Dans les sociétés antiques où l’on voit apparaitre les premières écoles, la scolarité commence dès l'âge de 7 ans. Cette scolarité est divisée en 3 temps : 1) Une formation des élèves auprès de maîtres spécialisés, comprenant l’apprentissage de la lecture, de l’écriture, on apprend également à compter... Ce sont les savoirs basiques qui sont transmis au cours de cette période que l’on appellerait aujourd’hui enseignement primaire. 2) Un enseignement littéraire, que l’on pourrait aujourd’hui qualifier d’enseignement secondaire. Cet enseignement se base surtout sur les ouvrages d’Homère, notamment à travers l’Iliade et l’Odyssée. Ces livres représentaient en quelque sorte la Bible des grecs. Sur la base de ces ouvrages, on inculquait des connaissances quant à la civilisation, à la culture et à la religion. Les valeurs littéraires étaient également esthétiques, liées à l’art. 3) Le troisième temps d’étude est la découverte de la rhétorique, c’est-à-dire l'art du discours. Platon se moque des sophistes qui sont des maîtres de l’art des discours. Dans la société grecque antique, la rhétorique, ainsi que le goût de l’art et des lettres, sont réservés à l'aristocratie, à des propriétaires terriens. Le modèle moral de cette culture est l'art, la belle vie. C’est une société de loisirs. Cependant, il faut aussi être citoyen et participer aux décisions politiques de la cité. Le pouvoir est directement exercé par les citoyens, sans représentant ni parlement. Pour être citoyen, il faut être capable de tenir un discours, d’où la nécessité de maîtriser l’éloquence. Ce sont essentiellement des jeunes citoyens grecs masculins qui apprennent la rhétorique. La rhétorique implique la connaissance de la grammaire, de la poésie, il ne s’agit donc pas seulement d’un art. La rhétorique est également la capacité à plaider sur la loi (ce serait le rôle du juriste aujourd’hui). Ce sont des sociétés constituées sur des lois humaines et la rhétorique aide à interpréter la loi. La société grecque repose donc sur trois types de savoir : élémentaire, littérature (culture générale) et culture de la rhétorique. Le modèle culturel greco-latin va être la matrice du modèle culturel européen (exemple : classicisme). Mais aujourd'hui nous ne sommes plus dans ce modèle-là. Par exemple, nous n’avons plus d’esclavage, mais du salariat. Il va y avoir une grande transformation du modèle occidental avec une fusion entre la culture et la science. Dans le monde grec, on était soit dans la culture de l’art et des lettres, soit dans la culture technique. Le travail ne pouvait pas être la culture, ni inversement. Aujourd’hui, c’est ce qui oppose les théories appliquées et fondamentales. Depuis la révolution scientifique et technique du XVIIe siècle, il va y avoir une grande transformation. La distinction entre culture et technologie va être complètement transformée. Dans la société moderne, il y a eu une disparition de la séparation entre la culture technologique et la culture scientifique et morale. Savoir et saveur La culture devient un élément du travail. Il subsiste un conflit entre les études appliquées et les études fondamentales. Ce modèle scolaire impliquait un certain système de valeurs et une certaine organisation de la société. Le savoir ne s’acquiert plus par loisir mais par obligation. Il est instrumentalisé par la production et en devient moins savoureux. Le savoir est savoureux car il permet l’éducation à un certain art de vivre, mais son instrumentalisation nous prive de plaisir. De ce point de vue-là, le savoir est ambiguë. Il peut être une jouissance comme une souffrance. Ça ne peut pas être totalement un plaisir, car c'est sous condition de quelque chose. Le savoir est ambivalent car il peut être une forme d'émancipation, mais en même temps il est instrumentalisé dans la société comme un instrument de coercition, de pouvoir, d'utilité. Selon Platon, trois éléments mènent à la passion : - La recherche du plaisir ; - Le pouvoir politique (c’est-à-dire le pouvoir de dominer) ; - La passion du savoir (St Augustin approfondit cette idée en reprenant Platon). La quête du savoir peut lutter contre la