Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Abdelaziz Messaoudi
Espace Associatif
Fiscalité des collectivités territoriales
SOMMAIRE
Introduction………………………………………………………………… 4
a. Taxe Professionnelle……………………………………………………………….. 8
b. Taxe d’Habitation…………………………………………………………………… 13
2
Fiscalité des collectivités territoriales
8. Recouvrement…………………………………………………………………………… 37
9. Le Contentieux………………………………………………………………………….. 38
10. Administration…………………………………………………………………………. 38
CONCLUSION………………………………………………………………………………...47
3
Fiscalité des collectivités territoriales
Introduction
L’impôt est le meilleur exemple pour illustrer la nature des rapports qu’entretient l’Etat
avec les citoyens, que ce soit au niveau national, régional ou local, qu’il s’agisse
d’entreprises ou de simples particuliers ayant ou non un revenu.
Le système fiscal marocain a connu une grande refonte à partir de 1985 dans le cadre du
Plan d’ajustement structurel. Cela s’est traduit par la mise en place de la TVA en 1985,
de l’Impôt sur les sociétés en 1986 et de l’Impôt sur le revenu en 1990, tout en
maintenant les Droits d’enregistrement et du timbre, introduits depuis le début de
l’époque coloniale.
Cependant, malgré cette « réforme », la fiscalité locale a été faiblement touchée. De
même, de nombreuses taxes parafiscales se sont ajoutées et brouillent le système fiscal,
le rendant plus opaque et plus complexe. D’autres taxes demeurent gérées par
l’Administration des Douanes et des Impôts indirects. Tel est le cas de la taxe intérieure
à la consommation qui, en fait, fait double emploi avec la TVA.
Cette situation explique la faible transparence et le déficit de gouvernance du système
fiscal au Maroc.
Les recettes fiscales dites ordinaires, versées dans le budget général de l’Etat, ont atteint
presque 200 milliards de dirhams, en 2013 (199,9 milliards de dirhams)1. Elles
constituent la principale source des finances publiques.
De nombreuses dérogations/exonérations sont accordées. Depuis plusieurs années, elles
font l’objet d’évaluations sous forme de dépenses fiscales. Cependant cette évaluation ne
permet pas de connaître l’impact socio-économique de ces dépenses. Très souvent ces
dérogations sont arrachées par des lobbies bien organisés et capables d’exercer la
pression sur les pouvoirs publics.
Les questions fondamentales relatives à tous système fiscal ont trait à la l’équité fiscale.
Les articles 39 et 40 de la Constitution de 2011 réaffirment clairement le principe
fondamental de l’équité fiscale.
Article 39 : « Tous supportent, en proportion de leurs facultés contributives, les
charges publiques que seule la loi peut, dans les formes prévues par la présente
Constitution, créer et répartir ».
Article 40 : « Tous supportent solidairement et proportionnellement à leurs
moyens, les charges que requiert le développement du pays, et celles résultant des
calamités et des catastrophes naturelles ».
Néanmoins, la réalité est tout autre. En effet, en matière d’Impôt sur le revenu, presque
75% des recettes provenant de cet impôt sont celles prélevées à la source des revenus
salariaux et assimilés. En matière d’Impôt sur les sociétés, à peine 2% des sociétés
rapportent pas moins de 80% des recettes provenant de cet impôt. Enfin, la TVA, impôt
sur la consommation, est la principale source des recettes fiscales.
Les causes de non équité fiscale sont à rechercher d’abord dans les choix de politique
fiscale. Elles résident aussi dans le mode effectif de gestion de l’impôt.
Qui paie l’impôt ? Autrement dit comment est répartie la charge fiscale ? Le principe
constitutionnel est-il respecté ?
1
Source : Ministère de l’Economie et des Finances. Année 2015.
4
Fiscalité des collectivités territoriales
L’examen critique du système fiscal au Maroc peut aider à mieux comprendre l’échec des
politiques publiques dans la lutte contre la pauvreté et dans l’établissement d’une justice
sociale.
Les années récentes ont permis de constater des tâtonnements plus que de véritables
réformes. D’une part, une taxe introduite en 2013 pour une durée limitée (jusqu’en
2015) pour alimenter un compte d’affectation spéciale destiné à renforcer la cohésion
sociale, c'est-à-dire à lutter contre la pauvreté mais avec une logique caritative et une
approche percevant la pauvreté comme s’il s’agissait d’une catastrophe naturelle et non
pas comme étant la conséquence des politiques publiques de développement poursuivies
depuis l’indépendance. D’autre part, paradoxalement, la non remise en cause
d’avantages ou privilèges fiscaux injustifiés qui constituent une aberration et provoquent
l’indignation. C’est notamment le cas du secteur agricole, où les grandes exploitations
ont bénéficié pendant trois décennies d’une exonération fiscale. C’est l’un des exemples
illustrant le mieux la violation du principe d’équité énoncé clairement dans la
Constitution.
Aussi, à ce jour, le système fiscal est en contradiction flagrante avec les déclarations
officielles de réduction des inégalités sociales, source principale de la pauvreté. Au
contraire, l’évolution récente de ce système a accru ces inégalités et a donc aggravé la
situation des droits économiques et sociaux de la majorité de la population au Maroc.
Etablir un état des lieux du système fiscal au Maroc, procéder à son analyse critique pour
en faire ressortir les faiblesses, les causes de ces faiblesses et proposer des alternatives
d’amélioration et de progrès, dans le sens du développement de l’équité fiscale et de la
justice sociale, tel est le rôle et le devoir des acteurs dynamiques de la société civile.
L’espace associatif, fédérant plusieurs acteurs associatifs partageant ce souci de
contribuer à l’élaboration de politiques publiques qui répondent réellement aux attentes
des citoyens, intègre parfaitement dans sa stratégie la contribution à l’amélioration des
politiques fiscales pouvant impacter positivement le bien être collectif de la population
marocaine.
Les mécanismes budgétaires devant être mis en place doivent être fondés sur des
principes d’équité et de solidarité, tels que prévus par les articles 39 et 40 de la
Constitution.
L’impôt est la principale source de financement des dépenses publiques aussi bien au
niveau national qu’au niveau local. Cependant l’impôt est aussi un « lien social ». C’est à
travers l’impôt que se concrétise/matérialise le rapport entre l’Etat ou les CT et le
citoyen.
Mais pour créer une véritable dynamique participative, les collectivités territoriales ne
devraient pas seulement pouvoir disposer de ressources pour accomplir leurs missions et
leurs tâches. Elles devraient disposer aussi de pouvoirs propres leur permettant de créer
des ressources propres adéquates à leurs besoins. Car les ressources transférées de
l’Etat central vers les collectivités territoriales, quelque soit leur importance, ne
5
Fiscalité des collectivités territoriales
le transfert d’une part du produit des impôts d’Etat à leur profit. Il s’agit des
ressources fiscales transférées.
