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« Aux termes du Code de la propriété intellectuelle toute reproduction ou


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ll est rappelé également que l’usage abusif et collectif de la photocopie met
en danger l’équilibre économique des circuits du livre.
© Direction de l’information légale et administrative, Paris, 2010
ISBN : 978-2-11-007660-I
ISSN : 1152-4235
PRÉSENTATION

Cet ouvrage a pour ambition de vous préparer aux épreuves des concours
administratifs portant sur la gestion des ressources humaines (GRH) dans la
fonction publique, et plus précisément à l’épreuve de QRC - questions à
réponse courte - du concours externe d’entrée aux instituts régionaux
d’administration (IRA). Selon l’arrêté du 6 juin 2008, la deuxième épreuve de
l’écrit de ce concours, d’une durée de quatre heures, est constituée d’une série
de six à dix questions dont certaines portent sur la GRH, « notions générales
et spécificités dans la fonction publique ».
Les six chapitres de cet ouvrage couvrent les différentes parties du
programme : « Qu’est-ce que la GRH ? »>, « Notions, procédures et outils
de la GRH », « Le management des ressources humaines », « Le statut de la
fonction publique »>, « La GRH publique : des fonctions en évolution », « Le
dialogue social dans la fonction publique »>. La conclusion fait le point sur
l’émergence d’un nouveau modèle de GRH publique que les réformes
récentes ambitionnent de construire.
Chaque chapitre comporte plusieurs fiches et traite de tous les points figurant
au programme, avec un parallèle établi, chaque fois que c’est nécessaire,
entre les pratiques du secteur privé et les spécificités du secteur public. Nous
vous proposons, en outre, une rubrique « Retenir l’essentiel » qui vous aidera
à mémoriser les données importantes. Un glossaire placé à la fin de l’ouvrage
vous offre une définition des principales notions évoquées.
Dans l’esprit de l’épreuve, les candidats doivent posséder des connaissances
de base ; on ne leur demande pas de devenir des spécialistes. Pour autant, ils
doivent appréhender les enjeux de la transformation actuelle de la GRH
publique. C’est pourquoi vous trouverez, à la fin de chaque chapitre, une
rubrique « Questions et débats » qui permet, au-delà de l’apprentissage des
différents points du programme, de comprendre les problématiques associées
au thème traité.
Si vous souhaitez approfondir certaines questions, la bibliographie vous y
aidera, ainsi que les sites internet qui y sont mentionnés. Vous aurez ainsi
tous les éléments nécessaires pour bien préparer et réussir l’épreuve de GRH
appliquée à la fonction publique.
CHAPITRE 1 - QU’EST-CE QUE LA
GRH ?
Fiche 1 - Une science de gestion
fortement dépendante de son
environnement

1. Des connaissances et des pratiques qui s’adaptent


à leur contexte
La gestion des ressources humaines (GRH) se définit comme l’ensemble des
activités qui permettent à une organisation de disposer des ressources
humaines correspondant à ses besoins, en quantité et en qualité. Elle consiste
à recruter et gérer des personnels, à débattre et négocier avec leurs
représentants. Elle vise aussi à maintenir, voire améliorer, la contribution des
salariés au bon fonctionnement d’une entreprise ou d’un service en s’assurant
qu’ils disposent des compétences nécessaires, en veillant au climat social et
en s’intéressant aux déterminants individuels et collectifs de la performance
au travail (c’est-à-dire à la motivation).
C’est une science de gestion, proche du management entendu comme le
gouvernement des organisations. Le droit du travail et des relations sociales
est un de ses éléments constitutifs. La GRH est également influencée par les
sciences humaines, tout particulièrement la sociologie des organisations1 et la
psychologie des groupes.
Mais la GRH constitue aussi un ensemble de savoirs techniques, portant par
exemple sur la conduite d’un entretien de recrutement ou la mise en place
d’une politique d’évaluation du personnel.
La GRH est souvent présentée comme un ensemble de connaissances et de
pratiques stable, à caractère normatif et universel. Pourtant, les scientifiques
insistent tous sur la nature « contingente » de la GRH, qui peut varier selon la
situation économique et sociale d’une organisation. En effet, le métier de la
GRH n’est pas le même partout. Dans une entreprise située sur un marché
concurrentiel dont la main-d’œuvre est peu qualifiée, la GRH a pour priorité
de maîtriser les coûts et de favoriser l’augmentation de la productivité. Dans
une organisation qui emploie surtout des personnels qualifiés, le recrutement,
la gestion des carrières et l’amélioration des compétences font partie de ses
missions primordiales.

2. Plusieurs modèles de GRH ont dominé l’histoire


récente
Au cours du XXe siècle, la GRH est passée progressivement de la gestion du
personnel à la gestion des relations, puis des ressources humaines. Son
histoire montre combien elle est dépendante de l’organisation du travail dans
l’entreprise, qui a considérablement évolué pendant la période.
Le tableau situé en pages 10 et 11 retrace les différents modèles de GRH de
l’histoire récente. Il identifie trois périodes et trois types d’organisation.
L’entreprise taylorienne, adaptée à un contexte de production de masse, est
fondée sur la séparation des emplois de conception et d’exécution, ainsi que
sur la parcellisation du travail de production. La GRH est alors, pour
l’essentiel, une « administration » du personnel, fournissant l’exacte quantité
de salariés demandée et ajustant le salaire à la description du poste.
Avec le développement de la concurrence et les préoccupations grandissantes
de qualité des produits offerts, le modèle évolue ensuite vers un souci accru
de participation des salariés. L’entreprise post-fordienne, qui valorise
désormais davantage les qualifications de son personnel, se préoccupe des
relations sociales puis, de plus en plus, de la motivation du personnel, devenu
une « ressource ».
Le modèle de l’organisation flexible, le plus récent, est lié à un contexte
d’accentuation de la concurrence : la GRH a alors pour mission de favoriser
l’adaptation du personnel pour accroître la compétitivité de l’entreprise. La
notion d’emploi évolue : l’entreprise attend du salarié qu’il fasse montre de
qualités autres que techniques (autonomie, réactivité ou capacité de
communication). Les notions de compétences, de performance et
d’adaptabilité deviennent centrales.
La présentation du tableau page suivante est volontairement schématique.
Elle ne vaut que pour les organisations d’une certaine taille. De plus, les
modèles évoqués sont des idéaux-types. Ils existent rarement en tant que tels :
dans la réalité, ils peuvent donner lieu à des hybridations, qui ne respectent
pas forcément la périodicité indiquée. Enfin, la détermination des différents
types de GRH par le contexte économique n’est pas si mécanique : d’autres
facteurs interviennent, en particulier les acteurs de l’entreprise ou du service
(salariés, dirigeants, partenaires sociaux), qui réagissent différemment selon
la « culture » locale et les valeurs de l’organisation.
Cependant, ces modèles permettent de comprendre la réalité en la simplifiant.
De fait, le travail a changé : aujourd’hui, il n’est plus seulement l’occupation
d’un poste, défini par une suite de tâches répétitives. Les exigences des
employeurs ont crû, même sur les emplois peu qualifiés. En conséquence, les
critères de recrutement et de rémunération ont évolué. De même les relations
sociales se sont transformées, avec un impact sur les métiers de la GRH.
Les modèles dominants de GRH
Première moitié 1950-fin des Depuis les années
du XXe siècle années 1970 1980-1985
Contexte Industrialisation, Croissance Crise récurrente,
économique et production de économique, mondialisation des
social masse, alternance syndicalisation échanges,
de croissance et de forte, concurrence
crise, conquête de développement de exacerbée,
droits sociaux la concurrence importance des
coûts de
production et de
l’innovation
Modèle Organisation taylorienne (organisation Organisation
d’organisation hiérarchisée avec parcellisation du flexible*
de l’entreprise travail d’exécution) capable d’adapter
ou modèle post-fordien (meilleure sa main d’oeuvre
responsabilisation du personnel, en quantité et
préoccupations de management) qualité,
développement du
travail en équipe
ou en réseau
Conception de Séparation stricte Développement Salarié au service
l’emploi et de des emplois de progressif du des intérêts de
la conception et management et des l’entreprise, mobile
main-d’œuvre d’exécution préoccupations de et adaptable
Poste d’exécution : participation et de Travail en projet,
travail décomposé motivation en équipe
en opérations, Courant (limité) de Exigences
rémunération à la « développement d’implication
tâche ou au social » : volonté personnelle,
rendement, de donner exigences de
caractère davantage résultats
interchangeable de d’autonomie aux mesurables
la main-d’œuvre équipes de travail
Conception et Administration du Meilleure Participation de la
objectifs de la personnel, gestion reconnaissance de GRH à la stratégie
fonction GRH de masse la fonction GRH de l’entreprise,
Valorisation des Développement porosité croissante
capacités des services et avec le
d’organisation et de outils de GRH management
rationalisation (classement des Gestion des
salariés par hommes en
emplois et statuts, tant qu’« actifs
informatisation) spécifiques », qui
Gestion des doivent contribuer
ressources à la création de
humaines (volonté richesses
de meilleure Externalisation de
individualisation)
nombreuses
et des relations
fonctions
sociales,
préoccupation pour GRH (fonctions
le climat social techniques, comme
la paye ; ou
Valorisation des
spécialisées,
capacités de
comme le
dialogue et de
recrutement) pour
négociation
se recentrer sur les
fonctions
stratégiques
Valorisation de la
gestion des
personnes
(recrutement,
gestion de
la mobilité,
formation,
rémunération)

