Avant-propos
Laelith,
poursuivre le rêve !
Proposer cette Laelith, c’est avant tout taper dans la main
des ados que nous étions, qui ont rêvé et joué dans la ville
mystique quelques-uns de leurs plus beaux souvenirs de
rôlistes. Voir leurs sourires satisfaits et admiratifs est une
récompense en soi.
Cette nouvelle version de la ville culte du JdR français est
au départ un fantasme de lecteur, de joueur, de MJ. Pour être
plus précis, vous avez entre les mains une fenêtre ouverte sur
les neurones, pontiques et thalamiques – oui, ceux activés
dans le cerveau lors des rêves – de David Burckle, le boss de
Black Book Editions. Dès la sortie en 2006 de Ptolus, City by
the Spire, la ville-univers-campagne développée par Monte
Cook pour préparer et tester le travail préalable à la sortie
de la troisième édition de Dungeons & Dragons, la claque de
la découverte de ce béhémoth de 680 pages d’une qualité ex-
ceptionnelle laisse rapidement place à une idée folle : “Voilà
le format que mériterait notre Laelith nationale !”
Le luxe, la richesse, la méthode et le design américains au
service de la french touch inimitable du “donj’ sauce cocorico”.
Une ambition folle, surtout à l’époque pour un éditeur qui va
connaître une première décennie de survie digne d’un film
d’horreur. Mais en dépit des difficultés du quotidien, le dé-
sir de retour dans la ville du Roi-Dieu ne s’est jamais éteint.
Dès 2009 au salon Le monde du jeu, les premières discussions
concrètes ont lieu avec Didier Guiserix.
La reprise du titre Casus Belli à la fin 2011 fait basculer le
projet dans le champ du possible. La volonté forte d’associer
à nouveau au titre emblématique toutes les générations de
rôlistes, d’auteurs, de créateurs permet de rétablir le contact
avec de nombreux grands anciens. Et l’oeil des vénérables
se teinte peu à peu d’une chaleur bienveillante vis-à-vis des
petits nouveaux. De fil en aiguille, David mène un travail de
fourmi pour retrouver chacun des contributeurs de l’oeuvre
collective et obtenir leur accord pour offrir à la cité du Roi-
Dieu l’écrin de nos rêves.
À partir de 2014, la stabilité acquise par BBE laisse en-
visager sérieusement la mise sur l’ouvrage d’une réédition
très augmentée de Laelith. Le travail concret démarre. Une
2
illustratrice en début de carrière mais ultra-douée, envo-
lée depuis sous d’autres cieux bien plus rémunérateurs,
tombe sous le charme inimitable de la ville, et consacre trois
mois à croquer la cité et ses habitants. La première pierre.
L’architecture globale du livre principal et sa conceptuali-
sation – l’organisation des terrasses, l’intention de donner
un maximum de matière prête-à-jouer notamment – sont
là encore déjà très avancées. De nombreux auteurs, parmi
les historiques de la rédaction Casus, les premiers bâtisseurs
de Laelith, ainsi que la nouvelle génération ayant grandi aux
écrits des premiers, fringants et débordant d’enthousiasme,
sont dans les starting-blocks. Il manque un chef d’orchestre
pour accorder les violons, assurer le tempo et la cohérence
de la partition.
Le choix de Jean-Marie Noël est évident. Il était aux ma-
nettes du Hors-série N°2 de Casus consacré à Laelith, il a ac-
cepté de prendre les rênes de cet attelage fou une seconde
fois. Sa connaissance des moindres recoins de la ville, son
enthousiasme, son adhésion au projet que nous avions es-
quissé et son expérience ont été autant d’atouts précieux.
Sa présence a également permis à notre équipe en interne
de batailler l’esprit plus serein avec d’autres projets mons-
trueux (vous connaissez Pavillon Noir et Héros & Dragons ?).
À l’échelle de notre société, les moyens déployés pour mener
à bien le défi posé par Laelith, que ce soit au niveau de la
préparation du projet ou de son exécution à travers les tarifs
proposés à nos différents collaborateurs qui mériteraient
pourtant bien plus, en disent long sur la motivation et l’atta-
chement à Laelith.
La précommande participative particulièrement réussie
a validé les options choisies tout au long du parcours. Le
rendu de ce projet marque d’une pierre blanche une étape
importante dans le parcours de BBE. Il s’agit surtout d’un
rêve de gosse réalisé.
On espère maintenant qu’il va permettre à d’autres de
rêver...
Toute l’équipe de Black Book Editions
 Le quatre fois saint Nin 1er,
un an après l'Offertoire,
Laelith
contemple 3
sa ville et s’interroge :
« Est-ce que je connais vraiment Laelith ? »
 Laelith :
suite et… commencement !
“Plaît-il ? Mais bien sûr que ça a été mon idée pre- Ça y est.
mière ! Quand JM-MJ m’a dit qu’on retournait en- C’est terminé.
semble à Laelith, j’ai de suite pensé qu’il fallait l’interner Crayons, lunettes, stylos, cerveau, souris, yeux, ordo…
immédiatement dans le plus proche hôpital psychia- Tout est au repos.
trique. Ou alors au Lazaret.”
Oëmerin le Naja
Quelle aventure, nom d’un Roidiou !
“Lorsque j’ai appris qu’il me fallait quitter la Flore Démarrée en avril 2016 pour moi et pour vous, bouclée
des Vents pour la Ville sainte, j’ai été pris de tremble- aujourd’hui avec ce que vous tenez dans les mains.
ments. Etait-ce prémonitoire ?”
Afin que vous appréhendiez un peu le colossal travail que
Esope Ragouline
ce projet a représenté pour toutes celles et tous ceux qui y
“Moi, j’ai vu ça comme une magnifique opportunité.” ont participé, je vous donne quelques chiffres :
Quiévine d’Esprées • une gamme, prévue sur 500 pages, qui passe rapidement à
750 puis 900 et termine à plus de 1 000 ;
• 30 rédacteurs, livre de base et annexes confondus, pour
environ quatre millions de caractères ;
• 12 illustrateurs, livre de base et annexes confondus, pour
plus de deux cent cinquante illustrations, cartes ou plans ;
• près de 5 492 messages échangés sur le forum dédié à
l’équipe de conception à comparer au nombre de ceux sur
L’ookhab, vu par Tignous.
le forum de la précommande) ;
• plus de 5 500 mails (reçus ou envoyés) sur mes boîtes per-
sos dédiées au projet.
Mais ce qui est important à garder en tête, c’est l’énergie
que chacun a investi pour faire de cette nouvelle Laelith un
évènement sans commune mesure dans l’univers du jeu de
rôle français :
• d’abord la team BBE-Casus, qui a eu la folle idée de se
lancer dans ce projet pharaonique. Qu’ils en soient ici
remerciés ;
• puis vous, qui avez plébiscité massivement cette folie au
cours d’une précommande participative d’anthologie :
plus de mille participants, des paliers tous conquis, du
suspense jusqu’à la dernière heure pour atteindre l’ultime
Graal… Un énorme succès ;
• ensuite, l’équipe de rédaction : des fous furieux, super in-
vestis, tous fans de la Ville sainte, tous désireux d’en faire
toujours plus, avec l’humour pince-sans-rire de l’un, l’en-
thousiasme communicatif de l’autre, la réactivité de ce-
lui-là, la faconde de celui-ci ;

4
 Le Lithoracle, vu par Enki Bilal.

• les illustrateurs aussi : tous de belles et bonnes recrues

pour venir compléter les très nombreuses illustrations de
Tan Burci ;
• et puis moi, en charge de ces 42 bougres, à graisser un
rouage ici, rédiger un texte là, coordonner deux idées par-
ci, cartographier par-là.
Jusqu’où serons-nous allés dans cette affaire ? Loin !
Jusqu’à déterrer Tycho Brahé pour vérifier que son taux de
mercure dans les urines avait bien causé sa mort, tout cela
afin qu’un Roi-Dieu meure bien comme il faut ! Jusqu’à
truffer nos textes de références historiques, cinématogra-
phiques et littéraires, comme s’il en drachait un jour de fort
saghiann : La Divine Comédie, Excalibur, Henri Lecoq, Bilbo le
hobbit, Dark Crystal, Denis Vrain-Lucas, le Cycle de Terremer,
Ghostbuster, Élisabeth Báthory, le Cycle de Dune, Demolition
Man, François de Monville, Les Annales du Disque-monde,
Sacré Graal, Vin Diesel, Ptolus, Die Hard, Steve Howe… et
bien d’autres encore.

Maintenant, que dire de plus ?

L’eau de l’Inlam se remet à couler sous le pont des Pêcheurs
et j’en suis le premier ébahi. Bien sûr, elle n’a jamais cessé
de gronder au fond de la Faille mais ses spectateurs étaient
peut-être de moins en moins nombreux.
Et voilà qu’au moins mille trente-trois nouveaux pèlerins
viennent de sortir du Lazaret ! Le Roi-Dieu et les temples en
sont heureux.
Nous aussi.
Alors, la team BBE-Casus, l’équipe dédiée au projet et
moi-même vous souhaitons de très belles et longues heures
de jeu à arpenter les échelles de la Cité sainte.
Car quand vous aurez tourné cette page, Laelith ne sera
plus la nôtre : elle sera entièrement à vous et vous pourrez la
faire vivre encore plus fort, à votre manière !
Jean-Marie “JM-MJ” Noël

Hommage
Le magazine Casus Belli, dès sa première génération, a eu
Enki Bilal
la chance de travailler avec des créateurs de talent. La team
On lui doit la vision du Lithoracle en collaboration avec
BBE-Casus et l’équipe de rédaction de la nouvelle Laelith
Pierre Rosenthal.
tenaient à rendre hommage à trois d’entre eux, qui ont col-
laboré au CB n° 35 de 1986 ou au hors-série n°2 de 1990.
Frédéric Bassot
Tignous Il est l’auteur de la gigantesque maquette en volume du
quartier Basse-Eau, dans la terrasse du Nuage. Avec la mul-
Il a dessiné l’utruz et trois animaux emblématiques de la
titude de détails qu’il a glissés dans son diorama, il a fait rê-
ville : le doudilain, le shedras et l’ookhab. L’ookhab est un
ver beaucoup de joueurs et de maîtres de jeu, rendant ainsi
animal opiniâtre, puissant, courageux et qui peut enquiller
Laelith plus vivante. C’est un peu grâce à lui que Jean-Marie
des charges qu’on n’imaginerait pas portables. Et il ne
Noël s’est lancé dans l’aventure du polystyrène extrudé et a
lâche rien, l’animal ! Certains le mésestiment parce qu’ils le
apporté sa petite pierre à l’édifice dans le livret de l’impasse
trouvent vulgaire. D’autres ont bien remarqué qu’il sait se
de l’Arbre de Tulé.
moquer de celui qui croit le cornaquer. Est-ce un hasard ?
En tout cas, nous, on dit : « Respect. »

Laelith 5
 Table des matières

Table des matières

Laelith, poursuivre le rêve ! 2 La ville 44
Laelith : suite et… commencement ! 4 Ses dimensions 44
Hommage5 L’urbanisation et l’architecture 44
La voirie 44
Mode d’emploi 12 Les déplacements 45
Le livre principal 12 Traverser la Faille 45
La gamme 12 La collecte des déchets 46
Est-il possible de commencer à jouer sans tout lire ? 13 Travailler  47
Vue générale de la cité 14 Monnayer ses talents 47
Boire et manger  48
Laelith, la ville mystique 17 Les produits de première nécessité
Les autres denrées
48
48
Trois voyageurs à l’unisson 18 Les établissements 49
Trois voies pour Laelith 20 Dormir et s’amuser  49
Une cité sainte 20 Où dormir ? 49
Un temple du commerce 20 Où s’amuser ? 51
Un camp de base pour aventuriers 20 S’informer53
Un peu d’histoire 22 Les sources 53
Il y a longtemps 22 Paraître 54
Il y a peu 23
Garde-robe et savoir-vivre 54
De nos jours 24
La chute 56
Laelith, aujourd’hui 25
Histoire des Rois-Dieux 58
La situation géographique 25
Les conditions climatiques 25 Les origines 58
Les alentours  25 Un homme choisi par les Dieux 58
La ville  26 De Mandala Ier à Nin Ier 59
Les denrées alimentaires 28 Charges et pouvoirs 63
Les autres ressources 28 Un souverain d’origine divine 63
La circulation des marchandises 29 Les pouvoirs du Roi-Dieu 63
Fonctionnement et rouages 30 Vie et mort du Roi-Dieu 64
Le Roi-Dieu 30 La cérémonie funéraire 64
Nin Ier 30 Le Roi-Dieu est mort, vive le Roi-Dieu ! 65
Les cercles de pouvoir 31 L’avènement de Nin Ier 65
Les instances annexes 31
Les institutions religieuses 31 Vie quotidienne 66
Les institutions judiciaires 32 La journée d’un Roi-Dieu 66
Les forces armées 33 Aux portes du palais 69
Les groupuscules officieux 35 La demeure royale-divine 69
Trois voyageurs dispersés 36 Premier contact 72
Arriver à Laelith  39 Les Lithos 74
Qui se rend en ville ? 39 Les anticorps de Laelith 74
Quelle route emprunter ? 39 De la localisation des Lithos 76
Quel moyen de locomotion ? 40 L’hypothèse « interface » 79
Au pied des murs 40 Laelith, vue isométrique 80
Passer les portes  41
Les formalités 41
Vivre à Laelith 42 La Main qui travaille 81
La population 42
Un creuset de diversité 43 Lieux d’intérêt 84
Des particularismes 43 Itinéraire conseillé 86

6
 Arriver jusqu’aux portes 86 Jalousie professionnelle 127
Le poumon de la cité 87 Méfiez-vous des imitations 127
Le Lazaret 90 L’Escroc gourmet 127
Un établissement exemplaire 90 La Main qui Travaille, vue isométrique 128
Un état-major d’élite 92
Le palais de l’Eau lustrale
Une maison de bains
94
94
La Chaussée du lac 129
Le directeur 94 Lieux d’intérêt 132
Le personnel 95
Itinéraire conseillé 134
La Haute Guilde 96 Le long des berges du lac 134
Import, export : une institution toute-puissante 96 Le quartier nord, l’armée et les écuries 136
Comptables et religieux : un mariage de raison 97 La flotte royale-divine 137
Le siège de la Haute Guilde : au cœur du pouvoir 97
Les Pontons de Maucastel 138
Le monastère de l’Ultime Flamboyance 100 L’histoire du castel de Sambre 138
Là où brûlent les morts 100 Le village des Flottants 139
Un petit Oiseau de feu 100 Quelques habitants 139
Bienvenue au monastère 100 Quelques bateaux 140
Les adeptes de Pyrodrac Les crieurs et le passeur 141
et l’archiflamme Erythros XXIV 101
La Maison des mille fleurs 142
Portraits d’artisans 102
Un établissement de qualité 142
Forberg l’Ancien, reliquaire 102 Visite des lieux 142
Maître Phaëstos, armurier 103
Maître Ralis, tailleur 103
La corporation des Portefaix 144
Maîtresse Bess Tifoud, restauratrice 104 Livraison express 144
Anonyme, homme de bât 104 Quelle concurrence ? 146
Grades et fonctionnement 146
Gare au schlougga ! 105
Un tandem de porteurs 147
Liesse et ferveur 106
Les Méduses 148
La fête du Soleil d’or 106
Une ligue de tempérance 148
La fête des Pèlerins 107
Être une Méduse, c’est nettoyer Laelith 149
A l’échoppe de la Main 108
Petits métiers 150
La Sainte Torche de Mandala 108
Tatoueur 150
L’Orgue splendide de Koshro 109
Fabricant de colle 150
Deux armes mystérieuses 109
Cache-misère de commodité ambulant 151
Pathologies, fièvres et langueurs 110 Zéférino Maialen, berger de libellules 152
La faillite 110 L’aqua alta de la lune rousse 153
La salfaye 110
La théobasilophobie 111 Fêtes profanes, fête sacrée 154
La sombre langueur 111 La course annuelle des portefaix 154
La laelithite 111 La fête du Filet à provisions 154
Le Feu de l’Amour 112 La bénédiction des pêcheurs 155

Un réveil en fanfare 113 A l’échoppe de la Chaussée 156

Meurtre en chambre close 114 Bateau de parchemin 156
Une veuve éplorée et un bureau fermé 115 Pierres lumineuses 156
Ce qui s’est passé la nuit du crime 119 Tatouages magiques temporaires 156
Un abbé très préoccupé 119 Cape elfique urbaine 156
Ranimer le Feu 120 Arc lanceur de flèches d’eau 158
Une fausse piste qu’il faut suivre 121 Arbalète subaquatique 158
Le masque d’Infero 122 Armure de plongée en peau de poisson 158
Bienvenue dans le Cloaque 122 Amulettes de protection 158
Pour finir 123 Les perles des Cordonniers 159
Idées d’aventures 124 Accident de Parcours 160
Insoupçonnable 124 Course des portefaix de l’an 0 du règne de Nin Ier 161
En quarantaine 125 Explosion sur le trajet 161
La Main qui travaille… trop 126 Que s’est-il passé ? 162
Une main ne suffit pas 126 Premières constatations,
Tueurs sans gages 126 première enquête et premières pistes 162

Laelith 7
 Les truands 163 L’affaire du gnome disparu 208
Le barda manquant 164 Un petit-déjeuner presque tranquille 209
Interroger la Méduse 164 Oraison matinale 209
Explorer le trou  165 Le docteur Quatreponts cherche de l’aide 210
Tendre l’oreille 166 La partie commence ! 210
Rapporter le colis 167 Ce qu’il se trame 211
Investiguer du côté de la corpo 167 Alliés et obstacles 213
Revendre le contenu du barda 169 La vague 214
Aller sur les Pontons 170 La riposte du culte 215
Quitter la ville avec le magot 171 Vaincre l’Antilithe 219
Rencontrer Bernys 171
La traversée de Laelith 172 Idées d’aventures 220
De retour à l’auberge 172 La Prospérité, vue isométrique 224
Et la course alors ? 172
Idées d’aventures
Chantier interdit au public
173
173
Le Nuage225
Le chant des Mille Fleurs 173
Lieux d’intérêt 228
La Chaussée du lac,vue isométrique 176 Itinéraire conseillé 230
La terrasse aux trois strates 230
La Prospérité177 Savoirs polychromes
Touches d’ailleurs
230
230
Lieux d’intérêt 180 Strate du Plafond bas 230
Strate des brumes 233
Itinéraire conseillé 182 Strate de la Blanche Chaussée 233
Flânerie d’un amoureux du quartier 182
L’Université matérialiste universelle
L’Académie royale-divine du bel art 186 et sa bibliothèque 234
Nadayat le Précieux, ami des arts 186 Un temple du savoir 234
Derrière le rideau de scène 186 De la croyance au matérialisme 234
Des origines de la guilde 187 L’Université matérialiste universelle 234
Le Grand Théâtre royal-divin  190 La Bibliothèque matérialiste universelle 237
Un imposant édifice 190 La Colombe 238
Une programmation éclectique et mystique 190 La guilde des Ménestrels 238
Le culte du Sans-Nom 192 Les moulins à paroles 238
La maison 238
Son-Tô, l’hérésiarque 192
Le maître-plan 193 Le contingent de ville et le poste de la Perle 240
Sylvira Songthorn, Antidéesse 193 Le fonctionnement du contingent de ville 240
Le culte de nos jours 194 La Perle, poste principal du Nuage 241
Les Irréguliers de l’échelle des Boulangers 196 La Langue coupée 244
La valeur n’attend pas le nombre des années 196 Une guilde de voleurs 244
Quelques Irréguliers 196 Si ancienne… 244
La courtisane 198 Une façade honnête 245
Un sous-sol voilé 245
Le jour et la nuit 198
Le saint-poète voyageur 200 Rédacteur à la Gazette de Laelith 246
Adieu Salammatin 246
Route et discours 200
Toujours vivant 246
La légende fondatrice du Grand Théâtre 201 Travailler à la Gazette 246
Festival, foire et fleurs 202 Les rubriques qui recrutent 246
Le marché aux fleurs 202 Restaurateur au Nuage 248
Le jour de la parole 203 Le combat des chefs 248
Le Festival des affranchis 203 Le métier 248
Les braderies 203
Un triste tableau 249
à l’échoppe de la Prospérité 204
Festivités en toute discrétion 250
Sur le Grand Marché 204
Le Bal des volants 250
Histoires de vendeurs 204
L’épiphonie250
Où boire un coup : pubs, taberges et bistrots 205
La Bourse 251
Maximes au fronton 206
La foire aux horreurs 251
La passion cachée de Nadayat le Précieux 207

8
A l’échoppe du Nuage 252 A l’échoppe du Châtiment 302
De la réalité des mythes, tomes I et II 252 Abus dangereux pour la santé mentale 302
Le masque de jeunesse 252 Aux plaisirs de Rebelote 303
L’étendard de heurts 252 Port du casque obligatoire 304
Les carillons de brume 254
Acte I : Une soirée inattendue 305
Le Marché des locations 254
Acte II : Pour cent briques, t’as plus rien 307
Soleil vert 254
Acte III : Les Cavaliers d’Urs 312
Pluie de rouille 254
La serre 254 Idées d’aventures 317
Le parfum des précieuses 255 Le Châtiment, vue isométrique 320
Les poches de peau 255
Une odeur de sainteté 255
Un plat en travers de la gorge 256 La Haute Terrasse321
Gros titres 257
La maison Détropier 257 Lieux d’intérêt 324
Les autres « enquêteurs » 258 Itinéraire conseillé 326
Le fin mot de l’histoire 260 La montée des marches 326
Acte I : Les lieux de l’enquête 261
Acte II : Le temple du Nuage 265
Le quartier de la Loi et le faubourg Glauque 330
Acte III : La Table Vofoli 267 Des juges et des lois 330
Épilogue268 Les Pics des Mages  334
Idées d’aventures 269 Les trois Tours 334
Mur du Savoir, désespoir 269 Le pic Aveugle 334
Lâchez les fauves ! 269 Le Conseil respectueux 336
Invasion Laelith 270
Héritage du passé… 336
Poupée bigearre 270
Siège et organisation 337
Dur d’oublier 271
Crise de vocation 271 La Société savante de l’hôtel de Guerlas 340
Le Nuage, vue isométrique 272 Salon de dame 340
Le courtisan 342

Le Châtiment273 L’art des courbettes

Monteur de shedras
342
344
Lieux d’intérêt 276 Vue d’en haut 344
Itinéraire (dé)conseillé 278 Les caryatides vivantes 345
Raison et châtiments 278 Sensations fortes 346
Le temple des Anciens 282 Mise à mort sur la place des Exécutions 346
La Foire aux enchantements 347
Les ajournés du patrimoine 282
La taberge du Damne-Gosier 285 A l’échoppe de la Haute Terrasse 348
Le pectoral de la Juste Déambulation 348
Cuisine et dépendances 285
La badine nobiliaire 348
Les artisans de la Reconquête 287 Le mur de Tronchu Grandepalette  348
Héros et escrocs 287 Deux mystères 350
Les obstacles 287
La sombre langueur 350
Les Porte-ténèbres 290 Les Tours-faisceaux 351
Et tous souffriront… 290 Funestes projets 352
Le sosiste 292 Lamb tend un piège 353
Adepte de faux-semblants 292 Le rêve de Trevelian 353
La diseuse de malheur 293 Un job facile et bien payé… 355
L’équipe de Fullert 355
Toute vérité n’est pas bonne à dire 293 Les pilleurs de trésors 357
A corps perdu ! 294 La disparition de Zeltor 358
Et vogue la galère 299 Causette et fumette 358
La maison du Désespoir 359
On va bien s’marrer ! 300 Trevelian passe à l’action 360
Jours de fête 300 Massacres en série 361
Les reliques des Trois Nourrices 301 Balade aérienne… 363

Laelith 9
 Idées d’aventures
La Haute Terrasse, vue isométrique
365
368
Les Temples417
Le syncrétisme laelithien 420
Le Cloaque369 La mythologie
La réalité
420
420
La répartition des fonctions 421
Dans la cour des grands 374
L’orthodoxie 422
Itinéraire (dé)conseillé 378 L’orthopraxie 422
Sous les pavés… 378 Les rites funéraires 423
… les profondeurs 379
Le Poisson d’argent : l’immersion 423
Quelques lieux atypiques 380
L’Oiseau de feu : la crémation 423
Le palais de l’empereur-démon 382 Le Crâne : l’enfouissement au Profond Reposoir 423
Une résidence souterraine 382 Le Nuage : le desséchement à l’air libre 423
Des origines obscures 382 Le Temple du Crâne 424
Un dédale inaccessible 383
Présentation du Crâne 424
Le centre du pouvoir 383
Plan du temple du Crâne 426
Les zones du palais 385
Hiérarchie et confréries 428
Le temple de la Taupe 386 Rites et cérémonies 429
Sombre pèlerinage 386 Le verbe et le fer 430
Sous le Crâne 386 Filiales et annexes 431
La hiérarchie  386 Valdenath, grand prêtre 431
La tête de la Taupe 387 Portraits de croyants 432
Les Fils du dessous 388 Le Temple du Nuage 434
Un territoire vaste et étendu 388 Présentation du Nuage 434
Des rentrées d’argent importantes 389 Plan du Temple du Nuage 436
Une organisation hiérarchisée 389 Aperçu historique 438
Un système de communication élaboré 390 Hiérarchie et collèges 438
Le patriarche 390 Clergé et liturgies 440
L’ombre derrière le père 391 Inamaka Mahpyua, grande prêtresse 442
La Cour des miracles 392 Portraits de croyants 443

Donne-moi tes masses innombrables… 392 Le Temple de l’Oiseau de feu 444

Étrange et mystérieuse genèse 393 Présentation de l’Oiseau de feu 444
Jamais au même endroit 393 Plan du Temple de l’Oiseau de feu 446
Une hiérarchie informelle 393 Les factions 448
Les racleurs 394 Les débats rituels 450
Les filiales et annexes 450
Notre métier, votre sécurité 394 Les Foyers 451
Une journée dans la Racle 394 A la tête de l’Oiseau de feu 452
On est mal payés ma bonne dame 394
Le Temple du Poisson d’argent 454
Les antopographes 396
Présentation du Poisson d’argent 454
Les cartographes du Cloaque 396 Plan du Temple du Poisson d’argent 458
Les Réformés 397 La philosophie de l’eau 460
Les Jeux du dessous 398 La hiérarchie  460
A la tête du Poisson d’argent 462
Descendre dans l’arène 398
La pelote des égarés 399
Un fil d’Ariane 399 Le Hors-Ville465
Les yeux noirs 400 Journal de bord du Fier Jadis 466
Car la belle aimait une bête 402 Le Hors-ville proche 468
Approches possibles 403 L’Inlam 468
Au Poisson qui flotte 403 Les Cheveux de la déesse 470
Une mission classique 404 La falaise de Vorn 471
Acte I : Une enquête discrète 404 Le village utruz 473
Acte II : Jusqu’au cœur du Cloaque 408
Le Hors-ville voisin 478
Idées d’aventures 413
Présentation 478
Diplomatie et politique 478

10
 Le lac d’Altalith 479 Les secrets de la Chaussée de lac 522
Le Pier de Braïtonne  484 Les Pontons 522
Le Pays fort  485 Entre les Pontons et le Roi-Dieu,
L’aire du Creux  485 une question de franchise 522
Phlocal  486 Les Mille Fleurs 522
Massagettes  487 L’enfer des taxes et impôts du Poisson d’argent 522
Muïck  487
Coraz et Souleÿna  487 Les secrets de la Prospérité 523
La source de Garémond  490 L’épée de Carmine 523
La Divine Écluse  490 De la véritable nature des saints-poètes voyageurs 523
Aziliane  492 L’Antilithe : le pouvoir derrière le culte 523
Bental  493 Les secrets du Nuage 524
Psaltié-du-haut  495
Les êtres-brouillard 524
Psaltié-du-bas  495
Vrai-Lucasse, châles de prestige 524
Howe  495
Le vieil homme 524
Isk  496
La route des Confins  496 Les secrets du Châtiment 525
Le marais des Languissants  496 Les secrets de la Haute Terrasse 527
La route du Long Détour  500
Le pic Aveugle 527
Termoral  500
Le désert de scories 527
Le temple d’Altalith  500
Les secrets du Cloaque 529
Le Hors-ville lointain ou les Six Provinces 502
Le maître du Cloaque 529
Le Matriarcat d’Olizya 502
La Cour des miracles 530
La Baronnie de Kaoca 503
La Marche d’Azilian 505 Les secrets des Temples 531
Le Grand-Duché d’Agramor 505 La litholyse 531
La Fédération des Comtés d’Egonzasthan 506 Maothoustra l’Hérésiarque 531
Les Jardins de Jadhys 507 La Brigade spirituelle 531
Aventures sur le lac 508 Alchimie et longévité 532
Inlam508 Les secrets des Hors-ville 533
Altalith508 Les rifts 533
Coraz509 Le Pays fort 534
Marais des Languissants  510 L’Inlam 534
Phlocal, le Pays fort  510 Le marais des Languissants 534
La Divine Écluse  510 Les Utruz 535
Bental  510
Les Six Provinces  511
Derniers mots537
Les secrets 513 Souvenirs et intentions sur Laelith 538
Ma Laelith à moi 542
Les secrets du Roi-Dieu 514
La carte 543
Le Roi-Dieu et le Lithoracle 514
Avènement de Nin Ier 514 Famous Last Words 544
Mitrias, Elssinia et Valdenath 514 Crédits 548
Elssinia, le pouvoir derrière le masque 515
Gardes du corps ailés 515 Édité par Black Book Éditions
Les secrets du Lithoracle et des Lithos 516 50 rue Jean Zay, 69800 St Priest.
Vestiges d’étoiles 516 Dépôt légal : Janvier 2020.
Le Collectionneur 516 ISBN : 978-2-36328-256-9
Le crash 517 ISBN (PDF) : 978-2-36328-257-6
Tanith-Lenath 517 Imprimé en UE.
La sainte alliance 518
Les secrets alternatifs du Lithoracle
et des Lithos 520
Trois autres visions 520
© Black Book Éditions, 2020.
Les secrets de la Main qui travaille 521
Casus Belli et Black Book Éditions et Laelith
Une dague à son nom 521 sont des marques déposées par Black Book Éditions.
Ne pas dépasser la dose prescrite 521 Tous droits réservés.

Laelith 11
 Mode d'emploi

Mode d’emploi
Le livre que vous tenez entre les mains est un véritable
monstre. Et il ne s’agit que d’un seul ouvrage de la gamme
déjà existante. Comment utiliser tout ce matériel ? Voici une
petite notice de présentation et d’explication.
sortir de la ville, souvent pour mieux y replonger… Enfin,
une section qui regroupe les secrets les mieux gardés de la
cité. Le cœur du réacteur. La clé du mystère.

La gamme
Le livre principal
Le livre Laelith contient la grande majorité des informa-
Règles
C’est dans cet ouvrage de 170 pages environ que vous
tions de background sur la ville, ses spécificités, ses institu-
trouverez les règles de création de personnages spécifiques
tions, ses personnages, ses mystères. La présentation choi-
(races, classes et profils) pour COF et H&D mais aussi les
sie n’inclut pratiquement aucun élément de règles ou de
profils techniques de monstres, PNJ de la ville et des scéna-
système. Y compris dans les nombreux scénarios. Ainsi, le
rios et bien d’autres surprises.
contexte de jeu de Laelith que nous livrons clé en main pour
les systèmes Chroniques Oubliées Fantasy et Héros & Dragons,
peut facilement être utilisé avec un autre système de règles. L’ultime Châtiment
De même, libre à vous de placer la ville dans l’univers de Une campagne magique de 200 pages en six grands scéna-
votre choix. rios, du niveau 4-5 au niveau 10-11, pour explorer un des se-
D’abord, le livre propose une introduction générale à la crets les mieux gardés de la ville. Écrite par Alexis Flamand,
ville (pp. 17-80). L’histoire, ce que tout le monde sait, la vie illustrée par Thierry Ségur, un grand morceau épique.
au quotidien, l’arrivée en ville. Bref, l’idéal pour se plonger
en douceur pour le meneur de jeu. Attention, certaines in-
formations doivent être distillées aux joueurs avec pru-
Le Recueil Denis Beck
dence, car certaines sont véridiques et d’autres tiennent plus Denis Beck est un des scénaristes emblématiques de
de la rumeur. Laelith. Ce recueil de 120 pages regroupe tous les scéna-
rios qu’il a écrits depuis la création de la cité. Une vingtaine
Ensuite, les six terrasses de la ville, ainsi que le Cloaque
d’aventures, dont la technique a été actualisée pour per-
souterrain bénéficient chacun de 48 pages. Il s’agit du plat de
mettre de jouer avec les moteurs actuels avec un peu d’adap-
résistance. Lieux emblématiques, personnages importants,
tation de la part du MJ car le contexte reste celui de l’an-
organisations actives, vous trouverez des informations mais
cienne Laelith. Un grand scénario inédit adapté au nouveau
aussi et surtout du matériel pensé pour le jeu. Un scénario
contexte vient clore le tout.
complet et des pistes d’aventures concluent chaque section
de terrasse. Vous pouvez facilement imaginer et organiser la
découverte de la ville autour de ces différentes aventures qui Laelithulhu
mettent en scène les spécificités de chaque quartier. Pour al- Dès le départ, Laelith était à la croisée des chemins, des
ler plus loin, quand vous serez prêt, jetez-vous sur la grande univers, des plans, des rêves. Ce livret propose d’explorer la
campagne L’Ultime Châtiment (voir ci-contre). face la plus sombre et la plus onirique de la ville. Une lecture
Au début de chaque terrasse, vous trouverez un plan assombrie des aspects mythologiques et cosmologiques, du
annoté avec des puces pour les lieux les plus importants. matériel de jeu, des trames de scénarios.
Chaque lieu fait l’objet d’un indice d’aventure, noté de 1 à
3 @, symbolisant le potentiel d’aventure proposé par le lieu. Pour une poignée de dés,
Il comporte également un indice de dangerosité exprimé
par un chiffre, qui correspond au niveau moyen des PJ d’un
par Maxime Chattam
groupe de héros. Le maître français du thriller a écrit un scénario inédit
pour Laelith. Quel cadeau merveilleux ! Le pitch ? Suite à
Enfin, le livre comporte encore trois sections. Les temples,
une soirée de jeu complètement débridée, les PJ ont sur les
si importants dans le fonctionnement de la ville, leur hié-
bras une dette colossale… Il va falloir faire preuve d’imagi-
rarchie, les bâtiments, les philosophies, les intrigues. Une
nation !
section sur le Hors-ville, les provinces et les régions qui gra-
vitent autour de cette capitale. Un terrain merveilleux pour

12
L’impasse de Tulé Quant à vous, cher MJ, après la partie introductive (pp. 17-
80), préparez bien le premier scénario que vous choisissez de
Un petit livret de 32 pages qui détaille une impasse typique
faire jouer et imprégnez-vous de l’ambiance de la terrasse
de Laelith avec ses maisons, ses personnages, ses intrigues,
où il se déroule. Laelith est un cadre de jeu exigeant qui
ses plans et même les photos de son diorama. Tout ceci est
offre de grandes possibilités mais également de la souplesse.
entièrement sorti de l’imagination et réalisé par Jean-Marie
La meilleure façon de découvrir la ville dans ses recoins
Noël. Indispensable !
est de l’arpenter en jeu. Donc ne vous mettez pas une trop
grande pression sur les épaules. Comme pour n’importe
L’écran quel contexte, ce qui compte avant tout, c’est de maîtriser
Une fresque monumentale de Pascal Quidault. Un travail les scènes du scénario que vous vous apprêtez à faire jouer.
de fourmi, une composition extraordinaire, une vision de la
ville dont tout le monde rêvait. Une merveille !

Les cartes
La gamme comporte aussi des cartes grand format qui se-
ront des compagnes essentielles de votre table de jeu. On en
dénombre quatre.
La carte en couleurs de la ville en A.R.D 1017. Elle com-
porte les indications principales dont vous avez besoin pour
jouer ou maîtriser : les contours des six terrasses, les noms
des principaux bâtiments, lieux-dits, ponts et temples. Vous
en retrouverez des extraits, complétés de puces indiquant
des lieux plus spécifiques, dans chaque chapitre consacré
aux terrasses.
La carte en noir et blanc de la ville en A.R.D. 1017. Muette,
elle peut servir aux joueurs à noter les lieux qu’ils découvrent
en cours de campagne.
La carte en couleurs du Hors-ville voisin en A.R.D. 1017.
La carte en couleurs de la ville en A.R.D. 1058. Prospective,
elle présente la ville telle qu’elle sera dans quarante-deux ans
lorsque les travaux envisagés par Nin 1er auront été réalisés.

Les goodies
La précommande participative a permis de financer énor-
mément de choses. Des dés spécifiques, un CD de musiques
d’ambiance spécialement composées pour la ville, un Guide
du joueur, des gazettes, des guides d’ambiance, un jeu de tarot.

Est-il possible de commencer à

jouer sans tout lire ?
Oui, oui et oui. Pour les joueurs, il existe un Guide du joueur,
spécialement pensé à cet effet. Couplé avec le Guide du nouvel
arrivant, voilà tout ce dont ils ont besoin, pour la création de
personnage et la préparation de leur nouvelle partie.

Laelith 13
 Vue générale de la cité
« Tentaculaire et fourmillante, sainte mais commerçante, aventureuse
et casanière, la ville de Laelith ne ressemble à nulle autre.
Elle s’offre à vous dans sa colossale diversité, avec ses milliers
d’habitants, ses centaines de ruelles, ses dizaines d’aventures, ses sept
terrasses, ses quatre temples, son unique Roi-Dieu.
Ça vous tente d’y faire un tour ?
Allons-y ! Et que la fête commence ! »

1 La Main qui travaille

2 La Chaussée du lac

3 La Prospérité

4 Le Nuage

5 Le Châtiment

6 La Haute Terrasse

14
 6

Laelith 15
Laelith, la ville mystique
 Trois voyageurs à l’unisson
« Alors, mon cher Quiévine, après ces derniers jours passés à
cheminer ensemble et puisque maintenant nous y sommes, vous
allez peut-être enfin nous dire, à Esope et à moi, quel est le sujet
de votre livre ?
– Bon, puisque vous insistez… Rien que de très ordinaire,
mais… j’y crois beaucoup. Je l’ai intitulé « Mes vies d’avant
par hasard » et le sujet principal en est les souvenirs que j’ai de
mes vies antérieures.
– Grands Dieux !
– Oui, je sais, cela peut paraître étrange. Mais comme tout
le monde, depuis longtemps, je suis préoccupé par la vie après
la mort, le devenir de mon esprit, qui vais-je rejoindre, où conti-
nuerai-je d’exister… Et justement, quelques rêveries métaphy-
siques m’ont permis de revenir dans mon passé et d’exhumer des
bribes d’instants vécus quand je n’étais pas encore moi… enfin
le moi que vous avez devant les yeux.
– Mais c’est fascinant ! Et bien sûr, vous voulez présenter
votre manuscrit à l’un des quatre Temples ?
– Ce n’est pas exactement cela. Vous avez noté que mon pa-
quetage était assez volumineux. En fait, à l’origine, j’avais, à mes
frais, fait copier cinquante exemplaires de mon manuscrit et les
avais mis en vente. Je dois reconnaître qu’ils ne se sont pas très
bien vendus…
18
– Avec un sujet si intéressant ? Combien donc en avez-vous
vendu ?
– …
– Allez ! Vous êtes un honnête homme, non ? Dites-nous le
chiffre !
– Quatre. Dont deux à des amis proches.
– Ah ! Effectivement…
– Mais mon rêve a toujours été d’écrire ! Et les voyages hors
de mon corps m’en avaient donné la matière. Alors j’avais cru
que… Hélas, je n’ai jamais été doué pour le commerce. J’avais
dû reprendre la boutique de mon père à son décès, mais je ne suis
pas un très bon vendeur de coutil. Alors, j’ai cédé mon échoppe
– pas pour bien cher d’ailleurs –, et avec mes livres et le peu
d’argent qui me restait, j’ai pris la route de Laelith, profitant du
départ de l’ami Esope pour ne pas voyager seul.
– Et donc, maintenant ?
– Puisque le Lazaret nous a libérés, je vais me rendre dans la
terrasse de la Main qui travaille et chercher un bon artisan pour
rafraîchir mes livres qui ont un peu souffert de ce long voyage.
Ensuite, je me rendrai dans celle de la Prospérité : j’ai le nom
d’un érudit qui pourrait m’introduire auprès d’un clerc-courti-
san. Car, je ne vous le cacherai pas : je cherche un mécène pour
diffuser mes livres et financer l’écriture du prochain.
 – Dont le thème sera ?
– Je ne peux rien dire pour l’instant.
– Mais vous-même, cher Oëmerin, allez-vous enfin nous dire
ce que vous venez faire dans cette magnifique ville ?
– J’aimerais bien vous le révéler… mais moi aussi je dois
rester discret. Vous le savez, ici la magie n’est pas la bienvenue.
Et la mission que m’a confiée le grand maître de mon ordre en
Alarian est de la plus haute importance. La seule information
que je peux vous divulguer, c’est que je suis venu acheter un ob-
jet d’une grande valeur symbolique – et magique ! – pour le
rapporter à mon maître. Même mon apprenti, le jeune et peu
déluré Kalios, que j’ai voulu emmener pour simplifier mon quo-
tidien, ne sait presque rien de ce qui nous amène ici. Je vais
donc me rendre immédiatement à la terrasse du Nuage pour
y rencontrer un dénommé Sémélios, un universitaire de renom
dont le champ d’études est axé sur les forces telluriques. Lors
de ma précédente visite – la troisième en quatre-vingts ans –,
j’avais déjeuné en sa compagnie d’un excellent homard au foie
faisandé et à la truffe noire. J’espère que son cuisinier est tou-
jours de ce monde !
– Mais, dites-nous, concernant la discrétion qu’il va vous fal-
loir mettre en œuvre dans votre mission, vos oreilles pointues ne
vont-elles pas vous rendre la tâche plus difficile ?
– Oh, vous savez, déjà là d’où je viens, être noble, mage et
demi-elfe tout à la fois n’est pas simple ! Alors j’ai mes petites
habitudes pour soit me fondre dans la foule, soit me faire pas-
ser pour quelqu’un que je ne suis pas. Ce qui me sera très utile
si, comme je l’espère après cette entrevue, je peux accéder à la
Haute Terrasse puis aux Pics des Mages.
– Ma doué… Je vous souhaite bien de la chance à tous deux !
Mais pour moi, les choses seront beaucoup plus simples… vu
qu’on est venu me chercher !
– On est venu vous chercher ?
– Oui ! Un saint-poète voyageur du Temple du Poisson
d’argent est venu toquer à la porte de « La Flore des vents » pour
me demander de revenir une seconde fois dans la Ville sainte afin
d’y exercer mes maigres talents. Car, comme je vous l’ai déjà
dit, je suis adepte du culte d’Ulmo le Fluidifié mais je suis aussi
cartographe. Et, il y a un peu plus de deux ans, j’avais déjà ré-
alisé une vue de la ville à dos de shedras. Mais – cet émissaire
me l’a confié –, ma carte n’a pas eu le temps d’être diffusée que
Teaphanerys XIV – dit le Long – mourait peu après. Du coup,
le nouveau Roi-Dieu veut une carte toute neuve, actualisée avec
le résultat des premiers travaux qu’il a lancés depuis son acces-
sion au trône royal-divin. Vous imaginez bien que même si ma
santé est un peu précaire, je ne pouvais refuser cette occasion !
– Donc, vous vous rendez au palais du Roi-Dieu ?
– Non, pas immédiatement. Je dois d’abord passer par la
Chaussée du lac : il semblerait qu’on ait des choses à me dire
au temple !
– Lesquelles ?
– Je ne sais pas vraiment, mais si j’ai bien compris les sous-en-
tendus du prêtre du Lazaret qui m’en a informé, cela aurait à
voir avec la terrasse du Châtiment. Un vrai défi pour un carto-
graphe que ce lieu où presque tout se déplace sans qu’on en com-
prenne la logique. Je ne sais donc pas ce que je ferai après l’en-
trevue. Peut-être entrerai-je en Châtiment, ou bien monterai-je
de suite à la Haute Terrasse. Ou sur le dos d’un shedras ! »
Tanburci, du haut de la Tête de l’oiseau du temple
de l’Oiseau de feu, croque la ville à pleins pinceaux.
Laelith 19
 Vue d’ensemble
Trois voies pour Laelith
La mise du pèlerin
Un pieux voyageur en route pour
Laelith se reconnaît aisément à quelques
traits de son apparence. Il porte une
épaisse chemise de lin, doublée d’un
gilet, une ceinture de cuir sans poche
cachée – ce subterfuge est éventé depuis
longtemps – et des chausses de laine
épaisse ou de grossier coutil, selon la
rigueur des froids qu’il devra traverser ;
il est chaussé de solides godillots dont
la qualité dépend de sa fortune ; il est
enveloppé d’un grand manteau de pluie
en cuir ciré et coiffé d’un chapeau à
larges bords ; il a aussi une besace qu’il
porte en bandoulière, ou sur le dos
avec deux courroies d’épaules. Pour sa
longue marche, il s’aide d’un bourdon,
sorte de bâton au pommeau empesé
qui pourra servir à repousser les bêtes
fauves ou les malandrins, si le pèlerin a
pris soin d’apprendre à se défendre. À
cela s’ajoutent une gourde en peau ani-
male qui maintient fraîche l’eau qui est
stockée, une boîte à certificats pour pro-
téger son crédentiel et quelques petits
objets de piété : patenôtres, chapelets,
bourdonnets, coquillards…
Âpres négociations
« J’entends qu’il faille faire marcher
le commerce… mais tout de même !
Taxer un honnête commerçant comme
moi… qui vient d’arriver ce matin… et
sous les prétextes que : 1) j’ai déjeuné
ce midi d’un plat contenant beaucoup
d’ail ; 2) je parle à des habitants, contri-
buant à propager des odeurs incommo-
dantes ; 3) le vent menaçant de se lever
dans l’après-midi, le risque s’en trouve
accru ; 4) l’ami qui m’accompagne a les
cheveux blonds. Ne craignez-vous pas
que je me rebelle face à ces extorsions ?
– Non… Car… dans ce cas-là… c’est le
cachot… pour deux jours !
– Ah ! Forcément… Dans ces
conditions… »
Quiévine, meilleur auteur que commerçant
20
Il est bien hasardeux de vouloir résumer
une ville comme Laelith : son histoire est
complexe et son existence singulière ; y venir
se mérite et y vivre est parfois une gageure.
Évoquons néanmoins les trois composantes
qui en font l’une des merveilles du monde
connu.
Une cité sainte
Partout ailleurs, le polythéisme règne en
maître : point de Dieu unique, mais des cen-
taines de divinités qui se partagent allègre-
ment les croyants, les clergés, les peuples…
Accompagné bien souvent d’une forte vo-
lonté de domination qui génère nombre
de drames, de meurtres, de guerres. Il fal-
lait donc trouver un lieu neutre où chacun
pourrait vivre sa croyance sans risquer d’y
laisser la vie, un lieu où chacun pourrait
tenter de convertir l’autre sans l’aide d’une
arme, un lieu où les différents pouvoirs re-
ligieux pourraient gérer leurs affaires entre
eux.
Et Laelith est apparue. Comme un miracle.
Avec comme une volonté propre d’aplanir les
différends entre les panthéons, de contribuer
à ce que chacun vive un peu plus dans la paix
et l’équilibre.
Donc, entre les murs de la Ville sainte – et
dans les alentours proches –, presque tout est
affaire de foi et de croyances, par exemple :
• dans ses quatre Temples officiels (Temple de
l’Oiseau de feu, Temple du Poisson d’argent,
Temple du Crâne et Temple du Nuage) ;
• dans son cinquième Temple, moins officiel
(Temple de la Taupe) ;
• dans ses réunions publiques, ses conclaves
enfiévrés, ses entretiens discrets, ses com-
plots secrets ;
• dans ses milliers de pèlerins qui se pressent
chaque jour pour y entrer ;
• dans ses apparitions miraculeuses, ses re-
liques absolument authentiques, ses mar-
chands du temple si convaincants.
Et justement, à propos de marchands…
Un temple du commerce
Un tel brassage de populations dans un tel
lieu isolé, une si grande circulation quotidienne
de nouveaux arrivants, un tel vivier d’habitants
à satisfaire font de Laelith la plaque tournante
de la région et génèrent en ville et dans les Hors-
ville une fébrile activité commerciale, avec :
• le commerce religieux : accueil des croyants
(pèlerins, résidents, clergés…), gestion des
lieux de culte (temples, autels, chapelles…), ap-
provisionnement en objets cultuels (vêtements
sacerdotaux, ornements rituels, reliques…) ;
• le commerce traditionnel : commerces de
bouche, produits de première nécessité… ;
• le commerce de luxe 
: épices, soieries,
parfums… ;
• les marchés disséminés dans les quartiers :
journaliers, hebdomadaires, thématiques ;
• les foires mensuelles aux thèmes variés ;
• les nombreuses fêtes sacrées ou profanes qui
émaillent le calendrier ;
• sans oublier la Royale-divine Bamboche, qui
attire chaque année ses visiteurs spécifiques,
dont certains viennent surtout pour y cher-
cher l’aventure.
Et justement, à propos d’aventuriers…
Un camp de base pour
aventuriers
Avec ce foisonnement permanent, Laelith
est un aimant à aventuriers de tout poil : à tous
les coins de rue, on peut croiser un talentueux
voleur ou un guerrier manchot, un enquêteur
besogneux ou un bretteur flambeur, un clerc en
quête de lumière ou un assassin déguisé. Untel
rêve d’incommensurables richesses qui n’at-
tendent que lui quand cet autre pense qu’une
nouvelle frontière se cache ici dont il sera le
découvreur, celui-là pense que la misère sera
moins pénible au soleil quand celui-ci cherche
une oasis pour étancher sa soif d’ailleurs. Et il
ne faut pas oublier les laissés-pour-compte, les
apatrides, les marginaux… les agnostiques ?

L’aventure est donc incontournable :
• en ville ou dans les Hors-ville proche, voisin
et lointain ;
• sur des missions courtes de quelques jours
ou de longue durée sur plusieurs mois ;
• grâce à des offres d’emploi proposées par les
Temples ;
• dans le cadre de missions confiées par l’ad-
ministration royale-divine ;
• pour des missions d’ordre privé, dont
les propositions pullulent dans tous les
quartiers.
Voilà pourquoi tant de baroudeurs viennent
tenter leur chance entre ses murs millénaires.
Et l’administration l’a bien compris, qui envoie
de par le monde des émissaires, porteurs de
la bonne parole, vantant toutes les occasions
qu’offre la Ville sainte aux vrais croyants, aux
bons commerçants et aux aventuriers en quête
d’exploits.
C’est ainsi que venir à Laelith est devenu, au
fil des siècles, un but, pour des milliers de gens.
Jeune, beau et ambitieux, ce négociant du Pays
fort vient chercher fortune dans la terrasse de
la Prospérité. Il compte sur la particularité
incroyable de ses meubles “vivants” pour y
parvenir.
Le nerf de la paix
À Laelith, vous trouverez toutes les
monnaies en circulation dans le monde
connu, qui font les choux gras des nom-
breux changeurs tenant boutique un
peu partout. Cela dit, les pièces d’or,
d’argent et de cuivre restent un standard
incontournable. Mais la Sainte Ville se
distingue par deux particularités moné-
taires tout à fait spécifiques.
La première est une toute nouvelle mon-
naie locale : l’élith (valeur 1 pa). Sa mise
en circulation date de l’année dernière et
est due au très novateur Roi-Dieu actuel ;
comme de juste, elle arbore son portrait
côté face. Les banquiers en sont friands,
certainement à cause de la taxe supplé-
mentaire qu’ils prélèvent sur chaque
transaction l’impliquant.
La seconde est plus « révolutionnaire » :
il s’agit d’un papier-monnaie ! Les lithals,
dilithals et célithals (valeur respective :
2, 20 et 100 po) sont plébiscités par
Comptoir de l’aventure
On demande aventuriers, 21‑40, préf.
célib., spéc. mil. ou mag., bonne cond.
phys., pour travail bien rémun. av.
voyages loint.
S’adr. Isalias, hostell. du Lazaret
Offre d’emploi publiée dans « la Gazette de
Laelith »
Les Fabriques
« Moi, si je viens à Laelith, c’est pour le
parc des Fabriques dans la terrasse du
Nuage. C’est un lieu incroyable où on
a regroupé, dans un grand parc plein
de verdure, des exemples typiques
de toutes les architectures du monde
connu. Ça veut dire qu’on peut y voir
les bâtiments les plus caractéristiques de
chaque civilisation. L’entrée est payante,
bien sûr, mais on m’a dit qu’on pouvait
y admirer une hutte arboricole des
barbares d’Olixye, une yourte toute en
pernielle des déserts de sable du grand
ouest, une colonnade-maison de la
Principauté de Sironia et pour parfaire
le tableau, la reconstitution complète,
avec potager, d’un trou de halfelin. Une
merveille, quoi. »
Franssoué de Monville, pèlerin dilettante
les voyageurs pour leur faible encom-
brement et servent essentiellement
de lettres de change pour les grosses
transactions entre cités. En effet ils
peinent encore à emplir les poches des
Laelithiens de souche, peu friands de
nouveautés quand il s’agit de leurs biens
propres. La Haute Guilde en favorise
pourtant grandement la diffusion en les
garantissant. Mais il faut reconnaître que
leur lancement sous le règne de Mansour
le Magnifique fut plutôt poussif, cette
monnaie étant alors accablée de deux
défauts majeurs : sa fragilité et sa faible
résistance à l’eau.
Heureusement le Pier de Braïtonne qui
la fabrique a su trouver la solution et
lui donner une nouvelle vie : elle est dé-
sormais fabriquée à base de soie ara-
chnéenne – un procédé tenu secret –, in-
falsifiable et résistante à tout… sauf
au feu.
Laelith 21
 Dévots des villes et
dévots des champs
La campagne est traditionnellement
perçue comme la détentrice de l’au-
thentique vraie foi, à l’opposé de la ville
(surtout si celle-ci est grande) habituelle-
ment vue comme le creuset de toutes les
turpitudes. Il est intéressant de constater
que Laelith, avec son statut syncrétique
si particulier, est considérée, à l’exact in-
verse, comme la ville de toutes les vertus.
Enfin… par presque tout le monde.
Quelques théologiens du Temple
de l’Oiseau de feu sous-entendent
d’ailleurs qu’une ou deux croisades bien
ciblées contre des contrées qu’ils consi-
dèrent comme a minima primitives,
déviantes, voire hérétiques aideraient à
renforcer cette belle image de la Sainte
Cité. Bien sûr, il faudrait terminer
l’expédition par quelques bûchers.
Pour le moment, le nouveau Roi-Dieu
fait la sourde oreille à ces propositions
esquissées.
Brève de taberge
« Dans l’échelle des Ateliers, j’ai
becqueté dans un rade qui s’appelait Le
blanc-mangé où le patron proposait de
“manger de l’albinos”…
– Ouais… et alors ?
– Ben, je sais pas ce qu’y avait dedans,
mais c’était dégueulasse !
– C’est marrant, parce que moi, je suis
allé me goinfrer une côte d’ookhab au
Coup de fourchette.
– Ouais… et alors ?
– Ben… rien.
– Ça a pas trop de rapport, quand
même ?
– Non… t’as raison. »
Un nouvel espoir
Lors de l’intronisation de Teaphanerys
XIV, les plus miséreux des Laelithiens
s’étaient pris à rêver d’amélioration
de leurs conditions de vie : le nouveau
monarque s’était souvent investi en leur
faveur lorsqu’il n’était que grand prêtre.
Mais vite pris dans le jeu des intrigues
et écrasé par l’importance de sa charge,
il ne put lancer les réformes espérées.
Qu’en sera-t-il de Nin Ier ? Les plus
jeunes mettent beaucoup d’espoir dans
son accession au trône. Les plus âgés,
ceux qui n’oublient pas les promesses de
son prédécesseur, sont plus désabusés.
22
Un peu d’histoire
Nous sommes en 1017, sous le règne de
Nin Ier (nous y reviendrons plus loin). Voici
quelques dates importantes de l’histoire de
Laelith.
Il y a longtemps
• Année royale-divine -1 200. Cette date
empirique est donnée comme origine pre-
mière de la ville. À l’époque, il s’agit juste
d’un hameau où les premières implanta-
tions humaines se regroupent pour survivre
et lutter contre les races non humaines des
montagnes et déserts environnants.
• A.R.D. -700. C’est la date officielle donnée
dans les livres pour la naissance de la ville.
À cette époque, elle s’appelle Tanith-Lenath,
ou encore la cité des Anciens. Elle naît de la
fusion de deux tribus humaines et barbares
des montagnes. On raconte que les Dieux
leur en auraient indiqué l’emplacement.
C’est un lieu d’échanges sommaire, situé au
bord d’un maigre torrent ; on y dresse les
premières palissades défensives en bois. Il
est très éloigné de la petite ville de combat-
tants émérites dont les batailles victorieuses
peuplent la légende, mais l’évolution du pay-
sage urbain est en marche.
• A.R.D. -400. La petite communauté a grandi
et atteint les 2 000 habitants. Les croyances
religieuses profondes de plusieurs centaines
d’entre eux ont produit un miracle : face aux
attaques incessantes des peuplades voisines,
devant la multiplicité des cultes plus vio-
lents les uns que les autres, contre les risques
qu’ils font courir à la ville, l’idée s’est déve-
loppée de créer un lieu où chacun pourrait
venir, discuter pacifiquement, expliquer sa
foi et tenter de convaincre de nouveaux fi-
dèles. On raconte que les Dieux, à nouveau,
seraient intervenus pour souffler cette idée.
Le principe séduit : les chamanes et sorciers
des alentours affluent et la bourgade com-
mence à s’organiser pour accueillir clergés
et croyants.
• A.R.D. -150. C’est l’apogée du grand déve-
loppement. L’œcuménisme mis en place
devient moteur d’évolution urbaine et dé-
mographique. La ville, forte désormais de
15 000 âmes, peaufine son concept pour
attirer du monde et faire de son isolement
géographique un atout. Afin d’accueillir
toutes les religions existantes, le temple des
Anciens a été érigé, des quartiers se sont dé-
veloppés autour, des remparts sont venus
ceindre l’ensemble, une administration et
des services publics se sont mis en place. Là
encore, tout cela ne s’organise que parce que
les Dieux, dans leur grande bienveillance,
ont inspiré les mortels.
• A.R.D. 1. L’Homme est faible, la Nature est
forte. Un gigantesque cataclysme s’abat sur
la région : éruptions volcaniques, tremble-
ments de terre, effondrements, bascule-
ments, inondations… Presque toute la ville
est détruite, plus de la moitié de sa popu-
lation trépasse (morts, disparus, enfuis…).
Cette catastrophe restera connue sous le
nom du Châtiment. Les causes de ces événe-
ments restent contestées : les universitaires
de la terrasse du Nuage pensent qu’elles
furent naturelles, sans toutefois pouvoir les
expliquer ; les archivistes de la Bibliothèque
de la foi affirment, sans fondement autre
que d’anciens manuscrits, que la ville se
serait pervertie et, convoitant les pouvoirs
des Dieux, aurait voulu devenir leur égale.
On dit que les Dieux, prévoyants, prirent les
mesures nécessaires.
• A.R.D. 3. Après plus de deux ans de chaos et
de lamentations – 777 jours dit la légende –,
les survivants ont pansé leurs blessures et
commencent à reconstruire sur les ruines
de l’orgueilleuse Tanith-Lenath. La prime
impulsion vient de Mandala, un homme
obstiné qui deviendra le premier Roi-Dieu.
Conscient de l’immensité du chantier et
pour ne pas repartir de zéro, Mandala re-
visite cette profonde croyance en l’œcumé-
nisme qui avait fondé l’ancienne réussite de
Tanith-Lenath. Son seul mot d’ordre est :
« Un même site en hommage aux morts, une
même foi en hommage aux vivants. » On ra-
conte que les Dieux passèrent alors un nou-
veau pacte avec les mortels. Quatre Temples
 furent érigés, basés sur les quatre grands
éléments : l’Eau, la Terre, l’Air et le Feu. De
nouveaux quartiers furent construits, le tout
en bien plus grand : nouveau périmètre,
nouvelles fortifications, nouvelles exten-
sions… Enfin, le choix d’un nouveau nom
vient parfaire la renaissance : cette nouvelle
bourgade modeste mais prometteuse se
nommera Laelith.
• Durant les années et les siècles suivants,
l’évolution se poursuit… finalement avec
peu de modestie ! Au fur et à mesure que
la Ville sainte gagne en notoriété, son aura
et sa puissance grandissent. Des relations
diplomatiques se tissent avec presque tous
les royaumes connus et les liens avec six
provinces proches se renforcent. On vient
désormais de partout pour fouler le sol
des temples, ce qui exige de plus en plus de
moyens et d’organisation. Ainsi, les pou-
voirs du Roi-Dieu, des grands prêtres et de
l’administration royale-divine s’accroissent
considérablement, drainant à leur suite une
ribambelle de nobles-citadins aux dents
longues et de clercs-courtisans prétentieux.
À l’opposé, de plus en plus de marginaux
arrivent en ville, dans l’espoir d’y trouver
une vie meilleure, cependant qu’une par-
tie de la population, délaissée, plonge len-
tement dans la misère. Dans ce contexte,
Teaphanerys XIV accède au pouvoir le 23
de sombrebois 986, porteur d’un nouvel
espoir.

Il y a peu
• A.R.D. 1016. Le 4 de lestes semailles 1016,
après trente ans, quatre mois et onze jours
de règne, Teaphanerys XIV, dit le Long,
décède. Son bilan est mitigé : après le réel
espoir de réformes qui était porté par les
premières années de son règne, le divin
monarque s’est laissé lentement engluer
dans les petites affaires du pouvoir. Il a su
néanmoins maintenir la barque à flot, même Ce masque est l’un de ceux portés par les
si on évoque sous le manteau la montée en
sinistres Châtiés qui ont encore officié cette
année lors de la nuit du Grand Dérèglement.
puissance des Six Provinces et un fort regain
d’agitation dans le Cloaque.

Laelith 23
 La carte de Nin
Chaque Roi-Dieu aspire à laisser sur
sa cité une marque qui passera à la
postérité. Il s’y évertue dès le tout début
de son règne, car il y a des précédents
de souverains qui n’ont pas eu le temps
de faire quoi que ce soit de remarquable
(comme Mandala IX ou Hetelred III)
ou qui sont restés dans les mémoires
pour des motifs peu glorieux (tel
Célestial II Cul fendu). Cela se traduit
souvent par un acharnement plus ou
moins marqué à supplanter l’œuvre de
leur prédécesseur.
C’est pourquoi Nin Ier fait réaliser une
nouvelle carte officielle de la ville sans
attendre la fin de la première tranche de
ses grands travaux.
On ira tous tous tous à
Laelith
« Il y a une ville sur la rive d’A ltalith
Où il y a plus de pèlerins que de natifs. »
Chanson à succès du barde Arttois
Des heures de vol
« C’est vraiment magnifique de sur-
voler la ville en shedras. J’avais même
oublié combien la selle était rude à mes
vieilles fesses ! Les autorités du Temple
m’avaient accordé deux heures pour
faire le point sur les évolutions de la
ville depuis ma dernière carte. Mais
quand le prêtre a vu mes nouveaux
croquis, il n’a plus été question de li-
mites. J’ai volé vingt heures ! Et j’ai tout
mémorisé ! Oh ! Je n’ai pas de mérite :
c’est un don. Même à mon âge avancé,
je peux vous redessiner les plans de ma
maison d’enfance que j’ai quittée à 6
ans, ou ceux d’une auberge où j’ai dormi
une seule nuit il y a vingt ans. »
Esope, cartographe de talent
Les artifices du Phénix
« Oyez, oyez, bonnes gens de Laelith
et d’ailleurs ! Le Temple de l’Oiseau de
feu vous offre ce soir un spectacle inou-
bliable ! Surgiront de l’eau, de la terre et
de l’air d’extraordinaires feux qui em-
braseront la nuit et montreront à chacun
la suprématie de la vraie foi rayonnante
sur tous les autres cultes connus ou à
connaître. Rendez-vous à la tombée du
jour sur l’esplanade du Phénix. Spectacle
gratuit ! Une grise de Bergen offerte à
chaque spectateur ! Qu’on se le dise ! »
24
• Le 9 de lestes semailles suivant, le quatre
fois saint Nin, premier du nom, est intro-
nisé dans sa fonction de Roi-Dieu lors de la
grande cérémonie rituelle de l’Offertoire.
De nos jours
Nous sommes le 16 de cuivrechamps 1017
A.R.D.
Et la ville de Laelith – que les Dieux bé-
nissent son saint nom – s’apprête à écrire un
nouveau chapitre de sa longue histoire avec
l’arrivée d’un nouveau Roi-Dieu : Nin Ier (voir
plus loin).
Ses premiers mois de règne ont été jalonnés
de nombreuses décisions d’importance visant
à compléter ou modifier les choix faits par son
royal-divin prédécesseur :
• mobiliser les forces vives de la ville sur une
nouvelle politique de grands travaux (un
cinquième pont sur l’Inlam, de nouveaux
remparts pour englober les casernements du
corps des Protecteurs de la Ville sainte, une
nouvelle monnaie, la création de l’esplanade
du Phénix pour accueillir les festivités…) ;
Tout est dans tout…
… et réciproquement. L’histoire de la Ville
sainte de Laelith a engendré une considé-
rable littérature que l’on retrouve sur les
étagères du monde entier, et les théories les
plus farfelues y fleurissent. Pour preuve :
• cet érudit des plaines des Oliviers a conçu
une théorie astrologique qui prédit un
nouveau Châtiment à venir sous sept ans
et vingt-trois jours à partir de la date de
son propre décès. On notera que ce vision-
naire est décédé au siècle dernier ;
• Polycarpe d’Entremise, noble-citadin en exil,
affirme depuis le manoir où il a trouvé refuge
que trois des Rois-Dieux ayant régné étaient
des femmes. Mais sa voix porte peu, depuis
qu’il a perdu quelques octaves dans l’émas-
culation consécutive à ses révélations ;
• cet autre mathématicien, natif d’Alarian,
se pique d’avoir découvert un nombre
• faire aboutir ce projet ambitieux, mais
maintes fois ajourné, de rénover la terrasse
du Châtiment ;
• construire quelques extensions en de-
hors de la ville (se réapproprier le secteur
délaissé des Maisons noires, développer
un peuplement stable sur le chemin des
Caravanes…) ;
• favoriser le développement des ressources
alimentaires produites sur les rives du lac
d’Altalith et signer de nouveaux accords
commerciaux avec les bourgades de ce
Hors-ville voisin ;
• accroître les moyens de subsistance de la
ville et son autonomie par rapport aux Six
Provinces ; renégocier les contrats de four-
nitures avec elles ;
• et bien d’autres choses…
Certaines de ces volontés sont déjà en cours
de réalisation, d’autres nécessitent encore
quelques mises au point, quelques-unes enfin
mettront plus de temps à se concrétiser. Mais
le règne de Nin Ier promet d’être long… si au-
cun incident sérieux ne vient l’interrompre
prématurément.
magique qui relie les initiales de tous les
Rois-Dieux connus, donnant ainsi accès à
une entrée discrète qui mène au « Secret
absolu » caché dans le Cloaque. Entré en
ville il y a deux ans, il cherche toujours des
aventuriers pour l’escorter ;
• cet illuminé de Bental a expliqué dans un
livret de douze pages que la Sainte Cité
avait été créée par des êtres venus du ciel
et qu’ils demeuraient cachés sous le palais
du Roi-Dieu. Doit-on croire son fils quand
il clame que son père avait des preuves
tangibles qui se sont noyées avec lui au
cours d’une bête partie de pêche sur le
lac ? ;
• enfin, Théclistophen, marchand d’Exoph-
témoal, a écrit une chronologie alternative
de la ville entièrement basée sur les pro-
duits en vente à chaque époque.

Laelith, aujourd’hui
La situation géographique
Laelith est nichée au bout d’un haut pla-
teau volcanique situé à l’ouest d’un grand
massif montagneux dont certains sommets
culminent à près de 3 000 m. Il y a plusieurs
centaines d’années, un gigantesque séisme a
modifié toute la configuration de la région :
• le haut plateau a été brisé en deux, créant
une colossale fracture du nord au sud, de
près de 200 km de long et dont les immenses
escarpements sont appelés les murailles du
Châtiment (ou Grande Faille) ;
• l’effondrement d’une partie des montagnes
à l’est a créé une énorme dépression dans la-
quelle se sont déversés les torrents de mon-
tagne, créant ainsi deux grands lacs, celui
des Hautes Eaux (également appelé le Haut
Lac) et celui d’Altalith.
Le site de la ville elle-même a subi plusieurs
traumatismes. Deux modifications topogra-
phiques majeures ont modelé ce qu’elle est
devenue :
• avec le basculement du plateau lors de la for-
mation des murailles du Châtiment, la ville a
été soulevée par plaques du côté ouest, tan-
dis que le côté est se maintenait au niveau du
lac d’Altalith, créant un dénivelé de près de
900 m entre le haut et le bas ;
• de plus, elle s’est trouvée séparée en deux,
d’ouest en est, par une immense fracture
– nommée la Faille – au fond de laquelle se
déverse tumultueusement l’Inlam, le torrent
qui évacue le trop-plein des lacs.
Ces deux modifications obligèrent les futurs
quartiers à s’installer sur des terrasses, vague-
ment contiguës, contraignant les habitants à
construire des centaines d’escaliers, d’échelles,
de plans inclinés pour pouvoir circuler. Enfin,
elles entraînèrent la construction rapide de
quelques ponts sur la Faille, sous peine de
voir la ville déjà meurtrie être définitivement
abandonnée.
Depuis ces bouleversements géologiques
majeurs, la zone reste fragile et les trem-
blements de terre de faible magnitude sont
fréquents. Quelques sectes millénaristes
prophétisent d’ailleurs qu’un jour les péchés
de la ville la précipiteront à nouveau dans le
néant.
Les conditions climatiques
Contrastant avec son histoire géologique
mouvementée, Laelith bénéficie de conditions
climatiques plutôt favorables.
Le lac d’Altalith agit comme un modérateur,
créant un microclimat à tendance méditerra-
néenne. Ainsi, le temps est-il majoritairement
clément, la température oscillant entre 30 et
35 °C l’été et 5 à 15 °C l’hiver. Neige et gelées
sont rares mais peuvent survenir lorsque l’hi-
ver est rigoureux, par contre, elles sont fré-
quentes sur les hauts sommets montagneux du
Hors-ville lointain.
Les précipitations restent raisonnables et
même s’il y a une saison des pluies, elle en-
traîne peu de désagréments. Par contre, il faut
toujours craindre, si l’hiver a été rude dans les
montagnes, que la fonte des neiges ne pro-
voque une brusque montée des eaux des lacs
et n’entraîne des inondations sur la Chaussée
du lac. Les plus peureux des habitants de
cette terrasse évoquent de temps en temps la
Dernière Vague, cette ultime crue qui empor-
terait toute la ville.
Le vent, lui, est souvent un problème, sur-
tout quand il s’agit du saghiann et ses rafales
tempétueuses qui déboulent des hautes mon-
tagnes de l’est, déferlent sur la grande étendue
plane du lac d’Altalith pour venir balayer de
plein fouet les terrasses. Et c’est bien pire lors-
qu’elles s’allient au vent du bas des eaux ! Mais
à toute chose malheur est bon : elles suppri-
ment pour quelques jours les odeurs de vase
qui empuantissent les bas quartiers.
Les alentours
Le Hors-ville proche
Apportons quelques précisions sur les alen-
tours de Laelith (visibles sur la carte générale
Dalle en pente
La forte pente de la ville provoque le
ruissellement des eaux pluviales depuis
les hauteurs vers les terrasses en contre-
bas, entraînant par là même les ordures.
Si certaines chaussées sont simplement
damées d’argile, voire restent en terre
battue qui tourne au bourbier quand
il pleut, les échelles sont presque toutes
pavées, pour éviter que l’érosion ne les
transforme tôt ou tard en toboggans.
Une échelle ainsi devenue lisse est
appelée une glissoire, endroit prisé des
casse-cou qui la dévalent à vive allure
sur des luges rudimentaires. Cette
activité donne lieu à des compétitions
acharnées… et cause parfois de graves
accidents.
Extrait d’une lettre
d’inventaire
« Compte fait aujourd’hui par-devant
le noble Salem Belial du lot d’amphores
cachetées de sable vivant. Quatre
récipients de terre cuite d’un volume de
12 litres de sable vert d’Iphania pour
une valeur de 20 célithals.
Qu’il soit bien entendu que lesdits
récipients ne peuvent être ouverts en
dehors de la présence d’un éminent
religieux. Et qu’il faille respecter les
conditions de transport les plus sûres
afin d’éviter les bris de toute nature.
Tout défaut devra être signalé avant le
doublement de la protection. »
Traduction par Gelibert Hartoupie de
Cosme, membre de la guilde du Bien-parler,
rapport du 23 riche soleil, en la troisième
année du règne de Nin Ier, transmis à la
Haute Guilde ce jour
Flores laelithiennes
Du sommet de la Haute Terrasse au
lac d’A ltalith, le dénivelé est d’environ
900 m. Les conditions climatiques au
sein même de la cité peuvent donc
varier significativement avec l’altitude.
Cela se traduit par des différences de
température, mais aussi de végéta-
tion : plus on s’élève et plus les arbres
deviennent petits et tourmentés, par
exemple. C’est particulièrement remar-
quable dans les jardins du Dénuement :
les espèces rencontrées en bas et
en haut ne sont pas les mêmes.
Laelith 25
 Laelith, cité
cosmopolite
On rencontre à Laelith des représen-
tants de toutes les races et espèces
civilisées, jusqu’aux plus rares et plus
improbables. Quiconque vénère un ou
plusieurs Dieux est bienvenu… à condi-
tion de se conformer aux règles d’un
savoir-vivre minimal permettant une
cohabitation sereine : par exemple, pas
question de dévorer des gens (les sacri-
fices religieux sont possibles si la victime
est consentante… ou s’il s’agit d’un
esclave dont le maître est d’accord).
Brève de taberge
« J’t’en foutrai des “Mon brave, faites
donc ceci… Mon bon ami, faites
donc cela”. M’fait ben marrer avec ses
grandes phrases ! Il dit qu’il est venu à
cause de son maître qui y a demandé de
ramener un truc qu’on trouve pas ail-
leurs. Mais moi j’sais ben qu’il veut faire
la bombance et goinfrer tout ce qu’y a
de bon à becqueter. Sans compter qu’il
y va pas mollo sur le gorgeon ! M’est
avis que s’il trouve le truc en question,
y a des chances qu’il l’oublie dans un
rade du port, là où ce qu’il devrait pas
traîner ses poulaines. Mais j’m’en fous,
si on revient sans, c’est pas à moi qu’on
grillera les valseuses. »
Kalios, apprenti d'Oëmerin le Naja
Population locale
« T’es de Laelith ?
– Non.
– Et toi, t’es de Laelith ?
– Non.
– Et toi ?
– Non plus.
– Et vous madame ?
– Ah non !
– Mais où puis-je trouver un vrai
Laelithien ?
– Ils sont tous dans la terrasse du
Châtiment. »
Entendu dans une taberge près du Grand
Théâtre
26
de la ville). Comme nous l’avons vu, elle est
cernée à l’ouest par les murailles du Châtiment
et plusieurs volcans, pour la plupart éteints.
Au nord et au sud, de hautes montagnes
arides, émaillées de quelques petits lacs, tor-
rents maigrelets et forêts clairsemées, la sur-
plombent, descendant jusqu’à ses remparts.
À l’est enfin, se trouve le grand lac d’Altalith
dont les bienfaits ont permis à la ville de se
développer depuis des siècles dans ce paysage
inhospitalier.
Le Hors-ville voisin
Suite aux récentes directives du nouveau
Roi-Dieu, les villes proches, en bord de lac,
intensifient leur commerce avec la ville, ren-
dant encore plus étroits les liens de la Cité
sainte avec ses voisins ou vassaux (visibles
sur la carte du Hors-ville). Les berges d’Al-
talith se peuplent donc davantage pour ré-
pondre à la demande : la rive nord est plus
riche, les villes y sont plus nombreuses et
les cultures plus prospères ; la rive sud,
plus sauvage, est moins peuplée, les marais
et plateaux arides qui s’y étendent rendant
les plantations plus difficiles ; la partie est,
près de la frontière naturelle qu’est la Divine
Écluse, est encore souvent sous l’influence
des Six Provinces.
Le Hors-ville lointain
À l’est des territoires plutôt privilégiés d’Al-
talith, s’étend le lac des Hautes Eaux entouré
par les Six Provinces (visibles sur la carte du
Hors-ville). Ces contrées sont rudes, consti-
tuées de montagnes enneigées, de volcans
en activité, de défilés vertigineux, de plaines
fertiles mais étriquées. C’est là que se sont
installés six États très différents les uns des
autres, aussi bien au niveau des populations
qui les composent que de leurs modes de
gouvernement.
La ville
Laelith est un fourmillement, une ruche
qui vrombit sourdement sous les toits de
tuiles argileuses qui masquent ses artères tor-
tueuses. Imaginez une gigantesque médina
dont les galeries, les terrasses, les boyaux se
parent de blanc sale, d’ocre et de bistre ; où la
puanteur de détritus la plus poisseuse côtoie
le parfum ambré le plus suave ; où les palais
aux encorbellements raffinés jouxtent des ma-
sures aux trois quarts effondrées ; où, de jour
comme de nuit, la populace vindicative apos-
trophe le bourgeois emplumé depuis les gale-
ries entoilées qui surplombent les ruelles ; où
de lymphatiques habitants, écrasés de souve-
nirs, traînassent au milieu de visiteurs émer-
veillés et loquaces.
Laelith est divisée en quartiers, étagés de-
puis le haut de la Faille jusqu’au niveau du
lac. Leur déclivité les a fait nommer com-
munément terrasses. Chacune est dotée de
sa propre identité et regroupe par agrégation
naturelle un certain nombre d’habitants et de
fonctions. Elles sont au nombre de six – nous
les annotons entre parenthèses avec la mé-
taphore du corps humain qu’a établie l’éru-
dite Lucrecillia dans son ouvrage De Laelithi
Vitruvia Rerum :
• La terrasse de la Main qui travaille (les
bras). Un quartier fébrile : les ateliers d’arti-
sans qui s’y sont regroupés en corporations
y créent une activité incessante et prospère.
Il ne faut pourtant pas oublier le havre de
paix du Lazaret et les dizaines de pèle-
rins qui s’en extraient chaque jour goutte à
goutte, ainsi que le temple de l’Oiseau de feu
qui y rayonne.
• La terrasse de la Chaussée du lac (le ventre).
Ici on trouve tout ce qui relie la ville à ses
environs proches  : les différents ports,
le chemin des Caravanes, les bâtiments
militaires, les taberges borgnes, la criée,
quelques membres du peuple utruz, les ma-
rins en goguette, les prostituées au rabais…
C’est sans conteste le quartier le plus pauvre
et le plus sale de la ville. Mais on y trouve
aussi les temples du Poisson d’argent et du
Crâne, un port de plaisance luxueux et l’une
des plus anciennes institutions de la ville : la
Maison des mille fleurs.
• La terrasse de la Prospérité (la poitrine).
D’aucuns disent qu’ici bat le cœur de la ville.
Il est vrai que dans ce quartier se joue sa san-
té financière. Ici tout se vend et tout s’achète
sous le regard attentif des guildes. Le com-
merçant y règne en maître et profite de ses
prérogatives pour tirer bénéfices du Grand
Marché et du Théâtre. Étonnamment, il n’y
a pas de temple sur cette terrasse : probable-
ment que les étals y prennent trop de place…
• La terrasse du Nuage (le cerveau). Si vous
savez lire, cette terrasse est faite pour vous.
Cartographie des Six Provinces du lac des Hautes Eaux
avec la cité de Laelith et les vallées du Levant
Cartographiée par le cartographe planaire Jems Ekwalson, d’après les documentations gracieusement mises à
disposition par l’école de magie du Nuage et les archives de la Baronnie de Kaoca

Car elle regroupe la fine fleur des intellec-
tuels de la ville, qu’ils soient croyants ou
non-croyants. Et le temple du Nuage, qui
surplombe la bibliothèque de la Foi et l’uni-
versité matérialiste universelle, clame haut
et fort que l’élévation de l’âme, de l’esprit,
ou des deux, est une recherche permanente.
Dommage que le brouillard vienne voiler
ces aspirations.
• La terrasse du Châtiment (le bas-ventre).
Quand on se risque dans le quartier le plus
atypique de Laelith, on tremble d’« entrer
en Châtiment ». Cet endroit mal famé, sur-
vivance de ce qu’était la ville avant le grand
cataclysme, ne se plie à aucune loi connue,
qu’elle soit physique ou administrative.
Même les maisons se déplacent à l’insu de
leurs habitants…
• La Haute Terrasse (la tête). Là tout n’est que
luxe et volupté, mais le calme n’y est pas de
mise. S’établir sur cette terrasse, c’est cô- Histoire vécue
toyer les alcôves du pouvoir et peut-être fi- « La voie de la sagesse se trouve dans
nir aux falaises de l’Opprobre. Pour certains, le juste milieu. Un peu d’eau, quelques
olives et un poisson grillé suffisent à ton
s’y installer représente un aboutissement ;
corps pour ne pas s’appesantir, disait
pour d’autres, y venir préfigure la décapita-
Esope.
tion. Laelith est ainsi faite que s’y côtoient
– J’entends bien… mais la vie vaut-elle
l’espoir et la désespérance.
d’être vécue sans le vin de la vigne ?
(On notera que les correspondances Sans le lard du cochon ? Sans la datte
de Lucrecillia se basent sur un corps de confite ? Sans le tagine de
cul-de-jatte…) mouton ?, disait Oëmerin. »

Laelith 27
 Le travail au noir
« Savez-vous ce qu’est le travail au noir ?
Eh bien, sachez qu’un décret interdit à
tous les artisans qui travaillent avec du
feu, de pratiquer leur métier la nuit. Et
cela pour limiter les risques d’incendie
dont les conséquences seraient encore
plus funestes que de jour. Seuls les
forgerons sont autorisés à y déroger.
Et donc, on dit que les contrevenants
travaillent au noir ! »
Quiévine, piètre commerçant mais savant
Les carrières du
Cloaque
Pendant des siècles, pierres de taille
et pavés ont été en partie extraits sur
place, de carrières souterraines fournis-
sant les basaltes gris et colorés typiques
des constructions locales. Cette
pratique a été à l’origine de plusieurs
effondrements de terrain, le sol sous
Laelith étant devenu un vrai gruyère.
Nin Ier a donc strictement réglementé
cette activité (un permis est désormais
nécessaire et les volumes extraits sont
limités) et imposé l’étayage des galeries
superficielles et le comblement partiel
des plus larges pour les rendre plus
étroites. Les propriétaires doivent aussi
consolider les sous-sols des bâtiments.
La futaie de Viljo
Il y a cinquante ans, le surintendant
Stébigne a fait planter à grands frais
plusieurs milliers d’hectares de jeunes
plants de chênes d’A ltalith au sud-est de
Howe. Ces arbres fourniront dans trois
siècles du bois de construction pour les
chantiers navals du Roi-Dieu.
Stockage
À leur arrivée en ville, les matériaux
de construction destinés à l’Ouvroir
royal-divin (et tout particulièrement
à la réhabilitation du Châtiment) sont
entreposés à deux endroits princi-
paux, avant d’être acheminés vers les
chantiers ou les ateliers auxquels ils
sont destinés. Ce qui vient du sud et
de l’ouest franchit la porte de l’Ivresse
enchanteresse et est directement
apporté à l’Ouvroir. Ce qui vient du
nord et de l’est est stocké sur le quai des
Contrebandiers.
28
Viennent s’ajouter à ces six terrasses :
• Le Cloaque. On sait peu de chose fiable sur
cet immense dédale, qui s’étend a priori sous
la totalité de la ville. Ce serait, paraît-il, l’in-
verse de ce que l’on trouve en surface : un
temple impie consacré aux plus sauvages
divinités, des êtres corrompus qui fuient
la lumière du jour, des monstres à foison,
des complots en veux-tu en voilà, bref un
monde gouverné par le Mal qui ne deman-
derait qu’à éradiquer celui dédié au Bien.
Bien sûr, nombreux sont les aventuriers qui
y descendent, contrairement à ceux qui en
remontent.
• La Faille. Cette grande fracture géologique
sépare la ville en deux et accueille l’Inlam
qui bouillonne au fond. Transversale, fon-
damentale, la Faille n’appartient pourtant
à aucune terrasse : c’est un no man’s land
que l’administration, comme le Laelithien
de base, considère comme du Hors-ville
proche. Ce qui ne va pas sans quelques pro-
blèmes de juridiction lorsque s’y produit un
évènement qui impacte un quartier ou un
autre.
Les denrées alimentaires
Une ville comme Laelith a des dizaines
de milliers de bouches, souvent édentées, à
nourrir. La première préoccupation de l’ad-
ministration royale-divine est donc de don-
ner à manger à ses habitants. À l’origine, tout
était axé sur les productions du lac (pêches
de surface ou en eau profonde, récoltes de
coquillages, cultures d’algues…). Mais l’ac-
croissement permanent de la population, les
carences alimentaires constatées chez les ha-
bitants et les problèmes récurrents d’allergies
ont convaincu les autorités qu’il était désor-
mais indispensable de diversifier les apports
nutritifs… et d’en profiter pour rendre la ville
plus autonome face à la pression commerciale
qu’exercent les provinces alentour.
Une première démarche a été engagée sous
Teaphanerys XIV, qui trouve son aboutis-
sement dans la politique actuelle de grands
travaux de Nin Ier : rendre Laelith autosuffi-
sante en matière d’alimentation diversifiée. De
considérables moyens ont été mis en œuvre
depuis un an, qui conduisent au bilan suivant :
• la pêche sur le lac, activité historique, reste
une constante de l’alimentation, mais ses
aléas nécessitent d’être compensés par
d’autres ressources ;
• la ville a acquis de grands terrains dans le
Hors-ville voisin pour y développer de
nouvelles cultures : potagères, maraîchères,
fruitières, céréalières (blé et orge), viticoles
et oléicoles… De même, les accords passés
avec des villes de l’intérieur et les nomades
klutes des montagnes du nord ont permis
de développer différents types d’élevage.
Il est néanmoins utile de garder à l’esprit
que le Temple du Crâne, précurseur en ce
domaine, a investi depuis plusieurs années
sur des terrains près du Pier de Braïtonne.
En conséquence, il a fait bénéficier l’admi-
nistration royale-divine de son expérience
en la matière… et il compte bien en tirer
profit ;
• concernant l’eau courante et son approvi-
sionnement, le Roi-Dieu a décidé d’investir
massivement pour offrir à chaque habitant
un accès facile à l’eau potable. Sont donc
en cours de réalisation : plusieurs aqueducs
descendant des lacs de montagne voisins, six
citernes dans les terrasses hautes, un réseau
performant pour la récupération des eaux
pluviales… ;
• de même, la transformation et le stockage
des nouvelles denrées alimentaires ont été
repensés pour faire face à l’imprévu. Ainsi
trouve-t-on en ville quatre nouveaux abat-
toirs de grande capacité, plusieurs silos
à grains, de nombreux fumoirs et saloirs
pour une conservation à plus long terme…
et davantage de brasseries pour fabriquer la
Schtoob Rigoule ;
• reste le cas particulier des champignon-
nières en sous-sol, une alternative intéres-
sante aux risques de pénuries extérieures,
mais qui pose des problèmes « diploma-
tiques » avec le Cloaque.
Les autres ressources
De même, l’approvisionnement en res-
sources autres que comestibles a été revu :
• pour le bois, toujours indispensable, il n’est
plus question de dépendre des Six Provinces.
Le Pays fort et ses forêts de chênes, les monts
Virloquins et leurs pinèdes ont été mis en
coupe réglée au profit de la ville. Leur ex-
ploitation produit du bois de charpente, du
bois d’accastillage et du charbon de bois ;
• pour la pierre et les matériaux de construc-
tion, des carrières ont été remises en fonc-
tion et valorisées dans la région monta-
gneuse de Massagettes ;
• les mines étaient jusqu’à présent la chasse
gardée des nains établis au pied des Cheveux
de la déesse. Certains accords ont été passés
entre leur communauté et la ville et plu-
sieurs terrasses bénéficient désormais d’un
apport substantiel en pierreries et métaux
rares. Il faudrait être devin – ou membre
du Conseil restreint – pour connaître les te-
nants et aboutissants de ces accords ;
• enfin, reste la question des esclaves, ma-
joritairement considérés comme une res-
source énergétique nécessaire et employés
aux tâches les plus sordides. Ce qui signi-
fie : s’éreinter sur le cabestan du Chariot
qui monte, ne pas se noyer en exhumant les
enseignes de saint Bardolino, ne pas finir
dévoré par les varans sacrés en les nourris-
sant… Cela dit, la question reste épineuse :
quelques intellectuels du Nuage prônent
une sortie progressive de l’esclavage, tandis
que le Temple du Poisson d’argent, dans de
nombreux prêches, exige la fin de l’asservis-
sement – achat-vente-possession – d’êtres
humains… ou à peu près humains. À ce jour,
le sujet n’est pas tranché en haut lieu. Tout
au plus a-t-on accepté de reléguer le mar-
ché aux esclaves au Hors-ville voisin, en le
divisant en deux : le marché des montagnes,
au nord, dans la ville de Phlocal et le marché
des marais, au sud, dans celle de Termoral.
Ce qui fait le bonheur d’une nouvelle classe
d’intermédiaires : celle qui se rend dans les
marchés pour vérifier la qualité de la mar-
chandise, en rendre compte aux acheteurs et
acheminer le produit jusqu’à sa destination
finale. On dit d’ailleurs que ce chemin de
souffrance transite parfois par le Cloaque.
Mais allez savoir…
La circulation des
marchandises
Laelith, on l’a vu, génère un flux impor-
tant de produits, bruts ou raffinés, entrant ou
sortant de la ville. Il existe deux voies d’accès
majeures :
Par la terre, principalement empruntée par
les caravanes venant de l’est ;
Par le lac, sillonné par différentes
embarcations :
• les bateaux marchands chargés des pro-
duits en provenance des rives du lac et des
Six Provinces, surnommés « les grasses »
à cause de leur impressionnant tonnage.
Quand le saghiann ne sévit pas, il en ac-
coste dix à quinze par jour au quai des
Contrebandiers, donnant bien du travail à la
corporation des dockers ;
• les gigantesques trains de grumes ou de
pierres taillées. Venant des forêts du Pays
fort ou des carrières de Massagettes, ils en-
combrent régulièrement les eaux du port.
Chenilleur de radeaux, grumier ou pilote de
train sont des métiers exigeant un haut ni-
veau de qualification, aussi bien en connais-
sances des flux lacustres qu’en flottabilité
des matières véhiculées. Le salaire est en
conséquence, mais les places restent nom-
breuses à pourvoir, le taux d’accidents mor-
tels étant élevé ;
• les transbordeurs ou les traversiers, qui font
la navette entre Laelith et les villes lacustres,
le temple d’Altalith, les Six Provinces ou
le lac des Hautes Eaux. Rapides, élégants,
pourvus de voiles et de rameurs enchaînés,
ils représentent le trafic le plus régulier na-
viguant sur le lac. On notera que par sécuri-
té, ils embarquent toujours quelques gardes
privés pour garantir (théoriquement) leur
sécurité ;
• car il faut citer les sloops de pirates qui sil-
lonnent le lac en quête de butin. Avec leur
faible tirant d’eau et leurs voiles surdimen-
sionnées, ces chétives barcasses, où s’en-
tassent des dizaines de forbans, fondent
sur leur proie comme un aigle des monts
Vertigineux et, en moins de temps qu’il ne
faut pour le dire, abordent, massacrent,
pillent, rembarquent et disparaissent. À ce
jour, la flotte royale-divine, malgré sa belle
vélocité, n’en a arraisonné que très peu : les
cages goudronnées de la Chaussée du lac
restent la plupart du temps vides…
Les travaux de Nin
Le nouveau Roi-Dieu a de grandes
ambitions en matière d’urbanisme. Son
chantier emblématique est la réhabilita-
tion de la terrasse du Châtiment, mais
il a bien d’autres projets.
Il fait raser des bâtiments pour élargir
certaines rues, créant des charrières
pour desservir temples et ponts et
faciliter le passage de chariots entre les
terrasses (augmentant les flux de mar-
chandises et de matières premières et
développant l’artisanat et le commerce).
Ces grandes artères limiteront aussi les
risques de propagation des incendies.
Les expropriés sont indemnisés, après
expertise de la valeur de leurs terrains
et bâtiments par des arpenteurs, mais
ces démolitions sont impopulaires.
Nin veut faire paver toutes les rues,
mettre en place un éclairage public,
construire des aqueducs, développer
les espaces verts, réhabiliter les jardins
du Dénuement, rénover les bâtiments
publics (Lazaret, postes de garde…),
raser les bidonvilles autour de la cité
pour les remplacer par des construc-
tions décentes, et même moderniser
les égouts.
La nature militaire de certains projets
(modification du tracé des murailles
pour englober les baraquements, tra-
vaux sur le port militaire) étonne : Nin
aurait-il des intentions belliqueuses ?
A-t-il eu vent d’une menace contre
Laelith ?
Le Roi-Dieu encourage aussi les travaux
privés, incitant à utiliser la brique
et la pierre à la place de matériaux
inflammables, ce qui entraîne l’essor
de la briqueterie. Il impose des permis
de construire pour les particuliers
(nouveauté pas toujours bien acceptée,
chacun ayant jusqu’à présent fait
comme bon lui semblait).
Tous ces travaux ont aussi des consé-
quences sociales : afflux d’ouvriers
étrangers, recrutement de person-
nel par les surintendances locales
et le contingent de ville, création
de nouvelles taxes et de nouveaux
règlements…
La destruction de certains édifices
familiers des habitants provoque l’appa-
rition d’un intérêt nouveau pour la
préservation du patrimoine architectu-
ral laelithien.
Laelith 29
 Fonctionnement et rouages
Touche pas à mon
échelle !
Pour gérer une ville si colossale, une ad-
ministration s’est créée au cours des siècles : Le Roi-Dieu
« Paraît qu’il faut plus qu’on dise pyramidale, tentaculaire et au-dessus de tout D’essence divine, il règne en maître absolu
échelle, mais charrière… Décision du soupçon. C’est du moins ce que disent les sur la ville, sur son présent comme sur son
Roi-Dieu. membres des hautes sphères du pouvoir à ceux avenir. Son droit à régner est d’ordre divin,
– T’as rien compris ! Les rues qui vont qui sont en dessous et qui n’en ont pas… de ses prérogatives nombreuses et ses décisions
être élargies pour les chariots s’appelle- pouvoir. À tout seigneur, tout honneur, com- définitives. Cela dit, selon la personnalité du
ront charrières. Mais les rues en pente mençons par celui qui trône tout en haut. Roi-Dieu en poste, quelques conseillers triés
resteront des échelles.
sur le volet peuvent exprimer leur avis, voire
– Ah ben j’aime mieux ça ! » influer sur ces choix. Et justement, depuis
l’année dernière, un nouveau Roi-Dieu dirige
la ville. Arrêtons-nous quelques instants sur ce
Par sa tenue
d’apparat, ce clerc- personnage emblématique.
courtisan astucieux
rend hommage aux
lions blancs de Nin
Ier. Il fera tout
Nin Ier
pour que la Parole De manière inattendue, Nin Ier se révèle un
le remarque lors Roi-Dieu bien plus pugnace qu’il ne l’était au-
de sa prochaine paravant, quand il s’appelait encore Mitrias et
visite au palais du
exerçait la fonction de grand prêtre du Temple
Roi-Dieu.
du Nuage.
D’un naturel doux et bienveillant, il avait
jusqu’alors consacré sa carrière à œuvrer
pour plus de justice et moins de corruption.
Ce bonhomme rondouillard et jovial, facile-
ment disponible pour rencontrer ses ouailles,
n’avait jamais imaginé que le poste suprême
pouvait lui échoir… jusqu’à la mort de
Teaphanerys, date à laquelle, à la surprise gé-
nérale, il fut élu par ses pairs, les trois autres
grands prêtres.
Or, en moins d’un an, le plus consensuel des
membres du Conseil restreint est devenu un
Roi-Dieu à poigne, métamorphosé derrière ses
masques en une figure hiératique du pouvoir.
Certains, sous cape, le disent prétentieux,
imbu de lui-même, trop autoritaire. D’autres
voient en lui le nouvel espoir de la ville, le ré-
novateur espéré qui, après tant d’années d’im-
mobilisme, offre les moyens de mieux accueil-
lir les pèlerins, de faire rentrer plus d’argent
dans les coffres de chacun, de favoriser les
petites et grandes initiatives, bref de redorer le
blason de Laelith.
Mais en fait, peu de gens savent vraiment
qui se cache aujourd’hui derrière les différents
masques du Roi-Dieu.

30
 Quoi qu’on pense de lui, ses premières déci-
sions sont la marque d’un monarque qui ne va
pas s’en laisser conter.
Les cercles de pouvoir
En dessous du Roi-Dieu, s’étagent plusieurs
cercles de pouvoir. Voici une rapide présen-
tation de ces rouages, par ordre décroissant
d’importance :
• Le Conseil restreint du Roi-Dieu. Il ras-
semble les grands prêtres des quatre
Temples au cours de réunions régulières au
sommet. Bien sûr, leurs avis sont en grande
partie dictés par la vision du monde que
leur confère leur cosmogonie, ce qui biaise
souvent leur jugement et génère parfois des
luttes d’influence. Ils restent néanmoins en-
tièrement dévoués au Roi-Dieu et au déve-
loppement harmonieux de la ville ;
• L’administration royale-divine. Scribes,
juristes, gestionnaires, économes, tout ce
petit monde ratifie les actes, contresigne les
licences, rédige les autorisations officielles,
édite les décrets, s’assure de leur application.
Sous l’égide des Temples, ils sont répartis en
différents ministères (les cénacles) et ont
aussi en charge la gestion des taxes par l’in-
termédiaire des nombreux collecteurs qui
les perçoivent en parcourant la ville ; cette
occupation représentant plus du quart de
leur temps, on peut déplorer un certain re-
tard dans l’application des décisions prises
en Conseil restreint ;
• Les surintendances locales, en bas de la
pyramide, regroupent tous ceux qui inter-
viennent concrètement et gèrent au quoti-
dien les menus tracas de chaque territoire.
Ils sont échevins de quartier, placiers dans
les marchés, préposés à la lutte contre les
incendies, cantonniers, éboueurs… tous
rémunérés par la Ville et aux ordres de
l’administration.
Les instances annexes
Viennent ensuite les organes avec moins de
pouvoir ; leur avis est régulièrement demandé,
mais il reste souvent consultatif. Ce sont par
ordre décroissant :
• Les nombreux conseils élargis : Conseil
respectueux des nobles-citadins, Grand
Conseil des Temples, Haute Guilde,
Académie royale-divine du bel art, Haut
Conseil au pèlerinage… Notez qu’on parle
de corporations pour les artisans, de guildes
pour les commerçants, de confréries pour
les aspects religieux. Forte de plusieurs
centaines de membres, chacune de ces puis-
santes entités a ses entrées en haut lieu et
réussit parfois à peser dans les choix straté-
giques qui concernent leur secteur. On mur-
mure même que certains de leurs représen-
tants seraient admis de temps en temps aux
réunions du Conseil restreint…
• Les Petites Voix représentent tous les autres
groupements d’intérêt de moindre taille :
corporation des rouisseurs-teilleurs, guilde
des bardes, dramaturges et ménestrels,
confrérie du Soleil radieux… Malgré leur
besoin de reconnaissance, elles pèsent peu
dans le débat politique, puisqu’elles sont la
plupart du temps inféodées aux volontés de
leurs conseils élargis respectifs.
• Les forums citadins sont les associations
de quartier (Les festoyeurs de l’échelle
Qui-pue, Le cercle de danse traditionnelle
kaocalienne…) et les communautés de tous
ordres (de la vraie bière, du jupon blanc,
des noceurs de la pleine lune…). Leur pou-
voir est proportionnel à leur représentati-
vité, c’est-à-dire quasi nul. Si Les riverains
de l’échelle du Beurre (officiellement 643
membres) peuvent espérer influencer la
surintendance locale pour les décisions qui
touchent à la voirie, Le champignon régé-
nérateur (6 membres) n’a aucune chance de
discuter avec l’échevin du menu de la fête du
Ciel de sang. Ces forums sont si nombreux,
parfois si éphémères, si peu représentatifs
que les préposés de l’administration qui s’en
occupent finissent souvent au Lazaret pour
un séjour de longue durée en soins mentaux.
Les institutions religieuses
Elles sont fondamentales dans la vie et la
gestion de la Ville sainte.
Les Temples ont de nombreuses attributions :
• participation au Conseil restreint du Roi-
Dieu par l’entremise des grands prêtres ;
• sous l’autorité du Grand Conseil des
Temples : organisation de la vie religieuse
au quotidien (offices, cérémonies, ges-
tion des lieux de culte…) et des festivités
Les abattoirs
Les abattoirs ont été voulus par l’ad-
ministration royale-divine, comme un
progrès en matière de salubrité (avec le
contrôle systématique des viandes par
des « chaux » détachés du Lazaret) et
de réduction des pollutions (situés sur la
Chaussée du lac ou au bord de la Faille,
ils rejettent leurs déchets directement
à l’eau). Auparavant, chaque boucher
abattait lui-même ses bêtes dans sa cour,
dans des conditions assez rocambo-
lesques, le bétail échappant parfois
au coup de merlin fatal et semant la
pagaille dans les rues étroites de la ville.
« Tu parles d’un progrès ! Qu’est-ce qui
est plus facile d’après toi ? Conduire un
bouvillon jusqu’à l’échoppe du patron
ou y monter une demi-carcasse sur
le dos depuis l’abattoir, suivi par une
meute de chiens affamés ? »
Discussion entre les commis du boucher
Erysipe, installé rue Sous-les-murs
Deux métiers des
surintendances locales
• L’inspecteur des cheminées. Ces ma-
çons repèrent les cheminées en mauvais
état et les font réparer ou démolir avant
qu’elles ne provoquent un accident
ou un incendie. Chaque cheminée est
inspectée au moins une fois par an.
• Le tuchin. Les meutes de chiens
affamés et bruyants errant dans les
rues sont parfois un danger pour les
passants. Les tuchins sont chargés d’en
limiter le nombre, souvent au moyen
du gourdin symbole de leur profession.
Au feu !
L’incendie est à Laelith un fléau redou-
té. On parle encore de celui de la rue
de l’Arcade en 976, où le plomb fondu
ruisselait des toits. Face à ce danger,
les maigres moyens des pompiers des
surintendances locales, même aidés du
contingent de ville, suffisent rarement,
et les habitants doivent former des
chaînes pour faire passer des seaux
d’eau. De grands fûts pleins sont stoc-
kés près de chaque fontaine, et des esca-
liers abrupts, ou flégards, permettent de
descendre dans la Faille pour
puiser à l’Inlam.
Laelith 31

Les difficultés
d’une bonne
gestion
Il est bien difficile pour l’ad-
ministration royale-divine de
gérer l’immense diversité de
la ville, tant les différences
sont nombreuses et les su-
jets de friction aussi. Deux
exemples :
La langue. Bien sûr, tout le
monde parle avec plus ou
moins de facilité ce qu’il est
convenu d’appeler la langue
commune. Mais les nombreux
dialectes des populations
hors ville et des contrées loin-
taines compliquent parfois
les échanges. La solution ? La
guilde du Bien-parler a dans
ses rangs un grand nombre
de traducteurs qu’elle peut
mettre à disposition, moyen-
nant finances, en cas d’in-
compréhension totale entre
un acheteur et un commer-
çant, entre un aventurier et la
source qu’il interroge, etc.
La croyance. Que faire de ces
incroyants qui parcourent les
échelles de Laelith ? Car il
y en a, de ces visiteurs mé-
créants qui viennent dans
la Sainte Cité non pas pour
conforter leur foi, mais
pour gérer leurs petites af-
faires profanes. Doit-on les
surveiller ? Les exiler ? Les
convertir ? L’administration
les tolère parce qu’ils contri-
buent à enrichir la ville. Mais
les Temples sont plus re-
gardants, même si chacun
a sa propre opinion sur les
solutions à apporter au pro-
blème. Un point cependant
fédère religieux et adminis-
tratifs : une parole blasphé-
matoire prononcée à voix
haute et devant témoins
conduit immanquablement
le fautif à une petite visite au
faubourg Glauque.
32
exceptionnelles (grandes fêtes, processions
annuelles…) ;
• en collaboration avec le Haut Conseil au pè-
lerinage : accueil, gestion et orientation des
pèlerinages et des pèlerins ; affiliation/enre-
gistrement de leurs cultes… ;
• activité commerciale (vente de reliques, en-
seignes, crédentiels…).
• De plus, chaque Temple prend en charge
une partie de l’activité de la ville :
- Temple de l’Oiseau de feu, les forces ar-
mées (cénacle des Puissances) ;
- Temple du Poisson d’argent, la politique
commerciale (cénacle des Négoces) ;
- Temple du Crâne, la diplomatie (cénacle
des Continuités) ;
- Temple du Nuage, la justice (cénacle des
Équités).
Pour effectuer ces missions, chaque Temple
dispose de nombreux moyens humains et
logistiques :
• une hiérarchie sacerdotale spécifique, globa-
lement basée sur cinq niveaux (grand prêtre,
grands assesseurs, prêtres, diacres, novices) ;
• un aréopage de fonctionnaires (scribes,
contrôleurs, administrateurs…) ;
• des religieux regroupés en communautés
(moines, moniales…) ;
• des religieux au statut plus autonome
(anachorètes et ermites, saints-poètes
voyageurs…) ;
• des laïcs croyants et très impliqués (recru-
teurs, diacres, familiers, oblats…) ;
• des factions particulières (ordres de cheva-
lerie, pythies…) ;
• de nombreux lieux de culte disséminés en
ville et hors ville (grands temples, collé-
giales, abbayes, prieurés, chapelles, com-
manderies, autels, couvents, monastères,
ermitages…).
Au plus haut niveau, chaque grand prêtre
prêche pour sa paroisse, mais il sait en géné-
ral se modérer, ayant à cœur d’œuvrer d’abord
pour le bien commun de la ville. Il en est glo-
balement de même pour ses collaborateurs
directs. La chose est plus délicate pour les
strates inférieures ou un peu indépendantes :
certains recruteurs pratiquent la persuasion
musclée ; certains saints-poètes voyageurs,
après avoir visité des contrées éloignées, dé-
nigrent parfois sévèrement les autres cultes ;
certains contrôleurs de taxes ont tendance à
s’en mettre plein les poches… Et tout cela finit
parfois au tribunal.
Les institutions judiciaires
Le cénacle des Équités juge et arbitre tous
les conflits qui se produisent en ville et en
Hors-ville proche. Ses bâtiments récemment
rénovés (cours de justice d’un côté et prisons
de l’autre) se situent sur la Haute Terrasse,
jouxtant cet ensemble cosmopolite qu’on ap-
pelle le faubourg Glauque.
Ce cénacle est divisé en deux grandes
juridictions :
• Le Tribunal ecclésiastique se charge des
crimes religieux (agnosticisme, blasphème,
hérésie, profanation, théobasilophobie…).
Il dispose d’un grand nombre de clercs-ju-
ristes, théologiens, exégètes, traducteurs,
scribes, inquisiteurs… et bourreaux ;
• La Cour commune s’occupe des crimes
et délits de droit commun (vol, meurtre,
ivresse sur la voie publique, arnaque com-
merciale, défaut de paiement des taxes…).
Ses effectifs sont constitués de juristes,
scribes, experts en comptabilité, malfrats
repentis… et bourreaux.
Ces deux autorités judiciaires travaillent en
amont avec les fouineurs. Ces enquêteurs pa-
tentés – ils disposent d’une licence officielle –
sont de fins connaisseurs de Laelith et de ses
habitants. Leur travail consiste à chercher les
preuves accablantes d’un délit, à en informer
la juridiction correspondante et à appréhen-
der le suspect à l’aide des gardes de la ville. Ils
sont spécialisés dans l’une ou l’autre des juri-
dictions, opèrent en général seuls, mais leurs
réseaux d’indics ou de spécialistes sont consé-
quents. À noter que leur réputation d’incor-
ruptibilité est peut-être surfaite.
De ce fait, certains individus s’autoprocla-
ment enquêteurs conseil, proposant des ser-
vices qu’ils disent plus efficaces ; ce sont sou-
vent d’anciens fouineurs passés dans le privé,
des gardes de la ville démobilisés ou des aven-
turiers entre deux missions. Ils bénéficient
d’un agrément annuel, leurs tarifs sont élevés
et leur réputation de corruptibilité n’est pas
surfaite.
Une fois le suspect appréhendé, il est conduit
en prison pour une période dite « préventive
et indéterminée » au cours de laquelle il est
interrogé. La torture est uniquement autori-
sée dans les cas les plus graves, mais la mise au
cachot, vu leur état, suffit souvent à délier les
langues. À défaut, la mise au pilori « préven-
tive et indéterminée » fait merveille.
C’est après cette période d’incarcération
(plus ou moins longue, avec ou sans aveux) que
le suspect est jugé. La séance est toujours pu-
blique et souvent expéditive. Mais pour les cas
litigieux ou intéressants aux yeux de la justice,
le prévenu peut faire appel à un des ténors du
barreau pour le défendre.
Vient ensuite la peine. Selon la gravité du
délit, elle varie entre payer une taxe excep-
tionnelle, faire des travaux d’intérêt général
(ramasser des immondices) pendant plusieurs
jours, souffrir quelques mois sur les bancs de
nage des galères de la ville, ou bénéficier d’une
exécution publique et rapide, administrée par
un bourreau assermenté.
Il existe un tribunal d’exception, nommé
Sublime Juridiction, qui siège au palais du Roi-
Dieu et traite les cas de crimes de lèse-majesté
ou d’atteintes à la sécurité publique. Ses deux
seules sentences sont : acquittement ou exécu-
tion publique, rapide ou lente.

Les forces armées

Sous la tutelle du Temple de l’Oiseau de feu
et du cénacle des Puissances, l’armée de la Ville
sainte est commandée par trois généraux (appe-
lés merkers) et répartie en trois grands corps :
La Garde pourpre est la garde personnelle
du Roi-Dieu ; totalement indépendante, elle
ne dépend que de lui ;
Le contingent de ville a autorité à l’intérieur
des remparts. Ses fonctions principales sont :
• le maintien de l’ordre public, de jour comme
de nuit ;
• l’assistance aux fouineurs pour enquête ou
interpellation ;
• l’assistance aux gardes-collecteurs, une
section spéciale du Contingent qui pré-
lève les taxes dépendant de ses attributions
(sur le trouble à l’ordre public, sur le port
d’armes prohibées, sur les circulations non
autorisées…) ;
• l’aide à la population (aide aux victimes en
cas d’épidémie, de tremblement de terre ou
d’inondation, assistance à la lutte contre les
incendies majeurs…).
Cette peinture a été inspirée à Tanburci alors qu’elle
participait à une liturgie au temple du Nuage. Selon
l’artiste, elle représenterait la sphère des Pluies.
Laelith 33
 Force et Vigueur Ses effectifs (environ 2 000 hommes) sont environ 400 hommes par terrasse (hors le
« En traversant à pas lents le bord répartis par terrasses, dans des postes de Châtiment, où il n’y en a guère et le Cloaque,
ouest de la Main qui travaille, j’ai garde dont l’effectif est proportionnel à la où il n’y en a pas). Ils sont globalement bien
croisé plusieurs artisans arborant à surface du quartier et au nombre d’habitants perçus par les habitants, un peu moins bien
leurs coiffes de longs rubans bleu et qui y vivent, ce qui donne une moyenne d’en- par les visiteurs qui les voient surtout comme
blanc. La réponse que j’obtins à mon viron 5 à 8 soldats pour 1 000 habitants, soit des percepteurs.
étonnement me fut donnée place des
Sept Royaumes. Alors que j’admirais
sur l’étal des gavots la maquette d’un
magnifique escalier à vis, le préposé qui
se tenait là m’expliqua que c’étaient les
couleurs qu’arboraient les compagnons
de sa corporation et que leur devise
était Force et Vigueur. D’où le salut rituel
qu’ils avaient de poser leur main droite
sur leur cœur puis de tendre ce même
bras à l’horizontale, poing fermé. Il ne
m’a rien dit de plus. Si d’hasard, j’en
rencontre un autre, je lui demanderai
d’où peut venir ce signe étrange qu’on
ne voit pas ailleurs. »
Esope, curieux de nature

Au nord des pics des Mages, un

peu au-delà du désert de scories,
une patrouille du corps des
Protecteurs a repéré cette bête il y
a maintenant trois jours. Consigne
lui a été donnée de l’attraper
vivante. Pauvre patrouille…

34
 On notera qu’une seconde section spéciale
du Contingent est affectée aux shedras, les
cinq reptiles volants autorisés à survoler la
ville.
Le corps des Protecteurs de la Ville sainte
est entièrement tourné vers le Hors-ville et,
sauf exception (émeute généralisée, état d’ur-
gence…) n’intervient pas à l’intérieur des
remparts. C’est ce qui explique probablement
pourquoi, jusqu’à présent, leurs baraquements
et écuries étaient en dehors des murs. Mais le
nouveau Roi-Dieu, avec sa politique de mise à
distance des Six Provinces, a jugé qu’il fallait y
mettre un terme.
Les fonctions principales de ce corps d’ar-
mée sont les suivantes :
• défense de la ville contre tout agresseur
extérieur ;
• maintien de l’ordre dans le Hors-ville
proche (falaise de Vorn, montagnes
environnantes…) ;
• surveillance des eaux du lac d’Altalith,
jusqu’à la Divine Écluse (patrouilles, es-
cortes de bateaux) ;
• surveillance des rives du lac (bande d’une
trentaine de kilomètres), jusqu’à la Divine
Écluse (patrouilles terrestres) ;
• rares expéditions d’exploration ou de main-
tien de l’ordre au-delà de ces limites si
nécessaire.
Pour mener à bien ses missions, il bénéficie
d’une force d’environ 4 000 hommes (de 10
à 16 hommes pour 1 000 habitants) incluant
cavalerie, artillerie, marine et logistique. S’y
ajoutent au besoin trois des cinq shedras du
Contingent, mais il est spécifié dans l’ordre
de mise à disposition que les missions doivent
s’effectuer hors zones de combat.
Les Protecteurs bénéficient d’une réputation
flatteuse de troupe d’élite : leurs faits d’armes,
transcrits en chansons de geste, sont émaillés
de barouds d’honneur, d’exploits de durs-à-
cuire et de fraternités militaires comme on
n’en fait plus.
On notera que les récentes dispositions
diplomatiques prises par le cénacle des
Continuités ont déclenché de nouvelles pro-
cédures d’enrôlement.
Les groupuscules officieux
On ne saurait clore ce chapitre sans évoquer
les quelques groupes qui travaillent dans l’ombre
aux affaires de la cité, mais exclusivement pour
leur propre intérêt. Nous voulons bien sûr par-
ler des nombreuses guildes de voleurs qui sé-
vissent en ville. La guilde du Poignard sanglant
et la guilde de la Langue coupée sont deux des
plus célèbres et des plus puissantes parmi les di-
zaines qu’on suppose exister. À leur actif, toute
la panoplie des actes répréhensibles :
• trafics autour du fait religieux (reliques, en-
seignes, crédentiels…) ;
• trafics de produits illicites (drogues, armes,
objets magiques…) ;
• vols, vols à la tire et recels (richesses, ob-
jets précieux, objets magiques, objets
cléricaux…) ;
• gestions immobilières (cour des miracles, tri-
pots, cabarets, fumeries, maisons closes…) ;
• prostitutions en tout genre (classique, exo-
tique, déviante, franchement malsaine) ;
• trafic d’animaux (de bât, de compagnie, de
plaisir…) ;
• réseaux de mendicité ;
• rackets, chantages, enlèvements, demandes
de rançon ;
• missions sur commande (renseignements,
services d’ordre, manipulations, participa-
tions aux agitations publiques, assassinats
commandés…) ;
• approvisionnements en tout genre pour le
Cloaque (femmes, esclaves, cadavres, pro-
duits frais de la surface…).
Il est de notoriété publique qu’en arrivant à
Laelith, tout membre d’un clergé doit enregis-
trer son culte à l’un des quatre Temples, sous
peine de ne pas être reconnu. Il en est de même
pour les voleurs, monte-en-l’air, pickpockets,
assassins… Au-delà de sept jours, il est très
imprudent pour un malfaiteur d’exercer ses
talents sans s’affilier à une guilde locale et lui
verser une partie de ses gains : on trouve ré-
gulièrement place du Pilori des cadavres aux
pieds coupés et portant une pancarte disant
sobrement « Courir seul, pas bon ».
Une arrivée par le nord
« L’autre soir, j’étais de garde à la porte
de derrière… Et tu me croiras si tu
veux, à l’aube, j’ai vu une silhouette
fendre le brouillard ! J’avais l’impression
que la brume sortait de sa robe. Elle
descendait lentement par le sentier de la
montagne. Il y avait comme une lueur
sous son sayon. D’habitude, les mages
arrivent de leurs pics, mais pas celui-là !
Une minute après, il cognait le heurtoir.
Je l’ai observé tandis qu’il attendait en
silence. Il m’a transpercé du regard à
travers son turban sombre et pous-
siéreux. J’aurais juré que des flammes
dansaient dans ses yeux ! Finalement, je
lui ai demandé son nom. Il l’a prononcé
d’une voix grave tout en enlevant sa
coiffe. Alors j’ai vu son visage. Ça m’a
glacé le sang jusqu’à la moelle !
– Et alors ?
– Alors quoi ? Je l’ai inscrit sur le re-
gistre, c’était la première entrée depuis
six mois, et le prêtre a validé son passage
en le regardant à peine.
– Et son visage… ?
– C’était un cornu ! Un tieffelin ! J’te
jure : j’en tremble encore. »
Rénovations
« Connaîtriez-vous quelques aventu-
riers peu regardants ? J’ai dans mon
fief un lot de cinq bâtiments vétustes,
sentant l’huile rance et la pauvreté
crasse. La centaine de pauvres hères
qui y habitent gagneraient beaucoup à
fréquenter les maisons de bains, mais
il semblerait que ces bougres n’en aient
pas les moyens. Ne vous méprenez pas !
J’ai pitié de leur sort. C’est justement
pour cela que j’aimerais ne plus les voir
là quand mes démolisseurs viendront
raser le tout, car vous savez comment
sont les ouvriers : ils seraient capables
de les enterrer vivants. Comprenez-moi
bien : je ne manque pas de sentiment,
mais les affaires sont les affaires. De
nouvelles politiques sont à l’œuvre en
haut lieu et il me faut bien suivre leurs
exigences. »
Un noble-citadin dont nous
tairons le nom
Laelith 35
 Guide du visiteur
Trois voyageurs dispersés
Sentence populaire
« Les Rois-Dieux, c’est tous les mêmes :
une fois qu’ils sont bien installés au palais,
ils oublient bien vite nos souffrances. »  même ! J’ai cru que vous ne m’entendriez pas
Commentaire d’une vendeuse de poissons
de la Chaussée du lac lors de l’intronisation
de Nin Ier
AAh ben mince alors !
« Il est fermé le parc des Fabriques ! Le
nouveau Roi-Dieu l’a fait raser il y a
six mois pour agrandir deux rues et y
construire de nouvelles habitations ! Si
j’avais su… »
Franssoué de Monville jura mais un peu
tard qu’on ne l’y reprendrait plus
36
« Mais… qui vois-je  ? C’est Quiévine  !
Quiévine ! Quiévine d’Esprées ! Oui ! Là ! Sous
la tonnelle ! Vous me voyez ?… Ah, quand
avec cette foule ! Quel hasard incroyable de se
recroiser dans une ville aussi immense ! Alors
comment vont vos affaires ?
– Ah, pour ma première visite à Laelith,
j’ai été servi ! Dès que nous nous sommes sépa-
rés, j’ai été harcelé par les collecteurs de taxes
qui m’ont privé du tiers de mon pécule en une
seule journée. Ajoutez à cela l’artisan relieur
qui s’en est adjugé encore la moitié et pour fi-
nir comptez le coût d’une nuitée qui, même dans
une taberge, frise celui d’un appartement sei-
gneurial de mon pays. Et vous me trouvez, le
Quiévine d’Esprées et Oëmerin le Naja, assis en terrasse devant une
soir venu, en train de jeûner pour économiser
quelques sous. Heureusement, le travail réalisé
sur mes livres était d’excellente facture et l’éru-
dit que je rencontrai le lendemain fut suffisam-
ment intéressé par leur contenu pour me propo-
ser un entretien avec un membre du haut clergé
dont je tairai le nom par superstition. Restait
une question cruciale : pouvais-je paraître au-
près de ce grand personnage dans des vêtements
usés par la route ? Certes, non. Aussi, m’ou-
vrais-je à mon interlocuteur de mes difficultés
financières et il me prêta quelque argent… à
un taux proprement scandaleux ! Quelle ville de
brigands !
– Calmez-vous. À quelle date a lieu votre
rendez-vous ?
Schtoob Rigoule, font des plans sur la comète.
 – Dans deux jours, à la suite d’une représenta-
tion théâtrale donnée à l’hôtel de Guerlas, sur la
Haute Terrasse. Et je vais réserver dès demain
une tenue pour l’occasion.
– Sage décision ! Pour fêter ça, je vous offre
une Schtoob Rigoule qui vous remettra de vos
émotions. Et si je peux vous être utile, je serai
heureux de vous accompagner demain.
– Avec joie ! Vos conseils éclairés seront les
bienvenus.
– Et pour vous, mon cher Oëmerin, comment se
passe le séjour ?
– Ma foi, plutôt bien. Avant d’entamer ma
mission, je suis retourné déjeuner à la carte dans
une petite taberge que j’avais testée lors de mon
deuxième séjour en ville. Leur lotte aux kelpies
est toujours divine ! Je vous conseille d’y faire un
tour : c’est une petite gargote appelée “Au port
de Pidjiguïti” au 56 de l’échelle de l’Auberge-
qui-pue et le menu n’est pas très cher si vous vous
contentez de manger utruz. Encore faut-il avoir
l’estomac bien accroché.
– Utruz ?
– Oui, une peuplade locale, lacustre, aux
boyaux solidement arrimés. Bref. J’en ai pro-
fité pour passer l’après-midi dans cette terrasse
du port que je connaissais un peu. C’est triste à
dire, mais elle est toujours aussi pouilleuse. Les
rats traversent les échelles en plein jour, les
pots de chambre atterrissent à tout moment sur
vos bottes, quant à la puanteur ambiante… in-
descriptible ! Mes déambulations m’ont conduit
côté Main qui travaille. Et j’y ai découvert, par
pur hasard, un mastroquet qui sert de délicieuses
brochettes de bulots au vinaigre, accompagnées
d’un petit vin fruité de Phlocal, vous m’en direz
des nouvelles. C’est pourquoi, ayant pris une
chambre pas loin, j’y suis retourné le lendemain
matin pour tester leur pichet de blanc dès po-
tron-minet. Mais il m’a peu convaincu. Suite à
quoi, j’ai passé la journée à visiter le quartier.
Très bien ! Bruyant, trop populeux à mon goût,
mais on y trouve vraiment de belles pièces artisa-
nales, y compris dans les arts culinaires. Je me
suis ainsi offert une timbale en vermeil de toute
beauté. En souvenir, j’y ai fait graver « OLN »
en dessous du blason de la ville.
– Et à propos d’objet, vous en êtes où de celui
que vous deviez acquérir ?
– Plaît-il ? Ah oui… L’objet… Eh bien
pour le moment je n’ai guère avancé… car j’étais
très occupé. Mais ça ne saurait tarder ! J’ai
d’ailleurs envoyé mon apprenti glaner quelques
renseignements. Et comme il ne va rien trouver, il
va certainement falloir que je m’en mêle.
– Et avez-vous eu des nouvelles d’Esope
Ragouline ?
– Moi ? Non pourquoi ? C’est vous qui êtes
proche de lui !
– Certes, et justement, nous nous étions donné
rendez-vous avant-hier en fin d’après-midi, sur
le pont des Morts. Il avait l’air tout tourneboulé
quand nous nous sommes retrouvés. Je lui ai pro-
posé de marcher un peu le long de la Faille, ce
que nous avons fait, lui perdu dans ses pensées et
moi fasciné par le torrent tumultueux qui gron-
dait en dessous de nous. Nous nous sommes assis,
les pieds dans le vide, et j’ai pressé Esope de me
dire ce qui le turlupinait. Sommairement, il m’a
expliqué avoir rencontré vers midi ce jour-là un
prêtre important du Temple du Poisson d’argent
qui lui avait confié sa mission. Et c’est tout fris-
sonnant qu’Esope m’a murmuré : “Et elle ne se
limite pas à cartographier la ville depuis le dos
d’un shedras… Il me faut aussi… entrer en
Châtiment… et faire… mais, non, je n’ai pas le
droit de vous le dire.”
– Vous pensez qu’il voulait dire “entrer dans la
terrasse du Châtiment” ? Mais tout Laelithien,
même de passage, évite d’y mettre les pieds !
– Oui, je sais, c’est bien ce qui m’a inquiété.
Après un long silence, Esope m’a avoué avoir ren-
contré un archiviste de l’Université matérialiste
universelle et un théologien de la Bibliothèque de
la foi, tous deux dans la terrasse du Nuage, puis
s’être rendu à l’échelle Monte-en-ciel. Il disait
devoir y retourner le lendemain soir, accompagné
par sécurité d’un magicien. Il pensait que vous
seriez celui-là. Donc, je voulais savoir s’il vous
avait contacté.
– Que nenni ! Et c’est bien dommage pour lui.
En même temps, ce soir-là, j’étais occupé à par-
courir la Main qui travaille, à la recherche d’une
adresse qu’on m’avait recommandée.
– Pour votre objet ?
– Plaît-il ? Oui… enfin… non… pas vrai-
ment. Il s’agit d’un petit établissement, « Le
blanc-mangé », logé dans une courette près de
l’échelle des Ateliers. Et que je n’ai pas trouvé.
– Mais pour Esope, vous pourriez l’aider ? Ce
soir, par exemple ?
– Euh… oui bien sûr, mais cela va être dif-
ficile pour lui de me retrouver : il ne connaît pas
l’endroit où j’ai posé mes affaires !
– Rassurez-vous : il m’a donné son adresse ! Il
suffit que vous me donniez la vôtre, je vais de ce
pas la lui communiquer et il vous y retrouvera ce
soir, à la tombée du jour.
– Ah… Bien sûr… Alors, faisons ça. »
Au blanc-mangé
« Chers amis, reprenez un peu de ta-
boulé aux poulpes et dites-moi donc ce
que vous pensez de ces trois premières
journées passées à Laelith ?
– Personnellement, malgré le passage au
Lazaret, j’ai encore quelques douleurs
dues à la montée de Vorn. J’ai rencontré
avant-hier un garde qui, auparavant,
soignait les shedras. Nous avons beau-
coup échangé. D’ailleurs, hier, c’était
son jour de repos et nous avons visité la
sellerie qui fabrique les harnachements.
J’ai compris pourquoi les selles sont si
raides !
– Pour moi, c’est surtout les taxes
qui me restent en travers de la gorge.
Apprenez que dès le premier jour, je fus
arrêté douze fois par des percepteurs,
tous sourds à mes arguments. Je ne vous
cacherai pas que mon pécule a fondu
comme Utruz au soleil. D’ailleurs, pour
le repas, si quelqu’un…
– Pas d’inquiétude, vous êtes mes
invités ! Je suis en joie : demain midi, j’ai
réservé une table à La miche rebondie –
on m’a vanté sa fougasse aux lardons. »
Trois hommes dans un rade (dont un
demi-elfe)
Ent ?
« Je… s’appelle… Groot. »
Groot, refoulé à la porte de l’Immense
Solitude septentrionale
Discours d’accueil
« Neuf fois sur dix, la première
personne qui vous adresse la parole à
Laelith est un charlatan, mais vous avez
de la chance, vous êtes tombé sur moi.
Je suis né ici trois fois et je connais tous
les secrets de la ville quatre fois sainte.
Vous voulez déguster un bon plat : je
connais une taberge qui pourvoira à
toutes vos envies pour un prix raison-
nable. Vous rêvez d’admirer les vitraux
du temple de l’Oiseau de feu : je peux
vous y introduire sans tarder. Besoin
d’un lieu où se reposer ? J’ai testé plus
de mille paillasses, de la plus discrète à
la plus confortable. N’attendez rien des
autres racoleurs, je peux vous prouver
ce que j’affirme en moins d’une de-
mi-journée. Si vous n’êtes pas satisfait,
vous ne me devrez rien mais moi, par
contre, je resterai votre obligé. »
Léonard Satis, guide assermenté
par la guilde des Bien pendues
Laelith 37
Le gardien des serres protège les nombreux
jardins de la terrasse du Nuage. Seules les
38 ne s’effraient pas de son apparence
plantes
belliqueuse.
 Relief

Arriver à Laelith « Alors ? C’est comment Laelith ?

– Plat. »
Wlaz, voyageur ayant traversé la Ville
sainte de la porte de l’Immense Solitude
septentrionale jusqu’au Grand Marché, par

Qui se rend en ville ? Par l’est. Les accès par le lac, le port ou le
chemin des Caravanes sont « les voies du mar-
le pont Nin Ier

Qu’il ait grimpé la falaise de Vorn ou enduré
les rigueurs de la route du Long Détour, c’est
toujours submergé par l’émotion que le visi-
teur aborde enfin la ville tant désirée. On es-
time le nombre d’arrivées et de départs à près
de deux mille par jour. Mais qui est-il ce cou-
rageux voyageur qui affronte les dangers du
chemin ou se résout à quitter la Cité sainte ?
Tout d’abord, un pèlerin et un croyant,
poussé par sa foi : il représente plus de la
moitié de cet effectif. Ensuite, un marchand
ou un artisan, poussé par la soif de réussir ;
selon la Haute Guilde, on en dénombre plu-
sieurs centaines par jour, qui souvent tente-
ront de s’établir en ville. L’aventurier vient
ensuite, en quête de trésors et de gloire ; il est
difficile d’en estimer le nombre car il n’existe
guère de registre pour son type d’activités.
Enfin, il reste la fraction non comptabilisable
des exilés, fuyards, renégats et autres mar-
ginaux  : contrairement aux ambassadeurs
et émissaires qui viennent pour se montrer,
ceux-là viennent pour se cacher. On dit que
certains passent même par le Cloaque. Mais
autant vous dire que, concernant la ville du
dessous, on ne sait rien de rien sur ses entrées
et sorties.
chand », car ils concernent surtout le com- Armons-nous et
merce, avec l’arrivée des matières premières et partez !
des produits manufacturés venus des rives d’Al- « Puisque Daïlokratos mérite la
talith ou des Six Provinces. Venir en pèlerinage reconnaissance de tout un chacun, la
et arriver par ces accès est plutôt mal vu, à moins Ville sainte saura lui donner la place
qui lui sied, bien au-delà des fausses
de raisons particulières (retour d’évangélisation
divinités impies. Allez dans la Foi !
dans les Provinces, provenance depuis la plaine
Montrez à tous sa gloire ! Et revenez
des Oliviers ou le Royaume d’Omakshan…).
triomphants ! »
Par le sud. L’accès se fait par la porte de Injonction du grand prêtre de Daïlokratos
l’Immense Solitude septentrionale après une lors du départ de trois novices-pèlerins… qui
traversée solitaire et dangereuse de plusieurs n’atteignirent jamais Laelith
déserts et marais. Le voyageur qui arrive par
cette voie est souvent brûlant de fièvres, parfois
mentalement perturbé par ce qu’il a croisé, pro- Un Ookhab et son guide.
bablement détroussé par les pillards. On l’ap-
pelle communément « la voie de l’aventureux ».
Par le nord. L’arrivée par les pics des Mages
est très contrôlée, car elle permet un accès

Quelle route emprunter ?

Par l’ouest. La montée de la falaise de Vorn et
l’accès par la porte de l’Ivresse enchanteresse est
l’accès privilégié – on l’appelle « la voie du pèle-
rin ». Un titre d’accès est distribué à chacun aux
postes de garde en bas de la falaise : si vous êtes
pèlerin (coquillage violet), il vous servira à faire
valider votre crédentiel ; si vous êtes marchand
(coquillage orange), il vous aidera à prendre
rendez-vous avec les autorités ou les corpora-
tions ; enfin, si vous n’êtes ni l’un ni l’autre (co-
quillage vert), il ne vous servira à rien (d’ailleurs,
on en trouve de gros tas à la sortie du Lazaret).
Pour arriver en haut de ces interminables lacets
et de ces 1 400 mètres d’ascension, comptez au
moins six à sept heures de marche épuisante
pour un individu moyen sans paquetage.

Laelith 39
 À la sortie du Lazaret
« J’comprends rien à c’qui m’dit. Tu sais
pas où est Vieille Langue aujourd’hui ? Je
crois que j’vais avoir besoin de lui. Parce
que là, j’comprends vraiment rien… »
Alduis Berthold, membre des Bien pendues
en quête de Vieille Langue, éminent
membre de la guilde du Bien-parler
Tout smouales
étaient les Utruz
« Prends garde au béhemnouille, mon fils !
À sa gueule qui mord, à ses tentacules
qui happent ! »
Poème traditionnel utruz
40
direct à la Haute Terrasse. Ce chemin, qui abou-
tit aux remparts après avoir emprunté les rares
sentiers qui sillonnent les montagnes, exige du
voyageur une solide constitution physique pour
lui permettre de survivre au froid des grands
sommets, à l’âpreté des jours sans nourriture, à
la rudesse des quelques peuples sauvages qui y
vivent. Cette voie, bien contrôlée même si peu
empruntée, ne porte pas de nom.
Quel moyen de locomotion ?
Par l’ouest. On arrive au pied des falaises le
plus souvent à cheval ou en caravane. Ensuite,
pour gravir la côte, le persévérant pèlerin
Une actrice du Grand Théâtre .
montera à pied, le marchand chargera son
matériel sur le bât de ce gigantesque ruminant
qu’est l’ookhab ou sur le dos d’un porteur, le
riche s’offrira une chaise à porteurs et l’aven-
turier regrettera d’avoir emporté sa cotte de
mailles. On remarquera, au tiers du parcours,
une plaque à la mémoire d’Eliphas Lowy, qui
entama la montée à genoux ; elle immortalise
l’endroit où ses rotules se détachèrent de son
corps, l’entraînant dans une chute vertigineuse.
Par l’est. Le lac d’Altalith est sillonné par
moult bateaux, barques et traversiers, qui
transportent les voyageurs ou les récupèrent
en perdition sur les eaux. De même, les ca-
ravanes marchandes véhiculent de temps en
temps, outre leurs cargaisons habituelles, des
hôtes de marque ou des marcheurs épuisés, à
condition que ceux-ci puissent encore payer
leur transport. Les charognards ne manquent
pas sur le chemin des Caravanes, qui se ré-
galent des aventureux n’ayant pas eu la chance
de croiser une auberge itinérante.
Par le sud. Pas de transport organisé sur ces
routes hasardeuses. Aucun refuge, même spar-
tiate, n’existe à des centaines de kilomètres à
la ronde. On arrive la plupart du temps à pied,
les montures étant souvent mortes d’inani-
tion, de soif ou d’avoir calé l’estomac de leur
propriétaire. La meilleure chance de survie
reste encore de constituer une petite troupe de
voyageurs, en espérant qu’aucun membre ne
devienne fou ou cannibale.
Par le nord. Comme précédemment dit, on
y arrive à pied, sans aide, la plupart du temps
tout seul et dans un piètre état. Si on arrive
jusque-là…
Au pied des murs
La ville est protégée sur ses flancs nord et
sud par un rempart de 9 mètres de haut, com-
plété par des bastions, tours, casernements,
poternes discrètes et quelques entrées mo-
numentales. Au nord, il n’existe qu’une seule
grande porte, celle qui donne sur les bara-
quements militaires, au débouché du chemin
des Caravanes ; on trouve aussi deux passages
plus modestes qui mènent aux lieux de culte
annexes du Nuage et du Crâne, en dehors des
murs. Hormis ceux-là, les murailles ne s’en-
trouvrent sur les montagnes que par quelques
petits passages bien surveillés, y compris pour
l’accès très contrôlé aux pics des Mages. Au
sud, les deux portes de l’Ivresse enchanteresse et de l’Im-
mense Solitude septentrionale, particulièrement impres-
sionnantes, s’ouvrent toutes grandes pour les pèlerins, mais
restent redoutablement protégées, et bien sûr fermées la
nuit.
En amont des fortifications, un espace vierge de toute struc-
ture et végétation haute a été dégagé ; il cerne l’ensemble des
murailles et porte le nom de chemin Sous-les-murs. Il existe
toutefois, à l’extérieur des remparts, quelques extensions de
la ville, comme des bâtiments appartenant aux Temples, des
campements nomades dont un, important, à l’est, près du ca-
ravansérail et d’anciens faubourgs abandonnés. Un site reste
particulièrement actif : il s’agit du camp de transit près de la
porte de l’Ivresse enchanteresse, appelé camp de la Longue
Patience ou Hache sévère (du nom d’un médecin militaire
nain qui en est à l’origine). Sa fonction est d’accueillir et de
filtrer les voyageurs pendant la journée et, le soir venu, d’hé-
berger ceux arrivés après la fermeture des portes.
Passer les portes
Par l’ouest ou par le sud. Le filtrage est sévère puisque
chaque arrivant est mis à l’isolement pour plusieurs jours
au Lazaret, ensemble de bâtiments tenus par les quatre
Temples, où sa santé physique, mentale et ses motivations
sont étudiées. Un verdict de bonne santé donne accès à la
ville ; en cas de problème, le sujet est soigné (à ses frais) ou
expulsé (quand il n’est pas soudainement emporté par une
aggravation de sa maladie).
Par le nord-est. La surveillance est stricte et militaire à l’en-
trée des baraquements : les fouilles au corps et l’inspection des
cargaisons sont systématiques. Mais il n’existe pas de contrôle
sanitaire. Le Roi-Dieu a exigé qu’il en soit mis en place un dès
l’année prochaine, pour éviter que ne se reproduise l’épisode
dysentérique, heureusement rapidement contenu, qui a vidé
les entrailles de la garnison le mois dernier.
Par l’est. Là, tout est aléatoire : une grasse s’amarrant aux
quais peut être contrôlée trois fois par des gardes pointilleux,
alors qu’une barcasse anonyme peut accoster et repartir sans
avoir croisé le moindre casque. Pourtant, les rondes sont fré-
quentes, les catapultes attentives et les guérites nombreuses,
mais la complexité du maillage des divers appontages rend la
tâche de surveillance quasi impossible.
Par le nord. Peu de trafic, mais un contrôle sérieux basé
sur un examen sanitaire sommaire et l’inscription dans un
registre des entrées.
Les formalités
Pour une ville de la dimension de la Cité sainte, savoir qui
est qui et qui fait quoi relève de la gageure. Bien sûr, l’admi-
nistration royale-divine rêverait de tout connaître de l’arri-
vant ou du résident, mais c’est peine perdue ! Alors quelques
solutions approximatives ont été mises en place pour glaner
un peu d’informations… et de monnaie.
La première est classique et concerne les nombreux re-
gistres où tout un chacun va laisser sa trace : le pèlerin va
s’identifier auprès d’un Temple et donner le nom de son culte ;
le vendeur va enregistrer auprès d’une guilde sa marchandise
et sa provenance ; l’aventurier indiquera à un tabergiste quel
type de mission il recherche… Toutes ces informations seront
compilées, classées, rangées… et souvent égarées. On notera
que par une étrange aberration administrative, les registres
d’entrée des arrivants, ceux que remplissent les préposés aux
écritures, ne possèdent pas de colonnes pour indiquer le pays
ou la ville de provenance du visiteur, sauf pour ceux venant
des Six Provinces. D’aucuns disent que c’est un oubli qui sera
bientôt réparé, une chansonnette entendue depuis dix ans ;
d’autres, peut-être mieux informés, racontent qu’un jour, un
préposé en fureur, exaspéré de ne pas réussir à noter certains
lieux aux incompréhensibles prononciations, a déchiré la
colonne en question, une suppression manu administrati qui
depuis aurait fait école chez ses collègues.
Le deuxième moyen passe par les guides touristico-religieux
qui accostent les arrivants au port, près du caravansérail ou
à la sortie du Lazaret. Assermentés ou non, ils sont partout
à l’affût, sautent à plusieurs sur le premier repéré et l’étour-
dissent de leur bagout, qui est proverbial. Rares sont ceux qui
réussissent à s’en défaire sans avoir payé pour visiter les ruines
miteuses de la chapelle du Dernier Jour de Jujube le Froussard.
Nombreux sont ceux qui, à l’insu de leur plein gré, ont raconté
précisément qui ils étaient et ce qu’ils venaient faire en ville.
Des informations qu’une guilde comme celle des Bien pendues
saura revendre à un échevin, un clerc-courtisan, un noble-ci-
tadin ou n’importe qui susceptible d’en avoir besoin.
La troisième solution pend au bout de la langue des inter-
prètes. Dans une ville cosmopolite comme Laelith, il est sou-
vent nécessaire de comprendre une langue étrangère pour
décrypter un parchemin, discuter avec le chaland, commercer
avec l’étranger. Pour cela, la guilde du Bien-parler a la solu-
tion : pour un montant à définir, elle traduira n’importe quel
dialecte connu, voire inconnu… et se dépêchera d’aller rap-
porter les informations obtenues à qui pourrait être intéressé.
La quatrième possibilité est aux mains des collecteurs
de taxes. Parcourant la ville par secteurs, accompagnés de
gardes – souvent jaloux des prérogatives de ce corps récem-
ment créé –, ils questionnent le malheureux qui croise leur
route et prélèvent quelques menues monnaies, c’est du moins
ce qu’ils disent. À Laelith, tout est taxable et taxé : votre épée
si elle est trop longue, vos cheveux quand ils sont roux, vos
bottes ferrées qui abîment la voirie, votre voix quand elle porte
trop loin… Argent et renseignements rejoignent les caisses et
les registres adéquats.
La dernière source provient des informations collectées
par les membres des différentes guildes de voleurs. Mais ceci
est une autre histoire…
Laelith 41

Grelots, éventail,
masques… Folienne danse
quotidiennement sur une
placette de l’échelle des
Quatre Marchands. Elle
saura parfaitement vous
charmer, vous enjôler, vous
captiver… pendant que
son complice vous fera les
poches.
42
Vivre à Laelith
La population
Combien de résidents permanents ou de visiteurs de pas-
sage vivent à Laelith ?
En voilà une bonne question ! À laquelle personne ne
donne de réponse précise, pas plus l’administration du Roi-
Dieu que ses quelques opposants. En effet, il n’y a pas de
comptage fiable aux différentes entrées, pas de recensement
sérieux à l’intérieur des murs. Les quartiers varient beaucoup
en densité et sont parfois difficiles d’accès, certains lieux
sont grouillants et d’autres plus vides, un même site est for-
tement peuplé à certaines périodes et complètement déserté
à d’autres… Et il faut aussi compter sur la saison, estivale
ou hivernale ; l’imminence de fêtes religieuses ou de grandes
foires ; le niveau d’agressivité des peuplades des Hors-ville
proche et voisin ; sans oublier la force du saghiann.
Tous ces paramètres génèrent un tel flou que l’estimation
la plus communément admise est la suivante :

• 50 000 à 75 000 habitants permanents (citoyens de la ville,
natifs ou non, mais installés sur le long terme… plusieurs
années ou toute une vie)
 ;
• 75 000 à 125 000 résidents temporaires (venus faire un
noviciat dans un Temple, une transaction commerciale
d’importance, un long pélerinage… sur une durée de
quelques mois)
 ;
• 125 000 à 200 000 visiteurs (venus pour une mission, la
livraison d’un message, des dévotions express… sur une
courte durée de quelques jours tout au plus) ;
• soit un chiffre total variant de 250 000 à 400 000 habi-
tants, tous types confondus.
Ce qui donne une idée de l’approximation à laquelle on
se livre dans ce genre d’exercice ! Aussi, à cette question
épineuse : combien de personnes vivent autour de moi au-
jourd’hui en ville ?, on répondra prudemment : un certain
nombre… moins un.
Gardons juste en tête :
• que la ville est une ruche en effervescence, qu’elle vrombit
à tout-va dans les bas quartiers, qu’elle s’active avec éner-
gie dans les terrasses médianes et qu’à la Haute Terrasse,
elle butine élégamment ;
• que sa population est plutôt jeune au regard des standards
de la région et que l’espérance de vie moyenne est de 47
ans pour un humain et de 42 ans pour une humaine ; qu’on
est donc vieux avant 50 ans, patriarche à compter de 60 et
grabataire après ;
• que les conditions de vie, une fois à l’inté-
rieur des remparts, sont globalement meil-
leures qu’aux alentours ; par exemple, la
mortalité infantile est plutôt faible, même
dans les quartiers défavorisés ;
• que ces données ne sont valables que pour
la vie et la mort en surface, car pour ce qui
est du Cloaque, aucun chiffre, même encore
plus évasif, n’existe.
Un creuset de diversité
La ville est si cosmopolite qu’on y croise
toutes sortes de gens, à toute heure du jour et
de la nuit. En faire l’énumération est impos-
sible. Tout au plus, peut-on esquisser quelques
grands traits et avancer des pourcentages
indicatifs :
• La population en surface est majoritairement
humaine (environ 85 %). Les 15 % restants se
répartissent entre 10 % de races majeures
(nains, elfes) et 5 % de races mineures (gop-
neldauns, gnomes, petites-gens, demi-elfes,
demi-orcs, félys). En ce qui concerne celles
du Cloaque, là encore aucune statistique,
mais les humains y sont rares, les races
« sombres  » nombreuses (orcs, gobelins,
elfes noirs…) et s’y ajoute toute une popula-
tion non répertoriée de monstres, créatures
hybrides, mutants et autres joyeusetés…
• Il y a peu de différences de statut entre
l’homme et la femme et chacun peut reven-
diquer comme il l’entend les particularités
de son sexe. Ainsi, il ne viendrait à personne
l’idée de brocarder un lavandier ou une for-
geronne, puisqu’aucun métier ne saurait
être strictement réservé à un seul genre.
• A contrario, il existe pas mal de tensions entre
résidents et visiteurs. Même si les premiers
admettent la nécessité des seconds, ils vivent
leur ville sur le long terme, se sentent parfois
dépositaires de ce qu’elle représente aux yeux
du monde et le revendiquent haut et fort par
leur implication dans les affaires locales, par
un certain chauvinisme et un mépris souvent
assumé pour les gens de passage. En consé-
quence, les visiteurs, qu’ils soient croyants
ou mécréants, ne participent presque jamais
à la vie laelithienne, ne s’occupent souvent
que de leurs affaires et affichent parfois un
mépris équivalent envers les résidents. Il faut
savoir que ces petits agacements sont attisés
par le fait qu’un kilo de mélonipes coûtera
toujours plus cher à une « saleté de mar-
cheux » qu’à un « sale encroûté ». Calendrier
Jours de la semaine
Des particularismes 1. Sélénia : jour de repos
Quelques spécificités des habitants sont ré- 2. Jour des Dieux : jour de travail
vélatrices de ce qu’est la ville de Laelith. (ou dédié aux Dieux)
• Un marchand est la plupart du temps habil- 3. Aquaria : jour de travail (ou dédié
lé avec soin, parfois aux couleurs de sa guilde, à la pêche)
toujours avec quelque accessoire qui rappelle 4. Terrania : jour de travail (ou dédié
son commerce (des plumes dans les cheveux
pour un oiseleur, une veste en toile de taud pour
aux labours)
5. Aquilonia : jour de travail (ou dé-
un pêcheur…) ; son langage est châtié et il parle dié aux semailles)
souvent plusieurs langues ; il habite la plupart
6. Célestia : jour de travail (ou dédié
du temps dans la terrasse de la Prospérité et aux moissons)
près de son commerce ; son niveau de vie est
7. Solaria : jour de travail (jour de
variable mais reste dans la moyenne haute. marché)
• Un artisan se consacre entièrement à ce Note : Célestia est généralement le
que produit son atelier. Il s’en éloigne peu, en jour où l’on va consulter les oracles
tout cas le moins longtemps possible – cer- et les astrologues.
tains naissent et meurent sans jamais sortir
de la Main qui travaille ; il habite presque tou-
jours sur place, travaille beaucoup et souvent
Saisons et mois
en famille ; son niveau de vie dépend de ses Printemps
compétences, et justement la ville possède de
Feu naissant (mars)
nombreux artisans de talent.
Findefroid (avril)
• Un noble-citadin est un propriétaire ter-
Lestes semailles (mai)
rien qui possède une rue ou une échelle en
ville. Rentier, ses revenus proviennent des Été
taxes qu’il y prélève (activités commerciales,
Blanche brebis (juin)
loyers, circulations…). Bien sûr, plus la rue est
Cuivrechamps (juillet)
longue, plus il est riche et plus somptueux est
son hôtel particulier sur la Haute Terrasse. Moisson dorée (août)
• Un clerc-courtisan gravite aussi dans les Automne
hautes sphères proches du Roi-Dieu. Sa richesse
Riche soleil (septembre)
provient souvent plus de son carnet d’adresses
Douce vie (octobre)
que de ses connaissances théologiques. Il exer-
cera néanmoins les métiers les plus prestigieux : Mortefeuille (novembre)
juge au Tribunal ecclésiastique, administrateur
Hiver
au Grand Conseil des Temples… ;
Sombrebois (décembre)
• Un magicien est rarement le bienvenu, la
Grise lumière (janvier)
bizarrerie de ses talents heurtant la ferveur re-
ligieuse de l’habitant. Ceux qui vivent à Laelith Perce neige (février)
ne sortent guère du quartier des pics des Mages.
• Les noms et prénoms, enfin, qu’on entend
en ville sont d’une diversité surprenante aux
oreilles d’un étranger, le Laelithien s’y étant
habitué depuis longtemps. On trouvera donc,
tout naturellement attablés ensemble dans
le même mastroquet : Tolli et Peckénio, por-
tefaix ; maître Aegrinn, mégissier ; Milenia
Lunalia, baronne des Quatre Marchands et
Clostaire Anissatoum, relieur.
Laelith 43
 La ville
Ses dimensions
Laelith s’étend sur un peu moins de 8 km2.
Elle mesure 4 350 mètres de long depuis les fa-
laises de l’Opprobre jusqu’aux écuries du corps
des Protecteurs, et 2 750 mètres de large de-
puis le haut des remparts du faubourg Glauque
jusqu’au bas de ceux de la porte de l’Ivresse en-
chanteresse. Sa déclivité est très importante : si
l’on considère que le lac d’Altalith est l’étalon
de référence à 0 mètre d’altitude, les falaises de
l’Opprobre culminent à près de 900 mètres !
Et comme cette pente s’ajoute à des terrasses
en paliers, le tout génère une urbanisation par
strates et une circulation chaotique.
L’urbanisation et
l’architecture
La ville est majoritairement dense, car son
emprise au sol est peu extensible. C’est le cas
pour les abords des temples qui drainent de
nombreux visiteurs ou pour la terrasse de la
Main qui travaille dans laquelle les ateliers, les
échoppes et les habitations s’empilent allègre-
ment les uns sur les autres. Il existe toutefois
quelques secteurs plutôt dépeuplés, comme les
alentours du temple des Anciens ou la terrasse
du Châtiment – tout à fait inquantifiable –,
mais aussi des secteurs à l’urbanisme plus aéré
comme la Haute Terrasse.
La pierre de carrière étant abondante et peu
chère, les bâtiments sont souvent de petits im-
meubles de un à cinq étages comprenant un
rez-de-chaussée et un premier étage en pierre
complétés de deux à trois étages supplémen-
taires en bois. 
Comme dans de nombreuses
autres villes, la crainte permanente restant
l’incendie, notamment dans les quartiers mi-
séreux, il est interdit de construire une cuisine
ou un foyer dans les étages si la maison n’est
pas toute de pierre revêtue.
La structure des habitations, elle aussi est di-
verse. Elle mêle allègrement le moucharabieh
du désert aux colombages des villes de plaine,
les toits-terrasses avec velum surplombent les
balcons à balustrade, les portes cochères en ogive
Depuis près de trente ans, ce petit coin de rue de la Chaussée du lac n’a pas changé.
Pas plus que les recettes qu’on déguste – ou vomit – “Au port de Pidjiguïti”.
44
s’entrouvrent sur des cours intérieures abritées,
les escaliers en colimaçon rivalisent avec les
échelles rustiques accrochées aux entablements.
Pas d’unité non plus pour le parement des
murs : les azulejos se marient à la brique, le
torchis s’entremêle à l’or fin, la terre glaise cô-
toie le marbre.
Donc ne soyez pas surpris si, passant d’une
ruelle à une autre, toujours on vous clame :
« Mais, mon bon seigneur, tout le monde à
Laelith rêve d’habiter ici, dans NOTRE échelle,
la plus belle qui soit, avec sa vue sur… », car
sachez qu’il est une constante que partagent
tous les Laelithiens : l’orgueil d’être d’une ville
à nulle autre pareille.
La voirie
Elle est à l’image de la ville : très diversi-
fiée ! Chaque quartier a sa propre identité : par
exemple, la Haute Terrasse dispose de grands
espaces dégagés quand la Chaussée du lac est
globalement labyrinthique.
Mais on peut lister quelques grandes ten-
dances : seules une dizaine de grandes artères
proprettes et dégagées autorisent une circu-
lation à cheval ou le passage d’un chariot tiré
par deux ookhabs de front. Heureusement
de nombreuses rues assez larges permettent
à un ookhab bâté de se déplacer sans racler
les murs. En dehors de ces deux cas, il existe
une grande quantité de petites rues nommées
échelles car dotées d’escaliers au nombre de
marches très variable ; auxquelles s’ajoutent
les innombrables venelles étroites, sinueuses
et mal dégrossies, les raidillons en escaliers,
les impasses en coupe-gorge, les culs-de-sac
tout obscurcis, les passages couverts à deux
entrées, les arrière-cours miteuses…
L’ensemble de ce maillage est aéré par de
grands jardins luxuriants, des esplanades ar-
borées, de belles places aménagées, des di-
zaines de placettes modestes, des centaines de
patios fleuris, des milliers de jardins privatifs
et parfumés. Le tout interrompu sans cohé-
rence de petits paliers dont la raison d’être est
rarement compréhensible.
 La diversité porte aussi sur l’aménagement de ces voies :
on en trouve couvertes de terre battue, de gravier, de caille-
botis, de pavés, de calades ou bien de coquillages concassés.
Certaines, rares, disposent d’un caniveau central, d’autres,
plus fréquentes, récoltent en bas de leur pente tous les détritus.
On l’aura deviné : se repérer en ville n’est pas une mince
affaire. Laelith est, selon les dires de tous les pèlerins que
vous pourrez rencontrer, la ville du monde où trouver une
adresse est le plus compliqué. Selon les terrasses, et les quar-
tiers au sein des terrasses, la désignation des bâtiments peut
être totalement différente. Dans un premier temps, l’axe de
l’Inlam et la distance par rapport au lac étaient les seuls indi-
cateurs. Les numéros étaient attribués en séquence, à partir
de la Faille, nombres impairs à gauche en s’éloignant. Si la
rue ou l’échelle ne partait pas de l’Inlam, on tenait compte
de la proximité du lac. Par définition, quand on s’éloigne du
lac, on monte, et les numéros croissent. Pour d’autres, c’est
la distance avec le début de l’échelle qui donne son numéro à
une bâtisse, toujours en s’éloignant de l’Inlam, ou la distance
à partir du lac, quand elle est mesurable. Un autre système,
dit de la queue de poisson, est basé sur le fait de donner un
numéro séquentiel de 1 en 1 sur un même côté en s’éloignant
de l’Inlam, puis de continuer sur l’autre côté une fois arrivé
au bout de la rue. Le modèle le plus étrange, et le plus sujet
à perdre le voyageur, est la numérotation des blocs de bâti-
ments, puis de chaque construction à l’intérieur d’un bloc, en
fonction de la date de sa construction. En cas d’incendie ou
d’inondation, quand certains quartiers étaient reconstruits,
il n’était pas rare que le mode de numérotation soit changé
au gré des cartographes ; les habitants continuant bien sûr à
utiliser l’ancienne. Tout cela sans compter les nombreuses
échelles n’ayant pas de nom, ou sans numéro aucun. Il y est
juste fait référence à « la maison à côté du savetier », « der-
rière le poste de garde » ou « en face de la fontaine »…
Au final, les bâtisseurs ont toujours le choix entre ces diffé-
rentes solutions, y compris celle qui consiste à jeter une pierre
en l’air et mesurer à quelle distance elle retombe, ou bien en-
core à calculer le nombre de ricochets sur le lac par temps
calme : si l’un d’eux dit, à cet instant « courte lithe », alors on
multiplie par autant moins deux. Le préposé que Nin Ier avait
nommé deux mois après son accession au trône, pour re-
fondre toute la numérotation et lui trouver une logique, s’est
jeté du haut des falaises de l’Opprobre la semaine dernière.
Les déplacements
Ils se font donc essentiellement à pied et la ville est grande !
Par exemple, pour vous rendre de l’embouchure de l’Inlam
jusqu’au poste de garde de la Haute Terrasse (2,5 km à vol
d’oiseau), comptez deux bonnes heures de marche. D’autres
moyens de transport existent, tels que les palanquins luxueux
des grands commerçants, les chaises à porteurs, les pousse-
pousse et tire-tire du bas peuple… Mais très peu de mon-
tures, de fiacres ou de carrosses parcourent les rues : ceux-là
sont réservés à l’usage des gens très importants de la ville et
uniquement sur les artères principales. Quant aux marchan-
dises, tout est bon pour les trimballer et la corporation des
Portefaix s’est taillée une place de choix dans le transport en
tout genre de biens matériels.
Traverser la Faille
Jusqu’à l’année dernière il n’existait que quatre ponts pour
passer d’un côté à l’autre de la ville. Depuis l’avènement de
Nin Ier, un cinquième vient compléter l’offre.
• Le pont des Illusions (C6-C7) est le plus ancien et date de
la naissance de Laelith. Très long, délabré, dangereux, dé-
coré d’immondes gargouilles grimaçantes et à l’origine de
nombreuses superstitions, ce pont qui longe la terrasse du
Châtiment et relie la Main qui travaille à la Haute Terrasse
n’est plus utilisé. Quiconque tente de traverser disparaît
en cours de route ou décède plus tard. Les soldats qui y
sont affectés se considèrent comme punis. Ils ont raison.
• Le pont des Morts (H8). Construit avec un ciment fait de
poudre d’os fournis par le Temple du Crâne, ce pont relie
l’échelle éponyme à l’échelle Monte-en-ciel. Il est fréquen-
té essentiellement par les habitants des deux terrasses
correspondantes et sert à la circulation des marchandises
d’un côté à l’autre de la Faille.
• Le pont des Marchands (I9), au bout de la rue des Chariots,
relie aussi les deux mêmes terrasses. C’est de loin le plus
fréquenté, ce qui explique que d’audacieux commerçants
aient tenté d’installer leurs étals sur ses rambardes. Après
plusieurs chutes dans l’Inlam – étals, marchandises et
commerçants confondus –, cette mauvaise habitude a
été interdite. Les gardes qui surveillent le flux incessant
qui embouteille le pont font respecter ce décret en jetant
systématiquement par-dessus bord les marchandises des
contrevenants, mais jamais les vendeurs qui, en revanche,
vont faire un tour du côté du quartier Glauque.
• Le pont des Pêcheurs (L9) est, comme son nom l’indique,
essentiellement emprunté par eux et leurs marchandises.
Il sert aussi aux différents corps de gardes qui surveillent
le port et la Chaussée du lac. Tout près de là, se trouve un
petit marché pittoresque où sont vendues les plus belles
pièces récoltées dans le lac : colliers de coquillages, paniers
de fleurs aquatiques, poissons rares vivants ou morts…
• Cinquième et tout nouveau, le Glorieux Pont du quatre
fois saint Nin Ier (K8), ou pont Nin Ier, ou plus communé-
ment appelé le pont Neuf, et que tout le monde appelle
en fait le pont des Trois Terrasses, est en cours de fini-
tion à l’intersection des terrasses de la Chaussée du lac,
de la Main qui travaille et de la Prospérité, au niveau de
l’échelle de l’Auberge-qui-pue. Encore quelques semaines
avant son inauguration – que devrait présider le Roi-Dieu
en personne –, et voilà un nouveau pont à qui sa position
stratégique promet un bel avenir.
Laelith 45
 Être ou avoir été
« Quand vous vous approchez de la
terrasse du Châtiment, vous vous
sentez rapidement habité d’une étrange
sensation. Vous avez le sentiment de
faire partie des fondamentaux de la
ville. Je veux dire par là que les murs et
les rues de cette terrasse font partie de
vous-même, qu’ils vivent et remuent
dans vos tripes et que leur mouvance
fait de vous un être instable, balancé
entre un avant et un après que je ne
saurais définir. Alors, quand j’entends
dire qu’un projet vise à détruire ce lien
atavique, je ne sais pas vraiment si j’ai
envie d’y participer. »
Question
Pourquoi les artisans de la Main qui tra-
vaille et les commerçants de la Prospérité
ne sont-ils pas dans le même quartier ?
46
Chaque pont est doté d’un poste de garde
au milieu de son tablier, constitué d’une pe-
tite guérite posée sur une estrade en bois,
en partie en débord sur le vide de la Faille.
Suite à quelques accidents, chaque estrade
est désormais entourée d’une rambarde.
L’administrateur du cénacle des Puissances
qui avait, pour des raisons budgétaires, sup-
primé ce garde-fou recommandé par l’archi-
tecte militaire de la ville, a été limogé.
La collecte des déchets
Pour finir ce chapitre, un autre sujet de
préoccupation : le manque d’hygiène dans la
ville. Les caniveaux sont rares. Un système
de collectages d’égouts, inégalement réparti
dans les habitations, parcourt la ville pour se
déverser dans le Cloaque ; son efficacité reste
relative selon les quartiers. Il existe égale-
ment un service de ramassage d’ordures, géré
par l’administration, dont l’effectif le plus
conséquent agit dans les bas quartiers, gravi-
té oblige. Mais l’ancestrale habitude de vider
son pot de chambre au petit matin par la fe-
nêtre du premier étage met à mal le système
qu’essayent depuis longtemps d’améliorer
quelques administrateurs hygiénistes. Ainsi,
de nombreux dépotoirs et décharges sauvages
continuent d’empuantir les terrasses, ce qui
entraîne inévitablement la prolifération de la
vermine, des rats et autres nuisibles. Quoi qu’il
en soit, l’ensemble des déchets récoltés est jeté
directement dans le Cloaque par l’intermé-
diaire de sites de collectage dont les grandes
fosses à ciel ouvert sont barricadées et surveil-
lées la nuit venue. Les riverains de surface se
plaignent du bruit et de l’odeur, contrairement
aux habitants du dessous pour qui un habitat
près des trappes est une aubaine.
Enfin, le tableau ne serait pas complet sans
évoquer le guano, déjection des gabiettes ri-
canantes et autres milliers d’oiseaux qui
vivent autour du lac ! Ce chancre blanc
défigure tous les bâtiments, les mo-
numents, les statues… quand il
ne s’invite pas sur l’épaule, pour-
tant quatre fois sainte, de celle du
Roi-Dieu.
L’ogul ayant croisé la route de
ce démon sorti des entrailles
du site de collecte des
déchets n° 12 a eu à
peine le temps de le
décrire avant que son
éviscération ne lui
soit fatale. Toutes
les patrouilles de la
Chaussée du lac
sont à la recherche
du monstre.
Travailler 
Monnayer ses talents
Vivre à Laelith impose de dépenser quelque
argent. Si vous arrivez les poches bien rem-
plies, pas de problème  : comme partout
ailleurs, l’argent appelle l’argent. Si votre
situation financière est plus délicate, atten-
tion aux multiples tentations qui s’offrent à
vous… et aux collecteurs de taxes ! Si enfin,
vous pensez que votre pécule ne suffira pas
à une vie décente, alors il vous reste à tra-
vailler. Heureusement les possibilités sont
nombreuses :
• Pèlerin ou croyant, les Temples peuvent
avoir besoin de vous. Pour prêcher une
bonne parole, pour arpenter les pas-
sages-piété ou pour nettoyer les latrines.
• Marchand ou artisan, vos talents trouve-
ront leur place en ville, pour une courte ou
longue période, à la condition impérative de
vous affilier à une guilde ou une corpora-
tion. Ces institutions sauront vous faciliter
la vie dans les démarches officielles, l’ins-
tallation de votre petite affaire et pourront
même vous faire une avance de trésorerie.
Tout avantage compensé bien sûr par le
transfert d’un pourcentage variable de vos de la ville. Car, évidemment, ces institu- Eliphas Lowy
gains, par une dépendance importante à tions parallèles fournissent aussi du tra- Auteur du mythique mais introuvable
leurs décisions stratégiques et parfois par vail aux aventuriers moins regardants sur Livre des larmes ou le Triomphe de la paix
l’élaboration obligatoire de commandes l’éthique ; et c’est étonnant la facilité avec religieuse, cet érudit autodidacte fonda
laquelle elles savent les repérer.
avec maître Liphippe de Lyons le Cercle
spéciales.
spirite et curatif. Leur vocation était
• Aventurier, les offres de travail ne • Et pour tous les autres, les parias, les margi- d’apporter le bien-être à leurs patients
manquent pas, qu’elles viennent des naux… gagner sa vie n’est pas toujours une grâce à des attouchements, la plupart
Temples, de l’administration ou plus priorité. Dans ce cas, ils peuvent bénéficier du temps sexuels, délivrés au cours de
souvent du privé. Chaque terrasse d’ail- des œuvres de bienfaisance des Temples, de séances d’évocation de l’esprit de gens
leurs a sa propre manière de présenter la soupe populaire mise en place par l’ad- décédés. C’est au cours de l’une d’elles
ces « offres d’emploi » : elles peuvent être ministration, des petits expédients de la dé- qu’Eliphas raconte être entré en contact
écrites, chantées, psalmodiées, etc. Pas de brouille. Si par contre ils veulent travailler, avec feu le Roi-Dieu Tokinafal III.
alors ils risquent de passer dans le giron de
Malgré une santé fragile, il entreprit
tarif officiel ou de coût standard à la jour-
le voyage jusqu’à Laelith, mais échoua
née : la rémunération prévue dépendra la petite délinquance : ils seront pilotés par
devant ses portes. Il ne reste de lui
du commanditaire, de la complexité de la quelques pourvoyeurs et pratiqueront la
qu’une plaque commémorative disant :
mission, de sa durée de mise en œuvre et mendicité, le vol à l’arraché, les petites com- « Eliphas Lowy a chu ici, le vieil auda-
parfois de son degré de discrétion. Sauf si bines, le coup de main délictueux… avant de cieux. Ici tomba son corps, laissant les
besoin d’un talent spécifique, cela crée par- finir au quartier Glauque, dans le Cloaque braves de sa chute envieux. Ô bienheu-
fois une concurrence entre les postulants. ou en hors-ville. reux malheur, plein de tant d’avan-
Concurrence que gère, de temps en temps tages qu’ils rendent le vaincu des ans
et de manière musclée, les guildes illicites victorieux. Le pouvoir lui faillit,
mais il fut fort courageux. »

Laelith 47
 Hier soir, à dîner…
« Vous le savez, depuis mon arrivée,
je me passionne pour les projets qu’on
évoque chez les gens de talent. Et celui qui
m’intéresse au plus haut point, c’est bien
évidemment la rénovation de la terrasse
du Châtiment. Nous l’évoquions, pas
plus tard qu’hier soir, à la table du comte
Pilarate de Ticodortol – divin, son canard
au sang ! – car le projet est tout sauf ano-
din ! Imaginez un peu : stabiliser la mou-
vance des rues, figer les maisons en leur
place, dissiper les relents de mal-magie
qui, j’en suis sûr, infestent les murs, choisir
une élégante solution pour les anciens
habitants désormais indésirables. Quel
défi ! Quel exploit ! Quelle merveille !
Quelle pitié que je dusse bientôt repartir !…
Mes modestes talents, sûrement, eussent
été mis à contribution. Comme… faire
pousser quelques arbres pour s’abriter
du soleil… Ou des légumes à manger…
Ou des fleurs peut-être… Enfin, je n’y ai
pas vraiment réfléchi. »
Oëmerin le Naja, mago bien de sa personne
48
Boire et manger 
Les produits de première
nécessité
Autant les terrasses de la Ville sainte ont
chacune leur spécialité dans la fourniture
ou la vente de certains produits manufactu-
rés, autant les denrées basiques se vendent et
s’achètent partout. Que vous ayez besoin de
pépins de citrouille, d’un cuissot de chevreuil
ou d’une fourchette à trois dents, les petits
marchés disséminés dans toutes les terrasses
vous les proposeront à coup sûr. Et pour les
requêtes un peu plus incongrues, fiez-vous à
votre logique : la ventouse de sépiolide se trou-
vera plus facilement à la criée de la Chaussée
du lac, quand la latte de solmerier vous atten-
dra forcément aux étals qui jouxtent l’ambas-
sade d’Azilian. Et si vraiment, votre quête est
couronnée d’insuccès, le Grand Marché – ter-
rasse de la Prospérité –, vous trouvera la solu-
tion, mais souvent au prix d’un petit surcoût.
Les autres denrées
Il est loin le temps où le pèlerin venu
d’Agrypnie devait transporter dans sa besace
sa provision de graines de passiflore. Laelith,
avec sa population si bigarrée, offre désormais
absolument tout pour se nourrir, quel que soit
son régime alimentaire ou le lointain pays d’où
l’on vient. Ainsi, il n’existe pas de plat typique-
ment laelithien, comme c’est le cas à Coraz
avec son célèbre crâne d’orc farci aux trom-
pettes-de-la-mort. Bien sûr, les plats les plus
courants et les moins chers restent les spécia-
lités du lac (poissons, algues, mollusques…),
mais depuis quelques années, l’accroissement
des cultures en Hors-ville voisin diversifie les
possibilités d’alimentation et fait baisser les
coûts des denrées non lacustres. Reste bien
sûr la loi du marché : si vos goûts culinaires
réclament de l’exceptionnel, la recherche des
ingrédients nécessaires peut parfois faire l’ob-
jet d’une véritable quête et coûter… un bras ?
En tout cas, ce qui coule à flots et pour
toutes les bourses, ce sont les boissons : thés,
tisanes, décoctions, alcools forts, vins, hydro-
mels, bières, eaux… tout se consomme dans
la rue ou ailleurs. La plupart de ces breuvages
viennent de l’extérieur des remparts, certains
de l’intérieur : par exemple, deux distilleries
travaillent à plein régime dans la Chaussée du
lac, concurrencées par de nombreux bouil-
leurs de crus itinérants dont la production se
boit… et se vomit pareillement.
Car, trop boire et trop manger reste une
constante des grandes villes où le fêtard peut
enfin s’empiffrer. Aussi, pour juguler ces débor-
dements, plusieurs solutions ont été mises en
place : dans la Haute Terrasse, quelques restau-
rants de luxe se sont équipés de vomitoriums ;
dans la Chaussée du lac, des bennes à poivrots
ramassent au petit matin les soûlards invétérés.
Les établissements
Où boire ? Où manger ? Partout ! Et cela va
du plus gastronomique au plus… risqué :
• Le restaurant. Il y en a peu en ville : clien-
tèle huppée, petits plats – raffinés – dans les
grands, service irréprochable, addition salée ;
• La taberge. Aussi appelée auberge – mais le
mot n’est pas laelithien ! –, elle est le stan-
dard de l’endroit où l’on déguste de bons pe-
tits plats ; comme À la miche rebondie dans la
Prospérité, où le service est soigné, les plats
goûtus et l’ambiance cosy ;
• Le mastroquet. Moins chic, on y vient sur-
tout pour boire un coup, échanger des nou-
velles, grignoter sur le pouce. Le patron est
souvent une figure locale et fait beaucoup
pour la réputation de son établissement ;
• La gargote. On descend encore d’un cran
en qualité. Plafond bas et noirci, tables
Dormir et s’amuser 
Où dormir ?
La question est d’abord : louer ou acheter ?
Cela dépend de votre budget, mais à Laelith,
tout s’achète et tout se loue. Boutique, maison,
atelier, pas de porte, chambre, placard… Il
existe même un lieu où tout – vraiment tout –
se loue : c’est le marché des Locations situé
dans la terrasse du Nuage (F6).
• Dormir dans un cottage, un hôtel particu-
lier, un manoir. Pas de souci : il y en a ! À
condition de ne pas mégoter sur le prix. Les
riches nobles-citadins, par exemple, béné-
ficient du luxe d’une marina sur le port de
plaisance (L11) au sud du fort du Vaisseau
de pierre. Ils y séjournent quelques jours,
incluant parfois une promenade sur le lac,
non obligatoire car l’essentiel est d’être vu et
reconnu quand on passe les portes de ce lieu
d’exception. Et de se retrouver entre gens
qui ont du bien. Beaucoup de bien.
• Dormir à l’hôtel. Là, pas de problème. La
ville regorge d’hôtelleries à tous les coins
graisseuses, espace étriqué, odeurs d’urine et
d’huile rance. Les prix sont en conséquence ;
• Le vendeur ambulant. Avec sa carriole, il
propose de tout à pas cher, un peu n’im-
porte où, mais surtout n’importe quand. Si
vous êtes sujet aux petits creux, cette cui-
sine itinérante est faite pour vous, même si
l’hygiène de la cambuse est à l’aune de celle
du vendeur, c’est-à-dire à tout le moins
variable ;
• La soupe populaire. Avec ces charrettes bâ-
chées qui distribuent aux plus miséreux des
gamelles de brouet insipide, on touche le
fond. Gérées par l’administration de chaque
terrasse, les tournées sont épisodiques et le
menu fort peu ragoûtant. On raconte même
que certains gueux meurent aussitôt après
avoir ingurgité leur soupe. À déconseiller
donc. Exception notoire : Chez Turcotte près
du lac.
d’échelles. Il y a les très cotées, les mal no-
tées, les modestes mais chaleureuses, les
huppées mais prétentieuses. Le choix sera
donc dicté par le prix de la nuitée, le style de
vie du futur dormeur et aussi la localisation
de l’établissement, car n’oublions pas que se
déplacer d’un coin à l’autre de la ville peut
prendre du temps.
• Dormir à la taberge. C’est prudent si le re-
pas a été bien arrosé et que l’on se méfie des
ruelles obscures. Car les taberges ont sur-
tout pour fonction de servir à manger ; elles
ne sont donc pas nombreuses à proposer
des chambres. Et ce sont souvent des galetas
que le propriétaire loue en envoyant dormir
ailleurs ses serveuses. Exiguïté, literie som-
maire, vermine probable, rien n’encourage
la nuit à la taberge, si ce n’est la crainte d’une
rencontre avec le guet ou un besoin absolu
de discrétion.
• Dormir chez l’habitant. Nombreux sont
ceux en ville qui arrondissent leurs fins
de mois en louant tout ou partie de leur
Grain de sel
Le sel est un élément indispensable
à l’alimentation et à son commerce.
Il ne sert pas qu’à la conservation du
poisson ou de la viande : il est aussi utile
en boulangerie et en fromagerie, dans
les fourrages et il agrémente les plats.
Laelith doit donc pouvoir s’assurer un
approvisionnement régulier. Nécessité
que la politique d’indépendance écono-
mique menée par Nin Ier a accentué.
Deux Temples sont responsables de ce
commerce : le Poisson d’argent pour
le sel d’origine marine venant de Port-
Sable dans les terres d’Osgild (ainsi que
des sources naturelles d’eau salée des
montagnes du nord) et le Crâne pour le
sel extrait des mines terrestres (parfois
lointaines).
Les taxes prélevées étant élevées, le sel
de contrebande n’est pas rare. Mais
face aux besoins, les autorités ferment
souvent les yeux.
Le sel est entreposé dans de grands
salorges à l’emplacement secret. On
évoque parfois le Cloaque, parfois les
baraquements militaires de l’est, et les
montagnes d’or blanc font fantasmer de
nombreux voleurs.
Des salorges illégaux sont cachés
aussi sur les quais. Ils sont gérés par
des contrebandiers qui défendent avec
agressivité leur trafic.
Quelques métiers
Eau : accastilleur, armateur, batelier,
blanchisseuse, charpentier de marine,
chasse-marée, cordier, étuviste, fabri-
cant de voiles, fontainier, foulonnier,
hydrographe, hydrologue, lavandière,
longaignier, marin, marinier, meunier,
pêcheur, poissonnier, porteur d’eau,
puisatier, retier, sourcier, tanneur,
teinturier.
Feu : affineur, artificier, chaudronnier,
chaufournier, ferron, fondeur, forgeron,
fumiste, maréchal-ferrant, taillandier,
ramoneur.
Terre : agrimenteur, aoûteur, arpen-
teur, cabanier, carrier, fagotier, jour-
nalier, laboureur, métayer, norretier,
tailleur de pierre, valadier.
Air : astrologue, arbalétrier,
archier, fauconnier.
Laelith 49
Au cours de la fête du Soleil d’or, la Prospérité rend hommage à l’ookhab sur la place du Grand Marché. Assister au
défilé de ces mastodontes sextupèdes, tout décorés de rubans, de guirlandes et de fleurs apporterait le succès aux affaires
commerciales. Il permet en tout cas ce jour-là de manger à sa faim puisque, bien sûr, les ruminants sont sacrifiés et rôtis
après l’hommage !

50
 logement ; chez certains, c’est même leur
unique revenu et ils sont contraints d’aller
dormir ailleurs. Les prix sont très variables,
mais dégressifs selon la durée. La qualité
du bien loué est elle aussi d’une amplitude
conséquente, la notion de confort ne recou-
vrant pas toujours la même réalité chez un
pèlerin noble ou un marchand désargenté.
• Dormir sous les ponts. Une expression qui
a un sens tout particulier à Laelith. D’abord
il n’y a que cinq ponts et à part celui des
Pêcheurs, on peut difficilement dormir des-
sous tant la profondeur de la Faille augmente
vite et rend périlleux l’exercice. Enfin, pour
celui qui en arrive là, une fin dans le Cloaque
n’est plus très éloignée. À moins que cette fin
ne soit un nouveau début.
Où s’amuser ?
Une ville telle que Laelith propose forcé-
ment tous les divertissements possibles : mu-
sique, tragédie, comédie, poésie, bouffonnerie,
spectacle de rue, danse, compétitions spor-
tives, feux d’artifice, jeux, promenades…
Les lieux de spectacle sont très nombreux. Il
serait vain de les énumérer car, entre le Grand
Théâtre, les Mille Fleurs, les vastes esplanades,
les petites salles de quartier, les scènes impro-
visées, les spectacles ambulants… il y en a pour
tous les goûts.
Les endroits où se promener ne manquent
pas : parcs, jardins de terrasse, placettes arbo-
rées, labyrinthes de charmilles, jardinets pri-
vatifs – shrubberies – que certains propriétaires
font visiter… Tout concourt à de belles heures
de flânerie sous les figuiers.
L’année est rythmée avec de grandes fêtes
associées à des concours de cuisine, ouverts à
tous :
• la fête de la Pluie de fleurs. À l’équinoxe
de printemps, elle est dédiée au Poisson
d’argent et ce qu’on y ingurgite est à base
de boissons, de soupes, de bouillons et de
poissons ;
• la fête du Soleil d’or. Au solstice d’été, l’Oi-
seau de feu le met aux poudres avec al-
cools, épices, et grillades. Petites natures
s’abstenir ;
• la fête du Ciel de sang célèbre l’équinoxe
d’automne. Dédié au Crâne, le menu cé-
lèbre les racines, légumes, tubercules,
L’Arche et le Châtiment
Une fois par an, la place des Sept
Royaumes revêt ses plus beaux atours
et dégage un grand espace central
pour y installer une large estrade à six
niveaux. Là est offert au public venu
nombreux un mystère joué et chanté
par les plus jeunes membres de la guilde
des Gavots. En six tableaux hauts en
couleurs, L’Arche et le Châtiment pré-
sente le grand cataclysme qu’a connu la
ville dans une métaphore où radeaux,
barques, sloops et grasses remontent le
courant jusqu’aux sources du lac des
Hautes Eaux, sauvant ainsi la vie de
centaines d’habitants.
On notera que les apprentis qui jouent
et chantent cette œuvre, étant majo-
ritairement illettrés, apprennent leurs
rôles par cœur pendant de nombreuses
et longues séances de répétitions,
confiées par la Haute Guilde à la mané-
canterie du Temple du Poisson d’argent.
Les bains sous la
gargouille
« Il est arrivé à une de mes relations
d’y avoir recours. En effet, l’échelle
des Pierres dans la terrasse du Nuage
regorge de taberges bien achalandées,
chez qui passer la soirée signifie sortir
tard, une fois que le sol se dérobe sous
vos pieds et que les murs se mettent à
tanguer. Mais la chose est bien faite :
le tabergiste vous indiquera alors, un
peu plus loin dans l’échelle, la maison
de son cousin dont le toit est orné
de gargouilles. Sur votre demande et
contre quelques pièces de monnaie, le
propriétaire des lieux, quelle que soit
l’heure, actionnera un mécanisme qui
projettera sur votre tête, depuis les gout-
tières, une cascade d’eau glacée dont les
vertus revigorantes ne sauraient être
contestées. De quoi retourner faire la
fête, une fois la vêture séchée. »
Oëmerin, mago hypocrite
Petit commerce
« Quand, au milieu de nulle part,
autant de gogos niaiseux se concentrent
dans un tel trou – je devrais dire
bosse ! –, c’est tous les jours la fête aux
camelots ! »
Garnifle, vendeur à la sauvette du seul
annulaire gauche, authentique et
momifié, de sainte Auricola
Laelith 51
 Les filles des fleurs
Tous les matins, de feu naissant à riche
soleil, les jeunes filles des rues par-
courent les échelles à la recherche des
plantes les plus odorantes. Elles vendent
ensuite leurs bouquets sur la terrasse
du Nuage, où ils serviront à masquer
les odeurs incommodantes de la ville
dans les riches demeures. Plus rares sont
les filles qui s’en vont, tout au long de
l’année, en dehors de la ville composer
leurs bouquets.
Les animaux de ferme
Il n’est pas rare de croiser du bétail
dans les rues de la Cité sainte. En effet,
pour pourvoir aux besoins quotidiens,
Laelith abrite de nombreux animaux
et pensionnaires de basse-cour. On y
trouve des ookhabs pour transporter
les marchandises ou des porcs pour leur
viande. Les taberges possèdent souvent
quelques chèvres élevées pour leur lait.
Ce sont parfois de véritables troupeaux
qui s’échappent de l’étable d’une
fromagerie et s’éparpillent dans les rues
(les chèvres étant très habiles dans les
échelles les plus escarpées).
Toutes les semaines, près des baraque-
ments militaires, se tient un marché
au foin fréquenté par les heureux
propriétaires.
Les poules, plus inoffensives, sont
élevées en liberté. Leurs œufs appar-
tiennent à qui les ramasse. On dit d’ail-
leurs qu’« on ne vole pas un œuf », ce
qui, dans le langage courant, signifie que
l’on n’a rien commis de répréhensible.
Dormir chez l’habitant
Enfin ! Vous l’espériez tant ce lieu
sans histoire qui saurait vous héberger
pour quelques nuits de repos ou vous
permettre d’installer un discret quartier
général. Une planque anodine où dispa-
raître quelque temps, sans serveuse fu-
reteuse, sans horripilant tabergiste, sans
oreille cachée derrière les tentures. Un
lieu anonyme où les petites gens vivent
leurs petites vies, comme le font des mil-
liers de Laelithiens. Eh bien, vous l’avez
trouvé ! Chez les Bréchet, dans l’impasse
de l’Arbre de Tulé, trois chambres à
louer vous attendent au deuxième étage.
Ne soyez pas trop regardant sur la
qualité toutefois : l’accès se fait par une
échelle accolée au mur extérieur, le toit
fuit un peu et les bat-flanc ne sont plus
de la première jeunesse.
52
champignons… tout ce que la terre produit Les tournois chevaleresques sont très rares,
naturellement ; les Temples jugeant inutiles ces démonstra-
• la fête des Brumes de glace. Le solstice d’hi- tions de testostérone. Aussi lorsqu’ils se pro-
duisent, fait-on essentiellement appel à des
ver est consacré au Nuage. Les animaux
jouteurs étrangers à la ville. Il existe toutefois
les plus gracieux, aériens, subtils, au fumet
un tournoi militaire annuel qui, sous l’égide de
douceâtre mais entêtant sont consommés à
cette occasion en entremets, vol-au-vent et l’Oiseau de feu, oppose le contingent de ville
soufflés ; au corps des Protecteurs. Le vainqueur, dé-
claré Champion de joute, sera acclamé, mais
• la fête du Roi-Dieu. Apogée de la saison
surtout exempté de corvées toute l’année sui-
culturelle laelithienne, elle réunit tout ce qui
vante. Pour ces manifestations, une lice et des
se fait de mieux en termes de spectacles. Elle
gradins démontables sont installés sur l’espla-
se déroule pendant la semaine de la Royale-
nade du Phénix. Le Roi-Dieu ne se déplace ja-
divine Bamboche.
mais pour ce genre de festivités.
Il existe d’autres fêtes populaires, tel le
Il faut citer aussi les soirées privées et les
Charivari, une sorte de fête des Fous débri-
banquets qui ne manquent pas, même s’ils sont
dée qui se tient étonnamment dans la ter-
la plupart du temps réservés à une clientèle
rasse du Nuage, une fois tous les deux ans
triée sur le volet. On vante souvent les somp-
et pendant une semaine. Durant le mois qui
tueuses fêtes qu’organise le sieur La Barabie
précède, l’administration pénitentiaire fait
Lamonzie Montastruc, comte de l’échelle du
de la place en libérant un maximum de ca-
Quatre Faces, au pied des somptueux bateaux
chots, à la grande satisfaction des bourreaux
de la marina.
payés à la tâche. Durant la fête, la garde du
On terminera avec les excursions à l’exté-
Nuage est renforcée par des troupes venant
de la Prospérité et de la Chaussée du lac ; la rieur de la ville. Qu’elles soient lacustres ou
période étant faste pour les monte-en-l’air de terrestres, ces « expéditions » gérées par des
ces deux quartiers. professionnels font croire aux riches nantis
qu’ils vont vivre une expérience un chouïa
Très populaires sont les Jeux interterrasses.
dangereuse et hors des sentiers battus. Bien
Pour renforcer la cohésion sociale de la ville,
sûr, il n’en est rien.
une compétition bon enfant oppose les dif-
férents quartiers dans diverses épreuves où
chaque terrasse arbore ses propres couleurs.
La terrasse gagnante devient Reine-Déesse
de l’année (ce qui ne lui procure aucun
avantage…).
Ensuite, on citera toutes les activités licites
ou illicites, ce qui dépend du bon vouloir de
l’administration royale-divine : les combats
de chiens, de coqs, de traniecs, d’esclaves ; les
jeux de cartes et d’argent ; les paris officiels ou
non officiels ; la prostitution puisque, comme
dans toute grande ville, la misère sexuelle ou la
perversité peuvent se satisfaire auprès de pro-
fessionnels (elles) dont les aptitudes se jaugent
à leurs tarifs…
On n’oubliera pas les forains, bateleurs, sal-
timbanques, baladins… dont les talents irré-
vérencieux égayent les places en toute liberté
de ton, la générosité du public étant leur seul
revenu. Un défi bien différent de celui des
compagnies subventionnées, dont les spec-
tacles, financés en haut lieu, favorisent parfois
le recyclage des légumes pourris – le public de
Laelith est parfois taquin.

S’informer
Les sources
L’information cruciale, celle qu’il vous faut
détenir et qui fera de vous une personnalité im-
portante de la ville, est cachée quelque part. Mais
où ? Dans quelque manuscrit secret, oublié dans
un grenier ? Dans les borborygmes ânonnés par
ce pauvre hère ? Entre les mains de cette guilde
qui nie en avoir connaissance ? Ayez confiance :
elle peut s’obtenir si vous vous en donnez la
peine. Car il existe deux lieux de savoir in-
contournables qui regroupent la majorité des
connaissances antédiluviennes de la Ville sainte :
• la Bibliothèque de la foi dans la terrasse du
Nuage (H5) est le nec plus ultra en ce qui
concerne la religion, le savoir ésotérique
et les attouchements curatifs de maître
Liphippe de Lyons. Mais le lieu est labyrin-
thique et exige beaucoup de persévérance
pour obtenir des réponses ;
• l’Université matérialiste universelle, égale-
ment au Nuage (I6). Les théories parfois fu-
meuses qui y sont exposées posent question
aux exégètes de la Foi absolue. Là encore, la
vérité est ailleurs, mais peut-être bien là.
Si vos visites ont été infructueuses, il reste
encore de nombreuses personnalités auprès de
qui obtenir votre information :
La Gazette de Laelith,
digne successeur de Salammatin.
• les bouquinistes. Incollables sur telle ou telle
version de manuscrits, leurs rares échoppes
ont pignon sur rue, mais le prix de leurs ser-
vices est souvent excessif ;
• les écrivains publics. Répartis partout en
ville, leurs oreilles sont bien ouvertes et
leurs plumes souvent sollicitées. Ils ont
peut-être entendu parler de quelque chose
qui vous intéresse… ;
• la guilde des Bien pendues peut être solli-
citée : si vous résistez à la logorrhée de ses
membres, nul doute qu’il y a des choses à
apprendre ;
• la nouvelle Gazette de Laelith, qui remplace
l’hebdomadaire Salammatin parti en fumée,
peut pareillement être parcourue. Sa petite
équipe de rédaction est capable de dénicher
des « scoops » ;
• le Club de l’honnête homme, enfin, mérite
d’être consulté. Il réunit les sept très discrets
érudits de quartier qui sont les mémoires vi-
vantes de chaque terrasse. Son adresse n’est
connue que de quelques personnes, mais si
vous l’obtenez, le renseignement que vous
espérez tant est à portée d’oreilles.
Et si toutes ces recherches laborieuses
n’aboutissent pas, alors il ne vous reste plus
qu’à éplucher les nouvelles du jour. Regroupées
avec les petites annonces et les offres d’em-
ploi, leur mode de diffusion est particulier
à chaque terrasse : la Chaussée du lac a ses
crieurs ; la Main qui travaille, ses chantfèvres ;
la Prospérité, ses rhapsodes ; le Nuage, ses
moulins à paroles et ses murs à nouvelles ; le
Châtiment, ses diseuses ; et la Haute Terrasse,
ses caryatides vivantes.
Beaucoup d’opportunités, donc, pour peut-
être trouver demain ce qui vous échappe à ce
jour.
Un dernier conseil. Toi, jeune aventurier qui
passe aujourd’hui les portes de la quatre fois
sainte ville de Laelith : sois patient, curieux,
inventif. Laisse-toi émerveiller par sa diversité
et tu pourras faire tien ce dicton, gravé sur le
mur d’une impasse par une main anonyme :
« Ne pas connaître toutes les réponses… mais
comprendre toutes les questions ».
Brève de taberge
« Tu parles d’un jean-foutre ct’Oëme-
rin ! Toute la semaine il m’a pris le
chou avec son déjeuner du duc Machin
ou son dîner du comte de Bidule.
Pauv’type ! Y’s croit arrivé. Mais moi
qui bouffe avec les larbins depuis deux
semaines, je vois bien comment qu’on
l’traite ! Et qu’il y va de sa révérence
(elle s’fait plus comme ça depuis l’année
dernière) ; et qu’il y va de son pas de
danse (daté d’y a deux ans)… Et la per-
ruque ! Personne lui a dit, mais ça fait
trois ans qu’on la porte plus ! Après, de
quoi t’as l’air quand tu vas frimer ici ou
là ? Ben de rien. Et c’est pitié. Quelle que
soit la terrasse où que tu te traînes. »
Kalios, apprenti
Contrôle au Lazaret
« À quoi ça sert vot’foutoir ?
– Ce sont des instruments de vue.
–…
– Des lunettes.
– Vous avez l’air de bien voir pourtant !
– Non, mon bon, vous n’y êtes pas. Le
ciel de Laelith est réputé pour sa clarté.
Tous les membres de notre guilde
s’efforcent de venir au moins une fois
dans leur vie en votre sainte cité l’ob-
server. On dit qu’au Nuage, se trouvent
de magnifiques observatoires sur les
plateformes du temple. J’ai d’ailleurs
avec moi l’adresse d’Ostabal Lafret, un
de vos plus illustres…
– Y a plus de plateforme sur le temple
du Nuage. Elles ont été démontées y a
plus de deux ans. AU SUIVANT ! »
Le Facteur Ookhab
« Y a un type avec un drôle de nom qui
a construit tout seul, sur la Chaussée
du lac, une espèce de Palais du pauvre.
La façade et les cours intérieures sont
entièrement décorées de coquilles de
mollusques concassées. Non mais…
quel malade !
– Pt’être ben. Mais c’est en passant de-
vant qu’un assesseur du Poisson d’argent
a eu l’idée de proposer un truc à
l’Oiseau de feu : enchanter les nouveaux
murs d’enceinte des baraquements
avec un sort de protection appliqué sur
des coquillages bénits par les quatre
Temples. Comme quoi, tu vois… »
Garthim et Skekses, gardes en
patrouille
Laelith 53
 Combine
de l’annulaire inversé
Si vous devez vous rendre à une
adresse mais que vous êtes perdu dans
le labyrinthe des ruelles de la cité au
point de ne pas réussir à y aller, j’ai la
solution. Envoyez un pli par l’intermé-
diaire de la corporation des Portefaix.
Signez de votre annulaire le bordereau
d’expédition et suivez les livreurs. Leur
connaissance des méandres de la ville
est désormais proverbiale. Prévoir une
tenue légère et une gourde d’eau fraîche.
Le rythme est parfois soutenu…
Du poil
Sourcils broussailleux de naissance ?
Pilosité excessive due à un sort ? Barbe
de vingt et un jours consécutive à un
séjour au faubourg Glauque ? Nul doute
qu’avec ses handicaps disgracieux, toute
tentative de charme, même auprès de
Milenia Lunalia, sera vouée à l’échec.
Pour améliorer votre image, la solution
idéale serait d’entrer chez le barbier
d’Orvily, sis 43 rue Qui-qu’en-peut. Mais
attention ! Ce dandy a bien des cordes
à son arc pour vous faire dépenser tous
vos célithals, si vous passez la porte de sa
boutique inconscient du risque encouru.
Car pendant l’heure où il jouera du
coupe-choux sur votre corps, ouaté
d’huiles émollientes, sa belle voix
enjôleuse vous chuchotera à l’oreille des
poèmes élégiaques qui vous rendront
plus cotonneux encore.
Et il vous en coûtera 2 lithals par
strophe. C’est le tarif.
Aléas
« À prix d’or, j’avais réussi à obtenir une
place pour l’opéra de la Compagnie du
Prince de bois nommé Sistres et sacque-
boutes. C’était ma première chance de
côtoyer enfin du beau monde à la Haute
Terrasse. J’avais loué une belle tenue :
une perruque dite « aérienne », un
pourpoint chamarré de couleur bronze
et parements de fils d’or, des hauts-
de-chausses bouffants, des bas de soie
grenat et des escarpins à talons rouges…
Représentation annulée ! Sine die !
Dites, vous croyez que je peux deman-
der le remboursement de ma place ? »
Quiévine, malchanceux
54
Paraître
Garde-robe et savoir-vivre
À Laelith, la diversité de la population per-
met à chacun d’afficher son propre style sans
attirer particulièrement l’attention. Certaines
excentricités qui choqueraient dans d’autres
villes ne provoquent ici qu’un sourcil inter-
rogateur ou un sourire de connivence. Du
coup, à part dans les milieux « branchés » de
la Haute Terrasse ou les cercles très fermés du
haut clergé, il n’existe pas réellement de modes
à suivre : les pourpoints changent de teintes en
fonction des saisons, les chevelures de formes
en fonction du saghiann, les hauts-de-chausses
de matières en fonction de leur usure… guère
plus. Donc, s’adapter à la mode du tout-venant
s’avère très facile.
Cela dit, il est des circonstances particu-
lières qui peuvent nécessiter un changement
d’apparence :
• Une visite au Temple, une entrevue avec
un noble-citadin, une convocation par
un échevin… et il vous faudra paraître au
moins convenable, voire plutôt élégant.
Heureusement, de nombreuses boutiques
sont là pour vous fournir l’indispensable
et le superflu : perruquiers, coiffeurs, ma-
nucures, tatoueurs, couturiers à façon, bot-
tiers… chacun dans sa spécialité saura vous
trouver le vêtement, l’accessoire ou la petite
touche subtile adaptés aux circonstances. Le
résultat en sera pour les uns un ravissement,
pour les autres un carcan.
• Parfois, il vous faudra être plus anodin,
voire peu repérable. Là encore, les bonnes
adresses sont nombreuses, même si elles
sont parfois plus difficiles à trouver. Les
métiers sont à peu près les mêmes, mais la
finalité bien différente : un tatoueur saura
vous affubler d’une excroissance frontale
très gobelinoïde, un tailleur pourra vous
confectionner l’exacte vêture de tel mar-
chand, la manucure donnera à vos mains
l’âge que vous leur voudrez voir présen-
ter… et bien plus. Enfin n’oublions pas que
les mages des trois Pics, bien que peu ap-
préciés, peuvent être aussi sollicités pour
des changements d’apparence légers, ou
plus radicaux.
Il restera néanmoins un paramètre difficile à
modifier et auquel certains sont très sensibles :
l’odeur corporelle ! Car l’hygiène personnelle
est une préoccupation inégalement partagée
en ville. Et les habitants des beaux quartiers
ne sont pas forcément les plus soucieux de
propreté, car maquillages gras et perruques
poudrées servent souvent à masquer des bou-
tons disgracieux ou une bonne vieille pelade.
Heureusement, de nombreuses maisons sont
équipées de points d’eau permettant de faire sa
toilette avec une bassine et un broc. Et il existe
en ville deux habitudes de décrassage qui font
beaucoup pour la survie sanitaire de milliers
d’habitants : les maisons de bains et les ablu-
tions dans le lac.
Il existe plusieurs maisons de bains dans
chaque terrasse et elles ne désemplissent pas
du matin au soir. L’une des plus renommées
est le palais de l’Eau lustrale (J9) que vous
trouverez décrit dans la terrasse de la Main
qui travaille.
Les ablutions dans le lac sont nombreuses
et régulières. Gérées par le Poisson d’argent,
elles sont la plupart du temps à vocation re-
ligieuse (purifications, offrandes…) ; mais,
l’administration du Temple ayant une vision
plutôt prophylactique du bien-être de ses
ouailles, ces séances de bains sont aussi des
moments de savonnage, effectués la plupart
du temps avec de la cendre bénite. La rive
du lac n’a pas de site spécifiquement réservé
à cette pratique et il est même interdit, sous
peine de taxe, d’empêcher quelqu’un d’accé-
der à l’eau bienfaitrice. On voit ainsi parfois
des vieillards nus, squelettiques et pouil-
leux se baigner entre les coques des bateaux
du port militaire. Ce qui est rarement le cas
avec les jeunes filles nubiles. On dit d’ailleurs
que c’est pour éviter ce genre d’inconvénient
que le port de plaisance a été si bien clos de
piquets.
Et le savoir-vivre dans tout ça ? Y a-t-il des
règles incontournables  ? Malheureusement
oui, et aussi étranges qu’elles soient, ne pas les

Dans la terrasse du Nuage, Toliofen
de Sobza, dandy de son état, invente
des codes vestimentaires que seuls les
initiés savent décrypter.
respecter vous fait passer au mieux pour un
malotru, au pire pour un va-nu-pieds. Et la
sanction tarde rarement à tomber, allant du pe-
tit regard méprisant à l’expulsion manu militari,
assortie de conséquences graduées : vous pou-
vez être interdit d’accès à la taberge du Coucou
bien niché, prié de circuler à plus de 150 mètres
d’une surintendance locale, être refoulé à l’en-
trée de la Haute Terrasse, voire déclaré persona
non grata dans toute la ville. Alors, comment
choisir la bonne courbette au bon moment ?
Le salamalec qui va bien ? Comment éviter la
faute de goût impardonnable ? L’obséquiosité
trop repérable ? Ça se travaille !
Quelle heure est-il ?
Trois clepsydres permettent de savoir
l’heure, quelles que soient les conditions
météorologiques. La première est située
dans l’enceinte de l’Université matéria-
liste universelle et un office particulier
est chargé de son entretien. La deuxième
est installée près de la porte de l’Ivresse
enchanteresse pour des raisons pratiques.
C’est à sa mesure que l’on ouvre et ferme
les portes de la ville. Elle est entretenue par
une section spécialisée du génie militaire.
La troisième est située dans les jardins du
temple du Poisson d’argent, où elle rythme
les différents offices. Quotidiennement,
un collège du Nuage est chargé de vérifier
l’exactitude des clepsydres en les com-
parant au cadran solaire de référence de
l’esplanade de la Demi-Lune.
C’est cependant le beffroi de la porte
menant au Lazaret qui rythme la vie
des habitants. Mais le son de ses cloches
porte rarement au-delà de la Main qui
travaille, le vent ne lui étant pas tou-
jours favorable. Aussi des sonneurs de
cloches parcourent-ils les échelles pour
relayer les heures. Sont ainsi annoncées :
– l’ouvrir, à 7 heures, quand les portes
de la ville s’ouvrent aux voyageurs ;
– la pêche, à 8 heures, au retour des
premiers bateaux sur les quais ;
– le couteau, à 11 heures, signale le repas
de la mi-journée ;
– le théâtre, à 14 heures, rappelant la
tradition des spectacles qui commen-
çaient en début d’après-midi. C’est
aussi l’heure de prédilection pour les
rencontres d’affaires ;
– la converse, à 18 heures, quand les
gens se retrouvent pour un moment de
convivialité ;
– la ferme, à 20 heures, pour la ferme-
ture des portes ;
– la vigilante, à 21 heures, pour rappeler
aux habitants de surveiller leur foyer.
Cherche aventuriers
Suite à mauvaise rencontre avec une
vouivre aux abords de l’Inlam, dans le
quartier Basse-Eau, ai perdu sacoche en
écailles de dragon. Forte récompense
à toute personne me rapportant ledit
objet intact et non violé au 18 échelle
des Jardins, terrasse du Nuage.
Annonce vue sur les murs du Comptoir de
l’aventure, Chaussée du lac, le 13
findefroid
Laelith 55
 Le Roi-Dieu
La chute
Le ciel, désormais dégagé de tout nuage, rougeoyait des der-
niers éclats de l’astre solaire. La silhouette élancée de Nin Ier
s’attarda un instant à l’extrémité de la terrasse arrière qui sur-
plombait les jardins du Roi-Dieu. L’endroit était désert, un sou-
lagement après le tumulte de la journée. Le souverain nouvelle-
ment proclamé fut tenté un instant d’aller contempler le coucher
de soleil au bord de la falaise de Vorn.
Mais il y renonça : une tâche pénible mais impérative l’atten-
dait. Il descendit les marches du grand escalier de pierre noire,
suivi des deux imposantes silhouettes félines aux ailes majes-
tueuses qui étaient restées dans son ombre. Plongé dans ses pen-
sées, Nin prit la direction du sud et longea d’un pas mécanique le
gigantesque bâtiment qui était désormais sa demeure. Alors que
les derniers rayons solaires disparaissaient à l’horizon, le Roi-
Dieu arriva au sanctuaire du Divin. Il s’arrêta brièvement, en-
cadré de ses deux monstres au pelage blanc. Les créatures s’as-
sirent tranquillement, en regardant distraitement autour d’elles.
« Maugr ! Khaïssa ! Allez ! »
Entendant leur nom, le mâle et la femelle dressèrent les oreilles,
puis se relevèrent et s’éloignèrent d’un pas chaloupé, s’enfonçant
dans les ombres qui tombaient sur le complexe funéraire.
Le Roi-Dieu reprit sa marche et emprunta la longue allée
centrale bordée de colonnes aux chapiteaux stylisés. Sa robe
flottait derrière lui, glissant au ras du sol pavé de mosaïques
colorées. Dans le « cimetière sans corps », où des plaques com-
mémoraient les Rois-Dieux disparus, Nin prit le temps de se re-
cueillir devant celle de Teaphanerys XIV. Il espérait y trouver
la force, et le pardon, pour ce qu’il s’apprêtait à faire.
Vox Dei était troublé. En réalité, il ne connaissait pas bien
Mitri… Sa Souveraineté, le quatre fois saint Nin Ier. Ils
s’étaient côtoyés pendant plus de trente ans, mais le porte-parole
du Roi-Dieu n’avait jamais vraiment fréquenté le grand prêtre
du Nuage. Vox Dei ne savait pas encore ce que le nouveau sou-
verain attendait de lui. Après trente ans, Teaphanerys et lui
n’avaient plus besoin de se parler pour se comprendre. Avec
Nin, il fallait tout reprendre.
Comme on le lui avait dit, Vox Dei trouva le Roi-Dieu au bord
de la Faille, contemplant l’Inlam. Les deux terribles créatures
que tout Laelith avait découvertes aujourd’hui n’étaient pas là, et
Vox Dei se sentit respirer mieux, soudainement. Nin Ier ne s’était
pas retourné. Vox Dei comprit qu’il ne regardait pas l’Inlam
mais la terrasse du Châtiment, de l’autre côté de la Faille.
La voix du Roi-Dieu s’éleva alors, douce mais ferme.
Légèrement étouffée aussi, avec la résonance métallique due
à son masque. Nin le complimenta pour le travail réalisé du-
rant toutes ces années, et le remercia d’avoir accompagné
Teaphanerys dans son dernier voyage. Les paroles du Roi-
Dieu firent chaud au cœur de Vox Dei. Cependant, rompu aux
56
techniques de communication, il comprit aussitôt que les propos
de Nin cachaient une nouvelle désagréable. Mais il eut du mal
à croire ce qu’il entendait : le Roi-Dieu l’informait qu’il ne pou-
vait le conserver à ses côtés car il avait d’autres plans !
« Votre Grandeur ! J’ai dévoué toute ma vie au service de Sa
Majesté Teaphanerys XIV, qu’il soit sanctifié pour l’éternité !
J’ai même servi les trois souverains précédents ! Je… je…
Vous ne pouvez pas… Qu’ai-je fait pour mériter un tel sort ? »
Le Roi-Dieu leva la main droite et le petit homme s’arrêta
de parler. Dans un bruissement de tissu, Nin Ier se retourna et le
porte-parole se trouva face au masque d’or. Le regard était éloquent.
Le souverain passa devant lui, l’ignorant. « Attendez ! ». Vox Dei
tendit la main vers le Roi-Dieu, mais fut aussitôt stoppé par des ru-
gissements qui le firent sursauter. Il retira vivement sa main avant
d’avoir pu ne serait-ce que toucher les robes immaculées. Les deux
créatures ailées sortirent de l’ombre, le faisant frissonner de terreur.
Se retournant, il se retrouva face à une nouvelle silhouette, vê-
tue d’une ample cape qui la recouvrait jusqu’à sa tête. Et dans
l’ombre de la capuche, Vox Dei n’aperçut que les traits lisses d’un
masque semblable à celui du souverain divin. Une voix s’éleva,
calme et posée, l’invitant à entrer dans le Palais intérieur.
De la stupeur, Vox Dei passa à la colère et cracha son venin,
refusant de s’adresser à un sous-fifre. On ne pouvait pas le trai-
ter ainsi, lui qui avait été nommé à vie par Teaphanerys XIV !
Le masque acquiesça : « Effectivement ! »
Un silence plana, et la peur s’inscrivit sur le visage de Vox
Dei. Il recula d’un pas, regarda à droite et à gauche. D’une
voix douce, l’ombre indiqua que Nin Ier inaugurait de nouvelles
pratiques. Et pour cela, Vox Dei devait s’effacer pour permettre
à la Parole du Roi-Dieu de s’exprimer. Le visage de Vox Dei
était à présent déformé par la haine. « C’est donc ça ! Tu as ma-
nigancé pour prendre ma place ! Qui es-tu donc pour oser t’atta-
quer à Vox Dei ? N’imagine pas que je vais te laisser faire ! J’ai
eu affaire aux hommes les plus retors qui soient… ».
Il fut stoppé net par le corps nu que l’ombre lui exposa après
avoir ouvert brutalement les pans de ses robes. Ses lèvres se
mirent à trembler. Il recula d’un pas, tendant les bras pour se
défendre de cette vision. Les robes glissèrent au sol et les rondeurs
féminines furent éclairées par les pâles rayons de la lune. La
femme masquée fit mine de s’approcher de Vox Dei. L’homme
poussa un cri de terreur et se retourna pour s’enfuir en courant…
pour se rendre compte qu’il était au bord de la falaise. Il essaya
de se retenir mais il n’y avait rien à quoi se raccrocher. Il battit
des bras pour retrouver son équilibre, en vain. Il bascula en avant
et disparut dans le gouffre obscur, plongeant vers les eaux tumul-
tueuses de l’Inlam. Tout en se rhabillant, la Parole rejoignit Nin
Ier qui attendait un peu plus loin en caressant Maugr. « Quelle
tragédie : Vox Dei n’a pas supporté la mort du souverain qu’il a si
longtemps servi. Il a préféré le rejoindre… »
Nin Ier trônant entre ses lions blancs ailés.

Laelith 57

Histoire des Rois-Dieux
La statuaire officielle
Les jardins à l’arrière du palais sont
enjolivés de nombreuses statues de
Rois-Dieux dans leur éclatante gloire : à
cheval toisant l’horizon, en promenade
un livre à la main, au combat le pied
sur un troll, en carriole à la chasse…
Tous n’y sont pas représentés car la
taille pourtant conséquente des jardins
n’y suffirait pas. De plus, certains
Rois-Dieux n’ont pas souhaité qu’on
vénère leurs prédécesseurs. On notera à
ce propos qu’à chaque début de règne,
les statues se déplacent selon le bon
vouloir du nouveau monarque, celle-ci
quittant un point de vue privilégié pour
remplacer celle-là sortant d’un bosquet
éloigné.
58
Les origines
Le premier Roi-Dieu serait apparu il y a
mille ans de cela. Frappée par une terrible ca-
tastrophe à laquelle la population a donné le
nom de Châtiment, la ville de Tanith-Lenath
avait été en grande partie détruite. Les res-
capés erraient, hagards, au milieu des ruines,
totalement désorganisés. Ils formaient de pe-
tits groupes, essayant désespérément de sur-
vivre. Et puis un homme du nom de Mandala
se dressa, portant la parole des Dieux. Il cla-
ma que ceux-ci lui avaient parlé. Après avoir
martelé leur colère, ils pouvaient se montrer
cléments. Si les survivants rebâtissaient la ville
autour de quatre temples correspondant aux
principes directeurs de toute foi, les Dieux
les guideraient vers un avenir meilleur par
Assassin de Mandala II
(peinture offerte à Teaphanerys XI).
la voix de leur représentant, un être de chair
et de sang empreint d’énergie divine : le Roi-
Dieu. La cité s’appellerait désormais Laelith et
Mandala serait son Roi-Dieu.
Un homme choisi par les
Dieux
Rien ne prédestinait Mandala à un tel ave-
nir. Guerrier charismatique et officier supé-
rieur dans la garde de Tanith-Lenath, il est le
second fils d’une famille aisée. Mais à la mort
de leur père, son frère aîné, Orphyr, décline
l’héritage. Mage de la caste blanche, ce dernier
s’est lancé dans l’exploration des sous-sols de
la cité et il y consacre tout son temps. Mandala
devient chef de famille, ce qui signifie aussi
une responsabilité envers d’autres personnes
de son quartier travaillant pour lui, directe-
ment ou indirectement.
Quelques années plus tard, la terre se sou-
lève et la ville est éventrée. Homme d’action,
Mandala met ses proches en sécurité puis
part à la recherche de son frère. Il sait que ce
dernier a découvert une sorte de temple dans
les profondeurs de la terre, et il est persuadé
qu’il y a été protégé du cataclysme. Plusieurs
mois durant, il parcourt les décombres pour
trouver un accès aux souterrains découverts
par Orphyr. Ses efforts sont finalement cou-
ronnés de succès lorsqu’il parvient à un im-
pressionnant complexe plongé dans l’obscuri-
té. Il touche au but lorsque la voix de son frère
résonne dans son esprit et lui révèle que les
Dieux, après avoir exprimé leur colère, sont
disposés à offrir une seconde chance aux mor-
tels. Pour les guider, ils ont désigné Mandala.
Après avoir accepté la disparition de son
frère et la mission qui lui est donnée, il re-
tourne à la surface, porte la parole des Dieux
et met fin à une période de terreur qui, selon
la légende, dura 777 jours. Voyant en lui l’élu
des Dieux, les gens le suivent comme un seul
homme et reconstruisent la ville, dont quatre
temples majestueux. Le jour de leur inaugura-
tion, Mandala se dresse au sommet de la cité
et érige un gigantesque palais en comman-
dant aux Lithos. La population, émerveillée,
l’acclame comme l’incarnation mortelle des
volontés divines. Il est proclamé Roi-Dieu et
rebaptise la ville Laelith.
De Mandala Ier à Nin Ier
L’histoire de Laelith et des Rois-Dieux est
riche et mouvementée. En plus de mille ans,
la Cité sainte a connu plusieurs dizaines de
souverains royaux-divins, dont la liste exacte
est aujourd’hui encore incertaine. Selon les
sources, le nombre, l’ordre et les noms va-
rient quelque peu. Cependant, d’après Everard
Célest, l’historien personnel de Nin Ier, Laelith
aurait connu quatre-vingt-un Rois-Dieux à ce
jour.
Des familles de pensée
Contrairement à la pratique de nombreux
royaumes, les souverains royaux-divins de
Laelith, mis à part les premiers, n’ont pas de
lien de parenté. Pourtant, les historiens les ont
assez rapidement classés en dynasties, terme
qui n’est pas ici lié à une famille du sang mais à
une famille philosophico-religieuse.
Ainsi, la dynastie de la Flèche de bronze doit
son nom à la détermination et au cap impulsés
par Mandala et poursuivis par ses successeurs.
La dynastie de la Lumière initiée par Solà s’op-
pose à la Main de fer d’Umandès.
Si le nom peut être une allégorie relative à
des idées philosophiques, il peut aussi se rap-
porter à un objet (le mystérieux Livre noir) ou
qualifier des souverains (les Princes étrangers).
À ce jour, Laelith a connu onze dynasties
d’importances diverses, depuis la Flèche de
bronze qui, en plus de deux siècles, a marqué
la ville, à la jeune dynastie du Renouveau en
passant par la Main de fer, dont la plupart ont
aujourd’hui oublié le seul Roi-Dieu au règne
tyrannique.
Les fondations
Premier Roi-Dieu de l’histoire, Mandala Ier
règne pendant quatre-vingt-cinq ans, façon-
nant le visage de Laelith et inaugurant une
politique philosophico-religieuse durable qui
se poursuivra près d’un siècle et demi après sa
mort.
Lorsqu’il s’éteint à l’âge vénérable de
123 ans, il laisse le trône à Certel, son treizième
fils, alors âgé de 76 ans, qui prend le nom de
Mandala II. A l'époque, la cité est attaquée par
des tribus barbares et Glesseri, le fils aîné du
Roi-Dieu est chargé de la défendre. Il écrase
l’ennemi, mais ne peut empêcher des assassins
de pénétrer dans le palais et de tuer son père. Il
lui succède sous le nom de Mandala III.
La guerre lui a fait prendre conscience de la
faiblesse défensive de Laelith, et en particulier
du palais. Il lance donc de grands travaux de
fortifications en commençant par celles de la
Haute Terrasse. Il n’en verra pas l’achèvement :
il est grièvement blessé en affrontant les tri-
bus barbares, venues chercher une revanche. Il
emporte la victoire, mais meurt sur le chemin
du retour à la Cité sainte.
Son fils Tokinafal n’a pas le goût des res-
ponsabilités et préfère batifoler. Il devient
Les tablettes
royales-divines I
(selon l’érudit Everard Célest)
Dynastie de la Flèche de bronze
Mandala Ier (6‑91), Mandala II (91‑93),
Mandala III (93‑98), Tokinafal
(98‑106), Mandala IV (106‑152),
Mandala V (152‑168), Mandala VI
(168‑186), Mandala VII (186‑187),
Mandala VIII (187‑189), Mandala
IX (189‑189), Mandala X (189‑196),
Mandala XI (196‑233).
Dynastie de la Main de fer
Umandès Ier (233‑259).
Dynastie de la Lumière
Solà Ire la Vénérable (259‑292),
Fonvieille Ier (292‑311), Fonvieille II
(311‑323), Fonvieille III (323‑334).
Dynastie du Livre noir
Reidid Ier le Rédacteur (334‑348), Jihem
Ier (348‑360), Gwanul Ier (360‑369),
Gwanul II (369‑380).
Dynastie des Sept Majestueux
Gigogne le Preux (380‑391), Fonvieille
IV l’Immortel (391‑484), Phyladis II le
Mignard (484‑489), Coloquinte Ier le
Gambilieux (489‑495), Coloquinte II
(495‑501), Fonvieille V le Magnanime
(501‑505), Nadayat Ier le Précieux
(505‑519).
NB : les dates de règne indiquées entre
parenthèses se rapportent au calendrier
royal-divin.
Proverbes et préjugés
• On appelle amazone toute femme
portant les cheveux courts. On dit
qu’elles viennent du lointain Ouest,
au sud du désert Wadrar, au pied des
monts Géants.
• Si un groupe de six félys arrive en
ville, on dit que le mur est en marche.
Personne ne sait vraiment pourquoi…
• Peu d’hommes serpents viennent en
ville. Quand on en voit un franchissant
les portes du Lazaret, les plus courageux
vont lui demander : « Sais-tu si ta sœur
salue souvent son éminence ? », ce qui
déclenche immanquablement les rires
des comparses du téméraire, obligé
parfois de mettre fin rapidement à la
conversation par une course effrénée.
• L’homme raisonnable n’emprunte que
les échelles dont il connaît l’is-
sue. Le fou finit au Châtiment.
Laelith 59

Umandès le visionnaire.
Fête de l’équinoxe
« Sur l’île du Flot-Mage, les pêcheurs
fêtent l’équinoxe autour de la pierre du
printemps. Rejoints en grand cortège par
les natifs d’autres îles, ils se rassemblent
autour de ce nodule sphérique qui serait,
raconte-on, un jour tombé du ciel porté
par deux mouettes de feu. Aussi étrange
que cela puisse paraître, la pierre change
bel et bien de couleur au moment de
l’équinoxe et sa teinte est, pour les an-
ciens, un présage pour l’année à venir. »
Extrait de « Curiosités lacustres et pêches
fantastiques » par Brigid le Naturaliste
60
Tokinafal Ier, mais c’est sa mère, Kanatessa,
alors grande prêtresse du Nuage, qui règne en
réalité. Tokinafal crée un gynécée au palais et
favorise le commerce de substances facilitant
l’évaporation de l’âme. Il vit une vie de plai-
sir, mais meurt assassiné par une maîtresse
jalouse.
Refusant de devenir « Reine-Déesse » et
désireuse de poursuivre la philosophie de son
mari Mandala III, Kanatessa se fait couronner
sous le nom de Mandala IV et apparaît en pu-
blic vêtue de robes amples et le visage couvert
d’un masque métallique forgé aux traits de
Mandala III. Elle abolit la succession hérédi-
taire et met en place le système du conclave
qui perdure encore.
Après Mandala IV, plusieurs Rois-Dieux
se succèdent en poursuivant l’œuvre de
Mandala. En 187 A.R.D., Mandala VII fait
partie des premières victimes d’une maladie
foudroyante. L’épidémie dure plus de deux
années et coûtera également la vie à Mandala
VIII, mort d’épuisement dans sa lutte contre la
maladie et la famine qui frappe alors la région,
et à Mandala IX, qui meurt à peine quelques
semaines après être monté sur le trône. Ces
décès successifs ont pour conséquence la
désignation d’un jeune Roi-Dieu : Mandala
X n’a pas 40 ans lorsqu’il prend le pouvoir.
Il est ambitieux et souhaite reconquérir le
Châtiment. Son ambition tourne à l’obses-
sion puis à la folie. Il disparaît de façon mys-
térieuse. La dynastie de la Flèche de bronze
s’essouffle et s’éteindra après le long règne de
Mandala XI.
De dynastie en dynastie
À partir du troisième siècle, les dynas-
ties de Rois-Dieux vont se succéder.
Certains vont marquer l’histoire par
des faits plus ou moins heureux,
d’autres auront un règne long et
glorieux.
Umandès. Prêtre du Temple de la Taupe,
il réussit un coup en faisant pression sur les
grands prêtres. Il est le seul Roi-Dieu à avoir
été désigné par le conclave sans en faire partie.
Solà la Vénérable. Femme et demi-elfe, la
première Reine-Déesse inaugure la dynastie
de la Lumière, qui ramène la paix et la stabilité
à Laelith. Trois Fonvieille lui succèdent, pour-
suivant son œuvre.
La dynastie du Livre noir. Le grand prêtre
du Nuage Xires-Gui, adepte d’une religion
oubliée depuis et vénérant le mystérieux Livre
noir, devient Reidid le Rédacteur et ouvre
la voie à une lignée inspirée et imaginative :
Jihem Ier, puis les grands prêtres Krub El-
Divad et Z’mad, couronnés sous les noms de
Gwanul Ier et II, lui succéderont. Notons que
Gwanul II est le seul nain à avoir accédé à la
fonction suprême.
 Après Gigogne le Preux, Fonvieille IV connut un développement commercial sans Les tablettes
l’Immortel établit un record avec un règne précédent. royales-divines II
de quatre-vingt-treize ans. Lui succèdent des Hetelred III l’Éphémère détient le record Dynastie de la Fontaine céleste
souverains dont certains sont entrés dans du règne le plus court de l’histoire : il décède Célestial Ier de la Fontaine (519‑526),
la postérité, tels que Phyladis II, dont les Myg Ier Fonsalam (526‑546), Cyrmalis
le soir même de son couronnement. Selon une
mœurs légères contrastaient avec la rigueur Ier Bras-de-fer (546‑559), Cyrmalis II
rumeur, il aurait été assassiné par son succes-
religieuse ; Nadayat le Précieux, dont tout le Buffle (559‑573), Célestial II Cul-
seur, Hetelred IV le Vif, un Roi-Dieu autori-
fendu (573‑576), Célithal Ier le Grand
le monde connaît l’histoire d’amour avec la taire qui empiéta largement sur les préroga- (576‑595), Mansour Ier le Magnifique
belle Carmine ; le pauvre Célestial II Cul- tives des grands prêtres sur les cénacles. Autre (595‑599), Célithal II le Valeureux
fendu ; ou encore Célithal le Grand, qui déci- règne court, celui de Dénéris Ire, également as- (599‑600), Amilcar Ier le Conquérant
da la création d’une colonie au sud de Laelith, sassinée, après moins d’un an de règne, par un (600‑604), Célithal III l’Irréfléchi
Lithalia. fanatique qui clama qu’une femme sur le trône (604‑605), Mandala XII l’Exilé
Reprenant un projet de Célithal, disparu bru- royal-divin était une hérésie. (605‑627).
talement, Mansour le Magnifique, grand dé- Depuis Teaphanerys XI l’Exalté, la dynas- Dynastie des Princes étrangers
pensier, crée une monnaie révolutionnaire en tie actuelle n’a pas fait preuve d’actes remar- Menayet Ier (605‑619), Menayet II
papyrus : le lithal. Puis, après une attaque me- (619‑626), Menayet III (626‑631).
quables, et l’humeur de la ville s’en ressent.
née par la flotte de provinces sécessionnistes, Dynastie du Renouveau
il riposte et débute la Grande Guerre. Son ob- Amilcar II le Justicier (627‑637),
jectif est de sécuriser Lithalia et d’étendre la Gwanul III (637‑646), Teaphanerys Ier
Monstruosité vaincue par Amilcar Ier lors de (646‑662), Teaphanerys II (662‑669),
sphère d’influence de Laelith. Menant grand ses conquêtes au-delà des Provinces du lac. Gwanul IV (669‑693), Tokinafal II
train de vie, il meurt au combat de façon
(693‑702), Tokinafal III (702‑726),
flamboyante, contrairement à son successeur,
Cémaldir VII le Fleuri (726‑742),
Célithal II, qui trépasse d’une simple chute de
Oriel Ier (742‑747), Célestial III le
cheval. Amilcar Ier le Conquérant s’illustre Terrible (747‑749), Oriel II (749‑752),
vaillamment en effectuant des conquêtes im- Oriel III (752‑758), Tokinafal IV
portantes, mais Célithal III fait des choix dou- (758‑767), Teaphanerys III (767‑770),
teux et ruine tous les efforts de son prédéces- Teaphanerys IV (770‑773), Tokinafal
seur. Jetant toutes ses forces dans une bataille V (773‑781), Tokinafal VI (781‑789),
décisive, il perd et meurt dans la débâcle qui Tokinafal VII le Lacustre (789‑794).
suit. Coopté en catastrophe, Mandala XII est
incapable de stopper l’invasion et fuit Laelith
avec le Conseil restreint, la livrant au général
ennemi, Feret-Sirak, qui se fera couronner
sous le nom de Menayet Ier.
Laelith connaît une période singulière du-
rant laquelle, son souverain légitime en exil,
elle est dirigée par un autre souverain, un
étranger qui adopte cependant toutes les tra-
ditions locales et règne en véritable Roi-Dieu.
Attaché à la monnaie métallique, il supprime le
lithal. À sa mort, ses fils lui succèdent en tant
que Menayet II et Menayet III, avant qu’Amil-
car II, successeur de Mandala XII, ne recon-
quière la Ville sainte et mette fin à la Grande
Guerre par un statu quo.
Les Teaphanerys et Tokinafal se suivent,
certains cruels, d’autres paresseux, mais
Laelith prospère. Teaphanerys VII le Pisseux
reste dans l’histoire pour être décédé dans son
urine au cours d’un long repas diplomatique
important ; souffrant d’une infection urinaire
grave, il n’avait pas voulu offenser ses invités
en quittant la table ! Quant à Teaphanerys IX,
il eut un long règne au cours duquel Laelith

Laelith 61

Aparté
« Sa Seigneurie n’a jamais été très solide.
On pourrait voir le jour au travers. Ce
n’est pas pour me vanter, mais si elle
tient debout, c’est en partie grâce aux
soupes et aux remontants que je lui
prépare. Faut dire que ce n’est pas n’im-
porte qui. Elle est venue dans ma ville
déclamer des poèmes sur le parvis du
temple. Un concours d’art sacré. J’avais
déjà les larmes aux yeux, sur le seuil
de ma boutique quand le miracle est
advenu. La statue de vierge chasseresse
au centre du portique a tourné la tête
pour l’écouter, je le jure ! Depuis je n’ai
jamais quitté sa Seigneurie, et j’ai assisté
à bien d’autres merveilles. »
Gautheron, serviteur de la sainte-poétesse
voyageuse Malirenlore
62
Lorsque Teaphanerys XIV accède au pouvoir,
il suscite de nombreux espoirs avec ses pro-
jets de réforme et de constructions. Il tente
d’imposer le lithal, recréé par Teaphanerys
XIII durant sa courte année de règne, mais
ne parvient pas à en faire un outil de dévelop-
pement économique. Finalement, il se laisse
prendre dans les affaires politiciennes et les
Six Provinces en profitent pour gagner du
terrain.
L’actuel souverain royal-divin
Le 9 de lestes semailles 1016 A.R.D., le grand
prêtre du Nuage Mitrias est intronisé Roi-
Dieu. À la surprise de bien des nobles-cita-
dins et des clercs-courtisans qui voyaient déjà
Valdenath s’installer sur le trône. Souvent en
retrait, Mitrias n’a jamais
été considéré comme un
successeur potentiel de
Teaphanerys XIV. Doux
rêveur épris de justice, œuvrant
pour le bien commun, croyant au bien-
être et au bonheur de tous, on ne lui en don-
nait pas la carrure. Et pourtant…
Mitrias a consacré sa carrière de grand
prêtre à essayer de réformer le système judi-
ciaire et à lutter contre la corruption. Il n’a
jamais été intéressé par le pouvoir en
tant que tel, ne voyant dans son
ascension que la possibilité de
mieux agir pour atteindre ses
objectifs. Jouisseur de la vie, il
a longtemps été ce bonhomme rondouillard et
jovial que les fidèles du Nuage pouvaient ren-
contrer régulièrement.
À la surprise générale, il se fait élire par
ses pairs. Ayant désormais la possibilité
d’agir pleinement, Mitrias a décidé de mener
des réformes qu’il n’a pu engager jusque-là
en raison de la frilosité de Teaphanerys,
empiétant quelque peu sur le domaine de la
grande prêtresse du Nuage, qui sait cepen-
dant se positionner avec diplomatie.
Pour dynamiser la cité, Nin Ier lance de
grands chantiers, tels que la construction
d’un nouveau pont et surtout la reconquête
du Châtiment. Il a également une vision stra-
tégique qui dépasse le cadre de la ville, et il
œuvre pour stabiliser le peuplement le long
du chemin des Caravanes et l’exploitation
des ressources alimentaires produites sur
les rives du lac. Sans parler des efforts qu’il
fournit pour développer l’autonomie face aux
Six Provinces, qui est probablement l’un des
points majeurs de sa politique.
Le petit bonhomme discret que Valdenath
espérait manipuler dans l’ombre, à défaut de
pouvoir prendre le trône, a bien changé. Nin
Ier s’est métamorphosé depuis qu’il a pris le
pouvoir, et lorsqu’il se présente vêtu de ses
robes blanches et portant son masque, c’est
une silhouette élancée et un caractère bien
trempé que rencontrent ses interlocuteurs…

Charges et pouvoirs
Un souverain
d’origine divine
Laelith et le Roi-Dieu sont intimement liés.
Les fondements mêmes de la cité reposent sur
les deux dimensions personnifiées par le Roi-
Dieu : le temporel et le spirituel. En ralliant et
en protégeant son peuple, Mandala est devenu
son souverain. Mais son succès a aussi reposé
sur la détresse des rescapés après le cataclysme
« dû à la colère des Dieux » et au fait qu’il se
présente comme leur élu. Depuis ce temps,
le Roi-Dieu est à la fois un chef politique qui
dirige la ville et un chef religieux qui redonne
l’espoir et guide son peuple.
Les pouvoirs du Roi-Dieu
Le Roi-Dieu règne sur Laelith et dirige les
affaires de l’État en s’appuyant sur son Conseil
Soldats et protection du Roi-Dieu
Le Roi-Dieu dispose de ses propres combat-
tants, dont la fonction principale est de le
protéger. La nouveauté apportée par Nin Ier,
ce sont les deux impressionnants lions ailés
qui sont toujours à ses côtés lorsqu’il sort du
Palais intérieur.
La Garde pourpre
Le Roi-Dieu est protégé par les gardes
pourpres, un corps de soldats d’élite qui re-
lève directement de son autorité. On les re-
connaît à leur armure argentée et rehaussée
de pierreries, ainsi qu’au brassard rouge des
hommes de troupe et à la cape ou à l’écharpe
rouges des officiers.
La Garde pourpre est commandée par le
merker Stano Buren, un homme solide, sé-
vère mais bienveillant envers ses hommes. Il
se repose avec une totale confiance sur ses
quatre ezmers, dont les troupes assurent en
permanence la protection rapprochée de
leur souverain, ainsi que la sécurité du pa-
lais et de ses abords (le sanctuaire du Divin
restreint, à qui il confie la direction des cé-
nacles de l’administration royale-divine.
Il nomme les grands prêtres à vie, sur recom-
mandation de la hiérarchie de chaque Temple.
Il nomme également les plus hauts postes de
l’administration, en particulier la Parole, qui
en revanche ne sont pas inamovibles.
Le Roi-Dieu édicte les lois, qui sont com-
plétées par des décrets signés par les grands
prêtres dans leurs secteurs respectifs.
Dans le domaine spirituel, en tant que re-
présentant des Dieux, le Roi-Dieu préside les
grandes manifestations religieuses et guide
les pratiques en s’appuyant sur les quatre
Temples.
Enfin, le Roi-Dieu rend justice, soit en délé-
guant son pouvoir aux tribunaux, soit en pré-
sidant la Sublime Juridiction pour les crimes
les plus graves (lèse-majesté, atteinte à la sûre-
té de Laelith).
et les jardins du Roi-Dieu). On ne peut y pé-
nétrer sans montrer patte blanche à la Garde
pourpre.
Le Tanith-Lenath
Depuis des siècles, le Roi-Dieu dispose
d’une trirème qu’il utilise lorsqu’il se dé-
place hors de Laelith. Bien entendu, le na-
vire actuel n’est pas celui construit pour
Mandala, mais il a toujours porté le même
nom : Tanith-Lenath. Plus qu’une trirème
d’apparat, c’est un véritable vaisseau de
guerre manœuvré par des marins profes-
sionnels menés par le rahel Nerra Balestri.
La Garde pourpre s’entraîne à combattre à
son bord et est parfaitement apte à mener
des batailles navales.
Durant ses sorties, la trirème est systémati-
quement accompagnée par trois avisos, des
petits voiliers rapides qui permettent d’as-
surer les communications entre le Tanith-
Lenath et Laelith, ainsi que le reste de la
flotte royale-divine.
Les tablettes
royales-divines III
Dynastie de la Divine Vision
Mansour II le Splendide (794‑806),
Oriel IV le Zélé (806‑814), Oriel
V (814‑823), Teaphanerys V
(823‑825), Teaphanerys VI (825‑829),
Teaphanerys VII le Pisseux (829‑841),
Teaphanerys VIII (841‑858),
Teaphanerys IX (858‑879).
Dynastie du Dragon d’airain
Hetelred Ier (879‑894), Hetelred II
le Bâtard (894‑903), Hetelred III
l’Éphémère (903‑903), Hetelred IV
le Vif (903‑918), Teaphanerys X
(918‑926), Dénéris Ire (926‑926),
Myg II (926‑948), Myg III le Renard
(948‑970), Teaphanerys XI l’Exalté
(970‑981), Teaphanerys XII l’Éta-
lon (981‑985), Teaphanerys XIII
(985‑986), Teaphanerys XIV le Long
(986‑1016).
Dynastie indéterminée
Nin Ier (1016- ?).
NB : Comme beaucoup de Rois-Dieux,
Nin Ier ne s’est pas réclamé officielle-
ment d’une dynastie. Il est trop tôt
pour dire s’il s’inscrit dans la dynastie
du Dragon d’airain, même si certains
indices (changement de nom royal-di-
vin, nouvelle monnaie, politique forte
face aux provinces…) peuvent indiquer
la naissance d’une nouvelle dynastie.
Le service de
renseignements
Traditionnellement, les services de
renseignements sont rattachés au grand
prêtre du Crâne. Cependant, grâce à la
Parole, Nin sait qu’il ne peut pas faire
confiance à Valdenath. Ce dernier ne
porterait jamais atteinte au Roi-Dieu ou
à Laelith, mais il est capable de faire de
la rétention d’informations si ça peut
le servir. Nin a donc autorisé la Parole
à créer sa propre officine en s’appuyant
sur son réseau personnel, constitué de
courtisanes, de prostituées, de voleurs,
mais aussi de personnalités plus res-
pectables. Le réseau est encore
modeste, mais déjà efficace.
Laelith 63
« Qui ne sait dissimuler,
ne sait régner ! »
Cette maxime s’applique au règne de
plusieurs Rois-Dieux dans l’histoire de la
ville. On la doit, dit la légende, à Hetelred
IV le Vif qui régna de 903 à 918. Habile,
retors, bon orateur et fin connaisseur de
l’âme humaine, son ascension dans les
sphères du pouvoir fut émaillée de mani-
gances et de coups bas, de ralliements de
longue date et de trahisons de dernière
minute. Cela n’empêcha pourtant pas la
course au trône de se terminer en faveur
d’Hetelred III l’Éphémère (903‑903).
Une rumeur dit que sa mort prématurée
le soir même de son couronnement ne
serait pas due à un dessert avarié servi
lors du grand banquet de l’Offertoire.
Hetelred IV, lui succédant au poste
suprême, manipula si bien le Conseil du
Roi-Dieu que ce dernier en perdit ses
principales prérogatives ; de même les
cénacles durent sous sa poigne se plier
à ses décisions. Mais tout rentra dans
l’ordre avec le règne suivant.
Reste cette maxime. Illustrera-t-elle le
règne de Nin Ier ?
Gardes du corps
Dès sa première apparition publique à
l’Offertoire, Nin Ier s’est présenté accom-
pagné de deux majestueux lions ailés
qui font l’objet de nombreuses rumeurs.
Certains disent que Mitrias s’est procuré
ces terribles bêtes pour s’imposer lors
du conclave. D’autres que ce sont des
créatures angéliques invoquées par Nin
pour le protéger. En tout cas, ces gardes
du corps remplissent bien leur office.
Un incendie maîtrisé,
terrasse de la Prospérité
« Hier soir, après la vigilante, le feu s’est
déclaré échelle des Pierres, dans une
fabrique d’oublies. Les flammes se sont
rapidement propagées à l’étage, mena-
çant de nombreuses habitations. Votre
serviteur a pu interroger quelques
témoins. Il semblerait qu’on ne déplore
finalement qu’une victime qui laisse
malheureusement derrière elle une
orpheline. De courageux voisins ont en
effet réussi à extirper l’infortunée du
brasier. L’intervention des clercs pom-
piers et des volontaires sapeurs a permis
heureusement d’éteindre l’incendie qui
a néanmoins ravagé deux immeubles. »
Brève de « la Gazette de Laelith »
64
Vie et mort du Roi-Dieu
La cérémonie funéraire
Pour le commun des mortels, le Roi-Dieu
est le représentant des Dieux. S’il est habité
par l’esprit divin qui lui accorde une longé-
vité sans pareille, son corps est mortel et finit
par s’user, lorsqu’il n’est pas détruit préma-
turément par la maladie, le poison, un acci-
dent ou des coups de lame. Ainsi, le Roi-Dieu
meurt.
Comme tout souverain défunt, une fois
déclaré mort par les médecins royaux-di-
vins, le Roi-Dieu fait l’objet d’un rituel fu-
néraire organisé par le grand chambellan,
au cours duquel la population lui rend hom-
mage. En raison de sa relation avec les quatre
éléments, la cérémonie funèbre dure quatre
jours durant lesquels les organes royaux-di-
vins sont présentés aux différents temples à
l’issue de longues processions qui traversent
les terrasses. La cérémonie s’achève au cin-
quième jour pour permettre le retour du
Roi-Dieu.
La préparation du corps
Le corps du défunt est conduit à la salle de
préparation du sanctuaire du Divin, où il est
accueilli par les quatre médecins royaux-di-
vins chargés de le préparer pour son dernier
voyage terrestre. Ils le lavent puis en extraient
différents organes  : cœur, poumons, rate,
pancréas, reins, estomac et intestins, qui sont
placés dans quatre vases mortuaires.
La dépouille est ensuite momifiée et dépo-
sée dans une crypte située sous le complexe
funéraire.
À l’issue de la préparation, les quatre mé-
decins se retirent et le grand chambellan ver-
rouille la salle où les vases sont laissés sous la
surveillance de gardes pourpres.
À chacun des quatre jours de l’office mor-
tuaire, le grand prêtre d’un des Temples se voit
confier un vase par le grand chambellan, puis
mène une longue procession selon un itiné-
raire qui est déterminé avec ce dernier et le
merker de la Garde pourpre.
La consécration des reins (1er jour)
Les reins et la vessie du Roi-Dieu sont consa-
crés au temple du Poisson d’argent, puis portés au
lieu-dit les Goémons de nécropoles, situés hors
des remparts de la ville, au sud-est, où le grand
prêtre les livre aux courants du lac d’Altalith.
Le piétinement
des pieux organes (2e jour)
L’estomac, la rate et le pancréas sont portés
au temple du Crâne, où ils sont piétinés par
quatre prêtresses « à la virginité authentifiée ».
Mélangés à de la terre prélevée dans chacune
des terrasses, ils sont placés dans le chto-
nien linceul d’argile et conduits au Profond
Reposoir, dans la montagne au nord de la ville,
où les restes royaux-divins sont déversés dans
une fosse par le grand prêtre.
L’incinération du cœur (3e jour)
Le cœur et le petit intestin sont emportés
au temple de l’Oiseau de feu, puis à la vallée
de Cendres, située au-delà de la porte de l’Im-
mense Solitude septentrionale où ils sont brû-
lés dans un brasier.
Le repos des poumons (4e jour)
Les poumons et le gros intestin sont empor-
tés par la plus sobre des processions, longue
marche silencieuse qui traverse la terrasse du
Nuage. Durant la traversée de la brume, il n’est
pas rare de voir la silhouette du défunt se des-
siner au détour d’une échelle. Les organes sont
déposés sur l’aire du Souffle, un site sacré du
Nuage, où ils sont livrés aux quatre vents.
L’Offertoire (5e jour)
Au lever du jour, le grand chambellan se
rend au cimetière des Rois-Dieux où il préside
la cérémonie de la pose de la plaque mémo-
rielle du défunt. Ainsi s’achèvent les offices
funéraires. L’Offertoire a lieu quelques heures
plus tard, lorsque le nouveau Roi-Dieu se rend
sur l’esplanade de la Demi-Lune pour se pré-
senter au peuple.
Le Roi-Dieu est mort,
vive le Roi-Dieu !
La vie du Roi-Dieu est une succession de
cycles. Selon la tradition, lorsqu’il meurt, son
âme se réincarne dans le corps d’un des grands
prêtres. Les plus cultivés des Laelithiens ont
entendu dire, ou savent, que les grands prêtres
se réunissent au palais afin que les Dieux
puissent désigner parmi eux le nouveau
réceptacle de l’esprit divin.
La réalité, c’est que Mandala IV a
remplacé la succession héréditaire par
un système de cooptation qui devait
garantir la désignation d’un souverain
investi dans ses missions. L’histoire
montre que malgré sa grande sagesse,
Mandala IV s’est trompée sur la na-
ture humaine. Néanmoins, le système
perdure et semble satisfaire tout le
monde (ou presque…).
Dans les deux jours qui suivent le décès
du Roi-Dieu, le grand chambellan réunit les
grands prêtres au palais et les enferme dans
la chambre du conclave pour une durée de
quatre jours. Dès le premier jour, les grands
prêtres font acte de candidature par le biais
d’un discours ; ils peuvent aussi se contenter
de soutenir un candidat. Les jours qui suivent Reines-Déesses
sont consacrés à la réflexion et aux discus- En mille ans d’existence, Laelith n’a
vu que trois femmes monter sur le
sions, généralement en tête à tête (mais les
trône. Pourtant, aucune loi, aucune
rencontres à trois ou à quatre ne sont pas ex-
parole divine n’interdit à une femme
clues), dans l’idée de parvenir à un équilibre. de devenir Roi-Dieu ou Reine-Déesse.
Au quatrième jour, le grand chambellan Si de nos jours, certains estiment que
vient recueillir les votes. Pour être élu, un l’idée même d’une Reine-Déesse est
grand prêtre doit recueillir la majorité des une hérésie, c’est probablement à cause
voix (donc au minimum trois). En l’absence
des rumeurs qui entourent le court
règne de Dénéris, il y a un siècle. Les
d’équilibre, c’est le plus âgé qui est désigné.
de Teaphanerys XIV est annoncé à la cour, puis mauvaises langues disent qu’elle aurait
Jusqu’à la fin du conclave, le grand chambel- conquis le trône grâce à ses charmes et
à la population. Les cérémonies funéraires
lan assure la régence et la continuité de l’État. à des pratiques religieuses troublantes…
débutent dès le lendemain, et les conjectures
Dès qu’il a recueilli les voix, il désigne le nou- Pourtant, deux femmes eurent des
vont bon train quant à l’identité du nouveau
veau Roi-Dieu qui prend immédiatement ses règnes durant lesquels Laelith connut
Roi-Dieu. À la cour, le nom de Valdenath est
fonctions. Cependant, ce dernier n’est présen- développement et progrès social :
dans toutes les bouches, mais la population est
té au public qu’à la fin des cérémonies funé- Mandala IV et Solà la Vénérable. Mais
très partagée : le grand prêtre du Crâne a une
raires. Il participe donc à l’office mortuaire en il est vrai que Mandala IV se présenta
réputation de sévérité, et son avènement pour- comme Roi-Dieu et régna en gommant
tant que grand prêtre, et désigne son succes- rait signifier un règne austère. Aussi, lorsque ses attributs féminins ; et que Solà devint
seur au Temple après l’Offertoire. Nin Ier se présente sur l’esplanade de la Demi- Reine-Déesse à l’âge de 116 ans, ce qui lui
Lune, le 9 de lestes semailles, nombreux sont valut d’être perçue comme une « sage ».
L’avènement de Nin Ier ceux qui sont soulagés de réaliser que c’est le
débonnaire Mitrias qui a été désigné par les
En réalité, l’explication réside dans une
forme de machisme au sein des Temples,
Au matin du 4 de lestes semailles 1016, Dieux. Certains déchanteront dans les se- peu de femmes parvenant aux
après plus de trente années de règne, le décès maines suivantes… postes les plus importants.

Laelith 65
 Histoire vécue
« J’ai vu tant de choses que les pèlerins
ne pourraient pas croire… J’ai croisé des
visions d’aujourd’hui et d’hier aux dé-
tours des échelles, et quand la garde m’a
poursuivi, la Cité sainte m’a caché dans
son ventre de pierre. Je me suis réveillé
dans des déserts cristallins tandis que
des monolithes calcinés me chantaient
les ballades de mille soleils éteints. J’ai
visité des villes antiques, dont certaines
n’étaient que ruines, pour réveiller de
mes doigts le seuil de leur temple aban-
donné. Toujours ivre, sans vraiment
savoir si je buvais, comme dans un
rêve halluciné, comme une chute en
avant où les pavés des routes m’auraient
empêché de tomber.
Avec dans ma bouche, le goût toujours
présent du sirop du Châtiment, et cette
question oppressante dans la tête :
pourquoi les rues se sont ouvertes et
m’ont laissé quitter la terrasse ? Je n’ai
pourtant rien d’un Juste. »
Le Roi-Dieu dans
l’intimité
Du temps de Mandala, le Roi-Dieu
avait une famille et la succession était
filiale. Certains de ses conseillers et
même des grands prêtres furent issus
de son clan. Pourtant, cette pratique
fut remise en cause par Mandala IV
lorsqu’elle tira les conséquences de la
vie dissolue de Tokinafal Ier. Depuis,
les grands prêtres sont désignés au sein
des Temples et choisissent le Roi-Dieu
parmi eux.
Mandala IV n’alla pas jusqu’à interdire
aux Rois-Dieux d’avoir une vie senti-
mentale et une sexualité, mais elle dé-
créta qu’une fois désigné par le conclave,
le grand prêtre cessait d’être un homme
pour entrer dans la sphère du divin. Sa
vie privée ne devait pas interférer avec
ses prérogatives et il ne devait pas subir
de pressions.
Aussi, en entrant au Palais, il doit laisser
sa famille derrière lui ou l’enfermer
pour toujours au sein du Palais inté-
rieur. Ce qui n’a pas empêché nombre
de Rois-Dieux d’avoir des maîtresses et
des déboires liés à leur sexualité…
66
Vie quotidienne
Les jours de la vie d’un Roi-Dieu se suivent
et ne se ressemblent pas. Pour autant, ils s’ins-
crivent dans un certain protocole qui lui per-
met d’affronter la lourde charge de travail qui
l’attend lorsqu’il franchit les portes du Palais
intérieur pour rejoindre le palais, véritable
fourmilière grouillante de fonctionnaires, de
clercs-courtisans et de nobles-citadins.
La journée d’un Roi-Dieu
La cérémonie du lever
Le Roi-Dieu dispose de peu de moments
d’intimité, et le matin n’en est pas un. Qu’il
soit seul au lit ou accompagné, nu comme un
ver ou vêtu d’une délicate robe de nuit, il est
réveillé avant les premiers rayons du soleil
par un bataillon de servantes, de majordomes
et d’habilleuses qui viennent l’aider à se lever
et à se préparer. Chaque souverain a ses habi-
tudes, et le personnel s’y adapte ; les plus an-
ciens se souviennent encore de Teaphanerys
XII, qu’ils trouvaient chaque matin entre les
cuisses d’une donzelle ou entre les bras d’un
éphèbe du harem royal-divin. Myg II exigeait
qu’on lui apporte une tasse de lait chaud, tan-
dis qu’Oriel V a marqué les annales par son be-
soin systématique de déféquer à la sortie du lit.
Autant dire que Nin Ier manque de carac-
tère de ce point de vue : il dort seul (même si
une servante jure avoir vu récemment une sil-
houette féminine se glisser hors de la chambre
royale-divine en fin de nuit) et n’a aucune
manie.
La cérémonie du lever est soigneusement
organisée par le gardien de la sublime porte
d’occident (communément appelé gardien de
la porte) : une servante est chargée de réveil-
ler Nin Ier en murmurant son nom tandis que
deux autres lui apportent de l’eau pour ses
ablutions. Un majordome lui présente plu-
sieurs tenues pour la journée, puis trois habil-
leuses l’assistent pour se vêtir. Bien sûr, le gar-
dien de la porte veille sur le bon déroulement
de la cérémonie, prêt à toutes les éventualités.
Selon le programme de sa journée, le Roi-
Dieu prend parfois un petit-déjeuner au calme
dans ses appartements, mais en général il le
prend en public.
Les masques
Avant de quitter ses appartements, il se rend
au salon des masques. En effet, depuis plus
de cent cinquante ans, les Rois-Dieux ne s’af-
fichent plus en public le visage nu. Initié par
Mandala IV pour effacer sa condition féminine
et affirmer son statut divin, le port du masque
n’a été entériné qu’après Teaphanerys VIII. Ce
dernier, atteint de la lèpre, décida de ne plus
infliger la vue de son visage pourrissant à ses
interlocuteurs en portant un masque. Si celui
de Mandala IV était sculpté avec les traits de
Mandala III, le Lépreux resta sobre et choi-
sit un masque neutre en céramique blanche.
Après sa mort, Teaphanerys IX, qui s’était
souvenu de l’ornement facial de Mandala IV,
décida de reprendre l’idée à son compte, et se
fit fabriquer plusieurs masques de métal aux
expressions variées selon l’impression qu’il
voulait donner.
Depuis, les masques sont devenus une véri-
table tradition royale-divine et presque un ac-
cessoire de mode du Roi-Dieu, puisqu’il en fait
fabriquer plusieurs chaque année. Le principal
artisan qui les crée actuellement est un gnome
du nom de Fanrod Mornedoc, dont l’atelier se
situe impasse de l’Arbre de Tulé. Choisi par
Teaphanerys XIV, il réalise de vraies œuvres
d’art et Nin Ier a décidé de le garder à son
service.
Maître Mornedoc livre lui-même les
masques au palais, où il les remet à Arline
Bellemain, qui dispose d’une véritable mas-
quothèque où elle archive les masques qui ne
sont plus utilisés.
Les apparitions publiques
Lorsqu’il sort du Palais intérieur, au lever du
jour, Nin Ier est accueilli par Nassim Pelessis,
le grand chambellan. Il lui présente le pro-
gramme de la journée tout en l’accompagnant
à son petit-déjeuner ou à la cérémonie du salut
au soleil qu’il accomplit un jour par semaine,
à solaria, depuis le
balcon qui surplombe
l’esplanade de la Demi-Lune.
Dans les deux cas, le Roi-Dieu est suivi par
un aréopage de nobles-citadins et de
clercs-courtisans espérant pou-
voir glisser une requête au
souverain ou tout simplement
se gargariser de leur importance en société.
La matinée est ensuite dévolue aux au-
diences organisées selon un ordre protoco-
laire strict. Les ambassadeurs et autres diplo-
mates sont souvent reçus en premier, mais
selon la nature des relations et le message que
le Roi-Dieu souhaite adresser, la rencontre
peut être repoussée pour mieux déstabiliser
les visiteurs. De même, s’il est usuel que le
souverain discute directement avec les am-
bassadeurs, Nin Ier s’est récemment contenté
d’écouter ceux des Six Provinces, laissant la
Parole du Roi-Dieu leur exposer sa politique.
Sont ensuite reçus les nobles-citadins et les
clercs-courtisans.
La fin de matinée est consacrée à l’annonce
des décisions prises et des lois édictées par le
Roi-Dieu. Sauf événement d’importance, c’est
la Parole qui exprime la volonté royale-divine,
en présence du souverain ou non. Lorsque la
Sublime Juridiction a été obligée de se réunir,
son jugement est rendu publiquement à cette
occasion.
Parfois, le Roi-Dieu sort du palais à l’oc-
casion d’événements particuliers, tels que
l’Offertoire, au premier jour de son règne,
ou encore l’inauguration d’un nouveau pont
sur la Faille, mais aussi des cérémonies plus
classiques comme les fêtes religieuses. L’un
des moments privilégiés pour rencontrer le
souverain est la fête du Roi-Dieu, qui se dé-
roule la nuit de demi-lune suivant le 38e jour
sacré, c’est-à-dire pendant la première moitié
de l’été. Le Roi-Dieu vient alors à la rencontre
de la foule qui se masse sur l’esplanade de la
Demi-Lune. Si tous les ans, de nombreux ha-
bitants se font piétiner par la masse, on dit que
l’aura dégagée par le souverain procure une
sensation de bien-être à ses fidèles, et guérit
les blessures et maux légers.
Les séances de travail
Les après-midi sont réservées aux séances de
travail qui permettent d’administrer Laelith,
de faire évoluer ses lois et surtout, de guider
spirituellement ses habitants et les foules de
pèlerins qui arrivent chaque jour.
Le Roi-Dieu et son administration : le Roi-
Dieu dispose de scribes, de bibliothécaires
et autres fonctionnaires qui travaillent pour
lui sous la houlette du grand chambellan. En
Prologue :
Le message de Piloden
Le lutrin de buis ouvragé qui
borde le trône du Roi-Dieu sert
à la Parole pour y déposer les
convocations protocolaires, les
demandes d’audiences, les ca-
hiers de doléances…
Et justement, on propose aux PJ
d’aller livrer un de ces cahiers à
un des bureaux qui jouxte la porte
Mandala. Mais pourquoi Piloden,
anodin artisan ferronnier de la
Main qui travaille, engage-t-il une
escorte pour quelques bouts de
papier ? Officiellement, parce qu’il
craint qu’une de ses demandes
ne fasse du tort à un concurrent
qui pourrait vouloir empêcher sa
transmission. Officieusement,
parce qu’il est informateur au
service de la Parole, qu’il se sait
menacé et craint d’apporter lui-
même ce petit livret qui renferme
un message crypté à transmettre
au Roi-Dieu.
La traversée de la ville, depuis le
sud de l’échelle de la Métallerie
jusqu’à l’entrée de la Haute
Terrasse, risque donc d’être mou-
vementée : deux groupes de spa-
dassins, payés par un membre de
la Sous-Quintessence, attendent
les PJ au pont des Morts et dans
l’échelle des Mille Marches.
Laelith 67
 Information officielle
« Au commencement était le Verbe,
et le Verbe était en Dieux, et le Verbe
était Dieux. Puis, il prit corps en notre
très saint Roi-Dieu Mandala Primus.
Les Dieux le bénirent pour cela. Et cela
fut bon. »
La Parole, porte-parole du quatre fois saint
Nin Ier, actuel Roi-Dieu de Laelith
68
prenant le pouvoir, Nin Ier était bien décidé à
travailler personnellement sur des sujets tels
que la justice sociale et l’équité. Vastes sujets
auxquels il consacre du temps dès qu’il le peut.
La Parole du Roi-Dieu : la communica-
tion du Roi-Dieu est l’affaire du porte-parole
royal-divin. Avec Nin Ier, ce dernier a pris plus
d’importance que par le passé puisqu’il est vé-
ritablement son représentant, prenant des dé-
cisions en son nom. D’où son titre : la Parole
du Roi-Dieu. Nin Ier et la Parole passent de
nombreuses heures à échanger sur la situation
de la cité et sur les décisions à prendre. À la
surprise de nombreux collaborateurs du Roi-
Dieu, la Parole dispose d’une vraie liberté et
a préséance sur le Conseil restreint et
le grand chambellan. Elle porte
un masque comme le Roi-
Dieu et a une délégation
lui donnant autorité sur
toute l’administration
royale-divine.
Le Conseil restreint : le Roi-Dieu réunit les
quatre grands prêtres chaque jour des Dieux
pour les consulter sur les questions qu’il traite
personnellement et faire le point sur les af-
faires en cours. Selon la personnalité du Roi-
Dieu, celui-ci peut les solliciter à cette occasion
pour la rédaction de lois ou leur soumettre des
textes qu’il a déjà écrits lui-même. Nin Ier aime
recueillir l’avis du Conseil même si en général,
il lui présente des documents déjà avancés, tra-
vaillés préalablement avec la Parole.
La Sublime Juridiction : lorsqu’un crime
grave (lèse-majesté, atteinte à la sûreté de
Laelith) est commis, l’accusé est présenté à la
Sublime Juridiction pour être jugé. L’audience
est à huis clos et le prévenu se retrouve seul pour
se défendre face au Roi-Dieu, qui préside ce tri-
bunal, et aux quatre grands prêtres. À l’issue des
débats, la Sublime Juridiction se retire pour dé-
libérer. Le jugement est prononcé le lendemain
en public. Les relaxes sont rares. L’exécution a
lieu dans la foulée, sur l’esplanade de la Demi-
Lune, généralement par décollation.
Le temps libre
Le Roi-Dieu est quelqu’un de très occupé.
Potentiellement en tout cas. Là encore, selon
sa personnalité, la répartition entre travail et
temps libre est très variable. Tokinafal Ier était
avant tout un libertin ; Célithal II ou Amilcar
Ier ont passé l’essentiel de leur règne à faire la
guerre ou à chasser, tandis que Tokinafal IV le
Réfléchi méditait beaucoup, laissant les grands
prêtres et le grand chambellan administrer la
ville à sa place.
Le Palais intérieur contient de nombreux
aménagements qui permettent au Roi-Dieu
de s’occuper durant son temps libre, depuis
la bibliothèque, le harem, les bains. Sans
parler de lieux moins privés que certains
souverains ont aimé fréquenter (la ménage-
rie royale-divine, le Grand Théâtre, les arènes
ou encore les Mille Fleurs).
Si les Rois-Dieux sont célibataires par tra-
dition, tous ne sont pas des ascètes, et le soir
venu, certains aiment retrouver une courti-
sane ou un mignon, au palais ou en ville (les
gardes pourpres détestent particulièrement
ces sorties nocturnes utilisant le Chariot qui
monte). Il se dit que Tokinafal III aimait boire
et jouer aux cartes incognito dans les bouges
de la Chaussée du lac, et qu’il serait mort égor-
gé après avoir triché une fois de trop…
 Nin Ier aime particulièrement méditer en fin
de journée, avant de prendre le temps de jouer
avec ceux qu’il appelle « ses lionceaux » (il ne
les a pas vus grandir !). Plus tard dans la soirée,
il sort parfois du palais pour des rencontres
secrètes.
Aux portes du palais
Le palais est un bâtiment aux dimensions ti-
tanesques qui se dresse au sommet de la ville.
Bâti de pierres et de Lithos, il contiendrait plu-
sieurs milliers de pièces. La vérité est que per-
sonne ne les a toutes répertoriées, d’une part
parce que c’est un chantier colossal auquel
personne n’a eu le temps de s’atteler, et d’autre
part parce que certains ingénieurs qui s’y sont
essayés se sont rendu compte que des salles
précédemment référencées avaient disparu ou
s’étaient transformées !
Outre le bâtiment, le palais englobe tout le
sommet du plateau de Laelith compris entre
les remparts et la Faille du nord au sud, et la
falaise de Vorn et l’esplanade de la Demi-Lune
d’ouest en est.
L’esplanade de la Demi-Lune
Orné de magnifiques statues, cet hémicycle
pavé de pierre est le lieu où le Roi-Dieu vient
à la rencontre du peuple. Ces jours-là, la place
se transforme en cour des miracles : une masse
grouillante vêtue de haillons et de loques se
presse devant les grilles du palais, pleurant
et implorant pour attirer l’attention du sou-
verain. Étonnamment, ces gens sont souvent
des nobles-citadins n’ayant pas pu accéder aux
audiences royales-divines et espérant ainsi
approcher le Roi-Dieu. Les gardes pourpres
sont cependant inflexibles et ne laissent passer
personne.
Le sanctuaire du Divin
Au sud du palais, se dressent des ruines
antiques ayant probablement appartenu au
temple des Anciens. Un complexe funéraire y
fut adossé par Mandala Ier pour accueillir les
Rois-Dieux à venir. C’est là que les souverains
défunts sont préparés en vue des cérémonies
funéraires.
De hautes grilles se dressent en haut de la
muraille située au sommet de l’échelle des Mille
Marches, et des gardes pourpres empêchent
que l’on vienne perturber le repos éternel des
souverains de la cité. Ce qui n’empêche pas
certains poètes débauchés de venir y déclamer
des vers à leur belle, s’abreuver de vin et finir la
nuit en forniquant sur les tombes. Un couple
a cependant été retrouvé récemment au petit
matin, errant nu et hagard, les cheveux blan-
chis comme s’il avait croisé un fantôme…
Myg II est le dernier Roi-Dieu a y avoir été
enterré. La place disponible se raréfiant, Myg
III décida que désormais, les corps seraient dé-
posés dans la crypte qui se trouve sous le vieux
temple du complexe et que les souverains se-
raient commémorés par une simple plaque
mémorielle posée dans un jardin officieuse-
ment baptisé « le cimetière sans corps ».
Les falaises de l’Opprobre
De magnifiques jardins arborés occupent
l’arrière du palais. À l’ouest, ils sont bordés par
une partie de la falaise de Vorn, rebaptisée les
falaises de l’Opprobre à cet endroit en raison
des nombreux suicides de courtisans qui y ont
eu lieu. Teaphanerys XIV, réprouvant cette
pratique, ordonna que tout candidat au suicide
capturé avant d’avoir pu commettre l’irrépa-
rable serait confié à un bourreau pour subir
un traitement de choc : écorchement, énucléa-
tion, amputation… Depuis, les suicidaires ont
déserté le palais !
La demeure royale-divine
Sur la façade est, une volée de marches
permet d’accéder à deux gigantesques portes
d’airain rehaussées d’or et d’onyx, qui sont ra-
rement utilisées pour entrer dans le palais. Au-
dessus se situe le balcon duquel le Roi-Dieu
Quel Roi-Dieu ? Quel grand prêtre ?
Dans les archives de la Bibliothèque de la
foi, il existe un épais registre dont la cou-
verture est paraphée des soixante-dix-
neuf scribes qui en ont noirci les pages.
Ce volume recense la généalogie des
Rois-Dieux ayant dirigé la Cité sainte de-
puis ses origines. Une page est consacrée
à chacun : elle fait apparaître son nom
officiel, la durée de son règne, son ascen-
dance ou sa descendance quand il y en a
eu. Un dernier paragraphe, plus ou moins
développé, évoque les évènements mar-
quants qui se sont produits pendant cette
La salle des Lions ailés
C’est le nouveau nom de la salle des
audiences qui accueille les Laelithiens
ou les Hors-villois, porteurs de proposi-
tions ou de suppliques. Vous admirerez,
dans ses proportions colossales, un
décor particulièrement soigné : le trône
où le Roi-Dieu se tient coi, auréolé de
lumières se reflétant sur les dais cha-
marrés ; le marchepied de soie blanche,
depuis lequel s’exprime la Parole, la
main posée sur un lutrin de buis ; les
fresques murales narrant les exploits de
maints Rois-Dieux ; les chapiteaux de
colonnes ornés de matières précieuses ;
le sol de mosaïques multicolores, des-
cendant doucement jusqu’à la grande
porte d’accès.
Un détail vous choquera sûrement dans
cette magnificence : un tas de débris,
plâtre et lattis confondus, jonchant le
sol à l’endroit où se tiennent courbés les
quémandeurs. Si, alerté, vous levez les
yeux, vous verrez au plafond une large
lézarde incongrue : elle date de la toute
première audience du règne, lorsque
Maugr et Khaïssa rugirent à pleine
gueule au ton un peu familier d’un
noble d’Agramor.
Personne depuis n’a ramassé les
gravats, pas plus que colmaté la fissure.
Étonnant, non ?
Premier souvenir
« Ce que j’ai tout de suite aimé à
Laelith, c’est son odeur ! Jamais connu
une ville qui sentait aussi mauvais ! »
Berenger Deux Yeux, des jardins du
Dénuement
période. Deux informations, par contre,
n’y figurent jamais : le nom du Roi-Dieu
quand il était encore grand prêtre et le
nom du Temple qu’il dirigeait.
On dit qu’un second exemplaire de ce
livre existerait quelque part dans le pa-
lais de la Haute Terrasse et – doit-on le
croire ? – que ce qui s’écrit sur le premier
se retrouve aussi sur l’autre.
Les PJ sont engagés par un plaisantin
pour rajouter à chaque Roi-Dieu… le sur-
nom qu’on lui a donné après sa mort !
Laelith 69
Mansour le Magnifique (tapisserie d’époque
exposée dans le couloir des Victoires).