Ce sont les taxes instituées par la loi n° 47-06 relative à la fiscalité des collectivités
locales promulguée dans le cadre de la réforme de la fiscalité locale de 2007 et les
redevances prévues par la loi n° 39 – 07 relatives aux taxes et redevances dues aux
collectivités locales.
La loi n° 47-06 précitée a fixé à 17 le nombre des taxes instituées au profit des
collectivités locales réparties comme suit :
- 11 au profit des communes urbaines et rurales,
- 3 au profit des préfectures et provinces,
- 3 au profit des Régions.
Les règles d’assiette, de recouvrement et de contrôle de ces taxes ont été entièrement
revues dans le cadre de la réforme de 2007 dans le sens :
- de la simplification par la suppression de certaines taxes dont le rendement était
dérisoire (le nombre des taxes locales a été réduit de 40 à 17) ;
- de l’harmonisation avec la fiscalité d’Etat et l’uniformisation des
procédures, notamment par l’institution du régime déclaratif, et les sanctions;
- du renforcement des prérogatives des conseils communaux en matière de fixation
6
Fiscalité des collectivités territoriales
des tarifs.
Il y a lieu de préciser que parmi les 11 taxes instituées au profit des communes urbaines
et rurales, trois sont gérées par la D.G.I. pour le compte des collectivités locales. La
gestion de l’ensemble des autres taxes relève des collectivités locales.
Les taxes gérées par les services de la D.G.I. sont : la taxe professionnelle, la taxe
d’habitation et la taxe de services communaux.
Le produit de ces taxes est réparti entre le budget des communes, le budget général de
l’Etat et les chambres professionnelles selon les clés de répartition suivantes :
Taux de
Taxe Collectivité locale bénéficiaire
répartition
80 % communes du lieu d’imposition
Chambres de commerce, d’industrie et de
services, chambres d’artisanat et chambres des
Taxe professionnelle
10 % pêches maritimes et de leurs fédérations.
(La répartition entre les chambres et les
fédérations est fixée par voie réglementaire).
10 % Budget général au titre des frais de gestion
90% Communes du lieu d’imposition.
Taxe d’habitation
10% Budget général au titre des frais de gestion.
Taxe de services 95 % Communes
communaux 5% Régions.
a. Taxe Professionnelle
7
Fiscalité des collectivités territoriales
Sont également soumis à cette taxe, les fonds créés par voie législative ou par
convention ne jouissant pas de la personnalité morale et dont la gestion est
confiée à des organismes de droit public ou privé. L’imposition est établie au
nom de leur organisme gestionnaire.
Les activités professionnelles sont classées, d’après leur nature, dans l’une des
classes de la nomenclature des professions, annexée à la présente loi.
Exonérations et réductions
Cette exonération est accordée dans les conditions prévues par le Code
Général des Impôts.
8
Fiscalité des collectivités territoriales
les entreprises autorisées à exercer leurs activités dans les zones franches
d’exportation pendant les quinze (15) premières années consécutives à
leur exploitation ;
l’Agence spéciale Tanger-Méditerranée, ainsi que les sociétés intervenant
dans la réalisation, l’aménagement, l’exploitation et l’entretien du projet
de la zone spéciale de développement Tanger-Méditerranée et qui
s’installent dans les zones franches d’exportation pendant les quinze (15)
premières années d’exploitation.
La taxe professionnelle est établie sur la valeur locative annuelle brute, normale
et actuelle des magasins, boutiques, usines, ateliers, hangars, remises, chantiers,
lieux de dépôts et de tous locaux, emplacements et aménagements servant à
l’exercice des activités professionnelles imposables.
Pour les biens loués ou acquis par voie de crédit-bail, la valeur locative est
déterminée sur la base du prix de revient de ces biens figurant au contrat initial
de crédit-bail, même après la levée d’option d’achat.
Pour les professions industrielles, commerciale ou de prestation de services qui
utilisent des moyens matériels de production, la valeur locative peut être
déterminée par l’une des trois méthodes précitées avec un minimum fixé à 3% du
prix de revient des éléments servant à l’exercice de l’activité.
Il est à noter que le redevable qui exerce plusieurs activités professionnelles dans
un même local, est imposable d’après le taux de la classe de l’activité
principale.
Lorsque plusieurs personnes exercent des activités professionnelles dans un même
local, la taxe professionnelle est établie pour chaque redevable séparément au
prorata de la valeur locative correspondant à la partie occupée dudit local.
La taxe est due pour l’année entière à raison des faits existant au mois de janvier.
Toutefois, la taxe professionnelle est due pour l’année entière, quelle que soit
l’époque à laquelle les opérations auront été entreprises par les redevables dont
les opérations ne peuvent, par leur nature, être exercées que durant une partie
de l’année.
10
Fiscalité des collectivités territoriales
En cas de chômage partiel ou total d’une entreprise, pendant une durée d’une
année civile, le redevable peut obtenir dégrèvement ou décharge de la taxe
professionnelle.
11
Fiscalité des collectivités territoriales
20% pour les activités figurant dans la classe 2 qui regroupe à titre
d’exemple:
30% pour les activités figurant dans la classe (1). Cette dernière regroupe
notamment les activités de :
12
Fiscalité des collectivités territoriales
les redevables exerçant sur les marchés ruraux. Dans ce cas, la taxe due
est établie et recouvrée par les agents des perceptions.
b. Taxe d’Habitation
Personnes imposables
En cas d’indivision, la taxe est établie au nom de l’indivision, à moins que les
indivisaires ne demandent que la taxe soit établie séparément pour chacune des
unités à usage d’habitation, faisant l’objet d’une utilisation distincte.
Dans le cas des sociétés immobilières propriétaires d’une seule unité de logement
et exclues du champ d’application de l’impôt sur les sociétés, la taxe
d’habitation est établie au nom de la société.
13
Fiscalité des collectivités territoriales
Dans le cas des sociétés immobilières transparentes, la taxe est établie au nom
de chacun des associés pour chaque fraction d’immeuble ou d’ensemble
immobilier pouvant faire l’objet d’une utilisation distincte.
Exonérations et réductions
Exonération temporaire
14
Fiscalité des collectivités territoriales
La taxe d’habitation est assise sur la valeur locative des immeubles, déterminée
par voie de comparaison par la commission de recensement.
