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Sociologie des entreprises

Séquence 4 : L’entreprise comme espace conflictuel autour d’intérêts stratégiques

Sociologie des entreprises


Dr Moustapha NDIAYE
Séquence 4 : L’entreprise comme espace conflictuel autour d’intérêts stratégiques

Consignes pour l’apprenant

 S’approprier le cours
 Participer au forum synchrone et asynchrone, faire les travaux

Consignes pour le tuteur

 S’approprier le support
 Approfondir avec des ressources proposées ou additionnelles
 Collaborer avec le contact avec le responsable du cours

 Matériels pédagogiques du chapitre 4 :

Table des matières du chapitre 4 :

4.1. Les bases de l’analyse stratégique


4.2. Les concepts clefs
4.2.1. le pouvoir
4.2.2. la zone d’incertitude
4.2.3. le système d’action concret
Conclusion

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Sociologie des entreprises
Séquence 4 : L’entreprise comme espace conflictuel autour d’intérêts stratégiques

Chapitre 4. L’entreprise comme espace conflictuel autour d’intérêts stratégiques

Introduction

Les initiateurs d’une telle approche sont Michel Crozier (1922-2013) et Erhard Friedberg (né en 1924). Cette
approche des organisations va apparaitre vers les années 1950 en s’appuyant sur une vision très pragmatique et
en se focalisant sur les réalités sociales à travers les interactions d’acteurs.

Les tenants de l’analyse stratégique prônent un dépassement du débat classique sur le facteur déterminant entre
l’acteur et le système. Ils vont s’intéresser à l’analyse du phénomène démocratique. Après les années 60 et à la
suite de plusieurs travaux menés le constat des limites du système bureaucratique en France s’est imposé aux
observateurs. Celui-ci transparait à travers : la fréquence des crises, la lourdeur des procédures, l’insatisfaction
des clients, la démotivation des agents.

Michel Crozier en arrive à la conclusion selon laquelle les causes sont à trouver dans les caractéristiques de
l’organisation bureaucratique. Celles-ci ont trait à :

- la Non efficacité du modèle bureaucratique ;

- la division excessive du travail ;

- la lourdeur du processus de décision ;

- l’interdependence qui favorise les dysfonctionnements

Le principe qui en résulte est une critique et une identification des principes taylorien et du modèle
bureaucratique. L’organisation est un lieu conflictuel car théâtre de troubles, grèves et tensions ainsi que les
conquêtes pour des responsabilités et avantages. La division du travail également a créé un effet pervers qui est
celui de la fragmentation du pouvoir avec une permanence des conflits. L’analyse stratégique est basée sur les
postulats suivants:

1. la coexistence d’objectifs conflictuels (généraux et individuels) ;

2. les hommes sont des acteurs et non des agents passifs (poursuite d’objectifs, stratégies, agendas…)

3. les stratégies des acteurs sont rationnels, limités et contingents

4. la pertinence des stratégies des acteurs est déterminée par plusieurs facteurs.

Les concepts clés de l’analyse stratégique sont: le pouvoir, le système d’action concret et la zone d’incertitude
qui offrent un cadre opératoire.

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1. Pouvoir

Il est d’inspiration wébérienne: et schématisé ainsi quand un acteur B est forcé d’adopter un comportement par
la présence de B, alors “A” dispose d’un pouvoir sur B. Mais Crozier élargit le concept de pouvoir en insérant
la dimension de l’imprévisibilité. Ainsi se pose le postulat selon lequel “Le pouvoir d’un individu dépend de
son imprévisibilité ”

2. Système d’action concret

Il fait allusion aux capacités d’ajustement permanent des acteurs qui s’adaptent aux changements permanents
de la réalité. De ce point de vue les organisations ne sont pas naturellement établies mais construits

3. Zone d’incertitude

C’est la capacité d’un acteur à influer sur le cours du système en usant de sa « dotation factorielle » pour exercer
son influence. La capacité d’influence de cette zone d’incertitude dépend de l’imprévisibilité de l’acteur.
L’efficience de la zone d’incertitude dépend de plusieurs facteurs :

- du contexte de son utilisation ;

- de l’imprévisibilité de son usage ;

- de la façon dont elle est utilisée.

La source de la zone d’incertitude quant à elle dépend de:

- la position de l’acteur (place dans l’organisation)

- son capital culturel (compétences et savoir-faire)

- son expérience sociale et vécu.

Michel Crozier a mené des enquêtes dans deux organisations en France à savoir l’administration des chèques
postaux et la SEITA en France dans les années 60 après une carrière aux Etats Unis. Il publia, le phénomène
bureaucratique en 1963 où il expose son diagnostic sur les caractéristiques et les faiblesses de ce modèle
d’organisation. Crozier développe une analyse sociologique en partant d’un double axe principielle :

- Les relations de pouvoir structurent les relations entre groupes dans les organisations ;
- Les comportements dans les organisations s’offrent à analyser en tant que réactions à un contexte.
La zone d’incertitude mobilisable et la capacité de l’acteur à l’élargir sont déterminantes pour une quelconque
capacité de régulation.
Les règles impersonnelles de la bureaucratie ne peuvent empêcher le développement des cercles vicieux dans des
organisations ;

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Aussi pertinentes soient elles les règles ne sont jamais infaillible et ne peuvent tout prévoir, d’où d’inévitables
contradictions qui occasionnent des situations inattendues et zones d’incertitude ;

Les acteurs dans une organisation vont essayer de contrôler ces « zones d’incertitudes » pour optimiser leur pouvoir

Les conflits sont consécutifs à cette propension des différents acteurs dont les stratégies vont consister à contrôler
les zones d’incertitudes.