70
vient saluer la foule. Un dôme, formé de mille
et un blocs de quartzite, surplombe le ma-
jestueux hall d’entrée qui mène à la salle du
trône située au cœur du bâtiment. À l’étage
se trouvent la bibliothèque du Roi-Dieu, la
salle du Conseil restreint, attenante au bureau
royal-divin, et l’office du grand chambellan,
chef du protocole qui dirige les fonction-
naires au service du Roi-Dieu. La Parole, en
revanche, n’a pas de bureau officiel, ce qui fait
courir bon nombre de rumeurs.
L’aile sud du palais, parcourue de nombreux
couloirs, abrite l’administration royale-divine.
Dans l’aile nord se trouvent de nombreuses
salles de réception, dont la fameuse salle de la
Vague abritant une tenture offerte à Tokinafal
VII par le peuple utruz.
Il se dit que le palais comporte de nombreux
souterrains – possiblement reliés au Cloaque –
et cryptes. Les sous-sols abritent la Ménagerie
de l’étrange, qui regroupe des créatures éton-
nantes et éventuellement dangereuses ayant
subi l’influence des Lithos.
Au centre du complexe se trouve le Palais
intérieur, un palais à l’intérieur du palais qui
abrite les appartements privés du Roi-Dieu,
desquels on ne peut pas sortir une fois qu’on
y est entré (le Roi-Dieu mis à part). Plus d’une
centaine de serviteurs y vivent, enfermés à
jamais et éternellement dévoués à leur souve-
rain. Servantes, cuisiniers, jardiniers, coiffeurs,
costumiers constituent la maisonnée du Roi-
Dieu dirigée par le gardien de la porte Rez
Loquel, un grand échalas autoritaire. Arline
Bellemain, ancienne couturière et costumière,
occupe une place particulière puisqu’elle s’oc-
cupe des masques du Roi-Dieu depuis dix ans.
Par le passé, le Palais intérieur abritait éga-
lement les appartements d’épouses divines ou
saintes courtisanes, mais ce n’est plus le cas de-
puis plusieurs décennies. Malice, le fou, a per-
du le goût de vivre depuis l’arrivée de Nin qui
n’a aucun intérêt pour ses cabrioles et l’a cloîtré
dans le Palais intérieur (il était auparavant le
seul autorisé à aller et venir aux côtés du Roi-
Dieu !). Une gnome, Mynette Bonnebouille, a
été nommée sainte soigneuse et est chargée
de pratiquer les soins prescrits par les quatre
médecins royaux-divins rattachés aux quatre
Temples. Ces derniers ne sont pas autorisés à
pénétrer dans le Palais intérieur et effectuent
leurs consultations au palais, confiant ensuite
le Roi-Dieu aux bons soins de Mynette.
Le glorieux pont
L’ouverture à la circulation du nouveau
pont des Trois Terrasses aurait dû
avoir lieu pour le premier anniversaire
de l’Offertoire de Nin Ier, soit le 9 de
lestes semailles 1017. Nous sommes le
16 de cuivrechamps… et les premiers
pas de notre quatre fois saint Roi-Dieu
s’avançant au-dessus de l’Inlam n’ont
été applaudis à tout rompre que le 8 de
la semaine dernière.
Vous imaginerez aisément la réaction
du monarque il y a quelques mois
lorsque Brignet d’Harmond, l’architecte
en chef du projet, est venu lui annoncer
ce probable retard. Heureusement pour
sa tête, ce dernier avait su trouver les
bons arguments pour lister tous les
problèmes soulevés par la spécificité du
chantier et expliquer combien talen-
tueuses étaient les solutions qu’il avait
trouvées pour y remédier au plus tôt.
Au final, ce fut une bien belle inaugu-
ration, digne de cet important moment
de la vie de la cité. Et le masque léonin
que porta ce jour-là Nin Ier restera dans
toutes les mémoires, celui-ci reflétant
le soleil, pourtant caché derrière les
nuages.
Le Palais intérieur
Les appartements du Roi-Dieu se
trouvent au cœur du palais, dans une
véritable forteresse de deux étages reliée
au reste du monde par une unique et
imposante porte de bronze orientée en
direction du lac d’A ltalith. Cet accès,
qui est l’origine du titre de l’intendant
des lieux (le gardien de la porte), donne
sur un sas qui permet la communi-
cation indirecte avec l’extérieur : les
provisions et autres matériels sont
livrés au travers d’une trappe, sous la
surveillance de cinq gardes pourpres,
dont un kor-rahel. Une niche dotée
d’un panneau grillagé permet égale-
ment certains échanges verbaux, tels
ceux entre les médecins royaux-divins
et la sainte soigneuse.
Séparés du reste du palais par un épais
mur de pierre intérieur, les apparte-
ments sont construits autour d’une
vaste cour intérieure aménagée en
jardins luxuriants. Une grille en fer
forgé couvrant la cour empêche toute
intrusion venue du ciel ou par les toits,
sur lesquels patrouille égale-
ment la Garde pourpre.
Laelith 71
 Le Lithoracle et les Lithos
Premier contact
Mitrias poussa un long soupir. La porte des appartements du
Roi-Dieu – ses appartements désormais – venait de se refermer
et il pouvait encore entendre le son étouffé des pas de la Parole
qui s’éloignaient doucement. Son parfum envoûtant lui grisait
encore les sens. Un jour, il trouverait le moyen de la garder à
ses côtés nuit et jour, mais il était bien trop tôt. À ce stade, mieux
valait ne pas éveiller les soupçons.
Dans son esprit, les événements de la journée se mélangèrent
en un douloureux maelström : son investiture lors de la cérémo-
nie de l’Offertoire, qui lui avait fait ressentir le poids des lourdes
responsabilités qu’il devrait désormais assumer, puis le terrible
« accident » qui avait coûté la vie à Vox Dei. Un événement re-
grettable, mais malheureusement inévitable. Il avait fallu faire
place nette pour tourner une nouvelle page du grand livre de
Laelith.
Qu’écrirait-il sur cette page ? Il n’en avait pas la moindre
idée. Sa priorité avait été de contrer Valdenath, de l’empêcher
de faire sien le trône éternel. Mais il n’avait pas vraiment eu le
temps de réfléchir à la marque qu’il souhaitait graver au marbre
de l’histoire, à la pierre qu’il ajouterait à l’édifice.
Tandis que son esprit vagabondait en explorant les futurs pos-
sibles, certains lumineux et glorieux, d’autres sombres et inquié-
tants, son regard s’arrêta sur le bas-relief qui ornait le mur sud
de l’antichambre. La scène représentait Mandala, le premier
Roi-Dieu, au milieu des ruines de Tanith-Lenath. Il s’appro-
cha pour la contempler à loisir, comme une chose conquise. La
qualité et la précision des détails étaient fascinantes. La scène
paraissait fraîchement sculptée, alors que ce bas-relief devait
dater de plusieurs siècles. Les traits de Mandala étaient parti-
culièrement expressifs et vivants, comme si l’artiste avait assisté
à la scène et l’avait gravée dans la pierre par quelque procédé
magique. Mitrias rangea dans un coin de son esprit la décision
d’en apprendre plus sur l’auteur de cette œuvre. À quelle époque
vivait-il ? Quel Roi-Dieu avait-il servi ?
Il remarqua alors un petit renfoncement situé sous le pied
droit de Mandala. Un reflet métallique avait accroché son re-
gard. Il s’approcha et découvrit qu’une petite clef argentée s’y
trouvait. Étrange.
Lorsqu’il voulut la prendre, sa main entra en contact avec
la pierre. Elle était chaude au toucher, chaude et humide.
Mitrias ne put réprimer l’étrange impression qui assaillit alors
son esprit : une chair minérale venait d’enfanter cette clef pour
lui seul. Il ressentit un besoin urgent de localiser la serrure que
cette clef ouvrait. Elle devait forcément se trouver quelque part
dans le palais. La bouche de Mandala sembla alors s’animer
et une injonction résonna dans l’esprit éberlué de Mitrias :
‘Descends !’
Sans même quitter ses habits de cérémonie, Mitrias ouvrit
la porte de ses appartements et se précipita dans les couloirs.
72
Il laissa deux ouvertures sur sa droite, puis s’engouffra dans
le premier escalier qui se présenta à sa vue : un vieil escalier
de pierre en colimaçon, aux marches usées par les siècles.
Chacune d’elles irradiait la même chaleur organique que celle
du bas-relief.
Les corridors et les escaliers s’enchaînèrent à la périphérie de
la conscience de Mitrias. Il laissa son instinct le guider vers les
profondeurs du palais. À chaque fois qu’il se sentait perdu, une
pierre chaude et humide lui indiquait le chemin.
Ses pas le menèrent enfin jusqu’à la Ménagerie de l’étrange,
une aile souterraine qui abritait des créatures difformes captu-
rées dans le palais lui-même ou dans la ville et enfermées là pour
éviter qu’elles n’effraient les visiteurs. Elles semblaient se délec-
ter de la chaleur qui émanait de la roche dans laquelle on avait
creusé leurs cellules. Quelques mètres après la dernière cage,
une porte lui barra le passage. Dans la main de Mitrias, la clef
était devenue brûlante. Derrière lui, les créatures mutantes en-
fermées manifestèrent la plus grande agitation en poussant des
cris rauques et en se précipitant sur les portes pour chercher
– en vain – à les briser. Sans attendre, Mitrias introduisit la
clef dans la serrure. Le silence immédiat qui s’instaura dans la
ménagerie acheva de le terroriser. Devant lui, la porte s’ouvrit
toute seule et dévoila une immense caverne dont les parois de
pierre émettaient une lueur douceâtre. S’avançant à l’intérieur,
Mitrias sentit tout autour de lui la présence charnelle et miné-
rale des êtres de pierre qui l’avaient guidé jusqu’ici.
Il comprit alors qu’il se trouvait au cœur du pouvoir qui ani-
mait Laelith, que l’onction qu’il recevrait ici surpasserait en tout
point le simulacre auquel il s’était livré lors de la cérémonie de
l’Offertoire. Les ornements qu’il portait ne lui vaudraient ici au-
cune autorité, aucune protection. Seuls compteraient la chair,
l’esprit et la pierre.
C’est alors que se dressa devant lui pour la première fois l’être
immense qui allait sceller à jamais son destin. Son corps gigan-
tesque, évanescent et profondément étranger à la nature même de
la réalité s’élevait jusqu’au sommet de la caverne et l’observait
comme on contemple un insecte.
Une voix claire résonna sous le crâne de Mitrias : « Entre
ici et apprends ! Ne ressens aucune crainte. Débarrasse-toi du
manteau d’illusions tissé autour de toi. Nous t’offrons une se-
conde vie, infiniment plus riche que la première. Offre-la-nous
en retour et tu seras béni entre tous. Ta gloire résonnera dans ces
pierres pour les siècles des siècles. Tous se souviendront de Nin
Ier, le Bâtisseur. »
Mitrias s’avança lentement vers l’apparition et sentit la
chaleur des pierres l’engourdir un peu plus à chaque pas qu’il
faisait. Au bout de cette marche sacrée, une part infime de sa
conscience cessa de lui appartenir pour entrer au service du plus
vaste dessein qu’il lui fut donné d’entrevoir.
Laelith 73
 Transit 2.0
Extrait du rapport
de mission de l’agent
Joanna Mc Lambert
« Norjane, 1er Tétril 5F56
Quel est l’abruti qui a installé un
tétraèdre de Transit à l’intérieur d’un
palais truffé de gardes ! Heureusement
que j’avais pensé à recharger la batterie
de mon générateur d’invisibilité avant
de partir en mission. Je pensais partir
pour une visite de routine, mais le
voyage m’a réservé une petite surprise.
Les étranges pierres vivantes déjà
signalées lors de la précédente visite
semblent s’être intéressées à notre Point
de Transit. Un tétraèdre de dimen-
sions exactement identiques au nôtre
se trouve désormais placé à côté de
lui. Il n’avait pas été signalé jusqu’ici.
Je suppose qu’il s’agit d’une évolution
récente. La pierre qui le compose est
chaude et humide, mais à part ça, il me
paraît apte à être utilisé comme Point
de Transit. Les relevés de mes capteurs
indiquent un potentiel de Transit de 8
sur l’échelle de Travis, contre 4 pour le
modèle actuel. Je recommande que la
prochaine mission procède à la conver-
sion du nouveau tétraèdre. »  difficiles d’accès : la bibliothèque interdite de
Notes de la commission
d’analyse
Nous déplorons que la commission
d’habilitation ait accordé l’autorisation
de création du point de Transit Lael/
Beta sans étudier le dossier. À ce jour,
nous recensons neuf Megas ayant déve-
loppé des capacités cognitives avancées
après avoir utilisé ce point de Transit :
– communication télépathique reliant
l’ensemble des neuf Megas et créant
une conscience partagée entre eux, de
type gestalt ;
– capacité de Transfert de plusieurs
personnalités du groupe dans un même
hôte (les risques de séquelles schizo-
phréniques pour l’hôte sont en cours
d’évaluation).
Bien que ces capacités puissent pré-
senter un réel intérêt pour la Guilde,
nous recommandons de suspendre
l’utilisation du Point de Transit Lael/
Beta jusqu’à nouvel ordre et de réactiver
Lael/Alpha.
74
Les Lithos
Les anticorps de Laelith
Quiconque étudie l’histoire de Laelith ne
peut s’empêcher d’être étonné de sa longé-
vité. Exception faite du Châtiment, aucune
menace externe ou interne n’est réellement
parvenue à bouleverser l’équilibre des pou-
voirs dans la cité. Dans le reste du monde,
empires et royaumes se font et se défont au
gré des guerres, des famines et des pestilences,
mais Laelith perdure. Bien entendu, elle
n’échappe pas au changement, mais ses fonde-
ments semblent inaltérables (les Temples, les
terrasses, le Roi-Dieu…). Vaisseau immobile
avançant sur les flots du temps sans dévier de
son cap, la Cité sainte vogue vers un destin in-
connu, mais que l’on devine glorieux.
Beaucoup plus rares sont les sages qui
connaissent la cause réelle de cet état de fait. Ils
ont consigné leur savoir dans des ouvrages se-
crets, conservés dans des lieux particulièrement
la Tour majeure (l’un des Pics des Mages), les
salles cachées de la Bibliothèque de la foi (qui ne
figurent sur aucun plan), les archives oubliées
des quatre Temples (que l’on dit gardées par des
prêtres et paladins aveugles), les inscriptions
cryptiques apposées sur les parois des tunnels
les plus retirés du Cloaque… Certains relevés
géométriques conservés au vu et au su de tous
dans la Bibliothèque matérialiste universelle
pourraient également se révéler d’un grand inté-
rêt pour qui souhaiterait étudier certaines pro-
priétés architecturales particulières de Laelith…
Dans la Laelith contemporaine, moins d’une
centaine de personnes disposent d’un accès –
licite ou non – à ces connaissances. Ils se sur-
nomment eux-mêmes les érulithes. Eux seuls
savent que la Cité sainte est protégée par un
réseau de minéraux organiques appelés Lithos,
incorporés en son sein. Ils se présentent sous
la forme de pierres cubiques chaudes et hu-
mides au contact, dont le volume varie entre
0,5 et 10 mètres cubes. La plupart sont enchâs-
sés sous terre ou dans des bâtiments de la ville
et dissimulent donc leur forme aux yeux des
pèlerins et des sujets du Roi-Dieu. Un Lithos
peut être taillé comme de la pierre pour former
statues, bas-reliefs, obélisques ou d’autres
œuvres d’art, à condition qu’il l’accepte…
En effet, les Lithos sont des entités se-
mi-conscientes capables d’exercer un contrôle
plus ou moins important sur ce qui les entoure.
En fonction des circonstances, un Lithos peut
activer tout ou partie des pouvoirs suivants :
• capacité de remodeler toute structure miné-
rale dans laquelle il est enchâssé ;
• écoute et vision dans toute pièce mitoyenne ;
• intervention télépathique lui conférant
l’équivalent de la parole (limité à quelques
mots, la plupart du temps) ;
• contrôle de la température et de l’hygrométrie ;
• activation de pièges…
Les Lithos communiquent entre eux au
moyen de courants telluriques qui constituent
un réseau d’énergie canalisée au maillage
dense. Ce réseau est en permanence à l’écoute
de la ville. Quiconque pourrait accéder aux
informations que les Lithos s’échangent dis-
poserait d’un contrôle très poussé sur Laelith.
Certains érulithes estiment que le Roi-Dieu
doit très certainement disposer d’un accès à
ces flux d’informations.
En raison de cette constitution en réseau,
plus un nombre important de Lithos s’asso-
cient pour accomplir une même action et plus
les manifestations de leurs pouvoirs peuvent
devenir efficaces et spectaculaires (ou à l’in-
verse très discrètes). Lorsque Laelith est me-
nacée, les Lithos semblent capables de mobi-
liser des pouvoirs beaucoup plus importants,
adaptés à la nature de la menace.
On raconte ainsi que, sous le règne de
Mansour le Magnifique, une flotte hostile
assemblée par ses ennemis lors de la Grande
Guerre a coulé dans le lac d’Altalith après que
les coques, voiles et mâts des navires assail-
lants se furent transformés en pierre friable en
l’espace d’une nuit.
Les érulithes pensent que les Lithos se re-
groupent en différentes factions ou courants
de pensée. En temps de paix, ces factions
agissent et intriguent pour façonner la ville
selon leurs valeurs et leurs desseins. Mais
qu’un danger s’avance et elles oublient leurs
luttes intestines pour unir leurs pouvoirs afin
de défendre la ville. Curieusement, les Lithos
semblent en mesure de détecter voire d’anti-
ciper ces menaces. C’est pourquoi la majorité
des érulithes tient pour acquis que les Lithos
sont capables de prescience, sous une forme
ou sous une autre.
Leur présence ne procure pas que des avan-
tages. Les formes de vie exposées à un contact
prolongé avec des Lithos peuvent développer
des mutations altérant fortement leurs capaci-
tés et leur apparence. L’existence de ces muta-
tions est assez connue en ville, mais la plupart
des gens en ignorent la cause. Chaque poste
de garde de Laelith est chargé de capturer ou
de détruire toute créature mutante signalée. Il
peut arriver, par exemple lorsque les gardes
sont accaparés par des opérations de maintien
de l’ordre public de grande envergure (festi-
vals, événements religieux…), que ces missions
de chasse soient confiées à des aventuriers liés
par contrat à la garnison. Conscientes des
risques qu’elles prendraient à arpenter les al-
lées et les échelles de Laelith, la plupart de ces
créatures mutantes trouvent refuge dans le
Cloaque…
Ces monstres doivent être conduits dans les
plus brefs délais au palais du Roi-Dieu pour y
être étudiés. Ce qui arrive rarement, car il est
très difficile de les attraper vivants. L’Office
royal-divin des créatures étranges dispose de
locaux dans un pavillon situé dans les jardins
du palais, à proximité d’enclos et d’étables dont
il jouit du bénéfice exclusif. Les fonctionnaires
royaux-divins qui y travaillent sont habilités
à réceptionner les créatures capturées. Après
quarante jours d’observation, la plupart sont
disséquées par des médecins légistes employés
par l’Office. Les créatures les plus dangereuses
ou les plus étonnantes sont conduites dans la
Ménagerie de l’étrange, dans les sous-sols du
palais, et mises à la disposition du Roi-Dieu
pour en faire ce que bon lui semble.
Prologue : Se méfier
du Lithos qui dort
Maltuzio Balbuzard, un riche
marchand de la terrasse de la
Prospérité, engage les PJ pour
qu’ils dérobent une idole de pierre
censée porter chance dans les af-
faires. La sculpture, représentant
un petit bonhomme au ventre bril-
lant d’avoir été trop caressé par les
fidèles, est jalousement gardée
par ses prêtres et ses adorateurs
(dans le temple d’un village des
alentours). La soustraire à ces fa-
natiques ne sera pas chose aisée,
tant ils sont prêts à poursuivre les
scélérats jusqu’au bout du monde,
et même de l’enfer. Le Lithos liber-
taire qui somnolait tranquillement
au sein de son temple va punir les
aventuriers de l’avoir dérangé en
exerçant son courroux d’une ma-
nière fort inattendue : la nouvelle
félicité commerciale de Balbuzard
(influencé par le Lithos, grâce à
ses pouvoirs télépathiques et sa
prescience) va se retourner contre
les personnages et perturber
l’équilibre économique de la ville.
Comment les PJ réagiraient-ils s’ils
se trouvaient à l’origine d’une crise
économique ?
Animal-mutant
(Ménagerie de l'étrange).
Laelith 75
Un érulithe passe de nombreuses heures en étude.
De la localisation des Lithos
Intra-muros
La plupart des Lithos se trouvent dans Laelith même, et ce
au moins depuis le Châtiment. En effet, ces entités ne se re-
produisent pas et ne meurent pas, sauf en cas de destruction
physique délibérée. C’est pourquoi tous les Lithos présents à
Laelith le sont depuis le commencement, quel qu’il soit.
Sur leur origine, les érulithes se perdent en conjectures.
Certains pensent que les pierres vivantes ne proviennent pas
de ce monde. D’autres au contraire estiment qu’elles en consti-
tuent une des composantes primordiales. Nul élément de
preuve n’est jamais venu étayer la moindre hypothèse à ce sujet.
La plupart des érulithes délaissent la brumeuse question
des origines pour concentrer leur attention sur les Lithos
d’ici et de maintenant. Pour pouvoir les étudier, encore faut-
il savoir où ils se trouvent. Sous le règne de Fonvieille V le
Magnanime, l’architecte royal-divin Octobolde de Larde en-
treprit, toute sa vie durant, de porter sur une carte de Laelith
la densité de population de Lithos.
Les Lithos ne sont – a priori – pas mobiles par eux-mêmes.
Il y a donc de bonnes raisons de penser que cette carte est
76
encore à peu près valable de nos jours. Il en existe en tout
et pour tout un original et cinq copies. L’original est bien
entendu entreposé dans la bibliothèque personnelle du Roi-
Dieu. Quatre copies ont été placées dans les archives ou-
bliées des quatre Temples, mais celle du Temple du Crâne
a disparu il y a un peu plus d’un siècle. Quelques érulithes
soupçonnent la guilde des Courtisanes de l’avoir subtilisée,
sans toutefois pouvoir le prouver. D’autres pensent qu’elle
a été dérobée par des créatures du Cloaque, au bénéfice du
Temple de la Taupe. La cinquième copie est conservée dans
le trésor personnel du maître de la Haute Guilde.
Une lecture attentive de l’une de ces cartes permet d’obte-
nir les informations suivantes.
Environ 40 % des Lithos de Laelith sont enchâssés dans
les murs du palais du Roi-Dieu. Aucune pièce du palais
n’échappe à leur vigilance. Par leur intermédiaire, le Roi-
Dieu peut à sa convenance remodeler entièrement l’inté-
rieur du palais. Toutefois, la plupart des divins souverains
se contentent d’apporter des modifications discrètes (ad-
jonction d’une pièce secrète, suppression de l’oratoire d’un
Dieu oublié, absorption dans un mur d’un opposant récalci-
trant…). Bien entendu chaque conversation, chaque étreinte,
chaque insulte marmonnée est susceptible de parvenir aux
oreilles du Roi-Dieu par l’intermédiaire des
Lithos. Plus d’un visiteur imprudent en a fait
l’amère expérience…
Chacun des quatre Temples accueille envi-
ron un dixième des Lithos de Laelith. Ils ap-
portent leur concours à la réalisation de « mi-
racles » lors des cérémonies religieuses les
plus importantes.
10 % des Lithos vivent dans la terrasse du
Châtiment. Ils ne sont pas étrangers aux bizar-
reries de tous ordres qui surviennent en per-
manence dans ce quartier.
Les 10 % restants sont à peu près uniformé-
ment répartis dans l’ensemble des terrasses.
Sur les copies de la carte, les densités de
Lithos sont représentées par différents ni-
veaux de gris, mais la carte originale comporte
des couleurs, pour indiquer les principales
factions à laquelle appartiennent les Lithos.
Ces informations sont sans doute beaucoup
moins fiables que celles relatives à la densité
de population. En effet, depuis l’époque d’Oc-
tobolde de Larde, les Lithos ont pu changer de
factions, certaines ont pu être créées, d’autres
disparaître.
L’étude de la carte originale et des expli-
cations portées au verso par son auteur (qui
n’ont pas été reproduites sur les copies) ap-
porte les compléments d’information suivants.
Les différentes factions de Lithos adhèrent
plus ou moins à deux tendances principales : le
courant légitimiste et le courant libertaire. Les
légitimistes, dirigés par les Lithos du palais et
largement majoritaires à l’époque d’Octobolde
de Larde, servent un grand dessein, connu des
seuls Lithos et du Roi-Dieu. Pour eux, Laelith
n’existe sous sa forme actuelle que pour pou-
voir exécuter ce grand plan. La ferveur des
pèlerins fournit une énergie mystique que les
Lithos peuvent capter. Ils voient ainsi Laelith
comme un immense condensateur, emma-
gasinant jour après jour ces énergies afin de
pouvoir les libérer le moment venu pour ac-
complir le grand dessein. Les légitimistes sou-
tiennent, défendent et protègent le Roi-Dieu
et les grandes institutions de la ville.
Les libertaires sont dirigés par les Lithos
de la terrasse du Châtiment. Ils considèrent
Laelith comme un vaste creuset alchimique
d’où peuvent émerger toutes sortes de mer-
veilles. Pour eux, l’énergie mystique ne doit
pas être stockée, mais au contraire utilisée
pour innover en permanence et enfanter de
nouvelles réalités. Une sorte de pacte tacite
a été passé entre les deux courants pour au-
toriser les libertaires à utiliser la terrasse du
Châtiment comme terrain d’expérimentation.
Toutefois, les travaux de rénovation de cette
terrasse décidés par Nin Ier semblent augurer
d’une nouvelle donne. L’équilibre des courants
aurait-il récemment évolué ?
Chacun des deux courants est composé de
multiples factions qui apportent des variantes
à la philosophie générale. Ainsi, les Frères cris-
tallins, d’obédience légitimiste et de création
récente, estiment que la réalisation du grand
dessein passe par l’érection d’un palais de cris-
tal à l’emplacement des ruines du Maucastel,
aujourd’hui transformées en pontons. Les Fils
de la plume, d’obédience libertaire, emploient
leur énergie à faire apparaître des graffitis
sur les murs des tavernes de la terrasse de
la Prospérité. Quiconque parvient à les dé-
chiffrer accède à une nouvelle dimension de
l’existence, où l’alcool déclenche des visions
du futur dont la probabilité est inversement
proportionnelle à la quantité d’alcool absor-
bée. L’accès aux futurs les plus extravagants
et poétiques est donc réservé aux ivrognes les
plus invétérés.
Rappelons qu’en cas d’atteinte sérieuse à la
sécurité de Laelith ou de ses principales insti-
tutions, libertaires et légitimistes abandonne-
ront pour un temps leurs divergences philo-
sophiques et se rassembleront pour contrer la
menace.
Aux environs de Laelith
On trouve des Lithos dans l’ensemble
des Hors-ville, mais inégalement répartis.
Certains lieux bénéficient d’une présence im-
portante, tandis que de vastes zones en sont
totalement dépourvues. Dans l’ensemble, ces
entités sont dix fois moins nombreuses que
celles de Laelith. Les longues distances qui les
séparent les obligent à consacrer plus d’énergie
au maintien du réseau tellurique qui leur per-
met de communiquer entre eux. Il en résulte
qu’ils exercent une moindre influence sur leur
environnement immédiat. Mais celle-ci peut
s’accroître dans des circonstances exception-
nelles. Par exemple, les érulithes du Temple
du Poisson d’argent pensent que certaines
tempêtes du lac se convertissent en énergie
tellurique avant de disparaître. Cette énergie
se répand alors dans le réseau des Lithos, leur
Mélancolie
« J’ai toujours eu l’impression d’être plus
vieux que mon âge. J’ai parlé très tôt,
avec un vocabulaire qui n’était pas de
mon époque. Peut-être est-ce à cause de
la pierre noire de Fiohl. Personne n’a pris
le soin d’expliquer à mes parents, jeunes
migrants traumatisés par les massacres
en Agramor, que ce monolithe sombre
au bas de la côte est censé contenir
les âmes des morts en attente d’une
réincarnation dans un enfant à naître.
Si l’on avait dit à ma mère, enceinte de
ma personne, qu’il suffisait de crier en
passant : « Je suis vieille, mon ventre est
sec comme le val ! », peut-être n’aurais-je
jamais eu ces nostalgies d’hier. »
Extrait de l’autobiographie de Cénoncle
l’Historien
Le Shoggol
Dans les recoins les plus lointains du
Cloaque résonne le chant triste du
Shoggol. Bercée par les ténèbres, inlassa-
blement la bête caresse les mots en reliefs
qu’elle a elle-même gravés dans sa chair
avant que sa mémoire et son corps ne se
fanent. Ainsi les jeunes tentacules pro-
fitent des souvenirs des anciens, de leurs
poèmes mémoriels qui sont autant de ci-
catrices dans ces membres qui se sont cal-
cifiés avant de s’éteindre. Ainsi, le Shoggol
se souvient. Il se souvient d’avoir été un
homme, un misérable de la Chaussée
du lac, qui aimait se blottir contre une
statue sans tête du temple du Crâne. Il se
souvient des voix, et du chant des étoiles
mortes, les secrets sidéraux qu’elles lui
ont murmurés, tandis que bourgeonnait
son crâne et qu’on le chassait à coups de
pierre. Puis vinrent les tunnels, et cette
lutte contre l’oubli et la mort, ce récit
ressassé et effacé sans cesse sous
la houle du temps.
Laelith 77
 Lithos ex machina
La principale fonction des Lithos est de
protéger Laelith des agressions majeures,
y compris celles qui pourraient résulter
d’actes inconsidérés de la part des per-
sonnages-joueurs. Le MJ peut utiliser
les pouvoirs des Lithos pour freiner les
PJ s’ils s’apprêtent à faire une énorme
bêtise ou au contraire pour leur donner
un coup de pouce dans une situation
délicate si leur action sert les intérêts
de Laelith. Mais comme tout dispositif
de type deus ex machina, il convient de
l’utiliser à faible dose…
Pendant ce temps,
dans le Cloaque…
Les Lithos du Cloaque appartenaient
jusqu’à présent au courant légitimiste et
régulaient parfois le comportement des
créatures souterraines qui l’habitent.
Depuis quelque temps, la plupart se
sont convertis au courant libertaire.
Nin Ier redoute qu’ils prêtent désormais
leur concours aux projets déments de
Trevelian. Un groupe de PJ comportant
au moins un érulithe pourrait se voir
confier une mission d’enquête à ce sujet
et découvrir l’existence de quelques
« assassins-poètes voyageurs » contrôlés
par ces Lithos pour servir les intérêts
criminels de l’empereur-démon dans le
vaste monde…
Fragment de note du
professeur Harex
« Je couche tout cela par écrit car j’ai
peur de tout avoir oublié demain. Je
reste persuadé que les saints-poètes
voyageurs sont les yeux et les oreilles de
ces entités immobiles, mais ils ne sont
pas les seuls. J’ai entendu parler de ce
clochard du Châtiment, un homme qui
entre et qui sort du quartier à sa guise
et qui s’aventure à chaque fois bien loin
de la Cité sainte. Après enquête auprès
des caravaniers du désert de Takil
Tanjar, j’ai trouvé nombre d’événe-
ments caractéristiques sur son passage,
ainsi… »
78
fournissant pour un temps un surplus de vi-
gueur. La plupart des habitants des abords
du lac ont entendu parler de manifestations
étranges certains jours de tempête.
Il arrive également que les courants tellu-
riques qui relient les Lithos soient tellement
saturés qu’ils soient obligés de décharger leur
énergie dans la roche, ce qui active parfois une
faille proche et provoque une secousse sis-
mique plus ou moins importante. Quelques
érulithes audacieux en ont déduit que le
Châtiment aurait pu être provoqué par une
surcharge énergétique dans le réseau lithique,
urbi et orbi, mais ils ne s’entendent pas sur les
causes de cette surcharge.
Les érulithes du Temple du Poisson d’argent,
qui sont par essence plus versés que les autres
dans la connaissance des forces qui animent
l’élément liquide, ont approfondi ces hypo-
thèses pour concevoir la « théorie des rifts ».
Cette théorie, qui nomme rifts les courants
telluriques qui relient les Lithos, dit que ces
courants gagnent en intensité lorsqu’ils tra-
versent le lac d’Altalith. Elle en déduit certaines
conséquences qui ont pu être observées par les
pêcheurs et mariniers qui fréquentent le lac :
eau creuse, tunnels d’eau, tempête sèche. À
noter que la plupart des ouvrages consacrés
à la théorie des rifts et disponibles dans les
bibliothèques publiques ne mentionnent pas
les Lithos. L’existence des rifts y est postulée,
sans que les auteurs s’attardent sur leur nature
exacte. Le lecteur désirant approfondir cette
question pourra utilement se reporter au cha-
pitre consacré aux Hors-ville.
La plus forte concentration de Lithos ex-
tra-muros se trouve dans le sous-sol d’une
des nombreuses îles du lac d’Altalith : l’île des
Morts. Eu égard à ses dimensions modestes, il
serait plus juste de la qualifier d’îlot. Elle est
formée d’un bloc rocheux qui a été évidé en
son centre et dans sa partie sud. Des habita-
tions troglodytiques ont été percées dans les
parois situées à l’est, au nord et à l’ouest. Au
sud, un mur grossier construit avec certaines
des pierres excavées (toutes des Lithos) res-
treint l’accès à l’île via une unique entrée. Dans
la partie centrale poussent de hauts cyprès qui
dissimulent les habitations aux regards indis-
crets. De nos jours, plus personne ne réside
dans cette île, dont la propriété est vaguement
revendiquée par le Temple du Crâne, sur des
bases légales qui mériteraient investigation…
En tout état de cause, rien n’interdit à une
barque d’accoster et à ses occupants de visiter
les anciennes demeures. Pourtant, rares sont
les volontaires prêts à tenter l’expérience, la
rumeur voulant qu’une malédiction ait jadis
frappé des habitants de l’île. Cette rumeur
puise sans doute son inspiration dans une sé-
rie de tableaux représentant l’endroit, peints
sous le règne de Nadayat le Précieux par
Arnulfe Böcklünd. Ces toiles inquiétantes et
mystérieuses peuvent être admirées à l’Acadé-
mie du bel art. Un érulithe provincial pourrait
vouloir éclaircir ce mystère en se faisant aider
par un groupe d’aventuriers qui n’ont pas peur
des malédictions. Le Temple du Crâne pour-
rait n’apprécier que fort modérément une telle
initiative…
Dans le reste du monde
Quelques saints-poètes voyageurs figurent
parmi les érulithes. Leurs récits mentionnent
la découverte de Lithos dans des contrées très
éloignées. Ces entités sont totalement isolées
et la plupart sont plongées dans une profonde
léthargie. Quiconque souhaiterait étudier
ces récits pourrait relever des coïncidences
troublantes :
• l’auteur exprime à chaque fois, sous une
forme ou sous une autre, le sentiment
d’avoir été guidé vers l’endroit où il a décou-
vert un Lithos ;
• après sa découverte, chaque auteur a déci-
dé de rentrer le plus vite possible à Laelith,
annulant tout autre projet de voyage qu’il
pouvait avoir.
L’étude de ces textes ne permet que d’ef-
fleurer le sujet. Quiconque concevrait le
projet fantasque d’aller enquêter aux empla-
cements décrits pourrait se rendre compte
que, à chaque fois, le départ du saint-poète
voyageur a été suivi de manifestations plus
ou moins étranges, qui se poursuivent depuis.
Ces manifestations ne sont pas évoquées dans
les récits des saints-poètes voyageurs, puisque
postérieures à leur départ. À l’évidence, leur
passage a activé ces Lithos endormis. En fait,
si quelqu’un étendait son enquête en s’intéres-
sant aux destinations de la plupart des saints-
poètes voyageurs (qu’ils soient ou non des
érulithes), il découvrirait dans bien des cas que
de semblables manifestations étranges se sont
également produites après leur départ.
De tous les érulithes vivant actuellement
à Laelith, un seul a mené une enquête aussi
approfondie : le professeur Harex, titulaire de
la chaire d’éloquence de l’Académie royale-di-
vine du bel art. Il a longtemps animé, pour le
compte de l’académie, les concours de pieuses
joutes oratoires du Grand Théâtre. Il s’est
naturellement intéressé aux saints-poètes
voyageurs et a mené de nombreuses études à
leur sujet, y compris au moyen de plusieurs
voyages. Il est aujourd’hui persuadé qu’il existe
un lien privilégié entre les Lithos et les saints-
poètes voyageurs. Son âge avancé ne lui per-
met plus de voyager, mais il pourrait se faire
aider par d’autres pour poursuivre et achever
ses investigations. Il faudrait sans doute que
ce soient des personnes de confiance, avec qui
il ait eu l’occasion de collaborer auparavant.
Il pourrait par exemple leur assigner la mis-
sion d’accompagner Elvire Porteflamme (la
sainte-poétesse choisie par le Temple de l’Oi-
seau de feu pour le représenter lors du grand
concours royal-divin de pieuse joute oratoire)
lors de son prochain voyage, et de rester sur
place après qu’elle sera repartie.
poursuivre son raisonnement en postulant
l’existence d’une interface consciente. Puisque
les Lithos sont interconnectés, elle bénéficie-
rait d’un accès conscient à l’ensemble des in-
formations que les entités s’échangent, y com-
pris leurs capacités prescientes. Un tel être
serait d’un précieux conseil pour les puissants
de ce monde. Pour bénéficier de la meilleure
connexion possible avec le réseau, il serait lo-
gique que cet être réside là où la concentration
des Lithos est la plus importante : le palais du
Roi-Dieu. Quand il arrive à cette étape de son
raisonnement, le professeur interrompt tou-
jours le cours de ses pensées, jugeant – sans
doute à bon escient – qu’il est des champs de la
connaissance qu’il peut être fort dangereux de
défricher. Mais lentement, ce doute le ronge. Il
aimerait vraiment en avoir le cœur net…
Le Roi-Dieu Reidid le Rédacteur
tenant dans ses mains un Lithos de forme
exceptionnellement pyramidale.
Prologue : SOS
Le lac d’Altalith hurle. Il connaît
des tempêtes et des bouleverse-
ments sans équivalents dans ce
siècle. Les Lithos de Laelith savent
bien que ces phénomènes ne sont
que les cris de leurs frères, des
appels quasiment incompréhen-
sibles du fait de leur violence et
de leurs échos emmêlés. Sur une
île, quelque part, des Lithos sont
au supplice. Bejofar, érulithe du
Poisson d’argent, embarque pour
une exploration, malgré les condi-
tions climatiques particulières.
Quelle part de connaissance par-
tagera-t-il avec les membres de
son escorte, de quels miracles
étranges seront-ils témoins ?

L’hypothèse « interface »
Wington Harex cherche en fait à vérifier
une hypothèse qui lui encombre l’esprit depuis
quelque temps : et si les saints-poètes voya-
geurs constituaient des « interfaces » permet-
tant à certains Lithos de bénéficier d’yeux et
d’oreilles en prise directe avec les endroits du
monde que les Lithos ne peuvent connaître,
faute d’y être présents ? On pourrait imaginer
que chaque saint-poète voyageur est relié en
permanence à un Lithos particulier, via un
canal tellurique mobile. Ces interfaces pour-
raient être utilisées pour diverses missions,
notamment partir à la recherche des quelques
Lithos égarés de par le vaste monde et restau-
rer ainsi leur connexion au réseau lithique. On
pourrait également conjecturer que les thèses
défendues par chaque saint-poète voyageur
lors des pieuses joutes oratoires, qui sont en
apparence celles du Temple qui l’emploie,
sont en réalité – de façon cachée et insidieuse
– celles de la faction à laquelle appartient le
Lithos dont il constitue l’interface.
Wington Harex est persuadé que les saints-
poètes voyageurs n’ont pas conscience du lien
qui les unit à un Lithos. La plupart d’entre
eux ne connaissent sans doute pas l’existence
des Lithos. Mais le professeur aime les expé-
riences de pensée. Il lui arrive ainsi parfois de

Laelith 79
 Laelith, vue isométrique
80
La Main qui travaille
 O ù l’on voit Hildefons-René de Castelluisant
se conduire en touriste maladroit et commettre moult bévues
« Je commençais à bien connaître la terrasse de la Main qui
travaille – la Main de la Ville quatre fois sainte. J’appréciais
son activité industrieuse : c’est là qu’œuvrent les plus grands ar-
tisans du cuir et du cuivre, du lin et du coton, les souffleurs de
verre et les marteleurs de fer.
Le quartier que je préférais était celui des Ateliers du souve-
nir, près de la Faille au fond de laquelle coule l’Inlam. Leur ac-
tivité n’est guère appréciée des religieux les plus sourcilleux, qui
s’offusquent de ce qu’ils appellent “le scandale des marchands
des temples”, mais rien n’y fait ! Les croyants sont si fiers de
rentrer chez eux avec un moellon sculpté du temple du Crâne,
une gourde ouvragée contenant de l’eau puisée dans les bassins
du Poisson d’argent, un briquet bénit par un prêtre de l’Oiseau
de feu, un éventail orné de bénédictions du Nuage…
En haut de l’échelle du Beurre, j’aimais observer le travail
de Phaëstos, le forgeron spécialiste des armes de luxe. Juste en
face se trouvait l’échoppe de Stinfen le couturier, fournisseur of-
ficiel du Poisson d’argent, dont le temple est à deux pas. Ce jour-
là, Stinfen faisait essayer une splendide cape noir et or doublée
d’écarlate à un client qui se pavanait devant la boutique – un
borgne aux cheveux blonds coiffé d’un chapeau ridicule.
J’étais bien plus intéressé par la cliente de Phaëstos, une
jeune femme ravissante aux traits délicats et aux grands yeux
82
cernés de khôl, vêtue d’une ample mante en tissu argenté et dont
la longue chevelure noire était emprisonnée dans une résille do-
rée. Elle serrait dans sa main gauche une dague d’un travail
raffiné – la jumelle, à coup sûr, de celle que le maître armurier
peaufinait sur son enclume. Je me creusais la tête pour trouver
comment aborder la belle, sans prêter attention au grondement
du soufflet de la forge ni au bavardage commercial de Stinfen :
“Mais bien sûr Monseigneur, des fils de l’or le plus pur… Et
les renforts sont en cuir d’ookhab… Et les broderies sont entre-
lacées de fibres de prunier doré, dont le suc donne leur lumines-
cence aux plumes du colibri-abeille…”
C’est alors que le Monseigneur en question, curieux de voir
étinceler sa cape, la fit tournoyer autour de lui, sans prêter atten-
tion à ses voisins. Le lourd vêtement vint effleurer la jeune femme.
Elle poussa un petit cri de surprise en faisant un pas de côté.
Saisissant l’occasion, je m’avançai hardiment et saisis le pan de
la cape en ordonnant au malotru de ne pas importuner les dames.
L’autre, m’adressant une insulte, tira de son côté. Quelque chose
cassa (en cuir d’ookhab, les renforts ?) et nous nous retrouvâmes
tous deux assis par terre, tandis que la cape s’envolait avant de
retomber lourdement sur l’enclume brûlante de Phaëstos !
Or, la fibre de prunier doré est extrêmement inflammable
(Stinfen avait omis ce détail). En un instant, une langue de
feu consuma la cape, roussissant les sourcils de l’armurier, qui
lâcha une malédiction sonore. Moins sonore cependant que les
imprécations du tailleur ! Il ne restait rien de la cape, et la
dague sur laquelle travaillait Phaëstos, sous l’effet d’un coup
de marteau raté et de la chaleur dégagée par la combustion du
vêtement, avait pris une forme bizarre. Hélas ! Pour une rai-
son qui m’échappe, c’est sur moi que ces deux estimables artisans
rejetèrent la faute de ce regrettable incident. Le borgne se mit
à hurler qu’il fallait me faire subir le sort de la cape et même la
belle cliente de l’armurier approuva. Les femmes !
Remettant à plus tard les explications, je décidai de mettre
quelque distance entre eux et moi et je me mis à courir. J’en oubliai
les sages conseils de mon vieux père : “L’échelle du Beurre tire son
nom de deux boutiques, des crémeries concurrentes jadis installées
l’une en face de l’autre. Nul ne sait pourquoi ni comment, mais une
nuit, toutes deux furent dévastées par un incendie et leur marchan-
dise – lait, crème, fromages et beurre, bien sûr – fondit, recouvrant
le sol d’une pellicule grasse. Étrangement, les pavés de l’échelle du
Beurre sont encore aujourd’hui très glissants, qu’il pleuve ou qu’il
fasse beau… Soit prudent en les arpentant, ne cours jamais !”
Un peu plus loin, l’un des employés de l’unique horloger Fugit-
Necat, un nain, qui venait de sortir de la boutique en portant une
des superbes pièces fabriquées par son patron, descendait lente-
ment l’échelle. Sur les pavés du Beurre, je me trouvai incapable
de l’éviter… Ce fut une véritable explosion. Je n’aurais jamais
cru qu’une seule horloge contînt autant de petites pièces !
Bref, j’eus bientôt une douzaine de poursuivants furieux à mes
trousses. Par bonheur, l’échelle était aussi glissante pour eux
que pour moi ! Néanmoins, ils s’acharnèrent à me courir sus.
Moitié courant, moitié tombant, je tentai de semer mes pour-
suivants par la petite ruelle de l’Oiseau oriental, qui longe le mur
est du temple de l’Oiseau de feu, mais rien à faire ! J’arrivai
dans un triste état jusqu’à la porte de l’Immense Solitude
septentrionale.
Le lecteur se sera sans doute étonné du nom de la porte en
question, attendu qu’elle donne certes sur des régions malsaines
et peu peuplées, mais résolument situées au midi de la ville, et
non au septentrion. En fait, il semble que l’architecte Blalock-
Taussig ait consacré cette porte aux Dieux après une soirée très
arrosée. Se trompant de point cardinal (une autre porte était
prévue au nord de la ville), il la baptisa porte du Septentrion.
Quant à l’Immense Solitude, c’est en réalité le sentiment éprou-
vé par le pèlerin aventureux qui arrive dans la Ville sainte en ve-
nant des régions mal famées du Sud, et qui se voit intimer l’ordre
de repartir pour faire le tour par l’ouest et arriver « comme tout
le monde » par la falaise de Vorn (la chose, paraît-il, n’est pas
rare, les gardes de la porte détestant la tâche d’accompagner les
pèlerins jusqu’au Lazaret par l’intérieur de la ville).
Où en étais-je ? Ah, oui ! La meute de mes poursuivants se
rapprochant, je passai la porte et sortis de la ville. Les enragés
qui voulaient me faire un mauvais parti préférèrent s’arrêter là,
en jurant de m’attendre… Mais je savais pouvoir trouver asile
tout près, dans le monastère de l’Ultime Flamboyance, le temps
que les choses se calment. »
Hildefons-René de Castelluisant, « Trente ans après ou
Laelith revisitée »
Le pinceau de Tania, laLa
fameuse
Main elfe peintre,
qui a saisi cette scène de rue quelques
travaille 83
instants avant que l’intervention d’Hildefons n’y sème le chaos…
84
1
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10
14
 La route de la falaise de Vorn L’échelle Monte-en-ciel (E9-F9-G9)
21
1 21
11 Frontière entre la sagesse de la Main qui @
(A7 à E13) @
5

/
travaille et la folie du Châtiment. Restez du @
10
Étroite et pentue, elle est parsemée de 1
@

/
points de ravitaillement et de repos qui 6 bon côté…
@
permettent aussi aux gardes de Laelith
d’identifier certains indésirables. L’impasse de l’Arbre de Tulé (H9)
12
21 Cette ruelle de dix maisons a deux
Le poste de garde du Lazaret particularités : le fabricant des masques
21
2 du Roi-Dieu y a installé son atelier sur les
(E12-F12)
L’un des points clefs des fortifications, il 1 restes d’une ancienne chapelle incendiée, @ 3
@

/
et tout à côté pousse un grand arbre qui @
8

/
6
assure à la fois la surveillance de la porte
de l’Ivresse enchanteresse et de celle du a connu le saint à qui cette chapelle était
Lazaret. dédiée. (Cette impasse n’est décrite que
dans le livret fourni avec l’écran du meneur
La porte de l’Ivresse enchanteresse de jeu.)
21
3 @
(G12-G13) 1
Les Ateliers du souvenir (H9)

/
@
6
Porte d’entrée de la grande majorité des 21
13
pèlerins. Ici s’activent les fabricants de souvenirs
religieux, pour satisfaire les pèlerins avides
Le camp de la Longue Patience @ de saintes reliques et d’images pieuses
@
21
4 3 qu’ils pourront fièrement montrer à leur
@
1
(E13-F13) @
/
10

… Et, selon certains, des nombreux trafics !
Le Lazaret (E11-E12)
21
5 Il permet le filtrage (sanitaire et… politique)
des pèlerins et sert d’hôpital pour les
/
retour. Ces souvenirs sont surtout vendus 5
@ @
près des quatre grands temples ; seuls
les connaisseurs, capables d’identifier un
@ artisan à son style, s’aventurent près de la
@
1 Faille.
/

10
citadins qui n’ont pas les moyens de se faire @
soigner à domicile. La rue des Chariots (G11-H10)
14
21 Attention, voie à grande circulation ! Les @ 3

/
accidents y sont nombreux (et pas toujours @
7
Le plateau des Quatre Puissances
21
6 @ accidentels…).
(D11) 3
@
/

9
Où les quatre grands Temples se partagent
@ L’échelle des Quatre Marchands
(ou se disputent) les pèlerins. 15
21 @
(I10) 8
@ On trouve ici bien plus que quatre boutiques @
Le Belvédère (D10)

/
10
21
7 Un point de vue imprenable sur la Cité @
3 de luxe. À éviter si votre bourse n’est pas @
/

5
bien garnie !
sainte ! @

Le temple de l’Oiseau de feu (I11) @

Le Puy des âmes (D9-E9) 16
21
21
8 Ce secteur semble à l’abandon… On parle Le plus important des quatre grands @
10

/
3 15
@ Temples. N’est-ce pas ? @
/

régulièrement de spéculation immobilière, 7

mais rien n’a été prouvé. @

Le palais de l’Eau lustrale (J9) 1
21
17 Il n’a plus son… lustre d’antan, hélas. @
/
@
3
Les jardins du Dénuement (E10-E11)
21
9 3 @
Un village pauvre (mais honnête ?) au sein @
/

7
de la riche Laelith. @ La porte de l’Immense Solitude
18
21
septentrionale (I12)
La place des Sept Royaumes et la On parlait régulièrement de condamner @ 3
21
10
/

Haute Guilde (F10) @

7
cette porte avant qu’elle devienne le point
Ici s’élève le siège de la Haute Guilde, de passage obligatoire des convois funèbres
1
qui contrôle tout le commerce laelithien des dévots du Feu.
@
/

3
et notamment le négoce des souvenirs
@ ou
religieux. Son poinçon ou son tampon en Le monastère de l’Ultime
@ 7 19
21 @
certifient l’authenticité. Les responsables Flamboyance (H13) 3
/

@
14
/

de cette certification n’ont pas toujours un C’est là que sont incinérés la plupart des 7
@
goût esthétique très sûr, mais les pèlerins défunts affiliés à un culte du Feu.
sont contents…

La Main qui travaille 85

 Vue d’ensemble
Orthographe
« C’est NIN Ier, pas Nain Ier, tête de
nain ! »
Tourouk, sculpteur de hiéroglyphes, à son
apprenti Idriss, venant de graver une plaque
pour le nouveau pont
Les ookhabs
« Ruminants habitués à la montagne,
les ookhabs sont des animaux de bât
puissants et endurants. Dotés de trois
paires de pattes qui leur assurent une
grande stabilité sur les sentiers escarpés,
ils sont sans pareils pour transporter les
marchandises sur les flancs malaisés de
la falaise de Vorn.
Ils sont cependant très difficiles à ap-
privoiser et ne peuvent avoir qu’un seul
maître, leur guide. Les guides d’ookhab
établissent un lien particulier avec leur
animal, qui se manifeste par l’étrange
mélopée qu’ils fredonnent pendant
l’ascension de Vorn. Tous viennent du
plateau des falaises de Fer, ou plateau
Sidérien, dans les montagnes au nord de
Laelith, où vivent les tribus sidériennes.
Nul autre qu’eux, même en imitant
leur chant, ne peut se faire obéir d’un
ookhab.
Si son guide vient à mourir, le placide
ookhab domestique retrouve très vite
le tempérament ombrageux de ses
frères sauvages. Ces derniers vivent en
petits troupeaux dans les montagnes
et ont une fâcheuse tendance à charger
toute créature suspecte – ce qui inclut
la plupart des bipèdes, à l’exception des
membres des tribus sidériennes, dont
l’odeur (dit-on) serait agréable aux
ookhabs.
Voyageurs, méfiez-vous des ookhabs
sauvages : leurs cornes sont aussi dange-
reuses que leurs ruades, et nul ne survit
au piétinement de leurs six sabots. De
plus, ils ne sont pas stupides ! »
H.-R. de Castelluisant, op. cit.
86
Itinéraire conseillé
Arriver jusqu’aux portes
L’ascension de la falaise de Vorn paraît sans
fin. Le martèlement des sabots des ookhabs
se mêle au piétinement des humains et hu-
manoïdes en route vers la Cité sainte, en un
bruit sourd et continu. Qui peine le plus, de
ceux qui montent en ahanant le long de la pa-
roi abrupte, ou de ceux qui descendent en ser-
rant les dents d’angoisse au bord d’un affreux
précipice ?
De temps en temps, un « montant » s’écroule
de fatigue et, si des bras miséricordieux ne le
soutiennent, agonise lentement, peu à peu re-
poussé vers le bas par des pieds indifférents.
Ou bien, un « descendant » glisse et tombe en
hurlant dans l’abîme, rebondissant de roc en
roc. Les voyageurs lancent parfois un regard
effrayé vers la Déchaussée, une sente qui es-
calade la falaise et date d’avant le Châtiment.
Plus directe, en apparence, que la route, elle
est si raide que même les ookhabs ne peuvent
l’emprunter…
Au creux de certains lacets, les pèlerins
peuvent prendre un peu de repos dans des
haltes où se sont parfois installés des ven-
deurs de boissons ou d’aliments censés facili-
ter l’ascension par leurs propriétés nutritives
ou… religieuses. Ainsi les croyants trouvent-
ils quelque réconfort en mangeant des mets
simples, mais bénits – brochettes d’hirondelle
de l’Air, crabes confits du Crâne, piments
bruts du Feu ou liqueur cristalline de l’Eau. Il
est rare qu’ils comprennent que ceux qui leur
fournissent, souvent gracieusement, ces frian-
dises, en profitent pour les dévisager et exami-
ner leurs bagages – ce sont des physionomistes
recherchant des indésirables déjà connus, des
clercs spécialistes des sorts de détection ou
des gardes prêts à prêter main-forte aux pré-
cédents pour fouiller ou arrêter un suspect.
En parcourant le dernier lacet, les pèlerins
lèvent forcément les yeux vers le plateau. Le
long de la crête, ils aperçoivent les patrouilles
de la garnison qui, jour et nuit, s’assurent que
nul téméraire alpiniste ne tente de passer par
là pour contourner les murailles de la ville.
C’est avec un soupir de soulagement que les
voyageurs débouchent enfin sur le plateau. À
leur gauche s’élèvent les hautes murailles du
poste de garde du Lazaret – cette appellation
modeste convient bien mal pour ce qui est
devenu, au fil des ans, une véritable forteresse.
En face, s’ouvre la porte de l’Ivresse enchante-
resse, promesse de bénédictions sans nombre
pour les courageux pèlerins. Enfin, quand elle
s’ouvre effectivement. Car la garde de la ville
exerce un contrôle très strict. Chaque jour, elle
n’autorise qu’un nombre précis de passages –
nombre qui varie selon les jours, en fonction
des indications des astrologues… et surtout,
dit-on, de l’encombrement des auberges de la
ville. Et la nuit, la porte est fermée !
C’est pourquoi un vaste camp a poussé peu
à peu au pied des murailles. D’abord amas
désordonné de tentes, le camp de la Longue
Patience est devenu une sorte de village, for-
mé de baraques en bois et en toile, où la garde
assure (en théorie) un semblant d’ordre. Le vil-
lage a été surnommé « camp Hache sévère »,
du nom du médecin militaire nain qui eut
l’idée de l’organiser. On notera que toutes les
baraques sont à portée de baliste des murailles.
Être bienveillant est une chose, oublier ses ra-
cines naines en est une autre.
Chaque jour, tandis qu’un groupe de voya-
geurs est admis à passer la porte, les suivants
s’installent dans les baraques tout juste déser-
tées. Cette espèce de purgatoire dure en gé-
néral deux à trois interminables journées – si
tout va bien.
Pendant que les nouveaux arrivants s’ins-
tallent dans le camp, les guides d’ookhabs
déchargent leurs bêtes avant de redescendre
(pour ceux qui viennent seulement de mon-
ter) ou de les mener dans les étables voisines
du camp de la Longue Patience. En effet, la
grande robustesse de ces animaux leur permet
d’enchaîner une montée et une descente (ou
l’inverse) avant de se reposer. D’autres étables
existent en bas, tout au début de la route de la
falaise.
Quant aux voyageurs qui peuvent enfin
franchir la porte, ils sont déchargés du plus

gros de leurs bagages par des porteurs qui ont
pour mission de transférer tous leurs paquets
vers des entrepôts douaniers. Dûment étique-
tés, ces paquets attendront jusqu’à un an et un
jour que leurs propriétaires viennent les récla-
mer contre paiement, pour les marchandises,
des droits d’importation.
« Je constatai avec plaisir que, comme
du temps de mon père, ces porteurs arbo-
raient l’insigne de leur guilde, garant de
leur honnêteté (sous le contrôle de l’ad-
ministration du Roi-Dieu – tout comme
jadis, des vols compromettraient gravement
le commerce de la cité !). Leurs tarifs
étaient, par bonheur, restés raisonnables
(enfin, surtout pour un simple voyageur
comme moi, n’ayant avec lui qu’un léger
bagage…). »
Hildefons-René de Castelluisant, op. cit.
Le poumon de la cité
Si la terrasse de la Prospérité est le cœur de
Laelith, la Main qui travaille est sans doute
son poumon. C’est par la porte de l’Ivresse
enchanteresse qu’arrivent les marchandises
importées par la cité (en dehors des produits
alimentaires) et c’est là que sont regroupés les
Selon certains, ce visage
serait un autoportrait de
Tania, l’artiste peintre.
artisans, dont beaucoup mériteraient le nom
d’artistes, notamment (mais pas seulement) les
joailliers et les bijoutiers.
C’est aussi sur cette terrasse que se trouve le
système immunitaire de Laelith. Il s’agit d’une
part du Lazaret, qui permet à la Ville sainte
de rester saine en la protégeant des maladies
venues de l’extérieur, et d’autre part du plus
important des postes de garde, qui veille à
l’épuration des éléments douteux de la popula-
tion, escrocs, voleurs hors guilde ou assassins.
Enfin, nul ne saurait oublier – pour le meilleur
ou… le moins bon – la présence, tout près des
plus belles échoppes d’artisans, du temple de
l’Oiseau de feu.
Nous aurons l’occasion de revenir en dé-
tail sur le fameux Lazaret – pour l’instant,
suivons un voyageur qui émerge de l’établis-
sement. Dans sa main, un coquillage violet
(pèlerin), orange (commerçant), ou vert (ni l’un
ni l’autre), estampillé du sceau du Lazaret qui
garantit « l’absence de maladies transmissibles
évidentes ». Un marchand se dirigera vers les
entrepôts du Lazaret, où il pourra récupérer
ses marchandises et trouver des porteurs pour
les transférer jusqu’aux magasins, à moins qu’il
ne préfère commencer par prendre contact
avec les institutions de la Haute Guilde. Mais
La Main qui travaille 87
La Maison mal capée
Un peu au nord de la place des Sept
Royaumes, du côté ouest de l’échelle de
la Métallerie, s’élève un bâtiment massif
qui tranche avec le reste du quartier.
C’est le seul vestige encore visible d’un
ancien mur d’enceinte de Laelith, dont
l’échelle suivrait grosso modo le tracé. Le
reste des anciens remparts (la ville en a
connu plusieurs au fil de son expansion)
a été presque totalement démantelé au
fil des siècles et les pierres réutilisées pour
construire de nouvelles murailles ou des
bâtiments. Cette bâtisse creusée dans
l’épaisseur du rempart a conservé ses
murs massifs où quelques rares fenêtres
ont été percées. Son sommet crénelé a
été remplacé par une toiture édifiée un
peu de guingois, d’où son nom.
La Maison mal capée a échappé à la
démolition et survécu à plusieurs ca-
tastrophes. C’est l’un des bâtiments les
plus anciens de la Main qui travaille. Le
plus notable des événements auxquels
elle a réchappé fut un violent incendie,
allumé involontairement par un gamin
qui s’était introduit nuitamment en
compagnie de quelques camarades dans
les lieux alors désaffectés. L’incendie
s’étendit rapidement alentour et ne
fut éteint qu’après deux jours de lutte.
Le gamin n’était autre que Parrap, qui
devint par la suite grand prêtre de l’Oi-
seau de feu, puis Roi-Dieu sous le nom
de Coloquinte II ! La légende raconte
qu’un oiseau de flammes, un simorgh,
aurait surgi du brasier pour protéger
le jeune garçon et le sortir indemne de
l’incendie où périrent ses compagnons.
Sentimental, Coloquinte II s’opposa à
ce que la maison soit démolie et la plaça
sous le coup de la loi sur les bâtiments
d’intérêt historique, sacrés ou mis sous
la protection royale-divine.
Réputée hantée par le simorgh (ou
par diverses horreurs remontant du
Cloaque par ses caves), la bâtisse a
souvent changé d’occupants. Elle abrite
actuellement le siège de la guilde des
Vanniers. Certes, l’osier, c’est très com-
bustible, mais les vanniers s’estiment
protégés par l’oiseau de flammes.
Pourtant, la légende du simorgh
pourrait… attiser des vocations de py-
romane. Mais est-elle vraie ? Et si oui, la
créature se manifesterait-elle avant que
l’incendie ne détruise la mai-
son et n’embrase le voisinage ?
 Enfer vert
« Les jardins du Dénuement sont le
lieu le plus dangereux de Laelith ! Il y
a des fauves en liberté, des portails s’y
ouvrent…
– Sur le Cloaque ?
– Non. Sur l’enfer ! »
La guide Leirn à Jelogi,
pèlerin à peine sorti du Lazaret
«  Les lions ! Les lions ! »
Tim, 9 ans, effrayé par deux chats harets
dans un fourré
«  L’hellion ! L’hellion ! »
Bjornmund le barbare, fonçant hache en
main sur une créature infernale sortie du
même fourré
Une longue punition
L’erreur commise par Blalock-Taussig en
baptisant « septentrionale » une porte
située au sud de la ville ridiculisait tout
le système royal-divin. La faute était
irrattrapable, le nom était consacré.
Pour éviter toute nouvelle erreur de ce
genre, le Roi-Dieu Coloquinte Ier (réputé
pour sa sévérité) fit exécuter et enterrer
sur place le malheureux architecte.
Tous ceux qui passent la porte piétinent
aujourd’hui sa pierre tombale.
Une légende bien
entretenue
Pourquoi l’échelle du Beurre est-elle
toujours aussi glissante, alors que
l’incendie à l’origine de sa réputation
remonte à plusieurs dizaines d’années ?
Plusieurs échoppes installées dans la rue
en profitent pour y déverser sans ver-
gogne leurs eaux grasses sous le couvert
de la nuit, ce qui leur évite de payer une
taxe supplémentaire. Et des établisse-
ments situés ailleurs dans la terrasse
n’hésitent pas à les imiter à l’occasion
(leurs apports restent négligeables à côté
de ceux des riverains, qui ne peuvent les
dénoncer sans attirer alors l’attention sur
leurs propres pratiques). Certains vont
jusqu’à y vider des fûts entiers de liquide
huileux et nauséabond… Certains jours,
il est pratiquement impossible de par-
courir l’échelle sans s’appuyer aux murs.
L’échelle du Beurre est ainsi l’une des
rues les plus propres de Laelith : au lieu
de s’y amonceler, les ordures glissent
naturellement jusqu’à la Faille.
88
un pèlerin devra se rendre en priorité sur le Les artisans de la Cité sainte œuvrent dans
plateau des Quatre Puissances, où se trouve un tous les domaines possibles, des armuriers aux
bâtiment à quatre entrées, entouré de monu- tisserands en passant par les bijoutiers et les
ments symbolisant les quatre Éléments : potiers. Parfois, leur activité ne s’interrompt
même pas la nuit, malgré les risques d’incendie
• un crâne en pierre haut de près de 2 mètres
liés aux feux utilisés : c’est ce qu’on appelle « le
– on raconte qu’il est malsain de l’examiner
de trop près (quelle est au juste la profon- travail au noir », qui est strictement réglemen-
té. Contrairement à ce que prétend Quiévine
deur de ses orbites ?) ;
d’Esprées, les forgerons ne sont pas autorisés
• une fontaine jaillissante dont l’eau rafraîchit
à travailler avec du feu la nuit. La dérogation
délicieusement (et inspire un profond désir
pour travail au noir ne s’étend qu’aux profes-
de servir les divinités aquatiques) ;
sionnels qui se lèvent plus tôt que les autres,
• un brasier toujours flamboyant – il n’ac- comme les boulangers, ou qui travaillent sur
cepte que l’or pour combustible, mais cela des substances nécessitant un chauffage pro-
porte chance de l’alimenter (les cultes du longé et qui ne doit pas être interrompu (hui-
Feu vous en sauront gré) ; liers, teinturiers, tanneurs, etc.).
• enfin, une structure cristalline d’où émane En remontant vers le nord, on arrive à
une brise parfumée (les divinités aériennes l’échelle Monte-en-ciel, de très mauvaise répu-
sont bien les meilleures, n’est-ce pas ?). tation car elle longe la terrasse du Châtiment.
C’est là que vivent et travaillent les artisans les
Dans le bâtiment central, les pèlerins sont
recensés en fonction de l’affinité de leur culte plus pauvres, tels que les fileurs, ou ceux dont
avec tel ou tel Élément. D’habitude, cela ne le voisinage est le moins apprécié, les tanneurs
pose guère de difficultés, mais il arrive que notamment. Plusieurs postes de garde et de
certaines divinités soient difficiles à classer ! nombreuses patrouilles surveillent les abords
du « quartier maudit ».
Beaucoup de nouveaux arrivants poursuivent
Non loin, on peut profiter de l’ombrage du
leur chemin jusqu’au Belvédère. De là, on do-
vieil arbre de Tulé, à l’entrée de « son » impasse.
mine la terrasse du Châtiment, mais surtout,
par beau temps, on découvre à ses pieds toute
la ville. Ce splendide panorama donne une im-
pression de puissance parfaitement fallacieuse
(la preuve : le Roi-Dieu n’y monte jamais).
Redescendant vers l’est, on passe entre le
secteur du Puy des âmes, zone d’essai de la
société de Pyrotechnie, et l’extrémité des jar-
dins du Dénuement. Ce qui était un immense
parc verdoyant est peu à peu devenu un bi-
donville. Ses habitants, les plus pauvres de la
cité, mènent une existence précaire. Ils n’ap-
prochent pas les étrangers, ou sont prêts à tout
pour quelques pièces. Mais ils ont leur digni-
té : ils ne veulent pas être confondus avec les
parias de la terrasse du Châtiment.
Les extrêmes se touchent : autour de la vaste
place des Sept Royaumes s’élèvent les palais abri-
tant les sièges des guildes de Laelith, et surtout
celui de la Haute Guilde, qui contrôle les acti-
vités commerciales de la cité. Nous reparlerons
de la Haute Guilde, mais le voyageur curieux
ne manquera pas de visiter les étals de la Belle
Ouvrage, au centre de la place. Cette exposi-
tion permanente des plus belles réalisations
des artisans laelithiens est d’un grand intérêt,
que vous soyez ou non un acheteur potentiel.
 Si l’on poursuit jusqu’à la Faille et qu’on longe l’Inlam
vers l’est, aux abords de l’échelle des Ateliers se trouvent les
Ateliers du souvenir, d’où sort chaque jour une abondance de
vraies-fausses reliques. Mais après tout, ne peut-on consi-
dérer que chacune des milliers de molaires de Mandala Ier
achetées chaque année par les pèlerins est, symboliquement,
une véritable dent du saint fondateur de Laelith ?
Tout près débouche la rue des Chariots, la seule voie qui
puisse être empruntée par les chariots entre les abords de la
porte de l’Ivresse enchanteresse et le pont qui conduit à la
terrasse de la Prospérité. Les embouteillages sont fréquents,
bien que la rue Haute et la rue Basse-des-chariots soient
chacune en sens unique.
Les voyageurs à pied auront intérêt à emprunter plutôt
l’échelle des Quatre Marchands pour passer de l’autre côté
de la Faille. Son nom remonte aux premiers négociants qui
firent la richesse de la ville ; on y trouve toujours les bou-
tiques les plus élégantes (et les plus chères) de la Main qui
travaille. Son extrémité sud-est est dominée par la Tête de
l’oiseau, du temple de l’Oiseau de feu. Lors des grandes céré-
monies organisées par ce Temple, l’échelle est encombrée
d’adorateurs du Feu qui n’ont pu trouver place dans le bâ-
timent, car on entend fort bien de là les sermons du grand
prêtre, le saint brasier.
En continuant un peu le long de l’Inlam, on découvre le
palais de l’Eau lustrale, sans doute les plus beaux bains pu-
blics de la ville, qui méritent un long moment de détente…
et une description détaillée.
Si au contraire on redescend vers la muraille de la ville,
on découvre la porte de l’Immense Solitude septentrionale. Les
gardes qui y sont en faction, souvent à la suite d’une puni-
tion, sont en général de fort mauvaise humeur. En effet, les
voyageurs arrivant par cette porte sont tous suspects, au mi-
nimum d’avoir attrapé dans les marais de la route du sud une
maladie des plus atroces. C’est pourquoi ceux qu’on laisse
entrer par là doivent être conduits au Lazaret – encore une
corvée pour les gardes !
Le principal intérêt de cette porte est en fait de permettre
d’accéder au monastère de l’Ultime Flamboyance et à la vallée
de Cendres, site des cérémonies funéraires des fidèles des
cultes du Feu. Ces cérémonies, qui comprennent toutes une
crémation, sont assurées par les moines.
Le travail minutieux de cette peintre de masques est l’une des activités les
plus extraordinaires que l’on puisse admirer dans les ateliers de la Main
qui travaille.
La Main qui travaille 89
 Un lieu
Laissez-passer ?
Attention ! La validité des laissez-passer
délivrés aux voyageurs qui quittent
Laelith et désirent y revenir est limitée
dans le temps. De plus, sur certains, un
signe secret indique aux gardes que le
titulaire doit faire l’objet d’attentions
spéciales. Il vaut mieux ne pas être
invité à visiter les sous-sols du poste de
garde du Lazaret.
Effets secondaires
« Un prêtre en robe bleu foncé s’avança
au milieu de ses cadets respectueux. Il
examina l’un de mes compagnons de
voyage, un jeune homme aux traits fins,
mais d’une pâleur et d’une maigreur
inquiétantes. “C’est évidemment
une maladie de Ségur et Chevalier”,
affirma-t-il, soulevant des murmures
admiratifs. Penché sur le patient, il
entonna une brève invocation. Le
corps du jeune homme fut secoué d’un
spasme. Un bref instant, des couleurs
normales revinrent à ses joues et il se
redressa, avant de retomber en arrière,
raide mort. “Vous noterez l’efficacité de
l’Induction vitale, commenta le prêtre.
Ce malade a été guéri. Dommage qu’il
n’ait pas résisté à la puissance du sort”
ajouta-t-il avant de repartir, entraînant
dans son sillage diacres et novices
surexcités. »
H.-R. de Castelluisant, op. cit.
90
Le Lazaret
Un établissement exemplaire
Sitôt passée la porte de l’Ivresse enchanteresse,
les arrivants sont introduits dans les locaux de
la garde, où ils sont interrogés par des admi-
nistratifs : nom, origine, but du voyage… Les
citoyens laelithiens et les voyageurs disposant
d’un laissez-passer remis lors d’un précédent
séjour sont admis en priorité.
« La réputation de l’administration
royale-divine n’est pas surfaite. Il ne
fallut que quelques minutes pour que le
fonctionnaire qui m’interrogeait se fasse
apporter un épais et poussiéreux registre.
“Hildefons de Castelluisant  ? Mais
dites-moi, ce n’est pas votre première vi-
site ! Et… En trente ans, vous n’avez pas
beaucoup vieilli !” me dit-il en fronçant
un sourcil soupçonneux. Je m’expliquai :
“Hildefons était mon père, Messire ! Je
suis son fils, Hildefons-René. Je vous fé-
licite pour la tenue exemplaire de vos ar-
chives !” Il me lança un coup d’œil mé-
fiant, mais m’autorisa à passer. »
H.-R. de Castelluisant, op. cit.
Le Lazaret comprend quatre pavillons ar-
rangés en carré. Les arrivants sont répartis
entre les quatre pavillons, mais tous suivront
un circuit complet.
Le pavillon de l’Air est monté sur pilotis.
Les examens ont lieu au premier étage. Là, des
prêtres vêtus de blanc lancent sur les patients
des sorts d’invisibilité partielle : seuls les mus-
cles et la peau deviennent transparents, révé-
lant les organes internes. On dit même que
certains sorts peuvent révéler d’autres secrets,
enfouis dans le cerveau des sujets examinés…
Quoi qu’il en soit, si besoin, des dessinateurs
maniant le crayon avec une extraordinaire
rapidité reproduisent les images avant que le
sort ne se dissipe.
« Bizarrement, les prêtres de l’Air se
désintéressent ensuite du sort des patients,
qu’ils laissent aux soins des autres pavil-
lons. Il semble qu’ils préfèrent une belle
image d’une maladie à sa guérison ! »
(H.-R. de C.)
Au-dessus de l’étage des examens s’élève une
structure cristalline n’offrant aucune protec-
tion contre les intempéries. Cet étage n’est uti-
lisé que pour l’héliothérapie par beau temps,
l’hydrothérapie quand il pleut et la cryothéra-
pie quand il gèle.
Les pavillons de l’Eau et du Feu, similaires,
sont l'un à côté de l'autre. Les salles d’examen
et de soins sont situées au rez-de-chaussée.
« Dans le pavillon du Poisson d’argent,
nous fûmes accueillis par des religieux vê-
tus de robes bleues. Leur statut peut se de-
viner à la nuance du bleu : plus elle est sou-
tenue, plus le grade est élevé. Il fallut nous
dévêtir à peu près entièrement (chaque
pavillon est divisé en deux parties, une pour
chaque sexe) avant d’être examinés par de
jeunes novices en bleu clair. Ceux-ci nous
examinèrent sous toutes les coutures, tout
en nous posant les questions les plus in-
discrètes – demandant par exemple notre
signe astrologique et même son ascendant !
De temps en temps, un novice conduisait
son patient vers un diacre en bleu moyen,
quêtant un conseil. »
H.-R. de C.
Les pavillons disposent d’une salle d’exa-
men distincte pour les Laelithiens malades,
trop pauvres pour consulter un médecin de
ville ou souffrant d’une maladie particulière-
ment mystérieuse. La consultation et les soins
sont gratuits, moyennant versement d’un don
baptisé « cotisation » aux œuvres des religions
intéressées.
Les pavillons de l’Eau et du Feu possèdent
aussi un étage, où les malades dont l’état né-
cessite un traitement prolongé sont logés dans
de vastes salles communes garnies d’impres-
sionnantes rangées de lits. Ces couches sont
simples mais propres, draps et paillasse sont
changés chaque semaine. Soins de toilette et
repas sont assurés par des matrones qualifiées.
La nourriture doit être bonne, de même qua-
lité que celle servie aux prêtres, et adaptée à
l’état du patient. Il est interdit de refuser l’hos-
pitalisation à un malade, mais tous les admis

doivent signer un testament instituant le pa-
villon comme leur légataire universel.
« Quand j’eus satisfait à la curiosité des
pavillons de l’Air et de l’Eau, la journée
s’achevait. Nous fûmes invités à passer la
nuit, selon les cas, à l’étage d’hospitalisa-
tion des pavillons de l’Eau et du Feu, ou
dans un bâtiment annexe. Je pensais qu’à
la nuit, nous recevrions la visite de la police
du Roi-Dieu, mais celle-ci ne se montra
point. À moins que… Il me semble bien
que nous fûmes un peu moins nombreux à
nous réveiller le matin que nous ne nous
étions endormis la veille… »
H.-R. de C.
Les fouineurs chargés d’éliminer les indési-
rables qui auraient franchi le filtre du poste de
garde opèrent en général la nuit, pour ne pas
Dans la grande salle de sélection des arrivants, un prêtre de chaque Temple oriente des patients vers son
pavillon. La garde du Lazaret intervient parfois jusque dans cette salle pour arrêter les indésirables.
inquiéter les honnêtes voyageurs. C’est pour- Hiérarchie
quoi la nourriture servie le soir est légèrement Chaque pavillon du Lazaret est dirigé
somnifère. Sur les indications des prêtres du par un prêtre qui porte un titre spéci-
Lazaret (ou d’autres personnes), les fouineurs fique, mais qui a aussi rang d’assesseur
peuvent tranquillement séparer le bon grain dans la hiérarchie de son Élément. Sous
de l’ivraie. Ce que deviennent les individus
ses ordres travaillent de simples prêtres,
ainsi mis à l’écart sort du cadre de cette étude.
des diacres et des novices.
Les autres assesseurs affectent de
« Au matin du second jour, les prêtres considérer le Lazaret comme une sorte
de l’Air et de l’Eau m’ayant jugé en bonne d’impasse, mais les intéressés n’estiment
santé, je fus dirigé vers le pavillon du Feu. nullement que leur poste leur interdit
En dehors de la couleur des robes, ce pa- de devenir grand prêtre.
villon ressemble beaucoup à celui de l’Eau,
mais ses prêtres ne s’intéressent qu’aux
blessures, plaies et fractures et aux mala-
dies pouvant être soignées par l’ouverture
du corps et la destruction (en général par le
feu) de certains tissus. De plus, c’est dans
ce pavillon que des prêtresses spécialisées
prennent en charge les femmes enceintes.
La Main qui travaille 91
 Le Centre hospitalier
animalier du Lazaret
Les voyageurs arrivent souvent à
Laelith accompagnés de montures,
bêtes de bât ou de trait, chiens, rapaces,
ours dansants et autres animaux plus
exotiques. Pendant que leurs maîtres
séjournent au Lazaret, ils sont confinés
dans les écuries situées à l’angle est de
l’établissement. Là, ils sont nourris,
observés et, si leur état le nécessite,
bénéficient de soins.
Écuries est un terme trompeur : on
parle couramment de Ménagerie,
vu la diversité des créatures qu’on y
rencontre. Mais le nom officiel est
Centre hospitalier animalier du Lazaret
(CHAL).
Le mareschal est à Laelith celui qui
soigne les bêtes. Par similitude avec
le nom de l’institution, le terme a
été tronqué en chal (pluriel : chaux)
pour désigner les soignants de la
Ménagerie. Créé par le Roi-Dieu il y
a plusieurs siècles, après une épizootie
de lithopneumonie ayant décimé les
ookhabs, le corps des chaux doit éviter
la dissémination par des animaux en-
trant en ville de maladies contagieuses,
pour les bêtes ou les gens.
Comme les soignants du Lazaret (qui les
tiennent souvent en piètre estime et pré-
fèrent l’époque où ils n’officiaient qu’au
caravansérail de la Piste dorée), les chaux
sont des religieux. Venant des quatre
Temples, ils sont placés sous l’autorité du
grand chal, souvent issu du Crâne.
Dolfren Misti, grand chal depuis dix
ans, aspire à devenir mareschal per-
sonnel du Roi-Dieu. Il a déjà été appelé
plusieurs fois auprès des varans sacrés
et pense qu’on lui proposera le poste dès
qu’il sera vacant. Son adjointe Regile
devrait lui succéder… sauf si elle quitte
Laelith pour reprendre une vie d’aven-
tures qui commence à lui manquer.
Les soins donnés à la Ménagerie sont
payants, mais des chaux compatissants
en prodiguent parfois gratuitement.
Caravaniers et conducteurs d’ookhabs
ont souvent un contrat avec le CHAL
pour que leurs bêtes reçoivent après
chaque ascension les soins nécessaires,
avec une attention particulière portée
aux pattes, au dos et aux plaies de
harnachement.
92
Tout comme du temps de mon père, les
prêtres du Poisson d’argent, adeptes des in-
cantations, des philtres et autres décoctions,
traitent volontiers ceux de l’Oiseau de feu de
“brutes épaisses rouges”. À quoi ces der-
niers répondent en les qualifiant de “grosses
têtes bleues”. Il est vrai qu’ils se retrouvent
dans un commun mépris pour les gens du
Crâne, baptisés “démons noirs” (ou, plus
familièrement, “dingues en noir”). »
H.-R. de C.
Le pavillon du Crâne est semblable aux
deux précédents, mais c’est parce qu’au lieu
d’un premier étage, il possède un sous-sol qui
a les mêmes fonctions d’hospitalisation. Par
ailleurs, toutes les fenêtres du rez-de-chaus-
sée sont dotées de barreaux. Pour éviter, pa-
raît-il, les suicides par défenestration… Au
rez-de-chaussée ?
« Les religieux du Crâne sont de noir vê-
tus et se contentent apparemment d’écouter
parler les voyageurs. Comme mes compa-
gnons, je dus m’allonger sur une couche.
Un prêtre se pencha sur moi et m’hyp-
notisa d’un geste cabalistique. Ainsi, je
ne pouvais que répondre sincèrement à
ces questions. Cette hypnose diagnostique
ne se prolongea heureusement pas trop.
Incapables de supporter une descente
prolongée au plus profond de nos âmes, les
religieux se contentent de dépister les ma-
ladies mentales les plus préoccupantes – et
d’abord la théobasilophobie, la plus grave
de toutes. Hélas, ils ne peuvent pas grand-
chose, semble-t-il, pour identifier les
germes d’autres maladies : faillite, salfaye
ou sombre langueur notamment, car ce sont
des spécialités locales – c’est dans la Ville
sainte qu’on les contracte ! »
H.-R. de C.
Mentionnons ici l’existence, dans les jardins
du Dénuement, d’un ossuaire commun aux
quatre pavillons. Après une brève et syncré-
tique cérémonie, le cadavre est déposé dans
un charnier. Afin d’éviter les risques de conta-
mination en cas de maladie éventuelle et pour
ne pas attirer les charognards, ce charnier est
quotidiennement arrosé à la chaux. Il joue son
rôle dans la mauvaise réputation des jardins
du Dénuement : en effet, selon les spécia-
listes, il héberge plus de spectres par rapport
à sa « population » que tout autre cimetière du
monde connu.
Un état-major d’élite
Le fulgurateur Thermonax est le supérieur
des religieux du pavillon du Feu et l’un des
cinq foyers d’adoration (ou assesseurs) de l’Oi-
seau de feu.
De haute taille, portant avec élégance la robe
écarlate de son rang, son profil autoritaire en
lame de couteau inspire à tous ses subordon-
nés une crainte révérencielle, mêlée d’admira-
tion pour ses qualités professionnelles. Il est
en effet d’une habileté inégalée pour tous les
sorts de feu pratiqués à Laelith (et peut-être
ailleurs). Il est notamment passé maître dans
l’utilisation du Doigt de flamme, un sort qui
prolonge l’index par une flamme très courte
mais très intense, permettant de pratiquer une
chirurgie presque sans effusion de sang. Sa
parfaite connaissance de l’anatomie lui per-
mettrait même de brûler un organe donné au
sein du corps d’une personne sans toucher aux
tissus voisins.
De plus, ceux qui penseraient qu’il n’est
habile qu’avec un bistouri de flamme feraient
bien de se méfier quand il pose la main sur un
instrument tranchant plus matériel.
Sous des dehors rugueux – la politesse n’est
pas sa qualité première – il cache un esprit
d’une grande acuité.
Il semble en marge des conflits internes
qui divisent souvent les quatre autres asses-
seurs des cultes du Feu. Cependant, il a fait
preuve d’opportunisme en soutenant l’ascen-
sion du nouveau grand prêtre de l’Oiseau de
feu, Servadax, lors du décès d’Anemates, il y a
quelques années. Beaucoup d’observateurs es-
timent qu’à 50 ans à peine, il peut d’ores et déjà
espérer être le prochain grand prêtre.
Sa seule faiblesse – si l’on peut dire – est sa
jeune compagne, Béryline. Il s’agit d’une no-
vice que le hasard de sa formation a conduite à
entrer au Lazaret il y a deux ans à peine. Très
vite, sa beauté et sa vive intelligence l’ont fait
remarquer du fulgurateur, qui n’a pas tardé à
en faire sa concubine officielle. Elle partage
à présent ses appartements – Thermonax est
logé à l’étage d’une dépendance du pavillon du
Feu. De son propre aveu, son seul regret est de
ne pas avoir assez de temps à consacrer à la
jeune femme – ce qui surprend d’autant plus
ses collaborateurs qu’il n’avait jusque-là guère
montré d’intérêt pour le sexe opposé (ni pour
le sien d’ailleurs).
 Le prosecteur Ruborax, le principal assis-
tant de Thermonax, se présente comme son
exact contraire. Petit, rondouillard, il est ai-
mable avec tous ses patients et volontiers cor-
dial avec ses subordonnés. Thermonax lui ac-
corde toute sa confiance, au moins sur le plan
professionnel. Ruborax n’a pas pris ombrage
de l’arrivée de Béryline. En effet, celle-ci a in-
terrompu sa formation et ne risque pas de de-
venir une menace pour son poste. Selon toutes
apparences, les meilleures relations règnent
donc dans l’équipe du pavillon du Feu.
Au sein du Lazaret, Thermonax est sou-
vent en conflit avec les supérieurs des trois
autres sections et notamment avec la curatrice
Cryptonia, qui dirige le pavillon du Poisson
d’argent. Ce conflit dépasse l’inimitié tradi-
tionnelle entre le Feu et l’Eau, et toutes les
occasions sont bonnes pour le ranimer (attri-
bution de crédits d’entretien, choix du meil-
leur traitement pour un cas difficile…). La
curatrice, que Thermonax traite volontiers
d’herboriste parce qu’elle a une connaissance Des chaux sont aussi affectés
encyclopédique des plantes et de leurs effets aux écuries au nord de la
thérapeutiques (ou autres), a à peu près le ville. D’autres officient aux abattoirs, où
même âge que lui. D’aucuns soupçonnent que ils s’assurent de la salubrité des viandes.
Leurs confrères du Lazaret leur dénient
l’hostilité entre les deux religieux remonte à
parfois le titre de chaux et insistent
leur prime jeunesse et à une histoire de cœur…
pour les appeler mareschaux.
Le pavillon du Nuage est dirigé par le scintil-
lateur Rœntgen. Il s’agit d’un eunuque, amateur
de bonne chère… mais aussi de « beaux cas »
pathologiques. Il fait mine de se désintéresser
des disputes entre Thermonax et Cryptonia,
mais il compte les coups avec attention.
Enfin, l’analyste Mélantos dirige le pavillon
du Crâne, d’où il sort rarement. Son sexe est
incertain – d’aucuns prétendent même qu’il
n’est pas sûr qu’il soit vivant (au sens habituel
du terme, du moins). Son appartenance au
Triage
Crâne le fait redouter par une grande partie du
« La Ménagerie, c’est là-bas !
personnel. Mais les autres prêtres de haut rang
– Tu m’cherches, sans-cornes ? »
savent qu’il est jaloux de son indépendance, ce
qui veut dire qu’en cas de problème il préfére- Un novice oriente le minotaure
ra résoudre l’affaire au sein du Lazaret. Minastir à son arrivée au Lazaret
La Main qui travaille 93
 Un lieu
Lobbying pour un pont
Dans le projet initial, le pont Nin Ier
devait relier, en prenant appui sur les
gros îlots de l’Inlam, l’échelle du Beurre
et l’échelle Ravine, pour permettre le
développement de cette dernière. S’il
a finalement été décidé de l’édifier à la
jonction des terrasses de la Chaussée
du lac, de la Main qui travaille et de la
Prospérité, c’est à cause des pressions
exercées par Revemat Pacha, qui a fait
jouer sa fortune et ses relations.
Revemat Pacha est bien connu dans
Laelith pour sa voix de stentor. Il ne
parle pas : il vocifère. C’est impres-
sionnant qu’un homme à la stature
si banale puisse avoir une voix aussi
puissante. Arrivé adolescent à Laelith
avec une caravane de pèlerins, il a
commencé sa carrière comme grouillot,
courant à travers la Cité sainte pour
divers marchands, avant de se mettre à
son compte et de devenir l’un des plus
gros importateurs de la ville.
Malheureusement pour lui, l’empla-
cement de son entrepôt n’était pas
idéal… Mais les choses ont changé
avec l’édification du nouveau pont, qui
débouche juste à côté ! Revemat pourra
désormais faire face plus efficacement à
ses concurrents implantés sur les grands
axes de la Chaussée du lac et de la Main
qui travaille. Il commence même à
envisager sérieusement de briguer un
poste de secrétaire au sein de la Haute
Guilde.
Un investissement
intéressant
Le lent naufrage du palais peut se
prolonger pendant des décennies, mais
ce n’est pas l’option la plus intéressante.
Il peut aussi s’accélérer ou s’inverser,
qui sait… Après tout, pourquoi des
aventuriers n’investiraient-ils pas leurs
gains dans une maison de bains ?
94
Le palais
de l’Eau lustrale
Une maison de bains
« Le palais », comme on l’appelle dans le
quartier, est une institution de Laelith, la plus
fameuse de ses innombrables maisons de
bains.
Les habitués murmurent qu’il a connu des
jours meilleurs. Les mosaïques qui ornent ses
vastes salles n’ont rien perdu de leur beauté,
son dôme imité de celui du temple du Poisson
d’argent est toujours l’une des merveilles de
la terrasse, les clients restent nombreux…
mais il flotte sur tout cela une ambiance un
peu morne, un parfum de routine et d’échec.
Les rhumatisants vont de plus en plus sou-
vent prier directement au temple du Poisson
d’argent, car la source miraculeuse qui était la
grande attraction du palais autrefois ne coule
plus qu’irrégulièrement. Il arrive que certaines
salles soient fermées pendant quelques jours,
le temps de résoudre de fâcheuses pénuries
– le système d’hypocauste qui fait circuler de
l’air chaud sous le plancher est très gourmand
en bois, et les fournisseurs ne font plus crédit.
Les bains sont ouverts en alternance aux
hommes (les jours pairs) et aux femmes (les
jours impairs). Les tarifs sont raisonnables si
vous vous contentez de faire trempette dans les
piscines d’eau froide ou tiède, mais s’envolent
si vous avez recours aux services annexes, qui
vont des étuves aux massages en passant par un
gymnase, une bibliothèque, un service de res-
tauration ou des soins de beauté. Les baigneurs
qui ont le temps et les moyens y passent volon-
tiers des après-midi entières, discutant affaires
dans les nombreux petits salons tranquilles des
étages. Des fortunes s’y font ou s’y défont, des
aventuriers y trouvent de lucratifs contrats…
Le personnel, moins abondant qu’autre-
fois, est aussi plus polyvalent. Vernan Freccen,
l’ancien directeur, voulait des spécialistes
et les payait en conséquence, des masseurs
aux marmitons. Hélas, Freccen n’est plus aux
commandes depuis presque dix ans. L’actuel
directeur, Esels Garthek, estime qu’un « petit
bon à rien » peut couper les cheveux des clients
un jour et éplucher des légumes le lendemain.
Les résultats ne sont pas à la hauteur, mais
Garthek n’en a cure.
Comme tous les établissements de bains,
le palais appartient au temple du Poisson
d’argent. Autrefois, sa gestion était confiée
à un directeur désigné par des investisseurs
privés. Les temps ont changé, les investisseurs
sont partis, et désormais le Temple nomme di-
rectement le directeur. Avec Garthek, les reli-
gieux n’ont pas eu la main heureuse.
Le directeur
La trentaine souriante, visage rond, cheveux
noirs et collier de barbe, vêtu de tuniques élé-
gantes mais sans ostentation, Esels Garthek
parle d’une voix tranquille. Il possède une
compétence et une seule, l’art de rassurer ses
interlocuteurs. Qu’il discute avec un client
mécontent, un employé frustré ou un prêtre
du Poisson d’argent préoccupé par les « coûts
excessifs » du fonctionnement du palais, il sait
promettre : des mesures, une enquête ou des
changements. Ensuite, il se limite au strict mi-
nimum nécessaire pour préserver sa position.
Neveu d’un religieux haut placé, il dispose
de solides appuis au Temple, qui le rendent
presque indéboulonnable.
Apparemment sympathique, Garthek est en
réalité d’un égoïsme profond et n’hésite pas à
sacrifier ceux qui lui font de l’ombre… surtout
quand ils sont plus compétents que lui. Pour
le palais, le résultat est une chute vers la mé-
diocrité, accélérée par la baisse constante des
budgets. Il ne détourne pas de fonds, cepen-
dant, car être malhonnête représenterait un
effort dont il est incapable.
Ses employés se divisent en trois groupes :
ceux qui croient encore en ses promesses,
ceux qui ont constaté ce qu’elles valaient, et
ceux qui sont sur sa liste noire. Les premiers
l’adorent, les seconds le détestent et rêvent de
le faire limoger, sans savoir comment faire.
Quant aux derniers, ils sont pour la plupart
sur le départ, mais certains ont opté pour la
résistance passive.
Le personnel
• Vernan Freccen. L’ancien directeur, débar-
qué voici presque dix ans, reste un client ré-
gulier. Il tutoie encore une bonne partie du
personnel, qui est aux petits soins pour son
ex-patron. Freccen enregistre avec chagrin
chaque économie de bouts de chandelle et
rencontre parfois les membres du consor-
tium qui exploitait naguère le palais, dans
l’espoir de les persuader de fonder de nou-
veaux thermes, encore plus grandioses.
• Anthen Anatenn. Riche marchand et inter-
locuteur privilégié de Freccen, il est presque
convaincu par les arguments de l’ancien
directeur, mais bloque toujours sur « les
investissements à réaliser, qui seraient gi-gan-
tes-ques, mon pauvre ami ». Anatenn est un
bon vivant, et même s’il déplore la baisse de
qualité du restaurant, cela ne suffira pas à le
faire changer d’avis – il y a plein d’autres en-
droits où bien manger sur la terrasse.
• Ilten Udort. Un peu moins riche et nette-
ment plus jeune qu’Anatenn, maître Udort
représente la garde montante… Lui et ses
associés seraient prêts à faire affaire avec
Freccen, si ce dernier pouvait garantir que
le Temple du Poisson d’argent limiterait son
intervention au minimum.
• Dionna Délices. Responsable des cuisines Horgar et Anniella
du palais, qui peuvent aussi bien fournir un Représentants du Temple du Poisson
en-cas à déguster sur le pouce qu’un ban- d’argent, ils veillent au respect des
quet de douze services, dame Dionna est horaires et des bonnes mœurs (surtout
une grande cuisinière, qui souffre des res- chez les masseurs et masseuses) et s’as-
trictions budgétaires imposées par Garthek surent que le personnel est bien traité.
Horgar est un brave homme qui tient
et des limites imposées à sa passion des
à sa tranquillité, il est toujours d’accord
expériences. Ainsi, le système de chauffage
avec tout le monde. Anniella a plus
des piscines permet de disposer d’une abon-
dance de vapeur brûlante, qu’elle préfère
d’étoffe, mais elle est bridée par son ami
et collègue.
pour cuisiner aux feux traditionnels. Hélas,
le public ne suit pas.
Les précieuses horloges de la maison
• Dakhur. Ce colosse chauve et couturé de ci-
Fugit-Necat sont renommées pour leur
catrices dirige l’équipe de masseurs qui est précision – non pour leur solidité.
de service les jours pairs (pour les hommes,
donc – les masseuses sont gérées par Andra
Longues-Mains). Il y a deux mois, Dakhur a
publiquement contredit Garthek. Le direc-
teur s’est incliné en souriant, l’a complimen-
té pour ses excellentes idées… et depuis, il
guette une occasion de le renvoyer. Le mas-
seur ne se doute de rien.
La Main qui travaille 95
 Une organisation

La Haute Guilde
Pèlerins et visiteurs participent à la santé
économique de la Cité sainte en alimentant
une activité commerciale intense qui repose
sur le travail de nombreux marchands et ar-
tisans. Ce travail est aujourd’hui rigoureu-
sement contrôlé par une institution clef : la
Haute Guilde.
Import, export : une
n’est pas sans risque. En effet, les règlements
commerciaux en vigueur sont nombreux, obs-
curs, parfois négligés… et souvent absurdes,
si l’on oublie qu’il s’agit d’une ville sainte et
que le blasphème y est logiquement le crime
suprême ! C’est pourquoi le commerçant ne
respectant pas les conseils avisés de la Haute
Guilde s’expose à de lourdes amendes ou à une
confiscation de sa marchandise, par exemple
pour cause de non-conformité à une prescrip-

institution toute-puissante tion religieuse – non-conformité qui serait

passée inaperçue si les tarifs recommandés
L’équipe de direction Lorsqu’un marchand itinérant arrive à avaient été respectés.
– Aënor la Rigoureuse, trésorière. Laelith, il doit déclarer à la Haute Guilde les En sens inverse, les négociants qui sou-
Cette grande blonde aux yeux bleus marchandises qu’il compte vendre en ville. haitent exporter des marchandises fabriquées
a fait une carrière éblouissante dans La qualité de ses produits est alors estimée à Laelith peuvent bénéficier d’une assurance
les meilleures… maisons spécialisées par des experts et des prix « recommandés » proposée par la Haute Guilde. En échange
de Laelith. Au bout d’une dizaine lui sont communiqués. Il n’est pas obligé de d’un dixième de leur prix, ces marchandises
d’années, elle est passée de pensionnaire
suivre cette recommandation, mais un écart seront assurées contre les vols et dépréda-
à directrice, poste où elle a acquis une
trop important, dans un sens ou dans l’autre, tions sur le territoire de la Cité sainte et des
grande compétence en comptabilité.
Sa nomination par Ergalth n’a fait
protester que des hypocrites (même
s’il est exact que le grand maître l’a
connue à ses débuts professionnels).
Elle n’a pas volé son surnom et, avec
elle, les finances de la Haute Guilde
(donc du Palais) sont en bonnes mains.
À cinquante ans, elle a conservé une
grande élégance, même si elle n’a plus la
beauté qui lui avait valu le surnom de sa
jeunesse : Aënor l’Ensorceleuse. Encore
que d’aucuns prétendent qu’elle ne le
devait pas seulement à sa beauté, mais à
son… savoir-faire.
– Jouve d’Illon, chef archiviste. Le visage
de ce petit homme gris est dépourvu
de tout trait distinctif ; bien malin qui
pourrait le reconnaître dans la rue.
À vrai dire, on ne risque guère de l’y
croiser, car il passe à peu près tout son
temps aux Archives. Comme Bofal, son
regretté prédécesseur, c’est un maniaque
de l’ordre, d’une fidélité sans faille à la
Haute Guilde.
– Brad le Fort, chef de la Milice. C’est
un costaud, pas de doute. Mais ce
n’est guère plus. On dit que c’est pour
cela qu’Ergalth l’a choisi : en réalité, le Brad le Fort, chef de la
grand maître prend toutes les décisions Milice de la Haute Guilde, n’a
importantes. pas volé son surnom.

96
Hors-ville. L’efficacité de cette assurance est parfaite – on n’a Au quotidien, le grand maître est le véritable ministre de
jamais entendu parler d’une caravane assurée qui aurait été l’Économie et des Finances de Laelith. À ce titre, il participe
attaquée ; en revanche, la probabilité qu’une caravane non à la plupart des réunions politiques du Conseil restreint, et
assurée soit pillée confine à la certitude. l’usage lui a conféré le droit de vote dans les décisions col-
Le pouvoir de la Haute Guilde s’exerce sur l’ensemble des légiales ayant un aspect financier (c’est-à-dire la plupart !).
guildes de Laelith. Chaque semaine, les trésoriers des guildes Il n’a de comptes à rendre sur sa gestion qu’au Roi-Dieu en
d’artisans et de commerçants se réunissent au siège, devant le personne… ou au Conseil restreint lorsque le Roi-Dieu est
grand maître et les secrétaires de la Haute Guilde, pour ex- faible (ou affaibli par l’âge ou la maladie, comme Teaphanerys
poser l’état des affaires de leur profession, détailler les profits XIV à la fin de son règne).
réalisés, présenter leurs éventuelles doléances, prendre note Enfin, le grand maître ne joue aucun rôle dans l’élection
des fourchettes de tarifs à respecter pour la semaine sui- d’un nouveau Roi-Dieu… Du moins en principe. En fait,
vante… Et surtout pour verser au chef comptable de la Haute lorsque le Conseil restreint est divisé, deux contre deux, son
Guilde les taxes… euh, les cotisations, dont le montant a été appui à l’un des deux camps est décisif.
décidé la semaine précédente, tout en prenant note du mon-
tant des ta… des cotisations à verser la semaine suivante.
Pour faire respecter ses décisions, à l’égard d’un commer-
Le siège de la Haute Guilde :
çant ou de toute une guilde, la Haute Guilde peut compter
sur l’appui de l’administration royale-divine. Certains ma-
au cœur du pouvoir
Imposant bâtiment de marbre et de porphyre, le siège de
gasins ont été fermés du jour au lendemain et des dirigeants
la Haute Guilde se dresse sur la place des Sept Royaumes. Il
de corporation jetés en prison (ou pire). Mais il y a fort long-
n’a guère changé depuis sa construction, il y a plus de deux
temps que pareille coercition n’a été nécessaire.
siècles. Toutes les fenêtres sont munies de barreaux et les
portes non blindées sont en chêne renforcé de ferrures.
Comptables et religieux :
un mariage de raison
Au début, la Haute Guilde n’était qu’une banale guilde de
comptables et changeurs, mais avec le temps et le concours
des autorités religieuses, elle a acquis une position prépon-
Aënor la Rigoureuse (ci-devant Aënor
dérante. Le partenariat avec les quatre Temples est mutuel- l’Ensorceleuse) a la haute main sur les
lement profitable. Il permet au clergé de ne pas se soucier finances de la Haute Guilde.
de l’aspect profane du fonctionnement de la ville, tout en
disposant d’une source de revenus à la fois abondante et
fiable. Rien d’étonnant si les rapports entre la direction de
la Haute Guilde et le sommet du pouvoir théocratique sont
plus qu’étroits – intimes.
En réalité, la Haute Guilde ne compte aujourd’hui que
dix-sept personnes, si l’on ne tient pas compte des gardes et
personnels subalternes (sous-secrétaires, aides-archivistes,
aides-comptables notamment) : le grand maître, dix secré-
taires, trois archivistes et trois comptables. Les secrétaires
sont élus pour un an par les grands maîtres des guildes, qui
sont tout à la fois électeurs et candidats ; ils sont rééligibles.
Le grand maître de la Haute Guilde est nommé par le Roi-
Dieu « selon son bon plaisir » parmi les secrétaires ; il est ré-
voqué de la même façon – dans les deux cas, « après avis » du
Conseil restreint du Roi-Dieu (le conseil des quatre grands
prêtres). En pratique, selon les personnalités, la décision du
Roi-Dieu s’impose au Conseil… ou le Roi-Dieu suit docile-
ment l’avis du Conseil. Actuellement, Nin Ier, en place depuis
un an, impose ses volontés.
C’est le grand maître qui nomme et révoque les trois ar-
chivistes et les trois comptables.

La Main qui travaille 97

 L’Ouvroir royal-divin
et l’architecte Brignet
d’Harmond
S’il incombe à chacun de prendre soin
de sa maison ou de son atelier, tous
les travaux sur la voirie, les murailles
et grandes portes, les espaces verts, les
ponts, les murs de soutènement, les
quais et pontons, les puits et fontaines,
les bâtiments publics et même les égouts
(en partie…), qu’il s’agisse de l’entretien
courant ou de travaux exceptionnels,
sont assurés par l’Ouvroir royal-divin, un
bataillon d’ouvriers placé sous l’autorité
des surintendances locales. Très sollicité
avec la politique de grands travaux du
nouveau Roi-Dieu (raison supplémentaire
de geindre pour Aloysius Cernominal,
administrateur général des surinten-
dances), ses effectifs et son budget ont
été fortement accrus, de même que
la superficie de ses ateliers, entrepôts
et pépinières, implantés à l’extrémité
sud-est des jardins du Dénuement. Cette
situation a été étudiée d’une part pour
faciliter l’approvisionnement en matières
premières entrant par la porte de l’Ivresse
enchanteresse (pierres de taille, argile,
ardoises, poutres, etc.), d’autre part pour
disposer d’un terrain où faire pousser di-
verses plantes, ornementales notamment.
C’est bien entendu l’Ouvroir royal-di-
vin qui a été chargé de la construction
du pont Nin Ier, sous la direction du
fameux Brignet d’Harmond.
Ne vous y trompez pas : sous une allure
terne, Jouve d’Ilon, chef archiviste, est
l’un des personnages clés de la Haute
Guilde.
98
• La conciergerie. Les personnes ne connais-
sant pas le fonctionnement de l’institution
peuvent demander au préposé tous les ren-
seignements nécessaires. Les visiteurs ar-
més doivent déposer ici leurs armes, dans
un coffre spécial, en échange d’un reçu.
• Le poste de garde. Il abrite cinq miliciens
le jour, trois la nuit. La garde de la Haute
Guilde est en effet officiellement dénom-
mée la Milice. Elle compte une cinquan-
taine d’hommes, dont au moins une ving-
taine sont en permanence de service et
patrouillent dans les locaux (ils disposent
sur place d’un dortoir). Le chef de la Milice
est logé au siège même de la Haute Guilde,
au premier étage. C’est dans les rangs de
cette petite armée privée que sont recrutés
les six gardes du corps du grand maître.
• La cour et l’entrepôt. C’est là que les experts
examinent les marchandises déposées par
les importateurs. En cas de pluie, il faut es-
pérer qu’il y aura assez de place dans l’entre-
pôt pour abriter tous les biens n’aimant pas
être arrosés… Il arrive que des objets mis en
gage pour obtenir un prêt soient également
stockés ici.
• La réception. Un sous-secrétaire y est de
faction aux heures d’ouverture des bureaux.
Il accueille les personnes désirant obtenir un
rendez-vous avec l’un des responsables de
la Haute Guilde (secrétaires, comptables…
pour le grand maître, prière de prévoir un
très long délai). Selon une amusante tradi-
tion bureaucratique, le bureau du sous-se-
crétaire est installé sur une estrade et il n’y a
pas de siège pour les visiteurs.
• La grande salle de réunion. Les murs de
cette vaste pièce sont couverts de tableaux
où figurent les tarifs « recommandés » de
toutes les marchandises susceptibles d’être
vendues à Laelith. Elle accueille chaque
semaine la réunion des secrétaires de la
Haute Guilde et des trésoriers des guildes
et, chaque année, la réunion des grands
maîtres de ces guildes, pour l’élection des
secrétaires. Une réunion exceptionnelle
des grands maîtres se tient lorsque le grand
maître de la Haute Guilde vient à mourir
ou à être révoqué et que le Roi-Dieu a dé-
signé son remplaçant : il faut en effet élire
un secrétaire afin de prendre la place du
nouveau grand maître (l’ancien, s’il a été ré-
voqué… et a survécu à sa disgrâce, retourne
à l’anonymat).
• La salle secrète. Elle n’existe pas. Lucius le
nain, dernière personne à avoir prétendu
le contraire, a été chassé de la ville pour in-
sulte au grand maître. Regrettable accident :
Lucius a été piétiné par un ookhab en des-
cendant la falaise de Vorn. Nul doute qu’il
était, comme à son habitude, pris de boisson.
Selon ses racontars d’ivrogne, les asso-
ciations criminelles de Laelith seraient re-
çues dans cette salle secrète, tout comme les
guildes officielles le sont dans la grande salle
de réunion. Ces groupes, qui régissent les
activités délictueuses dans toute la ville, se
verraient fixer des quotas de « méfaits » à ne
pas dépasser et des redevances à payer – tout
cela, bien sûr, pour la plus grande prospérité
de la Cité sainte. Cette salle serait dotée de
trois entrées : une porte camouflée donnant
sur les Archives, pour le personnel de la
Haute Guilde (le grand maître, ses gardes du
corps et le trésorier) ; une porte secrète don-
nant sur les latrines publiques, dans la rue à
l’extérieur du bâtiment, pour les visiteurs des
guildes criminelles… et une trappe blindée
s’ouvrant sur le Cloaque, car celui-ci aussi
participe à la vie économique Laelith.
• Les Archives et le Trésor. Les Archives sont
la mémoire de la Haute Guilde. Il y a trois
archivistes, dont seul le chef loge sur place.
Tous les contrats commerciaux conclus à
Laelith doivent être enregistrés ici. Mais les
milliers de documents comptables en ques-
tion n’occupent que le rez-de-chaussée et le
premier étage des salles d’archives (les do-
cuments anciens d’importance secondaire
sont remisés dans les caves).
• Le deuxième étage des Archives est en réali-
té une chambre-forte, le Trésor de la Haute
Guilde (pièces, papier-monnaie, pierres
précieuses, lingots de métaux précieux…).
L’utilisation de ce trésor exige l’aval du
grand maître. Il en rend compte directement
au Roi-Dieu. Ce dernier peut y puiser à son
gré ou (plus souvent) ordonner le transfert
d’une somme à toute personne ou organisa-
tion qu’il juge le mériter.
• Secrétariat et comptabilité. Plusieurs pièces
(près de la chambre du chef de la Milice) ac-
cueillent les comptables et les secrétaires et
sous-secrétaires, qui étudient l’état des mar-
Ergalth de Borée : une irrésistible ascension, de À cinquante ans, le nouvel
chés pour fixer les prix « recommandés ». simple milicien à grand maître de la Haute Guilde. architecte en chef des
Seul le chef comptable, qui porte le titre de
Monuments royaux-divins est la
trésorier, loge au siège de la Haute Guilde.
cheville ouvrière de la politique de
• Les appartements du grand maître. Un bu- chef des gardes du corps du grand maître. Sa grands travaux urbains du nouveau
reau et une chambre modestement aména- haute taille, son épée longue, ses poignards et Roi-Dieu. Bourré de talent et débordant
gés sont encombrés de documents. Un coffre ses muscles puissants le qualifiaient d’autant d’idées visionnaires sur l’architecture
blindé installé dans un coin de la chambre mieux pour le poste qu’il était aussi doté d’un et l’urbanisme, il n’était jusque-là que
contient en permanence une forte somme, cerveau affûté… Il y a seize ans, il fut élu à la le responsable de l’Ouvroir royal-di-
pour parer aux besoins courants. Seul accroc
vin. À ce titre, il a été chargé de la
tête de la guilde des Combattants, puis secré-
construction du nouveau pont, tâche
à l’austérité du lieu : une tapisserie de fac- taire de la Haute Guilde. Il y a quinze ans, l’an-
qu’il a menée à bien avec brio, mais
ture exceptionnelle représentant un enfant cien grand maître, Gildas d’Elnor, qui irritait qui l’a un peu frustré : il aurait voulu
au regard triste qui contemple un bouton depuis longtemps Teaphanerys XIV, mais dont faire beaucoup d’autres choses et a vu
de rose. Dans la chambre, une porte secrète les grandes qualités professionnelles et le cha- plusieurs chantiers intéressants être
mène dans la salle du Trésor. Dans le bureau, risme rendaient difficile la révocation, fit une confiés à des responsables pas toujours
une porte blindée donne sur les archives les chute fatale dans l’escalier des Archives. Le très compétents ni imaginatifs. Il
plus sensibles, reconnaissances de dette et Roi-Dieu nomma aussitôt Ergalth à sa place. coordonne aujourd’hui les travaux de
dossiers douteux. Une autre porte donne rénovation dans la Main qui travaille
Ce dernier a conservé ses habitudes – tenue
sur la chambre des deux gardes du corps de (qui ne passent pas toujours bien auprès
de cuir noir renforcé, lourde natte de cheveux de la population, tout particulièrement
permanence. Cette chambre s’ouvre sur un
sombres (à présent mêlés de nombreux fils lorsqu’ils impliquent démolitions
balcon d’où le grand maître est censé pou-
d’argent : il a 55 ans). Il garde la forme et s’en- et expropriations). Mais il aimerait
voir s’adresser aux citoyens de Laelith, bien
traîne régulièrement au maniement des armes. tant se mesurer au défi suprême – la
qu’il soit crénelé et doté de meurtrières. reconquête du Châtiment… Hélas,
On ne lui connaît guère de faiblesse féminine,
même si on a beaucoup chuchoté à propos de cette terrasse lui échappe encore. Pour
Le grand maître : ses liens avec la trésorière. Il a tenu à choisir
l’instant ?
Ergalth de Borée lui-même ses six gardes du corps. Brignet d’Harmond est très doué, mais
ce n’est pas un manuel. Cela le contraint
Il y a trente ans, cet ancien assassin, dont on On a prétendu (à voix basse) qu’il n’était pas à se reposer, pour les aspects purement
murmure qu’il avait préféré s’engager dans la qualifié pour le poste de grand maître, mais il techniques, sur des contremaîtres
Milice de la Haute Guilde plutôt que de reven- a su s’entourer à la perfection… Et il a vite ap- qui ne partagent pas toujours
diquer un poste élevé dans sa guilde, devint pris ce qu’il lui fallait savoir. ses conceptions novatrices.

La Main qui travaille 99

 Une organisation
Le monastère
de l’Ultime Flamboyance
Asile ! Asile !
« J’arrivai hors d’haleine à la porte
du monastère, qui s’ouvrit sur le frère
portier, dans sa superbe robe rouge vif.
Son visage sévère s’éclaira un peu quand
je lui affirmai que j’étais un fidèle d’un
Dieu manieur de foudre et que j’avais
maille à partir avec des aquaphiles
intolérants. Tout comme mon père, il
me semblait naturel de me conformer
aux préférences locales. »
H.-R. de Castelluisant, op. cit.
Premières bières
« Pourquoi la place des Sept Royaumes
s’appelle-t-elle ainsi ?
– À cause des sept royaumes du lac des
Hautes Eaux, évidemment ! Ignare !
– Ignare toi-même ! D’abord c’est des
provinces, pas des royaumes, et puis y
en a que six !
– Et à ton avis, qu’est-ce qu’il y avait
autrefois entre Egonzasthan et Jadhys ?
– Vous faites erreur : les sept royaumes,
ce sont les sept terrasses de Laelith.
– Mais enfin ! Y en a que six !
– N’oubliez-vous pas un peu vite qu’on
appelle parfois le Cloaque “la septième
terrasse” ?
– N’importe quoi ! La Cité sainte,
ça vous dit quelque chose ? Les sept
royaumes correspondent aux sept
temples de la ville.
– Alors là, c’est toi qui racontes n’im-
porte quoi : il n’y a que quatre temples !
– Mais avec le temple des Anciens,
le temple d’A ltalith et le temple de la
Taupe qui se trouve dans le Cloaque, à
ce qu’on dit, ça fait bien sept.
– Vous avez tout faux ! Les sept
royaumes, c’est les sept premières bras-
series de Laelith. Et d’ailleurs, c’est ton
tour de payer ta tournée ! »
Entendu dans une taberge de la place
100
Là où brûlent les morts
Il y a vingt ans, le plus important monastère
du Feu était encore celui de la Flamme trans-
cendante, situé dans les monts Grondants, bien
loin de la Ville sainte. Mais la décision d’or-
ganiser par Élément les obsèques des fidèles
décédés à Laelith conduisit à placer le site des
rites du Feu – des incinérations, évidemment
– dans la bien nommée vallée de Cendres, à
quelque distance au sud de la ville par la porte
de l’Immense Solitude septentrionale.
On construisit là le monastère de l’Ultime
Flamboyance, qui occupe aujourd’hui la pre-
mière place parmi les sièges monastiques du
Feu. Ses moines ont pour mission de veiller au
bon déroulement des obsèques des fidèles de
l’ensemble des religions ignées – en dehors du
grand prêtre et des assesseurs de l’Oiseau de
feu, qui sont incinérés dans le Brasier éternel
du temple.
Un petit Oiseau de feu
Le monastère de l’Ultime Flamboyance res-
semble beaucoup, de l’extérieur, au temple de
l’Oiseau de feu, à une échelle réduite. Les fidèles
qui arrivent de Laelith aperçoivent d’abord la
flèche inclinée symbolisant un bec d’oiseau
(ou une gueule de dragon, selon les cultes). Les
convois funèbres transportant un corps sont ac-
cueillis à l’extérieur par des moines, alertés par
des guetteurs postés sur la flèche, qui les guident
dans la grande salle située sous celle-ci, acces-
sible par de larges arches toujours ouvertes.
Après la cérémonie, dont le déroulement va-
rie en fonction des cultes, une flamme tombe
du bec de l’oiseau et allume une torche géante.
Le convoi funèbre reprend alors sa route vers
la vallée de Cendres, suivi par la torche portée
par des moines.
La vallée est encadrée de pentes désolées
(les arbres ont depuis longtemps été coupés).
En son creux s’alignent des rangées de bû-
chers – en tout une centaine, dont les plus
récents fument encore. Le convoi atteint enfin
un bûcher préparé par les moines. Le cercueil
(ou le corps enveloppé d’un linceul) est posé
dessus et le feu est allumé à l’aide de la torche
funéraire.
Les rares voyageurs qui arrivent par la route
du Long Détour ne sortent ainsi des marais
que pour se trouver face à de sinistres aligne-
ments, en général annoncés par une odeur en-
têtante portée par le vent du nord.
Plus tard, les cendres seront rendues à la
famille ; une poignée sera jetée dans l’Inlam,
pour rappeler l’ancienne coutume de jeter les
corps au torrent.
Bienvenue au monastère
La plupart du temps, l’entourage des défunts
ne pénètre pas dans le monastère, dont l’entrée
est à l’opposé de la flèche. Ceux qui frappent à
la porte sont des voyageurs épuisés, des fidèles
désireux de faire retraite… ou, parfois, des
fuyards cherchant asile !
Une fois la porte franchie, le visiteur entre
dans une cour intérieure pavée. En face se
trouve l’entrée du temple, surplombée par la
Gueule du dragon (c’est ainsi que les moines
appellent la flèche).
À droite, le couvent, avec au rez-de-chaus-
sée la salle du chapitre, le cloître et les cellules
des moines. Au premier étage, les salles de tra-
vail, où l’on recopie les manuscrits et où un se-
crétariat débordé tient les rênes de la confré-
rie des Moines du Feu, et la vaste bibliothèque,
contenant des centaines, voire des milliers de
manuscrits précieux. Au second, les apparte-
ments de l’abbé et du prieur, son adjoint, ainsi
que le logement d’éventuels invités de marque.
À gauche, l’hôtellerie et l’écurie, l’infirme-
rie et différents ateliers. L’hôtellerie accueille
les voyageurs épuisés venant du sud et qui
arrivent trop tard pour passer la porte de l’Im-
mense Solitude septentrionale, et les proches
d’un défunt dont la dépouille, pour raisons ri-
tuelles, doit passer une nuit « sous la Gueule
du dragon » avant son incinération.
Les adeptes de Pyrodrac
Erythros n’étant pas assesseur lors de l’as-
sassinat d’Anemates, il n’a pu lui succéder.
Mais son soutien à Servadax a été décisif et
le nouveau grand prêtre l’a nommé abbé du
monastère de l’Ultime Flamboyance, ce qui lui
garantissait le grade d’assesseur.
L’objectif d’Erythros n’est pas (comme
la plupart le croient) de remplacer un jour
Un vieillard en pleine
forme
« Je fus très étonné de constater que
l’archiflamme ne semblait guère avoir
vieilli par rapport à la description fort
précise qu’en avait faite mon père, il y
a trente ans. Solide carrure, mains de
paysan, visage rond et avenant cou-

et l’archiflamme Erythros Servadax. Il est de s’asseoir sur le trône du

ronné de cheveux courts, aujourd’hui
entièrement blancs… Il s’exprime avec

XXIV Roi-Dieu. Certes, il a aujourd’hui près de 80

ans, mais, explique-t-il : « La bénédiction du
amabilité, mais l’observateur attentif
voit parfois luire une flamme vive au
Le monastère est le cœur de l’un des Dragon est une véritable jouvence pour ses fond de ses yeux bruns. »
cultes du Feu les plus dynamiques, celui des fidèles… » H.-R. de Castelluisant, op. cit.
adeptes du Dragon de flamme, Pyrodrac,
dont sont membres la plupart des moines. Sa Propos avinés
« Nin ? Il vaut rien ! »
Brûlante Sainteté Erythros XXIV est à la fois
l’archiflamme – le plus haut dignitaire – de Entendu chez Marie, friterie de la garde
cette religion, le père abbé du monastère et le
primat de la très sainte confrérie des Moines
du Feu.
Erythros est le fils de paysans qui, ayant de
nombreux enfants, décidèrent d’en offrir un
au monastère de la Flamme transcendante.
Le jeune oblat se montra vite un excellent
élève. À l’âge de 16 ans, il fut désigné par les
vingt prêtres flammes formant le Conseil des
adeptes comme successeur de l’archiflamme
Thermalos VII. Après un voyage mouvementé
jusqu’à Laelith, qui permit au jeune moine de
démontrer son exceptionnelle et très pré-
coce maîtrise des sorts de feu les plus…
efficaces, il fut éduqué pour pouvoir
faire face à ses lourdes responsabi-
lités. À 23 ans, il fut intronisé
archiflamme.
Depuis, le Conseil des
adeptes a été refondu. Ses
vingt membres actuels
ont été nommés par
Erythros, mais il sait fort bien qu’il ne
peut vraiment se fier qu’à lui-même. Il
Erythros XXIV
n’a auprès de lui qu’un prêtre flamme, la en tenue de cérémonie, le
prêtresse Syrax, surnommée la Flamme grise, jour de son intronisation
aujourd’hui très âgée. Les autres sont le plus comme archiflamme
souvent à Laelith pour prêcher, et même dans
du culte de
Pyrodrac.
les Six Provinces et le reste du monde.
Les autres adeptes de Pyrodrac sont moines
(quelques centaines) et laïcs (plusieurs mil-
liers). Ils ne sont pas des plus prosélytes, et
ne cherchent vraiment à convertir que des
personnalités susceptibles de renforcer leur
influence… et plus précisément celle de leur
chef.

La Main qui travaille 101

 Des professionnels
Dame Essinna, vendeuse
d’animaux exotiques
La cinquantaine avenante, les cheveux
teints au henné, Essinna porte des
vêtements amples qui dissimulent un
embonpoint qui s’aggrave d’année en
année. Elle flirte volontiers avec ses
clients.
Elle vend dans sa boutique de la rue
Basse-des-chariots des oiseaux du
désert, des chiens et des chats de race,
des grillons chanteurs, des poissons
multicolores… Bref, toute une gamme
de jouets vivants à l’usage des riches,
des oisifs et des esthètes. Elle possède
un petit élevage en dehors de la ville, à
proximité du lac, où elle passe beaucoup
de temps (il lui vient de feu son mari, le
dresseur d’animaux sauvages Larnaka).
En son absence, l’échoppe est gérée par
son gendre, Ronock, dit le Bellâtre.
Elle vend aussi, beaucoup plus discrè-
tement, des bestioles moins agréables
à regarder, mais qui ne se démodent
jamais : petits serpents gris au venin
foudroyant, scorpions blancs dont la
piqûre rend aveugle, grosses araignées
dotées d’une intelligence suspecte… En
effet, certains de ses clients ont besoin
de faire disparaître un proche ou un su-
périeur encombrant. Il se murmure que
certaines de ces créatures viennent du
Cloaque, mais Essinna n’a pas de liens
(connus) avec le Temple de la Taupe.
102
Portraits d’artisans
Forberg l’Ancien, relique, vraiment dotée de pouvoirs. Mais
ces pouvoirs ne sont pas toujours exacte-
reliquaire ment ceux qu’il aurait voulus… La mésa-
venture de l’Azilianais qui avait exigé une
Ce grand diable cordial est souvent affublé main momifiée de saint Boston est connue
de coiffures exotiques évoquant ses voyages. de tous : il n’a été sauvé de l’étranglement
Car, s’il est aussi restaurateur de reliques, il af- (le supplice subi par le saint) que de jus-
firme être allé chercher celles qu’il vend dans tesse. D’après les spécialistes du Crâne, la
l’univers entier (l’homme n’est pas connu pour main momifiée était en fait celle du bour-
sa modestie). Il semble bien trop jeune pour reau étrangleur : repentant, il avait de-
son surnom – mais qui prendrait au sérieux mandé à être inhumé avec sa victime. »
un reliquaire (commerçant en reliques) nom- H.-R. de Castelluisant, op. cit.
mé Forberg le Jeune ?
Des Ateliers du souvenir, les artisans spécia-
lisés sortent chaque jour une foule de vraies-
fausses reliques estampillées par l’un ou l’autre
Temple, et qui n’ont de sainteté que symbo-
lique. Comme les chapelets de perles renfer-
mant des bulles d’air du Nuage ou de l’eau du
Poisson d’argent, les briquets en forme d’Oi-
seau de feu ou les Crânes sculptés dans un os
d’ookhab et enfermés dans une boule en verre
avec des pseudo-cristaux de neige… Ailleurs,
on les baptiserait « souvenirs ».
Car les vraies reliques, chacun le sait, ça ne
se fabrique pas. Ou peut-être que si ? Plus vous Les tenues de
serez prêt à payer, plus vous pourrez accéder Forberg l’Ancien
à des objets à la sainteté garantie. Après tout, sont toujours
élégantes,
le savoir-faire des artisans des Ateliers, digne
mais parfois
des meilleurs joailliers, n’est plus à démontrer.
quelque peu
Et surtout, la puissance des bénédictions des surprenantes…
prêtres de Laelith est telle que cette superbe
paire de pinces ouvragées, identiques à celles
utilisées il y a sept siècles pour torturer la
bienheureuse Maewest, doit bien receler
de saints pouvoirs, même si elle a été fa-
briquée le mois dernier !
En tout cas, si vous cherchez
une vraie relique, vraiment sainte
voire dotée de vrais pouvoirs,
adressez-vous à Forberg l’Ancien,
reliquaire.
« Forberg est un homme très ca-
pable, sans doute le meilleur de sa profes-
sion à Laelith. Trop capable peut-être, me
suis-je laissé dire. Il arrive que, si le client
y met le prix, il lui fournisse une vraie

Maître Phaëstos,
armurier
Ce nain présente toutes les caractéristiques
de sa race – petite taille, barbe abondante, ro-
bustesse, grande aptitude au travail des mé-
taux… Son adresse dans cette spécialité est
proverbiale. D’ailleurs, quelques bijoutiers
font appel à lui pour certains travaux délicats,
comme l’incrustation d’une pierre précieuse
dans le pommeau d’une arme.
L’armurerie de Phaëstos se trouve en haut de
l’échelle du Beurre. Quand il fait beau, il ins-
talle son enclume à l’extérieur, ainsi qu’un bra-
sier et un soufflet, alimenté et actionné par des
aides. Il dit qu’il peut mieux capter de la sorte
les vibrations astrologiques. Le spectacle de
Phaëstos au travail, debout face à son enclume
rougeoyante au milieu des gerbes d’étincelles
projetées par son marteau, est inoubliable.
Il y a trente ans, Phaëstos était jeune appren-
ti chez maître Erasmus, au grand talent et aux
tenues voyantes. Malgré son orgueil et son
mauvais caractère proverbial, Erasmus discer-
na vite chez le jeune nain le forgeron d’armes
d’élite en devenir, et en fit son second. Une
nuit, le maître tomba dans une embuscade
tendue par des spadassins à la solde, dit-on,
de son concurrent Arthur Quarte. Il en trans-
perça trois de son épée Essialine avant de suc-
comber. Les forbans n’osèrent toucher à l’épée,
qui revint à Phaëstos. Ce dernier mit cinq ans
avant de venger son maître, le plus légalement
du monde : les armes qu’il forgeait étaient tout
simplement meilleures ; maître Quarte fit fail-
lite et se suicida avec une dague qu’il avait lui-
même forgée pour l’occasion !
Il semble que la supériorité des produits de
Phaëstos provienne de bénédictions spéciales
qu’il a mises au point avec les prêtres de l’Oi-
seau de feu. Ses armes sont toutes bénites, les
plus coûteuses par le grand prêtre lui-même
(Servadax a accepté de le faire, tout comme
l’avait fait son prédécesseur Anemates – en
échange de dons généreux aux œuvres du Feu).
Maître Ralis, tailleur
Le fils du pauvre tailleur Erbeni est deve-
nu maître tailleur. Il a beaucoup amélioré
l’échoppe de l’échelle des Ateliers. Sa clien-
tèle compte toujours de nombreux d’ouvriers,
mais quelques bourgeois originaux – et leurs
épouses – se transmettent son adresse. Tout le
monde n’a pas envie de payer les tarifs prohi-
bitifs de Stinfen, de l’échelle du Beurre !
Ralis et sa famille travaillent au rez-de-
chaussée de la boutique, dont la large fenêtre
donnant sur la rue est dotée d’un grand volet
rabattable qui sert de comptoir. Sur la façade,
une enseigne représentant une paire de ci-
seaux annonce la spécialité des lieux. À l’ar-
rière, la remise est remplie de toiles prêtes à
être taillées. Une petite porte permet de sortir
par la courette qui communique avec celles
des maisons voisines.
Au premier, Ralis a divisé la grande pièce
en deux, pour séparer la chambrette de sa fille
Ralia de la cuisine-salle à manger. Au second
se trouve la chambre des parents, où le tailleur
tient ses comptes et prépare ses patrons, sur
une table en bois grossier (il pourrait s’offrir
un vrai bureau, mais c’est un souvenir de feu
son père). Un rouet permet aux deux femmes
de filer la laine pendant leurs rares moments
de tranquillité. Les économies de la famille
sont dissimulées derrière une pierre mobile
du manteau de la cheminée.
À 45 ans, le maître tailleur est encore ro-
buste, bien que son dos soit voûté par les lon-
gues heures passées sur son travail. Ses cheveux
grisonnent, mais ses yeux s’illuminent quand il
La Main qui travaille 103
Au début de sa carrière, maître
Phaëstos ne portait pas encore la barbe,
mais il avait déjà la puissance qui anime
chacun de ses gestes, même les plus fins.
Maître Aegrinn,
mégissier
La soixantaine, petit, chauve et trapu,
avec une longue barbe grise, Aegrinn
aime les vêtements sombres. Il porte
une loupe à monture d’or accrochée à
une chaînette autour du cou – il en a
besoin pour lire.
Son échoppe attire des connaisseurs de
toute la ville et au-delà. Le grand public
peut y acheter aumônières, bourses,
gourdes et autres objets en cuir. Les gros-
sistes y négocient des peaux par dizaines
ou centaines, de toutes les qualités.
Ces deux activités permettraient à
maître Aegrinn de vivre confortable-
ment, mais cet aventurier à la retraite
préfère de loin vendre fourreaux et
armures. Si vous avez besoin d’un
plastron taillé dans le cuir d’une créature
tellement improbable que les Laelithiens
n’ont même pas de nom pour la décrire,
prenez rendez-vous avec lui. Il vous
écoutera, il consultera peut-être un ou
deux vieux livres, et il saura. S’il n’en a
pas en magasin, il vous dira où aller… Et
si vous arrivez en ville chargé de peaux
écailleuses et puantes, maître Aegrinn
se chargera volontiers de les tanner, voire
proposera de vous les acheter. Au fait,
savez-vous vraiment combien
elles peuvent valoir ?

Maître Stinfen (à gauche), concurrent
de maître Ralis, est l’un des meilleurs
tailleurs de Laelith… mais aussi le plus
cher.
Selon que vous serez
pèlerin ou citadin…
Les natifs de Laelith ne marchandent
jamais et sont certains d’en avoir pour
leur argent. Les pèlerins peuvent le plus
souvent obtenir 10 % de réduction…
mais paieront de toute façon plus cher.
En fin de compte, le prix payé par les
Laelithiens sera au bas de la fourchette
fixée par la Haute Guilde, celui payé par
les pèlerins sera en haut.
Les étrangers vivant à demeure en
ville, acceptés et respectés mais restant
« étrangers », même au bout de vingt
ans, payent un prix intermédiaire.
Et puis sans savoir pourquoi, du jour
au lendemain, eux (ou leurs enfants)
payent le même prix que les natifs.
104
regarde son épouse ou sa fille. Maîtresse Sonia
est l’une des filles du pauvre tisserand Ebolor.
Cette femme brune et sèche s’active sans cesse
pour tenir sa maison ou aider son mari. La
jeune Ralia est la prunelle des yeux de son père.
Elle a hérité de son coup de ciseau précis, au-
quel elle ajoute une inventivité étonnante et un
goût très sûr pour ce qui plaira à une clientèle
féminine. De plus, si elle est aussi brune que sa
mère, elle est ravissante ! Toutes ces qualités
ont attiré l’attention de maître Stinfen, qui a
même demandé sa main… qu’elle lui a refusée,
car l’individu a l’âge de son père !
Ne quittons pas l’échoppe du tailleur sans
mentionner son apprenti, le jeune Karl-Yves,
un garçon charmant qui sert un peu d’homme
à tout faire. Et n’oublions pas Chanel, le dou-
dilain femelle de Ralia – celle-ci affirme qu’elle
l’inspire.
Enfin, il faut signaler que le frère jumeau
de Ralis, Vestis, a lui mal tourné. Il est devenu
membre important d’une guilde de tire-laine
– son habileté à soulager les bourgeois de leur
bourse était extraordinaire. Puis il s’est fait
tuer, c’était fatal – mais une chose est sûre : il
n’avait jamais exercé ses talents dans l’échelle
des Ateliers. Et depuis sa mort, il semble
qu’en hommage, ses collègues respectent cette
échelle.
Maîtresse Bess Tifoud,
restauratrice
Aussi brune, joviale, rebondie et volubile que
son père Faas Tifoud, maîtresse Tifoud tient le
plus curieux restaurant de Laelith. Sa devise :
« Chez Tifoud, y a que des petits plats qui se
mangent entre amis ». Elle entretient avec
soin les murs du restaurant légué par son père.
Enfin, mieux vaudrait parler de la carrosserie,
car la taberge est constituée de la moitié de l’an-
cien fourgon de Faas Tifoud enchâssée dans le
mur d’une maison. Faut dire qu’il faisait une
sacrée tempête le jour où ledit fourgon a déra-
pé en descendant la rue Haute-des-chariots et
a défoncé, après une course folle, la devanture
en bois du sieur Botalon, savetier de son état.
Occis sur le coup, le pauvre homme ne vit au-
cun inconvénient à céder ce qui restait de son
échoppe à Tifoud. Depuis ce jour, l’enseigne de
la boutique trône au milieu de la salle :
Anonyme, homme de bât
« Ont-ils encore un nom, les hommes de bât qui
servent de freins humains aux marchandises qui
dévalent la schlitte ? »
La schlitte est une sorte de large glissière de
bois qui traverse les jardins du Dénuement,
courant du plateau des Quatre Puissances au
siège de la Haute Guilde. Les produits sont
empilés dans un grand bac sans roues, à fond
renforcé et lisse, qui est poussé sur la glissière
et descend tout seul jusqu’en bas.
Les hommes de bât vont tenter de contrô-
ler la glissade des bacs en s’arc-boutant sur
les butoirs qui hérissent la « piste ». Les acci-
dents sont fréquents, la paye ridicule et le plus
souvent, seuls des habitants des jardins du
Dénuement acceptent ce travail.

Gare au schlougga !
Dans son ouvrage Les clercs obscurs (Annales
de la pensée elfique, 995), le fameux Ermold le
Noir relate les sinistres activités démiurgiques
de Bert Schloug, prêtre dévoyé du Temple du
Crâne.
Durant toute sa maléfique existence, Bert
s’opposa rudement à d’autres clercs, qui prê-
chaient des concepts aussi absurdes que la
générosité, l’altruisme, l’esprit de sacrifice et
le don de soi. Soucieux de lutter contre ces
vices, il décida de forger de toutes pièces une
créature pour l’aider à remporter ses alterca-
tions philosophiques contre les clercs et autres
fidèles prétendant que les Dieux étaient bons
et voulaient le Bien. Une telle créature lui ap-
parut en songe. Conseillé par des sorciers très
compétents et grâce à l’invocation de démons
spécialisés, il créa une vingtaine de monstres
hideux à l’image à leur modèle onirique et
propres à lui permettre de remporter tous les
débats, en éliminant ses adversaires.
Bert Schloug est aujourd’hui mort et enterré
(d’aucuns affirment que cela ne l’empêche nul-
lement de nuire, mais ce n’est pas notre sujet).
Cependant, une dizaine de ses créatures ont
survécu. Leur aspect est connu grâce à un graf-
fiti étonnamment précis sur le mur arrière du
temple de l’Oiseau de feu, près des latrines.
Le schlougga a la taille d’un cheval,
avec un corps vaguement cylindrique
couvert de longs poils filamenteux
qui le font ressembler à une énorme
et écœurante anémone de mer. Telle
une limace, le monstre est gastéropode
– il rampe sur son ventre… mais
vite ! Il semble qu’il puisse être
presque aussi rapide qu’un
coureur moyen. De son tronc
jaillissent deux longues pseu-
do-cornes, dont chacune se
termine par une gueule af-
freusement dentue surmontée de
deux yeux pédonculés.
Outre les dégâts infligés par ses
mâchoires, le schlougga peut ef-
fectuer des attaques redoutables
et inhabituelles. Sa gueule de gauche
peut cracher jusqu’à 10 mètres un jet d’eau
maudite puante, qui peut réduire ses cibles à
l’impuissance en leur donnant la nausée. Sa
gueule de droite est pourvue d’un organe vocal
puissant capable d’émettre des insultes abo-
minables ou d’entonner des chants obscènes,
« sur un mode monodique des plus impression-
nants » dit Ermold le Noir, afin de couvrir les
prières, incantations et sorts des adversaires
(par bonheur, cette gueule ne peut en même
temps mordre et chanter). Enfin, le schlougga
a une queue longue de 6 à 10 mètres, termi-
née par une structure cornée ressemblant à
un goupillon. Il s’en sert pour achever ses vic-
times, agitant la queue au-dessus de leur tête
en une parodie de bénédiction, avant de leur
en asséner un coup formidable.
Ermold cite diverses expressions nées de
l’histoire de Bert Schloug et des schloug-
gas. C’est ainsi que l’on a qualifié le Roi-Dieu
Célestial III (après sa mort) de monarque « aus-
si cruel et stupide qu’un schlougga » (car cette
créature n’est heureusement pas très maligne).
Il n’y a d’ailleurs jamais eu de Célestial IV !
La Main qui travaille 105
Légende
Silhouettes
« Selon mon père, le dessin qu’Ermold
le Noir croyait être un graffiti sur le
mur du temple de l’Oiseau de feu était
en fait tout ce qui restait d’un schlougga
et de deux de ses adversaires, vaporisés
par un sort de Bouclier de feu qu’un
prêtre du Feu sourd-muet avait lancé
en langue des signes (donc insensible au
brouillage de la gueule chantante). Mon
père en est sûr, il y était ! »
H.-R. de Castelluisant, op. cit.
La grotte du Lazaret
La partie est du Lazaret serait bâtie
au-dessus d’une grotte où des survi-
vants du Châtiment (dont Mandala
lui-même) auraient trouvé refuge –
certains en doutent, l’endroit étant loin
hors de la première enceinte de Laelith.
Il y a quelques années, l’archéologue
Rogbarn a découvert en creusant sans
autorisation au sous-sol du CHAL une
cavité renfermant les vestiges d’une
occupation très ancienne et probable-
ment non humaine, avant d’être arrêté
par la garde. L’interdiction des fouilles
dans tout le secteur du Lazaret semble
prouver que les autorités veulent acca-
parer les fabuleuses richesses que doit
contenir la grotte. Pourrait-on y accéder
par le Cloaque ?
Bien sûr, les abominables
schlouggas ont aujourd’hui tous
disparu… Enfin, c’est ce qu’on
dit.
 Animations de quartier
Les auberges d’aquaria
soir
Particulièrement abondantes après les
fêtes, les immondices jonchant les rues
sont une aubaine pour la faune urbaine
(porcs, volailles, chiens, doudilains,
rats… et autres), qui en dévore une
partie. Le vent et la circulation en-
traînent le reste au bas des échelles, où
l’administration a installé des bennes
pour que les habitants y déposent leurs
déchets (la pratique peine à se générali-
ser). Servant parfois de lit à des fêtards
ivrognes, ces bennes sont surnommées
« auberges d’aquaria soir », car elles sont
vidées chaque terrania.
Une cohorte de l’Ouvroir royal-divin
est chargée de ramasser les ordures et
de vider les bennes, mais son effectif
est insuffisant pour assurer la propreté
de toutes les rues. La priorité va aux
quartiers riches et à certaines places et
artères.
Les déchets sont acheminés à dos
d’homme ou d’ookhab (ou, si la topo-
graphie le permet, par tombereau) vers
des déversoirs donnant sur le Cloaque
et fermés de trappes cadenassées. Selon
les quartiers, on peut aussi les jeter dans
la Faille ou le lac, ou les amasser hors
des remparts ou dans un dépotoir situé
près des jardins du Dénuement, en bor-
dure du Châtiment. De pauvres hères
fouillent à mains nues ces monticules
méphitiques à la recherche d’objets
récupérables ou de nourriture, voire
d’engrais qu’ils vendront à des jardiniers
pour l’épandre sur leurs potagers.
106
Liesse et ferveur
La fête du Soleil d’or
Chacun des quatre Temples de Laelith s’ef-
force de rallier le plus possible de croyants
lors de sa fête annuelle. Pour l’Oiseau de feu,
il s’agit de la fête du Soleil d’or, organisée à
chaque solstice d’été.
La journée commence dans le recueillement,
avec de ferventes prières au sein du temple et
dans toutes les chapelles consacrées à une di-
vinité du Feu. Pendant ce temps, une équipe
formée des novices les plus motivés, sous la
direction de quelques prêtres, hisse au som-
met du dôme de la Sainte Chaleur, qui coiffe le
grand chœur du temple, un disque d’or massif
poli de 2 mètres de diamètre.
« Enfin, d’or massif… En réalité, le
disque est fait d’un métal léger et résistant,
dont une face, légèrement concave, est cou-
verte d’un placage d’or pur – ce qui n’est
déjà pas mal… »
H.-R. de Castelluisant, op. cit.
Le disque est fixé sur des supports et orien-
té, à l’heure de midi, de façon à concentrer
les rayons du soleil vers la Sainte Torche de
Mandala Ier, que d’autres novices ont fixée
au sommet de la tour de la Brûlante Foi. La
Sainte Torche s’enflamme sous les hourras de
l’assemblée.
« Il peut arriver, par exemple en raison
des nuages (heureusement rares au solstice
d’été), que la Torche ne puisse être en-
flammée. Dans ce cas, le grand prêtre doit
aller l’allumer au Brasier éternel – mais
ce contretemps, exprimant bien entendu le
mécontentement divin, est un très mauvais
présage. Il était survenu, m’a-t-on racon-
té, lors de la fête du Soleil d’or précédant
l’assassinat d’Anemates. »
H.-R. de Castelluisant, op. cit.
Quand tout va bien, le grand prêtre se sai-
sit de la Torche et descend jusqu’au parvis du
temple, où les cinq assesseurs viennent allumer
leurs propres torches. Ces derniers se rendent
ensuite, suivis d’un cortège de prêtres et de fi-
dèles (participer à cette procession vaut remise
de certains péchés) jusqu’à l’esplanade de la
Demi-Lune (devant le palais du Roi-Dieu),
au monastère de l’Ultime Flamboyance (pour
l’abbé du monastère), à la porte de l’Ivresse
enchanteresse (pour l’assesseur du Lazaret),
au Belvédère, et au centre de la salle du Grand
Chœur. Le grand prêtre, lui, va s’installer dans
sa chaire de la Tête de l’oiseau.
Quand tout le monde est en place, le grand
prêtre et ses assesseurs prononcent une bé-
nédiction, reprise en chœur par la foule des
fidèles. Des prières honorant les différentes
divinités du Feu se succèdent alors jusqu’au
coucher du soleil. À ce moment, des prêtres
armés de petites torches viennent les allumer à
celles des assesseurs.
À la tombée de la nuit, ces prêtres se rendent
chez les fidèles qui ont sollicité la bénédiction
de l’Oiseau de feu.
« La piété de ces fidèles doit être cer-
taine. Je me suis cependant laissé dire
qu’avoir fait un don généreux au Temple
était une preuve incontestable de piété. »
H.-R. de Castelluisant, op. cit.
Les demeures (ou les échoppes, com-
merces, etc.) des croyants ainsi honorés sont
bénites pour toute une année.
Mais c’est alors qu’apparaît toute la beauté
de la fête. Car les torches vont briller toute
la nuit, d’un éclat d’autant plus intense que
l’obscurité se fait plus profonde. Contemplée
depuis un point élevé, tel que le Belvédère, la
Ville sainte offre alors un saisissant spectacle :
la présence des fidèles de l’Oiseau de feu est
soulignée par les torches sur le fond noir des
bâtiments. Même les plus éclairés semblent
sombres, car aucune lumière humaine ne sau-
rait rivaliser avec celle des saints luminaires. Il
est frappant, à ce moment, de constater que les
tours des Mages paraissent plongées dans une
obscurité totale.
L’esplanade de la Demi-Lune devient
alors le lieu d’une cérémonie œcuménique,
que quelques irrespectueux appellent « réu-
nion diplomatique ». Les grands prêtres du
Nuage, du Poisson d’argent et du Crâne se
rassemblent autour de l’assesseur du Feu por-
tant sa torche. Ils expriment ainsi leur respect
des cultes du Feu (le fait que le grand prêtre
de l’Oiseau de feu soit absent évite aux trois
autres de paraître lui faire allégeance). Tous
trois échangent bénédictions et paroles ri-
tuelles avec l’assesseur, puis ils se retirent.
Enfin le Roi-Dieu paraît, et l’assesseur du Feu
s’incline devant lui en présentant sa torche : il
confirme ainsi que l’Oiseau de feu reconnaît la
suprématie du Roi-Dieu.
« Inutile de préciser que l’assesseur
chargé de cette mission est celui en qui le
grand prêtre a le plus confiance, et que
toute anicroche lors de cette cérémonie ap-
paremment mineure serait de très mauvais
augure. »
H.-R. de Castelluisant, op. cit.
Pendant ce temps, les fidèles du Feu font
joyeusement la fête : festins et chansons du-
reront jusqu’au matin. Quelle que soit leur
religion, les fournisseurs de victuailles, de
vins et d’alcools variés font ainsi d’excellentes
affaires !
À l’aube, toutes les torches s’éteignent en
même temps, au premier rayon du soleil.
À la sortie du Lazaret, après le plateau des Quatre Puissances, la façade majestueuse du
Belvédère ne manque pas d’impressionner les nouveaux arrivants à Laelith.
Prêtres et croyants vont enfin pouvoir prendre La chasse de la Porte
un peu de repos. Chaque mois, les Temples financent un
groupe de chasseurs qui vont durant
une journée ratisser les montagnes
La fête des Pèlerins proches de la ville pour éliminer le plus
possible de monstres et d’animaux fé-
Quatre fois par an, la fête des Pèlerins roces : c’est la chasse de la Porte. Quatre
émerveille les voyageurs. Un peu partout en fois par an, le Roi-Dieu en personne y
ville, les spectacles se multiplient, associant participe. L’important n’est pas tant
jets de flammes, fumées multicolores parfu- le nombre de monstres tués que le
symbole : Laelith veille sur ses habitants
mées, trombes d’eau et vibrations telluriques
et sur ses pèlerins.
grondantes.
Ces manifestations sont organisées au mi-
Jadis, les têtes des monstres étaient uti-
lisées pour décorer la porte de l’Ivresse
lieu de chaque saison. Leur caractère œcumé-
enchanteresse, d’où le nom de la chasse.
nique symbolise l’entente profonde qui unit les Mais cette exhibition a cessé : certaines
quatre branches du culte laelithien (du moins, têtes avaient conservé des pouvoirs
qui est censée les unir) pour le plus grand bien maléfiques qui affectaient les passants.
des croyants.
L’aspect technique des fêtes est assuré par
la Pyrotechnie, une association regroupant
plusieurs petites entreprises artisanales sises
près du Puy des âmes, à l’est du Belvédère et
au sud de la terrasse du Châtiment. Dans ce
secteur, elle dispose de terrains relativement
dégagés où il est possible de faire des essais
de dispositifs explosifs ou autres sans trop de
risques.
La Main qui travaille 107
 Pêle-mêle
L’air de l’orgue
Pour fonctionner, un orgue utilise une
soufflerie pour envoyer de l’air dans
ses tuyaux. Où se trouve la pompe qui
alimente la soufflerie de l’Orgue splen-
dide ? Et comment fonctionne-t-elle ?
Seul Rokosh a la réponse. Peut-être.
Les productions des ateliers d’art de la
Main qui travaille sont parfois stylisées
au point que l’observateur s’interroge
sur les intentions de l’artiste. C’est ainsi
que l’objet ci-contre pourrait représenter
aussi bien un démon du Cloaque que
le squelette d’un animal étrange et
disparu… ou une toute autre créature.
108
A l’échoppe de la Main
La Sainte
Torche de Mandala
Il y a près d’un millénaire, Mandala Ier – béni
soit-il – alluma le Brasier éternel qui brûle
toujours dans le temple de l’Oiseau de feu à
l’aide de la Sainte Torche. Cette relique est
aujourd’hui conservée précieusement, dans la
Tête de l’oiseau. Elle n’en sort qu’en de rares
occasions : pour la fête annuelle du Soleil d’or,
et pour l’avènement… ou les obsèques d’un
grand prêtre ou d’un Roi-Dieu.
Un novice du Poisson d’argent a décrit cette
relique comme « un sexe masculin de 1,30 m
de long, mais en pleine débandade ». Il n’a dû
qu’à une fuite précipitée d’échapper à la juste
colère de trois novices de l’Oiseau de feu qui
voulaient lui faire passer le goût de la baga-
telle. Mais sa comparaison était assez perti-
nente, quant à la forme de l’objet du moins :
une longue tige surmontée de deux coupes
arrondies.
La Sainte Torche est faite d’un métal incon-
nu, brillant et poli, doux au toucher, qui a la
miraculeuse propriété d’épouser les doigts du
saint brasier (le grand prêtre) lorsqu’il empoi-
gne le manche, facilitant sa prise. Une fois la
relique reposée, le métal reprend sa forme de
départ.
La Torche est alimentée avec un combus-
tible spécial : du charbon de la Flamme trans-
cendante (ainsi nommé parce qu’il est fabriqué
à partir d’un minerai extrait et traité au mo-
nastère du même nom, dans les montagnes
d’Agramor). Ce charbon est mis à feu par les
rayons du soleil lors de la fête du solstice d’été,
ou au Brasier éternel dans les autres cas.
Pour les cérémonies courantes, la Sainte
Torche de Mandala a des petites sœurs, de
forme identique mais de plus petite taille : 82
en tout.
Les cinq saintes torches des assesseurs font
environ 0,80 m de haut. Elles ont été forgées
il y a des siècles dans un alliage connu seule-
ment des plus grands forgerons de la Main
qui travaille. Il a un aspect gris mat et semble
chaud au toucher. Tout le long de la torche,
des sculptures, différentes pour chacune, re-
présentent des épisodes de la vie de Mandala
Ier (en fait, elles facilitent la prise).
Les saintes torches des prêtres font envi-
ron 0,50 m de haut. Elles ont été sculptées par

des artisans de la Main qui travaille dans des
fémurs d’ookhab (ces os massifs sont pratique-
ment incombustibles). Au fur et à mesure du
développement de la Ville sainte, il a fallu en
fabriquer davantage : à ce jour, 77. Toutes ont
été décorées de façon raffinée par des sculp-
teurs sur os.
Bien entendu, les saintes torches ont tou-
jours attisé la convoitise des voleurs de tout
poil. D’autant plus qu’elles sont censées possé-
der de nombreux pouvoirs, notamment d’atti-
rer la bénédiction des divinités du Feu sur leur
propriétaire, légitime ou non…
Au marché noir (il est hors de question d’en
vendre une légalement), le prix d’une torche de
prêtre atteint des sommets – ne parlons pas du
prix que pourrait atteindre une torche d’asses-
seur. Mais les peines prévues pour le vol ou le
recel d’une sainte torche atteignent elles aussi
des sommets ! Contrairement à ce que cer-
tains pourraient penser, le voleur d’une torche
de prêtre n’est pas condamné au bûcher, mort
trop honorable du point de vue de l’Oiseau de
feu, mais à être enterré vivant. Quant au prêtre
à qui on tenterait de voler sa torche, il aurait
intérêt à se faire tuer en la défendant, faute de
quoi il serait considéré comme complice…
C’est pourquoi on ne relate dans l’histoire
que cinq vols de sainte torche. Dans deux cas,
elles ont été retrouvées. Les hydrophiles qui
prétendent qu’on aurait volé une torche d’as-
sesseur sont de fieffés menteurs, qu’on se le
dise !
L’Orgue
splendide de Koshro
Dans l’échelle des Notes perdues, une
plaque célèbre la mémoire de Koshro, luthier
et facteur d’orgues, décédé en 1010 à un âge
très avancé, même pour un nain. Si les instru-
ments qu’il a fabriqués font encore le bonheur
des mélomanes fortunés, son œuvre maîtresse
est sans contredit l’Orgue splendide.
Cet énorme instrument (2,20 m de haut ;
4,80 m de large ; 1,60 m de profondeur) est
un chef-d’œuvre du point de vue de la mu-
sique et de la sculpture. Certains compo-
siteurs ont écrit spécialement des œuvres
à jouer sur cet orgue, dont les sonorités
peuvent tirer des larmes à un schlougga ou
faire danser la gigue à un grand prêtre du
Crâne. Et les cloisons de bois précieux qui
constituent le corps de l’orgue ont permis à
Koshro de révéler un grand talent de sculp-
teur. Des scènes allégoriques honorent le
Feu, l’Air, l’Eau et la Terre.
Gildas d’Elnor, l’ancien grand maître de la
Haute Guilde, était l’un des plus fervents ad-
mirateurs de Koshro. Il a obtenu que le nain
déménage son orgue sur la place des Sept
Royaumes, juste en face du siège de la Haute
Guilde. Ergalth de Borée, le nouveau grand
maître, n’a pas les mêmes goûts musicaux,
mais les concerts continuent d’attirer un pu-
blic ravi venu de toutes les terrasses (même du
Châtiment, et même, dit-on, du Cloaque). Ces
amateurs sont juste un peu moins nombreux
depuis que le fils de Koshro, Rokosh, a succédé
à son père aux claviers.
Deux armes mystérieuses
Essialine, l’épée du forgeron Erasmus, est
un véritable objet d’art. La poignée et la garde
sont décorées avec des métaux précieux et des
pierreries, et la lame est gravée de runes d’une
grande élégance, qui apparaissent sous une
lumière rasante. Mais de l’avis des meilleurs
escrimeurs, Essialine est d’abord une arme re-
doutable, très souple et très résistante à la fois,
tout en restant d’une étrange légèreté. Elle ap-
partient aujourd’hui à Phaëstos, le successeur
d’Erasmus, qui la conserve avec soin mais ne
semble pas vouloir l’utiliser.
Arthur Quarte, ancien concurrent
d’Erasmus, s’est suicidé à l’aide d’une dague
qu’il avait forgée lui-même peu avant. Selon
l’inscription sur le fourreau, il l’aurait baptisée
Vengeresse – mais cette arme, qui selon des té-
moins dignes de foi, pouvait être comparée à
Essialine, a disparu, dérobée dans la confusion
qui a suivi la découverte du corps de Quarte.
La Main qui travaille 109
Le marteau du maître
S’il n’utilise pas l’épée Essialine,
Phaëstos se sert volontiers d’un
marteau de forgeron baptisé le Poing
de flamme ou simplement le Poing.
Certains riches clients exigent même
que le Poing ait au moins donné
quelques coups à l’arme qu’ils ont com-
mandée. Par ailleurs, le Poing pourrait,
au besoin, devenir une arme dangereuse
entre les mains du maître forgeron.
Le gardien de Létizia
Cette statuette en or, figurant une
redoutable créature des mythes utruz,
fut offerte à la joaillière Létizia par un
de ses fidèles clients, le paladin Björn
l’Étincelant, qui l’avait rapportée d’une
de ses aventures. Magique, elle protège
l’échoppe de sa propriétaire contre tout
voleur, qu’elle dévore après s’être trans-
formée en un monstre véritable.
Mais à chaque transformation de la
statuette, un individu pris au hasard
parmi ceux qui sont en contact étroit
avec un objet qu’elle a protégé (donc
un porteur de bijou vendu – ou offert
– par Létizia depuis qu’elle a reçu la
statuette) est contraint d’accomplir un
acte illégal. Au choix du MJ, il peut
s’agir d’un crime démoniaque ou d’un
acte bénin mais répréhensible selon la
législation laelithienne, comme éter-
nuer sur le passage du grand prêtre du
Nuage ou porter du jaune vif s’il pleut
le jour anniversaire du couronnement
d’A milcar II le Justicier.
L’un des PJ a justement acheté un bijou
à Létizia…
Le pavé d’or
Le tout premier pavé de Laelith, en or et
portant le sceau de Mandala, fut posé
sur la place des Sept Royaumes. Descellé
lors d’une émeute, il serait encore quelque
part en ville, caché par la boue. Il appor-
tera la richesse à son découvreur !
(Secret : Il n’était pas en or, mais cou-
vert d’une feuille d’or détachée depuis
longtemps. Le retrouver est impossible,
d’où l’expression « Chercher
un pavé dans les échelles ».)
 Des maladies
La théobasilophilie
Cet amour exclusif et irraisonné du
Roi-Dieu semblerait ne poser aucun
problème. En fait, elle inquiète autant
les prêtres du Lazaret que son opposée
la théobasilophobie. Les malades sont
en effet persuadés que les prêtres des
Éléments (notamment les quatre
grands prêtres) s’opposent à leur amour
pour le Roi-Dieu ; ils sont donc dévorés
par le désir de les éliminer ! Il sem-
blerait que l’assassin du grand prêtre
Anemates ait été un théobasilophile et
non, comme on l’a dit, un pyrophobe.
Géophilie, hydrophilie, pneumophilie
et pyrophilie existent aussi. Cependant,
leur traitement est en général simple
et efficace : faire entrer les patients
dans l’ordre monastique adapté à leur
maladie.
Trop de sainteté peut
nuire à la santé
Comment une ville bâtie pour la plus
grande gloire des Dieux peut-elle provo-
quer des maladies ? Certains accusent
des radiations maléfiques émises lors
du Châtiment et qui ne se seraient
pas encore dissipées. Pour d’autres, la
géologie du site serait responsable de
l’émission de miasmes dans l’air, l’eau,
et la terre… Notons qu’en revanche, les
maladies ailleurs fréquentes sont assez
rares à Laelith et que, tout compte fait,
les Laelithiens sont en meilleure santé et
ont une espérance de vie plus élevée que
les habitants des cités profanes.
110
Pathologies,
fièvres et langueurs
La Cité sainte est touchée par plusieurs ma-
ladies endémiques qui semblent strictement
autochtones, car on ne les rencontre pas hors
de la ville, sinon chez des voyageurs qui en
viennent.
La faillite
Vivre au bord d’une faille géante a sur cer-
tains esprits fragiles un effet délétère : les
patients reproduisent dans leur organisation
mentale une sorte de faille. La faillite apparaît
comme une schizophrénie : le fonctionnement
cognitif se divise en deux, entraînant un dé-
doublement de la personnalité. Sans tests mé-
dico-religieux approfondis, on ne peut la dia-
gnostiquer qu’en rencontrant le patient à deux
reprises, lorsque son comportement est gou-
verné par la partie normale de son cerveau, et
lorsque c’est la partie malade qui est aux com-
mandes : on constate alors une inversion des
attitudes et opinions, et surtout des réactions
aux divers stimuli.
Seul l’interrogatoire des proches du ma-
lade peut permettre de savoir quelles sont les
réactions dues à la maladie, car le comporte-
ment pathologique est tout simplement très
différent de l’attitude normale du sujet, voire
contraire. Selon les moments, le malade se
comporte comme s’il était deux personnes dif-
férentes, souvent moralement opposées.
Le plus étonnant est que le malade croit
toujours être dans son état normal et que c’est
l’autre état qui est pathologique. Il est déses-
péré à l’idée de basculer bientôt de l’autre côté
de sa faille mentale, mais rien n’y fait : il suffit
d’une émotion forte ou d’une période de som-
meil pour que le phénomène se déclenche, de
façon réflexe. Assister à une telle « bascule »
peut être un spectacle des plus curieux… Mais
parfois dangereux : l’une des « faces » du ma-
lade peut haïr violemment les amis et relations
de l’autre.
Les traitements proposés sont d’efficacité
inconstante. Le Crâne recommande l’hypnose
pour créer un réflexe mental permettant d’an-
nuler la survenue d’une bascule par une bas-
cule inverse immédiate. Le Poisson d’argent
propose des décoctions de lithiacées (plantes
à fleurs bleues poussant notamment sur les
pentes de la Faille), à prendre chaque jour pour
empêcher la bascule. L’Oiseau de feu cherche,
avec le concours du Nuage, à repérer la zone
du cerveau responsable pour la détruire par un
sort de combustion localisée.
La salfaye
Autre trouble du comportement strictement
laelithien, la salfaye commence par une phase
d’acrophilie. Le malade recherche le bord des
lieux surélevés : balcons, promontoires… On a
proposé de placer au Belvédère un diacre char-
gé de repérer les personnes se rendant trop
souvent en ce point particulièrement exposé.
Dans la deuxième phase, le sens de l’équi-
libre du patient est compromis et il devient
sujet au vertige. Ce serait une réaction de l’or-
ganisme pour combattre l’acrophilie patholo-
gique. Hélas, cette réaction n’a qu’un temps.
Après quelques semaines ou mois d’évolu-
tion, l’acrophilie récidive et le vertige est rem-
placé par la conviction de savoir voler, que le
patient réprime dans un premier temps, avant
d’y céder. Il adopte alors l’attitude pathogno-
monique d’une salfaye en phase terminale :
bras tendus vers le haut, mains jointes, yeux
fixes, cou raidi, dos droit, jambes légèrement
fléchies. C’est la position dite de Tatyon le
Moine, premier malade chez qui elle fut
décrite.
La crise finale se passe toujours dans un lieu
« à risque » : le Belvédère, les bords de la Faille,
les falaises de l’Opprobre… ou, pour une raison
encore discutée, la fenêtre du dernier étage de
l’ancienne maison du chronométreur Sançès,

dont la destruction a été maintes fois réclamée. Le malade,
en position de Tatyon, donne une forte détente des jambes
qui l’envoie s’écraser au sol après un vol des plus brefs.
Le traitement est discuté. Des prêtres du Nuage ont émis
une idée combattue avec énergie par les autres Éléments : la
salfaye serait une forme d’hommage aux divinités de l’Air,
conclu par un auto-sacrifice.
La théobasilophobie
Le dépistage de cette haine féroce et non motivée du
Roi-Dieu est le principal souci des prêtres du Crâne. Ils
s’efforcent d’en dépister les germes chez les voyageurs ar-
rivant à Laelith, mais bien souvent, la maladie ne se déclare
qu’après un certain temps de séjour.
Les cas sont particulièrement nombreux quand le sa-
ghiann – le vent des montagnes de l’est – a soufflé fort et
longtemps. Des prêtres du Poisson d’argent ont recomman-
dé l’envoi vers l’est de missions pour découvrir l’origine des
miasmes responsables de la maladie. Les prêtres du Nuage y
sont opposés car, selon eux, l’Air ne pourrait être le vecteur
d’une affection aussi grave. Le Crâne a jugé la suggestion
inutile, car il existe un traitement très efficace : l’euthanasie
immédiate des malades.
Les phobies des Éléments seraient des formes dégra-
dées de la théobasilophobie 
: géophobie, hydrophobie,
Les masques de Laelith,
en plus d’être de véritables
œuvres d’art, sont parfois
utilisés par certains prêtres-
médecins du Crâne comme des
outils thérapeutiques. Le port
continu du masque ci-contre a
été proposé pour régulariser
l’humeur d’une victime de la
faillite.
pneumophobie et pyrophobie. L’acharnement des soignants
à trouver un traitement à ces diverses affections varie selon
leur propre obédience religieuse.
La sombre langueur
Cette maladie est la seule connue à être liée à… un pont.
Celui des Illusions, qui relie la Haute Terrasse et la Main qui
travaille, tout près du Châtiment, est aujourd’hui pratique-
ment inutilisé. La sombre langueur est une psychose qui
frappe toute personne qui emprunte le pont. Elle est le plus
souvent fatale. (Pour plus de détails, se reporter au chapitre
de la Haute Terrasse.)
La laelithite
Cette maladie existe aussi ailleurs, où elle est vulgairement
appelée pierraille, mais elle n’est nulle part aussi fréquente
qu’à Laelith, où le peuple parle de lithaille.
Après un choc, ou sans cause apparente, une petite zone
musculaire se transforme en pierre. Dans les formes bé-
nignes, la maladie en reste là. Mais parfois, les atteintes se
multiplient dans tous les muscles, les zones contaminées se
rejoignent et le malade se transforme peu à peu en pierre.
Le décès est inéluctable, après des mois ou des années
d’évolution – mais selon certains auteurs, une étincelle de
conscience persiste chez des patients intégralement statufiés.
La Main qui travaille 111
 Scénario

Le Feu
de l’Amour
En quelques mots 
Les PJ sont recrutés lors de leur
passage par le Lazaret pour trouver
l’assassin d’un religieux très haut
placé de l’Oiseau de feu. Ce crime a
tout l’air d’un meurtre en chambre
close ! Les PJ devront découvrir
qu’il n’en est rien, mais bientôt
l’affaire et ses motifs seront le
moindre de leurs soucis, puisqu’ils
s’apercevront que le religieux en
question avait de très mauvaises
fréquentations… Et que celles-
ci espèrent bien que les PJ vont
prendre la suite.

Fiche technique
TYPE • Enquête urbaine
PJ • Tout niveau (au MJ d’adapter la
force des adversaires). Néanmoins,
la présence d’un personnage pou-
vant administrer des soins efficaces
(magiques ou non) est nécessaire,
de même que celle d’un connais-
seur en armes.
MJ • Expérimenté
Joueurs • Tout niveau
ACTION **
AMBIANCE **
INTERACTION ***
INVESTIGATION ***

112
Un réveil en fanfare
Les PJ (qui peuvent déjà connaître Laelith
ou dont cela peut être la première visite) sont
réglementairement admis à entrer au Lazaret.
Ils pourront même y faire connaissance, cela
changera de l’auberge classique. Mais qu’ils
arrivent en groupe ou séparément, ils auront
deux jours pour découvrir le Lazaret et son
personnel. Il est souhaitable qu’ils soient pour
cela séparés en deux groupes : l’un passera par
les pavillons de l’Eau et de l’Air le premier jour,
du Feu et du Crâne le second ; l’autre suivra le
chemin inverse.
Le premier jour (et la nuit qui suit), le fonc-
tionnement des pavillons est parfaitement
normal. Les PJ peuvent notamment apercevoir
certains des principaux responsables.
• Au pavillon du Feu, le fulgurateur
Thermonax est suivi d’un petit groupe de
prêtres avides de recueillir son enseigne-
ment, qu’il dispense à coups de phrases
courtes et incisives. Les PJ (qui sont en par-
faite santé, espérons-le) n’auront même pas
droit à un coup d’œil. Ils pourront consta-
ter, en revanche, que les malades qui attirent
son attention sont visiblement mal en point,
mais se sentent mieux après son passage
(même si les soins qu’il leur a dispensés ont
souvent provoqué des cris de douleur).
• Au pavillon de l’Eau, la curatrice Cryptonia
semble au contraire être davantage une hô-
tesse qu’une thérapeute. Elle a même un
mot de bienvenue pour les PJ, bien qu’elle
aussi s’intéresse surtout aux « beaux cas » de
son pavillon. Contrairement à Thermonax,
elle se préoccupe du confort des patients,
allant jusqu’à recommander à ses jeunes
prêtres d’améliorer le goût des potions qu’ils
administrent.
• Au pavillon de l’Air, les PJ ne verront que de
loin le scintillateur Rœntgen.
• Au pavillon du Crâne, ils ne verront pas du
tout l’analyste Mélantos. Ils pourront ce-
pendant noter que ses collaborateurs n’en
parlent qu’en baissant un peu la voix, pour
dire par exemple : « Il faudrait soumettre
ce cas à… l’Analyste » (réflexion en général
suivie d’un regard inquiet ou compatissant
vers le patient).
Le second jour, les PJ un peu observateurs
constatent que les prêtres semblent préoc-
cupés, mais pas par les patients, qu’ils soient
pèlerins en observation ou citadins hospita-
lisés. Conciliabules à voix basse, novices se
hâtant dans les couloirs pour porter un mes-
sage… Et les responsables des pavillons sont
cette fois tous les quatre aussi invisibles que
Mélantos la veille.
Le soir, les prêtres annoncent à des pèlerins
consternés qu’il n’est pas question de les lais-
ser sortir : « N’ayez aucune inquiétude, votre
santé n’est pas en danger, mais des problèmes
administratifs nous contraignent à différer de
quelques heures votre sortie. » Ce discours ne
rassure personne et des bruits commencent
aussitôt à courir : une épidémie mystérieuse
aurait été dépistée et la quarantaine décrétée,
qui sait jusqu’à quand elle va durer… Cette
inquiétude ne peut qu’être accrue quand on
remarque que les gardes du Lazaret, qui d’ha-
bitude ne sont postés qu’à l’entrée et à la sor-
tie, vont s’installer pour la nuit entre les bâti-
ments. Néanmoins, quand la nuit vient, après
un frugal repas (les cuisines du Lazaret ne sont
pas réputées pour la qualité des mets qu’elles
préparent), tout le monde s’endort, y compris
ceux qui tentent de résister au sommeil.
Au milieu de la nuit, les PJ sont réveillés
énergiquement par des gardes armés jusqu’aux
dents, qui leur font d’abord boire une potion
qui leur éclaircit un peu les idées (c’est un an-
tidote au somnifère absorbé la veille avec le
dîner). Puis ils sont conduits dans une petite
pièce dans laquelle entre peu après le prosec-
teur Ruborax. L’adjoint de Thermonax, qu’ils
ont pu apercevoir le premier jour, est toujours
aussi rondouillard, mais beaucoup moins
souriant.
« Je vais être direct : nous avons besoin de
vous. D’après les informations recueillies sur
vos capacités par nos confrères du Crâne, vous
êtes les mieux placés pour nous… tirer d’em-
barras. Voilà : dans la nuit d’hier, le fulgurateur
Thermonax, que l’Oiseau de feu l’emporte sur
ses ailes, a été assassiné dans ses propres ap-
partements, au Lazaret. »
En théorie, un tel crime relèverait des foui-
neurs… Mais les responsables du Lazaret (des
quatre pavillons !) n’ont aucune envie que
ces indiscrets viennent mettre leur nez dans
leurs affaires. Ruborax a envisagé de faire ap-
pel à des enquêteurs-conseils, mais les gens
de Mélantos lui ont assuré que les PJ feraient
l’affaire.
La Main qui travaille 113
Les enquêteurs-conseils
Bien que la confusion soit assez
souvent faite par les pèlerins visitant
la Cité sainte, les enquêteurs-conseils
ne sont pas des fouineurs (même si
certains sont parfois réquisitionnés
comme fouineurs hors classe, et s’ils
peuvent détenir en sus de leur activité
professionnelle une charge de fouineur).
En général, ils ne travaillent pas pour
les autorités, mais procèdent à des
investigations à la demande et pour le
compte de particuliers, au contraire
des fouineurs qui enquêtent toujours
pour défendre les intérêts du Roi-Dieu
et de la société laelithienne, c’est-à-
dire d’abord des Temples (et de la
Haute Guilde…). Il arrive que les deux
professions coopèrent, la définition
des intérêts royaux-divins étant floue
et pouvant inclure ceux de certaines
personnes bien en cour.
L’enquêteur-conseil n’a aucun pouvoir
de police et doit respecter la loi. Son
rôle consiste à obtenir des preuves
qui seront présentées au tribunal lors
d’un procès. Il doit être agréé par la
justice royale-divine, ce qui se traduit
par l’achat d’une licence, délivrée suite
à une enquête d’honorabilité menée
par les fouineurs (le plus souvent une
simple formalité). L’agrément doit être
renouvelé chaque année. Il est délivré
individuellement, mais plusieurs enquê-
teurs-conseils peuvent s’associer pour
former une seule agence.
Un enquêteur-conseil peut aussi em-
ployer des enquêteurs non agréés, qui
agissent sous sa responsabilité directe.
Les autorités (justice, fouineurs, gardes)
peuvent s’opposer à ces recrutements
sans avoir à fournir de justification à
leur refus, mais si l’enquêteur-conseil
porte l’affaire au tribunal, le refus devra
être étayé. Ces auxiliaires ne sont pas
salariés, mais perçoivent une rému-
nération en fonction des affaires sur
lesquelles il les lance.
Les enquêteurs-conseils sont regroupés
au sein d’une guilde : la guilde des
Conseils (seule occasion où ce qualifica-
tif prend la marque du pluriel).
La chambre de l’assesseur Thermonax
était fermée de l’intérieur… mais
Thermonax avait été tué.
Nous avons vu que, bien qu’ils soient
des enquêteurs de droit privé, il arrive
que les autorités fassent (officielle-
ment ou non) appel à leurs services.
Inversement, les fouineurs détachés
sont des fouineurs travaillant pour un
enquêteur-conseil, qui a fait appel à
eux dans le cadre du service normal du
détaché (qui est alors prêté à l’enquê-
teur-conseil par sa hiérarchie, sauf
si celle-ci estime qu’elle a des tâches
plus importantes à lui confier). Seuls
les enquêteurs-conseils les mieux
considérés au sein de leur guilde (et par
les autorités royales-divines) bénéficient
de détachés. Les détachés continuent
à percevoir leur salaire, mais sont
autorisés à recevoir un intéressement de
l’enquêteur-conseil.
114
Il va sans dire qu’un refus de la part des PJ
serait très mal pris (quarantaine jusqu’à la fin
de l’affaire, puis expulsion définitive de la Cité
sainte). Le marché devrait être vite conclu : si
le problème n’est pas réglé, il faudra faire appel
aux fouineurs, qui risquent de s’intéresser de
près aux PJ ; en cas de succès, les PJ seront lar-
gement défrayés et pourront compter à l’ave-
nir sur le soutien de quatre des plus influents
assesseurs de Laelith (oui, quatre : Thermonax
est mort, mais son remplacement par Ruborax
ne fait aucun doute).
Meurtre en chambre close
Il est douteux que les PJ refusent. Ruborax
leur fait alors comprendre qu’il serait haute-
ment souhaitable qu’ils travaillent de façon
indépendante – bref, qu’ils ne lui fassent de
rapport qu’après avoir résolu l’affaire : la per-
sistance d’incertitudes risquerait de l’obliger à
faire appel aux fouineurs… Le prosecteur les
confie alors au secrétaire de Thermonax, un
nommé Josiax, et au rahel Romuald, qui com-
mande le poste de garde du Lazaret. Bien que
ce soit le milieu de la nuit, l’enquête peut et
doit commencer tout de suite !
Josiax, le secrétaire, a le grade de flamme bé-
nie (diacre) de l’Oiseau de feu. C’est un homme
maigre, chauve et sans âge, qui passerait ina-
perçu dans sa robe rougeâtre de diacre du Feu
si ses yeux perçants ne brillaient d’un éclat
incendiaire… Il était visiblement très attaché
à Thermonax et ne perd pas un instant pour
affirmer aux PJ que son maître était un saint
homme, l’avenir de l’Oiseau de feu et même
de tout Laelith, et que seule une conjuration
de redoutables jeteurs de sorts a pu en venir à
bout. N’a-t-il pas, dans son jeune temps, alors
qu’il accompagnait des pèlerins, carbonisé les
yeux d’un brigand armé d’un arc avant qu’il ne
puisse tirer ? Il ne faudrait pas pousser beau-
coup le secrétaire pour qu’il accuse la curatrice
Cryptonia.
Romuald, le rahel, est un homme jeune,
qui a belle allure dans son uniforme. En fait
– des PJ féminins pourront y être sensibles –
il est très séduisant, dans le genre ténébreux.
Dommage qu’il semble si affecté par le décès
de Thermonax : il affiche une mine lugubre
avec une grimace permanente et triture sans
cesse le pommeau de ses armes réglemen-
taires, une épée courte et une dague.
Le meurtre a eu lieu dans les appartements
privés de Thermonax, au premier étage d’un
petit bâtiment annexe du pavillon du Feu. Au
rez-de-chaussée se trouvent une salle de sé-
jour très dépouillée (elle ne sert guère) et deux
petites chambres. Josiax explique qu’il loge
dans l’une d’elles. L’autre est celle de la novice
Coraline, « la… femme de chambre de… dame
que la plaie est due à une lame mince et effilée
– une dague, sans doute, qui lui a transpercé la
gorge. Mais il devrait y avoir une mare de sang
– or, le tapis sous le corps est à peine taché.
Près du cadavre, une clef – pas celle de la porte
du couloir, qui est posée sur la table de nuit, ni
celle de la porte de droite, qui est introuvable,
mais celle de la porte de gauche, qui donne
sur la chambre de dame Béryline. Il n’existe
pas de double de ces deux dernières clés (non,
Béryline ne possède pas la clef de la porte de
communication entre les deux chambres).
Une veuve éplorée et un
Résurrection impossible
Certains prêtres de divers cultes, du
Crâne mais pas seulement, affirment
qu’il leur est possible de ressusciter des
morts – définitivement ou provisoi-
rement, et selon la cause de la mort
et le temps écoulé depuis. À Laelith,
les suites du Châtiment se sont, entre
mille autres conséquences, traduites par
l’impossibilité de telles résurrections.
L’énergie qui a secoué la matière dans
toute la région lors du cataclysme est
encore très présente aujourd’hui. Il
semble qu’elle crée des « parasites »
spirituels qui empêchent l’âme de
retrouver le chemin du corps.

Béryline » articule le diacre avec un mépris bureau fermé

mal dissimulé. Eh oui, le saint Thermonax
Les PJ voudront sans doute interroger la
n’a fait nul vœu de chasteté et Béryline est sa compagne du mort. La chambre de Béryline
compagne depuis quelques années. Il n’est pas
difficile de faire dire à Josiax que Béryline, en-
trée au Lazaret comme novice, a bassement sé- Dame Béryline, désolée, est
duit Thermonax. Ce dernier a même eu la fai- soutenue par sa suivante et amie,
blesse d’en faire une diaconesse – alors que lui, Coraline.
Josiax, trop pris par son activité de secrétaire,
n’a pu encore prétendre au rang de prêtre !
À l’étage, un couloir avec deux portes. La
première ouvre sur les modestes appartements
de Thermonax. C’est Josiax qui a découvert le
meurtre. La veille, il avait accompagné son
maître à une réunion des assesseurs du Feu au
temple (de l’Oiseau de feu, bien sûr). Indisposé,
Thermonax a quitté la réunion bien avant la
fin, laissant le fidèle secrétaire prendre note de
la suite des débats. En début de matinée, in-
quiet de ne pas voir son maître se lever, Josiax
a frappé à la porte, puis l’a ouverte – il possède
un double de la clé, dont il ne se sépare jamais,
car (même s’il ne le dira pas ainsi) il joue aussi
le rôle de valet de chambre. Et là…
Les PJ vont pouvoir examiner la scène du
crime : rien n’a été touché depuis la décou-
verte du corps.
La pièce est sobrement meublée d’un lit
et de coffres à vêtements. Le sol est couvert
d’épais tapis et les murs de tapisseries plutôt
défraîchies. Sur le mur opposé à la porte, une
fenêtre grillagée. Sur chacun des deux autres
murs, une porte fermée (à clef).
Le cadavre est allongé sur le dos, près du lit.
Thermonax est en partie dévêtu, comme s’il
s’apprêtait à se coucher. La cause de la mort est
évidente : une plaie au cou. Un PJ s’y connais-
sant en armes pourra sans peine déterminer

La Main qui travaille 115


Rose Maguffin
Cette dynamique jeune femme d’en-
viron 25 ans, exerce au 11 échelle des
Cuirs la profession d’enquêteur-conseil.
Elle a succédé à son père, Ranan
Maguffin, l’un des plus fameux enquê-
teurs-conseils, qui lui a appris les ficelles
du métier.
Petite, un peu boulotte, ni belle ni laide,
Rose se présente comme enquêteur,
et non enquêtrice, car elle espère ainsi
atténuer le sexisme à son égard, en
particulier celui de sa guilde (presque
exclusivement masculine). Pour les
mêmes raisons, elle évite de revêtir des
atours trop féminins et se félicite de ne
pas être d’une grande beauté (ce qui
l’arrange aussi pour les filatures).
Ranan est mort il y a quelques se-
maines dans des circonstances non élu-
cidées. Son décès arrange beaucoup de
monde : des personnalités laelithiennes
(y compris parmi les plus puissantes)
dont il connaissait certains secrets ina-
vouables ; d’autres enquêteurs-conseils,
concurrents jaloux de son talent ou
hiérarchie de la guilde irritée par son
indépendance et son intégrité. Ces
confrères peu respectables tentent de se
venger sur sa fille, mais cette dernière
est aussi intègre, presque aussi douée, et
encore plus tenace que son père.
Afin d’élucider les circonstances de
la mort de son père, Rose recrute les
PJ comme auxiliaires. Ils vont devoir
découvrir ce sur quoi il enquêtait, ce
qui les conduira à mettre au jour des
secrets qu’il avait accumulés sur les
puissants de Laelith. Maguffin avait
consigné par écrit certains de ces secrets
dans une cache, les PJ et Rose en (re)
découvriront d’autres. Inévitablement,
les enquêteurs vont se faire des ennemis
puissants, dans la société en général
et au sein de la guilde des Conseils
en particulier. L’enquête pourrait
déboucher sur un scandale interne
à la guilde, renversant des dirigeants
corrompus et amenant Rose (ou un
PJ enquêteur-conseil) à en prendre la
tête à l’issue d’une campagne politique,
tandis que plusieurs des personnalités
dont ils auront découvert les secrets peu
glorieux chercheront à s’assurer de leur
silence… d’une façon ou d’une autre.
116
Désaccords au
sommet
La réunion à laquelle Thermonax a partici-
pé quelques heures avant sa mort est l’une
des réunions ordinaires entre les cinq as-
sesseurs de l’Oiseau de feu, qui peuvent ou
non être présidées par le grand prêtre. En
théorie, elles ne traitent que de sujets re-
ligieux, mais en pratique, leur thème prin-
cipal est souvent la politique intérieure de
Laelith et les relations avec les trois autres
familles de cultes.
Thermonax faisait partie de la faction
des Adorateurs de la Lumière invincible.
Il a soutenu l’ascension de Servadax à la
grande prêtrise, mais il n’a pas approuvé sa
politique conciliante à l’égard du Poisson
d’argent. L’élection de Nin au trône du
Roi-Dieu n’a été possible, estime-t-il, que
grâce à des manœuvres de couloir et à des
échanges de faveurs – de grandes faveurs.
Lors de la dernière réunion, c’est Philhélios,
du Soleil invincible, qui a provoqué son
agacement en proposant d’organiser une
procession particulièrement importante
en l’honneur de Nin Ier. Ce n’est pas à cause
de cette prise de position que Thermonax
est mort, mais beaucoup de prêtres du Feu
partagent ses opinions, et cela ne plaît pas
à tout le monde.
est assez grande, décorée avec goût. Un
grand lit, une coiffeuse, une table de toilette,
des coffres à vêtements… Une fenêtre grilla-
gée et trois portes : la porte de communica-
tion, celle du couloir et une troisième, qui est
tout simplement celle de la garde-robe (les
toilettes…). Un PJ très observateur pourra
constater que le tapis situé devant la porte
de communication n’est pas bien assorti
aux autres. À condition que les PJ entrent
dans la chambre et n’acceptent pas de ren-
contrer Béryline dans la salle de séjour au
rez-de-chaussée…
La rencontre avec la « veuve » n’apportera
sans doute pas grand-chose. Les yeux rougis
par les larmes, elle a revêtu sa robe de dia-
conesse et arrangé ses cheveux en un chignon
strict, mais tout cela n’empêche pas de consta-
ter que c’est vraiment une très jolie jeune
femme. Entre deux sanglots, elle dit qu’elle
ne sait rien, qu’elle s’est endormie la nuit du
crime sans même penser que son seigneur et
maître viendrait la rejoindre, puisque la ré-
union prévue au temple ne devait se termi-
ner que fort tard. Sa suivante, Coraline, pe-
tite femme ronde qui porte toujours la robe
de novice, la couve avec affection (on peut
apprendre que c’est une amie d’enfance et
qu’elles sont entrées ensemble dans les ordres
du Feu).
Il ne sera pas difficile aux PJ de consta-
ter l’animosité qui existe entre Josiax et les
deux femmes. Mais il leur faudra bien plus
de psychologie – et seulement s’ils se posent
la question – pour observer que les regards
de Béryline et de Romuald se croisent un peu
trop souvent.
Les PJ vont sûrement chercher à entrer dans
le bureau de Thermonax. Josiax ne leur facili-
tera pas la tâche. Romuald fera venir un serru-
rier, car la clef est toujours introuvable. Puis, il
s’absentera, prétextant les devoirs de sa charge
– en fait, il souffre trop. En cas de besoin, les
PJ pourront faire appel à un de ses adjoints, un
grand blond costaud et pas très malin nommé
Ragnar (il a un peu peur de pénétrer dans les
appartements de Thermonax…).
Le bureau est meublé d’une grande table de
travail couverte de papiers, de longues éta-
gères murales où sont soigneusement ran-
gés des grimoires traitant des mille façons
d’utiliser le feu dans un but thérapeutique
et des dossiers où le défunt a consigné les
résultats de ses recherches personnelles. Il
faut une connaissance très approfondie de la
magie cléricale et des cultes du Feu pour s’y
retrouver. Il sera plus aisé de remarquer que
les dossiers les plus anciens sont d’une autre
écriture et parfois annotés par Thermonax.
Questionné, Josiax avouera du bout des
lèvres qu’il s’agit de l’héritage de Pyrodeimos,
prédécesseur de Thermonax, disparu il y a
quinze ans. Disparu ? Enfin, mort, oui… En
fait, on a retrouvé son corps en partie carbo-
nisé dans une des pièces du pavillon du Feu
où l’on donne normalement des soins.
Si l’on prend la peine d’examiner les papiers
les plus en désordre sur la table, on pourra y
trouver… des poèmes, ou des brouillons de
poèmes, parfois rageusement chiffonnés. Des
poèmes d’amour chantant Béryline ! Hélas, pas
besoin d’être un grand écrivain pour se dire
que le maître de la chirurgie par le Feu n’avait
pas dépassé, en poésie, le niveau d’un collégien
très amoureux mais peu doué.
 Appartements de Thermonax
Passage à travers un conduit caché
Rez-de-chaussée
Cave
Entre deux étagères, un coffre métallique est
fixé au sol. Pas de clé en vue… Et toute per-
sonne ayant quelque compétence dans l’art
d’ouvrir un coffre sans clé reconnaîtra, gra-
vées dans le métal, des runes signalant la pré-
sence d’un piège à feu – sûrement redoutable,
vu le niveau du propriétaire. Il est préférable
que les PJ s’abstiennent.
Enfin, au fond du bureau, une petite porte
donne sur la garde-robe.
Au contraire de celui des chambres, le plan-
cher du bureau n’est pas complètement recou-
vert de tapis. En fait, il n’y en a que deux : un sous
la table de travail et un entre le mur extérieur et
la porte de la garde-robe. Josiax s’est installé sur
ce dernier et n’en bougera que si un PJ le pousse.
Sous ce tapis, une trappe ! Qui s’ouvre sur un
boyau vertical obscur, mais doté d’échelons…
Questionné, Josiax répond que ça n’a rien
à voir avec la mort du saint Thermonax et
2
3
Premier étage
5
que ce ne sont pas les affaires des PJ  ! Il laisse
1 Bureau
même entendre que descendre dans ce boyau
serait très dangereux sans Thermonax… Et 2 Chambre de Thermonax
il dit vrai ! Mais il ne dira rien d’autre. Si
on utilise des moyens énergiques ou plus Chambre de dame
3
raffinés (magie, hypnose…) pour en savoir Béryline
davantage, on ne pourra apprendre qu’une 4 Buste masqué
chose : « le Maître sera sans pitié pour
les intrus… » avant que Josiax s’écroule, 5 Grille
victime d’un infarctus foudroyant. Si on
questionne d’autres membres du Lazaret
à propos du diacre, on pourra découvrir
sans mal qu’il était déjà au service du pré-
décesseur de Thermonax, Pyrodeimos, qu’il
appelait « le Maître » (alors qu’il appelait
Thermonax « le Saint »)… Si l’on creuse un
peu, on apprendra que c’est lui qui a dirigé
les travaux effectués dans les appartements
du fulgurateur sur l’ordre de Pyrodeimos
– ces appartements ont été pratiquement
reconstruits.
La Main qui travaille 117
 Pyrodeimos, porteur du masque d’Infero, n’est pas
un adversaire à prendre à la légère…

118
Ce qui s’est passé la nuit du crime
Il est temps de révéler au lecteur la vérité sur le meurtre
de Thermonax…
L’assesseur est en effet rentré tôt – bien plus tôt que prévu,
hélas pour lui – d’une réunion organisée au temple. Il sera
facile de le confirmer sur place, où les PJ pourront se rendre
avec une escorte de gardes du Lazaret. On y apprendra aussi
que la réunion a été « très animée » : Thermonax est parti
en claquant la porte, ce qui pourrait égarer les soupçons. Il
est rentré directement au Lazaret, comme le confirme sans
mal le rapport du poste de garde à l’entrée (côté ville). Puis,
il a gagné sa chambre, s’est changé et a décidé de rejoindre
la douce Béryline. Hélas, celle-ci était à ce moment en com-
pagnie du beau Romuald, le chef de la garde du Lazaret en
personne, dans une tenue et une posture ne laissant aucun
doute quant à leur occupation !
Thermonax a frappé le premier : alors que le rahel saisis-
sait sa dague posée sur la table de nuit, il a brûlé un de ses
organes. Mais dans sa rage, au lieu de foudroyer son rival au
cœur, il a brûlé un organe plus bas situé… Et Romuald est
un soldat d’élite : sans tenir compte de la douleur atroce, il a
lancé sa dague dans la gorge de l’assesseur.
Béryline a ensuite prouvé qu’elle n’avait pas volé son
titre de diaconesse en soignant de son mieux son amant.
Mais celui-ci est loin d’être guéri et souffre horriblement.
Néanmoins, tous deux ont pu déguiser le meurtre, avec
la complicité de Coraline, qui ferait tout pour son amie
d’enfance (son affection pour Béryline s’étend à Romuald,
elle est leur complice depuis le début de leur liaison). Le
tapis imprégné de sang a été changé, le mort allongé près
de son lit et la porte de communication refermée. La clef a
été alors glissée sous la porte et expédiée à proximité de la
main du mort grâce à l’épée du rahel, utilisée comme une
queue de billard pour propulser la clef, car sa lame peut
elle aussi passer sous la porte. La clef du bureau et celle
du coffre ont été subtilisées par Coraline, qui s’est dit que
cela dirigerait les soupçons vers le bureau (où elle n’est pas
entrée).

Un abbé très préoccupé

Les recherches des PJ vont sans doute s’orienter vers
le bureau. Mais elles vont être perturbées dans la jour-
née par l’arrivée d’un visiteur inattendu : nul autre que
l’abbé Erythros, archiflamme des adeptes de Pyrodrac,
abbé du monastère de l’Ultime Flamboyance et, comme
feu Thermonax, foyer d’adoration (assesseur) de l’Oi-
seau de feu. Erythros, qui a été prévenu en secret par un
des prêtres du Lazaret (adepte de Pyrodrac), veut voir son
ami Thermonax. Son ami ? Il est fréquent que deux asses-
seurs du même élément s’apprécient assez peu, qu’ils se
disputent la faveur du grand prêtre ou qu’ils espèrent tous

La Main qui travaille 119

 Solution énergique
« Tous ces simplets qui traînent dans
nos rues, faut les renvoyer à la terrasse
du Châtiment !
– Mais ils ne viennent pas du
Châtiment !
– Faut les y renvoyer quand même ! »
Entendu dans une taberge proche du
Lazaret
Un groin titré
Si les innombrables escaliers des
terrasses de Laelith font qu’on n’y
rencontre que très peu de montures
ou de bêtes de somme, de nombreux
animaux peuplent les rues de la Cité
sainte : doudilains, chiens, volailles, etc.
Et beaucoup de porcs, qui contri-
buent à la réduction des ordures qui
s’accumulent sur la voie publique et, le
moment venu, améliorent l’ordinaire
des habitants. Le baronnet de l’échelle
Bitorde (minuscule venelle donnant sur
la place de la Corne) est l’un d’eux.
Son titre de noblesse lui fut donné par
dérision il y a quelques années : Gros
Gouri se comportait en seigneur de
l’échelle, tant auprès de ses congénères
qu’à l’égard des gens, daignant ou non
selon son bon plaisir se pousser pour les
laisser passer. Le baronnet était promis
au couteau de Sabardin, le boucher du
quartier, mais quelques jours avant la
date prévue pour son trépas, le grand
prêtre Servadax, revenant discrètement
de chez l’une de ses maîtresses, perdit
dans l’échelle un précieux mouchoir
brodé que le flair du pourceau
permit de retrouver. En récompense,
Servadax fit officialiser par le Roi-Dieu
Teaphanerys XIV (alors quelque peu
affaibli par l’âge, sans doute…) le titre
du baronnet.
Certains en ont plaisanté, bien sûr :
« Faire un baronnet d’un pourceau ?
Et pourquoi pas un baron d’agneau ? »
(Gévrine de Quaire)
Mais depuis, Gros Gouri, à qui les habi-
tants montrent un respect exagéré mais
affectueux, est devenu énorme. Il mourra
probablement de vieillesse : si quelqu’un
osait le trucider (ou simplement évoquer
l’idée), la réaction populaire pourrait être
violente ! Reste une question : après son
décès de mort naturelle, le mangera-t-on
en tant que porc, ou l’enterrera-t-on en
tant que baronnet ?
120
deux lui succéder. Mais non, Erythros affirme
que l’Oiseau de feu les avait réunis sous son
aile… et il est difficile de mentir à un asses-
seur, surtout à un assesseur très bien infor-
mé. Après avoir gémi sur le triste sort de son
ami, Erythros approuve le fait d’avoir confié
l’enquête aux PJ et demande à leur parler en
particulier.
Après avoir écouté les PJ, Erythros se
montre très avide de savoir ce que contient le
fameux coffre retrouvé dans le bureau. Sous
le sceau du secret, il explique qu’il contient
sans doute un certain nombre de fioles qui lui
sont destinées et portent d’ailleurs son nom
(il a raison !). Il faut donc prendre les plus
grandes précautions pour ouvrir ce coffre –
l’idéal étant d’attendre de retrouver la clef, car
la moindre anomalie pourrait déclencher la
destruction du contenu. « Mais je vous laisse
travailler, je reprendrai contact avec vous
par l’intermédiaire de mon fidèle assistant, le
moine Arios (un personnage encapuchonné
qui le suit comme son ombre). Sachez que je
suis bien d’accord avec le prosecteur Ruborax :
soyez discrets et tâchez d’aller vous-même au
fond des choses, il est inutile de… d’ennuyer
les services du Crâne avec cette triste affaire
tant que nous n’en connaissons pas les te-
nants et les aboutissants. Enfin, comme vous
vous en doutez, je vous serai TRÈS recon-
naissant si vous pouvez me remettre ce qui
m’appartient. »
Ranimer le Feu
Les PJ auront compris que le fulgurateur
Thermonax et l’abbé Erythros sont unis par
un grand secret.
Il y a cinq ans, Thermonax est allé secrète-
ment voir Erythros. Il lui a raconté que son
prédécesseur, Pyrodeimos, subitement décé-
dé quelques années plus tôt, lui avait légué de
nombreux manuscrits sur ses travaux. Il avait
poursuivi et mené à bien certaines recherches,
mais il avait besoin de l’aide d’Erythros pour
les exploiter au mieux (notons que Thermonax
n’a pas dit toute la vérité à Erythros quant à
la façon dont il a pu « mener à bien » les re-
cherches sur les potions de rajeunissement, et
surtout avec l’aide de qui).
À partir de certaines glandes du corps hu-
main, on pouvait fabriquer diverses potions
capables de… ranimer la flamme des diverses
fonctions de l’organisme. Hélas, le procé-
dé d’extraction exigeait pas mal de matière
première – or, les glandes en question sont
indispensables à la vie. Il fallait les extraire à
partir de cadavres relativement frais. Certes,
Thermonax avait à sa disposition quelques
corps, mais pas assez ! Les soins donnés au
Lazaret sont bons, on n’y meurt pas beau-
coup et les responsables des autres pavillons
veillent jalousement sur leurs défunts – sur-
tout « cette vieille peau de Cryptonia » a gro-
gné Thermonax, réussissant (bien involontai-
rement) à faire sourire Erythros.
Bref, le fulgurateur venait demander à l’abbé
de mettre à sa disposition quelques cadavres,
juste avant leur incinération – sa maîtrise
technique garantissait que, sans un examen
détaillé du corps, on ne remarquerait pas
l’ablation des organes en question. Et comme,
quelques heures plus tard, les cadavres parti-
raient en fumée…
Les potions fabriquées seraient partagées
en deux lots identiques. Correctement em-
ployées, elles permettraient un véritable ra-
jeunissement. Avec des doses moindres mais
régulières, on pourrait obtenir une interrup-
tion du vieillissement et un accroissement très
considérable de l’espérance de vie.
Erythros n’a pas mis longtemps à accepter,
en prenant toutes sortes de précautions…
Mais il a vite constaté que Thermonax était
sincère : ses potions marchaient, et même
très bien ! Erythros a pu se rajeunir discrète-
ment – à 80 ans, il en paraît à peine 60, il est
en pleine forme et il est convaincu qu’avec le
temps, le poste de grand prêtre de l’Oiseau de
feu, puis le trône du Roi-Dieu ne sauraient lui
échapper…
Et visiblement, Thermonax n’avait pas le
même objectif. Sans doute y avait-il songé,
mais depuis que Béryline était entrée dans
sa vie, tout avait changé. Pour devenir Roi-
Dieu, il lui aurait fallu la répudier, et il n’en
était pas question ! Stupéfait, Erythros avait
dû se rendre à l’évidence : le fulgurateur était
amoureux comme un gamin. Est-il néces-
saire de préciser quel rajeunissement il avait
recherché ? Une chose est sûre : Béryline
n’avait aucune raison de se plaindre de ses…
performances intimes. Erythros en sourit
encore. De son point de vue, Thermonax
était un peu fou – mais lui, cette folie l’ar-
rangeait bien !
Une fausse piste de diamètre dont les parois sont couvertes
de mousses produisant une phosphorescence
Dans les dents
Un pèlerin fait un esclandre dans
qu’il faut suivre verdâtre.
Au centre, sur un socle cylindrique, une sta-
l’échelle des Ateliers : il a acheté une
sainte molaire de Mandala Ier à un re-
Pendant ce temps, le pauvre Romuald, liquaire, mais en la regardant de près, il
tue (un buste en fait), située à hauteur d’homme
épuisé, s’est à nouveau fait soigner par s’est rendu compte qu’il s’agissait d’une
et représentant, grandeur nature, une tête
Béryline, mais si celle-ci parvient à soula- molaire de porc !
d’homme au visage couvert d’un masque
ger un peu ses douleurs, la brûlure prend Ce pèlerin est arracheur de dents de son
grimaçant. La tête et surtout le masque rou-
un aspect de plus en plus inquiétant. C’est métier et adorateur de Hammasfog,
geoient légèrement – ce qui s’accorde fort bien Dieu des Mâchoires. Tout en vociférant
Coraline qui se décidera à demander de l’aide
avec le fond verdâtre des parois de la salle. (ce qui provoque un attroupement), il
au PJ capable de soigner, car il est probable
La réaction des PJ dépendra de leur men- examine les autres reliques dentaires
que tous les prêtres du Lazaret dénonceraient
talité. Envie de fuir, pour certains. Fureur présentées par le vendeur et révèle
aussitôt le rahel. Elle va tenter de négocier
destructrice pour d’autres : un personnage d’autres faux grossiers. Si on le laisse
l’aide et le silence des PJ en échange de la clef poursuivre, ou s’il va se plaindre auprès
de type paladin aura tout de suite une envie
du coffre, qui contient forcément quelque des autorités, toute l’économie des
presque irrésistible de détruire cette chose.
chose de très précieux. C’est d’ailleurs exact, Ateliers du souvenir pourrait y laisser
Mais le plus souvent, ce sera un mélange de
mais elle ne sait pas qu’il s’agit de fioles d’un des plumes… ou des dents.
répulsion et d’attraction poussant à regarder
élixir très particulier destiné à Erythros (ou à
le buste dans les yeux, de plus ou moins près –
Thermonax lui-même).
un PJ très proche du « côté obscur » ira jusqu’à
Ce sera au MJ de décider quand envoyer appuyer son front contre celui de la statue.
Coraline demander l’aide des PJ (ou au moins Dans tous les cas, quelques instants plus tard,
du PJ le plus compétent en soins), en fonction
des recherches menées par ceux-ci. Laissez-
leur le temps de progresser sur la fausse piste L’abbé Erythros, à quatre-vingts
du passage secret, puisque seule cette fausse ans, ne semble pas avoir plus de
soixante printemps, grâce aux
piste peut leur permettre de découvrir l’autre
potions de Thermonax…
face de Thermonax… et du scénario.
Il est très probable que les PJ vont aller cher-
cher dans les profondeurs la réponse à leurs
questions sur le meurtre de Thermonax. S’ils
interrogent Béryline ou Romuald au sujet du
souterrain, ceux-ci – sincèrement étonnés –
les pousseront évidemment à creuser de ce
côté. En parler à Ruborax ? Mauvaise idée.
Ce dernier leur a bien fait comprendre qu’il
ne voulait plus entendre parler d’eux s’ils ne
lui offraient pas une solution clefs en main, et
l’existence d’un passage secret dans les appar-
tements du fulgurateur est une complication
de plus ! Mieux vaudrait s’en ouvrir à Arios,
l’envoyé d’Erythros, qui vient prendre de
leurs nouvelles chaque jour et les pressera de
poursuivre tout en gardant le secret de leurs
découvertes.
Le boyau vertical descend tout simplement
jusque dans la cave du bâtiment, qui est censée
avoir été comblée lors des travaux ordonnés
par Pyrodeimos, seize ans plus tôt – en fait,
elle n’a été que murée. Cette cave débouche sur
un souterrain (le sous-sol de Laelith est un vrai
gruyère…). Après une centaine de mètres dans
le noir le plus total (les PJ vont devoir s’équiper
de torches – au minimum), le tunnel s’ouvre
sur une salle circulaire d’environ 10 mètres

La Main qui travaille 121

 Gros Gouri, baronnet
de l’échelle Bitorde
« Sais-tu qu’en toutes circonstances, le
baronnet de l’échelle Bitorde est mieux
vêtu que toi et moi ?
– Ah bon ?
– Eh oui : il est habillé de soies. »
Rhinophore, érudit, gastronome et spadas-
sin, à Gévrine de Quaire, saltimbanque et
exploratrice urbaine
Omnivore
La présence de porcs dans les rues de
Laelith, si elle contribue à lutter contre
l’amoncellement des ordures, peut aussi
avoir des conséquences fâcheuses : on
ne compte plus le nombre de morsures
(en particulier sur les enfants), et on
dit que certains ivrognes ayant disparu
sans laisser de trace alors qu’ils cuvaient
au fond d’une impasse auraient été
dévorés.
La plupart de ces cas ont une autre
explication (Gros Gouri ne ferait jamais
une chose pareille !). Et si quelques-uns
sont dus à des porcs, le responsable est
alors le plus souvent un changeforme
anthropophage : un humain se trans-
formant certaines nuits en pourceau
maléfique. Le reste du temps, le nommé
Aladar le Rouge se terre dans une
échoppe de la Main qui travaille où il
fabrique… des brosses de luxe dont les
poils sont en soies de porc.
Une mère éplorée demande aux PJ de
l’aider à retrouver sa fillette disparue
un soir qu’elle allait chercher de l’eau à
la fontaine… La pauvrette a-t-elle été
tuée ? Ou Aladar l’a-t-il capturée pour
assouvir, à la prochaine pleine lune, ses
abominables appétits ?
122
les PJ entendront une voix grinçante (plus ou
moins distincte selon la distance avec la statue)
s’adresser à eux. En fait, ce n’est pas une voix
sonore, mais mentale : « Mais… Vous n’êtes
pas mon cher disciple Thermonax… Et vous
êtes plusieurs… Fort bien, nous allons faire
connaissance… »
Le masque d’Infero
Comme les PJ commencent peut-être à
le soupçonner, le vrai méchant de l’histoire
n’est pas feu Thermonax, mais son prédé-
cesseur, Pyrodeimos, qui n’est pas mort (le
cadavre qu’on a pris pour le sien était celui
d’un pèlerin malchanceux…). En examinant
sa cave, Pyrodeimos est tombé sur un ac-
cès non cartographié du Cloaque. Trop cu-
rieux, il s’est demandé si les gens « d’en bas »
n’avaient pas des connaissances utiles à ses
travaux. Un esprit aussi brillant que le sien
ne pouvait manquer d’intéresser le maître du
Cloaque. Celui-ci a pris contact avec lui et lui
a offert un masque, dit masque d’Infero, ca-
pable d’accroître ses facultés mentales et de
lui permettre d’entrer en relation avec les di-
vinités du Feu.
Avec l’aide du masque et le concours de
son élève dévoué, Thermonax, Pyrodeimos
a en effet avancé dans ses recherches sur une
potion de rajeunissement. Mais il ne s’est pas
rendu compte que, peu à peu, le masque l’en-
vahissait, transformant son âme et même son
corps. Quand cette transformation a été trop
avancée pour lui permettre de continuer à
vivre normalement, il a mis en scène sa propre
mort avec l’aide de Thermonax et s’est réfu-
gié dans les entrailles du Cloaque, où il vit
toujours. Son but était de faire de son ancien
disciple une véritable marionnette et de le té-
léguider pour qu’il devienne grand prêtre de
l’Oiseau de feu, puis Roi-Dieu ! Et son em-
prise sur Thermonax devait le lui permettre…
Quand Béryline, bien involontairement, est
intervenue.
Soudain, la perspective de devenir Roi-Dieu
à la place… (air connu) n’intéressait plus trop
Thermonax, qui préférait passer ses nuits avec
sa jeune compagne plutôt qu’à recevoir les ins-
tructions de son ancien mentor. Mais pendant
ce temps, l’ironie du sort faisait que l’amour
sincère qu’il lui portait n’empêchait pas
Béryline de chercher, et de trouver, quelqu’un
de plus à son goût…
On s’en doute, tout cela ne convenait pas du
tout à Pyrodeimos, mais il n’a rien pu y faire.
Comme il a conservé un lien empathique avec
Thermonax, il soupçonne qu’il lui est arrivé
quelque chose, et les réactions des PJ vont lui
confirmer sa mort (il ne lit pas dans les esprits
mais, par l’intermédiaire du buste, il peut per-
cevoir les réactions émotionnelles). Il va donc
chercher à… embaucher les PJ. « Je vois que ce
pauvre Thermonax s’est envolé sur les ailes de
l’Oiseau de feu, mais la vie doit continuer, et
vous pourriez bien être qualifiés pour remplir
sa sainte mission. »
Il n’en croit rien, et ses premiers échanges
avec les PJ le lui confirmeront : aucun d’eux n’a
de chance de devenir un jour Roi-Dieu ! Alors
il va se rabattre sur un plan moins grandiose.
Mais d’abord, il lui faut mettre les PJ de son
côté. Cependant, si chaque échange donne
confiance aux PJ les plus proches du « côté
obscur », Pyrodeimos énerve ceux qui sont
à l’opposé, par exemple en tenant des pro-
pos méprisants sur les activités de soins du
Lazaret. Le malaise grandit peu à peu ; l’idéal
est que le maître de jeu n’ait pas besoin de sug-
gérer l’idée et qu’un PJ s’exclame « Mais j’en
ai assez de cette saleté ! » et joigne le geste à
la parole. Détruire le buste est possible, si on
est relativement costaud et qu’on utilise un
outil ou une arme solide. Il explose en mille
morceaux en émettant une vague de haine
qui laisse les PJ effondrés, vomissant tripes et
boyaux…
Bienvenue dans le Cloaque
Il est possible que l’échange entre les PJ
et Pyrodeimos n’aille pas d’emblée jusqu’à la
destruction du buste, car de l’autre côté de
la salle, le tunnel se poursuit. Au bout d’une
vingtaine de mètres, il est barré par une grille
métallique très solide, fermée. Elle a été ins-
tallée par Thermonax, qui n’était pas aus-
si soumis aux ordres de Pyrodeimos que ce
dernier l’aurait voulu. Une plaque métallique
portant une inscription dans la langue la plus
courante à Laelith est incrustée dans la paroi,
quelques pas avant la grille. On peut y lire :
« Parlez ! L’Amour ouvrira cette porte, mais
son Feu brûlera les hypocrites. » Il faut arti-
culer un mot près de la plaque. Dire un mot
de passe erroné fait jaillir un mur de flammes
de chaque côté de la grille, plus violent et
plus étendu de l’autre côté. En cas de seconde
erreur, le mur de flammes jaillit de nouveau,
mais cette fois la plaque métallique est tou-
chée, ainsi que la personne qui se trouve
devant. Au cas où on enfoncerait la grille (il
faudrait la force d’un ou deux ookhabs), une
explosion ferait s’effondrer cette partie du
tunnel. Ah, le mot de passe ? « Béryline »,
bien sûr…
De l’autre côté de la grille, on aperçoit (et
on sent plus encore) un des bras des égouts
de Laelith… La grille se referme toute seule
brutalement une minute après son ouverture.
Tenter d’empêcher sa fermeture déclenche
le mur de flammes, après une forte élévation
de la température qui sert d’avertissement (la
grille devient brûlante). Et il n’y a pas de dispo-
sitif d’ouverture du côté des égouts.
Là se trouve un petit quai avec une barque
à rames. En aval (il y a un faible courant), on
arrive au réseau normal, après un passage où
le plafond oblige à s’allonger dans la barque.
Un peu plus loin, la bande de Ron l’égoutier
– trois ou quatre habitants des jardins du
Dénuement – récupère tout ce qui peut ser-
vir dans l’eau des égouts. Ils puent atrocement,
mais ce sont de braves gens qui se sont bap-
tisés, pour plaisanter, « les sujets du baronnet
de l’échelle Bitorde ». Mais en les entendant
parler (les voix portent loin dans les boyaux
des égouts), les PJ peuvent les prendre pour
des malfaiteurs.
Du côté amont, on entre dans le Cloaque…
Un quai très semblable à celui de Thermonax
donne le change, mais les tunnels qui y mènent
sont très mal fréquentés : puisez à loisir dans
le bestiaire du Cloaque, selon la force des PJ.
La confrontation avec Pyrodeimos-Infero re-
présentera le point culminant de la lutte, mais
l’intervention de l’ex-prêtre du Feu doit être
dosée en fonction des capacités des PJ. Seule
une équipe vraiment puissante a des chances
contre lui (et son escorte). Pour les autres, il
faudra leur laisser la possibilité de filer.
Si les PJ ne sont pas suicidaires, ils vont
tenter de s’enfuir, chaudement poursuivis par
plusieurs embarcations chargées de créatures
déplaisantes. En fait, Pyrodeimos, frustré
de voir son plan mis en échec par la mort de
Thermonax, se doute bien que, non seule-
ment les aventuriers ne peuvent le remplacer,
mais encore qu’ils vont révéler son existence
(à moins que les PJ aient un intérêt à garder
cette information pour eux). Pour se venger, il
espérait faire ouvrir la grille par les PJ, pour
permettre à quelques-unes de ses créatures
d’envahir le Lazaret et d’y semer mort et
destruction !
S’il n’y a personne pour ouvrir la grille de
Thermonax, il faudra continuer vers l’aval.
Pour couronner l’épisode, une brusque mon-
tée des eaux due à un orage rendra le passage
surbaissé impraticable en barque ! Au fait, les
PJ savent-ils nager ? Trempés et puants, et
peut-être à moitié noyés, ils seront récupérés
par Ron et sa bande. Ils pourront ressortir par
une bouche d’égout, dans un coin discret de la
Main qui travaille… Mais sans les documents
officiels attestant de leur traversée du Lazaret !
Des complications administratives sont à pré-
voir… À moins qu’ils rencontrent le marchand
d’oublies (voir en marge de la Prospérité) et
qu’ils aient la bonne idée de lui acheter des
gaufres.
Pour finir
Tout dépend à présent de ce que les PJ vont
raconter sur leurs aventures, et à qui. Les au-
torités du Lazaret se satisferont parfaitement
de la révélation des turpitudes de Thermonax
et croiront sans difficulté qu’il a été tué « par
une créature du Cloaque », peut-être à cause
d’un repentir tardif. Récupérer les fioles
contenues dans le coffre du bureau fera très
plaisir à Erythros. Il demandera aux PJ d’ac-
compagner jusqu’à la grille son représentant,
Arios, qui fera le nécessaire pour déclencher
l’effondrement du tunnel, puis de la salle du
buste.
Les PJ peuvent enfin entrer légalement dans
Laelith. S’ils ont fait preuve de tact, ils auront
noué des relations précieuses avec les quatre
« patrons » du Lazaret (en particulier avec
Ruborax), ainsi qu’avec Erythros (ce dernier
pourrait même faire appel à eux pour recons-
tituer son approvisionnement en élixir de jeu-
nesse…). Ils se seront faits aussi, espérons-le,
trois amis moins puissants, mais très fidèles :
Béryline, Coraline et Romuald. Et peut-être
auront-ils noué des liens de camaraderie avec
Ron et compagnie…
Ah ! Ils ont à présent un ennemi juré dans le
Cloaque : Pyrodeimos, le porteur du masque
d’Infero, qui va continuer de chercher parmi
les prêtres du Feu une marionnette à manipu-
ler. Mais il faut bien un revers à la médaille…
La Main qui travaille 123
Des objets magiques
bon marché
Les souvenirs de Laelith ont tous
quelque chose de magique. Ainsi, le bri-
quet peut lancer un sort de création de
(petite) flamme (le nombre de charges
variant selon le grade du prêtre qui l’a
béni). L’eau de la gourde est souveraine
contre la gueule de bois (hélas, il n’y en
a pas beaucoup). Un coup d’éventail
suffit pour parfumer une pièce de taille
moyenne (charges limitées). Le moel-
lon… semble n’avoir aucun pouvoir
magique. Mais, convenablement manié
(au fond d’une chaussette par exemple),
il est radical pour se débarrasser des
importuns (et son efficacité ne diminue
pas à l’usage).
Brèves de Ménagerie
« J’arrivai au Lazaret pour mon
noviciat. On me mena à la Ménagerie
auprès du grand chal Fink, qui soignait
un ookhab ayant sous la mandibule un
abcès gros comme un seau. Il l’incisa
habilement à la lancette, puis me dit :
«Bienvenue au CHAL, garçon !»
L’odeur et la vue du pus coulant sur son
tablier de cuir me firent défaillir. »
Grand chal Bobor, « Mémoires »
« L’ookhab surmené par l’ascension de
la falaise de Vorn doit être arrosé d’eau
froide à profusion, puis enduit de vin
chaud et d’huile, couvert et nourri.
L’eau de boisson doit être tiède. Si l’état
ne s’améliore pas, pratiquer une saignée
des veines du cou au moyen d’un
phlébotome. »
Grand chal Tarandul, « Traité de
mareschalerie »
« L’autopsie prouvera que j’avais
raison ! »
Attribué au grand chal Mar
 Scénarios
Les doudilains malades
de la grippe
C’est le dixième doudilain que les PJ
découvrent mort dans la rue en deux
jours. Pour l’érudit Benthenoz, qui en a
autopsié deux, il s’agit de la grippe dou-
dilaine, une maladie mortelle pour les
jeunes doudilains et pour les gens, mais
bénigne pour les doudilains adultes, qui
en sont le principal vecteur : l’épidémie
menace Laelith ! Les citadins les plus
âgés ont encore en mémoire celle qui sé-
vit au début du règne d’Hetelred le Vif.
Si Émerie de Galzan, la rahel du poste
de garde local, informe le Lazaret, les
chaux vont procéder à l’abattage massif
des doudilains du quartier pour conte-
nir la maladie : mesure radicale mais
très impopulaire, tant est grand l’atta-
chement des habitants à ces animaux.
Pour éviter le carnage sans mettre en
péril la population, les PJ doivent cacher
la situation à la rahel, procurer à l’éru-
dit les ingrédients d’un remède qu’il est
seul à connaître et trouver un moyen
de l’administrer aux doudilains.
Mais cela suffira-t-il ? Des gens
sont probablement déjà en période
d’incubation…
124
Idées d’aventures
Insoupçonnable
« Vous connaissez Ralis, le tailleur ?
– Certes ! Ses créations sont de plus en plus
appréciées.
– Vous saviez qu’il avait un frère jumeau ?
– Bien sûr ! Mais ce bon à rien de Vestis est
mort depuis des années. Il sévissait du côté de
la Chaussée du lac. C’était un tire-laine très
adroit, mais il a déplu à un manieur de cou-
teau… On ne le regrettera pas. »
Deux hommes ne sont pas d’accord avec ce
qui précède – mais ils ne l’ont jamais dit à per-
sonne. Il s’agit de Ralis lui-même et d’un cer-
tain Velinox, qui dirige depuis quelque temps
la guilde de la Main leste, l’une des guildes (pas
officielles du tout) des tire-laine et autres pick-
pockets de la cité. Si quelqu’un connaissait ces
deux personnages, il serait sans doute surpris
de leur ressemblance : c’est simple, on dirait
des jumeaux !
Les PJ, attirés par sa réputation, se rendent
chez Ralis, où ils font la connaissance du tail-
leur, de sa fille, de leur aide Karl-Yves et de
la doudilaine Chanel. Ils ont l’occasion d’en-
tendre Ralia se moquer de ceux qu’elle appelle
« mes soupirants » (et qui n’ont visiblement
aucune chance). Mais le lendemain soir, quand
ils reviennent pour arrêter leur choix, Ralis est
seul dans la boutique. Très préoccupé, il tient
malgré tout à prendre leurs mesures, mais les
prie de repasser le jour suivant.
Ce jour-là, le tailleur leur explique, désespé-
ré, que l’avant-veille, Ralia n’est pas rentrée !
D’après les quelques mots prononcés par la
petite Chanel, qui est revenue blessée et très
choquée, il est clair que la malheureuse jeune
fille a été enlevée. Et aucune demande de
rançon n’a été adressée au tailleur. La veille,
dès l’aube, celui-ci a appelé à l’aide son frère,
Vestis/Velinox (mais il ne parlera d’abord aux
PJ que « d’amis de la Chaussée du lac »). Hélas,
aujourd’hui, aucune nouvelle.
À ce moment, une escouade de fouineurs
et de gardes envahit la boutique ! La veille au
soir, dans une taberge de la Prospérité, « des
témoins dignes de foi » ont vu Ralis égorger
le client avec lequel il prenait un verre, avant
de s’enfuir. Par bonheur, les PJ vont pouvoir
témoigner qu’à l’heure du meurtre, ils étaient
avec le tailleur dans sa boutique. Le mort
était un nain nommé Dacrios Dent-de-Fer,
marchand d’esclaves en gros (il vendait des
esclaves achetés ou capturés ailleurs à des…
détaillants de la Cité sainte sur le marché des
Languissants, à Termoral).
En fait, la veille, Vestis/Velinox a diffusé un
« avis de recherche » à tous ses contacts. Très
vite, il a eu une réponse : Dacrios voulait le ren-
contrer dans une taberge chic « pour parler af-
faire ». Là, le nain lui a appris que, pour arrondir
ses fins de mois (les esclaves, mon bon monsieur,
ça ne paye plus comme avant…), il faisait dans
la fourniture de chair fraîche non consentante
à quelques richards de la ville. « Cette petite, je
dois la livrer demain soir au client. Mais je vais
la récupérer après usage ! Alors, si elle t’inté-
resse, au lieu de la vendre loin de Laelith, je te
la refile à tarif réduit, hé hé ! » Ce furent ses der-
niers mots, car Vestis, qui aime sa nièce comme
sa propre fille, est devenu fou furieux.
Or, c’est lui qui a dérobé la dague Vengeresse
lors du suicide d’Arthur Quarte. Jusqu’à présent,
il ignorait tout de ses pouvoirs ; il savait juste
que c’était une arme splendide, qu’il a préféré
conserver… et ce jour-là, il l’avait à la ceinture.
Vengeresse a profité de la fureur de son por-
teur pour s’emparer de son esprit et égorger la
plus proche personne ressemblant à Phaëstos
– à savoir Dacrios, un nain comme le forgeron.
Reprenant ses esprits, Vestis s’est enfui, mais
sans dissimuler son visage, et un client de Ralis,
qui se trouvait dans la taberge, a cru recon-
naître le tailleur. Traqué, Vestis a trouvé refuge
dans le Châtiment. Hélas, Dacrios n’avait pas
nommé son client, le « détaillant » en esclaves.
Il s’agit de Daturis de Stramon, l’un des soupi-
rants éconduits par Ralia malgré ses présents
(des bijoux de très mauvais goût) – c’est un
commerçant très riche, donc insoupçonnable !
Par bonheur, la mort de Dacrios va retarder la
« livraison » de vingt-quatre heures, le temps
que le second de Dacrios, un humain nommé
Trescor Cœur-Noir, prenne le relais. Les PJ ont trente-six
heures environ pour agir (mais ils l’ignorent).
Diverses pistes existent, plus ou moins faciles à exploiter
selon les PJ. Attention, Daturis a trois ou quatre gardes du
corps et Trescor une bande de quatre ou cinq ruffians. Si
tout va bien, Ralis et Vestis seront des amis fidèles et pré-
cieux. Et « Velinox » pourrait bien faire appel aux PJ pour
comprendre ce qui s’est passé avec la dague…
de l’utiliser en décoction. Mais le maître apothicaire Galenox
refuse de le laisser utiliser les réserves qui se trouvent dans
ses magasins.
Les PJ peuvent tenter de voler les herbes en question,
ou de convaincre Galenox ou sa supérieure, la curatrice
Cryptonia elle-même. Pas facile : les hauts responsables du
Lazaret semblent plus préoccupés de prouver l’exactitude de
leur thèse que de soigner la maladie. Et pour cause : à leur
âge, tous ont affronté la peste en question au moins une fois

En quarantaine – or, ceux qui ont survécu à une épidémie ne risquent plus
rien. Enfin, c’est ce qu’on dit. Se débrouiller pour provoquer
Le grand costaud qui avait bousculé tout le monde en un accès de fièvre chez l’un de ces responsables pourrait
quittant le camp de la Longue Patience, pour être sûr de grandement assouplir leur position.
passer la porte le jour même, a grogné au moment de reti- Chaque jour qui passe, les PJ risquent de tomber malades.
rer ses vêtements sous prétexte qu’il faisait froid. Froid ? Le Ce qui ne les met pas hors-jeu : entre deux accès de fièvre
temps était superbe et la fête du Soleil d’or approchait. Et (qui durent vingt-quatre heures), ils peuvent agir (presque)
puis il a titubé et il s’est écroulé. Les prêtres en robe bleue se normalement.
sont précipités, vous avez entendu : « Mais il est brûlant ! » A priori, le scénario ne propose pas beaucoup d’occasions
Et vous avez eu un pressentiment : votre séjour au Lazaret de bagarre… Mais tous les jours, il y a un risque de voir des
allait être plus long que prévu. voyageurs se révolter. Il est impossible de quitter le Lazaret,
Quelques heures plus tard, vous avez eu confirmation gardé de l’extérieur, mais des rumeurs du genre « on n’a pas
de vos craintes : tout le monde était consigné au Lazaret. la peste, on est empoisonnés et ils attendent qu’on meure »
Voyageurs, patients et personnels. « Ne vous inquiétez pas, peuvent déclencher le chaos. Et puis, qui sait si certains ne
c’est seulement pour faire face à toute éventualité. » vont pas tenter d’aller piller les réserves de l’apothicaire,
Le lendemain, le grand costaud était mort. Il avait la peste l’arme à la main ?
des plateaux. Tout le Lazaret était en quarantaine pendant Les PJ peuvent penser que quelqu’un détient le remède et
une lune entière. Au bout de ce délai, les survivants ne ris- le cache sciemment – mais non. Ils ne luttent que contre la
queraient plus rien et ne seraient plus contagieux. Les survi- bêtise.
vants ? Oui – un tiers des personnes exposées. Un bon tiers,
hein ! Pas d’affolement !
Il est préférable qu’au moins un des PJ soit lui-même ca-
pable de soigner, donc de collaborer à la lutte contre la ma-
ladie. Ce qui ne veut pas dire que les autres seront inactifs !
D’abord, il va falloir aider les gardes à mainte-
nir l’ordre. Puis, les PJ vont se rendre compte,
en discutant avec les novices et les diacres
notamment, que les responsables des dif-
férents pavillons ne sont pas d’accord.
Pour le Crâne, la peste est une maladie
mentale, sous prétexte qu’elle fait déli-
rer. Pour l’Oiseau de feu, il faut trépa-
ner – le crâne ainsi percé évacuera les
fumées malsaines, que les sorts du Nuage
montrent dans le cerveau. Le Poisson
d’argent fait confiance à des potions contre
la fièvre, mais celles-ci ne font qu’atténuer les
symptômes, la mort n’est même pas retardée.
L’un des novices du Poisson d’argent, nommé
Laverox, propose d’utiliser une plante venant des
hauts plateaux (comme la maladie). Mais la sa-
licilave, ou herbe aux moustiques, n’est utilisée
Une main, c’est tout…
que pour repousser ces insectes et pour calmer
Mais quelle main !
les démangeaisons de leurs piqûres. Lui propose (voir page suivante)

La Main qui travaille 125


Table d’aventures
1 Au camp de la Longue Patience,
un jeune homme à l’air hagard
propose aux PJ une forte somme
en échange d’un laissez-passer du
Lazaret qui lui permettrait d’évi-
ter les formalités médicales, ou
à défaut, de leur aide pour péné-
trer clandestinement dans la cité.
Mais qu’a-t-il donc à cacher aux
autorités ?
2 Une fabricante de reliques en
manque de matières premières
envoie les PJ à l’ossuaire du
Lazaret. Elle a oublié de leur pré-
ciser que l’endroit regorge de
spectres.
3 Au palais de l’Eau lustrale, Iozenn
a volé au marchand Bouboulours
une broche ayant une grande va-
leur sentimentale. Les PJ, qui s’y
baignaient à ce moment, sont les
principaux suspects.
4 Vexé de l’accueil reçu à la Haute
Guilde, Nicopal le marchand offre
une récompense aux PJ s’ils ins-
tallent nuitamment des sièges
pour les visiteurs dans le bureau
du sous-secrétaire chargé de re-
cevoir les commerçants.
5 Les PJ achètent une relique-sou-
venir, mais oublient de s’acquit-
ter de la taxe due au Temple
concerné… sous les yeux de
Malik, garde-collecteur zélé et
incorruptible.
6 Une demi-douzaine de costauds
portant péniblement un énorme
établi en chêne massif bloquent
une étroite échelle très pentue.
Ce sont des ouvriers du maître
ébéniste Séhou qui font une li-
vraison. Malheureusement, les PJ
sont pressés…
7 En pleine rue, un bélier fonce
sur les PJ et en renverse vio-
lemment un. Il s’agit de Belaud,
la mascotte de la guilde des
Drapiers, qui s’est échappé pour
126
La Main
qui travaille… trop
« Sais-tu pourquoi cette terrasse est
celle de la Main qui travaille ?
– C’est encore une de tes légendes
laelithiennes ?
– Ce que tu appelles légendes pourrait
bien te surprendre, ma petite ! Autrefois,
un maître ferronnier dont le nom s’est per-
du, au sommet de son art et désespéré de
ne plus progresser, se rendit au temple de
l’Oiseau de feu pour signer un pacte avec
une puissante divinité de la Forge. Elle en-
chanta la main de l’artisan. Devenue infa-
tigable, cette main pouvait travailler jour
et nuit sans interruption, forgeant comme si
elle était animée d’une vie propre, réalisant
chef-d’œuvre sur chef-d’œuvre. Mais le
ferronnier ne pouvait l’arrêter ! Son corps
ne put suivre la cadence, le pauvre dépérit
rapidement et finit par mourir d’épuise-
ment. On dit que même après sa mort, la
main forgeait encore et que, pour pouvoir
procéder à la cérémonie funéraire, il fut
nécessaire de la couper. D’autres pré-
tendent qu’elle se sépara elle-même du ca-
davre en allant se glisser sous un massicot.
Quoi qu’il en soit, la main s’enfuit à travers
les venelles de la terrasse en serrant ferme-
ment son marteau le plus précieux. Depuis,
personne ne l’a revue. On l’entend parfois
encore œuvrer, surtout quand le vent vient
de la terrasse du Châtiment – mais la main
est encore ici, dans l’une de ces échelles !
– Ah bon ? Je croyais que ce nom de
“Main qui travaille”, c’était pour honorer
l’ouvrage des artisans.
– T’as vraiment trop d’imagination, ma
petite ! »
Rhinophore, érudit, gastronome et spa-
dassin, et Candace la Rôdeuse
Mauros, un nécromancien du Temple de la
Taupe, persuadé que la Main infatigable existe,
veut absolument s’en emparer. Pour cela, peu
désireux de se risquer à la surface, il recrute des
sbires pour la retrouver après avoir recueilli
« par tous moyens » des renseignements au-
près des membres de la guilde des Ferronniers.
Les PJ peuvent (selon leur moralité et l’état de
leurs finances) être embauchés par Mauros pour
lui rapporter la Main, soit ouvertement, soit en
les trompant (en leur affirmant par exemple que
la Main est aux ordres d’un mage qui prépare un
attentat contre le Roi-Dieu ou un grand prêtre).
Ils peuvent au contraire être entraînés par
leur bon cœur dans cette affaire en prenant la
défense du vieux ferronnier Presbor, agressé
par les sbires du nécromancien, qui ont obser-
vé que, malgré son grand âge, l’homme fabri-
quait encore beaucoup d’objets splendides. En
réalité, ces objets sont fabriqués par Chirlène,
la fille de Presbor, une fort belle jeune femme
(dans le genre valkyrie…), mais la guilde des
Ferronniers est très machiste et ne l’accepte-
rait pas dans ses rangs.
Ayant entendu parler de la Main, les PJ
peuvent aussi vouloir s’en emparer pour eux-
mêmes. Elle devrait avoir une grande valeur,
surtout si elle peut être amenée à faire autre
chose que son « métier » initial.
Quoi qu’il en soit, la Main peut n’être qu’une
légende, ou exister réellement, au choix du MJ.
Une main ne suffit pas
Shellya, une nécromancienne plus lettrée
que Mauros, a lu la métaphore du corps hu-
main établie par l’érudite Lucrecillia dans son
ouvrage De Laelithi Vitruvia Rerum. Elle se met
en quête des parties du corps correspondant
aux autres terrasses pour en faire… une sorte
de golem surpuissant qui serait son serviteur ?
Ou un empereur-démon ni mort ni vivant ? Le
sait-elle elle-même ?
Quoi qu’il en soit, outre la Main, elle re-
cherche le ventre (de la Chaussée du lac),
la poitrine (de la Prospérité), le cerveau (du
Nuage), le bas-ventre (du Châtiment) et la
tête (de la Haute Terrasse). Les morceaux qui
manqueront pour constituer un corps entier
seront prélevés sur celui d’un individu bien
vivant. Peut-être un des PJ…
Tueurs sans gages
Un des prêtres du pavillon du Crâne, au
Lazaret, est un traître, qu’il s’agisse d’un ser-
viteur du seigneur du Cloaque ou qu’il soit
contraint par un chantage. Il profite de l’hyp-
nose diagnostique pour induire des suggestions
meurtrières contre de hauts personnages dans
l’esprit de voyageurs bien choisis. Des tenta-
tives d’assassinat (réussies ou non) ont déjà eu
lieu. Que l’assassin soit arrêté ou pas, il n’a plus
aucun souvenir de son acte ! L’un des assassins
malgré lui peut même être recruté parmi les PJ…
À la demande d’un personnage ayant ré-
chappé à une tentative (ou des proches d’une
victime), les PJ vont devoir trouver le coupable.
Jalousie professionnelle
Quelqu’un inocule une maladie relevant du
pavillon du Poisson d’argent à des voyageurs
sur le point de quitter le Lazaret. Lorsque
ceux-ci vont tomber malades, quelques jours
plus tard, en ville, on reprochera à la curatrice
Cryptonia d’avoir mal fait son travail.
Cette dernière embauche les PJ pour élucider
l’affaire. Le responsable est le maître apothi-
caire Galenox, premier assistant de Cryptonia,
en qui elle a toute confiance. Il se verrait si bien
curateur à la place de la curatrice…
Méfiez-vous des
imitations
L’un des assesseurs de l’Oiseau de feu s’est
fait voler sa sainte torche !
Les voleurs ont été missionnés par Forberg
l’Ancien, le fameux reliquaire, à qui un grand
seigneur d’Agramor a promis une fortune
en échange de l’objet, dont il attend
moult bénédictions. Forberg a prévu
de « retrouver par miracle »
la torche une fois lancée la
fabrication d’une torche de
remplacement. Il pen-
sait négocier la vente de
la torche de rechange
« Stilban » est un escroc
plutôt sympathique… si vous
lui plaisez. Attention : ce
portrait n’est pas contractuel,
l’individu change
souvent d’aspect.
au noble agramorien, avec un coquet bénéfice
s’ajoutant à la récompense pour avoir retrouvé
la première torche. Hélas, le secret de fabrica-
tion de ces torches est presque perdu… Forberg
va devoir envoyer quelques braves récupérer
les documents nécessaires au monastère de la
Flamme transcendante… en Agramor !
L’Escroc gourmet
À la sortie du Lazaret, les PJ sympathisent
avec Stilban, un commerçant victime d’une
fracture de la jambe. Il leur demande de l’ai-
8 L’architecte Smâa s’est installé au
der à transporter des marchandises depuis
la porte de l’Ivresse enchanteresse jusqu’à la
Haute Guilde. Hélas, des malfrats vont tenter
de s’emparer desdites marchandises. Cet obs-
tacle surmonté, Stilban invite les PJ dans une
excellente taberge… d’où il disparaît au dessert
par la porte de derrière, sa jambe miraculeuse-
ment guérie, en leur laissant ses marchandises
et l’addition (très salée) à régler. « Ah, c’est
l’Escroc gourmet ! expliqueront les gardes aux
PJ. Il a dû vous trouver très sympathiques : il
n’a pas pris vos bourses. »
9 Une vieille femme, Ysabeau la
Les PJ se retrouvent propriétaires d’un plein
chariot de baume universel de la sainte Faille,
qui soigne les blessures et fait briller les cui-
rasses. En réalité, il donne une fièvre
de cheval s’il est appliqué sur une
plaie et fait rouiller rapi-
dement la plupart des
métaux. Fiez-vous aux
PJ pour en faire bon
usage… Et le pseu-
do-Stilban pourrait
se révéler une re-
10 Après s’en être servi pour une
lation très utile !
La Main qui travaille 127
courir après une brebis. Plusieurs
foulons sont à sa poursuite. Ils
sont costauds et n’apprécieraient
pas qu’on fasse du mal à Belaud,
lequel ne se calmera que quand il
aura eu… satisfaction.
Belvédère pour faire des croquis
de la terrasse du Châtiment en
cours de réhabilitation. Il a envoyé
des aides munis de fanions se
poster en des points précis pour
qu’il puisse les reporter sur son
plan. Ses aides restant invisibles,
il conclut à leur incompétence et
demande aux PJ, pour une somme
honnête, d’aller là-bas à leur
place.
Mythomane, favorite de feu le
grand prêtre Anemates, aborde
les PJ. Elle leur demande de lui
prêter une coquette somme pour
qu’elle puisse payer des frais de
notaire et recevoir enfin sa part
de l’héritage du défunt : des bi-
joux d’une valeur dix fois plus éle-
vée, dont elle leur promet 20 %.
Les PJ peuvent négocier leur part
à la hausse. Mais peut-on faire
confiance à quelqu’un qui se pré-
sente comme mythomane ?
gravure sur cuivre, un orfèvre
déverse de l’eau-forte (de l’acide
nitrique) dans son arrière-cour,
brûlant grièvement un para-élé-
mentaire de boue qui s’y trouvait.
Souffrant le martyre, l’élémen-
taire court au hasard dans les
ruelles, projetant des éclabous-
sures acides qui risquent de brûler
les passants. Pour faire évaporer
l’acide, il se roule dans des feux
de forge puis, dans l’espoir de le
diluer, il se jette dans un bac de
trempage d’un artisan, puis dans
une fontaine d’eau potable ou un
lavoir qu’il contamine. Qui pourra
intervenir pour éviter d’autres
dégâts ?
La Main qui Travaille,
vue isométrique
La Chaussée du lac
 O ù l’on voit Hébertius Ouvrentraygues
ouvrir les poissons et les lire comme un guide touristique…
« Hébertius Ouvrentraygues, tel est mon nom, mais merci de
prononcer ‘Ouvrentraille’… Je suis arrivé à Laelith il y a vingt
ans, pauvre, épuisé, affamé. Mais j’ai tout de suite compris, ici
sur le port, ce que mon don particulier pouvait me rapporter, et
comment il pouvait me protéger.
Ce que je fais de mieux ? Je lis l’avenir dans les entrailles
de poisson, et plus le poisson est gros, plus l’avenir est radieux.
Jusqu’à présent, j’ai fourni à la plupart des habitants connus ou
moins connus de ce quartier tous les conseils dont ils avaient be-
soin pour y vivre et y développer leurs petites affaires. Réalité
ou supercherie ? Allez savoir, mais surtout, ne dites pas du mal
de moi au maître des Pontons ou à la dame des Mille Fleurs…
Un autre exemple ? Si on me demande : qu’y a-t-il à voir
dans le quartier au nord de l’Inlam ? Après examen d’un pois-
son des profondeurs, du genre tugu, je vous dirai que ce n’est pas
agréable de s’y promener, à moins d’être un adepte de la Terre,
ou de toutes les choses étranges qui peuvent s’y cacher… En fait,
quand on aperçoit le dôme de marbre rouge du temple du Crâne,
on s’approche… mais quand on entend le martèlement sourd qui
émane de ses entrailles, on n’a qu’une envie, faire demi-tour !
Et ce ne sont pas ses prêtres qui pourront vous convaincre du
contraire. On ne devient pas un adepte du Crâne, on EST un
adepte du Crâne ! Ou alors par accident…
130
Ce n’est pas un hasard si le poste de garde des Pénitents in-
digo est installé sur la place du Crâne, à l’entrée du passage
menant à la terrasse de la Prospérité. Il peut se passer là des
choses que la décence me force à ne pas mentionner. Les hommes
qui y sont affectés sont les fortes têtes de la garde, les moutons
noirs, ou la bleusaille pour la former et l’endurcir.
Et au sud de l’Inlam me direz-vous ? Êtes-vous pêcheur ?
Assassin ? Possédez-vous votre propre barque ? Ou un navire de
luxe amarré dans le port de plaisance ? Que me dévoile cette rancuje ?
Ah, le sud… un bien bel endroit ! Enfin, ça dépend. Par
exemple, je n’irai pas traîner la nuit près du port de pêche. De
la rue des Abattoirs, le long du port des charognards, à la rue
de l’Arcade, des bandes de spadassins, de voleurs, le gang des
écailleurs et d’autres, ils sont tous là pour que vous n’en sortiez pas
vivant… ou à peine ! On murmure que plusieurs guildes d’assas-
sins y ont leur quartier général. Parmi elles, le Poignard san-
glant, le Spectre de l’eau, la Main froide sont les plus connues.
Paradoxalement, plus haut, près du temple du Poisson
d’argent et de ses fontaines, tout est tranquille. Peut-être la
présence du poste de garde des Eaux profondes, un des plus im-
portants de la ville, sur la rue du Temple, allez savoir ! J’évite
le coin, certains prêtres trouvant ma façon de lire le poisson

quasi blasphématoire. Surtout ces bonnes femmes hystériques en
blanc, on se demande bien pourquoi !
Je vais vous dire, le meilleur endroit sur cette terrasse, c’est
tout au bout : la distillerie du Gobelet d’or. Ils y font des trucs,
fins, goûteux, distingués, des nectars qui me rappellent ma jeu-
nesse. Et des fois, pas toujours, mais des fois, le soir, ils laissent
des vieux fonds de cuve devant leur porte. Après, il y a plus qu’à
pousser jusqu’à l’esplanade du Phénix et les jardins du Canal-
Rideau pour siroter à la belle étoile. Ce coin est superbe : de
larges escaliers, des cascades apportant de la fraîcheur en été,
des espaces dégagés plantés d’essences odorantes. De gracieux
aqueducs guident l’eau de la montagne voisine vers les jardins et
les canalisations qui alimentent une partie de la Chaussée. Non
pas que l’eau du lac ne soit pas potable, mais elle est parfois colo-
rée, avec un léger goût d’algue.
L’endroit est bien surveillé par les gardes, vu que c’est le chemin
emprunté par les riches marchands et autres respectables voya-
geurs pour aller de la Main qui travaille jusqu’au port de plaisance.
Faut juste pas les embêter et tout se passe bien… en général.
À part ça, vivre sur la Chaussée n’est pas de tout repos. Où
dormir tranquille après une nuit à boire comme un pèlerin as-
séché ? Donnez-moi ce traniec, écartez-vous légèrement, je vais
vous expliquer…
Ma taberge préférée est juste au sud du pont des Pêcheurs,
échelle du Bateau ivre. Lors d’une inondation spectaculaire,
sous le règne d’Hetelred Ier, une vague particulièrement
Tania, célèbre artiste laelithienne, représente ici le Tanith-Lenath, la trirème
du Roi-Dieu, croisant majestueusement au large de la Chaussée du lac.
puissante y a propulsé un bateau, un transport de marchandises.
L’épave a depuis été intégrée, digérée par la rue. Elle est deve-
nue une sorte de pont entre deux quartiers, un moyen de passage,
des gens y ont élu domicile, et bien sûr une taberge s’y est instal-
lée : ‘le Poisson volant’. Si vous avez besoin de moi, c’est là que
vous me trouverez le plus souvent.
Pour la diversité, il y a l’échelle du Sabot, à l’ouest du quartier
militaire. Qui dit soldats dit tripots, plus ou moins licites, et maisons
de joie. Vous cherchez de l’alcool, des « services à la personne » ?
Voilà l’endroit idéal. Les tripots les plus fameux y ont pour nom ‘la
Table du Doigt-Rieux’ (jeux, restauration rapide), ‘le Dernier
quart’ (jeux, prostitution), ‘le Chauve sourit’ (restauration et al-
cools nains), ‘la Rancuje et le Tamano’ (comique troupier).
Mais alors, y a-t-il vraiment des choses à éviter sur la
Chaussée ? Là encore la réponse est Oui, avec un grand O…
Ou plutôt de grandes eaux ! Un seul conseil, gare aux Méduses !
Si vous les voyez de loin, vêtues de blanc et armées de seaux et de
balais, passez votre chemin…
Les gens des autres terrasses sont souvent méprisants quand
ils parlent de la Chaussée, disant que c’est la plus mal famée,
que ses habitants sont pauvres, crasseux et puants. Je ne dirai
pas le contraire… Mais c’est aussi celle qui nourrit, le ventre de
Laelith, et celle qui est ouverte sur le monde, accueillant et bras-
sant toutes les influences, les cultures, les idées. Contrairement
aux autres quartiers, coincés sur leur terrasse et pétris de cer-
titudes, ici souffle comme un vent d’ouverture venu du large. Et
tout est écouté… même les entrailles de poisson. »
La Chaussée du Lac 131
 J
Lieux d’intérêt K L M N O P Q

21 24
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Échelle

13

14 12

15
 Le port militaire (O6) L’esplanade du Phénix (K12)
21
1 @ 5 14
21 6
Abrite les chantiers navals, les bâtiments de Où a lieu le tournoi annuel opposant gardes @

/
@
10
l’armée et la flotte royale-divine de Laelith. et Protecteurs de la Ville sainte.

Le quai de l’Antiquaille (O6) @ La distillerie du Gobelet d’or (I3) @ 7

21
2 Un des derniers vestiges de l’antique @
3 21
15 Distillerie de luxe, établissement récent.

/
@
13

/
7
échelle des Mille Marches. @
Le temple du Poisson d’argent (J10) @
Le passeur (N7) 1 21
16 Consacré à l’Eau, un des plus beaux temples @
5
21
3 @

/
10
Point d’embarquement pour les Pontons.

/
de la ville. @

Les Pontons (O7) @ Le poste de garde des Eaux

21
4 Zone franche, établie autour des ruines du @
1 21
17 @
profondes (K9) 10

/
20

/
château de Maucastel. @ Le plus important poste de garde de la @
Chaussée.
Le Chariot qui monte (M7-N7-N8)
21
5 @ 7
Fortin protégeant l’accès au funiculaire Chez Turcotte (K9) @

/
@ 21
18
20
5
menant à la Haute Terrasse. Soupe populaire, face au dortoir les @

/
20
Paillasses. @
La Maison des mille fleurs (L8)
21
6 @
Établissement de luxe : restaurant 5 La corporation des portefaix (K8)
@
10
19
21 @
/
gastronomique, spectacles, salle de jeux, 20
Service de livraison rapide.

/
20
@
hôtel.
Le poste de garde des Pénitents
La Criée (M9) 20
21 @ 12
21
7 @ 5 indigo (M6)

/
@
20
Vente aux enchères des poissons du lac,
/

@ Installé pour surveiller ce quartier sombre.

7
bureaux de la capitainerie.
Le reclusoir (m4)
L’échelle du Bateau ivre (L9) @ 21
21
8 S’y trouvent l’épave d’un bateau échoué et @
2 Grotte minuscule où Anaëlle de Morflanc,
@
3

/
/

8 emmurée, prie pour laver la Chaussée du lac

l’auberge du Poisson volant. @
de ses péchés.
Le port de pêche (M9-M10) Le temple du Crâne (M5)
21
9 Accueille la majorité des pêcheurs ; désigne 22
21
@ 5 Consacré à la Terre, ce temple à l’aura @
aussi le port des charognards (plus au sud), 10
@
/

@ inquiétante est situé place du Crâne, où fut

8

/
15
où sont amarrés les bateaux des patrons
découvert le crâne gigantesque et cornu à @
pêcheurs.
l’origine de sa construction.
Le fort du Vaisseau de pierre (L10- Le quartier militaire du
21
10 @ 10
M10-L11-M11) 21
23
généralissime Korth l’Invaincu et
/

@
20
Très vieille bâtisse fermée et inoccupée. 15
les baraquements (P5 et autour) @

/
Caserne des Protecteurs de la Ville sainte et
Le port de plaisance ou port Neuf
21
11 @ écuries de la cavalerie de Laelith.
(L11) 7
@
/

20
Réservé aux bateaux de luxe des nobles et @
@ Le caravansérail (Q4)
des riches commerçants. 24
21 Marché permanent hors ville et halte des @
1
/

20
caravaniers. @
Le port du Roi-Dieu (K11)
21
12 Bassin fortifié abritant le Tanith-Lenath, @ 12
La distillerie des Quatre Vents (Q5)
21
25
/

la trirème du Roi-Dieu, et les bateaux des @

20 4
La plus ancienne distillerie de la ville, sa @
/

6
Temples.
production est de qualité très aléatoire.
Les jardins du Canal-Rideau
21
13
(K11-K12)
@ 5
Esplanades dégagées, espaces agréables
/

@
10
plantés d’essences odorantes, aqueducs
apportant l’eau de la montagne.

La Chaussée du Lac 133

 Vue d’ensemble
La capitainerie
Dans la partie supérieure de cette
bâtisse, avec vue dégagée sur le lac, le
Temple du Poisson d’argent dispose
de quelques bureaux faisant office
de capitainerie. Des scribes et des
comptables s’y relaient pour noter tout
navire de taille supérieure à la normale
qui accoste. Une équipe de collecteurs
et de gardes est alors dépêchée sur les
quais pour procéder à l’enregistrement
des marchandises et de l’équipage, puis
à l’évaluation et la collecte des taxes.
De grands registres, où sont consignées
toutes les informations recueillies, sont
conservés sur place.
Brève de taberge
« T’aurais lu la mort du Roi-Dieu dans
un bigorneau, toi ? »
Activité grouillante du port de pêche
(esquisse réalisée par Tania).
134
Itinéraire conseillé
Le long des berges du lac
La Chaussée du lac est à la fois la terrasse
pauvre, le ventre de la ville et une zone de trafic
important. Quasiment tout arrive ou transite
par l’Altalith, est fabriqué ou entreposé sur la
terrasse : les personnes, la nourriture, les ma-
tières premières, les produits manufacturés…
L’activité sur les ports de Laelith est perma-
nente. On peut voir défiler des embarcations
de toutes tailles, entrer et sortir en un ballet
ininterrompu. Au nord, sur le port militaire,
ce sont les patrouilles de la flotte de Laelith.
« Protéger, surveiller, taxer » est leur devise
officieuse et elles sont d’une redoutable effica-
cité dans tous ces domaines.
Les toits des grands bâtiments du bord du
lac, dont la Criée, disposent d’une guérite
de surveillance. Depuis ces emplacements
privilégiés, les soldats ont une vue perma-
nente sur l’ensemble du trafic. Il est impos-
sible de tout noter, ni même d’identifier
tout ce qui approche, en particulier du quai
des Contrebandiers ou du port de pêche.
Néanmoins, toute tentative d’intrusion mas-
sive ou toute approche d’un bateau de taille
inhabituelle sera détectée et les veilleurs pour-
ront alerter, à l’aide d’une conque et d’un code
particulier les Protecteurs de la ville.
Un peu plus au sud, sur la rue des Murs,
se trouve le quai d’accès aux Pontons de
Maucastel, avec ses crieurs et son passeur, tout
de noir vêtu et masqué (voir « Les Pontons »).
Plus au sud encore, c’est le quai du Chariot
qui monte. On y accoste rarement, du fait de
plusieurs accidents récents et, surtout, du coût
prohibitif de son utilisation. On ne sait jamais
si ce funiculaire souterrain va fonctionner, être
bloqué par un éboulement, ou réservé pour
un noble, un visiteur de la Haute Terrasse, un
transport de fonds ou un grand prêtre convié
par le Roi-Dieu.
Pour atteindre le port de pêche, il faut lon-
ger le quai des Contrebandiers. Jadis, c’était le
lieu d’exécution des mutilations prononcées
par la Cour commune (comme dit la chanson :
Jolyane, fine négociatrice
et organisatrice hors pair,
a pris la suite d'Yphria à
la Maison des mille fleurs.
« Couper un doigt à qui vole un œuf, la main à qui
vole un bœuf, et la tête, et la tête ! »). Aujourd’hui,
ces réjouissances ont lieu place du Pilori, sur la
Prospérité, et le quai des Contrebandiers, avec
ses nombreux entrepôts, est devenu le point
d’arrivée et de départ des bateaux marchands
et des transports de voyageurs de toutes tailles.
Les algues cultivées le long du lac, le riz des
marais Languissants, les produits en prove-
nance des provinces du lac, tout transite par le
quai. Tout se vend et tout s’achète ici. Ajoutez
le ballet incessant des collecteurs de taxes, les
mendiants, les voleurs, les pèlerins désargen-
tés en quête d’un trognon de chou marin ou
d’un petit boulot de débardeur et vous aurez
une idée de la foule compacte, hurlante, suante
et odorante qui anime l’endroit. Avec le stoc-
kage des matériaux nécessaires à la construc-
tion du nouveau pont et des murailles au nord
des baraquements militaires, le quai est parti-
culièrement animé, de jour comme de nuit.
Le seul îlot de calme relatif et de tranquillité
onéreuse se trouve sur un léger promontoire
protégeant à peine du tumulte. Là s’épanouit la
Maison des mille fleurs, une des plus anciennes
institutions de la Cité sainte.
Une fois l’Inlam traversé sur le pont des
Pêcheurs, on arrive au port de pêche, en passant
devant l’énorme bâtiment de la Criée, cerné
par le vol incessant des gabiettes ricanantes en
maraude. Les poissons, à peine sortis des filets,
y sont vendus aux enchères à main levée aux
auberges, aux administrateurs des temples et
autres intendants de collectivités. Chaque jour
que font les Dieux, 10 à 15 tonnes de poissons
trouvent acquéreur ici. Gardes et collecteurs
de taxes y sont légion.
Les pêcheurs qui en ont les moyens habitent
en ville, non loin des quais ; les autres, la ma-
jorité, demeurent sur leur bateau, à la fois
maison, comptoir de vente et outil de travail.
On distingue la partie nord du port de pêche,
encombrée de ces bateaux-habitations, de la
partie sud, avec des embarcations plus grandes
et mieux équipées, dont les propriétaires sont
de riches artisans ou des commerçants des
terrasses voisines. Des rixes éclatent parfois
dans les tavernes du port, entre les « vrais »
pêcheurs indépendants et les « employés » des
armateurs. Les petits reprochent aux gros de
leur enlever le poisson des filets et surnom-
ment l’endroit le « port des charognards »…
De là, il faut contourner le fort du Vaisseau
de pierre pour atteindre les ports du Roi-Dieu
et de plaisance. Un étrange bâtiment que ce
fort : inoccupé depuis des décennies, on a le
La Chaussée du Lac 135
Évocation
« Dis, mon lapin, c'est le doudilain de
Cami ou celui de Tevan ? Les deux
sont aussi identiques que leurs jumeaux
de maîtres. Il est tombé d’un toit,
paraît-il…
– Foutaise, patronne. C’est une dague
de qualité mais mal lancée qui lui a
fait ça… On s’est connus si minots
avec les Patar, qu’à l’époque c’était les
doudilains des rues qui nous entraî-
naient dans leurs conneries. C’est même
de là que j’ai voulu apprendre à soigner
les bestioles. Et sans vous offenser, c’est
au nom de nos vieilles blagues que les
frangins me font confiance quand il y
a du cuir taillé et de la patte cassée. Ils
étaient déjà marousz à l’âge où on court
les échelles le cul à l’air et l’épée de bois
en main. Ils en ont entendu des vertes
d’un tas de gens qui ne faisaient pas
gaffe à eux, et c’est sur ceux-là, devenus
importants, qu’ils cultivent leur clien-
tèle, en les aidant à effacer le passé ou à
prévenir la réapparition d’un vieil ami
malvenu.
– Tu veux dire, mon canard, qu’au
lieu de les faire payer, on pourrait leur
demander de nous envoyer des gens de
la Haute pour soigner leurs animaux
chéris ?
– Ça s’envisage, sauf la partie « de-
mander ». On ne demande pas à un
marousz, on suggère, on évoque.
– Eh bien évoque, mon choupinet,
évoque ! »
À bosses
Le responsable des écuries militaires
doit relever un nouveau défi depuis
peu. En effet, un officier a décidé
d’introduire deux unités de chameliers
afin de patrouiller dans les montagnes
proches. Malheureusement, l’entente
entre chevaux et chameaux n’a rien de
paisible, pas plus qu’entre les cavaliers
des deux groupes.
Signal d’alarme !
Dans les guérites du port, il y a deux
moyens de donner l’alerte : en soufflant
dans une grosse conque orangée, le
son grave émis portant très loin ; en
mettant le feu aux poudres mélangées
dans une vasque de pierre posée sur le
toit (chaque garde dispose d’un briquet
réglementaire), ce qui provoque
une vive lumière rouge.
 Son du cor
Le couark, au son duquel défilent les
Protecteurs, est un instrument à vent.
Taillé dans la longueur d’un tronc
d’arbre ne poussant qu’en zone aride, il
est doté d’une embouchure métallique
et d’un pavillon large et évasé. Quand
on souffle dedans, il produit une note
unique, vibrante et assourdissante.
Brève de taberge
« Tu sais pourquoi on les appelle des
templiers toi, ceux de la cavalerie des
Protecteurs de la Ville sainte ? »
Quatre vents…
… pour quatre boissons. La distille-
rie propose quatre spécialités, toutes
aussi fortes les unes que les autres : la
Douane, brune et âpre ; la Langueterre
à la robe claire, pétillante et verdâtre ;
la Trône du Roi-Dieu, vermillon et
piquante ; et enfin la Marine, bleue et
assez forte pour coucher n’importe quel
ivrogne.
Devinette gopneldaune
« Dis papa, c’est quoi être intelligent ?
– C’est comme être malin, mais en
moins rapide. Contente-toi d’être
malin… »
Ô luna mia
Après l’agitation diurne, il est assez
romantique d’embarquer sur une
gondole près de l’A ntiquaille, pour aller
dîner sous les tonnelles du quartier
des pêcheurs. Sous les quais, au fond
du port de pêche, s’ouvrent les tunnels
maçonnés de rivières souterraines, à
l’usage exclusif des gopneldauns pour
ranger leurs gondoles. Des couples y
trouvent un moment d’intimité sous
la capote de l’embarcation, tandis que
le gondolier dîne à quelques encablures
de là…
Marousz :
métier ou pas ?
Nom commun invariable : entre-
metteur officieux et intéressé ; terme
admiratif ou péjoratif selon le contexte.
Contrairement à la rumeur, ce compor-
tement n’existe pas en tant que métier.
136
sentiment qu’il n’est là que pour dissuader
les importuns de s’approcher du port du Roi-
Dieu. Il faut dire que l’aspect de cette immense
structure rattachée à la rive par une étroite
passerelle a de quoi effrayer : elle fait pen-
ser à la fois à un galion aveugle et une prison
flottante. Dès que le soleil bascule derrière les
falaises, le toit du fort émet une lueur mauve,
tantôt violente, tantôt faible, qui pulse et bat
comme un cœur. Il se murmure que des étran-
gers inconscients ont tenté de le visiter, mais
qu’aucun n’est revenu.
Les luxueux bateaux des notables de la
Prospérité et des nobles de la Haute Terrasse
sont amarrés au port de plaisance, de son
nom officiel le port Neuf. La plupart ne sortent
jamais et servent à l’organisation de somp-
tueuses réceptions où se retrouve le gratin
de la cité : respectables marchands, illustres
artisans, riches héritiers, maîtres magiciens,
prêtres zélés, ambassadeurs et autres invités
de marque venus de lointaines contrées. Les
pêcheurs surnomment l’endroit le « quai des
hauts », autant pour le statut de ceux qui y
viennent que pour les murs qui le protègent.
Le bassin fortifié qui occupe la partie la plus
au sud abrite le port du Roi-Dieu. C’est là, avec
les autres bâtiments officiels, que stationne
le Tanith-Lenath, la trirème aux flancs d’or
du Roi-Dieu. On peut le voir à l’ancre, ou en
exercice, une fois par mois, au large du fort du
Vaisseau de pierre. L’accès au bassin est bloqué
par une herse. En cas d’inondations et de mon-
tée des eaux du lac, fréquentes à l’automne, le
port est fermé par une double porte en pierre
de fabrication naine. Les bateaux du port Neuf
se hâtent, avant la fermeture, pour venir se
mettre à l’abri, et il n’est pas rare, dans la pré-
cipitation, que certains soient écrasés par les
portes ou éventrés par la herse.
Le quartier nord, l’armée
et les écuries
L’avènement de Nin Ier, que les Dieux l’aient
en leur sainte protection, aura vu débuter le
grand chantier des remparts nord qui consiste
à intégrer le quartier militaire à l’intérieur de la
ville. De hautes murailles de pierre, ornées de
coquillages polis et multicolores, entourent par-
tiellement le quartier militaire du généralissime
Korth l’Invaincu, sauf dans l’angle nord, encore
en travaux et hérissé d’échafaudages branlants.
Les quatre imposants bâtiments de granit
noir des baraquements, comportant un étage
à petites fenêtres et un toit plat, tranchent
avec la blancheur relative des murailles. Les
quelque 4 000 Protecteurs de la Ville sainte y
sont casernés.
Des écuries sont adossées à la tour de guet.
C’est là que sont logées et soignées les mon-
tures de la cavalerie de Laelith, pour toutes les
opérations extérieures à la ville.
Près des remparts en construction, se
trouvent les hangars pour les machines de
guerre et les réserves d’accastillage, ainsi que
les appartements des sous-officiers. Les of-
ficiers supérieurs et les capitaines de la flotte
laelithienne sont logés sur le promontoire au
sud-sud-est de la zone, avec une vue impre-
nable sur le lac. Des soldats stationnent en
permanence à l’extrémité de ce promontoire,
pour réagir au plus vite en cas d’alerte sur les
quais.
L’espace libre au centre de cette zone est la
place d’armes où les Protecteurs s’entraînent
au combat, et à l’art du défilé, au son du tam-
bour, de la corne et du couark.
Ces soldats d’élite ont comme mission la
défense de la ville en cas d’attaque venue de
l’extérieur, par la montagne ou par le lac. 3 200
d’entre eux sont des fantassins, organisés en
cinq cohortes, dont une a la responsabilité des
machines de guerre (balistes, pierrières, cata-
pultes de précision et autres couillards). 400
cavaliers et 400 mariniers complètent ce corps
d’armée. Les patrouilles le long du lac et au-
tour de la ville sont leur lot quotidien. Il leur
arrive d’épauler les gardes lors de grandes ma-
nifestations, telles que l’inauguration du nou-
veau pont qui est prévue dans peu de temps.
En contrebas de la tour, au sud-est, se niche
la distillerie des Quatre Vents, la plus ancienne
de la ville. Elle produit, à base de poissons
séchés, d’algues fermentées et de fruits trop
mûrs, un alcool de qualité discutable, distribué
dans toute la Chaussée à des tarifs incompara-
blement bas. Et grâce aux Dieux, le saghiann
souffle du nord, dispersant vers le lac les
odeurs fétides et nauséabondes de la distillerie.
Les chantiers navals occupent une partie
de l’anse du port militaire, contre le quai de
l’Antiquaille. C’est là que le nouveau chebek de
la flotte de Laelith est en construction et que
sont entretenus les bâtiments officiels et ceux
des riches armateurs.
La flotte royale-divine
Au nombre de cinq, les chebeks de Laelith
sont connus pour être les plus rapides de tout
le lac. L’un d’eux au moins patrouille en per-
manence au large de la ville, de jour comme de
nuit. Les autres sont prêts à partir en quelques
minutes s’il le faut. Manœuvrés par 4 à 5
hommes, longs de 12 à 15 mètres, ils peuvent
emporter jusqu’à 30 soldats en un temps re-
cord, du port militaire à n’importe quel point
des quais ou du bord du lac.
Très agiles avec un souffle de brise et ré-
sistants par fort vent, tous embarquent un
magicien dans leur équipage. Son rôle est de
contrôler le vent, afin qu’il soit toujours bien
orienté dans les voiles et, en cas de calme plat,
que le chebek puisse avancer. En cas de néces-
sité, la boule de feu fait partie des premières
leçons des magiciens navigants.
Les chebeks sont nommés l’Adoration, la
Bénédiction, la Contemplation, la Dévotion et
l’Expiation. Celui qui est en construction sera
baptisé l’Oraison.
Enfant elfe, halfelin ou
gopneldaun ?
La Chaussée du Lac 137
Les gopneldauns
Selon la légende, c’est une co-
habitation forcée entre diffé-
rentes races, liée à un conflit,
qui est à l’origine du peuple
gopneldaun. Le fait est que,
sur une morphologie commune
– petite taille, torse râblé, bas-
sin étroit, longs doigts, jambes
fines mais pieds larges, oreilles
allongées – ils présentent des
traits associés à diverses races
humanoïdes. Un nain leur
trouvera « un air elfique », un
elfe leur verra des ancêtres
orcs, un orc les prendra pour
des halfelins pur jus, un halfe-
lin croira identifier des gènes
gnomes et un gnome les consi-
dérera comme des « humains
de taille raisonnable »… Pour
les humains, ce sont juste des
« petites gens ». On comprend
donc qu’ils subissent partout
l’ostracisme des autres peuples.
C’est pourquoi les gopneldauns
résident de préférence dans les
lieux cosmopolites où se cô-
toient tellement de races que
leur originalité se perd dans la
masse, c’est-à-dire les grandes
cités frontalières, les routes de
caravanes, les ports… et sur-
tout, surtout, Laelith !
Laelith où une population est
bien implantée, principalement
Chaussée du lac.
Population mais pas vraiment
communauté : de leur singu-
larité, les gopneldauns ont tiré
une telle solidarité qu’ils n’ont
pas besoin d’être voisins ou
d’avoir la même religion pour
se souder au gré des nécessi-
tés et des coups durs. Que l’un
soit agressé sur les quais, et dix
surgissent dans la minute, et
même six cents en arrivant au
port.
Extrait du cours de formation
des nouveaux enquêteurs de la
Bienséante Information, agence
de détectives de tact
 un lieu
Faites vos jeux !
Un aspect (et source substantielle de
revenus) très important des Pontons
concerne les paris. Cette pratique est
interdite partout ailleurs dans Laelith
(à l’exception des arènes de l’Oiseau
de feu), mais tolérée ici. Grâce aux
gratte-paris installés sur les Pontons
et leurs tablettes d’argile, il est possible
de parier sur tout. Entre autres sur les
combats de traniecs, une autre spéciali-
té de l’îlot.
La récente désignation du Roi-Dieu a
fait la richesse de certains… mais c’est
une autre histoire.
Duels sur les pontons
Les combats de traniecs attirent les
foules de parieurs et certains amassent
de vraies petites fortunes avec leurs
mises. Au point que les gangs de la
Chaussée tentent d’infiltrer l’activité,
en vain pour le moment. Parmi les
favoris des joueurs, Lulu, un animal à la
carapace marquée, vainqueur de onze
duels d’affilée.
138
Les Pontons
de Maucastel
L’histoire
du castel de Sambre
• -250 ans. Un séisme, une tempête, une inon-
dation et le château qui était construit sur
l’îlot s’écroule, tuant le baron de Sambre.
Son fantôme reste lié au rocher, tandis que
sa famille quitte Laelith pour s’installer dans
une des provinces du lac.
• -250/-220 ans. Cet îlot inoccupé juste
en face de Laelith suscite la convoitise,
mais toutes les tentatives d’implantation
échouent. Les constructions s’effondrent,
les bateaux sont coulés, à l’ancre ou au cours
de la traversée. Sans jamais un mort à déplo-
rer. Les gens, terrifiés, parlent d’un fantôme
qui leur aurait ordonné de partir.
• -220 ans. Un jeune prêtre du Poisson
d’argent, nommé Oriel, décide d’exorci-
ser ce fantôme pour le chasser, emmenant
quelques prêtres et prêtresses en renfort.
Après trois jours et trois nuits d’un combat
acharné, sans que personne ne soit tué par
le fantôme (tout au plus quelques blessures),
ce dernier sauve la vie d’Oriel qui était sur le
point de se noyer suite à l’effondrement d’un
quai. Le fantôme lui fait promettre de ne pas
revenir, disant que le rocher appartient aux
descendants de sa lignée, et qu’eux seuls
pourront s’y installer. L’îlot prend peu à peu
le nom de Maucastel, le château maudit, et le
nom de la famille de Sambre est oublié.
• -215 ans. Oriel devient grand prêtre du
Temple du Poisson d’argent.
• -211 ans. Oriel devient Roi-Dieu, sous le
nom d’Oriel IV le Zélé.
• Depuis, plusieurs tentatives d’occupation de
l’îlot ont échoué.
• -26 ans. Un certain Bernys, érudit de belle
prestance, fin négociateur et organisateur
hors pair, arrive à Laelith, bien décidé à
prendre pied sur le rocher et à s’y installer.
D’abord moqué quand il y construit une
cabane, il devient la risée de tous quand il
retape les ruines du castel. Aujourd’hui, on
l’appelle Bernys de Maucastel ou encore « le
maître des Pontons ». Son sourire, son re-
gard bienveillant et son catogan de cheveux
sel et poivre sont emblématiques de la re-
naissance du rocher.
Le village des Flottants
Au début, une cabane, un quai, une jetée.
Des constructions qui restent debout. Et là,
tout s’accélère, les gens commencent à conver-
ger vers le rocher, viennent voir Bernys, lui
proposent leur aide. Il accueille ceux de bonne
volonté, offre sa protection aux plus dému-
nis, leur permet de s’installer, de s’amarrer et
de construire un village flottant : les Pontons.
Très vite, d’homme seul qu’il était, il devient
meneur d’hommes en s’entourant des meil-
leurs, des plus honnêtes.
Ceux qui vivent au milieu de ce développe-
ment anarchique de bateaux, d’auberges flot-
tantes, de quais en bois accrochés à l’îlot bé-
néficient d’un gros avantage : ils ne paient pas
de taxes à la ville et ne reconnaissent d’autre
autorité que celle de Bernys.
Aujourd’hui, les Pontons sont un des pôles
d’attraction de Laelith. On y vit de la manne
apportée par les visiteurs, du jeu, des paris et
de l’exploitation de l’oreille du lac, un mol-
lusque qui ne pousse que sur le rocher. Sa
chair délicate est très prisée et certains des
bateaux-restaurants des Pontons en font leur
spécialité (au beurre mousseux, aux algues,
panés…). Sa coquille, une fois polie, donne
une nacre exceptionnelle, tant par ses couleurs
variées que sa résistance. Plusieurs polisseurs,
dont certains de grand renom, vivent sur les
Pontons.
Certains de ces mollusques sont fluorescents
(environ 1 %). Le rocher tout entier devient, la
nuit, un point de repère pour la navigation.
Les Pontons, un village dans la ville, un
développement anarchique de bâtiments
flottants, mais peut-être l'endroit le plus sûr de la
Chaussée.
Malgré toutes les expériences réalisées à ce
jour, cette capacité disparaît dès qu’on éloigne
les oreilles de leur île.
Quelques habitants
Trois-Doigts est arrivé parmi les premiers,
il y a quinze ans. Portant barbe, moustache
et de longs cheveux blonds tressés, cet hu-
main de grande taille ne se sépare jamais de
sa hache à deux mains. C’est un bûcheron,
qui n’a pas son pareil pour voir dans un tronc
les planches qu’il pourra y débiter, de toute
la force de ses muscles et toute la rage rece-
lée dans son âme. Il dit qu’il ne sait pas d’où
il vient, ou plutôt qu’il ne sait pas y retour-
ner. La seule chose dont il se souvient, c’est
d’avoir traversé une sorte de lumière violette,
sombre et froide… Bernys est un des rares à
ne pas avoir ri de lui, à lui avoir proposé un
gîte et un travail. Il est devenu le maître à
construire de Maucastel. Il choisit et achète
les arbres, supervise les équipes et surveille
la construction et l’entretien des Pontons. Le
bois, c’est sa vie.
Sa vie, c’est aussi Monette. Cette jeune
humaine frêle et délicate, qui glisse toujours
un lys d’eau dans son chignon châtain noué
sur la nuque, est la marchande de fleurs des
Pontons. Son jardin est un radeau où elle
cultive des plantes aquatiques dont les ra-
cines s’abreuvent directement dans le lac.
Ses spécialités sont les nénuphars et les lotus,
pour lesquels elle arrive à créer des coloris
rares, ce qui fait son succès. Ses fleurs sont
très recherchées par les amoureux et cer-
tains dévots. Offrir une fleur de Monette vaut
mieux qu’une grande déclaration d’amour.
Apothicaires et herboristes se fournissent au-
près d’elle en plantes médicinales aquatiques
et graines de lotus, utilisées pour diverses
préparations.
Humain lui aussi, Masgueron a grandi à
Laelith, dans la rue, où il est né. Alcoolique
très jeune, il finissait ses nuits sous un porche,
les poches vides, avec du sang inconnu sur
les poings. Il s’était battu… Sa réputation de
bagarreur et d’ivrogne l’éloigne des gens, et
pour se débarrasser de ce mal qui le ronge,
il décide de partir. C’est un ordre de moines
guerriers qui lui enseigne à accueillir sa rage
et à la contrôler, grâce à l’alcool. Aujourd’hui,
il est sobre, mais il a toujours sur lui une fiole
d’alcool (que les gens croient magique) qu’il
La Chaussée du Lac 139
Que du beau monde
Sur les Pontons, tous les résidents ont
une caractéristique en commun : ils
sont loyaux à Bernys. Jamais ils ne
nuiront volontairement à sa personne
ou au refuge qu’il a bâti. En fait, ils ont
tous été acceptés, adoubés presque, par
Bernys lui-même. Il semble qu’il ait un
flair ou une intuition sans faille pour
discerner la moralité et les intentions
des gens. Du coup, il choisit ceux à
qui il accorde le droit d’intégrer la
petite communauté. Les heureux élus
s’appellent entre eux, fièrement, les
Flottants.
Les noueurs I
Mariniers, dockers, percepteurs,
pêcheurs, soldats ou simples visiteurs,
toute une foule bigarrée sillonne les
quais de la Chaussée du lac. Parmi ces
gens, on remarque des adolescents aux
mains déjà calleuses, à l’œil vif et à la
gouaille facile. Les membres du groupe
des noueurs, une vingtaine en exercice,
interpellent les navires qui s’approchent,
chacun vantant ses propres mérites et
sa compétence. Leur rôle consiste à re-
cevoir les amarres jetées depuis le pont
du bateau puis à les enrouler autour
des bittes de pierre qui jalonnent les
embarcadères. Nouer les grosses cordes
de chanvre est tout un art : le bateau
ne doit plus bouger, ou à peine, afin que
les dockers puissent faire leur travail
en toute sécurité, et la coque ne doit
pas battre contre le quai. Un bon nœud
fixe l’amarre, mais se défait également
avec aisance au moment de repartir. Les
noueurs louent également leurs services
quand il s’agit de réparer des haubans
alors que l’équipage est à terre pour un
repos bien mérité.
Terreur nocturne
Quinze. C’est le nombre de victimes
du Dépeceur. Un tueur sanguinaire
qui s’attaque au clergé du Poisson
d’argent. Quinze en deux ans. Et pas le
moindre indice. Sinon qu’il utilise un
gros coutelas de marin pour prélever
différents organes sur ses proies. Et qu’il
frappe toujours les lendemains
de tempête sur le lac…

Les noueurs II
Les adolescents du quartier, parmi
les plus pauvres, viennent tenter leur
chance dans ce métier. Trop âgés pour
chaparder discrètement, trop jeunes
et pas assez forts pour transborder
les marchandises, l’activité de noueur
représente une bonne alternative. Sous
l’égide de Bastin, un vieux marin ridé
qui a perdu ses deux jambes (à chaque
fois, il raconte une histoire différente à
ce sujet), ils apprennent à faire les nœuds
nécessaires, en échange de la moitié de
leurs dix premiers gages (et de temps en
temps une chope de bière en souvenir).
On repère les noueurs au foulard gris et
rouge passé autour de leur cou, orné de
nœuds complexes qui sont comme une
vitrine de leur talent. Les meilleurs sont
vite reconnus et recherchés par les capi-
taines consciencieux, les autres gamins
doivent convaincre les nouveaux venus
et faire leurs preuves avant de récupérer
quelques piécettes contre leur labeur.
Rien ne se perd
Bien entendu, Oki ne jette rien des
glandes et organes internes qu’il prélève
sur les tugus. Il les conditionne dans de
petites fioles soigneusement estampillées
et les revend, à prix d’or, à des apothi-
caires en ville (dont certains fournissent
parfois des guildes d’assassins).
140
Oki, le maître tugu, officie sur son
bateau-resto, amarré aux Pontons.
n’utilise que lorsqu’il doit se battre à son plein
potentiel. Revenu à Laelith, il tombe un soir
sur un homme attaqué par une demi-dou-
zaine d’assaillants. Et comme toujours, il se
place du côté du plus faible. Il sauve ainsi la
vie du maître à construire de Maucastel. Trois-
Doigts et lui se lient d’amitié et c’est tout na-
turellement qu’il rejoint le service de Bernys
en tant que force tranquille. Ne portant pas
d’armure, les cheveux rasés ou presque, son
apparence et sa nouvelle réputation de redou-
table combattant, basée sur l’ancienne (asso-
ciant alcool et violence), font qu’il a rarement
à se battre, restant fidèle à l’enseignement des
moines. Il est devenu le bras armé de Bernys,
et son garde du corps.
On la rencontre à la fois sur les Pontons et
partout à Laelith, la ménestrelle Pamprevoise
fait partie des proches de Bernys. Humaine
mince et élancée, une longue natte dans le
dos, et sur le visage une cicatrice, récoltée
dans le Cloaque lors d’une expédition qu’elle
vous racontera peut-être, elle est facile-
ment reconnaissable. Ses vêtements colorés,
son tambourin et le couple de doudilains,
Matoise et Mariol, qui l’accompagne par-
tout ne l’empêchent pas d’être la discrétion
incarnée en cas de besoin. Son métier, son
art plutôt, lui permet d’être là où il y a des
informations à récolter. Elle est les yeux et
les oreilles de Bernys en ville, et ne manque
jamais de lui rapporter tout ce qui peut être
utile.
Quelques bateaux
Il n’est pas question, pour les cinq cents
Flottants, d’habiter ailleurs que sur leurs em-
barcations. Seuls Bernys et ses proches vivent
dans les ruines restaurées de l’ancien castel.
L’autre construction en dur concerne les gi-
gantesques aquariums et leurs gradins creusés
à même la roche qui servent aux combats de
traniecs.
La population du rocher vit, mange, dort
et travaille sur les bateaux amarrés les uns
aux autres ou aux pontons. Les échoppes
sont flottantes, leurs propriétaires déployant
des trésors d’ingéniosité pour faire tenir en
équilibre sur ces frêles esquifs à fond plat des
empilements d’objets artisanaux, de souve-
nirs de la Ville sainte, des aquariums d’éle-
vage de traniecs, des réchauds, des caisses
de vivres, des tonneaux de bière, les éta-
blis des polisseurs de nacre, les ateliers des
tatoueurs…
Un des bateaux-restos les plus connus est
celui du maître tugu Oki. Le tugu est une an-
guille cavernicole des profondeurs du lac qui
remonte rarement à la surface, mais est par-
fois prise dans les filets des pêcheurs. Elle doit
être intacte et apportée rapidement à Oki pour
être traitée. Il la dépèce à gestes vifs et précis
en commençant par la queue, retire les arêtes,
prélève le foie et les glandes, découpe la chair
en tranches très fines et la fait mariner dans
une sauce dont il a le secret. Pour déguster
ce mets hors du commun, il faut avoir une
confiance absolue en maître Oki, ainsi qu’une
bourse bien garnie. Les glandes du tugu sé-
crètent un poison violent, qui paralyse les
muscles et donc la respiration. Et maître Oki
est l’un des rares artistes du couteau à savoir
extraire ces glandes sans les percer… la plu-
part du temps.
Lorsque les pêcheurs lui apportent un
tugu, Oki le prépare pendant qu’un crieur des
Pontons va annoncer haut et fort sur le port
qu’il n’y en aura pas pour tout le monde. Ces
soirs-là, on peut voir à Maucastel une forte
affluence de gens aisés, mais aussi de petits vo-
leurs et autres opportunistes…
 Les doudilains Les crieurs et le passeur violent, menant à l’embouchure de la Faille
un peu plus au sud, oblige le bac à suivre
Surnommés singes-écureuils, ces lé- une trajectoire très précise, sous peine
Le seul moyen sûr de venir sur les
muriens sont considérés comme des d’être irrémédiablement emporté. On ne
Pontons, c’est d’utiliser les services du
enfants des rues. Leur plaisir à conce- compte plus le nombre de tentatives de
passeur. Pour un tarif modique, un bac
voir des farces témoigne de leur intelli-
fait la navette entre la rue des Murs et les passage, en barque ou à la nage, qui se sont
gence et de leur capacité à fuir la colère
Pontons. Le passeur est anonyme, vêtu de terminées dans l’Inlam, ou dans le port de
de leurs victimes. La plupart restent
sauvages, imitant les comportements noir et masqué. De fait, nul ne sait combien pêche pour les plus chanceux.
ou les interjections courantes des ci- de personnes exercent ce difficile métier. Et comme il faut bien attirer le chaland et
tadins avec leur petite voix criarde. Le bac fonctionne de jour comme de nuit faire tourner la boutique, plusieurs crieurs
Les plus empathiques se lient avec un et peut transporter entre dix et quinze per- se promènent entre le quartier militaire
individu ou une famille. Ils peuvent sonnes. Et si la distance est courte entre le et le quai des Contrebandiers, et jusqu’à
apprendre des tâches assez sophisti- point de départ et les Pontons, la traversée la place du Crâne pour annoncer les pro-
quées et des dizaines de mots, mais ils
n’en est pas facile pour autant. Un courant duits et activités du moment (tugu, fleurs
préfèrent mimer ou montrer les choses
de Monette, combats de traniecs, paris
pour se faire comprendre.
avec fortes mises). Recrutés parmi d’an-
Ceux qui gagnent leur amitié reçoivent
ciens acteurs, des maraîchers retraités, ou
beaucoup en retour : un doudilain peut
des porteurs vétérans, ils ont tous une voix
prévoir le temps de la journée, traduire
les intentions réelles de l’interlocuteur tonitruante qui porte loin, et même s’ils ne
de son « ami », et pour les plus vifs résident pas sur le rocher, ils contribuent à
d’esprit, conseiller une attitude son succès.
dans une négociation, ou avertir
d’un danger.
En ville, on connaît même par
leur nom les doudilains cé- Espiègle et chapardeur,
lèbres d’individus tout aussi fa- le doudilain est la mascotte de Laelith.
meux : commerçants, artisans,
astrologues de rue, tire-laine,
tueurs à gages. Car le doudilain
embrasse les valeurs morales de
son compagnon et lui reste fidèle
tant que celui-ci sait entretenir leur
amitié. Rarement, des individus ont
su forcer un doudilain à agir contre son
gré, en menaçant son ami ou l’autre
membre d’un couple de doudilains.
Des situations éphémères, le doudi-
lain contraint étant capable de très vite
monter une opération de représailles à
la mesure de ses tortionnaires…

Trois numéros
« Doud’ était l’âme du navire, car il sa-
vait quel alcool rapporter au capitaine
Hod en fonction des circonstances (dé-
tente, gros grain, conflit, rivages incon-
nus, fête…). »
« Chab, si immobile – pour un doudilain
– qu’on le croit empaillé. Chab, si doué
que seule la perversité des visiteurs
du Magistrat peut satisfaire son talent
d’analyse des psychologies. »
« Crokett ? Ah ! L’unique doudilain qui,
pour monter ses farces, dirige une
troupe de doudilains (et de figurants ci-
tadins). Il est si créatif que les Laelithiens
sont fiers d’avoir été ses victimes. »

La Chaussée du Lac 141

 un lieu
La Maison des mille fleurs
Un établissement de qualité
Certains mauvais esprits osent émettre l’idée qu’une des
motivations de nombreux pèlerins (je parle de ceux qui ont
les moyens, pas du genre qui fait la manche ou voyage à
pied) se trouve être la visite d’un certain établissement de
la terrasse la plus malfamée de la Ville sainte. J’ai nommé
la Maison des mille fleurs, quai des Contrebandiers, sur la
Chaussée du lac.
Depuis ses origines, cette maison propose à Laelith tout
ce dont un individu, quels que soient son âge, son sexe, sa
race, la couleur de ses yeux, de sa barbe ou le nombre de ses
orteils, peut désirer.
Un repas fin et gastronomique ? À déguster sur place
ou pour en apprendre les subtilités auprès des héritiers
du célèbre Heriaz d’Esharzy, nommé baron du quai des
Contrebandiers par Cemaldir VII ; les meilleurs cuisiniers
des huit continents paient des fortunes pour apprendre ici
l’art de satisfaire les palais les plus délicats. Un spectacle de
jongleurs de tortues carnivores ? Une revue burlesque ? Une
table de triplette ou de votre jeu de dés favori ? Un parfum
pour envoûter celle, ou celui, dont les regards vous font rê-
ver ? Un nid discret pour abriter des amours illicites ? Tout
est possible à la Maison des mille fleurs, ce n’est qu’une ques-
tion de prix… ou de chance…
Aujourd’hui, la maîtresse des lieux se nomme Jolyane, et
a tout juste 25 ans. Elle est la fille adoptive d’Yphria d’Es-
harzy qui lui a confié les rênes de la maison. Mais ses che-
veux blonds et bouclés, ses yeux sombres et son port altier,
font que sa ressemblance avec cette dernière laisse la porte
ouverte à nombre d’interprétations et de rumeurs. La plus
fréquente fait le rapprochement entre l’âge de Jolyane et l’ar-
rivée à Laelith d’un certain Bernys de Maucastel… Yphria
a toujours la voix chaude et la silhouette gracieuse de ses
jeunes années, seule son opulente chevelure grise atteste du
passage du temps.
De sa jeunesse passée auprès d’Yphria, Jolyane a retenu
l’élégance et le goût pour les belles choses. Et qu’elle soit ou
non la fille de Bernys, c’est une fine négociatrice et une orga-
nisatrice hors pair.
Jolyane dirige la maison depuis qu’elle a 20 ans, quand
Yphria a décidé de prendre une retraite méritée. Retraite
toute relative, puisqu’elle continue à gérer les finances de
l’établissement, en laissant à sa fille toute liberté pour ad-
ministrer au quotidien ce qui se passe entre les murs de la
grande bâtisse.
142
La jeune femme avait une idée très précise de ce qu’elle
voulait en faire et sa première action marquante a été de fer-
mer la maison pour repenser intégralement l’aménagement
des lieux… et mettre fin aussi bien aux activités des Sublimes
Compagnes que des simples prostituées. Sur l’insistance
d’Yphria, la maison reste un terrain de chasse pour les cour-
tisanes (ses anciennes consœurs).
Les travaux ont duré plus d’une année, mais le résultat
est à la hauteur de l’investissement. La salle de spectacle est
désormais comparable à celle des meilleurs théâtres : scène
avec une machinerie performante, loges embellies et agran-
dies pour les artistes, éclairages, effets spéciaux, luxueuses
loges privées pour public fortuné. Tout est fait pour profiter
au mieux des spectacles proposés.
C’est au premier étage que se trouvent les chambres et les
suites destinées aux visiteurs désirant prolonger leur séjour
aux Mille Fleurs.
Le second étage est réservé à Yphria et Jolyane, où elles ont
installé leurs appartements privés.
Visite des lieux
Rez-de-chaussée
Dans cette immense salle très haute de plafond, la scène
est légèrement surélevée et les tables sont disposées sur des
estrades en escalier pour dîner tout en assistant au spec-
tacle. Au fond, se trouve la salle de jeux, avec quelques tables
(cartes, dés, boule) et des boutiques de luxe (parfums, linge-
rie, artisanat d’art) en mezzanine. L’une d’elles propose des
bijoux en nacre d’oreille du lac (c’est le seul endroit où en
trouver en dehors des Pontons).
La cuisine sert uniquement à dresser les plats et à organi-
ser le service. La vraie cuisine est au sous-sol, dans les an-
ciens celliers. On y accède par un escalier en colimaçon et un
ingénieux système de monte-plats permet de faire la navette
entre les deux niveaux.
Les loges des artistes ont été agrandies et sont situées der-
rière la scène.
Premier étage
Sont regroupées à cet étage les chambres qui peuvent être
louées pour une nuit, plusieurs mois, ou à l’année. On y trouve
cinq suites (150 lithals la nuit), des chambres luxueuses (40
lithals) et des chambres dites « standards » (10 lithals). Les
suites et les chambres de luxe ont leurs propres équipements
de bain, les autres partagent des étuves communes.
Second étage
Yphria et Jolyane se partagent cet
étage. Chacune dispose d’un appar-
tement très spacieux donnant sur un
patio planté d’essences parfumées. Si
Yphria a renoncé à diriger la grande
maison, elle n’a pas pour autant aban-
donné son goût pour l’espace et le
luxe. Jolyane a voulu les siens avec
une salle d’audition (pour évaluer les
artistes qui veulent se produire aux
Mille Fleurs) et un salon de lecture
dont les larges fenêtres ouvrent sur le
jardin intérieur.

Sous-sol
Les sous-sols sont occupés par la
nouvelle cuisine, un cellier agrandi et
Deuxième étage
une buanderie. Des anciennes instal- 12
lations, ne subsistent que la salle dite
de la Liberté et son accès vers l’exté-
13
rieur, un gros conduit de cheminée
traversant tous les étages. C’est par là,
et contre une forte somme (en or et au 14
comptant !) que certaines créatures
volantes venues du Cloaque peuvent
se dégourdir les ailes, en s’engageant Premier étage
à rester discrètes et à ne pas troubler 1 Cuisine
les habitants de la maison et la quié-
tude de la cité. L’accès est sous la garde 2 Cellier
d’Eriaroth, une naine hors d’âge et 10 11
hargneuse, extrêmement attachée à la
3 Chambre d’Eriatoth
personne d’Yphria. Ce passage n’est
4 Loges des artistes
plus guère fréquenté de nos jours, tant
il existe d’accès gratuits à la surface 5 Réserve
pour les créatures du dessous. On ra-
conte toutefois qu’un certain vampire Rez-de-chaussée 6 Scène
remonte uniquement jusqu’au jardin 1 5 Restaurant et salle de
intérieur, pour admirer Jolyane, rê- 7
spectacle
ver de ses vies antérieures et avoir de
8 8 Salle de jeux
longues discussions philosophiques 4 6 7
avec Yphria. À quoi peut bien rêver un
monstre ? Et qu’est-ce qui fait d’un être 9 Machinerie
conscient un monstre ? Où commence
la monstruosité et ou s’arrête l’huma- 9 10 Bains
nité ? Un jour, un sage écrira : « Quelle
chimère est-ce donc que l’homme ? Grille
Sous-sol 11 Etuves
Quelle nouveauté, quel monstre, quel renforcée
12 Appartements d’Yphria
chaos, quel sujet de contradiction,
Vers le
quel prodige, juge de toutes choses, Cloaque 2 1 13 Jardin intérieur
imbécile ver de terre, dépositaire du
vrai, cloaque d’incertitude et d’erreur, Appartements de
3 14
gloire et rebut de l’univers ! » Jolyane

La Chaussée du Lac 143

 une organisation
Entendu au carrefour
« Mais, c’est que j’ai la priorité, moi,
Môssieur ! Je transporte des gens
importants !
– Priorité, mes g’noux ! ‘spèce de
porte-fesses ! »
Amabilités entre chaise à porteurs et
portefaix
Barbecue
On murmure que la chair de sherpane
est délicieuse, grillée ou en ragoût.
Réalité ou tentative discrète des porte-
faix pour limiter leur présence à Laelith
et surtout leur utilisation en tant
qu’animaux de bât ? Certaines auberges
en proposent déjà au menu, particuliè-
rement sur l’échelle de l’Auberge-qui-
pue, à deux pas de la corpo. Mais ce
n’est que pure coïncidence.
Sherpane puant
Nouveau venu en ville, avec son indo-
lence caractéristique, le sherpane ar-
pente les rues, souvent en convoi allant
jusqu’à une douzaine de bêtes menées
par un guide. Placide, le sherpane est
facile à dresser. Agile, on n’a jamais vu
l’un d’eux glisser ou perdre pied sur
les pavés gras ou humides, même dans
la plus raide des échelles. La femelle
produit un lait mousseux et riche, au
goût vanillé.
Cet animal sera-t-il donc la nouvelle
panacée pour le transport urbain ?
Rien n’est moins sûr. Ses déjections
collent au sol et dégagent une forte
odeur d’ammoniac dès qu’il fait chaud.
Depuis qu’un noble-citadin a glissé sur
une crotte et s’est cassé la jambe, on
parle d’un décret limitant leur accès au
hors-ville.
144
La corporation
des Portefaix
Livraison express
La nécessité de transporter, dans un pre-
mier temps la nourriture, dans un second
temps, des paquets et colis de tout type de la
Chaussée du lac vers les autres terrasses, et de
fait, entre deux points de la ville, est à l’origine
de la création de la corporation des Portefaix,
il y a bientôt vingt ans.
Très vite, ses bureaux et les premiers entre-
pôts se sont installés tout au bout de l’échelle de
l’Auberge-qui-pue, au bord de l’Inlam. Cet em-
placement, dû au hasard à l’origine, s’est révélé
d’une importance capitale lorsque fut décidée
la construction du nouveau pont à la frontière
de la Prospérité, pratiquement sous les fenêtres
de la corporation. Bientôt, les accès vers la ter-
rasse de la Main qui travaille et vers le sud de
la Chaussée vont devenir d’une simplicité et
d’une rapidité incomparables. Sans parler du
prix au mètre carré des entrepôts, une vraie
fortune quand il s’agira de les revendre…
L’idée géniale du fondateur de la corpora-
tion, Orneste Longpré, a été d’organiser les
porteurs en équipe de deux, un grand et un
petit, et de les équiper d’un système de trans-
port, le « barda », reposant sur les épaules des
deux livreurs. La subtilité est que, en montée,
le petit est devant, en descente, le petit est der-
rière ; sur le plat, le grand porte au niveau de la
ceinture avec des supports adaptés. À Laelith,
tout est en pente, la moindre rue, les échelles,
tout ! Avec cette simple invention, les porteurs
de la corporation sont capables de traverser la
ville en deux fois moins de temps que n’im-
porte quel autre procédé ne le permettait, et
avec une meilleure garantie de résistance de
la cargaison aux éventuels chocs du trajet. À
titre d’exemple, un gopneldaun peut faire un
excellent petit porteur, et un humain ou un de-
mi-orc, un parfait grand porteur.
La section Vivres de la corporation est
spécialisée dans le transport des denrées
alimentaires, depuis l’eau potable jusqu’aux
fruits exotiques tout juste arrivés au port et
destinés à la Haute Terrasse.
La section Formation se charge de ramasser
des déchets dans certaines rues de la terrasse
de la Prospérité. C’est une façon pour Orneste
d’éduquer ses apprentis, en leur faisant par-
courir des échelles où ils ne risquent pas de
se perdre. Toujours par deux, ils collectent et
portent les détritus jusqu’à la distillerie des
Quatre Vents, qui les utilise comme combus-
tible. Et ce n’est que du bon sens commercial
pour ce gnome surprenant. D’un côté, il a ob-
tenu de la surintendance locale la sous-trai-
tance du ramassage sur ce petit secteur (et
se fait payer pour ça), de l’autre, il revend les
déchets à la distillerie. Cerise sur le barda, il
forme ses nouveaux embauchés.
Les bâtiments de la corporation abritent les
bureaux d’Orneste, des entrepôts, une salle de
repos pour les porteurs et l’atelier des harna-
cheurs. Ces artisans bourreliers entretiennent
les bardas, lustrant le cuir, huilant les méca-
nismes et vérifiant la solidité du tout. Il ne fau-
drait pas qu’un barda se déchire en frottant un
mur ou soit défoncé lors d’une touchette avec
un ookhab…
Secret professionnel oblige, tout le person-
nel de la corporation est tenu à la plus grande
des réserves, certains colis devant être livrés à
des destinataires « discrets », et d’autres étant
des livraisons « spéciales » (d’une grande va-
leur, voire de la contrebande…). Orneste a
mis au point un système très simple d’enre-
gistrement des paquets : envoyeur/nom des
porteurs/destinataire/récépissé signé du des-
tinataire. Tout est noté, conservé et soigneuse-
ment classé au siège. La valeur de la cargaison
est celle que l’expéditeur veut bien indiquer
lors de sa demande de transport. Et aucun
porteur ne demandera jamais ce que contient
un paquet fermé du sceau de la corpo qui lui Orneste Longpré échange
est confié. ses habits de travail pour de
somptueux atours quand il
Le prix de la livraison est calculé en fonction juge l'arrivée de la course des
de la taille et du poids des objets à transporter, portefaix.
qui doivent impérativement tenir à l’intérieur
du barda. Aucun supplément n’est compté si le
destinataire est sur la Chaussée, sinon, quand il
s’agit d’accéder à une autre terrasse, un supplé-
ment est perçu. Avec une prime de risque si la
destination est sur le Châtiment ou si la livrai-
son doit s’effectuer de nuit. Le tout est payable
au moment de l’envoi. La distribution se fait
toujours dans les délais les plus brefs, le lende-
main au plus tard, au destinataire nommé sur
le parchemin de prise en charge, et contre sa
signature ou son sceau sur le document. Celui-
ci sera alors précieusement rapporté au siège,
comme preuve, et pour que les porteurs soient
payés de leur course.
La corporation entretient et protège jalou-
sement le Où est-ce où de Laelith, un guide ex-
haustif des rues, échelles et adresses de la ville.
L’original est dans un coffre, dans le bureau
d’Orneste. Des copies illégales et partielles
circulent sous le manteau et permettent, si
les Dieux sont avec vous, de se repérer dans
la cité. Selon les lieux recherchés ou visités, la
justesse des indications varie de une chance
sur quatre à trois chances sur quatre… Mais
il est certain que le Châtiment est moins bien
documenté que la Main qui travaille, sans par-
ler du Cloaque.

