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LES MOTS DE LA CONTROVERSE SUR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE

Lamria Chetouani

Presses universitaires de Caen | « Le Télémaque »

2007/1 n° 31 | pages 81 à 104


ISSN 1263-588X
ISBN 9782841332601
DOI 10.3917/tele.031.0081
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DOSSIER : LE CONFLIT

Les mots de la controverse


sur le changement climatique

Résumé : L’article analyse la « mise en scène » rhétorique des controverses, en France, sur le
changement climatique, en particulier à propos de l’effet de serre. Dans une première partie
l’auteure distingue quatre registres de la polémique : sur les responsabilités, sur les conséquen-
ces et l’ampleur du phénomène, sur les solutions et sur les projections spatio-temporelles de
l’effet de serre. Transversalement, les débats sont structurés par l’opposition entre optimisme
et pessimisme (dont nous savons depuis Kant qu’elle est une idée régulatrice de l’imagination).
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Dans une deuxième partie, l’analyse lexicologique sur un corpus emprunté aux années 1990
fait apparaître de grandes oppositions entre discours scientifiques et discours politiques, dis-
cours indépendants et discours technocratiques, etc., avec des aspects inattendus. Il en ressort
que la controverse déborde largement le débat scientifique, et fait intervenir de façon croisée
des considérations d’ordre économique, politique et social.

Les controverses technico-scientifiques se sont non seulement multipliées ces der-


niers temps, mais aussi exposées dans l’espace public, grâce aux médias et à l’outil
Internet.
S’agissant de l’environnement et du réchauffement climatique en particulier,
l’hétérogénéité des conceptions et des pratiques scientifiques ainsi que la variété
des domaines concernés rendent difficile le consensus. L’effet de serre passionne
tellement les débats soulevés par les médias, les associations écologistes, les politi-
ques et les scientifiques que, parfois, les échanges dépassent les dissensions scien-
tifiques et prennent la forme de diatribes. Jamais, en effet, les savoirs experts n’ont
été autant mobilisés, et jamais l’opinion publique n’a été autant sensibilisée à l’im-
portance du sujet. Jamais non plus l’expertise scientifique n’a été à ce point mise
en cause dans des espaces extrascientifiques.
Si le rôle des catastrophes dans l’histoire de l’évolution du climat a toujours
engendré des controverses, la question de l’effet de serre en France constitue,
depuis une vingtaine d’années, un sujet de discorde totale 1. Ainsi, le changement
climatique constaté depuis quelques années (canicule 2003, hiver doux, ouragan,
etc.) est interprété soit comme un processus naturel, soit comme un signe de bou-
leversement climatique et de destruction progressive de la planète. Pourquoi les

1. Cet article constitue, en partie, une version revisitée et réduite de deux chapitres de mon livre
Polémique sur l’effet de serre, Paris, L’Harmattan, 2002. La première sous-partie de l’article se base
sur l’abondante littérature sur le sujet (articles de presse, ouvrages scientifiques ou de vulgarisa-
tion, tracts des ONG) dans les années 1990.

Le Télémaque, no 31 – mai 2007 – p. 81-104


82 Dossier : le conflit

avis sont-ils partagés ? Le changement climatique n’est-il pas scientifiquement


prouvé ? Qui en parle ? Comment ? Avec quels mots et quels arguments ? L’objec-
tif de cet article est de questionner des discours qui se sont penchés sur la question,
et d’interroger leur mode de fonctionnement lexical. La controverse sur le change-
ment climatique génère de multiples conflits dont ceux sur l’origine, les impacts,
les solutions et l’ampleur du problème. Les passions qui se déchaînent à propos
du réchauffement climatique apparaissent au travers des mots qui supportent le
débat : quelques exemples illustreront deux modèles de communication (optimiste
et pessimiste). Cet état des lieux sur le « quoi » et le « comment » de la controverse
fera l’objet de la première partie de cet article. La deuxième partie portera, quant
à elle, sur l’analyse d’un corpus de dix discours provenant des arènes scientifiques
et politiques (1990). À l’aide de la statistique lexicale, on tentera d’appréhender à
la fois les enjeux scientifiques et politiques du discours et le fonctionnement des
stratégies communicationnelles de chacun.
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Mise en scène de la controverse
Accords et désaccords sur des problèmes de fond
Il est communément admis que la température augmente progressivement et
que la Terre pourrait connaître un réchauffement sensible d’ici l’année 2030 2. Le
consensus actuel se fonde davantage sur la convergence des modèles que sur les
mesures des températures depuis le début du siècle, trop faibles pour donner des
résultats significatifs et pour être interprétées sans équivoque. Ces prévisions théo-
riques générales des différents modèles (les prévisions dans les détails sont encore
difficiles à faire) prédisaient un réchauffement maximal, c’est-à-dire le double de
la moyenne globale en hiver aux hautes latitudes ; la haute atmosphère devrait se
refroidir à mesure que la basse atmosphère se réchauffera. Dans les régions tem-
pérées, les précipitations devraient se raréfier et l’humidité du sol diminuer.
Les moyens d’études les plus sophistiqués ne donnent cependant que des pro-
jections théoriques et non des précisions, ce qui n’est pas sans fragiliser le consen-
sus scientifique. Si les prévisions climatiques font l’unanimité de la grande majorité
de la communauté scientifique, elles n’emportent cependant pas le suffrage de tous.

2. Ce phénomène correspond à l’effet de serre dit “additif” ou “anthropogénique”, c’est-à-dire engen-


dré par l’homme. Depuis le début de la révolution industrielle, les activités humaines font croître
d’une façon notable la concentration et même la durée de vie dans l’atmosphère des gaz à effet
de serre. On appelle “gaz à effet de serre” les gaz ayant le pouvoir d’absorber les rayonnements
infrarouges émis par la terre et donc de réchauffer l’atmosphère. Les “gaz à effet de serre” sont :
le gaz carbonique, le méthane, le chlorofluorocarbure et le protoxyde d’azote. Le principe de l’ef-
fet de serre est comparable à celui de la serre du jardinier : un certain nombre de gaz (obstacle)
laissent passer le rayonnement solaire qui échauffe la terre mais ils empêchent l’énergie réfléchie
par le sol sous forme d’infrarouge de remonter au-delà de la stratosphère (serre) et de s’échap-
per. L’effet de serre existe aussi à l’état naturel. Grâce à lui la température moyenne de la surface
de la Terre est supportable.
Les mots de la controverse sur le changement climatique 83

Il est par exemple reproché à certains experts scientifiques de biaiser les résultats
par complaisance avec les décideurs politiques (cf. infra). Les causes présumées
de l’effet de serre, tout comme les projections de son impact sur la planète, sont
sujettes à caution.

Polémique sur les responsabilités


La combustion de l’énergie fossile, la déforestation, l’agriculture et le traitement
des déchets sont des causes potentielles de l’effet de serre. L’unanimité ne règne
cependant pas dans les milieux socioprofessionnels concernés. Elle ne règne pas
non plus dans la presse. Les médias qui se font l’écho des scientifiques et des poli-
tiques mettent sur le banc des accusés soit tous les gaz, soit quelques-uns parmi
eux, soit l’activité des hommes, soit certaines régions du monde, soit la démogra-
phie, soit encore la surconsommation. Le panel suivant d’extraits ou de titres d’ar-
ticles de presse illustre la divergence des points de vue.
La cause de l’effet de serre incomberait à « l’augmentation du CO2, CH4, N2O
et des composés organo-chlorés, responsables d’un effet de serre additionnel » ; « La
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menace du réchauffement global [est] largement due aux émanations de CO2 » ;
« Le risque de réchauffement de climat par accumulation de CO2 est un problème
purement énergétique ou plus généralement industriel ». Autres responsables
pointés du doigt : « le taux du CH4 dû à la digestion et à la déjection des bovins »,
« le développement d’énergie émettrice de gaz à effet de serre », « le N2O », « le CO2
sur la sellette ».
Sont accusés d’être les responsables humains de l’effet de serre, tour à tour,
les hommes, les pays industrialisés, les USA, les pays de l’Est, les pays producteurs
du pétrole, etc. : « Les hommes qui détraquent le temps » ; « Les pays industrialisés,
responsables des 3/4 des émissions de gaz à effet de serre » ; « Les États-Unis sont
les principaux émetteurs de gaz à effet de serre » ; « Ce sont les Américains les plus
gros consommateurs d’énergie et les plus gros pollueurs pour l’effet de serre » ; « Les
combustibles utilisés dans les pays de l’Est sont les principaux responsables de l’ef-
fet de serre » ; « L’effet de serre : haro sur les combustibles fossiles » ; « La CEE décide
de stopper la progression de la pollution responsable de l’effet de serre. Accusés : les
transports » ; « L’Europe en première ligne sur le CO2 » ; « Les 18 principaux pays de
l’Europe de l’Ouest : responsables de 40 % des émissions de CO2 dans le monde » ;
« Greenpeace a dénoncé les gouvernements criminels qui permettent l’augmenta-
tion du CO2, à savoir les États-Unis, l’URSS et l’Arabie saoudite… Les trois pre-
miers producteurs de pétrole du monde ».
Si les pays industrialisés ou les pays producteurs de pétrole sont incriminés
dans les émissions actuelles de gaz à effet de serre, les pays en développement sont
jugés potentiellement responsables des émissions futures : « Les pays en dévelop-
pement […] principaux responsables de la majeure partie des émissions de CH4
et N2O d’ici la fin du siècle […] se mettent de plus en plus à l’élevage et les trou-
peaux augmentent » ; « L’explosion démographique et la responsabilité des pays du
Tiers-Monde, de plus en plus engagés dans l’augmentation des émissions de l’ef-
fet de serre, la déforestation et la démographie ».
84 Dossier : le conflit

En définitive, tous ces accusés seraient coupables. Mais la responsabilité n’in-


combe pas à un élément particulier, elle dépend des stratégies et des intentions du
discours de chaque locuteur.

