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INTRODUCTION

Accroche  “Si le travail c'est l'opium du peuple, alors je ne veux pas finir drogué...” explique
l’écrivain Boris Vian. Et si l’opium est le travail du peuple ? Existe-t-il un endroit dans le monde où
c’est le cas ?

Enoncé du sujet  lien avec l’accroche

Problématique  en quoi l’exploitation de l’opium en Afghanistan est-elle liée aux Talibans ? (son
passé, son état présent, son devenir…)

Difficultés/précautions  Comme il s’agit d’un sujet d’actualité, la documentation scientifique sur le


sujet manque à l’appel. En outre, nos sources sont majoritairement des sources de presse  : bien que
certaines d’entre elles s’efforcent d’opérer une mise en contexte historique ou d’opérer des mises en
perspectives, il reste qu’elles traitent du sujet à chaud, dans une vision davantage court-termiste,
dans le factuel davantage que l’analyse. Nous tenterons d’y remédier en adoptant un point de vue
critique sur le sujet et en recoupant les différentes sources pour établir des liens.

Plan  1. Un contexte géo-socio-historique général favorable à l’opium (géo + socio’) + 2. Le


catalyseur taliban du recours à l’opium (à nuancer avec la bonne volonté dont ils peuvent faire
preuve)

DEVELOPPEMENT
POIDS DES TALIBANS A RELATIVISER

Les groupes armés afghans tirent en effet de la fleur du pavot somnifère une source importante de
revenus, en ce que c’est à partir de cette fleur que se fabrique l’opium et partant l’héroïne. L’héroïne
est lucrative, elle se vend cher. Et même si les Talibans sont à l’heure d’aujourd’hui moins dans la
lutte armée pour le contrôle du territoire qu’hier, en ce qu’ils sont désormais au pouvoir, plusieurs
facteurs font que le commerce de l’opium continue de fleurir en Afghanistan. Les Talibans ne sont
pas l’unique motif explicatif.

Il est possible de distinguer trois raisons principales éclairant pourquoi la culture du pavot s’est tant
développée dans le pays. Tout d’abord, le climat afghan est particulièrement propice à la culture du
pavot : soleil et sols peu fertiles. Des systèmes d’irrigation puisant dans les nappes phréatiques du
désert permettent l’agriculture. Ensuite, à la différence de ses voisins, la législation afghane en
matière de drogues est récente, c’est-à-dire que la première loi anti-narcotiques date de 2001.
Troisièmement, l’Afghanistan est en proie à l’instabilité politique depuis les années 70, entre coups
d’Etat, occupation soviétique et longue guerre civile, face à l’instabilité et la précarité, l’opium
s’affirme en tant que source de revenus stable. Il faut dire que le prix de l’héroïne au kilo à la
frontière est près de 1000 fois plus élevé que celui de l’opium tout juste récolté ( Le Monde). C’est
ainsi que sa culture connaît un essor dans les années 80 (United Nations Office on Drugs and Crime).

Tout compte fait, l’histoire de l’Afghanistan avec l’opium ne date pas de l’arrivée au pouvoir des
Talibans, elle est liée de plus longue date au groupe et plus largement à des groupements armés ainsi
qu’à la population. En fait, en l’espace d’une quarantaine d’années, le pays s’est affirmé comme
premier producteur de drogue à l’échelle mondiale. A l’été 2000, le pays est sévèrement touché par
une sécheresse, produisant une diminution dans les récoltes d’opium. L’aide internationale,
notamment car le risque de dévoiement envers la culture de l’opium est fort. Les Talibans interdisent
alors purement et simplement la culture du pavot. Le changement est radical, la production d’opium
chute d’environ 99% (United Nations Office on Drugs and Crime). Cette campagne anti-drogue est un
succès. Mais suite aux attentats du 11 septembre 2001 qui entraînent l’invasion de l’Afghanistan par
les Etats-Unis, le régime taliban est mis à terre. Le commerce de l’opium est alors relancé avec des
prix qui flambent du fait des bombardements américains et de la pénurie liée à une récente
sécheresse. « Les paysans, appauvris par la guerre, se tournent à nouveau vers la culture du pavot »,
c’est un cercle vicieux. Les opposants aux Talibans, à savoir l’Alliance du Nord à l’Est et la famille
Karzai au sud-ouest laissent se développer la culture de l’opium au début des années 2000 (UNDCP).
C’est en très grande partie pourquoi la production d’opium est multipliée par deux entre 2002 et
2007 (United Nations Office on Drugs and Crime).