Première
1950-fin des années Depuis les années
moitié du
1970 1980-1985
XXe siècle
Approche des Par poste : Classement Révision du classement
emplois et de liste des tâches hiérarchisé des emplois qui sont
la prescrites d’emplois « pesés » au regard de
rémunération « standard » avec critères multiples
correspondance (technicité, impact sur
entre emploi, l’entreprise, relations,
qualification autonomie, formation
nécessaire et indice nécessaires) qui
de rémunération (ou représentent les
salaire minimum compétences* requises,
dans les conventions En complément,
collectives) rémunération
Si progression de partiellement
carrière prévue, individualisée selon les
application performances
fréquente du critère
d’ancienneté
Valeurs Responsabilité Stabilité /ancienneté Mobilité / adaptabilité
dominantes des cadres / fidélité à Esprit d’initiative,
Obéissance l’entreprise réactivité
des autres Valorisation des Capacité à se
salariés qualifications différencier
Main-d’œuvre (diplômes)
= variable Volonté d’égalité
d’ajustement
Gestion Du Affirmation de Altération des droits de
sociale paternalisme à droits et maintien du la main-d’œuvre
la « compromis externe (intérim et
reconnaissance fordien » (partage CDD) et, dans certains
de droits des gains de secteurs, de la main-
productivité entre les d’œuvre interne
employeurs et le
personnel)

3. Une discipline en amélioration constante ?


En un siècle, la GRH s’est apparemment enrichie et professionnalisée,
passant de la simple gestion de procédures de recrutement et de paye à une
exploitation mieux outillée et plus méthodique des ressources humaines. Les
liens entre GRH et management renforcent ce sentiment d’une amélioration
continue. La GRH moderne, désormais partie intégrante de la direction des
organisations, définit de « bonnes pratiques » de gouvernement : attention
portée aux conditions de travail et à la cohérence entre les moyens accordés
et les résultats attendus, incitation au travail en équipe, évaluation régulière
des personnels…
On peut aussi soutenir, à l’inverse, que la GRH s’adapte simplement au
contexte économique et social : la GRH d’aujourd’hui, très soumise aux
contraintes financières, n’est sans doute pas « meilleure » en soi. Plus
exigeante à l’égard des salariés, plus complexe, elle tente surtout de répondre
aux attentes des organisations actuelles.

4. Des applications aussi bien dans le secteur public


que dans le secteur privé
L’analyse des évolutions de la GRH concerne tout autant les administrations
publiques2 et la fonction publique que les entreprises privées. Pour décrire la
fonction publique, du moins la fonction publique traditionnelle, la sociologie
des organisations* évoque le modèle bureaucratique* : centralisation des
décisions, fonctionnement reposant sur l’application de règles juridiques,
caractère impersonnel des rôles, organisation des recrutements et des
carrières sur des critères « objectifs », avec valorisation des titres et de
l’ancienneté (voir chapitre 4). Or, dans les années 1950 et 1960, de
nombreuses entreprises privées fonctionnaient sur ce modèle, qui a des
parentés avec le modèle taylorien. Les historiens soulignent d’ailleurs
combien, à la Libération, la description des emplois « standard » du secteur
privé, telle qu’elle figure dans la plupart des conventions collectives d’alors,
privilégiant le diplôme et l’expérience, s’est inspiré du secteur public,
considéré à l’époque comme une référence. La GRH qui a longtemps
caractérisé la fonction publique est un modèle parmi d’autres, adapté à un
environnement donné.

1. Les termes suivis d’un astérisque renvoient au glossaire, p. 157.


2. Parmi les administrations publiques (en dehors du champ des
entreprises publiques dont l’État est propriétaire ou actionnaire partiel),
on distingue les administrations de droit privé qui gèrent un service
public (organismes de Sécurité sociale, par exemple) et les
administrations publiques stricto sensu qui emploient des fonctionnaires.
Il s’agit pour l’essentiel des services de l’État et des collectivités
territoriales, ainsi que des établissements publics qui leur sont rattachés,
parmi lesquels les établissements publics de santé.
Fiche 2 - Une fonction transversale, des
métiers multiples

1. Trois fonctions principales


Les services de ressources humaines exercent trois fonctions principales :
- gérer le personnel : rédiger les contrats de travail, effectuer ou faire
effectuer la paye, procéder aux déclarations légales, suivre le temps de travail
et les congés, déclarer les accidents du travail, tenir le dossier du salarié,
traiter les contentieux. Pour cette fonction, l’expertise nécessaire est
essentiellement juridique ;
- gérer les relations avec les institutions représentatives du personnel
(IRP) et organiser la communication interne. Pour une grande part, ce
domaine d’activité correspond comme le précédent à des contraintes légales.
Il requiert aussi des capacités de dialogue et de négociation et un sens de
« l’acceptabilité sociale » pour concilier les objectifs de l’entreprise et ceux
des salariés ;
- élaborer et appliquer des politiques de ressources humaines :
recrutement, formation et gestion des compétences, évaluation, rémunération.
C’est la partie de la GRH la plus créative, celle qui doit traduire la stratégie
propre de l’organisation. Elle est complétée par l’élaboration et le suivi du
système d’information sociale, qui organise les données relatives aux
personnels et produit divers indicateurs de gestion sociale (voir chapitre 2).

2. Les effectifs dédiés à la GRH dans le privé et le


public
Dans les entreprises de plus de 180 salariés, la fonction de GRH occupe en
moyenne 1,85 % des effectifs (ce qui signifie que 1,85 personne en gère 100)
et mobilise 3,4 % de la masse salariale (source : enquête CEGOS 2006). La
comparaison avec la fonction publique d’État est instructive : celle-ci ne
dispose pas d’indicateurs de coût mais indique que le ratio personnels de
GRH / personnes gérées va de 1,66 à 4,18 selon les ministères, la moyenne
pondérée s’établissant à 2,24 1. La fonction RH des administrations d’État est
globalement plus coûteuse que celle du secteur privé, alors même qu’elle est
souvent accusée d’être peu personnalisée et de privilégier une gestion de
masse.
Deux raisons principales expliquent cet écart : si l’on intègre les circulaires 2,
le droit statutaire applicable aux fonctionnaires est plus minutieux et plus
écrit que le droit du travail 3, pourtant déjà accusé d’être excessivement
complexe. De plus, la gestion des personnels de l’État est à la fois fortement
centralisée, ce qui oblige à une démultiplication des échelons, et éclatée entre
des instances de concertation syndicale chronophages (voir chapitre 4).

3. La répartition des effectifs entre les diverses


fonctions RH
Dans les entreprises privées, la plus grande part des effectifs des services de
ressources humaines (soit environ 40 %) se consacre à des tâches
d’administration, de paye, de gestion des temps travaillés et de tenue des
dossiers. Il en va de même dans les administrations publiques, où la part de
gestion administrative est considérée comme excessivement développée.
Enquête CEGOS 2006 dans 180 entreprises de plus de 200 salariés
Administration du personnel (paye essentiellement) 40
%
Élaboration et gestion de politique de RH (hors formation) 23
%
Organisation et suivi de la formation, relations sociales, conditions 37
de travail, recrutement %

Les missions de gestion des ressources humaines (évaluation, travail sur les
compétences, politique de rémunération, suivi des indicateurs sociaux) ne
mobilisent que 23 % des effectifs du secteur privé.
Les effectifs restants se consacrent à l’organisation et au suivi de la
formation, aux relations sociales, aux conditions de travail et au recrutement.

Élaborer une politique de ressources humaines


En matière de recrutement, voici le type de questions que le service des
ressources humaines d’une entreprise privée doit se poser :
Comment rédiger la définition de poste (travaux à effectuer, relations
professionnelles, objectifs à atteindre, évolution éventuelle du poste, facteurs
de difficultés, contraintes) ? Qui la rédige ? Qui la valide ?
Comment définir le profil recherché (compétences techniques et qualités à
détenir) ?
Faut-il faire appel à des prestataires extérieurs pour aider dans la sélection ?
Pour quels types de poste ? Avec quelles exigences ? Quels critères de
sélection de ces prestataires doit-on retenir ?
Comment faire connaître le recrutement ? Appel prioritaire aux candidatures
internes ? Pour quels postes ?
Sur quels critères effectuer la première sélection des candidatures ? Comment
éviter les biais ? Mise en place de CV anonymes ?
Quels outils de sélection utiliser ensuite, en tenant compte du caractère
approprié de la méthode au poste à pourvoir et de son coût ? Essais
professionnels ? Tests d’aptitude ? Tests de personnalité ? Entretien ?
Comment le structurer pour en éviter les biais ?
CDD ou CDI ? CDD avec perspective de CDI ? Comment suivre et valider la
période d’essai ?
Comment accueillir et former éventuellement le nouveau recruté ?
Quels indicateurs de suivi des recrutements effectués pour en vérifier la
qualité ?

4. Désormais, priorité à l’accompagnement de


l’entreprise
La part consacrée au pilotage et à l’évaluation des actions RH est aujourd’hui
minoritaire dans le secteur privé. Mais les entreprises tentent de remédier à
cette situation.
Actuellement, selon la CEGOS, un tiers des entreprises privées sous-traite la
paye, 50 % le recrutement et 71 % la formation, c’est-à-dire des fonctions à
faible valeur ajoutée ou qui demandent une technicité particulière. Ailleurs,
les services de GRH s’efforcent d’améliorer la productivité de la gestion
administrative pour pouvoir se recentrer sur les autres fonctions
d’accompagnement de la marche générale de l’entreprise.
Les missions jugées prioritaires sont la gestion des compétences, la
préservation de la paix sociale et l’amélioration de la motivation des salariés.
La fonction publique témoigne aujourd’hui de préoccupations identiques et
entend « Mieux recruter », « Mieux évaluer », « Faciliter les mobilités » et
« Adapter les politiques salariales aux objectifs de personnalisation » 4. La
dimension d’élaboration de politiques sociales devient le cœur de la GRH,
qui doit consacrer moins de temps aux tâches de simple gestion.