Polémique sur les conséquences et sur l’ampleur du phénomène


Il n’existe aucun modèle mathématique qui puisse rendre compte de manière claire
et précise de la complexité du système Terre – Océan – Atmosphère. Pour cette rai-
son, l’évaluation de l’ampleur du phénomène est très difficile. La question qui reste
en suspens est en effet de savoir si les changements seront importants ou limités,
s’ils seront réversibles ou non, s’ils seront répartis sur l’ensemble de la planète ou
s’ils seront localisés dans certaines régions seulement. Les scientifiques sont donc
incertains sur les conséquences des changements de climat et sur les répercussions
que ces derniers pourraient provoquer sur la nature. L’ampleur du phénomène, la
ventilation régionale, les valeurs moyennes de la température et le calendrier des
effets non encore maîtrisés créent des divergences chez les scientifiques et, à plus
forte raison, chez les non-spécialistes.
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L’estimation de l’augmentation de la température n’obéit ni au critère tempo-
rel, ni au critère géographique. Pourtant les chiffres avancés par les locuteurs sont
variables, ils dépendent de leur position non fortuite sur la fourchette haute ou sur
la fourchette basse de prévisions. D’autres se veulent plus prudents en arguant que
la couche nuageuse peut aussi se modifier, entraînant des effets divers sur le cli-
mat soit en amplifiant, soit en réduisant le réchauffement prévu. D’autre part, on
modélise difficilement les échanges entre l’océan, l’atmosphère et la glace marine et
l’on comprend encore mal le rôle de la biosphère continentale. Selon certains cher-
cheurs, l’élévation du niveau de la mer serait de plusieurs mètres, mais le consensus
n’est pas total à ce sujet. On a observé que le niveau de la mer monte de 10 à 20 cm
depuis le début du siècle ; mais l’effet d’un réchauffement reste difficile à prévoir,
car les glaces océaniques fondent sans modifier le niveau des mers.
Au total, ce qui complique le problème et qui divise les scientifiques, c’est un
certain nombre de phénomènes qui n’ont pas encore été vérifiés scientifiquement
comme : la fluctuation thermique qui régit les mouvements atmosphériques, le pro-
blème du CO2 et du cycle du carbone, l’accumulation du carbone lors de la photo-
synthèse, l’emmagasinement et la fixation du CO2 dans les océans à long terme, la
connaissance des émissions et des disparitions de gaz à effet de serre, le chiffrage
des contributions relatives aux différents secteurs d’activité. Tous ces aléas ne sim-
plifient pas la tâche des chercheurs.

Polémique sur les solutions


Au cœur des débats : la politique de prévention et de lutte contre les gaz incrimi-
nés. Les nombreux affrontements portent en particulier sur les moyens à mettre
en œuvre et sur les mesures concrètes à prendre pour gérer la crise. Plusieurs fac-
teurs accentuent la confusion et rendent difficile le traitement du problème. Com-
ment concilier la logique et la légitimité des “technocrates” et des “envirocrates” ?
L’existence de tensions entre acteurs écologiques et acteurs économiques, ainsi
Les mots de la controverse sur le changement climatique 85

que la présence des rapports de force, aggravée par la diversité des acteurs de la
décision politique et économique, sont souvent sources de malentendus. Ainsi, les
Américains qui étaient les premiers à proclamer que « notre planète est en dan-
ger » et qui sont responsables du 1/4 des émissions de CO2, refusent le moindre
engagement visant à réduire les rejets de ce gaz. Ils sont prêts à acheter tous « les
droits à polluer ».
Afin de contribuer à la réflexion sur les moyens de prévention, des efforts ont
cependant été consentis pour faire table rase des incertitudes, des divergences et
des querelles d’experts et pour analyser la situation de façon à ce que les intérêts
de chacun soient respectés. Les mesures issues de ces tractations ne sont pas au
goût de tous.
Entre incertitudes et irréversibilité, d’aucuns pensent qu’avant d’entamer quel-
que action que ce soit, il faut d’abord s’assurer que l’“effet de serre” existe, qu’il n’y
ait plus d’incertitudes et que tout soit maîtrisé. Or la connaissance imparfaite de la
couche moyenne sur la rétroaction de l’augmentation de la teneur en CO2 entre les
océans et les continents, la difficulté de chiffrer l’importance de la déforestation et
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la fixation du CO2 dans l’océan et la méconnaissance des phénomènes régionaux
sont de vrais problèmes, attestés par le rapport de l’Académie des Sciences (1990).
On est loin, selon elle, d’être fixé sur les grandeurs moyennes, ni sur leur vitesse
d’évolution globale, encore moins sur les valeurs régionales, et pas non plus sur la
variabilité et la fréquence des événements climatiques extrêmes (cf. Annexe 1, pour
références ACAD). Il serait pourtant dangereux d’attendre que tout soit bien com-
pris pour agir, pensent les défenseurs de la nature, parce que l’intérêt de l’huma-
nité passe avant l’intérêt économique. Si l’on attendait d’avoir la certitude absolue
du savoir et des prévisions, il serait, selon eux, trop tard pour agir. La situation est
suffisamment préoccupante en tout cas pour passer du stade du doute et des inter-
rogations à celui de l’action, de l’intérêt matériel à celui du côté humain de l’évo-
lution du globe, du stade de la négligence du droit de l’homme présent et à venir
à celui de l’intérêt à long terme de la planète…
Sans s’abriter derrière les incertitudes scientifiques, certains envisagent de maî-
triser les causes du réchauffement avant qu’il ne soit trop tard. Cependant, tout le
monde n’est pas prêt à s’investir simultanément dans les trois grands domaines :
social, scientifique et économique.
En matière sociale, la prévention consiste à renforcer la prise de conscience
des citoyens et à développer l’information pour expliquer les enjeux et les risques.
La controverse porte sur la forme des informations (pédagogique ou menaçante
et répressive) pour mobiliser l’opinion publique.
En matière scientifique, la prévention consiste à multiplier les recherches,
rencontres, congrès, colloques, journées de travail…, afin que soit augmentée la
possibilité de résolution du problème. La prise de conscience et les négociations
internationales ont été engagées dès 1988, donnant lieu à diverses conférences et
à autant de divergences de points de vue.
En matière économique, le domaine énergétique constitue le secteur le plus
important. Selon certains experts, les éventuels désordres climatiques exigent la
86 Dossier : le conflit

rapidité de l’application des mesures préventives (énergies renouvelables ou énergie


nucléaire, efficacité énergétique, etc.). Cependant, les volontés nationales ne suffi-
sent pas ; les actions de prévention doivent être envisagées à l’échelle de la planète.

Polémique sur les projections spatio-temporelles


Les mesures préventives et la recherche d’un accord sur un programme d’action
en vue de ralentir l’évolution climatique et de stabiliser la concentration de gaz
à effet de serre dans l’atmosphère ne peuvent se réaliser sans la prise en considé-
ration de l’impact de l’effet de serre sur les générations futures, sur tout l’espace
mondial et sur la relation Nord-Sud.
À propos de l’enjeu temporel, le problème est que tout ce qui se passe actuel-
lement en matière d’augmentation du taux de CO2 dans l’atmosphère aura des
conséquences différées. Pour cela il faut surveiller la terre de façon systématique
et continue, développer des programmes scientifiques pour définir les moyens d’y
faire face et un calendrier de mesures à prendre. Quoi que nous fassions mainte-
nant, les variations climatiques dues à nos injections passées de CO2 dans l’atmos-
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phère sont inévitables. Mais le risque ne peut pas être apprécié sans les mesures
de l’évolution naturelle, c’est-à-dire l’étude de la vitesse et du rythme des phéno-
mènes. Les menaces actuelles sont projetées dans le futur : qui en subit les consé-
quences ? Mais qui accepte de payer sans pour autant que le risque soit avéré ? Par
ailleurs le choix entre le risque encouru par la planète et le paiement de la facture
par anticipation, et peut-être inutilement, laisse les gens sceptiques. C’est le déchi-
rement entre éthique et politique économique qui suscite des réactions contraires
et alimente la polémique.
L’enjeu planétaire signifie que les problèmes sont globaux, car ils dépassent
le cadre national ou régional, et donc leurs solutions sont mondiales. Le souci de
survie constitue une préoccupation collective de l’humanité et devient un enjeu
majeur de sécurité. La convergence des intérêts en faveur d’un environnement dans
lequel l’humanité peut vivre est donc une exigence à la fois politique et éthique. En
vertu de leur rôle politique, les décideurs seront amenés soit à prendre des mesures
impopulaires mais à la hauteur des risques, soit à se contenter de mesures immo-
bilistes non appréciées par les défenseurs de l’environnement.
L’enjeu Nord-Sud doit faire porter l’effort sur la protection de la nature et la
lutte contre les pollutions. Les enjeux financiers engendrent des débats (coopéra-
tion Nord / Sud ? Ou partenariat pour le développement ?). Pendant que le Nord
proclame la préservation de l’environnement, le Sud revendique la réduction de la
dette et l’égalité de développement. Et les mésententes persistent…
En conclusion, l’appréciation différente des modèles théoriques émanant des
rapports d’experts donne lieu à des divergences de points de vue. Certains, plu-
tôt optimistes, se fondent sur les incertitudes et concluent que les projections des
modèles ne sont que des présomptions, et non des vérités. D’autres, plus sensibles
aux thèses alarmistes, prédisent une catastrophe sans précédent.
Les mots de la controverse sur le changement climatique 87

Optimisme et pessimisme dans les discours de la controverse


Les querelles sur le réchauffement climatique manifestent deux tendances où les
discours s’affrontent avec des tonalités différentes.
En effet, la controverse scientifique fait appel à un échange d’arguments dont
la couleur varie du pessimisme à l’optimisme et dont les modalités sont parfois
teintées de violence et d’agressivité, car l’argumentation sur des faits scientifiques
s’accompagne, le plus souvent, d’une argumentation médiatico-politique. L’exem-
ple du discours contradictoire suivant montre que deux types d’échanges (scien-
tifique et politique) s’interpénètrent, opposant C. Allègre 3 soit à des experts du
changement climatique, soit à la presse 4.

