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ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES

PÔLE EMPLOI
À L’ÉPREUVE DU
CHÔMAGE DE MASSE

Rapport public thématique

Synthèse

Septembre 2015
g AVERTISSEMENT
Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du
rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
SOMMAIRE

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5

1 Des résultats contrastés, des coûts croissants . . . . . . . . . . . . . . . .7

2 Une mission d’intermédiaire entre offre et demande d’emploi qui


n’est plus prioritaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .11

3 Des difficultés opérationnelles persistantes . . . . . . . . . . . . . . . . .15

Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1 9

Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes


Orientations et recommandations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .21

3
INTRODUCTION

Créé en 2008 par la fusion entre l’agence nationale pour l’emploi (ANPE) et le
réseau des Assédic, Pôle emploi est aujourd’hui le plus gros opérateur de l’État,
avec 53 000 agents, un millier d’agences, 32 Md€ d’allocations et d’aides versées
et 5 Md€ de budget. Financé par l’État (30 %) et l’Unédic (70 %), ses moyens ont
augmenté de 630 M€ entre 2009 et 2014. Depuis 2012, 4 000 embauches sup-
plémentaires de conseillers en CDI ont été autorisées.

Les services rendus par Pôle emploi, principal opérateur du service public de
l’emploi, sont un enjeu essentiel au regard du niveau de chômage actuel. À cet
égard, Pôle emploi a dû relever deux défis majeurs au cours de la période
récente :

- La fusion entre l’ANPE et le réseau des Assédic a nécessité des évolutions d’or-
ganisation de grande ampleur, dont notamment le regroupement des services
dans des agences communes et la mise en place d’un nouveau statut pour le

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personnel. Cette fusion peut aujourd’hui être considérée comme acquise, même
si les résultats qui étaient attendus n’ont pas tous été atteints, notamment
l’exercice d’un « métier unique » qui consistait à confier à un même conseiller la
mission d’indemnisation issue des Assédic et la mission de placement issue de
l’ANPE, et qui a été, à juste titre, rapidement abandonné.

- Pôle emploi a dû également faire face à des évolutions importantes du


marché du travail. Le nombre de demandeurs d’emploi a augmenté de plus de
58 % depuis janvier 2009 pour atteindre 6,2 millions en janvier 2015 (toutes
catégories confondues, y compris les demandeurs d’emploi en formation ou en
contrat aidé). Sur la même période, la proportion des chômeurs inscrits depuis
plus d’un an est passée de 30,3 % à 43,3 %. Par ailleurs, une part de plus en plus
importante de la population est concernée par une fréquence élevée de pas-
sages entre emploi et chômage. Enfin, Pôle emploi a vu l’émergence rapide d’un
nombre croissant d’acteurs, notamment des sites internet, offrant d’autres pos-
sibilités d’accès à des offres et demandes d’emploi.

5
Image n° 1 : évolution du chômage entre janvier 2009 et janvier 2015

Source : Cour des comptes, d’après Pôle emploi et DARES, statistiques mensuelles du marché du travail.
Données CVS-CJO en milliers, France métropolitaine.

6
1 Des résultats contrastés, des
coûts croissants

Des missions exigeantes L’opérateur exerce donc une mission


fondamentale pour le fonctionne-
En 2008, la loi a confié à Pôle emploi ment du marché du travail, qui peut
deux missions principales : être résumée par le terme d’intermé-
diation, c’est-à-dire le rapprochement
- l’indemnisation au titre de l’assu- de l’offre et de la demande d’emploi
rance chômage (calcul et versement par le biais d’un ensemble de services
des allocations chômage) ; (formations proposées aux deman-
deurs d’emploi, mise en relation des
- le retour à l’emploi des demandeurs offres d’emploi avec les demandeurs
d’emploi : à ce titre, Pôle emploi doit d’emploi, etc.).
rendre un ensemble de services aux

