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Sur l’année écoulée (2019-2020), la présence du conseil d’État était très forte à travers son
rôle de conseiller et de juge.
Pourquoi « la fabrique du droit » ? Car cela fait référence à un ouvrage de Bruno Latour qui
est une étude sociologique sur le conseil d’État.
La France a une organisation de la justice particulière. Selon le type de litige traité, ce ne sera
pas le même type de tribunal qui sera saisi. (ex : un conflit d’une administration sera porté
vers un tribunal administratif.)
Le conseil d’État est l’ordre de haute juridiction de l’ordre administratif. Pour les conflits
entre personnes et les conflits pénaux, cela concerne les cours judiciaires. Les juridictions
judicaires et pénales sont beaucoup plus nombreuses. L’appel se fera devant la cour d’appel et
la haute juridiction de ce côté est la Cour de Cassation.
Le tribunal des conflits a pour objectif d’attribuer quel conflit à quel ordre juridictionnel, car
il est impossible que l’on se retrouve sans attribution de tribunal.
Le dualisme vient d’une interprétation des révolutionnaires dans la division des pouvoirs. La
justice ne devait pas s’occuper des affaires administratives, d’où ses deux lois :
A. Des lois pour montrer ce dualisme
Le conseil d’État est chargé de rédiger les projets de loi, de résoudre les difficultés en matière
administratif sous contrôle du de l’administration et du ministre compétent dans ce contexte .
Dans ce contexte on parlait de justice retenue par le Roi puis par le Chef de l’Etat car le CE
n’agissait pas seul mais préparait les réponses auprès des administrés. En 1872, le Tribunal
des conflits est créé et va avoir à rendre des décisions importantes (dès 1873 avec arrête
Blanco). Lorsqu’il s’agit d’activités liées au service public, le juge administratif et un droit
spécifique est appliqué (le droit administratif).
La justice n’est plus rendue par le chef de l’Etat mais par le juge qui n’est plus un simple
conseiller. Le Conseil d’Etat devient un « juge administratif » à part entière. Peuvent survenir
des difficultés quant à la répartition des contentieux :
C’est une interprétation particulière de la théorie de la séparation des pouvoirs par les
révolutionnaires - liée à une méfiance à l’égard des juges (des Parlements).
III. L’organisation du CE
A. Le Conseil d’État en bref...
Présidé en réalité par le Vice-président (Bruno Lasserre depuis mai 2018), le Conseil d’État
est organisé ainsi :
le secrétariat général assure la gestion du Conseil d’État et de l’ensemble de la
juridiction administrative ;
la section du contentieux assure la fonction de juge des actes des administrations
cinq sections consultatives (de l’administration, des finances, de l’intérieur, des
travaux publics et la section sociale) ainsi que la section du rapport et des études
rendent des avis au gouvernement sur des projets de texte (lois, décrets...) qui leur sont
soumis et effectuent les études juridiques qui leur sont demandées.
Le conseil a donc trois fonctions.
Ce sont des agents soumis à des dispositions statutaires proches du droit commun de la
fonction publique. Ils ont des garanties d’indépendance à l’égard de l’exécutif comme
l’avancement à l’ancienneté dans les faits et l’inamovibilité en pratique (Etat ne peut le virer).
Les auditeurs au Conseil d’État sont recrutés par la voie du concours, celui de l’École
Nationale d’Administration (4 à 6 par an) (ENA), une des voies prestigieuses de sortie de
l’ENA.
Les maîtres des requêtes sont, pour les trois quarts d’entre eux, recrutés parmi les auditeurs,
à partir de 3 à 4 ans d’ancienneté. Le quart des emplois restant est pourvu au tour extérieur (il
faut être âgé de 30 ans et justifier de dix années de service public, sans avoir fait l’ENA). Les
maîtres des requêtes sont à la fois juges du contentieux administratif et conseillers du
Gouvernement.
Les conseillers d’État sont, pour les deux tiers, recrutés parmi les maîtres des requêtes à
l’ancienneté. Le tiers restant est nommé au tour extérieur (la seule condition est d’être âgé
d’au moins 45 ans, il peut y avoir des personnes qui n’ont pas fait l’ENA).
