne satellite) ont effectué
des mesures avec une marge
d'incertitude de seulement 5 cm.
l'ascension. Pourquoi un tel bar
da ? Faut-il autant de matériel
pour mesurer la hauteur d'une
montagne? Oui et non. Tout re
pose, en fait, sur deux problèmes :
la forme de la Terre et la défini
tion de l'altitude.
Dès l'Antiquité, les mathémati
ciens savaient que la Terre n'était
pas plate. Le premier à en avoir
calculé le rayon (et à mériter ain
si, deux siècles avant J.-C., le titre
de premier géodésien de l'histoire)
est le célèbre astronome, mathé
maticien et géographe grec, Era-
N* 1014 • MARS 2002 - SeausUe 117
 0)
• ^m

tosthène. Directeur de la grande

(/)
bibliothèque d'Alexandrie, il me
>0) sura l'ombre d'un bâton dans cet

"O te ville, puis à Syène (aujourd'hui

Assouan), et estima la distance
o entre les deux cités grâce à la vi
.Q) tesse moyenne d'un chameau.
Alors que le rayon de notre planè
G)
te à l'équateur est de 40075 kilo
mètres, Eratosthène trouva pour
ordre de grandeur... quatre dizai
nes de milliers de kilomètres !

LE CASSE-TÊTE DE L'ALTITUDE
Bien plus tard, au xvip siècle, le
physicien Newton supposa avec rai
son que la Terre était aplatie aux
pôles : de sphère, elle dewnt ellip
soïde. Cette figure géométrique
était bien utile pour calculer les
projections des cartes et y reporter
les coordonnées d'un point. Mais
elle s'avéra, elle aussi, incorrecte.
Avec la fin du XDè siècle et la fon
dation de l'Association internatio
nale de géodésie, une nouvelle fi
gure naquit ; le géoïde est "tout
simplement" la forme que pren
drait notre planète si elle n'était re elle n'est pas la plus utile. Car con te, et le chariot suspendu suivra
couverte que d'eau. Une forme de naître la hauteur relative de deux le chemin qui le conduira non
patate mal taillée (voir schéma page points n'est finalement pas très vers le point le plus bas, mais vers
ci-contre), dont le rayon peut varier important. «Ce qui compte, pour celui où la gravité est la plus for
de plus de 100 m! suit Alain Harmel, c'est de savoir te. Pour les ingénieurs, l'altitude
Tout cela conduit à une question si ça monte ou si ça descend ! En n'est plus une hauteur, mais une
centrale : qu'est-ce qu'une altitu hydraulique, par exemple, on sait valeur de la pesanteur. Or le géoï
de, alors que la surface des océans qu'il vaut mieux construire un de, par sa définition même, est
n'est pas sphérique, que le niveau château d'eau au-dessus d'un vil- une surface sur laquelle la gravité
est identique en tout point (on

Quelle pourrait être la hauteur de parle de "surface équipotentiel-

la mer à l'intérieur du mont Blanc?
moyen des mers varie d'un point à
l'autre ? «C'est là qu'est le nœud
du problème, sourit Alain Harmel,
du Service de géodésie et nivelle
ment de l'IGN. Au départ, la réfé
rence était le ni^'eau moyen de la
mer à Marseille, calculé sur dix
ans à la fin du xrx' siècle. » Autant
dire qu'une telle valeur n'est pas
universelle du tout. Et surtout.
lage plutôt qu'en dessous. » Ten
dons un fil entre deux maisons,
au-dessus d'une vallée : si un cha
riot suspendu placé au milieu ne
bouge pas, on peut considérer que
le fil est horizontal, que les deux
maisons sont à la même altitude.
Tout est donc une question de
gravité. Car l'attraction terrestre
diminue quand l'altitude augmen
le") ; il est donc devenu la référen
ce, l'altitude zéro des géodésiens.
On connaît relativement bien la
forme du géoïde aujourd'hui. Les
chercheurs en géodésie spatiale le
mesurent notamment en étudiant
les orbites des satellites de notre
planète : si le géoïde était parfaite
ment sphérique, les trajectoires
des satellites seraient de simples
ellipses. Chaque déformation de
celles-ci traduit donc les irrégula
rités dans le champ de gravité de
la Terre, irrégularités qui provien-

118 &meêJHe • h" 1014 • MARS 2002


Dix-neuf quittèrent le refuge,
deux seulement parvinrent au
sommet Leur couverture de
survie sur le dos, les grimpeurs
attendent la fin des mesures.
nent essentiellement des mouve
ments de convection internes au
manteau terrestre. Seulement voi
là : quelle serait la hauteur de la
mer à l'intérieur du mont Blanc?
Une bonne approximation se fon
de sur le modèle de l'IGN appelé
"quasi-géoïde 1998" (QGF98),
construit par interpolation à partir
de 557913 mesures de gravité ef
fectuées sur le territoire français !
Mais l'idéal serait de pouvoir mo-
déliser l'attraction terrestre au
sein même du mont Blanc.
Voilà pourquoi le 5 septembre
dernier, quelques jours avant l'ex
pédition qui doit conduire géo-
mètres-experts et ingénieurs au
sommet, les géodésiens de l'IGN
mesurent la gravité en plusieurs
points du tunnel du Mont-Blanc
fermé à la circulation après le ter
rible incendie de mars 1999. Le
lendemain, les mesures gravimé-
triques sont faites à l'aplomb du
tunnel : sur la terrasse de l'aiguille
du Midi, aux coordonnées bien
connues. L'objectif est de mesurer
ensuite la gravité au sommet du
mont Blanc, et de déduire l'altitu
de zéro des précédentes mesures,
la densité des roches étant suppo
sée identique dans tout le massif.
Vendredi 7 septembre, dix-neuf
personnes se retrouvent au pied
du téléphérique des Houches :
trois guides de haute montagne
dont deux sont techniciens géo
mètres, un cadre du conseil géné
ral de Haute-Savoie, les ingénieurs
de Leica Geosystems, ceux de
l'IGN et les géomètres experts de
Haute-Savoie. L'expédition enta
me l'ascension mécanique à 8h30,
grimpant jusqu'à Bellevue
( 1 850 m) pour apprendre que le
tramway à crémaillère du Mont-
Blanc, qui monte au Nid d'Aigle
(2 372 m), est en panne !
LE GPS PUNTÉ AU SOMMET
L'équipe grimpe à pied, et pour
suit sa route jusqu'au refuge du
Goûter (3 817 m) pour un repos
salvateur. Samedi 8 septembre : le
réveil sonne à 2 heures du matin.
Départ pour le sommet. Mais les
conditions météo sont mauvaises,
un vent glacial souffle à 50 km/h
et, à 300 m du but, la plupart des
membres de l'expédition doivent
finalement renoncer. Le gratimè-
tre, trop lourd, trop fragile, redes
cend avec eux, après qu'une mesu
re eut été effectuée au refuge Vallot
(4362 m). Qu'importe! Deux grim
peurs ont atteint le sommet, leur
précieux récepteur GPS sur le dos.
Ils fichent les antermes dans la nei
ge, et la collecte commence : pen
dant cent deux minutes et trente

Sommet du mont Blanc

La distance entre le
sommet et l'ellipsoïde
est calculée à partir
des données fournies
par les satellites GPS

fi
Surface topographique
Relief réel de la Terre

Gëoïde •
Altitude zéro, référence
des géomètres pour
établir les cartes.

Si notre planète n'était recouverte que d'eau, elle aurait

Ellipsoïde,
Figure géométrique
élémentaire la plus procfie
de la forme de la Terre.
une forme baptisée géoïde : pleine de bosses et de
uni creux dus aux irrégularités du champ de pesanteur. De
I ?l
(A cg
quoi définir alors une "altitude zéro", qui a justement
permis de calculer l'altitude réelle du mont Blanc.
0)
secondes, l'appareil relève les si
(/)
gnaux des satellites qui filent dans
.0) le ciel, à plus de 15000 km au-des
•D sus du mont Blanc.
O UNE ERREUR INACCEPTABLE
>0) Propriété de l'armée américaine,
le GPS (Global Positioning System)
O)
permet à n'importe qui, moyennant
un récepteur léger et peu coûteux,
d'obtenir sa propre position sur l'el
lipsoïde de référence. Son principe?
Chaque satellite émet des micro
ondes, sur deux fréquences diffé
rentes appelées L1 et L2. Le mo
ment précis de leur émission et la
position du satellite dans le ciel sont
encodés dans chaque signal. Sur
terre, le récepteur collecte ces si
gnaux, mesure le temps qu'ont mis
les ondes pour lui parvenir et en dé
duit la distance qui le sépare de
chaque satellite. Une simple trian
gulation permet alors d'cifficher les
coordonnées du récepteur sur
l'écran. Simple, trop simple pour les
géodésiens, car en réalité se pose
tout une série de problèmes. Tout
d'abord, la vitesse de propagation
Deux outils
pour mesurer
Avec le GPS (ci-des
sous), le gravimètre
est devenu l'un des
outils indispensa
bles pour cartogra-
phier la Terre.
Il est sensible à
une variation
d'altitude inférieure
au centimètre.
120 SnfiKEâlfe . 1014 ' MARS 2002
du signal GPS est perturbée par son
passage dans les couches atmo
sphériques inférieure (la troposphè
re) et supérieure (l'ionosphère). Or,
si la vitesse des ondes n'est pas
connue précisément, le calcul de la
distance du satellite en est faussé.
Ensuite, la position réelle des satel
lites dans l'espace peut varier de
plusieurs kilomètres par rapport à
leur position théorique : volant à
ime altitude moyenne de 20200 km
au-dessus du plancher des vaches,
ils sont soumis aux attractions lu
naire et solaire, aux marées océa
niques et terrestres, au vent solaire
qui les repousse littéralement... et
aux corrections d'orbite apportées
de temps à autre, sans prévenir évi
demment, par les militaires améri
cains. Enfin, les codes standard dé
livrés par les satellites ne permet
tent pas d'obtenir tme précision in
férieure au mètre. Que toutes ces
incertitudes se cumulent, et l'erreur
finale atteint 5 m. Inacceptable
pour les arpenteurs du mont Blanc.
Ils ont donc fait appel à plusieurs
astuces pour améliorer la préci
sion des mesures. La
perturbation des
ondes par l'iono
sphère? On la résout
en comparant les
fréquences L1 et L2,
qui ne subissent pas
les mêmes change
ments et permettent
donc de modéliser la
perturbation. Par la
troposphère ? On
compare le signal
capté au sommet avec celui qu'ont
reçu, au même moment, des sta
tions de référence situées à Lyon,
Modane ou Zimmerwald (Suisse)
L'orbite réelle des satellites ? Elle
est calculée en permanence - à
3 cm près ! - par un réseau de sta
tions scientifiques appelé IGS (In
ternational GPS Service). Les li
mites inhérentes aux codes GPS ?
Les chercheurs mesurent les diffé-
Ça y est! Les précieuses données
satellites sont dans la boîte ; la
nouvelle altitude du mont Blanc
sera bientôt connue.
rences de phase sur les signaux LI
et L2, ce qui permet une localisa
tion très précise. Encore faut-il que
la position des satellites dans le
ciel évolue suffisamment pour
rendre possible cette méthode :
cela explique, notamment, la
longue durée des mesures.
UN LOGICIELÀ LA RESCOUSSE
Inutile de le dire, tous ces para
mètres ne sont pas intégrés par le
récepteur au moment même de la
collecte ! Une fois les alpinistes re
descendus un peu plus près de ce
bon vieux géoide, un logiciel bapti
sé Bemese, spécialement conçu à
cet effet à l'université de Berne, se
charge de tout. Enregistrements
GPS du sommet, enregistrements
simultanés effectués en quatre
points de référence (Les Mouches,
Montroc, Les Contamines et Com-
bloux), données des stations du Ré
seau GPS permanent, position
exacte des satellites au moment des
mesures... Le logiciel calcule le ra
lentissement des ondes dans l'atmo
sphère, les incormues de position,
les ambiguïtés de phase. Et le ver
dict tombe : 4863,94 m! Est-ce là
l'altitude du mont Blanc? Non, seu
lement sa hauteur au-dessus de l'el-
Upsoïde de référence. Il reste à pas-

ser de cette hauteur ellipsoïdale à
l'altitude par rapport au géoide.
L'OBSERVATOIRE ENGLOUTI
PAR LES NEIGES ÉTERNELLES
«C'est là qu'aurait dû intervenir
le gravimètre, explique Alain Har-
mel. On a des mesures précises de
la gratité à 400 m du sommet, ain
si que celles de l'aiguille du Midi et
du tunnel du Mont-Blanc,
l'aplomb l'une de l'autre et séparées
d'environ 2600 m.» Mais ces résul
tats, qui doivent permettre aux in
génieurs de modéliser le - ..
géoide à l'intérieur du
massif, sont incom
plets faute d'une me
sure au sommet :
ils donneront
Les géodésiens ont donc utilisé
l'approximation française standard,
le quasi-géoïde QGF98, pour calcu
ler l'altitude du mont Blanc. Le ré
sultat final reste précis : si le logiciel
estime l'erreur à 1 cm, les ingé
nieurs retiennent finalement une
incertitude de 5 cm... Comme quoi,
même avec les méthodes les plus
complexes et les techniques les plus
en pointe, le savoir-faire humain et
le pifomètre restent de mise. D'au
tant plus que la valeur finale de
4 810,40 m «concerne le sommet de
la couche de neige et de glace re-
couvuant le mont Blanc le 8 sep
tembre 2001 à 7h00 UTC», dont on
estime la hauteur à 30 ou 40 mè
tres. «Le mont Blanc a-t-il grandi?
s'interroge finalement Thierrv Gat-
DEUX SIÈCLES DE MESURES
date altitude
1775 4775 m
à
1787 4808,3 m
Horace Bénédict de Saussure
1823 4801,9 m
1863 4807 m
1894 4807,2 m
1988 4808,4 m
tacceca, ingénieur à l'IGN, chargé
du gravimètre pendant l'expédition.
Pour nous, il était admis que cette
couche de neige était assez stable. Il
semble finalement qu'elle augmen
te, Peut-être est-ce une conséquen
ce du réchauffement global, qui
accroît l'enneigement... » L'effet de
serre soulèverait-il des mon
tagnes ? Pour le savoir, il faudra re
nouveler les mesures du manteau
neigeux qui chapeaute le mont
Blanc. Une couche à l'intérieur de
laquelle se trouvent encore les
restes de l'observatoire astrono
mique installé là à la fin du xix'
siècle par Jules César Janssen, fon
dateur de l'Observatoire de Meu-
don, et peu à peu englouti par les
neiges étemelles. •
méthode et "mesureur"
nivellement trigonométrique
chevalier Schuckburgh
nivellement barométrique
nivellement trigonométrique
Carlini et Plana
levée topographique
colonel Mieulet
nivellement trigonométrique
Henri et Joseph Vallot
positionnement GPS
IGN

cependant une 2001 4810,4 m positionnement GPS

meilleure car IGN

te du champ
de gravité,
qui sera uti
lisée dans des
études ultérieures.

Joseph Vallot a
mesuré le mont
Blanc en 1894.
A droite, l'expé
dition du colo
nel MIeulet
effectue une
levée topo-
graphique
en 1863.

n°ioi4 MARS 2002 SoimfKâlIe 121

 Des écrans plats
Baptisée OLED, une toute nouvelle technologie
u
a;
d'écrans extra plats, pas chers et même
flexibles, promet de révolutionner téléviseurs,
téléphones mobiles ou encore réalité virtuelle..

