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linguistique allemande
contemporain - Vincennes
Pêcheux Michel. Sur la (dé-) construction des théories linguistiques. In: Documentation et recherche en linguistique allemande
contemporain - Vincennes, n°27, 1982. Des bords au centre de la linguistique. pp. 1-24;
doi : https://doi.org/10.3406/drlav.1982.979
https://www.persee.fr/doc/drlav_0754-9296_1982_num_27_1_979
MICHEL PÊCHEUX
que J.C.
tique saussurienne
Milner donne
ne s'est
à ce terme),
pas accomplie
il s'avère
(encore
que "un
la destinée
destin side funeste"
la linguis-
? ? ).
1.5. Le début des années 80 apparaît marqué par un nouveau tournant dans le
régime des recherches linguistiques. Au cours des dernières années, divers
signes se sont multipliés, manifestant simultanément la fin du matérialisme
structural à la française (décomposé à travers ses ultimes répercussions
contradictoires) et celle du chomskysme tel qu'il s'est développé depuis
une quinzaine d'années (cf. Grünig, 1981).
2, "quel étrange destin que celui des idées,.," (encore benveniste !).
Etrange en effet, cette série de retournements qui marque l'histoire des
idées linguistiques, à travers ses rapports aux autres sciences (constituant
son environnement spécifique, son "extérieur" épistémologique), et aussi à
travers l'insertion dans un processus plus vaste, débordant la scène des purs
événements scientifiques.
Hasarder des hypothèses (du type de celles qui sont présentées ci -après)
concernant les déterminations historiques venant "signer" les successifs ré¬
seaux d'affinités de la linguistique - depuis les années 50 jusqu'à la pério¬
de actuelle -, c'est donc aussi (il n'y a pas à le dissimuler) prendre posi¬
tion à l'égard du réel propre à la linguistique en tant que réel de la lan¬
gue. Les trois propositions qui suivent se bornent à évoquer, là encore d'une
manière nécessairement ultra-rapide et allusive, des faisceaux d'indices his¬
toriques, des points sensibles où s 'entrecroisent différents niveaux.
ques
ble pour
mm 3 effectuer
!) : à l'horizon
ce qu'unse micro-processeur
dessinent les projets
condense
initiaux
aujourd'hui
de traduction
en quel-
On sait comment, au cours de la décennie qui suivit mai 1968, cette ré¬
pétition de la "scène primitive" révolutionnaire des années 20 s'effondra
progressivement :1a fin du "lacanisme", la "crise du marxisme" et l'irrup¬
tion de la "nouvelle philosophie" ont marqué le nouveau virage de l'idéolo¬
gie française. Les évidences induites par ce qu'on pourrait appeler la révo¬
lution culturelle avortée des années 60 viennent affecter le dispositif in¬
tellectuel des Sciences Humaines et Sociales ; l'épuisement des effets du
mouvement structuraliste entraîne, pour la discipline qui donna son nom à ce
mouvement, une reconf iguration de son dispositif d'étayages épistémologi¬
ques.
ce discours, le plus souvent silencieux, de l'urgence aux prises avec les mé¬
canismes de la survie : il s'agit, au-delà de la lecture des Grands Textes
(de la Science, du Droit, et de l'Etat) de se mettre à l'écoute des circula¬
tions quotidiennes prises dans l'ordinaire du sens (cf. par exemple
de Certeau, 1980).
Ainsi, par un "étrange destin des idées", 1980 répéterait 1950, comme
1960 avait répété 1920 ? En fait, l'idée d'un simple looping historique,
15
me
13. scientiste
Il y aurait(traitant
lieu d'élucider
le sujet les
humain
rapports
comme complexes
l'animal le
entre
plusle complexe),
réductionnis¬
les idéologies
populisme,
jeur. dont dula quotidien
réémergence
pratique
actuelle
et constitue
les diverses
un enjeu
racinespolitique
historiques
ma¬ du
16
employé
grand monde
à en deconstruire
dormir ! 14le. concept),
Il faut d'ailleurs
il est clair
reconnaître
que cela que
n'empêche
l'événement
pas
structural iste pour différentes raisons déjà évoquées, n'a eu que peu ou pas
d'effets sur le développement effectif de la linguistique d'après I960, et
de la GGT en particulier. Malgré la redistribution des alliances théoriques,
privilégiant la référence aux mathématiques par rapport à la physique et à
la biologie, et contournant, à l'intérieur même des mathématiques, ce qu'on
peut appeler les "mathématiques de service" (les statistiques quantitatives
par exemple) pour se rapprocher des écritures algébriques, logiques ou topo¬
logiques, les "logiques du signifiant" inspirées par le matérialisme struc¬
tural n'ont eu guère de prise sur l'évolution de la théorie syntaxique géné-
rative-transformationnelle, dérivant de plus en plus vers une interprétation
psycho-logique de la sémantique, de l'énonciation et de la pragmatique : com¬
me s'il s'agissait toujours de "rétablir dans la plénitude de ses droits et
de ses devoirs un sujet maître de lui-même ou du moins responsable de ses
choix. L'univers peut alors tourner à la musique des sphères, entre les mains
du genre humain, guéri de l'inqualifiable blessure que pouvait constituer la
supposition que la langue, ou quelque chose d'elle, lui échappe" (Milner,
1982 : 126-7).
