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RAVAISSON ET SCHELLING

Author(s): Daniel Panis


Source: Les Études philosophiques , JUILLET-SEPTEMBRE 1988, No. 3, CLAUDE BRUAIRE
/ RECHERCHES (JUILLET-SEPTEMBRE 1988), pp. 395-413
Published by: Presses Universitaires de France

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RAVAISSON
ET SCHELLING

« Pour ce qui regarde renseignement de la philosophie,


s'est trouvée au début du xixe siècle dans un état de misèr
avons peine à imaginer. L'ignorance de la philosophie y est gén
complète. Les spécialistes eux-mêmes de la réflexion phil
abordent les questions les plus complexes auxquelles l'esprit
heurte, avec une sorte de candeur et de naïveté qu'explique
ignorance des travaux des philosophes antérieurs. » Tel est le
extrêmement sévère par lequel, en 1933, M. Joseph Dopp f
le chapitre premier de son ouvrage sur Ravaisson1. On peut co
que c'est une manière, pour ce commentateur, de justifier sa
entreprise d'analyse « génétique » de la pensée ravaissonien
première fois, en effet, qu'un livre entier est consacré à Rava
apparaît bien alors comme l'un de ceux qui, au travers d'une m
attentive sur l'histoire de la métaphysique, a contribué lar
renouvellement de la pensée métaphysique française. Et qu
physique française au xixe siècle ait fortement marqué de son
la métaphysique française du xxe, c'est ce que l'ouvrage « géné
de M. Dominique Janicaud sur les sources du bergsonisme a tr
ment démontré2. On ne s'étonnera donc pas qu'une meilleu
hension de la tradition philosophique française, jusque dans se
pements les plus contemporains, doive passer par une rel
textes majeurs de Ravaisson.
Si l'on revient, cependant, sur l'ouvrage de Dopp, on s'
que la profondeur de pensée au niveau de laquelle Ravaiss

i. J. Dopp, F. Ravaisson. La formation de sa pensée d'après des documents inédi


Editions de l'Institut supérieur de Philosophie, 1933, p. 11.
2. D. Janicaud, Une généalogie du spiritualisme français. uAux sources du bergsonis
et la métaphysique , La Haye, Ni j hoff, 1969.

Les Etudes philosophiques , n° 3/1988

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396 Daniel Pañis

la « naïveté » métaphysi
minée : l'Allemagne. M
est un auteur dont l'insi
ment ne cessent de no
Schelling. Et qui est S
22 ans ? Tout simpleme
C'est dire si une géné
nécessité de fournir un
et Ravaisson.
Ce n'est pas la première fois, bien sûr, qu'on s'intéresse aux rapports
de Ravaisson avec Schelling. Comme nous venons de le dire, J. Dopp,
analysant la formation de la pensée ravaissonienne, a bien montré le
rôle joué par les professeurs de Ravaisson lorsqu'ils l'initièrent à la
philosophie allemande ainsi qu'aux travaux d'érudition d'outre-Rhin5;
il a aussi relevé tout ce qui, dans le « premier Ravaisson », se rapportait
expressément à Schelling, sans oublier les faits marquants dans les rela-
tions personnelles entre les deux auteurs. Nous y reviendrons bientôt
nous-même, en complétant sur certains points l'exposé de J. Dopp.
D'autre part, D. Janicaud a lui aussi consacré de nombreuses pages6 à
ce problème du dialogue entre le philosophe français et le philosophe
allemand, en insistant sur le fait qu'il ne peut ici être question d'une
« influence » exercée sur le premier par le second, mais qu'il convient
seulement de parler, en reprenant les termes de Bergson dans sa Notice
célèbre sur Ravaisson, ď « affinité naturelle » ou de « communauté
d'inspiration »7.
Cela dit, le renouveau somme toute assez récent des études schellin-
giennes en France (voir notre note 3), parallèle au regain d'intérêt pour
les textes ravaissoniens, justifie peut-être que nous tentions de dresser
un bilan aussi complet que possible des échanges entre Schelling et Ravais-
son. Ce travail voudrait contribuer à l'étude des relations entre pensée
française et pensée allemande, par la mesure précise de l'impact qu'a
exercé une œuvre essentielle de la seconde sur une œuvre essentielle

3. Nous pensons ici à des travaux comme ceux de M. Jean-François Marquet, Liberté
et existence . Etude sur la formation de la philosophie de Schelling, Paris, Gallimard, 1973 ; de M. Jean-
François Courtine, Schelling et l'achèvement de la métaphysique de la subjecti(vi)té, Les
Etudes philosophiques , avril-juin 1974, p. 147-170; à des traductions comme celle de la Contri-
bution à l'histoire de la philosophie moderne , trad, franç. J.-F. Marquet, Paris, puf, 1983; à celles
rassemblées sous le titre ď Œuvres métaphysiques {Recherches sur V essence de la liberté humaine
de 1809, Aphorismes de 1805-1806, Conférences de Stuttgart de 1810, Leçons d* Erlangen de 1821),
trad, franç. par J.-F. Courtine et E. Martineau, Paris, Gallimard, 1980; et nous pensons bien
sûr aussi à la publication du Schelling de Heidegger, trad, franç. J.-F. Courtine, Paris, Galli-
mard, 1977.
4. Jugement de Schelling sur la philosophie de M. Cousin..., dans la Nouvelle Revue
germanique , 3e série, oct. 1835, p. 3.
5. Voir J. Dopp, op. cit., p. 11-66.
6. Voir D. Janicaud, op. cit ., p. 95-102.
7. H. Bergson, Œuvres , Paris, puf, 1959, p. 1458.