5. La GRH, une fonction transversale et partagée


La GRH est par nature une fonction transversale et partagée, qui n’est pas
l’apanage d’un seul service ni d’un seul responsable. Comme le montre le
graphique page suivante, les acteurs internes de la GRH sont multiples :
direction générale, encadrement, salariés, organisations syndicales…
Ce sont les cadres opérationnels, essentiellement les cadres de proximité,
qui en sont les relais, voire les principaux acteurs. Ils jouent un rôle dans le
recrutement (ils définissent les profils à rechercher, ils participent au choix),
l’évaluation, les décisions de carrière et de formation et, de manière plus
générale, dans le style de management.
Le degré de déconcentration des décisions est alors un élément essentiel :

la gestion du temps de travail (congés, absences) est en général


totalement confiée aux services opérationnels, parce qu’il s’agit surtout
d’un suivi administratif ; quant à l’élaboration du plan de formation, elle
associe le plus souvent les cadres de terrain, surtout si le thème est traité
dans l’entretien périodique d’évaluation dont ils sont chargés ;
ce sont les décisions relatives à la rémunération ou à la gestion des
carrières dont la déconcentration est décisive : selon que ces décisions
relèvent de la hiérarchie directe du salarié ou « remontent » à un niveau
où celui-ci n’est pas individuellement connu, la GRH changera de
visage. Dans le premier cas, le risque est la variabilité des décisions et la
dilution de la politique de GRH, compte tenu de la diversité des cadres
qui l’ont en charge. Dans le second cas, on peut craindre la
déresponsabilisation de l’encadrement proche et le caractère
impersonnel, et parfois arbitraire, des décisions.

Les acteurs internes de la GRH

Source : Yves-Frédéric Livian, « La GRH et ses parties prenantes »,


Actes du séminaire « Management et gestion des ressources humaines :
stratégies, acteurs et pratiques », DGESCO, juin 2006.

Les organisations syndicales sont également des acteurs de la GRH. Dans le


secteur privé, leur rôle dans la négociation des conventions et accords
collectifs, qui fixent notamment les règles de classement des emplois et des
rémunérations, en témoigne. Dans la fonction publique, le dialogue social a
une importance particulière, du fait du principe de participation, selon lequel
les personnels sont associés, par l’intermédiaire de leurs représentants, à
certaines décisions qui les concernent (voir chapitre 4).
Interviennent également des acteurs extérieurs, dont le législateur bien
évidemment. L’influence particulière de l’opinion publique mérite aussi
d’être soulignée : certaines entreprises ou administrations ont en effet la
volonté d’apparaître comme des acteurs socialement responsables vis-à-vis de
l’opinion publique. Leur GRH s’en trouve modifiée, qui se traduira selon les
cas par la recherche de la diversité dans les recrutements (tout
particulièrement dans la fonction publique 5), mais aussi par des politiques
volontaristes à l’égard des seniors, des femmes ou des personnes
handicapées.

6. La GRH, une fonction technique et une fonction


relationnelle
La GRH est une fonction technique, qui élabore des outils, tels que les fiches
de description des emplois, les référentiels de compétences, les
questionnaires d’évaluation (voir chapitre 2). Ces outils sont notamment
utilisés dans le cadre des processus de sélection et d’évaluation des
personnels.
Cette technicité est utile : elle permet une meilleure maîtrise de la complexité
des situations. Toutefois, elle ne suffit pas : le rôle d’un directeur des
ressources humaines n’est pas seulement de « gérer » les ressources
humaines ; il consiste aussi à comprendre les ressorts de l’organisation dans
laquelle il inscrit son action, les rapports de force et le jeu des acteurs, pour
débattre, voire négocier, les changements ou les évolutions dont il souhaite la
mise en œuvre. Il doit savoir analyser les situations, en particulier les conflits,
et rechercher des solutions acceptables.
De nombreux théoriciens ou praticiens de la GRH ont mis l’accent sur
l’importance, pour un directeur des ressources humaines (DRH), de l’analyse
concrète des situations. Ainsi, dans son ouvrage Sociologie des conflits du
travail (1982), le sociologue Jean-Daniel Reynaud propose-t-il une grille
d’analyse des conflits qui peut s’appliquer à nombre d’autres situations :
quels sont les enjeux sous-jacents à un conflit ? Ce conflit est-il explicite ?
Réel ? Ses enjeux sont-ils convergents ? Totalement ou partiellement ? Qui
sont les acteurs du conflit ? Qui y semble indifférent ? Ou menacé ? Quelles
sont les alliances possibles ? Quelles sont les conduites possibles, avec leurs
avantages et leurs inconvénients ? Quel compromis final peut être obtenu ?
Avec quelles conséquences pour les acteurs à court et long termes ?
Les travaux du sociologue Michel Crozier traduisent la même préoccupation
de décryptage de la stratégie des acteurs dans une organisation donnée.
Comprendre un conflit, conclure des alliances, négocier, élaborer des
compromis si possible durables, tel est aussi le métier des DRH.
1. Voir Ministère du Budget, des Comptes publics, de la Fonction
publique et de la Réforme de l’État, Rapport annuel sur l’état de la
Fonction publique, volume 2 : « Politiques et pratiques 2008-2009 », La
Documentation française, 2009, p. 195.
2. La circulaire, texte sans valeur normative à l’égard des tiers mais
obligatoire pour les fonctionnaires, n’a pour vocation que de prévoir les
conditions d’application des textes. Dans la pratique, compte tenu de la
minutie de ses prescriptions, elle est un élément de rigidité pour la GRH
de la fonction publique.
3. Les fonctionnaires ne sont pas soumis au droit du travail mais à un
statut (voir chap. 4).
4. Têtes de chapitre du volume 2 du Rapport annuel sur l’état de la
Fonction publique, cité en note 3, p. 14.
5. Dominique Versini, Rapport sur la diversité dans la fonction
publique, Ministère de la Fonction publique et de la Réforme de l’État,
2004 ; Gwenaëlle Calvès, Renouvellement de la fonction publique de
l’État, DGAFP, 2005.
Fiche 3 - Les enjeux stratégiques de la
GRH

1. Une gestion de plus en plus considérée comme


stratégique
Depuis environ vingt ans, compte tenu des enjeux que représente l’adaptation
des personnels à un environnement économique évolutif, voire mouvant, la
GRH n’est plus considérée comme une fonction support « au service » de
l’entreprise, mais comme une fonction stratégique, capable de « créer de la
valeur », c’est-à-dire du profit. Dans ce cadre, les ressources humaines sont
vues comme un capital particulier, plus précieux que des technologies qui
peuvent être copiées, constitué d’une somme de connaissances et de
compétences dont le développement peut directement influer sur les résultats.
Une illustration de ce positionnement stratégique se retrouve dans le modèle
de Dave Ulrich, célèbre consultant américain, qui assigne quatre rôles à la
GRH 1 :
- partenaire stratégique, la GRH est associée à la définition de la stratégie de
l’entreprise, dont elle assure la cohérence avec les politiques de ressources
humaines ;
- agent du changement, elle aide aux transformations nécessaires en agissant
concrètement sur les hommes (recrutement, formation) et par des actions de
communication interne ;
- expert fonctionnel, elle tend à améliorer l’efficience de son propre service,
le cas échéant en externalisant certaines tâches ;
- défenseur des salariés, elle les accompagne et les incite à être performants,
en favorisant en particulier l’acquisition de nouvelles compétences.

Le modèle de Dave Ulrich


Rôles stratégiques
Action Partenaire stratégique Action
sur les de l’entreprise : Agent du changement : sur les
processus définit des politiques en aide à la transformation personnes
cohérence avec la de l’organisation et de
stratégie d’ensemble de sa culture pour
l’entreprise accroître la cohérence
(recrutement, avec la stratégie de
rémunération, l’entreprise
formation)
Expert administratif : Défenseur des salariés :
accroît l’efficience des « coach » des employés,
processus proprement RH attention portée à leur
(recrutement, paie…) motivation,
développement des
compétences
Rôles opérationnels
La GRH dite « stratégique » se trouve ainsi au centre de tensions : elle se
partage entre la gestion quotidienne et la préparation de l’avenir. Elle
participe à l’élaboration de stratégies de développement souvent focalisées
sur les résultats commerciaux et financiers, tout en prenant soin du « capital
humain » que sont les salariés. Au final, on attend qu’elle apporte à
l’entreprise un bénéfice accru.
Le secteur public n’échappe pas à ces préoccupations, même si celles-ci sont
à transposer dans un contexte non lucratif : le rapport sur l’état de la Fonction
publique 2 plaide pour qu’une GRH rénovée accompagne la Révision
générale des politiques publiques (RGPP), c’est-à-dire le processus de
réaffectation des moyens de l’État et de refonte de ses structures
administratives, dans un objectif d’économie et de meilleure efficience.
Dans le prolongement logique de cette conception, plus exigeante en termes
d’impact de la GRH sur les performances, il est demandé désormais à toute
gestion des ressources humaines de s’attacher à mesurer le « retour sur
investissement » attendu. La GRH utilise pour ce faire des outils qui lui
permettent de rendre compte de son action, en particulier les tableaux de bord
sociaux (voir chapitre 2). L’insistance sur cette démarche d’évaluation des
résultats obtenus par la GRH va grandissante : il s’agit de mesurer la création
de richesses ou les économies réalisées (par exemple, en réduisant
l’absentéisme ou les conflits sociaux) induite par une fonction elle-même
coûteuse.

