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Au cœur de cette nouvelle logique, la gestion des processus tient une place à part. En effet,
s’il est courant de faire résulter la compétitivité de l’entreprise moderne de l’adoption de
nouvelles techniques de management en rupture avec l’OST et de l’introduction
d’innovations technologiques, elle découle aussi de la priorité accordée aux processus. À
partir d’une représentation transversale de l’organisation et non plus fragmentaire,
l’entreprise se fixe des objectifs intégrateurs pour l’ensemble des fonctions et des acteurs.
La maîtrise de la complexité nécessite en effet l’implication de tout le personnel autour d’une
démarche commune d’amélioration permanente.
Atteindre l’excellence industrielle à travers le JAT ne se résume donc pas à une simple
substitution flux tirés-flux poussés.
La refonte des principes classiques de gestion s’organise en fait autour d’une démarche
englobant à la fois des aspects culturels, organisationnels, technologiques et stratégiques.
C’est donc l’apprentissage d’une philosophie de pensée originale, fondée notamment sur la
gestion des processus dans le cadre du JAT, qui préside au développement d’une
organisation intégrée et flexible. Cette démarche productive s’organise autour d’objectifs
intégrateurs qui complexifient la gestion. De nouveaux instruments en JAT permettent
d’assurer, par une simplification des processus et un souci constant d’amélioration,
l’efficacité du système.
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C’est en 1945 que l’on trouve les premières origines du modèle japonais. En effet, à cette
époque, alors que le Japon perd la guerre et se trouve dévasté industriellement, l’idée germe
chez T.Ohno, directeur de la fabrication chez Toyota et vice président, de s’inspirer de
l’organisation logistique des supermarchés américains pour gérer la production. La
particularité de cette organisation résulte du fait que les clients prennent exactement ce dont
ils ont besoin, et que les rayons y sont approvisionnés très régulièrement. Ohno décide alors
d’appliquer cette logique au processus de fabrication dans différents secteurs. Ce sera le cas
du textile et de l’automobile. La production en « juste-à-temps » vient de naître, S. Shingo
se chargeant largement de vanter les mérites du modèle dans les années 80.
Si dans l’usage courant l’expression juste-à-temps signifie que l’on n’est pas arrivé trop tard
(par exemple, lors d’un cours à l’université), en gestion de la production elle n’a pas tout à
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fait la même signification. Elle insiste surtout sur le fait que l’entreprise ne doit pas disposer
du produit trop tôt, une production trop anticipée ayant pour conséquence la constitution de
stocks. Appliqué à l’ensemble du système logistique de l’entreprise (des fournisseurs à
l’amont du processus de fabrication jusqu’à l’expédition des commandes aux clients à
l’aval), il s’en suit une baisse conséquente du niveau des stocks (à l’exception des pièces en
cours de production). Cela justifie pourquoi on qualifie aussi le JAT de gestion en « flux
tendus ».
Cette philosophie de la production rompt avec une démarche occidentale moins soucieuse
des problèmes de surproduction, de stockage et de gestion du temps. Elle se traduit
concrètement par un élargissement de l’influence de l’aval dans le processus de production.
Le JAT est en fait un mode de gestion de la production par l’aval qui se base sur l’application
de principes a priori simples et de bon sens. Il s’agit en effet d’acheter ou de produire le bien
demandé, dans la quantité souhaitée, au moment voulu, afin qu’il soit disponible à
l’emplacement désiré.
Pour rappeler les limites du mode de gestion classique et donc souligner l’intérêt d’adopter
une démarche en JAT, il est courant dans la littérature (mais pas toujours très pertinent) de
présenter le JAT en l’opposant directement au MRP. Ainsi, la démarche traditionnelle du
MRP reposerait sur des flux poussés : c’est l’amont qui pousse le flux de production vers
l’aval. Ce sont les prévisions en produits finis, établies par les différents responsables de la
commercialisation et de la production, qui conduisent à planifier l’organisation de la
production en termes de quantité et de délais. La nouvelle démarche de production mise en
place chez Toyota (le TPS) s’organise, elle, dans le cadre d’une logique en flux tirés,
l’entreprise ne lançant en fabrication – ou ne livrant – que si le client final en a formulé
explicitement la demande, c’est-à-dire le besoin (on qualifie souvent le JAT de système à «
flux tirés » par opposition aux flux poussés traditionnels). L’organisation de la production
se base donc désormais sur un ordre de commande, sur une demande ferme et non sur des
prévisions comme c’était le cas pour le MRP.
