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26 avril 1861

La Tunisie, de la démocratie au protectorat


Le 26 avril 1861, dans le souci de se concilier ses créanciers européens, le bey de Tunis promulgue une Constitution qui instaure en Tunisie un
régime monarchique de type parlementaire à l'occidentale ! C'est la première Constitution promulguée dans un pays musulman.

Mais, étranglé par un endettement insoutenable et des créanciers inflexibles, le pays tombe peu après sous la tutelle de la France et se voit ravaler
au rang de simple protectorat.

L'émergence d'un État de droit


La Tunisie recense au milieu du XIXe siècle un million d'habitants dont une moitié d'agriculteurs, sur la côte, et une autre moitié de bergers
nomades. Les villes de Tunis et Kairouan comptent respectivement 100.000 et 15.000 habitants, dont une influente minorité juive et quinze mille
commerçants européens, essentiellement des Italiens et des Maltais.

Malgré les difficultés de l'artisanat textile, confronté à la concurrence européenne, le sort des citadins
tunisiens demeure plus enviable que celui des agriculteurs, accablés d'impôts et de réquisitions.

Ahmed bey, au pouvoir de 1837 à 1855, engage un vigoureux effort de modernisation en s'inspirant du
vice-roi d'Égypte Méhémet Ali et en s'appuyant comme lui sur la France. Le bey proclame en 1846 le
droit de tout esclave à être affranchi. Il émancipe les juifs, autorise l'ouverture d'écoles chrétiennes et
se dote d'une armée et d'une marine modernes. Il lance la construction du palais de la Mohammedia et
d'un réseau de chemin de fer.

Au terme de la guerre de Crimée  opposant Français, Anglais et Ottomans aux Russes, la France
contraint le bey à promulguer le 9 septembre 1856 le Pacte fondamental (Ahd al Aman) qui garantit la
sécurité des personnes et des biens, l'égalité de tous devant la loi et l'impôt ainsi que la liberté du
commerce. C'est l'amorce d'un État de droit.

En promulguant enfin le 26 avril 1861 une authentique  Constitution à la manière occidentale, le


nouveau bey Mohammed es-Sadok, au pouvoir de 1859 à 1882, complète l'effort de modernisation de
ses prédécesseurs.
La modernisation mise en échec par la dette extérieure
Les réformes sont toutefois  entravées par les difficultés intérieures  : famines, mauvaises récoltes, épidémies de choléra. Qui plus est, la
modernisation coûte cher et dépasse très largement les ressources du pays.

Pour ne rien arranger, les oligarques tunisiens pillent sans scrupules les
caisses de l'État.

Pour faire face, le gouvernement tunisien fait donc appel à l'épargne


française.

Les emprunts se succèdent à partir de 1863 à la Bourse de Paris, très


friande de ces « valeurs à turban ». Ils sont encouragés par Napoléon III
qui obtient ainsi des motifs de s'ingérer dans les affaires tunisiennes.

Sur les 35 millions de francs du premier emprunt, le bey n'en reçoit que
cinq, le reste ayant rémunéré commissions et pots-de-vin. En 1865, un
second emprunt fournit 25 millions. Le bey est payé en nature avec des
canons et un navire dont le prix a été grossièrement surévalué.

Les créanciers français ne s'inquiètent pas et comptent sur les revenus


des douanes tunisiennes pour être remboursés de leurs prêts. Lui-
même privé   de ces revenus, le gouvernement tunisien doit en
contrepartie augmenter les impôts, ce qui a pour effet d'aggraver la
crise humanitaire dans le pays. 

En 1867, le gouvernement aux abois se propose de lancer un nouvel


emprunt de pas moins de cent millions de francs. Cette fois, la Bourse
de Paris, qui a retrouvé ses esprits, décline la proposition.

L'État tunisien est déclaré en faillite. Il doit se placer sous le contrôle


financier des grandes puissances européennes. 

C'est ainsi que se met en place en 1869 une  commission anglo-italo-


française destinée à résorber la dette extérieure de l'État.

Elle est présidée par un Tunisien, le général Khérédine (Khayr al-Dîn ou Kheireddine Pacha), tandis que sa vice-présidence est confiée à un Français,
l'inspecteur des finances Victor Villet, « Bey Villet ». Le tandem arrive à assainir les finances du pays. 

Khérédine devient Grand vizir en 1873 et tente de relancer la politique de réformes et de combattre la corruption. Mais ses efforts sont réduits à
néant par la « troïka » anglo-italo-française qui oppose une fin de non-recevoir à sa demande de réduction de la dette et la Tunisie s'enfonce dans le
dénuement. Politiquement affaibli, Khérédine finit par être chassé du pouvoir. 

La Tunisie, également convoitée par la République française, l'Italie et le Royaume-Uni, bénéficie d'un sursis du fait des rivalité entre les consuls de
ces puissances. Elle devient un enjeu central du congrès de Berlin de 1878 consacré à l'empire Ottoman. Au terme de longues tractations entre
Bismarck et les Britanniques, ces derniers conviennent d'abandonner la Tunisie à la France. 

Malgré l'opposition de l'Italie, la Tunisie va en définitive tomber sous protectorat français.

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