Ce gnome, riche, bon vivant et toujours vêtu
de couleurs vives est le patron de la corpora-
tion des Portefaix.
Il arrive jeune, pas plus d’un demi-siècle,
avec ses parents en pèlerinage à Laelith.
Bon garçon, il accepte, pour nourrir la fa-
mille, des petits boulots de transport de
marchandises diverses dans la ville. Il se fait
aider par son frère aîné Scullder. Il ne leur
faut pas longtemps pour constater que por-
ter à deux des charges dans les escaliers et
les rues en pente est quasiment impossible,
et ils sont épuisés lorsqu’ils rentrent dans la
modeste auberge où leurs parents résident
pendant leur tournée des temples. Son
Orneste Longpré
esprit ingénieux trouve alors LA solution :
pour porter à deux dans cette ville, il faut un
grand et un petit porteurs. Très vite, les deux
frères rencontrent Doucelin, un humain dé-
gingandé à qui il manque un peu d’or pour
rentrer chez lui, au loin. Ses talents de ma-
roquinier permettent alors de réaliser ce qui
allait faire la fortune d’Orneste : le barda.
C’est une sorte de sacoche en cuir accrochée
aux épaules des porteurs, comme une hotte,
que l’un porte dans le dos et l’autre sur le
ventre. Ainsi, un grand devant pourra des-
cendre aisément sans fatiguer un petit qui
le suit et inversement, un petit devant atta-
quera d’un bon pas les côtes et les échelles
montantes, suivi comme son ombre par un
grand. Quelques années passèrent et les
Longpré retournèrent chez eux, avec leur
fils aîné, et Doucelin gagna suffisamment
pour s’acheter un bon cheval et rentrer à son
tour dans sa lointaine province.
Orneste, lui, perfectionna le barda, y ajouta
des réglages et des amortisseurs, un cou-
vercle et des fermetures. Il édicta des règles
de fonctionnement pour tous les porteurs
qu’il embaucha. Ainsi naquit la corporation
des Portefaix, qui détient aujourd’hui un
quasi-monopole de la livraison de marchan-
dises à Laelith.

La Chaussée du Lac 145

 Livraisons
compromises I
Orneste Longpré est aujourd’hui un
gnome inquiet. Il ne le devrait pas, tant
le travail ne manque pas. Après tout,
son entreprise fonctionne bien, et ce
n’est pas la concurrence marginale des
sherpanes ou de quelques indépendants
qui font de l’ombre à ses portefaix.
Comme chacun le sait, sa corpo ne re-
fuse a priori aucun engagement, et vous
pouvez compter sur son entière discré-
tion quel que soit le paquet à transpor-
ter (si vous payez le prix demandé et les
surtaxes éventuelles bien entendu). En
général, les employés ignorent la nature
du colis, même si l’odeur des fromages
azilianais par exemple n’en cache rien.
Cependant, depuis deux semaines, des
portefaix sont la cible d’embuscades
très bien organisées. Six hommes mas-
qués et armés de poignards, les coincent
dans une échelle isolée de leur parcours.
Si les porteurs ne se défendent pas, ils
s’en tirent indemnes, mais le paquet
s’envole
Livraisons
compromises II
Orneste a pour le moment refusé
d’alerter les autorités, craignant d’avoir
été impliqué dans une affaire louche.
Il a donc mené sa propre enquête pour
relever que tous les vols visent des mar-
chands domiciliés dans la terrasse du
Nuage. S’ils ne semblent pas forcément
se connaître entre eux, la plupart sont
liés en affaire à des prêtres officiant au
Temple de ce quartier. Eux non plus
n’ont pas porté plainte. Pourquoi ? Il
commence à soupçonner un trafic quel-
conque dont les enjeux pourraient lui
échapper. Le nom de gens haut placés
apparaît sur sa liste.
Il a tenté de riposter en changeant les
itinéraires, les horaires de livraison.
Rien n’y fait. Pire encore, il craint que
quelqu’un parmi ses scribes ne renseigne
les malfrats. Pris entre deux factions
qui paraissent se livrer une guerre dans
laquelle il se retrouve impliqué malgré
lui, Orneste est inquiet… Au point
qu’il envisage d’engager des enquêteurs
discrets et peu connus à Laelith, afin
d’en savoir plus et de lui donner un
moyen de pression au cas où les choses
empireraient.
146
Quelle concurrence ?
Un autre moyen de transport s’est récem-
ment développé à Laelith, avec l’arrivée d’un
pèlerin et sa quinzaine de sherpanes. Ces
animaux placides ont développé de leur ori-
gine montagnarde une capacité de portage
de cargaisons lourdes plutôt exceptionnelle.
Imaginez une sorte de petit âne poilu, ou de
grosse chèvre sans cornes, avec de longues
oreilles retombantes. La démarche lente mais
assurée, le corps robuste, ces petits animaux
de bât sont capables de supporter plus de
deux fois le poids d’un homme sur de longues
distances.
Aucune organisation n’a osé pour l’instant
faire une concurrence frontale aux portefaix,
mais il existe quelques indépendants. On les
croise le plus souvent près du port de pêche
ou traînant leurs bottes le long du quai des
Contrebandiers, à l’affût d’un transport,
d’un chargement à déplacer. Ce ne sont pas
non plus les quelques porteurs du côté du
Lazaret ou les schlitteurs du Dénuement qui
vont faire de l’ombre à l’entreprise d’Orneste.
Même si les pitoyables porteurs du Lazaret,
comme on les appelle à la corpo, ont créé une
sorte de guilde, ils sont bien incapables de se
repérer dans toute la Cité sainte. D’ici qu’ils
puissent prendre en charge des colis fragiles
et en garantir la livraison dans tout Laelith,
de l’eau aura coulé sous le pont des Trois compagnons ont une certaine habileté dans
Terrasses. cet exercice et les apprentis… sont en for-
Pour l’instant la corporation n’a pas vrai- mation. Les tandems de portefaix sont géné-
ment réagi à la présence de ces concurrents ralement constitués d’un compagnon et d’un
disparates. Un jour peut-être, s’ils deviennent apprenti, ou de deux compagnons lorsqu’ils
trop performants et envahissants. Ou simple- se connaissent bien. On peut aussi voir un
ment s’ils s’organisent pour proposer leurs maître avec un apprenti, dans le cas de nou-
services partout en ville. veaux arrivants prometteurs, ou recomman-
dés. Deux maîtres ne se déplacent ensemble
Grades et fonctionnement qu’exceptionnellement.
Chaque porteur est muni d’un insigne qui
Comme c’est le cas pour toute corporation atteste de son appartenance et de son rang
qui se respecte, les portefaix comptent parmi dans la corporation. Il détient aussi un ma-
eux des maîtres, au nombre de 14 ; des com- nuel qui rappelle les règles essentielles du
pagnons, 42 ; et des apprentis. Les maîtres portefaix, une sorte de guide des bonnes et
sont capables de se repérer dans toute la ville mauvaises pratiques : connaître toutes les
et de trouver sans la moindre hésitation une impasses, éviter les raccourcis trop sombres,
adresse, où qu’elle soit, et surtout quelle que le pont des Illusions, ne jamais accepter l’aide
soit la numérotation employée. Certains de gens qui vous indiquent un passage (avec
d’entre eux, les meilleurs, peuvent emprunter grille et cadenas) dans leur cave, etc. Au siège
sur de courtes distances des raccourcis tra- de la corporation, les informations du jour
versant le Cloaque, et en éviter les pièges. Les sont affichées et rappelées de vive voix à tous

les tandems sur le départ par un crieur (gé-
néralement un ancien grand porteur qui a eu
des soucis de santé) : « Aujourd’hui, c’est le
jour de la fête des Reliques, éviter les alen-
tours du temple du Crâne », « Ne pas passer
place du Pilori, c’est jour d’amputation »,
« Le fabricant de colle de l’échelle Ravine
nettoie ses cuves, éviter jusqu’à tard ce soir ».
Sa voix porte et l’endroit est bien choisi pour
recueillir des informations sur l’activité de la
ville…
Un tandem de porteurs
Tolli, humain, 1,88 m, et Peckénio, nain,
1,23 m, forment l’un des tandems de porteurs
les plus talentueux de la corporation. Ce sont
deux compagnons. Un tandem de portefaix,
c’est une complémentarité à toute épreuve,
une confiance réciproque. Le porteur arrière
ne peut que suivre sans hésiter une seule se-
conde les décisions de son faiseur de trace.
Dans les montées, le nain Peckénio est d’une
précision sans faille, il a un sens des trajec-
toires allié à une connaissance de la ville qui lui
permet de toujours choisir le bon chemin, se
jouant des échelles encombrées, des pèlerins et
des obstacles en tout genre. Derrière lui, Tolli
fait tonner sa grosse voix pour dégager le che-
min, et les deux ensemble, lancés comme des
flèches dans les venelles étroites, font souvent
l’objet de plaintes auprès de la corpo. Mais qui
voudrait faire ralentir une équipe aussi rapide,
talentueuse et rentable ? Pas Orneste Longpré
en tout cas !
Dans les descentes, Tolli est plus prudent,
plus mesuré, mais sa grande taille lui permet
de voir de loin les obstacles, qu’il négocie et
contourne avec adresse grâce à son agilité
naturelle. Non sans déclencher quelques ju-
rons bien sentis de la part de son compère,
dont on ne sait s’ils s’adressent à son par-
tenaire ou aux malheureux qui traînent sur
leur chemin.
La Chaussée du Lac 147
Peckénio, devant,
et Tolli, derrière,
en pleine action
dans une échelle
et prêts à tout pour
acheminer leur barda
à bon port.
Stratégie de course
« Ha ! Bientôt la course annuelle des
porteurs, on va encore bien rigoler.
– Tu l’as dit mon gars, comme l’an
dernier, on va tous se les enfumer.
– Sûr ! Il va falloir que j’agrandisse
le manteau de ma cheminée pour y
mettre la coupe de cette année à côté
des autres.
– Et n’oublie pas les repérages, Peck, va
falloir encore passer par des trous de
souris pour être les premiers.
– NE M’A PPELLE PAS PECK ! »
Tolli et Peckénio, tandem de choc
Le nouveau pont
Officiellement, la décision est prise de
lui donner le nom du nouveau Roi-
Dieu. Il sera baptisé, en grande pompe,
pont Nin Ier. Seulement voilà, il n’est
pas encore achevé que tout le monde
l’appelle le pont des Trois
Terrasses… Évident, non ?
 une organisation

Les Méduses
Une ligue de tempérance
Peu de temps après la désignation de Gamut
Morénon à la tête du Temple du Poisson d’argent,
sont nées les Méduses. Elles ont été créées en
réaction par Clara, prêtresse influente et candi-
date évincée lors de l’élection du nouveau grand
prêtre. Gamut avait trouvé les arguments pour
remporter le suffrage, laissant courir des rumeurs
sur des frasques présumées de Clara, et faisant
l’amalgame avec le destin de Dénéris, l’éphémère
Reine-Déesse. Depuis cet événement, Clara est
devenue une farouche adversaire de Gamut. Et
tout en lui l’insupporte, sa misogynie, ses idées,
son physique.
Si dans la doctrine officielle du Temple « toute
vie provient de l’eau », les Méduses vont encore
plus loin et professent que toute vie doit y retour-
ner et que tout ce qui est du domaine de l’eau est
sacré. La vie est transmise et entretenue par les
poissons et les autres créatures du lac qui acceptent
de se laisser pêcher pour nourrir la population de
Laelith. Et il est sacrilège de les utiliser autrement.
La consommation d’alcool de poisson, la fréquenta-
tion des tavernes et autres lieux de débauche, même
la fabrication de la colle, et par-dessus tout les com-
bats de créatures du lac, sont à proscrire, à bannir,
à éradiquer !
Très vite, Clara a rallié à sa cause d’autres
prêtresses du Temple, auxquelles sont venues se
joindre des femmes de pêcheurs, de soldats, d’em-
ployés… Lassées de voir leurs époux et compagnons
dépenser dans les tripots leur maigre salaire, ces
femmes ont apporté leur soutien actif au mouve-
ment. Bien que n’ayant aucune existence officielle,
les Méduses sont devenues une force reconnue et
visible sur la Chaussée.
Ces servantes de l’Eau se reconnaissent à leurs
vêtements amples et vaporeux. Elles portent une
superposition de cottes de fine étoffe (gaze, lin)
presque diaphane, de différents tons de bleu pâle,
la robe du dessus étant blanche. Elles respectent
ainsi les codes vestimentaires du Temple, mais
affichent leur attachement profond à la pureté.
La plupart arborent une calotte symbolisant le
corps de la méduse d’eau douce qui leur donne
son nom.

Clara, fondatrice des Méduses, intransigeante

dans son amour de l'eau du lac et des créatures
qui y vivent.
Être une Méduse,
c’est nettoyer Laelith
Les Méduses voient la Chaussée comme
l’expression même de la saleté morale et phy-
sique. Les inondations sont donc une béné-
diction du lac, envoyée pour la purifier. Selon
elles, il ne faut pas lutter contre la montée
des eaux, ne pas pleurer les noyés (ce sont des
bienheureux !), ni déplorer les pertes maté-
rielles. Chaque déluge est une occasion sup-
plémentaire de vénérer les Dieux des eaux.
Les Méduses sont des obsessionnelles de
la pureté, de la propreté, de la transparence.
Toutes leurs actions sont orientées dans ce
sens. Une de leurs activités principales est le
prosélytisme : elles recrutent largement sur
les marchés, autour de la Criée, devant les au-
berges, et de nombreuses femmes se laissent
convaincre de les soutenir.
Elles organisent des manifestations paci-
fiques, brandissant des seaux et des balais,
devant les lieux de perdition de la ville. Qu’il
s’agisse de tavernes, de la Maison des mille
fleurs, des distilleries, pas un jour ne passe
sans qu’un groupe de femmes ne se forme
devant l’un de ces lieux et n’admoneste ceux
qui y rentrent ou en sortent. Le passeur et les
crieurs de Maucastel ne sont pas épargnés. À
ce propos, les Méduses font circuler des péti-
tions pour protester contre l’organisation, sur
les Pontons, des combats de traniecs, ces gros
crustacés voraces et agressifs, aux puissantes
pinces.
La méthode du linge humide
Dès ses débuts, Clara s’est vite distinguée
par ses capacités à soigner. Et pas seulement
par les moyens divins mis à sa portée par sa
vocation et son affiliation au Temple. Elle a
obtenu des résultats spectaculaires sur des
fièvres tenaces en utilisant la méthode dite
du linge humide, qu’elle s’est efforcée en-
suite d’apprendre aux patients dans l’unique
objectif d’améliorer leur hygiène corporelle.
Son principal ingrédient ? L’eau bien sûr !
Inutile de parler des critiques acerbes venues
du Lazaret sur cette « stupide femme et ses
prétentions ridicules à prodiguer des soins
en dehors de tout contrôle ».
Il n’est pas rare de trouver à Laelith des cam-
pements de fortune abritant des pèlerins sans le
sou, à la foi envolée, qui n’espèrent que l’aumône
ou la compassion des pèlerins fortunés. Pour les
Méduses, ceux-là sont de faux dévots, une insulte
au Roi-Dieu et à la sainteté de sa ville, une souil-
lure aux yeux des Dieux, et il faut les expulser,
les jeter au lac. Le lac, propre et tout-puissant…
Clara, une vie au service de l’Eau
Clara est une humaine d’âge mûr, avec une
goutte de sang elfique sûrement due à de loin-
tains ancêtres. Certains de ses traits, ses yeux
légèrement trop écartés, ses longs cheveux
tenus dans une tresse serrée en seraient la
marque. Son père était un modeste pêcheur
et sa mère serveuse dans une auberge de la
Chaussée. Rien ne la prédestinait à la prê-
trise, sinon sa volonté de servir, d’aider, et son
amour de l’Eau, source de vie.
Sa piété manifeste, son charisme, son dévoue-
ment l’ont aidée à gravir rapidement les échelons
du Temple. Sans réellement le rechercher, elle
obtint le grade de fleuve, et devint la plus proche
collaboratrice de feu Xeniphys, poste que Gamut
désirait occuper. Personne, hormis elle, ne fut
surpris quand les mélonipes la désignèrent pour
participer à l’élection de son successeur.
Après la nomination de Gamut, Clara a pris
conscience que la maladie qui rongeait Laelith
était le fait des hommes qui l’habitaient.
Soigner le corps ne suffit pas, il faut soigner
l’âme des hommes pour soigner la ville. Telle
sera sa voie…
Écoutons Clara au sujet de la méthode :
« Tout d’abord, tremper un drap, simple
linge de coton ou de lin, dans de l’eau froide
et l’étaler sur plusieurs couvertures épaisses
en laine. Ensuite, envelopper le patient avec
le drap et les couvertures et les fixer à l’aide
d’épingles. Le patient se met alors à suer et
à trembler. Il doit rester allongé sur un lit
pour une durée allant de quelques minutes à
plusieurs heures selon la gravité de son état.
Une fois qu’il a bien transpiré, le débarras-
ser des couvertures, le plonger dans un bain
d’eau froide et le sécher en frottant avec
énergie. »
La Chaussée du Lac 149
Dénéris
« Oui, donc, n’est-ce pas, nous avons déjà
eu une grande prêtresse, on s’en souvient
encore et tout le monde a bien vu où cette
histoire nous a menés et le ridicule qui a
terni la réputation de notre Temple… »
Entendu lors de l’élection de Gamut
Morénon
Pieds nickel
Dans l’enceinte du temple, les Méduses
se joignent régulièrement aux laveuses
de pieds du Bassin primordial, autant
pour exprimer leur humilité et leur dé-
vouement à l’Eau, que pour s’assurer de
la propreté de ceux qui marchent, pieds
nus, dans les bassins sacrés de l’intérieur
du temple lui-même.
Les trois jours du
poisson
Il fut un temps où un haut dignitaire
décréta que chaque habitant de Laelith
devait manger du poisson au moins
trois fois par semaine. Il fallait peut-être
alors soutenir l’économie de pêche
ou bien était-il personnellement en
conflit avec la guilde des Bouchers. Bref,
du coup, on a vu la Chaussée du lac
devenir un lieu de promenade pour les
serviteurs en livrée des gens de la haute
société urbaine. Peu habitués des lieux,
ils venaient y faire leurs courses triheb-
domadaires, cabas en dentelle sous le
bras et air inquiet sur la face. Des poli-
chinelles colorés, un mouchoir parfumé
devant le nez pour faire le tour des étals
et se rendre jusqu’à la Criée.
Le décret n’a pas tenu plus d’une
dizaine d’années, l’habitude alimentaire
est restée, mais les valets se font plus
discrets pour leurs emplettes. Pourtant,
quand un type en costume criard se
balade dans le quartier, on continue à
entendre parmi les résidents « Tiens,
c’est jour du poisson ! ».
L’avenir de Clara
Clara est lasse de l’hostilité larvée des
fleuves du Temple. Elle sait que les
autres prêtres l’ont rejetée, elle sait que
Gamut, sous son air bonhomme, ne
supporte pas qu’elle prenne une place
importante auprès de la population de
la Chaussée. Des femmes en particulier.
Un jour, c’est sûr, elle quittera Laelith
pour aller sur les chemins enseigner le
respect de la Vie et la vénéra-
tion de l’Eau…
 Des professionnels
Portrait
Grand, blond et un peu enveloppé,
Taddeus Vaden est un maître tatoueur
renommé. Il propose les coloris les plus
extravagants et sait réaliser des dégra-
dés de couleurs dignes des plus beaux
couchers de soleil sur le lac pendant
riche soleil. Son bateau-échoppe est
amarré aux Pontons de Maucastel. Il
est cher, mais qu’est-ce que c’est beau !
Motifs élémentaires
Le B A BA des tatoueurs consiste à
savoir réaliser et colorer les symboles
des quatre Éléments :
Terre
Eau
Air
Feu
Loin d’être des motifs universels, ils
n’en sont pas moins parmi les plus
simples que l’on puisse trouver à Laelith,
admis de tous dans cette ville multicul-
turelle et multicultuelle.
Le démon du lac I
Une rumeur, sans doute, mais
voilà bien des années qu’elle passe de
bouche à oreille dans tous les bouges
de la Chaussée du lac. Il y a toujours
quelqu’un qui connaît un marin qui en
a entendu un qui avait vu le monstre…
Et à coup sûr, dès qu’un équipage se
prépare à embarquer pour le lac d’A lta-
lith, surtout s’il fête l’incorporation de
nouveaux membres, l’histoire ressurgit.
D’un endroit à l’autre, elle change à
peine.
« Un serpent géant, long comme une
galère, la peau comme une cotte de
mailles verte. Même qu’une fois, il s’est
aventuré dans l’Inlam et a bien failli
boucher la Faille… »
« Un énorme poulpe, et voyez les traces
laissées par ses tentacules sur la coque
de bateaux en carène… »
150
Petits métiers
Tatoueur
Les eaux du lac d’Altalith sont l’habitat de
minuscules seiches, nommées sépiolides,
dont l’encre est utilisée par les tatoueurs de
Laelith. Ces artistes proposent des dessins
de toutes sortes, particulièrement colorés
grâce à une capacité singulière des petits
céphalopodes.
Une échoppe de tatoueur se reconnaît au
grand nombre d’aquariums et de bocaux qu’on
y voit. En effet, les sépiolides sont une espèce
plutôt agressive qui ne supporte pas la surpo-
pulation. Dès qu’une certaine densité d’indivi-
dus est dépassée dans un environnement fer-
mé, ils se déchaînent, se battent et en arrivent
souvent à la destruction de tous les belligé-
rants. Il est même surprenant de voir combien
des bêtes aussi petites peuvent être si vindica-
tives. Paradoxalement, ils sont très peureux, et
dès qu’ils se sentent menacés par un prédateur,
ils crachent leur encre la plus noire, espérant
ainsi se dissimuler.
De fait, ces petites seiches sont douées d’une
étonnante capacité mimétique, exploitée par
le tatoueur. Pour préparer ses couleurs, il sort
délicatement un sépiolide de son bocal, avec
des pinces en bois et le dépose sur un nuan-
cier, au coloris qu’il souhaite obtenir. L’animal,
en quelques secondes, ajuste son métabolisme
pour se dissimuler en prenant la même teinte.
Il suffit alors de le presser légèrement sur la
partie ventrale, pour extraire son encre qui
sera colorée avec les pigments désirés, puis de
le remettre dans son aquarium pour une pro-
chaine utilisation.
Ergün, tatoueur rue des Abattoirs
En tant que tatoueur, Ergün n’aurait ja-
mais gagné sa croûte s’il n’avait pas rencon-
tré Eusèbe, producteur d’une espèce rare de
champignons dans une cave très profonde,
proche du Cloaque. Depuis qu’Ergün nourrit
ses sépiolides avec ces champignons, ils pro-
duisent une encre imprégnée d’un puissant
hallucinogène qu’il utilise pour réaliser des
tatouages particuliers… Ses clients viennent
(ou l’invitent, car il fait aussi « du domicile »)
pour se faire injecter leur dose sous la forme
d’un tatouage, éphémère et hors de prix.
Parmi les motifs à succès : le lotus (détente et
bien-être), le doudilain (déblocage des inhi-
bitions), le nuage (altération de la perception
de l’espace-temps), le masque du Roi-Dieu
(rêve glorieux), l’icosaèdre (voyage dans des
mondes fantastiques). Le dessin disparaît
quand la drogue ne fait plus effet, ni vu, ni
connu.
Attention, l’usage répété peut conduire à des
crises d’angoisse, la faillite, la salfaye…
Fabricant de colle
Tant de déchets de poisson rejetés dans le
lac, autour du port et de la Criée ! Il fallait bien
qu’un jour quelqu’un comprenne qu’en faisant
fondre dans de l’eau la peau, la tête et les arêtes
de poisson, on pouvait obtenir après refroidis-
sement une sorte de pâte utilisable pour soli-
difier certains assemblages de bois et métaux
légers.
Les artisans, sur la Main qui travaille et
partout dans Laelith, en font toutes sortes
d’usages. Cette colle est utilisée en ébéniste-
rie, pour la restauration de meubles et d’ins-
truments de musique ou pour l’assemblage
des arcs. De couleur jaune ou brun clair, elle
ne tache pas le bois et brunit au séchage. En
y ajoutant des pigments, achetés chez un ta-
toueur, il devient possible de teinter le bois à
volonté. Les érudits et les bibliothécaires de la
terrasse du Nuage s’en servent pour la restau-
ration de parchemins. Sur les Pontons, les po-
lisseurs d’oreilles du lac l’emploient pour créer
des bijoux ou incruster la nacre dans des objets
en bois.
Cette colle présente un avantage et un in-
convénient. Pour ce qui est de l’avantage, elle
est réversible à la chaleur, c’est-à-dire qu’il est
possible, en travaillant avec le plus grand soin,
de séparer des éléments collés. L’inconvénient,
majeur, c’est son odeur. Faite à base de dé-
chets de poissons, la colle en conserve l’odeur
caractéristique…

Un client d'Ergün, en plein rêve
glorieux. Plus dure sera la chute...
Méryl, ancien parfumeur
Quand il est arrivé à Laelith, Méryl était ap-
prenti parfumeur ; son père et son grand-père
avant lui étant des parfumeurs renommés,
dans leur province d’origine. À l’issue de son
pèlerinage, il a semblé évident à toute la fa-
mille que s’installer à Laelith offrirait bien plus
d’opportunités commerciales que retourner
chez elle. Le père de Méryl a établi son atelier
non loin du temple du Poisson d’argent, dans
l’échelle des Trois Auberges.
Inutile de décrire l’agression olfactive dont
Méryl a été victime quand son père lui a de-
mandé, pour son premier travail, de coller les
étiquettes sur les fioles de parfum de l’atelier
familial. Il a alors expérimenté toutes sortes de
mélanges, pour arriver, enfin, à fabriquer une
colle de poisson inodore. Pour cela, il utilise
uniquement les têtes et les boyaux de certains
poissons, nettoyés abondamment à l’eau du
lac, puis traités par dessiccation à basse tem-
pérature. Il est le seul à produire cette colle, sa
formule n’est écrite nulle part et il est précau-
tionneux, voire soupçonneux, lorsqu’il lance
la production d’une « cuvée ». Sa clientèle,
principalement constituée d’artisans de la
Main qui travaille et de polisseurs de nacre des
Pontons, lui suffit pour vivre confortablement.
Imaginez, un coût de produits de base quasi-
ment nul et un prix de vente qui ne cesse de
croître pour des raisons de rareté et de qualité
de sa production… Méryl peut même se per-
mettre de fournir gracieusement au Temple
du Poisson d’argent la colle nécessaire aux
archivistes pour entretenir les parchemins des
bibliothèques.
Cache-misère de
commodité ambulant
On peut les voir, et les entendre, sur toute la
Chaussée, trimballant un ou deux seaux pen-
dus à une perche portée à l’épaule, et emballés
dans une longue cape épaisse et sombre. « Ci
fait ce qui doit » est le cri qui les signale à l’at-
tention de tous. Sur un signe de la main d’un
client, ils s’écarteront avec lui vers un mur ou
dans un recoin, et en échange d’une ou deux
La Chaussée du Lac 151
Markasar
« Ce qu’it faut, c’est un marousz ! Un
job de mage-secrétaire, ça se trouve
pas comme ça. Je vais te présenter
Markasar. Y m’a jamais dit qu’il
était marousz, le faux-cul, mais s’il te
propose un bon plan contre un petit
service pour lui ou un pote, dis-le moi,
ça confirmerait… Un marousz ? J’crois
que ça vient de « marieuse », c’est des
gens qu’ont des plans, des infos, des
relations qu’ont besoin de quelqu’un
pour faire un truc, et qui trouvent le
quelqu’un…
Si t’en cherches, on t’expliquera qu’ça
existe pas. C’est eux qui t’trouvent,
pas l’inverse, ils sont discrets. Faut
dire, quand ils te r’filent un contact
pourri, tu peux avoir envie de te venger.
C’est ptèt’ça qui limite les vocations
de marousz ou l’envie de s’en vanter.
Marsakar, des fois, des gens rentrent
chez lui, lui mettent la pâté et il dit
rien…
En fait, je vais pas te l’présenter… »
C’est le marousz
qui vient à toi
« Dis ce que tu cherches, là où tu désires
aller, ce que tu rêves d’obtenir ou
d’atteindre.
Dis-le dans des petits cercles discrets,
chez le barbier, chez l’armurier, chez le
tailleur, à un clochard, un doudilain,
une babouchka, un gondolier, mais pas
au marché, pas sur les places ni sur les
plages, pas en haut lieu ni à l’auberge, ni
sur les murs, ou bien les plus cachés.
Aide-toi et le marousz t’aidera :
commence ton action, monte ton
expédition, ton entreprise ou ta maison,
râle et invoque la providence, toujours
en audience limitée et s’il semble que tu
puisses payer, plutôt en actes qu’en de-
niers, tu pourras te faire marouszer… »
Chanson en prose
Galérien…
… tu n’es rien ! Tu es là pour une bonne
raison. Peu importe laquelle. Tu ne mé-
rites plus Laelith. Ta chance est passée.
Pour ta rédemption : ramer ! Toute
ton existence se résume à ça. Prouve
ta vaillance et ta dévotion, si tu survis
assez longtemps, peut-être auras-tu
l’honneur de ramer sur la
trirème du Roi-Dieu !

Pictoliscande
« Marousz, ça n’existe pas Messire
ambassadeur.
– Admettons, Pictoliscande, fais donc
comme si tu en étais un – je sens que
tu en es capable – et trouve-moi illico
une équipe susceptible de débusquer
un autre marousz, le petit malin qui
orchestre des rencontres anodines entre
gens aux buts triviaux, mais qui tous
se combinent pour ruiner mes actions
dans la Ville sainte.
– Ça me semble difficile, Monsieur l’am-
bassadeur. D’abord, que chercher ? Vos
impressions restent peu fondées. D’autre
part les marousz n’existent pas. Ensuite,
entre marousz, sans avoir vraiment de
code, nous évitons à tout prix de nous
nuire. Enfin, la convergence dont vous
parlez est trop avancée, j’entends arriver
le pas particulier des gardes, et vous
n’avez que le temps de fuir sans rien
emporter, comme nombre d’ambas-
sadeurs trop fouineurs que j’ai servis
jadis et naguère… Oui, par la corniche.
Attention, c’est étroit… et ça glisse ! Que
les Dieux vous aident, Messire ! »
152
Pour certains spectacles de son et lumière aux
Mille Fleurs, Yphria fait appel aux services
éclairés de Zéférino.
piécettes, lui prêteront la cape, lui laissant s’en
envelopper et s’accroupir sur un seau pour y
uriner ou y déféquer. Cache-misère de com-
modité ambulant, voilà un métier vraiment
ingrat…
Une fois leurs seaux bien remplis, ils vont les
vider sous le pont des Pêcheurs pour que tout
soit entraîné par l’Inlam, vers les falaises. Ce
mode de collecte des excréments, permettant
d’éviter des accumulations dans certains coins
sombres et des odeurs difficiles à supporter,
est bien vu des Méduses. Elles y voient une
sorte de « retour de l’eau vers l’eau ».
Vespasio, l’homme du Temple
Toujours vêtu de sombre, même quand il
n’est pas en service, et portant un chapeau
à plume, Vespasio est un cache-misère ar-
pentant les jardins du temple du Poisson
d’argent.
Sous son air bienveillant, Vespasio n’en est
pas moins extrêmement sélectif quant à sa
clientèle. Il peut même refuser son service
à des simples badauds ou à des personnes à
l’aspect maladif. Contrairement aux autres
cache-misères, non seulement il n’accepte que
du liquide dans ses seaux, mais il ne les vide ja-
mais dans l’Inlam. Il le transvase dans une des
deux jarres disposées à l’intérieur du temple,
juste derrière le Bassin primordial.
Il se dit que la charge de cache-misère de
commodité des jardins du temple est trans-
mise de père en fils depuis des générations,
que Vespasio est logé dans l’enceinte du
temple, au même titre que certains des hauts
fonctionnaires chargés des taxes, et même que
l’éducation de ses enfants est prise en charge
par le Poisson d’argent…
Zéférino Maialen, berger
de libellules
Contre l’enceinte du port du Roi-Dieu, au
nord des jardins du Canal-Rideau, sont ins-
tallées une douzaine de ruches où vit et pros-
père une espèce très particulière de libellules
luminescentes. On pense qu’elles sont nées il
y a peu de temps (à l’échelle de Laelith) d’une
expérience quelque peu explosive, et ratée, des
artificiers du Temple de l’Oiseau de feu qui
préparaient une des soirées à grand spectacle
qu’ils ont coutume d’organiser sur l’esplanade
du Phénix.
Les libellules s’étaient installées dans les
anfractuosités du mur et un gnome du nom de
Zéférino Maialen a eu l’idée de leur construire
des abris, des sortes de ruches, pour les proté-
ger. Et ça a fonctionné ! Quelques centaines de
ces petites bestioles ont élu domicile ici grâce
à l’ingéniosité de Zéférino, et certains soirs, on
peut les voir dessiner dans le ciel, au-dessus
du port du Roi-Dieu, de superbes arabesques
lumineuses. Il est déconseillé de tenter de leur
nuire, tout contact avec elles provoquant une
brûlure au premier degré…
Bien entendu, les prêtres de l’Oiseau de feu
revendiquent la paternité de ces libellules, et
Zéférino a été assez malin pour les conforter
dans cette façon de voir les choses et, du coup,
se faire rétribuer plutôt grassement pour l’at-
tention et les soins qu’il leur prodigue…
 Histoire à la veillée

L’aqua alta de la lune rousse

Les anciens racontent parfois cette histoire,
pour effrayer les petits enfants, le soir à la veil-
lée. Les plus anciens encore y ajoutent certains
détails. Eux, ils l’ont vécu ! Ou alors ils font
semblant, laissant émerger de leur mémoire
défaillante ce qu’ils croient être des souvenirs
d’aventures réelles, alors que ce ne sont que
les bribes de ce qu’ils avaient entendu, il y a
longtemps, au coin du feu, conté par d’encore
plus vieux…
C’était cette nuit-là, où la lune était rouge de
sang, énorme au bord de l’horizon, où les étoiles
étaient voilées par la chaleur qui suintait du sol.
Du Cloaque montait une pulsation sourde,
lente, lancinante, en résonance avec celle du
cœur du monde. Le feu dans les cheminées, la
flamme des bougies et des torches vacillaient
en rythme avec cette entêtante vibration.
Sous la ville, dans le temple de la Taupe, le
calme régnait. Un calme trompeur, de ceux qui
précèdent les catastrophes… ou les grandes
victoires. Dans celui du Crâne, le rituel dit
« de la mort bénévolente » s’achevait, sur les
mots de l’assesseur qui invitait les vivants à
s’unir aux morts en se couvrant le visage de
cendres et en se roulant dans la poussière d’os-
sements répandue sur le sol. Une cérémonie
belle et envoûtante.
Et c’est à cet instant précis que l’eau du lac,
jusqu’alors lisse comme une peau de tambour
utruz, a commencé à enfler, à plisser, à s’élever,
pour ensuite vomir sur la ville endormie un
déluge de fragments d’os blanchis et de chairs
putréfiées qui se sont assemblés en centaines
de créatures immondes, mi-homme mi-ani-
mal. Silencieuses, elles se sont répandues dans
les rues, les échelles, les cours, les habitations.
Du lac, l’eau a monté, du ciel, elle est tombée.
La tempête s’est déchaînée et a noyé la partie
basse de la Chaussée, à la vitesse d’un shedras
en piqué. Ceux qui ont eu le courage de regar-
der ont cru reconnaître dans ce qui s’est jeté
sur les vivants cette nuit-là les traits des
morts des années écoulées. Leurs
visages torturés et ruisselants
hurlaient sans que le moindre
son ne sorte de leurs bouches
édentées et grandes ouvertes. Leurs membres
décharnés cherchaient à happer et étreindre
les vivants dans un enlacement mortel et les
entraîner avec eux dans les flots.
Puis, comme si le jour avait hésité à poindre,
le soleil s’est levé, presque brutalement, et les
créatures infernales sont tombées sur le sol,
inertes et vides. Le lac a repris sa place. Le vent
s’est calmé. Sur la Chaussée, lentement, les ha-
bitants sont sortis de chez eux pour constater
l’ampleur des dégâts, pleurer leurs morts, et
comme après chaque inondation, commencer
à reconstruire leurs maisons…
Cette nuit, la nuit des « noyés vivants », a
laissé des traces dans la mémoire des anciens
et enrichi les histoires à raconter aux enfants
pour leur apprendre à honorer les morts et ne
pas sortir dans la rue après le coucher du soleil.
Personne ne sait quand a eu lieu précisé-
ment cet événement, mais personne n’ose dire
qu’il n’a pas existé. Et à chaque lune rousse, le
rituel de la mort bénévolente est interrompu
bien avant son terme. On ne sait jamais…
« ... Un serpent géant, long comme
une galère, la peau comme une cotte
de mailles verte... »
Monstre noyé
« Sur le lac, lorsque l’eau est calme et le
vent faible, apparaît un chapelet d’îles
à la végétation rare, enroulé autour du
temple d’A ltalith. Le grand-père de
mon grand-père, que les Dieux du lac
veillent sur ses os, racontait que c’était
l’épine dorsale d’une très ancienne créa-
ture, un dragon des eaux ou un truc
comme ça. Il radotait un peu papy. »
Sarra, petite-fille de pêcheur
Le démon du lac II
« Nenni, dit un ivrogne avec un air de
conspirateur. Ce monstre ne vient pas
de ce monde. C’est les prêtres, ceux du
Poisson d’argent, qui l’ont invoqué il y a
des siècles. Une divinité aquatique que
c’était. Mais ils n’ont pas su la retenir
dans leurs rets. La créature a fui et
depuis, elle hante les eaux du lac. »
Plus terre à terre, on porte le blâme sur
les Utruz : « Qui sait ce que complotent
sous la surface ces faces de poisson ! Ils
adorent des démons des profondeurs.
La chose qui se cache dans les fosses
profondes est l’un d’eux. Sûr ! »
La plupart des auditeurs acquiescent et
vident une autre chopine.

La Chaussée du Lac 153

 Animations de quartier
Paris à tout prix
Quelques jours avant la course, on
constate, sur les Pontons et ailleurs, un
regain d’activité des pronostiqueurs qui
promettent, contre monnaie sonnante
et trébuchante, un tuyau garanti
concernant le tandem vainqueur.
Si leurs pronostics étaient gagnants,
pourquoi donc les vendraient-ils ? Ne
vous laissez pas avoir non plus par les
« intermédiaires » qui se proposent d’al-
ler pour vous parier sur les Pontons. Si
vous gagnez, vous n’êtes pas près de ré-
cupérer vos gains. Petit rappel : les paris
sont interdits en dehors des Pontons.
Vent de piété
Les crues du lac ont un gros impact sur
l’approvisionnement, les déplacements,
les bateaux à quai et les maisons les
plus à l’est. Quand le vent souffle avec
violence, il n’est pas rare de voir une
partie de la population de la Chaussée
en prière, dans les jardins du Poisson
d’argent et dans les rues et places voi-
sines. Au grand dam des Méduses…
Info ou intox
Il existe un poisson particulier, excellent
à manger… Attention, il faut, pour que
le plat ne soit pas un poison mortel,
l’intervention parfaitement synchro-
nisée d’un pêcheur, d’un prêtre et d’un
maître cuisinier. Un poisson rare réser-
vé à une élite, d’où une contrebande lo-
cale, et des accidents… Selon le Temple
du Poisson d’argent, il est obligatoire de
rapporter immédiatement ce poisson
pêché à un prêtre. S’il n’est pas béni et
cuisiné rapidement, il devient impropre
à la consommation.
Voilà comment un impératif de santé
incompréhensible pour le peuple se
traduit par une obligation religieuse…
154
Fêtes profanes,
La course
annuelle des portefaix
Chaque année, peu de temps après la fête
des Brumes de glace, a lieu la course des por-
tefaix. Elle est organisée par la corporation, et
Orneste en profite généralement pour para-
der et faire de la publicité, s’il en est besoin,
pour les services qu’il rend à la population de
Laelith.
Le départ est donné par un des maîtres de la
corporation sur le quai des Contrebandiers et
l’arrivée est jugée par Orneste lui-même sur la
place Sous-la-Haute-Terrasse. La particularité
de cette course, qui relie donc la Chaussée du
lac à la Haute Terrasse, est que l’itinéraire n’est
pas défini, les concurrents choisissent eux-
mêmes par où passer. C’est un peu l’essence
du métier de portefaix, trouver le meilleur
passage… Seuls le point de départ et le point
d’arrivée sont importants, à condition bien sûr
que le chargement soit intact.
Pour l’occasion, un barda scellé est re-
mis à chaque tandem peu avant le départ de
la course. Il contient un aquarium dans le-
quel nage un sépiolide. La règle est simple :
à l’arrivée, si le sépiolide est toujours en vie
dans un bocal contenant suffisamment d’eau,
le bon de livraison est signé et la course est
validée. Dans le cas contraire, l’équipage est
éliminé. Pour ceux dont la course est validée,
un calcul complexe intervient, prenant en
compte l’ordre d’arrivée, la quantité d’eau res-
tant dans l’aquarium, et la couleur de celle-ci.
En effet, un sépiolide stressé, car trop secoué,
aura tendance à cracher de l’encre et une des
premières obligations des portefaix est de
prendre soin de leur cargaison. Bien que la
plus grande loyauté soit de mise entre collè-
gues, il est déjà arrivé que soient constatées
des bousculades, voire des pugilats entre cer-
tains tandems, pour le plus grand amusement
des spectateurs.
fête sacrée
Sur les Pontons, et jusqu’au départ de la
course, les paris vont bon train et les mises
peuvent concerner quantité de sujets. Parmi
les plus classiques : les points de passage ; la
traversée d’une partie des concurrents, ou sim-
plement du vainqueur, par le nord ou le sud de
l’Inlam, ou par le Cloaque (grosse cote !) ; la
couleur de l’eau de l’aquarium des vainqueurs
à l’ouverture du barda sur une échelle de 48
nuances de gris…
Le tandem gagnant de l’an dernier et les
vainqueurs des années précédentes ont
les cotes les plus basses. Les parieurs et les
gratte-paris étudient avec attention les tra-
jets déjà empruntés, les travaux en cours, les
modifications de la voirie, les processions pré-
vues, la position des astres, les entrailles de
mélonipes.
La fête
du Filet à provisions
On peut considérer cette fête comme une
sorte de cadeau que le Temple du Poisson
d’argent fait au petit peuple de la Chaussée du
lac. Elle sert surtout à rappeler à tous la grande
inondation qui s’est produite sous le règne
d’Hetelred Ier et après laquelle un immense fi-
let avait été fabriqué et tendu entre les deux
rives de l’Inlam à son embouchure, en amont
du pont des Pêcheurs. Ce filet devait permettre
de récupérer ce qui pouvait avoir été perdu,
noyé, emporté par les flots. Il avait parfaite-
ment bien rempli son office.
Depuis, par décret royal-divin et avec la
participation bienveillante du grand prêtre du
Poisson d’argent, la fête du Filet à provisions
est organisée lors de la première grande pluie
du mois de douce vie, ou le dernier sélénia de
ce même mois, s’il ne pleut pas avant.
Le filet, soigneusement entretenu et conser-
vé dans les bâtiments du temple, est installé à
son emplacement originel et y reste jusqu’au
coucher du soleil. Il est ensuite halé et étalé sur
la rive sud de l’Inlam, sur l’esplanade située de-
vant la Criée. Les habitants de Laelith peuvent
alors venir, fouiller, décrocher et conserver
tout ce qu’ils sont en mesure d’y trouver.
Des corps en décomposition plus ou moins
avancée sont souvent retirés du lac à cette
opération, ou des fragments de cargaison pro-
venant de bâtiments ayant disparu lors des
grosses tempêtes de l’année écoulée.
Une fois tous les dix ans, cette fête est rem-
placée par une opération de grand nettoyage
(voir « Le Hors-ville proche »).
une partie de la nuit. Toutes les embarcations
passent devant la tribune où le grand prêtre
du Poisson d’argent les bénit tour à tour, avec
de grands gestes des bras et de la tête, symbo-
lisant ainsi le vent et les courants. C’est ainsi
que sont garanties à la fois l’abondance de la
pêche et la sécurité de tout ce qui navigue sur
le lac d’Altalith et vit sur ses berges.
Le démon du lac III
Mais, il y a les autres.
Ceux qui ne sourient pas.
Au contraire, leurs yeux s’assom-
brissent, leurs doigts tremblent
légèrement.
Et si vous discutez avec eux, ils tentent
d’éviter le sujet. Une fois apprivoisés,
vous en tirerez peut-être quelques mots
chargés de terreur : « Oui, une chose vit
sous les eaux du lac. Une chose sinistre
et terrible. Tempêtes et pirates ne sont
pas responsables de tous les navires per-
dus. C’est juste l’ombre. Celle qui plane
en permanence sur les épaules de ces

La bénédiction marins qui ont survécu. Celle que l’on

devine parfois glissant juste sous la sur-
des pêcheurs face argentée, rôdant puis s’éloignant à
une vitesse prodigieuse… »
La saison de la pêche commence tradition-
nellement au début du printemps. Par consé-
quent, c’est le dernier aquaria de perce-neige
que s’organise la procession vers le temple
d’Altalith où a lieu la bénédiction de tout ce
qui navigue pour Laelith.
Le soleil à peine levé, le navire du Temple
du Poisson d’argent ouvre la marche, avec le
grand prêtre à son bord. Le suit alors, dans
un joyeux chaos, tout ce que la Ville
sainte compte de bateaux. S’y cô-
toient pêle-mêle les petits pêcheurs,
les charognards, les patrouilleurs de
la flotte de Laelith, les gros bâti-
ments marchands et les élégantes
embarcations des nobles (du moins
celles qui sont en état de navi-
guer et de sortir du port de plai-
sance…), les gondoliers gopnel-
dauns, et même le passeur des
Pontons est de la fête (en remorque
bien sûr). Le cortège se dirige vers le
temple sur le lac, suivi par la silhouette
imposante du Tanith-Lenath qui, même s’il
Darzuelha, prêtresse de
n’a rien d’un bateau de pêche, ne saurait se
l'ordre mineur de la Coquille
passer de la bénédiction accordée à ceux qui et l'Encornet, ne manquerait
sillonnent le lac au nom de la Ville sainte. On pour rien au monde la
constate dans les archives que le Roi-Dieu bénédiction des pêcheurs.
n’est pas toujours présent lors de cette céré-
monie. En ce début de règne, on peut raison-
nablement espérer la présence de Nin Ier.
Tous les bateaux ont hissé leurs plus belles
voiles bleues, ou sont décorés de banderoles
et de bannières de la même couleur, en l’hon-
neur du Temple du Poisson d’argent. La cé-
rémonie elle-même dure toute la journée et

La Chaussée du Lac 155

 Pêle-mêle
Tout ce qui brille…
Sur les Pontons, pour quelques pièces,
on achète quantité d’amulettes en
nacre, toutes plus belles et brillantes les
unes que les autres. Elles ne protègent
de rien, mais vous n’imaginez pas
combien sont repartis de la Ville sainte,
sûrs d’emporter avec eux les secrets de
navigation des pêcheurs de Laelith…
Sur les Pontons, pour 100 à 200 lithals,
on trouve les plus grosses amulettes de
protection que l’on puisse imaginer,
grossièrement polies dans la nacre des
oreilles du lac de qualité moyenne. Ne
cherchez pas, vous n’en trouverez pas
auprès du Poisson d’argent, ni sur les
bateaux de Laelith ! Bien trop grosses
pour être incrustées dans une barre !
Nettoyage
Les énormes portes de pierre fermant
le port du Roi-Dieu restent en partie
immergées. Sous la surface, coquillages
et algues se fixent dessus. Les massifs
gonds métalliques, coulés d’une pièce
par l’art de l’ingénierie naine, s’oxydent
avec l’humidité. Pour y remédier, les au-
torités portuaires ont recours au service
de jeunes gamins, dix ans d’âge moyen,
aussi agiles que téméraires.
Accrochés à des cordages de fortune
souvent récupérés ici et là sur les quais,
les gosses grattent la surface de pierre
ou de métal à l’aide d’un racloir taillé
dans du bois, de l’os ou des galets. Bien
entendu, cet outil s’use très vite, mais
il ne coûte rien à fabriquer. Et avec
les quelques pièces journalières reçues
en récompense de leur labeur, cette
douzaine de forçats juvéniles n’ont pas
les moyens de se payer mieux.
Aussi, leur travail s’appuie surtout sur
une bonne dose d’huile de coude, de la
volonté et le besoin de gagner sa pitance
quotidienne.
156
A l’échoppe
de la Chaussée
Bateau de parchemin
Cet objet se présente sous la forme d’une
simple feuille de parchemin sur laquelle sont
tracées un certain nombre de lignes pointil-
lées. Il faut environ 5 minutes pour réaliser le
pliage, en respectant les pointillés. Le pliage
peut être interrompu et repris, à condition que
le parchemin n’ait pas été froissé entre-temps.
On obtient alors un petit bateau en papier,
équipé d’une voile sommaire.
Ensuite, il suffit de se concentrer 30 se-
condes, sans interruption cette fois, et de
poser le pliage sur l’eau en prononçant le
mot de commande associé. Il se transfor-
mera en un bateau pouvant embarquer 4
passagers. Savoir naviguer est indispensable
pour l’utiliser, et un léger souffle d’air suffi-
ra pour vous transporter là où vous le dési-
rez. C’est un bateau plutôt lent, mais facile à
transporter…
À l’arrivée, sortez le bateau de l’eau. Il lui
faudra 5 minutes pour reprendre sa taille ini-
tiale et son aspect de parchemin. Dépliez-le
délicatement et il sera réutilisable. Attention,
si le parchemin est abîmé, raturé ou déchiré, le
bateau ne pourra plus être utilisé.
Pierres lumineuses
Ce sont des pierres que l’on ramasse géné-
ralement dans les profondeurs du lac d’Alta-
lith. Imprégnées de la puissance des Anciens
Dieux, elles sont aisément repérables car elles
brillent dans le noir et éclairent de la même fa-
çon qu’une torche.
Elles ne fonctionnent que lorsqu’elles sont
totalement immergées, à une profondeur su-
périeure à 2 mètres. Ce qui signifie qu’une
pierre lumineuse plongée dans un aquarium
ou jetée dans une fontaine ne se distinguera
d’une simple pierre que par l’aura magique
(feu et eau) qu’elle émettra.
Une fois sorties du lac, les pierres lumineuses
ont une durée de vie de 11 à 30 (10 + 1d20)
jours, puis deviennent des pierres normales,
leur propriété magique s’étant estompée.
Tatouages magiques
temporaires
Jorgelina Catian est une jeune humaine
de 26 ans, arrivée depuis quelques années
à Laelith. Elle s’est initiée à l’art du tatouage
sur les Pontons, auprès du maître Taddeus
Vaden. Bien qu’issue d’une longue lignée de
magiciens, elle n’est jamais parvenue à bien
maîtriser les arcanes. Elle a néanmoins réussi
à combiner le peu qu’elle avait appris avec le
dessin et l’encrage que Taddeus lui a enseignés.
Elle est ainsi capable de réaliser des tatouages
magiques de protection. Et comme ses talents
d’artiste surpassent ceux de magicienne, ses
œuvres sont d’une honorable qualité esthé-
tique. Certes, elles ne sont pas permanentes.
Mais pour une somme relativement modique,
Jorgelina peut tracer une rune de protection,
et une seule, sur une même personne, qui sera
efficace pendant 7 à 12 heures avant de s’effa-
cer. Elle ne peut pas en tracer plus de trois par
jour. Elle est installée sur la Chaussée du lac,
au nord-ouest du pont des Pêcheurs, dans une
impasse donnant sur l’Inlam.
Cape elfique urbaine
Comme son nom le laisse supposer, cette
cape est l’équivalent, pour la ville, d’une cape
elfique. Tricotée en laine grossière, elle est du
même beige sombre que les pierres dont sont
construites la plupart des maisons de Laelith.
Elle permet à son porteur de passer inaper-
çu en milieu urbain, et ne sert à rien, sinon
tenir chaud, passé les murs d’enceinte. Une
minorité est de couleur bois, ce sont les seules
efficaces sur les Pontons.
 Élevée dans la
montagne
Après le Châtiment, les rescapés, es-
sentiellement humains, et les Utruz qui
avaient dû quitter leurs abris, ont été dans
l’obligation de cohabiter. Les conditions
étaient telles, et la situation des survivants
si précaire, que des rapprochements, ba-
sés sur l’entraide et la protection mutuelle,
ne manquèrent pas de se produire. Sans
conséquences, les deux races n’étant pas
interfécondes.
Au cours de cette période de grands boule-
versements telluriques, une nuit, alors que
le ciel vomissait du sang et que le lac gron-
dait, un éclair frappa la hutte où Vorghân
et Arnaline abritaient leurs amours inter-
dites. Le sol trembla et la jeune femme
sentit tout au fond d’elle que rien ne serait
plus jamais pareil.
Cette nuit où l’éclair prit la vie de Vorghân,
Arnaline quitta les siens et s’enfuit, seule,
dans les montagnes. Onze mois plus tard,
elle donna naissance à une petite fille à
la peau partiellement couverte d’écailles
souples et aux oreilles bizarrement dé-
coupées. Elle vécut comme elle put, al-
laitant sa fille, se nourrissant de baies et
d’oiseaux capturés dans des pièges de
fortune, s’abritant dans des grottes hu-
mides. Elle revint vers les hommes après
dix années passées dans le plus grand iso-
lement. Inconnue de tous, elle s’installa,
gagna sa vie chichement en fabriquant
des paniers en algues tressées et fit en
sorte que personne ne puisse déceler la
vraie nature de sa sauvageonne de fille.
Discrète, elle sut se fondre dans la po- Vous dites ? Un hybride
pulation, finissant sa vie à l’abri, après d'humain et d'Utruz ? Pff,
toutes ces années de lutte et de privation. laissez-moi sourire ! Et
Sa fille, ignorante de ses origines, fonda pourquoi pas un caillou avec
une conscience ?
peut-être une famille, eut peut-être à son
tour des enfants, nul ne le sait. Mais la
chose est certaine, elle n’était pas totale-
ment humaine…
Seuls les Dieux savent ce qu’il s’est passé la
nuit où elle fut conçue. Et ce qui s’est pro-
duit une fois a pu se reproduire. D’autres
métis ont pu voir le jour en cette période
trouble et leur descendance pourrait être
toujours présente à Laelith. Un jour peut-
être, un érudit du Nuage en aura l’intuition
et en fournira la preuve, mais pour l’ins-
tant, l’existence de ces sang-mêlé n’est
connue de personne… Sauf peut-être du
grand prêtre du Poisson d’argent, allez
savoir.

La Chaussée du Lac 157

 Taxes
Ce n’est pas un secret, l’économie de Les poissons du lac
Laelith repose énormément sur son Ce tableau est une liste exhaustive, ou presque, de la faune comestible du lac, avec pour
système de taxation. Les navires qui chaque espèce son type, sa taille, son poids, et la façon dont elle est utilisée.
s’amarrent dans le port n’y échappent
bien évidemment pas. Le fret est impo- Nom Type Taille/poids Utilisation
sé sur sa valeur marchande, son poids et Marocaya Poisson blanc 15 à 20 cm Petite friture, fausses perles avec les
son origine. Mais de nombreuses taxes, écailles
parfois étonnantes, ciblent les bateaux Pitaro Poisson blanc 150 à 250 g Friture
eux-mêmes. Par exemple : Tugu Anguille 25 à 50 cm Chair délicate, foie savoureux, mais
– la taxe de carène, proportionnelle à la cavernicole, chair 1,5 à 2 kg consommation reconnue dangereuse
hauteur de la proue, ce qui fait préférer ferme et interdite
aux marchands des petits bâtiments Sapotan Poisson blanc 30 à 50 cm Chair très fine, beaucoup d’arêtes
allongés de type sloop ou felouque ; 2 à 3 kg
– la taxe de voilure, qui augmente Rancuje Carnassier 60 à 100 cm Grillade, au four, chair excellente
avec le nombre de voiles pouvant être 2 à 8 kg pour les petits individus
déployées ; Mélonipe, le Poisson blanc 50 à 110 cm Grande longévité, sinon farcie ou en
– la taxe de rames, une simple pièce poisson sacré du 10 à 20 kg terrine
de cuivre par rameur, mais comme les Poisson d’argent
galères sont le premier choix de la flotte Tamano Gros et laid, 100 à 250 cm Filet sans arêtes, bonne tenue à
de plaisance des riches habitants de la résistant ; pêche 20 à 100 kg la cuisson, facile, économique et
cité… ; difficile diététique
– la taxe liquide, qui voit l’agent comp- Traniec Carapace et 10 à 80 cm Plat de luxe et bête de combat
table dénombrer chaque litre consom- puissantes pinces
mable à l’arrivée au port (eau, vin Sépiolide céphalopode de 2 à 3 cm Friture, encres
ou autres). Par réaction, les équipages petite taille
tendent à boire leur réserve d’alcool Oreille du lac Mollusque à 6 à 40 cm de Pochée et revenue à la poêle,
avant d’accoster (ce qui provoque par- coquille diamètre découpée en escalopes et marinée.
fois des manœuvres hasardeuses…). 5 g à 1 kg Coquille utilisée pour l’artisanat,
surtout la partie intérieure, en nacre,
très dure.
Rappel : les sépiolides sont utilisés par les tatoueurs (voir « Petits métiers ») ; les oreilles du lac
ne poussent que sur le rocher de Maucastel (voir « Les Pontons »).

est utilisable uniquement en environnement

Pitou
Arc lanceur de flèches d’eau subaquatique.

Cette arme n’acquiert toute sa puissance que

« Quand je parle avec les gens, j’en sais
long sur eux, ce qu’ils cherchent, avec
qui ils ont une chance de trouver. Et
comme j’aime aider les gens, je les mets
en relation, je conseille, et les choses se
font, et c’est bien.
Pareil avec les gens qui puent de la tête
et qui devraient disparaître : je les mets
en relation avec leur destin, et basta.
Vous, si j’ai bien voulu vous revoir, pile
à l’heure du thé, c’est que je vous ai
envoyé vers la bande des Siffleurs, et
qu’ils vous ont payé en or à midi, que
vous l’avez forcément tripoté, et que
leur poison fait effet en cinq heures.
Donc là, vous êtes paralysé, vous
étouffez mais tranquillement, et eux,
ils récupèrent l’or dans votre chambre.
Allez, je vous laisse mourir tranquille. »
lorsque l’archer a les deux pieds dans l’eau. Il
tire alors des flèches d’eau qui apparaissent
quand on le bande. Il en existe des versions « arc
court » ou « arc long », qui ont 50 % de bonus en
termes de portée, précision et dégâts, par rap-
port aux arcs non magiques du même type.
Utilisé dans des conditions normales (sans
avoir les pieds dans l’eau), cet arc a une portée
divisée par deux, une moins bonne précision,
fait moins de dégâts et nécessite un carquois de
flèches.
Arbalète subaquatique
Cette arbalète permet de décocher des car-
reaux normaux dans l’eau. Elle a les mêmes
caractéristiques qu’une arme normale, mais
Armure de plongée
en peau de poisson
Cette combinaison est une pièce unique. À
condition de ne porter aucune armure ni au-
cun élément métallique sur soi, elle permet de
nager sur et dans l’eau à la même vitesse qu’un
humanoïde sur terre. La capuche qui est inté-
grée permet de respirer sous l’eau sans limite
de temps. La combinaison est faite d’écailles
de poisson assemblées magiquement et elle
s’adapte à la morphologie du porteur.
Amulettes de protection
La plupart des bateaux de Laelith,
qu’il s’agisse des pêcheurs ou de la flotte

158

royale-divine, sont protégés par une ou plu-
sieurs amulettes incrustées dans la barre. Ce
sont en général de petits bijoux de nacre re-
présentant un poisson, une ancre, un soleil,
une croix de travers (un X, symbole d’un saint
local), ou une corne. Chacune de ces amulettes
a un objectif bien précis et tous les mariniers
et pêcheurs de la Ville sainte en connaissent
la signification : le poisson pour obtenir une
pêche abondante, l’ancre pour garantir le
retour au port, le soleil pour toujours trou-
ver sa direction même loin des rives et dans
le brouillard en particulier, la croix est une
protection contre la noyade, la corne quant
à elle sert de sauvegarde en cas d’avarie et de
naufrage.
À Laelith, seul le Temple du Poisson
d’argent est autorisé à concevoir, fabriquer,
bénir et vendre ces amulettes. Méfiez-vous des
contrefaçons !
Les perles
des Cordonniers
Au printemps et à l’automne, et surtout dans
les semaines qui suivent les crues, un vieux pê-
cheur presque aveugle met en vente dans son
échoppe de l’échelle des Cordonniers, des col-
liers et des bracelets de perles de toute beauté,
à des prix imbattables.
Le caravansérail
Il y a cinq ans que le caravansérail a cédé aux
pressions de la guilde des Aubergistes, et
s’est déplacé « hors les murs ». Ce déména-
gement, qui devait signer son arrêt de mort,
s’est avéré une bénédiction, le nouveau site
étant beaucoup plus facile d’accès.
Le bâtiment est toujours un quadrilatère bâti
autour d’une cour, mais plus vaste et mieux
agencé. L’aile nord est dévolue aux bêtes,
avec stalles et grenier à foin. Le côté ouest
abrite deux étages d’entrepôts. À l’est, se
trouvent des dortoirs et des chambres indi-
viduelles. Enfin, le bâtiment sud est celui des
scribes, changeurs et interprètes… sans ou-
blier l’administration.
Les alentours sont toujours encombrés, et
les caravaniers qui ne trouvent pas à se loger
à l’intérieur plantent leurs tentes à l’ombre
de ses murailles. À terme, l’endroit pourrait
devenir le noyau d’un faubourg.
Turcotte, placide et débonnaire,
est aussi populaire que sa soupe.
Il achète par filets entiers les marocayas, les
plus petits poissons du lac, ceux avec lesquels
les taberges du coin font de la petite friture. Il
les nettoie et prélève les écailles blanchâtres
du dos et des flancs. Il les laisse longuement
tremper dans des pots en terre contenant
un mélange d’eau et d’alcool frelaté, pour
les débarrasser de la mucosité et des corps
gras. Après décantation, il obtient une barbo-
tine friable faite de minuscules particules
qu’il mélange avec de la colle de pois-
son, obtenant ainsi une pâte brillante.
Il lui suffit alors de rouler cette pâte
dans ses paumes, patiemment, len-
tement, pour former des perles de
toutes tailles qu’il vend à un prix
dérisoire.
Plus d’un aventurier préten-
tieux s’est laissé abuser par la
qualité de sa production… Après
un ou deux mois, ces perles
ont tendance à ramollir puis à
fondre, mais qui pourrait en
vouloir à un vieil aveugle ? Lui,
il n’a jamais prétendu vendre
d’authentiques perles, juste de
la pacotille, rien d’autre. Et puis,
c’est un bon bougre, que croyez-
vous qu’il fait des poissons nettoyés ?
Il les donne à Turcotte pour la soupe
populaire…
La soupe de poisson
populaire
Les gens Sous l’enseigne décolorée Chez Turcotte
se cache un des rares endroits de Laelith
• Arpaïsh l’Étranger. Drappish, le fonda-
où on peut vous offrir (!) une soupe
teur, a succombé à une crise cardiaque
épaisse et goûteuse, faite de beaux restes
il y a deux ans. Son cousin et successeur,
de poissons, un quignon de pain et
Arpaïsh, n’a pas autant de charisme
parfois un verre de bière… Tenue par
que lui, mais il est mieux en cour au-
près des Temples et de l’administration la placide et débonnaire Turcotte, cette
royale-divine. cantine est en partie subventionnée par
le Temple du Poisson d’argent, qui s’as-
• Volsnik, caravanier. Fin bretteur et bon
sure ainsi de retrouver en un lieu visible
vivant, c’était un ami proche de Drappish.
bon nombre de ce que la ville compte
Parti en voyage peu avant la mort de ce
de mendiants.
dernier, il n’est pas revenu à Laelith de-
Juste en face, d’anciens pêcheurs ont
puis, mais cela ne tardera plus.
aménagé un dortoir accueillant les plus
• Quorda, responsable des entrepôts.
démunis, pour une somme dérisoire.
L’aventure a coûté une jambe à cette jeune
Baptisé les Paillasses, cet ancien hangar
femme hyperactive, qui clopine d’un bout
branlant peut héberger jusqu’à 45 pè-
à l’autre du caravansérail, quinze heures
lerins. Premier arrivé, premier couché,
par jour, sans montrer le moindre signe de
c’est la règle, et les lieux ouvrent à la
faiblesse.
nuit tombante.
La Chaussée du Lac 159
 Scénario

Accident de
Parcours
Trois-Doigts, le maître à construire des
Pontons de Maucastel

En quelques mots 
Pendant la course annuelle des
portefaix, une explosion a lieu au
passage d’un tandem et son bar-
da disparaît. Les PJ interviennent,
récupèrent le colis et se trouvent
en possession d’un trésor consi-
dérable. Que vont-ils en faire ? Le
vendre, le rendre à son légitime
propriétaire, s’enfuir avec ? Toutes
leurs démarches vont les amener à
rencontrer le maître des Pontons,
de leur plein gré ou non, et à tra-
verser la ville pour comprendre
les tenants et les aboutissants de
l’histoire. Il est important d’avoir
lu les chapitres suivants  : « Les
Pontons », « Les Méduses », « La
course annuelle des portefaix ».

Fiche technique
TYPE • Enquête urbaine non
linéaire
PJ • Débutants ou petits niveaux
MJ • Confirmé
Joueurs • Avancés
ACTION *
AMBIANCE ***
INTERACTION **
INVESTIGATION ****

160
Course des portefaix de
l’an 0 du règne de Nin Ier
Organisée par la corporation, la course
donne lieu, comme chaque année, à toutes
sortes de réjouissances, tant sur le lieu de dé-
part (quai des Contrebandiers) que partout en
ville, puisque personne ne connaît le chemin
que les concurrents vont emprunter. Depuis
quelque temps, les Méduses organisent des
manifestations sur certains points de passage
probables, estimant certainement que le stress
causé à un poisson du lac lors d’un transport
sans raison valable, de leur point de vue bien
entendu, est une offense à leurs croyances.
Sur les Pontons, jusqu’à la veille du départ, les
paris vont bon train, certains tandems connus
faisant figure de favoris. Laissez à vos joueurs
la possibilité de faire des paris (voir la liste des
favoris, dans l’ordre, en marge).
Exceptionnellement cette année, l’arrivée de
la course sera jugée sur l’esplanade de la Demi-
Lune, en l’honneur du nouveau Roi-Dieu.
Ce matin, sous le soleil et dans le froid, le dé-
part est sur le point d’être donné. Les bardas ont
été distribués, les scellés vérifiés et la trentaine
de tandems inscrits pour la course prêts à partir.
Partout en ville, mais principalement sur le
trajet emprunté l’an dernier par les vainqueurs,
des groupes de spectateurs, à la fois locaux et
pèlerins, se sont installés pour voir passer ces
drôles de coureurs d’échelle et les acclamer, les
encourager. Quelques propriétaires ont même
loué leur balcon ou leur toit pour permettre
à ceux qui en ont les moyens de voir passer
la course dans les meilleures conditions. Des
ménestrels se produisent aussi sur le parcours
présumé, au risque de se faire bousculer au
passage des concurrents, mais qu’importe,
c’est la fête et il faut savoir en profiter. À ce
propos, attention à vos poches et vos besaces,
quand il y a de la foule, il y a des pickpockets…
Devant le siège de la corporation, ainsi qu’à
l’autre extrémité de l’échelle de l’Auberge-qui-
pue, plusieurs Méduses se sont réunies, pour
protester contre cette utilisation inique des
créatures du lac.
Les aventuriers peuvent être sur le quai
des Contrebandiers, attendant le départ. Ils
peuvent être ailleurs sur la Chaussée s’ils le
souhaitent ; il leur faudra juste plus de temps
pour se rendre sur les lieux de l’explosion. Car
oui, une explosion va avoir lieu !
Explosion sur le trajet
Le départ est donné, et au milieu du va-
carme de la foule, les concurrents entament
leur ascension de la ville. Dès le départ, deux
choix sont possibles : la voie du nord ou
celle du sud. Au nord, l’échelle de l’Auberge-
qui-pue ou le raidillon menant à l’échelle des
Ventes (le choix de Tolli et Peckénio l’an der-
nier), au sud, le long de l’Inlam ou, le tout pour
le tout, le pont des Pêcheurs. Cette année, nos
favoris, Tolli et Peckénio, ont sagement choi-
si l’échelle de l’Auberge-qui-pue. Ont-ils l’in-
tention de passer saluer leurs collègues de la
corporation ?
Depuis le quai des Contrebandiers, on perd
vite de vue les concurrents, mais on peut
suivre les clameurs qui les accompagnent lors-
qu’ils apparaissent sur les zones les plus en-
combrées de la ville.
Et soudain, très peu de temps après le dé-
part, une explosion retentit, suivie d’une dé-
flagration, encore plus violente, d’un bruit
sourd d’effondrement, puis d’un grand silence.
Et puis des cris, des plaintes, des hurlements,
des appels à l’aide, un nuage de poussière, de
fumée et de cendres.
Après un bref instant où chacun retient son
souffle et regarde autour de lui, la foule, et
Quelques favoris
Tolli et Peckénio, humain et nain, les
champions en titre (cote : entre 1,5 et 2).
Quinton et Zéolite, demi-orc et naine, bru-
taux et grossiers, mais efficaces (cote : 4).
Alefa et Omga, demi-elfes, demi-frère et
demi-sœur, peu de différence de taille,
mais une grande souplesse, tout en dou-
ceur (cote : 7).
Padrogan, Effrinog et Garian, le seul tan-
dem composé de trois gopneldauns, le
grand porteur étant constitué de l’un sur
les épaules d’un autre, indifféremment
(cote : 8).
Ralistroob Porjiac et Cœlonur Jamiforl,
deux gnomes équipés d’une sorte d’épau-
lière métallique à glissières qu’ils ont eux-
mêmes fabriquée, permettant d’adapter
la position du barda à toutes les situations
(cote : 12).
On peut considérer que la cote pour qu’une
autre équipe gagne est de 1 pour 40.
La Chaussée du Lac 161
Incident de taberge
« Un dernier mot monsieur, avant que
je ne vous homicide ?
– Euh… du calme madame, n’étions-
nous pas tous les cinq réunis ici pour
monter une expédition ? Comment en
est-on arrivés à nous sauter à la gorge les
uns les autres, les armes à la main ?
– La marousz rouquine qui m’a guidée
vers vous tous m’a bien prévenue de
me méfier si un grand blond à cicatrice
se mêlait à l’affaire. Un traître et un
pervers à ses dires.
– Bigre, moi, le ptit marouch à tête
ed’fouine chm’a avertchi ed’pas chfaire
confianche à une chbrune comme vous
qui bocherait pour eul’ guet.
– Et moi c’est le gros nain à natte qui
m’a prévenue de…
– Attendez, attendez !... Nain à natte ?
Tête de fouine ? Rouquine ? C’est pas des
marousz qui nous ont réunis et montés
le bourrichon, c’est les aventuriers que
j’ai remarqués et qui sont sur le même
coup que nous ! Aubergiste, quelqu’un
pourrait nous aider à les retrouver ?
– Franchement ? Non ! Et payez la
casse, la garde arrive. »
Marouszer les
aventuriers I
Squat
Le bon négociant se doit parfois d’aller
sur les terres lointaines de ses fournis-
seurs ou clients. À son retour, Bérange
Carvalle a eu une mauvaise surprise :
son valet Laroufio est mort durant son
absence, et des indésirables ont voulu
s’installer dans sa demeure. Les voisins
et la garde ont fait fuir les simples hères
et clos sa maison, mais d’autres indivi-
dus ou créatures doivent se cacher dans
les recoins – si pratiques pour échapper
aux inspecteurs des taxes – qu’abritent
ses murs à double fond et ses caves à
rabicoins, car son nouveau valet n’est
pas ressorti depuis des jours… Que
faire ? Demander à ses amis ? Après une
absence, ne restent que les plus fidèles,
qu’on évite d’envoyer au casse-pipe.
Ou suivre le conseil de sa repasseuse,
qui lui a suggéré d’offrir une belle pièce
d’armure vue en sa demeure à un jeune
homme habitué de la Cervoise grivoise,
qui en retour lui enverra des gens
indignes de confiance sauf celle
de faire le boulot et se taire ?

Les laveuses de pieds
On rencontre certains jours devant
l’entrée du temple du Poisson d’argent,
ou près du Bassin primordial, des
groupes de femmes. Ce ne sont ni des
voyageuses ni des prêtresses, mais de
simples habitantes de Laelith qui, à leur
manière, viennent chercher l’apaise-
ment de l’eau en proposant aux pèlerins
de leur laver les pieds. Parfois, des
Méduses se joignent à elles.
Selon leurs propres dires, elles ne savent
pas prier et n’ont pas les moyens de faire
des offrandes, mais elles peuvent appor-
ter leur contribution par ce moyen. Et
sortir de leur quotidien monotone.
Pratiquer ces lavements de pieds de
façon collective entraîne les femmes à
discuter facilement entre elles, et rap-
porter à haute voix des événements, des
histoires, des ragots parfois. L’endroit est
vite devenu une source importante de
renseignements pour qui sait se fondre
dans la foule des pèlerins et tendre
l’oreille.
162
certainement les PJ, se précipitent vers l’ori-
gine de la catastrophe.
L’explosion a eu lieu à mi-chemin de
l’échelle de l’Auberge-qui-pue, juste à la limite
de la terrasse de la Prospérité. Des spectateurs
étaient massés à cet endroit, qui constitue une
sorte de promontoire naturel, avec une vue
plongeante jusqu’aux quais, au carrefour de
deux échelles.
Que s’est-il passé ?
Plusieurs éléments ont participé à la réali-
sation de cet épisode violent… Mais le hasard
n’est-il pas à la source de tout ?
Les Méduses d’abord, qui sont à l’origine
d’un feu de poubelle. Leur but était de pertur-
ber le déroulement de la course sur l’une des
voies de passage, pour protester contre l’uti-
lisation indécente qui est faite de l’eau et des
habitants du lac. Liina devait enflammer un
tas de détritus peu avant le coup d’envoi de
la course. Il s’agissait juste de gêner à la fois
les portefaix et les spectateurs, et donner au
groupe de Clara l’occasion de faire entendre
sa voix pour protester contre la bêtise de cette
course. La pauvre Liina a eu du mal à allumer
son feu, elle a paniqué et jeté une bouteille d’al-
cool frelaté à moitié pleine dans les détritus, ce
qui a déclenché la petite explosion.
Stanimir, petit truand de bas étage, a
pris des paris de façon totalement illégale.
Réalisant que la majorité des parieurs a opté
pour Tolli et Peckénio, il a tenté de soudoyer
le tandem de favoris pour qu’ils acceptent
de perdre volontairement. Devant leur refus
catégorique et outré, il a décidé de provo-
quer un « accident » sur leur trajet, aidé de
quelques « amis ». D’abord pour les éliminer
de la course au titre, et surtout se débarras-
ser d’eux, afin d’éviter une dénonciation ulté-
rieure qui n’aurait pas manqué de se produire
en cas d’enquête poussée. Il les a fait suivre
pendant plusieurs jours, au cours de leurs re-
pérages pour la course, et a échafaudé un plan
pour faire tomber une lourde charge depuis
le toit d’une vieille maison un peu branlante.
Ayant observé que les deux favoris partaient
systématiquement vers le nord et prenaient
soit l’escalier au-dessus du trajet du Chariot
qui monte, soit l’échelle de l’Auberge-qui-pue,
il a fait déposer quelques lourdes caisses de
briques sur un toit de l’échelle et a bloqué l’es-
calier dès les premières lueurs de l’aube avec
un chargement d’huile qui s’est répandu sur
les marches. Ses hommes, postés sur le toit,
n’avaient plus qu’à attendre…
Premières constatations,
première enquête et
premières pistes
Lorsque les PJ arrivent sur le lieu du drame,
ce ne sont que décombres, cris, pleurs, appels à
l’aide. N’hésitez pas à les faire intervenir dans
les opérations de dégagement des blessés, de
recherche de survivants ou pour dispenser les
premiers soins (bandages, sorts de soins, tout
est bon). Tout en travaillant sur la zone, les PJ
peuvent en apprendre plus sur ce qui vient de
se passer.
D’abord, l’explosion s’est produite en deux
temps. Une première explosion, comparati-
vement faible, a retenti, semblant provenir
d’un tas d’ordures déposé juste à l’angle des
deux échelles. Puis le sol a tremblé, et une se-
conde explosion, très violente, accompagnée
de flammes, a semblé venir du dessous. Trois
maisons se sont alors effondrées, entraînant
avec elles le public qui était aux balcons et sur
les toits, blessant et assommant des spectateurs
qui se trouvaient en dessous. Les complices de
Stanimir sont parmi les blessés, et ceux qui ne
sont pas tombés du toit ont fui sans demander
leur reste.
Parmi les blessés : beaucoup de specta-
teurs, des habitants, des pèlerins, un prêtre
du Crâne, une Méduse, reconnaissable à sa
coiffe et ses vêtements vaporeux, un garde de
la ville et deux tandems de portefaix. Certains
sont brûlés, d’autres ont le visage en sang ou
un membre cassé. Une femme pleure avec
son bébé qui hurle dans les bras, un enfant est
coincé sous un madrier, un homme hagard, la
main broyée, tourne en rond en implorant un
Dieu du Feu… Il n’est pas trop difficile d’ima-
giner et de décrire la scène, peu de temps après
l’explosion. N’hésitez pas à mettre en scène ce
chaos, à en rajouter s’il le faut.
Les PJ vont avoir plusieurs choses à remar-
quer sur cette scène : deux tandems de por-
tefaix qui sont couchés dans les décombres,
mais un seul barda ; une Méduse effondrée,
en larmes et blessée, juste à côté d’un tas d’or-
dures, tenant dans sa main un sépiolide mort,
à moitié calciné. Le barda est éventré, l’aqua-
rium est brisé. L’un des deux tandems est, ou
était devrait-on dire, le favori de la course :
le nain Peckénio et l’humain Tolli. S’ils ne
sont pas blessés sérieusement, leurs chances
de conserver le titre viennent d’être réduites
à néant, tout comme les espoirs de gain de
centaines de parieurs… Et ce trou dans le
sol ! Qui donne l’impression de conduire
droit au Cloaque ! Il est plein de fumée noire,
sent le gaz et la décomposition de substances
organiques.
Peckénio est très nerveux, il demande à tout
le monde où est son barda, mais il ne veut pas
s’éloigner de son compagnon, blessé et in-
conscient. De fait, le tandem a tout perdu, son
titre, son barda, son honneur de portefaix, sa
réputation.
Si la première intention des personnages
était d’apporter leur aide aux sauveteurs qui
commencent à arriver, impliquez-les dans la
sécurisation de la zone, les soins d’urgence, le
déblayage ou la fouille des décombres, voire
l’organisation de l’évacuation des blessés vers
le Lazaret. Si ce n’est pas le cas, laissez-les as-
sister impuissants au déroulement des opéra-
tions de sauvetage et de nettoyage des lieux.
Les truands Contenu du barda
Oreille du lac à l’effigie du Roi-
Stanimir n’était pas sur le toit qui s’est ef-
Dieu  : valeur estimée 40  000
fondré, il surveillait les lieux, attendant le mo-
lithals.
ment propice pour faire signe à ses acolytes de
Parure complète (collier, brace-
pousser les caisses de briques. Il n’a pas eu le
lets, bague, diadème et pendants
temps d’agir, mais il a bien vu Peckénio et Tolli
d’oreille) en or et rubis : valeur es-
se faire faucher par l’explosion. N’écoutant timée 20 000 à 30 000 lithals.
que son courage (?), et avec l’aide d’un ou deux
Ceinture en cuir incrustée de
de ses complices restés avec lui, il va tout sim-
diamants bleus : valeur estimée
plement tenter d’exécuter la deuxième partie 15 000 à 25 000 lithals.
de son plan et les deux portefaix dans la foulée.
Il agira discrètement pour se mêler aux sau-
veteurs, mais Peckénio le reconnaîtra au der-
nier moment et appellera à l’aide. Les aventu-
riers, toujours sur place, pourront intervenir
s’ils le souhaitent. Les truands sont de niveau
légèrement supérieur aux PJ, mais en infé-
riorité numérique et devraient constituer un
problème relativement facile à régler.
Le tout est de savoir jusqu’où iront les PJ.
Se débarrasser définitivement des truands ?
La garde qui arrive sur les lieux à cet instant ne
pourra que constater ce qui vient de se passer. Ce qui reste du bon de livraison…
Les témoins ne manquent pas pour exposer les
faits et les PJ ne seront pas inquiétés. S’ils se
comportent « honnêtement » avec
les gardes, leur chef signalera
qu’une récompense était pro-
mise pour Stanimir et qu’ils
pourront aller réclamer
leur dû au poste de garde
des Pénitents indigo.
Stanimir, truand de bas étage,
prend illégalement des paris
sur la course des portefaix.
La Chaussée du Lac 163
 Marouszer les
aventuriers II
Temerr
L’alchimie est une affaire trop prenante
et sérieuse pour s’amuser à quérir soi-
même les ingrédients ou les documents
indispensables. C’est pourquoi Temerr
préfère en parler à Sternak. Le vieux
guerrier sait toujours le renvoyer vers
des va-chercher pas trop regardants
sur la régularité des acquisitions…
Cette fois c’est Chez Golk, sur le port
de pêche, où parait-il des voyageurs
cherchent à vendre de l’herbe-à-chafoin,
assez illégale pour négocier un prix
satisfaisant pour les deux parties. Pas
la peine d’arnaquer ces gens d’emblée,
s’ils ont trouvé de l’herbe-à-chafoin,
ils pourraient bien dénicher au même
endroit des composants autrement plus
risqués à obtenir…
Nétaphar et Sebèline
« Ah c’est toi Nétaphar ? C’est bien, tu
es en avance, entre…
Voici le poêle, voici le fer à repasser,
voici le linge… Il faut bien une activité
de façade, et la modestie de celle-ci te
rendra invisible pour beaucoup. Et voici
la fenêtre. Oui ça pue. C’est pour cela
que la persienne est montée à l’envers,
l’odeur glisse vers le ciel et entre moins.
C’est la seule ouverture donnant sur la
courette, évite qu’on la remarque, et ne
reçoit personne ici… Le feuillage que tu
entrevois est celui de l’arbre-soulage de
la cour de la Bouille-Abesse, où ceux qui
négocient en salle viennent pour s’isoler
de leurs propres compères. Pour un
quintal d’obscénités, tu peux récolter
dix perles d’information dont tu peux
tirer profit, à condition d’imaginer
comment ces bijoux peuvent s’assem-
bler. C’est pourquoi je te conseille de
garder mon vieux fer : il m’a tant aidée
à réfléchir qu’à présent il a une âme…
– Juste une question indiscrète,
Sebèline. Tu as toujours vécu modes-
tement, pourtant tu as dû t’enrichir,
non ?
– À toi je peux le dire : j’ai constitué
tout l’équipage de mon fils et payé ses
maîtres d’armes. Aujourd’hui, il brille
parmi la chevalerie. Tu élèves également
un fils ambitieux Nétaphar, et tu es
seule, c’est aussi pour cela que je t’ai
choisie pour me succéder… »
164
Les mettre hors d’état de nuire pour les in-
terroger ? Même chose, les gardes arrivent et
malgré la tentative maladroite de Stanimir
pour faire passer les PJ pour ses commandi-
taires, il sera embarqué. Même chose que pré-
cédemment pour la récompense.
Ce qu’il reste à faire, c’est demander à
Peckénio et Tolli (quand il reprendra ses es-
prits), pourquoi Stanimir voulait s’en prendre
à eux. Les deux portefaix n’ont aucune raison
de cacher quoi que ce soit. Ils expliqueront
qu’ils ont été contactés par le truand pour être
complices d’une arnaque, ce qu’ils ont refusé
sans la moindre hésitation.
Le barda manquant
Qu’ils décident de quitter les lieux ou d’aider
les sauveteurs, ou encore de chercher le barda,
le résultat sera identique. Ils vont le retrouver.
Mettez en scène cette découverte, sous un tas
de pierres tombées d’un mur, dans un renfon-
cement sombre, projeté par le souffle de l’ex-
plosion jusqu’au premier étage d’une maison
voisine éventrée, peu importe. Le plus impor-
tant, c’est qu’ils vont trouver des fragments
d’un barda déchiqueté de la corporation des
Portefaix, identifiable au sceau qui y est appo-
sé. Avec ces fragments, du verre brisé, un sé-
piolide mort, un morceau de bon de livraison à
moitié brûlé, une missive scellée dont le sceau
est rompu et le contenu illisible. Un examen
attentif du barda lui-même permet de repérer
une sorte de double-fond dans lequel se trouve
une vraie fortune : des bijoux, une ceinture de
cuir ornée de diamants bleus et une superbe
pièce de nacre polie, réalisée à partir d’une
oreille du lac de taille exceptionnelle (30 cm
de diamètre), incrustée de diamants, de filets
de couleur et de dorures du plus bel effet et
représentant le profil de Nin Ier. Au bas mot,
70 000 à 90 000 lithals !
Ce qu’ils n’ont pas remarqué, c’est que leur
découverte a eu au moins un témoin, qui
tourne le dos et s’éloigne rapidement. Si les
PJ ont fait particulièrement attention à ne pas
être suivis, ni observés (ce qui serait étonnant
mais on ne sait jamais), ils ont une chance
d’apercevoir l’observateur (en fonction de
leurs compétences), mais aucune de le rattra-
per. Il se perd dans la foule très dense présente
sur les lieux. Ceux qui l’ont déjà rencontrée ont
une petite chance d’identifier Pamprevoise, la
ménestrelle, accompagnée de ses doudilains.
Et maintenant, que vont faire nos héros ?
Après un événement et une scène très linéaire,
aux joueurs de décider de leurs actions. Ce qui
suit décrit les principales possibilités et l’évolu-
tion de la situation en fonction de leurs choix.
Interroger la Méduse
La Méduse est une jeune humaine, du nom
de Liina. Fille de pêcheurs, elle a été recrutée
récemment par Clara. Elle est choquée, en
larmes, contre un reste de mur à demi éboulé,
couverte de cendres et tenant dans sa paume
un sépiolide partiellement carbonisé. Elle
semble inconsolable. Ses premiers mots, en-
trecoupés de sanglots, vont être : « C’est pas
d’ma faute, pardon, c’est pas d’ma faute, j’ai pas pu
l’sauver, c’est pas c’qu’j’voulais. »
Si les PJ tentent de la réconforter, elle leur
donnera d’autres informations. S’ils l’inter-
rogent de manière agressive, ou s’ils sont sim-
plement désagréables ou méchants, elle se re-
fermera comme une oreille du lac et refusera
de leur parler.
Liina peut leur fournir les informations sui-
vantes. Les Méduses protestent régulièrement
contre cette course et voulaient, tout particu-
lièrement cette année, en perturber le déroule-
ment. Le plan était de déclencher une petite ex-
plosion et un feu de détritus sur un des points
de passage probables pour le bloquer. Liina
était chargée, avant le signal du départ, de pro-
voquer cette explosion, mais elle n’a pas réussi
à le faire à temps. Paniquée, elle était en train de
répandre une grande quantité d’alcool quand
les clameurs annonçant les premiers tandems
se sont élevées et les concurrents sont arrivés
sur place au moment du déclenchement.
A priori les PJ vont être les seuls à entendre
ce qu’elle dit. De toute façon, que Liina leur ait
parlé ou pas, trois Méduses autoritaires arrivent
sur les lieux et, sans ménagement, emmènent
la jeune fille en scandant haut et fort : « Non à
l’utilisation futile des eaux et des créatures du
lac ! » Devant la détermination des prêtresses,
les spectateurs présents ne s’opposeront en au-
cun cas à cette intervention. S’il le faut, ils ex-
pliqueront aux étrangers (les PJ) qui voudraient
défendre Liina qu’on ne doit pas contester les
actes des prêtresses du Temple, c’est mal.
La suite de cet épisode peut être une excel-
lente raison pour les PJ d’aller visiter le temple
du Poisson d’argent s’ils ne l’ont pas déjà fait.
 Qui sait ce qu'on peut rencontrer au détour
du Cloaque ? Si c'est un démon en pleine
incantation, mieux vaut passer son chemin.
Rapidement...
S’ils demandent à voir Liina, Clara elle-même
viendra les rencontrer. Elle affirmera que l’ac-
tion, bien que justifiée, de Liina, est le fruit
de sa seule initiative ; que la jeune prêtresse,
certes prometteuse mais exaltée, n’a pas me-
suré les conséquences de son acte. Et non, il
n’est pas envisageable de la rencontrer pour le
moment, elle fait pénitence !
S’ils insistent, elle leur exposera sa vision du
lac, de l’eau, des poissons et l’usage qu’on se doit
d’en faire. Elle pourra aussi déborder sur les
Pontons et leurs occupants, les paris et les com-
bats de traniecs, les oreilles du lac et leur utili-
sation indue en tant que « simples lumignons ».
Elle pourra même souligner que le fait que les
Pontons ne paient pas de taxes à la Ville sainte
est proprement honteux, et que ce scandale doit
cesser ! Très rapidement ! Mais ce n’est hélas
pas ce (un mot censuré) de grand prêtre actuel
qui va faire changer quoi que ce soit…
Elle priera au temple pour le repos du mal-
heureux sépiolide et tous ses congénères mal-
menés pendant cette course sacrilège.

Explorer le trou
La première chose à laquelle on pense en le
regardant, c’est bien sûr qu’il pourrait s’agir
d’un accès au Cloaque. Il fume encore, sent plus
mauvais que la fosse à purin du caravansérail,
et des résidus de braises encore rougeoyantes
sont visibles quelques mètres plus bas.
L’action de Liina a provoqué une explosion
en surface, certes faible, mais qui a créé une
brèche dans le sol. Le hasard (existe-t-il ?) a
fait que, au carrefour des deux échelles, la cave
d’une ancienne auberge depuis longtemps dis-
parue ait servi à stocker des fûts d’algues mari-
nées. Depuis combien de temps ? Seul un car-
tographe expérimenté et assermenté de Laelith
saurait le dire ! Toujours est-il que les gaz émis
par les algues en cours de fermentation ont
explosé, avec les résultats que l’on sait. Et c’est
cette explosion qui a fait s’effondrer le toit sur
lequel les hommes de Stanimir étaient postés.
Vous pouvez laisser planer le doute quant à
la nature de ce trou. S’agit-il ou non d’un ac-
cès au Cloaque qui a été ainsi dévoilé ? À vous
de choisir. Vous pouvez décrire un tunnel
sombre tout au fond, qui semble mener vers
un dédale de couloirs (mais ce n’est que l’an-
cien escalier qui remontait à l’auberge et qui
est aujourd’hui muré), parlez des bruissements

La Chaussée du Lac 165


La Rémora
Étrange navire que cette luxueuse
galère amarrée au quai de pierre du
port de plaisance de Laelith. Longue de
quarante pas, ses flancs dorés s’ornent
de quinze sabords de chaque côté, mais
nul ne se souvient avoir vu le moindre
rameur à son bord. De même, ques-
tionnez les habitants de la Chaussée et
personne ne pourra dire sérieusement
qu’il a vu la Rémora arriver depuis le lac
d’A ltalith.
En fait, il semble qu’un matin, au lever
du soleil, on a découvert sa présence
à l’emplacement que le navire occupe
aujourd’hui. Bien entendu, cette aura
de mystère a enflé au rythme des
tournées dans les tavernes. Les registres
de la capitainerie ont bien une trace de
l’arrivée de la galère, il y a plus d’un an
maintenant. Mais, chose curieuse, à la
rubrique « propriétaire », il n’y a d’autre
mention qu’un simple « dignitaire
étranger ».
Le fait que la Rémora n’ait jamais quitté
son attache et que personne ne monte à
bord si ce n’est la dizaine de marins (des
femmes à la peau brune parlant entre
elles un dialecte inconnu) revenant
d’une corvée d’approvisionnement,
participe à son mystère.
Le navire lui-même est une énigme
tant son style est éloigné des modèles
courants sur le lac : élancé et taillé pour
la course, équipé de rames et d’un mât
rayé de noir et de pourpre supportant
une large voilure, construit dans un
bois rouge et précieux, les fenêtres de
la cabine arrière masquées par d’épais
rideaux de brocart…
Quelques filous ont bien tenté de se
glisser à bord, mais les sentinelles,
aussi jolies que teigneuses, les ont vite
attrapés et jetés à l’eau sans autre forme
de procès que leurs rires moqueurs. Nul
ne sait à qui appartient la Rémora, et
les rumeurs vont bon train : lupanar
flottant d’un riche armateur, navire
démoniaque, transport d’un ambassa-
deur d’un pays lointain… qui sait. Et
comme le disent les collecteurs du port,
peu importe tant que les taxes sont
acquittées en bon or. Pourtant, quand la
brume se lève et qu’une lueur sanguine
embrase la galère inconnue…
166
qui s’échappent de cette bouche de l’enfer (ce
ne sont que des rats blessés qui couinent en es-
sayant de s’échapper). Les aventuriers peuvent
exhumer quelques vieux objets métalliques,
un couteau de cuisine rouillé et émoussé, et un
autre faiblement magique.
L’autre possibilité est que vous fassiez de cet
endroit le point de départ d’une vraie expédi-
tion dans le Cloaque, en exploitant un scéna-
rio de la Septième Terrasse ou en en créant un.
Tendre l’oreille
Information n° 1 (fausse)
Une rumeur enfle, dont l’origine est le quar-
tier du port de pêche. Une organisation sou-
terraine (subaquatique en fait), dénommée le
Front d’affranchissement des Utruz, est à l’ori-
gine de ce qu’il faut bien appeler un attentat.
Ce n’est qu’une rumeur, mais elle devient de
plus en plus insistante, surtout parmi les pê-
cheurs. Ces derniers voient chez les Utruz une
forme de concurrence déloyale sur les lieux
de pêche, oubliant que ce sont les Utruz qui
étaient là les premiers et que Laelith empiète
de plus en plus sur leur espace vital.
Organisez un groupe de pêcheurs en colère
qui injurient le moindre Utruz entrevu en ville
et peuvent même en passer un à tabac. Si les PJ
interviennent en faveur des Utruz, assurez-vous
qu’un prêtre du Poisson d’argent est témoin
de leurs actes. Cette prise de position pourra
leur servir lorsqu’ils rencontreront Clara. Car
les Utruz sont respectés et acceptés au sein du
Temple, et pour les Méduses, ce sont les créa-
tures originelles du lac, source de toute vie.
Information n° 2 (vraie)
C’est une information que les PJ pourront
apprendre s’ils vont investiguer du côté de la
corporation des Portefaix. Soit en décidant de
faire une descente, la nuit, dans les bureaux…
mais c’est une opération risquée qu’ils ont in-
térêt à planifier correctement et réaliser sans
accroc (voir plus loin « Investiguer du côté
de la corpo »). Soit en laissant traîner leurs
oreilles, posant des questions habiles autour
d’eux, se renseignant subtilement, ou en pro-
posant éventuellement une récompense à qui
saura leur fournir une information fiable…
Un dénommé Zinzolin, petit employé de
la corpo (non ce n’est pas un pléonasme, c’est
un humain !) leur fournira, contre rétribu-
tion donc, une information totalement im-
probable : il a entendu parler d’un transport
d’objets de grande valeur entre Bernys de
Maucastel et le Roi-Dieu lui-même. Le maître
des Pontons ayant insisté pour que la livraison
soit assurée par le meilleur tandem.
Comment il le sait ? C’est l’ami d’un ami, un
dénommé Satur, en qui il a toute confiance,
qui lui en a parlé. Il lui a aussi dit que ce de-
vrait être possible de se faire un maximum
de lithals en vendant à des commerçants de
la Prospérité ou de la Main qui Travaille l’in-
formation sur cet envoi. Et c’est vrai que les
marchands laelithiens ne cessent de protester
contre les droits de franchise accordés aux
Pontons. L’affaire pourrait tourner au scan-
dale, idéal pour y mettre fin.
De là à conclure que Stanimir a en fait été payé
par une association de commerçants pour s’en
prendre au tandem de porteurs qui transportait
le cadeau de Bernys, il n’y a qu’un petit pas que
les joueurs pourront franchir s’ils le veulent.
L’information que Zinzolin leur vend est
vraie, et il dit tout ce qu’il sait. Par contre, il
ignore que l’ami de son ami n’a pas eu le cran
de s’adresser à un quelconque groupement
de marchands et encore moins de vendre le
moindre tuyau. Si les PJ veulent se lancer à la
recherche du personnage en question, faites-
leur visiter une partie de la Chaussée du lac,
mal famée mais pas trop, qu’ils ne connaîtraient
pas encore. Ils n’auront pas de mal à retrouver
la taupe putative et à lui faire dire qu’elle s’est
dégonflée et n’a pas mené à bien son opération
de dénonciation. N’est pas cafardeur qui veut !
Information n° 3 (vraie et fausse)
Ce qui est vrai. Les gratte-paris sont formel-
lement interdits en dehors des Pontons, c’est
un fait connu. Ce qui est au moins aussi connu,
c’est qu’il existe plusieurs organisateurs indé-
pendants de paris parallèles et que le monopole
des Pontons est, pour être sobre, « mal vu ».
Ce qui est faux. De gros parieurs se sont as-
sociés à une guilde de voleurs pour éliminer le
tandem le plus en vue. Ils avaient organisé un
pari parallèle où ils offraient une cote très su-
révaluée pour Tolli et Peckénio. Les éliminer
leur fait gagner énormément d’or.
On peut se demander si Stanimir n’est pas
commandité par une guilde de voleurs ou
l’homme de main d’un gros bonnet organi-
sateur de ces paris. Ce sont des bruits qui
courent dans les tavernes de la Chaussée, mais
les PJ les entendront à un moment ou un autre
dans les jours qui suivent l’explosion.
Rien n’est vrai bien sûr, puisque ce bon
Stanimir a organisé lui-même ces paris illi-
cites, avec quelques complices, en dehors de
toute guilde.
Si les personnages décident de courir la
Chaussée à la recherche des guildes de voleurs
susceptibles d’avoir organisé l’événement… Bon
courage, vous en avez pour plusieurs séances à
leur faire visiter les bas-fonds de Laelith ! Et
l’opération peut se révéler très dangereuse.
La seule conséquence sera pour ce pauvre
Stanimir qui risque de ne pas faire de vieux
os lorsqu’il sortira des geôles royales-divines,
avec plusieurs contrats sur sa tête pour avoir,
et ce n’est qu’un exemple, voulu doubler les
guildes existantes en mettant en place sa
propre organisation de paris clandestins.
Rapporter le colis
Avec les éléments dont ils disposent (un bar-
da en pièces, un fragment de bon de livraison,
et ce qui semble être le contenu du barda), de
très honnêtes personnages auront tendance
à se présenter à la corporation des Portefaix
pour réclamer une récompense.
Après tout, ils ont peut-être même aidé le
tandem blessé et sauvé la vie de deux éléments
très importants de la corporation.
Pour les remercier, Orneste Longpré lui-
même leur accordera un entretien. Devant eux,
il déclare que le paquet vient des Pontons et
qu’il ne peut absolument pas leur révéler qui en
était le destinataire (« Vous comprenez, le secret
professionnel, ma réputation… »). Il leur propose
d’aller avec eux rencontrer Bernys, l’expéditeur.
« Ensemble, nous allons nous rendre chez le seigneur
de Maucastel et lui remettre en main propre ce qu’il
nous avait confié. J’espère simplement qu’il ne nous
en voudra pas trop, à moi et à la corporation, de
n’avoir pas su assurer la sécurité de ce transport. »
Les faits étant ce qu’ils sont, il semble
évident à tous que Bernys est au courant de
la situation et tenter de le baratiner ne serait
pour Orneste qu’une humiliation supplémen-
taire. Les faits sont les faits, il faut admettre la
vérité, surtout quand elle est connue de tous et
Orneste a toujours été un gnome pragmatique.
Si vos aventuriers acceptent, ils se re-
trouveront avec Orneste chez Bernys. Voir
« Rencontrer Bernys ».
Investiguer
du côté de la corpo
Les PJ peuvent aussi, sans signaler qu’ils ont
trouvé quoi que ce soit, se rendre au siège de la
corporation des Portefaix pour essayer d’ob-
tenir des informations sur le tandem blessé, la
nature du colis, le destinataire ou l’expéditeur.
Il est très facile d’obtenir toutes les informa-
tions souhaitées sur Tolli et Peckénio. Ils sont
admirés, car l’un des meilleurs tandems en ac-
tivité de la corporation, et appréciés en tant que
compagnons. Tous leurs collègues sont désolés
qu’ils aient été blessés dans cette explosion.
Par contre, consulter les registres de la cor-
po est une autre histoire. Le préposé à l’accueil
des clients sera dans un premier temps extrê-
mement surpris d’une telle demande. « Vous
comprendrez que les registres de la corporation sont
confidentiels, n’est-ce pas ? » Sur l’insistance des
PJ, et s’ils mentionnent qu’il s’agit de l’accident
survenu pendant la course, le préposé leur
proposera de revenir le lendemain, en promet-
tant de transmettre la demande à son patron.
Le lendemain, Orneste accepte de les rece-
voir, mais il est dans un premier temps très ré-
ticent face aux demandes des PJ. « Consulter les
registres de la corporation ? Hors de question, c’est
confidentiel, il en va de ma réputation, secret pro-
fessionnel, etc. » S’ils insistent et mentionnent
le double-fond du barda, Orneste commence
par dire que ce n’est pas possible, puis perd un
peu de sa superbe et va même jusqu’à proposer
aux PJ une « récompense » pour qu’ils gardent
cela pour eux (« Vous comprenez, il arrive parfois
que nous ayons à faire des livraisons, euh…, com-
ment dire, euh… discrètes. »). Pour ce qui est des
registres, la réponse sera toujours négative.
Les PJ ont alors deux possibilités. Soit ne rien
dire de plus à Orneste et tenter d’obtenir les
informations par eux-mêmes, soit lui avouer
qu’ils ont retrouvé le barda et le lui remettre.
Dans le premier cas, le seul moyen pour les
PJ d’obtenir des informations du côté de la cor-
poration sera d’effectuer une visite nocturne
et une fouille des locaux… Attention, l’opé-
ration doit être extrêmement discrète, pour
plusieurs raisons : Orneste fait naturellement
La Chaussée du Lac 167
Marouszer les
aventuriers III
Cham Gvandeleinn
« Rifoga, tu es la personne qui me coiffe
le mieux, mais il faudrait que tu sois
marousz ET dingue d’amour pour
moi (sans espoir, sache-le) pour me
proposer un tel plan en échange d’une
simple soirée en tête à tête : que j’invite
ce groupe de personnes à la fête, puis
qu’elles se fassent passer pour moi et
mes cousins, afin qu’elles deviennent la
cible des sales gens qui, dans leurs lettres
de menaces, disent vouloir nous faire
payer dès ce soir ! Arrange-toi quand
même pour qu’ils ne se fassent pas tuer,
n’est-ce pas ? Enfin pas tant qu’ils sont
chez moi… »
Marouszer les
aventuriers IV
Balalagoutsa
« Puis-je m’inviter à votre table ? Mon
doudilain semble vous avoir à la bonne,
et pourtant il est… sélectif… J’ai cru
vous entendre parler d’un projet un
peu… risqué. J’aimerais vous proposer
d’être accompagnés d’une très jeune
personne qui possède un don de
guérison plus qu’exceptionnel, certes
conjugué à un caractère revêche…
Ne me croyez pas sur parole, je vois que
monsieur souffre de séquelles récentes
et vous pourrez juger sur pièce de ses
capacités. De plus, si je devine bien où
vous allez (oui vous parlez un peu fort
parfois), il se trouve qu’elle connaît un
peu les lieux pour s’y être rendue dans
d’autres circonstances. Ce que je veux
en échange ? Pour être franc, je prépare
moi-même une expédition risquée et je
tiens à l’emmener, mais mes compa-
gnons de voyage sont des gens guindés
et manquant de patience. Vous me
semblez un groupe soudé, au franc-par-
ler, et je peux espérer qu’en vous
accompagnant, elle apprenne à
être moins sauvage… »
Du temps d'Yphria, le spectacle, à la Maison
des mille fleurs, n'était pas que sur la scène...
(Entrevu par Tania, lors d'une de ses visites.)

168
surveiller ses entrepôts et ses bureaux par une équipe de
veilleurs de nuit musclés et les patrouilles du poste de garde
des Pénitents indigo ont été renforcées à cause des travaux
de construction du pont tout proche.
Informations trouvées : expéditeur (Bernys), destinataire
(Nin Ier, au bon soin du grand chambellan), valeur déclarée
(80 000 lithals) et une note, signée d’Orneste, précisant que
« Suite au braquage de l’an dernier, la livraison se fera sous
le couvert de la course, à l’insu des porteurs. Y aurait-il des
fuites à la corpo ? ».
Dans le second cas, comme dans le paragraphe précédent,
Orneste leur proposera d’aller rendre visite à son client sur
les Pontons.

Revendre le contenu du barda

Un filou, un roublard, ou tout autre personnage de ce type
dans le groupe des PJ peut proposer à ses compagnons de
revendre ce qu’ils viennent de trouver. Après tout, quelques
dizaines de milliers de lithals, ça ne se trouve pas tous les
jours sous les sabots d’un sherpane, et autant en profiter.
Avec de bons contacts dans une guilde de voleurs, ou en
connaissant un receleur fiable et honnête (chercher l’erreur),
il devrait être possible d’en tirer un bon prix. En fait, ils n’ont
rien volé à personne, ça traînait dans la rue !
Plusieurs possibilités pour revendre le contenu du barda :
• sur la Chaussée ou les autres terrasses : receleur, bijoutier,
guilde de voleurs, la Maison des mille fleurs ;
• sur les Pontons : graveur d’oreilles.
Auprès d’un receleur ou d’un bijoutier. Le prix proposé
sera de l’ordre de 4 000 à 5 000 lithals pour les bijoux, pas
plus, et rien pour la nacre, trop reconnaissable.
Auprès d’une guilde de voleurs ou chez le banquier
Mourfaki de la Haute Terrasse. Ce sera encore pire, on leur
offrira le même prix pour la totalité des objets retrouvés.
Ils pourront apprendre dans les deux cas que les oreilles du
lac sont exploitées et polies exclusivement sur les Pontons.
Si les aventuriers acceptent de céder leur butin pour une
somme dérisoire, le scénario s’arrête là (ou presque…). En
tant que meneur de jeu, et avant qu’il ne soit trop tard, vous
pouvez tenter de leur faire comprendre qu’ils font une belle
erreur. S’ils persistent (après tout, ce sont eux qui jouent),
soyez clair sur le fait que le scénario se solde par un échec. Et
faites croire à vos joueurs que l’aventure est terminée.
Néanmoins, le lendemain en temps de jeu, les personnages
vont croiser Pamprevoise et Trois-Doigts (attention, Masgueron
n’est jamais très loin), et le bûcheron leur demandera, sans pré-
ambule, ce qu’ils ont fait des bijoux. De manière assez abrupte, il
leur proposera de « faire ce qu’il faut pour les récupérer, libre à eux
d’employer la méthode qu’ils veulent, et de les rapporter sur les Pontons,
à Bernys, qui, s’ils se montrent à la hauteur, aura peut-être un travail
à leur proposer ». Voir « Rencontrer Bernys ».

La Chaussée du Lac 169

 Marouszer les
aventuriers V
La gondole
« Celui ou celle d’entre vous qui viendra
à l’entrevue doit être habillé(e) en dame
noble qui essaye de se faire passer pour
une simple bourgeoise. Je peux vous
indiquer un loueur qui a pile ce qu’il
faut. Mieux vaut une dame, donc,
ou un très bon comédien. Pourquoi ?
Votre entretien doit être le plus discret
et secret possible, et votre interlocu-
teur est un homme en vue. Or il n’y a
qu’un endroit où les puissants de la cité
respectent l’intimité de leurs pairs, ce
sont nos gondoles et les tunnels du port,
à l’usage exclusif des gondoliers gopnel-
dauns comme moi, où nous laissons les
amoureux dans une parfaite solitude.
Ce que vous y direz et ferez ne regarde
personne… »
Les petits métiers :
receleur
« La sagesse populaire établit que “le
receleur vaut le voleur”. Et je m’insurge !
Tout au plus peut-on le qualifier de
commerçant opportuniste. Acheter
des marchandises en quantité et à bas
prix, pour les revendre à un prix plus…
euh… raisonnable. Où est le mal ? Je le
demande.
Rendre service, aider son prochain
en achetant comptant, j’insiste sur
le comptant, et en payant en bons
lithals des marchandises qu’il lui serait
impossible de vendre par lui-même,
faute de temps, faute de place, faute de
relations ? Est-ce répréhensible ?
À propos de relations, le receleur se
doit d’avoir pignon sur rue. En effet,
ce n’est pas en restant cloîtré dans une
échoppe sombre et enfumée qu’il va
être en mesure de vendre au meilleur
prix ses marchandises. Il faut aussi qu’il
soit connu, mais pas trop, par des gens
capables de lui soumettre des biens à
vendre.
Bref, receleur, c’est un peu comme un
prêtre, un intermédiaire entre les gens
qui sont dans le besoin et ceux qui
peuvent les aider… »
Oncle Galchob, receleur altruiste
170
Si les PJ essayent de revendre les bijoux à la
luxueuse Maison des mille fleurs, ils seront re-
çus. D’abord par un secrétaire, puis, après une
attente raisonnable (pas plus d’une demi-jour-
née) par Jolyane elle-même, qui demandera
à voir la marchandise. Pour des raisons évi-
dentes (voir « Les secrets de la Chaussée du
lac »), elle est au courant du marché conclu
entre le Roi-Dieu et les Pontons, chose que les
PJ ignorent certainement, et elle comprendra
rapidement ce que sont ces bijoux. Elle paraî-
tra intéressée par l’ensemble et leur demande-
ra de revenir, disons le lendemain, pour leur
faire une offre honnête. « Vous comprenez, je ne
voudrais pas être amenée à faire quelque chose de…
répréhensible en achetant ces magnifiques bijoux.
La réputation de la Maison risquerait d’en pâtir. Je
ne voudrais pas non plus vous faire une offre que
vous pourriez juger ridicule et indigne de la qualité
de ce bel établissement… » Sourire charmeur…
Quand ils reviennent le lendemain, ils sont
reçus de façon extrêmement cordiale par
Jolyane, attablée dans la salle principale de
la Maison des mille fleurs, en compagnie de
Trois-Doigts et Pamprevoise. Masgueron,
attentif mais discret, est assis avec d’autres
clients à une table proche. La maîtresse des
lieux expliquera aux personnages qu’elle a pu
découvrir le propriétaire des objets qui lui
avaient été proposés et que cette personne
souhaitait les récupérer, moyennant une juste
récompense bien entendu. S’ils acceptent,
Trois-Doigts les accompagnera chez Bernys.
Voir « Rencontrer Bernys ».
Dans le cas contraire, Jolyane insistera,
Trois-Doigts sourira largement et Masgueron
aura tendance à s’approcher, avec les clients
qui l’accompagnaient et qui sont, bien sûr, des
hommes des Pontons. L’invitation, réitérée,
aura plus de chances d’être acceptée…
Aller sur les Pontons
Quelle que soit l’échoppe des Pontons où les
personnages essayeront de vendre les bijoux,
le résultat sera le même. Le Flottant recon-
naîtra l’origine des objets (travail spécifique
sur les bijoux, polissage fin de la nacre…) et
enverra discrètement un messager à Bernys
pour signaler le fait. Il fera durer l’entretien
au maximum en attendant l’arrivée de Trois-
Doigts, Masgueron et un ou deux assistants.
À leur arrivée, ils demanderont avec courtoi-
sie aux PJ de les suivre pour aller rencontrer
Bernys et tout se passera comme dans le cha-
pitre « Rencontrer Bernys ». Ne pas oublier la
situation tactique particulière des Pontons :
une tentative de fuite serait vouée à l’échec, à
plus ou moins long terme.
Les PJ peuvent avoir plusieurs autres rai-
sons d’aller sur les Pontons.
En fonction de ce qu’ils ont compris de
l’affaire, ils peuvent tenter d’aller rencon-
trer Bernys pour lui expliquer que quelqu’un
(Stanimir en l’occurrence) avait voulu fausser
les résultats de la course pour en tirer des pro-
fits illégaux. Une telle information vaut bien
une récompense.
Ils peuvent aussi y aller tout simplement
pour lui restituer, moyennant juste rétribu-
tion, les objets qu’ils ont « trouvés par terre »,
mais dont ils ont identifié le vrai propriétaire.
S’ils n’ont pas tout à fait compris, ils peuvent
aller sur les Pontons juste pour montrer les ob-
jets à un bijoutier ou un polisseur d’oreille et
tenter d’en avoir une évaluation (dans l’espoir
d’une vente future). Le résultat sera exactement
le même que décrit au début de ce chapitre.
En imaginant qu’ils aient parié sur la vic-
toire de Tolli et Peckénio, ils voudront peut-
être aller se faire rembourser leur mise, le
tandem ayant été éliminé et n’ayant pas pu
défendre ses chances.
Matoise et Mariol
Depuis qu’elle a vu les PJ récupérer le
contenu du barda, Pamprevoise a chargé
ses doudilains d’exercer une surveillance
discrète sur les allées et venues du groupe.
Les deux bestioles, intelligentes comme
on le sait, suivent les PJ en passant par les
toits de Laelith. Elles se relaient pour rap-
porter à Pamprevoise leurs déplacements.
C’est de cette manière que les préparatifs
d’un départ (les aventuriers s’équipent
pour partir, ils achètent des provisions, li-
bèrent leur chambre à l’auberge ou chez
l’habitant…) alerteront sans aucun doute
Bernys et ses adjoints.
Les PJ, s’ils prêtent une attention particu-
lière à leur environnement, pourront éven-
tuellement apercevoir l’un ou l’autre des
familiers en marchant dans la rue, mais les
doudilains sont fréquents en ville et pour
en identifier un en particulier, il faudra
avoir beaucoup de chance ou un sens très
aigu de l’observation.
 Toutes ces tentatives aboutiront à une et raffermir le lien qui unit Maucastel à la Ville Fin des Sublimes
rencontre avec Bernys (voir «  Rencontrer sainte. Et oui, bien sûr, en tant que maître des Compagnes et naissance
Bernys »). Pontons, il est normal qu’il renouvelle régu- des Dames du lac
lièrement son allégeance et sa fidélité au Roi- Pendant la période des travaux,

Quitter la ville
avec le magot
Pourquoi pas, après tout, se contenter d’aller
voir ailleurs et d’y revendre tranquillement ce
que la providence a mis sur leur route ?
Inutile de dire que Bernys, dès qu’il a été in-
formé par Pamprevoise de l’identité de ceux qui
avaient récupéré le cadeau destiné au Roi-Dieu,
a fait suivre les PJ. Avant de pouvoir s’appro-
cher d’une porte de la ville ou embarquer sur
un bateau en partance pour les Six Provinces,
ils se retrouveront face à un petit groupe mené
par Masgueron et Trois-Doigts. L’issue ne fait
aucun doute et les personnages seront invités,
gentiment mais fermement, à se rendre sur les
Pontons pour y rencontrer le patron…
Dieu par un geste digne de Lui.
« Mais, assez parlé. Quoi qu’il en soit, vous l’avez
compris maintenant, j’ai besoin que ce cadeau,
cette offrande, arrive entre les mains du Roi-Dieu.
Accepteriez-vous de traverser Laelith pour moi et
de livrer discrètement ce paquet ? Je saurai rétri-
buer ce service à sa juste valeur. En attendant que
tout cela soit prêt, soyez mes hôtes sur les Pontons
jusqu’à demain matin. »
Bernys de Maucastel, le charismatique et avisé
« maître des Pontons », est reconnaissable à son
sourire, son regard bienveillant et son catogan
de cheveux sel et poivre.
Yphria et Jolyane ont fait en sorte que
les Sublimes Compagnes quittent la
Maison des mille fleurs et deviennent
les épouses aimantes et éblouissantes de
quelques notables aisés de Laelith. Peut-
être une façon pour Jolyane de s’attirer
les bonnes grâces de Clara et sa ligue de
tempérance (voir « Les Méduses »). 
Naturellement, celles qui sont dé-
sormais les Dames du lac restent en
contact avec la guilde des Courtisanes,
à laquelle elles ont donné leur loyauté.
Après tout, elles faisaient le même
métier…

Rencontrer Bernys
Qu’ils y soient invités, ou qu’ils décident
d’eux-mêmes d’y aller, les PJ vont, à un mo-
ment ou un autre, se retrouver sur les Pontons
et rencontrer Bernys.
Il calquera son attitude sur celle des PJ. S’ils
sont agressifs, par exemple parce qu’ils ont été
conduits jusque-là contre leur gré, il aura ten-
dance à les traiter de haut, comme des voleurs.
Puis il leur proposera, d’une part de les récom-
penser (modérément) pour avoir eu le courage
de défendre le tandem, et d’autre part de ne
pas les dénoncer aux autorités pour le vol de la
cargaison. S’ils sont plutôt coopératifs, il leur
offrira une récompense pour avoir protégé le
tandem et lui avoir rapporté son bien.
Si Bernys comprend qu’il peut faire
confiance aux personnages en face de lui (c’est
le fantôme qui le conseille !), il leur propo-
sera de transporter pour lui jusqu’à la Haute
Terrasse le cadeau qu’il destinait au Roi-Dieu.
Il expliquera que son offrande de l’année
précédente n’était pas parvenue à destination.
Les portefaix avaient été attaqués et le conte-
nu du barda dérobé. Ce n’était pas des bijoux,
uniquement un montant important en lithals,
très difficile à tracer. Bernys a voulu, cette
année, offrir au nouveau Roi-Dieu un cadeau
plus personnel, plus adapté, pour renouveler

La Chaussée du Lac 171

 Marouszer les
aventuriers VI
Guide spirituel
« Voyez, le premier poisson à s’appro-
cher de votre offrande est entièrement
coloré, cela signifie que votre âme a fait
un choix clair, même si vous n’en avez
pas encore pris conscience.
Les autres sont bien séparés en deux
groupes à l’est et l’ouest du bassin, cela
nous dit que, comme l’Inlam, un che-
min va s’ouvrir à vous pour traverser les
difficultés ou les conventions.
Ce poisson blanc qui s’approche de
l’offrande nous apprend qu’une femme
pourrait vous aider, et ce groupe de 4
qui tourne autour, que cette femme
est proche. Peut-être, ce serait de bon
augure pour vous, une prêtresse du
Poisson d’argent, comme moi.
Si en sortant d’ici, vous voyez une
prêtresse en méditation et qu’elle lève
les yeux vers vous, proposez-lui vos
services, je suis persuadée qu’en retour
elle saura vous guider dans votre
entreprise… »
Marouszer les
aventuriers VII
Sternak le pérégrin & Cie
« J’aime bien raconter que j’ai crapahuté
partout, alors, avant de voyager, les
gens viennent m’acheter des tuyaux
avisés. Le plus marrant, quand on
a été homme de main, c’est que les
aventuriers te reconnaissent pas, ils
se rappellent même plus qu’ils t’ont
embauché, et encore moins de ce qu’ils
ont pu raconter entre eux en t’oubliant
dans l’ombre du campement, tu vois
ce que je veux dire, hein ? Du coup, je
repère qui monte une quête, je sais qui
embringuer avec qui et pour quel but.
Pour brouiller les pistes, c’est mes « as-
sociés », les anciens des « 5 doigts de la
pogne », qui se répartissent les contacts.
Enfin, les 4 doigts, Ferdin a cassé sa pipe,
le gueux. Et comme tu nous as côtoyés
un paquet de fois depuis l’époque de
Fafnir, de Paorn, de Radjaban, on ai-
merait que tu sois notre nouvel associé.
Avec ta baraque à friture, t’es bien
placé, Golk et tu verras, ça fait rêver du
temps qu’on était beaux et forts, et ça
mettra du beurre dans ton huile… »
172
Le lendemain matin, Bernys fera remettre
aux personnages deux paquets discrets, conte-
nant l’un les bijoux, l’autre l’oreille du lac, qui
entre-temps aura été nettoyée et lustrée. Il
y joint un message de sa main, identifiant les
porteurs et adressé au Roi-Dieu (à l’attention
de son grand chambellan), pour leur permettre
d’assurer la livraison.
La traversée de Laelith
Faites en sorte que la traversée, du bas vers le
haut, de la Ville sainte soit une occasion de vi-
siter divers quartiers et de sentir les différences
d’ambiance entre les terrasses.
Il n’y a pas de taupe, par définition, sur les
Pontons et le trajet devrait se passer sans en-
combres. A priori en passant par le nord de
l’Inlam, en traversant la Chaussée du lac, la
Prospérité, le Nuage pour arriver sur la Haute
Terrasse. Aucun des lieutenants de Bernys ne
les accompagnera, mais ils seront discrète-
ment suivis par plusieurs de ses Flottants, juste
pour être sûr… Laissez les aventuriers avoir
des doutes sur le fait qu’ils soient livrés à eux-
mêmes ou pas, sauf s’ils décident de quitter la
ville avec le magot, bien entendu (voir « Quitter
la ville avec le magot »).
À l’arrivée, après un temps d’attente certain et
le passage de plusieurs filtres administratifs ta-
tillons, les PJ seront reçus par un intendant, qui
examinera d’un œil scrutateur d’abord le mes-
sage puis les porteurs. Il acceptera les paquets
et les congédiera d’un simple geste de la main.
Frustrant non ? Tout ça pour ça ?
Prenez le temps de décrire avec force détails
la qualité et la « grandeur » de l’environnement
Le tandem vainqueur
And the winner is (roulement de tambour)… déterminé par le jet d’un d100 sur la table ci-des-
sous. Elle est calculée d’après la cote des tandems restant en course. Les PJ ont pu parier sur
l’un ou l’autre des participants, reste à savoir s’ils ont gagné et combien.
Tandem
Quinton et Zéolite
Alefa et Omga
Padrogan, Effrinog et Garian
Ralistroob Porjiac et Cœlonur Jamiforl
Un autre tandem (à définir)
(bureau de l’intendant, gardes, serviteurs, solli-
citeurs…), pour que vos aventuriers prennent
conscience qu’ils n’ont été que des coursiers,
et que des coursiers n’ont pas leur mot à dire
sur la manière dont un des proches servants du
Roi-Dieu les traite.
De retour à l’auberge
Où qu’ils demeurent dans Laelith, les PJ se-
ront réveillés aux premières lueurs du jour par
un serviteur en livrée, aux armes et couleurs
du Roi-Dieu. Il est porteur d’une missive à
remettre toutes affaires cessantes au seigneur
de Maucastel, ainsi que d’un coffre de taille
moyenne contenant la récompense que le Roi-
Dieu octroie aux aventuriers. Le MJ décidera
du contenu du coffre en fonction du niveau
des personnages, mais chaque arme, pièce d’ar-
mure, bijou ou objet, magique ou non, sera de
la plus belle fabrication et marqué du sceau de
Laelith ainsi que du sceau personnel de Nin Ier.
Lorsqu’ils iront porter le message royal-divin
à Bernys (une sorte d’accusé de réception qui, en
quelques phrases alambiquées, confirme la vo-
lonté du Roi-Dieu de respecter les engagements
pris par ses prédécesseurs, tant que l’équilibre
de la Ville sainte n’est pas menacé), les PJ se ver-
ront remettre le salaire promis par le maître des
Pontons, en bons lithals. Quelle belle journée !
Et la course alors ?
Malgré tout, après l’incident sur le parcours,
la vie a repris son cours, la course s’est terminée
et Orneste lui-même a accueilli en fanfare le tan-
dem vainqueur, sur l’esplanade de la Demi-Lune.
d100 Gain pour 1 lithal
1 - 40 4 lithals
41 - 63 7 lithals
64 - 83 8 lithals
84 - 96 12 lithals
97 - 100 40 à 50 lithals

Idées d’aventures
Chantier interdit au public
Pendant les grands travaux de construction
du nouveau pont et des murailles, une tem-
pête a détruit des toitures, envoyé par le fond
quelques bateaux de pêche et considérable-
ment endommagé une partie des Pontons.
Bernys fait appel aux PJ, qu’il connaît de-
puis qu’ils ont livré pour lui son cadeau au
Roi-Dieu (ou pas s’ils n’ont pas joué le scéna-
rio « Accident de parcours »), car Trois-Doigts
s’est fait accuser de vol de bois dans les entre-
pôts du quai des Contrebandiers.
Trois-Doigts a bien acheté du bois, mais à
un fournisseur inhabituel du fait de la pénurie
existante, due aux besoins des grands travaux
et aux dégâts de la tempête. Et un collecteur de
taxes zélé a remarqué que le bois qui a été livré
sur les Pontons portait un poinçon l’identifiant
formellement comme propriété de l’entrepre-
neur principal des travaux de construction des
murailles nord.
Bernys leur demande d’enquêter discrètement
pour lui et de comprendre comment les choses
ont pu se passer. Sa confiance en Trois-Doigts ?
Absolue ! Si un homme est bien au-dessus de ce
genre de soupçons, c’est bien le bûcheron.
Le meilleur moyen d’enquêter est certaine-
ment de se faire embaucher comme manœuvres
sur l’un des chantiers. Là les personnages pour-
ront voir de près comment se passent les livrai-
sons, où sont entreposés les stocks…
• Première piste. Ils pourront vite constater
que certains convois de bateaux arrivent au
quai des Contrebandiers, se font enregistrer,
et après comptage et évaluation de la cargai-
son, n’en livrent qu’une petite partie avant de
repartir et de revenir le lendemain, se faire à
nouveau payer la cargaison qu’ils ont encore
à bord. Faire l’aller-retour jusqu’aux monts
Virloquins en deux jours ne semble pas po-
ser de problème à certains contrôleurs sur le
quai… Des complices ou des incompétents ?
• Deuxième piste. Des pêcheurs et certains ou-
vriers volent des matériaux sur les chantiers.
Certes, ce n’est pas pour les revendre, mais
pour reconstruire leurs bateaux coulés ou
réparer leurs toitures abîmées par la tempête.
Les PJ vont-ils les dénoncer aux autorités ?
• Troisième piste. Une guilde de voleurs,
structurée, méthodique, pille chaque nuit
une partie des entrepôts et revend ensuite
aux entrepreneurs peu scrupuleux le produit
de ses larcins. Bien organisés, les larrons ne
vident pas entièrement les stocks, et ne s’at-
taquent pas deux nuits de suite aux mêmes
lieux. En organisant un tour de garde, les
PJ sont témoins de ce qu’il se passe, mais ne
peuvent pas intervenir eux-mêmes, les vo-
leurs sont trop nombreux.
• Quatrième piste. Les personnages arrivent à
identifier un petit groupe de voleurs. Ils inter-
viennent et arrivent à en capturer un vivant.
Coup de chance ou hasard, ils comprennent
qu’une guilde a été embauchée (par qui ?)
pour nuire à Bernys. Pour semer le doute sur
son honnêteté et briser par un scandale le
monopole qu’il détient sur les paris.
Les PJ peuvent décider de livrer à la jus-
tice royale-divine le commanditaire véreux,
ou d’aller avec lui sur les Pontons rencontrer
Bernys. La suite ne dépendra plus d’eux.
Le chant des Mille Fleurs
Bernys a appris qu’une bande de voleurs
avait l’intention de dévaliser un haut digni-
taire d’Agramor et sa suite lors d’une soirée
privée à la Maison des mille fleurs.
« Si mes informations sont exactes, l’attaque
sera d’importance, et je ne voudrais pas qu’Yphria
en soit une victime collatérale. J’aimerais que vous
vous installiez aux Mille Fleurs pour assurer sa
sécurité, sans mentionner que je vous ai deman-
dé ce service, et que vous soyez attentifs à tout ce
qui pourrait se préparer d’anormal. Yphria a son
propre service d’ordre, mais vous serez plus discrets
en tant que clients. Déguisés peut-être ? »
S’installer aux Mille Fleurs ne pose aucun
problème, Bernys donnant aux personnages de
quoi y séjourner une semaine. Et s’ils ont joué
le scénario « Accident de parcours », Jolyane
leur attribuera ses meilleures chambres, au
premier étage.
La Chaussée du Lac 173
Scénarios
Table d’aventures
1 Les PJ sont engagés par un auber-
giste qui veut copier les presta-
tions de la Maison des mille fleurs
et proposer un établissement
équivalent ailleurs dans Laelith. Il
veut un rapport détaillé.
2 Une partie des échafaudages du
chantier des murailles nord s’est
effondrée, avec comme consé-
quence trois morts et de nom-
breux blessés. Les personnages
sont recrutés pour comprendre
l’origine de l’incident.
3 Un bateau de pêche en répara-
tion est volé par des esclaves qui
veulent fuir vers une des provinces
du lac. On cherche du monde pour
se lancer à leur poursuite.
4 Les charognards utilisent des
esclaves. Les pêcheurs indépen-
dants l’apprennent et provoquent
des sabotages au port des charo-
gnards. Les PJ sont témoins d’une
action violente, vont-ils prendre
parti et pour qui ?
5 Un tandem de porteurs fait des
courses sans passer par Orneste.
Ce dernier cherche du monde
pour leur donner une bonne leçon.
6 Les PJ rencontrent un cuisinier
qui a été chassé des Pontons
pour mauvaise conduite. Le
pauvre gars a été retourné par les
Méduses et il a mis le feu à deux
des bateaux qui y sont accrochés.
Pourrez-vous l’aider à regagner la
confiance de Bernys ?
 La première fois
« C’était comment la première fois
pour toi ?
– Eh ben… En fait, j’avais 16 ans et elle
s’appelait Line. On a…
– Mais non, crétin ! La première fois
que tu as vu Laelith !
– Ah, d’accord ! Moi, je suis arrivé par
le lac. Mon vieux et moi, on avait tout
quitté pour recommencer ailleurs et
on se tenait à la proue, dans le vent
tiède. Que c’était beau ! Les dômes
sous le soleil, les pics des Mages qui
tranchaient le ciel bleu et infini. Les
murs clairs et les mille couleurs des
oriflammes au sommet des mâts. La
cicatrice de l’Inlam et puis les terrasses
qui s’étendaient, comme une incroyable
promesse. Bienvenue mon gars ! Même
si tu commences en bas, ose, et tu iras
toujours plus haut…
– T’es un putain de poète, mec !
– Ouais… ça m’inspire. Et puis j’ai
posé un pied sur le quai et j’ai vite
compris qu’ici aussi, ça pouvait sentir la
merde… »
Deux pêcheurs, sur un ponton, au bord du
lac d’Altalith
174
Mis à part les préparatifs pour la grande
soirée, les PJ ne remarquent rien de particu-
lier. Une nuit cependant, celui dont l’ouïe est
la plus fine entend des chants, mélancoliques,
puis des rires étouffés qui semblent provenir
du mur de sa chambre. C’est du côté des es-
caliers que les voix sont le plus perceptibles.
Elles viennent du haut, des appartements pri-
vés d’Yphria et de Jolyane.
Tandis que les PJ y montent « discrètement »,
les voix se taisent. En traversant les jardins, ils
ont tout juste le temps d’apercevoir une élégante
silhouette sombre s’inclinant devant Yphria,
avant qu’elle ne se dissipe en un tourbillon noir et
disparaisse dans la nuit. Les deux femmes conti-
nueront de discuter, comme si de rien n’était.
Si les PJ les questionnent, ils n’obtiendront rien
d’autre que des sourires amusés, et elles ne di-
ront rien de Koerlost, leur ami vampire.
C’est le lendemain qu’a lieu la soirée du riche
Agramorien. La salle est pleine, la musique
est forte et le spectacle bat son plein, devant
une assistance ravie composée de riches mar-
chands et de nobles de la Haute Terrasse. Les
femmes portent leurs plus beaux bijoux et les
hommes des armes d’apparat de belle facture.
Les portes de la salle s’ouvrent violemment
et une douzaine d’hommes masqués, armés
de dagues et d’épées, et certains d’arbalètes,
font irruption. « Déposez dans les sacs qui vous
seront présentés vos bijoux, lithals, et autres objets
de valeur. Il ne vous sera fait aucun mal si vous
obtempérez, sinon cela se finira dans un bain de
sang ! »
Yphria refusera de se séparer d’un superbe
pendentif en oreille du lac, et l’homme tentera
de le lui arracher, la menaçant d’un couteau.
Avant même que les PJ ne réagissent, une sil-
houette sombre se manifestera derrière eux.
Koerlost leur proposera son aide et se jettera
avec une vitesse effrayante sur l’individu qui
agresse Yphria, lui déchiquetant la gorge d’un
mouvement fluide.
Puis les gros bras de la maison intervien-
dront, ainsi que les Agramoriens et très vite
les attaquants seront tués ou désarmés. Et les
gardes de la ville arriveront…
Qui sont les assaillants  ? Que cher-
chaient-ils ? Ceci est une autre histoire. Mais si
les PJ ont joint leurs forces à celles de Koerlost,
ils se seront fait un allié puissant à Laelith et
un obligé en Agramor. Dans le cas contraire…

Les archives du Temple du Poisson
d'argent disent que lorsque la mélonipe
noire s'échappera de sa prison, le chaos
se répandra dans les rues de Laelith.
L’héritage
À son retour d’expédition dans des terres
lointaines, Volsnik, ami proche de Drappish, le
fondateur du caravansérail, produira une lettre
de ce dernier. Drappish y dénonce un testament
« extorqué » et traite Arpaïsh d’imposteur et de
maître chanteur, entre autres. Arpaïsh, l’actuel
maître des lieux, a le droit pour lui, mais Volsnik
n’est pas homme à laisser les choses en l’état.
La lettre désigne également un héritier « par
le cœur », autrement dit un légataire univer-
sel, selon la coutume du pays lointain dont
Drappish était originaire. Qui va recevoir
ce cadeau empoisonné ? Quorda, la respon-
sable des entrepôts ? Volsnik lui-même ? Un
personnage-joueur ?
D’eau et de feu
Plusieurs incendies se sont déclarés il y a
peu sur la terrasse de la Main qui travaille.
Rien de bien étonnant aux alentours du temple
de l’Oiseau de feu, mais à chaque fois, l’endroit
était isolé et la garde a été alertée rapidement
par des pèlerins. Depuis deux semaines, ces
embrasements subits ont cessé.
Depuis deux semaines, tous les matins et tous
les soirs, un pèlerin, grand, maigre, de longs
cheveux filasse, vient se tremper la tête dans
la fontaine aux vœux du temple du Poisson
d’argent. Il repart ensuite, visiblement apaisé.
Qui est-il ? D’où vient-il ? Y a-t-il un lien
avec ces incendies ? Une malédiction peut-
être ? Et si c’est le cas, comment la neutraliser ?
La mélonipe noire
Sous le règne de Célestial III, dit le Stupide,
Laelith connut une période sombre où les dé-
mons remontèrent des abysses et tentèrent d’en-
vahir la ville. Les quatre grands prêtres unirent
leurs efforts pour repousser cette invasion et
durent lutter longtemps contre la chose qui com-
mandait les forces du mal avant de la vaincre.
La décision fut prise d’enfermer cette mons-
truosité dans le corps d’une des formes ani-
males les plus stables que l’homme connaissait,
une mélonipe, le poisson sacré du Temple du
Poisson d’argent. L’eau sacrée des bassins de-
vait être capable de contenir cette entité, d’en
calmer les ardeurs et de contrer ses capacités
de transformation.
Une magie puissante a été déployée dans
ce but, éternelle pensaient les prêtres. Mais
depuis, les mélonipes ont été transférées à
l’extérieur du temple, au centre des jardins.
Affaiblissant la protection.
Depuis la fin du règne de Célestial III, il s’est
écoulé 268 longues années pendant lesquelles
le démon a rongé les murs de sa prison… Un
jour… Bientôt…
Surveiller Clara
Les PJ sont engagés par Héloi Thurrel, l’har-
monisateur du Poisson d’argent pour surveil-
ler Clara, la fondatrice des Méduses. Il craint
qu’elle ne prépare un mauvais coup contre le
grand prêtre. Elle se comporte bizarrement
depuis que Gamut a été élu.
Ils vont alors découvrir successivement : les
réunions publiques, les prêches devant les ta-
berges, les cours de soin par la méthode du linge
humide, les prières et les ablutions rituelles
dans un des bassins des jardins du temple et
une retraite au temple d’Altalith. Toutes sortes
d’occasions de découvrir la Chaussée et ses en-
virons. Peu d’action, mais de belles balades !
Un PJ féminin aura des facilités à intégrer
un groupe de Méduses.
La Chaussée du Lac 175
Marouszer les
aventuriers VIII
Soupirail
« Ils viennent, s’accroupissent contre le
soupirail, me parlent. De mon obscurité
humide, j’entends leurs troubles et leurs
espérances, et je sens leurs odeurs, je
sais leurs maladies, leurs angoisses, leur
excitation, les plats dont ils ont dîné, les
tissus où ils couchent, les peaux qu’ils
ont frottées, et à travers eux tous, je vois
la cité et ses intrigues.
Je pose mes questions, je songe, je leur
dis qui aller voir, et aux plus niais ce
qu’ils doivent faire, ce que je désire en
échange. Les autorités ne m’aiment pas,
car j’aide parfois des séditieux. Mais on
ne peut pas boucher mon soupirail, c’est
l’entrée d’un égout et tout le quartier
serait inondé. On ne peut le saper, la
muraille et les bâtiments au-dessus
s’effondreraient. Alors on cherche
un accès. Le rahel Serfaz Met Fayt y
consacre l’énergie de recrues ou de
fortes têtes de son poste de garde, à qui
cela sert de punition.
Lui aussi est mon obligé, ne pas me
trouver son seul paiement. Je suis
Soupirail, je suis le vrai Roi-Dieu. »
Mademoiselle
Chatemine
« Certes messieurs et… disons… euh…
dames, certes j’en tire profit en louant
ces tenues, mais je n’y suis pour rien si
Melle Chatemine ne reçoit que des gens
portant bel habit et fleurant bon. Non
madame, pas les cuissardes, les bottines
à la rigueur.
Sa spécialité ? C’est justement pas de
spécialité, à part l’excentricité. C’est la
seule personne à se dire marousz, alors
même que cette profession n’existe
pas, tsss. Affaire de cœur ou de fesses,
de politique, de foi, d’art, expéditions
exotiques, mondanités, elle tisse des
liens en tous domaines, du moment que
le sujet l’excite, l’amuse ou la révolte et
que les intéressés lui plaisent.
Une tache sur ce jabot monsieur et il
est à vous au prix du neuf.
Évitez de l’ennuyer, ne confondez pas
cru et vulgaire, ne faites de l’esprit
que si vous en avez, montrez que vous
appréciez ses tenues et sa demeure, et
espérez qu’elle prenne votre cas
en considération… »
La Chaussée du lac,
vue isométrique
La Prospérité
 O ù l’on voit Althus Quatreponts assister à une démonstration
d’observation déductive par un éminent spécialiste
« J’ai rencontré Evarilion Bombogarogan au Lazaret de
Laelith. J’y avais été convoqué pour pratiquer l’autopsie d’un
pèlerin, mais la salle que j’utilisais habituellement à cette fin
était occupée par un gnome agité, qui battait des cadavres à
l’aide d’une canne « pour vérifier si on peut leur faire des bleus ».
Une heure plus tard, je partageai mon premier repas avec lui et
nous nous découvrîmes une passion commune pour la terrasse qui
m’avait vu naître.
“Althus, me dit-il, (vous permettez que je vous appelle
Althus ?) je ne connais pas de lieu plus représentatif de la nature
humaine que la terrasse de la Prospérité à Laelith. L’histoire et
le hasard y ont forgé une savoureuse combinaison de culture, de
commerce et d’activités criminelles en tous genres, unique dans
le monde connu. Le Grand Théâtre et l’Académie du bel art,
hauts lieux culturels s’il en est, étendent leur ombre bienveillante
sur le Grand Marché et son ballet incessant de transactions
mercantiles, le tout sous le regard enjoué de la pègre locale, qui
se pourlèche les babines en contemplant les bourses rebondies des
acheteurs comme des vendeurs. Les arts, l’or et le crime sont les
plans métaphysiques sur lesquels vous pouvez projeter n’importe
quelle âme pour en révéler les rouages, les ressorts et les pistons.
C’est pourquoi j’ai décidé de m’installer dans votre terrasse pour
pratiquer ma science au cœur de ce laboratoire à ciel ouvert.
– Quelle science pratiquez-vous ?
178
– La plus simple et la plus complexe, la plus primitive et la
plus noble, la plus accessible et la plus retorse : la science de l’ob-
servation et de la déduction.
– S’agit-il bien d’une science ?
– Hum. Je vous laisse en juger. Je sais par exemple que vous
avez vos habitudes dans quatre des quatre-vingt-deux débits de
boissons que compte la terrasse.
– Mais comment pouvez-vous le savoir ? Vous m’avez espion-
né, c’est ça ?
– Vous espionner ? Mon cher docteur, j’ignorais tout de votre
existence il y a deux heures encore ! Je n’ai nul besoin de vous
espionner. Il me suffit de vous observer. Par exemple, lorsque
le serveur vous a apporté votre bière, vous avez légèrement
soulevé votre chope pour observer le sous-bock. J’en ai simple-
ment déduit que vous fréquentez le Cul de la chope, échelle des
Paladins, un estaminet qui a pour habitude de comptabiliser les
bières consommées par le client en les matérialisant par un trait
dessiné sur le sous-bock.
– C’est stupéfiant !
– Certes, mais ce n’est pas terminé. Je distingue un peu de
sciure coincée dans les coutures de vos souliers. Il n’y a pas d’écu-
rie publique sur la terrasse de la Prospérité. En revanche, la
taberge pompeusement baptisée Montures et cavaliers accueille
les chevaux de ses clients dans de luxueux boxes, dont le sol est
recouvert de sciure fraîche, changée trois fois par jour. Dois-je
continuer la démonstration et vous expliquer pourquoi je sais que
vous fréquentez également le Petit lazaret et l’Avocat honnête ?
– C’est inutile, vous m’avez convaincu. Mais vous semblez,
vous aussi, bien connaître ces établissements…
– Vous plaisantez ! J’ai rédigé une monographie qui présente
les particularités de chaque débit de boissons de la terrasse de la
Prospérité, que je remets à jour au moins deux fois par an.
– Quelle drôle d’idée ! À quoi cela peut-il bien vous servir ?
– À exercer ma science, et à en faire mon gagne-pain en dé-
busquant les activités criminelles. J’exerce en effet la profession
méconnue de détective-conseil. Entre autres activités, j’aide les
infortunés gardes du poste Safran, place de la Zyglute, à percer
les mystères des délits et crimes les plus hermétiques aux mé-
thodes classiques d’investigation. Par exemple, voici deux mois
que j’ai résolu l’affaire dite du collier disparu, en retrouvant
le précieux bijou dans le nid d’une pie, perché au sommet d’un
des gibets de l’échelle des Pendus. J’ai élucidé le mystère de la
disparition de la nièce du grand-duc d’Agramor, en la retrou-
vant – hélas décédée – dans une armoire située au sous-sol de
l’ambassade du grand-duché, à proximité du Grand Théâtre
royal-divin. Elle s’y était enfermée elle-même par accident.
– Je ne connaissais pas ce métier détective-conseil.
– Voilà qui ne m’étonne guère : je suis le seul à l’exercer !
Cette profession est non seulement méconnue, mais également
insuffisamment lucrative. C’est pourquoi je suis à la recherche
d’une personne qui accepterait de cohabiter avec moi, pour par-
tager la charge du loyer prohibitif que réclame ma logeuse, au
demeurant fort sympathique : madame Sondu.
– C’est extraordinaire, je suis moi-même à la recherche d’un
logement dans la terrasse ! Je vais être exproprié en raison des
travaux d’agrandissement du palais de Kaoca.
Docteur Quatreponts, nous étions faits pour nous rencontrer.
Reprendrez-vous du thé ?”
Un mois plus tard, j’emménageai avec lui au numéro 221 bis
de l’échelle des Boulangers. Pendant les deux années qui se sont
ensuite écoulées, j’ai pu l’assister, à la hauteur de mes modestes
compétences, dans nombre de ses enquêtes et admirer l’efficaci-
té de ses méthodes peu orthodoxes. J’ai acquis la conviction que
mon colocataire est en vérité l’un des esprits les plus brillants de
sa génération. Hélas, voilà plus de cinq mois qu’il a disparu.
Alors qu’il enquêtait sur une banale affaire de vol d’accessoires
de scène au Grand Théâtre, il s’est littéralement volatilisé. Il
lui est déjà arrivé de devoir s’absenter pour une enquête, mais
jamais sans prévenir notre logeuse et jamais pour une période
aussi longue. Il faut que je fasse quelque chose. Je suis tombé
hier, à la boulangerie, sur une petite annonce déposée par un
groupe d’aventuriers qui s’est installé dans l’auberge de madame
Skarn. Ils proposent leurs services d’enquête, de protection et
d’exploration. Je vais aller à leur rencontre pour leur demander
de bien vouloir retrouver mon ami Evarilion. Je lui dois bien ça.
J’espère tout de même qu’il n’est rien advenu de fâcheux. »
Extrait du journal du docteur Althus Quatreponts,
médecin légiste indépendant
La Prospérité 179
 Lieux d’intérêt
22 25
4
1 2 20

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Échelle des Scribe 14
15 13
16
10 9
9
H I J K L

180
 Lieux emblématiques 12
21 La chapelle du Convent céleste (K7)
@
3

/
6 échelle des Boulangers 5
et quelques commerces
L’orphelinat du Convent céleste (K7) @ 1
La terrasse de la Prospérité constitue un étrange chaudron où 21
13

/
8 échelle des Boulangers @
3
le commerce, les arts et la rapine composent un improbable
bouillon, prêt à déborder à tout moment. La sélection de lieux 21
14 L’hostellerie À la miche rebondie (J8) 3
@

/
qui suit illustre la cohabitation de ces trois dimensions fonda- 173 échelle des Boulangers 5

mentales de la terrasse. Le Grand Théâtre, l’Académie du Bel Le cabinet d’Evarilion @

Art et le Grand Marché sont fameux dans tout Laelith, voire 21
15 Bombogarogan, détective-conseil (J8) @
4

/
7
au-delà. Les autres lieux sont moins connus mais aptes à attirer 221b échelle des Boulangers. @
l’œil du promeneur.
1
16
21 La place de la Zyglute (J8) @
@

/
1 3
21
1 Le Grand Théâtre royal-divin (J6)

/
@
6
La garde de Laelith, poste Safran (J8) @ 3
21
17

/
@ 1 place de la Zyglute @
8
21
2 L’Académie royale-divine du bel art (K6) 3

/
25 échelle des Paladins @
9
3
18
21 Les Traboules fumantes (J7) @

/
La chapelle-musée de Nadayat le @
12
8
21
3 Précieux (K6) @

/
13 1
113 échelle des Paladins @
19
21 La rue des Trois Frères (J7) @

/
3

1
21
4 La place du Pilori (K7) @
/
5
Les ambassades des Six Provinces
1
21
5 L’échelle des Pendus (L6) @ Chacune des Provinces a installé son ambassade sur la ter-
/

5
rasse de la Prospérité. On pourrait penser que le dynamisme
Le comptoir d’Offalia la
@ 5 du commerce local n’y est pas étranger, mais la vérité est toute
21
6 négociante (L6) autre. Le Roi-Dieu, en leur attribuant ces emplacements assez
/

@
8
67 rue Qui-qu’en-peut éloignés des lieux de pouvoir (temples, palais du Roi-Dieu), a
@ bien fait comprendre aux représentants des Provinces que leur
5
7
21 Le Grand Marché (K7) @ influence à Laelith serait tout au mieux accessoire. Ils ont bien
/

12
@ saisi l’allusion, mais ils ont également saisi ces terrains, qui
leur sont prêtés gracieusement par la ville. La construction des
1
21
8 L’échelle du Quatre Faces (K7) @ bâtiments des ambassades a en revanche été financée par les
/

5
Provinces elles-mêmes.
L’étude de maître Spumone Savaretti (I8)
@
@
4
21
9 Notaire de quartier, 22 échelle des
/

@
8 8
Scribes-Échevins 20
21 Le palais de Kaoca (K5) @

/
15
Les Établissements Bishoff, @
@ 2
21
10 passeurs de mort (H8) @
/

@
8
Le cercle du Matriarcat 8
13 échelle du Pont des morts 21 @

/
d’Olizya (K8) 17
@

Le quartier de l’échelle des Boulangers @

6
22
21 Le petit-duché d’Agramor (K6) @
/
13
L’échelle des Boulangers est un quartier relativement paisible
@
de la terrasse de la Prospérité, apprécié pour cette raison par
les pèlerins et les marchands de passage. La rue tire son nom @
5
de la multitude de boulangeries et de pâtisseries qui s’y sont 21
23 Le comptoir de Jadhys (J6) @
/

12
installées. Le chausson aux airelles, spécialité locale, peut être @
acheté dans chacun de ces établissements. Son goût doux- @
amer en fait un excellent accompagnement de la bière brune 24
21 7
L’école des Pierres sacrées (J7) @
/

13
brassée sur la terrasse. Le visiteur devrait toutefois se méfier
@
du calme apparent du quartier et éviter de sortir la nuit dans les
Traboules fumantes. @
10
21
25 L’ambassade d’Azilian (K5) @
/

17
@
1
21
11 La place de la Fontaine neuve (K7) @
/

La Prospérité 181
 Vue d’ensemble
Exemple de contrat de
quête entre Galïn le
Pointilleux et le clan
des Hyènes immondes
« Qu’il plaise à notre Royale-divine
Majesté de veiller sur ce contrat établi
en ce jour dans l’étude du très noble et
très probe Spumone Savaretti, notaire.
Il est établi entre le sieur Galïn le
Pointilleux, exploitant patenté en
ressources subterrestres, et ci-après
nommé le fournisseur, et le clan des
Hyènes immondes, équipe d’aventuriers
de type C, immatriculé au registre
royal-divin sous le numéro ACPOT23,
et ci-après nommé les clients.
Le fournisseur s’engage à indiquer sans
malice, arrière-pensée, mauvaise foi
ou calcul secondaire tous les rensei-
gnements permettant aux clients de
retrouver le fameux trône d’argent de
Chipaul, ci-après nommé le but. Ces
renseignements incluent, mais ne se
limitent pas, aux cartes, schémas, plans,
avec ou sans légende, ainsi que toute
autre indication permettant aux clients
d’atteindre le but.
Les clients quant à eux s’engagent à
mettre tous leurs moyens, humains,
non humains, spirituels, magiques,
divins, terrestres et célestes, en vue d’at-
teindre le but et de le rapporter dans
le meilleur état possible. Ces moyens
peuvent aller, mais ne se limitent pas,
à combattre, mentir, agresser, tuer,
menacer, mourir, même plusieurs fois.
L’utilisation de magie noire, invocation
de démons, insultes personnelles sur les
parents ou dégradation de vêtements
offerts ou d’objets à valeur sentimen-
tale ne sont pas recommandées, mais
ne constituent pas une rupture de
contrat. »
182
Itinéraire conseillé
Flânerie
d’un amoureux du quartier
Un soir d’automne. Une pinte de bière brune
à la main, vous êtes confortablement installé
à la terrasse du Montures et cavaliers, un esta-
minet qui vous offre une vue imprenable sur
la place du Grand Marché, dont les étals ont
été vidés pour la nuit. Devant vous, les spec-
tateurs se hâtent vers le Grand Théâtre pour
assister à la première du Pèlerinage des mots, la
dernière pièce du professeur Harex. Une brise
tiède souffle depuis le lac et porte jusqu’à vous
le claquement des voiles au beaupré, par-delà
la Chaussée. Ou est-ce votre imagination qui
vous joue des tours ? Il faut dire que sur la ter-
rasse de la Prospérité, vous n’avez pas besoin
de grand-chose pour éveiller votre imaginaire.
Votre malle de souvenirs d’enfance est pleine
de ces récits à deux pièces de cuivre, imprimés
sur du papier de mauvaise qualité, qui vous
contaient les sombres exploits de Mackus-
aux-sept-couteaux ou les aventures de Stella
Bellegueule, la courtisane au grand cœur. Plus
tard, vous avez frémi au récit des faits divers
relatés dans la Gazette de Laelith et les méfaits
de Jakt l’égorgeur n’ont pas de secret pour
vous.
Vous avez souri tout à l’heure, en passant
devant cette estrade où un bonimenteur pro-
posait aux passants de s’inscrire pour une
somme modique à une visite nocturne traçant
l’itinéraire du célèbre criminel. «  Avancez
mesdames ! Avancez messieurs ! Profitez de la
visite exceptionnelle que nous avons préparée
pour vous. Un acteur de renom vous contera
le parcours macabre de l’horrible Jakt sur les
lieux mêmes où ses crimes ont été perpétrés.
Départ au soleil couchant sur la place de la
Zyglute. Cinq tickets pour le prix de quatre ! »
Cette visite, vous l’avez faite. « L’acteur de
renom » parlait d’une voix éraillée et sentait
un peu la vinasse, mais il a su embobiner son
monde en enjolivant grossièrement les faits.
Pourquoi se contenter de la vérité quand on
peut la parer de si beaux atours ? Elle s’est
achevée dans un pub miteux des Traboules
fumantes qui servait un alcool d’airelles éton-
namment savoureux. Finalement ce n’est pas
un si mauvais souvenir.
Cette visite a été suivie par beaucoup
d’autres. La terrasse garde toujours une sur-
prise en réserve à ceux qui croient la connaître.
Comment voulez-vous faire le tour d’un quar-
tier qui ne compte pas moins de 82 débits de
boissons ? Plus que 23 et vous les aurez tous
testés.
Voilà maintenant six mois que vous avez élu
domicile dans le coin et vous ne regrettez pas
ce choix. Chaque lieu que vous avez visité vous
a éclairé un peu plus sur le fonctionnement de
cette drôle de terrasse.
C’est d’abord un quartier culturel. Il héberge
le Grand Théâtre et l’Académie royale-divine
du bel art, deux des plus anciennes institu-
tions de la ville. L’Académie est propriétaire
du Théâtre et promeut l’art sous toutes ses
formes. Les formations qu’elle délivre sont ré-
putées dans le monde entier. Mais la terrasse
recèle d’autres bijoux culturels, bien moins
connus. Par exemple, vous aimeriez bien vi-
siter un jour la chapelle-musée de Nadayat le
Précieux, au n° 113 de l’échelle des Paladins.
Ce lieu fermé au public et affilié au Temple du
Poisson d’argent abrite une petite collection
de reliques du Roi-Dieu qui a fondé l’Acadé-
mie du bel art. À ce qu’on vous a dit il est très
difficile d’obtenir la permission de le visiter,
mais à cœur vaillant rien d’impossible !
La terrasse constitue également un pôle
commercial important, grâce au Grand
Marché. Installé à l’emplacement de l’antique
marché aux fleurs de Laelith et considérable-
ment agrandi au cours des siècles, il met en
vente les productions de l’artisanat local et de
l’agriculture des environs. Un édit royal-divin
interdit le commerce des matières premières
sur le marché, en raison d’un monopole accor-
dé à la terrasse de la Main qui travaille.
De nombreux marchands et négociants se
sont installés sur la terrasse pour profiter de la
proximité du marché. Certains ont prospéré ;
d’autres connaissent des jours plus difficiles,
comme votre amie Offalia, installée au n° 67
de la rue Qui-qu’en-peut. Cette maison bourgeoise de belle pourris et déjections animales récupérés sur le marché, tout
taille abrite la résidence et le comptoir commercial d’Offalia, en s’entraînant au lancer.
négociante en cuirs et peaux. N’ayant malheureusement pas On peut également citer l’échelle des Pendus et l’échelle
hérité du sens des affaires de son père Orfal, fondateur de du Quatre Faces. Les auteurs de crimes de sang et de mœurs
l’établissement, elle peine à éviter la faillite. constituent la décoration permanente, aérienne et fréquem-
Au n° 13 de l’échelle du Pont des morts, les Établissements ment renouvelée de la première. Il est conseillé aux piétons
Bishoff, des passeurs de mort, connaissent un sort bien plus dotés d’un odorat délicat de la contourner en
enviable. Le rite d’inhumation ancestral de Laelith est tombé passant par l’échelle des Ventes. La seconde
en désuétude. Seule la famille Bishoff a conservé cette tradi- tire son nom d’un mystérieux tétraèdre de
tion et dispose d’une patente lui permettant de la perpétuer. pierre découvert lors de sa construction. La
Les corps des défunts y sont embaumés, enveloppés dans un tradition locale prétend qu’il est conservé au
drap de soie peinte et confiés aux eaux vives de l’Inlam, au
fond de la Faille. Les Établissements Bishoff sont renommés
pour la discrétion de leur personnel et la qualité de leurs
prestations. Les tarifs qu’ils pratiquent en réservent toute-
fois l’usage aux plus fortunés. Le fondateur, Olam Bishoff
et son fils Throm sont décédés et la maison est désormais
reprise par le petit-fils, Gilham, qui a bien su faire fructifier
l’entreprise familiale. Hélas, l’argent ne fait pas toujours le
bonheur. Sa jeune épouse, Salia, désespérée de ne pas parve-
nir à tomber enceinte, se morfond dans sa grande maison et
vient étancher sa peine chaque soir dans les bars de l’échelle
des Pierres.
Le fort dynamisme commercial de la terrasse attire éga-
lement des professions de services utiles à l’exercice des
commerces. La plupart des scribes, avoués et notaires se
sont regroupés dans l’échelle des Scribes-Échevins. Certains
exercent dans des domaines plutôt exotiques, tel maître
Spumone Savaretti, un notaire dont l‘étude se trouve
au 22 de l’échelle. Ce gros homme soupirant toujours
tiré à quatre épingles, se spécialise dans la rédaction de
« contrats de quête », qui permettent aux autorités
locales ou aux simples particuliers de confier
des missions à des aventuriers, pour une
durée limitée. La rémunération com-
porte toujours une part fixe et une part
liée au résultat attendu. Il vous est ar-
rivé d’avoir recours à ses services.
Le commerce et la culture ne re-
présentent que deux des trois fa-
cettes de la terrasse de la Prospérité.
Reste la rapine, sans doute inévi-
table compte tenu du volume jour-
nalier des transactions financières
qui circulent en monnaie son-
nante et trébuchante. Elle aussi
possède ses lieux typiques, telle la place du
Pilori. Une cinquantaine de piloris alignés
sur cinq rangées y accueillent les auteurs
de divers larcins. Les gamins du quartier
viennent souvent admirer les dernières
prises et font preuve d’une imagination
débordante pour recycler divers légumes
Son-Tô, l’hérésiarque (vue d'artiste)

La Prospérité 183
 L’harmoniphon
Lorsque son esprit fécond n’est pas acca-
paré par une enquête en cours, Evarilion
Bombogarogan s’ennuie, déprime et
broie du noir. Le colocataire d’A lthus
découvre alors chaque jour de nouvelles
raisons de quitter leur domicile commun
tôt le matin et y rentrer tard le soir.
Les choses se sont un peu arrangées de-
puis qu’Evarilion a fait l’acquisition sur
le Grand Marché d’un harmoniphon,
un instrument de musique qui res-
semble à une flûte dotée de deux tuyaux
de sortie d’air, un pour chaque main.
L’harmoniphon est couramment utilisé
lors des fêtes traditionnelles gnomes
pour interpréter des airs à danser joyeux
et entraînants. Pour sa part, Evarilion
tire de cet instrument des mélodies à
fendre l’âme, qui semblent lui apporter
un certain réconfort. Est-ce parce qu’il
sait que cet instrument a en réalité été
inventé par un peuple apparenté aux
gnomes mais aujourd’hui disparu ? Il
travaille à la publication d’un recueil de
ses compositions, dont le titre provisoire
est Qui pleure pour les Gelflings ?.
La duchesse de Myrne visite le Grand marché en toute discrétion.
Qu'il est plaisant de se mêler au peuple !
184
palais du Roi-Dieu. Elle est aujourd’hui plus
connue pour l’activité des nombreux receleurs
qui s’y sont installés.
Vous avez élu domicile au n° 7 de l’échelle
des Boulangers, juste en face de la chapelle
du Convent céleste, au n° 6. Cette chapelle fut
commandée à l’architecte royal-divin Gladius
Courrault sous le règne de Gigogne le Preux.
Nul ne sait d’où viennent les briques rouges
utilisées pour sa construction. Elle est affiliée
au Temple du Nuage. Juste à côté, au n° 8, se
trouve l’orphelinat du Convent céleste. Il est
géré par les clercs et bedeaux de la chapelle et
vit des offrandes des marchands du quartier.
L’éducation des enfants est assurée en parte-
nariat avec l’Académie du bel art.
De vos fenêtres on aperçoit sur la droite la
place de la Fontaine neuve. La fontaine, ornée
d’une statue grandiloquente représentant le
Roi-Dieu Gwanul III porté par quatre esprits
du vent, n’a de neuve que le nom. La présence
d’échafaudages semble indiquer que le Temple
du Nuage a enfin décidé d’en financer la réno-
vation, mais les travaux tardent à commencer.
Le haut de l’échelle des Boulangers débouche
sur une autre place : la place de la Zyglute. On y
a dressé une statue à la mémoire d’un étrange
volatile à trois pattes trouvé par une nuit sans
lune dans l’échelle du Quatre Faces.
En remontant l’échelle vers cette place, on
trouve, au n° 173, l’hostellerie À la miche re-
bondie. C’est là que vous vous étiez tempo-
rairement installé, le temps de trouver un
logement. Sa terrasse située au premier étage
jouit d’une vue imprenable sur les allées et
venues des passants. La propriétaire, Athéna
Skarn, est l’une des bienfaitrices les plus géné-
reuses de l’orphelinat du Convent céleste. Elle
vous a récemment appris qu’elle en fut jadis
pensionnaire.
Un peu plus haut, au n° 221b, se trouve
le cabinet d’Evarilion Bombogarogan, détec-
tive-conseil. Le gnome et son ami le docteur
Quatreponts louent trois pièces de cet im-
meuble à Mme Sondu, veuve d’un notaire de
l’échelle des Scribes-Échevins. La réputation
d’excentricité du détective n’est pas usurpée,
mais ses nombreux talents lui assurent une
clientèle régulière, dont il vous est arrivé de
faire partie.
La sécurité de la zone comprise entre
l’échelle des Boulangers et la rue des Trois
Frères est assurée par le poste Safran de la garde
de Laelith, situé sur la place de la Zyglute. Il est
dirigé par Maxime d’Abbanville, un homme
honnête et courageux.
Les gardes ont fort à faire avec les Traboules
fumantes. Ce dédale de ruelles malodorantes
et de porches sombres est propice aux réu-
nions discrètes. La pègre locale y exploite dif-
férents établissements spécialisés en plaisirs
licencieux.
La rue des Trois Frères tient son nom de trois
demeures identiques érigées en son centre.
L’une d’elles a brûlé il y a plus d’un siècle.
Personne n’a songé à rebaptiser la rue.
Vous vous plaisez bien dans l’échelle des
Boulangers. En raison de la proximité avec les
ambassades des Six Provinces, c’est l’endroit
idéal pour démarrer votre affaire d’import-ex-
port d’œuvres d’art.
Le palais de Kaoca est de loin le bâtiment le
plus élégant de l’échelle du Marionnettiste. Il
dispose d’un salon ouvert au public qui ini-
tie les visiteurs aux infinies variations de la
gastronomie kaocalienne. L’ambassadeur a
récemment commandité des travaux d’agran-
dissement, au grand désespoir de ses voisins
expropriés.
À en juger par les déprédations régulières Un jeune élève de l'académie
subies par le cercle du Matriarcat d’Olizya, le
bon peuple de Laelith ne semble pas disposé
à adopter un régime matriarcal dans un ave-
nir proche. Dans la Cité sainte, le pouvoir des
femmes s’exerce de façon plus subtile…
Le grand-duc d’Agramor se trouve bien à dos d’ookhab, puis par barge, depuis les car-
l’étroit dans sa modeste ambassade, que tout le rières sacrées de la Fédération des Comtés
Rumeur
monde appelle le petit-duché d’Agramor. Il rêve d’Egonzasthan. « Fut un temps où on comptait non
de l’abandonner pour un lieu plus prestigieux.
Reste l’ambassade d’Azilian. Les chasseurs point six mais sept ambassades à
Le comptoir de Jadhys est géré par des di- d’araignées savent qu’ils peuvent vendre leurs Laelith. Si vous passez dans l’échelle du
plomates gopneldauns pour le compte des prises les plus rares aux acheteurs spécialisés Pendu, soyez attentif à l’étroit palais,
Chupl’z. La conception gopneldaunienne des de l’ambassade. Les arachnophobes évitent le face à la Rôtisserie des diables. Sous sa
échanges entre les peuples étant assez unila- quartier… façade noircie et fatiguée, vous devine-
térale, vous avez vite compris qu’il vaut mieux rez encore les anciens embellissements
Toutes représentent pour vous autant d’op- et les grilles de bronze. Oui, la haute et
éviter de se rendre à l’ambassade avec des ob- portunités de faire fortune et de devenir à prodigieuse ambassade des seigneurs
jets de valeur. votre tour un des piliers de la terrasse. Vous de Goferfinker avait du charme.
Mais la plus belle ambassade est sans videz le fond de votre bière en portant un toast L’ambassadeur déchu y vit encore, mais
conteste l’école des Pierres sacrées. Toutes silencieux à vos succès futurs. Vous avez bien il ne reçoit plus. »
les pierres utilisées pour la construction de raison : on n’est jamais mieux servi que par Texte rayé retrouvé traînant près
ce joyau architectural ont été acheminées à soi-même. Bonne chance ! d’un égout

La Prospérité 185
 Un lieu
Le peigne de succession
Parmi les nombreux objets enchantés
offerts à Carmine par son prestigieux
amant, aucun ne lui fut plus cher que
le peigne que Nadayat lui donna le jour
de la signature de la Belle Convention.
Il était sculpté dans une pierre étrange,
grise, chaude et un peu humide. La
partie pleine du peigne était ornée
des initiales entrelacées de Nadayat,
Carmine et Félinae, inscrites en lettres
d’or. À chaque fois que Carmine le
touchait, le peigne s’échauffait et se
mettait à luire. À sa mort, il fut oublié
dans le tiroir de sa table de chevet
pendant des semaines, jusqu’à ce qu’un
groupe de courtisanes ne vienne ranger
la chambre de Carmine. Lorsque l’une
d’elles saisit le peigne, il se mit à chauf-
fer et flamboyer. Ses compagnes prirent
à leur tour le peigne en main, sans
parvenir à provoquer la même réaction.
Elles y virent un signe et concédèrent
le titre de grande courtisane à leur
fortunée sœur. Depuis lors, au décès de
chaque grande courtisane, les préten-
dantes à sa succession se rassemblent
dans une pièce dédiée de l’académie
pour une cérémonie secrète. La nouvelle
grande courtisane y est désignée par le
peigne. S’il paraît à peu près évident que
le peigne a été sculpté dans un Lithos,
nul ne sait si le réseau lithique influence
ce choix.
Au chat perché
Il est de ces commerces étonnants qui
parfois fleurissent dans les grandes
villes. Ainsi celui de dame Ashra, une
pimpante jeune femme du peuple du
Vent qui, assistée de son petit singe
apprivoisé, Archibald, se propose de
retrouver vos animaux domestiques
disparus. Un conseil, envoyez-y vos
enfants, elle leur fait un prix.
186
L’Académie
royale-divine du bel art
Derrière chaque apparence se cache une
cause, derrière chaque cause, une ombre.
Ainsi, les atours officiels de la très respectable
Académie royale-divine du bel art, fondée par
un Roi-Dieu, dissimulent l’une des organisa-
tions les plus discrètes de Laelith : la guilde des
Courtisanes.
Nadayat le Précieux,
ami des arts
De tous les souverains qui se sont succé-
dé dans les habits du Roi-Dieu, Nadayat le
Précieux fut sans nul doute le plus sensible aux
vertus artistiques. Cet esthète hédoniste ac-
corda à l’académie, par la charte dite de la Belle
Convention, « le droit inaliénable d’établir au
n° 25 de l’échelle des Paladins un établisse-
ment dédié à l’étude, la pratique et la promo-
tion des arts ». Non content d’octroyer cette
autorisation, le divin monarque finança sur ses
propres deniers l’érection des trois bâtiments
qui abritent encore de nos jours le siège de
l’institution et la gratifia de revenus réguliers
provenant de diverses taxes. Reconnaissante,
l’académie fit ériger pour le centième anni-
versaire de sa mort la monumentale statue à
son effigie que l’on peut admirer dans l’angle
nord de la cour des Muses, l’espace qui relie
les trois bâtiments. Nadayat y est représenté
en splendeur, muni d’une lyre, d’un pinceau
et d’un bâton, symbolisant les trois disciplines
majeures enseignées à l’Académie : les arts vo-
caux (chant et théâtre), picturaux (peinture et
enluminure) et corporels (musique et danse).
Outre l’enseignement de ces disciplines,
l’académie s’emploie à encourager la pratique
et la représentation de tous les arts sans distinc-
tion aucune, par le biais de diverses antennes
installées dans chaque terrasse. L’académie est
également chargée de l’entretien et de l’ex-
ploitation du Grand Théâtre royal-divin. À ce
titre, elle bénéficie de l’ensemble des revenus
générés par les représentations et la vente de
divers produits dérivés, principalement sur le
Grand Marché.
Des origines et des missions aussi presti-
gieuses attirent de nombreux élèves en pro-
venance de contrées parfois fort éloignées. Il
est également d’usage, pour l’élite du clergé
de la Ville sainte, d’envoyer sa descendance
quelques années à l’académie pour y faire ses
humanités. Le prix des cours varie du simple
au sextuple en fonction de la fortune de la fa-
mille. Une partie des revenus générés par les
cours alimente un fonds destiné à financer
un système de bourses obéissant à des règles
strictes, fixées dans la Belle Convention.
Ces bourses sont uniquement accordées à
des femmes, qui compensent par le talent le
manque de ressources de leurs familles.
Une autre clause de la Belle Convention sti-
pule que le personnel de l’académie doit être
exclusivement féminin, à l’exception du corps
professoral, indifféremment composé de re-
présentants de l’un ou l’autre sexe.
Derrière le rideau de scène
La véritable nature de l’académie est un se-
cret bien gardé, auquel n’accèdent que le Roi-
Dieu, les quatre grands prêtres et quelques
rares élites comme le maître de la Haute Guilde.
Eux seuls savent que l’Académie du bel art est la
façade derrière laquelle prospère la guilde des
Courtisanes, à l’abri des regards inquisiteurs.
La guilde manie l’influence et la séduction au
service d’un unique objectif : le pouvoir. Elle
exploite à cette fin la crédulité et la concupis-
cence des grands de ce monde, toujours prêts
à écouter les sages conseils de leurs épouses ou
amantes, surtout lorsqu’ils sont murmurés sur
l’oreiller. Bien entendu, la guilde n’a pas inven-
té cette activité, vieille comme l’univers, mais
elle peut se targuer de l’avoir élevée au rang
d’art. Outre les enseignements artistiques dis-
pensés par l’académie, les courtisanes sont for-
mées à diverses compétences utiles à l’exercice
d’activités que la loi ou la morale réprouvent.
Ces formations sont assurées exclusivement
par des courtisanes expérimentées. La guilde
utilise ensuite son vaste réseau pour placer ses
courtisanes auprès des hommes influents de la
ville comme conseillères, concubines ou même
femmes légitimes. Elles s’emploient alors à in-
fluencer subtilement leurs décisions en faveur
de la guilde, pour renforcer ses positions ou
asseoir ses revenus. En outre, la situation pri-
vilégiée des courtisanes fait de la guilde un ac-
teur majeur dans le monde du renseignement.
Les secrets d’alcôve sont collectés, vérifiés,
triés et revendus en toute discrétion au plus
offrant, à l’exception des ennemis de la Ville
sainte. En effet, la guilde reste pleinement une
institution de Laelith et assume sa part dans la
défense des intérêts de la cité. Elle a sauvé de la
débâcle plus d’un Roi-Dieu et, bien entendu, a
su le leur rappeler au moment opportun.
L’académie est dirigée par un triumvirat
composé de la conservatrice du musée des
arts picturaux, de la secrétaire perpétuelle aux
arts vocaux (également directrice du Grand
Théâtre) et de la maîtresse des ballets et or-
chestres royaux-divins. Chacune d’elles orga-
nise sa propre succession en choisissant parmi
les courtisanes les plus méritantes celle qui
sera digne de prendre le relais. Mais toutes les
trois sont placées sous l’autorité de la grande
courtisane, qui gère directement toutes les af-
faires propres aux activités non artistiques de
la guilde. Le mode de désignation de la grande
courtisane est régi par une clause additive se-
crète de la Belle Convention (voir « Le peigne
de succession » ci-contre), qui figure dans le
manuscrit original conservé dans le coffre-
fort de la guilde, mais qu’on ne trouve dans
aucune copie officielle.
ne sont que des images d’une même réali-
té, reflétées dans les nombreux miroirs de la
foi. Cette doctrine est tombée en désuétude
un siècle plus tard, après avoir dégénéré en la
croyance hérétique holistique, qui prétendait
que l’analogie des miroirs pouvait également
s’appliquer aux cultes reliés à des Éléments
différents. Mais à l’époque, la doctrine d’Heu-
ristarque avait le vent en poupe et les deux
sœurs, versées dans les lettres et la philosophie,
avaient su tourner la situation à leur avantage.
Jusqu’au jour où la maladie mit fin prématu-
rément à leur carrière de danseuses. Félinae
contracta en effet un mal étrange qui la laissa
défigurée pour le restant de ses jours. Elle re-
fusa alors de paraître en public et entama une
seconde carrière de monte-en-l’air, moins glo-
rieuse mais plus lucrative encore. Sa silhouette
féline inspira vite une légende redoutée de
tous les grands de la ville : la femme-chat qui
commandait aux portes et fenêtres entre le
coucher et le lever du soleil. Le fait est que ses
larcins ne portaient jamais trace de la moindre
Monologue d’un
condamné au pilori
« Seigneur, seigneur ! Oui vous là, sans
chaussures, et avec la tête sympathique.
Vous m’avez l’air d’un noble et digne
chevalier ! Oui enfin vous voyez ce
que je veux dire. Vous ne supportez
pas l’injustice, cela se voit tout de suite.
Mais si, j’insiste, je le vois bien à votre
démarche altière et votre regard fier.
Et une injustice vous en avez une sous
les yeux, noble seigneur ! Absolument,
la pire des injustices, votre humble
serviteur est victime de sa gentillesse et
de sa bonté d’âme. Il suffirait que vous
vous portiez garant de ma morale et je
serais libéré séance tenante. Non cela ne
vous coûtera rien, et même, pour vous
dédommager, je vous offrirai quelque
chose. Si ! De quoi suis-je accusé ?
D’escroquerie, imaginez-vous ! »
Carmine (ou Félinae) se recueille avant
d'interpréter une danse sacrée.

Des origines de la guilde

La guilde des Courtisanes de Laelith a été
fondée par des sœurs jumelles, Carmine et
Félinae. Elles s’étaient fait un nom dans le mi-
lieu de la danse sacrée et inspiraient aux pè-
lerins de chacun des quatre Temples les pen-
sées les plus pieuses, à défaut des plus chastes.
Certains de leurs pas de deux sur le thème du
miroir sont encore interprétés de nos jours
au Grand Théâtre. Leurs chorégraphies s’ins-
piraient directement des doctrines de leur
contemporain, le théosophe Heuristarque. Il
professait que les divers cultes d’un Élément

La Prospérité 187
 Au Marteau
qui chante
Parmi les merveilles de la ville, ne
manquez pas de passer aux ateliers
du Marteau qui chante, courée de la
Forge. Cette vaste armurerie emploie
maroquiniers, forgerons et ferronniers
de toutes sortes pour produire armes
et armures de qualité. Mais, surtout,
son propriétaire et fondateur, Ikniv
Odranoël, un nain âgé, saura vous sur-
prendre par ses créations ingénieuses.
Où trouver ailleurs que chez lui,
l’arbalète à double fût, la rondache aux
épines sauteuses, le fouet métallique ou
le vide-entrailles, un poignard à ressort
se déployant dans le ventre de vos enne-
mis ? Nul doute que l’aventurier avisé
et le vétéran malin sauront y trouver
leur bonheur.
188
effraction. De son côté, Carmine jeta son dévo-
lu sur un jeune assesseur ambitieux du Temple
du Poisson d’argent, Nadayat. Elle devint rapi-
dement son amante exclusive et sa conseillère.
Lorsque le grand prêtre du Poisson d’argent
vint à mourir, Nadayat, poussé par la jeune
femme, se lança dans la course à la succession.
Mais un autre prêtre, Julian, tenait la corde.
Les deux sœurs trouvèrent vite le moyen de
se débarrasser du gêneur. Félinae subtilisa le
pendentif argenté symbole de la charge du
grand prêtre sur son corps à peine embau-
mé et le dissimula dans les appartements de
Nadayat, en ayant pris soin de laisser une piste
grossière permettant à la garde de remon-
ter aisément jusqu’à lui. Trop aisément bien
sûr, ce qui éveilla la curiosité des enquêteurs,
qui ne tardèrent pas à découvrir des preuves
beaucoup plus subtiles (elles aussi fabriquées
de toutes pièces par Félinae) qui démontraient
que le médaillon avait été placé dans les ap-
partements de Nadayat par son rival, Julian.
Celui-ci fut arrêté, jugé, et condamné à la
noyade dans les eaux du lac d’Altalith. La voie
était libre désormais pour Nadayat, qui accéda
sans difficulté à la charge de grand prêtre. Il ne
connut la vérité sur ce coup de pouce du des-
tin qu’une fois devenu Roi-Dieu et ne manqua
pas de montrer ensuite sa reconnaissance à ses
deux bienfaitrices.
Le professeur Harex,
titulaire de la chaire d’éloquence
Parmi les pirates qui infestaient les eaux
tropicales il y a quelques années, peu furent
Au Grand Théâtre, le spectacle
ne se trouve pas uniquement dans la salle...
redoutés à plus juste raison que Wington
Harex, dit « Harry beau sire ». Il ne devait pas
son surnom à un sens de l’honneur supérieur
à la moyenne de ses congénères, mais plus
simplement à l’élégance de son langage, dans
un milieu où les jurons de charretier repré-
sentaient la norme. Il mit fin à sa carrière du
jour au lendemain, après avoir commis l’exac-
tion de trop, qui entraîna involontairement
le décès de son épouse et de sa fille unique.
Pour expier sa faute, il entama un long pèleri-
nage à Laelith, qu’il ne quitta jamais. Dès son
arrivée, il proposa ses services au temple du
Nuage, où il fut employé quelques semaines
comme crieur public. C’est ainsi qu’il fut
repéré par la directrice du Grand Théâtre,
qui cherchait un animateur pour les pieuses
joutes oratoires qui voyaient les plus grands
saints-poètes voyageurs concourir pour de
prestigieuses récompenses. On demanda à
Harex de présenter les concurrents et d’ani-
mer les votes du public. Il s’acquitta de ces
tâches avec aisance, faisant parfois de l’ombre
aux concurrents eux-mêmes, dont les talents
oratoires n’étaient pas toujours à la hauteur
des siens. La guilde des Courtisanes mena sa
petite enquête et finit par découvrir le passé
de son nouvel employé. Ce savoir fut mis à
profit pour lui demander d’épauler de temps
en temps certaines courtisanes, qui avaient
besoin de renforts armés pour des missions
particulièrement délicates. Grand bien leur en
a pris, car il avait la lame aussi fine que le lan-
gage. Après une quinzaine d’années de bons
et loyaux services, l’âge venant, on proposa
à Harex une occupation moins périlleuse :
le poste de professeur d’éloquence de l’Acadé-
mie du bel art. Il accepta avec joie et devint
de ce fait l’un des rares enseignants mâles au
courant de la nature véritable de l’institution.
Harex était heureux qu’on lui ait confié cette
nouvelle fonction, mais ses vieux démons
le hantaient toujours et il trouva une cer-
taine consolation dans l’écriture de pièces de
théâtre philosophiques et religieuses. Les plus
réussies sont régulièrement jouées au Grand
Théâtre, comme Les chemins de la rédemption
ou Le pèlerinage des mots.
Son destin bascula à nouveau après une
rencontre fortuite avec Elisa, une jeune ven-
deuse de fleurs au Grand Marché. Suite à un
pari passé avec son meilleur ami, il décida de la
prendre sous son aile protectrice pour la sor-
tir de la misère qui l’avait vu naître. Il vit sur-
tout dans cette entreprise l’occasion d’expier
le crime qui entachait son âme, en donnant à
la jeune Elisa tout le soutien et tout l’amour
qu’il aurait dû consacrer à sa fille disparue par
sa faute. Il en fut amplement récompensé, car
Elisa devint en quelques années l’une des plus
brillantes courtisanes de la guilde.
Le professeur Harex peut se révéler un
contact extrêmement utile pour des person-
nages en quête de relations. Il a ses entrées
au Grand Théâtre, à l’Académie du bel art (et
donc à la guilde) et au Temple du Nuage. Mais
il n’accorde pas son aide (et encore moins son
amitié) à n’importe qui. Il faudra faire montre
de réelles qualités morales pour le convaincre,
à moins de faire déjà partie de ses connais-
sances (une PJ courtisane pourra par exemple
l’avoir eu comme professeur).
Duels cléricaux
ou joutes oratoires
« Le Grand Théâtre royal-divin est la
scène sur laquelle ont lieu tous les mois
les fameux et très recherchés duels
cléricaux. Nul besoin de décrire à nos
sagaces lecteurs en quoi consistent
ces merveilles oratoires, mais une
légitime question peut néanmoins se
poser : quelle est la différence entre ces
fameuses performances théologico-ré-
thoriques et les joutes oratoires internes
du Temple de l’Oiseau du feu, compé-
titions officieuses mais ô combien cru-
ciales à la vie et au bon fonctionnement
du clergé de cette institution ?
Eh bien tout ! Car si les duels cléricaux
n’ont pour objet que la théorie théolo-
gique et l’amélioration de la connais-
sance humaine, les joutes du Temple ne
sont que de sordides luttes de pouvoir
au cours desquelles nulle vérité n’est
défendue pour ce qu’elle devrait être :
la recherche pure et simple du savoir.
En résumé, il y a autant de rapports
entre les duels cléricaux et les joutes
de l’Oiseau de feu qu’entre un tournoi
de chevaliers et un combat de gnomes
ivres dans une mare à cochons. »
Article de « l’Éolien hebdomadaire »,
calligraphié sur vélin, publié par l’Académie
éclectique de l’heure de l’honnête homme.
Les locaux de la publication furent mys-
térieusement incendiés trois jours après la
parution de ce pamphlet.
L’Opéra
de quatre Temples
Mackus-aux-sept-couteaux a été rendu
célèbre par une œuvre lyrique souvent
jouée au Grand Théâtre : l’Opéra
de quatre Temples. Le livret relate la
rédemption d’un malfrat qui renie son
passé et embrasse une quête spirituelle
pour vouer le reste de sa vie au service
d’un des Temples. Il passe une grande
partie de l’œuvre à choisir lequel des
quatre il va servir. Il existe quatre
versions de la fin de cet opéra, une par
Temple. Mackus a réellement existé,
mais les historiens doutent de la réalité
de sa conversion tardive. Ils estiment
plutôt qu’il a mis ses talents d’assassin au
service d’un des Temples, pour
exécuter ses basses œuvres. 
La Prospérité 189
 Un lieu
Le Grand Théâtre royal-divin
Un imposant édifice
Les écrits les plus anciens mentionnent l’existence d’un
théâtre sur la terrasse de la Prospérité, à proximité du mar-
ché aux fleurs, l’ancêtre de l’actuel Grand Marché. Plusieurs
vagues de travaux se succédèrent au cours des siècles pour
agrandir et embellir l’édifice, qui prit le nom de Grand
Théâtre royal-divin de Laelith à l’occasion de son ratta-
chement à l’Académie du bel art, par ordre du Roi-Dieu
Nadayat le Précieux. La dernière rénovation d’ampleur est
due à Tokinafal le Septième, qui fit reconstruire l’aile nord
après sa destruction par un incendie. Depuis cette époque,
le Grand Théâtre n’a pas connu d’évolution architecturale
majeure et offre aux résidents comme aux pèlerins le spec-
tacle permanent de ses proportions gigantesques et des
quatre colonnes sculptées de son fronton, qui porte haut la
devise de l’académie : Plus grand par les arts. Chaque colonne
a été sculptée par un artiste différent, mandaté par chacun
des quatre Temples. L’incontestable disharmonie stylis-
tique qui en résulte est compensée par la profondeur mys-
tique que procure la contemplation des scènes religieuses
représentées.
Le style baroque de l’intérieur de l’édifice délaisse les
motifs religieux au profit de l’évocation des trois muses :
Calypsinthe, muse des arts vocaux, Stellariane, muse des arts
picturaux et Collianthe, muse des arts corporels. Le théâtre
comporte plusieurs salles de représentation, agencées au-
tour de l’amphithéâtre couvert où sont donnés les spectacles
les plus prestigieux. À l’arrière de l’amphithéâtre, des locaux
techniques (loges, machineries, bureaux…) répartis sur trois
étages permettent d’assurer le fonctionnement harmonieux
du cœur culturel et artistique de la Cité sainte.
Une programmation
éclectique et mystique
La programmation du Grand Théâtre est établie par un
conseil culturel dirigé par l’Académie du bel art et auquel
participent des représentants de chacun des Temples. On y
trouve bien entendu des concerts, des opéras et des pièces
de théâtre, mais aussi quelques spectacles d’une autre nature,
qui n’existent qu’à Laelith.
Les spectateurs peuvent ainsi assister une fois par mois
à de pieuses joutes oratoires, également appelées « duels
cléricaux ». Ces représentations sont nées du besoin de
rattacher chaque culte à l’un des quatre Éléments et donc
à l’un des quatre Temples. Une divinité comme Poséidon,
190
qui commande aux océans mais aussi aux tremblements de
terre, peut être théoriquement liée au Temple du Poisson
d’argent comme à celui du Crâne. Cependant les lois de
Laelith sont formelles, un culte ne peut être rattaché qu’à
un seul des Temples. Pour opérer ce choix, il fut décidé de
confier à certains prêtres, les saints-poètes voyageurs, le soin
de rechercher des arguments en faveur des différentes pos-
sibilités puis de s’affronter en des joutes oratoires publiques
pour laisser ensuite les fidèles décider par acclamation de
l’argumentaire le plus convaincant.
De nos jours, l’affiliation des différents cultes est bien
établie et la tradition des pieuses joutes oratoires s’est gé-
néralisée à toutes sortes de débats religieux. Chaque an-
née, l’amphithéâtre couvert accueille le duel clérical le plus
prestigieux : le grand concours royal-divin de pieuse joute
oratoire. Le Roi-Dieu en personne sélectionne une ques-
tion théologique de la plus haute importance et chacun
des quatre Temples mandate un saint-poète voyageur pour
trouver la réponse. Celui-ci part en expédition hors les murs
pendant une dizaine de mois, pour visiter des lieux choisis
par son Temple et y déchiffrer – à même la Création – la
seule véritable réponse à la question du Roi-Dieu. Les quatre
champions reviennent ensuite à Laelith pour faire valoir
leur vérité pendant les quatre jours et quatre nuits que
dure le concours. Le vainqueur voit son nom gravé sur les
plaques de marbre qui ornent les couloirs du péristyle de
l’amphithéâtre.
Sire Florimont, régisseur
Le Grand Théâtre, bien que dirigé et géré par l’Académie
du bel art, est une institution distincte de celle-ci et n’est
donc pas régi par la Belle Convention. C’est pourquoi on
peut y trouver du personnel masculin, à commencer par son
régisseur, sire Florimont.
Le théâtre est officiellement présidé par la secrétaire per-
pétuelle aux arts vocaux, l’une des trois femmes du triumvi-
rat à la tête de l’académie, mais sa gestion quotidienne est
confiée à un régisseur, qui porte depuis deux siècles le nom
de sire Florimont. Chaque nouveau régisseur abandonne son
nom véritable pour ne plus employer que ce surnom, une
façon comme une autre de perpétuer les traditions. L’actuel
sire Florimont est un nain d’un certain âge qui répondait
au nom d’Albéric Têtdur, dit « le bien nommé », avant d’ac-
cepter cette noble charge. Qu’on ne se laisse pas abuser
par ses vêtements élégants et sa barbe taillée avec soin, sire
Florimont est un authentique nain des montagnes, doté de
la souplesse de caractère légendaire de ses congénères. Plus
d’un employé du théâtre l’a appris à ses dé-
pens. Néanmoins, quiconque prendra le temps
de chercher ce qui se cache derrière les coups
de gueule et les rouspétances permanentes du
régisseur aura la surprise de découvrir un être
d’un grand raffinement, doté d’une culture
impressionnante et d’un solide sens pratique,
élément indispensable pour faire tourner une
ruche aussi vive que le Grand Théâtre. Des
aventuriers qui parviendraient à entrer dans
ses bonnes grâces trouveraient auprès de lui
des conseils avisés sur tout sujet d’ordre cultu-
rel ou religieux. On le dit également collec-
tionneur d’armes antiques, magiques ou non.
En échange de services rendus, sire Florimont
pourrait être disposé à prêter ou céder l’un
des fleurons de sa collection. Lesdits services
seraient liés d’une façon ou d’une autre aux
activités du théâtre, par exemple : partir à a
recherche de l’un des quatre concurrents du
grand concours, qui ne donne plus signe de vie
depuis quelques semaines.
Le fantôme de l’opéra
Il existe une loge close de moucharabieh
aux balcons du Grand Théâtre, dont
personne n’a jamais entrevu l’occupant,
selon les termes du contrat lucratif et
inchangé qui, de décade en décade, est
renouvelé. Plus étrange encore, on n’a
jamais vu personne y entrer, même si
certains témoignent de sanglots étouf-
fés ou de pâmoisons. Seul indice : cette
signature dont on ne reconnaît guère
que le T initial sur le contrat. Mais est-
ce suffisant pour conclure qu’il ne s’agit
pas d’un esprit ou d’un canular ?
Programme du Grand
Théâtre royal-divin
de Laelith
Le grand écart des chutes royales,
ballet en 5 actes, par la Compagnie
royale des nains bleus.
La bonne adresse, comédie légère en 3
actes, écrite, mise en scène et interprété
par Klotaire Zamani, gnome émérite,
grand commandeur de l’ordre des
Amis des lettres et des arts.
Touche mon postérieur, fais le phé-
nix, lecture a cappella, mais accom-
pagnée par les tambours d’inspiration
trolle des montagnes Chauves, par
Jordan Vencepro, coordinateur du
Grand Tout et titulaire de la chaire
conspirationniste de l’université
royale-divine de Laelith.
Ode au Roi-Dieu, en hommage à sa
Royale-divine Majesté par Fran Barion,
grand flagorneur de la guilde des
Marchands (il est interdit d’apporter
des denrées comestibles ou pourries à la
représentation !).
Ô toi, mon toi !, opéra lyrique écrit,
réalisé, mis en scène, interprété et
autoproduit par Wiliber Wurtz, le roi
de la saucisse, à ses frais. Entrée gratuite.
Cette représentation n’a pas reçu,
pour des raisons techniques, le visa
d’autorisation des autorités artistiques
compétentes ; les spectateurs sont
priés de vérifier qu’elle est
adaptée à tous les publics.
La Prospérité 191
 Une organisation

Le culte du Sans-Nom
Son-Tô, l’hérésiarque élu domicile dans une charmante gentil-
hommière de la terrasse de la Prospérité,
Sous le règne de Tokinafal VII, Son-Tô, le qui offrait une vue imprenable sur le Grand
prêtre administrateur du Temple du Nuage Théâtre. Il y coulait des jours heureux, oc-
chargé des relations commerciales, avait cupé à utiliser sa charge pour faire prospé-
rer sa fortune. Ce bonheur sans tache de-
Parmi toutes les vait malheureusement partir en fumée lors
abominations invoquées par
Son-Tô, le démon Lothak du fameux incendie qui détruisit l’aile nord
Fléau-du-Sans-Nom fut de du Grand Théâtre. Les secours se concen-
loin le plus meurtrier. trèrent sur la préservation du monument au
détriment des demeures alentour, qui furent
abandonnées aux ravages des flammes. La
fortune personnelle de Son-Tô lui permit de
s’acheter rapidement une nouvelle résidence,
en évitant la ville et ses risques permanents
d’incendie. Il acquit ainsi un manoir situé en
haut d’une falaise, sur les rives du lac d’Alta-
lith, dans la province de Jhadys, et s’y retira
en abandonnant sa charge d’administrateur
du Temple du Nuage.
Lorsqu’il revint à Laelith, quelques années
plus tard, Son-Tô avait considérablement
changé. Lui, naguère replet, n’avait plus que la
peau sur les os. Il s’était rasé le crâne et avait
troqué ses riches habits sacerdotaux contre
une infâme robe de bure. Il entreprit alors de
convertir ses semblables à un nouveau culte :
celui du Sans-Nom.
Cette religion professe que les Dieux adorés
dans les quatre Temples de Laelith sont des
supercheries, qu’il n’est d’autre Dieu que le
Sans-Nom et que la ville prétendument sainte
n’est qu’un chancre abject qu’il convient de pu-
rifier par le sang. Ses talents d’orateur étaient
tels (Son-Tô s’était illustré dans son jeune âge
en remportant trois années consécutives le
concours royal-divin de pieuse joute oratoire)
qu’il gagna rapidement de nombreux fidèles
à sa cause, en dépit de rites quelque peu aus-
tères et douloureux. La symbolique du culte
du Sans-Nom est en effet axée sur le sang pu-
rificateur, dont les fidèles sont régulièrement
encouragés à faire l’offrande au moyen de di-
verses saignées et scarifications codifiées dans
les textes sacrés rédigés par Son-Tô lui-même,
sous la divine inspiration du Sans-Nom bien
entendu.

192
 À l’époque, tout comme aujourd’hui, les
autorités de la Ville sainte ne plaisantaient
pas avec l’hérésie. Tout culte non affilié à l’un
des quatre Temples se voyait dissout et ses
fidèles soumis à divers traitements destinés
à les purger de leurs errements spirituels et
philosophiques, à base de machines d’écartè-
lement, de vierges de fer et de manivelles in-
testinales, entre autres joyeusetés. Mais jamais
dissolution de culte ne s’avéra aussi difficile
et périlleuse. Tokinafal le Septième passa une
grande partie de son règne à tenter d’éradi-
quer l’hérésie propagée par Son-Tô. Les fidèles
du Sans-Nom se battaient avec rage, faisant
peu de cas de leurs vies. Les attentats suicides
succédèrent aux incendies d’édifices religieux,
interrompus par autant de représailles san-
glantes, diligentées sur ordre du Roi-Dieu.
Tokinafal finit par triompher à grand-peine
de ce culte obscène et fit éviscérer Son-Tô sur
la place du Pilori, où son cadavre demeura ex-
posé pendant trente jours et trente nuits pour
l’édification des âmes.
Le maître-plan
Quelque temps avant sa capture, l’héré-
siarque avait rédigé un long poème prophé-
tique La marche des croyants, qui échappa aux
saisies opérées par les gardes et fut conservé
précieusement par les quelques fidèles resca-
pés des purges royales-divines. Appliquant les
consignes laissées dans ce poème sacré, le culte
entra alors dans une phase de clandestinité,
s’acharnant à préparer la venue de l’élue an-
noncée par Son-Tô : l’Antidéesse, incarnation
du Sans-Nom sur la terre. Pour la provoquer,
le culte ne s’en remit pas uniquement à la vo-
lonté du Sans-Nom, mais œuvra en cachette
à la constitution d’un vaste programme de sé-
lection génétique, destiné à engendrer un être
miraculeux, capable des plus grands prodiges.
Pour parvenir à leurs fins, ils n’hésitèrent pas
à user des stratagèmes les plus ignominieux :
manipulations mentales, substitution d’en-
fants, mariages achetés (pour ne citer que les
plus avouables).
Le maître-plan de La marche des croyants fut
ainsi conduit avec une détermination sans
faille pendant plusieurs siècles jusqu’à la nais-
sance de Sylvira Songthorn, une demi-elfe
programmée par le culte pour devenir l’Anti-
déesse, instrument de la vengeance posthume
de l’hérésiarque Son-Tô.
Sylvira Songthorn,
Antidéesse
Sylvira n’était âgée que de quelques jours
lorsqu’elle fut subtilisée à ses parents et dé-
posée devant les portes de l’orphelinat du
Convent céleste. L’identité de ses géniteurs
n’était connue que des membres les plus haut
placés du culte et son arbre généalogique
était – et est toujours – conservé dans un
coffre au manoir de Son-Tô. Sylvira fut éle-
vée jusqu’à l’âge de 12 ans à l’orphelinat. Dès
son plus jeune âge, elle manifesta un talent
certain pour le chant et intégra donc tout
naturellement à 8 ans la maîtrise du chœur
du Grand Théâtre, en vertu d’accords anciens
entre l’orphelinat et l’Académie du bel art.
Plus d’un spectateur est reparti d’un récital la
larme à l’œil après avoir entendu l’éclat cris-
tallin de sa voix céleste. Discrètement, le culte
surveillait l’évolution de la petite fille, atten-
dant la manifestation d’autres dons… Leur
attente fut récompensée peu après le dixième
anniversaire de Sylvira. Sur la grande scène
du théâtre, la fillette interprétait avec ses ca-
marades le chœur des Doudilains dans L’opéra
de quatre Temples, composé par l’illustre
Victobald Sonnecor, lorsqu’une aura bleutée
apparut autour d’elle pendant quelques ins-
tants. Les spectateurs crurent à un artifice
scénique particulièrement bien réalisé, mais
les quelques membres du culte présents ce
soir-là savaient à quoi s’en tenir : leur maître-
plan entrait enfin dans sa phase finale. Dès
lors, ils ne quittèrent plus la fillette. Dès le
lendemain, la cuisinière de l’orphelinat suc-
comba à une chute apparemment acciden-
telle en traversant à une heure tardive le pont
des Morts. Le culte se débrouilla pour faire
engager l’une de ses dirigeantes à sa place,
sous le nom de madame Jadz. La nouvelle
cuisinière décréta qu’il lui fallait de l’aide et
demanda que Sylvira entre en apprentissage
auprès d’elle. En dépit des vives protestations
de l’académie, la directrice de l’orphelinat
décida d’accéder à sa demande (sans doute
aidée par quelques gouttes d’une décoction
magique discrètement versée dans son thé
vespéral). Madame Jadz se chargea dès lors de
l’éducation spirituelle de la fillette et lui in-
culqua les préceptes du culte, tout en tentant
par tous les moyens d’aider à la maturation
de ses pouvoirs. Elle y parvint sans difficulté
et les années de patiente sélection génétique
Prière incantatoire
que les fanatiques du
Sans-Nom se répètent
à mi-voix avant leurs
attentats suicides
« Lève-toi, soldat du Sans-Nom,
Lève-toi, pour un combat à mort !
Contre la sombre puissance théiste,
Contre la horde maudite.
Que la noble fureur
Se déchaîne, comme une vague !
C’est la guerre de l’Antidéesse,
La guerre sacrée ! »
Le culte
dans le Hors-ville
Si le manoir de Son-Tô représente
évidemment le lieu du Hors-ville le
plus important pour le culte, il existe
d’autres implantations significatives.
Des cultistes se sont récemment instal-
lés dans les antiques demeures troglo-
dytiques de l’île des Morts, sur le lac
d’A ltalith (voir le chapitre consacré aux
Lithos). Ils y mènent des expériences
pour altérer la nature des nombreux
Lithos présents dans cet endroit, après
avoir coupé le lien entre ces pierres et
le reste du réseau lithique. La finalité
de ces expériences n’est connue que
du chef de l’expédition : une ancienne
courtisane reconvertie dans le fana-
tisme religieux qui se fait désormais
appeler « Sainte Flamme ». La partie
gauche de son visage est ravagée par une
brûlure qu’elle s’est elle-même infligée
lors d’une crise extatique particulière-
ment intense. Ni Gloriane ni Sylvira
ne connaissent son existence. Seul le
professeur Mortifère est au courant, car
il assure la logistique de l’expédition. Il
place de grands espoirs dans ce projet,
destiné à permettre au culte de rebon-
dir si jamais le maître-plan venait à
échouer. L’île appartient au Crâne, mais
un adepte du Sans-Nom infiltré dans
la hiérarchie du Temple veille à ce que
l’attention des prêtres se porte
ailleurs que sur l’île des Morts.
La Prospérité 193
 Prière du culte
du Sans-Nom
« Ô puissant Seigneur sans nom
Dieu de ce monde
Dieu de ma chair
Dieu de mon esprit
Dieu de ma terrible volonté intérieure !
Chaque partie de ce monde est ton royaume
Tu es en chaque partie de ce monde
Chaque partie de mon être est ton royaume
Tu es en chaque partie de moi.
Je suis à toi, que je te serve volontairement
ou non
Car je suis moi-même, que je sois en accord
avec moi-même ou pas.
De mon plein gré je reconnais ta puissance
De mon plein gré je me présente à toi. »
194
produisirent le résultat attendu. La fillette se
révéla capable de maints prodiges : lévitation,
guérisons miraculeuses, invocation de nour-
riture… Mais elle développa aussi des capaci-
tés bien plus redoutables comme celle de faire
apparaître des stigmates sanglants sur toute
personne dont elle soutenait le regard. Elle
l’utilisa parfois sur d’autres pensionnaires de
l’orphelinat qui lui cherchaient querelle et ac-
quit assez vite une réputation sulfureuse. La
directrice signala plusieurs faits étranges à la
hiérarchie du Temple du Nuage, mais ses rap-
ports restèrent englués dans les méandres de
la bureaucratie céleste.
La fillette quitta l’orphelinat à 12 ans et
vit depuis au manoir de Son-Tô. Elle est
actuellement âgée de 20 ans et le moment où
le culte va enfin révéler sa puissance au monde
approche dangereusement. Imaginez une
Jeanne d’Arc exaltée dotée de pouvoirs appa-
remment divins et d’un caractère prompt à la
colère et vous aurez une idée à peu près juste
du personnage. Ses traits elfiques ne sont pas
très marqués et ses oreilles pointues sont dissi-
mulées sous sa longue chevelure brune. Sylvira
rayonne d’une beauté froide et impressionne
par la profondeur de son regard, qui semble
transpercer l’âme de ses interlocuteurs. Elle
sera bientôt chargée de convertir à nouveau
la plèbe de Laelith à la foi du Sans-Nom et de
conduire la révolte jusqu’à son terme annoncé
par la prophétie de La marche des croyants : la
destruction de la ville.
Le culte de nos jours
Aujourd’hui, l’activité du culte reste clan-
destine, mais plus pour très longtemps. Le
maître-plan touche à sa fin et les agissements
de la secte ne tendent que vers un seul objec-
tif : préparer la venue de l’Antidéesse à Laelith,
ainsi que la révolte qu’elle y conduira. Le culte
comprend environ deux cents membres qui
se réunissent en secret, par petites cellules,
dans les caves de leurs maisons. Ils préparent
activement la sédition en aménageant des ca-
chettes d’armes, en organisant de futurs sabo-
tages, en faisant circuler diverses rumeurs sur
l’arrivée prochaine d’une mystérieuse « libé-
ratrice ». Ses dirigeants, au premier rang des-
quels Gloriane Altenath, la « madame Jadz »
de l’orphelinat, président aux destinées du
mouvement depuis leur quartier général, le
manoir de Son-Tô, dans la province de Jadhys.
Pour mettre au point les dernières phases du
maître-plan, le culte s’est récemment assuré
les services d’un redoutable esprit criminel : le
professeur Mortifère. Depuis quelques mois,
le professeur s’est fait un nom dans la pègre
de Laelith. Il coordonne un réseau criminel
de faible envergure mais terriblement efficace,
dont le seul objectif est d’apporter au culte les
fonds dont il a besoin pour financer les actions
à venir. À l’exception des dirigeants du culte,
nul ne sait à quoi ressemble le professeur, mais
son nom est associé à de nombreuses exac-
tions commises récemment et sa tête est mise
à prix par la garde de Laelith. Personne ne le
trouvera dans la Ville sainte, car il réside au
manoir.
 Le manoir de Son-Tô
Le manoir est d’apparence très ancienne et se
dresse en haut d’une falaise au bord du lac d’Al-
talith, au milieu d’une propriété vaste mais mal
entretenue.

Au rez-de-chaussée
1. Hall d’entrée. Un double escalier monumental
permet d’accéder à l’étage. Le mobilier est sobre
et utilitaire. Le hall est surveillé en permanence
par deux sectateurs armés.
2. Cuisines. Bien que dirigeant le culte, Gloriane
Altenath tient à s’occuper elle-même des cuisines
du manoir. Elle est aidée par deux adeptes.
3. Remise. Elle fait office de garde-manger et de
cellier. Les réserves sont bien pourvues grâce aux
rentrées financières générées par les larcins coor-
donnés par le professeur Mortifère. Une trappe
dissimulée sous des caisses de victuailles donne
sur un escalier en colimaçon qui permet d’accéder
à une grotte située sous le manoir et qui commu-
nique avec le lac. Cette grotte abrite le bien le plus
précieux du culte (voir la rubrique « Les secrets de
la terrasse de la Prospérité »).
4. Chambre de Gloriane Altenath.
5, 6 et 7. Chambres communes, occupées par
les gardes et quelques adeptes de rang inférieur 4 5 6 7 10
qui font office de serviteurs, aides-cuisiniers, 3
jardiniers, etc. 8
8. Chapelle. La pièce est petite et sobre et contient
juste un autel et quelques bancs. Des traces de
sang sur l’autel et une odeur âcre et nauséabonde
témoignent des mœurs particulières du culte.
9. Salle à manger des dirigeants du culte. 9 1 2
10. Réfectoire des gardes et adeptes.

À l’étage
11. Chambre de Sylvira Songthorn.
12. Salle de bains des femmes.
13. Salle de bains des hommes.
14 et 14 bis. Chambre et bureau du professeur
Mortifère. De nombreux plans des terrasses et 17 16 15
du Cloaque ornent les murs. Il y est fait mention 14b
d’opérations passées et à venir, de l’emplacement
des caches d’armes et d’autres informations utiles
à quiconque voudrait stopper les agissements du
culte. Un vieux coffre recèle des documents an- 12 13
ciens, parmi lesquels le manuscrit de La marche
des croyants et l’arbre généalogique de Sylvira. 11 14
15, 16 et 17. Chambres diverses occupées par
d’autres dirigeants du culte lorsqu’ils sont de passage.
Seuls Gloriane, Sylvira et le professeur Mortifère
vivent au manoir en permanence. Les gardes et
adeptes servent par rotations de trois mois.

La Prospérité 195
 Une organisation
Les Irréguliers
de l’échelle des Boulangers
Le trésor des Irréguliers
Au fond d’une ruelle des Traboules
fumantes, Grand Bab’ a caché un
coffre qui contient les meilleures prises
de la bande. On peut en particulier y
trouver une bourse contenant une pièce
de cuivre, une pièce de bronze et une
pièce d’argent. C’est un objet magique
permettant de se téléporter à la verti-
cale de tout lieu situé à l’intérieur d’un
temple. Il suffit de déposer une des trois
pièces au sol et de marcher dessus en
prononçant la formule appropriée. La
pièce de cuivre permet de se téléporter
au-dessus, la pièce de bronze en dessous
et la pièce d’argent au même endroit
mais exactement un siècle plus tôt
(pour 24 heures).
Des secrets
dans les secrets
Au sein de l’Académie du bel art, une
poignée de courtisanes honorent la
mémoire du marionnettiste et rejettent
les valeurs véhiculées par les muses.
Elles sont passées maîtresses dans l’art
de la manipulation et du tissage d’intri-
gues. La grande courtisane tolère leur
présence en échange de quelques menus
services…
Comptoir de l’aventure
Demande aventuriers expérimentés et
audacieux pour tests d’armements en
conditions réelles. Bonne constitution
exigée, orphelins souhaités. Demander
Ikniv Odranoël aux ateliers du
Marteau qui chante.
196
La valeur n’attend pas
le nombre des années
Qui n’a jamais respiré l’odeur du bon pain
à l’aube en remontant l’échelle des Boulangers
a privé ses sens d’un des divins raffinements
qu’offre la Ville sainte au croyant fatigué par
un long pèlerinage. Ledit croyant serait tou-
tefois bien inspiré de garder la main sur sa
bourse alors qu’il contemple ou déguste les
merveilles pâtissières proposées sur les étals
de l’échelle. En effet, une bande de tire-laine
en bas âge sévit dans le quartier sous le nom
d’Irréguliers de l’échelle des Boulangers. Les
gamins qui la composent sont âgés de 10 à 16
ans et vivent le plus souvent dans la rue, dor-
mant sous les porches ou dans les quelques
hospices du quartier. L’aventurier avisé y ver-
ra plutôt une source d’information précieuse
sur l’envers du quartier. Pour une poignée de
piécettes, il pourra confier aux Irréguliers une
mission d’acquisition de renseignements, le
plus souvent fructueuse. On peut générale-
ment trouver Grand Bab’, le chef de la bande,
sur la place de la Fontaine neuve, en bas de
l’échelle des Boulangers.
Le nom de la petite troupe provient du ca-
ractère très variable de son effectif. Parfois
réduite à une demi-douzaine d’individus, elle
peut également rassembler plus d’une centaine
de gamins en guenilles. Tout dépend des cir-
constances, du climat, de la fréquentation du
quartier et de la vigilance plus ou moins sou-
tenue des gardes du poste Safran, situé sur la
place de la Zyglute, tout en haut de l’échelle.
Les Irréguliers n’ont pas vraiment de quar-
tier général, mais lorsqu’ils ont besoin de se
réunir, ils se retrouvent au sein des Traboules
fumantes, le dédale de passages et de ruelles
qui étend sa toile entre l’échelle des Boulangers
et la rue des Trois Frères. Lors de ces assem-
blées, les décisions sont prises par acclamation
(comprendre que celui qui gueule le plus fort
l’emporte). Grand Bab’, un gamin costaud et
blond, doté d’un organe vocal qui aurait pu lui
assurer une confortable carrière de ténor au
Grand Théâtre – eut-il été d’une autre extrac-
tion sociale – gagne souvent à ce jeu-là et s’est
donc naturellement imposé comme leader
du groupe. Il s’est lié d’amitié avec Evarilion
Bombogarogan, le détective-conseil qui officie
au 221b de l’échelle des Boulangers. Celui-ci
emploie régulièrement les Irréguliers à di-
verses missions plus ou moins avouables et qui
se déroulent parfois très loin de la terrasse de
la Prospérité. La bande est aussi en lien avec
les courtisanes, par l’intermédiaire d’Elisa
Dolot, la sœur aînée de Grand Bab’. La guilde
les emploie principalement comme guetteurs.
D’une façon générale, les Irréguliers évitent
de s’en prendre aux commerçants du quartier,
ce qui leur vaut d’être à peu près tolérés. Cette
protection ne s’étend pas à la clientèle…
Quelques Irréguliers
Grand Bab’
Le chef des Irréguliers, âgé de 16 ans, est le
deuxième des trois enfants d’Amalia Dolot,
vendeuse de fleurs au Grand Marché. Leur
mère a connu une fin prématurée sous les
roues du carrosse d’un prêtre trop pressé pour
se préoccuper de quiconque se trouvait sur
son chemin. Grand Bab’ ne connaît pas le nom
de cet homme, mais il compte bien le décou-
vrir un jour. Il ignore également l’identité de
son père et ne s’en préoccupe pas outre me-
sure. Après la mort de leur mère, sa grande
sœur Elisa a repris le petit étal de fleuriste au
Grand Marché, jusqu’à ce qu’elle l’abandonne
du jour au lendemain pour entrer à l’Académie
du bel art. N’ayant aucune vocation florale,
Grand Bab’ s’est tourné vers des activités plus
lucratives, quoique moins légales. Il a rejoint
la bande des Irréguliers, au sein de laquelle
il s’est rapidement imposé par la force de sa
voix et de ses longs bras, qui lui confèrent un

air vaguement simiesque (d’où son surnom :
Grand Bab’ pour grand babouin).
Grand Bab’ est un chef prudent, soucieux
de ne pas exposer les Irréguliers à des dangers
trop importants. La vie dans les rues de la ter-
rasse est rude et cruelle, et seule une solidarité
indéfectible permet à la bande de survivre, à
défaut de prospérer. Il veille scrupuleusement
sur le destin de chacun des membres et n’hé-
site pas à exclure sans ménagement les brebis
galeuses. En dehors du groupe, il arbore sou-
vent un air de défi qui lui attire généralement
peu la sympathie de ses interlocuteurs. Ceux
qui savent voir au-delà des apparences ont
décelé en lui une grande bonté et une intelli-
gence pratique très au-dessus de la moyenne.
Tous ces détails n’ont pas échappé à Evarilion
Bombogarogan, qui en a fait l’un de ses princi-
paux indicateurs.
Ti Bab’
Aussi maigre et dégingandé que son frère est
costaud et musclé, Ti Bab’ est également pour-
vu de bras un peu longs, ce qui lui a valu de
bénéficier d’une variante du surnom fraternel.
Du haut de ses 8 ans, Ti Bab’ est théoriquement
Le masque de la fouine
un peu jeune pour faire partie de la bande,
mais son frère préfère garder un œil sur lui
et a donc voulu qu’il rejoigne les Irréguliers.
Ti Bab’ est généralement chargé de porter les
messages et n’est pas (encore) impliqué dans
les larcins. Il lui arrive aussi de travailler pour
les crieurs publics en distribuant des tracts aux
passants ou dans les commerces.
La Fouine
Cette petite mendiante d’une douzaine
d’années est le premier lieutenant de Grand
Bab’. Elle promène ses cheveux hirsutes et son
air malheureux tout au long de l’échelle pour
émouvoir les pèlerins, mais dès qu’elle rejoint
les Traboules fumantes, elle dépose ce masque
de scène et laisse parler son naturel plutôt en-
joué et malicieux. D’aucuns prétendent qu’elle
serait la fille cachée d’un prêtre haut placé
dans la hiérarchie du Temple du Nuage, mais
sa mère, qui travaille comme servante dans
l’un des hôtels miteux de l’échelle des Pendus,
a toujours refusé de confirmer cette informa-
tion. La Fouine en a conçu une haine farouche
pour toute la prêtrise, ce qui risque fort de li-
miter son espérance de vie à Laelith.
Portraits croisés (de fer)
• Ténébreux ferrailleur des lettres et des
fers, le « Prince noir à la tour abolie »
traîne ses guêtres de tavernes en auberges,
y amenant sa silhouette longiligne, son
regard torturé, ses vers à la sombre beau-
té et des déclamations mélancoliques qui
lui valent l’admiration de tous ceux qui le
croisent. Sa vie est tissée de mystère, nul
ne connaît son vrai nom, nul ne sait d’où
il vient. On soupçonne une histoire et
un destin tragiques qui lui valent la souf-
france affectée, mais digne, qu’il porte
avec autant d’élégance que sa longue
cape de cuir. Ses yeux noirs soulignés
de khôl ouvrent les portes d’un univers
romantique et désespéré, tandis que sa
plume en dessine les contours. Bien qu’on
le sache d’une galanterie surannée, nul ne
lui connaît d’aventures, malgré tous les
regards féminins qui convergent vers lui.
Ses recueils de poésie, tout autant que ses
pièces ou ses concerts de viole jouissent
d’un grand succès sans que lui-même ne
semble y attacher d’importance.
• Vilerne de Hagefi est le plus grand
rival du Prince noir. Pur Laelithien,
auteur de comédie, rimailleur dans
ses bons jours, biographe officiel d’un
obscur comte agramorien, il faut lui
reconnaître un certain talent qui, hélas,
ne s’exprime pour le mieux que quand
il s’agit de conter fleurette à tout ce
qui porte jupon ou de défendre son
honneur l’arme au poing. Il faut avouer
que le bonhomme a le phrasé de rapière
plus épuré que son style emphatique et
quelques fiancés éconduits, pères ran-
cuniers, maris jaloux voire spadassins
soldés par les suscités ont laissé un peu
de sang sur le pavé. Il se laisse croire
aristocrate, alors qu’il n’est en fait que
le fils sans père d’une poissonnière de la
Chaussée du lac.
Quant à la querelle qui les voit s’affron-
ter, son origine est bien floue. Leurs
caractères diamétralement opposés n’y
sont pas pour rien, mais on parle aussi
d’un pamphlet du Prince sur les origines
de son rival, d’une sœur qui se serait
suicidée, d’amour trahi, d’une jalousie
littéraire du second liée à son incapacité
à la dramaturgie… Toujours est-il que
leurs succès artistiques, entremêlés de
conflits et même de duels (ils en sont
à leur douzième et n’arrivent pas à se
départager), en font les coqueluches
de tout ce que la ville compte
d’amateurs de théâtre.
La Prospérité 197
 Une professionnelle
Carnet d’exercices
d’articulation délicats
et didactiques
du professeur
Wington Harex
Prononcer trois fois ce qui suit après
avoir introduit trois cailloux tièdes dans
sa bouche : la belle pucelle dans l’échelle
des venelles bêle de sa voix de crécelle.
L’horrible horion honteusement
asséné sur scène horripile les heureux
hôtes de l’hospice. Dans dix donjons,
dix dragons indignes d’un don (donc
dédouanés d’un dû) daignent dîner –
dit-on – de dix dindons dédaignés par
dix dingues dondons disant de divins
dictons à douze doudilains dodus.
Mais je vais les lui faire bouffer moi ses
cailloux ! (annotation manuscrite attribuée
à Elisa Dolot)
Brève de taberge
« Ben, tu sais, y paraît qu’Eva, la
patronne de l’Ibis a été rossée et son
magasin brûlé.
– Ha ? Qui c’est qu’a fait le coup ?
– C’est revendiqué par la LDT, ligue
de défense des traditions, y trouvent
que depuis quelques années, ben, les
femmes, elles sont un peu en train de
prendre le pouvoir sur nous autres et
qu’il faudrait peut-être voir à savoir qui
c’est qui porte vraiment les chausses.
– Ha ouais ? Et t’as déjà regardé sous la
robe du Roi-Dieu ?
– Sacrilège ! Faut pas dire ce genre de
chose.
– Bah justement, t’en sais rien, si ça se
trouve y a déjà eu des Reines-Déesses,
alors ta LDT, si j’en croise un, je lui fous
un pain. T’en serais pas d’ailleurs ?
– Ah non ! Non, non, non ! Ça jamais !
Tu peux me croire. Je suis pas comme
ça moi. »
198
La courtisane
Le jour et la nuit
Sous la lumière du soleil, la courtisane est
une artiste cultivée et séduisante. À la lueur
des étoiles, elle devient féline et mystérieuse,
arpentant les toits vers une cachette secrète
ou un rendez-vous galant. Si vous aimez les
personnages complexes à multiples facettes, la
courtisane est faite pour vous.
Quel que soit le système de jeu que vous
utilisez, vous pouvez créer une courtisane
comme une variante de voleur/éclaireur. Elle
doit être de sexe féminin, mais peut appartenir
à n’importe quelle race fantastique classique
(humaine, elfe, halfeline…) ou non (gopnel-
daune, félys).
Vous lui attribuerez certaines compétences
de voleur (crochetage, détection des pièges, se
cacher, escalade, déplacement silencieux, per-
ception…), mais aussi des talents représentant
son autre visage (séduction, baratin, déguise-
ment, expression artistique, ventriloquie, hyp-
nose, détourner l’attention…).
Ses armes de prédilection – qu’elle n’utilise
théoriquement qu’en toute dernière extrémité,
mais vous et moi savons de quoi la vie d’aven-
turier est faite – sont l’arbalète de poing, la
sarbacane, la dague, le fouet…
S’il arrive qu’une courtisane porte du cuir,
celui-ci est le plus souvent choisi sur des cri-
tères esthétiques et n’apporte que rarement
une protection d’armure efficace.
L’équipement de la courtisane peut
comprendre :
• une trousse de maquillage (bonus au dégui-
sement et à la séduction),
• un miroir aux alouettes (bonus pour détour-
ner l’attention) ;
• de l’encens apaisant (bonus à l’hypnose) ;
• du parfum (bonus à la séduction s’il est de
bonne qualité) ;
• un instrument de musique ;
• du matériel de crochetage…
Rares sont celles qui maîtrisent la magie.
En revanche, elles ne dédaignent pas utiliser
des objets enchantés lorsque l’occasion s’en
présente.
Les courtisanes expérimentées sont souvent
accompagnées d’un petit animal, qu’elles ont
dressé à quelques tâches de repérage ou de
chapardage : furet, petit singe, doudilain…
L’un des avantages de ce métier est le réseau
de relations que chaque courtisane a établi
dans la cité où elle officie. Choisissez deux ou
trois dignitaires (prêtre, marchand, officier de
la garde…) qu’elle a attrapés dans ses filets et
qui pourront lui venir en aide en cas de besoin.
Mais ce métier n’est pas exempt d’échecs et les
courtisanes se font aussi des ennemis : choi-
sissez le même nombre d’anciens amoureux
jaloux ou éconduits, qui ne manqueront pas de
lui mettre des bâtons dans les roues à la pre-
mière occasion.
Il ne vous reste plus qu’à lui inventer un
passé pour expliquer quelles circonstances
étranges (ou non) l’ont conduite à exercer ce
beau métier.
Elisa Dolot,
un destin peu commun
De toutes les courtisanes qui officient ac-
tuellement à la guilde, il en est une dont le
destin est si étrange qu’il mérite d’être relaté
ici. Rien ne prédisposait Elisa, aînée des trois
enfants d’Amalia Dolot, une modeste vendeuse
de fleurs, à embrasser le métier de courtisane.
Lorsqu’elle eut atteint ses 15 ans, à la mort de
sa mère et en l’absence d’un père qu’elle n’avait
jamais connu, Elisa se trouva en situation de
devoir subvenir aux besoins de ses deux jeunes
frères. Elle reprit donc tout naturellement le
métier de sa mère et se fit rapidement remar-
quer sur le Grand Marché par son joli minois
et sa gouaille tapageuse, qui n’aurait pas déno-
té derrière les étals d’une poissonnerie.
Un matin, le professeur Harex, auteur dra-
matique et détenteur de la chaire d’éloquence
à l’Académie du bel art, se promenait sur le
marché en compagnie de son ami le prosec-
teur Ruborax, médecin au Lazaret. Les deux
hommes prenaient grand plaisir à débattre
autour de sujets philosophiques. Ce jour-là, ils dans les sphères les plus aisées que dans les
avaient décidé de comparer les mérites de l’in- bas-fonds de la ville. Elle incarne à merveille
né et de l’acquis. Le professeur soutenait que l’union des vertus de Carmine et de Félinae,
la part de l’inné était largement surestimée et pour la plus grande fierté de son bienfaiteur.
que quiconque, pourvu qu’il soit placé dans
l’environnement adéquat, pouvait développer
les capacités lui permettant d’exercer les plus
brillantes professions. Son ami soutenait na-
turellement le contraire. Emporté par l’élan de
Elisa Dolot, Courtisane
sa conversation, le professeur ne regardait pas
devant lui et heurta par inadvertance la jeune
vendeuse de fleurs, qui ne manqua pas de ma-
nifester son mécontentement à sa manière
inimitable :
« Eh l’autre ! Il peut pas faire gaffe où il en-
voie valdinguer ses arpions ? Non mais c’est
quoi ça ! Et v’là mes fleurs toutes éparpillées
sur le paveton. Qui c’est-y qui va allonger
l’oseille pour me les rembourser ? Hein ? Qui
c’est-y ?
– Pardonnez-moi madame, je ne vous
avais pas vue. Je vais bien naturellement vous
dédommager.
– Et comment qu’il va me dédomma-
ger le bourge ! D’abord c’est mamz’elle et
pas madame. Faudrait voir à pas confondre,
goujassier !
– Voyez-vous Ruborax, je suis sûr que cette
jeune femme, pour peu qu’on lui accorde toute
l’attention nécessaire, pourrait devenir l’une
des plus brillantes élèves de l’académie.
– Professeur, je vous propose un pari  !
Faites-la entrer à l’académie, je financerai ses
cours et sa pension. Si vous échouez, vous me
rembourserez.
– Pari tenu Ruborax. Vous allez assister à
l’éclosion d’une grande artiste. »
Il fallut ensuite une demi-heure de négo-
ciations difficiles pour convaincre Elisa d’ac-
cepter la proposition, mais la promesse du
versement d’une modeste pension lui permet-
tant de nourrir ses deux frères acheva de la
convaincre. Elle devint dès lors la protégée du
professeur Harex, qui entreprit tout d’abord
de lui enseigner l’éloquence. Les débuts furent
laborieux, mais le professeur y mettait un
point d’honneur et il parvint à ses fins. Une
fois la maîtrise de la langue acquise, Elisa re-
joignit l’académie, où elle s’imposa rapide-
ment tant dans les matières artistiques, grâce
au soutien du professeur, que dans les sciences
de la rapine, en raison de ses origines. C’est au-
jourd’hui une courtisane aguerrie, aussi à l’aise

La Prospérité 199
 Un professionnel
Le saint-poète voyageur
Route et discours
Le saint-poète voyageur est une variante de
clerc/prêtre, spécialisé dans les voyages et les
joutes oratoires. Il arpente le monde à la re-
cherche de vérités religieuses cachées par les
Dieux dans toute la Création, puis revient à
Laelith pour convaincre les fidèles de la vé-
racité et de l’importance de ses découvertes
(voir «  le Grand Théâtre royal-divin de
Laelith »).
Quel que soit le système de jeu que vous
utilisez, créez un personnage de prêtre doté
d’une forte volonté et d’une robuste consti-
tution, auquel vous attribuerez tout ou par-
tie des compétences suivantes : convaincre,
expression artistique (chant, musique sa-
crée), endurance, orientation, investiga-
tion, survie en milieu naturel.
Le saint-poète voyageur se dé-
place souvent seul et est donc
équipé pour faire face à toute
adversité (solide armure,
armes contondantes, armes à
distance…).
L’équipement du saint-poète
voyageur peut comprendre :
• des chaussures de marche
faites sur mesure (bonus à
l’endurance) ;
• du matériel de camping
(bonus à la survie en mi-
lieu naturel) ;
Elvire Porteflamme,
sainte-poétesse voyageuse
200
• un bâton de marche (qui fonctionne aussi
comme arme à deux mains) ;
• un symbole religieux et des habits usés par
les ans ;
• un instrument de musique…
Il ne vous reste plus qu’à l’affilier à l’un des
quatre Temples et à préparer vos discours.
Elvire Porteflamme
Pour la quatrième année consécutive, Elvire
Porteflamme représente le Temple de l’Oiseau
de feu au grand concours royal-divin de pieuse
joute oratoire. Elle a échoué en finale à chacune
des trois précédentes éditions. Ce n’est pas par
manque de fougue et de passion lors des duels :
sa longue chevelure rousse, son regard perçant
et la force de sa volonté impressionnent chaque
année le public. Elvire est convaincue d’avoir
échoué faute d’avoir suffisamment fait péni-
tence pour percevoir les messages cachés par
les divinités du Feu sacré dans le vaste monde.
Cette année, Elvire a donc décidé de se puri-
fier par un jeûne d’un mois avant de partir en
voyage pour répondre à la question posée par
le Roi-Dieu : « Peut-on trouver en l’Homme
la substance du Monde ? » Elle a ensuite vi-
sité différentes contrées à la recherche de la
réponse. Après avoir voyagé plusieurs mois
sans progresser dans sa quête de vérité, Elvire
s’est rendu compte qu’elle faisait fausse route.
Cette année, ce n’est pas l’étude du Monde qui
peut l’éclairer, mais l’étude de l’Homme. Elle a
donc décidé de rentrer à Laelith plus tôt que
prévu pour trouver la réponse en étudiant un
petit groupe d’individus. Il lui fallait des per-
sonnes des deux sexes, d’aspirations variées
et exerçant différents métiers. Après quelques
jours à arpenter les échelles de la terrasse de
la Prospérité, Elvire a enfin trouvé le groupe
idéal : les PJ. Les voilà donc devenus le sujet
d’étude unique de la sainte-poétesse voyageuse
investie par le Temple de l’Oiseau de feu pour
le concours. C’est un honneur impossible à
refuser (sauf à vouloir attirer sur soi l’ire du
Temple concerné) ! Le problème est qu’elle est
très collante et qu’ils n’ont sans doute pas que
ça à faire…

La légende fondatrice du
Grand Théâtre
On raconte qu’il y a très longtemps, quand
le Grand Marché n’était qu’un modeste mar-
ché aux fleurs, on pouvait assister une fois l’an
à un beau spectacle de marionnettes dans une
cabane en bois construite à l’emplacement de
l’actuel Grand Théâtre. La troupe était com-
posée de quatre membres : Calypsinthe, qui
écrivait et interprétait les textes ; Stellariane,
qui peignait les décors et fabriquait les ma-
rionnettes ; Collianthe, qui composait et inter-
prétait la musique, et enfin le marionnettiste,
qui animait chaque personnage. Il était habillé
de noir et portait un masque sombre dépourvu
d’expression pour s’effacer derrière les prota-
gonistes de bois et de chiffons.
Chaque année, ils interprétaient pendant
un mois une nouvelle histoire. On se bouscu-
lait pour assister aux représentations tant les
histoires étaient passionnantes et saisissantes.
Ils attirèrent l’attention d’un riche marchand
qui proposa de leur faire construire un petit
théâtre en pierre, à condition qu’ils créent un
nouveau spectacle chaque mois et qu’ils lui
versent la moitié de la recette. Les artistes hé-
sitèrent longuement, se demandant s’ils trou-
veraient l’inspiration nécessaire pour créer
douze spectacles par an. Les trois femmes vou-
laient refuser, mais leur compagnon les sup-
plia d’accepter. Il ne vivait, disait-il, que lors-
qu’il animait ses marionnettes. Elles finirent
par se laisser convaincre.
Dans les années qui suivirent la construc-
tion du théâtre de pierre, le marchand accrut
considérablement sa fortune car la troupe
jouait à guichets fermés tous les soirs. Chaque
mois, les trois femmes puisaient dans leurs
ressources pour trouver de nouvelles histoires
extraordinaires à conter, et le marionnet-
tiste se réjouissait de les interpréter chaque
soir avec elles. Mais plus elles créaient, plus
leur santé se détériorait. Jouer tous les soirs
et monter chaque mois un nouveau spectacle
leur demandait des efforts trop intenses. Elles
décidèrent un jour d’arrêter le spectacle. Le
marchand, affolé, proposa d’augmenter leur
part, mais elles ne voulurent rien entendre.
Le marionnettiste les implora de continuer et,
par amitié pour lui, elles finirent par accepter
de mauvaise grâce. Malheureusement, les trois
femmes tombèrent malades d’épuisement et
moururent dans l’année. On raconte que le
soir de leurs obsèques, on vit un homme mas-
qué et habillé de noir donner un spectacle sur
le pont des Morts avec trois marionnettes re-
présentant trois femmes. Lorsqu’il eut termi-
né, l’homme salua trois fois et se jeta dans la
Faille, en enjambant le parapet.
L’histoire devint légende et la légende de-
vint mythe. De nos jours, les artistes de la Ville
sainte honorent les trois muses Calypsinthe,
Stellariane et Collianthe. Le marionnettiste
tomba dans l’oubli, mais on raconte que cer-
tains soirs, dans les couloirs du Grand Théâtre,
longtemps après que les représentations sont
achevées, on peut entendre les sanglots d’un
homme et apercevoir une silhouette fanto-
matique qui anime trois marionnettes faites
d’ombres et de larmes…
Drame en un acte
Discours d’un membre
de la guilde des Bien
pendues, faisant visiter
la terrasse de la
Prospérité à un groupe
de pèlerins touristes
« Écoutez attentivement la terrible
légende des trois fantômes du Grand
Théâtre ! Contrairement à ce que pré-
tend l’histoire officielle, les trois muses
furent lâchement assassinées par le ma-
rionnettiste, furieux de les voir gâcher la
source de sa fortune. Usant de toute sa
malice et sa fourberie, il les convainquit
de jouer une dernière fois, moyennant
un cachet absolument inimaginable,
une somme telle qu’elles pourraient
acheter un royaume chacune. De son
côté, il avait vendu les billets à prix
jamais vu depuis, et ce qui devait être
la dernière représentation des muses
fut le plus beau spectacle que l’on vit
sur cette terre. On murmure même
que le Roi-Dieu était venu incognito
dans ce modeste théâtre. Quoi qu’il en
soit, l’infâme propriétaire leur avait fait
boire une poudre alchimique qui poussa
les muses dans les derniers retranche-
ments de leur art. Elles jouèrent comme
jamais elles n’avaient joué, mettant
toute leur âme, tout leur cœur, toute
leur force, et finalement leur vie, dans
le spectacle. Contrairement à la légende,
le propriétaire est parti fortune faite
et c’est un admirateur transi qui s’est
suicidé avec ses marionnettes. Le Grand
Théâtre est, depuis, hanté par les fan-
tômes des trois muses qui recherchent
leur bourreau. »
Proverbe
« N’oubliez jamais que sous les masques
il reste toujours le fard. »
De « Dictons obscurs et sentences
spécieuses », Vilerne de Hagefi
La Prospérité 201
 Animations de quartier
Festival, foire et fleurs
Invocations
Pendant le Festival des affranchis,
la Farandole ardente, une troupe de
théâtre de rue de neuf personnes, s’ins-
talle sur la place de la Fontaine neuve.
Mais elle se retrouve le soir dans une
cour ombragée, non loin de l’Académie
du bel art. Les rituels impies auxquels
se livrent alors ses membres n’ont –
fort heureusement pour eux – pas de
témoin. Puis, une nuit, ils disparaissent
sans laisser de trace. La même nuit, neuf
bébés sont découverts sur la terrasse de
la Prospérité. Tous portent une tache de
naissance en forme d’étoile au milieu
du front et sentent vaguement le soufre.
Les autorités les confient aux bons soins
de l’orphelinat du Convent céleste, en
l’attente de leur adoption.
202
Le marché aux fleurs
Chaque année, à l’équinoxe de printemps,
le Grand Marché renoue avec ses racines et
se retrouve exclusivement consacré à la vente
de fleurs, fruits et légumes à l’occasion de la
fête de la Pluie de fleurs, organisée dans toute
la ville par le Temple du Poisson d’argent.
De stand en stand, citoyens, pèlerins ou pro-
meneurs assistent à une explosion de cou-
leurs exubérantes et printanières pour leur
plus grand plaisir. Tout habitant de Laelith
ou des environs peut louer un étal pour une
somme modique et y vendre les produits de
son jardin. Il doit cependant faire don d’une
partie de sa production au Temple du Poisson
d’argent, dans de grandes corbeilles réguliè-
rement vidées par des prêtres et placées aux
endroits stratégiques du marché. Dans une
immense cuisine de plein air, les légumes,
fruits et fleurs offerts sont alors transformés
en soupes et jus de fruits, qui sont ensuite
vendus au public. La tradition veut en effet
que l’on purifie son corps en consommant le
plus possible d’aliments sous forme liquide
à l’occasion de la fête de la Pluie de fleurs.
Accessoirement, cette vente constitue une
source de revenus non négligeable pour le
Temple.
L’événement dure quatre jours et est accom-
pagné de diverses festivités qui égayent l’en-
semble de la terrasse.
1er jour : la bénédiction florale
Le marché aux fleurs est inauguré à midi par
un assesseur du Temple du Poisson d’argent,
qui bénit tout un lot de panières pleines de
jonquilles. Ces corolles jaunes seront ensuite
portées à la boutonnière pendant toute la du-
rée de la fête. Toutes les boutiques et taberges
de la terrasse sont décorées de guirlandes de
jonquilles, censées apporter prospérité et
bénéfices aux propriétaires pendant toute
l’année. Ces guirlandes ne sont installées
qu’après la bénédiction.
2e jour : la bataille des fleurs
Il est d’usage que le deuxième jour, les en-
fants ramassent des fleurs tombées (ou pas) et
se les jettent à la figure. Imaginez la version
printanière d’une bataille de boules de neige
et vous ne serez pas loin du compte. Les plus
entreprenants abordent les passants en leur
demandant une petite pièce pour éviter d’être
aspergés de fleurs (« Une pièce ou la pluie ! »).
3e jour : le comice
Lors du troisième jour, des concours sont
organisés pour élire les meilleurs produits du
marché. Les gagnants pourront se prévaloir de
leur victoire tout le restant de l’année et écou-
ler ainsi leur production à bon prix. Les jurys
sont composés pour moitié des gagnants de
l’année précédente (qui ne peuvent donc pas
concourir) et pour l’autre moitié de prêtres du
Poisson d’Argent.
4e jour : la grande procession
La fête s’achève par une grande procession
qui s’assemble au Grand Marché et se ter-
mine au bord du lac d’Altalith, en passant par
l’échelle des Ventes, la place de la Cloche et
l’échelle de l’Auberge-qui-pue.
Le jour de la parole
Chaque année, pendant que le grand
concours royal-divin de pieuse joute oratoire
se déroule au Grand Théâtre, les prédicateurs
de tous genres sont autorisés à s’adresser à la
foule depuis de petites estrades appelées « ha-
ranguettes », installées sur les places de la ter-
rasse et autour du Grand Marché. Le thème
des prêches est libre, mais les prédicateurs les
choisissent souvent en fonction de la question
philosophique du Roi-Dieu débattue lors du
grand concours.
Les haranguettes sont nombreuses et il n’est
pas rare qu’un orateur s’estime indisposé par
le verbiage de son voisin. Ces divergences de
vues donnent lieu à des joutes verbales (dans
le meilleur des cas) improvisées. Des prêtres
des quatre Temples viennent écouter les pré-
dicateurs et interviennent immédiatement en
cas de discours hérétique. Les auteurs sont
conduits à la place du Pilori, pour un dégri-
sement spirituel de quelques heures, mais ne
risquent pas de lourdes peines. Il s’agit d’une
tolérance limitée à cette seule journée. Le
reste du temps, les prédicateurs doivent ob-
tenir l’aval d’un Temple pour exercer leur
activité. Ces autorisations sont délivrées au
compte-gouttes.
Le Festival des affranchis
Tous les étés, l’Académie royale-divine du
bel art organise un grand festival d’arts de la
rue dans toute la terrasse. Troupes de théâtre,
jongleurs, échassiers, marionnettistes, chan-
teurs et musiciens ambulants tiennent le pavé
jour et nuit pendant une semaine. La plupart
des taberges organisent également des happe-
nings musicaux. Passé le troisième verre, le pu-
blic n’est plus très regardant sur la qualité des Mémorandum interne
productions. Nul ne sait plus vraiment d’où le de la confrérie de
festival tire son nom, mais l’hypothèse la plus l’Éternelle Immanence
répandue est que les arts de la rue étaient jadis « Frères en lumière, salut !
exercés par des esclaves affranchis, qui pui-
La sainte-poétesse voyageuse, récem-
saient dans leur infortune désormais révolue la ment revenue d’un long périple, nous
matière à de poignantes créations artistiques.
À l’occasion de ce festival, une artiste bien faite
semble porter en elle toutes les qualités
d’un membre de notre modeste confré-
de sa personne et non dénuée de talent pour- rie. Ses talents oratoires, fort prisés
rait être repérée par la guilde des Courtisanes dans les duels officiels, nous aideraient
et se voir proposer d’intégrer l’académie. particulièrement à la prochaine période
de débats rituels. Nos agents au sein
des adorateurs de la Lumière invincible
Les braderies nous ont rapporté qu’ils avaient
récemment convaincu, moyennant une
Quatre fois l’an, les boutiques de la terrasse
de la Prospérité sont autorisées à brader leurs
somme extrêmement élevée, le jeune
Octave Daver de quitter la Stridente
invendus dans la rue. On accourt de tout Justice pour venir les rejoindre. Il est
Laelith pour faire de bonnes affaires, puis on particulièrement adapté aux sujets
va fêter ça dans l’une des 82 taberges du quar- pragmatiques de la prochaine saison de
tier. Les tenanciers de ces établissements ap- débats et nous risquons de ne pas être
précient particulièrement les braderies. Les
en meilleure posture, surtout depuis la
blessure de Zina Franpari dont l’extinc-
marchands du Grand Marché goûtent beau-
tion de voix semble sans fin.
coup moins la plaisanterie, car chaque brade-
Avec cette Elvire, nous pouvons rebâtir
rie provoque une baisse notable de la fréquen-
une stratégie inspirée du héron cendré,
tation du marché. Il n’est pas rare que certains
comme lors de la saison sur les travaux
bradeurs, qui pratiquent des prix un peu trop de gouttière de l’aile nord qui nous avait
cassés, reçoivent la visite de gros bras manda- tant réussi.
tés par un marchand mécontent… Les gardes
Je vous laisse juger des meilleurs
de Laelith sont très occupés à maintenir un moyens d’approcher ladite Elvire pour
minimum d’ordre commercial pendant les l’aider à nous rejoindre. Un de nos
braderies. Ce phénomène est bien connu des frères nous a indiqué que son père se se-
malfrats, qui en profitent pour faire fructifier rait vu retirer sa patente de rémouleur.
leurs activités loin du regard inquisiteur de Nous pouvons lui promettre de la lui
la garde. D’aucuns surnomment les braderies faire rendre. »
« le festival des pickpockets ».
La Prospérité 203
 Pêle-mêle
La complainte
de Mackus
« Les dents longues, redoutables
Le requin tue sans merci
Le surin au fond d’la poche
Sans reproche, c’est Mackus
Sur les bords froids de l’Inlam
Le sang coule dans la nuit
On périt les poches vides
Poches pleines, quelqu’un fuit
Gens de bien ou hommes riches
Disparaissent au grand jour
Sur leurs traces, quelqu’un passe
Qui ramène le butin
La courtisane agonise
Un couteau entre les seins
Sur les rives dans l’eau grise
M’sieur Mackus s’en lave les mains
Puis un beau jour, il se lève
Et contemple sa misère
Chienne de vie, il en crève
Il aspire à la lumière
Il arpente les échelles
Pour expier en silence
En quête d’une chapelle
De repos, de délivrance »
Brèves de taberge
« Tu bois un coup ?
– L’autre ! Y demande à une échelle si
elle penche ! »
« La première fois que j’ai vu le lac
d’A ltalith, je l’avais déjà vu, alors ça m’a
rien fait. »
« J’ai lu dans la Gazette de Laelith que
40 % des chutes sur la route de la falaise
de Vorn sont provoquées par l’alcool,
ça veut dire que 60 % des accidents sont
provoqués par des buveurs d’eau… c’est
énorme ! »
« Le jour où il pleuvra des pièces d’or,
les pauvres n’auront pas de poches ! »
« La garde de Laelith fait ce qu’elle peut,
si elle faisait ce qu’elle voulait, elle ferait
rien du tout ! »
204
À l’échoppe
de la Prospérité
Sur le Grand Marché
On trouve toutes sortes d’objets sur le
Grand Marché et à tous les prix. Le chineur
avisé pourra même y déceler quelques mer-
veilles. Faites votre choix !
• Un bâton de marche au pommeau sculpté
en forme de poire. Si un prêtre lance dessus
un sort de bénédiction ou de soin, la poire est
remplacée magiquement par le symbole de son
culte. Le sortilège est alors stocké dans le bâ-
ton et peut être utilisé à tout moment. Lancer
1d6. Sur un résultat de 1, le sort ne fonctionne
pas et le bâton est détruit par le feu. Sur un
résultat de 2 ou 3, le sort fonctionne normale-
ment. Sur un résultat de 4, 5 ou 6, il fonctionne
et son effet est deux fois plus puissant que ce-
lui attendu. Si le sort a été lancé avec succès,
le pommeau reprend sa forme de poire et le
bâton peut à nouveau être utilisé pour stocker
un soin ou une bénédiction.
• Une série de cinq couteaux de cuisine à
manche d’ivoire, qui refusent obstinément
de trancher toute chair animale. En re-
vanche, ces couteaux coupent la matière vé-
gétale (y compris le bois) comme s’il s’agis-
sait de beurre.
• Une cage contenant une sorte de poussin
multicolore. Si le poussin grandit, il devien-
dra un oiseau-lyre, qui peut dévoiler des vé-
rités cachées pour peu qu’on le lui demande
en vers chantés. Toute fausse note ou tout
vers irrégulier provoquera une réponse
inexacte. L’oiseau-lyre est également très
bon en brochettes.
• Une collection de statuettes en bois à l’ef-
figie de Rois-Dieux importants. Quiconque
brûle une statuette, se retrouve transporté
magiquement à Laelith à l’époque du Roi-
Dieu représenté par la statuette, pour vingt-
quatre heures seulement. Une fois ce délai
écoulé, il revient à son point de départ dans
l’espace et dans le temps.
• Une collection de quatre flacons d’eau qui
a été bénite suivant les rites spécifiques à
chacun des quatre Temples. Quiconque boit
l’un de ces flacons pourra retrouver le che-
min du temple correspondant (et donc de
Laelith), quel que soit son point de départ,
fut-il dans un autre univers. En revanche,
une fois qu’il aura atteint ce temple, il sera
dans l’incapacité de pénétrer dans aucun
des trois autres temples, pendant aussi long-
temps que le temps qu’il lui aura fallu pour
rallier sa destination.
Histoires de vendeurs
Derrière chaque étal du Grand Marché, un
secret. Derrière chaque vendeur, une histoire.
Derrière chaque odeur, un parfum de nostal-
gie. Qui sait où vous conduira votre prochaine
flânerie sur le Grand Marché ?
• Véranda Bosquet, une piquante gopnel-
daune, vend les bijoux fantaisie que confec-
tionnent ses trois orfèvres de frères. Sur
chaque bague, bracelet ou collier, trois
chiffres et une lettre minuscules sont gravés,
toujours différents. Si vous lui demandez
pourquoi, elle vous sourira.
• Derrière ses navets et ses tomates, l’esprit
de la belle Salambo s’évade dans des palais
imaginaires.
• Le bouquiniste Alberius Strontium classe
ses périodiques selon la nuance des couleurs
de leur couverture. C’est très joli, mais pré-
voyez d’y passer du temps si vous cherchez
un numéro précis de votre gazette préférée.
À noter, dans une caisse en bois, d’étonnants
bréviaires illustrés par les enfants de l’or-
phelinat du Convent céleste.
• Les épices des sept continents enchante-
ront vos narines si vous approchez de l’étal
d’Isham et Saraya. Leurs boniments vous
feront voyager dans des contrées lointaines
et inconnues.
• On se déplace depuis la Haute Terrasse
pour déguster les pâtisseries aphrodisiaques
du nain bossu Aiglebuse. On se déplace
jusqu’au Lazaret si l’on en abuse…
• Des vendeuses ambulantes vous propo-
seront leurs bouquets de fleurs pour une
somme presque raisonnable. Ignorez-les et
vous enrichirez votre vocabulaire argotique.
• Clopandre Cloubec s’est spécialisé dans
la vente de fruits hors saison. Où diable
s’approvisionne-t-il 
? Les êtres sensibles
aux anomalies temporelles connaissent la
réponse.
• N’achetez la viande d’Oscar Bistretin qu’à
vos risques et périls. Les pêcheurs en quête
d’appâts pour leurs hameçons peuvent igno-
rer ce conseil.
Pendus, où les terrasses sont toujours
pleines.
• La Persévérance, en haut de l’échelle des
Pierres, la plus raide de toute la terrasse.
• Au bain des mouches, dans les Traboules fu-
mantes, réputé pour l’apport protéique de
ses boissons.
• La Paix des braves, échelle de la Comédie, où
les troupes théâtrales rivales peuvent dîner
dans des pièces séparées.
• Le Cartographe, place du Grand Marché, re-
commandé pour son service de reconduite à
domicile des clients ivres, à dos d’âne.
• Le Petit Lazaret, échelle du Marionnettiste,
où l’on prête des vertus médicinales aux di-
vers tord-boyaux proposés aux clients, sous
prétexte que deux ou trois brins d’herbe
flottent dans la bouteille.
Règlement intérieur
du Grand Marché
de Laelith
« Sa Royale-Divine Majesté ordonne
qu’il soit interdit :
De vendre, louer, troquer, échanger,
mettre en exposition, amener, stocker
ou engranger dans les limites du Grand
Marché toute matière brute, dite
première, non raffinée par la main de
l’homme selon les critères établis par les
guildes correspondantes.
De pratiquer tout commerce de chair,
de quelque sexe que ce soit, de quelque
manière que ce soit, avec quelque orifice
que ce soit, dans l’enceinte du Grand
Marché, sauf aux dates convenues avec
la guilde et le prévôt des marchands en
exercice. »

Où boire un coup : L'étal aux épices et aux liqueurs d'Isham & Saraya

pubs, taberges et bistrots

La terrasse de la Prospérité est réputée dans
tout Laelith pour le nombre et la diversité de
ses débits de boissons. Besoin d’un lieu sur le
pouce pour improviser une rencontre avec un
PNJ sorti du chapeau ? Servez-vous, et n’ou-
bliez pas le pourboire !
• Le Trou dans le mur, rue des Trois Frères,
principalement fréquenté par les gnomes et
les halfelins.
• Le Cul de la chope, échelle des Paladins, où
chaque consommation est marquée d’un
coup de crayon sur le sous-bock, que l’on
montre à la sortie pour payer.
• Montures et cavaliers, place du Grand Marché,
où l’on bichonne les chevaux tandis que les
cavaliers se désaltèrent.
• La Cheminée penchée, dans les Traboules fu-
mantes, où l’on privilégiera l’entrée ouest.
• L’Avocat honnête, échelle des Scribes-
Échevins, où l’on cherche au fond des
chopines ce qu’on ne trouvera jamais.
• L’Auguste siège, échelle des Ventes, qui
a conservé religieusement la chaise où
Fonvieille V, dit le Magnanime, s’est assis un
jour d’été pour rincer son gosier royal-divin.
• Au cheval pie, rue Qui-qu’en-peut, où l’on
sert une spécialité de tourte à la viande
équine.
• Le Squelette assoiffé d’en haut, place du Pilori,
et Le squelette assoiffé d’en bas, échelle des

La Prospérité 205
 Rumeur
du Grand Marché
Il est une rumeur persistante qui veut
que dans le Grand Marché se trouve en
vente depuis des siècles, une armoire à
déplacer. Les armoires à déplacer sont,
comme chacun le sait, des artefacts
légendaires très rares, qui marchent par
paire et qui permettent, censément, de
passer de l’une à l’autre quelle que soit
la distance qui les sépare. Les condi-
tions exactes pour faire fonctionner les
armoires diffèrent selon les individus
qui les racontent. Certains parlent de
conjonction astrale, d’autres de couleur
de cheveux, d’autres enfin de caractéris-
tiques physiques qu’il n’est pas utile de
répéter ici. Quoi qu’il en soit, et quel que
soit le degré de véracité de cette légende
urbaine, elle expliquerait les apparitions
mystérieuses dont le Grand Marché est
plus ou moins régulièrement le théâtre.
Citons par exemple le minotaure de
la pleine lune il y a dix-sept ans, les
mystérieux poissons chirurgiens et leurs
coraux un matin d’il y a trois ans et
celui que personne n’a oublié, le maître
de la guilde des Vendeurs immobiliers,
retrouvé en posture très personnelle La belle Salambo,
dans un accoutrement inhabituel et qui vendeuse de légumes, cueilleuse de rêves
fait encore rire dans les postes de garde.
• Aux larmes du dragon, place de la Zyglute, où Sonneurs de cor est situé au n° 33 de la
les chasseurs de trésors aiment arroser leurs même rue).
futures expéditions. • « Une étoile brille sur l’heure de notre
• Le Pet des braves, rue des Trois Frères, éta- rencontre », peinte en lettres d’argent sur
blissement spécialisé dans l’humour nain. la porte de l’Hôtel des âges, une auberge de
• Le Jeu de lois, échelle des Scribes-Échevins, grand standing de l’échelle de la Comédie,
copropriété en indivision de la guilde des appréciée par les elfes de passage à Laelith.

Au Cent espoirs Notaires. • « Sagesse et pénitence », au 45 échelle du

Si vous vous trouvez sans le sou, vous
pouvez vous rendre au Cent espoirs.
Ulkan, le prêteur sur gages, est plutôt
coulant, il accepte à peu près tout :
l’âme, le souvenir du premier amour
et même l’honneur (sauf les saintes
reliques, qui le font défaillir, la séquelle
• Parle à ma main, échelle des Boulangers, où
les amoureux éconduits viennent noyer leur
chagrin.
Maximes au fronton
Marionnettiste, ancienne chapelle recon-
vertie en maison de plaisirs exotiques. Le
nouveau propriétaire n’a pas jugé utile de
changer la maxime.
• « Ici mieux qu’en face », dernière maison
avant la Faille sur l’échelle du Pont des morts.

d’un pacte qu’il a dû passer pour
s’échapper du Châtiment). Il semble
même qu’au premier retard, il ne casse
qu’un bras. Bien sûr, sa boutique offre
une vision peu rassurante sur la terrasse
maudite. Mais comme vous dira le
patron : « On s’en sort, j’en viens. » Ne
vous fiez d’ailleurs pas à son apparence,
les dents pointues lui viennent des
sculpteurs du Châtiment et la forme
bizarre de son crâne n’est qu’une défor-
mation de naissance.
Il y a celles devant lesquelles on passe tous
les jours sans plus y prêter attention, celles
que l’on découvre amusé au détour d’une
ruelle inconnue, celles qui gravent l’His-
toire dans la pierre éternelle (et les Dieux
savent qu’à Laelith ce n’est pas un vain
mot !). Les sentences sibyllines qui ornent
les devantures nous invitent au mystère et à
l’aventure…
• « Si j’avais su », au 31 rue Qui-qu’en-peut
(pour mémoire, le siège de la guilde des
• « Plus grand par les arts », au fronton du
Grand Théâtre.
• « Un esprit sain dans un corps sain », gra-
vé dans la pierre au-dessus du porche d’en-
trée des bains publics de la place du Grand
Marché, affiliés au Temple du Poisson
d’argent. L’accès aux bains nécessite de fran-
chir trois salles d’ablutions rituelles. Une
donation annuelle au Temple permet de
s’en abstenir en passant par un couloir de
contournement.

206
• « Toutes blessent, la dernière tue », gravé
sous le cadran solaire du n° 13 de l’échelle
des Pendus.
• « Sam suffit » (eh oui, aussi à Laelith !).
• « La peur tue l’esprit », gravé sur le parapet
du pont des Morts.
• « Née des flammes », ex-voto peint en
lettres d’or sur la voûte d’une chapelle de
l’échelle de la Comédie, à l’issue des travaux
de reconstruction de l’aile nord du Grand
Théâtre.
La passion cachée de
Nadayat le Précieux
Si l’attrait de Nadayat pour les arts est de
notoriété publique (voir « L’Académie du bel
art »), peu savent qu’il vouait une passion se-
crète à la fabrication d’objets magiques. Ce
n’était pas un collectionneur, mais un créa-
teur. Il avait fait venir auprès de lui les mages
les plus compétents en la matière pour qu’ils
lui enseignent leur art et s’était révélé un
élève plus que doué. Peu après la fondation de
l’Académie du bel Art, il fit don à Carmine et
Félinae de quatre créations particulièrement
réussies.
La cape d’ombre
La cape d’ombre a été enchantée à partir
du costume de Mackus, le personnage prin-
cipal du célèbre Opéra de quatre Temples. Elle
est conservée dans une armoire secrète dis-
simulée derrière un pan de mur de la salle
des costumes du Grand Théâtre. Quiconque
prononce les mots « Sombre est la nuit » en
ayant revêtu cette cape de velours rouge de-
vient quasiment invisible lorsqu’il se trouve
dans l’ombre. La cape est un peu usée (Felinae
s’en est beaucoup servie), mais fonctionne
toujours.
L’épée de Carmine
De tous les objets que Nadayat a offerts à
ses deux protégées, celui-ci est sans doute
le plus étrange, car il ne leur a pas indiqué
quel était réellement son pouvoir. La guilde
conserve une lettre de Carmine à sa sœur, où
l’on trouve quelques vagues explications sur
la raison d’être de cette épée en bois, qui res-
semble fort à un accessoire de théâtre sans va-
leur. Carmine indique que Nadayat lui a confié
l’objet en lui révélant l’avoir enchanté après
qu’un oracle lui a prédit qu’un ennemi insi-
dieux et puissant tenterait un jour de saper les
sources du pouvoir du Roi-Dieu et de détruire
Laelith. D’après lui, seule cette épée pourrait
vaincre cet ennemi.
Pendant plusieurs générations, l’épée a été
conservée dans les locaux de l’Académie du bel
art. Mais la guilde qui préside aux destinées de
l’institution étant ce qu’elle est, l’épée a été fi-
nalement dérobée par une courtisane qui igno-
rait le contenu de la lettre de Carmine et savait
juste que l’épée avait été offerte par Nadayat.
Après avoir, toute sa vie durant, tenté en vain
d’en percer les secrets, elle l’a léguée à Goraste
Schlum, un prêtre du Poisson d’argent, collec-
tionneur de reliques de Nadayat le Précieux.
L’épée est désormais conservée – parmi
d’autres babioles sans grande valeur apparente
– dans une chapelle-musée, située en bas de
l’échelle des Paladins. Ce lieu, propriété des
descendants de Goraste Schlum, n’est pas ou-
vert au public.
La chaise de mémoire
Cette chaise vermoulue et négligée traîne
dans un coin d’une des loges du Grand
Théâtre. Quiconque s’y assoit en lisant un
texte le retient parfaitement dès la première
lecture. Des générations d’acteurs s’en sont
servies pour mémoriser leurs rôles. Le pro-
blème est que pour chaque page enregistrée,
la chaise vole un souvenir, qui disparaît de la
mémoire de l’utilisateur.
Le miroir de répétition
Le grand miroir mural de la salle de danse
de l’Académie du bel art pouvait, si on l’activait
par le mot adéquat, enregistrer un ballet joué
devant elle. La chorégraphie pouvait alors être
rejouée en prononçant un autre mot. Le mi-
roir a été brisé par Félinae, qui ne supportait
plus de se voir renvoyer l’image de son visage
abîmé. Les morceaux ont été rangés dans une
caisse en bois, stockée dans un grenier sous les
toits du bâtiment de l’académie consacré aux
arts corporels. Chacun des éclats du miroir
conserve les propriétés magiques de la pièce
d’origine. De nos jours, les deux mots d’acti-
vation ne sont connus que de la grande courti-
sane. Elle pourrait les révéler et offrir un éclat
du miroir en récompense de services rendus à
la guilde…
Le marchand d’oublies
Grand, maigre et âgé, avec de longs che-
veux grisonnants et des yeux d’un bleu
très clair, nul ne semble connaître son
nom. Il porte une antique houppelande
brune, un tablier blanc, et transporte
ses marchandises dans une boîte plate
retenue par une lanière passée à son
cou, ce qui le fait se tenir voûté.
Le marchand d’oublies arpente les
échelles de Laelith depuis des décennies.
Les vieux prétendent qu’ils lui ache-
taient déjà ses gâteaux quand ils étaient
enfants.
Que ce soit vrai ou non, il vend ses
oublies, des gaufres rondes et sucrées,
pour quelques piécettes… et il laisse
derrière lui un sillage de petits miracles.
Rien de voyant, rien de spectaculaire,
mais certains acheteurs bénéficient de
coups de chance dans les heures qui
suivent leur emplette – ils ne glissent pas
sous les roues de ce chariot, ils trouvent
un peu d’argent, ils règlent sans mal
un problème administratif épineux, ils
sont frappés par la beauté de ce coucher
de soleil et s’en souviendront toute
leur vie… Les autorités le soupçonnent
d’être un magicien pratiquant son art
sans permission, mais les fouineurs les
plus exercés n’ont rien pu prouver.
Déclaration
avant la pendaison
de Nataniel Filondro
« Oyez ! Oyez ! Gentilshommes et
damoiseaux, bourgeois et serviteurs,
vilains et manants ! Sa Royale-divine
Majesté, dans son inflexible quête de
justice et de vérité, condamne à la pen-
daison par le cou jusqu’à ce que mort
s’ensuive le profanateur multirécidiviste
Nataniel Filondro. Il a été reconnu
coupable sous la torture d’avoir man-
qué de respect deux fois à un membre
honorable de la guilde des Courtisanes,
la traitant d’une manière telle que la
Cour se refuse de la répéter ici. Puisse-t-
il mourir lentement dans d’atroces
souffrances. Bourreau, fais ton
office ! »
La Prospérité 207
 Scénario

L’affaire du
gnome disparu
En quelques mots
Les PJ sont engagés par un médecin lé-
giste pour enquêter sur la disparition de
son colocataire, un brillant enquêteur.
Ils se heurtent aux agissements d’un
culte nihiliste, coordonnés par un esprit
criminel retors : le professeur Mortifère.
L’enquête les mène dans de nombreux
lieux de la terrasse de la Prospérité,
leur permet d’entrer en possession d’un
puissant artefact, puis les conduit dans
un manoir hors ville où ils triomphent
(ou pas) d’un mal ancien et découvrent
l’identité du machiavélique professeur.
Ce scénario utilise de nombreuses infor-
mations présentées dans les différentes
rubriques consacrées à la Prospérité.
Il est donc préférable d’en avoir pris
connaissance au préalable. Pour les se-
crets de la terrasse, reportez-vous aux
pages qui leur sont consacrées dans le
chapitre « Les secrets ».

Fiche technique
TYPE • Enquête urbaine
PJ • 4 à 6 de niveau bas à moyen, dont au
moins un doit être une courtisane
MJ • Moyennement expérimenté
Joueurs • Tout niveau
ACTION *
AMBIANCE : **
INTERACTION : ***
INVESTIGATION : ***

208
Un petit-déjeuner la lettre M. Si les PJ ne pensent pas à interro-
ger le gamin et ont plus tard des remords, ils
Rêves d’Elvire
Un valet de chambre du Roi-Dieu est
presque tranquille pourront le retrouver par l’intermédiaire des
Irréguliers (voir plus loin), car son grand frère,
logé dans une des plus vieilles ailes du
palais intérieur. Il ignore que son lit
Les PJ ont élu domicile depuis trois jours Grand Bab’, est le chef de la bande. est posé sur un des plus gros Lithos
dans une sympathique hostellerie sise au n° 173 de Laelith. Parfois, il rêve de paysages
de l’échelle des Boulangers : À la miche rebon- exotiques. Il serait fort surpris d’ap-
die. À leur arrivée, ils ont déposé chez les com- Oraison matinale prendre que ces paysages correspondent
aux contrées visitées par Elvire
merçants du coin des affichettes manuscrites
Si les aventuriers se rendent au rassemble- Porteflamme au moment de son rêve…
pour offrir leurs services d’aventuriers ; elles
ment, ils assistent au prêche enflammé d’une
mentionnent clairement leurs coordonnées
jeune demi-elfe (Sylvira Songthorn), qui pré-
à l’auberge. Pour le moment, aucun client ne
tend que les quatre Temples de Laelith ne sont
s’est manifesté. Notre histoire commence au
matin du premier jour de la fête de la Pluie de
fleurs. Tout le quartier attend avec impatience Le prêche de Sylvira
la bénédiction du marché aux fleurs, qui sera
prononcée sur le Grand Marché à midi. Les
PJ sont installés à la terrasse du premier étage,
profitant de l’agréable odeur de pain frais qui
embaume l’échelle à cette heure charmante.
Madame Skarn, propriétaire et enseigne vi-
vante de l’établissement, confectionne les guir-
landes de jonquilles qui orneront son établis-
sement à partir de midi et pour quatre jours,
jusqu’à la fin du marché aux fleurs. Dans la rue,
en contrebas, les PJ voient passer un groupe de
gardes du poste Safran, l’air soucieux et l’œil
inquisiteur. Quelques minutes après le départ
des gardes, un gamin du quartier vient dépo-
ser des tracts sur les tables. Il n’a guère plus de
8 ans et son air dégingandé avec des bras un
peu trop longs lui donne une apparence va-
guement simiesque.
Le tract est assez sobre. Il contient juste la
phrase « Rendez-vous à 9 heures du matin sur
la place de la Fontaine neuve pour un grand
rassemblement populaire où les véritables se-
crets de Laelith seront révélés », suivie d’un
symbole constitué d’un disque noir inscrit
dans un carré blanc.
S’il est interrogé, le gamin peut donner les
informations suivantes : il se nomme Ti Bab’
(pour « petit babouin ») et vit dans les rues de
la terrasse. Un homme lui a remis une enve-
loppe et quelques pièces de cuivre en lui de-
mandant de distribuer les tracts dans le quar-
tier. Ti Bab’ a conservé l’enveloppe et peut la
montrer aux PJ. Sur cette enveloppe, on a ins-
crit en caractères d’imprimerie « Phase un ».
L’enveloppe était scellée. Bien que Ti Bab’ ait
dû briser le sceau pour sortir les tracts de l’en-
veloppe, il est possible de le reconstituer gros-
sièrement. Ce sceau reprend le symbole du
cercle dans le carré, sur lequel a été superposée

La Prospérité 209

Portrait
Yossefa, la princesse de rubis, est
une personnalité bien connue de la
Prospérité. Noble en exil, elle a acheté
un manoir sur l’échelle de la Comédie
où elle vit dans l’opulence, entre une
poignée de gardes, autant de servantes
et un austère intendant. Vêtue de pan-
talons, fumant la pipe, ne se départant
jamais de son cimeterre et arborant de
magnifiques et tapageurs bijoux, elle
ne passe pas inaperçue. Exubérance,
goût de l’art, mécénat et mœurs aussi
licencieuses que versatiles lui valent une
sulfureuse réputation, qu’elle ne fait
qu’encourager en enchaînant les récep-
tions où artistes, gens de parage et autres
godelureaux se croisent et improvisent
au milieu d’alcools fins et d’opiacés.
210
Evarilion Bombogarogan,
détective-conseil
que supercherie et qu’il n’est d’autre Dieu que
le Sans-Nom. Elle est entourée de quelques
gros bras, qui veillent à sa sécurité. La foule
présente est plutôt de basse extraction et est
venue principalement parce que la rumeur
prétend que Sylvira distribue généreusement
de la nourriture à chacune de ses oraisons
publiques. Effectivement, vers la fin du dis-
cours, alors que trois membres du Temple
du Poisson d’argent l’interpellent en mettant
en doute l’existence de son Dieu, Sylvira fait
apparaître une multitude de pâtisseries dans
un grand coffre, qui sont généreusement dis-
tribuées à la foule (il n’y a pas de double fond,
le miracle est authentique). Ce geste est une
dénonciation assumée du prix exorbitant
des soupes et jus de fruits traditionnellement
vendus pendant le marché aux fleurs par le
Temple du Poisson d’argent. Peu après, un
guetteur aperçoit une troupe de gardes qui
approche et la foule se disperse. Si les PJ s’at-
tardent, ils sont interrogés par les gardes, qui
veulent en savoir plus sur cette prédicatrice.
Elle prêche dans le quartier depuis quelques
jours et commence à énerver quelque peu les
autorités.
Le docteur Quatreponts
cherche de l’aide
Une fois revenus à l’hostellerie (ou après
leur petit-déjeuner s’ils ne sont pas allés
au rassemblement), les PJ sont abordés par
la patronne de l’établissement, qui les in-
forme qu’un homme affable et sympathique
souhaite les rencontrer : le docteur Althus
Quatreponts. C’est un médecin légiste in-
dépendant, qui soigne gratuitement les in-
digents une fois par semaine. Il jouit d’une
très bonne réputation dans le quartier et
chacun sait qu’il habite au 221b de l’échelle
des Boulangers, en compagnie d’une sorte de
gnome excentrique.
Une fois les présentations d’usage effec-
tuées, le bon docteur sort de sa poche l’une des
petites annonces des PJ et leur dit avoir grand
besoin de leurs services. En effet, le gnome
Evarilion Bombogarogan, détective-conseil,
ami et colocataire du docteur, l’un des esprits
les plus brillants de la terrasse, voire de la cité,
a disparu depuis six mois. Le docteur leur
propose une somme forfaitaire raisonnable
et conduit les PJ devant le notaire du quartier,
Spumone Savaretti, pour signer un contrat
en bonne et due forme. En contrepartie de la
somme allouée, les PJ s’y engagent à déployer
pendant une semaine tous les moyens à leur
disposition, aux fins de retrouver Evarilion
Bombogarogan et, si possible, de le rame-
ner sain et sauf à son domicile. Le docteur
Quatreponts devra être quotidiennement in-
formé du déroulement de l’enquête et pourra à
tout moment, sur simple demande orale, par-
ticiper à celle-ci.
La partie commence !
Le docteur informe les personnages
qu’Evarilion Bombogarogan a disparu il y a
six mois alors qu’il enquêtait sur le vol d’un
lot d’accessoires de scène au Grand Théâtre
royal-divin de Laelith. Les PJ doivent re-
prendre l’enquête.
Althus leur donne le nom du client de son
ami pour cette affaire : sire Florimont, le ré-
gisseur du Grand Théâtre. Sire Florimont
peut révéler aux PJ qu’Evarilion avait annoncé
son intention d’enquêter chez les fourgues du
quartier, qui se situent tous dans les environs
immédiats de la place du Pilori. Il s’était en-
suite rendu dans la remise où étaient rangés
les accessoires. Elle donne sur l’échelle des
Paladins, au premier étage, et sa vitre avait
été brisée. Après un examen précis, le gnome
avait prélevé un indice (un morceau de tissu
noir avec des reflets moirés) et s’était excla-
mé : « Élémentaire mon cher Florimont ! ».
Le régisseur peut également fournir aux PJ
une liste complète de ce qui a été dérobé :
une caisse de costumes masculins, une caisse
de costumes féminins, un tabouret, un porte-
manteau, deux épées en bois, deux portraits
de Mackus-aux-sept-couteaux, un raton la-
veur empaillé.
Le morceau de tissu peut être retrouvé dans
le capharnaüm qui sert de salon au 221b de
l’échelle des Boulangers. Il provient d’une
étoffe utilisée pour tailler les tenues de travail
des embaumeurs de la maison Bishoff, une
entreprise indépendante de passeurs de mort.
Le docteur, de par sa profession, peut four-
nir cette information si on le lui demande.
En revanche, il ignore tout des éléments qui
suivent.
Evarilion, qui n’avait pas eu besoin des lu-
mières du docteur pour savoir d’où provenait
ce tissu, s’était rendu à la maison Bishoff sans
lui en parler et avait sans difficulté démasqué
le coupable du vol des accessoires, un em-
ployé du nom de Salamander Trolloc. Mais il
ne s’était pas rendu compte que celui-ci était
piloté par Salia Bishoff, épouse malheureuse
du maître de maison, Gilhlam, et membre di-
rigeante du culte du Sans-Nom. Elle a prévenu
ses coreligionnaires et, peu de temps après,
Evarilion a été enlevé dans une ruelle atte-
nante à la boutique d’Offalia la négociante, au
n° 67 de la rue Qui-qu’en-peut.
Les PJ seraient assez mal inspirés de repro-
duire l’erreur d’Evarilion en allant poser des
questions aux employés des Établissements
Bishoff. En revanche des approches plus dis-
crètes se révéleront fructueuses.
Une surveillance de l’établissement pourrait
leur permettre de constater que Salia Bishoff
fait de fréquents allers-retours en ville en
compagnie d’un de ses employés : Salamander
Trolloc. S’ils les suivent, les PJ découvriront
l’une des planques du culte, dans les étages
supérieurs du Cloaque. On y accède après un
parcours complexe dans les égouts.
Lorsque Salia et son employé n’y sont pas,
l’endroit est vide et fermé à clef. À l’intérieur,
on trouve des réserves d’armes et des caisses
de nourriture, ainsi qu’un sac de toile conte-
nant des brassards à l’effigie du culte du Sans-
Nom. Sur le sac, une étiquette cousue an-
nonce : « Phase deux ».
Une expédition nocturne et discrète dans
les Établissements Bishoff permettrait aux PJ
de retrouver dans le sous-sol presque tous les
objets volés, dissimulés dans deux cercueils. Il
ne manque que les épées en bois.
À ce stade, les PJ savent donc que les voleurs
sont à la recherche d’épées en bois. Reste à sa-
voir pourquoi…
Ce qu’il se trame
Avant toute chose, si vous ne l’avez pas déjà
fait, lisez les chapitres consacrés au culte du
Sans-Nom et les secrets de la terrasse de la
Prospérité.
Qu’est devenu Evarilion ?
Le culte du Sans-Nom a décidé de mettre en
œuvre son maître-plan : convertir à la vraie
foi les masses populaires de la ville, déclencher
une révolution et brûler la catin de toutes les
catins, Laelith la purulente ! Pour y parvenir,
il dispose de deux atouts de poids. L’un avance
à visage découvert : Sylvira Songthorn, l’Anti-
déesse, jeune demi-elfe issue d’un méticuleux
programme de sélection génétique, que l’on
prépare depuis sa plus tendre enfance pour
ce moment tant attendu. L’autre agit dans
l’ombre : le professeur Mortifère, un esprit
brillant récemment recruté par le culte pour
mettre au point un plan d’actions machiavé-
lique, fondé sur la manipulation et la ruse, des-
tiné à assurer au culte la revanche qu’il attend
depuis des siècles.
Son enquête sur cette affaire de vol d’acces-
soires au Grand Théâtre a amené Evarilion à
s’intéresser de trop près aux agissements du
Monographies
d’Evarilion
Bombogarogan :
– 34 espèces d’herbe à pipe inconnues des
halfelins ;
– De la fabrication du papier en ville et
hors ville ;
– 53 modèles de semelles fabriquées sur la
terrasse de la Main qui travaille : descrip-
tion et étude comparée des empreintes ;
– Déterminer l’heure de la mort en
goûtant l’humeur vitrée de la victime,
préface du docteur Quatreponts, médecin
légiste (étude expérimentale abandon-
née ensuite au profit d’une datation par
comptage des vers) ;
– Meurtres irrésolus du siècle dernier :
mes théories indémontrables néanmoins
exactes ;
– Détective-conseil, un métier, une
vocation ;
– De la consistance des déjections d’ookhab.
Les plus célèbres
affaires résolues
par Evarilion
Bombogarogan et
racontées dans la
Gazette de Laelith
par le docteur
Quatreponts
Le signe des quatre, où Evarilion dé-
masque les auteurs de graffitis obscènes
reproduits à l’identique sur chacun des
quatre Temples de Laelith.
Le pensionnaire en traitement, où
Evarilion retrouve au fond du Cloaque
un pèlerin porteur d’une maladie assez
contagieuse, enlevé au Lazaret. Ayant
lui-même contracté la maladie, le détec-
tive ne garde comme séquelle qu’une
légère claudication.
La pensionnaire voilée, où Evarilion
démasque une courtisane qui avait
trahi l’Académie du bel art en rensei-
gnant les fouineurs sur la partie la plus
discrète de ses activités. Elle retrouvait
ses contacts au Lazaret.
Une étude en rouge, où Evarilion
sauve d’une mort certaine le notaire
Spumone Savaretti, victime de maîtres
chanteurs.
Les trois pignons, où Evarilion résout
et dévoile le mystère de la rue des Trois
Frères et déterre un trésor
vieux de cinq siècles.
La Prospérité 211
 culte. Les sectateurs l’ont alors enlevé et en-
fermé au manoir de Son-Tô, pour qu’il passe
sous le contrôle de l’Antilithe. Le Lithos rené-
gat a tiré tout le profit possible de sa nouvelle
possession, en exploitant son génie à des fins
séditieuses. C’est ainsi que depuis six mois,
Evarilion conçoit et met en œuvre, depuis le
manoir, les phases finales du plan de conquête
du culte. Le professeur Mortifère, c’est lui !
Comment le libérer ?
Le seul moyen de rendre à Evarilion son
libre arbitre est de détruire l’Antilithe. Tant
que cette action n’aura pas été accomplie, il
restera le professeur Mortifère.
Salia Bishoff
212
Comment les PJ
peuvent-ils détruire l’Antilithe ?
La façon la plus simple d’anéantir l’Antilithe
est de plonger en son sein l’épée de Carmine.
Il y a fort longtemps, sous le règne de Nadayat
le Précieux, le Lithoracle avait prédit qu’un
Lithos renégat tenterait un jour de détruire
Laelith. Inspiré par ces révélations, le Roi-
Dieu a enchanté un accessoire de théâtre (une
épée en bois) en lui conférant la capacité de
détruire un Lithos, l’épée étant elle-même an-
nihilée par l’opération. L’accessoire enchanté
fut confié à Carmine, l’une des deux fonda-
trices de l’Académie du bel art. Il est actuelle-
ment conservé dans une petite chapelle-mu-
sée consacrée aux reliques de Nadayat le
Précieux, mais cette information n’est pas de
notoriété publique.
Pourquoi le culte est-il à la
recherche d’épées en bois au
Grand Théâtre ?
Il y a dix mois, Salia Bishoff a découvert,
parmi les possessions d’une courtisane décé-
dée que sa famille avait confiée aux passeurs
de mort, une petite collection de lettres ap-
partenant à la correspondance échangée entre
les deux sœurs, Carmine et Félinae. L’une de
ces lettres mentionne l’existence de l’épée. La
courtisane y indique que Nadayat lui a confié
l’objet en lui révélant l’avoir enchanté après
qu’un oracle lui a prédit qu’un ennemi insi-
dieux et puissant tenterait un jour de saper les
sources du pouvoir du Roi-Dieu et de détruire
Laelith. D’après lui, seule cette épée pourrait
vaincre cet ennemi. L’Antilithe, qui contrôle
l’esprit de Salia comme celui des autres diri-
geants du culte, a immédiatement saisi la me-
nace et l’opportunité que représentait cette
épée enchantée. Entrer en sa possession lui
assurerait de ne pas être détruit par elle, mais
permettrait également d’éliminer l’un des
Lithos qui contrôlent Laelith, ce qui représen-
terait assurément un grand pas vers la victoire.
C’est pourquoi Salia a été chargée de trouver
l’épée dans l’endroit où elle devrait logique-
ment être conservée : le Grand Théâtre. Elle
a demandé à l’un de ses sbires, Salamander
Trolloc, membre du culte et employé des
Établissements Bishoff, de dérober les épées
en bois conservées dans la remise du Grand
Théâtre, en plus d’autres accessoires de scène
pour brouiller les pistes. Malheureusement
pour l’Antilithe, l’épée de Carmine a quitté
ce lieu depuis longtemps (voir le texte consa-
cré à l’épée dans les pages « À l’échoppe de la
Prospérité »).
Alliés et obstacles
Au cours de leur enquête, les PJ peuvent bé-
néficier de l’aide – volontaire ou non – de cer-
tains habitants de la terrasse. S’ils manquent
de discrétion, ils risquent fort d’attirer l’atten-
tion du culte.
Salamander Trolloc peut révéler aux PJ
qu’il est bien l’auteur du vol, qu’il est adepte
du Sans-Nom et qu’il obéit aux ordres de
Salia. Il sait que le culte recherche un objet
magique très puissant qui a la forme d’une
épée en bois. Il ne sait pas où se trouve le
quartier général de la secte, ni à quoi sert
exactement l’épée.
Salia Bishoff ne révèle rien. Elle connaît
l’existence de l’Antilithe et l’emplacement du
manoir de Son-Tô, mais préfère mourir plutôt
que de lâcher ces informations. Si les aventu-
riers la capturent et l’empêchent de mettre fin
à ses jours, l’Antilithe lui grillera le cerveau
avant qu’elle ait pu révéler quoi que ce soit
de compromettant. Si les PJ posent des ques-
tions indiscrètes aux Établissements Bishoff
et qu’elle est encore en capacité de nuire, elle
lancera des membres du culte à leurs trousses
dans les heures qui suivent.
Sylvira Songthorn, protégée en perma-
nence par des gros bras du culte et dispo-
sant de pouvoirs magiques impressionnants,
est inaccessible aux PJ. Utilisez-la plutôt
comme un élément de décor pour souligner
l’urgence de leur enquête (voir « La vague »,
plus loin).
Les Irréguliers de l’échelle des Boulangers.
Les PJ peuvent faire leur connaissance au 221b,
Grand Bab’ rendant fréquemment visite au
docteur Quatreponts pour demander des nou-
velles d’Evarilion. Alternativement, certains
fourgues interrogés par les PJ peuvent signaler
qu’une gamine leur a déjà posé des questions
il y a quelques mois. Munis de son signale-
ment, les PJ peuvent retrouver la Fouine et,
par son intermédiaire, entrer en contact avec
les Irréguliers. Evarilion avait confié à la bande
la mission d’interroger les fourgues, mais il a
été enlevé avant que les gamins puissent faire
leur rapport : aucun receleur n’a été contacté
pour écouler des accessoires de théâtre ; en
revanche, des individus inconnus dans le
quartier (des cultistes) ont demandé à certains
fourgues s’ils n’avaient pas des épées en bois en
stock. En outre, les Irréguliers savent qu’Eva-
rilion a été enlevé devant la boutique de la
négociante Offalia, au 67 rue Qui-qu’en-peut.
Jusqu’à ce jour, ils n’ont pas pu exploiter cette
information car elle n’est utile que si l’on peut
faire le rapprochement avec Salia Bishoff, ce
que seuls les PJ peuvent faire, s’ils connaissent
son apparence.
Offalia a été témoin de l’enlèvement. Elle
dit avoir vu une bande de gros bras et une
femme masquée à la longue chevelure brune
(Salia Bishoff) assommer un gnome dans la
ruelle derrière la boutique de son père et le
mettre dans un grand sac de toile avant de
déguerpir.
Le professeur Harex. La PJ courtisane se-
rait bien inspirée de rendre visite à son ancien
maître d’éloquence. Si on lui parle d’une épée
en bois, il raconte l’histoire de la création de
l’épée de Carmine. Il sait que l’objet recèle
un pouvoir secret mais il ignore lequel. Il sait
également qu’il a été dérobé il y a environ 150
ans. Le professeur propose aux PJ de contacter
Élisa, sa protégée.
Élisa Dolot peut aider sa consœur à cher-
cher dans les archives de l’académie des docu-
ments relatifs au vol de l’épée. Le coupable n’a
jamais été démasqué, mais les PJ peuvent dé-
couvrir les noms d’une dizaine de personnes
soupçonnées à l’époque, parmi lesquelles fi-
gurent trois courtisanes. En concentrant leurs
recherches sur ces trois noms, ils finissent
par découvrir que l’une d’entre elles, Isadora
Bellefleur, a établi un testament auprès d’Eva-
risto Savaretti, un notaire de la terrasse, qui
n’est autre que l’ancêtre de Spumone Savaretti,
rédacteur du contrat liant les PJ au docteur
Quatreponts.
Spumone Savaretti n’a pas pour habitude
de permettre à des inconnus de consulter les
actes notariés conservés dans son étude. Mais
il peut faire une exception pour aider à re-
trouver Evarilion, qui lui a sauvé la mise dans
une affaire de contrats falsifiés. Le testament
révèle qu’Isadora a légué l’épée de Carmine
au collectionneur Goraste Schlum, à la condi-
tion qu’il la conserve dans sa chapelle-mu-
sée consacrée aux reliques de Nadayat le
Précieux. L’emplacement de la chapelle, en bas
L’auberge rouge
Pour faire un bon repas, privilégiez
l’une des tavernes de l’échelle de
l’Auberge-qui-pue. Elles rivalisent
d’originalité et se livrent à une féroce
concurrence sur les prix. Rassurez-vous,
aucune odeur nauséabonde ne viendra
agresser vos narines pendant votre
repas. En vérité, l’échelle tire son nom
d’un fait-divers datant d’environ un
siècle. La meilleure auberge de l’échelle
était réputée jusque dans les Hors-ville
pour la qualité de ses grillades, jusqu’à
ce que l’on découvre que le proprié-
taire des lieux utilisait des quartiers
de viande prélevés sur les clients qui
n’avaient pas pu régler l’addition. Les
restes de cadavres qui n’étaient pas
utilisés à des fins culinaires étaient jetés
chaque mois dans l’Inlam. L’aubergiste
appelait cela « faire la plonge ».
L’expression est restée et sert désormais
de menace amicale envers les clients
désargentés. L’odeur nauséabonde qui se
dégageait des corps pourrissant pendant
un mois a fini par attirer l’attention
de la maréchaussée, qui a mis fin aux
activités de contrevenant. D’aucuns
affirment que certaines nuits sans lune,
le spectre de l’aubergiste fou déambule
dans l’échelle pour maudire les clients
indélicats. D’autres estiment que cette
légende est propagée par les aubergistes
actuels pour décourager la grivèlerie…
Monologue de
Salia Bishoff (fort
heureusement non
entendu), au fond
du Sanglier pas clair,
échelle des Pierres
« Plus jamais y me touchera, ce porc,
plus jamais ! Ah ça, il est fort pour
prendre une tête de circonstance
quand on vient lui amener un mort.
Et ma pauvre dame par-ci, et toutes
mes condoléances par-là, ah ça y sait
faire ! Mais quand il s’agit de revendre
des corps aux cannibales du Cloaque
ou aux « étudiants en médecine » qui
sentent le soufre et qui fuient l’inquisi-
tion, là y la met plus sa tête d’honnête
homme, il ne fait pas de remise, le
saligaud. Je t’en foutrais moi des suaires
en soie, parce que votre cher défunt le
vaut bien ! Et dire qu’y met du satin à la
place ! Salaud. Plus jamais y me
touchera. »
La Prospérité 213
 Extraits des prêches de Reliques de Nadayat le Précieux
Sylvira Songthorn
« En vérité je vous le dis, la terre que
vous foulez a été souillée par la fange
des siècles, l’eau que vous buvez a
ruisselé sur des pierres impies, le feu
qui vous réchauffe en hiver appelle
un brasier purificateur d’une tout
autre ampleur, l’air que vous respirez
est maudit d’avoir permis à des rois
hérétiques de vivre et d’ériger la catin
de toutes les cités : Laelith la purulente !
Ne soyez plus dupes des mensonges de
ces prêtres autoproclamés ! Ne placez
aucune foi dans leurs pseudo-miracles !
Recommandez votre âme au seul Dieu
véritable. Tous les chemins du salut
passent par le Sans-Nom. N’adorez plus
les faux dieux ! Ouvrez les yeux, rejoi-
gnez-nous et nous piétinerons jusqu’à
leur mémoire (…) »
« Toi là-bas ! Oui, toi ! Relève la tête !
N’accepte plus de te soumettre ! Sois
libre de corps, de cœur et d’esprit et
de l’échelle des Paladins, est connu d’un cer- Irréguliers. Cela permettra aux PJ de com-
abandonne tes idoles impies pour enfin
tain nombre de prêtres du Poisson d’argent, mencer à entendre parler de Son-Tô.
accéder à la vérité. Il y a bien long-
temps, le prophète Son-Tô l’a révélée au auquel elle est théoriquement affiliée. En pra- 2. Les soupes et les boissons, traditionnelle-
grand jour. Écoute son enseignement, tique, elle est gérée par la famille Schlum et les ment préparées et vendues par les prêtres
baigne ton âme dans sa sagesse et prêtres ne s’y rendent jamais. du Poisson d’argent au cours de cette fête,
apprends : il n’est d’autre Dieu que le sont à l’origine d’une vaste intoxication
La vague
Sans-Nom, le Sans-Nom récompense
alimentaire. Le culte a empoisonné plu-
ses fidèles et maudit les traîtres idolâtres
qui prétendent gouverner ton esprit. sieurs chaudrons. Le but n’est pas de tuer les
Pendant que les PJ enquêtent, dépeignez consommateurs, mais de créer un ressenti-
Loué soit le Sans-Nom, agrégateur de
sainteté, porteur de l’espoir des éons en toile de fond la montée en puissance de la ment contre le Temple. En contaminant ces
éternels ! (…) » révolte conduite par Sylvira Songthorn. Les denrées, le culte entend dénoncer le mer-
exactions iront crescendo pendant les quatre cantilisme des prêtres.
« L’heure est venue, mes frères, mes
soeurs ! La plus sainte de toutes les jours de la fête de la Pluie de fleurs. Pour mé-
3. Suite à l’incident précédent, une bouscu-
colères monte de nos cœurs et va moire (voir le passage consacré au marché aux
lade oppose cultistes et prêtres sur le Grand
déferler sur cette ville impie. Croyez-le, fleurs dans la rubrique « Animations de quar-
Marché. Les gardes interviennent et arrêtent
elle va tout entraîner sur son passage. La tier »), les festivités sont supposées s’articuler
quelques personnes, qui sont conduites au
force de notre haine purgera Laelith de comme suit : 1er jour : la bénédiction florale, 2e
ses miasmes. L’heure est venue de nous poste Safran, situé sur la place de la Zyglute.
jour : la bataille des fleurs, 3e jour : le comice,
lever ! L’heure est venue de précipiter 4e jour : la grande procession. 4. Une milice du culte apparaît dans les rues.
les faux dieux dans la Faille ! La vague Les individus qui la composent se com-
Malheureusement, les agissements du culte
qui se lève triomphera de toutes les illu- portent avec une grande violence et ar-
sions. Quand elle repartira, elle laissera vont sérieusement altérer l’ordre du jour…
Vous pouvez puiser parmi les événements sui- borent un brassard rouge avec un cercle
derrière elle la vérité du Sans-Nom.
Réjouissez-vous car vos âmes ne seront vants, par ordre croissant de gravité : noir dans un carré blanc. Ils s’attaquent pré-
plus jamais perdues ! (…) » férentiellement aux prêtres et aux symboles
1. Sylvira multiplie les prêches et gagne de plus
religieux.
en plus de nécessiteux à sa cause. Dans l’un
d’eux, elle conte l’histoire de Son-Tô et de la 5. Sylvira, à la tête d’une centaine de fana-
première révolte, sous le règne de Tokinafal tiques, assiège le poste de garde Safran pour
le Septième. Bien entendu, elle ne révèle rien libérer ses cultistes emprisonnés. L’assaut
de l’existence de l’Antilithe ni du maître- fait quelques morts et de nombreux blessés
plan. Si les PJ n’ont pas l’occasion d’assister de part et d’autre. À partir de ce moment, la
à ce prêche, il peut leur être rapporté par un répression du culte devient la priorité des
PNJ, par exemple un gamin de la bande des autorités.

