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Chapitre I I I

La composition chimique des clinkers


1 Introduction

Le clinker est une roche artificielle utilisée comme matière première dans la fabrication des :

? ciment Portland et des ciments composés répondant à des normes nationales ou


internationales
? des ciments particuliers répondant à des spécifications particulières.

Ce clinker est acheté localement ou sur le marché mondial. Il est souvent élaboré
directement dans la cimenterie dans un atelier appelé clinkérie, situé en amont de l’atelier de
broyage.

Un mélange de roches calcaires dures ou tendres et d’autres silico-alumineuses sont


introduites sous forme de poudre, de pâte ou sous une forme intermédiaire dans une
installation de cuisson. Le mélange progressivement déshydraté, décarbonaté et calciné,
entre enfin, entre 1200 et 1500°c, en fusion partielle. Cette phase s’appelle clinkérisation. La
matière produite, le clinker Portland, est refroidie rapidement tandis que les fumées sont
épurées par les électrofiltres.

Par le dosage précis de matières premières et le contrôle de la cuisson, le clinker Portland


répond à des critères précis qui lui procurent la réactivité optimale dans un domaine choisi.
L’objectif du processus de cuisson est de transmettre à la matière à cuire, pour une qualité
donnée du cru, la quantité de chaleur qui assure la qualité désirée du produit cuit en vue de
fabriquer des ciments hydrauliques suivant les spécifications des normes et de la clientèle en
:

? minimisant les coûts de production


? optimalisant le débit du produit de cuisson
? minimisant la dépense d’énergie
? minimisant les variations de qualité.

2 Critères chimiques et minéralogiques du clinker

Dans le four, le mélange cru après séchage et décarbonatation arrive sous la forme de
poudre ou de petites granules dans la zone de cuisson. Les réactions chimiques
commencent sous l’effet de la température. L’oxyde de fer se combine à l’oxyde d’aluminium
et à l’oxyde de calcium pour former l’aluminoferrite tétracalcique (C4AF). L’alumine
restante réagit avec de l’oxyde de calcium pour former l’aluminate tricalcique (C3A). Ces 2
composants forment la phase liquide.

Les oxydes de silicium et de calcium réagissent ensemble pour former le silicate bicalcique
(C²S) qui, lui-même, se transforme en silicate tricalcique tant qu’il reste de l’oxyde de
calcium non combiné. A la sortie du four, l’oxyde de calcium non combiné s’appelle chaux
libre.

La magnésie ne réagit pas avec les autres constituants. Elle cristallise sous forme de
périclase ou reste en solution solide dans la phase liquide. Les alcalis et les sulfates forment

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des sulfates alcalins ou réagissent avec l’aluminate tricalcique pour donner des cristaux
d’alcali aluminate. Les métaux lourds peuvent remplacer le fer dans certains cristaux. Une
variation des constituants principaux (oxydes de calcium, de silicium, de fer et d’aluminium)
ou des éléments mineurs et secondaires (alcalis, sulfate, titane, phosphate, fluor, ...) modifie
d’une part l’aptitude à la cuisson du mélange cru et d’autre part les caractéristiques
hydrauliques du clinker produit.

De nombreux savants ont étudié la chimie du clinker Portland et la composition chimique est
maintenant bien connue (tableau 1). Par contre, la minéralogie du clinker n’a pas encore livré
tous ses secrets (tableau 2). Des travaux de Le Chatelier, Michaelis, Lea et Parker, Rankin et
Wright, Kühl, Bogue, ..., il est établi que le clinker est principalement constitué en proportions
variables de :

? Silicate tricalcique 3 CaO SiO² ou C³S


? Silicate bicalcique 2 CaO SiO² ou C²S
? Aluminate tricalcique 3 CaO Al²O³ ou C³A
? Aluminoferrite tétracalcique 4 Ca0 Al²O³ Fe²O³ ou C4AF

Tableau 1 : Composition chimique de clinker


Minimum Maximum
Perte au feu 0.2 1.1
SiO² 20.0 24.3
Al²O³ 3.7 7.1
Fe²O³ 1.7 5.7
CaO 61.0 68.1
MgO 1.7 4
SO³ 0.05 1.3
K²O 0.05 1.4
Na²O 0.05 0.7
TiO² 0.15 0.4
Mn²O³ 0.05 1.2
5
P²O 0.05 0.6
Cl 0 0.1
F 0.01 0.3
CaO libre 0.6 2.8
Module silicique 1.8 3.9
Module aluminoferrique 0.7 2.8
Indice de saturation 84.8 100.8

Lors de la formation du clinker, les oxydes principaux apportés par les matières premières se
combinent entre eux pour former d’autres minéraux :

Entre 600 et 1100°c

? Al²O³ 2 SiO² 2 H²O + 5 CaCO³ ? CA + 2 C²S + 2H²O ? + 5 CO² ?