Argumentation sur le climat


Les experts internationaux de l’environnement (4e Rapport GIEC 5, 2007) trou-
vent que, non seulement le réchauffement climatique se confirme 6, mais aussi qu’il
s’est aggravé au cours du XXe siècle. La montée des mers de 15 à 20 cm (3 mm / an),
la dilatation thermique de l’océan (50 %), la fonte des glaces (150 gigatonnes de
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glace depuis 15 ans) qui favorise une hausse du niveau des mers de 10 % sont deve-
nus, aujourd’hui, des phénomènes incontestables. La prévision actuelle (entre 20
et 80 %) d’ici 2100 pourrait même être dépassée, ainsi que l’augmentation de la
température. Les indications données par ce rapport, jugées pourtant pessimistes
par certains journalistes, ne sont pas aussi alarmistes que celles fournies par des
associations écologiques comme Greenpeace ou par le Rapport Stern. Le scéna-
rio catastrophe de ce dernier (LM 30/01/2007) dresse un pronostic sombre pour
la planète si les émissions des gaz à effet de serre, aujourd’hui égales à 380 ppm
(parties par million), atteignent 400 à 750 ppm. Des retombées dramatiques s’en-
suivraient : augmentation de la pénurie alimentaire, surtout en Afrique et en Asie,
baisse des rendements dans les pays développés, fonte des glaciers, moins d’eau
douce, augmentation du niveau de la mer menaçant des villes comme Londres,

3. On s’intéressera particulièrement ici aux querelles sémantiques engendrées par les écrits de Claude
Allègre et, notamment, par sa chronique « La neige du Kilimandjaro » parue dans L’Express le
21 septembre 2006 qui l’a exposé à des critiques acerbes.
4. On se référera en particulier aux articles parus dans les journaux suivants : L’Express, Le Monde,
Libération, Charlie Hebdo, de septembre 2006 à février 2007. Ces journaux seront désormais signa-
lés respectivement par : EX, LM, L, CH.
5. Le Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (GIEC ou IPCC en anglais) a été mandaté
par l’ONU.
6. La responsabilité humaine se confirme de plus en plus. En 2001, le 3e Rapport GIEC note que
« l’essentiel du réchauffement observé pendant les 50 dernières années est probablement dû à
l’augmentation des concentrations des gaz à effet de serre ». Dans son dernier rapport (2007), le
GIEC souligne que « l’essentiel de l’augmentation des températures moyennes observées depuis le
milieu du XXe siècle, est très probablement dû à l’augmentation des concentrations des gaz à effet
de serre engendrés par l’homme ». Ainsi, l’expression « très probablement » se substitue à « pro-
bablement », ce qui signifie que les experts sont sûrs à 90 % et non plus à 60 % de la responsabi-
lité humaine.
88 Dossier : le conflit

Shangaï, New York, Tokyo…, détérioration irréversible des récifs coralliens, dispa-
rition de la forêt amazonienne, écosystèmes menacés, disparition de 20 à 50 % des
espèces, augmentation de l’intensité des orages, des feux de forêt, des sécheresses,
des inondations, des vagues de chaleur, fonte de la calotte glaciaire du Groenland,
risque de changements abrupts du climat à grande échelle sans retour en arrière
possible. D’après le rapport GIEC rendu public le 2 février 2007, le réchauffement
climatique est sans équivoque, les glaciers de montagne déclinent, le niveau des
mers s’élève plus rapidement qu’auparavant (3 mm / an) ; en 2100, la tempéra-
ture moyenne de la Terre aura augmenté de 1,8 à 4°C, le niveau des océans se sera
élevé de 28 à 43 cm, voire plus. D’ici là, des épisodes climatiques extrêmes, tels que
canicules ou sécheresses, se produiront de plus en plus. Dans un avenir proche, il
y aura une réduction de la couverture nuageuse et du pergélisol, une plus grande
fréquence de vagues de chaleur et d’événements à forte précipitation et des cyclo-
nes à plus forte intensité. Si rien ne change, d’après le GIEC (cf. LM 3/2/07), l’aug-
mentation de la température moyenne pourrait être supérieure à 4,5°C (les valeurs
extrêmes étant 1,4 à 6,4°C).
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Parmi les scientifiques 7 français qui ne partagent pas ce pessimisme, voire
même cette perception de l’effet de serre, il faut signaler l’ex-ministre de l’Édu-
cation, Claude Allègre, qui met en cause l’existence même du réchauffement cli-
matique et qui parle de théorie « à la mode » tout en revendiquant son « droit au
doute ». Selon lui, les changements en cours relèvent plus d’une grande variabi-
lité des phénomènes que d’un réchauffement global, et donc, la responsabilité du
réchauffement actuel n’incombe pas à l’homme (Le Monde, octobre 2006). Déjà,
en 2003, dans L’Express du 13 novembre, il lance la polémique en déclarant : « il y
a vingt ans, on parlait d’un accroissement de 2 à 5 degrés en vingt ans. On évoque
aujourd’hui de tels chiffres pour le siècle tout entier ! » ; et il ironise : « Le niveau de
la mer s’élève par dilatation thermique et sous l’effet de la fonte 8 des glaces polai-
res, de 2,5 mm par an, soit 25 cm en un siècle. On est loin des dizaines de mètres
qui devaient submerger les Pays-Bas ou les îles Maldives ! ». La variabilité du cli-
mat est une réalité, ajoute-t-il, « mais elle ne permet pas de prédire l’avenir ». Son
argumentation sur les faits écologiques se résume schématiquement en quatre
points (EX 5/10/06) :

7. Il existe de nombreux sites Internet animés par des scientifiques qui se veulent « résistants » aux
discours alarmistes. Nous ne retiendrons ici que le discours officiel de C. Allègre qui a suscité une
vague de contestations, ce qui a conduit certains de ses pairs à écrire une lettre de protestation
à destination de l’Académie des Sciences, du ministre de la Recherche, de l’Institut national des
sciences de l’univers (INSU), de tous les laboratoires de recherche et du directeur de l’hebdoma-
daire L’Express. Dans les années 1990, Haroun Tazzief tenait un discours similaire (cf. infra) sans
pour autant s’attirer la foudre de ses détracteurs.
8. Dans L’Express du 21 septembre 2006, C. Allègre note que « la disparition progressive des neiges
du Kilimandjaro est souvent attribuée à des phénomènes locaux, et au premier chef à la désertifi-
cation de l’Afrique de l’Est. Récemment dans la revue Nature, des chercheurs français ont mon-
tré que cette désertification est due à des mouvements tectoniques responsables de la montée
progressive du continent africain, modifiant les circulations atmosphériques. L’effet de serre n’a
aucun rôle majeur là-dedans ».
Les mots de la controverse sur le changement climatique 89

–– Le changement climatique est une réalité mais le plus important c’est l’aug-


mentation des phénomènes extrêmes et non l’élévation de la température. « Si
la température augmente de 1 ou 2°C par siècle et que le niveau de la mer aug-
mente de 25 cm, cela ne nous paraît pas catastrophique » (EX 5/10/06).
–– L’influence du CO2 est possible, mais il y a d’autres paramètres plus impor-
tants : cycle de l’eau, nuages, poussières industrielles et agricoles, fluctuation
des rayonnements solaires.
–– La disparition des calottes glaciaires du Groenland est incontestable, mais le
réchauffement n’est pas global. Pour C. Allègre, les changements actuels ne
sont pas le signe d’un réchauffement global de la Terre (EX 21/09/06).
–– L’attitude dénonciatrice ne suffit pas, il faut trouver des solutions scientifi-
ques 9 sans créer la peur et surtout croire en la capacité de l’homme à résoudre
les défis (allusions au mythe à connotation biblique véhiculé par le scénario
catastrophe et à la culpabilisation de l’homme par le GIEC).
Il n’est pas étonnant que des débats s’instaurent entre scientifiques pour faire
avancer le savoir. Mais il se trouve, ici, que les spéculations intellectuelles sur le
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contenu écologique s’accompagnent d’une controverse politico-médiatique et d’ar-
guments ad hominem.

