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Méthode dissertation, un exemple

Mon corps fait-il obstacle à ma liberté ?

1. Analyse des termes

Le corps, en général, c'est l'ensemble des parties matérielles constituant l'organisme, siège des
fonctions physiologiques et, chez les êtres animés, siège de la vie animale.
Mon corps, c'est cette dimension matérielle de mon existence. Il est ce par quoi s'affirme ma
présence physique au monde.

Commentaire :
– il faut dès à présent établir des liens entre les idées : corps- matière –
physique/nature( physis en grec/natura en latin)- nécessité... Mon corps, comme
tous les corps est réalité matérielle, physique (objet possible des sciences de la
nature). Comme tel, le fonctionnement de mon organisme est déterminé par les lois
universelles de la nature : il est régi par la nécessité.
– Ce corps, bien que « mien », est cette part de donné : il est ce qui s'impose à moi
malgré moi ; je ne l'ai pas choisi, je n'en ai pas choisi les caractéristiques (taille,
corpulence, couleur de peau, de cheveux, d'yeux, sexe...)...Plus encore : souvenez-
vous des commentaires de Narcisse : si le sujet est l'être parlant, le corps précède le
sujet.
– Mon corps, comme réalité matérielle, est ce qui me rive, m'attache dans un lieu
de l'espace ; il est frappé de cette pesanteur...Il est ce qui me rive au temps : la
fatigue qui nous gagne, le sommeil qui s'impose, la maladie et la vieillesse qui nous
affaiblissent...

La liberté est l'état de celui, de ce qui n'est pas soumis à une ou des contrainte(s) externe(s).
Situation de quelqu'un qui se détermine en dehors de toute pression extérieure ou de tout préjugé :
c'est ainsi que l'on parle de la liberté de pensée.
Possibilité, pouvoir d'agir sans contrainte .

Commentaire :
– ici encore faire rapidement des liens : liberté- capacité de se déterminer sans
contrainte- capacité de se déterminer par le seul pouvoir de sa volonté (= faculté
d'affirmer ou nier, d'acquiescer ou refuser...)
– voir tout de suite, à travers les définitions de la liberté, des axes d'interrogation
qui se dégagent :
– liberté de pensée et/ou liberté d'action ?
– Articulation entre nécessité naturelle et liberté de la volonté.

Faire obstacle (à quelqu'un ou à quelque chose), être un obstacle (à quelque chose), mettre (un)
obstacle (à quelque chose), c'est gêner, empêcher, s'opposer à.
L'obstacle est une difficulté d'ordre matériel, moral ou intellectuel empêchant ou gênant la
réalisation de quelque chose.

Commentaire :
– Ici, dans le contexte du sujet, seule la difficulté d'ordre matériel importe 
(puisque c'est du corps = partie matérielle) dont il est question.
– Remarquez les nuances entre les synonymes de faire obstacle :
- « gêner » , « entraver » peuvent suggérer que l'obstacle (que représente le

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corps) peut être surmonté...On peut ou on doit « faire avec ».
– « empêcher », voire « s'opposer à » peuvent suggérer que l'obstacle ne
peut pas être surmonté.

2. Notion thématique/ notion opératoire

Deux manières à mon sens de déterminer ces deux notions :


– La plus simple : soit on s'en tient aux termes littéraux de l'énoncé liberté (volonté) et corps
(matière) et alors :
- la notion thématique est la liberté : c'est sur elle qu'on s'interroge principalement, sur
son étendue et ses limites, sur ce en quoi elle consiste essentiellement ( cf remarque
suite à la définition : penser et/ou agir par le pouvoir de sa volonté)
– La notion opératoire est « la matière » : le corps, c'est à dire la dimension matérielle,
physique marque-t-il une limite de notre liberté ? Si la matérialité du corps est une
limite de la liberté, alors qu'est-ce qui s'oppose à elle ? Et en conséquence en quoi
consiste la liberté ?