? Fe²O³ + 2 CaCO³ ? C²F + 2 CO² ?
? SiO² + 2 CaCO³ ? C²S + 2 CO² ?
? CaCO³ ? C + CO² ?

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Entre 1200 et 1450°c

? C²F + CA + C ? C4AF
? CA + 2 C ? C³A
? 2C + S ? C²S
? C²S + C ? C³S

Tableau 2 : Composition minéralogique de clinker


Minimum Maximum
Alite C³S 45.0 79.7
Bélite C²S 5.7 29.8
Aluminate C³A 1.1 14.9
4
Aluminoferrite C AF 2.0 16.5
Périclase MgO 0 5.8
Chaux libre CaO 0.6 2.8

Ces composants minéralogiques sont accompagnés d ’éléments mineurs tels que chaux
libre (CaO libre), périclase (MgO), alcalis, métaux lourds, ..., qui influencent la qualité du
clinker produit. Sur mortier ISO la composition du clinker modifie la rhéologie, les résistances
initiales et finales, et la durabilité (tableau 3).

Les formules de Bogue sont utilisées mondialement pour calculer la composition


minéralogique d’un clinker ou d’un ciment Portland. Ce calcul fait l’hypothèse de la formation
de réseaux cristallins bien définis, sans aucune inclusion étrangère, et ne tient pas compte
des oxydes secondaires apportés par les matières premières. Pour un clinker Portland
ordinaire, la composition minéralogique est définie par les formules suivantes et calculée à
partir de la composition chimique.

Clinker ordinaire :

? C³S = 4.07 x CaO - 7.6 x SiO² - 6.72 x Al²O³ - 1.43 x Fe²O³


? C²S = 2.87 SiO² - 0.75 x C³S
? C³A = 2.65 x Al²O³ - 1.69 x Fe²O³
? C4AF = 3.04 x Fe²O³

Clinker sans C³A :

? C³S = 4.07 x CaO - 7.6 x SiO² - 4.48 x Al²O³ - 2.86 x Fe²O³


? C²S = 2.87 SiO² - 0.75 x C³S
? C4AF = 4.77 x Al²O³
? C²F = 1.70 x Fe²O³ - 2.67 x Al²O³

Lorsque les valeurs calculées pour C²S sont négatives, le clinker contient du C³S associé à
de la chaux libre :

? C³S = 3.80 x SiO²


? CaO libre = CaO - 2.80 x SiO² - 1.65 x Al²O³ - 0.35 x Fe²O³

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Dans le cas d’un ciment Portland les formules sont intégralement appliquées en tenant
compte de la chaux non-combinée ou présente dans le régulateur de prise ou de la silice non
combinée (résidu insoluble) :

? CaO = CaO totale - CaO libre – 0.7 x SO³


? SiO² = SiO² totale – Résidu Insoluble

Tableau 3 : Influence de la composition minéralogique du clinker sur les


propriétés du ciment Portland en mortier ISO
Besoin en Temps de Résistance Résistance Durabilité
eau prise initiale finale
C³S - - ? ?? ?
C²S - - ? ? ? ?
C³A ?? ? ?? ? ?
4
C AF - - ? ? -
K²O, Na²O ? - ? ? ?
SO³ - ? ? ? -
P²O5 - ? ? - -

3 Performances des ciments et composition chimique du clinker

En pratique, la proportion des principaux constituants du clinker se calcule sous la forme de


rapports, de modules ou d’indices chimiques, résultats des études de nombreux savants sur
les mécanismes de formation et de réaction du clinker Portland.

3.1 Module hydraulique de Michaelis

? HM = CaO / ( SiO² + Al²O³ + Fe²O³ )

Le Module hydraulique de Michaelis est compris entre 1.7 et 2.3

3.2 Module silicique de Kühl

? SM = SiO² / (Al²O³ + Fe²O³)

Le module silicique de Kühl est compris entre 1.5 et 5.

Une valeur élevée correspond à une valeur élevée de silice au détriment des agents fondants.
Une valeur faible provoque un croûtage excessif dans la zone de clinkérisation et nuit à la
bonne marche du four.

