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de l’auteur
Cours du 21.10.21
C. Damour
Bibliographie indicative
Yal Sadat, « Y a-t-il des auteurs dans l’avion? », Cahiers du cinéma, n°774,
mars 2021, p. 32-34.
Actualité 2019
https://www.cinematheque.fr/
cycle/rene-clair-507.html
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• «
Actualités scientifiques
Alexandre Astruc
et la Caméra-stylo (1948)
« Je ne crois pas aux bons et aux mauvais films je crois aux bons et aux
mauvais metteurs en scène. Il est possible qu’un cinéaste médiocre ou très
moyen réussisse un film de temps à autre, mais cette réussite ne compte pas
(…) Un metteur en scène possède un style que l’on retrouve dans tous ses
films, et ceci vaut pour les pires cinéastes et leurs pires films. Les différences
d’un film à l’autre, un scénario plus ingénieux, une meilleure photo, je ne sais
quoi, n’ont pas d’importance, car ces différences tiennent justement à cet
apport de l’extérieur, plus ou moins d’argent, un plus ou moins long temps de
tournage. L’essentiel est qu’un cinéaste intelligent et doué demeure intelligent
et doué quel que soit le film qu’il tourne. Je suis donc partisan de juger,
lorsqu’il s’agit de juger, non des films mais des cinéastes. Je n’aimerai jamais
un film de Delannoy, j’aimerai toujours un film de Renoir. »
François Truffaut, « Vous êtes tous témoins dans ce procès. Le cinéma français
crève sous les fausses légendes », Arts, 15 mai 1957.
« Welles est décidément l’un des cinq ou six auteurs de l’écran mondial dignes
de ce nom – l’un des cinq ou six qui portent en eux une vision du monde. Il
arrive le plus souvent qu’ils soient intégralement auteurs : auteurs du scénario,
auteurs de la mise en scène. Il arrive aussi – comme pour John Ford – qu’ils
parviennent, à travers le scénario des autres, à exprimer leur propre
univers. »
André Bazin, cité par Jean-Charles Tacchella, Roger Thérond, Les Années
éblouissantes, 1945-1952, Paris, Filipacchi, 1988, p. 30, cité dans Antoine De
Baecque, Cahiers du cinéma, histoire d’une revue, tome 1 – A l’assaut du
cinéma, 1951-1959, 1991, p. 148
• Andrew Sarris, critique à Village Voice et Film Culture
(textes fondateurs : « Notes on the auteur theory in
1962 », Film Culture, 21, hiver 1962 et The American
Cinema: Directors And Directions 1929-1968, New
York, Dutton – panthéon de 14 cinéastes, parmi lesquels
John Ford, Griffith, Hawks, Buster Keaton, Orson
Welles, Fritz Lang, Lubitsch, Murnau, Ophuls,
Sternberg, Chaplin, Hitchcock et Renoir)
– 3 critères de l’autorité : technique, stylistique et artistique
– Une expérience auteuriste extrême en France : les “Macmahoniens” :
groupe de jeunes critiques parisiens se réunissant au cinéma “Mac
Mahon”, emmenés par Michel Mourlet, autour de la revue Présence du
cinéma, et qui ont établi un “carré d’as” très strict pratiquant une mise
en scène pure : Raoul Walsh, Otto Preminger, Joseph Losey et Fritz
Lang (uniquement période américaine); et rejetaient vigoureusement
Rossellini ou Welles, pourtant défendus par la politique des auteurs.
• Biblio : Michel Mourlet, Sur un art ignoré. La Mise en scène
comme langage, Henri Veyrier, 1987.
Le cinéaste, un artiste
Le chef-d’œuvre « ressortira de l’exaltation de l’auteur. Cet auteur, dans le
cinéma, peut être l’acteur, l’écrivain ou le metteur en scène. Personnellement,
je crois que ce devrait être le metteur en scène. Il est le seul qui puisse modeler
le film en en pétrissant tous les éléments, comme un sculpteur pétrit la terre
glaise. »
Jean Renoir, Ma vie et mes films, Paris, Flammarion, 1974, p. 75
Années 20 : une querelle terminologique pour nommer le nouvel artiste de
l’écran
• Delluc (cinéaste) vs Canudo (écraniste)
• « [les acteurs] sont dans mes mains au montage, puisque je peux couper, je peux retirer,
je peux même allonger les temps qu’ils prennent, je peux les montrer dans une autre
dimension que celle qu’ils imaginaient, eux. » Patrice Chéreau, in Frédéric Sojcher, La
direction d’acteur, Rocher, 2008, p. 59.
