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Maître Laila TOUHAMI KADIRI

Avocate au barreau de Rabat


38, avenue Chellah, 3ème étage
Appartement n° 10
Rabat
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+212537205877
Laila.touhami@cabinetavocat.ma

Objet : Le règlement des litiges et le contentieux des marchés publics


Comme tout autre domaine, le domaine de la commande publique n’est pas à l’abri des
conflits et des litiges.
En droit on utilise souvent le terme « contentieux » qui caractérise dans le langage
administratif, une procédure destinée à faire juger un litige entre un usager d’un service public
et l’Etat ou ses établissement ou collectivités publiques.
Le recours en contentieux administratifs trouve leur raison et leur particularisme à travers
deux systèmes de règlement des litiges, l’un juridictionnel et l’autre administratif.
L’action juridictionnelle est souvent critiquée par la complexité et la lenteur du processus de
prise de décision. Sachant que la gestion du temps est une préoccupation majeure pour
l’administration publique.
Pour combler ses lacunes, il est permis de recourir à des procédés alternatifs de règlement des
différends qui permet aux intervenants dans le MP d’éviter le retard dans l’exécution et de ne
pas créer des situations conflictuelles avec les gestionnaires de la chose publique.

PLAN :
I- LE REGLEMENT NON JURIDICTIONNEL DES LITIGES

A- Le recours à des modes administratifs de règlements des litiges et devant la


CNCP.
B- Les modes alternatifs : la médiation et l’arbitrage.

II- LE REGLEMENT JURIDICTIONNEL DES LITIGES

A- Le recours en annulation d’un acte administratif ou en nullité du contrat.


B- Le recours à des modalités civiles de réparation.
I. LE REGLEMENT NON JURIDICTIONNEL DES LITIGES
Comme il a été prévu, le recours au juge n’est pas le seul moyen pour résoudre les litiges dans
les MP.
A cet égard, il existe des procédés alternatifs de règlement des différends. Ce sont les recours
administratifs, gracieux ou hiérarchiques d’une part, Et le recours devant des organismes
spéciaux d’autre part (A) et les recours aux modes alternatifs de résolution de conflits (B).
A. Le recours à des modes administratifs de règlement des litiges

1- Le recours auprès du Maître d’ouvrage :