Cette valeur locative est fixée d’après la moyenne des loyers pratiqués pour les
habitations similaires situées dans le même quartier.
Lorsqu’une unité d’habitation est occupée par un ou plusieurs copropriétaires
dans l’indivision et qui versent un loyer aux autres copropriétaires n’occupant pas
ladite habitation, la valeur locative imposable est déterminée uniquement sur la
quote-part revenant à l’occupant de l’habitation. Le montant dudit loyer est
passible de l’impôt sur le revenu.
La valeur locative est révisée tous les cinq (5) ans par une augmentation
automatique de 2%.
Cet abattement n’est cumulable avec aucune autre réduction de cette taxe.
15
Fiscalité des collectivités territoriales
La vacance est établie par tout moyen de preuve dont dispose le redevable,
notamment :
dans le cas des locaux en cours de réparation : l’état des lieux, le
déménagement intégral des meubles ou la présence dans les locaux des
corps de métiers chargés de la réparation ;
dans le cas des locaux en instance d’affectation : l’enlèvement des
compteurs d’eau et d’électricité.
La taxe est établie par voie de rôle et les taux de la taxe sont fixés comme suit :
16
Fiscalité des collectivités territoriales
Ce barème n’a jamais fait l’objet d’une révision. Il est caractérisé par une faible
progressivité. La tranche la plus élevée correspond à des valeurs locatives
mensuelles supérieures à 3 334 dirhams. De ce fait, les appartements, et surtout
les riads et les villas d’une valeur locative élevée sont largement avantagés et
sous taxés. Ce sont surtout les constructions à valeur locative moyenne qui sont le
plus taxées.
Exonérations
17
Fiscalité des collectivités territoriales
des banques offshore et des sociétés holding offshore pour les immeubles
occupés par leur siège ou agences ;
des entreprises installées dans la zone franche du port de Tanger pour les
activités effectuées à l’intérieur de ladite zone régie par les dispositions du
dahir n° 1-61-426 ;
des organismes de placements collectifs en valeurs mobilières (O.P.C.V.M.)
régis par les dispositions du dahir portant loi n° 1-93-213 ;
des fonds de placement collectif en titrisation (F.P.C.T.) régis par les
dispositions de la loi n° 10-98 ;
des organismes de placements en capital-risque (O.P.C.R.) régis par la loi
n° 41-05, pour les activités exercées dans le cadre de leur objet légal;
des coopératives et leurs unions légalement constituées dont les statuts, le
fonctionnement et les opérations sont conformes à la législation et à la
réglementation en vigueur régissant la catégorie à laquelle elles
appartiennent et qui ne remplissent pas les conditions suivantes :
lorsque leurs activités se limitent à la collecte de matières premières auprès
des adhérents et à leur commercialisation ;
ou lorsque leur chiffre d’affaires annuel est inférieur à deux millions
(2.000.000) de dirhams hors taxe sur la valeur ajoutée, si elles exercent une
activité de transformation de matières premières collectées auprès de
leurs adhérents ou d’intrants à l'aide d’équipements, matériels et autres
moyens de production similaires à ceux utilisés par les entreprises
industrielles soumises à l'impôt sur les sociétés et de commercialisation des
produits qu’elles ont transformés ;
de Bank Al-Maghrib ;
des personnes physiques ou morales titulaires d’un permis de recherche ou
d’une concession d’exploitation des gisements d’hydrocarbures, régies par
la loi n°21-90, relative à la recherche et à l’exploitation des gisements
d’hydrocarbures ;
de l’Etat, des collectivités locales et des établissements publics, pour les
immeubles à usage d’habitation à l’exclusion des logements de fonction.
18
Fiscalité des collectivités territoriales
Ces taxes sont au nombre de 14 et leur gestion relève actuellement des services
administratifs et financiers des collectivités locales. Il s’agit de :
Les redevances, droits et contributions perçus par les collectivités locales, en application
des dispositions de la loi n° 39-07 précitée, sont :
Le transfert de la part du produit des impôts d’Etat aux collectivités locales constitue le
deuxième mode de financement des collectivités locales par les ressources fiscales.
Il s’agit de l’affectation du produit de la T.V.A., de l’I.S. et de l’I.R.
Le transfert de la part de l’I.S et de l’I.R a été institué à partir de 1996 par l’article 66 de
la loi n° 47-96 relative à l’organisation de la région. Cette part a été fixée à 1% de l’I.S et
1% de l’I.R. Dans chaque loi de finances, ce transfert est reconduit. Dans le PLF 2016, il
est prévu de faire passer le taux de 1% à 2%, en matière d’IS et d’IR.
Le transfert au budget des collectivités locales du produit de la T.V.A. a été institué par la
loi de finances pour l'année 1986 et repris à l’article 125-I du C.G.I. qui prévoit
l’affectation d’au moins 30% du produit de la TVA après déduction, sur le produit de la
taxe perçue à l’intérieur, des remboursements et des restitutions prévus par ledit code.
20
Fiscalité des collectivités territoriales
Il convient de souligner que la part de la TVA transférée aux collectivités locales a connu,
en dix ans, une augmentation de plus de 100% entre 2002 et 2012 tel qu’illustré dans le
tableau ci-après :
Source : Bulletin mensuel de statistiques des finances locales, décembre 2012, TGR.
*Prévisions LF 2015 :
Les critères de répartition de la part du produit de la TVA entre les collectivités locales
sont fixés par une circulaire du Ministre de l’Intérieur datant de 1996, comme
suit :
Les ressources fiscales dont dispose actuellement la région en tant que collectivité locale
sont :
21
Fiscalité des collectivités territoriales
le produit des taxes instituées à son profit, à savoir, la taxe sur le permis de
chasse, la taxe sur les exploitations minières et la taxe sur les services
portuaires ;
10 % du produit de la taxe sur l’extraction des produits de carrières ;
5 % du produit de la taxe de services communaux.
Il découle de ce qui précède que les ressources financières dont dispose actuellement les
régions sont bien insuffisantes eu égard aux ambitions officielles d’ériger la région
comme acteur dynamique de développement.
L’autonomie régionale peut elle se suffire d’une autonomie financière sans autonomie
fiscale ?
Cependant, la réalité actuelle, et pas seulement au niveau national, impose des choix
plus pragmatiques, avec éventuellement une possibilité d’évolution progressive,
conditionnée par des progrès dans le processus de maîtrise de la « chose fiscale » au
niveau régional.