Polémique politico-médiatique
D’abord, la fonction métalinguistique du discours affiche, d’entrée de jeu, la nature
des débats. La mise en scène de la controverse implique, en effet, des emplois
métadiscursifs matérialisés par des mots et expressions comme « polémique »,
« diatribe », « tollé », « débat enflammé », « colère », « critiqué vertement », « contro-
verse », « tempête médiatico-scientifique », « la machine s’emballe », « propos vio-
lents », « protestation », « texte assassin », « termes peu amènes », « réponse sans
ménagements », « les points sur les i », « réaction violente »… Ce choix de mots
dévoile l’aspect conflictuel des débats. Un style imagé et, parfois, un lexique éco-
logique (« tempête », « vent debout », « déluge », « (humeur) du jour », etc.) reflè-
tent aussi le combat et les tirs croisés qui prennent la forme d’une offensive à la
fois contre l’adversaire et contre les idées contestées.
Ensuite, la désignation des adversaires et l’ethos de soi participent également
à la cristallisation du conflit. « Négationniste », « menteur », « à côté de la cible »,
« dépourvu de rigueur », « outrancier », « faux », « scientifiquement incorrect », « de
mauvaise foi », « bouillonnant et paradoxal par habitude »… ; l’intensité des pas-
sions apparaît à travers la violence et la surenchère lexicale utilisées contre celui
qui, paradoxalement, est désigné par « géophysicien bardé de médailles par ses
pairs, ancien ministre de l’éducation et de la recherche » ou « ancien ministre de

9. Plutôt qu’interdire, il vaut mieux, selon lui, conduire des efforts de recherche pour modérer et, à
terme, contrôler la production du CO2. Il propose alors deux solutions : développer la pile à com-
bustible (brûler l’hydrogène pour produire de l’énergie électrique) et neutraliser ou séquestrer le
CO2 en profondeur, dans les grottes sous-marines. Dissous dans l’eau, le CO2 se combine au cal-
cium pour donner du calcaire utilisable industriellement.
90 Dossier : le conflit

la recherche » ou encore « le géophysicien » (L) ; par « responsable de l’Éducation


nationale, de la recherche et de la technologie, qui a dirigé l’institut du globe et
accumulé de prestigieux titres au cours de sa carrière de physicien » (CH) ; voire
même, malgré l’ironie et les guillemets de distanciation pour le mot « éminent »,
par « Chercheur “éminent”, ancien ministre de la recherche et académicien » (LM).
Le paradoxe, ici, est un procédé argumentatif insistant sur l’incongruité des pro-
pos de C. Allègre.
En retour, ce dernier attribue à ses adversaires des noms peu flatteurs : « Les
Cassandre du réchauffement », « mes détracteurs », « ces gens-là », « les fanati-
ques de l’effet de serre », « L’écologie de l’impuissance protestataire ». En revan-
che, les chercheurs dont il se sent proche sont désignés par des termes élogieux :
« brillant météorologue » (Richard Lindzen), « le grand » (Max Planck), « d’émi-
nents glaciologues ». Le nombre d’indices énonciatifs (je, me, moi) et de marques
appréciatives contribuent aussi à la mise en valeur de soi, de ses mérites et de ses
qualités scientifiques ou politiques 10.
Enfin le style et les « petites phrases » assassines n’en sont pas moins belliqueux.
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À propos des incertitudes scientifiques, C. Allègre proclame dans Le Monde du
27 octobre 2006 : « lorsqu’on se trouve dans un domaine où la science est en pleine
évolution, […] je revendique le droit de dire que j’émets des doutes sur le fait que
le CO2 est le principal responsable du changement climatique ». Il réfute aussi toute
idée selon laquelle le réchauffement serait global. Le changement climatique, dit-il,
« est caractérisé plus par de brusques fluctuations, à la fois dans l’espace et dans le
temps […], que par un réchauffement général. La cause de cette modification cli-
matique est inconnue. Est-ce l’homme ? Est-ce la nature ? Les archives glaciaires ou
historiques nous indiquent que le climat est un phénomène capricieux. Les théories
météorologiques mathématiques le confirment. Donc prudence » (EX 5/10/06). Il
déplore le consensus sur le sujet et en conclut que la vérité est déguisée ou biaisée
du fait que des considérations politiques ont interféré avec les travaux des clima-
tologues. Ainsi, il dénonce sans ambages l’instrumentalisation de l’environnement
et remet même en question la légitimité scientifique du GIEC. Voici un florilège
de citations éloquentes : « Horreur au pays de Descartes, je revendique le droit au
doute ! » (LM 27/10/06) ; « L’idée que l’homme est coupable et que nous courons
à la catastrophe planétaire est devenue une certitude, une vérité incontestable. Le
consensus s’applique à tout, à tous, et tout de suite ! Cette interprétation est sim-
pliste et occulte les dangers véritables (EX 5/10/06).
Aux expressions de doute de C. Allègre, voici quelques éléments de réponses
des médias : « C. Allègre réinvente le négationnisme climatique » (CH 23/10) ; « Au
mépris de la quasi-unanimité des travaux scientifiques, il nie l’influence de l’effet
de serre sur le réchauffement général » (CH 23/10) ; « Il décide de mettre en cause

10. « J’ai connu des combats semblables lorsque… je défendais la théorie de la tectonique des plaques »,
« j’ai défendu le rôle indispensable des observatoires volcaniques », « j’ai mené d’autres combats
dans ma spécialité », « j’ai l’habitude de lutter contre la majorité et de m’opposer aux “consen-
sus”… » (LM 27/10/06).
Les mots de la controverse sur le changement climatique 91

la plupart des conclusions auxquelles sont parvenus ses collègues spécialistes du


sujet » (L 5/10) ; « Il prétend que tout est faux » (L 5/10) ; « Falsification des articles
scientifiques […] quelques mensonges de trop » (L 5/10) ; « À défaut de rigueur, il
tire à côté de la cible » (L 5/10).
Des critiques sévères ont été adressées aux experts, de la part de l’ex-minis-
tre : « Théorie scientifique “officielle” estampillée par les médias et les politiques » ;
« Théorie à la mode qui tente de s’imposer par les votes d’une commission interna-
tionale désignée par les États ! » (EX 31/08/06) ; « Richard Lindzen, brillant météo-
rologue du MIT, a raison de dénoncer la dictature intellectuelle qu’exerce un
groupe de pression alors que l’examen objectif des faits est loin d’être concluant »
(EX 31/08/06) ; « 80 scientifiques canadiens ont mis en garde contre le prétendu
consensus. En France, des scientifiques et ingénieurs mettant en doute la vérité
“officielle” ont été empêchés de s’exprimer. La raison de tout ce tintamarre est la
peur. Plus les recherches climatologiques avancent, plus la vérité officielle paraît
fragile » ; « Les climatologues constituent un puissant lobbying sur le réchauffe-
ment climatique afin d’accroître leur budget de recherche » ; Les critiques à mon
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égard ont été incroyablement violentes et concertées et il est permis de trouver
cela suspect. On pourrait ainsi se demander si ces gens-là ne cherchent pas à pro-
téger les budgets alloués à la climatologie, qui ont explosé ces dernières années »
(LM 10/10/07) ; « Après le mois d’août qu’a connu la moitié nord de la France, les
Cassandre du réchauffement auront du pain sur la planche pour faire avaler leurs
incertitudes à nos compatriotes… L’écologie de l’impuissance protestataire est
devenue un business très lucratif pour quelques-uns ! » (EX 21/09/2006).
La réponse à ces propos n’est pas moins dépourvue de violence : « La présen-
tation du GIEC et de ses rapports est tout simplement indigne » (L 29/10/06) ;
« Ses paroles sont loin d’être anodines » (CH 23/10) ; « Allègre payé par Total »
(CH 23/10) ; « C. Allègre fait partie de la poignée de scientifiques qui nient la réa-
lité de l’effet de serre et qui sont généralement payés par des firmes pétrolières »
(CH 23/10) ; « Son discours semble moins irrigué par une réflexion rigoureuse que
par une haine épidermique des écolos » (CH 23/10) ; « Ses chroniques sont régu-
lièrement émaillées de références quasi obsessionnelles aux “fanatiques de l’effet
de serre” » (CH 23/10) ; « Information tronquée, presque partisane et fausse, sur-
tout lorsque cela concerne un sujet sociétal » (LM 10/10/07).
À propos des solutions préconisées, C. Allègre vante ses actions et fustige cel-
les des autres : « Ce qui me distingue des fanatiques de l’effet de serre, c’est que leurs
proclamations consistent à dénoncer le rôle de l’homme sur le climat sans rien
faire pour combattre ce danger, si ce n’est d’organiser des colloques et préparer
des protocoles qui restent lettre morte. C’est l’attitude de l’écologie dénonciatrice.
Je me situe clairement dans l’écologie réparatrice. Celle qui propose des solutions
concrètes pour préserver notre planète. Ce qui me distingue de certains, c’est que
je crois en la capacité de l’homme à résoudre les défis, à condition de ne pas se
tromper sur l’origine du danger ! Ce dont je rêve c’est que l’écologie devienne le
moteur du développement économique et non un obstacle créateur de peur » (EX
5/10/06) ; « Il faut séparer les problèmes et les résoudre un à un. Dans l’écologie
92 Dossier : le conflit

dénonciatrice, on mélange tout : le réchauffement climatique, la biodiversité, la


pollution des villes, l’assèchement de la mer d’Aral, etc. Avec comme résultat de
susciter la peur… et de ne finalement rien résoudre, écrasés par l’immensité des
défis » (LM 27/10/06).
En conclusion, deux types de discours (optimiste et pessimiste) et deux façons
antagoniques de communiquer sur le changement climatique (pondérée et pas-
sionnée) ont été observés.
–– La prédiction d’un phénomène catastrophique échappant à tout contrôle
humain (vocabulaire alarmiste marqué par l’urgence, évoquant des situations
irréversibles, mettant l’accent sur la destruction du système climatique, la dis-
parition des espèces vivantes…) brosse un tableau funeste et quasi religieux de
la fin du monde. La réactivation des mythes a, sans doute, pour but de sollici-
ter un effort à la hauteur du péril. Inversement, le discours mettant en cause le
diagnostic et les prévisions du réchauffement semble contrecarrer complète-
ment l’avis de la majorité par excès d’optimisme. Les conseils de prudence et
de rigueur scientifiques prodigués aux adversaires contrastent avec les procé-
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dés énonciatifs et communicationnels utilisés (pronom personnel « je », auto-
évaluation, marqueurs lexicaux de la subjectivité, modalités dépréciatives et
style ironique).
–– Les propos modérés, défendant « logiquement » une thèse à l’aide d’arguments
écologiques (démarche déductive de cause à effet, syllogisme 11, argumentation
par l’exemple 12, par la preuve 13 ou par appel à des arguments d’autorité), s’op-
posent à l’argumentation agressive (pratiquée des deux côtés) dirigée à la fois
contre des personnes et des thèses, et qui fait usage de la subjectivité énoncia-
tive : hyperboles, superlatifs, termes péjoratifs, figures de l’ironie.
Quelle que soit la façon de communiquer, il est certain qu’il existe, en France,
un désaccord profond sur le sujet et ce, depuis la prise de conscience politique du
problème. La deuxième partie de cet article se propose de donner un aperçu sur
les discours des années 1990.