Selon Ohno (1990), le TPS peut être considéré comme « un système de conduite des
entreprises industrielles susceptibles de s’appliquer à toute espèce d’entreprise». En effet,
tous les pays et toutes les entreprises souffrent des mêmes conditions de développement. À
partir du moment où l’on pose l’hypothèse que toute ressource est rare donc coûteuse, son
exploitation doit être optimale. De même, une lutte contre toutes les formes de gaspillage
doit être entreprise. Concrètement, ces principes de gestion se déclinent selon trois volets :
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– Il faut éviter toute opération inutile lors de l’activité de production afin de réduire le
coût global de production. La lutte contre le gaspillage trouve ses origines dans le
fait que les ressources du Japon en matières premières sont faibles et que ce pays est
de petite superficie. La production en juste-à-temps répond à cet impératif de coût,
notamment en éliminant les stocks. « Ce système de production est né dans un
environnement japonais parce qu’il ne pouvait probablement pas naître ailleurs »
(Ohno, 1990).
– Il est habituel de représenter les principales sources de gaspillage en reprenant
l’image de Ohno représentant les récifs qui se trouvent au fond d’un chenal et qui
empêchent en principe la navigation. La présence de ces nombreuses sources de
gaspillage est facteur de non compétitivité. Elle se traduit notamment par :
des stocks élevés : la seule solution du gestionnaire de la production avant le
développement du JAT consistait à multiplier le niveau des stocks afin
d’éviter l’avarie du bateau entreprise,
des délais excessifs en particulier lors du changement de série ou d’outil,
des retards de livraison,
des pièces manquantes et des défauts de qualité,
peu de motivation,
une mauvaise utilisation des ressources (hommes, matières, locaux,
équipements…)
– Si le contexte concurrentiel impose de répondre sans délais à une demande versatile
et variée, la réactivité du système de production doit constituer une préoccupation
majeure. Le cycle de production devient alors la pièce maîtresse de l’organisation en
JAT. En effet, pour réagir rapidement aux exigences quantitatives et qualitatives à la
demande il faut raccourcir les cycles de fabrication. Ce raccourcissement passe
d’abord par la réduction des stocks (stocks de matières premières, d’en-cours et/ou
de produits finis). Il implique aussi plus indirectement la recherche des éventuelles
défaillances productives sachant qu’elles sont à l’origine de la constitution de stocks.
« Dans cette optique, la réduction des stocks n’est pas un objectif en soi, mais une
conséquence de la réduction des cycles ».
– Enfin, parallèlement aux efforts entrepris en matière de rationalisation des flux de
production, il est important d’assurer aussi l’auto activation de la production, c’est-
à-dire de transférer l’intelligence de l’homme à la machine. Ce transfert implique
l’autonomation de la machine c’est-à-dire sa capacité à arrêter automatiquement la
production en cas d’anomalie. L’avantage de ce système est qu’il ne nécessite pas la
présence permanente d’un opérateur auprès de la machine.
Mais s’il faut moderniser l’appareil productif, le gestionnaire de la production doit aussi
avoir à l’esprit deux éléments. D’une part, il faut veiller à assurer la cohérence entre
innovation technologique et innovation socio-organisationnelle.
D’autre part, la modernisation de l’appareil productif constitue une condition nécessaire
mais non suffisante à la réalisation des objectifs modernes de la production.
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Le rengineering, d’origine nord-américaine, privilégie une rupture radicale par rapport aux
modalités traditionnelles de gestion : il s’agit en fait de tout mettre à plat dans l’entreprise et
de tout reconstruire. Le rengineering se défi nit comme « la remise en cause fondamentale
et la redéfinition radicale des processus opérationnels pour obtenir des gains spectaculaires
sur les points critiques que sont aujourd’hui le coût, la qualité, le service et la rapidité ».