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entreprises et aux demandeurs d’em- La diversité des demandeurs d’emploi
ploi (collecte des offres d’emploi, aide et des entreprises appelle nécessaire-
au recrutement des employeurs, aide ment une différenciation, selon les
à la recherche d’emploi, conseils en besoins, des services et de leurs
orientation professionnelle, etc.). modalités de délivrance, mais ce rôle
d’intermédiation s’applique à l’ensem-
La loi ne se contente pas de fixer à ble des employeurs et des deman-
Pôle emploi un rôle de guichet pour deurs d’emploi : en application des
délivrer ces différents services auprès textes légaux qui définissent son
des demandeurs d’emploi et des action, Pôle emploi n’a pas vocation à
entreprises. Elle le charge de faire en limiter ses activités de service public à
sorte que ces services soient les plus des publics restreints.
efficaces possibles pour retrouver un
emploi ou pour recruter : elle place Des résultats contrastés
pour cela la connaissance concrète
des besoins des acteurs du marché du Malgré la forte montée du chômage
travail au cœur des missions de Pôle et la lourdeur des réorganisations
emploi. consécutives à la fusion de l’ANPE et
des Assédic, Pôle emploi a réussi à
En pratique, cela signifie que les réduire le délai d’inscription des
conseils et services proposés par Pôle demandeurs d’emploi. En ce qui
emploi aux demandeurs d’emploi doi- concerne leur indemnisation, l’effica-
vent reposer sur une connaissance cité s’est globalement maintenue et la
approfondie des entreprises, et réci- satisfaction des usagers est élevée.
proquement. Dans ce domaine, l’activité de Pôle
emploi est toutefois fragilisée par la

7
Des résultats contrastés, des coûts
croissants

persistance de procédures lourdes qui - le même indicateur est au demeu-


sont insuffisamment numérisées et rant nettement défavorable (- 4,3 %)
par une très grande complexité de la pour le chômage de longue durée, ce
réglementation. qui rejoint un certain nombre d’autres
constats négatifs dans ce domaine :
En ce qui concerne le retour à l’emploi augmentation de la part des deman-
des demandeurs d’emploi, les résul- deurs d’emploi inscrits depuis plus
tats sont difficiles à interpréter, car les d’un an, en particulier des jeunes et
indicateurs principaux ne permettent des séniors ; passage de 497 000 en
pas de distinguer, dans les reprises 2011 à 791 000 en 2014 du nombre
d’activité, ce qui tient à l’action de de demandeurs d’emploi de catégorie
Pôle emploi et ce qui relève d’autres A ayant une durée d’inscription cumu-
facteurs qui lui échappent, tels que la lée de plus de 21 mois au cours des 24
conjoncture économique - Pôle derniers mois.
emploi n’est responsable ni des des-
tructions, ni des créations d’emplois -, Les indicateurs concernant la satisfac-
les reprises d'activité favorisées par tion des offres d’emploi ne sont plus
les autres opérateurs du service suivis par Pôle emploi en raison d’un
public de l'emploi et les réseaux infor- changement de stratégie intervenu en
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mels ou encore la structure du mar- 2012. Pôle emploi a en effet décidé


ché du travail. Au total, les résultats d’abandonner tout objectif de collecte
apparaissent peu éclairants ou insuffi- d’offres d’emploi, au profit de l’agré-
samment probants pour évaluer la gation des offres collectées par d’au-
valeur ajoutée propre de Pôle emploi. tres acteurs, tels que certains sites
internet. Cette décision a cependant
Pôle emploi fait valoir les résultats pour effet de contribuer non seule-
d’un modèle statistique selon lequel, ment à la diminution du volume des
après neutralisation de l’effet de la offres collectées par l’opérateur, mais
conjoncture économique, les sorties également d’affaiblir les contacts
vers l’emploi durable seraient, en directs avec les employeurs, et donc la
2014, 16 % plus élevées par rapport à bonne connaissance de leurs besoins.
la période 2003-2011, ce qui marque- Deux évolutions constituent à cet
rait, selon Pôle emploi, une évolution égard des indices d’une dégradation
positive due à son action propre. du rôle d’intermédiaire de Pôle
emploi : le pourcentage des offres
Toutefois : d’emploi transmises à Pôle emploi et
non pourvues est passé de 7,3 % en
- il n’est pas possible, dans ce cas non 2008 à 16,0 % en 2013 ; le nombre de
plus, de distinguer dans ce chiffre ce demandeurs d’emploi que Pôle
qui tient spécifiquement à l’action de emploi doit recommander aux entre-
Pôle emploi de tous les autres fac- prises pour aboutir à une embauche
teurs exogènes, par exemple les chan- est passé de 7,0 en 2005 à 13,7 en
gements affectant le fonctionnement 2012.
du marché du travail, l’action des
autres opérateurs ou les comporte-