À côté de ces membres ordinaires, le Conseil compte des membres extraordinaires, des
hauts fonctionnaires mais possibilités de personne pas passées par l’ENA.
- L’ENA
Des postes d’auditeurs sont proposés aux élèves qui achèvent leur scolarité à l’Ecole nationale
d’administration. Recrutés par concours, les auditeurs deviennent, par avancement, maîtres
des requêtes après environ trois ans de carrière, puis conseillers d’État environ douze ans plus
tard.
- Le tour extérieur
Un maître des requêtes sur quatre et un conseiller d’État sur trois sont nommés par le
Gouvernement (après avis du Vice-président du Conseil d’État).
Une partie des nominations au tour extérieur est réservée aux membres des tribunaux
administratifs et des cours administratives d'appel sur proposition du Vice-président du
Conseil d'État.
A. Trois missions
Conseiller l’exécutif
Le Conseil d’État est le conseiller du Gouvernement pour la préparation des projets de loi,
d’ordonnance et de certains décrets. Il traite également ses demandes d’avis et effectue à la
demande du Gouvernement ou à sa propre initiative des études.
Depuis la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, le Conseil d’Etat peut également être
saisi par le président de l’Assemblée nationale ou du Sénat d’une proposition de loi élaborée
par les parlementaires.
Depuis la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999, le Conseil d’Etat est également consulté
sur les projets ou les propositions de loi du pays propres à la Nouvelle-Calédonie.
Juger l’administration
Juge administratif suprême, le Conseil d’État est le juge ultime des activités des
administrations : pouvoir exécutif, collectivités territoriales, autorités indépendantes,
établissements publics, organismes disposant de prérogatives de puissance publique.
Gérer
Le Conseil d'État est chargé d’assurer la gestion des 8 cours administratives d'appel, des 42
tribunaux administratifs et de la Cour nationale du droit d'asile
Les ordonnances sont prises en conseil des ministres après avis du Conseil d'État. Elles
entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de
ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation.
Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse.
A l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article, les ordonnances ne
peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif.
L'avis est réputé donné dans le délai d'un mois. Les avis mentionnés au présent article sont
transmis au président du gouvernement, au président du congrès, au haut-commissaire et au
Conseil constitutionnel.
Enfin, les décrets en Conseil d'État (c’est-à-dire, après avis du Conseil d’Etat) ne peuvent
être pris ou modifiés qu'après la saisine du Conseil d'État. Le gouvernement n'est pas tenu de
suivre l'avis du Conseil d'État, mais, ne peut édicter que le texte adopté par le Conseil d'État
ou le projet qu'il lui a soumis.
Les présidents soit de l’AN soit du Sénat peuvent saisir le CE pour qu’il vérifie un projet. On
a des cas où le CE peut être consulté, cela veut dire qu’il n’y a pas d’obligation pour autant.
ARTICLE 39 DE LA CONSTITUTION
(...)Dans les conditions prévues par la loi, le président d'une assemblée peut soumettre
pour avis au Conseil d'État, avant son examen en commission, une proposition de loi
déposée par l'un des membres de cette assemblée, sauf si ce dernier s'y oppose.
Il peut être juge de cassation (après appel), juge d’appel pour certains contentieux (pour les
élections municipales ou cantonales ou dans le cadre d’un référé-liberté sous 48h), juge de
premier et dernier ressort (pour les ordonnances du Président de la République et les
décrets ; les actes réglementaires des ministres ainsi que les actes des ministres qui ne peuvent
être pris qu’après avis du Conseil d'Etat, etc. - Article R. 311-1 du code de justice
administrative)
« Tous les litiges qui impliquent une personne publique (l’État, les régions, les départements,
les communes, les établissements publics) ou une personne privée chargée d'un service public
(comme les ordres professionnels, les fédérations sportives) relèvent (sauf si une loi en
dispose autrement) de la compétence des juridictions administratives et donc, en dernier
ressort, du Conseil d'État. » (dixit le Conseil d’Etat, mais c’est un peu plus compliqué que
cela)
Depuis la loi du 30 juin 2000 relative aux référés devant les juridictions administratives, il
devient juge des référés. « Pour les litiges relevant de la compétence du Conseil d'Etat, sont
juges des référés le président de la section du contentieux ainsi que les conseillers d'Etat qu'il
désigne à cet effet. » (CJA) C’est-à-dire, il devient juge de l’urgence.