Unécran de moins d'un

Déjà les premiers modèles arrivent.

millimètre d'épaisseur
collé au mur et connecté
à un petit boîtier : voilà
peut-être bien le télévi
seur de demain ! Cela
grâce à une toute nouvelle famille
de diodes électroluminescentes,
baptisée OLED (Organic Light
Emitting Diodes). Une technolo
gique d'écran extra-plat qui per
met, en outre, un champ de \ision
incomparable et une luminosité
de 5 à 60 fois supérieure à celle
des écrans à cristaux liquides qui
équipent nos ordinateurs et autres
appareils portables.
DES PRIX ENFIN COMPÉTITIFS
Et ce n'est pas tout : en utilisant
des films polyester comme sub
strat, les écrans OLED sont sus
ceptibles de devenir flexibles, voire
enroulables. L'idéal pour les ap
pareils de poche. Reste le problè
me du prix, véritable handicap des
écrans plats. Surprise : les procé
dés de fabrication de tels écrans
étant simples et d'ores et déjà maî
trisés, les prix devraient être bon
marché. De quoi mettre, enfin, des
écrans plats à la portée du grand
public. Pas de doute, une révolu
tion est en marche.
D'ailleurs, les écrans OLED ont
cessé d'être un "jouet de laboratoi
re", et de grands groupes industriels
misent sur eux. Pioneer propose
déjà des autoradios équipés de
ce type d'écrans, ainsi que des
afficheurs graphiques OLED
en couleurs, dont Motorola
vient de doter son téléphone
mobile TimePort 8767.
Pour sa part, la société
américaine eMagin a
commencé de livrer de
tels écrans pour micro-
ordinateurs compatibles
S-VGA (la norme tradi
tionnelle des moni
teurs pour PC), et des
produits au format
16/9' destinés aux
lecteurs de DVD
portables. Dans
le même es
prit, Kodak
La techno
logie OLED procure
sous tous les angles
des couleurs vives (écran
de droite), contrairement aux
cristaux liquides (à gauche).

122 kmesJ/g •h' 1014•MARS 2002


de 1 mîlUmètre !
et Sanyo ont signé un accord de
partenariat pour la production
d'écrans OLED. «Cette technologie
est la meilleure réponse aux at
tentes du public dans le domaine
des écrans plats de grande dimen
sion», assure Daniel A. Carp, le pré
sident de Kodak. Avec d'autres ex
perts, il estime que ce marché
PAR HENRI-PIERRE PENEL
In.
Substrat
transparent
Lumière
émise
Emission
de lumière
par les
polymères /*
devrait décoller dès cette année,
pour représenter un chiffre d'af
faires compris entre 900 miUions et
3,6 milhards d'euros dès 2005. Mais
en quoi cette technologie diffère-t-
eUe des précédentes? Pourquoi elle
seule permet-elle la production
d'écrans souples ? Et pourquoi est-
eUe bon marché à produire?
Des nano-Gouches
La technologie OLEDsuperpose différen
tes couches d'une épaisseur de l'ordre du
nanomètre 1En face avant de l'écran, c'est
un substrat porteur d'électrodes verticales
transparentes (anodes). Vient ensuite la
couche active de polymères organiques (les
OLED) : c'est elle quiengendre la lumière.
Puis se superposent une seconde couche
d'électrodes (cathodes) et, en face arrière,
un support, pour protéger l'ensemble. Le
système électronique de pilotage gère
l'Image point par point : lorsqu'il met sous
tension une cathode et une anode, le point
OLED situé à l'Intersection de deux électro
des s'Illumine. Il forme ainsi un pixel.
Couche de polymères Support
organiques (OLED)
Cathode
Anode sous tension
'• sous tension
Techniquement, le secret de fa
brication de ces diodes électrolu
minescentes d'un nouveau genre
repose sur une superposition de
couches "organiques" (le O de
OLED - voir infographie). Orga
niques, c'est-à-dire à base de sub
stances organiques, notamment
des colorants, qui sont plus
N° 1014. MARS 2002. SSWeSffiF 123
0)
Deux procédés
c pour la couleur
O PAR LES DIODES
La couleur de la lumière émise par
une OLED dépend de la compo
sition chimique des trois couches
qui composent ses polymères. En
u sélectionnant une composition
précise, on obtient alors des dio
Q) des émettant dans le bleu, le vert
ou le rouge, les trois éléments
>0) fondamentaux pour restituer une
image en couleurs. Ce procédé
nécessite toutefois un traitement
pixel par pixel des couches orga
niques, afin de former un damier
de diodes rouges, vertes et bleues.
simples à fabriquer que le silicium
sur lequel se fondent les diodes
électroluminescentes tradition
nelles. Et cela fait toute la diffé
rence. Car dès lors, les procédés de
fabrication de ce type d'écran sont
beaucoup plus simples que ceux
nécessaires à la réalisation de
leurs concurrents, en particulier à
plasma. Pour un écran monochro
me, par exemple, les opérations se
limitent à la pose successive de
couches minces. Un travail relati
vement aisé comparé à celui que
nécessite la fabrication d'un mi
croprocesseur, par exemple. Des
chaînes de production anciennes,
donc déjà amorties, peuvent par
faitement l'exécuter.
Pour les écrans couleurs, le pro
blème se complique un tantinet
puisqu'il faut gérer indépendam
ment la pose de couches de cou
leurs différentes; mais l'opération
n'entraîne que l'augmentation du
nombre de "passes" dans les ma
124 SHBBtïélfe • 1014 •MARS 2002
chines, sans remettre en cause la
chaîne de production. Les écrans
couleurs devTaient donc, eux aus
si, pouvoir être produits à bon
marché. Notons d'ailleurs que,
dans ce domaine, deux procédés
sont en cours d'évaluation (info
graphie ci-dessus).
TOUT PETITS OU TRÈS GRANDS
Le premier est celui qui super
pose des diodes rouges, vertes et
bleues, exactement comme sur
l'écran d'un téléviseur. Elle im
plique donc trois traitements diffé
rents. Le second procédé utilise,
lui, des diodes émettant de la lu
mière blanche. Du coup, des écrans
noirs et blancs sont immédiate
ment concevables. Pour les doter
de la couleur, il suffit de déposer
entre le substrat et les anodes une
mosaïque de filtres colorés rouges,
verts et bleus. Au final, le rendu ob
tenu par les deux technologies se
rait comparable. Autrement dit.
Electrodes
verticales
Polymere
OLED
Electrodes
horizontales
Substrat
transparent
Rayons lumineux
c'est l'écart de coût de production
entre ces deux procédés qui devrait
décider du vainqueur.
Le dernier atout des écrans OLED
n'est pas des moindres : leur tech
nologie permettant aussi bien de
très petits écrans que de très gran
des surfaces, elle ouvre la porte à de
multiples applications. A commen
cer par les lunettes de réalité vir
tuelle, qui gagneraient en qualité
comme en résolution d'image puis
qu'il est possible, via l'OLED, de
créer des pixels plus fins que sur
les écrans LCD. A l'autre extrême, le
téléviseur mural sort du domaine
du rêve. Son écran pourrait être
aussi simple à poser qu'un poster.
Contrairement aux cristaux li
quides qui nécessitent un rétro
éclairage, les OLED engendrent en
effet leur propre lumière; l'écran
peut donc être incroyablement
plat : moins de 1 millimètre! Une
possibilité qui intéresse au premier
chef les familles d'appareils por
tables ou mobiles. De fait, dans un
écran à cristaux liquides, ce n'est
pas la matrice d'affichage qui con
somme le plus d'énergie, mais son
rétro-éclairage. C'est même pour
L'écran de certains autoradios
bénéficie d'ores et déjà de ia
technologie OLED.
PAR LES FILTRES
La couche OLED émet cette fois de la lumière blanche. Ce sont alors des
filtres colorés classiques, imprimés sur le substrat qui restituent la couleur.
Polymère
I
Filtres
colorés
Rayons lumineux
cette raison que des appareils com
me les ordinateurs de poche ou les
organiseurs (PDA) s'orientent vers
des écrans réflectifs, c'est-à-dire ca
pables d'afficher ime image en cou
leurs sans rétro-éclairage. Certaines
consoles de jeu de poche, telles les
COMMENT LA COUCHE OLED ÉMET DE LA LUMIÈRE
Le POLYMERE OLED
La première couche organique
est un mélange d'aluminium et
d'hydroxyquinoline. Dopée
négativement, elle constitue
la cathode de la diode électro
luminescente. Elle a une épaisseur
de 75 nanomètres.
La deuxième couche, en
naphthaphenylène benzidine, est
dopée positivement C'est l'anode
de la diode. Son épaisseur est de
50 nanomètres. La lumière naît
à la jonction de cette couche
et de la première.
La troisième couche est
une association de cuivre et de
phthalocyanine(colorant organique
vert-bleu) pour les écrans mono
chromes. D'autres colorants sont
utilisés pour le rouge, le vert et le
bleu. L'épaisseur de cette couche
est de 20 nanomètres.
verticales
nonzontales
Substrat
transparent
I composants organiques. L'impo
GameBoy Advance ou GameBoy
Color, les utilisent également. Ce
pendant, la qualité de leurs cou
leurs laisse encore à désirer. Or, les
écrans OLED, bien qu'ils utilisent
de l'électricité pour générer la lu
mière, consomment globalement
Substrat transparent ;
Verre ou polymère souple, il a une
fonction de support mécanique de
l'écran tout en laissant passer la lumière.
moins que leurs homologues LCD
et leur rétro-éclairage. Et, côté ren
du, ils devraient présenter des noirs
parfaits, ce qui est loin d'être le cas
des cristaux liquides, puisqu'il suffit
ici d'"éteindre" les diodes pour les
obtenir.
Jusqu'à présent, la seule limite
que présentaient les OLED était
leur durée de vie limitée. Un pro
blème en passe d'être résolu : les
constructeurs annoncent au
jourd'hui des durées de vie supé
rieures à vingt mille heures grâce à
leurs recherches sur la stabihté des
sant tube cathodique de nos télévi
seurs vit-il alors ses dernières
heures? En tout cas, les écrans
OLED sont aujourd'hui le candi
dat le plus sérieux pour leur succé
der. La question étant désormais
de savoir qui prendra les rennes de
ce marché qui excite déjà passions
et convoitises. •
L'alimentation électrique
Electrode dorsale :
Cette électrode, en alliage
de manganèse et d'argent,
a une épaisseur de
200 nanomètres. Elle a
pour rôle d'être le "fil
d'alimentation en
électricité" de la cathode.
Electrode frontale ;
C'est le second pôle de
la diode. Constituée d'une
fine couche d'oxyde
d'indium d'une épaisseur
de 80 nanomètres, elle
est transparente.
N° 1014 . MARS 2002 SaaOfMie 125
OJ

>0)

E
o
La marche livre
n Un génial petit appareil
permet de mesurer très
facilement et, surtout,
de manière objective
les qualités et défauts
de la marche. De quoi
assister les rhumatolo
gues dans leur tâche,
mais aussi les entraî
neurs de chevaux ou

Ladémarche ne se réduit
encore les sportifs.

pas à mettre seulement un

pied devant l'autre. Elle
est une sorte de mystère,
presque l'incarnation du
sacré. Virgile n'écrivait-il
pas : « La déesse se révéla par sa
démarche»? Quant à Balzac, il
alla jusqu'à rédiger une mémo
rable Théorie de la démarche, dans
laquelle il n'hésite pas à affirmer
que notre manière d'avancer «est
l'accomplissement plus ou moins
passionné du Verbe». Pour au
tant, comment s'accomplit réelle
ment l'acte de marcher? Cher Equimétrix, ce système, à base de dressage, la course de trot et le ga
cheur à L'Inra, à Jouy-en-Josas capteurs placés sur le corps du che lop. «Dans de 60 à 70 % des cas,
(Yvelines), le Dr Eric Barrey a val, ouvre de multiples perspectives on peut prédire si l'animal sera per-
cherché à le savoir, dans le milieu équestre. La moin formeur ou pas», jubile Eric Bar
a
dre n'étant pas la mise en place de rey. Pour expert que puisse être, o ^
9 o
SAUTEUR OU TROTTEUR? tests d'aptitude précoce en vue à la longue, le jugement des en
Vétérinaire de son état, son tra d'orienter l'animal vers la disciphne traîneurs sur tel ou tel jeune ani
vail s'est logiquement porté sur la hippique où il a le plus de chance mal, voilà qui doit donc les aider
"plus noble conquête de l'homme" : de réussir. De fait, l'appareil per à ne pas se tromper, dans leur in < co

il a mis au point un petit appareil met d'établir avec précision les ca térêt comme dans celui du cheval, ii
qui permet l'analyse dynamique du ractéristiques de la locomotion re Le bien du cheval, justement : à
mouvement du cheval. Baptisé quises par le saut d'obstacle, le l'entraînement, Equimétrix sert

126 SâeasesJ/g • n" 1014 • MARS 2002

 PAR SANDRINE CHAUVARD

ses secrets !
aussi à détecter d'éventuels pro
blèmes orthopédiques, ainsi qu'à
évaluer les progrès et les faibles
ses du cheval pour mieux adapter
les exercices et les soins. Enfin,
lors d'une vente, l'appareil appor
te une mesure objective de l'apti
tude sportive de l'animal.

GRÂCE À DESCAPTEURS
On n'est jamais si bien servi que
par soi-même : « Cet appareil se
révélant très simple d'utilisation,
je me suis dit qu'il pourrait être
adapté à l'homme. Je l'ai donc es
sayé sur moi-même », raconte le
Dr Barrey. Expérience concluan
te, puisque cette technique, rebap
tisée Locométrix, est désormais
utilisée sur des patients du servi
ce de rhumatologie de l'hôpital de
Laval, que dirige le Dr Bernard
Auvinet. Lequel se félicite de dis
poser «pour la première fois d'un
appareil capable de quantifier un
défaut de la marche qui est en
même temps facile à utiliser».
Jusqu'à présent, l'évaluation de la
gêne fonctionnelle des boiteries,
souvent causées par des patholo-
gies du genou et de la hanche, ne
faisait appel qu'à des indices sub
jectifs, des échelles de mesure éta
iyL.iylLljlnlllll.JII Mis au point par blies par des questionnaires sou
e.lC£
SO
?S94
DlirurKwc) 3% FBBflW
ie Dr Eric Barrey, mis aux patients. Locométrix ap
Equimétrix est un petit
appareii qui permet
porte enfin une quantification ob
M l'anaiyse dynamique jective des boiteries humaines.
des mouvements du Concrètement, l'appareil se pré
chevai. De capteurs sente sous la forme de deux cap
piacés sur ie corps
de i'animai sont reiiés teurs (des accéléromètres) posi
à un enregistreur. Les tionnés dans le dos, au niveau de
données recueillies la troisième vertèbre lombaire,
(ci-contre, analyse d'un
proche du centre de gravité de l'in
saut) renseignent sur
les aptitudes précises dividu au repos. Maintenus en
de tel ou tel chevai. place par une ceinture semi-élas-