Ce recours est souvent imposé comme mode alternatif de règlement des litiges, quoique le
litige concerne la phase de passation ou d’exécution des marchés ;
A cet égard, les concurrents ainsi que les attributaires des MP ne sont recevables à former
devant le juge administratif des recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat
ou de certains actes préalables détachables qu’après l’expiration des étapes du recours
amiable.
En effet, les recours administratif sont concevables à travers des demandes adressées au MO
en vue du règlement amiable des litiges.
Ainsi les intéressés (concurrents, attributaires, soumissionnaires) peuvent exercer ce recours
dans différents cas, comme le cas de non-respect des règles de passation des MP, ou lorsque
les dossiers de l’appel à la concurrence contient des clauses discriminatoires, ou bien sûr pour
contester les motifs d’élimination de son offre...
La validité du recours : Pour que le recours administratif soit valable. Il doit remplir certaines
conditions : ces conditions sont exigées par la réglementation en vigueur propre aux marchés
publics, notamment, par le décret du 20 mars 2013 relatif aux marchés publics et par les
cahiers des clauses administratives générales.
Il doit en premier lieu, prendre une forme écrite, c’est-à-dire en saisissant le MO à travers
une réclamation écrite.
Il doit en deuxième lieu, respecter un délai précis. Par ex : les concurrents évincés, qui
contestent les motifs d’élimination de leurs offres, les réclamations doivent intervenir dans les
5 jours à compter de la date de notification du rejet de leurs offres. Une fois passé ce délai,
leurs demandes sont irrecevables.
Enfin, la troisième condition porte sur l’objet de la réclamation. Cette dernière ne peut en
aucun cas contester le choix d’une telle procédure de passation. Elle ne peut aussi contester le
rejet de la totalité des offres par la commission ainsi que la décision d’annuler la procédure
par l’autorité compétente.
Il s’avère aussi de noter que cette procédure administrative du règlement des litiges est une
procédure hiérarchique qui permet à l’autorité supérieure d’annuler ou de reformer les actes
de l’autorité compétente.
Par conséquent, on distingue deux étapes de recours gracieux porté devant l’auteur de la
décision qui permet de réexaminer ou d’annuler une décision contestée. Et l’autre
hiérarchique adressé à l’autorité supérieure (ministre de l’Etat, ministre de l’intérieur) afin de
redresser l’anomalie ou d’annuler ou suspendre une procédure.
Par ailleurs, si tout concurrent n’est pas satisfait du sort qu’il a été réservé ou en l’absence de
réponse du ministre concerné ou du président du CA de l’établissement public. Ce dernier
peut saisir directement la CNCP.
2- Le recours à la commission nationale de la commande publique
Le règlement des différends et des litiges en matière des marchés publics par voie
« consultative arbitraire » relevait des attributions de la commission des marchés publics,
cette commission a connu une refonte radicale en 2015. Et ce, suite à la réforme qu’a apporté
le décret n° 2-14-867 du 21 septembre 2015 relatif à la Commission Nationale de la
Commande Publique (CNCP).
Généralement, le recours devant la CNCP peut prendre trois formes distinctes : soit être
consultée par les administrations publiques, soit par les concurrents contestant la procédure de
passation à travers les demandes d’instruction des réclamations, soit par les titulaires des
commandes publiques ayant des différends avec des administrations concernant la phase
d’exécution desdites commandes à travers les demandes d’avis de ladite commission.
Quant aux réclamations des concurrents, les dispositions de l’article 30 du décret relatif à al
CNCP autorisent à tout concurrent de recourir directement à la CNCP dans les cas suivants :
- Si l’intéressé constate que l’une des règles de la procédure de passation n’a pas été
respectée ;
- s’il constate que le dossier contient des clauses discriminatoires ;
- s’il conteste les motifs de son élimination ;
- s’il n’est pas satisfait de la réponse qui lui a été donnée lors du recours
administratif.
A ce titre, l’article 31 du décret n° 2-14- 867 du 21 septembre 2015 susvisé dispose que les
réclamations émanant des concurrents sont déposées directement dans les bureaux de la
CNCP ou adressées au président de la commission par voie postale en recommandé avec
accusé de réception, comme elles peuvent lui être adressées par voie électronique.
A cet égard, la CNCP procède à l’examen des réclamations. Lorsqu’elle juge que le bien-
fondé de la réclamation est justifié, le président de cette commission informe l’administration
dès que possible et propose au chef du gouvernement les solutions possibles. Ce dernier
décide soit l’annulation de la procédure lorsqu’il s’agit d’une irrégularité viciant la procédure
ou sa rectification en procédant aux modifications nécessaires ou à la déclaration
d’irrecevabilité de la procédure pour manque d’un fondement juridique.
B. Les recours aux modes alternatifs du droit commun de règlement des litiges :
La loi a mis à la disposition des MO et des entrepreneurs deux voies de recours innovants,
l’arbitrage et la médiation pour en recourir en cas de différends dans l’exécution des marchés
publics et particulièrement celles des travaux car, le domaine de la construction et l’un des
plus propices à la survenance de différends.
1- Le règlement des litiges par voie d’arbitrage
L’arbitrage en matière des MP comme on l’avait soulignait s’agit d’une innovation introduite
dans la gestion des contrats administratifs.
Toutefois, il est à souligner que cette voie de recours ne concerne que la phase d’exécution
des marchés publics. Par contre, les litiges nés en cours de passation, ne peuvent en aucun cas
faire objet d’un arbitrage.
En effet, l’arbitrage a pour objet de faire trancher un litige par un tribunal arbitral qui reçoit
des parties la mission de juger en vertu d’une convention d’arbitrage.
A cet égard, les établissements publiques et leurs contractants en matière des MP peuvent se
soumettre à d’arbitrage en concluant des compromis d’arbitrage ou des conventions
comportant des clauses d’arbitrages par lesquels ils soumettent leurs litiges à un tribunal
arbitral qui de sa part tranche le litige conformément aux règles de droit convenues entre les
parties en prenant en considération les clauses convenues dans le contrat du marché objet du
litige.
Enfin, la sentence arbitrale n’acquiert la force de la chose jugée qu’en vertu d’une ordonnance
d’exequatur émanant du président du tribunal administratif dans le ressort de laquelle la
sentence a été rendue.
2- Le règlement des litiges par voie de médiation
Le règlement des différends en matière des MP par voie de médiation ne peut concerner que
les litiges et différends qui peuvent naitre entre le MO et les titulaires du marché en cours
d’exécution.
Elle s’agit d’une technique procédurale de règlement des conflits par laquelle des parties
qu’un différend oppose, tentent de parvenir une solution transactionnelle en utilisant les bons
offices d’une personne dite « médiateur ».
La convention de médiation peut être conclue après la naissance du litige. Elle peut etre
contenue dans le contrat du marché à travers une clause de médiation ou peut intervenir
d’instance.
Le recours à la médiation interrompt les différentes prescriptions en cours et les délais du
recours contentieux jusqu’à son clôture.
Par conséquent, au terme de la mission du médiateur, ce dernier propose un projet de
transaction aux parties.
Si cette transaction est aboutie, elle aura par conséquent entre les parties la force de la chose
jugée et peut être assortie de la mention d’exequatur.