3.3 Module aluminoferrique de Kühl

? TM = Al²O³ / Fe²O³

Le module aluminoferrique de Kühl est compris entre 1.5 et 2.5.

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3.4 Indice d’hydraulicité de Vicat

? HI = ( [SiO²] + [Al²O³] ) / ( [CaO] + [MgO] )

Les composants sont exprimés en moles et non en pour-cent. L’indice d‘hydraulicité de Vicat
est compris entre 0.4 et 0.5.

3.5 Indice de saturation de Kühl

? LSI = CaO / (2.8 x SiO² + 1.1 x Al²O³ + 0.7 x Fe²O3)

L’indice de saturation de Kühl est compris entre 0.85 et 1.

3.6 Facteur de saturation de Lea Parker

? LSF = CaO / (2.8 x SiO² + 1.18 x Al²O³ + 0.65 x Fe²O³ )

Le facteur de saturation de Lea et Parker est compris entre 0.85 et 1.0. Il se présente aussi
sous la forme

? LSF = 100 x CaO / (2.8 x SiO² + 1.18 x Al²O³ + 0.65 x Fe²O³ )

Il est alors compris entre 85 et 100.

Ce module exprime le rapport entre la chaux présente dans le mélange et la quantité de


chaux qui peut être liée dans le clinker. Le standard de chaux permet de connaître le
comportement du mélange à la cuisson et de prévoir la qualité du ciment. Plus le standard de
chaux est élevé, plus les résistances du ciment le seront aussi, et plus la cuisson sera
difficile et nécessitera un accroissement de la consommation calorifique nécessaire à la
cuisson. Par ailleurs, un standard en chaux élevé influe négativement sur la stabilité de
volume du ciment hydraté (teneur en chaux libre).

Tableau 4 : Critères chimiques de composition du clinker


Inférieur ou égal Plage de variation acceptable Supérieur ou égal
? Résistances ? Stabilité de
initiales faibles 1.5 Module hydraulique 2.5 volume,
gonflement
? Diminution de la ? Cuisson difficile
température de par manque de
clinkérisation fondant
? Prise et 1.5 Module silicique 3.5 ? Prise durcissement
durcissement lent
rapide ? Diminution du
? Favorise le croûtage dans le
croûtage four
? Faible chaleur ? Prise rapide
d’hydratation 1.5 Module 2.5 ? Ciment alumineux
? Ciment sans C³A aluminoferrique
? Faible dégagement ? Résistances
de chaleur 0.85 Indice de saturation 0.95 initiales élevées
? Hautes résistances
finales

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La longue pratique industrielle de fabrication du clinker Portland a fixé les limites de variation
des différents indices (tableau 4). Ces indices sont en règle générale préférés aux critères de
composition chimique car ils offrent l’avantage d’exprimer les plus importants critères
chimiques sous la forme d’un ratio.

Il n’y a pas de formule idéale ou de formule universelle pour le clinker. La composition du


ciment Portland varie d’une cimenterie à l’autre principalement à cause des spécifications
locales du ciment et de la composition chimique et minéralogique des matières premières de
l’usine. Chaque fabrication est un cas particulier et produit un clinker unique.

4 Performances des ciments et éléments mineurs du clinker

A côté de ces indices ou modules qui dépendent uniquement des éléments principaux, la
teneur du clinker en éléments mineurs est aussi importante :

? une teneur en magnésie trop élevée entraîne des gonflements importants plusieurs
années après la mise en place du béton
? une teneur en phosphate trop élevée retarde le temps de prise du mortier
? les sulfates alcalins influencent parfois favorablement, parfois défavorablement le
niveau des résistances à la compression
? les oxydes de manganèse et de chrome doivent être évités pour la fabrication du
ciment blanc ou pour les possibilités d’eczéma du ciment.

4.1 Chaux libre

Lorsque le facteur de saturation en chaux est supérieur à 100 %, il y a déséquilibre entre les
constituants. Toute la chaux ne peut être saturée et reste sous la forme de chaux non
combinée ou chaux libre. La chaux libre est un paramètre essentiel pour juger de la qualité et
du degré de cuisson du clinker. Des clinkers bien cuits résultants d’un cru bien dosé et de
bonne granulométrie présentent des teneurs inférieures à 2 %. Des augmentations de la
teneur en chaux libre peuvent provenir d’un dérèglement du processus de cuisson ou d’un
manquement dans la préparation du cru :

? facteur de saturation en chaux (LSF) trop élevé


? broyage grossier ou hétérogénéité de la farine
? assimilation insuffisante des cendres injectées à la tuyère
? température de cuisson insuffisante
? décomposition de l’alite provoquée par une surcuisson ou un refroidissement trop
lent du clinker
? conditions réductrices dans la zone de cuisson

4.2 Eléments mineurs

Les éléments mineurs influencent le processus de cuisson et les performances du


clinker fabriqué.