– La plus complexe : soit on s'appuie sur les deux possessifs : « MON corps », « MA liberté »,
et on remarque qu'ils sont attribués à un même SUJET (sub- jectum : « jeté dessous », support) et
alors :
- la notion thématique est le sujet : c'est sur son essence qu'on s'interroge. Qu'est-ce
qu'être sujet ?
– Beaucoup plus complexe, la notion opératoire aurait un rapport avec « matière et
esprit » (corps : matière, liberté : « spiritualité de l'âme », pour reprendre une expression
de Rousseau). Mais ce couple de notion au programme ne fait que juxtaposer et deux :
matière ET esprit. Or, le sujet de dissertation établit un rapport différent : corps
OBSTACLE à la liberté. La question donc appellerait à s'interroger sur le sujet en tant
qu'il est « corps et âme », « matière et esprit », « nature (nécessité) et liberté ». Mais il le
ferait en orientant la réflexion : être sujet, devenir sujet implique-t-il de se confronter, de
s'affronter à ces dimensions de l'existence que sont « corps-matière-nature(nécessité) ?

3. Les présupposés

Un certain nombre de présupposés sont déjà apparus par les discussions précédentes.

– mon corps obstacle à ma liberté :


- présuppose une dualité de nature : le corps n'est pas de même « nature »/essence que la
liberté. Quelles sont ces natures/essences respectives ? Corps : matière- nature...
Liberté : essence spirituelle- pouvoir de la volonté.
– Le corps pourrait constituer une gêne, une entrave à la liberté. En quoi ? On a
envisagé plus haut (commentaires en 1. au sujet du corps) : le corps comme « donné
naturel », lourdeur, pesanteur, faiblesse...face à quoi ma volonté éprouve une forme
d'impuissance...Plus fondamentalement, on cerne la difficulté à articuler l'ordre de la
nécessité (naturelle, physique, vitale...) et l'ordre de la liberté, de l'exercice du libre-
arbitre comme fondement d'actes contingents ( libre est l'acte – de pensée ou de
transformation du réel que je peux accomplir comme tout aussi bien ne pas accomplir).
– Mais quel genre d'obstacle constitue le corps (cf commentaire en 1) : « gêne »,
« entrave », « empêchement »... Cet obstacle du corps est-il insurmontable ou
surmontable ? Autrement dit le « corps-matière-nature » marque-t-il une limite absolue

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de notre liberté ? Ou une limite relative, que l'on peut s'exercer à dépasser, à déplacer ?
(juste à titre d'exemple : le corps est ce par quoi je suis confronté à ma mortalité...mais
les êtres mortels que nous sommes n'ont cessé d'accroître notre espérance de vie...)
– Si le corps est une limite absolue à la liberté, en quoi consisterait cette dernière ?
N'y aurait-il de liberté que liberté de pensée (excluant toute liberté d'agir) ? Cette liberté
de pensée serait-elle même possible, puisque c'est bien par le corps, par l'intermédiaire
du corps que nous formons quantité d'idées (par nos sens et par l'intermédiaire de nos
sens- expérience directe et indirecte/ cf Descartes)
– Si le corps (et ses nécessités) ne sont qu'une gêne relative à notre liberté,
comment s'assurer que « ce que nous voulons » (pouvoir spirituel) et « ce que nous
pouvons » (pouvoir, puissance physique, corporelle) s'harmonise ?

Voilà, me semble-t-il les éléments principaux.

4. Enjeu

On oppose communément le sujet et l'objet, la chose : la personne vivante et consciente d'elle-