11. Dans L’Express du 21 septembre 2006, C. Allègre écrit : « Tous les scientifiques sont d’accord : si
un réchauffement général du globe a lieu, il sera beaucoup plus important près des pôles qu’à
l’équateur. Or […] en certains endroits du continent Antarctique, il y a une destruction massive
de la banquise, alors qu’ailleurs il y a épaississement de la glace. Alors, y a-t-il ou non réchauffe-
ment climatique ? ».
12. Dans L’Express du 31 août 2006, C. Allègre déclare : « L’histoire des sciences nous a montré que
toutes les grandes découvertes scientifiques ont été niées ou critiquées dès leur première présen-
tation… Que ce soit dans la relativité, la mécanique quantique, la biologie moléculaire, la théorie
atomique ou la tectonique des plaques, toutes ces théories qui dominent la science actuelle ont
dû traverser les critiques acerbes de majorités de scientifiques ».
13. Dans L’Express du 21 septembre 2006, C. Allègre écrit : « Dans la revue Sciences, un important arti-
cle d’une série d’éminents glaciologues a montré que, en trente ans, le volume de glaces antarcti-
que n’a pas varié ».
Les mots de la controverse sur le changement climatique 93

Mise en scène des rapports entre science et politique


Le problème fondamental que nous avons voulu poser, au niveau des vocabulai-
res, est celui des relations entre discours scientifiques et discours politiques dans
les années 1990. Le corpus (63300 unités lexicales environ) devait donc refléter
d’abord cette variable, et cela dans une assez large extension. Il recouvre une large
variété de locuteurs 14 appartenant aux champs politiques traditionnels (partis
représentés au Parlement, de la droite à la gauche), ou caractérisant des tenants
importants de l’écologie (organisés en parti ou en association), face à des discours
scientifiques de haut niveau (excluant la vulgarisation médiatique). Cette réparti-
tion constitue une deuxième variable de l’analyse.
Les parties du corpus sont de longueurs relativement équilibrées, homogènes
du point de vue du contenu et appartenant à une époque identique : dimension
exclusivement française, fond thématique commun (l’effet de serre), et paramè-
tre temporel fixé à la même période (1989-1990). Nous avons utilisé des logiciels
de statistique textuelle et adopté, dans une perspective comparative, deux appro-
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ches lexicométriques complémentaires : l’analyse factorielle des correspondances 15
(désormais AFC) et l’analyse des spécificités (spec).
L’analyse factorielle des correspondances permet de mettre en relation les for-
mes lexicales 16 et les émetteurs du corpus. Cette mise en correspondance s’effec-
tue à plusieurs niveaux dans l’espace des emplois lexicaux. Ces niveaux constituent
des facteurs (ou axes) sur lesquels sont classés les émetteurs et les mots d’après les
distances calculées entre eux. Les trois premiers facteurs sont les plus pertinents
dans l’apport de l’information concernant les emplois lexicaux.
La deuxième méthode 17 est celle dite des “spécificités”. L’analyse des spécifici-
tés permet d’obtenir des jugements probabilistes sur les fréquences. Le calcul met
en évidence les formes spécifiques (positivement ou négativement) et les formes
d’emploi banal. Nous nous intéresserons particulièrement aux spécificités positi-
ves, c’est-à-dire aux suremplois de certains termes, en fonction d’un seuil de pro-
babilité maximal égal à 5 %.

14. Les sous-parties du corpus proviennent d’émetteurs variés ; elles sont numérotées arbitrairement
de 1 à 10 et sont représentées par des sigles entre parenthèses : no 1 : Les Amis de la Terre (ATER) :
P. Samuel ; no 2 : Le groupe de Droite (RPR) : M. Barnier, A. Giraud, R. Galley ; no 3 : L’Acadé-
mie des Sciences (ACAD) : Rapport Académie des Sciences ; no 4 : Le groupe de Gauche (SOC) :
P. Brana, L. Fabius, M. Rocard, P. Quiles ; no 5 : Les Verts (VERTS) : A. Waechter, C. Brodhag ;
no 6 : Groupe d’experts scientifiques (MART) : Rapport Y. Martin (dir) ; no 7 : Le groupe com-
muniste (PCF) : S. Mayer, J. Defait ; no 8 : Intellectuel (TAZ) : H. Tazieff ; no 9 : L’Agence française
pour la maîtrise de l’énergie (AFME) : P. Chartier, F. Moisan, D. Savanne ; no 10 : Le ministre de
l’Environnement de l’époque, Brice Lalonde (LAL). Voir les références dans l’Annexe 1.
15. L. Lebart, A. Salem, Statistique textuelle, Paris, Dunod, 1994.
16. On appelle formes les mots différents qu’on trouve dans le corpus, ex : le, air, eau, changer, moyen,
etc. Le nombre d’apparitions total de chaque mot constitue son nombre d’occurrences (ou sa fré-
quence d’emploi), ex : un mot répété 3 fois est représenté par 1 forme et par 4 occurrences.
17. P. Lafon, Dépouillement des formes en lexicométrie, Paris, Slatkine – Champion, 1984 ; Id., « Sur
la variabilité de la fréquence des formes dans un corpus », Mots, no 1, octobre 1980, p. 125-165.
94 Dossier : le conflit

L’analyse s’appuie donc sur les deux méthodes (“AFC” et “spécificités”) : l’une
fournit le rapprochement des émetteurs selon les groupements de vocabulaire, et
l’autre met en évidence les emplois lexicaux propres à ces émetteurs et qui sont
attestés dans une proportion très supérieure à la moyenne. Le résultat de ce croi-
sement est susceptible de dégager les grandes tendances d’emplois lexicaux en rap-
port avec la position de chacun.

Rapprochements et oppositions des discours, les uns par rapport aux autres
L’analyse factorielle des dix sous-corpus s’intéresse à la relation entre les émetteurs
et leur vocabulaire sous forme de facteurs hiérarchiques dans un “nuage mathé-
matique” complexe (cf. Annexe 2). Cette étude permet de construire les axes
majeurs sur lesquels se répartit l’information apportée par les sous-fréquences
supérieures ou égales à 2 de chaque terme, chez chaque locuteur. Les trois premiers
axes nous apprennent que le vocabulaire des discours qui se sont affrontés sur le
thème de l’effet de serre occupe 42,2 % de l’information statistique, pour un aléa
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par axe de 11,11 %. Ces axes possèdent respectivement 15,56, 15,04 et 11,6 % de
l’information statistique et présentent des systèmes d’opposition pertinents. Voici
schématiquement les positions de chacun des émetteurs par rapport au point
d’équilibre (0) sur ces trois dimensions.

AXE 1

RPR

ACAD TAZ
MART LAL
AFME ATER VERTS PCF SOC
0
- 543 - 506 - 435 - 117 251 312 463 491

AXE 2

ACAD ATER PCF SOC MART LAL AFME

RPR
TAZ

0
- 677 - 545 - 482 - 88 99 190 267 387 608

AXE 3
RPR

VERTS
ACAD LAL
SOC MART AFME TAZ

0
- 486 - 323 - 147 110 200 1151
Les mots de la controverse sur le changement climatique 95

Sur l’axe 1 et l’axe 2, on peut observer qu’à des positions négatives (par rap-
port au zéro, centre d’équilibre d’un axe) de l’ordre de - 500 pour le premier axe
et de - 600 pour le deuxième, s’opposent des positions positives du même ordre
sur les deux facteurs respectifs. Ces deux axes croisés montrent que les locu-
teurs effectuent des groupements. Ainsi apparaissent, sur la carte (cf. Annexe 2,
tableau 2), cinq constats de regroupement : 1) dans le quadrant en haut à gauche :
AFME, MART ; 2) dans le quadrant en bas à gauche : ACAD, ATER ; 3) en haut,
sur la droite de l’axe : LAL, SOC, PCF ; 4) en bas à droite : TAZ ; et 5) au centre,
sans valeur originale : RPR. Les deux premiers axes incarnent l’opposition scien-
tifiques contre politiques. Les émetteurs AFME et Martin puis Académie, Tazieff
et Amis de la Terre appuient leur positionnement sur un vocabulaire scientifique
abondant, ainsi que sur de multiples mesures. Un commentaire de ces positions
par les emplois du vocabulaire s’impose. Nous y reviendrons. Sur l’axe 3, Tazieff
apparaît prendre seul le contre-pied radical des discours de presque tous les autres
émetteurs présents dans l’analyse et en particulier de celui de l’Académie. S’agit-
il d’un clivage science / science ?
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Nous traiterons tour à tour les clivages scientifiques / politiques, indépen-
dants / technocrates et politico-scientifiques / polémiques du point de vue des mots
sur lesquels jouent les antagonismes, des grands thèmes qui se dessinent et des
oppositions internes entre politiques et scientifiques.