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Ravaisson et Schelling 397

de la première. Toutefois, cette analys


prétend en rien diminuer l'importan
se mettre à l'écoute d'une pensée d'ai
sophique dominante n'y prédisposai
D. Janicaud qui écrit : « Envisager c
par les contemporains français, des g
c'est contribuer à l'histoire de la récep
hégéliennes en France, domaine tro
connaissance doit, par contraste, perm
vraiment originaux de Ravaisson. On
Ravaisson sans connaître la trame cult
il a tissé ses motifs propres. »8 C'est
Ravaisson qui va nous occuper ici. Q
matière à explorer, c'est ce que, dans l
venons de citer, M. Janicaud encore un
recherche consisterait à analyser tou
échos de sa pensée dans la masse des tex
Ravaisson". »9 Dans le présent travai
préambule historique, à l'analyse des
semble des textes édités. L'examen des manuscrits suivra. Nul doute
que ce dernier volet de notre enquête sera aussi le plus stimulant. Comme
M. Janicaud nous le confiait récemment, il reste, pour l'analyse de ces
documents (conservés pour la plupart au Cabinet des manuscrits de la
Bibliothèque nationale), beaucoup d'incertitudes quant à l'ampleur
des découvertes à faire. Qu'il nous soit donc pardonné de différer quelque
peu ce moment de notre investigation, et de nous contenter ici de l'ouvrir
par une mise en place de tous les éléments qui sont aujourd'hui accessibles
aux lecteurs de langue française.

I - Chronique du rapport de Ravaisson à Schelling**

La formation universitaire de Ravaisson a été marquée par trois


personnages : V. Cousin, l'historien J. Michelet et H. Poret. Ce dernier,
surtout, convaincu qu'il était « utile de familiariser la France avec la
philosophie allemande »n, parce que convaincu du caractère supérieure-
ment « scientifique » de cette philosophie, orienta Ravaisson vers les
travaux des historiens et des philologues allemands sur Aristote. Nous
allons y revenir. Il n'y a toutefois pas lieu de penser que Ravaisson ait

8. D. Janicaud, Victor Cousin et Ravaisson, lecteurs de Hegel et Schelling, Les Htudes


philosophiques , oct.-déc. 1984, p. 451.
9. Ibid., p. 464.
10. Sur cette question, voir surtout J. Dopp, op. cit., p. 127-15 1.
il. A. -H. Matthiae, Manuel de Philosophie , trad, franç. H. Poret, Paris, Ladrange, 1837,
p. xix-xx.

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398 Daniel Pants

pu suivre en Allemagne u
Schelling que celui de n'i
compte de l'Académie des
vaux de Ravaisson , a en e
diant, aurait « poussé jusq
Comme le remarque J. D
de la plus haute invraise
l'intéressé, qui tenait po
matière de philosophie
de Schelling au milieu des
signalé au moins une fo
mystère, bien au contrair
cette même décennie.
Il n'en reste pas moins vrai que Schelling, d'une certaine manière,
est présent dans le premier travail que rédige Ravaisson : le mémoire
intitulé De la Métaphysique ďAristote (1834). Pour ce travail, en effet,
Ravaisson a utilisé le Manuel ď histoire de la philosophie de Rixner. Or, la
représentation qu'a celui-ci de l'histoire de la philosophie est celle d'un
dégagement progressif d'opinions diverses dont le point de conver-
gence est « la doctrine sublime que Schelling a formulée avec le plus
de bonheur» - telle est la thèse centrale de ce manuel, affirme J. Dopp13.
La philosophie de Schelling y est évoquée comme « la science absolue
qui se comprend elle-même » ; et l'œuvre de Hegel, en revanche, y est
considérée comme un simple prolongement de la pensée maîtresse de
Schelling 1 Autre ouvrage utilisé par Ravaisson : un manuel composé
par Tennemann, complété par Wendt (un ami de Schelling) et adapté
en français par Cousin. La présentation que Wendt y donne de la pensée
schellingienne est définie par J. Dopp comme « le lieu où Ravaisson a fait
pour la première fois connaissance avec Schelling »u. En fait, M. Dopp
suppose que Ravaisson n'a pas lu lui-même les grands textes schellingiens
disponibles à cette époque (mais pas encore traduits en français) : le
Systeme de /' idéalisme transcendantal> les Conférences sur la méthode des études
académiques , la Darstellung meines Systems der Philosophie . C'est l'absence
de référence à ces textes qui incline M. Dopp à penser que Ravaisson
ne connaît l'œuvre de Schelling que de seconde main. Argument invalidé
par M. Janicaud16, selon qui Ravaisson peut très bien avoir consulté
ces textes sans avoir souhaité en faire étalage, soucieux de s'en inspirer
et non de s'abriter derrière eux. Quoi qu'il en soit, une chose est sûre :
les manuels de Rixner et de Tennemann ont été déterminants pour
Yintroduction de Ravaisson à la philosophie de l'identité. Et même si