N° 1014 . MARS 2002 • 127

.Q)
E
o
n Etape 1 :
prise d'appui
Etape 2 :
mise en charge maximale
Les courbes d'accélération verticale et horizontale obtenues avec Locométrix fournissent des données très
détaillées sur la foulée d'un sportif (ci-dessus, correspondance entre le signal accélérométrique enregistré et les
quatre temps de la foulée). De quoi aider à perfectionner les mouvements et donc, améliorer les performances.
tique, ils sont reliés à un enregis
treur portable qui collecte les don
nées sur les accélérations veiticale,
longitudinale et latérale du sujet,
cent fois par seconde. Du coup, le
test locomoteur est simplissime :
un aller et retour en ligne droite sur
ime distance de 40 m. Traitées par
un logiciel informatique, les don
nées enregistrées permettent ensui
te de calculer moult paramètres :
fréquence des foulées, symétrie des
mouvements, régularité des cycles
locomoteurs, etc. Par exemple, la
symétrie de la marche, normale
ment supérieure à 96 %, peut di
minuer jusqu'à 20 % chez une per
sonne amputée d'une jambe.
Après avoir mené de nombreux
tests, l'équipe de Laval a montré
que cette méthode est fiable. L'éta
pe suivante a donc consisté à éta
blir des normes de référence, en
comparant des individus sains à
des patients atteints d'une affection
de l'appareil locomoteur. «On peut
analyser et quantifier la dégrada
128 Sekm^ H' 1014 . MARS 2002
Temps
tion de la marche chez les per
sonnes âgées et évaluer ainsi le
risque de chute », précise le Dr Au-
vinet. Tel est bien le but thérapeu
tique de Locométrix : aider à repé
rer les sujets à risque et leur
proposer des techniques adaptées
de rééducation de la marche. Une
perspective particulièrement bien
venue quand on sait que, chaque
année, deux millions de personnes
âgées font une chute en France,
dont 8500 sont mortelles.
TRAITER LES PATHOLOGIES
ET ASSISTER LES SPORTIFS
L'intérêt de Locométrix ne s'ar
rête pas là : il pourrait aussi servir
à suivre l'efficacité des traitements
médicamenteux, de la rééduca
tion, de l'appareillage orthopédi
que ou des traitements chirurgi
caux chez les personnes souffrant
d'une pathologie de la locomotion.
Des études cliniques sont encore
nécessaires pour valider ces diffé
rentes applications, déjà très at
Etape 3 :
poussée maximale
Etape 4 :
fin d'appui
tendues. Plus étonnant : il est aus
si question d'explorer, via cette
méthode, les troubles moteurs des
personnes atteintes de troubles
neurologiques, comme la maladie
de Parkinson.
Locométrix réserve également
des applications dans un domaine
de plus en plus envahi par les tech
nologies médicales : le sport. En
effet, la recherche biomécanique
sur la course est réalisée avec des
caméras hautes fréquences et des
systèmes d'analyse d'images en
trois dimensions : autant d'appa-
reiUages à la fois lourds et coûteux
que pourrait fort avantageuse
ment remplacer le Locométrix.
Qui plus est, la facile mise en œu
vre de ce dernier offre la possibili
té d'y recourir souvent pour adap
ter à l'envi les séances d'entraî
nement, identifier et mieux gérer
les périodes de fatigue du coureur.
De quoi suggérer des foulées dont
Balzac et son temps ne pouvaient
même pas avoir idée. •
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Le mur du son
en douceur
Franchir le mur du son avec discrétion : tel est
le défi que doivent relever les futurs avions de
ligne supersoniques pour prendre leur essor.
A cette fin, les ingénieurs leur concoctent
Siles vols du Concorde
d'incroyables formes aérodynamiques.
sont limités aux traver
sées transocéaniques,
c'est à cause du bang
qu'il produit en dépas
sant la vitesse du son. Au
sol, le bang est perçu comme une
double détonation violente, qui
résulte des ondes de choc, des
pics de surpression puis de dé
pression qui naissent sur l'avion
à ces vitesses-là. L'une de ces
ondes de choc pro\àent du nez de
l'avion, l'autre de la queue. Plus
l'avion et grand et plus il vole bas,
plus le bang est fort.
Pour un Concorde, qui vole en
croisière à Mach 2 - soit detrx fois
la vitesse du son - à l'altitude de
16 000 m, le double bang est perçu
sur une largeur de 40 km tout au
long de la trajectoire de l'avion (1).
Il peut causer dégâts aux vitres ou
à d'autres structures fragiles. On
imagine la réaction des riverains
soumis à de telles nuisances.
Avant d'envisager de mettre en
service un avion de transport com
mercial supersonique, il faut donc
arriver à réduire l'intensité du
bang. Cela vaut aussi pour les
avions supersoniques d'affaires.
Dans ce domaine, plusieurs cons
tructeurs Dassault Aviation, no
tamment, planchent sur des pro-
130 ftineesffi! N°iou • MARS 2002
jets. Plus petits que le Concorde,
ces avions-là produiraient un bang
moins important. Pour qu'ils soient
néanmoins autorisés à survoler les
zones habitées, l'intensité de ce
bang doit être réduite. C'est pos
sible, en adoptant des formes aéro
dynamiques particulières.
Il y a une trentaine d'années, un
chercheur américain de l'universi
té du Colorado, Richard Seebass,
avait calculé une manière radicale
pour éliminer le bang superso
nique : concevoir des avions... au
nez tronqué. Cette configuration
aurait pour résultat de provoquer
une augmentation de la pression
et de la température de l'air, en
traînant une modification de la vi
tesse du son (qui est fonction de
la température) en avant de
l'avion, et donc une réduction de
l'intensité des bangs.
UN NEZ CONTRE LEBANG
Calcul tout théorique, bien en
tendu, car le rendement aérody
namique d'un nez tronqué laisse
à désirer. Une façon plus élégan
te et plus rationnelle de concilier
rendement aérodvTiamique et ré
duction des bangs, a été proposée
en 1998 par John Morgenstern,
de la firme McDonnell Douglas
(aujourd'hui filiale de Boeing).
Son idée : installer une sorte de
volet extensible en avant du nez
de l'avion. Du coup, les ondes de
choc qui prennent naissance à
l'extrémité avant du volet ne font
plus un angle de 60° avec l'axe
longitudinal de l'avion. Elles
s'"aplatissent", perdant ainsi de
leur intensité. Certes, le volet nuit
quelque peu au rendement aéro
dynamique; mais lorsque l'avion
vole au-dessus de zones non habi
tées (déserts, aires océaniques),
il est rétracté et l'appareil retrou
ve alors toutes ses belles qualités
aérodynamiques.
Mieux encore, Morgenstern a
conçu une forme d'avion au nez
très long et conique, équipé d'un
empennage horizontal de grande
dimension à la queue, placé au-
dessus du bord de fuite de l'aile
principale. Ce nez conique très
long joue le même rôle que le vo-
let mobile. Quant à l'empennage,
les ondes de choc qu'il engendre
vont contrecarrer celles de l'aile,
les annulant en partie. De plus,
l'empennage fournit lui-même
une portance, qui permet de ré
duire la taille de l'aOe principale,
et par conséquent l'intensité des
bangs. Les avions supersoniques
du futur pourraient donc en fait
être des biplans.
C'est la forme que semble privilé
gier Boeing. Avec Lockheed Mar
tin ou encore Northrop Grumman,
Boeing mène des recherches dans
ce sens, dans le cadre du program
me Quiet Supersonic Platform, fi
nancé par la Defence Advanced Re-
search Projects Agency (DARPA),
l'agence de recherche du ministère
de la Défense des Etats-Unis. Ré
duire l'intensité du bang superso
nique constitue en effet un moyen
de réduire aussi la "détectabilité"
des avions militaires. Boeing envi
sage même un triplan doté d'un Le double bang
plan porteur à l'avant, au centre et Le bang est une double déto
à l'arrière. En vol supersonique, le nation violente résultant des
plan central, qui a servi durant les ondes de choc qui naissent
sur le nez et la queue de l'avion.
phases de décollage et de montée,
se rephe le long du fuselage. En vol
de croisière on revient ainsi au bi
plan. L'intérêt de cette configura
tion est qu'elle permet de réduire
la surface des plans à l'avant et à
l'arrière : lorsque l'avion est en croi
sière, ces derniers adoucissent
l'onde de choc.
Le DARPA devrait faire son
choix parmi les div-ers projets à
l'étude en 2003. Un prototype sera
alors construit pour effectuer des
essais en vol et voir si la réalité
répond bien aux attentes des
constmcteurs. •
(1) André Peyrat-Armandy, /es Avions
de transport modernes et futurs, éditions
Technea
1014 • MARS 2002 SmtsJHe 131
1800 ans avant Pompéi,
le Vésuve détruisait
Noia, un village de l'âge
du bronze. Aujourd'hui,
ses vestiges nous font
partager l'intimité des
hommes préhistoriques.
VÉSUVE
.tffflf • n" 1014 • MARS 2002
I a suffi de quelques minutes.
C'était il y a 3800 ans. Dans un
village de l'âge du bronze, si
tué à 12 km du sommet du
Vésuve. Le volcan se mit sou
dain à gronder, un bruit ter
rible, puis ce fut l'éruption. Cra-
cfiant le feu, la montagne projeta à
plus de 60 km à la ronde des ton
nes de pierres ponces incandes
centes et de cendres mélangées
à de la vapeur d'eau bouillante.
En un rien de temps, cette cfiape
caustique s'abattit sur les cabanes
et les enclos. Les villageois tom
baient asphyxiés avant que de
pouvoir fuir. Puis, une coulée de
boue recouvrit le village. NoIa avait
disparu. Ne resta que le silence. Il
devait durer jusqu'en mai 2001 !
Des cendres, un vase est peu
à peu extrait. Les fours conte
naient encore de la vaisselle...
Le chantier de
fouille de t>Jola
(ci-contre, une vue
d'ensemble) s'étale
sur 1000 m . Trois
cabanes en forme
de fer à cheval ont
déjà été exhumées.
 ir iii

« ' <.«.,-»• . • -• • /
V, • '

'X.*'

En direct
de l'âge du bronze
Protégés par une gangue de pierres
ponces et de terre, les vestiges de
Noia, comme ce vase aux incrusta
tions de chaux, ont été mis au jour
dans un parfait état de conservation,

N° 1014 ' MARS 2002 SbouIHê 133

Q)

C'est à cette date, en effet, que la

O)
construction d'un supermarché ré
o véla, à douze kilomètres de Naples,
les vestiges d'un village de l'âge du
o bronze. Nola venait de refaire sur
face. Fortuitement. « C'est la décou
verte d'un four de cuisson, lors d'un
sondage, qui a tout déclenché», ra
conte Claude Albore, directeur de
u
recherche au CNRS et archéologue
au centre Camille-Jullian d'Aix-en-
Provence, qui étudie depuis plu
sieurs années les sites de cette ré
gion itaherme de la Campanie.

"ABSOLUMENT UNIQUE!»
Sous sa conduite et celle de son
collègue italien, Giuseppe Vecchio,
une équipe de trente personnes en
treprend aussitôt de creuser le sol.
Ils atteignent les couches préhis
toriques enfouies à 6 m de profon
deur. Un travail pénible, mais fruc
tueux. De fait, les chercheurs
exhument bientôt trois cabanes en
forme de fer à cheval, aux cloisons
de bois et au toit de chaume, sou
tenues par une série de piquets.
L'habitation la plus grande mesure
17 m de long sur 9 m de large, la
plus petite 9 m de long. Mais le plus
beau est à venir : en évacuant les
tonnes de pierres ponces et de terre,
les archéologues constatent que cet
te gangue a permis une conser
vation parfaite des structures et des
objets. «Ce moulage naturel a en
traîné un état de préservation ex
ceptionnel, absolument unique
pour cette période et cette région,
exphque l'archéologue. On a ainsi
retrouvé le dessin des fibres du bois
qui était utilisé comme matériau de
construction, et même des cannis
ses qui servaient à isoler les caba
nes. Nous avons aussi exhumé des
traces de tissus contre certains
vases et sur une paroi » Mieux : les
relevés effectués sur les cloisons in
térieures ont révélé la présence de
tissus décoratifs tendus sur les pa
rois, et dont les motifs géométri
ques sont encore perceptibles !
L'intérieur des cabanes a égale
ment pu être reconstitué. Elles se
composaient de deux pièces sépa-
Nola ressuscitée
Les données recueillies par lldar,
un émetteur de faisceau laser,
ont permis la reconstitution
par ordinateur de la topographie
du chantier dans son ensemble.
rées par une paroi transversale,
construite en planches, et commu
niquant par une porte. La plus pe
tite servait de réserve de nourritu
re, tandis que la vie commune se
déroulait dans la pièce la plus gran
de, où était entretenu le foyer.
LE SITE PASSÉ AU LIDAR
Historiquement, Nola appartient
à la culture dite de "Palma Cam-
pania", qui a déjà livré une cin
quantaine de sites dans cette ré
gion de ntalie, datés entre 1880 et
1680 avant J.-C. Mais, des habita
tions retrouvées jusqu'ici, ne sub
sistaient que des trous de poteaux
et des tessons. Pourtant, à l'âge du
bronze, les villages abondaient
dans la région, vivant de l'agricul
ture et de l'élevage et rassemblant
des milliers d'individus. Comme
Nola, la plupart ont été détruits

134 SoieiasâN; N°ior4 • MARS 2002


par la terrible éruption, dite des
Ponces d'Avellino, 1800 ans envi
ron avant que le Vésuve ne se ré
veille pour ensevelir, cette fois,
Pompéi et Herculanum.
Outre les méthodes de fouille clas
siques basées sur le relevé par des
sin ou par photographie, plusieurs
techniques innovantes ont été em
ployées pour faire parler les vestiges
de Nola. En particulier, une mousse
de polyéthylène a permis de réaliser
des moulages des objets à partir de
leurs empreintes dans le sol. Autre
nouveauté ; l'utOisation d'un lidar,
soit un émetteur de faisceau laser
capable d'enregistrer la position de
1500 points à la seconde. Ses don
nées ont servi à reconstituer sur or
dinateur la topographie du site,
d'une superficie totale de 1000 mr
L'idéal pour connaître les distances
entre deux sites quelconques du
Un vrai trésor
Cette coiffe, unique en son genre,
rassemble des plaquettes d'Ivoire
surmontées d'une double couronne
taillée dans la longueur même de
défenses de sanglier.
chantier. Autres avantages du hdar ;
des reconstitutions grandeur natu
re de Nola sont d'ores et déjà pré
vues pour le public, tandis que les
chercheurs vont pouvoir poursuivre
sur écran leurs investigations une
fois la fouille terminée. Car le site
doit être rendu aux bulldozers...
Au final, c'est tout le mode de vie
d'ime poprJation de l'âge du bronze
qui aujourd'hui se dévoile. Les
traces de blé et d'amande décou
vertes dans de très nombreux vases
d'argile témoignent d'une activité
agricole et de cueillette très déve
loppée à l'époque. Séparés des ha
bitations par des palissades, plu
sieurs enclos ont révélé que des
moutons, des cochons et des bovins
devaient y être gardés, leurs em
preintes étant encore visibles dans
le sol. Plus émouvant : les squelettes
de neuf chèvres gravides, ont été re
trouvés dans une cage en argile et
en bois flexible. A l'évidence, les ha
bitants n'avaient pu les sauver de
la catastrophe, ce qui laisse imagi
ner sa soudaineté. Ailleurs, ce sont
des récipients qui ont été décou
verts à l'intérieur d'un four, com
me si la vie s'était arrêtée au beau
miheu de la préparation d'un repas !
L'INCONNUE À U COIFFE
Mais la découverte de Nola la
plus mystérieuse est venue de la
plus petite cabane. «Accrochée à
la paroi, nous avons trouvé une
étonnante coiffe fabriquée avec
une trentaine de défenses de san
glier taillées, polies, percées et re
liées entre elles par des fragments
de cordelettes», souligne Claude
Albore. Unique en son genre, ce
couvre-chef préhistorique intrigue
les archéologues : «Le soin appoilé
à sa réalisation, le fait qu'il n'avait
pas vocation à protéger contre les
chocs évoque im rôle svmbolique. »
Sa taille indique qu'il pouvait être
porté par une femme. Par ailleurs,
le très faible nombre de vases re
trouvés dans la cabane laisse à
penser qu'une seule personne vi
vait là. S'agissait-il de la demeure
et de la parure d'une prêtresse ou
d'une chaman, chargée des activi
tés cultuelles du groupe? C'est l'hy
pothèse que retieiment les archéo
logues. En atten- dant d'en savoir
plus. Car les fouilles sont prévues
pour durer encore plusieurs mois.
Lèveront-elles le mystère de la coif
fe, en révélant d'autres objets de
culte?
D'autres cabanes devTaient être
exhumées, les spécialistes étant
convaincus d'avoir mis la main sur
un village de grande taille. Mais
pour que Nola acquière vraiment
son statut de Pompéi de l'âge du
bronze, il lui reste encore à livrer
des traces humaines. Ce serait alors
la plus belle réponse à l'oubli dont
la colère du Vésuve enveloppa Nola,
il va 3800 ans. •
n" 1014 • MARS 2002 Sâauàirtt 135
 mathématiques
expliquent les
lois de la nature ^