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Tableau 5 : Principales sources des éléments mineurs, effets sur le clinker
Sources Effet sur clinker Effet sur ciment
As Cendres volantes, huiles Volatile, se retrouve dans les En traces, effet non
usées, charbon poussières, réduit la formation mesurable
du C³S
B Matières premières, Décompose C³S en C²S et B²O³ est retardateur
minerais de fer CaO libre
Ba Matières premières Réduit la température de Active l’hydraulicité,
clinkérisation augmente les résistances
Br Cendres volantes Volatile se retrouve dans les Accélérateur du C³S
émissions
Cd Cendres volantes, schiste, Améliore l’aptitude à la Agent retardateur sous
peintures cuisson, volatile forme d’oxyde
Cl Laitier, charbon, fuel Volatiles, cycles Cl et anneaux Corrosion des armatures,
accélère l’hydratation
Co Cendres volantes, résidus Augmente la dureté Augmente la demande en
d’huile eau, réduit l’hydraulicité et
les résistances
Cr Bauxite, laitier, pneus, Améliore la broyabilité, effet Augmente les résistances
charbon, réfractaires sur la teinte initiales, effet sur la teinte
Cu Cendres volantes, schiste, Réduit la température de Effet retardateur, réduit
huiles lubrifiantes, pneus fusion, formation de CaO l l’expansion due au sulfate
F Calcaire, fuel Minéralisateur, favorise la Augmente les résistances
formation du C³S initiales
I Charbon Volatile, se retrouve dans les Accélérateur du C³S
émissions
Li Inhibe la conversion du C²S Réduit la réaction alcali-
en C³S, minéralisation silice dans les bétons
intensive
M Calcaire, argile, bauxite, Effet sur la teinte Réduit les résistances
n cendres volantes, laitier initiales
Ni Cendres volantes, coke de Volatile se retrouve dans les Accélérateur, améliore les
pétrole, schistes, pneus, poussières, stabilise la forme résistances
charbons monoclinique de l’alite
P Matières premières, craie Décompose le C³S Ralentit la prise
calcaire
Pb Matières premières, Volatile se retrouve dans les Retarde l’hydratation mais
cendres volantes, schiste, poussières n’influence pas les
pneus résistances finales
S Pyrite, laitier, charbon, Volatiles, concrétions, cycles Régulateur de prise,
pneus, coke de pétrole, dans le four, émissions de expansion
huiles lubrifiantes SO², sulfates alcalins
Sr Calcaire, laitier Favorise l’alite en petite Expansion, faible
quantité ou la décompose en hydraulicité, le chlorure est
grande quantité un accélérateur
Ti Bauxite, laitier, minerais de Décompose l’alite, réduit la Ralentit la prise initiale,
fer température de cuisson augmente les résistances
V Cendres volantes, coke de Augmente la taille des alites, Augmente l’hydraulicité
pétrole, charbon, huiles broyabilité et teinte
Zn Laitier, pneus, huile usée Améliore la clinkérisation Adjuvant retardateur

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4.2.1 Influence sur le processus

Les alcalis, les sulfates et les halogènes contenus dans les matières premières
introduits avec les matériaux argileux ou avec les fondants, sont expulsés dans les gaz
du four pendant la calcination et la clinkérisation. Ils se condensent par la suite dans les
zones plus froides en amont du four et dans les poussières récupérées dans les filtres
chargés de purifier les fumées avant d’être rejetées dans l’atmosphère. Une partie de
ces éléments volatils s’échappent malgré tout du four par les fumées et polluent
l’atmosphère.

Les éléments volatils (alcalins, sulfate et chlorure) provoquent des collages dans le
système de cuisson et entraînent des dépôts. Ils contrarient les écoulements de
matières et de gaz et nécessitent parfois des arrêts des installations. Pour les farines
riches en éléments volatils, un by-pass est nécessaire pour éviter ces perturbations en
prélevant une partie des gaz chauds chargés des éléments volatils.