12. J. Dopp, op. cit. 9 p. 4, n. 3.


13. Ibid., p. 74.
14. Ibid., p. 76.
15. D. Janicaud, art. cité, p. 461.

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Ravaisson et Schelling 599

Ravaisson a lu personnellement - ch
lofons de Hegel sur V histoire de la philos
maticité de cet ouvrage. Un exemple :
le monde platonicien comme monde de
jusqu'à l'unité suprême qui est la commu
la pensée platonicienne est ainsi qualif
la pensée aristotélicienne étant le mo
science » devant constituer le lieu où
« On voit, commente J. Dopp, que ces
par la doctrine hégélienne de la dialec
réflexions de Ravaisson est de rester fidèle à l'idéalisme transcendantal
de Schelling : il conserve la doctrine des moments du développement
absolu, mais s'attache surtout au caractère esthétique de la dialectique
platonicienne, suivant en ceci le manuel de Rixner et, par son intermé-
diaire, YIdéalisme transcendantal et le Bruno de Schelling. Le point de vue
est secrètement anti-hégélien, »16
Mais il est encore une autre série de matériaux utilisés par Ravaisson
et où Schelling est discrètement présent : ce sont les recherches érudites
d'un Brandis ou d'un Trendelenburg. Brandis, en effet, a été marqué
par la pensée schellingienne et Trendelenburg s'est opposé nettement à
l'interprétation hégélienne de l'aristotélisme. D'une façon générale,
comme le souligne M. Pierre Aubenque dans une récente étude17, Ravais-
son était remarquablement au courant de tout ce qu'avaient fait les
Allemands sur Aristote, même s'il n'a pas toujours clairement classé
ses sources en fonction des tendances diverses et parfois contradictoires
qu'elles constituaient - et même si, en dernière instance, un « véritable
parti pris »18 d'anti-hégélianisme et une influence quelque peu subreptice
de Schelling ont orienté son mémoire de 1834. Cela dit, Ravaisson, dans
ce mémoire, ne s'étend pas sur le système schellingien, observant qu'il
n'est pas encore formulé entièrement ni surtout achevé. Par cette réserve,
Ravaisson évitait habilement les critiques de Schelling lui-même, dont
le caractère ombrageux supportait mal les gloses, jugées sans doute trop
insignifiantes, que l'on faisait un peu partout de son œuvre.
Nul doute que, toutes ces conditions étant réunies, le travail du jeune
Ravaisson ait pu trouver grâce aux yeux de Schelling. Celui-ci, en effet,
reçut le rapport de V. Cousin sur les mémoires mis au concours par l'Aca-
démie des sciences morales et politiques, et il prit la peine de communiquer
à Cousin ses réactions vis-à-vis de ce qu'il avait pu lire. On sait, par

16. J. Dopp, op . cit., p. 87. C'est nous qui soulignons.


17. P. Aubenque, Ravaisson interprète d Aristote, Les Etudes philosophiques , oct.-déc. 1984,
p. 437 : « Sur la composition de la Métaphysique et les circonstances complexes de sa publica
tion, il [Ravaisson] est à la hauteur des travaux les plus récents de la philologie - en l'occur-
rence, allemande - de l'époque; il apporte même sur quelques points des conclusions nou-
velles et, pour certaines d'entre elles, définitives. »
18. Voir J. Dopp, op . r/7., p. 117.

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400 Daniel Pañis

ailleurs, que le mémo


de Karl Ludwig Miche
que Schelling désapp
interprétations aux
plus significatifs de
philosophie a de nou
sont déjà tout prêts d
Ravaisson] ira plus l
[Schelling désigne Mi
le cercle étroit des i
vaille. »20 Trois ans
désapprobation de l'at
les aristotélisants -
choix scandaleux.
Dès cet instant va s'installer entre Schelling et Ravaisson une certaine
complicité qui ne se démentira pas. Probablement, en 1834, l'enjeu
concret de cette alliance est-il, pour Schelling, de marquer un point
contre l'hégélianisme. Signalons encore quelques passages relevés par
Jean Beaufret concernant ce débat. Du point de vue de Schelling, « Hegel
aristotélise si platement, écrit J. Beaufret21, qu'on peut dire de lui qu'il
n'est même "qu'un épisode" dans l'histoire de la philosophie négative
(Schelling, Contribution à l'histoire de la philosophie moderne , trad, franç.
J.-F. Marquet, Paris, puf, 1983, p. 147). Car le véritable Aristote alle-
mand, ce n'est pas lui, c'est Kant ( Philosophie de la Révélation - 6e leçon;
SW, t. Xm, p. 106). Au contraire, dit Schelling, un Français "auquel
nous devons des travaux méritoires sur Aristote" est sur la bonne voie.
L'allusion à Ravaisson est claire. Il le cite d'ailleurs nommément dans
la 14e leçon de Y Introduction à la philosophie de la mythologie (S IF, t. XI,
p. 328; trad, franç., t. H, p. 87) ». Quels que soient les motifs tactiques
qui ont rapproché Schelling de Ravaisson par opposition à Hegel, il
semble aussi que Ravaisson ait commencé dès cet instant à se démarquer
de Cousin et de son éclectisme, en s'inscrivant sans ambiguïté dans une
tendance précise de l'idéalisme allemand.
Cousin, de son côté, ne cessait de se distancier de la philosophie
allemande, de Schelling en particulier, car il se voyait dans la nécessité
de marquer l'indépendance de sa pensée en une France qui lui reprochait
trop d'emprunts à l'étranger. Il exprima cette distance dans la seconde
préface (1833) de ses Fragments philosophiques ; cette préface fut traduite

19. Sur l'inspiration hégélienne du travail de Michelet, voir Daniel Giovannangeli,


L'interprétation de la Métaphysique par K. L. Michelet, dans Aristotelica. Mélanges offerts à
Marcel De Corte, Bruxelles, Editions Ousia, 1985.
20. J. Barthélemy Saint-Hilaire, M. Victor Cousin . Sa vie et sa correspondance , Paris, Hachette-
Alcan, 1895, t. Illj p. 94.
21. Jean Beaufret, Notes sur la philosophie en France au XIXe siede , Paris, Vrin, 1984,
p. 24-25.