Questions et débats
Une distorsion fréquente entre les intentions affichées et les pratiques
effectives
La multiplicité des acteurs qui participent à la gestion des ressources
humaines provoque parfois un décalage entre la réalité de terrain et les
objectifs définis par la politique de GRH. Les cadres de proximité
peuvent avoir en effet des préoccupations différentes de celles du DRH.
L’exemple souvent cité est celui de la mobilité, à laquelle les cadres de
proximité peuvent être réticents, pour des raisons liées au
fonctionnement du service, alors même que la GRH de l’entreprise en
fait un axe de son action, pour des raisons de principe.
Parfois aussi, les consignes du DRH méconnaissent le souci des cadres de
ménager leurs collaborateurs. Par exemple, si les enveloppes
d’augmentation de salaire confiées aux cadres sont trop restreintes afin
de les contraindre à privilégier les salariés les plus méritants (et donc
implicitement à sanctionner les autres), ces mêmes cadres prennent
l’habitude de faire des répartitions d’augmentation de salaire à tour de
rôle, ce qui va à l’encontre des objectifs de départ. Cette pratique, qui
existe dans le public (notamment pour des majorations d’ancienneté
contingentées permettant d’accélérer la carrière), se retrouve aussi dans
le privé : le LIRHE (laboratoire interdisciplinaire des ressources
humaines et de l’emploi, qui relève du CNRS) démontre que les
augmentations dites « au mérite » sont assez fréquemment attribuées à
tour de rôle pour éviter les conflits.
Par conséquent, si elle ne se préoccupe pas de la réalité de terrain, la
GRH court le risque d’être incantatoire. La GRH est donc bien une
affaire de pratique : dès lors que les personnels ne se plient pas toujours
parfaitement aux consignes, mieux vaut connaître la réalité et
éventuellement chercher à l’infléchir par la négociation.
Le « modèle instrumental » 3est, dans ce contexte, un faux-ami. Parfois,
en effet, les outils, méthodes et procédures de la GRH sont présentés
comme ayant une efficacité universelle : il suffirait de savoir évaluer les
personnes pour garantir l’équité des rémunérations ; de même,
l’expertise du DRH lui permettrait de définir les « bonnes pratiques »,
celles qui vont permettre sans heurts la convergence des intérêts des
salariés et de l’organisation.
La réalité n’est pas si simple. L’expertise est indispensable mais ne
constitue pas une réponse suffisante, surtout dans un contexte de
changement. Les personnels ne sont pas parfaitement conditionnables :
ils jugent les politiques de ressources humaines, ils les récusent parfois,
ils ne s’y plient pas toujours. De plus, l’expertise ne suffit pas pour agir
en situation d’échange, de négociation ou de conflit. La gestion des
ressources humaines est aussi un effort d’adaptation au contexte, sans
garantie absolue de réussite.
Un métier difficile qui doit répondre à des injonctions paradoxales
Les DRH soulignent le caractère parfois contradictoire des demandes qui
leur sont faites. Les dirigeants des organisations attendent d’eux qu’ils
maintiennent la paix sociale. Parallèlement, il faut contenir les charges
salariales et travailler à l’amélioration de la productivité. Le service doit
rendre compte sur le court terme de ses coûts et améliorer les
compétences pour préparer l’avenir. Le but poursuivi est de motiver le
personnel, tout en affichant des objectifs de flexibilité et parfois en
réduisant les effectifs.
La GRH est donc un métier difficile. Elle reflète les contradictions de
l’organisation dans laquelle elle travaille. Moins ces contradictions sont
assumées et reconnues, plus elle est conduite à un discours artificiel et
peu crédible. Elle déclare alors être « du côté des personnes » alors
qu’elle est aussi du côté de la gestion. De fait, le modèle de Dave Ulrich
étudié ci-dessus n’est équilibré qu’en apparence : dans la pratique, le
rôle stratégique de la DRH et l’intérêt porté aux résultats de l’entreprise
risquent de l’éloigner des préoccupations des salariés. De même, la
logique d’efficience et l’obligation de « rendre compte », peu contestables
dans leur principe, induisent parfois une vision réductrice de la fonction
de GRH. Même l’objectif de motivation des salariés, quand il ne tend
qu’à l’amélioration des performances, risque d’instrumentaliser les
« ressources humaines » qui restent pourtant des personnes. Ces
contradictions expliquent que la fonction GRH soit souvent assimilée à
Janus, ce dieu au double visage de l’Antiquité romaine, et fustigée
comme un double langage.
Cependant, la GRH réussit parfois à poser, voire à résoudre, des
questions difficiles : quelle part du temps réserver à la gestion pure et
quelle part à l’élaboration et à l’ajustement des politiques ? Comment
bien utiliser les outils et les méthodes à disposition sans les valoriser
excessivement ? Comment maintenir la cohérence générale de la
politique de GRH tout en reconnaissant une responsabilité aux services
opérationnels ? Comment, dans une organisation, concilier
l’amélioration des résultats et le respect des salariés ?
Retenir l’essentiel
La GRH se définit comme l’ensemble des activités qui permettent à une
organisation de disposer des ressources humaines correspondant à ses
besoins, quantitatifs et qualitatifs. Elle présente plusieurs
caractéristiques :
- elle s’adapte à l’organisation dans laquelle elle s’inscrit. Elle a
d’ailleurs beaucoup évolué, depuis les organisations tayloriennes, où elle
consistait à gérer un personnel interchangeable, jusqu’aux organisations
« flexibles » d’aujourd’hui, où elle est un instrument permettant
d’accroître les performances, avec une plus grande individualisation de
la gestion ;
- elle associe plusieurs métiers, de l’administration du personnel (qui
occupe encore l’essentiel de son temps) à l’élaboration de politiques, en
passant par la gestion des relations avec les partenaires sociaux ; elle
souhaite désormais privilégier ces deux dernières missions ;
- c’est une fonction partagée entre plusieurs acteurs, en particulier le
service de GRH et les cadres opérationnels, qui l’appliquent au
quotidien, ce qui crée des risques de distorsion entre les politiques et leur
application.
La GRH est une fonction complexe, alliant savoirs, savoir-faire et
négociation. Souvent qualifiée de fonction « J anus », elle doit servir
l’entreprise sans oublier les personnes. Une GRH réussie est une GRH
qui, dans la pratique, parvient à trouver un équilibre entre ces diverses
exigences.
1. Dave Ulrich, Human Resource Champions : The Next Agenda for
Adding Value and Delivering Results, Harvard Business School Press,
1997.
2. Rapport annuel sur l’état de la Fonction publique, tome 2 :
« Politiques et pratiques 2008-2009 », cité en note 3, p. 14.
3. Pour une description du modèle instrumental de la GRH, voir
le livre de Julienne Brabet, Repenser la gestion des ressources
humaines ?, Economica, 1993.
CHAPITRE 2 - NOTIONS,
PROCÉDURES ET OUTILS DE LA
GRH
Fiche 1 - La compétence, une notion
devenue centrale

1. Une description des emplois de plus en plus


fouillée
Dans le secteur privé, les conventions collectives d’après-guerre décrivaient
les emplois par les activités à effectuer et les capacités professionnelles
nécessitées par ces mêmes activités, avec mention de l’expérience ou du
diplôme requis. Encore aujourd’hui, de nombreuses conventions utilisent ce
mode de description.
Depuis une quinzaine d’années, dans des secteurs de plus en plus nombreux,
les emplois sont dépeints de manière beaucoup plus détaillée, allant bien au-
delà de l’approche essentiellement technique utilisée jusqu’alors. La
description de poste comprend fréquemment, en complément des savoirs et
savoir-faire traditionnels :
- les relations à établir en interne ou en externe ;
- les responsabilités assumées ;
- les obligations liées à la responsabilité d’encadrement ou à l’emploi, avec
mention de la disponibilité, de la rapidité d’exécution, voire du soin
nécessaires ;
- parfois, l’impératif de réactivité et de prise d’initiative, face à des situations
imprévues ou difficiles.
Cet ensemble, qui n’est pas figé et diffère selon les entreprises et les emplois,
forme les compétences* 1 demandées pour occuper l’emploi. Selon les termes
utilisés par certaines conventions collectives, les compétences représentent
« les savoir-faire techniques et managériaux et les dimensions personnelles
nécessaires à la conduite des activités ».
La prise en compte des compétences témoigne d’une évolution des exigences
vis-à-vis des salariés : le travail ne se définit plus seulement par l’occupation
d’un poste, situation de travail précisément et intégralement définie. L’emploi
correspond à la mobilisation de diverses aptitudes, parmi lesquelles la
capacité à être autonome, à rechercher des informations ou à les exploiter.
Cette évolution est liée à de nouvelles organisations du travail : la
polyvalence s’est installée, de même que la mobilité et la complémentarité au
sein d’une cellule de travail. Les exigences du client (ou de l’usager) sont
davantage prises en compte, ce qui implique de modifier les processus
standardisés de travail, voire d’innover. Il est de plus en plus demandé aux
salariés de contrôler la qualité de leur propre travail. Ceux-ci doivent donc
être adaptables et posséder des compétences qui dépassent les qualifications
professionnelles définies comme un niveau de formation et un savoir-faire.