Néanmoins, quelle que soit l’option et le degré d’autonomie accordé, l’Etat central sera
toujours appelé à jouer un rôle déterminant dans l’encadrement de ce processus, dans la
coordination horizontale et verticale, dans l’harmonisation des systèmes et
en définitif dans le contrôle, avec des mécanismes de régulation (péréquation,
solidarité …). Ce processus est appelé à s’inscrire dans les options stratégiques de
réforme du système de gouvernance tout en capitalisant les acquis et en s’inspirant des
meilleures pratiques internationales. .
Les régions ont été consacrées constitutionnellement depuis 1992 (art 100). La loi n° 47-
96 relative à l’organisation de la région a permis de préciser la nature et le rôle de la
région au Maroc.
Dans l’exposé des motifs, on peut lire « le Maroc a atteint la maturité nécessaire (…) »,
l’option régionale serait « un approfondissement de la démocratie locale ».
22
Fiscalité des collectivités territoriales
La région devrait fournir une « instance nouvelle où les représentants des populations
pourront débattre démocratiquement, à travers leurs élus au sein des collectivités locales
et des organisations socioprofessionnelles, des aspirations et des projets de leur région
et enclencher une dynamique spécifique d’évolution et de développement régional
intégré. »
La région puisera ses moyens aussi bien à travers la mobilisation de ses ressources
propres, à l’instar des autres collectivités locales, que par le biais de l’affectation d’une
part d’impôts nationaux tels que, à titre d’exemple, l’IS et l’IR. Il sera institué,
conformément à la législation en vigueur, un fonds de péréquation et de développement
régional qui permettra, au moyen de subventions de l’Etat et de la mise en œuvre de la
solidarité inter régionale, de promouvoir le développement et de réduire les disparités
régionales.
La présente loi fixe les compétences et les ressources financières de la région, qui
fonctionne en tant que C.L dotée d’un Conseil jouissant d’un pouvoir délibératif et de
contrôle sur l’autorité exécutive (le gouverneur du chef lieu de la région), à travers un
mécanisme novateur qui privilégie la concertation, l’information et la collaboration.
23
Fiscalité des collectivités territoriales
D’après le titre premier – chapitre unique de la loi 47-06, l’article 1 prévoit que les
régions, en tant que collectivités locales, sont dotées de la personnalité morale et de
l’autonomie financière et la gestion des affaires de la région doit être assurée par un
Conseil « démocratiquement élu » pour une période de six ans.
Le Conseil règle également, par ses délibérations, les affaires qui sont transférées par
l’Etat à la Région mais le Conseil régional ne peut délibérer sur des affaires à caractère
politique ou étrangères aux questions d’intérêt régional. »
L’art 2 de la loi 47-96 prévoit que « la création (par qui ?) et l’organisation de régions ne
peuvent, en aucun cas, porter atteinte à l’unité de la nation et à l’intégrité territoriale du
Royaume ». D’après l’article 3, les représentants de la région formant le conseil régional
ne sont pas élus au suffrage universel direct. Ils émanent des collectivités locales, des
chambres professionnelles, des salariés et des parlementaires de la région. A noter que
le nombre, le nom, les limites territoriales et le chef lieu des régions sont fixés par
décret.
Actuellement, la région est posée comme axe stratégique dans le développement socio-
économique et dans la réforme du système de gouvernance. Il est question de créer un
environnement favorable au déclenchement d’un processus dynamique de participation
et de changement. La décentralisation et la région en particulier constituent un élément
essentiel à l’ancrage de la culture démocratique locale.
La gestion territoriale par l’Etat central au Maroc a été pendant longtemps dominée par
la priorité sécuritaire. La loi 47-96 relative à l’organisation de la région demeure marquée
par cette tendance, bien que reconnaissant dans l’exposé des motifs de cette loi que « le
Maroc d’aujourd’hui (…) a atteint la maturité nécessaire qui lui permet de s’engager dans
une nouvelle étape d’approfondissement de la démocratie locale que la régionalisation
mettra au service d’un mieux être économique et social.
La région est considérée dans l’exposé des motifs de cette loi comme un « nouvel espace
de débat, de concertation et de formation à la chose publique » qui doit permettre
encore davantage « l’ancrage de la démocratie au niveau local grâce à une plus large
prise en charge par les citoyens eux-mêmes de leurs affaires. » C’est un acquis
démocratique. Le cadre régional constitue une base de représentation nationale à la
Chambre des conseillers.
24
Fiscalité des collectivités territoriales
Le titre II de la loi 47-96 aborde la question des compétences. L’article 7 définit les
compétences propres à la région. Mais ces compétences propres peuvent être sous le
contrôle étroit de l’Etat central. En effet, le plan de développement économique et social
de la région élaboré par le Conseil est transmis au « Conseil supérieur de la promotion
nationale et du plan pour approbation. »
Il en est de même du schéma régional d’aménagement du territoire qui doit être élaboré
conformément aux orientations et objectifs retenus au niveau national et transmis par le
Conseil régional au Comité interministériel d’aménagement du territoire pour
approbation.
L’article 8 de la loi 47-96 définit les compétences pouvant être transférées. Mais l’article 9
réduit le Conseil régional à une fonction purement consultative. Celui-ci « peut faire des
propositions et des suggestions et émettre des avis ».
Depuis le discours royal du 03 janvier 2010, il est question de créer une dynamique de
participation des populations, en tenant compte aussi bien des spécificités locales que
des expériences internationales.
En fait, après dix années de règne, au cours desquelles des actions importantes ont été
prises dans divers domaines, la région apparaît comme un axe stratégique pour amorcer
un véritable changement dans le mode de gouvernance et dans la définition des
politiques publiques.
Le dossier des graves violations des droits humains, traité par l’Instance Equité et
Réconciliation (IER), a permis une relative réconciliation de l’Etat à la population. Le
processus amorcé à ce niveau devrait continuer à travers la concrétisation / réalisation
de la recommandation relative aux « réparations collectives ». Car comme souligné dans
le rapport de l’IER, les atteintes et violations, n’ont pas touché seulement des individus
ou des familles. Elles ont concerné des régions toutes entières, privant celles-ci des
25
Fiscalité des collectivités territoriales
Le rapport du cinquantenaire a aussi permis de dresser en 2005 un état des lieux général
après cinquante années d’indépendance. Les inondations à la suite des fortes pluies des
années 2008, 2009 et 2010 ont aussi révélé le retard accumulé pendant les cinquante
années qui ont suivi l’indépendance et en particulier la précarité des infrastructures de
base au niveau régional.
La question du Sahara pèse lourdement sur les finances publiques du Maroc. C’est aussi
une question qui impacte négativement le Maroc sur le plan international. Aussi, la
proposition faite par le Maroc peut être perçue comme une issue à un conflit qui perdure
depuis plus de 35 ans.