POIDS DES TALIBANS QUAND MEME

Le contrôle de ces zones constitue alors un enjeu majeur dans une perspective économique. Une
autre vague de sécheresse frappe l’Afghanistan. Les agriculteurs parviennent cette fois à la
contourner à l’aide de panneaux solaires qui permettent de faire fonctionner les pompes à eau, en
lieu et place du fioul, beaucoup plus cher, beaucoup trop cher en temps d’utilisation intense comme
une sécheresse. En 2017, le record de la production d’opium en Afghanistan atteint 9000 tonnes
(United Nations Office on Drugs and Crime). Avec l’intensification des conflits entre groupes armés
pour le contrôle du territoire, la majorité des cultures de pavot deviennent du ressort des Talibans.
En 2020 déjà et d’après l’ONU, le pays était à l’origine de 6300 tonnes d’opium. On peut ajouter que
pour l’année 2019, la production et le trafic d’opium représentent 10% du PIB de l’Afghanistan
(UNODC 2019).

Depuis que les Talibans sont au pouvoir, les prix de l’opium sont à la hausse en Afghanistan.
Précisément, le cours de cette matière a triplé depuis qu’ils sont revenus au pouvoir, à savoir, depuis
août 2021. Alors que dans une déclaration datée du 17 août dernier, les Talibans garantissent que le
pays ne produira plus de stupéfiants, ils ne font rien en parallèle pour assurer les
approvisionnements de la population en eau ou encore pour équiper les fermes. Par conséquent,
l’agriculture ne peut pas être exploitée comme source de revenus, ce qui contribue à placer l’opium
en alternative.

L’opium sert à financer les Talibans, au niveau des armes, des équipements et aussi des combattants.
Entre 2018 et 2020, les Talibans empochent près de 400 millions de dollars annuels grâce à la
production d’opium. Un montant dont, y compris hors contexte de lutte armée, les Talibans au
pouvoir ne voudraient se passer pour recruter ou s’armer davantage.

Mais relativiser, peut-être que la promesse des Talibans de mettre fin à la culture de l’opium pourrait
se réaliser. Car quid du commerce des minerais en Afghanistan ? C’est-à-dire que les énergies
fossiles, l’or, les métaux et les pierres précieuses, pourraient rapporter au pays. Mais ces ressources
minières, surtout présentes à l’Est du territoire, à l’instar de ce métal rare qu’est le lithium, sont
inégalement réparties, ce qui pourrait entraîner des disparités socio-économiques à l’échelle de
l’Etat. En outre, se pose la question des moyens d’extraction. Cela dit, les riches sous-sols de
l’Afghanistan pourraient constituer une alternative prometteuse au commerce d’opium. Les Talibans
mettront-ils les moyens nécessaires à l’œuvre pour permettre l’exploitation de cette ressource ?