II. LE REGLEMENT JURIDICTIONNEL DES LITIGES


Les MP sont des contrats administratifs ce qui signifie que les tribunaux administratifs qui
sont compétents pour juger ces litiges.
Les tribunaux administratifs jugent en premier ressort :

 Les recours en annulation pour excès de pouvoir formés contre les décisions des
autorités administratives,
 Les litiges liés aux contrats administratifs,
 les actions en réparation des dommages causés par les actes ou les activités des
personnes publiques. (L’article 8 de la loi 41-90 instituant les tribunaux
administratifs).
Il est à noter l’existence de trois de recours juridictionnels en matière des marchés publics à
savoir le recours pour annulation d’un acte administratif ou pour déclarer la nullité du contrat
du marché public et un recours afin d’obtenir la réparation du préjudice subi.
A- Le recours en annulation d’un acte administratif ou en nullité du contrat

1. Le recours en annulation d’un acte administratif :


Ce recours permet au juge, à la demande du requérant, de reconnaître l’illégalité d’un acte
administratif et d’en prononcer l’annulation.
Ce recours est formé souvent contre les actes administratifs entachés d’irrégularité soit en
raison de l’incompétence de l’autorité qui les a pris, soit pour vice de forme, détournement de
pouvoir, défaut de motif ou violation de la loi. Ce sont donc des actes unilatéraux
"détachables" du contrat de marché public.
2. Le recours en nullité du contrat du marché :
La déclaration de la nullité a pour effet de faire disparaître rétroactivement tout lien
contractuel existant entre les parties du contrat du marché public.
Ce recours est possible dans les cas où le titulaire ou le maître d’ouvrage constate tardivement
que le contrat du marché a été passé selon une procédure irrégulière, ou lorsque les actes
détachables relatifs à la procédure de passation sont illégaux ou lorsqu'il contient des
stipulations illégales ou dans le cas où le contrat comprend des clauses contradictoires qui
peuvent rendre l'exécution du contrat impossible.
Il est à noter que ce recours n'est ouvert qu'aux parties du contrat de marché.
En effet, la déclaration de nullité a pour effet de faire disparaître rétroactivement tout lien
contractuel existant entre les parties du contrat.
Par conséquent, le maitre d’ouvrage et le titulaire du marché doivent procéder à une
restitution de ce qui a été perçu au titre du marché.

B- Les recours aux modalités civiles de la réparation :


Le juge a des pouvoirs étendus lui permettant d’apprécier l’existence du dommage et
condamner le maitre d’ouvrage au paiement de l’indemnité réparatrice.
Toutefois, le cocontractant doit provoquer une décision préalable. C’est cette décision de
refus d’indemnisation qui est déféré au juge administratif. La règle c’est de chercher à
convaincre en premier lieu le maître d’ouvrage ou d’obtenir une décision de sa part, avant
d’agir devant le juge administratif.
La responsabilité administrative peut être engagée si la victime démontre l’existence d’une
faute administrative, comme elle peut être engagée en l’absence de toute faute.
Le fondement juridique sur lequel se base cette responsabilité est l’article 79 du DOC qui
dispose que « l'État et les municipalités sont responsables des dommages causés directement
par le fonctionnement de leurs administrations et par les fautes de service de leurs agents ».
La responsabilité de l'administration est engagée à trois conditions : il faut qu'il existe un
préjudice réparable, qu'un fait engage l'administration et qu'aucune exonération ne puisse l'en
décharger.
1- La responsabilité pour faute de service :
Une faute, est une défaillance dans l'organisation ou le fonctionnement normal du service
public. Elle peut consister en un fait matériel ou en un acte juridique.
Une décision administrative peut être fautive si deux conditions sont réunies : Il faut qu’il
s’agisse d’une décision faisant grief ; et il faut qu’elle soit illégale (l’acte légal ne peut pas
être fautif).
La faute peut découler aussi d’un agissement matériel de l’administration. Ces agissements
sont très variables, les uns sont purement matériels (chantier mal entretenu, ouvert ou
public...). D’autres sont de type bureautique ou administratif (renseignement donnés par les
services erronés...)
2- La réparation sans faute :
Elle repose sur un principe spécifique qui est le risque que l’activité administrative peut
engendrer et qui oblige la collectivité publique à réparer des dommages causés même en
l’absence de faute.
3- La réparation du préjudice :
Pour qu'un préjudice soit reconnu et ouvre donc le droit à réparation : Il doit être direct,
certain et évaluable financièrement.
De même, pour bénéficier de la réparation du dommage, le titulaire du marché doit justifier le
lien de causalité entre le dommage et l’activité administrative.
Enfin, la réparation du préjudice doit couvrir la totalité du préjudice, et son montant doit être
évalué par le juge au jour du jugement.

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