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Ravaisson et Schelling 401

et publiée en allemand, elle-même pré


cette préface de Schelling constituai
ouverte à l'égard de Cousin; celui-ci,
philosophique en Allemagne, se décl
paru; il semble même qu'il fit tout c
soit traduit et publié en français ; le tr
son... Ce qu'il signale lui-même à Sch
26 juin 1835. C'est ainsi que, en octobr
nique publie le Jugement de Schelling sur
F état de la philosophie française et de la p
une note introductive de Ravaisson. Deuxième manifestation d'atta-
chement de Ravaisson à la pensée schellingienne. C'est dans cette note
du traducteur que Ravaisson qualifie Schelling de « puissant et infati-
gable génie », et surtout de « plus grand philosophe de notre siècle ».
Quant à Cousin, il n'est même pas nommé. En revanche, le jugement
(plutôt sévère) porté par Schelling sur la philosophie française mérite,
dit Ravaisson, « une attention particulière ». Les réflexions qu'il formule
sur l'avenir de la philosophie et sur la « nouvelle période » où elle doit
subir sa « dernière évolution » sont, ajoute l'exégète français, d'un intérêt
« plus élevé encore ». Autant dire que cette dernière évolution qu'évoque
Ravaisson n'est pas l'électisme cousinien. Propos téméraires tenus par
le jeune Ravaisson, encore étudiant dans une Université où Cousin
continue de régner en maître. Point de départ, sans doute, de la distance
qui s'établit entre le professeur et celui qu'il considérait comme l'un
de ses meilleurs éléments.
Dans sa note introductive, Ravaisson fait aussi allusion aux leçons
de Schelling sur la mythologie : d'une part, il évoque des « extraits »
de ces leçons ainsi que des ouvrages qui en ont parlé22; d'autre part,
il annonce dans un ajout de dernière minute la parution en allemand
de la Philosophie de la mythologie . Schelling semble avoir souhaité que ce
livre, précisément, soit traduit de nouveau par Ravaisson; on sait que
cette attente ne fut pas satisfaite23. Pour quelle raison ? Sur ce point
continue de régner une certaine obscurité. Cousin restant, à cette date, un
intermédiaire entre Schelling et Ravaisson, « on peut croire, écrit M. Dopp,
qu'il s'agit d'une manœuvre de Cousin, à cette époque moins favorable
à Schelling, et jaloux du succès de ses idées auprès de Ravaisson »u.
Si Ravaisson a renoncé à traduire un texte aussi long (comparé à l'article
de 1835) que la Philosophie der Mythologie , ce serait plutôt, pour M. Jani-

22. Su r les informations que Ravaisson a pu tirer, à propos de ces leçons, des travaux
de Stahl, de Sengler et aussi de Kolloff, voir J. Dopp, op. cit., p. 132-142.
23. Voir la lettre de Schelling à Cousin, datée du 28 octobre 1838, dans Plitt, Aus Schei -
lings Leben. In Briefen , t. III, Leipzig, 1870, p. 142 : « Vous m'aviez fait espérer que M. Ravais-
son pourrait se charger de la traduction de mon premier ouvrage. D'après ce que m'en dit
M. Dubois, il n'y a plus lieu d'y penser. »
24. Voir J. Dopp, op. cit., p. 132, n. 15.

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402 Daniel Pañis

caud25, parce que « s


Sans devoir nous pro
pouvons peut-être p
encore : la volonté
traduction d'un arti
volonté se réalisa conc
sur Aristote et donna
de V Essai sur la Métap
nous avons pourtant
pour autant désavoué
qu'il répondit à l'envo
citations à son auteur2
Sans doute Schelling
rapport à une tradu
manière en France les
donc que cette Real-P
jamais, semble-t-il, dé
en elles-mêmes (res)
de l'existence et de la c
dans l'essence même
philosophie comme sc
Y essence : voilà des fo

25. Voir D. Janicaud, op. c


26. Voir la lettre de Schell
Schuhl dans la Revue de Méta
tance des éléments que cett
passages les plus significati
lui avait déjà fait le mémoi
talents philosophiques comm
même que nous nous rencont
partie de la phrase, parce qu'
ling lui-même, de la fameuse
réserve concernant le rappor
le plus grand cas ď Aristote
savoir, c'est cependant pour
je suis bien loin de le blâme
contraire sa retenue à cet ég
mélange du négatif avec le p
Métaphysique des siècles po
suis expliqué là-dessus dans
à devoir, comme il me sem
philosophie allemande, parm
vous autres, vous allez occup
de Cousin et des preuves d'a
vient de m'en donner une n
ouvrage à publier, j'en suis o
les premières feuilles, qui s
affaire de traduction et sur
- ingénuité de Schelling ! -
27. Jugement de Schellin
Ravaisson qui souligne.