214
6. Des miliciens du culte massacrent trois
prêtres dans la chapelle du Convent cé-
leste, au 7 de l’échelle des Boulangers. Ces
deux hommes et cette femme étaient ap-
préciés dans le quartier, car ils travaillaient
à l’orphelinat situé juste à côté. En signe de
protestation, de nombreuses échoppes de
l’échelle décident de rester fermées jusqu’à
la fin de la fête de la Pluie de fleurs.
Les autorités dépêchent des soldats du
7. repérer.
contingent de ville en renfort. Les pa-
trouilles sillonnent la terrasse. Les arresta-
tions arbitraires sont légion.
Une bombe explose au Grand Théâtre
8. du Sans-Nom (ils lui ont fourni des armes
pendant un spectacle de duels cléricaux.
On dénombre au moins trente victimes
et deux fois plus de blessés. La population
commence à fuir la terrasse, trouvant re-
fuge dans la famille ou chez des amis, dans
d’autres quartiers voire hors la ville.
9. Un couvre-feu est décrété sur toute la ter-
rasse. Les soldats sont équipés d’armes de
trait et ont ordre de tirer à vue sur tout indi-
vidu qui violerait le couvre-feu. Le marché
aux fleurs est suspendu.
10. Des centaines de partisans du culte fraî-
chement convertis se rassemblent de nuit
au Grand Marché, violant le couvre-feu et
exigeant « l’abolition des privilèges de la
prêtrise ». Les soldats donnent l’assaut. Des
dizaines de victimes sont à déplorer. Les
stands du marché sont incendiés. Le feu me-
nace de se propager…
La destruction de l’Antilithe par les PJ in-
terrompt cet enchaînement catastrophique.
Plus ils tardent, plus les agissements du culte
conduisent à des conséquences désastreuses.
S’ils enquêtent sur ces événements, les
personnages trouveront d’autres preuves de
la responsabilité du culte et du professeur
Mortifère (aveux de prisonniers, enveloppes
similaires à celle montrée par Ti Bab’…).
Le nom de Son-Tô est évoqué à plusieurs
reprises.
La riposte du culte
Si les PJ restent particulièrement discrets
tout au long de leur enquête, ils peuvent la
mener en évitant de combattre, à l’excep-
tion des créatures contrôlées par l’Antilithe
dans le sous-sol du manoir de Son-Tô et, le
cas échéant, de la mante chronophage (s’ils
utilisent la magie dans la chapelle-musée de
Nadayat le Précieux).
Néanmoins les occasions d’attirer l’atten-
tion du culte ne manqueront pas de se pré-
senter. Par exemple, les PJ peuvent avoir envie
de suivre un adepte dans les rues de Laelith
après le discours de Sylvira sur la place de la
Fontaine neuve. Si leur technique de filature
n’est pas à la hauteur, ils risquent de se faire
Une petite partie des fourgues qui exercent
leur douteuse profession aux environs de la
place du Pilori sont de mèche avec le culte
et des planques). Les PJ peuvent avoir envie
d’enquêter auprès des receleurs pour savoir si
quelqu’un leur a vendu un lot d’accessoires de
théâtre volés. Espérons pour eux qu’ils ne po-
seront pas les mauvaises questions aux mau- Histoire vécue
vaises personnes (chaque fourgue rencontré a « Avez-vous déjà affronté une horde
15 % de chance d’être acoquiné avec le culte).
humaine ivre de colère ? Vous ne faites
plus face à des êtres vivants capables
S’ils posent des questions trop insistantes d’ordonner leurs pensées, mais à un
au personnel des Établissements Bishoff ou organisme primitif régi par son seul ins-
s’ils se font prendre lors d’un cambriolage tinct. Qu’il crie et les murs tremblent,
desdits établissements, les PJ attireront l’at- qu’il prenne peur et sa violence se
tention de Salia Bishoff, l’une des dirigeantes déchaîne sans limites ! La foule est
du culte. l’expression la plus aboutie de la bêtise.
Si une divinité de l’obscurantisme et
Si le culte prend conscience que les PJ s’inté-
de l’intolérance devait prendre forme
ressent un peu trop à lui, il va devoir réagir de humaine, elle deviendrait une foule.
façon appropriée. Durant les premières phases Les Dieux aériens fassent que je ne me
de la « vague », les sectateurs privilégient la trouve jamais piégé dans l’une de ces ré-
discrétion. Pas question d’assassiner les PJ, miniscences ataviques des âges barbares
cela pourrait attirer prématurément l’atten- qui précédèrent la civilisation ! »
tion de la garde. Le culte a recours à la ruse ou Texte attribué à un prêtre du Nuage,
à l’intimidation pour les décourager. témoin de l’assaut du poste Safran par le
Plus le temps passe et moins la discrétion culte du Sans-Nom
est nécessaire au culte. C’est pourquoi, après
l’assaut nocturne du poste Safran, il ne s’em-
barrasse plus de précautions et tente d’élimi-
ner physiquement les PJ. De toute façon, il y
a déjà eu des morts : une demi-douzaine de
cadavres supplémentaires ne changera rien à
l’affaire.
Voici donc, par ordre croissant d’adversité,
les différentes actions que le culte peut dili-
genter à l’encontre des malheureux PJ.
Ruse n° 1. Si le culte comprend que les
PJ enquêtent sur la disparition d’Evarilion
Bombogarogan, l’information remonte très
rapidement au professeur Mortifère. Le len-
demain, le docteur Quatreponts reçoit une
lettre de la main de son vieil ami Evarilion, lui
disant qu’il est en voyage dans le grand-duché
La Prospérité 215
 Conseils
La conduite du scénario dépend fortement des actions de vos
joueurs. Pour pouvoir vous adapter, vous devrez avoir en tête
les protagonistes de cette histoire. Afin de vous faciliter la tâche,
Personnages vivants
Althus Quatreponts (docteur), médecin légiste indépen-
dant, ami et colocataire d’Evarilion Bombogarogan. Le ca-
ractère naturellement jovial du bon docteur est quelque peu
assombri par l’inquiétude qui le ronge depuis la disparition
d’Evarilion. Il s’en veut de ne pas avoir pensé plus tôt que son
ami était peut-être en grand danger.
Antilithe (l’), Lithos renégat résidant dans une grotte sous
le manoir de Son-Tô, qui contrôle les dirigeants du culte du
Sans-Nom (voir « Les secrets »). Pour en savoir plus sur l’ori-
gine des Antilithes, vous pouvez consulter la rubrique qui
traite des secrets associés aux Lithos et au Lithoracle.
Athéna Skarn, propriétaire replète de l’hostellerie À la miche
rebondie. Elle a les PJ à la bonne et peut leur rendre de menus
services tout au long de leur enquête. En revanche, si son éta-
blissement est incendié et qu’elle apprend que les PJ y sont
pour quelque chose (voir le chapitre « La riposte du culte »,
tentative d’assassinat n° 2), elle leur en voudra beaucoup.
Élisa Dolot, courtisane, protégée du professeur Harex, sœur
de Grand Bab’ et Ti Bab’ (voir la rubrique consacrée au métier
de courtisane). Les liens d’amitié que les PJ pourraient for-
ger avec elle au cours de cette affaire pourraient s’avérer fort
utiles pour de futures aventures.
Evarilion Bombogarogan, gnome génial, détective-conseil,
disparu depuis six mois (voir aussi : Mortifère). C’est un peu
l’arlésienne de cette histoire, puisque les PJ ne le rencontrent
qu’à la fin de l’aventure (si tout se passe bien…).
Florimont (sire), régisseur du Grand Théâtre (voir « Le Grand
Théâtre royal-divin de Laelith »).
Fouine (la), membre des Irréguliers de l’échelle des
Boulangers, est allée interroger les fourgues du quartier à la
demande d’Evarilion (voir « Les Irréguliers de l’échelle des
Boulangers »).
Gilham Bishoff, 45 ans, patron des Établissements Bishoff
(voir le texte consacré à la famille Bishoff dans « Itinéraire
conseillé »).
Personnages du passé
Carmine, courtisane, cofondatrice de l’Académie royale-di-
vine du bel art (voir la rubrique consacrée à l’académie).
Evaristo Savaretti, notaire de quartier, bavard et pointilleux,
ancêtre de Spumone, ayant enregistré le testament d’Isado-
ra Bellefleur.
Goraste Schlum, acquéreur de nombreuses reliques de
Nadayat le Précieux.
Isadora Bellefleur, courtisane, a volé l’épée de Carmine puis
l’a léguée à Goraste Schlum.
216
en voici une liste. À chaque fois que cela est pertinent, l’entrée
consacrée à un personnage vous renvoie à la partie du descriptif
de la terrasse de la Prospérité qui le présente en détail.
Gloriane Altenath, l’une des dirigeantes du culte du Sans-
Nom. Elle réside au manoir de Son-Tô (voir « Le culte du
Sans-Nom »).
Grand Bab’, chef des Irréguliers de l’échelle des Boulangers,
frère de Ti Bab’ et d’Élisa Dolot (voir « Les Irréguliers de
l’échelle des Boulangers »).
Harex (professeur), maître d’éloquence à l’Académie du bel
art (voir « L’Académie royale-divine du bel art »). Les amis
d’Élisa sont ses amis.
Mortifère (professeur), cerveau criminel chargé de la plani-
fication de la phase finale du maître-plan du culte du Sans-
Nom (le docteur Mortifère n’est autre qu’Evarilion, contrôlé
par l’Antilithe).
Offalia, 52 ans, négociante en cuirs et peaux, témoin de l’en-
lèvement d’Evarilion. Elle n’est pas très heureuse en affaires
et pourrait s’enticher d’un PJ séduisant qui la ferait rêver
d’une vie aventureuse. Ce n’est pas forcément un cadeau…
Salamander Trolloc, membre du culte du Sans-Nom, em-
ployé des Établissements Bishoff. Il n’a pas inventé le fil à
couper le beurre et se fait manipuler depuis le début par la
redoutable Salia, qui lui fait miroiter des faveurs qu’elle n’a
aucune intention de lui accorder.
Salia Bishoff, 30 ans, épouse délaissée de Gilham, dotée
d’une longue chevelure brune, adepte haut placée du culte
du Sans-Nom (voir le texte consacré à la famille Bishoff dans
la rubrique « Itinéraire conseillé »).
Spumone Savaretti, notaire de quartier, bavard et pointilleux.
C’est un ami d’Evarilion Bombogarogan. Aussi acceptera-t-il
d’oublier un peu l’éthique de sa profession pour aider les PJ.
Sylvira Songthorn, prédicatrice miraculeuse, égérie du culte
du Sans-Nom (voir « Le culte du Sans-Nom »).
Ti Bab’, gamin des rues dégingandé, frère de Grand Bab’
et d’Élisa Dolot (voir « Les Irréguliers de l’échelle des
Boulangers »).
Nadayat le Précieux, Roi-Dieu, amant de Carmine et ama-
teur d’objets magiques (voir « L’Académie royale-divine du
bel art » et « À l’échoppe de la Prospérité »).
Son-Tô, hérésiarque, fondateur du culte du Sans-Nom (voir
la rubrique consacrée au culte, ainsi que les informations
complémentaires dans « Les secrets »).
Tokinafal VII, Roi-Dieu, contemporain de l’hérésiarque
Son-Tô.

Nadayat le Précieux
d’Agramor pour les besoins d’une enquête,
qu’il rentrera bientôt et qu’il n’y a pas lieu de
s’inquiéter. Le docteur prend contact avec les
PJ pour leur demander ce qu’ils en pensent. Il
leur confirme l’authenticité de l’écriture. Si les
PJ mettent la main sur la monographie De la
fabrication du papier en ville et hors ville, par E.
Bombogarogan (le docteur connaît l’existence
de cette étude, mais bon courage pour la re-
trouver dans le capharnaüm du 221b !) ou s’ils
possèdent eux-mêmes des connaissances uti-
lisables dans ce domaine, ils pourront remar-
quer que le papier utilisé pour la lettre ne pro-
vient pas du grand-duché, mais de la province
de Jhadys…
Ruse n° 2. Pour mettre des bâtons dans les
roues des PJ, rien de tel que de les faire accuser
d’un crime qu’ils n’ont pas commis. Une nuit,
des vandales maculent la porte principale de
la chapelle du Convent céleste de graffitis
obscènes, non loin de La miche rebondie où sé-
journent les PJ. Des effets personnels appar-
tenant à l’un d’eux (dérobés par le culte dans
la journée qui précède) sont découverts sur
place. À l’auberge, sous le lit de l’un d’entre
eux, un pot de peinture noire et des pinceaux
attendent d’être découverts par les gardes…
Toutefois, l’odeur de la peinture est assez forte
et un PJ à l’odorat fin pourra la sentir. Le pot
de peinture a été déposé au moment où les ef-
fets personnels ont été dérobés. Si le PJ rentre
dans sa chambre avant la nuit, il peut décou-
vrir le pot de peinture avant même que la cha-
pelle n’ait été vandalisée.
L’échelle de la Soif
« Il est une tradition qui remonte
au grand cataclysme et à laquelle les
habitants de la terrasse de la Prospérité
tiennent particulièrement. On l’appelle
la descente de l’échelle de la soif. Au
temps jadis, il était d’usage que les pèle-
rins désireux de relâcher la pression de
leurs génuflexions et autres dévotions,
se rendent dans ce qui était à l’époque
la perspective de la Soif, une longue ave-
nue bordée de tavernes et autres lieux
fort éloignés des préoccupations théo-
logiques. L’objectif était d’acheter une
chopine vide en début de perspective,
appelée malicieusement « tronc de pèle-
rin », et de passer de bistro en bistro en
ne payant que le remplissage du tronc. Il
est clair qu’à l’époque, bien rares étaient
les pèlerins qui arrivaient jusqu’au bout
de la perspective dont la taille était, se-
lon la légende d’environ 1203 orteils de
trolls des glaces (soit un peu moins de
800 mètres actuels, encore que les nains
impériaux ne soient pas d’accord avec
cette mesure). Désormais la pente très
prononcée de ce qui est surnommée
l’échelle de la Soif, permet même aux
moins résistants des pèlerins d’arriver
au bout de l’échelle, encore que pas
nécessairement en bon état. »
Légende de Laelith, par Anatin Sabir, grand
maître ès légendes urbaines
Hors taxe
« À la Sainte-Rand vends tout ce que tu
peux, achète le reste ! »
Rand est la Déesse du commerce
libératoire, de la possession débridée
et de l’accaparement bien pensé. Par
décret du Roi-Dieu, une fois l’an a lieu
son épiphanie, durant laquelle toutes les
transactions sont exemptes de taxes sur
la place du Grand Marché. Cela donne
lieu à une foire phénoménale qui dégé-
nère parfois en bousculade. Il faut bien
sûr donner une obole aux prêtres de
Rand à l’entrée et se faire à l’idée que, ce
jour-là, seuls les biens de consommation
pourront être vendus puisque la guilde
des Scribes-Échevins a décrété que ce
jour serait chômé pour elle. Les abus
concernant l’immobilier ou la cessation
de parts grevaient trop ses
rémunérations.
La Prospérité 217
 Brève de la garde
« Je vais vous dire : ces cambriolages
à répétition, ça commence à faire
désordre, alors vous avez intérêt à vous
secouer les puces !
– Mais, mon rahel, pour certaines af-
faires, ça peut être que magique : même
un halfelin aurait pas pu passer par
certains barreaudages ! Et nos indics,
queue de tchi, même les guildes ont pas
l’air au parfum.
– Mais je me fous de vos excuses, je
m’en contrefous même. La Haute
Guilde va faire sauter l’ezmer s’il ne
résout pas l’affaire, l’ezmer va me faire
sauter si je ne résous pas l’affaire et si je
saute, vous sauterez en premiers, alors
trouvez-moi le coupable ! »
Poste Topaze, rahel Eydine à ses hommes
218
Intimidation n° 1. Des brutes avinées of-
ficiant dans les Traboules fumantes sont
grassement payées par un membre du culte
pour donner une bonne dérouillée aux PJ.
Elles ne sont armées que de matraques, mais
savent bien s’en servir. Si les personnages
parviennent à faire parler l’un des assaillants
après la bagarre, il affirmera avoir été payé par
une femme d’une trentaine d’années, dont la
description physique (brune, longs cheveux…)
correspond à Salia Bishoff.
Intimidation n° 2. L’un des PJ trouve un ca-
davre particulièrement malodorant dans son
lit. S’ils font appel aux talents de médecine
légale du docteur Quatreponts, ils appren-
dront que l’homme est mort depuis quatre
jours, de causes naturelles. Une enquête au-
près de la garde peut révéler que cet homme
était un prêtre du Poisson d’argent qui résidait
dans une gentilhommière cossue de la rue
des Trois Frères et qu’il était père de trois en-
fants. Sa riche veuve a confié la dépouille aux
Établissements Bishoff. La cérémonie funèbre
est prévue le lendemain du jour où les PJ dé-
couvrent le cadavre…
Tentative d’assassinat n° 1. Les PJ sont atta-
qués dans un endroit discret (ruelle, planque
du culte…) par une bande de cultistes fana-
tiques armés de fines lames (un par PJ). La
lame du chef du groupe est empoisonnée. Ce
poison n’est pas mortel, mais il ralentit for-
tement les mouvements de sa victime (malus
à l’attaque et à la parade). Il est extrait d’une
variété particulière de roseau qui ne pousse
que sur une petite île du lac d’Altalith : l’île
des Morts. Cette île est actuellement occupée
La mante chronophage
par le culte (pour en savoir plus, consulter les
pages consacrées au culte du Sans-Nom). L’île
des Morts ne joue aucun rôle dans ce scéna-
rio, mais elle pourrait faire l’objet d’une autre
aventure, si les PJ tiennent à éradiquer défini-
tivement le culte.
Tentative d’assassinat n° 2. Une nuit, des
cultistes mettent le feu à l’auberge où logent
les PJ. Les dégâts sont plus ou moins impor-
tants selon que les PJ ont été efficaces ou non
pour coordonner la lutte contre l’incendie et le
sauvetage du personnel et des pensionnaires.
De nombreuses vies sont en jeu. Une lettre
adressée à la propriétaire (Athéna Skarn) est
retrouvée une fois le feu éteint. Elle est signée
du professeur Mortifère (toutefois, l’écriture
n’est pas celle d’Evarilion) et indique très clai-
rement que les PJ étaient visés. La mort dans
l’âme, la propriétaire leur demande de quit-
ter l’établissement. La garde du poste Safran
entend les PJ dès le début de son enquête. Ils
sont interrogés sans ménagement pendant
une demi-journée. S’ils ne s’y prennent pas
trop mal, ils devraient être relâchés à la fin des
interrogatoires.
Vaincre l’Antilithe
Il reste aux PJ deux pistes à explorer : le cha-
pelle-musée et le mystérieux Son-Tô mention-
né dans certains prêches de Sylvira.
La chapelle-musée est fermée à clef. Elle
est gérée dans la plus grande discrétion par
la famille Schlum. Pour préserver les reliques
des ravages du temps, la famille cultive, dans
des vasques d’argent réparties aux quatre
coins du musée, une plante très rare appelée
lys de stase, qui permet d’empêcher le temps
de s’écouler à proximité. L’inconvénient est
que toute utilisation de magie à moins de dix
mètres de la plante crée une anomalie spa-
tio-temporelle qui risque fort d’attirer une
mante chronophage, une créature insectoïde
pensante qui parcourt les flots du temps à la
recherche de telles anomalies, dont elle se
repaît avec délectation. Elle est malheureuse-
ment tout à fait disposée à améliorer son or-
dinaire en croquant également les personnes
présentes.
En cambriolant la chapelle, et s’ils évitent
l’apparition de la mante chronophage ou s’ils
en viennent à bout, les PJ peuvent s’emparer
de l’épée de Carmine, après avoir crocheté la
serrure ou brisé la vitrine dans laquelle elle est
enfermée.
Ils découvrent également deux tomes des
mémoires de Nadayat le Précieux. L’un d’eux
contient un texte détaillé concernant l’épée. Le
contenu précis de la prophétie du Lithoracle y
est révélé (voir « Les secrets »).
Des recherches sur Son-Tô (auprès du pro-
fesseur Harex par exemple, qui les oriente vers
la Bibliothèque de la foi, juste à côté du temple
du Nuage) permettent aux PJ d’accéder aux
informations le concernant présentées dans
les pages « Le culte du Sans-Nom », à l’excep-
tion de celles relatives au maître-plan. Ils y
trouvent également la localisation du manoir,
dans la province de Jadhys, sur les rives du lac
d’Altalith.
Les PJ disposent à présent de suffisamment
d’indices pour comprendre ce qui se trame
et ce qu’il convient de faire pour y mettre
fin. Reste à monter une expédition sur place
(compter une demi-journée en utilisant le tra-
versier qui assure la liaison Laelith-Jhadys).
Les textes « Le culte du Sans-Nom » et « Les
secrets » contiennent toutes les informations
nécessaires pour gérer la situation. Il y a peu
de monde au manoir : quelques gardes, le
professeur Mortifère et Gloriane Altenath
(l’essentiel des forces du culte étant déployé
à Laelith). En étant suffisamment discrets,
les PJ peuvent éviter de les affronter. En re-
vanche, une fois rendus dans la grotte de
l’Antilithe, il leur faut triompher du groupe
de monstres contrôlé par la pierre avant de
pouvoir y plonger l’épée. Une fois cet exploit
réalisé, le contrôle de l’Antilithe sur les diri-
geants du culte (y compris Sylvira) disparaît,
ce qui le désorganise suffisamment pour per-
mettre à la garde de Laelith de l’empêcher
de nuire et de rétablir l’ordre intra-muros.
Reste pour la terrasse à panser ses plaies, qui
seront plus ou moins béantes en fonction de
la réactivité et de l’efficacité des PJ. Evarilion
et Althus se montreront très reconnaissants
envers eux. Le détective peut devenir une
sorte de mentor et leur confier des missions
hautes en couleurs qui constitueront autant
de futurs scénarios… qu’il vous appartiendra
de créer. Bon jeu !
Message diffusé par un
rhapsode échelle des
Boulangers
« Oyez ! Oyez ! Braves gens. Entendez
mon message pour lequel il fut payé
bel et bon argent. Qu’il soit connu de
tous qu’une certaine courtisane déchue
du nom d’Irène Aigle est une moins
que rien. Selon nos informations, elle a
usé et abusé de la gentillesse de bons et
nobles bourgeois pour leur soutirer de
l’argent, des bijoux et plus généralement
rendre leur vie misérable. Cette moins
que rien, renégate à sa guilde, doit être
empêchée de nuire. Soyez prévenus
honnêtes maris, que cette gourgandine
n’est qu’une misérable manipulatrice !
Ce message a été payé par l’association
des victimes d’Irène Aigle et du Club de
la roue de la terrasse de la Prospérité. »
(Cette diffusion fut arrêtée brutalement
par un certain Evarilion Bombogarogan,
hors de lui, et prompt à défendre la
réputation de ladite Irène. Serait-elle de ses
amies ?)
Faillite du système
« La Faille n’est que la représentation
matérielle d’une autre cassure bien plus
grave. La Faille, c’est ce qui nous sépare,
nous le peuple, des bourgeois de la
Prospérité, des savants du Nuage et des
gouvernants de la Haute Terrasse. Une
faille oui, d’un côté, les nantis, de l’autre
la plèbe et tout en bas, la Chaussée, ces
gens-là qui pour quelques sous iront
même défendre leurs oppresseurs, des
esclaves sans collier. Et puis, bien sûr,
posés partout les temples ; ces beaux
temples construits avec notre sueur,
notre sang et nos impôts ; ces beaux
temples qui abritent des prêtres gras
gavés de nos oboles, alors que l’eau nous
tombe dessus par nos toits percés et que
nos ventres crient souvent famine.
Il n’est plus temps de jeter des ponts
entre eux et nous, mais de les briser.
Eux d’un côté, nous de l’autre. On verra
s’ils peuvent le bouffer leur or. »
Extrait de « Faillite généralisée », de
Grozdan Abërsön, anarchiste nain ; pièce
n° 127 du procès Abërsön, archives de la
Sublime Juridiction 
La Prospérité 219
 Scénarios

Idées d’aventures
La danse des sept couteaux
(L'opéra de quatre temples, acte II, scène 1)
L’enchère sanglante
Des PJ pas trop regardants sur le respect
des lois sont chargés par le joaillier Salaf de se
porter acquéreurs d’une demeure lors d’une
vente aux enchères organisée par un com-
missaire-priseur de l’échelle des Ventes. La
cession du bien fait suite au décès du proprié-
taire dans des circonstances peu avouables,
à la Maison des mille fleurs. Outre les PJ, de
nombreux acheteurs semblent intéressés par
cette acquisition, l’un des plus beaux manoirs
de la Haute Terrasse, situé non loin du palais
du Roi-Dieu. Seuls trois disposent des fonds
nécessaires :
• Victorian Bellagône, un ancien saint-poète
voyageur qui a fait fortune dans l’astrologie
et prétend chercher un havre pour ses vieux
jours ;
• Élusine Sombrevigne, propriétaire de tra-
versiers qui assurent des liaisons lacustres
entre Laelith et les Six Provinces ;
• le mage Callanthus Glofario, dont l’hôtel
particulier vient d’être détruit par une expé-
rience alchimique hasardeuse.
Salaf fournit ces trois noms aux PJ, en leur
demandant d’employer tous les moyens non
violents possibles (légaux ou non) pour que
ces concurrents ne soient pas en mesure de
l’emporter.
Après avoir (ou non) gagné l’enchère, les PJ
retournent voir leur commanditaire dans sa
demeure, au 45 de la rue Qui-qu’en-peut, et
le retrouvent mort, baignant dans une mare
de sang. Sa veuve les supplie de démasquer le
coupable et leur promet une récompense.
Le commanditaire de ce meurtre n’est autre
que le grand-duc d’Agramor. Il souhaite rap-
procher son ambassade du palais du Roi-Dieu
pour accroître son influence au sein de la Cité
sainte. À cet effet, il a demandé à Victorian
Bellagône, son ancien astrologue personnel,
d’agir en prête-nom.
Alerté par les agissements des PJ, le grand-
duc a cherché à savoir qui se cachait derrière
eux. Il y est parvenu sans trop de difficulté
(même si les PJ ont opéré avec discrétion, car

220
Salaf ne savait pas tenir sa langue). Pour éli-
miner ce concurrent dangereux juste avant la
vente, le grand-duc a eu recours aux services
des Chauffepieds, une guilde d’assassins ré-
cemment formée, qui tient boutique dans les
Traboules fumantes. Malheureusement, ladite
guilde se réduit à trois amateurs avinés qui se
sont trompés de jour et ont assassiné le joail-
lier juste après la vente.
Parmi les fausses pistes sur lesquelles
les PJ peuvent s’égarer figurent Élusine
Sombrevigne, Callanthus Glofario, voire la
veuve elle-même. Le plus dur ne sera pas de
déjouer les sbires lancés à leurs trousses, ni
même de démasquer le coupable, mais plutôt
de décider de ce qu’il faut faire une fois ce-
lui-ci identifié. Le grand-duc est plutôt bien
vu à Laelith, en raison d’une solide réputation
de probité (hélas usurpée). Les PJ devront dé-
ployer des trésors d’éloquence pour le faire
jeter en prison. Dans cette optique, le grand fi-
nal du scénario pourrait être un procès reten-
tissant au cours duquel ils seront cités comme
témoins. Mais peut-être les PJ décideront-ils
d’avoir recours à des mesures plus drastiques
pour empêcher de nuire l’infâme grand-duc.
L’école de la discorde
Contre l’avis des trois dirigeantes de l’Aca-
démie du bel art, plutôt conservatrices, la
grande courtisane a décidé de confier à Elisa
Dolot, amie des PJ et l’une des plus brillantes
recrues de la guilde, le soin de mettre en place
au sein de l’école une formation pour des
« courtisans » de sexe masculin. Par cette dé-
cision, elle rompt non seulement avec la tra-
dition, mais aussi avec les termes de la Belle
Convention. La grande courtisane en est bien
consciente, mais elle sait aussi que la guilde
doit s’adapter à son temps et que de plus en
plus de femmes accèdent à des fonctions im-
portantes et ne peuvent que rarement être ma-
nipulées par les courtisanes. En outre, certains
hommes sont plus attirés par la gent masculine
que par la gent féminine…
Les oppositions sont nombreuses au sein
de la guilde et la plupart des enseignants de
l’académie refusent d’apporter leur concours
au projet. Elisa contacte les PJ pour qu’ils as-
surent quelques cours en rapport avec leurs
compétences. Mais, au gré de différents in-
cidents, leur mission va rapidement évoluer
vers la protection et la sécurité. Après une
violente agression d’un des élèves, Elisa décide
de relocaliser la formation hors des murs de
l’académie. Les PJ sont chargés de trouver un
lieu adéquat dans la terrasse de la Prospérité.
Ils devront aider Elisa à s’en porter acquéreuse
tout en continuant à lutter contre des actes
hostiles parfois violents. Ils auront besoin de
l’aide de tous les alliés qu’ils auront pu ren-
contrer au cours d’aventures précédentes :
Evarilion Bombogarogan, le professeur Harex,
Maxime d’Abbanville (le rahel des gardes
du poste Safran), les Irréguliers de l’échelle
des Boulangers… Pendant que les PJ et Elisa
tentent de reprendre les cours dans le nou-
veau lieu, un véritable schisme divise la guilde
entre partisanes et opposantes à ce projet.
Les opposantes les plus virulentes se fédèrent
en créant la Compagnie des gardiennes, qui
se donne pour mission de faire respecter la
lettre et l’esprit de la Belle Convention par
tous les moyens. Elles utilisent les ressources
d’hommes influencés par certaines d’entre
elles, parmi lesquels des prêtres haut placés
dans la hiérarchie du Temple du Crâne.
Selon l’orientation des événements et les
actions des PJ, deux issues sont possibles. Soit
le calme est rétabli au sein de la guilde, cha-
cun finissant par revenir à la raison (peut-être
au prix de l’abandon du projet de formation
de courtisans). Soit les choses s’enveniment
au-delà de toute réconciliation et les PJ sont
chargés d’éliminer la menace que représentent
désormais les Gardiennes, tandis que la grande
courtisane démet de leurs fonctions les diri-
geantes de l’académie et les remplace par trois
courtisanes fidèles, dont Elisa Dolot.
Tout au long de cette histoire, les deux
camps tentent de garder secrètes leurs luttes
afin de ne pas révéler au grand jour le lien
entre l’Académie et la guilde, mais les res-
sources du Temple du Crâne mobilisées par
les Gardiennes pourraient agir avec beaucoup
moins de discrétion et forcer le Roi-Dieu à in-
tervenir dans le conflit…
Rivales
Evarilion Bombogarogan, détective-conseil,
demande de l’aide aux PJ. Sire Florimont, le
régisseur du Grand Théâtre, l’a engagé pour
démasquer un corbeau qui dénonce dans toute
la ville des turpitudes imaginaires attribuées à
l’une des deux troupes en résidence dans son
établissement : les Pieds plats. Il demande aux
Table d’aventures
1 Un PJ découvre un portrait qui
lui ressemble étrangement sur
l’étal d’un brocanteur du Grand
Marché. Le vendeur prétend
que ce tableau provient d’une
vente organisée par le cercle du
Matriarcat d’Olizya. Il représente
l’héritière du clan des Érudites.
Aurait-elle un jumeau caché et
pourrait-il en tirer avantage ?
2 Pour protester contre la sur-
taxe des actes notariés instau-
rée par Nin Ier, les échoppes de
l’échelle des Scribes-Échevins
sont fermées par leurs proprié-
taires jusqu’à nouvel ordre. Les
PJ sont contactés par une guilde
de voleurs qui compte en profi-
ter pour visiter certains de ces
établissements.
3 Trois membres des Irréguliers de
l’échelle des Boulangers ont dis-
paru la nuit dernière. Ils ont été
vus pour la dernière fois au pied
de la statue de Nadayat dans la
cour principale de l’Académie du
bel art. La statue dissimule une
entrée secrète vers le Cloaque.
Les hautes instances de l’aca-
démie ne peuvent pas l’ignorer.
Grand Bab’ demande aux PJ et à
sa sœur d’intervenir.
4 Les gardes du poste Safran soup-
çonnent les PJ d’être les auteurs
d’une série de cambriolages. Une
courtisane de leurs amis les met
en relation avec un faiseur d’ali-
bis. Celui-ci exige un étrange ser-
vice pour paiement : ils doivent
fabriquer l’alibi d’un autre de ses
clients : un assassin gopneldaun.
La Prospérité 221
 Table d’aventures
1 Flâner sur le marché présente toujours un risque, en l’oc-
currence des pickpockets qui ont ciblé les personnages.
Manque de chance, celui que les PJ viennent d’appréhen-
der est le fils d’un marchand qui suivait ses copains. Son
père, courroucé de voir des gueux poser les mains sur son
rejeton, ne manquera pas de porter plainte pour agres-
sion auprès du tribunal de Laelith.
2 Une fraîche adolescente, aussi bien tournée qu’habillée,
trébuche devant les PJ. Elle est terrifiée et crie, implorant
de l’aide quand des poursuivants surviennent. La bagarre
ne permettra pas que la clarté soit faite immédiatement.
La belle est une étudiante de l’Académie du bel art, prise
de folie : elle s’est identifiée au personnage qu’elle tra-
vaille actuellement, à savoir la princesse Alwen, dernière
survivante du royaume d’Algande et menacée par les
pervers séides de sa marâtre… Ça ne va pas être simple,
la gamine est très convaincante et possède de grands
yeux innocents.
3 À peine les PJ entrés dans une auberge, une bagarre
éclate : ça crie fort, ça lance des tabourets, ça s’insulte
et ça se menace de mort. S’ils savent y prendre part sans
trop de violence, ils se rendront compte que ce n’est
qu’une explication, somme toute bénigne quoiqu’exubé-
rante, entre troupes de théâtre rivales. Selon leur com-
portement, ils peuvent finir la soirée avec l’une, l’autre ou
les deux troupes, un bon moyen de se faire des connais-
sances dans le milieu des théâtreux.
4 Un prêcheur hirsute s’est juché sur une statue de la place
du marché, et semble fasciner les foules. Relancer 1d10.
1‑4 : il pointe les personnages en les traitant de démons
et de fils d’Abaddon ; il va falloir courir. 5‑6 : un grand
bourgeois dévot demande aux personnages de faire taire
l’hérétique ; il paye d’avance et bien. 7‑10 : le prêcheur
pointe les personnages, ils sont la réincarnation des
messagers stellaires de Bipharot l’Inextinguible. La foule
tient, absolument, à les emmener en procession jusqu’au
palais du Roi-Dieu ; bon courage.
5 À l’entrée de la terrasse, un marchand à la peau tannée
par le soleil fait signe aux PJ. Ses porteurs viennent de le
lâcher, et il doit livrer trois caisses pleines de produits fra-
giles à La fringale du gourmet. Un travail facile, pas plus
d’une heure. Oui… sauf que les caisses contiennent des
œufs de zyglute spécialement commandés par le cuis-
tot Knut Helbar, un mets si rare qu’un noble de la Haute
Terrasse a chargé des voleurs de la Langue coupée de les
récupérer, et que le cuisinier de L’ogre repu, rival de Knut,
222
a engagé des mariniers en goguette pour fracasser les
caisses. Et vos aventuriers ignorent que c’est de la mar-
chandise de contrebande.
6 Un vieillard chenu fait peine à voir à vendre ses petits fro-
mages rabougris enveloppés de paille. Si les personnages
s’intéressent à lui, il leur contera, dignement, sa longue
vie de malheur (faites pleurer dans les chaumières). S’ils
font preuve de compassion, il se pourrait bien que le
vieillard leur apprenne l’existence d’une pyramide inex-
plorée du désert des Soleils sombres. Il en a la carte et
pourrait même la leur donner gracieusement, si seule-
ment ils voulaient bien lui rendre un service : remettre
sur le droit chemin son petit-fils qui file un mauvais coton
sur la Chaussée du lac. (C’est un toxicomane et un petit
délinquant qui a des dettes auprès d’un revendeur félys
sociopathe).
7 Tiens ! Étrange, cette étroite boutique que vous n’aviez
jamais remarquée alors que vous êtes passé mille fois
dans cette rue. Elle regorge de bocaux, de fatras et de
babioles des plus étranges. Les PJ sont les seuls clients.
Au fond, une vieille femme avec des lunettes orangées et
une résille sur les cheveux. Elle vend et achète, à bas prix
dans les deux cas. On y trouve tout un tas d’objets ma-
giques, farfelus, et parfois puissants. Malheureusement
tous les achats perdront leurs pouvoirs à peine la porte
passée. Il sera difficile de revenir se plaindre, puisque la
boutique ne sera plus là.
8 De jour ou de nuit, une bande de jeunes gens déboulent
bruyamment, beuglant, lançant des œufs, piquant des
baisers aux doux minois et montrant leurs fesses aux
bourgeois. Ils sont de bonne famille, il serait de mauvais
ton de mal réagir pour un œuf jeté en pleine face ou une
main au panier…
9 Une rue bondée, des étals tout le long de l’échelle, des
pavés glissants et, là, devant les PJ, un ookhab qui s’em-
balle, fonçant droit vers eux à travers la foule. C’est le
moment de savoir sauter vite, grimper et venir en aide à
ce nourrisson vagissant, là, devant la bête. Ajoutons que
l’ookhab en question est la bête sacrée du culte guerrier
de Rehan l’Immaculé affilié à l’Oiseau de feu et que sa
mise à mort serait sacrilège.
10 Il fallait bien que ça arrive. De retour d’expédition, vos
vaillants aventuriers vont se trouver confrontés à une
demi-douzaine de gardes-collecteurs pointilleux (fin de
mois, il faut remplir les objectifs). Un coup à finir sans le
sou ou, même, en prison.
PJ d’infiltrer la troupe rivale, également en
résidence au Grand Théâtre : le Strapontin.
Cette troupe monte actuellement une pièce
écrite par le professeur Harex, Le festin de
pierre. Quelques rôles sont encore à pourvoir.
Les choses se compliquent quand le Strapontin
commence à être lui aussi victime du dénoncia-
teur calomnieux, qui se surnomme lui-même
« le Commandeur ». Arrivent ensuite les pre-
mières menaces de mort… Les deux troupes
devront s’allier pour faire face à l’adversité et
découvrir qui peut leur en vouloir à ce point…
L’île des morts
Un prêtre du Temple du Crâne demande
aux PJ de se rendre sur l’île des Morts, car
des mariniers ont récemment vu des lueurs
sur cette île, appartenant au Temple, et qui est
censée être inhabitée. Cette île, qui abrite une
concentration très importante de Lithos, est
devenue un terrain d’expérimentation pour
une branche du culte du Sans-Nom dirigée
par une certaine Sainte Flamme. Elle n’est pas
contrôlée directement par l’Antilithe et pour-
suit donc son activité, même si celui-ci venait
à être détruit. Quand les PJ débarquent, elle
est en passe d’inoculer aux Lithos de l’île une
maladie dont la contagion est propagée par les
connexions du réseau lithique.
Le bon enfant
L’une des trois maisons qui ont donné son
nom à la rue des Trois Frères a brûlé il y a plus
d’un siècle. On y a récemment trouvé un petit La Compagnie du
garçon roux, couvert de terre et de cendres, ponant extrême
qui ne parle pas. Il a été confié à l’orphelinat Située dans une courée donnant sur
du Convent céleste, où il a vite été surnommé l’échelle des Trois Frères, cette compa-
gnie s’est spécialisée dans le commerce
Cadet Roussel eu égard à sa couleur de che-
avec le désert. On y trouve un entrepôt
veux. Evarilion demande aux PJ d’aller inspec-
regorgeant d’épices et d’artisanat
ter la maison, à la recherche d’indices suscep-
exotique, quelques bureaux et salles de
tibles d’aider à déterminer d’où vient l’enfant. réunion, l’appartement de la directrice
Ils finissent par découvrir un tunnel qui s’en- et des écuries accueillant une poignée
fonce dans le sol, connecté à une autre dimen- de chameaux.
sion, où une Laelith alternative est ravagée par À sa tête, la charmante Thiziri et son
une guerre séculaire entre deux empires. Une cousin Aramsu. Elle, gère les affaires sur
prophétie prétend qu’un enfant divin y met- place, concernant l’administration et le
tra fin. L’aide des PJ ne sera sans doute pas de
trop pour accomplir la prophétie et procurer
commerce ; lui, s’occupe de l’organisa-
tion des caravanes, voire de les conduire,
et de ce fait il est rarement présent.
un nouvel allié immortel aux Laeliths d’ici et
de là-bas. En quelques années, les deux trente-
naires ont su faire prospérer leur affaire.
Couché Dag’ ! La compagnie est aujourd’hui bien
implantée, à tel point que le bureau de
Dagobert, le chien adopté par les Irréguliers Thiziri, toujours plongé dans les vapeurs
de l’échelle des Boulangers, a déterré un os du narguilé, ne désemplit pas de clients.
sur les rives de l’Inlam. Il s’agit d’un tibia hu-
main sur lequel ont été gravés ces quelques
mots : « sept couleurs, six jours, cinq dia-
mants, quatre chemins, trois peupliers, deux
ennemis, un coffre ». Dagobert tire frénéti-
quement sur sa laisse et conduit qui veut l’ac-
compagner devant une porte vermoulue de
l’échelle des Pendus, sur laquelle un arc-en-
ciel a été peint. Evarilion n’est pas en ville ;
Grand Bab’ vient donc demander aux PJ de
l’aider à éclaircir ce mystère. Ambiance Club
des cinq garantie !
La Prospérité 223
La Prospérité, vue isométrique
Le Nuage
 O « Père,
ù l’on voit une étudiante à fourrure
vilipender la diversité scientifique et culturelle du quartier
C’est contrite et désabusée que je vous écris, mon courage ru-
doyé de confesser l’arrêt de mes études. Laelith n’est pas celle
que nous pressentions, Mère et moi. Malgré les frais fantasques
dont l’Université matérialiste vous grève pour avoir, pourtant,
l’heureuse étoile de m’accueillir, elle échoue à offrir l’excel-
lence de formation dont elle s’enorgueillit par-delà les mers.
Je découvre que “matérialiste” est un adjectif qui lui sied avec
force… En vous narrant l’incongruité des mœurs et du quartier,
vous appréhenderez avec justesse l’absurdité de cette ville et de
ses autochtones.
Je vous fais grâce des quartiers vulgaires de la basse ville,
à proximité du lac, mêlant une populace chamarrée à l’infecte
odeur de friture faisandée, de sueur et de chien errant. Mais
le Nuage manque tout autant d’air pur, et les relents de félys
d’appentis du quartier de Basse-Eau me collent encore aux
poils. La nausée me reprend à la simple idée de m’immerger
à nouveau dans cette fourmilière universitaire. Ces cohues de
races étrangères dont je ne pensais jamais croiser le regard.
Halfelins, gnomes, demi-orcs et même sangdragon, le Nuage
« Que ma plume s'élève, flotte et virevolte
telle Ponce-plume au Bal des volants. »
Tania
226
tolère n’importe quoi… C’est obscène. Savez-vous que l’on
m’impose de partager ma chambre avec une femme serpent ?
Pis, que la surveillante eût l’audace de m’exposer que la mixi-
té culturelle à l’Université était fondamentale pour notre édu-
cation, tandis que je lui signifiais mon mécontentement par un
feulement éloquent ? Fort heureusement, une haute-elfe m’a
bienséamment signalé l’existence de maintes pensions aux pra-
tiques moins barbares recevant étudiants, pèlerins ou savants de
passage. J’ai néanmoins appris à mes dépens que toutes n’ont pas
les lettres de noblesse qu’elles affichent. Je conspue la pension
des Innocents et son ramassis de gnomes aux farces puériles !
Quand Vilimnaëlle m’a confié que c’étaient des ingénieurs re-
connus, que l’un d’eux avait même remporté le premier prix de
l’Académie des arts volants, quelle ne fut pas ma désillusion sur
les qualités formatrices des institutions du Nuage… Considérer
que le talent seul mérite la reconnaissance, cela m’ahurit. Un
jour, ils médailleront un miséreux pour peu qu’il invente quelque
bagatelle utile aux indigents, soyez-en assuré ! En vérité, Père,
toutes mes valeurs qui font votre fierté sont traînées sur la claie.
Par bonheur, ma chambre au scolasticat des Jardins, à la
Blanche Chaussée, m’a gratifiée d’un peu de sérénité loin des
Jardins supérieurs et de l’hystérie étudiante. Dire que les ha-
bitants du Plafond bas s’enorgueillissent de cette exubérance
florale, alors qu’ils ne savent même pas préparer une infusion de
cataire ! Notre professeur en classe d’herbes étranges a osé dé-
nigrer l’effet de cette plante si chère à Mère, prétextant qu’elle
est inefficace chez les humains et les elfes. Diantre, pour qui
se prend-il pour penser mieux connaître les plantes que moi ? !
Tous ces universitaires, ces pèlerins venus du monde entier, ces
prétendus philosophes et penseurs, s’ils mettaient autant d’ar-
deur à cultiver les champs qu’à musarder idiotement, Laelith
brillerait pour bien autre chose que son savoir apocryphe. Le
reste de la terrasse grandirait résolument à suivre le modèle des
habitants de la Blanche Chaussée. L’ardeur qu’ils mettent à
se comporter comme les nobles de la Haute Terrasse force mon
respect. Le simple marchand d’étoffe est prêt à s’encanailler
avec des saltimbanques disetteux pour monter un spectacle qui
lui octroierait un peu de prestige.
Pardonnez mon égarement, je m’emporte et je ne vous écris
pas pour cela. La lumière traversante de ma chambre m’épuise
en cette heure tardive. Je dois me rendre à Basse-Eau pour re-
joindre Vilimnaëlle. Je ne vous ai parlé d’elle que dans ma pré-
cédente correspondance. Nonobstant, elle est devenue une amie
sincère depuis quelques lunes et ses amis sont uniment extraor-
dinaires. Ils ont mis au point un astucieux système de transport
au sein de la terrasse, pour l’instant confidentiel car les prêtres
du Nuage, dans leur pseudo-progressisme, jugeraient cela in-
humain. Inhumain ? C’est le terme employé par Vilimnaëlle
en haussant ses délicats sourcils. Je suis convaincue que les
mondains empruntant le Chariot qui monte sont jaloux de cette
concurrence. Pour ma part, je suis émerveillée par l’ingéniosi-
té de ce funiculaire serpentant entre les caves des demeures de
Basse-eau et de l’échelle des Mille Marches. Et par la grâce
des clairvoyantes administrations et des lois sur la contrainte
imposée, ce « tire-pousse », comme ils le nomment, ne coûte rien.
Quelques cabestans pourvus d’esclaves robustes, et nous voilà
rendus ! Vous seriez enchanté, Père, de voir ce que des esprits
éclairés sont capables d’accomplir.
Je vous écrirai plus soigneusement au prochain quart lunaire,
car le temps me presse. Ce couchant, Vilimnaëlle et moi-même
descendons en tire-pousse, puis allons chasser le Nuage avec
ses amis dans la strate des Brumes. Le brouillard a des teintes
étranges depuis trois nuits, et je ne compte plus les témoignages
de rencontres avec les êtres vaporeux qui s’y terrent. Mes vi-
brisses frémissent déjà et Vilimnaëlle compte sur moi pour ouvrir
la voie des airs. Je sais que vous détesteriez me voir m’enhardir
de la sorte, dans une tenue qui fait offense à mon éducation. Pour
autant, Père, je crois que l’Université ne pourra jamais m’ap-
porter ce qu’une discussion avec ces esprits me promet. »
Fisserrs, votre fille aimée
Lettre trouvée dans une tunique abandonnée
Le Nuage 227
 Lieux d’intérêt
19 18 17 16

15 4
Rampe
du Rempart
14

Éch
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21
12 2
11
10 1
9 8

E F G H I J K

228
 Strate du Plafond bas La Gazette de Laelith (H6)
1
21
13 Locaux du journal principal de Laelith, à la façade @

/
-
Les Murs (H7-I6-I7) usée par l’humidité.
1
21
1 Remparts créés pour empêcher les brumes de se @

/
-
répandre. Projet abandonné sous Célestial III. Le temple du Nuage (I5) @ 2
14
21 Édifice religieux consacré aux divinités aériennes.

/
@
4
Les Jardins supérieurs (H7-I7)
Jardins luxuriants où philosophes et scientifiques @ 1
21
2 La Bibliothèque de la foi (I5)
@

/
échangent des idées. Un mur aux Nouvelles affiche @
5 2
21
15 Bloc de pierre noire où s’empilent en désordre des

/
@
4
les nouvelles de la terrasse et les petites annonces. milliers d’ouvrages sacrés ou traitant des religions.
La Bibliothèque matérialiste La promenade des Brouillards et les
universelle (H7) @
cryothermes (H5) @ 4
21
3 La plus belle et plus fournie des bibliothèques du @
3
21
16

/
@
6
Esplanade où la brume se densifie. Les cryothermes

/
7
monde. Ses ouvrages ne mentionnent que des @ attenants proposent des bains de bruine.
faits prouvés.

L’Université matérialiste universelle et Strate de la Blanche Chaussée

@
21
4 annexe (H6-I6-I7) 2
@
Constituée de quatre bâtiments de style laelithien / 5
@ Le port ailé (H4)
accueillant étudiants et savants du monde entier.
Bâtiment élancé recevant les montures ailées de
@ 6
L’échelle du Savoir et le mur du Savoir
21
17 notables influents. Le bureau administratif des

/
@
10
entrées aériennes reçoit les demandes d’arrivée
(H6-I6) @ 2
21
5 (très réglementée).
/

@
4
Regroupe toutes les boutiques liées à l’écriture
(scribes, écrivains, papetiers, libraires…).
La place Antique (G5)
@
Chantier de fouilles de vestiges palatins où serait 2
L’Université du Bigearre et son musée (I5) 18
21 @
@

/
3 apparu un « visage ». Un marché des rumeurs s’y -
21
6 Institution voulant transformer la société @
/

@ tient.
5
laelithienne en faisant du bizarre la norme.
Les Mannes éthérées (G4)
Le jardin des Répartiteurs (I5) 19
21 1
@ 1 Restaurant de plats vides, servant des idées. Les @
21
7

/
Havre végétal et familial. Les savants y testent -
/

@ philosophes ne jurent que par cette cuisine nouvelle !

-
leurs inventions.
@
Vrai-Lucasse (G6)
@
5
Le poste de garde de la Perle (H7) 20
21 Boutique de châles de prestige pour nantis. @

/
5 -
8
21 Poste de garde principal du Nuage, en charge du @ @
/

9
quartier populaire de Basse-Eau. @
L’hospice du Vrai Savoir (F7)
La Colombe (H7) Édifice austère construit par Sigis d’Évienne et ses @ 7
@
21

/
@
3
21
9 Belle demeure colorée, siège de la guilde des hospitaliers du Nord. On y soigne les aliénés et y 15
/

@
5
Ménestrels. enferme certains dissidents.

L’échelle du Coude (H7-G7) Le Palais de météorologie et

Longe l’Inlam et dessert le Boulier bleu, @ 4
22
21 d’astronomie (F7) 1
21
10 Bâtisse aux dômes d’or et de verre. On y étudie le
/
@
-
/

une boutique de prêt sur gages, et plusieurs @

-

restaurants du clan Brizure. climat de Laelith et la formation des brumes.

La place Sous-la-Haute-Terrasse (F5-F6) @

Strate des Brumes 21
23 Esplanade où se produisent des spectacles destinés à @
4
/

7
attirer l’attention de la Haute Terrasse. @
Chez l’herméneute, aux absurdes vérités (H6)
@ 1
Le Marché des locations (F6) @
11
21 Librairie où tous les ouvrages traitent de
/

@
2
légendes. Aucun fait réel accepté !
-
24
21 Des échoppes proposant de dégotter n’importe quel @
/

6
objet. Preuves à l’appui sur leurs étals ! @
L’échelle des Écoles (H6-G6)
Accueille des écoles mystiques aux devantures @ L’échelle des Mille Marches (E6-F6) 1
3 21
25 Voie d’accès à la Haute Terrasse. @
21
12
/

@
-
discrètes : École des pierres vaporeuses, Collège
/

6
itinérant des cauchemars, Centre pratique des @
légendes urbaines, Études de la nuit…

Le Nuage 229
 Vue d’ensemble

Le banc des philosophes

Sur ce grand banc de pierre, de presque
7 mètres de long, sont gravés les noms
des plus éminents penseurs de l’histoire
de Laelith, comme une reconnaissance
Itinéraire conseillé
pour la postérité. Même si l’un d’eux a
un jour fait remarquer que cette liste
était surtout appelée à disparaître sous
La terrasse Il est hors de question que des étudiants émé-

des paires de fesses…

La roche blanche dans laquelle il est
taillé d’un seul tenant aurait été, selon
la légende, le fronton de la première
école de la ville, depuis longtemps
intégrée à l’Université actuelle.
aux trois strates
Le Nuage n’a ni l’aisance marchande de
la Prospérité ni le sang noble de la Haute
Terrasse. Ici, la richesse est intérieure, et nour-
rir son esprit et son âme occupe les journées
chés détériorent les jardins ou importunent
les croyants ! Le quartier est étroitement sur-
veillé, en particulier depuis les émeutes qui ont
entraîné l’incendie du Salammatin. Certaines
zones sont même interdites la nuit, comme le
jardin des Répartiteurs.

Initialement placé près de l’entrée
des Jardins supérieurs, le banc des
philosophes est l’objet d’un jeu amusant
lors du bizutage annuel. Au cours de la
nuit, les étudiants de première année
ont pour mission de le voler à la barbe
des gardes, puis de l’apporter à un autre
emplacement sur la terrasse. Les gardes
ne sont pas très vigilants, cette tradition
potache restant l’une des activités les
moins répréhensibles à cette période.
Ainsi, tous les ans, le banc se déplace.
Brume mortelle
« On m’en avait parlé, mais je n’imagi-
nais pas… Le brouillard s’est levé d’un
coup alors que je déambulais. Si dense
que je ne voyais plus mes chaussures.
Puis, j’ai entendu le son d’une flûte. Je
l’ai suivi, croyant qu’il me mènerait à
l’abri. Je me suis arrêté juste à temps, un
pas de plus et je chutais vers la mort. »
Poste de la Perle,
à l’aube
« T’as entendu l’histoire de la gamine
félys ?
– La bourgeoise ? Celle égorgée dans la
boue ?
– Oui, enfin, chais pas si elle était riche
ou sans le lithal, mais j’ai entendu
dire qu’elle traînait avec la bande des
Sclavards.
de chacun. Cette terrasse est celle du savoir
et du merveilleux, balançant entre le rationa-
lisme universitaire et la spiritualité du Temple
du Nuage. Ainsi, ses visiteurs sont pour la plu-
part des étudiants, des savants ou des croyants.
Comme en écho à leurs aspirations, le Nuage
se divise en trois strates : le Plafond bas où les
savants viennent trouver des réponses à leurs
questions ou des voies nouvelles dans leurs re-
cherches ; les Brumes, où se côtoient les mys-
tiques et les croyants venus élever leur âme ; et
la Blanche Chaussée, pour ceux qui briguent
la Haute Terrasse et toisent toujours le nouvel
arrivé…
Savoirs polychromes
La vocation religieuse et universitaire de la
terrasse a conduit à un peuplement cosmo-
polite. Certes, la majorité des ecclésiastiques
et des étudiants viennent de Laelith ou des
provinces alentour, mais la renommée du
Nuage rayonne au-delà du monde connu.
Il n’est pas rare de croiser des êtres issus de
peuples qui n’existent pour beaucoup qu’au
travers des légendes. Ici, un sangdragon au
regard émerveillé à la sortie d’un cours d’ana-
tomie comparée des hautes espèces dispensé
par les illustres jumeaux halfelins Georvier et
Tyward. Là, un groupe d’aasimars mécontents
de l’approche casuistique du discours de mo-
ralité théologique, énoncé avec pédanterie au
temple. Quel érudit ne rêverait pas de s’ins-
Touches d’ailleurs
Le métissage se poursuit dans l’architec-
ture du Nuage. Globalement, les bâtiments
possèdent presque tous cette patte orientale
chère à Laelith, et le même tuffeau aux teintes
d’ocre. Où que l’œil porte, les arcs et les patios
ouvrent des perspectives colorées, agrandies
par la taille imposante des constructions. Des
loges équipent les façades, percées d’ouver-
tures hautes et fines et les colonnes s’ornent de
motifs géométriques et floraux. Bien qu’ici les
habitations individuelles possèdent rarement
plusieurs étages, elles restent élancées.
Mais sous cette ossature laelithienne, l’archi-
tecte avisé note les résurgences d’une histoire
riche. Nombre des lieux de savoir ont été bâtis
par des visiteurs venus de loin et se sont inté-
grés au paysage. Les coupoles flamboyantes du
Palais de météorologie et d’astronomie côtoyant
l’édifice sombre et austère de l’hospice du Vrai
Savoir permettent de mesurer la richesse ar-
chitecturale de la ville. En descendant l’échelle
du Savoir, puis en longeant les Murs, le visi-
teur est projeté au milieu de façades envahies
par la végétation, le goulet de Lianétoile des
elfes des sylves. Mais partout, de légers détails
trahissent la succession de propriétaires aux
cultures étrangères, tel un vitrail illustrant le
couronnement d’un roi d’ébène ou un seuil de
porte gravé de runes naines ternies.

– Morgué ! Bien content de pas avoir

l’enquête sur le dos ! Tu sais qui s’en
charge ?
– Petit Rolet me semble bien. C’est lui
qui l’a trouvée. Il a même surpris le gars
qu’a fait ça alors qu’il avait encore le
couteau dans sa gorge… »
crire dans l’une des dizaines d’écoles constel-
lant le Nuage et d’accéder aux lumières du
monde entier ?
Mais le Nuage n’est pas une sinécure. Le vi-
siteur ne vient pas ici pour se distraire. On y
trouve peu de taberges, hormis dans le quar-
tier Basse-Eau, et encore moins de tavernes.
Strate du Plafond bas
Pour le promeneur montant depuis la
Prospérité, escalader un des escaliers abrupts
perçant les Murs ressemble à un voyage ini-
tiatique vers un autre univers. La strate du
Plafond bas provoque un premier sentiment

230
d’humidité, d’oppression. Un voile blanc blanc de l’UMU où chacun est libre d’écrire La première fois
écrase les bâtiments et Laelith semble se pour- ce que bon lui semble ? « Jamais je n’oublierai ma première
suivre sous le souffle de dragons assoupis. Le L’épistémophile pousse vers le nord pour visite sur le Nuage. Loin de l’immense
visiteur fait quelques pas, décontenancé par le agitation des quais et des quartiers
découvrir diverses écoles : Institut du monde
contraste avec la Prospérité, guidé par des voix commerçants, on sent tout de suite
utruz, Nécrole des langues non mortes,
étouffées au loin. Le malaise passe et l’am-
qu’ici les gens ont des intérêts très dif-
Chantrerie des bulles, Académie souterraine
férents. Les habitants de cette terrasse
biance s’imprègne en lui, comme si le Nuage d’antiflux… L’esprit bouillonnant, il finit par re- sont bien plus intéressés par la connais-
lui murmurait quelques secrets à l’oreille pour joindre l’Université du bigearre qui vient d’ouvrir sance que par la richesse. Quel bonheur
le mettre en bouche, pour le pousser à s’avan- ses portes, malgré des opposants qui hurlent à de pouvoir parler au détour d’un cou-
cer encore. une manipulation de « ceux du dessous ». En loir de l’université avec un professeur
Tandis qu’il entre dans les Jardins supé- effet, la directrice, Sentence de Rajokia, a le renommé et reconnu bien au-delà des
rieurs, une fournée d’étudiants l’assaillent. teint fort livide… Les étudiants s’y initient au murs de la cité, ou de pouvoir partager
Leur frénésie dénote avec la nonchalance des bizarre, dans la manière de raisonner, d’en- sa table avec une scientifique qui vous
visager les mœurs ou encore l’esthétisme, et parle avec passion et durant des heures
ethnologues partageant leurs découvertes
des étoiles et de ses théories. Et puis,
près de la tonnelle aux clématites, ou celle repensent les canons laelithiens pour que le
quand par chance la brume disparaît,
des philosophes dissertant parmi les 199 es- bizarre devienne la norme. Le musée Bigearre,
c’est un cadeau des Dieux que de pou-
pèces d’arbres aux fruits succulents. Même aux donateurs anonymes, n’expose que des ob-
voir contempler le lac. »
si, malgré les brumes, les fruitiers en donnent jets étonnants (larmes de soleil, plumes de cha-
Extrait des carnets de Margellin, étudiant
toute l’année, le gourmand doit se lever tôt meau, cendres d’élémentaire d’eau…).
en astronomie
pour y goûter ! Surtout depuis que le Chenu,
l’ancien jardinier a disparu. Des étudiants « M'envoler et m'élever au-dessus des nuages,
pour toujours planer et contempler le Nuage. »
prétendent qu’il se serait changé en arbre
Tania
et peu osent encore graver leurs initiales
sur les troncs. D’autant que Mareva, la nou-
velle jardinière azilianaise, n’est pas femme à
rire. Elle ambitionne même d’introduire des
plantes prétendues carnivores ! Non loin,
le visiteur ne peut manquer la fontaine du
Savoir où chaque nouvel étudiant doit « je-
ter son savoir ». Comment l’interpréter ?
Certains y plongent un parchemin, d’autres
lisent face à la statue de la mathématicienne
Nicéaga au centre du bassin. Cette dernière
sourirait parfois…
La statue regarde l’aile sud de la Bibliothèque
matérialiste universelle, la plus somptueuse
et la plus fournie du monde civilisé, dit-on.
Rien que ça ! Il est vrai que les derniers re-
gistres font état de cent mille livres et par-
chemins. Et tout ce qui y est écrit est réputé
prouvé. La bibliothèque est sous la tutelle de
l’Université matérialiste universelle, l’UMU
comme disent les étudiants. Celle-ci forme
les savants du monde entier, les hauts fonc-
tionnaires de l’administration royale-divine,
et l’ambitieux qui n’est pas de sang bleu n’a
d’autre choix que d’y passer. L’entrée nord
donne sur l’échelle du Savoir où se vendent
livres et fournitures. Tout se trouve dans
cette échelle bondée dès l’aube, même un
nettoyeur à domicile, Chez Victor « Tounet’».
Aucune rumeur n’a de secret pour lui ! Mais
les racontars circulant dans l’échelle ne s’ins-
pirent-ils pas plutôt du mur du Savoir, mur

Le Nuage 231
« En chassant le nuage, je me rêvais peuple des
brumes, douce et éphémère, langoureuse torpeur. »
Tania

232
 Le voyageur vorace, lui, entre au Nuage par le sud, à proxi-
mité du pont des Sourires dont seule subsiste la culée. Il re-
joint le quartier Basse-Eau placé sous l’austère présence du
sémaphore du poste de la Perle. Détonnant avec les hourdis
colorés de la Colombe, sa mélodieuse voisine, la Perle avertit
les délinquants en dressant ses sévères murs de granit. Le
quartier est effectivement mal fréquenté la nuit, mais il vaut
le détour.
L’affamé remonte donc l’échelle du Coude ou s’enfonce
dans le quartier pour s’asseoir dans l’un des onze établisse-
ments Brizure. La fierté du Nuage est la célèbre Table Vofoli
dont la carte n’est pas accessible à tous. Mais le client dé-
sargenté peut échanger le collier de mamie contre quelques
pièces auprès de la sympathique Mistouk au Boulier bleu, une
boutique de prêt sur gages surplombant la Faille. Depuis la
mort de l’ancien usurier, maître Grassepath, et de sa femme
Antonina, tombés dans l’Inlam depuis l’escalier extérieur,
leur servante a acquis sa liberté. Le testament en fait l’héri-
tière du Boulier.
Strate des brumes
Quelques pas hésitants hissent le visiteur dans le brouil-
lard, au cœur de la strate des Brumes. L’atmosphère se teinte
de mysticisme, entretenu par une brume presque constante
qui brouille la vue et déforme les sons. Ici, illuminés, dévots,
zélateurs et illusionnistes courtisent les pèlerins et les four-
voient parfois. Mais surtout, ici, se pressent chaque jour des
centaines de croyants de cultes aériens.
Si l’étranger emprunte la rue du Nuage, une enseigne dans
une contre-allée mérite son attention : Chez l’herméneute,
aux absurdes vérités. La devanture poussiéreuse de cette li-
brairie se terre entre deux hautes façades, comme pour évi-
ter le courroux de la Bibliothèque matérialiste dont le toit se
distingue en contrebas. Car chez Maximilian, l’herméneute,
les ouvrages ne parlent que des légendes les plus folles. Mais
chaque folie cache une vérité, n’est-ce pas ?
L’imposante silhouette circulaire du temple du Nuage
émerge ensuite de la brume. Nul doute que la majorité
des gens accédant à cette strate sont là pour lui ou pour
la Bibliothèque de la foi qui le flanque. Cette dernière, âpre
bloc de pierre volcanique noire, tranche avec la légèreté du
temple. L’ingénieuse architecture présente un cube entière-
ment évidé dans lequel s’entassent des milliers de livres et
documents religieux formant des couloirs et des salles ins-
tables sur une hauteur considérable. Malgré l’aide de Yquem,
le conservateur, il est facile de s’égarer et la foi seule peut
guider les pas du bibliophage. La disparition récente du
vieux Kob Du Val, bibliothécaire en chef, alors qu’il effec-
tuait une recherche pour Nin Ier dans l’un des sous-sols où se
trouvent les archives historiques en atteste.
Après avoir crapahuté dans ces méats poussiéreux, une
balade sur la promenade des Brouillards est tout indiquée.
Un phénomène inexplicable y densifie les brumes et la
bruine se charge de particules revigorantes que les savants
de l’UMU essaient en vain d’isoler. Mais attention à ne
pas inspirer trop fort ou c’est l’endormissement immé-
diat. Cette bruine est exploitée par les cryothermes. Leur
frigidarium propose des bains de brume glacée, indivi-
duels pour les aisés, en commun pour les autres. D’autres
services sont fournis (aquamassage à la crème de brume,
inhalation d’huiles de nuage, collations d’embruns aux
plantes…).
Strate de la Blanche Chaussée
Dans un dernier effort, celui qui n’a pas succombé aux
sirènes du savoir ou de l’anagogie, l’élévation de l’âme, peut
s’extraire du voile et atteindre la strate lumineuse de la
Blanche Chaussée, sous le regard du Roi-Dieu. Il contemple
la splendeur des bâtiments qui ambitionnent de rivaliser
avec celle de la Haute Terrasse ou souffre de regarder la
démarche complaisante des nouveaux riches s’ingéniant à
accéder à l’étage supérieur. Il ne s’attarde pas à l‘Institut des
bonnes manières, qui apprend à devenir quelqu’un d’assez
éduqué pour accéder à la « Hôôte », mais il lève les yeux
au port ailé où se pose alors un aigle géant, une des rares
créatures ailées véhiculant des universitaires importants à
Laelith.
La destination du curieux est la place Antique sur l’échelle
des Jardins. Les historiens venaient journellement y débattre
sur l’origine de ruines palatines, mais rapidement un mar-
ché des rumeurs s’y est établi et des vendeurs y monnayent
leurs services. Dans l’ombre de la société, ils œuvrent pour
que, aux yeux des Laelithiens, les ragots deviennent des
vérités factuelles et les faits de simples on-dit. Droigrin
« Baragouin », jeune halfelin élégant, portant le monocle, est
le plus sollicité (et onéreux).
L’échelle des Voûtes passe sous une dizaine de ponceaux
reliant les toits avant d’arriver au Vrai-Lucasse, châles de
prestige, une boutique tenue par une couturière demi-elfe de
talent, Damilia Lestorange. Très polie et formée à l’étiquette,
elle tricote pour les nantis.
Arrivé à l’échelle des Mille Marches, le promeneur monte
vers le Marché des locations, où tout se trouve, dit-on. Avant,
il passe devant le Palais de météorologie et d’astronomie, en ef-
fervescence depuis que les astronomes ont découvert qu’un
astre s’approchait de Laelith. Cela déplaît à leurs confrères
du Temple du Nuage, qui n’y croient pas un instant !
D’habitude, l’attention se porte sur la place Sous-la-Haute-
Terrasse, louée tous les jours pour l’organisation de spectacles
grandioses dont le but est d’accrocher le regard du dessus.
Les bourgeois s’endettent jusqu’au dernier lithal, car parfois
le Roi-Dieu y jette un œil distrait. Le manège d’anti-gravité a
valu à Zarita El’Aouti, illustre inconnue, une place à la table
royale-divine !
Le Nuage 233
 Un lieu
L’Université matérialiste
universelle et sa bibliothèque
Histoire vécue
« Mon ami, il faut que je vous raconte
ce qu’il m’est arrivé hier. J’en suis encore
tout retourné. J’allais manger au Vieux
Grimoire, un lieu que j’apprécie beau-
coup car fréquenté par de nombreux
érudits, comme nous.
– Oui, je connais. J’aime particulière-
ment la salle à l’étage. La pièce du bas
est par contre mal éclairée.
– Justement, il n’y avait plus de place
en haut, alors j’ai dû me résoudre à
m’asseoir au rez-de-chaussée. Mais juste
derrière moi était attablé un étranger,
ce genre de barbare qui fait du bruit
en mangeant et sent la transpiration.
C’était intenable, alors j’ai dit à la ser-
veuse de me libérer une place à l’étage.
Tout de même, je ne suis pas n’importe
qui.
– Et ?
– Elle m’a ignoré, alors j’ai fait mander
le patron.
– Et ?
– Il est venu me voir et je lui ai deman-
dé devant tout le monde comment il
était possible de laisser entrer pareil
client, sûrement analphabète. J’étais
dans une colère noire.
– Vous avez bien fait mon bon ami.
– Le propriétaire est alors monté puis
revenu en disant que tout était réglé,
qu’il y avait une place en haut, et qu’il
présentait ses excuses car c’était une
honte d’avoir un client comme cela.
– Ah, quelle belle issue mon ami !
J’espère qu’il a réprimandé sa serveuse.
– Euh… non… en fait il s’adressait à ce
barbare, c’est à lui qu’il a offert la table
à l’étage… »
« Chasser le Nuage »
Poursuivre les êtres-brouillard un soir
de grande brume. S’accompagne parfois
d’une consommation de champignons.
234
Un temple du savoir
Tout pèlerin doit se rendre au moins une
fois à l’Université matérialiste universelle,
gloire de l’élite intellectuelle citadine. L’UMU,
comme la surnomment ses habitués, rayonne
dans le monde entier et sa renommée n’a
d’égale que l’excellence de sa vingtaine de
professeurs, tous savants émérites. Plus de
deux cents étudiants et savants s’y forment à
diverses matières : astronomie, géologie, bio-
logie, médecine, histoire, philosophie, droit,
ingénierie, ethnologie, linguistique, et depuis
peu théologie. C’est aussi là que sont formés
les hauts fonctionnaires. Quant aux aventu-
riers, ils y trouveront des réponses aux ques-
tions qu’ils se posent… Ou quelqu’un pour y
répondre !
De la croyance
au matérialisme
Alors que Laelith s’affirme comme lieu de
pèlerinage, les croyants également hommes
de sciences constatent que la cité pèche à
convaincre les savants agnostiques. Le Temple
du Nuage inaugure alors une Université des
rationalités. Mais très vite les cours dispensés
par les religieux ne suffisent plus à satisfaire
la curiosité. Le Temple recrute, y compris des
professeurs laïcs et l’université devient la réfé-
rence du savoir.
Toutefois, des voix s’élèvent pour dénoncer
l’orientation dévote des cours. Les théoeth-
nologues sont particulièrement montrés du
doigt, accusés de racisme envers les peuples
souterrains. Les brahoniens, un mouvement
professoral mené par l’elfe Brahoniel et sa
femme Polie Loubande, démarchent secrè-
tement des mécènes profanes et ouvrent dis-
crètement l’Université matérialiste universelle
avec comme leitmotiv : tout savoir énoncé doit
être prouvé, sans interprétation personnelle.
L’affluence est incroyable et l’Université des
rationalités ferme ses portes, avec une pro-
fonde rancœur. Les locaux des Rationalités
existent toujours et des cours interdits se-
raient donnés certaines nuits…
L’Université
matérialiste universelle
Deux siècles après, l’UMU borde toujours
les Jardins supérieurs. Les édifices en travertin
jaunâtre sont rehaussés de colonnes et pavés de
marbre blanc. Ils conservent le style laelithien
et de hautes façades aux ouvertures élancées.
Leurs toits verts soulignent le plafond blanc de
brume. Les quatre bâtiments portent des noms
évoquant leurs fonctions : Discours, Logique,
Déduction et Raison.
Le Discours
Seul bâtiment accessible aux visiteurs, là où
se déroulent la majorité des cours. L’entrée est
placée sous le regard des Piliers, des statues sty-
lisées de gardes un livre en main, symboles du
savoir sous surveillance. Trois amphithéâtres
sont en libre accès et le curieux peut assister
aux conférences ou aux enseignements.
Un libre accès, mais sous surveillance. Celui
qui veut partager ses connaissances peut béné-
ficier d’une tribune. Le prosélytisme pour des
courants interdits à l’UMU est sévèrement ré-
primé, de même qu’énoncer des théories non
éprouvées. Des hauts dignitaires prennent
parfois le risque d’y critiquer la gestion de la
ville ou les prérogatives des Temples, mais
en ne présentant que des faits avérés. Des
gardiennes du savoir sont là pour veiller à ce
qu’aucun orateur n’énonce des théories ou
des considérations personnelles : les kylbes.
La sentence est immédiate : le professeur
est remercié ou le tribun mis à la porte. Des
plaintes à la Perle rapportent que certaines
kylbes dérapent parfois… Néanmoins, elles
1. Hall Mandala. Sol en marbre blanc et rose, murs dé-
corés de fresques relatant l’histoire de la terrasse. Des
La Déduction La Logique
illuminés prétendent que des codes s’y dissimulant recè-
leraient des secrets sur l’origine de Laelith ! Trouver ces
messages est une activité très sérieuse pour certains.
La Raison Le Marbre
2. Amphithéâtre Nin Ier. Porte toujours le nom de l’ac-
tuel Roi-Dieu. Chaque semaine, des conférences s’y dé- Le Discours
roulent selon un thème (« Les demi-races étranges »,
« Histoires méconnues du lac », « L’édit Mandala IV doit-
Bibliothèque
il être abrogé ? », « Crimes irrésolus en Laelith »…). 11
3. Loge et stockages. Un escalier descend aux latrines
puis un long couloir mène à la loge de Farfir, un atelier
de maintenance et divers lieux de stockage. Une grille
ferme l’accès au couloir. La loge contient le strict mini-
mum : table, chaise, lit. 7
Farfir : demi-orc, surveillant, homme à tout faire. Petit,
malingre, les doigts tordus. Il est les yeux et les oreilles
de l’université. Il réprimande sans cesse les visiteurs et en
profite pour assouvir son vice, la kleptomanie.
4. Auditoriums Ombre et Lumière. L’un est illuminé 8
par le soleil, l’autre plongé dans la pénombre. Les ora- 4 4 6
teurs y exposent un thème (plus sérieux dans l’Ombre).
Ils passent à tour de rôle, sans réservation ni limite de
temps. Un défi entre pêcheurs en a poussé un à parler
des poissons du lac pendant trois jours, avant de tomber
2
inconscient alors qu’il parlait du « monstre d’Altalith ».
5. Salle des tutrices. Fermée au public, réservée aux
kylbes. Une table, des sofas et un vestiaire.
9 5
6. Études. Silence imposé. La salle collée à l’auditorium
Lumière est envahie d’une odeur de décomposition par
moments. L’origine est introuvable.
1
7. La Ronde. Bancs de pierre en cercle. Lieu de débats
qui dégénèrent parfois, les contradicteurs n’hésitant
pas à utiliser des faits relevant de la vie privée. De nom-
breuses rumeurs du Nuage en sont issues.
8. Salle condamnée. Une porte métallique, une lourde
serrure…
9. Salle de réunion. Table ronde en marbre où sont gra-
vés les noms des professeurs depuis l’ouverture. Un exa-
men attentif permet de remarquer que des noms ont été
effacés.
10. Jardins aériens. Espace de détente. Les artistes des
Six Provinces ont conçu une décoration dépaysante :
bancs en plumes maintenus en l’air par une soufflerie,
parterres souples où s’allonger, manège floral galvanisant 10
les sens, moulins à vent imitant les chants d’oiseaux…
11. Le Marbre. À l’arrière du Discours se trouve un insti-
tut interdit au public, le Marbre, où l’on étudie l’histoire,
la culture, la philosophie et les lois. Un Bureau de théo- 3
logie a hérité de quelques salles. Cette zone se divise en
bureaux, salles de cours, bibliothèques, salles d’archives
(plusieurs dans le département d’histoire) et un amphi-
théâtre. Des escaliers mènent à un entrepôt souterrain
où les travaux confidentiels sont rangés. L’historien ju-
riste Lycorte y cherche comment rompre la succession
des Rois-Dieux. Dans quel but ?

Le Nuage 235
« Alors que je m'endormais sous l’œil bienveillant sont réputées incorruptibles et douées d’une
de Throastène, une étoile fut nommée à mon nom. » mémoire (et de connaissances) exceptionnelle.
Tania Des rumeurs disent que certaines sont des es-
pionnes infiltrées.

La Logique
Dédiée aux sciences théoriques, avec
trois instituts : Astronomie et Cartographie,
Géologie, Mathématiques et Tactiques
militaires.
• L’Institut d’astronomie et de cartogra-
phie manque de moyens pour l’astronomie.
Toutefois, ses cartographes sont brillants,
tel Throastène. Elfe peu souriant, obsédé
par les casse-tête, il a d’excellentes capacités
pour replacer chaque chose. Il a entrepris
une carte en trois dimensions du Cloaque,
des terrasses (et des Provinces), avec l’aide
d’un illusionniste. Ce travail nécessite des
explorateurs pour relever les données, car la
communication avec les antopographes du
Temple de l’Oiseau de feu est difficile.
• L’Institut de géologie. Il s’intéresse par-
ticulièrement aux forces telluriques en
œuvre à Laelith et ses environs. Son di-
recteur, Sémélios, a sa propre théorie sur
le Châtiment et pense que tout n’est pas
« naturel »…
• L’Institut de mathématiques et tactiques
militaires cherche à expliquer le monde
avec des formules. Ses savants modélisent
des batailles avec des règles mathématiques.
L’un d’eux ne serait pas contre un test gran-
deur nature.

La Déduction
Annexe consacrée à la recherche appli-
quée, avec trois instituts : Biologie, Médecine,
Ingénierie.
• L’Institut de biologie. Principaux labo-
ratoires : Anatomie comparée, Zoologie,
Phytologie, Hybridisme. Les jumeaux natu-
ralistes Georvier et Tyward, deux halfelins
à la voix fascinante, étudient les créatures
intelligentes, vivantes comme mortes-vi-
vantes. Ils pensent que le cerveau des sang-
dragons possède une aire émettant et rece-
vant une onde spécifique dont l’intérêt leur
échappe. Un cobaye trépané est maintenu
en vie sur une table. Ils collaborent avec le
zoologue Nogal, spécialiste des animaux
morts-vivants, qui cherche à contrôler

236
 scientifiquement ces bêtes. Quant au labo-
ratoire d’hybridisme, Joret Hefsie y effec-
tuerait des croisements entre espèces intel-
ligentes, malgré l’interdiction du doyen.
• L’Institut de médecine. Trois laboratoires :
Médecine, Expérimentation, Thanatopraxie.
Ses médecins sont parmi les meilleurs dia-
gnosticiens. Ceux-ci répugnent à la diagnose
magique. L’Expérimentation développe
des techniques pour rattacher les membres
coupés, poser des prothèses ou des implants
métalliques… avec un taux d’échec impres-
sionnant. Seuls les riches y ont recours.
Actuellement, un patient au visage bandé est
dans le coma. Le service de Thanatopraxie
a recruté un embaumeur spécialisé dans la
conservation des créatures du Cloaque.
• L’Institut d’ingénierie est un repère de sa-
vants avec des idées plus folles les unes que
les autres. L’université revend parfois leurs
inventions dans la boutique matérialiste
d’ingénierie. Une expérience a failli détruire
l’institut : elle visait à réduire la taille de
créatures vivantes par « absorption des es-
paces inutiles ». Les plans existent encore.
La Raison
Bâtiment administratif gardé nuit et jour. Il
regroupe la scolarité, les finances, les services
de maintenance, le Conseil universitaire et le
bureau du doyen.
Doyen
Ssishssis’hsass Longue-feuille
Cet homme serpent sans âge s’appuie sur
une canne au pommeau à tête de singe, même
s’il n’en a pas besoin. Persuadé que la paix
des peuples passe par le savoir et le respect
des convictions de chacun, il consacre sa vie
à trouver des compromis entre les courants
de pensée de Laelith. Il entretient de bonnes
relations avec le Nuage, ce qui n’est pas du
goût de tous. Il est toujours accompagné de
Luje, humain longiligne pédant, étudiant à la
Déduction.
La Bibliothèque
matérialiste universelle
La modernisation des bâtiments, aux fonda-
tions fragilisées, a été menée au cours des dix
dernières années. Les lignes ont été épurées et
deux nouvelles ailes plaquées de marbre noir
ajoutées en bordure de l’entrée. Déjà sublime
avant, elle est considérée comme la plus ma-
jestueuse bibliothèque du monde.
Collée à l’université, elle a d’abord été
conçue comme une annexe pour y stocker
ses ouvrages. Elle est désormais autonome.
La moitié des ouvrages appartiennent à l’uni-
versité, mais lui ont été concédés à vie. Les
registres mentionnent plus de 10 000 tomes,
15 000 parchemins et 5 000 partitions. Une
partie de ces dernières a été cédée à la guilde
des Ménestrels. Ici, aucun écrit ne peut rela-
ter un fait non vérifié. Les écrits théologiques
sont acceptés, l’existence des Dieux étant indé-
niable, du moment que les faits ne tiennent pas
de la légende.
Laguime de Baueus,
grand bibliothécaire
Visage impassible, un nez qui lui mange la
figure et des lèvres d’une telle finesse qu’elles
disparaissent au milieu de ses rides. Toujours
une coiffe dissimulant sa calvitie. Il parle d’une
voix lente, presque hypnotique. Quand on lui
demande un ouvrage, c’est toute une machine
qui se met en branle en pas moins de 111 tics
et tocs qu’il faut supporter : une longue et
écœurante aspiration du coin des lèvres, un
tremblement de tête suivi d’un clignement
d’yeux et d’un froncement de sourcils, un ric-
tus révélant des chicots, des bruits étranges,
avant d’entamer la série de TOC (replacer un
certain livre, ouvrir une fenêtre, gratter le pied
de la documentaliste…) selon un parcours pré-
cis dans la bibliothèque. Interrompez-le et ça
repart à zéro ! Mais Laguime est une mine d’or
pour le visiteur patient, car il est aussi linguiste,
écrivain, philosophe, mathématicien, juriste,
ethnologue… Il connaît l’histoire documentée
de la ville, la généalogie des Rois-Dieux ou des
grands prêtres, l’origine de toutes les guildes
et confréries laelithiennes… Demandez-lui
des faits avérés, il les connaît ou trouvera
l’ouvrage qui en parle. Mais surtout, Laguime
est un tieffelin qui le camoufle avec brio, car
seuls deux universitaires sont au courant. Les
motivations qui l’ont poussé à accepter la res-
ponsabilité de la bibliothèque semblent liées à
celles du doyen Longue-feuille. Œuvrent-ils
ensemble dans un but humaniste commun ?
Ou sont-ils deux facettes opposées de desseins
venant de plus haut ?
Les marcheurs
de nuages
Brouillard épais ou simples filets de
brume, la terrasse porte bien son nom
tant elle est souvent envahie de nappes
laiteuses. De nombreux phénomènes s’y
produisent, dont les êtres-brouillard ne
sont que le plus mystérieux. Distorsion
du son et des formes, silhouettes
évanescentes, apparitions lumineuses
plus ou moins explicables font le
quotidien des habitants. Si certains
râlent par habitude, la plupart en ont
pris leur parti et ne s’étonnent plus de
ce qui surprend les nouveaux venus. Il
y a aussi une frange de la population
locale qui en profite. Les tire-laine et
autres métiers avides de discrétion, par
exemple. On pourrait aussi y inclure la
dizaine de marcheurs de nuages.
Bien entendu, rien de criminel dans
cette activité plus ludique et pratique
qu’autre chose. Montés sur des échasses,
ils arpentent les rues avec une agilité
incroyable, se jouant des pièges de la
chaussée, des pentes ou des obstacles. Le
matin, quand la purée de pois envahit
les rues, les marcheurs sélectionnent
dans leur collection la paire d’échasses
adéquate, celle qui leur permet de se
déplacer juste au-dessus du nuage, les
chevilles disparaissant à peine sous la
surface blanchâtre. Quand la brume
noie tout, ils traversent encore la masse
opaque de leurs grandes enjambées. En
dessous, c’est au dernier moment que
l’on remarque, et essaie d’esquiver, les
deux barres de bois souvent rehaus-
sées de fils de métaux précieux. C’est
comme si un sixième sens alertait les
marcheurs avant la collision et leur
permettait de ne jamais se perdre même
sans voir le chemin sous leurs pieds. Ou
peut-être cela a-t-il un rapport avec les
masques peints qu’ils portent pendant
leurs pérégrinations ? Quoi qu’il en soit,
par temps de brouillard, nul n’est mieux
à même d’arpenter la terrasse qu’eux
et ils deviennent les plus rapides des
porteurs de messages, basés à la taberge
du Pied sûr. Curieusement, on ne les
voit jamais en dehors de leur quartier
d’origine.
Expression typique
« Avoir la tête dans le Nuage », se dit
d’une personne qui consomme de
la drogue et commence à dire
des choses incompréhensibles.
Le Nuage 237
 Un lieu
La Haute
Commission du Juste
Myriam de Montducœur est l’actuelle
présidente de la Haute Commission du
Juste de l’université, laquelle a la charge
d’examiner tous les dossiers concernant
un écrit, un exposé ou un simple cours
dénoncés pour leur partialité. À la tête
d’une équipe de neuf personnes, cette
vieille dame intègre est à longueur de
journée harcelée par des religieux de
tous bords qui n’ont de cesse de vouloir
contredire des thèses scientifiques qui
vont à l’encontre de leurs dogmes. Elle
posséderait d’ailleurs des preuves de
tentatives de corruption qui mettent
en cause des membres éminents des
Temples.
Censure
Tout le monde à la Colombe se rap-
pelle de Naudre, une élève de maître
Dincamathin, qui présenta en ville ses
chansons dites engagées. Elles parlaient
de la misère du peuple et dénonçaient
les nobles et les riches marchands. Le
succès fut rapidement au rendez-vous,
mais visiblement ce nouveau registre
déplut aux autorités et c’est directement
de la Haute Maison que la censure est
venue. Cela généra durant quelques
semaines de grandes tensions dans le
milieu artistique de Laelith, et certaines
rancœurs persistent.
Un malentendu
Sylan, jeune orphelin d’une quinzaine
d’années, « violone » depuis quelque
temps sur les places de marché. Bien
qu’autodidacte sur un instrument
de fortune, son enthousiasme est
communicatif et le public lui lance
toujours quelques pièces. Il fuit tous les
ménestrels qu’il croise, persuadé qu’ils
veulent lui faire un mauvais sort car il
n’appartient pas à la guilde… alors que
ces derniers cherchent désespérément à
recruter ce garçon si prometteur.
238
La Colombe
La guilde des Ménestrels
Composée d’une maison mère (la Haute
Maison sur la place de la Zyglute, terrasse de
la Prospérité) et de demeures réparties dans
tous les quartiers, la guilde des Ménestrels
regroupe les musiciens, chanteurs, composi-
teurs, poètes, bateleurs et saltimbanques de la
ville et de la région. Ces trois dernières pro-
fessions ont rejoint l’organisation il y a douze
ans, après avoir connu des déboires répétés
lors de leurs spectacles. Cette affiliation les
protège désormais, et leur permet d’exercer
leur art plus sereinement.
Les diverses maisons de la guilde arborent
une enseigne au nom d’un oiseau blanc, et
hébergent les artistes de passage qui sou-
haitent se reposer après plusieurs jours ou
semaines de voyage. Elles servent aussi de
résidence à deux maîtres musiciens et à leurs
apprentis. Chaque maître n’est responsable
que devant le haut ménestrel de Laelith, et
conduit sa vie et son enseignement comme
il l’entend.
La guilde a trois fonctions : divertir les gens
dans les endroits les plus divers, de la taberge
du coin de la rue au salon des notables de la
ville ; enseigner les disciplines musicales ; et
effectuer le « don des nouvelles ». Son em-
blème est une lyre d’or surmontée d’une aile
d’oiseau blanche, cousu sur le vêtement de ses
membres, ce qui leur assure un bon accueil au-
près des personnes civilisées.
Les moulins à paroles
Les communications ont longtemps été
aléatoires entre les Six Provinces et Laelith.
Peu de gens sachant lire et écrire, de nom-
breux ménestrels se chargeaient de rapporter
les évènements se déroulant sur les terrasses
et dans la région, de donner des nouvelles
de familles et d’amis éloignés, et de raconter
quelques péripéties relatées au Salammatin.
De nos jours, chaque terrasse a son propre
mode de diffusion. Les ménestrels ont ainsi
gardé l’exclusivité du don des nouvelles pour
la Main qui travaille. Mais ils ont aussi gardé
l’habitude de se mêler des histoires de toutes
les autres terrasses et de vouloir les diffu-
ser, au grand dam des autres pourvoyeurs.
Ces derniers les ont rapidement nommés
les moulins à paroles, titre qu’ils ont conser-
vé auprès des Laelithiens. Ils donnent les
nouvelles gratuitement, dans un lieu public
comme une taberge ou une place de marché,
mais il est de bon ton de leur offrir un verre
ou un repas.
La maison
La Colombe est une magnifique maison à
deux étages. Ces murs en torchis blanc font
ressortir les colombages et les hourdis rouge
vif. Ses volets percés d’une colombe rap-
pellent l’enseigne en fer en forme d’oiseau
et peinte en blanc. L’établissement est la de-
meure d’un maître de chant, Dincamathin, et
d’une maîtresse harpiste, Asimma Camlost.
Le ménestrel résident, Aranel Celylith, est un
merveilleux chanteur qui assure aussi l’ac-
cueil. La maison abrite quelques apprentis
et un homme à tout faire (cuisine, courses,
ménage), et peut recevoir quatre artistes iti-
nérants, ou arrivés d’une autre terrasse pour
leurs activités quotidiennes. L’architecture in-
térieure est simple :
Rez-de-chaussée
Salle d’accueil. Un comptoir fait face à la
porte s’ouvrant sur la rue. Des partitions cé-
lèbres sont encadrées aux murs.
Atelier. Une demi-douzaine d’instruments
de musique sont en réparation, notamment la
harpe de la fille d’une riche marchande.
Salles de cours. Deux petites salles avec
quelques instruments d’étude et une estrade.
Une maxime peinte au mur : « Une âme à nos
oreilles, des notes à nos pensées ».
Cuisine et pièce commune, pour les repas
et les discussions entre ménestrels. Le visiteur
est sûr d’y entendre des nouvelles que les mé-
nestrels n’oseraient rendre publiques.
Premier étage
Appartements des maîtres. Un bureau et
une chambre chacun. Ils forment leurs ap-
prentis personnels, de jeunes artistes doués,
et donnent aussi des cours à la progéniture de
gens fortunés (la guilde a besoin d’argent).
Maître Dincamathin. Il vit là depuis plus
de trente-cinq ans et enseigne l’art de la voix.
Respiration, souffle, ton, émotion, rien ne lui
échappe. Malgré son âge et son apparence
frêle, il possède une superbe voix de ténor.
Maîtresse Asimma Camlost. Jeune harpiste
surdouée, elle a accédé au rang de maître à 25
ans (exceptionnel !). Elle aimerait se consa-
crer totalement à son art et ses compositions,
mais la guilde lui impose de transmettre son
savoir et ses techniques… Elle donne ses cours
à contrecœur, et se montre très sévère avec les
élèves peu motivés « qui lui font perdre son
temps ».
Chambre du ménestrel résident, Aranel.
Grand lit à baldaquin, draps brodés, une malle
avec ses partitions personnelles.
Quand ses tâches quotidiennes lui en
laissent le temps (chant en soirée, accueil, gé-
Prologue : Trahison
L’un des apprentis de maître
rer le quotidien de la Colombe, indiquer aux
Dincamathin, le jeune Bridoc,
curieux où le don des nouvelles aura lieu dans
la journée), Aranel se consacre à la composi- aime un peu trop jouer aux
dés. Ayant contracté une forte
tion d’un opéra. Le livret, à l’intrigue légère-
dette de jeu auprès d’un malfrat
ment subversive, lui a été fourni par un ami
hargneux, il lui a proposé de sol-
poète, membre de la guilde. Il compte en faire der son compte en lui donnant
son chef-d’œuvre, et accéder ainsi au rang de accès à la Colombe pour un cam-
maître, ce qui lui permettrait de devenir en- briolage nocturne.
seignant, et de se voir épargner les corvées
comptables de sa charge de résident, qu’il
abhorre…
« Que sa voix m'était douce. J'aimais m'attendrir
aux notes mélodieuses du divin Dincamathin. »
Tania

Second étage
Autres chambres. Chambre du domestique,
quatre petites chambres pour les membres de
la guilde de passage, un réduit pour les lits des
apprentis.

Aranel, le joli cœur

C’est un très bel homme, la trentaine, enjoué
et débonnaire. Incorrigible séducteur, ce chan-
teur hors pair ne peut s’empêcher de faire les
yeux doux aux belles, même (et surtout) si elles
sont mariées. Sa voix de baryton a fait chavi-
rer plus d’un cœur, particulièrement lorsqu’il
s’accompagne au luth… ce qui lui a valu plus
d’une fuite au clair de lune. Il a récemment été
provoqué en duel pour avoir imprudemment
courtisé en public l’épouse de Sérestus, un no-
table de la Haute Terrasse. Heureusement, le
combat n’était qu’au premier sang, et il a eu
l’intelligence de se laisser battre par le mari
outragé. Cet incident lui a cependant valu les
foudres de la Haute Maison, qui n’aime pas que
les ménestrels soient mêlés à de tels scandales.
Il se doute bien qu’au prochain esclandre, il
risque d’être chassé de la guilde. Mais que vou-
lez-vous, comment résister à de beaux yeux !
Il s’est cependant promis de se montrer plus
discret et plus prudent.

Le Nuage 239
 Une organisation
Le contingent de ville
Multiracial
Peu de quartiers de Laelith accueillent
autant de races différentes. Des plus
classiques, elfes et gnomes en particulier
dans les universités, aux plus exotiques
(un minotaure titulaire d’une chaire
de philosophie ou un hobgobelin
professeur d’astronomie). Toutefois,
pas de ghetto ici : ceux qui rejoignent
la terrasse du Nuage et ses promesses
de savoirs s’adaptent, par choix, à
leur environnement et représentent
des habitants « typiques » de la ville.
Toutefois, il ne faut pas croire que ces
origines n’exercent aucune influence.
Tout comme il existe des communau-
tés étudiantes par spécialités, on trouve
des « groupes d’intérêt » réunissant les
représentants des diverses races non
humaines. Citons la Fraternité des sages
elfiques, les Arts-maîtres gnomes ou
encore le bruyant Vivons bien, vivons
vieux mené par le halfelin Gormet.
Si vous visez un poste, appartenir au
réseau qui y est le mieux représenté aide
bien…
Brève de taberge
« Presque tout le monde loue sur la
strate de la Blanche Chaussée. Pourquoi
ils n’achètent pas ? Ils ont les moyens
pourtant.
– Veulent faire croire qu’ils ne sont que
de passage avant d’aller vivre sur la
Haute Terrasse.
– Ah ! Et pourquoi ils n’y vont pas ?
– Parce qu’un logement sur la Haute
Terrasse, c’est au-dessus de leurs
moyens.
– Ah ! Et qui est-ce qui leur loue sur le
Nuage ?
– Ceux qui vivent sur la Haute
Terrasse… »
240
et le poste de la Perle
« Tu verras, jeunot, on est pas mal ici…
Les élémentaires en cavale et les magiciens
fous, c’est pas pour nous, on fait plutôt dans
le maintien de l’ordre classique, calmer les
excités, arrêter les bagarres… Le seul
point noir, ce sont ces aventuriers qui se
croient tout permis. Et ces punaises de fei-
gnasses de collecteurs… »
Le fonctionnement du
contingent de ville
Le contingent de ville, aussi appelé la
garde par les anciens, est chargé de faire ré-
gner l’ordre dans la ville du Roi-Dieu. Son
dirigeant suprême, qui œuvre sur la Haute
Terrasse, est un officier supérieur appelé
merker (général). Il est assisté d’ezmers (com-
mandants), chargés de coordonner et de gé-
rer le contingent à l’échelle d’une terrasse.
Les postes principaux sont confiés à un rahel
(capitaine) et les postes secondaires à un kor-
rahel (lieutenant). Le dernier grade est celui
d’ogul (sergent), un sous-officier dirigeant une
patrouille, transmettant les ordres des supé-
rieurs ou attribuant les tâches quotidiennes
et les corvées au sein d’un poste. L’ogul le
plus ancien reçoit le surnom de « chef », qui
n’a rien d’officiel. La plupart des hommes du
rang sont des croyants, convaincus d’accom-
plir une tâche religieuse en assurant l’ordre
à Laelith. Ils arborent souvent des amulettes
et des colifichets dont le but est d’attirer les
grâces divines.
Le Temple du Poisson d’argent est chargé de
prélever les taxes dans la ville sainte, mais en
délègue la perception à des gardes d’élite du
contingent. Il y a cinq ans, le merker a découvert
que des rahels, des kor-rahels, et même deux
ezmers, piochaient allégrement dans la caisse
pour leurs dépenses personnelles. Les ezmers
furent renvoyés, les rahels et les kor-rahels
exécutés… Depuis, les gardes-collecteurs sont
triés sur le volet et sont tous de fervents fidèles
du Temple, se considérant investis d’une mis-
sion sacrée. Malgré cela, le merker leur porte
une attention toute particulière.
Les collecteurs se montrent très sourcil-
leux et inflexibles, et savent parfaitement lire
et compter (ce qui est rare chez les hommes
du rang). Ils sont cordialement détestés par
les gardes « standards », qui doivent assurer
leur sécurité et partager leurs locaux avec eux.
De leur côté, les collecteurs les surveillent de
près, toujours enclins à signaler à la hiérarchie
le moindre manquement aux règles. Dans
un poste de garde, l’ambiance entre les deux
groupes peut donc être explosive ou glaciale,
selon les circonstances et les vengeances mes-
quines ou rares bavures entre les « mange-gra-
tis » et les « suce-sang ».
Les postes principaux (un à quatre par ter-
rasse, selon les conditions locales) hébergent
généralement une soixantaine de gardes et
quatre gardes-collecteurs. Les postes se-
condaires (quatre à dix par terrasse) dis-
posent d’une trentaine d’hommes et de deux
gardes-collecteurs. En fonction des besoins,
les gardes sont affectés à des rondes menées
par deux (dans les endroits calmes), à des pa-
trouilles de six à huit hommes (dans les lieux
plus agités, ou pour escorter les collecteurs),
ou restent au poste pour sa protection et la
surveillance des prisonniers. Le service dure
douze heures (selon trois horaires : matin et
début d’après-midi ; fin d’après-midi et soi-
rée ; nuit), et un tiers des gardes sont en repos
chez eux. L’effectif total n’est normalement
jamais disponible, sauf en cas de crise. Les
gardes-collecteurs travaillent essentiellement
aux horaires de jour (l’astreinte de nuit est très
limitée), une prérogative très jalousée par les
autres gardes, qui intègrent les différents ser-
vices par roulement.
Les locaux d’où l’ezmer gère le contingent de
ville pour sa terrasse se trouvent généralement
dans un riche bâtiment, appelé l’ezmereion
(les gardes disent « la Boîte »). Il est dédié aux
fonctions administratives et aux archives, et
défendu par une dizaine d’hommes du rang.
Son personnel est constitué de scribes bien
formés, de protégés politiques, et d’anciens
gardes méritants (et sachant lire et écrire) ne
pouvant plus assurer un service actif. C’est
aussi là que les fouineurs déposent, s’ils le sou-
haitent, les preuves récupérées sur les lieux
d’un crime ou d’un délit, et qui sont conser-
vées dans une pièce particulière.
Le contingent de chaque terrasse possède
une couleur distinctive, ce qui permet d’iden-
tifier les limites des juridictions. Les diffé-
rents postes portent le nom d’un métal, d’un
minéral ou d’une matière de leur couleur.
Comme la tenue des hommes varie selon les
quartiers, la couleur est arborée sous la forme
d’un brassard (pour les hommes du rang) ou
d’une écharpe (pour les officiers), d’une teinte
uniforme pour toute la terrasse. Voici les dif-
férentes couleurs, avec quelques exemples de
noms de postes.
• La Main qui travaille : brun (l’Argile, le
Cuivre…) Prologue :
• La Chaussée du lac 
: bleu (l’Outremer, Du sang dans la nuit
l’Indigo…)
Un matin, un garde-collecteur a
• La Prospérité : jaune (le Safran, l’Ocre, le
trouvé les traces d’une flaque de
Sable…) sang mal essuyée dans la salle de
• Le Nuage : argent, gris pâle (la Perle, le Vif- collecte. Les gardes auraient-ils
Argent, la Neige…) mal nettoyé les lieux après un in-
terrogatoire musclé ? Ou quelque
• Le Châtiment : noir (l’Encre, le Charbon…)
chose de plus sinistre s’est-il pas-
• La Haute Terrasse : rouge (l’Écarlate, la sé la nuit précédente ? En atten-
Sanguine…) dant, il a fait un rapport qui suit
sa route, et pourrait déclencher
l’arrivée d’enquêteurs « neutres »
La Perle, envoyés par l’ezmer pour tirer
poste principal du Nuage cela au clair…
La Perle est le poste de garde principal de
la terrasse du Nuage. Il est dirigé par le rahel
Vanthura, nommée il y a cinq ans après l’exé-
cution de son prédécesseur pour détourne-
ment de fonds.
Ce bâtiment est l’archétype des postes de
garde principaux de Laelith. Il domine l’échelle
Le Nuage 241
 À la garde !
Tous les chefs de patrouille et l’un des
deux gardes affectés à une ronde sont
équipés d’un petit accessoire ma-
gique : le gueulard. Il a la forme d’une
petite tête de gargouille qui se fixe à la
ceinture, et hurle « À la garde ! » quand
elle est tournée à 180°. Pour l’arrêter,
il suffit de faire pivoter la tête pour la
remettre dans le bon sens. Cela permet
d’appeler les collègues à l’aide, et généra-
lement de libérer le passage quand une
poursuite s’engage… Et tout cela sans
s’époumoner !
« Une nuit à la Perle, Vanthura me susurra :
Si tu vis dans la peine, le démon t'emmènera. »
Tania
du Coude de toute la hauteur du mur, et fut
paraît-il conçu par Mandala, troisième du
nom. Avec son étage, il peut devenir une mi-
ni-place forte si nécessaire. Un balcon protégé
au-dessus de la porte permet un tir défensif
meurtrier en cas d’attaque. Toutes les fenêtres
sont protégées par des barreaux. De par sa po-
sition en bordure de terrasse, la Perle dispose
de salles creusées à même le rempart, où se
trouvent les salles stratégiques (geôles, bureau
des collecteurs). Les autres postes n’en bénéfi-
cient pas, et utilisent un agencement différent
(souvent une tour). Tous ne disposent pas de
l’intégralité de ces pièces, certaines pouvant
n’être que de simples placards, voire totale-
ment absentes, surtout dans les postes secon-
daires (elles sont marquées d’un astérisque).
Le rez-de-chaussée
La salle d’accueil est coupée par un grand
comptoir et une rambarde, ce qui permet de
limiter l’accès aux autres pièces. Un ogul et
deux gardes « de service » s’y trouvent en per-
manence, prêts à répondre aux besoins des
habitants. C’est le seul endroit par lequel peut
entrer le public.
La salle de collecte, où un collecteur per-
çoit les taxes dont viennent s’acquitter les
contribuables consciencieux. Quand il n’y
travaille pas, elle devient par défaut une salle
d’interrogatoire… ce qui a donné naissance à
un certain nombre de métaphores pour le pas-
sage à tabac (« On va te faire payer tes taxes »,
« Il va passer à la caisse »).
La cuisine permet aux gardes de corvée
de préparer les repas de leurs camarades et
d’éventuels prisonniers.
Dans le rempart/la tour (accès par le poste, et
par l’extérieur uniquement pour les gardes).
Le corps de garde est la pièce où les
hommes se reposent, prennent leurs
repas et passent le temps entre deux
patrouilles. Il permet de surveiller le
secteur des cellules, et possède un ac-
cès rapide vers le poste proprement
dit. C’est aussi le passage obligé pour
rejoindre les autres pièces de cette
structure.
Le clapier est une grande geôle dont un
des murs est une simple grille de fer. Y sont
enfermés pour quelques heures les
prisonniers inoffensifs : clochards, mendiants,
ivrognes, belles de nuit…
Deux geôles individuelles sont réservées
aux captifs dangereux qu’il faut isoler. Ils ne
sont jamais plus de deux par cellule, et sont ra-
pidement transférés vers la prison de la Haute
Terrasse.
L’armurerie contient des armures de cuir
(pour les collecteurs), des cottes de mailles,
des brassards et écharpes, des lances, des épées
courtes et des arbalètes. Des chaînes et des fers
y sont également rangés. Elle fait office de ves-
tiaire, chaque garde ayant un coffre pour ses
effets personnels. On y conserve de même les
affaires confisquées aux prisonniers.
La salle des provisions contient des vivres,
de l’eau et de la bière douce. Elle est approvi-
sionnée pour subvenir aux besoins des gardes
pendant une semaine… en cas de problème !
Le bureau des collecteurs abrite les meil-
leurs ennemis des gardes. Ils y organisent leurs
rondes et l’envoi de patrouilles pour appré-
hender les mauvais payeurs. L’argent récolté
est conservé dans un coffre scellé au mur en
attendant d’être récupéré. Dix hommes de la
Garde pourpre font le ramassage toutes les
semaines.
La salle d’armes* est l’endroit où les gardes
s’entraînent au maniement des armes ou au
pugilat. On peut y trouver diverses armes
émoussées et épointées.
Premier étage
L’infirmerie* abrite deux lits, des étagères
contenant bandages, herbes et cataplasmes
pour les « petits bobos ». Les blessés graves
sont transférés au Lazaret.
Une geôle « de luxe »* accueille les prison-
niers de marque qui attendent leur transfert
vers la prison générale, ou pour les personnes
dont l’identité n’est pas certaine mais dont
l’arrogance laisse présumer une position so-
ciale élevée. Un notable qui a fait du scandale
dans une taberge y cuvera sa cuite.
Le bureau du rahel est une pièce confor-
table, où le chef du poste se trouve pratique-
ment en permanence. Il y établit le roulement
des patrouilles, prépare les instructions pour
la distribution des tâches, reçoit les gens im-
portants ou des fouineurs…
Les réserves de défense contiennent tout
le nécessaire pour résister à une attaque :
arbalètes et carreaux supplémentaires, barils
de poix et de chausse-trappe (clous à quatre
pointes), etc.
Un système d’alarme est utilisé pour appeler
des renforts. Un levier situé dans le bureau du
rahel permet de manipuler un sémaphore pla-
cé sur le toit du poste. En raison de la brume
qui règne souvent sur le Nuage, le sémaphore
est associé à un lâcher de ballons. Sur la Haute
Terrasse, un garde est spécialement chargé
de guetter ces signaux. Bien sûr, les gardes
des autres postes accourent à la rescousse dès
qu’ils voient leurs camarades en difficulté. La
Perle est favorisée car elle possède cet équi-
pement « moderne » ; la plupart des autres
postes ne disposent que d’un drapeau à leur
couleur, hissé en cas d’urgence.
Larken, le « chef » de la Perle
Plus ancien ogul du poste, Larken assume
sans sourciller les missions que lui confie
quotidiennement le rahel depuis plus de vingt
ans. À chaque début de service (sauf celui de
nuit où il est remplacé par un autre ogul), il
réunit les hommes dans le corps de garde et
il attribue rondes, patrouilles et tâches au
poste. Il termine toujours son discours par
un dicton de son cru. Personne ne l’a jamais
vu se départir de son calme, mais une petite
phrase glaciale de sa part a plus d’effet que la
colère plus explosive des autres sous-officiers
de la Perle.
Ses fonctions d’organisation l’obligent à res-
ter au poste, et il ne sort jamais en patrouille.
Il fait preuve d’un respect de surface envers
les collecteurs, mais il n’en pense pas moins…
Vieux routier, il a parfaitement compris la
raison de la création de cette section spéciale,
mais il déteste leurs mesquineries et leur arro-
gance. Réprouvant la corruption, il a applaudi
intérieurement l’exécution de son ancien su-
périeur, et ne pardonne à ses hommes aucune
imprudence ou manquement aux règles. Par
contre, s’ils sont dans leur droit, il les soutien-
dra pleinement, quitte à mettre sa démission
dans la balance.
Comme tous les oguls, il sait lire et écrire
mais n’en tire pas de fierté particulière. Quand
il en a le temps, il offre un petit coup de main
aux gardes motivés qui souhaitent apprendre
dans l’espoir d’obtenir une promotion. Il leur
donne des exercices de lecture et d’écriture
qu’ils effectuent dans le corps de garde.
Les arkebrumes
Parmi les phénomènes et les légendes
locales nés du brouillard fréquent sur
le Nuage, les arkebrumes sont plutôt
récents. Il n’y a que deux ans que ces
silhouettes en robe orange et bleu
sillonnent les ruelles du quartier.
Les autorités n’y ont d’abord vu que
quelques illuminés de plus, comme il
y en a tant parmi les habitants sous
les remparts. Des prêches décousus
mêlant prophétie apocalyptique,
repentance, non-violence et visions
d’un paradis céleste n’avaient rien de
bien nouveau dans la ville de tous les
cultes. Toutefois, les événements actuels
remettent en cause ce désintérêt suscité
par la secte jusque-là. Tout a commencé
avec Lodir, un demi-elfe qui usait ses
culottes sur les bancs de l’Université
matérialiste, plus par désœuvrement
que par vocation. Après une fête bien
arrosée, il prétendit avoir vu surgir un
« ange » de la brume noyant la rue
menant chez lui. Cette entité lui aurait
révélé un grand secret concernant la
place réelle de Laelith dans l’univers.
Dès le lendemain, Lodir haranguait les
passants, les exhortant à « ouvrir les
yeux et trouver le chemin de la vérité ».
Le demi-elfe n’ayant aucun talent d’ora-
teur, ni preuve pour appuyer ses dires,
son mouvement rencontra bien peu
de succès. À peine une demi-douzaine
de suivants, ivrognes et doux dingues
notoires.
Il y a deux mois, il a été rejoint par
Flore, une jeune humaine. Elle affirme
avoir vu le même être surnaturel né du
brouillard. Confirmant la foi de Lodir
et y apportant son charisme ingénu et
de nouveaux détails, la secte des arke-
brumes, tels qu’ils se nomment, prit de
l’ampleur. Une fois encore, les autorités
n’y virent qu’une mouvance marginale.
Cependant, depuis que Flore dirige le
groupe, deux faits inquiètent désormais
les responsables religieux comme ceux
de la sécurité : la jeune fille montre des
pouvoirs divins, dont des guérisons
miraculeuses ; ses sermons impliquent
le prochain Roi-Dieu comme le
déclencheur probable de l’apocalypse
annoncée.
Le Nuage 243
 Une organisation
Voleur
à la Langue coupée
Bien qu’en plein essor, la guilde est
très regardante sur son recrutement.
Celui qui veut être membre doit faire
ses preuves (réussir un gros coup ou
travailler pour des intermédiaires sur
plusieurs petits coups) et prouver sa
loyauté sans faille. Mais le meilleur
moyen pour être contacté reste encore
de commettre un vol dans son sec-
teur… à vos risques et périls !
Plus t’es haut,
plus c’est sûr
« On m’avait bien dit d’éviter les quartiers
autour du port où de nombreux gredins
n’hésitent pas à détrousser les plus
humbles, même s’ils sont pèlerins. “ À
Laelith, plus t’es haut, plus c’est sûr ” qu’on
m’avait dit. C’est pour cela que j’avais dé-
laissé les taberges animées de la Chaussée
du lac et préféré une pension sur le Nuage,
entouré de jeunes étudiants studieux
et silencieux. Alors quand moins d’une
semaine après mon entrée en ville, de jour,
sur la place du temple du Nuage bondée,
je me suis fait complètement détrousser,
j’ai bien regretté de ne pas avoir passé au
moins une fois avant du bon temps dans
un boxon des quais… »
« Gardez-vous de verser simple obole,
Quand Langue coupée vient à l'aube.
Affreux Doloc, Fiolane et Cassole,
N'attendent pas que petite aumône. »
Tania
244
La Langue coupée
Une guilde de voleurs
Dans une ville transitaire comme Laelith,
la criminalité s’est rapidement ancrée dans
toute la société. La Haute Guilde la limite en
octroyant quelques libertés contrôlées au sein
de guildes. Longtemps, la Langue coupée, en-
kystée en Basse-Eau, est restée dans le rang.
Officiellement, elle continue sans remous
ses vols d’objets d’art et ses cambriolages.
Pourtant, elle laisse certains voleurs isolés agir
impunément sur son territoire…
Si ancienne…
La guilde apparaît comme organisation en
968, dans un rapport sur le cambriolage raté
des archives du temple du Nuage. Des perqui-
sitions sont menées chez plusieurs notables du
Nuage et de la Prospérité et des étudiants de
l’UMU sont arrêtés. Toute cette agitation fait
long feu et la guilde se rendort sans que per-
sonne ne sache qui est son chef présumé, un
certain Langue coupée.
Langue coupée dirige une vingtaine de
membres. Chaque semaine, il réunit la Triade,
ses trois lieutenants, pour donner ses instruc-
tions et être tenu informé des «  performances  ».
Le halfelin Doloc Boloc, vraie teigne, se charge
de l’information et du repérage (y compris
des aventuriers…) ; Fiolane « Six doigts »,
humaine à la particularité visible, s’occupe de
l’intrusion et du désamorçage des sécurités ;
Cassole, coupe-jarret peu soucieuse de son hy-
giène, s’applique à la protection armée. Seule
cette dernière est en place depuis plus de deux
ans. Langue coupée est décrit à l’identique de-
puis toujours : humain, teint pâle, maigreur
extrême, défaut d’élocution dû à sa langue
coupée. Si c’est bien la même personne, il a
plusieurs siècles ! Néanmoins, son élocution
semble s’être améliorée.
Historiquement, la Triade logeait au siège
de la guilde, le Hibou prodigue, mais Langue
coupée a « offert » une maison à chaque
lieutenant pour les éloigner et éviter qu’ils
ne le voient passer ses journées dans ses ap-
partements, sans activité apparente. En effet,
Langue coupée n’est qu’un sosie (voir plus bas).
Il y a deux ans, un cadavre au teint blafard et
d’une maigreur effrayante est retrouvé quai
des Contrebandiers. Sa langue tranchée ravive
les rumeurs pendant quelques jours. Puis…
rien. Néanmoins, Karelle, une fouineuse pro-
metteuse, s’intéresse de près à l’histoire de la
guilde et à ses réels desseins.
Une façade honnête
Le Nuage n’est pas une terrasse de traîne-misère et la
guilde se doit d’être discrète et hors de soupçon. Elle s’est
installée à proximité de la Perle dans une boutique de prêts
sur gage : le Hibou prodigue, qui pratique un taux d’usure éle-
vé (jusqu’à 200 % !). C’est un quartier populaire pour le recel
et l’endroit idéal pour observer le contingent.
La petite maison d’un étage passe inaperçue. Seule l’en-
seigne la distingue des habitations vétustes alentours, un
hibou rouillé à la peinture bleue écaillée. Les volets en trop
mauvais état pour être ouverts restent mi-clos nuit et jour.
Les mauvaises langues disent qu’avec l’argent que cette cra- « Thréophraste me parla
pule d’usurier amasse, il pourrait rafraîchir sa façade ! Le d'un hibou prodigue, où
prêteur est Théophraste, « un commerçant méritant ».
je ne vis pourtant qu'un
rapace suffisant. »
Aux beaux jours, la partie basse de la porte d’entrée de la Tania
boutique sert de comptoir. Théophraste y est souvent ac-
coudé, regardant « indifférent » les va-et-vient des passants
et cibles potentielles. Les jours pluvieux, les transactions se
font à l’intérieur, dans une petite salle basse, assombrie par
les étagères et les présentoirs. Tout s’y trouve : du briquet à
silex en os à la jambe de bois incrustée de pierres précieuses !
Un rideau dissimule la réserve. Creusée dans la roche,
cette salle sert à stocker les objets volumineux et le butin des
vols à écouler sur la Chaussée du lac. Une armoire dissimule
un passage vers le sous-sol. Le plancher devant grince (ré-
sonne en sous-sol) pour un poids supérieur à 55 kg, celui de
Théophraste.
Un escalier mobile conduit aux appartements de l’étage :
chambre, salle d’eau, cuisine et bureau où Théophraste écrit des
poèmes d’amour secrets à Loup-dune, une garde de la Perle.

Un sous-sol voilé
L’escalier donne sur une grille piégée (acide) qui bloque
l’accès à une seconde réserve contenant les objets volés trop
reconnaissables (statues, tableaux…). Une paillasse est ca-
chée dans une pile de caisses. Zsurfk, un demi-ogre idiot,
mais terriblement efficace pour briser un crâne, monte la
garde nuit et jour, en échange de poisson frais et de la com-
pagnie d’une « esclave » (parfois non humanoïde). Un tunnel
fermé par une imposante porte s’enfonce vers l’Inlam et le
Cloaque. Une autre porte ferrée protège le siège de la guilde :
nul n’y a jamais pénétré…
Théophraste, le nouvel usurier
Mince, les pommettes hautes poudrées de rose, des che-
veux presque rouges. Il a le compliment facile et le sourire
charmant. Auprès du quartier, il se présente comme le neveu
de Zonthar, l’ancien propriétaire parti vivre en province, il y
a trois ans. Il s’occupe de la boutique, repère les activités du
quartier et en informe la guilde.
Théophraste est le chef d’une guilde marchande d’Ala-
rian. Venu en repérage commercial, il a compris qu’il pou-
vait amasser plus de richesses ici qu’en plusieurs vies chez
lui, mais que la tâche serait âpre s’il suivait les règles. Il vise
la Haute Guilde, mais hors de question de perdre du temps
en politique. En payant, il a obtenu des informations sur les
membres de cette institution et particulièrement Ergalth. Il
a grassement rétribué Zonthar pour qu’il l’introduise dans
la guilde de voleurs, puis a fait assassiner son chef par des
mercenaires qui devaient détruire le corps. Pour s’assurer la
fidélité des voleurs, il a remplacé Langue coupée par un « so-
sie » réalisé par le laboratoire d’expérimentation de l’UMU.
Depuis deux ans, toutes les activités de la guilde visent à pré-
parer un coup monté qui impliquerait les représentants de
la Haute Guilde dans ses cambriolages en créant de fausses
preuves. Son plan est ambitieux, trop. D’autant que si les ins-
tances de la Haute Guilde tombaient, il n’a pas réfléchi à la
façon d’être nommé à sa tête…

Le Nuage 245
 Un professionnel
Concours d’architectes
La terrasse du Nuage est perpétuelle-
ment en travaux. Hôtels particuliers en
rénovation, agrandissement d’une école,
construction de dortoirs étudiants,
réfection des voies… il est rare d’en
traverser les rues sans croiser un chan-
tier. De plus, pour fêter l’avènement
du nouveau Roi-Dieu, le conseil local a
lancé un concours. Il consiste à édifier
un bâtiment à la gloire de Laelith et de
son souverain.
Y participent tous les architectes
renommés de la Ville sainte et d’autres
venus d’ailleurs. Cependant, ils doivent
respecter deux contraintes. D’abord,
le nombre d’emplacements est limité :
neuf en tout, correspondant à d’anciens
édifices rasés. Les participants sont donc
regroupés en équipes, au prix de fric-
tions entre rivaux associés par tirage au
sort. Ensuite, chaque projet se fait avec
une université et doit la refléter dans sa
forme et sa fonction. Si les astronomes
veulent un observatoire moderne, il est
plus ardu de concrétiser le souhait des
philosophes…
Portrait
Lorenzo est un vieux gnome qui,
d’un pas lent et fatigué, pousse tous
les jours son chariot dans les rues du
Nuage, agitant sa cloche tout en criant
« Rémouleur ! Rémouleur ! ». Lorsqu’un
client s’approche, il s’assoit sur son
petit banc et commence à actionner sa
meule. Qu’on lui confie un couteau de
cuisine ou une belle épée, son travail
consiste à redonner à la lame son tran-
chant en échange de quelques pièces qui
lui permettront de survivre jusqu’au
lendemain. Et si le petit homme a choisi
cette terrasse, c’est parce que l’on trouve
autant de dagues sous la tunique des
bourgeois que de plumes d’écriture sous
celle des sages.
246
Rédacteur
à la Gazette de Laelith
Adieu Salammatin
Cette feuille de chou a longtemps été la
voix indépendante de Laelith, ses rédac-
teurs menant un réel travail d’investigation
pour obtenir des informations solides et des
scoops que les réseaux classiques n’auraient
jamais diffusés. Cette prise de risque a parfois
remis en question son existence (comme lors
de l’article sur le sexe de Teaphanerys XII ou
celui sur l’implication de gardes de la Haute
Terrasse dans un racket). Est-ce une mani-
pulation politique qui a conduit aux émeutes
et à l’incendie des locaux de Salammatin
lors du décès de Teaphanerys ? La mort de
deux rédacteurs montre que le métier est
dangereux…
Toujours vivant
La Gazette de Laelith a repris le flambeau.
Installée dans des locaux vétustes, elle fait
profil bas pour éviter d’être à nouveau une
cible. L’enquête sur l’incendie n’ayant pas ré-
vélé les coupables, deux mercenaires demi-or-
cs sont en faction nuit et jour. Passer trop près
de Grut ou Varokt les autorise à une fouille
musclée !
La Gazette est toujours l’unique journal d’in-
formation de la ville. Le mode d’impression
sur planches de bois gravées rend complexe
un tirage de plus de quatre pages. Malgré la
concision de la formule, sa diffusion reste res-
treinte au Nuage et à la Haute Terrasse, là où
sont concentrés les lettrés.
Bien qu’en partie financé par l’Université
matérialiste, le journal possède une certaine
indépendance éditoriale, avec pour seule
contrainte de « ne pas colporter de rumeurs
infondées ». Toute la subtilité est là… et les
équipes travaillent d’arrache-pied pour sor-
tir chaque semaine des vérités et de « vraies
rumeurs ».
Travailler à la Gazette
La Gazette peine à recruter des rédacteurs
et à garder les anciens, tous effrayés à l’idée
d’une nouvelle catastrophe ou de représailles.
Elle a lancé un appel à contribution dans ses
colonnes et par voie d’affichage dans les quar-
tiers passants de la ville. La rédactrice en chef,
Ansar Allamra, sachant qu’il est difficile d’em-
baucher des locaux, cible les pèlerins ou les
aventuriers prêts à investir un peu de temps
et de courage. De plus, les affiches ne restent
jamais très longtemps en place. Apparemment,
la Gazette a toujours des détracteurs.
Le salaire est modique (10 pa la page et une
bonne adresse pour manger à l’œil), mais quel
aventurier ne rêve pas d’avoir son nom dans
la plus célèbre gazette du monde civilisé ? Et
pour des voyageurs y travaillant, c’est avoir
accès à un réseau et à une mine de rensei-
gnements de première main. Certains infor-
mateurs du journal ont leurs entrées dans les
hautes sphères comme les bas-fonds.
Les rubriques
qui recrutent
Plusieurs rubriques ont besoin de nou-
veaux talents. Si ces derniers proposent un
travail d’investigation complet, ils sont reçus
par Ansar. Ils doivent présenter des faits do-
cumentés pour qu’elle évalue la pertinence de
leur article.
• Faits divers. Toutes les petites histoires
de la vie quotidienne, tragiques et insigni-
fiantes : une rixe entre un commerçant et un
Utruz, l’amputation des mains d’un voleur
pris dans un piège, un scandale impliquant
un prêtre et son ookhab ou un médecin un
peu trop invasif au Lazaret, un pot de fleurs
qui assomme un ogul… Les apprentis rédac-
teurs peuvent déposer leurs papiers auprès
de Vilppu, un ancien de Salammatin.
 « Promenant dans les
brumes, au jardin des
• Politique. Rubrique plus sérieuse et tendancieuse, en-
blandices, je m'endormis le
temps d'une éclipse dans les
cadrée par Xeniophal, autre rédacteur d’expérience bras des dryades.»
rescapé de l’incendie. Celui qui veut y écrire a intérêt à Tania
avoir des preuves solides. Le scandale du fichage poli-
tique et religieux des aristocrates en pèlerinage a valu à
son auteur trois ans de prison.
• Rubrique mondaine. Plus légère, destinée aux
nobliaux entichés de qu’en-dira-t-on, cette rubrique
traite des évènements mondains. Un bon moyen pour
s’inviter à une réception importante. Mais il faut mon-
trer patte blanche.
• Bas-fonds. Du vrai travail d’investigation… Risques
maximaux, scoops énormes ! La Gazette est prête à
offrir bien plus pour ces enquêtes. Surtout si elles
impliquent des notables. Attention, le travail doit
être puissamment documenté ! Ansar supervise en
personne.
• Culture et art de vivre. Tout ce qui touche aux pro-
jets urbains, aux évènements culturels, aux bonnes
adresses ainsi qu’aux meilleures tables. Le dernier
article à sensation parlait d’un mode de diffusion des
voix par les insectes. Mais l’UMU a parlé de fumiste-
rie : « Rendez-vous compte, si cela était possible, tout
le monde serait espionné ! »
• Négoce et corporations. Cette rubrique récente essaye
de mettre en lumière les mécanismes économiques de
Laelith. Elle est potentiellement explosive.

Ansar Allamra, rédactrice en chef

Demi-elfe, des oreilles marquées, un nez fin et un corps
svelte. Elle porte les cheveux très courts, presque rasés,
et une tunique masculine sombre, serrée par une épaisse
ceinture dans laquelle elle dissimule un stylet et de la
poudre à éternuer. Elle a échappé à deux agressions ces
dernières semaines et se protège comme elle peut. Sa part
humaine ne fait pas de doute quand elle parle, avec des
expressions argotiques et un franc-parler qui montre sa
poigne. Elle a pris les rênes du journal après l’incendie
du Salammatin, lorsque l’ancien patron, trop vieux pour
se battre, a décidé de lâcher la direction. Elle voue sa vie
à son travail et à essayer de démasquer les impostures de
cette ville.
Élevée par son père humain dans un monastère, elle
a subi les brimades plus ou moins appuyées des moines
pendant sa jeunesse. Au décès de son père, elle a fui la
communauté et est arrivée à Laelith. Elle a passé plu-
sieurs années dans les mauvais quartiers, vivant de pe-
tits travaux et se constituant un puissant réseau d’infor-
mateurs. Xeniophal lui a donné l’occasion de prendre
une revanche sur la vie en l’impliquant dans le journal.
Étrangement, elle ne garde aucune rancune à l’encontre
des religieux, mais beaucoup plus envers les politiciens
et les voleurs.

Le Nuage 247
 Un professionnel
Salaire élevé,
établissement de
prestige
« Laelithiens comme étrangers, Anihya
et Chrisihya Brizure vous invitent à
participer à leur aventure. Devenez
nos compagnons. Vous savez cuisiner ?
Vous avez des bras musclés ? Vous
savez où trouver des denrées rares ?
Vous avez des talents de négociation ?
Rejoignez-nous à la Rancuje sereine ! »
Libérez-le !
« Que le Nuage se dresse face à
l’injustice ! Rejoignez-nous devant la
pension des Vésanies où le marquis de
Cretomstin est interné, victime de la ja-
lousie de ses pairs. Ensemble, forçons-les
à avouer leurs crimes. Sauvons les
fiançailles du marquis avec damoiselle
Tolminelasol. Brûlons les parjures ! »
Anonyme, mur du Savoir
248
Restaurateur au Nuage
Le combat des chefs
Que l’on ouvre un estaminet coquet, une ta-
berge populaire, une auberge gastronomique ou
un restaurant haut de gamme, être restaurateur
à Laelith ne s’improvise pas. Si des aventuriers
veulent se lancer dans le métier, ils doivent être
préparés à toutes les éventualités et, parfois, à
proposer d’autres services plus illégaux comme
le jeu ou la prostitution. C’est encore plus vrai
dans le quartier Basse-Eau où la concurrence
est rude. Se confronter au clan Brizure, qui pos-
sède la moitié des établissements de bouche du
quartier et dont la tradition familiale remonte
à plusieurs générations, c’est s’exposer au pire.
Le métier
La restauration ne consiste pas qu’à servir
les plats, surtout dans une ville aussi cosmopo-
lite. Les tâches sont nombreuses et demandent
une bonne organisation. Il faut gérer : ses em-
ployés, qui sont une aide précieuse comme
une réelle plaie ; ses cuisines et ses sources
« Jumelle jumelle, aux plats si cruels,
si bons que mes fesses contre moi se
rebellent.»
Tania
d’approvisionnement, encore plus à Laelith
qui est éloignée de tout ; sa comptabilité et les
innombrables tracasseries administratives, et
ne pas oublier une seule taxe parmi les cent
onze existantes ; sa clientèle, la mixité sociale
entre gens de Basse-Eau et peuples du Nuage
entraînant des conflits fréquents et violents ;
sa sécurité, les guildes de voleurs s’intéressant
particulièrement à cette manne financière et la
concurrence qui n’hésite pas à déraper (agres-
sion, blocage de l’approvisionnement, sabo-
tage…). Même des personnes expérimentées
avec de puissants soutiens ne sont pas à l’abri.
Anihya et Chrisihya Brizure, jeunes héritières
de l’exceptionnelle Table Vofoli, l’ont découvert
et cherchent à s’entourer de talents divers. Une
occasion pour des aventuriers d’apprendre le
métier. Et si la collaboration se passe bien, des
franchises sont envisagées.
Les jumelles Anihya
et Chrisihya Brizure
Chevelures rousses démesurées, yeux vert
émeraude, taches de son illuminant leurs visages
disgracieux, corpulences disant leur gourman-
dise. Distinguées et agréables, des voix douces.
Ce sont les petites-filles d’Orfel Brizure (voir le
scénario plus loin). Prêtes à tout (à tout !) pour le
succès de leur nouveau bijou, la Rancuje sereine,
cuisine gastronomique, récemment ouvert sur
la Blanche Chaussée. Elles cumulent pourtant
toutes les difficultés. Bien que leurs employés
soient dévoués, l’amourette délétère entre le
serveur As’Rothom et la ménestrelle Val de
Lanterne pourrit l’ambiance. Les jumelles sus-
pectent Val d’être une espionne. L’implantation
du clan Brizure dans ce quartier rend les autres
restaurateurs nerveux et plusieurs employés
ont été suivis et menacés. Certaines denrées
n’arrivent plus et les portefaix se font régulière-
ment dérober leurs colis pour le restaurant. Qui
seraient les informateurs pour ces vols ciblés ?
D’autant que Chrisihya importe des denrées
rares d’Alarian pour sa nouvelle spécialité. Et
comme dans beaucoup de bâtisses, une ouver-
ture sur le Cloaque a été découverte… et des
gens du dessous aimeraient bien manger ici !

Un triste tableau
Auberge de l’Indigo…
« Il existe des hommes étonnants, des per-
sonnes dont le nom résonne comme une habitu-
de, mais dont on ignore absolument tout. Celui
dont je suis venue vous parler est de ceux-là. Jo… »
La voix douce de la jeune barde est coupée par
le soupir ennuyé du demi-orc lui faisant face.
« Soyez rassuré, Raliks, votre intérêt sera
ravivé quand je vous dirai où vit cet homme et
pourquoi je vous ai rejoint à cette table. Vous
êtes employé par messires Noessoni, père et
fils, je ne fais pas erreur ? »
Raliks grogne un acquiescement.
« Les façades de leurs demeures sont un hom-
mage merveilleux à l’art glyphanant. Je vous… »
Nouveau grognement.
« Garde du corps, n’est-ce pas 
? 
», se
ravise-t-elle.
« J’garde, pour sûr, mais pas l’corps d’ces
types. Et au prix qui m’paient, j’vais pas t’dire
quoi, sonneuse de Cloaque. »
Salomé hoche respectueusement la tête.
« Ma question est rhétorique. La tristesse de
Noirâme… C’est une légende connue. Mais je
suis ravie que l’existence de ce portrait d’en-
fant soit confirmée. Une première larme est
apparue à sa paupière, est-ce vrai ? »
Un silence lourd. Un froncement de sourcils
du garde.
« Laissez-moi vous expliquer. Noirâme…
n’est pas qu’un tableau, murmure Salomé en se
penchant vers Raliks. Noirâme… ce sont des
centaines de crimes familiaux qui l’ont empli
de haine. Et lorsque ses yeux pleureront, de
Laelith à Talbeth-Hav les parents tueront leurs
enfants. Sa première larme a coulé. Il va en
vouloir plus », lance la barde en se redressant.
Raliks laisse échapper un nouveau soupir
blasé qui trahit son incrédulité.
« Je m’attendais à ce que cette légende vous
ennuie… Je sais que le père Noessoni vous a
envoyé à Basse-Eau, à la Souris persévérante. Il
vous a confié une missive au nom de Josephus
Nœürâstën… J’imagine votre étonnement
devant cette bicoque au milieu de façades
somptueuses. Elle date de l’époque Mandala…
Vous devriez me laisser cette lettre. »
Le sourire moqueur que le demi-orc avait
engagé à l’évocation d’une maison aussi an-
cienne se transforme soudain en grimace.
Salomé recule, les mains en l’air.
« Il n’est pas revenu depuis cinquante ans,
mon ami. Je suis sa dévouée. Il m’a envoyée
dès qu’il a appris la venue du tableau à Laelith.
Josephus est occupé par l’éradication d’une…
relique. Il est introuvable, mais dans ces mo-
ments-là, cela est préférable.
« Si y’est introuvable, comment qu’y t’en-
voie ? Parle ou j’t’arrache ta langue de vipère ! »
« Nous avons hum… un mode de communi-
cation à nous. Votre missive requiert son aide
immédiate ? Elle indique que sieur Noessoni a
commis l’irréparable devant le tableau et que
la première larme de l’enfant du tableau a suivi
son infanticide. Il supplie Josephus de le sauver.
Ce que vous ignorez, c’est que si vous avez croi-
sé le regard de Noirâme, vous tuerez aussi. »
« Qu’est-ce qu’tu dis, sorcière ? C’toi que
j’vais tuer ! », hurle Raliks en frappant du
poing sur la table.
« Attendez, attendez, il est possible de tout
arrêter, dit Salomé. Josephus peut vous ai-
der, peut nous aider. Mais nous avons besoin
d’autres personnes… »
Légende
« Bien qu'il soit homme d'art et
de savoir, je vous espère le nom de
Josephus à jamais inconnu....»
Tania
Déo-anarchistes
À l’aube, quand les étudiants rejoignent
les salles de cours, de pâles figures
attendent au coin des rues brumeuses.
Drapées dans des robes grises, le
visage caché sous leur capuche, elles
distribuent des coupons de mauvais
parchemin au murmure de « Pour la
gloire du seul Dieu ». Le texte varie
peu : il dénonce la corruption des élites
de Laelith, en citant parfois des noms
et des faits précis, mais il ne prône pas
la révolution totale. Ces pamphlets
appellent plutôt à se détourner des
administrations pour remettre tous les
pouvoirs entre les mains du Roi-Dieu,
vrai symbole de la Ville sainte.
Les fouineurs connaissent depuis
longtemps ce groupuscule, même si
ses membres disparaissent toujours
avant leur arrivée. Ils les considéraient
comme des zélotes inoffensifs jusqu’à
ce que les derniers écrits prennent une
tournure plus violente. Le meurtre d’un
juge de paix par un étudiant se reven-
diquant des déo-anarchistes pousse les
enquêteurs à précipiter leurs
investigations.
Le Nuage 249
 Animations de quartier
Accident suspect au bal
Le dernier concours a bien fait parler
de lui. Parmi les concurrents se trouvait
un jeune dandy, fiancé à Laéma, la fille
de Ponce-Plume, qui s’écrasa et mourut
après seulement quelques mètres de vol.
Les accidents durant le Bal des volants
n’étant malheureusement pas rares, ce
n’est pas ce qui a ému les habitants. Par
contre, une rumeur a enflé rapidement
du fait que les organisateurs ont refusé
au gnome Fracazo, qui avait préparé
la machine, de pouvoir examiner les
débris, et que les infidélités du jeune
homme n’étaient un secret pour
personne. La fille de la grande pilote
pourrait ne pas être étrangère à la
tragédie…
Ponts aériens
Passerelles, poutrelles, cordes, pontons…
enjambent les rues de la terrasse du
Nuage comme pour créer un chemin
aérien au-dessus du commun des
mortels. Si la plupart des passages
débouchent sur des maisons privées,
certains savent, en y ajoutant les toits,
traverser le quartier sans jamais toucher
le pavé du pied.
Brume de brouillard
« Ce que j’vais t’dire, ça reste entre
nous, d’accord ? Pas envie de retourner
faire un séjour au Vrai Savoir… Hum…,
y a trois ans, nuit pour nuit, j’sortais des
cryothermes et la brume se lève, bien
compacte. Normal sur la promenade.
Puis j’ai vu un truc… y avait une autre
brume, dans la brume ! Et t’sais, ces
foutaises d’êtres-brouillard, j’y croyais
pas, j’suis pas un illuminé. Mais cette
brume-là, la brume de la brume, je
crois que c’est un passage. Ce que j’ai vu
dedans, c’est une autre Laelith ! »
250
Festivités
en toute discrétion
Le Nuage n’est pas la plus épicurienne des
terrasses. La rigueur de ses habitants et de
ses visiteurs est notoire. Toutefois, plusieurs
évènements sont organisés à des dates suf-
fisamment régulières pour attirer les foules.
Commençons par la plus célèbre et la plus
mortelle.
Le Bal des volants
Née du département des machines volantes
de l’Université matérialiste universelle, l’Aca-
démie des arts volants (la Volante) est une
institution prestigieuse et indépendante, qui
regroupe des savants recrutés dans un seul
et unique but : apprendre à l’homme à voler
sans magie ni monture. Par homme, l’aca-
démie englobe tous les peuples humanoïdes
qui n’ont pas naturellement cette faculté. Les
gnomes sont d’ailleurs parmi ses plus émi-
nents membres.
Le nom seul de la Volante suscite les voca-
tions les plus folles parmi les ingénieurs en
herbe. Car il n’y a pas de meilleur endroit pour
celui qui veut découvrir le moyen de voler,
grâce aux mécènes qui ne comptent pas leurs
lithals pour aider les savants. Mais les places à
l’académie sont rares. Pendant des décennies,
les inventeurs de Laelith et d’ailleurs ont testé
leurs machines volantes en s’élançant depuis
le promontoire de l’Envol, le toit d’une an-
nexe de l’université, espérant être remarqué
par un membre de la Volante. L’ancien Pavé
rouge des sots, au pied du promontoire et
désormais transformé en fontaine de briques
rouges, témoigne que le succès était rarement
au rendez-vous. À l’inverse, certaines inven-
tions se sont révélées viables. Leurs inventeurs
sont devenus célèbres, à défaut d’avoir intégré
l’académie. C’est le cas de l’arbalète volante
de Celianthril de Quarente, une gigantesque
baliste qui propulsait le cobaye dans les airs.
Ce dernier, équipé d’ailes en bois et plumes de
colombe, planait alors jusqu’à la destination
voulue. La démonstration au Nuage fut désas-
treuse, le pauvre elfe volontaire se noya après
avoir atterri au milieu du lac. Mais il se dit que
des orcs utilisent son invention pour franchir
les remparts de villes qu’ils assiègent.
Il y a quinze ans, la nouvelle directrice, la
grande pilote Ponce-Plume, mit fin à ces es-
sais morbides et créa le Bal des volants, un
concours annuel de machines volantes op-
posant les concepteurs de l’académie à qui-
conque de suffisamment fou pour y participer.
Car n’importe qui peut s’inscrire, du simple
forgeron de quartier au plus insigne inventeur.
Les participants « s’envolent » depuis le jardin
des Répartiteurs en direction du lac. En cas de
problème, ils ont maintenant la possibilité de
se poser dans l’amphithéâtre aménagé pour
l’occasion (encore faut-il y arriver, ce qui est
rarement le cas).
Pour gagner et devenir le/la roi/reine du
bal, il suffit de parcourir la plus grande dis-
tance et d’atterrir vivant. Si il/elle n’est pas de
la Volante, il/elle gagne la place de l’académi-
cien ayant parcouru le moins de distance. Avec
cette règle, Ponce-Plume voulait motiver ses
inventeurs et tirer son école vers le haut. En
effet, la compétition est devenue farouche au
sein de la Volante, et dorénavant, toutes les in-
ventions volent au moins sur une dizaine de
mètres. Mais la conséquence dommageable
est une recrudescence d’accidents étranges et
de machines volantes non fonctionnelles, aus-
si bien chez les académiciens qu’à l’extérieur.
Coups bas et sabotages ? C’est ce que les en-
quêtes diligentées par la direction visent à dé-
couvrir, sans succès. Mais peut-être que cette
année il en sera autrement, si des étrangers
s’en mêlent…
L’épiphonie
Cet incompréhensible phénomène ven-
teux apparaît presque tous les ans au pied
de l’échelle du Coude. Presque, car certaines
années rien ne se passe, décevant les badauds et l’on y trouve des « horreurs » telles que dent Favorite
amassés à proximité. Un vent froid longe l’In- arrachée, main momifiée, chat en bouteille, « J’ai l’impression que c’est encore Jadaï
lam et remonte sur la terrasse du Nuage, au ni- collier d’insectes vivants, animaux empaillés, Dala qui sera reine du bal cette année.
veau de l’anse du coude. En longeant les Murs, gâteaux aux rats… Parfois, des « monstres hu- – Et sa cote qui s’effondre… Faut un
ce vent venu de nulle part émet une plainte mains » sont exposés, voire vendus. Ceux qui y mage spécialiste des éclairs ! »
glaciale (à tous les sens du terme, mieux vaut viennent sont avant tout des curieux.
être bien couvert) pendant quelques dizaines
de minutes. Aux premières notes de l’épipho-
nie, ce sont tous les habitants qui se préci-
pitent dehors, car certains prétendent qu’à ce
moment-là, pour peu qu’on sache comment
l’écouter, même le sourd peut entendre l’In-
lam raconter tout ce qui se trame et s’est tra-
mé dans son lit. La date du phénomène n’est
pas fixe, mais il apparaît aux premiers
jours de findefroid. Des vendeurs
à la sauvette proposent des di-
zaines de bibelots permettant
d’entendre les rumeurs ou de
décrypter le son de l’Inlam. Les
intellectuels, eux, disent que ce
ne sont que des sornettes.

La Bourse
Ce marché aux livres et
parchemins itinérant se tient
le premier sélénia de chaque
mois sur différentes places du
Nuage. Son parcours est tou-
jours le même, partant de la place
Antique à l’aube pour finir sur la
place du Grand Arbre du ciel, dans le
quartier Basse-Eau. Elle est organisée
par la confrérie des Scribes qui désigne
chaque mois trois bibliomanes, responsables
de la Bourse. Celui qui veut acheter
ou vendre un livre, un parchemin,
une partition ou toute œuvre écrite,
a de bonnes chances de trouver un ven-
deur ou un acheteur adéquat. Des enchères
sont également effectuées par les bibliomanes.
Même si ce sont majoritairement des profes-
sionnels qui fréquentent la Bourse et que les
bonnes affaires sont donc rares, quelques par-
ticuliers (ou aventuriers) vendent parfois des
ouvrages intéressants. On dit même que des
grimoires de sorts se retrouvent en vente « par
erreur ». « Dala Dala, toi qui voles parmi les
shedras.»
Tania
La foire aux horreurs
Elle se déroule une fois par an au jardin des
Répartiteurs. Le mauvais goût y est à l’honneur

Le Nuage 251
 Pêle-mêle
Pont des Sourires
« Les comploteurs du Val cerné au
Châtiment, face au pont, ça t’cause ?
Depuis, les rapports de la Perle parlent
de voleurs à la langue tranchée… »
Mur des nouvelles,
expression
« Revenir à la Raison » : se dit lorsque
des dépenses excessives sont effectuées
ou lorsqu’une institution est gérée de
manière désastreuse (l’UMU étant
réputée pour son excellente gestion
administrative et financière).
Sur le pont des Sourires
« Sur le pont d’Coloquinte, on y tombe,
on y tombe,
Sur le pont d’Coloquinte, on y tombe,
les moines avec !
Pied d’Baco meurt comme ça et l’prieur
brûle comme ça.
L’acolyte perd ses deux bras et sa langue
on lui trancha. »
Comptine d’autrefois, listant les sentences
appliquées pour la tentative d’assassinat du
Roi-Dieu sur le pont
Portrait
Ladanaïelle est une elfe sans âge
qui travaille au temple du Nuage. Sa
spécialité est l’enluminure aérienne.
Cela consiste à emprisonner des encres
spéciales sous une fine pellicule de colle
puis d’en vider l’air. Alors, grâce à un
secret qu’elle préserve plus chèrement
que la pupille de ses yeux, les encres se
mélangent de telle sorte que, suivant
l’altitude à laquelle on lit l’ouvrage
ainsi décoré, le dessin d’origine change
de forme et donc de signification. On
ne compte plus les quiproquos, gênes
et autres situations cocasses que cela a
engendrés, en particulier à l’époque où
le temple possédait ses plateformes qui
s’élevaient à l’infini.
252
A l’échoppe du Nuage
De la réalité des mythes,
tomes I et II
Presque un millénaire plus tôt, les re-
cherches de la sorcière nécromancienne
Érickte et de son frère l’illusionniste agnos-
tique Anton ont failli détruire le monde tel
que les Laelithiens le connaissent. Intéressés
par les trames de la réalité et persuadés que
chaque mythe est une réalité ailleurs, ils
ont voué leur vie et leur magie à trouver un
moyen d’inverser mythes et réalités à volon-
té, faire d’un mythe une réalité immédiate ou
d'une réalité un mythe. Était-il vraiment pos-
sible d’éradiquer n’importe quoi de la réalité
pour n’en faire plus qu’un souvenir dans la
tête des gens ? Leur essai sur un petit relais de
campagne apporta la réponse. Les ruraux se
rappelaient vaguement d’une légende parlant
d’un relais, mais que personne n’avait jamais
trouvé ! Le relais, lui, disparu du paysage.
Leur essai sur un mythe fut aussi un succès.
Une bête de cauchemar terrorisa les enfants
pendant des mois avant d’être abattue. Plus
la réalité était ancrée dans le monde, plus
il était dur de la mystifier, et inversement,
plus le mythe était connu, plus il était facile
de le transformer en réalité. Heureusement,
la Compagnie du vagabond (les aventuriers
ayant abattu la créature) comprit ce qu’il se
tramait et, après une longue traque et des
pertes conséquentes, neutralisa les magiciens.
Ces derniers utilisèrent leurs dernières res-
sources pour transférer leurs essences dans
deux livres existant à la fois dans la réalité
et dans la légende, devenant ainsi indestruc-
tibles. Dans l’impossibilité de les anéantir et
personne ne connaissant de rituel de désin-
carnation, les livres furent séparés pour évi-
ter de voir les deux magiciens revenir. Celui
d’Érickte échoua au cœur des sous-sols de la
Bibliothèque de la foi. Celui d’Anton vient
d’arriver Chez l’herméneute, où Maximilian
s’inquiète de l’intérêt soudain que suscite ce
nouvel arrivage parmi des clients étrangers
plus que louches. Il a pour l’instant refusé de
vendre le livre.
Le masque de jeunesse
Créé par Fanrod Mornedoc, célèbre gnome
de l’impasse de l’Arbre de Tulé, ce masque en
métal translucide permet d’embellir le visage.
Il ne change pas le visage du porteur, mais ce-
lui qui le regarde le voit tel qu’il était trente
années auparavant. Si la personne n’était pas
belle, il y a peu de chance qu’elle le devienne.
Néanmoins, il existe deux exemplaires de
masques qui améliorent en plus les traits.
Le masque de jeunesse est souligné par des
contours dorés, afin que l’artifice reste per-
cevable par les interlocuteurs. Seuls douze
masques existent, ce qui les rend rares et hors
de prix. Le port d’un masque est ainsi devenu
un signe de distinction et de richesse chez les
dames de la Blanche Chaussée qui font tout
pour avoir le leur. D’autant que malgré les
sommes proposées, Fanrod refuse d’en créer
de nouveaux.
L’étendard de heurts
Perdu dans les sous-sols du Discours, à
l’UMU, dort un vieux coffre en bois orné d’une
mosaïque de nacre et de calcaire rouge, et in-
crusté de lapis-lazuli. Lorsqu’il fut découvert
dans les ruines d’un mausolée lors de travaux
de construction, les ouvriers ne trouvèrent pas
le moyen de l’ouvrir sans le casser et le don-
nèrent à l’université. Les historiens débordés
à ce moment-là le rangèrent dans les objets à
étudier « plus tard ». Le plus tard se changea en
jamais, et le coffre est maintenant recouvert de
piles d’objets et de documents d’archives sans
importance. Tous l’ont oublié et il n’a donc ja-
mais été ouvert. La mosaïque représente deux
scènes, chacune sur une face opposée : une face
de guerre qui montre une armée de paladins
triomphants et entrant dans une cité ressem-
blant fort à Laelith ; une face de paix montrant
les mêmes paladins en pleine orgie avec des
créatures aux allures démoniaques. Sur les
autres faces, un texte dans une langue démo-
niaque inconnue explique que le coffre contient
les ossements des paladins et qu’en l’ouvrant
 « Triste automate à la si belle
mécanique, je te revois endormie
au Marché des locations. J'espère
qu'un jour tu te lèves et m'emportes
dans tes rêves..»
Tania

Le Nuage 253
 Opération séduction
Chaque mois a lieu sur la place des
Vents, à l’ouest du temple du Nuage,
un concert de musique religieuse où
se produit un vieux nain, Noraard
Grandache. L’évènement est organisé
en secret par des prêtres du Nuage qui
souhaitent attirer sur la terrasse l’élite
des membres de cette race, largement
sous-représentée jusqu’à présent.
Portrait
Ann-Eli Brizure-Wonheilt. Humaine,
la trentaine. Longs cheveux blond
cendré, un prognathisme à faire fuir
un mulet, des vêtements de tailleurs
réputés. Femme instruite qui a usé les
bancs de l’UMU et suivit toutes les
conférences de l’Institut des tactiques
militaires. Elle a délaissé le restaurant
de son père Murglon et a épousé un
forgeron étranger (que personne ne
voit jamais) pour ouvrir L’enclume de
Murglon, une boutique d’armes d’ap-
parat. Il semble que les clients initiés,
introduits par certaines guildes, aient
accès à des armes « maudites », avec
interdiction de s’en servir à Laelith… Il
semble aussi qu’elle arme des factions
dissidentes…
Brève de taberge
« Moi, les intellectuels du Nuage ça
va un moment, mais pas plus. Tu leur
poses une question toute simple et au
bout d’une heure t’as toujours pas de
réponse mais plein d’autres questions.
– Ouais, moi ça me fait pareil avec ma
femme.
– Patron, deux autres bières ! »
Veillée funèbre
La disparition récente de cadavres sur
l’aire du Souffle questionne en haut lieu.
L’idée de protéger les corps placés dans
des chapelles à ciel ouvert laissant les
vents s’engouffrer revient sur la table.
Mais cette idée déplaît aux prêtres du
Nuage qui y voient une manipulation
de cultes rivaux dénonçant leurs rites.
254
face à une armée démoniaque, les paladins dé-
funts reviendraient se battre… À moins que ce
ne soient les créatures démoniaques ?
Les carillons de brume
Au Nuage, les brumes sont presque quo-
tidiennes, avec parfois des brouillards très
denses. La plupart des habitants s’y sont ha-
bitués, mais pour certains, l’arrivée de cette
brume impénétrable est mauvais signe. Ces
jours-là, il faut se garder d’être dehors quand
elle arrive et bien calfeutrer les ouvertures car
les êtres qui la peuplent s’infiltreraient dans les
maisons avec elle. Pour éviter d’être surpris,
les maisons sont dotées de carillon de brume,
un tube métallique qui condense la brume et,
lorsqu’elle atteint un certain taux d’humidité,
entraîne un heurtoir qui frappe dessus. Dans
les échelles étroites, le son peut se transformer
en supplice pour les tympans.
Le Marché des locations
Le Marché des locations est un regroupe-
ment d’échoppes d’objets rares (non magiques)
et de vendeurs ambulants capables de déni-
cher n’importe quoi. Si vous ne trouvez pas ce
que vous voulez sur leurs étals déjà bien four-
nis, louez leurs services et ils feront tout pour
trouver l’objet de votre quête. Pour peu qu’il
existe à Laelith bien sûr et qu’il s’agisse d’un
objet inanimé et inorganique. Les loués le pré-
cisent toujours depuis qu’un magicien a insisté
pour avoir une dent de dragon rouge véné-
rable et que ça se soit fini dans un bain de sang
au fond d’une caverne. Il existe une farouche
compétition entre les loués et ils n’hésitent
pas à renchérir, démarchant les clients d’à
côté à coups de tarifs toujours plus attractifs.
Parmi les objets actuellement sur le marché (en
cherchant bien dans la masse), on trouve : un
casse-tête de géant de givre, le jeu de tarot du
célèbre joueur manchot anonyme, une carte
du Cloaque certifiée conforme par Hetelred
III, un collier de perles sahuagin, les instru-
ments de torture du tueur des jardins, etc. Les
pèlerins trouvent une utilité à tout.
Soleil vert
Le pandane mondain est un arbuste en voie
de disparition dont un des derniers spécimens
se trouve dans les Jardins supérieurs. Il donne
de gros fruits rouges au noyau blanc, peu goû-
teux et peu nombreux (trois à quatre fruits par
an). Ils possèdent une particularité connue de
quelques érudits par le monde. Sous certaines
conditions climatiques précises, à l’aube, le so-
leil brille d’un éclat vert pendant une fraction
de seconde, et à ce moment précis, le noyau
des fruits du pandane cristallise. Les cristaux
formés ont de puissantes propriétés magiques,
utiles dans des rituels de métamorphose.
Nombreux sont ceux qui rêvent de trouver un
cristal. Toutefois, comme ce phénomène n’est
pas visible de l’extérieur du fruit, il faut tous
les ouvrir. Mais gare au phytocide, car l’arbre
est planté face aux fenêtres des herboristes de
l’UMU et à proximité de la cabane de Mareva.
Aucun d’entre eux ne tolérerait qu’un arbre si
rare soit amputé de ses fruits sans raison !
Pluie de rouille
Autre plante des Jardins supérieurs, la
mousse baillette est un parasite poussant sur
certains chênes. C’est un des rares végétaux à
ne pas avoir été planté délibérément et les bo-
tanistes soupçonnent un acte malveillant. Car
ils ne l’ont découverte que récemment, à l’oc-
casion d’une pluie torrentielle durant laquelle
des visiteurs se sont réfugiés sous les chênes.
Évidemment, les feuilles ne retenant pas toute
l’eau, ces gens furent quand même mouillés. Et
quelle ne fut pas leur surprise en constatant
qu’ils étaient en train de « rouiller » ! Pas uni-
quement leurs objets en métal, eux tout entier,
de leurs chaussures à leur chapeau, des pièces
de cuivre à leurs lithals en soie ! Même leur
peau se teintait de rouille, même le sol sous
les arbres. Une rouille indélébile qui couvre
toujours leur peau et démange affreusement…
Après investigation, une mousse ocre incon-
nue a été découverte sur ces chênes. Est-ce le
mélange de la mousse, des tanins des écorces et
de l’eau de pluie ? Les botanistes ne savent pas,
et il n’a pas plu depuis pour pouvoir mener des
expériences. L’administration de l’université
cherche qui a pu introduire ce parasite et quel
est l’effet à long terme des taches de rouille.
La serre
Depuis la destruction du parc des Fabriques
l’année dernière, plusieurs marchands ont es-
sayé d’acheter les terrains désormais libres.
À chaque fois, la vente tombait au lac pour
d’obscures raisons, souvent sans que l’ache-
teur potentiel ne les comprenne vraiment.
Puis est apparu, au milieu de la zone en friche,
un cube de quatre mètres de côté, fait d’une
pierre translucide. Le matériau laisse tous les
géologues perplexes. Ce qui s’en approche le
plus est la pierre de Nouy, issue d’une mine
naine depuis longtemps désaffectée et située à
plusieurs centaines de lieues. Plus étrange en-
core, une ouverture est aménagée sur un des
côtés. Une fois la surprise de l’apparition pas-
sée, plusieurs personnes se sont risquées à l’in-
térieur, découvrant que la température y était
tiède, même la nuit, même par grand froid.
Après une étude méthodique, les savants et les
prêtres ont jugé que le cube était sans danger
immédiat et ont simplement préconisé un pé-
rimètre de sécurité. Bien entendu, personne ne
le respecte et les curieux adorent faire un tour
au cube, en particulier les amoureux.
Le parfum des précieuses
Depuis quelques années, les bourgeois de la
Blanche Chaussée ont redécouvert et adopté
une tradition ancienne qui fut oubliée pendant
plusieurs siècles, celle du brûle-senteurs. Les
habitants aisés avaient pour habitude de faire
brûler dans leur salon un mélange de myrrhe,
d’huiles parfumées et de fleurs (lotus bleu,
marjolaine…), le tout mis en puissance par un
peu d’ambre gris. Ils pensaient ainsi recréer
l’ambiance des appartements du Roi-Dieu,
qu’ils imaginaient envahis de senteurs divines.
Compte tenu du prix exorbitant de l’ambre
gris à Laelith, seuls les plus riches s’adonnaient
à ce rituel. Et pour prouver qu’ils avaient les
moyens à tous ceux qu’ils croisaient dans la
rue, ils ne sortaient pas sans prélever un peu
du mélange parfumé pour le mettre dans des
pommes d’ambre, des petites boules percées
d’où exhale le parfum. Plus l’ambre gris était
présent dans l’odeur, plus le bourgeois devait
être riche. Évidemment, seuls les connais-
seurs sentent la différence. Aujourd’hui, il
semble que certains malandrins utilisent ces
brûle-senteurs associés à une drogue volatile,
souvent soporifique, pour détrousser leurs
victimes à qui ils font mine de parler…
Les poches de peau
Il s’agit d’une couche de peau supplémen-
taire, cousue de manière presque invisible à
même le corps, en suivant les plis naturels de
l’épiderme. Il est possible d’y glisser de petits
objets tels que des bijoux. Ce procédé a été mis
au point dans le laboratoire d’expérimentation
de l’UMU par un médecin grassement payé
par les guildes de voleurs. Ces dernières en
équipent leurs pickpockets des beaux quartiers,
spécialisés dans le vol de bijoux. Ils peuvent
y glisser leur butin lors d’un flagrant délit. La
garde n’est pas encore au courant de cette as-
tuce, et les voleurs qui ont eu droit à une fouille
s’en sont tous sortis sans être inquiétés.
Une odeur de sainteté
Lors de la rénovation du temple du Nuage,
les plateformes ont pour la plupart été recy-
clées dans les nouvelles structures. Une partie
de la plateforme des Cieux infinis a été dé-
posée sur la place du Nuage neuf, à un jet de
pierre du temple. Elle sert de mémorial où les
pèlerins peuvent observer le « reliquaire du
Nuage », les tombeaux de plusieurs prêtres
ayant joué un rôle important dans l’histoire
du Temple. Ces tombeaux sont six dalles de
vihanium sous lesquelles seraient entreposés
les ossements de ces saints hommes. Les pèle-
rins les plus fervents disent qu’il se dégage une
odeur exaltante qui ravive la foi lorsque l’on
prie sur ces dalles.
De la mode aérienne
Dans la terrasse du Nuage, on
n’échappe pas à l’envie, presque
inconsciente, de se singulariser et de
marquer sa différence. La mode, dans
ce quartier où vivent de nombreux
artistes, devient alors terrain de jeu.
Actuellement, elle est « aérienne ».
Tissus vaporeux, vêtements amples,
superpositions de voiles constituent la
base de l’élégant (ou élégante) qui veut
être vu et admiré. Par temps chaud, les
habits deviennent transparents, déca-
dents pour les prudes gardiens du savoir
qui ne détournent pourtant pas les
yeux. On préfère les tons pastel, le bleu
d’un jour printanier, le vert d’un lac
ensoleillé, le mauve d’un soir humide…
Le célèbre chausseur Abin a imposé ses
bottines à semelles compensées. Juché
sur des plateformes de plusieurs centi-
mètres (jusqu’à vingt-deux pour les plus
agiles), on toise les autres de plus haut.
Enfin, les indispensables bibis rivalisent
de hauteur et d’excentricité. Certains
aménageraient même un nid pour em-
porter partout avec soi des oiseaux.
L’herbier magique
Ainbie le Vert est un « mage ». Du
moins, c’est ce que les gens pensent,
alors qu’il n’a pourtant jamais réussi le
moindre sort… Il a par contre voué sa
vie à trouver des plantes simulant les
effets de sorts : les graines de vilière qui,
dans les narines, transforment l’eau
en air, ou l’ail d’Øtsefarün qui protège
contre le mal (et les vampires).
Le Bureau des écrits
Sur l’échelle du Savoir est installé le
Bureau des écrits, tenu par un vieux
couple de halfelins. Kiki Hauteforêt et
sa femme Amande, tous deux amou-
reux des mots, exercent la profession de
scribe public. En effet, si de nombreuses
personnes sur le Nuage savent écrire,
ce n’est pas le cas de l’ensemble des
habitants. Que l’on veuille faire une
déclaration d’amour, envoyer des nou-
velles à sa famille en province, faire un
contrat de location ou bien menacer un
débiteur, ces deux petites gens savent
trouver les formulations adéquates et
en quelques mots faire passer des senti-
ments ou préciser des propos afin
qu’aucun doute ne subsiste.
Le Nuage 255
 Scénario

Un plat en travers
de la gorge
En quelques mots
La célèbre Table Vofoli a ouvert il y a trois
générations. Mais avec la mise à jour ré-
cente de vieilles cuisines oubliées, ce sont
aussi des larves parasites qui reviennent
sur le devant de la scène et infectent les
riches convives. La vague de suicides qui
touche la haute société du Nuage est-elle
liée à cette contamination ? Sans aucun
doute ! Les PJ doivent enquêter discrè-
tement pour la veuve d’une victime,
d’autant que cette affaire implique de
nombreuses personnes et fait remonter
une histoire oubliée du Nuage… Il est
préférable que les PJ soient récemment
arrivés en ville, mais déjà connus pour
avoir triomphé dans une aventure ardue.
À défaut, ils doivent bénéficier d’une ex-
cellente réputation à Laelith.

Fiche technique
TYPE • Enquête urbaine
PJ • Niveau 3 à 6
MJ • Expérimenté
Joueurs • Tout niveau
ACTION *
AMBIANCE **
INTERACTION ***
INVESTIGATION ***

Une larve qui s'annonce dure à mâcher...

256
Gros titres
Alors qu’ils goûtent un repos bien mérité, les
PJ ne manqueront pas de tomber sur un des
gros titres de la Gazette de Laelith, qu’elle soit
placardée sur les murs ou en lisant la feuille de
chou qu’un gosse leur a vendue pour quelques
pièces d’argent.
« Un suicide de plus
Le Nuage est de nouveau endeuillé
aujourd’hui. Au petit matin, le corps de
messire Siom Détropier, professeur de
philosophie émérite à notre merveilleuse
Université matérialiste universelle, a été
découvert pendu à un des chênes du jardin
des Répartiteurs, à plusieurs centaines
de mètres de sa demeure. Sa veuve, éga-
lement professeur à l’Université, n’a pas
souhaité s’exprimer. Nous lui présentons
toutes nos condoléances. C’est le cin-
quième matin en dix jours qu’un notable
met fin à ses jours. »
En troisième page, un entrefilet perdu au
milieu des faits divers parle d’une disparition
au Nuage. N’insistez pas trop sur cette infor-
mation pour le moment.
« Notre rédaction a été avertie qu’un
riche promoteur étranger ne serait pas
rentré à son domicile depuis deux jours,
alors même que le Roi-Dieu lui avait ac-
cordé une audience dans la matinée ! Son
identité nous est inconnue. Le contingent
de la ville mène l’enquête. Tout témoignage
doit être déposé au poste de la Perle. »
En lisant le numéro précédent de la Gazette,
paru quelques jours plus tôt, les PJ peuvent
trouver un article parlant du deuxième cas de
suicide (chronologiquement), cette fois une
pendaison à un arbre de la promenade des
Brouillards. En réalité, il n’y a pas eu cinq sui-
cides comme le dit la Gazette, mais six (voir plus
loin). À ce stade, ils ne devraient pas accorder
grande attention à cette histoire. Diffusez l’in-
formation parmi d’autres, pour ne pas les fo-
caliser sur cette « anecdote ». Il se passe beau-
coup de choses au Nuage. Vous pouvez utiliser
les tables d’aventures pour occuper la journée
et détourner leur attention.
Le lendemain, ils sont contactés par un
serviteur qui leur annonce que sa maîtresse,
dame Jaïade Détropier, désire les rencontrer
chez elle pour une affaire grave. Pour prouver
l’intérêt de la dame, il leur remet une liasse
de lithals (confortable par rapport à leur for-
tune actuelle), en expliquant qu’ils peuvent
tout garder même s’ils refusent son offre, du
moment qu’ils viennent immédiatement pour
écouter son histoire. Ils n’ont pas vraiment
le temps de se renseigner, mais ils peuvent
négocier une heure de réflexion. S’ils se ren-
seignent pendant ce temps, ils apprendront
que dame Détropier est une riche bourgeoise
et une professeur reconnue à l’Université
matérialiste.
La maison Détropier
Située au sud de la place Antique, la bâtisse
est une maison bourgeoise à deux étages, dont
les colombages bleus se fondent dans le ciel de
Laelith. Quelques fleurs décorent les fenêtres
et le balcon. Le quartier respire la douceur de
vivre.
Les PJ sont reçus dans un salon cossu, ri-
chement décoré. Visiblement, cette famille est
très aisée, mais il est peu probable que les seuls
revenus d’enseignants du couple suffisent à
s’offrir une si belle demeure et un mobilier
aussi onéreux : marqueterie, moulures dorées,
carafe en cristal pour servir à boire…
Dame Jaïade se présente en toute franchise.
Elle explique aux PJ qu’elle est convaincue que
son mari a été assassiné et que sa famille est
victime d’une machination. Elle voudrait qu’ils
mènent l’enquête. Pourquoi eux ? Elle s’est
renseignée sur eux, leurs exploits, et elle sait
qu’ils ne sont pas impliqués dans les jeux de
pouvoir de Laelith. Et comme elle pense que
des notables sont impliqués… En tout cas, son
« intuition féminine ne la trompe jamais ! ».
Elle propose une récompense très consé-
quente, plus la couverture de tous les frais.
Elle est prête à dilapider sa fortune pour re-
trouver les assassins. Elle sera disponible jour
et nuit pour répondre aux questions et jouer
de son influence s’ils en ont besoin. Par contre,
elle les met en garde : ils ne sont pas seuls sur
l’enquête et ils doivent être très discrets (tou-
jours ses soupçons sur des hautes sphères im-
pliquées). En sortant, ils croiseront un groupe
d’étrangers dans le hall.
Jaïade Détropier
La quarantaine, belle humaine, châ-
tain, courbes girondes, nez aquilin et un tic
Les pavés bleus
Dans plusieurs échelles et venelles
sous les remparts, une centaine de
pavés d’un bleu indigo se mélangent
aux pierres grises et ocres habituelles.
Nul ne connaît leur origine, mais la
légende prétend que si l’on marche sur
chacun d’eux, dans une même journée,
et dans un ordre précis, un miracle se
produira…
Portrait
Nain dans la force de l’âge, barbe tressée
autour d’un sarment de vigne naine.
Boiteux. Depuis son éviction du poste
de responsable des caves de Mitrias il y
a vingt ans (échange « accidentel » de
cuvées lors d’un repas diplomatique),
Jérôme Boam tient la Cuvée de Boam,
une cave proposant des vins rares im-
portés du monde entier. Il recrute pour
débusquer de nouveaux crus. D’ailleurs,
il a entendu parler d’un cépage pous-
sant… dans le Cloaque !
Missive en souffrance
« Sieur Iczhihal,
Nous sommes au regret de vous
annoncer que, au vu de ses difficultés
d’intégration, nous mettons un terme
à la scolarité de votre enfant, Fisserrs, à
l’Université matérialiste. Nous vous re-
commandons chaudement de l’inscrire
à l’université des Fondamentaux en
province lointaine, avant de la présenter
à nouveau à nos professeurs. Son frère
Eisterche reste inscrit, bien que nous
émettions des réserves en raison de ses
fiches hebdomadaires préoccupantes.
En toute grâce »
Monseigneur le Doyen  
On ne sait jamais…
Le chef Larken veut constituer une ca-
gnotte, afin d’acheter quelques potions
de soin qui seront conservées à l’infir-
merie. Cela permettrait de sauver la vie
d’un homme gravement blessé. Bien sûr,
les gardes sont mis à contribution, mais
les donations généreuses des citoyens et
pèlerins sont cordialement acceptées,
tant qu’il ne s’agit pas d’un pot-
de-vin. Larken veille au grain !
Le Nuage 257

Chronologie de
l’enquête (en 1017)
J-23 Découverte des cuisines
J-14 Ouverture des cuisines
rénovées à la Table Vofoli
J-13 Repas de Yalanile
Pétaleparse
J-12 Suicide de Yalanile
J-10 Repas de dame Physille
J-9 Suicide de Physille
J-8 Repas de Guisele
d’Atlachanas
J-7 Suicide de Guisele
J-7 Repas de Tiomos et
Vedran Gavranic,
séparément
J-6 Suicides de Tiomos et
Vedran
J-1 Repas de Siom Détropier
et Marlk
J + 0 Suicides de Siom et Marlk
258
« Nostalgique Jaïade, coeur et corps
si tendres sous le ciseau de la vie.»
Tania
désagréable quand elle se met à renifler sans
raison. Des vêtements bourgeois et de nom-
breux bijoux, bijoux qu’elle enlève pour don-
ner ses cours. Professeur de médecine, elle
est issue de la haute bourgeoisie, mais a tou-
jours refusé de laisser sa richesse dicter sa vie.
Très cultivée, forte et autoritaire, elle ne se
laisse pas abattre par le décès de son mari et
veut tout mettre en œuvre pour retrouver les
« assassins ».
Quelles informations
peut-elle fournir ?
Elle ne veut rien dissimuler, mais elle n’a
pas l’esprit totalement clair. Elle parle de Siom
au présent. Il faut poser les bonnes questions
pour avoir les renseignements suivants (ses
autres réponses sont sans lien direct) :
• En dix jours, cinq bourgeois ou nobles se
sont suicidés dans la terrasse du Nuage. Pas
aux mêmes endroits. Elle n’en a pas la liste,
mais elle pense que la Gazette de Laelith doit
pouvoir leur fournir (voir liste en marge).
Elle ne les connaît pas, mais est persuadée
qu’ils ont un lien avec sa famille.
• Elle s’inquiète pour sa vie, mais refuse de
céder à la psychose et d’avoir un garde du
corps. Par contre, elle a annulé ses cours.
• Siom passe beaucoup de temps avec le pro-
fesseur Crasante, un philosophe qui aime
énormément les Jardins supérieurs.
• Le professeur Crasante est un bon vivant
et un gourmand. « Siom rit beaucoup de le
voir arriver à l’aube à l’université pour se
précipiter sur les fruits du jardin avant que
les étudiants ne mangent tout ».
• Le couple a des problèmes avec le Temple
du Nuage, lui pour ses idées agnostiques
revendiquées, elle pour ses remises en cause
de l’histoire de Laelith telle qu’écrite par les
archives du Temple.
• Elle possède la clé du bureau de Siom où il
range ses documents importants.
• La veille de sa mort, Siom est sorti et n’est
pas rentré de la nuit. Elle ignore pourquoi il
aurait mis fin à ses jours si loin de chez eux.
• Siom n’est pas déprimé.
• Siom s’est disputé avec un groupe d’étu-
diants. Elle ne sait pas qui (fausse piste).
Les autres « enquêteurs »
Comme vous l’avez compris, les aventuriers
ne sont pas les seuls sur le coup et ils doivent
faire attention aux interactions avec les autres
groupes, car si certains peuvent être des al-
liés, d’autres leur mettront des bâtons dans les
roues. N’hésitez pas à jouer là-dessus. De plus,
chaque action sans discrétion des PJ aura des
conséquences, tenez-en un journal pour géné-
rer de nouvelles interactions.
Côté officiel, les autorités n’ont pas détaché
de fouineur car elles pensent que ce ne sont
que des suicides : « L’économie va mal, les
bourgeois ont des dettes et voilà comment ça
finit ! »
Des aventuriers
Trois groupes d’aventuriers ont été engagés
par dame Jaïade. La rencontre avec l’un d’eux
dans le hall n’était pas prévue (une erreur du
serviteur qui a ramené l’autre groupe). Si les
PJ questionnent la veuve, elle prétextera qu’ils
sont des amis de son mari (un de ses rares men-
songes). Mais deux groupes de professionnels
de l’épuration de donjon devraient être peu
perspicaces… Inventez à la volée si nécessaire.
Le troisième groupe est mené par Tayotl une
humaine au teint cuivrée, vêtue d’un poncho et
de mocassins en cuir tanné décorés de franges
et de perles (un style que les PJ n’ont sûrement
jamais vu). Il comprend aussi un couple d’hu-
mains et un halfelin. Tayotl est une farouche
compétitrice qui n’hésitera pas à envoyer les PJ
sur des fausses pistes ou à dérober des preuves.
Servez-vous de ce groupe si vous voulez ralen-
tir l’enquête.
Un enquêteur conseil
Mahom Kadir est un demi-elfe né à Laelith,
très humain physiquement, vêtu d’une longue
veste en soie blanche et rouge. Il s’est mis
en tête de résoudre cette affaire qu’il trouve
louche. Les autorités n’ayant dépêché au-
cun fouineur, cela l’étonne encore plus. Il ne
travaille pas avec les autorités. Il n’est pas au
courant que Jaïade a engagé les PJ et n’a pour
l’instant remarqué qu’un des autres groupes
d’enquêteurs. Il est prêt à collaborer avec les
Un repas sous les meilleurs auspices.
PJ si cela peut lui profiter (et à condition que
la résolution de l’enquête lui soit entièrement
attribuée).
La garde de la Perle
Les gardes n’enquêtent pas sur les suicides,
uniquement sur la disparition du promoteur,
Ygoe Subu. Pour eux, cette affaire n’a rien à
voir avec les suicides. Les PJ seront amenés à
les croiser, notamment à la sortie de la Table
Vofoli (voir plus loin). Les gardes ne devraient
pas s’intéresser à eux s’ils se tiennent à carreau.
Le prêtre du Nuage
Un des suicidés, le sixième dont personne
ne parle, était un prêtre, Tiomos. Il s’est pen-
du dans le temple même ! Le clergé ne veut
pas que l’affaire s’ébruite (voir « Le temple du
Nuage » plus loin) et a chargé un prêtre « net-
toyeur » de suivre l’affaire.
Baor de Suroff
C’est un prêtre d’expérience, grisonnant,
au physique passe-partout, mais à la belle élo-
quence et à la foi sans faille. Spécialiste pour
Il paraîtrait que…
– La nièce d’A ntonina prétend que
Mistouk n’est pas étrangère à la chute
de l’usurier. Mais trouver des preuves
vingt ans après… Une gageure !
– Je l’ai vue ! Pas vous ? Elle se faufilait
sous les voûtes de l’échelle du même
nom. Elle est rentrée dans la maison
en ruines où nul ne se rend. Qui ça
« qui » ? « QUOI » plutôt ! Une bête
noire et vibrante !
– Les sous-sols de la Bibliothèque de la
foi seraient en liaison avec le Cloaque et
des disparitions inquiétantes s’accompa-
gneraient d’étranges bruits de succion…
On dit aussi que les chandelles ont du
mal à y brûler.
Boire ou monter
« Tu savais qu’à mi-course l’échelle du
Coude devient la montée du Trépas
des quatre prêtres ? En hommage aux
religieux tombés dans la Faille un soir
de brume. Un gros coup de vent, de
ce qu’on m’a dit. J’y pense, ce n’est pas
depuis qu’il est interdit d’être saoul le
long de l’échelle ? »
Le Nuage 259

Chronologie
historique
851 Ouverture du Palais Vofoli
855 Un séisme détruit les
sous-sols du Palais
856 Rogomon Brizure en ra-
chète une partie
857 Ouverture de la Table
Vofoli
867 Fermeture de la Table
957 Rachat des locaux de la
Table par Orfel
959 Ouverture de la Table
1017 Découverte des cuisines
du Palais, côté Cloaque
Le lardraxe
Le lardraxe est un ver de 7 à
10 mètres de long, à la bouche
démesurée et aux sucs digestifs
capables de tout assimiler. C’est
un charognard exclusif, vivant
dans les montagnes. Il émet
des parasites par les pores de
sa peau, comme des tiques, qui
vont s’enkyster dans le cerveau
de gros animaux fouisseurs et
qui modifient leur comporte-
ment. Ces derniers, «  possé-
dés », sortent de leur terrier et
s’entortillent dans des racines
et des branches jusqu’à étouf-
fement, le parasite leur don-
nant l’impression que l’oxygène
est un poison. Une fois morts,
le lardraxe vient les gober. Les
humanoïdes sont sensibles à ces
larves. Le lardraxe n’a aucune
arme naturelle.
260
arrondir les angles et faire disparaître les
preuves. Il refuse la moindre concession. Il est
mandaté par le cénacle des Équités, mais il n’a
pas tout pouvoir (enfin, plus depuis quelques
années), contrairement à ce qu’il croit. Le cé-
nacle attend de lui qu’il ne transgresse pas trop
la loi et surtout ne commette pas de crime.
Le fin mot de l’histoire
La majeure partie du scénario consiste à
enquêter en différents endroits, notamment
chez les victimes et sur les lieux de décès, pour
récolter le maximum d’indices. Ces indices
montrent que tous les morts ont, la veille de
leur suicide, fait un repas à la célèbre Table
Vofoli. Vous pouvez utiliser des fausses pistes,
afin d’éloigner les PJ du restaurant. Mais tôt ou
tard, ils devraient s’y rendre…
Lors de leur repas, les victimes ont ingéré
des parasites générés par un lardraxe (voir en
marge), un charognard des montagnes. Ces pa-
rasites modifient le comportement de la per-
sonne infectée en quelques heures et, si rien ne
l’en empêche, la poussent à se suicider avant
l’aube, à l’air libre. La créature peut alors venir
moissonner sa nourriture. Mais celle-ci a dispa-
ru depuis cent cinquante ans ! Que s’est-il passé ?
La Table Vofoli, version officielle
L’histoire de la Table Vofoli, célèbre restau-
rant tenu par le clan Brizure, remonte à plus
de cent cinquante ans. À cette époque, Matsi
Vofoli, un riche seigneur venu d’Alarian, se
voit offrir des terrains par la ville pour services
rendus, juste après un séisme qui a détruit
une partie du quartier. Des notables pensent
qu’il est un espion jouant double jeu. Comme
pour dissimuler sa profession véritable, il fait
construire un restaurant, le Palais Vofoli, sur
l’un de ces terrains, dans le quartier Basse-Eau.
Dans ce petit palais agréable, avec terrasses et
jardins (de nos jours les Jardins supérieurs),
se tiennent des fêtes réputées où des plats
merveilleux enchantent gourmands et gour-
mets. Le Tout-Laelith se doit d’être au Palais
Vofoli. Officiellement, Vofoli, grand voyageur,
disparaît sans héritier au cours d’une expédi-
tion lointaine. La ville récupère le palais et le
morcelle. L’histoire en retrouve trace quand
Rogomon Brizure, cuisinier arrivé à Laelith,
rachète les lieux et découvre les antiques cui-
sines du palais lors de rénovations. Il ouvre la
Table Vofoli. Malgré le succès, les coûts d’entre-
tien le forcent à fermer le restaurant. Trois gé-
nérations plus tard, son petit-fils Orfel Brizure
remet la Table. De nos jours, les propriétaires
sont les petites-filles d’Orfel, les jumelles
Anihya et Chrisihya Brizure. Le reste des des-
cendants de Rogomon dirigent les autres éta-
blissements du clan.
La fermeture du Palais,
histoire vraie
Vofoli ne disparaît pas lors d’une expédi-
tion, mais dans l’effondrement des sous-sols
du palais. Car ce que les gens ignorent, et que
les archives du temple du Nuage ont effacé,
c’est que le palais possède des salles de ban-
quet aménagées en sous-sol pour les « no-
tables » du Cloaque. Pourquoi les autorités
laissent-elles faire ? Il y avait certainement
des implications complexes, mais aujourd’hui,
personne ne peut répondre. À cette époque,
les cuisines sont séparées en deux parties par
des portes gravées de runes de protection, une
partie pour le dessus, une pour le dessous. Des
prêtres extrémistes du Nuage ont l’idée d’em-
poisonner les clients du Cloaque afin de se dé-
barrasser de personnes influentes sans donner
l’impression d’une guerre officielle. Ils placent
des parasites de lardraxe dans les cuisines côté
Cloaque.
Mais tout ne se déroule pas comme prévu.
L’affaire s’ébruite en dessous et une expédition
punitive contre le restaurant (et au passage les
clients du dessus) est lancée par le Cloaque.
Alertés et paniqués, les prêtres provoquent
l’effondrement des salles du sous-sol, aidés
par les géologues de l’UMU pour éviter que le
quartier entier ne s’affaisse. Les cuisines sont
murées, le reste du Palais Vofoli est vendu en
plusieurs parties. Les archives du Temple sont
modifiées pour que le séisme apparaisse avant
la construction du restaurant. Les géologues
disparaissent dans une crevasse le lendemain,
mais heureusement, leurs notes retrouvées par
le Nuage expliquent qu’il s’agissait bien d’un
phénomène naturel…
L’histoire s’arrêterait là, mais lors des réno-
vations entreprises par Anihya et Chrisihya
Brizure, les cuisines du dessous sont décou-
vertes et mises au jour. Charmées par la patine
d’époque, les jumelles décident d’en faire les
cuisines principales de la Table Vofoli. Des pa-
rasites encore présents entre les pierres et les
 G
H A
Rampe
du Rempart

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poutres tombent dans les plats. Et les suicides la guilde de la Langue coupée. À vous de voir si Lieux de l’enquête
commencent. 150 ans après, le plan du Nuage vous désirez impliquer ces voleurs dans l’his-
fonctionne, mais du mauvais côté. toire, mais a priori, le boulot est parfait, sans A Siom Détropier
Quant au disparu, le promoteur Ygoe Subu, témoin ni preuve.
B Maison Détropier
il a acheté et fait rénover la taberge voisine de Les PJ vont devoir démêler cet imbroglio !
la Table (sans nom pour l’instant). Ses sous-sols C Maison de Marlk
sont contigus à ceux du restaurant. Au cours
des travaux, son architecte Vedran Gavranic Acte I : D Yalanile Pétaleparse
tombe sur les salles éboulées (et les sque-
lettes de créatures pas toutes humanoïdes). Il
Les lieux de l’enquête E Dame Physille

constate que le séisme a été étrangement res-
treint à deux salles, avec des points de chute
impossibles. Après en avoir parlé à Ygoe, ils
vont manger à la Table Vofoli pour accéder aux
cuisines, mais sans succès. Par contre, Vedran
mange un plat contaminé. Le lendemain, Ygoe,
ignorant le sort de Vedran, se rend aux ar-
chives de l’UMU et du temple pour trouver
des informations sur ce séisme. En demandant
ces détails classifiés, il éveille l’attention du
Nuage qui n’a pas envie que l’on déterre cette
vieille histoire. Le Temple demande à Baor
de Suroff, un prêtre « nettoyeur », de s’en oc-
cuper. La discussion entre les deux hommes
tourne mal, et Baor enlève Ygoe avec l’aide de
Il n’y a pas d’ordre précis pour investi- F Guisele d’Atlachanas
guer dans les nombreux lieux où des indices
se cachent. Vous pouvez ajouter des fausses G Vedran Gavranic
pistes. Pour vous aider, gardez à proximité les H Cabinet d’architecture
marges résumant les personnages et les lieux.
Les principaux éléments à découvrir : I Taberge d’Ygoe Subu
• il existe une sixième victime ; J Table Vofoli
• c’est le prêtre du Nuage Tiomos ;
K Tiomos
• toutes les victimes ont mangé à la Table
Vofoli la veille de leur mort (aucune preuve L Maison Zartroi
concrète hormis pour Siom et Tiomos) ;
• Ygoe Subu, le promoteur, a investi dans une
taberge dont les sous-sols sont contigus à la
Table Vofoli ;

Le Nuage 261
Dis-moi ce que tu sais, je
te dirai ce que tu dois
À Laelith, tout est taxé. L’UMU ne
déroge pas à la règle avec une taxe
sur le savoir. Chaque professeur et
conférencier doivent verser leur obole,
ainsi que chaque étudiant et pèlerin qui
l’écoutent. L’UMU refusant de faire la
chasse aux taxes, des collecteurs sont
souvent postés à la sortie de l’univer-
sité. Un forfait de 2 PO s’applique aux
extérieurs pour la journée.
Portrait
Blonde, élancée, voix rauque, une
grande cicatrice lui barre le cou, Agiste
est une kylbe (aasimar qui s’ignore).
Froide et méthodique dans son travail,
serviable et agréable en dehors. Sa
mémoire exceptionnelle l’empêche
d’oublier l’enlèvement de son fils par
un anatomiste fou. Elle espère le croiser
un jour ici.
Il est où ?
« Perdu Yiquou, échelle des Écoles :
doudilain blanc et noir, bracelet d’onyx
à la patte. Forte récompense pour
informations. Demandez Nogal à
l’université. »
La guilde des
Alchimistes
C’est sans surprise que la guilde des
Alchimistes de Laelith possède son siège
sur la terrasse du Nuage. Ces savants
passent leurs journées à réaliser des ex-
périences mais, à la différence de ce qui
se passe aux pics des Mages ou dans les
temples, ici point de formules magiques
ou de prières aux Dieux. C’est sur la
science que se basent les alchimistes
pour parvenir au but de leur vie.
Parmi les savants fous de cette guilde,
citons le nain Golrador qui essaye
depuis plus d’un siècle de trouver la
formule pour transformer du plomb en
argent ou en or, ou bien encore le vieux
Nodède qui, à 79 ans, cherche encore à
produire un élixir de vie éternelle à base
de soufre et de mercure. Notons aussi
qu’au sous-sol de la guilde se trouve
l’unique fabrique légale de poisons de
la ville et une des plus grandes réserves
d’arsenic de la région.
262
• Ygoe Subu s’est rendu au service géologie de
l’UMU et aux archives du temple du Nuage
juste avant sa disparition.
Le jardin des Répartiteurs
Premier lieu logique de l’enquête. La corde
est encore enroulée à l’arbre où Siom s’est
pendu. Même si le jardin est bondé pendant la
journée, personne n’y vient la nuit et n’a assisté
au « suicide ».
Indice. Rien, jusqu’à ce qu’ils apprennent de
Crasante (voir plus loin « Le bureau de Siom »
et « Le bureau de Crasante ») que Siom a dor-
mi chez un ami vivant non loin du jardin :
Marlk.
En allant voir Marlk (jardin des
Répartiteurs), les PJ tombent sur Mitrias Nin !
Mitrias Nin
Vagabond lettré, ivrogne. Vu l’homonymie,
il est sûr d’être le Roi-Dieu. Il a posé son bric-
à-brac devant l’entrée du jardin. En lui offrant
de l’alcool ou de l’or, et au milieu de ses dé-
lires, les PJ peuvent entendre : « Un soûlard
m’rentre d’dans et croyez qu’s’excuse ? Point !
V’là qui file, comme si m’avait point vu ! L’avait
les yeux tout vides. Ces ivrognes, faut les ch’ter
d’la falaise. »
Le bureau de Siom à l’UMU
Dans le Marbre, avec une fenêtre donnant
sur le patio. Petit bureau sans prétention : une
table de travail et un fauteuil face à la fenêtre,
deux étagères remplies d’ouvrages et de par-
chemins, beaucoup écrits de sa main, des notes
éparses partout. Si les PJ font trop de bruit,
Crasante vient les voir (s’il est à son bureau).
Indice. Un carnet rose dans un livre creux.
Malgré son amour sans limite pour Jaïade,
Siom était volage et aimait aussi les hommes.
Dessus sont mentionnés ses conquêtes mascu-
lines (étudiants et bourgeois), les lieux de ren-
dez-vous et les alibis. La veille de sa mort, il est
mentionné : repas TV – Crasie + Marlk.
Le bureau de Crasante à l’UMU
Collé à celui de Siom, presque identique.
Ici, aucun indice matériel, mais parler avec
Crasante est nécessaire. Il est soit ici (matin et
soir), soit en conférence à l’université ou dans
les Jardins supérieurs (aube, après-midi).
Professeur Crasante
« Crasie » pour les intimes. Humain, la
soixantaine, bon vivant, un embonpoint sé-
rieux dissimulé par des vêtements amples.
Son passé d’alcoolique a laissé des traces sur
son visage. Au départ, Crasante est suspicieux,
car il ignore la mort de Siom (il ne lit pas la
Gazette). Il est abattu par la nouvelle.
Il ne répond qu’à des questions précises,
toujours en sanglotant. Il fait des réponses
courtes et vagues. Les réponses peuvent être
données au cours de différentes rencontres.
• « J’étais avec Siom, la veille. »
• « On a mangé ensemble. »
• « On était trois. »
• « On a mangé à la Table. »
• « La Table Vofoli. »
• « Avec Marlk. »
• « Siom et Marlk ont pris le même plat. »
• « J’ai mangé autre chose. »
• « Marlk est un philosophe étranger. »
• « On l’a rencontré une semaine plus tôt. »
• « Siom est parti avec Marlk après le repas. »
• « Siom n’avait pas de cours depuis. »
• « Marlk a une maison près du jardin des
Répartiteurs. »
• « Elle est blanche avec une colonne noire. »
• « Je pensais que Siom était encore avec lui. »
La maison de Marlk
Charmante location de trois pièces : salle
commune/cuisine, chambre avec traces de
dispute, réserve/bureau avec petit lit. La porte
est fermée. À l’arrière, les volets de la réserve
sont ouverts.
Indices. 1er : De la fenêtre de la réserve, on voit
la cime des arbres du jardin des Répartiteurs.
Siom contaminé a ouvert les volets, vu les
arbres, ramassé une corde dans la réserve, et
s’est dirigé machinalement vers eux. 2e : Une
odeur d’urine se dégage de la chambre dont la
porte est bloquée de l’intérieur. Marlk et Siom
se sont disputés et Marlk s’est enfermé. Il est
pendu avec son drap à une poutre, le plancher
souillé à ses pieds. Les volets sont bloqués.
Ne pouvant sortir facilement de la maison,
le parasite l’a poussé à se suicider sur place.
Ses yeux sont vitreux. 3e : C’est le seul corps
que les PJ peuvent ausculter. Une inspection
attentive montre un minuscule parasite qui
sort d’une oreille et un autre bloqué dans une
narine. Une « autopsie » montre que son cer-
veau en est rempli. Le seul endroit pour avoir
des réponses sur ces parasites est l’Université
matérialiste.
La Gazette de Laelith
En montrant patte blanche et en instaurant
la confiance, les PJ sont reçus par le respon-
sable des faits divers. Villpu est un rédacteur
expérimenté, un peu blasé. Il en a tellement
vu ! En échange de la promesse de fournir des
renseignements sur l’avancée de l’enquête et
surtout des scoops, les PJ peuvent apprendre :
• la liste des cinq victimes (la Gazette ne
connaît pas la sixième !) et le lieu de leur
suicide ;
• c’était toujours à proximité de leur domicile
(sauf pour Siom) ;
• Vedran Gavranic était un architecte lae-
lithien reconnu ;
• Siom Détropier était un bon professeur, des
rumeurs sur des égarements extraconjugaux
circulent parmi les étudiants ;
• Yalanile Pétaleparse était une elfe ménes-
trelle qui se produisait dans les plus belles
salles ;
• le nom du disparu est Ygoe Subu, c’est un
promoteur étranger ;
• c’est une disparition banale. La Perle ne
s’y intéresse que parce que Ygoe est riche
et doit proposer des artisans d’exception
pour la rénovation des cuisines du palais
royal-divin, paraît-il ;
• Ygoe Subu a racheté une taberge en Basse-
Eau et il la fait rénover entièrement ;
• la taberge est mitoyenne avec la Table Vofoli.
Le poste de la Perle
Que ce soit suite à l’appel à témoin, la dis-
cussion avec Villpu, leur découverte du lien
entre Vedran et Ygoe (voir « Le cabinet d’ar-
chitecture »), ou d’eux-mêmes, les PJ devraient
passer à la Perle où les informations sont cen-
sées être centralisées. Évidemment, ils n’y ont
pas accès et le chargé de l’enquête refuse de les
recevoir. Comme poser des questions directes
va à l’encontre de la discrétion requise, l’idéal
est de susciter une conversation non officielle
(soudoyer un garde, l’amener à boire…).
Indice. Un garde, Escogne, dit au détour de
la conversation : « ‘Savez, six bourgeois qui
s’tuent, ça n’a rien de bizarre. Des suicides, y’en
a toujours. C’est vrai qu’en dix jours, ça fait !
Mais… Tiens sers-moi ! » Le « six » est fondu
dans le reste, mais c’est l’information à ne pas
manquer. Si les PJ tiquent sur le nombre et es-
saient d’en savoir plus sur le sixième, le garde
coupe court. Il signalera les PJ à Baor de Suroff.
Les domiciles et lieux de décès
L’échelle des Coins tordus. Perpendiculaire
à l’échelle des Voûtes, elle relie la place Sous-
la-Haute-Terrasse en haut de la Blanche
Chaussée à la rue du Nuage, en bas de la strate
des Brumes. Son parcours plein de coins lui
vaut son nom. Yalanile Pétaleparse, la ménes-
trelle, a été découverte étranglée avec son fou-
lard au seul arbre de l’échelle, à la limite des
Brumes. Aucun indice sur place. En se ren-
seignant, les PJ découvrent que sa maison est
juste en face.
Maison de Yalanile. La porte est simple-
ment poussée. Sa demeure est confortable,
avec cinq pièces : salle commune, bureau, cui-
sine et réserves au rez-de-chaussée, salon de
musique avec de nombreux instruments et
chambre à l’étage. Visiblement, Yalanile avait
des mécènes. Les voisins la décrivent comme
une jeune elfe heureuse dont la musique ra-
vissait le quartier. Elle s’impliquait auprès des
enfants pour leur apprendre à jouer.
Indices. 1er : Dans un coffre derrière un ta-
bleau, des dizaines de contrats et de partitions
originales. Parmi les contrats de représenta-
tion, apparaissent des salles prestigieuses : le
Palais élevé (clan Brizure, Basse-Eau), le Jeu de
lois (Prospérité), l’Avocat honnête (Prospérité),
l’hôtel de Guerlas (Haute Terrasse), la Main
sonnante (Main qui travaille) et la Table Vofoli
(clan Brizure, Basse-Eau). 2e : La guilde des
Ménestrels garde la trace des cachets per-
çus par ses artistes, il est donc possible d’ap-
prendre que la veille de son suicide, Yalanile
jouait à la Table Vofoli.
La promenade des Brouillards. Une enquête
de voisinage révèle que dame Physille était une
des gérantes des cryothermes et que sa mai-
son est attenante. Auprès du personnel des
thermes ou de son mari, monsieur Ishilpe, un
vieil homme triste et épuisé, les PJ apprennent
qu’elle avait quitté son travail la veille de son
suicide, était passée s’habiller, puis était sortie,
L’école du contre-pied
Un grand nombre d’écoles fleurissent
à Laelith, dont les plus bizarres. Celle
du docteur Mud vous apprend la rhé-
torique fondée sur l’art de la contradic-
tion. Si une poignée d’étudiants suivent
ce cours, les diplômés trouvent tous
un poste dans l’administration où ils
forment une faction politique aux buts
obscurs.
À chaque terrasse
son style
Le Nuage est l’un des endroits les plus
tranquilles de la cité. Les bagarres entre
ivrognes y sont plutôt rares. Par contre,
c’est sur cette terrasse qu’ont lieu les
principales rixes entre religieux, car
c’est assurément dans le quartier des
étudiants que l’on trouve les plus jeunes
et les plus fanatiques d’entre eux.
Faites danser vos
plumes !
« Vous savez écrire ? Vous désirez vous
impliquer dans la vie de notre merveil-
leuse cité ? La Gazette recrute. Partagez
vos histoires, petites comme grandes,
endossez le rôle d’un fouineur pour
débusquer les non-dits. N’hésitez plus,
gravez votre nom dans la légende. »
Au diable les démons
L’année dernière, la Bibliothèque maté-
rialiste universelle a fait l’objet de trois
tentatives d’incendie. Heureusement,
les coupables, des démons, ont été
neutralisés avant de parvenir à leurs
fins, mais de nombreuses voix se sont
élevées ensuite pour demander que l’on
protège magiquement ce sanctuaire
de la connaissance. C’est alors que le
Premier conservateur, Feonas Larger,
se serait exclamé : « Mettez des gardes,
même des pièges si vous voulez, mais
moi vivant, aucune sorcellerie quelle
qu’elle soit n’entrera dans cette biblio-
thèque ». Le vieil homme contracta
quelque temps après une terrible
maladie incurable et ses jours
sont désormais comptés.
Le Nuage 263

Les protagonistes
Le commanditaire
• Jaïade Détropier, bourgeoise, profes-
seur de médecine.
Les autres enquêteurs
• Tayotl, chef du groupe concurrent.
• Mahom Kadir, demi-elfe, enquêteur
conseil, joker.
• Baor de Suroff, prêtre du Nuage,
nettoyeur.
Les victimes
(une nouvelle tous les trois jours)
• Yalanile Pétaleparse (elfe, ménestrelle) :
pendue avec son foulard, échelle des
Coins tordus.
• Dame Physille (gérante aux cryo-
thermes) : noyée dans une fontaine,
promenade des Brouillards.
• Guisele d’Atlachanas (riche bour-
geoise) : pendue dans des lianes, Jardins
supérieurs.
• Tiomos (prêtre du Nuage) : pendu dans
le vestibule, du temple du Nuage.
• Vedran Gavranic (demi-elfe, architecte) :
pendu avec une corde à nœuds, rampe
du Rempart.
Jeunes héros du Nuage I
Velo Jacobo a toujours aimé le jeu. Il
en a même fait son métier. Client assidu
de l’arrière-salle de l’estaminet des Trois
Grelots, dans le quartier Basse-Eau, il a
gagné grâce aux cartes des sommes et des
gains énormes, dont son appartement sur
l’échelle des Voûtes. Mais sa réputation
est en train de lui nuire. Les rares ama-
teurs de jeux sur cette terrasse ne veulent
plus jouer contre lui. Velo a alors essayé
des tripots sur la Chaussée du lac, mais
l’affaire n’est pas la même face à d’autres
professionnels, et il devient chaque jour
un peu plus difficile de maintenir son
train de vie sur la terrasse du Nuage.
N’ayant pas froid aux yeux, le jeune
homme vient de contacter son cousin qui
travaille au poste de garde de la Perle afin
d’être informé si un groupe d’aventuriers
recherchait des compagnons, car qui dit
aventures dit richesses… pour ceux qui
y survivent. Et Velo veut continuer de
croire en sa chance.
264
• Siom Détropier (bourgeois, professeur) :
pendu avec une corde à un arbre, jardin
des Répartiteurs.
• Marlk (philosophe étranger)  : pendu
avec un drap, à son domicile.
• Ygoe Subu (promoteur) : enlevé sans
laisser de trace.
Les témoins, les aides
• Crasante, professeur de philosophie,
ami de Siom.
• Anihya et Chrisihya Brizure, proprié-
taires de la Table Vofoli.
• Mitrias Nin, vagabond du jardin des
Répartiteurs.
• Villpu, rédacteur faits divers à la Gazette.
• Escogne, garde de la Perle, parle de six
pendus.
• Monsieur Ishilpe, mari de dame Physille.
• Gontraniole, halfelin teigneux, contre-
maître d’Ygoe.
• Lujnae, associée de Vedran.
• Jaspe, prêtre aux ordres directs du cé-
nacle des Équités.
• Chirret, un des géologues ayant partici-
pé au « séisme » du Palais Vofoli.
comme souvent le soir. Personne ne sait où ni
avec qui. Dame Physille est morte par noyade,
la tête plongée dans une fontaine face à sa
maison.
Indice. Elle aussi est décédée par suffocation.
Les Jardins supérieurs. Guisele d’Atlacha-
nas s’est pendue dans les lianes d’un arbre exo-
tique. Si des indices existaient, ils ont disparu.
L’enquête de voisinage, en particulier dans
les taberges bordant les jardins, indique que
c’était une bourgeoise typique de la trentaine,
âpre envers les indigents. Elle aimait la bonne
cuisine et dînait tous les soirs à une bonne
table de la ville. Sa très riche villa est occupée
par son mari, un tisserand, qui refuse de rece-
voir. Les PJ sont violemment jetés dehors par
un garde s’ils insistent. Aucun indice dans la
maison.
Indices. 1er : La veille du drame, Guisele est
allée à l’Aigle blanc, un restaurant pour nobles
et peintres réputés, appartenant à Rogomon
le Jeune (clan Brizure). 2e : À l’Aigle blanc, le
patron ne parle pas de ses clients. Les clients,
par contre, décrivent Guisele comme une habi-
tuée. Ils ont bien remarqué quand elle est partie
au milieu du repas pour aller à la Table Vofoli.
Fausse piste. « Elle était enceinte, elle voulait
du gâteau aux fèves de la Table en dessert ! ».
Elle ne l’était pas, enceinte.
Le temple du Nuage. Voir plus bas.
La rampe du Rempart. C’est en face de son
cabinet d’architecture que Vedran Gavranic,
un demi-elfe brillant, s’est pendu avec une
corde à treize nœuds. Aucun indice au niveau
de la rampe. Son associée, Lujnae l’a trouvé en
arrivant à l’aube au cabinet, une bâtisse réno-
vée dans les canons laelithiens. Deux étages
et une façade sublime. Lujnae accepte de ré-
pondre aux questions avec plaisir, car elle est
persuadée que quelque chose ne va pas. Vedran
vivait au-dessus, dans un espace ouvert (elle
laisse fouiller en sa présence). On comprend
à demi-mot qu’elle n’était pas insensible à son
charme.
Indices. 1er : Vedran était enthousiaste à pro-
pos d’un projet de rénovation d’une taberge à
Basse-Eau, pour un promoteur étranger. Il de-
vait planifier la restructuration des sous-sols,
faire des travaux de renforcement… Lujnae ne
sait pas de quel établissement il s’agit. 2e : Dans
une cache, se trouve un plan de sous-sols an-
notés. Ils sont durs à identifier, mais les notes
disent : « un séisme aurait fait s’écrouler toute
cette veine », « séisme cantonné à deux salles :
vérifier infrastructures », « déblayer zone vers
TV pour voir ».
La taberge d’Ygoe Subu
Il est assez facile de trouver la taberge
d’Ygoe Subu avec son nom. Ce n’est pour
l’instant qu’une façade à colonnes, sans en-
seigne, au bout de l’échelle d’U qui remonte
depuis les Jardins supérieurs. Le chantier est
fermé depuis que le promoteur et l’architecte
ont disparu. Il ne reste que le contremaître,
Gontraniole, un halfelin teigneux. Il refuse
l’accès aux lieux. La nuit, seul un mercenaire
peu éveillé surveille. Le rez-de-chaussée est
sommaire : une grande salle, une grande cui-
sine, trois petits salons. Un escalier monte à
l’étage vers les chambres en piteux état. Un
autre mène aux réserves.
Indices. Dans les réserves, une planche dis-
simule un passage qui donne sur les salles
éboulées : deux pièces remplies de gravats et
de squelettes de créatures plus ou moins hu-
manoïdes. Une fouille de voleur permet de re-
marquer un mur parfaitement lisse. Il cache la
porte couverte de runes (qui brillent sous un
sort de détection) donnant sur les cuisines de
la Table.
Le palais d’Ygoe Subu
Ygoe est connu et de nombreuses personnes
du quartier savent où il habite (en premier lieu
le contremaître). Il possède un petit palais dans
la Prospérité, très luxueux, rempli de domes-
tiques. L’entrée est refusée aux PJ. S’ils disent
avoir des informations sur la disparition, le
serviteur indique un petit salon où attendre.
Ils sont reçus par le majordome, homme froid
et sec, la bouche qui dit non même en restant
fermée.
Indice. Le majordome sait que « le maître est
parti aux archives du temple du Nuage et de
l’université le matin où il a disparu. »
La Table Vofoli
Plusieurs indices peuvent conduire à la Table
Vofoli. Les PJ n’y découvriront rien s’ils y vont
sans suspecter que les victimes étaient là-bas
la veille de leur mort et que des larves les ont
contaminées. Reportez-vous à l’acte III dans le
cas contraire.
Indice. En sortant de la Table, ils voient des
gardes de la Perle fouiller la maison adjacente.
S’ils se renseignent, ils apprennent la dispari-
tion du propriétaire, Ygoe Subu, et que toute
information concernant cette affaire est à rap-
porter à la Perle. Un garde peut dire : « Il est
maudit cet endroit, y a quelques jours, c’est
l’architecte qui s’est pendu ! ».
Retour à l’université
Institut de géologie. Les archives intéres-
santes sont là, à la Logique. Il est compliqué
d’obtenir des autorisations pour s’y rendre et
de s’y retrouver ! Jaïade sera utile à ce stade
(voire Crasante). Après de longues heures de
recherche, aidés par la vieille Inge, une sis-
mologue qui radote et fait des blagues grave-
leuses, les PJ trouvent un carnet.
Indice. Il s’agit d’un très vieux journal
de Chirret, un géologue ayant participé au
« séisme ». Il explique avoir limité « un étrange
séisme déclenché par les prêtres du Nuage pour
faire s’écrouler les sous-sols Vofoli ». Tombé
entre deux gros fossiles dans le bureau de
Chirret, le journal avait échappé aux autorités
du Temple. Le journal appartenant aux archives
secrètes, il faut convaincre Inge de le lâcher.
Institut de biologie. Seuls les anatomistes
identifieront les parasites de lardraxe. Ils in-
diqueront un livre de la Bibliothèque maté-
rialiste universelle (le livre est facile à trouver)
qui en parle et explique comment dessécher
les larves à partir d’un produit astringent à
pulvériser partout. Mais celui qui asperge
peut voir sa peau desquamer par lambeaux en-
tiers durant plusieurs jours. Le livre parle de
cas où son corps tombe en poussière… Faire
fabriquer le produit chez un apothicaire est
onéreux. Le marchand conseillera de prendre
les plus grandes précautions avec cet « as-
pire-vie » et leur jettera un œil suspicieux.
Dénoncera-t-il les PJ à la garde ?
Acte II :
Le temple du Nuage
Une visite au temple doit émerveiller et im-
pressionner les PJ.
Indice. Dans le vestibule, ils rencontrent de
nombreux novices. S’ils parlent des suicides,
un jeune homme lâchera un triste : « Oh oui,
quelle horreur ! Notre cher Tiomos, tant aimé.
Venir faire ça, ici, dans la salle des Liturgies… »
Ils n’arriveront pas à en savoir plus.
Fausse piste. Tiomos avait parfois des pa-
roles un peu osées quand il avait un verre dans
le nez.
Pour l’instant, aucun prêtre n’accepte de
leur parler. Toutefois, leurs allers et retours
sur les divers lieux de l’enquête ont alerté
Baor. Après leur venue au temple, Baor passe à
l’action pour se débarrasser de ces gêneurs ou
au moins de leurs preuves.
L’attaque de Baor
Baor ne prend pas de risque. Il essaie dans
un premier temps de dérober les preuves
qu’ont pu amasser les PJ, notamment en volant
leurs sacs et besaces à la première occasion.
S’ils découvrent Baor pendant ses tentatives,
ils peuvent le suivre. Persuadé de ne pas avoir
été découvert, il est peu précautionneux.
Il se rend à la maison Zartroi (échelle des
Cabosses), une gargote abandonnée de la
Mille essences de rêve
On prétend que les Jardins supérieurs,
s’ils ne présentent pas toutes les essences
d’arbres et d’arbustes de la création, en
comptent toutefois plus de mille diffé-
rentes. Devant le foisonnement naturel
de couleurs, de formes et de senteurs,
le promeneur aurait tendance à croire
cette rumeur. Par endroits, le parc se
transforme ainsi en un véritable dédale
de verdure, propice aux rendez-vous
romantiques ou clandestins. D’autres
aiment à y déambuler, laissant leur es-
prit vagabonder au rythme lent de leurs
pas. Combien de problèmes, d’énigmes
ou de paradoxes théoriques ont été un
jour résolus ici ?
Parmi les plantes communes, beaucoup
viennent des Provinces, comme une
vitrine de leur diversité. Fruitiers et
végétaux nourriciers côtoient de magni-
fiques arbustes ornementaux dont la
plupart décorent également les jardins
du palais du Roi-Dieu. L’agencement
semble résulter du plus grand hasard,
mais ne le dites pas devant les jardiniers
qui s’évertuent à associer les plantes
entre elles pour pallier, sans recou-
rir à la moindre magie, aux défauts
climatiques pour certaines. Nulle part
ailleurs, vous ne verrez pousser de rose
d’hiver aux pétales cristallins, adaptés
au froid polaire, ni de sêcheliane que les
racines profondes nourrissent même
dans le désert le plus aride. On raconte
que le bosquet d’irisaciels fut offert
par une maîtresse de l’un des premiers
Rois-Dieux et ses fleurs arc-en-ciel
continuent de ravir les badauds des
siècles plus tard. Une zone grillagée
les tient toutefois à distance des plus
dangereuses, carnivores ou vénéneuses.
Par contre, si jamais les gardiens des
lieux mettent la main sur celui qui y
vole nuitamment les baies de versonge
(qui, comme le savent de rares érudits,
une fois bouillies et traitées par des
moyens alchimiques, donnent une
drogue capable de plonger l’esprit dans
d’autres univers)… En attendant, mal-
gré les pièges et les patrouilles, l’arbuste
continue d’être pillé à chaque solstice et
chaque équinoxe.
Le Nuage 265
 Temple sous Laelith
La destruction récente d’un établis-
« Tu ne m'effraies pas, Baor, car
sement de bains, dont on s’est rendu le Nuage me parle plus souvent
compte après plus de trente ans qu’il que tes Dieux.»
occupait un emplacement contre les Tania
remparts sans permis de construire,
a livré une bien étrange découverte.
Sous la piscine intérieure, les ouvriers
ont mis à jour des fondations antiques
qu’aucune recherche menée jusqu’à pré-
sent dans les archives de la Cité sainte
n’a réussi à identifier. La brique rouge
utilisée est toutefois caractéristique de
la fondation de Laelith. Le chantier a
été confié au nain Ingli, archéologue
officiel. Ses travaux lui ont vite révélé
un escalier en partie comblé, parallèle
au conduit d’évacuation des thermes
se déversant dans le Cloaque. Les
autorités, craignant que le tunnel puisse
mener sous le rempart, jusqu’à la Haute
Terrasse, se sont empressées de barri-
cader le périmètre. Pour rien. En fait,
une fois déblayé, le passage mena Ingli
vers les profondeurs du plateau jusqu’à
une vaste chambre souterraine. Assez
grande pour contenir sans peine deux
cents personnes, elle se caractérise par
une énorme colonne centrale sculptée
de visages inhumains et aveugles, et de
strate des Brumes où il séquestre Ygoe Subu. en prétextant que Gontraniole a des informa-
nombreuses gravures sur les parois dans
Trois gros bras gardent les lieux. La maison tions urgentes à leur donner. Le rendez-vous
un alphabet inconnu.
d’un étage est délabrée, les enduits tombent, a lieu à la maison Zartroi. Et ce soir, la brume
La salle sécurisée et nettoyée, les
des insectes grimpent aux murs. Une faible est dense ! Baor attend les PJ avec les gros bras
équipes de fouilles sont reparties vers
lumière filtre à travers les volets fissurés et dissimulés dans l’ombre. Vous pouvez poster
d’autres chantiers, sauf leur chef. Depuis
quelques mois, Ingli descend quotidien- branlants. À l’intérieur, le plancher craque, des un arbalétrier à l’extérieur pour les forcer à se
nement travailler dans cette pièce et a planches cassent, des rats s’enfuient… Jouez mettre à couvert.
émis l’hypothèse qu’il pourrait s’agir sur l’état des lieux. Les gros bras sont toujours Les gros bras se battent à mort, Baor non.
d’un temple primitif dédié à une (ou dans la pièce commune, Baor à la cave. Blessé, il essaie de s’enfuir par les cuisines
des) divinité(s) antérieure(s) à la créa- puis une fenêtre. S’il réussit, les PJ doivent se
tion de la Ville sainte. Particulièrement
intrigué par des glyphes géométriques, Baor livrer à une course-poursuite dans les ruelles
embrumées. Mais Baor n’est pas doué à ce jeu.
il s’est mis en tête de les déchiffrer. C’est un prêtre d’un niveau supérieur aux PJ,
Capturé, il refuse d’admettre ses torts et de
En vain en apparence. Cependant, il armé d’un fléau.
faut peut-être mettre en relation la rendre des comptes. Il ordonne de le relâcher
disparition du nain la nuit dernière et « par ordre de Caloluno Be’Ox, doyen du cé-
deux autres faits troublants : sa visite la Les gros bras nacle des Équités », puis se mure dans le silence.
semaine passée à un ami mathémati- Deux sont armés d’arbalète de poing (car-
cien assassiné peu après, et cette phrase
étrange prononcée par Ingli le dernier
reaux enduits d’un poison soporifique) et de Les caves de la maison Zartroi
gourdins, l’autre d’une épée courte et d’un filet. Un escalier en colimaçon descend vers les
soir où on l’a vu : « Je les entends,
dans ma tête. Ils ne sont pas vraiment Si les PJ ne l’ont pas encore découvert, Baor caves, dans l’une d’elles une chaise est posée
morts… » envoie un gamin les chercher à la nuit tombée, au centre. Elle porte des traces de sang. Au

266
milieu des détritus, des caisses moisies, des
excréments, un homme attaché et apeuré est
recroquevillé dans un coin : Ygoe Subu !
Ygoe Subu
Cheveux noirs, teint rosé, lourdes lèvres,
très rond. Vêtements en soie déchirés, qui
laissent entrevoir un système pileux consé-
quent. D’abord tétanisé, il explique qu’il vient
de passer deux jours enfermé là, torturé phy-
siquement et surtout psychologiquement par
Baor pour qu’il lui avoue tout. Baor n’a jamais
cru qu’Ygoe n’avait rien découvert, hormis des
sous-sols étrangement effondrés.
Indice. Baor demandait sans cesse qui était
au courant pour les larves et le lardraxe, pour le
séisme chez Vofoli, et qui savait pour Tiomos,
apparemment un prêtre qui s’est pendu.
Retour au temple
Forts de ces informations, et poussés par
Ygoe qui ne veut pas que l’affaire en reste là,
les PJ vont certainement retourner au temple.
Avec l’appui de Jaïade et d’Ygoe, ils obtiennent
un entretien avec Jaspe, un prêtre aux ordres
directs de Caloluno Be’Ox. C’est un jeune
homme posé, intelligent, éloquent, d’un calme
impressionnant. Ses fins de phrase ne laissent
place à aucun « mais ». Il cherche à savoir
tout ce que savent les PJ, sans trop en dire.
Toutefois, au cours de l’entrevue, il donne ces
réponses aux questions adéquates :
• Baor a outrepassé ses attributions, « nous
prendrons les mesures qu’il convient » ;
• « un séisme provoqué ? Ah. » ;
• Tiomos aimait un peu trop les bonnes
tables. Il s’est en effet pendu ici, « ça reste
entre nous » ;
• il dînait à la Table Vofoli la veille ;
• quelque chose se passe sûrement dans les
cuisines de la Table Vofoli. Peut-être une
contamination ;
• hors de question de fermer la Table ou
qu’une contamination soit révélée (le clan
Brizure est protégé) ;
• puisque les PJ sont bons enquêteurs, ils
doivent mettre fin discrètement (il insiste
sur le mot) à cette affaire. « Le Temple s’en
souviendra… » ;
• le Temple connaît une formule magique
qui pourrait tuer des créatures vivantes de
petite taille dans une pièce close. Les para-
sites ne survivront pas, normalement ;
• si les PJ disent connaître un moyen (voir
« Retour à l’université »), Jaspe répondra
« comme vous voulez, mais discrètement » ;
• Jaspe conclut par « nous ne nous connais-
sons pas ».
Acte III : La Table Vofoli
Bien évidemment, les PJ ont dû s’y rendre
à plusieurs reprises avant le dernier acte, en
particulier pour trouver des infos. À ce stade,
ils ont ce qu’il faut pour mettre un terme au
drame.
Le restaurant
La Table Vofoli attire la haute bourgeoisie
et la noblesse de Laelith et en particulier de
la terrasse du Nuage. La façade est couverte
de moulures et de dorures. Des vitraux font
entrer une lumière colorée, offrant une am-
biance féerique. Deux mercenaires impres-
sionnants gardent l’entrée. Dans la salle, un
« maître d’hôtel » surveille discrètement les
tables. Il s’agit d’un voleur de la Langue cou-
pée. Fort heureusement, il ne se passe jamais
rien et le maître d’hôtel relâche souvent son
attention. Le mobilier est luxueux et il est
interdit de rentrer sans « costume ». La salle
principale est éclairée avec des lustres en cris-
taux dotés de lumières éternelles. Le plafond, à
une dizaine de mètres de hauteur, confère à la
salle une majesté inégalable. Deux grands es-
caliers mènent aux salons privés (les PJ n’ont
aucune chance d’y accéder). Une porte mène à
l’antichambre des cuisines où sont déposés les
plats à servir.
Anihya et Chrisihya Brizure
Les propriétaires. Si les PJ sont introduits
par Ygoe ou Jaïade, les jumelles acceptent de
parler rapidement avec eux, d’autant plus s’ils
viennent dîner (les prix montent à plusieurs
dizaines, voire centaines, de lithals selon les
plats).
Les cuisines
De l’antichambre, un escalier descend vers
les cuisines, correspondant à celles côté sur-
face de l’ancien Palais Vofoli. Une double porte
conduit aux nouvelles cuisines, correspondant
Jeunes héros
du Nuage II
Chloa est la fille d’une famille de bijou-
tiers de la terrasse de la Prospérité et ses
parents ont toujours nourri l’espoir de
la voir reprendre le négoce. Mais si son
jeune frère cadet semble en prendre le
chemin, la jeune elfe est plus attirée par
les secrets des arcanes que par le prix
des bijoux. Elle est d’ailleurs sortie un
temps avec un apprenti magicien qui
étudiait aux Pics des Mages et qui l’a
introduite auprès de son actuel maître à
l’Académie tolérée de magie. Chloa, qui
a un tempérament dynamique et une
vraie soif d’aventures, vient récemment
de quitter le nid familial pour louer
un petit logement au deuxième étage
d’un bel immeuble sur l’échelle des
Voûtes. Son obsession maintenant est
le Cloaque. Elle veut le connaître, elle
veut y descendre, elle veut mettre en
pratique tous les sortilèges qu’elle a
appris ces dernières années.
Chasseurs de trésors
Le rez-de-chaussée d’une petite bâtisse
au 3 de l’échelle des Plumes, derrière
l’Université matérialiste universelle,
est le siège de la Confrérie du mystère.
Le bâtiment, surnommé « l’Archive »,
sert de salle de réunion et de travail.
Personne n’y vit. Cette association réu-
nit des personnes aux talents très dif-
férents, mais unies par une même pas-
sion : trouver des trésors oubliés. Qu’on
lui apporte une mystérieuse carte ou
quelques pages d’un vieux grimoire
évoquant une relique perdue dans un
temple lointain, et l’équipe se met au
travail et ne néglige aucune piste. Magie
divinatoire, investigation dans toutes
les bibliothèques de la ville, exploration
de caves obscures où guettent des créa-
tures maléfiques, tout est mis en œuvre
pour percer les mystères qui leur sont
soumis et résoudre les énigmes qui leur
sont présentées. Le gain n’est pas leur
but, percer les mystères et surmonter
les défis sont leurs principales
motivations.
Le Nuage 267
 Jeunes héros
du Nuage III
Vagar le Noir n’a pas de domicile fixe.
Il fait partie de ces guerriers qui se
sentent plus à l’aise seul dans une forêt
ou arpentant des terres abandonnées
par la civilisation que dans une ville
de la taille de Laelith. Toutefois Vagar
vient souvent à la Cité sainte. Plusieurs
magiciens des Pics des Mages louent
ses services pour qu’il leur rapporte
des composants indispensables à leurs
expériences magiques, mais hautement
difficiles à se procurer : œil de basilic,
pattes d’araignée géante, tentacules de
charognard rampant. Il affronte toutes
sortes de créatures monstrueuses lors
de combats mortels pour combler les
attentes de ses clients. Lors de ses venues
en ville, ce grand barbu rouquin loge
dans une pension au bout de l’échelle
des Voûtes, près de la rampe du
Rempart.
à celles côté Cloaque du Palais Vofoli. Dans ces
dernières, un mur similaire à celui des sous-
sols de la taberge d’Ygoe dissimule les portes
protégées par les runes. Ce sont ces cuisines
qu’il faut nettoyer… Espérons que les PJ ne
soient pas contaminés avant de connaître le fin
mot de l’histoire. Les plats contaminés ne sont
jamais les mêmes, tout dépend d’où tombent
les larves.
La décontamination
L’approche employée pour le nettoyage
est libre, de même que le procédé (celui du
Temple ou celui du livre). Plusieurs semblent
évidentes, mais les joueurs découvrent
toujours des solutions ingénieuses. Les
principales :
• creuser un passage pendant la nuit depuis
les sous-sols de la taberge d’Ygoe. Le rebou-
cher après ! ;
• rentrer de nuit dans le restaurant. Il est sur-
veillé par deux mercenaires lourdement ar-
més, mais peu attentifs. Par contre, la guilde
de la Langue coupée est plus vigilante… ;
• engager des spécialistes du cambriolage
pour se faire aider, par exemple la Langue
coupée ;
• faire diversion pendant un service (incendie,
crise cardiaque, dispute…) pour qu’un des PJ
descende tenter la décontamination ;
• soudoyer la Langue coupée pour que
le maître d’hôtel ferme les yeux (dure
négociation) ;
• dans tous les cas, il est à espérer pour eux
qu’ils ne se fassent pas surprendre. Le
Temple nierait toute implication…
Épilogue
Si la décontamination réussit, le Temple sera
satisfait. Mais la mission initiale des PJ était de
découvrir qui a tué Siom Détropier. Jaïade n’est
pas entièrement satisfaite de l’épilogue et de-
mande que les coupables soient châtiés. Pour elle,
les prêtres du Nuage sont les responsables et elle
veut que la mort de son mari dévoile aux yeux
de tous les manigances du Temple. Elle propose
aux PJ de poursuivre les investigations pour
faire tomber quelques têtes haut placées… S’ils
acceptent, ils devront remonter le passé, fouiller
les archives, retrouver des témoins d’époque,
pénétrer les réseaux et les intégristes du Temple,
comprendre pourquoi le Cloaque était toléré
au Palais Vofoli, trouver les implications du clan
Brizure (Rogomon était au courant de l’histoire)
et de la Langue coupée (qui a aidé à écouler les
affaires de Vofoli après sa disparition et à faire
disparaître les preuves)… De quoi les occuper
des mois entiers, avec peu de chance de succès,
mais de grands risques de finir égorgés dans une
ruelle… Mais ceci est une autre aventure.

Un lourd passé.
Jeunes héros
du Nuage IV
Quentin Pagefil est arrivé à Laelith
il y a moins d’un mois. Originaire
d’A zilian, adorateur du Dieu des
Tempêtes, il a tout naturellement
choisi de s’affilier au Temple du Nuage.
Il demeure depuis son entrée en ville
dans une pension pour pèlerins située
sur l’échelle des Voûtes. Quentin a été
envoyé par son Église afin d’enquêter
sur la disparition d’un de ses camarades.
Mais jusque-là, l’investigation n’a rien
donné de concret, à croire que l’acolyte
en question n’est jamais arrivé en ville.
Le clerc est toutefois tombé amoureux
de la Cité sainte et compte bien y rester
le plus longtemps possible. Sa table
favorite est l’estaminet des Trois Grelots,
depuis qu’il sait qu’une des serveuses
de l’établissement est originaire de la
même ville que lui.

268

Idées d’aventures
Mur du Savoir, désespoir Pourquoi tant de haine ?
Depuis quelques jours, le mur du Savoir est
souillé de propos et de dessins obscènes, par-
fois très imagés, parfois accompagnés d’ex-
créments, le tout concernant Nin Ier. Bien que
tous puissent s’exprimer librement sur le mur,
les insultes au Roi-Dieu ne peuvent être to-
lérées. Avec le Bal des volants dans moins de
deux jours, le contingent de ville ne peut sur-
veiller nuit et jour le mur. La garde recrute les
PJ.
La surveillance
Une enquête sur les lieux montre qu’il y a
d’autres graffitis dans le quartier, en particu-
lier suivant un axe temple du Nuage/mur du
Savoir. Un voisin montre même l’intérieur de
son volet qu’il n’ose plus ouvrir à cause de la
gravure de Nin Ier portant un masque de porc
et chevauché par un homme en aube blanche.
Lors de la surveillance, placez plusieurs évène-
ments en lien ou non :
• Des voleurs pensent que les PJ sont des
concurrents se préparant à un cambriolage.
Ils peuvent les suivre ou leur donner une le-
çon de savoir-vivre.
• Deux étudiants alcoolisés se bécotent contre
le mur. La demoiselle part. Après tant de
cervoise, un besoin d’uriner se fait sentir
chez l’autre. Dommage, des gardes passent
et le prennent pour le vandale.
• Un homme en toge, apparemment un no-
vice du Temple, passe plusieurs fois devant
le mur en regardant partout, puis s’éloigne.
Si les PJ le suivent, il rentre dans une pen-
sion rue du Nuage. Au bout d’une heure, il
ressort et va au temple. Une diversion.
• Pendant ce temps, deux individus sac-
cagent le mur. Si les PJ interviennent, ils
s’enfuient et essaient de trouver refuge au
temple. Si l’un est attrapé, il explique qu’il
a voulu se faire peur, que c’est la première
fois : « Je suis un novice du Temple, je res-
pecte au plus haut point notre ancien grand
prêtre ! »
La surveillance ne donne rien de plus, ni
cette nuit ni les suivantes. Par contre, dans les
deux jours qui suivent, une librairie est incen-
diée. Un peu plus tard, c’est un début d’incendie
à la Bibliothèque matérialiste universelle, mais
aussi à la Bibliothèque de la foi ! Divers indices
peuvent être découverts : des morceaux de
toges blanches, le cadavre d’un saboteur mort
dans l’incendie, une dispute entre Maximilian
l’herméneute et un intégriste crachant sur le
savoir (il porte une bague avec un œil dessus)…
L’enquête devrait révéler qu’il s’agit d’une or-
ganisation d’intégristes obscurantistes qui re-
fusent le savoir et le polythéisme. Ils adorent
l’Œil aveugle, l’omniscient (un livre intelli-
gent). Ils haïssent le Roi-Dieu pour le syncré-
tisme religieux qu’il représente. Un novice du
Temple, celui du repérage, en fait partie.
Un livre très cultivé
Au final, les PJ découvrent le lieu de réunion
des sectateurs. Ils adorent un livre gigantesque
à la couverture en forme d’œil crevé. Le livre
est doué d’intelligence et de parole, et de pou-
voirs de domination. Il tient les cultistes en
son pouvoir. Il faut mettre fin à leurs agisse-
ments et trouver comment détruire l’Œil, une
relique indestructible.
Lâchez les fauves !
Avec un nouveau spectacle chaque jour, la
place Sous-la-Haute-Terrasse est le lieu de di-
vertissement par excellence. Aujourd’hui, c’est
un numéro de dressage d’animaux exotiques :
panthères à deux têtes, molosses à dents de sabre,
gorilles hybrides, serpents volants… La foule
s’amasse devant ce zoo d’exception. La sécurité
est maximale. Le riche caravanier Krakatara a
engagé une vingtaine de mercenaires !
À l’aide
Tout à coup, une grille cède et un tigre à six
pattes se rue sur la foule. Une mère tombe sous
les coups de griffes en protégeant son enfant,
Scénarios
Les établissements
Brizure
Ils forment un entrelacs de salles et
couloirs reliés entre eux. Pour accéder à
certaines salles, il faut traverser d’autres
établissements. Cela provoque parfois
des esclandres quand des clientèles
différentes se croisent. Il en existe onze
dans le quartier Basse-Eau et tous ont
leur spécialité. On peut citer :
– le Palais élevé, taberge au bord de la
Faille (pour aventuriers et bourgeois
ayant soif d’aventures) ;
– l’Os de roc, estaminet (spécialité de
poulet épicé, et épices « médicinales »
sous le manteau) ;
– l’Indigo, taverne (pour artistes par
qui toutes les rumeurs circulent) ;
– les Mille Alcôves, taberge onéreuse
(rendez-vous des Amateurs du Cloaque,
jeunes nobles qui se racontent des
histoires) ;
– l’Aigle blanc, restaurant (une illusion
gustative donne aux plats le goût d’un
mets typique du lieu d’origine du client,
pour nobles et peintres) ;
– Trois Grelots, estaminet avec salles
de jeux clandestines (pour joueurs) ;
– la Table Vofoli, une des plus
prestigieuses de Laelith (les rumeurs
prétendent que le Roi-Dieu essaie de
débaucher son chef pour ses banquets).
Vivantes, je te dis !
« Tu les as déjà vues bouger, toi ?
– Qui ça, les ribaudes du coin ?
– Mais non, corne d’ookhab. Les gar-
gouilles du Plafond bas. Parait qu’elles
sont vivantes. Y en aurait plein Laelith
et ça, depuis le Châtiment !
– Ah ! ah ! Et pourquoi pas une femme
Roi-Dieu, tant que tu y es ? »
Le Nuage 269

Table d’aventures
1 Est-ce un mendiant ou un érudit qui dit détenir des
secrets sur Laelith et le Nuage ? Contre quelques
pièces, les PJ sauront tout… Ou seront plus
pauvres.
2 Un groupe d’étudiants proposent aux PJ une confé-
rence passionnante sur la « magie rationnelle de
guerre » à l’Université des rationalités. Où vont-ils
se retrouver ?
3 Un vieil homme, binocle vissé sur le nez, prend des
notes en dévisageant les PJ. Bruclek, professeur
d’ethnologie, prépare un livre noir des « aventu-
riers, symboles de la dégénérescence d’une race ».
4 Un individu propose aux PJ de prendre des paris
sur le prochain Bal des volants qui s’annonce ex-
ceptionnel. Il dit qu’il a des tuyaux et laisse com-
prendre qu’il a lui-même saboté une machine…
5 Un médecin bien sous tout rapport (complètement
dérangé) offre des améliorations physiques à prix
défiant toute concurrence. Une fois endormis dans
les labos de l’Expérimentation, les PJ sont transfé-
rés ailleurs… À Coraz ?
6 Un novice du Temple explique aux PJ la joie de la
foi. Sa présence devient un danger quand une
troupe d’athées éméchés croisent sa route et
prennent les PJ pour des prêtres.
7 La brume est dense et au détour d’une rue, un
jeune homme percute un personnage. Il repart en
courant que déjà la garde arrive. Un PJ constate
qu’on lui a mis un objet dans la poche.
8 Pour le clou de son spectacle sur la place Sous-la-
Haute-Terrasse, un vieux magicien désigne un des
personnages comme volontaire. Celui-ci dispa-
raîtra juste avant que le vieil homme ne trépasse
d’une crise cardiaque. Il faut maintenant trouver
un autre magicien talentueux pour faire revenir le
PJ coincé dans un demi-plan.
9 La guilde des Alchimistes se lance dans une grande
expérience sur les venins et contacte les person-
nages pour qu’ils leur en amènent de grandes
quantités. Malheureusement, les créatures qui
possèdent les venins recherchés ne sont pas les
plus dociles.
10 Les personnages surprennent un être-brouillard
qui persécute un homme. Ce fantôme des brumes
est en fait l’œuvre d’un illusionniste payé par un
professeur pour faire fuir de la ville un confrère qui
défend des thèses contraires aux siennes.
270
tandis que son mari hurle à la garde. Les mercenaires peinent à contenir les autres
animaux dans la cage. La panique est partout. La créature se déplace sans cesse et
se dirige vers l’échelle des Voûtes surpeuplée. Les PJ doivent intervenir ou c’est le
carnage. Mais le combat est difficile. Le puissant animal est dur à suivre et encore
plus à toucher. Il remonte l’échelle vers la place Antique et s’arrête devant une mai-
son abandonnée. Il doit être tué avant qu’il y pénètre (par un tiers si les PJ tardent).
Que s’est-il passé ?
Le tigre est une créature issue d’une expérimentation secrète menée par des
exobiologistes clandestins. À partir d’animaux classiques, ils conçoivent des
bêtes de combat ou d’infiltration. Qui est derrière ce projet ? Dur de le dire,
mais Krakatara l’a découvert par l’intermédiaire d’un savant fou et a fait en-
lever une créature au laboratoire par des mercenaires. Leurs recherches étant
illégales, les exobiologistes ont en retour soudoyé une des mercenaires pour
qu’elle sabote une grille lors du spectacle. Ils espéraient ainsi que le tigre,
conditionné, retourne de lui-même à leur annexe (choisissez l’emplacement).
Malheureusement, une odeur familière l’a distrait. En effet, une panthère d’in-
filtration aux ordres des exobiologistes hante le quartier (que cherche-t-elle ?).
Les rumeurs qui circulent à propos d’une créature noire et vibrante aux alen-
tours d’une maison abandonnée (celle où le tigre est abattu) sont fondées et le
tigre a suivi son odeur. La panthère est-elle encore dans la maison ?
Des indices
Une inspection de la cage montre que la grille a été sabotée. Les PJ ont peut-
être remarqué que la mercenaire à proximité avait l’air stressé juste avant le
drame. Si les PJ creusent l’affaire, notamment en l’interrogeant, les exobiolo-
gistes vont s’inquiéter et lancer la panthère d’infiltration à leurs trousses. Elle
attaque principalement la nuit.
D’autres indices permettent de remonter aux exobiologistes : un des ravis-
seurs du tigre, abandonné par ses collègues, est trouvé éventré dans un cani-
veau ; un mendiant a vu « des gars avec une cage » entrer dans la maison aban-
donnée ; un zoologue explique que le tigre n’est pas naturel ; et surtout des
papiers à l’annexe des biologistes montrent des liens avec l’Insititut de biologie
de l’UMU ! Pourtant, il n’est pas impliqué. Serait-ce un complot ?
Invasion Laelith
Cela fait quelques semaines que des décisions étonnantes sont prises à l’uni-
versité. Les professeurs les plus brillants sont renvoyés, les inscriptions d’étu-
diants sont fermées pour « réorganisation administrative », les magiciens ont
été interdits dans l’enceinte. En y regardant de plus près, certaines guildes mar-
chandes prennent aussi des orientations commerciales étranges, notamment en
annulant des contrats juteux. Après enquête, les PJ se rendront compte que tous
les décisionnaires ont le teint étonnamment grisâtre et l’iris laiteux. Il s’agit de
dopplegangers. Ils retiennent les personnes remplacées. Mais qu’est-ce qui les
pousse à s’allier pour déstabiliser la ville, en particulier l’économie et le savoir ?
Sûrement un coup d’une province éloignée.
Poupée bigearre
Jalil est un homme introverti que personne ne remarquerait même seul au
milieu d’une rue déserte. Artiste dans l’âme, il rêvait de devenir peintre, en
particulier de corps humains. Mais ayant autant de talent que de présence, il
s’est orienté vers l’Université du bigearre. Les
cours d’hybridisme de Joret Hefsie qu’il avait
suivis à l’UMU ont été une révélation et il s’est
mis en tête de faire un corps aux proportions
parfaites selon SA vision : bras d’elfe, jambes
d’humain, buste de nain, tête d’halfelin… Et
il a enlevé des représentants de ces peuples,
mais il n’arrive pas à trouver les corps « par-
faits ». Il rejette les victimes mutilées, parfois
en vie, dans la terrasse. Les PJ devront mener
l’enquête en toute hâte car un des leurs vient
d’être enlevé.
Dur d’oublier
Margirot Gardoie est une prêtresse officiant
dans une annexe du temple du Nuage. Elle est
retrouvée amnésique dans les rues et ramenée
au temple. Mais la magie divine se révèle inef-
ficace à la soigner. Incompréhensible ! Les PJ
sont engagés pour la surveiller le temps que
ses coreligionnaires trouvent une solution.
Cela fait trois nuits qu’ils sont de garde, quand
la demeure de Margirot est attaquée par des
hommes cagoulés qui tentent d’enlever la
prêtresse. Un signe distinctif sur un assaillant
conduira les PJ au QG d’une guilde d’assassins
aux ordres d’un groupe d’athées extrémistes,
mené par un illusionniste. Margirot est le
premier cobaye d’un rituel d’abolition de foi,
avec l’effacement de la mémoire comme effet
secondaire.
Crise de vocation
Les prêtres du Nuage constatent un
manque de vocation religieuse chez les jeunes
Laelithiens, en particulier ceux de la Blanche
Chaussée qui pensent plus à singer les riches
qu’à faire leurs prières. Ils cherchent des
agents recruteurs qui feraient du porte à porte
pour convaincre les adolescents de venir plus
souvent au temple. Après une quinzaine de
jeunes « normaux » à qui les PJ vont porter la
bonne parole (sans succès), ils vont frapper à la
mauvaise maison : celle d’un groupe de jeunes
sectateurs qui vont les attirer dans leurs sous-
sols où un parcours piégé les attend pour res-
sortir (à moins que le parcours ne débouche..
dans le Cloaque !).
Les énigmes murales
Est-ce un jeu ? Un moyen de faire
passer des messages ? Une quête mys-
tique ? Qui le sait vraiment ? D’ailleurs,
personne ne sait comment cela a
vraiment commencé et les plus vieux
habitants de la terrasse du Nuage vous
diront que leurs arrière-grands-pères en
parlaient déjà.
Un jour, vous aussi vous tomberez sur
l’une de ces énigmes peintes sur un mur,
au détour d’une impasse, d’une ruelle ou
d’une échelle peu fréquentée. Devinette
ou charade pour les plus simples,
questions métaphysiques complexes,
équations mathématiques, question
personnelle, tout semble possible. Si vous
croyez posséder la réponse, inscrivez-la
à la craie dessous. Si vous avez raison,
le lendemain l’énigme aura disparu
comme par magie et ce sera à votre tour
de dénicher un coin où proposer un
mystère à la sagacité des curieux. Qui
s’occupe d’effacer les inscriptions une
fois qu’elles sont résolues ? Voilà sans
doute l’un des mystères. Et quel est le
but de tout cela sinon un jeu de savoir ?
Combat de fauves.
Le Nuage 271
Le Nuage, vue isométrique
Le Châtiment
 O ù l’on voit Esope Ragouline entrer en Châtiment
à ses risques et très grands périls…
Rapport à la Société des cartographes
du Royaume des Deux Lacs
sur plusieurs faits nouveaux
à propos de la terrasse dite du Châtiment à Laelith,
par Esope Aristide Ebénézer Ragouline.
Année royale-divine mil dix-sept
C’est une mission exceptionnelle que le Temple du
Poisson d’argent m’a confiée : cartographier la ter-
rasse du Châtiment. Les prêtres ont fait montre d’un
zèle infatigable pour me fournir ce dont j’avais be-
soin, mais dans un souci d’économie d’encre et de
papier, j’irai droit à l’essentiel. Je prie mes éminents
collègues d’excuser mon style plutôt direct et loin des
canons de nos rapports officiels.
(Une partie du document a pris l’eau et demeure illisible.)
Ulmo le Fluidifié en soit remercié, ces trois-là sont
chargés de me protéger et non pas me détrousser
comme je l’ai tout d’abord cru.
Lui demandant pourquoi il avait attaché une tuile sur
sa tête, mon « protecteur » me dit qu’ainsi il était sûr
de rentrer chez lui.
274
Couvent des Ermites pendulaires. Attention : ils n'ont pas fait vœu de pauvreté
(Plusieurs feuillets ont été perdus.)
On n’aurait point une idée de la justesse de sa
théorie, si je n’assurais pas, ce que j’ai vu de mes
propres yeux. Ainsi au 6 de l’échelle Glauque, j’ai pu
relever de grandes lettres peintes annonçant « sur-
tou ne regarde pas en arière. »
mes tracés se recouvrant les uns les autres, il fal-
lut procéder à des allers-retours incessants pour
les corriger, entamant par là même la patience de
mon escorte. Avisant une fontaine dans le plus pur
style Coloquinte Ier, je m’approchais de l’angelot de
bronze qui cachait son visage entre ses mains, sans
doute pour pleurer.
(Suit un long passage sans intérêt sur les caractéristiques
du style sculptural et le principe de fonctionnement de la pompe
inondant de « larmes » le visage de la statue.)
Je bus longuement à la fontaine avant de remarquer
que le chérubin avait tendu ses mains à trois pouces
un tiers de ma manche. Répondant à un stimulus de
mon système sphygmique, je commençai à reculer,
tandis que des frissons remontaient de mes chevilles
jusqu’au sommet de mon crâne. Entre les gouttes, le
chérubin métallique me souriait comme un chat sourit
à un mulot.
et dévalisent les passants en fondant sur eux, suspendus par des harnais.
 des fresques qui intéresseraient au plus haut point des his-
toriens. Ainsi au 6 de l’échelle Glauque, j’ai pu relever une
représentation du couronnement de Cyrmalis II.
nous nous abritâmes au "Vingt ans ça suffit". Tandis que notre
mage jetait les restes du tentacule qui avait failli m’étouffer
à des habitués qui se le disputèrent âprement, je massai la
marque violacée de mon cou pour faire circuler le sang. Mais
quand je voulus poser mon céans, je fus rattrapé par la poi-
gne vigoureuse d’un de mes gardes du corps qui me dit : « On
s’assoit pas à une table vide : t’es sourd ou t’es bouché ? »
Alors que j’allais lui faire remarquer que c’était un pléonasme, je
remarquai ses dents vertes et sa forte haleine parfumée à l’oxa-
late : mais où donc avait-il pu dégotter une bière à l’oseille ?
J’ai bien cru qu’il allait m’écraser son poing dans la figure mais
il fut coupé dans son élan par un groupe de personnes défavori-
sées qui décida de « me mettre au jus ». Voici la retranscription
de leurs propos :
« En sortant d’ici tu pourrais vouloir tourner à gauche.
Mauvaise idée. La venelle aux Scarifiés, on n’y va pas, sinon on
découvre pourquoi elle s’appelle comme ça.
– Tourner à droite n’est pas mieux. C’est le quartier du
Sans Soleil, méfie-t’en comme de la peste arcane. Huit ruelles
maudites qui s’articulent autour de la place du Chancre-Jour,
comme les tentacules d’une pieuvre. La sente Sombre avec son
sanglier d’ébène au fronton de la troisième maison. L’Avachie,
où à grand renfort de madriers, les masures s’appuient les unes
sur les autres, tant et si bien qu’on se croirait dans un tunnel.
L’échelle aux Crapauds, avec son cirque d’amputés. Et les cinq
autres, sans compter les traboules et les recoins que ronge la
noirceur. Si tu marches dans ces rues, méfie-toi de la fin du jour.
Le temps est traître par là-bas, et la nuit vient sans prévenir.
– Mais si par malheur, l’obscurité te surprend, ne perd pas de
temps à allumer une bougie ! Aucune lumière ne résiste, même les
étoiles finissent par se faire dévorer.
– Surtout ne sors pas tant que durent les ténèbres. Il traîne
par les rues d’horribles gangs d’aveugles, qui ne pensent qu’à
détrousser et mutiler les malchanceux qu’ils croisent, perdus
dans l’obscurité. S’ils se saisissent de toi, tu connaîtras mille
tourments, jusqu’à ce que tu perdes l’esprit, et que débarrassé
de tes globes oculaires, tu rejoignes leur horde ricanante et
sadique.
– Non tu ferais bien mieux de rester ici, à la taberge, avec
tes gentils tontons, qui vont même t’offrir un verre de sirop. »
des fresques qui intéresseraient au
plus haut point des historiens. Ainsi au
6 de l’échelle Glauque, j’ai pu relever
une représentation du couronnement de
Cyrmalis II.
Ceci est un appel au secours : alors
que nous croisions ce que je pense être un
carnaval macabre, ramassis de trognes
hilares ou menaçantes, une mégère qui se
ruait vers moi en agitant une crécelle
me fit prendre les jambes à mon cou. La
dernière chose que j’ai entendue, c’est
mon mage qui me criait de ne pas cou-
rir et, soudain une chute en avant, une
trappe et la lumière chaude d’une salle.
« Eh bien voilà qu’on nous les livre à
domicile. On n’arrête pas le progrès, pas
vrai M. Krupp ? Hop, place à l’Art ! »
Les bras épais du silencieux M. Krupp
me cueillirent sans effort et je me re-
trouvai sanglé dans un véritable fauteuil
de torture, la mâchoire écartelée par un
appareillage d’acier. « Ah !, l’inspiration
M. Krupp, voilà une maîtresse infidèle,
soupira un petit homme fauve aux grands
gestes théâtraux. Bon, partons sur du
classique, de l’indémodable. Le profil de
Mandala Ier dans l’incisive gauche et
une reproduction de la proue du "Tanith-
Lenath" dans la prémolaire inférieure. » Le
reste du discours fut couvert par le bruit
du burin et mes cris de douleur.
Je dois maintenant régler ma dette,
qui s’élève à cinq mille lithals, pour la ré-
alisation de cette extraordinaire œuvre
d’art. Si quelqu’un retrouve ces feuillets,
je le prie de bien vouloir les rapporter
au temple du Poisson d’argent qui saura
bien quoi en faire.
Le Châtiment 275
 Lieux d’intérêt

4 13
7 17 7
999 7

2
1
14 3 9

C D E F G

276
 Le quartier de la Reconquête (G8) La place des Mille Parfums (F8)
21
1 Projet ambitieux du saint Roi-Dieu Nin Ier, @
21
7 L’endroit ressemble à un mirage. On y perd
3 @
ce quartier regroupe quelques bâtiments @ vite le fil, noyé dans les odeurs des herbes 10
@

/
12

/
remis à neuf et « stabilisés » au moyen de @ et des épices les plus rares, en vente sur les 19
@
pierres sanctifiées par les quatre Temples. étals. Les drogues ne manquent pas et on
les consomme parfois bien malgré soi.
Le monument du Souvenir (G8)
21
2 En face du pont des Illusions, cette œuvre 1 L’échelle aux Noyés (E8)
@ 21
14

/
commémorant le Châtiment, sera bientôt 5 Que fait une caravelle, le Bélial, échouée
7
inaugurée et dévoilée au public. en haut d’un bâtiment ? Pourquoi les @

/
10
habitants du coin s’enferment-ils les jours
Le Damne-Gosier (G8) @ d’intempérie ?
21
3 Cette taberge est en passe de devenir la @
3

/
10
coqueluche du Tout-Laelith. @ La rue Morte (F7-F8)
21
17 Voilà une des rares rues géographiquement
La rue de Jouvence (E7) stables mais, plaisanterie du destin,
21
4 Cette rue est un piège pour celui qui s’y personne ne songerait à y aller. Nul n’y
@ 12
aventure. On y rajeunit à chaque pas, et le réside, les portes et les volets y sont

/
@
16
seul moyen de la quitter, avant qu’il ne soit perpétuellement clos et gardent la trace @ 13

/
trop tard, est de donner la mort. funeste des ongles de ceux qui s’y sont @
16

perdus. Car le vent aime à venir jouer dans

La rue Grouillante (G7) la ruelle, un vent violent et prédateur, qui
21
7 C’est une masse de vers et de tentacules emporte les passants comme des feuilles,
sinueux, imitant la forme des bâtisses ; un pour les pousser dans le vide et les jeter
intestin visqueux qui rampe et se contracte, dans l’Inlam.
parodiant une venelle ; un des viscères de
la terrasse. Cette artère vivante est capable Le temple des Anciens (C8-D8)
de digérer un homme pour ne jamais le @ 10
21
999
C’est une grande charogne de pierre
/

recracher. Elle se déplace sans cesse, on la @ rongée jusqu’à l’os. Le Châtiment a

18

trouve toujours par hasard. Elle est censée
abriter en son sein le Guérisseur aveugle,
un homme miraculeux, capable de vous
soigner de tous les maux pour peu qu’on
soit capable de lui dire très exactement la
date et l’heure locales.
brisé les colonnes et fait s’effondrer les
chapiteaux, les hommes ont pillé les pierres
pour construire la terrasse. Pourtant, une
aura mystérieuse plane encore sur les
décombres. Les légendes abondent et peu
@
de gens osent se risquer dans les allées, 5
@

/
à part peut-être l’herzog Bogomolet, 15
@
La rue des Reliques (F7) prince autoproclamé d’une horrible cour
21
13 Dans ce bazar d’étals et d’échoppes, on des miracles. Mais tout autour, une foule
vend toutes sortes d’objets étranges dévote de réfugiés s’évertue à redonner à
@
et parfois magiques. Mains de gloire, 5 ces lieux leur vocation première et entrer
@
/

talismans grotesques, biscuits chanteurs ou 18

en communion avec les Dieux qui les ont
@
bibelots porte-bonheur… peu importe, vous condamnés. Un vrai village de tentes
ne pourrez quitter la rue que si vous achetez s’étend ainsi aux abords de l’ancien temple,
quelque chose. tout autour de l’arbre à fièvres.

Est-il possible que je me sois réveillé dans la nuit pour finir le plan ? La
numérotation est chaotique, mais c’est la seule qui trouve sens à mes yeux.
Quatre pierres à aiguiser la lame de la Faucheuse. Sept commencements
et sept fins, pour l’Homme comme pour le chêne. Treize soleils défunts pour
les voyageurs huvaliniens…

Le Châtiment 277
 Vue d’ensemble
Les échecs
tentaculaires
Taillés dans les polypes de la rue
Grouillante, les pions sont « vivants ».
Il faut vite attraper ses pièces et quand
un roi mange un fou, ce n’est pas une
métaphore. Plus on gagne, plus son jeu
est affamé. On a vu des joueurs près
de la victoire frapper sur la table et
déclarer forfait tandis que leur reine les
étranglait violemment.
Quartier du Sans Soleil
Refuge possible dans l’estaminet
minuscule de maître Loliput, ou chez
Classignole (« il a un doudilain sous le
bonnet, parle à son araignée domes-
tique comme s’il parlait à sa femme,
mais c’est un bon bougre et sa porte est
solide »). Chez Loliput, surtout ne pas
commander d’œuf à la coque.
278
Est-ce en les imitant que les Pies-grièches ont convaincu les oiseaux de la place Corve
de les nourrir ? J'ai vu voler une de ces sorcières au-dessus d'un toit en piaillant.
Itinéraire (dé)conseillé
Raison et châtiments
Les Laelithiens font souvent ce cauchemar
récurrent : pressés par leurs affaires, ils se
hâtent dans les échelles en pente de la cité, lut-
tant contre la foule en sens inverse, esquivant
les ookhabs et leurs excréments, quand tout
à coup, le calme se fait autour d’eux. Surpris
par cette absence soudaine de tumulte, ils re-
gardent autour d’eux et comprennent, effa-
rés, qu’ils sont entrés en Châtiment. La suite
du songe est plus intime : certains se font
tout simplement éviscérer par les malandrins
qui peuplent la terrasse maudite. D’autres se
lancent dans une course effrénée, tournant
dans un labyrinthe de rues hallucinantes,
poursuivis par des monstres horribles. Il en
est même qui se retrouvent tout nus, au mi-
lieu de leurs connaissances pour se marier à
leur belle-mère… La plupart des Laelithiens
se réveillent en hurlant de ce genre de rêve.
Malheureusement, pour une partie d’entre
eux, le cauchemar continue même si leurs
yeux sont grands ouverts.
On n’entre pas en Châtiment volontaire-
ment, sans une bonne raison et le courage
solidement chevillé à son âme. Et on n’en sort
pas. Ou si peu. Selon la croyance populaire,
seuls les « justes » trouveraient la sortie de la
terrasse. Les autres seraient condamnés à er-
rer dans un quartier fou, où les rues, les bâ-
timents, les statues se jouent d’eux, charmant
tout d’abord leurs victimes par une impression
de tranquillité ou la promesse de richesses fa-
buleuses, les entraînant dans un labyrinthe
sans cesse mouvant, ne menant jamais deux
fois au même endroit, avant de se transformer
en piège sordide, voire mortel !
 La population y est hétérogène. Pèlerins
malchanceux, clochards et désespérés essayant
de disparaître de la surface du monde, artistes
peintres de l’échelle des Toits pointus qui se
sont égarés un soir en rentrant de la taberge.
Les enfants n’y sont pas plus rares qu’ailleurs ;
les gens se raccrochent à ce qu’ils peuvent, ne
serait-ce qu’un sourire de gosse. Et puis il y a
les rejetons de la rue de Jouvence, les rajeunis
assassins aux visages de poupon et aux sou-
rires étranges. Si la plupart des résidents du
Châtiment essayent de garder une part d’hu-
manité et de décence, d’autres se laissent dou-
cement corrompre, et sombrent dans l’anima-
lité et les recoins obscurs de la terrasse. Pour
ne rien arranger, la Cité sainte et ses gardes
repoussent parfois, à grand renfort de halle-
barde, les criminels et les indésirables vers les
ruelles maudites, un peu comme on utilise-
rait une prison à ciel ouvert. Et la terrasse, en
bonne ogresse prédatrice, referme ses bras de
pierre autour de ses nouveaux enfants.
Certains parias de la terrasse affirment
même qu’ils viennent d’ailleurs, d’un autre
pays, d’une autre époque et ont atterri là un
jour de brouillard. Ce qu’ils racontent est tout
bonnement extraordinaire, comme le plongeur
du Vingt ans ça suffit qui conte à qui veut l’en-
tendre qu’il a appartenu à la « garde verticale »,
qu’il patrouillait entre les « îlots terres » monté
sur un escargot géant, avant de faire naufrage
dans ce quartier maudit de Laelith. Dès que la
brume envahit l’échelle, le bougre fait ses ba-
gages et ses adieux, pour aller se perdre dans
la vapeur en hurlant le prénom de ses enfants.
Il finit toujours par revenir à la taberge. La
dernière fois ce fut avec un œil en moins. Les
animaux se font aussi piéger de la sorte, et l’on
raconte encore l’histoire de ce cerf majestueux
qui se réveilla affolé, les bois zébrant les murs
des ruelles étroites, à deux pas de la rue Morte.
On se souvient également du banquet qu’en
firent l’herzog Bogomolet et sa clique.
La nourriture n’est pas toujours aussi festive,
on mange ce qu’on peut. Beaucoup n’ont pas
les moyens de s’offrir les mets étranges pro-
posés sur les étals de la place des Mille Parfums
et qui viennent d’on ne sait où. Bien sûr, il y a
les aumônes des Temples, quand leurs prêtres,
en robe d’apparat, s’aventurent jusqu’aux
Le randonneur des toits
« … C’est ainsi, sur la foi de ce gargotier
rougeaud, que je grimpai sur le toit de
vieilles lauzes en compagnie de mon
escorte dubitative. Nous repérâmes
mon étonnant confrère au crépuscule,
lorsqu’il alluma sa lanterne, à neuf bâti-
ments de distance. Alcide le Faucheux,
résident du Châtiment depuis près de
deux ans, se déplace exclusivement
sur les toits. L’homme semble avoir
entrepris de dresser, depuis les hauteurs,
une cartographie de la terrasse, notant
la position des bâtisses au crépuscule et
à l’aube. Alors que l’obscurité gagnait, il
nous offrit de nous héberger sur un toit
sûr, dans sa tente au confort tout relatif,
dressée pour la nuit contre une chemi-
née un peu chaude. Nous notâmes que
l’homme, ayant renoncé à redescendre
dans les rues, se nourrissait grâce à des
rapines effectuées à l’aide d’une simple
canne à pêche. Autour du bivouac, il
me confia guetter également la surve-
nue d’un orage particulier, capable selon
lui d’ouvrir un portail vers Agramor, sa
contrée d’origine… »
Le Châtiment 279
 Les cobayes
« Au hasard de mes pérégrinations, je
tombais nez à nez avec deux personnes
en très piteux état. J’appris alors qu’elles
louaient leurs corps pour subir toutes
sortes d’expérimentations, essentielle-
ment médicales, dans l’espoir peut-être
qu’un jour, à force de recherches, on
finisse par trouver un remède à leurs
maux. Mes deux interlocuteurs étaient
atteints de salfaye, d’après leurs dires,
mais j’en rencontrais plus tard quelques
autres atteints de la peste des plateaux,
de la cholérose, de la rage verte, de la
lithre et même de la faillite. Ces pauvres
individus, bien souvent volontaires,
sont embauchés pour la plupart par
des étudiants du Nuage, des prêtres des
quatre Temples ou encore par certains
magiciens de la Tour mineure. Et si le
sort s’est déjà acharné sur eux avec leur
maladie, certains sont encore plus mal-
chanceux et finissent dans le laboratoire
d’un nécromancien ou d’un savant fou
qui ne les laissent jamais repartir. »
Brèves de taberge
« J’en reviens pas, j’ai croisé une arai-
gnée qui dansait, un gars qui voulait
m’vendre un sosie de mon logeur pour
que j’le savate et un grand type mauve,
à demi-nu, qui poursuivait un enfant
hilare et bleu turquoise…
– Ah, les deux derniers, ce sont
sûrement des touilleurs-plongeurs de
la teinturerie de maître Hong qui ont
quitté leur cuve ! Par contre, moi, j’ai vu
un mec trop louche : il s’trimbalait avec
un masque du Roi-Dieu, seul, au beau
milieu de la rue !
– Si ça s’trouve c’est çui qu’a disparu
y a longtemps : Mandala chais plus
combien.
– Mandala V ?
– Non çui-là est mort peinard.
– Alors ça doit être le X qu’a fini bre-
dingue. Mais il portait pas de masque !
– Bah, tu sais, ici ! Y a qu’au Châtiment
qu’on doit se coltiner toute la généalogie
des Rois-Dieux pour savoir quel fan-
tôme on croise… »
280
frontières de la terrasse et lancent depuis des
estrades surélevées des miches de pain et des
victuailles aux miséreux qui portent le poids
du Châtiment. Mais de telles distributions
finissent souvent en émeute, et elles ne pro-
fitent qu’aux plus forts et aux bandes organi-
sées. Alors comme toujours, on se débrouille :
rats en brochette, élevages de pigeons, cham-
pignons cultivés en cave… La faim est un des
démons qui hantent le quotidien des habitants
de la terrasse. Ce qui est étrange, c’est qu’on en
meurt rarement. Comme un félys qui torture sa
proie, le Châtiment aime mieux jouer qu’occire.
Les gens s’abrutissent comme ils peuvent pour
oublier leur estomac qui se vrille. L’alcoolisme
est contagieux, les drogues sont nombreuses.
Pour ce qui est du cannibalisme et des rites fu-
néraires, il vaut mieux ne pas creuser le sujet.
Et mieux vaut ne pas compter sur les gardes
pour empêcher quoi que ce soit. Il y a bien deux
postes, l’Encre et le Charbon, mais ils sont si-
tués en bord de quartier, les gardes se conten-
tant de faire des rondes à la périphérie. À l’in-
térieur, d’anciens héros déchus et désormais
prisonniers du Châtiment, les Repentants, es-
sayent d’apporter un brin de sécurité aux habi-
tants, en espérant que leurs bonnes actions leur
vaudront un billet de sortie. Mais ils sont peu
nombreux et leur zone d’influence est limitée.
Autant ne compter que sur soi et sur un groupe
soudé. Des parodies de procès sont parfois or-
ganisées quand la communauté en ressent le
besoin : la dernière fois, pour juger Clairmonte
l’Écornifleuse qui avait présenté un système
pyramidal comme une action caritative, deux
« avocats » se sont affrontés, chacun essayant
de mettre l’autre à terre suffisamment long-
temps pour pouvoir dérouler sa plaidoirie.
Fatalistes et résignés, les habitants ne
prennent pas la peine de chercher à domp-
ter la terrasse. La signalisation est minimale.
Pourquoi perdre son temps à graver des pan-
neaux alors que les rues changent sans cesse,
et que nombre d’habitants ne savent pas lire ?
Les habitués se repèrent grâce à certains détails
saillants dans les façades, comme le veau d’or
bicéphale au coin d’une vieille échoppe aban-
donnée ou le chaudron de pierre d’où s’échappe
une main, gravé sur le fronton d’un bâtiment
muré. Les commerces, avec leurs bruits carac-
téristiques et leurs odeurs sont autant de points
de repère : la cordonnerie du vieux Miach et
ses coups de marteau, la Teinturerie improbable
de maître Hong… Les plus doués connaissent
même les affinités entre les lieux, qui bien que
mobiles et trompeurs, ne sont jamais très loin
les uns des autres. Ainsi, si vous cherchez la
rue Grouillante, trouver la taverne du Vingt ans
ça suffit, où l’on joue aux échecs tentaculaires,
est un signe indéniable que vous approchez du
but. Même si personne n’est capable de vous
dire dans quelle direction aller à ce moment-là.
Nulle part ailleurs, les petites superstitions
réglant le quotidien n’ont autant d’emprise :
« Table vide de taberge, passage pour l’autre
berge », « Qui fait demi-tour se perd pour tou-
jours », « Ce qui est gratuit, forcément te nuit ».
Les maximes sont tellement présentes dans
les esprits qu’il est parfois difficile d’avoir une
conversation suivie avec une personne, sans
avoir l’impression d’ouvrir un recueil d’apho-
rismes. « Au royaume des menteurs, les ta-
toueurs-cartographes sont les rois » ou « Rien
ne sert de courir, il faut périr à point » et en-
core « Paroles répétées enterrent la vérité ».
Les tabous et les interdits font florès et ne pas
les suivre expose à de grands dangers. Certains
disent ironiquement que c’est le meilleur moyen
d’échapper au Châtiment. Définitivement.
Les légendes abondent. Les gens ont peur de
marcher d’une rue à l’autre, de sortir des zones
balisées et on les comprend. Le moindre quar-
tier un peu éloigné devient une terre exotique,
avec ses merveilles et ses monstres : « Dans
l’échelle Guingois, les gens marchent sur les
murs, le ciel n’est plus au-dessus de votre tête,
mais sur le côté… » ou « Le vieil homme au
fond de l’impasse Maturine, voilà plus d’un
siècle qu’il est à la fenêtre. Il attend on ne sait
quoi, peut-être la mort qui l’a oublié. Un jour,
le cousin de mon voisin est entré chez lui suite
à un pari stupide et il a vu que le vieux avait fait
corps avec son siège, le rotin lui rentrait dans les
veines et il s’enracinait dans le quartier… ». Les
parias s’inventent même des paradis, comme
la taverne de l’Entonnoir d’argent, où tout est
luxueux, à des prix imbattables ; ou l’Escondide,
ce petit quartier clos et utopique, tenu par des
artistes libertaires. Exagérations, fantasmes ?
Tout devient plausible dans un endroit comme
celui-là. Et comme ceux qui osent braver le la-
byrinthe des rues sont les ivrognes et les fous, ce
sont eux qui colportent les histoires. Il est donc
difficile de trier le bon grain de l’ivraie.
La misère est partout. On y fuit plus que
l’on y marche. Et pourtant, les dingues et les
poètes entrevoient dans la terrasse des beautés
insoupçonnées, un exotisme brut et baroque.