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de ces deux fondements culturels, il est aisé d’envisager une intervention permanente et sans
à-coups de l’ensemble du personnel, par la recherche de perfectionnements progressifs et
continus.
Le kaizen se définit lui-même comme une sorte de « fourre-tout » dans lequel on met un
ensemble de techniques qui ont pour objectif une amélioration continue des processus de
production représentée notamment par la nouvelle démarche du JAT. En effet, le JAT d’une
manière générale et plus particulièrement les outils de lutte contre le gaspillage que sont le
TPM, le SMED, les 5 S, le « zéro défaut »… constituent des facteurs d’amélioration et donc
s’organisent autour de la notion de kaizen. Il s’agit ici de développer de subtiles
améliorations en sachant qu’un des aspects majeurs du kaizen se trouve dans le fait que
chaque acteur d’un processus doit traiter le suivant comme si c’était son « client » («jidoka»).
Cette approche vise donc à assurer la réalisation d’un optimum dans la gestion du
changement de chaque processus (considéré partiellement autant que faire se peut) même si
ce changement ne se traduit pas par une rupture majeure dans le processus de production.
On trouve deux fondements à ce courant:
– la première résulte du fait que malgré la qualité des équipements et des méthodes
développées par les ingénieurs, on note qu’un important progrès apparaît au moment
de la mise en œuvre ;
– deuxièmement, la personne la mieux placée pour proposer des améliorations est
souvent celle qui se trouve sur le terrain. Elle mérite donc d’être sérieusement partie
prenante au processus.
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l’entreprise ne verse pas de prime (sauf exception), mais elle préfère d’autres modes de
reconnaissance de nature non financière
Ohno rappelle, en 1990, que pour éliminer les gaspillages (muda en japonais), deux éléments
s’imposent préalablement :
– atteindre l’excellence en termes d’efficacité du système productif ne constitue un
objectif légitime que si cela permet une réduction des coûts. La politique à adopter
est donc de ne fabriquer que les produits strictement indispensables. Cette logique de
gestion doit s’appliquer dans tous les ateliers et à tous les niveaux de la production ;
– la recherche de l’efficacité implique la mise en œuvre d’une démarche rigoureuse et
agrégée qui s’organise en trois étapes. Il faut obtenir dans un premier temps
l’efficacité individuelle de chacun des opérateurs sur chacune des lignes de
production. Dans un deuxième temps, à un niveau agrégé, c’est l’efficacité du groupe
des opérateurs qui doit être recherchée. Enfin, c’est celle de l’ensemble du processus
productif (l’usine) qui doit être réalisée. Si l’efficacité locale ne doit bien sûr pas être
négligée, c’est surtout l’efficacité globale (celle du tout par rapport aux parties) qui
constitue la ligne de conduite. Cela revient à déterminer un optimal global de gestion
sachant que la somme des optima locaux n’est pas forcément égale à l’optimum
global.
Il est évident que derrière l’idée de lutte contre le gaspillage se trouve l’idée de maîtrise de
la qualité. La gestion de la qualité s’opère à tous les niveaux où il est possible d’identifier
des sources de gaspillage.
La lutte contre les gaspillages occasionnés par les pertes de temps s’organise autour d’une
démarche globale et fédératrice, la TPM, qui intègre les instruments de progrès que sont le
SMED, les 5S, l’AMDEC… Elle introduit des ruptures continues dans l’organisation visant
à développer la culture de l’entreprise. Elle s’oriente pour cela vers les cinq attributs du
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L’approche en JAT vise non pas à considérer comme acquis l’existence des aléas mais au
contraire à s’attaquer à la cause de l’incertitude, c’est-à-dire à l’origine de l’aléa lui-même.
Les différentes modalités de chasse au gaspillage précédemment étudiées concrétisent la
volonté des entreprises d’atteindre les « zéro olympiques ».
Selon la raison justifiant la constitution du stock, l’entreprise s’efforcera d’obtenir le zéro
panne, zéro délai, zéro transport, zéro défaut, zéro litige et/ou encore zéro papier. S’il est
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tout à fait légitime de vouloir lutter contre les sources de gaspillage, il faut cependant
remarquer que l’idée du zéro stock ne doit pas être prise au pied de la lettre. En effet,
supprimer tous les stocks de l’entreprise peut s’avérer extrêmement dangereux dans la
mesure où il accroît les risques de rupture du processus de production.