2. Le classement des emplois* dans les accords


collectifs récents
La hiérarchie des emplois - qui conduit à la hiérarchie des salaires -prend de
plus en plus en compte ces nouveaux critères de description des emplois.
Les catégories d’emploi sont classées en fonction de divers critères :
caractère plus ou moins complexe des opérations à effectuer, possibilité de
choisir ou non les modes opératoires, contrôle exercé, capacité d’adaptation à
de nouvelles techniques, responsabilités d’encadrement… Chaque emploi est
ensuite évalué (« pesé ») au regard des critères choisis (appelés « critères
classants »), puis placé dans une grille de rémunération en fonction de son
poids relatif.
Cette approche par les compétences ne fait pas l’impasse sur les
qualifications, comme le montre l’encadré ci-dessous : elle tend seulement à
relativiser leurs poids. Dans l’exemple choisi, tous les critères ont la même
importance. Le lien entre le diplôme - ou l’ancienneté - et la rémunération
s’affaiblit.
Critères classants récemment adoptés par un grand organisme de
prévoyance
La classification retenue par ce grand organisme de prévoyance comprend
huit classes d’emplois. Les classes 1, 2 et 3 correspondent aux employés, les
suivantes aux agents de maîtrise, puis aux cadres. Le classement des emplois
dans ces classes résulte de leur évaluation.
L’évaluation consiste à examiner chaque emploi d’après la description qui en
a été faite par une commission composée de responsables hiérarchiques de
terrain, de la DRH et d’un cabinet expert extérieur.
Au regard de cinq critères, l’emploi, d’abord classé dans une famille
professionnelle (finance, production, action sociale), est ensuite « pesé ».
Les cinq critères retenus sont :
- la technicité (complexité des opérations à réaliser, des actions et réflexions
requises) ;
- l’impact ou la contribution de l’emploi à la marche ou à l’image de
l’entreprise ;
- les relations (nature, fréquence, complexité des modes de communication) ;
- l’autonomie, avec existence ou non de procédures formalisées ;
- la formation initiale et continue, l’expérience.
Chaque critère a une importance égale dans l’évaluation des emplois.
En fonction de la dimension effective de l’emploi tel qu’il est occupé par son
titulaire dans l’exercice de son travail, la classification individuelle est
complétée par un indice de niveau (débutant, professionnel, confirmé,
expert). Le passage au niveau confirmé et expert n’est pas automatique.
Source : avenant 2008 à la convention collective des institutions de retraite et
de prévoyance.

3. Les outils de description détaillée des emplois


De nombreux outils utilisés par les services de ressources humaines ont
systématisé l’approche par les compétences.
Les référentiels de compétences* permettent d’identifier l’ensemble des
compétences nécessaires pour exercer un métier. Pour chacune des activités
du métier sont énumérées, de manière plus ou moins détaillée, les
compétences à posséder dans tous les domaines (technique, juridique,
communication, management, traitement de l’information) ainsi que les
savoir-faire nécessaires pour résoudre les difficultés. L’établissement de
référentiels de compétences est souvent lié à un objectif de formation ou de
clarification des critères de recrutement. Les référentiels peuvent également,
comme le ferait un dictionnaire, décliner le contenu précis d’une compétence,
comme le montre l’exemple ci-contre, pour bien définir les exigences à
l’égard des salariés.
Les répertoires des métiers, propres à un secteur d’activité ont, quant à eux,
un objectif plus large d’information et d’orientation. Ils mentionnent certes
les compétences, mais décrivent aussi les conditions d’accès et d’exercice du
métier et les facteurs de son évolution. Le secteur privé n’est plus seul à
élaborer des répertoires de métiers. Avec le RIME (Répertoire
interministériel des métiers de l’État), l’État s’est engagé, sur le fondement
d’emplois dits « de référence », dans la description des métiers de la fonction
publique d’État, comme l’avait fait avant lui la fonction publique territoriale.
Exemple de fiche de compétences comportant trois niveaux : initié,
pratique et maîtrise

Savoir accueillir
Code : SE02
Définition :
> Savoir entrer en relation avec tout usager de manière courtoise et
impartiale, avec la ! volonté de comprendre sa demande.
> Être capable d’apporter une réponse (sans interrompre le contact) ou
d’orienter l’usag er vers la personne compétente ou le service concerné.

INITIÉ
• Instaurer un climat de dialogue courtois (non-conflictuel).
• Informer l’usager :
- Identifier sa demande,
- Indiquer à l’usager la démarche à suivre et les documents à fournir,
- Vérifier avec l’usager si la réponse correspond à sa demande.
• Orienter l’usager en fonction du problème à résoudre ou de la
prestation souhaitée vers la personne compétente ou le service concerné.

PRATIQUE
• Reformuler la demande de son interlocuteur pour s’assurer d’avoir
bien compris.
• Analyser la demande de son interlocuteur et ses enjeux.
• Expliquer simplement à son interlocuteur les fondements
réglementaires motivant un refus ou un ajournement de sa demande.
• Rester courtois et ferme face à son interlocuteur.

MAITRISE
• Faire s’exprimer l’usager et recentrer au besoin le dialogue sur le motif
de sa venue.
• Adapter son langage pour être compréhensible par tout interlocuteur.
• Analyser une situation dans le cadre d’un traitement individualisé et
trouver rapidement des solutions.
• Gérer des situations pré-conflictuelles en instaurant un climat d’écoute.
Source: DGAFP, Bonnes pratiques de la gestion des ressources humaines.
Guide méthodologique, coll. Ressources humaines, 2008, p.20 (extrait).

4. Conséquences du recours à la notion de


« compétence »
Le classement des emplois en fonction des compétences a des conséquences
sur le dialogue social, sur la rémunération des personnes et sur l’ensemble de
la gestion des ressources humaines.

Dans le secteur privé, les nouvelles classifications résultent d’un travail


d’expertise mené dans l’entreprise, alors que les anciennes grilles de
classification figuraient le plus souvent dans des conventions de branche et
uniformisaient les emplois à ce niveau. Les garanties données aux salariés sur
le niveau de leur emploi sont définies au niveau local - et donc considérées
comme moins pérennes. Souvent, seuls les critères de classification des
emplois figurent désormais dans les conventions collectives de branche. Les
organisations syndicales, dont la plupart sont attachées aux critères
« objectifs » de la qualification, tentent d’encadrer le processus : elles ont
obtenu d’inscrire dans les conventions de branche au moins les méthodes de
« pesée » des emplois ainsi que des « emplois-repères », ceux qui guident les
classements.
Du fait de leur mode d’élaboration, ces nouvelles classifications pourraient
paraître plus « scientifiques ». En réalité, elles ne sont pas totalement
indiscutables : elles reflètent, comme tout classement des emplois et des
métiers, des représentations sociales. Ainsi, les fonctions de communication
sont valorisées sans doute au-delà de leur réelle utilité (le critère « image » de
l’entreprise est important) ; quant aux métiers financiers, ils dominent le plus
souvent les métiers de la GRH. De plus, les organisations syndicales (c’est
leur rôle) cherchent à imposer des critères complémentaires, comme
l’ancienneté ou la formation, en valorisant la possession d’un diplôme ou en
prévoyant le passage d’un niveau à l’autre à partir d’une certaine ancienneté.
On aboutit ainsi à des modèles mixtes, qui sont plus sécurisants pour le
personnel.
Le plus souvent, la rémunération est davantage individualisée parce que
l’utilisation des critères classants conduit à tenir compte de l’écart entre les
compétences demandées et les compétences réelles. Elle permet d’introduire,
dans le calcul de la rémunération de base (pas seulement dans les primes),
l’appréciation des compétences individuelles du salarié. Dans le système de
la qualification, le salaire de base est connu et évolue le plus souvent en
fonction de l’expérience. Désormais, la rémunération d’emplois identiques
peut être comprise dans une fourchette, en fonction de la détention effective
par le salarié des compétences demandées, sans nécessairement que la durée
d’occupation du poste permette de parvenir au niveau supérieur. Au
demeurant, l’ensemble de la carrière des personnels dépend de la mesure des
compétences individuelles, régulièrement évaluées pour revaloriser les
salaires et décider des promotions. La notion de compétences permet par
conséquent d’individualiser la gestion des ressources humaines.
Dans la fonction publique, il n’existe pas à proprement parler de
classification des emplois : les personnes en tant que telles sont classées en
fonction de la détention d’un titre - la réussite à un concours -, ce titre ouvrant
droit d’entrée dans des « corps » hiérarchisés. Une fois admises dans ces
corps, qui sont un cadre de gestion, les personnes peuvent accéder à certains
emplois. La logique dominante du système repose sur la qualification, au sens
traditionnel du terme. Pourtant, la notion de compétences est de plus en plus
utilisée : elle l’est désormais lors des procédures de recrutement, notamment
des recrutements dits internes, réservés aux candidats déjà fonctionnaires,
avec l’épreuve portant sur les « acquis de l’expérience professionnelle » où ce
sont les compétences acquises dans les précédents postes qui sont vérifiées.
La mesure de la valeur professionnelle (définie par les compétences) est
également utilisée pour les avancements et les promotions. Par ailleurs, un
processus de cotation des emplois est engagé, de manière encore limitée, dans
la filière administrative, pour individualiser davantage la rémunération (sur
tous ces points, voir chapitre 5). La GRH de la fonction publique tend donc à
utiliser les mêmes notions et outils que le secteur privé.