Sources 

Afghanistan: les prix de l'opium s'envolent sous les talibans | AFP

https://www.youtube.com/watch?v=R4_prACuEgI

Comment les talibans ont profité de la drogue en Afghanistan | Le Monde

https://www.youtube.com/watch?v=ZCUr1A1cV6A *

+ sources intégrées dans le texte

CONCLUSION
Réponse à la problématique  Le facteur le plus déterminant dans l’importance économique qu’a
pris l’opium en Afghanistan est peut-être le facteur politique. Effectivement, les groupes armés
s’affrontant pour le contrôle du territoire y voient une manne financière, en ce qu’en plus de
prélever des taxes sur les récoltes, ils font payer des droits de passage aux convoyeurs d’opium. Et
même au-delà du financement de ces groupes, l’opium semble faire tourner la société, les acteurs
politiques laissant faire. Il faut dire qu’il permet une certaine stabilité sur le plan économique. Ainsi,
lorsque les Talibans arrivent à la tête du pouvoir en 1996, ils promettent de lutter contre le trafic de
drogue, mais ils ne s’empressent pas pour autant de prendre des mesures, de telle sorte que le
commerce d’opium se poursuit. L’opium est la solution lucrative de facilité, qu’il coûterait cher de
substituer. « Les drogues dans la province d’Helmand sont un problème économique. Les sont
pauvres et n’ont que de petites parcelles. En l’absence d’alternative, il est impossible d’arrêter la
culture du pavot », assène le ministre de la Santé du régime taliban dans un document déclassifié
émanant de la CIA. En bref, avec les Talibans au pouvoir, le contexte politique est clairement
favorable à la production d’opium. Cette matière première profite autant aux groupes armés qu’au
pouvoir en place en ce que chaque étape du processus de création de l’héroïne fait office de nouvelle
source de revenus : impôt sur la récolte, taxe sur les transports, taxe sur les produits que les
laboratoires importent, frais de douanes, loyers…

C’est pourquoi, d’après le bureau international des narcotiques, « la fabrication illicite d’héroïne
semble avoir été entièrement déplacée du Pakistan vers l’Afghanistan ». C’est-à-dire qu’en
Afghanistan, les trafiquants ne se limitent plus à la récolte de l’opium : ils le sèchent, le transforment
en morphine et enfin en héroïne, avant de le vendre.

Ouverture  en tant qu’ambassadeur états-unien en Colombie, Lewis Tamb a inventé le néologisme


de « narco-guérilla » dès 1986 pour qualifier la guérilla menée par les FARC. Un parallèle peut être
dressé entre les FARC et les Talibans en ce que les FARC se servent des ressources du trafic de drogue
colombien pour financer la prise de contrôle de territoires, notamment en déstabilisant le pays. A
l’inverse des Talibans, l’implication des FARC dans des trafics de drogue ternit leur image auprès de la
population et peut les mettre en porte-à-faux avec des narcotrafiquants. Les paramilitaires perdent
alors en crédibilité. Pour le gouvernement, de la même façon qu’en Afghanistan, mettre fin au trafic
de produits illicites en Colombie s’avère difficile car de nombreux paysans en vivent. De plus, il est
estimé que la drogue ne compterait pas pour plus de 40% des ressources des FARC. Si ce chiffre est
peut-être plus élevé en réalité, il témoigne en tout cas du fait que les FARC pourraient
potentiellement s’en passer et que ce n’est donc pas un levier des plus pertinents sur lequel agir.
Quid pour les Talibans ? Enfin, de même que l’Afghanistan, la place de la drogue en Colombie
handicape celle-ci sur la scène internationale et plus particulièrement le groupe armé des FARC,
classé organisation terroriste par l’Union Européenne. Les implications des Talibans avec les drogues
contribuent également mais d’une autre façon, à détériorer leur réputation. Si les FARC ne sont pas
en passe de prendre le pouvoir comme l’ont réalisé les Talibans, la comparaison entre les deux
groupes armés est stimulante pour penser le commerce de la drogue dans des contextes de conflits
de pouvoir et des configurations socio-économiques inégalitaires.

Source 

Labrousse Alain, « Colombie : le rôle de la drogue dans l'extension territoriale des FARC-EP ( 1978-
2002) », Hérodote, 2004/1 (n°112), p. 27-48, https://www.cairn.info/revue-herodote-2004-1-page-
27.htm

Questions à creuser 

- Quelles mesures prend la Communauté internationale pour mettre fin au trafic de drogue en
Afghanistan ?
- Le Pakistan et l’opium ? (pourquoi est-ce que les sources parlent d’un déplacement de
l’origine de l’héroïne du Pakistan à l’Afghanistan ?
- Dans quelles régions de l’Afghanistan les cultures d’opiums sont-elles les plus importantes ?

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