8
ments individuels ;
Des résultats contrastés, des coûts
croissants

Graphique n° 1 : offres d’emploi collectées par Pôle emploi et offres d’emploi


satisfaites, par année (en milliers)

Source : Pôle emploi et DARES, statistiques mensuelles du marché du travail. Données CVS-
CJO en milliers, France métropolitaine.

Pôle emploi fait finalement valoir que, résultats les plus importants, tels que
sur les 18 indicateurs de la convention le risque de chômage de longue durée

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pluriannuelle qui le lient avec l’Unédic (notamment pour les jeunes et les
et l’État, les derniers chiffres connus séniors) ou le nombre de demandeurs
font état de 12 indicateurs en progres- d’emploi éloignés durablement de
sion pour la période allant de 2011 à l’emploi.
2014. Mais il s’agit surtout d’indica-
teurs concernant des aspects particu- Une hausse des coûts importante
liers de l’action de Pôle emploi ou d’in-
dicateurs de moyens, et les indica- En parallèle, les coûts de Pôle emploi
teurs qui se dégradent concernent les ont fortement augmenté depuis 2009.

Graphique n° 2 : évolution des charges entre 2009 et 2014, en M€

9
Source : Pôle emploi, rapports financiers 2009 à 2014
Des résultats contrastés, des coûts
croissants

La fusion de l’ANPE et des Assedic avantages consentis aient pour autant


s’est en effet accompagnée de coûts été remis en cause.
croissants : les salaires et charges
sociales par agent ont progressé de Par la suite, l’adaptation à l’augmenta-
plus de 18 % entre 2009 et 2011, tion du chômage s’est faite principale-
notamment avec le passage à un nou- ment par le recrutement de conseil-
veau statut de 90 % des agents de lers en CDI, ce qui a contribué à rigidi-
Pôle emploi. Ces conditions salariales fier les dépenses de l’opérateur. Alors
plus avantageuses étaient censées même que l’activité de Pôle emploi
constituer, pour partie, la contrepartie varie en fonction des cycles écono-
d’exigences plus fortes attendues en miques, il apparaît surprenant que la
matière de compétences et d’organi- convention collective de Pôle emploi
sation du travail, avec notamment la plafonne le recours aux CDD à 5 % des
mise en place de conseillers uniques heures totales et que la possibilité de
« indemnisation et placement » : or ce sous-traiter une partie des activités
projet a été abandonné sans que les n’ait pas été davantage utilisée.
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Graphique n° 3 : évolution des effectifs totaux (ETPT) et de la masse salariale


par ETPT entre 2009 et 2014

Source : Cour des comptes, à partir de Pôle emploi, rapports financiers 2009 à 2014

10
2 Une mission d’intermédiaire
entre offre et demande
d’emploi qui n’est plus
prioritaire
Pôle emploi a redéfini profondément rendus en fonction des publics.
sa stratégie en 2012, avec l’accord de Désormais, après une phase initiale de
l’État et de l’Unédic. Parmi les diffé- diagnostic, chaque demandeur d’em-
rentes évolutions qui ont été déci- ploi suivi en interne par Pôle emploi se
dées, l’orientation majeure consiste à voit ainsi attribuer une « modalité
différencier davantage les services d’accompagnement ».