5. Intérêts et limites de l’approche par les


compétences
La référence aux compétences est précieuse : en reliant l’emploi à son
contexte, elle le décrit plus en détails et reconnaît mieux l’apport des salariés.
Elle conduit aussi à davantage préciser les attentes des employeurs, qui vont
bien au-delà de la simple occupation du poste, ce qui est utile lors des
recrutements ou des évaluations. Elle permet également de mieux mesurer la
bonne adéquation d’une personne à un travail : chacun comprend
intuitivement qu’il ne suffit pas d’être qualifié (au sens de « détenir un titre »)
pour bien occuper un emploi.
Pour autant, la notion de compétence doit être utilisée avec intelligence :
- en premier lieu, elle peut s’avérer floue, voire arbitraire, quand elle finit par
englober des dimensions aussi subjectives que « la sociabilité » ou « l’esprit
d’équipe… » ;
- en deuxième lieu, elle peut être jugée intrusive dans la mesure où ce ne sont
plus seulement les qualités professionnelles qui sont mesurées mais des
qualités personnelles, voire la capacité à épouser les valeurs de l’entreprise ou
à lui consacrer son temps sans réticence. L’implication elle-même devient
parfois un élément de la compétence. D’où la méfiance suscitée par cette
notion lorsqu’elle est utilisée dans des organisations où le métier était
jusqu’alors valorisé dans ses aspects essentiellement techniques ;
- enfin, même si les entreprises savent énumérer les principales compétences
correspondant à leurs besoins, notamment dans le cadre d’une gestion
prévisionnelle des ressources humaines, l’approche par les compétences reste
le plus souvent un outil de gestion individuelle. La notion de « compétences
collectives », pour des groupes qui savent travailler ensemble, reste encore
peu utilisée, alors que l’approche managériale conduit à faire du travail en
équipe un ferment de la motivation (voir chapitre 3).

1. Les termes suivis d’un astérisque renvoient au glossaire, p. 157.


Fiche 2 - Évaluation et gestion
prévisionnelle des ressources humaines

1. L’évaluation des personnels


L’évaluation du travail des salariés a précédé l’approche par les compétences.
Les entreprises tayloriennes évaluaient déjà leur personnel au regard des
gestes exigés pour tenir correctement le poste. Les dirigeants qui se sont
ensuite inscrits dans le courant dit « des relations humaines » ont mis en
place des entretiens d’évaluation, en insistant sur l’objectif de motivation.
L’évaluation systématique des salariés se répand aujourd’hui, avec des
finalités plus pratiques comme la sélection des salariés promus ou
l’application d’une politique d’individualisation de la rémunération.
Fréquente dans le secteur privé, elle se met en place dans la fonction
publique.
L’évaluation fournit l’occasion, au regard des efforts accomplis dans l’année,
de fixer la part de la rémunération qui est modulée. Des grilles d’évaluation
sont alors élaborées, comme le montre l’exemple page suivante.
Pour des raisons liées aux impératifs de management et aux objectifs de
dialogue et de transparence assignés aux cadres, l’évaluation* se fait de plus
en plus fréquemment par entretien (sur la conduite de l’entretien
d’évaluation, voir chapitre 3). De telles méthodes se répandent dans les
entreprises privées et ne concernent plus seulement les cadres. La fonction
publique a elle-même mis en place, depuis 2002, des entretiens d’évaluation
des fonctionnaires en complément de la traditionnelle notation. Destinés
initialement au bilan des réalisations de l’année écoulée et à la fixation
d’objectifs de travail pour l’année à venir, ces entretiens évoluent
aujourd’hui : dans les ministères volontaires, le décret no 2007-1365 du 17
septembre 2007 y intègre la mesure de la valeur professionnelle, c’est-à-dire
des compétences, en supprimant le processus de notation (voir chapitre 5).
L’exemple page suivante montre que, tant dans le secteur public que privé,
les entretiens d’évaluation poursuivent le plus souvent plusieurs objectifs. Il
est vrai que les divers contenus - appréciation des résultats obtenus,
appréciation des compétences, besoins de formation et perspectives de
carrière - sont souvent liés.

L’évaluation des agents de direction dans les organismes de Sécurité


sociale
Pour chaque critère, l’évaluation place l’évalué sur une grille allant de 1
(faible possession d’une compétence) à 4 (forte possession d’une
compétence). Elle distingue :
- les compétences entrepreneuriales dans une logique de service public :
capacité à mettre son expertise au service des projets et de la stratégie
générale de son organisme et de sa branche, à être un acteur du changement
dans une logique de service public, à entretenir des relations constructives
avec les autres agents de direction, le conseil d’administration et les tutelles ;
- les compétences liées aux métiers de la protection sociale : pour un
comptable, il s’agira de la capacité à développer des mécanismes assurant la
qualité des données et la régularité des opérations financières et comptables, à
mettre en œuvre une gestion dynamique des opérations financières, à
contribuer au développement de la qualité ;
- les compétences managériales : capacité à mobiliser les collaborateurs
autour des ambitions et objectifs de l’organisme, à gérer les relations avec
l’ensemble des secteurs de l’organisme dans les domaines relevant de sa
responsabilité, à définir des objectifs et des méthodes contribuant à la
cohésion des équipes et à l’efficacité des services placés sous sa
responsabilité ;
- les compétences partenariales : capacité à participer activement aux
réseaux internes à l’institution, à leur développement et à développer les
réseaux externes et de partenariat.
Source : D’après la grille utilisée pour l’évaluation des candidats à la liste
d’aptitude aux emplois d’agents de direction des organismes de Sécurité
sociale.

2. La gestion prévisionnelle des ressources


humaines
La gestion prévisionnelle a pour ambition d’adapter une organisation à son
environnement futur.
Traditionnellement, la gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des
compétences ou GPEEC* met en évidence les écarts entre l’évolution
prévisible des ressources humaines dont l’organisation dispose et l’évolution
prévisible de ses besoins quantitatifs et qualitatifs. Cette analyse conduit à
des politiques d’ajustement des écarts (recrutements, départs, formation,
mobilité, organisation du travail…).

Le schéma théorique de la GPEEC est celui-ci :


- l’organisation concernée fait d’abord le bilan des ressources dont elle
dispose et les projette dans l’avenir à l’aide des données qu’elle connaît, par
exemple les départs en retraite ou le taux de turn-over ;
- elle analyse le contexte et son évolution prévisible ainsi que ses propres
forces et faiblesses. Elle définit ensuite ses objectifs. Sur cette base, elle
effectue une projection de ses besoins ;
- une fois l’objectif défini, reste à trouver le chemin critique qui permet de
l’atteindre. Il passe souvent par des recrutements spécifiques et par un effort
de formation pour accroître les qualifications et les compétences, voire par
l’incitation faite au personnel de définir de nouveaux projets professionnels,
sur le fondement, le cas échéant, de « bilans de compétences ».

Selon certaines études, moins de 10 % des entreprises pratiquent une gestion


prévisionnelle de l’ensemble de leurs emplois et compétences, tout
simplement parce qu’elles ont des difficultés à prévoir leurs besoins à moyen
ou long terme.

La démarche de projection restant toutefois utile, l’exercice de gestion


prévisionnelle, désormais appelé GPRH, adopte le plus souvent une approche
partielle ou simplifiée : il s’agit alors de projeter les besoins par grandes
familles professionnelles ou pour les seuls « emplois sensibles », c’est-à-dire
ceux qui, appelés à disparaître ou au contraire à se développer, présentent un
enjeu. Plus modestement encore, la GPRH entend gérer les mobilités ou les
formations liées à un projet particulier : développement d’une activité ou
restructuration d’un service. En s’appuyant sur la formation ou sur les
réaffectations de personnel, la gestion prévisionnelle est ainsi un des outils de
la flexibilité interne.

La pratique des entretiens d’évaluation dans les entreprises


En 2004-2005, dans 73 % des établissements, les représentants de la direction
déclarent que certains salariés non cadres sont reçus périodiquement par leur
supérieur hiérarchique pour un entretien d’évaluation. Cette proportion est de
76 % pour les cadres, pour lesquels ces entretiens sont assez systématiques,
puisqu’ils concernent l’ensemble du personnel cadre dans 68 % des
établissements. Ils le sont moins pour les non-cadres puisqu’ils ne concernent
l’ensemble du personnel non cadre que dans 54 % des établissements.
Les entretiens d’évaluation sont plus fréquents qu’auparavant. Seuls 61 % des
établissements y avaient recours en 1998-1999 pour les cadres et les non-
cadres. Ils étaient déjà plus systématiques pour les cadres que pour les non-
cadres. […]
Les entretiens sont plus fréquents dans les établissements qui ont opté pour
une formule salariale incluant une part d’individualisation.
L’individualisation suppose en effet la mise en place de systèmes de fixation
d’objectifs individuels, de suivi et d’évaluation des performances au regard
des objectifs fixés.
Source : Enquête sur les établissements d’au moins 20 salariés du secteur
marchand non agricole, ministère du Travail, septembre 2007.