Le référé renvoit à une procédure d’urgence devant un juge, il peut y en avoir devant un
tribunal administratif ou devant le CE. Je juge administratif a créé des bases de droits au fur et
à mesure.
N.B. Le droit administratif est un droit à l’origine prétorien (crée par le juge lui-même),
ce qui signifie que c’est le juge par sa jurisprudence qui a contribué à le former.
Les grands arrêts de la jurisprudence administrative
La même instituions conseille et juge donc cela peut poser question en termes
d’indépendance.
Cette question a été posée plusieurs fois. Elle a une valeur constitutionnelle (Décision n° 80-
119 DC du 22 juillet 1980, Décision n° 86- 224 DC du 23 janvier 1987), mais n’est pas sans
poser question concernant un juge-conseiller...
La formation compétente à l'égard des magistrats du siège est présidée par le premier
président de la Cour de cassation. Elle comprend, en outre, cinq magistrats du siège et un
magistrat du parquet, un conseiller d'État désigné par le Conseil d'État, un avocat ainsi que six
personnalités qualifiées qui n'appartiennent ni au Parlement, ni à l'ordre judiciaire, ni à
l'ordre administratif.
Considérant, d'une part, que le constituant a ainsi reconnu à tout justiciable le droit de
soutenir, à l'appui de sa demande, qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et
libertés que la Constitution garantit ; qu'il a confié au Conseil d'État et à la Cour de
cassation, juridictions placées au sommet de chacun des deux ordres de juridiction
reconnus par la Constitution, la compétence pour juger si le Conseil constitutionnel doit
être saisi de cette question de constitutionnalité ; qu'il a, enfin, réservé au Conseil
constitutionnel la compétence pour statuer sur une telle question et, le cas échéant, déclarer
une disposition législative contraire à la Constitution ;
La CEDH estime que le cumul de fonctions (conseiller et juge) n’est pas, en soi, contraire
à l’article 6 § 1 de la Convention des droits de l’homme, ni par ailleurs l’exercice successif
des fonctions, mais, en revanche, cela pose problème si un membre du CE a été à la fois
conseiller et juge. Il juge que ce cumul viole la stipulation invoquée si les membres du
Conseil d’État exercent, sur la même affaire, les deux types de fonctions. Si en tant que
conseiller d’Etat je rédige un décret, et qu’ensuite un citoyen vient me contester et c’est ce
conseiller qui le juge, il va y avoir un problème.
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et
dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui
décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-
fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu
publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public
pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou
de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la
protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée
strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité
serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. »
C. Et donc ?
arrêt Kress c./ France du 7 juin 2001 et arrêt Martinie c./ France du 12 avril 2006
Un autre problème qui s’est posé devant la CEDH c’est le commissaire du Gouvernement,
c’est un juge du CE mais qui est à part. c’est-à-dire qu’à l’origine il était censé représenter le
pdv du gouvernement dans la fonction contentieux, mais cela a disparu. Mais le CE a
maintenu l’appellation qui est un juge qui participe à la délibération en rendant un avis sur
l’affaire. Et donc, c’est quelque chose que l’on ne retrouve pas devant les juridiction judicaire.
Donc cette question s’est retrouve dans la CEDH.
Lorsque l’on avait un procès devant le tribunal administratif, ou devant CE , la procédure était
essentiellement écrite. Finalement la fonction du commissaire était de préparer le travail pour
les juges, sans que ces derniers soient liés par ce que le commissaire du gouvernement disait.
Mais en ce sens, le commissaire est un peu le juriste qui préparerait les éléments pour ceux
qui vont devoir penser les faits.