même et la chose inerte, pure matière sans âme. Le sujet, c'est l'être actif, capable de dire « je » ou
« moi » et qui se perçoit comme auteur et responsable de ses pensées et de ses actes. En ce sens, il
est capable de se déterminer par lui-même, par le seul pouvoir de sa volonté, et donc d'échapper à
toute contrainte : en un mot, il est un être de liberté (à la différence justement des choses).
Or, la conscience nous fait connaître que nous avons un corps : notre existence est aussi celle, toute
physique, matérielle, d'un être incarné. C'est bien par le corps que notre existence, notre présence
aux autres et aux choses accède à la « visibilité », qu'elle devient tangible.
Le corps nous renvoie à cette dimension « naturelle » de notre être : cette part de « donné » , ces
caractéristiques physiques, organiques, physiologiques,... qui nous rattachent à l'ordre de l'animalité,
de la nature, de la nécessité naturelle (comme par exemple aux besoins qu'il est impérieux de
satisfaire). Le corps, ce serait la nature en nous.
Dès lors, comment concilier liberté, c'est-à-dire capacité à se déterminer par le seul pouvoir de sa
volonté et participation à l'ordre nécessaire de la nature ? Comment peut-on tout à la fois se déclarer
seul auteur et responsable de ses actes et reconnaître qu'il se produit en notre être des phénomènes
qui relèvent des lois de la nature ? La nécessité naturelle de laquelle nous participons de toute
l'épaisseur de notre corps ne constitue-t-elle pas une limite à notre pouvoir de nous déterminer sans
contrainte ?
Si, d'une part, nous devions reconnaître que cet obstacle du corps était infranchissable, qu'il
constituait une limite insurmontable à notre prétention à nous déterminer par le seul pouvoir de la
volonté, ne faudrait-il pas conclure que notre liberté est pauvre voire illusoire ? Pauvre, parce que
nous n'aurions tout au plus qu'une liberté de pensée, de conscience. Mais que vaudrait une telle
liberté, si les idées librement formées ne sont suivies d'aucun acte ? Si nous étions toujours
impuissants à agir conformément à notre volonté ? Si nous ne pouvions transformer le monde où
nous vivons pour le rendre conforme à ce que nous pensons qu'il doit être ? La liberté de pensée, de
conscience ne serait que le refuge de l'impuissance, refuge fragile. Mais plus encore, cette liberté
purement spirituelle serait peut-être illusoire : comment s'assurer de cette liberté de pensée, alors
que nos idées dépendent tant des sens, donc de notre corps : de ce que nous voyons, entendons... ?
Que d'autre part, nous affirmions qu'il n'est de véritable liberté que si l'action suit la pensée : que là
où nous agissons sur le réel conformément à ce que nous voulons, alors il faudrait admettre que le
corps n'est pas un obstacle insurmontable. Plus encore : qu'il peut-être l'instrument de notre liberté.
Mais alors comment comprendre que la volonté puisse « commander » au corps ? Dans quelle
mesure le pourrait-elle ? Comment penser le rapport entre nécessité (naturelle) et liberté ?

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5- Rédiger une introduction

Il faut vous reporter :


– au point 5. Rédiger l'introduction en portant votre attention à la définition de la
problématique.
– au point 6)  Faire le plan par écrit en trois questions

Je vous propose (impose) trois questions (ou trois groupes de questions) qui forment la
problématique : indiquées à la fin de l'introduction, chacune constituera une partie du
développement.

1) En quoi le corps s'opposerait-il à ma liberté ? Et en conséquence, en quoi


consisterait cette dernière ?

2) Toutefois, peut-on se satisfaire d'une telle liberté ? A quelle conception du sujet ,


de l'existence humaine conduit-elle ? A quelles objections s'affronte-t-elle ?

3) Dès lors, à quelle condition la liberté est-elle possible ? Si notre existence


physique n'est pas contraire à notre liberté, en quoi « nécessité naturelle » et
« liberté » ne s'opposent-elles pas ?

Ces trois groupes de questions progressent vers la résolution du problème.


(qui recevra sa pleine exposition dans la troisième partie).

La question est alors de donner du contenu à ces trois parties...


… et nous commencerons par...la première !

6- le plan du développement

1) En quoi le corps s'opposerait-il à ma liberté ? Et en conséquence, en quoi


consisterait cette dernière ?

L'idée générale en était que si nous concevons le corps comme relevant de la nature (revoir
sur ce point le corrigé de l'analyse du sujet), alors il semblait constituer un obstacle
infranchissable à notre liberté :
– il nous « échoit » (= nous est « attribué » par le sort...) sans que nous l'ayons choisi,
voulu...
– il est « régi » par la nécessité naturelle (qui nous rappelle sans cesse cette part
d'animalité : les nécessités vitales...)
Dès lors, il n'y avait de liberté que liberté de l'âme, de la pensée...Il n'y avait de liberté que
celle du pur sujet pensant « régnant sur son « domaine » : la pensée.

