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Centre Régional des Métiers d’éducation et de Formation -Région de l’Oriental, Oujda

CYCLE DE QUALIFICATION DES CADRES D’ENSEIGNEMENT


Filière : Langue française (Groupes 2 et 6)

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Module : Méthodologie de recherche en éducation.

Unité 2 : cadre théorique de la recherche action


Séance 5 : La recherche-action 03/03/2023
M. Mohamed BENALLAH

« Toute connaissance comporte en elle le risque de l’erreur et de l’illusion »


Edgar Morin

1- Qu’est-ce que la recherche-action ?

- La recherche-action est une recherche praxéologique, également appelée recherche-


intervention ou recherche-expérimentation. C’est une méthode d’analyse souvent
utilisée pour collecter des informations lors de travaux de recherche ;

- Elle est souvent utilisée en relation avec des thèmes liés au changement social, à
l’éducation ou la pédagogie. Le but est de trouver des solutions réelles face à un
problème social concret.

- En éducation, la recherche-action est un mode de recherche appliqué à la pratique


quotidienne de la classe qui aide les enseignants à se doter d moyens propres à
améliorer leur pratique et à réfléchir sur leur pédagogie.

- Elle permet au praticien, tout en restant en contact avec le terrain, d’apprendre à


identifier ses besoins et d’établir une démarche pour atteindre des objectifs de
changement (Catroux Michel, 2002).

- C’est une technique de recherche qui vous demande de rester en contact avec
le terrain et la réalité. L’objectif de cette démarche est d’apprendre à identifier des
besoins ou problèmes, avant d’établir une stratégie pour atteindre des objectifs de
changement en réponse aux problèmes observés. Il faut trouver des solutions au
problème après avoir fait des recherches concrètes.

- Cet outil d’analyse en contact direct avec le terrain et la réalité, s’appuie sur
plusieurs outils ou méthodes d’analyse qualitative (entretiens, observation, focus
group, étude de cas) ou quantitative (sondage, questionnaire).

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2- Petit aperçu historique :

- Il faut préciser tout d’abord que la recherche-action est plus ancienne. Elle est issue de
la seconde guerre mondiale (années 40/50). Des chercheurs progressistes aspiraient à
une autre vision du monde où les sciences humaines et sociales pouvaient jouer un
rôle.

- Il existe donc plusieurs générations de chercheurs en recherche-action dans la


mesure où le terme recherche-action est souvent renvoyé aux années 70 du siècle
dernier, une époque où les corps professionnels, particulièrement ceux de l’éducation,
de la santé, du travail social, cherchaient des réponses alternatives aux pratiques
institutionnelles.

- S’il y a des fondateurs de la recherche-action, il n’y a pas de « maître à penser » mais


des mouvements scientifiques de consciences qui s’approprient cet héritage collectif
pour répondre aux questions de leur époque comme nous le faisons aujourd’hui.

- Historiquement la recherche-action a été portée par les approches de la dynamique de


groupe au sein des entreprises et des institutions (psychosociologie, analyse
institutionnelle), les modalités d’apprentissage dans le système scolaire (sociologie de
l’éducation).

- Travailler avec des groupes restreints en milieu fermé facilite la maîtrise des
paramètres d’une expérimentation et son évaluation : profil commun des acteurs,
repérage des difficultés et constitution d’une problématique commune, intégration de
la recherche-action dans l’environnement de travail, visibilité directe des effets de
l’expérimentation, etc.

3- Quels sont les secteurs d’activités et les problématiques


concernées par la recherche-action ?

- Il n’y a pas a priori de domaines et de problématiques qui échappent à la recherche-


action. La faisabilité n’est pas une question de contenu mais de processus. C’est pour
cette raison que les problématiques touchant au développement humain et social
sont particulièrement concernées (éducation, santé, culture, travail social, économie
solidaire etc.).

- La recherche-action est par nature interdisciplinaire, elle puise dans l’ensemble des
approches et doctrines scientifiques déjà constituées pour construire son propre langage
(sciences de l’éducation, de l’action, approches cognitives, psychosociologiques,
philosophie de la forme, etc.).