Le cas du champ
électromagnétique

James Clerk
Maxwell
(1831-1879)

Pour comprendre les sciences

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Le créateur de planètes virtuelles

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fets très spéciaux, qui ne dépasse pas 1 méga-oc
Kenton Musgrave tet. Tout visiteur peut s'y bala ACTUALITÉ p.t38
'J a mis au point un
logiciel pour créer des planètes
virtuelles de toutes pièces et les
der à volonté... de jour comme
de nuit. Le secret : l'utilisation
tous azimuts de la géométrie
Les dernières
nouvelles des réseaux

rendre accessibles via l'Inter fractale, qui pennet de mettre

net. Montagnes et vaUées,lacs en équations des formes très
INTERNET p. 142

'y) et océans, soleils et lunes, nua

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complexes.
www.mojoworld.com
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consacre la Toile
face de la planète est modéli- www.big-l.com/metaverse

h' 1014 . MARS 2002 • 137

Un réseau d'universités contre les séismes
Onze universités amé
ricaines réparties sur
l'ensemble du territoire
ont commencé à se re
lier les unes aux autres pour former
le Network Earthquake Enginee
ring Simulation (NEES), tm réseau
Moteur
regonflé à bloc
Le moteur de recherche
Google permet de trouver
deux types de documents :
les pages web et les fichiers
PDF (Acrobat), un format
très utilisé pour publier
des rapports, par exemple.
Désormais, il s'intéresse
aussi aux documents
produits par des logiciels
de Microsoft : Word, Excel
et le logiciel de présentation
PowerPoint. Des formats
auxquels s'ajoutent le Post
Script et le RTF, qui ne sont
pas propres à Microsoft.
www.google.fr (cliquer sur
"Recherche avancée").
138 awBâiSr N-1014 MARS 2002
d'étude sur les tremblements de ter fices. Cest l'université de Californie
re. Chaque département va mettre Los Angeles (UCLA) qui s'occupera
en commun ses outils de simula d'implanter des captetus dans des
tion, ses bases de données et ses immeubles pour mesiuer la répon
systèmes de mesures pour parvenir se des matériaux et du sol aux se
à mieux comprendre les consé cousses sismiques.
quences des séismes sur les édi www.nees.org
Communiquer avec les objets
A terme, le PDA (Perso
nal Digital Assistant,
@ ou assistant personnel
numérique) pourrait
permettre d'obtenir des informa
tions sur des objets (un livre dans
une librairie, un tableau dans un
musée) ou de contrôler des appa
reils placés aux alentours (impri
mer le texte d'une conférence en
cours, effectuer une présentation à
l'aide du projecteur d'ime saUe de
réimion). Ces scénarios font partie
du projet Cooltown, développé par
Hewlett-Packard. Grâce à tm systè
me de communication sans fil, le Gene Becker, l'un des chercheurs
du projet Cooltown.
PDA identifie des balises fixées aux
objets ou aux appareils, chacune primante). D'im simple cUc, on dé
étant porteuse d'une adresse web. clenche l'action voulue. Ce concept
L'utflisateur peut afficher une page est utilisé avec des édifices (voir
web (la fiche du livre, par exemple) Science & Vk n" 1012, p. 140).
ou un panneau de contrôle (l'im- http'y/cooltown.hp.com/dev

Faut-il repenser l'architecture
du réseau mondial?
L'intemet est-il arrivé
à un tournant de son
histoire ? Marjory S.
Blumenthal, directri
ce au Conseil de la recherche
américaine et David D. Clark,
chercheur au MIT de Boston sont
convaincus qu'il faut réformer
l'architecture et le mode de fom
tionnement du réseau mondiàh^.
Aujourd'hui, l'intemet est un en
trelacs de "tuyaux" reliés entre
eux et qui sert principalement à
convoyer de l'information d'une
extrémité à une autre de ce ré
seau tentaculaire. La nature de
l'information et la finalité de son
transport lui importent peu. Dans
un long article intitulé "Repenser
l'architecture dTntemet", les deux
experts détaillent comment et
pourquoi des gouvernements et
des entreprises commerciales
font pression pour intégrer au
Accès à l'intemet par
saut de puce
British Telecom teste
à Cardiff,au Pays de
Galles, une tech
nologie originale
d'accès rapide à l'intemet.
Baptisée "filetradio" (mesh radio),
elle ne fait pas appel à des fi
bres optiques ou des câbles
électriques : les informations
passent par la voie des airs, sous
forme d'ondes radio. Et, con
trairement à une autre technolo
gie - la boucle locale radio -,
elle ne nécessite pas d'utiliser
d'Immenses antennes qui arrosent
le voisinage en visant d'autres
antennes placées sur le toit des
immeubles. Ici, la transmission
m.
perrhettrâientd identifier la nature de
cœur du Net des systèmes per
mettant de contrôler à la fois la
nature de l'information et d'iden
tifier plus clairement les acteurs
situés à chaque extrémité.
Contrer les attaques de pirates,
débusquer les délinquants, assu
rer l'identification des parties lors
d'une transaction financière... les
De petites antennes radio
transmettent l'Info de toit à toit
de l'information se fait par saut de
puce, d'un immeuble à l'autre, par
le biais de petites antennes tissant
ainsi un "filet" au sein d'un quartier.
Avantage : les puissances d'émis
sions requises sont plus faibles
(limitant ainsil'exposition du public)
et les zones aveugles sont moins
nombreuses.
www.radlantnetworks.com
/L'accélérateur du savoir
a^du Net, des systèmes
'infbrmation, ainsi que ses acteurs.
motivations peuvent sembler
louables. Mais les intégrer au
cœur du réseau ferait voler en
éclat les principes d'anonymat de
la communication ainsi que l'ime
des forces du réseau, son adapta-
bilité à de nouveaux services
(comme le Web apparu en 1993).
http://ana.lcs.mltedu
Alice, le robot
plus malin
qu'un humain
Tous les ans, lors du Loebner
Prize, des robots tentent de
se faire passer pour des
humains. Chaque membre
d'un jury est placé devant un
ordinateur et on lui demande
de discuter avec un
interlocuteur. Ce dernier est
soit un être de chair et de
sang soit un pur produit de
laboratoire. Cette année,
c'est le logiciel Alice qui
a remporté la compétition
en parvenant à abuser
un des membres du jury.
www.allcebotorg
N° 1014. MARS 2002• 139

La télévision
haute définition en direct
Les règles de commu
nication qui régissent
@ l'intemet, connues
sous le nom dintemet
Protocol (IP), permettent de
convoyer une variété considérable
de flux d'informations. Mais,
quand il s'agit de diffuser des
images de télévision, on se heurte
à deux problèmes : un manque pa
tent de débit, et le fait que l'infor
mation, sm- l'intemet, soit décou
pée en paquets. La difficulté est
encore plus grande lorsqu'il s'agit
d'une diffusion en direct.
L'expérience menée le 12 no
vembre dernier a donc d'autant
plus d'importance. Une équipe for
mée de chercheurs de l'université
de Washington et de Cahfomie du
Sud, supportée par les entreprises
Tektronix et Level 3, a réalisé la
première transmission d'images
télévisées haute définition (TVHD)
non compressées et en direct. Les
images obtenues étaient consti
tuées de 19™ X1(P° points et étaient
rafraîchies soixante fois par secon
de, soit plus du double d'une ima
ge de télévision normale. Pour at
teindre ces valeurs, il a fallu
140 ftKKSSliV-H* 1014-MARS 2002
maintenir un débit stable de
1,5 gigabit par seconde via une
fibre optique, soit 25 000 fois celui
atteint par un internaute connec
té par le biais d'un modem.
www.washington.edu/hdtv
Le Net au secours des secours
Afin que les équipes
de secours puissent
se connecter à l'in
temet sur les lieux
d'une catastrophe, une équipe de
l'université de Virginie développe
un système de liaison haut débit
sans fil. Il repose sur des stations
de base installées en urgence à
proximité du théâtre des opéra
tions, connectées à l'intemet via
des liaisons physiques ou satel
lites. Chaque station est équipée
d'une antenne chargée de relier
les ordinateurs portables ou les as
sistants numériques des sauve
teurs à une distance qui n'excède
pas - pour le moment - de 2 à
3 km. La technologie sans fil
(LMDS) a permis d'atteindre des
Convivial...
mais pas trop
Les systèmes de partage
de fichiers via l'intemet,
comme Napster, permet
tent à leurs membres
d'effectuer des recher
ches sur l'ensemble des
fichiers proposés par ces
derniers. Pour des com
munautés de grande amp
leur, le temps de recherche
peut donc être très impor
tant. Trois chercheurs des
laboratoires Hewlett-Pa
ckard mettent au point un
système permettant d'isoler
des groupes restreints de
membres et de n'effectuer
les recherches que sur
leurs machines.
www.hpl.hp.com/techreports/2001
/HPL-2001-271.htm
débits de 45 Mbits/s, soit huit
cents fois plus qu'un accès tradi
tionnel. Chaque unité mobile est
également équipée d'un capteur
GPS grâce auquel l'opérateur
fournitsa position en continu. Il ren
seigne ainsi des bases de don
nées géographiques, qui lui indi
quent, par exemple, l'emplacement
des conduites de gaz situées à
proximitédu lieu de la catastrophe.
Charles
Bostian,
créateur
du Centre
pour les
télécom
munications
sans fil.
 {L'accélérateur du savoir
fj

UJjJijJjJjUSiJJij Lltalie à l'honneur

Cherche adresse
sans extension
Il est normalement impossible au créa
teur d'un site :web d'adopter une adresse
qui ne se termine pas par l'une des ex
^
tensions officielles adoptées par l'Inter
net Corporation for Assigned Names and Numbers
(ICANN) : .com, .fr, .net, .biz, etc. En effet, les "tables
d'orientation", qui permettent de diriger un inter
naute vers l'ordinateur 195.6.119.32lorsqu'il saisit ""
et vers l'ordinateur 143.126.211.220 poirr "www.cul-
ture.fr" reposent sur les règles de IICANN.
Le seul moyen de sortir de ce cadre imposé est d'ins
taller Sur l'intemet une table d'orientation alternative,
im ordinateur capable de dire à l'internaute : «Vous
voulez afficher sur votre écran la page d'accueil de
www.skicanada.travel ? Ce site se trouve là. » Oui, mais
encore faut-il que l'ordinateur de l'internaute sache
où se trouve cette table d'orientation. Une organisation
comme Youcaim (voir Science & Vie n° 1002, p. 138)
obligeait l'utilisateur à mettre les mains dans le cam
bouis et à modifier les paramètres de son ordinateur.
La société américaine New.net a eu deux meiQeures
d"LivDe^ Livres
idées. D'abord, elle a signé des accords avec quelques revues
fournisseurs d'accès, dont Tiscali pour l'Europe. Ce multimédia
sont eux qui dirigeront leurs aboimés (et seulement , presse
leurs abormés) vers la bonne table d'orientation.
Deuxième idée ; développerun petit logicielgratuit qui
s'intègre au navigateiu Internet Explorer pour PC et
qui s'occupe de la "redirection". Reste à savoir si tout 22-27 mars 2002
cela permet à l'internaute de mieux se repérer dans
l'imivers déjà chargé des adresses web...
Paris Expo. Porte de Versailles
www.new.net;www.lcann.org
Tous les jours de 9h30 à 19h ,
Nocturne : mardi 26 mars jusqu a22h
Le Web devient bavard Journée professionnelle :
Quelques grandes pointures du monde de lundi 25 mars jusqu'à 18h30
l'informatique et des réseaux (Microsoft,
Cisco, Intel, Comverse, Philips et Speech-
works) ont lancé le consortium SALI(Speech
Application Language Tags), qui vise à
LeBdf*
développer un standard gratuit permet
tant notamment d'intégrer des fonctions
des sciences
vocales au Web. L'une des ambitions est Rendez-vous des visiteurs curieux, passionnés,
de donner à l'internaute la possibilité érudits, chercheurs ou étudiants, le Bar des
de questionner oralement des sites et d'ob Sciences sensibilise tous les esprits aux grands
tenir des réponses par synthèse vocale. thèmes scientifiques du nouveau millénaire.
www.saltforum.org
LeSaionau Livre est organisésous iegide du Syndicat national
lEpirtoN .jo l'saition parReed-OiF, membre deReed Exhibition Compagnies
OTP ll,-uad.CotûnelPi9rre-Ava,B^57L"572c.FansCedexl5
-ç: -33 I.T'1 à' C'L-àO - - 3 3 101 1 .v" 9
Fre
-33101 1 .v) 90L7LQ
 . ^L'accélérateur du savoir

La consécration
mondiale du Net
A la fin du mois, la Fête
Avis aux
•nsclg
de l'Internet va battre
son plein. Quatrième Espace interactif. Science, Art elMuttmé(J»a
édition d'une manifes
tation qui a gagné la
planète tout entière.

Du 23 au 24 mars en
France et du 18 au iiileStot
24 mars dans le reste
du monde, c'est l'In
ternet Fiesta (www.internet-fies
ta.org). Ou, plus simplement, la
Fête de l'Internet, patronnée
cette année par La Poste et le
ministère de la Culture et de la
Communication.
Pendant ces quelques jours, asso
ciations, municipalités et sociétés
privées vont s'attacher à vulgariser
(et à vendre) les outils, les services Au niveau mondial cette année, l'Internet Fiesta a pris pour thème
l'environnement, la science et l'éducation. A Paris, dans le Bois
et les pratiques liées à l'intemet. de Boulogne, l'Exploradôme Initie à la réalisation de sites web.
Les initiatives s'inscrivent dans des
thématiques techniques, sociales humanitaire, vie économique, san vier 2000, 328 élèves de neuf pays
ou ludiques : expression artistique, té, famille et loisirs. A noter que (http://www.ac-grenoble.fr/wkto/).
social-solidarité, environnement l'Académie de Grenoble présente A Paris, l'Exploradôme du Bois de
et qualité de vie, nouvelles pra un projet d'enseignement collabo Boulogne organise des initiations
tiques éducatives, service public. ratif réimissant, depuis jan- à la réalisation de sites web
(www.exploradome.com). Quant à
la mairie de Vandœuvre-lès-Nancy
(Meurthe-et-Moselle), elle se pen
che smr l'imphcation de l'intemet
dans la vie communale.
Pour en savoir plus, rendez-vous
sur le site, qui propose un classe
ANDŒUVRE ment géographique des manifesta
les Nancy tions ainsi que des informations
Vandoeuvre en direct

Vie dans la ville et des outils pour tous ceux qui

Université • Pôle santé veulent organiser un événement.
Economie

Emploi La municipalité de Vandœuvre

rages oes
Sites
(Meurthe-et-Moselle) se penche
Vanaope
sur l'Internet dans la commune.

142 H" 1014 - MARS 2002

 COMPLETEZ VOTRE COLLECTION
DES HORS SÉRIE DE SCIENCE & VIE
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Tous les trois mois, les hors série de Science & Vie traitent de façon exhaustive un grand sujet de notre
temps. Chaque hors série fait le tour complet d'une question d'actualité scientifique.