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Ravaisson et Schelling 405

ceux que Pon retrouvera dans quelqu


courant qui, en Allemagne, surgira sous
des années 1900, à l'époque, justement,
Serait-ce là un des éléments qui permet
penseur comme Heidegger a pu avoir,
« estime spéciale » pour Ravaisson ? Ce
d'expliquer en quoi l'approfondissem
logique peut tirer le plus grand profit
pensée de Ravaisson - ce qui veut dir
Schelling.
1837 : le premier volume de V Essai sur la Métaphysique d'Aristote voit
le jour. Schelling n'y est point cité. Comme nous l'avons déjà dit, le
philosophe allemand ne ménage pourtant pas ses éloges à Ravaisson :
c'est que, d'une certaine manière, il s'y retrouve. Comme l'écrit J. Dopp,
« c'est toujours bien la doctrine de l'Identité de Schelling qui constitue,
pour l'Essai, la synthèse métaphysique définitive. C'est elle qui donne sa
structure à l'ouvrage. »29 Pour la troisième fois, Ravaisson ne déçoit point
Schelling.
Début de l'année 1839, c'est moment où Ravaisson soutient ses
thèses : De l'habitude et Speusippi de primis rerum placita qualia fuisse videan-
tur ex Aristotele . De nouveau, envoi à Schelling, et réponse de celui-ci,
en date du 4 juin 1839. Voici la substance de cette lettre : Schelling
présume que la méthode « progressive ou ascendante » qui est à l'œuvre
dans l'analyse de l'habitude contribue à ce qu'il y ait entre lui et Ravaisson
un accord « sur les points essentiels de la philosophie »80. Peu importe,
donc, qu'il n'y ait pas accord complet sur des points d'interprétation de
l'histoire de la pensée (la position d'Aristote par exemple). L'essentiel,
c'est la méthode , le chemin emprunté par l'interrogation métaphysique.
Tout concorde donc pour que Schelling reçoive avec bienveillance
le philosophe français, qui fit le voyage de Munich en novembre 1839.
A cette époque, Ravaisson a déjà renoncé à occuper une chaire univer-

28. Voir J. Beaufret, Notes sur la philosophie en France..., op. cit., p. 18 : « Heidegger a une
estime spéciale pour Ravaisson. » A notre connaissance, J. Beaufret n'a nulle part développé
les motifs de cette estime, et il n'y a, dans les textes de Heidegger publiés jusqu'à ce jour,
aucune référence expresse à Ravaisson (alors qu'il y en a à Bergson).
29. J. Dopp, op. cit., p. 216.
30. Voir la Revue de Métaphysique et de Morale, 1932, p. 505-506. Le passage central de
cette lettre de Schelling : « Les marques de confiance que vous m'y témoignez prouvent le
haut intérêt que vous ne cessez d'attacher à la philosophie et ne voulant pas retarder plus
longtemps ma réponse, je vous dirai que je n'ai pas encore pu lire les deux opuscules que
vous avez bien voulu m'envoyer, celui sur les principes de Speusippe, et l'autre sur la nature
de l'habitude, sujets très intéressants sous plus d'un point de vue, mais je sais d'avance que je
n'aurai qu'à me louer surtout de la méthode progressive ou ascendante que vous paraissez
avoir employée dans le dernier, et dont vous connaissez parfaitement tous les ressorts et la
portée; je prévois qu'un jour nous serons d'accord sur les points essentiels de la philosophie,
et je vous prie d'en conclure que je verrai toujours avec le plus grand intérêt tout ce que vous
voudrez bien me communiquer. » Schelling achève sa lettre à Ravaisson en lui déclarant son
« amitié sincère » et son « estime tout à fait particulière ».

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404 Daniel Pañis

sitaire, barré, dit-on


senti son propre pres
Schelling. Malgré to
professeur, celles d'i
26 ans31. En 1839, S
carrière. La rencontre entre les deux hommes semble animée d'une
réelle volonté de dialogue philosophique. C'est ce qui ressort d'une lettre
que Ravaisson adresse, le 27 novembre 1839, Peu de temps avant son
retour à Paris, à son ancien professeur H. Poret. En voici l'extrait qui
concerne directement Schelling : « J'ai beaucoup vu Schelling, et il m'a
mis lui-même, autant qu'il a pu, au courant de ses nouvelles idées qui
feront sans doute dans cette philosophie une nouvelle et peut-être
féconde époque. Malheureusement ma connaissance trop imparfaite de
l'allemand ne lui a pas permis de me lire, comme il en avait l'intention,
la première partie d'un livre qu'il se décide enfin à publier. »32 Si Ravais-
son a beaucoup vu Schelling, c'est que celui-ci n'a pas ménagé son temps
pour s'entretenir avec lui. D'autre part, Schelling semble avoir joué,
dans ces conversations, un rôle actif, soucieux de communiquer à son
interlocuteur français les derniers états de sa réflexion. La Philosophie
de la mythologie doit paraître : Schelling voudrait en offrir la primeur à
Ravaisson. Bref, le philosophe allemand, qui connaît déjà la force de
pensée et l'extraordinaire précocité de son visiteur, sait probablement
qu'il peut faire de celui-ci, certes pas un disciple au sens étroit du terme,
mais un porte-parole original et créateur.
Il est une seconde lettre que Ravaisson a écrite de Munich et où il
évoque la rencontre avec Schelling : c'est la lettre à Edgard Quinet,
lequel était, à cette époque, professeur à la Faculté des lettres de Lyon.
Cette lettre, datée du 23 novembre 1839, présente un contenu philoso-
phique plus riche que celle adressée à H. Poret. L'opposition entre la
pensée schellingienne et la pensée hégélienne en constitue le principal
ressort. Ce qui y est aussi remarquable, c'est l'idée qu'exprime Ravaisson
selon laquelle la philosophie positive pourrait faire époque davantage
en France - « terre vierge » - qu'en Allemagne. Encore une fois, tout
semble s'être passé comme si Ravaisson s'était senti chargé tacitement par
Schelling de « réaliser la promesse » contenue dans l'idée de philoso-
phie positive33. Ravaisson : un jeune penseur que Schelling aperçoit