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4- L’utilité de la recherche-action :

- Heron (1996) et Schwandt (1996) proposent que la recherche en éducation poursuive


d’abord des buts d’amélioration de la pratique enseignante et que, en second plan, elle
s’attache à dégager les savoirs que produit une telle transformation.

- L’intérêt de la recherche-action est de trouver des explications face aux problèmes


soulevés en mettant en place une stratégie d’intervention pour opérer un changement.

- La recherche-action doit justement permettre de dégager un ou plusieurs problèmes


et d’établir une stratégie de recherche qui permettra de trouver des explications sur le
sujet/problème ou le phénomène étudié.

- La recherche-action se porte le plus souvent sur des sujets ou sur des phénomènes
sociaux. Cette méthode d’analyse permet ainsi d’analyser et de comprendre
différents facteurs sociaux grâce au plan d’action mis en place.

- La recherche-action apparaît intéressante, voire indispensable lorsque l’on est


confronté à un problème que les modes d’approches classiques ne peuvent résoudre.

5- Effectuer une recherche-action, quelle méthodologie suivre ?

- La recherche-action repose sur cinq (5) étapes clés.

1- Identification du problème,
2- Etablissement d’un plan d’actions,
3- Mise en place de l’action,
4- Evaluation des effets de l’action,
5- Partage des conclusions de la recherche.

Identification du problème
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2 Etablissement d’un plan actions

Mise en place l’action


3 (Action sur le terrain avec collecte de données)

Evaluation des effets de l’action


4 (Analyser les données et évaluer les résultats)

5 Partage des conclusions de la recherche

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3-1- Identification du problème ou du besoin :

- Sur le plan existentiel, la recherche-action commence toujours par une insatisfaction


profonde, un questionnement qui ne trouve pas de réponses dans les savoirs
classiques… c’est une attente, un désir d’aller plus loin.

- La première étape de la démarche “recherche-action” est l’identification d’un


problème ou d’un besoin. En général, le problème est soulevé après une observation,
une conversation, une question ou une lecture.

- Après avoir observé un problème, il faut commencer un travail de réflexion. Ce


problème doit être quelque chose sur quoi vous avez la capacité d’agir.

- Pour répondre à la problématique, il faudra mettre en place une stratégie d’action


pour collecter des informations.

➢ Exemple :
L’étudiant-chercheur souhaite étudier le manque de personnel en milieu
hospitalier dans son mémoire.
Pour ce faire, il constate que parmi l’ensemble des professions hospitalières, ce
sont les infirmiers et les infirmières qui manquent le plus de bras. Il décide ainsi
d’étudier spécifiquement ce problème.

3-2- Établir un plan d’actions :

- Après avoir défini le problème, l’étudiant-chercheur doit établir un plan d’action


précis qui lui permettra de collecter un maximum d’informations.

- Le plan d’action doit être conforme à une méthode bien précise de recherche. Il faut
également utiliser des outils rigoureux pour collecter des données.

- Pour ce qui est des méthodes qualitatives de collecte de données, on peut utiliser :
• L’entretien (directif, semi-directif, libre) ;
• L’observation ;
• L’étude de cas ;
• L’enquête de terrain ;
• Le focus group.

Conseil
Il est conseillé de prendre des notes détaillées dans un journal de bord, de rédiger les
minutes des réunions…Il est conseillé, aussi, de diversifier les sources : L’étudiant-
chercheur pourrait utilisées des sources différentes de données.

- Pour ce qui est des méthodes quantitatives de collecte de données, on peut utiliser :
• Des questionnaires ;
• Des sondages ;

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- L’étudiant-chercheur doit ensuite s’organiser en prévoyant son plan d’actions dans
le temps, par exemple semaine après semaine.