26
Fiscalité des collectivités territoriales
Pour le secteur primaire (agriculture et pêche), la première région est celle de Souss
Massa Draa avec 32 % (1998-2008).
Pour la période 1998 à 2008, la contribution moyenne de l’agriculture dans le PIB a été
de 14% (voir tableau n° 1). La région de Souss Massa Draa représente à elle seule
presque le tiers de cette contribution (31,6%).
Avec les régions de Gharb Chrarda Ben hssen, l’Oriental et Tadla Azilal, ce taux est de
78,90 %.
Avec les régions de Tanger – Tetouan (9,5%) et Doukkala Abda (9,1%), le taux est de
70,4% pour ces trois régions. Si l’on ajoute les régions de Rabat Salé Zemmour Zaer
(4,9%) et Gharb – Chrarda Beni hssen (4,8%), le taux est de 80,1% pour les cinq
régions se situant sur la côte centre Nord Ouest de l’Atlantique.
Le raffinage de pétrole et autres produits d’énergie ne constitue que 0,3% du PIB (1998-
2008), totalement concentré à Mohammadia (Région du Grand Casablanca), après la
fermeture de l’unité de raffinerie située à Sidi Kacem.
Le secteur des bâtiments et travaux publics (BTP) a contribué à hauteur de 4,3% du PIB
(1998-2008), avec 47,40% pour quatre régions mais dispersées sur le plan national :
Grand Casablanca 15,7% ; Tanger-Tetouan : 11,5% ; Souss Massa Draa 10,3% et
Marrakech Tensift 9,9%.
La contribution des hôtels et des restaurants est de 2% du PIB. Les régions de Souss
Massa et Marrakech Tensift Al haouz réalisent à elles seules 68,6% (1998-2007).
Néanmoins, cette activité n’est pas très concentrée au niveau national. Il en est de
même des services marchands hors hôtels et restaurants, avec néanmoins une
concentration relative pour les régions du Grand Casablanca et de Rabat Zemmour avec
27
Fiscalité des collectivités territoriales
31% au niveau national. Quant aux services non marchands (administrations et services
publics), la région de Rabat Salé Zemmour … concentre à elle seule 19%. Avec le Grand
Casablanca, le taux est de 31%.
Pour l’ensemble des secteurs (primaire, secondaire et tertiaire), le PIB régionalisé permet
de constater une concentration sur la côte centre Nord Ouest où se situent cinq régions,
avec 48,3%.
Le PIB par habitant permet de constater une variation importante entre les régions. Si,
en 2007, le PIB par habitant au niveau national est de 16 562 DH, il est de 30 316 DH
dans le Grand Casablanca, de 11 464 DH pour Meknes Tafilalet et à peine de 8 331 DH
pour Taza Al Hoceima.
Ainsi certaines régions concentrent la création des richesses. C’est le cas du Grand
Casablanca avec 18,8%, Souss Massa Draa avec 12,2%, Rabat Salé Zemmour Zaer avec
9,8% et Marrakech avec 8,2%.
50% de la valeur ajoutée primaire nationale est concentrée dans les régions de Souss
Massa Draa (32%) et du Gharb (18%). L’activité secondaire est concentrée sur la côte
atlantique centre Nord Ouest, soit 54,4% avec 36% pour le Grand Casablanca, 9,5%
pour Tanger Tétouan et 8,9% pour Doukkala Abda. Pour le tertiaire, la concentration est
assez faible.
Alors que pour les préfectures et provinces, ont été instituées trois taxes :
Il est clair que pour les deux premières taxes, ce sont surtout les grandes
agglomérations urbaines qui pourront bénéficier de plus de recettes. Pour la troisième,
ce sont les régions forestières qui pourront en être le plus bénéficiaires.
Il s’agit de :
29
Fiscalité des collectivités territoriales
A cela s’ajoute l’absence de note circulaire spécifique à la gestion des impôts locaux.
Plus grave encore, il y a lieu de rappeler le maintien d’une ancienne note circulaire
datant de 1992 et explicitant le mode de répartition des 30% de TVA entre les
différentes collectivités locales bénéficiaires. Cette note circulaire date d’une époque
dominée par une logique sécuritaire symbolisée par l’ancien Ministre de l’Intérieur
Driss BASRI.
30
Fiscalité des collectivités territoriales
Elle obéit surtout à des calculs d’ordre politique et de contrôle. Son maintien dans le
contexte actuel d’ouverture politique et de changement est tout au moins
incompréhensible.
Les recettes provenant des taxes locales représentent 17,5% des prélèvements
obligatoires de l’Etat et induisent une pression fiscale de 3,5%. La seule part de la TVA
revenant aux communes participe pour 60% à l’ensemble des recettes fiscales
locales2. C’est grâce à cette dernière que les dépenses de fonctionnement des
communes sont couvertes, à hauteur de 63%.
Le potentiel fiscal des collectivités locales est mal exploité. Ceci est aggravé par la
faiblesse du taux de recouvrement, avec une aggravation des arriérés (RAR=restes à
recouvrer), soit plus de 30% en 2013.
La fiscalité locale est alimentée essentiellement par les impôts transférés (TVA=30% ;
IS=2% en 2016 et IR=2% en 2016) et les trois taxes gérées par la DGI en profit des
collectivités locales (Taxe professionnelle, Taxe d’habitation et Taxe de Services
Communaux).
Les canaux de répartition de ces deux catégories d’impôts représentant pas moins de
80% du total des recettes fiscales sont contrôlés par la Direction Générale des
Collectivités Locales qui fait partie du Ministère de l’Intérieur. Cette situation, compte
tenu des pouvoirs exorbitants accordés aux agents autorité, ne peut être que source
de scepticisme quant à la possibilité d’une réelle évolution vers une véritable
autonomie régionale.
Durant la période 2009 à 2013, les recettes globales des collectivités territoriales (CT)
ont atteint une moyenne annuelle de 27,5 Milliards de dirhams. Avec 21,5 Milliards de
dirhams en moyenne annuelle, les recettes fiscales des communes urbaines et rurales
ont représenté 79% des recettes fiscales totales des C.T, avec 15 Milliards de dirhams
pour les communes urbaines et 6,5 Milliards de dirhams pour les communes rurales.
2
Cour des Comptes. Rapport sur la Fiscalité locale. Synthèse. Mai 2015.