31. Treize ans plus tard, Ravaisson sera nommé inspecteur général de l'enseignement
supérieur, fonction qu'il cumulera, dès 1863, avec celle de président du jury de l'agrégation
de philosophie. On ne peut donc pas dire que le pouvoir officiel de Ravaisson dans le monde
philosophique ait été parfaitement limité par Cousin.
32. Cité dans J. Dopp, op. cit., p. 292.
33. Voir la Revue philosophique , 1952, p. 455-456. Extrait concernant Schelling : « Vous
savez déjà comment et pourquoi je suis à Munich, et non pas, selon mon premier projet, à
Heidelberg. J'ai préféré la plus grande ville, et aussi la plus philosophe, et je suis loin de me
repentir de ma résolution. J'ai trouvé ici Schelling, dans toute la force et la jeunesse de son
grand esprit, et j'ai pu étudier de près cette phase nouvelle et vraiment importante de la philo-

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Ravaisson et Schelling 405

comme providentiel pour la diffusio


Ce qui nous autorise à formuler ce ju
personnelles entre Schelling et Rava
rencontre le nom du philosophe allem
dans les écrits du penseur parisien,
C'est une partie de ces allusions à Sche
relever dans quelques textes édités. Nou
ment axées autour de trois thèmes : la
du cousinisme); la définition de l'art c
enfin et surtout, la prééminence de la
de la métaphysique.

Il - Références de Ravaisson à Schellin

a / « Philosophie contemporaine »

En novembre 1840, un an exactemen


ling, Ravaisson publie un article intitu
Schelling y est cité à différentes re
article, prendre position dans un dé
et Schelling. Or, si Schelling avait a

sophie allemande, dont il va être Fauteur. Non,


sort aujourd'hui de ce nuage scholastique, il reno
stérile bouffissure de toute cette logique, et il a dé
d'une philosophie libre et substantielle et, comme i
et lui aussi, une conformité singulière entre cet
entrevoir et dont j'ai essayé de donner quelque éb
philosophie positive sous un jour d'espérance. Ma
fut-elle pas destinée, ici du moins, et dans la dir
nouvelle époque scientifique, elle aura du moins
maillot d'abstractions où on l'a garrotté, de tire
peut-être en France, en terre vierge que nous pour
qui se découvre. - Du reste la guerre entre Sche
violente et passionnée. »
34. Sans doute pourrait-on trouver, entre Sch
de vue sur le plan philosophique. Ainsi J. Dopp f
de la pensée ravaissonienne serait plutôt d'écarte
schellingienne mettrait davantage en relief un pri
aurait chez Schelling comme un arrière-fond de pe
à la foi ravaissonnienne (qui confine à l'angélism
politique et le règlement des conflits sociaux). M
dénie à la pensée de Ravaisson la tension spéculat
ling. Bien sûr, Ravaisson évoque sans la rejeter l
Dieu un principe de différence et de discorde »
Une généalogie..., op. cit.y p. 262). Mais l'expérie
culminer dans la contemplation esthétique et ell
« les vertiges schellingiens devant le mystère abso
Ravaisson, lecteurs de Hegel et Schelling, art. cité,
auteurs, de véritable affrontement de thèses : c
varient de l'un à l'autre.

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4o6 Daniel Pants

semblait à présent plu


logie . Tout s'est don
suppléé dans la discu
Analysons maintena
raît le nom de Schel
L'étude sur « Philoso
cation en français des
commence par définir
sion de l'école écossaise
nalisme métaphysiqu
que Ravaisson entend
français comme du p
manque cependant p
lui-même - entre la p
Et il ne se fera pas f
avait traduit cinq an
sur la philosophie de
se passe comme si Rav
la position schellingi
la philosophie de l'id

35. Voir F. Ravaisson, Métap


ton, (...), est un disciple fidè
dans les écrits de Reid, et il e
déguisé de Brown, contre l
rationalisme de M. Cousin
36. Ibid., p. 9 : « ... M. Ham
de M. Cousin à donner la
trouver le premier et abso
l'intelligence. » Ravaisson r
par la relation où s'unissent
37. Ibid. y p. 10 : « Peut-êtr
présentés d'ailleurs avec tan
ling, soit contre celle de M
revient à dire que la scien
nature de toute science, et
nature de l'absolu, tel que le
sance implique toujours que
être qu'il y a moyen de don
tions apparentes, et de les un
38. M, p. 9 : « M. Hamilton
M. Schelling, et il soutient
le principe absolu des chose
division dont la connaissanc
39. Ibid. y p. 1 3 : « Son syst
les vues élevées y abondent
sa doctrine sur la nature de
liaison interne, n'excèdent
de semblable aux théories q
Telle est du moins l'opinion
ment... » dans laquelle Schel
une « science des choses en elles-mêmes ».

