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« Éléments communs et différences entre légitime défense et état de nécessité »

La légitime défense est sans aucun doute la cause d’irresponsabilité la plus connue et aussi la plus
souvent invoquée devant les juridictions pénales. La légitime défense consiste dans le droit pour une
personne victime d’une atteinte injustifiée envers elle-même, autrui ou un bien, de riposter à celle-ci
en commettant une infraction.

L’article 122-5 du code pénal pose le principe de la légitime défense, « N'est pas pénalement
responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit,
dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d'elle-même ou
d'autrui, sauf s'il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l'atteinte.

N'est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l'exécution d'un crime ou d'un
délit contre un bien, accomplit un acte de défense, autre qu'un homicide volontaire, lorsque cet acte
est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la
gravité de l'infraction. »

L’état de nécessité quant à elle est une cause d’irresponsabilité pénal introduite dans le code pénal
seulement en 1994 mais elle était admise par la jurisprudence auparavant. L’etat de nécessité est
proche de la légitime défense et consiste à commettre une infraction pour échapper à un danger
menaçant la personne, autrui ou un bien. La personne choisit de sacrifier un intérêt pour en
sauvegarder un autre, plus important.

L’article 122-7 pose le principe d’état de nécessité, « N'est pas pénalement responsable la personne
qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte
nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens
employés et la gravité de la menace. »

Ces deux principes sont en effet des causes objectives d’irresponsabilités pénales. Les causes
objectives d’irresponsabilités pénales sont relatives aux faits commis par l’agent, qui, compte tenu du
contexte de leur réalisation, ne sont plus considérés comme des infractions pénales mais
apparaissent justifies. Autrement dit, dans ces cas et aux conditions prévues par le Code pénal, les
faits ne doivent pas être jugés contraire au droit mais au contraire conforme à ce dernier. C’est la
raison pour laquelle certains auteurs parlent d’éléments injuste de l’infraction car si l’élément
matériel est bien réalisé, ainsi que l’élément moral d’ailleurs, les faits ne sont pas,
exceptionnellement considérés comme illicites. Cependant cette explication est purement doctrinale
et pose le problème de ne pas correspondre au code pénal qui traite ensemble toutes les causes
d’irresponsabilités sans reprendre aucune des distinctions habituelles. Une autre difficulté provient
du fait que ce concept « d’élément injuste » a pour effet d’occulter les rapports étroits qui existent
entre certaines causes objectives et subjectives d’irresponsabilité. Autrement dit, le passage de l’une
à l’autre peut, parfois, se faire assez facilement.

Si ces deux faits justificatifs semblent très proches dans leur définition, à tel point que certains
auteurs voient dans la légitime défense une forme particulière d'état de nécessité, il est néanmoins
possible de dégager des différences fondamentales entre ces « causes d'irresponsabilités ». En effet
il en convient de se demander par quels moyens la légitime défense se caractérise comme un cas
particulier de l’état de nécessité ?
Le fondement commun de ces deux causes d’irresponsabilités (I) ne l’est pas autant en vu des effets
que celles-ci produisent (II).

I) Des causes objectives d’irresponsabilité pénale aux fondements communs

Le fondement similaire, cependant nuancé par le champ d’application (A) permet une exonération au
regard d’une atteinte initialement conditionnée (B)

A) Un objectif similaire nuancé par le champ d’application des deux cas d’exonération
de responsabilité

Lors de la légitime défense il s’agit d’éviter une menace, mais celle-ci prend la forme d’une agression
(dirigée contre soi-même, un tiers, ou un bien). Tout comme en matière de légitime défense, lors de
l’état de nécessité, il faut se trouver face à un danger auquel la réponse se fait par une infraction
rendue nécessaire par les circonstances, et les moyens utilisé doivent etre proportionnés au danger.
La légitime défense peut se caractériser comme un cas particulier d’état de nécessité, caractérisé par
le fait que son domaine d’application est plus restreint, l’article 122-7 n’évoquant qu’un danger, terme
plus vague que celui d’atteinte utilisé par l’article 122-5. Par conséquent, lorsque le danger est une
agression, la cause d’irresponsabilité sera la légitime défense, alors que l’etat de nécessité recouvrera
les autres hypothèses de péril.

Bien que l’état de nécessité ait été défini par le nouveau Code pénal, sa définition ne résulte pas
d’une reprise de l’ancien Code pénal, car ce dernier ne contenait aucun texte relatif à l’état de
nécessité.

Ce fait justificatif est d’origine jurisprudentielle, il est d’abord apparu dans le célèbre arrêt Ménard :
est dans un état de nécessité la mère qui vole du pain pour que son enfant ne meurt pas de faim. En
ce sens, a agi en état de nécessité le père qui a construit une cabane pour protéger ses enfants du
froid alors qu’il ne disposait pas d’un permis de construire.

A contrario, la légitime défense, est concept juridique qui était déjà présent en droit romain,
considéré comme un droit naturel de l’homme. Il a très vite été repris par le code pénal.