Image n° 2 : types d’accompagnement des demandeurs d’emploi

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Source : Cour des comptes. Situation au 1er juillet 2015

La Cour approuve pleinement le prin- nome pour retourner à l’emploi par le


cipe de différenciation des services simple jeu du marché du travail ; une
délivrés en fonction des besoins des autre partie éprouve en revanche des
différents publics. Une partie d’entre besoins particuliers d’accompagne-
eux est en effet suffisamment auto- ment.

11
Une mission d’intermédiaire entre offre
et demande d’emploi qui n’est plus
prioritaire

Le principe de cette segmentation dère que sa vocation est uniquement


n’est par ailleurs pas nouveau ; il était de lui donner les moyens de cette
préconisé par la stratégie européenne autonomie, notamment en mettant à
pour l’emploi dès la fin des années disposition une base de données d’of-
1990. L’ANPE avait commencé à le fres d’emplois et, plus généralement,
mettre en place, tout en adoptant en en développant des services numé-
2006 un objectif de rendez-vous men- riques. L’intervention des conseillers
suel pour tous les demandeurs d’em- de Pôle emploi devient alors minimale
ploi, appelé « suivi mensuel personna- (modalité d’accompagnement
lisé » (SMP), qui a été abandonné en « suivi »).
2012. La différenciation est par ail-
leurs largement appliquée à l’étran- A contrario, une petite partie des chô-
ger, au Royaume-Uni et en Allemagne meurs, qui en a le plus besoin, doit
par exemple. bénéficier d’un accompagnement
avec intervention intensive des
Un changement de cœur de métier conseillers : c’est sur cet accompagne-
ment « renforcé » que Pôle emploi
La véritable nouveauté de la stratégie estime que ses moyens doivent être
de 2012 tient en revanche à la redéfi- réorientés.
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nition de ce que l’opérateur considère


désormais comme son cœur de Une conséquence de cette stratégie
métier : un accompagnement ren- est que, paradoxalement, ce que Pôle
forcé destiné aux demandeurs d’em- emploi définit lui-même comme son
ploi en ayant le plus besoin. cœur de métier consiste désormais à
faire prendre en charge une part très
Selon cette conception, lorsque Pôle minoritaire de ses usagers par une
emploi estime que le retour à l’emploi part également minoritaire de ses
peut être obtenu de façon autonome agents.
par le demandeur d’emploi, il consi-

Tableau n° 1 : répartition des demandeurs d’emploi entre modalités


d’accompagnement
Suivi Guidé Renforcé Global Total

Nombre de demandeurs d’emploi 935 237 1 483 415 283 697 5 018 2 707 367
soit 35 % 55 % 10 % 0% 100 %

Nombre de conseillers référents 4 700 12 693 4 422 150 21 965


soit 21 % 58 % 20 % 1% 100 %

Nombre de demandeurs d’emploi


199,0 116,9 64,2 33,5 123,3
par conseiller référent

Source : Pôle emploi, données au 1er janvier 2015. Le nombre de conseillers est exprimé en effectifs phy-
siques. Cette donnée ne rend pas compte de la quotité effective de travail.

12
Une mission d’intermédiaire entre offre
et demande d’emploi qui n’est plus
prioritaire

En outre, dans la mesure où, face à des l’accueil téléphonique et à l’enregis-


acteurs de plus en plus nombreux et trement des offres déposées par les
dynamiques sur internet, Pôle emploi employeurs : en définitive, seuls 6 à
a abandonné tout objectif quantitatif 7 % du temps de travail des conseil-
de collecte des offres d’emploi, la lers de Pôle emploi est consacré à l’en-
prospection n’est plus menée en prio- treprise hors accueil et enregistre-
rité que pour les demandeurs d’em- ment des offres, dont moins de 2 %
ploi les plus en difficulté. De même, les correspondent à des visites et à la
services d’aide au recrutement propo- prospection active auprès des entre-
sés aux employeurs dépendent doré- prises.
navant de façon prépondérante des
opportunités d’embauche qu’ils peu- Les activités orientées vers les entre-
vent présenter aux seuls demandeurs prises, qui ont diminué de 20 % entre
d’emploi accompagnés dans l’agence. 2011 et 2013, servent en réalité de
marge d’ajustement. Même si Pôle
Pôle emploi s’expose de ce fait à un emploi a entrepris récemment de spé-
double risque : celui de ne plus appa- cialiser 4 000 conseillers dans les rela-
raître comme un interlocuteur suffi- tions avec les entreprises, cette nou-
samment présent pour les entre- velle organisation ne résout pas la