Donc il n’avait pas de droit mais il participait aux délibérés. C‘est ce que la CEDH dit c’est
que pour le citoyen, il peut y avoir un doute. Si cette personne a émis un avis avant le délibéré
et suite les juges, il est probable que son avis soit suivi.
Quand on voit la reproduction des élites de l’ENA ? on voit un entre-soi et cela porte question
du recrutement des élites administratives. Ce pose question parce que le CE est amené à se
prononcer sur des questions hautement politiques.
La question du port du voile dans les établissements scolaires en 1989 : le conseil d’État a été
saisi pour la question du port du voile dans ceux-ci. Il a déclaré que le port n’était pas interdit
à travers cet arrêt :
Le Conseil d’État doit appliquer la loi dans la mesure où elle n’est pas conforme aux traités/
conventions. La loi de 2004 est venue restreindre le port de signe religieuse à l’école. Le CE a
dû faire évoluer sa jurisprudence en la matière. Les ports de signe religieux sont maintenant
interdits. La CEDH est d’ailleurs conforme à cette loi.
Créé par Loi n°2004-228 du 15 mars 2004 - art. 1 JORF 17 mars 2004 en vigueur le 1er
septembre 2004 : Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues
par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit.
Le règlement intérieur rappelle que la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire est
précédée d'un dialogue avec l'élève.
Depuis l’adoption de cette loi, le Conseil d’État a notamment confirmé la sanction prise à
l’encontre d’une jeune femme qui avait systématiquement refusé de retirer un bandana et ainsi
donné à ce dernier le caractère d’un signe manifestant de manière ostensible son appartenance
religieuse (CE, 5 décembre 2007, M. et Mme G., n°295671). Il a également jugé que le «
keshi» sikh, bien qu’il soit d’une dimension plus modeste que le turban traditionnel et de
couleur sombre, ne peut être qualifié de signe discret et que, par suite, le seul port de ce signe
manifeste ostensiblement l'appartenance à la religion sikhe de celui qui le porte (CE, 5
décembre 2007, M. S., n°285394).
Le juge des référés du Conseil d’État rappelle, conformément à une jurisprudence constante
depuis plus d’un siècle, qu’il appartient au maire de concilier l’accomplissement de sa
mission de maintien de l’ordre dans la commune avec le respect des libertés garanties par les
lois. Les mesures de police que le maire d’une commune du littoral édicte en vue de
réglementer l’accès à la plage et la pratique de la baignade doivent donc être adaptées,
nécessaires et proportionnées au regard des seules nécessités de l’ordre public. Il n’appartient
pas au maire de se fonder sur d’autres considérations.
A Villeneuve-Loubet, aucun élément ne permet de retenir que des risques de trouble à l’ordre
public aient résulté de la tenue adoptée en vue de la baignade par certaines personnes. En
l’absence de tels risques, le maire ne pouvait prendre une mesure interdisant l’accès à la plage
et la baignade.
Le juge des référés du Conseil d’État suspend donc cette mesure d’interdiction.
Le juge des référés du Conseil d’État conclut donc que l’article 4.3 de l’arrêté contesté a porté
une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté
d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle. La situation d’urgence étant
par ailleurs caractérisée, il annule l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif
de Nice et ordonne la suspension de cet article.
REFERE – LIBERTE
Un référé intervient quand il y a une attente sérieuse et manifestement illégale, c’est vraiment
pour que les choses soient protégées. Le référé liberté doit être saisi par des personnes qui ont
intérêt d’agir, c’est-à-dire qu’ils aient un lien suffisant pour que le juge reconnaisse que l’on
est à intervenir.
La procédure du référé liberté, prévue par l’article L. 521-2 du code de justice administrative,
permet au juge d’ordonner, dans un délai de quarante-huit heures, toutes mesures nécessaires
à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une administration aurait porté, dans
l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale.
Pour obtenir satisfaction, le requérant doit justifier d’une situation d’urgence qui nécessite que
le juge intervienne dans les quarante-huit heures.
CE très frileux mais dans un contexte nouveau, le CE se cantonne à rappeler les anciens
éléments sans apporter de nouveaux éléments.