31
Fiscalité des collectivités territoriales
Ressourc Ressourc
Type de Ressourc Autres
es gérées es Tot
collectivit % es gérées % % ressourc %
par les transféré al
és par l’Etat es
C.T es
1
Régions 514 139 690 50
394
Préfectur
4
es et 219 0 3 988 286
493
provinces
Commune
15
s 3 848 4 354 5 812 1 031
045
urbaines
Commune 6
1 257 358 4 451 485
s rurales 551
27
Total 5 838 4 852 14 941 1 852
483
32
Fiscalité des collectivités territoriales
Les ressources transférées par l’Etat, constituées pour l’essentiel par la part de la TVA,
représentent 54% de l’ensemble des recettes des C.T, suivies par les ressources
gérées directement par les communes (21%) et par celles administrées par l’Etat
(18%).
En Millions de DH
STRUCTURE STRUCTURE
Désignation 2013 2014
2013 en % 2014 en %
Fiscalité Locale (1) = (2) + (3) 10 188 8 638 46,37 42,69
Taxes gérées par l’Etat (2) 5 815 4 689 26,47 23,18
Taxe de services communaux 3 213 2 484 14,62 12,28
Taxe professionnelle 2 227 1 973 10,14 9,75
Taxe d’habitation 375 232 1,71 1,15
Taxes et redevances gérées par les communes (3) = (4) 4 373 3 949 19,90 19,52
+ (5)
Taxes gérées par les communes (4) 2 733 2 300 12,44 11,37
Taxe sur les terrains urbains non bâtis 1 121 795 5,10 3,93
Taxe sur les opérations de construction 720 705 3,28 3,48
Taxe sur les opérations de lotissement 260 199 1,18 0,98
Taxe sur les débits de boissons 161 155 0,73 0,77
Taxe de séjour 178 197 0,81 0,97
Taxe sur l’extraction des produits de carrières 175 139 0,80 0,69
Taxe sur les eaux minérales et de table 85 87 0,39 0,43
Taxe sur le transport public de voyageurs 32 22 0,15 0,11
Redevances gérées par les communes (5) 1 641 1 649 7,47 8,15
Taxe sur la dégradation des chaussées 29 27 0,13 0,13
Taxe de légalisation des signatures et de certification des 0,32
77 64 0,35
documents
Droits d’abattage 130 153 0,59 0,76
Droits perçus sur les marchés et lieux de vente publics 191 180 0,87 0,89
Droit de fourrière 27 28 0,12 0,14
Droit de stationnement sur les véhicules affectés à un transport 26 100 0,12 0,49
public de voyageur
Droits d’état civil 85 72 0,39 0,36
Redevance sur les ventes dans les marchés de gros et halles aux 2,17
488 439 2,22
poissons
Redevance d’occupation temporaire du domaine public 2,10
421 424 1,92
communal
Redevance d’occupation temporaire du domaine public
communal par des biens meubles et immeubles liés à l’exercice 168 161 0,76 0,80
d’un commerce, d’une industrie ou d’une profession
Contribution des riverains aux dépenses d’équipement et 1 1 0 0
d’aménagement
Part dans le produit TVA (6) 11 772 11 594 53,58 57,31
33
Fiscalité des collectivités territoriales
Total des ressources d’origine fiscale (7) = (1) + (6) 21 970 20 232 100 100
Les ressources fiscales propres des communes ne couvrent, en moyenne, que 54%
des dépenses de fonctionnement. Le reliquat étant financé par la TVA transférée par
l’Etat.
Quant aux dépenses d’investissement, les recettes fiscales les couvrent à concurrence
de 20% et de 5% respectivement pour les communes urbaines et les communes
rurales.
A ce niveau, il est clair que non seulement les dépenses d’investissements couvertes
par les recettes fiscales locales sont insuffisantes, mais elles le sont encore beaucoup
plus pour les communes rurales.
Le mal profond souligné dans divers rapports, dont le plus récent est celui de la Cour
des Comptes, est relatif au mode de gouvernance de la fiscalité locale. Une vision
d’ensemble des prélèvements au niveau local fait défaut.
Au niveau des communes, la gestion des recettes financières est reléguée au second
plan.
34
Fiscalité des collectivités territoriales
La Taxe professionnelle (T.P) est payée à hauteur de 72% par les personnes morales.
Elle se caractérise par une grande concentration. Un nombre de 163 entreprises
(0,02% de la population assujettie) assure une recette fiscale de 520 M DH, soit 15%
du total des recettes fiscales provenant de la T.P. 3463 entreprises (0,42%) contribue
à hauteur de 1330 MDH, soit 38% du produit global de la TP.
Elle a eu un impact négatif pour certaines régions dont le tissu économique est faible
et où se situent des entreprises minières dont les investissements sont importants.
Par contre, cette taxe a tendance à se renforcer, avec l’extension urbaine, et les rares
exonérations. Entre 2005 et 2014, elle est passée de 46,8% à 53% des recettes de la
fiscalité locale gérée par l’Etat (T P, T H et TSC).
Sur la période 2007 à 2013, le nombre d’assujettis aux taxes locales gérées par l’Etat
n’a augmenté que de 965.000, passant de 5.093.000 à 6.058.000, soit 18,9% avec un
rythme annuel moyen de 3,2%. Les émissions ont à peine augmenté de 1,7 MMDH
passant de 5,8 MMDH à 7,4 MMDH, soit un rythme moyen annuel de 4,5%,
correspondant à un montant annuel moyen en émissions de 263MDH.
Le problème principal souligné est relatif aux défaillances observées dans le mode de
gestion et surtout au niveau de l’appréhension de la matière imposable, comme point
de départ.
35
Fiscalité des collectivités territoriales
En 2014, 74% des recettes des taxes locales gérées par les communs sont d’essence
foncière. Elles concernent la taxe sur les terrains urbains non bâtis (TNB) et les taxes
liées aux autorisations de construise ou de lotir. La contribution de la TNB est
prédominante.
Ses recettes représentent le 1/3 de celles de la TSC et trois fois et demi celles de la
TH.
La taxe sur les opérations de construction recèle un potentiel fiscal substantiel. Cette
taxe est fortement dépendante de l’évolution du secteur des bâtiments.
C’est aussi le cas de la taxe sur les opérations de lotissement qui n’a pas cessé de se
dégrader passant de +16,4% en 2012 à - 23,3% en 2014. Avec des recettes de 200
MDH, en 2014, cette taxe représente 10% des recettes fiscales propres 3 des
communes.
3
Recettes fiscales propres = recettes provenant des taxes gérées directement par les communes.
36
Fiscalité des collectivités territoriales
Elle représente, avec 155 MDH, 6% du total des recettes fiscales propres. En fait,
cette taxe fait double emploi avec la TVA.
La taxe de séjour, en 2014, a rapporté 197 MDH, soit 7,4% du total des recettes
fiscales propres.