14. Sur l'existence du symbolique comme lieu d'un partage entre la linguisti¬
que et la psychologie, voir également Gadet & Haroche & Henry & Pêcheux (à
paraître) .
17
de pinéalede psychologique",
ponsable ses choix, adapté
c'est-à-dire
à un monde dubio-social
sujet maître
normal
de 15soi-même et res-
15. Pour se repérer entre les machines électroniques et les mécanismes so¬
me critère
ciaux, il y définitionnel
a toujours la : ressource
dans un univers
du recours
de jouets
à la norme
ne correspondant
comportementale
plus corn
à
la définition classique de l'objet (puisqu'ils "parlent", et simulent des
définir
"émotions"),
leur les
identité
enfants
: "les
sont gens,
obligés
ce sont
de tracer
ceux qui
de nouvelles
vont au restaurant
frontières etpour
qui
dre
ont d'une
une famille"
récente enquête
a fini par
sociologique
répondre une
du MIT.
petite fille américaine dans le ca¬
18
3.3. La conséquence assez évidente des deux hypothèses qui viennent d'être
évoquées, c'est que - quel que soit le rapport entre la linguistique du cer¬
veau et la linguistique sociale - l'idée même de s'interroger sur le statut
de l'ordre symbolique et de la castration comme fait structural y apparaît
strictement incongrue. Cette incongruité marque la place laissée dans une
telle perspective à une réflexion prétendant continuer à faire valoir, dans
l'espace de la recherche linguistique, le jeu mallarmëen des signifiants,
l'incidence inconsciente du Witz et de tout ce qui, de la langue, échappe au
sujet parlant : la place d'un entr'acte amusant dans le sérieux de la scien¬
ce, celle d'une sorte de dimanche poétique de la pensée.
Dès lors : ne pas céder sur ces deux articles (de "foi raisonnée" )
qu'énonce J.C. Milner :
"-rien de la poésie n'est étranger à la langue
- aucune langue ne peut-être pensée complètement, si on n'y intègre
pas la possibilité de sa poésie" (J.C. Milner, "A Roman Jakobson, ou
le bonheur par la symétrie" dans Milner 1982 : 336)
impose à la recherche linguistique de construire des procédures (des modes
d'interrogation de données et des formes de raisonnement) capables d'aborder
20
La frontière entre les deux espaces est d'autant plus difficile à déter¬
miner qu'il existe toute une zone intermédiaire de processus discursifs (re¬
levant du juridique, de l'administratif et des conventions de la vie
"Qu'est-ce donc que cet objet, que Saussure érige sur une table rase
de toutes les notions reçues ? Nous touchons ici à ce qu'il y a de primor¬
dial dans la doctrine saussurienne. . . ce principe est que le langage, sous
quelque point de vue qu'on l'étudie, est toujours un objet double...
(Benveniste, 1966 : 40).
Penser la langue comme simple jeu dans les règles risque toujours de re¬
couvrir l'espace propre de ce qui règle le réel de la langue, en lui substi¬
tuant des règles (bio-)logiques d'engendrement des arborescences syntaxiques,
contraintes par la sémantique de "systèmes de connaissances" (discursivement
stabilisés en relations thématiques et en formes logiques), ou des règles de
jeux de langage translinguistiques à partir desquelles le registre social du
pragmatique et de l'énonciatif serait censé échapper au "propre de la langue",
démasquant ainsi le statut fictif de ce dernier.
18. Je reprends ici les formulations de F. Gadet, inscrites dans une réfle¬
xion sur la langue comme espace de règles traversé de failles. Cf. par ex.
"tricher la langue" (Gadet, 1981 : 117-126) où elle propose de concevoir la
règle "comme comportant dans son principe même un espace de jeu : au sens
d'un jeu d'enfant ou de société, mais aussi peut-être du jeu d'un muscle ou
du jeu d'un mécanisme" (p. 214).
19. La notion de "miroitement" lexico-syntaxique a été introduite en analyse
de
communication
Liège,
discours
Novembre
parau J.M.
Colloque
1981.Marandin.
International
Cf. "Linguistique
d'informatique
et algorithmes
et Sciences
textuels",
Humaines,
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RÉFÉRENŒS BIBLIOGRAPHIQUES.
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Scientiae)
GADET,Nanterre
absolument.
F. & PÊCHEUX,
1980- L'histoire
(Ronéo,
M. : La1981).
linguistique
des sciences hors
humaines,
d'elle-même
pourquoi
; l'histoire,
et comment ?