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Le 

droit à la déconnexion est un principe (intégré dans la loi en France)


selon lequel un salarié est en droit de ne pas être connecté aux outils
numériques professionnels (téléphone portable, courriels, etc.) hors
des horaires de travail (temps de transport travail-domicile, congés, temps
de repos, week-end, soirée, etc.). La France est le premier pays à avoir
intégré ce droit dans le droit du travail.

Le début des années 1990 sont marquées par la mondialisation ; une


course à la productivité à l’efficacité, à la performance ; ainsi que par
l'accélération des flux de biens, d'énergie, de personnes et d'information.
Cette situation a conduit à une tendance générale au flux tendu et dans
certains secteurs à la sous-traitance. Dès 1997 la Communauté
européenne s'inquiète des risques posés par l'hyperconnectivité : dans une
« recommandation 6c » sur la société de l’information invite à être attentif
et à étudier « les conséquences d’une connexion permanente, le besoin de
se déconnecter parfois et le droit de restreindre l’accès à certains
moments » tout comme « la restriction et la négociation des intrusions ».

Au début du XXIe siècle, le réseau internet est devenu interactif, tout en se


démocratisant, en pénétrant les entreprises, les collectivités et les ONG,
puis en s'appuyant sur l'apparition puis la généralisation du smartphone, et
souvent en bouleversant l'organisation du travail.

Dans ce contexte une multiactivité, associée à une forme d'« immédiateté


communicationnelle » voire d'urgence est apparue, stressante, alimentée
par les courriels, forums et d'autres émergences issus de l'Internet.

Le smartphone a aggravé le phénomène ; hormis dans les avions et les


salles de spectacles, un nombre croissant de personnes sont en
permanence connectée au réseau Internet. Divers auteurs invitent à
prendre en compte cette « nouvelle donne anthropologique (...) l'aspiration
du temps par l’immédiat. La distance physique, les murs et les horaires de
travail ne protègent plus : chaque jour davantage, l’urgence professionnelle
fait irruption dans l’espace privé en le « colonisant » sous la forme
d’astreintes, de gardes ou de parenthèses téléphoniques. Enfin, la
contagion de l’urgence à l’espace privé relève aussi d’un phénomène sans
doute moins visible, mais pas moins profond : la déteinte du mode de
fonctionnement professionnel sur le mode d’existence privée. plus
récemment Twitter et l'avènement du Cloud computing semblent avoir
encore accéléré cette immédiateté.

En 2016, un rapport sur le temps de travail en Allemagne a montré que si


38 % des salariés ont une grande marge de manœuvre pour organiser leur
temps de travail (et qu’ils sont alors en meilleur santé et plus satisfait de
leur travail) néanmoins 43 % des salariés doivent au moins une fois par
mois s’imposent de travailler le week-end ou doivent le faire, et que 22 %
doivent rester joignables durant leur temps dit « libre » (les grandes
entreprises étant moins exigeantes à ce sujet que les PME/TPE).

La même année (2016) une autre étude estimait à 37 % le nombre d'actifs
en France utilisant quotidiennement des outils numériques professionnels
en dehors de leur temps de travail, et à 62 % le nombre de ceux estimant
nécessaire d'instaurer des règles pour limiter ce phénomène. L'instauration
de telles mesures de régulation était également préconisée par le rapport
sur l'impact de la transformation numérique au travail (dit « Rapport
Mettling »), qui a mis en évidence 6 effets majeurs de l'introduction du
numérique dans le monde du travail : diffusion massive de nouveaux
outils ; impact sur les métiers et les compétences ; changement de
l'organisation du travail ; modification du management ; nouvelles formes
de travail hors salariat ; changement de l'environnement de travail des
cadres. Face à ces bouleversements susceptibles d'avoir des effets, le
rapport présente 36 préconisations dont l'objectif est d'accompagner
la transition numérique.

Selon le sociologue, universitaire et chercheur au CNRS Francis


Jauréguiberry dans certains métiers, la déconnexion volontaire devient un
enjeu de gestion du temps et de la vie privée ; enjeu devant lequel les
travailleurs ne sont pas égaux : certains peuvent utiliser des filtres pour
restaurer une lecture différée des messages qu'ils reçoivent, mais dans
certaines situations (professionnelles mais aussi existentielles) d'autres ne
peuvent pas filtrer leurs appels et message, devant au contraire répondre
au plus vite. Selon Francis Jauréguiberry (2014), « En moins de vingt-cinq
ans, nous sommes passés d’un plaisir récent de connexion à un désir
latent de déconnexion » ; ce spécialiste du sujet voit là une
nouvelle fracture numérique, entre ceux qui ont la chance et le pouvoir de
« se débrancher » et ceux qui ont « le devoir de rester branchés » et donc
de continuellement « subir la tension d'une urgence potentielle ». En un
quart de siècle environ, on passe d'une période où le luxe était de disposer
d'une connexion, à un temps où le droit à l'autonomie et à la possibilité
d'échapper à une sur-sollicitation, à une surcharge informationnelle, à
une « télé-disponibilité permanente », à un sentiment de « harcèlement ou
de surveillance dans lesquelles l’individu se sent dépassé ou
soumis » devient un luxe (voir un enjeu pour la santé physique et mentale
du travailleur et pour la protection de sa vie privée)
Certains auteurs (comme Francis Jaureguiberry en 2005) évoquaient une
prise de conscience du sujet, et « qu’un nouveau droit en vienne à être
revendiqué : le droit à la déconnexion et à l’isolement, le droit de refuser de
porter un beeper jour et nuit ou bien d’être téléphoniquement partout et
constamment joignable. Le droit à la dignité des personnes qui ne
sauraient être réduites à être des fonctions ou des ressources contrôlables
et corvéables à distance. Un droit dont l’application ne serait synonyme ni
de sanction, ni de fuite, ni d’enfermement »Un sondage Ifop (juillet 2017)
indique que 78 % des cadres continuent de lire leurs courriels et SMS
professionnels hors de leurs temps de travail. Le droit à la déconnexion
semble difficilement applicable dans le monde contemporain, pour
plusieurs raisons.