• « Si le metteur en scène n’a pas la matière avec l’acteur au départ, il aura du mal à
monter son film. Mais là où il est le plus actif, le plus créateur, c’est surtout au moment
du montage. Il y trouve sa véritable écriture, son rythme. Kieslowski disait qu’il
n’aimait pas le temps du tournage, mais que celui du montage était son royaume, sa
patrie… » Juliette Binoche, entretien avec Yann Tobin, Positif, n°699, mai 2019, p. 32.
• « La jouissance que j’essaie d’atteindre, c’est le montage. Je ne suis pas malheureux
quand j’écris, mais ce n’est pas la fête. Tu es tout seul avec un ordinateur. Le tournage,
c’est beaucoup de responsabilités et ça carbure à plein pot. La vraie jouissance, c’est
quand tu fabriques le film au montage. (…) le vrai réalisateur d’un film, c’est le
monteur (…) En vrai, je ne suis pas un réalisateur. Je suis un auteur, c’est certain. La
réalisation, c’est gérer les gens. Je trouve ça super, j’aime bien les caméras, j’ai cette
excitation de faire la lumière et de découvrir les rushes. Mais c’est le monteur qui fait le
film. Quand je coupe, je sais que c’est bon. Quand je décide de changer de plan, c’est
parce que j’ai déjà imaginé comment ça va s’imbriquer. Mes meilleures idées viennent
des envies de montage. » Quentin Dupieux, in Cahiers du cinéma, n°756, juin 2019, p.
53.
Le monteur auteur?
• George Tomasini et Hitchcock
• Henri Colpi et Alain Resnais (Colpi par
ailleurs scénariste, parolier et cinéaste – palme
d’or en 1961 pour Une aussi longue absence)
• Thelma Schoomacker et Martin Scorsese
• Marcia Lucas et George Lucas
• Sally Menke et Quentin Tarantino
Transition : « (…) la définition de l’auteur de films (…) n’a guère provoqué de
débats à propos des metteurs en scène européens, Gance ou Eisenstein, Clair
ou Dreyer, que l’on a toujours tenus pour seuls responsables de leurs films. A
Hollywood par contre – à quelques notables exceptions près, comme Chaplin
ou Welles – on a souvent nié au réalisateur la paternité de son œuvre.
L’organisation très hiérarchisée des grandes compagnies, l’étanchéité des
différentes fonctions, les visées ostensiblement commerciales de la production
encourageaient la critique à ne voir dans l’ ‘usine des rêves’ qu’une chaine à
produire des œuvres en série, où le cinéaste n’était qu’un maillon. » Michel
Ciment, Les conquérants d’un nouveau monde. Essais sur le cinéma
hollywoodien (1981), Paris, Gallimard, 2015, p. 24-25.
Qui est l’auteur dans un art collectif ?
« Qu’un bébé n’ait qu’un seul père est une exigence de la nature ; la nécessité
d’un engendrement collectif est la malédiction singulière de l’art
cinématographique. »
Truman Capote, « Charlie Chaplin » (1959), Portraits et impressions de
voyage, Gallimard, 1995.
Jean Renoir
« En réalité, nous sommes dans un métier où l’on ne fait rien tout seul. Chaque
pas est une collaboration avec quelqu’un. Je conçois donc un découpage que je
crois parfait et je m’aperçois que ce découpage ne correspond pas à la réalité
vivante et que la réalité vivante ne peut être abordée que par ma
collaboration, peut-être mes discussions, peut-être mes querelles, peut-être
mes disputes effroyables, avec les acteurs, avec le caméraman, avec
l’opérateur, avec tout le monde ! C’est de cette espèce de discussion que
naît la matière vivante du film. » Jean Renoir, Le Passé vivant, Paris,
Cahiers du cinéma, 1989, p. 58.