Discours scientifiques contre discours politiques


Le premier facteur est structuré par une opposition extrêmement nette entre d’une
part les trois locuteurs qu’on peut qualifier de “scientifiques” (AFME, Martin et
l’Académie des Sciences) et d’autre part la plus grande partie des “politiques”
rejoints par certains écologistes (Socialistes, Lalonde, Communistes, qu’accompa-
gnent Tazieff et les Verts). Échappe à ce clivage (son indice de corrélation avec l’axe
n’étant que de 1 millième) l’échantillon de la Droite. Celui-ci rassemble en effet des
discours dont les diversités risquent de s’annuler : Barnier, plus écologiste, Giraud,
plus technocrate, Galley, plus scientifique. Seuls les Amis de la Terre paraissent
manifester une proximité plus grande avec le côté des scientifiques qu’avec celui
des politiques ; mais leur indice de corrélation n’étant que de 14 millièmes, ce rap-
prochement dans l’analyse de ce facteur n’est pas suffisamment probant pour qu’il
puisse être affirmé. La correspondance de ce premier clivage entre locuteurs avec
le vocabulaire qui l’explique fait apparaître, du côté des formes et des “segments
répétés”, c’est-à-dire des groupes de mots qui reviennent à l’identique plusieurs
fois, deux registres opposés, dont voici les principaux protagonistes.
Dans les rapports de l’AFME, d’Yves Martin, de l’Académie des Sciences et
des Amis de la Terre, les termes signalés par l’ordinateur sur la gauche de l’axe 1
font partie d’un lexique technique très spécialisé. On y trouve d’abord la désigna-
tion des gaz et de leurs origines physiques : frigorifiques, de déchets putrescibles,
déchets organiques, flux de déchets, la gestion de, effet de serre en France, de CO2,
des déjections, de méthane, taillis, de la biomasse, biogaz, de ces gaz, décharge,
carbone fossile, réduire les émissions, réduction des émissions, les utilisations, gaz
96 Dossier : le conflit

connexes, CO, CH4, NOx, de l’agriculture, les élevages, effet de serre, etc. Vient
aussi une abondance d’indices de mesure, de signes d’accumulation et de termes
propres à la projection de scénarios scientifiques : prix du pétrole, scénario de réfé-
rence, équivalent CO2, à l’horizon 2010, les hypothèses, scénario B, en 2010, de
tonnes par, l’horizon, 1 million, le scénario, 2025, le choix des, un stockage, esti-
mées, annuelle de, contribution de, 1990 et, estimer, estimé, millions de tonnes,
sur 20 ans, 2005, ce stock, etc.
Du côté des politiques, sur la droite de l’axe, s’inscrit aussi un vocabulaire de
type scientifique, mais plutôt de vulgarisation, simple et compréhensible par tous,
qu’accompagnent les désignations, plus poétiques, des grands éléments naturels :
soleil et, masses d’air, fondre les, les pollutions, aux variations, interglaciaires, de
l’énergie, technologies, soleil, raisonnement, l’énergie, menaces, satellites, calottes,
fondre, polaires, catastrophes, pollution de l’air, de la terre, l’an 2000, trou, écolo-
gie, scientifique, les scientifiques, etc.
Un ensemble de termes sociopolitiques et géographiques se mêle à ce regis-
tre. On relève, par exemple : Londres, la coopération, effort, Communauté, action,
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besoin, État, pays du Tiers-Monde, ce siècle, demain, lois, commandement, prési-
dent, villes, partenaires, intérêts, gouvernement, l’effort, programmes, société, opi-
nion, comportements, hommes, internationaux, etc.
On peut y ajouter les nombreux signes d’énonciation et de subjectivité qu’en-
gendrent certains discours en “je” et en “nous” (suis, m’, je ne, avais, me, moi, j’,
je, nous, mon, etc.).
Un troisième ensemble pourrait regrouper les termes abstraits accompagnés
du vocabulaire de la négation et de la comparaison : esprit, raisonnement, dimen-
sion, question, service, simplement, nullement, rien, plus que, de plus en plus,
autant que, toujours, etc.
On se rend compte, à la lecture des 26 pages de listes de termes, que le discours
des scientifiques manie la précision et le concret avec une terminologie spéciali-
sée, sans effet de personnalisation ni d’insistance, alors que les discours rassem-
blés sur la droite de l’axe se révèlent davantage simplificateurs (d’où la répétition,
pour corriger le tir, de mots comme “scientifique”, “les scientifiques”) et surtout
sensibles à des marques énonciatives. La machine a permis d’effectuer automati-
quement, à partir des comparaisons de fréquences, le tri entre tous ces registres,
en indiquant que là se trouve le clivage majeur qui partage les émetteurs du cor-
pus. Le second clivage concerne le discours politique proprement dit et le discours
médiateur entre le monde des savants et celui du pouvoir.

Discours indépendant contre discours technocratique


Le second facteur isolé par le calcul oppose quatre locuteurs, entre - 677 et - 88 :
l’Académie des Sciences, H. Tazieff, les Amis de la Terre et le RPR, à cinq autres
locuteurs, entre + 99 et + 608 : le PCF, les Socialistes, Martin, B. Lalonde et l’AFME.
Le camp des “scientifiques” se trouve donc scindé en deux (l’opposition maximale
se situant entre l’Académie et l’AFME). Il semble que cette scission ait pour rai-
son la proximité plus grande que l’AFME entretient avec le gouvernement en place
Les mots de la controverse sur le changement climatique 97

(d’où leur position sur ce second axe proche de B. Lalonde, ministre de l’Environ-
nement à l’époque, ainsi que de l’échantillon socialiste). Pourrait-on parler d’un
vocabulaire scientifique de type technostructurel ?
Les listes fournies pour ce facteur nous apprennent que c’est l’objet scientifi-
que lui-même qui change. Un accent différent est porté par les locuteurs de la gau-
che et de la droite de l’axe.
L’Académie des Sciences et ses partenaires insistent d’abord sur la notion de
réchauffement du globe et de ses conséquences naturelles, avec les termes sui-
vants : augmentation de température, hydrologiques, glaciaires, glace de mer,
océanique(s), écosystème, évaporation, niveau de la mer, niveau des mers, la pho-
tosynthèse, glaces, rétroaction, océan, les zones, changements climatiques, la fonte,
lumière, plantes, oxygène, nuages, dilatation, Groenland, glaciers, l’eau, atmos-
phérique, températures, un réchauffement, le réchauffement, en gaz carbonique,
vapeur d’eau, etc.
Ces termes s’accompagnent d’un lexique traduisant un souci de la quanti-
fication et de la prévision : prédire, simulations, hautes latitudes, doublement,
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augmente, variations, dilatation, teneur, optimum, modèle(s), âges, la surface, la
température, niveau, etc.
Face à ce registre scientifique, nous trouvons à l’autre bout de l’axe un lexique
de même type mais qui concerne plutôt la notion d’énergie et d’économie, avec
des termes comme : maîtrise de l’énergie, évolutions, par habitant, énergies fossi-
les, industrialisés, énergétiques, pays en développement, énergies renouvelables,
économies d’énergie, etc.
Une part importante du vocabulaire qui accompagne ce thème est dévolue
aux termes administratifs et politiques. C’est le cas pour : volontariste, qualité
de l’air, loi, normes, objectifs, le contrôle, taxe, installations, coopération, com-
mission, conduire, proposer, France, nationale, application, prévention, mise en
œuvre, agence, effort, etc.
On le voit, la convergence des vocabulaires met en opposition sur ce facteur
deux préoccupations différentes, celle de décrire et de modéliser dans le domaine
du réchauffement, et celle de prescrire et de proposer dans le domaine de l’éner-
gie. Sur la thématique identique de l’effet de serre, de ses causes (les énergies) et
de ses conséquences (le réchauffement), deux ensembles de discours scientifiques
différents viennent ainsi se greffer. Le premier se caractérise par son indépendance
vis-à-vis des préoccupations gouvernementales, le second répond à ces préoccu-
pations. Cela signifie que c’est le politique qui oriente les thèmes de réflexion des
experts qui servent de relais entre la recherche et le pouvoir public.
Puisque la médiation répond à une demande politique, les trajectoires paral-
lèles de la science et de la politique finissent par se croiser. La science, mobilisée
pour résoudre un problème social, se trouve donc finalisée, instrumentalisée, d’où
le compromis affiché entre discours technique et jargon administratif.
98 Dossier : le conflit