 De nombreuses « plateformes » de communication rapide et facile


(telles que les portables, courriels, réseaux sociaux, etc.) sont devenues
indispensables dans la vie de tous les jours, au travail et hors de ce
dernier. Il est devenu plus difficile de différencier la vie privée et la vie
professionnelle, en partie car les outils de communication sont les
mêmes dans les deux cas. Il est difficile de ne pas répondre à un appel
professionnel venant de sa hiérarchie durant des congés, si l'on pense
qu'il est important pour l'entreprise ou la collectivité, et une certaine
culture du présentéisme existe ; faire preuve de réactivité immédiate est
supposé être valorisant dans son métier ou une organisation.
 quelques métiers ne permettent pas le droit à la déconnexion la nuit, car
nécessitant d’être joignable de manière quasi-permanente (astreinte
pour certains médecins, policiers, militaires, marins, etc.), mais ces
astreintes doivent être suivies de temps de repos. D'autres doivent
gérer le décalage horaire (par exemple, un cadre travaillant à
l’international avec des clients ou collaborateurs aux quatre coins du
monde). De plus, la vie courante tend à être de plus en plus rythmée
par le numérique, qui peut être une servitude volontaire ou subie, le
travail étant souvent vécu comme une priorité à laquelle l'individu doit
s’adapter.
 Pour Jean-Noël Chaintreuil (spécialiste des ressources humaines), la loi
française se trompe de cible et pourrait générer encore plus de stress
au travail. Il pense qu'il ne faut pas empêcher juridiquement l’envoi de
courriels ou de SMS après une certaine heure : cela montre une
déresponsabilisation de l’employé vis-à-vis de son travail. L’hyper-
connexion n’est selon lui pas un problème : ce sont les mauvais
managers, forçant leurs employés à travailler hors de leurs heures
officielles de travail, qu'il pointe du doigt. En réponse à de véritables
urgences, l'hyper-connexion est parfois utile ou essentielle (à faibles
doses et suivie de temps de repos).
 Selon Benjamin Chaminade (expert en ressources humaines), le droit à
la déconnexion se fonde sur l'incompréhension qu'il existe une
différence entre recherche d'équilibre vie privée / vie professionnelle et
séparation forcée vie privée / vie professionnelle qui infantilise les
salariés. Selon lui, il ne s’agit plus de seulement séparer sa vie privée
de sa vie professionnelle comme le propose la loi mais de trouver
équilibrer co-construit avec son entreprise dans le cadre du "Blurring". Il
donne plusieurs pistes pour répondre au droit à la déconnexion en le
basant sur la responsabilisation et non l'infantilisation.
 Certains estiment que dans un contexte de concurrence et de
dérégulation, des entreprises pourraient se sentir prisonnières
d'horaires imposés ; d'autres notent que des enquêtes ont clairement
montré que les chefs d'entreprises ont depuis longtemps conscience
des risques posés par l'hyperconnectivité, comme la perte de
rendement et d'efficacité ou les risques de burn-out ; d'autres
encore voient dans le droit à la déconnexion un encouragement à
optimiser les organisations en tenant mieux compte des besoins et des
capacités des humains qui les composent, afin de sortir du cercle
vicieux de la « gestion par l'urgence ».

Le Monde a cherché à tirer un bilan des premiers dispositifs (mis en place


par de grandes entreprises, ayant anticipé la loi Travail) : dans une société
mondialisée, restreindre l’envoi de mails aux heures légales peut constituer
un frein lorsque l’on converse avec d’autres pays. Pour autant, ce droit
semble nécessaire pour maintenir l'efficacité au travail sur le long terme,
conclut ce travail.

Le Figaro note que seuls 1 070 accords sur le droit à la déconnexion ont


été signés par les entreprises de plus de 11 salariés en 2020

Du côté de l'Allemagne, certaines actions ont déjà été mises en place


depuis quelques années.

L’entreprise Volkswagen a choisi une méthode radicale. En 2011, à la suite


d'une action du syndicat IG Metall, le groupe automobile a imposé à
1 000 salariés (non managers) un blocage des serveurs de communication
(pour les salariés ayant un smartphone professionnel) entre 18h15 et 7h du
matin. Aujourd'hui, cette mesure est étendue à plus de 3 000 salariés.
Depuis que cette mesure a été mise en place, des contournements ont été
notés, des salariés passant par des canaux de communications
personnels, non sécurisés.

D’autres sociétés allemandes comme Daimler-Benz ou BMW, ont adopté


des systèmes technologiquement contraignants allant même jusqu'à la
destruction automatique de mails en cas d’absence.

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