Une définition claire de l’état de nécessité en a été donnée par la Cour d’appel de Colmar en 1957
comme suit : l’état de nécessité est « la situation dans laquelle se trouve une personne qui, pour
sauvegarder un intérêt supérieur n’a d’autre ressource que d’accomplir un acte défendu par la loi
pénale.

Situation de la personne qui se trouve dans la nécessité de commettre une infraction présente des
similitudes avec celle de la personne en état de légitime défense.

En effet, il s’agit face a un danger qui menace la personne, autrui ou un bien, de régir en commettant
une infraction. Par ce que c’est le seul moyen d’échapper au péril.
La personne se trouve confronté à un choix lors de l’état de nécessité : soit elle laisse le danger se
transformer en dommage soit elle évite ce danger en accomplissant un acte qui prend la nature
d’une infraction. Il faut donc choisir entre les deux intérêts, et en sacrifier l’un pour l’autre,
contrairement à la légitime défense.

Exemple : personne qui veut acheter de la nourriture, sans moyen, se trouve dans la nécessité de
voler. L’agent sacrifie la propriété privée d’autrui pour sauvegarder un intérêt supérieur, la santé ou
la vie d’une personne.

Eu égard à la définition donnée par le Code pénal, l’état de nécessité exige la réalisation de deux
évènements : « un danger », et un « acte nécessaire à la sauvegarde ». Chacun de ces deux
évènements nécessitant à leur tour la réunion de plusieurs conditions qui leurs sont propres.

B) Une exonération possible au regard d’une atteinte initiale conditionnée

Le péril à éviter doit revêtir 2 conditions cumulatives dans la légitime défense comme dans l’état de
nécessité, que sont :
- 1 ère condition : le danger doit être actuel ou imminent, comme en matière de légitime
défense. Cela signifie que le danger doit être réel et non pas simplement éventuel, probable,
possible (autrement dit il existe des doutes sur sa réalisation).
En effet, l’état de nécessité doit être un état de nécessité véritable et non de simple commodité, il doit
placer l’auteur devant un danger immédiat et certain et non hypothétique ou futur (Tribunal
correctionnel de Nantes, 12 novembre 1956).
On pourrait penser que le danger imminent ne parait qu’éventuel dans la mesure où il ne se trouve
pas encore survenu, néanmoins il est assimilé à un danger actuel car sa réalisation est très proche,
autrement dit sa survenance est certaine.

En revanche il existe une différence notable avec le cas de la légitime défense :


L’agression putative (ou agression imaginaire) peut être retenue en matière de légitime défense, et est
laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond.

Tel n’est pas le cas pour l’état de nécessité, le danger putatif n’a pas été résolu par la jurisprudence,
c’est pourquoi la doctrine s’accorde à dire qu’il ne saurait être retenu. Ne pas retenir le danger putatif
en matière d’état de nécessité est un raisonnement logique, puisqu’il semble difficile de se méprendre
sur l’existence d’un danger : il est véritable, tandis que pour la légitime défense l’agression est
appréciée subjectivement par l’auteur de la riposte, c’est pourquoi, dans certaines circonstances, les
juges du fond sont amenés à légitimer la défense.

- 2ème condition : Le danger doit être inévitable, c’est-à-dire que l’agent ne pouvait pas éviter
le danger, celui-ci était inéluctable. En réalité, cela signifie que le danger ne doit pas résulter
d’une faute antérieure de l’agent, autrement dit il ne doit pas s’être placé lui-même dans une
situation dangereuse pour pouvoir bénéficier de l’état de nécessité ou la légitime défense : le
danger doit être fatal (Rennes 12 avril 1954).

Cette condition antérieure au nouveau Code pénal dans le cadre de l’état de nécessité, ne se trouve
pas reprise par les dispositions de l’article 122-7. En effet, aucune précision ne porte sur l’origine du
danger, tandis qu’en matière de légitime défense l’article 122-5 fait mention d’une « atteinte
injustifiée ».

En d’autres termes, l’agression étant de nature injustifiée, l’auteur de la riposte n’a pas commis de
faute préalable pour se retrouver dans cette situation. On pourrait donc penser que l’état de
nécessité se justifie. Et il importe peu que l’agent apparait avoir commis une faute initiale ou non.

La jurisprudence semble avoir tranché en sens contraire, puisque l’état de nécessité n’a pas été
retenu pour le chasseur qui a abattu au fusil un ours (espèce en voie d’extinction) pour se protéger
de son attaque lors d’une partie de chasse, le chasseur s’étant lui-même placé dans une situation
dangereuse.

L’objet de la menace ne semble pas une condition à proprement parler de l’état de nécessité,
cependant, comme en matière de légitime défense, la menace peut viser l’agent directement un
tiers, ou un bien « qui menace elle-même, autrui ou un bien ». De nouveau et similairement à la
légitime défense, la menace peut prendre une forme physique ou morale. Cela signifie que la nature
du danger est indifférente pour invoquer l’état de nécessité.