« Je n’ai pas la prétention de comparer mon métier à celui de peintre ou de
bûcheron. Nos caméras, systèmes sonores, notre magnifique technique nous
éloignent plus du sujet que ne peut le faire le pinceau ou une hache. Nous
avons aussi contre nous notre nombre. Que de monde pour faire un film :
acteurs, techniciens, ouvriers, administrateurs, banquiers, vendeurs, que de
montagnes pour accoucher d’une souris! »
Jean Renoir, « Le retour de l’Indien » (1/10/1960), in Positif, n°535, septembre
2005, p. 51
La métaphore du cinéma comme « casse »
« Notre succès revint pour une large part aux acteurs, et tout
particulièrement à Nikolaï Bourliaev, Valentina Maliavina, Evgueni
Jarikov et Valentin Zoubkov. (…) Il n’est pas exagéré de dire que [ma
rencontre avec Nikolaï Bourliaev, futur interprète du rôle d’Ivan] fut
déterminante dans ma décision de réaliser L’Enfance d’Ivan. (…) je
n’aurais jamais accepté de poursuivre ce film sans sa présence ni celles,
d’ailleurs, du chef opérateur Vadim Youssov, du compositeur Viatcheslav
Ovtchinnikov et du décorateur Evgueni Tcherniaev (…) »
« Je n’ai rien contre les chefs opérateurs, mais je suis de moins en moins
convaincu de leur utilité. Ce n’est pas eux qui font l’image d’un film, même
s’ils en assurent la responsabilité. Ils discutent avec le metteur en scène, et
ensuite ils disent quoi faire à leur assistant. J’exagère à peine. Un chef op’ a
beau avoir un tempérament artistique, il ne sera jamais un artiste
(They’re artistic, they’re not artists). L’artiste c’est moi. »
Quentin Tarantino, Cahiers du cinéma, n°624, juin 2007, p. 14.
• Conclusion : une remise en cause de « la politique des auteurs »
« Nous avions l’habitude, dans les années cinquante, d’être très contents, et
très laudatifs, lorsque nous trouvions des points communs entre plusieurs films
du même réalisateur. Cela prouvait que le cinéaste avait vaincu la machine
hollywoodienne, et cela nous permettait de nous faire remarquer par nos dons
d’observation et de synthèse. Aujourd’hui, comme plus personne ne songe à
nier le statut d’auteur des grands cinéastes américains, je me demande s’il ne
faut pas faire marche arrière, et considérer comme paresse et rabâchage, dictés
par les producteurs et le box-office, ces leitmotives dans l’œuvre d’un
réalisateur ou d’un acteur. »
Luc Moullet, Politique des acteurs, Paris, Nathan, 1993, p. 119.
Jacques Rivette et la politique des auteurs
« qu’est-ce qui fait le point commun entre La Chienne et Le Carrosse d’or, on peut dire bien
sûr le théâtre, mais c’est un peu rapide ! Et entre Le Fleuve et La Nuit du carrefour… il y a
dix-sept ans et pas mal de kilomètres !... » Jacques Rivette, « le secret et la loi », Cahiers du
cinéma, n°720, mars 2016, p. 42.
« (…) la politique des auteurs, ça a été très vite une fuite en avant, parce que c’était dire :
effectivement, ils sont très différents, mais ils ont ça en commun d’être des ‘auteurs’. Bon,
mais à partir de ce moment-là, du coup, tout le monde devient un auteur ! Alors, c’est vrai
quand c’est Rossellini et Hitchcock, c’est toujours vrai quand il s’agit de Ford et de Renoir,
c’est encore vrai quand il s’agit de Hawks, c’est toujours vrai, bien entendu, quand il s’agit de
Lubitsch ou de Dreyer, mais est-ce encore vrai quand il s’agit de Minnelli, à plus forte raison
quand il s’agit de Richard Fleischer ? Et puis après, on arrive à Positif, qui se met à parler de
Pollack ou de je ne sais qui, ou de n’importe qui, parce quand on dit Pollack on n’est pas loin
de n’importe qui ! » Jacques Rivette, « Le secret et la loi » (1998), in Cahiers du cinéma,
n°720, mars 2016, p. 41.
« des ‘auteurs’ indiscutables, tels René Clair ou Mankiewicz, qui ne sont pas pour autant de
grands cinéastes… » Jacques Rivette, « le secret et la loi », Cahiers du cinéma, n°720, mars
2016, p. 42.