4.2.2 Influence sur la qualité du clinker

Les éléments volatils, alcalis et soufre, sont parfois piégés et évacués du four avec le clinker.
Ils se condensent alors dans les minéraux du clinker, principalement dans l’aluminate
tricalcique, et améliorent les propriétés et performances des ciments fabriqués. Dans les
éléments mineurs, les alcalins sont très importants pour leur influence sur les propriétés du
ciment (chapitre II, chapitre III fig 21 et 22). Ils augmentent les résistances initiales du ciment.

En forte concentration, ils peuvent, par leurs réactions avec des granulats contenant une
silice mal cristallisée, diminuer fortement la durabilité des ouvrages en béton. Les alcalis sont
souvent exprimés sous la forme alcalis équivalents ou Na²Oeq pour prendre en
considération la différence de poids moléculaire du sodium et du potassium :

? Na²Oeq = Na²0 + 0.658 x K²O

Les oxydes secondaires récupérés dans les poussières de fours influencent le processus de
cuisson lorsqu’elles sont réintroduites dans le four via la tuyère, ou la qualité du ciment
lorsqu’elles sont utilisées comme constituants secondaires (chapitre II 3).

De nombreux autres constituants chimiques sont introduits dans le processus du four et se


retrouvent finalement en grande partie dans le clinker. Leur concentration varie du ppm au
dixième de pour cent. Ils sont connus sous l’appellation d’éléments mineurs (tableau 5).

5 Impositions chimiques des normes

Les normes et contraintes techniques de fabrication limitent le pourcentage de certains


éléments dans le ciment fini et dans le mélange cru. Tout ciment fabriqué doit se conformer
aux impositions nationales et internationales en vigueur dans le pays. Le ciment doit aussi
respecter certaines caractéristiques exigées par le futur utilisateur qui induisent normalement
des spécifications chimiques pour le clinker. Quelques exemples de choix de matières
premières sont donnés dans le tableau 6.

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Tableau 6 : Choix des matières premières en fonction des impositions chimiques pour
ciments normalisés ou particuliers
Critère du ciment Portland Concentration usuelle dans Influence sur les matières
le clinker (%) premières
MgO < 5 % suivant ? Réduire la proportion
spécifications locales de calcaire dolomitique
dans la farine du four

Ciment Portland à faible ? Choisir des matériaux


teneur en alcalis < 0.6 % avec des teneurs en
alcalis très faibles pour
Na²Oeq = Na²O+0.658xK²O la fabrication du ciment
Low Alcali

Ciment à faible teneur en <8% ? Choisir matériaux avec


C³A faible concentration en
<3% alumine
? Compenser alumine par
un apport en fer
? Surveiller l’apport de
sulfate dans le clinker

Chlore < 0.1 % ? Surveiller l’apport de


chlore dans le clinker

Ciment blanc < 0.3 % ? Utilisation de calcaire


Fe²O³ et autres oxydes de très haute pureté
métalliques ? Eliminer toutes les
sources de fer

Il ne faut pas non plus oublier que la chimie joue un rôle important sur les équipements de
préparation du cru et de cuisson :

? l’aragonite (CaCO³) sur l’élévation de la consommation énergétique lors du


broyage séchage
? le quartz sur le broyage et la stabilité du collage dans le four
? l’argile sur la rhéologie de la pâte, l’aptitude à la cuisson, le dégagement de
poussières
? les matières premières cristallisées sur la dégradation de la réactivité de la farine

6 Contrôle des procédés de fabrication et d’homogénéisation du


clinker

Il n’y a pas de mode opératoire universel pour évaluer la qualité du clinker. Il existe cependant
de nombreuses techniques mises au point par les cimentiers du début du siècle. Ces
méthodes sont maintenant perfectionnées avec la mise au point d’analyseurs modernes et
l’utilisation de l’outil informatique.

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La fréquence des contrôles décrits dans les paragraphes suivants est différente dans les
usines. L’exploitation de ces analyses dépend des conditions locales au niveau des matières
premières et du procédé. Par exemple :

? une analyse de la teneur en sulfate dans la farine au bas de la tour avec une
fréquence de 2 heures est parfois nécessaire pour la surveillance d’un procédé en
voie sèche
? l’analyse chimique du clinker n’apporte aucun renseignement complémentaire lorsque
la cimenterie n’utilise pas de combustibles cendreux à la tuyère
? la détermination du K²O permet dans certaines conditions d’anticiper les variations de
la teneur en chaux libre du clinker
? …

A ce stade la collaboration du laboratoire et des services de production doit être totale car la
qualité du clinker dépend de la chimie et de la cuisson de la farine.