LES GRANDES ENIGMES

SCI&^FIQUES

^"193 N''19a NM95 N°196 N° 198 200

Attention Virus Où va la Défense A quoi sert le cerveau Les nouvelles planètes Pharaons Les grandes énigmes L Homme
Française scientifiques

iimsKTKtm
Faut-il avoir
peur de
mançier

N° 201 N° 202 203 204 N" 206 N" 208 N° 209

Les chefs-d'œuvre du Les grandes expéditions Dossier France Le cerveau et le Dossier dopage Aimentation Thèbes : Pharaons dans
génie humain scientifiques mouvement la cité des dieux

SoencE -

ATION
VISION

N° 210 N" 211 N° 212 N='213 N® 214 N°215 N° 216

L embryon Menaces sur l'eau la mémoire humaine Les mondes disparus Énergie: les défis à Aviation 2001 L'œil et la vision
venir

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PAR HENRI-PIERRE PENE

Le montage vidéo une entrée IEEE-1394 (FireWire

Le prix des caméscopes numériques ne
ou i-LINK) pour recevoir directe
cesse de baisser, celui des ordinateurs aussi. ment la vidéo numérique et in
L'occasion rêvée pour les vidéastes amateurs tègre un graveur de CD-Rom ou
de DVD. Ensuite, seulement, il
de se lancer dans le montage numérique. Mais sera temps de savoir si la passion
selon les équipements, tout n'est pas permis... pour le montage vidéo se limite
au fondu enchaîné entre deux sé
quences, ou si l'on a de son œuvre
onter ses vidéos sur des amis. Autrement dit, il ne suf une vision à la Spielberg.
un ordinateur, c'est fit pas de s'interroger sur le choix
très bien; ne pou du logiciel de montage, encore CONVERTIR SES VIDÉOS
voir les regarder que faut-il prendre en compte tout EN NUMÉRIQUE
sur l'écran d'un PC, l'ensemble de la "chaîne vidéo". Evident : l'ordinateur ne peut
c'est moins bien... De fait, l'équipement n'est pas le traiter la vidéo que si elle lui est
Nombre de candidats au montage même selon que l'on veut monter présentée sous forme numérique.
numérique ont connu cette dé de la vidéo tournée en analogique Or, le signal vidéo que déhwent les
convenue. Après avoir acheté un ou en numérique, ou les deux; caméscopes analogiques en direc
logiciel de haut de gamme instal selon que le caméscope numé tion des téléviseurs ou des magné
lé sur une machine ultra perfor rique peut ou non enregistrer de toscopes est... analogique. Afin
mante, ils ont allègrement monté puis une source externe (entrée que l'informatique puisse la trai
le film de leurs vacances... qu'ils "Digital Video In" activée); et ter, U faut donc la numériser. Pour
n'ont pu visionner ensuite chez selon que l'ordinateur possède ce faire, on peut se procurer une

144 SemeMK • n" 1014 • MARS 2002

pour tous
carte d'acquisition vidéo (Pin-
nacle, Adaptec, Matrox, Guille
mot...) à loger dans l'ordinateur
lui-même. Certains PC possèdent
d'ailleurs une telle carte d'origine.
Autre solution : choisir un "pack"
de montage vidéo incluant un logi
ciel et une unité de numérisation.
C'est le cas, par exemple, du pack
Dazzle DVC80, qui inclut un petit
boîtier de numérisation à insérer
entre le caméscope analogique et
l'une des fiches USB de l'ordina
teur. Seules ces solutions permet
tent le traitement informatique
d'anciennes cassettes. Unique ex
ception à cette règle, les cassettes
au format 8 et HI-8, pour peu que
le caméscope numérique retenu
soit au format Digital-8. Ces camé
scopes peuvent directement trans
coder les anciennes cassettes en
vidéo numérique. Ce "flux numé
rique" est disponible sur la sortie
"Digital Video Out", exactement
comme si le caméscope lisait une
cassette numérique.
LE PROBLÈME DE LA DIFFUSION
Une fois son montage terminé et
visionné sur l'ordinateur, quoi de
plus normal que d'en faire profi
ter ses amis ou sa famille, voire
des professionnels du cinéma. Or,
attention aux désillusions ! Sur de
nombreux caméscopes numé
riques, en effet, l'entrée "Digital
Video In", qui permet d'enregistrer
de la vidéo numérique depuis le
PC ou un lecteur DVD, est volon
tairement désactivée par les
constructeurs. Cela pour une his
toire de taxe à l'importation. En
effet, il faut savoir que la taxe sur
les caméscopes diffère selon qu'ils
n'enregistrent que leurs propres
images ou qu'ils peuvent enregis
trer par câble. Or, dans ce dernier
cas, ils sont plus fortement taxés,
car susceptibles de servir comme
outils de piratage. C'est ainsi que
pour proposer leurs produits aux
meilleurs prix, les constructeurs
condamnent purement et simple
ment cette fonction. Du coup, im
possible d'extirper le film du
disque dur de l'ordinateur - dont il
occupe d'ailleurs souvent la ma
jeure partie -, ni de le visionner
entre amis sur un téléviseur.
Des solutions existent cepen
dant. L'une des plus couramment
pratiquée par les vidéastes ama
teurs est le "déplombage" du ca
méscope, c'est-à-dire l'activation
de l'entrée "Digital Video In".
Mais ce bricolage annule souvent
la garantie de l'appareil. Tandis
que sa légalité est discutable, la
1014 • MARS 2002 UaaMk 145

taxe sur les enregistreurs n'étant
dès lors pas acquittée. Ce que
contestent les adeptes de cette
pratique, pour qui cette inter\'en-
tion est parfaitement légale puis
qu'elle ne vise qu'à transférer des
oemTes... personnelles.
CHOISIR ENTRE CD-ROM, DVD
OU CASSETTE VHS
Une autre solution consiste à do
ter l'ordinateur d'une carte de
conversion numérique/analogique.
Le fabricant Pinnacle, entre autres,
propose ce type de cartes de trans
codage. Ainsi le montage peut-il
être transféré sur une cassette ana
logique, par exemple VHS. Toute
fois, ce transcodage ne permet pEis
de profiter pleinement des qualités
de la vidéo numérique : eUe sera,
au mieux, celle d'une cassette
VHS... Aujourd'hui, la tendance
est ainsi de sauvegarder le monta
ge plutôt sur CD-Rom ou DVD,
pourvu que l'ordinatem soit équi
pé d'un graveur ad hoc. Mais CD
ou DVD? En fait, la différence
PiNNACLE Express DV
Prix : 119 €
Configuration minimale :
Pentium II, 350 MHz, 64 Mo de
RAM, cartes graphique et son
compatibles DirectXô.O, Windows
98 SE/ME/2000/XP, 100 Mo
libres sur le disque dur.
Commentaire : Simple
d'utilisation pour transférer les
vidéos sur un CD ou un DVD
lisibles par un lecteur de salon.
Possibilités de recadrage, montage
des séquences. N'accepte pas
directement la vidéo analogique
146 CHBWâlSc • N* 1014 • MARS 2002
entre ces deux supports réside
dans leur capacité de stockage :
800 Mo pour un CD-Rom, contre
4,7 Go pour un DVD gravé, ce qui
n'est évidemment pas sans consé
quence sur la durée enregistrable.
Sur un CD-Rom, il ne faudra
guère espérer stocker plus d'un
quart d'heure de tournage, alors
qu'un DVD pourra en mémoriser
plus d'une heure. Une astuce :
compresser la vidéo au format
Mpeg-1, souvent utilisé sur l'Inter
net, permet d'accroître l'autono
mie des CD-Rom, au prix cepen
dant d'une dégradation de la
quahté de l'image.
Attention : la gravoire d'un dis
que n'est pas une panacée car,
qu'il s'agisse d'un CD-Rom ou
d'un DVD, tous les lectems de sa
lon ne sont pas en mesure de les
lire. Si la quasi-totalité des appa
reils apparus depuis moins de
deux ans peut le faire, ce n'est pas
le cas des produits plus anciens. Il
est donc vivement conseillé de vé
rifier ce point en consultant la no
tice d'utilisation du lecteur. Un
doute qui conduit bien des ama
Pinnacle Studio DV+
Prix : 269 €
Configuration minimale :
Pentium II, 450 MHz, 64 Mo de
RAM, cartes graphique et son
compatibles DirectXB.O, Windows
98 SE/ME/2000/XP, 300 Mo
libres sur le disque dur et débit
de 4 Mo/s, un slot PCI disponible.
Commentaire :
Logiciel Studio Version 7 inclus.
Ce kit est destiné aux ordinateurs
dépourvus de liaison IEEE-1394.
N'accepte pas directement la vidéo
analogique
teurs à doubler leur sauvegarde
sur disque par une version VHS :
une solution certes moins élégan
te, mais qui à l'avantage d'une
compatibilité universelle.
LE PRIX DES EFFETS SPÉCIAUX
Savoir ce que l'on attend précisé
ment d'un logiciel de montage est
de la première importance. En ef
fet, tous, même les plus frustes,
sont capables de réaliser des fon
dus enchaînés, des effets de volet,
etc. Mais au fur et à mesure que
l'on monte dans la gamme, ces ef
fets sont de plus en plus raffinés. Ils
proposent notamment des fonc
tions permettant de "plaquer" des
séquences sur des objets tridimen
sionnels, de véritables possibilités
d'incrustation et de truquage, etc.
Or, le prix est à l'image des possi
bilités du logiciel, sans compter
que l'ordinateur doit suivre. Bien
souvent, la puissance de calcul des
PC d'entrée de gamme s'avère in
suffisante pour tirer profit des pos
sibilités complètes du logiciel. De
même, le maniement de tels instru
ments de montage sophistiqués né-
Pinnacle Studio Vers.7
Prix : 99 €
Configuration minimale :
Pentium II, 350 MHz, 64 Mo de
RAM, cartes graphique et son
compatibles DirectX6.0, Windows
98 SE/ME/2000/XP, 200 Mo
libres sur le disque dur et débit
de 4 Mo/s, FireWire ou i-LINK
(IEEE-1394).
Commentaire :
Cent quarante transitions 2D et
3D disponibles. Effets spéciaux
tels que mosaïque, solarisation,
effets de ralenti ou d'accéléré, etc.

cessue un apprenussage serieux.
Bref, mieux vaut savoir où l'on met
les pieds avant de se lancer.
Première, d'Adobe, l'un des logiciels
les plus célèbres dans ce domaine,
est ainsi à la limite de l'outil pro
fessionnel. La puissance de calcul
qu'il requiert, son prix et son ma
niement le réservent définitivement
aux amateurs les plus avertis.
Adobe
Première 6.0
Adobe Première 6.0
Prix : 836 €
Configuration minimale :
Pentium II, 300 MHz ou Mac Power
PC, 300 MHz, 32 Mo de RAM,
cartes graphique et son
compatibles DirectXB.O, Windows
98 SE/ME/2000/XP ou Mac OS
9.0.4, disque auxiliaire haute capa
cité et débit de 5 Mo/s, FireWire
ou i-LINK (IEEE-1394) ou Apple
FireWire 2.4, carte d'acquisition
vidéo certifiée Adobe Premiers.
Commentaire : Un logiciel
de niveau professionnel.
LE TOUT-EN-UN DU MULTIMÉDIA
L'EXCEPTION APPLE
• Avec son nouvel i-Mac,
et surtout la version X du
système d'exploitation
Mac-OS, Apple mise,
comme à son habitude,
sur l'intuitivité. En version
complète, cet ordinateur
au design futuriste inclut
d'origine un graveur de
DVDet une prise FireWire.
Il est ainsi paré pour le
montage vidéo. De plus,
l'ergonomie est poussée à
l'extrême. Lorsque l'i-Mac
est en marche, il suffit de
connecter un caméscope
numérique pour qu'il détecte
aussitôt sa présence et que
s'affiche à l'écran la liste des
séquences toumées, chacune
accompagnée d'une imagette
marquant le début. Un clic sur
l'une de ces imagettes déclenche
la lecture de la séquence. Rien
de plus simple ensuite que de
•
Ulead VideoStudio
Prix : 106 €
Configuration minimale :
Pentium IV ou Pentium 300 compa
tible Pentium IV, 64 Mo de RAM,
cartes son et vidéo de capture ana
logique, carte FireWire ou i-LINK,
Windows 98 SE/ME/2000/-NT 4,
200 Mo libres sur le disque dur et
débit de 4 Mo/s (IEEE-1394).
Commentaire ; Effets 2D et 30
disponibles
Effets spéciaux tels que mosaïque,
solarisation, effets de ralenti ou
d'accéléré, etc.
réaliser un montage : on aligne
les imagettes à la suite et on
clique sur Pause chaque fois que
l'on veut retenir une petite partie
d'un plan. On précise ensuite
avec la même facilité le type de
transition : fondu, effet de rideau,
changement franc, etc. Et au son
d'origine on peut adjoindre des
musiques issues d'un disque
compact à insérer dans le lecteur
de l'ordinateur ou de toute autre
source extérieure. Une fois le
montage terminé, l'i-Mac propose
de graver un DVD, en y ajoutant,
si on le souhaite, des fonctions
interactives. Par exemple, il per
met de créer une page d'accès
renvoyant directement, via des
imagettes, aux séquences,
comme pour un DVDcommercial.
Toutes ces fonctions étant, bien
entendu, accessibles ensuite
depuis un lecteur de DVDde
salon.
Dazzle*
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Configuration minimale :
Pentium II, 300 MHz, 64 Mo
de RAM, carte USB, Windows 98
SE/ME/2000/XP, 200 Mo
libres sur le disque dur et
débit de 4 Mo/s, graveur de CD.
Commentaire : Ce pack
s'adresse aux débutants qui
hésitent à ouvrir leur ordinateur
(un boîtier convertisseur
analogique-numérique externe
est fourni). Utilisation directe
sur le port USB.
»°ioi4.mxi)s2oo2. ftieaeeâiSf 147
 I

en bon voisinage
Dans la région de
la Grande Ourse,
on repère les gala
xies M 81 et M 82
Jupiteret Saturne, les deux pla
nètes géantes du système solaire,
ont régné sur le ciel d'hiver. Bien
en suivant une
qu'encore largement visibles au-
ligne Imaginaire dessus de l'horizon au moment où
qui relie les étoiles la nuit tombe, leur déclin s'annon
Phekda et Dubhe
ce... Derrière elles, le long de l'écliptique,
(ci-contre).
pas d'autre planète en vue. Il faudra at
tendre la fin du mois d'avril pour voir ap
paraître timidement, dans le ciel de
l'aube, les lointaines Neptune et Uranus.
Profitez donc de cette trêve planétaire
pour rejoindre d'autres galaxies où
brillent plusieurs milliards de soleils !
L'observation de ces objets n'est pas
réservée aux possesseurs de grands
télescopes. Les instruments d'initiation
-jumelles, petites lunettes ou encore
télescopes de type 115/900 - ont à leur
portée quelques dizaines de galaxies
proches bien visibles. M 81 et M 82 font
partie de ces cibles privilégiées. Situées dans
la Grande Ourse, à 7 millions d'années-
lumière (a.L),elles ont la particularité d'être
voisines. Seulement quelques dizaines de
milliers d'a.l. les séparent. Dans un
Grande Ourse
M 81
Dubhe
Phekda
télescope, elles sont à 38' l'une de l'autre,
soit à peine plus que le diamètre apparent
de la Lune. Avec un oculaire de longue
focale et un grossissement de 20 à 35 x,elles
apparaissent toutes les deux dans le même
champ de vision.
La difficulté consiste plus à les repérer
qu'à les observer. En effet, M 81 et M 82 se
cachent dans une région de la Grande
Ourse assez pauvre en étoiles brillantes. Le
meilleur moyen de les trouver consiste à
prolonger d'environ 10° la hgne imaginaire
qui relie Phekda à Dubhe, deux étoiles
remarquables de la Casserole. Dans cette
quête, vous pouvez vous aider de jumelles
(des 10 X50 permettent de les déceler sans
difficulté pour peu que le ciel soit bien

148 •n"1014•MARS 2002

sombre). Il est assez aisé de les ASTRES ET LUNE EN MARS
reconnaître : M 81 ressemble à une tache Le 15 à minuit 1
ovale assez brillante et M 82, plus pâle, est
un trait flou nettement rectiligne. 2
Une lunette de 60 mm donne une image
3
plus grande, la forme des deux galaxies est
plus facile à distinguer. Un télescope de
4
115 mm et de 900 mm de focale, équipé
d'un oculaire de 40 mm (grossissement 5
de 22 x) offre l'avantage de voir les
6
deux voisines dans le même champ (les
astrophysiciens pensent qu'elles se sont
7
frôlées, il y a plusieurs millions
d'années). Un grossissement de 45 x 8
permet une observation plus OnOfl

confortable. Notez une belle étoile • 9

double, Struve 1386, en bordure sud de

M 81. La séparation de ces astres de • 10

magnitude 9 n'excède pas 2,1 secondes d'arc

- ce qui constitue un bon test de résolution
• 11

pour une lunette de 60 mm -, largement à • 12

la portée d'un instrument de 115 mm.