Discours politico-scientifique contre discours polémique


Plus indépendant que tous les autres, le vulcanologue, H. Tazieff fait figure d’ico-
noclaste. Réputé pour son alarmisme à propos des catastrophes naturelles, il s’avère
cependant très optimiste concernant l’effet de serre redouté par tous.
Sur le troisième axe il est, en effet, très loin du centre (+ 1151) et s’oppose radi-
calement au gouvernement en place (SOC - 323, LAL - 147) mais aussi à l’Acadé-
mie des Sciences (- 486) ; ces derniers, sur cet axe, se positionnent du même côté.
Ainsi celui qui nie l’effet de serre qu’il qualifie d’“imaginaire” affronte l’autorité
la plus officielle qui ait certifié son existence. Il est rare qu’une pensée puisse ainsi
contraster avec une autre à la seule prise en compte des fréquences de leur voca-
bulaire.
Force est de constater que ce dénigrement de l’effet de serre s’exprime à l’aide
de fréquents adverbes de la négation (guère, ni, non, n’, plus, ne, rien, pas), de subs-
tantifs en rapport avec la nature (pollution(s), catastrophe, villes, terre, air, soleil,
température, réchauffement, chaleur) mais surtout des antonymes au réchauf-
fement préconisé par les autres (variation, glace, glaciers, polaires, période, gla-
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ciaire, siècle). Ce langage sur les glaciations n’est tenu par aucun autre locuteur,
d’où son originalité.
L’argumentation de base d’H. Tazieff se fonde sur le postulat du géophysicien
Milankovitch qui, en 1930, a expliqué l’élévation de la température terrestre par
l’inclinaison de l’axe de la planète par rapport au soleil : « Qu’est-ce qui m’autorise
à m’aventurer ainsi, à contredire des spécialistes de très haut niveau ? […] simple-
ment les lois découvertes par M. Milankovitch, qui démontrent mathématique-
ment que ces alternances des glaciations et des périodes interglaciaires répondent
parfaitement aux variations des trois paramètres astronomiques… ».
En dépit des oppositions affichées, on peut supposer que le vocabulaire écolo-
gique est autant attesté par les uns que par les autres. Observons, pour appréhen-
der les termes écologiques, les “spécificités positives” partagées 18.

Spécificités académiques contre spécificités politiques


Par hypothèse, l’Académie des Sciences incarne le modèle de référence de la science
car elle est supposée être indépendante des clivages idéologiques, située hors des
influences institutionnelles et ne remplissant aucune fonction de médiation. En
partant de ce principe, on peut se demander quels emplois communs elle utilise
avec les autres instances émettrices, respectivement les politiques, les scientifiques
et les indépendants.

18. Par “spécificité positive” on entend tout suremploi d’une forme attesté dans une partie du corpus
par une probabilité de la sous-fréquence inférieure à 5 %. Un calcul hypergéométrique en ordi-
nateur portant sur toutes les formes dans chacune des parties émettrices sélectionne celles qui
répondent au critère. Les termes consensuels peuvent être repérés, ici, grâce à leur suremploi sta-
tistiquement partagé par l’Académie avec d’autres émetteurs.
Les mots de la controverse sur le changement climatique 99

L’Académie et les partis politiques


Ce qui est frappant, c’est que les représentants du Parlement ne partagent pas de
formes “savantes” avec l’Académie (le RPR fait exception avec 5 formes : bilan,
concentration, couche, atmosphérique, augmentation). Cela confirme, bien
entendu, les clivages observés sur les premiers axes de la factorielle. Le regrou-
pement politique entre le parti socialiste et le parti communiste est caracté-
risé, quant à lui, par 13 formes sociopolitiques : énergie, environnement, pays,
question(s), recherche, industrialisés, agir, nécessité, mettre, faut, Tiers-Monde,
économique(s), mondial(e). Par ailleurs, 5 mots, très révélateurs du monde écolo-
gique et du monde communiste, forment un lieu de rapprochement entre Verts et
PCF, ce sont : planète, États-Unis, centrales, Tchernobyl et milliards. Cependant,
le vocabulaire spécifique positif, propre aux “politiques”, ne présente pas moins
de termes techniques qui contribuent à créer l’illusion d’objectivité. L’idée est de
faire admettre que les discours s’inscrivent dans la rationalité qui conduit à des
décisions indiscutables. C’est aussi, pour les acteurs politiques, une affaire de légi-
timation du pouvoir. Ils montrent que l’objet du pouvoir est en même temps un
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objet de savoir et de rationalité : scientifique, application, connaissance, question,
recherche (SOC), recherches, conférence, accord (PCF).
La dimension symbolique, exprimée en termes de collectivité, de citoyenneté,
d’éthique, tente d’imposer une identité sociale : environnement, pays, développe-
ment, Tiers-Monde (SOC), planète, pays, Français, États-Unis, environnement,
pauvres (PCF), etc. La dimension pragmatique est perçue en termes d’appré-
ciation, d’évaluation, de qualification : global, scientifique, connaissance (SOC),
nouvelle, climatique, mondial (PCF), la dimension performative, en termes de
conseils, interdictions, invocations : doit, doivent, aider, nécessaire (SOC), néces-
sité, devraient (PCF). Toutes ces références permettent de mettre en écho les mots
qui renvoient à une identité et à une culture communes.
Force est de constater, par exemple, l’absence statistiquement significative des
mots exprimant l’incertitude scientifique (hypothèses fortes, faibles ou moyennes,
la fourchette d’évaluations, scénarios, simulations, etc.).
Contrairement aux partis politiques, B. Lalonde emploie 6 formes communes
avec l’Académie, (niveau, température, couche, variabilité, avons, effort) ; le dis-
cours des « Verts » n’est, quant à lui, concerné par aucun apparentement de spé-
cificités.

L’Académie et les rapports ministériels


Bien qu’ayant vocation à être scientifiques, les discours Martin et AFME n’ont pas
en commun avec l’Académie beaucoup de termes spécifiquement positifs. L’Aca-
démie et le Rapport Martin se partagent 8 formes (forêt(s), climat, sol, change-
ment (sol), noter, CO2, importante, peut-être), l’Académie et l’AFME, 7 formes
(compte, flux, faible, lié (es), CO2, importante, croissance). En revanche, entre
eux, on peut observer un nombre de recoupements de l’ordre de 30 unités : serre,
carbone, fossile(s), stock(s), émission, émissions, an(s), réduction, bois, tonnes,
millions, action(s), importante, CO2, dues, stabilisation, équivalent, utilisation,
100 Dossier : le conflit

référence, agriculture, agricole(s), prévention, connexes, conduit(sent). Le souci


commun de ce couple inséparable (AFME-Martin) sur tous les axes porte visible-
ment sur toutes les formes de l’énergie, ce qui explique que leur langage soit bien
ciblé et non gratuit. On remarquera par ailleurs, ce qui n’est pas un hasard, deux
autres émetteurs politiques utilisant des spécificités positives communes avec
l’AFME : les Socialistes, 9 formes (France, action(s), énergie, énergies, terme, maî-
trise, domaine(s), qualité, économique(s)), et le PCF, 5 formes (planète, États-Unis,
centrales, Tchernobyl, milliards).
L’AFME et Yves Martin, représentant une courroie de transmission entre les
politiques et les scientifiques, font figure de scientifiques à la fois préoccupés par
le grave problème qui menace la société et par l’implication forte dans un secteur
politico-économique (l’énergie).

L’Académie et les indépendants


L’Académie des Sciences et les Amis de la Terre s’accordent sur 30 unités spécifi-
ques : zone(s), eau, mer(s), photosynthèse, niveau, précipitations, réchauffement,
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forêts, plantes, températures, climat(s), climatique, climatiques, régime, océan(s),
doublement, masse, sol, sols, glace, glaces, évaporation, latitudes moyennes,
rétroactions. Cela signifie que la défense de l’environnement présuppose l’usage
de termes relatifs à ce domaine de connaissances.
Les Amis de la Terre et Tazieff font alliance en manipulant en commun 10 for-
mes spécifiques : eau (x), air, élévation, réchauffement, température (sol), glaciai-
res, latitudes, déforestation, plus, surtout. Signalons enfin que Tazieff, malgré son
opposition sur l’axe 3 à l’Académie, partage avec elle 11 formes : eau (x), réchauf-
fement, température, latitudes, augmente, variabilité, variations, lié, CO2, teneur,
surface. Indépendants, ATER et TAZ tiennent un discours éloigné des politiques,
qui s’explique différemment pour chacun. Pour le premier (Samuel), il ne s’agit
pas seulement du fait qu’il soit de formation scientifique, mais aussi, de sa mission
de représentant d’une ONG. Pour le second (Tazieff), il marque sa rupture avec le
monde scientifique dont il n’est pas membre (seule compte pour lui la vulcanolo-
gie) et avec la politique, y compris le rapport Martin et l’institution (AFME) dont
il a été le cofondateur en 1983, en qualité de membre du gouvernement.
Les confrontations des “spécificités” entre les divers vocabulaires en surem-
ploi partagé mettent en évidence une sorte de rôle central joué par le rapport de
l’Académie des Sciences en tant que dispensateur (quoique partiellement) de ter-
mes scientifiques, auquel chaque protagoniste (à l’exception notable des politiques :
Verts, PCF et SOC) semble faire des emprunts différents. Le fonctionnement fré-
quentiel (emploi, répétitivité, mise en avant ou mise en retrait des mots) est donc
variable. Un même thème de réflexion engendre non seulement des discours diver-
gents mais aussi des types de discours, dont les stratégies de communication se
reflètent au niveau des fréquences de vocabulaire. L’outil statistique s’avère effi-
cace pour le repérage de cette typologie de discours.
Un coup d’œil sur quelques termes spécifiques, positifs et négatifs, confirment
les résultats que nous venons d’obtenir : l’Académie privilégie climat, réchauffement,
Les mots de la controverse sur le changement climatique 101

atmosphère, CO2 (specif +) et sous-emploie environnement, énergie, émissions,


serre, CFC (spécif -). L’AFME, au contraire, suremploie énergie, émissions, serre,
France, effet, gaz, carbone, et méthane, et sous-emploie environnement, réchauf-
fement, changement, niveau, climat, atmosphère, ozone et nous. Tazieff n’occulte
pas le mot “réchauffement” (spécif +) mais ceux en rapport avec les causes avan-
cées (émissions, énergie, carbone, changement : spécif -), ainsi que les termes à
caractère politique (environnement, pays et France). Le langage polémique (de
type ne, pas, n’, plus) n’est, en revanche, pas spécifique négatif ; ce qui confirme la
place de cet émetteur sur les axes. Les locuteurs politiques attribuent une spécifi-
cité négative à : gaz (SOC, Verts, Lalonde), effet et serre (SOC, PCF, Lalonde) mais
ils ont la particularité de parler de : nous (Lalonde, SOC), pays (PCF, SOC), ozone
(RPR), développement (SOC) et environnement (RPR, SOC, PCF, Lalonde). Le
parti au pouvoir insiste sur : nous, notre, pays, France, politique, environnement,
développement, aujourd’hui, être, faut, et sous-emploie : réchauffement, tempé-
rature, effet, serre, émissions, gaz, CO2, carbone, CFC, méthane, augmentation,
an, ans, niveau eau, millions, tonnes, etc. Tous ces emplois négatifs confirment les
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résultats de nos analyses.