6.1 Densité apparente du clinker

Cette méthode connue généralement sous le nom de poids du litre consiste à mesurer le
poids d’un litre d’une fraction granulométrique du clinker. Pour chaque four, il existe une
corrélation particulière entre le poids du litre et la teneur en chaux libre du clinker. Par
exemple la corrélation entre le poids du litre du clinker et la teneur en chaux libre est différente
pour les 2 fours de l’usine d’Obourg, en Belgique, alimentés par le même cru (figure 7).

6.2 Analyse chimique

L’analyse chimique consiste à déterminer la proportion des oxydes principaux (SiO², Al²O³,
Fe²O³, CaO) et secondaires ( CaO libre, Alcalis, ....). Elle est exprimée sur matières sèches
ou matières calcinées et doit être complétée par la détermination de la perte au feu. Les
méthodes volumétriques et gravimétriques sont maintenant remplacées par des techniques
analytiques qui utilisent les derniers perfectionnements de la technique (conductimétrie,
fluorescence et diffraction des rayons X, spectrométrie d’absorption atomique ou infra rouge,
torche plama, ...).

La détermination de la chaux libre est particulièrement importante pour juger le degré de


cuisson et la qualité du clinker.

6.3 Analyse minéralogique

Les modules chimiques et la composition minéralogique sont généralement calculés à partir


de l’analyse chimique du clinker. La composition minéralogique (C³S, C²S, C4AF, C³A, CaO
libre) peut être déterminée d’une manière semi-quantitative par diffraction des rayons X ou
par une analyse modale microscopique.

6.4 Propriétés physico-chimiques du clinker

Les propriétés physico-chimiques du clinker sont évaluées sur un ciment de laboratoire


composé de 95 % du clinker à tester et de 5 % de gypse de référence. Ce ciment de
laboratoire est broyé à temps ou à finesse constante pour évaluer aussi sa broyabilité.

6.5 Choix de la méthode de contrôle

Le chimiste choisit les grandeurs chimiques et physiques nécessaires pour un suivi de la


production en fonction des objectifs fixés et des performances obtenues. Il établit des

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tableaux de données reprenant les résultats représentant la production à un moment donné
(échantillon instantané ou ponctuel) ou une période de production (échantillon moyen). A
partir des résultats individuels, il calcule pour sur des périodes fixes (journalière,
hebdomadaire, mensuelle, annuelle) les caractéristiques de la production avec les
paramètres de :

? valeur moyenne X m = ( 1 / N ) x ? ni ( X i )

? dispersion ? ² = [1 / (N - 1 )] x ? ni ( X i - X m )²

? écart type ? =? (?²)

6.6 Interprétation des résultats d’un contrôle journalier d’un four

Il est intéressant pour une cimenterie d’instaurer un contrôle journalier de la production du


four. Le contrôle chimique n’est pas suffisant : une composition chimique correcte n’est pas
une certitude absolue de qualité du clinker car elle peut simplement signifier que la
composition de la farine est correcte.

Tableau 8 : Caractéristiques chimiques annuelles du four


(308 mesures)
LSF C³S C²S C³A C4AF CaO L K²O SO³ P²O5
(%) (%) (%) (%) (%) (%) (%) (%) (%)
Moyenne 97.5 66.1 10.2 9.1 11.1 2.0 0.49 0.38 0.40
Maximum 101.5 76.8 21.9 13.2 13.2 4.8 0.67 0.85 0.50
Minimum 93.1 51.9 1.4 7.32 9.1 0.3 0.30 0.22 0.33
E type 1.3 3.3 3.0 0.8 0.7 0.7 0.06 0.10 0.03
Coeff var 1.3 5.0 29.4 8,7 6.2 34.2 12.7 23.9 6.8

Pour juger de la marche du four, le contrôle chimique doit être accompagné de mesures
sur ciment de laboratoire toujours préparé dans les mêmes conditions (composition et
conditions de broyage). Les tableaux 8 et 9 résument les résultats les plus importants
que l’on peut obtenir à partir de ce contrôle journalier et les corrélations significatives
qui existent entre les différents paramètres mesurés (figures 10 à 24).