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prises, et celui de perdre sa crédibilité question de la compétence des
en leur présentant majoritairement conseillers chargés des demandeurs
des candidats particulièrement éloi- d’emploi, qui ne sont plus suffisam-
gnés des profils souhaités par les ment au contact des entreprises.
employeurs. En outre, le risque est de
voir Pôle emploi évoluer vers un appui En outre, les critères de recrutement
à une petite partie des demandeurs des conseillers portent avant tout sur
d’emploi, au détriment de son rôle leurs qualités relationnelles, voire sur
d’intermédiaire général sur le marché une éventuelle expérience en accom-
du travail. pagnement des demandeurs d’em-
plois, plutôt que sur la connaissance
Une conception du métier des de l’économie, de l’entreprise ou du
conseillers qui ne favorise pas l’in- marché du travail. De même, la forma-
termédiation tion continue des conseillers privilégie
les compétences orientées vers les
Les choix de réorganisation faits par seuls demandeurs d’emploi, mais peu
Pôle emploi risquent en outre d’affai- vers les entreprises. Il est dès lors pré-
blir la connaissance du monde de l’en- visible, mais également préoccupant
treprise par ses conseillers, notam- de constater que les enquêtes de
ment les conseillers chargés des satisfaction menées auprès des
demandeurs d’emploi. demandeurs d’emploi et des entre-
prises montrent que l’expertise du
Le pourcentage du temps de travail marché du travail est, avec les presta-
consacré à l’entreprise par les conseil- tions proposées, la dimension vis-à-vis
lers en agence n’est ainsi que de 12 %, de laquelle les uns comme les autres
dont la moitié correspond en fait à sont les moins satisfaits de l’action de

13
Pôle emploi.
Une mission d’intermédiaire entre offre
et demande d’emploi qui n’est plus
prioritaire

Graphique n° 4 : éléments constitutifs de la satisfaction


des demandeurs d’emploi

Source : Pôle emploi, comité stratégique et d’évaluation du 17 juillet 2014. Enquête téléphonique auprès des
demandeurs d’emploi. France métropolitaine, mars 2014.
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Graphique n° 5 : éléments constitutifs de la satisfaction des employeurs

Source : Pôle emploi, comité stratégique et d’évaluation du 17 juillet 2014. Enquête téléphonique auprès des
employeurs. France métropolitaine, mai 2014

Pôle emploi estime enfin que sa stra- demandeurs d’emploi, par exemple).
tégie ne rend pas nécessaire de suivre Ce faisant, Pôle emploi ne dispose
l’activité des conseillers, car ce suivi plus des indications permettant de
pourrait, selon lui, les inciter à ne satis- connaître et de piloter au niveau
faire que de simples indicateurs de national l’activité réelle de ses
moyens (nombre d’entretiens ou de agences et de ses conseillers.
mises en relation entre employeurs et

14
3 Des difficultés opérationnelles
persistantes
Les modalités de la différenciation, - le changement de modalité d’accom-
telle qu’elle est mise en œuvre par pagnement en fonction de l’évolution
Pôle emploi, laissent par ailleurs des besoins du demandeur d’emploi
entières des limites opérationnelles est peu fréquent (5 à 10 % de change-
majeures. ments seulement au bout de 6 mois).