En conclusion, les conflits exposés dans la présente recherche montrent que


ces derniers ne relèvent pas seulement d’une controverse classique entre les scien-
tifiques, mais aussi de polémiques renvoyant à des considérations économiques,
sociales, politiques, etc. L’approche statistique du vocabulaire a permis de voir
que les partis politiques ne s’opposent pas entre eux, mais ils forment ensemble
un bloc qui fait clivage avec les scientifiques. Au sein du discours scientifique lui-
même s’est dégagée une opposition entre le discours académique et le discours
polémique. La scission ne consiste pas tant dans des querelles d’Écoles que dans
des options politiques sous-jacentes : l’AFME et Martin soutiennent le parti au
pouvoir en matière de “maîtrise” de l’énergie, ATER et Tazieff défendent, chacun
à sa manière, des positions d’opposants contre la politique environnementale ou
contre les politiciens “apprentis-sorciers”. Enfin, la politique au sens classique du
terme (droite / gauche) disparaît au profit d’une politique plus “savante” qui donne
une apparence de dépolitisation.

Lamria Chetouani
IUFM de Bretagne – CREAD
102 Dossier : le conflit

Annexe 1 : Présentation et références bibliographiques du corpus


Pour chaque sous-corpus (cf. sigles entre parenthèses) correspondent un certain
nombre de locuteurs (1, 2, etc.), un nombre d’occurrences (occ) et un nombre de
mots (F). Voici la liste complète des textes du corpus :
1 (ATER) : Les Amis de la Terre (6553 occ et 1801 F) : 1) Pierre Samuel, L’Ef-
fet de serre, Paris, Entente, 1990 ; 2) Id., « Énergie et santé », Les Cahiers de la
SIRES (Société internationale de recherche sur l’environnement et la santé), no 20,
avril 1989.
2 (RPR) : La Droite (5976 occ et 1740 F) : 1) Michel Barnier, Chacun pour
tous, Paris, Stock, 1990 ; 2) Id., Politique de l’Environnement, Rapport de l’As-
semblée nationale, 1990 ; 3) Robert Galley, Les Effets des chlorofluorocarbures sur
l’environnement et les moyens de supprimer ou de limiter leurs émissions, Rapport
de l’Assemblée nationale, no 1573, Sénat, no 462, juillet 1990 ; 4) André Giraud,
« Géopolitique et énergies au XXIe siècle », in Conférence mondiale de l’énergie, 14e
congrès, Montréal, 17-22 septembre 1990.
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3 (ACAD) : Académie des Sciences (6617 occ et 1713 F) : 1) Rapport de l’Aca-
démie des Sciences sur l’effet de serre : L’Effet de serre et ses conséquences climati-
ques. Évaluation scientifique, Paris, 1990 (Sommaire) ; 2) Rapport de l’Académie
des Sciences sur l’effet de serre : les conséquences (p. 118 sq.), idem.
4 (SOC) : Les Socialistes (8140 occ et 2142 F) : 1) Pierre Brana, Maîtriser l’éner-
gie, un enjeu des années 1990, Rapport de l’Assemblée nationale, Paris, La Docu-
mentation française, juin 1989 ; 2) Laurent Fabius, « Cinq commandements pour
le futur », in Pollution, atmosphère et climat (Actes du colloque de Lassay), Paris,
Larousse, 1989, p. 136-141 ; 3) Michel Rocard, 2e conférence mondiale sur le climat,
Genève, 6 novembre 1990 ; 4) Paul Quiles, Conclusion de « L’état de la question »,
in Pollution, atmosphère et climat (Actes du colloque de Lassay), Paris, Larousse,
1989, p. 62-70.
5 (VERTS) : Les Verts (5861 occ et 1955 F) : 1) Christian Brodhag, dans Les
Annales des Mines, mars 1990 ; 2) Antoine Waechter, Dessine-moi une planète,
Paris, Albin Michel, 1990 ; 3) Antoine Waechter, « Interview », Euro-fac, no 1,
novembre 1990.
6 (MART) : Rapport MARTIN (8540 occ et 1886 F) : 1) Yves Martin (dir.),
Rapport du Groupe interministériel sur l’effet de serre, novembre 1990 ; 2) Id.,
« Annexes ».
7 (PCF) : Parti communiste (5956 occ et 1791 F) : 1) Jean Defait, L’Humanité,
3 janvier et 7 mars 1989, et 20 avril et 31 octobre 1990 ; 2) Sylvie Mayer, Parti pris
pour l’écologie, Paris, Messidor – Éditions sociales, 1990, p. 135-151.
8 (TAZ) : Tazieff (3675 occ et 1178 F) : 1) Haroun Tazieff, La Terre va-t-elle ces-
ser de tourner ?, Paris, Seghers, 1989 ; 2) Id., « Citoyens, têtes de mules ! », in Écolo-
gie et Pouvoir, Paris, La Documentation française, 1990, p. 130-131.
9 (AFME) : Agence française pour la maîtrise de l’énergie (6451 occ et 1453
F) : 1) Philippe Chartier, « La biomasse : des chocs pétroliers à l’effet de serre », Futu-
ribles, no 10, 1991 ; 2) Philippe Chartier, François Moisan, Denis Savanne, Prévention
Les mots de la controverse sur le changement climatique 103

des émissions de gaz à effet de serre en France : à l’horizon 2010. La priorité ne réside
pas seulement dans le domaine de l’énergie, Paris, AFME, 1990.
10 (LAL) : Brice Lalonde (5461 occ et 1461 F) : 1) Brice Lalonde : Extraits du
« Plan national de l’Environnement », supplément d’Environnement actualité,
no 122, septembre 1990 ; 2) Id., Extrait de la conclusion du colloque de Lassay, Pol-
lution, atmosphère et climat, Paris, Larousse, 1989.

Annexe 2

INS. 6 - LISTE (LECTURE DU TABLEAU DES DONNÉES - A,F) :


LISTE IDEN(1) ATER(2) RPR(3) ACAD(4) SOC(5) VERTS(6)
MART(7) PCF (8) TAZ (9) AFME(10) LAL

VALEUR PROPRE! POURC! CUMUL !VARIAT


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! 2 !16296 ! 15.563! 15.563!*******!*!***************!************!
! 3 !15756 ! 15.048! 30.611! .515!*!***************!************
! 4 !12175 ! 11.627! 42.238! 3.421!*!***************!*****
! 5 !10824 ! 10.337! 52.575! 1.290!*!***************!****
! 6 !10594 ! 10.118! 62.693! .219!*!***************!****
! 7 !10155 ! 9.699! 72.392! .419!*!***************!***
! 8 !09889 ! 9.444! 81.836! .255!*!***************!***
! 9 !09713 ! 9.276! 91.112! .168!*!***************!***
! 10 !09307 ! 8.888!100.000! .388!*!***************!**
----------------------------------------------------

HISTOGRAMME DES VALEURS PROPRES

! J1 ! QLT POID INR! 1#F COR CTR! 2#F COR CTR! 3#F COR CTR!
---------------------------------------------------------------------
1!ATER!1000 103 99! -117 14 9! -482 232 152! 57 3 3!
2!DRTE!1000 95 86! 30 1 1! -88 8 5! 14 0 0!
3!ACAD!1000 105 115! -435 165 123! -677 400 307! -486 206 204!
4!SOC.!1000 128 99! 491 300 190! 190 45 29! -323 130 110!
5!VERT!1000 89 91! 312 91 53! -82 6 4! -18 0 0!
6!MART!1000 138 99! -506 341 216! 267 95 62! 111 16 14!
7!PCF !1000 93 87! 310 99 55! 99 10 6! -19 0 0!
8!TAZF!1000 57 113! 379 69 50! -545 143 107! 1151 636 618!
9!AFME!1000 105 110! -543 266 189! 608 334 245! 200 36 34!
10!LALO!1000 87 102! 463 176 115! 387 123 83! -147 18 15!
---------------------------------------------------------------------
! ! 1000! 1000! 1000! 1000!
---------------------------------------------------------------------

Tableau 1 : Analyses des correspondances


104 Dossier : le conflit

NOMBRE DE POINTS : 10
==ÉCHELLE : 4 CARACTÈRE(S) = .057 1 LIGNE = .024
AFME--------------------------------+-----------------------------------+ 0 01
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© Presses universitaires de Caen | Téléchargé le 04/01/2023 sur www.cairn.info par Claudia Toma (IP: 89.137.229.231)

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Tableau 2

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