Tableau 9 : caractéristiques rhéologiques et mécaniques annuelles du four


(308 mesures)
Blaine Stab Dbt prise Fin prise Eau RC 2j RC 28 j
(cm²/g (mm) (min) (min) (%) (MPa) (MPa)
Moyenne 3485 3.7 105 184 22.7 22.6 62.0
Maximum 3841 56 150 310 23.8 30.9 68.4
Minimum 3338 0 70 120 22.0 15.1 45.7
E type 78 7.8 15.8 33 0.25 2.5 3.8
Coeff var 2.2 210 14.9 18.3 1.1 11.2 6.1

Corrélation entre les résistances initiales et finales (tableau 10)

60
Contrôles de fabrication du clinker
80

70

RC 28j (MPa)
60

50

40
15 20 25 30 35
RC 2j (MPa)

Tableau 10

Pour ce four, il y a une bonne corrélation entre les résistances initiales et finales. Il s’agit d’un
four en voie humide (résistances initiales réduites, résistances finales élevées).

61
Influence du LSF sur les résistances à la compression d’un ciment de laboratoire
(figures 11 et 12)

Contrôles de fabrication du clinker


35

30
RC 2j (MPa)

25

20

15
90 95 100 105
LSF (%)

Figure 11

Contrôles de fabrication du clinker


80

70
RC 28j (MPa)

60

50

40
90 95 100 105
LSF (%)

Figure 12

Dans la plage de variation observée, le LSF influence favorablement la résistance initiale et


reste sans grand effet sur la résistance finale.

62
Influence du C³S sur les résistances à la compression d’un ciment de laboratoire
(figures 13 et 14)

Contrôles de fabrication du clinker


35

RC 2j (MPa) 30

25

20

15
50 55 60 65 70 75
C³S (%)

Figure 13

Contrôles de fabrication du clinker


80

70
RC 28j (MPa)

60

50

40
50 55 60 65 70 75
C³S (%)

Figure 14

Le C³S est favorable au développement des résistances initiales et n’influence pratiquement


pas les résistances finales. En fait, le C³S est parfaitement corrélé avec le facteur de
saturation.

63
Influence du C²S sur les résistances à la compression d’un ciment de laboratoire
(figures 15 et 16)

Une augmentation du C²S (ou une réduction du C³S) est défavorable au développement initial
des résistances. Par contre à 28 jours, l’augmentation du C²S compense la diminution du
C³S.

64
Influence du C³A sur les résistances à la compression d’un ciment de laboratoire
(figures 17 et 18)

Contrôles de fabrication du clinker


35

RC 2j (MPa) 30

25

20

15
6 8 10 12 14
C³A (%)

Figure 17
Contrôles de fabrication du clinker
80

70
RC 28j (MPa)

60

50

40
6 8 10 12 14
C³A (%)

Figure 18

Dans les conditions d’essais, l’influence du C³A sur les résistances n’est pas mis en
évidence. Les résistances à 24 heures ne sont pas mesurées.

65
Influence de la chaux libre sur les résistances à la compression d’un ciment de
laboratoire (figures 19 et 20)

Contrôles de fabrication du clinker


35

RC 2j (MPa) 30

25

20

15
0 2 4
CaO libre (%)

Figure 19

Contrôles de fabrication du clinker


80

70
RC 28j (MPa)

60

50

40
0 1 2 3 4 5
CaO libre (%)

Figure 20

La chaux libre est un facteur défavorable pour le développement des résistances. Une
augmentation de la chaux libre est le signe d’une dégradation de la qualité de la cuisson.

66
Influence des alcalis sur les résistances à la compression d’un ciment de laboratoire
(figures 21 et 22)

Contrôles de fabrication du clinker


35

RC 2j (MPa) 30

25

20

15
0,2 0,4 0,6 0,8
K²O (%)

Figure 21

Contrôles de fabrication du clinker


80

70
RC 28j (MPa)

60

50

40
0,2 0,4 0,6 0,8
K²O (%)

Figure 22

Les alcalis sont favorables au développement des résistances initiales et contrarient les
résistances finales.

67
Influence des sulfates du clinker sur les résistances à la compression d’un ciment de
laboratoire (figures 23 et 24)

Contrôles de fabrication du clinker


35

RC 2j (MPa) 30

25

20

15
0,2 0,4 0,6 0,8
SO³ (%)

Figure 23

Contrôles de fabrication du clinker


80

70
RC 28j (MPa)

60

50

40
0,2 0,4 0,6 0,8
SO³ (%)

Figure 24

Le comportement du sulfate apporté par le clinker est identique au comportement des alcalis.