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Ravaisson et Schelling 407

sous la coupe des principes de la ph


pourtant, à l'intérieur de l'idéalisme
ajoute Ravaisson, « une philosophie plu
anciennes théories », une philosophie q
des phénomènes, non seulement les
mais le principe absolu de toute existe
de Fichte, dit Ravaisson, « ce fut surt
première forme, la Philosophie de la n
détour pour laisser entendre que c'est
sente à ses yeux l'avancée philosophique
moitié du xixe siècle. Et presque à la
souhaitable convergence entre la pensé
Mais il le fait juste après avoir décla
l'action, dans la personnalité, dans la l
future »42. La pensée allemande ave
dialogue est donc une métaphysique
l'action, par la personnalité et enfin -
dominant les deux autres - par la lib
presque au terme d'un rapport sur la p
Ravaisson signale« les derniers systèm
le grand mouvement de rénovation qu
par l'achèvement duquel Schelling a
dont la liberté absolue du vouloir, par
Hegel, forme à la fois la base et le couron

b I « La philosophie en France au xixe

En 1867, à l'occasion de l'Exposit


chargé, par le ministre de l'Instruct
rapport sur l'état de la philosophie fra
voir qu'il ne s'y contente pas de parler
Schelling, et qu'il clôture son bilan
évoquent davantage la pensée du deuxi
moment-là, Ravaisson a 54 ans, et n

40. Ibid. y p. 8 : « La doctrine de M. Schellin


fallait démontrer; elle lui apparut enfin comme
science, il manquait la méthode. »
41. Ibid.. p. 8.
42. Ibid., p. 26 : « Aujourd'hui enfin, après avo
ralisme et d'idéalisme abstrait, la philosophie al
ce point de vue de la réalité vivante et de l'énergie
dans la personnalité, dans la liberté, la base de l
magne, par des voies si diverses, se rencontrent
de s'unir, j'oserais dire de cœur et d'âme, avec la
43. F. Ravaisson, La philosophie en France au XIX
C'est nous qui soulignons.

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4o8 Daniel Pants

entrons alors dans la


l'admiration vouée par
égale à celle que lui v
poursuivra jusqu'à la f
Première mention d
Ravaisson examine la
de Cousin qu' « après
par lesquelles il avai
Hegel, à une sorte de
fini par déconseiller p
où l'on traite de l'ex
régulier de raisonnem
de la géométrie »**. L
allemand et sa critiq
Rapporteur de 1867. M
nienne avait fini par
d'introduction à cette
idées, généralités se r
vait, avec des expres
blent empruntées à la
de voir de Reid et de
moment où Ravaisso
évoque une « remarq
parfaitement dans la l
Ravaisson-Schelling c
Deuxième mention
l'esthétique. Ravaisson
« admire les grandes v
dère comme les fonda
mule fondamentale d
c'est « l'amour qui est
son d'en appeler ici à
plus tard dans deux au
Ravaisson : « Après qu
tère, qui leur imprim
tout aussi bien de la
un pas de plus : il leur
qu'elles semblent aim
qu'un, que le second
une âme, par quoi el
aiment »47. Cette idé

44. Ibid., p. 32.


45. Ibid., p. 32-33.
46. Ibid., p. 246.
47. Ibid., p. 246.

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Ravaisson et Schelling 4°9

cœur de la méditation ravaissonienn


Nous n'en donnerons pour preuve que
idée, dans des textes qui sont largeme
On sait combien la Vénus de Milo a f
son. Dans un écrit qu'il lui consacre en
il réfléchit sur la représentation qu
Vénus, représentation où c'est l'amour
beauté. Ravaisson ajoute : « C'était, au
vulgaire, qui faisait naître l'amour
figuré de la poésie que la beauté suprê
fication, devait son origine à l'amou
sentence d'un penseur moderne (Schel
celles où il semble que tout aime".
Tout à la fin de sa vie, dans une not
Ravaisson évoque la thèse pascalienn
caractérisé par le fait que « tout y con
à l'ensemble ». Et c'est là, dit encore u
ling a dû vouloir faire entendre quand
celles où l'organisation est la plus p
semble aimer »49. Extraordinaire fi
avait déjà découverte et développée
Et c'est peut-être sur ce terrain de l'œ
fine du philosophe français a été le pl
gienne (même si, en cette pensée, c
paraît métaphysiquement la plus pré
A la période du « second Ravaisso
relativement importants, dans lesquel
s'agit de l'article sur « La philosophie d
« Métaphysique et morale » (1893). D
l'ambition de couvrir plus spécialemen
il nous a paru utile de le faire observe
Cela ne signifie pourtant pas que le
Schelling. Nous allons voir que celui
germanique qui a inspiré Ravaisson jus

c I « Testament philosophique et fra

Xavier Léon, qui le premier publia


physique et de Morale , après la mo
presque entière composition dans le
si nous avons ici le tout dernier état d
A la vérité, deux références à Sche

48. F. Ravaisson, L'art et les my sûres grecs, P


49. F. Ravaisson, Testament philosophique et fra

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4IO Daniel Pañis

de la première import
que celui-ci attribue a
viduelle qui les amène
la détermination sch
étant le christianisme
Mais il est un passage
la métaphysique ici en
contente pas d'ombres
habituelle chez Ravai
depuis Platon. Et Rav
sensibilité,demandait
qui existe, c'est-à-dir
pense, se touche dan
troublant glissement
probablement la form
légiée que Ravaisson
par ailleurs que la for
sément celle qui s'est t
Recherches sur l'essence

d I Quelques fragmen

Dans Une généalogie


quelques fragments
tout à la fin de sa vie,
quelquefois le nom de
pas toutes capitales, n
bler ici, comme nous
dans tous les inédits.
Première allusion : «
Dans une belle chose, a
Nous retrouvons ici, c
de Ravaisson à Schellin
La deuxième allusion
comporte une légère
point de vue schellin
Dieux, dit Schelling, m
des génie s ^ des fies ,
base du premier ? (...)