3. Le bilan de compétences, un des outils de la


GPRH
Dans l’entreprise, le bilan de compétences peut être établi à l’initiative du
salarié (il bénéficie, à certaines conditions d’ancienneté, d’un congé) ou à
celle de l’entreprise, qui l’inscrit alors dans son plan de formation après avoir
recueilli l’accord du salarié pour le faire réaliser. Le décret no 2007-1470 du
15 octobre 2007 ouvre désormais ce droit aux fonctionnaires d’État, à
certaines conditions d’ancienneté également. Le bilan de compétences doit
permettre d’analyser, avec l’aide d’un prestataire extérieur à l’entreprise ou
au service, les compétences personnelles et professionnelles du salarié
concerné ainsi que ses motivations, pour définir éventuellement un nouveau
projet professionnel ou une réorientation.
Fiche 3 - Le système d’information des
ressources humaines (SIRH)

1. Un outil de gestion quotidienne et projective


Le système d’information des ressources humaines ou SIRH* recouvre
l’ensemble des données, le plus souvent informatisées, qui concernent le
personnel ainsi que les systèmes qui permettent des échanges d’information
entre les divers fichiers. Certains d’entre eux contiennent sur le personnel des
informations minimales (identité, âge, formation, carrière, poste occupé),
d’autres des éléments plus riches, soit quantitatifs (productivité, par
exemple), soit qualitatifs (formations suivies, relevé des compétences,
résultats des évaluations).
Le SIRH est un outil d’administration du personnel mais aussi de gestion
des ressources humaines, voire de pilotage d’une organisation. Son utilité est
en effet plurielle.
- Dès lors que le SIRH est informatisé, certaines fonctions (la paye, les
congés, la gestion du temps de travail, certaines déclarations obligatoires)
sont gérées automatiquement sur le fondement des informations que
contiennent ces fichiers. L’informatisation des SIRH et, éventuellement, la
possibilité d’y accéder à distance, améliorent la productivité de la GRH : les
cadres opérationnels peuvent transmettre par réseau certains éléments
(absences, congés, compte-rendu de l’entretien d’évaluation). Parfois, les
salariés peuvent accéder directement à leur dossier, vérifier et même déclarer
certaines données, ce qui en améliore la fiabilité ;
- Au-delà de l’administration du personnel, le SIRH est utile pour connaître et
gérer les ressources humaines. À condition que les données enregistrées le
soient de façon homogène, il permet de connaître les caractéristiques du
personnel, éventuellement dans un secteur d’activité précis (âge,
féminisation, mobilité, diplômes, formations suivies, absences, accidents du
travail) et de comparer ce secteur à d’autres. Il permet d’établir une pyramide
des âges* et d’analyser un service sous cet angle. Il permet d’alimenter le
bilan social* ou, d’une manière plus générale, le dispositif de suivi social de
l’entreprise. L’exploitation de données qualitatives est bien évidemment
délicate : toutefois, certains logiciels permettent d’enregistrer puis d’analyser
les compétences du personnel.
- Enfin, en fonction des données enregistrées, un SIRH peut permettre des
simulations pour éclairer certaines décisions, salariales ou organisationnelles.
Il peut permettre de suivre le statut des emplois dans l’entreprise (ceux qui
sont vacants, ceux qui vont l’être), de repérer les candidats potentiels à
certains postes, de suivre le déroulement de la première année des nouveaux
recrutés, d’analyser le turn-over… La qualité du SIRH est alors importante,
en particulier pour détecter certaines difficultés.

2. Ce que la forme d’une pyramide des âges révèle


de l’évolution démographique d’une organisation
Pyramide en forme de poire
La pyramide des âges en forme de poire (graphique ci-dessus) peut être plus
ou moins écrasée. Elle traduit une proportion importante de jeunes (on peut
calculer sur ce fondement le pourcentage des moins de 35 ans, par exemple :
si on arrive à 40 ou 50 %, la poire est très écrasée). Soit il s’agit d’entreprises
ou de services qui ont beaucoup recruté récemment, soit il s’agit d’entreprises
à fort turn-over où l’on ne fait pas carrière. Cette forme de pyramide présente
des avantages : la jeunesse est en règle générale synonyme de dynamisme. La
masse salariale est allégée par rapport à des structures vieillissantes. Elle a
cependant des inconvénients : coûts de formation (constatés ou cachés),
risque de déséquilibre à terme, risque de compétition excessive pour les
promotions ou de départs.
La pyramide à forme régulière est une variante plus équilibrée de la forme
en poire. Elle traduit des départs homogènes à chaque classe d’âge.
La pyramide en forme de champignon caractérise les organisations vieillies,
qui ont beaucoup recruté il y a vingt ou trente ans et qui ont ensuite limité les
entrées. Les conséquences sont plutôt défavorables : la masse salariale est
plus importante du fait de l’avancement des carrières, l’âge favorise peu la
mobilité externe ou interne, les départs proches d’un nombre important de
personnes peuvent priver l’organisation d’un personnel expérimenté. Se pose
alors la question de savoir s’il faudra, au moment des retraites, remplacer les
départs poste par poste ou redéfinir quantitativement et qualitativement les
emplois. Il faudra également définir une politique de recrutement (qui
recrute-t-on ?) ainsi qu’une politique de mobilité interne pour assurer les
remplacements.
Avant de prendre la forme d’un champignon, une pyramide a la forme d’une
toupie, avec des classes d’âge intermédiaire nombreuses ; on peut repérer
précocement le déséquilibre entre les classes d’âge.
Une forme moins fréquente est appelée pelote de laine. Deux populations
coexistent, d’âges très différents, et la population d’âge intermédiaire est peu
nombreuse. Ce type de pyramides traduit l’évolution d’une pyramide vieillie
où l’on a décidé de développer l’activité avec des recrutements de jeunes. Le
service est assez difficile à gérer, compte tenu de rémunérations et de culture
différentes.
Un exemple d’utilisation du SIRH : le vieillissement d’une structure
d’âge

Sur le graphique ci-dessus, qui représente la répartition par âge des titulaires
civils au sein des ministères, la fonction publique d’État révèle une structure
dont le vieillissement s’accentue progressivement de 1992 à 2007.
Source : Ministère du Budget des Comptes publics, delà Fonction publique et
de la Réforme de l’État, Rapport annuel sur l’état de la fonction publique,
volume 1 : « Faits et chiffres 2008-2009 », La Documentation française,
2009, p. 119.

Le SIRH des administrations d’État


Les administrations d’État ont longtemps été très en retard dans
l’enregistrement fiable des données relatives à leur personnel. Jusqu’au début
des années 2000, l’État n’était pas capable de connaître avec précision le
nombre de ses fonctionnaires. Avec la création d’un Observatoire de l’emploi
public, il a travaillé à élaborer des chiffres fiables et à rassembler des
données, qui restent essentiellement quantitatives.
Aujourd’hui, le ministère de la Fonction publique s’efforce d’harmoniser les
différents SIRH des ministères (tous différents) pour pouvoir consolider les
données de gestion. Quant à la connaissance qu’ont l’État et les différents
ministères de leurs agents, elle reste inégale selon les ministères et parfois
médiocre, surtout en termes qualitatifs. Les recrutements, les départs, les
rémunérations, certaines formes de mobilité ou les jours de formation sont
connus. Les rémunérations commencent à l’être davantage depuis les travaux
récents de l’INSEE sur les évolutions du pouvoir d’achat (voir chapitre 6).
Les services connaissent moins bien leur population en termes qualitatifs : les
études longitudinales sur les carrières sont très peu fréquentes, le climat
social rarement mesuré, et les services de GRH sont loin d’enregistrer les
compétences des agents sous une forme utilisable pour la gestion collective.
Dans la mesure où elle permet désormais de tenir les dossiers de personnel
« sur support électronique », dans des conditions qui doivent être définies par
décret en Conseil d’État, la loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux
parcours professionnels dans la fonction publique pourrait, à terme, faciliter
l’exploitation homogène des données.
Fiche 4 - Les outils de reporting et de
pilotage

1. Le bilan social*
Le Code du travail impose aux entreprises d’au moins 300 salariés et aux
établissements publics de santé de même taille d’établir et de présenter au
comité d’entreprise un bilan social, qui « récapitule en un document unique
les principales données chiffrées permettant d’apprécier la situation de
l’entreprise dans le domaine social, d’enregistrer les réalisations effectuées
et de mesurer les changements intervenus au cours de l’année écoulée et des
deux années précédentes. Le bilan social comporte des informations
[regroupées en sept grands chapitres] sur l’emploi, les rémunérations et
charges accessoires, les conditions de santé et de sécurité, les autres
conditions de travail, la formation, les relations professionnelles ainsi que
sur les conditions de vie des salariés et de leurs familles dans la mesure où
ces conditions dépendent de l’entreprise » (article L. 2323-70). Au final, il
comporte une soixantaine d’indicateurs principaux.
Les collectivités territoriales doivent, tous les deux ans, présenter un rapport
sur l’état de la collectivité qui s’en rapproche. Dans la pratique, de nombreux
services relevant de l’État, qui ne sont pas soumis à l’obligation d’élaborer
un tel document, en produisent un. Ils ont de toute façon obligation de
présenter aux CTP (comités techniques paritaires, où siègent paritairement les
représentants du personnel) un rapport annuel sur l’état de l’administration et
du service (moyens, notamment en personnel, évolution prévisionnelle des
effectifs et des qualifications, situation comparée des hommes et des femmes,
emploi des handicapés, mesure des temps partiels), qui représente une sorte
de bilan social.
L’objectif du bilan social est d’exiger de l’entreprise une certaine
transparence à l’égard des représentants du personnel sur des indicateurs
chiffrés et donc incontestables.
L’intérêt du bilan social est :
- d’offrir une analyse pluriannuelle permettant ainsi des comparaisons dans le
temps ;
- de permettre aux représentants du personnel, qui disposent par ailleurs
d’informations sur la marche générale de l’organisation, d’apprécier la
cohérence entre la stratégie économique et la politique sociale de
l’entreprise ;
- d’engager un débat sur certaines données sensibles qui peuvent révéler un
besoin de renégociation de la politique sociale : écart et modalités de calcul
des rémunérations, politique de l’emploi (en particulier, politique de l’emploi
temporaire), absentéisme.
Certains observateurs soulignent que le caractère chiffré du bilan social, sans
obligation d’analyse ni volonté d’articuler entre elles les données présentées,
ne permet pas aisément d’en dégager le sens. Par ailleurs, le constat est
effectué au niveau de l’entreprise : or, les données les plus intéressantes en
GRH se situent au niveau des services, ou de certains métiers. Photographie
des évolutions sur trois ans, le bilan social n’est pas directement utile au
pilotage, sauf s’il comporte une partie prospective fixant des objectifs à
atteindre ou si certains dysfonctionnements révélés par les chiffres font
l’objet d’un approfondissement.
Ces limites expliquent que la discussion annuelle avec les partenaires sociaux
soit inégalement riche, parfois morne et routinière. L’utilité du bilan social
dépend en tout cas de la qualité de l’échange éventuel sur les choix de
l’organisation dans le domaine des ressources humaines.