Comme dans les peintures du maître Van
Yeronimus, quelques mois avant qu’il ne se
jette dans la Faille. Dans quel autre quartier
croiser ces gens coiffés d’une tuile censée les
garder « toujours à la maison » ? Dans quelle
échelle assister à la querelle entre un homme
aux dents sculptées, au corps couvert de ta-
touages mobiles, et un essaim de grands rats
jaunes, tous noués par la queue ? La terrasse
fascine autant qu’elle révulse. Les fêtes y sont
violentes et sans limites, car tout est bon pour
exorciser la peur.
Mais pourquoi l’influence d’une catastrophe
survenue il y a des siècles, fut-elle surnaturelle,
continue-t-elle à souffler dans les échelles mau-
dites de la terrasse ? Parce qu’elle est sise juste
aux abords des ruines du temple des Anciens qui
prit de plein fouet le cataclysme provoqué par
les Dieux ? Parce que ses premiers habitants
n’ont rien trouvé de mieux que de profaner
ce lieu saint en y volant la moindre pierre qui
a construit leurs maisons, leurs pavés, leurs
porches ? Parce qu’à force d’y concentrer tout
ce que Laelith compte d’indésirable, d’abject,
voire de criminel, il est normal que le quartier
ressemble à un condensé des enfers de toutes les
religions de la Cité sainte ? L’endroit garde pour
lui ses terribles secrets, enfouis au plus profond
de ses venelles. Du moins pour le moment.
Le nouveau Roi-Dieu est à l’origine d’un pro-
jet grandiose : rien de moins que la Reconquête
de la terrasse, l’idée étant d’assainir le quartier,
de gagner de l’espace, mais surtout d’afficher sa
Si on ne désherbe pas souvent les terrains
vagues, il y pousse des vulpes-lierres qui
ravagent le quartier quand ils sont mûrs.
volonté de changement aux yeux des Laelithiens
et sa capacité à faire évoluer les choses. Pour
cela une armada de personnes aux compétences
variées a été mobilisée. Savants, prêtres, mages,
cartographes, architectes, entrepreneurs, sans
oublier aventuriers n’ayant pas froid aux yeux,
c’est une véritable petite armée qui rive ses
yeux vers cette partie de la ville, et l’assaut a
déjà commencé. À sa tête, Sancillo Korasy est
chargé de fédérer toutes ces bonnes volontés.
Ce projet pourrait changer beaucoup de choses
et bousculer bien des habitudes, même dans les
terrasses voisines. Diverses formes de contesta-
tion commencent à prendre leur essor.
Pour commémorer le Châtiment, afin que
tout un chacun puisse célébrer et ne pas oublier
la toute-puissance des Dieux quand la terrasse
sera devenue un quartier comme les autres,
les autorités prévoient, à la sortie du pont des
Illusions, l’érection de deux mains de bronze.
Titanesques et incandescentes sous le soleil,
elles seront réunies dans un geste de prière vi-
sant à apaiser les cieux. Elles seront moulées
d’après les mains de Nin Ier. L’inauguration
du monument du Souvenir est imminente. Et
déjà tout Laelith se pose la question : est-ce le
temps du pardon ? Que deviendra la terrasse ?
Que deviendront ses habitants ? Et surtout,
quitte à frôler le blasphème, le pouvoir d’un
homme, fut-il Roi-Dieu, peut-il infléchir une
malédiction millénaire ?
Le prince crocodile
Dans une vieille fontaine non loin de la
place des Mille Parfums, un crocodile
tourne en rond. L’animal semble inca-
pable de sortir du bassin, dans lequel il
demeure immergé la plupart du temps.
On l’appelle « le prince ». Il s’agirait en
effet d’un authentique prince échoué là
sous cette forme par la mauvaise grâce
d’une malédiction lancée par on ne sait
qui, on ne sait quand. On jette volon-
tiers dans le bassin des piécettes, car le
crocodile exauce les vœux formulés
secrètement à cette occasion. Certains
racontent qu’à chaque piécette, le prince
refait peu à peu sa fortune. Quand il
aura assez d’argent, dit-on, il pourra
payer la somme convenue auprès d’on
ne sait quel diable pour sortir du bassin
et aller se venger.
Dans les dents
« Je regrette pas de m’être greffé les
dents du Robert quand il est mort :
pour vivre aussi vieux, il avait for-
cément un truc et grâce à ses dents,
j’l’aurai aussi ! En plus, la douleur
semble faire comme une boussole :
chaque fois qu’ j’me rapproche du
temple des Anciens, ça m’vrille
les gencives ! »
Le Châtiment 281
 Un lieu
L’herzog Bogomolet
En place depuis longtemps, certains
se souviennent même du jour où il est
revenu avec vingt années de moins. Les
vieux le regardent de travers et on chu-
chote qu’il a sûrement tué quelqu’un
dans la rue de Jouvence ou bien passé
un pacte avec d’obscures créatures. En
réalité, il y a bien un pacte, un contrat
même. L’herzog n’a jamais accepté de se
voir décliner. Dans sa folie, il a engagé
un sosiste. Depuis c’est un double de lui,
plus jeune, qui le remplace, tandis que
l’herzog original l’observe en coulisse,
défiguré par l’âge, la privation et les
cuites successives. Mais Bogomolet le
Vieux trouve que Bogomolet le Jeune
prend des rides. Il songe à le faire dispa-
raître et procéder à un nouvel échange.
282
Le temple des Anciens
Les ajournés
du patrimoine
« Le temple des Anciens est une blessure
ouverte, le stigmate qui ne guérit jamais sur
le corps maçonné de la Cité sainte, et il sem-
blerait que les parias du Châtiment fassent
tout pour l’empêcher de cicatriser. » disait
déjà Mandala X. Malgré les siècles, cette
vérité demeure. Colonnes brisées, cryptes
mises à nu, arcs-boutants pareils au sque-
lette dénudé d’un cétacé abandonné sur une
plage, depuis toujours les gens se sont servis.
Ils ont arraché la pierre des chapelles pour
construire leur masure, kidnappé les idoles
pour en faire des cariatides au coin des ar-
tères maudites de la terrasse. Le temps a
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dévoré les couleurs des frontons et la pluie
a giflé les statues jusqu’à les rendre mécon-
naissables. Pourtant une certaine majesté
demeure et le visiteur, s’il est assez fou pour
s’y promener seul, sentira bien vite que ce
grand cadavre de pierre n’est en fait qu’as-
soupi, vibrant de mille voix que l’on croyait
éteintes, tandis que brûlent encore sous la
poussière des siècles les braises d’un feu pri-
mordial que jamais personne n’étouffa.
Les gens qui sont venus se perdre en
Châtiment sont souvent des personnes fer-
ventes et religieuses, comme la majorité des
habitants de la Cité sainte. Emprisonnées
dans ce quartier maudit, elles ne peuvent plus
fréquenter aucun des quatre Temples. Alors
c’est tout naturellement ici, dans les ruines
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du temple des Anciens, près des Dieux qu’il leur reste,
qu’elles viennent prier. Ainsi, un village de tentes et de
cabanes perdure aux frontières des ruines, un bidonville
rempli de miséreux et de gens effrayés et qui déborde
dans les ruelles adjacentes. Les habitants de ces bara-
quements vivent dans l’ombre de puissances antiques,
cherchant aveuglément leur protection, attentifs à ne
pas trop les réveiller. Et quand ils leur adressent une
requête, nul ne sait quels pouvoirs peuvent être mis
en marche. Car les puissances présentes ici n’ont rien
à voir avec les idoles policées de l’extérieur. Elles sont
plus anciennes, des entités brutes, venues d’une période
barbare, difficilement identifiables et désorientées par
le Châtiment.
Parmi les plus aimables, citons le Déchaussé, l’Assis
sur le Bélier à deux têtes, une grande statue fatiguée,
ses yeux de pierre perdus dans le vague et qui « habite »
une nef faite de bâches. Les indigents viennent parfois
dans la chapelle reconstituée pour masser son pied nu
avec un peu de graisse ou de saindoux. Mais quand leur
prière n’est pas exaucée assez vite, c’est à coups de cein-
ture qu’ils se déchaînent sur la sculpture de marbre. Ils
la giflent, la fustigent et lui crachent au visage. Ils l’in-
sultent et le menacent de faire bien pis s’il ne les entend
pas…
Personne en revanche ne porte la main sur Notre Dame
du Clou. Pourtant c’est une petite idole noircie par les
années, les mains jointes, un clou au milieu du front, dans
l’obscurité d’une vieille crypte après un escalier traître et
moussu. « Regarde la Grenache, vois son teint de cendre,
elle n’en a plus pour longtemps, elle a été vouée ! » Voilà
ce qui est murmuré au passage d’une damnée. Car si l’on
chuchote à l’oreille de la Dame, c’est pour maudire son
prochain et le promettre à un destin féroce et mortel.
Parfois cependant, le haineux n’a même pas le temps de
lancer sa malédiction. La Dame a son caractère, et l’on
retrouve quelquefois ses croyants la nuque brisée, en bas
du petit escalier glissant.
Les superstitions sont multiples, chacun s’accroche
à ce qu’il peut. Chaque groupe de miséreux avec leurs
grappes de tentes se rassemble autour d’un protecteur
local : une gargouille couronnée aux yeux pédonculés sur
une corniche, deux mains de granit féminines sur un pié-
destal amputé. Les communautés de parias se cimentent
autour de ces repères et des restes de leurs existences
d’avant. Les mendiants de l’Escargot-Sire sont tous des
ivrognes plus ou moins repentis qui se sont perdus un
soir de cuite. Les pénitents des Deux Sœurs essayent de
racheter leurs péchés en accueillant du mieux possible les
nouveaux venus, et en se démenant pour qu’ils trouvent
un abri.
Sous la plus haute des arcades brisées à laquelle
ils ont pendu un gonfalon de misère, se trouvent les
Circuit touristique
Le bidonville : sa taille varie avec les saisons et les arrivages de
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réprouvés.
La chapelle de toile du Déchaussé : certaines personnes déso-
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rientées y dorment parfois sur des bancs de pierre, vestiges du
temple des Anciens. Parfois elles sont réveillées en sursaut par un
fidèle en train de frapper la statue.
L’arbre à fièvres : les ramures écarlates de cet arbre antique se
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rétractent comme les vaisseaux d’un organe invisible, ses racines
noueuses agrippées à la pierre du Châtiment. De multiples parche-
mins, cloués à l’écorce avec des pointes d’argent, témoignent des
pactes que les habitants ont passés avec les Puissances, mais cer-
tains sont en charpie et à deux doigts d’être emportés par le vent,
d’autres délavés par la pluie et quasiment illisibles. Tout s’y négo-
cie, drogues et autres On y trouverait des commerçants étranges
prêts à échanger une pinte de sang frais contre de l’or ou de la fa-
rine de champignon. D’autres négociants sinueux proposeraient
même un chemin pour quitter la terrasse, mais à quel prix ?
Notre-Dame-du-Clou : le pèlerin haineux trouvera au bas d’une
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volée de marches glissantes les cryptes où dort l’idole.
L’Escargot-Sire : le visage de pierre semble surveiller de ses yeux
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étranges l’assemblage d’ivrognes qui s’arsouillent parfois autour
d’un véritable bar improvisé. Trois planches vermoulues, jetées
entre deux colonnes brisées, d’étranges alcools locaux, et voilà la
seule taberge du bidonville.
La Grande Douve : large fossé asséché qui fait un arc de cercle
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avant d’être comblé par les ruines, la Douve est encombrée
de tentes et de toits de toiles, l’encaissement permettant de
construire un refuge. On y trouve des semblants de commerces et
nombre de mendiants. Une confrérie s’est organisée autour d’un
cœur de pierre sculpté sur le tablier du pont et sous la protection
des Repentants. Ici on essaye d’accueillir les miséreux, et parfois
même on organise une distribution de soupe.
L’arcade des Repentants : près de l’ogive brisée, un pont encadré
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de statues mutilées au-dessus d’une douve asséchée leur sert de
salle d’armes en plein air, quand ils s’entraînent et échangent leurs
bottes et leurs techniques.
Le jardin Interdit : peu de gens osent s’aventurer dans ce chaos
8
végétal où semblent dormir des dizaines de sculptures de bronze.
Couchées ou avalées par la végétation, elles ont toutes quitté leur
socle, et l’on raconte que les nuits bien lunées, elles vous suivent
des yeux, et que celui qui s’érafle sur leurs lances, leurs flèches ou
leurs barbillons meurt dans la semaine.
Les catacombes Bogomolet : il fallait la mégalomanie de l’he-
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rzog pour s’approprier les kilomètres de cryptes et de corridors qui
courent sous les ruines du temple des Anciens. Mais rien ne semble
pouvoir arrêter la prétention du personnage. À moins qu’un soir de
soûlerie, sa seigneurie et sa clique ne se promènent trop près des
abysses et qu’ils ne croisent ou ne déterrent quelque chose qui ne
craindra pas leurs menaces avinées.
L’étang de la Phalange : quand la colère des Dieux s’abattit
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comme un poing sur la cité, une phalange divine aurait créé ce
grand creux oblong où s’accumulent les pluies, les écoulements et
l’ordure formant une mare noirâtre dont on ne voit pas le fond.
Après une glissade, un mendiant repêché en aurait perdu l’esprit
et balbutierait depuis des horreurs sans suite.
Le Châtiment 283
 Le Moulin
« Le Meunier emploie des morts qui
font tourner sa meule. Personne n’en
parle parce que la farine de champignon
est précieuse. Mon père fait partie des
forçats. Il s’est vendu pour effacer ses
dettes. Ils sont venus le chercher le
jour de sa mort. Mais chaque année il
revient pour le jour des cendres, silen-
cieux et sec. »
Brève de taberge
« Je serais toi, je planquerais mon surin
par les temps qui courent, et j’aurais
plutôt recours à la matraque…
– Qu’est-ce que tu me racontes, la ma-
traque ? J’ai un contrat sur un merlan
qu’a abîmé les cheveux de la régulière à
Tito, tu veux pas que je fasse ça comme
un sagouin, non ?
– C’est toi qui vois, mais alors fais ça
discret : l’autre soir y a Gontran qu’a
voulu éventrer du rupin à coups de bra-
quemart, et tu vois pas qu’il est tombé
sur les brigadiers !
– Les brigadiers ?
– Quoi, t’en as pas entendu causer ?
C’est des Repentants, mais ceux-là, on
les reconnaît à leurs tricornes noirs
et à leurs moustaches. Ils patrouillent
comme des rats à la nuit tombante et
ils interdisent à tout le monde le travail
au couteau ou à l’épée !
– Qu’est-ce que c’est que ces conneries ?
– C’est parce qu’ils disent qu’il faut pas
verser le sang, que ça offense les Dieux,
et que c’est pour ça que la terrasse, on
peut pas en sortir, alors ils interdisent
le couteau et l’épée. Et le Gontran, je
vais te dire, ils te l’ont buté à coups de
gourdins, on aurait dit qu’il pleuvait des
bûches. »
284
Repentants. S’il y a nombre de gens qui sont
entrés dans ce quartier pour ne plus pouvoir
en ressortir, un des plus vieux adages au sujet
de la terrasse répète que seuls les justes sont
capables d’aller et venir à leur guise. Mais
comment devient-on un « juste » ? Ils sont
plusieurs dizaines à se poser la question, à
essayer chaque soir de mériter leur médaille
et leur sauf-conduit. Anciens aventuriers,
paladins déchus, vieux héros échoués sur les
plaisirs vénéneux du Châtiment, maudits
marqués essayant de se racheter aux yeux des
puissances quelles qu’elles soient. Tous sont
piégés dans le quartier, ils se sont laissés aller
une fois de trop à la violence, ont abusé de leur
statut, cédé à l’ambition, qui sait ? Certains
n’ont qu’une très vague idée de ce qu’ils ont
fait pour mériter leur incarcération, ces murs
qui se referment sans cesse autour d’eux, ces
rues qui se dérobent et qui font de la terrasse
du Châtiment leur prison.
Et puis peu importe. Ce qui compte c’est re-
dorer son blason, se refaire une virginité, re-
mettre d’aplomb la balance karmique et pou-
voir un jour sortir de cet enfer urbain. Alors,
par bande de cinq ou plus, ils patrouillent, le
soir, dans les pires endroits, les bouges les plus
dangereux, pour en affronter les abominations
et sauver ce qui peut l’être.
Badégésil, le templier cacochyme, une
croix au fer rouge en travers de la gueule ;
Dunedielle, héroïne de guerres elfiques de-
venue parricide ou l’ancien clerc-courtisan
Timeon de Petite-Hune, que l’on surnom-
mait le Vif-Argent, avant que ses mains ne
tremblent, que son œil ne s’éteigne et qu’il
troque sa rapière fée contre quelques rations
de ronge-malheur. Voilà le monde que l’on cô-
toie quand, au crépuscule, on se rend au pied
de l’arcade, pour rejoindre la brigade miteuse
des Repentants.
Plusieurs de ces héros usés ont rejoint les
rangs de la Reconquête. D’autres sont très
sceptiques, et n’attendent qu’une chose : que
Sancillo soit piégé à son tour par le quartier.
En marge du campement, les pierreuses,
prostituées trop défraîchies et trop abîmées
pour travailler ailleurs qu’en Châtiment
hantent les arcades du temple des Anciens,
couronnées de chèvrefeuille, à la recherche
d’un client désespéré. Leur destin est souvent
funeste et violent, leurs habitués ne sont pas
des anges. Si ces filles perdues ont appris à
faire bloc, la religion est leur ciment, et c’est
au pied de la Déesse décapitée, une statue sans
tête, au corps drapé de fleurs et alanguie dans
une pose d’une grâce surnaturelle, qu’elles se
regroupent pour partager le poids de leurs
malheurs.
Loin du village de toile, l’herzog Bogomolet
s’est autoproclamé « le Prince du temple des
Anciens ». Ce grand escogriffe entretient une
véritable cour des miracles, ramassis de scélé-
rats et de mendiants défigurés, qui organisent
des bacchanales échevelées et des cercles de
jeu dans un réseau de caveaux et de tombes
aux cénotaphes scellés. « Bogo », comme on
le surnomme, a des rêves de noblesse, surtout
depuis qu’il a eu des contacts avec des émis-
saires de Sancillo Korasy. Il arpente avec sa
harde en loques le village de toile comme un
seigneur en terrain conquis. Et s’il n’y avait
les Repentants pour le calmer, il aurait depuis
longtemps instauré le cens, la taille et le cham-
part pour faire payer tous ces miséreux qui
viennent « squatter ses terres » et « demander
sa protection ».
Cristal, artiste de rue
Peintre sans grand talent qui est entrée en
Châtiment un soir qu’elle cherchait l’inspira-
tion, Cristal est une exaltée qui recouvre les
murs de pictogrammes qu’elle seule semble
comprendre : signatures gigantesques, aver-
tissements et indications pour les riverains,
elle ne manque pas de bonne volonté… juste
de lisibilité. Conscients que son idée est peut-
être bonne, des Repentants essayent de la ca-
drer, d’organiser ses créations, mais rien n’y
fait. La fièvre artistique la pousse à toutes les
démesures et toutes les maladresses. Cette tête
brûlée, abonnée à la soupe populaire des Deux
Sœurs, pourrait être la première « tagueuse »
de Laelith. Elle court d’aventures rocambo-
lesques en situations périlleuses : commer-
çants et propriétaires souhaitant la punir pour
ses dégradations de biens publics (et privés),
expéditions dans des endroits dangereux
juste pour y apposer sa signature, commerce
avec les créatures inavouables du Châtiment
pour se procurer des pigments (depuis sa der-
nière œuvre pour le chef de guerre Zumhug,
les autres orcs de la tribu des Naseaux vio-
lets veulent avoir les mêmes peintures sur les
lames de leurs cimeterres et songent à enlever
l’artiste).
 Un lieu

La taberge L’allée des chats

du Damne-Gosier
Dans une contre-allée du passage aux
Reflets s’ouvre l’arrière-cour du Damne-
Gosier. À la nuit tombée, on peut y
rencontrer une faune très particulière :
une cohorte de chats. Brumaire et le
Gastrolabe tolèrent ces rôdeurs de

Cuisine et dépendances Pourtant le cuistot reste maussade, peu de

ses apprentis sont réellement doués ou mo-
poubelles (créatures vindicatives et
promptes à l’embuscade, aux gueules
Ancien cuisinier de Teaphanerys XIV, tivés et beaucoup s’enrôlent pour manger à balafrées dont on doute qu’elles aient
l’œil. Certains commencent même à déro- jamais émis le moindre ronron), parce
Gustave Babedec, dit le Gastrolabe, n’a pas eu
ber son argenterie. Sur tout ce petit monde qu’ils éloignent les rats et les souris,
l’heur de s’entendre avec le nouveau Roi-Dieu.
veille le grand Brumaire, sous-chef de cui- fléau de tout tabergiste respectable.
D’aucuns parlent d’une incompatibilité de ca- Pantagruel et Azazel sont les deux
ractère, alors que certains farfelus racontent sine et vieux compagnon du Gastrolabe. Cet
énormes matous qui règnent en maîtres
qu’ils en seraient presque venus aux mains escogriffe silencieux serait un ancien pirate
sur la vingtaine de greffiers de la bande.
quand le monarque aurait réclamé de la mou- du lac. Il faut dire qu’il en a la carrure, mais Pantagruel est un gros chat roux
tarde avec son estouffade de lotte au riz sau- il suffit de le voir réarranger les plats avec capable de faire fuir un ours. Quant à
vage d’Olizya. Ce qui est sûr, c’est qu’à peine minutie, soigner la présentation des mets (et Azazel, ce mistigri doit posséder sous
la rumeur du projet de Reconquête s’est pro- même le pliage des serviettes), pour que l’on son pelage noir le sang d’une araignée
pagée, le maître queux a pris ses cliques et ses doute à nouveau. de combat azilianaise.
casseroles pour s’installer en Châtiment, dans
un manoir à l’abandon, persuadé que ce se- Façade du "Damne-Gosier".
rait le prochain lieu à la mode. Babedec est un
cuisinier de génie, mais les viandes exotiques
qu’il découvre au Châtiment, les ingrédients
étranges qu’il achète sur la place des Mille
Parfums pour mener son art à bien, tout cela
est en train de lui tourner les sens. Peu à peu, le
Châtiment se fraye un chemin dans sa cervelle
en feu. Gustave n’ose pas encore se l’avouer,
mais sa réelle ambition est au-delà d’un simple
mariage de saveurs. Le cuisinier se rêve gas-
tromancien, alchimiste culinaire pour qui un
plat est un support pour tisser un sortilège, un
vecteur pour toucher les âmes et les cœurs de
tous ceux qui le dégustent.
La taberge du Damne-Gosier où il s’est ins-
tallé, est située au bas du passage aux Reflets,
qui la relie, en théorie, à la place des Mille
Parfums. L’édifice n’est plus que le spectre de
ce qu’il a été. Ses plâtres sont gangrenés, ses
pavés fendus, mais un certain luxe demeure.
• La grande cuisine. Après avoir réquisition-
né la salle la plus vaste, le Gastrolabe a com-
mencé à installer ses rôtissoires et ses plans
de travail. Il a fallu engager et former du
personnel sur place. En effet, quand Gustave
a décidé d’entrer en Châtiment, peu de ses
gens de cuisine l’ont suivi. Par contre, les op-
portunités de travail étant rares sur cette ter-
rasse, les candidatures furent nombreuses.

Le Châtiment 285
 Les cordes vocales
de Yoraël
Le Châtiment n’abrite pas beaucoup
de commerces, mais celui de Yoraël
Ezyranish mérite qu’on y prête
attention.
Cet Egonzasthanais, installé depuis
peu à Laelith, s’est en effet spécialisé
dans le transfert de cordes vocales.
Pour quelques lithals (entendez par là
l’équivalent de 100 à 2 000 pièces d’or
suivant la qualité), il vous extirpe la
voix et vous la remplace par une autre
de votre choix, parmi celles dont il
dispose. En plus du paiement classique
en lithals, Yoraël garde votre voix dans
un bocal hermétique au cas où vous
changeriez d’avis et que vous seriez ca-
pable de repayer la même somme pour
la récupérer. Passé le délai d’un mois, il
peut légalement la revendre à un autre
client, tel que le stipule le contrat à si-
gner avant toute transaction. Les cordes
vocales de chaque client transitent ainsi
dans sa boutique.
Comme Yoraël échange une voix
contre une autre voix, mais qu’il en
possède une bonne centaine en bou-
tique, on est en droit de se demander
qui lui a fourni les cent premières ?
Ou plutôt, comment se les est-il
procurées ? C’est un secret qu’il se
garde bien de révéler, et les rumeurs
vont bon train. La plus probable est
qu’il les a ôtées lui-même des corps
d’innocents à l’aide de quelque
sombre magie.
Il semblerait que Yoraël soit à la
recherche de sa propre voix, qu’il aurait
perdue (ou qu’on lui aurait volée) il y a
maintes années, et qu’ouvrir cette bou-
tique était pour lui le meilleur moyen
de la retrouver.
Certaines voix sont très rares et les
clients habituels (des riches notables,
des nobles, et même des diplomates) se
les arrachent dès leur mise à dispo-
sition, certains allant même jusqu’à
surenchérir.
Le transfert vocal se fait dans l’ar-
rière-boutique et nul ne sait exactement
comment il opère pour échanger les
deux voix. De longues phrases incom-
préhensibles sont murmurées tandis
qu’il gesticule tout en manipulant les
bocaux. Est-ce de la magie divine ou
profane ? Ou tout simplement un don
des Dieux ?
286
• Le fumoir aux horreurs. Depuis le plafond
de cette pièce pendent des crochets d’acier
où dodelinent des carcasses immondes. Ici,
le Gastrolabe débite, faisande et confit n’im-
porte quel monstre que les aventuriers pour-
raient lui amener, contre une jolie prime.
• L’antre du maître est un véritable laboratoire,
équipé luxueusement. Babedec a déjà frôlé la
catastrophe quand il a testé sur ses marmi-
tons son consommé de pleurotes des porches
à l’ail lunaire. Les gâte-sauce extatiques ont
commencé à léviter en riant aux éclats et,
comme ils dérivaient vers les fenêtres grandes
ouvertes, il a fallu que Gustave et le grand
Brumaire les attrapent à coups d’épuisette.
• Les anciens thermes du manoir.
« L’avantage du Châtiment, c’est que si
quelqu’un disparaît, personne ne se pose la
moindre question. Quand on est cannibale,
c’est comme un immense buffet garni où l’on
n’aurait pas à payer la note. Le seul problème
concernait la qualité très bas de gamme,
c’était maigre, défraîchi et sans saveur. Mais
tout change. Rien de tel qu’un habitué du
Damne-Gosier. C’est tout frais, revigorant, et
on ne sait jamais vraiment à quoi c’est fourré,
un peu comme un chocolat kaocalien… » Ce
constat fait, certains prédateurs du Cloaque
ont depuis peu la vilaine manie de remonter
par les bassins d’eau sale et stagnante pour
aller rôder dans les vastes couloirs et s’em-
parer d’un des trop nombreux marmitons
Prologues :
Commis d’office
Babedec veut visiter les gargotes de la ter-
rasse et goûter leur tambouille pour choi-
sir du personnel. Mais entre ses remarques
acides sur ce qu’on lui sert, les dangers
du Châtiment et les spadassins qui aime-
raient l’enlever contre rançon, il y aura fort
à faire pour son escorte…
Piège de porcelaine
Alors que les aventuriers sont à la cave pour
éradiquer des rats géants, le Damne-Gosier
est pris d’assaut par des Porte-ténèbres qui
se barricadent et prennent les clients en
otage. Ils savent, grâce à Condamine, que
tous les premiers du mois, un noble vient
souper à dos de shedras. Ils veulent dé-
tourner le reptile et larguer une bombe de
pollen toxique sur la Haute Terrasse.
qui mangent à l’œil pendant leur formation.
Gustave Babedec ne comprend pas pourquoi
son équipe disparaît peu à peu. Il craint qu’ils
aient démissionné sans oser le lui dire, voire
pire qu’ils aient été débauchés par une ima-
ginaire concurrence.
• Le dortoir des cambusiers. Dans les chambres
se sont installés une vingtaine de commis en
formation. Babedec a engagé comme il a pu
et risque de s’en mordre les doigts. Rudo est
un filou qui ne pense qu’à voler son nouveau
maître. Le gros Lenfelou est affligé d’un dé-
mon de famine qui le pousse à se lever la nuit
pour se goinfrer d’ingrédients encore non
préparés. La jeune Condamine est une recrue
des Porte-ténèbres, qui n’attend que le bon
moment pour s’attaquer aux clercs-cour-
tisans venus de la Haute Terrasse. D’autres
prennent leur apprentissage à cœur, comme
Rhazali la nouvelle saucière ou Rougepoil, le
sommelier, qui ouvre chaque soir une bou-
teille avec le maître et l’écoute vider son sac,
sans rien comprendre à ses délires. Il s’est
même rasé le crâne et épilé après un mono-
logue sur le bon temps de cuisson des roux au
fond des poêles.
• La salle à manger est bien loin des fastes
de la Haute Terrasse. Le mobilier est ba-
roque, parfois boiteux, et l’on peut attendre
sa commande en essayant de déchiffrer les
fresques craquelées de l’ancien manoir.
Babedec fait des prix à la tête du client.
Pourtant, une certaine solennité se dégage,
un contraste étrange entre les faces rava-
gées de la clientèle autochtone et le lustre
cristallin en verre de dragon provenant des
anciens appartements de Babedec. Il y a tou-
jours, dans un coin, une tablée de diseuses
de malheur, toutes plus laides les unes que
les autres. Le Gastrolabe a appris à se fier à
leur jugement, et quand elles désignent un
plat de leur doigt osseux, il le rapporte en
cuisine de peur d’empoisonner les clients.
• La plateforme d’appontage. Au grand conten-
tement de Gustave, des clercs-courtisans, en
quête de sensations, commencent à fréquen-
ter sa table. Si certains vont jusqu’à louer des
escortes d’aventuriers pour fouler les rues de
la terrasse, les plus malins ont deviné que le
plus sûr moyen d’aller et venir en Châtiment
était la voie des airs. Aussi un toit-terrasse est
en cours d’aménagement pour que les ma-
chines et animaux volants puissent se poser le
plus confortablement possible.

Les artisans de la Reconquête
Héros et escrocs
La réhabilitation de la terrasse du Châtiment
est un des projets les plus symboliques du nou-
veau Roi-Dieu. C’est une entreprise de longue
haleine, qui soulève bien des réactions.
La première phase a été une phase de pla-
nification : « Connais ton ennemi » dit le
vieil adage. Des survols de la terrasse ont été
effectués dans un but topographique. Certes
il était utopique d’essayer de tracer une carte
d’un quartier métamorphe, mais les maîtres
d’œuvre espéraient découvrir une logique,
des modèles récurrents dans ses mutations.
Les résultats furent décevants et trois obser-
vateurs finirent au Lazaret. En même temps,
dans un souci de repérage, des cartographes,
des architectes, des géomètres et d’étranges
moniales voilées, des yeux peints sur le dos de
leurs mains et appartenant au culte de Shalvira
la Clairvoyante, ont parcouru les artères du
quartier maudit, non sans une généreuse es-
corte et quelques problèmes.
Parallèlement, un grand travail de collecte
d’informations a été lancé et des observateurs
en civil sont partis à la rencontre des popu-
lations pour recueillir le maximum de ren-
seignements pratiques. Séparer les données
utilisables du flot des rumeurs et des légendes
est une lourde affaire et quelques traîne-sabres
ont été engagés par des intermédiaires indé-
pendants afin de vérifier les anecdotes les plus
abracadabrantes et essayer de faire le tri entre
les véritables dangers et les croque-mitaines.
Cette phase ne devait avoir qu’un temps,
mais devant l’ampleur de la tâche, sa difficulté
et son coût, les autorités ont décidé d’agir gra-
duellement, en commençant par les zones qui
paraissent relativement stables, puis passer au
quartier dans son entier.
L’assainissement de la terrasse est envisagé
sous plusieurs angles d’attaque.
Tout d’abord un volet mystique et magique.
Des pierres ont été bénites et enchantées ri-
tuellement par chacun des quatre Temples. Ce
sont les pierres angulaires de la Reconquête.
Combinant toutes les forces élémentaires,
elles sont censées à la fois calmer les esprits
maléfiques et ancrer le quartier renaissant
dans la réalité. Les maîtres de chantier doivent
les placer à des emplacements clefs dans les
maçonneries, repérés soigneusement sur les
plans par des astrologues-géomètres au ser-
vice du Roi-Dieu. D’importants travaux ont
déjà commencé sur les bâtisses pour placer les
pierres au bon endroit.
Nombre de bâtiments ont été déclarés insa-
lubres. Plutôt que de les rénover, ils seront rasés
et reconstruits en belle pierre des carrières de
Massagettes. Les tailleurs de pierre et les géo-
mètres topographes sont déjà à l’œuvre et ils
creusent sans relâche les flancs de la montagne.
Qui sait ce qu’ils pourront déterrer. Aux portes
de la terrasse, installé dans le premier bâtiment
rénové, Sancillo Korasy, vieux requin de la
Haute Guilde, coordonne les travaux. Sous sa
surveillance, architectes, maçons, gâcheurs et
morteliers sont prêts à se mettre à l’œuvre.
Au départ, des exorcistes du Nuage et des
inquisiteurs de l’Oiseau de feu avaient été
envoyés pour protéger les équipes et chasser
les ténèbres qui s’accrocheraient. Mais ils en
vinrent assez vite à se tirer dans les pattes, ne
se donnant que des renseignements partiels,
courant derrière des résultats chiffrés plutôt
qu’effectifs. Quelques duels cléricaux impro-
visés ont fini de discréditer leur action.
Aujourd’hui, c’est une multitude de groupes
soudés d’aventuriers qui ont été déployés pour
couvrir cette mission.
Les obstacles
Le projet de réhabilitation est tellement
colossal qu’il représente des milliards de li-
thals. Cet argent attire toutes les convoitises
et nombre de malversations ont déjà été com-
mises : repérage au rabais, études de dangero-
sité bâclées pour permettre aux promoteurs
immobiliers de commencer à bâtir, normes
de sécurité non respectées. Sous des dehors de
dévotion et de sérieux, beaucoup d’acteurs es-
pèrent pouvoir grappiller quelques avantages.
Chacun pense que ses malversations sont sans
Une organisation
L’union fait la force
Les malandrins du Châtiment sont
pour beaucoup des parias, des clochards
ou des voleurs malchanceux qui sont,
eux aussi, prisonniers du quartier. En
l’absence d’une quelconque autorité
institutionnelle, que ce soit les guildes
de voleurs ou les gardes, les plus organi-
sés se sont regroupés en petites bandes
connaissant bien leur terrain comme
les Enfumeurs de la place aux Herbes,
ou les Bouffeurs de doudilains près de
la rue Morte. Le plus puissant et le plus
mystérieux des gangs est sans doute
celui des Trotte-Menu, un groupuscule
extrêmement secret qui connaîtrait
plusieurs façons d’entrer et sortir de la
terrasse en toute sécurité. C’est avec
cette bande que Sancillo est en train de
négocier.
Le garedebou
Le garedebou est un homme de garde
affecté à la surveillance de la porte
d’entrée d’un édifice. Il a pour devoir de
s’assurer que cette porte ne s’éloigne pas
de la bâtisse sur laquelle elle est censée
s’ouvrir. Pas question de s’assoupir ! On
connaît un garedebou qui s’est réveillé
un matin devant une ruelle, après s’être
endormi en faction devant sa porte.
D’après ceux qui l’ont croisé courant de
droite et de gauche, il la cherche encore.
Ne l’oublions pas : on attend aussi d’un
garedebou qu’il serve de marchepied
les jours de pluie, pour éviter que le
propriétaire ne se salisse les pieds en
descendant de sa chaise à
porteurs.
Le Châtiment 287
 Portrait
Ancien professeur de l’Université
matérialiste universelle, Jarsper a
perdu la tête et son emploi à cause des
drogues. Depuis, il erre en Châtiment
et aborde les passants pour leur débiter
son savoir. Si vous énoncez une bêtise,
il vous réprimandera, vous ordonnant
d’aller au coin. C’est une bonne source
de connaissances, mais il faut accepter
de se faire taper sur les doigts à coups de
réglette en fer.
Portrait
Gez’moon arpente les ruelles du
Châtiment en démarchant la clientèle
de chaque établissement et les passants
dans la rue pour vendre ses propres
rêves, enfermés hermétiquement
dans de petites bouteilles de verre.
Laissez-vous convaincre par les songes
multiples et variés qu’il met à votre
disposition, allant des rêves merveilleux
(premiers baisers, voyages paradi-
siaques…), aux pires cauchemars (peurs
enfantines, croque-mitaine sous le lit,
cataclysme…).
Gez’moon affirme être l’auteur des
rêves qu’il vend, mais l’éventail d’émo-
tions oniriques proposé est si vaste qu’il
est impossible qu’ils proviennent tous
de son esprit.
La vérité est en effet toute autre.
Très serviable, il ne vous demandera
jamais de lithals pour ses services.
Au lieu de ça, il prendra simplement
rendez-vous avec l’un de vos futurs
rêves, que vous serez obligé de lui
céder. C’est lui qui choisit le moment
de ce paiement, s’insinuant dans votre
subconscient et se servant dans ce qu’il
y a de mieux à prendre. Ses clients ne
ressentent rien du tout et, au réveil, ils
ont juste l’impression d’avoir fait un
rêve étrange. N’abusez cependant pas
trop de ces divertissements oniriques.
L’accoutumance est bien plus forte
qu’avec n’importe quelle drogue connue
à Laelith.
288
importance, mais elles s’accumulent comme les
gouttes d’eau qui finissent par former un tor-
rent. Sancillo essaye de limiter ses propres dé-
rives, même s’il n’est pas le dernier à utiliser le
projet pour asseoir ses ambitions personnelles.
Si une bonne partie des Laelithiens trouvent
ce projet audacieux, voire nécessaire, une
frange non négligeable de la population estime
qu’il n’est pas moral que les mortels s’octroient
le pardon eux-mêmes, là où la colère divine
s’est exprimée. Pour ces gens, qui se baptisent
les Conservateurs, la terrasse du Châtiment
est un stigmate dont chacun doit tirer la leçon
au lieu d’essayer de l’enfouir sous le tapis et la
maçonnerie neuve. Ils n’hésitent pas à protes-
ter bruyamment, et comme ils sont souvent
très religieux, il est difficile de les faire chan-
ger d’avis. Les prêtres des quatre Temples ont
été mis à contribution et ont argumenté que si
les Dieux laissaient faire la réhabilitation, c’est
qu’ils avaient pardonné. Seul Valdenath est
resté muet. Cela n’a pas suffi à calmer tous les
croyants qui étaient dans le doute, et certains,
à tous les niveaux de la population, continuent
à voir ce projet comme une hérésie.
Enfin, dernier obstacle : le quartier lui-
même. C’est une inconnue tellement chao-
tique que le projet semble un véritable pari
dans lequel le nouveau Roi-Dieu risque une
partie de sa superbe et de son autorité.
Sancillo Korasy, chef de projet
C’est une des articulations majeures du projet.
Ce vieux requin s’est construit un personnage
de rustre au langage fleuri, afin qu’on sous-es-
time l’acuité de son esprit. Il a connu quelques
scandales dans sa carrière. Le dernier, les
« Emprunts de Jadhys », a connu un retentisse-
ment tel dans les colonnes de Salammatin qu’il a
chassé Korasy de la Haute Guilde. Cinq années
ont passé, pendant lesquelles l’homme d’af-
faires s’est refait une virginité, jouant les dévots,
finançant des œuvres caritatives et voyantes, et
laissant ses enfants gérer son business (en ap-
parence). Pendant cette période, Korasy a su se
placer auprès du grand prêtre Mitrias, faisant le
pari gagnant sur son ascension.
Aujourd’hui les résultats sont là. Nin Ier et lui
travaillent main dans la main pour la recon-
quête de la terrasse, dans une entente cordiale
mais lucide. Le Roi-Dieu se méfie à juste titre
de l’affairiste, et s’il a besoin des relations de la
maison Korasy, il ne lui laisse pas pour autant la
bride sur le cou. C’est à un véritable jeu d’échecs
que se livrent les deux hommes, à grand renfort
d’observateurs officiels et officieux.
Sancillo a toujours été un homme de réseau.
Durant ses longues années à la Haute Guilde,
il a su tisser des liens avec les guildes de vo-
leurs de la Cité sainte, et pour chaque service
qu’il leur a rendu, il les a utilisées en retour,
afin de se constituer des moyens de pression
sur de nombreuses personnes influentes. Ces
« leviers » ne sont pas pour rien dans l’ascen-
sion de Mitrias. Aujourd’hui, Korasy approche
avec prudence un gibier différent. Les voleurs
du Châtiment ont toujours eu un sentiment
d’impunité, les gardes n’osant pas les pour-
chasser sur leur territoire, et nombre de mar-
chandises volées, de criminels recherchés ont
été cachés dans la terrasse, hors de portée de la
main séculière de la justice. Mais ce temps sera
bientôt révolu, du moins si le projet de réha-
bilitation est mené à bien. Les malandrins en
ont conscience, et Sancillo se pose en homme
providentiel, prêt à en engager une partie, leur
donner une respectabilité voire un statut de
héros s’ils travaillent avec lui à la reconquête
de la terrasse. Bien sûr, en échange, il se peut
qu’il leur demande certains petits services.
Mais parler de Korasy sans parler de Ssuran
serait une hypocrisie. Voilà plus de quinze ans
que l’Azilianais, discret, évolue dans l’ombre
de l’homme d’affaires. Chacun est fasciné
par l’autre : Ssuran admire l’efficacité du vieil
homme, sa capacité à jouer plusieurs coups à
l’avance, tout en couvrant ses arrières et pré-
parant d’éventuels échecs. Sancillo est étonné
de voir à quel point un mage aussi puissant que
Ssuran arrive à continuer ses recherches sans
faire de vague et dans un anonymat quasi total.
Car si l’appui d’un sorcier est sans nul doute
un avantage pour un affairiste, Korasy et ses
réseaux permettent au mage d’accéder à toute
sorte de matériaux et de sources mystiques.
La masse de renseignements occultes amas-
sée à propos du Châtiment est pour les deux
hommes une pépite brute, un filon comme on
en trouve rarement et qu’ils comptent exploiter
autant que possible. Puissances enfouies, rue de
Jouvence, mystères vendus sur les étals de la rue
des Reliques, voilà de quoi puiser dans les forces
primitives mêmes de la magie et peut-être com-
prendre ce qui sépare l’homme de la divinité.
Certes il y a l’immobilier, l’argent et l’influence
politique en jeu dans cette affaire. Mais pour les
deux renards, le véritable enjeu se situe ailleurs.
Les membres du gang des Trotte-Menu
sont-ils tous des rats-garous comme le
prétendrait la rumeur ?

Le Châtiment 289
 Une organisation
Portrait
Rares sont les gens qui passent plus de
temps qu’il n’en faut dans la rue de
Jouvence. Ils finissent par trop rajeunir
et être « absorbés » par l’écoulement in-
versé du temps. Certains se contentent
d’égorger un animal pour en sortir et
ne jamais y revenir. D’autres com-
mettent de véritables meurtres.
Il en est un toutefois qui aime y faire
des va-et-vient. Le petit Francis,
comme on le nomme, n’a pas d’âge et
personne dans le coin ne saurait dire
depuis quand il arpente cette rue. Le
plus souvent, il apparaît comme un
enfant hirsute, en guenilles et aux
chicots pourris. Mais ses yeux reflètent
un âge avancé et semblent usés par une
trop longue vie.
Le petit Francis a vite compris que pour
sortir de cette satanée rue, il lui fallait
tuer. Il s’y employa sur un chat errant.
Et il y prit beaucoup de plaisir. Pour
son retour, ce fut un mendiant qu’il
martela à coups de pavé, à soixante-
six reprises. Et avec autant de délices.
Au fil du temps, ses envies de meurtre
s’intensifièrent et il finit par ne plus
vieillir suffisamment entre ses visites,
au point d’arborer l’apparence qu’il a
aujourd’hui.
Un proverbe du Châtiment dit :
« Méfiez-vous des enfants dans la rue
de Jouvence, surtout s’ils vous suivent
avec insistance. »
290
Les Porte-ténèbres
Et tous souffriront…
Les habitants de la terrasse maudite ont
longtemps eu le sentiment de payer à eux seuls
le prix du Châtiment, tandis que les autres
Laelithiens riaient à leurs dépens. Maintenant
que le quartier est voué à la rémission, ils
sentent que quoi qu’il arrive, ils ne font pas
partie des projets royaux-divins. Voire pire :
tout est bon pour les expulser, les faire dispa-
raître et réserver les nouvelles habitations à
des occupants plus fréquentables. Une partie
des délogés s’est enfuie plus profondément
dans le quartier, pour renforcer les rangs du
campement de l’arbre à fièvres, près du temple
des Anciens. On a du mal à trouver une place
pour les autres ; certains sont conduits au
Lazaret, examinés, interrogés. Ils sont indé-
sirables même parmi les clochards des jardins
du Dénuement et certains reviennent dans
la terrasse parce qu’ils n’ont pas leur place
ailleurs.
C’en est trop pour une fraction d’entre
eux. Si certains rejoignent les réseaux des
Conservateurs, qui veulent garder intact le
souvenir du Châtiment, d’autres vont bien
plus loin et se préparent à venger leur identité
meurtrie. Laelith les a oubliés, elle cherche à
les faire disparaître, alors qu’ils ont porté sur
leurs épaules tout le poids de la punition di-
vine ? Eh bien, ils iront porter le Châtiment
dans les autres terrasses. Il n’y a pas de rai-
son pour que ce soit toujours les mêmes qui
payent.
Les Porte-ténèbres sont un groupe de ter-
roristes prêts à apporter le pire aux autres
Laelithiens, afin de leur montrer ce que signi-
fie vivre avec la peur de puissances qui vous
dépassent. Et il faut avouer que pour ce qui
est du pire, le Châtiment est bien fourni. Ce
sont essentiellement des gens en colère, qui
veulent se venger de leurs malheurs en semant
l’horreur dans la vie d’autrui. Ils sont organi-
sés en petites cellules de quatre à cinq indivi-
dus, intégrés à la population et susceptibles de
s’unir le moment venu pour un attentat. Les
relations entre les groupuscules sont limitées
pour ne pas être démasqués et ne pas mettre le
réseau tout en entier en danger en cas de cap-
ture et d’interrogatoire.
Comme les hydres, l’organisation a plu-
sieurs têtes, dont certaines plus notables.
Izavel était, comme Esope Ragouline, un
membre de la Société des cartographes du
Royaume des Deux Lacs. Elle fut chargée,
elle aussi, de trouver certains repères pour
de futures explorations de la terrasse. Mais
comme deux de ses confrères, elle a perdu la
raison. Si l’un s’est jeté dans l’Inlam, Izavel a,
elle, été internée dans le pavillon du Crâne au
Lazaret, où elle a fini par développer une fail-
lite, avant de s’enfuir en étranglant deux infir-
miers. Sa personnalité a été scindée en deux,
à l’image de la Cité sainte, un peu comme si
deux personnes se partageaient son corps.
Si pendant une partie de la journée, elle est
une égoutière soucieuse de bien faire son
travail, le reste du temps, elle est celle à qui
les rues du Châtiment ont confié un message
de mort, un message qu’elle entend bien dé-
livrer à toute la population. Son imagination
démente est fertile en roueries criminelles,
qu’exécuteront par la suite les cellules de fa-
natiques. Le dépôt d’un pseudopode tentacu-
laire de la rue Grouillante dans les bassins du
Canal-Rideau ? Le déversement d’un tonneau
de larmes de diseuse au centre de la place
des Sept Royaumes un jour d’affluence ? Ou
le réveil d’une créature atroce, un esprit tha-
nataire capable d’arracher les dents des gens
à des mètres à la ronde pour s’en construire
un corps, une armure d’émail autour de son
crâne décharné ? À voir sa compréhension de
certains arcanes, c’est vraiment à se deman-
der si la terrasse ne lui chuchote pas des hor-
reurs à l’oreille.
Diaron, guide assermenté
Diaron est un clochard cul-de-jatte, soi-di-
sant « plus proche du Châtiment que n’im-
porte qui juché sur ses grandes quilles ».
Gouailleur et malodorant, c’est une figure
locale, un malin qui sait se faufiler entre les
horreurs du quartier, bien qu’il ait perdu ses
jambes un jour que des murs invisibles sem-
blaient quadriller aléatoirement l’échelle des
Sacrifices. Il a tendu la main à de nombreuses
personnes perdues dans le quartier, et même
si certaines ont dû se baisser pour la saisir,
il est réputé pour être un des guides les plus
sûrs, un des rares à pouvoir vous guider aus-
si bien dans le Châtiment que vers une de ses
rares sorties.
Il faut dire que les clients mécontents ne sont
plus là pour le raconter. Et pour cause : Diaron
est un guide-naufrageur, un de ceux qui, sous
couvert de leurs activités, détroussent les gens
et les emmènent vers la mort, avant de déguer-
pir en dévalant une échelle grâce à la caisse à
roulettes qu’il a fixée sur le dos. Pire. Un soir
de cuite, Diaron a rencontré un Dieu vert,
oublié dans les ruines du temple des Anciens,
et ils ont tout de suite compris ce qu’ils pou-
vaient tirer l’un de l’autre. Ce seigneur des
ronces veut exister à tout prix. Sans fidèles,
même lui a cessé de croire en lui-même. Il a
oublié l’aspect nourricier de son être, les ré-
coltes, l’adoration des cultivateurs, pour se
concentrer sur la partie la plus primitive du
sentiment religieux : la peur.
Les malheureux dont il se saisit sont bien
obligés de croire, tant il les parasite, les pé-
nètre et les mutile de ses radicelles barbelées.
Plaqués contre la pierre des ruines, ligotés
par les lianes et à demi phagocytés par le vé-
gétal, perfusés à grand renfort de sève impie,
les pauvres hères sont plongés dans des cau-
chemars sans fin, où le Dieu antique vient
s’abreuver.
Diaron et lui partagent comme une sym-
biose : le guide lui apporte des proies et il se
régale de les voir torturées. La créature lui
fournit une part de sa puissance sous forme
de graines mutantes qu’il monnaye auprès des
Porte-ténèbres. Plus les Laelithiens seront ter-
rorisés, plus elle reprendra vie. Si personne ne
l’arrête, elle s’insinuera dans toute la vie végé-
tale de la Cité sainte. Famine, allergies et abo- Un Porte-ténèbres prêt à vous faire
minations sont à venir… découvrir son quartier.
Voilà le genre de personnes sur lesquelles
s’appuie le réseau des Porte-ténèbres.

Le Châtiment 291
 Un professionnel
Brève de taberge
« T’imagines, tu traînes et parmi les
offres d’un sosiste, tu croises ta copie
parfaite. Comme tu dois phosphorer,
mon gars ! Pourquoi toi ? Dans quel
but ? Qui a passé la commande ?
– Chuis rusé ! Je ferai l’échange avec
mon sosie, histoire de savoir.
– T’es plus tordu qu’une route
d’Egonzasthan. »
Rebelote et Mal-Fourchu, ivrognes
292
Le sosiste
Adepte de faux-semblants
Véritable virtuose du déguisement, le so-
siste est capable de reproduire l’aspect de
n’importe qui. Certains endossent eux-mêmes
les rôles, s’imposant une discipline maniaque
pour coller aux physionomies empruntées :
manger pour prendre du poids, s’affamer pour
en perdre, changer de voix, maîtriser des dis-
ciplines martiales pour utiliser les muscles de
son visage, se tasser, se grandir… ils ne
reculent devant aucun effort, aucun
sacrifice. D’autres choisissent une
autre voie pour parvenir à leurs fins :
leur talent consiste à dénicher la
perle rare qu’ils modèleront pour
fabriquer la copie conforme. Vous
voulez un esclave qui ressemble à
l’homme qui causa votre faillite ?
Une épouse décédée  vous
manque ? Rien ne les ar-
rête. Quels supplices
font-ils subir à leur
« matière première » ?
Nul ne le sait. Ce ne sont
pas des grands bavards et
seuls les inconscients les
fréquentent de trop près.
Qui sait : si vous cor-
respondez un tant
soit peu à une de
Mégère, Tisiphone
et Alecto, les trois
chaînes magiques
de Scotos, le
marchand de
victimes.
leurs commandes, vous pourriez vous retrou-
ver la cible de leurs hommes de main et finir,
transformé, sans volonté sur leur étal.
Trop souvent les sosistes travaillent main
dans la main avec les marchands de victimes,
au point qu’on confonde parfois injustement
les deux professions.
Ces personnages crépusculaires que l’on
rencontre parfois au coin de la rue des
Reliques, accompagnés d’une ribambelle
de célébrités contrefaites, enchaînées et les
yeux dans le vague, sont un des mystères du
Châtiment. Ils ne demandent pas toujours
de l’or. Parfois, c’est une de vos mains qu’ils
réclament, un œil, ou juste la personne qui
vous accompagne. Leur ombre s’étend bien
au-delà de la terrasse. Quand un notable a un
coup de folie, qu’il vend tout sur un coup de
tête, qu’il violente son personnel ou sa famille,
souvent la rumeur se demande si c’est bien lui
le coupable, ou si c’est encore un coup des so-
sistes. Il y a dix ans, Guinampe de Keraza, un
clerc-courtisan accusé de plusieurs meurtres
de prostituées dans l’échelle du Sabot, bâtit
toute sa défense sur l’éventualité que le cou-
pable soit une création d’un sosiste, dans le
but de lui nuire. « Il est tout de même étrange
que l’on laisse exercer une telle profession. À
moins qu’elle n’arrange certains puissants »,
conclut-il avant d’être passé par le fer.
Jalsa la fardée
Elle est vendeuse… Vendeuse d’accessoires
pour sosiste ! Dans sa folle jeunesse, Jalsa était
actrice, une vedette du Grand Théâtre même,
selon ses dires. Faut avouer qu’elle aime les clas-
siques. Parfois elle teste un client et lance une
tirade au hasard. Si vous arrivez à lui donner
la réplique, sûr que vous vous faites une amie.
Peut-être même qu’elle vous laissera accéder au
fond secret de sa boutique. La starlette d’hier
disparaît aujourd’hui sous les couches de fond
de teint et elle a la désagréable manie de tâter
ses clients avec ses mains parcheminées par le
temps. Certains s’empressent de reposer la pro-
thèse qu’ils manipulaient, effrayés par l’étrange
chaleur que l’objet, criant de vie, dégage.

La diseuse
de malheur
Toute vérité
n’est pas bonne à dire
« Ce n’est pas un métier de tout repos, le
don te tombe un jour dessus au croisement
d’un jupon moisi, et d’un coup te voilà un or-
gane de ce quartier maudit. Un de ses pseu-
dopodes sensoriels. Va comprendre. C’est
une sacrée responsabilité. Tu te promènes et
tu vois. Tu vois les accidents, les violences
à venir, les maladies et les drames qui cou-
vent sous la cendre des journées mortes.
Mais tu n’as le droit de rien dire, pas un
mot tant qu’on ne t’a pas payée. Toute cette
douleur à venir, ça en ronge certaines. Alors
soit tu te mets à veiller sur ton quartier en
douce, un coup de main ici, un petit men-
songe là, une prophétie en promotion, dans
l’urgence. Comme pour compenser tout ce
malheur dont tu n’es pas responsable. Soit tu
commences à te réjouir des horreurs que tu
croises, et tu deviens une horreur à ton tour,
une sorte d’asticot qui festoie sur le cadavre
purulent qu’est la terrasse. Mais d’une façon
ou d’une autre, quand les gens cherchent un
responsable, tu as intérêt à savoir courir et
disparaître. Tu me cacherais, gentil Albrecht,
si des brutes voulaient me faire grimper sur
un bûcher ?
Et puis il y a le costume aussi, une atroci-
té, un carcan. Tiens, aide-moi à enlever ma
bosse. Doucement ! Je porte ces prothèses si
souvent que leurs sangles ont fini par mar-
quer ma chair. J’étais si belle avant. Mais c’est
le métier, s’enlaidir autant que tu peux, pour
te rendre crédible. Des faux nez, des per-
ruques, des verrues factices. L’attirail d’un
vrai sosiste. Tu me trouves encore jolie, sous
toute cette panoplie ? On dirait que oui. Alors
fais-moi oublier ce fichu sacerdoce, mon
voyou. Je sais que tu ne diras rien après cette
nuit, car rappelle-toi, je sais tout. Les détours
carnivores de ton destin, comme ceux du
mien… »
Une professionnelle
Tishana la Vaniteuse,
diseuse de malheur
refusant de se grimer.
La mère Zig-Zag Une prophétie
de la Zig-Zag
Il n’y a rien de pire que la mère Zig-Zag.
« Écoute bien, Badégésil : trois parties
Horrible et chenue comme un cep, la vieille ! pour le Mangeur d’Esprit à son arrivée
Et tordue comme sa morale. Elle marche pliée dans ce monde, une derrière une porte
en deux, les genoux dans la bouche. Et véloce toujours close, l’autre sous une nuit
malgré ça. Bien peu lui échappent. Certains lui liquide, la dernière dans un des ventres
jettent une poignée de pièces pensant la retar- de verre de l’Escargot. Dépêche-toi
der. Les sots. Il suffit qu’on paye une diseuse de templier, sinon bientôt tu n’auras plus
malheur pour qu’elle se croie autorisée à cracher que des idiots à qui t’adresser. »
sa bile, qu’elle vous vomisse une prophétie bien
sombre, un destin funeste ou des souffrances à
venir. Et la vieille Zig-Zag a la voix qui porte.
Je l’ai vue foudroyer un gars à plus de trente
Prologue :
mètres. Le zigue s’est écroulé en pleurs, alors Coulisses
qu’elle lui hurlait que quand il sortirait enfin du Une diseuse de malheur ac-
Châtiment, tous ceux qu’il aimait auraient péri. cuse les PJ d’avoir déréglé le
Une horrible voix de crécelle, un peu comme la cours du temps, et les pré-
porte d’un caveau qui grince… On raconte que vient qu’ils vont mourir très
la Zig-Zag était jadis une mignonne, une ser- bientôt. Selon elle, ils ne sont
veuse de l’Entonnoir d’argent, avec un timbre de que des marionnettes aux
rossignol et des chansons plein la tête. Jusqu’à mains d’étranges joueurs,
ce qu’elle croise une Nourrice du Châtiment. qui les poussent à prendre
des risques qu’eux-mêmes
La Zig-Zag, elle rit encore parfois. Elle a une ne prendraient pas. Le seul
sorte de jeu malsain avec Badégésil, le templier moyen pour réparer le temps
des Repentants. Contre salaire, elle lui dévoile brisé est d’intercéder auprès
des horreurs à venir, et lui se démène pour les des marionnettistes pour
empêcher. Pour le moment c’est la Zig-Zag qui échanger leurs places le
mène, et de loin. temps qu’il faut…
Le Châtiment 293
 Une aventure en solo
A corps perdu !
Plutôt que de découvrir en spectateur les ruelles de la
terrasse du Châtiment, nous vous proposons de vivre cette
aventure en direct. Ici, pas de règles ni de dés, juste des choix
à faire en fin de paragraphe. Et bonne chance ! Vous en aurez
besoin…
Vous êtes arrivée quelques semaines plus tôt à Laelith,
avide de savoirs théologiques comme savants. Et vous
n’avez pas été déçue. Mais vous avez surtout découvert
l’amour sous les traits de Dason, un garde des plus char-
mants. Ce matin, vous remontez l’échelle du Coude à ses
côtés. La lumière matinale attire alors votre attention sur
la vue dégagée de la terrasse du Châtiment. « Et si nous
allions la visiter, Lisamla ? » vous lance-t-il soudainement.
Votre âme de voyageuse ne fait qu’un tour : « Oui ! » lui
criez-vous, enthousiasmée à l’idée de vous confronter aux
légendes de ce quartier. Vous voilà donc traversant le pont
des Morts, remontant l’échelle Monte-en-ciel… Soudain, un
riverain défraîchi se plante face à vous. « Vous devriez faire
attention, les amoureux, on a tôt fait de tomber dans le
Châtiment. Un pas de trop et BOUM, vous y êtes ! Et j’peux
vous assurer qu’on n’en ressort pas ! » Vous faites quelques
pas en arrière, surprise par le « BOUM » autant crié que
mimé à grand geste et cherchez du réconfort dans le re-
gard de Dason. En regardant à nouveau vers le riverain, il
s’est volatilisé. Une voix flotte dans l’air : « Et ne faites pas
demi-tour, JAMAIS ! » Avec stupeur, vous remarquez que
votre écart vous a jetés dans le quartier de la Reconquête.
Plus question de faire demi-tour ! Un coup d’œil à Dason.
« Allons-y ! » dites-vous, défiant la terrasse.
1 Δ Les portes et les fenêtres sont fermées et celle d’où
En longeant les façades en rénovation, Dason vous
met en garde : « ne fais répéter personne », « ne cours ja-
mais »… Vous n’avez pas le temps d’être inquiétée par son
air grave que des cris résonnent à l’orée d’un chantier. Deux
malandrins arrachent un enfant des bras d’une femme en
guenille et s’engouffrent dans une ruelle. Faisant honneur à
son métier, Dason se précipite à leur poursuite alors que la
mère se relève difficilement, empêtrée dans son châle éli-
mé. Personne ne lui prête attention. Que faites-vous ?
Δ Emprunter une rue parallèle pour couper la route des
kidnappeurs ? (13)
Δ Réconforter la mère ? (45)
2 9
Vous hésitez puis croquez dans la brochette. C’est plutôt
bon.
294
Δ Contente de votre choix, vous empruntez l’escalier
indiqué qui conduit à une large passerelle. (36)
3
Vos yeux peinent dans la sombreur d’où une petite sil-
houette se détache. Un cul-de-jatte se traîne vers vous
difficilement. D’abord rassurée, vous blêmissez en voyant
son visage tuméfié et son nez creusé. Un lépreux ! « Perdue,
étrangère ? » tousse-t-il.
Δ Vous fuyez en courant. (42)
Δ Vous avancez pour demander de l’aide. (21)
4
La rue oblique vers une échelle passante. Une poignée
d’enfants jouent aux osselets tandis que défile une étrange
procession : un mariage à en croire la robe colorée de la
dame en tête et le haut-de-forme de son compagnon. Une
foule bigarrée de pauvres hères et de mendiants leur jette
des grains de riz. Une flopée de grains tombent alors à vos
pieds : des dents de rat ! Quelle horreur ! En réponse à votre
moue, les enfants vous adressent un sourire édenté. La
voix chevrotante, vous demandez où se trouve l’enfer. Un
mioche d’à peine 4 ans se lève et tend une main crasseuse.
Δ Vous lui donnez une pièce. (37)
Δ Vous suivez la procession. (8)
5
Votre second pied prend place sur la chaussée.
Immédiatement, c’est un silence assourdissant. Tout au-
tour, plus personne. La gravité est de nouveau normale,
mais les maisons sont différentes, vieillies.
vous veniez est condamnée. (11)
8
Déroutée, vous emboîtez le pas aux miséreux. La rue
cahoteuse est bordée de vestiges de demeures bourgeoises
et vous ne sauriez dire si elle monte ou descend. Vous regar-
dez frénétiquement alentour, sans savoir ce que vous cher-
chez. Étrangement, la foule se désintéresse du mariage. Un
doute vous assaille. Vous clignez des yeux… la procession
s’estompe et disparaît. Les fantômes au Châtiment ! En pa-
nique, vous vous jetez sans réfléchir dans une ruelle.
Δ Rendez-vous au (28).
La porte s’ouvre sur une salle bordée de rayonnages.
Vous avancez sur les dalles noires quand la porte claque
derrière vous, mais vous discernez une sortie à l’opposé.
Une odeur d’herbe coupée accroche vos narines alors que
vous avancez. Lilas, jasmin, rose… Puis celle de la pourri-
ture vous tire de votre rêverie. Les rayons s’animent, des
plantes poussent littéralement des étagères. L’une d’elles,
la corolle aux dents acérées, fonce sur vous. Du coin de l’œil,
vous repérez une fenêtre au volet brisé. Vous ramassez un
livre tombé au sol et la repoussez d’un revers.
Δ Vous foncez vers l’autre sortie. (48)
Δ Vous sautez par la fenêtre. (30)
10
Curieusement ravie de votre achat, vous vous éloignez le
bocal dans la main, sous le regard ébahi des bonnes gens.
La rue monte vers un temple en ruine.
Δ Rendez-vous au (24).
11
Un vent glacial se lève. Vous tournez la tête à la recherche
d’une échappatoire. En vain. Les murs défraîchis vous
toisent, leurs avant-toits sombres vous accablant de leur
mépris. Une bourrasque vous force à avancer. Vous essayez
d’attraper un rebord de fenêtre, mais il se dérobe à vous. Est-
ce un rire que vous entendez ou le vent dans les volets clos ?
Impossible de vous soustraire à la tornade qui vous emporte
à présent vers le bas de la rue et vous précipite dans la Faille.
Δ Rendez-vous au (25).
13
Vous suivez un dédale de rues étroites et tordues, grim-
pez des escaliers branlants, mais gardez le cap. Deux ou
trois fois, vous manquez de vous briser le cou en glissant sur
la mousse des pavés déchaussés. Encore une échelle à es-
calader et vous devriez couper la route des mécréants dans
la rue en surplomb.
Δ
Vous vous hissez à l’échelle malgré son bois vermoulu,
pour déboucher sur la chaussée supérieure. (23)
Δ
Prise d’un doute, vous rebroussez chemin. (38)
14
La ruelle est Malgré votre taille, vous devez Les bâtiments
de plus en vous baisser pour avancer ou repousser vous
plus étroite. les d r a p s t e n d u s qui obs- oppressent.
truent le passage. Qui peut
bien faire sécher du linge ici ? Courageusement, vous pour-
suivez, malgré l’absence de trace de Dason.
Vous passez sous une passerelle quand vous entendez
des bruits de pas. Votre cœur s’emballe quand deux vau-
riens armés de dagues sortent face à vous. Deux autres sur-
gissent derrière. Tous inspirent la mort.
Δ Vous parlementez. (34)
Δ Vous sautez sur la passerelle. (27)
15
Vous posez le pied sur les pavés à l’orée de la chaussée.
Instantanément, la rue se tait et les piétons s’arrêtent. La
vieille dame au tabouret vous jette un regard inquiet et des-
sine un « non » sévère de la tête.
Δ Vous poursuivez votre mouvement. (5)
Δ Vous vous ravisez et continuez sur la façade. (49)
17
Vous évitez le marchand pour atteindre l’impasse.
Bizarrement, vous avez l’intuition que Dason est passé là.
Vous suivez la petite allée jusqu’à une porte fripée, sans ser-
rure ni loquet. Derrière, vous découvrez une pièce obscure.
De l’autre côté, une sortie se dessine dans le noir. Une sil-
houette se tient à l’intérieur. Vous sursautez quand le mar-
chand vous appelle.
Δ Vous entrez dans la pièce. (3)
Δ Vous allez voir le marchand. (26)
Δ Vous allez parler au musicien. (32)
20
Vous hésitez puis croquez dedans. C’est pire qu’une
huître avariée trempée dans du lait caillé. Vous recrachez
tout et pestez contre votre choix.
Δ Vous empruntez l’escalier qui conduit à une passerelle.
(36)
21
« Bouge pas, malheureuse, le plancher est pourri.
Rampe avec moi jusqu’à dehors » dit l’homme en glissant
vers la sortie. Vous vous allongez et le suivez scrupuleu-
sement, ignorant les bestioles qui se pressent entre vos
doigts. La porte s’ouvre sur une passerelle enjambant
une venelle. Vous découvrez que l’homme, dans son mal-
heur, est également aveugle, quand vous expliquez votre
situation. « À vue de nez, c’est l’herzog qu’a fait le coup.
Un traquenard… Retrouve vite ton soupirant. Passe la
passerelle, traverse l’enfer neuf puis garde tes pieds sur
les murs. Tu trouveras ce que tu cherches aux Reliques. »
Vous lui demandez son nom. « Appelle-moi le Guérisseur »
glisse-t-il en rentrant dans sa maison. La passerelle mène
Le Châtiment 295
 à un escalier tordu qui descend en contrebas ou continue et traumatisée par
vers une porte brûlée. l’incident. Les jambes
25 Δ Vous descendez l’escalier. (40) tremblantes, vous
L C l Δ Vous ouvrez la porte calcinée. (9) traversez. Après un
a h e coude, vous arrivez
a contre un bâtiment de
c
h
q
u
v
i
23 briques percé d’une
u e s Une brume jaunâtre où se meuvent des ombres enrobe
t porte calcinée.
a la rue. Difficile de distinguer quelque chose dans cette
e s g Δ Vous l’ouvrez. (9)
e e purée de pois, encore plus les bandits que vous pensiez
e c Δ Vous forcez le volet du bâtiment voisin. (48).
s o surprendre.
t d
n
i d
e
e Vous grimpez sur un rebord de fenêtre pour avoir une
meilleure vue.
28
n D
t s a Une ombre familière passe. Aucun doute, c’est Dason. Un silence Rien que des L’un d’eux ne
e e s Vous vous précipitez jusqu’à l’embranchement où il a tour- pesant s’installe portes. La sortie viendrait-il pas
r o
m p n né à droite. De ce côté, le passage se resserre en un passage dans la rue. a disparu. de vous sourire ?
i e couvert, tandis qu’à gauche, vous entendez le bouillonne- Une enfilade de Des visages gri-
n u a
a p p ment d’une rue passante. façades nues aux maçants, sculptés Vous ouvrez une
b l p Δ Vous le suivez. (14) numéros sans sur des linteaux, porte. Un mur.
l e a
e r Δ Vous rejoignez la rue grouillante. (47) logique. vous scrutent.
. d a
e Une autre. Un Çà et là, des tas
î
L
’ s t
,
24 mur. d’ossements.
e o Alors que vous marchez, vous avez l’impression que vos Les numéros Voilà ce qui vous
f u
f v u vêtements vous gênent. Vous continuez, mais vous vous changent sans attend si vous ne
r e n prenez les pieds dans votre jupe. Vous regardez vos mains, elles cesse. sortez pas vite !
o n
i v ont disparu dans vos manches ! Le temple vous semble toujours
i i Δ Si vous avez un numéro en tête dans cet Enfer, tentez
r aussi loin. En réalité, il vous parait plus loin. Vous êtes engluée
v s s dans vos vêtements. Vous sortez vos mains et constatez avec votre chance… Sinon, votre aventure s’arrête avec les
o . a tas d’ossements au pied d’une porte…
u g horreur que ce sont des mains d’enfant ! Autour, plus que des enfants
s T e au regard sinistre… L’un d’eux s’avance avec un long couteau. « Celle-là,
a
e
n
n
d
q herzog paiera un bon prix ! » sont les derniers mots que vous entendez 29
u avant une violente douleur au crâne.
Curieusement ravie de votre achat, vous vous éloignez la
v i e
a s Δ Si vous avez la fiole avec le souffle du Roi-Dieu, vous l’ouvrez dans un sursaut fourchette en poche. La rue monte vers un temple en ruine.
h v
i q de vie. (31)
Δ Allez en (24).
u o
t u Δ Autrement, allez en (39).
, e
s
p l
e n 26 30
u Vous sautez par la fenêtre, défonçant les volets. Vous fer-
i e « M’avez l’air pressée, m’dame. Prendrez tout d’même
t mez les yeux en prévision de l’impact. Pourtant, rien… vous
s o une niaiserie ? Une pièce de coup’la-faim, brochette de sca-
v restez collée au mur. Vous regardez autour de vous. Vous
l r e
r rabs grillés, queues d’rat caramel. » Le marchand vous tend
a r faites face à la rue, 4 mètres en contrebas, vos pieds fer-
e r un plateau en insistant.
r n mement appuyés sur la façade. Par réflexe, vous agrippez
e Δ Vous refusez, vous allez à l’impasse. (17) le volet, mais du bruit derrière vous pousse à faire quelque
é t z
s Δ Vous vous laissez tenter. (35) pas. Vous marchez sur les murs ! Et vous n’êtes pas la seule.
i s
e p À quelques mètres, une vieille dame est assise sur un tabou-
g l
n
a
r
a
u
s
27 ret posé sur la façade de sa maison et vous dévisage. Des
passants vous frôlent comme si de rien n’était.
t p Transportée par la peur, vous bondissez sur la passerelle,
i p s laissant les tueurs stupéfaits. Vous vous hissez ensuite à une Δ Vous continuez sur la façade. (49)
o r o Δ Vous descendez vers la chaussée. (15)
n o u corde d’étendage pour rejoindre le toit et une terrasse, tan-
. c r dis qu’en bas, les injures et les menaces volent.
h
e
i
r La seule issue est 31
, e une passerelle qui sur- Vous ouvrez la fiole et, machinalement, inspirez l’air conte-
… plombe une large rue nu… La tête vous tourne subitement, vos jambes tremblent,
Votre aventure odorante. Une sensa- vous tombez. Vous reprenez vos esprits dans un lit, en sueur.
s’arrête
dans le ventre de tion étrange s’empare Un rayon de soleil vous darde l’œil. « Debout chérie ? » La
l’Inlam,
au bas de la rue
de vous, apaisée par voix de votre père ! La porte de votre chambre s’ouvre.
Morte. des parfums épicés « La caravane est prête. Tu n’as pas oublié ton voyage pour

296
Laelith ? Ils nous ont envoyé une escorte. Leur chef Dason a
l’air d’un bon gars. » Votre cœur s’emballe. Vous vous levez.
Vous regardez par la fenêtre. Il est là, donnant des ordres,
aussi beau que dans votre… rêve ? Qu’importe, il est là ! « Un
garde du contingent de ville, près d’une terrasse… Hum, le
Châtiment ! Drôle de nom. Allez, prépare-toi ! » Vous sou-
riez. Ce voyage s’annonce merveilleusement bien…
32
Le flûtiste vous accueille avec un large sourire. « Bien
le bonjour, damoiselle. Quel air triste… une chanson pour
vous égayer ? » Vous refusez poliment et lui demandez s’il
aurait aperçu un garde du contingent. Son sourire se crispe
de déception. « Je l’ai vu, il courait après un gredin. Par là ! »
vous dit-il en désignant une allée couverte. « Hâtez-vous, il
vient de passer ! » vous presse-t-il avec une voix douce.
Δ Vous suivez ses indications. (14)
Δ Vous allez voir le marchand. (26)
34
Bien que terrorisée, vous vous lancez dans un plaidoyer
émouvant, promettant tout et n’importe quoi, mais le sou-
rire carnassier des tueurs reste ancré à leurs lèvres. L’un d’eux
rompt finalement le silence. « Elle plaira aux sosistes celle-
là ». « Pour sûr, si on l’abîme pas trop » répond un autre en
éclatant de rire. Une douleur au bas du dos vous foudroie.
Vous tombez à genoux. Vous vous redressez, mais un coup
derrière le crâne vous jette à terre. Dans un dernier instant de
lucidité, vous revoyez le visage de votre aimé… avant que les
griffes des sosistes du Châtiment ne se referment sur vous…
35
Vous donnez un lithal et demandez s’il n’aurait pas vu un
garde du contingent. « Pour sûr ! Par là ! » dit-il en indiquant
un escalier qui plonge entre les maisons. Vous le remerciez
La rue Guingois.
et prenez congé. Qu’avez-vous pris ?
Δ Une brochette pour une pièce d’argent ? (2)
Δ Une queue pour une pièce d’argent ? (20)
37
Le gamin prend la pièce en se fendant d’un sourire for-
cé. Sans dire un mot, il vous indique du doigt un passage
étroit entre deux bâtiments. Vous demandez confirmation.
L’enfant acquiesce de la tête.
Δ Vous suivez ses indications. (14)
Δ Vous préférez finalement suivre la procession. (8)
38
Vous revenez sur vos pas et alliez bifurquer à la fontaine
à tête d’âne que vous vous rappelez avoir admirée à l’aller,
mais à la place se dresse une statue d’ookhab. L’avez-vous
rêvée ? En cherchant la fontaine du regard, vous remarquez
que l’ensemble des lieux est différent ! La rue s’est éteinte,
une rue déserte en pente, aux volets clos. Les herbes accro-
chées aux pavés et les fleurs aux balcons sont flétries.
Δ Vous essayez de rentrer dans une maison. (50)
Δ Vous cherchez une traboule pour sortir de la rue. (11)
39
« Quelle idiote ! » Une voix grave vous réveille. « Je te l’avais
dit » lui répond une voix familière… Dason ! Vous voulez par-
ler, mais un bâillon vous en empêche. « Je savais que c’était
facile de l’avoir celle-là. Et son père paiera cher pour la récu-
pérer, même enfant. » Dason… un piège… Comment avez-
vous pu être si naïve ? « Tu te rends compte, elle a même pas
sourcillé quand le bonimenteur lui a proposé le testicule de
Dénéris ! UNE Roi-Dieu… HA ! HA ! HA ! Dire que je l’ai sup-
portée des semaines. Son père va cracher ! » La voix grave
Le Châtiment 297
 inconnue reprend : « Mais avant, on va s’amuser. Même abî-
mée, son père paiera. » Deux rires résonnent de plus belle en
réponse à vos sanglots. Votre calvaire ne fait que débuter…
40
Vous
descendez
l’escalier.
Vous arrivez dans une ruelle sale, dans un mélange
de boue et d’excréments. Après quelques pas, vous
voyez une porte calcinée avec le numéro 9 : 43. La rue
continue et tourne au loin, où des enfants chahutent.
Δ Vous poussez la porte (?)
Δ Vous poursuivez dans la rue. (4)
42
Vous courez à grandes enjambées vers la sortie, quand une
latte cède. Vous basculez en avant et traversez le plancher.
Votre chute s’interrompt seulement un mètre plus bas, mais
une douleur à la gorge vous tétanise, un morceau de bois est fi-
ché dans votre trachée. Vous sentez votre vie s’enfuir au rythme
de vos pulsations et vous vous rappelez les mots de Dason, « ne
cours jamais ». Votre aventure s’arrête dans le sang…
43
Alors que vous tirez la porte, un jet de flammes s’en
échappe et vous embrase instantanément. Vous sentez vos
chairs se liquéfier. Vous vous jetez dans la boue, espérant
que les flammes s’atténuent, mais le sol est brûlant comme
la lave. Vous levez la main pour implorer une aide inutile.
Votre aventure s’achève aux portes de l’enfer, loin de Dason.
44
Curieusement ravie de votre achat, vous vous éloignez.
L’envie d’ouvrir le flacon vous ronge.
Δ Vous l’ouvrez pour respirer le souffle du dernier Roi-
Dieu. (31)
Δ Vous remontez la rue menant à un temple en ruine. (24)
45
Ses pas sont lents, mais sa démarche bancale semble
forcée. Vous la hélez, elle ne répond pas. Quelques foulées
vous mènent face à elle. La mère lève alors la tête en riant.
Une voix grave s’échappe entre ses chicots : « Quel cou-
rage, fillette ! » L’homme grimé vous sourit avec dédain et
s’enfuit à courant. L’effroi s’empare de vous. Un piège !
sur vos pas. (38)
Δ
Vous sortez de cette terrasse maudite en revenant
Δ Inquiète pour Dason, vous partez couper la route des
brigands. (13)
47
La rue louvoie entre des bicoques déglinguées et des
étals débordant d’objets du quotidien. Vous vous faufilez
298
entre les piétons avec agilité, mais à plusieurs reprises des
enfants vous heurtent sans s’excuser. La foule se densifie
sur une petite place. Assis sur un muret, un
joueur de flûte
36 archande,
’u n e n o u velle rue m s percé
u-dessus d riques rou
ge
lle passe a ment de b
La passere ntr e u n b â ti
rrompt co
puis s’inte lc in é e.
e c a
d’une port
uvrez. (9)
Δ Vous l’o
vous fait signe de venir,
tandis qu’un marchand ambulant s’approche avec
un plateau de mets peu ragoûtants. Plus loin, une impasse
invite à poursuivre votre chemin. Que choisissez-vous ?
Δ Le musicien. (32)
Δ Le marchand. (26)
Δ L’impasse. (17)
48
Vous rejoignez un escalier en colimaçon habillé de rayon-
nages. Tout est soudainement calme. Malgré la situation,
votre regard s’arrête sur les titres. L’aube des amourettes
déçues ; Sans vin, Journées de Saut d’homme ; Le feu de
l’amour ; Chagrins de haine… À ces titres, une irrépressible
mélancolie vous gagne. Vous pensez au sourire de Dason.
Vous êtes accablée. Une fenêtre !
Δ Vous devez en finir ! (30)
49
Vous vous éloignez et la vieille dame vous suit du regard.
Arrivée à une rue perpendiculaire, vous êtes envoyée sur la
chaussée par la gravité. Une fillette vous dépasse et grimpe
au mur de la rue Guingois. Perdue, éreintée, vous errez entre
rues et escaliers. Enfin, vous débarquez dans une avenue
bondée d’étals et de tapis débordant d’objets iconoclastes.
Les vendeurs s’égosillent à vanter les pouvoirs merveilleux
de leurs reliques. Vous ne sauriez dire pourquoi, mais vous
désirez ardemment acheter une « relique ». Laquelle ?
Δ Le dernier souffle de Teaphanerys XIV dans un bocal. (44)
Δ Une fourchette du banquet des dix ans de règne d’He-
telred III « l’Éphémère ». (29)
Δ Un testicule de Dénéris en pendentif. (10)
50
Paniquée, vous frappez aux portes, espérant une ré-
ponse qui n’arrive pas. Vous tombez à genoux, résignée,
quand vous notez que la porte face à vous est dégondée.
Rassemblant vos forces, vous lui donnez un violent coup
d’épaule. Elle s’écroule sous le choc et vous vous affalez
sur un plancher vermoulu. Derrière vous, la porte a dispa-
ru et les lieux sont plongés dans la pénombre. L’ambiance
est mortuaire. Vous avancez confusément, accompagnée
d’inquiétants craquements sous vos pieds. Une ouverture
à l’autre bout de la pièce… Une odeur étrange flotte… Une
impression d’être observée. Vous n’êtes pas seule !
Δ Vous courez vers la sortie. (42)
Δ Vous essayez de distinguer qui est là. (3)
 Vision d’artiste

Et vogue la galère
« Si, si, je t’assure. J’étais cachée derrière une Mais moi, je crois plutôt que c’est le Portrait
poubelle, une auberge d’aquaria comme on dit contraire. Je pense que c’est avec le sang mé- Zigomar Boutraboule est un prêtre de
dans les beaux quartiers. Les gars s’embrouillent, taphorique du Volume que le Tatoueur tra- Magha la Sphinge. Vêtu d’un costume
le tatoué agite sa matraque, et commence à beu- vaille. Tu comprends, pèlerin ? Le Tatoueur, austère, le visage grave, il vagabonde
gler. L’autre qui disait rien a sorti un surin, un de il a dû trouver un moyen pour lui pomper du dans les rues en traînant derrière lui
ces coupe-choux elfique en forme de feuille de lau- jus, lui soutirer des lettres, des chapitres en- un petit divan à roulettes. Il invite
rier et tchac ! Il te l’ouvre de bas en haut le gueu- tiers. Je ne sais pas trop comment, mais j’ai- tout un chacun à s’allonger sur son
lard. Et là ! Le miracle ! L’encre des tatouages merais bien le rencontrer, moi, le Volume. J’ai sofa mité et à lui confesser ses méfaits
gicle sur le mur, et au lieu de rester en tache, elle essayé de suivre le bateau sur le mur, mais le et ses pensées inavouables. Ce faisant,
se réorganise, reforme le galion que le zigue avait vent s’est levé… Je suis sûre que si je traîne il assure que ces fautes seront aussitôt
pardonnées par les Dieux, et qu’ainsi le
sur la poitrine, et voilà le bateau remâté de frais assez longtemps autour du Tatoueur… Mais
karma de la personne qui s’est épanchée
qui s’en va dériver sur la maçonnerie. Ah, c’était ils me font peur, lui et tous ses enluminés, dé- s’en trouvera purifié. Pour celle-ci, la
beau, pèlerin ! J’ai pleuré. corés jusqu’aux oreilles… Dis, pèlerin, tu ne fin de l’errance dans le Châtiment sera
Mais ça, c’est un enfant du Volume ! Tu ne veux pas venir avec moi ? » proche ! Malheureusement les sommes
connais pas ? Des mots, de l’encre qui courent Cristal, à un client de « l’Entonnoir d’argent » exorbitantes qu’il exige pour ses services
sur les murs, comme des cafards graphiques, des dissuadent de tenter l’expérience…
lettres libres qui écrivent des messages parfois
incompréhensibles. Tu n’en as jamais entendu
parler ?
Personne ne sait trop ce qu’il veut, le Volume,
mais il en a terrorisé plus d’un. Tu demanderas au Zigomar Boutraboule,
vieux Classignole ! Une fois, il regardait une af- le prêtre au divan.
fiche, une antiquité, qui parlait du couronnement
de Mansour le Magnifique, et d’un coup toute
l’encre de l’affiche coule. Elle forme un pâté, en
bas du papier redevenu vierge, et puis ça éclate
comme une bulle et partout ça écrit «Châtiment,
châtiment» ! Des mots qui rebondissent et se
tamponnent ! Ah, il a crié le Classignole. Mais
le Volume en a aussi sauvé certains. Une fois,
Rebelote, il voit écrit en gros «Pas par là» alors
qu’il s’engage dans une traboule. Il s’arrête, il
réfléchit, et bim ! Il se rend compte qu’il allait
rentrer dans la rue de Jouvence. Et là, une fois
qu’il a réalisé son erreur, pfft ! Les lettres elles
se carapatent !
Tu ne connais peut-être pas le Volume, mais
tu connais sûrement le Tatoueur, ce type qui
se vante d’être le seul véritable tatoueur-car-
tographe de toute la terrasse, celui qui fait des
tatouages mobiles, des sirènes qui ondulent sur
les poitrines des nostalgiques du Haut Lac,
des requins qui rôdent à l’orée des vêtements ne
laissant dépasser que leur aileron des emman-
chures… C’est joli, mais graphiquement, ça
reste classique. Sauf que ça remue. Eh bien si tu
les écoutes, le Tatoueur ou la horde de brutes qui
ne jurent que par lui, ils te diront que le Volume
est formé d’encre qui lui a échappé et qui s’est
imitée une vie.

Le Châtiment 299
 Animations de quartier

On va bien s’marrer !
Jours de fête
À la nouvelle lune de mortefeuille, la terrasse vit au rythme de ses
fantômes. Les habitants du Châtiment peuvent tous vous raconter com-
ment, en ce jour gris, ils ont croisé un défunt ou une personne de leur
passé, à qui ils ont tourné le dos de peur d’être emportés à leur tour
au royaume des morts. Difficile de démêler le vrai du faux, car pour
éviter ce destin funeste, les gens du quartier se griment eux-mêmes en
spectres, dans un souci de camouflage. Le jour des cendres, comme on
l’appelle, a une tout autre résonance dans le quartier de l’arbre à fièvres.
Ce jour-là, les morts qui font d’habitude tourner le Moulin remontent
dans les rues. Ils sont portés en triomphe par les habitants jusqu’à leur
ancien foyer, où il partage un repas de commémoration avec leur fa-
mille. Pendant ces quelques heures, entourés des leurs, la meule du
Moulin s’arrête. Il n’est pas rare que des fantômes s’attardent pendant
la semaine suivante. Aussi, certains effrayés assaillent-ils parfois un
passant à coups d’aiguille, pour vérifier qu’il saigne et qu’il n’est pas un
revenant.
La peur d’être gommés de la ville par le projet de Nin Ier rend les ha-
bitants de la terrasse revendicatifs. Le Châtiment compte bien présen-
ter des participants aux Jeux interterrasses et inonde même le comité
d’organisation de courriers réclamant le passage de la course à travers la
terrasse maudite. En attendant, les équipes s’entraînent dans les ruines
du temple des Anciens, sous la surveillance de l’herzog et de sa cour des
miracles. Chaque jour, des gens pourtant dans la misère viennent leur
apporter à manger, et contempler leurs héros.
Régulièrement, un faux prophète se lève pour annoncer le Grand
Pardon. Régulièrement, des âmes naïves ou désespérées écoutent ses
sirènes et des marées humaines traversent le quartier en quête de la sor-
tie. Le faux prophète finit souvent par essuyer la colère de la foule, avant
que tout le monde ne rentre chez soi, sans toujours y parvenir, ou pour
trouver le logis pillé ou envahi par de nouveaux locataires. Mais notons
que lors du Pardon migratoire de l’an 973, des centaines de résidents
disparurent corps et biens, sans pour autant avoir traversé le pont des
Illusions.
Rebelote, ivrogne notoire, a lancé l’idée d’obtenir la paix en allant
« saouler » les Dieux du temple des Anciens. Une fois par an, quand ils
ont des fonds, convaincus et fêtards impénitents vont arroser d’alcool
les statues les plus antiques du temple. Ils les font « boire » et trinquent
à leur santé.
Le Cirque du malheur, de l’échelle aux Crapauds, est lui aussi une
institution. Ses représentations impromptues peuvent à tout moment
revendiquer n’importe quelle rue et la transformer en chapiteau : ton-
nerre de tambours, flammes des cracheurs de feu, funambules unijam-
bistes, voltigeurs étranges et rire aigre de clowns amputés. On sort de
ces spectacles les oreilles bourdonnantes, l’âme ivre, avec l’impression
étrange d’avoir navigué entre fantasmagories et cauchemars.
Fantôme ou déguisement
particulièrement réussi
pour le jour des cendres ?
300

Les reliques des Trois Nourrices
Trois objets pourraient servir d’emblème à la terrasse : les
reliques des Trois Nourrices. D’apparence plutôt dérisoire,
puisqu’il s’agit d’un rabot, d’un entonnoir et d’une masse, ils
ont pourtant joué un rôle tragique dans l’histoire du quar-
tier. Du moins si on en croit la légende, mais mener l’enquête
tiendrait de la folie furieuse.
Tout d’abord, il faudrait que l’investigateur ose pénétrer
en Châtiment. À moins que, poussé par un destin funeste, il
s’y retrouve malgré lui… comme cela se produit parfois. Il
est vrai qu’à moins d’être un « juste », il n’aurait pas grand-
chose à faire d’autre pour passer le temps.
Mais il se trouverait alors confronté à la malédiction de
la terrasse elle-même : comment trouver des informations
fiables dans un quartier pernicieux, aux parcours mouvants, et
peuplé de nécessiteux et de pendards ? Sans compter qu’évo-
quer les Trois Nourrices n’a pas l’heur de plaire aux indigènes.
Comme s’ils craignaient que parler d’elles ne les attire, que la
simple allusion à leur existence ne leur donne consistance. Car
tous craignent de croiser leurs silhouettes de vieilles chouettes
racornies. Parce que ces trois mégères sont le porte-étendard
du Malheur, celui avec une majuscule, celui qui s’abat sur vous
et vous enferme dans une prison de désespoir. Et il leur suf-
fit d’un geste anodin, d’une parole murmurée ou d’un regard
froid et dur pour vous y précipiter. Ne croyez pas que les âmes
fortes puissent les ignorer : elles feront en sorte que votre vue
se brouille alors que vous accomplissez un travail dangereux,
que votre argent s’enfuie par un trou de votre bourse alors que
allez régler vos dettes… Ou bien, elles noueront votre aiguil-
lette avant un rendez-vous galant ! Elles se moquent que vous
méritiez votre sort ou non. Elles n’épargnent personne, pas
même l’innocent bambin qui sait à peine marcher.
Pourtant le don d’apparaître à leur simple mention ne fait
pas partie de leurs attributions. Non. Elles se présentent à
vous comme le calme avant la tempête : quand vos affaires
sont enfin en ordre et que la chance va enfin vous sourire.
On les rencontre toujours inopinément, et les choses com-
mencent à aller mal.
Peut-être que les habitants se refusent de parler d’elles, car
ils se sentent coupables de l’atroce crime à l’origine de leur lé-
gende ? Cela remonte à une époque où le Châtiment n’était pas
encore la terrasse d’aujourd’hui. Certes, le quartier n’a jamais
été un lieu où l’on a envie de vivre. Mais à l’époque, on y côtoyait
Gleha, Ursinis et Melloubde ! Rien que d’évoquer les formes
ou le sourire des trois jeunes filles, et la journée s’illuminait
soudain, à tel point qu’on les avait surnommées les Nourrices
de l’Espoir. Faut dire elles accomplissaient des miracles d’un
simple geste, d’un chuchotis ou d’un regard… Le malheureux
Un bazar du bizarre
trouvait alors le courage de redresser la tête et partait affronter
son destin avec plus de résolution. Mais parfois leurs actions
étaient plus matérielles : on dit que Melloubde rendit la vue
à un peintre qu’une maladie rendait aveugle. Ursinis sauva la
mise d’un tricheur grâce à une bourse pleine. Gleha, elle, per-
mit à un couple d’avoir un enfant, ce qu’il désirait ardemment
sans pouvoir y parvenir. Elles se contentaient d’agir et non pas
de juger, et distribuaient leurs bienfaits à ceux qui le néces-
sitaient, sans se préoccuper de la réputation de leurs ouailles,
surgissant de nulle part, au moment où tout semblait perdu.
Certains disent que c’est à leur mort que la malédiction
s’est réellement abattue sur le quartier.
Les circonstances de leur assassinat restent mystérieuses :
le temps ou la honte ont jeté un voile sur cette affaire. Œuvre
de meurtriers isolés mais coordonnés, ou folie collective ?
Le même jour, Gleha fut battue sur l’enclume par une lourde
masse, exposée au feu de la forge ; Ursinis rabotée jusqu’à
ce que ses os soient réduits à l’état de copeaux et Melloubde
forcée d’ingurgiter des flots d’huile bouillante, de venins et
de poisons par l’intermédiaire d’un entonnoir.
Près de leurs corps, on retrouva les trois objets. Depuis,
la rumeur parle des Nourrices du Châtiment. Mais un autre
bruit court depuis que Sancillo Korasy fait placer ses pierres
sacrées un peu partout dans le quartier de la Reconquête : il se
murmure que si les trois objets étaient retrouvés et apportés
aux quatre Temples pour y être consacrés, la terrasse retrou-
verait ses belles et bonnes Nourrices de l’Espoir. À la charge
des habitants de les protéger mieux que la première fois.
Prologues :
L’enlumineur illuminé
Un riche universitaire a déniché un grimoire écrit dans une langue incom-
préhensible, illustré de plantes inconnues. Les PJ peuvent-ils le mener
jusqu’à la seule personne capable de comprendre ce grimoire : Szlossek
Wrzffthar, un enlumineur génial banni du Nuage et réfugié dans le quar-
tier de l’Escondide ?
Le collier de dents
Au détour d’une échelle sinistre, les PJ sont abordés par un pauvre hère au
regard implorant. L’homme, totalement édenté, propose de leur vendre
l’intégralité de ses dents sculptées en collier. La somme est déraison-
nable. Si les PJ font mine de passer leur chemin, l’édenté les retient par
la manche. Il doit beaucoup d’argent à l’artiste qui a sculpté ses dents, ra-
conte-il en bavant. Mais ces dernières sont vraiment très spéciales : lors-
qu’on en jette une au sol, elle germe comme une graine et la créature
gravée sur la dent apparaît en quelques instants !
Le Châtiment 301
 Pêle-mêle
A l’échoppe du Châtiment
Abus dangereux
pour la santé mentale
Faute de pouvoir fuir le quartier physiquement, les échap-
patoires chimiques abondent, il suffit de traverser la place
des Mille Parfums pour qu’on vous propose de multiples
« paradis artificiels ».
Le ronge-malheur
« 
Votre journée a été mauvaise, vite une dose de
ronge-malheur ! Mâchez notre gomme, et vous oublierez
les dernières 24 heures, mâchez toute une tablette et vous
oublierez une semaine de tracas. » Voilà ce que chantent les
bonimenteurs de la place des Mille Parfums. Dans l’ombre
des ruelles, rôdent des loques humaines, avalant tablette sur
tablette. Des hommes usés, perdus dans leur passé, des nos-
talgiques de l’enfance, barbus et couverts de crasse, mais qui
Scène ordinaire de la place des Mille Parfums.
302
gazouillent comme des gamins de 3 ans. Certains se perdent
même dans les limbes et régressent jusqu’à devenir im-
potents, babillant dans leurs propres déjections.
La guilde du Poignard sanglant voudrait bien extraire les
principes actifs de la drogue, pour en tirer une solution in-
jectable ou un gaz, qui feraient oublier sa soirée à un vigile
ou un garde, mais rien n’y fait.
Le cube
Le cube ne s’achète pas. Pas de vendeur à la sauvette pour
vous offrir un échantillon gratuit, pas de prix pour vous en
fournir une dose. Le cube est à portée de tous. Mais tout le
monde n’est pas prêt à recevoir sur la caboche un cube géla-
tineux et rosâtre qui vous berce et vous rassure, tandis qu’il
se fore un chemin à travers votre crâne, vos pensées et votre
âme. Certes, les adeptes du cube ont l’air heureux. Ils sourient
pour un rien, chantonnent et sont sans doute les personnes
 Prologue : Alice
Les PJ sont hélés depuis une fenêtre. À l’étage
d’une maison branlante, une fillette les appelle
à l’aide. Une fois entrés, ils trouvent la maison
vide et la porte d’entrée n’ouvre plus que sur
un placard à balais ! En un rien de temps, les
fenêtres ont disparu, la cheminée est bouchée.
La maison rétrécit. Les pièces deviennent de
plus en plus étroites, et bientôt les plafonds
sont dangereusement bas. Combien de temps
avant d’être broyés par les murs de pierre ? Ils
trouveront au grenier une maison de poupée
les plus positives et les plus altruistes que vous
croiserez en Châtiment. Mais cette gelée qui
au fil des ans progresse sur leur visage, jusqu’à
englober complètement leurs traits, cette
chose qui finit par leur ronger l’arrière de la
tête et mettre leur cervelle à nu sous une bar-
rière translucide et curieusement résistante,
voilà qui révulse bien des passants.
Mais les gélatineux s’en moquent. Ils for-
ment un groupe d’une étonnante solidarité.
On raconte que plus la gelée les ronge, plus ils
baignent dans le bonheur et plus ils partagent
leurs pensées, l’un pouvant rire de la blague de
l’autre alors qu’ils sont d’un bout à l’autre de
la terrasse.
L‘huile de renouveau
Pour ceux qui souffrent dans leur corps, la
terrasse offre aussi des opportunités. Ainsi
l‘huile de renouveau est chère et difficile à
trouver, il faut souvent passer d’un intermé-
diaire à un autre, ou démasquer quelque es-
croc pour en dégoter une dose. Mais ses effets
valent le tracas. Quelques gouttes seulement,
et les plaies se referment, les cicatrices s’ef-
facent et les organes repoussent. Mais surtout,
ne versez pas une goutte de trop, et évitez ab-
solument tout contact avec une zone saine.
L’huile est tellement puissante qu’elle vous
ferait pousser un appendice au hasard. On a
connu des paladins affublés d’une poitrine
digne d’une courtisane, et des malchanceux
avec une jambe dans le dos.
Aux plaisirs de Rebelote
Outre toutes ces drogues, on trouve, un peu
partout, des alcools suffisamment forts pour
faire oublier le poids du Châtiment.
poussiéreuse : c’est la réplique en bois de la
maison dans laquelle ils se trouvent. À l’inté-
rieur, une poupée de chiffon qui ressemble à
la fillette. Un minuscule service à thé trône sur
une minuscule table. Quel étrange breuvage
contient la théière ? Une potion de diminution
ou de transformation en souris ? Les PJ pour-
ront-ils se servir dans les petites tasses avant
que le grenier ne se referme sur eux ? Auront-
ils le temps de claquer derrière eux la porte de
la maison de poupée ?
Les froids abysses
Un liquide sombre, naturellement glacé au
point de voir de la condensation se former sur
la bouteille. Les ivrognes racontent que si l’on
approche une chandelle du flacon, on voit par-
fois remonter à la surface les visages blêmes de
gens morts dans l’année.
Les larmes de diseuse
Un alcool visqueux, un rien opaque. Pour
peu qu’on en répande, le liquide rampe sur le
sol, comme mu d’une vie propre. Il ondule et
ses méandres tissent les runes d’une malédic-
tion dont la gravité dépend de la quantité de
liquide répandu. En général, on se dépêche de
l’éponger ou de le laper à même la table.
La Contrariée
Une schtoob étrange, que brasseraient des
gnomes remontant des sous-sols et des caves
du Châtiment, certaines nuits sans lune. Les
bulles de la Contrariée vont vers le bas, en sens
inverse de toutes leurs cousines. Au moins,
c’est une schtoob qui ne fait pas roter.
Le sirop de la rue
Si au Châtiment on vous propose un si-
rop, ne pensez pas qu’on vous infantilise. Le
sirop est un alcool râpeux et très abordable
qui constitue le quotidien de nombreux al-
cooliques. Les habitués vous diront qu’avec
lui, c’est bien plus que des ookhabs roses que
l’on croit voir. On le prépare dans des caves
inondées et envahies de gastéropodes léchant
la pierre froide des fondations de la terrasse.
C’est en les faisant dégorger dans une cage que
l’on recueille la matière première du sirop.
Brève de taberge
« Des fois je me demande comment ce
serait s’il n’y avait pas eu le Châtiment.
– Tu veux dire par rapport au fait que
la ville serait dépenchée, et donc le vin
dans le verre aussi, et que donc si ce
serait plus facile ou difficile de boire
dedans, c’est ça ?
– Mais non, je ne te parle pas de ça, on
en a déjà causé l’autre fois et toi et moi
on sait bien que tout dépend du sens
où on boit. Non, non ! Cette fois, c’est
plus sérieux. Ce que je veux dire, c’est
imagine le bordel que ce serait si la ville
n’était pas penchée.
– Oui et alors ?
– Bah réfléchis un peu. Il n’y aurait
plus à proprement parler de terrasse
ni d’échelle. Il faudrait alors tout
renommer, les quartiers, les rues… et
on finirait tous par se paumer dans la
Ville sainte.
–…
– Et puis on n’aurait pas non plus
nommé ce quartier la terrasse du
Châtiment. On l’aurait appelé quelque
chose comme le quartier du temple des
Anciens, ou autre chose de plus sympa.
Et ce serait d’ailleurs pas le temple des
Anciens non plus, puisqu’il serait tou-
jours debout et intact, fièrement dressé
comme au temps jadis.
– Mouais… tu vas loin là quand même.
– Pfft ! Toi, de toute façon, tu cogites
jamais sur les choses importantes de
la vie. C’est pour ça que tu passes tes
journées ici, à boire et à raconter des
foutaises. Moi, tu vois, je m’interroge,
j’analyse, je constate… je me pose des
questions quoi !
– Mouais… Pose-toi déjà la question de
savoir qui va payer la note aujourd’hui.
Il me semble qu’hier, c’est moi qui t’ai
rincé à l’œil, et après cinq Schtoob
Rigoule tu étais loin de t’interroger
comme maintenant. Franchement,
t’étais moins pénible hier, je t’assure. »
Le Châtiment 303
 Scénario

Port du casque
obligatoire En quelques mots
Ce scénario est découpé en trois parties pou-
vant être jouées séparément, avec de petits
aménagements.
Dans la première partie, les aventuriers font une
halte dans une auberge et rencontrent une foule
de personnages, tous impliqués dans diverses
histoires dans lesquelles les PJ peuvent intervenir
ou pas. C’est aussi l’occasion de rencontrer des
artisans itinérants qui vont travailler sur les chan-
tiers de la terrasse du Châtiment. Dans l’idéal, les
aventuriers devraient suffisamment les impres-
sionner pour qu’ils soient engagés pour la sécuri-
té du chantier prestigieux de l’Astoria.
La deuxième partie peut être jouée en ver-
sion « courte » ou comme un arc scénaristique
s’étirant sur une année de travaux, année pour
laquelle nous vous fournirons des pistes de
développement, mais pendant laquelle vous
pouvez aussi intercaler des scénarios plus clas-
siques. Dans cette partie, les PJ doivent gérer
les incidents sur le chantier. Mêlés aux ouvriers,
les Conservateurs du Châtiment jouent sur la
réputation de la terrasse pour faire croire que
les lieux sont hantés et ralentir les travaux.
Mais tout n’est pas que pacotille et il faudra
bientôt que les aventuriers gèrent une menace
véritablement surnaturelle. Affronter une telle
engeance ne se fait pas sans informations sur
sa nature et les façons de la vaincre, ce qui
constitue la troisième partie.

Fiche technique
TYPE • Décor de campagne
PJ • Moyennement expérimentés
MJ • Expérimenté
Joueurs • Tout niveau
ACTION **
AMBIANCE ***
INTERACTION **
INVESTIGATION **
Le jardinier du Castel d'Urs.

304
Acte I :
Une soirée inattendue
Les personnages sont en pleine nature,
au nord du lac d’Altalith, fatigués de dormir
dans les fossés et de mâcher une nourriture
gâtée par l’humidité. Peut-être sont-ils sim-
plement en voyage, peut-être traquent-ils le
canard scaphandrier, une espèce rare, pour
le compte d’un membre de l’Université ma-
térialiste universelle. Quoi qu’il en soit, ils
sont ravis d’apercevoir dans le lointain le fa-
nal aérien d’une auberge itinérante.
Teopold Bastringuet est l’heureux pro-
priétaire de l’Inattendue, une « auberge esca-
motable à ressorts modèle Gestumblïndhi ».
De loin l’appareillage ne paye pas de mine,
on dirait un assemblage invraisemblable de
planches sur six roues massives, qu’un atte-
lage de bœufs peine à tracter. Mais à l’arrêt, il
suffit de tirer des leviers, actionner plusieurs
roues dentées pour que dans un hennisse-
ment de ressorts et de vérins, l’auberge se
déplie, les escaliers se déroulent et que le bar
surgisse comme un diable hors de sa boîte.
Quelques taquets, de l’huile de coude, et le
tour est joué. La bâtisse est modulable, avec
des chambres déployables au besoin, et du
mobilier articulé. Il arrive parfois qu’un banc
se replie inopinément, éjectant quelques
clients à terre, mais le patron a toujours une
bonne bouteille sous le coude pour consoler
de la gêne occasionnée.
Teopold a longtemps été un petit auber-
giste de Bental, mais il rêvait d’autre chose.
Il a acheté des plans un peu fous à un colpor-
teur gnome et, pendant des années, il a
amassé des planches et bricolé dans sa cour.
Des Compagnons de la belle œuvre lui don-
naient souvent un coup de main en échange
d’un lit et d’une pinte de bière. Voilà mainte-
nant un an et demi que Bastringuet fait par-
tie de la Compagnie des auberges itinérantes
et qu’il parcourt les berges du lac…
L’aubergiste qui est encore en train de
déployer son établissement s’empresse-
ra pour accueillir les arrivants. Meriak
Briseur d’Os, son aide, s’occupera d’éven-
tuelles montures. L’homme n’avait rien
d’un tendre. Montagne de hargne et d’os,
il travaillait aux abattoirs de la Cité sainte,
et arrondissait ses fins de mois au service
de la pègre et des extorqueurs de fonds. Et
puis un jour, après une mauvaise nuit, il a
vu pleurer une vache. Incapable de soulever
son merlin, étouffé de remords, il lui a fallu
changer de vie. Il accompagne Teopold de-
puis moins d’un an, protège son entreprise
et vit au grand air. La nature est pour lui
une source d’émerveillement. Le chant des
grenouilles, les biches qui viennent boire au
bord du lac ; il se sent comme dépositaire
d’un trésor.
Plusieurs personnes sont déjà attablées
devant une bonne flambée dans une chemi-
née pliable à structure métallique. Un groupe
de trois hommes encadre un adolescent qui
somnole, et un couple morose regarde par
une fenêtre. Le tenancier se dépêchera de
déplier une table et deux bancs avant d’ap-
porter la carte. Tout ce beau monde observe
vos aventuriers…
Les intrigues
Intrigue n° 1
Le plus savoureux serait que vous ameniez
les PJ à douter des intentions des compa-
gnons et qu’ils les prennent pour de dange-
reux sectateurs. De toute façon, ce sont des
gens assez secrets. Leurs poignées de main
codées, leurs signes de reconnaissance faci-
litent la suspicion. Rajoutez une tirade dans
laquelle Simon parle à la fois d’un maître
d’œuvre qui voulait sacrifier la solidité à
l’élégance et des qualités de la pierre de
Massagettes, et les aventuriers risquent de
bondir sur des conclusions hâtives s’ils n’en-
tendent que quelques mots de la phrase.
Intrigue n° 2
Jane Pond dite « l’envapée » est une chas-
seuse de primes vieillissante, une vieille
gloire de la route que trop de nuits sur les
chemins ont usée jusqu’aux os. Elle souffre
de rhumatismes et se soulage comme elle
peut à grand renfort de rêve utruz. Ses ré-
flexes s’en ressentent.
Albrecht a longtemps volé des épices
sur le port de Bental, avant d’avoir assez
pour se payer des arbalètes. Avec Sylve la
Cranequine, il s’est mis à dévaliser les gens
sur les routes autour du lac. Capturé il y a
peu par Jane, il attend que sa complice vienne
le délivrer. Elle n’est pas loin, grimée en mar-
chand avec une cargaison de fruits. Elle sait
Les Compagnons
de la belle œuvre
Pour devenir maître artisan de la Main
qui travaille, il faut produire un chef-
d’œuvre et le présenter aux autres
maîtres lors d’un banquet. Nombre
d’ouvriers n’ont pas les fonds néces-
saires pour ce repas. Fatigués de cette
règle qui sclérose les guildes, des arti-
sans ont décidé de se regrouper à l’exté-
rieur de ces structures, pour former des
compagnies itinérantes et apprendre de
nouvelles techniques. Les Compagnons
de la belle œuvre sont des personnes
souvent très capables et mobiles, réunis
au sein d’une fraternité, avec ses codes
et ses signes de reconnaissance. Ils ne
sont pas toujours bien vus par les cor-
porations en place, qui les considèrent
comme une concurrence déloyale et
parfois guère plus que des brigands.
C’est pourquoi ils peuvent évoquer par-
fois une société secrète ou un groupe
de cultistes, avec leur langage secret et
leurs poignées de main codées.
Ce soir, c’est tout un groupe de
Compagnons de la belle œuvre qui se
retrouve à l’auberge. Johannes Fusch, le
tailleur de pierre, ressemble à un druide
sévère, avec son front dégarni et sa
barbe couleur de craie. Il a longtemps
œuvré dans le nord, chez les barbares,
et il en a gardé un filet de runes bleues
qui court du coin de ses yeux au bas de
ses pommettes. Ses deux apprentis,
Bradwen et Gwyngad, ne parlent que
le patois guttural de leur pays d’origine.
Ashan-Sekour est un serrurier azilianais
vif comme un diable et passionné d’en-
grenages. Il n’a de cesse d’admirer tous
les mécanismes de l’auberge. On dirait
presque qu’il fait le guet, tellement il
observe et scrute dans tous les coins.
Simon le Blond est un exilé d’Agramor
avec un quart de sang nain dans les
veines. Maçon d’exception, il revient du
sud où il a étudié avec des morteliers et
des plâtriers qui ont initié son fils de 12
ans, Margoeil, à la belle œuvre. Simon
est un grand voyageur qui parle une
demi-douzaine de langues, toujours
curieux de tout. Ses apprentis, Deniel
et Serverus, sont des jumeaux à la mine
austère, qui se ressemblaient comme
deux gouttes d’eau jusqu’à ce que
Serverus reçoive une poutre sur le coin
de la caboche. Lodmund et Ifedayo
complètent le groupe.
Le Châtiment 305
 Brève de taberge
« Tiens, toi qu’es carrier, tu connaissais
les porteuses de pierre d’Olizya ?
– Olizya, le Matriarcat ?
– Oui, tu savais que maître Poquet en a
engagé toute une troupe ?
– Et alors ? Je m’en fous.
– Et alors, bougre d’âne, j’ai jamais vu
ça. Elles sont dingues, ces porteuses de
pierre. Tu les verrais : elles s’y mettent
à dix ou douze en s’attrapant par les
épaules, la taille, en se collant joue
contre joue. Elles s’imbriquent, on dirait
des assemblages de charpenterie ! Et
après avec des cordes et des barres, elles
te soulèvent des blocs énormes, je te ra-
conte même pas ! Au début on rigolait
avec les gars, alors elles nous ont mis au
défi de soulever les mêmes blocs qu’elles.
– Et alors ?
– Alors elles se sont bien foutues de
notre gueule. Mais faut dire que j’étais
coincé entre Sigobert qui pue sous les
bras et Druz avec sa barbe ; tu voulais
pas que je me colle à ces marioles ? »
Pythator
Pythagore, dont les autochtones
écorchent le nom, s’est retrouvé en
Châtiment au crépuscule de sa vie.
Curieusement, la terrasse semble
vouloir le garder en vie. À moins que
ses connaissances lui aient permis de
déchiffrer certaines arcanes du quartier.
Toujours est-il que lui et ses acolytes
vénèrent les nombres et ont l’espoir
d’ouvrir une porte vers « un espace
réellement euclidien ».
306
être patiente, et attendra un moment propice,
voire la bagarre finale, pour tenter sa chance.
Intrigue n° 3
En début de soirée, un marchand arrive en
sueur dans l’auberge. Il a une cargaison de
fruits exotiques d’Azilian sur sa charrette qu’il
voudrait mettre à l’abri avant que la pluie ne
gâte sa marchandise. Parmi ses denrées se
cachent des œufs d’araignée. Dans la chaleur
de l’étable dépliable, ces œufs vont éclore dans
la soirée, et donner naissance à des épeires
grosses comme la main. Voilà de bonnes di-
versions pour Sylve la Cranequine.
Intrigue n° 4
Au premier étage, un des ressorts est capri-
cieux. L’humidité de la soirée ne va rien arran-
ger. Rajouter une des araignées qui se cache
dans les chambres et qui fait se replier un
meuble accidentellement, et vous aurez toute
une série de bruits suspects dans les étages,
un aubergiste gêné qui ne veut pas avouer que
son établissement n’est pas solide, et même des
compagnons (cherchant le défaut mécanique),
qui montent avec lui avec des airs de complo-
teurs avant de redescendre peu après.
Intrigue n° 5
Tard dans la soirée, arrivent la baronne de
Trouillu et ses courtisans, en pleine expédition
de chasse. Ils ont du sang jusqu’aux oreilles, ils
rient et ils exigent, comme s’ils étaient en ter-
rain conquis. Dans l’étable, accrochés à la selle
de la baronne, Meriak découvre des cadavres
de renards, toute une famille qu’il essayait
Maudite meute !
Si vous ressentez l’envie ou le besoin de
pimenter encore la soirée des person-
nages, n’hésitez pas à utiliser la meute de
la baronne de Trouillu. Elle est composée
d’une douzaine de beagles bleus d’Agra-
mor complètement excités, aboyant pour
un oui ou un non. Bien que ces chiens pé-
nibles soient d’innocentes créatures, ils
sont encore couverts de sang et certains
pourraient bien faire les frais de la ven-
detta de Meriak, s’il ne parvient pas à s’en
prendre à son véritable gibier. Et ce n’est
pas le pauvre valet de chiens alcoolique
qui risque de l’en empêcher.
d’apprivoiser à chaque passage. L’ancienne
brute prend fort mal la chose. S’il peut sa-
vonner l’escalier pour que Madame fasse une
mauvaise chute, ou s’il peut glisser des baies
vénéneuses dans le thé de sa suite, il ne se gê-
nera pas. Et si rien de fin n’est possible, il se
contentera d’un coup de masse dans le noir, ou
d’une torgnole meurtrière pendant la bagarre
finale.
Intrigue n° 6
Les guildes de Laelith voient d’un très
mauvais œil la concurrence des compagnons
qui ont été embauchés par Korasy. Aussi,
une bande de jeunes apprentis cherchent les
ouvriers de la fraternité pour les rosser, les
abîmer et les empêcher de parvenir à la Cité
sainte. Débarquant dans l’auberge, ils vont
parachever la première partie du scénario par
une bonne bagarre de taverne à grands coups
de trique et de chopes vides.
Chronologie
Chronologie des événements, telle qu’elle se
déroulera sans l’intervention des personnages.
• Les aventuriers arrivent à l’auberge. Jane
Pond, la chasseuse de primes, et Albrecht,
sa dernière prise, sont déjà présents, ainsi
qu’une partie du groupe des compagnons.
• Quatre compagnons arrivent à l’Inattendue
et saluent les autres avec leurs poignées de
main secrètes : les effusions sont discrètes
mais sincères.
• Meriak et Teopold apportent le premier ser-
vice du dîner (des petits pâtés à l’agneau, lé-
gèrement sucrés et citronnés servis avec un
petit vin au miel et à la framboise). Albrecht
se fait remarquer en essayant de dérider
Jane avec des blagues grasses. Des bruits se
font entendre à l’étage. Teopold, inquiet, file
à l’intérieur pour enquêter.
• Serverus et Deniel arrivent en même temps
que le deuxième service (un gratin de car-
dons et une galette de pois chiches). Les
jumeaux ne connaissent pas leur patron et
tentent un signe de reconnaissance en di-
rection des PJ. Simon se lève et les invite à
sa table.
• Alors que Teopold déploie un auvent pour
protéger ses clients d’une averse et que les
compagnons discutent à mots couverts,
Sylve, déguisée en marchand, arrive avec sa
 charrette qu’elle va abriter dans l’étable es-
camotable. Teopold, qui s’empressait pour
l’aider, entend un nouveau bruit à l’étage et
la laisse se débrouiller, pendant qu’il monte
avec Meriak. Quelques minutes plus tard,
il descend chercher Johannes. Les trois
hommes redescendront, la mine sombre,
et tiendront un conciliabule à voix basse.
Les œufs d’araignée éclosent une heure
plus tard et les bestioles se répandent un
peu partout. Au bout d’un quart d’heure,
Margoeil est le premier à remarquer l’in-
vasion et se met à hurler comme un beau
diable. La panique s’empare de l’assemblée
et Sylve en profite pour tenter de libérer
Albrecht.
• Teopold essaye de ramener le calme avant le
troisième service (une escavèche d’anguille).
Il offre une cervoise blanche d’Olizya.
• Avec le quatrième service (et son chausson
de poires sauvages), la baronne de Trouillu
et son escorte débarquent, couverts de sang.
Meriak sort de l’étable visiblement secoué. Il
guettera la moindre occasion pour venger la
famille de renards qu’il appréciait tant. Mais
un grand craquement à l’étage va l’occuper
un brin. Plusieurs compagnons se succèdent
à l’étage pour l’aider à remettre en place le
ressort fautif.
• Tandis que Teopold invite ses clients à sor-
tir de table à l’aide d’un vin au miel et aux
épices, les voyous des guildes de Laelith font
irruption. Le ton monte rapidement.
d’ouvriers itinérants, qui vont chercher des
matériaux dans des contrées lointaines, ou
de compagnons qui doivent rentrer chez eux
pour régler quelques affaires. Vous pouvez
utiliser les éléments fournis en les faisant ra-
conter par des collègues. Dans le second cas,
les aventuriers auront l’exclusivité de la garde
du chantier.
Le site de construction est un vivier à intri-
gues. Des matériaux y arrivent tous les jours
des quatre coins des Provinces, avec leurs
porteurs, leurs ookhabs, leurs bûcherons.
Les PJ découvrent un village de toile où tra-
vaillent et s’organisent des tailleurs de pierre,
des charpentiers, des géomètres. Ces gens,
une fois payés, s’égayent dans la Cité sainte
ou festoient aux alentours des travaux, avant
de repartir. Les ouvriers apportent eux aussi
Aparté
« Tu vois, petit, le calcaire n’est pas
le même à chaque arrivage. Tu dois
apprendre à reconnaître le cliquart,
fin et grumeleux, du liais qui est bien
plus dur. Le liais, tu le réserves pour
la statuaire et l’ornemental. Les lam-
bourdes, ses couches souterraines, sont
massives et tendres, faciles à travailler,
mais elles sont gélives, c’est-à-dire que le
gel les abîme. Elles s’altèrent facilement.
Réserve-les pour l’intérieur. Quant aux
bancs francs avec leurs trous dus aux
fossiles, ils résistent bien à la compres-
sion. Rien de tel pour les voûtes ou les
piliers. »
Meriak Briseur d'Os

Acte II : Pour cent

briques, t’as plus rien
Espérons que par leur comportement, les PJ
se soient fait remarquer par les compagnons.
Ces derniers parleront à Korasy qui les enga-
gera pour assurer la protection du chantier de
l’Astoria, une future résidence de standing.
Dans cette partie, à vous de voir si vous vou-
lez utiliser les idées fournies pour meubler un
an de la vie des aventuriers, avec le chantier en
toile de fond et des aventures indépendantes,
ou attaquer directement la mise en scène de
la cellule Kessel et l’apparition des cavaliers.
Dans le premier cas, les PJ ne seront pas em-
ployés à plein temps et d’autres équipes vien-
dront les suppléer. En outre, pendant qu’une
de ces équipes surveillera l’Astoria, les per-
sonnages pourront se voir confier la sécurité

Le Châtiment 307
Les spectacles illusoires
du pont des Illusions
À la nuit tombée, aux abords du pont
des Illusions, de part et d’autre de la
Faille, se presse une foule de badauds
souhaitant être aux premières loges
d’un des plus beaux spectacles urbains
connus à ce jour. Huit magiciens
illusionnistes et conteurs (dont on dit
qu’ils viennent de la Tour de l’échec)
donnent, le premier célestia de chaque
mois, une représentation de leurs plus
belles œuvres. Grâce à leurs sortilèges
visuels, olfactifs et sonores, ils projettent
nombre d’illusions au-dessus du vide
mettant en scène les chapitres de leurs
contes. Le plus souvent, ce sont des
histoires pour tout public, mais tous
ont une symbolique mystique. Chaque
spectacle dure environ une heure et
demie, période pendant laquelle les ma-
giciens épuisent leur stock de sortilèges.
Les tableaux sont visibles aussi bien
de la terrasse du Châtiment que de la
Haute Terrasse, et même sur la strate
de la Blanche Chaussée. Les magiciens
lancent leurs sorts depuis l’entrée du
pont des Illusions, en prenant bien
garde à ne pas y poser le pied.
À ce jour, la troupe propose deux re-
présentations différentes, mais d’autres
sont en cours de réalisation pour les
mois à venir :
« De Tanith-Lenath à Laelith : du
Châtiment à la Lumière sainte » relate
le passé de Laelith lorsqu’elle n’était en-
core qu’un simple village et que la colère
divine s’abattit sur elle. La reconstitu-
tion du Châtiment est si immersive que
certains spectateurs entrent en transe
durant la représentation.
« Teaphanerys XIV – Le Règne
Divin » raconte la longue existence
du bien-aimé et regretté Roi-Dieu. Le
spectacle s’achève sur l’avènement de
Nin Ier. Là encore, les spectateurs ont
réellement l’impression de vivre les
scènes et nombre d’entre eux pleurent
à chaudes larmes ou se prosternent à
genoux.
Les rumeurs vont bon train quant à ce
nouveau type de spectacle et le lieu où
il se déroule. D’aucuns diront que cela
fait partie du plan d’assainissement de
la terrasse du Châtiment que met en
place le nouveau Roi-Dieu, et que les
huit mages seraient envoyés par les plus
308
une manne financière. Les vendeurs ambu-
lants se multiplient, les prostituées tapinent
aux heures creuses dans les rues attenantes.
Des gens d’horizons très différents se cô-
toient, membres de guildes et compagnons
s’observent, se disputent et fraternisent par-
fois. Les veillées se multiplient, ainsi que les
repas collectifs. C’est l’occasion de découvrir
des coutumes et des cuisines étrangères, ou
d’entendre les récits d’ouvrages lointains.
Comme le pont par-dessus la brume à Khijo,
ou la recette du doudilain aux agrumes d’après
Ashan-Sekour.
Courbé sur des parchemins ou parcourant
le chantier, tel est le maître d’œuvre Jean-
Baptiste Poquet. Ce petit homme aux oreilles
décollées coordonne tous les acteurs et les ar-
tisans du site. Il a fort à faire. Korasy, en froid
avec la Haute Guilde, a confié des postes clefs
aux Compagnons de la belle œuvre. Ces gens
connaissent des techniques novatrices ou
différentes, apprises de leurs multiples expé-
riences à l’étranger. Poquet, lui, est le fruit du
plus parfait académisme laelithien. Les que-
relles ne sont pas rares et il a du mal à s’impo-
ser. D’autant plus que Korasy lui complique la
vie en tranchant souvent en faveur des compa-
gnons. Parfois, quand il est seul, Jean-Baptiste
a des crises de panique. Des coulées de sueurs
froides l’inondent comme une plaine d’Egon-
zasthan à la fonte des glaces. Dans ces mo-
ments de crise, il se demande s’il n’est pas juste
un homme de paille, sacrifiable, si l’opération
devient un fiasco.
Les riverains aussi voient leur quotidien
transformé. Nombre de commerçants de
la Main profitent de l’or qui circule et des
commandes des chantiers. Mais certains
se plaignent de la poussière, du bruit et des
troubles qu’une telle entreprise provoque.
Sans compter les honnêtes gens qui cherchent
leur doudilain. Pour les parias du Châtiment,
le bilan n’est pas le même. Expulsés, repous-
sés vers le cœur de la terrasse, nombre d’entre
eux regardent le chantier avec méfiance. Les
plus anciens sont les plus dubitatifs ; habitués
à leur monde clos, c’est à peine s’ils viennent
voler des matériaux sur le chantier, la nuit. Il
faut avouer que des travaux de cette ampleur
font un magnifique terrain de jeu : labyrinthe
d’échelles et d’échafaudages qui ne demandent
qu’à s’effondrer, piles de matériaux qui for-
ment de véritables montagnes, avec leurs
grottes parfois…
La cellule Kessel
Mais l’idée même de reconquête n’est pas
pour plaire à tout le monde. Un groupuscule
de Conservateurs va tenter d’empêcher les tra-
vaux en jouant sur la peur et les talents d’alchi-
miste de Kessel, un vieux boutiquier du Nuage.
Pour cela, ils vont faire croire que le chantier
est hanté en attaquant sur plusieurs fronts.
Domil est un jeune maçon en apprentissage
dépendant de sa guilde. Affecté à divers tra-
vaux de base, il est parfait pour installer des
mises en scène. De plus Kessel lui a payé une
formation auprès d’un mage qui lui a appris
les bases de l’illusionnisme. Baltus est un tra-
vailleur de force, très religieux et convaincu
que changer la terrasse du Châtiment est un
sacrilège. Il est là pour protéger Domil si les
choses tournent mal, mais aussi pour brouiller
les pistes. Si les PJ tournent autour du jeune
maçon, Baltus préparera la prochaine trompe-
rie en espérant que cela suffise pour dédoua-
ner son collègue.
Ils comptent mélanger le mortier à un
mélange chimique, pour que la maçonnerie
« saigne » les jours de chaleur. Le même pro-
duit peut servir à laisser un message qui appa-
raîtra en lettres de sang. Domil soulignera l’ef-
fet de sons fantomatiques. Des hallucinogènes
provoquant des cauchemars seront souvent
mélangés à la cuisine du midi. Des doses plus
fortes provoqueront des hallucinations, des
visages qui apparaissent dans les enduits, ou
des statues qui tournent la tête.
En coulisse, Lorelise se mêlera aux pros-
tituées qui travaillent autour des chantiers.
Sur l’oreiller, et sous couvert de la peur que
lui inspire le chantier, elle racontera aux ou-
vriers moult légendes horribles, comme celle
du spectre incandescent qui arrache l’âme
des gens dont il croise le regard, et qui aurait
hanté le quartier en réfection. Un cerf-volant
enduit de produit phosphorescent, et prêt à
se consumer à la moindre étincelle dans un
flash de lumière, donnera par un soir d’orage,
corps à la légende. Pour ne pas se faire repérer,
la belle aux charmes fatigués par une vie en
Châtiment, changera plusieurs fois de nom et
de coiffure, aidée par Amata. Cette apprentie
sosiste, un peu voleuse, essaiera par exemple
de subtiliser les musettes des ouvriers pour les
remplacer par les mêmes, grouillantes d’asti-
cots. La meilleure façon de repérer Lorelise
est de reconnaître son parfum, car elle utilise

des extraits concoctés par Kessel, qui lui per-
mettent d’implanter plus profondément dans
l’esprit de ses clients les histoires qu’elle leur
murmure.
Si cela ne suffit pas, ils mettront en scène
une fausse attaque de monstre. Baltus se cou-
vrira de griffures à l’aide d’une vieille patte
de griffon que Kessel conserve momifiée, et
il viendra, en sang, alerter les autorités. On
retrouvera le corps de Domil horriblement
mutilé sur le chantier et Lorelise fera tourner
une histoire s’appuyant sur la vérité des cava-
liers, mais en exagérant la part démoniaque
des créatures. En fait, Domil se mettra juste au
vert, son cadavre sera celui d’un jeune homme
gracieusement fourni par les marchands de
victimes.
La mère Zig-Zag entre en scène
Sans aller aussi loin que Kessel et ses com-
plices, des sympathisants issus des rangs des
Conservateurs et des miséreux du Châtiment
viennent souvent manifester aux frontières
du chantier : il faudra les disperser. Pendant
un de ces rassemblements, arrangez-vous
pour qu’une diseuse de malheur saisisse sè-
chement la main d’un PJ, avant de lancer
d’une voix de crécelle : « Ouuh, vous allez
vers de graves déconvenues, ouiii de graves
déconvenues parce que… » Un mouvement
violent d’un manouvrier l’interrompt, mais
l’homme ne va pas plus loin. Il a peur. La
vieille, ratatinée, n’a eu qu’à le fixer dans les
yeux pour qu’il recule et se signe en por-
tant les mains à ses tempes, comme les fi-
dèles du Crâne. Mais la garde commence à
disperser la foule et la vieille est emportée
dans la cohue. Le manouvrier murmurera
« Foutues diseuses de malheur… », tandis
que le PJ constatera que l’ancienne lui a volé
une bague ou tout autre objet précieux. S’ils
se renseignent, les aventuriers apprendront
que les diseuses se font toujours payer, d’une
façon ou d’une autre, et qu’ils ont sûrement
rencontré la mère Zig-Zag.
Les Cavaliers d’Urs
S’il est vrai que les pierres sanctifiées par
les quatre Temples ont dompté les ruelles du
Châtiment, du moins pour un moment, ses
fantômes restent libres d’aller et venir. Tel le
burgrave d’Urs, un seigneur d’Agramor qui
dut s’exiler avec son ost à cause de la pression
populaire. Les sources divergent : certaines af-
firment qu’il ne put calmer son goût du sang à
la fin des massacres ethniques qui marquèrent
Les Cavaliers d'Urs
hautes instances de la ville. Certains
disent même que ce sont des émissaires
des quatre archimages de la Tour ma-
jeure, et que toute cette mise en scène
servirait à redorer la réputation des
lanceurs de sorts à Laelith.
Ces spectacles attirent petit à petit des
habitants de toutes les terrasses, qu’ils
soient pèlerins, prêtres, riches mar-
chands ou nobles. Le Grand Théâtre sur
la Prospérité aurait, dit-on, constaté une
légère baisse des recettes les jours où se
produisent les illusionnistes conteurs.
Et cela n’est pas sans susciter quelque
jalousie bien entendu.
Depuis chaque bord de la Faille, riches
et pauvres se contemplent, se dénigrent
ou s’envient, mais tous mettent de
côté pour un soir leurs rancunes et
s’émerveillent ensemble des lueurs
iridescentes, des senteurs exaltantes et
des mélopées chatoyantes offertes par
ces nouveaux conteurs.
(Ah !, et au cas où vous vous pose-
riez la question, ces spectacles sont
franchement sans intérêt lorsqu’on est
immunisé aux illusions !)
Le Châtiment 309

Aux dés sans dieux
ni maîtres
C’est un tripot mal famé en bordure
de la Faille (G7). S’y retrouvent toutes
sortes de malandrins et de gens paumés
qui viennent jouer aux dés ou aux
cartes en buvant de piètres boissons. Les
disputes entre joueurs sont évidem-
ment fréquentes, et lorsqu’une triche
est avérée il n’est pas rare de sortir le
contrevenant par la porte de derrière
qui mène à la Faille. Autant dire que
dans ces moments-là, le sort du pauvre
hère dépend de peu de chose : soit il sait
voler, soit il s’écrase en contrebas. Les
clients font des pronostics sur son point
de chute : un rocher ou directement
dans l’eau, ce qui, à cette altitude, ne
change pas grand-chose pour la victime
de toute façon. Hormis ces quelques
incartades, si l’on sait se montrer discret
et peu dérangeant, l’ambiance y est
plutôt « sympathique ».
Les clients viennent avant tout pour
jouer et oublier leur misérable existence
dans le quartier maudit de la Cité
sainte. Et leur autre activité favorite,
en dehors des dés et des cartes, est la
castagne, avec là aussi divers paris pris
en criant à tout va lorsque les esprits
s’échauffent. Mieux vaut ne pas être un
freluquet si on souhaite participer à la
bagarre.
Le tenancier du tripot, Asmiren de
Goracht, un ancien légionnaire agramo-
rien qui a pour ainsi dire un doudilain
sous le bonnet suite à son trop long
passé de guerrier, aime cette ambiance
de ripaille et de castagne. Il incite même
ses clients à participer lorsque c’est
trop calme. D’ailleurs, son passe-temps
favori est de désigner comme victimes
les nouveaux venus qui seront alors la
cible des premiers coups portés. Cela
se termine inévitablement en bagarre
générale.
Si vous faites partie des désignés, ne le
prenez pas mal, on vous accuserait de
rabat-joie et vous auriez des chances de
subir le même sort que les tricheurs.
310
la province, d’autres qu’un sorcier elfe lui livra
sous la torture les secrets de rituels maudits.
Toujours est-il qu’à son arrivée dans la Cité
sainte, avec ses guerriers, il s’établit volontai-
rement au Châtiment, conscient d’y échapper
à tout contrôle. Il y fit régner la terreur, la ru-
meur prétendant même que ses chevaux man-
geaient de la chair humaine, et il finit pendu à
un arbre.
Les hommes du burgrave sont devenus des
croque-mitaines pour les habitants et leurs
souvenirs ont pris tellement de consistance
que la terrasse leur a redonné corps : le bruit
des cavalcades de leurs chevaux spectraux ré-
sonne parfois dans les ruelles sombres, et leurs
lames, en raclant les murs, laissent des sillons
d’étincelles. Et quand ils regagnent le territoire
des ombres, les Cavaliers d’Urs ne repartent
pas seuls. Le burgrave, qui s’est réincarné dans
l’arbre auquel il fut pendu, formant avec lui
une entité de cauchemar, attend patiemment
le retour des cavaliers pour se « nourrir » de
leurs prises.
Pendant la surveillance du chantier, les
aventuriers pourront entendre les échos de
chevauchées et, s’ils se mêlent à la faune locale,
ils auront vent de la disparition de plusieurs
personnes. Mais il serait souhaitable qu’ils
mettent ces événements sur le dos de la cellule
Kessel.
Faux semblants
L’arrestation des imposteurs de la cellule
Kessel doit constituer une véritable fausse fin
pour le scénario. L’idéal serait une poursuite
épique dans les échafaudages. Baltus déclen-
chera une avalanche de rondins. Domil se ré-
fugiera dans les hauteurs, se cachera sous les
bâches. Amata peut tenter de se faire passer
pour l’un des personnages pour s’approcher
d’une cible. En outre, elle est suffisamment
agile pour utiliser cordages et poulies.
Mais une fois le complot des Conservateurs
déjoué, et les aventuriers persuadés qu’ils sont
tirés d’affaire, l’Astoria pourra être rapidement
construit et il sera grand temps de célébrer son
inauguration. Une partie du gotha de Laelith
est là pour l’occasion, et Korasy frétille comme
un brochet dans un banc d’alevins. Pendant
que la fête bat son plein, un mouvement de
panique prend naissance à la sortie d’une
échelle : les Cavaliers d’Urs font une rapide in-
cursion pour arracher quelques invités avant
de tourner les talons. Profitez de l’événement
pour que les personnages prennent la mesure
de leurs adversaires : si le son est assourdis-
sant, on ne voit que l’impact des sabots dans
la poussière, les sabres qui griffent les murs
d’étincelles. Ce ne sont que des ombres. Les
coups portés les traversent sans effet, mais si
un de vos héros s’interpose, il prendra un coup
de sabot au front et ressentira une profonde
douleur. Korasy et Ssuran n’hésitent pas à prê-
ter main-forte, chacun selon ses capacités : le
premier en cherchant à briller, le second en le
couvrant magiquement et discrètement. Mais
la meilleure chose à faire, c’est de mettre les
gens à l’abri.
Une fois les cavaliers repartis, les PJ vont su-
bir la pression de Korasy et des autorités pour
retrouver les disparus. Poquet viendra même
pleurer dans leur giron : s’ils ne règlent pas
cette histoire diligemment, il finira dans les
geôles ou pire.
Des idées pour un an de chantier
Voici quelques idées pour animer les mois
de surveillance du chantier et de services à
l’extérieur de Laelith. Si vous comptez faire
jouer le mini-scénario Châtiment 1 – Nin 0
(voir plus loin), profitez-en pour faire évoluer
la situation de ce côté-là…
En ville
• Des habitants du Cloaque montent à la sur-
face par les fondations.
• Des manifestations de Conservateurs ou
d’ouvriers effrayés. N’oubliez pas que la
mère Zig-Zag a un rôle à jouer.
• Une loterie est organisée pour promou-
voir le nouveau quartier. Les participants
peuvent gagner des parts dans la société
de construction, et même un appartement,
s’ils remportent le gros lot. Un afflux de cu-
rieux vient s’intéresser aux travaux. C’est
un moyen d’intégrer de nouveaux joueurs
ou de motiver l’équipe si les personnages
deviennent partie prenante de l’affaire
financière.
• En creusant les fondations, on déterre un
cadavre curieusement habillé. Entre les su-
perstitions (pas toujours fantaisistes) et de
possibles prétentions archéologiques de
l’Université matérialiste universelle, il vau-
drait mieux faire disparaître les restes en
 toute discrétion. Comme par malchance,
les gardes sont sur le qui-vive, et tout peut
finir en poursuite. Ajoutons qu’une des plus
vieilles momies du Cloaque aimerait bien
récupérer la dépouille de sa sœur.
• Le quartier devient une destination à la
mode pour les fêtards qui veulent se faire
peur. Parmi eux, des peintres de l’échelle des
Toits pointus s’amusent à venir peindre des
fresques apocalyptiques sur les nouveaux
murs ou les palissades. Les PJ feraient mieux
d’être diplomates avec ces plaisantins, sinon
leurs caricatures vont fleurir partout en
ville.
• Une épidémie de chocotte, une grippe
entraînant fièvres et tremblements, dé-
cime les équipes. Les PJ peuvent endosser
certains rôles sur le chantier, ou se lan-
cer à la recherche d’ingrédients pour des
médicaments.
• Les porteuses de pierre d’Olizya sont tou-
jours prêtes à montrer leurs talents. Les
paris et les concours sont courants et les
aventuriers pourraient même se voir dé-
fiés… ou mis à contribution s’ils sont du
sexe « faible ».
• Le vol de la coudée royale-divine. La règle
étalon, à partir de laquelle sont établies
toutes les autres règles et mesures, a dis-
paru. Impossible de travailler sans elle… À
moins de faire appel à un des clochards du
Châtiment, super doué en maths… un cer-
tain Pythator, qui dirige une espèce de secte
adoratrice des nombres.
En extérieur
• Les carriers de Massagettes mettent à jour
un tunnel dans une carrière. Étrangement,
des ouvriers commencent à disparaître.
Certes les souterrains abritent des tribus de
gobelins fouisseurs, cousins des monstres
du Cloaque, mais ils n’y sont pour rien : les
ouvriers ont été enlevés par la concurrence
zadulienne.
• Les bûcherons sont harcelés par un ours,
une bête semi-légendaire, maligne et vi-
cieuse. Si les PJ la chassent, ils ne sont pas au
bout de leur surprise. La bête les mènera par
le bout du nez, dans des pièges naturels et
la tanière d’autres prédateurs. Elle semblera
douée d’ubiquité et pour cause : elles sont
deux prédatrices jumelles.
• Une grande fête va avoir lieu, qui durera
plusieurs jours. Les ouvriers veulent y par-
ticiper en soirée, et les PJ vont avoir fort à
faire pour assurer leur sécurité, les empê-
cher de se battre pour une fille, veiller à ce
que le travail continue à avancer dans de
bonnes conditions le reste du temps… Sans
compter que les aventuriers seront peut-
être gagnés par l’ambiance.
• Des trains de bois disparaissent lors de leur
trajet sur le lac. Un des princes pirates s’est
mis dans l’idée de se construire un palais.
Galerie de portraits
Il serait dommage de n’avoir sur le chantier
que des compagnons et des traîtres.
Citons Dromaque qui, dès son arrivée sur le
chantier, a pris quelques briques pour bâtir un
four. Le maçon est levé dès potron-minet et ré-
gale les matinaux de brioches et de pain chaud.
Rosace n’est pas aussi bonasse. Il passe sa
journée à maugréer contre les compagnons
et leurs folies, à répéter qu’il est un tailleur de
pierre de la Cité sainte et qu’il a participé à la
rosace au-dessus de la porte principale, place
du Nuage neuf.
Gudrid est une femme dans un univers
d’hommes, elle a grimpé tous les échelons de
sa guilde de verriers, que ce soit par le mérite
ou grâce à la famille. Ridée comme un pruneau
et fumant le cigare, elle regarde les choses avec
distance, mais redevient une petite fille pour
peu qu’on lui offre du chocolat de Kaoca.
Boulin et Damazio sont deux manouvriers
réputés pour leur force, pas pour leur intelli-
gence. Ils sont toujours à concourir pour sa-
voir lequel des deux est le plus costaud, et sont
horriblement manipulables si on pense à les
mettre en concurrence.
Maître Stolique est le géomètre le plus poin-
tilleux et le plus inflexible de la terrasse. Cible
quotidienne des blagues des ouvriers, il cache
une âme vagabonde et connaît toutes les es-
pèces d’oiseaux qui viennent sautiller sur les
échafaudages.
Rampol est son élève. La liberté des com-
pagnons le fascine et l’horripile à la fois. Et
comme il désespère de pouvoir un jour payer
le festin nécessaire pour être reconnu comme
maître, il vole de-ci de-là des objets de va-
leur qui traînent ou revend des matériaux en
douce.
Le lotus mauve
Qui a décidé de donner aux ouvriers du
chantier du lotus mauve ? Cette drogue,
très prisée dans les milieux bourgeois et
trouvable exclusivement sur la terrasse
du Châtiment, est parfois utilisée pour
doper les travailleurs. Elle induit en
effet une sorte de torpeur mentale
qui fait passer le temps plus vite, tout
en décuplant la force et l’endurance.
Problème majeur sans doute mésestimé
par le fournisseur : le lotus mauve est
un puissant aphrodisiaque addictif
quand il est consommé régulièrement.
Autant dire que l’activité des ouvriers
du chantier, copieusement dopés, s’est
un tantinet éparpillée.
L’affaire se complique : un tailleur
de pierre aux mains baladeuses a été
retrouvé la tête écrasée par un bloc de
calcaire brut. Une porteuse d’Olizya
particulièrement coriace est accusée du
meurtre.
De pères en fils
L’Entonnoir d’argent est la taberge la
plus célèbre du Châtiment. Ce serait un
havre de raffinement mais tomber des-
sus, dans ce quartier, tient de la gageure.
Elle doit son nom à l’objet qui lui sert
d’enseigne et que lustre à longueur de
journée son patron, Arzak Khramuten.
Les Khramuten se transmettent l’af-
faire de génération en génération, mais
des fils qui ressemblent tellement à leur
père et qui portent le même prénom, ça
alimente les rumeurs !
Les Rippos Navron nourrissent les
mêmes commérages, tout comme
les Korris Engalar. Les premiers sont
forgerons de père en fils. Aux dires des
racontars, ils forgeraient toujours la
même épée « destinée à tuer la Mort
elle-même » avec la même masse,
depuis des lustres. Quant aux Korris
Engalar, ce ne serait pas qu’un simple
rabot qu’ils se transmettraient de l’un
à l’autre, mais également le même goût
pour la perversion. Leurs œuvres, des
sculptures de bois morbides, parsèment
la terrasse. Mais allez mettre la main
sur le sculpteur lui-même dans
ce maudit quartier !
Le Châtiment 311
 L’hôtellerie
des nacelles
« Le sirop avait mélangé mes sens et
rendu hasardeux mes pas. Je me re-
trouvais à marcher sous la lune, ivre et
précédé par des culs-de-jatte hilares qui
jonglaient avec des flambeaux et trot-
taient sur leurs moignons suppurants.
Ils me conduisirent jusqu’à la façade
d’une bâtisse penchée, d’où dégringolait
une échelle de corde. Mon hôtellerie
pour la nuit. La nacelle douillette et per-
chée d’une nef perdue, un de ces engins
volants que les riches oisifs lancent vers
le ciel depuis le jardin des Répartiteurs,
et que le vent malin rabat sur les toits
de la cité comme autant d’écueils
naufrageurs… »
Ermold le Noir, « Sept nuits au
Châtiment »
Les montreurs
d’araignées
Œuvrant au sein du Cirque du mal-
heur ou en indépendants, les montreurs
d’araignées sont des saltimbanques ca-
pables de dresser des araignées de toutes
tailles à accomplir des tours plutôt gla-
çants. On peut le dire : la plupart de ces
montreurs savent maîtriser leurs bêtes
de foire. Sur la place des Mille Parfums,
on trouve un Arachnien de la Marche
d’A zilian qui exhibe de gigantesques
huntras pour faire frissonner les dames.
En réalité, les connaisseurs savent
que les plus inquiétants sont ceux qui
présentent de petites araignées au venin
foudroyant, et qui empochent quelques
pièces d’or sous le manteau.
Les souffre-douleur
Vous voulez passer vos nerfs sur une
personne plus faible que vous ? Vous
désirez engager quelqu’un afin qu’il se
fasse corriger à votre place ? Offrez-
vous les services d’un souffre-douleur
qui s’accusera à votre place en se faisant
passer pour vous. La plupart de leurs
services ne sont pas en location, car
nombreux sont ceux qui trépassent
après leur première affectation.
312
Événements aléatoires
1 Sur l’espace de quelques rues, les interlocu-
teurs des PJ sont tous des enfants, fardés
outrageusement, et se comportant comme
des adultes qui, eux, semblent avoir dispa-
ru. La rue de Jouvence n’est pas loin…
2 Un sosiste a repéré un des PJ et rêve de le
remodeler. Pour le capturer, il va utiliser des
gaz soporifiques et des brutes contrefaites,
ressemblant vaguement à des personnali-
tés de la ville. Mais pourquoi le double du
fouineur Lamb a-t-il un groin de cochon ?
3 Une pluie de sauterelles digne de l’Exode.
Les gens sont partagés entre horreur et en-
vie de faire des provisions.
4 La même rue déserte qui se répète sans
cesse, comme une prison. Sur un mur, des
Cussio le charpentier a connu une histoire
d’amour tragique avec une belle dame d’Egon-
zasthan. Depuis qu’elle est repartie dans ses
terres humides, l’homme s’alcoolise et s’étiole.
Il multipliera les bourdes, certaines dange-
reuses, et finira par se pendre à une poutre le
jour de son renvoi. Du moins si on ne l’aide
pas.
Ljipke, lui, estime que chaque femme a son
prix et que ce prix s’énonce en valeurs co-
mestibles : une saucisse et deux œufs pour
Lorelise, un hareng pas frais pour Gudrid…
Aralugal est plein d’attentions : un grog si
vous êtes enrhumé, une paire de mitaines tri-
cotées par sa vieille mère pour éviter que ça ne
se reproduise, ou bien un peu de graisse pour
vos cuirs. En vous offrant son petit cadeau, il
ne pourra s’empêcher de glisser une allusion
sur son sujet de prédilection : les complots
ineptes. Savez-vous que les centaures sont
derrière la construction du nouvel hippo-
drome ou que Laelith serait contrôlée par des
êtres minéraux ? Et si vous avez le malheur de
lui donner la réplique, vous êtes parti pour des
heures de conversation.
Acte III :
Les Cavaliers d’Urs
Les PJ chercheront sûrement à se ren-
seigner avant d’agir. Par la bouche des pa-
rias du Châtiment ou dans les archives de la
Bibliothèque de la foi, on peut apprendre l’his-
toire et les rumeurs concernant le burgrave
lettres peintes annoncent : « La liberté est
dans l’escalier. » Mais où est l’escalier ? Il
faudra grimper au balcon d’une fenêtre dé-
foncée pour le trouver. C’est un colimaçon
intérieur qui mène à une autre rue.
5 Tout à coup, des amputés et des culs-de-
jatte, la torche à la main, obstruent en
criant les deux issues d’une ruelle. Calmez-
vous, ce n’est pas une embuscade, juste
une représentation improvisée du Cirque
du malheur.
6 Une horde de gros rats se dispute en pleine
rue autour d’un doigt coupé portant une
chevalière. Le bijou pourra être identifié
comme propriété d’Esope Ragouline, mais
rien ne garantit que le doigt soit le sien
d’Urs. L’ambassade d’Agramor, elle, garde le
silence.
Les anciens résidents du quartier se sont
réfugiés autour de l’arbre à fièvres. Ils pour-
ront raconter que pour éloigner les cavaliers,
on leur a toujours dit de tresser des couronnes
d’aubépine ou d’allumer une bougie de suif
noire. Si la chandelle n’est que superstition,
l’aubépine remémore aux cavaliers leur fief
d’origine. Cet élan de nostalgie ravive leur hu-
manité et leur fait perdre un peu de leur fé-
rocité démoniaque. Les miséreux diront aussi
que des téméraires ont déjà essayé de lutter
contre les cavaliers, mais que leurs coups n’ont
jamais causé de dommages.
Si les PJ contactent des historiens, ou autres,
ils peuvent apprendre la devise de la famille
d’Urs : « Par l’épée et par la charrue ! » Cette
phrase, lancée au visage des cavaliers, peut
avoir l’effet d’un sort de paralysie très court, le
temps qu’ils se rappellent leur passé.
Dans les dédales de la Bibliothèque de la foi,
ou au contact des Repentants, on peut trouver
la recette d’une huile dont il faut enduire son
épée pour pouvoir atteindre les spectres. Les
PJ pourront trouver les ingrédients soit dans
le laboratoire de Kessel, s’ils l’ont fait arrêter,
soit en les faisant payer par Poquet, pressé d’en
finir avec cette histoire de chantier hanté.
Par contre, seule la mère Zig-Zag pourra
conduire l’équipe au « foyer d’infection », les
portes du castel d’Urs. Pour la trouver, il fau-
dra aller jusqu’au cœur de la terrasse et affron-
ter le Châtiment.
La mère Zig-Zag reçoit toujours sur rendez-vous,
même si vous n'avez pas pensé à le prendre. Le Châtiment 313

Prologue :
La maison qui pousse
À proximité du chantier de l’As-
toria, une petite impasse glauque
cache l’existence d’une très
étrange maison, particulière-
ment affectée par les puissances
occultes de la terrasse. Les PJ y
pénètrent par un trou dans le toit
(ou par un conduit de cheminée)
alors qu’ils sont à la poursuite
d’un assassin qui a sévi sur le site.
Aussitôt à l’intérieur de la bâ-
tisse, les PJ comprennent que les
choses ne vont pas bien : le tueur
n’est nulle part en vue, et sur-
tout la maison semble bien plus
grande qu’elle ne devrait l’être,
et particulièrement luxueuse, re-
gorgeant de tapis, de dorures,
d’ébénisterie d’art, de sculptures.
En explorant, les PJ comprennent
que la maison est labyrinthique :
les pièces changent régulière-
ment de position et de nouvelles
chambres et antichambres appa-
raissent constamment, aussitôt
meublées. Les fenêtres donnent
sur des tableaux accrochés aux
murs d’autres pièces, et pas
moyen de retrouver ce trou dans
le toit par lequel ils sont passés !
à force d’errance, ils finissent par
rencontrer le maître de maison.
Celui-ci, saoul et avachi sur une
table de banquet déserte, est
servi par une théorie de singes
de bois qu’il contrôle à peine. Il
vit seul, ne sort jamais et ne sait
même plus où se trouve la porte
d’entrée. Mais si l’on parvient à le
faire dessoûler, il se rappelle alors
que plus les pièces sont luxueuses,
plus elles sont récentes. Plus elles
ressemblent au taudis dans lequel
il vivait, plus elles sont anciennes.
La porte d’entrée véritable se
trouve dans le gourbi originel.
Sauront-ils retrouver à la fois la
porte et l’assassin ? Seront-ils les
victimes de ses embuscades ou
proposeront-ils au coquin une al-
liance de circonstance ?
314
Les PJ rencontreront la vieille sorcière
dans une cave inondée, et envahie d’escar-
gots, ces bestioles glaireuses dont on tire le
sirop du Châtiment. Il y en a partout sur les
murs, en train de lécher la pierre en si grand
nombre qu’ils produisent un son obsédant
et presque musical. Plusieurs pièces se suc-
cèdent, avec leurs murs lépreux qui dispa-
raissent sous les gastéropodes. Zig-Zag dort,
pliée en deux dans un fauteuil défoncé, des
escargots parcourant son corps racorni. Elle
n’est pas morte même si elle le semble. Elle
écoute les secrets que lui murmurent les cara-
cols gris. Jusqu’à ce qu’un PJ s’approche trop
d’elle et qu’elle lui saisisse le poignet, les yeux
flamboyants. Notez que les diseuses de mal-
heur ne peuvent pas travailler gratuitement :
si vous désirez son aide, elle se fera payer,
mais ce ne sera peut-être pas en or. Elle peut
aussi demander des services. Quand elle est
décidée à les aider, la Zig-Zag emmène les PJ
à la taverne. « Parce que la réalité fait parfois
des plis. Et les choses dans les plis, même si
elles sont invisibles, n’en sont pas moins
réelles. Je vais devoir vous conduire dans un
de ces plis. » Elle fait le tour des bouteilles de
froids abysses que le patron lui tend, effrayé
par les pouvoirs de la diseuse. Elle finit par en
choisir une, congédie l’aubergiste d’un siffle-
ment et brise le flacon sur le sol. Un froisse-
ment de jupons moisis, quelques mots et un
spectre s’élève au-dessus de l’alcool répandu.
« Lui connaît le chemin, ne le perdez pas de
vue. » Et voilà notre équipe en train de courir
derrière le souvenir glacé d’un des morts de
l’année. Cet ectoplasme va les guider jusque
dans le « pli »… Pour peu que les personnages
courent assez vite ! Situations possibles sur le
chemin :
1. L’ombre traverse un mur, difficile de la
suivre, sans faire un détour, ni défoncer une
palissade.
2. Les flagellants sont communs en religion,
comme dans le Châtiment. Zigzaguer entre
ces pénitents et leur procession sera difficile.
3. Après un dédale de portes moisies et de
couloirs intérieurs dans des masures bran-
lantes, l’esprit commence à se glisser dans
des zones à demi-mortes, des souvenirs de
la terrasse, des endroits perdus dans l’es-
pace et le temps. Les personnages auront
l’impression de revenir sur leurs pas, de
courir à nouveau vers le chantier, mais
sans reconnaître réellement leur trajet.
Des gens au visage couvert de cendres
pleurent dans la rue la mort d’Hetelred III
dit l’Éphémère, les saisons passent dans le
ciel comme des nuages un jour de grand
vent.
4. Dans cette partie de la réalité, la rue
Grouillante a envahi quasiment toute la
terrasse. On peut certes tenter d’esquiver
les tentacules, mais de toute façon ils s’effi-
lochent et partent en poussière.
5. Le fantôme passe au travers d’un groupe de
personnes qui essayent de le disperser. S’ils
parviennent à leurs fins, les PJ vont être très
embêtés.
6. Les cavaliers occupent un castel de pierre
arrachée à la terrasse et établi sur un rocher
sombre. La ville semble avoir disparu et les
aventuriers ont l’impression d’être en pleine
campagne agramorienne. Une route ser-
pente jusqu’à la porte.
Le castel d’Urs
Lors de l’intervention des cavaliers pendant
l’inauguration de l’Astoria, l’un des person-
nages a peut-être été frappé au front, marqué
d’une trace brûlante en forme de fer à cheval.
Cette blessure lui vaudra des migraines et des
malus, surtout si c’est un mage, mais servira de
détecteur à fantômes dans le castel, en palpi-
tant à l’approche des cavaliers. Cela aidera sur-
tout à faire monter l’ambiance.
Le castel d’Urs est une tour ronde d’un dia-
mètre impressionnant. Elle est en fait creuse,
et renferme un jardin central qui abrite l’arbre
auquel est désormais lié le burgrave. Mais le
seul accès pour rejoindre ce jardin est un esca-
lier intérieur qui part du deuxième étage pour
rejoindre la cour.
1. Deux guérites encadrent l’entrée de cette
salle. L’une n’est plus qu’un amas de bois
vermoulu, l’autre s’effondrera pour peu
qu’on y touche.
2. Une grande salle d’écurie, pleine de crot-
tin et de traînées sinistres. Les stalles vides
portent les noms de bêtes de cauchemar
plutôt que de chevaux : Mords-sans-Joie,
Brisefront et Faiseur de Veuves sont les plus
doux. Si les aventuriers fouillent un peu, ils
trouveront une oreille humaine, au milieu
des excréments.
Ils ne croiseront jamais vraiment les
chevaux, même si le bruit de leurs sabots
 7 Castel d'Urs
6

Vers
étage 4
1

Rez-de-chaussée

Étage
9

8
10
Vers
rdc
11
13

12

Le Châtiment 315
 Les fauteurs de
troubles
On emploie ces personnes pour semer
la zizanie où que ce soit. Elles se font un
plaisir de créer chaos et confusion avec
une maîtrise innée de l’art. La plupart
du temps, cela se résume par une cohue
générale et l’arrivée de la garde.
Brève de taberge
« Je te dis qu’ils construisent des galères,
d’autres Tanith-Lenath ! Faut pas être
bien malin pour deviner qu’ils vont
nous empiler dedans, à quatre par banc
de rame, quand ils auront rénové le
quartier et qu’ils sauront plus où nous
caser, nous les indésirables ! »
Fragment
d’un carnet
repêché dans l’Inlam
«… certifions, qu’après expérimentation,
les tatoueurs-cartographes, qui prétendent
vous tatouer sur le corps un plan vivant et
précis du quartier, ne sont en fait que des
escrocs de bas étage. Une dernière étude
reste à être menée auprès d’un individu
surnommé «le Tatoueur». Difficile à
rencontrer. »
Sagesse
« Tu vois, petit, les nouveaux venus, ils
connaissent pas la valeur des choses.
Aussi, tu peux en profiter pour leur
échanger leur doudilain, leurs fringues
ou leurs chaussures, contre des conseils,
un endroit où dormir ou même tes
lithals. Ça se bouffe pas, les lithals… »
316
et leur hennissement ricaneur hantent les
corridors. Parfois une ombre surgit et de
grandes dents d’ivoire essayent de leur ar-
racher un peu de viande. Quelques coups
d’épée et elle semble se dissoudre dans l’obs-
curité. Si l’un des PJ a reçu un coup de sabot
lors de l’inauguration, la marque palpite et
pulse quand un de ces démons équestres
approche.
3. Des étuves crasseuses. Trois bancs de pierre
pour les massages, et deux bassins d’eau
froide. À la surface, comme des nénuphars
morbides, flottent des chevelures de femmes
qui coulent et disparaissent dans les abysses
sitôt qu’on les effleure.
4. Le réfectoire. Devant un feu où rôtit une
carcasse inidentifiable, sont attablés trois ca-
valiers en cotte d’écaille, le visage mangé par
des casques à nasal. Ils se lèvent et affrontent
les PJ. De round en round, c’est comme si la
chaleur faisait fondre leur chair pour ne for-
mer qu’un corps massif tout en gueule et en
lames, une bête couverte d’écailles de métal
et avide de chair.
Un escalier monte au second étage.
5. Une cuisine où tout moisit et s’oxyde, sauf
les couteaux à découper, étincelants sur
leurs crochets.
6. Une buanderie.
7. D’anciennes réserves, un empilement de
tonneaux et de caisses qui tombent sur les
PJ à peine ils ouvrent la double porte.
Le second étage
8. Trois chambres en mauvais état. Accroché
au bois du lit, un collier d’oreilles d’elfe
momifiées.
9. Une salle de bal. La seule chose qui y valse,
ce sont les dizaines de peaux humaines
mises à sécher sur de longs fils de soie. Le
vent sifflant par les meurtrières leur donne
le tempo alors qu’elles essayent d’enrouler
leurs bras autour du cou des passants.
10. Deux escaliers s’accrochent à la façade in-
térieure pour accéder à la cour. Ils sont sans
parapet et glissants de mousse. De leur som-
met, on peut voir toute la cour.
11. L’ancienne chambre du seigneur. Les
meubles n’y sont qu’entailles, échardes,
portant les traces d’innombrables coups de
flamberge. Quelques statues de Dieux déca-
pitées, pendues par le socle, sont accrochées
à la charpente. La pièce ne sert que de dé-
barras depuis des éons. Le sol est un entas-
sement d’habits arrachés aux victimes. Les
plus anciens forment une sorte de couche
brune et indissociable.
12. Cette pièce était peut-être un salon, une
pièce à vivre, mais la foudre a taillé une
brèche dans le mur sud et des moellons
noircis encombrent le sol. On a entrepo-
sé du matériel de torture, chevalet, vierge
de fer… qui a servi un temps, mais plus
maintenant.
13. La cour est le cœur du castel. Il s’y dresse
un arbre tordu aux branches duquel
pendent les corps nus des gens enlevés par
les cavaliers. Un jardinier obèse et colossal,
en tablier de cuir et masque de bourreau,
semble cultiver ce décor obscène. Il sou-
tire une pinte de sang aux prisonniers, un
par un, pour nourrir l’arbre. Les racines
monstrueuses forment un visage torturé,
la bouche grande ouverte, prête à avaler le
sang litre après litre. Agenouillez-vous de-
vant le seigneur de Urs, le maître de céans,
devant une légende vivante de la terrasse qui
n’attend que d’être déracinée. Mais il faudra
d’abord vaincre le jardinier. Et ce ne sera pas
une petite tâche.
Si les aventuriers mettent le feu à l’arbre
ou s’ils trouvent un moyen de tuer le végé-
tal diabolique, les racines se tordront en une
parodie de mot mal articulé, dans un grince-
ment de bois tordu. Des gens sachant lire sur
les lèvres déchiffreront sûrement un « merci »
maladroit. Mais qui peut être sûr d’avoir bien
deviné les dernières intentions d’une horreur
pareille ? Quant aux victimes, à vous de voir
quelle conclusion vous voulez apporter à leur
calvaire. Une fin heureuse ? Alors les PJ arri-
veront à temps pour leur éviter d’être saignés
à mort, et ils seront fêtés comme il se doit.
Sinon, il ne reste que quelques survivants,
dont Barnabas de Margan, un clerc-courti-
san ayant assez d’influence. Ce protecteur
peut rester tourmenté par son passage en
Châtiment et développer une sorte d’atti-
rance pour la terrasse. Cette névrose pourrait
le pousser à employer les PJ et il deviendrait
ainsi le prétexte à de nouvelles aventures dans
le quartier.
 Scénarios

Idées d’aventures
Châtiment 1 – Nin 0 poches de charbon, s’enduisent de phosphore qui leur fait
des casques écarlates. Pour en finir avec le Châtiment, il suf-
La reconquête de la terrasse court au fiasco : les pierres
firait de tout brûler. S’il n’y a plus personne à maudire…
bénites des Temples vont être corrompues par le Châtiment
Comme si cela ne suffisait pas, les mains du monument du
et ajouter leur magie aux perturbations chaotiques. Voilà
Souvenir se sont animées : l’une, chevauchée par des hordes
quelques signes avant-coureurs :
de Porte-ténèbres hallucinés écrase les gens sous un doigt, et
• Des lignes de rouille sont apparues sur le bronze prématu-
l’autre chasse dans les ruines d’un immeuble.
rément verdi des mains du monument du Souvenir et une
diseuse de malheur a voulu y lire l’avenir. Nul ne sait ce
qu’elle y a vu : elle s’est enfuie en courant et ses consœurs
ne se risqueraient pas à renouveler l’expérience qui lui fit
Les résidants du Cloaque sont
perdre la tête. pleins d'appétit pour ceux qui
• Alors que vos aventuriers seront au calme, une bouteille cherchent à fuir le Châtiment
de froids abysses s’ouvrira toute seule et un hurlement via leur territoire.
sortira du goulot. L’incident se reproduira avec d’autres
bouteilles un peu partout dans le quartier.
• Plusieurs fois, toutes les portes du Châtiment se mettront
à claquer sur le même rythme et les plus savants pourront
y déceler un code d’avertissement.
• Les disparus du Pardon migratoire de l’an 973 refont sur-
face, comme sortis de nulle part, un jour de brume.
• Les animaux seront nerveux : ils voudraient fuir le quar-
tier mais eux aussi sont victimes du Châtiment.
Et, un jour, le monde devient fou : les pavés volent, les rues
se gondolent, se répètent à l’infini, parfois vides, parfois em-
plies de fantômes ou couvertes de poussière. Impossible
de trouver une sortie.
Il va falloir gérer la panique, explorer la zone
devenue un dédale bien pire qu’auparavant. Très
vite ce sera la guerre civile pour la nourri-
ture. Il faudra se barricader, s’organiser.
Et au fil des jours, les secours espérés ne
viennent pas. Des groupes se forment
et s’affrontent pour la survie. Sancillo
Korasy est à la fois un allié et une menace :
il est prêt à former une milice, confisquer
les armes, centraliser les ressources autour
de lui, et faire taire les opposants. Dans
une rue où les habitants semblent mourir
de froid, surgit un meneur dans la personne de
Brussolaire, un ancien du Temple de l’Oiseau
de feu, soi-disant touché par la grâce. Les lèvres
bleues, ses fidèles entassent des fagots contre
les murs, au point de les faire disparaître.
Le quartier devient un immense bûcher où
les gens s’aspergent de liquide inflammable
comme si c’était du parfum. Ils se bourrent les

Le Châtiment 317

Le marionnettiste
On peut croiser sur la place des Mille
Parfums un marionnettiste talentueux
qui promène avec lui son sosie, à qui il
fait dire ou faire les pires extravagances.
Pollen
« Chers confrères… et consœur, nous
sommes en chemin pour essayer de
trouver une solution à l’épidémie
qui s’étend. Au-dessus de la terrasse
du Nuage, le ciel est jaune de pollen,
les gens se barricadent chez eux et
la terrasse est à deux doigts d’être
paralysée. Si le phénomène prend de
l’ampleur et commence à gagner les
quartiers voisins, les artisans de la Main
vendront plus de masques respiratoires
que de pèlerines. Les prêtres sont prêts à
invoquer le saghiann. Espérons qu’ils ne
soient pas interrompus par des allergies
et des crises d’asthme… Atchoum !
Excusez-moi. »
Valdenath, aux trois autres grands prêtres,
dans le Chariot qui monte
318
C'est la mère Zig-Zag qui a
perdu son chat...
Mais dans cette pagaille, les liens magiques
qui unissaient l’entonnoir d’argent, le rabot et
la masse à leurs propriétaires ont été dénoués.
Les objets sont à nouveau accessibles. Il suffit
de s’en saisir, de réparer une machine volante
venue du jardin des Répartiteurs et écrasée sur
le pavé du Châtiment, pour pouvoir aller les
bénir dans les Temples et régler l’affaire des
Nourrices du Châtiment. Les trois figures, re-
devenues les Nourrices de l’Espoir, viendront
prendre les survivants par la main pour les
guider en dehors du chaos.
Libérés, digérés…
Cachés derrière des colonnes brisées, les PJ
sont en embuscade. Voilà plusieurs semaines
que les pierreuses disparaissent l’une après
l’autre. Ces prostituées trop abîmées pour
tapiner ailleurs arpentent habituellement les
ruines du temple des Anciens, à la recherche de
clients. Leur destin est souvent tragique, mais
depuis plusieurs nuits les choses s’accélèrent :
un prédateur les traque. Une bête aux grands
yeux jaunes, une chose capable de rentrer dans
les murs en ricanant, un monstre qui a coupé
le corps d’Hermanita l’aïeule d’un seul coup
de griffe. L’herzog Bogomolet qui les protège
d’habitude préfère se barricader avec sa clique
de miséreux au fond d’une crypte. Il ne restait
aux pauvres filles qu’à prier la Déesse décapi-
tée. Alors elles ont rassemblé leurs économies,
une poignée de pièces disparates, et elles ont
engagé les PJ, à moins qu’ils soient là pour la
beauté du geste. Mais pour chasser une bête
rusée et sadique qui semble pouvoir fusionner
avec la matière et se tapir jusque dans la pierre,
il va falloir frapper au bon moment.
Et la cour des miracles de Bogomolet est-elle
vraiment hors d’atteinte dans son tombeau ?
Une fois la bête tuée par les PJ, les filles ont
vendu sa dépouille au cuisinier du Damne-
Gosier. À moins que ce soient les aventuriers
qui en aient eu l’idée. Le Gastrolabe a, bien sûr,
cuisiné la chair du monstre en de succulentes
papillotes. Mais après avoir goûté à ses créa-
tions, il a disparu, comme happé par le plan-
cher. Depuis on l’entend appeler au secours
sans pouvoir l’atteindre, comme s’il hantait les
murs de la taberge. Les marmitons ont tous
fui, pris de panique, et c’est le grand Brumaire
qui vient chercher l’aide des PJ. Après tout, ce
sont eux qui ont tué la bête.
La voix du Gastrolabe leur promet une place
quotidienne à sa table, s’ils viennent le sauver.
Le seul chemin pour l’atteindre est de goûter
à leur tour les diaboliques papillotes et de se
faire avaler par la maçonnerie. Voilà vos aven-
turiers en pleine quête astrale à l’intérieur de
la structure même du manoir. Ce voyage va
ressembler de plus en plus à un périple au sein
d’un organisme vivant, où ils sont poursuivis
par les fantômes des pierreuses que la bête a
dévorées dans le premier acte. Du dédale de
la plomberie transformée en tripaille démo-
niaque, à la jungle des poumons dans les murs
humides des étages, les héros vont-ils se tailler
un chemin jusqu’au cœur de la bête, pour la
mettre définitivement à mort ? Ou jusqu’à l’ex-
trémité de son système digestif, pour finir re-
crachés dans les profondeurs sous le manoir ?
Des complications sont à prévoir. En effet,
profitant que le manoir est quasiment désert,
des cambrioleurs commencent par assommer
le grand Brumaire et piller la taberge. Les PJ,
devenus des sortes de spectres prisonniers des
murs, arriveront-ils à les faire fuir ?
Rage de dent
Des meurtres dans tout Laelith. Il manque
toujours une dent aux victimes. C’est à cause
des sculpteurs sur dents du Châtiment.
Quelqu’un essaye de reconstituer une œuvre :
le diptyque de Shonzinangranz, un Utruz
fou, initié à un culte sous-marin, et qui était
venu goûter à l’ombre des Grands Anciens
encore sensible sur la terrasse du Châtiment.
Il serait ensuite devenu sculpteur sur dents
et expliquerait dans son chef-d’œuvre comment invoquer
l’Ogru-Jahad, l’horreur tentaculaire d’outre-espace. À moins
qu’il n’ait été qu’un malade mental au cerveau rongé par les
drogues ?
Very bad trip
Les PJ se réveillent après une gueule de bois terrible et il
manque l’un d’entre eux. Ce dernier, lors d’une beuverie, a
renversé des larmes de diseuse et a ainsi déclenché une ma-
lédiction qui lui retombe dessus. Couvert de poils qui ne
cessent de pousser, il est chassé comme un monstre par les
repentants à travers les ruines du temple des Anciens. Il a
même des cheveux dans la bouche et ne peut plus s’expri-
mer. Pour le sauver, il va falloir retrouver l’itinéraire des
personnages à travers la terrasse du Châtiment. Ont-ils un
tatouage sur le ventre ? Une dent sculptée ? Et qu’est-ce que
cet appendice sinueux, taillé en forme de roi du jeu d’échecs
et doué d’une vie propre, fait dans le paquetage d’un aventu-
rier ? (À faire jouer en cas d’absence d’un joueur.)
Oiseau de mauvais augure
En dehors de la terrasse du Châtiment, les PJ tombent sur
des assassins tatoués qui fuient le lieu de leur crime. Les spa-
dassins engagent le combat. En tailladant un des assaillants,
un de ses tatouages représentant un oiseau « s’envole » et se
pose sur un PJ. Pas de chance, ce tatouage est l’unique signe
distinctif que le fouineur Lamb connaît des assassins qui n’en
sont pas à leur coup d’essai. Nos PJ se retrouvent recherchés
et obligés d’enquêter. Le fin mot de l’histoire : un groupe de
voleurs de la Chaussée du lac ont dérobé plusieurs bouteilles
d’encre du Tatoueur qui a envoyé ses sbires tatoués à leurs
trousses. Le Volume est lui aussi sur le coup, il souhaiterait
retrouver cette partie de lui-même qui lui a été arrachée.
Signet macabre
Une clocharde avinée du Châtiment se confie à un
aventurier : profitant de l’émotion suscitée par la mort de
Teaphanerys XIV, elle et son amant ont organisé une fausse
collecte pour l’enterrement du Roi-Dieu. Lorsque l’escro-
querie a été découverte, les deux complices ont dû se sépa-
rer. Notre première crapule a fini en Châtiment tandis que
le deuxième, Polyte, a été découvert quelques jours plus tard,
le crâne en bouillie dans la fameuse Bibliothèque de la foi.
Pas de chance, c’est lui qui avait le magot, que personne n’a
retrouvé. Il faudra organiser une véritable expédition de
chasse dans la bibliothèque, car Polyte a été la victime d’un
opus strangulateur, un de ces livres semi-vivants qui vous
saisissent le cou de leur signet pour mieux vous broyer le
crâne entre leurs pages et absorber vos connaissances sous
la forme d’un nouveau chapitre. Le magot est caché dans la
rue Grouillante, mais ce répulsif à tentacule est-il vraiment
efficace ?
Table d’aventures
1 Le Temple du Poisson d’argent engage les PJ pour re-
trouver Esope Ragouline. Un prêtre leur confie les écrits
du cartographe que vous pouvez lire en introduction
du chapitre sur le Châtiment, annotés de sa main. S’il
va être délicat de retrouver les lieux qu’il décrit, il sera
plus aisé de retrouver les personnages auxquels il fait
référence.
2 À l’échelle aux Noyés, une vieille caravelle est encas-
trée dans les étages d’un bâtiment. Les riverains sur des
escabeaux ont l’habitude d’arracher les moules cram-
ponnées à la coque. Mais à peine la pluie commence à
mouiller les rues, que les gens se barricadent chez eux,
en évitant de toucher la moindre flaque. Tremblez, mi-
séreux du Châtiment, car voilà les pirates ruisselants du
Bélial !
3 Des fidèles de Zabong, Dieu de l’Ignorance, brûlent par-
fois des livres. Les PJ sont engagés par le Volume pour
sauver les ouvrages, mais un autre groupe veut aussi les
bouquins.
4 Un soir, alors que le brouillard envahit la terrasse, un cu-
rieux personnage entre au Damne-Gosier. Sorte de vieux
razouflard rouge vêtu d’une robe de lettré, il affecte
des manières aristocratiques, converse bien volontiers
et parle science, histoire ou religion. Son nom ? Insulf
le Sage. Après avoir soupé copieusement, il félicite
Gustave Babedec, lui lance quelques pièces d’or puis,
fumant sa pipe, s’en retourne d’où il est venu. Au travers
des ruelles, le voilà qui s’enfonce dans le brouillard opa-
que en direction de la Faille ! Si les PJ veulent l’avertir, ou
l’estourbir pour le voler, une créature volante invisible
aux crocs empoisonnés est prête à défendre son maître,
lui-même excellent bretteur et magicien vicieux. Mais
si les PJ le suivent sans intervenir, ils aperçoivent alors,
apparu comme par magie, un nouveau pont enjambant
la Faille ! Le vieux « razouflard » s’y engage, allant se
perdre dans les brumes d’un pays inconnu : Goferfinker.
Une fois le brouillard dissipé, pont et pays ont disparu.
5 Un vendeur de reliques convie les personnages à entrer
dans sa boutique pour s’émerveiller devant ses mar-
chandises. Au cours de la visite, il propose courtoise-
ment du thé à ses nouveaux clients. Malheureusement,
la boisson est empoisonnée et incite les personnages à
dépenser tout leur argent. Ils se retrouveront ainsi rui-
nés, avec un petit tas d’objets invendables sur les bras.
6 Un des aventuriers bouscule Gez’moon, le revendeur
de rêves, qui va se vautrer sur les pavés. Plusieurs de
ses bouteilles de verre se brisent et libèrent les songes
de ses victimes qui se ruent sur les personnes les plus
proches. À vous de déterminer quels types de rêves s’in-
sinuent dans l’esprit des gens alentour.
Le Châtiment 319
Le Châtiment, vue isométrique
La Haute Terrasse
 O ù l’on voit Urcelin, jeune noble agramorien fraîchement débarqué,
tenter de gagner la terrasse noble
« … C’est ainsi que je parvins au pied de la Haute Terrasse,
ou plutôt de la muraille cyclopéenne qui isolait celle-ci du reste
de la ville. Avec ses parois lisses et les lances brillantes des
gardes que l’on devinait à son sommet, elle avait l’air infran-
chissable. Les gardes de la porte Mandala ne m’écoutèrent pas
et menacèrent de me rouer de coups si j’insistais. J’errai ainsi
misérablement lorsque le deuxième soir, un individu jaillit d’un
bosquet d’épineux qui poussait au pied de la muraille et me sai-
sit au collet. « Pas trop tôt ! Rufum ne sait-il pas que j’attends
depuis plusieurs heures ? » Avant que je n’aie le temps de profé-
rer un son, il me poussa d’une bourrade dans le bosquet et je pus
constater qu’un passage sinueux permettait de se faufiler entre
les épineux et menait à une poterne basse dont la grille était le-
vée. Nous empruntâmes un étroit tunnel et débouchâmes dans
une cave lugubre. Une volée de marches et trois portes de bois
plus tard, je fus propulsé dans une rue large et pavée.
Il faisait nuit et j’avais à l’évidence été pris pour un autre,
mais j’exultais car la muraille était à présent dans mon dos :
j’étais dans la Haute Terrasse.
Au petit matin, alors que je déambulais les yeux levés, admi-
rant les somptueuses façades, je trébuchai et perdis l’équilibre
au point de me retrouver dans les bras frais d’une vendeuse de
lait qui croisait mon chemin. Le liquide onctueux clapota dans
322
les seaux qu’elle tenait au bout d’une perche et le doudilain per-
ché sur son épaule piaula avec indignation. Elle devait avoir à
peu près mon âge, de jolies boucles rousses et un teint aussi blanc
que la boisson dont elle faisait commerce.
Alors que je détaillais sa ronde silhouette et sa jolie poitrine,
je m’émerveillais que la nature fasse si bien les choses, ses appâts
vantant sa pratique mieux que ne l’aurait fait le plus argumenté
des discours. Je souris à la jeune vendeuse et me présentai en dé-
clinant mes titres de noblesse.
La fille éclata de rire, révélant deux charmantes fossettes. Puis
son expression changea et elle posa une main caressante et fraîche
à la base de mon cou, tout en me jetant un regard inquiet. « Où est
ton pectoral ? Ne sais-tu pas que ceux qui pénètrent dans la ter-
rasse sans autorisation sont pourchassés par les gardes et cruel-
lement châtiés ? » Je ne sais ce qui me troubla le plus : ce doux
contact ou la perspective de connaître les geôles de la cité, mais…
Urcelin croise le chemin d’une patrouille qui le prend en
chasse. Après une poursuite effrénée se terminant par une
chute, il est secouru par un clerc-courtisan atypique qui le re-
cueille et le soigne.
… Mon sauveur se nommait Fra Mercalo. C’était un clerc
aimable et souriant, qui était à la tête d’une petite communauté.
Dernier rejeton d’une famille ayant subi d’importants revers de
fortune, il lui restait pour seul bien l’hôtel particulier hérité de
son oncle : héritage contesté par ses voisins, des nobles grassouil-
lets, arrivistes et cupides qui ne supportaient pas la présence de
cette petite communauté et multipliaient les procédures pour l’ex-
pulser de la terrasse.
Il m’hébergea dans une chambrette plutôt propre et, me
sachant privé de l’usage de mes jambes, m’installa devant une
large fenêtre d’où j’avais une vue splendide sur la terrasse.
Même si ce n’était pas la réalité, on avait l’impression que
toutes les rues de la terrasse convergeaient vers l’ouest et le palais
du Roi-Dieu. Visible de loin, sa masse écrasait tout ce qu’il y
avait autour et une foule grouillante s’y pressait en permanence.
Elle ne s’écartait que pour laisser passer les gardes aux tuniques
pourpres, flanqués de leurs mastiffs bavant. Au nord de la ter-
rasse, un peu à l’écart de la cité, se dressaient trois colonnes de
pierres sombres hautes de deux cents mètres environ, rappelant
la forme de volcans. Fra Mercalo m’expliqua que ces trois pics
étaient habités par une population étrange qui inspirait immé-
diatement la méfiance. C’était pour la plupart des magiciens, qui
sont comme chacun sait gens maléfiques à l’origine de bien des
désastres.
La Haute Terrasse méritait bien son nom : tout y semblait plus
grand et cossu que dans le reste de la ville. Les passants, vêtus de
splendides atours, semblaient déambuler sans but. Ils se croi-
saient, se saluaient et discutaient un moment à l’abri d’ombrelles
L'agora de l'hôtel de Guerlas est devenue un haut lieu de débat où se côtoient les
intellectuels de la Société savante et les citoyens anonymes sous l’œil curieux des artistes,
comme Tania qui offrit peu avant son départ cette représentation à dame Efylia.
tenues par leurs serviteurs. Dom Felice, l’ami de Fra Mercalo,
m’assura un jour en gloussant n’avoir jamais vu un habitant de
cette terrasse se livrer à un travail quelconque.
Le soir venu, la jeunesse dorée se retrouvait sur de petites
places arborées ou déambulait en petits groupes de fêtards.
Hommes et femmes affectaient une attitude de détachement
méprisant et s’ingéniaient à parler d’une voix nasillarde en
roulant des yeux comme une pythie livrant son énigme, ou fai-
saient d’étranges grimaces pour souligner tel ou tel propos. Les
hommes prenaient des poses de matamores en devisant de sujets
dont ils ne connaissent presque rien, tout en fumant des pipes aux
tuyaux longs d’un bras. Les jeunes femmes se pendaient à leurs
bras et jetaient la tête en arrière, faisant les coquettes ou s’esclaf-
fant sottement à tout propos.
Les façades des palais étaient décorées de mosaïques su-
perbes, de fresques ou de sculptures monumentales, de sorte que
l’on avait en permanence l’impression de déambuler dans un dé-
cor de théâtre. Certaines ressemblaient à de véritables temples,
avec tours, clochers et étendards claquant au vent : c’était les
demeures des clercs-courtisans, des religieux affiliés aux quatre
Temples de Laelith, que l’on disait très fortunés.
Les échelles les plus importantes, qui rayonnaient depuis le
palais du Roi-Dieu, n’étaient pas pavées, mais recouvertes de
mosaïques. Entretenues en permanence par une armée d’es-
claves maussades, elles avaient la particularité d’émettre la
nuit une légère brillance qui les faisait ressembler à des rivières
d’argent scintillant sous la lune. »
La Haute Terrasse 323
 6
25

4
3
5 7 10 8 9 11
3

2
12 4

13
24
21 5
1 14

15

17
6

20

22 16
18 7
19
23
C D E F G

Lieux d’intérêt

324
 Le palais du Roi-Dieu et l’esplanade La Compagnie aérienne royale de
de la Demi-Lune (C5-D5) @ 21
13 Laelith (F5) 7
@

/
12
21
1 Bâtiment imposant dont émane une 10 Bâtiments bien gardés où sont soignés les
@

/
20
impression de puissance qui force le shedras.
@
respect. L’esplanade de la Demi-Lune est un
endroit très animé. L’hôtel de Guerlas (E5)
@
Endroit très animé, prisé des jeunes nobles 3
14
21 @
Le pic Aveugle (C4)

/
qui apprécient l’ambiance festive des rues 10
@ @
Site de fouilles archéologiques. L’accès est 5 voisines.
21
2 @

/
contrôlé par les gardes et il est impossible 10
@
d’y pénétrer sans autorisation. le palais du Conseil respectueux (E5)
@
Accès réservé aux nobles de haut rang ; les 8
21
15 @
La Tour majeure (D4)

/
PJ peuvent y être reçus dans le cadre d’une 14
@ @
Édifice austère dépourvu d’ouvertures, 15 enquête.
21
3 @

/
dont l’accès est réservé aux mages les plus 20
@
puissants. D’ailleurs, il n’y a pas de porte… La maison de Sherdig Billig (E6)
@ 5
16
21 Les nobles initiés apprécient l’accès discret

/
@
7
La Tour de l’échec (ou Tour noire) (D3) vers la terrasse du Nuage.
Repaire de mages déchus. Pic de petite
@
taille, jadis ravagé par les incantations d’un 15 La banque Mourfaki (E5)
21
4 @
/
21
17 @ 10
archimage dément. Les pires légendes 20 On peut y changer son argent, négocier un

/
@ @
15
courent à son sujet et il ne fait pas bon s’y objet précieux, ou louer un coffre…
aventurer.
La porte Mandala (ou porte Royale-
La Foire aux enchantements (D4) @ divine, ou porte Royale) (E6) @ 3
21
5 1 18
21
@

/
Foire permanente plus ou moins animée @
7
C’est la seule voie d’accès en surface
/

10
selon la saison. @ autorisée depuis la terrasse du Nuage.

La Tour mineure (D4) La place des Caryatides (D6)

@ 1 @
21
6 Abrite l’Académie tolérée de magie. Au débouché de la porte Mandala. Spectacle 1
19
21
/

@ @
10

/
Bienvenue aux jeteurs de sorts ! toujours surprenant pour le visiteur. Les 5
@
vide-goussets y sont nombreux.
L’hôtel du baron de Sangnoir (E4)
@
21
7 Difficile à trouver. On le découvre par un 15 Le pont des Illusions (C6)
@ @ 10
20
21
/

funeste hasard ou parce que quelqu’un vous 20

Plus personne ne l’emprunte depuis des
@

/
@
15
y conduit. décennies, car il est dangereux.

Le faubourg Glauque (E4) L’enclos des varans sacrés (E5)

@ 7
8
21 On perd vite la notion de l’espace dans 7 21 Grande grotte très profonde, protégée par @
@

/
12
/

son entrelacs de ruelles, d’escaliers et 12

une palissade.
@
d’impasses.
Le sanctuaire du Divin (C6) @
7
Le mur de Tronchu Grandepalette (E4)
1
22
21 Cimetière des anciens Rois-Dieux. Ruines @
/ 14
21
9 Cette fresque murale est l’une des @ hantées aux murs sans âge. @
/

-
merveilles de la terrasse.
Les Tours-faisceaux (D6) @
6
Les tribunaux et prisons de droit @ 21
23 Étrange monument dont on ignore à peu @
/

1 10
21
10 religieux (E4) @ près tout… @
/

5
Là où s’exerce la justice religieuse. @
Les falaises de l’Opprobre (B5)
@ 4
La Cour commune (F4) 24
21 Lieu de suicide prisé des courtisans
@
/

@
5 8
21
11 Prisons et tribunaux pour les délits de droit romantiques et des marchands ruinés.
/

@
8
commun.
Le désert de scories (D3)
La place des Exécutions (F4) Situé au nord de la Tour de l’échec, on @
7
Une ou deux fois par mois y sont @ 3 21
25 prétend qu’il est apparu à la suite du désastre @
12
21
/

12
/

spectaculairement exécutées les sentences @ magique engendré par le déchaînement des @

7

de la Cour commune. incantations de l’archimage fou.

La Haute Terrasse 325

 Vue d’ensemble
Le golem et l’anneau
La statue de pierre au centre la cour
de la maison Billig est un golem de
pierre particulièrement puissant. La
créature peut uniquement être éveillée
et contrôlée par un anneau qui repose
dans un coffret dissimulé dans un mur
de la pièce aveugle contiguë au bureau
de Sherdig. Que se passera-t-il quand
l’anneau sera découvert ou si l’héritier
de la famille qui a bâti la maison,
injustement dépouillée de son titre et de
ses biens depuis quelques générations,
entend retrouver son rang et découvrir
la vérité autour de cette étrange statue ?
326
Itinéraire conseillé
La montée des marches
Construite sur un massif de roches volca-
niques dominant l’ensemble de la cité, la Haute
Terrasse est la partie la plus élevée de Laelith.
Lorsqu’il lève les yeux au ciel, le pêcheur de
la Chaussée du lac ou le potier de la Main
qui travaille a forcément le regard attiré vers
la masse sombre de ce quartier privilégié où
demeure la fine fleur de la noblesse. Lorsqu’au
soleil couchant, l’ombre du palais royal s’étire
démesurément vers le lac d’Altalith, le vendeur
de légumes du Grand Marché ou le scribe de
la Bibliothèque matérialiste universelle savent
Les rues tortueuses du faubourg Glauque dans
sa partie occidentale. Tania esquisse ici un
étrange émissaire à cheval et un magicien s'en
retournant vers les Pics.
qu’ils peuvent retourner tranquillement dans
leurs demeures. L’ombre du Roi-Dieu s’étend
sur la ville, vigilante et protectrice.
La Haute Terrasse est ceinturée de murailles
escarpées dont les flancs sont truffés de pièges
destinés à décourager ceux qui en tenteraient
l’ascension. Pointes dissimulées entre deux
moellons, destinées à empaler, lames de faux
montées sur ressorts cisaillant les jambes d’un
grimpeur, fausses prises recelant des pointes
d’acier ou ouvertures déversant un acide cor-
rosif, tout est fait pour décourager les intru-
sions. Avec succès semble-t-il, d’autant que
tout en haut, sur le chemin de ronde, veillent
les gardes pourpres dont la vigilance n’a jamais
été prise en défaut.
Seule une élite de nobles courtisans est
autorisée à utiliser le Chariot qui monte : un
funiculaire souterrain qui, partant du quai des
Contrebandiers, débouche à côté du palais.
Sinon, le seul moyen autorisé d’accéder à la
Haute Terrasse est d’emprunter, depuis la ter-
rasse du Nuage, l’échelle des Mille Marches.
Cette échelle est probablement la plus an-
cienne rue de Laelith, reliant le quai de l’Anti-
quaille au palais. Elle est barrée à son extrémi-
té par la porte Mandala.
Haute de 12 mètres, large de 6, cette porte
ressemble à une mini forteresse avec ses deux
tours en saillie, une barbacane où se trouve le
poste de garde et un casernement destiné à
abriter en permanence une cinquantaine de
gardes. Les énormes portes de bois renforcées
de plaques d’acier et recouvertes de runes pro-
tectrices sont fermées la nuit, sauf exception.
Manipulées par une dizaine de gardes assistés
d’un complexe système de chaînes et d’engre-
nages, elles s’ouvrent au lever du soleil. La bar-
bacane est dotée d’une ouverture permettant
les passages urgents ou nocturnes.
N’entre pas qui veut dans la Haute Terrasse :
tout étranger désireux de s’y rendre doit dé-
cliner son identité à un scribe désigné pour
sa capacité à reconnaître les visages, qui note
également ses principaux traits physiques. En
échange, après une fouille minutieuse, il reçoit
un disque de bronze qu’il doit arborer sur la
poitrine tout au long de son séjour, sous peine
de risquer l’expulsion, ou pire.
Cette procédure administrative est déli-
bérément tatillonne, les autorités estimant,
à juste titre, que la longue file d’attente qui
s’étire devant la porte est propre à décourager
les simples curieux.
Il existe des ajustements à ce permis de cir-
culer, notamment pour les aventuriers qui
seraient amenés à effectuer des missions offi-
cielles dans le quartier : des sauf-conduits si-
gnés des autorités et portant le sceau du grand
chambellan, ou des lettres de confiance éta-
blies sous la responsabilité de nobles impor-
tants, potentiels employeurs. Autant dire qu’ils
sont exceptionnels…
Dans de rares cas, il peut arriver que le visi-
teur se voie imposer l’épreuve de la « flèche de
la vérité » qui consiste à lui inoculer un poison
à action lente, entraînant une mort soudaine
au bout de six heures. Bien que souvent com-
mentée ou citée en exemple, cette pratique
semble plutôt rare du fait du coût élevé du
poison, voire totalement fantasmée.
Il semble qu’il existe des alternatives à l’en-
trée par la porte ou le Chariot qui monte. Il se
dit que les plus puissantes familles nobles ont
secrètement creusé et aménagé leurs propres
accès, de manière à circuler discrètement entre
la Haute Terrasse et la terrasse du Nuage. Ces
passages peuvent prendre différents aspects :
une poterne dissimulée dans un renfoncement
de la muraille, un passage muré qui pivote sans
bruit, ou un souterrain reliant la demeure d’un
noble à une cave anodine de la terrasse voisine.
Le secret d’un passage, sa localisation et le
moyen de l’actionner sont jalousement gardés
et il n’est pas rare que seul le chef de famille
connaisse son existence. Ces accès sont très
peu utilisés, leur efficacité reposant justement
sur le secret qui les entoure et l’utilisation pru-
dente qui en est faite.
Une fois passée la porte Mandala, le visiteur
doit traverser la place des Caryatides, ornée
d’arcades où il peut rencontrer les fameuses
statues vivantes, dont l’immobilité peut durer
des jours avant qu’elles ne délivrent un mes-
sage sibyllin, une information concernant la
vie de la terrasse, ou un commentaire d’une
effrayante platitude.
Au-delà de la place, se dresse la masse du
palais du Roi-Dieu, bâtiment majestueux dont
les portes d’airain rehaussées d’or et d’onyx
nécessitent une bonne vingtaine de gardes
pour être manœuvrées. Sa construction semble
avoir été le fait de géants ou de demi-dieux,
tant les proportions sont inhabituelles. La
vision de l’édifice inspire immédiatement le
respect et la crainte du pouvoir écrasant qui
réside en ce lieu. Qui donc a pu construire
un ouvrage aussi monumental, dont les murs
sont hauts de plusieurs dizaines de mètres, et
les élégantes tours semblent vouloir percer les
nuages ? Bien savant serait celui qui pourrait
répondre à une telle question ou expliquer à
quoi servent les centaines de pièces et salles
(certains érudits évoquent plusieurs milliers)
qui composent le palais. Mais pour divin et
royal qu’il est, le palais n’en accuse pas moins le
poids des siècles, des guerres et des malheurs.
La partie sud semble totalement à l’abandon.
Certaines ouvertures sont condamnées, et de
ce côté la façade est décrépie, couverte d’un
lierre terne et malade. Des traces d’un impor-
tant incendie sont visibles à plusieurs endroits
et parfois la lumière rasante du soleil levant y
révèle des traces d’empreintes gigantesques.
Il ne fait pas bon s’approcher de cette partie
du palais, que les shedras ne veulent pas survo-
ler. Quelle que soit l’injonction de leur pilote,
ils évitent systématiquement cette zone. Peut-
être perçoivent-ils l’essence des évènements
tragiques qui ont amené l’abandon de cette
partie du palais et la réputation maléfique qui
y est attachée.
Devant le palais, l’esplanade de la Demi-Lune
est un espace découvert où règne une agitation
fiévreuse : des personnes de toutes conditions
s’y pressent en une cohue insensée, dans le seul
but de pénétrer dans le bâtiment et solliciter une
audience. Mais les gardes pourpres, nombreux
autour du bâtiment officiel, sont d’une vigilance
absolue et ne laissent passer aucun intrus.
Plus au nord, le voyageur découvre une en-
filade de ruelles pentues, larges et pavées, bor-
dées de manoirs et d’hôtels particuliers dont les
façades rivalisent d’ornements, de dorures et
de décorations extravagantes. Dans ce quartier
isolé, séparé de la terrasse du Nuage par un rem-
part et de magnifiques jardins suspendus, vivent
les nobles-citadins et les clercs-courtisans.
Les façades des hôtels particuliers sont sou-
vent percées de porches majestueux donnant
sur des cours intérieures ou des jardins fée-
riques parsemés de bassins et de fontaines d’où
jaillit une eau fraîche et limpide.
La Haute Terrasse 327
La maisonnée Billig
Sherdig est un grand échalas à la
mine rubiconde, toujours habillé de
vêtements luxueux mais démodés,
dont l’assemblage laisse à désirer. Il
affectionne tout particulièrement les
bonnets de velours à plume d’aigrette,
dont il possède une impressionnante
collection.
D’origine modeste, il doit sa fortune à
la découverte du passage vers la terrasse
du Nuage, dont il monnaie fort cher
l’utilisation. L’argent ainsi récolté lui
sert à maintenir un train de vie élevé.
Son rêve est d’obtenir le titre de baron
et il est prêt à toutes les flagorneries et
toutes les compromissions pour cela.
Sherdig est également un habile joueur
de pousse-minou, un jeu de cartes où
les mises sont souvent élevées. Il a pour
habitude de recevoir des tablées de
joueurs chaque solaria, prélevant pour
son compte une partie des enjeux.
Strilla son épouse est une personne
pieuse et discrète. Elle consacre son
temps à superviser le travail des cinq
domestiques de la maison, ainsi qu’à
entretenir un bel oratoire construit
dans un angle de la cour. Elle y reçoit
fréquemment des adeptes du Temple
du Nuage pour de longues discussions
théologiques qui font ricaner son époux.
K’tobh est le serviteur à tout faire de
la maison. Bien que bombardé du titre
d’intendant, il est incapable de diriger
les autres domestiques. Cet ancien
gladiateur reste redoutable au corps à
corps.
En communauté
Fra Mercalo vénérait Lindorlan, une
divinité mineure dont la forte poitrine
et les hanches larges me rappelaient
ma nourrice Barbala. La communauté
comptait une quinzaine d’adeptes
des deux sexes, qui vivaient dans
quelques pièces à peine salubres du
premier étage. Ils chantaient souvent,
mettaient en commun les dons récoltés
dans les autres terrasses au cours de
la journée et riaient beaucoup. Le soir,
après avoir inhalé les vapeurs de la
déesse (un redoutable mélange d’herbes
aromatiques), ils piquaient des fleurs
dans leurs cheveux, s’étreignaient et
dansaient au son de fifres, de cromornes
et de tambourins, à la grande
rage de leurs voisins.
 L’esplanade
de la Demi-Lune
« De tout temps, les suppliants massés
sur l’esplanade de la Demi-Lune, juste
devant le palais, ont rivalisé d’invention
pour attirer l’attention du Roi-Dieu :
chorales, défilés d’animaux exotiques,
numéros de cirque et banderoles
diverses. Mais hier, le spectacle a tourné
au tragique quand Marfoulin Grugno,
artisan de la Main, a voulu protester
contre la taxation des apprentis de
moins de 13 ans, en grimpant au som-
met d’une pyramide humaine formée
par ses ouvriers. Il a fait une chute
mortelle quand ses jeunes apprentis,
épuisés par une journée de travail, se
sont écroulés sous la charge… »
Mikàli Khal pour « la Gazette de Laelith »
Aparté
« Pour étayer cette étude, j’attirerai
votre attention sur les frontons des
demeures de ces trois très anciennes
familles tandis que nous remon-
tons l’échelle des Mille Marches : le
soleil noir ? La coagulation du soufre,
l’Œuvre au noir des alchimistes. La
roue d’or ? L’athanor, le four où tourne
la roue des éléments. Le dauphin ici
représente le mercure, et les citrons,
l’Œuvre au Jaune. Pour finir, regardez
ce dragon d’or gravé au milieu des
runes du dôme d’entrée du palais du
Roi-Dieu. Ce n’est pas seulement le
symbole du Juste, de l’Élu. Non, c’est le
Grand Œuvre ! Je vous le dis, Mandala
Ier et tous les Rois-Dieux avaient la
pierre philosophale ! »
Le dragon d’or
Un magnifique dragon d’or ornait
la porte Mandala jusqu’au règne
d’Hetelred III l’Éphémère. Par ordre
royal-divin, mais pour une raison
inconnue, cet emblème fut martelé
jusqu’à être effacé de la porte. Ce fut la
seule décision d’Hetelred qui trépassa la
nuit même. Le même dragon d’or orne
toujours le dôme d’entrée du palais du
Roi-Dieu.
328
Les intersections des ruelles sont des places
ombragées et fleuries, où nombre de nobles oi-
sifs aiment se retrouver le soir pour disserter de
sujets futiles. Durant la journée, on peut y croiser
quelques marchands ambulants, des musiciens
de talent, des acteurs improvisant de courtes
pièces de théâtre, ainsi que des patrouilles de
gardes pourpres. Tout au nord de la terrasse
se trouvent les prisons et tribunaux de la Haute
Terrasse, un quartier à part entière, entouré d’un
haut mur, dont l’accès est également contrôlé.
Au sud du palais se dressent des ruines sans
âge, qui firent jadis partie du temple des Anciens.
Ici reposent les générations de Rois-Dieux qui
ont régné sur Laelith. C’est un lieu réputé hanté,
où il est fortement déconseillé de se promener
à la nuit tombée. Celui qui néglige les conseils
de prudence des gardes risque de perdre l’esprit
et de finir sa vie misérablement, errant dans les
ruines et s’y terrant comme un animal.
Juste derrière le palais, à l’ouest, les falaises
de l’Opprobre exercent une attraction mor-
tifère sur tous ceux qui souhaitent mettre fin
à leur vie. Il faut dire que la beauté sauvage du
lieu a tout pour attirer les esprits romantiques
et tourmentés, les pauvres hères rongés par le
désespoir ou les courtisans ruinés. Sans comp-
ter tous ceux dont les puissants ont intérêt à
se débarrasser en toute discrétion, et dont les
cris d’épouvante sont emportés par les vents
jusqu’à ce qu’ils s’écrasent après une longue
chute, 1 400 mètres plus bas…
Par le passé, plusieurs artistes renommés et
autoproclamés maudits ont tenté (parfois avec
un succès involontaire) de mettre en scène spec-
taculairement leur suicide. Les gardes pourpres
ont rapidement mis fin à ces simulacres ridi-
cules et veillent désormais à écarter les impor-
tuns. Enfin, à l’extrême nord de la terrasse, se
dressent les pics des Mages, trois anciens vol-
cans percés de couloirs et de salles, où vivent
quasiment reclus tous ceux qui pratiquent les
magies non cléricales. Depuis la Haute Terrasse,
on ne peut accéder à cette zone qu'en passant
par le faubourg Glauque et en empruntant un
long passage voûté et sinueux, généralement
peu fréquenté, qui serpente sous une ancienne
tour de garde partiellement effondrée.
Sherdig Billig,
vicomte de l’échelle de la Comédie
Sherdig est un noble de moyenne lignée,
dont la fortune repose sur le commerce du vin
(il possède des vignes sur un coteau dominant
la cité de Phlocal). Il habite un petit manoir à
colombages, doté d’une belle cour intérieure.
Moins luxueux d’aspect que les belles de-
meures proches du palais, il ne manque pas de
cachet. La patine des pierres du soubassement,
ainsi que les ornementations des poutres
indiquent un bâtiment ancien, avec tout le
charme des vieilles pierres. Sa maison a un
autre avantage, considérable : partiellement
adossée aux remparts, côté échelle des Mille
Marches, ses caves voûtées donnent accès à
une poterne très ancienne dissimulée par un
épais massif d’épineux.
Les lieux
Le rez-de-chaussée. Le manoir est construit
autour d’une cour intérieure fleurie. Les vi-
siteurs y accèdent par un large porche et dé-
couvrent alors un espace agréable, ombragé
l’été par des tilleuls centenaires. La statue d’un
guerrier farouche dont le nom, jadis visible sur
le socle, a été effacé à coups de masse il y a bien
longtemps, orne le centre de la cour. À ses in-
vités, Sherdig présente la statue comme celle
d’un de ses lointains ancêtres, héros renommé.
Mais il n’en est rien. Elle existait déjà lorsque
le manoir est devenu un bien de sa famille, et
elle date de plus d’une centaine d’années, si
l’on en croit le modèle d’armure.
Une volée de marches permet depuis la cour
d’accéder à la maison, qui se caractérise par la
richesse de son ameublement et de sa décora-
tion. Billig y a installé son bureau, et plusieurs
pièces sont aménagées de façon à recevoir
ses amis. Ces salons cossus peuvent servir de
salles de jeu ou de réception.
Au sous-sol, la cave possède un mur qui
pivote pour donner accès à un passage voûté
menant à l’extérieur de la terrasse. L’existence
de ce passage est l’une des clés de l’insolente
réussite financière du propriétaire.
L’étage. Réservé aux membres de la famille,
on y trouve essentiellement des chambres, le
bureau de Sherdig et une pièce aveugle bien
protégée où sont stockés ses biens les plus
précieux. Deux autres pièces sont dévolues au
stockage des multiples paiements en nature
reçus de la part de ses débiteurs. Les objets
les plus étranges y sont entassés sans ordre ni
logique. Souvent houspillé par Strilla, Sherdig
remet toujours à plus tard le rangement de ces
pièces.
Le manoir
des Billig

Rez-de-chaussée
2 1 3
4
Étage
5 6
10 9 13
7 8
11 14

12 15
Le manoir des Billig
Pièce palière encom-
1 Salle de réception 9 brée de biens divers et
variés
2 Salle à manger Ancienne chambre
10 d'ami servant de pièce
3 Cuisine
de stockage Vers la terrasse
4 Réserve et entrée de
11 Chambre de la fille des du Nuage La cave
service Billig
Chambre de la dame
5 Bureau du vicomte 12
de compagnie
6 Salle de jeu 13 Pièce aveugle

7 Salon de conversation 14 Boudoir

Mur pivotant
8 Bibliothèque 15 Chambre du couple

La Haute Terrasse 329

 Un lieu
Le quartier de la Loi
Côté chaos
En périphérie des tribunaux, adossé
aux remparts qui isolent ce quartier de
la Haute Terrasse, s’étend le fau-
bourg Glauque. Il s’agit d’un quartier
interlope composé pour l’essentiel de
maisons en bois et de campements en
toiles de fortune. C’est là, dans un décor
d’habitations branlantes, de murets
écroulés au pied desquels jouent des
grappes d’enfants morveux, d’im-
passes où il ne fait pas bon s’aventurer,
que vivent tous ceux qui tirent leur
subsistance de l’infortune des autres.
On y croise des prisonniers récem-
ment élargis, des assassins cherchant à
pénétrer dans l’enceinte de la cour afin
de réduire au silence un témoin, des
vendeurs de faux témoignages et divers
escrocs. Impossible de faire quelques
pas sans être l’objet des suppliques d’un
estropié ou des avances d’une fille de
joie. La Garde pourpre ne patrouille pas
dans ce quartier. L’ordre y est assuré
par les soldats relevant de la Cour com-
mune, qui font souvent preuve d’une
brutalité aveugle. Pour l’essentiel, le
faubourg Glauque est livré à lui-même.
On évoque parfois l’existence d’un
personnage mystérieux dont l’autorité
s’imposerait à tous les malfrats et qui
veillerait à maintenir un équilibre entre
les crimes, les vols, et le maintien d’un
respect minimal des lois communes : le
baron de Sangnoir.
330
et le faubourg Glauque
Des juges et des lois
Dans le nord de la terrasse, se trouve un
quartier isolé et bien gardé, où sont situés les
tribunaux et les prisons, ainsi qu’un faubourg
où vit une population interlope et canaille.
Parfois appelé tout simplement « la prison »,
ce quartier regroupe de nombreux bâtiments
austères et sans âme. Ces bâtiments sont à la
fois des tribunaux et des maisons d’arrêt, et ce
qui frappe d’emblée le visiteur est leur nombre
et leur concentration dans un espace restreint.
D’autant qu’ils sont souvent flanqués d’ha-
bitations où résident des magistrats, ou des
personnes travaillant en permanence dans le
quartier, comme le bourreau Saltamor. Bien
entendu, les plus prestigieux magistrats ré-
sident en dehors, dans les beaux hôtels parti-
culiers de la Haute Terrasse.
S’il y a tant de tribunaux et de prisons, c’est
que la Ville sainte remplit un rôle modérateur
et régulateur dans le domaine spirituel. Et
comme il y a un très grand nombre de cultes,
celui des cours de justice est à l’avenant.
Tout était pourtant simple au départ : cha-
cun des quatre Temples avait son propre tri-
bunal. Y étaient jugés les crimes et hérésies
relevant des cultes qui y étaient liés. Ainsi, le
tribunal du Temple du Nuage traitait les délits
commis à l’encontre du culte de Filfar l’Éthé-
ré, une divinité secondaire appréciée à la Main
qui travaille. De son côté, le Crâne jugeait des
blasphèmes proférés à l’encontre de Kresson le
Taupinard, sorte d’homoncule terreux et bla-
fard, vénéré par la guilde des Excavateurs et
des Enfouisseurs.
Cependant, au fil des années, certains cultes
prospérèrent au point de développer leur
propre administration. Bientôt, ils disposèrent
de magistrats dédiés, regroupés dans un im-
mense bâtiment. Bien que rendant réguliè-
rement des comptes à leur Temple d’affilia-
tion, ils ont en réalité une grande autonomie
et décident en toute liberté des sanctions
et amendes frappant les coupables. Avec de
grandes disparités selon les cultes, bien sûr.
En se promenant dans le quartier, on ne
peut qu’être frappé par l’importance de cer-
tains cultes dont les tribunaux sont des bâti-
ments imposants, par rapport à d’autres logés
dans des demeures misérables, où la justice
n’est rendue que de manière ponctuelle. Parmi
les cultes les plus riches, citons la Cour de jus-
tice ineffable de Mabon, le Tribunal céleste
d’Estrelia et l’Enceinte des débats sur l’insup-
portable incrédulité.
Les cachots et cellules sont la plupart du
temps intégrés aux bâtiments, chaque culte
rivalisant de cruauté pour arracher aveux et
hurlements de repentance aux prévenus hé-
rétiques ou soupçonnés tels. Méthodes et
supplices divergent d’un tribunal religieux à
l’autre, mais l’objectif commun semble être de
favoriser les amendes au détriment des châ-
timents corporels, sauf si le coupable est re-
connu relaps. Pour de nombreux magistrats,
la justice est également une source non négli-
geable d’enrichissement personnel...
Afin de limiter les abus et d’harmoniser un
tant soit peu procédures et peines, le grand
prêtre du Nuage s’efforce, par des visites
inopinées et l’établissement de l’ébauche
d’un corpus de règles communes, d’imposer
un peu d’ordre dans cet univers chaotique.
Réputé pour sa probité et sa piété, il est tou-
jours écouté avec attention et obéi, car pour
se faire respecter, il dispose d’une sanction
terrible : la proscription judiciaire, qui en-
traîne au mieux le bannissement du magistrat
convaincu d’indélicatesse, au pire la ferme-
ture du tribunal.
Les cas les plus graves, les crimes de lèse-ma-
jesté divine ainsi que les atteintes à la sûreté de
la Cité sainte, sont jugés par une cour spéciale,
appelée la Sublime Juridiction. Présidée par
le Roi-Dieu, composée des membres les plus
importants de son Conseil, elle ne prononce
que deux sentences : la mort ou le non-lieu.
Elle ne s’est encore jamais prononcée en fa-
Le magistrat Kestrit, réputé
veur de ce dernier.
pour la sévérité de ses jugements.
À côté des tribunaux ecclésiastiques, la
Cour commune est la seule juridiction de droit
commun. Elle tient audience dans un bâti-
ment solide à trois étages, ressemblant à un
bastion fortifié. Y sont jugés tous les crimes
ne relevant pas du domaine religieux. De ce
fait, l’endroit ressemble à une véritable four-
milière. Greffiers, coursiers, gardes, fouineurs,
magistrats, prévenus s’y croisent dans un bal-
let incessant qui donne le tournis au visiteur
non averti. Des gardes zélés filtrent les en-
trées, accueillent les prévenus et fouillent les
visiteurs. Les souterrains du bâtiment sont un
véritable dédale de couloirs tortueux où il est
facile de se perdre. On y trouve pour l’essentiel
des cachots où croupissent des malheureux
en attente de jugement ou d’interrogatoire.
Les parties les plus profondes reçoivent peu
souvent la visite des geôliers. Des prisonniers
y sont parfois abandonnés et il n’est pas rare
qu’à l’occasion d’une patrouille, les gardes dé-
couvrent un malheureux hurlant son déses-
poir dans un cachot normalement inoccupé.
Les tribunaux et cours de justice, ainsi que
les bureaux des plus importants fouineurs se
trouvent à l’étage. À l’extérieur du bâtiment,
une place bordée par la Cour ineffable de
Mabon et le Tribunal de Glasso l’Omble re-
pentant, est le lieu des exécutions publiques.
C’est là qu’opèrent les bourreaux affiliés aux
différents tribunaux.
La muraille qui sépare le faubourg Glauque
de la Haute Terrasse est destinée à empêcher
toute communication entre les deux quar-
tiers, en obligeant à passer le portail d’accès
et à se soumettre à un contrôle strict. Mais
bien évidemment, il existe des points de pas-
sage secrets entre les deux, comme c’est le cas
entre la Haute Terrasse et le Nuage. Nombre
de nobles sont connus pour aller s’encanailler
dans le faubourg où les parties de pousse-mi-
nou sont sans limite financière. On y trouve
également des fumeries clandestines et des
bordels illicites.

Le bourreau Saltamor
Saltamor est le plus connu des bourreaux de
Laelith, même s’il réfute cette dénomination
au profit de celle de « confesseur des Vérités ».

La Haute Terrasse 331

Autour de la fontaine aux Dauphins,
dans la douceur d'un soir d'été.
Ménagerie judiciaire
Les décisions des cours de justice
alimentent souvent la chronique. Ainsi
le jugement de la Cour commune qui
annula le mariage des di Senlis, au
prétexte que Madame avait eu recours
à la magie pour paraître plus jolie, avant
leur première rencontre, et que leur
fils avait hérité des caractéristiques
disgracieuses de sa mère. Ou bien le
chevalier Mirko Settimo qui porta
plainte contre lui-même pour ne pas
avoir suivi ses préceptes religieux. Ou
encore ce propriétaire d’un perro-
quet qui fut condamné à mort par la
Sublime Juridiction parce que l’animal
avait pris l’habitude de crier « À mort
le Roi-Dieu ! ». L’oiseau, lui, fut confié à
la femme d’un clerc-courtisan, chargée
de le rééduquer.
Les animaux passent parfois devant les
tribunaux religieux, qui leur assignent
un avocat, les jugent, les excommunient
et les condamnent comme toutes les
autres races dites intelligentes. On va
même jusqu’à les affubler de vêtements
et de masques à traits humanoïdes pour
exécuter la sentence. Mais il arrive par-
fois que les « prévenus » montrent de la
mauvaise volonté pour se présenter de-
vant la cour : ainsi, la garde essaya trois
fois de faire entendre raison aux grillons
qui perturbaient les offices du grand
labra d’or et leur délivra, à chaque
fois, une assignation à comparaître
devant le magistrat. Heureusement, ils
avaient un bon avocat qui obtint leur
acquittement !
332
Dans la réalité, il est bien plus que cela.
Habile questionneur, féru d’anatomie et aussi
un peu philosophe, c’est un personnage incon-
tournable du quartier de la Loi.
Arrivé très jeune dans la Cité sainte en tant
qu’apprenti de Rufu Lame-Torse, il montra ra-
pidement de telles dispositions pour cette pro-
fession que de nettoyeur de sangles et cheva-
lets, il gravit rapidement les échelons, passant
du grade d’astiqueur des instruments à celui
d’écorcheur au premier sang.
À peine les tables de questionnement net-
toyées et briquées, il filait à la Bibliothèque
matérialiste universelle, afin de dévorer des
ouvrages d’anatomie ou des grimoires traitant
de la faiblesse de l’esprit face à la douleur. Son
acharnement au travail amenant sa réussite
professionnelle, il fut unanimement désigné
pour remplacer son maître lorsque celui-ci,
l’âge venant, investit ses économies dans un
abattoir porcin et quitta le métier.
De par son talent naturel, Saltamor repoussa
les limites de la profession. Ses connaissances
en anatomie firent de lui un expert reconnu
pour la qualité de ses autopsies et de ce fait
un auxiliaire de justice dépassant largement le
cadre des exécutions.
Sa connaissance de l’âme humaine est telle
qu’on lui attribue l’invention du Questionnement
des Cinquante-deux, une méthode d’interro-
gatoire si habilement et subtilement menée
qu’en cinquante-deux questions, le présumé
coupable, enferré dans ses contradictions, s’ef-
fondre et confesse la vérité.
Le baron de Sangnoir
Existe-t-il seulement ? Certes, il existe dans
le faubourg Glauque, une échelle de Sangnoir.
C’est une impasse dont l’extrémité est occupée
par l’hôtel particulier du baron de Sangnoir. Mais
à vrai dire, personne n’a jamais vu le baron. Et
la vieille bâtisse, dévorée de lierre et entourée
de hauts murs, paraît abandonnée. C’est à pré-
sent une ruine que l’on dit hantée où personne
n’ose s’aventurer. On raconte que le baron de
Sangnoir est le bâtard d’un noble de très haute
lignée, abandonné par sa famille et reclus dès
l’enfance dans le quartier. Pourtant quelqu’un
veilla de loin à sa sécurité, jusqu’à ce que ses
connaissances des arts mortels et sa cruauté
naturelle lui permettent de devenir le maître
occulte du faubourg. Le baron ignorerait tout
de l’identité de son mystérieux protecteur. Cela
pourrait être l’un de ses parents, ou un person-
nage puissant aux desseins mystérieux. Seuls
quelques personnages influents du faubourg
peuvent se vanter d’avoir rencontré le baron. Ils
savent qu’à la réception d’une plume d’autour
blanche bordée de sang, ils doivent se rendre
dans un endroit convenu, souvent une cave ou
une crypte. Derrière une tenture attend une sil-
houette voûtée qui chuchote ses ordres d’une
voix rauque. Parfois, le baron sait son inter-
locuteur en proie à de grandes difficultés et le
convoque afin de connaître ses problèmes et le
conseiller avec bienveillance et sagacité. Il s’as-
sure ainsi la fidélité indéfectible de son interlo-
cuteur pétrifié de peur (car il émane de derrière
la tenture une aura d’épouvante qui glace le
sang des plus coriaces). Parfois, une bourse bien Lamb est un personnage complexe. Mené Aparté
garnie ou un artefact viennent récompenser par une ambition dévorante, attiré par l’or et le « Comme la seiche hypnotise sa proie,
le succès d’une opération. La mort sanctionne pouvoir, il est néanmoins très attaché à l’ordre les mosaïques des allées clignotaient en
l’échec. Il n’y a pas de seconde chance. et à la justice, même s’il utilise parfois des mé- rythme syncopé, et les gens de valeur
thodes à la limite de la légalité. Bien qu’avide de la pauvre Cité sainte dansaient d’une
Quelle motivation pousse le baron à ca-
de reconnaissance sociale et cherchant à fré- jambe sur l’autre, incapables de réagir.
cher son identité ? D’où tire-t-il sa richesse ?
Jusqu’à ce que les rues étincellent et
Pourquoi un rapport secret du fouineur Lamb, quenter les amis de son épouse, ses pas le ra-
les conduisent tous comme des lem-
faisant part de liens troublants entre le ba- mènent toujours vers des tavernes glauques
mings suicidaires jusqu’aux falaises de
ron et l’empereur-démon Trevelian (au point et des fréquentations interlopes. On ne lui
l’Opprobre.
d’émettre l’hypothèse que les deux pourraient connaît qu’un seul véritable ami, le bourreau
– Arrête Gildafon, j’ai la chair de
ne faire qu’une seule et même personne), a-t-il Saltamor.
poule ! »
disparu des archives royales ? Tout aventurier traînant ses guêtres un très
Un jeune oisif
long moment dans la Cité sainte finira par essayant d’effrayer sa petite amie
Le Premier fouineur Lamb croiser le chemin de Lamb, qui est en outre un
employeur potentiel…
Âgé d’une soixantaine d’années, Lamb
est probablement l’enquêteur le plus connu
de la cité. Dans sa jeunesse, sous le règne de
Teaphanerys XIV, il s’est imposé par la quali-
té de ses enquêtes au taux de résolution im-
pressionnant. C’est à cette époque qu’il a créé
l’organisation des Fouineurs dont il a assuré la
cohésion et la pérennité durant une vingtaine
d’années. Cependant, son arrivisme forcené lui
ayant attiré l’hostilité d’une partie de ses pairs,
il fut forcé de quitter la tête de l’organisation.
Il put ainsi se concentrer sur ses enquêtes, tou-
jours prestigieuses et bien payées.
C’est au cours de l’une d’elles qu’il rencontra
la jeune veuve d’un baron. Il la séduisit, l’épou-
sa et lui fit six enfants. Même si elle ne disposait
pas d’une fortune considérable, la baronne ap-
porta à Lamb le confort matériel, un bel hôtel
particulier dans la Haute Terrasse ainsi qu’un
titre nobiliaire pour leur fils aîné. Mariée à un
officier de la Garde pourpre, sa fille cadette lui
apporta de solides relations avec les autorités,
des informations de première main pour tout
ce qui touche à la vie officielle de la Cité sainte
et l’appui décisif de militaires d’élite lors d’en-
quêtes délicates.
Le temps semble avoir peu de prises sur
Lamb. Certes un début de calvitie, un léger
embonpoint et des traits empâtés indiquent
qu’il a dépassé le mitan de son existence, mais
il continue à faire preuve de beaucoup d’éner-
gie et ses conseils sont toujours recherchés.
On le qualifie souvent « d’étonnamment bien
conservé », ce qui fait minauder son épouse et
lui arrache un sourire énigmatique.
À l’aise financièrement, il se consacre surtout Le Premier fouineur Lamb
à la résolution d’affaires compliquées ou classées sous l'un de ses multiples
sans suites faute d’avoir été bien menées, et reste
déguisements...
obsédé par son ennemi de toujours, Trevelian.

La Haute Terrasse 333

 Un lieu
Sous la boue
L’énorme couche de sédiments qui
recouvre la colline prouve qu’en
dessous se trouve une construction
très ancienne. Aucune ouverture
n’étant visible sur les faces dégagées,
Fullert entreprit de creuser la base de
la colline, dégageant bloc après bloc les
soubassements d’un mur qui s’enfonçait
toujours plus profondément dans le
sol. Du fait de l’absence d’ouvertures, la
découverte prit le nom de pic Aveugle.
En accord avec la commission qui
le contrôle, Fullert défend publique-
ment la thèse soutenant que la colline
dissimulerait simplement un mausolée
abandonné. Dans la réalité, il n’en est
rien. La seule certitude est la grande
ancienneté du site. Le reste est encore à
découvrir.
Dans le panneau
La nature vive dans laquelle Babedec, le
cuisinier établi en Châtiment, cache ses
économies est elle aussi une peinture de
Tronchu Grandepalette, et la formule
grâce à laquelle il pénètre dans le ta-
bleau pourrait aussi fonctionner face à
la fresque du mur séparant le faubourg
de la Haute Terrasse. Mieux encore,
il ne s’est jamais aventuré trop loin
à l’intérieur de son tableau, mais s’il
marchait une nuit entière, il débou-
cherait directement dans la fresque.
Ou dans une autre œuvre du grand
maître. Combien y a-t-il de tableaux
ainsi connectés ? Est-ce grâce au talent
du peintre ou à ses fournisseurs de
pigments ?
334
Les Pics des Mages 
Les trois Tours
Participant à l’apparence singulière de la
Cité sainte, et bien que symboles de la relé-
gation d’une partie de sa population à l’écart
des terrasses, ces structures très élevées sont
ce que le voyageur découvre en premier lors
de son approche de Laelith, bien avant le palais
royal-divin.
Depuis les édits du Roi-Dieu Mandala, les
magiciens connaissent une forme de pros-
cription qui les confine dans la partie sep-
tentrionale de la cité. Cette mise à l’écart et la
méfiance de la population à leur égard s’ex-
pliquent par la prééminence de la magie clé-
ricale, de nature divine. Par ailleurs, les magi-
ciens sont soupçonnés d’avoir provoqué, par le
passé, plusieurs désastres qui faillirent réduire
Laelith en cendres.
Les deux pics les plus élevés sont également
les plus élégants. On remarque sur les flancs
de la plus petite des balcons, des fenêtres, des
escaliers extérieurs et de grandes ouvertures
remarquablement sculptées qui indiquent la
présence d’habitations. Près de son sommet,
on distingue des aires destinées à accueillir des
familiers volants. Ces tours ont la particularité
d’avoir une façade aveugle, dépourvue d’ou-
vertures ou d’ornements : il s’agit de la face
sud qui donne sur le palais du Roi-Dieu.
La moins haute des deux, communément
appelée Tour mineure, abrite une académie
de magie. Elle accueille des apprentis ou des
mages débutants souhaitant perfectionner
leur art. Les étages les plus élevés sont occupés
par des maîtres, ce sont à la fois leurs demeures
et leurs laboratoires. Les mages les plus puis-
sants vivent donc en haut du pic, tandis que
les étages inférieurs, également appelés strates,
sont occupés par des magiciens de moins en
moins importants.
Trois fines et élégantes arches de pierre re-
lient la Tour mineure à la Tour majeure où ré-
sident les mages les plus puissants. La rumeur
prétend qu’ils seraient quatre, un par élément,
ce qui étrangement n’est pas sans rappeler l’or-
ganisation des Temples.
La Tour de l’échec, bien moins haute que les
deux autres, ressemble à un volcan effondré.
Il s’agit d’un village troglodyte où survivent
dans des conditions misérables tous ceux qui
ont échoué à maîtriser la magie et ont subi les
effets de cet échec dans leur corps ou leur es-
prit. L’endroit ressemble à un mélange de cour
des miracles et de triste parodie d’une école de
magie.
Le pic Aveugle
Figé dans cette configuration depuis des
siècles, le « quartier des Trois Tours » a connu
récemment un bouleversement dont les
conséquences les plus importantes sont en-
core probablement à venir.
Tout commença lors des grandes pluies
d’automne qui furent cette année-là d’une vio-
lence et d’une intensité jusqu’alors inconnues.
Les précipitations diluviennes et continues ra-
vagèrent la cité durant trois semaines. Le ciel
redevenu clément, une colline située à l’ouest
de la Tour majeure devint l’objet de toutes les
attentions. En effet, la pluie ayant enfin cessé,
une immense coulée de boue, partie du som-
met, dévala la pente en emportant avec elle
roches et buissons. Elle mit à jour une paroi
de pierre, jusqu’alors dissimulée sous plusieurs
mètres de terre noire. La nouvelle se répandit
comme une traînée de poudre dans la cité, sus-
citant une forte émotion au sein de la popula-
tion. Attirant les curieux, la colline devint un
lien très fréquenté. Les nobles s’y pavanaient
en émettant les théories les plus farfelues,
tandis que de nombreux clercs venaient s’as-
surer que les lieux n’étaient pas aux mains des
démons. La Garde pourpre eut bientôt fort à
faire pour contrôler tous ceux qui voulaient
pénétrer dans cette partie de la Haute Terrasse
afin de visiter le nouveau lieu mystérieux. Des
magiciens s’enhardirent et sortirent des tours
afin de visiter la colline voisine. Plusieurs indi-
vidus assurèrent avoir été guéris de leurs ma-
ladies en se prosternant devant les pierres an-
ciennes, et l’on commença à vendre dans toute
la cité des fragments rocheux réputés provenir
de l’endroit miraculeux.
 Les autorités comprirent rapidement
qu’elles devaient intervenir avant de perdre le
contrôle de la situation. Les gardes pourpres
évacuèrent les lieux et établirent un périmètre
de sécurité.
Sous la pression de la population, le Conseil
suggéra au Roi-Dieu de poursuivre les re-
cherches dans un cadre officiel, en confiant
leur direction à un savant réputé, membre de
la Bibliothèque matérialiste universelle : l’ar-
chéologue Fullert d’Antrejan.
Fullert d’Antrejan
« Le pinceau plutôt que la truelle, le ta-
mis plutôt que la pelle ! Vous êtes archéo-
logue, pas maçon ! »
Le savant Fullert est un archéologue de re-
nom, connu pour le sérieux de son travail sur
les Utruz, et quelques découvertes originales
sur les rives du lac d’Altalith.
Grand, maigre, avec de longs cheveux bruns
lâchés sur les épaules, c’est un authentique
passionné : honnête, rigoureux, exigeant, plus
intéressé par le passé que par le présent. Il a
déjà écrit plusieurs ouvrages et n’est réelle-
ment heureux que lors des campagnes de
fouilles ou lorsqu’il présente le résultat de ses
recherches à un auditoire attentif.
Passionnant lorsqu’il décrit l’usage d’un
objet inconnu ou les coutumes de
peuples oubliés, il est impitoyable
avec ses confrères qu’il dénigre
en bloc, et souvent irascible, voire
odieux, avec ceux qui tra-
vaillent sous sa direction.
Une invocation qui tourne mal.
Et qui va maîtriser ce terrifiant dragon-liche ?
Harafim le mendiant
« Ce n’est pas une rumeur, c’est la vérité ! »
C’est une figure pittoresque de la cité, où
il se déplace à son aise avec une surprenante
vélocité, se riant des contrôles. L’aspect d’Ha-
rafim ne plaide pas en sa faveur. C’est un vieil
homme vêtu de haillons crasseux, le visage
mangé par une abondante barbe grise. Les
plus âgés des habitants de Laelith l’ont tou-
jours connu sous cet aspect. En fait, personne
ne se rappelle l’avoir connu jeune.
À force de circuler dans toute la cité, Harafim
recueille chaque jour un nombre considérable
d’informations. Les fouineurs les plus répu-
tés viennent fréquemment et discrètement le
consulter lorsqu’ils doivent résoudre des af-
faires délicates.
Actuellement, Harafim fait montre d’un in-
térêt tout particulier pour le site de fouilles de
Fullert.
La Haute Terrasse 335
Histoire vécue
Tous les matins, une poignée de
serviteurs des diverses maisons, avides
de recueillir les déjections des familiers
magiques, se livrent une guerre à
grands coups de pelle et de sac de cuir.
Les fèces de ces animaux seraient le plus
formidable des engrais pour les par-
terres de fleurs. Les alentours du stand
de Krator Zomberlash, marchand
de créatures féeriques de la Foire aux
enchantements, sont un véritable point
stratégique.
Lors de la dernière grande foire, la garde
a même dû intervenir, tandis que la
situation dégénérait de minute en mi-
nute autour de la bouse géante produite
par la monture d’un seigneur gnobelain
en visite.
 Une organisation
Le Chariot qui monte
C’est un funiculaire souterrain reliant
le quai des Contrebandiers et la Haute
Terrasse. Actionné par des esclaves
s’échinant sur des cabestans, il permet
le transport discret des marchandises,
comme les convois funèbres ou mo-
nétaires, ainsi que celui des personnes
grâce à une cabine amovible. Malgré
les quelques accidents où le wagon s’est
transformé en projectile défonçant les
parois de la galerie, malgré les tenta-
tives de vol et les perceurs de tunnel,
l’engin ne connaît pas le repos. On lui
a même assigné une famille d’en-
gingneurs gnomes qui le bichonnent
amoureusement.
Rien ne se perd
Saltamor a un assistant. Sélurien, un
jeune homme très grand, les cheveux
châtains, à l’estomac particulièrement
bien accroché. En nettoyant les tables,
le gamin a pris l’habitude de conser-
ver méticuleusement, dans des fioles
parfaitement étiquetées, des résidus
de suppliciés : sang, cheveux, bouts de
viscères, yeux, dents, ongles… Il s’agit
d’une pratique parfaitement illégale. Un
jour, il a dévoilé sa collection à un ami,
étudiant les arts occultes. Les deux ont
commencé à mener des expériences et
le camarade apprenti nécromancien
de Sélurien a constaté que les restes
de cadavre ayant subi une agonie
particulièrement longue et douloureuse
constituent d’excellents catalyseurs
pour la pratique de la magie noire. Des
amplificateurs de puissance. Depuis,
les deux amis ont mis en place un petit
commerce de ces produits que l’on s’ar-
rache dans les cercles initiés. Au point
que le secret de leur recette commence
à susciter bien des convoitises.
Des PJ pourraient être mis sur l’enquête
de l’origine de ces exhausteurs ma-
cabres au moment où les deux acolytes
décideraient de torturer des gens
volontairement pour passer à une phase
« industrielle » de production.
336
Le Conseil respectueux
« Voir la fière Milenia Lunalia pros-
ternée un long moment la croupe en l’air,
à cinquante pas de mon maître le Roi-
Dieu, est un spectacle que je contemple
toujours avec délice. Voilà pourquoi je ne
rate jamais une audience du Conseil res-
pectueux. Après les offrandes d’usage, la
porte-parole reste agenouillée les fesses
sur les talons et présente d’une voix douce
les humbles suggestions de ses pairs. Ces
derniers se tiennent immobiles une toise
derrière elle. Ils arborent la tenue de
cérémonie qui s’impose à eux lors de l’au-
dience : une simple coule sombre au tissu
particulièrement rêche. Le protocole im-
pose cette tenue depuis le règne d’Hetelred
IV le Vif qui aurait déclaré : “Plus ça
les grattera, plus l’audience sera courte.”
(Relation probablement apocryphe, per-
sonne ne s’imaginant un Roi-Dieu parler
si trivialement.)
Ce jour-là, il est question de droits
de pêche à l’est du lac et d’une proposi-
tion de travaux importants dans l’échelle
des Ruffians, visant à assainir le réseau
d’écoulement des eaux usées.
Le Roi-Dieu hoche imperceptible-
ment la tête à chaque demande. Lorsque
Milenia se tait, la Parole remercie le
Conseil et en congédie les membres en
leur signifiant qu’elle leur communique-
ra bientôt la réponse du quatre fois saint
Roi-Dieu. »
Extrait de « Journal au présent » de Jems,
premier scribe de Sirdiam
Héritage du passé…
Sous le règne de Teaphanerys IX, la Cité
sainte connut un développement économique
important. Le Roi-Dieu s’intéressant à la géo-
graphie, aux découvertes lointaines et aux pro-
duits exotiques, il promulgua une série de dé-
crets favorisant le commerce et les échanges.
Les nobles furent encouragés à se lancer dans
des activités marchandes, ce qui était très mal
vu jusque-là.
Le règne de Teaphanerys IX fut long, plus de
vingt années, entraînant une période de sta-
bilité politique qui profita également au com-
merce. Les nobles qui avaient affrété des ca-
ravanes pour des contrées lointaines, risquant
leurs fortunes dans des entreprises souvent
hasardeuses furent honorés et récompensés.
Bien sûr, le Roi-Dieu se servait de ces opéra-
tions pour pousser loin l’influence de la Cité,
nouer des alliances et étendre son emprise sur
des contrées éloignées, mais le fait est qu’en
quelques décennies, Laelith connut un impor-
tant développement économique. En moins
d’une génération, plusieurs familles nobles se
lancèrent dans les affaires et des vaisseaux mar-
chands portant leurs couleurs cinglèrent vers le
levant, revenant chargés d’épices de Kaoca, de
soie azilianaise ou d’armures agramoriennes.
Vers l’ouest, des caravanes atteignirent Alarian,
réputé pour ses bois précieux et les objets sor-
tis des fonderies des cités naines.
Il faut reconnaître que toutes les entreprises
ne furent pas couronnées de succès. Farlom
le Fat, qui avait commencé à se faire un nom
dans le commerce des animaux exotiques, pé-
rit misérablement happé par l’un des varans de
l’enclos sacré, alors qu’il présentait les animaux
au Roi-Dieu Tokinafal VII. Le comte Fytrus de
l’échelle Courbe décéda sans gloire, dévoré par
les araignées géantes importées d’Azilian, dont
il avait songé développer l’élevage à Laelith,
afin de récolter directement leurs fils de soie
au toucher sans pareil.
Au fil des ans, dix familles étendirent leur
contrôle sur le commerce nobiliaire, rache-
tant les affaires déclinantes et se concentrant
sur les activités les plus rémunératrices. Les
maisons nobles qui s’étaient jadis gaussées
des « petits vicomtes colporteurs » durent se
rendre à l’évidence : malgré quelques échecs,
le commerce prospérait largement et enrichis-
sait ceux qui s’y livraient. Celles qu’on appe-
lait désormais les Dix Familles concentraient
entre leurs mains une part très importante de
la richesse de la Haute Terrasse, palais du Roi-
Dieu excepté, se fréquentaient entre elles et
mariaient leurs enfants de manière à préserver
et augmenter le patrimoine du clan.
 La richesse conduisant le pouvoir, la noblesse
marchande prit le pas sur l’ancienne noblesse
guerrière, dont les exploits furent tournés en
dérision avant de sombrer dans l’oubli. À la
fin de son règne, Teaphanerys IX perçut bien
ce changement qu’il considéra, contre l’avis
du Conseil restreint, comme bénéfique pour
la cité. Persuadé que les nobles marchands,
de par leur dynamisme et leur ouverture au
monde étaient un atout pour Laelith, il favori-
sa la création d’un conseil consultatif composé
des représentants des Dix Familles, qu’il pou-
vait selon son plaisir consulter sur les affaires
économiques de la cité. Ce conseil prit le nom
de Conseil respectueux. Par la suite, les dé-
tracteurs de Teaphanerys IX assurèrent que le
Roi-Dieu avait agi par cynisme, se servant de ce
conseil pour contrôler ces familles dont la puis-
sance financière était devenue considérable et
faire contrepoids à l’influence des Temples.

Siège et organisation
C’est dans ce vaste bâtiment, au 3 de l’échelle
de Narbonac l’Avisé, que se réunissent les
membres des Dix Familles. La façade de cette
bâtisse carrée est ornée d’imposantes colonnes
doriques. À l’intérieur, le cloître fleuri et arbo-
ré fait l’unanimité. Ceux qui ont eu la chance
d’y pénétrer décrivent un endroit féerique,
chef-d’œuvre des meilleurs jardiniers de la
cité. Saturé de senteurs florales au printemps,
oasis de fraîcheur l’été, fleuri de plantes exo-
tiques même au plus froid de l’hiver, c’est un
lieu de rencontre prisé des grandes familles.
Une vingtaine de salles spacieuses donnent
sur le cloître. C’est là que se déroulent les
tractations commerciales importantes ou les
réunions nécessitant la confidentialité la plus
absolue. Le palais est en activité jour et nuit et
ses accès sont contrôlés par une milice privée.
Depuis Myg II, le Conseil respectueux est
reçu en audience plusieurs fois par an par le
Roi-Dieu, afin de lui présenter « respectueu-
sement » des requêtes concernant la vie de la
cité. Ces requêtes sont le plus souvent d’ordre
économique (favoriser les échanges avec telle
contrée lointaine, taxer certains produits im-
portés, aider au développement d’une guilde
d’artisans…), mais elles peuvent également
proposer des aménagements destinés à amé-
liorer la vie des habitants, ou des modifica-
tions mineures de la loi commune. Toutes Sorcière ou émissaire du Cloaque ?
Seul un fou serait assez téméraire pour aller le vérifier...
ces propositions sont faites à l’occasion de

La Haute Terrasse 337


Portrait
Greffier du Conseil respectueux,
le discret Virsef est une bombe à
retardement. Cet échalas élancé et
grisâtre connaît, de par son poste, bien
des accords et des projets du conseil. Il
fait tellement partie des meubles que
personne ne fait plus attention à ce qui
est dit devant lui. Pourtant Virsef a
un secret inavouable qui, s’il venait à
être connu, ferait de lui un levier utile
dans les mains d’un maître chanteur :
transparent le jour, il se transforme la
nuit venue en coquette à dentelle, et,
maquillé et méconnaissable, il vend
son corps enfiévré dans une « mai-
son » bourgeoise de la terrasse de la
Prospérité.
338
Un riche bourgeois en tenue
de tous les jours...
cérémonies très codifiées, où les membres du
Conseil respectueux adoptent une attitude
empreinte d’humilité et de profonde déférence
à l’égard de leur souverain.
Ce dernier, s’il n’est pas dupe des profits que
les nobles comptent souvent retirer des me-
sures proposées, est néanmoins attentif à leur
contenu, car elles révèlent les évolutions de la
société laïque et les aspirations d’une partie
de la population. Par ailleurs, le Roi-Dieu sait
pertinemment que le conseil peut se révéler un
levier précieux pour agir sur certaines com-
posantes de la cité qui échappent au contrôle
des Temples, sans compter qu’il lorgne avec
intérêt sur la fortune considérable que repré-
sentent les biens des Dix Familles.
Le duc Gülhüz, de l’échelle Ronde, est ac-
tuellement à la tête des Dix Familles. C’est un
vieillard parcheminé, podagre et cacochyme,
qui ne quitte quasiment plus son palais. Son
bras droit et successeur potentiel est Velsyfer
d’Ombrelongue, duc de l’échelle du Paon
radieux, lui aussi très âgé. Velsyfer est sans
doute le plus entreprenant des membres du
conseil, et le plus ambitieux. Son objectif est
de créer, à travers les Dix familles, une véri-
table compagnie marchande qui aurait la pos-
sibilité d’établir des comptoirs commerciaux
exploités à sa guise, sur lesquels elle aurait
pleine et entière autorité, via une armée pri-
vée. Les Dix Familles, par l’intermédiaire d’un
de leurs membres, sont donc des employeurs
potentiels pour toute aventure se déroulant à
l’extérieur de la ville, dans des régions peu ex-
plorées autour du lac d’Altalith par exemple.
Milenia Lunalia
« Ne détournez pas les yeux en me par-
lant, suis-je donc si laide à regarder ? »
La fille de Laetizia Lunalia est aussi laide
que sa mère était jolie. La baronne des Quatre
Marchands est l’unique représentante du sexe
féminin au sein du Conseil respectueux. Issue
d’une lignée ancienne ayant fait fortune dans
le commerce des peaux et fourrures, elle a dé-
veloppé les affaires de sa famille grâce à son
sens inné du commerce. Âgée d’une trentaine
d’années, manipulatrice dans l’âme, c’est une
femme blonde au regard torve, au physique
ingrat et au visage empâté, dont l’énergie
exerce un incontestable pouvoir de fascina-
tion sur ses interlocuteurs. Comme sa mère
avant elle, Milenia se déplace dans les rues de
la Haute Terrasse à l’abri des regards, dans un
palanquin porté par des esclaves gigantesques
et encadré par des mercenaires agramoriens.
Elle a la réputation d’être intransigeante en
affaires et très attachée à défendre les intérêts
de sa famille. On ne lui connaît officiellement
ni époux ni amant, sans doute parce qu’elle
protège farouchement sa vie privée. Son sens
aigu de la manigance et sa rouerie naturelle
seraient la cause d’un nombre considérable de
duels et de suicides. Le nom du baron Sermino
revient souvent dans les rapports de police re-
latant les incidents.
Milenia est la porte-parole du conseil. C’est
elle qui, prosternée, présente humblement au
Roi-Dieu les propositions des Dix. Certains
au sein des Familles lui reprochent de
défendre trop souvent ses seuls inté-
rêts, au détriment de ceux du conseil,
et d’avoir au Palais des entrées qui
lui sont réservées. À ces allégations,
Milenia répond toujours par une moue
boudeuse, un éclat menaçant dans le
regard…
Maître Mourfaki
« Ce n’est pas de l’or, mais de
l’étain doré. Cet objet qui ne mérite
pas le nom de bijou ne vaut guère
plus de 3 pièces d’argent. Voyez
mon neveu là-bas pour finaliser la
transaction. »
Changeur, prêteur sur gages, ami
des puissants, maître Mourfaki, « ban-
quier du Roi et roi des banquiers » est
l’un des personnages les plus impor-
tants de la Haute Terrasse.
C’est un homme rond et affable,
dont l’œil unique pétille de malice et
d’intelligence. L’autre, prétendent ses
ennemis, a été laissé en gage chez un
confrère…
La banque Mourfaki est un édifice
imposant et disgracieux, vaste cube de
granit posé à l’extrémité de l’échelle de
l’Abondance. Une fois passés les gardes
qui en contrôlent l’entrée, le visiteur
découvre un vaste hall où est dispo-
sé du mobilier permettant d’effectuer
toutes sortes de transactions. Les
commis de Mourfaki s’y activent sans
cesse, échangeant des bijoux contre
de l’or, certifiant des lettres de change
ou troquant des bourses bien garnies
contre des rouleaux de parchemin.
Une bonne part de l’argent qui cir-
cule à Laelith transite à un moment
donné par la banque Mourfaki, ou
l’une des échoppes tenues par un
membre de sa famille dans une autre
terrasse.
Mourfaki a fait fortune en prêtant
avec usure de fortes sommes d’argent à
des nobles au train de vie dispendieux.
Ceux qui ne pouvaient rembourser à
terme voyaient leurs biens confisqués,
l’usurier devenant ainsi propriétaire
d’un grand nombre de belles demeures.
Intraitable avec les petits emprun-
teurs, Mourfaki sait être complaisant
avec les personnalités plus impor-
tantes. Il n’applique pas les mêmes taux
d’intérêt et sait oublier une dette s’il
le faut. De fait, très introduit dans les
hautes sphères du pouvoir, il lui arrive
de financer des expéditions commer-
ciales, la construction d’un nouveau
temple tout en n’oubliant jamais une
offrande au Roi-Dieu. Il connaît égale-
ment les petits secrets des nobles qui lui
confient leur argent, ou lui en doivent.
Fréquentant les puissants, il sait acti-
ver ses relations en cas de problèmes…
et les problèmes finissent toujours par
se résoudre à son avantage.
Supposé détenir une fortune
énorme, Mourfaki a un train de vie
des plus modestes. Toujours vêtu
d’une tunique de velours marron, il
ne porte aucun bijou et vit à l’étage
de la banque. Veuf inconsolable d’une
épouse originaire d’Egonzasthan, il est
père de quatre garçons qui tiennent
des succursales de la banque dans
d’autres terrasses. On ne lui connaît
d’autre passion que la finance, et à vrai
dire personne n’a idée de l’usage qu’il
fait de sa fortune considérable.
Les nobles apprécient Mourfaki
car il fait toujours preuve à leur égard
d’une exquise politesse et d’une grande
courtoisie. Sa fortune pourrait faire de
lui un membre des Dix Familles, mais
il s’y est toujours modestement refusé,
estimant que n’étant pas noble, sa place
était ailleurs. Cette modestie lui attire
bien des sympathies et nombre de pe-
tits nobles le traitent avec condescen-
dance, sans se rendre compte toutefois
qu’il est en train de leur tondre la laine
sur le dos.
Lorsque l’enjeu est important et
qu’il est assuré de disposer de soutiens
si l’affaire tourne mal, Mourfaki peut
se risquer dans des entreprises que la
loi réprouve. Lui seul peut faire office
de receleur lorsqu’il s’agit d’écouler
des objets trop connus ou des bijoux
renommés. Ses ennemis assurent qu’il
est en cheville avec Tarpingrau, le
fourgue bien connu du campement de
la Foire aux enchantements.
Prologues :
Le sandamor
Cet alliage métallique mystérieux connu par
quelques forgerons d’Agramor. Les lames
en sandamor sont réputées aggraver les
saignements qu’elles infligent, car elles boi-
raient littéralement le sang de leurs victimes.
Velsyfer convoite ce secret de fabrication et
ses agents sur le terrain se livrent à une véri-
table guerre d’espionnage avec les autorités
d’Agramor qui souhaitent conserver le mono-
pole. Dernièrement, le duc d’Ombrelongue a
cru avoir remporté la partie, mais le forgeron
qu’il avait réussi à faire exfiltrer a été assassi-
né à peine débarqué à Laelith. Ajoutons que
des agents d’Olizya aimeraient se glisser dans
le jeu et envenimer la situation pour occuper
leurs voisins belliqueux.
Double jeu
Le baron de l’échelle Ardente tient absolu-
ment à récupérer une lettre de créance le
concernant auprès d’un petit noble de la
terrasse. Le personnage n’est pas très puis-
sant, mais la dette est importante. Sermino
a perdu gros au jeu une fois de plus, devant
de nombreux témoins. Il ne peut pas interve-
nir personnellement ni par l’intermédiaire de
ses hommes de confiance, car le lien sera trop
évident. Il engage donc les PJ pour récupérer
le document. S’ils acceptent, ils tomberont
dans un piège : ils seront attendus par un co-
mité de réception contre lequel ils n’ont au-
cune chance.
Un concurrent de Sermino propose aux PJ de
repartir avec la lettre de créance et de jouer
les agents doubles pour lui en gagnant la
confiance du baron. Voilà les PJ dans de beaux
draps…
Un honnête travail
Le banquier Mourfaki est un des plus gros
employeurs de la terrasse. Ses équipes
cherchent en permanence des collaborateurs
compétents et discrets. Il paye bien et cela
pourrait constituer pour les PJ un point de
départ intéressant dans ce quartier, en por-
tant des lettres de change, récupérant des
dettes, escortant des convois. Ses activités
illicites, notamment le trafic d’objets très pré-
cieux, demandent discrétion et ressources.
Des PJ qui gagneraient sa confiance pour-
raient rapidement grimper les échelles de son
organisation.
La Haute Terrasse 339
 Une organisation
La Société savante
de l’hôtel de Guerlas
Un quartier d’artistes
L’hôtel de Guerlas est réputé être
un lieu de décontraction, où l’on
peut deviser de tout et de rien en
toute tranquillité. Compte tenu de
la fréquentation du lieu, des artisans
renommés ont commencé à s’installer
aux alentours, proposant des créations
originales (souvent très en avance sur
les modes du moment) qui attirent les
riches nobles avides de nouveautés. Les
échelles proches de l’hôtel de Guerlas
forment le « quartier des Arts », un en-
droit bouillonnant de vie où la jeunesse
oisive et dorée aime se retrouver dans
une ambiance décontractée, festive et
créative, que l’on ne retrouve nulle part
ailleurs dans la terrasse.
Peinture subversive
Un artiste qui fréquente l’agora d’Efylia
expose anonymement (mais sous la
protection de la dame) des tableaux
magnifiques, mais particulièrement
subversifs. Ces toiles connaissent un vif
succès et s’arrachent désormais à un
prix très élevé. Chacun veut connaître
l’identité de l’artiste et dans la petite
communauté, on se regarde désormais
avec suspicion. Certains affirment
même qu’Efylia serait l’auteur des
peintures. Depuis quelques semaines,
le pouvoir s’intéresse au phénomène,
enquête pour découvrir l’identité du
peintre et la menace imminente d’une
interdiction d’exposer plane, ne faisant
que renforcer l’intérêt autour de l’ar-
tiste mystérieux.
340
Salon de dame
Veuve du très vieux et très riche duc de
l’échelle de Guerlas, la jeune dame Efylia est
connue dans toute la terrasse pour son cha-
risme et sa silhouette svelte mise en valeur par
des toilettes sophistiquées.
Mariée durant trois années à un vieillard
infirme, elle fit toujours montre d’un grand
respect à son égard, gérant les vingt-sept do-
mestiques de l’hôtel de Guerlas avec fermeté et
bon sens. À ceux qui la plaignaient à haute voix
d’être mariée à un barbon impotent, elle oppo-
sait un visage impassible, rappelant que le duc
de Guerlas avait été, dans ses vertes années, un
capitaine tout entier dévoué au service du Roi-
Dieu et de la cité, dont les exploits et l’huma-
nité étaient encore célébrés dans maints récits.
À la mort du duc, Efylia hérita de sa fortune
considérable. Après une longue période de
deuil, elle entreprit des travaux d’aménage-
ment qui transformèrent l’hôtel de Guerlas. Le
palais austère et fortifié fut percé de larges fe-
nêtres, l’aspect de la façade adouci par d’admi-
rables sculptures, tandis que l’aménagement
intérieur était confié à des artisans réputés.
Ayant transformé la vieille demeure en un
palais baroque à la décoration avant-gardiste,
Efylia acquit la réputation d’une personne
au goût assuré, amie des arts et mécène gé-
néreux. De fait, plusieurs artistes renommés
furent accueillis chez elle et bénéficièrent
de sa générosité. Küfhül le Langoureux y
composa la plus grande partie de son opé-
ra-bouffe Le contraire de ce qui n’est pas, qui
connut un succès d’estime durant toute une
saison. Le sculpteur Qyem y créa une série
de caryatides sublimes qui décorent à pré-
sent les plus luxueux palais de la terrasse et
ont fait de lui un artiste aussi riche qu’iras-
cible. C’est dans la bibliothèque de l’hôtel
que Finster Lebral ébaucha son traité d’éco-
nomie condamnant l’esclavage, dont la pa-
rution provoqua la colère des Dix Familles.
Que son hôtesse possédât par ailleurs une
dizaine d’esclaves (dont certaines veillaient
au bien-être de Finster) n’entama pas l’estime
réciproque que se portaient la jeune femme et
l’écrivain, Efylia songeant que certains argu-
ments n’étaient pas dénués de bon sens.
Avec le temps, l’hôtel de Guerlas devint un
lieu de rencontre pour artistes très divers, cer-
tains y étant hébergés le temps de composer
une œuvre ou de rédiger un ouvrage. Efylia
passait du temps avec chacun d’eux, curieuse
de tout et avide de connaissances nouvelles.
C’est à l’occasion de ces nombreuses discus-
sions qu’elle conçut le projet de réunir réguliè-
rement les esprits les plus brillants et les plus
curieux de la ville et, très modestement, du
monde connu. Ce cercle d’intellectuels où se
côtoyaient notamment plusieurs philosophes,
un historien, un prêtre défroqué, un joueur de
cornemuse, un maître des Mosaïques et un pê-
cheur utruz, se baptisa la Société savante, car
elle ambitionnait de débattre de l’ensemble des
arts et savoirs.
Récemment, Efylia fit l’acquisition d’une
belle maison voisine de l’hôtel de Guerlas
qu’elle fit raser jusqu’aux fondations. À la
place, elle créa une agora pavée dont elle céda
la nue-propriété « à tous les habitants de la
cité afin qu’ils viennent débattre de ce que bon
leur semblerait ».
Le goût d’Efylia pour les arts et le savoir
l’entraîne parfois à s’intéresser à des sujets plus
inquiétants. Elle est ainsi devenue passionnée
d’occultisme, ce qui l’amène à fréquenter et
recevoir des personnages mystérieux. Qu’ils
soient charlatans ou mages noirs en rupture
de ban, ils forment un groupe sinistre qui n’est
pas apprécié des amis de la jeune femme.
Cydelia la pasionaria
« Comment pouvez-vous être témoin
d’une telle injustice et vous pavaner tête
haute dans la rue ? »
 Cydelia est la sœur jumelle d’Efylia, qu’elle
a rejointe après la mort du vieux duc. Rien ne
différencie les deux sœurs, à l’exception d’une
mouche qui attire le regard sur la jolie bouche
de Cydelia. Les deux femmes ont par contre
des caractères opposés et ne se fréquentent
guère. Cydelia a une personnalité à fleur de
peau et aucune prédisposition pour le débat ou
la conciliation. Écorchée vive, elle a fait sien le
combat de tous les malheureux et laissés pour
compte de la cité. Elle peut disparaître plu-
sieurs jours sans donner signe de vie et sur-
gir à un coin de rue, lancée dans une diatribe
interminable contre les injustices. Elle prône
notamment l’affranchissement des esclaves, la
redistribution des richesses ainsi que diverses
mesures pour lutter contre l’exploitation des
enfants. Le Roi-Dieu est par contre assimilé
à un père bienveillant qui finira par se rendre
compte de l’injustice qui frappe une partie de
ses sujets et y remédier.
Cydelia tient des discours improvisés dans
toute la ville, haranguant les passants juchée
sur un tonneau, une brouette ou un simple
banc de pierre. Selon les terrasses, elle ren-
contre un certain succès, mais les gardes ne
sont jamais loin.
La jeune femme réserve ses tirades les
plus enflammées aux habitants de la Haute
Terrasse. La plupart la considèrent comme
une hystérique, mais quelques-uns au sein de
la jeune génération l’écoutent avec curiosité
et parfois intérêt. Avec le temps, elle a réussi
à fédérer un petit groupe de fidèles qui l’ac-
compagnent lors de ses actions coup d’éclat
(comme bombarder la façade de la banque
Mourfaki avec des pastèques bien mûres et Efylia, duchesse de Guerlas, à moins
qu'il ne s'agisse de sa soeur Cydelia...
des fioles de garum).
Curieusement, sauf lorsqu’elle tient des interrogations chez les nobles-citadins et
propos ouvertement hostiles aux Temples, principalement au sein des Dix Familles dont
les gardes n’interviennent que mollement et elle est la bête noire. Qui protège la jeune
se contentent de disperser l’attroupement femme, et pourquoi ?
des curieux, tout en reconduisant fermement Une rumeur insistante affirme qu’Efylia
la sœur d’Efylia chez elle. Cette étrange clé- et Cydelia ne seraient qu’une seule et même
mence n’est pas sans susciter de nombreuses personne…

Prologue : Le petit chat est mort

Des félys viennent écouter la musique depuis les toits de l’hôtel
Guerlas. Un soir, l’un d’eux a surpris les manigances d’un voisin,
le baronet Boprofond, trempant dans la magie noire et le com-
merce avec le Cloaque. Blessé à mort par un des séides du baro-
net, l’homme-chat est allé mourir sur le toit d’Efylia. À cause d’une
séance de spiritisme en cours, son âme hante désormais l’hôtel, es-
sayant de communiquer pour être vengée. Les PJ, engagés comme
modèles vivants d’une œuvre réaliste, arriveront-ils à déchiffrer les
tableaux enfiévrés des peintres, les concertos miaulant des musi-
ciens pour remonter jusqu’au cadavre et au sorcier ?

La Haute Terrasse 341

 Un professionnel
Effet de mode
« La fourrure, les armures d’apparat,
les tenues végétales et les capes en
lierre argenté, après tant de folies, qui
sait ce que nous réserve la mode ? Tu
te rends compte ? Le perruquier de
l’échelle À reluire ferait des postiches
mangeables… »
Dette
« Maître Carpoil, le comte réclame le
paiement de la taxe sur les amphores.
– Argh… Je vous supplie de m’accorder
un délai de paiement !
– Quand on n’a pas les moyens, on va
vivre sur la Chaussée du lac… »
Coterie
Parfois, un intérêt commun réunit des
courtisans dans une alliance de circons-
tances appelée coterie. L’existence d’une
coterie est en général liée à un objectif
unique : ruiner un rival devenu trop
puissant, intriguer pour obtenir une
faveur importante ou défendre les inté-
rêts d’un commanditaire mystérieux.
Une fois la tâche accomplie, le butin
s’il y en a est partagé et les membres de
la coterie se séparent. Il existerait une
Grande Coterie, association perma-
nente des nobles les plus intrigants qui
agirait dans l’ombre…
Seigneurs de poche
Les nobles-citadins sont propriétaires
de titres qui leur confèrent des droits
importants sur une échelle, une place,
ou un ensemble de rues dans Laelith.
Ils y exercent un droit de justice limité
et perçoivent des taxes, dans des limites
fixées par l’administration du Palais. Les
titres sont proportionnels au nombre et
à l’emplacement des rues contrôlées : le
vicomte de l’impasse des Cent Pas est
un nobliau sans intérêt, contrairement
au duc des Hautes Échelles…
342
Le courtisan
L’art des courbettes
Le courtisan se distingue assez facilement
du noble-citadin. Par la tenue tout d’abord :
ce dernier est le plus souvent habillé de vê-
tements sobres mais de belle coupe, avec peu
d’ornements. Le courtisan préfère porter des
tenues extravagantes, taillées dans des tissus
colorés et de grande valeur : soie, satin, ve-
lours brodé.
Lorsqu’on croise son chemin, le noble-cita-
din se montre indifférent mais courtois, indi-
quant par une attitude pleine de retenue que
vous n’êtes rien pour lui et que ses préoccu-
pations sont d’un niveau largement supérieur
au vôtre. Le courtisan va vous jauger de loin
et s’il décide que vous pouvez lui être d’une
quelconque utilité, il déploiera le filet de ses
charmes autour de vous. Souriant, avenant,
flatteur, le courtisan séduit sa victime, lui
donnant l’impression qu’une relation d’amitié
sincère est en train de se nouer et qu’elle peut
compter sur ce nouvel allié. Certains courti-
sans sont de véritables escrocs et s’enrichissent
sur le dos d’aventuriers crédules.
Attirés comme des phalènes par la lumière
du luxe et du pouvoir, les courtisans se ren-
contrent surtout à proximité du palais du Roi-
Dieu. Ils sont nombreux à y errer sans autre
but que de rencontrer un puissant auquel ils
pourront soutirer des faveurs contre un ser-
vice ou une flatterie bien tournée. Servile et
dépourvu de toute fierté lorsqu’il s’agit de faire
avancer ses intérêts, le courtisan est par contre
odieux et méprisant envers tous ceux qui sont
d’un rang inférieur au sien et ne peuvent se ré-
véler utiles un jour.
Les courtisans résident pour la plupart dans
la Haute Terrasse, où ils possèdent de beaux
hôtels particuliers. La journée d’un courtisan
oisif peut être éreintante. Levé tard, il consacre
beaucoup de temps à soigner son apparence en
recevant le barbier, un spécialiste des onguents
et parfois le tailleur. Mais le plus souvent, il se
rend en personne chez ce dernier, pour s’in-
former des dernières coupes à la mode et des
tissus en vogue. Il reste en permanence au fait
de ce que font les autres courtisans, afin de ne
pas rater l’occasion de flagorner auprès d’une
personne influente, et stipendie des informa-
teurs dans ce but.
Les courtisans se retrouvent au palais en fin
d’après-midi, car une rumeur (infondée) pré-
tend que c’est le meilleur moment pour aper-
cevoir le Roi-Dieu. Beaucoup tentent d’acca-
parer l’attention du chambellan, afin d’obtenir
une faveur ou une petite fonction à accomplir
à l’intérieur du palais. Tous ont en tête l’hon-
neur qui fut fait jadis à Domfil de Klamrocas,
marquis de l’échelle Fibule, qui se vit confier,
à l’occasion d’un simple entretien, la charge
de goûteur permanent du chambellan. Le fait
qu’il périt rapidement dans d’atroces souf-
frances lors d’une tentative d’empoisonne-
ment ne ternit en rien la renommée toujours
attachée à son nom.
Le soir venu, alors que le palais se vide peu à
peu, les courtisans se dispersent à leur tour et
commencent à faire la bamboche dans des ta-
vernes proches ou dans le faubourg Glauque.
C’est également l’heure à laquelle se réunissent
les coteries dans le dessein de préparer les ca-
bales qui vont être lancées les jours suivants.
Fra Mercalo, clerc-courtisan
du Temple du Nuage
« Je vous assure qu’il est possible de
vaincre cette douleur par votre seule volon-
té. La Foi et l’Esprit peuvent tout ! »
Fra Mercalo est le plus atypique des
clercs-courtisans. Alors que ses pairs ne
songent qu’à cumuler les honneurs et les
titres, et à bâtir des palais en forme de cathé-
drales, il a choisi de vivre entouré d’une petite
communauté de fidèles dans un vieux temple
désaffecté auquel il a donné le nom de Palais
Lindorlan, du nom de la Déesse qu’il vénère.
Fra Mercalo est un colosse rieur et bienveil-
lant, considéré par beaucoup comme étrange
et imprévisible. L’argent et les honneurs n’ont
aucune prise sur lui, et il est réputé pour sa
générosité envers les plus démunis des basses
terrasses.
 C’est également un puits de sciences et un
redoutable débatteur. Ses voisins ayant ins-
truit contre lui un procès en « personnalité
histrionique », il parvint à les confondre et à
les ridiculiser lors d’une dispute publique au
sein du temple du Nuage. Faisant en toutes
circonstances preuve d’une piété joyeuse, Fra
Mercalo est naturellement intéressé par les
choses mystérieuses et les énigmes de son
temps. C’est un spécialiste des maladies de l’es-
prit, que l’on peut parfois croiser au Lazaret
où ses travaux sur la sombre langueur font
autorité.
Tout aventurier enquêtant sur un mystère
de la Haute Terrasse croisera forcément le
chemin de Fra Mercalo, ou de son ami Dom
Felice. C’est un allié potentiel à ne jamais
négliger !
du jeu. Le Conseil respectueux le contrôle par
le biais des multiples dettes qu’il contracte et
qui sont effacées au fil des missions délicates
qu’il accomplit.
Lorsque ces missions sont complexes, en
marge de la loi ou nécessitant une grande
discrétion, Sermino n’hésite pas à recru-
ter des aventuriers étrangers à la cité ou des
mercenaires.
Les Précieux Ridicules
Cette troupe de théâtre ne joue aucune
pièce. Sa spécialité est de s’introduire
dans les soirées, et contre salaire, de
faire briller ou d’humilier qui il se doit.
On se gausse encore du marquis de
« Cul en biais » qui avait oublié de les
payer. Leurs répliques qui font toujours
mouche sont rédigées d’une plume
acérée par dame Primevère, parfois nos-
talgique de ses années de jeune ingénue
auprès d’un maître talentueux.

Sermino,
baron de l’échelle Ardente
« La flatterie qui porte ses fruits est le
nœud coulant que tu passes au cou de la
victime avec son consentement. »
Grand, mince, le teint sombre mais les yeux
très clairs, Sermino est un bel homme au vi-
sage avenant et au timbre de voix mélodieux.
Toujours vêtu richement mais sans osten-
tation, avec une prédilection pour le noir et
l’argent, c’est également un excellent bret-
teur dont la rapière a déjà marqué plusieurs
visages.
Il est le plus souvent au palais, cherchant
toujours à retirer le maximum des rencontres
qu’il y fait. C’est un homme très habile et in-
tuitif, manipulateur dans l’âme, sachant ti-
rer profit de toutes les situations. Pour peu
qu’il le souhaite, il parvient facilement à ga-
gner les bonnes grâces de n’importe quel
interlocuteur.
On dit Sermino très proche des Dix
Familles, dont il serait à la fois l’espion au sein
du palais et l’exécuteur des basses œuvres.
On lui prête une liaison secrète et intéressée
avec Milenia Lunalia, mais c’est un sujet sur
lequel il vaut mieux éviter d’enquêter, tous
ceux qui s’y sont risqués ayant connu une
mort violente. Totalement dénué de scrupules
et d’empathie, il n’hésite pas à exécuter froi-
dement ses victimes, après en avoir tiré tout
le bénéfice possible. Le talon d’Achille de ce Implacable et fascinant, le redoutable Sermino porte parfois un
triste personnage est sa passion immodérée bandeau sur l’œil, probablement par pure coquetterie..

La Haute Terrasse 343

 Un professionnel
Prologues :
Jurassic Quest
Un universitaire et un transfuge
du Lazaret se lancent dans une
expédition pour une vallée recu-
lée de Kaoca afin de récupérer
des œufs de shedras pétrifiés et
les ramener à la vie. Il faudra du
courage à leur escorte, entre les
gnomes qui adorent ces reliques,
la C.A.R.L. soucieuse de son mo-
nopole et les œufs qui renfer-
ment en fait des slaads.
Attrape-moi
si tu peux
Des commerçants de la cité se
plaignent d’être victimes d’un
escroc se faisant passer pour
Fandepié. Mêmes cheveux,
même veste de cuir, mêmes
bottes. Le fraudeur mène grand
train depuis plus de dix semaines
en se faisant passer pour le cé-
lèbre monteur. Ce dernier est très
remonté et engage les PJ pour re-
trouver l’individu.
344
Monteur de
shedras
Vue d’en haut
Elles sont cinq. Cinq créatures ailées de
plus de 15 mètres d’envergure, aux allures de
ptérodactyles. Rapides, puissantes, on les voit
parfois planer dans le ciel de Laelith, portant
de lourdes charges ou transportant un passa-
ger mystérieux, dissimulé dans une nacelle aux
décorations baroques. Ils sont cinq. Arrogants,
sûrs d’eux, intrépides, hâbleurs, séducteurs, ce
sont les monteurs de shedras.
Les shedras, ces créatures volantes dont
on ne sait finalement pas grand-chose, pas
même le mode de reproduction, sont les rois
des cieux. Propriété de la Compagnie aérienne
royale de Laelith (C.A.R.L.), ils servent la plu-
part du temps au transport de matériaux
lourds et encombrants qui ne peuvent être
acheminés par les échelles. Lors de conflits de
grande ampleur, ils peuvent être utilisés par
l’armée dans une fonction qui n’est pas seule-
ment logistique : leur simple vision suffit par-
fois à semer l’effroi chez l’ennemi ! Lorsqu’ils
Un shedra et son monteur, peu
avant l'envol
ne volent pas, on peut les voir
s’agiter dans leurs «  nids »
près des baraquements de la C.A.R.L.,
à proximité de la prison, côté Pics des
Mages.
Des cinq monteurs de shedras, Fandepié
est le plus téméraire. De petite taille, avec des
cheveux d’un noir de jais et un
regard perçant, il donne l’im-
pression d’être en permanence
survolté. Lorsqu’il ne vole pas ou
qu’il ne tente pas de séduire les jolies pen-
sionnaires des maisons de plaisir, on peut le
trouver à L’antre de Thot.
Lorsque les monteurs de shedras déam-
bulent en ville, ils aiment porter avec noncha-
lance les lourdes vestes en cuir et les bottes en
fourrure qui font partie de leur équipement
de vol. S’étant ainsi attiré le respect et l’admi-
ration de la plupart des passants, ils arborent
généralement un air préoccupé et mystérieux,
comme si le Roi-Dieu en personne venait de
leur confier une mission capitale.
Pour la plupart des habitants, ce sont des
sortes de héros ayant accès à des sensations
ignorées du commun des mortels. Dans la ré-
alité, ils effectuent des tâches routinières qui
sont loin d’être toutes exaltantes. En effet, le
shedras a besoin d’un temps de repos très long
après chaque vol, qui est consacré à un examen
minutieux des articulations de ses ailes, répu-
tées fragiles. De ce fait, il y a rarement plus de
deux shedras capables de prendre l’air le même
jour, les autres étant soignés par les monteurs
et leurs assistants.
En théorie, ces animaux ne peuvent pas vo-
ler de nuit. Les trajets de jour sont sévèrement
réglementés et soumis à un plan de vol précis,
qui détermine les bâtiments qui peuvent être
survolés : pas question qu’un shedras s’amuse
à planer au-dessus du palais du Roi-Dieu ou à
slalomer entre les temples ! Bien sûr, il peut y
avoir des exceptions, mais l’utilisation des she-
dras rapporte tellement d’argent à la C.A.R.L.
qu’elle est extrêmement réglementée  : la
perte d’un animal serait un véritable désastre
financier…

Les caryatides vivantes
« La pluie avait cessé lorsque je pénétrai dans
la Haute Terrasse. Un parfum de jasmin flottait
dans l’air et je perçus le son d’une harpe, quelques
échelles plus haut. Je venais de déboucher sur
une large place pavée : la place des Caryatides.
Au-dessus des arcades, au nord, se devinaient
de superbes palais aux façades décorées, ainsi que
des sortes de temples dont j’appris plus tard qu’il
s’agissait des demeures de clercs fortunés qui vi-
vaient dans cette terrasse. Vers l’ouest, au-delà
d’un vaste espace dégagé, se dressait le palais du
Roi-Dieu.
Alors que je traversais la place, je remarquai
un élément de décoration tout à fait singulier.
Des statues avaient été installées en plein milieu,
sur de petits socles de pierre blanche. L’artiste
avait reproduit des courtisans dans des attitudes
interrogatives ou simplement pensives, et avait
poussé le détail jusqu’à les habiller de vêtements
chatoyants. Les sculptures étaient d’un réalisme
saisissant et me mirent mal à l’aise. Je contemplai
longuement celle d’un homme vêtu comme un per-
sonnage de la pièce “le Noble et le Désamour” de
Pamphyle Scirup, me demandant comment l’ar-
tiste s’y était pris pour l’habiller. Les vêtements
étaient-ils cousus directement sur la statue ?
“Vous avez tardé, dit une voix près de moi. Il
vous attend depuis trois jours.” Je me retournai
brusquement, mais il n’y avait personne, simple-
ment des passants qui vaquaient à leurs occupa-
tions. La voix retentit à nouveau, un brin mo-
queuse. “Vous êtes attendue à l’hôtel de la Tête
noire, échelle de la Vieille. Ce soir sans faute.”
Je réprimai un frisson. J’ai horreur de la
magie et j’avais l’impression d’être la victime
d’un sorcier facétieux. Je balayai du regard les
environs proches : rien de suspect. Mes yeux se
posèrent à nouveau sur la statue. Sa pose n’avait-
elle pas changé ? La main qui touchait la hanche
ne reposait-elle pas à présent contre la cuisse ?
Mal à l’aise, je me dirigeai à grandes enjam-
bées vers l’autre extrémité de la place, lorsque je
croisai le regard d’un homme de grande taille qui,
adossé au pilier d’une arcade, m’observait avec
amusement. En quelques pas je fus face à lui, les
poings serrés. Il me toisa, un mince sourire aux
lèvres.
“On les appelle les caryatides. Elles dépendent
de la guilde des Ménestrels. Pas mal leur petit
numéro, non ? Elles peuvent rester immobiles des
heures durant, avant de parler sans même remuer
les lèvres. Tout à coup, elles se mettent à jacter et
vous proposent un travail ou un rendez-vous avec
quelqu’un qui peut vous en offrir un. Les plus ba-
vardes colportent aussi des rumeurs, ou parlent
par énigmes. On perd rarement son temps à les
écouter.”
Je regardai l’homme, son teint hâlé, et ses che-
veux longs noués en catogan. Il sentait le cuir et
l’acier et me plut aussitôt. Il sourit plus largement
et ses yeux clairs plongèrent dans les miens.
“Je suis Sermino, baron de l’échelle Ardente.
Je vous souhaite la bienvenue. Je sais pourquoi
vous êtes là et je vais vous guider.” »
La Haute Terrasse 345
Promenade
Sur la place
L’endroit est toujours très animé. Des
personnes richement vêtues vont et
viennent en permanence, parlant fort
et se donnant des airs importants.
Il y a également des voyageurs qui
découvrent les lieux. La place est bordée
d’arcades qui lui confèrent une belle
unité architecturale. Des micocouliers
offrent une ombre rafraîchissante l’été.
Énigmes
Voici deux énigmes que les caryatides
peuvent servir aux PJ.
Question : Qu’est-ce qui est plus grand
que la Tour majeure, mais pèse infini-
ment moins lourd ?
Réponse : Son ombre.
Question : Lorsqu’on a besoin de moi on
me jette, et lorsque je deviens inutile on
me reprend. Qui suis-je ?
Réponse : Une ancre.
Petites annonces
« Soirée utruz chez le clerc Masquelune,
échelle des Crabes. »
« Argonte, maître verrier, a l’honneur
d’annoncer le mariage de sa cadette
avec le baron de Lâge, doyen de l’Acadé-
mie de généalogie appliquée. »
« Les caryatides parlent aux gargouilles :
le doudilain est cuit. »
« À l’homme en blanc, rendez-vous
sous l’if du Dénuement. »
Sensation
« Crois-moi, p’tit gars, lorsque tu es tout
là-haut et que le vent siffle à tes oreilles,
tu n’as plus de maître ! »
Fandepié le Trompe-la-mort
L’antre de Thot
C’est une taverne du faubourg Glauque
tenue par Marmela Cambuse, une
matrone acariâtre. Son établissement,
à l’atmosphère particulière, est tapissé
de gravures représentant des shedras
ou des monteurs à présent décédés.
Fandepié et ses quatre acolytes y passent
pratiquement tout leur temps libre, à
vider des godets et partager
leurs sensations de pilotes.
 Animations de quartier
Punition
Pour sanctionner ses élèves récalci-
trants, l’école de magie les exempte
des cours qui leur déplaisent, mais
ils doivent contrôler, encadrés par
deux vétérans insupportables, les
composantes magiques de la Foire
aux enchantements. Pour l’occasion,
ils doivent revêtir une robe jaune
moutarde et un double hennin terminé
par des grelots. Statler et Waldorf, les
deux chaperons, ont un joli pedigree de
mage pour le premier et un passé dans
les croisades agramoriennes pour le
second. Passer la journée les mains dans
le guano de chauve-souris, harcelé par
ces deux ancêtres, le tout affublé d’un
costume grotesque, dissuade la plupart
de recommencer.
Top bourreau
Les exécutions publiques sont des
événements qui attirent un public
nombreux, friand de sensations fortes.
Bien entendu, l’affluence dépend de
la renommée du bourreau. L’Obèse
Chichourg au tablier toujours taché de
sang, ou Taffel le Sardonique, dont le
masque affiche perpétuellement une
expression de compassion souriante,
sont particulièrement appréciés.
Top vendeur
Parmi les personnalités à ne pas rater si
l’on déambule dans la foire : Tarpingrau
le receleur ou le marchand Krator
Zomberlash, qui fait le commerce
d’esclaves d’un genre particulier :
homoncules et changelins, asservis
par magie (les acheteurs doivent être
attentifs à se faire préciser la durée de
l’asservissement).
346
Sensations fortes
Mise à mort sur la place
des Exécutions
Les exécutions capitales ne sont pas rares
à Laelith. Mais le plus souvent, les bourreaux
se livrent à des tortures simples, non létales
mais très douloureuses, qui n’attirent qu’un
public de connaisseurs, ou à des humiliations
publiques qui sont au contraire très prisées
des spectateurs. L’essentiel étant d’assurer le
spectacle, les bourreaux les plus célèbres, ceux
qui parviennent à faire durer le supplice en
maintenant les victimes conscientes tout en
soignant la mise en scène, sont de véritables
artistes.
Le plus connu de tous est Saltamor. Sa répu-
tation est telle que ses prestations se font sur
une place des Exécutions noire de monde, où
les gardes ont bien du mal à contenir l’enthou-
siasme d’une populace déchaînée. Le mieux
est de céder la parole (ou plutôt la plume) à un
témoin direct :
« Annoncée trois semaines à l’avance, l’exé-
cution de Kreffi le Comploteur, convaincu
d’avoir voulu attenter à la vie du Roi-Dieu,
rassembla une foule énorme venue de toutes
les terrasses. Les gardes, ne sachant plus où
donner de la tête, durent interdire l’accès à la
place dès la mi-journée. Les heureux proprié-
taires de demeures la bordant firent fortune,
louant pour la journée des chambres avec vue
au prix du trimestre.
L’estrade sur laquelle allait officier Saltamor
était de grandes dimensions et contenait une
multitude d’objets aux formes étranges qui ex-
citaient déjà la curiosité des spectateurs. Une
seconde estrade, un peu plus haute, était pour
l’instant déserte.
Dès le début de l’après-midi, des bour-
reaux sans grande notoriété se produisirent et
tourmentèrent des condamnés de droit com-
mun. Il n’y eut pas de mise à mort, seulement
quelques questionnements qui suscitèrent des
aveux larmoyants, des humiliations publiques
qui déchaînèrent l’hilarité de la foule et l’am-
putation des mains d’un voleur récidiviste.
Le Grand Saltamor fit son entrée à la nuit
tombée, la lueur de multiples torches donnant
à la scène un aspect surréaliste. Le condamné
fut amené par des gardes, une poire d’angoisse
enfoncée dans la bouche. Vêtu d’une belle che-
mise de lin, coiffé et rasé de frais, il avait plutôt
bel aspect. N’était la terreur abjecte qui se li-
sait dans son regard, rien n’indiquait qu’il avait
conscience de vivre ses derniers instants qui,
hélas pour lui, seraient bien longs.
Un haut magistrat s’avança et lut la sen-
tence dans un silence religieux. À la descrip-
tion des tourments qui allaient être infligés à
Kreffi, la foule gronda de plaisir, comme une
bête assoiffée de sang. À la fin de la lecture,
conformément au rituel, le magistrat s’adres-
sa au condamné et lui proposa d’implorer la
clémence du Roi-Dieu, afin d’éviter le châ-
timent qui l’attendait, ce qu’il était bien en-
tendu bien incapable de faire. Il se contenta
de proférer des grognements tout en roulant
les yeux d’un air suppliant, ce qui déclen-
cha l’hilarité de la foule. Considérant que
le condamné refusait d’implorer pardon, le
magistrat laissa la place à Saltamor, tandis
qu’un orchestre d’instruments à vent et une
vingtaine de choristes prenaient place sur la
seconde estrade.
Commença alors un opéra d’épouvante
qui me laissa le sang glacé. Saltamor évoluait
comme un danseur, l’orchestre et les choristes
soulignant ses gestes les plus remarquables,
tandis que les tortures les plus sophistiquées
étaient ponctuées d’embrasements pyrotech-
niques. L’horrible spectacle dura des heures,
l’art de Saltamor maintenant en permanence
sa victime dans un état de conscience lui per-
mettant d’assister à sa propre déchéance. Je
quittai la place le cœur au bord des lèvres alors
que débutait le Petit Écorchement. Je n’avais
que haine pour la foule qui se repaissait de
l’effroyable douleur infligée au condamné, et
dégoût envers moi-même car j’avais, en dépit
de l’abominable spectacle, éprouvé une admi-
ration fascinée pour Saltamor. »
Ermold le Noir, « Tortures et rites morbides dans
les contrées levantines »

La Foire aux enchantements
Un village de tentes s’étire entre la Tour majeure et la Tour
mineure. Il s’agit d’un marché permanent où l’on peut s’ap-
provisionner en nourritures, mais également en ingrédients
et objets magiques. C’est un endroit particulièrement animé,
de jour comme de nuit. Comme on peut y acheter à peu près
tout, et à tous les prix, on y rencontre une grande diversité
de races et de professions. Les magiciens y feront l’acqui-
sition de philtres, d’onguents, mais également de livres de
sorts d’occasion ou de parchemins contenant des sortilèges
puissants mais à usage unique. En cherchant bien, un guer-
rier trouvera tout un tas d’objets censés améliorer la qualité
de son équipement : gemmes, runes, symboles sacrés. Quant
aux voleurs, ils n’auront que l’embarras du choix s’ils veulent
faire quelques poches ou dérober à l’étalage !
Quatre fois par an, la foire connaît une effervescence
particulière : elle accueille des mages venus de tous les ho-
rizons pour échanger des ingrédients rares ou discuter de
« Il n'y a pas offense, Messire de Rouri ! Ce
saint homme a fait choir votre badine sans
malice. Permettez que je la ramasse.»
problèmes incompréhensibles. Le marché double alors sa
superficie et des cordages magiques, tendus entre les deux
Tours, créent des passerelles où l’on peut circuler afin
d’échapper à la cohue. Certains arrivent en palais volants qui
s’arriment à la Tour mineure, ou montés sur des créatures
féeriques qui trouvent refuge sur des aires spécialement
aménagées, tout en haut de la Tour. D’autres surgissent tout
simplement du néant, souvent en pleine rue, précédés d’un
coup de tonnerre qui fait s’écarter d’un bond les habitués de
la foire.
Bien entendu, une telle concentration de talents n’est pas
sans susciter rivalités et jalousie, et il n’est pas rare que de
vieilles rancœurs refassent surface lors de la rencontre de
deux mages rivaux. Gare aux sorts perfides et aux coups bas !
Il vaut mieux quitter précipitamment les lieux dans ce cas.
Le terrible duel magique qui opposa Pamphyle Scirup au
Rictus Hilare, et dévasta une partie de la foire en menaçant
de carboniser la Haute Terrasse, est encore dans toutes les
mémoires !
La Haute Terrasse 347
 Pêle-mêle
A l’échoppe
Arnaque
Certains faussaires poussent l’escroque-
rie vraiment loin. Si les PJ découvrent
la Foire aux enchantements sans être
accompagnés d’un guide de confiance,
ils risquent de tomber sur un escroc.
Ces commerçants sans vergogne
n’hésitent pas à s’associer avec des
illusionnistes pour faire de leurs vrais
faux objets des copies indétectables,
pour quelques heures du moins. De
même, certains objets prétendument
de qualité sont finalement médiocres :
pouvoirs aléatoires, potions frelatées
aux effets divisés de moitié (temps de
vol divisé par deux, invisibilité sur le
haut du corps uniquement), fragilité
de l’objet, mauvaises odeurs, effets
secondaires, etc.
Histoire vécue
« Mais je vous assure que je n’étais pas
saoul ! Je sortais fraîchement pou-
dré de l’échelle À reluire et comme
je longeais à grands pas le Mur du
faubourg, j’eus la surprise de voir, au
milieu de la fresque, un cerf blanc, à
visage d’homme, qui dit quelques mots
incompréhensibles avant de s’enfuir
entre les troncs. Je vous le dis, il y a tout
un monde derrière la peinture ! Qui sait
combien de couches Tronchu a empilé
avant d’être à court de pigments ! »
348
de la Haute Terrasse
Le pectoral de la Juste
Déambulation
Il s’agit d’un pendentif en bronze, de la taille
d’une main, représentant un œil au centre d’un
cercle gravé de runes. Sauf exception, il est re-
mis par les gardes de la porte Mandala à tout
étranger pénétrant dans la Haute Terrasse.
Cette remise s’accompagne d’un court inter-
rogatoire visant à consigner dans un épais
registre l’identité du visiteur, ainsi que les rai-
sons de sa présence. L’œil figurant au centre du
pendentif est rouge vif, mais cette couleur s’es-
tompe au fil des heures, obligeant le visiteur
à retourner au poste de garde afin de se faire
remettre un nouveau pendentif. Ce système
particulièrement contraignant vise à limiter
les entrées dans la terrasse et à décourager les
gens d’y rester trop longtemps.
La couleur disparait totalement au bout
d’un jour et d’une nuit, et expose le possesseur
du pendentif terne à une interpellation immé-
diate de la part des gardes pourpres. En effet,
obligation est faite de le porter en perma-
nence et de manière visible, afin que les gardes
puissent contrôler celui qui le porte et s’assu-
rer qu’il a de bonnes raisons de se trouver là.
Chaque pectoral est unique et numéroté. Afin
de restreindre le nombre de visiteurs dans la
terrasse, leur nombre est limité à 500. En cas de
contrôle, les autorités peuvent ainsi rapidement
retrouver l’identité de son possesseur, en consul-
tant les documents remplis au poste de garde.
Au fil de leur découverte de la Haute
Terrasse, et particulièrement autour du fau-
bourg Glauque, les visiteurs seront abordés par
des individus louches leur proposant de faux
pendentifs « plus vrais que les vrais » et « d’un
rouge qui ne varie jamais ». Il s’agit le plus sou-
vent de tentatives d’escroquerie, et le risque est
d’autant plus élevé de porter de tels objets que
les gardes pourpres semblent avoir un moyen
infaillible de repérer les faux pendentifs.
La badine nobiliaire
C’est l’objet emblématique des habitants de
la Haute Terrasse. Propre à chaque famille, il
ressemble à un sceptre de bois de 30 à 50 cm
de long, superbement sculpté et surmonté d’un
symbole représentant un animal, une plante
ou un objet. La tige est gravée d’inscriptions
ou d’attributs résumant les hauts faits d’armes
de la famille ou les éléments qui la caracté-
risent. Chaque membre de la famille reçoit la
sienne à sa majorité, lors d’une cérémonie au
cours de laquelle il prête hommage à l’aîné de
la lignée. Par exemple, Clafin de Lieulac, dont
la famille a fait fortune dans la construction
navale, arbore une badine sculptée de motifs
évoquant des cèdres et les rivages du lac. Pour
un étranger, les badines se ressemblent toutes,
mais un habitant de la Haute Terrasse sait y
lire des nuances aussi subtiles que les alliances
matrimoniales, l’ancienneté des quartiers de
noblesse, et le surnom d’un lointain aïeul.
Lorsqu’un noble se déplace dans la cité, il
porte toujours sa badine, posée dans le creux
du coude ou tenue à la main. Elle sert à dési-
gner un objet ou une personne, stimuler un
serviteur trop lent ou souligner des paroles
lors d’une discussion. Les baguettes des fa-
milles les plus fortunées témoignent de la
richesse de leurs propriétaires. Les plus an-
ciennes remontent pratiquement à la création
de Laelith.
Le mur de Tronchu
Grandepalette
« C’est à la fin du règne d’Hetelred Ier que
le faubourg Glauque devint une zone habi-
tée, et l’on peut affirmer sans craindre de se
tromper que le développement de ce campe-
ment sauvage fut l’acmé de sa lamentable gou-
vernance. Au départ campement de toiles, le
faubourg se solidifia, si je puis dire, les tentes
se transformant en taudis, et les taudis en
masures. Après plusieurs actions violentes et
inefficaces des autorités (dont un incendie vo-
lontaire et un massacre d’enfants), le Roi-Dieu
finit par se résigner et accepter cette verrue en
bordure des tribunaux et de la Haute Terrasse.
Il n’en fut pas de même des nobles, bien sûr,
que cette proximité épouvanta. Les pauvres
hères qui habitaient le faubourg se faufilaient
la nuit dans leurs jardins, cueillaient les fruits
de leurs précieux arbres ou coursaient des ani-
maux domestiques mieux nourris qu’eux afin
de les dévorer.
Sous la pression du Conseil respectueux
(qui ne le fut guère le temps du règne de ce
souverain fantoche), fut élevé un mur haut de
8 mètres séparant la Haute Terrasse du fau-
bourg : désormais seule une unique porte, sé-
vèrement gardée, permettait de passer de l’une
à l’autre. Mais les nobles n’étaient toujours pas
contents, car le mur avait une teinte de pierre
grise qui ne convenait pas à ceux qui vivaient
à côté.
Hetelred Ier fit venir, aux frais des Dix
Familles, le plus illustre des peintres que l’on
pût trouver à cent mille lieues à la ronde :
Tronchu Grandepalette. Ce dernier, qui avait
déjà décoré de fresques sublimes plusieurs
palais du Matriarcat, obtint des mystérieux
Chupl’z des pigments extrêmement rares, aux
teintes inédites. Selon un cahier des charges
précis, il lui fut demandé de “transformer la
grisaille en couleurs”. Il lui fallut cinq années
pour terminer son chef-d’œuvre, et à peu près
autant pour se faire payer la totalité de son
dû. Le mur devint un paysage d’une beauté
à couper le souffle, composé de montagnes
majestueuses, de ciels irisés et de forêts en-
chanteresses. Par la grâce des couleurs utili-
sées, le décor changeait sans arrêt. Les nuages
passant au-dessus de Laelith défilaient éga-
lement sur le mur. Grâce à l’utilisation de
pigments non fixés, le vent, lorsqu’il soufflait,
agitait délicatement les arbres de la fresque.
Les nobles furent ravis et leur enthousiasme
fut tel que Tronchu reçut le titre de vicomte
de l’échelle aux Mille Couleurs, et put s’ins-
taller dans un palais dont le propriétaire ve-
nait d’être expulsé pour insolvabilité (ses des-
cendants y vivent toujours, et font commerce
de gravures représentant des petits morceaux
du mur). »
Fidelius le Discret, « Beautés de la Cité sainte
(hors les femmes) »
Panne de canne
« J’ai ouï dire que le vieux comte de
l’échelle Redoutable a cassé sa badine ?
– Oui-da, sur le dos d’un porteur qui
ne dégageait pas assez vite le passage. À
la vue du désastre, le comte est devenu
plus vert que ses gants et a pleurniché
comme enfantelet. Les autorités du
Lazaret doutent de pouvoir lui faire
recouvrer la raison.
– Qu’est devenu le misérable et lambi-
nard portefaix ?
– Au cachot bien sûr, le pendard ! Mais
tenez-vous bien…
– Allons, ne me faites pas lanterner !
– On chuchote que le vieux comte qui
n’y voyait plus trop aurait été victime
d’une farce de son petit-fils qui aurait
remplacé la vraie badine par une fausse
particulièrement fragile… »
Festival de cannes
Selon les circonstances, les nobles
utilisent des badines réalisées dans des
matériaux plus ou moins précieux. Au
quotidien, ils arborent des modèles réa-
lisés dans des bois précieux et odorants,
réalisés par des artisans spécialisés
attachés à chaque famille.
Archibald Théodore
Grimlord, joaillier.
À proximité de la Tour Mineure, des
gardes armés protègent constamment
l’entrée de la boutique de Grimlord.
Les pierres précieuses que ce joaillier
taille, et qui font sa réputation, sont
d’une grande valeur. Archibald est en
effet capable de préparer des diamants
spécifiquement pour un sort. Tous les
mages qui ont recours à ses services s’ac-
cordent à dire que son travail sublime
leurs sortilèges.
Effet de mode
Depuis plusieurs mois une tendance se
répand parmi la jeunesse dorée de la
Haute Terrasse : arborer un pendentif
La badine nobiliaire ressemblant à celui des visiteurs. Au dé-
du comte Serpentino. part idée de Cydelia, qui voyait dans le
détournement de cet objet l’affirmation
de l’égalité des êtres vivants, cette mode
est devenue une forme de contestation
adolescente de l’autorité, mal
vue des gardes.
La Haute Terrasse 349
 Pêle-mêle
Deux mystères
Dessin d'un patient
atteint de la maladie,
auquel Fra Mercalo
demandait d'illustrer
l'un de ses rêves.
350
La sombre langueur
Situé entre la Haute Terrasse et la terrasse
du Châtiment, le pont des Illusions enjambe
la Faille. Il permettait jadis de relier le nord
et le sud de la ville en évitant d’emprunter
les basses terrasses. C’est l’un des cinq ponts
existants, et le seul à n’être jamais emprunté
jusqu’au bout.
Lorsqu’on le contemple depuis une hauteur
(le sommet du palais royal-divin, l’une des
Tours, le dos d’un shedras…), il a pourtant
bel aspect. On se prend facilement à rêver
de la grandeur de Laelith lorsque les voya-
geurs l’empruntaient pour aller du temple
des Anciens au palais. Une vingtaine de per-
sonnes pouvaient s’y croiser sans difficulté, et
la vue sur les falaises de Vorn devait être
sublime.
Hélas, il ne reste plus rien de cette
splendeur passée. Le pont, dont la bru-
me dissimule toujours une partie, parait en
mauvais état, dévoré par une mousse grisâtre
et des arbres aux branches tordues, dépour-
vus de feuilles quelle que soit la saison.
Les conditions climatiques propres
à cette partie de la cité en font un
endroit étrange vers lequel les ha-
bitants tournent rarement le regard.
Seuls les plus anciens se rappellent
avoir entendu leurs aïeux décrire
la beauté du pont brillant au soleil
dans son intégralité.
Bien sûr, il est toujours possible de
s’en approcher et d’y poser le pied. Si l’accès
par la terrasse du Châtiment paraît vraiment
risqué, il est possible de l’aborder par le nord,
en passant à proximité du palais du Roi-
Dieu. À condition d’éviter les gardes et leurs
chiens…
La sombre langueur est
une maladie de l’esprit qui
frappe ceux qui empruntent
le pont. Peu en guérissent
totalement, et ce sont leurs
témoignages, ainsi que
quelques expériences réalisées
sur des esclaves encordés, qui ont permis d’en
connaître les symptômes.
On contracte la maladie en pénétrant sur
le pont. Au départ, le marcheur est détermi-
né à le franchir afin d’atteindre la terrasse qui
se trouve de l’autre côté. Mais rapidement
l’orientation devient difficile, des écharpes
de brume enserrent le malheureux et lui font
perdre tout repère. Encore quelques pas et
le voilà saisi par la confusion, puis le décou-
ragement. Il ne sait plus pour quelle raison
il se trouve à cet endroit et devient la proie
du doute, puis d’un profond abattement. La
plupart du temps, il déambule à l’aveugle et
disparaît à jamais, happé par le brouillard.
Son corps peut être retrouvé déchiqueté au
fond de l’Inlam, ou pas. On raconte que le
cadavre de Shirgôz l’Incrédule fut découvert
au pied du pic Aveugle, lorsque les premières
fouilles furent entreprises. Comment y par-
vint-il alors qu’il se dirigeait vers la terrasse
du Châtiment ? C’est une partie du mys-
tère, l’autre étant la cause de sa mort, restée
inconnue.
S’il parvient à rebrousser chemin, le malade
est condamné à passer le reste de son existence
dans un état de profond abattement, traver-
sé de très brefs moments d’exaltation qui le
rendent inconscient de tout danger. Une jeune
esclave, que Fra Mercalo tentait de soigner,
raconta avant de mourir : « C’est comme s’ap-
procher d’une cuisine avec dedans le plus gros
des gâteaux plein de chocolat et de crème fon-
dante. Il y a juste un petit couloir qui tourne
avant, mais quand on est dans ce couloir, on
ne voit plus le gâteau. Ensuite on s’énerve, on
court dans d’autres couloirs, mais on ne re-
trouve plus la cuisine. Depuis que vous m’avez
retrouvée et soignée, je suis triste tout le temps
et je maigris beaucoup. Je veux manger le gâ-
teau, et rien d’autre. »
Au début de la maladie, la victime tente
souvent de se donner la mort, de préférence
de manière spectaculaire. Elle recherche
pour cela des endroits à la beauté sauvage ou
au contraire des lieux très fréquentés. Si elle
survit à cette phase, elle devient indifférente
à tout. Ses proches finissent par ne plus lui
prêter attention, jusqu’à ce qu’ils se rendent
compte, un jour, de sa disparition.
Savants, prêtres et érudits ont tenté de percer
le secret de ce mal redoutable, en vain jusqu’à
présent. Les résultats les plus encourageants
ont été obtenus par un clerc-courtisan, Fra
Mercalo. Féru de plantes, renommé pour la
qualité de ses philtres, il est également attentif
à explorer des voies peu utilisées de la magie
cléricale.
Les Tours-faisceaux
Ce monument est l’un des bâtiments les plus
étranges de la cité. On n’en connaît ni l’origine,
ni la destination, et aucun document officiel ne
consigne son érection. Il semble avoir toujours
été là, comme la création d’une divinité facé-
tieuse s’amusant des efforts entrepris par les
humains pour en comprendre le sens.
Cette structure de pierres sombres veinées
d’argent mesure une soixantaine de mètres
de côté et elle est constituée d’un damier de
treize tours de 6 mètres de haut. Le bâtiment
est magnifique et attire invariablement les cu-
rieux qui découvrent la terrasse, malgré des
mises en garde très claires déconseillant d’en-
trer à l’intérieur ou de rester trop longtemps à
proximité.
Chaque tour présente la même structure : un
porche ouvert au rez-de-chaussée donnant sur
un escalier qui tourne à gauche et permet d’ac-
céder à un étage au sol de pierre, dépourvu de
tout mobilier. Certaines pièces ont des parois
de métal poli, qui ne reflètent pas forcément
ce qui se trouve en face. Rarement, et toujours
en début de soirée, des scènes apparaissent
sur certaines parois, mais il est difficile d’en
distinguer clairement les détails. Les témoins
de ces scènes se retrouvent invariablement au
Lazaret, décrivant d’un ton halluciné des ta-
bleaux incompréhensibles.
Le plus souvent, ces témoins développent en
même temps la sombre langueur.
La lecture d’un grimoire ancien révèle
que jadis les images révélées par les parois
étaient bien plus nettes, fréquentes et ex-
plicites qu’aujourd’hui, et ne semblaient pas
entraîner de conséquences particulières chez
ceux qui les observaient. On ignore malheu-
reusement la nature de ces images, le rédac-
teur inepte s’étant contenté de s’extasier sur
leur beauté et leur exotisme, sans préciser
davantage.
La Haute Terrasse 351
Tout est lié ?
Les PJ pourront sans doute croiser un
jour la route d’une voyante qui leur
affirmera que ses visions ne laissent
aucun doute sur la chose suivante : les
images que renvoient les miroirs des
Tours-faisceaux du bâtiment hexagonal
ont quelque chose à voir avec ce qui
se trame sous le pic Aveugle. L’endroit
est dangereux, mais pourrait détenir
la clé de ce qui se joue dans le sol de la
terrasse.
Brève de taberge
« Il paraît que Milenia Lunalia est allée
hier visiter les Tours-faisceaux.
– Et alors ?
– Elle est tellement moche que tous les
miroirs se sont fendus…
– Ferme-la, Sermino n’est pas loin ! »
Entendu près de l’esplanade de la
Demi-Lune
Sortie scolaire
Jadis, les élèves des Pics des Mages se
rendaient aux Tours-faisceaux deux
fois par an. Ces visites d’étude ont été
supprimées voici une dizaine d’années,
suite à la disparition inexpliquée de
l’un d’entre eux. Avant de terminer
misérablement ses jours au Lazaret,
sa meilleure amie assure avoir vu son
reflet sur une des parois…
Alignement
Un vent froid s’échappe d’une Tour-
faisceau et, malgré l’été, la Haute
Terrasse grelotte un peu plus chaque
jour. Tandis que les autorités se
démènent, une solution inattendue
voit le jour dans une taberge du port.
Nostravinus, l’oracle ivrogne qui
voit l’avenir au fond des bouteilles de
Langueterre, annonce que les nobles
cesseront de se geler « la crépidule »
le jour où des aventuriers aligneront
une deuxième Tour-faisceau avec une
semblable, oubliée au cœur de la région
volcanique au nord de la ville. « Simple
principe de thermodynamique »
ajoute-t-il. Avant d’affronter les dangers
de cette zone, il faudrait déjà savoir
comment aligner deux tours à
une telle distance…
 Scénario

Funestes projets

En quelques mots
Les aventuriers doivent surveiller le
site des fouilles au pied du pic Aveugle
récemment découvert. Ce faisant, ils
découvriront bien des mystères de la
Haute Terrasse et se feront un nouvel
ami.