La deuxième partie ( deuxième temps de la problématique) va opérer un retour critique sur la

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première : est-ce si simple ? Peut-on se contenter de cette première réponse ?...
D'où l'articulation logique : « Mais... », « Toutefois... », « Cependant »...

2) Toutefois, peut-on se satisfaire d'une telle liberté ? A quelle conception du


sujet , de l'existence humaine conduit-elle ?
A quelles objections s'affronte-t-elle ?

C'est dans cette deuxième partie que l'on tire tout le profit de notre recherche des présupposés
opérée dans l'analyse préparatoire.

Ce que je propose (mais ce n'est qu'un proposition : une autre démarche pourrait être
conduite), c'est de faire porter la réflexion critique sur la conception de la liberté que l'on se
fait lorsque l'on considère, comme on l'a fait en première partie, que le corps est un obstacle.

Première sous-partie : A quelle conception du sujet , de l'existence humaine


conduit-elle ?
Le but serait de montrer le caractère réducteur de cette liberté :
– une liberté de conscience, de pensée,
– mais dont le pouvoir d'action est soit restreint, soit nul...D'où une
forme de soumission à « l'ordre du monde », à « l'ordre de la nature »

Deuxième sous- partie : A quelles objections s'affronte-t-elle ?


Le but sera de conduire une critique radicale du concept de libre-arbitre,
d'établir que c'est une conception illusoire de la liberté.

Nous arrivons à la troisième et dernière partie de la dissertation. C'est dans celle-ci


que nous tentons de résoudre le problème posé par la question :

– la première partie a cherché à établir en quel sens on pouvait penser que le


corps était un obstacle. Remarquez alors que notre attention s'est donc dirigée vers  la
notion opératoire. (cf méthode)
– la deuxième partie a mis en lumière ce que la « « réponse » de la première partie
présupposait : une certaine idée de la liberté. Cette idée a été discutée, critiquée :
peut-on l'admettre si facilement ? Peut-on s'en satisfaire ? Remarquez alors que notre
attention a « glissé » vers la notion thématique »

– la troisième va donc tenir compte de la critique (2°partie) pour reformuler une


solution. Il s'agit d'être moins « naïf » que dans la première. D'où l'articulation logique
« Dès lors... ».

3) Dès lors, à quelle condition la liberté est-elle possible ? Si notre existence


physique n'est pas contraire à notre liberté, en quoi « nécessité naturelle » et
« liberté » ne s'opposent-elles pas ?

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Pour résoudre le problème, je marcherai dans les pas de Spinoza.
La thèse soutenue sera donc qu'être libre, c'est exister et agir selon la nécessité de sa
nature. Notre nature, c'est notre puissance d'agir : accomplir pleinement ce que l'on
peut. Et ce que l'on peut, on le peut simultanément intellectuellement (on peut penser)
et physiquement (on peut agir dans le monde). Ainsi, le corps n'est pas un obstacle,
mais un moyen, une dimension de notre liberté.

– pour cela on revient sur la distinction entre nécessité et contrainte (Spinoza,


Lettre à Schuller) : la liberté s'oppose à la contrainte, mais non à la nécessité.
– On insiste sur le fait que la liberté doit être pensée selon le corps : la
possibilité d'un corps d'exister et d'agir en minimisant les contraintes (la
maladie me diminue, m'amenuise : me rend plus faible aussi bien
« mentalement » (intellectuellement) que physiquement, la santé est au
contraire bien être autant moral que physique) : pas d'opposition entre l'âme
et le corps.
– La liberté passe par la connaissances des causes qui nous déterminent : plus
la connaissance de la nécessité naturelle qui détermine aussi bien les « états
du corps » que les « états d'âme » est grande, plus je puis agir.

Remarque : pas besoin d'autres ressources documentaires que celles dont on


a disposé jusqu'à présent...

Voilà ! C'est tout..

Non, pas tout à fait : il faudrait une conclusion qui rappelle le problème et les étapes de
sa résolution.

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