Exemple :
Semaines Actions
- Formulation précise du sujet : problématique, hypothèses de travail,
interrogations en attente de réponse ;
- Revue de littérature : Lecture et recherche documentaire : le but est de
Semaine 1 s’informer pour en connaître un maximum sur le sujet (Enrichir et
préciser son questionnement) ;
- Choisir la méthode (Qualitative, quantitative…) de collecte
d’informations/données pertinentes.
- Trouver des interlocuteurs à interroger en entretien, trouver le lieu de
l’observation : préparer l’enquête de terrain ;
- Rédiger un guide d’entretien pour préparer d’éventuels entretiens,
Semaine 2 observations, focus group ;
- Préparer, si besoin, un sondage ou un questionnaire ;
- Continuer à s’informer sur le sujet à travers diverses lectures.
- Réaliser l’enquête de terrain à travers les collectes de données
qualitatives ou quantitatives. ;
Semaines
3à5 - Regrouper/organiser l’ensemble des informations collectées et
commencer à les analyser rapidement.
Semaines - Analyser/discuter/interpréter les résultats obtenus ;
6à8 - Rédiger la conclusion de la recherche-action.

- Pour le sujet de recherche portant sur le manque d’infirmiers et d’infirmières en milieu


hospitalier, l’étudiant peut mener conjointement des observations dans un hôpital
public, effectuer plusieurs entretiens semi-directifs et enfin un focus group.
- Son plan d’action s’articulera donc autour de ces trois méthodes de recherche. Elles
doivent lui permettre de comprendre les difficultés auxquelles sont confrontées
quotidiennement les infirmiers et infirmières.

Conseil
Ces trois techniques de collecte de données doivent être réalisées dans un ordre logique.
Elles apporteront chacune de nouvelles informations en s’appuyant sur les informations
déjà collectées.

Pour l’étude sur le manque de personnel en milieu hospitalier, l’étudiant peut établir la
stratégie suivante :

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1. Observation : il observe longuement le quotidien du personnel hospitalier. Il relève
ainsi certains faits sur les difficultés du métier.
2. Entretiens : l’étudiant interroge plusieurs infirmiers ou infirmières à travers des
entretiens semi-directifs. Ce style d’entretien permet de poser des questions
ouvertes et de relancer la personne interrogée par rapport à certaines de ses
réponses. La parole des professionnels peut ainsi apporter de nouvelles
informations qui peuvent apporter des explications face à certaines observations
faites.
3. Focus group : l’étudiant termine son enquête en confrontant plusieurs infirmiers et
infirmières, afin d’avoir un avis collectif sur la situation. Le focus group peut
permettre de débattre autour du sujet des conditions de travail, il peut faire émerger
certaines concordances dans les avis, mais aussi certaines divergences.

3-3- Mise en place de l’action :

- Désormais, la recherche-action peut concrètement commencer ! Il s’agit là d’une étape


de terrain.
- L’étudiant-chercheur pourrait être amené à modifier son plan d’action. Il doit rester
flexible dans la démarche et s’adapter au contexte et à la mise en place.
- Au fur et à mesure qu’il collecte les informations, des éléments de réponses vont se
structurer.
- Il doit faire attention de bien respecter les jours et les horaires fixés avec les personnes à
interroger et pour les observations à mener.

Conseils
Une fois sur le terrain, l’étudiant-chercheur doit prendre des notes et re-évaluer son plan
d’actions si nécessaire. Aussi, ne doit-il pas attendre le dernier moment pour
commencer à analyser les premiers résultats obtenus. L’étude pourrait être effectuée au
fur et à mesure !

Exemple
Pour la recherche sur le manque de moyens humains chez les infirmiers dans les hôpitaux
publics dans la ville d’Oujda, l’étudiant-chercheur applique son plan d’actions.

✓ Il réalise tout d’abord des observations au sein d’une structure hospitalière.


✓ Ces observations lui permettent de retravailler son guide d’entretien, afin de poser des
questions plus pertinentes lors d’entretiens individuels.
✓ L’ensemble des entretiens amène l’étudiant-chercheur à préparer les questions qu’il posera
lors du focus group qui regroupera dix infirmiers de l’hôpital dans lequel il a fait ses
observations. Le focus group permettra de faire apparaître les points d’accords et de
désaccords entre les principaux intéressés. Il s’agit d’une méthode de recherche efficace pour
faire émerger certains aspects d’un problème.

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3-4- Evaluation des effets de l’action et analyse des résultats :

- Après la phase d’action, on arrive à l’évaluation et l’analyse des données colletées.