• 13

LE HALO DES BRAS SPIRAUX

Avec un grossissement de 100 x, M 81 LES PLANÈTES
• 14

conserve sa brillance. Mais c'est • 15

essentiellement la partie centrale de la Mercure Saturne

galaxie qui est visible. Si le ciel est très Mercure est difficile Toute proche d'Aldébaran, • 16

noir, on peut deviner un faible halo à voir, sur l'horizon est, le

entourant M 81. Il correspond à la matin en début de mois.
Saturne est visible dans de
bonnes conditions jusque
t 17

luminosité dégagée par les bras spiraux, Vénus vers 0 h 30. • 18

qui sont extrêmement difficiles à Vénus est facile à trouver Uranus et Neptune
percevoir. Dans d'excellentes conditions, à partir du 15, vers l'ouest. Les deux planètes < 19

M 82 peut révéler une faible barre sombre Mars sont invisibles.

qui la divise en deux parties égales. Mars est visible à l'œil nu Pluton
< 20

Cependant, cette structure n'apparaît que dans le Bélier jusqu'à 22 h. On peut apercevoir Pluton 21

si l'on observe en vision décalée, c'est-à- Jupiter en seconde moitié de nuit

22
dire en regardant non pas directement la Dans les Gémeaux, Jupiter dans Ophiuchus avec un
galaxie mais légèrement à côté. Les est repérable jusqu'à 3 h. télescope de 250 mm. 23
bâtonnets périphériques de la rétine, sur
lesquels se forme alors l'image, plus 24
LES GRANDS RENDEZ-VOUS
sensibles que ceux du centre, permettent
25
de percevoir des détails peu lumineux. Mardi 5 Mardi 19
Avecun télescope de 200 mm, on peut voir La Lune occulte Bêta Scorpii Vesta est en conjonction 26
difficilement, en vision décalée, les spirales (mag 2,9) à 2h05 TU. avec Saturne (2').
de M 81. Paradoxalement, M 82, pourtant Jeudi 14 Mercredi 20 27

beaucoup moins brillante, devient plus Maximum de la distance Printemps à 19h03 TU, et
28
spectaculaire. Un grossissement de 80 x Terre-Lune au xxr siècle conjonction Saturne-Lune.
suffit pour distinguer les principaux nuages (406707 km). Vendredi 22
de poussières qui lui donnent son aspect Vendredi 15 Conjonction Lune-Jupiter (1°).
) 29

marbré. En poussant jusqu'à 130 x, l'image

n'est pas sans rappeler les photographies
à longues poses des observatoires.
Vénus est en conjonction
avec la Lune. A voir peu
Dimanche 31 ) 30
Passage à l'heure d'été.
• 31
après le coucher du Soleil. A 2 heures, il sera 3 heures.

' 1014 MARS 2002. ftKwefiR; 149

Le ciel d'un clic
Voicidoncla dernière versionducé
REDSHIFT4
lèbre logiciel d'astronomie Red
Shift, complètement réactualisé,
qui succède aux trois précédentes.
Avec des données astrométriques nou
velles, croisées des catalogues stellaires
Tycho 2, 4M et Hubble, qui donnent les
positions de quinze millions d'étoiles de
magnitude supérieure à 11, l'amateur dis
pose d'un outil unique pour prévoir les
phénomènes célestes. A côté des étoiles,
les autres objets de l'Univers ne sont pas
oubliés. L'ouvrage recense 1700 comètes
et 15000 astéroïdes! Sans parler évidem
ment des neuf planètes du système solai
re. Fondamentalement, Red Shift est un
planétarium interactif qui permet de vi
sualiser l'état du ciel et tous les événe
ments astronomiques compris entre 5000
avant J.-C. et l'an 9999. Nous avons ap
précié dans cette nouvelle version le mo
dule élaboré pour pouvoir suivTe dans le
ciel les trajectoires des sondes spatiales et
autres satellites artificiels. Très pratique
pour l'obserx'ation... Grâce à une nou
velle interface, l'intérêt pédagogique est
150 SdauâJIk N** 1014 • MARS 2002
Tout sur
l'Univers
Un grand classique
renouvelé : on peut afficher plusieurs fe
nêtres pour voir un même phénomène
(une éclipse, par exemple) de plusieurs
de l'astronomie, points de vue, à la surface de la Terre, de
dans sa dernière
puis la Lune ou d'un satellite artificiel.
version. Une plon
gée unique dans Ajoutez à cela un dictionnaire astrono
le système solaire mique complet, plus de 1000 photos mer
et le ciel profond veilleuses prises par le télescope spatial
des galaxies et
des nébuleuses.
Hubble et la sonde Galileo et une base de
données sur les objets du ciel profond
(galaxies et nébuleuses) : autant d'élé
ments qui font de ce CD-Rom un puissant
outil pédagogique aussi bien au service
du curieux des choses du ciel que de
l'amateur chevronné d'astronomie. Diffi
cile de faire mieux! On comprend dans
ces conditions pourquoi plus de
540000 exemplaires de ce logiciel ont été
vendus dans le monde, et pourquoi il est
reconnu d'intérêt pédagogique par l'Edu
cation nationale. Pour l'instant, Red Shift
4 n'existe qu'en version PC (il occupe
300 Mo d'espace sur le disque dur). Les
possesseurs de Macintosh devront se
contenter de la version 3.
Alsyd, 60,83 €, pour PC.
 POUR LES JEUNES L'épopée
Deux logiciels pour les jeunes ont retenu notre
attention ce mois-ci en raison de leurs qualités
des civilisations
pédagogiques :

ZOOMBINIS2
Mission au sommet
Trèsattendu,Empire Earth est le seuljeu destra
EMPIRE EARTH

tégie en temps réel qui permette de vivre

Ces petits personnages
sympathiques, reconnus
d'intérêt pédagogique
par l'Education nationale,
Lîai : iraste M
:Ksc«vrsîf S sont déjà présents dans
4000 écoles de France.
En passe d'investir toutes les écoles primaires
de Paris, ces personnages en 30 sont les
acteurs d'aventures interactives au cours
desquelles les jeunes de 8 à 12 ans acquièrent
les notions mathématiques fondamentales qui
leur seront fort utiles non seulement à l'école,
mais également dans la vie courante. A
chaque étape du jeu, l'enfant doit faire preuve
d'esprit logique, raisonner en observant
l'environnement, faire des déductions, formuler
500000 ans d'histoire de l'humanité! Il propose
de construire et développer une civilisation choi
sie parmi quatorze époques historiques, depuis l'âge
de pierre jusqu'à l'ère du numérique et de la robo
tique. Pour éviter d'être détruit par des adversaires
ou par des catastrophes économiques, il faut com
prendre et utiliser les données propres à chaque pé
riode. Eventuellement, le joueur peut se faire aider,
par un héros typique de son temps (Jules César, Aga-
memnon. Napoléon...). On dépasse rapidement l'as
pect ludique du CD-Rom pour mieux assimiler l'esprit
et les faits marquants d'une période de l'histoire. Le
graphisme en 3D est particulièrement soigné, offrant
de nombreux effets saisissants. Un excellent jeu, d'une
grande richesse, au souffle épique !
Sierra, 53,36 €, pour PC.

et tester des hypothèses pour mettre au point

des stratégies. Cela le conduit ainsi à manier
les notions de permutation, de suite logique de
calcul binaire et de réseaux tout en s'amusant.

TLC-Edusoft, 34,99 €, pour PC.

EGYPTE KIDS

Adapté du célèbre jeu

d'aventures historiques
Egypte, ce logiciel aborde
la civilisation des pharaons
d'un point de vue réaliste.
Il propose à l'enfant
(à partir de 8 ans) de
résoudre les énigmes d'une aventure en le
faisant participer à cinq ateliers (l'atelier du
marchand, de l'architecte, des hiéroglyphes,
le Panthéon et l'atelier de musique). L'enfant
est plongé dans l'un des aspects pratiques
de la vie égyptienne, qui l'amène à découvrir BON Di COMMANDE
Bomlèter et à retnraor poieMart ioMà SC9KE( VE
et comprendre cette prestigieuse civilisation. 1,ne diCM Pfenre Ane 755^AR1$ cedex 15
Cet ouvrage est publié conjointement par la
OUI, je commande reliure (') SCIENCE & VIE
Réunion des musées nationaux; l'exactitude OD prix de 10 € (65,60F) - Etrcs^ : 12,50€ (80,63FI "
• Je joins mon règlement de francs à l'ordre de SCIENCE & VIE
de l'ensemble a été validée par une spécialiste
liÛ.M.. ?r5ncm
de l'Egypte ancienne.
••••••••••••••••••••
CDE postal VlLLt i
Cryo, 30,34 €, pour PC.

Pour vous abonner: oi 46 48 47 08-

PAR ARIANE POULANTZAS
Et pourtant, elle
tourne...
f,
Ilétait unefois la Terre.D'abord nue,
HISTOIRES DE TERRE
Claude Allègre
criblée de cratères, sans atmosphère,
incandescente, elle s'entoure en moins
de 10 millions d'années d'une couche
d'ozone, forme ses océans, devient « le
théâtre d'une activité cyclique » d'érosion
- sédimentation... Il était une fois aussi
une poignée d'hommes, des sismologues,
des volcanologues, des océanologues...
travaillant à comprendre la planète, son
évolution, sa structure, son activité géolo
gique. Ces deux récits s'entrecroisent au
sein d'Histoires de Terre, le dernier livre
de Claude Allègre, ex-ministre de la Cultu
re et professeur à l'Institut universitaire de
France, à l'université Paris VU (Denis-Di
derot). L'ouvrage expose les connais
sances actuelles en sciences de la Terre
tout en rappelant le contexte historique de
leur acquisition, le cheminement des
idées et le raisonnement des scientifiques.
Car «l'un des buts [du volume] est de faire
152 • n" 1014 • MARS 2002
participer le lecteur aux frémissements in
tellectuels, à l'excitation créatrice qui est
le propre de l'aventure scientifique mo
derne», affirme l'auteur.
Pour atteindre cet objectif, cinq œuvres
éditées antérieurement et réactualisées
déroulent le tapis du savoir : l'Ecume de
la Terre, De la pierre à l'étoile. Economiser
la planète. Introduction à une histoire na
turelle et Dieu face à la science. Dans les
Chronique quatre premiers livres, on découvre la tec
terrienne tonique des plaques, un ensemble de mé
La longue et canismes qui permet de comprendre le re
mouvementée nouvellement des fonds océaniques et la
histoire de notre
planète, racontée
mobilité des continents. Puis on remonte
au fil du temps et aux origines de la planète à travers l'étu
des découvertes de de la composition des météorites et les
scientifiques.
apports de l'exploration spatiale, avant de
prendre conscience des problèmes engen
drés par l'influence néfaste de l'homme
sur le fonctionnement de la Terre puis de
lire, en guise de synthèse, le scénario de
l'histoire du monde, «du big bang à la dis
parition de l'homme».
 La dernière partie se démarque des
autres en clôturant l'ouvrage sur une ré
flexion philosophique : Claude Allègre
s'interroge sur les relations entre la reli
gion et la connaissance. Une occasion
pour lui de rappeler que «la science exclut
Dieu de son champ d'approche » et
«qu'elle ne donnera jamais de réponses
aux deux questions fondamentales : l'Uni
vers a-t-il un sens ? Qu'y avait-il avant la
naissance de l'Univers ? » Et de séparer
ainsi définitivement le domaine scienti
fique de celui de la croyance.
Kheira Bettayeb
Fayard, 2001, 1 047 p., 42 €.
Amusez-
vous utile!
ELEMENTAIRE,
MON CHER WATSON
Lesprobabilités, les
Colin Bruce
statistiques, la lo
gique et la théorie
des jeux sont sans
doute les disciplines
scientifiques les plus lu
diques qui soient. Parce qu'elles sont en
elles-mêmes très amusantes et pleines de
paradoxes inattendus; et parce qu'elles sont
largement impliquées dans la plupart des
jeux. Mais ces mécanismes sont aussi à
l'œuvre dans de nombreux aspects de la vie
quotidienne. Aborder ces disciplines, c'est à
la fois s'amuser, multiplier ses chances de
gagner au jeu et éviter de tomber dans les
pièges les plus grossiers de l'économie spé
culative - mais aussi de la vie courante.
Physicien et écrivain. Colin Bruce redonne
vie à Sherlock Holmes et au Dr Watson. Au
fil de douze petits récits, écrits avec un in
déniable talent, on rencontre les principaux
paradoxes de la logique auxquels chacun
peut se trouver confronté sans le savoir. De
la httérature, du jeu, de la surprise, de la
science... Tout ce qu'on aime.
Rammarion, 316 p., 16,5 €.
Pour vous abonner: www.excelsior.fr
EN LIBRAIRIE
SOCIOLOGIES
DE L'ALIMENTATION Soclolc^ies
de l'alimentatioiv -
Jean-Pierre Poulain
«Dis-moi ce que tu manges, je te
dirai qui tu es...» : tel pourrait être
le sous-titre de cet ouvrage
passionnant, malgré son aspect
parfois un peu trop technique.
Son objet consiste à restituer à
l'alimentation tout son aspect
social. Au-delà de la nécessité de
se nourrir pour vivre, au-delà même
du plaisir de manger et des goûts spécifiques de chacun,
le manger et le boire parlent des origines sociales et des
manières de se mêler aux autres. Il ne s'agit pas tant du
choix des aliments que de la façon dont ils se répartissent
et rythment le temps et l'espace. Une sorte de sociologie
du quotidien...
PUF, 288 p., 21 €.
ETIENNE-JULES MAREY,
CHRONOPHOTOGRAPHE
Michel Frizot
Etienne-Jules Marey est reconnu
comme le concepteur du dispositif
cinématographique. Ce livre
somptueux, reproduisant ses
photos de corps en mouvement,
accompagnées du texte savant de Michel Frizot, nous plonge
aux racines du cinéma, qui nous semblent aujourd'hui si
lointaines, tant les progrès techniques parcourus en à peine
plus d'un siècle sont faramineux.
Nathan, 312 p., 54,88 €.
LES ROMANS DE L'AIR
IULES VERNE IULES VER.\E
LES ROMANS DE L'EAU
Jules Verne
(préface
de Claude Aziza)
Pour les inconditionnels du
père de la science-fiction,
cette édition pratique est
quasi exhaustive (deux autres volumes vont suivre). Au-delà
du talent littéraire et romanesque, on est toujours frappé par
l'aspect visionnaire de ses écrits. Il est aussi troublant de
constater que, sur beaucoup de points, la réalité a largement
dépassé la fiction la plus extravagante à l'époque.
Omnibus, 1 344 p., 22,20 €.
n" 1014 • MARS 2002 • SbbmcsJIp 153
 Cette ombre qui nous éclaire de notre monde.
LA DÉCOUVERTE DE L'OMBRE
De Platon à Galilée, une énigme UdécouvcrtedtIVimbrt C'est à la lumière de ce paradoxe que
qui a fasciné tous les grands îVltscBiiiilùï
k«i».vé=frc>4ns£» Roberto Casati, chercheur au CNRS, rat
penseurs de l'humanité taché à l'Ecole polytechnique, éclaire,

Autantla lumière apparaît comme

Roberto CasatI

la plus fidèle amie de la connais

sance au point d'en devenir sa mé
taphore privilégiée («c'est lumi
neux», «j'ai une illumination », «je vois»,
«tout s'éclaire »...), autant l'ombre
semble son ennemie la plus radicale.
Déjà Platon, au siècle avant notre ère,
symbolisait la méconnaissance de l'hom
me vis-à-vis de la réalité qui l'entoure par
une perception exclusive d'ombres se
projetant sur le mur d'une caverne. Et,
pourtant, la prise en considération de
l'ombre a permis, maintes fois, d'illumi
ner la compréhension des mécanismes
t •
comme en creux, l'histoire de la pensée
aussi bien philosophique que scienti
fique. Et, petit à petit, dans l'ombre,
d'Eratosthène à Galilée, des astronomes
arabes à nos astrophysiciens modernes,
se dessine la nature la plus intime
de notre univers : l'explication des
éclipses; des jours et des nuits; la distan
ce entre la Terre, la Lune et le Soleil; la
structure du système solaire. Bref, un
livre passionnant et étonnant, qui, au-
delà du propos général, est émaillé
d'anecdotes qu'on ne peut résister à
raconter à ses amis.
Albin Michel, 290 p., 22,90 €.