Une connaissance insuffisante des En outre, le diagnostic initial de la


besoins des demandeurs d’emploi situation des demandeurs d’emploi et
et des entreprises des entreprises, élément essentiel de
l’accompagnement vers l’emploi,
Des marques d’inadéquation forte constitue un point critique des ser-
entre les besoins des demandeurs vices de Pôle emploi : sa qualité n’est
d’emploi et les services offerts peu- pas garantie et il intervient parfois

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vent être observées. Elles montrent trop tardivement. Conscients de cette
que les services actuels de Pôle situation, Pôle emploi, l’Unédic et
emploi sont en réalité insuffisamment l’État ont décidé de la refonte du diag-
différenciés : nostic dans le cadre de la convention
tripartite 2015-2018.
- la segmentation actuelle des ser-
vices n’offre pas de solution adaptée En définitive, Pôle emploi ne dispose
au chômage de longue durée. Alors pas d’une typologie précise des
que plus de 43 % des demandeurs besoins de la population des deman-
d’emploi sont au chômage depuis plus deurs d’emploi, qui permettrait
d’un an, c’est la modalité d’accompa- d’améliorer son offre et ses compé-
gnement des demandeurs d’emploi tences internes.
censés être les plus autonomes
(« suivi ») qui compte proportionnelle- La faible intensité de l’accompa-
ment le plus de demandeurs d’emploi gnement
de longue durée ; en sens inverse, ce
sont les demandeurs d’emploi en Contrairement à la priorité straté-
accompagnement « renforcé » qui gique qui est affichée, les niveaux d’in-
comptent le moins de demandeurs tensité effective de l’accompagne-
d’emploi de longue durée ; ment des demandeurs d’emploi sont
faibles. Ainsi, 75 % des demandeurs
- l’affectation dans les modalités d’ac- d’emploi en accompagnement « ren-
compagnement est, dans un nombre forcé » n’ont bénéficié en moyenne
non négligeable de cas, incohérente sur six mois que de quatre contacts ou
avec les critères que Pôle emploi a lui- moins avec leur conseiller (septembre
même définis ; 2013-février 2014), qu’il s’agisse d’en-

15
Des difficultés opérationnelles
persistantes

tretiens, mais aussi d’échanges télé- et 33 % en accompagnement « ren-


phoniques, de simples mails, etc. En forcé » ont au maximum un contact
définitive, 59 % des demandeurs tous les trois mois.
d’emploi en « suivi », 49 % en « guidé »

Tableau n° 2 : nombre d’entretiens et de contacts avec les conseillers par


modalité d’accompagnement des demandeurs d’emploi
Suivi Guidé Renforcé Total

1 entretien ou contact 7% 4% 5% 5%

2 entretiens ou contacts 52 % 45 % 28 % 46 %

3 entretiens ou contacts 23 % 26 % 25 % 25 %

4 entretiens ou contacts 10 % 13 % 17 % 12 %

5 entretiens ou contacts 8% 13 % 25 % 12 %
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Total 100 % 100 % 100 % 100 %


Source : Pôle emploi, fichiers historiques administratifs. Cohortes observées sur la période sep-
tembre 2013-février 2014

En outre, alors que le chômage de part de leur conseiller référent entre


longue durée est croissant, on 1 et 6 mois de chômage est comprise
constate que, de façon paradoxale, selon la modalité de suivi entre 30 %
l’intensité d’accompagnement se et 40 % ; elle est deux fois plus impor-
réduit fortement avec la durée du tante entre 13 et 18 mois de chô-
chômage. Ainsi, la proportion des mage, puisqu’elle est alors comprise
demandeurs d’emploi n’ayant pas entre 60 et 85 %.
reçu de préconisation d’action de la

Tableau n° 3 : demandeurs d’emploi sans proposition d’action

Suivi Guidé Renforcé

Entre 1 et 6 mois de chômage 39 % 32 % 30 %

Entre 7 et 12 mois de chômage 72 % 63 % 56 %

Entre 13 et 18 mois de chômage 86 % 77 % 59 %


Source : Pôle emploi, fichiers historiques administratifs. Cohortes observées sur la période sep-
tembre 2013-février 2014