Fiche technique
TYPE • Enquête urbaine
PJ • Niveau débutant (3 à 5)
MJ • Confirmé
Joueurs • Tout niveau
ACTION ••
AMBIANCE •••
INTERACTION ••••
INVESTIGATION ••••

352
Lamb tend un piège
C’est en étudiant de multiples rapports, en
interrogeant des indicateurs ou des détenus
sans liens entre eux, et probablement guidé
par son flair légendaire, que le Premier foui-
neur Lamb s’est progressivement intéressé
à une bien étrange affaire de recherche d’ar-
tefact. Rien d’évident au départ : Salmak aux
Trois Mains qui écume habituellement la ter-
rasse de la Prospérité, Trisson le Volubile qui
tient un bordel clandestin près de la Chaussée
du lac et le vieux mendiant Harafim, pour ne
citer qu’eux, ne se connaissent pas mais repré-
sentent chacun l’un des mille fils d’une toile
qui s’est tissée au cours des mois sous les yeux
de l’enquêteur. D’investigations discrètes en
filatures nocturnes, de corruptions indirectes
en menaces voilées, il est arrivé à la conclusion
que son ennemi de toujours, l’empereur-dé-
mon, mobilisait toutes ses ressources dans la
quête d’un artefact mystérieux. À force de re-
coupements, Lamb en a établi la description,
mais ignore tout de son utilité et de l’usage que
Trevelian veut en faire.
Persuadé d’avoir cette fois un coup d’avance,
Lamb a décidé d’utiliser cette information,
afin de lui tendre un piège et de le mettre défi-
nitivement hors d’état de nuire.
Utilisant à son profit les récentes fouilles
entreprises au pied du pic Aveugle, il va se
servir de la réputation et de la crédibilité de
l’archéologue Fullert pour appâter Trevelian.
En divulguant une information selon laquelle
l’archéologue aurait mis la main sur un plan
indiquant l’emplacement d’un temple très an-
cien, recelant entre autres trésors l’artefact, il
espère ferrer l’empereur-démon.
Cette information n’a été révélée, de ma-
nière indirecte, qu’aux meilleurs receleurs
ou chasseurs de trésors de manière à ce que
Trevelian soit renseigné par des sources rares
et fiables, ce qui est capital pour la crédibilité
de l’opération.
Ayant infiltré un de ses hommes dans
l’équipe de l’archéologue, Lamb guette la pre-
mière réaction de son ennemi.
Conscient que la réussite de son plan est liée
au secret le plus complet, et craignant que les
espions de l’empereur-démon n’éventent son
plan, Lamb opère quasiment en solo. Il n’a mo-
bilisé que quelques agents dont la fidélité lui
est totalement acquise, utilisant ses propres
deniers pour recruter sa force d’intervention :
une bande de soudards agramoriens. Seul son
gendre, le rahel Kernil de la Garde pourpre
est au courant et pourra lui prêter main-forte
le cas échéant. En maintenant les autorités à
l’écart, Lamb a choisi une tactique qui pourrait
se retourner contre lui…
Le rêve de Trevelian
Menacé par de puissants et sombres enne-
mis, Trevelian, le sinistre empereur-démon,
est à la recherche d’un artefact, le poignard
de Salmagys, dont la possession augmenterait
considérablement son pouvoir. Il en possède
déjà le fourreau, découvert dans un temple ou-
blié au fond du Cloaque, mais il ne lui est d’au-
cune utilité s’il ne met pas la main sur l’arme.
La puissance combinée des deux est si consi-
dérable que Trevelian ne peut confier cette mis-
sion à l’un de ses lieutenants, à l’allégeance tou-
jours douteuse. Pour la première fois depuis bien
longtemps, il doit quitter les profondeurs de son
antre et régler l’affaire lui-même. Envoyer des
espions sur le site lui paraît trop dangereux, car
le succès de l’opération réside dans la discrétion
la plus absolue. Trevelian va prendre magique-
ment l’apparence de Telno, un vieillard d’ap-
parence inoffensive. Cette métamorphose n’est
possible que s’il absorbe quotidiennement un
philtre qui amenuise considérablement ses ca-
pacités de vampire. Il peut retrouver son appa-
rence réelle par la seule puissance de sa volonté,
mais cet effort l’épuise rapidement et il ne peut
le prolonger au-delà d’une vingtaine de minutes
avant de devoir reprendre l’aspect de Telno
pour un long moment.
Sous cette apparence innocente, il va fureter
dans le camp de Fullert, guettant le moment
où l’archéologue découvrira l’entrée du temple
où, selon ses informations, se trouve la se-
conde partie de l’artefact.
Telno apparaît souvent en fin d’après-midi
(sous cette forme, Trevelian n’est que peu in-
commodé par le soleil) ou au moment du re-
pas. Étant devenu un peu la mascotte du camp,
il est souvent invité à manger avec l’ensemble
de l’équipe. Il s’entend bien avec tout le monde
et se révèle un conteur de talent. Il a toujours
une histoire à raconter à propos des Utruz,
peuple qu’il semble bien connaître.
Trevelian va rapidement percer à jour la
double vie de Zeltor, un membre de l’équipe
La Haute Terrasse 353
Self-service
« Le faubourg se nourrit comme il peut.
Bien sûr, il y a les aumônes alimentaires.
Mais les poubelles des riches, c’est un
billet direct pour le paradis. J’ai connu
des clochards plus fines gueules que
les gastronomes du palais royal-divin :
ils savaient faire la différence entre
une écume et un consommé. Pour
bien manger, ici, il suffit de savoir quel
couvercle soulever. Le baron Roule-
Songe est un gourmet de première, mais
c’est un mauvais calcul. Le bonhomme
est tellement goinfre qu’il mangerait
même la serviette. Les messieurs de la
convenable Société des investisseurs
n’avalent que ce qu’il y a de plus fin,
mais les employés du salon récupèrent
tous les reliquats des buffets. Par contre,
le duc de l’échelle de Piété montante,
voilà une valeur sûre. Le cher monsieur
a une femme qui chipote, mais il ferait
n’importe quoi pour la contenter.
Chaque soir, c’est tout un festin à peine
entamé qui part à la benne. »
Maladie orpheline
La sombre langueur se développe éga-
lement, bien que sous une forme atté-
nuée, dans certains endroits de la Haute
Terrasse, principalement les échelles
proches du sanctuaire du Divin. Elle
semble frapper plutôt les jeunes femmes
nobles et ignorer les vieillards. Il n’y a
qu’un seul cas de contagion connu à ce
jour. Donc personne n’en parle.
Les varans sacrés
« Tu te rends compte qu’ils ont fait une
apparition juste quand on démarrait les
fouilles ?
– Les varans ?
– C’est sûr qu’on ne les voit pas souvent.
La plupart du temps, ils restent dans
leur grotte, au fond de l’enclos. On dit
que Tokinafal VII les ramena d’Egon-
zasthan. Personne ne sait si ce sont les
mêmes bestiaux qu’à cette époque, ou si
le couple se reproduit en secret dans leur
chambre souterraine. Ce qui est certain,
c’est que ces reptiles ne se montrent que
dans de grandes occasions. Je te le dis,
le chantier commence sous de
bons auspices ! »
 6
Le site
de fouilles

3
4

Perspective du site
1

3
Le site de fouilles
1 Le camp des archéologues

4 2 Terrasse 1 : stockage

3 Terrasse 2 : le puits

4 Terrasse 3 : la porte

5 Grue de levage
Pic Aveugle (sommet
6
dégagé)

354
de Fullert, et utiliser ses addictions au jeu et
à l’opium pour lui tirer les vers du nez. Il va
faire sa connaissance dans une salle de jeu de
la fumerie de Mama Lin-Lin, lui apparais-
sant sous sa forme naturelle : un noble sei-
gneur mince et élancé, au teint très pâle et à
la séduction évidente, intéressé par les pièces
antiques. Zeltor ne va pas mesurer à quel ad-
versaire il a à faire et va commencer à lui pro-
poser des babioles que Trevelian achètera sans
barguigner. Au fil des soirées, l’empereur-dé-
mon va se faire plus exigeant et donner la
description du poignard de Salmagys qu’il est
prêt à acheter à prix d’or. Victime de son avi-
dité, Zeltor commet alors une erreur majeure
qui causera sa perte. Pensant appâter un naïf,
il va confirmer la découverte toute récente
de la seconde partie de l’artefact et soutirer
une avance confortable. Au fil des soirées,
Trevelian va devenir de plus en plus pressant,
jusqu’à prendre la décision de faire enlever le
jeune archéologue. Interrogé dans la cave de
La maison du Désespoir, il sera bien en peine
de cracher le morceau. Décidant que Zeltor
ne lui sera plus d’aucune utilité, Trevelian le
sacrifie et retourne sur le site de fouilles sous
la forme de Telno. C’est là qu’il apprend la dé-
couverte de Fullert : la porte du temple mys-
térieux a été découverte !
La double identité de Telno étant une des
clés de l’intrigue (en tout cas de son dénoue-
ment), il est important que les aventuriers ne
le soupçonnent pas. Il faut donc le jouer très
naturel : un grand-père qui cherche de la com-
pagnie, radoteur et pique-assiette. La perspec-
tive d’un repas chaud et d’un peu de compa-
gnie doit être à l’évidence sa seule motivation.
Si vos joueurs sont particulièrement méfiants,
détournez leur attention vers Nacho, qui a de
toute façon également des choses à cacher.
Un job facile
et bien payé…
C’est en tout cas ce que promettait la carya-
tide rencontrée à l’entrée de la Haute Terrasse.
Pour nos aventuriers en plein revers de for-
tune, c’est l’occasion ou jamais de se refaire !
À première vue, la mission est plutôt simple.
Suivant les indications de la caryatide, les
personnages se rendent sur le site de fouilles,
au nord-ouest de la terrasse, et demandent à
rencontrer le savant Fullert. Celui-ci mène les
recherches au pied du pic Aveugle et souhaite
embaucher un groupe de mercenaires pour
veiller sur le site, assurer la sécurité de ceux
qui y travaillent ou effectuer de petites mis-
sions de liaison avec des organismes officiels
qui collaborent avec lui et financent ses re-
cherches. Les aventuriers seront hébergés sur
le site, nourris par le cuisinier du camp et re-
cevront une gratification honnête. S’ils le sou-
haitent, ils peuvent visiter le lieu des fouilles
avant de se prononcer.
L’équipe de Fullert
Les chercheurs qui travaillent avec Fullert
sont généralement peu loquaces et concen-
trés sur leurs tâches. Les repas, concoctés par
Le site de fouilles
Il est plutôt important : un peu moins d’une
centaine de mètres de long et une quin-
zaine de large. Structuré en terrasses, il
est au plus bas profond d’une vingtaine de
mètres. Il épouse la base du pic Aveugle
dont le soubassement constitue de fait l’un
des grands côtés. Le campement est ins-
tallé en surplomb de la première terrasse,
à laquelle on accède par des échelles. On
y trouve des tentes pour l’hébergement de
l’équipe, une cuisine à ciel ouvert et divers
points de stockage. La première terrasse
sert de zone de remise intermédiaire et de
tri. Les deux autres terrasses sont consa-
crées aux fouilles. En journée, une dizaine
de porteurs acheminent des seaux de terre
et de cailloux vers l’extérieur, tandis qu’une
demi-douzaine d’assistants manie la pelle,
la truelle et le pinceau sous l’œil vigilant de
Fullert, qui n’hésite pas à mettre la main à
la pâte.
Officiellement, le résultat des recherches
est plutôt maigre : quelques fibules, des
tessons de poteries, des poignées de
pièces anciennes. Rien qui ne renseigne sur
l’origine du pic mystérieux.
Au niveau de la deuxième terrasse, se
trouve un puits circulaire dont le diamètre
ne dépasse pas 4 mètres. Profond d’une
vingtaine de mètres, il doit permettre à
Fullert de détecter plus rapidement des
variations dans la composition du sol.
On accède au fond du puits par une série
d’échelles en bois. Pour l’instant la pour-
suite du creusement est à l’arrêt, faute de
main-d’œuvre.
La Haute Terrasse 355
Les étapes d’un procès
Toutes les cours de Laelith obéissent
aux règles établies par le Temple du
Nuage. Le rôle du juge est tenu par
l’appréciateur, qui dirige les débats.
L’accusation est portée par le blâmeur.
La défense est assurée par un avoué.
Le procès est ponctué de quatre étapes
importantes :
Le jugement d’avant dire droit : l’ex-
posé du litige. L’appréciateur doit alors
décider qui a la charge de la preuve.
Cela revient en général à l’avoué même
si l’accusation du blâmeur est peu
détaillée.
La démonstration, pendant laquelle les
preuves sont produites par la partie qui
a la charge de la preuve.
La réfutation qui permet à la partie
adverse de répondre aux éléments ap-
portés pendant la démonstration sans
en apporter de nouveau.
L’injonction : l’appréciateur statue en
faveur de l’une ou l’autre des parties et
prononce la sentence. En cas de doute,
une ordalie peut être décidée.
Expédition punitive
La bruyante communauté du clerc Fra
Mercalo excède ses voisins qui ont dé-
cidé de passer à l’action. Après quelques
avertissements aussi lâches qu’ineffi-
caces, ils ont réuni une bande de gros
bras pour un passage à tabac.
Heureusement, il s’agit d’une nuit où les
PJ sont hébergés sur place car l’un d’eux
compte un ami proche au sein de la
communauté. Les PJ vont donc devoir
protéger leurs hôtes face à des brutes
cagoulées. Elles seront rapidement
mises en déroute et il sera ensuite facile
en faisant parler un des agresseurs de
retrouver le commanditaire : un voisin
parfaitement respectable, qui faisait
partie des cagoulés. Le notable avait
décidé de s’offrir un brin d’adrénaline
à bon compte face à des innocents non
violents. Selon les actions des PJ, les
conclusions de l’affaire peuvent être
multiples.
S’ils livrent le mauvais voisin à la garde,
les PJ se font un ennemi féroce et riche
qui cherchera à se venger, mais ils
peuvent également décider de
le faire chanter…
 Portrait
Tezor le taiseux est le barbier que tous
les courtisans s’arrachent sur la Haute
Terrasse. Il possède une petite échoppe
proche de la place des Exécutions. Ne
dit-on pas d’ailleurs qu’il est un ancien
bourreau qui a changé d’orientation
professionnelle en corrigeant l’angle
de coupe sur la gorge de ses clients ? Le
matin, il fait sa tournée à domicile et ne
reçoit à son échoppe qu’après la sieste,
en fin d’après-midi. Ce grand costaud,
brun, à la calvitie sévère et à la barbe
fournie et impeccable, est un homme
de peu de mots. Sans doute un reste de
sa précédente carrière. En revanche, il
entend tout. Et les courtisans ont sou-
vent du mal à tenir leur langue. Et puis,
qui ne serait pas bavard entre d’aussi
grosses paluches manipulant un rasoir
affûté ? L’après-midi, de nombreux
enquêteurs se pressent chez Tezor pour
lui poser des questions concernant leurs
affaires. Le barbier ferme alors boutique.
Le prix pour les réponses qu’il fournit
est très simple : 20 pièces d’or par mot
prononcé. S’il ne sait rien, il ne dit rien.
Les gens qui viennent le voir ont pris
l’habitude de bien préparer leurs ques-
tions et sont devenus maîtres dans l’art
de poser des questions fermées, de celles
qui appellent une réponse par « oui »
ou par « non ».
Venir aux Pics I
Si vous venez de la ville, deux chemins
s’offrent à vous. Le plus connus, mais
pas le plus emprunté, est celui qui
conduit à la Porte des Mages. Il vous
faut alors avoir traversé le Faubourg
Glauque du quartier de la loi et suivre le
sinueux passage voûté qui se glisse sous
une antique tour de garde partiellement
effondrée. Le second chemin est plus
discret : il s’agit d’un sentier qui longe les
murailles à l’extérieur et qui démarre
à la sortie de la poterne près du port
ailé (situées sur la dernière strate de la
terrasse du Nuage). C’est par là que les
pêcheurs et les différents commerçants
de la Cité sainte alimentent la Foire aux
enchantements en produits frais.
356
le cuisinier Nacho, sont les rares moments de
détente.
Nacho a des Azilianais le teint mat, la mous-
tache fine et l’accent chantant. Excellent cui-
sinier, il régale le camp de ses galettes de maïs
garnies de viandes épicées et de légumes cro-
quants. Chargé de l’approvisionnement, il se
promène beaucoup dans et au hors du camp.
Drôle, bavard, grand joueur de dés, ce compa-
gnon agréable est également l’espion de Lamb.
Ce dernier voit d’un œil inquiet l’arrivée des
aventuriers. Sont-ils au service de Trevelian ?
De mystérieux
concurrents
Un autre site de fouilles est établi à
quelques centaines de pas environ de celui
de Fullert. Dirigé par un certain professeur
Nerfo (« un illustre inconnu qui a intrigué
pour avoir un permis de fouilles » d’après
Fullert), il est à peu près aussi étendu que
le premier.
Nerfo est un incompétent notoire, qui ne
risque pas de découvrir quoi que ce soit.
Lamb a utilisé toute son influence pour
lui obtenir un permis de fouilles, dans le
but d’établir sa force d’intervention le plus
près possible du site de Fullert sans éveil-
ler l’attention. Se présentant sous le nom
de comte de Balm, mécène et admirateur
de Nerfo, il a obtenu de ce dernier l’autori-
sation de résider sur le lieu de fouilles (« Je
veux être présent, Maître, lorsque vous
ferez la plus grande des découvertes ») en
compagnie de ses gardes qui sont censés
accomplir le même travail que nos aventu-
riers : protéger le site et effectuer des mis-
sions de liaison.
Au nombre d’une quinzaine, ces gardes
sont des mercenaires agramoriens maus-
sades et brutaux, qui tiennent les curieux à
distance et passent leurs journées à boire
des godets, à jouer aux dés et à s’entraî-
ner au combat. Ces guerriers, parmi les-
quels se trouvent quelques archers, sont la
force d’intervention de Lamb pour mettre
Trevelian hors d’état de nuire.
Nerfo ayant l’obsession du secret, la pré-
sence de cette troupe vigilante et bardée
de fer lui convient tout à fait. Il a également
fait tendre de grandes toiles sur une par-
tie de son site afin de dissimuler l’ampleur
des fouilles, de sorte qu’il est impossible
d’avoir une idée précise de l’avancée des
recherches.
Comme beaucoup d‘Azilianais, Nacho a
pour animal familier une araignée de la taille
d’un gros chien, appelée Krissit. Elle se pro-
mène dans le camp comme un animal domes-
tique, tissant sa toile ici et là pour capturer les
petits rongeurs qui lui servent de repas. Aussi
intelligente qu’un chien, Krissit est très atta-
chée à son maître, avec lequel elle a une forme
de communication très rudimentaire à base de
claquements de mandibules et de sifflements.
Elle sert de lien entre Lamb et Nacho. Ce der-
nier porte toujours autour du cou un petit
sifflet émettant un son sur une fréquence que
seule l’araignée perçoit. Elle est dressée à ré-
agir à ce signal, qui l’envoie prévenir Lamb à
son quartier général. Il signifie que Trevelian
est démasqué, présent sur le site et qu’il faut
intervenir sans tarder.
Chacun des assistants de Fullert a un trait
particulier : Bombolin, un géant pataud, a
pour habitude de faire tomber les éboulis sur
les carrés de fouille ; Lichao est méthodique
et soigneux, mais s’exprime avec une lenteur
horripilante ; Holvin manie le pinceau comme
personne et la vieille Gühl, véritable langue de
vipère, n’a cependant pas sa pareille pour res-
taurer les objets. Cependant, les aventuriers ne
manqueront pas de remarquer deux person-
nalités singulières.
Tout d’abord, la jolie Llonae. Enjouée, cu-
rieuse et vive, passionnée par son travail, elle
est amoureuse de Felrin, un pilote de shedras.
Ils ont fait connaissance à l’occasion d’une
expérience tentée par Fullert, qui consistait
à survoler la zone de fouilles afin de décou-
vrir un tracé visible seulement depuis le ciel.
Depuis ce moment, Felrin passe son temps
libre au campement, à discuter avec Nacho et
à attendre Llonae. En tout bien tout honneur,
car Fullert ne badine pas avec la discipline…
Ombrageux, élégant même lorsqu’il est
à plat ventre en train de dégager un objet,
Zeltor est un jeune archéologue prometteur,
aux intuitions brillantes et au savoir ency-
clopédique. Habile de ses mains (il est réputé
n’avoir jamais abîmé un objet lors d’une ex-
traction), il a une haute opinion de lui-même.
Malheureusement, Zeltor a une part d’ombre
qui nuit à sa carrière. Il est accro au jeu et gros
consommateur d’opium, ce qui lui coûte beau-
coup d’argent et l’amène à se livrer à des trafics
d’objets anciens qu’il subtilise sur les sites de
fouilles. Une pratique qui risque d’entraîner sa
perte.
 Zeltor quitte souvent le campement la nuit un groupe de voleurs afin d’explorer le site de Venir aux Pics II
afin de se rendre dans le faubourg Glauque où fouilles car « On dit qu’un étrange objet s’y Si vous arrivez de l’extérieur, vous aurez
se trouve la fumerie de Mama Lin-Lin. Ces trouverait ou aurait été découvert, du genre sans doute rejoint le chemin sous les
déplacements nocturnes n’ont échappé ni à de ceux qui peuvent transformer instantané- murailles après avoir traversé le grand
Nacho ni à Trevelian. ment un honnête commerçant comme moi plateau accidenté du nord. Il existe aussi
en prince de la Haute, vous voyez ce que je un portail magique isolé au centre d’un
Avant de lancer vos aventuriers dans le cercle de pierres à quelque distance
cœur de l’intrigue, vous pouvez leur faire vivre veux dire ? ». Tarpingrau est un simple re-
de la ville. Son accès difficile (un long
quelques jours paisibles dans le camp, afin de celeur, mais il a entendu parler de la rumeur
passage étroit qui surplombe le vide y
se familiariser avec les protagonistes et de fa- répandue par Lamb. S’il est interrogé sur le conduit) interdit une arrivée massive et
voriser les interactions entre eux et les PNJ. deuxième site de fouille (après tout pourquoi soudaine de force ennemie. Aussi est-il
Profitez-en pour développer des intrigues choisir celui de Fullert ?), il expliquera que le seul cercle magique toléré. Tous les
secondaires dont une partie peut être directe- l’endroit est beaucoup plus difficile à visiter. autres sont détruits par les Mages-
ment liée à la principale. « Aussi bien défendu que la caserne des gardes Gardes dont la caserne est située au
pourpres, j’vous dis ! » Malgré son aspect re- pied de la Tour Mineure. Ces derniers
butant, les aventuriers ont tout intérêt à mé- sont souvent épaulés par la compagnie
Les pilleurs de trésors nager Tarpingrau qui peut se révéler bien utile des dragonniers de la ville qui sillonne
la région.
dans des aventures futures.
La réputation de Fullert étant grande, de
nombreux malfrats sont persuadés que le site De retour au camp, les aventuriers ne pour-
recèle quantité de trésors enfouis. La nuit, alors ront obtenir aucun renseignement complé-
que le site est calme, les aventuriers vont être mentaire sur le mystérieux objet évoqué par le
alertés par des bruits étranges provenant de receleur. Telno se montrera particulièrement
l’une des terrasses. S’ils approchent avec pru- intéressé et avide d’informations. Par contre,
dence, ils surprendront une poignée d’indivi- ils pourront constater que le site de Nerfo est
dus en train de fouiller la terre ou de tenter de protégé en permanence par de petits pièges
forcer la réserve dans laquelle Fullert enferme installés par les mercenaires afin de découra-
ses découvertes du jour. Plusieurs tactiques ger les intrus.
peuvent être mises en œuvre par les aventu-
Nacho est aux fourneaux, mais il a
également bien d'autres talents...
riers. La plus radicale (surprendre les voleurs
et faire parler les lames) ne posera guère de
difficultés tant l’opposition sera faible. Au
premier sang versé, les voleurs s’égayeront
comme une volée de moineaux, disparaîtront
dans la nuit et priveront les PJ d’intéressantes
informations. En jouant plus finement, il sera
possible de chasser les intrus et de les suivre
discrètement jusqu’au campement de la Foire
aux enchantements où se trouve leur em-
ployeur du moment, Tarpingrau le receleur.
Ce dernier tient boutique à proximité de la
Tour de l’échec, son établissement ressemblant
à un étrange capharnaüm fait de toiles et de
cloisons en bois.
Tarpingrau est un individu énorme, à
la bouche lippue et aux yeux de fouine.
Reconnaissable au fez rouge brique qui couvre
son crâne dégarni, on le trouve le plus souvent
avachi sur un banc contre le mur de sa bou-
tique à fumer un narguilé. Questionné par les
aventuriers, Tarpingrau se montrera d’abord
peu coopératif, se contentant de grignoter
des graines de tournesol dont il fait craquer
les coques entre ses dents jaunies en feignant
d’ignorer ses interlocuteurs. Une fois bous-
culé ou soudoyé, il reconnaîtra avoir envoyé

La Haute Terrasse 357

 Prologues :
Sur le chantier
Deux individus s’activent au ni-
veau de la deuxième terrasse, tout
en essayant d’étouffer le bruit
de leurs pelles. Contrairement à
ce qu’on pourrait penser, ils ne
sont pas là pour voler des objets
anciens, mais pour en apporter !
Il s’agit de malfrats, recrutés par
Quitus, membre éminent de la
Bibliothèque matérialiste uni-
verselle, et concurrent principal
de Fullert dont il a juré la perte.
Pour cela, il a élaboré un plan
pour faire passer l’archéologue
pour un faussaire et un impos-
teur. Quitus a façonné des objets
dont on pourrait penser qu’ils
datent du Roi-Dieu Théfis XII.
Mais ils sont réalisés à dessein
si grossièrement que la contre-
façon sauterait même aux yeux
d’un étudiant en archéologie.
Quitus a rédigé une lettre ano-
nyme à l’attention de la commis-
sion des fouilles afin de dénoncer
Fullert, en indiquant l’emplace-
ment où les inspecteurs pourront
trouver les faux objets…
Déluge
Plusieurs jours de pluie se suc-
cèdent, mettant le chantier en
péril. La terre détrempée se
transforme en rivière de boue
menaçant d’ensevelir les fouilles.
C’est un vrai travail de cantonnier
qu’il faudra effectuer pour dé-
tourner le déluge.
Kiki est joueur
Et même farceur. Kiki aime se
cacher, et il adore les trous, les
fossés et les excavations. Le
problème est que Kiki est un pilo
échappé des stocks de Krator
Zomberlash (ou le familier
d’un mage). Même s’il porte un
collier, ce marsupial carnivore
et couvert de piques, de près
d’un mètre de long, pourrait finir
en rondelles si les aventuriers
perdent leur sang-froid.
358
La disparition de Zeltor
Un matin, les aventuriers sont convoqués
par un Fullert encore moins aimable que d’ha-
bitude : « Restez debout. Hier matin, Zeltor
n’était pas présent sur le site, et il n’a pas don-
né signe de vie durant la journée. Ce matin, il
n’est toujours pas là. Retrouvez-le ! »
Il va falloir glaner des informations ici et là.
Nacho sera moins bavard que d’habitude. Lui
aussi a noté l’absence de Zeltor, mais il ignore
quelle signification lui donner. Même s’il est
au courant des travers du jeune homme, il
restera évasif et n’apportera aucune aide. Par
contre, une fois seul, il quittera le camp et se
dirigera vers la fumerie d’opium de Mama
Lin-Lin. Le suivre discrètement peut être une
excellente idée, si ce n’est que Nacho est lui-
même un expert dans l’art de la filature. S’il se
sait surveillé, il aura tôt fait de perdre ceux qui
le suivent dans les ruelles de la terrasse.
Une fois à la fumerie, Nacho tentera d’en
apprendre davantage sur ce qui est arrivé à
Zeltor en interrogeant la patronne. Mauvaise
pioche ! Lin-Lin déteste par-dessus tout les
Azilianais, et éconduira promptement le cui-
sinier qui restera fureter autour de l’établisse-
ment et verra les aventuriers y pénétrer.
S’ils n’exploitent pas la piste Nacho, les PJ
pourront interroger les autres membres du
camp. Tout en manquant de perforer l’un des
aventuriers avec sa truelle, Bombolin se dé-
solera de l’absence de Zeltor, d’autant que ce-
lui-ci lui doit de l’argent. Lichao, qui est son
camarade de chambrée, regrettera l’absence
de son voisin qui parfois lui donnait à inhaler
des herbes calmantes lorsqu’il se sentait trop
énervé. Gühl se répandra en commentaires
acides sur le travail de Zeltor, qu’elle déteste
car elle le soupçonne de restaurer lui-même
des objets en toute discrétion : « Cet incapable
doit maintenant faire bamboche sur le port ou
servir de palefrenier à ookhab. »
C’est de Felrin que viendra l’information la
plus importante. Le pilote, habitué des lieux
de beuverie, a déjà plusieurs fois croisé Zeltor
chez Mama Lin-Lin, une fumerie d’opium du
faubourg Glauque…
Causette et fumette
Après avoir longé le sublime mur de Tronchu
Grandepalette, les aventuriers pénètrent dans
le faubourg Glauque en passant sans problème
le poste de garde. Les contrôles sont bien plus
sévères dans l’autre sens.
La fumerie de Mama Lin-Lin est un en-
droit connu des locaux, qui contre quelques
pièces renseigneront volontiers des aventu-
riers lassés d’errer dans le dédale des ruelles.
L’établissement n’ouvre qu’à la nuit tombée.
Des bravi, prenant le frais devant la porte tout
en jouant aux dés sur des tonneaux, jaugent les
aventuriers mais les laissent entrer. La façade
sombre de la fumerie est ornée de lampions
qui se balancent doucement au gré du vent.
L’intérieur, tout en noir et rouge, se compose
d’une grande pièce commune bordée d’al-
côves. Un escalier mène à une galerie ouverte
qui dessert des chambres.
Mama Lin-Lin est une dame sans âge, souple
comme un roseau, vêtue d’une longue robe de
soie rouge, très ajustée. Ses magnifiques che-
veux noirs, très raides, tombent en cascade
jusqu’au bas de son dos. Des enfants, au corps
malingre surmonté d’une grosse tête, glissent
comme des ombres autour d’elle, portant des
pipes d’opium vers les alcôves, accueillant les
clients ou les raccompagnant vers la sortie.
Son visage parfaitement lisse ne montre
aucun sentiment lorsqu’elle parle aux aventu-
riers. Elle s’exprime avec peu de mots, comme
si chacun lui coûtait une somme rondelette.
Oui, elle connaît Zeltor, qui est un client régu-
lier. Il vient fumer presque chaque nuit. Parfois
il joue au pousse-minou dans l’un des salons
et perd bien plus qu’il ne gagne. La tenancière
n’en dira pas plus, car « il y a des choses que
seule la rêverie peut révéler ». Ce disant, elle
invite les aventuriers à s’installer chacun dans
une alcôve et à se relaxer en fumant une pipe
d’opium. Les tarifs sont élevés et ils peuvent
refuser. Dans ce cas, ils se priveront de rensei-
gnements bien précieux.
Découvrir les sensations que procure cette
drogue est probablement une expérience
nouvelle pour les aventuriers. Insistez sur le
cérémonial pour mettre vos joueurs en condi-
tion : les alcôves sombres, où règne une odeur
entêtante, les enfants mutiques qui préparent
la boule d’opium et s’assurent que le client est
confortablement installé sur sa couche, les
premières bouffées qui libèrent l’esprit…
La prise d’opium va vous permettre, via les
songes qu’elle engendre, de faire passer des in-
formations aux aventuriers, et de les intriguer
en leur faisant entrevoir des futurs possibles. Il
règne dans la fumerie une atmosphère étrange
qui n’est pas seulement due aux odeurs entê-
tantes. Faites sentir aux PJ qu’il peut s’y dérou-
ler des évènements peu naturels…
Amusez-vous avec les songes, donnez
libre cours à votre imagination. Quelques
incontournables :
• Zeltor est à une table, face à un grand
et noble seigneur (il s’agit de Trevelian).
Dispute. Le seigneur accable Zeltor de re-
proches, le saisit d’une main à la gorge et
le soulève comme une brindille. Zeltor se
disloque comme un pantin.
• En haut d’une colline ou d’une tour. Un vent
tourbillonnant, une sensation de lutte et de
danger, une pluie violente, les hurlements
d’un animal dans la nuit (allusion à la scène
finale).
• Une créature menaçante se penche sur
l’aventurier pour le mordre, tantôt c’est un
visage flou tantôt la face hideuse et les crocs
suintants d’une araignée (la dernière vision
de Fullert ?).
• Zeltor est dans une cave, attaché à un cheva-
let. Un homme très grand, tout de noir vêtu,
l’interroge de dos, tandis que des bourreaux
s’activent avec entrain. Soudain, l’homme
en noir arrête l’interrogatoire en levant
une main blafarde. Semblant sentir quelque
chose, il s’apprête à se tourner vers l’aven-
turier et à montrer son visage. L’aventurier
est alors comme aspiré en arrière vers l’en-
trée de la cave, remonte à une vitesse verti-
gineuse une série de couloirs et d’escaliers
et est expulsé d’une maison à l’aspect mi-
sérable. Une enseigne rouillée représentant
un oignon ou une tête d’ail grince au-dessus
du porche. (Ce songe bien réel représente le
calvaire du pauvre Zeltor.)
• Un vieillard est accroupi près d’un feu, sans
doute au bord d’un lac. Des Utruz l’en-
tourent et lui tiennent les mains avec dévo-
tion. (Songe à utiliser si vos aventuriers sont
soupçonneux. Il validera par la suite la petite
histoire de Trevelian…)
Les aventuriers vont quitter la fumerie l’es-
prit un peu engourdi et les réflexes amoindris.
Au moment de quitter Mama Lin-Lin, chaque
aventurier devra lancer un jet de sauvegarde.
Un échec critique fera naître en lui le besoin
irrépressible de retourner à la fumerie dès que
possible afin de goûter à nouveau à l’opium.
C’est le soir, un léger brouillard rampe sur
le sol, les ruelles non éclairées sont des lieux
d’embuscade propices…
Des malfrats, menés par l’un des bravi,
tentent de dépouiller les aventuriers qui se
battront avec un malus en raison des effets
résiduels de l’opium. Un lanceur de sorts aura
également des difficultés à se concentrer. Ce
sont des brigands de bas niveau, seul le bravo
risque de poser problème. Le combat ne doit
pas être très difficile pour nos aventuriers. Le
but est de neutraliser l’un des assaillants afin
de le faire parler. Il devra persuader les aven-
turiers qu’il n’est pas en service commandé,
et que l’agression est juste une opportunité
de s’enrichir. Par contre, un peu secoué, il ac-
ceptera de faire partager sa connaissance du
faubourg en indiquant où trouver la maison à
l’enseigne en forme d’alliacée.
La maison du Désespoir
Les alentours de la maison sont presque
déserts. En effet, pas très loin de la porte, à
l’abri d’un contrefort, deux fureteurs obscurs
montent la garde. L’aventurier ayant la meil-
leure perception sera persuadé de voir Nacho
longer l’un des murs et disparaître dans une
ruelle proche : c’est vrai ! Ayant suivi les aven-
turiers depuis la fumerie, l’espion de Lamb se
rend compte qu’il ne pourra passer le barrage
des fureteurs et reste dissimulé dans les envi-
rons pour en apprendre davantage.
Alors qu’ils sont en observation, les aven-
turiers verront une silhouette sortir de la
maison : celle d’un individu de grande taille,
mince, vêtu avec élégance et coiffé d’un ma-
gnifique bourrelet noir. Après avoir inspecté
la ruelle, et s’être tamponné les lèvres avec
un mouchoir de baptiste blanche, il s’éloigne
rapidement, les deux fureteurs lui emboî-
tant le pas. Il est très compliqué de suivre
Trevelian dans le dédale de ruelles. S’il se
sent observé, il disparaîtra dans le premier
passage, les fureteurs couvrant sa fuite. Quoi
qu’il arrive, les aventuriers perdront sa trace
à proximité de la maison en ruine du baron
de Sangnoir.
Les fureteurs ayant quitté leur poste, les
aventuriers pourront rentrer dans La maison
du Désespoir. Celle-ci, probablement une an-
cienne taverne, est composée d’une succes-
sion de pièces et de couloirs poussiéreux. Elle
La Haute Terrasse 359
Le secret de Mourfaki
Sous la banque Mourfaki se succèdent
plusieurs niveaux de caves, et le dernier,
le plus secret, dont l’accès n’est possible
qu’à Mourfaki lui-même, recèle le
plus précieux de ses trésors. Au centre
de ce qui ressemble à un temple très
ancien aux décorations lugubres, dans
un sarcophage de verre parcouru de
filaments lumineux, est étendu le corps
de son épouse, Eskacijia. Son aspect n’a
pas changé depuis le jour de son décès.
Lorsque Mourfaki se penche vers elle
pour chuchoter, à travers la paroi de
cristal, une chanson de son pays natal,
il voit toujours la jeune femme venue
d’Egonzasthan dont il était tombé
éperdument amoureux.
Le banquier consacre une part de
son immense fortune à préserver
son épouse de la décomposition, en la
maintenant dans un état intermédiaire,
espérant un jour lui faire rendre la vie.
Pour cela, il paie extrêmement cher des
prêtres du Temple de la Taupe, versés
dans les arts pré-nécromantiques.
Ceux-ci veillent en permanence sur
le corps d’Eskacijia, préservant par
leurs sombres mélopées son intégrité
physique. Ils accèdent à la pièce secrète
par un passage souterrain dont même
Mourfaki ne connaît pas le mécanisme.
Ce passage mène au Cloaque et après,
probablement, au temple de la Taupe
ou une de ses dépendances.
Avec le temps, Mourfaki est devenu
tributaire de ces étranges prêtres, et cela
n’est pas sans poser problème. C’est un
personnage très influent, et s’il devait
passer sous l’influence d’un ennemi
de Laelith, il pourrait être malgré lui à
l’origine d’une catastrophe…
Venir aux Pics III
Si vous venez d’un autre univers, il se
peut que vous arriviez par le désert
des scories. Dans ce cas, merci de vous
rendre dans le centre d’accueil
interplanaire le plus proche.

... Et Trevelian éclata de rire...
Un blâme
Josephus Nœürâstën est un personnage
mystérieux. Il loue pour une somme
modique (trois pièces de fer tous les
deux cents ans) une bicoque délabrée
sur la terrasse du Nuage qui abrite sa
boutique : la Souris persévérante. Il
réapparait toujours à temps pour payer
son dû. Au grand dam de ses voisins (la
famille Noessoni) qui veulent s’appro-
prier le lieu depuis plusieurs générations.
Ils ont beau s’époumoner, rien y fait. Ils
ont récemment soutenu un nouveau
blâme en justice après avoir découvert
que son échoppe, échelle du coude, avait
été nettoyée. Pour eux, il ne fait aucun
doute que c’est un coup de leur ennemi,
l’association de la Pierre lisse, qui veut
effacer toutes traces de l’art glyphanant
dont ils sont les fervents défenseurs.
360
semble déserte, mais des grognements étouf-
fés montent de la cave. Un traqueur obscur et
trois fureteurs encore présents sont en train
de débiter le corps exsangue du malheureux
Zeltor, dont Trevelian a fini quelques minutes
plus tôt l’interrogatoire. La bagarre contre les
créatures risque d’être serrée. Laissez planer
l’ambiguïté quant à l’identité de son meurtrier
mordeur. Le traqueur aurait bien pu être l’au-
teur de ce crime…
Selon la puissance de votre groupe vous
pouvez remplacer le traqueur par un fureteur
un peu « costaud ».
À l’issue de cet épisode, les aventuriers auront
glané quelques informations. Manifestement
Zeltor a joué et perdu contre plus fort que lui.
Les soupçons vont probablement se porter sur
Nacho dont le comportement est bien mysté-
rieux. D’ailleurs, ce dernier, posté sur un toit,
n’a pas manqué de remarquer la présence des
aventuriers. Après leur départ, il ira faire un
tour dans la cave et découvrira le carnage. Ne
sachant trop que penser, il soupçonnera les
aventuriers d’être impliqués dans l’affaire et
fera part de ses doutes à Lamb.
De retour au camp, les aventuriers constate-
ront qu’une grande agitation s’est emparée du
site de fouilles. Durant leur absence, Fullert a
découvert et commencé à dégager une porte
de pierre visiblement très ancienne, tout au
bout de la troisième terrasse, au pied du pic
Aveugle. La gloire d’une découverte capitale
semble à portée de main, à moins d’un incident
inattendu. Pour l’instant, Fullert est absent. Il
est parti dans l’après-midi à la Bibliothèque
matérialiste universelle rendre compte de
sa découverte et n’en est pas encore revenu.
Nacho, qui connaît bien des raccourcis est
déjà de retour. Depuis sa cuisine, il taquine les
aventuriers qui ont raté le repas du soir. Pas
rancunier, il leur a mis de côté de belles por-
tions de poisson en sauce.
Fullert a laissé des instructions aux aven-
turiers, leur demandant de monter la garde
devant la porte de pierre et de ne laisser per-
sonne approcher.
Persuadé que la découverte de la porte
de pierre précède celle de l’artefact qu’il re-
cherche, Trevelian décide de passer à l’of-
fensive et d’avoir un petit tête-à-tête avec
Fullert…
Trevelian passe à l’action
Le lendemain, en fin de matinée, Fullert va
demander aux aventuriers de se rendre à la
Bibliothèque matérialiste universelle, afin de
porter un coffret au contenu important à un
maître bibliothécaire dont il espère s’attirer les
faveurs. Excité par sa découverte, il se désinté-
resse totalement du sort de Zeltor.
Le départ de la garde de Fullert va permettre
à l’empereur-démon de passer à l’offensive. Il
va mobiliser quelques gredins à son service
afin d’avoir les coudées franches jusqu’au soir.
Les aventuriers vont donc être considérable-
ment retardés dans leur mission (tentative
de vol, agression, simulacre d’arrestation…).
Libre à vous d’inventer des trouvailles qui
les ralentiront le plus possible. L’essentiel est
qu’ils ne regagnent le camp qu’à la tombée de
la nuit.
Pendant leur absence, Fullert est parve-
nu à dégager et à ouvrir la porte de pierre et
à préparer du matériel pour explorer l’inté-
rieur. Mais il n’est pas allé plus loin. Absorbé
par sa tâche, il n’a pas participé au dîner. Bien
lui en a pris, car Telno, présent dans le camp
comme chaque soir, a versé dans la nourriture
un poison violent qui, en quelques minutes,
a transformé les joyeux convives en cadavres
aux yeux exorbités. Nacho a eu droit à un trai-
tement particulier. Affolé par la vision du car-
nage, il a utilisé son sifflet quelques minutes
avant que ne surgisse Trevelian sous son as-
pect vampirique. Son araignée ayant quitté le
site afin de prévenir Lamb, il s’est trouvé bien
démuni face à l’empereur-démon… Après une
courte lutte dont le bruit a été couvert par la
pluie qui commence à tomber, la colonne ver-
tébrale de Nacho a été pliée dans le sens in-
verse de sa courbure naturelle et le corps du
cuisinier jeté dans le puits.
Trevelian s’est ensuite dirigé vers la porte de
pierre où il savait trouver sa future victime. Il
s’est révélé à un Fullert au comble de l’angoisse
et a tenté de lui extorquer les informations
concernant la relique, mais le pauvre archéo-
logue a été incapable de révéler ce qu’il igno-
rait. Son existence s’est terminée dans un râle
de terreur absolue quand Trevelian a planté
ses canines dans son cou. L’absorption du sang
et du flux vital du savant lui a confirmé que
ce dernier ignorait tout du fameux poignard,
contrairement aux informations qui lui étaient
parvenues. Trevelian, inquiet, comprend que
l’affaire n’est peut-être pas aussi simple qu’il
n’y paraît et que de chasseur il risque fort de
se retrouver dans le rôle de la proie. Comble
de malchance, c’est au moment où les aventu-
riers reviennent au camp que les effets de sa
concentration se dissipent. Redevenu pour
quelque temps Telno, il va devoir jouer serré…
positions grotesques où une mort apparem-
ment douloureuse les a saisis. Nacho, à moitié
recouvert de boue à présent, n’est pas visible au
fond du puits. Seul un curieux qui descendrait
(ce qui représente, compte tenu de la pluie et
des échelles brisées, un exercice périlleux) au-
rait une chance de découvrir son corps.
Celui de Fullert est par contre bien visible,
recroquevillé devant la porte en pierre entre-
bâillée. Le savant, exsangue, a dû connaître
une mort terrible. Ses longs cheveux sont à
présent d’une blancheur laiteuse. À dire vrai,
la seule marque de couleur sur son corps est la
morsure bien visible à la base du cou.
Telno surgit de l’ombre à cet instant.
Vieillard apeuré, il paraît infiniment soula-
gé de voir les aventuriers. « Les Dieux soient
loués, vous êtes là ! » Trevelian a vite saisi
l’opportunité de se faire aider des aventuriers
pour sortir de ce mauvais pas !
À ce moment, un cri strident déchire l’air et
une forme se rue sur les aventuriers dont l’at-
tention est fixée sur Telno. Il s’agit de Krissit,
revenue de sa mission, et voulant venger la
mort de son maître (elle a trouvé son corps
et reconnu sur lui l’odeur du vampire). Elle
Le réveil de la souris
persévérante
L’enseigne de la misérable échoppe a
récemment été repeinte et sa devanture
a été nettoyée. On peut désormais y lire
en lettres d’or « Josephus Nœürâstën,
destructeur de reliques ».
La dernière fois que le maître des lieux
a été aperçu, il entrait dans le palais
du Roi-Dieu sans même que les gardes
ne le remarquent ! Les rumeurs vont
bon train à propos de son retour. La
duchesse De Firlo pense l’avoir vu dis-
cutant avec une caryatide. Krikork, qui
dit surveiller la bicoque depuis trente
ans, affirme qu’il a vu de la lumière à la
fenêtre du premier étage. Il se souvient
aussi que Fwouinn le parcheminé lui
avait appris que le bâtiment est protégé
par un décret datant de Mandala Ier
et renouvelable à perpétuité. Celui-ci
arrive bientôt à échéance…
Triste fin pour un grand archéologue...

Massacres en série
Un orage d’une grande violence accom-
pagné de trombes d’eau s’abat sur Laelith.
Peu avant d’arriver au camp, au détour d’une
ruelle, l’aventurier de tête est percuté et agrip-
pé par un Felrin hors de lui. « Morts, ils sont
tous morts vous comprenez ? » Avant de pou-
voir l’interroger plus avant, les aventuriers
sont éblouis par un violent éclair tan-
dis que le pilote s’évanouit dans les
ténèbres.
Un spectacle d’horreur les at-
tend dans le camp : les membres
de la mission archéologique, à
l’exception de Fullert et de
Nacho, sont écroulés autour
de la table, figés dans les

La Haute Terrasse 361


Prologues :
Piégés
Le baron Babeurre, noble-cita-
din, a eu l’idée de génie de placer
sa dernière fête sous le thème
de l’aventure. Dégustation à
l’aveugle, musique ethnique, ma-
quettes de pièges de la muraille
de la Haute Terrasse grandeur
réelle… Mais les techniciens ont
fait du zèle : les chausse-trappes
sont tout sauf factices. Après plu-
sieurs accidents mortels, la soi-
rée tourne au huis clos sordide.
Heureusement, le baron a invité
de vrais aventuriers pour égayer
la soirée de leurs anecdotes. Ils
vont pouvoir prendre les choses
en main : protéger les invités
contre eux-mêmes, désamorcer
les pièges et comprendre qui
est à l’origine de cette farce ma-
cabre. Babeurre aurait-il un héri-
tier sadique, un concurrent prêt à
tout pour récupérer sa charge ?
Et qui a versé dans le bol à cock-
tail une potion orc exacerbant
l’agressivité ?
Varanzilla
Vîchir Ô Hondâ est un clerc-cour-
tisan à l’esprit dérangé. Il veut
pénétrer dans l’enclos des varans
sacrés pour percer le mystère de
leur reproduction, ou de leur im-
mortalité. Mais il a peur d’y aller
seul.
Le pendentif poulpe.
362
attaquera Trevelian, bien sûr, mais celui-ci
sera assez habile pour se faufiler derrière un
aventurier au moment de l’attaque, de sorte
que l’araignée semble fondre sur tout le
groupe. Un combat à mort s’engage…
À peine l’araignée vaincue, Telno va tenter
de se jouer des aventuriers en se livrant à une
fausse confession : « Je ne vous ai pas tout dit,
chers amis, et je le regrette à présent. Sachez
que je connais Fullert de réputation depuis
bien des années. Je suis un vieux savant ou-
blié de tous et les Utruz (un peuple mystérieux
mais digne de confiance) étaient au centre de
mes attentions. J’ai beaucoup d’amis parmi
eux, contrairement à Fullert qui ne voyait en
cet honorable peuple qu’un sujet d’études.
Au cours de ses recherches, Fullert leur a dé-
robé, sous le couvert de l’étude scientifique,
un objet cultuel très important. Au terme de
longues discussions, dont la dernière a eu
lieu cet après-midi, je suis parvenu ce soir
à le convaincre de me le remettre afin que je
le rende à leur prêtre Af’Shagh. Tenez, le voi-
ci. » Trevelian sort de sa poche un petit bijou
en bronze représentant une pieuvre (un objet
dont il ignore la provenance mais qu’il a trouvé
en pendentif autour du cou de l’archéologue).
« Malheureusement, cet objet suscite égale-
ment la convoitise d’individus dont j’ignore
s’il s’agit d’une secte impie ou de simples vo-
leurs. Ce misérable cuisinier était leur espion.
Caché dans l’ombre, j’ai vu son araignée tuer le
pauvre Fullert. Heureusement, vous êtes arri-
vés à temps ! Pouvez-vous m’aider à quitter ce
lieu qui m’inspire l’épouvante ? »
Il faut rendre le discours de Trevelian cré-
dible. Donc n’en rajoutez pas trop. Ce vieillard
apeuré doit susciter la sympathie et pas les
soupçons. Les aventuriers pourront remar-
quer qu’effectivement, Fullert semble décédé
de la morsure de l’araignée, et ce n’est que si
l’un d’entre eux examine très attentivement la
blessure qu’il remarquera que l’écart entre les
deux plaies ne correspond pas à celle des ché-
licères de l’araignée.
Mais ne les laissez pas trop cogiter ! Envoyés
en avant-garde, trois mercenaires agramo-
riens surgissent du rideau de pluie et se ruent
sur les aventuriers !
Une fois les mercenaires vaincus, les PJ
n’en auront pas fini pour autant. Lamb a eu le
temps de rameuter ses forces et d’envoyer pré-
venir Kernil et les gardes pourpres : les ren-
forts vont arriver progressivement, bouclant
tout le périmètre. Les éclairs révèlent, bien
au-dessus des aventuriers, les silhouettes d’ar-
chers et d’hommes en arme. Bien que gênés
par la pluie, les archers commencent à faire
pleuvoir une grêle de flèches sur les aventu-
riers qui n’ont d’autre solution que de se ré-
fugier dans le passage découvert par Fullert.
Dans la confusion, Telno sera effleuré par une
flèche, ce qui lui arrachera un piaulement de
rage… Une piqûre de moustique… mais il s’ar-
rangera pour la barbouiller du sang d’un des
Agramoriens et fera le brave en serrant les
dents et en aidant les aventuriers à refermer
la porte de pierre derrière eux, afin de bloquer
les poursuivants. L’empereur-démon est à la
fois agacé d’être tombé dans un piège dont il
commence à mesurer la complexité, obsédé
par l’idée de fuir le danger et de sauver sa per-
sonne, mais également excité par l’action et
amusé par l’utilisation qu’il peut encore faire
de ces naïfs aventuriers…
Une fois en relative sécurité dans le passage,
les aventuriers découvrent un tas de torches
qui avaient été entreposées là dans la pers-
pective de l’exploration. Les voilà en mesure
de s’éclairer, et ce faisant, de se laisser guider
par un léger appel d’air indiquant une issue
quelque part au-dessus d’eux.
Balade aérienne…
Une fois la porte en pierre sommaire-
ment bloquée avec des morceaux de bois
trouvés dans le passage, les aventuriers se
retrouvent dans une petite salle dallée, d’où
part un escalier ascendant. Dès les premières
marches, l’environnement est étrange : côté
intérieur, ils longent une étrange paroi mé-
tallique, tandis que côté extérieur ils suivent
un mur formé de grandes pierres jointes.
Manifestement cet escalier est un étroit pas-
sage creusé à l’intérieur du pic, qui permet
de contourner une énorme masse métallique
tout en étant isolé de l’extérieur par le colos-
sal mur de pierre partiellement mis à jour par
les fouilles. À certains moments, l’escalier dé-
bouche sur des paliers où se trouvent de mo-
numentales portes métalliques. Couvertes de
glyphes mystérieux qui semblent subjuguer
Telno au point qu’il en oublierait sa blessure,
ces portes sont infranchissables. Certaines
sont ornées de peintures remarquablement
préservées représentant des êtres de pierre
ou d’étranges créatures mi-chair mi-pierre.
Un aventurier à l’ouïe fine pourra perce-
voir de l’autre côté des sons très étouffés.
Raclements, cliquetis, soupirs… Mais les
fuyards n’ont pas le temps de s’éterniser et
de s’interroger sur ce nouveau mystère : des
coups sourds derrière eux indiquent que la
porte va bientôt céder !
La très longue ascension se termine en cul-
de-sac sous un plafond de pierre. Un minus-
cule interstice crée un appel d’air permettant
aux torches de brûler. Heureusement un levier
métallique est visible dans la partie maçonnée
du mur et permet de déplacer une dalle. Les
aventuriers peuvent se hisser à l’air libre… au
sommet du pic Aveugle !
Vu la hauteur de ce dernier et la raideur
des pentes, toute fuite semble impossible,
du moins avec Telno. La situation se com-
plique ! Laissez vos aventuriers cogiter un
peu. Malgré sa faiblesse apparente, le vieux
savant participe de son mieux à la discussion
en faisant preuve de bon sens et d’un vibrant
désir d’aider le groupe. Au bout de longues
minutes, l’orage s’éloigne et la lune se dé-
voile par intermittence. Apparemment mal
en point (qu’il est pâle !), Telno est maintenant
avachi dans un coin. Le sommet du pic, d’un
diamètre d’une dizaine de mètres, ne semble
permettre aucune évasion. Certes, du fait de
leur position avantageuse, les aventuriers
pourront résister un moment contre leurs as-
saillants, mais le nombre finira bien par avoir
raison d’eux…
Alors qu’aucune solution ne se présente et
que des cliquetis d’armes se font entendre dans
les escaliers, une immense ombre recouvre
brièvement le sommet du pic : un shedras ! Le
grand animal se pose, à proximité des aventu-
riers, et Felrin saute à terre. Le jeune homme
affiche désormais un visage déterminé. Ne
voulant pas les abandonner aux dangers du
site, il a couru à sa caserne, sauté à cru sur sa
monture et lancé celle-ci dans le ciel au mé-
pris de toutes les règles. Survolant le site, ron-
gé par le désir de venger sa bien-aimée, il ne
tarde pas à repérer les aventuriers bloqués au
sommet du Pic. « Je peux vous aider à quitter
cet endroit, crie le jeune homme pour couvrir
le bruit de la pluie qui a repris, mais une seule
personne à la fois. Avec ce harnais d’exercice,
mon shedras ne peut en porter davantage. »
Un râle provenant de Telno, toujours avachi,
attire son attention. « Je pense qu’il faut s’oc-
cuper du vieillard d’abord, sinon il va mou-
rir ici. Je peux rapidement le déposer près du
Lazaret et revenir. »
Telno jouera au héros et commencera par
refuser, entre deux quintes de toux, d’être
embarqué. Les aventuriers insistant proba-
blement, il se laissera convaincre, mais en leur
confiant l’amulette et en leur demandant de
la remettre au chef utruz Af’Shagh. Il leur fait
promettre de l’attendre quelques jours au vil-
lage utruz et leur serre les mains avec effusion
au moment de les quitter. Quel comédien cet
empereur-démon !
Une fois Telno installé derrière Felrin, le
shedras prendra son envol et commence-
ra à effectuer des cercles autour du pic pour
prendre de l’altitude. C’est alors que les aven-
turiers percevront un hurlement dans les airs.
Quelques secondes plus tard, le corps de Felrin
tombera parmi eux, le visage ridé comme ce-
lui d’un vieillard et les cheveux blanchis de
terreur. Le sang perle encore autour d’une
blessure visible à la base de son cou. La lune
perçant les nuages, les aventuriers entendront
un rire sardonique au-dessus de leurs têtes,
tandis que le shedras et son nouveau cavalier
disparaîtront dans la nuit. Au même moment,
une voix autoritaire s’élèvera dans l’escalier, en
dessous d’eux : « Au nom du Roi-Dieu, dépo-
sez les armes ! »
La Haute Terrasse 363
Pousse-minou
« Alors, m’en direz-vous davantage à
propos de ce jeu dénommé pousse-mi-
nou ? On le dit propre à votre ville ?
– Vrai de vrai, je n’en ai jamais entendu
parler ailleurs. Mais je dois d’emblée
préciser que les règles varient énormé-
ment selon les quartiers et terrasses.
Avant tout c’est un jeu de cartes, mais
pas seulement…
– Vous me faites languir…
– Il se joue avec un jeu de tarot clas-
sique, et le but est de terminer la partie
en jouant le plus petit atout, appelé “le
minou”, au dernier pli, ce qui permet
de rafler la mise. Les joueurs parient
entre chaque coupe, ou une coupe sur
deux, cela dépend. Il faut avoir les nerfs
solides et le sens du bluff, croyez-en
mon expérience. On comprend donc
que “pousser le minou” consiste à mener
le petit atout au terme de la partie.
Si le possesseur du minou se fait
prendre le petit atout à l’avant-der-
nière coupe, juste avant celle qui lui
donnerait la victoire, non seulement il
perd tous ses enjeux mais, comble du
ridicule, reçoit en plus un gage de la
part des autres joueurs. La nature des
gages varie énormément en fonction
de l’état d’esprit des joueurs autour de
la table, mais cela reste en général bon
enfant : danser une gigue, entonner une
chanson à boire, avaler un godet d’huile
d’ookhab…
– Vraiment ? J’ai entendu bien pire que
cette description gentillette…
– Euh… Je ne vous cache pas que dans
certains milieux sordides, les gages
peuvent être terriblement humiliants et
dégradants, mais je vous vois la plume à
la main et n’en dirai pas davantage afin
de ne pas choquer vos belles lectrices ! »
Voler à dos de shedras... une expérience
nouvelle pour Trevelian !
Arrivé en catastrophe, Lamb comprend que son plan a
échoué, et cela le rend furieux. S’ils ne déposent pas les armes,
les aventuriers seront rapidement réduits à l’impuissance en rai-
son du nombre des assaillants et des techniques employées pour
les neutraliser : bolas, lassos, filets…
Ils peuvent également décider de dévaler la pente, même si
de nuit et compte tenu des conditions climatiques, cela s’ap-
parente à un suicide. Multipliez les jets sous l’Agilité pour
éviter les rochers coupants, les coulées de boue et les petites
crevasses. Une bonne entorse finira bien par mettre fin à la
cavalcade. Quoi qu’il en soit, même parvenus au pied du pic,
ils seront interceptés par des gardes pourpres.
Une fois neutralisés, les aventuriers seront conduits sous
bonne escorte jusqu’aux geôles et mis au secret. Ils seront in-
terrogés séparément par Lamb. Ce dernier est loin d’être un
imbécile et il sera rapidement convaincu de leur innocence.
D’un autre côté, il a tout intérêt à ne pas ébruiter l’échec de
son plan et il doit s’assurer du silence de ceux qui ont été
mêlés aux événements.
364
Il va donc négocier la remise en liberté des aventuriers
contre la signature d’un document dans lequel ils recon-
naissent leur culpabilité dans la mort de Fullert. Document
grâce auquel il va s’attacher leurs services un long moment.
S’ils refusent de signer, ils resteront au secret le temps qu’il
faudra…
Les personnages quittent la prison plus pauvres qu’au dé-
but de l’aventure, toutes leurs affaires restées au camp ayant
disparu lorsque les autorités ont repris le contrôle du site.
Mais à peine passées les portes de la prison, ils seront
abordés par un gamin dépenaillé qui leur remettra un coffret
d’acajou. « Votre ami m’a demandé de vous remettre cela. »
Le gosse s’étant enfui à toutes jambes, les aventuriers décou-
vriront à l’intérieur un nombre conséquent de pièces d’or, et
pour chacun une broche en or représentant un T stylisé. Sur
une feuille de parchemin sont écrits quelques mots tracés
d’une écriture élégante.
« Avec mes meilleures salutations et toute ma recon-
naissance pour l’aide apportée ».
– Trevelian, Empereur-Démon

Idées d’aventures
L’œuf du doudilain
Les aventuriers sont recrutés par Justophar,
marquis de l’échelle du Retable, afin d’enquê-
ter sur le vol de sa badine nobiliaire. L’enquête
doit être rapide, car Justophar est convoqué
dans trois jours au palais par le grand chambel-
lan pour une audience qui lui vaudra un office
et des honneurs supplémentaires.
Les circonstances du vol sont mystérieuses :
la badine était exposée à l’intérieur d’une niche
grillagée, dans une pièce dont seul Justophar a
les clés. Il s’agit d’une sorte de salle aux trésors,
où sont entreposés sa fortune et les biens de
sa famille. Un autre objet a disparu en même
temps que la badine : un bijou en ivoire repré-
sentant un œuf, parsemé de fils d’or. La seule
autre issue est un fenestron barreaudé, trop
petit pour laisser passer une personne, même
un enfant.
Justophar est victime d’une coterie dont
l’objectif est de l’empêcher de gagner les nou-
velles faveurs du grand chambellan. Sans sa
badine nobiliaire, il ne peut se rendre à l’au-
dience, et l’office convoité sera attribué à
un autre noble. Afin de voler l’objet en toute
discrétion, la coterie s’est attaché les services
d’un saltimbanque possédant un jeune doudi-
lain apprivoisé. Celui-ci s’est introduit la nuit
dans la demeure du marquis, en passant par
les toits. Après s’être faufilé entre les barreaux
extérieurs, le doudilain a pénétré dans la salle
aux trésors et en tendant la patte à travers à la
grille a récupéré la badine. Juste avant de par-
tir, il a remarqué le bel œuf en ivoire, s’en est
entiché et l’a emporté.
Le saltimbanque, ayant récupéré la badine,
est allé au rendez-vous convenu afin de re-
mettre l’objet et de toucher la récompense
promise. Celle-ci lui a été remise en personne
par Sermino, sous la forme d’une lame plan-
tée entre les omoplates. Touché par une dague,
le doudilain a dû son salut à une fuite sur les
toits. De là, il a suivi discrètement Sermino
jusqu’à un bel hôtel particulier, siège de la
coterie. Épuisé par sa blessure, il est retourné
ensuite fidèlement auprès du cadavre de son
maître.
Scénarios
Les PJ vont apprendre qu’un évènement
s’est produit le lendemain du vol. Le cadavre
d’un saltimbanque a été retrouvé quelques
rues plus loin. Sur place, ils découvriront dans
une encoignure le doudilain choqué, berçant
contre son cœur l’œuf en ivoire. Enfin une
piste ! Pour peu qu’on ne l’effarouche pas, le
doudilain se montrera un auxiliaire précieux
et, qui sait, pourra se lier avec un des person-
nages. Si les aventuriers ont l’intelligence de
lui montrer une baguette en bois ressemblant
à une badine nobiliaire, il les guidera jusqu’à
Prologues :
l’hôtel particulier des comploteurs.
Il existe bien des manières pour y pénétrer :
Le passage
l’effraction par les toits, ou l’occasion d’un bal La dame d’une maison noble de
la Haute Terrasse fait appel aux
masqué pour s’introduire en toute légalité…
PJ. Récemment veuve, elle sait
Avec son flair, le doudilain peut retrouver la
que sa grande propriété abrite un
badine, mais une lame sous une gorge peut
passage secret vers la terrasse du
également faire parler un noble…
Nuage. Son mari est mort brus-
quement et n’a pas eu le temps
La folie de Cydelia de transmettre ce secret vital
pour le pouvoir et les affaires de
C’est en curieux que les aventuriers assistent
la famille. Elle a besoin de gens
à une harangue de Cydelia, quelque part dans
compétents et discrets pour re-
la Haute Terrasse. Alors qu’elle est lancée dans pérer le passage et ouvrir la voie
une longue tirade, trois hommes masqués sur- dont elle sait qu’elle est piégée.
gissent d’un porche voisin et se ruent sur elle. La récompense est très allé-
Aussitôt, les spectateurs s’enfuient. Ne reste chante. Les PJ peuvent passer
qu’un tout jeune homme, qui fonce au secours quelques jours à inspecter le pa-
de Cydelia avant d’être frappé à son tour ! Face lais de fond en comble, mais tou-
aux PJ, les assaillants fuiront immédiatement jours surveillés de près. Une fois
l’entrée du passage découverte,
le combat. Les gardes pourpres surgiront sur
il faut déjouer les deux pièges
ces entrefaites. Ils évacueront discrètement
mortels qui jalonnent le par-
Cydelia, en proie à une crise d’hystérie, vers cours. Mais le pire est à venir. La
l’hôtel de Guerlas, tandis que les aventuriers dame les attend à la sortie avec
seront escortés au poste de la porte Mandala sa garde personnelle et tente
pour explications… d’assassiner les PJ pour préserver
Cydelia irrite depuis longtemps quelques le secret du passage.
personnages puissants de la cité. Ceux-ci ont
décidé de la faire taire mais, de par sa position, Chasse au dragon
l’assassiner comporterait trop de risques. Lors
de l’échauffourée, Cydelia a reçu une estafi-
San Alde Riezmo est tellement
riche qu’il vient de « s’offrir » un
lade d’une lame enduite d’un poison possé-
titre de noblesse. Il veut sa ba-
dant des propriétés hallucinogènes qui vont
dine. Une badine avec un dra-
plonger son esprit dans un état de confusion gon ! Et devinez qui va l’aider à
permanent. Réduite à proférer des divagations justifier la présence d’une telle
ineptes, la malheureuse Cydelia ne sera plus en créature sur son bout de
état de poursuivre ses harangues… bois ?
La Haute Terrasse 365
 Des enquêteurs
redoutés au service de
la justice : les fouineurs
Les fouineurs achètent une charge
d’officier de police auprès du Temple
de l’Oiseau de feu (forces de l’ordre). Ils
deviennent titulaires de cette charge
et reçoivent l’insigne de leur fonction
(un phénix flamboyant représentant
la Justice éternelle) après une enquête
de moralité poussée. Ils sont habilités
à mener des enquêtes et à opérer des
arrestations. Le grand prêtre du Nuage
(la justice) peut à tout moment leur
retirer leur charge.
Il existe cinq catégories de fouineurs,
chacune étant subordonnée à une autre,
exception faite des Premiers fouineurs
qui ne reçoivent leurs ordres que des
procureurs du Roi-Dieu. Une affaire
importante ne sera jamais confiée à
un limier de cinquième catégorie, mais
les Premiers fouineurs ont le droit de
choisir les enquêtes qui les intéressent,
et pour les plus réputés, de se saisir
eux-mêmes d’une affaire. Leur mode
de rémunération est assez original : s’ils
résolvent une affaire, ils peuvent de-
mander une indemnité « raisonnable »
aux victimes qu’ils ont aidées et aux
coupables qu’ils font châtier.
366
Les aventuriers ne resteront pas longtemps
au poste. Le premier majordome de l’hôtel
de Guerlas viendra payer leur caution rubis
sur l’ongle contre la promesse d’une enquête.
Efylia est absente pour quelques jours, et l’état
de santé de Cydelia est préoccupant, mais pour
des raisons de discrétion, pas question de l’em-
mener au Lazaret. À peine libérés, les aventu-
riers seront approchés par le jeune homme
qui est intervenu dans la bagarre. Il se nomme
Thyms, est amoureux de Cydelia et veut la
venger. Seul il ne peut rien, mais avec l’aide
des aventuriers… D’autant qu’il détient une
pièce à conviction : un poignard empoisonné
tombé de la main d’un des agresseurs. Thyms
vit dans le faubourg Glauque et connaît un
alchimiste capable d’identifier la substance. Il
s’agit de Shlobbeth, un vieil homme volubile
aux yeux opacifiés par la cataracte, assisté de
sa fille Silomê. Il identifie le poison, une toxine
qui s’attaque à l’esprit. Il possède les ingré-
dients nécessaires à la fabrication de l’antidote
et peut le fabriquer pour le lendemain en fin
d’après-midi. Mais les aventuriers ont été sui-
vis dès leur libération par l’un des assaillants
qui va revenir avec d’autres fines lames du
quartier le soir même, enlever Silomê et me-
nacer de la tuer si son père donne l’antidote.
Le lendemain, le vieil homme recevra les PJ
brutalement, leur expliquera qu’il ne veut plus
les revoir dans sa boutique. Il faudra insister et
le faire parler. La description d’un des agres-
seurs permettra à Thyms d’identifier l’un des
preneurs d’otages. C’est le chef d’une bande
qui s’est établie dans une ancienne maison
dont les occupants ont été chassés. Silomê est
enfermée dans la cave, et les PJ devront orga-
niser une expédition punitive pour la délivrer.
Reconnaissant, le vieux Shlobbeth réalisera
l’antidote permettant de sauver Cydelia…
Le fou des Tours-faisceaux
Un pèlerin s’est installé depuis plus d’une
semaine près des tours et prétend entrer en
communication avec les morts par le biais des
murs métalliques de certaines pièces. En les
observant, il pourrait voir et converser avec
les défunts. Les crédules se bousculent pour
lui soutirer des phrases sibyllines contre de
grosses sommes d’argent. Les autorités reli-
gieuses s’inquiètent, mais ne souhaitent pas
affronter directement un individu qui s’est
déjà acquis le soutien d’une foule d’adorateurs
naïfs. Les aventuriers sont recrutés pour dé-
masquer le rusé imposteur. Peut-être qu’en le
prenant à son propre piège…
Le témoin baladeur
Les aventuriers doivent prendre en charge
à la porte Mandala le témoin capital dans un
procès opposant deux nobles, et l’escorter
jusqu’à la Cour commune afin qu’il puisse
déposer sous serment. L’un des nobles, bien
décidé à éliminer le témoin gênant, a recruté Table d’aventures
des coupe-jarrets afin qu’il n’atteigne jamais
1 Il bêle son amour toutes les nuits sous à vil prix à la Foire aux enchantements,
le tribunal. Ceux-ci vont tendre des pièges,
les fenêtres de la fille de la comtesse pas loin de chez Tarpingrau, a été volée
provoquer des mouvements de foule, tenter
Taloff, qui demande aux aventuriers de il y a quelques semaines au marquis de
d’enlever le témoin. Ce dernier, qui n’est guère l’en débarrasser. Mais le chanteur est Legas, surpris de la voir à la ceinture
courageux, pourrait être tenté d’en profiter aussi le fils du comte Strydent, discrè- d’un des PJ. Un duel suffira-t-il à régler
pour s’éclipser. D’autant qu’il doit, avant l’au- tement surveillé par les gardes du père. le litige ?
dience, se rendre sous escorte dans le faubourg 2 L’un des PJ est bousculé par le maître 4 Un PJ a perdu son pectoral… Ouf, le
Glauque afin de récupérer un document capi- parfumeur Qartié et est aspergé de voilà retrouvé derrière cette antique
tal pour le procès… quelques gouttes de sa nouvelle fra- borne. Sauf que le numéro n’est pas
grance, Élixir fatal, qui attire irrésisti- le bon, mais celui attribué à un voleur
blement les personnes du sexe opposé. dont l’identité a été percée à jour et qui
Les marchands de rêves De quoi s’attirer des ennemis et trou- a disparu depuis. Reste à persuader les
Les aventuriers sont recrutés par un noble bler l’ordre public… gardes pourpres qu’il ne s’agit pas du
dont le fils, en pleine crise d’adolescence, 3 Cette splendide épée magique acquise PJ…
s’échappe de la demeure familiale, la nuit,
pour errer dans le cimetière du sanctuaire du
Divin. Officiellement, il est attiré par l’atmos- Table d’aventures dans le faubourg Glauque
phère romantique du lieu… Compte tenu de 1 Une bande d’enfants piaille autour que d’épouser la fille d’un bourreau
la réputation maléfique de l’endroit, les aven- des PJ. Si on les écoute, ils mendient d’Agramor. Sachant que la promise du
turiers doivent trouver un stratagème pour pour payer les frais d’avocat de leurs Sardonique est en visite, la populace
l’épouvanter et le faire renoncer à ses sorties parents. du faubourg a passé les pavés au savon
nocturnes. En fait, le jeune homme a ren- 2 Pour les nantis, le faubourg Glauque noir, pour faire chuter les porteurs et
dez-vous dans les ruines avec des marchands est une verrue qui défigure leur joli transformer la rue en patinoire.
d’herbes à rêve, dont il achète les produits quartier. Un petit incendie, ce n’est rien 5 Une horde de gueux du faubourg, ayant
pour les revendre à ses amis. Les marchands quand on est sûr de son bon droit. appris le décès de l’un des leurs, dé-
ne laisseront pas tomber un aussi juteux tra- 3 Les bonnes dames de la Haute Terrasse sossent sa cabane pour renforcer leurs
font don aux miséreux de leurs habits propres baraques. Ils courent chargés
fic… Et les ombres spectrales qui rôdent dans
démodés. On n’a pas toujours l’occa- de planches, sans vraiment regarder
les ruines auront peut-être également leur devant eux.
sion de voir des gueux batailler pour un
mot à dire…
chapeau à plumes ou enfiler des bas de 6 Tout le monde dévisage un des PJ dans
soie pour en faire des mitaines. Le fau- la rue. Il faut dire qu’il est le portrait cra-
Le cor du délit bourg prend alors des airs de carnaval. ché de Trouillefou, un criminel débridé
4 Les bourreaux, même s’ils sont des tra- et sanguinaire qui doit subir la grande
Les aventuriers sont recrutés par la C.A.R.L.
vailleurs comme les autres, sont sou- estrapade dans deux jours. Les autori-
Depuis deux semaines, des tourbillons aléa-
vent mis au ban de la société. Pour se tés ont placardé partout son portrait et
toires surgissent dans le ciel de Laelith et pro- l’annonce de la sentence.
marier, Taffel n’a pas eu d’autre choix
voquent de manière très localisée de violentes
bourrasques. Ce phénomène est localisé à l’ex-
trême nord de la cité, au-dessus du faubourg
Glauque et des pics. Il gêne les shedras dont Le cor du délit...
le plan de vol emprunte justement ce couloir
aérien. Ses animaux bloqués au sol, la C.A.R.L.
perd beaucoup d’argent et demande une en-
quête discrète. Le coupable est un apprenti
magicien de la Tour de l’échec, qui teste sans
le maîtriser un artefact acquis à la Foire aux
enchantements : un cor des Alpes particu-
lièrement imposant. Les aventuriers pour-
ront retrouver sa trace grâce à Tarpingrau le
receleur, qui semble connaître chaque objet
particulier de la terrasse. Mais les pouvoirs
du cor intéressent aussi des personnes mal
intentionnées…

La Haute Terrasse 367

La Haute Terrasse,
vue isométrique
Le Cloaque
 O ù l’on voit le mystérieux T narrer à sa bien-aimée
ses petits tracas de politique souterraine
Ma tendre Ludmilla,
Cela faisait longtemps que je n’avais décidé de prendre la plume pour t’écrire. Comme tu sans le sais, j’ai dû quitter précipitamment
mon pied-à-terre dans les faubourgs de la cité. Me voilà loin de toi, sans nouvelle aucune, et moyen de te contacter. Tapi sous
terre, je me sens comme un cloporte effrayé par les bottes de son bourreau.
Tu n’as pas dû manquer les bouleversements qui ont eu lieu en surface. Je ne peux en dire plus, de peur que trop de révélations
dessous,
ne mettent en danger ta douce sécurité. Mais ma Ludmilla, ils ne sont pas étrangers à ma fuite dans les sombres recoins du
ce lieu que tous nomment le Cloaque.
Tu dois être morte d’inquiétude, je le sais. Le Cloaque n’est pas réputé hospitalier, mais ne Tout t’en fais pas pour moi. Ses murs
sombres et froids, ses couloirs labyrinthiques, ses habitants pittoresques et délicieu sement cruels… cela me semble si familier,
comme toi les jardins remplis de roses rouge sang.
La plupart de ceux qui parcourent les rues bondées de la cité en auraient peur. Il est si facile de se perdre ici. Mais les murs
sombres de ces lieux sont habités par tant de créatures chaleureuses et délicieusement mal-aimées.
Oui, ils clament, là-haut, que nos couloirs sont infestés de vermine et de monstres. Mais que sont-ils sinon des êtres aux mœurs
incomprises ? Des créatures que ceux du dessus chassent à vue. N’est-ce pas justice que lorsqu’un visiteur imprudent s’aventure
porter
dans nos sombres galeries, elles décident de rendre coup pour coup ? Échaudées qu’elles sont, n’est-il pas naturel de les voir
le premier coup ?
Je sais ce que tu as entendu concernant ces lieux, mon aimée. Mais je te le demande : necôtés, t’inquiète pas pour moi. À l’heure où
j’écris ces mots, je suis entouré de mes serviteurs les plus fidèles. D’autres ont déserté mespensent que les lâches, les traîtres, les oppor-
tunistes, afin de rallier des cavernes plus radieuses à leurs yeux. Qu’ils se trompent… Ils inhospitalierd’autres leur offriront une vie
meilleure. Mais ils n’ont pas compris. Peu m’importe, ce lieu que d’aucuns décriraient comme est ma demeure désormais.
lieu de connaissances et de mystères.
Je sais la peur qu’inspire le Cloaque. Mais c’est en réalité un lieu rempli de merveilles. Undédale,
terrible
Je ne te ferai pas l’affront de te mentir : oui, ils ont raison de dire qu’il s’agit d’un par le monde, digne des jardins labyrinthiques
les plus retors de Nashtus, dit le Sphinx, qui a déjà œuvré à rendre fou plus d’un noble de comme tu l’as certainement
déjà entendu dire.
Il est tout aussi vrai que l’on peut y croiser de multiples dangers, au détour des couloirs et des boyaux qui le constituent. Mais qui
a appris à le parcourir sait aussi se prémunir de ces derniers, comme j’ai pu le faire. Depuis le temps que j’arpente ces lieux,
j’en ai découvert toute la richesse et la diversité. Et dans l’infini de ses galeries se cachent des trésors de savoirs oubliés que même
les plus érudits des doctes de la surface nous envient.
Ton aimé, éternel. T 

370du Cloaque, par Tania, trônant désormais au

Vision
coeur du Palais de l'Empereur Démon.

Ma tendre Ludmilla,
Je me languis de te revoir. Les choses
sont en train de changer, sous la ville
comme dans la cité. Non, je ne suis pas
mourant, ne t’en fais pas.
Parcourir les allées de ce territoire mal
aimé m’a appris bien des choses. Et je
fus étonné de voir comment certaines de
ces créatures, qui m’accueillaient autre-
fois à bras ouverts (façon de parler), me
reçoivent désormais toutes griffes dehors.
Je ne sais ce qu’il se passe, mais peut-
être mon absence fut-elle trop longue ?
Je t’avoue être dans le désarroi. Je
ne préfère pas encore m’avancer sur la
cause réelle de ces incommodantes dé-
couvertes. Je te demande la patience et
l’indulgence nécessaires à ce que j’en-
quête plus avant. Je ne te saurai pas en
sécurité avant de comprendre de quoi il
retourne. Mais je vais revenir, bientôt. Je
t’en fais la promesse.
Ton aimé, éternel. T 
Ma tendre Ludmilla,
Nous ne nous sommes pas vus depuis si longtemps. Malheureu sement il est difficile
pour moi de revenir à la surface en ce moment et deje tet’enretrou ver. Mais le temps
fais le serment.
viendra où tu pourras me rejoindre en ma demeure,
La situation n’est pas évidente ici. Ce royaume a beaureêtre un endroit merveil-
m’appartient et
leux, il en est qui ne cherchent qu’une chose : prend quececequiproje t était à ce
me nuire. Je n’avais malheureusement pas consciencepour quelques illuminés sans
point avancé. J’avoue ma faiblesse : je les ai pris habiles. Déjà une partie de
conscience. Mais force est de constater qu’ils ont été s ou de mes collaborateurs
mes amis s’est détournée de moi, certains de mes allié ont répandue à mon égard
me regardent l’air méfiant. La bile que ces malfaisants comploté
a semble-t-il fait son œuvre. Leur horrible Cour des miracles a bien
contre moi.
Je ne désire pas que quelque malheur puisse t’arriver. Je rassemble mes plus
encombre.
proches amis afin de m’assurer que ton voyage jusqu’ici se passe sans
N’imagine pas pour autant que la situation est catasettrophi que. Ce royaume est
immense. Il s’étend au-delà des frontières de la citéAh que c’est sans crainte que je
regrette les années
le parcours. Mais les choses sont en train de changer. gie, cepejendant , je n’échange-
d’avant où tout était plus simple ! Malgré cette nostal e toutes les année s de paix du
rais pas les mois que nous avons passés ensemble contr de régner en paix sans toi.
monde. Je préfère mener une guerre à tes côtés que
laquelle
Je ne m’avoue pas vaincu. Et sache qu’à jamais, tu seras la force dans
je puiserai ma résolution sans faille. »
Ton aimé, éternel. T 
Lettres retrouvées par Watger von Barkë, père de Ludmilla von Barkë, riche
marchand de la Prospérité, après la seconde disparition de sa fille.
Le Cloaque 371
 21
1 Antélith, la première strate du Cloaque 21
8 Le Royaume des chaines

21
2 Les mines du Dragon 21
9 Les Enfants de Mordh

21
3 Acqueduc perdu 21
10 La Cité sans âme

21
4 Le Grand Marché 21
11 Le Matriarcat des Algues

21
5 Les mines puantes NB : Bien évidemment, ce plan est absolument incomplet.
Nul ne saurait cartographier avec précision le Cloaque et on y
trouve beaucoup d'autres lieux, pour certains enfouis encore
21
6 Temple de la Taupe plus loin...

21
7 Clan de Szvassmss

21
2 21
1

21
4
21
5
21
3
21
6
21
7

21
11

21
9 21
10
8
21

372
 Journal d’exploration
Jour 1. Nous y voilà. Les hommes ont été recrutés par maître
Ménéas, et nous sommes fin prêts à nous aventurer dans ce
lieu maudit et craint de tous : le Cloaque. Nous serons une
dizaine, dont deux félys et le reste de mes congénères, et j’ai
confiance : nous allons explorer ce lieu et démontrer à tous
que les rumeurs sont grandement exagérées. Surl, l’érudit qui
nous a vendu son plan, nous a garanti que nous arriverions
en un lieu sacré en quelques jours seulement, où nous trou-
verons la sainte relique que nous recherchons : la phalange
perdue de saint Hammad.
Jour 2. Voilà deux jours que nous marchons dans les cou-
loirs étroits du Cloaque. Je comprends le sentiment de ceux
qui parlent de lieu maudit. En effet, la succession de couloirs
et de galeries, ainsi que les égouts que nous avons traversés
nous font subir un terrible sentiment d’oppression. Mais nous
sommes tous hardis. Nous ne nous laisserons pas décourager.
Jour 5. Voilà plusieurs jours que je n’ai pas écrit. Alors
que nous avancions dans des couloirs étrangement maçon-
nés, nous aperçûmes des symboles étranges gravés sur les
murs. Rapidement nous trouvâmes des crânes : de rongeurs
d’abord, puis humains. Quand nos félys revinrent, ils nous
annoncèrent la terrible nouvelle : nous étions sur le territoire
d’une bande de goules. Pourtant le plan ne les mentionnait
pas. Il nous a fallu contourner leur secteur avant de trouver
le passage mentionné par Surl.
Jour 6. Nous sommes descendus plus profond, comme prévu.
Le décor a changé. Là où, plus proche de la surface, nous
parcourions des couloirs maçonnés, désormais nous arpentons
souvent des galeries naturelles. Ou des galeries étayées,
comme si nous avions traversé une mine. Jundor, le plus jeune
de nos combattants, est d’ailleurs passé à travers une série
de planches pourries. Sa chute a été terrible et il nous a
été impossible de récupérer son corps. Nous ne sommes plus
que neuf désormais.
Jour 8. Notre périple continue. Certains des tunnels indi-
qués sur la carte de Surl se sont effondrés et il nous a fallu
rebrousser chemin à trois reprises aujourd’hui afin de les
contourner. Déjà certains hommes murmurent que nous sommes
perdus. Je ne suis pas rassurée.
Jour 9. Au réveil, les deux félys avaient disparu. « Ne
faites pas plus confiance à un félys pour tenir ses promesses
qu’à un chat pour ne pas chiper votre viande » m’avait-on
dit. J’aurais dû les écouter. Maudits soient-ils !
Journal de Grundila Doctepierre, érudite et exploratrice à ses heures.
Il fut retrouvé dans une maison abandonnée de la Chaussée du lac
Jour 12. Nous avons trouvé le corps des félys aujourd’hui.
Dévorés. Par quoi ? Impossible à dire, mais la créature les
a déchiquetés, laissant tous leurs effets personnels là, à
même le sol. Certains hommes parlent de rebrousser chemin.
Ce n’est pas encore le moment.
Jour 17. Nous ne sommes plus que trois. Nous avons été sur-
pris par d’étranges créatures au contact desquelles tous les
équipements métalliques de mes camardes se transformaient
en rouille. Le combat a été un massacre et la quasi-totalité
de notre compagnie a disparu. Je suis indemne, Karik est
blessé, Rudin aussi. Nous avons décidé de rebrousser che-
min, mais impossible de retrouver les voies que nous avons
empruntées à l’aller.
Jours 25. Mes deux compagnons étaient joyeux, avant.
Ils sont devenus étrangement froids et silencieux. Cela fait
deux jours qu’ils me regardent d’un air étrange.
Jour 31. Karik et Rudin sont morts. Je n’ai pas eu le
choix. Nous manquions de nourriture. Ils me regardaient la
bave aux lèvres. Je n’ai pas eu le choix.
Jour 37. Ce matin j’ai entendu des voix. Je les suis. Des
chants. Un temple ? Peut-être.
Jour 38. J’ai trouvé une salle. Plusieurs hommes chantaient
des litanies obscures dans une langue que je ne comprenais
pas. Je les ai vus arracher le cœur d’un humain attaché
sur leur autel. J’ai fui. J’espère qu’ils ne m’ont pas entendue.
Jour… Je ne sais plus quel jour nous sommes. J’ai perdu
mon paquetage. Mais j’ai trouvé de l’eau souillée. Une sortie
peut-être, au bout ?
Longtemps après… Je n’arrive plus à me reposer. J’ai re-
monté l’eau jusqu’à un nid de choses voraces et amphi-
bies. Un mélange d’hommes et de lézards. Ils m’ont mordue
jusqu’au sang. Je leur ai échappé en me laissant entraîner
par le courant.
Jour… je ne sais plus. J’ai mal. La blessure s’est infectée.
Je mange des champignons mais… je crois qu’ils ne sont pas
vraiment comestibles. J’ai si faim.
Lumière. J’ai retrouvé la surface. Je ne sais pas comment.
J’ai mal. J’écris ces lignes difficilement. Mais ce journal…
c’est tout ce qui me reste. Combien de temps là-dessous ?
Je ne peux le dire. Je suis fatiguée. Je vais dormir un peu.
Je sens l’air frais venu du lac sur mon visage. Je respire de
nouveau. Je suis fatiguée…
Le Cloaque 373
 Une aventure en solo
Dans la cour des grands
Plutôt que de découvrir en spectateur le dédale du Cloaque, nous vous proposons de vivre cette aventure en direct. Ici, pas
de règles ni de dés, juste des choix à faire en fin de paragraphe. Et bonne chance ! Vous en aurez besoin…
Le 3 sélénia de douce vie. Taberge itinérante de la Glotte
qui pend, troisième strate du Cloaque.
« T’es prêt à faire tes preuves, Teud ? »
L’homme qui te fait face n’est autre qu’Ath Phirun, un
illustre prospecteur des Fils du dessous. Sa face brûlée, sa
voix impitoyable et ses talents inégalables ont fait de lui
une figure crainte et respectée de la guilde. C’est Ath en
personne qui t’a repéré enfant. Et aujourd’hui, c’est TON
jour. Tu n’as que 13 ans, mais il te confie déjà la lourde tâche
de mettre la main sur une relique que l’empereur-démon
garde dans une de ses forteresses. Rien que ça ! Pourquoi
toi ? Tu n’en sais rien, mais Ath croit en toi et tu n’as pas en-
vie de le décevoir !
« Oui, Ath, j’te promets !
– Pass’voir Grassiotte, un raclant d’la première strate.
T’sais, les racleurs ç’gagne pas un poil d’ookhab à frotter
les couloirs du Chariot qui monte, alors y bossent pour
nous, discrets. Ce s’ra ton guide jusqu’à la fort’resse près
de l’Aq’duc perdu, côté sud. Une fois d’dans, trouve le cof-
fret marqué d’la rose. Grass’ va t’amener au Grand Marché
avant, faut qu’tu vois Heng, il t’filera un miroir pour entrer
chez l’Vieux. Il vient d’le récup’. Allez, casse-toi. Et rends-
moi fier, p’tit ! »
Un signe de la tête et te voilà parti, équipé d’une dague et
de 50 lithals pour payer Heng. Tu dois être discret et rapide !
1 myriade d’espèces humanoïdes, dont la plupart seraient
Tu remontes les passages étouffants qui te séparent de
la surface, la boule au ventre. Bien que tu sois là depuis des
mois, certaines silhouettes continuent à t’horrifier. Tu n’es
plus très loin des couloirs de service du Chariot qui monte.
Encore deux coudes et tu devrais arriver dans l’annexe dé-
saffectée où les racleurs véreux rencontrent les Fils du des-
sous. Soudain, un terrible grognement résonne à quelques
mètres devant toi, là où tu t’apprêtes à tourner. Tu recules
de quelques pas. Ton cœur s’emballe. Des grattements, des
reniflements… la bête qui se terre là t’a senti ! La lumière
des champignons luminescents fait apparaître une ombre
canine et massive au museau allongé. Tu dois réagir tout de
suite ou il sera trop tard.
Δ Tu fuis à l’opposé de l’annexe à toute vitesse. (13)
Δ Tu sors ta dague, prêt à faire face à la créature. (22)
2 Δ Tu entres dans l’échoppe. (24)
Tu avances dans le couloir, suivi de Htoll. Malgré le bruit
de vos pas, tu perçois des voix au loin. Tu franchis un coude
374
et te retrouves face à une dizaine de silhouettes encapu-
chonnées récitant des litanies. Ils s’interrompent et te re-
gardent avec insistance. « Il nous manquait un enfant pour
notre rituel ce soir », dit calmement l’elfe noir, avant de
poursuivre « Et sois rassuré, je tiendrai ma promesse. Une
fois changé en mort-vivant, tu iras chez Trevelian, comme
convenu. » Paniqué, tu essaies de t’enfuir. Mais à peine ton
mouvement amorcé, une incantation te cloue sur place. Tu
reconnais à ce moment-là le symbole du prêtre qui te fait
face… Tu comprends qu’ils se rendent au temple de la Taupe
et que tu les accompagnes désormais… Ton aventure s’ar-
rête là.
3
Tu pousses une porte gonflée par l’humidité. Elle s’ouvre
sur une salle de garde poussiéreuse. L’odeur te pique les na-
rines, un mélange d’humidité, de moisissures et de poils de
chien. « Teud ? Pas trop tôt, j’allais repartir. » Alors que tu
allais bafouiller des excuses, tu te reprends : « T’as été payé,
non ? Alors ferme-la et conduis-moi voir Heng. T’es payé
pour ça, pas pour parler, maroufle ! » Grass’ maugrée et te
jette un « suis-moi » de mauvaise grâce. Vous parcourez en-
semble un dédale de couloirs désaffectés et de raccourcis
dont tu ne soupçonnais pas l’existence. Après avoir évité
de justesse une ombre cornue, vous débouchez sur un gi-
gantesque puits : une des entrées du Grand Marché ! Une
véritable ville s’active à vos pieds. Elle est peuplée d’une
pourchassées en surface. « Comment on va trouver Heng
dans ce fatras ? », te laisses-tu à penser. « Paraît qu’c’est les
elfes de sang qu’ont bâti le Marché. Laelith existait à peine
qu’on m’a dit. ‘Fin, me perds pas » te conseille Grass’ en
s’enfonçant dans la foule. Tu uses de toute ton agilité pour
ne pas le lâcher d’une coudée, alors qu’il enchaîne corridors,
escaliers et passerelles, le tout inondé d’étals. Il s’arrête en-
fin devant une échoppe où deux kobolds discutent. « Heng
est là » te dit-il en te désignant les créatures du doigt. « Ma
besogne est faite, démerde-toi, je rentre pas », conclue
Grass’ en tournant les talons. Des kobolds ! Heng est un
kobold… Tu t’étais persuadé qu’il s’agirait d’un vieil homme
décrépit au fond d’une arrière-boutique sinistre. Tu n’as pas
le temps de t’avancer qu’aussitôt Grass’ parti, un elfe de
sang s’approche et te susurre : « Tu veux entrer plus vite et
moins cher chez Trevelian ? Je ne demande qu’un petit ser-
vice en échange. Suis-moi, tu ne seras pas déçu. »
Δ Tu suis l’elfe de sang qui paraît plus engageant que le
kobold. (18)
 4 9
Tu tentes de ramasser ton arme, mais l’homme lâche son
molosse qui t’attrape à la gorge. Tu essaies de t’échapper
de l’étreinte… trop tard. L’animal resserre ses mâchoires.
« Bouffe-le ! » entends-tu, tandis que les crocs s’enfoncent
dans ta trachée. Dans un dernier sursaut de vie, tu crois
pouvoir t’échapper alors que la bête ouvre sa gueule pour
assurer sa prise à nouveau. Mais tu es trop lent et elle trop
rapide. Elle revient à la charge et s’acharne sur toi alors que
tu es à terre. Ton aventure finit là, dans une mare de sang au
fond des couloirs du Chariot qui monte.
5
« J’suis déçu, Teud. Déçu. T’as pensé au miroir, bien. Mais
t’peux pas engager la parole d’la guilde com’ça. T’peux
pas… Si on a des dettes partout, on fait comment ? ‘Fin, y
a pas d’relique. T’es pas chez Trevelian. C’qu’une vieille cre-
vasse. Tout ça, c’tait un test. J’vais t’laisser dans les p’tits
yeux encore une paire d’ans. Dommage. » Tu comprends
que ta mission vient de prendre fin et que tu as échoué
quand Ath tourne les talons sans ajouter un mot… « T’y
étais presque », lance-t-il en disparaissant.
6 le couloir et la deuxième porte, Grass’ t’attend. »
En t’approchant, tu as l’étrange impression que cette fis-
sure dans la falaise est récente, que quelqu’un l’a élargie. Les
hommes de Trevelian ? Qu’importe, c’est là. Le passage est
étroit et tu t’écorches le dos en forçant entre deux arêtes ro-
cheuses. Tu sens que tu te rapproches du but. Tu es galvanisé
et effrayé à la fois. Tu débouches dans une large crevasse,
l’entrée de la forteresse ! Tu avances dans une semi-obscu-
rité, un peu à tâtons. Tu pestes de ne pas avoir pris de lan-
terne. La crevasse s’élargit et de la lumière y entre depuis
une fissure à quelques mètres de hauteur. Tu entends le flot
d’un torrent résonner quelques centaines de mètres plus
bas. Est-ce l’Inlam ? Un de ses bras souterrains ? Il te semble
avoir entendu que ce vieil aqueduc contourne la Faille. Cette
lumière providentielle te laisse voir deux ouvertures dans
une paroi. Deux entrées pour la forteresse s’offrent à toi.
Δ Tu prends celle de droite. (20)
Δ Tu prends celle de gauche. (23)
7 continue à hurler à une vingtaine de mètres derrière toi.
Ne regarde pas le paragraphe d’à côté, tricheur !
8 (9)
Le miroir, bien sûr ! Tu as failli oublier. Tu sors délicate-
ment l’objet de son tissu et regardes les deux entrées avec.
Aucune différence. Tu forces ta vue. Toujours rien. Saleté de
kobold, il t’a trompé ! Tu as envie de hurler, mais si près de la
tanière de Trevelian, tu serres les dents. Tant pis, tu n’as pas
le choix, tu ne peux plus reculer. Il te faut entrer dans la for-
teresse, même à y laisser ta vie. Tu ne dois pas décevoir Ath.
Δ Comme par instinct, tu te décides pour le couloir de
droite. (31)
Après de longues foulées, tu t’arrêtes pour reprendre
ton souffle. Tu as distancé la créature… Quelques minutes
s’écoulent quand une voix retentit. « J’me suis trompé sur
toi… » Tu reconnais immédiatement la voix. Ath sort de l’obs-
curité. « J’t’observais de loin pour être sûr qui n’t’arrive rien,
j’pensais pas t’voir fuir au premier chien-fouisseur. Les Fils
du d’ssous n’ont rien à faire d’un trouillard comme toi ! J’te
conseille d’quitter le Cloaque de suite s’tu veux pas qu’les net-
toyeurs s’occupent de toi. Adieu p’tit ! » Ébaubi, tu n’as pas le
temps d’ouvrir la bouche qu’Ath disparaît dans le noir, avec
ton espoir de rejoindre la guilde. Ton aventure s’arrête là.
10
« Yokl ! » crie-t-il pour interpeller l’autre kobold. Ils
échangent dans une langue écœurante, pleine de bave et
de jappements. « Yokl mène twa », finit-il par dire en se re-
tournant vers toi.
Δ Rends-toi au (16).
11
« Ça ira ce coup-ci » répond le garde, tandis que tu donnes
l’argent (retire-les de ta bourse). « Bien sage, petit ! Prends
Δ Sans plus parler, tu files au rendez-vous. (3)
12
Tu enjambes le parapet de la canalisation et tu t’avances
lentement. Un vent violent souffle au cœur de la crevasse et
il te déséquilibre plusieurs fois.
Δ Tu n’es pas rassuré et tu reviens vers la fissure dans la
paroi. (6)
Δ Tu continues. (32)
13
Tu tournes les talons et te précipites dans un couloir laté-
ral qui conduit vers la surface. Mais alors que tes enjambées
t’éloignent de la zone dangereuse, tu repenses à Ath. Tu vois
son regard paternel, son air assuré. Tu sens sa présence sur
tes épaules. Que va-t-il penser de toi si tu t’enfuis à la moindre
alerte ? Tu ralentis… La bête ne t’a pas poursuivi, mais elle
Δ Tu te ressaisis et retournes l’affronter. (22)
Δ Tu préfères prendre de la distance et revenir plus tard.
14
Heng jappe et peste, puis se calme soudain. « Donne ! » dit-
il en attrapant les 40 lithals. Il te jette le miroir et te crie de par-
tir. Ses remontrances dans une langue inconnue continuent,
tandis que tu sors de l’échoppe. Par contre, avec Grass’ parti,
tu ne sais pas comment atteindre la forteresse près de l’Aque-
duc perdu. Tu tournes en rond… La Cour des miracles ! Tu as
entendu dire qu’ils détestent Trevelian, ils pourront t’aider.
Le Cloaque 375
 Δ Tu essaies de trouver un membre de la Cour. (30)
Δ Tu te rends à l’Aqueduc perdu, espérant trouver sur
place. (33)
15
Le garde blêmit. « Je… je te… t-te testais, petit… » Sa
voix chevrotante traduit sa panique soudaine. « Grass’ t’at-
tend par là, suis le couloir et prends la deuxième porte. Dis
bien aux Fils que je suis de confiance, hein ? Tu leur diras ?
Hein ? » Tu lui jettes un regard tranchant.
Δ Sans mot dire, tu files vers la porte, fier d’avoir mouché
un garde. (3)
16
La créature bondit hors de l’échoppe et se faufile à vive al-
lure grâce à sa petite taille. Tu as du mal à la suivre, mais sitôt
le marché quitté, tu as l’impression de suivre une vieille dame
fatiguée. Tu serais bien incapable d’ailleurs de dire si c’est une
femelle ou un mâle. Le trajet te semble interminable et tu n’as
aucune envie d’engager la conversation. Tu te mets à penser
à la surface. Si les Laelithiens savaient qu’ici, un gamin et un
kobold sont des alliés de circonstances… « Ce sont eux les bar-
bares, au fond ! » Ton attention revient sur ta mission quand
Yokl aboie « là ! » en te montrant une fissure dans la roche,
juste avant l’aqueduc. Tu te retournes pour le remercier, mais
il a disparu. « Bizarre, cette bestiole » dis-tu à voix haute.
Δ Tu te glisses dans la fissure. (6)
Δ Tu cherches un autre chemin. (19)
17
« J’suis déçu, Teud. Déçu. T’écoutes pas c’qu’on t’dit. Et
l’miroir, t’l’as acheté pour t’peigner la barbe ? On m’avait dit
« l’est pas prêt, ton protégé », mais j’voulais croire en toi.
Déçu. Y a pas d’relique. T’es pas chez Trevelian. C’qu’une
vieille crevasse. Tout ça, c’tait un test. J’vais t’laisser dans
les p’tits yeux encore une paire d’ans. Dommage. » Tu
comprends que ta mission vient de prendre fin et que tu as
échoué quand Ath tourne les talons sans ajouter un mot…
18
L’elfe emprunte un couloir. Tu jettes un dernier coup d’œil
derrière toi, puis tu t’engouffres à sa suite. La clameur du
Grand Marché s’éloigne. « Rassure-toi, tu vas pouvoir en-
trer chez Trevelian facilement, j’ai un déguisement parfait. Il
ne me faut qu’un peu de ton temps, mais ce sera rapide. Je
me nomme Htoll. » L’elfe de sang t’indique alors un tunnel :
« C’est par là, je vais te présenter à des ennemis de Trevelian. »
Δ Pris d’un doute soudain, tu pars en courant et tu re-
tournes voir Heng. (24)
Δ Tu t’avances dans le tunnel. (2)
19
Tu es face au côté sud de l’aqueduc. Il est immense et
commence dans une vaste caverne. Plus loin, il enjambe une
crevasse où coulait jadis une rivière. Est-ce un bras mort de
376
l’Inlam ? Mais aucune trace de bassin ni de cours d’eau au ni-
veau de la canalisation où tu te tiens. Ceux qui l’ont construit
devaient avoir une drôle d’idée en tête. Tu redoubles de pru-
dence, même si tu as entendu dire que le village de trolls qui
habitent les lieux est situé à côté de la crevasse, en contre-
bas. D’ailleurs, un de tes pas échoue dans un tas verdâtre
et nauséabond qui confirme la présence de ces créatures…
Étonnamment, pas le moindre bruit à part celui du torrent en
contrebas. Le seul passage visible est une fissure de la taille
d’un homme dans la paroi de la caverne. Ce serait une étrange
porte. Toutefois, les rumeurs disent que l’entrée des forte-
resses de Trevelian se dissimule dans des endroits anodins…
Δ Tu décides de t’y glisser. (6)
Δ Tu te dis que l’entrée est sûrement de l’autre côté de la
crevasse, au nord, et tu traverses l’aqueduc. (12)
20
Δ Rends-toi au (31).
21
Heng attrape la bourse et te tend le miroir. Tu allais partir,
mais tu te rappelles que Grass’ est parti et que tu ne sais pas
où se situe l’entrée de la forteresse. « Connais-tu quelqu’un
pour me conduire à l’entrée ? » t’aventures-tu à demander.
Le reptile te regarde froidement, comme s’il prenait un
temps de réflexion, avant de te répondre : « Fils dessous
dette Dragons, accord ? »
Δ Tu refuses d’engager ta guilde et tu te rends à l’Aqueduc
perdu en espérant le trouver seul. (33)
Δ Tu acquiesces de la tête. (10)
22
La main serrée sur le manche de ta dague, tu t’avances
sans bruit. Même si la chose a senti ta présence, tu dois
pouvoir la surprendre et lui enfoncer ta lame dans sa gorge
avant qu’elle ne réagisse. La bête renifle, elle est à moins
d’un mètre de toi, juste après le coude. Tu bandes tes mus-
cles, prêt à jaillir. Tu sens ton pouls marteler tes tempes.
Soudain, une main se pose à l’angle du mur, une main lourde
et poilue, abîmée. « Qui est là ? » lance un homme portant
les couleurs du contingent de ville, alors qu’il passe le coude.
Il tient en laisse un énorme chien au museau de taupe. Tu
recules, surpris. La bête fait mine d’avancer, mais son maître
resserre l’étreinte sur la laisse. Elle grogne et montre ses
crocs. Un filet de bave mêlée de terre s’écoule de sa gueule.
Δ Tu attaques l’homme et son animal. (27)
Δ Tu jettes ton arme et expliques que tu es là pour Grass’.
(29)
23
Δ Rends-toi au (31).
24
Hésitant, tu t’approches de l’échoppe. Quelle langue
parlent ces bêtes-là ? Aucune idée et c’est bien pour ça
que Grass’ devait t’accompagner, ce lâche ! Tu n’as plus
le choix. Encore quelques pas. Les deux reptiles te dé-
visagent comme de la viande fraîche. « Je… viens… voir
Heng », murmures-tu la bouche sèche. Alors que tu les au-
rais égorgés sans frémir, leur parler est glaçant. « S’mwa,
kwa veu ? Kwa donne ? » aboie l’un d’eux. Discrètement, tu
dévoiles ton poignet tatoué du symbole de ta guilde. Heng
te sonde quelques secondes, puis te fait signe d’entrer. Il
déroule un linge et te montre un miroir sans éclat. Le ko-
bold baragouine quelques indications accompagnées de
mimes : « Kan twa dvant lé pluzieurs entré, rgarde entré vec
mirwar pour war quel twa prendr. » Il tend ensuite la main
« Donne ! » [Quand tu décides d’utiliser le miroir, ajoute 5
au numéro de paragraphe que tu choisis]
Δ Tu donnes les 50 lithals prévus. (21)
Δ Tu n’as que 40 lithals. (14)
25
Δ Rends-toi au (8).
26
« Bravo, Teud. Bravo ! T’as déjoué tous mes pièges. Y a
pas d’relique, t’as dû comprendre. T’es pas chez Trevelian.
C’qu’une vieille crevasse. Tout ça, c’tait un test. T’crois pas
qu’on allait t’envoyer chez l’Vieux com’ça ? ! N’est pas des
sauvages ! » Ath éclate de rire. « Mais, d’main, à l’aube, sois
au QG. C’pour ta vraie mission, la bonne c’te fois ! Et sois
pas en r’tard ! » Il te donne une tape dans le dos avant de
s’éloigner en se congratulant d’avoir eu raison à ton sujet.
D’abord stupéfait, tu comprends que tu viens de faire tes
preuves et qu’une belle carrière s’offre à toi ! Félicitations !
27
Ni une ni deux, tu plonges ta lame vers la gorge de l’ani-
mal. Raté. Il bondit sur le côté et évite facilement ton at-
taque. Il est bien plus rapide que tu ne le pensais et ses mâ-
choires se referment sur ton bras avant même que tu n’aies
pu reculer. Immédiatement, le garde tire sur la laisse et la
bête desserre son étreinte, mais la douleur te fait lâcher ton
arme qui tombe à quelques pas devant toi. « Rends-toi, fot
en cul ! » t’invective le garde.
Δ Tu continues à te battre. (4)
Δ Tu lèves les mains et expliques que tu es là pour Grass’.
(29)
28
Δ Rends-toi au (8).
29
Le garde te toise de haut en bas. Il tire sur la laisse et ra-
mène sa bête à ses pieds. Elle continue à grogner quelques
secondes puis se met à renifler le sol. Le garde finit par
rompre le silence interminable : « Ah, fallait le dire ! Les gre-
dins pullulent par ici, quand c’est pas pire. Alors comme ça,
c’est toi qu’ils envoient pour Grassiotte. T’as pas l’air bien
épais. Par contre, va falloir raquer, bouseux. T’as quoi à don-
ner ? » Que réponds-tu ?
Δ « 10 lithals, je n’ai que ça. », te demandant si tu ne pro-
poses pas trop. (11)
Δ « Tu négocies avec moi, alors que les Fils du dessous
t’ont déjà payé ? », lui envoies-tu tout en forçant ton
aplomb. (15)
30
Tu vas et viens dans les douze étages du Grand Marché,
utilisant tout ton art du renseignement, mais ta recherche
reste vaine. Ce que l’on dit sur la Cour serait vrai. C’est elle
qui te trouve, pas l’inverse. Tu remarques toutefois une sil-
houette familière à plusieurs reprises, sans arriver à mettre
un nom dessus. C’est lorsqu’elle se décide à sortir d’une
traverse que tu la reconnais… Ath ! « Eh bien, p’tit, t’fais
d’ces foins. Y a bien qu’Nin Ier qu’soit pas au courant d’ce
qu’tu cherch’… T’es tenace, sûr. Mais j’crois qu’t’es pas prêt.
J’vais t’laisser chez les p’tits yeux encore une paire d’ans.
Dommage. » Tu comprends que ta mission vient de prendre
fin et que tu as échoué…
31
Tu avances dans la pénombre du passage. Tu sens la
présence d’une créature puissante à proximité, tu sens
son souffle qui inonde jusqu’à l’extérieur de son antre.
Quelqu’un t’observe déjà. Il a dû avoir vent de ta venue…
Tu continues. Tu es sûr de n’être pas seul : « Qui est là ? »,
cries-tu alors que ton cœur s’emballe. « C’est qu’moi. » C’est
la voix d’Ath ! Que fait-il là ?
Δ Si tu viens de (20) ou (23), va en (17).
Δ Si tu viens de (8) : si tu as demandé à Heng de t’aider et
que tu as engagé la guilde, va en (5), sinon en (26).
32
Persévérant… Malheureusement pour toi, une puissante
rafale te frappe alors que tu es à mi-chemin. Tu te rattrapes
in extremis au parapet et te retrouves pendu dans le vide par
une main. Tes doigts glissent sous la force du vent. Tu vas
lâcher quand soudain, une main t’agrippe le poignet. Ath ! Il
te hisse à l’abri. « J’suis déçu, Teud. T’allais où com’ça ? J’t’ai
dit l’aqueduc, pas d’l’autre côté… Tout ça, c’tait un test.
T’as foiré, dommage. » Tu comprends que ta mission vient
de prendre fin quand Ath tourne les talons sans ajouter un
mot, te laissant abasourdi sur l’aqueduc…
33
De ce que l’on t’a dit, l’aqueduc est quelque part entre le
Grand Marché et la tanière des gobelins blancs. Tu connais
ces derniers pour avoir eu maille à partir avec l’un d’eux et tu
arrives à te repérer facilement dans la zone. Après quelques
fausses routes, tu réussis à trouver ce que tu cherches ! Tu es
au pied d’une immense pile de pont. Tu sais que si tu conti-
nues à ce niveau-là, tu vas tomber sur un village de trolls un
peu plus loin. Peu de chance que tu y survives…
Δ Un chemin te permet d’accéder à l’étage du pont. (19)
Le Cloaque 377
 Vue d’ensemble

Les ruines d'une cité sous la cité,

témoignage du passé de Laelith
Itinéraire (dé)conseillé
Certains parlent du Cloaque comme de
la septième terrasse. Cette appellation est
trompeuse pour qui ne connaît pas vraiment
la Ville sainte. À entendre certains érudits, il
s’agirait en réalité d’une empreinte en négatif
de Laelith, une cité sous la cité.
On dit que presque tous les bâtiments de la
ville communiquent, d’une manière ou d’une
autre, avec le Cloaque. Que cela soit vrai ou
non, force est de constater que l’on peut y pé-
nétrer de bien des façons, depuis des portes ou
des trappes scellées dans les caves de certaines
maisons, jusqu’à des accès cachés au cœur des
puits… Les passages semblent aussi nombreux
que les habitants.

Sous les pavés…

N’écoutez pas ceux qui prétendent que le
Cloaque se trouve dans Laelith. Il n’est pas
plus en son sein qu’il n’en est aux abords.
Non, le Cloaque se trouve sous la Ville sainte.
Il s’agit en réalité d’un réseau de passages et
de cavernes labyrinthique qui s’étend sous
toute la cité, jusqu’à des profondeurs, dit-on,
abyssales… Même si personne n’est jamais
remonté des zones les plus lointaines pour en
parler. Ses couloirs sont infestés de créatures
étranges et dangereuses, ou, au mieux, ils sont
habités par les pires rebuts de la société lae-
lithienne. En tout cas, voilà l’idée que s’en font
la très grande majorité des habitants et la qua-
si-totalité des visiteurs.
En réalité tout n’est pas aussi simple (ou
simpliste, diraient certains). Il est évidemment
faux de penser que les couloirs et les galeries
qui composent le Cloaque sont sûrs, et encore
plus faux de dire qu’il est facile de s’y repérer.
Mais ce n’est pas un simple labyrinthe géant. Il
se compose d’une série de strates identifiables,
possédant chacune des passages les reliant
entre elles, et d’autres leur permettant d’accé-
der partout à la surface.
La première strate est la plus proche de la
surface. Le maître du Cloaque, connu de tous
sous le titre d’empereur-démon (Trevelian de
son petit nom), la nomme la première cité.

378
Cette appellation a été largement reprise, et
pour cause : elle ressemble à une ville sous
la ville. On y trouve des couloirs maçonnés,
des rues, des salles… Le tout est dans un état
déplorable et une partie des tunnels est dé-
sormais, au mieux instable, au pire totale-
ment effondrée. Il s’agit en réalité d’un réseau
d’égouts créé il y a longtemps quand Laelith
commençait à se développer. Ils étaient si
larges et massifs qu’une population marginale
vint s’y réfugier, les colonisa peu à peu, créant
alors salles et couloirs. Avant d’être abandon-
née aux pauvres, aux parias, aux malandrins et
aux sombres créatures, la strate fut longtemps
exploitée et entretenue. Des passages de ser-
vice y sont toujours présents, sécurisés aux
mieux par ceux chargés de l’entretien, comme
la fameuse brigade des racleurs qui entretient
les tunnels du Chariot qui monte. On y trouve
aussi des personnages atypiques, qu’ils soient
dangereux ou utiles.
Merhine (@@//5), par exemple, est une de-
mi-ogresse difforme à l’apparence hideuse et
effrayante, qui a créé un véritable commerce
en éduquant et dressant une compagnie de
trolls nains dont les services sont fort recher-
chés, à la fois dans le Cloaque et dans les bas-
fonds de la cité (et parfois même hors de la
cité).
Shlaghfgnha, ou Shlag pour la plupart des
gens (@@//3), est une guenaude aquatique
qui vit sous la Chaussée du lac. Elle use de
ses pouvoirs (et d’une troupe de serviteurs
humains qu’elle a envoûtés) afin de s’imposer
comme une figure importante de la contre-
bande d’objets précieux et de reliques perdues
(qu’elles soient vraies ou fausses) en ville, ainsi
que de composantes impies pour les adeptes
des Dieux les plus sombres, ou pour les pra-
tiquants de magies obscures. Elle tient régu-
lièrement un étal au Grand Marché (voir plus
loin).
Mais certains, s’ils vivent à la surface et y
font leur commerce, ont annexé une petite
partie du Cloaque pour leur usage. C’est le
cas des Fils du dessous, une guilde qui gère
l’attribution de la première strate du Cloaque
aux diverses organisations criminelles ou se-
crètes de Laelith. Ils auraient d’ailleurs négocié
la protection du Sanctuaire orphelin, un dis-
pensaire sous la Prospérité qui soigne les mal-
heureux vivant dans le Cloaque, et rafistole au
passage les blessés des Fils du dessous.
Et que dire de Shashma (@@@//5-15), un
dragon ancien vivant depuis bien trop long-
temps sous le Châtiment. Devenu fou, in-
capable de quitter les souterrains de cette
terrasse maudite (dont les caractéristiques
imprègnent jusqu’au Cloaque), il n’aspire plus
qu’à une chose : collectionner des statuettes
de pierre, espérant ainsi percer le secret des
Lithos. Prisonnier, il utilise sa magie pour
contacter de pauvres aventuriers afin qu’ils
lui rapportent toujours plus de statuettes et de
Lithos, en leur promettant une juteuse récom-
pense. Malheureusement, ils se retrouvent
pris dans la prison de Shashma, avant de finir
dans son estomac.
Enfin, il existe ce lieu dont personne ne
sait où il se trouve exactement : la Cour des
miracles. Menée par le Rougegorge. On dit
qu’elle est devenue en quelques années le cœur
du Cloaque. Certains murmurent qu’elle au-
rait pris tant d’importance que désormais,
elle dépasserait même en pouvoir le terrible
empereur-démon.
… les profondeurs
Les niveaux du Cloaque ne constituent pas
un simple millefeuille. Une fois la première
« couche » passée, les strates sont autant de
poches, de zones, de secteurs dont les cou-
loirs d’accès (à Laelith ou à l’extérieur) s’entre-
mêlent. Il faut d’ailleurs noter que le Cloaque
ne s’étend pas uniquement sous la ville, mais
que certaines strates se développent aussi sous
ses abords proches, au nord et au sud.
Les strates sont bien trop nombreuses
pour être toutes présentées. Mais parmi cette
multitude, voici les plus connues ou les plus
emblématiques.
La zone la plus connue du Cloaque, celle
dont tout le monde parle, depuis les salons
bourgeois jusqu’aux bas-fonds de la Ville
sainte, se nomme le Grand Marché (@@@//3-
20). Cette cité antédiluvienne a été investie il y
a plusieurs siècles par un clan d’elfes de sang
qui s’est emparé du pouvoir sous le règne de
Daciméréa, grande prêtresse de la Déesse ma-
léfique Liamatha aux Mille Toiles. C’est certai-
nement l’une des zones les plus sécurisées du
Cloaque. Le marché s’étale sur douze étages de
pierre façonnée par ce qui semble avoir été une
race de géants. On peut tout y trouver, depuis
des esclaves jusqu’aux victimes pour sacrifices,
Les champignons du
Cloaque I
Les champignons sont nombreux dans
le Cloaque et constituent bien souvent
une ressource alimentaire bienvenue
pour toute la population y vivant. Mais
il faut bien les connaître, car une erreur
peut vite tordre le plus costaud des
estomacs quand ce n’est pas entraîner
une paralysie, voire une mort lente ! Ils
peuvent être classés en quatre grandes
familles : les goûtus, les ombrelles, les
sombres et les criards.
Les goûtus ont la forme d’une goutte
d’eau à l’envers, hauts jusqu’à une
vingtaine de centimètres, présents
dans tout le Cloaque, ils sont pour la
plupart comestibles : les goûtus gris au
goût d’anis, les goûtus mous au corps
spongieux et aux saveurs de viande, les
goûtus marron-beige aux senteurs de
potée fade et qui servent plutôt à faire
des farines. Seuls les goûtus de couleurs
criardes sont à proscrire.
Les ombrelles ont la forme de leur nom,
font de 6 à 10 cm de haut et poussent
souvent près de ruines ou dans des lieux
peu fréquentés. Elles sont comestibles,
mais ont aussi des vertus médicinales,
comme les ombrelles à collerette qui
soignent les fièvres, la toux et apaisent
les douleurs. D’autres ont des vertus
soporifiques (ombrelles à anneaux),
vomitives (ombrelles à pied cornu),
purgatives (ombrelles bosselées), etc.
Les sombres ont un aspect gris foncé
presque noir et une forme de corne
d’abondance trompeuse. Hauts de 2 à
10 cm, on passe facilement à côté sans
les voir. C’est une espèce rare qui pousse
uniquement au fin fond du Cloaque,
dans les endroits plutôt froids et peu
ventilés. Ils sont dangereux si on ne les
fait pas bouillir (ils deviennent fades)
ou si on respire les spores qu’ils dégagent
quand on les cueille ou les transporte.
Les conséquences sont des difficultés
à respirer, l’impossibilité de crier ou
de faire le moindre effort, et la perte
de la vue pendant plusieurs jours ! Ces
champignons sont souvent utilisés par
des assassins ou autres personnes de
mauvaise réputation.
Le Cloaque 379
 Les forces à l’œuvre
dans le Cloaque
« Tout le monde murmure son nom,
ou plutôt son surnom, et nul ne semble
contester depuis une éternité (la
créature semblant être immortelle)
sa position de maître du Cloaque.
L’empereur-démon, que certains
connaissent sous le nom de Trevelian,
dirige cette zone impie de la cité. Toutes
les créatures et les sous-sociétés étranges
et malsaines qui l’occupent semblent lui
prêter allégeance. Pourtant, il n’a jamais
réussi à créer la cohésion sociale que l’on
connaît dans notre très sainte Laelith.
C’est peut-être pour cette raison que les
créatures du Cloaque n’ont pas encore
réussi à anéantir notre belle ville. Loués
en soient les Dieux et notre dirigeant
royal-divin ! Selon la rumeur (que nous
n’avons pu confirmer pour le moment),
l’empereur-démon possède un véritable
palais, caché dans les profondeurs du
Cloaque, depuis lequel il fomente ses
projets contre-nature.
Cependant, une nouvelle force monte,
que certains appellent la Cour des
miracles. Je la soupçonne de n’être
qu’une simple concurrente de cette
racaille des Fils du dessous. Il est
difficile aujourd’hui d’en déterminer
les objectifs, mais cette bande organisée
a tout d’un culte et nous avons déjà
retrouvé certains de ces membres dans
un tel état de béatitude que l’on peut
se demander s’ils n’ont pas été drogués.
La Cour semble prendre de plus en plus
d’importance, et déjà elle négocie des
collaborations avec diverses factions du
Cloaque.
Durant nos explorations, nous avons
découvert que plusieurs zones aupara-
vant tenues par des sbires de l’empe-
reur-démon étaient désormais occupées
par des alliés de la Cour des miracles.
Le nom de son dirigeant, le mystérieux
Rougegorge, revient de plus en plus
dans les conversations et certains de
ses hommes ont, dit-on, été croisés à la
surface.
Il semble évident que cette organisation
prépare ce qui ressemble à un coup
d’État sous la cité. Mais avec quelles
conséquences ? »
Rapport de Sasha Bellmas, antécutor
de l’unité 21 des antopographes dite Les
chercheurs de lumière
380
en passant par des reliques de contrebande,
des poisons interdits et des plantes inconnues,
ou encore des composantes pour des rituels
impies. La loi y est sévère : toute désobéis-
sance ou tout trouble y sont punis par une
mise immédiate en esclavage.
Certains connaissent la Mine du Dragon
(@@//3-7). Ce nom grandiloquent désigne le
territoire de la tribu kobold des dragons. Ses
membres négocient, avec la première strate ou
au Grand Marché, les reliques et objets qu’ils ex-
traient de la zone de ruines qu’ils occupent. On
dit qu’ils sont protégés par l’empereur-démon
et qu’ils gardent l’une des entrées de son palais.
L’Aqueduc perdu (@@//5-10) est une grotte
immense au centre de laquelle se trouve,
presque parfaitement conservé, un aqueduc
antique (laissant à penser qu’il fut construit à
l’air libre). Il s’arrête d’ailleurs près de la Faille,
au-dessus d’un bras souterrain désormais as-
séché de l’Inlam. Sous ce pont géant, c’est une
véritable ville de bric et de broc qui s’est déve-
loppée, uniquement peuplée de trolls, heureux
d’avoir trouvé une structure sous laquelle vivre
et dévorer leurs victimes chassées plus haut.
Loin dans les profondeurs de la terre, une
rivière de lave traverse une grotte. Au-dessus,
les nains sombres du clan Kolh-Teas ont
construit la cité de Kar-Damaz (@@@//7-15).
Grâce à leur magie, ils récoltent la lave et l’en-
ferment dans des réceptacles qu’ils revendent
aux autres habitants du Cloaque. On dit que
certains incendies en ville auraient été provo-
qués par ces bombes incandescentes.
Seuls ceux qui trouvent le chemin jusqu’à la
Cité sans âme (@@@//10-15) peuvent accéder
à cette ancienne nécropole. On la dit pleine de
richesses et de trésors sacrés, et qu’elle est ha-
bitée par des spectres et autres morts-vivants.
Certains disent même qu’il s’agit d’une armée
de non-vivants prête à déferler sur Laelith. Il
paraîtrait que certains passages permettent d’y
accéder depuis la terrasse du Châtiment.
On pourrait aussi parler des Réformés, ces
morts-vivants en cours de rédemption vivant
sous le Nuage ; du Matriarcat des Algues sous
le lac où une communauté de guenaudes main-
tient en servitude les pauvres hères ayant accep-
té leurs marchés ; de la strate des Mines puantes
où une tribu de gobelins blancs cannibales et
anthropophages a trouvé refuge ; du Royaume
des Chaînes situé dans les grottes souterraines
au nord de Laelith et régi par des esclavagistes
gnolls ; des Enfants de Mordh, la tribu orc tra-
vaillant au service de Daciméréa ; ou du clan de
Szvassmss, des hommes lézards illuminés vi-
vant sous les marais au sud. Les lieux et les êtres
du Cloaque sont innombrables, laissant la place
à toutes les créations personnelles.
Quelques lieux atypiques
L’aire de Je
Les personnes revenues de ce lieu étrange
sont si peu nombreuses qu’il est au mieux consi-
déré comme une légende. L’aire de Je (@@//10+)
est en réalité une immense salle naturelle, loin
sous la cité, où se dresse une curieuse tour an-
tédiluvienne, entourée par un village fait de bric
et de broc. Mais le plus étrange est que tous les
habitants, ainsi que les gardes et miliciens qui
patrouillent et sortent parfois de la tour, se res-
semblent. Ce sont tous des copies à l’identique
de Je, le maître incontesté de ce lieu.
Je détient un pouvoir terrible. Toute créature
intelligente mettant les pieds dans la salle com-
mence à entendre résonner, dans son esprit, le
rire de Je. Petit à petit, le rire se fait plus fréquent,
présent et puissant. Et au bout d’un à trois jours
(selon la résistance mentale de la créature), elle
devient irrémédiablement une copie exacte de
Je, et une partie de son collectif mental.
On ne connaît pas les buts de Je, mais ses co-
pies sont de plus en plus nombreuses. Certains
disent même les avoir vues à la surface, dans
la Cité sainte : contrebandiers, lames à louer,
ou même marchands aisés accédant aux fêtes
huppées… la rumeur se répand.
La maison à l’index
Il y a longtemps, Guldio Frand s’est pris de
passion pour les livres. Ce vieux gnome des
profondeurs, débonnaire et souriant (on a tou-
jours l’impression qu’il vous regarde comme
s’il allait vous dévorer), s’est spécialisé dans
l’acquisition d’ouvrages interdits et dangereux.
Ainsi, sa petite boutique (@//3+) dans le
Grand Marché contient des milliers de livres
impies. Ces derniers peuvent être consultés
sur place pour une somme substantielle, ou
achetés pour une somme bien plus importante.
Évidemment, tout voleur se retrouve confron-
té aux pièges magiques mis en place par le
propriétaire qui, sans en avoir l’air, s’avère être
un nécromancien d’une grande puissance. Les
quelques serviteurs à la chair pourrissante qui
apportent et emportent les livres sont cepen-
dant un indice clair des aptitudes de Guldio.
La taberge sans fenêtre
Sur la Main qui travaille, au fond d’une al-
lée sans nom, un escalier descend vers un re-
paire coincé entre la terrasse et le Cloaque.
Une unique porte ouvre sur un lieu aveugle :
la Taberge sans fenêtre (@@@//2+).
Elle accueille une clientèle interlope de
malandrins, de bandits, de contrebandiers,
de lames à louer ou de créatures intelligentes
issues des profondeurs. C’est un lieu d’une
neutralité totale où peuvent se rencontrer
8 8
8 3
ennemis et alliés, et où tout affrontement est
interdit.
À sa tête, Illida, à la jeunesse dit-on éternelle.
Personne ne sait qui elle est, ni d’où elle vient.
Mais elle s’assure toujours que nul n’enfreigne
les règles. Et Gord et Sord, un demi-ogre et un
demi-orc massifs, font en sorte qu’elles soient
respectées. Les contrevenants sont au mieux
jetés dehors, au pire ils disparaissent. Les deux
gros bras de la maison savent parfaitement
jouer de leur image de brutes. Ils sont cepen-
dant malins, diplomates, habiles à donner l’im-
pression qu’ils sont plus bêtes qu’ils ne sont en
réalité… Et surtout ils savent comment apaiser
la plupart des situations.
1
Graffiti
« En bas, le pouvoir des ténèbres ; en
haut, les ténèbres du pouvoir ! »
Ces mots ont été peints en rouge sur les
murs de plusieurs maisons et bâtiments
officiels de la Haute Terrasse, leur auteur
restant inconnu.
Choix machiavélique
« L’empereur-démon risque prochaine-
ment d’être détrôné par une mons-
truosité bien plus maline et perverse
que lui. Dans les profondeurs, son nom
est chuchoté et strate après strate tous
les habitants du Cloaque finissent par
lui prêter allégeance. Bientôt il nous
faudra faire un choix, mes frères. Rester
auprès de l’empereur-démon éternel
ou nous allier au nouveau seigneur des
Sous-strates ? »
Durt Ritzz, le chef drow, préparant son
discours à l’assemblée occulte

1
1 2 Taberge sans fenêtre
1 Salon privé

2 Cuisine

4 3 Cellier
8
4 Salle principale
Vers les salons des
5
non-morts, où se
croisent des morts-vi-
7
vants plus ou moins
1 intelligents
1 Vers les salons des
6 6
anthropophages,
proposant tout de qu'il
faut pour contenter ce
régime alimentaire
Vers les salles aux dan-
7
gers, copie conforme
du rez-de-chaussée
peuplées de créatures
1 1 trop dangereuses pour
être dans les salles
5

principales
8 Vers le Cloaque

Le Cloaque 381
 Un lieu
Le palais
Le Bounzill Express
Les gopneldauns Trafalgar, Gnoulf et
Farandol sont ravis de vous proposer
leur service de livraison de correspon-
dances. Leur magasin concurrence la
guilde du Courrier volant, jusqu’alors
détentrice d’un monopole sur le trafic
postal. Le Bounzill Express, comme
son nom l’indique, utilise des bounzills
pour livrer les messages aux particuliers.
Ces gros rats intelligents, compagnons
des gopneldauns depuis maintes années,
assurent la discrétion des transferts de
courrier en passant par les galeries amé-
nagées du Cloaque qu’ils empruntent
aisément. Initialement situé au 32 rue
de l’Arcade sur la Chaussée du lac, le
Bounzill Express (@@//3-5) a ouvert
récemment deux autres enseignes dans
Laelith, suite à l’essor de l’entreprise
(une sur la Prospérité au 25 de l’échelle
des Pierres ; l’autre sur la Main qui tra-
vaille, 4 rue des Charpentes). La guilde
du Courrier volant n’a pour le moment
pas trop de souci à se faire, étant donné
que le Bounzill Express n’effectue ses
livraisons qu’à Laelith (même si les trois
gopneldauns assurent pouvoir livrer
des messages jusqu’à Raghmar, la cité
naine des montagnes du Nord). De plus,
il semble que la clientèle s’interroge sur
le danger encouru par les rats dans les
égouts réputés dangereux même si, en
vérité, c’est certainement le moyen le
plus sûr et le plus discret pour trans-
mettre des informations au sein de la
Ville sainte. Farandol assure même que
ces braves bêtes ont un sixième sens très
aiguisé qui leur permet d’échapper aux
embuscades.
Les trois compères se targuent d’offrir
des prix très attrayants, bien plus que
ceux du Courrier volant. L’avenir nous
dira si cette nouvelle compagnie saura
rivaliser avec son concurrent en place
depuis bientôt six ans.
« De l’essor du trafic postal à Laelith » par
Aristide le Calcusier
382
de l’empereur-démon
Une résidence souterraine
Toute personne ayant séjourné suffisam-
ment longtemps à Laelith, et ayant fréquenté
assez de ses taberges, a entendu parler de l’em-
pereur-démon, le terrible maître du Cloaque,
ainsi que de son légendaire palais (@@//10+).
Mais toute personne ayant séjourné suffisam-
ment longtemps à Laelith a noté qu’il existait
autant de descriptions de ce lieu que de per-
sonnes prêtes à en parler. Cela confère, en
quelque sorte, une aura presque mythique au
lieu le plus étrange et le plus sombre de Laelith.
Ce que l’on appelle le « palais » de l’empe-
reur-démon est en réalité bien plus que cela.
Il s’agit d’un ensemble d’anciennes forteresses
souterraines construites en des temps im-
mémoriaux par des bâtisseurs dont on a au-
jourd’hui tout oublié. Il y a fort à parier que
ces lieux existaient déjà avant la fondation
même de la Ville sainte. Ces forteresses sont
enfouies loin sous le plateau où Laelith s’est
installée. Certaines sont sculptées à même la
roche dans d’immenses failles ou des cavernes
gigantesques, cachées sous des tonnes de
roche comme de véritables bunkers antiques,
simplement construites sur des pics isolés au
cœur de salles titanesques, ou sur des îles au
centre de lacs souterrains. Elles se situent à
différents niveaux de profondeur sous la cité.
Toutes ont été bâties par les mêmes architectes
mystérieux. Et nul, sauf Trevelian, l’empe-
reur-démon lui-même, ne sait combien il en
existe.
Des origines obscures
L’architecture du palais est des plus étranges.
Les murs sont constitués d’une pierre lisse
semblant provenir des montagnes proches
de la Cité sainte. Les blocs de pierre sont im-
menses et taillés avec une précision rare. Ils
ont tous les mêmes dimensions, donnant ain-
si aux lieux un aspect étrangement carré et
symétrique. Les couloirs sont immenses et les
salles encore plus, comme si le palais avait au-
trefois été occupé par des géants.
Les murs sont couverts de fresques in-
compréhensibles, mettant en scène des êtres
aux formes si étranges que l’on peine à les
identifier. Cependant, tout est étonnamment
bien conservé, et Trevelian aime souvent à
dire, sur le ton de la plaisanterie, que sa de-
meure est aussi éternelle que son ambition est
dévorante.
Le palais est ponctué de colonnes carrées et
massives, sculptées de cannelures symétriques
et anguleuses. Rien, ici, n’évoque la rondeur et
la douceur. Tout y est froid et étonnamment
droit. Certains de ces sillons contiennent un
liquide étrange semblant enfermé dans une
gaine cristallisée. Il possède la particularité
de luire, mais surtout de s’adapter aux envies
du propriétaire des lieux. C’est certainement
pour cela que la lumière dans le palais est gé-
néralement faible et teintée, tantôt de rouge,
tantôt d’un vert pâle que toute personne sen-
sée trouverait malsain.
Les fenêtres sont rectangulaires ou triangu-
laires, souvent constituées d’un verre étrange
et coloré, certainement des vitraux d’un
autre temps, mais d’une résistance étonnante.
Trevelian se délecte de raconter à ses invités
le jour où un dragon, mécontent de l’accueil
qui lui avait été fait, tenta de s’envoler à travers
une des plus grandes baies vitrées de sa salle
du trône, avant de s’écraser contre le verre.
« Incassable, aime-t-il à se vanter. Même un
Dieu ne saurait le briser ! »
Le plus surprenant dans la structure du
palais, c’est qu’il ne possède aucune porte
donnant vers l’extérieur. En effet, chacune de
ses zones est en réalité une enceinte fermée
composée de couloirs, de salles, de pièces et
de fenêtres. Seule l’aire du Pic, au sommet
d’un pic rocheux au centre d’une géode na-
turelle monumentale, possède une terrasse
ouverte. Mais le site est protégé par des vents
violents qui balaient la géode, telle une tem-
pête dont l’œil n’est autre que cette terrasse.
Mais alors comment passe-t-on de l’intérieur
à l’extérieur, d’une forteresse à une autre ?
En empruntant ce que le propriétaire des
lieux appelle ses « passages narcissiques ». Il
s’agit d’immenses miroirs hauts de 4 mètres
et larges de 2 mètres. Constitués de plaques
d’un métal légèrement réfléchissant, désor-
mais terni par les siècles, ils sont sertis dans
des arches de pierre triangulaires (c’est en
tout cas leur forme dans le palais proprement
dit). Une fois le bon mot de commande pro-
noncé, ou la bonne clé présentée (souvent un
petit objet, comme la tresse d’une vierge ef-
farouchée, la langue bien pendue d’un prêtre
débonnaire, la griffe d’un ver d’eau albinos,
ou autre rareté étrange), le métal devient
comme liquide, et l’on peut le traverser pour
se retrouver… ailleurs. Cet ailleurs dépen-
dant simplement de l’endroit où se trouve le
récepteur.
Les récepteurs doivent avoir la forme d’une
porte, d’une fenêtre ou d’un passage (une
arche brisée, une niche dans un mur…). Ils
se trouvent invariablement dans le Cloaque
(à quelques exceptions près). Parfois gigan-
tesques, parfois effondrés, ils fonctionnent
tant qu’il reste une partie de leur structure
originelle encore debout. Certains récepteurs
sont d’autres miroirs, dans d’autres zones.
C’est ainsi que Trevelian contrôle un palais
éclaté en plusieurs corps de bâtiments dis-
persés à travers tout le Cloaque. C’est aussi
pourquoi personne, pas même les plus talen-
tueux fouineurs, n’a pu déterminer l’emplace-
ment exact du palais de l’empereur-démon :
ces lieux sont multiples, et infinis en nombre,
comme Trevelian s’amuse à le dire (et qui sait,
peut-être cela est-il vrai).
Bien évidemment, Trevelian a cherché à plu-
sieurs reprises à connaître l’origine de ce lieu.
Il a déjà engagé (contre rémunération : leur vie
épargnée lui semblant un salaire approprié) de
nombreux érudits et même quelques magi-
ciens capables, grâce à leurs sortilèges, de lire
et de comprendre tous les langages. Mais rien
n’y a jamais fait, et les fresques et leurs écrits
semblent résister à toutes les tentatives de
déchiffrage. Les secrets des origines du palais
aux mille forteresses restent pour le moment
inviolés.
Un dédale inaccessible
Rares sont les personnes à être ressorties in-
demnes du palais de l’empereur-démon. Sléeva
Niu, une érudite, cartographe et aventurière à
ses heures, a bien tenté, il y a deux siècles, d’en
dresser un plan détaillé en se basant sur ses
souvenirs. En effet, pris d’affection pour cette
jeune elfe aux yeux bleu acier, Trevelian déci-
da de l’inviter chez lui (en la faisant enlever) et
de lui offrir l’hospitalité (ou de la séquestrer,
selon le point de vue auquel on se place). Il
fallut presque trente ans à Sléeva pour trou-
ver la sortie du Cloaque, bien qu’elle ait eu le
loisir de s’y déplacer avec une liberté relative.
Après s’être échappée et avoir erré des mois
avant de réussir à regagner la surface, elle s’en-
ferma chez elle, dans une petite maison près
des bords du lac et, obsédée par son ancienne
prison, entreprit d’en établir la cartographie.
Malheureusement, elle fut incapable de créer
une carte complète, n’arrivant qu’à délimiter
quelques zones éparses et non reliées entre
elles. Aujourd’hui disparue, on dit qu’elle dé-
tiendrait la seule carte fiable permettant d’ac-
céder au repaire de l’empereur-démon, faisant
d’elle, soit une légende, soit la personne la plus
précieuse pour lutter contre les desseins de
Trevelian.
Le centre du pouvoir
D’une certaine manière, le palais de l’em-
pereur-démon est au Cloaque ce que la Haute
Terrasse est à Laelith : le centre du pouvoir et
de la puissance. Cela est le cas depuis l’appa-
rition de Trevelian. Ce dernier étant certai-
nement mégalomane et parfois un peu trop
romantique, on pourrait facilement l’imaginer
imprudent. Mais il n’est pas idiot. Ainsi, il a
rapidement vu les avantages qu’il pouvait ti-
rer d’un tel lieu. Mais il a compris tout aussi
rapidement la nécessité de le protéger et d’en
sécuriser les accès.
Il est donc allé trouver les plus fortes, les
plus vicieuses et les plus facilement manipu-
lables des créatures sous son autorité et les a
amenées à installer leurs communautés, leurs
nids ou leurs tribus non loin, si ce n’est au-
tour de chacun des récepteurs présents dans
le Cloaque (et dont il connaît l’existence).
Chaque entrée du palais est donc située
au cœur du territoire de créatures dange-
reuses et hostiles. Ainsi, l’accès au repaire de
Écologie
«… Les sarkels sont l’une des races
prédominantes des profondeurs de la
terre, mais comme ils prolifèrent habi-
lement à proximité des civilisations, il
est naturel d’en trouver de nombreux
représentants dans les égouts de la Ville
sainte.
Véritables rongeurs bipèdes, ils sont
dotés de réflexion et d’un goût très
prononcé pour le commerce, surtout
avec les autres races. Leur population
est souvent dense, comptant une
douzaine d’individus par foyer, aux
relations très soudées. Leur société est
dirigée par les instruits et les savants, et
assistée par un cercle de chamans élus.
Les sarkels ont une préférence pour les
domaines politiques et économiques
où ils excellent, grâce à leur sens de
l’investigation. Fins négociateurs, il leur
est très facile d’obtenir ce qu’ils veulent,
que ce soit des renseignements, des
accords commerciaux, des laissez-passer
ou tout simplement l’approbation d’une
personne. J’avoue m’être plusieurs fois
fait avoir par leurs “techniques com-
merciales” plus que douteuses.
Quoi qu’il arrive, un sarkel ne se liera
jamais d’amitié avec un félys, leurs
ennemis jurés de toujours, et surtout
avec l’espèce dorée de la surface. Ils
font parfois affaire avec les félys rayés
des profondeurs, mais jamais de façon
sereine, et il arrive fréquemment que
des rixes éclatent.
Les sarkels vivent en moyenne soixante
ans et atteignent leur maturité à huit
ans, âge auquel ils sont gentiment
rejetés du cocon familial, pour laisser la
place aux nouveaux venus.
De par leurs lointaines origines com-
munes avec les rats, ils sont immunisés
à de nombreuses formes de poison,
ainsi qu’à toutes maladies naturelles
infectieuses et contagieuses… »
Extrait de « Nos voisins d’en bas », par
Dagobert de la Motte, dit le Furtif
Brève de taberge
« Dis Narbzir, t’aurais pas vu Kararast
le Sanguinaire ?
– Le nécromancien ?
– Évidemment, abruti. Pas le
boulanger ! »
Le Cloaque 383
L'Empereur-Démon
384 narguant la cité,
toile offerte au palais du Roi-Dieu, par Tania
l’empereur-démon est rendu encore plus dif-
ficile (d’autant plus qu’il faut également récu-
pérer la clé adéquate).
Les zones du palais
Le palais est un complexe immense peuplé
de monstres, de morts-vivants et de serviteurs
de Trevelian. La plupart des secteurs ne sont
accessibles que via une autre zone du palais,
ou via un point de relais entre deux récepteurs
(souvent une salle isolée où l’on arrive par un
récepteur et dont on ne peut repartir qu’en
trouvant où se cache l’autre… ou en vain-
quant un gardien laissé là par le propriétaire
des lieux). Plusieurs zones ont cependant vu
leur réputation se répandre dans le Cloaque et
ailleurs.
Ainsi, on évoque avec terreur le palais des
Mille Morts (@@//10). Ce lieu rempli de ser-
viteurs morts-vivants aux ordres de l’empe-
reur-démon est dirigé par le terrible Caliastro,
un spectre vengeur (d’un ancien serviteur
royal-divin, dit-on), injustement déchu et
cherchant à se venger. Selon la légende, les
murs de ce palais sont constellés de crânes
appartenant à une espèce inconnue, comme
s’il s’agissait d’une ancienne nécropole. On dit
que Trevelian n’a pas encore trouvé comment
faire sortir son armée du palais. Mais si cela
devait arriver… Bien des ivrognes évoquent
dans leurs délires ce qui pourrait ressembler
à un cataclysme qui signerait la fin de la Ville
sainte telle qu’on la connaît.
Certains parlent du Pic des vents
(@@//14) : une tour battue par un vent puis-
sant et constant, au milieu d’un lac souter-
rain. Le plafond de la salle est si haut que les
milliers de cristaux luminescents qui le ta-
pissent ressemblent à des étoiles lointaines.
Ils plongent toute la zone dans une sorte de
crépuscule glauque permanent. Il est dit que
même les voyageurs arrivant sur les bords de
ce lac ne peuvent accéder au pic par l’exté-
rieur. Il ne sert à rien de tenter de voler, ni
même de se téléporter : les vents, dignes d’un
ouragan, projettent les intrus au loin, tandis
qu’une puissante disruption magique em-
pêche l’usage de tout sortilège en ces lieux
(sauf pour les lanceurs de sorts se trouvant
dans l’œil du cyclone, c’est-à-dire la forteresse
du pic elle-même).
Les Couloirs des oubliés (@@@//16) sont
peut-être la zone du palais dont on a le plus
entendu parler à la surface… Et pour cause :
cette prison fait office de croque-mitaine dans
l’inconscient collectif laelithien. Qui n’a pas
entendu une mère dire à son enfant : « Mange
ta soupe, ou le Geôlier noir viendra te cher-
cher et t’emportera dans les Couloirs des ou-
bliés ? » Chaque habitant de la Ville sainte en
a sa propre description, mais la plus courante
est celle d’un couloir sans fin parsemé de cel-
lules fermées par des barreaux d’obsidienne.
Et dans ce couloir éclairé par de faibles torches
éternelles, un être noir et informe veille : le
Geôlier noir, à la surveillance duquel, dit-on,
nul n’a jamais pu échapper. Les esprits les plus
sceptiques ne peuvent s’empêcher de remar-
quer que si personne n’a jamais pu s’échapper,
comment l’existence de ces geôles a-t-elle pu
atteindre la surface ? Mystère… Par contre,
c’est certainement pour cela qu’une personne
si douée qu’elle évite toujours la capture et
s’échappe de n’importe quelle prison est appe-
lée un « passe-couloir ».
Inaccessible, en un lieu que nul n’a jamais
découvert, se trouve le Cœur (@@@//18).
Cette zone est le centre du pouvoir de l’em-
pereur-démon, son lieu de résidence princi-
pal, là où sont concentrées la plupart de ses
richesses et de ses connaissances. On dit que
ses vitraux donnent sur une nuit sans étoiles,
que sa bibliothèque contient des livres rares,
dont certains mis à l’index par les autorités de
la Cité sainte, qu’on y trouve une collection
d’œuvres et d’artefacts anciens à faire pâlir le
plus riche des collectionneurs… Mais surtout
que seul l’empereur-démon, accompagné de
rares invités privilégiés, peut s’y rendre de-
puis un passage caché de tous, même de ses
serviteurs.
Les champignons du
Cloaque II
Les criards sont des champignons de
couleurs criardes particulièrement
dangereux, voire mortels pour certains.
Les reconnaître n’est pas chose aisée,
d’autant que dans ces profondeurs la
perception des couleurs est difficile.
On les confond souvent avec les autres
familles dont ils présentent les mêmes
aspects. Ils émettent cependant un petit
bruit caractéristique, comme un cri,
lorsqu’on les cueille. Mais bien souvent,
son cri n’est pas perçu et le criard finit
dans le panier, mélangé avec les autres
champignons qu’il pollue. Une fois à
revenu à la lumière, on ne peut que
constater la contamination, sa couleur
ayant teinté les autres champignons. Il
faut alors tout jeter et bien se laver les
mains afin d’éviter toute complication.
Toutes sortes d’effets sont causés
par ces dangereux criards. Les jaunes
tordent les boyaux à se plier en deux
pendant plusieurs heures. Les bleus
provoquent une hilarité puissante
finissant par plonger le sujet dans un
sommeil léthargique de plusieurs jours
(et dont le réveil forcé peut entraîner la
mort). Les pourpres ou rouges liquéfient
le sang au point de le voir couler par
le nez, les oreilles, la bouche et même
parfois les yeux, affaiblissant la victime
jusqu’à la mort. Les sombre profonds et
les noirs font baver le sujet, le paralysent
quelques minutes à très faible dose et le
tuent à forte dose.
Un autre champignon-mousse, ren-
contré très rarement sur des pierres
sacrées inconnues portant d’étranges
pictogrammes incompréhensibles,
donne des hallucinations prémoni-
toires et permet de communiquer par
télépathie avec d’autres personnes en
ayant aussi absorbé. Il crée cependant
un effet d’addiction qui pousse à en re-
prendre sans fin, pour finalement rester
dans un état béat qui fait apparaître
des taches rosâtres sur le crâne et tue
inexorablement.
Livre 4, chapitre IX du fameux « Recueil
de plantes et douceurs pour maintenir
en vie une victime » d’Orphanda De
Lunas, maîtresse assassine de la guilde des
Masques-Terreurs
Le Cloaque 385
 Un lieu
Le temple de la Taupe
Seuls les nouveaux venus ignorent l’existence du Temple
de la Taupe (@@@//10+). Laelith étant la Ville sainte, tous les
cultes y ont droit de cité. Mais les plus sombres, les plus ter-
ribles, les plus malveillants ne peuvent exister à la lumière du
jour : leurs liturgies terrifiantes pourraient semer la panique
parmi la population. Pour les accueillir, il fallait un temple à
leur mesure, construit pour des cultes innommables aux rites
insoutenables et maléfiques. Ainsi est né le Temple de la Taupe.
Sombre pèlerinage
Les pèlerins qui veulent rejoindre le temple de la Taupe
doivent emprunter un certain chemin. Il prend naissance
juste avant le Lazaret, dans une petite ruine à l’écart du
chemin, puis après une entrée secrète, il s’enfonce dans les
ténèbres du Cloaque. La porte est gardée jour et nuit par
des gardes surentraînés (dit-on) du contingent de ville qui
veillent à ce qu’aucune créature indésirable ne sorte. Leur
surveillance est cependant discrète, afin de ne pas alarmer
les pèlerins qui arrivent en ville sans savoir de quoi il re-
tourne. De plus, l’entrée secrète n’est ouverte que la nuit,
pendant quelques heures seulement. Le reste du temps, son
accès est scellé et ne ressemble qu’à un vieux mur de pierre
en ruine qui s’enfonce dans le sol.
Une fois dans les couloirs sombres du Cloaque, les vils
pèlerins doivent trouver leur chemin jusqu’au temple. Cela
n’est pas chose aisée, car contrairement à la voie en surface
le trajet n’est pas sécurisé. Il est seulement balisé avec des
crânes de taupe marqués de symboles impies (avec du sang
d’enfant ou de vierge, disent les rumeurs). Seuls les plus mé-
ritants, capables de survivre aux dangers qui parsèment le
Cloaque, accèdent donc au temple.
On notera qu’il est possible d’emprunter des voies d’ac-
cès en surface, plus sûres. Les moins effrayants des pèlerins
n’hésitent d’ailleurs pas à les utiliser. Il existe une entrée
pour le sanctuaire souterrain à proximité de chacun des
quatre temples de Laelith. Une griffe de taupe placée à côté
du passage permettant d’y accéder en signale la présence.
Ces accès sont toujours gardés de manière discrète.
Sous le Crâne
Difficile pour ceux qui arrivent au temple de savoir exac-
tement où il se trouve, mais il est de notoriété publique que
la Taupe est située sous celui du Crâne.
Le temple a été creusé à même la roche et la terre. Il en
résulte un dédale de galeries plus ou moins larges, souvent
386
mal étayées, au sol couvert de pierres asymétriques. Elles
mènent à une série de salles servant de cellules individuelles,
de dortoirs, de salles de prière (contenant chacune plusieurs
autels), mais aussi à une multitude de chapelles et autres
oratoires dédiés à diverses divinités dont certaines sont
oubliées depuis longtemps. Les galeries tournent, montent,
descendent, donnant la sensation de se déplacer au sein
d’une spirale sans fin. Plusieurs d’entre elles mènent vers le
niveau inférieur où se trouvent des cellules creusées à même
la pierre. Dans ces dernières, on enferme les prisonniers et
les futures victimes pour les sacrifices.
Toutes les galeries, sans exception, finissent par mener au
Très Saint Ossuaire. Cette immense salle naturelle oblongue
se trouve au centre du complexe étrangement étendu qu’est
le temple de la Taupe. Elle semble avoir été creusée par les
griffes massives d’une créature titanesque. Elle culmine à
15 mètres et son plafond est strié d’arches brisées en pierre
brute donnant l’impression d’avoir été créées à dessein par
la grande entité fouisseuse. Tout autour, les parois sont per-
cées de centaines de petites niches. Chaque cavité abrite l’ef-
figie ou le symbole du Dieu de chaque croyant venu prier
au temple. Il est de tradition que lorsqu’un pèlerin vient
pour adorer une divinité qui n’est pas encore représentée, il
creuse lui-même une niche afin d’y déposer le symbole sacré
lui correspondant.
Au centre du Très Saint Ossuaire gît un immense crâne
de taupe, large de 4 mètres. Nul ne sait d’où il vient, mais
beaucoup pensent qu’il s’agirait de celui de la créature ayant
creusé la caverne. Le haut du crâne a été aménagé en une
plateforme sur laquelle est installé un autel, qui sert lors des
cérémonies les plus grandioses.
La hiérarchie
Malgré ce que l’on pourrait penser, le Temple de la Taupe
possède une hiérarchie stricte, mais incompréhensible, tous
ses membres s’appelant prêtres, sans exception. On y évo-
lue au mérite, un mérite impliquant de nombreux coups
bas. Meurtre, trahison, empoisonnement, discrédit, dispa-
rition constituent des moyens courants pour voir un poste
se libérer. Cependant, toute personne désireuse d’évoluer au
sein du clergé ne doit en aucun cas être vue en train de com-
mettre l’un de ces actes. L’intelligence et la fourberie sont
récompensées, là où la maladresse est punie par une rétro-
gradation immédiate.
Quand un prêtre entre dans le Temple et intègre sa hié-
rarchie, il accomplit un rituel consistant à boire un liquide
 Grand hall

Très Saint
Ossuaire
étrange dont on dit qu’il s’agit de sang de mégo-
rux, une sorte de créature géante ressemblant
à une taupe vorace. Il devient alors capable
d’entendre dans son esprit les chuchotements
du grand prêtre, où qu’il soit dans le temple.
Mais il lui est désormais douloureux de sortir
en plein jour, la lumière du soleil agressant ses
pupilles devenues presque blanches.

La tête de la Taupe
Personne ne sait qui est à la tête du Temple.
Le grand prêtre (ceux que les prêtres nomment
« le sombre esprit qui chuchote dans notre
esprit ») n’a jamais été vu et certains, hors du
clergé, pensent même qu’il pourrait ne pas
exister. Pourtant, tout le monde a déjà enten-
du sa voix semblant émaner du crâne du Très
Saint Ossuaire. Il ne s’exprime que rarement,
soit pour réprimander un acte contrevenant
aux règles du Temple, soit pour adresser une
prière (jamais la même) à l’esprit de la Grande
Taupe qui Creuse sous le Monde. C’est aussi
lui qui indique aux prêtres quelle salle attri-
buer aux nouveaux arrivants et à la vénération
des divinités nouvelles.

Le Cloaque 387
 Une organisation
Brève de taberge
« Cette fois je suis sûr ! L’autre soir en
rentrant de la taberge je me suis prome-
né au bord de la Faille et j’ai vu comme
fonctionne le Chariot qui monte. Alors
qu’il descend plein depuis la Haute
Terrasse, il sert de contrepoids pour
remonter des cadavres de la Cascade
dans le Cloaque !
– Bien sûr et tu as actionné les manettes
pour le faire aller plus vite, hein ?
Prends-moi pour un ookhab ! »
Dans le ventre de la bête
388
Les Fils du dessous
Le Cloaque est rempli de monstres effrayants
et de créatures innommables. Mais, dans sa
strate la plus proche de la surface, existe aussi
une organisation singulière, bien connue des
bas-fonds de Laelith et même au-delà. Les Fils
du dessous (@@@//5-12) font partie, aux yeux
de la plupart des gens, de ces guildes de truands
et de malandrins qui affligent la Cité sainte de-
puis bien trop longtemps. Ils ont pourtant une
particularité : leur zone d’activité se trouve
uniquement dans le Cloaque.
Un territoire
vaste et étendu
Les Fils du dessous sont certainement la
« guilde » détenant le territoire le plus vaste
au sein du Cloaque. Cependant, il ne constitue
pas une zone géographique uniforme. La
structure même de ce labyrinthe souterrain
rend son contrôle extrêmement compliqué.
Mais les personnes à la tête de cette étrange
guilde ont mis en place une organisation com-
plexe et sans faille qui leur permet de gérer et
de tenir des zones étendues et paradoxalement
assez isolées.
Les Fils du dessous assurent le contrôle de
ces poches de territoire éparpillées avec une ef-
ficacité surprenante qui pose, pour beaucoup,
la question de la nature de leurs ressources et
de la provenance de ces dernières. Certains
en viennent même à penser (à tort, diront les
intéressés) que les autorités de Laelith sont en
réalité derrière l’existence des Fils du dessous.
Le plus étonnant, pour la plupart des gens
extérieurs à la guilde, est que personne ne voit
jamais les nettoyeurs qui aménagent et sécu-
risent ces zones, mais il est évident pour tous
que cela demande des moyens considérables,
bien plus que ce dont une simple petite guilde
de truands devrait pouvoir disposer.
Des rentrées d’argent
importantes
Les Fils du dessous ne sont pas sans le sou.
Ils ont su tirer un revenu plus que substantiel
d’une activité extrêmement risquée mais ter-
riblement lucrative : la location immobilière.
Mais au lieu de louer des bâtiments au sein des
terrasses de la Ville sainte, ils se sont spécia-
lisés dans un secteur très largement sous-ex-
ploité : le Cloaque.
La guilde s’est autoproclamée propriétaire
d’un certain nombre de parcelles qu’elle gère
et loue à différents groupes et guildes versant
dans l’illégalité. Ces derniers s’en servent de
repaires, de planques ou tout simplement
d’entrepôts pour stocker des biens volés ou
des marchandises de contrebande. Les places
sont cependant rares et chères. En effet, il est
difficile d’assurer la pérennité de ces locations.
Il n’est d’ailleurs pas rare de voir des territoires
disparaître et certains locataires déménager,
voire disparaître eux aussi.
Cette activité génère cependant des béné-
fices importants pour les Fils, qui tiennent au
monopole de leur petit commerce. Ainsi, on a
déjà vu quelques malfrats ambitieux, souvent
financés par des marchands peu scrupuleux
et aux revenus importants, tenter de se lan-
cer dans la même aventure. Cela ne s’est pas
toujours bien terminé pour eux. Certains
réussissent parfois leur coup : ils obtiennent
quelques bouts de tunnel ou de caverne et s’y
installent avant d’en louer la mise à dispo-
sition. Ceux-là sont dans un premier temps
abordés par la guilde, puis invités à rejoindre
ses rangs et finalement absorbés. Quand ils
n’acceptent pas cette offre, il n’est pas rare
de voir le commanditaire (et pourvoyeur de
fonds) disparaître ou simplement subir un
tel revers de fortune commercial (ou person-
nel) qu’il se voit ruiné, ou obligé de quitter la
ville pour un temps certain. Mais la plupart
finissent dévorés, ensorcelés, enlevés pour de-
venir des esclaves ou pire encore.
De plus, chaque année, les Fils du dessous
organisent un grand événement rassembleur
Prologue :
Rats 1 – pigeons 0
Les PJ sont embauchés par la guilde du
Courrier volant, car plus de la moitié de
leurs pigeons voyageurs ont disparu lors
de leurs livraisons, et les disparitions
continuent.
Lorsque les gopneldauns ouvrirent le
Bounzill Express, Trevelian y vit une for-
midable occasion de perturber le trafic
postal de Laelith. Vu que les bounzills em-
pruntent le Cloaque, il lui est plus facile
qu’avec les pigeons de mettre la main sur
les échanges entre citoyens. Il lui suffit de
déployer ses sbires dans les égouts et d’in-
tercepter chaque bounzill, de lire les mes-
sages, avant de relâcher l’animal.
Trevelian a donc décidé d’invoquer des
corneilles afin d’éliminer petit à petit tous
les pigeons (sans récupérer leurs mes-
sages afin de ne pas éveiller les soupçons).
La réputation de la guilde du Courrier vo-
lant s’en trouve ternie, au grand bonheur
de ses concurrents qui voient affluer de
nombreux clients. Les PJ devront remon-
ter la piste jusqu’au Bounzill Express et
s’aventurer dans le Cloaque pour déjouer
les plans de l’empereur-démon.
dans le Cloaque, qui leur rapporte une manne
importante, assure leur popularité et leur sert
de séance de recrutement. Il s’agit d’une arène
de gladiateurs intitulée les Jeux du dessous.
Une organisation
hiérarchisée
Une telle organisation ne pourrait fonc-
tionner sans une hiérarchie stricte et un fonc-
tionnement mené par une main de fer dans un
gant de peau de doudilain.
Au bas de l’échelle, on trouve les petits
poings, les visitants et les petits yeux. Les pre-
miers constituent la force de frappe de l’orga-
nisation. Gardes du corps et hommes de main,
ils assurent la sécurité des autres membres de
la guilde. Les visitants, eux, sont la force com-
merciale. Ils s’occupent de dénicher le lieu
adéquat ou le bon service, afin de répondre
aux demandes des clients potentiels, et de faire
des propositions au prix juste. Il est difficile
d’estimer avec précision leur nombre, mais
ils sont suffisamment nombreux, et de toutes
Brève de taberge
« J’y ai été, moi, au temple de la Taupe
là ! Y a longtemps ! Et j’connais l’identi-
té d’leur chef !
– Arrête tes bêtises va ! Tu bois trop
tu sais !
– Non j’bois pas ! Enfin si, j’bois, mais je
dis pas d’bêtises. C’était quand je lavais
les salles du Crâne figure-toi.
– C’est ça !
– Et même qu’un jour, j’ai vu un prêtre
passer par une porte secrète. Et tu
m’connais, j’suis curieux. Ben ça menait
au temple de la Taupe. Et tu sais c’que
j’ai vu ?
– Je sens que tu vas m’le dire.
– Celui qui l’dirige. Le gars du Crâne il
l’a appelé « maîîîître Nurthor » ! Ouais !
C’t’un magicien ou un truc comme
ça qui s’fait passer pour leur chef. J’ai
même vu son visage quand il l’a tourné
vers moi !
– Et il t’a vu alors ? Il s’est passé quoi ?
– Il a levé la main et j’l’ai entendu pro-
noncer des paroles dans une langue des
diables ou un truc comme ça. Et puis
PAF ! un éclair !
– Comment tu t’en es sorti ?
– Ch’ais pas. J’me suis réveillé au petit
matin, avec un mal de crâne de tous les
diables.
– On appelle ça une gueule de bois,
Burgo. Juste une gueule de bois. »
Brève de taberge
« Eh, il paraît qu’on peut manger de
l’elfe à la taverne du Gob puant !
– Pas de l’elfe noir j’espère, ça
me noircit les dents. »
Le Cloaque 389
 Histoire vécue
« Après de nombreux baquets bus à la
taberge, j’en sortis gai comme un dou-
dilain. Mais je glissai et tombai dans le
puits de la mère Marotte Tournepain.
L’eau froide me sortit immédiatement
de ma torpeur. Je pensais finir noyé,
mais je vis une sorte d’ouverture dans
la paroi du puits. Je m’y faufilai sans
ménagement, me blessant légèrement,
et découvris un escalier très ancien et
peu emprunté au vu de la couche de
poussière qui déclencha mes éter-
nuements. Il n’en fallut pas moins
pour alerter des sortes de trolls, mais
miniatures, qui me ficelèrent comme
un saucisson et m’emportèrent. Cette
fois j’en étais certain : ma fin horrible
était venue. Mais soudain, je fus jeté au
sol. Cette position m’empêcha de voir
la fuite de mes ravisseurs. Des êtres
non vivants à la chair putride et aux
griffes affûtées comme des rasoirs me
redressèrent délicatement. Leur contact
me paralysa aussitôt, certainement dû
à ma terreur incontrôlable. Ils défirent
mes liens, appliquèrent un onguent
sur mes plaies et contusions. Avec un
vocabulaire très limité et d’une voix
d’outre-tombe, une des goules bien-
veillantes proposa de me reconduire à
la surface… Craignant un subterfuge
ou une moquerie, je ne parvenais pas à
prononcer un seul mot. Peut-être étais-
je encore sous le coup de la paralysie ?
Toujours est-il qu’elles m’escortèrent, à
travers un dédale de couloirs, jusqu’à
l’appentis de la mère Marotte. Clel, celle
qui parlait, me conseilla d’être plus
prudent, de moins boire et de ne pas
descendre dans le Cloaque sans une très
bonne raison. Je la revis les trois nuits
suivantes au puits et eus avec elle des
discussions passionnées sur la justice et
la destinée. Elle m’expliqua la mission
de leur ordre pour aider les «êtres
perdus» du Cloaque et que je devais en
faire autant en «haut». Son devoir de
m’éclairer accompli, elle me dit adieu.
Depuis, tous les sélénias, je dépose à la
nuit venue par le fenestron du puits une
assiette de viande d’ookhab et 2 lithals.
Et à chaque fois, la précédente assiette
est là, toute propre avec une statuette
d’argile. »
Mémoires de Lantz du Puits, devenu juste
et « guide sauveur » en la terrasse du
Châtiment
390
les origines sociales, pour couvrir l’ensemble
des terrasses de la ville. Enfin, les petits yeux
sont les messagers de l’organisation, faisant la
navette entre les différents membres, la hié-
rarchie ou les locataires (actuels ou en deve-
nir). Leur rôle est vital pour la guilde, car ils
assurent la pérennité de son fonctionnement.
Il s’agit en général d’enfants ou de très jeunes
adultes, rapides, avec un sens inné de l’acroba-
tie. Ils savent aussi se faufiler dans la foule ou
dans les endroits les plus étroits afin de dispa-
raître rapidement s’ils sont poursuivis. De plus,
ils sont connus pour avoir une acuité visuelle
hors du commun. Les petits yeux répondent à
un œil ouvert (une sorte de superviseur).
Au-dessus de ces trois groupes viennent les
contremaîtres. Ces hommes et ces femmes
sont les intermédiaires administratifs de l’or-
ganisation. Ils récupèrent les loyers, les trient,
les recomptent et les font remonter aux pros-
pecteurs des chiffres. Ils affectent les lots et
s’assurent d’envoyer les forces nécessaires à
la récupération des loyers impayés. Ils jaugent
aussi les nouvelles recrues afin de les affecter à
une fonction adéquate.
Il existe un rang intermédiaire, indépen-
dant des autres : les nettoyeurs. Ces derniers
répondent aux demandes des divers membres
de l’organisation. En général, ils s’occupent
de nettoyer (littéralement) les couloirs du
Cloaque autour des zones contrôlées. Ils éli-
minent les créatures hostiles et sécurisent les
lieux. Mais ils servent aussi de force de frappe :
élimination de concurrents, récupération de
loyers impayés… Ils sont peu nombreux mais
efficaces, et recrutent régulièrement (souvent
parmi les plus fidèles, obéissants – et compé-
tents – des petits poings).
L’échelon supérieur est celui des prospec-
teurs. On en connaît deux sortes : les prospec-
teurs des mots et les prospecteurs des chiffres.
Les premiers sont les négociateurs des Fils du
dessous. En réalité, c’est même grâce à leur
travail discret et efficace que l’organisation
prospère depuis toutes ces années. Ils œuvrent
à négocier des portions de territoire avec les
créatures les plus intelligentes. Ce qui signifie
généralement accepter des marchés morale-
ment discutables. Ils peuvent ainsi s’engager à
fournir de la nourriture de manière régulière
(et les rôtis ne sont pas forcément de porc ou
de bœuf), à garantir que les créatures croise-
ront facilement de pauvres victimes prêtes à
être dépouillées, à proposer des esclaves ou
des prisonniers… Ils assurent la stabilité de ces
marchés, la régularité de l’approvisionnement
en monnaie d’échange et la non-interférence
des nettoyeurs avec les créatures concernées.
Quant aux prospecteurs de chiffres, ils s’oc-
cupent de la comptabilité de l’organisation
et de l’acheminement des bénéfices à qui de
droit : le patriarche, une figure presque my-
thique qui est à la tête de l’organisation.
Un système de
communication élaboré
Les Fils du dessous communiquent par un
système indirect. Quand on désire faire parve-
nir un message, on l’attache à un petit foulard
rouge que l’on dépose dans une niche creusée
dans un mur (que ce soit dans le Cloaque ou
dans Laelith). L’un des petits yeux le ramasse
dans l’heure, puis l’apporte à son œil ouvert
(possédant souvent des capacités magiques
liées à la divination ou à l’illusion), qui le lit et
le reproduit sur un nouveau support pour le
transmettre à un autre petit œil. Il avale en-
suite une gorgée de potion fournie par l’orga-
nisation et oublie instantanément le contenu
du message, afin que ce dernier reste confi-
dentiel. Plus le message doit être transmis en
haut de la hiérarchie, plus le nombre d’inter-
médiaires et de copies est élevé.
Les messages utilisent un système de cou-
leurs permettant d’évaluer l’importance de ce
qu’ils contiennent. C’est la cire utilisée pour
cacheter les plis qui est colorée : bleue quand il
s’agit d’une requête triviale, jaune quand l’in-
formation est sensible, et rouge quand la mis-
sive ne doit surtout pas être lue par qui que ce
soit d’autre que le destinataire. Concernant ce
dernier type de message, ils sont souvent écrits
dans un code difficilement déchiffrable, ou
même accompagnés d’une sécurité magique
permettant au seul destinataire de le com-
prendre. Dans ce cas, l’œil ouvert reproduit le
sortilège tout en reproduisant le message.
Le patriarche
Personne n’a jamais vu l’homme que l’on
appelle le patriarche. Et cela pour une bonne
raison : depuis quelques années, le patriarche
est une femme. Sa femme, en réalité. Subad
Bahor fut, des années durant, le dirigeant des
Fils du dessous. Il en lança la création, mit en
Shashma, le dragon fou
place l’organisation de la guilde et, surtout, fit
tous les compromis nécessaires pour trouver
des soutiens financiers suffisants afin d’assu-
rer une fondation solide. Malheureusement, le
temps aidant, il devint de plus en plus gour-
mand et sûr de lui, persuadé qu’il pourrait
rapidement se passer de ceux qui lui avaient
permis d’accéder à cette position de pouvoir.
Il y a trois ans, Subad contracta une fièvre
fulgurante et mourut en quelques jours seu-
lement, sans qu’aucun remède n’ait pu lui
être administré. Mais il était hors de question
pour Salissa, sa veuve, de perdre l’empire qu’il
avait réussi à créer. Elle s’entoura de quelques
personnes proches et fiables (dont leur fille
Huda, une simple marchande ayant appris
l’art de l’empoisonnement), et maintint l’illu-
sion. Le patriarche se fit rare, devint de plus
en plus difficile à rencontrer. Saldar Rand,
son homme de confiance, devient l’incarna-
tion physique du patriarche lors de ses rares
interventions.
Salissa et sa garde rapprochée vivent
quelque part dans Laelith, dans une planque
luxueuse dont certains pensent qu’il s’agirait
d’une demeure ayant un jour appartenu au ter-
rible empereur-démon. Elle possède de multi-
ples sorties de secours, dont une bonne partie
mène dans les souterrains du Cloaque.
Cette mascarade dure depuis trois ans, mais
elle menace de s’effondrer à tout moment. La
véritable question qui se pose est : peut-on
vraiment tuer le serpent en lui coupant la tête ?
L’ombre derrière le père
S’il n’existait qu’un unique secret derrière
les Fils du dessous, cela serait bien plus simple.
Mais la réalité est constituée de plusieurs
couches de mystères. Une chose est certaine
cependant : ce n’est pas en tuant l’actuel pa-
triarche que l’on mettrait un terme aux activi-
tés de la guilde.
Quand Subad Bahor décida de lancer son
entreprise, il chercha des fonds auprès de per-
sonnes riches prêtes à investir dans un projet
loin d’être clair. Il suscita ainsi l’intérêt d’un
certain nombre d’individus peu recomman-
dables, mais dont les ressources étaient suffi-
samment importantes pour le soutenir.
Ils sont au nombre de cinq et se font appe-
ler la Main. Personne ne connaît leur identité,
mais le groupe réunit un prêtre haut placé, un
marchand corrompu, un noble ambitieux, un
riche contrebandier et un espion d’une nation
lointaine. Même Salissa ne les a jamais ren-
contrés et leur lieu de réunion est tenu secret.
Mais ils ont les ressources, pécuniaires et hu-
maines, pour s’assurer d’être obéis et surtout
pour que l’on puisse remplacer à tout moment
la tête du serpent, afin de ne pas perdre la
manne que représentent les Fils du dessous.
Le Sanctuaire orphelin
« Très estimé maître,
Je me permets de vous contacter afin
de vous informer de la réussite du
projet qui nous tenait tant à cœur.
Après d’âpres négociations dans le but
d’assurer notre sécurité, nous avons
enfin réussi à mettre en place notre
dispensaire. Le Sanctuaire orphelin
(@@//1+) ne sera rattaché à aucun
Temple, je le sais. Mais grâce à lui, nous
pourrons aider ceux qui en ont besoin
et qui se sont réfugiés dans le Cloaque.
Je sais vos craintes, je sais que vous
pensez que nous n’aiderons que de la
vermine qui ne mérite pas notre atten-
tion. Mais nous nous permettons d’être
en désaccord avec vous sur ce point.
Quand nous avons embrassé la
vocation de guérisseur, nous nous
sommes promis d’aider et de soigner
tous ceux qui en auraient besoin. Il est
hors de question que les soins ne soient
aujourd’hui accessibles qu’à ceux dont
la morale semble nous convenir, ou
ayant la bourse assez garnie. Ainsi va
notre volonté. »
Subius Sarg, Premier soigneur
Le Cloaque 391
 Une organisation

La Cour des miracles

Tout comme Laelith au-dessus, le Cloaque
lui aussi a connu un changement politique
majeur. Le terrible empereur-démon, autre-
fois maître incontesté de ces souterrains, est
confronté à un adversaire de taille en la per-
sonne du Rougegorge. Cette étrange figure
masquée est à la tête de ce que les gens ap-
pellent la Cour des miracles (@@@//5-20).

Donne-moi tes masses

Le Rougegorge, mystérieuse
dirigeante de la Cour des
Miracles
innombrables…
La Cour des miracles est un paradoxe dans
le Cloaque. Il s’agit à la fois d’une organisa-
tion considérée comme criminelle par une
partie des autorités de la cité et d’un véri-
table protecteur pour les plus pauvres et les
plus démunis. Bien des personnes de basse
extraction ont trouvé en elle un moyen de ne
plus craindre certaines bandes organisées,
surtout celles qui exercent parfois le racket.
Ainsi, les pauvres y sont toujours accueillis
et nourris. Les déshérités y sont bienvenus
et abrités. Les persécutés y sont protégés et
soignés… La Cour des miracles se présente
comme un véritable havre de paix pour tous
ceux que la société laelithienne rejette, de-
puis les humains les plus mal aimés
à ceux que l’on considère comme
déments, en passant par toutes les
créatures que nul ne voudrait voir à
la surface.
Pourtant, la Cour est aussi connue
pour ses méthodes discutables. Si elle
protège les siens, elle n’hésite pas à
arranger la disparition (violente ou
non) de toute personne menaçant la
sécurité ou le bien-être des membres
de la communauté. Cependant, jamais
elle n’empiète sur les domaines des guildes des
bas-fonds. Elle se targue de n’être qu’un abri,
un refuge et une famille. Mais certains ont déjà
compris qu’elle comptait s’imposer comme
le nouveau pouvoir majeur du Cloaque, à la
place de Trevelian, et qu’elle œuvrait à sé-
curiser, d’une certaine manière, ses strates
supérieures.

392
Étrange et mystérieuse
genèse
Si l’existence de la Cour des miracles n’est
avérée que depuis peu de temps, cela fait plu-
sieurs années que sa possible présence à Laelith
était évoquée, comme une légende urbaine. En
réalité, si elle s’est imposée depuis peu dans le
Cloaque comme une force sur qui compter, im-
pactant à la fois l’empereur-démon, mais aussi
les guildes et organisations locales, les autorités
tendent à la décrire comme un simple repaire
de malandrins. Tous ont le sentiment de ne plus
pouvoir travailler sereinement, la Haute Guilde
la première. Il semble donc logique que la Cour
se retrouve sous les feux croisés de tous les ac-
teurs de la justice et de la criminalité de Laelith.
Le plus étrange cependant est que, malgré cela,
ceux qui rejoignent ses rangs ou obtiennent sa
protection y restent, et ce de leur plein gré. On
en a même vu certains devenir de véritables fana-
tiques, vénérant le Rougegorge, cette étrange fi-
gure à la tête de la Cour, comme on vénérerait un
grand prêtre, voire un prophète. Ce phénomène
est d’autant plus inquiétant qu’il semble que cette
dévotion ne soit, aux dires des plus compétents
des alchimistes et des herboristes, provoquée par
aucune substance ou drogue de quelque sorte que
ce soit. Il semble évident aux yeux des Temples
(même de la mystérieuse Taupe) que tout cela est
avant tout l’œuvre d’une personnalité exception-
nellement charismatique et manipulatrice. Mais
elle commence à inquiéter.
Jamais au même endroit
L’une des particularités de la Cour est de
ne jamais rester au même endroit. Bien que
certains placent son lieu de résidence dans
les tunnels sous la Haute Terrasse, on peut en
réalité la trouver partout sous Laelith, au gré
de ses errances. Nul ne sait réellement ce qui
motive son déplacement, ni le choix du nouvel
emplacement (toujours dans une partie aban-
donnée de la première strate).
Il n’est donc pas aisé de trouver comment se
rendre à la Cour des miracles. Mais l’on dit que
ceux qui la cherchent réellement, le cœur sincè-
rement désireux de la rejoindre ou de deman-
der son aide, sont toujours guidés jusqu’à elle.
En réalité, ce sont certains de ses membres,
nommés les pénitents, qui trouvent toujours
les personnes désireuses de se rendre à la Cour
pour ce qu’ils appellent les « bonnes raisons ».
Inutile de leur demander comment ils font,
ou comment ils savent qui aller chercher : le
Rougegorge elle-même les envoie vers ceux
qui en ont besoin. Comment le sait-elle ? Nul
ne peut répondre, elle le sait. Et elle a toujours
un intérêt à guider des personnes (même hos-
tiles, parfois) jusqu’à son antre temporaire.
L’antre est toujours bien choisi : une salle large
dans laquelle tentures et cloisons temporaires
peuvent être installées en nombre, et souvent diffi-
cile à trouver. D’autant qu’aucun sortilège divina-
toire ne permet de localiser la Cour. En effet, pour
une raison connue du Rougegorge seule, ces sorti-
lèges semblent inévitablement brouillés. Personne
ne sait vraiment comment se passe l’installation
de la Cour en un lieu, même ses membres : ils
quittent un lieu pour en retrouver un autre qui a
déjà été aménagé selon leurs besoins.
Une hiérarchie informelle
Il n’existe pas réellement de rangs dans
l’organisation, en tout cas pas de manière for-
melle. On peut cependant constater l’existence
d’une forme de hiérarchie.
Tout en haut se trouve le Rougegoge. Cette
mystérieuse femme au visage voilé et tout habil-
lée de rouge et d’or n’est que rarement vue. Sauf
pour les doléances des fous (des séances au cours
desquelles les gens présentent leurs plaintes et
revendications, et les nouveaux arrivants sont
acceptés au sein de la communauté), et les ju-
gements (quand ceux qui ont causé du tort à la
Cour ou à ses membres sont jugés et punis). Le
Rougegoge dirige, admirée de tous, même si elle
utilise un prête-nom, un homme, se faisant pas-
ser pour elle pour les affaire publiques.
En dessous se trouvent les rieurs. Ces bouf-
fons habillés de vêtements bariolés sont en
réalité de terribles combattants, fidèles et in-
traitables. Tous portent un masque au sourire
grimaçant qu’ils n’enlèvent jamais, et pro-
tègent la Cour, ainsi que le Rougegorge.
Les greffons viennent juste après. Ils ac-
cueillent les nouveaux arrivants, les préparent
au mystérieux rite de l’Intègrement, portent la
parole du Rougegorge, gèrent les problèmes,
servent d’intendants, de messagers… en bref,
ils s’occupent de tout le reste.
Enfin, la grande majorité des membres de la
Cour sont les miraculés et ne font que vivre et
servir, dans le bonheur et la béatitude.
Brève de taberge
« Je sais pas ce qu’on vous a dit les gars,
mais tous ces gugusses bizarres habillés
comme au carnaval de Guanbarea, c’est
quand même pas des types fréquen-
tables. Je sais qu’ils vous font marrer
hein, mais j’ai souvent entendu des
trucs louches sur eux. Ma belle-sœur,
tiens, elle en a vu rentrer et sortir
directement de la porte sous la maison
abandonnée de la rue Borgne. Et vous
savez aussi bien que moi où elle va cette
porte : dans le Cloaque ! Directement !
Vous faites confiance à des gugusses
qui sortent du Cloaque ? Qui sait,
c’est peut-être des sorciers, ou même
des goules ou je sais pas quoi d’autre.
Le vieux Curin en a suivi un, un jour,
ben on l’a jamais revu ! Il a disparu
comme une chaussette sous un lit ! Y
en a même qui disent qu’ils les ont vu
manger des morts ! Oui, des morts !
Vous me croyez toujours pas ? Ben
essayez de piquer un de leurs masques
et vous verrez la gueule de déterré qu’il
y a dessous. Ça sera pas beau à voir, c’est
moi qui vous le dis. Des goules, j’vous
dis ! des goules ! »
Les secrets du
Rougegorge
Personne ne connaît le véritable nom
du Rougegorge, pas même elle. Cette
femme au corps ensorcelant est tou-
jours habillée d’une jupe longue et d’un
haut assorti laissant apparaître son dos
et ses formes harmonieuses. Son visage
est voilé, ne laissant voir que ses yeux
envoûtants. Elle ne retire jamais cette
pièce de tissu ourlé de piécettes de métal
doré, et pour cause : on verrait alors
le bas de son visage auquel manque la
mâchoire, mais où la langue musclée et
étonnamment longue pend comme un
tentacule baveux.
Le Rougegorge était une courtisane,
qui a été agressée, laissée pour morte et
jetée dans la Faille. Elle survécut et se
retrouva dans un lieu étrange, faisant
face à une immense porte d’airain et
d’obsidienne, fermée par des verrous de
fer froid inviolable, au fond d’une gale-
rie. Là, elle entendit la Voix derrière la
porte et lui jura allégeance. Depuis, elle
œuvre pour cette étrange entité dont les
desseins incompréhensibles semblent
vouloir plonger la Ville sainte
dans le chaos.
Le Cloaque 393
 Des professionnels
Métiers du Cloaque
Cueilleur de goûtus : personne qui
ramasse les champignons goûtus qui
sont abondants dans le Cloaque et la
base alimentaire de nombreux habi-
tants vivant sous Laelith (aussi nommés
sous-laelithiens ou encore stratistes).
Récoleur (de monstres) : personne
qui capture, contre récompenses, des
monstres vivants et les amène sans trop
les blesser, pour les faire combattre dans
les arènes des Jeux du dessous.
Déambulantiste culinaire : personne
autorisée et taxée, souvent avec un
chariot, qui vend ses plats cuisinés dans
les rues de la Cité sainte ou dans les
couloirs du Cloaque.
Sistanneur : tanneur de « peaux d’in-
sectes », en particulier de clopoptères
domestiques, pour faire de menus objets
comme des gobelets, brocs, vaisselle,
broches, etc., mais aussi de petits bancs
et meubles au style particulier.
Esclaviste expiatiste : personne,
autorisée et taxée, qui loue ses services
comme esclave pour une durée donnée
et des tâches convenues par contrat.
La spécialité dans le Cloaque est de
servir de souffre-douleur ou de victime
expiatoire.
Médiseur : personne employée pour
médire de quelqu’un.
394
Les racleurs
Le Chariot qui monte est l’une des réalisa- guise de punition pour des fautes ou des actes
tions emblématiques de Laelith. Mais pour d’insubordination.
fonctionner, ses mécanismes doivent être
maintenus en état en permanence. À cet ef-
fet, des couloirs de service ont été creusés et Une journée dans la Racle
aménagés sur ses côtés, le long du tunnel qu’il Les racleurs (ou la Racle, comme on dit dans
emprunte. Mais ces coursives ne sont pas tou- le contingent, avec un ton dédaigneux à sou-
jours des plus sûres en raison de leur proximi- hait) ont des journées organisées au cordeau,
té avec le Cloaque. sous la houlette du racleur en chef, sorte d’of-
ficier souvent tyrannique qui règne sur ses
Notre métier, troupes d’une main de fer (à raison, vu la mau-
vaise graine qui rejoint les rangs de l’unité).
votre sécurité Chaque patrouille se voit affecter une por-
tion de couloirs qu’elle parcourt toute la jour-
Les racleurs sont une unité spéciale du
née. Son devoir est de nettoyer les coursives
contingent de ville. D’aucuns diraient qu’il
(avec l’aide du vorace toutou), de racler et
s’agit d’une voie de garage, et pour certains de
graisser les gaines et conduits du Chariot, de
leurs membres cela s’avère une réalité.
repérer les problèmes mécaniques afin qu’ils
Des petits postes de garde, souvent mi-
puissent être réparés, et de nettoyer la zone de
nables, sont répartis tout le long du tunnel du
toutes les créatures hostiles qui auraient pu s’y
Chariot qui monte, et toujours situés à proxi-
inviter depuis le Cloaque.
mité d’un accès aux couloirs de service. Ils
Il leur est cependant interdit de s’enfoncer
regroupent une douzaine de racleurs chacun.
dans le Cloaque, pour quelque raison que ce
Les patrouilles sont effectuées par des équipes
soit. Les racleurs sont peut-être les pires spé-
composées de deux individus : un maître-
cimens des forces armées de la ville, mais ils
fouisse et un racleur.
n’en sont pas moins précieux. En cas de pro-
Maître-fouisse est le grade le plus presti-
blème majeur, leur consigne est de faire de-
gieux chez les racleurs. Ce sont des experts
mi-tour, de remonter à la surface et de laisser
en dressage, qui possèdent et travaillent avec
les spécialistes s’occuper du reste.
un chien-fouisseur : une sorte de quadrupède
canin à tête de taupe. Ils contrôlent ces bêtes
omnivores (à tendance détritivore et carni- On est mal payés
vore) réputées pour être terriblement voraces,
qui, sans eux, sont d’une terrible agressivité. ma bonne dame
Leur rôle est simple, mais essentiel : surveil- Un des problèmes des racleurs tient dans
ler les environs du racleur et le protéger pen- leur solde que l’on pourrait définir comme…
dant qu’il fait son travail, tout en s’assurant de rachitique. C’est vrai, la Racle paie mal ! La
nourrir leur bête avec les détritus qui parsè- rémunération d’un racleur correspondant à la
ment les couloirs de service. moitié de celle d’un soldat et un maître-fouisse
Les racleurs sont certainement bien moins gagne moitié moins qu’un officier de bas rang
fiers et heureux de faire partie de cette uni- dans le contingent de ville. Il en va de même
té, et pour cause : ce sont eux qui s’occupent pour le racleur en chef.
de l’entretien des coursives à proprement
parler. Une position peu enviée qui a pour
conséquence un recrutement compliqué  :
on ne devient pas racleur par vocation.
Ainsi, ces individus, toujours membres du
contingent, sont souvent transférés là en
 Les membres de la Racle n’hésitent donc
pas, pour la plupart, à arrondir discrètement
leurs fins de mois. Ainsi, certains utilisent les
couloirs de service et les accès directs qu’ils
offrent sur le Cloaque pour faire un peu de
contrebande, ou pour servir de passeurs pour
quelques personnes indésirables. On en voit
même proposer leurs services comme brutes,
emmenant les mauvais payeurs dans les sous-
sols, afin de les rosser pour le compte des
organisations criminelles lésées. Certains se
sont même fait une spécialité de faire dispa-
raître des corps, moyennant de fortes sommes,
voire d’enlever ou d’assassiner les gens. Rien
n’est trop bon pour améliorer son quotidien.
Souvent, ces activités sont connues du racleur
en chef, qui les autorise contre une commis-
sion plus ou moins importante. Certains font
même office d’intermédiaires, mettant en
contact le bon client avec les bons racleurs,
pour un service optimum.
Tandime et Tandard
Tandime et Tandard sont des faux jumeaux.
Recueillis dans le même hospice, élevés par la
rue, ils ont tous deux rapidement décidé de
faire autre chose de leur vie que se compro-
mettre avec les bandes louches de leur petit
quartier. Ainsi, le frère (Tandard) et la sœur
(Tandime) décidèrent de s’engager, il y a six
ans, dans le contingent de ville, et furent affec-
tés à l’unité des racleurs.
Tandime est une jeune femme d’une ving-
taine d’années, en paraissant dix de plus.
Massive, grande, les cheveux courts, le visage
carré, la poitrine peu développée, le regard
bleu acier, elle en impose à qui la croise. Les
gens détournent souvent le regard, encore
plus quand elle est accompagnée de Flar, son
fidèle chien-fouisseur (qui est paradoxalement
ce que son frère aime à appeler « une vraie
crème »).
Tandard est tout le contraire de sa sœur :
petit, frêle, fin, les cheveux longs, délicat, im-
berbe, à la voix fluette. C’est un racleur par
dépit, ne possédant pas la force de dresser une
bête aussi terrible qu’un chien-fouisseur. Mais
il fait son travail avec minutie, sans jamais se
plaindre.
Ce duo improbable est une véritable figure
de leur poste de garde, au cœur de la Chaussée
du lac. Ils sont connus pour leur sens de la jus-
tice et de l’équité, et même s’ils aspirent à se
hisser un peu plus haut dans la hiérarchie, ils
font toujours leur travail avec application et
zèle. Ce sont aussi deux personnes protectrices
et généreuses avec les plus faibles, et cela leur
a déjà attiré bien des ennuis. Certains malan-
drins et collègues véreux voient d’un mauvais
œil leur tendance à se mêler de ce qui ne les
regarde pas, et déjà ils envisagent de prendre
des mesures contre eux, quitte à arranger un
accident ou une disparition opportune.
Le Cloaque est un lieu rempli de
créatures étranges et inconnues, les
Racleurs en savent quelque chose.
Faune
Le clopoptère domestique est un gros
insecte de la taille d’un chat, ressem-
blant à une sorte de tatou gris sombre
moucheté à six courtes pattes, et
dont la cuirasse segmentée lui permet
de se rouler en boule lorsqu’il est
effrayé. Il vit profondément sous terre.
Totalement aveugle, il ne se repère qu’à
l’odorat, corrigé par ses trois antennes
sur le sommet du crâne. Il peut vivre
très longtemps. Il est hermaphrodite
et pond quotidiennement de nom-
breux (et petits) œufs comestibles, non
fécondés, car il ne s’accouple qu’en hiver.
Sa viande tendre est très appréciée,
et servie à prix d’or dans les plus
riches maisons et taberges de la Haute
Terrasse. Sa « peau » est utilisée par les
sistanneurs pour réaliser de la vaisselle
ou des petits meubles.
Les clopoptères sauvages vivent dans
les sous-sols peu habités du Cloaque.
Certains spécimens, dans les zones les
plus reculées, peuvent atteindre des
dimensions énormes, de la taille d’un
cheval à celle d’un dragon (d’après
certaines légendes).
Le Cloaque 395
 Des professionnels
Les antopographes
Les cartographes du Cloaque
Qui dit changement de Roi-Dieu dit changement de poli-
tique. Nin Ier a donc décidé d’œuvrer à réhabiliter les quar-
tiers les plus mal famés de la Ville sainte. Après avoir lancé
son chantier de reconquête du Châtiment, il a décidé de
mettre en place un programme spécial pour le Cloaque.
Il a donc ordonné la création de brigades spéciales : les
antopographes. Composées d’érudits, de cartographes et
d’aventuriers téméraires prêts à s’enfoncer au cœur de ces
souterrains mal fréquentés, leur objectif est de faire ce que
nul n’avait été capable de faire jusqu’alors : le cartographier.
Il s’agit de la première étape d’un projet de sécurisation plus
large qui lui permettra, du moins l’espère-t-il, de reprendre
le contrôle de ce lieu par trop dangereux.
L'assesseur
Yalib Ald'haoui
396
Les antopographes dépendent de la juridiction du Temple
de l’Oiseau de feu. C’est l’assesseur Yalib Ald’haoui qui su-
pervise les équipes. Ce vieux demi-orc d’une soixantaine
d’années, à l’air débonnaire, est toujours accompagné de
Sissaïl, une petite créature ramenée de l’un de ses nombreux
voyages. Cependant, aucun antopographe n’a jamais affaire
avec lui, et c’est son assistante, une jeune prêtresse félys du
nom de Fassima Peau-de-lune, qui se charge de recruter et
d’assigner les missions.
Les antopographes sont répartis en sections de moins d’une
dizaine de personnes chacune. Elles sont gérées par un prêtre
de bas rang (un antécutor) qui se charge de la gestion au jour
le jour, ainsi que de faire ses rapports à Fassima dont il reçoit
ses ordres. L’antécutor peut gérer d’une à quatre sections. Il
approche des personnes, n’appartenant pas au Temple, qui se
sont fait remarquer par leurs exploits, et il tente de les recruter.
Les sections sont composées d’aventuriers prêts à en
découdre, d’un ou deux érudits et surtout, toujours, d’un
cartographe. On leur propose un dédommagement som-
maire pour chaque mission, mais surtout la possibilité de
conserver tous les biens de valeur qu’ils pourront trouver
durant leurs aventures dans le Cloaque, exception faite des
objets saints et éventuelles reliques qui devront être remis au
temple pour examen.
Chaque section est indépendante des autres, et elles ne se
rencontrent que rarement, voire jamais. Il est exceptionnel
de voir leurs membres se rendre au temple de l’Oiseau de feu,
si ce n’est de manière ponctuelle afin de contacter leur anté-
cutor. Certaines sections particulièrement efficaces seraient,
dit-on, reçues par Fassima et peut-être même Yalib. Elles
bénéficieraient d’un statut spécial, et la rumeur dit qu’elles
travailleraient directement sous l’autorité de Fassima ou de
Yalib sur un projet très spécial. Ces sections se rendraient
plus souvent que de raison au temple sur la Main qui travaille.
Chaque section se voit affecter des zones d’exploration.
On lui fournit un point d’entrée, un périmètre précis qu’elle
doit cartographier, ainsi qu’une profondeur à laquelle elle
doit opérer. Ce périmètre est limité, de manière à ce que l’ex-
ploration ne dure que d’une à trois journées au maximum,
pour peu que l’équipe ne se perde pas. Les nains sont nom-
breux à rejoindre les rangs des antopographes, leur sens de
l’orientation en milieu souterrain étant largement apprécié.
Même si la mission première est de cartographier le
Cloaque, chaque section a aussi pour instruction de consi-
gner toutes les menaces rencontrées, et d’éliminer celles
qu’elle est en capacité d’affronter. D’une certaine manière,
les antopographes servent aussi de nettoyeurs.
 Supplique

Une goule réformée...

Les Réformés ou pas.

À l’intention du très sage Habid Valnarène,

Monseigneur, je sais l’intérêt que vous portez au Cloaque et à sa population interlope. Il
va sans dire que la réputation de ce lieu connu pour être l’un des plus dangereux de la cité,
excepté, peut-être, la terrible terrasse du Châtiment, n’est pas usurpée.
Mes recherches m’ont coûté un or fou, et un prix encore plus fort en vies humaines. Si bien
qu’il devient difficile pour moi de recruter de nouvelles escortes, si ce n’est parmi les plus cré-
dules, les plus avides des mercenaires… ou les nouveaux arrivants ignorant tout de mes précédentes
mésaventures.
Cependant, je tenais à vous faire part d’une nouvelle étonnante, et même positive. Une note
d’espoir au milieu de toutes ces ténèbres. Car tout n’est pas perdu. C’est en tout cas ce
que me porte à croire ma récente découverte.
Grâce aux talents de ma dernière équipe d’explorateurs, ou à la
chance, peut-être, nous avons réussi à descendre plus bas et plus loin
que jamais auparavant. En ces lieux dangereux, nous nous
sommes retrouvés acculés par une horde de terrifiants
gobelins blancs : les Dents de sang. Je vis alors mes
compagnons périr les uns après les autres sous les dents
et les griffes acérées de ces choses impies. C’est
alors qu’elles apparurent.
Blessée, épuisée, je n’ai eu le temps que d’aper-
cevoir les corps humanoïdes pâles et décharnés, et de prier pour que les goules qui se présen-
taient à moi attendent que mon corps ait libéré mon âme avant de me dévorer.
Rien de tout cela. Je me réveillai sur le sol froid d’une pièce de pierre, entourée par Prologue : Routine I
plusieurs de ces choses. Elles avaient pansé mes plaies et, je l’apprendrai plus tard, utilisé Les PJ sont repérés par Mertran, un félys
des champignons que l’on ne trouve que dans les profondeurs de ces lieux afin de confectionner antécutor en charge de la zone du Cloaque
des cataplasmes pour accélérer ma guérison. Elles me nourrirent d’autres champignons et je sous l’entrée sud du Châtiment. Ils doivent
commence à me demander, en écrivant ces lignes, si ces derniers n’ont pas provoqué quelques escorter le gnome Leikus afin qu’il carto-
graphie la zone, puis le ramener avec les
hallucinations. Car je peine à croire ce que je vais écrire. plans qu’il aura tracés. Mertran signale
Je découvris un clan composé de goules et de squelettes, menés pas une étrange liche qui la présence d’un trésor important qu’ils
jamais ne me dit son nom. Ils prétendaient être en lien direct avec le Temple du Nuage, et la pourront se partager. Les PJ erreront
liche déclara s’être convertie, tout comme les membres de ce groupe, au culte d’une Déesse dans un labyrinthe de couloirs et de salles
du nom de Thérèas, présidant à la bonté et à la guérison. Elle entendait représenter une lueur immenses, désert, dont les parois sont
comme brûlées. Ils finiront par trouver
d’espoir dans les sombres espaces du Cloaque, aidant les pauvres hères qui se perdent dans ces le trésor, mais un immense dragon dort
profondeurs abyssales. Tel était son fardeau, et le prix de leur rédemption. Elle les appelait dessus. Leikus refusera de le réveiller et
les Réformés. encore plus de le combattre. En réalité il
Alors que je m’endormais de nouveau, je m’attendais à retrouver ces étranges créatures ne s’agit que d’une illusion. Si l’illusion est
« réveillée », cela alertera un vrai dragon
contre-nature à mon réveil. Mais mes yeux s’ouvrirent sur une ruelle étroite de la Chaussée du noir à l’étage inférieur qui lancera ses sorts
lac. Voilà pourquoi je vous implore de croire que je n’ai pas perdu l’esprit. J’espère que cette et son nuage toxique sur les PJ, à travers
missive ne restera pas lettre morte, contrairement à la précédente. Je dois y retourner, et j’ai un plancher spécialement aménagé. Le
besoin de votre soutien. gnome effectuera ses relevés dans la zone
Votre servante, Jubiléa Salti  et montrera, une fois dehors, ses poches
pleines de lithals qu’il ne partagera que
Lettre retrouvée dans une maison depuis longtemps abandonnée, sous la menace.
au cœur de la terrasse du Châtiment

Le Cloaque 397
 Animations de quartier
Les Jeux du dessous
Descendre dans l’arène
La première strate du Cloaque est bien plus
civilisée que l’on veut bien le croire. En réalité,
Les gladiateurs la proximité perméable de Laelith, ainsi que
viennent de loin... l’action des Fils du dessous, sont à l’origine
ou de profond ! d’une véritable société près de la surface,
avec ses codes, mais aussi, comme
pour la Cité sainte, ses événements
emblématiques.
C’est ainsi que, chaque
année, les Fils du dessous
organisent ce que tout
le monde dans les bas-
fonds connaît sous le nom
de Jeux du dessous. Ces
derniers prennent place
dans une zone assez large
de la première strate, au
cœur du territoire des Fils
du dessous. L’endroit res-
semble à une ancienne arène
et, le hasard faisant bien
les choses, ce sont de
véritables jeux du
cirque qui ont
lieu. La date en
est cependant
aléatoire : pour-
quoi une date
fixe quand on
peut préserver la
surprise ?
Un à deux
mois avant le
commencement des Jeux,
les Fils du dessous envoient certains
de leurs hommes, ainsi que des merce-
naires recrutés pour l’occasion, parcou-
rir le Cloaque ou le Hors-ville proche,
afin de capturer des créatures plus
ou moins dangereuses. Plus il y a de
créatures, et plus les jeux sont réus-
sis. Ces expéditions de chasse sont
payées en fonction de la dange-
rosité du gibier rapporté. Plus
398
un monstre est à même de mettre en pièces un
combattant des jeux, plus la prime est impor-
tante. D’autant plus qu’une seconde prime est
versée aux chasseurs, pour chaque gladiateur
mis hors combat par les monstres qu’ils ont
capturés.
Les jeux à proprement parler durent trois
jours. Tous ceux désireux d’y participer
peuvent s’inscrire au matin du premier jour
auprès des recruteurs en chef, présents dans
plusieurs zones proches de l’arène. Les parti-
cipants deviennent alors les gladiateurs.
Chaque jour, trois combats ont lieu. Le
premier jour, tous les gladiateurs sont enfer-
més dans l’arène. On ouvre des portes et des
créatures entrent en nombre. Une fois toutes
les créatures éliminées, on fait le compte des
morts et des blessés. Ceux qui sont toujours
en état de se battre peuvent accéder à l’étape
suivante. Chaque tour se déroule de la même
manière, mais plus les tours avancent, plus
les créatures affrontées sont dangereuses. Les
gladiateurs qui sont toujours debout à l’issue
du dernier tour du troisième jour sont consi-
dérés comme les vainqueurs. Ils gagnent à la
fois une renommée non négligeable au sein
de la population interlope venue assister aux
jeux, mais aussi des richesses importantes.
Assez, en tout cas, pour en motiver plus d’un
à participer.
Cependant, cette tradition a beau exis-
ter depuis plus d’une vingtaine d’années, les
créatures qui peuplent le Cloaque ne sont pas
toutes ravies de son existence. La rumeur dit
que depuis quelque temps, les plus intelli-
gentes et les plus organisées d’entre elles pré-
parent quelque chose afin de mettre un terme
à ces divertissements. Certains pensent que
l’empereur-démon lui-même fomente un plan
afin d’arrêter ces massacres qui divisent les
forces vives du Cloaque et font le jeu des gens
du dessus. À moins qu’il ne les finance et en
tire une partie de ses revenus… Il est difficile
de démêler le vrai du faux.

La pelote des égarés
Un fil d’Ariane
Bien des rumeurs circulent dans les taberges
de Laelith. Mais l’une d’elles évoque un arte-
fact étrange et mystique dont l’existence, si elle
était avérée, pourrait attiser la convoitise de
bien des chasseurs de trésor. Mais quel crédit
peut-on porter aux propos du vieux Barathi ?
Barathi aime à raconter son histoire contre
un verre d’alcool. Comme il aime à le rappe-
ler : « Peu importe ce qu’on me sert, tant que
je peux me la mettre à l’envers ! » L’homme est
une véritable figure du Blanc-mangé, une obs-
cure taberge miteuse de la Main qui travaille.
Il raconte à qui veut l’histoire de la pelote des
égarés : une pelote de fil enchanté qui, une fois
légèrement défaite, se déroulerait immédiate-
ment jusqu’au lieu recherché par le proprié-
taire de ce précieux objet.
Le bonhomme explique alors, à grand ren-
fort d’exagération et d’emphase, comment
la pelote lui a permis, il y a des décennies, de
sortir vivant du Cloaque en retrouvant son
chemin jusqu’à la sortie, alors que ses compa-
gnons d’infortune l’avaient abandonné à moi-
tié estropié après la rencontre avec un terrible
zorn… ou une autre bête du même acabit. Il
faut dire que Barathi change régulièrement sa
version des faits.
Mais il existe une constante : la pelote. Il la
découvrit dans les affaires d’un explorateur
n’ayant désormais même plus la peau sur les
os, et dont le crâne n’était plus qu’un amas de
fragments osseux. Il décrit toujours la pelote
de la même façon : faite d’un fil de chanvre
entrelacé avec des fils métalliques noirs. Il ra-
conte comment il la retira d’un vieux sac de
toile, défit le bout de la pelote, libérant ainsi
le fil… et comment ce dernier entreprit de se
dérouler rapidement pour créer un chemin
qui le mena vers la sortie la plus proche. En
réalité, l’objet semble capable de conduire
vers le lieu auquel son propriétaire pense,
qu’il s’agisse d’une issue ou d’un lieu précis
(comme la cache d’un trésor). Mais l’objet ne
fonctionne que dans le Cloaque, et pas à la
surface.
Malheureusement, Barathi ne possède plus
la pelote. Il sait bien où elle se trouve, mais son
nouveau propriétaire, celui qui lui a volé son
précieux bien, est un pilleur de tombes sans
scrupule dont il ne connaît pas le nom. Trop
vieux, il ne se sent plus de réclamer ce qui lui
appartient de droit. Bien évidemment, si de
valeureux aventuriers voulaient la récupérer
pour lui, il les laisserait alors l’utiliser pour
une unique expédition (à défaut de pouvoir les
payer en espèces sonnantes et trébuchantes).
Une fois son histoire racontée, Barathi re-
gagne la bicoque qu’il occupe. Et de là… le
Cloaque. Car Barathi n’est pas ce qu’il semble
être. Ce rakshasa (Arshkash’brashati, de son
véritable nom) est en réalité à la tête d’une
bande de fiélons ayant trouvé refuge dans le
Cloaque il y a des siècles. Il créa la pelote, un
artefact servant ses desseins, et mit au point un
plan bien rodé.
Son personnage de Barathi est un leurre.
Ceux qui tombent dans le panneau sont alors
envoyés vers l’un de ses sbires (le pseudo-pil-
leur de tombes) qui utilise ses capacités ma-
giques pour faire croire à sa mort suite à un
affrontement avec ses adversaires. C’est dans
le Cloaque que le piège se referme. Une fois la
pelote activée, elle ne conduit que jusqu’au lieu
où les fiélons au service de Barathi attendent
patiemment que les pigeons (les aventuriers ?)
tombent dans leur embuscade mortelle.
Prologue : Routine II
Les PJ sont de nouveau recrutés par
Mertran le félys antécutor. Ils doivent
escorter Nemr, un Arachnien azilianais
et son araignée, afin qu’il cartographie
une zone, puis le ramener avec les plans
qu’il aura tracés. Mertran indique la pré-
sence d’une statue de grande valeur
placée dans une niche en hauteur (elle
avait été repérée par Leikus lors de l’an-
cien relevé, information qu’il n’avait pas
partagée avec les PJ), ainsi que d’autres
pièces précieuses qu’ils pourront rap-
porter à dos d’araignée puis se partager.
Un bazar du bizarre
Les nopplegangers
« Nul ne sait d’où viennent ces étranges
créatures, que l’on nomme aussi dop-
plegangers nains. Certains théoriciens
ont avancé des origines obscures issues
des entrailles de la terre. On dit même
que le terrible empereur-démon serait
leur suzerain. Le fouineur Lamb, quant
à lui, dit avoir déjà aperçu une de ces
créatures oeuvrer contre le maître du
Cloaque. Cela signifierait qu’elles dé-
tiennent, d’une manière ou d’une autre,
un libre arbitre.
Nous en savons peu à propos de ces
créatures. De la taille d’un halfelin,
nos sources nous ont appris que sous
leur forme véritable elles ressemblent
à de petits humanoïdes imberbes, sans
yeux, nez, oreilles ou bouche. Leur peau
grisâtre est lisse et gluante. Elles ont
la capacité de prendre l’apparence de
toute créature humanoïde de leur taille
ou un peu plus grande (au maximum
la taille d’un nain). Mais pire : elles en
acquièrent aussi les capacités.
Nous conseillons l’éradication à vue,
pour peu qu’on les identifie. »
« Les menaces sous la cité », rapport de
Xixgam Derl’z, antezoologue
Il leur rappelle que tout objet religieux
doit lui être remis pour être analysé par
le Temple de l’Oiseau de feu. Les PJ ap-
prendront que Nemr est un cartographe
particulier : grâce à son araignée, il fait
des relevés de plafonds et dessine en-
suite en perspective. La statue se trouve
au-dessus d’un démon en sommeil, qui
bouge de temps à autre lors de ses cau-
chemars. Il provoque alors des déforma-
tions importantes à la salle et à certains
bâtiments ou rues au-dessus, dans le
Châtiment.
Le Cloaque 399
 Une maladie

Les yeux noirs

« Très estimé maître,
Je vous écris en ce jour sombre afin de requérir votre expertise. En ef-
fet, je connais votre compétence dans le traitement des afflictions de l’âme
et des maux du corps, et dois reconnaître aujourd’hui mon incapacité à
comprendre ce à quoi nous faisons face.
Comme vous le savez, mes frères et moi-même nous sommes voués, de-
puis des années, à apporter nos soins aux populations les plus pauvres et
les plus déshéritées de la Cité sainte. Je sais votre désapprobation quant
à notre action et vous connaissez mon opinion : même s’il nous arrive de
porter secours autant à des scélérats qu’à des pauvres hères, nous avons
pour mission de sauver des vies, rien d’autre.
Je connais votre désintérêt pour nos activités et votre dégoût pour le lieu
où nous exerçons. Mais je vous demande, vous mon ancien maître, celui
qui m’enseigna tout ce que je sais, de bien vouloir me lire jusqu’au bout.
Le lieu maudit que l’on nomme Cloaque, et au cœur duquel nous nous
sommes implantés, abrite de nombreux dangers. Mais cette fois-ci, ce que
nous devons affronter pourrait bien affecter toute la ville. Car il s’agit
bien d’une maladie hautement contagieuse et la multiplication des expé-
ditions dans ces souterrains infectés nous préoccupe grandement. La sé-
curité de tous les habitants de notre très sainte Laelith pourrait en pâtir.
Nous avons en effet vu, depuis plusieurs semaines, se multiplier les
personnes atteintes des mêmes sympômes. Nous lui avons donné un nom :
les yeux noirs. La particularité de cette maladie est de ne pas affaiblir le
corps. En réalité, elle semble le transformer et affecter, avant tout, l’esprit.
De ce que nous avons pu constater, elle se développe rapidement, en
quelques semaines. Des points noirs commencent à apparaître dans les
yeux des infectés, tandis qu’ils deviennent légèrement sensibles à des
luminosités trop fortes. Plus la maladie se développe, plus leurs yeux se
remplissent de points jusqu’à sembler être intégralement noirs. Cette évo-
lution rapide s’accompagne d’une augmentation de la photosensibilité,
jusqu’à ne plus supporter même la lumière d’une bougie.
L’ évolution physiologique s’accompagne d’une véritable luminopho-
bie. Ainsi, les pauvres bougres les plus atteints que nous ayons vus refu-
saient de s’approcher de quelque source de lumière que ce soit. Mais il y
a plus inquiétant encore.
En effet, nous avons constaté que les malades étaient comme irrémé-
diablement attirés par les profondeurs. Ceux que nous avons pu voir aux
stades les plus avancés de la maladie parlaient d’un « appel », qu’ils
entendaient et qui les poussait à s’enfoncer au plus profond, dans les en-
trailles du Cloaque, et à descendre, encore et toujours plus loin.
La plupart de ceux que nous avons traité ont disparu, et déjà deux de
mes novices ont succombé à la maladie. C’est pour cela que je vous implore
de bien vouloir nous éclairer de vos lumières, afin de nous aider à protéger
notre très sainte cité. »
Subius Sarg, Premier soigneur du Sanctuaire orphelin,
quelques jours avant la disparition complète
de tous les membres du dispensaire

400
 Le des habitants du401
Cloaque
Vision Cloaque,
par Tania, offert au Grand Prêtre du Temple du Nuage
 Scénario

Car la belle
aimait une bête
En quelques mots
Les personnages vaquent à leurs occu-
pations quand ils sont recrutés afin de
retrouver une jeune femme récemment
disparue. Leur enquête va les mener
jusqu’au Cloaque, où ils découvriront
que leur commanditaire n’est autre
que Trevelian, et qu’il cherche à retrou-
ver cette demoiselle enlevée par le
Rougegorge.
Il est nécessaire d’avoir lu les chapitres
consacrés à l’empereur-démon et à la
Cour des miracles.

Fiche technique
Type • Enquête, exploration, diplomatie
PJ • 3 à 5, de niveau 4 à 6
MJ • À l’aise avec un peu d’improvisation
Joueurs • Tout niveau
ACTION **
AMBIANCE ***
INTERACTION **
INVESTIGATION ***

Un membre de la Cour des Miracles

402
Approches possibles
Les PJ sont contactés, d’une manière ou
d’une autre. On leur donne rendez-vous dans
une taverne de la Chaussée du lac. Il existe de
multiples façons de les motiver, dont un certain
nombre (non exhaustif) est présenté ci-dessous.
Les personnages cherchent travail
La motivation la plus simple est parfois la
meilleure : l’argent. Les PJ étant d’un niveau
tout à fait convenable, nul doute qu’ils ont déjà
vécu bien des aventures, et qu’ils ont commen-
cé, çà ou là, à se tailler une petite réputation.
Il n’est donc pas étrange qu’ils reçoivent une
missive (signée du nom de « Mihad ») leur
donnant rendez-vous dans une taverne mi-
teuse, mais discrète, de la Chaussée du lac.
Ils peuvent aussi avoir été contactés par un
de leurs pourvoyeurs de missions habituels,
par un ami ou un ancien employeur, ou tout
autre PNJ capable de les recommander pour
une mission d’une telle importance aux yeux
d’un commanditaire qu’ils ne connaissent pas
(mais qui paie bien : ajustez la rémunération
de manière à ce qu’elle soit attractive sans pa-
raître suspecte).
Un service à un ami
Mihad recrute, mais elle connaît aussi bien
des gens. Il se peut donc que d’une manière ou
d’une autre, l’un des amis des PJ lui soit rede-
vable. Et cela tombe bien, elle a besoin d’aven-
turiers compétents (sans ironie aucune) pour
s’acquitter d’une tâche en toute discrétion. Elle
demande donc à l’ami en question de la mettre
en contact avec des personnes fiables. Elles se-
ront payées et, si leur mission est couronnée
de succès, la dette de l’ami sera oubliée (pour le
moment). Elle lui garantit cependant qu’ils ne
tremperont dans rien de (trop) louche.
Un service contre un service
Mieux encore, ce scénario peut être utili-
sé comme intermède dans un autre scénario.
Les PJ ont besoin de quelque chose de précis :
information, relique, accès à un lieu, un livre
précieux ou quoi que ce soit d’autre. Les voilà
donc face à un marché : la personne en ques-
tion connaît quelqu’un qui aurait besoin d’un
service. Elle aurait dû aider à s’en charger,
voire s’en charger elle-même, mais les temps
La réalité sur le
commanditaire
Qui a réellement engagé Mihad ? Ce n’est
pas Watger von Barkë, mais un person-
nage bien plus sombre : l’empereur-dé-
mon en personne. En effet, Trevelian fré-
quente Ludmilla depuis quelques mois
désormais, et tous deux sont tombés
amoureux… sincèrement. Aussi sincère-
ment que Trevelian puisse l’être (sa sincé-
rité se confondant certainement avec une
certaine obsession).
Trevelian ne sait pas encore qui a enle-
vé sa bien-aimée. Mihad pourrait mener
l’enquête, mais il craint (et à raison) que le
responsable de cet affront ne s’attende à la
voir venir. Il soupçonne le Rougegorge, qui
lui met des bâtons dans les roues depuis un
certain temps. Il préfère donc tenter une
approche discrète via des agents n’ayant
rien à voir avec lui ou ses employés habi-
tuels. Qui de mieux que des héros en deve-
nir pour servir ses intérêts sans le savoir ?
sont durs… Si les PJ effectuent le travail en
son nom, ils auront accès à ce qu’ils désirent.
En attendant, les voilà obligés à aller à la ren-
contre d’une certaine Mihad.
Au Poisson qui flotte
Quelle que soit la manière dont ils ont été
recrutés, les PJ sont donc invités à se rendre
dans une petite taberge, perdue dans une ruelle
près du port. Le Poisson qui flotte, de son char-
mant petit nom, est un lieu où se retrouvent
pêcheurs, lames à louer et autres contreban-
diers, dans une ambiance alourdie par l’odeur
des lanternes alimentées à l’huile de poisson.
C’est là que les attend leur contact : Mihad,
une demi-elfe, tenant plus de son père humain
avec ses traits massifs et carrés que de sa fine
mère demi-elfe. Encapuchonnée et envelop-
pée dans un manteau simple et sombre, elle ne
paie pas de mine, mais c’est bien le but. Son
employeur tient à rester discret. Elle-même
est assez peu loquace si on l’interroge sur elle
ou sur autre chose que la tâche qu’elle compte
leur confier. Elle sait cependant brosser les PJ
dans le sens du poil si nécessaire, indiquant
qu’elle a entendu le plus grand bien d’eux et de
leur capacité à résoudre des situations compli-
quées de manière discrète.
Entrevue
Xeniophal, rédacteur à la Gazette de
Laelith, nous livre ici une conversation
avec le Premier fouineur Lamb au sujet
de l’empereur-démon.
Gazette : Monsieur Lamb, lors de
vos enquêtes, avez-vous déjà eu
affaire à celui qu’on surnomme
l’empereur-démon ?
Lamb : Oui, cela va de soi. Mes troupes
et moi-même avons déjà établi de nom-
breuses planques près de ses repaires.
Et croyez-moi, il ne manque de rien
ce scélérat ! Faut voir les somptueux
complexes souterrains qu’il se paye avec
l’argent qu’il détourne. D’immenses
forteresses au sein même du Cloaque,
certaines taillées à même la roche.
Quant aux personnes qui y affluent, en
dehors des créatures hideuses à sa solde,
elles font pour ainsi dire partie de la
haute société. Du moins chez ceux d’en
bas. La Haute d’en bas, si vous préférez.
Un jour, lors d’une cérémonie masquée
qu’il avait organisée avec ses amis dans
l’un de ses palais cloaquiens, nous déci-
dâmes d’intervenir en grand nombre
et de boucler tout ce petit monde. Mais
cela ne fut pas aussi simple.
J’eus la brillante idée d’envoyer au pré-
alable un de mes plus fidèles assistants
en reconnaissance, le brave fouineur
Ignace. Pour l’occasion, nous lui avions
dégoté un déguisement de momie qui
lui allait à merveille. Une fois paré de
ses atours, il partit seul à la petite saute-
rie, se mêlant à la foule du mieux qu’il
put. Il parvint à pénétrer dans le palais
sans trop d’aléas, et nous ne le revîmes
plus avant un long moment.
Nous attendîmes ainsi cinq bonnes
heures dans le noir et la puanteur de ces
égouts abominables. Le temps passant,
mes hommes ressentirent tous une
certaine lassitude et l’entrain qui les
animait quelques heures auparavant
s’estompa vite. Ils étaient fatigués,
harassés et exténués.
Le Cloaque est bien pire qu’on se l’ima-
gine, et ces quelques désagréments men-
tionnés ne sont rien en comparaison
de la peur qui vous assaille au moindre
bruit suspect ou à la moindre ombre
qui virevolte à la lueur des torches.
Le Cloaque 403
 À l’unanimité, nous déci-
dâmes avec regret de laisser
notre agent sur place, de partir nous
coucher dans un abri sûr du Cloaque, et
de revenir le lendemain aux nouvelles.
Je précise tout de même que j’ai laissé
deux de mes hommes en poste, au cas
où Ignace referait « surface ». Autant
vous dire que la partie de courte paille
qui désigna les deux hommes ne se fit
pas sans brouhaha, et nous faillîmes
même nous faire repérer par une troupe
de gobelins qui passaient non loin.
Le lendemain, Ignace n’était toujours
pas revenu. Au vu du calme am-
biant, qui contrastait fortement avec
les festivités de la veille, les invités
étaient apparemment tous repartis.
Cependant, nous n’avions aucune
nouvelle de notre homme. Nous
investîmes alors le palais, mais les lieux
étaient vides. Du moins n’avions-nous
trouvé personne. Quelques restes d’une
soirée bien arrosée (et les Dieux savent
qu’il n’y avait pas que du vin et de la
Schtoob Rigoule), des amuse-gueules
éparpillés sur les tables (à la provenance
plus que douteuse), mais rien qui nous
intéressait, aucun document, aucune
piste. Cette mission se solda par un
échec total. Nous dûmes arrêter la
surveillance et quitter les lieux au plus
vite pour rejoindre la surface sans se
faire repérer.
Nous passâmes trois jours dans le
Cloaque avant de trouver une sortie
sûre, poursuivis à maintes reprises par
des humanoïdes peu commodes, et obli-
gés d’emprunter des passages inconnus.
Un vrai dédale quand on se perd et j’y
ai laissé quelques hommes.
Mais ce n’est pas le plus troublant. Une
semaine après que nous fûmes sortis de
cette fosse à purin, un de mes hommes
aperçut Ignace dans une taverne en
bordure du Châtiment, une dizaine de
chopes vides devant lui.
G : Ah bon ? Il a donc réussi à s’en
sortir ?
404
Une mission classique
Il y a deux jours, une jeune femme de bonne
famille du nom de Ludmilla von Barkë a dis-
paru. C’est la fille d’un riche marchand, veuf,
qui l’élève seul depuis son plus jeune âge.
Issus d’une cité portuaire lointaine, et instal-
lés depuis trois ans sur les hauteurs de Laelith
dans une grande demeure de la terrasse de la
Prospérité, tous deux semblent mener une vie
calme et rêvée. Mais Ludmilla avait une pas-
sion : venir se promener au bord du lac, chaque
jour. C’est là qu’elle semble avoir disparu.
Le souci vient du fait que Watger, son père,
est actuellement en pleine négociation d’un
contrat délicat. Aussi, il a préféré ne pas alerter
la garde et commanditer des personnes com-
pétentes afin de retrouver sa fille. C’est là que
les PJ entrent en scène.
Acte I :
Une enquête discrète
Où les PJ enquêtent, mais où tout ne se passe
pas vraiment comme prévu. Cette première
partie est une enquête relativement légère, qui
permettra de mener les PJ jusqu’à l’acte II tout
en douceur.
Premières consignes
Mihad n’est pas avare de consignes pour les
PJ. Son maître est clairement en pleine négo-
ciation difficile et il est hors de question que
la disparition de sa fille (qui pourrait alors, à
ses yeux, le mettre en situation de faiblesse) ou
que l’engagement des PJ soient connus.
• Il est interdit aux PJ de se rendre à la de-
meure des von Barkë, rue des Sept Fortunes
(au sud de la terrasse).
• Il leur est interdit de rentrer en contact avec
Watger ou ses employés. Toute question
passe par Mihad qui leur répondra.
• S’ils doivent contacter la maisonnée (donc
Mihad), elle leur demande de laisser un fou-
lard bleu nuit pendre au porche de la maison
face au Poisson qui flotte.
Quoi qu’il en soit, elle considère qu’en-
freindre la règle signera la rupture de leur
accord. Elle accepte éventuellement, si on la
convainc, de payer d’avance la moitié de la
somme promise en récompense, mais pas plus.
S’ils ne respectent pas ces consignes simples, la
seconde moitié ne viendra pas.
Le lieu de l’enlèvement
Ludmilla aimait à venir se promener tous les
jours près du port Neuf. Elle trouvait toujours
un endroit où s’asseoir et contempler, des
heures durant, les navires luxueux des pontes
de la cité et d’ailleurs, ainsi que les eaux du lac.
Il n’est pas difficile de se renseigner auprès
des gens du coin. Tout le monde a déjà vu au
moins une fois Ludmilla, cette magnifique
jeune femme aux cheveux noir de jais et au teint
de porcelaine. Entre autres le vieux Chabil, un
manouvrier qui travaille souvent à bord des
navires de ces seigneuries et qui habite dans le
coin. Il la voyait et appréciait parfois de discuter
avec elle. Ces derniers mois, elle semblait ce-
pendant venir moins souvent, ou moins long-
temps peut-être. En tout cas il la croisait moins.
Mais il ne sait pas ce qui lui est arrivé.
Une enquête plus approfondie dans les en-
virons ne donne pas grand-chose de plus, mais
permet cependant d’apprendre que le jour
de sa disparition, on aurait vu la demoiselle
déambuler en compagnie d’un homme aux
vêtements étrangement bariolés (Faradim, un
membre de la Cour des miracles dont nous re-
parlerons plus tard).
Les habitudes de Ludmilla
Toujours en interrogeant les gens du quar-
tier, on peut aussi en apprendre plus sur la de-
moiselle. Effectivement, ce que dit Chabil est
fondé : depuis quelques mois, Ludmilla était de
moins en moins présente. En réalité, elle venait
bien dans le quartier mais, souvent, elle y re-
trouvait un homme dont personne ne se sou-
vient vraiment, et qui l’accompagnait dans sa
promenade. Certains pensent qu’il s’agissait de
son fiancé (bien que sa main n’ait été promise à
personne). En effet, elle semblait très proche de
l’homme, lui tenant même parfois le bras.
Interroger le personnel de maison
La maisonnée compte trois serviteurs et ser-
vantes. Si les PJ tentent de les interroger et s’y
prennent bien, ils peuvent en tirer des infor-
mations. Après tout, interdisez quelque chose
aux joueurs et…
• Rénaël est un jeune homme d’une quin-
zaine d’années, qui s’occupe de la cuisine
 et des tâches de manutention. Il est volon-
taire et heureux de travailler pour son ac-
tuel patron (qui le paie bien). Il aimait beau-
coup Ludmilla, et regrette sa disparition. Il
peut apprendre aux PJ qui arriveraient à le
convaincre de parler (il est réticent à l’idée de
parler à des étrangers) que Ludmilla recevait
régulièrement des lettres depuis des mois. Il
n’en connaît pas le contenu. Il peut être ap-
proché soit près de la demeure familiale (il
en sort souvent par la porte de service, sur-
tout quand Garuk revient des commissions
les bras chargés afin de l’aider à tout rentrer),
soit le soir à la taberge du Pied fendu, qui pra-
tique des prix modiques à quelques rues de
là, et où bien des serviteurs se rendent.
• Garuk est un massif demi-orc servant
d’homme à tout faire, mais surtout d’inten-
dant. Malgré son apparence un peu rustre,
La jeune Ludmilla
c’est certainement le plus éduqué des trois
serviteurs : un avantage dû à un père of-
ficiant comme intendant dans une riche
famille. Garuk n’était pas très proche de
Ludmilla, mais il peut apprendre aux PJ qu’il
l’a régulièrement vu sortir, la nuit, sans l’aval
de son père. Il n’en avait rien dit car il pen-
sait « qu’il faut que jeunesse se fasse », mais
désormais c’est parce qu’il se sent coupable
et a peur que cela le mette en porte-à-faux
vis-à-vis de son employeur. Il est donc dif-
ficile de lui tirer les vers du nez. Il l’a aussi
suivie discrètement, plusieurs soirs, jusqu’à
une maison, les Parfums de l’esprit, où l’on
peut écouter de la poésie, de la musique et
d’autres œuvres bardiques. Ludmilla en re-
venait toujours avant le lever du soleil, et
donc le réveil de son père. Il peut être ap-
proché lors de ses sorties matinales pour se
L : Oui, si on veut. Je le revis
d’ailleurs quelques jours
plus tard à mon bureau. Il était venu
m’apporter sa démission que je devais
transmettre au grand prêtre Anemates.
Je lui ai demandé des explications sur ce
qu’il s’était passé, mais il n’arrivait plus
à parler correctement, bredouillant des
choses incompréhensibles qui, l’alcool
aidant, étaient encore moins limpides. Il
fut admis au Lazaret pendant quelques
semaines en soins intensifs, et je me
rendis à son chevet plusieurs fois. À sa
sortie, il allait beaucoup mieux, mais il
replongea vite dans l’alcool. En plus de
sa retraite anticipée, l’administration
lui avait versé une prime de risque pour
féliciter son courage. De quoi le faire
vivre pénard pendant un bon moment.
Pourtant, à l’heure actuelle, il traîne
dans les taberges les plus cradingues qui
soient, à dépenser le peu qu’il lui reste
d’économie, et à rôder avec les vauriens
et les pouilleux de la cité. C’est devenu
une vraie loque. Nous avons fini par
le renier pour ce qu’il est devenu. C’est
triste de voir qu’un si brillant fouineur,
qui avait à son actif de nombreuses
affaires élucidées, puisse décliner de la
sorte.
G : Quelle histoire ! Et vous a-t-il racon-
té ce qu’il lui était advenu lors de cette
soirée déguisée ?
L : Oui, mais je ne tiens pas à ce que
vous l’appreniez de ma bouche. Vous
pourrez trouver Ignace le plus souvent
sur la Chaussée du lac, à la taberge du
Marocaya sans écaille. Allez l’interroger,
et vous entendrez alors son histoire, si
tant est que vous parveniez à la com-
prendre. Je ne sais pas si je dois y porter
du crédit, et j’avoue que tout cela me
laisse perplexe. Vous en jugerez donc
par vous-même.
G : Merci monsieur Lamb pour cette
entrevue. Ce fut un réel plaisir de
discuter avec vous.
L : À votre service. Mais n’allez pas
publier cette conversation dans votre
gazette. Nous n’aimons pas trop que
nos fiascos s’ébruitent. Vous m’avez
bien compris ?
G : C’est clair comme l’eau du lac, mon-
sieur Lamb, pas un mot de tout ça !
L : Oui enfin, l’eau du lac n’est pas si
claire que ça non plus…
Le Cloaque 405
 Construction
du pont Nin Ier
« Il paraît que pour rattraper le retard
des travaux, les grands prêtres ont
donné carte blanche à Egan le nain
• Sélina est une nourrice d’un certain âge qui a
architecte-ingénieur en chef en charge
des travaux du pont Nin Ier et qu’il
aurait négocié une aide avec le Temple
de la Taupe ! La nuit venue, c’est une
autre main-d’œuvre qui continue les
travaux !
– Des clandestins ? Des sans-coquilles ?
– Non, non. Bien pire…
– Ha ?
– Des MORTS-VIVANTS ! Tu sais,
il y a eu un grave accident qui a tué de
nombreux ouvriers quand ils ont jeté le
coffrage cintré sur l’Inlam ? Nurthor,
nécro-prêtre du Temple de la Taupe,
aurait rappelé de la mort ces ouvriers
pour rattraper le retard ! »
Helma Heck
406
rendre au marché, ou parfois, le soir, à la ta-
berge du Loir qui court (proche, un peu plus
chère et mieux fréquentée que le Pied fendu,
mais toujours abordable).
toujours connu Ludmilla. Elle est désormais
sa douairière, mais aussi sa confidente. Cette
halfeline n’est pas la plus commode des trois,
d’autant qu’elle a une petite tendance surpro-
tectrice (elle traite Ludmilla comme sa propre
fille) et paranoïaque (elle pense que ceux qui
l’ont enlevée voudront faire disparaître le
reste de la famille un jour ou l’autre). Elle
peut apprendre aux PJ que Ludmilla recevait
bien du courrier. Même si cette dernière ne
lui en dévoilait pas le contenu, il s’agissait des
lettres d’un courtisan dont elle était tombée
éperdument amoureuse. Il signait toujours
d’un élégant T. Elle peut être approchée à la
demeure familiale, mais aussi chez elle : au
second étage d’une petite bicoque aux limites
de la terrasse, non loin de la Faille.
Quoi qu’il en soit, s’ils passent par Mihad,
les PJ n’en apprendront (presque) pas moins.
Cette dernière est efficace et ne retient que
deux informations : la signature des lettres en-
voyées à Ludmilla, ainsi que la maison jusqu’où
Garuk l’avait suivie.
S’ils décident de transgresser les règles
fixées par Mihad, ils susciteront l’étonnement
des employés de la famille von Barkë. Mais
ces derniers connaissent l’excentricité et la
discrétion de leur maître et, effectivement,
il est possible que, méfiant envers la capacité
des autorités à retrouver sa fille, il ait fait en-
gager quelques personnes de manière discrète.
Cependant, leur étonnement reste entier : ap-
paremment, le fouineur Darold est déjà sur la
piste de la demoiselle.
Enfin, l’existence des Parfums de l’esprit
peut être révélée grâce à une enquête de voisi-
nage : un voisin rentrant ivre d’une fête « dis-
tinguée » l’aura certainement croisée lors de
l’un de ses retours, voire l’en aura vue sortir.
Si nécessaire, cumulez les témoignages parlant
de plusieurs soirées différentes. Quoi qu’il en
soit, cette maison ne peut qu’intriguer les PJ.
Les Parfums de l’esprit
La propriétaire, Halma Heck, aime à présen-
ter cet endroit comme une maison de plaisirs
intellectuels. Et il ne s’agit effectivement que
de cela. La bâtisse se trouve dans une petite
rue discrète en plein cœur de la terrasse de la
Prospérité. Elle ne paie pas de mine, mais une
fois à l’intérieur, on peut admirer sa décoration
sobre et de bon goût. La maison est constituée
d’une grande pièce centrale donnant sur une
dizaine de salons privés. Deux escaliers mènent
à l’étage qui comprend une quinzaine de salons
privés plus conséquents, répartis au fil d’une sé-
rie de couloirs. La salle principale, quant à elle,
est toujours remplie d’hommes et de femmes
richement vêtus. Ils viennent écouter les chants
et les poèmes interprétés par des bardes de
passage ou des ménestrels résidents, au talent
indéniable. Quant aux salons privés, ils sont
réservés à des représentations en petit comité.
Mais rien de sexuel dans tout cela : les employés
(temporaires ou permanents) ont interdiction
de fricoter avec les clients, et tout client posant
la main sur le personnel subirait immédiate-
ment le courroux de la charmante hôtesse.
Halma est en fait un succube qui, grâce à son
pouvoir de métamorphose, se fait passer pour
une dame d’un certain âge, à la peau hâlée, aux
longs cheveux noirs et aux yeux noirs. Elle ac-
cueille elle-même les visiteurs.
Elle ne désire cependant pas parler de ses
clients et clientes. Mais des PJ convaincants
pourraient la persuader de leur parler un peu
de Ludmilla. Cette dernière se rendait toujours
dans un salon du rez-de-chaussée, loué par un
client dont le nom reste un mystère : un jeune
homme dont Halma elle-même n’a entrevu
que la silhouette. Elle sait juste qu’elle doit
faire porter ses notes à une maison au fond de
l’impasse Sans regard, sur la Prospérité. Et elle
reçoit son dû en retour, toujours accompagné
d’un mot félicitant la qualité des services de la
maison, signé d’un simple T.
Si Halma n’est pas convaincue de parler,
c’est Kalis, le ménestrel qui se chargeait de dis-
traire Ludmilla, qui peut leur parler de la mai-
son dans l’impasse, ainsi que du jeune homme
(dont il n’a jamais vraiment vu le visage, ce
dernier restant toujours dans la pénombre,
même dans les salons de la maison).
La maison au fond de l’impasse
La maison dans laquelle vit le mystérieux T
se trouve tout au fond d’une impasse sombre.
Elle ne paie pas de mine : enchâssée entre les
maisons bordant la rue et en bouchant le pas-
sage (faisant donc de cette ruelle une impasse),
elle semble étroite et haute. Mais une fois à
l’intérieur, on se rend compte qu’il s’agit en
réalité d’un immense manoir.
Le lieu est aujourd’hui plus ou moins aban-
donné. La porte massive qui en signe l’entrée
est solidement fermée, mais il est possible de
passer par les toits des maisons adjacentes afin
d’accéder aux lucarnes du grenier (rempli à ras
bord de bric et de broc, de statues, de tapis-
series et de peintures de toutes sortes, toutes
contrées et toutes époques).
La demeure est entièrement meublée et il
semble qu’elle soit entretenue de manière régu-
lière. Le décor est des plus baroques, composé
de tableaux et de sculptures datant d’époques
variées. On trouve même une salle exposant
des armures (d’apparat pour la plupart) sur des
présentoirs, dont certaines remontent certai-
nement à une antiquité lointaine.
La maison est composée : d’un grand salon,
d’un boudoir, d’une salle d’armures et d’une
partie cuisine et cellier (en plus de chambres
pour les serviteurs) au rez-de-chaussée, de
huit grandes chambres à l’étage et d’un im- Et si les PJ
mense grenier. De plus, l’arrière donne sur un cherchent
jardin soigneusement entretenu. Il existe un
passage secret, extrêmement difficile à trou-
Mihad
ver, qui conduit au Cloaque depuis les cuisines. La femme est introuvable.
La maison est vide à l’heure actuelle. Aucune Pourtant, elle sait étrange-
trace du mystérieux T, ni aucun indice. ment toujours comment
trouver les PJ.
Mihad est évasive et mysté-
D’autres témoignages rieuse. Personne n’a jamais
Une enquête de voisinage autour du manoir entendu parler d’elle : ni les
du mystérieux T permet d’apprendre que plu- Barkë, ni les employés de
sieurs voisins ont déjà aperçu le jeune homme maison, même pas le te-
qui vit là. Mais impossible de décrire celui qui nancier du Poisson qui flotte.
ne sort quasiment jamais, si ce n’est pour se
Non seulement elle est d’une
immense discrétion, mais
rendre aux Parfums de l’esprit.
elle n’est pas une demi-elfe.
D’autres témoignages peuvent être recueillis Cette rakshasa n’hésite pas
autour des Parfums de l’esprit. On dit avoir vu à utiliser sa magie afin d’en-
Ludmilla se rendre régulièrement dans l’éta- dosser diverses formes et
blissement, mais certains ont aussi remarqué de se faire passer pour ce
qu’elle était suivie, parfois, par un homme aux qu’elle n’est pas. Elle surveille
en réalité régulièrement les
vêtements étrangement bariolés (Faradim).
personnages.
On peut même le décrire sommairement. Le
plus étrange étant le sceptre qu’il portait à la
Vous pouvez laisser ce fait en
arrière-plan ou l’utiliser pour
ceinture, auquel étaient attachées quelques
faire monter la paranoïa des
fanfreluches multicolores.
PJ. Alors qu’ils mènent leur
Certains ont aussi aperçu l’homme aux vête- enquête, ils ne peuvent s’em-
ments bariolés traîner dans un coin de la ter- pêcher d’avoir le sentiment
rasse, proche de la Faille. Un mendiant éden- d’être régulièrement obser-
té pourrait même être motivé par quelques vés par des personnes dans
pièces et leur indiquer l’endroit : une sorte de
les rues, dans les tavernes,
même le soir en rentrant chez
petit belvédère duquel part un chemin descen-
eux.
dant plus bas vers les couloirs de service du
Une rakshasa est une créa-
Chariot qui monte. C’est de là, leur assure-t-
ture puissante. Mihad n’est
on, qu’on l’a vu arriver plusieurs fois.
pas là pour être combattue
(ou elle risquerait de mettre
Deux limiers pour une piste le groupe à genoux en un rien
de temps).
Les PJ le réaliseront au fur et à mesure de
cette première partie : ils ne travaillent pas
pour Watger von Barkë. Si cette révélation ne
leur a pas déjà sauté aux yeux, ils seront vite
rattrapés par la réalité, en la personne du foui-
neur Darold, expressément mandaté afin de
retrouver la demoiselle.
Faites intervenir cet événement si vous en
avez besoin, et de la manière la plus appropriée.
Il s’agit à la fois de mettre un peu de pression
sur les épaules des PJ, tout en leur donnant
l’opportunité de récupérer les informations
qui leur manquent. Ils peuvent apprendre son
existence et décider de l’approcher, ou être ap-
prochés par lui, selon leurs actions.
Le Cloaque 407
 Mener l’acte II
La seconde partie de l’his-
toire est moins linéaire, ce qui
la rend un peu plus délicate à
mener. Ce scénario fournit
un certain nombre de don-
nées et de situations, mais
c’est à vous MJ, de broder et
d’en faire quelque chose, tout
comme c’est à vos joueurs de
prendre l’initiative.
Il est cependant important
que vous leur donniez du
grain à moudre. La situation
est particulière et tendue,
mais c’est aux joueurs de
prendre une décision entre
ramener Ludmilla à son père,
à son amant ou la laisser aux
mains de la Cour.
Exfiltrer Ludmilla ne devrait
pas être chose facile, mais
ne le rendez pas impossible.
La situation doit être tendue,
la situation difficile à négo-
cier, mais un plan bien ame-
né devrait être récompensé.
Donnez-leur la juste récom-
pense des actions qu’ils en-
treprennent et les ouvertures
qu’ils méritent.
Brève de taberge
« Les tambours des strates inférieures
sonnent de nouveau et se rapprochent
de lune en lune !
– Oui un nouveau patron s’est réveillé
dans les profondeurs et Trevelian n’a
qu’à bien se tenir.
– Tais-toi ! Si jamais c’est lui qui gagne
tu auras l’air malin.
– Il est p’t’être déjà mort. Ça fait deux
lunes que personne ne l’a vu.
– Tu parles… L’empereur-démon a
plus d’un tour dans son sac et il va pas
lâcher comme ça.
– Il est encore parti courir jupons ? Qui
est sa nouvelle victime ?
– Il doit préparer le combat, rameuter
ses alliés et rassembler ses armées.
– La guerre pour bientôt alors ?
– Oui et donc plein de boulot pour
nous ! »
Irec et Trekar, frères nains forgerons esclaves
de l’empereur-démon
408
Darold est un homme d’une quarantaine
d’années. Sec, fin, grand mais toujours cour-
bé, ses cheveux noirs et son nez crochu lui
donnent un air de corbeau. Son regard est
froid, et son sourire étrange met mal à l’aise.
S’ils l’approchent, Darold est méfiant. Il
peut, ou non, avoir entendu parler d’eux (en
fonction de leur discrétion, mais aussi avoir
contacté, ou non, le personnel de maison des
von Barkë). Cependant, si les PJ manœuvrent
bien et qu’ils ne cherchent pas les ennuis, ils
peuvent le convaincre de travailler de concert,
ou de les aider (voir plus bas).
Si c’est lui qui approche les PJ, c’est qu’il a ap-
pris d’une manière ou d’une autre la nature de
leur enquête (d’autant que leurs recherches se
recoupent). Il commence par se renseigner le
plus discrètement possible sur eux (démarche
dont les PJ peuvent alors entendre parler et qui
peut les pousser à prendre les devants), avant
de décider ou non de leur proposer son aide.
Il prend ensuite toutes les précautions pour les
approcher en un lieu sûr (où il y a en général de
la foule), surtout s’ils ont déjà fait démonstra-
tion de leurs talents guerriers en ville.
Quoi qu’il en soit, son but est de proposer aux
PJ de travailler pour lui, ou tout du moins de
mutualiser leurs indices et leurs capacités. Et
évidemment voir à la fin rejaillir la gloire sur
lui. Il est cependant conciliant, sait que les PJ
ont des capacités qu’il n’a pas, et il est prêt à leur
apporter la légalité nécessaire à leur enquête.
Ultime indice
Darold est certainement le meilleur vecteur
pour cet indice. Mais si les PJ se le sont mis à dos
(voire pire, si des PJ paranoïaques se sont occu-
pés de son cas… définitivement), il faudra trou-
ver une autre manière de l’introduire (peut-être
en mettant à disposition le journal que Darold
tient minutieusement et résumant son enquête).
Dans tous les cas, Darold a lui aussi remonté
la piste jusqu’à Faradim (dont il ne connaît que
l’apparence et qu’il nomme « le bouffon »). Il
n’a pas réussi à tirer les vers du nez de Sélina ou
d’Halma et ne connaît pas l’existence du mysté-
rieux T. Il pense cependant que Faradim vient
certainement du Cloaque et qu’il utilise un ac-
cès dans les couloirs de service du Chariot qui
monte. Pour lui, c’est la piste la plus promet-
teuse. D’autant qu’il a remarqué, sur les murs
du passage emprunté, d’étranges petits signes
gravés dont il ne connaît pas le sens.
Acte II :
Jusqu’au cœur du Cloaque
Où les PJ terminent leur investigation, et
doivent descendre dans le Cloaque afin de re-
trouver la trace de la demoiselle, de ses geôliers
et de leur véritable commanditaire.
La piste des symboles
Revenons un instant sur les fondamentaux
du Cloaque : il s’agit d’un labyrinthe sombre
et dangereux, au cœur duquel toute circula-
tion est au mieux complexe, au pire quasiment
impossible, et surtout terriblement risquée.
C’est pourquoi la Cour des miracles a décidé
de baliser des chemins, afin que ses membres
puissent aller et venir entre le quartier géné-
ral et la surface dans les meilleures conditions
de sécurité possible. Évidemment, ces che-
mins changent régulièrement, d’autant que
le campement est nomade. Cependant, tous
les glyphes ne marquent pas le chemin vers la
Cour, et beaucoup sont placés pour mettre les
intrus sur une fausse piste.
Afin de naviguer le long du bon chemin, il
est nécessaire de détenir un artefact magique
mineur : le verre de vérité. Ce morceau de
verre fourni par le Rougegorge en personne
est doté d’une propriété : celle de révéler le
sens des glyphes du Cloaque et ainsi de déter-
miner lesquels suivre ou non.
Se procurer l’un de ces verres demande
un peu de patience. Il est nécessaire de mon-
ter une planque près du belvédère utilisé par
Faradim afin de surprendre un membre de la
Cour, d’obtenir de lui qu’il parle et explique
comment suivre les glyphes, et de lui voler le
verre. Il s’agira certainement d’un greffon qui
utilise ces passages pour se rendre à la sur-
face pour ses affaires. Il est cependant diffi-
cile de les reconnaître, si ce n’est par quelques
fanfreluches multicolores attachées à la cein-
ture ou sur leur vêtement. Les PJ pourraient
même contraindre leur victime à les guider,
mais cette dernière tentera de les semer ou de
les perdre.
Suivre les glyphes est hasardeux. Même en
utilisant un sort de détection de la magie ou de
compréhension des langages, il est impossible
de déterminer quel glyphe indique quel che-
min. Pire, cela pourrait bien mettre les person-
nages sur une fausse piste.
 Interroger un membre de la Cour ne sert
pas à grand-chose. Les PJ peuvent cependant
apprendre que les fanfreluches colorées leur
1d6 Temps écoulé Événement/lieu
permettent de se reconnaître entre eux. Mais
aucun membre ne sait qui est Ludmilla, ni si 1 +¼ journée
elle se trouve parmi les miraculés.
Jusqu’à la Cour
Quoi qu’il en soit, les PJ vont devoir s’aven-
turer dans les tréfonds du Cloaque. Qu’ils pos-
sèdent un verre de vérité ou non, qu’ils soient 2 +½ journée
guidés ou pas, ce ne sera pas de tout repos : nul
n’y pénètre en espérant une promenade de santé.
La partie qui suit propose d’intensifier l’ex-
ploration du secteur en y mettant à la fois un
3 +¼ journée
peu de suspens et d’aléatoire. Cela est d’autant
plus approprié pour un lieu aussi labyrinthique
que le Cloaque. L’idée est simple : demandez à
l’un de vos joueurs de lancer un d6. Ajoutez
au résultat obtenu le nombre de scènes déjà 4 +1 journée
jouées sur le tableau ci-contre, puis consultez
la ligne correspondante et jouez (improvisez)
la scène. Quant à la colonne « temps écoulé »,
elle correspond au temps mis par les PJ pour 5 +½ journée
passer de la scène précédente (ou de leur en-
trée dans le Cloaque) à la scène en cours.
Si les PJ sont accompagnés par un membre de 6 +¼ journée
la Cour qu’ils forcent à leur servir de guide, ajou-
tez d’office +2 au résultat du d6, et augmentez
normalement de 1 par scène jouée. Cependant
si leur guide s’échappe, retirez 2 (donc revenez
au simple nombre de scènes jouées).
7 +¼ journée
Cette partie du scénario peut se révéler
longue. N’hésitez pas à ajuster ou à accélérer les
scènes les moins intéressantes ou celles qui ne
vous inspirent pas (surtout en cas de répétition
du même résultat), ou au contraire à dévelop-
per un certain événement. Leur voyage dans
le Cloaque n’est pas censé être facile et rapide.
Si le même résultat est obtenu plusieurs fois
de suite, choisissez carrément une autre entrée 8 +½ journée
du tableau. Ce petit système est fait pour vous
surprendre, pas vous contraindre.
Il existe enfin l’éventualité que les PJ dé-
cident que l’exploration prend trop de temps
et qu’il est nécessaire de ressortir du Cloaque.
Plus le temps passe et plus il est difficile d’en 9 +1 journée
sortir. Demandez à l’un des joueurs d’effectuer
un test de Sagesse pour son PJ (de préférence
celui qui mène les recherches). Prenez la dif-
ficulté moyenne. Pour chaque scène jouée, la
difficulté augmente de 2. En cas de réussite, les
10 + +¼ journée
PJ trouvent une sortie vers l’une des terrasses
Exploration du Cloaque
Les PJ entrent dans une salle étrange. Ils y trouvent plusieurs
cadavres, certainement d’anciens explorateurs. La zone est
hantée par, au choix : une âme en peine, deux fantômes ou
trois spectres. Il leur faut, soit combattre les créatures, soit
résoudre ce qui les retient afin de passer. Cela peut être leur
donner une sépulture décente, ou détruire un objet maudit qui
les retient captifs, ou autre.
Les PJ parcourent une série de boyaux naturels. La progression
est difficile et à plusieurs reprises ils doivent choisir une
direction ou négocier un passage difficile (sol qui s’effondre,
chasme barrant la route, escalade d’un mur humide et
glissant), au risque de perdre des points de vie ou de s’épuiser.
Les PJ traversent une étendue d’eau souterraine souillée. Il
faut passer rapidement de l’autre côté, à moins de vouloir finir
noyés, malades ou pire. Peut-être est-ce la demeure d’une
guenaude aquatique, ou d’une créature lacustre arrivée là
depuis le lac.
Un groupe de créatures occupe un complexe en ruines. Il faut
négocier le passage, se battre ou faire demi-tour. Il peut s’agir
de trolls nains, de goules, de duergars ou même de gnomes
des profondeurs.
Le passage est barré : une porte, un portail, un éboulement,
un lac naturel… les PJ doivent trouver comment passer ou
faire demi-tour.
Le passage est tenu par un gardien solitaire. Un pont
gardé par un troll et ses trolls nains, un chemin occupé par
des gobelins, des cavernes anciennes occupées par des
kobolds, etc. Il faudra passer en force ou négocier, car les
gardiens cherchent quelque chose : un ingrédient précieux, de
l’argent, des bijoux, quelque chose qui brille, etc.
Les PJ tombent nez à nez avec un troupeau de clopoptères
surveillé par deux sombres faës facétieuses (qui se sont cachées
à l’arrivée des personnages). Terriblement mesquines, elles leur
lanceront divers sorts : lancer de pierres, chute de stalactites,
ruée de clopoptères, trou profond dissimulé dans une flaque
boueuse… S’ils retombent sur ce résultat, le harcèlement
reprend, jusqu’à ce que les fées soient neutralisées ou soudoyées
(avec de la nourriture, des objets brillants, un souvenir important
que les PJ oublieront, ou plus étrange encore).
Les PJ tombent sur la réserve de nourriture d’une créature
gigantesque, ou d’une communauté de créatures étranges,
ou encore sur le garde-manger d’un prédateur. La (ou les)
créature(s) est (sont) là. Il faudra soit contourner, soit affronter
la chose (ou la convaincre, si elle est intelligente, de les laisser
passer).
Les PJ débouchent sur une caverne-autel du Temple de la
Taupe dans laquelle a lieu un office religieux macabre. Les PJ
sont surpris sur résultat de 1 à 4 sur 1d6 et seront pris en chasse
par les sbires du temple. S’ils retombent sur cet événement,
ils sont retrouvés par les sbires en question et une chasse à
l’homme (ou un jeu de cache-cache) s’engagera de nouveau.
Arrivée à la Cour des miracles.
Le Cloaque 409

Faradim
Faradim est un rieur. Mais il s’agit
surtout d’un homme de confiance
du Rougegorge. Il connaît sa véri-
table identité, et la sert avec zèle et
dévotion.
Faradim ne montre jamais son vi-
sage (ravagé par les flammes). Son
masque grimaçant détient un pou-
voir étonnant : il donne l’apparence
d’un visage humain fait de chair et
de sang. Quand il parle, son sourire
permanent transparaît dans sa voix
et il émet régulièrement de petits
rires incontrôlés. Il mérite son petit
surnom de « Bouffon ».
Cependant, Faradim est un ma-
nipulateur cruel qui n’hésite pas à
faire tout ce qui est nécessaire pour
arriver à ses fins. Il est capable de
mentir avec un terrible aplomb,
joue merveilleusement la comédie
(surtout quand il s’agit de se faire
passer pour une victime), et tue
sans remords toute personne en-
travant ses projets. Et surtout, il est
d’une fidélité sans faille envers le
Rougegorge et son maître secret :
la Voix derrière la porte.
Chalik
Chalik est un miraculé, mais il a dé-
veloppé une immunité aux champi-
gnons consommés par les autres.
Il commence, depuis quelques
semaines, à comprendre que sa
place n’est peut-être pas là, mais
à la surface. Il sait cependant que
l’on n’échappe jamais vraiment à
la Cour des miracles et il préfère
éviter de mettre en danger ce qu’il
reste de sa famille (un frère et une
sœur, tous deux manutentionnaires
sur la Chaussée du lac).
Il s’est pris d’affection pour
Ludmilla. Quand les PJ arrivent, il
voit en eux l’opportunité de la sortir
des griffes du Rougegorge. Chalik
est là pour permettre aux PJ d’avoir
un allié fiable dans la place. Il pense
qu’en faisant une bonne action et
en aidant les gens de l’intérieur, il
pourra changer les choses. Ce PNJ
pourrait devenir un allié sur le long
cours pour les PJ, si vous désirez
continuer à mettre en scène la Cour
des miracles.
410
Fardim
au hasard. En cas d’échec, jetez de nouveau le
dé sur la table d’exploration ci-dessous (en aug-
mentant normalement le modificateur de 1).
Bienvenue à la Cour !
La Cour des miracles s’est installée au cœur
d’un ancien collecteur d’égouts désormais assé-
ché. Il s’agit d’une grande étendue de tentes et de
miraculés en habits blancs et sales. Tous ont le
sourire, tous travaillent, à récolter divers cham-
pignons ou à réparer et fabriquer tentes et vête-
ments. Ceux qui aperçoivent les PJ ne réagissent
pas. Ils leur sourient et leur souhaitent la bien-
venue avant de se remettre au travail. Une am-
biance étrangement calme et sereine, mais aussi
oppressante : les membres de la Cour ont l’air
trop heureux et béats pour que cela ne soit pas
l’effet d’une drogue ou d’un sortilège. Pourtant,
que l’on use d’un sort pour détecter du poison
ou la présence de magie, rien n’en ressort.
C’est Faradim, arborant son masque, qui se
présente à eux, accompagné d’une dizaine de
greffons. Cependant, ni lui ni ses hommes ne
sont agressifs. Ils accueillent les PJ à bras ou-
verts et acceptent même de les mener jusqu’à
Ludmilla. Il est cependant hors de ques-
tion de la faire sortir de la Cour. Ordres du
Rougegorge. Et s’ils veulent une explication
détaillée, il leur faudra parler au Rougegorge.
Si les PJ demandent à rencontrer ce dernier,
ils seront invités à rester une nuit, le temps
que le Rougegorge revienne à la Cour (d’une
destination inconnue de tous). Cela laisse une
nuit complète, et certainement une partie de
la journée, pour que les PJ fassent le tour du
propriétaire. Cependant, Faradim a ordonné à
deux de ses greffons de garder un œil sur eux,
discrètement.
Le campement de la Cour
Évidemment, il serait faux de penser que le
lieu où les PJ ont débarqué est la véritable
Cour des miracles. Le campement sert
en réalité d’antichambre, mais seuls les
rieurs en ont conscience, ainsi qu’un cer-
tain nombre de greffons. Il en existe plu-
sieurs du même genre dans divers lieux
du Cloaque, dans lesquels le Rougegorge
se rend de manière régulière.
Le campement est composé de plu-
sieurs points d’intérêt (plus ou moins diffi-
ciles d’accès pour les PJ). Il est construit autour
d’une immense grille de métal massive posée
au sol, au centre de la zone, pour fermer un
abîme sans fond.
Il abrite une centaine de miraculés et plus
d’une trentaine de greffons. Les miraculés
travaillent, mangent, puis chantent et dansent
une fois la nuit venue avant de dormir. Quant
aux greffons, ils ne mangent que rarement la
même nourriture et gardent un œil sur toute
cette petite troupe.
Les PJ sont toujours suivis, de manière dis-
crète, par deux greffons qui rapportent leurs
moindres faits et gestes à Faradim. Ils ont ce-
pendant une chance certaine : les miraculés
sont, eux, pour la plupart, si béats qu’ils ne
font pas vraiment attention à eux… à moins
que…
… l’alarme sonne ?
Si jamais les PJ tentent d’emmener Ludmilla
et se font remarquer, l’alerte est donnée grâce
à un petit sifflet que tous les miraculés et tous
 5

2 7

6
1 3

4
3

2
8

La Cour
La Cour des miracles
Le point d’entrée. C’est la zone par laquelle les PJ
3
des miracles
1
arrivent, c’est aussi la plus évidente pour repartir.
Elle est gardée par quatre greffons en permanence,
répartis dans les deux tentes de part et d’autre.
Les champignonnières. On y cultive des
2
champignons, et une grande partie des mira-
culés y travaillent pendant la journée. Manger
ces champignons entraîne des effets étranges :
chaque jour passé, on a de moins en moins envie
de quitter les lieux.
Les guérites. Chaque guérite abrite deux gref-
3
fons qui montent la garde. La guérite sud est,
de plus, équipée d’une barrière et gardée par un
troisième greffon.
La tente de Chalik. Chalik est un allié potentiel
4
pour les PJ. Ce nain a, semble-t-il, développé une
étrange résistance aux effets des champignons
(voir en marge).
Les réserves de nourriture. Gardées en perma-
5
nence par un greffon et deux hommes de base.
La cabane de Ludmilla. La petite cabane de
6
bois et de pierre est confortable, mais gardée en
permanence par quatre greffons. Chalik y apporte
les repas trois fois par jour. Il y reste souvent une
dizaine de minutes avant de ressortir.
La tente du Rougegorge. Gardée par deux greffons
7
quand il n’est pas là, elle l’est par quatre greffons
supplémentaires quand il est de retour. La tente
est richement décorée et convient parfaitement au
pacha qui se présente en tant que Rougegorge.
L’alarme. Cette petite tente contient deux clo-
8
ches servant à décréter l’aube et la nuit, ainsi qu’à
donner l’alarme. Elle est peu gardée : les greffons
gardant la seconde sortie (3) y jettent régulière-
ment un œil.