NOUVELLE TOYOTA COROLLA PARTAGEZ VOTRE PLAISIR Depuis combien

de temps n'avez-vous pas ete fier de votre voilure, au point de vouloir partaqer cette émotion avec
tout le monde ? Avec la nouvelle ()<imme Corolla, disponible immédiatement en versions
3 et 5 portes, monospace (Coroll.i Verso) et sportive (Corolla T-Sport) ; vous dccouvrire/ des véhiculés
 ON N'A JAMAIS FINI DE... La science
BIZARRE BIG BANG
L'ÉPOPÉE DE U PHYSIQUE
Philippe Miné
en débat
Big bang par-ci, big bang par-là ; voilà un concept dont LES DEUX INFINIS ET L'ESPRIT
la science tout entière, et même la vie courante, se sont HUMAIN
emparé. Le big bang, tout le monde connaît... enfin, de
nom. L'objectif de Philippe Miné est de permettre au lecteur
curieux de mettre une réalité (fortcomplexe et, de surcroît,
parfois discutable) sous cette expression star. De quels
Rééditiondetrois conférencesdu
Roger Penrose

mathématicien d'Oxford sur la cos

phénomènes astrophysiques ce concept est-il censé
rendre compte? Comment est-il né? Est-il de l'ordre de
la simple hypothèse ou de la certitude scientifique,
largement démontrée? Au-delà de toutes ces questions, cet
ouvrage traite du statut de la vérité
scientifique, toujours en devenir, toujours
Ui7aiTt i3i£ Bnniï remaniable et jamais révélée. C'est ainsi
que le dernier chapitre s'intitule
"Questions pour nos enfants (et petits-
enfants)". Parce qu'on n'en a jamais fini de
comprendre le réel qui nous entoure.
•••••••••••••
mologie, la physique quantique et
l'esprit humain, suivies des
critiques de ses pairs, philosophes, physi
ciens ou mathématiciens (dont Stephen
Hawkins). Chaque critique est suivie de
la réponse de Penrose. Ce livre-débat de
haut niveau permet de réactualiser les
idées très controversées et surprenantes
qu'avance Penrose sur les liens entre la
physique et la pensée. Ardu, mais plus
abordable que les précédents ouvrages de
Penrose.

Beiin, "Pour la science", 304 p. 19,82 €.

Flammarion, "Champs", 224 p., 6,71 €..

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y . 'Pcn^ ^

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>. * .
itoè- £-id^J'-êyï-iy-^ ds
CtriK

ibUaihieue tfe Ptiilotoehlt isitallfl^vt - .:l

H. POINCARÊ

; La Science
J et l'Hypothèse
ï'

@
PAKIS
EUKESÎ PLAMMAlUùN, EDITEUR

iAathématlcien
)hllosophe
lUteur d'une œuvre
scientifique prolixe,
Henri Poincaré (1854-
1912) s'est également
illustré en philosophie
des sciences. En 1902,
La Science et l'Hypo
thèse rencontra même
un vrai succès public.

156 Swea-ïie • n'' 1014 • MARS 2002


Poincaré,
la science et
la conscience
Il est celui qui sut rendre ses erreurs
aussi fécondes que ses découvertes.
Faisant de la science l'œuvre de sa vie,
ce grand mathématicien travailla aussi
-p
Cedevait être le triomphe d'Henri
à une vraie philosophe des sciences.
Poincaré. La reconnaissance pu
blique de son talent de mathéma
ticien. Dans un mois, il recetrait
le prix du roi Oscar II de Suède,
I'
brillamment remporté à l'issue
d'un concours international rassemblant
les meilleurs mathématiciens du monde.
Les invitations pour les cérémonies offi
cielles de remise du prix étaient déjà en
voyées. Tout était prêt pour sa consécra-
z tion. Pourtant, en cet automne de l'année
0
B
<
1890, Poincaré s'arrache les cheveux.
s En juillet 1889, Edvard Phragmen, jeune
s£E mathématicien de Stockholm charsé
^
de
g préparer le mémoire du lauréat, bute sur
9 un passage qu'il juge obscur. Il en avertit
1 aussitôt Poincaré, quiréexamine son tra-
^ vail. Stupeur : Use rend compte d'une er-
s reur qu'il a commise dans une autre partie
S du mémoire! Tout va-t-il s'écrouler?
CL
Poincaré a 35 ans. Il sait que cette affaire
I peut ruinerà jamais sa réputation scienti-
< fique. Un pied sur le Capitule, un autre
PAR JEAN-FRANÇOIS MONDOT
sur la roche Tarpéienne, il écrit à son ami
Costa Mittag-Leffler, l'organisateur du
concours, pour lui dire son «chagrin». Fon
dateur de la revue Acta Mathematica, Cos
ta Mittag-Leffler veut éviter le scandale.
Pendant que Poincaré réécrit son mémoire,
il fait preuve d'entregent et de sang-froid.
D'abord récupérer, sous divers prétextes, le
mémoire déjà imprimé. Ensuite, rassurer
les deux autres membres du jury, Charles
Hermite (ancien professeur de Poincaré à
Polytechnique) et Karl Weierstrass, le plus
grand mathématicien allemand.
Crâce à lui, l'affaire n'ira pas plus loin. Le
21 janvier 1890, jour du soixantième anni
versaire du roi Oscar H, Henri Poincaré re
çoit comme préxu une médaille d'or d'une
valeur de 1000 francs, ainsi qu'un prix de
2500 couronnes. Mais de cette somme il
ne profitera pas : elle sera tout entière
consacrée à rembourser à Mittag-Leffler les
frais d'impression du nouveau mémoire...
Cette anecdote ferait sourire si elle s'ar
rêtait là. Car, de l'erreur à la découverte,
Poincaré va montrer qu'il n'y a qu'un pas.
Pour le concours du roi Oscar, quatre
questions étaient en effet soumises aux
mathématiciens. Or, la première concer
nait 'le problème des n corps" : comment
penser et formuler la trajectoire de plu
sieurs corps soumis à l'attraction univer
selle, comme les planètes autour du Soleil?
N** 1014 • MARS 2002 SaamHi 157
 Poincare
Enfance
lorraine
Henri Poincaré naît
à Nancy, le 29 avril
1854. Sa famille,
originaire de Neuf-
château, s'était
installée dans
cette ville en 1817
(ci-contre, la place
Stanislas). Le futur
savant y passera
son adolescence.
Une difficulté particulièrement coriace
puisque, pour la résoudre, il faut tenir
compte de l'attraction gravitationnelle de
chaque planète par le Soleil, mais aussi des
forces qui s'exercent entre les planètes.
Comme d'autres avant lui, Poincaré étu
die ce problème dans le cadre restreint de
trois corps, oti un corps a une masse nulle
et où les trajectoires des deux autres sont
des cercles. Il s'appuie sur les découvertes
récentes de l'astronome américain George
William Hill, qui vient de démontrer l'exis
tence de solutions périodiques au problè
me des trois corps. Autrement dit, dans
certaines configurations de départ, on peut
prévoir leur trajectoire. Au cottrs de sa dé
monstration, Poincaré s'intéresse aux tra
jectoires que l'on appelle asymptotiques.
Celles qui, au fil du temps, se rapprochent
toujours plus des solutions périodiques,
sans jamais les atteindre. C'est justement à
leur propos qu'il a commis sa fameuse er
reur. Il ne s'était pas rendu compte qu'une
infime variation des conditions initiales
ne permet plus de prévoir l'évolution du
système, dont le comportement semble
soudain régi par le hasard.
Quelques années plus tard, dans un pa
ragraphe célèbre des Méthodes nouvelles
de la mécanique céleste, Poincaré revient
sur ce point. Dans un système à trois
corps, il décrit l'enchevêtrement inextri
158 SnesenaM; > 1014 . MARS 2002
cable de deux courbes asymptotiques au
voisinage d'une trajectoire périodique :
« Ces intersections forment une sorte de
treillis, de tissu, de réseau à mailles infi
niment serrées ; chacune de ces courbes
ne doit jamais se recouper elle-même,
mais elle doit se replier elle-même pour
venir recouper une infinité de fois toutes
les mailles du réseau. On sera frappé de
la comple.xité de cette figure, que je ne
cherche même pas à tracer... »
•^OUS RISQUEZ D'ÊTRE INCOMPRIS"
Ce texte est considéré comme la première
description d'un comportement chaotique.
Henri Poincaré est décidément un savant
remarquable : ses découvertes sont fécon
des... et ses erreurs tout autant.
Quant à la trajectoire de l'homme, elle n'a,
jusqu'au concours de 1889, rien eu de chao
tique. Naissance à Nancy, le 29 avril 1854.
Famille aisée. Le père est neurologue, pro
fesseur à la faculté de médecine. Henri est
donc familiarisé très vite avec l'esprit scien
tifique, pour lequel il révèle rapidement des
dons qui surprennent. Paul AppeU, son ca
marade de Maths Spé, a raconté comment
ses réponses, concises, sautant par-dessus
les raisonnements intermédiaires, trou
blaient ses professeurs : «Si vous répondez
ainsi à l'examen, vous risquez de n'être pas
compris», lui disent-ils. Dès ses années de