50. Ibid. y p. 115.


51. Ibid. y p. 163.
52. Ibid., p. 60.
53. Ibid., p. 60.
54. D. Janicaud, op. cit., p

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Rapatsson et Schelling 411

races inférieures à la supérieure. »55


la thèse d'une sorte de maturation de
finalement la race supérieure.
Une autre allusion à Schelling conce
qu'ils furent aussi un grand sujet de pr
çais attentif à bien des formes d'exp
Sur ce point, Ravaisson semble avoir
mand. Voici l'extrait : « Le Culte est d'
d'abord dans l'obscurité de la conscie
prononcés, séparés, alors la religion no
exotérique (Schelling, II, 643). Ailleurs
l'ancien Dieu, repoussé dans l'ombre
d'un culte mystérieux. »56 Ici, Ravai
généralité de cette interprétation, met
publiquement, ceux d'Eleusis. Mais en f
ling dans l'étude des Mystères est co
plus, les Mystères publiquement aut
ment, comme Schelling l'a dit, et le Di
et le Dieu nouveau , celui dont la venue
Il est une allusion où joue à plein, p
métaphysique (schellingienne; ravai
« C'est le secret de esse est percipi chos
Le Sujet s'écarte, s'aventure, revient va
tère relativement décousu de cet extra
tation hasardeuse.
Dernière évocation de Schelling dans ces fragments, à propos de la
notion de « positif ». Qu'est-ce que la philosophie positive ? Pour répondre
à cette question, on pourrait renvoyer à cette confidence de Ravaisson :
« La meilleure philosophie, disait un jour Schelling à l'auteur de la
présente étude, est celle qui explique le plus de faits. »69
Toutes ces allusions sont d'importance inégale. Mais elles prouvent
à tout le moins que Ravaisson a beaucoup lu Schelling, comme en témoigne
le fait que sa bibliothèque personnelle contenait les volumes IV à VI,
VU! à XIV des œuvres du penseur allemand.
Il importe cependant de redire combien la connivence de pensée entre
Ravaisson et Schelling a surtout constitué pour le premier la possibilité
d'un essor absolument original dans la philosophie de son pays. Plus
parlante que toute référence nominale au philosophe allemand, il est
une page de Ravaisson où perce le souci de rendre hommage à la pensée
française et où en même temps se lit la frappe de la pensée schellingienne

55. Ibid., p. 258-259.


56. Ibid.. p. 259.
57. Ibid., p. 259.
58. Ibid., p. 264.
59. Ibid., p. 266.

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412 Daniel Pañis

de la liberté. Cette pa
- nous sommes à la co
du xixe siècle - d'une
seconde moitié du xix
gation métaphysique
Ravaisson, rien de p
systèmes qui réduisen
aveugle la haute doctr
degré et comme l'om
toute autre n'est qu'
réalité, être, c'est viv
fait, en dernière anal
expliquent seuls l'univ
dont la nature ne nou
liberté spirituelle; que
sous les désordres et
passent les phénomèn
tout est grâce, amour

III - Quelques éléments

Depuis la parution
généalogie.,, , ouvrag
matière d'études rava
jour ont été faites, d
gnage d'un regain d'in
de Boutroux, de Lach
ici le point sur ces no
pensables à toute rech

a J Textes de Ravaisso

La philosophie en Fra
- Testament philosoph
De /' habitude (1838).
1984.
L'art et les mystères grecs y Introduction de D. Janicaud (« Ravaisson et le
langage du visible »), Paris, Editions de L'Herne, 1985. (Contient :
Léonard de Vinci et l'enseignement du dessin, 1854; La Vénus de
Milo, 1892; Monuments grecs relatifs à Achille, 1895 ; Les mystères.
Fragment d'une étude sur l'histoire des religions, 1892; Les monu-

60. F. Ravaisson, La philosophie en France..., op. cit., p. 282-283. C'est nous qui soulignons.

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Ravaisson et Schelling 413

ments funéraires des Grecs, 1880; Le


bas-reliefs funéraires grecs en généra
Métaphysique et morale , Préface de J.
1986. (Contient : Philosophie conte
de Pascal, 1887; Métaphysique et m

h / 'Etudes sur Ravaisson

Numéro spécial « Félix Ravaisson », Le


Contient :

Henri Gouhier, Liminaire, p. 433-434.


Pierre Aubenque, Ravaisson interprète d'Aristote, p. 435-450.
Dominique Janicaud, Victor Cousin et Ravaisson, lecteurs de Hegel
et Schelling, p. 451-466.
Claude Bruaire, La médiation de l'habitude, p. 467-479.
Simone Goyard-Fabre, Ravaisson et les historiens du xixe siècle,
p. 481-495-
Jean Cazeneuve, La philosophie médicale de Ravaisson, p. 497-500.
Alexandre J.-L. Delamarre, L'esthétique de Ravaisson, p. 501-510.
Denise Leduc-Fayette, La métaphysique de Ravaisson et le Christ,
p. 511-527.
Voir aussi :

Jean Beaufret, Ravaisson (1813-1900), dans Notes sur la philosophie en


France au XIXe siècle . De Maine de Biran à Bergson , Paris, Vrin, 1984,
p. 17-28.
Daniel Panis.

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