II) Les effets relatifs au danger initial, des divergences selon la cause d’irresponsabilité
retenue

Les conditions similaires de défense (A) amène à des effets notables en fonctions de la cause retenue
(B)

A) La riposte et l’acte de sauvegarde : l’exigence de conditions similaires

L’acte réalisé pour la sauvegarde doit comporter deux conditions cumulatives :


- 1ère condition : l’acte de sauvegarde doit être nécessaire
« un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien ».
L’état de nécessité sera retenue si l’infraction s’avère le “meilleur moyen” d’éviter le péril
(paris 6 octobre 1944.)
Eu égard à la légitime défense cette condition de nécessité semble plus stricte en matière de légitime
défense où la riposte doit être nécessaire en matière de défense des personnes, et « strictement
nécessaire » s’agissant des biens. En effet, la riposte doit être l’unique moyen d’interrompre
l’infraction contre un bien.
-
2ème condition : l’acte de sauvegarde doit être proportionnel :
il doit y avoir une certaine proportionnalité. En effet entre le péril et l’acte de sauvegarde
réalisé par l’agent pour éviter ce péril.
Cela signifie que l’agent qui cherche à éviter le dommage, ne doit pas en causer un autre. Et
surtout un préjudice plus grave en commettant une infraction. Dans ce cas le fait justificatif
ne sera pas admis. Clairement, les juges vont faire une appréciation in concreto. Ils mettent
en balance ces deux éléments :
D’une part l’intérêt sauvegardé doit être supérieur (ou du moins égal) à l’intérêt sacrifié;
D’autre part le bien préservé doit avoir une valeur supérieure à celle du bien sacrifié.
Par exemple : On justifie le fait de faire circuler un camion non présenté au contrôle technique pour
ravitailler un village. (22 octobre 1968).

Cette fois-ci il y a concordance entre les dispositions de l’article 122-5 du Code pénal relatif à la
légitime défense. Quant à l’article 122-7 relatif à l’état de nécessité puisque le législateur emploie
quasiment la même expression :
« sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte ». ainsi
que « s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ».

B) La modulation de la responsabilité pénale, des effets notables en fonction de la


cause retenue

L’état de nécessité ainsi que la légitime défense, s’imposent comme fait justificatifs. Ils exonèrent
l’auteur des faits de toute responsabilité pénale. Il ne pourra pas faire l’objet d’une condamnation
devant les juridictions pénales.

En revanche, l’auteur de l’acte dans le cas de l’état de nécessité engage sa responsabilité civile : il doit
indemniser sa victime. Cette solution diffère de celle retenue en matière de légitime défense.
En effet l’auteur de la riposte n’engageant pas ses responsabilités civile et pénale.
Cette différence de régime s’explique comment ? Par le fait qu’en matière de légitime défense la
personne qui riposte cause directement un préjudice à l’auteur de l’agression. Alors que pour l’état de
nécessité l’agent cause un dommage à un tiers innocent. En revanche, la solution sera différente si la
victime du dommage est aussi le responsable du danger. En effet l’hypothèse dans laquelle le danger
résulte d’une faute antérieure de l’agent.

De plus, la question se pose si la légitime défense peut justifier une riposte qui consiste en une
infraction non-intentionnelle. Le code de 94 ne distingue pas selon la nature de l’infraction de riposte,
cela suppose que peu importe intention ou non.

Cependant, sous l’ancien code, la jurisprudence restreignait le champ d’application de la légitime


défense, notamment avec l’arrêt Cousinet de 1967. Une personne avait repoussé de la main un ivrogne
qui l’importunait, entrainant la chute de ce dernier sur le crâne (mort). Il est poursuivi pour homicide
involontaire, et il invoque la légitime défense. Dès cet arrêt, la cour de cassation retient que la légitime
défense est inconciliable avec le caractère involontaire de l’acte de celui qui se défend.
Finalement : Soit la personne poursuivie invoque le caractère non intentionnel et dans ce cas pas de
légitime défense, donc la victime de l’agression (le tueur) sera condamnée mais légèrement. Soit la
personne poursuivie invoque la légitime défense (moyen de défense) et donc elle devra démontrer
que toutes les conditions de la légitime défense sont remplies et sera contrainte de plaider le caractère
intentionnel des faits. La légitime défense est inconciliable avec le caractère involontaire de l’acte de
riposte.

À noter qu’il serait inexact de parler de responsabilité civile. La doctrine semble privilégier la thèse de
l’enrichissement sans cause. Ceci dans la mesure où l’agent n’a pas réellement commis de faute.
Ainsi, il s’avère préférable de parler indistinctement de réparation sur le plan civil. Il n’y a pas lieu
d’invoquer une responsabilité civile ou un enrichissement sans cause.
On remarque que les conditions propres à l’état de nécessité se trouvent mises en exergue par le
législateur.

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