- L’étudiant-chercheur doit analyser les données pour obtenir :
✓ Des réponses par rapport à la problématique de départ ;
✓ Des explications face aux différentes hypothèses de travail ;
✓ Une compréhension du problème étudié ;
✓ De nouvelles pistes de travail.

- Il devrait poser les questions suivantes :


✓ Quels changements ai-je observés ?
✓ Quels sont les effets de ce changement ?
✓ Qu’ai-je appris sur mon problème initial ?

- C’est à ce moment qu’il devrait avoir des réponses et des solutions au problème initial.
Exemple
Sur le sujet de recherche à propos du manque de personnel à l’hôpital, l’étudiant-chercheur doit
désormais :
✓ Analyser l’ensemble des résultats ;
✓ Faire apparaître d’éventuelles corrélations ;
✓ Dégager les premiers éléments de réponse.

- L’étudiant-chercheur peut résumer les informations collectées dans un tableau


récapitulatif. Ce travail d’analyse permettra par la suite de rédiger une conclusion plus
rapidement et avec plus de clarté et d’efficacité.

3-5- Conclusion de la recherche et partage des résultats :

- À partir du travail d’analyse sur les données collectées, l’étudiant-chercheur peut


désormais s’atteler à rédiger la conclusion.

- La conclusion doit être rédigée de façon claire et organisée. Le but est de faire
apparaître la démarche de recherche de l’étudiant pour comprendre comment il est
parvenu à cette conclusion.

Exemple :
Pour le sujet de mémoire portant sur le manque d’infirmiers à l’hôpital, l’étudiant peut rédiger sa
conclusion de la façon suivante…
✓ Description des éléments de réponses obtenues grâce à l’observation (manque d’effectifs).
✓ Description des éléments de réponse apportés par les entretiens individuels. Ces entretiens
apportent des réponses à certains éléments observés (manque d’effectifs, mais aussi
manque de matériel).
✓ Description des éléments de réponse apportés par le focus group et qui vient compléter
l’observation et les entretiens individuels pour avoir une vision globale du métier
(manque d’effectifs qui s’explique un manque de moyens et de matériel). Ces conditions
de travail découragent de nouveaux infirmiers à venir travailler dans le public alors que
les hôpitaux manquent de personnel : cercle vicieux.

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Exemple de conclusion :
Les observations ont permis de constater que le personnel à l’hôpital était très régulièrement
débordé, notamment dans certains services comme celui des urgences. Si le service de néonatalité
possède des effectifs au complet pour assurer l’ensemble des soins aux nouveaux-nés, les
infirmiers des urgences doivent cumuler les heures de garde supplémentaires. Ils sont en effet
seulement 3 au lieu de 5 en journée, et seulement 2 pour les gardes de nuit.

Face à ce constat, les entretiens individuels nous ont permis d’en comprendre les causes. Avec
une volonté de l’État de réduire le personnel hospitalier pour réaliser des économies, les services
se retrouvent rapidement débordés par le travail et en sous-effectif. Cette situation dégrade les
conditions de travail des infirmiers. Dès lors, certains ne veulent plus travailler dans le secteur
public et certains postes d’infirmiers restent ainsi vacants. Il s’agit là d’un véritable cercle vicieux.
D’autant plus que le manque d’aides-soignants ajoute du travail en plus aux équipes d’infirmiers.

Réunis lors d’un groupe de discussion (focus group), les infirmiers et infirmières de l’hôpital
expliquent que ce métier doit être réalisé par des passionnés “pour tenir le coup”. Au quotidien, ils
manquent de moyens humains, mais également de moyens matériels comme certains médicaments
ou des lits pour les patients, ce qui complique là encore la tâche. Ces conditions expliquent
pourquoi certains préfèrent aller travailler dans le privé : pour notamment éviter les burnout
auxquels beaucoup sont confrontés.
La méthode d’analyse de la recherche-action permet donc de collecter des informations à partir
d’un problème ou d’un phénomène ciblé.
Dans un travail de recherche, la recherche-action s’avère utile pour enquêter efficacement à
travers un plan d’action et une stratégie de recherche pensés au préalable.

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