souffrance de vivre. Il y a dans la recherche du savoir une inquiétude, on se soucie de la vérité des choses du monde. La quête du savoir peut être une façon de répondre à une certaine détresse. Le savoir prend un sens plus fort, prend le sens d'une connaissance. Les enseignants ont un passion de la science et du savoir en tant que tel. Par ailleurs, les êtres humains ne sont pas tous en quête de savoir. Tout le monde ne veut pas savoir car le savoir donne à voir une réalité sous un éclairage qui n'est pas heureux, le savoir peut être une cause de tristesse. L'être humain redoute la connaissance de certaines choses. Il peut donc y avoir une passion de l'ignorance. Savoirs institutionnalisés et spontanés On peut hiérarchiser le savoir. Tous les savoirs ne sont pas enseignés à l’école : il y a des savoirs institutionnels et des savoirs spontanés (par exemple, la cuisine : on peut faire une école hôtelière ou apprendre la cuisine chez nous de façon spontanée). Il y a une différence entre le savoir spontané (tout le monde peut plus ou moins savoir) et le savoir institué (il est plus construit, organisé et exclusive). Le savoir reconnu, légitimé dépend toujours du système scolaire. Le savoir institutionnel est sous l’autorité des institutions (par exemple : pour travailler dans un restaurant en tant que cuisinier, il faut un diplôme, alors si on veut faire un repas chez nous il n’y en a pas besoin). La différence entre savoir spontané et institutionnel repose dans ce degré de formalisation. Le savoir spontané n'est pas forcément rigoureux : il y a beaucoup de vécu, d'émotion, de circonstances d'existence, de hasard… On reçoit les choses dans le savoir spontané, il peut être organisé, mais ce n’est pas nécessaire. Le savoir institué, quant à lui, est tout de suite organisé. Le savoir spontané est lié au gens que l'on a fréquenté (à des habitudes, à l'éducation que l'on reçoit au quotidien, à l'habitus). Il est ainsi lié au milieu social et culturel dans lequel on a grandi. Le savoir spontané peut être utile, mais pas transposable. Face au savoir spontané, il peut y avoir aussi beaucoup de croyances (par exemple : on nous dit qu’il faut manger beaucoup de viande car c’est bon pour la santé, certaines personnes vont y croire alors que ce n'est pas forcément vrai), alors que dans le savoir institué on nous amène l'information autrement (par exemple : il faut manger des protéines qui nous donnent de l'énergie...) Les connaissances institutionnelles doivent être prouvées, argumentées, rigoureuses. La science est une forme de savoir vérifiable liée à l'expérimentation. On doit aussi pouvoir mesurer la dimension du phénomène à travers des calculs, la science va essayer de résoudre rigoureusement les faits donc le savoir institué prend comme modèle la science qui est organisé, rigoureuse et vérifiable. Donc le savoir peut être quelque chose d'utile, de libérateur mais aussi aliénant, un instrument de domination. Le savoir spontané n'est pas forcément organisé, il est fait de beaucoup de croyances, pas vraiment rigoureuses. Il est mélangé d'opinions et les connaissances sont souvent informelles, pas organisées, très subjectives : elles ont donc une valeur limitée, elles ne peuvent pas être généralisées, explicitées. En revanche, à l'école ce n'est pas comme ça. On nous explique les choses, on les organise, on les rend accessible. C’est un ensemble organisé, ordonné de connaissances théoriques et pratiques. Elles sont donc le contraire, en un certain sens, des croyances qui existent dans le savoir spontané. Le savoir institué est plus rigoureux car il est construit sur des observations, des processus rigoureux. Les savoirs rigoureux remettent en cause nos croyances d'un savoir spontané. Les deux savoirs peuvent converger mais aussi diverger. La science la plus formelle est celle des mathématiques. On mesure le degré de rigueur par rapport à son degré mathématisable. On considère qu’un savoir est d'autant plus rigoureux à partir du moment où il est calculable. La science rend calculable la réalité. Elle cherche à donner des explications et tente d’établir des règles, des lois constantes.