jeunesse, Poincaré est persuadé que « c'est
par la logique qu'on démontre, c'est par l'in
tuition qu'on invente», comme il l'écrira
plus tard. Plus d'une fois, ses fulgurances
désorientent ses collègues mathématiciens.
Dans une lettre de 1883 à son maître Karl
Weierstrass, Mittag-Leffler regrette pour
tant les insuffisances de Poincaré «du point
de vue formel» : «C'est waiment très dom
mage qu'il n'ait pas été formé dans une uni
versité allemande... » De fait, Henri Poinca
ré est passé par une institution on ne peut
plus française : Polytechnique, où il est reçu
premier, malgré un "1" en dessin. Tout s'en
chaîne : initié par son professeur, Charles
Hermite, aux subtilités des équations diffé
rentielles, il entame sa carrière de mathé
maticien, passe sa thèse en août 1879, de
vient maître de conférence à la Sorbonne
en 1881. Quatre ans plus tard, il est chargé
de cours à la faculté des sciences de Paris.
De son caractère, on sait peu de chose.
Sinon qu'il n'est pas homme à se livrer. Ca
pable d'un vrai orgueil, doué d'un esprit
mordant, il peut être un redoutable polé
miste. Quant à ses opinions politiques, il
n'en a jamais fait étalage. Or, les occasions
ne manquaient pas dans une époque agi
tée par l'affaire Boulanger, l'affaire Drey
fus, la montée du nationalisme... Hostile à
tout radicalisme, il semble avoir surtout
été un républicain et un patriote modéré.
Un maître,
un initiateur
Major de la
promotion 1873
de Polytechnique,
Henri Poincaré
entame une carrière
de mathématicien.
Charles Hermite
(à dr.), qui fut son
professeur le plus
marquant, l'Initiera
aux subtilités
des équations
différentielles.
Rares sont d'ailleurs ses prises de position
publiques. L'homme ne pensait pas que
ses compétences scientifiques lui don
naient une vocation d'oracle. Lors de l'af
faire Dreyfus, cependant, on retrouve trace
de deux interventions publiques très bien
analysées par Laurent RoUet, du Laboratoi
re de philosophie et d'histoire des sciences
Henri-Poincaré de Nancy. Lors de la révi
sion du procès de 1899, une lettre de Poin
caré est lue à l'audience. Sans sortir du ter
rain scientifique, il démonte de manière
tranchante les arguments "scientifiques" de
l'accusation, et notamment son utilisation
fallacieuse du calcul des probabilités.
U GRANDE PASSION D'UNE VIE
Discret en public, pudique en privé : les
biographes ne sont pas aidés. Doit-on
alors supposer que les mathématiques ont
été la grande passion de cette vie si ran
gée ? La conception très large que Poinca
ré se faisait de sa discipline préférée rend
l'hv'pothèse plausible. Car les mathéma
tiques sont pour lui le lieu d'exercice pri
vilégié, non seulement de son intelligence,
mais aussi de sa créativité, de son inspi
ration, de son sens du beau : « Les mathé
matiques ont un triple but. Elles doivent
fournir un instrument pour l'étude de la
nature. Mais ce n'est pas tout : elles ont un
but philosophique et, j'ose le dire, un but
N° 1014 . MARS 2002 SemeMê 159
 u
Des droites
courbes
Faute de pouvoir
se représenter un
espace non eucli
dien, Henri Poin-
caré parvient à le
montrer dans un
espace euclidien
- le plan de la
feuille de papier.
C'est ainsi qu'un
quadrillage de
droites donne cet
enchevêtrement
de demi-cercles.
esthétique. » Une vraie profession de foi.
Les travaux de Poincaré offrent logique
ment ime matière plus consistante. Au dé
but de 1880, il commence par se consacrer
à l'analyse mathématique. Ses recherches
se situent dans le droit fil de Charles Her-
mite, dont un des titres de gloire est d'avoir
trouvé une méthode pour résoudre cer
taines équations différentielles du cinquiè
me degré. La résolution des équations dif
férentielles est un problème central des
mathématiques du xix'' siècle. Ce sont ces
équations qui régissent tous les phéno
mènes dynamiques, à commencer par la
mécanique céleste. Les implications et les
applications sont donc fondamentales.
C'est ce domaine que Poincaré va profon
dément renouveler. Lors de l'été 1880, il
prend connaissance des découvertes du sa
vant allemand Lazare Fuchs sur certaines
fonctions transcendantes (c'est-à-dire ana
160 ^tetêSe •«'WM • MARS 2002
logues, dans tme certaine mesure, aux fonc
tions trigonométriques sinus et cosinus).
Poursuivant ces recherches, il parvient à
obtenir une classe de fonctions transcen
dantes, qu'il baptise "fonctions fuch-
siennes". Elles lui permettent de résoudre
les équations différentielles linéaires à
coefficient algébrique (y=a]y-ta2y--t...aj,y").
GÊOMÉTRIES NON EUCLIDIENNES
Le plus beau est à venir. En travaillant sur
la représentation de ces fonctions fuch-
siennes, Poincaré fait une découverte fon
damentale : les fonctions fuchsiennes, très
complexes, sont en fait des fonctions clas
siques dès lors qu'on les utilise dans une
géométrie non euclidienne ! Le fait est ca
pital ; entre les mains de Poincaré, les géo-
métries non euclidiennes cessent d'un seul
coup d'être des élucubrations intellectuelles
pour devenir des outils mathématiques ir
remplaçables. Les années qui suivent sont
une période d'intense créativité mathéma
tique pour Poincaré. Tout en travaillant sur
les fonctions fuchsiennes, il met au point
une approche qualitative des équations dif
férentielles qui consiste à laisser de côté la
ou les solutions de l'équation, pour s'inté
resser à ses propriétés, par exemple son
comportement à l'infini. Et à la fin des an
nées 1880, il diversifie ses travaux. Avec les
équations différentielles comme outil de
prédilection, il passe d'un domaine à l'autre
avec tme confondante facilité, ouvert sur les
recherches les plus récentes. Il aborde les
mathématiques pures, la physique théo
rique (ou physique mathématique), la mé
canique céleste. Vers la fin de sa vie, il s'at
taque au problème de la relativité restreinte,
publiant, en 1905, Sur la dynamique de
l'électron. L'outTage alimentera une contro
verse - désormais caduque - sur son anté
riorité supposée par rapport à Einstein. : les
deux savants, on le sait aujourd'hui, ne
cherchaient pas la même chose. De 1880
à 1912, en quelque trente années de pro
duction scientifique, Poincaré a rédigé en
viron trente volumes et près de cinq cents
notes, articles et longs mémoires. Une
œuvre scientifique considérable, qui a long-
temps éclipsé sa contribution à la philo
sophie des sciences. Pourtant, sa ré
flexion philosophique a eu, en son temps,
un grand écho auprès du pubhc. Ses ar
ticle furent, en grande partie, d'abord pu-
1.A unt<y.dt
lO^dr. f/À,. /f. e
bhés dans h Revue de métaphysique et de
morale, avant d'être rassemblés dans
quatre ouvrages. Paru en 1902, la Scien
ce et l'Hypothèse est le premier de ces re
cueils. Son succès auprès du public sera
considérable pour un ouvrage scienti
fique : 16 000 exemplaires vendus à la 4h
AlltU
mort de Poincaré; 30000 en 1920. Anne-
Françoise Schmid, dans Henri Poinca
ré, les sciences et la philosophie, souligne
l'originalité de la philosophie des
sciences du mathématicien français. connaître les objets en soi, on peut con Le rhume
naître les rapports qui les lient : «La scien
LA SCIENCE: UNE PURE COMMODITÉ ? ce est un système de relations. » D'autre
des maths
Tout est prétexte
Il s'agit d'une pensée globale, mais qui part, ajoute-t-il, la science, pour conven
à mathématiques
refuse de dénaturer les spécificités des dif tionnelle qu'elle soit, n'est pas arbitraire. En chez Poincarré...
férents domaines abordés. Au premier effet, la convention est commode, et cette même un rhume,
abord, pourtant, cette philosophie sur commodité est inspirée par l'expérience : qui devient pour lui
une source d'inspi
prend par son pessimisme apparent : Les principes conventionnels [...] ration ; malade, il
«Non seulement la science ne doivent toujours, pour être com s'amuse à dessiner
peut nous faire connaître la na modes, être représentatifs (ci-dessus) l'évo
lution de la courbe
ture des choses, mais rien n'est d'un état de fait. »
suivie par son
capable de nous la faire Prenons l'exemple de la affection.
connaître et si quelque dieu la géométrie. Poincaré a des
connaissait, il ne pourrait trou j, expressions très fortes pour
ver de mots pour l'exprimer», dire que la géométrie est con-
écrit Poincaré. Pour lui, la science ventiormeUe : «Que doit-on pen
est un langage; et, en tant que langage, ser de cette question ; la géométrie
eDe est impuissante à appréhender euclidienne est-elle vraie ? Elle
le réel. Comme tout langage, elle n'a aucun sens. Autant de
est en fait une classification : mander si le système mé
« On dira que la science n'est trique est vrai et les ancien "Paver"
qu'une classification, et qu'une nes mesures fausses ; si les le pian
classification ne peut être vraie, coordonnées cartésiennes Pour représenter
mais commode. » sont vraies et les coordonnées un pian non eucli
dien sur un pian
Poincaré penche-t-il pour un con polaires fausses. Une géométrie
euclidien, Henri
ventionnahsme radical? Un scepticis ne peut pas être plus vraie qu'une Poincaré trace
me des plus classiques ? On pour autre [...] ». Dans un autre pas un cercle, dont le
centre est le centre
rait le croire. Car les notions sage de la Science et l'Hypo
du pian et le bord,
d'expérience et de vérité sem thèse, il va plus loin : «Une l'infini. Ci-contre,
blent totalement évacuées de la géométrie ne peut pas être des représenta
science... C'est alors que la pen plus vraie qu'une autre, elle tions de divers
quadrillages - des
sée de Poincaré opère un spec peut seulement être plus
pavages en mathé
taculaire rétablissement. D'une commode. » D'où vient alors matiques - d'un
part, précise-t-il, même si l'on ne peut cette impression de commodité, plan non euclidien.

1014 . MARS 2002. ScmeaUle 161

 Poincaré
Prestigieux de familiarité que la géométrie eudidierme
nous donne ? Du lien subtil que la géomé
adversaires trie entretient malgré tout avec l'expérience,
A partir de 1900,
répond Poincaré. En effet, un certain nom
Poincaré engage
la polémique avec bre de caractéristiques fondamentales de
les partisans du la géométrie euclidienne sont inspirées par
"logicisme", qui l'expérience. Par exemple, le caractère inva
travaillent sur
la formalisation
riant des solides dans l'espace géométrique
et l'axlomatisatlon euclidien : ni les translations, ni les rota
des mathéma tions ne transforment les dimensions des
tiques. David
figures considérées.
Hllbert, auteur
des Fondements
de la géométrie COUPS BAS ET POLÉMIQUES
(1899) et Bertrand Ce subtil cabotage entre la convention
Russell (Principles
(ou l'esprit) et l'expérience est le principe
of Mathematics,
1903) furent de base de la philosophie des sciences de
ses plus célèbres Poincaré. Chaque discipline scientifique
adversaires. (géométrie, mathématiques ou physique )
y obéit, mais chacune à sa façon : c'est
ainsi que la géométrie aura avec l'expé
rience des liens plus lâches que la méca
nique. Mais ce lien sera toujours là. A
l'époque, les conceptions de Poincaré sont
loin de faire l'unanimité. Rappelons qu'en
ce début du xx° siècle, tout un courant de
pensée tente d'axiomatiser et de formaliser
le langage mathématique sur le modèle de
la logique, comme Hilbert dans son célèbre
mémoire les Fondements de la logiqueet des
mathématiques (1905), ou Russell dans les
Principes des mathématiques (1903). Avec
les "partisans de la logistique", comme les
appelle Poincaré, les polémiques seront as
sez vives. Il arrivera même parfois, comme
dans la controverse avec Russell en 1905,
que les fleurets oublient d'être mouchetés.
Poincaré a en effet des formules cruelles
pour brocarder ceux qui veulent réduire le
raisonnement mathématique à un méca
nisme : «[...] on pourrait imaginer une ma
chine où l'on introduirait les axiomes par
un bout pendant que l'on recueillerait les
théorèmes à l'autre bout, comme cette ma
chine légendaire de Chicago où les porcs
entrent vivants et d'où ils sortent transfor
més en jambons et en saucisses.» Il re
proche aux symboles logiques leur lour
deur paralysante et leur stérilité : «[...] s'O
faut 27 équations pour établir que 1 est un
nombre, combien en faudra-t-il pour dé
162 •N** 1014•MARS 2002
montrer un wai théorème ? » Le véritable
enjeu de cette polémique concerne le prin
cipe de «l'induction complète» (ou «raison
nement par récurrence») qui est, selon
Poincaré, la preuve la plus évidente de la fé
condité de l'intuition : « On établit d'abord
un théorème pour n = 1 ; on montre ensui
te que s'il est vrai de n - 1, il est vrai de n,
et on en conclut qu'il est vrai pour tous les
nombres entiers», écrit-il dans la Science et
l'Hypothèse. Cette intuition de la répétabih-
té indéfinie d'une opération de l'esprit per
met de nous élever à un théorème général
applicable à tous les nombres. En revan
che, la logique ne peut fournir que des vé
rifications ponctuelles du théorème. Pour
arriver au théorème général, il lui faudrait
une infinité de démonstrations : en d'au
tres termes, la logique échoue devant l'in
fini. Mais Bertrand Russell n'a pas dit son
dernier mot. En 1905, lors de la parution
de la version anglaise de la Science et l'Hy
pothèse, il fait paraître deux textes dans les
quels il ne se prive pas de répondre aux
arguments de Poincaré. Lui aussi est un re
doutable polémiste. Il sait être perfide
comme Poincaré sait être mordant.
"SON DOUTE ÉTAIT AaïF"
A preuve le début de son premier article,
daté de juin 1905 : «[...] Monsieur Poincaré
[...] joue avec les sciences comme avec un
jeu de quilles. Il en autorise certaines à res
ter debout et il en renverse d'autres. Cette
attitude souveraine sera grisante pour cer
tains, mais d'autres la jugeront légère.»
Dans son second tirticle (juillet 1905), il se
moque un peu cruellement et facilement
du conventionnalisme de Poincaré : « Il dé
clare : affirmer "la Terre tourne" n'a au
cun sens, puisque aucune expérience ne
permettra de la vérifier... ou plutôt, ces
deux propositions "la Terre tourne" et "il
est plus commode de supposer que la Ter
re tourne" ont un seul et même sens. Mais
si "la Teire tourne" n'a aucun sens, cela a la
même signification que "Abracadabra", et
donc, si monsieur Poincaré a raison, cela
a le même sens que "il est plus commode
de supposer que Abracadabra"... »

Après ces coups de griffe, il aborde le prin
cipe de l'induction complète : «Un nombre
fini est celui sur lequel s'applique l'induc
tion mathématique ; un nombre infini est
celui sur lequel elle ne s'applique pas [...]
Encore une fois, monsieur Poincaré se
trompe en voyant dans le principe d'induc
tion mathématique un moyen de passer du
particulier au général : il est simplement
un moyen de passer d'une proposition gé
nérale à une autre. » Quelques mois plus
tard, en janvier 1906, Poincaré répond au
compte rendu de Russell. Visiblement, le
"Abracadabra" lui est resté en travers de la
gorge : «Je m'étonne que monsieur Russell,
qui avait parfaitement compris ma pensée,
n'ait pu résister au plaisir de profiter d'une
équivoque pour lancer une épigramme... »
Il y aura encore une réponse de Russell à la
réponse de Poincaré, mais sans que les
deux correspondants ne modifient leurs po
sitions d'un iota. Aujourd'hui encore, le dé
bat est ouvert, comme le montre Gerhard
Heinzmann, directeur du laboratoire de
philosophie et d'histoire des sciences Ar
chives Henri-Poincaré : «On ne peut donner
1
raison à l'un ou l'autre des deux savants car Cubisme
ils s'expriment à partir de deux points de Le débat sur les
vue différents. Russell se base sur une géométries non
conception formaliste et ensembliste des euclidiennes a
des répercussions
mathématiques. Techniquement, il a rai
jusque dans l'art
son. Mais d'un point de we philosophique, C'est le cas avec
la position de Poincaré est plus profonde. » le cubisme, dont
Le débat entre les deux hommes en reste l'un des fondateurs,
avec Picasso, est
ra là. Le 17 juillet 1912, Poincaré meurt, le peintre français,
deux mois après avoir donné ses ultimes Georges Braque
conférences sur la logique de l'infini, la re (1882-1963), que
l'on voit ici dans
lativité et la mécanique des quanta. En
son atelier.
1914, c'est à Russell que l'on demandera
de préfacer la traduction anglaise de Scien
ce et Méthode. Les désaccords, aussi pro
fonds soient-ils, n'empêchent pas le respect.
Son ancien contradicteur trouvera ainsi les
mots justes pour évoquer la mémoire de ce
lui qui «n'avait, à vrai dire, rien d'un scep
tique : quel que fut son degré de conscien
ce de la difficulté d'accès à la connaissance,
il n'a jamais admis son impossibilité [...]
Son doute était actif, ardent, de nature à
inspirer un nouvel examen minutieux, et
n'avait rien du doute oisif qui se range avec
suffisance à son ignorance feinte ». •
1014' MARS 2002. SwwBSÏtt 163
nraPIr
PAR VÉRONIQUE ROCHEWSKY

Vestiges Centrales La plus petite Attention

du Moyen Âge nucléaires:

an grand débat
TV
du monde
aux
infrasonà

Ce pot globulaire fait partie

BmssBmsfmwms
des objets retrouvés dans
1£ MYTHE u a » r
la maison II de Dracy, en niA TOI QUI SAUVE
Bourgogne, «incendiée
à la fin du xiv* siècle. La vie
quotidienne, brutaiement
stoppée, se révèie avec N ^ r'-^i
une complexité qu'il est rare
d'observer dans d'autres H
circonstances [...] Il faudra Entraide
de longues années de
recherche pour que ces biologique
études aboutissent [mais] « Les pucerons
elles devraient conduire à Aphidiens prélèvent
de nouvelles conceptions de sur les végétaux
la civilisation paysanne...» V^JV7 une quantité de
suc dépassant
leurs propres besoins.
Paix nucléaire La fourmi brune
Le Poséidon 03, missile
américain d'une portée
MARS 1977 Lasius niger vient
alors recueillir une
de 4600 km, sera rem «Ily a, en France, des gens assez naïfs gouttelette de cette
placé en avril 1979 pour croire qu'un être doué de pouvoirs miellée. En échange,
par le SLBM Trident 1 surnaturels peut, à mains nues, enlever un elle attaque certains
C-4 (de 7 400 km de hyménoptères qui
organe malade et refermer la plaie sans pondent ieurs oeufs
portée). Alors que les
Américains s'appuient qu'apparaisse la moindre cicatrice.» Or, à l'intérieur du corps
sur des améliorations consulter les guérisseurs philippins n'est des pucerons.» C'est
qualitatives, les Sovié ici un exemple de la
pas sans risque ; ils interdisent la prise de
tiques préfèrent pour symbiose (ou entraide)
médicaments durant leur "traitement"... entre des êtres vivants,
leur part compter sur
le nombre : en pleine qui est peut-être à
période de limitation l'origine de l'évolution
des armements, de l'homme...
jamais la proliféra Télévision de poche
tion des armes de
« Le plus petit téléviseur du monde,
dissuasion n'a
[ou "microviseur"], adapté à tous
été aussi
les standards mondiaux, offre une
grande ! image au format photo d'identité
qui pourrait bien donner à la T.V.
une nouvelle vocation. Il sera
vendu sur le marché français
avant la fin de l'année, à un prix
ne devant pas dépasser 1 500 F».
On ie trouve déjà en Angleterre.

Directeur de la publication : Paul Dupuy. Dépôt légal n° 84007. N°de commission paritaire : 1005 K 79977 du 12 octobre 2000.
Printed in Itaiy. Photogravure : Goustard.Imprimerie : Nuovo Instituto Italiano d'Arti Grafiche. ViaZanica,92 - 4126 Bergamo - Italie
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