La taxe sur l’extraction des produits de carrières connait une évolution négative,
passant de 12,3% en 212 à 0,6% en 2013 et régressant de 20,4% en 2014, exercice
au cours duquel elle a rapporté 140 MDH, soit 6,8% du total des recettes propres.
La taxe sur les eaux minérales et de table s’élève à 87 MDH, et représente 3,7% des
recettes fiscales propres.
La taxe sur le transport public des voyageurs demeure assez faible par rapport au
potentiel fiscal réel. En 2013, elle a quand même connu une augmentation de 52%.
En 2014, elle connait subitement une baisse de 31% !
Pour l’ensemble des taxes gérées directement par les communes, les principaux
problèmes se résument dans le déficit de transparence et de contrôle.
En 2014, elles ont rapporté 36% du produit global des redevances. Elle est suivie par
la redevance sur les ventes dans les marchés de gros et halles aux poissons (27%).
8. Recouvrement.
Entre 2009 et 2013, les restes à recouvrer (RAR) sont passés de 13 MM DH à 16,8 MM
DH, enregistrant ainsi une aggravation de 29%. Le taux d’augmentation annuel moyen
des RAR de 7,3% traduit un déficit structurel de recouvrement et constitue une
sérieuse menace quant à la crédibilité de l’impôt en général et des administrations
fiscales en particulier.
60% des RAR concernent des cotes inférieures à 400 DH, soit 9% en valeur ;
Jusqu’à 1000 DH, les cotes représentent 82% du nombre des articles et 21%
en valeur ;
37
Fiscalité des collectivités territoriales
L’amnistie des pénalités et des majorations, dont la dernière date de 2013, est d’abord
perçue par les contribuables honnêtes comme une injustice, voire une violation
flagrante des articles 39 et 40 de la Constitution.
9. Le Contentieux.
Pour la période 2007 à 2012, le contentieux des taxes gérées par l’Etat (TP, TH et
TSC) représente en moyenne 39% du nombre des réclamations relatives aux
différents impôts et taxes administrés par la DGI, alors que le produit de ces mêmes
taxes représente en moyenne annuelle 2,6% de l’ensemble des prélèvements fiscaux
de l’Etat. C’est dire le coût exorbitant de gestion administrative des taxes locales.
10. Administration.
Dans le rapport de la Cour des Comptes de 2015, le doigt est mis sur l’absence d’un
système de gouvernance capable de prendre en charge la gestion de l’impôt dans ses
diverses dimensions, notamment au plan de l’organisation de l’ensemble du processus
d’imposition et des structures appropriées pour une gestion efficiente des taxes
locales.
Le problème se pose avec beaucoup d’acuité, en particulier pour les taxes gérées
directement par les communes qui connaissent un déficit structurel et endogène.
38
Fiscalité des collectivités territoriales
L’évaluation des dépenses fiscales spécifiques aux impôts locaux est aussi nécessaire.
Le mode d’affectation de la TVA doit être revu sur la base de nouveaux critères définis
par voie réglementaire (Décret) et tenant compte des changements institutionnels en
cours (nouvelle Constitution, loi sur la régionalisation..).
39
Fiscalité des collectivités territoriales
Dans les pays fédéraux, et par opposition aux pays unitaires, des pouvoirs propres
importants et une autonomie budgétaire substantielle sont reconnus aux collectivités
locales.
40
Fiscalité des collectivités territoriales
Les mécanismes existants de partage des impôts entre les différents niveaux des
administrations publiques impliquent des degrés divers d’autonomie fiscale pour les
échelons infranationaux des administrations publiques.
- soit sur une fiscalité locale propre avec une autonomie partielle ou totale en
matière de détermination d’assiette, de fixation des taux et de recouvrement ;
- soit sur le partage du produit des impôts d’Etat dont le pouvoir de législation et
d’administration reste entre les mains de l’Etat central.
Si l’attribution d’un véritable pouvoir fiscal en matière de gestion des impôts locaux
propres présente l’avantage de permettre aux autorités infranationales de disposer de
marges de manœuvre d’adaptation du niveau des prélèvements fiscaux aux besoins de
leur financement et à la qualité du service public fourni aux contribuables, dans le cadre
d’une autonomie fiscale totale ou partielle, le partage de pouvoir de législation et
d’administration en matière d’impôts d’Etat présente cependant les inconvénients
suivants :
les bases d’imposition présentant une faible mobilité devraient être taxées au
niveau des autorités infranationales (terrains, constructions…) et celles présentant
41
Fiscalité des collectivités territoriales
une forte mobilité devraient être taxées par l’Administration Centrale (capital,
revenus…);
les impôts à taux progressifs sur les personnes physiques devraient être prélevés
par les autorités disposant des moyens permettant la mise en place efficace d’une
base d’imposition globale ;
l’imposition progressive, destinée à servir des objectifs d’équité et de
redistribution, devrait incomber à l’Administration fiscale centrale ;
les impôts servant les objectifs d’une politique nationale ou sectorielle doivent être
prélevés au niveau central (impôt de solidarité, fortune…) ;
les bases d’imposition qui sont réparties très inégalement entre les régions doivent
être taxées par l’Administration fiscale centrale (ressources naturelles, mines,
pétrole, etc …) ;
l’impôt sur les prestations et les redevances peut être prélevé au niveau local (lieu
de livraison ou de consommation).
Le partage du produit de l’impôt est une technique qui permet d’accorder des ressources
suffisantes aux régions pour accompagner les transferts de compétences tout en
sauvegardant la cohérence et l’efficacité du système fiscal global sans transfert de
pouvoir normatif.
L’histoire de la fiscalité dans les Etats fédéraux montre que leurs systèmes fiscaux ont
évolué d’une conception classique de séparation des pouvoirs fiscaux vers une
concentration de ces pouvoirs aux mains de l’Etat central.
Dans les systèmes modernes, les impôts nationaux sont prélevés par l’Etat central qui les
répartit ensuite entre les entités inférieures. Le risque est atténué par le fait que les
entités régionales sont fortement représentées au niveau central et participent
effectivement dans le processus de décision fiscale.
A titre d’exemple, en Allemagne, les trois principaux impôts (T.V.A, impôt sur le revenu
et impôt sur les sociétés) sont perçus collectivement puis partagés entre l’Etat, les
Länder et les communes, en y intégrant des mécanismes redistributifs et péréquateurs.
Ces impôts représentent 70% des recettes fiscales locales et leur répartition se fait selon
les clés suivantes :
- impôt sur le revenu : 42,5% pour l’Etat, 42,5% pour les Länder et le reste pour
les communes ;
- Impôt sur les sociétés : 50% pour l’Etat et 50% pour les Länder ;
- T.V.A. : 54,7% pour l’Etat, 43,3 pour les Länder et 2% pour les communes.