Michel Crozier défend l’idée selon laquelle, l’acteur développe une marge de liberté et prend des décisions
rationnelles car dictées par les possibilités qu’offre le système. De ce point de vue l’acteur est rationnel. Mais
sa rationalité est limitée car devant composée avec celle des autres acteurs avec lesquels il partage l’organisation.
Il y’ a pour ainsi dire des mécanismes d’autorégulation naturelle chez les acteurs et pouvant dans des cas aboutir
à des conflits et tensions entre eux.

L’analyse stratégique est un outil de diagnostic organisationnel et stipule le postulat selon lequel tous les
individus dans une organisation sont des acteurs libres et dotés d’une rationalité limité et déterminée par les
opportunités qui se présentent. Ils développent des stratégies pour satisfaire au mieux leurs intérêts. Les
stratégies qu’ils développent sont de deux types :

- Offensive lorsqu’ils cherchent à acquérir de nouveaux privilèges ou avantages, par exemple la quête d’une
augmentation salariale.

- Défensive quand l’acteur cherche à conserver ses avantages ou contester de nouvelles décisions ou mesures
en vue de défendre les acquis. Par exemple une grève pour contester une suppression du personnel.

L’acteur et le système entretiennent des relations complexes qui basculent d’un côté ou de l’autre suivant les
moments. Ce constat pousse Crozier à émettre l’idée de la Théorie générale des systèmes qui est une intuition
scientifique : “C’est important d’identifier the set, les éléments, leurs relations et analyser indépendamment les
attributs de chacun”. D’où la conclusion très actionnaliste consistant à dire que ce sont les acteurs qui créent le
système. Pour mieux analyser les phénomènes dans les organisations Crozier et Friedberg vont proposer une grille qui
peut à la fois servir pour une aide à la décision ou pour permettre de lire les logiques des acteurs.

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A la suite de Michel Crozier et Ehrard Friedberg, Henry Mintzberg (né en 1939) constitue un auteur majeur de
ce courant. Il a enrichi théoriquement l’approche depuis les années 1970. On lui doit la construction d’une
typologie des organisations selon trois composantes : division du travail et coordination des opérateurs, buts
organisationnels et distribution du pouvoir.

L’organisation continue d’être un cadre privilégié de l’analyse sociologique et elle va en se complexifiant. Ce


qui alimente une productivité de la discipline avec un renouvellement théorique méthodologique et
paradigmatique. De nouveaux enjeux se posent actuellement avec la mondialisation, les TIC, l’extraversion des
organisations ainsi que la porosité frontalière. La question des identités se pose avec les délocalisations et la
mobilité des travailleurs.

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Conclusion
La sociologie des entreprises est une discipline scientifique qui offre une approche intéressante des lieux de
productions et espaces professionnelles pour plusieurs raisons. Elle permet de questionner les réalités des
entreprises en sortant d’une approche fonctionnaliste qui se limite à la conformité des régles et au
fonctionnement. Ne faisant pas fi des règlements, procédures, elle fait un rapport entre ce qui est formelle et les
pratiques des acteurs. Ainsi elle va observer les comportements, les postures et les perceptions ainsi que ce qui
les fonde.

Mes entreprises sont ainsi des lieux de production où se développent des compétences, des savoir-faire au service
des performances. De ce point de vue, elles sont des univers qui correspondent à des normes et des aptitudes
voir attitudes mobilisables pour l’atteinte des objectifs.

C’est aussi un espace de vie, où des cultures individuelles, des groupes d’appartenances, des identités se
projettent et se transposent à travers des hommes. En tant que lieux d’interactions humaines et sociales, d’autres
éléments consubstantiels aux hommes, groupes et organisations sociales sont prises en compte pour prendre les
attitudes, les postures et les comportements.

L’entreprise est aussi un lieu conflictuel où des objectifs personnels, desseins individuels se heurtent suivant des
intérêts stratégiques en vue de la satisfaction des besoins. Ce faisant des stratégies, des alliances sont
développées par des acteurs individuellement ou en groupes. L’enjeu fondamental pour les entreprises est
l’adaptation dans un environnement en perpétuel changement et face à des innovations tant dans les façons de
produire que d’interagir dans le milieu professionnel.

A ce titre la sociologie des entreprises ainsi que les approches de l’innovation et de la traduction offre des grilles
analytiques supplémentaires à d’autres disciplines pour mieux comprendre la complexité des milieux de
production et espaces professionnels.

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