Le Cloaque 411

La vraie Rougegorge,
aux côtés du faux Rougegorge
Histoire courte
« L’empereur-démon ? Où avez-vous
entendu un sobriquet pareil ? Non, ça
ne me dit rien. Mais pour ce qui est
du Roi-Dieu, je dirais que son pouvoir
ne tient qu’à un fil. À vrai dire, ce n’est
pas vraiment lui qui dirige à Laelith. Le
Roi-Dieu n’est là que pour faire joli, et
même cela il ne le fait pas très bien. Il
n’y a qu’à voir sa tête d’ahuri lorsqu’il se
présente à la foule derrière son masque.
Pourquoi se cache-t-il ? Moi je le sais !
C’est un client qui me l’a dit.
S’il dissimule son visage, c’est parce
qu’il n’en a pas ! Voilà le mystère mon
p’tit gars ! Tout cela n’est qu’un leurre
censé nous prendre pour des nigauds.
Le Roi-Dieu n’est qu’un automate.
Un pantin au sens propre du terme,
actionné par de nombreux mécanismes
que les gnomes de Kaoca ont élaborés.
Et si vous ne me croyez pas, allez le lui
demander en personne ! Vous verrez
bien qu’il ne vous répondra pas. »
Krik le Falsh’, gobelin à la solde de Trevelian
412
les greffons portent. À partir de ce moment,
toutes les forces de la Cour présente se mobi-
lisent comme un seul homme et partent à la
poursuite des PJ.
Rencontrer le Rougegorge
Le Rougegorge se présente comme un
homme corpulent et richement habillé ac-
compagné d’une jeune femme au visage voilé
(qui se trouve être le véritable Rougegorge). Il
accepte de recevoir les PJ. Il leur explique la
situation de son point de vue : Ludmilla a été
envoûtée par celui dont on ne fait que mur-
murer le nom : l’empereur-démon. Il compte
à la fois trouver comment la désenvoûter, mais
aussi l’utiliser pour atteindre Trevelian en per-
sonne. Il est donc hors de question de la rendre
à son père avant qu’il ait obtenu tout ce qu’il
pouvait tirer d’elle. Il leur propose même de
doubler la somme qui leur a été proposée, en
dédommagement, et leur révèle que leur em-
ployeuse, Mihad, n’est autre qu’une envoyée de
Trevelian (qui les manipulait, manifestement).
Quant à son hospitalité, elle trouvera ses li-
mites. Il propose aux PJ de les laisser se reposer
encore une nuit avant de les faire reconduire à
la surface par l’un de ses greffons. Il accepte
cependant que les PJ parlent à Ludmilla, sans
pour autant la laisser sortir de sa cabane.
L’homme n’est évidemment pas le véri-
table Rougegorge, mais il se trouve que le
Rougegorge, à ses côtés, profite aussi de la
situation pour évaluer les PJ et leurs actions,
afin de déterminer s’ils seront à terme des al-
liés, des recrues potentielles ou des ennemis.
Que faire ?
L’issue de cette aventure est ouverte et
laissée au choix des PJ. Ils peuvent décider
de négocier avec Trevelian et de lui amener
Ludmilla, de la laisser sous la « protection » de
la Cour des miracles, ou de la reconduire chez
son père.
Ludmilla, elle, est sincèrement amou-
reuse de Trevelian. Un amour partagé, bien
qu’étrange. Elle ne désire que partir et re-
joindre son aimé. Elle le décrit comme un
incompris, un homme plus raffiné, plus doux
et plus romantique que l’on veut le croire.
Elle explique que celui que certains ap-
pellent l’empereur-démon protège en fait la
Ville sainte des créatures du Cloaque et elle
est persuadée que la Cour des miracles est
la véritable menace. Si elle est libérée, elle
demande à rejoindre la maison de l’impasse
Sans regard, et exige d’y être laissée seule. Si
les PJ acceptent, elle quitte la maison par le
passage secret, certainement pour rejoindre
Trevelian dans son palais. Le lendemain, la
somme promise par Mihad est apportée par
coursier dans un petit coffre. Ils sont payés
rubis sur l’ongle. Une fois Ludmilla disparue,
la maison est abandonnée.
Si les PJ laissent la Cour détenir Ludmilla, ils
sont payés et raccompagnés. Le Rougegorge
pourrait bien leur proposer d’autres emplois
à l’avenir.
Enfin, s’ils ramènent Ludmilla à son père, ce
dernier leur paie deux fois la somme promise
par Mihad et les remercie (et envisage de re-
faire appel à leurs services). Ils font aussi du
fouineur Darold un possible allié : ce dernier
est heureux de ne pas s’être trompé à leur sujet.
Cependant, quelques jours plus tard, Ludmilla
disparaît sans laisser de traces. La maison au
fond de l’impasse Sans regard est abandonnée.
Peut-être Watger engagera-t-il les PJ pour la
retrouver… La suite est entre vos mains.
 Scénarios

Idées d’aventures
Il est beau mon troll nain ! réclamer une partie du Cloaque (puis de la surface), afin de
faire reconnaître leurs droits.
Merhine (voir le chapitre « Itinéraire (dé)conseillé ») est
Les PJ vont devoir trouver comment calmer la situation.
dans un état de panique sans pareil. Depuis plusieurs jours,
Tuer les nopplegangers ne ferait que provoquer l’éparpil-
ses trolls nains disparaissent les uns après les autres. Ce
lement des créatures dans tout le Cloaque. Il faudrait alors
qu’elle prenait pour des fugues isolées commence à ressem-
l’aide de Merhine pour qu’elle se charge de juguler le mouve-
bler à des enlèvements. Elle cherche donc des personnes de
ment et de ramener certains trolls avec elle. Les nopplegan-
confiance afin de l’aider à retrouver ses « bébés ».
gers peuvent aussi être convaincus et ramenés à la raison.
Il se peut aussi que des problèmes récurrents en ville,
Une autre option est de contacter le contingent de ville
impliquant des trolls nains, mettent les PJ sur la piste de
pour l’avertir du danger et organiser une expédition. Mais
Merhine. Ainsi, un marchand dont les étals ont été détruits,
cela ne sera pas facile, à moins que les PJ n’aient des contacts
ou les marchandises volées ou encore la façade vandalisée
parmi les officiers.
pendant la nuit par ces créatures, pourrait inciter les PJ à
découvrir qui est responsable de ses malheurs.
Les voleurs sont étrangement efficaces, et pour cause : il Sous les pavés, la vermine
s’agit d’un groupe de nopplegangers se faisant passer pour Depuis quelques semaines, les cas d’une maladie étrange,
des trolls nains. Adoptant l’apparence de ces créatures, ils que certains nomment la peste purpurine, se multiplient.
s’infiltrent dans les enclos de Merhine, puis, le soir venu, en Elle se manifeste d’abord par une très forte fièvre, avant que
font sortir quelques-uns. des hématomes violacés apparaissent un peu partout sur le
Les PJ peuvent commencer leurs investigations chez
Merhine. Les trolls nains ne sont cependant pas des créa-
tures commodes et il est nécessaire que la demi-ogresse les
transfère ailleurs, dans une cour à l’écart, afin de laisser les
PJ relever tous les indices nécessaires. Mais tandis que ces
derniers s’évertuent à trouver quelques traces laissées par les Un troll-nain
voleurs, un immense raffut retentit dans la cour.
Un noppleganger infiltré en troll nain a décidé de profiter
du déménagement pour libérer le
reste des créatures, qui se mettent
à courir dans tous les sens et à s’en-
fuir vers le Cloaque. Quant au voleur,
bousculé de toutes parts, il finit par se
blesser contre une grille et s’enfuit en sai-
gnant abondamment à la suite des échappés.
La piste n’est pas difficile à suivre. Elle mène
jusqu’à un lieu étrange : une grande salle remplie
de dizaines de trolls nains surexcités. Les PJ peuvent
assister à la transformation de plusieurs nopplegangers,
qui reprennent leur véritable forme. Tous semblent ex-
horter les trolls nains à se rassembler pour devenir une
armée.
Ce groupe de nopplegangers a légèrement perdu la boule.
Depuis trop longtemps transformés en trolls nains afin
de passer inaperçus dans le Cloaque, ils ont dé-
veloppé une sorte d’empathie étrange avec ces
derniers : ils se prennent pour des membres de
cette espèce. Leur but : constituer une armée et

Le Cloaque 413

Table d’aventures
1 Les PJ finissent dans l’arène des Jeux du des-
sous suite à des paris truqués et perdus. Seule
leur victoire les libérera.
2 Les PJ, drogués, se réveillent dans un dortoir.
On les habille de robes et les emmène dans
une salle de tribunal aménagée dans une
caverne. À la Cour des miracles, ils doivent
répondre de leur dernière aventure et payer
pour des exactions commises à l’encontre de
leurs ennemis.
3 Les PJ doivent garder le troupeau de clopop-
tères du petit-fils de la mère Marotte dans le
Cloaque, car ce dernier est malade. Ce qu’il
n’a pas dit, c’est qu’il a volé les insectes à des
elfes de sang bien déterminés à les reprendre.
4 Nëana est en pleurs. Elle et sa noble famille
naine en pèlerinage à Laelith ont été détrous-
sées et ont tout perdu. Elle seule a réussi à
s’échapper. Les PJ doivent lui rapporter les
corps de ses parents. C’est ce qu’elle dit. En
réalité, elle fait un trafic de cadavres et a re-
péré une procession funèbre se rendant au
temple de la Taupe dont elle veut voler les
dépouilles.
5 Relintz embauche les PJ pour escorter un de
ses rats messagers et aussi (ils l’ignorent)
pour sécuriser un nouveau trajet dans le
Cloaque. Le message remis demande leur
exécution !
6 La tabergiste mère Marotte est sans nouvelles
de son petit-fils depuis 4 lunes. Elle missionne
les PJ pour le retrouver. Seul indice : des
champignons, sa friandise préférée, mènent
à des escaliers descendant au Cloaque. Il a
trouvé une grotte à champignons, ainsi que
des amies (des fées des profondeurs) avec qui
il veut rester.
7 Après une soirée bien arrosée, un ami des PJ
chute dans un puits. Ils découvrent un pas-
sage dissimulé et rencontrent des goules.
Celles-ci proposent d‘aider à retrouver leur
ami. En effet, ce dernier a été enlevé parce
qu’il est le sosie d’un marchand.
8 Les PJ doivent remettre un plan urgent à
Égan Dressepierres cette nuit sur le chantier
du pont Nin Ier. Des gardes zélés ont bouclé
le quartier. Des ouvriers zombies s’attaquent
aux PJ. Égan les sauve in extremis en rappe-
lant son personnel mort-vivant.
414
corps des malades. Rapidement ils se
mettent à tousser et à cracher du sang.
Plus les jours avancent, plus la victime
s’affaiblit, jusqu’à s’éteindre en quelques
semaines. Les premiers morts viennent
tout juste de rendre leur dernier souffle,
et personne ne comprend comment le
mal se répand. Les malades se pressent
aux portes du Lazaret et des temples.
Les PJ sont engagés par un prêtre de
l’un des Temples avec lesquels ils ont
déjà travaillé : Souliman. Le frère de ce
dernier, un marchand du nom de Galim,
est touché par la maladie. Étrangement,
il n’a pourtant jamais approché au-
cun malade. Pire, depuis le début de
l’épidémie, Galim était excessivement
précautionneux.
Un examen attentif du malade per-
met de remarquer, dans le creux de son
genou, deux petites marques de mor-
sure : certainement un rongeur, comme
un rat. La vermine pourrait donc être à
l’origine de l’infection. Mais comment ?
Les PJ comprennent que l’une des fe-
nêtres de la chambre de Galim a été
forcée avec soin : la contamination se-
rait donc intentionnelle. D’autant qu’au
pied de la fenêtre se trouve le cadavre
d’un rat dont les dents sont légèrement
pourpres.
Capturer des rats permet de se rendre
compte que certains affichent la même
coloration dentaire, et qu’ils sortent du
Cloaque. La piste mène jusqu’au repaire
abandonné du maître ratier. Ce dernier
a déserté l’endroit (qui ressemble à une
ancienne prison). Mais au fond d’une
cellule, les PJ trouvent un homme et une
femme. L’homme est mort de la peste
purpurine, mais la femme est encore en
vie. Leurs corps sont recouverts de mor-
sures de rats.
La femme, une certaine Lysia, leur
explique qu’elle et son frère ont été en-
levés par cet individu. Il les a torturés
des semaines durant, poussant ses rats
à les mordre plusieurs fois par jour,
jusqu’à ce que la maladie prenne racine.
Elle ne sait qu’une seule chose : désor-
mais, certain que sa maladie peut être
contractée et propagée, il compte frap-
per fort au cœur des instances de la cité.
Elle se souvient aussi qu’il a reçu une
visite : un homme au masque grimaçant
et au costume étrangement bariolé. Ce
dernier semblait lui garantir son aide
pour se fondre dans la foule de la Haute
Terrasse. Dans tous les cas, grâce à Lysia,
ils ont désormais une description du
criminel.
L’enquête des PJ les conduira jusqu’à
une maison occupée par le maître ratier,
se faisant passer pour un homme de la
haute société. L’habitation dispose d’un
passage vers le Cloaque, où il élève ses
rats. Et il s’apprête à répandre la mala-
die dans toute la Haute Terrasse. On
peut donc le retrouver en remontant
la piste de ses rats. Il est aussi possible
de tenter de retrouver l’homme bariolé
(certainement un membre de la Cour
des miracles). Après tout, la Cour est
toujours prête à négocier si on lui pro-
pose un marché intéressant. Et voir les
PJ redevables sans poser de question
pourrait être des plus intéressants pour
le Rougegorge.
Le bras de l’injustice
Depuis les bas-fonds du Cloaque, un
anti-justicier s’est mis en marche. Son
but est des plus simples : éradiquer tous
ceux qui défendent la justice et la loi
dans Laelith. Déjà plusieurs aventuriers
un peu trop zélés ont été assassinés,
peut-être parmi les amis des PJ. Hier, le
fouineur Subirh a été abattu d’un coup
de lame dans le dos par le mystérieux
Vengeur des tréfonds.
Désormais, les PJ ou leurs alliés sont
sur la liste. Il ne s’arrêtera que lorsque
tous les justes de la Ville sainte auront
péri et qu’il ne régnera plus que corrup-
tion et décadence.
Sang pour cent
Les PJ sont engagés afin de retrouver
un groupe d’étudiants ayant disparu il y
a quelques nuits. Ces derniers s’étaient
rendus à une fête organisée dans un ma-
noir inhabité au cœur même de la Haute
Terrasse. Leur investigation les condui-
ra vers un véritable trafic : des gnomes
des profondeurs ayant mis en place
un commerce destiné aux vampires et
autres hématophages du Cloaque. Ceux qui
se font appeler les Sang pour cent sont menés
par un nommé Givrelame. Comble de l’ironie,
ils ont même ouvert un établissement dans les
souterrains de la cité, où ils servent, dans de
luxueuses coupes, le sang de leurs victimes
à tous les buveurs de sang qui ont assez de
moyens pour payer leur ration.
Le trésor de Dartham
Dartham était un saint homme. Il y a
soixante ans, il réunit toutes ses richesses et
lança une expédition, une de plus, dans le but
de purifier le Cloaque. Il avait emporté avec
lui un grand nombre de reliques sacrées qu’il
comptait utiliser afin d’imposer le « bien »
dans cet enfer. Malheureusement, il disparut
corps et biens.
Il s’agit en tout cas d’une légende persistante
dans les taberges de la cité. Silla est la descen-
dante de Dartham (ou c’est ce qu’elle proclame)
et demande des aventuriers courageux pour
l’accompagner dans le Cloaque à la recherche
des reliques du saint homme. Les PJ devront
l’escorter jusqu’à un camp de kobolds.
Ces derniers vénèrent leur chef, un
demi-dragon qui n’est autre que
la réincarnation de Dartham et
qui n’est pas prêt à laisser partir
son trésor sacré.
L’Interrogateur
Des personnes disparaissent dans toute la
cité. Les PJ sont engagés pour retrouver un
père de famille, Balabante, ayant disparu deux
jours auparavant. L’enquête les mène jusqu’à
une cache dans le Cloaque où l’Interrogateur
(une mage devenue folle depuis des années)
enferme ses victimes. Grâce à un étrange ri-
tuel, elle les force à dévoiler d’eux-mêmes
leurs péchés cachés en détruisant leur chair,
avant de les reconstruire, encore et encore.
Des dizaines de personnes ont déjà disparu
et toutes ont avoué leurs plus sombres secrets
avant de mettre fin à leur vie. C’est le but de
l’Interrogateur : nettoyer la cité de ses péchés.
Quant à Balabante, il cache un secret terrible,
car sa famille et lui sont en réalité des anthro-
pophages vivant en toute impunité dans la
Main qui travaille. Ils organisent eux-mêmes
régulièrement des enlèvements afin de se
fournir. Les PJ oseront-ils le ramener auprès
de sa famille ou mettront-ils un terme à ce ma-
nège macabre ?
Légende ?
« On raconte qu’un reflet sombre de
Laelith existe sous sa surface, loin dans
les profondeurs du Cloaque. Une cité
qu’on nomme Shad’lyendad et où
commercent de nombreuses races du
dessous (elfes noirs, nains gris, gnomes
des profondeurs, sarkels, mais aussi de
nombreux humains).
Créée à l’origine par des elfes noirs,
Shad’lyendad abriterait plus d’un
demi-million d’habitants et serait en
relation avec de nombreuses autres
cités, dont Laelith. Nombre de guildes
malfaisantes y ont élu domicile, parmi
lesquelles des voleurs, des contreban-
diers, des trafiquants d’esclaves et
même… de cadavres. Le peu d’infor-
mations que nous possédons sur ce lieu
sont celles du Premier fouineur Jan
Tasslepipe, disparu depuis maintenant
trois ans. Vous trouverez dans ce
rapport le message écrit de sa main et
retrouvé dans une bouteille aux abords
du lac d’A ltalith.
Je vous laisse le soin de le lire et d’appo-
ser votre consentement à lancer une se-
conde expédition, non pour le secourir,
mais pour en apprendre davantage sur
cette cité néfaste dont nous ignorons
tout. »
Lettre de Minephas, assesseur du Temple
du Nuage, à Valdenath, grand prêtre du
Temple du Crâne.
Un malade touché par la
peste purpurine
Le Cloaque 415
Les Temples
 Astinas Alewens, une vie au service de la foi
Le vieillard toussota avant d’entrer. Le brouhaha des pre-
miers rangs cessa, mais le fond sonore était encore désagréable.
En trente ans de carrière à l’Université matérialiste universelle,
Ermond Crochemur ne finissait pas de maugréer à propos de
la dégénérescence des jeunes générations, chaque année plus
ineptes, chaque année plus incultes… Il fallut qu’il claudique
lourdement jusqu’à sa chaire, faisant claquer sa canne d’acajou
sur le dallage, pour que, peu à peu, le silence s’installe.
Il observa brièvement l’amphithéâtre. Deux cents étudiants,
dont la moitié à peine lui prêtait attention… Certes le cours
d’architecture comparée n’était pas le plus attrayant, mais tout
de même, de son temps…
Il croisa le regard d’une jeune félys au premier rang. Iloca,
une jolie gamine plutôt futée, qui compensait ses lacunes théo-
riques par une belle intuition et une écriture élégante. Au troi-
sième rang, il y avait son favori, Kadrün, un nain à la barbe
rousse. Comme ceux de sa race, il était taciturne et un peu ob-
tus. Mais malgré son écriture aride, c’était certainement le plus
brillant élève de cette année.
Il s’éclaircit la voix, et pointant son regard vers le fond de
l’amphi, il débuta.
« Je ne me donnerai pas la peine de vous demander si vous connais-
sez les dates d’édification des temples de Laelith, j’aurais encore droit
à des réponses farfelues. Oh ! Rassurez-vous, je peux comprendre
votre indigence intellectuelle, mais moins votre paresse, puisqu’aucun
418
n’a, j’imagine, consulté le ‘Compendium des merveilles architectu-
rales’, trop occupés que vous deviez être à lire et relire le ‘Tome dé-
finitif du dessin de nu’, conseillé par mon collègue d’arts appliqués. »
Quelques rires fusèrent et le professeur réprima son sourire :
les bonnes blagues graveleuses attiraient toujours l’attention des
étudiants.
« Bien évidemment, il faut que des vieilles barbes mâchent le
travail à des cerveaux déjà amollis avant que d’être séniles. » Il
savoura la légère huée qui fit frémir la salle. « Nous parlerons
aujourd’hui de cet artiste oublié qui fut, et est encore certaine-
ment, le plus brillant artisan ayant œuvré à Laelith, j’ai nommé
Astinas Alewens. Quand ses parents périrent au cours du Grand
Châtiment, il fut recueilli par un couple de professeurs survi-
vants de l’École supérieure des arts de Tanith-Lenath, l’ancêtre
de notre chère Université matérialiste universelle. Entouré des
artistes les plus doués, il fit montre d’exceptionnelles qualités en
de nombreux domaines. Vous pourrez d’ailleurs consulter son
ouvrage ‘Ars Memoria’, pour admirer ses estampes d’œuvres
antiques. Il copia durant de nombreuses décennies la création
des anciens : statues, céramiques, vitraux… Nombre des rares
bâtiments à avoir survécu lui doivent de ressembler encore à
quelque chose. Sa renommée grandit et il exporta même son sa-
voir dans le désert des Soleils sombres et jusqu’au Haut Lac.
Mais nul n’est prophète en son pays, et ce n’est que trente ans
après le début de la construction des temples élémentaires que le

grand prêtre de l’Oiseau de feu, Lorianis, lui demanda quelques
travaux d’embellissement pour son temple qu’il trouvait quelque
peu « rustique ». Il ne lui fallut pas moins de cinq ans pour
concevoir et sept pour réaliser ce qui deviendrait l’une des mer-
veilles de la ville, à savoir les flamboyants vitraux du temple de
l’Oiseau de feu. Leurs couleurs allant du rouge rubis à l’orangé
doré restent encore aujourd’hui inimitées.
À peine eut-il fini son œuvre qu’il fut contacté par Soriamil,
le grand prêtre du Poisson d’argent. Un homme jaloux, qui
s’offusquait que son temple, voisin de celui du Feu, fit désormais
pâle figure. Il fallait “faire encore mieux”, aux dires mêmes
de Soriamil. Il fallut quinze années à Astinas pour ciseler les
centaines d’ornements du Poisson d’argent et assembler les
1 765 433 morceaux de quartz bleu qui forment la coupole du son
chœur. »
« Tant que ça ? » Ermond fronça les sourcils. Chaque année, il
lui fallait un benêt pour poser cette question.
« Vous irez les recompter si vous avez un doute. Astinas était
alors bien vieux, et un peu las. Mais l’extraordinaire splendeur
de l’Oiseau de feu et du Poisson d’argent avait attisé l’envie des
grands prêtres du Crâne et du Nuage, qui se disputèrent ses fa-
veurs. Souffrant des bronches pour avoir tant travaillé le plomb
des vitraux, il choisit le Nuage. Et pendant neuf longues années,
il mena la construction du dôme polychrome de ce temple, s’adon-
nant au calcul complexe des diffractions lumineuses pour obtenir
un éclairage parfait, quelles que soient les heures de la journée et
les saisons. Je vous invite à admirer ces prodiges quand vous vous
y rendrez, ce dont je ne doute pas. »
On peut lire dans la chapelle thanataire du temple du Crâne :
"La foi cheville-t-elle l'espoir à l'âme, ou bien est-ce la peur
qui cheville la foi à l'âme ?"
« Mais maître, qu’en est-il du Crâne ? » L’étudiante par-
faite qui vous permettait de relancer votre monologue ! Rien que
pour ça, elle aurait ses examens cette année, elle… Et avec ses
félicitations.
« Intelligente question mademoiselle. Eh bien, quand il eut
fini son œuvre auprès du Nuage, il put enfin se consacrer au
Crâne. Hélas, dès la première année du chantier, il décéda
suite à une dispute avec un tailleur de pierre nain, concernant
l’agrandissement de la rosace du porche. Voilà, jeunes gens,
pourquoi aujourd’hui encore le temple du Crâne détonne, par
son esthétique… particulière dirais-je.
– Pourquoi n’ont-ils pas fait appel à d’autres artisans ?
– Une étrange clause au contrat, validé par le Roi-Dieu de
l’époque, impliquait que seuls les plans d’Astinas Alewens, de
toute éternité, pourraient embellir le temple du Crâne. Plans
qu’on ne retrouva jamais, bien que plusieurs ouvriers et contre-
maîtres purent témoigner les avoir vus. »
Il fut interrompu par le jeune nain : « Cela veut dire que si
jamais on les retrouvait, les travaux pourraient reprendre ?
– Sans doute mais… »
Les regards de Kadrün et d’Iloca se cherchèrent. La même
idée venait de leur traverser l’esprit. Ermont devina leur jeu…
Chaque année, il réussissait à lancer un petit groupe d’étudiants
sur l’affaire. Au fil des renseignements engrangés par les uns
et les autres, il espérait bien finir par découvrir le destin de ces
plans. Ce serait une belle manière de finir sa carrière et puis, il
fallait bien que les étudiants servent à quelque chose…
Les temples 419
De la nature des choses
« Quelle est la nature du monde ?
Voilà la question qui nous interroge
tous. Nous nous accordons sur la place
essentielle des quatre Éléments. Et nous
nous plaisons à croire que de ce chaos
primordial seraient nés les Dieux et le
cosmos. Mais qui peut penser que du
chaos naît une si belle harmonie ?
Ce que je crois, c’est qu’il existe une
cinquième essence, non pas une
quintessence comme celle qu’incarne le
Roi-Dieu – elle ressemble plus à un traité
politique qu’à une véritable concorde
–, mais une sous-quintessence, unifiant
doucement les quatre Éléments qui
reposent sur elle. C’est cette sous-quin-
tessence qui, je crois, explique bien des
mouvements de la nature. Si de l’arbre
surgit un fruit, c’est que l’eau et la terre
ont su s’unir d’une certaine façon. Si
l’eau, sous l’action du feu, devient air, c’est
encore la quintessence qui est en jeu.
C’est donc par l’observation de la nature
des choses que l’on démontre l’existence
de ce qui est pour l’instant invisible à
nos yeux. Cette force qui pousse la na-
ture à créer, à grandir et à mourir. Voilà
ce que j’appelle la sous-quintessence… »
Exposé de Lucècre Ecipure, juste avant son
expulsion par les kylbes, auditorium de
l’Ombre, Université matérialiste universelle
Les maximes des Temples
Le Poisson d’argent : « À sa source, l’In-
lam ne sait rien de la mer où il va. »
Le Crâne : « Une pierre n’est lourde que
si on la porte. »
Le Nuage : « Si tu regardes le ciel long-
temps, il entre en toi. »
L’Oiseau de feu : « Brasier de l’âme, bat-
tements de cendres, âme purifiée. »
Note : On ne sait rien sur Jihipé Siméo, à
qui l’on doit les trois premières maximes.
Les théologiens ont imaginé qu’il était
contemporain de Mandala Ier et impliqué
dans l’édification des principes syncré-
tiques de la ville, rédigeant certains ca-
nons de la Loi sacrée de chaque Temple.
La maxime du Poisson d’argent est
limpide, interprétée comme une mani-
festation du destin et de son imprévi-
sibilité. Par contre, on ne s’explique pas
pourquoi celle de l’Oiseau de feu, d’une
conception visiblement différente, au-
rait supplanté l’originale de Siméo dont
on n’a pas retrouvé de trace.
420
Le syncrétisme
laelithien
La mythologie
Au début des temps, le monde était chaos.
Les Dieux, qui l’avaient bâti, voyaient leurs
disciples s’affronter dans de vaines guerres,
menaçant leur grande œuvre créatrice.
Des peuples disparaissaient, et avec eux
leurs Dieux ; des forêts devenaient cendres ;
des terres arables, landes stériles ; et de pro-
fonds lacs, marigots pourrissants…
Le monde, si riche, se dirigeait vers les
abîmes de néant d’où les Dieux l’avaient extrait.
Malgré leurs différences, tous les Dieux
avaient à cœur de défendre leurs peuples, leurs
élus et leurs lois, quand bien même ce monde
ne leur appartenait pas totalement et que leurs
vérités s’affrontaient. Car quand un Dieu n’a
plus d’adorateurs, lui aussi retourne au néant
et son souvenir même s’efface.
Alors, dans leur grande sagesse, les Dieux se
réunirent aux limites du monde : un haut pla-
teau bordé par le feu des volcans et l’eau lim-
pide, le roc invincible et les vents tourbillon-
nants ; un lieu entre bien et mal, entre lumière
et ténèbres.
Et les Dieux réfléchirent. Si les vérités
étaient multiples, si la guerre était aussi néces-
saire que la paix, le bien que le mal, si aucun
Élément ne pouvait avoir préséance sur un
autre, il était un principe au-dessus de tout :
l’Être est préférable au Néant. Le monde, quel
que soit son visage, devait perdurer.
Alors ils décidèrent de créer un lieu de paix,
un sanctuaire où tous les Dieux pourraient être
révérés, où tout un chacun serait respecté dans
sa foi et où, à jamais, se perpétuerait l’adora-
tion de la Création, fruit de tous leurs efforts.
Ce lieu, ils le fondèrent à l’endroit même de
leurs réflexions, ce fut Tanith-Lenath, la cité
des Anciens.
Et pendant des éons, la Ville sainte grandit,
accueillant tous les cultes du monde, sous le
regard bienveillant des Dieux.
Las, les hommes ont la mémoire courte.
Peu à peu, les habitants de Tanith-Lenath se
crurent à l’égal des Dieux et pensèrent pouvoir
accaparer leur puissance. Trop habitués à la
bonté et la tolérance divines, ils avaient oublié
que ce qui a le pouvoir de créer a aussi celui
de détruire. Ce fut le Grand Châtiment. Les
volcans crachèrent leur lave, le ciel se chargea
de nuages de cendres, l’eau déborda, la terre
trembla, et le haut plateau s’inclina en signe
de révérence et de soumission aux puissances
divines. La ville fut détruite et les hommes
périrent, choses comme êtres rappelés à leur
impermanence.
Il fallut 777 jours de lamentations pour que
les Dieux pardonnent enfin et répondent aux
prières du plus sage des survivants : Mandala.
Lui, le premier, avait compris que ce n’était pas
la fin des temps et que les Dieux, à travers le
Châtiment, leur offraient la rédemption.
Suivant leurs instructions, il commanda aux
survivants de rebâtir la ville, autour de quatre
Temples, piliers du monde, au-dessus des-
quels, arbitre suprême et intercesseur des vo-
lontés divines, régnerait le Roi-Dieu, témoin
éternel de l’alliance entre les Dieux et la Ville
sainte.
Depuis, Laelith la Mystique atteste de
l’amour des Dieux pour la Création et offre un
havre à tous les croyants.
La réalité
Il est des lieux qui appellent la foi. Sur cette
terre penchée, déchirée par la Faille et perdue
entre le désert des Soleils sombres, les marais
de la Désolation, les canyons arides et les pics
volcaniques, la vie tient du miracle. Un mi-
racle lié à l’essence même de la ville, et qui sous
l’égide du Roi-Dieu et de ses quatre conseillers,
les grands prêtres, se déploie depuis les ombres
des cryptes et des alcôves du palais royal-divin,
jusqu’aux lumières qui étincellent sous le dôme
 Dessin oraculaire conservé à la Bibliothèque
de la foi. Est-ce là le passé ou l'avenir ?
Mandala ou un autre personnage ?

des nuages, brillent sur les armures écarlates de

l’Oiseau de feu ou miroitent sur les bassins du
Poisson d’argent. Un miracle de foi… qui s’ap-
puie aussi sur des composantes très concrètes :
• des Rois-Dieux généralement imprégnés de
sagesse ;
• une fusion des pouvoirs spirituel et temporel
qui adosse toute loi au sacré et inversement ;
• une crainte eschatologique liée au
Châtiment ;
• une répartition des pouvoirs très organi-
sée et qui laisse peu de place aux éléments
perturbateurs ;
• une police politique gérée par le Crâne qui,
pour discrète qu’elle est, s’avère d’une re-
doutable efficacité.

La répartition des
fonctions
Les quatre Temples sont sous l’autorité, par-
fois relative, du Roi-Dieu. Ils se partagent à la
fois les devoirs spirituels des cultes qui leur
sont affiliés, à travers le Grand Conseil des
Temples ; la gestion des pèlerins, à travers le
Haut Conseil au pèlerinage, mais aussi (sur-
tout, diront les gens de peu de foi) des rôles
temporels. Ainsi :
• Le Temple du Crâne rassemble les cultes
chtoniens, agrestes et thanataires. À sa tête,
le grand prêtre Valdenath, de sinistre ré-
putation, et dont les relations avec l’actuel
Roi-Dieu ne sont pas toujours excellentes. À
travers le cénacle des Continuités, il prend
en charge la diplomatie et l’espionnage.
• Le Temple du Nuage rallie les cultes aé-
riens, du moindre souffle jusqu’aux sphères
célestes. Ceux du savoir et la justice y
trouvent fréquemment leur place. La grande
prêtresse Inamaka Mahpyua tente d’as-
seoir son autorité après le départ du saint
Mitrias. Le très érudit et très philosophique

Les temples 421

 Éclats de foi,
éclats de voix
« Bienvenue au festival Éclats de foi,
éclats de voix, qui comme chaque an-
née récompensera le meilleur rhéteur à
l’issue de cette semaine de débats théo-
logiques. Nous vous rappelons qu’aucun
candidat ne fera usage de miracle. Ici,
c’est la puissance de la voix, l’élégance
de la langue et la finesse d’esprit qui
triompheront ! Le vainqueur, outre son
prix, se verra offrir une place d’archi-
viste à la Bibliothèque de la foi ! »
Jurisprudence
À moins que le mort n’ait signé devant
scribe-échevin une renonciation à
ses droits corporels d’après-vie, toute
réanimation sera dite blasphématoire et
indigne. En conséquence, tous les réani-
mateurs et leurs complices encourront
la peine de mort définitive.
Annales de justice, tome LII
Hérésie ?
« Non, c’en est fini de leur monolâtrie !
Abolir mon Dieu pour le soumettre à
un Élément ! Faire accroire que le tyran
local règne par la sainte grâce de tous
les Dieux ! Que leurs taxes exorbitantes
soient de justes dîmes ! Mais quelle pitié !
Je vais vous dire, ces Temples sont juste
une escroquerie à grande échelle, une
mascarade pour tous les gogos et culs-bé-
nis qui révèrent un Roi-Dieu qui n’est
qu’un despote plus malin que les autres !
Quant aux pèlerins abrutis, ils sont autant
de vaches à lait pour les boutiquiers, ven-
deurs de reliques et autres gargotiers ! »
Eusèbe l’Impétueux, cité dans « Extrait des
annales de la Sublime Juridiction, vol. XVI »
Liturgie
De la terre, bâtirent le corps des hommes,
et l’homme fut. Du feu, placèrent en
son cœur, et l’homme s’émut. De l’eau,
déversèrent dans ses veines, et l’homme
marcha. De nuage, tissèrent son âme,
et l’homme pensa. En vérité quatre
éléments pour faire l’homme, tous néces-
saires ensemble, tous inutiles isolés.
Quatre éléments pour faire l’homme, et
l’homme, issu des quatre, les dépassant.
Quatre éléments pour bâtir le monde, et
le monde, issu des quatre, les dépassant.
Quatre Temples pour équilibrer le
monde, et un Roi-Dieu, issu des quatre,
les dépassant.
Credo liturgique de la Tétrade
422
cénacle des Équités supervise les instances
judiciaires de la ville, ainsi que les archives
royales-divines.
• L’Oiseau de feu est dédié aux cultes
ignés, par extension aux divinités liées à
la guerre, au combat, à la force mais aussi
au travail. Servadax, son grand prêtre, est
un colosse, ancien guerrier frappé par la
foi sur le tard. Le cénacle des Puissances
préside aux forces armées et aux gardes de
la cité.
• Le Poisson d’argent accueille les cultes
aquatiques, et par extension les déités pré-
sidant à la vie, la guérison, etc. Le grand
prêtre Gamut Morénon est un homme bien
en chair, dont l’esprit semble habité de nom-
breuses préoccupations mystiques… ou de
folies selon certains. Le cénacle des Négoces
gère la politique commerciale de la ville et
les taxes.
L’orthodoxie
Le syncrétisme théologique de Laelith a des
origines obscures, mais serait issu du nouveau
pacte avec les Dieux, scellé par Mandala Ier
en 3 A.R.D. Et il n’a guère changé depuis cette
époque. La myriade de divinités, panthéons,
Dieux mineurs, saints et autres esprits est
organisée en un « culte des Éléments » qui, à
travers le Feu, la Terre, l’Eau et l’Air, constitue
les quatre piliers du monde, au-dessus duquel
règne le cosmos (symboliquement représenté
par le Roi-Dieu).
Tout prêtre arrivant à Laelith doit s’affilier
à l’un de ses Temples dans un délai de quatre
jours. Contrevenir à cette obligation implique
de s’exposer au Tribunal ecclésiastique au titre
de délit de Mauvaise foi et encourir l’expul-
sion de la ville, voire pis, en cas de Très mau-
vaise foi (récidive, justification théologique,
blasphème, etc.).
Le prêtre est libre de son choix, se détermi-
nant en fonction des attributs de son Dieu et,
aussi, de ses confrères déjà présents en ville.
Ainsi un prêtre de Solar, Dieu de la lumière et
du savoir, pourra choisir de s’affilier au Temple
de l’Oiseau de feu, si l’aspect matériel (chaleur
et lumière) importe plus dans sa manière de
penser sa foi, ou au Temple du Nuage, si c’est
l’aspect céleste et/ou scolastique qui lui sied le
plus… Ce qui n’est pas, parfois, sans créer des
dissensions au sein d’un même culte.
Chaque Temple possède ses signes distinc-
tifs. Il y a la couleur tout d’abord : noir pour le
Crâne, rouge pour l’Oiseau de feu, blanc pour
le Nuage et bleu pour le Poisson d’argent ; à la-
quelle s’ajoutent les emblèmes : les ossements
pour le Crâne, les flammes pour l’Oiseau de
feu, la plume d’aigle pour le Nuage et le dau-
phin pour le Poisson d’argent.
L’orthopraxie
Les temples résonnent chaque jour de litur-
gies multiples, allant des plus sommaires (jet
de pièces dans les bassins du Poisson d’argent),
aux plus complexes (chants de gorge diapho-
niques des disciples d’Agnor), en passant par
les plus virulents (flagellations et offrandes
de chair des adorateurs d’Obatha la Dame des
douleurs)… Tous ces rites ont droit de cité à
Laelith et s’organisent parfois dans une pro-
miscuité étonnante : la rencontre d’une char-
mante procession de prêtresses d’Isaï, Déesse
de la virginité et de l’enfance, avec de turbu-
lents sybarites alcoolisés de Gredos, le Dieu de
l’ivresse et de la fornication, peut donner lieu à
quelques étrangetés.
Ces aspects baroques coexistent avec de
beaucoup plus sérieux débats théologiques,
dont le Grand Théâtre de Laelith se fait l’écho
à travers ses célèbres joutes oratoires, où
prêtres et novices débattent ardemment des
choix de leurs Temples, la préséance de leur
Dieu et autres détails cosmogoniques.
Les Temples ont de plus à gérer le flux des
pèlerins, souvent galvanisés par leur long
voyage et qui peuvent montrer un peu trop
d’exubérante ferveur. On se souviendra du
triste jour où des dizaines de ces pèlerins se je-
tèrent dans la flamme du Brasier éternel, cer-
tains de rejoindre leur paradis…
Les rites funéraires
À Laelith comme partout, la vie n’a qu’un
temps. Pour accompagner les croyants dans
cette épreuve, tous les Temples ont développé
leurs propres cérémonies, célébrées dans des
sites dédiés du Hors-ville proche.
Le Poisson d’argent :
l’immersion
Pour les plus riches, ce sera dans les eaux
de l’Inlam. Les Établissements Bishoff, en
tant que passeurs de mort, organiseront une
cérémonie dont le luxe dépendra du budget
de la famille du défunt. Pour la grande majo-
rité – et aussi pour éviter un possible engor-
gement de l’Inlam –, une procession conduira
le corps hors de la ville, au sud-est, jusqu’au
lieu-dit les Goémons de nécropoles (L12), où
il sera sobrement mis à l’eau dans un cimetière
d’épaves. Quant aux impécunieux, ils seront
(à peu près au même endroit) lestés de pierres
et déposés dans une grande barcasse dont le
fond amovible sera ouvert à la nuit tombée,
confiant ainsi les dépouilles mortelles au
bon vouloir des courants. Ces funérailles au
rabais portent le nom poétique de « chagrins
silencieux dans des barques tristes ».
L’Oiseau de feu :
la crémation
Quelle que soit sa richesse, tout adepte du
Feu finit dans un des grands brasiers de la vallée
de Cendres, située entre les deux portes du sud
(H13). Selon la taille de la bourse du défunt, la
procession qui le conduira du temple à sa der-
nière demeure sera agrémentée de porte-flam-
beaux ; le combustible du bûcher fournira le
strict nécessaire ou une flambée de trois mètres
de haut, en bois précieux et odorants. Dans ce
dernier cas, le pèlerin arrivant par la route du
Long Détour gardera un souvenir impression-
né des flammes qui accompagnent son arrivée.
Le Crâne : l’enfouissement
au Profond Reposoir
Cet ensemble de fosses communes savam-
ment entretenu est situé dans une grotte
spécialement aménagée des montagnes du
nord-est (M3). Les corps des croyants s’y
délitent lentement, créant une putrescence
aux relents douceâtres, qui finira, après to-
tale décomposition, en un moût brunâtre.
Il sera épandu ensuite comme engrais près
de Bentaz, sur des champs appartenant au
Temple depuis quelques dizaines d’années.
Selon le dogme, la vie retourne ainsi cycli-
quement à la terre.
Le Nuage : le
desséchement à l’air libre
Le Temple s’est approprié un grand terrain à
l’extérieur des remparts, un espace dégagé où
les vents furieux, descendant des montagnes
du nord-ouest, se concentrent en rafales ra-
geuses (H2-I2). En ce lieu nommé l’aire du
Souffle, les corps sont exposés aux conditions
climatiques, nus et allongés sur le sol en longs
alignements pâles. Ils y restent de nombreux
mois, jusqu’à ce que le vent, le froid, parfois
la neige les métamorphosent en tas d’os. Ces
derniers sont alors méthodiquement broyés,
mélangés les uns aux autres et enfin dispersés
aux vents des montagnes.
Pour clore ce chapitre funèbre, chacun à
Laelith sait qu’il n’existe aucun rite pour les
incroyants, dont les corps sont jetés sans cé-
rémonie dans une des nombreuses entrées du
Cloaque. Il est probable que le destin de ces
corps sans vie – qui ne le resteront peut-être
pas – motive un peu plus les visiteurs à s’affi-
lier à un Temple, au cas où ils croiseraient la
grande Faucheuse entre les murs de la Ville
sainte.
Collège de la grande
datation
Ce collège affilié à la Voie céleste du
Nuage est chargé du calendrier admi-
nistratif de la ville. Il vérifie aussi, avec
ses confrères du Poisson d’argent qui se
chargent de leurs propres instruments,
le bon fonctionnement des clepsydres de
l’Université et de la porte de l’Ivresse en-
chanteresse, en utilisant le cadran solaire
royal-divin de l’esplanade de la Demi-
Lune comme référent. Ses membres sont
réputés pour leur souci du détail et leur
grande ponctualité. « Avant l’heure,
c’est pas l’heure. Après l’heure, c’est plus
l’heure ! » pourrait être leur devise.
On rappellera pour mémoire l’interrup-
tion l’an dernier de la représentation de
la célèbre pièce Le char de Célithal, après
le retard d’un des acteurs, coincé en
coulisses par un costume récalcitrant.
Hérésie
« Alors si je comprends bien, une frange
du clergé de Laelith, tous les Temples
confondus, pense que le Roi-Dieu doit
disparaître ? Au prétexte qu’il n’unit
pas les Éléments, mais usurpe sa posi-
tion, et que les Éléments depuis toujours
coexistent harmonieusement grâce à
une quintessence naturelle qui serait le
fondement du cosmos ? Pourquoi croire
une telle chose… ? »
Anonyme
Micmac administratif
« Je m’appelle Felibert Gust. J’ai traversé
les marches du Couchant depuis Port-
Sable avec ma marchandise : des armes
de fer d’Orid. Mais je ne sais quelle
démarche effectuer. On m’a d’abord dit
de me présenter au temple du Crâne
pour m’y faire recenser en tant que
ressortissant étranger. Mais aussi de
déclarer ma condition de marchand au
Poisson d’argent. Aujourd’hui, on me
signifie que le négoce des armes d’Orid
est réglementé par l’administration de
l’Oiseau de feu. Je n’y com-
prends plus rien… »
Les temples 423
 Le Crâne
Présentation du Crâne
Les passages-piété
Ces parcours, balisés de jaune au
sol, sont réservés aux marcheurs de
pénitence : moyennant paiement, ils
grimpent ces échelles choisies pour
leur raideur, avec un baluchon chargé
de gueuses ou les poches remplies de
pierres. Ainsi, un riche croyant ayant
fauté peut expier son péché sans trop
s’embêter ; plus le péché est grave,
plus lourde est la charge à porter. Les
passages-piété sont au nombre de
quatre, un pour chaque Temple : celui
du Nuage va du quai de l’A ntiquaille à
la place Sous-la-Haute-Terrasse ; celui
du Crâne, de la rampe des Soldats à
l’échelle des Voûtes ; celui du Poisson
d’argent du port de pêche à l’échelle
Monte-en-ciel ; celui de l’Oiseau de feu
de l’esplanade du Phénix au Belvédère.
Momie
L’observateur attentif pourra remar-
quer, perdue dans les méandres des
bas-reliefs du porche du Crâne, une
étrange momie prise dans de l’ambre
translucide. Certains affirment qu’il
s’agit d’un chat, chargé de guetter
le retour des esprits malveillants.
D’autres pensent plutôt à un doudilain,
s’appuyant sur la légende disant que ce
serait une de ces créatures qui aurait
mis au jour le crâne géant au moment
de la construction du temple. Quoi qu’il
en soit, on dit que tous les neuf ans, la
momie s’éveille pour une balade noc-
turne dont le dessein échappe à tous les
théologiens. En témoignent des croquis
anciens du porche, présentant la momie
dans une position bien différente…
La fontaine des péchés
soulagés
Située sur la place du Crâne, cette
charmante fontaine est le lieu où toute
femme peut nuitamment prendre
contact avec les sœurs de la confrérie
euthanasique du Soulagement, afin
de laisser dans les ténèbres ce qui, en
elle, ne doit pas voir le jour. Les mâles
ne sont pas les bienvenus et les sœurs,
implacables et craintes.
424
Initialement baptisé Temple de l’ineffable bonté de la Terre bien-
faitrice, le Temple du Crâne doit son nom définitif à l’immense
crâne cornu découvert lors du creusement de ses fondations.
C’est l’un des lieux les plus étranges et certainement le plus
inquiétant de tout Laelith. Son aspect extérieur donne une im-
pression d’abandon et de délabrement. Des pierres sombres, des
rosaces jamais fermées de vitraux, des statues à peine ébauchées,
des gargouilles grimaçantes, des murs rongés par la mousse et
la ronce-des-cimetières : le temple ressemble à une ébauche mal
dégrossie ou un bâtiment en ruine. Une unique flèche dépasse
de l’édifice, plantée comme une dague au milieu de gravats. Et ce
ne sont ni les décorations intérieures, souvent morbides ; ni les
gardes du temple, masqués d’un casque à ventail ressemblant à un
crâne et armés de vouges dentelés ; ni le maquillage parfois discu-
table de certains prêtres (yeux charbonnés, peau fardée de blanc…)
qui aideront à dissiper le malaise. Le jardin qui l’entoure, dense et
sauvage, toujours plongé dans l’ombre de futaies, rajoute à l’atmos-
phère gothique du lieu.
Et puis il y a tout ce qui ne se voit pas : les strates inférieures
s’étendent sur plusieurs niveaux gagnés sur le Cloaque, et abritant
le cœur spirituel du Temple, la salle du Crâne, mais aussi les dor-
toirs et les services administratifs. Rumeur ou réalité, on dit que
de ces sous-sols, les initiés peuvent rejoindre n’importe quelle ter-
rasse, mais aussi le temple de la Taupe.
Sur le plan théologique, le Temple rassemble les cultes les plus
ténébreux, ceux liés à la mort et à ses compagnes habituelles :
souffrance, famine, désespoir, et par extension au mal. Cultes qui
nécessitaient une place dans la métaphysique du culte du Roi-
Dieu. Impossible de prétendre rassembler tous les cultes si l’on en
exclut certains. Ce rôle fut dévolu au Crâne, à partir de sa philo-
sophie originelle liée aux Déesses-mères et à sa trinité féminine :
la jeune fille symbolisant la nature sauvage, belle et pure ; la mère
associée à la fécondité et aux moissons ; et la grand-mère liée à la
mort et à l’immuabilité du destin. La prégnance de l’aspect mor-
bide dans le décorum n’a en rien aboli les fonctions premières,
et les cultes de la fertilité, des moissons, de la nature trouvent
au Crâne le lieu pour leurs dévotions, tout comme des divinités
liées au cycle de la vie ou au destin. C’est aussi le cas des races
de la Pierre, comme les nains et les gnomes, dont les panthéons
trouvent majoritairement asile au Crâne. Faire se côtoyer des
adorateurs aussi différents est une gageure, mais le Temple y par-
vient, et de nombreuses salles souterraines sont ainsi dédiées à
des cultes spécifiques afin que chacun puisse vivre sa spiritualité
sans se sentir offensé par celle d’autrui. C’est dans cette perspec-
tive de permettre la coexistence de dévotions très variées que le
Crâne a créé très tôt une confrérie pour contrôler l’orthodoxie,
une officine disciplinaire qui n’a eu de cesse de renforcer sa puis-
sance au cours des siècles.
 Les temples
Vêtu pour l'occasion, Ygg Odranreb425
se rend à
une réception au palais du Roi-Dieu.
 Plan du temple du Crâne
Porche du Crâne Salle du Crâne
21
1 L’entrée du temple mêle effondrements, frises
12
21 Résonnant des tambours et des litanies, elle abrite
grotesques chargées de statues morbides. Des l’immense crâne cornu découvert lors de la fondation
ébrasements bouchés de moellons flanquent un portail du temple.
sans porte et une lourde herse.
Salle de l’orthodoxie
Prime Nef 21
13 Les bureaux de la confrérie à l'orthodoxie grouillent
21
2 Les cultes terriens de l’abondance s’y sont installés : d'une activité frénétique. Ici le maître mot est le secret
divinités agrestes, déesses-mères, fécondité… et l'ambiance parfaitement paranoïaque.

Nef seconde Salle de vérité

21
3 Plongée dans la pénombre, jonchée de décombres, la
14
21 Le nom de cette salle n'est qu'une boutade pour cette
salle des Espoirs perdus résonne du lamento des fidèles salle de torture et d'interrogatoire. Poucettes, vierges
et des sermons des prêtres. de fer, braseros rougeoyant et chevalets.

Arcade des Jugements Salle des rédemptions

4
21 Sous les voûtes sculptées de motifs morbides,
15
21 Les geôles de la police secrètes. Des cellules de 1
des gardes, masques en forme de crâne et vouges m³ sont enchâssées dans les murs, des cages droite
dentelées, veillent. pendent du plafond. La maltraitance, la règle.

Salle des fouilles Chapelle thanataire

5
21 L'accès aux escaliers est gardé par une douzaine de
16
21 Ossuaires, officiants décharnés, autels assombris par
prêtres et gardes qui fouillent tous ceux qui prétendent les sacrifices... ce lieu accueille les cultes de l’après-vie.
rentrer, suite à de nombreuses tentatives d'assassinat, Invocation d’esprit, purification d’objets hantés. au
dégradation, voir suicide théâtrale. regard des fréquentes manifestations de l'au-delà.

Abside Chapelle des Dieux-sous-la-montagne

21
6 Elle dessert au premier étage les appartements de
21
17 Un lieu de culte distinct aux nains et gnomes. Des
certains grands prêtres et la chapelle axiale. En temps gardes nains, sourcilleux, veillent à l’entrée.
normal seul le grand-prêtre et les assesseurs y ont accès.
Salle des Pas perdus
Chapelle axiale 18
21 Entrée du secteur administratif, novices et diacres y
21
7 Chapelle privée du grand prêtre. Atmosphère bavardent ou passent d’un air empressé.
envoûtante quand la lumière traversant les rosaces se
reflète sur les piliers gemmés et l’autel marbré de rouge. Vers les cellules et dortoirs
19
21 Dessert les cellules des prêtres et les dortoirs des pèlerins.
Escalier de la foi ineffable
8
21 Un simple escalier en colimaçon desservant l'inquisition du Vers les études des assesseurs
crâne. Parfois y voit-on pénétrer des prisonniers enchaînés,
20
21 Accès privé aux appartements personnels et offices des
le visage enfermé dans un casque d'acier aveugle. assesseurs.

Parc des Offrandes 21 Vers le cloaque et les sorties extérieurs

21
9 Une ambiance de sous-bois où se mêlent fougères,
vignes vierges, chênes truffiers, cultures rustiques...
Quelques autels, parfois une simple pierre levée, dédiés 22
21 Vers le grand reposoir
à des divinités.
Vers les appartements du grand prêtre
Voie des catacombes 21
23 Valdenath a installé ses quartiers en sous-sol. De là, il
10
21 Un vaste hall flanqué d’alcôves où reposent les peut accéder à tout le temple via un réseau de passages
ossements de saints et martyrs. secrets connu de lui seul.
Choeur-dans-la-terre Vers les bibliothèques et études
21
11 Des vendeurs de reliques et des mystiques haranguent 24
21 Cœur administratif du temple, atmosphère studieuse.
les pèlerins attendant d’être introduits dans la salle du
Crâne.

426
 Brève de palais
« Valdenath, vous voudrez bien nous
renseigner plus avant concernant les
obstacles à la reconquête du Châtiment ?
– L’hubris vous guette Mitrias, si aucun
Roi-Dieu n’a jamais entrepris de recon-
quérir le Châtiment, c’est que celui-ci a
ses vertus.
– Dois-je prendre votre réponse pour
un affront ou un blasphème ?
– Pour ce qu’il est, un conseil. Le
Châtiment témoigne des errements des
anciens et de la sagesse des modernes à
observer la tradition sans tenter de se
croire supérieur aux Dieux. Il témoigne
des risques de la démesure pour le plus
petit des mendiants de la Chaussée
jusqu’au plus haut noble du palais. Puisse-
t-il en inspirer aussi au Roi-Dieu ! »

La mémoire du Crâne
7
21 « J’ai connu trois Offertoires, assisté
à l’ordination du jeune Valdenath,
21
6
conversé avec saint Gerftar. J’ai caressé
21
5 21
8 chaque pierre du temple, humé sa terre.
21
9 Je me souviens de tous les bas-reliefs,
même ceux que le temps a effacés. Et je
21
4 ne dirai plus rien. »
Dernières paroles de Fline l’Ancien avant sa
retraite au Profond Reposoir
21
3
Brève de geôle
« Tu jouis ? Tu souffres ? Écoute, peu
importe ce que tu diras, peu importe
ce que tu endureras, je suis le maître, tu
es le jouet. Le pire, nous verrons ce que
21
2 c’est, que tu me supplies dans l’espoir
que je consente à te tuer, ou que tu te
pâmes à chaque caresse de mes lanières.
21
1
Quant à ton témoignage, ne t’inquiète
22
21 pas, je sais que je l’aurai, le plus tard
possible, de préférence. »
« Une vie au service de la Vierge des souf-
10
21 frances » par Ygg Odranreb
16
21
Portrait
19
21 Finkol Lepanard est l’un des rares
halfelins à faire carrière au Crâne, où
il officie comme administrateur à la
23
21 21
13
21
11 20
21 confrérie des Rites et mystères. L’air
bonhomme, ventripotent, volontiers
14
21 gouailleur, c’est l’un des meilleurs
21
17 diplomates du Temple. Son hôtel par-
18
21 ticulier, le Palais des régalades, situé sur
21
15 la Prospérité, est prisé pour ses dîners
où dignitaires étrangers, ambassadeurs
12
21 et autres potentats se croisent sous le
24
21 regard affable et les oreilles bien
21 ouvertes du sieur Lepanard.

Les temples 427

 Hiérarchie et confréries
Il existe, actuellement, sept assesseurs, aussi nommés
cardinaux, sous l’autorité directe du grand prêtre. Chaque
assesseur dirige une confrérie majeure du Temple et est
assisté de deux à quatre administrateurs. La hiérarchie de-
vient ensuite plus floue, incluant archiprêtres, chanoines,
prêtres, diacres et novices, ainsi que simples laïcs employés
du Temple et devant obéissance au clergé.
Le Temple distingue trois types d’ecclésiastique, fondés
sur la trinité féminine :
• Les vierges, qui ont rejoint des confréries mineures ou
qui n’en ont rejoint aucune. Libérés des contingences
matérielles du temple, ils se consacrent aux offices,
à leurs dévots et à leur chemin spirituel personnel.
Ils n’ont par contre aucune chance de s’élever dans la
hiérarchie.
• Les matriarques, ordonnés dans l’une des sept confréries
majeures, ils forment le noyau dur du Temple, peuvent
participer à son administration et sa politique, mais sont
astreints à certains devoirs.
• Les vénérables ont prêté serment d’obéissance absolue
au grand prêtre. Un devoir d’obéissance pouvant aller
jusqu’à la transgression de ses propres préceptes et ta-
bous cultuels, voire à la damnation, si cela était nécessaire
aux grandes œuvres du Temple. Ce serment que doivent
prêter tous les assesseurs est secret et sa révélation in-
terdite ; de fait, seul le grand prêtre connaît l’identité de
chacun de ses vénérables. Ces fidèles d’entre les fidèles
bénéficient du soutien personnel du grand prêtre dès
que nécessaire et sont les seuls à pouvoir espérer com-
prendre les desseins du Temple. Valdenath dispose ainsi
de ses propres hommes placés dans toutes les confréries
et susceptibles de lui faire remonter tout manquement
ou errements.
Prologue :
Coup de main
Des cris aussi féminins que désespérés retentissent dans
le parc des Offrandes. Nul doute que des aventuriers hé-
roïques sauteront les murs. Horreur ! Une jeune femme
dévêtue attachée à une pierre dressée, des sectateurs
arborant dagues et masques animaux autour. Espérons
que nos vaillants héros ne seront pas trop empressés, la
jeune femme en question est une prêtresse jouant le rôle
de sa Déesse lors de cette cérémonie d’un goût douteux.
Encore un coup à écoper d’une mission de pénitence
pour le Temple du Crâne pour éviter le cachot…
428
Les sept confréries majeures
Rites et mystères
• Frère Omnos (humain âgé) servant l’Inexorable
• Spiritualité : Mysticisme, Théosophie, Sapience
• Devoirs : diplomatie, bibliothèques, scriptoriums et études
Contrôle de l’orthodoxie
• Ygg Odranreb (humain jeune) servant Obatha Notre-
Dame des douleurs
• Spiritualité : Obscurité, Confusion, Souffrance, Vérité
• Devoirs : police secrète, inquisition, renseignement
Terre-mère
• Gunilda Ystersön (naine âgée) servant Brilda la Généreuse
• Spiritualité : Moisson, Nature, Terre nourricière, Fertilité
• Devoirs : intendance, économat, pèlerins
Âme éternelle
• Mélantos (demi-elfe) servant Morn le Passeur
• Spiritualité : Ésotérisme, Psychopompe, Destin, Au-delà
• Devoirs : exorcisme, soins de l’esprit, Lazaret, rites mortuaires
Corps défendant
• Umrath Al Jeradi (humain) servant Magor le Faucheur
• Spiritualité : Renoncement, Nihilisme, Violence
• Devoirs : garde et défense
Grand recueillement
• Abbé Antéus (humain âgé), culte syncrétique
• Spiritualité : Monachisme, Solitude, Ataraxie
• Devoirs : monastères extérieurs
Dieux-sous-la-montagne
• Yffarg Snorinsön (gnome) servant Morgand le Faiseur
• Spiritualité : Montagne, Artisanat, Minéraux, événements
géologiques
• Devoirs : entretien et réfection, logistique
• Note : La spiritualité correspond aux domaines des Dieux
qu’on y trouve le plus souvent représentés ou aux types de
pratiques religieuses ; les devoirs correspondent aux fonctions
attribuées au sein du Temple ; le nommé est l’assesseur en titre.

Rites et cérémonies
La bénédiction par la terre
Creusée dans le grand pilier du portail se
trouve une vasque en forme de crâne, remplie
d’un mélange de poudre d’os et de terre. Le dé-
vot doit s’en déposer sur le front et les tempes
avant de pénétrer dans le temple.
Grand rituel de fertilité
Au tout début de feu naissant se déroule
dans le Hors-ville proche l’un des rituels les
plus brutaux du Crâne. Une novice volontaire,
choisie pour sa beauté, est nommée vierge
du printemps et conduite à l’intérieur d’une
caverne, sa protection assurée par un préda-
teur symbolisant la vigueur (ours, lion, etc.).
De jeunes volontaires mâles, novices ou dé-
vots, sont purifiés au temple et, nus, couverts
du sang d’un taureau sacrifié pour l’occasion,
armés d’une seule dague, ils doivent se rendre
à la caverne. Leur but est d’affronter tous les
obstacles qu’ils rencontreront, concurrents
compris, puis de tuer le gardien et de s’unir
charnellement à la vierge du printemps, et de-
venir le roi-taureau de l’année. Les morts sont
fréquents et durant la nuit de libations qui suit,
les orgies nombreuses. Les enfants qui peuvent
naître de l’union de la vierge du printemps et
du roi-taureau sont gardés à l’œil par le Temple,
des Dieux pouvant en profiter pour s’incarner
dans l’un, l’autre ou les deux partenaires.
Le martyre obscur
Certains fanatiques décident d’être enterrés
vivants. Des funérailles sont célébrées par l’as-
sesseur de l’Âme éternelle. Les déjà-morts de-
viennent incapables du moindre mouvement,
tous leurs sens sont éteints, seule la parole
est conservée. Coupés de toutes stimulations
extérieures, dépendants des soins que leur
apportent des prêtres triés sur le volet, ils de-
viennent le réceptacle des esprits insoumis ou
errants, une sorte de voix des morts dont des
scribes notent toutes les doléances. Certains
martyrs ont survécu ainsi des années, rongés
par la douleur des escarres et hantés par les
morts.
La nuit du Châtiment
Une fois par an, sur une terrasse détermi-
née, a lieu la terrible nuit de l’expiation. La
date de l’événement est calculée astrologique-
ment et tombe toujours peu de temps avant
ou après l’anniversaire du Châtiment. Loi,
ordre et morale sont abolis, et personne ne
peut être puni pour les crimes et délits dont
il se rendrait coupable. C’est une nuit où se
mêlent carnavals, processions de flagellants,
chasses et sacrifices d’animaux consacrés. Un
minimum d’ordre est maintenu par les si-
nistres châtiés, des sectateurs aux visages dis-
simulés par des masques monstrueux ou dé-
moniaques, qui parcourent la ville pour punir
à coups de fouet plombé les comportements
impies. Une nuit où certains se livrent à leurs
pires instincts, tandis que d’autres se terrent
chez eux ou implorent la protection de leurs
Dieux. Inutile d’espérer l’intervention de la
garde, cette nuit-là elle ne sortira pas. Quand
le jour se lève, les morts se comptent en géné-
ral par centaines.
Le mortier et le pilon
C’est l’un des rites de mariage pratiqués au
temple. Les pères et mères des mariés placent
du blé au fond d’un mortier tenu par la future
épousée, puis le mari se saisit du pilon et doit
moudre le grain. La farine produite servira à
la confection d’un pain aux vertus aphrodi-
siaques qui sera consommé lors de la nuit de
noces.
Prologue :
Au voleur !
Un cadavre qui se faisait autopsier est
enlevé par une goule. Les PJ, de passage,
sont réquisitionnés pour mener la chasse
dans les entrailles du temple. L’occasion
d’une visite au pas de charge, comprenant
novices mécontents, rites impies… voire
un dérapage dans le Cloaque.
Les chemins du salut
« J’ai fait tout ce chemin jusqu’à la Ville
mystique parce que mon maître me l’a
ordonné. C’était le prix à payer pour
obtenir mon statut d’homme libre et
pouvoir ôter ce collier de fer de mon
cou. Ce que fit un prêtre à l'arcade du
Jugement, après que je lui eus remis le pa-
quet que mon maître m’avait confié pour
lui. Je pris alors le nom de Terrarion, qui
fut inscrit dans le grand livre du Temple
et aussi sur le parchemin prouvant que
désormais je n’étais plus un esclave. Je
vais prendre quelques jours de repos
puis je repartirai pour Scolopendris où
je rejoindrai la maison de mon ancien
maître : je lui montrerai le parchemin,
prendrai par la main Klessia qui m’at-
tend dans sa cellule et nous partirons,
libres tous deux, fonder notre foyer. »
« Toi », pèlerin du Crâne
Os et osselets
Dans le jargon du Temple, les ordres
majeurs sont nommés os, les ordres
mineurs, osselets. Parmi les osselets,
on peut citer les doloristes du fouet
expiateur, les enfants des ténèbres, aux
yeux crevés, ou bien encore la confrérie
des saintes gonades du Taureau, aux
exubérants rites orgiaques.
La bige rieuse
Cette plante rare aux vertus aphro-
disiaques abonde dans le parc des
Offrandes. Utilisée dans la confec-
tion du pain des mariés, elle est très
demandée dans tout Laelith et même
ailleurs. La Sainte Guilde maraîchère
a l’exclusivité de sa vente et en tire
d’importants profits.
Extrême ferveur
Se faire ensevelir nu sous la terre ?
Prendre un bain de boue chaude en
se fouettant de branches de laurier ?
Forniquer avec on ne sait quoi on ne
sait où, après avoir abusé d’alcools et de
champignons hallucinogènes ? Se faire
tatouer le corps avec des fers rougis ? Oui,
tout cela existe dans les rituels pratiqués
au Crâne. À tel point que c’est devenu
un lieu de rencontre pour nombre de
détraqués, de nihilistes, de revenus de
tout et autres nobles blasés qui n’hésitent
pas à adorer n’importe quel Dieu, du mo-
ment que celui-ci leur procure leur ratio
d’émotions fortes. Le clergé commence à
se lasser de ces touristes et risque
de réagir d’ici peu.
Les temples 429
 Le verbe et le fer
Les rôles politique et administratif du Temple du Crâne
s’organisent autour de deux confréries : les Rites et mystères
pour la diplomatie et le Contrôle de l’orthodoxie pour le
renseignement et la police secrète.
Le cénacle des Continuités, dirigé par l’assesseur des Rites
et mystères, gère donc les affaires étrangères, en fonction des
orientations données par le Conseil restreint du Roi-Dieu.
Les provinces du lac, tout comme les nations du désert, ont
toutes des consulats chargés de protéger les ressortissants
laelithiens à l’étranger, renseigner sur les mouvements éco-
nomiques et politiques et délivrer des certificats de pérégrin.
Outre les consuls, il existe aussi les ambassadeurs, mission-
nés pour traiter d’un sujet particulier avec telle ou telle na-
tion. En général, ils sont envoyés par le cénacle à la suite de
décisions du Conseil restreint.
La majorité du personnel clérical du cénacle des
Continuités est issue des Rites et mystères. Les laïcs y
sont aussi fort nombreux, les activités diplomatiques exi-
geant souvent du personnel spécialisé (juriste, interprète,
contre-assassin…).
Les Xalohot sont une race de démons tueurs.
Bien évidemment, ils ne sont jamais employés
par la confrérie. Jamais.
430
Tout nouvel employé est l’objet d’une enquête de la part
du Contrôle de l’orthodoxie (CO), afin d’évaluer sa loyauté et
pouvoir délivrer le certificat de bonne conduite nécessaire.
Et cela tombe admirablement bien que cette validation soit
du ressort du CO, puisque c’est la même excellente confrérie
qui se confond avec les services de renseignements, la police
secrète et l’espionnage… Le corps diplomatique est donc par-
faitement noyauté par le renseignement.
Si, au fil des siècles, la qualité de la police secrète a fluctué,
elle est aujourd’hui au mieux de ses performances et au plus
haut de son indépendance, couverte par un grand prêtre qui
en fait l’instrument de ses desseins et vicieusement menée au
niveau opérationnel par l’assesseur du CO, Ygg Odranreb,
une personnalité flamboyante et volontiers sadique. Elle est
constituée de l’Intra qui s’occupe de la ville et de l’Extra pour
l’extérieur.
L’Intra œuvre dans toutes les directions et utilise toutes
les méthodes possibles. Ici, pas de regrets, pas de principes :
la fin justifie les moyens, et le moindre doute quant aux ob-
jectifs est considéré comme une trahison, qu’on ne se pren-
dra pas la peine de juger. Les cibles sont de toutes sortes :
agitateurs, corrompus, républicains, athées, blasphémateurs,
prévaricateurs… tout ce qui peut
nuire à la paix sociale.
L’Extra se charge des besognes
extérieures, en s’appuyant sur le
réseau commercial de la Sainte
Guilde maraîchère qui consti-
tue ses bases permanentes. Si la
majeure partie de l’activité est
centrée sur le renseignement et
la création de réseaux et d’alliés,
les actions d’envergure (comme
pousser à la guerre des nations ou
assassiner des dirigeants ou prophètes
menaçants) sont parfaitement dans les
possibilités de l’Extra.
Notons que si le personnel central
est exclusivement clérical, nombre de
petites mains sont employées,
sans même savoir pour qui elles
travaillent. Une exception, la
guilde du Poignard
sanglant qui est un au-
xiliaire habituel et pri-
vilégié de la CO.
Filiales et annexes
Le Profond Reposoir
Cet ensemble de fosses communes est situé dans une grotte
spécialement aménagée des montagnes du nord-est. L’ordre
mineur de la Chair périssable est le seul autorisé à exécuter
les rites funéraires peu ragoûtants qui s’y déroulent et à veiller
sur le lieu. On trouve aussi, alentour, quelques anachorètes.
Le monastère du Rocher immanent
Sur la rive sud du lac d’Altalith, se trouve la maison mère
de la très sainte confrérie des moines de la Terre : le monas-
tère du Rocher immanent. Enterré, seul son toit en forme de
dôme émerge d’un sol d’une extraordinaire richesse, couvert
de vergers et de cultures. Les frères convers qui le cultivent en-
grangent plusieurs récoltes par an. Ce sont d’ailleurs les seuls
qu’on peut rencontrer, avec la vieille demi-orc acariâtre qui sert
de portier, car les moines du Rocher ont fait vœu de réclusion.
La chapelle des Écorchés
Annexe de la Chapelle thanataire, c’est là que des prêtres
experts pratiquent des soins mortuaires, des dissections et
même des autopsies pour le compte des fouineurs patentés.
Il faut avoir le cœur bien accroché, mais moyennant quelques
dons, certains étudiants en médecine ou nécromancie, voire
des nobliaux en mal de sensations fortes, peuvent assister à
des dissections menées par certains prêtres. On trouve même
des corps conservés pour l’éternité sous forme d’écorchés ou
Valdenath, grand prêtre
Valdenath est un homme âgé, et s’il fut l’un des plus jeunes
grands prêtres de Laelith, il en est aujourd’hui le doyen. De
haute stature et le dos droit, le visage émacié et impavide
sous les longues rides qui le parcourent, il donne parfois
l’impression de vouloir se fondre pour l’éternité dans les sta-
tues du temple. Mais, c’est compter sans la noirceur de son
regard vif, anxieux, scrutateur, toujours à fouiller les ombres
ou l’âme de ses interlocuteurs.
Discuter avec lui est toujours une épreuve, tant il a le don
de mettre mal à l’aise par ses silences et l’impression diffuse
qu’il sait ce que vous avez toujours voulu cacher. Car si la
vieillesse a laissé des marques sur son corps, son esprit, lui,
est resté aiguisé et sa mémoire infaillible… Seuls les Dieux
savent le nombre de secrets dont son esprit est le tombeau.
des squelettes aux formes improbables. Même au sein du
temple du Crâne, les officiants doivent tout de même faire
profil bas pour ne pas heurter certaines convictions s’atta-
chant à la sacralité du corps.
Le Chœur abyssal
Un lieu peu connu du temple et pour lequel il n’existe au-
cun accès. Oh ! certains pourront, s’ils sont bien informés,
tenter de vous l’indiquer. Mais non. On n’y arrive jamais.
Si l’on en croit certains écrits vaguement hérétiques, c’est
là que seraient adorés de prétendus Dieux « extérieurs »,
« d’au-delà les frontières de l’univers », voire le « sultan des
enfers » et autres divinités malsaines. Une faribole de plus
concernant le Crâne. Très certainement.
La Sainte Guilde maraîchère
Dans la plupart des villes de la région du lac, et dans ses
provinces, la SGM a ouvert des comptoirs pour vendre les
fruits et les légumes produits sur les exploitations monas-
tiques du Crâne. Ces échoppes sont toujours de taille raison-
nable, ne pratiquent jamais la guerre des prix et se montrent
toujours très arrangeantes, tant avec les producteurs locaux
qu’avec les autorités… Officiellement, le Temple cherche
ainsi à partager généreusement ses productions auprès du
plus grand nombre… En réalité, ce n’est qu’une couverture
pour les points-relais des missions diplomatiques et autres
services de renseignements du Crâne.
Régnant en maître depuis plus de trente-cinq ans sur le
Temple du Crâne (et celui de la Taupe ?) et les services de
renseignements de Laelith, sa réputation le précède : para-
noïaque, intelligent, retors, sans pitié… On ne sait combien
d’opposants, d’ennemis politiques et de rivaux ses services
ont discrédité, ruiné ou fait disparaître… Pour la sécurité pu-
blique, bien évidemment, mais aussi pour ses propres intérêts.
On ne lui connaît aucun ami, aucun confident et les spécula-
tions sur ses goûts et intérêts (en dehors de son travail) feraient
vite long feu, si quelque suicidaire s’y risquait. Son austérité et
son tempérament solitaire ont parachevé sa réputation lugubre.
Même s’il n’a jamais rien fait pour démentir les rumeurs,
Valdenath a toujours été fidèle à Laelith. Il a toujours
Les temples 431
 protégé la Ville sainte : en interne, en éliminant les fauteurs
de troubles, hérétiques, athées et autres démocrates atteints
de démagogie ; en externe, en prévoyant les mouvements
géopolitiques, jetant un peu de chaos de-ci de-là, et ména-
geant des alliances solides à peu de frais ; le tout sans jamais
montrer la moindre pitié ou compassion. Et tout en n’en
référant que très partiellement au Roi-Dieu, s’obligeant aux
formalités sans jamais considérer que ce dernier pouvait
se permettre de lui donner un ordre. Mais il sert les Dieux,
Laelith à travers eux, et Nin Ier puisqu’il en procède. Même
s’il éprouve un certain mépris pour Mitrias, qui lui a volé le
titre de Roi-Dieu, Valdenath ne pourrait le trahir ni le désa-
vouer publiquement, quand bien même trouve-t-il stupides
Portraits de croyants
Omnos le Vagabond,
assesseur aux Rites et mystères
Vieillard toujours vêtu d’une robe de bure usée et de vieilles
sandales, il porte un long collier de chaînes entremêlées, sym-
bole de l’Inexorable, Dieu du destin aveugle et fatal à qui nul
n’échappe… Suivit-il les rêves qui le hantaient depuis l’adoles-
cence ? Le comprit-il en voyant un mendiant aveugle porter à
sa bouche un cloporte plutôt que de ramasser les piécettes épar-
pillées de sa sébile ? Pourquoi les Dieux lui enverraient-ils des
signes depuis toujours s’ils n’attendaient rien de lui, s’ils vou-
laient qu’il reste à jamais cloîtré ? Il quitta jeune la vie de reclus
pour partir à travers le monde répandre ses visions prophé-
tiques. Que ceux qui les reçoivent en fassent ce qu’ils veulent,
son rôle à lui n’est pas d’être la main des Dieux, juste leur messa-
ger et, parfois, la providence pour ceux à qui il révèle ses visions.
Au mitan de sa vie, ses pas le guidèrent jusqu’à la Ville sainte où
sa foi, ses révélations et sa profonde spiritualité l’amenèrent bien
vite aux hautes responsabilités d’assesseur aux Rites et mystères,
en charge des questions ésotériques, des signes cosmiques et de
la bibliothèque interdite du temple du Crâne.
Pour le reste, il est étranger à la notion de plaisir et complè-
tement habité de ses visions et de sa mystique, et s’il sait faire
preuve de solidarité et d’altruisme, son empathie est limitée :
c’est le destin qui file, emmêle, puis tranche la vie des hommes.
En quelques occasions, il a pu recruter discrètement des aven-
turiers pour aller enquêter sur le terrain à propos de certaines
fluctuations du multivers ou corroborer certaines visions.
Ygg Odranreb,
assesseur au Contrôle de l’orthodoxie
C’est lui qui contrôle aujourd’hui la police secrète, les ser-
vices de renseignements et la sécurité du Temple du Crâne.
432
certaines de ses idées, comme cette folle reconquête de la
terrasse du Châtiment.
Avec l’âge qui avance, et même s’il contrôle toujours d’une
main de fer son Temple et ses services, Valdenath se montre
de plus en plus détaché. Il a conscience de la masse de savoir
qu’il a moissonné au fil de sa vie, que ce soit sur les Lithos,
le Cloaque, les Huvaliniens, et en même temps, il ressent la
futilité de la vie terrestre. Parfois, il en vient même à douter
du chemin qu’il a suivi… sauf si, bien sûr, le Roi-Dieu venait
à mourir. Dans ce cas, peut-être pourrait-il transcender sa
nature terrestre et communier, enfin, jusqu’à l’ultime quin-
tessence ? Alors, peut-être, tout cela aurait-il eu un sens 
Grand, maigre, la peau pâle, les cheveux longs et blancs, Ygg
Odranreb est un homme encore jeune, d’une troublante
beauté. Il apparaît souvent torse nu, laissant voir sa muscu-
lature déliée et exhibant ses cicatrices, quand ce ne sont pas
des aiguilles traversant sa peau ou de récentes brûlures…
Sadique, complaisamment masochiste, l’esprit vif, on le
sait adepte d’Obatha la Vierge des souffrances, et les hur-
lements qui s’échappent des quartiers dévolus à ses services
ne laissent guère de doutes sur le sujet… Tout au plus se de-
mande-t-on pourquoi s’y mêlent parfois des râles de plaisir.
Il excelle dans son rôle, jouit de la confiance du grand
prêtre, domine à outrance ses subordonnés, terrifie ses ad-
versaires et distille une sensualité ravageuse. Son influence
grandissante au Temple fait espérer à beaucoup, et craindre
à quelques-uns, qu’il ne devienne le futur grand prêtre.
Quant à lui, son apparente désinvolture ne permet guère de
cerner ses ambitions.
Ursula, vide-ventre, mère supérieur de la
confrérie euthanasique du Soulagement
Femme entre deux âges, Ursula règne sur cette confrérie
dont le propos est d’apporter l’ultime soulagement à ceux
et celles qui désespèrent de la vie. En toute discrétion, ses
membres avortent les fruits rejetés des amours sans avenir,
apportent la paix aux malades incurables et procurent l’oubli
à ceux dont l’âme est trop blessée pour affronter le monde.
Habile avorteuse, le nom d’Ursula est connu jusqu’à la Haute
Terrasse et il n’est pas rare que des courtisanes ou même des
nobles viennent faire appel à ses services.
La confrérie refuse tout paiement, agissant uniquement
par charité. Par contre, les corps des sacrifiés restent en sa
possession… L’enquête concernant un trafic de cadavres

avec la branche nécromantique de l’Académie
tolérée de magie n’a jamais abouti.
Hergïl, diacre énergique
Solide nain dans la force de l’âge, Hergïl
est une figure de la Chapelle des Dieux-sous-
la-montagne qui rassemble les cultes du
panthéon nain. Outre son exubérance et sa
jovialité, c’est aussi un artisan aux multiples
talents qui s’est mis en tête de redorer ce sanc-
tuaire. Depuis vingt ans, il sculpte inlassable-
ment la pierre, recouvre les statues de métaux
précieux, enchâsse des joyaux dans les reli-
quaires et fait remplacer les vieilles colonnes
mal dégrossies par des atlantes marmoréens.
Soutenu par la communauté naine de Laelith
et les dons, souvent généreux des pèlerins, son
œuvre est connue jusqu’aux lointaines cités
naines. Intarissable sur son travail, il est ca-
pable de disserter des heures sur le choix des
ciseaux à sculpter la pierre, tout autant que les
alliages de métaux propres aux eaux-fortes,
des discussions qui, en général, n’intéressent
guère les pèlerins. Une rumeur prétend qu’il
pourrait devenir le maître d’œuvre d’une hy-
pothétique réfection du Crâne, mais l’oppo-
sition risque d’être forte, l’esthétique actuelle
du temple ayant ses défenseurs… De toute
manière, Hergïl étant quelque peu obtus en
Valdenath, grand prêtre du Crâne vous attend,
« Memento Mori.»
matière religieuse, il n’est pas sûr qu’il accep-
terait de s’occuper d’autres Dieux que les siens.
Malvira Desfanges, novice en
odeur de sainteté
Mince jeune fille à la beauté diaphane, Malvira
est la petite-nièce de Valdenath, qui a person-
nellement veillé à son éducation spirituelle.
Sa sensibilité à fleur de peau, son âme trop
pure, sa beauté troublante et son ascendance
l’ont mise à l’écart des autres, l’enfermant dans
une solitude qui a fait vaciller son équilibre
mental. Malvira s’est tournée vers les Dieux.
S’astreignant à de longs rituels purificateurs,
s’interdisant toute consommation de viande, re-
fusant tout contact et même toute vue du sang,
priant des heures dans le parc des Offrandes,
dialoguant plus avec les Dieux qu’avec les gens,
elle semble s’abîmer chaque jour un peu plus
dans un mysticisme dévorant. Ses relations hu-
maines se sont réduites à son grand-oncle, qui
fait office autant de confesseur que de guide
spirituel. Au temple, certains l’imaginent sainte
en devenir, tandis que d’autres, plus nombreux,
s’inquiètent de sa folie naissante. Et puis, il y a
toutes ces fois où personne ne la voit durant des
jours, et ces témoignages, persistants, qui disent
l’avoir aperçue au palais du Roi-Dieu…
Le prince de la Terre
« Né de l’union d’une vierge du
printemps et d’un roi-taureau, Celian
est un jeune garçon de 6 ans à peine.
Mais déjà, il fait l’admiration de tous
depuis qu’il a commencé à modeler la
terre pour des créations d’une beauté
hors norme. Sa mère, la matriarque
Gladia, chargée de l’accueil des pèlerins,
est une femme dévouée au Temple
comme à son fils. Le don de son enfant
ne l’inquiète pas, au contraire, elle le sait
béni des Dieux. Je lui ai donc proposé
de m’occuper de son noviciat. En effet,
le lien qui unit cet enfant à la Terre
pourrait servir notre cause. Il deviendra
peut-être la preuve que les Éléments
l’emportent sur les divinités. »
Rapport de Ragbert De Leris, chanoine de
la Chapelle thanataire, membre de l’ordre de
la Sous-Quintessence
La recluse
À mi-chemin du sentier qui conduit au
Profond Reposoir, un pèlerin attentif re-
marquera une anfractuosité de la roche,
fermée d’un mur maçonné frappé de
deux tibias entrecroisés et percé d’une
unique petite ouverture, à 2,50 m du
sol. C’est derrière ce mur qu’A naëlle de
Morflanc a décidé de se faire enfermer
il y a maintenant trois ans, persua-
dée que sa retraite hors du monde
saurait laver la Chaussée du lac de ses
nombreux péchés et que son acte de foi
donnerait à son Temple la suprématie
qu’il revendique et n’a pas encore obte-
nue. Ce reclusoir est une simple grotte
de quelques mètres de long au fond de
laquelle, le long d’un mur, coule un filet
d’eau ; il est sommairement meublé
d’un bat-flanc, d’une couverture et d’un
exemplaire du Frontal Codex. Chaque
procession funéraire qui emprunte
le chemin doit rituellement jeter par
l’ouverture un quignon de pain d’un
quart de livre, une poignée de légumes
crus et un morceau de viande cuite
d’une paume de long. Mais, ces derniers
temps, certains préposés aux funérailles
se demandent si Anaëlle n’a pas quitté
le monde des vivants : son vœu de
silence ne permet pas de l’entendre ; la
voir est difficile car la fenêtre reste bien
haute ; et, à ce jour, il faut bien l’avouer,
les effets de son sacrifice sur les péchés
de la Chaussée du lac et l’ascension
espérée du Temple du Crâne
ne sont guère probants…
Les temples 433
 Le Nuage
Présentation du Nuage
Mise en scène
Les reliefs sont finement ciselés dans le
marbre blanc. Il faut savoir jouer avec
la lumière rasante qui évolue tout au
long de la journée – ou de la nuit – pour
« lire » les scènes. Celles-ci varient selon
les saisons : éclairées par la lumière,
solaire ou lunaire, elles ne se dévoilent
qu’à certaines époques et heures selon
un cycle précis bien défini.
Ces scènes sont au nombre de 26 280,
réparties en 72 séquences majeures
auxquelles s’ajoutent 18 scènes réparties
toutes les quatre séquences. Il faut 72
ans pour en « lire » la totalité. Une
séquence correspond à une année.
Elles décrivent le cycle des saisons et
les activités qui s’y rattachent, comme
l’agriculture. Mais on peut y « lire »,
si la connaissance le permet, ce qui est
réservé aux prêtres du Temple. Par
exemple, certaines combinaisons de
scènes lues selon un rythme particulier
délivrent un message bien éloigné de la
paisible fable champêtre qui l’illustre.
Une belle idée…
« Dites, Maître… j’ai eu une idée, l’autre
jour…
– Ah oui, laquelle ?
– C’est simple… Si, au lieu de recopier
nos livres à la plume, nous gravions
des lettres indépendantes sur des petits
cubes de bois, qu’on assemblerait pour
former les mots et les phrases, et la page,
puis enduire tout ça d’encre… Nous
pourrions reproduire plus vite, à l’infini,
nos livres… J’ai fait un essai…
–…
– un problème, Maître ?
– Il faudra lire ton torchon plein d’encre
à l’aide d’un miroir ?… Jette-moi ces
idioties au feu et reprends ton travail
d’écriture. Nous n’avons pas de temps à
perdre avec ces enfantillages. »
434
L’accès se fait par la place du Nuage neuf ; ce nom aurait plusieurs ori-
gines étroitement liées à l’architecture du temple et sa philosophie ésoté-
rique, où les chiffres 7, 8 et 9 occupent une place prépondérante.
Les pèlerins et les fidèles pénètrent dans l’enceinte religieuse par le
vestibule monumental.
De là, on accède à la grande salle des Liturgies, aux bibliothèques –
dont une partie est accessible à tous –, et aux chapelles ; celui qui désire
rencontrer un prêtre pourra se rendre dans l’une d’elles.
Les collèges se réunissent dans la chambre des Cénacles, où la grande
prêtresse dispose d’un office privé.
Les logements et les dortoirs, ainsi que les cuisines, réfectoires et autres
servitudes sont situés hors du temple, dans des immeubles du quartier.
La grande salle des Liturgies est accessible à tous, lors des liturgies or-
dinaires. Elle est fermée lorsque les liturgies ascensionnelles, strictement
réservées au clergé, sont célébrées. Le sol de cette salle s’ouvre et libère le
passage des sphères des liturgies ascensionnelles, au nombre de sept. Le
grand thegelthan, situé dans la partie nord-ouest, est enfermé dans deux
chambres dotées de jalousies mobiles qui permettent une modulation du
son. Les plus longs tuyaux, situés dans le puits des Sphères, sonnent lors
des liturgies ascensionnelles.
La grande salle des Liturgies surprend par son aspect austère qui, de
prime abord, vient au regard du profane. Un œil très exercé pourra devi-
ner ses innombrables reliefs qui ornent les parois.
Le thegelthan est un instrument unique dans cette partie du monde
connu et non connu. Constitué de 1 296 tuyaux en bois de vihanier et
en métal vihanium, répartis en 18 ensembles de 72 notes, il se joue à
l’aide de claviers situés sur deux consoles indépendantes, l’une dédiée à
l’Encline, la seconde à la Décline (les périodes liturgiques du Nuage). Un
pédalier permet de tenir les notes les plus graves. L’air propulsé transite
par un système pneumatique actionné par une puissante machinerie hy-
draulique, alimentée par des réservoirs souterrains placés en amont du
temple. L’instrument couvre un spectre sonore très large, dont la finalité
est de mettre en vibration le bois de vihanier et le vihanium, matériaux
sacrés du Temple. Certaines harmoniques produites sont directement
bénéfiques pour le grand prêtre.
Les sphères de la liturgie ascensionnelle permettent de célébrer les
cultes aériens en s’élevant au-dessus du temple. D’un diamètre d’en-
viron 18 mètres, elles sont divisées en deux parties équivalentes : la
base contient la coursive des threnodes et les fluides threnodiques qui
concourent à leur élévation. La partie supérieure, couverte d’une cou-
pole ouvrante, est destinée aux offices. Chaque sphère a une destination
liturgique spécifique. Celle qui s’élève au plus haut est présidée par la
grande prêtresse.
Lorsque ces sphères sont au repos, elles sont rangées dans les tunnels
du puits des Sphères. Un réseau d’escaliers et de coursives permet au
clergé et aux threnodes de rejoindre ces sphères.
 Un prêtre de la sphère de la Haute Extase
invoque les Dieux immatériels pour l'aider à
imaginerLes temples
la transformation 435
des vieillissantes
plateformes du Temple.
 Plan du Temple du Nuage
Hall des fidèles et des pèlerins
21
1 La porte monumentale est surmontée d’une rosace.
C’est l’entrée officielle du temple.
Bibliothèques et salles d’étude
21
2 La section théologique possède de grandes collections
d’ouvrages sur les différentes religions liées aux
divinités éoliennes. De nombreuses salles sont
réservées au clergé et aux étudiants.
Chapelles
21
3 Ouvertes à tous, les fidèles et les pèlerins peuvent s’y
recueillir et rencontrer un prêtre. Des petites liturgies y
sont célébrées quotidiennement.
Grande salle des Liturgies
21
4 Partie principale du temple, elle est destinée aux
célébrations solennelles, présidées par la grande
prêtresse, chantées par les precantores depuis leurs
tribunes, et accompagnées des puissants accords du
thegelthan. Le sol de cette salle s’ouvre en huit parties
pour libérer le puits des Sphères lors des liturgies
ascensionnelles. Le grand dôme s’ouvre en huit parties
lors du passage des sphères threnodiques. Les parois
sont recouvertes de reliefs sacrés.
Chambres du thegelthan
5
21 Elles contiennent ses tuyaux. Les plus grands tuyaux
de 128’ (environ 42 mètres) sont disposés dans le
puits des Sphères et ne sonnent que lors des liturgies
ascensionnelles. Ces chambres sont munies de jalousies
mobiles qui permettent de moduler l’intensité du son.
Les consoles se trouvent en bas de ces chambres.
Chambre des cénacles
21
6 Au-dessus se trouvent les appartements cléricaux et les
offices privés, destinés à l’administration du Temple.
436
Piles vihaniques
21
7 Au nombre de 8. 6 sont d’origine (avant le Châtiment).
Redressées et restaurées par Astinas Alewens. 2 sont
reconstruites d’après les 6 originales. Dites vihaniques
car elles ont été réalisées par les HuLlivanii dans des
temps très an­ciens pour un monument aujourd’hui
disparu mais si­tué à l’emplacement de l’actuel Temple
du Nuage. Ces piles contiennent le mécanisme
d’ouverture du Dôme, à l’aide de câbles.
Piles de Dodzeer
21
8 Au nombre de 8. Dressées lors de la restauration du
temple vers la fin du règne de Tokinafal VII (789-794). le
temple fut dégradé lors de troubles religieux.
À la faveur de ces travaux le temple fut embelli, et
ces piles ont été destinées à ren­forcer la structure
supportant le grand dôme.
Puits des Sphères
21
9 D’environ 100 mètres de profondeur pour un diamètre
de 36 mètres, il est réalisé en vihanium, un métal qui
isole cette partie basse du temple du sous-sol, peu
fréquentable, de Laelith.
Tunnels des Sphères
21
10 Au nombre de sept, ils contiennent chacun une sphère
threnodique qui repose sur un berceau mobile. Un
réseau d’escaliers et de coursives réservé au clergé
dessert l’ensemble. On y accède par des passages
dissimulés dans les piles vihaniques.
Hors du temple :
21
11
Offices du Temple (sur la place du Nuage
neuf)
Accueil des pèlerins. À l’étage, des appartements
destinés au clergé. Une petite taberge gérée par le
Temple propose boissons et restauration.
Place du Nuage neuf
Entrée publique du temple. Les liturgies extérieures y
sont célébrées.
 Réunion secrète
Dissimulée par la brume, la silhouette
se dirigeait lentement vers les anciens
locaux des Rationalités. D’un pas égal, le
jeune prêtre du feu s’approcha d’un bâ-
timent à l’abandon, fermé par de vieilles
planches. Après avoir jeté un œil en
arrière, d’un geste sûr, il ouvrit une des
portes latérales et la referma aussitôt le
seuil franchi. Puis, dans une obscurité
presque totale, il se dirigea vers le centre
de l’ancienne université. Enfin, il s’assit
sur un banc de pierre poussiéreux en
haut d’un amphithéâtre délabré.
Il fut bientôt rejoint par d’autres
silhouettes silencieuses. Dispersées
dans l’immense salle, elles attendirent
dans une immobilité presque surréelle.
Une femme enfin pénétra et s’installa
devant eux. « Bienvenue à ce nouveau
dialogue de la Sous-Quintessence.
Aujourd’hui, nous allons aborder
ensemble les actions qu’il convient de
mener afin de faire entendre notre
voix… »

Impressions d’un
pèlerin
« Venir ici, c’est l’accomplissement
d’une vie. J’ai vu les autres temples,
témoin de leurs sempiternelles lamen-
tations sur la condition de la vie… Mais
là, c’est l’extase absolue ! Le Nuage – ô
juste ciel qu’il porte bien son nom ! –
vous élève corps et esprit ! Après une
nuit assez détestable dans une taberge
dont je tairai le nom, je fus attiré par
un écriteau vantant les services d’un
guide “officiel”. Pour une somme assez
rondelette, je fis la tournée des terrasses.
Celle-ci s’achevait au Nuage. “Vous
allez voir…” disait notre guide. Voir
quoi ? Avec ce brouillard à découper
à la hache ? J’avais hâte de finir cette
5
21 7
21
21
6 journée épuisante lorsqu’il annonça
21
8 que nous étions près du temple du
21
3 Nuage. Ah oui ? Où ?… Soudain, ma
colère s’évanouit… Des sons étranges
m’invitaient… guidaient mes pas…
21
1 21
4 le brouillard se dissipait par magie :
face à moi se dressait le temple. J’étais
subjugué par tant de beauté, par cette
21
10 musique qui émanait de partout…
21
2 J’étais conquis par le Nuage ! »
Jodakim Akoari, lors d’un
21
9 pèlerinage
21
11

Les temples 437

 Aperçu historique
Des érudits évoquent la présence d’édifices datant de
l’antique Tanith-Lenath, dont l’origine reste mystérieuse,
comme les ruines du temple des Anciens. Sur le site de l’ac-
tuel temple du Nuage s’élevait un ouvrage circulaire flanqué
de huit colonnes massives, dénommées piles vihaniques,
d’origine huvalinienne (ou huLlivanii).
Ce bâtiment est rebâti sur un plan similaire ; les piles vi-
haniques sont restaurées. Dessous se trouve un puits d’une
profondeur d’environ 100 mètres, entièrement rebâti, l’an-
cien ayant été écrasé sous l’effet du cataclysme. Cette in-
frastructure souterraine est isolée du Cloaque par le viha-
nium (métal vihanique) qui compose son enveloppe.
Les parois du temple sont couvertes de reliefs minutieuse-
ment restaurés par Astinas Alewens, à qui l’on doit le dôme
datant des premières décennies de la création de la Cité
sainte.
Sous Tokinafal VII (789‑794), Laelith traverse une grave
crise religieuse qui n’épargne pas le Nuage. Les dommages
causés au temple entraînent une seconde restauration, dite
de Dodzeer, l’architecte d’alors. Des différends dogmatiques
divisent le clergé qui dérive vers les affaires politiques.
En 795, le collège des Threnodes s’exile en Egonzasthan
pour préserver son savoir hérité des HuLlivanii. Après leur
départ, des plateformes amovibles sont édifiées, leur méca-
nisme très complexe se logeant dans le puits. Afin de gui-
der l’élévation des plateformes, huit nouvelles piles, dites de
Hiérarchie et collèges
Les collèges sont sous la gouvernance d’un(e) doyen(ne),
entouré d’un office collégial (ou collège) composé d’un
nombre variable de membres selon les époques et les besoins
desdits collèges.
Il existe une multitude de collèges au sein du Nuage, cer-
tains n’ont qu’une existence éphémère, ou ne réunissent que
deux ou trois membres, tandis que d’autres sont très anciens
et indispensables au fonctionnement liturgique.
La création d’un collège est libre pour les membres du
clergé qui désirent en fonder un. Ils doivent soumettre leur
projet au collège des 72 Sages, qui jugera de la viabilité de
celui-ci, après avis décisionnaire de la grande prêtresse.
438
Dodzeer, sont dressées entre les anciennes piles vihaniques.
Le thegelthan, devenu inutile, est partiellement démonté.
Lorsque Mitrias prend ses fonctions sous Teaphanerys XIV,
les plateformes accusent une usure considérable, nécessitant
une maintenance dispendieuse. Elles absorbent alors près de la
moitié des ressources financières du Temple, obligeant le cler-
gé à « faire la course au fidèle » pour augmenter les offrandes.
En même temps, la liturgie s’écarte des dogmes originaux, à tel
point que Mitrias décide d’entreprendre des réformes. Celles-
ci sont longues à mettre en place ; le clergé est, en effet, englué
dans des habitudes séculaires difficiles à défaire.
Un jour, Mitrias remarque une jeune fille avec qui il s’en-
tretient longuement. Subjugué par la beauté de sa voix et son
raisonnement très mûr, il décide de la prendre quelque temps
sous sa responsabilité. Cette jeune fille n’est autre qu’Inamaka
Mahpyua, la future grande prêtresse du Nuage. C’est elle qui,
en fait, suggère les réformes à entreprendre, comme l’aban-
don des plateformes et la restauration de l’ancienne liturgie
des Sphères et du thegelthan. La première étape est marquée
par le rappel des Threnodes exilés en Egonzasthan.
Le démontage des plateformes est entrepris à la suite d’un
orage qui les a endommagées. Les travaux durent deux mois,
les plus belles poutres de cet édifice mobile sont cédées à des
artisans de la Main qui travaille. Pendant deux ans, le temple
est restauré. À ce chantier s’ajoutent les réformes théolo-
giques qu’Inamaka poursuivra en expurgeant la liturgie des
rites obsolètes pour revenir à la pureté du Nuage.
Cénacle des Équités
• Rôle 
: Instances judiciaires de la ville et archives
royales-divines.
• Doyen : Caloluno Be’Ox.
Seule institution du Nuage autorisée à jouer un rôle dans
la politique temporelle de la ville, le cénacle supervise le
fonctionnement de la justice et la conservation des archives.
Les plus fins juristes de Laelith sont formés au sein de ce
Temple reconnu pour être le gardien des savoirs. C’est avec
la plus grande humilité qu’ils rendent leurs conclusions sur
toutes sortes d’affaires, avec tout le recul nécessaire et la pro-
fondeur de leur réflexion.
 Le cénacle des Équités est composé de 9 prêtres, 8 clercs
et 7 laïcs, choisis conjointement par le Roi-Dieu et le grand
prêtre du Nuage, sur des critères très sévères d’intégrité
morale, de loyauté envers les autorités civiles et religieuses,
et d’érudition dans de nombreux domaines : langues, droit,
histoire, théologie, etc.
Les affaires judiciaires ne sont pas traitées dans l’enceinte
du temple, qui n’a pas à jouer le rôle de tribunal et encore
moins de prison. Ce cénacle intervient dans la plupart des
procès tenus en ville, et son avis est toujours réputé juste et
loyal.
Collège rattaché :
Collège des 72 Sages
Les membres du cénacle rejoignent le collège des 72 Sages,
qui veille sur la stricte observance du dogme et de la théolo-
gie du Nuage. C’est ce collège qui sacralise le nouveau grand
prêtre lorsque l’occasion se présente. Historiquement, la
plupart des grands prêtres sont issus de ce collège. Inamaka
Mahpyua figure comme l’une des très rares exceptions : is-
sue de la société civile, devenue novice par la suite, puis sa-
cralisée grande prêtresse, sans avoir fait partie de ce collège.
Collège des Scribes et collège des
Théologiens
• Rôles : Scribes (bibliothèques et écoles), Théologiens
(dogme et théologie des cultes aériens).
• Doyenne : Okteeva Bonnemontagne.
Ce collège conserve les livres des bibliothèques du Nuage :
écriture, copie, reliure, restauration des anciens ouvrages,
enluminure, etc. Les scribes dispensent l’enseignement aux
novices et aux clercs. La plupart sont également prêtres.
C’est pourquoi le collège des Théologiens en fait partie. Les
théologiens travaillent sur le dogme et l’interprétation des
textes sacrés.
Collège des Threnodes
• Rôle : musique et chants sacrés, service du thegelthan et
des sphères.
• Doyen : Peyrii Obláyetaïn.
Astinas Alewens cite la présence de « chanteurs-mar-
cheurs » déambulant dans les ruines, à la recherche de
vestiges. Les threnodes ont guidé l’architecte lors de la
construction du Temple.
Lors de la crise de 789‑794, les threnodes s’exilent en
Egonzasthan. Des historiens affirment qu’ils ont été expulsés
par le clergé conquis aux idées issues de cette crise. À la suite
de leur départ furent édifiées les plateformes. Les threnodes
reviennent sous Mitrias.
Ils se répartissent en trois groupes : les threnodes ; les
sonneurs, en charge du thegelthan (entretien et jeu) ; les
precantores qui, au nombre de huit (quatre femmes et
quatre hommes), chantent depuis les tribunes de la grande
salle.
Ce collège est l’âme du Temple. Par leur musique et
leurs voix, ses membres inondent l’enceinte d’une éner-
gie divine dont profite la grande prêtresse. Nuit et jour,
ils marchent d’un pas lent et mesuré, effleurant les frises
sacrées en psalmodiant des paroles étranges venues de
temps oubliés.
L’élévation des sphères est confiée, pour chacune, à une
équipe de douze threnodes qui cheminent dans la coursive
inférieure. Ils sont reliés à l’anneau des fluides vihaniques
par un casque leur permettant de « communiquer » psy-
chiquement avec le fluide qui, mis en mouvement, crée une
onde amplifiée par les anneaux thegelthaniques, contri-
buant à l’élévation de la sphère. Le prêtre officiant « pi-
lote » la sphère, assurant la mise en altitude requise pour
sa liturgie.
Collège de la Voie céleste
• Rôle : étude du ciel, astronomie et astrologie, physique et
mathématiques.
• Doyen : Wenülh Dinbbèl.
Les célestiens observent les astres depuis un lieu situé hors
des murs, au nord près de la falaise, à l’aide d’instruments
portatifs, ou depuis l’une des sphères de la liturgie ascen-
sionnelle, dans laquelle ils disposent d’instruments fixes et
plus puissants.
Collège rattaché :
Collège des Vihanistes
Les vihanistes étudient le vol à l’aile. Pour cela, ils revêtent
une structure en bois de vihanier, la vihana, dotée de deux
ailes rétractables, d’un aileron de queue et de souffleurs d’air,
leur permettant de voler comme des oiseaux au-dessus des
brouillards. La maîtrise de cette étrange machine exige une
grande expérience : le vihaniste actionne les ailes avec les
mains et les bras, l’aileron avec les jambes et les pieds, pour
prendre de l’altitude et se diriger. Tandis que les souffleurs
d’air, longs tubes attachés à la structure de chaque côté du
vihaniste et équipés de soufflets mis en œuvre par le mou-
vement des bras, créent une onde qui produit l’énergie né-
cessaire à l’élévation. Elle renforce, le temps du vol, les ca-
pacités psychiques du vihaniste, nécessaires au contrôle de
sa machine.
Il n’existe que sept vihanas, dont l’usage est strictement
réservé aux initiés.
Les apprentis sont formés sur des engins dépourvus de
souffleurs d’air. Les risques sont très importants, mais cet
entraînement est indispensable à l’usage des vihanas en cas
de succès.
Les temples 439
 Les êtres-nuages
« Tu connais la légende des êtres-
nuages ? Un jour, alors que je tentais
de retrouver mon chemin dans le
brouillard, j’entendis une sorte de
bourdonnement avant de voir surgir,
face à moi, une colonne d’êtres qui se
tenaient par la main tout en marchant
d’un pas lent…
– Bah ! Tu confonds avec les
êtres-brouillard, toi… T’as simplement
croisé des “trois notes”…
– Si tu l’dis…
– Une p’tite chopine ? »
Les patenôtriers
La confrérie des fabricants de chapelets
est établie dans la terrasse de la Main
qui travaille, au début de l’échelle de
la Métallerie. Forte de vingt maîtres,
trente-deux compagnons et cin-
quante-cinq apprentis à ce jour, elle
fournit trois des quatre Temples ; celui
du Crâne considérant cet artisanat
comme « un symbole de la dévotion
sotte, superstitieuse et avilissante ». Les
chapelets produits sont destinés aux
différents ecclésiastiques, aux simples
croyants mais aussi aux pèlerins qui les
achètent en souvenir de leur passage
dans la Ville sainte. Il en est de simples,
dont les grains sont en os, corne ou
bois d’olivier ; mais les plus beaux sont
d’émail, de nacre ou même d’ambre,
parfois tissés de fils de soie ou d’or. De
même, la longueur du chapelet varie
en fonction de son coût : traditionnel-
lement trente-trois grains – trois fois
onze prières –, parfois soixante-six, très
rarement quatre-vingt dix-neuf.
Le collège
des trois notes
Indispensables au fonctionnement de
la liturgie, les threnodes n’en sont pas
moins moqués par certains dans les
taberges… Le sobriquet « collège des
trois notes » leur est parfois attribué,
en raison des chants très étranges qu’ils
pratiquent. C’est la méconnaissance
totale de la science de l’harmonie qui
guide ces détracteurs plus prompts à
lever le coude au comptoir qu’à s’ouvrir
à l’émerveillement et l’extase produits
par cette musique, plus complexe qu’elle
n’en laisse paraître.
440
Clergé et liturgies
Prêtres,
assesseurs, clercs
Le candidat suit un cursus de 24 ans : novi-
ciat de 7 ans, cléricat de 8, diaconat de 9 ans,
avant de devenir prêtre officiant.
Certains, n’atteignant pas le cléricat,
peuvent rester au Temple comme laïc convers
et occupent des postes subalternes, sans pou-
voir enseigner et encore moins accéder aux
collèges.
Les assesseurs secondent le grand prêtre
dans sa charge ecclésiale. Intégrés au cénacle
des Équités, ils sont nommés doyens de col-
lèges, à l’exception de celui des threnodes.
Les threnodes sont recrutés chez les enfants
qui présentent de forts pouvoirs psychiques.
Ils bénéficient d’un enseignement privilégiant
le sens de l’ouïe. Parmi eux, certains présentent
des déficiences visuelles, sans que ce soit une
condition nécessaire.
Les novices doivent lire, écrire, chanter,
jouer d’un instrument. Si ces deux dernières
conditions sont facilement remplies, les deux
premières sont rares. Le Nuage repère les
bons éléments et leur offre l’enseignement de
base.
Un prêtre arrivant à Laelith s’affilie au
Nuage selon ses croyances. Il est nommé clerc
un an afin d’éprouver son aptitude à suivre
la liturgie du Nuage. Il sera affilié après cette
période probatoire, avec les prérogatives d’un
diacre (auxiliaire). Il sera officiant par décision
du collège des 72 Sages. S’il n’est pas admis
dans la prêtrise, il sera clerc ou quittera le
Temple.
Liturgies
Le pèlerin prononce : « C’est vers Vous,
ô Célestes Cieux, que mon regard se porte
et que mon esprit s’élève » tout en respirant
fortement.
Dans la grande salle, les precantores en-
tonnent les hymnes et les threnodes psalmo-
dient, appuyés par les accords du thegelthan.
La musique célèbre l’air et son rôle dans la ma-
nifestation de la vie.
Les liturgies ascensionnelles sont réservées
au clergé. Le sol de la grande salle s’ouvre, le
dôme s’écarte, les sphères s’élèvent gracieuse-
ment, accompagnées du puissant thegelthan.
L’année liturgique se compose de l’Encline
qui célèbre le printemps et l’été, et la Décline
pour l’automne et l’hiver. La première est
joyeuse : la musique est jouée sur les modes
majeurs. La seconde s’assombrit tandis que la
saison s’enfonce dans l’hiver : la musique est
en mineur. À chacune correspond un clavier
du thegelthan qui, en raison de la physique des
sons, est accordé sur l’un des modes.
Liturgies chantées
Un prêtre et des diacres précèdent les
croyants qui suivent en silence, écoutant les
threnodes psalmodier tout autour. Le clergé
entonne les répons, repris par les fidèles. Le
prêtre produit quelques effets de sa magie
cléricale : lumières, lévitations, volutes de
brouillard… Suivent des cantiques tirés du
Livre des Chants d’Aladhel. Le thegelthan entre
en vibration, et tous ressentent la puissance
des sons aux accents magiques. Si la liturgie
se déroule dans la grande salle, les precan-
tores entonnent les hymnes octophones, font
des batailles polyphoniques avec le thegel-
than, tandis que le prêtre, en totale extase,
lévite.
Les liturgies des chapelles sont plus sobres,
sans precantores ni thegelthan, mais avec les
threnodes qui psalmodient inlassablement.
Liturgies ascensionnelles
Elles ont lieu dans les sphères : ce sont
des liturgies grandioses, qui suscitent l’émo-
tion jusque dans les échelles de la terrasse du
Nuage.
Sphère des Vents : liturgie du souffle qui
agite les branches et les herbes, symbole de la
vie sur le monde.
Sphère des Brumes : liturgie de l’éther et de
l’humidité, infimes matières, source de vie.
 Sphère des Pluies : liturgie de la pluie et la
neige, eau née de l’air dans les hauts nuages.
Sphère des Êtres aviens : liturgie des divi-
nités dotées d’ailes. Les vihanistes y prennent
leur envol.
Sphère de la Voie céleste : liturgie des
astres. Ici sont disposés des instruments d’ob-
servation de grande précision. Les threnodes
exécutent une marche équinoxiale très précise,
qui compense le déplacement des astres.
Sphère de la Haute Extase : liturgie des
Dieux immatériels. Les arts de la lévitation et
de l’extase y sont exercés. Parfois, des prêtres
trop impliqués dans leur prière, ne reviennent
pas sur la sphère. On les retrouve bien plus
bas… Sacrifice ultime.
Sphère la Plus Haute : liturgies célébrées
par la grande prêtresse.
Cérémonies et annexes
Mariage au Nuage
Les futurs époux, confiant leurs noces à la
bienveillance d’une divinité aérienne, se pré-
parent spirituellement durant trois mois sous
l’égide d’un prêtre confident. La cérémonie se
déroule dans la grande salle des Liturgies, du-
rant laquelle le thegelthan les fera léviter pen-
dant sept minutes.
Fidèles et pèlerins
Les fidèles suivent la liturgie au moins une
fois par semaine en participant aux chants,
suivis d’une offrande bienvenue. Depuis la
nomination d’Inamaka, le Temple limite le
nombre de ces dévots, ne voulant pas s’en-
combrer de gens plus intéressés à obtenir les
faveurs de prêtres qu’à approfondir une foi
difficile à saisir. Le Nuage se mérite !
Afin de contenter les foules de pèlerins et
recevoir des offrandes, Inamaka fait célébrer
des liturgies extérieures sur la place du Nuage
neuf.
Pavillon du Lazaret
Le clergé qui y sert, durant deux ans, repère
les candidats au noviciat.
Annexes du Nuage
Le Temple possède deux oratoires sur la ter-
rasse du Nuage, et un autre situé sur le Grand
Marché. Ce sont de simples salles en rez-de-
chaussée. Celui du marché est une alcôve coin-
cée entre deux boutiques. Depuis les réformes,
ces annexes sont négligées car les liturgies ne
peuvent s’y célébrer avec les threnodes.
Au nord, dans les montagnes proches, loin
des remparts, l’aire du Souffle est le site consa-
cré aux rites funéraires.
À Egonzasthan-la-Basse, un temple est dé-
dié au culte du Nuage. Fondé par les threnodes
exilés en 795, il ne serait plus en activité.
Une annexe du Temple du Nuage est installée près du Grand Marché,
afin que le grand air céleste souffle aussi sur les petites gens.
Étoiles brillantes
« Maître Lafret, pourquoi le ciel de
Laelith est-il si particulier ? » Ostabal se
pencha vers le jeune novice. Il inspira
profondément et lui fit cette réponse :
« Laelith, voyez-vous, occupe une
place à part dans notre univers. Ici,
les mondes semblent se rapprocher.
Je ne sais si ce sont les Dieux qui en
décidèrent ou si le nœud primordial gît
non loin. Ce que je sais, par contre, c’est
que j’ai observé ici des choses qu’on ne
voit nulle part ailleurs. Et les confrères
qui nous visitent repartent avec dans les
yeux des étoiles nouvelles. Des étoiles
si brillantes que leurs caresses nous
habitent pour l’éternité. »
Les chemins du salut
« C’est avec le décès de mon cinquième
enfant – les quatre précédents morts
à la naissance ou en bas âge – que je
compris que je n’étais pas faite pour
enfanter. Puisque l’âme de mes petits
partait trop tôt vers le ciel, je devais
les y accompagner. Mais les Dieux
en décidèrent autrement : la corde
que je choisis ne m’accorda pas de les
rejoindre. C’est donc en catimini, une
nuit de pleine lune, que je quittai mon
mari et ses pulsions animales. La route,
le jeûne, l’abstinence me montrèrent la
voie qui mène au salut éthéré. Encore
quelques jours et j’atteindrai la Ville
sainte où mon destin m’attend. Au
Temple ou au fond de l’Inlam. »
Fissilienne, pèlerine du Nuage
Les temples 441
 Un marcheur de
pénitence
« Je m’appelle Tarofiel, dit le Sombre,
à cause de ma tenue rayée de noir et
de gris. Je viens du Pays fort, près de
Braïtonne. Là-bas, je suis charbonnier
et je défriche les forêts pour fabriquer
du charbon de bois. Une année bonne
et l’autre non. Je me retrouve débiteur
d’un noble dont je coupe les halliers.
Un homme riche, sans cœur, sans
pitié. Quand, en représailles, il brûle
ma chaumière avec ma femme et mon
nouveau-né à l’intérieur, je vais à son
castelet et je lui écrase la tête de mes
deux mains en étau. Après, je m’en vais.
J’arrive à Laelith. Je ne connais personne.
Alors, pour manger, et contre cinq pièces
d’or, je fais le passage-piété du Nuage, les
poches pleines de cailloux, depuis le quai
de l’A ntiquaille jusqu’à la place sous la
Haute Terrasse. Un prêtre en blanc me
dit que c’est pour le pardon du grave
péché de quelqu’un. Ça me va. »
442
Inamaka Mahpyua,
grande prêtresse
Lorsque Mitrias a quitté ses fonctions au
Temple du Nuage pour en occuper une de
bien plus grande envergure, à la suite du décès
de Teaphanerys XIV, le collège des 72 Sages
s’est réuni en conclave pour désigner le nou-
veau grand prêtre. Le nom d’une jeune femme
quasi inconnue a été retenu.
Inamaka Mahpyua est arrivée à Laelith il y
a une vingtaine d’années, en compagnie d’une
caravane de marchands qui l’avait recueillie
dans une contrée éloignée. Son village avait
été pillé et détruit par des hordes sauvages,
elle faisait partie des rares res-
capés de cette tragé-
die. À Laelith, les
marchands lui
trouvèrent
un foyer
chez d’hon-
nêtes mais
modestes
pêcheurs, qui
la prirent en pi-
tié. Très vite, Inamaka
adopta cette famille, ren-
dant des services à bord
de leur barque ou à la
vente des poissons dans
la ville.
Un jour, un clerc du
Nuage, venu faire des
emplettes sur le Grand
Marché, la remarque et lui
parle, pas de poisson, mais de bien d’autres
sujets tant il remarque chez elle une facilité
d’éloquence servie par une voix merveilleuse.
Il lui propose de venir au Nuage pour y suivre
un enseignement digne de sa valeur. Comme
Inamaka n’est affiliée à aucun Temple en parti-
culier, compte tenu de son jeune âge – et bien
que la profession de ses parents adoptifs l’eût
incité à fréquenter le Poisson d’argent – elle
répond positivement à l’invitation du clerc.
Elle débute son noviciat afin de choisir la
voie qu’elle suivra au sein du Temple. Très
vite, Inamaka est remarquée par Mitrias : elle
chante magnifiquement, qualité indispensable
au Nuage, apprend vite et bien les textes sacrés,
met de la conviction dans ses déclamations et,
de plus, elle se montre d’une patience infinie
avec ses camarades de noviciat, cherchant
l’apaisement lors des conflits, fréquents entre
enfants et jeunes. Ses conseils sont appréciés
de tous : elle a l’intelligence de comprendre
les situations et de trouver les solutions pour
parvenir aux règlements de divers problèmes.
C’est une femme au caractère paisible mais
volontaire. Ce qu’elle veut, elle l’obtient. Jamais
elle ne hausse la voix, jamais elle n’est en co-
lère… Et pourtant elle mène sa carrière avec
talent, en réussissant à réconcilier les diverses
factions qui s’opposent, tant la lutte pour le
pouvoir est âpre à Laelith. Dans l’histoire de
la Cité mystique, Inamaka est un personnage
hors du commun, qui entrera dans les livres
d’histoire, en raison de sa personnalité et de la
non-violence qu’elle prône, de sa recherche de
la justice et de l’équilibre général. Valeurs fon-
damentales au Nuage ! Ce qui ne manque pas
de provoquer des jalousies en ville et dans les
autres Temples qui craignent que le Nuage ne
devienne le Temple préféré du nouveau Roi-
Dieu. Inamaka va tout faire pour empêcher
que celui-ci devienne prépondérant et elle
travaille, sans cesse, à l’équilibre des quatre
Éléments. Le ton est nouveau, étonne, fait ja-
ser dans les terrasses, et pas que sur la Haute !
Portraits
de croyants
Vir Eanor
Repérée au Lazaret par un membre du
Nuage, cette jeune elfe sylvaine est venue à
Laelith avec ses parents, pour travailler au dé-
montage des plateformes du temple. Droite,
franche, dotée d’une voix mélodieuse et cris-
talline, elle sait convaincre son auditoire,
quitte à poursuivre ses arguments en chantant.
Elle officie comme clerc dans le collège des
Threnodes. Avec ses onze autres compagnons,
c’est aux commandes d’une des sphères qu’elle
vit ses meilleurs moments, qu’elle qualifie elle-
même d’« orgasmes divins ».

Sinz Graermir
Scribe de père en fils depuis des générations,
il est le prêtre assesseur de la Bibliothèque de
la foi, donc membre du collège des 72 Sages
et conseiller de la grande prêtresse. Fier de
son fils, conçu sur le tard, qui se destine à le
remplacer lorsque sa neuvième année de dia-
conat sera achevée, Sinz cache néanmoins sa
relation avec Tenua – la mère de son enfant.
Il a découvert qu’elle était adepte du Temple
du Crâne. Tenua contrôle leur relation en le
menaçant de tuer leur fils. Serait-elle éru-
lithe ? Sinz est convaincu qu’il parviendra à
la raisonner et à lui faire découvrir la vraie
et unique foi : celle du Nuage. Alors, ils pour-
ront officiellement s’unir et vivre en famille
au grand jour !
Alhäna
Utruz venue à Laelith pour vendre les co-
quillages de sa famille, le ton mélodieux de
sa voix la fit repérer par un novice du Nuage
qui en tomba éperdument amoureux. Il lui
fit rencontrer son mentor clerc, lequel accé-
da à sa volonté de lui enseigner les dogmes
de la foi du Nuage. C’est donc ainsi qu’elle se
maria avec le novice et commença sa forma-
tion, tout en continuant à vendre, lors de son
temps libre, la pêche de sa famille. Comme
son mari, elle est novice et a intégré le col-
lège des Scribes de la justice. Sa beauté par-
ticulière (avec ses écailles), sa perception de
la justice et l’efficacité de ses recherches, mais
surtout sa discrétion tant dans sa prestance
que dans son éloquence (muette comme une
Utruz), en font une aide précieuse pour les
prêtres-juges lorsqu’ils dispensent la justice
royale-divine.
Arnoold Gasparian
Nain de son état, installé dans le Hors-ville
proche depuis des décennies, c’est à la fa-
veur du chantier de restauration mené sous
Mitrias, qu’Arnoold découvre ce temple sin-
gulier. Tailleur de pierre, il a eu le temps de
voir cette merveille architecturale et décide
d’en comprendre la signification liturgique.
Ses anciennes croyances l’avaient incité à fré-
quenter le Crâne, mais la première fois qu’il
entend le thegelthan déverser ses flots d’ac-
cords profonds, Arnoold se convertit et de-
vient convers. Il est le responsable des travaux
d’entretien du sanctuaire et c’est l’un des très
rares nains à faire partie du Nuage.
L’envie est un vilain
défaut
Pourtant rien ne rend plus heureux
Joilousie le sycophante qu’une bonne
délation, surtout si elle porte sur
quelqu’un de sa connaissance. Vous le
repérerez peut-être près de la promenade
des Brouillards, l’oreille aux aguets, le
sourire en coin, flairant déjà une juteuse
affaire. Car si le quidam qu’il a dénoncé
est condamné, il touchera une part de
l’amende versée. C’est là son moyen
d’existence, qu’il met au service du
Temple du Nuage, même si ses convic-
tions religieuses sont bien moindres que
sa volonté de nuire. Bien sûr, sa réputation
est détestable et chacun le fuit comme la
peste : il s’en bat l’œil, qu’il a méchant.
Les minions
C’est ainsi qu’on appelle les novices
qui se destinent à l’enluminure. Parce
qu’ils ont les mains et le front rougis
par le minium : ils sont en effet pré-
posés à la fabrication dudit pigment
pour les enlumineurs plus
expérimentés.

Les temples 443

 L'Oiseau de feu
Présentation
de l’Oiseau de feu
Deniers des cultes
On l’aura compris : il n’existe pas de
taxes spécifiques destinées aux pèlerins
qui entrent dans un temple. Certains
disent que le Haut Conseil au pèleri-
nage a toujours réussi à l’empêcher pour
la sauvegarde du syncrétisme de la Ville
sainte. D’autres disent que ce même
Haut Conseil compense ce manque à
gagner par une quote-part prélevée sur
les taxes citadines transférées au Roi-
Dieu. Ce qui est sûr, c’est que chaque
pèlerin donne ce qu’il veut… et plutôt
plus si possible.
La compagnie des Fers
libres
Deux importantes compagnies de mer-
cenaires sont engagées régulièrement
par la Ville sainte pour des expéditions
lointaines et périlleuses : l’une d’elles
tient son campement sur les plateaux
escarpés du nord ; l’autre, les Fers libres,
est cantonnée sur la route de Termoral.
Le nom de Fers libres tire son origine
du rite d’initiation des mercenaires. Ses
membres sont pour la plupart d’anciens
indenturés rachetés par la compagnie.
Celle-ci jouit en effet d’une prérogative
d’achat sur le marché aux esclaves :
elle peut choisir avant tout le monde
les hommes et les femmes qu’elle juge
dignes de la rejoindre. Il s’ensuit une
cérémonie durant laquelle leurs chaînes
sont brisées et leur affranchissement of-
ficialisé (gare néanmoins à celui qui tra-
hit son serment et quitte la compagnie
avant la fin de son engagement !). Les
nouvelles recrues conservent cependant
leurs fers pendant toute la durée de leur
service. Certains ne les ôtent jamais.
Ces fers rompus, symbole de leur
liberté, sont devenus des armes à part
entière dont le maniement fait l’objet
d’un intense entraînement sur le camp.
444
Le Temple de l’Oiseau de feu a émergé au cours de la grande construc-
tion (certains diraient reconstruction), lors de la véritable naissance de
Laelith. Dès son origine, il a été responsable de la sécurité et de la protec-
tion de la ville, alors même que les murailles avaient été jetées à bas par
le cataclysme et que rien ne permettait de penser qu’elle allait survivre.
Comme l’a proclamé le premier grand prêtre, le mythique Tionav, dit
l’Inflexible : « Le Temple du Feu est le rempart de la ville et donc de
toutes les fois et croyances. » À ce titre, il veille au syncrétisme religieux
édifié en tant que pilier de Laelith et est responsable de l’équilibre entre
tous les cultes, pratiques et confessions. Avant même de devenir res-
ponsable de la sécurité militaire, il fut – et reste – le grand garant du
polythéisme absolu de la Ville sainte. Le grand secret de Laelith, c’est que
toutes les religions sont en minorité, à l’exception du culte du Roi-Dieu
dont les dogmes sont suffisamment vagues pour être compatibles avec à
peu près toutes les croyances possibles et imaginables. En conséquence,
le Temple du Feu veille avec soin sur l’équilibre des religions.
Cette politique a, bien évidemment, connu quelques ratés au fil des
siècles, notamment lorsque l’Oiseau de feu a cherché à devenir lui-
même le culte le plus important, afin de « remettre les autres croyances
à égalité ». Cet épisode douloureux, connu sous le nom de Dictature de
la liberté de conscience, est une tache indélébile qui donne lieu, depuis,
à des cérémonies d’expiation extrêmement suivies.
Cet attachement profond et sincère du clergé et des laïcs au respect
des croyances quelles qu’elles soient, les a poussés, presque impercep-
tiblement, à se diviser en groupes philosophiques dont les débats très
animés sont un des moteurs de la vie du Temple. En parallèle des rè-
glements, rites, cérémonies, fêtes religieuses et tâches plus séculières
incombant à ses membres, ce qui détermine de facto (si ce n’est de jure)
la hiérarchie, l’influence et de fait le pouvoir au sein du Temple sont les
factions, leurs débats et leurs discussions aussi officieux que ritualisés.
Depuis les origines du Temple, des dizaines de factions sont apparues
et ont évolué. Officiellement, les factions ne sont que des groupements in-
formels sans aucune existence « légale ». Cependant, vouloir monter dans
la hiérarchie exige de s’affilier, de façon toujours aussi informelle, à une
faction. La hiérarchie des factions étant officieuse, tout se règle lors des fa-
meux débats, en plus de toutes les autres procédures officielles du Temple.
L’existence des factions n’est pas un secret, même si le clergé a ten-
dance à minorer cet aspect de la vie du Temple par rapport à l’extérieur,
préférant parler d’amicales ou de groupes de discussion. Mais le réel
pouvoir du Temple du Feu réside dans les factions qui se répartissent les
rôles et tâches en fonction de leur performance lors de débats ritualisés.
Attention cependant : les factions ne sont pas les foyers, mais les nomi-
nations dans les foyers passent par les factions.
 Les
Fresque temples
réalisée en hommage au445
défunt et
parfois regretté grand prêtre Anematès.
 Plan du Temple de l’Oiseau de feu
Catéchisme de l’Oiseau
de Feu, épître aux
nouveaux arrivants,
versets 7 à 9
Le Don du Roi-Dieu
En vérité, en vérité, je vous le dis,
Par sa royale-divine majesté le Roi-Dieu,
Apôtre des divinités infinies,
Héraut des vérités, et pourfendeur des
mensonges,
Saint parmi les Saints, le matriciant, le
matriciel,
Il est fait Don au Temple de l’Oiseau de feu
Du lourd fardeau de la défense des vérités.
En tout chemin, en tous lieux,
Dans la Cité sainte et toutes ses projections
dans l’intégralité des plans,
Pour toujours et à jamais, défendre au péril
de leur vie, et surtout de leur âme,
Le droit inaliénable de tout être pensant et
non pensant,
De croire ou de ne pas croire, d’exprimer ou
de taire sa ou ses vérités,
Sans exclusive et sans contrainte, pour les
siècles des siècles.
De l’usage de la cendre
Devonie Filerge est plus connue sous le
nom de la Cendreuse. D’allure sévère,
cette gnome a monté une affaire qui lui
assure aujourd’hui un confortable niveau
de vie. Ancienne blanchisseuse, elle utili-
sait, comme beaucoup de ses consœurs, la
cendre pour retrouver l’éclat de son linge.
Elle se lança donc dans la confection de
savon à partir des nombreux résidus du
temple et des artisans de la Main.
Elle organisa un système de collecte
et de production efficace dans un
bâtiment à proximité de l’Oiseau de
feu. Lors du développement des terres
agricoles par la Cité sainte, elle diversifia
ses activités et commença à produire
un engrais efficace. Ces différents succès
lui valent aujourd’hui une position
enviable parmi les Roues d’or.
Brève de taberge
« Moi, j’aime bien les primaires de la
Dualité unique… J’comprends tout
leur discours ! Y’a que leur nom que
j’comprends pas bien… »
446
Le Grand Chœur
21
1 Cette gigantesque salle, située au premier étage et coiffée d’un magnifique dôme aux
vitraux flamboyants de près de 30 mètres de diamètre, est le centre religieux du temple.
C’est là que sont célébrés quotidiennement les offices courants destinés à glorifier le feu
sous tous ses aspects (chaleur, lumière, purification, etc.). Les murs de cette salle sont
décorés de mosaïques innombrables racontant l’histoire des martyrs qui sont morts pour
répandre la Sainte Chaleur (nom que donnent à leur foi les adeptes de l’Oiseau de feu).
Une pièce meublée de bancs et de prie-Dieux, attenante au Grand Chœur, s’ouvre sur un
escalier majestueux de 13 mètres de large, plus connu sous le nom de Voie de l’initié. Le
grand prêtre emprunte cet escalier pour aller prononcer son rituel sermon hebdomadaire
depuis la Tête de l’oiseau.
Le portail de l’Initié
21
2 Étonnante curiosité architecturale de l’Oiseau de feu, ce portail semble fait de quartz
brillant. Par un étonnant effet d’optique (mais s’agit-il vraiment d’un effet d’optique ?),
les sculptures qui ornent cette arche semblent animées d’une vie ralentie. La coutume
veut que seul le grand prêtre puisse passer ce portail sans dommage. Les anecdotes
ne sont d’ailleurs pas rares, qui font état de fous téméraires que les démons du portail
auraient consumés d’un éclat de leurs yeux maléfiques.
La Tête de l’oiseau
21
3 Chaque semaine, le grand prêtre vient faire un sermon dans cette salle, dont l’aspect
extérieur reproduit la tête d’un immense oiseau de proie. Cette tête surplombe un puits
où brûle en permanence le Brasier éternel. Les pèlerins se réunissent en contrebas, sur
le chemin de ronde qui encercle le brasier, pour écouter les paroles du saint homme. Les
habitants de Laelith peuvent aussi venir écouter le sermon en se tenant un peu plus loin
du temple. En effet, les propriétés acoustiques de la Tête de l’oiseau permettent au grand
prêtre de se faire entendre sans avoir besoin de hurler (ce qui serait indigne de son rang).
La tour de la Brûlante Foi
21
4 Cette tour abrite les appartements du grand prêtre. La grande pièce est séparée en
petites alcôves à l’aide de paravents ou de tentures de tissus précieux. Son sommet coiffé
d’un dôme accueille une petite chapelle privée.
Les chapelles secondaires
21
5 Elles contiennent toutes sortes d’offrandes déposées au cours des siècles par les
pèlerins. C’est un impressionnant capharnaüm d’objets religieux, dont certains sont
particulièrement curieux.
L’Âtre
21
6 La construction asymétrique du temple en fait un véritable dédale où il est facile de
se perdre, même lorsqu’on est un habitué des lieux. Ce labyrinthe est constamment
parcouru par des prêtres pèlerins qui installent, où ils le peuvent, leurs autels portatifs,
afin de pratiquer leur culte et – éventuellement – de faire de nouveaux adeptes.
Le Brasier éternel
21
7 Situé au cœur d’une vaste cour, juste en dessous de la Tête de l’oiseau, un puits canalise
l’énergie d’un énorme feu alimenté jour et nuit par les jeunes prêtres du temple.
 21
4

21
1 21
2 21
3

21
5

21
6
7
21

Les temples 447

La montagne et la souris
Ils sont venus, ils sont tous là… les pontes
de la Terre et du Feu, hormis les deux
grands prêtres toujours occupés à d’im-
périeuses besognes. Pourtant, le sujet est
d’importance et fait débat depuis main-
tenant plusieurs mois : d’abord quelques
diatribes théologiques au Grand Théâtre,
puis plusieurs sermons enfiévrés dans les
chapelles, enfin de nombreuses manifes-
tations de croyants survoltés. Et quel est
ce sujet qui fait polémique ? Eh bien, ce
sont les volcans ! Sont-ils des éléments de
la Terre ou bien des éléments du Feu ?
Toute la question est là ! Et les Temples
du Crâne et de l’Oiseau de feu se chica-
nent pour cette prééminence.
Il a donc fallu trancher et le Conseil
restreint a décidé qu’une réunion excep-
tionnelle se tiendrait pour débattre de
cette question. Elle se tient depuis deux
jours dans un lieu neutre, à savoir une
grande tente plantée dans les jardins qui
surplombent la rue Sous-les-murs. Et c’est
aujourd’hui qu’est annoncé le résultat des
débats. On sait qu’ils ont été très animés
et la foule est nombreuse à se masser sous
les arbres pour attendre le verdict.
Il est midi. La tente s’ouvre, et
apparaissent solennellement Omnos
le Vagabond, du Temple du Crâne et
Erythros, le foyer d’adoration du mo-
nastère de l’Ultime Flamboyance. Mais
un troisième personnage les rejoint : il
s’agit de Borodom, doyen du Marbre de
l’Université matérialiste universelle et
c’est lui qui prend la parole.
« Ô toi, Croyant de la Ville sainte et du
monde connu, écoute ma parole, elle
est la vérité proclamée. À la question :
les volcans sont-ils d’essence ignée ou
chthonienne ?, le conseil des sages ici
réuni a décidé ceci : le cône du volcan est
un élément de la Terre, la lave du volcan
est un élément du Feu. En conséquence,
le volcan et ses phénomènes connexes
appartiendront désormais à parts égales
au Temple du Crâne et au Temple
de l’Oiseau de feu. Concernant les
prétentions des Temples du Nuage et du
Poisson d’argent à revendiquer la pré-
sence de particules d’air et d’eau dans les
éléments cités, un second conseil se tien-
dra ultérieurement pour en examiner la
légitimité. Ma parole est dite. Qu’elle soit
désormais consignée dans le grand livre
de chaque Temple. Que ceci soit fait. »
Et chacun s’en retourna chez lui, doctes
ou pouilleux, rupins ou malandrins,
contents ou mécontents.
448
Les factions
Voici la liste des factions actuelles, par ordre
décroissant de puissance.
La confrérie de l’Éternelle
Immanence
• Credo : « Nous vous emmènerons, d’une
main de fer, vers la Lumière. »
Cette faction assez récente, puisqu’elle a moins
de deux siècles, a connu sous la houlette du capi-
taine Zurtok une ascension météorique. Elle est
passée en moins de dix ans de parti vieillissant et
dépassé à groupe principal monopolisant la plu-
part des postes, à commencer par celui de grand
prêtre. Sa prise de pouvoir a coïncidé avec une
série d’accidents, de décès, de démissions et de
scandales qui a touché les membres importants
des autres factions. Série noire qui n’a pas été sans
éveiller des soupçons, restés sans suite : Zurtok
ayant, dès son accession à la grande prêtrise sous
le nom de Servadax, pris le contrôle du principal
tribunal ecclésiastique du Temple du Feu.
Pour cette confrérie, la fin justifie les moyens
et tout est bon pour que l’Oiseau de feu rem-
plisse son office. Cela se traduit par une poli-
tique d’ouverture et de main tendue vers tous les
autres Temples, organisations, administrations et
même nations ayant des intérêts en ville. La ré-
putation ancestrale d’intransigeance du Temple
du Feu a considérablement évolué depuis la prise
de pouvoir de Servadax, ce qui a changé la donne
politique de Laelith et dans les Six Provinces.
Les adorateurs de la Lumière
invincible
• Credo : « Chaque être est nu face à la Lumière
invincible. »
Historiquement, cette faction est celle qui a
contrôlé le plus de postes et de grands prêtres.
Elle a toujours su rebondir, s’adapter et rester, si
ce n’est la plus puissante, au moins une des plus
importantes. Elle est actuellement en guerre lar-
vée avec la confrérie de l’Éternelle Immanence
dont elle dénonce régulièrement les déborde-
ments, surtout depuis la mort restée mysté-
rieuse d’Anemates, le grand prêtre précédent,
qui était un adorateur de la Lumière invincible.
Très orientée sur la signification philoso-
phique de la lumière en tant que principe actif,
chaud, masculin, martial, la confrérie est en léger
décalage avec le credo universalisant du Temple.
Ce qui provoque des frictions assez fortes avec
certains nouveaux cultes et croyances qui de-
mandent à officier dans l’enceinte de l’Oiseau de
Feu, comme la loi les y autorise. Réactionnaire,
élitiste, misogyne et phallocrate, cette faction a
tout pour plaire à certains et sait surfer sur ces
« valeurs » rétrogrades pour se maintenir au
pouvoir au sein du Temple et de ses institutions.
Les primaires de la Dualité unique
• Credo : « Chaque être a sa vérité. »
Depuis des siècles, cette faction est extrême-
ment populaire auprès des soldats, mercenaires
et autres adorateurs martiaux exerçant une ac-
tivité principalement physique. Méprisée par
les autres factions qui la jugent stupide, elle sé-
duit par la simplicité de sa philosophie, à savoir
que seul ce que l’on perçoit existe, d’où le nom
de primaire. Contrairement à ce que ses détrac-
teurs affirment, elle ne nie pas le surnaturel ou
le divin, ce qui serait extrêmement paradoxal
et suicidaire pour une philosophie religieuse.
Mais elle affirme que chaque individu ayant
une perception différente du monde, chacun a
sa propre vérité, et comme la force physique est
la seule chose indiscutablement réelle, elle fait
donc loi : plus tu es fort, plus tu as raison. Outre
l’usage immodéré de la violence, elle prêche la
tolérance philosophique totale, chaque homme
ayant droit à sa propre vérité pour peu qu’il re-
connaisse qu’elle lui est personnelle. Ce dogme
assez réduit ne facilite cependant pas la re-
cherche intellectuelle, ce qui est un facteur de
succès supplémentaire auprès des soldats et
autres mercenaires. Mais il n’attire pas les ora-
teurs brillants ou les philosophes distingués
comme certaines autres factions plus réfléchies,
réduisant de beaucoup les performances des
primaires de la Dualité unique lors des débats
ritualisés… et donc leur pouvoir politique réel.
Les cinq factions suivantes sont très mino-
ritaires et certaines pourraient même dispa-
raître sous peu. Il s’agit de :
 Phase ultime du rituel de l’ascension drakkys,
qui n'est toléré qu'une fois tous les 77 ans.

La Stridente Justice
Cette faction est très populaire auprès des
membres des tribunaux ecclésiastiques du
Temple, dont elle détient de fait le monopole
des nominations.

Les adorateurs du Dragon de flamme

Cette faction est devenue relativement im-
portante depuis qu’elle a pris le contrôle du
monastère de l’Ultime Flamboyance, dont
l’abbé est le chef des adorateurs, l’archiflamme
Erythros XXIV, par ailleurs foyer d’adoration
(assesseur) de l’Oiseau de Feu.

La Vérité
Cette faction au nom aussi simple que pré-
cis a connu son âge d’or il y a un peu moins
d’un siècle et vit encore dans ce souvenir nos-
talgique. Très sélective dans le choix de ses
membres, elle n’accepte que les éléments les
plus vifs intellectuellement, ce qui lui assure
une place dans la hiérarchie disproportion-
née par rapport à sa taille. Ces membres sont
de purs esprits pratiquant les débats rituels
comme un véritable sport.

La Compassion absolue du soleil radieux

Cette faction est composée principalement de
personnes à la morale pour le moins élastique :
l’adaptabilité (baptisée compassion) et le pragma-
tisme politique étant ses fondements. Ces deux
« qualités » lui permettent de survivre et d’obte-
nir de-ci de-là de beaux succès à la faveur d’un
débat très réussi ou d’un chantage odieux. Plutôt
la seconde solution en fait. Il est intéressant de
savoir que Zurtok est passé par la Compassion
absolue du soleil radieux lors de son noviciat.

Les Roues d’or

Cette faction possède un trésor de guerre fa-
ramineux compte tenu de sa taille, grâce à une
très grande proportion d’artisans et de mar-
chands dans ses rangs. Elle est plus un club de
riches laïcs organisés en groupe de pression
qu’une philosophie religieuse. Son poids éco-
nomique, ajouté aux talents oratoires de bon
nombre de ses membres – qui vivent de leur
bagout et de leurs dons de négociateurs – lui as-
surent une place certes mineure mais influente
sur certains aspects du Temple et notamment
auprès des Foyers des marchands et des artisans.

Les temples 449

 Les débats rituels
Véritable pilier officieux du Temple, les débats rituels sont
une tradition aux règlements aussi précis que non écrits.
Seuls les anciens connaissent les usages et déterminent les
résultats des épreuves, et seule l’interdiction de contester
leurs jugements assure le bon fonctionnement de cette pra-
tique extrêmement obscure.
Dès qu’une faction souhaite contester une décision ou au
contraire imposer un de ses choix, elle déclenche une guerre de
débats. Les dix-sept membres les plus anciens, et non les plus
âgés, se constituent alors en collège des Auditeurs et organisent
la confrontation. Ces joutes oratoires ont lieu dans le Grand
Chœur, en public, et n’ont officiellement aucune influence sur
la vie du Temple. Le nombre de débats, leur durée, leurs partici-
pants et les sujets abordés sont déterminés par les membres du
collège en fonction de critères connus d’eux seuls. La plus courte
guerre des débats s’est achevée en une journée, comme lorsque
les primaires de la Dualité unique avaient demandé à avoir du
rab à la cantine, mais certaines s’étalent sur plusieurs mois, voire
des années. La plus longue n’est officiellement toujours pas ter-
minée : elle concerne un obscur point de protocole en cas de vi-
site de nuit, un jour impair, d’un membre laïc d’un autre Temple
ayant démissionné de l’Oiseau de Feu sans avoir été condamné.
Elle s’éternise depuis maintenant plus de deux siècles et ressurgit
parfois lors des longues périodes d’hiver sans débat.
Les filiales et annexes
En dehors de la ville
Mausolée de la bataille du Haut Lac
Ce monument antédiluvien marque, selon la légende, le
site où les derniers membres de la garde rapprochée du Roi-
Dieu Célithal III l'Irréfléchi se sont fait noblement massacrer
pour lui permettre de s’enfuir, nettement moins noblement.
L’endroit exact est marqué par un mégalithe semi-enter-
ré devant lequel de nombreux cultes et croyances viennent
organiser des cérémonies martiales. Des duels rituels et/ou
légaux y ont également lieu régulièrement ; de sorte qu’une
petite agglomération de tentes s’est développée au fil des
siècles. Le seul bâtiment en dur est la commanderie de la
Garde du Roi-Dieu, dont les membres veillent sur ce lieu sa-
cré en faisant respecter les deux interdictions qui sont :
• construire des bâtiments ;
• parler de la fameuse fuite royale-divine sur le bord du lac,
car c’est manquer de respect au Roi-Dieu et à la cité.
450
En plus de résoudre la requête initiale, les débats per-
mettent de modifier la hiérarchie entre les factions. Le clas-
sement, aussi précis qu’officieux, détermine la place exacte
et donc les postes et pouvoirs de chacun des membres du
clergé en fonction du positionnement de sa faction.
Tout le système repose sur deux règles absolues que per-
sonne n’a jamais enfreintes :
• Aucune violence physique n’est tolérée lors des débats,
ce qui est assez paradoxal pour un Temple dont les goûts
martiaux sont proverbiaux.
• Les membres du collège des Auditeurs sont objectifs et
s’engagent à ne pas se laisser influencer par leur faction.
Cette objectivité, appelée Divine Flamme de Pureté, est le
paradigme sur lequel reposent les guerres des débats. Il est
à noter que certains auditeurs ont, par le passé, failli. Ils
ont été emmurés vivants dans les catacombes du temple et
leur nom rayé des annales.
Le Temple du Feu, bien que gardien de l’équilibre des
croyances, impose la présence du Feu dans toutes ses cé-
rémonies, arguant du caractère universel de cet élément,
censément parfait et sans défaut, mais laisse les cultes et
croyances hébergés et officiant en son sein faire ce qu’ils
souhaitent.
La vallée de Cendres
Au sud de Laelith, de l’autre côté des remparts, se trouve
le lieu dédié aux rites funéraires de l’Oiseau de feu (voir « Le
monastère de l’Ultime Flamboyance » dans le chapitre sur la
Main qui travaille).
En ville
Grandioses Arènes de la joie par la
compétition honnête
Difficile de ne pas percevoir l’ironie du nom lorsque l’on
découvre l’amoncellement de rings branlants, de mares de
boue à peine délimitées et autres arènes sommaires où les
combattants s’étripent sous les prétextes les plus fallacieux, à
l’ombre des murailles de la ville. Condamnées par encyclique
du Temple il y a plusieurs siècles, ces pratiques sont à nouveau
tolérées au grand jour, afin de tenter de contrôler quelque peu
les excès, et notamment le nombre de morts dus aux combats
et règlements de comptes entre parieurs. Le Temple gère donc
ce champ d’étripage à l’air libre. Une estrade couverte et fer-
mée par des moucharabiehs domine les arènes les plus impor-
tantes, afin que les notables et autres personnalités puissent se
repaître du spectacle des combats sans être vus. L’accès en est
sévèrement réglementé et la légende veut que plusieurs Rois-
Dieux y soient venus dans le passé.
Une dîme prélevée sur les paris permet de financer les
arènes et de payer les frais d’hospitalisation des combattants
au Lazaret.
Cependant la fonction principale de ces arènes est
d’orienter la ferveur du public et des combattants vers le
Les Foyers
Le Temple du Feu est regroupé en cinq branches, chacune
dirigée par un foyer d’adoration (assesseur), d’où le nom
de Foyer pour désigner à la fois la branche du Temple, ses
membres et son chef.
À ces cinq Foyers s’ajoute la bureaucratie interne qui,
comme la Garde incandescente du saint brasier, dépend
directement du grand prêtre et se trouve officiellement
au-dessus des Foyers, des querelles, de la politique… mais
pas des factions, chaque membre du Temple appartenant
quasi nécessairement à une faction.
Foyer du monastère de l’Ultime
Flamboyance
• Foyer d’adoration : Erythros
• Factions importantes : adorateurs du Dragon de flamme,
confrérie de l’Éternelle Immanence, Vérité, adorateurs de
la Lumière invincible.
Foyer du Lazaret
• Foyer d’adoration : Thermonax
• Factions importantes : adorateurs de la Lumière invincible,
Compassion absolue du soleil radieux, Stridente Justice,
primaires de la dualité Unique.
Foyer de la Forge indomptable
• Foyer d’adoration : Aktisélas
• Factions importantes : confrérie de l’Éternelle Immanence,
Roues d’or, Compassion absolue du soleil radieux.
La Forge indomptable est responsable des activités artisa-
nales liées au Temple, c’est-à-dire principalement la guerre
mais également, feu oblige, la ferronnerie… et la verrerie
d’art, dont les ateliers de la Main qui travaille sont parmi
Temple, afin d’alimenter en énergie magique le saint bra-
sier. Ce transfert de foi vers le grand prêtre est opéré au tra-
vers de l’encadrement strict des combats par des rituels et
des cérémonies obligatoires qui précèdent et clôturent tout
affrontement.
D’aucuns suggèrent, notamment parmi les prêtres des
autres Temples, que la partie la plus importante de l’énergie
magique que reçoit le saint brasier proviendrait des combat-
tants mourant dans l’arène. Ce qui reviendrait à dire qu’il
prolonge sa vie grâce à des sacrifices humains… Personne
n’a jamais osé le dire en présence d’un membre de l’Oiseau
de feu.
les plus réputés du monde connu. Mal aimé car ni presti-
gieux ni riche, ce Foyer se satisfait de son rôle effacé, mais
indispensable.
Foyer du Soleil invincible
• Foyer d’adoration : Philhelios
• Factions importantes : primaires de la Dualité unique,
confrérie de l’Éternelle Immanence, Compassion absolue
du soleil radieux.
Ce Foyer est un des plus visibles et prestigieux du Temple,
puisqu’il englobe tous les aspects militaires. Il est donc respon-
sable des affaires martiales de Laelith, mais également des rap-
ports avec les groupes armés internes et externes. Il espionne,
régule, gère, entraîne et encadre toute organisation ou indivi-
du ayant un rapport avec l’art militaire ou le combat physique.
Ces cadres sont en général des officiers, pas nécessairement à
la retraite, et il arrive qu’un prêtre se mette en disponibilité,
avec la bénédiction du foyer d’adoration, pour aller guerroyer
avec un groupe armé pour la plus grande gloire du Temple.
Foyer des Marchands et des Artisans
• Foyer d’adoration : Pyrphorene
• Factions importantes : Roues d’or, confrérie de l’Éternelle
Immanence, Compassion absolue du soleil radieux
Ce Foyer est responsable de tout l’aspect économique
du Temple et des relations avec la terrasse de la Main qui
travaille. Il gère le nerf de la guerre, que ce soit pour entre-
tenir les bâtiments, baraquements, champs de manœuvres
et même les groupes armés réguliers de la Cité sainte. Il se
considère (à l’instar de quasiment tous les Foyers) comme
le plus important, mais entretient une relation extrêmement
ambivalente avec la Forge indomptable, qu’il traite comme
un département subordonné.
Les temples 451
 A la tête de l’Oiseau de feu
Sermon du grand prêtre
Albomo qui marque,
historiquement, le
début de ce qui est
appelé la Dictature de
la liberté de conscience
« Mes bien chers frères, le Roi-Dieu, dans
son infinie sagesse nous a confié, à nous,
pilier de la Cité sainte et donc de l’Univers,
la tâche la plus cruciale, la plus impé-
rativement indispensable qui se puisse
concevoir : assurer la survie du monde !
Le monde est multiple, les Dieux
nombreux, les philosophies infinies,
les croyances en perpétuelle mutation.
Cependant la seule chose qui ne varie
pas dans cet univers en chaos est notre
Glorieuse Cité sainte. Elle est le grand
arbre de la sagesse qui tient l’univers
en place et au pied duquel viennent se
recueillir tous les croyants. Tous sont
égaux devant la Cité sainte, tous se
prosternent devant les vérités multiples,
contradictoires et absolues.
Mais dans l’ombre, certains cultes,
certaines sectes, d’obscurs gourous
aveugles déclarent leur vérité supérieure
aux autres, rongeant ainsi petit à petit
les racines du cosmos.
Honte à eux ! Mort à eux ! Toutes
les vérités sont égales, universelles et
contradictoires, mais seul le culte de
l’Oiseau de feu est véritablement égal,
universel et contradictoire. Faisons
rendre gorge à ces mauvais prophètes,
montrons-leur qu’aucune vérité n’est
supérieure à une autre, sauf la nôtre.
Au nom de l’égalité absolue, mon-
trons-leur notre supériorité égalitaire !
À mort ! »
Colombophilie ?
Sur dénonciation – Joilousie ? –, le
Premier fouineur Schtan a mis fin aux
agissements du dénommé Vaskir, un
fanatique du Temple de l’Oiseau de feu.
L’individu avait construit de ses mains
un joli colombier dans une courette
de la rue du Nuage : il y éradiquait
consciencieusement les colombes du
temple voisin qui venaient y nicher.
452
Servadax, grand prêtre
Rien ne prédestinait Zurtok à devenir prêtre
et encore moins à parvenir au rang très éle-
vé de saint brasier. Paysan issu d’une famille
extrêmement pauvre d’un lointain pays, il a
été vendu comme tambour à une compagnie
« libre » itinérante. Les quarante premières
années de sa vie ne furent qu’une longue série
de cris et de hurlements de douleur, dans la fu-
reur des combats. Endurci par ces expériences
il gravit, à force de volonté mais surtout de
complots, d’assassinats et de manipulations les
échelons de sa compagnie, jusqu’à en prendre
le commandement à la faveur d’une trahison
particulièrement sournoise sur le champ de
bataille.
Ayant atteint le sommet de ce qu’un merce-
naire peut espérer dans sa carrière, il décida
de se lancer, par bravade, dans la prêtrise. Il
utilisa les mêmes méthodes que dans son mé-
tier précédent, avec des résultats encore plus
spectaculaires, les prêtres n’étant absolument
pas préparés à un tel usage de la violence,
allant jusqu’aux assassinats ciblés. Au grand
déplaisir de ceux qui l’avaient percé à jour,
il réussit à se faire bombarder saint brasier
alors même que les cendres de son prédé-
cesseur n’étaient pas refroidies. Sa première
action de grand prêtre fut de « suicider »
l’assassin de son prédécesseur et de clore
l’enquête. Satisfait d’être enfin au sommet, il
commença à placer ses pions pour réaliser
son rêve : unir dans une même organisation
le Temple de l’Oiseau de feu et les unités mer-
cenaires du monde connu, constituer une
seule gigantesque armée avec les forces régu-
lières de la Cité sainte et les mercenaires les
plus puissants.
Et puis, soudain, il eut une théophanie, une
révélation divine. Lui qui avait toujours dé-
claré (en secret) qu’il ne commencerait à avoir
la foi que lorsqu’il serait grand prêtre, devint
bel et bien croyant, intensément, subitement,
pleinement. Beaucoup au sein du Temple,
anciens complices d’assassinats et de com-
plots ou adversaires l’ayant vu comme il était
réellement, y voient une nouvelle manière
de tromper son monde et de gagner encore
plus de pouvoir. Mais dans quel but ? Devenir
Roi-Dieu ?
Grand, massif, le crâne rasé et le regard noir
à demi perdu, Servadax ne laisse pas indiffé-
rent. Son charisme est tel que sa simple pré-
sence impressionne. Depuis sa conversion, il
monologue très souvent en se frottant le crâne
d’une main, la tête penchée, d’une voix aussi
pénétrante que grave, semblant indifférent
à tout sauf pour de courtes saillies philoso-
phico-religieuses extrêmement profondes qui
laissent son auditoire stupéfait (surtout celui
qui l’a connu au temps de Zurtok).
Les foyers d’adoration
Erythros, foyer d’adoration
du monastère de l’Ultime
Flamboyance
Voir le chapitre du monastère dans la ter-
rasse de la Main qui travaille.
Thermonax,
foyer d’adoration du Lazaret
Voir le chapitre du Lazaret dans la terrasse
de la Main qui Travaille.
Aktisélas, foyer d’adoration
de la Forge indomptable
Aktisélas a un problème : il est humble
jusqu’à l’effacement, s’excusant par réflexe
lorsqu’on le bouscule. Ce trait de caractère le
dessert considérablement, mais explique aussi
que les autres Foyers l’aient laissé devenir chef
des forgerons, l’humilité de leur assesseur re-
flétant pleinement celle de cette branche mi-
neure du Temple.
Plutôt bel homme, intelligent, compétent,
aimé de ces coreligionnaires, il souffre cepen-
dant profondément du peu de considération
dont ses collègues le gratifient, mais plus pour
ce que cela implique pour ses administrés que
pour lui.
 extrêmement violentes contre le capitaine ont Les chemins du salut
Grades eu l’effet exactement inverse à celui souhaité. « J’étais un mécréant. Je vivais dans le
Saint brasier : grand prêtre (robe écarlate L’impopularité de Pyrphorène a pleinement péché, loin des Vrais Commandements.
à liseré doré) servi à son adversaire et a même contribué à son Et puis un jour, j’ai brûlé, au propre
Foyer d’adoration 
: assesseur (robe élection au poste de saint brasier. Pyrphorène comme au figuré. Et j’ai compris que ma
écarlate) le sait, mais refuse d’affronter cette réalité et se vie n’était que cendres et douleurs, et
Torche de foi : prêtre ou assimilé (robe qu’il me fallait renaître. J’ai abandonné
déchaîne, verbalement, contre toute personne
rouge vif) mon métier de mercenaire, revendu tout
qui n’y ferait ne serait-ce qu’allusion.
mon équipement et pris la route pour
Flamme bénie : diacre ou assimilé (robe Grand, athlétique, doté d’un souffle et d’une la Ville sainte. Le chemin m’a pris vingt
rouge clair) endurance qui lui assurent de pouvoir tenir la mois de ma vie, mais donné autant de
Étincelle de croyance : novice ou assimilé barre et garder la parole sans faiblir pendant temps pour affermir ma foi. Quand j’ai
(robe beige à liseré rouge) des heures, il ne ressemble en rien à l’idée que passé la porte de l’Ivresse enchanteresse,
ses discours et sa pusillanimité donnent de lui. les larmes me sont montées aux yeux :
Son obsession est l’anéantissement j’ai pris une torche pour y mettre fin.
Philhelios, foyer d’adoration de Servadax, dont il est convaincu
Après quelques semaines passées au
Lazaret, je m’habitue à ma nouvelle vie
du Soleil invincible de la fourberie et dont il cherche
d’aveugle. Je suis heureux. Enfin. »
par tous les moyens à dénoncer
Primaire intégriste, il suit avec ferveur et Tarkaniel, pèlerin de l’Oiseau de feu
« l’imposture ».
dévouement les préceptes de sa faction à qui
il doit tout. Incapable de la moindre once de
métaphysique ou de religieux, il se plonge
avec frénésie dans la philosophie de la dualité
unique pour compenser son manque complet
de foi. L’activité physique, les campagnes mi-
litaires, les défilés, les manœuvres et les re-
mises de décoration lui occupent l’esprit ou au
moins les pensées, lui évitant ainsi d’éprouver
pleinement son incapacité à imaginer le divin.
Intelligent et sensé, qualités indispensables
pour être foyer d’adoration, il accentue volon-
tairement son côté guerrier stupide pour que
ses collègues assesseurs le sous-estiment et le
laissent en paix avec son athéisme. L’ascension
de Servadax l’indiffère, tant ses soucis existen-
tiels occupent sa vie. De plus, il partage avec le
saint brasier le fait d’être détesté ou méprisé
par les notables des autres factions, ce qui rap-
proche les deux hommes.

Pyrphorène,
foyer d’adoration des Marchands
Passer quelques minutes en présence de
Galielle Soleil de
Pyrphorène est un des tests de patience les plus sang, capitaine de
réputés de la Cité sainte. Pyrphorène ne parle la garde de l'Oiseau
pas, il glose, il soliloque, il argumente, il mar- de feu. Certains
chande, il magouille, bref, il ne se tait jamais. disent qu'elle serait
Imbu de lui-même et convaincu de la supériorité
la fille naturelle
d'Anematès.
intrinsèque de son Foyer, il n’a de cesse d’amé-
liorer son sort, et donc de l’ensemble de ses ad-
ministrés. Subtil, il a été un des premiers à percer
à jour le capitaine Zurtok et a mené campagne
contre lui et ses méthodes. Malheureusement,
et à son grand déplaisir, il est tellement détesté
au sein du temple que ses tirades incessantes et

Les temples 453

 Le Poisson d'argent
Présentation
du Poisson d’argent
De terre et d’eau,
harmonie renaissante
C’est à cette époque-là, plus de 250 jours
après la catastrophe qu’émergèrent,
vivants, une poignée d’Utruz d’une
grotte située à l’emplacement actuel du
temple du Poisson d’argent.
Leur incroyable histoire faisait état d’un
oratoire profondément enfoui sous la
roche, d’une source d’eau pure qui leur
avait permis de survivre, en économi-
sant les maigres réserves qu’ils avaient
pu sauver au moment où la catastrophe
avait enterré leur abri. Décharnés,
affaiblis, mais vivants, ils avaient dû
creuser, dans le noir le plus absolu, sans
autres outils que leurs ongles, pour
ouvrir le sombre tunnel qui les avait
menés jusqu’à la surface. Quelques
survivants de l’antique Tanith-Lenath,
des humains pour la plupart, les prirent
alors sous leur protection, les soignèrent
et leur proposèrent un abri, non loin du
lieu de leur arrivée. Il fallut plus d’un
an aux Utruz rescapés pour se remettre
complètement de leurs aventures
souterraines.
Un gisement d’enseignes
Au sud du quai de l’A ntiquaille, dans
un petit trou d’eau, plusieurs cen-
taines de médailles de saint Bardolino
viennent d’être exhumées. Les autorités
du Temple du Poisson d’argent pensent
qu’elles ont été mises au rebut au siècle
dernier, suite à la désaffection qu’ont
connue les pèlerinages en l’honneur de
ce saint, considéré aujourd’hui comme
déviant.
454
L’implantation originelle
Le culte de l’Eau est né de l’omniprésence du lac. Ce lac qui est à
la fois destructeur tout-puissant et créateur de toute vie, à la fois le
plein et le vide.
Après le Châtiment, et pendant les 777 jours que durèrent les
lamentations, les survivants durent s’organiser pour assurer leur
subsistance. Quelques rescapés, regroupant humains, nains et de
rares Utruz, s’installèrent sur les rives de ce lac né du cataclysme,
construisant des abris sommaires. À l’initiative des Utruz, ils
construisirent des radeaux en bois flotté, allèrent pêcher et rap-
portèrent, pour leurs familles et pour ceux qui les entouraient, le
maigre produit de leurs efforts. Car ce lac nouvellement formé était
avare de bienfaits. Peu de poissons peuplaient ses eaux sombres, es-
sentiellement des mélonipes. La vie des pêcheurs néophytes était
dure, en équilibre sur des esquifs de fortune, à traquer sans répit le
moindre frémissement de l’eau pour y repérer leurs proies.
Ainsi survécurent les premiers habitants de ce qui allait deve-
nir Laelith, échangeant de menus services, des vêtements, du bois,
contre de la nourriture et une certaine protection. Puis après cette
phase de troc, ils (re)découvrirent les avantages du commerce… Un
premier marché s’organisa, à un jet de pierre au-dessus des cabanes
de pêcheurs. Proposer du poisson ou les produits d’une cueillette,
fabriquer des outils, coudre des vêtements, réparer les radeaux :
pour favoriser ces échanges, un embryon de monnaie vit le jour et
le troc fut remplacé rapidement par une autre forme de commerce.
La nature reprenant ses droits, des familles se constituèrent, des
enfants naquirent et la population commença à croître. Certains
des survivants, artisans, agriculteurs, chasseurs, décidèrent d’aller
investir les ruines de l’ancienne cité, plus haut sur le plateau in-
cliné. Ils s’y installèrent, pour bâtir des maisons, cultiver ou chas-
ser et s’éloigner des rives de ce lac qui ne les nourrissait pas assez.
Ainsi commença à se peupler ce qui allait devenir les terrasses de
la future Laelith. Ces nouveaux défricheurs n’étaient pas à l’abri
des tremblements de terre, mais tout comme sur les berges, la vie
continuait, avec obstination et ténacité. Mais rien n’était simple.
Jamais !
Plus de deux années pleines après le Châtiment, Mandala, béni
soit son nom, obtint le pardon des Dieux et l’autorisation de recons-
truire la ville. Sur le moment, personne ne comprit, mais soudain, le
lac est devenu généreux, les mélonipes se sont multipliées, le sol est
devenu plus fertile sur les exploitations des parties hautes. Même
le climat est redevenu clément. L’hiver de la catastrophe était enfin
terminé.
Gamut Morénon est le grand prêtre du Poisson d'argent
depuis la mort de Xeniphis. D'aucuns murmurent que
la mollesse physiqueLes temples
du personnage 455
n'a d'égale que son
indolence spirituelle...
 Grenouille faussaire
Les batraciens sont présents en nombre
autour des bassins du temple. La
rumeur dit que parmi eux se cache un
animal fabuleux : une grenouille au
dos tacheté d’argent possèderait en effet
le pouvoir de dupliquer à la perfec-
tion tout objet précieux glissé dans sa
bouche. La copie serait si parfaite, que
le plus talentueux des experts serait
bien incapable de distinguer l’original
du faux. Ce dernier, pondu au bout de
quelques minutes, ne possèderait en re-
vanche aucun pouvoir particulier, mais
résisterait à tout examen jusqu’à ce
qu’on tente d’en exploiter les capacités.
Prêtresse ou
pécheresse ?
Une jeune et jolie prêtresse du Poisson
d’argent propose aux personnages de
leur vendre à chacun une enseigne
porte-bonheur de saint Bardolino.
En fait, elle n’est pas prêtresse mais
pickpocket. De toute façon, arborer une
médaille comme celle-là serait plutôt
mal vu.
L’eau et les autres
éléments
« L’eau est nécessaire à l’équilibre des
fidèles du Poisson d’argent, mais on
constate souvent qu’ils ont développé
une affinité avec un second élément.
Cela s’explique en examinant les
complémentarités des éléments deux
à deux :
– L’eau et la terre sont deux éléments en
harmonie nourricière, et représentent
une union heureuse, la terre devenant
le corps de l’eau ;
– L’eau et le feu sont le signe d’une
harmonie enrichissante. L’eau va guider
le feu pour lui faire découvrir la com-
passion et le calme, et le feu va mettre
l’eau en mouvement ;
– L’eau et l’air sont en harmonie soli-
daire et se comprennent parfaitement.
Ils partagent pour construire ensemble,
avec un bénéfice réciproque. »
Héloi Thurrel,
harmonisateur du Poisson d’argent
456
Sur ce qui allait devenir la Chaussée du lac,
en remerciement, un temple souterrain fut
bâti, juste au-dessus de l’oratoire primordial
qui avait abrité les Utruz. Très vite, quelques
personnalités émergèrent, tant parmi les hu-
mains que les Utruz, qui devinrent les pre-
miers prêtres et prêtresses de ce temple dédié
aux mélonipes, ces poissons miraculeux qui
avaient permis aux rescapés de survivre. Le
temple du Poisson d’argent était né.
Josepe Dorofey, que d’aucuns désignent
comme le premier grand prêtre, avait l’esprit
pratique, et pratiquant. En constatant l’af-
fluence et la dévotion que ce simple édifice
avait provoquées, il décida de mettre en place
un système de contributions appliqué à toutes
les manifestations, marchés, échanges de mar-
chandises ayant lieu ou transitant sur le site du
temple, « pour le bien de la communauté ». De
même, l’autorisation de vendre, de construire,
d’exercer une activité autour du temple était
soumise à une donation aux bonnes œuvres
du Temple. On peut voir là l’origine de la res-
ponsabilité du clergé du Poisson d’argent dans
le système actuel des taxes.
La suite, tout le monde la connaît. Quelques
siècles plus tard, le grand prêtre en place,
un demi-elfe nommé Sérethiel Taured le
Pragmatique, demanda à Gaelnor, l’architecte
gnome renommé, de dessiner les plans du
temple tel qu’on le voit aujourd’hui. Les dons
des fidèles et des pèlerins firent le reste.
Les bâtiments
Le site du temple du Poisson d’argent est
composé du temple lui-même (voir plus loin
la présentation du temple), de salles privées en
sous-sol (l’oratoire primordial et le promenoir
du grand prêtre), de bâtiments administratifs
et de jardins.
Sous le temple
Le petit oratoire des Utruz est aujourd’hui
enfoui, loin sous les structures actuelles. Il
est le cœur sur lequel le temple du Poisson
d’argent s’est bâti. Ce qui explique la bienveil-
lance des prêtres à l’égard des Utruz, ils re-
connaissent en eux l’origine de leur dévotion.
Certains écrits ont baptisé cet oratoire Notre-
Mère-sous-le-lac, et ses murs sont couverts
de sculptures anciennes, peut-être antérieures
aux Utruz. Située au niveau du Cloaque, cette
chapelle antique est protégée par une aura de
pureté. En son centre, une source d’eau lim-
pide jaillit et s’écoule dans un petit bassin.
Le premier bâtiment construit se situe juste
au-dessus. Il s’agit du promenoir du grand
prêtre, une salle à double nef dont les voûtes
reposent sur cinq colonnes médianes. Elle est
complétée d’une abside semi-circulaire où
la roche apparente rappelle les origines de la
construction. De l’eau sourd en permanence
de la pierre, signifiant l’appartenance des lieux
à l’eau élémentaire. Établie en dessous du ni-
veau habituel du lac, cette salle sombre, uni-
quement éclairée par quelques bougies, est le
lieu de méditation du grand prêtre et de ses
plus proches assistants. Au fond de l’abside,
un escalier très raide, fermé par une grille et
un lourd cadenas, descend à l’oratoire utruz,
réservé aux prières du grand prêtre.
L’accès au promenoir se fait par un portail
magique situé dans un des murs du Temple
humide et le grand prêtre est le seul à en
connaître le fonctionnement. Il autorise par-
fois ses plus fidèles assistants à l’accompa-
gner, mais sans jamais leur révéler le secret
du passage. Le site d’arrivée, et de départ,
du promenoir se situe dans la partie la plus
éloignée de l’abside et c’est une forme de
voyage initiatique que de passer de l’ombre
la plus dense à la relative clarté des bougies
qui éclairent la roche. Pour repartir vers le
Temple humide, il suffit de s’enfoncer dans
l’ombre et de vouloir, avec force, retourner
vers la surface.
À l’extérieur
Côté nord, des bâtiments hébergent les ac-
tivités temporelles ainsi que les logements des
prêtres. L’édifice le plus proche du temple, bai-
gnant dans la lumière réfléchie par le dôme,
abrite l’administration des taxes et impôts.
Trois niveaux grouillant de prêtres affairés, de
factotums empressés, de scribes et de comp-
tables, trois étages entièrement dédiés à la col-
lecte, l’enregistrement et le calcul des sommes
transmises à la trésorerie royale-divine. Sans
oublier les incessants va-et-vient des soldats
qui convoient l’argent destiné au Roi-Dieu.
C’est dans les immenses sous-sols de ce bâ-
timent que sont conservées les archives du
Temple.
Les autres bâtisses, sur la droite, sont les
habitations des prêtres (fleuves et rivières),
les cellules des ruisseaux et les dortoirs des
gouttes et gouttelettes.
Les jardins
Les jardins du temple du Poisson d’argent
sont un véritable havre de paix dans ce quar-
tier du sud de la Chaussée du lac, par ailleurs
très agité et bruyant.
Le mur de brouillard permanent qui ceint
les jardins en est la raison. Semblant prendre
sa source à une hauteur de 4 mètres, il donne
l’illusion d’une distance infinie entre les rues
voisines et les jardins. Les personnes le tra-
versent facilement, mais la vue et l’ouïe sont
brouillées, participant ainsi à l’impression
d’isolement.
Plusieurs bassins et fontaines agrémentent
ces jardins. On y trouve tout ce que l’ingénio-
sité gnome a pu imaginer en matière de jeux et
jets d’eau, de cascades musicales, de clepsydres
colorées rythmant la vie des prêtres et les acti-
vités du temple.
Au centre, un bassin héberge plusieurs
dizaines de mélonipes, le poisson sacré du
Machinerie gnome ou méditation devant les mélonipes sacrées ?
On peut à juste titre se demander ce que contemple ce pèlerin...
Temple. Les plus grosses, qui sont aussi les
plus vieilles, peuvent avoir jusqu’à 80 ans.
Certaines ont été offertes par de nobles visi-
teurs ou des pèlerins fortunés.
Juste à l’angle du temple lui-même et du
bâtiment des taxes et impôts se trouve la fon-
taine aux vœux. Ce bassin, en forme de quart
de cercle, attire en permanence une foule de
pèlerins et de Laelithiens. On y murmure une
prière, on fait un vœu, on jette quelques pièces
(ce dernier geste est dénoncé par les Méduses :
on n’achète pas les faveurs divines !). Le fond
du bassin est légèrement magique, et les pièces
semblent disparaître quand elles l’atteignent. Il
ne s’agit bien sûr que d’une illusion, et chaque
soir, le préposé à la fontaine aux vœux vient
collecter les pièces, au bénéfice de la cité.
Une fois par mois, tous les bassins des jar-
dins, à l’exception de celui des mélonipes et de
la fontaine aux vœux, sont remplis à ras bord
et laissés accessibles à tous. Cela permet à la
foule des pèlerins de se purifier, de faire des
ablutions compètes. Et accessoirement de net-
toyer les bassins quand ils sont vidés en fin de
journée !
Les chemins du salut
« J’avais une barque sur le lac, la
Rodianne qu’elle s’appelait. Chaque jour,
elle m’emportait sur les plus beaux
bancs de poissons et nourrissait ma
famille. Chaque jour, je gagnais mon
argent sur le marché de Bental. Elle était
ma raison de vivre, mon Dieu. Mais
j’étais dans l’erreur. Un jour le saghiann
est passé et ma Rodianne a coulé. J’ai
survécu, une caraque du Poisson
d’argent me sauvant de la noyade. Alors
j’ai compris. Je me suis mis en chemin.
Il m’a fallu dix jours pour rejoindre
Laelith. Aujourd’hui, je repose mes
pieds ensanglantés dans les bassins du
temple. Mon cœur est joyeux, je vais
pouvoir remercier les Dieux : j’ai sculpté
un ex-voto en bois qui représente ma
Rodianne ! »
Souleïfan, pèlerin du Poisson d’argent
Stinfen, couturier
Dans l’échelle du Beurre, tout près du
temple du Poisson d’argent, la petite
affaire de Stinfen marche bien : il
vient de racheter l’échoppe d’à côté à
un concurrent moins talentueux que
lui. Sa spécialité ? Il confectionne des
vêtements sacerdotaux pour le Temple
voisin. Son secret ? Chaque robe de
bure, étole, chasuble, surcot… est tissé
d’un lin particulier où s’entremêlent des
écailles de poisson-lanterne, un poisson
bioluminescent du lac des Hautes Eaux,
dont les chatoiements sont du plus bel
effet. Stinfen rêve désormais de fournir
l’Oiseau de feu. Son nouveau secret ?
Les plumes iridescentes du minuscule
colibri-abeille.
Prologue :
Un simple
aller-retour
Dans la taberge où se dé-
saltèrent les personnages,
Missavienne, écuyer de
messire Alacrine, de l’ordre
des Chevaliers de l’Ancre,
cherche une escorte pour
aller jusqu’au temple d’Alta-
lith afin d’y réceptionner un
coffre d’objets du culte de
valeur. Une bonne occasion
de visiter ce lieu peu
accessible.
Les temples 457
Plan du Temple du Poisson d’argent
C’est le fond qui
manque le plus
Il est fréquent de voir de jeunes
étudiants qui viennent plonger dans le
Bassin élémentaire, avec le futile espoir
de gagner quelque connaissance à bon
compte. Nul savoir ne s’acquiert sans
effort et les Dieux de l’Eau peuvent être
cruels et ne pas apprécier cette quête de
la facilité.
Trois bains sinon rien
« Tu savais toi qu’i fallait s’laver dans
les trois bassins pour pouvoir prier au
temple ?
– C’est bon pour les pèlerins ces trucs,
moi c’est ma femme, elle dit que j’dois
m’laver au moins trois fois avant d’me
coucher l’soir, tellement qu’ je sens
l’poisson !
– Ben, t’as qu’à passer au temple avant
d’rentrer, non ? »
Entendu sur le port de pêche
Ce qui est rare est cher
On aperçoit peu d’Utruz dans la Ville
sainte, sauf dans l’enceinte du Poisson
d’argent. Là, au milieu des fontaines et
des bassins, il n’est pas rare d’en rencon-
trer et les prêtres semblent les traiter en
égaux, avec bienveillance. Comme ils
le font avec toutes les créatures venues
du lac…
Brève de taberge
« Tu sais quoi ? Y’a l’hiérophante
Exocarpios qu’a causé hier dans les
jardins du temple du Poisson d’argent.
– Ouais. Et alors ?
– Ben, comme d’hab’. J’ai rien
compris. »
458
Le temple du Poisson d’argent est l’un des plus beaux monuments de Laelith. Au premier coup
d’œil, il semble n’être fait que d’argent, de cristal… et d’eau. Cette impression est due à la couche
de métal brillant qui habille le bâtiment tout entier et produit un effet aveuglant lorsque le
soleil est au zénith. L’élément liquide est omniprésent dans et autour du temple. L’accès à ce
superbe édifice se fait en traversant de somptueux jardins agrémentés de fontaines, de bassins,
de vasques et de jets d’eau dans lesquels prospèrent de nombreux représentants de la faune
aquatique. Les bassins communiquent entre eux grâce à une série de passages et une tuyauterie
sophistiquée conçue par le grand architecte gnome Gaelnor. L’eau est acheminée depuis l’Inlam et
le Canal-Rideau grâce à un système complexe de pompes hydrauliques.
L’arche des Dauphins
21
1 C’est l’entrée d’honneur du temple, flanquée de deux dauphins de bronze argenté
mesurant plus de 10 mètres et fermée d’une lourde porte du même métal. Cette porte
n’est ouverte que lors des grandes occasions et l’entrée habituelle des pèlerins se fait par
les escaliers situés de part et d’autre.
Le Bassin primordial
2
21 Alimentée par une cascade, cette large vasque peu profonde symbolise le principe
fondateur du Poisson d’argent, proclamant que toute vie est issue de l’eau ! Des
nénuphars majestueux couvrent en partie la surface du bassin.
Le Bassin élémentaire
21
3 Plus profond que le précédent, les eaux sombres de ce bassin rappellent que toute
connaissance ne peut être que le fruit de recherches approfondies. Certains savants
de la terrasse du Nuage viennent offrir le résultat de leurs travaux en les immergeant
ici, scellés dans de petites flasques d’argent. C’est aussi dans ce bassin que les pèlerins
déposent leurs offrandes.
Le Bassin initial
21
4 Circulaire et coiffé d’un magnifique dôme de quartz d’une improbable légèreté, ce bassin
entoure le puits du Croyant. D’innombrables petites fontaines y sont installées, afin que
personne n’oublie que « l’Eau est tout et dans tout » (devise originelle du Temple). Sous
ces arcades, les prêtres dispensent leurs enseignements et dirigent les prières collectives.
Les fidèles doivent être en contact avec l’eau (au minimum avoir les pieds mouillés).
Le Temple humide
21
5 C’est le Saint des Saints. Les murs sont décorés de fresques célébrant l’immense diversité
des créatures aquatiques, y compris celles dont le nom a été oublié. L’une de ces fresques
est un portail menant directement au promenoir (voir Sous le temple, page 456). Chaque
semaine, le grand prêtre y réunit les fidèles et célèbre les grands offices.
Le puits du Croyant
6
21 Imaginé par l’architecte Gaelnor lui-même, ce puits est une merveille d’ingéniosité. En
temps normal, une grande statue de platine du mythique Poisson d’argent y repose,
invisible. Mais, en période de fortes pluies, une machinerie hydraulique la fait surgir du
puits, et dévoile sa splendeur au travers des vitraux transparents du dôme de quartz.
 21
6

21
4

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3
5
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21
2
21
1

Les temples 459

 La philosophie de l’eau
Qu’est-ce qui caractérise les nombreux pèlerins qui sou-
haitent accéder au temple du Poisson d’argent ? Leur mental
très souple, à l’image de cet élément. La fluidité de l’eau leur
permet de s’adapter à toute situation, ils savent accepter les
débordements venant des autres pour ne pas engendrer de
conflits. L’eau est un élément pacificateur.
Symboliquement, l’eau représente la sagesse. Elle ne
conteste pas, elle coule sur les reliefs de la terre sans choc
ni rupture, épousant ainsi les difficultés de la vie, pour
mieux les accepter et les dépasser. Les pèlerins de l’eau
sont généralement reconnaissables à leur allure lympha-
tique et nonchalante. Ce n’est souvent qu’une apparence.
Beaucoup dans la Ville sainte ont appris à se méfier de l’eau
qui dort…
Ce n’est pas un hasard si le temple du Poisson d’argent est,
des quatre temples de la surface, celui situé à l’altitude la plus
basse.
L’eau épouse la forme de son contenant et coule selon la
pente ou la pression, elle se déplace en fonction de l’action
du vent, comme les vagues du lac. L’eau pénètre tous les es-
paces libres.
Le pèlerin du Poisson d’argent est un homme libre, il se
laisse bercer par le flot du temps, sans contrainte, sans éner-
vement. La foule des croyants qui se dirige vers le temple est
continue, sans accroc, sans bousculade, paisible. Ce n’est la
plupart du temps pas une démarche consciente, mais la force
La hiérarchie
L’ordonnancement
La vie du Temple et ses interactions avec la Chaussée du
lac et le reste de la cité sont organisées et contrôlées par les
quatre assesseurs nommés par le grand prêtre.
Le premier d’entre eux est l’argentier. Il a en charge les
finances du Temple, la collecte des taxes, leur enregistre-
ment et le bon déroulement des transferts à l’administration
royale-divine.
Vient ensuite l’hôtelier, responsable des pèlerins, qui sont
la raison d’être du Poisson d’argent à Laelith. Il supervise
leur accueil, leur circulation au sein du temple, et parfois
leur hébergement pendant une durée limitée.
460
des choses, une énergie vitale, qui conduit chaque fidèle vers
le temple.
L’eau est fluide, elle épouse, porte et entraîne avec elle
toutes les formes, vivantes ou non, qu’elle rencontre. L’eau
suit ainsi son cours, donnant parfois l’impression de subir,
alors qu’au contraire elle n’est que force. Sans affrontement,
elle domine. Par la douceur, quand elle flatte ou érode déli-
catement les corps, ou par ses colères, quand elle soumet la
cité à ses débordements. Même le feu, pourtant aussi sym-
bole de purification, ne lui résiste pas, l’eau le ramène tou-
jours à la raison.
Il existe un très vieux jeu de cartes, apporté par les pèle-
rins, il y a des siècles. Une de ses cartes représente une jeune
femme nommée Tempérance, tenant deux vases reliés entre
eux par un courant d’eau pure. Elle verse l’eau d’un récipient
dans un autre contenant du vin. Ainsi va le croyant, adoucis-
sant par l’eau ce qui trop excite.
Le pèlerinage du Poisson d’argent est une purification in-
térieure et extérieure. Les bains successifs dans chacun des
bassins du temple assainissent le corps. Se laisser porter par
les vagues de la foule qui entre et qui sort, de jour comme de
nuit, éteint toute volonté de résistance et nettoie l’esprit en
l’unifiant à celui de tous les autres pèlerins.
Un pèlerin sincère saura qu’il a accompli sa quête person-
nelle lorsqu’il se sentira libre et apaisé dans la foule, comme
une goutte d’eau dans le lac, semblable à toutes les autres.
L’entretien des bâtiments et des jardins, l’approvisionne-
ment en général, sont de la responsabilité de l’intendant. Sa
charge est harassante, et rares sont ceux qui ont pu l’occuper
plus de trois ans d’affilée.
Afin que le Temple reste ouvert à tous les Dieux et toutes
leurs expressions, un harmonisateur est désigné. Il est garant
de la diversité et de la concorde entre les cultes et veille à
leurs interactions fluides, leur acceptation mutuelle et leur
cohabitation sereine au sein du Poisson d’argent.
Ces quatre-là et, selon les époques, cinq ou six autres
prêtres également nommés par le grand prêtre, forment le
premier cercle, celui des grands assesseurs et portent une
robe bleu foncé. On les nomme les fleuves et ils sont membres
du conseil du Poisson d’argent.
 Les simples prêtres du Temple ont le statut
de rivière, ce sont eux qui assurent le fonction-
nement au quotidien de l’institution, les céré-
monies, les ablutions publiques, et toutes les
manifestations du Temple destinées à la popu-
lation de la Cité sainte. Leurs vêtements sont
d’un bleu moyen, légèrement plus clair que
celui des fleuves.
Les plus jeunes prêtres et les diacres sont des
ruisseaux. Ayant accédé récemment à ce rang,
ils n’exercent pas encore de responsabilités
au sein du Temple. Ce sont pour la plupart de
fervents croyants, des éléments de bonne ré-
putation et de sainte vie, choisis par les fleuves
et les rivières pour porter la robe bleu clair
signifiant leur appartenance. On peut trou-
ver parmi eux de très jeunes gens, hommes et
femmes, ou des pèlerins chenus ayant trou-
vé là l’apaisement après une vie d’errance et
l’aboutissement de leur recherche de la pureté.
La base de la hiérarchie est constituée par les
novices : les gouttes et gouttelettes. Ce sont tout à
la fois des prêtres aspirants voulant rejoindre
le Poisson d’argent et des laïcs dont la foi n’a
pas encore été mise à l’épreuve. Vêtus de blanc,
avec un liseré bleu sombre signifiant leur
proximité avec le Temple, ce sont eux qui as-
surent l’accueil des pèlerins. Ils ont en charge
de les renseigner, les guider, et ils veillent à la
tranquillité des lieux.
Clara :
se ressourcer que pour tenir les moines au
courant des tentatives maladroites de Gamut
pour obtenir du Roi-Dieu l’autorisation d’in-
vestir les lieux.
Les pleureuses
Certaines prêtresses sont tellement éprises
de l’eau, de la nature même de l’eau, qu’elles
ne peuvent se retenir de pleurer lorsqu’elles la
contemplent, lorsqu’elles s’y baignent, ou sim-
plement lorsqu’elles y pensent.
Elles sont reconnaissables au lacrymatoire
qu’elles portent, en pendentif ou à leur cein-
ture. Ces fioles bleues, destinées à recueillir
leurs larmes, sont régulièrement apportées
par les pleureuses avec le plus grand soin au
temple, où elles sont prises en charge par un
ruisseau empressé qui les vide dans la plus pe-
tite des deux jarres disposées derrière le bassin
primordial.
Cela peut paraître étrange, à ceux en parti-
culier que ni la beauté, ni la ferveur, ni la re-
connaissance n’ont jamais émus. Mais tous les
prêtres du Temple du Poisson d’argent savent
que ces larmes recèlent le bien le plus précieux
de l’existence, l’amour de la vie, l’amour de
l’Eau.
La plupart des nobles de Laelith et des
riches marchands font de leur vivant des do-
nations substantielles au Temple pour s’assu-
rer de la présence de pleureuses lors de leurs
Le « torrent »
L’un des préjugés les plus courants
à propos des membres du Poisson
d’argent est leur calme légendaire.
Celui-ci est cependant largement
contredit par Abelial Massour, dit le
« torrent ». Cette rivière n’hésite pas
à inonder d’insultes les fidèles qui
offenseraient les eaux en sa présence.
Recracher le liquide béni, souiller
inutilement une source, couper son vin
à l’eau : voici quelques-uns des motifs de
sa juste colère !
Brève de taberge
« Quand il est mort le grand prêtre du
Poisson d’argent, personne n’a dit : eau
Xeniphys !
– Euh, non ! Et alors ?
– Pourquoi pour celui de l’Oiseau de
feu, on dit : feu Anemates ? »
Expression
« Attendre la pluie de moisson dorée »
On qualifie ainsi ceux qui se bercent
d’un vain espoir, comme le fidèle béat
attend l’apparition du mythique Poisson

un gâchis de bonne eau funérailles. d’argent pendant la saison sèche.

Avant la nomination de Gamut Morénon,

Clara faisait partie des assesseurs et était l’har-
monisatrice de Xeniphys. Elle a décidé, après
l’élection, d’abandonner son poste et son statut
de fleuve pour fonder les Méduses, et se consa-
crer entièrement à la pureté du culte de l’Eau.
Aujourd’hui, elle se sent plus proche des
moines du temple d’Altalith que des instances
dirigeantes du Poisson d’argent. Mais ayant
dédié sa vie aux habitants de Laelith, elle ne
peut envisager de rester cloîtrée au centre du
lac. Apporter aux pèlerins et à la population la
connaissance, la certitude que « l’Eau est tout
et dans tout » est un besoin vital pour elle et
celles qui la suivent.
Malgré cela, en cas de nécessité, les Méduses
peuvent aller faire une retraite d’une semaine,
un mois, un an, au temple d’Altalith. Clara
elle-même y va très régulièrement, tant pour
Pèlerins et offrandes
Si la majorité des pèlerins sont tel un long fleuve tranquille, guidés par la foi et le besoin
de baigner à la source de leurs croyances, nombre d’entre eux viennent à Laelith pour
demander à leurs Dieux de meilleures récoltes, la clémence des éléments, la fertilité
pour leur tribu, leur village, leurs troupeaux.
Et toutes les religions admettent que s’assurer de l’attention divine nécessite de faire
des offrandes. Et plus le cadeau est important, plus les Dieux sont enclins à accorder
leurs faveurs.
Les adorateurs des divinités aquatiques, lors de leur passage dans la Ville sainte, ne
font pas exception. Pour appuyer leurs demandes et mettre toutes les chances de leur
côté, de grandes quantités d’offrandes sont déposées dans l’enceinte du temple. Qu’il
s’agisse de représentations en céramique des animaux de leurs troupeaux, de sta-
tuettes à l’image de leurs proches, de simples tressages autour d’une pierre de leur
maison, tous ces objets symbolisant leurs origines sont « offerts » à l’eau, à la mère
de toute vie, et immergés dans le Bassin élémentaire. Certains riches pèlerins ap-
portent ainsi des présents de grande valeur.

Les temples 461

 A la tête du Poisson d’argent
Gamut Morénon, grand prêtre
À la mort d’un grand prêtre, un tirage au sort détermine
les deux candidats à la succession, parmi les fleuves. Ensuite
l’ensemble des fleuves et des rivières désigne par un simple
vote le nouveau grand prêtre parmi ces deux-là.
Le tirage au sort consiste à placer dans le Bassin élémen-
taire autant de mélonipes qu’il y a de fleuves, chacune portant
les chances de l'un d'eux. Il suffit ensuite d’attendre et d’ob-
server quels sont les deux poissons qui rejoignent en pre-
mier le Bassin initial. Après le décès de Xeniphys, les noms
de Clara et de Gamut ont été désignés de cette manière.
Cette méthode assure que la sagesse des Dieux de l’Eau
est prise en compte pour proposer à leurs prêtres de faire le
meilleur choix.
Le grand prêtre actuel se nomme Gamut Morénon. Il a été
élu après le décès de son prédécesseur, mort noyé. Xeniphys,
se sentant vieux et las, avait décidé de donner son corps
au lac, dans un ultime sacrifice, lors d’une cérémonie très
simple et presque joyeuse dans les eaux proches du temple
d’Altalith.
Passée la surprise d’avoir été désigné par les mélonipes,
Gamut a pris son rôle de prétendant très au sérieux, flatté
d’avoir été désigné par les Dieux, lui qui avait auparavant
une attitude très effacée, réservée. Il a accepté avec bonheur
sa nomination.
Il était entré au Temple pour tenter de satisfaire sa quête
permanente et insatisfaite de l’objet désiré, de la mère (la
mer ?). Gamut Morénon est gras, presque adipeux, son
manque affectif trouvant une compensation dans la nour-
riture. Cette addiction, cette peur de manquer, avaient fait
de lui la personne toute désignée pour occuper la fonction
d’intendant du Temple. Fonction à laquelle, curieusement,
Compte rendu du conseil
À la demande du grand prêtre, le conseil du Temple s’est
réuni exceptionnellement hier matin. Après avoir écouté
les avis de chacun des membres présents, la décision sui-
vante a été prise. Gamut Morénon a annoncé :
« Le Roi-Dieu, béni soit-il par tous les Dieux, a décidé de
remettre de l’ordre sur la terrasse du Châtiment. Et il nous
a paru important de proposer qu’un représentant parmi les
plus fervents de notre Temple y soit envoyé, afin de porter
la parole et les valeurs de l’Eau aux habitants, anciens et
nouveaux, de ces lieux en déshérence.
462
il avait été capable de se consacrer pendant six longues an-
nées, jusqu’à sa désignation au titre de grand prêtre. Six an-
nées pendant lesquelles les réserves de nourriture du temple
n’ont jamais cessé de croître.
Les assesseurs
Après le grand prêtre, le personnage le plus connu (et le
plus craint) est Mel Cramso, l’argentier. Ce jeune prêtre, à
peine 32 ans, a pris en charge les finances du Temple, avec
une ardeur et une détermination peu communes. Il dirige
d’une main de fer ses équipes de collecteurs, et a réussi à
obtenir des gardes de la Chaussée une surveillance quasi
permanente pour elles, et de l’armée une protection pour les
transporteurs des fonds destinés au Roi-Dieu. Il a person-
nellement mis en place un suivi strict des gardes-collecteurs
du contingent de ville sur toutes les terrasses, basé sur des
contrôles impromptus. Ce qui explique que le taux de taxes
revenant effectivement à la cité a augmenté de façon excep-
tionnelle sur les deux dernières années, depuis que Cramso
a pris ses fonctions.
Mel est un homme dynamique, mince, d’une intelligence
hors norme. Lorsqu’il s’exprime, de nombreux tics l’agitent.
Il se gratte le nez du bout de l’ongle du petit doigt, se tire
le lobe de l’oreille, passe son index sous sa lèvre inférieure
avant d’exprimer quelque idée que ce soit. Est-ce un moyen
de prendre le temps de réfléchir à la moindre de ses paroles
ou une véritable maladie ? Seuls les Dieux le savent. Le fait
est que Gamut Morénon ne peut qu’être satisfait de son
choix.
À peine arrivé, Gamut a reconduit en tant qu’hôtelier
le vieil elfe qui remplissait cet office pour son prédéces-
seur : Aerdolien, dit le mal nommé (son nom signifiant le
Chacun s’étant exprimé, il a été décidé de confier cette
mission d’une importance extrême à une personne qui a
œuvré des années durant pour la renommée du Temple et
pour sa pureté.
Nous avons donc choisi de déléguer sur la terrasse du
Châtiment, afin d’y créer une annexe de notre Temple,
celle qui a su soutenir jusqu’à la fin mon bienheureux pré-
décesseur. J’ai nommé la prêtresse Clara. »
(Est-ce un sourire qui flotta sur les lèvres de Gamut ?...)
fils du vent dans sa langue natale). Il occupait
cette charge depuis l’arrivée de Xeniphys. D’un
calme exemplaire, ce prêtre discret est doté
d’une mémoire phénoménale, lui permettant
de savoir à tout instant quand tel pèlerin est
arrivé au temple, comment il était vêtu en en-
trant et où il lui a été conseillé de dormir lors
de ses premières nuits dans la cité. Ce don lui
est aussi fort utile pour démasquer les tire-
laine qui ne manquent pas de se glisser parmi
les pèlerins.
Quand s’est posée la question de nommer
quelqu’un au poste laissé vacant par Clara,
Gamut a longuement hésité. Puis il a choisi un
de ses plus fidèles amis, un maître théologien du
nom d’Héloi Thurrel et l’a désigné harmonisa-
teur du Temple. Grand, barbu, physiquement à
l’opposé de Gamut, Héloi s’est toujours très bien
entendu avec ce dernier. C’est un débatteur de
fond, une mine de savoir lorsqu’il s’agit de dis-
serter sur les différences entre les nombreuses
approches des cultes de l’Eau, ou plus simple-
ment du rapport et de la complémentarité entre
les quatre éléments. Il est doté d’une très forte
empathie et sera parfois capable d’énoncer
avant vous les concepts que vous étiez sur le
point de formuler.
Celui qui a remplacé Gamut à l’intendance est
un nain d’origine noble dont la famille est arri-
vée à Laelith il y a plusieurs générations. Rejeté
par les siens à cause de son amour de l’eau, le
dénommé Ölafur se montre jusqu’à présent un
excellent gestionnaire de la situation favorable
que lui a léguée Gamut.
Table d’aventures
1 C’est la panique chez Stinfen le couturier : ses cages de coli-
bris-abeilles ont été ouvertes et seulement trois oiseaux sur
quinze ont été récupérés. Si les personnages acceptent sa géné-
reuse offre, ils vont courir après les minuscules volatiles et visiter
la cité par les toits !
2 Quelqu’un a saboté le passage-piété de l’Oiseau de feu : on a
versé de l’huile dans l’échelle du Belvédère, la rendant impra-
ticable. Philhelios veut la tête du coupable mais refuse l’aide
des fouineurs. Les personnages démasqueront le très couard
Falacrisse, qui possède une huilerie proche et a fait tomber de
sa charrette un tonneau lors de sa livraison de la nuit dernière.
Paniqué, il tente actuellement de fuir la ville.
3 Aux alentours de minuit, dans une venelle, les personnages
tombent sur une vive altercation : un pèlerin du Crâne sérieuse-
ment éméché est pris à partie par la ronde du poste des Pénitents
indigo. Terrarion a beau bredouiller qu’il vient de fêter sa libéra-
tion, le rahel, suspicieux, veut vérifier de quelle condamnation
il a été relaxé. Si les personnages s’en mêlent, tout le monde
risque de finir au poste.
4 Le brasseur Bergen doit livrer au Temple de l’Oiseau de feu cinq
barriques de sa meilleure grise. La cargaison qui devait arriver
hier au caravansérail n’est toujours pas là. Il veut engager les
personnages pour remonter le chemin des Caravanes jusqu’à
Phlocal. S’ils s’y rendent, ils découvriront que les fûts ont été
subtilisés… et bus !
5 Si les personnages passent par la promenade des Brouillards,
ils remarquent qu’ils sont suivis par un individu plutôt discret. Il
s’agit de Joilousie qui espère bien leur jouer un mauvais tour à sa
façon. Et même si le personnage est odieux, il peut être source
d’information.
6 Alexis de Morflanc l’a décidé : le calvaire de sa sœur a assez duré.
Il veut engager les personnages pour abattre le mur du reclusoir
où Anaëlle est enfermée. La paye promet d’être bonne mais le
risque important : le Temple du Crâne n’appréciera guère qu’on
libère sa recluse.
7 L’Université matérialiste universelle expérimente le vol en
ballon. L’assistant du célèbre professeur Bombastus veut
convaincre les personnages d’y participer contre rémunération.
Il oublie de préciser que les trois précédentes ascensions ont
coûté la vie à leurs passagers.
8 Une matrone éplorée aborde les personnages dans la terrasse du
Nuage. Jouant de la corde sensible, elle leur demande de l’aide
pour nettoyer son colombier, car une subite maladie a extermi-
né ses oiseaux. S’ils se laissent attendrir, il leur faudra évacuer un
tapis de colombes mortes et de déjections de 20 centimètres
d’épaisseur par 6 mètres de diamètre, soit environ 3 tonnes !
Les temples 463
Le Hors-Ville
 Journal de bord du Fier Jadis
Findefroid, 3e jour de navigation
« Je me décide enfin à commencer ce journal de bord, sur l’in-
sistance du capitaine et alors que notre voyage a débuté il y a trois
jours. Pour ma défense, j’invoque la précipitation de notre dé-
part. Ce qui nous a cette fois portés sur les flots est l’effondrement
des prix de la soie d’araignée à Azilian. Suite à une fécondité
inattendue des tisseuses, le nombre de leurs rejetons a explosé,
avec une production de tous ces arrière-trains en conséquence.
Il y a trois jours, une huile poudrée du Pier de Braïtonne a
donc déboulé sur le pont en nous demandant d’aller en bourrer
nos cales avant que la nouvelle ait fait le tour du lac. Il sait qu’un
claque-doigt ira bien plus vite que n’importe quel bâtiment de
leur pesante administration.
Deux confidences sont tombées pendant l’entretien : d’abord,
cette soie devrait être utilisée non pas pour le tissage de leurs
fameux drapeaux, mais pour un projet de papier- monnaie.
Ensuite, la fertilité explosive des tisseuses serait due à des hor-
mones injectées par des espions économiques souleÿnains. Comme
par hasard, leurs navires marchands croisaient non loin d’Azil
quand la nouvelle est tombée.
En entendant cette dernière rumeur, Ramequin et moi avons
échangé un triste sourire. Connaissant l’avidité des Souleÿnains,
ceux-ci ne verront pas d’un très bon œil que nous taillions dans
466
les profits promis par les exportations. Il est probable qu’ils es-
saieront de mettre nos voiles en perce, ou pire. Le poudré le sait
aussi, d’où notre enrôlement.
La bonne nouvelle est que, mandatés par le Pier, l’envoyé nous
a offert l’un de ses drapeaux infalsifiables. Celui-ci devrait nous
ouvrir bien des portes, à commencer par celle de la Divine Écluse.
Si la mission est un succès, on pourra peut-être même le conserver.
J’arrête là, un imbécile a réussi à se briser le poignet avec une
drisse.
Findefroid, 4e jour de navigation
Je me relis et constate que je ne me suis pas présenté. Notre
navire, le « Fier Jadis », est un bâtiment opportuniste – un
« claque-doigt » en argot. L’équipage y vit à bord toute l’année,
même quand il est au port, attendant qu’une occasion se pré-
sente. Quand c’est le cas, nous sommes capables en moins de deux
heures de rapatrier les animaux présents dans un enclos à même
le quai, de faire le plein de vivres, et de mettre les voiles en faisant
la nique à la concurrence.
L’équipage ? Moitié mercenaires, moitié marchands, on
fait appel à nous lorsqu’une tâche est trop désespérée pour être
confiée à un armateur amateur. Se charger d’une cargaison
délicate ou secrète ? Faire chanter pour remporter un appel
d’offres ? Commercer dans des régions reculées, avec des clients
dangereux ? C’est à un claque-doigt que vous confierez l’affaire.
Chez nous, pas de chichis ou de ronds de jambe. Nous acceptons
les missions à l’instinct, d’un claquement de doigts. Nos coques
sont trop glissantes pour s’arrimer longtemps à un quai, nos
mains huileuses savent quelles pattes graisser pour gagner ra-
pidement le plein lac. J’ai l’honneur d’être soigneur, comptable
et esthète à bord de l’un de ces pêcheurs de primes, et me nomme
Haffe Manché, alias la Manchette.
Note : penser à donner du natrud à Tire-Boyau pour son
poignet.
Findefroid, 5e jour de navigation
Ramequin vient de nous dévoiler le détail de notre périple.
D’abord, arrêt au temple du Poisson d’argent – le Poissdar,
comme nous l’appelons entre nous. On y vendra une partie de
notre cargaison périssable. Outre le profit que nous devrions
réaliser (le Poissdar n’est jamais regardant sur la qualité de
ce qu’on lui fourgue, c’est le bon côté de la spiritualité), notre
« Fier Jadis » grappillera quelques heures de trajet grâce au
poids gagné.
Ensuite, direction la Divine Écluse ! Le drapeau du Pier de-
vrait nous faire gagner quelques places dans la file d’attente, et
les taxes seront moins élevées compte tenu de notre cargaison al-
légée. À Hiliminia, nous referons le plein de vivres et viderons le
reste à la « Maison lisse », notre bordel attitré. Ensuite, nous fi-
lerons directement à Azil, où un contact devrait avoir mis de côté
les précieux rouleaux. Pour finir, retour sans escale jusqu’au
Pier, avec sans doute quelques Souleÿnains collés à la quille.
Un voyage de plusieurs semaines… si nous avons de la chance. »
Laelith vous remercie
de votre visite
Prêt à quitter Laelith pour découvrir le vaste monde ? Sache, ô har-
di explorateur, que les Hors-ville se composent de trois grandes
régions :
• Le Hors-ville proche concerne la partie située au plus près de
Laelith. On y trouve entre autres les falaises de Vorn, les mines
des nains et le village utruz. L’Inlam, torrent fougueux qui coule
entre les deux parties de la ville, fait aussi partie de cette zone.
• Le Hors-ville voisin englobe l’ensemble du lac d’Altalith et les
villes côtières telles que Coraz ou Bental.
• Le Hors-ville lointain, enfin, concerne le lac des Hautes Eaux et
les Six Provinces.
Les rifts
Le Châtiment ne se contenta pas de remodeler le relief de la ré-
gion. Rayonnant à partir du foyer du cataclysme, des éclairs
d’origine inconnue parcoururent la zone en altérant subtilement
roche, eau ou air sur leur passage.
La longueur de ces décharges, que l’on appela rifts, fut variable,
mais souvent de plusieurs kilomètres. Leur effet sur la matière fut
subtil : soit elle se contracta, devenant plus dense et plus com-
pacte, soit elle se dilata, devenant très expansée.
Ce phénomène simple eut pourtant des répercussions impor-
tantes sur l’ensemble de la région, expliquant aussi bien le mono-
lithe dur comme le diamant de Kaoca que les architectures des
Huvaliniens flottant au-dessus du sol.
Aujourd’hui, des répliques du cataclysme d’origine parcourent
encore la région, même si elles sont beaucoup plus rares et plus
faibles. On en trouve surtout au niveau du lac, l’eau assurant une
meilleure conduction des décharges.
Les Hors-ville 467
 Le Hors-ville proche
Les Fonfailleux I
« Les Fonfailleux font partie de notre
répertoire de contes et fariboles, et ils y
ajoutent du frisson et de la folie. Mais
maintenant que tu as fini ton compa-
gnonnage, Cabrann, tu vas forcément
modifier à ta façon les histoires que je
t’ai apprises. C’est bien, tu peux… tu
peux. Mais n’en fais ni des monstres
ni des objets de risée ou de mépris. Car
figure-toi, ma conteuse, qu’ils existent,
que je les ai côtoyés, que je les respecte.
Et comme ils te connaissent, oui oui, toi,
tu as droit de les connaître. Écoute… »
Récit du Conteur
Le saut dans l’inconnu
Il est un sport fort prisé des étudiants de
l’Université matérialiste universelle : il
s’agit du « Haut en bas ». Cette activité
à grandes sensations consiste à sauter
dans la Faille, les pieds attachés à un lien,
depuis un promontoire situé au bout de
la rue du Nuage. Jusque-là, rien que de
très normal pour de jeunes universi-
taires voulant expérimenter les lois de
la gravité. Là où la chose se corse, c’est
que la guilde du Poignard sanglant y a
ajouté un peu de piment avec des sauts
nocturnes, discrets et très interdits :
moyennant 5 pièces d’or par participant
(le sauteur et son témoin), on vous
bande les yeux, vous désignez à l’aveugle
le lien qui vous attachera à la vie – toron,
corde à trois brins, liane souple ou ficelle
– et vous sautez. Si le sauteur survit, il
gagne 50 pièces d’or. Sinon… il enrichit
la guilde du Poignard sanglant et les
poissons de l’Inlam. Nota : selon le poste
de la Perle, les rondes s’intensifient dans
ce secteur depuis quelques mois.
Proverbe
« Je ne repartirai pas la brouette vide » est
une expression menaçante, impliquant
que son auteur ne quittera pas les lieux
sans avoir obtenu gain de cause, par la
force si nécessaire. On évite cependant
de le dire devant un zélote…
Pigme Vendebout,
« Proverbes et citations de chez nous »
468
Le Hors-ville proche
Le Hors-ville proche englobe les terres au
contact de la Cité sainte ou à moins d’une
journée de marche. On y inclut aussi tout ce
qui ne fait pas partie de la ville intra-muros,
entre autres la faille de l’Inlam et ses prolonge-
ments (cascade et mines).
L’Inlam
L’Inlam (L9-C7) est le nom du torrent qui
partage la ville en deux en parcourant les
méandres de la Faille. Il prend sa source à l’est,
dans le lac d’Altalith, et se jette dans l’azur le
long de la falaise de Vorn dans une cascade ap-
pelée les Cheveux de la déesse.
La situation
La déclivité est remarquablement faible
entre l’embouchure du torrent et la cascade.
Cependant, dans la mesure où le plateau de la
ville est très incliné, les flots se situent de plus
en plus en profondeur au fur et à mesure que
l’on se déplace vers l’ouest, avec ce que cela
implique comme difficultés d’accès à l’eau et
gravité des chutes…
Près de l’Altalith, la largeur de l’Inlam
est quasi constante, oscillant entre 10 et
30 mètres. Vers l’ouest, au contraire, la Faille
se résout en une série de goulots accidentés
qui accélèrent le cours et le font bouillonner,
comme si le fougueux torrent était impatient
de se jeter dans l’abîme. Le niveau du lac ayant
tendance à monter en période de fortes pluies
ainsi qu’à la saison de la fonte des glaces, c’est
en hiver et aux alentours du mois de findefroid
que le torrent est le plus agité.
En général, les habitations près du torrent
sont très cotées. Les raisons de cet engoue-
ment sont multiples : elles ne sont gênées par
aucun vis-à-vis, la rumeur du flot est apai-
sante… et le torrent sert d’égout à ciel ouvert
non soumis aux taxes. Si rejeter des déchets
est très réglementé, voire interdit dans la par-
tie orientale, les règles s’assouplissent en al-
lant vers l’ouest, car la profondeur du lit du
torrent limite la remontée des miasmes et des
mauvaises odeurs.
Traverser l’Inlam
Outre les quatre ponts qui traversent la
Faille (et bientôt un cinquième !), il est possible
de traverser celle-ci par d’autres moyens plus
exotiques :
• Dans le pont des Morts, plusieurs boyaux
étroits ont été aménagés dans la masse
même de la structure. Ils permettent à ceux
qui les connaissent de passer d’une terrasse
à l’autre sans être importunés, par exemple
pour convoyer des marchandises pas for-
cément licites entre le Grand Marché et le
quartier des artisans.
• Sous le pont des Marchands, les écha-
faudages placés pour en achever la par-
tie inférieure n’ont jamais été enlevés.
Composés de planches et d’étais fixés au
petit bonheur, ils servent de terrain de jeu
à quelques nobles en quête de sensations.
Officiellement, l’usage de ce passage est
proscrit et fait parfois l’objet de rafles noc-
turnes et spectaculaires.
• Juste au-dessus de l’Inlam, voire à fleur
d’eau ou cachés par les flots, des ponts faits
de bric et de broc, débris jetés entre les ré-
cifs ou ponts de cordes, sont parfois dispo-
sés entre les amas rocheux. Ils permettent
de relier des souterrains du Cloaque ou de
la pègre coupés par la Faille. Ces passages
périlleux sont souvent emportés lors des
crues et du Grand Assèchement (voir plus
loin).
• Sous le lit du torrent furent jadis creusés, par
des mineurs ou par la nature, des passages
souterrains. Certaines parties sont sèches,
d’autres toujours immergées. Elles néces-
sitent parfois de nager dans des boyaux gla-
cés ou de progresser en apnée le long d’un
garde-fou. Une traversée de ce type ferait
office de rite initiatique pour certaines so-
ciétés secrètes de la ville…
Les inhumations aquatiques
Sous l’impulsion des autorités, les inhuma-
tions aquatiques au sein de l’Inlam sont peu à
peu tombées en désuétude. Plusieurs raisons

Le Reflet béni
Le Reflet béni est le nom d’une ferme
fortifiée située à deux jours de marche
de Laelith. L’extérieur est constitué d’un
grand mur sans fioriture. L’intérieur est
une accumulation de petits bâtiments
cubiques en adobe, entourant un grand
marché central abrité du soleil par d’impo-
sants palmiers.
Le caravansérail est très apprécié des pè-
lerins, car il constitue l’une des dernières
étapes avant l’entrée dans la ville. Pour
cette raison, l’atmosphère de bonne hu-
meur qui baigne les visiteurs en transit
est palpable. Laelith met d’ailleurs à pro-
fit l’euphorie ambiante pour surveiller et
faire parler les nouveaux venus grâce à
de faux pèlerins et à des questionnaires
censés recueillir les attentes des visiteurs.
Un astucieux système d’écoute parcourt
aussi le marché. Il tient les autorités au
courant des nouvelles de l’extérieur et des
manœuvres dont la ville pourrait faire les
frais.
Le service de sécurité est à la fois bienveil-
lant et très efficace, car il doit être capable
de neutraliser les mauvais plaisants sans
nuire à l’atmosphère de ferveur qui enve-
loppe cette dernière halte.
expliquent cette désaffection. La première
est d’ordre hygiénique, car l’accumulation de
corps entraînait régulièrement maladies et
infestation par les nuisibles. La seconde est la
dignité même des dépouilles mortelles. En ef-
fet, le torrent servant aussi d’égout, les familles
vivaient mal de voir leur cher disparu des-
cendre solennellement l’Inlam le visage cou-
vert d’épluchures de légumes. De nos jours,
les rites funéraires sont donc accomplis par les
quatre Temples de la ville.
Cependant, les coutumes ont la vie dure.
Si quelques riches familles passent encore
par la cérémonie officielle proposée par les
Établissements Bishoff, certaines s’entêtent à
vouloir procéder clandestinement à des « en-
fluidements » plus ou moins artisanaux. Inutile
de préciser que ces pratiques sont interdites et
font l’objet d’enquêtes et de condamnations
régulières. Notons aussi que la pègre propose
parfois des inhumations sommaires et préma-
turées, le défunt ne l’étant parfois pas encore
tout à fait…
Les torracles
Si les cérémonies funéraires ne sont plus
possibles, la spiritualité liée à l’Inlam a la vie
dure, et d’autres coutumes ont remplacé les
précédentes sous la forme d'oracles du tor-
rent ou « torracles ».
Au cours d’un rituel divinatoire, des of-
frandes sont jetées ou déposées sur les flots. En
fonction des rochers contournés et des remous
empruntés, le praticien sera capable de déter-
miner l’avenir de son client et de répondre à
des questions précises liées à la nature des of-
frandes (fleurs pour la fertilité, plumes pour la
prospérité…). Il est dit que certains torracles
sont si doués qu’ils sont capables d’imposer
leur volonté au flot bouillonnant, et donc à
l’avenir même.
De manière plus confidentielle, il exis-
terait d’autres médiums, dits «  torracles
noirs », qui n’auraient pas apprécié de voir
les anciennes coutumes délaissées. Ces
mages prétendent que le torrent a conçu
du ressentiment suite à cet abandon, muant
l’énergie contenue dans les flots bouillon-
nants en esprit de vengeance. Cette énergie
serait désormais employée dans des cérémo-
nies impies…
Le Grand Assèchement
L’Inlam est certes profond et exubérant,
mais le nombre de déchets qu’il charrie chaque
jour est impressionnant : morceaux d’épaves,
ordures diverses, parfois même cadavres
d’animaux… Si la plupart des détritus sont
emportés par les flots, une partie échoue sur
les rochers. À la longue, les engorgements et
l’accumulation de rebuts se muent en repaires
de rats, ou pire.
Pour cette raison, a lieu tous les dix ans un
grand nettoyage, appelé Grand Assèchement.
Une machinerie aménagée au point de ren-
contre entre l’Altalith et l’Inlam permet en
quelques heures de dresser un barrage articulé.
Le but est d’assécher le cours du torrent, puis
de relâcher d’un seul coup les flots qui empor-
teront tout sur leur passage. Certains y voient
même des sortes de menstruations aquatiques
saluant le cycle nouveau, ce qui donne lieu à
des festivités célébrant la fertilité. À croire que
rien à Laelith, pas même les décisions utili-
taires, ne peut se soustraire à une couche de
vernis spirituel…
Avertissement
« On nous signale qu’une bande de
gopneldauns aurait truffé le pont des
Marchands de chausse-trappes menant
à des cages suspendues sous la structure.
Profitant de la désorientation de leurs
victimes, les assaillants les délesteraient
avant de les laisser à leur sort au-dessus
du vide. Regardez où vous mettez les
pieds ! »
Crieur de la Prospérité
Les Fonfailleux II :
Circass
« Cabrann, tu as bonne mémoire,
mais prends le temps de noter ce
que tu verras, avant que tes yeux ne
débordent »… Je suis donc les conseils
et les directives du Conteur. Mais
même avertie, j’ai cru changer d’univers
en me glissant jusqu’au Cirque, qu’ils
nomment Circass. La vieille Nitsille
m’y a accueillie, puis m’a confiée à ce
jeune homme un peu rond au regard
pétillant, Berenos, et à son doudilain.
Notes de Cabrann
Les îlots de l’Inlam
De petits affleurements rocheux parsè-
ment le parcours de l’Inlam. À l’ouest,
ils sont difficilement accessibles car très
escarpés. Vers le centre de la ville, le
« rocher gémissant » sert de cellule où
sont précipitées les victimes de la pègre.
Situé à la profondeur idéale pour briser
les os sans tuer, c’est un lieu redouté où
l’on ne se rend qu’une fois…
Plus près de l’A ltalith, une île allongée
de près de 300 mètres de long sert de
refuge à deux ou trois familles utruz
parias. Elles vivent des déchets jetés
dans la Faille et récupèrent les épaves
charriées par le torrent.
Entre les deux, des massifs plus ou
moins émergés servent de support à des
colonies d’araignées cerfs-volants, qui
ont développé des filets dans l’espace
entre leurs pattes…
Blaise Bazil, « Un tour sur
l’Altalith (tome 12) »
Les Hors-ville 469
 Fonfailleux III :
La tribu discrète
« Fonfailleux laisserait entendre qu’ils
vivent au fond de la Faille, sur les
rives ténombreuses de l’Inlam. En
réalité, Cabrann, il te faudrait grimper
les corniches étroites de la rive pour
trouver l’accès de leur domaine ; une
fracture d’ombre parmi les ombres. Il
faut caresser la muraille vers l’obscurité
pour rejoindre le Cirque, une large et
haute cavité qui leur sert de village, de
grand-place, d’atelier et de théâtre.
De village, oui, car au long des parois
intérieures de la caverne, au sol ou
suspendues, s’alignent baraques de bois
ou de pierre, tentes et yourtes de peau
ou de toile.
De grand-place, car ils y discutent,
boivent et dînent ensemble. Ils sont si
peu.
D’atelier, car leur talent le plus visible
est de faire de tout avec rien ou presque.
Tu n’imagines pas tout ce qui peut
tomber dans la Faille… Tant de choses
(et de gens) que l’Inlam devrait même
être remblayé sur bien des toises au-des-
sus du niveau du lac. Ce fut le cas jadis,
ça ne l’est plus. Chaque petit matin,
les Fonfailleux arpentent le fond de la
gorge, glanant tout ce qui peut resservir.
Ils n’ont pas leur pareil pour réinventer
des choses à partir de morceaux et de
débris. Des choses, oui, mais pas que. »
Notes du Conteur  mensité des steppes en contrebas. Son nom
Portrait
Udo-Triste-Faille a eu son heure de
gloire. Il y a dix ans, vous trouviez ces
sculptures en bois flotté dans presque
chaque palais de nobles-citadins, parfois
en bonne place au salon de réception,
parfois remisée dans un grenier. Udo
vécut pendant plusieurs années ce que
vit la cigale. Puis vint la désaffection.
Car à Laelith, comme souvent ailleurs,
l’art est une girouette qui tourne au gré
des vents de la Renommée. Dédaigné,
ruiné, bafoué, Udo s’en est allé se
réfugier au bord de l’Inlam, au fond de
la Faille. Il y est toujours. Il y continue à
exercer son art, contre vents et marées.
Désormais, seules en profitent les
mouettes… qui chient dessus.
470
Aussitôt le torrent asséché, c’est la curée :
des détrousseurs de cadavres se jettent sur les
dépouilles, des mendiants récoltent les mon-
ceaux de piécettes jetées pendant la décennie
par de riches superstitieux, des aventuriers
s’enfoncent dans des boyaux mis au jour
par l’assèchement, dont la légende dit qu’ils
mènent à des temples perdus ou à des trésors
oubliés.
Selon les Rois-Dieux, ces pratiques sont
soit interdites, soit autorisées. Tout dépend
en fait de la tolérance dont font preuve à ce
moment les autorités religieuses. La décision
n’est jamais facile à prendre pour le souve-
rain : autoriser la descente dans le lit asséché,
c’est permettre qu’il soit nettoyé efficacement.
C’est aussi une mesure populaire parmi le pe-
tit peuple, qui voit là l’occasion de profiter des
largesses involontaires des nantis. D’un autre
côté, cela équivaut à légaliser le pillage et à
encourager les rixes causées par l’avidité, avec
son lot de victimes qui accentue le problème
plus qu’il ne le règle.
En fonction de la décision prise, très at-
tendue à chaque fois par les habitants, des
patrouilles de gardes sillonnent ou non le
torrent à sec pour arrêter les contrevenants.
De même, lorsque la « pêche » est interdite,
la date de libération des flots est gardée sous
silence. Malheur alors aux pillards qui vont
au-devant d’une mort violente, sorte de ven-
geance divine en réponse aux sacrilèges com-
mis. En général et de manière pragmatique,
la plupart des Rois-Dieux choisissent d’in-
terdire la descente, mais font fuiter la date de
libération afin de ne pas remplacer les anciens
cadavres par de nouveaux. C’est la solution
choisie par Nin Ier.
Toute la ville est fébrile en attendant cette
réouverture, et lorsque les guetteurs postés
aux abords de l’Inlam donnent finalement le
signal, c’est une foule dense qui se presse aus-
sitôt sur les rives et les ponts, saluant le retour
de la vie incarnée par le tumultueux torrent.
Le projet de pêcherie industrielle
Certains dirigeants de la Haute Guilde ca-
ressent depuis longtemps l’idée de construire
une pêcherie directement sur la Faille.
Plusieurs projets ont été imaginés dans ce
but : grands filets courant d’une paroi à l’autre,
roues à aube capturant les poissons, mons-
trueuses nasses suspendues à un pont… Les
arguments avancés sont que la récolte quo-
tidienne serait plus importante et plus stable
que celle offerte par le simple artisanat.
Pour le moment, le projet se heurte à l’op-
position de plusieurs entités. La première est
celle des Méduses (voir la Chaussée du lac), ir-
ritée par ce qu’elle considère comme un pillage
industriel caractérisé. La seconde, la commu-
nauté des pêcheurs, est d’autant plus hostile
que l’édifice, en partie automatisé, ne permet-
trait pas beaucoup de reconversions chez ceux
qui perdraient leur emploi.
Jamais vraiment oublié, le projet refait sur-
face de temps à autre. Dernièrement, la Haute
Guilde a dépêché des géomètres sur les rives
de l’Inlam, afin de déterminer le meilleur site
pour implanter l’établissement. Plusieurs
corps n’ont jamais été retrouvés, et l’enquête a
étrangement été classée.
Certaines rumeurs tenaces affirment enfin
que la Haute Guilde n’a, en fait, pas vraiment
l’intention de bâtir cette pêcherie. Le projet
ne serait là que pour peser sur les cours du
poisson et faire en sorte que les pêcheurs ne
vendent pas trop cher à la guilde…
Les Cheveux de la déesse
Les Cheveux de la déesse (B7-A7) est une
longue et majestueuse cascade qui déploie ses
rais d’argent depuis l’Inlam jusque dans l’im-
proviendrait des offrandes jetées dans le tor-
rent par les croyants. Pièces, bijoux et autres
gemmes, entraînés par l’eau, se nichent dans les
anfractuosités des rochers et font resplendir la
cascade lorsque le soleil illumine à son cou-
cher les contreforts de la falaise. Nombreux
sont les aventuriers prêts à risquer une chute
mortelle pour s’emparer de ces trésors…
Il est dit qu’autrefois, la colonie naine fit
déboucher ses galeries à flanc de falaise pour
pouvoir s’emparer des précieuses offrandes.
Lorsque la vérité fut découverte, les longues
barbes jurèrent leurs Grands Dieux qu’il
s’agissait là d’une faction de dissidents qui
ne respectait aucune croyance. Les coupables
furent sévèrement châtiés, on mura les accès
sans délai, et Laelith laissa la colonie pour-
suivre son travail, prenant prétexte du délit
pour relever les taxes exigées. Ici et là, on
raconte que les passages n’ont pas tous été
condamnés…
La falaise de Vorn la densité de la roche sur leur passage. Il n’en
fallut pas plus pour que de courageux mineurs
Quelques signes usuels
– L’offrande est ballottée par les remous,
La falaise de Vorn (A1-D1/A13-E13) consti- nains, malgré leur attachement à leurs mon- puis disparaît sous l’eau pendant moins
tagnes, décident de s’exiler pour venir exploi- d’une minute : revers de fortune passa-
tue la partie orientale de la vaste faille qui par-
ter la falaise, véritable paradis minéral où l’on ger. Pendant plus d’une minute : revers
court la région du nord au sud. Haute de près
définitif ou sérieux.
de 1 500 mètres, sillonnée par les dangereux peut creuser plus vite et plus profondément.
Mieux encore, d’autres éclairs eurent pour – L’offrande est bloquée contre un ro-
lacets de la route des Pèlerins (A7-E13), la fa-
effet de comprimer la roche, créant ainsi des cher, moins d’une minute : projet ajour-
laise est aussi parsemée d’habitations troglo-
né. Plus d’une minute : projet annulé.
dytiques et de petites bâtisses. Certaines font gemmes et des pierres précieuses introuvables
ailleurs. – L’offrande coule dès la mise à l’eau :
office d’échoppes où marchands et guérisseurs
décès proche.
assistent le croyant dans sa lente et périlleuse La colonie compte aujourd’hui plus de
Yomank Tamer, « Devenez torracle en 15 jours »
ascension. D’autres sont des lieux de halte 700 barbes et demeure depuis près d’un
afin de rendre la montée moins éprouvante.
D’autres enfin sont de simples trous, abritant
des miséreux ou des brigands attirés par les
nombreuses marchandises qui circulent nuit
et jour. La rumeur prétend que certains abris
seraient reliés par de longs couloirs piégés à
des places fortes interlopes ou à des repaires
du Cloaque. Entrées discrètes vers la ville ou
sorties dérobées ? Nombreux sont les gardes
qui perdirent la vie afin de répondre à cette
épineuse question…

La colonie naine
Lors du Châtiment, de nombreux rifts zé-
brèrent la falaise, entraînant une réduction de

Les montagnes du nord

Souvent appelée par dérision les monts
Plats, cette région au nord est essentiel-
lement constituée d’un grand plateau ac-
cidenté. Une multitude de petites rivières
prend naissance dans les contreforts
rocheux de l’est pour se jeter à l’ouest
dans la Grande Faille. De grandes
fermes-oasis sont installées de loin
en loin, parfois à cheval sur plusieurs
cours d’eau. Ces exploitations sont les
premières à alimenter la ville, et sont aus-
si le dernier rempart contre la famine. De
ce fait, la grande majorité d’entre elles se
trouve sous contrat avec Laelith, qui ho-
nore rubis sur l’ongle les commandes sous
réserve d’en être la bénéficiaire exclusive.
Les mauvaises langues parlent quant à
elles de protectorats alimentaires.
À noter que quelques exploitations
conservent farouchement leur indépen-
dance. Les paysans de ces vastes espaces
sont fiers de leur statut de « héros agri- L'Inlam, personnifié par
coles » qui se transmet de père en fils. Ne l'artiste Giramont Blu.
les qualifiez jamais d’employés !

Les Hors-ville 471

 Fonfailleux IV :
Les échafaudages
« Nous faisons le tour des lieux, passant
sous des pilotis, des lanternes, escala-
dant des échelles précaires, parcourant
des ponts de planches usées par les ans.
La caverne, large comme une place de
village et haute comme cinq étages,
semble étayée par un complexe écha-
faudage de poutres, de bon bois ou bien
d’un étrange roseau géant. Il en monte
du sol au plafond, il s’en croise d’est en
ouest et du nord au sud, ne laissant libre
qu’un espace d’une dizaine de toises,
au centre. La plupart des… habitations
sont à niveau de second étage, tandis
que des centaines d’objets s’entassent
au sol, sur des étagères, dans des malles,
ou sont suspendus aux échafaudages ou
bien loin dans la pénombre du plafond,
à des myriades de palans.
Au sol, dans les étages et même en
équilibre sur les poutres, partout des
gens s’activent sur des établis, des
métiers, pratiquent l’escrime, travaillent
des numéros de cirque ou des scènes de
théâtre. Comment, native de Laelith et
conteuse, ai-je pu ignorer cet endroit ? »
Notes de Cabrann
Le martyrologe de
saint Bardolino
Ce magnifique volume in-quarto recou-
vert de maroquin rouge à dorures a été
découvert dans une grotte, près du Pier
de Braïtonne, emballé dans un sac fait
de peau humaine. Il se veut le recueil
complet des saints martyrs des quatre
Temples de Laelith. L’épaisseur de son
dos – 40 cm – pourrait faire croire
qu’il en contient l’intégralité. Rien n’est
moins vrai puisqu’on en canonise plus
d’une dizaine par an et que l’incunable
est vieux d’au moins un siècle. Il recèle
néanmoins la description précise de
chaque exécution : ébouillantage, écar-
tèlement, crucifixion, pal, décapitation
et plein d’autres supplices qui montrent
que l’homme a toujours su être inventif
dans ce domaine. Cela en fait le livre de
chevet du célèbre bourreau Saltamor,
qui l’a acheté à prix d’or.
472
demi-siècle sous la coupe du tyrannique
Gorthedain Pied d’Enclume, aussi redoutable
qu’il est efficace. On dit que les squelettes de
ses ennemis servent à étançonner les tunnels
les plus reculés…
Au nord de la cascade, les installations
naines (A6) sont étagées depuis le bas de la fa-
laise jusqu’à mi-hauteur. Les haches brandies
des statues monumentales d’Alathor Beaubrin
et de son frère, sculptées dans la paroi, rap-
pellent aux visiteurs que la conquête de la fa-
laise ne fut pas facile… et que les nains ont un
instinct de propriété développé.
Au-dessus de la statue s’ouvre la forteresse
naine, répartie en trois postes d’observation
fortifiés, le premier se situant au niveau des
yeux d’Alathor. Palans, grues et monte-charges
constellent la paroi de leur présence bruyante,
contrepoint aux ordres et aux insultes dont
l’écho fait parfois sourire les pèlerins en
transit.
Mais ces fortifications ne constituent que la
partie émergée de l’installation, qui s’enfonce
le long de corridors anarchiques dans la masse
de la falaise. Cette expansion aux multiples ra-
mifications a valu aux nains de nombreux re-
proches de la part des autorités laelithiennes.
Elles craignent en effet que leur entêtement à
creuser toujours plus loin ne cause des effon-
drements en surface. Afin de tempérer l’ar-
deur des mineurs, des expéditions anonymes
sont parfois organisées pour leur rappeler qui
sont les véritables maîtres de la zone. Loin
d’intimider les ouvriers, ceux-ci voient dans
ces affrontements l’occasion de faire un peu
d’exercice…
En échange du tiers de sa production, la co-
lonie dispose d’une concession exclusive sur
les mines de la falaise. À noter que ce pourcen-
tage, hier encore de 50 %, se réduisit le jour où
les mineurs comprirent que Laelith avait au-
tant besoin d’eux et de leurs techniques avan-
cées que les nains d’elle.
Tous les trimestres, les autorités lae-
lithiennes sont conduites dans une salle se-
crète, où elles peuvent inspecter le fruit de
l’exploitation et emporter leur dû méticu-
leusement pesé. Aussitôt après, une caravane
armée emporte la majorité de ce qui reste à
destination du foyer d’origine de la colonie,
où les minerais sont gardés dans de meil-
leures conditions de sécurité et travaillés au
sein d’installations plus perfectionnées. Pour
l’anecdote, les dates de départ de la caravane
sont toujours les mêmes, comme si les nains
lançaient le défi aux brigands de venir attaquer
le convoi. Si cela a déjà été le cas, personne
n’en a jamais rien su…
La Confrérie blanche
La Confrérie est une société à l’organisation
mystérieuse, mais dont l’objectif est on ne peut
plus explicite : défendre tous les pèlerins et vi-
siteurs arpentant le sentier de Vorn.
Un confrère est aisément reconnaissable à
sa longue chemise blanche et au cabrouet de
fortune qu’il traîne derrière lui, les deux bran-
cards attachés de chaque côté de ses hanches
afin de le laisser libre de ses mouvements. Il
existe trois types de confrères. Les plus nom-
breux et les plus accessibles sont les caciques,
dont seuls les yeux sont bandés. Ces adeptes
discutent librement avec les passants, et en cas
de délit, entendent et questionnent les acteurs
du litige.
Les sophontes, eux, arborent en plus un
bâillon sur les lèvres. Ils écouteront, mais
ne diront pas un mot, se fiant aux seuls dis-
cours des belligérants. Les zélotes, enfin, dis-
posent d’un bandeau sur les oreilles en plus
des deux précédents. Ils ne peuvent en aucun
cas être influencés, et prendront leurs déci-
sions sans prononcer un mot. Il semble que
ces trois ordres sont plus le fait d’une répar-
tition aléatoire que d’une hiérarchie entre
les membres, même si cela reste difficile à
démontrer.
Lorsqu’un confrère a décidé d’intervenir, il
rejette sa large chemise vers l’arrière de ma-
nière à recouvrir la brouette, puis il s’approche
du contrevenant et le neutralise de manière
pacifique grâce à deux petits bâtons de bois.
Lorsque l’accusé est inanimé, il est déposé
sur le cabrouet, et le spectateur comprend
alors dans un frisson que le manteau blanc
du confrère constitue en fait le linceul de sa
victime. Pour finir, le justicier soulève son
fardeau et disparaît par l’une des nombreuses
cavités de la falaise.
Quelques heures plus tard, les Cheveux
de la déesse se pareront d’une fugace teinte
grenat. Résultat du sacrifice religieux du pré-
venu ? Mise en garde pour les brigands qui
œuvrent en contrebas ? Nul ne le sait, tant la
Confrérie sait cultiver le secret. Même son
origine demeure sujette à caution. Certains
prétendent que ce sont là des criminels répa-
rant aujourd’hui les forfaits qu’ils ont commis
hier. Cela expliquerait la clairvoyance avec
laquelle ils officient. D’autres affirment que
la Confrérie est tout simplement religieuse,
avec comme unique Déesse l’entité la plus
importante de la région, pourtant la moins
vénérée : Laelith elle-même ! Dispensatrice de
mille bienfaits, la mission des confrères serait
d’empêcher que des brigands parviennent à la
souiller en y pénétrant.
Malgré son efficacité, la Confrérie blanche
n’en est pas moins hors-la-loi. Laelith ne peut
en effet permettre qu’une justice expéditive
soit perpétrée juste sous son nez. Cependant,
plusieurs facteurs font que les moyens alloués
à sa traque restent modestes. Le premier est
que les confrères rendent service – gracieuse-
ment de surcroît. Ensuite, ils sont très popu-
laires et peu nombreux (une trentaine tout au
plus). Enfin, ils ont toujours pris la précaution
de ne jamais intervenir dans la cité elle-même.
Il est cependant à noter que de nombreuses
entités religieuses vouent une haine farouche à
la Confrérie. En effet, non contente de prôner
un culte monothéiste sans patente officielle,
elle considère la ville comme l’objet d’un culte,
alors que le plus important est le flot des habi-
tants qui l’irriguent. De leur point de vue, ce
serait comme adorer un corps plutôt que l’âme
qui l’anime.
Malgré des expéditions punitives parfois
sévères, personne n’a encore réussi à éliminer
totalement la Confrérie blanche. Ses défen-
seurs prétendent que l’organisation est avant
tout une idée, et qu’une idée, bonne ou mau-
vaise, ne peut mourir tant que des individus
sont prêts à se battre pour elle.
Le village utruz
Les Utruz constituent un peuple semi-aqua-
tique, écailleux et au sang chaud, dont la taille
dépasse les 2 mètres. Leurs pieds et leurs
mains sont palmés et une nageoire forme une
crête au sommet de leur crâne. La taille de
cet appendice, de même que sa forme et ses
couleurs, sont autant d’attributs esthétiques.
Les Utruz vivent non loin de Laelith, dans un
village lacustre (M11, M12, N12) composé de
quelques centaines de cahutes instables. Ses
habitants lui donnent le nom de Tiana-Lané
ou « Pitié des Dieux », les humains l’appellent
simplement le village utruz ou l’affublent de
termes moins affables (le Grand Schiffe ou le
Puant).
Les Utruz vivent misérablement de pêche,
d’artisanat à base d’algues séchées qu’ils
cultivent dans de petits bassins, et d’élevage de
coquillages. Leurs maisons flottantes en forme
de cubes sont édifiées autour d’un mât central
fixe, ce qui leur permet d’éviter les inondations
quel que soit le niveau de l’eau. Leurs embar-
cations, creusées dans du bois flotté d’un seul
tenant, sont entourées de fins entrelacs de
sélanelles tressées. Ces fameuses algues pro-
duisent une grande quantité d’oxygène, for-
mant un coussin gazeux entre le bois et l’eau
qui leur permet d’atteindre des vitesses éton-
nantes. La manière dont les sélanelles sont
tressées renseigne à coup sûr sur l’identité du
propriétaire du bateau.
Leur histoire
La légende raconte que les Utruz étaient à
l’origine un peuple totalement aquatique, vi-
vant dans un océan lointain aujourd’hui oublié.
Des sorciers « faces-lisses » (sobriquet donné
aux humains) les réduisirent en esclavage et les
emmenèrent à Tanith-Lenath où ils servirent
les maîtres de la cité pendant plusieurs siècles.
Toutes ces années en contact avec l’eau douce
de l’Altalith entraînèrent l’atrophie de leur sys-
tème respiratoire aquatique.
Lorsque le Châtiment survint, les Utruz
y virent le signe que leurs prières séculaires
avaient été exaucées. Contrairement aux hu-
mains, ils considèrent donc le cataclysme
comme un événement heureux, la date fonda-
trice de leur calendrier oral et la preuve qu’ils
sont les protégés des Dieux – ce qui ne fait rien
pour réduire leur condescendance envers les
faces-lisses.
La même année que celle de leur délivrance,
ils fondèrent leur propre capitale, Tal-Henth.
Elle prospéra pendant de nombreuses années
et noua des relations commerciales et diplo-
matiques fructueuses avec Laelith. Hélas,
elle avait été fondée non loin du marais des
Languissants, car les Utruz avaient vu dans
ce mélange de terre et d’eau un véritable pa-
radis pour la pêche. Tal-Henth fut peu à peu
contaminée par de fines particules d’argile,
et les maisons commencèrent à se pétrifier.
Désespérés, craignant que l’épidémie de mi-
néralisation s’étende à l’ensemble du lac, les
Les Maisons noires
C’est le nom d’un quartier sinistré situé
juste au sud du village utruz (L12-O13).
Cette zone manufacturière en dehors
des remparts fut si souvent attaquée
par les tribus du sud que les murs des
maisons gardent encore la trace fuligi-
neuse des incendies qui les ravagèrent
à plusieurs reprises. La paix revenue,
Nin Ier espère bien réhabiliter cette
zone, à marche forcée s’il le faut.
Histoire vécue
« Dans les déserts à l’ouest de Laelith,
j’ai eu la malchance de croiser la route
d’un lycaon des steppes. Ça m’a coûté
une main. Ça m’a rapporté une belle
fourrure, mais pleine d’araignées, et
une fois revenu en ville, une flopée
d’emmerdes de la part de l’entourage
du Roi-Dieu qui voyait sur mon dos
les restes d’un proche parent des lions
ailés… une fois les taches disparues. »
Ulfin Frappe-dur, fils de Dulfin
La chasse de la Porte,
une grande chasse du
Roi-Dieu
« A.R.D. 575, jour des Dieux, cuivre-
champs, fin de journée. Le Roi-Dieu
Célestial II* est en chasse pour la
première fois de l’année. Il mène la chasse
à courre en son carrosse depuis qu’une
fistule – bien soignée mais mal placée
– l’empêche d’enfourcher un destrier.
Toute la vénerie est sur le pied de guerre
et au final, un cerf-élaphe est levé. Ses
bois, de toute beauté, seront un ornement
de prestige pour les portes du Lazaret.
Mais la bête est rusée : elle sait déjouer la
meute, probablement grâce aux capacités
que lui ont données les Dieux.
Enfin l’animal est serré : les chiens
courants l’ont circonscrit. La meute des
nobles-citadins se rapproche pour l’halla-
li. Mais la bête a de la ressource : acculée,
elle prend son élan, court au milieu des
mâtins jusqu’à arriver devant le carrosse
de notre Roi-Dieu. Et là, le cerf, reprenant
son élan, bondit par-dessus l’attelage.
Mais c’est compter sans l’adresse de notre
saint monarque qui, d’une flèche bien
ajustée, le stoppe dans sa course et l’étend
au sol d’un seul jet, avec panache. »
La Parole, « Célestial II, un court règne »
* Surnommé ultérieurement
« Cul-fendu » pour des suites postopé-
ratoires qui l’ont soustrait à
l’affection de ces sujets.
Les Hors-ville 473
 Il vous reste une vie Utruz décidèrent de détruire la ville. Avec aujourd’hui encore dans la destruction de Tal-
Le fait a été de nombreuses fois obser- l’aide de sorciers humains, ils créèrent une Henth une punition des Dieux en réaction à
vé : il semblerait que les rifts perturbent formidable vague qui engloutit Tal-Henth. Ils l’amitié entre Utruz et humains…
le processus de résurrection dans durent renoncer à tout ce qu’ils possédaient
l’ensemble de la région. Certains prati- et se réfugièrent plus au nord, dans une ville
ciens invoquent la présence de parasites lacustre temporaire, au cas où une nouvelle Les relations avec les humains
induits par l’énergie des rifts (une sorte
catastrophe se produirait. Les Utruz fréquentent peu Laelith, n’y sé-
de bruit blanc spirituel), d’autres ex-
pliquent que des micro-rifts parcourent Depuis, ils végètent, rêvant à leur gloire journant que le strict nécessaire afin de vendre
le monde éthéré, densifiant ou diluant passée. Nombreux sont ceux qui voient le produit de leur pêche et de leur art primitif.
les âmes et interdisant les sorts
classiques. Ceux qui se seraient
entêtés auraient obtenu des ré-
sultats plutôt inattendus, tels que
des âmes partiellement incorporées,
interverties ou fusionnées…
Igor Masso,
« Je ne suis plus seul désormais »

Katampiah, demi-Dieu
utruz et héros de nombreuses
légendes.

474
Les raisons de cette réserve sont multiples. La
première est qu’ils ne sont pas toujours bien
accueillis : leur peau dégage une odeur pi-
quante de poisson fraîchement pêché, et le ra-
cisme ordinaire les considère comme des va-
nu-pieds qui dédaignent la civilisation parce
qu’ils sont trop limités pour la comprendre.
La seconde est que les Utruz sont particu-
lièrement tournés vers la vie de l’esprit. Pour
ce peuple, les humains ne savent que parader
le long d’un lac qu’ils comprennent à peine,
heureux de vivre dans ce bidonville qu’est
Laelith, loin de la pureté et de la sérénité des
eaux. Certains Utruz vont jusqu’à considérer
les humains comme de vulgaires parasites de
leur lac, pataugeant depuis quelques siècles
sur les berges quand les Utruz étaient déjà là
bien avant sa création. Les seules qui trouvent
grâce à leurs yeux sont les Méduses (voir la
Chaussée du lac), tout simplement parce que
cette organisation les traite avec respect, voire
déférence.
Pour toutes ces raisons, aborder les Utruz
pour parler d’autres sujets que le prix de leurs
produits est difficile. Votre interlocuteur vous
dévisagera avec le regard amusé de l’adulte
pour les futilités d’un enfant. En outre, ces
créatures considèrent l’humour comme vul-
gaire, la légèreté comme déplacée. Le sage sait
que la connaissance est un trésor précieux
qu’on ne dilapide pas avec les inconséquents.
Pour entamer la discussion sans être ignoré,
il faudra faire preuve de patience, en accom-
pagnant si possible la prise de contact d’un
présent symbolique (poisson faisandé ou co-
lifichet minéral, car ils sont friands de belles
pierres). Et, surtout, ne pas rire !
La hauteur de vue des Utruz est souvent
prise pour du mépris par les Laelithiens, qui
les voient comme un peuple paresseux et mo-
rose. On ne compte plus les termes insultants
qui les décrivent, « malpoissons » ou « écail-
leux » en tête. Les Utruz ont également fait
par le passé l’objet de purges, surtout lors des
catastrophes lacustres, car le quidam fait tou-
jours fatalement un lien entre l’eau et ceux qui
s’en revendiquent. Les Utruz ont donc appris à
se défendre et se battent en général avec leurs
griffes rétractiles et leur harpon en obsidienne,
le kruuz, à la fois arme cérémonielle et outil de
pêche. Mais ces contemplatifs attaquent tou-
jours pour neutraliser, jamais pour tuer. Dans
le cas contraire, la vague brisée de leur victime
romprait l’harmonie de la houle collective.
Leur culture
Pour un Utruz, accumuler des biens, c’est
vouloir emporter des poignées de sel quand
on nage dans l’océan. Seules la connaissance et
la tradition sont des richesses dignes d’un être
pensant. De fait, leur culture est foisonnante,
faite d’épopées baroques où Utruz et Dieux
se mêlent, de légendes aux ramifications mul-
tiples, de mythes remontant à une époque où
l’homme marchait encore à quatre pattes.
Leur religion est simple, à l’image de leur
mode de vie : le centre de la planète est liquide
et peuplé de Dieux aquatiques. Les rêves de
ces derniers remontent à la surface, où ils s’ag-
glutinent en masses terrestres. Pour un Utruz,
chaque être est une vague fugace, qui se mêle
aux autres en une marée infinie, et qui finit
toujours par s’échouer sur la grève que consti-
tue la mort. Bien se comporter, c’est vivre en
harmonie avec ses proches pour ne pas dépa-
rer le ballet de cette houle éternelle.
Ce détachement par rapport à l’existence
explique le caractère réservé et fataliste de ce
peuple. Comme les Dieux qu’ils vénèrent, les
Utruz rêvent d’une gloire et de faits héroïques
passés, en rupture avec le volontarisme et la
fébrilité humaines.
Dernier point, ils ne possèdent pas de gou-
vernement. Ils se contentent d’écouter les
anciens, et parmi ceux-là, ceux qu’ils consi-
dèrent tacitement comme les plus avisés. De
nos jours, c’est la vénérable Unza, qui teinte la
politique utruz d’un certain matriarcat associé
à une méfiance des faces-lisses.
La Grande Faille
Si l’on oublie son origine cataclysmique,
la Grande Faille a tout d’un site géo-
logique remarquable, dont Laelith ex-
ploite les caractéristiques au mieux. La
première d'entre elles est la présence de
centaines de petites rivières dévalant les
pentes de la faille, produit des précipita-
tions recueillies sur les plateaux environ-
nants. Ces oueds, imprévisibles, alternent
d’une semaine sur l’autre assèchements
soudains et flots impétueux. Pour pallier
ce problème, les exploitations de la faille
ont installé des dizaines de micro-mou-
lins à eau, de manière à toujours être ali-
mentées en énergie quels que soient les
oueds actifs.
Les micro-oueds :
une explication
C’est, une fois de plus, dans le
Châtiment qu’il faut chercher la cause
de l’instabilité des ressources en eau de
la Grande Faille. Celui-ci aurait, en dé-
chirant les entrailles de la terre, produit
des milliers de failles et de fissures où
s’engouffreraient tour à tour les précipi-
tations. Difficile dans ces conditions de
prévoir quels cours d’eau seront alimen-
tés, tant les possibilités pour les flots de
s’échapper sont innombrables.
Cabinet Lakeba,
« Étude hydrique de la Grande Faille »
Tract musclé
« Y en a marre ! Nous, les nains, on
se tape tout le boulot, et tout ça pour
refiler un tiers de nos richesses ! Mais
qui paye nos outils, notre bois et notre
main-d’œuvre ? C’est nous ! Qui
finance les obsèques, qui prend tous
les risques ? C’est nous ! Si la ville veut
tâter de nos bénéfices, qu’elle participe
aux dépenses ! On est des nains, on n’a
de comptes à rendre qu’à la montagne.
Et si les humains veulent la bagarre,
qu’ils se méfient : pas sûr que leurs
planchers soient bien solides sous leurs
pieds ! »
(Repris en chœur
par d’autres groupes mécontents)
L’autre grande force agissant dans la faille
est le vent, qui s’engouffre à une vitesse
impressionnante entre les versants escar-
pés, et prend de la vitesse en dévalant le
long couloir rocheux. Afin d’exploiter le
souffle du désert, ou falaghiann, de gi-
gantesques moulins à vent, aux pales par-
fois longues de plus de 10 mètres, ont été
édifiés au fond et sur les parois de la faille.
L’eau et le vent alimentent en énergie
une multitude d’exploitations : scieries,
fonderies, verreries, mais aussi manufac-
tures et briqueteries exigeantes en eau.
La production est alors acheminée vers
Laelith dans de longs convois se mê-
lant à ceux des pèlerins.
Les Hors-ville 475
 Un nomade du sud.

476
 Corni Gulla, célèbre pillard
du sud défiguré par une
attaque magique.
Les nomades du sud
Alors que le nord est le symbole même de
la vie sédentaire, le sud, moins bien loti en
ressources hydriques, ne compte pratique-
ment que des tribus nomades déambulant
d’oueds en oasis. La plupart se battent les
unes contre les autres dans des joutes aus-
si violentes que codifiées, les vainqueurs
s’assurant les meilleures places autour des
puits. D’autres sont des pillards qui n’ont
aucun scrupule à détrousser les voyageurs
après, là encore, leur avoir lancé des défis
très ritualisés.
Une unique ville, Lithalia « aux mille po-
ternes », fleurit au milieu de l’étendue
désertique. Formée de l’accumulation
de centaines de tentes, c’est en fait une
cité itinérante dont l’emplacement varie
en fonction de la saison et de l’état des
sources. Nombreux sont les marchands
parcourant des dizaines de lieues pour ar-
river sur un site déserté ! Pour cette raison,
la localisation de la ville est elle-même
considérée comme une marchandise de
première importance…

Priska Escosserre, l'une des

dirigeantes de Lithalia, la ville
aux mille poternes.

Les Hors-ville 477

 Le Hors-ville voisin
Soumission
ou indépendance ?
Dans la mesure où la diplomatie est en
constante évolution autour du lac, le
niveau d’autorité qu’exerce Laelith sur
les villes n’est pas toujours précisé. À
vous, MJ, d’en décider, selon vos envies
et les besoins de vos scénarios. Une
extrémité du spectre consisterait en
des villes totalement contrôlées par le
Roi-Dieu ou les Temples, l’autre en des
cités-États farouchement attachées à
leur indépendance…
Lord Enoch
« Si j’la connais c’tte histoire ? Ça fait
trente ans que je bourlingue sur le lac…
Alors vous pensez ! On dit que, tout
petit déjà, avant 8 ans, i’ mettait une
planche sur le lavoir de sa mère, qu’était
lavandière, i’ grimpait d’ssus, et avec un
bâton, i’ f ’sait comme si qu’i’ descendait
un grand fleuve dans une barcasse
d’Utruz. Alors, forcément… sitôt qu’il
a eu l’âge, i’ est parti les r’ joindre. Mêm’
que j’ crois ben qu’il est devenu un peu
Écailleux aussi. »
Géographie facile
Les numéros à côté de chaque titre
correspondent à ceux présents sur la
grande carte de la région. Impossible
de vous perdre ! Par ailleurs, on dit que
le Hors-ville voisin va jusqu’à « une
main » de journée de marche, soit cinq
jours, parce que c’est au-delà que les
choses échappent à l’influence de la cité.
478
Le Hors-ville voisin
Journal de bord du Fier Jadis
Findefroid, 10e jour de navigation
J’écris ces lignes à la lueur du sombre ciel qui
baigne les environs de son éclat sépulcral. Pas
vraiment l’idéal pour s’épancher, mais je ne sais
pas quand je pourrai reprendre la plume.
Il y a deux jours, Cure-Pipe a aperçu un
important tunnel d’eau. Il se tortillait lentement
comme un aspic à l’agonie, signe qu’il serait
stable au moins deux jours. Aussitôt, Ramequin
a ordonné qu’on y pénètre. Ce genre d’occasion
est trop rare pour qu’on crache dessus. Avec
un peu de chance, nous pourrions ramasser
quelques coques de lidians, dont la carapace
composée de métaux nous rapporterait une petite
fortune.
Aux abords du passage, le vent s’engouffrait
dans le tunnel, nous poussant comme une main
amicale. Nous avons replié les voiles et nous
sommes laissés glisser. Le spectacle était fée-
rique : des bancs de poissons tournaient autour de
nous en longues spirales paresseuses, et l’eau de
la surface se reflétait sur nos visages comme des
éclats de rêves.
Ah !, on me dérange encore à propos des co-
raux urticants. Je reprends tout de suite.
Findefroid, 15e jour de navigation
C’est la fin. Ils arrivent. Je vais essayer d’en
dire le plus possible avant l’attaque.
Notre pêche ne fut pas miraculeuse, mais
nous revînmes les bras chargés de pikans, ces
petits poulpes dont l’encre peut faire office de
sang de substitution. Nous hissâmes les voiles et,
portés par le souffle du boyau, prîmes la direc-
tion de la surface. Hélas, tandis que nous avan-
cions, je m’aperçus que nous nous enfoncions peu
à peu dans la gelée. Nous n’eûmes pas le temps
de crier au sabotage : la membrane du tunnel
creva juste sous la quille, et les flots envahirent
le boyau. Pire, à cause de la portance, le « Fier
Jadis » s’éleva d’un coup et son mât perça la pa-
roi supérieure, déversant sur nous des trombes
d’eau.
Nous fûmes entraînés vers le fond. Un puits
d’eau creuse devait se trouver sous le tunnel.
Pendant ma chute, je vis autour de moi des
poissons, des mollusques s’abîmer eux aussi dans
un silence terrifiant.
Lorsque nous reprîmes nos esprits, nous nous
trouvions au sein d’une grande bulle d’air, à la
faune et à la flore inconnues. Naufragés de l’in-
térieur, nous commençâmes à explorer notre îlot
et à nous organiser. Notre quotidien consistait à
repousser les tristes attaques des bancs de crabes
et à recueillir des algues que nous mangions crues
à la lueur des coraux phosphorescents. Sans que
nous nous concertions à ce sujet, nous redressions
l’échine devant la faible lueur d’espoir qui nais-
sait en nous.
Hélas, au bout de quelque temps, nous per-
çûmes des mouvements autour de la bulle. Des
silhouettes humanoïdes de grande taille, rendues
fantomatiques par l’horizon liquide, croisaient
au large et se rapprochaient un peu plus de nous
chaque jour.
Ce matin, j’ai nettoyé à la fois mon arme et mon
âme. Je suis prêt.
Fragment de manuscrit trouvé sur le rivage
Présentation
Le Hors-ville voisin désigne les régions
s’étendant entre une et cinq journées de
marche de Laelith. On y trouve l’ensemble du
lac d’Altalith, avec ses villes côtières à l’est et
les monts Arrhas au nord. Au sud, le marais des
Languissants s’ouvre sur les collines Sombres.
À l’ouest, se déploient les flancs escarpés de la
Grande Faille, aussi appelée les murailles du
Châtiment. Ils se résolvent en une série de pe-
tites falaises ponctuées de volcans éteints qui
annoncent le désert des Marches du couchant.
Diplomatie et politique
La politique lacustre de Nin Ier est claire :
il entend privilégier le développement et les
relations commerciales avec les villes côtières
afin de rendre Laelith plus autonome par rap-
port aux Six Provinces.
Malgré cette volonté, il est souvent diffi-
cile d’évaluer l’influence de la Ville sainte sur
telle ou telle zone : certaines revendiquent
Cartographie
des régions 4
21

Hors-ville
de la ville 21
5
21
8

sainte 21
3

de Laelith 21
2 21
6 21
7

12
21 21
11
21
9 21
10

21
1 21
22
21
21
13

21
15

16
21 14
21
routes frontières
cités
20
21
17
21

19
21 18
21 21
1 Lac d’Altalith
2
21 Pier de Braïtonne
3
21 Pays fort
21
4 Aire du Creux
21
5 Phlocal
21
6 Massagettes
21
7 Muïck
fièrement leur indépendance tout en étant très et de montagnes, la vie foisonnante qui s’y 21
8 Coraz et Souleÿna
soumises, d’autres affichent leur obéissance trouve sait récompenser le pèlerin de sa peine 9
21 La source de Garémond
mais n’en font qu’à leur tête parce que la ca- et le marchand de sa détermination.
21
10 La Divine Écluse
pitale est loin. L’Altalith est grand. Très grand : près de
1 500 km2 de surface ! Ajoutez-y le lac des
11
21 Aziliane
D’autre part, lorsque Laelith entend régen-
ter une région, elle le fait toujours de manière Hautes Eaux, et vous obtenez un long sillage 12
21 Bental
très policée. En effet, l’immensité hostile qui turquoise de 160 km de long, presque une pe- 21
13 Psaltié-du-haut
entoure les lacs exige de ceux qui y vivent une tite mer d’eau douce. Le vent qui le parcourt,
le saghiann, tantôt clément, tantôt redoutable,
14
21 Psaltié-du-bas
solidarité que des coups de force fragilise-
raient. En outre, elle n’oublie pas qu’une cité insuffle la vie dans les voiles et rythme le com- 21
15 Howe
malmenée peut toujours proclamer son ratta- merce qui fait battre le cœur de la Cité sainte. 16
21 Isk
chement à l’une des Six Provinces… L’Altalith est alimenté par les torrents en 21
17 Route des confins
provenance des monts Arrhas, au nord, mais
18
21 Marais des Languissants
Le lac d’Altalith (1) sa source principale demeure le lac des Hautes
Eaux, son grand frère d’altitude, qui recueille 19
21 Route du Long Détour
la quasi-totalité des cours d’eau en provenance 20
21 Termoral
Géographie du massif montagneux qui l’entoure.
21 Temple d’Altalith
Merveille que ce lac d’Altalith ! Bijou fertile L’eau de l’Altalith est douce et serait presque
serti au sein d’un écrin inhospitalier de déserts potable si les nombreux minéraux qui s’y
22
21 Laelith, la Ville sainte

Les Hors-ville 479

 Les Fonfailleux V :
Berenos
« Tout rondouillard qu’il est, Berenos
est aussi agile que son doudilain et se
retourne souvent, plus pour me moquer
que m’attendre, mais je n’arrive pas à
me fâcher devant son sourire désar-
mant ou ses blagues absurdes. Je sens
qu’il veut me confier quelque chose,
mais… plus tard. »
Notes de Cabrann
Îles mystérieuses
On ne compte plus les récits décrivant
de mystérieuses îles apparaissant parfois
à la surface du lac, à tel point qu’il est
très difficile de démêler la vérité du fan-
tasme. Parmi les légendes les plus fan-
taisistes, on peut citer Elanéa, dont les
nymphes feraient mourir de plaisir les
marins qu’elles capturent, ou Gorklade,
l’île aux rivières de trésors oubliés. La
présence de Troneor, en revanche, a été
attestée par de nombreux pêcheurs. Elle
abriterait un antique sage capable d’ap-
porter la réponse à toutes les questions.
Quant à Pergluis, l’île flottant parfois
au-dessus des flots et parfois en dessous,
elle serait peuplée de créatures fantoma-
tiques passant l’éternité à cultiver des
plantes fabuleuses…
Blaise Bazil,
« Un tour sur l’Altalith (tome 23) »
480
trouvent ne rendaient son goût amer et peu
agréable. Afin de neutraliser sa saveur, les usa-
gers ont pris l’habitude d’y ajouter quelques
pincées d’argile. À noter que les nobles mai-
sons préfèrent consommer l’eau des torrents
qui entourent la ville plutôt que celle dans
laquelle se baignent les pêcheurs et se repro-
duisent les Utruz…
Histoire
La légende raconte qu’avant le Châtiment,
seules des steppes infertiles occupaient la
région, traversées par de maigres ruisse-
lets souvent à sec. Les habitants de Tanith-
Lenath, connus pour leur arrogance, avaient
cependant creusé un petit lac artificiel pour
l’agrément et la pisciculture. Les ancêtres des
Utruz y vivaient, parqués dans de vastes cel-
lules aquatiques et se nourrissant des rejets
des égouts. Lorsque le Châtiment souleva la
terre, le lac d’origine, tel un titan libéré de ses
chaînes, enfla et grandit en quelques années
jusqu’à atteindre sa taille actuelle. Tanith-
Lenath fut détruite et les Utruz libérés.
Faune
Il faudrait un épais volume pour décrire les
merveilles, dangers et trésors organiques du
lac d’Altalith. Voici cependant une liste non
exhaustive des créatures les plus embléma-
tiques du lac.
La faune comporte peu de gros prédateurs.
Ceux-ci, pourchassés depuis des siècles par les
humains, ont appris à éviter tout contact et à
demeurer dans les tréfonds d’Altalith. La na-
vigation est donc paisible la plupart du temps,
et lorsque danger il y a, il est plus le fait des
insectes et des maladies que des carnassiers.
On peut citer parmi les créatures
remarquables :
• La clarize, une baudroie pansue. Lorsqu’on
la fait sécher, les gaz de la décomposition
font gonfler son abdomen et continuent
d’alimenter l’appendice frontal qui émet
de la lumière. On l’emploie donc en tant
que lampe jetable, dont la durée de fonc-
tionnement dépend de la taille. Les plus
grosses peuvent éclairer pendant plus de
deux mois.
• La mouche des eaux, ou rinelle, est un pe-
tit insecte rouge et bleu. Sa morsure, indo-
lore, provoque toutefois une tuméfaction
des tissus doublée d’un gonflement impres-
sionnant. La victime peut voir la zone tou-
chée doubler de volume, voire exploser en
cas de morsures multiples. Le seul remède
est l’huile de natrud (voir plus loin). Aucun
marin digne de ce nom ne prendra le large
sans une ample provision de cet extrait
d’algue !
• L’homme-crabe, ou bratte, est un crusta-
cé se déplaçant sur ses deux pattes arrière,
très épaisses, qui leur donnent l’air d’un
homme ivre. Très intelligent, on le voit
parfois arpenter les coques et les ponts des
navires à la recherche de déchets à dévo-
rer. D’un naturel irritable, mieux vaut évi-
ter les gestes brusques si l’on ne veut pas le
voir charger. Le spectacle de cet assaut se-
rait presque comique car sa taille n’excède
pas celle d’une tête humaine. Cependant,
ses pattes arrière lui offrent une détente
impressionnante, qui permet de sauter au
visage de l’insolent et de le mutiler sévère-
ment. On ne compte plus les nez et oreilles
coupés des matelots ayant pris la menace
d’un bratte à la légère.
• Le poisson-dragon, ou récliste, est ce qui se
rapproche le plus d’un prédateur. De forme
sinueuse, il est capable de sortir le tiers de
son corps hors de l’eau grâce à de puissantes
nageoires postérieures. Il peut ainsi attraper
des proies volantes ou agripper par-dessus
le bastingage les prises des pêcheurs, voire
les pêcheurs eux-mêmes. Les plus gros dé-
passant les 3 mètres, l’approche d’un banc
de réclistes constitue l’une des menaces les
plus redoutées des marins.
• Le saltamar, petit dauphin d’eau douce, est
à l’inverse considéré comme un signe de fé-
licité. Pas plus gros qu’une jambe, ces créa-
tures sociables ont souvent sauvé la vie de
naufragés en hâlant ceux-ci vers le rivage.
D’autres espèces de poissons, plus com-
munes, sont décrites dans le chapitre consacré
à la Chaussée du lac.
Flore
Les sélanelles
Ces algues sont si célèbres à travers le lac
qu’elles pourraient en constituer l’emblème.
Leur principale caractéristique est de concen-
trer l’oxygène présent dans l’eau avant de
le relâcher sous forme de filets de bulles. Là
 Corla Muz, le pêcheur-mercenaire.
Vous recherchez un animal ou une
algue rares du lac ? Appelez Muz !

où les sélanelles croissent naturellement, le

dégagement intense fait « bouillir » l’eau en
surface. Des colonnes gazeuses montent vers
le ciel, permettant à toute une faune volante
de s’épanouir : araignées cerfs-volants, mol-
lusques lévitant la coquille tournée vers le bas,
méduses aériennes qui regagnent les flots le
soir lorsque l’émission de gaz s’estompe. Ces
zones sont certes dangereuses, mais elles pro-
mettent aussi de belles prises aux vaisseaux
bien équipés.
Les sélanelles sont aussi employées dans
les endroits souterrains afin de compenser
le manque d’aération. Les bassins irisés que
l’on trouve par exemple dans les mines de
Vorn constituent un spectacle de choix au
sein de la semi-obscurité. Les plongeurs y
ont parfois recours, s’entourant le visage de
ces plantes afin d’explorer plus facilement les
profondeurs.
À certains endroits du lac croissent de vé-
ritables forêts de sélanelles. Leurs émanations
s’accumulent dans les interstices de blocs ro-
cheux, faisant remonter régulièrement ceux-ci
vers la surface. Ce qui explique l’apparition fu-
gitive et régulière d’îlots au ras des flots…

Les autres plantes

• L’huître-diamant tire son nom de ses co-
quilles presque aussi lisses et réfléchissantes
qu’un miroir. Lorsque le soleil est au plus
haut dans le ciel, il est aisé de les repérer
de loin, leurs coquilles brillant comme des
étoiles au fond de l’eau. Elles sont souvent
transformées en breloques bon marché ou
psychés.
• La kelpie, blonde et caoutchouteuse, pré-
sente des vésicules ocre qui gonflent et
deviennent transparentes en séchant. Les
Utruz en font entre autres des rideaux qui
projettent des taches de lumière sur les
murs. Tressée, elle fournit des cordages ré-
sistants et imputrescibles.
• L’adrea est une algue brune et fibreuse
employée comme ornement d’assiette.
Comestible, au goût salé, elle sert de condi-
ment. On en trouve dans de nombreux res-
taurants laelithiens, à tel point qu’elle est
devenue une sorte de signature culinaire de
la région.
• L’ostrun et le natrud ressemblent à de
grandes feuilles rondes, respectivement

Les Hors-ville 481

 Les rifts aquatiques :
mode d’emploi
Le but des anomalies présentées dans
cette section est de permettre que le lac
ne soit pas une simple interface entre
des berges éloignées, mais bien un envi-
ronnement riche et prétexte à des scé-
narios sortant de l’ordinaire urbain. À
vous, MJ, de faire varier votre curseur
entre un lac débridé, où se produiraient
miracles et perturbations quotidiennes,
et des eaux paisibles où les rifts sont
autant d’occasions de croiser le merveil-
leux. Vous pouvez aussi opter pour un
compromis en faisant varier l’intensité
et la fréquence des phénomènes en
fonction des saisons, des années, et/ou
d’un cycle stellaire de votre choix !
La Société
des intrépides géologues
Un marchand ayant fait fortune se mit
un jour en tête de découvrir le secret
des rifts. Il fonda pour cela un club
de gentlemen qui, depuis, fouille les
moindres recoins du lac à la recherche
de leurs manifestations. On peut ainsi
trouver des intrépides géologues dans
les lieux les plus inattendus : failles vol-
caniques, trous d’eau creuse, cavernes
profondes… Ils sont parfois accompa-
gnés d’un fidèle serviteur qui se charge
de l’intendance. Il est dit dans certains
milieux que la SIG serait près de rendre
publique une découverte capitale…
482
bleues et vertes. La première sert à traiter
la sénilité et à renforcer la mémoire, la se-
conde fournit un remède souverain contre
la gangrène et les morsures de la mouche
des eaux.
• L’assilapiase est une sorte de jonc qui
pousse à profusion sur les rives occidentales
d’Altalith. Incisé, déroulé et séché, il produit
des parchemins de grande qualité car résis-
tants à l’eau.
Rifts aquatiques
L’eau assurant une meilleure conductibili-
té des rifts, c’est dans le lac que les décharges
survenues lors du Châtiment eurent les consé-
quences les plus importantes. Aujourd’hui en-
core, sans que l’on connaisse leur origine pré-
cise, des répliques secouent parfois les flots,
créant sur leur passage des phénomènes bio-
logiques et hydriques surprenants. Ces événe-
ments, régulièrement rapportés par les obser-
vateurs, contribuent à propager la légende des
miracles de l’Altalith.
L’eau creuse
Dans les zones où l’eau est très expansée, on
observe des puits d’eau dilatée que l’on appelle
« eau creuse ». Hélas, cette eau très légère ne
permet pas d’assurer la portance les objets.
Tout corps (créatures aquatiques, navires ou
nageurs) traversant ces zones chute donc vers
le fond de manière spectaculaire. Parfois, le li-
quide est si dilaté qu’il se présente sous forme
de vapeur d’eau, des particules entre lesquelles
on peut respirer l’air normalement présent
dans l’eau.
L’eau lourde
À d’autres endroits au contraire, l’eau est
très dense et d’une texture proche de la mé-
lasse visqueuse. On a pu ainsi voir des bateaux
ou des bancs de poissons échoués sur des
nappes d’eau gélifiée.
Lorsque la densité augmente encore, on
obtient de l’eau solide ou « eau lourde ».
Des volumes géométriques anarchiques
parcourent ainsi le lac, vastes structures sur
lesquelles il est possible de se tenir debout.
Lorsque des accrétions d’eau lourde appa-
raissent brusquement en surface, elles for-
ment des récifs contre lesquels les navires
peuvent s’écraser.
Il est à noter enfin que certains fragments
d’eau lourde sont si denses qu’on peut les
sculpter. Ils forment alors des œuvres on-
doyantes, sans cesse en mouvement ou qui
semblent couler sans que la moindre goutte
ne tombe sur le sol. Inutile de préciser que ces
œuvres font la joie de collectionneurs…
Les tunnels d’eau
Parfois, les ondes de densité se chevauchent
et créent des tunnels d’eau, sinueux et mobiles.
Au centre de ces boyaux, l’eau est si expansée
que l’on peut y respirer. À leur périphérie, au
contraire, elle présente une surface élastique.
Gare à celui qui s’amuserait à transpercer une
telle membrane !
Une fois formés, les tunnels se déplacent
parfois, poussés par les courants du lac. Ils sont
aussi plus ou moins stables, selon l’intensité
de la décharge qui les a fait naître. Certains,
larges de plusieurs dizaines de mètres, de-
meurent actifs plusieurs mois. D’autres ont
un diamètre de quelques pas et se referment
au bout d’une journée. Des observateurs affir-
ment avoir vu des tunnels se croiser, formant
des entrelacs avec leurs carrefours et leurs dé-
tours labyrinthiques.
Ces passages sont parfois empruntés par
différents groupes du lac :
• Les pêcheurs les plus téméraires, ou les
plus expérimentés, savent qu’emprunter
un tunnel peut faire leur fortune. En effet,
en s’enfonçant profondément dans les eaux
d’Altalith, les conduits donnent accès à cer-
taines espèces animales rares, absentes en
surface. La différence de température entre
l’eau fraîche du boyau et l’air de surface
produit des courants d’air qui permettent
aux navires de se déplacer en glissant sur la
membrane élastique.
• Quelques contrebandiers fortunés ont à
leur bord des devins capables de prédire où
s’ouvrira le prochain tunnel. L’emprunter,
c’est devenir invisible aux yeux des au-
torités. Une histoire raconte qu’un tel
passage s’ouvrit jadis non loin du Pier de
Braïtonne, faisant la fortune de plus d’un
malandrin.
• Les pirates dépêchent régulièrement des
éclaireurs qui sillonnent les eaux à la re-
cherche de ces «  soumerrains ». Pour
leur permettre de surprendre les navires
L'Altalith ne manque pas de créatures légendaires.
On voit ici Arbounic, le Grand Récliste.

Les Hors-ville 483

 Les Fonfailleux VI :
Les caparaciers
« Berenos me présente Nelderon, le
maître caparacier, qu’on n’ose pas
interrompre : il dirige un groupe de six
personnes gantées de cuir et affairées,
les unes aux palans, les autres à une
énorme masse sombre qu’il s’agit de
fixer sur un solide chariot, une sorte
de caparaçon qui voudrait transformer
le véhicule en forteresse ambulante.
Autour d’eux s’alignent des pièces si-
milaires, les unes évoquent des pans de
toiture, d’autres des demi-melons géants
fendus de meurtrières… Une rangée de
boucliers semble répondre à une tech-
nique de combat que j’ignore. À peine
terminé leur ouvrage, les caparaciers en
éprouve la solidité, la manœuvrabilité
des pièces mobiles et… redémontent
l’ensemble, chariot compris, en pièces
de tailles diverses et munies de sangles,
visiblement pour être transportées à
dos d’homme. J’attendrai qu’on me juge
digne pour en savoir plus… »
Notes de Cabrann
Le billet-monnaie
Laelith innove dans bien des domaines.
Certaines inventions se destinent à un
bel avenir, d’autres restent plus incer-
taines. C’est le cas du billet-monnaie
« Célithal le Grand ». Cette idée, portée
par la Haute Guilde, de remplacer l’or
pesant par « autre chose de plus léger »
a échoué dans sa première tentative, la
monnaie-papyrus se révélant trop peu
résistante à l’eau. Depuis, la fabrique,
installée sur la côte nord du lac, au Pier
de Braïtonne, redouble d’efforts pour
trouver un nouveau support solide,
léger, imperméable et facile à travailler.
On parle de soie azilianaise, mais toute
idée peut être transmise à la Haute
Guilde qui fera suivre.
484
marchands, de déjouer les patrouilles, de
s’approcher d’une cité sans être remar-
qués… Une légende affirme que Tourre
l’Éventreuse emprunta une nuit un tunnel
qui venait de s’ouvrir pour plonger sous un
navire de commerce et éventrer sa coque.
• On raconte enfin que de sombres mages au-
raient trouvé le moyen de stabiliser ces cou-
loirs. Des issues du Cloaque trouveraient
ainsi leur prolongement dans les eaux du
lac, autorisant des fuites inopinées vers des
repaires aquatiques cachés. Certains de ces
refuges, aujourd’hui immergés, recèleraient
encore de précieuses reliques du temps
passé…
Les tempêtes sèches
Les courants qui parcourent le lac mettent
parfois en contact d’importantes masses
d’eaux lourdes et creuses. Ces densités
contraires frottent alors l’une contre l’autre,
avec plusieurs conséquences.
Lorsque les volumes en présence sont
faibles, l’échauffement résultant du frotte-
ment produit des bulles d’écume, véritables
perles d’eau dont la surface est très dure et
l’intérieur quasiment vide. Ces bulles rigides
sont aussi rares que recherchées, car très so-
lides. Le Matriarcat d’Olizya est ainsi connu
pour ses parures de perles d’eau, colliers ou
bracelets. Les plus petites sont assemblées
sous la forme de cottes de mailles légères et
très robustes.
Lorsque des masses importantes ou de den-
sités très différentes se heurtent, de véritables
« tempêtes sèches » secouent alors les eaux
d’Altalith. Les vagues grossissent, se muent
soudain en remparts d’eau, alors même que le
vent demeure modéré. De véritables falaises
peuvent ainsi se dresser, ou l’eau se craque-
ler, révélant des failles à la manière de séismes
liquides. Des tourbillons se forment, des co-
lonnes d’eau gélifiée brisent les vaisseaux aussi
facilement que des brindilles. En profondeur,
la friction produit souvent des étincelles, voire
des éclairs aquatiques. Malheur à ceux qui se
trouveraient sur leur passage !
Le Pier de Braïtonne (2)
Le Pier de Braïtonne, plus simplement
appelé le Pier, est un ancien quai recon-
verti en complexe hôtelier et lieux de
plaisir. Longtemps demeuré privé, le Roi-
Dieu Mansour le Magnifique s’appropria le
ponton afin d’en contrôler les excès et, au
passage, prélever une partie de ses profits.
L’opulence du Pier se double d’une institu-
tion économique, championne en matière
d’innovation et spécialiste en optimisation
des échanges commerciaux. Il travaille ainsi
depuis de nombreuses années sur un projet
de bourse indexée sur l’esclavage, et sur un
système à base de papier-monnaie afin de fa-
ciliter les flux d’argent dans la région. Au Pier,
malfrats et magnats cohabitent souvent pour
leur profit mutuel…
Les drapeaux de Braïtonne
Le Pier a mis au point un stratagème pour
combattre la piraterie du lac. Depuis quelques
années, ses artisans produisent des drapeaux
tissés avec de la soie d’araignée d’Azilian trai-
tée par leurs soins. Le tissu de ces pavillons est
caractéristique : flottant au vent de manière
aussi fluide que des plantes marines, ses mou-
vements sont aisément identifiables par un œil
exercé.
Ces drapeaux constituent une sorte de pièce
d’identité infalsifiable, empêchant les pirates
de hisser des enseignes identiques à celles des
navires qu’ils veulent aborder. Bien sûr, ces ar-
ticles ne sont vendus par le Pier que si l’ache-
teur peut faire la preuve qu’il est mandaté par
la province/ville correspondante. Le succès est
tel que les draperies sont même utilisées lors
des transactions afin de montrer l’origine de
l’acheteur, ou portées en tant que toges par les
capitaines soucieux de revendiquer leur ap-
partenance à telle ou telle province.
Dans la mesure où les drapeaux sont de vé-
ritables pièces d’identité, lorsqu’un navire est
attaqué, le capitaine fera tout pour détruire
son enseigne, de même que l’assaillant fera
tout pour s’en emparer. À noter que la destruc-
tion du pavillon est facilitée par le fait que le
tissu est très inflammable. Certains armateurs
vont jusqu’à placer un dispositif en haut du
mât, constitué d’une pierre à briquet qu’il est
possible d’actionner depuis le pont. Qu’un pi-
rate s’empare d’un drapeau, et c’est une catas-
trophe pour tous les bâtiments battant même
pavillon…
Depuis peu, le Pier a dans l’idée d’employer
le même tissu pour créer des billets de banque
en soie, qui seraient, là encore, difficilement

falsifiables. Ses recherches sont près d’abou-
tir, il ne lui manque que quelques composants
pour lancer la chaîne de production.
Le Pays fort (3)
Cette région est essentiellement couverte
d’une taïga touffue. Une communauté de bû-
cherons y vit, pratiquant un chamanisme syl-
vestre très particulier.
Tout d’abord, lorsqu’un arbre doit être abat-
tu, le bûcheron lui injecte une mixture qui
anime ses racines. Le sujet marche alors pe-
samment jusqu’aux ateliers, où les artisans le
débitent et sculptent les objets souhaités.
Cependant, le bois travaillé n’est pas mort
pour autant. Il suffit de le replanter pour qu’il
produise de nouveau des racines et continue
à grandir jusqu’à atteindre la taille désirée par
le client. Les meubles sont ainsi facilement
transportables car de taille réduite, et pro-
duisent des objets sur mesure. Des vernis spé-
ciaux permettent aussi à ces « Rondins forts »
de pousser dans telle ou telle direction. Une
cabane édifiée avec ces éléments continue-
ra donc à grandir, produisant peu à peu des
pièces ou des étages selon la manière dont le
bois a été traité.
La sinistre rinelle ou mouche de sang
La communauté chamanique, très fermée,
fonctionne plus ou moins comme un mo-
nastère à ciel ouvert. Elle ne compte aucun
membre féminin, excepté quelques esclaves
régulièrement importées pour s’occuper des
tâches domestiques. Seuls quelques pères sont
habilités à négocier avec les étrangers, dont la
présence au sein des forêts est fortement dé-
couragée. On a plus d’une fois déploré la dis-
parition d’intrus bien décidés à découvrir le
secret des Pères verts, comme les moines sont
parfois appelés. Des aventuriers ont attesté de
l’existence d’esprits des bois qui garderaient
jalousement les lieux en se nourrissant des
curieux…
L’aire du Creux (4)
Cette zone présente un paysage désolé et
stérile, avec seulement çà et là quelques affleu-
rements de soufre. Deux hypothèses tentent
d’expliquer l’inhospitalité des lieux. La pre-
mière serait la présence, jadis, d’un lac dit
méromictique situé non loin de la zone des
volcans. Suite à une brusque secousse, le gaz
présent dans les couches profondes du lac au-
rait été brusquement libéré, créant une vaste
nappe de gaz toxique qui aurait parcouru la
Les Fonfailleux VII :
Les manwabils
« À l’opposé du silence tendu ponctué
d’ordres secs des caparaciers, un concert
de bavardages nous accueille aux
imposants établis qui bordent la «place
centrale» de Circass, où des milliers de
petits objets sont en cours de montage.
Berenos me présente les «manwabils»,
je note des noms sans être certaine de
bien entendre tant ça jacasse. Mon œil,
habitué à scruter mon public, com-
mence à repérer un détail. Une bonne
partie des participants ont les traits
que je suis habituée à voir en ville :
nains, humains d’origines diverses,
gopneldauns, gnomes et j’en passe,
tandis qu’une autre partie, de genre
humain, est visiblement de la même
ethnie. Et je comprends, aux attitudes,
aux regards, que ce sont surtout eux
qui guident les autres, enseignent le bon
geste. Berenos a suivi mes yeux de son
air malicieux. «Bienvenue à l’ambassade
de Koelenbor» Et ? Il n’en dira pas plus.
Chaque établi a sa spécialité : ici on
fabrique ou répare des objets décoratifs,
des bijoux, là ce sont des mécanismes,
grossiers comme ces engrenages de
bois pour… un moulin peut-être, là des
pièces fines de métal pour une arbalète,
une serrure, un piège, et même… une
sorte de poupée qui bouge ! Ce lieu et
ces gens me sidèrent… »
Notes de Cabrann
Les Hors-ville 485
 Les Fonfailleux VIII :
Les circasiens
« Une cloche retentit, les lampes de la
place centrale brillent plus fort derrière
des verres colorés, les autres sont mises
en veilleuse, on met visiblement en
scène une représentation car tous
convergent et le silence se fait. Ça
commence : une histoire d’ogre et de
villageois pas d’accord pour se faire
manger. J’adore. Eh !, ce type qui joue
le villageois le moins courageux, il était
chez les caparaciers, non ? Et elle, ha-
billée en forgeron… c’est la petite dame
boulotte qui enfilait des bijoux, et elle…
hé ! non ! elle tombe de l’échafaudage
et… elle se rattrape à une barre et
atterrit sur les épaules de l’ogre, tout en
déclamant une bordée d’injures écrite
en vers de douze pieds… Qu’est-ce qui
se passe ici ? Berenos rit de ma bouche
qui bée. »
Notes de Cabrann
Les nymphes du Pays fort sont des esprits
sylvestres toujours prêts à se repaître des
curieux...
486
région en anéantissant toute vie. Ce phé-
nomène est connu sous le nom d’éruption
limnique.
L’autre explication serait la présence d’un
rift d’air très expansé. La faible densité de l’air
empêcherait quiconque d’y respirer. De fait, les
lieux sont aujourd’hui employés comme mou-
roir par des personnes âgées asthmatiques, ou
par des mages désireux de mener des expé-
riences dans ces zones sous-oxygénées.
Phlocal (5)
Phlocal est connu à travers le lac pour deux
choses. La première est son vignoble remar-
quablement exposé, qui produit un vin fruité
et rafraîchissant faisant le délice des connais-
seurs, même s’il se conserve assez mal.
L’autre attraction est son marché aux es-
claves, baptisé le Soukoser, déformation de
« souk aux serfs ». À la différence de Termoral
qui est un marché d’État sous juridiction lae-
lithienne, le Soukoser est un marché privé.
La nuance est loin d’être négligeable. En ef-
fet, là où l’ambiance à Termoral est volontiers
bon enfant, dans la mesure où les indenturés
sont bien traités et ont l’assurance d’être un
jour libérés, le site de Phlocal fait figure d’en-
fer. Les captifs sont souvent le fruit de rafles
effectuées dans les tribus barbares du Nord.
On trouve aussi des régiments d’enfants or-
phelins et des déshérités trop démunis pour
s’opposer à leur captivité. À Phlocal, le doute
n’est pas permis : les asservis sont des objets
qu’on monnaye dans des conditions souvent
détestables. Pour cette raison, on le nomme
souvent le marché de la chair, voire le marché
de la viande…
Comme pour invalider cette triste réputa-
tion, les imposantes yourtes qui parsèment
le site sont peintes de couleurs vives, ornées
de moulures riantes, et les marchands sont
parfumés et vêtus avec élégance. Les captifs,
présentés sur des scènes où interviennent
jongleurs et bouffons, sont propres, soignés
et bien nourris. En coulisses, des maquilleurs
spécialisés savent injecter de la cire dans les
joues pour leur donner une apparence re-
bondie, masquer les chicots, redresser les co-
lonnes vertébrales à l’aide de corsets, droguer
les jeunes femmes afin de les faire paraître
dociles et libidineuses. Associez à cela un ac-
cueil chaleureux et des facilités de paiements,
et vous aurez à Phlocal l’impression de faire
de simples emplettes dans une ambiance
festive…
Le Soukoser possède en outre une habile po-
litique de communication. Ici, on ne vous par-
lera jamais d’esclaves mais de « personnel », et
l’on jurera que la qualité locale est bien meil-
leure que celle de Termoral, ce vulgaire club
de vacances. À Phlocal, vous dira-t-on, on ne
prend pas le tout-venant, qu’on loge et qu’on
nourrit en attendant que sa libération vous
l’enlève. On sélectionne, on affine, on exige ce
qu’il y a de meilleur. Vous voulez acheter une
femme ? Termoral vous fournira une matrone
hirsute dont la seule caractéristique est de ne
pas savoir payer ses dettes ! Au Soukoser, au
contraire, vous bénéficierez de la jeunesse et
de la soumission, à une réserve près : aucun
article n’est repris ou échangé.
Le seul pavillon qui contraste avec la misère
fardée est celui des esclaves dits VIP (pour
Valeur Intrinsèque du Personnel). Logés dans
de grandes tentes cossues et bénéficiant de
soins particuliers, ces asservis sont éduqués en
tant que comptables, scribes, précepteurs ou
courtisanes de luxe. Les autres, ceux qui n’ont
ni talent ni attrait, rejoignent le gros du trou-
peau et sont vendus soit dans leur totalité, soit
morceau par morceau…
Massagettes (6)
Cette bourgade est connue pour ses carrières
de pierres très dures, résultant de rifts particu-
lièrement intenses. Le matériau est employé
pour réaliser des bâtiments et des structures
difficiles à créer autrement : tours aux arches
graciles, ponts d’une longueur surprenante,
sculptures aux détails si fins qu’on les croirait
vivantes. La brochure commerciale qui vante
les mérites de la pierre de Massagettes inclut
des prouesses telles que les remparts d’Azi-
liane ou les parois du puits de la Divine Écluse.
À noter que la concurrence est rude entre
Massagettes et la pierre sacrée des Zaduliens.
On ne compte plus les études prétendument
neutres promouvant les propriétés de telle
ou telle roche, ni les tentatives de sabotage
ou les disparitions d’ouvriers dans les deux
exploitations…
Muïck (7)
Muïck est située entre deux fleuves, le
Mépist et le Lépist. Si le site permet à la ville
de bénéficier de deux ports, il offre aussi une
zone terrestre étriquée mais fertile où l’on
cultive un blé à haut rendement (deux ré-
coltes par an). Pour cette raison, une multi-
tude de bâtiments sur pilotis empiète sur les
rives des deux fleuves. Peu à peu, accompa-
gnant l’augmentation de la population, s’est
ajoutée à cette première strate de bâtiments
une seconde couche de cabanes, accrochées
aux pilotis ou construites directement sur la
vase.
Le problème est que les berges sont très
meubles. Les bicoques s’enfoncent donc de
quelques doigts par an. Qu’à cela ne tienne :
pour ne pas perdre leurs abris, les habitants
ont trouvé la parade. En mélangeant la vase
du fleuve à quelques pincées d’argile des
Languissants, on obtient un mortier remar-
quablement étanche. Les maisons traitées avec
ce matériau continuent de s’enfoncer sous
l’eau, mais demeurent habitables. Des échelles
sont ajoutées d’année en année, de même que
des pièces au fur et à mesure que l’abri dis-
paraît dans le sol. Il existe ainsi de véritables
labyrinthes souterrains, avec leurs tours en-
terrées et leurs hangars invisibles qui commu-
niquent parfois les uns avec les autres.
L’École du sillage
Le Sillage de Muïck est un établissement
associant art et ésotérisme. L’enseignement
consiste à percevoir les micro-rifts parcourant
l’air et l’eau, de manière à s’appuyer sur eux
pour réaliser des chorégraphies impossibles
à réaliser autrement : sauts plus longs ou plus
hauts, prouesses gymniques, figures aériennes
ou aquatiques stupéfiantes… Les danseurs du
Sillage sont réputés et très demandés dans
l’ensemble du lac.
Coraz et Souleÿna (8)
La situation
Ces villes jumelles sont séparées par un
éperon rocheux, une plaque de granit de
10 mètres d’épaisseur résultant d’un soulève-
ment survenu lors du Châtiment. De part et
d’autre de la saillie, le vide a été comblé par
Le clochard céleste
de Muïck
Aux alentours de la ville, vous croiserez
peut-être ce doux personnage, un
peu rêveur – mais bon vivant –, une
baguette de sourcier à la main et la
tête dans les étoiles. Jolian fait office
de « chercheur d’eau » et parcourt les
champs, révélant des sources d’eau pure
dont nul autre que lui n’aurait pu soup-
çonner l’existence. Vous ne le trouverez
pas souvent dans la masure où il vit et
qu’il appelle la Catiche. Par contre, si
vous le rencontrez, vous le reconnaîtrez
facilement : il porte à l’oreille gauche
une grande et ronde boucle d’or qui
rend hommage à la grande loutre du
lac, la schloutre.
Spécialité locale
Muïck cultive une espèce particulière
de blé aquatique, développée dans les
vastes zones vaseuses autour de la ville.
Moulue, la céréale produit une pâte
visqueuse plutôt que de la farine, très
appréciée des pâtissiers pour sa texture
veloutée et fondante.
Les naufrageurs
flottants
On nous signale que des criminels issus
du bidonville ont conçu un phare muni
de flotteurs et de ballasts. Immergé le
jour, il remonte la nuit vers la surface,
jouant les sirènes à destination des
navires à la recherche du double port de
Muïck. Soyez vigilants et n’hésitez pas à
informer les autorités de toute activité
suspecte !
Message de la milice de Muïck
Bateau, sur l’eau…
Dans le haut quartier de Muïck, si vous
êtes adepte du Poisson d’argent, ne
manquez pas de visiter le Sillage. Cette
école très renommée saura vous en-
seigner la « Danse de l’eau ». Comptez
un minimum d’un an d’études et les
frais qui vont avec. Vous serez alors
en mesure de marcher élégamment
sur l’eau… sur une longueur
de 5 mètres par année
d’apprentissage.
Les Hors-ville 487
 Une tenture
prémonitoire ?
À Coraz, si vous vous retrouvez dans la
salle de justice de Gardanyar le Bâtard,
vous aurez plaisir à contempler la
magnifique tapisserie tendue derrière
le maître de céans. Si par un heureux
hasard, vous n’êtes ni enchaîné ni déjà
roué de coups, vous aurez tout le loisir
d’obtenir du chambellan, en faction
tout à côté, le titre de cette œuvre de
genre : Thomyniaris, égérie des Coraziens,
plongeant la tête de Phyriasis dans un
vase empli de sang. Hormis la surprise
d’entendre quelques mots de langue
commune correctement prononcés
dans cette ville de barbares, vous aurez
plaisir à parcourir les détails qui y four-
millent : les yeux exorbités du décapité,
les voiles opalescents qui couvrent
à peine la nudité de son bourreau…
Par contre, si c’est une sentence qui
vous a mené en ces lieux, vous n’aurez
que quelques instants pour apprécier
la grande beauté de la concubine du
Bâtard… Et le tranchant de sa hache.
« Terres méconnues : Coraz et Souleÿna »
par Bérard de Catalm
Expression typique
À Coraz, si tu t’entends dire « Lui, il
pue le Corrompu ! », prends tes jambes
à ton cou ! Selon la mythologie locale, le
Corrompu est la personnification puru-
lente de toutes les maladies vénériennes
qu’on peut attraper dans les ninés de la
ville. Faut pas y toucher à la virilité du
barbare !
Dura Lex
« Non monsieur, à Souleÿna, nous ne
pratiquons pas le marchandage. Le prix
est ce qu’il est, insensible aux affects
ou au hasard. Tout tarif est le résultat
de savants calculs et de facteurs qui
échappent à la connaissance du simple
client que vous êtes. Laissez donc le
marchandage aux négociants incultes
qui écoutent le vent pour fixer leurs
conditions. »
488
des constructions en pierres de Massagettes :
grands murs, statues et caryatides.
Sous la formation se trouve une vaste grotte
donnant sur le lac, appelée « la Gueule », amé-
nagée en port troglodytique. La baie souter-
raine peut accueillir une trentaine de navires
de belle taille, dont deux galères laelithiennes
qui y sont stationnées toute l’année.
Coraz est sous juridiction laelithienne et
Souleÿna est une cité-État non alignée. Au
sommet de l’éperon, se trouve l’ambassade
de Laelith, qui fait office de juge de paix. En
effet, les populations des deux voisines sont
très différentes et se haïssent plus ou moins
cordialement.
Coraz – Les origines
Jadis, plusieurs tribus barbares vivaient au
nord de la ville double. La plus importante,
les Seridichs, était pétrie de chamanisme et
pensait que s’approprier les attributs des en-
nemis augmentait puissance et renommée.
Les dents des adversaires vaincus, animaux ou
humains, étaient ainsi implantées dans les mâ-
choires des combattants victorieux. Lorsque
quelqu’un contractait une dette ou éprouvait
les affres de l’amour, il offrait un morceau de
son corps, afin de traduire le fait qu’une partie
de celui-ci appartenait désormais à l’élu(e) de
son cœur ou à son seigneur.
Ces coutumes entraînaient de nombreux
problèmes d’hygiène, aussi bien pour éviter les
rejets que pour conserver les organes prélevés.
Au fil des siècles, les chamans apportèrent des
réponses de plus en plus efficaces, qui per-
mirent de développer ces mutilations.
La sédentarisation
De nos jours, les progrès de la « chirurgie »,
mélange d’habileté, de drogues et de magie
chamanique, permettent de greffer à peu près
n’importe quel organe. Par exemple, des chefs
possèdent des yeux nichés au creux des épaules
ou une double rangée de dents. D’autres ex-
hibent, élégamment cousues sur la tempe ou
le cou, des paires d’oreilles supplémentaires.
Certains, enfin, se font poser des doigts addi-
tionnels au niveau des poignets, ou des mains
sur le torse. Ces ajouts ne sont en aucun cas
fonctionnels, ils servent juste à impressionner
les adversaires. L’autre avantage est que, les
barbares dédaignant les armures, ces greffes
font office de protections ou de leurres lors
des combats.
Si ces coutumes étaient jadis dénoncées
comme inhumaines à travers le lac, l’habileté
des chamans attira néanmoins quantité de
visiteurs contraints de subir une interven-
tion chirurgicale. Les Seridichs amassèrent
peu à peu une véritable fortune et furent
invités par Coraz à s’installer au nord de la
ville. La tribu prit goût à la civilisation et ac-
quit peu à peu quartiers et responsabilités.
Elle développa aussi le commerce de son ar-
tisanat et représenta celui des peuplades plus
au nord.
Aujourd’hui, presque toute la partie nord
de la ville appartient soit aux barbares, soit à
des commerçants proposant des articles en
lien avec leurs pratiques : onguents, totems,
membres (vrais ou faux) décoratifs à se faire
greffer. Le pittoresque y côtoie souvent le
mauvais goût, voire le monstrueux.
Marchander : un art de vivre
Si les descendants des Seridichs se piquent
de commerce, ils n’ont pas pour autant renon-
cé à certaines de leurs mœurs. Certes, de nos
jours, il n’est plus d’usage d’exécuter le ven-
deur avec qui on ne parvient pas à conclure
une affaire. Cependant, toute cargaison négo-
ciée sans un minimum de palabres est considé-
rée comme médiocre.
Les marchés de la ville sont donc parsemés
de niches à négoce ou « ninés », dans lesquelles
on s’installe pour discuter des prix. Il n’est pas
rare que les tractations durent plusieurs jours,
en fonction de la quantité et de la qualité de
la cargaison discutée. On y dort, on y mange,
on y côtoie des prostituées et on y absorbe des
drogues raffinées qui sont autant de moyens
de faire pencher la tractation dans un sens
ou dans l’autre. Rompre les négociations de
manière prématurée entraîne au mieux du
mépris, au pire un duel ritualisé dont la ré-
compense est la marchandise convoitée. Pour
cette raison, les commerçants se font souvent
accompagner de solides mercenaires qui leur
servent de champion en cas de mésentente sur
les prix.
Souleÿna – Les origines
Souleÿna fut fondée par une bande de
marchands olizyans phallocrates qui ne
supportaient plus la prédominance féminine
de leur province. Ils négocièrent donc à prix
Les frères ennemis Les Fonfailleux IX :
Sperfender
Séparés par leurs cultures et leurs aspira-
d’or une enclave « libre » avec le Matriarcat, « Imagines-tu, Cabrann, naguère
tions politiques, Coraziens et Souleÿnains se j’étais froid, osseux comme la mort,
où ils créèrent une cité-État de petite taille.
détestent ouvertement depuis des siècles. Plus effrayant même pour mon entourage…
Pour l’anecdote, les premières constitutions
que tout, ils voient dans la ville d’en face une Aujourd’hui, je suis Berenos-le-bretteur-
prônaient une homosexualité officielle et mi-
possibilité très séduisante d’expansion. Les qui-finit-ses-combats-en-palabres, et
litante en réaction à la « domination des fe-
Souleÿnains rêvent de déloger leurs voisins dans quelques jours «j’arriverai de loin»
melles ». Plus tard, les marchands proposèrent
incultes, tandis que les Coraziens aimeraient à Laelith par la route, pour postuler
de racheter Coraz à Laelith, ce que la Cité comme garde du corps de mademoiselle
faire profiter Souleÿna des lumières de leur
sainte déclina car elle désirait garder un pied- Caradinoschi.
non-civilisation.
à-terre militaire dans la région, et surtout le
Mais ce n’est pas tout. Coraz étant sous ju- – Caradinoschi ? J’ai déjà «conté» chez
contrôle de la Gueule. elle, et osseux comme la mort, tu aurais
ridiction laelithienne, les Souleÿnains font
dû le rester, car elle avait justement un
pression pour que la Ville sainte s’écarte afin
Le commerce, c’est la guerre de les laisser en découdre ouvertement avec
garde du corps de ce genre : tu aurais été
plus dans son style ! Quoiqu’en fait, je
Les Souleÿnains sont aussi guindés et âpres les barbares. De leur côté, les Coraziens ai- crois qu’elle l’a congédié car il l’effrayait
au gain que leurs voisins sont remuants et in- meraient marcher sur les traces de Souleÿna et… Grands Dieux !… Était-ce toi
disciplinés. La plupart sont des commerçants et devenir une cité-État indépendante, ce qui Berenos ?
pointilleux, dont les espions économiques leur permettrait d’arrêter de verser à Laelith – Moi ? Non, il se nommait Sperfender.
parcourent l’ensemble du lac à la recherche une part non négligeable de leurs bénéfices. Il On ne sait pas ce qu’il est devenu… Il
d’informations concernant les matières pre- existe donc une sorte de volonté commune de a dû quitter la Cité sainte. Dommage
mières. En parallèle, une armée d’esclaves se débarrasser de l’encombrante présence de la pour lui, la demoiselle Caradinoschi est
administratifs établit de manière quasi scien- Cité sainte, avec son cortège d’alliances tem- une personne si attachante…
tifique le cours des denrées en fonction d’une poraires et de traîtrises. Quant à Nin Ier, il n’est – Ben voyons. »
multitude de facteurs : taxes appliquées dans pas plus prêt à céder sur sa présence militaire Notes de Cabrann
certaines villes de référence, flux migratoires dans la région qu’à renoncer aux profits que lui
de population, trajet effectué par tel ou tel na- rapporte Coraz.
vire ou caravane. Aujourd’hui, la ville tricéphale est donc un
La conséquence de cette méticulosité est véritable sac de nœuds, au quotidien émail-
que ces marchands disposent souvent d’in- lé d’incidents, de rixes et d’attentats. La ru-
Les opérations de chirurgie proposées
formations bien avant le reste du lac. Quand meur prétend qu’être gouverneur de la forte- par les Coraziens sont parfois...
le prix d’un produit évolue de manière surpre- resse est le pire poste qu’on puisse offrir à un extrêmes.
nante à Souleÿna, c’est qu’il y a certainement administrateur…
quelque part une révélation capitale qui attend
d’être rendue publique – révélation bien en-
tendu monnayable.
Beaucoup d’observateurs prétendent d’ail-
leurs que les agents souleÿnains ne sont pas du
tout à la recherche d’informations, mais créent
eux-mêmes les événements qui feront bascu-
ler les prix dans le sens désiré par la ville. Les
cours du riz sont trop bas ? Un « assassin éco-
nomique » sera envoyé à Isk pour perpétrer
quelques meurtres, fomenter une rébellion ou
saboter des installations qui feront remonter
les cours…
La conséquence de cet affairisme est que
les principales sociétés du lac possèdent à
Souleÿna leurs propres services de rensei-
gnements, qui tentent de contrer les redou-
tables agents souleÿnains. Un véritable nid
d’espions économiques, avec son lot de ru-
meurs, de coups fourrés et de tentatives de
désinformation.