42
Fiscalité des collectivités territoriales
Le fédéralisme allemand se caractérise donc par l’uniformité du droit fiscal pour réduire
l’éventualité d’une concurrence fiscale entre les régions et permettre une concurrence
par le biais des dépenses publiques et l’octroi d’un meilleur service public aux usagers.
Les avantages de cette technique de partage du produit de l’impôt peuvent être résumés
comme suit :
- l’absence de concurrence fiscale entre les régions à travers l’application des taux
uniformes à l’échelle nationale.
43
Fiscalité des collectivités territoriales
Les ressources fiscales actuellement prévues spécifiquement au profit des régions sont
bien sûr insuffisantes. Le tableau suivant permet d’apprécier ces ressources
comparativement à celles destinées à d’autres collectivités locales.
En millions de dirhams
Collectivité Régions Préf/Prov. Communes Communes Total
locale rurales urbaines
Recettes 1 351 5 605 6 573 15 217 28 746
Ressources 410 236 1 317 4 321 6 284
gérées par les
collectivités
Ressources 125 0 333 4 232 4690
gérées pour le
compte des CT
Ressources 816 5 369 4 923 6 664 17 772
transférées
Source : Bulletin mensuel de statistiques des finances locales, décembre 2012, TGR.
Ainsi, en 2012, les recettes dont ont bénéficié les régions représentent à peine 4,69% du
total des recettes des collectivités territoriales.
Les expériences de certains pays ayant opté pour le fédéralisme nous enseignent que la
technique généralement utilisée pour financer les compétences transférées aux
collectivités infranationales est celle de la répartition du produit des impôts d’Etat sans
transfert de pouvoir normatif, avec éventuellement une cogestion. L’Etat central garde le
pouvoir de régulation avec des mécanismes de participation des représentants des
autorités infranationales dans la prise de décision devant les instances législatives. C’est
44
Fiscalité des collectivités territoriales
déjà le cas au Maroc où les collectivités locales sont représentées dans la Chambre des
conseillers.
Cette répartition peut être verticale entre l’Etat et les Régions, dans une première étape,
et horizontale dans une seconde étape entre les différentes régions, selon des critères
précis pour assurer la fonction de péréquation et de solidarité.
l’impôt sur les sociétés devrait relever des compétences de l’Administration fiscale
centrale pour les raisons suivantes :
les risques inhérents à la forte mobilité de l’assiette fiscale due aux transferts
des bénéfices par des montages juridiques et financiers, tels que les prix de
transfert ;
l’impôt sur le revenu des personnes physiques doit être prélevé par
l’Administration fiscale centrale, compte tenu des principes de globalité et de
progressivité de l’IR. Les revenus imposables à l’IR doivent être appréhendés dans
leur globalité, au niveau national;
la TVA peut être prélevée au niveau local, en fonction du lieu de consommation ou
de livraison. Néanmoins, l’administration fiscale centrale doit avoir un droit de
regard sur les taux appliqués, pour éviter une concurrence fiscale inter régionale ;
les droits d’enregistrement et de timbre peuvent être prélevés au niveau local en
raison des lieux de transaction, mais avec un droit de regard au niveau central sur
les taux pour éviter une concurrence excessive entre les régions ;
les impôts fonciers peuvent être prélevés au niveau régional, voire communal, en
raison de la fixité de la matière imposable (terrains agricoles, terrains nus en zone
urbaine et constructions).
45
Fiscalité des collectivités territoriales
Concernant le pouvoir fiscal attribué aux collectivités locales en matière de fiscalité locale
propre, celui-ci peut être élargi afin de leur permettre de mettre en place des stratégies
de développement local appuyées sur une fiscalité adaptée aux spécificités de chaque
territoire avec un pouvoir de coordination et de régulation à définir par l’Etat et/ou les
collectivités territoriales.
Les régions devraient développer leur capacité de gestion des impôts propres par la mise
en place d’une administration fiscale régionale efficace et dynamique, laquelle pourrait
éventuellement prendre totalement en charge la gestion des trois taxes gérées
actuellement par la DGI pour le compte des collectivités locales (taxe professionnelle,
taxe d’habitation et taxe de services communaux).
Cependant, la Constitution de 2011 offre un cadre approprié pour évoluer vers une
régionalisation dynamique et solidaire. Ainsi l’article 141 prévoit : « Les régions et les
autres collectivités territoriales disposent de ressources financières propres et de
ressources financières affectées par l’Etat. Tout transfert de compétences de l’Etat vers
les régions et les autres collectivités territoriales doit s’accompagner d’un transfert des
ressources correspondantes ».
Par ailleurs, deux fonds ont été prévus par l’article 142 : un « Fonds de mise à niveau
sociale », à caractère ponctuel, « destiné à la résorption des déficits en matière de
développement humain, d’infrastructures et d’équipement » ; et un « Fonds de solidarité
interrégionale visant une répartition équitable des ressources, en vue de réduire les
disparités entre les régions ».
L’article 146 prévoit une loi organique qui devra notamment permettre de fixer « le
régime financier des régions et des autres collectivités territoriales » ainsi que « l’origine
des ressources financières des régions et des autres collectivités territoriales prévues à
l’article 141 ».
Ce dispositif devrait ouvrir la voie vers une véritable réconciliation, à la fois horizontale et
verticale, c’est à dire entre toutes les régions et entre les régions et l’Etat, mettant ainsi
46
Fiscalité des collectivités territoriales
fin aux séquelles datant de la période coloniale et d’une longue histoire marquée par
l’ancien dualisme Maroc utile et Maroc inutile.
CONCLUSION
Plutôt qu’une conclusion, ce travail pourrait être perçu principalement comme une
première étape nécessaire à une réflexion collective plus approfondie sur la question de
l’équité fiscale aussi bien au niveau local qu’au niveau national.
En effet, le travail de vulgarisation de la fiscalité pour que les acteurs de la société civile
se l’approprie est une étape incontournable. C’est un point de départ indispensable. Cette
vulgarisation ne vise pas seulement la connaissance des textes législatifs et
réglementaires en vigueur. Il est question d’adopter une démarche à la fois descriptive et
analytique pour développer une conscience critique chez les acteurs de la société civile.
C’est cette conscience critique qui porte en elle-même les germes d’une alternative
fiscale où l’équité est au centre des préoccupations. Une équité consacrée dans les textes
et dans la pratique. Une équité inséparable de la participation citoyenne et de la
transparence.
47