L’objectif du zéro stock ne doit donc pas être interprété au premier degré. Il doit traduire la
volonté de l’entreprise de réduire le niveau de ses stocks donc d’atténuer le phénomène de
la surproduction en s’attaquant aux causes de formation de ceux-ci.
Si l’évolution des conditions d’existence des entreprises depuis une décennie implique la
mise en œuvre de nouvelles démarches de production en interne, elle suppose aussi la
nécessaire adaptation de leurs stratégies productives. Dans ce cadre-là, le développement du
partenariat permet de répondre aux problèmes qui se posent souvent aux entreprises en terme
de litiges. Les dernières évolutions permettent de constater le degré d’influence des
nouvelles technologies de l’information qui participent largement à ce mouvement de
coordination en favorisant actuellement la mise en place d’organisations de plus en plus
intégrées.
Les problèmes traditionnels
La réalisation des nouveaux impératifs de la gestion de production (notamment en matière
de qualité, de délais, de coûts…) implique l’adhésion de l’ensemble du personnel de
l’entreprise. Mais elle implique aussi à un autre niveau les différents partenaires de
l’entreprise. Or, il est parfois difficile pour l’entreprise d’exercer directement un contrôle sur
l’activité de ses fournisseurs ou de ses sous-traitants.
Ainsi, deux problèmes principaux peuvent se poser à l’entreprise. Tout d’abord, l’incertitude
émane souvent des délais de livraisons des fournisseurs. Ils sont parfois variables (et
extensibles) ce qui n’est pas compatible avec une démarche en JAT de l’entreprise. De plus,
une autre incertitude pèse sur la qualité des fournitures délivrées à l’entreprise par le
fournisseur. Ce problème est d’autant plus important si l’on envisage le cas d’un contrat de
sous-traitance car c’est la responsabilité économique du donneur d’ordres qui est engagée si
le produit final ne répond pas aux exigences du client. En fait, les relations client-fournisseur
et donneur d’ordres- sous-traitant sont traditionnellement caractérisées par des rapports de
force et un certain degré de méfiance ce qui entraîne des comportements contre-productifs
(augmentation des coûts de transaction notamment). Ainsi, afin de se prémunir contre des
retards ou des défauts de qualité, l’entreprise choisit de multiplier les contrôles dès la
réception des marchandises, de travailler avec un nombre élevé de partenaires et/ ou de
constituer des stocks. Dans le cade d’une logique purement transactionnelle, elle cherche
aussi à tirer le meilleur prix de ses fournisseurs ou sous-traitants et les met pour cela en
concurrence. Or ces différents modes de gestion de l’aléa entraînent un gaspillage de
ressource en contradiction avec les principes du JAT qui se traduisent par des surcoûts
administratifs notamment en matière de gestion des approvisionnements.
Quant aux fournisseurs ou aux sous-traitants, ils redoutent le manque de fi délité du client.
En conséquence, ils minimisent les investissements en matériel ou en formation réclamés
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par le client et qui permettraient par exemple d’améliorer les délais de fabrication ou la
qualité. De même, plutôt que d’établir une relation durable et privilégiée avec quelques
entreprises (susceptible notamment de réduire les coûts de transaction), ils préfèrent limiter
les risques en multipliant le nombre de leurs clients.
Par analogie à ce qui se passait traditionnellement dans l’entreprise entre les différents
services, les relations entre entreprises sont donc souvent dominées par une logique
d’individualisation et par une certaine défiance à l’égard des partenaires à l’activité de
production (crainte de voir apparaître des comportements opportunistes). Cela se traduit par
des relations de nature conflictuelles qui ne favorisent pas la compétitivité globale des
entreprises. En effet, les défauts de qualité, les délais qui s’allongent et les stocks qui se
gonflent constituent fondamentalement les bases d’un système contre-productif pour les
deux entreprises puisqu’il multiplie les sources de gaspillage.
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