Les Hors-ville 489

 Tract
« Les Galianthril sont des porcs qui se
roulent dans leur or ! Tarifer au poids,
c’est surtaxer les céréales à la valeur
faible mais à l’importance cruciale.
À cause de cela, les caravanes doivent
emprunter des voies terrestres, longues
et hasardeuses. Nous en avons assez
que notre nourriture dépende de la
voracité de ces rapaces ! Révoltez-vous !
Boycottez l’Écluse qui ne fait qu’écluser
votre argent ! »
Anonyme
La Divine Écluse
1 Tour de guet
2 Réserve et atelier
3 Bâtiment administratif
4 Capitainerie
5 Grue
6 Portes vers l'Altalith
7 Contrepoids
« Candidat au
8
passage »
9 Escalier de secours
Comptoir d'accueil et
10
réserve
490
La source
de Garémond (9)
Il y a quelques siècles, une terrible épidé-
mie de peste liée à un été caniculaire entraîna
tant de morts que les eaux d’Altalith, dans les-
quelles on jetait les dépouilles, furent souillées
et impropres à la consommation. Les autorités
lancèrent alors une grande campagne d’explo-
ration afin de découvrir des sources en atten-
dant que l’épidémie soit jugulée.
Hélas, tous ceux qui partirent à l’aventure ne
découvrirent que mares asséchées et puits de
boue. Trois jeunes gens poussèrent leur explo-
ration jusqu’aux confins de l’Altalith, espérant
qu’un fleuve souterrain caché véhicule depuis
le lac des Hautes Eaux le peu d’eau qui restait.
Quand ils s’aperçurent que celui-ci était aussi
presque asséché, ils abandonnèrent et se ré-
fugièrent sur les rives de l’actuel Matriarcat
d’Olizya, en espérant que les habitants leur
viennent en aide.
Mais trop épuisés pour rallier la ville la plus
proche, les adolescents tombèrent sous les
coups des feux du soleil. Le jeune Garémond,
agonisant face contre terre, vit passer devant
son regard brouillé un triton dont la peau hu-
mide l’intrigua. Rampant plus que marchant,
il suivit le batracien jusqu’à un trou profond,
où d’autres créatures semblaient se porter à
merveille.
Garémond alla secouer ses compagnons et
leur décrivit la scène. Ceux-ci, à bout de force,
prétendirent que le cerveau assoiffé de leur
compagnon lui jouait des tours, et ils perdirent
connaissance peu après. Afin de leur redonner
des forces, Garémond s’entailla les poignets
et leur donna à boire son sang. Ses camarades
finirent par se réveiller, ragaillardis par le sa-
crifice du jeune homme, mais horrifiés de dé-
couvrir son cadavre. Honteux de ne pas l’avoir
écouté et soucieux de lui rendre hommage, ils
décidèrent de creuser la terre à l’endroit où se
trouvait la colonie de tritons. Ils ne tardèrent
pas à s’abreuver de l’eau la plus pure qu’ils
aient jamais goûtée.
De retour à Laelith, ils racontèrent leur
mésaventure et le sacrifice de Garémond. La
Cité sainte réquisitionna aussitôt la source,
troquant, dit-on, son appui à la politique ma-
triarcale naissante contre une concession à
perpétuité. Depuis, pour bien marquer l’appar-
tenance de la source à Laelith, mais aussi pour
rendre hommage au courage de Garémond, la
ville place toujours à la tête de l’exploitation
des jeunes gens aux traits gracieux et à la che-
velure blonde.
La Divine Écluse (10)
Lorsque le célèbre architecte Galianthril
fut mandaté pour sauver Aziliane des eaux,
il établit ses bureaux au nord de la ville, afin
de profiter de la superbe vue sur la cascade
des Hautes Eaux. Infatigable penseur autant
qu’amant, il aimait garder sous les yeux le gou-
let entre les deux lacs, qui avait défié des géné-
rations d’ingénieurs et fait rêver le nain quand
il était encore enfant. Il esquissa quelques
plans, puis il acheva le projet azilianais et il
passa au suivant.
Quelques années plus tard, l’ingénieur se
mit en tête de courtiser une prêtresse naine
du Temple du Crâne, dont le célibat consti-
tuait un défi aussi galvanisant que risqué. Pris
sur le fait, Galianthril ne dut la vie sauve qu’à
l’intervention du Roi-Dieu, qui intercéda pour
que le tribunal soit placé sous sa juridiction
plutôt que sous l’autorité du Crâne. On pense
aujourd’hui que le rusé Tokinafal III vit là l’oc-
casion de s’attacher les services du maître, car
celui-ci fut condamné à servir la ville pendant
pas moins de treize années.
Plutôt que de se charger des tâches architec-
turales triviales, l’ingénieur persuada les auto-
rités de se lancer à l’assaut du défi que repré-
sentait la cascade. Celles-ci, impressionnées
par la ferveur du petit homme, lui accordèrent
la moitié de sa peine pour achever sa vision.
Galianthril se mit aussitôt en route et, dès
son arrivée, noircit des pages de croquis et de
projets. L’un retint bientôt son intérêt : celui
d’une grue associée à une écluse. En haut de la
cascade, un bassin accueillait d’abord le navire
en transit. On attachait autour de celui-ci un
baudrier composé d’épaisses bandes de cuir et
relié à une grue. L’eau du bassin était alors vi-
dée afin de remplir un contrepoids placé dans
une cheminée attenante. En descendant, le
poids soulevait le bateau, qui était déplacé par
la grue au-dessus du lac inférieur. Enfin, on vi-
dait progressivement l’eau du contrepoids, qui
remontait tout en faisant descendre le navire.
Convaincu de tenir la solution, Galianthril
embaucha des ouvriers pour écumer les forêts
de la région en quête de madriers pour sa grue.
 21
3

21
1
21
2
21
4

21
5
21
6

21
7

21
8

21
9

21
10

La Divine Écluse, illustration

réalisée par un tavernier itinérant

Les Hors-ville 491


Les volcans
Si le Châtiment perturba la
structure géologique de la ré-
gion, il ne peut expliquer à lui
seul la présence de volcans un
peu partout au nord de la ville.
Là encore, il faut évoquer les
rifts, dont l’impact en profon-
deur fragilisa la lithosphère, per-
mettant à des poussées de mag-
ma de remonter à la surface. On
pense aujourd’hui que la région
subit d’abord des décharges
d’expansion, puis des éclairs de
contraction, entraînant des rup-
tures brutales dans la roche et la
création de plusieurs dômes vol-
caniques de type effusif.
Comme l’eau du lac, le magma
des volcans n’échappe pas aux
différences de densité. Il existe
donc deux types de lave. La lave
dense, tout d’abord, se présente
sous la forme de fragments de
roche en fusion, brûlants mais
qui demeurent solides. On les
appelle cristaux de lave. Ces ar-
tefacts, très rares, conservent
leur chaleur pendant des mois
et sont très recherchés par les
forgerons. Ils permettent de
créer des lames rougeoyantes
et redoutables, des tisons pour
le marquage des bêtes et des
esclaves, des armures pour peu
que celles-ci soient doublées
d’une matière isolante. Enfin, ils
peuvent aussi servir d’éclairage
discret. Lorsque le feu intérieur
du cristal est consumé, il suf-
fit de plonger celui-ci dans un
foyer pour qu’il emmagasine de
nouveau la lumière et la restitue
pendant des mois.
La lave surfluide, elle, parcourt
les circuits de nombreuses ma-
chines à vapeur. On la retrouve
aussi dans certaines armes
rares, dont les veines d’acier
convoient le liquide brûlant, et
dans des ampoules employées
en chirurgie afin de permettre
une cautérisation rapide. Mais
les êtres qui l’emploient le plus
activement sont les dragons des
volcans…
492
En parallèle, une seconde équipe creusait la
cheminée du contrepoids. Un véritable travail
de nain quand on sait que la cascade fait une
bonne soixantaine de mètres de haut !
L’entreprise dut affronter les difficultés liées
à un projet d’une telle ampleur : les crues ré-
currentes du Haut Lac, les tracasseries de
l’administration qui voulait employer le nain
à des tâches moins chimériques, l’hostilité des
armateurs qui prospéraient grâce à la néces-
sité de construire en double n’importe quelle
flotte. Peu à peu, cependant, les moqueries
firent place aux froncements de sourcils, puis
à l’incrédulité. Au bout des sept années qui
lui avaient été allouées, personne ne doutait
plus de la faisabilité du projet. Hélas, il fallut
se rendre à l’évidence : si le projet était viable,
il exigerait bien plus de temps pour être ache-
vé. Sommé par Laelith de classer le projet,
Galianthril se prépara la mort dans l’âme à
quitter son cher chantier.
La légende raconte que le vieil homme hé-
sitait à se jeter du Haut Lac, lorsqu’il aperçut
à l’horizon un contingent de jeunes artisans
galvanisés par sa vision. En parallèle, les mi-
neurs de la falaise de Vorn firent pression sur
la Cité sainte pour que leur glorieux ressor-
tissant puisse poursuivre son œuvre. Laelith
hésitant à se mettre à dos les mineurs, un
compromis finit par être trouvé : les treize
années initiales pourraient être employées
à la poursuite du projet, mais si les délais
n’étaient pas tenus, les mineurs devraient
rembourser l’ensemble des frais de construc-
tion engagés par la ville.
Dès le jour suivant, une véritable colonie
naine s’installa sur les rives des deux lacs, je-
tant toute son énergie dans ce glorieux défi. Et
malgré les tentatives de sabotage des uns et les
intrigues des autres, treize années jour pour
jour après la condamnation de Galianthril,
la Divine Écluse fut inaugurée en présence
du Roi-Dieu. Le monarque, dit-on, fut aussi
impressionné par l’incroyable structure que
par la ferveur quasi-religieuse de l’ingénieur
et de ses hommes. En remerciement du tra-
vail accompli, il offrit au clan Galianthril une
concession héréditaire sur l’écluse, se conten-
tant au passage de toucher une modeste
commission.
Aujourd’hui, les descendants de l’ingénieur
sont toujours aux commandes et constituent
l’une des familles les plus riches des deux lacs.
Les quinze membres de l'équipe travaillent
jour et nuit à manœuvrer les palans, mais
aussi à écarter les pirates et à déjouer les in-
trigues de ceux qui voudraient que l’Écluse (et
ses profits) passe sous juridiction laelithienne.
Enfin, il faut aussi compter avec les jaloux qui
aimeraient voir revenir l’ancienne pratique de
la double flotte.
Il faut l’admettre : le péage demandé par la
Divine Écluse est conséquent. Il se calcule en
fonction du poids transporté, sachant qu’une
lourde charge met d’autant plus les installa-
tions à l’épreuve. La conséquence est que les
armateurs privilégient les cargaisons de luxe
quand ils empruntent l’Écluse, afin de rentrer
plus facilement dans leurs frais. Cela attire
évidemment les pirates, ce qui oblige l’Écluse
à disposer d’un solide système de défense, ce
qui justifie des tarifs élevés ! De leur côté, les
céréaliers, dont la marge est déjà faible, font
grise mine devant les taxes exigées…
Afin de réduire les droits de passage, des
ingénieurs, notamment au Pier, cherchent à
mettre au point des coques ultralégères ou des
outres remplies de gaz nichées entre les ponts
afin d’alléger les navires…
Aziliane (11)
Suite aux convulsions du Châtiment, la
plaque terrestre sur laquelle se tenait la ville
s’affaissa dangereusement, et une moitié de
celle-ci fut immergée. La zone, devenue misé-
reuse, fut rachetée pour une bouchée de pain
par les rusés marchands azilianais installés
plus à l’est mais soucieux de garder un pied-à-
terre non loin de Laelith.
Les nouveaux colons dépêchèrent
Galianthril, le père de la future Divine Écluse,
afin de déterminer s’il était possible de réhabi-
liter la partie immergée. L’ingénieur était déjà
reconnu pour ses talents. Il dressa les plans
d’une ceinture de barrages autour de la cité.
Une fois les fortifications réalisées, il « suffi-
rait » de pomper l’eau stagnante.
Les travaux débutèrent du vivant du nain et
se poursuivirent bien après sa mort. L’érection
du mur d’enceinte engloutit des sommes
conséquentes, mais les marchands d’Azi-
lian possédaient des fonds quasi illimités. En
outre, la folle entreprise attirait une foule de
touristes venant railler ou s’émerveiller de-
vant les remparts spectaculaires, et les visites
s’intensifièrent lorsque la Divine Écluse fut
achevée et que le projet des Azilians bénéficia
du prestige de Galianthril.
Environ un siècle après le début des tra-
vaux, une large enceinte quasi étanche
épousait les contours de la vieille ville. On
commença alors, grâce à une machinerie tita-
nesque, à pomper l’eau stagnante, ce qui prit
presque une cinquantaine d’années. Au fur
et à mesure que le niveau de l’eau baissait, de
nouvelles bâtisses faisaient leur apparition,
et de nombreux promoteurs voulaient être
les premiers à profiter de l’espace urbain. Ils
étaient d’autant plus enclins à le faire que les
autorités dispensaient de taxes tous ceux qui
décidaient de s’installer avant que l’eau ne soit
entièrement chassée.
Aujourd’hui, la ville se déploie à une bonne
trentaine de mètres en contrebas du lac.
Grâce à la pression de celui-ci, toutes les mai-
sons disposent de l’eau courante. À hauteur
du lac, accolé aux remparts, un port décharge
les marchandises vers la ville basse grâce
à des grues et des palans. Enfin, de l’eau est
régulièrement libérée vers l’intérieur de la
cité, faisant tourner de grandes roues à aube
qui fournissent de l’énergie à de nombreuses
forges et aciéries. Ces flots alimentent ensuite
d’élégants canaux et finissent par se déverser
dans un vaste réseau de failles, ouvertes elles
aussi au moment du cataclysme, localisées au
sud de la ville.
Bental (12)
Licence de vol
Bental fut longtemps une ville sans foi ni
loi, où le moindre colporteur avait toutes les
chances de se faire détrousser. Lorsque négo-
ciants et habitants commencèrent à la déser-
ter, la guilde des voleurs décida de réagir en
mettant en place des quotas de vol, appelés
aussi « forfaits à forfaits ». Lorsqu’un malan-
drin désirait commettre une action répréhen-
sible, il devait acquérir auprès du conseil de la
ville une licence pour un ou plusieurs délits,
dont la gravité était minutieusement consi-
gnée. De même, les négociants venant à Bental
pouvaient se munir de patentes les protégeant
de toute exaction.
Le système s’affina d’année en année. De
nos jours, il existe différents degrés d’ac-
créditations pour les commerçants comme
pour les truands. Lorsqu’il y a tentative de Forfaits illimités
vol, les deux partis exhibent leurs patentes : Des légendes courent sur de mysté-
le bandit présentera son autorisation dite de rieuses patentes non nominatives ou
« Grand Chemin ombrageux », l’autorisant à aux capacités étendues. Ces documents,
dérober à concurrence de telle somme ; à la- parfois enterrés avec leur dernier pro-
quelle le marchand ripostera avec sa patente
priétaire, sont de véritables trésors car
ils permettraient à celui qui les détient
de « Vénérable Négociant du flux d’argent »,
de commercer – ou de voler ! – en toute
qui évite les voleurs jusqu’au niveau 3. Outre
sécurité.
le quantitatif, il existe aussi des certificats
qualitatifs précisant le domaine d’action :
cambriolage, vol à la tire, mendicité (très bon
marché mais obligatoires), assassinat (les plus
chères).
Ce jeu du chat et de la souris, entre des
voyous qui cherchent une proie valide et des
marchands qui cherchent à les contrer, est le
garant, selon la guilde, d’une circulation fluide
des capitaux et des marchandises. Au passage,
celle-ci s’enrichit doublement, en vendant à
la fois aux gredins et à leurs victimes. Les li-
cences sont aussi monnayables, ce qui accen-
tue le dynamisme du procédé. Mieux encore, Brève de taberge
lorsqu’un voleur a pu délester un marchand à « Tu connais la Grande Dune à l’ouest
faible licence, il n’hésite pas à négocier l’infor- de Bental ?
mation auprès de ses confrères. Pour se pro- – Sûr, bien sûr !
téger, les commerçants peuvent de leur côté – T’en connais qui ont grimpé jusqu’en
engager des crieurs et des lanceurs de rumeurs haut pour surplomber sa forteresse et
affirmant la validité et le degré élevé de leur qu’en sont revenus ?
autorisation… – Non, ben non !
On pourrait croire que le système est décrié – Eh ben, t’en as un devant toi !
par les commerçants, mais c’est loin d’être le – Mince alors, mince ! T’es mort ? »
cas. En effet, seuls les plus riches peuvent s’of-
frir des patentes de vente « tout risque ». Les
autres, moins bien lotis, ne peuvent acquérir
que des licences partielles, ce qui les écarte vite
au profit des plus aisés. Une sorte de mono-
pole sur le négoce assuré par la pègre…
La Grande Dune
Ce site, aussi appelé la Dune de Pierre, est la
place forte enterrée où sont archivées les co-
pies de l’ensemble des licences de vol émises
par la guilde, afin de trancher en cas de conflit.
Très surveillée, cette forteresse aux allures de Le pyrrhocore
bunker tire à vue sur toute personne non habi- de Bental
litée à circuler aux abords de la structure. Une légende dit que vivrait, dans les
On comprendra l’importance du site
montagnes qui font frontières avec
Jadhys, un pyrrhocore géant dont les
quand on sait que quantité de fausses li-
dessins de la carapace, noirs sur fond
cences circulent. Dans ce marché parallèle
rouge, représenteraient un chemin
très lucratif, il est parfois difficile d’y voir d’accès terrestre et secret entre les deux
clair. Pour cette raison, certains marchands lacs. Les trois expéditions menées par
nantis engagent parfois des anti-faussaires, le Temple du Feu n’en ont pas
sortes de gardes du corps administratifs qui donné confirmation.
Les Hors-ville 493
 Annonce
« Vous êtes petit avec une bonne voix ?
Vous pesez moins de 50 kg et résistez
bien aux chutes ? Devenez crieur des
auberges itinérantes ! Couchage et cou-
vert garantis, dépaysement quotidien !
Demandez Max Milien à Muïck pour
les détails. »
Les lycaons des steppes
Redoutables molosses de près de
2 mètres au garrot, les lycaons des
steppes sont des charognards remar-
quablement intelligents, qui considèrent
que débusquer des cadavres est toujours
plus facile lorsqu’on tue soi-même ses
victimes… Les taches qui parsèment la
fourrure hirsute des lycaons n’en sont
pas : ce sont des araignées symbio-
tiques qui se nourrissent des restes de
leur hôte, et n’hésitent pas à défendre
celui-ci lorsqu’il se trouve en difficulté…
Ghian Larzon,
« Faune pittoresque du lac »
(ouvrage inachevé)
Pour qui
sonne le glas ?
S’il est un son qui résonne lugubrement
sur les vallons cultivés qui surplomblent
Psaltié-du-bas, c’est sans conteste le
glas du campanile d’A nkou. Les trois
bourdons qui le constituent sonnent à
l’unisson chaque année au 1er sélénia
de mortefeuille pour célébrer la mort
de Pierrick, dernier membre de la
prestigieuse famille d’A nkou, de riches
propriétaires terriens. Le jeune homme
espérait qu’un mariage heureux lui per-
mettrait de perpétuer son nom. Hélas,
sa laideur proverbiale, son bras droit
atrophié et ses jambes torses ruinèrent
tous ses efforts. De dépit, il se jeta du
haut de la tour du manoir familial,
le jour de ses 17 ans. Depuis, par ce
son mélancolique et grave, le dernier
domestique de la maisonnée veille à
rappeler à chaque fille de la vallée sa
cruauté.
494
La Compagnie des auberges itinérantes
La Compagnie des auberges itinérantes
(C.A.I.) est composée de roulottes qui par-
courent sans répit les territoires autour
du lac. Longs et pesants, ces chariots font
entre 10 et 30 mètres de long et sont tirés
par autant d’ookhabs. Ils proposent des
chambres et une petite salle commune.
Surtout, ils offrent aux voyageurs perdus ou
loin de la civilisation le confort d’un vrai lit
pour se reposer, accompagné d’une assiette
bien garnie.
Avant de devenir itinérantes, les auberges
affiliées à la Compagnie formaient un ré-
seau reliant les différentes régions du lac.
Hélas, certaines d’entre elles périclitaient
faute de clients. L’un des tenanciers, Igmar
Navet, eut alors l’idée de créer des circuits
le long desquels les auberges se déplace-
raient, permettant de capter davantage de
chalands. Le succès fut fulgurant, car à la
satisfaction de dormir au chaud s’ajoutait
l’agrément du voyage…
La vitesse d’une A.I. étant assez faible, les
clients peuvent y dormir une nuit et re-
prendre leur route sans avoir beaucoup
dérivé par rapport à leur position initiale.
D’autres, plus riches ou moins pressés,
prennent pension en attendant que le cir-
cuit les rapproche de leur destination. En
général, les chemins empruntés rallient les
grandes villes, ce qui permet de faire régu-
lièrement le plein de provisions. Des nantis
vont jusqu’à utiliser les A.I. comme moyen
de transport touristique. Il est ainsi possible
de faire le tour du lac en quelques mois, en
les prémunissent contre les abus. On com-
prendra que dans ces conditions, il est sou-
vent nécessaire de vérifier la validité des au-
torisations de chacun.
Les curateurs
En plus de la Dune, des maîtres voleurs ou
« curateurs » parcourent la ville dans leurs
robes pourpres afin de régler les différends
et s’assurer de la validité des licences. À la
fois avocats, enquêteurs et bourreaux, ils sont
aptes à punir tout contrevenant – à moins bien
sûr que celui-ci ne règle une amende plus ou
moins élevée. Ils ont la réputation d’être les
seuls individus honnêtes de la ville, car c’est
sur leur incorruptibilité que repose tout le
système.
n’empruntant que ce mode de transport pit-
toresque. La satisfaction de la halte sans la
fatigue du voyage…
Localiser une A.I. au sein de l’immensité
n’est pas toujours facile. Pour cette rai-
son, la plupart d’entre elles disposent d’un
énorme fanal, ballon de plusieurs mètres de
diamètre dont la portance est assurée par
le gaz résultant de la fermentation des dé-
chets de cuisine. Chaque auberge y ajoute
un colorant spécifique qui permet de l’iden-
tifier facilement. Les établissements les
plus cossus disposent en outre d’un crieur,
jeune garçon intrépide accroché aux mailles
d’un filet ou suspendu à une petite nacelle,
chargé de repérer au loin les clients poten-
tiels et de renseigner les vastes étendues
sur les promotions en cours.
À noter qu’il existe aussi des A.I. sans circuit
fixe, parcourant la lande au gré de leurs en-
vies et des destinations demandées par les
clients. Inutile de préciser que leurs prix sont
souvent élevés. Cependant, la seule chose
qui sépare parfois un aventurier d’une mort
atroce est l’apparition miraculeuse d’une
auberge mobile au détour d’une crête…
De nombreuses légendes courent sur les
A.I. L’une d’elles affirme qu’un monstrueux
établissement, grinçant et hurlant, parcour-
rait les montagnes, transportant les âmes
des morts et se nourrissant des vivants.
Une autre narre les exploits de l’Auberge
du risque insensé, prête à affronter les pires
obstacles pour aller secourir les aventuriers
en difficulté…
Les hérétiques
Beaucoup d’athées méprisant la ferveur
de Laelith et les religions en général vivent à
Bental. Pour la plupart très pragmatiques et
attirés par les richesses, ils voient dans le cy-
nisme assumé de leur cité une saine réplique
à l’hypocrisie de la Ville sainte. Certains vont
jusqu’à vouer un culte au Grand Néant, ré-
ponse parodique aux dragons de bénitier de
Laelith. Des processions grotesques émaillent
les fêtes traditionnelles bentalis  : déguise-
ments de prélats, faux temples voués à la nour-
riture, au tabac à priser ou à la gaudriole.
La seule entité à ne jamais être moquée est le
Roi-Dieu lui-même. Personne n’aimerait en ef-
fet voir débarquer les troupes du monarque…
Ce dernier laisse faire, car les hérétiques de
Bental entament quelque peu le prestige des
prêtres laelithiens. Et un peu d’humilité et
d’autodérision n’ont jamais fait de mal à per-
sonne, et cela rappelle surtout que tout pou-
voir religieux possède son contre-pouvoir…
Psaltié-du-haut (13)
Cette bourgade, constituée d’un assemblage
de petits villages, est surtout connue pour son
élevage de bovins et d’ovins. Elle dépend au-
tant de Psaltié-du-bas et de ses cultures que
Psaltié-du-bas dépend d’elle. Il y a une décen-
nie, les deux localités ont d’ailleurs poussé leur
jumelage jusqu’à devenir une seule et même
entité, dont les deux parties sont tout de même
séparées par plus d’une journée de marche…
Le long du chemin qui les relie, le voyageur
trouvera des échoppes, des petits marchés, des
auberges et des tavernes comme on en trouve
dans les villes plus classiques. Quant au che-
min, il est tout simplement appelé la « grand-
rue ». Pour l’anecdote, lorsqu’un Psaltiéhaut
En arrière-plan, des dragonnières avec leurs occupants.
Au premier plan, l'auberge itinérante « la Route d'Or ».
prend la route de Psaltié-du-bas, il annonce
qu’il se rend au centre-ville. Et quand un
Psaltiébas prend le chemin du nord… il dit la
même chose.
Psaltié-du-bas (14)
Alors que la partie haute du bourg s’est spé-
cialisée dans l’élevage, la partie basse cultive
de nombreuses céréales, en majorité du blé et
de l’orge. Des chapelets de carrioles font des
allers et retours entre les deux Psaltiés, de jour
comme de nuit. Elles marquent régulièrement
des haltes le long du trajet pour vendre leurs
produits sans plus de cérémonie.
Howe (15)
Ce village s’est fait une spécialité de la
culture maraîchère immergée. Dans des bas-
sins irrigués par le lac, les Howiens cultivent
plusieurs espèces d’algues (notamment séla-
nelles, coupe-suc et iris d’eau), de même que
Chitarrone
« J’ai assisté une fois au concert d’un
joueur exceptionnel de ce très bel
instrument. Il était d’une extrême
virtuosité et bizarrement acoquiné à un
chanteur doté d’une incroyable voix cé-
leste… mais particulièrement malhabile
dans sa gestuelle. Ils étaient accompa-
gnés de deux musiciens aussi talen-
tueux qu’eux : le premier, de ses notes
profondes, faisait vibrer le monde ; le
second, de ses rythmes syncopés, faisait
danser les foules. Malheureusement, le
musicien invité à les rejoindre ce soir-là,
foutait tout en l’air en pérorant derrière
son orgue à vent. Le groupe – heureuse-
ment sans ce dernier – écuma pendant
de nombreuses années les salles de spec-
tacle de la région, accumulant succès,
gloire et richesse. Jusqu’au jour où une
dispute sans gravité vint aggraver l’effet
du… champi de trop. »
Phihil Blanc-Flanquard,
myco-musicologue averti
Les Hors-ville 495
 Mise en boîte
Afin de permettre la conservation
du riz, les trois exploitations qui se
partagent les rizières emploient diverses
méthodes. La famille Heklah fume
les grains, ce qui leur donne un goût
boisé. La famille Sémiany les présente
sous forme de cônes couverts d’un
vernis alimentaire. Enfin, la famille
Chileckuchon a choisi la déshydrata-
tion, ce qui réduit l’encombrement.
Les grains, une fois dans la bouche,
reprennent quasi instantanément leur
taille. Inutile de dire que le grain d’Isk
fait souvent l’ordinaire de nombreux
aventuriers…
Viln Deux-ailes,
« Chroniques du riz d’Isk »
À éviter
« Si, un soir de désespoir, après avoir
encore trop abusé des alcools discu-
tables de la distillerie des Quatre Vents,
si dans l’ombre enfumée d’une taberge
glauque, tu aperçois une silhouette
immobile qui semble te regarder de ses
yeux vides et t’attendre… détourne le
regard et ôte-la de ta tête. Sûrement, il
est heureux là où il est, le frère d’armes
que tu as abandonné en longeant les
Languissants. »
Chair fraîche
Une sinistre légende court sur les lan-
guissants. Saturés de substances qui par-
courent leur organisme, ils vivent dans
une hébétude hallucinée qui les pousse
à croire qu’il n’est pas de meilleur destin
que celui d’homme de boue. Certains
veulent alors s’emparer de proies pour
les emmener vers la félicité désolée.
Lorsqu’un marcheur repère une
victime, il la poursuit indéfiniment
jusqu’à tomber en morceaux. Difficile,
une fois pris, de se défaire de sa poigne
squelettique. Cet argument sert souvent
aux parents désireux de voir leur enfant
finir sa soupe…
Blaise Bazil,
« Un tour sur l’Altalith (tome 2) »
496
des champignons aquatiques à la chair su-
crée, tendre et sirupeuse qui font d’excellents
desserts. Certains bassins proposent enfin
une sélection d’espèces employées en phar-
macologie (dont le fameux tousse-bedaine,
dont on extrait un sirop âcre qui dégage les
bronches).
Les cultures exigeant qu’on les surveille
sans forcément intervenir, les villageois ont
pris l’habitude d’apporter leurs instruments
de musique et d’en jouer le long des fosses
pendant les périodes de désœuvrement. On
entend ainsi souvent les mélodies se répondre
d’une exploitation à l’autre. Howe s’est à la
longue taillé une solide réputation d’ins-
trumentistes, au phrasé subtil et rigoureux.
Certains groupes folkloriques se rendent par-
fois, avec beaucoup de succès, dans les festivals
qui ponctuent la vie du lac.
À Howe se trouve aussi la plus grande of-
ficine de la Sainte Guilde maraîchère, l’orga-
nisation du Crâne alliant prix modiques et
développement local. Les mauvaises langues
prétendent que si cette boutique se trouve
juste en face d’une annexe du Poisson d’argent,
ce n’est sûrement pas par hasard. Toujours
est-il que la position stratégique de Howe, sur
la rive sud, permet de centraliser les produits
frais des environs… et les informations à des-
tination des services de renseignements du
Crâne.
Isk (16)
Isk est une petite bourgade située aux portes
du marais des Languissants. Malgré le risque
lié à l’argile surfluide, elle s’est développée
quand on y découvrit une espèce de riz sau-
vage, qui ne pousse que là. Cette graminée
lutte contre la minéralisation en produisant un
tégument graisseux, très nourrissant. Quant à
son enveloppe croquante, elle concentre de
nombreux sels minéraux. Elle produit donc un
grain très long et croquant, à la valeur nutri-
tive proverbiale. Il est dit qu’un individu peut
se nourrir pendant plusieurs mois du riz d’Isk
sans développer de carences majeures.
La route des Confins (17)
La route des Confins est le nom du chemin
reliant Termoral à Isk et aux Languissants. On
y croise de nombreuses caravanes de céréales,
mais aussi des esclavagistes avec leurs convois
d’hommes de boue. Cet axe étant très impor-
tant pour les intérêts de Laelith, il est particu-
lièrement surveillé et réputé comme étant l’un
des plus sûrs de la région.
Le marais des
Languissants (18)
La situation
À l’origine du marais se trouve une vaste
couche argileuse empêchant la pénétration
des eaux dans le sol. Pris entre les surfaces mi-
nérales et liquides, les rifts y rebondissent en
de multiples points, créant une aire de densité
faible plutôt que de simples lignes de faille. Sur
toute la zone, ces rebonds ont provoqué une
fusion entre eau et argile, créant un mélange
surfluide aux particules très fines capables de
s’immiscer dans les interstices les plus petits.
Ce phénomène, très simple, entraîne cepen-
dant des conséquences mortelles.
Les effets délétères
Un voyageur s’enfonçant dans la région re-
marquera tout d’abord que sa peau prend la
couleur de la boue, à la manière d’encres ou
de henné. Après quelques heures, la marque
s’avérera indélébile. Pour cette raison, l’argile
des Languissants est souvent employée par les
tatoueurs.
Après une journée, le mélange surfluide
commence à traverser l’épiderme et atteint la
circulation. Les sels minéraux présents dans
la terre se mêlent au sang, et l’organisme en-
tame un lent processus de minéralisation. La
peau semble couverte d’une matière à l’aspect
mouillé, mais c’est en fait la peau elle-même
qui devient boueuse.
Après quelques jours, le voyageur ne pour-
ra plus retourner vers la civilisation et sera
condamné à errer dans le marais. En effet,
si sa peau devait quitter le contact avec l’eau
surfluide, elle se craquellerait irrémédiable-
ment, entraînant des hémorragies doulou-
reuses. Le malheureux n’aurait alors d’autre
choix que celui de se réhydrater avec la boue
languissante.
L’étape suivante est atteinte lorsque le fluide
envahit les capillaires du cerveau. Là, les
substances qui y sont dissoutes (alcaloïdes et
mycoses) entraînent des effets psychotropes.
La victime se met à errer sans but à travers

l’étendue désolée, sans crainte de mourir
d’inanition car la boue possède suffisamment
de sels minéraux et de matières organiques
pour la nourrir.
Mais le processus ne s’arrête pas là. Après
quelques semaines passées dans le marais,
la physionomie des victimes change. Les
muscles fondent, la peau durcit, les organes
se dessèchent à l’intérieur du corps. Les
membres maigrissent, deviennent durs et
noueux. Lorsque la métamorphose est ache-
vée, les languissants – appelés aussi hommes
de boue – n’ont plus rien de commun avec
des êtres humains. Leurs jambes longilignes
parcourent sans relâche la désolation, évo-
quant les statues surréalistes de l’artiste
Les effets de l'argile des
Languissants sont parfois
spectaculaires...
laelithien Magiocetti. Leurs traits sont éma-
ciés et sans expression. Ils ont oublié leur vie
passée…
Certaines légendes parlent de bêtes prises au
piège de l’argile. À la différence des hommes,
cependant, l’effet psychotrope les rendrait
folles furieuses et difficilement exploitables.
On comprendra qu’aujourd’hui, peu d’aven-
turiers se risquent dans les Languissants. Ceux
qui osent y mettre les pieds, chaussés de bottes
imperméables, récoltent l’argile aux vertus
digestives bienfaisantes, ainsi que des fioles
d’eau pour les tatoueurs. Certains malades en
fin de vie, enfin, choisissent de s’enfoncer dans
le marais, la minéralisation leur offrant une
immortalité miséricordieuse.
Les Fonfailleux X :
Nitsille
« Tu vois Cabrann, nous sommes fiers
de ce que nous fabriquons ou réparons
sur nos établis ou nos métiers à tisser.
Des objets usuels ou très rares, tiens
comme ces ailes mécaniques (pour
le pilote, on n’a rien pu faire), ou ces
armes, ces bijoux. Tout cela sera
revendu contre du bon argent frais.
Mais notre sacerdoce, c’est de refaire…
des gens. Des gens dont l’ancienne
personnalité ne cadrait plus, et qui
ont en eux les ressources pour en faire
apparaître une nouvelle. Changements
physiques, de voix et d’expression, de
comportement, nos hôtes doivent être
méconnaissables en nous quittant, véri-
tablement quelqu’un d’autre. Rassure-
toi, tu n’es pas dans ce cas, même s’il va
falloir te dessiller un peu le regard ! Car
comme ton mentor le Vieux Conteur,
nous savons que tu peux devenir nos
yeux, nos oreilles partout où tu vas,
et notre conseillère quant à ceux sur
qui exercer notre art avec un bénéfice
réciproque…
– Justement, dame Nitsille, quel est
votre bénéfice ?
– Nous sommes des koelenbor, ce qu’on
peut traduire par «rois-circasiens».
Seuls ceux qui ont accompli un long
pèlerinage initiatique peuvent avoir
le titre de roi, et un seul est le roi des
rois. Ici, ceux de notre peuple sont en
apprentissage dans l’art de créer leur
propre personnalité de roi en apprenant
à modifier celles des autres, c’est-à-dire
nos invités, que tu vois en plein travail
sur eux-mêmes pour faire émerger leur
nouvelle identité et obtenir une seconde
chance dans la vie. Nous appelons cela
les "Changenommer". Notre initiation
comporte d’autres missions en d’autres
lieux du monde, et nous ne revenons
à Œlenbor que mûrs et sûrs de nous…
Sauf certains qui comme moi s’at-
tachent à l’une de nos villes-étapes et s’y
installent. Je ne serai jamais reine-circa-
sienne, mais Laelith mérite ce sacrifice.
Et il faut bien préparer l’accueil des ap-
prentis, n’est-ce pas ? D’ailleurs, il arrive
aussi qu’un de nos «élèves» laelithiens
reste parmi nous, tant ses talents se
révèlent utiles dans l’alchimie des corps
et des âmes qui s’opère ici… »
Notes de Cabrann
Les Hors-ville 497
 Plusieurs espèces de
dragons volcaniques.

498
 Les dragons volcaniques
Origine
Une race de tritons de feu vivant dans la région subit elle
aussi le phénomène d’éclairs expansifs suivis de rifts de
concentration. Les premières décharges dilatèrent leurs
organismes, produisant de grandes créatures massives,
monstrueuses et ailées (longueur 7 à 10 m, envergure à
peine moins) ; les secondes entraînèrent une densifica-
tion des organes. Leur peau durcit, fusionnant partiel-
lement avec la roche de la région, ce qui explique leur
grande robustesse. Les organes internes, vaisseaux
sanguins compris, virent aussi leur densité s’accroître.
Les complications furent nombreuses, notamment
au niveau de la reproduction, ce qui explique que ces
créatures engendrent peu. Mais le système digestif fut
aussi touché. Désormais incapables de dégrader correc-
tement les aliments, elles durent développer une autre
stratégie pour survivre.
Biologie
L’affinité naturelle des dragons avec les volcans leur fit
bientôt découvrir qu’absorber de la lave surfluide avant
de dévorer leurs proies permettait de cuire ces dernières
à l’intérieur même de leur estomac, facilitant l’absorp-
tion des substances nutritives. Une partie de la lave
mêlée à ces nutriments se retrouvait d’ailleurs dans leur
sang.
Plus tard, elles remarquèrent qu’elles étaient capables
de régurgiter une partie de la lave ingérée sous forme
de jets bouillants. Mieux encore, si ces jets étaient mêlés
aux gaz de la digestion, le dragon éructait alors de lon-
gues langues de flammes redoutables.
Quant aux légendes décrivant l’attrait des dragons pour
l’or, elles sont exactes. En effet, en absorber régulière-
ment enduit les parois de leur estomac d’une couche de
protection, ce qui prévient les maux de ventre. Leur in-
térêt pour les richesses est donc, pourrait-on dire, pure-
ment médical. C’est d’ailleurs ce qui a permis à Laelith de
les domestiquer. En effet, les dragons sont aujourd’hui
les seules créatures à être payées en pièces sonnantes
et trébuchantes…
Organisation
Les dragonnières, forteresses d’accueil des dragons,
se présentent sous la forme de tours très larges et peu
élevées. Elles sont disséminées dans les montagnes
du nord, à des emplacements tenus secrets. Au rez-
de-chaussée se trouvent les quartiers des soldats. Les
boxes des créatures sont aménagés à l’étage, ouverts
sur l’extérieur à la manière d’un pigeonnier et distribués
comme les rayons d’une roue. Cette organisation est
justifiée par le fait que les bêtes sont très attachées à
leur liberté, et aiment sortir voler chaque soir quelques
heures afin d’entretenir les muscles de leurs ailes. La
faible hauteur du bâtiment s’explique quant à elle par
l’absence de charpente en bois, danger d’incendie
oblige. Même le toit est couvert de lauzes. Enfin, l’as-
pect ouvert est nécessaire pour réguler la température
à l’intérieur, plus proche de celle d’une forge que d’une
garnison.
Les dragons sont strictement cantonnés au Hors-ville.
La garde en avait assez de les voir jouer avec les étals,
voler des carcasses ou pousser les pèlerins du museau.
En outre, les shedras ne s’entendent pas bien avec eux,
étant vite irrités par leur côté chiens fous.
Fonction
Aujourd’hui, même si la suprématie militaire de Laelith
ne fait plus guère de doute, les dragons conservent un
rôle essentiel de surveillance des alentours de la ville. Ils
interviennent ainsi régulièrement contre les tribus bar-
bares (surtout au nord) lorsqu’elles s’agitent. De même,
ils font office de douane volante, pour contrôler les vi-
siteurs qui empruntent un véhicule aérien à destination
de la Cité sainte. Le plus souvent, ils refoulent ceux dont
l’arrivée n’a pas été validée par le bureau administratif
des entrées aériennes.
Enfin, les dragons servent parfois de montures aux
services de renseignements en mission, ou à certains
notables qui doivent se rendre en urgence à tel ou tel
endroit du lac.
Dragonniers
Un soldat d’élite est associé à vie à sa monture. Le
dragon a en effet un caractère proche de celui d’un
gros chien, et sa loyauté est sans faille. À tel point que
lorsque son maître meurt, il se lance aussitôt dans une
furie suicidaire à laquelle il survit rarement. Pour créer
ce lien, on place au contact du futur dragonnier un œuf
prêt à éclore.
En combat, le dragon suit rigoureusement les ordres
de son maître, même si celui-ci met sa vie en danger. Il
alterne coups de gueule, balayage à l’aide de ses puis-
santes griffes, jets de plasma enflammés et engloutisse-
ments des en-cas. Les créatures étant à la fois très do-
ciles et d’un naturel joueur, leurs dragonniers mettent
souvent au point des stratégies d’assaut personnelles :
progression par bonds en écrasant tout sur son passage,
plongeons en rase-mottes, battements d’ailes associés
à des coups de queue pour disperser l’adversaire… La
technique d’un dragonnier est reconnaissable entre
mille et permet de le distinguer.
Les Hors-ville 499
Le credo du dragonnier
Le dragon n’est pas ma bête, il est mon
équipier. Le dragon n’est pas mon
subalterne, il est mon allié. Je le respecte
comme il me respecte, je le protège
comme il me protège. Il est le bras de
ma colère et les ailes de ma liberté.
Je suis le battement de son cœur et le
reflet de son âme. Nous sommes une
épée, nous sommes une armure. Nous
sommes un combattant.
Propos de camelot
« Approchez, chère madame, n’ayez
pas peur ! Ces boueux sont inoffensifs !
Savez-vous qu’ils reprennent toujours
le chemin des marais ? Vous pouvez
en emporter un partout avec vous,
replié dans cette élégante boîte en ronce
de noyer. Impossible de vous perdre !
Étonnez vos amis avec cette sculpture
vivante ! Faites peur aux monte-en-l’air
en lui faisant garder votre maison !
Disponible immédiatement, utilisable
dès aujourd’hui ! Et n’oubliez pas : un
homme de boue vaut deux esclaves
assis ! »
Histoire vécue
« J’arrivai à Termoral en bien mauvais
état : suivre la route du Long Détour
jusque-là m’avait abîmé tant phy-
siquement que mentalement. Ma
blessure à la jambe guérit facilement
avec une semaine de repos. Pareil pour
mes épaules déchirées par le poids du
paquetage. Par contre, pour les terreurs
que j’avais endurées en apercevant au
loin les hommes de boue du marais des
Languissants, il allait falloir employer
les grands moyens. Et pour cela, Ashka
était le remède. Quand je fus à nouveau
en état de marcher, je me rendis à son
officine, un peu à l’écart de la ville. J’y
trouvai du folklore bien sûr, de celui
qu’on attend d’une chamane : yourte
en toile, bougies en nombre, squelettes
de rongeur en colliers. Mais surtout,
un regard d’une grande douceur, une
profonde capacité d’écoute et une vraie
force intérieure. De la nuit qui suivit,
je ne me rappelle presque rien, hormis
l’odeur de l’encens, des frissons de
murmure et des mains rêches parcou-
rant ma tête meurtrie. Au petit matin,
j’étais guéri de toutes mes peurs. »
Glaine de Montagut,
« Marcher vers Laelith »
500
Les esclaves languissants
Des commerçants astucieux ont fini par
rentabiliser cette terrible malédiction. Les
hommes de boue sont ainsi couramment mis
en vente à vil prix au marché aux esclaves de
Termoral. Le premier avantage est que les
acquéreurs éprouvant des scrupules à faire la
traite d’êtres humains hésitent moins à acheter
l’un de ces pauvres hères.
Ensuite, parce que les hommes de boue
cherchent constamment à revenir au marais,
on peut leur faire traîner de lourdes charges
dans le sens du trajet du retour. Enfin, ils n’ont
pas besoin d’être nourris et ne se révoltent
jamais.
Bien sûr, un séjour loin du marais entraî-
nera tôt ou tard une dégradation de leur état.
Il sera alors nécessaire de les imprégner d’eau
surfluide, aimablement fournie sous forme de
doses par les esclavagistes (à des prix plus ou
moins prohibitifs). Si l’acheteur renonce à ac-
quérir ces doses, il pourra toujours laisser l’es-
clave se désagréger et en acheter un autre. Les
prix, très bas, ont ainsi fait naître le concept
d’« esclave jetable ».
On trouve beaucoup de languissants chez
les nains de Vorn, qui apprécient leur mutisme
et leur entêtement. Les mineurs les emploient
essentiellement pour tirer leurs wagonnets.
Les exploitations agricoles du nord ont aussi
souvent recours à leurs services. On s’est aper-
çu en effet que les hommes de boue déploient
d’autant plus d’efforts à revenir qu’ils sont loin
du marais…
La route
du Long Détour (19)
Quand le voyageur emprunte ce chemin,
il se dit que Laelith a dû mobiliser toutes ses
ressources pour la route des Confins, tant
celle du Long Détour est délaissée. On n’y
rencontre que des marchands assez fous pour
tenter de rallier Lithalia et des troupes de no-
mades à la recherche d’un défi à la hauteur de
leur réputation. On assiste parfois d’ailleurs à
des combats entre bandes rivales pour déter-
miner qui aura le droit d’attaquer telle ou telle
cible… Armez-vous en conséquence quand
vous empruntez cette route, ou préparez-vous
à faire de « longs détours » pour arriver entier
à destination…
Termoral (20)
Les autorités spirituelles de Laelith rechi-
gnant à accueillir en ville un marché aux es-
claves, il a été décidé d’en implanter un hors
des murs, sous la forme d’un vaste caravan-
sérail entre la Cité sainte et le marais des
Languissants.
On y trouve essentiellement des « indentu-
rés », des individus incapables de payer leurs
dettes et loués par Laelith à des exploitants
venus de tout l’Altalith. Des fonctionnaires,
esclavagistes d’État payés par la ville, ache-
minent les condamnés à Termoral. Ils ont aus-
si pour charge d’estimer la valeur des recrues
et la durée des prêts.
Lorsqu’un client est intéressé, il règle la
dette de l’esclave auprès des services compé-
tents et l’emmène pour une durée négociée
en fonction de ses talents et de la somme due.
Plus la victime possédera de compétences, plus
le temps de servage sera court. En revanche,
si elle ne possède aucun atout particulier, elle
risque d’être indenturée pour une période
indéterminée…
Dispersés à travers tout le lac, de nombreux
esclaves affranchis renoncent parfois à rega-
gner Laelith. Ils s’installent non loin de leur
lieu de servitude et contribuent ainsi à la colo-
nisation des terres autour de l’Altalith.
À noter enfin que Termoral possède une li-
cence exclusive d’exploitation des languissants
importés depuis le marais du même nom.
Le temple d’Altalith (21)
Ce temple est souvent confondu avec celui
du Poisson d’argent, à tel point que les pèlerins
pensent parfois que les deux ne font qu’un.
Cependant, si ces deux institutions ont en com-
mun une affinité particulière avec l’eau, la res-
semblance s’arrête là. En effet, la communauté
du temple d’Altalith n’a pas de divinité décla-
rée, mais vénère plutôt la beauté, l’harmonie et
les bienfaits que prodigue le lac. C’est aussi un
monastère et un lieu d’étude renommé.
Le temple a été construit sur les ruines d’un
ancien bagne. Les cachots, dont certains sou-
terrains, ont été réaménagés en bassins éta-
gés qui mènent les eaux de pluie de cascades
en bassins jusqu’au niveau du lac. Les moines
ont tout fait pour dissimuler les anciennes cel-
lules sous une végétation luxuriante, heureux
de pouvoir transformer un lieu de mort en un
lieu de vie.
Un peu partout dans les jardins qui en-
tourent le temple, on découvre des prouesses
réalisées avec de l’eau lourde ou creuse : ici
un aquarium dont les parois en eau dense
sont d’une transparence étonnante, ailleurs
des bains dans lesquels l’eau creuse permet
de s’immerger et de se promener parmi des
poissons aux nageoires évoquant des ailes
d’oiseau. Partout, on trouve des fontaines pé-
trifiées et des cascades qui coulent au ralenti,
de même que des sculptures ondoyantes en
eau lourde qui favorisent la contemplation et
la relaxation. Au ras du sol ou flottant dans
les airs, des doigts d’eau arpentent les plan-
tations. Algues et coraux y sont subtilement
agencés au milieu des plantes terrestres. Pour
les moines, ce mélange est le symbole de
l’unité de la vie quel que soit son milieu.
Dans les étages, les anciennes cellules ont
été réhabilitées en chambres de méditation
ou de retraite. Certaines sont emplies d’eau
surfluide, ce qui permet au pèlerin de médi-
ter, baigné par de délicats courants.
Le temple d’Altalith est un lieu prisé pour sa
paix, à tel point que les autorités du Poisson
d’argent, parfois gênées par la popularité du
lieu, insistent souvent sur le fait que le site est
une annexe du bâtiment laelithien. Quand on
leur pose la question, les moines de l’île rient
avec bonhomie et répondent que faire du
temple d’Altalith sa propriété est aussi vain
que de revendiquer celle d’une goutte d’eau…
Attention danger
« D’accord, le temple d’A ltalith est
très beau et tout ça. Mais ce n’est pas
pour autant le paradis des innocents.
Malheur à celui qui tentera d’y péné-
trer sans être invité ! Tout autour de
l’île, des bancs de sable invitent l’intrus
à y poser le pied, mais ce sont en fait
des miroirs d’eau, de redoutables sables
mouvants qui entraînent leur victime
dans les tréfonds du lac. Ailleurs, des
digues en eau lourde permettent au
contraire aux notables d’aborder le
temple en toute discrétion – avec l’im-
pression d’être un prophète marchant
sur l’eau, par-dessus le marché… »
Zygal Tennalmane,
« Laelith : une hérésie » (œuvre interdite)

Table d’aventures
1 Le lac. Un illuminé du nom de Sériafost veut monter
une expédition pour retrouver le manuscrit de l’Ultime
Châtiment. Il recrute sur les quais de la Chaussée du
lac. Les personnages sont interpellés. À eux de s’en
dépêtrer : Sériafost est accompagné de cinq malabars
plutôt revêches.
2 Le lac. Lord Enoch est de retour en ville : il vient plai-
der la cause des Utruz devant le temple du Poisson
d’argent. Les personnages écoutent son discours, élo-
quent mais qui provoque des échauffourées. L’orateur
est en danger d’être molesté. À chacun de choisir son
camp, la fuite étant toujours envisageable.
3 Braïtonne. Taliesal, actuel propriétaire de la fabrique
de billet-monnaie, pense avoir trouvé une solution
d’impression viable sur soie azilianaise. Il confie aux
personnages le transport d’un petit coffre jusqu’à
Phlocal, où s’effectueront les derniers tests, chez
maître Alostifos.
4 Muïck. Jolian le sourcier a disparu depuis trois jours.
Tout le monde est réquisitionné, personnages com-
pris, pour une grande battue. C’est l’occasion de lier
connaissance avec les Muïckiens jusqu’à ce que le clo-
chard céleste soit retrouvé en vie mais blessé, tombé
dans une profonde combe.
5 Muïck. Les nombreux bassins de l’École du sillage sont
à sec. Sa réputation étant en jeu, on propose aux per-
sonnages de devenir porteurs d’eau pour deux jours.
Rentable ! Encore faut-il avoir la condition physique
pour trimballer six fois dans la journée 30 litres d’eau,
depuis la première source distante de 5 kilomètres.
6 Coraz. Gardanyar et sa clique sont en ville pour une
virée. Les personnages avaient choisi Le chat à sept
nuits pour une soirée peinarde. Ce ne sera pas le cas.
7 Psaltié-du-bas. Xyrophielle d’Amphas regrette d’avoir
été trop jeune pour épouser Pierrick d’Ankou. Depuis,
chaque année, au son du glas, elle fait le pèlerinage
jusqu’au manoir. Les personnages croisent sa simple
suite et peuvent la sauver d’une tentative de rapt.
L’enquête révélera que c’est le domestique du do-
maine d’Ankou qui a soudoyé les brigands.
8 Bental. C’est reparti pour une quatrième chasse au py-
rrhocore. Les personnages peuvent participer à cette
expédition en montagne. Qui sait ? Peut-être cette
fois-ci l’insecte géant sera-t-il débusqué.
9 Howe. Le village est en effervescence : c’est lui qui
accueille cette année la grande fête du lac. Toutes les
villes côtières ont envoyé leurs ambassadeurs et le
Poisson en argent a été enterré quelque part à proxi-
mité. Les équipes sont fin prêtes et la chasse au tré-
sor commencera au lever du soleil. Les personnages
peuvent tenter d’y participer en indépendants.
10 Termoral. Le fils de Bassonpierre le Hardi, comte de
l’échelle des Scribes-Échevins, est malade. Ashka est
appelée à son chevet, mais ses jambes la portent trop
difficilement pour se rendre seule à Laelith. Elle de-
mande l’aide des personnages pour l’escorter.

Les Hors-ville 501

 Le Hors-ville lointain
Le Hors-ville lointain
ou les Six Provinces
Et ils seront légion
Il attend quelque part au bord du lac, le
manuscrit de l’Ultime Châtiment. Et
la prophétie dit que si un adepte d’un
des quatre Temples l’exhume, alors,
en vérité il vous le dit, viendra la fin
des temps. De nouveau, les montagnes
se soulèveront, de nouveau les eaux
déferleront et nul être vivant n’en
réchappera, hormis les âmes saintes
du Temple des Élus. D’où les questions
que se pose chaque grand prêtre : « Les
âmes saintes sont-elles chez moi ?
Dois-je favoriser cette quête ? Dois-je
entraver cette recherche ? » À ce jour,
les Temples observent le statu quo, mais
ils sont nombreux ceux qui espèrent
qu’aucune expédition n’aboutira.
Récemment, un derviche dément
aurait eu une vision prophétisant que
de courageux aventuriers pourraient
bientôt être mêlés à cette enquête...
Dossier
changenommable I :
Anceliande Pastro
« Je crois en Anceliande, en ses visions
d’avenir pour la cité. Mais en œuvrant
pour les faire avancer, il va entrer dans
des sphères où mieux vaut pas de
pedigree qu’un mauvais pedigree. Et
sur ce point, sa famille est sérieusement
grillée, entre les combines sournoises du
père, les injures acides de l’oncle envers
des puissants et la manie de sa sœur de
se jeter bec et ongles sur des supposées
rivales à chaque bal ou banquet, Pastro
devient un patronyme impossible
à porter. Anceliande a un don mal
exploité pour le luth, et selon Berenos, la
demoiselle Caradinoschi songe à s’offrir
la compagnie d’un musicien, ce pourrait
être un bon raccourci pour l’introduire
dans les cercles où l’on tend l’oreille
aux belles idées des poètes. Il n’y a plus
qu’à exiler Anceliande et rapidement
magnifier ses talents musicaux… »
502
Le Hors-ville lointain désigne ce qui se
trouve au-delà de cinq jours de marche de
Laelith. Au sud, la région se partage entre le
plateau des Steppes, agrippé à la partie occi-
dentale de la Grande Faille, et la miséricor-
dieuse plaine des Oliviers qui s’étend vers
l’orient. Au nord et à l’ouest, les Marches du
couchant s’effacent peu à peu au profit du
Grand Désert, terrible épreuve pour les pèle-
rins venant du septentrion.
Vers l’est, enfin, s’étend une vaste région
montagneuse dont les replis convergent tels
des doigts avides vers le lac des Hautes Eaux.
On y trouve, disposées comme les rayons
d’une roue, six provinces-États, liées à Laelith
par des relations d’interdépendance agricoles
et commerciales. Au niveau diplomatique, Nin
Ier a choisi de privilégier la zone de l’Altalith
afin de renforcer l’autonomie de la Ville sainte.
En conséquence, il cultive avec les Provinces
une relation courtoise mais distante, à laquelle
celles-ci répondent par des attitudes allant de
la servilité à la rivalité ouverte. Lorsque les
intrigues politiques en viennent à ressembler
à des répliques du Châtiment, les marchands
se consolent en se disant que c’est là la preuve
d’une économie dynamique…
Le Matriarcat d’Olizya
Il y a plusieurs siècles, une tribu barbare ve-
nue du lointain orient se mit en tête d’assié-
ger Laelith. Le conflit s’enlisa et les guerriers,
souvent absents pour cause de massacres, lais-
sèrent progressivement la responsabilité du
camp à leurs compagnes.
Au fil des mois et des pertes humaines, le
nombre des femmes en vint à dépasser ce-
lui des hommes. Les lamentations funèbres
remplacèrent peu à peu les hymnes martiaux,
jusqu’à ce qu’une vénérable barbare, Olizya,
décide de mettre un terme à l’obstination des
hommes. Elle n’eut aucun mal à persuader
les autres femmes de refuser tout soutien, de
quelque nature que ce soit, à leurs maris, frères
et pères tant que ceux-ci s’entêteraient dans ce
conflit stérile.
Les guerriers rirent d’abord de cette résolu-
tion. Cependant, les semaines passant, la dé-
termination de leurs compagnes ne plia pas, et
ils ne purent faire autrement que de céder. La
paix fut signée, mais l’autorité demeura entre
les mains des femmes. Le Matriarcat était né.
Aujourd’hui, la province compte près de
100 000 habitants, dont les deux tiers sont des
femmes. Parmi elles, 20 % sont des non-hu-
maines, accueillies sans préjugé. Un Conseil des
mères, composé des représentantes des princi-
paux clans (musiciennes, érudites, artisanes…),
dirige la vie politique. Ses décisions, souve-
raines, sont parfois tempérées par l’Assemblée
des juvéniles, organisée autour de notables plus
jeunes. Le régime privilégie les femmes, qui
occupent les postes les plus prestigieux et les
plus importants, et les garçons sont élevés dans
l’esprit de cette répartition des tâches et res-
ponsabilités. Si les hommes acceptent généra-
lement la situation, les étrangers ont parfois du
mal à supporter les tracasseries administratives
du Bureau des mâles, qui contrôle les déplace-
ments des hommes étrangers sur son territoire.
Malgré sa rigueur, le Matriarcat ne prône
cependant pas la misandrie. Simplement,
la majorité des habitantes estiment que les
hommes, s’ils peuvent être capables du meil-
leur, sont également capables du pire et à ce
titre, ils doivent être écartés des grandes déci-
sions, pour le bien de la communauté.
En faisant fi de ces désagréments, le visiteur
trouvera en Olizya de nombreuses occasions
d’émerveillement  : bijouterie et orfèvre-
rie vantées dans tout Altalith, somptueuses
étoffes, architecture toute en courbes des bâ-
timents, le clan des convoyeuses (des gardes
d’élite souvent recrutées par les marchands)…
La province cultive des relations chaleureuses
avec Kaoca, et a signé des traités commerciaux
Cartographie des Six Provinces du lac des Hautes Eaux
avec la cité de Laelith et les vallées du Levant
Cartographiée par le cartographe planaire Jems Ekwalson, d’après les documentations gracieusement mises à
disposition par l’école de magie du Nuage et les archives de la Baronnie de Kaoca

avec la Marche d’Azilian. Profondément paci-
fistes, les Olizyanes tolèrent difficilement le vi-
ril Agramor et sa politique raciste. De manière
générale, le Matriarcat est considéré à travers
le lac comme un interlocuteur fiable, modéré
et efficace, pour peu que ses choix politiques
et sociétaux ne soient pas remis en question.
La Baronnie de Kaoca
La Baronnie fut fondée il y a très longtemps
par un clan de gnomes des profondeurs alliés
à des élémentaires de l’air. En remerciement
de leur allégeance, ces derniers offrirent à
la fille aînée du seigneur en place le pouvoir
de déchaîner des ouragans sur le lac en cas
d’attaque.
De nos jours, l’autorité demeure aux mains
du baron, conseillé par son premier magistrat.
Changenommables et
Son pouvoir est en théorie absolu, mais dans
Changenommés
« Dame Nitsille,
les faits, toutes les décisions importantes sont
Voici les dossiers des changenommables
prises par référendum. Le baron accorde aussi
des audiences populaires une fois par semaine.
que j’ai repérés depuis notre dernière
entrevue. Thruktikah est en dernier
La grande prospérité de Kaoca s’explique dans mon carnet, mais merci de
par son tourisme extrêmement développé. traiter son cas en première
Chaque jour, plusieurs navires partent de urgence… »

Les Hors-ville 503

 Dossier
changenommable II :
Otropiense Maulver
« Le très idéaliste et incorruptible
aspirant fouineur Otropiense Maulver
a eu la mauvaise idée, dans le cadre
de son travail, de mettre en lumière
diverses malversations impliquant des
notables dans le cadre de plusieurs
sociétés hermétiques. Le tuer eut été
peu discret pour les personnes mises en
cause, qui ont préféré le faire espionner
et le contrecarrer afin qu’il échoue
dans ses enquêtes et ses demandes de
promotion, en espérant le mener au
désespoir. Ce qui est en train de se pro-
duire. Même si son chef Beor Bragthem
n’est pas dupe et l’encourage en lui
conservant sa confiance, Otropiense
m’a avoué ne plus se voir d’avenir. Je
pense que s’il "disparaissait", Bragthem
chercherait un remplaçant et serait
heureux d’engager un nouvel aspirant
ayant le même profil, mais sans "passif "
avec les pouvoirs occultes locaux… »
Laelith pour ce vaste parc d’attractions que
constitue la Baronnie. On y trouve de tout, de-
puis les dragons automates jusqu’aux donjons
fantômes, en passant par les stands de mas-
sacre de monstres. Seuls les jeux d’argent sont
interdits.
Le château de Kaoca mérite également la vi-
site. Ses huit beffrois immaculés ont été édifiés
sur un roc noir aussi dur que le diamant, résul-
tat d’un rift particulièrement puissant au cours
du Châtiment. Le visiteur ne manquera pas de
s’extasier sur ses arches graciles, ses grandes
toiles humoristiques ou ses jardins flottants
peuplés de jongleurs. Un autre établissement
notable est l’École de science de la physiono-
mie, qui enseigne comment reconnaître un
individu quelle que soit son apparence. On
y apprend aussi le sens de la justice, l’amour
de la patrie, la dérision et la dissimulation des
secrets.
Afin de soutenir l’affluence, une règle
juridique aux contours imprécis, dite de
la «  Bonne humeur notoire  », exige des
Kaocaliens qu’ils soient affables en toutes
circonstances et envers tous les visiteurs. Les
plus doués reçoivent une pension substantielle
en récompense de leur exemplarité, les autres
sont sujets aux moqueries et écartés des postes
à responsabilité.
Le résultat de ces efforts est une prospérité
proverbiale, qui vaut aux Kaocaliens une cer-
taine méfiance de la part de leurs partenaires.
De fait, nombreux sont les observateurs qui,
sous la bonhomie affichée de la Baronnie, y
voient surtout une main de fer dans un gant
de bouffon. Ainsi, de nombreux produits

Le Choukabi, une attraction

spectaculaire de la Baronnie de
Kaoca. Tirez sur les monstres pour
les éliminer !

504
d’exportation liés au divertissement peuvent
être facilement détournés de leur vocation
première : chocolats entraînant une cruelle ac-
coutumance, jouets animés qui sont en fait de
petites machines de guerre, explosifs puissants
sous couvert de feux d’artifice.
Bonne humeur oblige, les Kaocaliens
cultivent des relations maladivement aimables
avec les autres provinces. La seule à faire ou-
vertement l’objet de leur agacement est le
Grand-Duché d’Agramor, dont la xénopho-
bie a poussé à l’exil vers la Baronnie de nom-
breuses familles gnomes. Le reste du lac fait
preuve d’une prudence policée envers Kaoca,
ne sachant trop ce qui se cache réellement sous
les traits fardés du clown…
La Marche d’Azilian
Il y a trois siècles, des marchands laelithiens
fuyant les excès de la cité partirent en croisière
et découvrirent une région peuplée de vastes
et majestueuses forêts. Ils ne furent pas longs
à découvrir les propriétés étonnantes de cer-
taines essences (le bogatier, solide et léger,
ou le solmerier aussi dur que l’acier), et déci-
dèrent d’installer une colonie afin d’exploiter
ces trésors végétaux.
La colonie prospéra jusqu’à l’invasion d’in-
sectes xylophages voraces, les spiristes, qui
décimèrent la forêt sans qu’on puisse trouver
de solution. Un marchand nommé Azilian
décida de gagner les montagnes du nord où,
disait-on, vivait une tribu élevant d’énormes
araignées. Les barbares acceptèrent de rallier
l’exploitation, et parvinrent en quelques se-
maines à enrayer le fléau grâce à leurs mons-
trueux destriers. Azilian fut aussitôt propulsé
au pouvoir, et la colonie fut nommée du nom
de son bienfaiteur.
Plus tard, lorsque Laelith fut la proie des
attaques de nomades du désert, la province
envoya ses araignées combattre aux côtés de
la ville, ce qui la libéra. En remerciement de
son intervention, Laelith proclama la Marche
territoire indépendant.
Aujourd’hui, Azilian demeure sous le
contrôle strict des marchands, qui dirigent par
le biais d’un conseil collégial formé des sept
plus grosses fortunes du pays. Chaque année,
le conseil élit le « vergobret », chef suprême
qui doit cependant obtenir l’aval des deux
tiers du conseil pour que ses décisions soient
ratifiées. De nombreuses guildes d’artisans et
de propriétaires terriens gravitent autour du
pouvoir, faisant assaut d’intrigues afin de fa-
voriser leurs intérêts.
Les Azilianais justifiant d’un certain niveau
d’imposition sont déclarés « citoyens », ce qui
leur permet d’exercer une activité commer-
ciale et de posséder des biens immobiliers. Ils
peuvent également siéger à l’Assemblée dé-
mocratique permanente, congrès censé dyna-
miser la vie politique en proposant traités et
décrets. Dans les faits, il sert surtout à donner
une occupation aux rentiers désœuvrés et à les
surveiller.
Les non-citoyens, aussi appelés « les gris »,
vivent dans les vastes taudis des exploitations
forestières. Leur existence est organisée par
un service d’encadrement qui prend en charge
jusqu’au moindre détail de leur vie, loisirs
compris. Une police secrète veille à ce que
les lois tyranniques qui les régissent soient
respectées, de sorte que la seule possibilité
de voir leur sort s’améliorer est la délation ou
l’interprétation zélée des dogmes des maîtres.
De même, les non-humains voient leur exis-
tence sévèrement contrôlée par le Bureau du
même nom, qui les contraint à s’acquitter de
lourdes taxes lorsqu’ils désirent résider dans la
Marche.
Commerce oblige, Azilian cultive une neu-
tralité stricte et un peu sèche avec les autres
provinces. Cependant, un certain agacement
pointe parfois sous le pragmatisme lorsqu’il
doit traiter avec des mentalités qu’il a du mal
à appréhender, Egonzasthan et Kaoca en tête.
De même, il cultive une froideur cordiale avec
Jadhys, avec qui il est parfois en concurrence.
Le Grand-Duché
d’Agramor
Il y a quatre siècles, un repris de justice no-
toire, Malzekiande dit le Fabuleux, décida de
s’éloigner pour son bien et pour un temps de
Laelith. Avec quelques amis de débauche, il
fonda le Grand-Duché, puis il se mit en tête
d’éliminer toutes les menaces alentour, consti-
tuées à l’époque par les trolls et les orcs qui pul-
lulaient dans les montagnes. Cette campagne,
qui dura des années, fut connue sous le nom
de guerre d’Épuration du sang. Hélas, les des-
cendants de Malzekiande n’en restèrent pas là,
et prônant la pureté de la race agramorienne,
Vérité vraie n° 23
Il semble évident que l’attaque des
spiristes fut organisée par Laelith, qui
voyait d’un très mauvais œil la création
d’un pôle commercial rival. La cité
« sainte » s’en cacha d’ailleurs à peine,
cherchant à provoquer la nouvelle colo-
nie pour mieux l’écraser. Les Azilianais
choisirent d’ignorer l’origine de la
catastrophe, mais ils choisirent aussi de
s’en souvenir…
Plus tard, lorsque Laelith fut victime
des nomades, il est aujourd’hui prouvé
qu’A zilian fomenta l’assaut afin de
rendre à la cité la monnaie de sa pièce.
Mais la violence de la réplique fut
tempérée par le fait que, très vite, la
Marche vola au secours de Laelith. Avec
cette manœuvre, elle montrait à la fois
qu’il valait mieux ne pas l’importuner,
mais aussi qu’elle pouvait se muer en
alliée de choix.
Le Roi-Dieu Cémaldir VII saisit sans
tarder le sous-entendu, et accepta
le marché en proclamant Azilian
territoire indépendant. Depuis, Laelith
et la Marche sont les meilleurs amis du
monde…
Ilian Bazzil,
« Mille et un complots pour jours de pluie »
Dossier
changenommable III :
Chlovnisnia
« Chlovnisnia Weha a été une adoles-
cente au bon cœur mais… délurée. Je
l’ai revue – au retour d’une expédition
où elle avait accompagné son béguin
du moment et quitté Laelith pour la
première fois – transfigurée et animée
d’une volonté farouche de devenir
paladine ! Seuls un clerc et elle en sont
revenus vivants et les mains vides, à
part cette épée qu’elle manie comme
si c’était un sabre souple et léger. Mais
avec son passé licencieux, aucune voie
vers le paladinat ne s’ouvrira pour elle
à Laelith. Et si moi je crois qu’elle est
déjà une autre dans sa tête, vous seuls
mes amis pouvez faire qu’elle le soit
aussi dans son corps. Si grâce à vous
paladine elle devient, son cœur et sa
lame sauront vous le rendre,
c’est sûr. »
Les Hors-ville 505
 Dossier
changenommable IV :
Andladionnesto Pioz
« “Andelo» possède un don fabuleux
pour le calcul et un autre pour l’obser-
vation. Si on lui donne les prix d’une
centaine d’articles et qu’on lui montre
le convoi d’un marchand, il peut vous
en dire la valeur totale en quelques
instants (contenu, chariots et mules
compris) ! Il utilise hélas depuis trop
longtemps ces talents pour monter des
arnaques ou tricher au jeu… Et c’est
juste au moment où il a rencontré un
employeur chez qui déployer honnête-
ment ses dons que ses victimes se sont
unies pour mettre un contrat sur sa
tête. Lui aussi, si vous le sauvez, pourrait
vous rendre de grands services. »
Derrière l'affabilité des gnomes de
Kaoca se cache une mentalité âpre au
gain...
506
entreprirent des campagnes similaires : contre
les « créatures fouisseuses » (gnomes et nains),
puis contre les « créatures sournoises » aux
oreilles pointues, et enfin, il y a quelques dé-
cennies, contre… les rats. Aujourd’hui, ne
trouvant plus d’ennemis à combattre, les dé-
lires xénophobes du Duché se sont calmés,
même si les non-humains prennent toujours
soin de dissimuler leur identité lorsqu’ils tra-
versent le pays. Pour cette raison, cette pro-
vince compte moins de 1 % de non-humains.
Le pouvoir actuel est détenu par le grand-
duc, tempéré par deux conseils politiques : la
Table des pairs, regroupant les chevaliers les
plus illustres, et l’Assemblée des propriétaires,
menée par les grands propriétaires terriens.
Il faut préciser que le Duché est un véritable
grenier à blé, dont les vastes espaces fertiles
alimentent toute la région, Laelith en tête.
La main-d’œuvre est assurée par une popu-
lation pauvre et proche du servage, même si
bien nourrie. Pendant ce temps, la noblesse
accumule les hauts faits dans des tournois san-
glants, dans l’expression d’un amour courtois
exigeant et fébrile, et dans des missions dont la
gloire est d’autant plus grande que les chances
de succès sont minces.
De fait, deux mots suffisent à résumer la
mentalité agramorienne : bravoure et richesse.
Naître sans l’une de ces deux vertus vous
condamnera à vivre dans une hutte misérable,
à travailler dans un état de semi-esclavage
pour la gloire des seigneurs du lieu.
Étranger, sache que les chevaliers ne daigne-
ront remarquer ta présence que si tu maîtrises
l’art complexe de l’étiquette… ou la veulerie la
plus basse. Fais profil bas, et tu pourras peut-
être visiter quelques-uns des lieux les plus
pittoresques du lac : la cathédrale multiculte
d’Elboise et ses flèches élancées, ou l’Enceinte
à tournois de Calbevray, vaste espace à ciel ou-
vert où sont reconstituées des batailles à armes
réelles.
Le Duché entretient d’excellents rapports
avec Kaoca et Azilian, auprès de qui il se four-
nit respectivement en armes et en araignées
de combat. En revanche, ses rapports avec
l’Egonzasthan sont proches de la haine, ces
derniers accueillant massivement les peuples
non humains maltraités par les Agramoriens.
La Fédération des Comtés
d’Egonzasthan
Vue de l’extérieur, la Fédération est un as-
semblage hétéroclite de cantons gérés par au-
tant de clans non humains. La vie politique,
très instable, est régulièrement l’objet de coups
d’État, réformes drastiques ou révolutions, ce
qui rapproche la province d’un puzzle anar-
chiste uniquement séparé du chaos par l’auto-
rité religieuse qui dirige le pays.
Cette autorité est détenue par une faction
humanoïde appelée les Zadulhiens. Doté d’une
queue de salamandre et possédant des capaci-
tés de lévitation limitées, ce peuple est le ré-
sultat d’un métissage entre des humains et une
race ancienne et mystérieuse : les Huvaliniens.
Si l’on en croit la rumeur, ces visiteurs seraient
venus des étoiles et se seraient installés bien
avant le Châtiment. Dépourvus de jambes,
les Huvaliniens se déplacent en lévitant, et
se dirigent grâce à un long appendice caudal
qui peut au besoin servir d’arme. La plupart
d’entre eux vivent retranchés derrière les murs
de grands temples nichés dans les montagnes,
et sont souvent considérés comme les vrais
maîtres de la région, même si leurs effectifs ne
cessent de décliner.
La Fédération est partagée en deux grandes
zones : l’une composée de plaines fertiles au
nord, l’autre de montagnes truffées de mines
et de carrières au sud. De ces dernières on ex-
trait, entre autres, un minéral aux propriétés
étonnantes appelé pierre sacrée. Son origine
se trouve dans une série de rifts ayant par-
couru la région pendant le Châtiment. Formé
de petits grains très denses noyés au sein
d’une matrice très expansée, ce matériau est
à la fois léger et très robuste. La pierre sacrée
est employée à profusion à Egonzasthan-la-
Basse, principale ville de la province, qui peut
rivaliser avec Laelith en ce qui concerne la
beauté architecturale. La différence est qu’ici,
tout est perpétuellement en travaux, depuis
la simple cahute à légumes ornementale
jusqu’aux beffrois rococos. Effondrements,
démolitions et expulsions rythment la vie
des habitants, afin de laisser la place aux nou-
veautés imaginées par les étudiants de la cé-
lèbre école d’architecture. Parmi la débauche
monumentale, on retiendra tout de même le
Palais lévitant, somptueuse bâtisse flottant
au-dessus du sol grâce à une zone d’air très
dense résultant d’un rift.
Compte tenu de l’instabilité politique de la
région et du mystère entourant ses maîtres, la
Fédération entretient des rapports de méfiance
mutuelle avec ses voisins, de même que des re-
lations officiellement tendues avec Laelith. En
effet, les Huvaliniens prônent l’existence d’un
Dieu unique, Aladhel, dont ils encouragent le
culte à travers tout l’Egonzasthan. Cependant,
et de manière étrange, Laelith n’a jamais
pris les armes pour combattre cette hérésie,
se contentant de violents pamphlets d’État
contre ce monothéisme insolite.
Apparus un jour d’on ne sait où, les quelques On vous ment
Chupl’z qui mirent le pied sur les rives du « Je vous le dis, Agramor et Azilian,
Haut Lac durent longtemps lutter contre c’est Utruz mouillé et Utruz humide.
l’extinction, en raison d’un mode de repro- Le premier soumet ses serfs par la
duction complexe et d’une fragilité face aux force, l’autre par la manipulation. Vous
comprenez pourquoi ces deux-là s’en-
prédateurs. Leurs talents de négociateurs leur
tendent si bien ? Et vous savez ce qui les
permirent peu à peu de tisser des liens étroits
rapproche encore ? Leur aversion pour
avec l’ensemble des puissances du lac. Leur les non-humains, qu’ils traitent comme
probité et leur efficacité proverbiales y sont des grains de sable dans leurs rouages
pour beaucoup. Pour eux, tout peut se trouver totalitaires bien huilés… »
et s’échanger : secrets, grimoires perdus, indi- Wofgang Perk,
vidus, plats exotiques. Le tout est d’y mettre le « Réflexions avant ma flagellation »
prix. Certains observateurs attribuent à leur
vaste mémoire collective la capacité à déni-
cher tout et n’importe quoi. Les plus cyniques
ajoutent qu’ils emploient surtout leurs capa-
cités mentales pour faire en sorte que leurs
clients s’endettent plus qu’ils ne le devraient.
Parce que leur physionomie dérangeante
ne favorise pas les échanges, les Chupl’z pré-
fèrent recourir à des intermédiaires dont ils
s’attachent les services en leur offrant ce qu’ils
désirent le plus. Pour cette raison, leur pré-
sence à Laelith est très rare.
Il n’existe aucun système politique précis à
Jadhys, juste une hiérarchie de grands patrons
dirigeant des sous-patrons, lesquels admi-
nistrent des employés faisant travailler des
ouvriers. Tout au plus peut-on citer l’existence
du « premier bourgeon », titre honorifique à
la signification inconnue pour un individu qui
ne l’est pas moins.
Deux sites d’importance méritent d’être
mentionnés à Jadhys. Le premier est une vaste
serre où sont plantées les pousses qui devien- On vous spolie
dront plus tard des Chupl’z adultes. L’autre,
Les chevaliers prétendent que les
non-humains (et les autres nations en
dont l’existence et la localisation demeurent
général) constituent autant de dangers
hypothétiques, est un vaste entrepôt de la dont il faut protéger la population.
taille d’une petite ville dans lequel les Chupl’z Cela leur permet de justifier l’esclavage
stockeraient l’ensemble de leurs merveilles. Ils inepte dans lequel ils maintiennent
seraient même capables de s’y rendre et d’en leurs paysans : « Vous travaillez, on
revenir en un temps record. vous protège ».

Les Jardins de Jadhys Les rapports des Chupl’z avec le reste du

Les fondateurs de Jadhys, les Chupl’z (pro-
noncez « tchoupeulz ») sont parmi les créa-
tures les plus étonnantes du lac. Imaginez un
manchot dont la peau ressemble à de l’écorce
pierreuse, affublé d’une bouche sans lèvres et
d’une tête sans cou. Ajoutez-lui un nez poreux,
deux yeux en boutons de bottine et une courte
queue épaisse, et vous aurez une idée de l’ap-
parence de ces petites créatures.
lac sont excellents et basés sur la diligence
de ces petits êtres. Tout le monde s’accorde
en effet sur le fait que si un Chupl’z ne peut
vous donner satisfaction, personne ne le
pourra. Cependant, tout service a un coût, et
pour cette raison, le commerce avec ces mar-
chands-nés se teinte parfois d’une certaine
méfiance. Comme le dit la sagesse populaire,
quand on négocie avec un Chupl’z, on ne sait
jamais si on est le client ou la marchandise…
Mais aujourd’hui ? Plus de guerre
d’Épuration pour servir d’excuse ! Les
serfs se réveillent et veulent goûter à
la liberté. Seule une prospérité relative
empêche encore les émeutes. Le jour où
les récoltes seront mauvaises, les che-
valiers devront soit lâcher du lest, soit
trouver un nouvel ennemi à combattre.
Et cet ennemi, il y a de fortes chances
que ce soit vous.
Wofgang Perk, « Réflexions avant
ma pendaison »

Les Hors-ville 507

 Scénarios
Dossier
changenommable 5 :
Perperin le maître
« Vous douteriez-vous que maître
Perperin (bien plus jeune que ne le
laissent penser sa barbe et surtout sa
renommée et sa clientèle) ne rêve que
d’une chose, redevenir anonyme pour
pouvoir convoler avec la pulpeuse,
sulfureuse mais amoureuse Vrodida.
Retrouver un autre métier sublimant
ses connaissances de l’âme humaine
(et non humaine) ne lui posera pas de
difficultés. Mais pour vous, en faire un
nouvel homme où nul (sauf Vrodida) ne
reconnaîtra le fameux maître Perperin
est une vraie prouesse. Nécessaire, car
ses "patients" s’estimeront abandonnés et
trahis, et lui en voudront à mort ! »
Dossier
changenommable 6 :
Tod Pierpatrikk
« Tod est un cas simple, si ce n’est son
franc-parler, ce qui rend ma requête
urgente. Quand ses compagnons ont
raccroché de leur vie d’aventuriers et
transformé leurs gains en positions
sociales enviables, ce vieux Laelithien a
continué à bourlinguer. À chacun de ses
retours en ville, ses ex-amis se faisaient
plus distants. Il n’en avait cure, mais au-
jourd’hui qu’il veut lui aussi se poser et
s’installer, ils sont devenus menaçants,
et lui ont ordonné de disparaître sous
peine de mort, car ils se sont convain-
cus que Tod-le-bavard pourrait ruiner
leur réputation (en bonne partie inven-
tée) en révélant leur véritable passé et
leur conduite plus que douteuse. Ça me
ferait mal au cœur qu’il soit ainsi exilé
de sa cité natale ou tué, et je l’ai caché
sous la garde d’un groupe de gens en qui
j’ai confiance et qui peuvent l’escorter
jusqu’à vous, si bien sûr vous accepter
de renommer le vieux Tod. »
508
Aventures sur le lac
Inlam
Le torracle disparu
Ginira le Faiseur, célèbre torracle officiant
non loin de l’Inlam, a disparu. Ses prédictions
étaient pourtant si précises : à peine annon-
çait-il une crue que celle-ci survenait ! On
soupçonne que des concurrents s’en sont dis-
crètement débarrassés, à moins qu’il n’ait dé-
couvert quelque sombre secret.
La vérité : Ginira doit le succès de ses pré-
dictions au fait qu’il faisait chanter les nains
de Vorn (voir le chapitre des Secrets) pour
que ceux-ci accomplissent ses volontés. Il s’est
montré trop gourmand et a été enlevé par les
mineurs, qui n’ont pas encore décidé de son
sort. C’est là l’occasion pour des PJ avisés de
mettre à jour une vaste collusion entre des tor-
racles corrompus et des mineurs qui ne le sont
pas moins…
Altalith
Meurtres chez les Intrépides
Géologues
On déplore depuis peu une hécatombe au
sein de la Société des intrépides géologues. Les
personnages sont mandatés pour faire toute
la lumière sur cette affaire. Les explorateurs
auraient-ils dérangé des intérêts en haut lieu,
ou découvert un secret qui les a condamnés ?
Le premier meurtre a été perpétré lors de la
reconnaissance en barque d’un géologue, Ilian
Cavardit, non loin du village utruz…
La vérité : Ilian a accidentellement découvert
un tunnel d’eau reliant certaines cahutes utruz
à un biome (voir les Secrets du lac) contrôlé
par des Ka-Utruz. Il a méticuleusement noté
ses observations dans un journal qu’il a confié
aux moines du temple d’Altalith juste avant sa
mort. Il soupçonne fortement l’existence d’une
race cachée dans les profondeurs du lac. Bien
sûr, tous ceux à qui il a fait part de ses hypo-
thèses disparaissent les uns après les autres. Le
contenu de ce journal en est devenu maudit,
et baptisé par ceux qui l’ont approché « le ma-
nuscrit de l’Ultime Châtiment ». Si ces conjec-
tures venaient à être rendues publiques, nul
doute que cela sonnerait le début d’un conflit
meurtrier avec le « peuple d’en bas »… À noter
que les Ka-Utruz détestent le temple d’Altalith,
où des faces-lisses incultes emploient des rifts
alors qu’elles n’y connaissent rien. Pour cette
raison, les Kas ont bâti sur les flancs immer-
gés de l’île des installations en eau lourde. Ces
baraquements pourraient bien un jour servir
à envahir l’île afin de se débarrasser une fois
pour toutes des sacrilèges…
Le Claque-doigt
Suivez les intrépides marins du Fier Jadis
dans leur mission ! Ce navire mercenaire,
comme indiqué dans son journal de bord (voir
l’introduction du chapitre des Hors-ville), doit
se rendre à Azil pour prendre possession d’une
précieuse cargaison de soie d’araignée à desti-
nation du Pier de Braïtonne. Gageons que le
voyage ne sera pas de tout repos !
La vérité : Les négociants souleÿnains sont
à l’origine de la soudaine surproduction de
soie de la région, et entendent accaparer la
majeure partie des profits promis par l’événe-
ment. Le Fier Jadis a donc toutes les chances
d’être victime d’un sabotage, peut-être par un
espion infiltré à bord. En outre, la guilde des
Frappeurs de monnaie n’a pas du tout envie
de voir remplacer leur précieux or par du vul-
gaire papier-monnaie. Enfin, il y a les pirates,
les tempêtes sèches et les tunnels d’eau…
Eaux troubles
Une triste confrérie de pirates sévit actuel-
lement dans la partie est du lac, entre le temple
d’Altalith et la Grande Dune. Leur particula-
rité est qu’ils semblent jaillir du brouillard et
disparaissent aussitôt leur forfait commis.
De plus, personne ne les a jamais vus accos-
ter où que ce soit pour faire le plein de vivres.
Certains matelots commencent à évoquer un
vaisseau fantôme. Il faut mettre cette engeance
hors de combat !

La vérité : Il y a dix ans, des malfrats ont dé-
couvert une île flottant au-dessus d’une vaste
forêt de sélanelles, abritant une petite ca-
verne en son centre. La formation rocheuse
coulait et refaisait surface au gré des déga-
gements de gaz. À l’aide d’ingénieurs cap-
turés, les pirates ont étanchéifié la caverne
afin d’assurer la flottabilité de l’île. Quand ils
veulent plonger, ils ouvrent les bouches d’aé-
rations : l’air s’échappe et l’île plonge. Quand
ils veulent faire surface, ils ferment les puits
afin que l’air s’accumule. Dans la grotte se
trouvent leur navire de combat et un petit
sloop dont ils se servent pour les échanges
avec la côte.
Coraz
Mission diplomatique
Les personnages sont engagés par un admi-
nistrateur laelithien qui, tombé en disgrâce,
vient d’être « promu » gouverneur de Coraz/
Souleÿna. À leur arrivée, le notable est tué,
victime d’un attentat. Il faut prendre en main
la ville quelques jours, le temps qu’un rempla-
çant soit nommé. Qui mieux que les PJ pour-
raient veiller au maintien de l’ordre dans la
ville ? Hélas, il est possible, vu le peu d’attrait
du poste, que cela prenne plus de temps que
prévu. Si le meurtre est élucidé, nos hardis
aventuriers pourront briguer le poste et de-
venir des médiateurs, réglant les conflits et les
intrigues régulières entre factions…
La vérité : Le meurtre semble porter la
marque des barbares. Cependant, les indices
sur les lieux indiquent que ces Coraziens
étaient en fait des mercenaires déguisés, payés
par les Souleÿnains. Mais en remontant la
piste de ces derniers, surprise ! La société
souleÿnaine qui a enrôlé les mercenaires ap-
partenait en fait à… Coraz ! Ce sont donc bien
les barbares qui ont commis l’attentat afin de
décrédibiliser leurs ennemis de toujours. À
moins que…
Les PJ parviendront-ils à s’extirper de ce sac
de nœuds ?
Le temple d'Altalith.
Dossier
Changenommable 7 :
Thrukhtikah
« J’ai cru que Thrukhtikah plaisantait
quand il m’a dit avoir deux person-
nalités. L’une de conteur admirable et
complice, l’autre de tueur sanguinaire.
Mais j’ai assisté à la métamorphose.
Rien de physique, à part la voix. Mais
ce regard, et ce conflit au moment du
"passage" entre mon ami qui m’a crié
de fuir tandis que "l’autre" me lorgnait
comme une proie… J’ignore ce que vous
pourriez faire. "Tuer" la seconde per-
sonnalité, je ne vous vois pas faire cela.
Peut-être la "changenommer" malgré
elle, ou la pousser à vouloir changer ?
Si le guérir est impossible, je vais devoir
dénoncer mon vieil ami pour
éviter d’autres meurtres… »
Les Hors-ville 509

Une esclave « retravaillée » du Soukoser.
Rencontres sur le lac
1 Un tunnel d’eau vient de s’ouvrir
devant vous.
2 Une île flottante vient d’émerger
devant vous, encore humide.
3 Une colonie de sélanelles fait
bouillir l’eau devant vous. Les
araignées cerfs-volants ne sont
pas loin…
4 Des pirates ! Ils ont surgi de nulle
part…
5 Une tempête sèche se prépare,
des vagues gélifiées se lèvent
déjà…
6 Relancez le dé : un navire mar-
chand est en difficulté face à
l’obstacle déterminé.
510
Marais des Languissants
Le trésor perdu
Un ami aventurier décède en léguant une
carte au trésor aux PJ. Si ceux-ci se lancent sur
la piste du magot, ils devront s’équiper pour
affronter les dangers du marais. Surprise !,
un autre groupe semble être, lui aussi, sur la
piste du trésor, et possède la même carte que
les PJ. En atteignant l’endroit où sont censées
se trouver les richesses, ils doivent éviter de
nombreux pièges. Certains sont destinés à
capturer vivants les curieux dans de grandes
cages où l’on ne trouve plus désormais que des
hommes de boue. Pire, des cadavres décou-
verts sur les lieux portent sur eux des cartes au
trésor identiques à celle des personnages. Des
dizaines, peut-être des centaines de cartes sont
ainsi présentes dans la zone !
La vérité : Ces cartes ont été confectionnées
par des esclavagistes. Ils les utilisent pour at-
tirer dans le marais des aventuriers afin d’en
faire des hommes de boue. Si les PJ survivent
aux pièges et à l’environnement, ils n’atten-
dront pas longtemps avant que les escrocs
viennent prendre possession de leur dernière
cargaison de languissants…
Phlocal, le Pays fort
Alerte enlèvement
Une jeune femme sur le point de se marier
a faussé compagnie à son futur mari. Celui-
ci, un Laelithien aisé, engage les personnages
pour la retrouver. L’auberge le Long Boyau est
le dernier endroit où elle aurait été vue avant
sa fuite…
La vérité : La version de l’amant éconduit
est exacte. Hélas, la belle, en voulant se sous-
traire à ses obligations, a été capturée par des
esclavagistes du Soukoser. Il va donc falloir
remonter la piste jusqu’à Phlocal, une occa-
sion rêvée de découvrir ce délicieux endroit.
Là, les PJ apprendront que la jeune femme
a été vendue il y a quelques jours aux Pères
du Pays fort. En se rendant en catimini dans
ces forêts, ils découvriront une étrange cé-
rémonie au cours de laquelle les âmes des
femmes sont fragmentées entre les diffé-
rentes œuvres des Pères (voir les Secrets des
Hors-ville). Nos héros parviendront-ils à
sauver la victime, ou tomberont-ils sous ses
coups alors qu’elle vient d’être transformée
en nymphe des bois ?
La Divine Écluse
Sabotage !
Le clan Galianthril engage les PJ afin de sé-
curiser les abords de la Divine Écluse. Depuis
peu, le site est l’objet d’attaques qui visent à
dégrader la structure. Si ces incidents conti-
nuent, les nains vont devoir augmenter les
prix pour protéger le site et réparer les dégâts,
ce qui pourrait entraîner des émeutes.
La vérité : Les assaillants sont remarquable-
ment discrets et ne laissent jamais de trace.
En fouillant bien le lieu d’une attaque, les PJ
pourront tout de même trouver un fragment
de flèche dont l’empennage est numéroté. Or,
cette marque est caractéristique des entrepôts
des Galianthril, très méticuleux quant à la ges-
tion de leurs stocks. Les nains auraient-ils eux-
mêmes fomenté ces attaques pour pouvoir
augmenter les prix ? Tout n’est pas si simple,
car le responsable de l’entrepôt, compromis
dans un chantage, a détourné une partie du
stock qu’il a vendu à des mercenaires au ser-
vice de Laelith. En fait, c’est la Ville sainte qui
veut récupérer la gestion de l’Écluse en dis-
créditant les nains par une nouvelle augmen-
tation du prix de passage. Elle a même prévu
d’organiser une partie des émeutes !
Bental
Tel est pris…
Un marchand, parent de l’un des PJ, engage
ceux-ci en tant qu’escorte lors d’une expédi-
tion à Bental. Hélas, la patente qu’il a acquise
est un faux, et le pauvre homme se fait dé-
trousser par le premier malandrin venu. Or,
il avait misé toutes ses économies dans cette
affaire. Il faut vite retrouver le faussaire, car les
usuriers qui ont prêté de l’argent au marchand
veulent récupérer leur mise…
La vérité : C’est un scribe officiel de la guilde
qui est à l’origine du forfait. L’homme endom-
mage légèrement les licences, ce qui permet à
la bande de voleurs avec qui il est en cheville
de pouvoir opérer ensuite en toute « légalité ».
Personne n’est jamais mieux placé pour dé-
celer un faux que celui qui l’a créé ! Plusieurs
indices pourront orienter l’enquête des PJ :
d’abord, il était très difficile de repérer que
la licence était un faux, ce que confirmera
n’importe quel curateur. C’est la précaution
prise par le faussaire pour être certain que le
marchand ne serait volé que par sa bande…
Ensuite, le voleur a tout fait pendant l’assaut
pour récupérer ou détruire la patente, ce qui
est étrange.
Le marchand, lui, jurera que la licence a été
acquise en toute légalité auprès de la guilde des
voleurs ! Celle-ci enverra donc un agent véri-
fier que la licence possède son équivalent à la
Grande Dune. Si ce n’est pas le cas, c’est que la
licence est un faux. Hélas, l’agent est un com-
plice du scribe et revient en affirmant n’avoir
pas trouvé le fameux document. La seule solu-
tion est que les PJ y aillent eux-mêmes…
Les Six Provinces
Ces merveilleux fous roulants
La Compagnie des auberges itinérantes a dé-
cidé d’ouvrir un nouveau circuit dans la région
des Six Provinces, entre Olizya et Agramor.
Plusieurs candidats se sont déclarés, et comme
toujours dans ces cas-là, la compagnie organise
une grande course afin de déterminer qui sera
l’heureux franchisé. Chacune des provinces
concernées aligne un véhicule afin d’empor-
ter le marché, mais aussi pour faire la preuve
de sa supériorité. Olizya propose ainsi une
auberge de luxe, avec lits suspendus et repas
gastronomiques. Kaoca a construit une tour
mobile fonctionnant à la vapeur, dont la vue
imprenable est parfois gâchée par les panaches
noirs montant de l’énorme chaudière centrale.
Azilian, sans surprise, a aménagé de grandes
tentes sur le dos d’une monstrueuse araignée, et
Agramor un imposant char blindé qui tient plus
de l’armement que de l’hôtellerie. Sabotages
sournois, accidents dantesques, attaques sur-
prises et coups fourrés devraient animer cette
lente course à travers les montagnes…
La vérité : L’événement est en fait financé
en sous-main par des opposants à la Divine
Écluse, qui veulent profiter de la course pour
déterminer quel type de transport serait le
plus rapide afin d’éviter de passer par la cas-
cade. Hélas, les Galianthril ont eu vent du pro-
jet et feront tout pour détruire le plus possible
de concurrents…
Un tunnel d'eau peut conduire dans les endroits les plus
insolites... ou chez les créatures les plus exotiques.
Rencontres en
montagne
1 Un intrépide géologue vient de
trouver une faille non réperto-
riée ! Elle s’ouvre dans ce fleuve
de lave. Excitant !
2 Un homme mourant confie aux
PJ un artefact permettant de
localiser le fameux hangar des
Chupl’z. Quand le lieu est décou-
vert après mille péripéties, les
Chupl’z avouent avoir organisé
l’affaire pour voir à quel point leur
hangar était vulnérable. Merci
d’être passés !
3 Une roulotte suit les PJ depuis
quelques heures. Elle se déplace
en silence et est entourée de bru-
mes sombres…
4 Les PJ tombent nez à nez avec
une meute de lycaons des ste-
ppes. S’ils viennent à bout de
leurs fourrures symbiotiques,
celles-ci vaudront leur pesant
d’or…
5 Des esclavagistes cherchent des
proies faciles… les auraient-ils
trouvées ?
6 Des esclaves azilianais en fuite
sont pourchassés par leurs
maîtres. Qui aidera qui ?
Les Hors-ville 511
Les secrets
 Les secrets du Roi-Dieu
Le Roi-Dieu et le Lithoracle
Le Roi-Dieu et le Lithoracle sont intimement liés. Après
le Châtiment, lorsque Mandala partit à la recherche de son
frère et découvrit le complexe souterrain où il perçut la voix
d’Orphyr, il ne se laissa pas convaincre aisément. Devenu
le Lithoracle, Orphyr le guida jusqu’à sa chambre où il se
présenta à lui. Après de nombreuses heures de discussion,
Mandala retourna auprès de son peuple pour devenir le
Roi-Dieu.
Depuis lors, l’existence du Lithoracle est un secret dont
seuls les Rois-Dieux ont connaissance. Ils en sont informés
rapidement après l’Offertoire, en général au terme de cette
longue journée, lorsque le nouveau souverain se retrouve
enfin seul. D’une façon ou d’une autre, il est subtilement at-
tiré dans les profondeurs du palais, sentant que le siège réel
du pouvoir se situe là, quelque part, et qu’il doit en prendre
connaissance.
En rencontrant le Lithoracle, le souverain pense se re-
trouver en présence d’un être d’origine divine, et ce der-
nier ne fait rien pour le détromper. Au contraire, il lui ré-
vèle que tout au long de sa vie, il sera là pour éclairer ses
pas. De fait, à certains moments clés, le Lithoracle enverra
au Roi-Dieu des messages télépathiques pour le guider,
voire l’influencer dans ses choix. Inversement, le souve-
rain pourra demander à le voir pour solliciter un conseil ;
il lui suffira alors de dire à voix haute qu’il veut rencontrer
le Lithoracle, qui en sera immédiatement informé par les
Lithos.
Il n’existe pas un chemin unique pour se rendre dans la
crypte du Lithoracle. La première fois, il a un rôle initiatique
et peut être relativement long : le Roi-Dieu descend dans les
sous-sols du palais, où il trouve instinctivement un passage
qui, de fil en aiguille, le conduit à destination. Par la suite, où
qu’il soit, le Roi-Dieu peut trouver un accès rapide pour des-
cendre à la crypte ; par le biais des Lithos, le Lithoracle fait
apparaître une entrée secrète à l’endroit de son choix, ainsi
qu’un chemin qui mène droit à sa chambre.
Le Lithoracle n’est pas immortel, mais il peut vivre trois
cents à quatre cents ans. Il y a donc bien longtemps qu’Or-
phyr s’est éteint. Lorsque le corps et l’esprit de cet être ex-
ceptionnel arrivent au terme de leur existence, il convoque
le Roi-Dieu. Le Lithoracle sort alors de sa cuve nourricière
et lui cède sa place ; il va s’étendre dans la crypte, sur un lit de
Lithos qui vont l’absorber. Afin d’assurer sa succession sans
soulever de question, le Roi-Dieu doit organiser sa dispari-
tion. Pour ce faire, Reidid, Célithal Ier et Teaphanerys VI, qui
514
sont tour à tour devenus le Lithoracle, se sont tous reposés
sur une ou deux personnes de confiance.
Avènement de Nin Ier
Au matin du 4 de lestes semailles 1016, le décès de
Teaphanerys XIV est officiellement annoncé. Mais le Roi-
Dieu s’est en réalité éteint le 29 de findefroid. Aussi, dès
le 1er de lestes semailles, les grands prêtres sont réunis en
conclave. Valdenath s’y présente en grand favori, persuadé
de sa victoire. Mais quatre jours plus tard, Mitrias est dési-
gné comme le nouveau Roi-Dieu, avec trois voix contre une.
Dès le 4 au soir, il prend ses fonctions et prépare son règne
avec le grand chambellan et Elssinia, qu’il présente officiel-
lement comme la Parole du Roi-Dieu après avoir évincé Vox
Dei.
Mitrias, Elssinia et Valdenath
Il y a quelques années, Mitrias a rencontré une jeune
femme du nom d’Elssinia, dont il est tombé amoureux.
C’était évidemment le but de la manœuvre de cette courti-
sane, envoyée à la demande de Valdenath pour espionner le
grand prêtre du Nuage et servir de moyen de pression à son
confrère. En provoquant cette rencontre, Valdenath désigna
indirectement le nouveau Roi-Dieu. En effet, ce qu’il n’avait
pas prévu, c’est qu’Elssinia tomberait sous le charme de
Mitrias. Une véritable alchimie amoureuse et intellectuelle
prit forme entre eux, et elle lui révéla sa mission. Loin de
se vexer, celui-ci lui pardonna et lui proposa une place à ses
côtés.
Grâce à Elssinia, Mitrias prit conscience de ce qu’il pour-
rait réaliser sur le trône royal-divin ; et que c’était le seul
moyen d’empêcher Valdenath de prendre le pouvoir. Il
n’avait rien contre l’homme, mais était convaincu qu’il ne
ferait pas un bon dirigeant pour la Cité sainte.
Au fil des années, les deux amants ont préparé leur avenir
et approfondi leur connivence. Leur relation restait discrète,
tout comme Mitrias dans le paysage politique, mais après
s’être retournée contre Valdenath et avoir fait de la désin-
formation, Elssinia a également posé les bases d’un réseau
de renseignement.
Au moment du décès de Teaphanerys XIV, Valdenath
semble être l’homme fort de Laelith. En réalité, grâce aux
informations et moyens de pression collectés par Elssinia,
Mitrias parvient à convaincre subtilement ses confrères
de l’Oiseau de feu et du Poisson d’argent de voter pour lui
durant le conclave, tout en laissant croire à
Valdenath, jusqu’au dernier moment, qu’il a
gagné la partie.

Elssinia, le pouvoir
derrière le masque
Si Mitrias semble avoir changé de
personnalité et de physique, c’est du
fait de l’influence d’Elssinia. Lorsque le
grand prêtre du Nuage est tombé sous
son charme, il est en quelque sorte aussi
devenu sa marionnette, et il en a conscience.
Elssinia n’est pas malfaisante, au contraire,
et elle a utilisé la puissante influence qu’elle
exerce sur Mitrias pour le pousser à réaliser
leurs rêves communs.
Pour le convaincre d’essayer de mon-
ter sur le trône royal-divin, elle a passé
un pacte avec lui : s’il parvenait à devenir
Roi-Dieu, ils régneraient ensemble. Pas
ouvertement, bien sûr, mais Elssinia
porterait avec lui le poids de la
charge, incarnant le Roi-Dieu dans
bon nombre de représentations pu-
bliques, pendant que Mitrias travail-
lerait sur ses projets. Porter le masque
du Roi-Dieu à deux leur permettrait éga-
lement de renforcer l’aspect divin, en appa-
raissant parfois à deux endroits de la ville à
des moments très rapprochés, donnant au
souverain l’apparence du don d’ubiquité.
Enfin, Elssinia épaulerait Mitrias en en-
dossant un rôle officiel à la cour, celui de la
puissante Parole du Roi-Dieu, un porte-pa-
role doté de pouvoirs étendus faisant de lui quasiment un
vice-Roi-Dieu. Gardes du corps ailés
Dès le premier jour, Elssinia fut donc installée dans le Plusieurs années avant le décès de Teaphanerys XIV,
rôle de la Parole de Nin Ier, prenant rapidement une place Maugr et Khaïssa, les deux lions ailés blancs, ont été achetés
prépondérante dans le gouvernement de Laelith, travaillant par Elssinia à un marchand faisant partie de sa clientèle. La
presque en permanence avec le souverain, au grand agace- jeune femme trouvait que ces créatures aériennes au man-
ment du Conseil restreint et même du bienveillant grand teau de neige étaient un cadeau approprié pour témoigner
chambellan. Comme le Roi-Dieu, elle dissimule ses traits de son amour au grand prêtre du Nuage. Elle n’hésita donc
derrière un masque, différent mais fabriqué par le même pas à dépenser une petite fortune pour acquérir ces animaux
artisan. La Parole est rapidement devenue une figure incon- rarissimes qui viennent des terres arides et rocailleuses si-
tournable de la vie publique de la Cité sainte. Dans le même tuées au-delà des montagnes, bien loin au nord du lac des
temps, les nobles-citadins et les clercs-courtisans ont pu ob- Hautes Eaux.
server des changements dans la silhouette de Nin Ier, qui s’est
Mitrias a évidemment été conquis par les petites peluches,
rapidement affiné. Aujourd’hui, des esprits observateurs no-
mais ne pouvant pas les afficher ouvertement, il a décidé de
teront que lorsqu’ils sont côte à côte, le Roi-Dieu et sa Parole
les élever en secret avec Elssinia. Au fil du temps, un lien
ont la même taille et la même silhouette.
presque surnaturel s’est établi entre eux et les deux animaux.
Il reste à Mitrias et Elssinia un problème à régler : parve- Lorsque Mitrias est devenu Nin, Elssinia lui a suggéré d’en
nir à passer plus de temps ensemble en privé… faire ses gardes du corps, mais ils sont plus que cela !

Laelith 515
 Les secrets du Lithoracle
et des Lithos
Vestiges d’étoiles
Loin au-dessus de nous, les étoiles brillent et meurent,
perdues dans l’immensité de la galaxie.
Pour échapper à la solitude du vide, certaines ont forgé
des liens avec quelques-unes de leurs sœurs au moyen de
courants cosmiques puissants. Les groupes ainsi constitués,
les gestalts, sont supérieurs à la somme des étoiles qui les
composent. Ils sont en particulier capables de rêver et d’ani-
mer leurs rêves en les nourrissant d’énergie cosmique.
Les rêves des gestalts d’étoiles sont des Dieux.
Sur les mondes où ces Dieux sont adorés, les fidèles sont
conscients du lien qui les relie aux étoiles, sans en com-
prendre la vraie nature. La plupart ignorent ainsi que les
constellations qu’ils associent à leurs Dieux sont en réalité
les gestalts qui les rêvent !
Une gestalt regroupe en général une ou deux dizaines
d’étoiles, qui ne se trouvent pas forcément dans la même
région de la galaxie. Toutefois, dans le ou les mondes où
est adoré le Dieu rêvé par une gestalt, les étoiles qui la
composent apparaissent dans un même secteur de la voûte
céleste.
De temps en temps une étoile meurt.
C’est la source d’une tristesse infinie, car il ne naît pas de
nouvelles étoiles. Chaque étoile qui meurt pousse un peu
plus la galaxie vers son futur inéluctable : disparaître de
l’univers.
C’est la source d’un espoir infini, car en mourant l’astre ex-
plose et répand dans l’espace la semence qu’il a créée en son
sein pendant des milliards d’années : les poussières d’étoile,
qui s’assembleront pour former de nouveaux mondes. Elles
ensemenceront ces mondes avec les germes de la vie, de la
conscience.
Mais la conscience de l’étoile, celle qui lui permettait de
rêver au sein d’une gestalt, n’est pas contenue dans ces pous-
sières. Elle reste à l’endroit où l’étoile se trouvait, prison-
nière d’un bloc de matière de très petite taille (en comparai-
son avec celle de l’étoile) : le Lithos.
Chaque Lithos est l’écho minéral de l’étoile qu’il était ja-
dis. Cet être de terre succède à un être de feu. Il est habi-
té par une énergie d’une autre nature. En particulier, il ne
peut plus tisser de liens avec ses semblables en créant des
516
courants cosmiques. Être de terre, le Lithos ne peut créer
que des courants telluriques de faible portée, qui ne peuvent
se propager que sous la surface des mondes. Mais à quoi bon,
puisqu’il dérive seul dans l’espace…
Il serait vain de penser qu’un Lithos est en tout point in-
férieur à l’étoile qu’il était. En particulier, la conscience de
l’étoile est tellement concentrée en lui, qu’il a acquis la ca-
pacité d’entrevoir une infime parcelle du futur. Mais à quoi
bon, puisqu’il dérive seul dans l’espace…
Le Collectionneur
Il y a très longtemps, sur un monde lointain, vivait une
entité appelée Ûra. Elle avait donné vie à de nombreux en-
fants et consacré sa très longue existence à l’observation des
cieux au moyen d’instruments ingénieux. Sans jamais quit-
ter son foyer, en recueillant les témoignages de voyageurs
d’outre-espace, elle avait fini par découvrir l’existence des
Lithos et en était venue à partager leur souffrance, perdus
qu’ils étaient dans l’immensité du vide, sans pouvoir tisser
les liens qui pourraient les unir. Alors Ûra demanda à ses en-
fants de lui construire un immense vaisseau de pierre pour
sillonner la galaxie. Ils bâtirent pour elle la plus grande arche
jamais créée et arriva enfin le jour où leur aïeule s’élança
seule à bord pour entreprendre sa dernière mission : ras-
sembler les Lithos.
Elle parcourut la galaxie à leur recherche, s’arrêta sur
chaque monde qu’elle approchait pour interroger les ha-
bitants et trouver les pistes qui la mèneraient aux Lithos.
Lorsqu’on lui demandait son nom, elle répondait toujours :
« Je suis le Collectionneur.
– Et que collectionnes-tu ?
– Des vestiges d’univers.
– Pour en faire quoi ?
– Rien. Un prophète. Ton avenir. »
Car en examinant les premiers Lithos qu’elle avait recueil-
lis dans l’arche, Ûra avait découvert que chacun d’entre eux
possédait une bribe de vision prophétique.
Enchâssés dans l’arche de pierre, les Lithos purent en-
fin constituer leur réseau de conscience, porté par les rifts,
des courants telluriques qui se propageaient dans les pa-
rois du vaisseau. Ûra savait qu’ainsi rassemblés, les Lithos
formaient une entité prophétique puissante, ayant accès à
tous les futurs possibles et peut-être au destin ultime de
l’univers. Elle mena alors des recherches pour trouver un
moyen d’interagir avec eux et ainsi de faire sienne leur
vision. À cette fin, elle développa une interface pour lui
permettre de fusionner avec la pierre tout en maintenant
son corps en vie au moyen d’une cuve nourricière. Ses pre-
mières tentatives d’intrusion dans le réseau lithique furent
très maladroites et aboutirent même à la destruction d’un
Lithos. Elle en conçut un grand chagrin, car ce Lithos ap-
partenait à la seule gestalt d’étoiles qu’elle était parvenue
à reconstituer intégralement. Les rescapés de cette gestalt
nourrirent une haine farouche à l’égard d’Ûra. Ils se nom-
mèrent les Antilithes et tentèrent d’influencer le réseau
lithique pour contrer le projet d’interface, qu’ils considé-
raient comme un viol de leur conscience. Ils restèrent tou-
tefois minoritaires et, dans l’ensemble, les Lithos recueillis
dans l’arche coopérèrent avec le Collectionneur, car ils sen-
taient que seule cette interface leur permettrait de déve-
lopper toutes leurs capacités. À ce stade de ses recherches,
Ûra avait compris que les étoiles et les Lithos, respective-
ment associés au feu et à la terre, n’étaient que deux étapes
du cycle de vie de ces êtres. Les autres étapes, associées à
l’eau et à l’air, restaient pour le moment inconnues, mais
le Collectionneur entrevit que l’ensemble des quatre élé-
ments avait un rôle à jouer dans la création de l’interface.
Dans la galaxie, de nombreux mondes sont dominés par
un ou deux éléments. Par exemple, une planète désertique
est influencée par le feu et la terre, une planète marine par
l’eau, etc. Mais quelques mondes constituent des nexus qui
concentrent de façon équilibrée les énergies des quatre élé-
ments. Les voyageurs d’outre-espace préfèrent les éviter,
car ce sont des endroits où la trame de la réalité est très
fragile et peut se déchirer pour ouvrir des passages vers
d’autres univers. Et qui sait quelle abomination attend de
l’autre côté…
Faisant fi de ces dangers, Ûra mit le cap vers un de ces
nexus pour accomplir enfin son interfaçage avec les Lithos.
Mais c’était compter sans les Antilithes…
Le crash
Pendant que le Collectionneur se consacrait à ses re-
cherches, ils n’étaient pas restés inactifs et avaient trouvé
le moyen de prendre le contrôle de l’arche. Au moment où
elle entamait son approche finale vers le monde choisi par
Ûra, ils s’emparèrent des commandes et la précipitèrent
vers ce monde, dans l’intention de la détruire pour mettre
fin au projet honni du Collectionneur. Ils parvinrent égale-
ment à remodeler le vaisseau afin que la partie où ils étaient
enchâssés puisse se séparer du reste de l’arche et échapper
au crash. Depuis ce jour, les Antilithes orbitent autour du
soleil de Laelith, attendant leur heure. À moins que certains
d’entre eux n’aient décidé de rejoindre le sol pour accomplir
de sombres desseins (voir par exemple le scénario « L’affaire
du gnome disparu », dans le chapitre consacré à la terrasse
de la Prospérité)…
Une fois les Antilithes partis, Ûra tenta de reprendre le
contrôle de son vaisseau, mais n’y parvint que partiellement.
Elle ne put éviter le crash, mais en limita l’impact et s’arran-
gea pour qu’il ait lieu à l’endroit où la concentration d’éner-
gie des quatre éléments était la plus forte, dans une région
montagneuse.
De nombreux Lithos furent éjectés sous le choc, dont cer-
tains très loin dans le monde. Mais la plupart furent disper-
sés à proximité de l’épave du vaisseau, à l’emplacement de
l’actuelle Laelith.
Ûra, gravement blessée, décida de tenter le lancement de
l’interface tant qu’il lui restait un peu de vie. Elle se rendit
dans la chambre principale de l’arche et s’immergea dans
la cuve nutritionnelle. Pendant de nombreuses heures d’in-
tenses souffrances, sa chair fusionna avec la pierre, tandis
que son vaisseau minéral s’enfonçait sous la terre. Puis Ûra
cessa d’être le Collectionneur pour devenir le Lithoracle.
Elle parvint enfin à connecter son esprit au réseau des
Lithos, mais ce fut pour découvrir qu’il avait été endommagé
par l’accident. Il allait lui falloir beaucoup de temps pour se
régénérer. Elle décida de placer l’ensemble du système en hi-
bernation, le temps que les Lithos et elle puissent retrouver
suffisamment de forces.
Tanith-Lenath
Les siècles passèrent. Puis des hommes découvrirent le
site et fondèrent un village. Toute trace du crash avait dis-
paru. Les Lithos s’étaient enfoncés dans le sol avant d’entrer
en hibernation et, plus profondément encore, les ruines de
l’arche de pierre et la chambre du Lithoracle demeuraient
cachées aux regards mortels. Le village devint une ville et la
ville devint une cité : Tanith-Lenath, la merveilleuse.
La renommée de la cité y guida de nombreux magiciens
attirés par la forte concentration en énergie élémentaire
qui régnait dans ce lieu. L’un d’entre eux, un mage de la
caste blanche nommé Orphyr, décida d’explorer le sous-
sol à la recherche de la source de ces énergies. Il découvrit
tout d’abord les Lithos et parvint à déceler en eux une force
tellurique dormante, qui ne demandait qu’à être éveillée.
Ses instruments de mesure décelèrent un lien ténu entre
eux, qui semblait provenir d’une couche encore plus pro-
fonde du sous-sol. Il creusa donc davantage et finit par dé-
couvrir les ruines d’un « palais de pierre ». Il fut tout de
suite intrigué par l’une des chambres de ce « palais » et par
la statue située en son centre. Elle reposait dans un grand
bassin empli d’un liquide noirâtre et sa tête était enchâssée
dans un grand Lithos cubique. Le magicien installa un la-
boratoire dans la chambre afin d’étudier la statue, mais ses
recherches ne progressèrent plus. Il n’apprit rien de plus
Laelith 517
 sur la nature des Lithos et de cette étrange statue. Un soir
de découragement, n’y tenant plus, il entra dans le bassin
et s’avança vers la statue. En récitant d’antiques formules
arcaniques, il mobilisa dans son corps toute l’énergie ma-
gique qu’il put capter et posa ses deux mains sur la statue
pour lui en faire don. Le Lithoracle s’éveilla alors. Il absor-
ba non seulement l’énergie du magicien, mais aussi sa chair,
et son esprit qui fusionna avec celui d’Ûra. L’éveil brutal
du Lithoracle provoqua instantanément la connexion du
réseau des Lithos, ce qui engendra une violente libération
de l’énergie tellurique qu’ils avaient progressivement ac-
cumulée durant leurs siècles d’hibernation. Tanith-Lenath
et sa région en furent profondément altérées. La cité fut
soulevée de terre, brisée en son milieu et inclinée forte-
ment sur elle-même.
Les survivants, désemparés et abattus, y virent un châ-
timent divin et s’abandonnèrent à la terreur pendant
777 jours (comme le dit la légende), jusqu’à ce que l’un
d’entre eux – Mandala, le propre frère de feu Orphyr – en-
treprenne de bâtir une nouvelle cité sur les ruines de l’an-
cienne. S’appuyant sur le lien qui unissait les deux frères,
le Lithoracle l’avait en effet contacté télépathiquement
pour lui proposer de fonder la dynastie des Rois-Dieux, en
profitant de la terreur religieuse née du cataclysme pour
construire une cité d’inspiration divine et vouée aux quatre
énergies élémentaires.
Mandala veilla à ce que les Lithos que le cataclysme avait
fait remonter à la surface fussent utilisés pour bâtir la nou-
velle cité. Il se fit construire un immense palais juste au-des-
sus de l’arche de pierre, que le Châtiment avait rapprochée
de la surface. Une fois son palais érigé, il nomma enfin la
nouvelle cité : Laelith.
La sainte alliance
Depuis ce temps, Laelith est dirigée par les Rois-Dieux,
qui n’ont jamais rompu le pacte qui les lie au Lithoracle.
Lorsqu’il le consulte, le Roi-Dieu se rend dans une crypte
située dans les sous-sols du palais, où il interagit avec une
interface holographique de très grande taille. Ce dispo-
sitif permet au roi-Dieu d’autoriser certaines personnes à
consulter l’oracle, sans trop en révéler sur sa véritable na-
ture. Il ne pénètre jamais dans la chambre qui contient le
corps du Lithoracle, à une exception près. L’espérance de
vie du Lithoracle est de l’ordre de trois cents à quatre cents
ans. Passé ce temps, le Roi-Dieu en exercice doit à son tour
fusionner avec la pierre pour prolonger son existence. Il fait
alors croire à sa propre mort pour entamer sa deuxième vie.
Au sein du Lithoracle, son esprit rejoint celui de ses pré-
décesseurs. Ainsi, le Lithoracle est composé de toutes les
personnalités qui ont fusionné avec lui. Il bénéficie de tous
leurs savoirs et connaît donc tout du passé de Laelith. Grâce
au réseau des Lithos, il connaît également son futur, car il
a accès à leur secret le plus intime : les Lithos existent en
518
dehors du temps, contrairement aux étoiles qui les ont pré-
cédés. Les Lithos « voient » donc le futur en même temps
que le présent et le passé. Ils utilisent cette capacité pour
protéger Laelith. Lorsque le futur est marqué par l’occur-
rence d’un danger menaçant la cité, ils agissent dans le
passé, par l’intermédiaire du Lithoracle et du Roi-Dieu de
l’époque, pour modifier ce futur en provoquant une légère
altération destinée à faire disparaître la menace à venir. Le
procédé n’est pas infaillible, car les Lithos sont incapables
de connaître à l’avance tous les effets que produiront les al-
térations qu’ils provoquent. Mais globalement, le système a
bien fonctionné jusque-là et Laelith a survécu sans difficulté
majeure.
Le Lithoracle agit suivant la volonté de la majorité des
Lithos connectés au réseau, à savoir – jusqu’à ce jour – le
courant légitimiste. Très vite, cette majorité a adhéré à un
projet commun, qu’elle appelle le Grand Dessein. Dès qu’il
put bénéficier du plein accès au réseau lithique, le Lithoracle
comprit en effet que le futur menait à la disparition de la
galaxie, puisque les étoiles mortes n’étaient pas remplacées
par de nouvelles étoiles. Les légitimistes décidèrent d’utili-
ser Laelith comme un gigantesque creuset d’énergie divine
destiné à créer ce qu’ils appellent le Lithos philosophal : le
germe d’une nouvelle étoile.
Logiquement, tous les Lithos auraient dû adhérer à ce
projet, mais, lors du Châtiment, une déchirure vers d’autres
univers s’ouvrit pendant un temps très bref. Les Lithos qui
se trouvaient à proximité de cette déchirure (située à l’em-
placement de l’actuelle terrasse du Châtiment) subirent
momentanément l’influence d’êtres immensément puis-
sants, connus sous le nom de Grands Anciens. Bien que la
déchirure se soit rapidement refermée, ils en furent altérés
et développèrent une nature plus « chaotique » que celle
de leurs congénères. Ces Lithos fondèrent le courant li-
bertaire, farouchement opposé au Grand Dessein. Certains
légitimistes pensent que les libertaires s’opposent au Grand
Dessein parce qu’ils croient que celui-ci entraînera la des-
truction de Laelith. D’autres, plus pessimistes, estiment
que les libertaires n’ont qu’une idée en tête : affaiblir la
galaxie en empêchant la création de nouvelles étoiles afin
de permettre un jour à leurs véritables maîtres, les Grands
Anciens, de s’emparer de l’univers. Pour une raison à ce jour
inconnue, les intentions du camp libertaire échappent tota-
lement à la vision prophétique du Lithoracle. Au cours des
siècles, les libertaires ont fait de plus en plus d’émules parmi
les Lithos du réseau. Au moment de l’intronisation de Nin
Ier, ils ne sont pas loin de devenir majoritaires. C’est pour-
quoi le Lithoracle (qui obéit toujours à la courte majorité
légitimiste) a décidé de traiter le mal à la racine en suggé-
rant au Roi-Dieu de reconstruire la terrasse du Châtiment
en remplaçant les Lithos « chaotiques » et libertaires par
des Lithos « sains ». Comme tout ce qui a trait aux liber-
taires, le futur de ce projet échappe à la vision prophétique
du Lithoracle. Qui vivra verra…
Laelith 519
 Les secrets alternatifs
du Lithoracle et des Lithos
Trois autres visions
Vérité vraie n° 24
Les Huvaliniens forment une antique et puissante race ex-
traterrestre. Généticiens de génie, ils explorent l’univers à
la recherche d’embryons de consciences, qu’ils développent,
pour ensuite les vendre ou en faire leurs vassaux. Ainsi na-
quit la race des Lithos.
Il y a quelques siècles, les Huvaliniens entrèrent en conflit
avec une entité appelée « Collectionneur » qui leur volait
certaines de leurs créations, prétendument pour les libérer.
En fait, il fut accusé de s’en servir surtout pour son usage
personnel, et sans les acheter.
Au cours d’un assaut contre le Collectionneur, des
Huvaliniens aidèrent une colonie de Lithos à s’échapper.
Hélas, le vaisseau fut endommagé pendant l’attaque et
s’écrasa sur une petite planète primitive.
Depuis cet incident, les Huvaliniens isolés tentent par la
force ou la séduction de convaincre les Lithos de redeve-
nir leurs alliés. Ces derniers, anciennement leurs esclaves,
n’en ont cependant aucune envie et cherchent par tous les
moyens à leur échapper.
Expérimentateurs impénitents, les Huvaliniens ont pour-
suivi leurs recherches en créant les Zadulhiens, hybrides
d’humains et d’Huvaliniens, et les Chupl’z, créés à partir de
gènes lithos. Les généticiens espèrent, grâce à ces intermé-
diaires et à leurs marionnettes humaines, ramener un jour
les Lithos dans leurs rangs.
Les dieux au-delà des étoiles
L’univers de Laelith n’est qu’un parmi la multitude de ceux
du chaos infini, terrain de jeu des Grands Anciens, entités
omnipotentes dont les desseins, tout autant que les pou-
voirs sont au-delà du définissable : Azathot, Nyarlathotep,
Hastur, etc. De ce grand chaos, se sont élevés et ont péri des
mondes entiers, au gré des caprices et appétits de ces êtres.
Il en est un, pourtant, qui perdura, préservé des autres
dieux par celui qui voulait en faire son laboratoire person-
nel, Nyarlathotep.
Il a d’abord agi en inspirant le Collectionneur pour qu’il
rassemble les Lithos, imprégnés des pouvoirs des Grands
Anciens, puis en le dirigeant vers le point nodal de cet
520
univers, Laelith. Enfin, il donna la magie aux hommes, pour
sélectionner celui qui aurait le pouvoir d’exécuter un sorti-
lège catalysant la puissance des Lithos pour fermer ce monde
aux autres Grands Anciens. Il choisit Orphyr. Mais celui-ci
perçut les desseins de Nyarlathotep et réussit à inclure dans
le sort son sinistre mentor, lui en interdisant ainsi l’accès au
même titre que les autres entités, mais bloquant à l'intérieur
leurs serviteurs à jamais.
Une partie des Lithos avaient été corrompus, à l’insu de
l’Homme en noir. Orphyr fut donc contraint de puiser telle-
ment d’énergie dans les Lithos qu’il provoqua le Châtiment.
Il y perdit la vie et, surtout, laissa une brèche dans la terrasse
du Châtiment, là où se trouvait l’antique temple des Anciens
dans lequel les hommes au début des âges révéraient les
puissances impies.
Légende tirée du Livre des Chants
d’Aladhel (Temple du Nuage)
En des temps très anciens, une météorite frappa le monde
originel des HuLlivanii. Ceux-ci, prévoyant la catastrophe
qui pouvait les anéantir, préparèrent l’exode et bâtirent un
millier de vaisseaux nommés vihanas.
Les vihanas étaient pilotées à l’aide de Lithos, pierres
pensantes contrôlées psychiquement.
Eeg Oon Z’Aaz Than (le maître des HuLlivanii), après un
très long voyage, repéra un monde propice à la colonisa-
tion. Mais plusieurs factions s’opposèrent à ce débarque-
ment et voulaient poursuivre l’exploration plus loin dans
la galaxie.
Profitant du conflit, les Lithos du vaisseau d’EOZAT se re-
bellèrent et se dispersèrent tandis que la vihana s’effondrait.
EOZAT fonda une cité à cet emplacement et ordonna aux
lithos rebelles de se rassembler en cercle pour la protéger.
Lorsque EOZAT mourut, il fut enterré dans un grand
tombeau sur lequel, durant sept générations vihaniques –
soit 7 fois 6 000 ans – fut célébré le culte des quatre éléments
de l’univers. C’est l’origine du temple dit des « Anciens ».
Les descendants d’EOZAT, ne parvenant pas à maîtriser
les Lithos, les dispersèrent et abandonnèrent la cité qui som-
bra dans l’oubli.
Le souvenir de ce lieu fut conservé sous le nom de A’n’L’lth’,
le Jardin des Pierres.
Les secrets de la Main qui travaille
Une dague à son nom
Les armes forgées par le maître armurier Phaëstos sont
pour la plupart bénites. Selon les désirs du client, la béné-
diction pourra être faite par un religieux de l’un des quatre
Éléments, et selon le prix qu’il y mettra, ce religieux sera plus
ou moins haut placé.
Cela, tout le monde le sait. Mais il arrive que Phaëstos re-
coure à une « bénédiction » d’une origine moins avouable. Car
il a établi des contacts avec le Cloaque qui lui permettent, sur
demande spéciale, de donner à ses armes diverses capacités
nocives… Celles-ci favorisent d’habitude le porteur. Mais dans
quelques cas, pour un prix très élevé, un client désireux de faire
un « cadeau » à un de ses « amis » peut faire fabriquer une arme
plus dangereuse pour celui qui la porte que pour ses adversaires.
Phaëstos a appris ces procédés d’Arthur Quarte, en
échange de l’organisation du guet-apens contre Erasmus.
Non content d’avoir trahi son maître, Phaëstos a ensuite re-
fusé d’honorer les accords qu’il avait avec Quarte et poussé
ce dernier à la faillite et au suicide. Mais il est inquiet.
Certes, l’épée d’Erasmus, Essialine, est en sûreté dans l’un
de ses coffres, d’où il n’est pas question qu’elle sorte. Mais la
dague d’Arthur Quarte, Vengeresse, a disparu. Or, Phaëstos
est convaincu que cette dague en a après lui… et il a raison.
À la première occasion, la dague tentera de s’emparer de l’es-
prit de son porteur pour sauter à la gorge du forgeron (ou
de quelqu’un qui lui ressemble). Celui-ci paierait cher pour
mettre la main dessus et l’enfermer dans un coffre solide.
Ne pas dépasser la dose prescrite
Beaucoup se sont désolés du décès (de mort naturelle) de
Sorbat le Schoum, l’apothicaire de l’échelle aux Philtres. Peu
après, les mêmes se sont réjouis (parfois hypocritement) de
la mort de Ritali, l’herboriste (d’aucuns disaient l’empoi-
sonneuse), sa voisine. Tous ont été sidérés de voir un jeune
homme en grand deuil venir réclamer son héritage, avec des
preuves incontestables de sa filiation. En grand secret (pour
ne pas troubler leurs clients), Sorbat et Ritali avaient filé,
trente ans durant, le parfait amour !
Aujourd’hui, leur fils légitime, Axekar, gère les deux bou-
tiques, réunies en une seule, baptisée Aux secrets du bien-être.
Sur la façade, un mortier d’apothicaire fait bon ménage avec
un bouquet de plantes. Et à l’intérieur, de petits cabinets as-
surent aux clients une discrétion bienvenue. Ainsi peut-on
se procurer des remèdes de toutes sortes, y compris, disent
les farceurs, contre la méchanceté de belle-maman…
Mais Axekar cache un autre secret. Sous l’apparence de
banals sachets de plantes, on peut lui acheter des drogues
officiellement condamnées par les Temples et le Palais. Les
anciens produits – Rigoulade (euphorisant), Rêve d’or (hal-
lucinogène), Songe utruz (tranquillisant), Glaville amoureux
(aphrodisiaque) et Voyage tremens (dynamisant) – sont encore
consommés, mais les substances à la mode aujourd’hui sont des
nouveautés, élaborées par Axekar pour les quatre Éléments.
Leur effet dure quelques heures à deux ou trois jours.
• Braise ardente (biscuits épicés). Accroît la force physique
puis laisse l’utilisateur épuisé et même, après une forte
dose, en état de mort apparente, pendant le même temps.
En cas de surdose, la mort peut être réelle.
• Eau de vie (boisson transparente alcoolisée). Supprime
tout besoin de sommeil et accroît la rapidité d’esprit, mais
les idées géniales qu’on a sous eau de vie se révèlent sou-
vent catastrophiques. L’effet dissipé, le drogué tombe dans
un sommeil irrépressible qui dure le même temps.
• Parfum d’étoile (pulvérisation gazeuse). Confère une sé-
duction irrésistible… Du moins, c’est ce que croit l’utilisa-
teur, ce qui lui donne toutes les audaces. L’effet dissipé, il
sombre dans une profonde dépression, parfois suicidaire.
• Poussière des ancêtres (prise nasale). Fait communiquer
le drogué avec ses ancêtres, qui lui
révèlent les secrets de l’Uni-
vers, le plongeant dans une
béatitude infinie. Quand
il revient à lui, sa frustra-
tion peut provoquer des
crises de rage meurtrières.
Laelith 521
 Les secrets
de la Chaussée de lac
Les Pontons
Oriel IV, Roi-Dieu en activité deux cents ans auparavant,
rencontre à plusieurs reprises le fantôme et signe avec lui le
traité de Maucastel, déclarant que « tout ce qui pousse, pros-
père et est attaché à l’île appartient à la lignée des Sambre » et
que « cette exploitation est exempte de toute taxe et perception de
la part du Temple du Poisson d’argent et autres intermédiaires de
recouvrement de la Ville sainte ».
-26 ans : Bernys, héritier de la famille de Sambre, arrive
à Laelith, bien décidé à reprendre pied sur le rocher. Il ren-
contre le fantôme, qui devient son protecteur et qui le met
au courant de l’existence du traité. Il construit d’abord une
sorte de cabane, puis une maison et enfin les Pontons, où il
héberge les gens de bonne volonté.
Le fantôme réside sur l’île (dans les ruines du Maucastel).
Et c’est lui qui juge de la moralité et des aspirations du pos-
tulant et qui en informe Bernys (alignement, désirs cachés,
volonté de nuire ou d’aider, etc.). Si le fantôme détecte la
plus petite trace de perversion, de roublardise envers Bernys
et l’ensemble de la communauté, le prétendant est rejeté,
raccompagné à Laelith. Ce fantôme était un paladin, un
guerrier de la lumière. Ce qui explique qu’Oriel, jeune prêtre
ambitieux n’a pas réussi à le maîtriser, lors de leur première
rencontre et de sa tentative d’exorcisme.
Jusqu’à aujourd’hui, et grâce à l’aide du fantôme, Bernys ne
s’est jamais trompé sur la nature de ceux qu’il nomme ses gens.
Entre les Pontons et le Roi-Dieu,
une question de franchise
Ce n’est un secret pour personne, les Pontons jouissent
d’une autonomie certaine face à Laelith, que ce soit en
termes de taxes, de droit à prendre des paris ou d’organiser
des combats de traniecs. Et plusieurs voix s’élèvent réguliè-
rement, sur la Chaussée du lac ou sur la Main qui travaille
pour protester contre cet état de fait.
Ce que tout le monde, ou presque, dans la Cité sainte
ignore, c’est que tous les ans que font les Dieux, Bernys fait
parvenir directement au Roi-Dieu une importante somme
d’argent, ou un équivalent en nacre ou bijoux, qui corres-
pond globalement à la part de taxes que devraient normale-
ment acquitter les flottants.
522
Il obtient ainsi la bienveillance du Maître de la cité et sur-
tout, il garantit la survie de l’île et assure la protection de
tous ses occupants.
Les Mille Fleurs
Jolyane est effectivement la fille de Bernys, et ce der-
nier l’a confiée à Yphria pour qu’elle puisse vivre sans
craintes à Laelith. La mère biologique de Jolyane est la
femme d’un riche notable de la Haute Guilde et les Dieux
seuls savent ce que son époux aurait pu faire s’il l’avait ap-
pris… Officiellement, l’enfant avait été déclaré mort à la
naissance.
Bernys entretient, pratiquement depuis son arrivée à
Laelith, des liens très étroits avec Yphria. Ils sont aujourd’hui
âgés de plus de 55 ans et une profonde amitié a remplacé ce
qui fut autrefois proche de la passion.
L’enfer des taxes
et impôts du Poisson d’argent
Il était impossible pour Gaelnor d’imaginer l’usage qui
allait être fait du Bassin élémentaire par les pèlerins, tout
comme il était impossible de laisser s’y accumuler tous ces
objets hétéroclites. Pendant des siècles de surcroît.
Le grand prêtre Sérethiel et son argentier ont alors conçu,
et mis en œuvre rapidement, avec l’aide de Gaelnor, un sys-
tème magique de nettoyage et d’assainissement. Lorsque la
quantité d’offrandes commence à atteindre un niveau trop
élevé, il est possible de déclencher, à partir des sous-sols du
bâtiment des taxes et impôts, un transfert de la « matière
inerte » présente dans le bassin vers une salle voisine des-
tinée à cet effet.
Les offrandes sont alors triées par une petite équipe de
ruisseaux en qui le grand prêtre a une confiance totale et dont
le silence est absolu. Elles sont ensuite revendues lorsque
cela est nécessaire et les plus belles pièces sont stockées là,
dans des étagères grises et froides, en attendant qu’un besoin
de lithals se fasse sentir.
Et de même qu’il était impossible d’imaginer l’accumu-
lation de ces objets hétéroclites pendant des siècles dans le
bassin. Il est tout aussi impossible d’imaginer les trésors ac-
cumulés dans les sous-sols.
Les secrets de la Prospérité
L’épée de Carmine
Le Lithoracle a prédit à Nadayat le Précieux qu’un jour un
Lithos tenterait de détruire Laelith. Le texte exact de cette
prophétie figure dans un des tomes des mémoires de Roi-
Dieu, actuellement conservé dans une chapelle-musée, en
bas de l’échelle des Paladins :
« À l’ère du Septième, au début de son règne,
Une vivante pierre adviendra par les cieux.
Ce Lithe qu’en secret la malveillance imprègne
Demeurera caché loin du peuple insoucieux.
L’Antilithe Sans Nom, aux trop sombres desseins,
Dévorera l’esprit de gueux et de puissants
Et les transmutera en d’amers assassins
Au service d’un culte aux offices de sang.
Il attendra son heure à l’abri d’une grotte
Sous l’austère castel qui surplombe Altalith.
Soucie-toi de son sort ! Prépare l’antidote,
Pour le moment venu préserver Laelith !
L’épée de comédie, par tes soins enchantée,
Devra se voir plongée dans l’odieux minéral,
Lorsqu’une femme impie, en la Sainte Cité,
Portera au grand jour son projet infernal. »
Ainsi averti, le Roi-Dieu s’est entouré de ses conseillers
mages les plus puissants et a fabriqué dans le plus grand
secret un artefact capable de détruire un Lithos : l’épée de
Carmine. Il suffit de plonger cette épée en bois dans l’Anti-
lithe (ou tout autre Lithos) pour le détruire (l’épée est anni-
hilée par cette opération).
De la véritable nature
des saints-poètes voyageurs
Le réseau lithique possède une interface collective avec
le monde : le Lithoracle. Mais certains Lithos disposent
également d’une interface individuelle : les saints-poètes
voyageurs. Par leur intermédiaire, ces Lithos peuvent
voir, entendre, sentir, toucher et goûter. La plupart des
saints-poètes ne sont pas conscients de l’existence d’un tel
lien. Ils pensent que leur irrépressible envie de parcourir
le monde provient d’une inspiration divine, mais en vé-
rité, leur désir de voyage répond à un besoin essentiel :
connecter au réseau les Lithos qui ont été projetés loin
de Laelith au moment du crash du vaisseau de pierre. À
chaque fois qu’un saint-poète se rend à l’emplacement
d’un Lithos lointain, il permet sans le savoir sa recon-
nexion au réseau. Le secret de la véritable nature des
saints-poètes voyageurs n’est connu que du Lithoracle,
du Roi-Dieu et des quelques saints-poètes qui ont pris
conscience de l’existence du lien.
L’Antilithe :
le pouvoir derrière le culte
Derrière le culte du Sans-Nom, se cache un Lithos rené-
gat, l’Antilithe, issu d’une météorite tombée sur les rives du
lac d’Altalith, dans la province des Jardins de Jadhys, sous
le règne de Tokinafal VII. Ce Lithos dispose de capacités
télépathiques accrues qui lui permettent de s’emparer en
quelques jours de l’esprit de toute créature vivant à proxi-
mité. Dans un premier temps, les Chupl’z tombés sous son
emprise ont érigé un manoir au-dessus de la météorite.
Quelques années plus tard, Son-Tô, prêtre du Temple du
Nuage, a acheté ce manoir et est rapidement tombé sous la
coupe de l’Antilithe. Le culte du Sans-Nom a été inspiré par
la pierre consciente, dans le but de détruire Laelith et les
Lithos qui la contrôlent.
Seuls les dirigeants du culte sont contrôlés par la pierre,
mais cela suffit amplement à en faire son bras armé. Il suffit
par exemple d’envoyer tout membre devenu récalcitrant en
stage de quelques jours au manoir, et l’Antilithe lui remettra
les idées en place.
L’Antilithe a la forme d’un bloc cubique de pierre verdâtre
de deux mètres d’arête. Il émet une lueur pulsée, à une fré-
quence lente et particulièrement désagréable, qui donne
mal au crâne. Quiconque s’en approche est fasciné par cette
lumière et ressent une difficulté croissante à s’en éloigner.
Passé la première heure, il ne peut plus partir. Au bout de
1+1d4 jours, il passe sous le contrôle de la pierre. L’Antilithe
repose actuellement dans une grotte, sous le manoir de Son-
Tô. Elle se situe au niveau du lac et communique avec ce-
lui-ci. On peut également y accéder au moyen de l’escalier
en colimaçon qui part de la remise du manoir (voir le cha-
pitre « Le culte du Sans-Nom »). L’Antilithe a attiré dans sa
grotte une colonie de monstres dont il a pris le contrôle. Le
nombre et la nature de ces monstres sont laissés à l’appré-
ciation du MJ, en fonction de la composition de l’équipe des
aventuriers.
Au cours d’un éventuel combat contre ces créatures, les
pulsations lumineuses de la pierre gagneront en intensité.
Des vagues migraineuses insupportables y feront écho dans
le crâne des combattants, pénalisant leurs capacités mar-
tiales. Une bénédiction lancée par un prêtre pourra atténuer
cet effet.
Laelith 523
 Les secrets du Nuage
Les êtres-brouillard
Pour le commun des mortels, il est difficile de dire si
cette légende est plus qu’une affabulation d’illuminés ou
d’alcooliques notoires. Ces êtres transparents, éthérés, sans
consistance, viendraient parler les soirs d’épais brouillard
aux personnes égarées. Certains curieux, philosophes ou
prêtres viendraient même exprès pour les rencontrer. Les
rumeurs prétendent que seul le croyant sincère peut les
apercevoir, et seul celui dont la foi est indéfectible peut les
rencontrer et converser avec eux. Ces êtres sont-ils simple-
ment des mendiants se déguisant en fantômes pour recevoir
quelque nourriture en échange de discussions fumeuses ? Ou
bien sont-ils le fait d’illusionnistes railleurs ? Les prêtres du
Nuage prennent cette histoire très au sérieux, car de plus en
plus de témoignages crédibles parlent « d’une brume dans la
brume », apparue récemment… Leurs dernières investiga-
tions ont permis d’identifier deux types d’êtres-brouillard,
mais ils n’arrivent pas à savoir s’ils sont liés à une divinité
ou non. Il existerait ceux de la brume naturelle, source de sa-
voirs merveilleux pour les personnes éclairées, et ceux de la
brume profonde, plus sombres et qui seraient responsables
de la mort de nombreux pèlerins. Ces deux populations des
524
brumes n’auraient pas la même origine, la seconde étant
a priori liée au Châtiment… Que font ces êtres à Laelith et
sont-ils un danger pour la ville ? Sont-ils une résurgence des
Lithos ?
Vrai-Lucasse, châles de prestige
Cette boutique, tenue par Damilia Lestorange, est une
couverture pour les activités moins légales de « l’étude Vrai-
Lucasse ». L’arrière-boutique dissimule l’atelier de faussaires
de maître Deniss, ancien linguiste et historien brillant, et de ses
deux acolytes. Ils sont spécialisés dans les documents officiels
(droit d’aventure pour le Cloaque, laissez-passer pour la Haute
Terrasse…), les œuvres littéraires et religieuses et les corres-
pondances officielles. La plus productive est la jeune et pro-
metteuse Aria de Raveleur, une intrigante mondaine, au-dessus
de tout soupçon. Elle bénéficie de son accès facile à la Haute
Terrasse et à certaines administrations, ce qui lui permet de ré-
cupérer les originaux nécessaires à ses contrefaçons. Le coffre
de l’étude protège plusieurs documents importants, dont une
lettre d’amour de la reine Paocle à Teaphanerys XI, lui annon-
çant qu’il est père. Est-ce un faux ? Elle semble authentique et
un peu trop bien protégée pour une fausse. Si quelqu’un la dé-
couvrait, cela pourrait avoir de lourdes conséquences.
Le vieil homme
Qui n’a jamais croisé ce vieil humain dégarni, affalé sur une
canne usée, aux vêtements élimés et au visage effacé sous les
rides ? Beaucoup le voient comme un vieux sénile que l’uni-
versité tolère dans ses murs pour d’obscures raisons. Nuit et
jour, on le croise dans les locaux. Les étudiants l’appellent
papy, les professeurs lui sourient, les pèlerins l’ignorent.
Quelques-uns disent qu’il s’agit d’un ancien homme d’entre-
tien, d’autres que c’est un étudiant qui a sombré dans la folie
du savoir et ne peut plus quitter ces lieux. Mais les plus vieux
professeurs, les non-humains dont l’espérance de vie dépasse
le siècle, se souviennent bien que le vieil homme était déjà là
lorsqu’ils sont arrivés, déjà là et déjà vieux… bien trop vieux
pour un humain. Et pour cause, il n’est pas humain, ni même
réel. Le vieil homme est l’âme de l’Université matérialiste
universelle, une entité générée par le savoir. Comment est-
elle apparue, quel rôle joue-t-elle ? Il est difficile de le dire.
Des prêtres intégristes s’y intéressent de près et certains ont
infiltré l’université, se faisant passer pour des étudiants. Ils
désirent comprendre l’origine profonde de cette entité et si
possible la détruire, espérant éradiquer en même temps toute
forme de savoir profane qu’ils jugent contraire à la foi.
Les secrets du Châtiment
Si la terrasse du Châtiment est ce qu’elle est, la faute en
incombe, principalement, aux Lithos qui ont été arrachés
au temple des Anciens pour être intégrés aux constructions
partout dans le quartier. Leur influence chaotique est telle
qu’elle tord l’espace, le temps, voire les esprits. Les fron-
tières entre les univers et les époques sont plus fragiles au
Châtiment qu’ailleurs, au point qu’en ouvrant une porte,
vous pouvez vous retrouver dans un monstre de métal en
partance pour les étoiles, face à une connaissance défunte ou
un individu se prétendant de votre propre descendance.
La reconquête de la terrasse du Châtiment est, bien
évidemment, un nid de crabes, dissimulant nombre
de secrets et de faux-semblants.
Ainsi, les astrologues-géomètres sont une es-
croquerie. Les emplacements des pierres sanctifiées,
supposées repousser le Châtiment, ont été choisis par
le Lithoracle, après consultation des plans et des mesures
de « perturbation éthérale » effectuées par les moniales de
Shalvira. Elles ont bien été bénites par les quatre Temples,
mais elles contiennent surtout des Lithos fidèles au rêve du
Collectionneur, censés remplacer, à défaut de convaincre, et descendre encore. Il en va de même pour la voie des airs.
les Lithos chaotiques du Châtiment de rentrer dans le rang. Rien de tel qu’un shedras, une machine volante ou un sort de
Sancillo Korasy est souvent au centre de toutes les toiles. vol pour échapper au quartier maudit.
Ainsi, il a tout fait pour que les relations entre les exorcistes Pour limiter les agissements des Porte-ténèbres, Korasy
et les inquisiteurs s’enveniment. Il ne tenait pas à ce que les n’aurait qu’à leur fermer les sorties du quartier. Les Trotte-
Temples viennent fourrer leur nez trop profond dans le Menu, qui sont en même temps ses alliés et les passeurs pri-
quartier. Déjà qu’il doit faire avec les autorités… Les bandes vilégiés des fanatiques, n’hésiteraient pas longtemps avant
d’aventuriers sont beaucoup plus contrôlables. de choisir leur camp. Mais pour l’instant, les terroristes lui
Ssuran, son associé, maîtrise entre autres la magie des sont utiles. Le vieux briscard se contente de déjouer cer-
miroirs. Il peut passer de l’un à l’autre, espionner par leur taines de leurs opérations, que ce soit grâce aux talents de
biais pour le compte de Korasy ou le sien. La première ex- Ssuran, à ses contacts ou à des compagnies indépendantes
périmentation que les deux canailles vont mettre en place d’aventuriers. Il lance une opération quand les attentats
concernera la rue de Jouvence. Nombre de personnes se- toucheraient de trop près ses intérêts ou qu’ils feraient trop
raient prêtes à payer très cher, et pas seulement en or, pour évoluer l’opinion publique. Il aime aussi « confisquer » leurs
une poignée d’années à vivre de plus. Les forcer à commettre jouets occultes et les confier à Ssuran, pour étude. Pourquoi
un meurtre pour sortir de la ruelle est un bonus qui permet s’ennuyer à déterrer les artefacts les plus dangereux de la
de s’assurer d’un levier supplémentaire sur elles. terrasse quand on peut le faire pour vous ? Korasy peut leur
Mais pour pouvoir faire quoi que ce soit sur la terrasse, faire porter le chapeau pour tout ce qui échoue dans le pro-
il faut pouvoir entrer et sortir. Le gang de Trotte-Menu jet de reconquête. Les Porte-ténèbres cristallisent si bien la
est aux mains de neuf chefs, tous rats-garous et connais- haine et le mécontentement autour d’eux. Et puis ils justi-
sant les sous-sols aux abords de la terrasse comme le dos de fient parfaitement toute dérive autoritaire.
leur main. Car plus on s’enfonce dans le Cloaque, moins Ce que le politique ignore, c’est que l’empereur-démon
le Châtiment a d’emprise. La cité sous la cité constitue une voit d’un œil conciliant les activités des terroristes. Il a déjà
porte de sortie, aussi étroite que le chas d’une aiguille pour passé un accord avec les plus réputés des sosistes : ils ont
un schlougga et bien plus dangereuse qu’une de ces bêtes. droit de passage sur son territoire en échange de leurs ser-
Lorsque les ressortissants du Cloaque sont pris au piège du vices. Ils apprennent aux monstres d’en bas quelques ficelles
Châtiment, ils savent que leur seul salut consiste à descendre de leur métier qui leur permettront de se mêler aux citoyens

Laelith 525

de la surface plus facilement. Si le Cloaque signe un parte-
nariat similaire avec les Porte-ténèbres, la situation va vite
se compliquer.
Le Damne-Gosier est décoré de vieux tableaux à peine gâ-
tés par le temps. Le Gastrolabe en a racheté plusieurs pour
donner à son établissement une certaine atmosphère. Et sur-
tout, il a planqué son magot dans l’un d’eux. En effet, cette
peinture bucolique, évoquant des ruines sous la lune, est une
nature vive, un tableau dans lequel on peut entrer et dont
Gustave fit l’acquisition en son temps à la Haute Terrasse.
Il suffit de connaître la formule pour s’y perdre. Pour s’en
rappeler, le cuisinier a codé l’enchaînement de gestes et de
526
paroles dans une recette : la somptueuse gardiane flambée à
l’arak du roi Minos.
Le Volume est une forme de vie indépendante, surgie du
bouillon de culture que représente la Bibliothèque de la foi.
Sa curiosité l’a poussé jusqu’à la terrasse du Châtiment où il
s’est retrouvé coincé comme beaucoup d’autres. Il est inti-
mement lié aux livres et prend très à cœur leur conservation.
Il rêve de sauver ceux promis aux autodafés religieux, ceux
qui vont finir au pilon. Et pour cela, il a besoin d’alliés et de
bras. Mais il peut aussi devenir un problème s’il parvient à
réveiller les autres écrits, et que, comme lui, les mots s’en-
fuient de tous les ouvrages de la ville pour mener leur vie
propre.
Les cubes gélatineux, offerts place des Mille Parfums, for-
ment une sorte de gestalt télépathique. Plus le cube ronge
son hôte, plus celui-ci se trouve lié à cet esprit unique est
fort. Quand la gelée a suffisamment progressé, une poignée
d’années en général, ses hôtes ressentent une sorte d’appel et
partent pour leur dernier voyage au cœur de la terrasse. Là,
dans une cave cyclopéenne, palpite la gelée mère, une masse
informe, qui les avale et digère leur corps. Ils se fondent en
elle pour continuer de chanter et de rire dans l’esprit des
autres englués.
Certains habitants du Châtiment n’ont pas peur d’avoir
des relations commerciales avec le Cloaque. Il est facile de
les identifier : plutôt que le troc ou l’argent, ils vous pro-
posent de payer avec une pinte de votre sang.
Si les aventuriers fouinent aux abords du Grand Théâtre,
ils pourront tomber sur des affiches de Jalsa la Fardée, vieilles
de deux cents ans. Une petite enquête leur apprendra qu’elle
est la dernière d’une longue liste de disparues.
« Le Châtiment est un labyrinthe, le Temps s’y égare, la Mort
a peur d’y mettre les pieds. » Cette rengaine populaire n’est
pas tout à fait fausse : à cause des distorsions, les âmes ont
plus de mal à quitter les corps de la terrasse que partout ail-
leurs et les soigneurs y ont plus de temps pour ramener leurs
patients à la vie.
Cas le plus extrême de cette anomalie, le fond de l’impasse
Maturine est une zone que la Faucheuse a tout bonnement
oubliée, et où s’éternisent un vieil homme pétrifié dans son
fauteuil ainsi que la pauvre souris quasiment coupée en deux
par un piège hors d’âge. Qui sait ce que pourrait devenir ce
lieu si l’on en connaissait les spécificités.
Un cube de bois couvert de poussière sert à caler une
table du Vingt ans ça suffit. Personne ne s’y intéresse et per-
sonne ne soupçonne l’existence d’un tel artefact. Pourtant ce
puzzle en relief est marqué du sceau des Engalar et chaque
pièce y correspond à une rue de la terrasse. Si un quidam était
assez chanceux pour trouver l’objet et assez intelligent pour
changer la configuration du puzzle sans qu’aucune pièce ne
se retrouve orpheline, alors il aurait en main un instrument
capable de réarranger les échelles du Châtiment quasiment à
sa guise (dans les limites des schémas du puzzle).
Les secrets
de la Haute Terrasse
Le pic Aveugle
Rapport du prêtre Arthefim, maître archéologue, à Sa
Majesté le Roi-Dieu Teaphanerys XIV, remis à ce dernier la
veille de son décès :
« Votre Majesté m’a fait l’honneur de me charger d’une
mission d’étude secrète ayant pour objet le pic Aveugle,
dont la découverte récente a entraîné moult troubles et agi-
tations au sein de la population.
Mes conclusions, pour stupéfiantes qu’elles sont, reposent
sur des analyses fiables, des méthodes scientifiques éprou-
vées et l’utilisation de deux artefacts majeurs. Nulle fantai-
sie n’a procédé à leur rédaction et je supplie Votre Majesté
de leur accorder toute son attention.
Le pic Aveugle, dont l’aspect actuel est celui d’une
colline très pentue orientée plein sud, a pour origine une
structure métallique oblongue d’une longueur de 150 pas
environ, dont la forme rappelle celle d’un concombre. Nous
ignorons tout de cette structure si ce n’est qu’elle est fichée
en terre selon un angle de 70° environ, et qu’un tiers de
sa longueur se trouve sous la surface. Pour employer une
image simple, cet immense objet fait penser à la pointe d’une
lance qui, projetée depuis les cieux, se serait fichée en terre.
L’impact, extrêmement ancien, a dû être d’une grande vio-
lence puisqu’on retrouve des roches marquées d’un métal
inconnu à des centaines de pas à la ronde, parfois à plusieurs
mètres de profondeur. Soit dit en passant, voilà qui répond
aux interrogations des savants qui travaillaient sur le sujet
des pierres métalliques aux pouvoirs étranges que l’on peut
trouver ici et là.
Pour une raison qui échappe à la sagacité des membres de
la mission, la structure métallique, dans sa partie émergée,
a été recouverte d’un dôme de pierres particulièrement ré-
sistantes, une variété provenant d’un gisement aujourd’hui
éteint, situé au-delà d’Azilian. S’agissait-il d’une volonté
de confinement, d’un habillage esthétique ou de l’établisse-
ment d’un lieu de culte ? Nous penchons pour la première
hypothèse, car à ce jour aucune ouverture n’a été trouvée,
tandis que de nombreuses pierres sont marquées de signes
rappelant des glyphes de protection. Cependant, une utili-
sation parcimonieuse de l’œil de Kalimbrabor et de la corne
de Truchout a révélé la possible présence d’un escalier inté-
rieur en colimaçon, situé entre la paroi métallique de l’objet
et le parement. Il conduirait à la partie supérieure du dôme
et peut-être vers une ouverture, même si côté extérieur au-
cun élément ne vient à l’appui de cette théorie.
Le travail d’assemblage des pierres révèle un art et une
technique disparus aujourd’hui. Leur analyse, ainsi que
celle des glyphes dont la signification nous reste pour une
grande part mystérieuse, nous porte à dater l’évènement à
plusieurs centaines d’années, peut-être même d’une époque
très proche du Châtiment.
Au fil des siècles, la fréquentation du lieu a cessé, la na-
ture a repris ses droits et des sédiments ont progressivement
recouvert le dôme, lui donnant l’apparence qu’on lui connaît
aujourd’hui.
Aussi invraisemblable que cela paraisse, l’intérieur de
l’objet semble habité. En tout cas, maître Mérik, qui inter-
prète les signes de la corne de Truchout, a assuré y avoir dé-
celé des bruits non répétitifs, ressemblant à des tintements,
des raclements pierreux, des cliquetis et des soupirs. Par
ailleurs, l’œil de Kalimbrabor semble indiquer l’existence
d’un passage ou d’un début de couloir entre la partie enfouie
de l’objet et votre palais ou un endroit proche du temple des
Anciens.
Les respectueuses conclusions de la mission invitent Votre
Majesté à user de précaution en fermant le site à l’étude
archéologique et à en interdire les accès. La perspective
d’envoyer une mission d’exploration (par le passage proche
du palais, s’il est identifié, ou par une voie découverte sur
le site lui-même) paraît hasardeuse et comporter de grands
risques, à moins d’être entreprise par un groupe de per-
sonnes aux talents variés et reconnus. La mission estime
néanmoins qu’il s’agit de la moins mauvaise des solutions, à
condition qu’elle soit menée en concertation avec les grands
prêtres, le danger étant grand que vos ennemis, toujours à
l’affût, ne s’intéressent de trop près au site et ne s’en servent
comme d’une arme contre Votre Personne. »
Le désert de scories
Situé au nord des pics des mages, il s’agit d’une vaste éten-
due aride et inhospitalière, où il vaut mieux ne pas s’aventu-
rer sans une bonne raison et de solides précautions. Ce dé-
sert est composé presque exclusivement de résidus de scories
volcaniques aux teintes particulièrement sombres. L’endroit
est exposé continuellement à un vent d’est désagréable qui
modèle le relief en permanence, lui donnant l’aspect d’une
Laelith 527
 étendue d’eau en mouvement. De cette particularité vient le
surnom du désert : le lac Ombreux.
À supposer que l’on ait une raison de s’y rendre, l’accès
au désert est malaisé et peu engageant. Il faut notamment
longer la Tour de l’échec, repaire de mages déchus et aigris,
de sorciers et de nécromants. Cette première étape n’est pas
sans risques de jour, et suicidaire la nuit. Le maître de la
Tour, personnage mystérieux vivant terré dans un donjon
528
de pierre flanqué de tours de bois et seigneur occulte du lieu,
n’aime pas les étrangers.
Pourtant, le désert attire certaines catégories d’aventu-
riers, car il a la réputation de receler des trésors étranges et
des pouvoirs mystérieux. Selon la rumeur, arpenter le désert
plus de quelques heures mène à la folie. Le vent permanent
cingle cruellement l’aventurier égaré, certaines scories, par-
mi les plus fines, se révélant coupantes comme des lames.
En bordure de falaise se produit un phénomène inexpliqué.
Poussées par le vent et soulevant des tourbillons de pous-
sière, scories et particules volcaniques s’écoulent dans le
vide, dans une sombre parodie des Cheveux de la déesse. Cet
écoulement est l’origine d’une vibration grave et continue,
composée d’une série de sons brefs et longs dont la répé-
tition rend l’endroit insupportable. Curieusement, l’écoule-
ment n’entraîne ni baisse significative du niveau du désert,
ni amoncellement de scories au pied de la falaise.
L’aventurier qui échappe aux bourrasques violentes et au
piège des poches de sables mouvants peut être amené à faire
des découvertes étranges et difficilement explicables. On
trouve en nombre important les particules métalliques bril-
lantes rappelant la structure enfouie sous le pic Aveugle. Ces
particules ont parfois des propriétés étonnantes : certaines
s’attirent, se repoussent ou flottent à quelques centimètres
du sol. Elles peuvent briller la nuit, provoquer l’anxiété
ou le bien-être. Il est arrivé au célèbre marchand Krator
Zomberlash d’en vendre à prix d’or.
Des objets peuvent apparaître dans le sable, comme si le
désert devenait une plage où s’échouerait la cargaison d’un
vaisseau naufragé : coffres, armes, potions, parchemins, par-
fois des artefacts dont la fonction est inconnue. La prove-
nance de ces objets est mystérieuse, et ils ne tardent pas à
disparaître, engloutis par le sable, à l’exception de ceux qui
veulent être retrouvés… L’apparition des objets est souvent
précédée d’une période qui voit un brouillard dense s’abattre
sur le désert. Le vent cesse alors de souffler et l’en-
droit paraît encore plus effrayant. S’y dépla-
cer devient très difficile, car on n’y voit pas
au-delà d’un ou deux pas. Le brouillard
possède par endroits des propriétés vési-
cantes qui entraînent l’asphyxie de celui
qui s’y attarde.
Une seule fois, il est fait mention de
l’apparition dans le désert d’humains
égarés, vêtus de tissus gris, arbo-
rant des casques en feutre mou
et parlant une langue inconnue.
Capturés alors qu’ils se diri-
geaient vers les pics, ils seraient
à présent les hôtes des geôles du
maître de la Tour.
Les secrets du Cloaque
Le maître du Cloaque
Celui que l’on nomme « l’empereur-démon », et que cer-
tains connaissent sous le nom de Trevelian, est considéré
comme le maître du Cloaque. Autant dire que l’intéressé
s’enorgueillit souvent de cette position, aimant à dire : « Je
suis au Cloaque ce que le Roi-Dieu est à Laelith, mais moi
au moins je suis vraiment immortel. » Cela résume bien sa
personnalité, ainsi que ses ambitions.
Trevelian est donc un vampire, et ce depuis des siècles,
voire plus. Nul ne sait réellement quand il a été transformé
en une si vile créature, peut-être pas même lui (sa mémoire
sur le très long terme restant défaillante). Il s’est cepen-
dant imposé, au fil du temps, comme le dirigeant incontes-
table des masses opprimées (c’est bien ce qu’il prétend) du
Cloaque. Trevelian est puissant, mais c’est avant tout son
sens inné de la politique et de la manipulation qui l’a hissé,
puis maintenu, à ce rang.
Il ne naquit pas vampire mais bien homme. Des années
durant, il travailla dur pour gravir la hiérarchie de l’un des
Temples (naissants, peut-être) de Laelith. D’une certaine ma-
nière, il a toujours fait partie de la cité.
Il acquit le statut de novice puis, au bout de plus de deux
décennies, celui de prêtre. Mais il ne réussit jamais à sortir
du lot. Il nettoyait les latrines et lavait les sols des salles de
prière, tout en ne rêvant que d’une chose : devenir Roi-dieu.
Un esprit ambitieux contrarié par le sort…
Il errait toutes les nuits, d’établissement de débauche en
débit de boissons, noyant son amertume dans l’alcool et le
stupre. Jusqu’au jour où une étrange vieille femme lui pro-
posa de lui accorder un vœu en échange de son âme immor-
telle. Toute personne douée de raison aurait vu un piège
dans cette offre. Mais c’est bien l’amertume de Trevelian (qui
était alors connu sous un tout autre nom, soit depuis long-
temps oublié, soit tenu secret par son propriétaire) qui parla,
et non sa cervelle.
Il demanda alors le pouvoir de devenir, à son tour, Roi-
dieu à la place du Roi-dieu. La vieille femme exauça son vœu
(ou c’est ce qu’elle prétendit), et disparut. Quant à lui, il ren-
tra au temple et s’endormit. Le réveil fut douloureux cepen-
dant : il découvrit qu’il ne pouvait plus se nourrir normale-
ment, et que sa peau brûlait au soleil. Trevelian était devenu
un vampire.
Il trouva alors refuge dans le Cloaque où il séjourna des
années durant, se nourrissant comme il le pouvait du sang
de créatures faiblardes ou de pauvres hères s’étant perdus
dans ce dédale souterrain. Puis il découvrit ce qui allait
devenir son palais. Il amassa puissance et serviteurs, et ache-
ta sous un prête-nom quelques maisons dans Laelith, afin
d’y conduire ses affaires. Il devint puissant, riche… Mais il
n’était pour autant pas satisfait.
Trevelian est aussi un amoureux compulsif. Difficile de
dire s’il ressent un amour réel et sincère, ce dernier prenant
souvent la forme d’une obsession dévorante. Tous les siècles
environ, il repère une jeune femme dans la population de
Laelith qui, chaque fois, ressemble étrangement à la précé-
dente (et à son amour de jeunesse, une certaine Hina). Toutes
sont brunes, aux cheveux longs et épais, au visage fin et cise-
lé, et toutes sont humaines. Il entreprend alors de les séduire,
puis de les emmener dans son royaume souterrain. Mais la
fin est souvent tragique ou simplement malheureuse.
Trevelian ne se voit pas comme un génie du mal. Il se
considère avant tout comme un esthète et un fin politi-
cien. Il préfère passer sous silence sa condition de vampire
et ses ambitions. Paradoxalement, il est aussi un facteur de
stabilité pour le Cloaque, empêchant depuis des siècles que
les monstruosités de ce monde souterrain ne se répandent
anarchiquement en ville (et provoquent ainsi un retour de
flammes des autorités).
Malheureusement, les choses ont changé récemment, avec
l’arrivée d’un nouvel acteur. Trevelian a commencé à perdre
Trevelian a changé
Tout lecteur du hors-série n° 2 de Casus Belli première
génération se souvient de Trevelian, mais ce dernier était
légèrement différent. C’était alors l’archétype du grand
méchant à la James Bond ou façon Blake et Mortimer.
Trevelian était déjà un vampire. Mais il affichait aussi une
certaine légèreté : celle de ces méchants qui parlent trop,
exposent longuement leur plan, certains de leur victoire
(jusqu’à ce que les PJ le défassent), et s’enfuient au dernier
moment en maugréant un « je me vengerai ». De plus, il
possédait des traits volontairement ridicules : chauve,
dans une robe noire un peu trop grande, il était de plus
affublé d’un zozotement réduisant drastiquement son
charisme…
Aujourd’hui, il a un peu changé (sans pour autant lui retirer
intégralement sa légèreté). Mais réintégrer un Trevelian
plus proche de sa version presque burlesque ne dénaturera
en rien cette nouvelle Laelith. L’empereur-démon, tel que
vous le lisez aujourd’hui, n’est qu’une proposition. Pour les
amoureux de la version d’antan, il restera toujours la ter-
rible Cour des miracles pour faire office de Grand Méchant
Loup™.
Laelith 529
 du terrain. Plusieurs zones échappent déjà à son contrôle et
certains clans ou certaines familles ont déjà répondu aux si-
rènes d’une nouvelle venue : la terrible Cour des miracles,
dont les desseins échappent à l’empereur-démon. Il craint
qu’il n’y ait bientôt plus de place pour lui, à moins qu’il ne
décide de réagir…
La Cour des miracles
Cette organisation est toute récente dans le jeu politique
du Cloaque. Elle n’en est cependant pas moins redoutable.
Menée par le Rougegorge, elle se fait passer pour un groupe
ayant à cœur le sort des pauvres et des déshérités. La réalité
est cependant toute autre.
Depuis l’accident qui la défigura, le Rougegorge obéit à
une entité inconnue et incompréhensible nommée la Voix
derrière la porte. Prisonnière, cette dernière ne cherche
qu’une chose : sortir. Pour cela, elle a besoin
que sa prêtresse et prophétesse réalise
un terrible rituel.
La Voix derrière la porte est une en-
tité ancienne qui, il y a une éternité,
menaça d’engloutir toute vie et, dit-
on, le temps lui-même, dans son
royaume par-delà les murs de la ré-
alité. Elle fut arrêtée à grand prix,
et la porte qui scelle sa prison fut
imprégnée du pouvoir de
dix mille vies.
530
La Voix derrière la porte n’aspire qu’à s’échapper. Pour cela,
elle utilise les rares interstices mystiques parcourant sa prison
afin de parler au Rougegorge, désormais sa fidèle envoyée. En
lui promettant une place à ses côtés, elle demande le sacrifice
de dix mille vies afin de briser les sceaux qui la retiennent.
Mais ces vies doivent être issues d’âmes teintées par la folie.
Ainsi, grâce aux pouvoirs que la Voix lui avait conférés, le
Rougegorge créa la Cour des miracles. Poussant ses plus fidèles
serviteurs vers une folie servile, elle prépare petit à petit le ter-
rain, recrutant au plus bas pour contaminer la cité tout entière.
Les plans du Rougegorge mettront du temps pour aboutir.
Ses manœuvres sont prudentes et calculées. Elle déstabilise,
empoisonne, soutient les fauteurs de troubles, sans jamais
totalement s’impliquer. Par des actions ciblées, elle aug-
mente le nombre de ses fidèles, tout en cherchant à intoxi-
quer petit à petit la ville, au sens propre comme au figuré.
Elle a d’ailleurs commencé à enlever et convertir plusieurs
herboristes et spécialistes des champignons, afin d’extraire
l’essence de certaines espèces du Cloaque connues
pour plonger quiconque les consomme, soit
dans une béatitude improductive, soit dans
une folie destructrice. Et elle compte bien
s’en servir pour mener sa mission à bien.
Elle espère, d’ici quelques années,
quelques décennies tout au plus,
pouvoir mener une armée servile
et démente jusqu’aux portes d’ai-
rain pour enfin les ouvrir.
Les secrets des Temples
La litholyse
Cette organisation secrète regroupe des prêtres, souvent
bien placés dans la hiérarchie des quatre temples, ainsi que
des laïcs, généralement hommes de pouvoir. Tout au plus
une vingtaine de personnes, dont quelques érulithes pou-
vant faire remonter leur filiation intellectuelle à Aloysius
Van de Vaält, éminent gemmologue tout autant que mage et
fondateur de l’organisation. Elle ne vise rien de moins que
de trouver le moyen de débarrasser Laelith, puis le monde,
de la présence (insane à leurs yeux) des Lithos. En effet, ces
derniers sont perçus comme des entités blasphématoires
visant à asservir lentement l’humanité et, même, prendre
la place des Dieux. L’organisation, discrète au possible, en
est au stade de la collecte d’informations, la cartographie de
leurs emplacements et l’étude des moyens de destruction des
Lithos, tout autant que des moyens de s’en protéger.
Si l’existence des Lithos et leur origine étaient révélées
publiquement, cela serait de nature à remettre en question
l’existence des Dieux et des différentes cosmologies. Autant
dire que l’organisation joue avec un savoir qui, s’il était dif-
fusé, menacerait de plonger la ville dans le chaos, puisqu’il
réfute en grande partie tout ce que le peuple croit connaître
des Dieux, des rôles de la cité sainte et du Roi-Dieu.
L’organisation, consciente tant de la puissance des Lithos
que de leur réseau, n’a pour l’instant agi qu’à l’extérieur de
la ville, tentant de trouver des pierres isolées pour tester sur
elles leurs méthodes d’annihilation.
S’il y a une chose dont la litholyse est convaincue, c’est
que le jour où elle frappera, elle devra le faire de manière
à détruire instantanément la quasi-totalité des Lithos de la
ville. Vaste programme… Mais à défaut de moyens, la secte
est patiente, très patiente.
De même, par prudence, elle a créé une annexe en Azilian,
sous l’impulsion de son chef actuel, Ingvär Brankinsön, un
prêtre de l’Oiseau de feu. Histoire de pouvoir s’y réfugier si
elle venait à être compromise et, de là, continuer sa croisade.
Valdenath, qui connaît l’organisation, la laisse agir pour le
moment. Obtenir des moyens d’action contre les Lithos ne
saurait offenser les Dieux…
Maothoustra l’Hérésiarque
Certains le disent ancien grand prêtre, voire ancien Roi-
Dieu. Certains pensent qu’il s’est sacrifié pour l’humanité,
d’autres qu’il a été honteusement exécuté par le Tribunal
ecclésiastique. D’autres encore croient au contraire qu’il vit
encore, répandant sa bonne parole loin de Laelith, mais qu’il
reviendra un jour renverser les faux prophètes. On en trouve
même pour dire qu’il est déjà mort, que seul son esprit reste
accroché au monde pour enseigner la grande vérité, telle
qu’écrite dans son Immarscible puissance des sept pétales de la
foi universelle (un ouvrage in-quarto à la couverture carmin,
usuellement nommé le Grand Livre rouge). Mieux, certains
disent qu’il est mort, mais a ressuscité prouvant ainsi la puis-
sance de l’Unique…
Car, oui, le grand blasphème de Maothoustra est d’avoir
prôné un monothéisme exclusif et d’avoir attaqué comme
faux prêtres, usurpateurs et mécréants la totalité du clergé
de la ville… On ne peut guère espérer meilleur moyen pour
mal finir.
Dans tous les cas, le maothoustrisme a fait son chemin
dans le reste du monde, y devenant une religion puissante,
suivie par des millions de fidèles, adoptée même par certains
États qui se sont rapidement lancés dans des guerres saintes
pour apporter joie et bonheur aux impies, à la force du glaive
et à la certitude du Livre…
Pis, pour le maothoustrisme, Laelith est la cité de la déca-
dence et des faux dieux, celle qui synthétise toute la dépra-
vation et la fausseté du monde, celle qui se trouve entre le
paradis terrestre et eux, celle qui doit tomber pour la plus
grande gloire de Maothoustra et El, le Dieu unique, omnis-
cient et omnipotent.
Récemment, des membres de la secte ont infiltré l’Infâme
(nom de la ville chez les maothoustristes) et souhaitent la
déstabiliser ou, du moins, lui porter des coups au moyen
d’actions violentes : assassinats, sabotages, attentats…
Si jamais ces opérations devaient se produire, il y a fort
à parier que le groupe serait brutalement traqué et que se
poserait dans les plus hautes instances de la ville la question
d’une action préventive contre le cœur de l’hérésie.
La Brigade spirituelle
De temps à autre, Laelith doit faire face à des évènements
surnaturels perturbateurs, tels le réveil d’un vampire sé-
culaire, un déchaînement d’esprits dans un quelconque
bâtiment, un nécromant mégalomane pris d’un accès de
tyrannie, la migration d’un clan de loups-garous ou quoi
que ce soit nécessitant l’intervention d’un solide groupe de
combattants, d’exorcistes, de paladins et de spécialistes du
surnaturel. Raison pour laquelle la brigade a été créée il y
a de ça des siècles par dame Ravenna de l’impasse de Tulé,
accessoirement assesseur de l’Oiseau de feu. Elle rassemble
Laelith 531
 aujourd’hui une trentaine de spécialistes, issus des quatre
Temples, qui peuvent intervenir sur demande du Conseil
restreint pour enquêter, puis éliminer ce type de danger.
Le 24e commandeur de la brigade est frère Mikaëlus, un
charismatique paladin de Mithra, assisté, entre autres, d’Or-
dun le Rouge un massif minotaure en quête de rédemption
et de dame Grimhild une forgerune naine.
Alchimie et longévité
De notoriété publique, les grands prêtres jouissent d’une
extraordinaire longévité, reflet de la grâce divine qui les ha-
bite… La réalité est un peu plus prosaïque.
À l’origine, seul celui du Temple du Nuage bénéficiait de
cette grâce par l’intermédiaire du grand thegelthan, ce qui
provoquait force jalousie chez les trois autres.
532
Tout changea avec Jihem Ier, deuxième Roi-Dieu de la
dynastie du Livre noir. Maître en alchimie, il chercha un
moyen de rallonger l’existence et légua trois artefacts, fruit
du travail d’une vie, aux Temples. Au Crâne, la Pierre phi-
losophale ; à l’Oiseau de Feu, l’Athanor de désir ardent ;
au Poisson, l’Alambic de longue vie. Ces trois reliques,
par la voie métaphysique, la voie sèche et la voie humide,
améliorent la vitalité des grands prêtres et retardent leur
vieillissement.
Dans son testament, Jihem Ier avait spécifié que le bénéfice
de ces artefacts devait être restreint aux seuls grands prêtres.
Les rares fois où ces injonctions ont été transgressées, cela
s’est conclu, dans le meilleur des cas, par la mort rapide et
douloureuse du grand prêtre fautif.
Focus sur l’Alambic
de longue vie du Poisson d’argent
C’est l’artefact secret qui transcende la ferveur des prières
des croyants en énergie vitale pour « nourrir » le grand
prêtre. Il se trouve dans une annexe exiguë de l’oratoire
primordial de Notre-Mère-sous-le-lac.
C’est une très vieille prêtresse utruz
qui l’entretient et y fabrique l’élixir de
longue vie. À moitié aveugle, Jovizz
(mot signifiant approximativement « jou-
vence » dans sa langue natale) fait aussi
office de « guide » pour transmettre
les secrets du Temple aux nouveaux
grands prêtres : comment rejoindre
le promenoir (par le portail du Temple
humide), l’élaboration de l’élixir… Elle
effectue le miracle de la distillation en
utilisant l’eau pure de la fontaine qui
se trouve dans l’oratoire primordial, les
larmes recueillies auprès des prêtresses
pleureuses, et le liquide récupéré à la surface
par Vespasio, le cache-misère de commodité
officiant dans les jardins du temple. Trois
gouttes journalières de distillat suffisent à
donner au grand prêtre assez de vitalité
pour lui assurer une longévité supérieure
à cent ans.
Si Jovizz est si vieille, c’est qu’elle teste le distillat
à chaque nouvelle fournée, vérifiant ainsi la quali-
té du produit. Elle a connu Xeniphys et le grand
prêtre avant lui. Elle n’est pas immortelle pour
autant et elle arrive bientôt au terme de son
existence. Elle a donc choisi un assistant, un
prêtre, considérablement plus jeune qu’elle
(58 ans à peine), patiemment initié au ser-
vice de l’alambic.
Les secrets des Hors-ville
Les rifts
Les rifts sont provoqués par les Lithos. Lorsque le vaisseau
du Collectionneur fut contraint d’atterrir en catastrophe sur
la planète, de nombreux Lithos furent éjectés et atterrirent
un peu partout dans la région des lacs.
Bien plus tard, Orphyr découvrit le lieu du crash et fusion-
na avec le Lithoracle, réactivant brusquement le réseau tellu-
rique de communication des Lithos. Le choc fut terrible, car
les Lithos, de nouveau reliés les uns aux autres, exprimèrent
d’un coup toute leur angoisse et leur détresse d’avoir été iso-
lés de leurs frères (voir encadré). Des éclairs de communi-
cation parcoururent la région avec une telle intensité que la
réalité environnante en fut affectée, et avec elle sa manifes-
tation la plus triviale : la matière. Celle-ci se contracta ou se
dilata violemment le long de lignes de faille que l’on baptisa
rifts.
Cette convulsion de la matière entraîna à son tour une fra-
gilisation des strates géologiques de la région, avec comme
conséquence le cataclysme connu sous le nom de Châtiment.
Aujourd’hui, le réseau de communication fonctionne
toujours, produisant les phénomènes que l’on observe par-
fois. L’eau du lac assurant une meilleure conduction des
décharges, les rifts demeurent plus fréquents et plus impor-
tants au sein de l’Altalith.
La plupart du temps, les communications lithiques de-
meurent discrètes. Elles causent des micro-rifts que la plu-
part des habitants remarquent à peine. Cependant, en cas de
crise ou de danger impliquant de nombreux Lithos, le réseau
peut rapidement augmenter en intensité, entraînant des
conséquences plus spectaculaires (tunnels d’eau, tempêtes
sèches…).
Les Ka-Utruz, présents au moment du Châtiment, ont eu
tout loisir d’étudier les éclairs, et ont finalement découvert
non seulement l’origine du Châtiment, mais aussi l’existence
des Lithos. Intimidé par ces derniers, le peuple aquatique les
évite dans la mesure du possible, se contentant d’utiliser les
rifts aquatiques à leur profit (voir plus loin).
Biomes des profondeurs et amœbas
Parfois, le hasard des rifts crée dans l’eau des zones très
peu denses où l’air est respirable. Dans ces poches de vie,
une flore semblable à celle des rives s’est développée, mêlée
à des algues qui se sont adaptées à l’eau surfluide. Ce sont de
véritables jardins, remplis d’animaux semi-aquatiques et de
forêts de coraux. On dit que certains d’entre eux, très stables,
abritent des bâtiments servant à l’exploitation des richesses
du lieu. L’un de ces biomes, situé non loin de Laelith, au-
rait ainsi été aménagé en tant que refuge ultime au cas où
la vie du Roi-dieu serait menacée. Des légendes racontent
aussi que des bulles abandonnées, envahies par des algues
prédatrices et des araignées cerfs-volants, dissimuleraient
richesses et secrets oubliés…
Enfin, dans les profondeurs du lac, là où les rifts ont été les
plus intenses, des êtres vivants ont fusionné avec ces biomes,
produisant de grandes créatures amorphes et transparentes
appelées amœbas. Leurs organes internes sont constitués
d’êtres symbiotiques plus petits. D’épais réseaux de séla-
nelles font ainsi office de poumons, les centres nerveux sont
des bancs de torpilles électriques véhiculant les informa-
tions. Des anémones géantes servent de moyens de préhen-
sion, et des colonies de petits crabes aux pinces acérées font
figure de système immunitaire.
Ces léviathans, dont la taille va de quelques dizaines de
mètres à quelques centaines, croisent paisiblement dans
les profondeurs, leurs longs corps semblables à des limaces
ondoyantes sinuant entre les poches d’eau lourde et creuse.
Certains ont même été colonisés par les Ka-Utruz, qui y font
travailler des esclaves humains capturés en surface.
Les sous-lacs
Au hasard des rifts, on observe dans certaines régions la
formation de cuvettes d’eau solide supportant de grandes
étendues d’eau moins dense. Ces bassins sont de véritables
lacs sous le lac, des « sous-lacs » parfois empilés en couches
les uns au-dessus des autres…
Communication entre Lithos
Chaque Lithos se trouve au centre d’une sphère au sein
de laquelle il émet des ondes. Celles-ci réduisent ou
augmentent de manière infinitésimale l’espace entre
les noyaux et les électrons, base binaire qui se transmet
d’atome en atome sur des distances considérables. Ce
mode de communication n’est donc pas réalisé à desti-
nation d’un autre individu, mais est produit en continu à
la manière d’un poste émetteur. Ce n’est que lorsque les
décharges entrent en relation avec d’autres émissions
qu’un réseau est créé.
La galaxie d’origine des Lithos, très dense, s’accom-
modait parfaitement de ces perturbations au niveau
atomique. La planète de Laelith, en revanche, est beau-
coup moins dense, et donc beaucoup plus sensible aux
émissions…
Laelith 533
 Le Pays fort
Les filles qui naissent au sein de la communauté, de même
que les femmes esclaves achetées par les Pères, sont sacri-
fiées. Leurs âmes fournissent l’énergie qui permet aux arbres
de poursuivre leur croissance lorsqu’ils sont sculptés. Quand
un meuble replanté se met à pousser, c’est grâce au fragment
de vie de la victime.
Parfois, des âmes parviennent à quitter leur prison végé-
tale. Elles errent alors dans les forêts, hurlant leur peine et
se nourrissant bien malgré elles des voyageurs égarés. Si un
mage habile venait à entrer en communication avec l’une
d’elles, il ne serait pas long à découvrir le pot aux roses…
L’Inlam
Les nains qui exploitent les mines de Vorn détournent
régulièrement une partie de l’Inlam afin de faire fonction-
ner leurs machines. Ils n’ont bien sûr pas mis les autorités
laelithiennes au courant, les gens se vexent pour si peu…
Selon la quantité d’eau détournée par la colonie, le flot du
torrent est donc plus ou moins exubérant. Les habitants sont
534
habitués à ces sautes d’humeur aquatiques, qui donnent du
caractère à leur cher Inlam.
Certains torracles ayant étudié le torrent ont découvert la
supercherie. Ils échangent leur silence contre une modeste
rétribution, ou contre les services de la communauté naine.
Ainsi, lorsqu’un torracle désire qu’une cérémonie se déroule
dans la sérénité, il exigera des mineurs d’apaiser le courant.
Au contraire, s’il a prédit pour la semaine des remous fu-
rieux, il leur demandera de ne pas toucher au torrent pen-
dant cette période…
Le marais des Languissants
Les hommes de boue ne capturent pas du tout des victimes
pour les emporter dans le marais. Ils sont à peine conscients
d’eux-mêmes ! Ces histoires sont colportées par des escla-
vagistes, qui capturent en fait des victimes humaines et pro-
voquent leur transformation.
Pour cela, deux techniques sont utilisées. La première est
de maintenir les esclaves dans de grandes cages au milieu
des marais, jusqu’à ce que la minéralisation soit accomplie.
La seconde, lorsque le voyage n’est pas possible, consiste à
verser de l’eau surfluide à intervalles réguliers sur un esclave
attaché.
À noter que certains malfrats emploient aussi ce moyen
pour punir ou se débarrasser de leurs concurrents, ou en-
core pour les marquer en tant que parias à l’aide de tatouages
à base d’argile.
Les Utruz
Leur histoire
Lorsque survint le Châtiment, les survivants utruz durent
faire un choix cornélien : soit retourner vers l’élément li-
quide, soit poursuivre leur vie sur les rives du nouveau
lac. Ils finirent par se scinder en deux groupes. Le premier,
traumatisé par le cataclysme, s’enfonça dans les eaux, loin
de toute catastrophe à venir. Il se baptisa Ka-Utruz, ou
« Peuple du Bas ». L’autre persista dans son mode de vie se-
mi-aquatique et entreprit, comme les humains, de rebâtir
une cité sur les rives du nouveau lac. Il prit le nom de Ya-
Utruz, ou « Peuple du Haut », qui se simplifia peu à peu en
« Utruz ».
Le destin des Ya-Utruz
On le sait, les Ya-Utruz jouèrent de malchance en bâtis-
sant Tal-Henth non loin du marais des Languissants. La
mort dans l’âme, ils durent quitter la zone et se réfugièrent
non loin de la future Laelith. Une fois de plus, ils avaient tout
perdu. Leur caractère morose et peu liant s’explique donc
par la nostalgie de leur gloire passée, mais aussi par leur
condition de réfugiés face à des êtres qui les réduisirent jadis
en esclavage. Enfin, ils doivent assumer leur statut de cou-
sins pauvres par rapport à leurs congénères des profondeurs
plus chanceux.
Pire, les Ka-Utruz ne fréquentent plus guère leurs frères,
qu’ils considèrent comme des apostats ayant abandonné
leurs traditions ancestrales. Ils ne se privent donc pas de
leur envoyer leurs asociaux et leurs criminels en exil. Car
pour un Ka-Utruz, il n’est pire sort que celui de rallier les
miséreux de la surface et cet immonde souk qu’on appelle
Laelith.
On peut comprendre que, dans ces conditions, la plupart
des Ya-Utruz n’attendent plus de ce destin qui les a tant mal-
menés qu’une agonie rapide et indolore.
À noter qu’une faction au sein des Utruz tenterait de re-
prendre contact avec leurs frères des profondeurs. Ainsi, si
leurs cabanes sont montées sur un pilotis central, c’est aussi
pour qu’elles puissent s’immerger et se connecter à des tun-
nels sous-marins menant vers des avant-postes ka-utruz…
Le destin des Ka-Utruz
Les Ka-Utruz peuplent les « eaux-fonds » du lac, repliés
sur eux-mêmes, dans des zones à l’abri des catastrophes et
de la curiosité humaine.
Ayant minutieusement étudié les rifts, leurs ingénieurs
sont capables d’agir sur les zones de densité variable. Ils sont
ainsi capables de modeler les poches d’eau dure pour pro-
duire des architectures baroques à la silhouette spectrale,
de véritables cathédrales d’eau solides, transparentes et ha-
bitables car emplies d’air. Des tunnels au sein de la masse
semi-liquide relient les salles entre elles, parsemés de pièges
(bulles qui noient, harpons qui déchirent) et de salles recu-
lées. Des biomes, enfin, sont cultivés pour l’agrément ou la
nourriture, en parallèle avec des amœbas qui font office de
bétail. La plupart des cités sont construites au-dessus de fo-
rêts d’algues afin d’être alimentées en oxygène.
Les Ka-Utruz savent aussi repérer les tunnels d’eau et
sentent lorsque l’un d’eux est près de s’ouvrir. Mieux encore,
certains sorciers savent ouvrir leurs propres passages. Enfin,
il existe des submersibles ka-utruz, longs volumes sinueux et
transparents capables de se déplacer grâce à la production de
gaz par des moteurs à sélanelles.
La question humaine
Les humains seraient bien étonnés s’ils savaient à quel
point on parle d’eux en profondeur ! Pour les Ka-Utruz, les
faces-lisses représentent non seulement leurs anciens tor-
tionnaires, mais aussi des parasites de leur lac sacré, qui ont
profité de leur absence en surface pour s’emparer de leurs
eaux.
S’il existe un consensus sur la « question humaine », la
manière de régler le problème fait cependant débat. Certains
seigneurs sont pour l’extermination pure et simple, au be-
soin en déclenchant des cataclysmes en surface (eau devenue
creuse sur tout le lac, raz de marée…). D’autres choisissent
de considérer cette engeance avec mépris, de la même ma-
nière qu’on laisse des rats s’approprier les reliefs de son re-
pas. Quelques-uns, plus rares, plaident pour une prise de
contact qui apporterait beaucoup aux Ka-Utruz, dont le
conservatisme les entraîne peu à peu vers l’inertie.
Si d’aventure les Ka-Utruz se sentaient menacés ou étaient
découverts, il y a fort à parier qu’ils entreraient aussitôt en
guerre pour balayer les « grands singes incultes ». Certains
extrémistes auraient même le projet de concentrer l’éner-
gie des Lithos afin de produire un nouveau Châtiment. En
attendant ce jour, ils se contentent d’ouvrir des puits d’eau
creuse sous les navires, en faisant de leurs victimes des es-
claves qu’ils font travailler dans de vastes biomes prisons…
Laelith 535
Derniers mots
 Présentation des
lettres de créance
L’ambiance était tendue dans la salle
des audiences, nouvellement rebaptisée
« salle des deux lions » : à dix pas, en
contrebas de leurs pattes griffues et face
au trône, se tenaient debout et alignés
les six ambassadeurs dans leurs tenues
de cérémonie, six gardes pourpres au
garde-à-vous dans leur dos.
Presqu’aucun mot n’avait été prononcé
depuis leur arrivée au palais. Le grand
chambellan qui les avait guidé jusque-là
leur avait juste dit : « Bienvenue, Très
illustres dignitaires des Six Provinces.
Veuillez me suivre. »
Et depuis, plus rien.
Les six plénipotentiaires attendaient
donc dans un silence gêné devant un
Roi-Dieu hiératique, silencieux, le visage
couvert d’un masque opaque et sévère.
Il s’écoula ainsi une dizaine de minutes
avant que le nouveau porte-parole du
Roi-Dieu ne s’adresse enfin à eux :
« Très illustres dignitaires des Six
Provinces, notre quatre fois saint Roi-
Dieu Nin Premier vous fait l’insigne
honneur de vous recevoir en audience.
- Vous pouvez maintenant remettre vos
lettres de créance et titres diplomatiques
officiels au grand chambellan.
-…
- Grand chambellan, les lettres de
créance et titres diplomatiques officiels
que vous avez reçus sont-ils valides ?
-…
- Ils le sont.
- Bien. Je vais maintenant pouvoir vous
rapporter les paroles de notre Très saint
Roi-Dieu Nin Premier.
- Ma Dame, mes Sires, avec Notre
règne commence une nouvelle ère pour
Notre sainte cité de Laelith. Les relations
cordiales que Nos prédécesseurs entre-
tenaient avec vos Provinces nécessitent
aujourd’hui quelques aménagements. En
effet, il Nous apparaît que, du point de
vue commercial, les échanges contractés
avec vos Provinces, qu’ils soient en
nature, en denrées ou en services, sont
moins avantageux pour Notre
partie que pour les vôtres.
538
Souvenirs
et intentions sur Laelith
Avant-propos
Les souvenirs et anecdotes relatés ici sont
tels que je me les rappelle, et peuvent donc être
complémentaires, voire en contradiction avec
les souvenirs des autres créateurs de cette ville/
univers. Je pense toutefois être aussi sincère et
exact qu’il m’est possible. Et si je me trompe
dans des dates ou des attributions, voire par
quelques oublis, cela est sans intention cachée
aucune, juste les aléas du fonctionnement d’un
cerveau qui a dépassé le demi-siècle.
L’un des buts de ces « notes de conception » est
de rappeler qu’une œuvre collective est supérieure
à la somme de ses composants, et que personne ne
peut prétendre en avoir une vision exclusive et
unique. Toutefois, chacun apporte sa pierre à l’édi-
fice et, en montrant ce que j’ai amené à la ville, cela
veut dire que tout le reste, et c’est gigantesque et
proche de 99%, ne me doit quasiment rien.
Le deuxième but est de donner des pistes à des
meneurs de jeu pour jouer Laelith « à ma façon »
ou « à leur façon », ce qui permettra de voir que
toutes les manières sont bonnes, que ce soient les
versions CB35, BBE 2017 (celle que vous lisez
actuellement), ou, même, le « 20 ans après » de
Multisim. Car Laelith est ce que vous en ferez !
Premiers souvenirs
et création de Laelith
Alors que je travaillais en tant qu’ingénieur
informatique et après avoir proposé mon pre-
mier scénario AD&D à Didier Guiserix, celui-ci
m’offrit l’occasion de travailler ponctuellement
pour la rédaction de Casus Belli. En effet, il était
assisté par Jean Balczesak et Agnès Pernelle. Or
l’éloignement géographique de Jean le rendait
moins disponible (Internet n’existait pas). Un
des premiers projets fut Laelith (qui n’avait pas
encore son nom). Jean et Didier étaient les deux
chevilles créatrices et ouvrières à l’origine du
projet. Quand j’ai rejoint le projet « ville med
Par Pierre Rosenthal
fan byzantine », une carte avait déjà été des-
sinée. Les premières réunions furent pour se
répartir le travail, et chacun amena ses idées.
Le Lazaret fut confié à Frank Stora, un méde-
cin, le Châtiment à Denis Gerfaud, la Main qui
travaille et la Chaussée du lac à des connais-
seurs du Moyen Âge et de l’économie. Pour ma
part, je tenais à ce que la ville soit multijeux et
multiunivers. Les références à AD&D devaient
être minimales et la ville devait pouvoir servir
pour Méga, Cthulhu ou tout autre jeu de rôle.
En ce qui concerne l’univers, j’avais décidé de
ne faire référence à aucune déité précise, et de
ne presque pas tenir compte des alignements
chers à D&D. De cela est née la répartition des
temples en éléments primordiaux, plus un pic
des mages, même si l’idée de faire un temple
souterrain n’est pas venue de moi. Une fois ceci
posé, j’ai voulu donner aux meneurs de jeu un
moyen de contrôler à leur guise les aventuriers
turbulents et de préserver la cité. Didier et moi
nous sommes réparti le travail : à lui le Roi-
Dieu et l’image visible du gouvernement de la
cité, à moi le Lithoracle et le moyen de contrô-
ler les pensées et agissements des aventuriers
et à moindre mesure, la géographie de la ville.
Ce partage et cette discussion ont par exemple
donné le logo de la ville. J’avais fait une ébauche
d’un cercle coupé en deux horizontalement
avec quatre losanges bicolores pour symboli-
ser les quatre temples et le fait que toute chose
avait deux faces dans Laelith. De plus le cercle
bicolore devait rappeler que la ville était au bord
d’un lac. Or, mon logo était affreux. C’est Didier
qui, le redessinant, lui a donné un aspect gra-
phique harmonieux. De même, revient à Didier
le masque doré de Roi-Dieu et à moi les Litos,
cet organisme de pierre qui constitue la ville.
Grosso modo, à part la rédaction de la ter-
rasse du Nuage et quelques relectures et har-
monisation, voilà en quoi a consisté mon travail
dans le Casus Belli 35, la ville tenant en peu de
pages (seize environ si je me souviens bien).
Le quatre fois saint Nin 1er, lors de la fête du Roi-Dieu,
déclare : « Aujourd’hui, ma ville est la vôtre ! »

Laelith 539
 Nous en donnerons deux
exemples : premièrement, le
coût du quintal de blé venu d’au-delà de
la Divine Écluse est supérieur d’un tiers à
celui que produisent Nos nouvelles plan-
tations de Psaltié-du-Bas ; secondement,
la solde des contingents provinciaux que
vous mettez à disposition de Notre Ville
pour la surveillance des Marches exté-
rieures est, pour un cinquième, supérieur
à ce qu’elle serait si cette fonction était
prise en charge par les troupes de Notre
corps expéditionnaire.
Il est temps de remédier à ces petits ar-
rangements qui desservent Notre Ville.
En conséquence, Nous vous chargeons
de transmettre à vos diverses autorités
les termes de l’édit suivant que Nous
venons de ratifier : Nous Nin Premier,
quatre fois saint Roi-Dieu de la sainte Cité
de Laelith, décrétons et ordonnons qu’à
compter de ce jour, 25 de lestes semailles
de l’année royale-divine 1016, toute tran-
saction commerciale, de quelque nature
qu’elle soit, entre la Très sainte Cité de
Laelith et chacun des États dénommés Six
Provinces, devra se conformer au Nouveau
code commercial, validé par la totalité
des guildes, corporations et confréries de
la Ville. Toute transaction existante ou à
venir qui ne respecterait pas ce Nouveau
code à compter du 25 de cuivrechamps
de l’année royale-divine 1016, c’est-à-dire
dans deux mois jour pour jour, se verra
déclaré illégale. À ce titre, les marchandises
incriminées seront saisies et détruites, et
leurs propriétaires déférés devant la Cour
commune, sans qu’aucune contrepartie ne
puisse être réclamée ni aucune contestation
tolérée.
- Ma Dame, mes Sires, les paroles de
notre Très saint Roi-Dieu Nin Premier
vous ont été transmises. Pour y donner
suite, sachez que ce Nouveau code com-
mercial sera déposé dès demain matin à
chacune de vos ambassades respectives.
L’audience est terminée. Vous pouvez
vous retirer. »
Aucune réaction visible ne se produisit
derrière le masque juché sur le trône,
pas plus durant le discours qu’après.
Et l’entrevue – si l’on peut dire –, tour-
na court devant les mines dubitatives,
circonspectes ou offusquées des six am-
bassadeurs qui n’eurent d’autre choix,
poussés par la Garde, que de quitter la
salle sans mot dire.
Sans maudire ? Pas si sûr…
540
La suite
Les six provinces
Lorsqu’il a fallu étoffer la ville en décrivant
le lac d’Altalith et les six provinces environ-
nantes, j’ai juste choisi de décrire la Baronnie
de Kaoca et de proposer un scénario. Le but
était de montrer une fois encore qu’il y avait
toujours deux faces à Laelith, une flamboyante,
byzantine et joyeuse et une autre cachée, don-
nant aux meneurs de jeu les moyens de gérer
leur campagne. Dans ce cas précis, un pays
d’opérette qui possède le meilleur des services
secrets.
Au final, et par la suite, je ne suis intervenu
sur aucune des autres créations liées à Laelith,
regardant juste s’il n’y avait pas de contradic-
tion avec le matériau de base.
Le hors-série 2
En ce qui concerne le hors-série Casus Belli
numéro 2, Laelith, Jean-Marie Noël a été dési-
gné rédacteur en chef par Didier Guiserix et,
hormis la reprise des textes originaux (avec
l’accord de leurs auteurs), il s’est chargé de
coordonner tous les enrichissements, l’aspect
visuel, etc. Ma seule contribution a été de de-
mander à Bilal l’autorisation de republier son
dessin du Lithoracle.
Si on veut résumer, Jean-Marie est, et de
loin, l’artisan du Laelith que connaissent la
majeure partie des rôlistes francophones.
Laelith, version Casus Belli Multisim
Jean-Marie Noël et moi-même avons été
prévenus de la republication et réécriture de
Laelith au sein du nouveau Casus Belli édité par
Multisim le jour précédant sa mise en vente.
Aucune autorisation n’avait été demandée à
aucun auteur et, malgré notre ressentiment,
Jean-Marie et moi-même décidâmes de ne pas
nous y opposer, pour ne pas mettre en difficul-
té un magazine envers qui nous avions eu un
grand attachement.
Laelith, version Black Book Editions
Au démarrage du projet, Damien et David,
les deux têtes de BBE ont approché les anciens
auteurs de Laelith en vue d’une possible nou-
velle édition. J’ai aussitôt donné mon accord à
toute reprise, réécriture ou modification de mes
textes et/ou concepts à condition qu’il s’agisse
d’un hors-série Casus Belli. Si vous lisez ces
lignes, vous savez que ce n’est pas un hors-série,
mais l’accord a été modifié s’il y avait une men-
tion visible de Casus Belli sur l’édition finale.
En ce qui concerne mon travail en lui-même
sur ce Laelith, dont Jean-Marie Noël allait être
encore une fois le maître d’œuvre, j’ai dû décli-
ner l’offre d’écrire pour l’ouvrage. Des ennuis
de santé me rendaient incapable de m’engager
sur des dates fermes de remise. J’ai toutefois pu
donner quelques idées à Frédéric Ménage sur
les lithos et le Lithoracle, libre à lui, Jean-Marie
et aux autres coauteurs d’en tenir compte.
Mon Laelith à moi
Attention, ceci est une vision personnelle
de Laelith, elle ne devrait pas être en contra-
diction avec toutes celles publiées, y compris
l’édition présente, ni non plus avec la vôtre.
Quand on travaille pour le jeu de rôle, il
y a, à mon sens, deux façons compatibles de
considérer la création. La première est de voir
la création comme une œuvre, d’un auteur
unique ou collective. Auquel cas cette œuvre
est définie et bordée par la vision du ou des
créateurs. La seconde est de la considérer
comme un ensemble de règles et de guides,
donc d’un outil pour meneur de jeu, libre à lui
de choisir quoi en faire.
Voici donc les éléments et pistes que j’utilise
quand je fais jouer dans et avec Laelith. Une
partie des [concepts] vient de mes nombreuses
lectures de SF, une autre partie de mon imagi-
nation. Toutefois, quelques-uns ont trouvé des
échos dans des œuvres d’autres auteurs que j’ai
découverts plus tard, ou qui n’existaient pas
encore à l’époque :
• L’univers est un univers de science fantasy.
• Laelith est un organisme pensant multicel-
lulaire dont les litos sont les composants.
• Laelith existe dans de nombreux univers pa-
rallèles simultanément [Tanelorn].
• Les lithos se nourrissent des pensées des ha-
bitants proches, d’où son appétit pour la foi,
la science, le commerce et la culture.
• Pour pouvoir agir sur les pensées des habi-
tants, Laelith a besoin de s’interfacer biolo-
giquement avec un représentant de l’espèce
pensante dominante [Alien].
• Les dieux peuvent aussi bien exister que
n’être que la manifestation de la foi des ha-
bitants (suivant l’univers) [Zélazny].
• Laelith peut s’envoyer des messages d’un
univers parallèle à l’autre, ainsi que de son
futur probable à son présent. Ces deux ca-
pacités combinées lui permettent d’agir sur
la trame des évènements passés, présents et
futurs en contrôlant les pensées des êtres vi-
vants proches.
• Le Lithoracle est un moyen pour le MJ de
contrôler le méta jeu de son univers [La
Dame des Douleurs, Lady of Pain, Planescape].
• Le but ultime de Laelith est inconnu de tous,
mais il existe et il se situe près de la fin de
l’univers. Laelith met tout en œuvre pour
qu’un nombre significatif de Laelith arrivent
à cette fin des temps. [BattleStar Galactica, Les
danseurs de la fin des temps]. Cela n’empêche
pas Laelith de tester des versions diffé-
rentes d’elle-même, comme une apocalypse
nucléaire.
• Laelith n’a pas d’état d’âme ou de morale.
Mais elle a constaté que sa puissance dé-
pendait des pensées de ses habitants et que
la liberté était plus nourricière que la dic-
tature, que la religion était profitable tant
qu’elle n’était pas unique, que la culture et
les arts apportaient plus de nutriments que
la science pure.
• Les défenses les plus importantes de Laelith
sont sa capacité à prohiber temporaire-
Un exemple simple
ment la magie, les pensées et l’énergie, à se Des criminels veulent attenter à la vie du
rendre indétectable. Et bien sûr sa maîtrise Roi-Dieu. Laelith voit cet attentat réussir. Elle
du temps. s’envoie un message dans le passé. Les gardes
ont alors « l’intuition » de modifier l’horaire et
• Ses faiblesses sont son incapacité à se dé-
le parcours des gardes, réduisant la tentative
placer. Et la portée de son contrôle qui ne
à néant.
dépasse pas plusieurs kilomètres.
Les Six Provinces ne vont
Des versions alternatives du Cataclyme Un exemple plus complexe pas tarder à réagir à cette
et du Châtiment à Laelith Les personnages de joueurs veulent instaurer déclaration de force. Car la lecture du
une dictature à leur botte, et prendre le contrôle Nouveau code commercial ne va pas
• Le Cataclysme s’est produit dès l’origine, à
de la cité. Laelith va subtilement les aider pour calmer les inquiétudes qu’ont ressenties
l’arrivée de Laelith dans cet univers.
voir jusqu’à quel point cette option est viable. et transmises leurs ambassadeurs.
• Le Cataclysme a été causé par des forces ex- Mais quelle sera cette réaction ? Si une
Elle peut laisser se continuer l’expérience de
térieures [Cthonien, Cthulhu]. Province accepte ce diktat et se plie
quelques années à quelques siècles. Si Laelith
• Le Châtiment est une lutte de certains litos aux volontés du nouveau Roi-Dieu,
trouve l’expérience non concluante, elle favo-
elle va voir ses bénéfices diminuer,
contre d’autres. risera une révolte. Celle-ci pourra être jouée entendre ses commerçants renâcler, et
• Le Châtiment est une sorte de cancer qui pour ou contre les descendants des person- peut-être les États voisins s’y opposer.
ronge une partie de Laelith, que la cité es- nages, voire eux-mêmes s’ils étaient ou sont de- Si par contre, elle le refuse, elle va
saye de guérir ou de circonscrire. venus des morts-vivants (vampires ou autres). devoir trouver un nouveau circuit de
• La division de Laelith en deux par la Faille Après tout, Laelith a un objectif situé plusieurs distribution pour ses produits, entendre
crée un comportement schizophrénique centaines de milliers d’années dans le futur, et ses commerçants renâcler, et peut-être
se doit de tester les diverses alternatives. les États voisins s’y opposer.
des lithos et du Lithoracle. La présence ou
l’absence de ponts de pierre sur la Faille aug- Ludiquement vôtre Qui a dit : « Qui ne sait dissimu-
mente ou diminue ce trouble.
ler ne sait pas régner ! » ?
Pierre Rosenthal

Laelith 541

Terrasse du Châtiment :
une rédemption salvatrice
« Non, mais c’est quoi ce bordel ? Vous
savez qui je suis ? Vous croyez que vous
pouvez vous pointer devant moi, Sancillo
Korasy, en m’annonçant, pépère : « Chef,
on n’a pas réussi à les coincer ces malades
des Porte-ténèbres. » ? Vous voulez que
je dise à l’ami Fridze, là à mes côtés, de
vous remettre les idées en place ? Je vous
préviens : quand je lui dis un truc, lui,
il mégote pas ! Faudra numéroter vos
abattis ! Allez ! Caltez volailles ! Je veux
vous voir ici demain matin avec les têtes
de tous ces empafés. Parce que si le boulot
n’est pas fait… COUIC !
-…
- Non mais, c’est pas vrai ! Tu m’as déjà
vu des toquards pareils ? Comment je
fais si tout le monde s’esbigne ? C’est
quand même pas compliqué d’aller
serrer une bande de gougnafiers qui se
proclament « Porteurs du Châtiment
rédempteur ».
- Quoi ?…
- Ouais d’accord… Dans ce foutu quar-
tier, tout fout le camp… Y’a pas moyen
de fixer les choses… Ok. Mais c’est pas
mon problème ! J’ai une responsabilité
moi ! Nin m’a dit – en substance, hein
– : « Sois le bras vengeur qui porte en ce
lieu de désolation la vérité révélée d’une
rédemption salvatrice. » Ok ? Donc,
maintenant, faut faire le job. Sinon,
COUIC pour moi. Et COUIC pour toi.
Et COUIC pour vous tous aussi !
- Alors, tous autant que vous êtes, vous
allez bouger vos culs et aider ces rin-
gards à loger cette bande de fanatiques.
Parce que là… on n’a pas attaqué le
vingtième du boulot qu’y a à tomber.
Si on n’arrive même pas à attraper cette
bande de loqueteux, comment on va
faire quand il va falloir circonscrire
le secteur incriminé… ouais, non…
je veux dire éradiquer les parages…
massacrer le quartier de l’arbre à fièvres,
quoi ! Vous pouvez me le dire, hein ?
- Et quand faudra rendre des comptes
à la ville entière sur le fait qu’on n’a pas
réussi à recycler ce p’tain de coin : vous
croyez qu’on va nous acclamer et nous
offrir des colliers de coquillages du Lac
d’A ltalith ? COUIC ! C’est ça qui nous
attend !
- Allez, on se bouge… enfin… je veux
dire… VOUS bougez. »
542
Ma Laelith à moi
C’est bizarre une grande aventure qui se ter-
mine… sans se terminer.
Je devrais pourtant y être habitué : c’est la
quatrième fois que Laelith me fait ce coup-là !
La première fois, c’était en 1985 avec les
suites de mon premier rendez-vous chez
Casus Belli première génération. Didier
Guiserix m’avait confié la conception du logo
du magazine. Après quelques mois de cro-
quis et d’échanges, le logo finalisé paraissait
en décembre 1986 sur la couverture du CB
N°35, celui qui présentait au public la ville de
Laelith !
Et après ? Terminé ? Ben non : je tombais
raide dingue de cette ville.
La seconde fois, c’était pour ma campagne
laelithienne entre 1988 et 1990. Un truc de
fou : deux ans et demi d’aventure en dix-sept
scénarios faits maison ; dix joueurs au départ,
à parité homme-femme ; un week-end de jeu
complet presque tous les deux mois ; cinq
lieux d’accueil en alternance disséminés entre
l’Île-de-France, le Centre et l’Auvergne ; et
pour finir en beauté, un combat de masse avec
deux dioramas et plus de deux cents figurines.
Et après ? Terminé ? Ben non : j’étais devenu
membre de l’équipe CB comme maquettiste.
4
5
6
L'Inlam
Ravine
Colonie N
(Torr
ent
)
Troisième aventure laelithienne ! A peine 7
arrivé, je rebats les oreilles de tout le monde
avec ma campagne, ma passion pour la Ville ine
d
Rav
sainte, et surtout mon envie d’y contribuer 8
encore, si c’est possible. Alors, quand germe
l’idée de compiler tout ce qui a été publié sur
le sujet pour une parution en décembre 1990,
Falais
9
l’équipe de rédaction me bombarde rédac-chef
es
du Hors-série N°2 entièrement consacré à
Laelith. Nouveau coup de cœur : regrouper,
compiler, passer commande, rajouter, écrire, 10
maquetter, gérer… un bonheur.
Et après ? Terminé ? Ben non : même si dix ans
plus tard le magazine s’arrête, je continue à écrire 11
sur Laelith des choses que je garde pour moi.
Et en avril 2016, la quatrième aventure dé-
boule : BBE m’appelle pour reprendre le flam- 12
©Patrick Durand-Peyroles - 2017
beau d’une nouvelle Laelith colossalement
augmentée, trente-deux ans après sa première L'In
lam
parution, vingt-huit après sa première compi- 13
lation. Le temps d’un règne pour Teaphanerys Saut Sa
XIV. J’en tombe de ma chaise (une habitude de
A
famille) ! Organiser, planifier, passer commande,
suivre, inciter, écrire, inventer, dessiner, relire,
cartographier… un bonheur toujours plus grand.
Et après ? Terminé ? Je n’en sais rien mais je
ne crois pas, non ! Vraiment pas !
Jean-Marie “JM-MJ” Noël
 Tour Mineure Tribunaux religieux
Pic Aveugle

o
pr
Co u r Co m m u n e L E R E C L U S OI R

l’Op
Tour Majeure Foire aux Les Tours Neuves
En c h a n t e m e n t s Faubourg Glauque
Pl a c e Po r t e d e s
mpart B ro u i l l a rd s
d e s Exé c u t i o n s R a m p e d u Re

L a Qu e s t i o n Port Ailé
de Port
is C o m p a g n i e a é r i e n n e r oy a l e
la ou des
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vin Enclos des Varans sacrés ch
P o r t e d u Re c l u s o i r om
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B C D E F G H I J K L M N O P

Brève notice sur la cartographie royale-divine

La plus ancienne carte connue de Laelith date d’avant le relevés précis, en se faisant seconder par la garde pour des
Châtiment. Quelques fragments en sont conservés au Nuage raisons de sécurité : refus de nombreux propriétaires, qui ne
et décrivent une cité nommée T’nsz-L’n’szh, que Peyrii dit veulent pas dévoiler leur entière fortune foncière, ou qui ont
l’Ancien attribue au site de l’actuelle cité. On y voit net- à cacher quelques endroits suspects ; et certains quartiers
tement les structures du temple des Anciens et quelques sont délaissés par les équipes… comme celui du Châtiment.
chaussées importantes. D’autres plans furent dressés par le Lorsque Nin Ier accède au trône royale-divin, il souhaite
passé, faits à la main, souvent de piètre qualité, et suffisam- qu’un nouveau plan mis à jour soit rapidement disponible.
ment imprécis pour tromper le voyageur. Le Cadastre n’étant pas achevé à cette date, un autre atelier
Au début du règne de Teaphanerys XIV, un plan digne de exécute un plan d’après celui de Peyrii, et qui est rapidement
Laelith est levé. C’est le fameux plan dit de Peyrii (du nom de mis en circulation, avec toutes les mises à jour nécessaires.
l’atelier qui a été chargé de dresser ce plan – vieille dynastie Pendant ce temps, Peyrii poursuit le Cadastre sous la bien-
de scribes implantée au Nuage), et qui circule pendant plus veillance de l’administration royale-divine qui verse pour
de trente ans sans modifications majeures. cela des sommes considérables.
Durant la dixième année du règne de Teaphanerys Achevé en 1058, ce grand plan cadastral va permettre de
XIV, l’administration commande un nouveau plan, dit du découvrir les projets et modifications : l’amphithéâtre qui
Cadastre, devant être le plus précis possible et destiné aux remplacera le Grand Théâtre détruit par un grave incendie ;
services des « Levées de taxes sur les bâtiments, jardins, l’Opéra Nin Ier, qui accueillera les arts lyriques, dramatiques
cours et toutes propriétés incluses dans les murs de ladite et les joutes oratoires ; l’avenue Nin Ier, toujours en cours
cité ». Sous la conduite de l’atelier Peyrii, cette œuvre mo- de réalisation, et le grand hippodrome avec son nouveau
numentale ne sera jamais livrée avant la fin du règne de son quartier à l’est de la ville, en plein chantier aussi mais qui est
commanditaire. La tâche est très complexe et risquée : elle opérationnel.
est exécutée par de nombreuses équipes qui doivent entrer
Patrick Durand-Peyroles
dans chaque bâtiment, cour ou jardin et en effectuer les

Laelith 543
La politique des grands
travaux
« Greffiers, vous pouvez commencer
à noter.
- Messires, nous voici réunis sous la
présidence de Maître Enguérand De
Lame-et-Corbeau, Grand intendant des
Bâtiments royaux-divins et Vicomte de
l’Impasse de l’arbre de Tulé.
Nous allons commencer par les
présentations et je vais laisser le soin
à chacun d’entre vous de décliner ses
titres et fonctions ainsi que de décrire
en quelques mots ce qui justifie sa
présence à cette réunion officielle du 12
de blanche brebis 1016, dont le but est
d’aborder dans le détail quatre projets
concernant la nouvelle politique de
grands travaux, voulue par notre quatre
fois saint Nin Ier.
- J’ouvre moi-même le bal : je suis Brignet
d’Harmond, architecte en chef des
Monuments royaux-divins, sous l’autori-
té directe du Grand Intendant. J’ai pour
charge de mener à bien la construction
d’un nouveau pont sur la Faille, à l’in-
tersection des terrasses de la Main qui
travaille, de la Chaussée du lac et de la
Prospérité. Messire, à vous la suite…
- Je m’appelle Torkal du Glacis. Je suis
architecte militaire de troisième grade au
cénacle des Puissances. Je suis délégué aux
planifications stratégiques de fortifica-
tions. Je supervise sur 1016-1017 l’édifi-
cation règlementaire du mur d’enceinte
pour les baraquements du corps expédi-
tionnaire. Sur 1017-1018, je superviserai
la future extension des sus-nommés
baraquements, au vu de la recrudescence
planifiée des conscriptions.
- Bonjour à tous. Je me nomme
Aloysius Cernominal. En tant qu’ad-
ministrateur général des surintendances
locales, je coordonne actuellement, par-
mi tant d’autres tâches, les travaux de
conception, terrassement, gros œuvre,
finition et embellissement de la nou-
velle esplanade du Phénix, au sud des
jardins du Canal-rideau. Ce n’est pas
une mince affaire : elle fait intervenir
successivement ou en simultané plus de
trente corps de métiers : chefs de chan-
tier, ouvriers qualifiés, carriers, pierreux,
hommes de peine, esclaves, etc. Je
tiens à signaler que les moyens dont
je dispose sont largement inférieurs à
mes besoins et justement à ce
propos, je voulais…
544
Famous Last Words
Ou quelque herméneutique glanée aux bords du lac…
Denis Beck
D’abord il y a l’écran tout blanc, et les mots
qui n’accrochent pas. Compliquée cette nou-
velle Laelith qu’il faut travailler différemment,
qui doit garder le bon goût d’avant mais avec
des épices nouvelles… C’est un peu comme
modifier le décor d’un tableau de Velasquez…
Que vont penser les amoureux de l’œuvre du
génial Sévillan ? Et puis, il y a le Rail, invention
diabolique et hautement planificatrice que je
découvre… C’est l’instrument de contention
mentale parfait, le metteur d’idées en cases,
le traqueur de caractères superflus, l’assassin
des bavards du clavier… Ô Nin, que les Temps
Nouveaux sont durs !
Laurent Bernasconi
Une giclette d’huile par ci, un tour de clé
H&D par là… damne, non pas celle-ci, la clef
de COF plutôt ! Il contempla un instant les
cinq cents derniers signes techniques ajoutés
en s’essuyant le visage. Ce dernier morceau de
Xhosa cérébreur s’était avéré particulièrement
coriace. Mais où les Zoteurs allaient-ils cher-
cher des idées pareilles ? Ah ! les doux rêveurs
de la Haute Terrasse avec leurs projets déo-
machin-choses… ils ne se rendent pas compte,
songea-t-il en redescendant dans le Cloaque.
Cyrille Daujean
Mon retour sur Laelith s’est fait en toute dis-
crétion, bien après que l’équipe s’était réunie
pour se répartir le travail colossal de réécriture.
J’ai, comme on dit, gagné à un concours de cir-
constances… Il se trouve que, après des années
d’aventures séparées, nous nous sommes re-
trouvés autour d’une bière avec Jean-Marie.
Et tandis que nous devisions gaillardement,
l’idée d’adjoindre une pierre supplémentaire
à l’édifice Nouvelle Laelith est apparue dans la
conversation. Ni une ni deux : tout a été mis
en œuvre pour que nous puissions ajouter
l’impasse de l’Arbre de Tulé à la précommande.
Pour mon plus grand bonheur !
Benjamin Debeurre - Szass
Laelith est certainement la ville où j’ai le
plus joué et celle qui m’a le plus inspiré. J’avais
acheté le hors-série par correspondance vers
la fin des années 90, parce qu’en 1986 je ne lan-
çais pas encore de dés. Quelle immense satis-
faction pour moi de pouvoir contribuer à cette
résurrection trente ans plus tard ! Désormais
je sais que certaines pierres de la cité portent
mes marques. Gageons que ce ne soient pas
des Lithos…
Antoine Desroches
Le chapitre sur les temples a failli avoir la
peau du rédac-chef. Le nombre de signes y
fut non-euclidien, le transfert d’informations
passa dans les courbes de l’espace-temps, les
feuillets s’y bousculèrent, des index entiers
furent brûlés, des querelles cosmologiques ré-
sonnèrent... Une fièvre religieuse digne de la
ville Sainte en somme.
Patrick Durand-Peyroles
C’est une période euphorique de création.
Vers la fin des 80s, le jeu de rôle prend son envol
en France, se démarquant progressivement des
productions anglo-saxonnes très présentes sur
le marché. À cette époque aussi fleurissent des
magazines de qualité. L’un d’eux – Casus Belli
pour ne pas le citer – m’a proposé de dessiner
une ville. À partir de quelques sketches tracés
à la va-vite et les idées majeures qui devaient
ressortir de ce projet, j’ai eu « carte blanche »…
De ce fait, les auteurs ont sous les yeux les
ébauches de la carte, et adoptent des topo-
nymes et des monuments aujourd’hui cé-
lèbres… De cette carte et des grandes idées
directrices est née Laelith…
La marmite bouillonne terriblement ! Les
idées fusent et la cité mystique prend une
telle ampleur qu’elle en est devenue presque
réelle pour ses créateurs, mais aussi pour les
joueurs…
 Le fameux hors-série confirme ce succès…
Pendant près de trente ans, d’innombrables
foules de pèlerins-aventuriers convergent vers
Laelith. Moi-même, je n’ai jamais vraiment
quitté cette ville… Laelith la mystique mais
aussi la mythique.
La carte d’origine a été utilisée en papier sur
les tables de jeu, affichée sur les murs, numé-
risée, adaptée par de nombreux sites (non of-
ficiels) dédiés à Laelith… Pour un cartographe
de l’imaginaire, vous pensez bien que c’est très
gratifiant de voir cette carte utilisée de ma-
nière aussi intensive et aussi longtemps…
Le mythe revient en force avec cette nouvelle
Laelith – monumentale – qui fera date aussi.
Eh bien, on sera là dans trente ans, n’est-ce
pas ?
André Foussat
Déjà, l’idée de reprendre et de faire renaître
Laelith, ça avait été une belle entrée en matière.
Enthousiasmante. Mais la première baffe, je l’ai
prise quand on s’est tous (ou presque) retrouvés
à Lyon en octobre pour la « grosse » réunion.
D’abord, j’y ai retrouvé des gens que je n’avais
plus vus depuis le siècle dernier et ça m’a fait
un plaisir dingue, et ensuite, quand j’ai consta-
té que plus de la moitié des autres étaient plus
jeunes… que mon fils que j’ai initié tout jeune
au jeu de rôle, ben oui ! La deuxième baffe, c’est
quand l’un d’entre eux, dont je tairai le nom,
par décence, m’a demandé un autographe !
capitaine nous ayant pris à bord ait pour familier…
un doudilain ! Avec son expressivité chantante et
sa complicité avec son maître, il a été un vrai PNJ
haut en couleur durant de nombreux épisodes. Du
coup, je l’avais quasiment à mes côtés en réécri-
vant ma contribution à Laelith… Squit quit.
Alexis Flamand
Participer à Laelith, ce fut aller de surprise
en surprise. La première, voir l’annonce Laelith
glissée mine de rien à la fin d’un financement
participatif. La deuxième, penser faire quelques
marges (merci Didier !) et se voir confier la ré-
daction des Hors-ville (merci JMMJMJJMJ !).
La troisième, voir son synopsis pour la cam-
pagne accepté et rédiger celle-ci de bout en
bout (merci Thomas !). Moi qui espérais louer
un petit trois-pièces à Laelith, me voici finale-
ment propriétaire d’une taberge avec vue sur
l’Altalith et pour voisins quelques créateurs de
génie. Laelith, terre d’opportunités !
Nurthor Le Noir
Il y a trente ans, mon mago Nurthor posait
le pied à Laelith et fut Grand Nécro-Prêtre du
- Je vous interromps cher
ami… nous allons avoir
l’occasion d’aborder tous ces sujets dans
un second temps une fois que le dernier
intervenant se sera présenté. Donc…
- Pas de problème : on termine par
la crème de la crème ! Je ne vous
connais pas tous, mais vous, vous me
connaissez forcément. Ceci dit, au cas
où on aurait des perdreaux de l’année
dans l’assistance, je vous redonne mon
nom : Sancillo Korasy. Lui-même !
Celui qu’on a surnommé « Couic », et
je me demande pourquoi… Je ne vous
apprendrai rien si je vous dis que j’ai été
nommé par notre très saint Roi-Dieu
lui-même – enfin presque – Premier
Ordonnateur de la Reconquête. C’est
donc à moi qu’Il a confié la lourde
tâche de transformer la terrasse du
Châtiment, ce bourbier infâme, ce
ramassis de tarés, ce no man’s land
chiasseux, en un lieu sain – avec un T,
je veux dire ! –, viable, coquet et habité
par des Laelithiens NORMAUX ! Et je
peux vous dire que ça ne va pas rigoler
dans les chaumières, surtout les plus
pouilleuses !

Géraud G.
Octobre 2016. Il fait froid et les microbes
n’attendent qu’un SAVE raté pour nous bouffer
la narine. Heureusement, c’est pour la bonne
cause : réunion Casus avec croissants, café, la
team actuelle, mais surtout, surtout, les persos
épiques de « Casus canal historique » ! Pas de
chance, je tombe à côté de Marco et de sa crève.
Mais quand tu te retrouves face à des gens dont
les noms te font rêver depuis trente ans, qu’on
te propose d’écrire le Nuage avec la Dame du
Lac… là, à ce moment précis, tu comprends que
tu touches du doigt le graal du souvenir rôliste !
Grippe incluse ! On resigne dans vingt ans ?

Didier Guiserix
En rejoignant, il y a environ quatre ans, la cam-
pagne D&D1.1 masterisée par mon boss des fu-
tures éditions Leha, j’ai été plus que surpris qu’un

Laelith 545
 Moi et mes gars, on n’a pas
l’intention de chômer et vous
pouvez me faire confiance encore une
fois : on va en déblayer des tonnes d’or-
dures, qu’elles soient vivantes, mortes ou
un peu des deux. Ça promet d’être un tel
chantier de merde que, sitôt les premières
maisons désencrassées – ou rasées –,
je m’installe sur place dans une des
bicoques rénovées pour surveiller tout ça
de près. Et pas question que ça moufte !
- Bien…Très bien… Merci à vous… Après
ce vibrant plaidoyer et maintenant que
chacun s’est présenté, je pense que nous
pouvons aborder chaque cas individuelle-
ment et évoquer les classiques paramètres
de tout projet de ce type :
QUI ? Nous venons de le voir.
QUOI ? Le contexte ayant déjà été
évoqué, il reste à clarifier précisément
le but visé.
COMMENT ? Nous attendons
d’entendre l’essentiel des méthodes
envisagées.
QUAND ? Eh bien, nous allons com-
mencer par là, si vous le voulez bien.
En effet, notre Grand Intendant
va vous faire part des dernières
« demandes » de notre Roi-Dieu
concernant les dates d’inau-
guration de ces différents
chantiers. Et mon petit
doigt me dit que certains
d’entre vous vont cesser de
jouer les fiers-à-bras ou les
poules mouillées… Allons-y,
commençons. »
546
temple du Crépuscule (tête de la Taupe) et Grand
Conseiller des Secrets du Roi-Dieu, associé à
Umrath, clerc Grand Prêtre du Crâne. Ces deux
chaotiques finirent leur quête vers l’Immortalité
après 1001 aventures : Nurthor devint une Liche-
Vampire Roi-Dieu, le Dieu du Crépuscule et de
la Mort discrète et immédiate, alors qu’Umrath
devint une Liche, le Dieu du Châtiment et de la
Mort cruelle et lente ! Ces deux ombres à leur
début hantent cette nouvelle Laelith…
Thomas Le Goareguer
Petit aperçu du forum privé : 44 fils distincts,
4804 messages, 166 fichiers à télécharger (le
tout après nettoyage). Une jungle de pseudos
(des siamois et des Tom multipliés : Tom B,
Tom/Fred, Tom R, Tom76…). L’ancienneté de
certains fait frémir… Des acronymes : cdf, SR,
LDVELH (facile), MqT, HS2, cdl, RD, GP… Si
JM-MJ répond en majuscules : rester calme et
reformuler la question ou l’oublier. Attention
à l’usage du « C’est pas faux », toujours à
double sens. Savoir supprimer des caractères
pour respecter le sign… [fin de transmission]
Jean-Marie Noël
À chacun ses escargots : moi, je suis fan de
chats. À tel point que j’en suis bêtifiant, gâteux,
presque pathétique. Je n’imaginais donc pas
Laelith sans son petit côté crétois, avec des ma-
tous matois qui se faufilent entre les pattes des
ookhabs, ignorent superbement les sherpanes
et chassent les Rongeurs de Taille Habituelle.
Aussi verrez-vous, dans une impasse, trôner
Padlalu dont le nom fait référence à la terreur
panique que manifeste Cocoon la Maine Coon
lorsque s’ouvre un certain tiroir de la cuisine…
celui qui enferme le redoutable rouleau de pa-
pier aluminium !
Frédéric Ménage
La description de la terrasse de la Prospérité
livrée dans le reboot de Laelith est directement
inspirée de Covent Garden, un quartier de
Londres haut en couleur, théâtre des exploits
de Sherlock Holmes, mais aussi de l’ascension
sociale d’Eliza Doolittle, héroïne de la comédie
musicale My fair lady, une modeste vendeuse
de fleurs qui intègre la haute société londo-
nienne grâce à l’appui du professeur Higgins.
Les personnages d’Élisa Dolot et du professeur
Harex leur doivent beaucoup…
Agnès Pernelle
Revenir à Laelith après tant d’années… Je ne
pensais pas que l’occasion m’en serait donnée.
Et pourtant me voilà de nouveau à arpenter
avec bonheur ses échelles, pour retrouver et
saluer d’anciennes connaissances, enregistrer
le pedigree des nouveaux arrivants, respirer
l’air de la Chaussée. Et faire le tri et le ménage
parmi toutes ces majuscules intempestives et
ces noms propres tout échevelés ! C’est beau
l’enthousiasme de la jeunesse…
Marc Sautriot
Octobre 2016 : BBE présente son projet
Laelith à la rédaction de Casus en présence d’an-
ciens membres. Je découvre les têtes de noms
qui ont presque bercé mon enfance. Ouah, ils
sont… vieux ! Mais à peine plus que moi, en fait !
Quelques heures plus tard, dans le train, en
rentrant chez moi, mon cerveau tourne déjà à
bloc. Je ne peux pas passer à côté de ça, c’est
trop énorme. J’envoie un texto au rédac’chef :
je suis partant pour m’occuper… du Roi-Dieu.
Le Roi-Dieu, putain !!!
Frank Stora
Le travail d’équipe sur Laelith 2017 a don-
né une épaisseur étonnante au tableau géné-
ral de la ville. De plus, Laelith 2017 m’a per-
mis de reprendre une série de personnages de
l’antique version 1987 et de leur donner une
descendance et/ou de les faire vieillir (sauf un,
mais lui n’a pas manqué de monter en grade !).
Bref, on est passés d’une Laelith « 2D » à une
Laelith « 4D ». Et, avec le travail annexe sur
« Laelithulhu », 5 ou 6D au moins !
J’aimerais bien participer aussi au Laelith
2047…

Kristoff Valla
Les personnages et les intrigues décrits dans
les marges de la terrasse du Nuage et de la
Chaussée du lac existent pour les deux tiers de-
puis… la première version de Laelith. Ce sont
des éléments tirés de la première campagne
que j’ai maîtrisée, peu après la découverte du
Casus Belli consacré à la ville du Roi-Dieu. De
l’eau a coulé depuis dans le lac d’Altalith, mais
la cité est immortelle…

Frédéric Vallat
Au fil de l’écriture de mes textes, je me suis
efforcé de disséminer de discrets clins d’œil à
mes ami(e) s ou à leurs persos. J’espère que se
reconnaître au détour d’une page les amuse-
ra… et je prie ceux que je n’ai pas eu la place
de caser (et tout particulièrement Séverine, le
Grand Chal François B., « Moustique » Ripoll,
Gianni et Fred F.) de ne pas en être vexés !

Sebastien Torres et Sarah Verdu

Maximilien – de Max et La Moitié, parias
du Châtiment – est encore tout turgescent
d’avoir chaussé les cothurnes d’Ermold le
Noir le temps d’un paragraphe (avec la per-
mission de Maître Denis Beck, que Maître
JM-MJ nous avait demandé d’obtenir avant
de nous donner son blanc-seing). De mon
côté, je dois lui rappeler sans cesse que nous
avons été tout au plus ses prête-plumes, parce
que je n’en peux plus de toute cette bave qu’il
dépose partout d’excitation. Nous en avons
déjà bien assez avec celle des escargots dont
nous pratiquons l’élevage depuis que nous
avons voulu voir comment ces petites bêtes
vivaient, manière de nous en inspirer pour
notre terrasse…

Laelith 547
Crédits
Crédits
Ont collaboré à laelith
Staff pour l’ensemble de la gamme
Directeur de publication : David Burckle
Chef de projet : Jean-Marie Noël
Coordination : Jean-Marie Noël et Thomas Berjoan
Secrétariat de rédaction : Agnès Pernelle
Design couverture & Logo Laelith : Laura Hoffmann
Textes du livre de base
Introduction
Black Book Editions, Jean-Marie Noël
Présentation générale
Auteur principal : Jean-Marie Noël
Auteurs complémentaires : Frédéric Vallat,
Jean-Marie Noël
Us et Coutumes
Auteur principal : Jean-Marie Noël
Auteurs complémentaires : Thomas Le Goareguer, Jean-
Marie Noël
Les Rois-Dieux
Auteur principal : Marc Sautriot
Auteurs complémentaires : Marc Sautriot, Jean-Marie Noël
Lithos et Lithoracle
Auteur principal : Frédéric Ménage
Auteurs complémentaires : Sebastien Torres, Sarah Verdu
Les Temples
Auteur principal : Antoine Desroches
Auteurs complémentaires : Antoine Desroches (Crâne),
Patrick Durand-Peyroles (Nuage), Adolfo Ramirez
(Oiseau de feu), André Foussat et Agnès Pernelle (Poisson
d’argent), Thomas Le Goareguer, Jean-Marie Noël
Terrasse de la Main qui travaille
Auteur principal : Frank Stora
Auteurs complémentaires : Frédéric Vallat, Tristan
Lhomme
Terrasse de la Chaussée du lac
Auteurs principaux : André Foussat et Agnès Pernelle
Auteurs complémentaires : Kristoff Valla, Didier Guiserix,
Tristan Lhomme
Illustrations
Illustration de couverture
Simon Labrousse
Illustrations intérieures
Enki Bilal, Rolland Barthélémy, Tan Burci, Loïc Canavaggia,
Didier Guiserix, Michael Komarck, Simon Labrousse, Fred
Lipari, Tignous, Pascal Quidault
548
Design graphique & Maquette : Romano Garnier
L'équipe de Black Book Editions : Thomas Berjoan, Eric
Bernard, Ghislain Bonnotte, Anthony Bruno, Damien
Coltice, Jonathan Duvic, Marie Ferreira, Romano Garnier,
Laura Hoffmann, Justine Largy, Aurélie Pesseas
Terrasse de la Prospérité
Auteur principal : Frédéric Ménage
Auteurs complémentaires : Antoine Desroches, Adolfo
Ramirez
Terrasse du Nuage
Auteur principal : Géraud G.
Auteurs complémentaires : Kristoff Valla, Anne Vétillard,
Lionel Piccoli, Nurthor Le Noir
Terrasse du Châtiment
Auteur principal : Sebastien Torres et Sarah Verdu
Auteurs complémentaires : Manu Roudier, Benjamin Debeurre
Haute Terrasse
Auteur principal : Denis Beck
Auteurs complémentaires : Sebastien Torres et Sarah
Verdu, Thomas Berjoan
Le Cloaque
Auteur principal : Julien Dutel
Auteurs complémentaires : Benjamin Debeurre,
Nurthor Le Noir
Les Hors-ville
Auteur principal : Alexis Flamand
Auteurs complémentaires : Didier Guiserix, Jean-Marie
Noël
Les secrets
Auteurs : Denis Beck, Antoine Desroches, Patrick Durand-
Peyroles, Julien Dutel, Alexis Flamand, André Foussat
et Agnès Pernelle, Géraud G., Frédéric Ménage, Marc
Sautriot, Frank Stora, Sebastien Torres et Sarah Verdu
Conclusion
Black Book Editions, Jean-Marie Noël
Plans
Jean-Marie Noël (plan de la ville en pages de garde, plans
des six terrasses), Jems (plans du lac d’Altalith et plan des Six
Provinces, plans des scénarios), Guillaume Tavernier (plans
du Cloaque, des quatre temples, du Lazaret, de la Maison
des mille fleurs, du temple des Anciens, de la demeure de
Son-To, de la maison Billig, de la Divine Écluse)
 Ont vécu à laelith
Les terrassiers, membres des surintendances locales
BD. Ermold le Noir, Muguet de Cour, esthète et bretteur.
BL. Kegron, horloger à mi-temps à la terrasse de la Main qui
travaille.
BT. Barahir Forge d'Acier, médiateur discret et court sur
pattes de la grande administration centrale royale-divine.
CM. Chatman le Dodu, scribouillard de l'échelle des Encres.
DA. Frère Pétrus, Inquisiteur à la Confrérie au contrôle de
l'orthodoxie (j'ai tout noté et j'ai tous les noms).
DB. Szass, Façonneur de donjons.
DC. Zatanicus, Grand Ordonnateur des Guildes du Sud en
Haut.
DJ. Sicur, collectionneur de langues bien pendues et briseur
de clepsydres à ses heures perdues.
DPP. Peyrii dit le Grand, de la Maison des Scribes Architectes
et Topographes de Laelith, ancien Cartographe officiel du
très regretté quatre fois saint Teaphanerys XIV, de la très
sainte et très vénérable cité de Laelith et des lointaines
Provinces du Lac.
FA. Grand Maître des Forces Abyssales de l'Altalith (sur
rendez-vous).
FA. Quatrevents, vieux sage et fidèle contrôleur de l'ap-
puyage du bouton rouge comme un malade.
GA Ange-gardien, un drôle de moustachu qui aime les chats,
moustachus eux aussi.
GG. Myvyrrian, collectionneur invétéré d’antiquailles.
Spécialiste du Bigearre en Nuage, surtout par gros temps
anisé.
GD. Major Maklambert, remakauteur marginal sans accent
sur le e.
LGT. Atfen de Tlae, astronome poète, marchand rêveur
d'échelles, explorateur des marges, celui qui guida le
barbare Ulrick Slash au cœur de la Sainte Cité.
NLN. Nurthor Le Noir, Grand-Nécro-Prêtre qui rêvait d'être
Roi-Dieu et qui le fut.
M. Enkorain Désabiss, âme perdue de la Chaussée du lac.
Les enlumineurs, rêveurs de toiles,
grades hors-cadres de la guilde des créateurs de beau
BR. Don Jon de Papi, dit Bras Cassé, facilitateur agréé au-
près de la Guilde des Démembreurs.
BT. L'ombre mystérieuse, peintre des ruelles de la Cité
sainte, contemplative du Phœnix...
CL. Peintre officiel à la cour de l'Herzog Bogomolet.
GD. Tricoteur de doudilaines, désespoir des Renommeurs et
meilleure barque à friture de la Chaussée.
KM. La diva talentueuse et insaisissable.
Les cartographes, maîtres affiliés à l’université matérialiste universelle
DPP. Peyrii dit le Grand, de la Maison des Scribes Architectes et
Topographes de Laelith, ancien Cartographe officiel du très
regretté quatre fois saint Teaphanerys XIV, de la très sainte et
très vénérable cité de Laelith et des lointaines Provinces du Lac.
Par la lecture de ce premier texte, je m’engage à servir durant vingt-sept ans dans le Contingent de ville.
Par la lecture de ce deuxième texte, je m’engage à une villégiature d’une année autour du cabestan du Chariot qui monte. Contrat renouvelable par tacite reconduction, selon condition physique.
MF. Aime passionnément les petites-gens, aussi à marée
basse. Aime également les animaux : sait faire tomber
de sa chaise une joueuse en interprétant le surgissement
d’un ours.
NJM. Grand mamamouchi de la Ville sainte, faisant fonc-
tions de surintendant, scribe, cartographe et architecte.
Heureux papa d’Oëmerin, Esope et Quiévine.
PA. Lisseuse de mots et élagueuse obstinée.
PL. Blueace, nain en marge sur le nuage.
RA. Dénonciateur patenté et traître assermenté.
RE. Scribe émargeant en Châtiment. A reçu quitus d’un
bicéphale hermaphrodite puisque ne manifestant pas
d’aversion avérée aux gastéropodes.
RP. Parti d'Alarian il y a trente ans. Toujours en route pour
Laelith.
SF. Frankie-le-Rêveur, Grand Maître de la Confrérie
royale-divine des Moines-soldats calligraphes.
SM. Marco, généalogiste et historien en chef officiel des
Rois-Dieux. Écrit beaucoup et souvent, mais uniquement
des choses intéressantes.
TL. Messire Maugré, gratte-parchemin intermittent, com-
mensal des félins de la Chaussée qui Rêve.
TS. Laeta, sublime compagne de la Maison des mille fleurs.
TS-VS. Max et la Moitié, elle spécialiste de la hache, lui des
jeux de mollets et les deux amoureux fous des escargots
au point d'en placer partout même quand ça n'est pas
utile.
VA. Linderielle Dulac-Ladame, ménestrelle dispersée
et enlumineuse polymaniaque, à la terrasse de la
Tête-dans-les-nuages.
VF. Foreven, Voyageur de la Cave, maître-loukoumier dans
la Main qui travaille.
VK. 57e sous-scribe de la 22e chambre des Encyclopédistes,
sections annexes anecdotiques annotées.
LS. Le broussailleux, samouraï fidèle, fine lame et peintre
naturiste à ses heures perdues.
LF. Balt, cartographe indépendant à mi-temps les deux tiers
de l'année, faux scribe de la Main qui travaille, débordé le
reste du temps.
ST. Vieux compagnon de CB et Kroc-queur de talent.
Dessine de préférence des personnages livides.
TG. Guillaume le Conquérant, éclateur de trompe-l’œil.
QP. Paysagiste d’écran en Panavision.
NJM. Jovial assistant d’Esope Ragouline, cartographe du
quatre fois saint Roi-Dieu Nin Ier.
J. Jems Ekwalson. Cartographe Planaire égaré, sous tutelle
bienveillante de la Baronnie de Kaoca.
Laelith 549
 Contributeurs
Ont contribué à bâtir Laelith
Patrick Abitbol, Elias Aflack, Luc Agostino, Karim Aissaoui, Silvere Alix,
Sylvain Allombert, Joaquim André Alves, Pierre Amadio, Maëva Amant,
Pascal Amiable, Malik Amoura, Franck Andrieu, Marc Antigny, Jonas
Aparicio, Lois Ardouin, Jean-Michel Armand, Benoit Attinost, Sébastien
Audibert, Mathieu Audren, Xavier Aussibal, Jeremy Aveline, Laurent Avenel,
Frederic Averseng, Denis Avon, Christophe Ayroles, Clément Baca, Brice
Baconnais, David Baconnais, Raphael Bader, Johann Bae, Olivier Baillif,
Christophe Baldin, Arnaud Ball, Arnaud Ballerey, Raphael Baraille, Grégoire
Barbeau, Fabien Barbier, Bruno Barcellini, Emmanuel Bard, Olivier Baron,
Gilles Barreau, Fabrice Bartrolich, Franck Bastide, Christophe Batot, Didier
Baumont, Nathalie Bauzet, Michaël Bazot, David Beau, Matthieu Beaudouin,
Gael Beaudouin, Gil Beaume, Lionel Beaupere, Franck Beauquier, Pascal
Behem, Ivan Beirnaert, Ivan Beirnaert, Danielle Bellino, Antoine Bellot,
Patrice Benech, Fabrice Benekian, Armand Benoit, Jean-François Berenguer,
Nicolas Bernard, Christophe Bernardini, Antoine Bernard-Leprince, Dany
Bernasconi, Christophe Bernolle, Yannick Berthereau, Francois Berthiot,
Sébastien Bertho, Jérôme Bertin, Nicolas Bertin, Stéphane Bertin, Laurent
Bertrand, Stéphane Besserer, Raphael Bie, Florent Bienfait, Julien Bietrix,
Serge Billarant, Jorn Bisser, Xavier Blaise, Frédéric Blanc, Jérôme Blanc,
Michel Blanc, Patrick Blanluet, Hugues Blazart, Guillaume Bloss, Laurent
Blum, Jerome Bocquet, Emmanuel Bodin, Sébastien Bodin, Edwige Boffy
Vendevogel, Thomas Bohic, Vincent Boillet, Alain Boissin, Jean-Michel
Bolliet, Thomas Bolon, Olivier Bon, Alain Bonet, Eric Bonnet, Vincent
Bontems, Jean-François Boquillard, Stephane Bordiga, Philippe Borecek,
Timothée Bossin, Wilfried Bosson, Arthur Bot, Sylvain Boucault, Gwenael
Bouchard, Sébastien Boucher, Emmanuel Bouhelier, Frédéric Boulais, Olivier
Boulanger, Vincent Boulanger, Bertrand Bouleau, Jean Marc Bouleau, Max
Boulesteix, Gwenael Bouquin, Yan Bourdery, Julien Bourdette, Mathieu
Bourgoin, Cédric Bournadet, François Bousquet, Pascal Bousquet, Jérôme
Boussert, Jc. Bousson, Raphaël Bouyssel, David Boyé, Dimitri Braem,
Alexandre Braque, Roberto Bravo Sanchez, Harold Brenier, Pascal Bresso,
Alexis Briens, Florian Brisard, Christophe Brouard, Geoffroy Brouillard, Ernst
Brun, Alexandre Brunet-Buschiazzo, Olivier Buliard, Alban Bureau, Nicolas
Burgnard, Stephane Burgunder, Cedric Burillon, David Burtin, Julien Busson,
Jean-Stéphane Cabeza, Gilles Cadeau, Pascal Caillaud, Olivier Caira, Thomas
Cajgfinger, Julien Calas, Philippe Calvet, Arnaud Cames, Bertrand
Camescasse, Pierre Campan, Johan Camus, Fabrice Canepa, Benjamin
Canny, Mathias Canu, Emmanuel Cappe, Ernest Caradonna, Martin Carayol,
Cecile Carcagno, Edouard Carletti, Cyrille Carretero, Thierry Carteado,
Erwann Carvou, Julien Casati, David Castelli, Mathieu Castex, Sébastien
Celerin, Bilgin Cesur, Benjamin Chahbazian, Samuel Chainiaux, Jean-Marc
Chalard, Philippe Chapdelaine, Slawick Charlier, Jean-Pierre Charoud, Pierre
Charriot, Cyril Chathuant, Jean-Christophe Chaussadas, Cyrille Chavet,
Antoine Cheret, Jean Michel Chesnoy, Jean-François Chevalier, Pierrick
Chevallay, Francois Chevrollier, Sébastien Chionne, Frédéric Chiren, Florent
Cholet, Julien Chollet, Denis Choulette, Vincent Chouzenoux, Emmanuel
Claudet, Guillaume Clavel, Josselin Clement, Simon Clement, Xavier Cloarec,
Sébastien Cocquerez, Frederic Coene, Julien Cohen, Gregori Colin, Joffrey
Collard, Sylvain Collas, Roxane Collet, Pascal Condon, Stéphane Conel,
Anthony Conraux, Benjamin Consol, Pierre Coppet, Thomas Coquery,
Guillaume Cordier, Kevin Corsiez, Yves Cossart, Stéphane Costa, Christophe
Costard, Anthony Cotez, Thibaud Coudray, Benoit Couhe, Philippe Coupard,
Boris Courdesses, Laurent Cournault, Pascal Coursier, Jean-Jacques Coursol,
Robin Cressent, Rémi Crest, Vincent Creteau, Alexandra Cretton, Philippe
Cudre-Mauroux, Guillaume Czakow, David Da Costa, Franck Da Silva, Jean-
Francois Dabompre, Eric Dacharry, Thomas Dairain, Eric Dalmieres, Jérôme
Darmont, Bertrand Darques, François Darrouzain, Jérémy Dauffy, Alain Et
Cyrille Daujean, Sébastien Daussin , Guillaume Davy, Wladimir De Cernowitz,
Guillaume De Chanterac, Gilles De Gasquet, Bruno De Luca, Laurent De
Menis, Stephane De Santis, Vincent Debaize, Philippe Debar, François
Decamp, Stephane Decima, Bernard Declercq, Xavier Decrouy, Yann
Degardin, Franck Degremont, David Deguin, Stéphane Delage, Alexandre
Delalieu, Eric Delamour, Thomas Delannoy, Fabien Delaye, Fabrice Delcourt,
Philippe Delestaing, Nicolas Delmoitiez, Emmanuel Deloget, François
Delpeuch, Alexandre Delpierre, Cedric Deltombe, James Delvalle, Philippe
Delvaux, Nicolas Delzenne, Stephane Dematteo, Regis Demeulant,
Christophe Demko, Stephane Demontoux, Olivier Demoulin, Emmanuel
Dempure, Christophe Deneux, Gregory Desaunay, Sylvain Desne, Damien
Desnous, Romain Detchev, Sebastien Devaux, Hadrien Devichi, Régis
Devillard, Stéphane Devouard, Eric Didieux, Marc Dieu, Vincent Dinet,
Florence Dinguirard, Antoine Dinimant, Christophe Dion, Nicolas Diremdjian,
550
Nicolas Dobin, Robert Dolzy, Sylvain Domenjoud, Viera Dona, Laurent
Doussaud, Romuald Dresch, Ludovic Drevillon, Ludovic Drigeard, Clément
Drilleau, Quentin Droetto, Félix Drouet, Maxime Drouot, Christophe Dubois,
Eric Dubourg, Marc Duboux, Vincent Ducrocq, Julien Ducry, Eric Dumont,
Alexandre Dupouey, Raphael Dupre, Stéphane Dupuis, Charles Durand, Eric
Durand, Gilles Durand, Yoann Durand, Patrick Durand-Peyroles, Alexandre
Durieux-Perard, Julien Dutel, Gonzague Dutheil De La Rocher, Yannick
Duthieuw, Jean-Pierre Duvigneau, Christophe Eckenfels, Idriss El Maaoui,
Stéphane Emery, Antoine Engelen, Paul Enguehard, Vivien Enrique,
Guillaume Escrivant, Matthieu Etasse, Arnaud Etienne, Philippe Etienne,
Philippe Eveno, Raphael Eynard, Philippe Fabretti, Patras Fabrice, Lionel
Fagone, Julien Falconnet, Amaury Farce, Fabien Farre, Damien Fattaccioli,
Vincent Favreau, Bertrand Fayolle, Pierre Febvre, Jean Fedon, Thibaud
Feneuil, Matthieu Fenot, Emiliano Fernandez, Jean-Michel Ferragatti,
Frédéric Ferrand, Baptiste Ferraton, Cedric Fevrier, Anthony Fiascaro,
Mathieu Filipic, Cédric Flaba, Richard Flammier, Paul Fleury, Cédric Flores,
Valentin Floury, Cédric Fluri, José Fonseca, Didier Fontana, Bruno Fouque,
Cyril Fournet, Patrice Fournier, Valentin Fourny, Alexandre Fourrier, Jonathan
Frankignoul, Gaël Franquet, Viala Frederick, Olivier Fresse, Xavier Frith, Jean-
Paul Fritz, Pierre-Yves Fumery, Vincent Furstenberger, Cédric Gagey,
Stephane Gaillard, Nicolas Gaillaud, Regis Gainand, Eric Galindo, Laurent
Gallo, Olivier Galmard, Etienne Gangloff, Angel Garcia, Franck Garcia, Olivier
Garde, Emmanuel Gatie, Jean-Yves Gaucher, Jean Jacques Gaufinet, Gilles
Gautier, Olivier Gautier, Pierre Gavard-Colenny, Pierre Gay, Pierre Gehenne,
Thierry Genestier, Hervé Gengler, David Gernez, Claude Gex, Philippe
Ghestin, Didier Gicquel, Olivier Gillot, René-Philippe Gimenez, Nicolas
Giordano, Thomas Giot-Mikkelsen, David Girardey, Frederic Giraud, Frederic
Giraud, Michel G. Giraudo, Gaël Girollet-Deville, Thierry Gislette, Guillaume
Godet-Bar, Jean-Christophe Godfin, Geoffrey Goffin, Arnaud Gomes, Bruno
Gomiero, Antoine Gonzalez, Edouard Gonzalez, Marc Gosselin, Axel
Gotteland, Laurent Goudet, Robin Gouge, Jean-Paul Gourdant, Damien
Gourvellec, Vincent Grammelspacher, Bertrand Gramond, Florent Granet,
Fabien Granger, Sebastien Gras, Sébastien Gras, Olivier Grassini, Michael
Graz, Guillaume Gregoire, Gilles Gres, Gwendal Griffon, Olivier Grima, Benoît
Grimaud, Benoît Grimaud, Romain Grindler, Sébastien Gros, Thomas Guard,
Jean-Marc Guardia, Frederic Gueho, Cédric Guerrero, Etienne Guerry,
Yannick Guerveno, Julien Guillaud, Boutigny Guillaume, Didier Guillaume,
Franck Guille, Laurent Guille Des Buttes, Thomas Guinez, Richard Guitter,
Yan Gutierrez, Stephane Haenel, Damien Hallaux, David Hamon, Olivier
Hanicotte, Martial Hardy, Sebastien Hauguel, Eric Hautemont, Martin
Henriot, Francois Henry, Henry Henry, Nicolas Henry, Kevin Herman,
Frédéric Hermann, Thomas Herubel, Philippe Ou Raymond Herve,
Dominique Heurtebise, Yannick Himber, Mickael Hiver, Raphaël Hoarau,
Francois Holowenczak, Pierre Houmeau, Fabrice Hubert, Jerome Huguenin,
Denis Huneau, Antoine Imhoff, Vincent Ingels, Raphael Itzykson, Thibaud
Jacqueline, Nicolas Jacquemard, Olivier Jacquemin, Erwan Jaffrelot, Eric
Jaich, Guillaume Jarzynski, Patrick Jaurion, David Jaussaud, Jerome Javelas,
Christophe Jeanne, Cédric Jeanneret, David Jeunot, Jérôme Jocal, Pierre-
Olivier Joffreau, Loïc Joly, Stephane Jonveaux, David Joubard, Thomas
Jouneau, Linus Joyeux, David Julien, Stephane Jullian, Eric Jumel, Bruno
Junque, Nicolas Kaeuffer, Erik Kapola, Taleb Karim, Yann Kernen, Rémy
Kerrinckx, Philippe Kerzaon, Sébastien Kiss, Philippe Klein, Charles Kolmann,
Didier Kurth, Grégoire Laakmann, Jean Philippe Labalette, Jean-Michel
Labetoule, Samuel Lacas, Laurent Lacloche, Ulysse Lacombe, Rémy Lagarre,
Blanche Lagny, Nurthor Le Noir Lagrange, Jean-François Lague, Franck
Lahmeri, Jean-Marc Lahotte, Eric Lahoudie, Christophe Lajarrige, Yannick
Lalague, Vincent Laloux, Denis Laloy, Sebastien Lamarque-Carite, Cédric
Lameire, Alex Lamoureux, Victor Lamoureux, Christophe Landriot, Stéphane
Lang, Olivier Langeron, Laurent Lankar, Pierre Lanrezac, Laurent Lanty,
Sébastien Laplanche, Pierre-Nicolas Lapointe, Geoffrey Laramee, Eric
Larquet, Jerome Larue, Remi Lasfargues, Daniel Lasman, Morgan Laterrade,
Pierre Olivier Laude, Ronan Laumont, Boyer Laurent, Jérôme Laurent,
Laurent Lavallee, Géraud Laveissiere, Bruno Laville, Guillaume Lavisse,
Mickael Le, Yann Le Bail, Dominique Le Belleguic, Mikaël Le Bihan, Yannick
Le Bret, Gaël Le Cossec, Erwan Le Deleter, Erwan Le Fol, Tristan Le Foll,
Thomas Le Goareguer, Phat-Long Le Huynh, Franck Le Liboux, Jérôme Le
Maire, Gaël Le Nuellec, Gaël Le Nuellec, Franck Le Pape, Frederic Le Picard,
David Le Roy, Renaud Le Van Kim, Samuel Lebel, Guillaume Leboucher,
Christophe Lebrun, Espace Culturel Leclerc, Eric Leclerc, Sylvain Leclere,
Arnaud Lecompte, Romain Lecomte, Vincent Lecourt, Emmanuel Ledrich,
Estelle Leduc, Remi Lefavrais, Christophe Lefebvre, Olivier Lefebvre, Hervé
Legrand, Teddy Leguet, Fred Lehideux, Jérémie Lemaire, Emmanuel Lemay,
Maxime Lemoine, Julian Lemonnier, Ludovic Lemonon, Bruno Lenferna De
La Motte, Axel Lenouvel, Nathan Leonard, Benoit Et Pauline Lepicier, Olivier
Lepoureau, Guillaume Leprevost, Cyril Lesaulnier, Marc Lescoublet, Fabrice
Lestrade, Cédric Lestriez, Mickael Letertre, Adrien Levavasseur, Didier
Leveque, Fabrice Levron, Nicolas Lieveaux, Bezard Lilian, David Lindo,
Arnaud Liziard, Frederic Lochegnies, Pauline Lochon, Jf Jf Loewental, David
Loirat, Ludovic Lopes, Erick Lopez, Jean-Marc Lopez, Jean-François Loquen,
Stephane Lorek, Christophe Lorenzi, Olivier Losse, Morgan Louarn, Patrice
Louarn, Vincent Loubet, Matthieu Louvet, François-Marc Loze, Farines
Ludovic, Benjamin Lupu, Julien Lussat, Pierre Mabelly, Eric Machat, Grégoire
Maille, Florian Malbranque, Eric Malescot, Gael Malry, Matthieu Manchon,
Benoit Mangez, Sébastien Manier, Yan Maniez, Karl Marcelle, Antoine Maret,
Michaël Marie, Damien Mariette, Florian Marinier, Benjamin Marius, Nicolas
Marjanovic, Florian Marquet, Kévin Marsaud, Jean-Philippe Marteau, Alain
Martin, Arnaud Martin, Olivier Martin, Yann Martin, Franck Martineau,
Fabien Martinet, Richard Martinet, Richard Martinet, Freddy Martinez,
Frédéric Martorell, Vincent Masclet, Patrick Massaad, Laurent Mata, Eric
Mathieu, Olivier Matray, Alexandre Matsis, Valérie Mauborgne, Rémy
Maucherat, Vincent Maucorps, Pierrick May, Andrea Maurizio Medici, Julien
Melbonne, Cedric Menager, Daniel Menez, Benjamin Mequignon, Francois
Mercadier, Etienne Mercier, Franck Mercier, Jean Mercier, Laurent Mercier,
Stéphane Mercier, Sidney Merkling, Fabrice Merle-Remond, Patrice
Mermoud, Francois Mersch, Anne Mesaize, Arnaud Metais, Frédéric Meurin,
Patrick Meyere, Jean Meyet, Patrick Meynaud, Julien Meyran, Francois
Michel, Matthieu Michel, Sylvain Michel, Jérôme Middernacht, Eric Migeon,
Olivier Mignaton, Marc Mileur Le Plaine, Hervé Mirguet, Grégory Miura,
David Mizrahi, Mourad Mohammedi, Christophe Moine, Cédric Moisan,
Mustapha Mokrani, Cedric Moland, Jean-Marc Molinie, José Vicente
Mondejar, Jean-Luc Monein, Romain Monger, Christophe Montastier,
Vincent Monville, Ghislain Morel, Michael Morelle, Thibault Morisset, Julien
Mosconi, Aurelien Motta, Benoit Motyl, Loïc Moulin, Dominique Mouly,
Jean-Antoine Mounier, Alain Moya, Pierre Muckensturm, Emmanuel
Mugnier, Olivier Muscedere, Rohan Mussard, Nicolas Mutel, Jonathan
Mutton, Vincent Nahaboo, Karim Nancy, Laurent Naudin, Eric
Neuenschwander, Alain Neuvens, Sébastien Nicodeme, Barnabe Nicolas,
Mikael Nicolas, Pascal Nicolette, Romain Nilly, Jean-Marie Noel, Frederic
Noel, Stephen Nogret, Matthieu Nogues, David Norridge, Thierry Nouza,
Alex Nurkic, Alexandre Nuttinck, Emmanuel Obert, Emmanuel Occhipenti,
Stéphane Ocher, Jean-Francois Ochrymczuk, Dogan Ogreten-Weiss, Thierry
Olive, Gérald Omeyer, Orp & Dragon Mouche, Jonathan Osso, Franck Ouary,
Xavier Oziouls, Philippe Pachot, David Païs, Aymeric Panhalleux, Vincent
Panouilleres, Benoit Papy, Gweltaz Parent, Jean-Denis Parisse, Patrick
Pascal, Raphaël Pascinto, Frederic Pataud, Hugues Pauget, Dimitri
Pawlowski, Benjamin Peant, Olivier Peeters, Jean-Paul Pellen, Jerome
Pelletier, Frédéric Pelorce, Yoann Peltier, Daniel Penninck, Jean-Pierre
Peralez, Christophe Perette, Fabrice Perko, Alexandre Persyn, Romain
Pessiot, Julien Petiniot, David Petiot, Germinal Petit-Etienne, Hugues
Peugeot, Christophe Peyserre, Loïc Philippe, Loïc Philippot, Benoit Picard,
Arnaud Pichon, Christophe Pichon, Nicolas Picq, Sylvain Pierre, Pierre
Pignede, Rene Pinson, Arnaud Pirois, Stephane Planchenault, Laurent
Plomion, Frédéri Pochard, Yannick Poingt, Luc Pointal, Olivier Poirson,
Jérôme Poittevin, Manuel Ponce, Benjamin Ponroy, Stéphane Pontart,
Yanick Porchet, Alexandre Pouchet, David Poulet, Jean-Marc Pourriere,
Antoine Pouzet, Jean Philippe Pouzol, Laury Poyer, Raphaël Prevost, Wilfrid
Prost, Stéphane Prunière, Stéphane Przepiorka, Christophe Puaud, Jean Luc
Remerciements
• A la rédac’ de Casus première génération, sans qui tout ça n’existerait
pas : Didier G, Pierre R, Agnès P et les collaborateurs de l’époque ;
• Aux joueurs de ma campagne de 1988-1990 : Babeth R, Pascal-Pierre
P, Franck L & Catherine M, Dominique P & Sylvie P, Didier R et Sylvie
R, Sophie N… et Philippe M. Je leur dois d’avoir fait vivre ma première
Laelith à moi… et d’avoir créé mes premiers décors en volume pour les
scènes finales ;
• Aux vieux de la vieille – toujours verts –, avec qui j'ai joué et/ou rêvé
pendant vingt ans et plus : Agnès P & André F, Fred-Tom M, Philippe
M, Jean-Claude-Finn B, Didier G, Pierre R, Marc N & Philippe M, Jean-
Pierre P, Gwen V, Georges B, Mathias R, etc. ;
• A BBE, à qui l’on doit ce retour de la Cité sainte ;
• A toute l’équipe de cette nouvelle version avec qui j’ai eu tant de plaisir
Pucheu, Vincent Pulon, Samuel Quignon, Christophe Quillateau, Christophe
Quillateau, Thomas Quilliec, Pierre-Etienne Quintin, Olivier Rabillon, Stefan
Raffi, Olivier Ramalho, Arnaud Ramelot, Quentin Raphaneau, Pierre-
François Recoing, Renaud Refigio, François Remacle, David Renard, Thibaud
Renaut Vantroys, Thomas B. Reverdy, Jean-Luc Rey, Denis Ribaudo, Olivier
Ribon, Stéphanie Ricard, Nicolas Richou, Nicolas Riedo, Sébastien Rigal,
Thierry Rigal, Jérôme Rigaud, Nicolas Rimbert, Olivier Rio, Frederic Riondet,
Julien Ripoche, Julien Ritte, Xavier Rivat, Laurent Robert, Nolwenn Robert,
Thomas Robert, Olivier Robineau, Cédric Rochard, Francis Rodier, Bruno
Rodrigues, Yves Roels, Thomas Rogeau, Sébastien Rogerieux, Alan Rogier,
Olivier Roisin, Cyril Rolland, Luc Romain, Xavier Roman, Stéphan Roncada,
Pierre Rosenthal, Cédric Rosolen, Loic Rossand, Julien Roulic, Guillaume
Roulin, Guillaume Roulot, Vincent Rousseau, Vincent Routier, Frédéric Roux,
Stephane Roy, Stéphane Roy, Laurent Royer, Benjamin Rozier, Florent
Ruard-Dumaine, Francois Ruelle, Patrice Ruffat, David Rulence, Frederic
Ruyer, Vincent Rycx, Jean-Francois Rysselinck, Charles Sablons, Paul
Sablons, Benoit Sacquin, Gilles Saintonge, Serge Salve, Frederic San Pedro,
Nicolas Sanchez, Raphaël Santoux, Sebastien Saulnier, Eric Schaller, Jérémy
Scheerlinck, Nicolas Scherer, Eric Schmid, Romain Schmitter, Jean-Philippe
Schnee, Tony Schneider, Alban Schuiten, Patrick Schweicher, David
Schweighofer, Sébastien Schwendimann, Frédéric Seraphine, Laurent Sere,
Pierre-Alexandre Serra, Romain Seux, Samuel Seys, Christophe Sicard,
Nicolas Sigourakis, Eric Silberstein, Chérif Silvestre, Manuel Silvoso, Patrick
Simoens, Olivier Simpere, Nicolas Sindt, Jérôme Sintes, Jordan Sirgent, Leo
Smith, Frederic Solecki, Cédric Sotteau, Florent Souday, Arnaud Spicht,
Ludivine Spiteri, Marc Stalin, Fabrice Staub, Leguay Stephane, Dominique
Suchaire, Raphael Sudrot, Jean Suss, Daniel Szymanski, Alexandre Taing,
Jean-Hubert Taly, Steven Tamic, Neil Tamouza, Sylvain Tanguy, David
Tarczewski, Nicolas Tardif, Franck Tarendeau, Stéphane Tarrade, Philippe
Tartaise, Nicolas Tauzin, Julien Tavernier, Nicolas Taylor, André-Pierre Tayot,
Fabrice Tayot, Audrey Tejedor, Nathanaël Terrien, Panier Thomas, Stephane
Thomas, Sylvain Thomas, Mathias Tiger, Olivier Timsit, David Tingaud,
Romain Tiniere, Arthur Torck, Sebastien Torres, Anthony Tort, Mathieu
Tortuyaux, Gabriel Tournay, Gilles Toutin, Eric Tran, Emmanuel Treboux,
Charles Trecourt, Aurélie Trochard, Gildas Troel, Stéphane Trouillard, Bernard
Truc, Florian Turchet, Clément Tyack, Clément Tyack, Casper Tybjerg, Remi
Tyrand, Rafael Vaillant, Paul Valette, Dominique Valla, Frédéric Vallat,
Mickael Valmier, Jean-Marc Valot, Rémy Van Liefde, Marcel Vanden Borre,
Jerome Varlet, Arnaud Vasselin, Nicolas Vassort, Nicolas Vauban, Grégoire
Veauleger, Frederic Velasco, Romain Venne, Sébastien Venuat, Jerome
Verdier, Marc Verdier, Philippe Verge-Brian, Fabrice Vergnaud, Marc
Vergnaud, Bruno Vermeire, Nils Veuve, Jacques Victory, Pierre Vidy, Laurent
Vigouroux, Ivan Vilafranca, Nicolas Villey, Thibault Villiers Poulain, Arnaud
Viltart, Fabien Vinckier, Jean-Marc Viscuso, Sebastien Vuillaume, Loïc
Weissbart-Thomas, Yann Willaime, Marc Willame, Guillaume Woerner,
Nicolas Wojciechowski, Beo Wulf, Boris Yarko, Karuna Yogananthan, Céline
Zellweger, Denis Zimmermann, Vincent Zimmermann, Stéphane Zochowski,
Gael Zoonekynd, Florian Zores
Et les boutiques !
Centre Culturel Leclerc (Quimper), Librairie du Manoir (Montpellier), Bazar
du Bizarre (3 boutiques), Philibert (Strasbourg), Grimgaard (Chambéry),
Rocambole (Lille), Jeux du monde (Toulouse), Trollune (Lyon), Librairie
Martelle (Amiens), La Règle du Jeu (Tours), Agora Jeux (Neuilly-sur-Marne),
L'autre Monde (Liège, Belgique), Sortilèges (Nantes), Jeux Descartes
(Bordeaux), Jeux Descartes (Lyon), La Taverne du Gobelin Farci (Saint-Etienne)
à échanger et collaborer dans le foisonnement des idées de chacun ;
• A Jean-Pierre Siméon, qui m’a inspiré trois des maximes des temples
grâce à son « Livre des petits étonnements du sage Tao Li Fu » ;
• A Marie-Alix D et Jean-François D pour m’avoir accueilli une fois de plus
à la jasserie de chez Jacques Rodde où j'ai passé une semaine complète
à dessiner la carte de l’A.R.D. 1017 ;
• A Léa N pour son aide précieuse sur les maquettes de l'impasse de
l’Arbre de Tulé ;
• A Jacques de Givry qui a su si bien photographier cette impasse ;
• Et pour terminer, selon l’expression consacrée : à ma famille
pour le soutien qu'elle m'a apporté lors de ce long et merveilleux
accouchement.
Jean-Marie « JM-MJ » Noël
Laelith 551
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