16
Des difficultés opérationnelles
persistantes

La situation est également insatisfai- Ainsi, l’accompagnement des deman-


sante pour les services accessibles deurs d’emploi, hors accueil et inscrip-
sans contacts avec les conseillers. tion, ne représente en moyenne que
Alors que l’objectif affiché est de met- 30 % du temps de travail des conseil-
tre à disposition la base de données la lers référents de demandeurs d’em-
plus large possible pour permettre ploi.
des recherches autonomes, la part
des demandeurs d’emploi ayant un L’aide au recrutement apportée aux
curriculum vitæ en ligne n’était que de entreprises (traitement des offres,
26,1 % en 2014. visite d’entreprises, prospection) ne
représente de même, hors accueil et
La dispersion des moyens enregistrement des offres, que 7 % du
temps de travail.
Pôle emploi utilise ses moyens de
façon insatisfaisante, notamment en Inversement, les activités de gestion
ce qui concerne le temps de travail et management (réunions, formation,
des conseillers. participation à la gestion de l’agence,
etc.) occupent une place excessive, à
hauteur de 23 % du temps de travail.

Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes


Graphique n° 6 : répartition moyenne du temps de travail des conseillers
référents de demandeurs d’emploi

Source : Pôle emploi, logiciel de gestion du planning ‘RDVA’, septembre 2013-février 2014, France entière ;
calculs Cour des comptes. Hors indisponibilités.

17
Des difficultés opérationnelles
persistantes

Certes, des efforts de redéploiement Cette dispersion des moyens est


ont été effectués, mais ils sont encore accentuée par l’étendue du réseau de
insuffisants. 6 720 équivalents temps Pôle emploi, qui compte plus de mille
plein (ETP) étaient affectés à l’accom- agences et points relais. Alors que
pagnement des demandeurs d’emploi l’objectif de référence est qu’au moins
fin 2011 : leur nombre est passé à 80 % des demandeurs d’emplois
12 507 ETP fin 2014. Ce dernier chif- soient domiciliés à moins de
fre, qui intègre des gains d’efficience, 30 minutes d’une agence, ce taux a
mais aussi des recrutements et un atteint en fait 96,4 % en 2012, et
changement de méthode de compta- même 99,5 % en prenant en compte
bilisation, reste encore très bas com- l’implantation des partenaires de Pôle
paré aux effectifs totaux de l’opéra- emploi. Globalement, l’articulation
teur. L’objectif de redéploiement sup- des canaux de contact par internet et
plémentaire de 2 000 ETP de la nou- par téléphone avec l’accueil en agence
velle convention tripartite 2015-2018 est insuffisante.
ne clôt donc pas la question des
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marges mobilisables par Pôle emploi.

18
CONCLUSION

Au terme de ses travaux, les constats de la Cour l’amènent à observer que la


qualité et la plus-value des services de Pôle emploi doivent reposer sur une
connaissance concrète des besoins de tous les acteurs du marché du travail : les
conseils qu’il donne et les services qu’il propose à l’ensemble des demandeurs
d’emploi doivent impérativement reposer sur une connaissance approfondie des
besoins de l’ensemble des entreprises, et réciproquement. Cette qualité du ser-
vice public est une exigence qui découle de la mission de Pôle emploi, telle
qu’elle est aujourd’hui fixée par la loi.

En outre, les niveaux actuels de coût et d’effectifs de Pôle emploi, soit plus de
5 Md€ de budget et 53 000 agents, ont été déterminés à partir du choix d’un
opérateur chargé de rapprocher globalement l’offre et la demande d’emploi. Un
niveau de ressources aussi élevé ne serait pas justifié si le métier de l’opérateur
devait évoluer vers un rôle d’appui à une faible minorité de demandeurs d’em-
ploi et d’entreprises.

Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes


La Cour considère qu’il faut tirer toutes les conséquences de l’objectif d’une
meilleure différenciation des services en faveur des demandeurs d’emploi et des
entreprises, notamment en connaissant mieux les besoins des usagers et en
développant un accompagnement adapté et suivi. Elle constate que, dans les
modalités choisies pour mettre en œuvre cette orientation nécessaire, les exi-
gences risquent d’être abaissées sur deux points : le rôle d’intermédiaire de Pôle
emploi sur le marché du travail, élément fondamental de la définition du service
public de l’emploi et de son efficacité ; et la question de l’efficience, afin que les
moyens de Pôle emploi soient utilisés au mieux.

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ORIENTATIONS ET
RECOMMANDATIONS

Orientations pour l’État, les parte- et particulièrement des entreprises,


naires sociaux, Pôle emploi et afin que les conseils et services pro-
l’Unédic : posés aux demandeurs d’emploi

– maintenir le rôle d’intermé-


reposent notamment sur la connais-
sance approfondie des besoins de
diaire de Pôle emploi sur le marché celles-ci ;
du travail, conformément aux mis-
– poursuivre et amplifier la
sions actuellement fixées par la loi ;

– renforcer la connaissance
simplification de la réglementation
en matière d’indemnisation du chô-
par Pôle emploi du marché du travail, mage.

Améliorer les services aux Optimiser la gestion


employeurs et aux demandeurs
d’emploi Recommandations pour Pôle

Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes


emploi :

– augmenter par redéploie-


Recommandations pour Pôle
emploi :

– faire une place plus grande à


ment le nombre des agents délivrant
les services aux demandeurs d’em-
la connaissance du marché du travail ploi et aux entreprises, ainsi que le
et des entreprises dans le recrute- temps effectif consacré par chaque
ment et la formation de tous les conseiller au placement des deman-
conseillers ; deurs d’emploi et aux entreprises ;
– mieux faire correspondre le – réduire le nombre d’agences
contenu de l’accompagnement pro- dans le cadre d’un plan pluriannuel ;
posé par les conseillers aux caracté- – développer la complémenta-
ristiques des demandeurs d’emploi rité des canaux d’accès à Pôle emploi
et des entreprises ;
– introduire une norme mini-
(accueil physique, téléphone, inter-
net, courrier postal et courrier
male de fréquence d’entretien et de électronique) ;
– dématérialiser la gestion des
contact par modalité d’accompa-
gnement ;
– renforcer le suivi de la diffé-
allocations et aides versées aux
demandeurs d’emploi et aux entre-
renciation des services (internes et prises.

– réaliser obligatoirement le
externes) ;

premier rendez-vous d’accompagne-


ment le plus tôt possible après le
diagnostic.

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ORIENTATIONS ET
RECOMMANDATIONS

Recommandation pour l’État et – fixer aux conseillers ou aux


pour Pôle emploi : équipes de conseillers des objectifs

– stabiliser les moyens perma-


individualisés qualitatifs mais aussi
quantitatifs, le cas échéant en renégo-
nents de Pôle emploi en recourant à la ciant un accord collectif de 2004 relatif
sous-traitance et aux recrutements en au suivi de l’activité, comme la conven-
CDD lors des variations de la conjonc- tion collective prévoyait de le faire
ture, au besoin en remettant en cause avant 2010.
les dispositions limitatives de la
convention collective nationale. Renforcer l’évaluation

Assurer un pilotage plus efficace Recommandation pour l’État :

Recommandations pour Pôle – faire réaliser, sous l’égide


emploi :
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes

d’une instance externe à Pôle emploi,

– asseoir le pilotage interne sur


des études de cohortes permettant
d’apprécier la qualité et la perfor-
des indicateurs en faible nombre, hié- mance des différentes modalités
rarchisés et déclinés au niveau des (internes et externes) de suivi des
agences, portant à la fois sur les demandeurs d’emploi, ainsi que celles
résultats et sur l’activité ; des processus de diagnostic et d’orien-
tation des demandeurs d’emploi vers
ces modalités de suivi.

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