7 Les économies d’énergie

L’industrie mondiale du ciment met l’accent de façon croissante sur une amélioration de la
productivité par la réduction des coûts de fabrication du clinker et du ciment tout en
maintenant la qualité du produit fini par l’utilisation de moyens de production de plus en plus
performants et par le suivi de la qualité des produits à l’aide de systèmes de contrôle
informatisés et automatiques. Une autre approche consiste à travailler sur les matières
premières

7.1 Les minéralisateurs et les fondants

L’obtention d’une bonne aptitude à la cuisson (voir chapitre 4) à cause d’une saturation en
chaux élevée ou de matières premières peu réactives, a conduit à l’utilisation de composés

68
dits minéralisateurs. Dès 1882, l’utilisation de fluorure de calcium est signalée comme agent
fondant facilitant la cuisson du clinker Portland.

L’utilisation de minéralisateurs pour obtenir une meilleure réactivité du mélange cru a été
appliquée, ces derniers temps, par de nombreuses usines au Mexique et en Inde. Le
minéralisateur réduit la consommation calorifique et/ou augmente le débit du four et/ou
améliore la qualité du clinker. Il est particulièrement indiqué pour la production de clinker
Portland avec un facteur de saturation et un module silicique élevés. Le processus complexe
de réaction du minéralisateur qui dépend des caractéristiques chimiques de la farine, n’est
pas encore parfaitement connu. En présence de spath fluor, la silice et le carbonate de
calcium forment une combinaison silicocarbonatée, 2[2CaO.SiO²]CaCO³ la spurrite, qui
favoriserait la transition entre le silicate bicalcique et le silicate tricalcique à des températures
inférieures à la normale. D’une manière générale, le minéralisateur accélère une ou plusieurs
étapes du processus de fabrication du clinker :

? accélération de la décomposition du CaCO³


? accélération des réactions à l’état solide
? augmentation de la quantité de phase fondue
? diminution de la température de formation du clinker fondu
? influence sur l’activité hydraulique des phases du clinker.

Ces minéralisateurs sont généralement des sels de fluor (spath fluor). Une teneur de 0.2 %
sur clinker augmente la production du four de l’ordre de 5 % tout en maintenant la chaux libre
sous le pour cent.

Le ciment produit avec ce clinker est caractérisé par un niveau de résistance à la


compression plus élevé que celui du ciment ordinaire. Il est donc possible de produire un
clinker à une température de cuisson plus basse avec des résistances à la compression
comparables à celles du ciment ordinaire.

Le gypse, l’anhydrite, les matières phosphatées ou les laitiers métallurgiques sont d’autres
types de minéralisateur. Les scories d’aciérie LD jouent aussi un rôle intéressant dans ce
domaine. Elles apportent par la tuyère du fer et du C²S. Elles modifient la phase liquide dans
le four et abaisse la consommation calorifique (10 calories par pour cent de scories).

7.2 Les matériaux de substitution

Le recyclage des déchets d’autres industries est facilité par les réactions chimiques qui se
produisent entre les composants minéraux de ces déchets et les composants minéraux de la
farine. Le clinker retient les éléments nocifs sous une forme combinée et solide (tableau 25).

Lors de l’utilisation de matériaux de substitution, des précautions particulières doivent être


prises pour la protection de l’environnement au niveau des fumées. Une attention particulière
doit aussi être portée à la qualité du clinker qui se charge en métaux lourds.

L’utilisation de matériaux de substitution nécessite la mise en place d’un procédé de contrôle


particulier pour gérer l’introduction des métaux lourds avec les matières premières et leur
distribution dans les fumées, les poussières et le clinker produit par le four. Le four de
cimenterie est un incinérateur performant des déchets organiques tandis que les métaux
lourds sont englobés dans les minéraux du clinker et encapsulés dans les hydrates produits
dans les bétons.

69
Tableau 25 : Les matériaux de substitution
Matériaux cendreux Combustibles Combustibles Combustibles
cendreux liquides gazeux
? Laitier ? Boue de ? Déchets ? Gaz de
? Cendres papeterie organiques décharge
volantes ? Coke de pétrole ? Solvants ? Gaz de pyrolyse
? Boue de sciage ? Résidus de ? Huile usagée
plastic ? Résidus de
? Ordure peinture
ménagère ? Déchet
? Pneus d’asphalte
? Sciures
imprégnées

8 Cas pratiques

8.1 Calcul de la production d’un four

Exercice 8

Exercice 9

Exercice 10 :

Exercice 11

8.2 Sélection des matières premières pour la fabrication d’un clinker

Exercice 12

70

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