2. L’audit social*
L’audit social est un examen effectué par un professionnel qui permet de
porter un jugement sur tout ou partie de la GRH d’une organisation, en
rapprochant ce constat d’un référentiel établi au préalable. Le référentiel peut
être une norme réglementaire (l’audit vérifiera la conformité à la loi des
pratiques de l’entreprise) ou un document traduisant les objectifs et règles
dont l’organisation s’est elle-même dotée. L’audit social est une démarche
comparative. Par l’utilisation d’indicateurs ou le recoupement de documents,
questionnaires ou enquêtes, l’expert établit l’existence d’écarts, analyse leurs
causes, en mesure les enjeux et les hiérarchise. Il fait des recommandations
pour les réduire.
On distingue :
- les audits de conformité au droit du travail : il s’agit le plus souvent
d’audits des conditions d’hygiène et de sécurité ou des conditions de travail ;
- les audits d’efficacité de la GRH, qui peuvent porter sur des domaines
précis, par exemple le recrutement ou l’emploi. L’audit recherchera si les
règles édictées dans l’entreprise sont ou non respectées, en termes de
procédures, de délais et de satisfaction des « usagers » de la fonction
(services opérationnels essentiellement) ; l’audit sur le climat social
identifiera les attentes des salariés et les motifs de satisfaction et
d’insatisfaction ;
- les audits stratégiques étudieront, quant à eux, les forces et les faiblesses
de l’organisation ou l’avenir de telle ou telle catégorie d’emploi.
L’approche, qui a le mérite de mettre en lumière la différence entre les
objectifs à atteindre et la réalité, se veut outillée, méthodique et objective.
Elle comporte néanmoins des marges d’appréciation, puisque l’auditeur
s’intéresse essentiellement aux écarts préjudiciables à l’entreprise et propose
des moyens de correction.
L’audit social n’est pas utilisé dans la fonction publique, même si parfois les
missions d’inspection générale s’en approchent, sans avoir toutefois la même
formalisation. La différence principale est que l’audit, commandé par
l’entreprise, lui est réservé : l’audit ne peut d’ailleurs se réaliser et se conclure
qu’avec sa collaboration entière.

3. Les indicateurs sociaux


Les indicateurs sociaux composent un tableau de bord social*, plus ou moins
fourni, établi à la demande du DRH ou des décideurs : les indicateurs,
accompagnés d’une analyse commentant leur signification et leur évolution,
sont souvent peu nombreux et considérés comme stratégiques.
Les données qui figurent dans le bilan social obligatoire des entreprises de
plus de 300 salariés sont déjà des indicateurs sociaux. Les responsables
souhaitent cependant le plus souvent disposer de données plus élaborées,
croisant par exemple des données de personnel avec des données financières
ou de délai, et mettant ainsi en valeur le coût ou l’efficience des actions.
Surtout, le tableau de bord social est construit dans une optique différente de
celle du bilan social : il vise à permettre un « contrôle de gestion social », à
mesurer l’efficacité de la GRH et à mieux la piloter. Il s’inscrit dans une
perspective d’aide à la décision, pour modifier ou infléchir telle ou telle
tendance constatée.
Les indicateurs sont multiples :
- les indicateurs structurels permettent de caractériser la structure des
effectifs et de l’organisation : ainsi des pyramides des âges, qui permettent
d’appréhender les équilibres entre les populations jeunes et âgées, ou des taux
d’encadrement*, qui ont des conséquences sur les coûts ou les perspectives
de carrière des jeunes cadres ;
- les indicateurs économiques et sociaux permettent de mesurer la
contribution de la GRH aux résultats : dans les entreprises privées, les ratios
frais de personnel / chiffre d’affaires, ou valeur ajoutée de l’entreprise /
nombre de salariés sont très utilisés, tout comme l’évolution de la
productivité*. D’autres indicateurs mesurent les résultats de la politique de
rémunération choisie : masse salariale réelle / masse salariale prévisionnelle,
ratio de promotion, hiérarchie des salaires. D’autres encore expliquent
l’évolution de la masse salariale* (voir le schéma ci-contre) : effets liés aux
avantages consentis, part des augmentations générales ou catégorielles, part
due à l’évolution des effectifs, avec ses conséquences sur le coût moyen des
emplois, qui peut baisser compte tenu de l’arrivée de salariés plus jeunes ;
- d’autres indicateurs mesurent l’effort de formation : pourcentage des
dépenses de formation / masse salariale, effectifs formés par âge, catégories,
nature des actions ;
- certains indicateurs mesurent les compétences détenues par les
personnels,essentiellement les compétences considérées comme stratégiques
pour l’entreprise ;
- enfin, des indicateurs mesurent le climat social : turn-over, absentéisme,
indicateurs de conflictualité, parfois mesure de la satisfaction du personnel.
Ces indicateurs doivent être appréciés par comparaison avec d’autres
organisations du même secteur. Le turn-over n’est pas dans tous les cas un
signe négatif. Mais la plupart du temps, il a un coût d’autant plus important
que les métiers concernés possèdent une expertise élevée. Il en est de même
de l’absentéisme, souvent révélateur de problèmes bien éloignés de la santé.
L’évolution de la masse salariale dans la fonction publique
Le schéma ci-dessous présente les notions nécessaires à la compréhension de
l’évolution de la masse salariale dans la fonction publique, préoccupation
devenue cruciale pour les services de l’État et qui a toute sa place dans un
tableau de bord de la GRH. En effet, la masse salariale hors pensions
représente 31 % des dépenses du budget général, soit 86 milliards d’euros sur
un ensemble de dépenses courantes de 277 milliards d’euros en 2009.
Cette masse salariale progresse en fonction :
- du GVT* positif, « glissement vieillesse technicité », qui traduit le coût des
progressions de carrière des fonctionnaires, avancements et promotions ;
- des mesures catégorielles, qui profitent à tel ou tel corps de fonctionnaires ;
- des revalorisations générales de la valeur du point d’indice ;
- du jeu des arrivées et des départs.
Dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009-
2012, le gouvernement entend quasiment stabiliser la masse salariale, en
jouant sur le non-remplacement d’une partie des départs, sur la substitution
de jeunes fonctionnaires à des fonctionnaires en fin de carrière et sur une
évolution de la valeur du point d’indice inférieure à l’évolution des prix, avec
compensation individuelle si, au final sur 4 ans, la progression de carrière ne
permet pas le maintien du pouvoir d’achat.
Source : ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction
publique, Pilotage de la masse salariale et des emplois, mars 2009, p. 65,
www.performance-publique.gouv.fr

Questions et débats
Peut-on mesurer les compétences individuelles de manière objective dans
les entretiens d’évaluation ?
Les organisations syndicales, voire certains cadres, critiquent les
entretiens d’évaluation, surtout quand ces derniers cherchent à
apprécier la « valeur » des personnels au-delà de résultats mesurables.
Dans une enquête récente de la CFDT sur les mutations du travail menée
auprès de 20 000 salariés, 54 % des salariés qui n’ont pas d’entretien
annuel jugent que les relations hiérarchiques sont bonnes dans leur
service, alors que pour ceux qui en ont, le taux est de 42 %. De plus, là où
une évaluation des compétences est attendue, l’entretien se révèle être
plutôt dans la réalité, selon une autre enquête auprès des cadres
responsables d’entretien d’évaluation, un simple moment de dialogue. La
révélation des pratiques de certaines organisations, qui fixent d’avance le
pourcentage de salariés qui doivent figurer dans les différentes rubriques
d’évaluation, pour contraindre leurs cadres à la rigueur, ont contribué à
altérer l’image de l’évaluation. La situation n’est pas tout à fait la même
dans le secteur public, où le rapport présenté par Jean-Pierre Weiss en
2006 1montre qu’après avoir suscité des craintes, l’entretien d’évaluation
mis en place en 2002 a été plutôt bien accepté : mais il est vrai qu’il ne
portait à l’époque que sur les objectifs de l’année, pas sur l’évaluation de
la valeur professionnelle.
Compte tenu des enjeux, et pour répondre aux craintes, les entretiens
d’évaluation obéissent souvent à un formalisme marqué : les consignes
prévoient que les critères d’évaluation doivent être connus de chacun
avant l’entretien et que l’entretien doit être préparé. Il est recommandé
au responsable hiérarchique, souvent formé au préalable, d’étayer ses
appréciations par des faits, en prenant une vision complète de l’année
écoulée.
Dès lors que les compétences sont techniques ou liées à un savoir-faire, la
mesure peut rester pleinement objective. Mais l’évaluation implique
parfois de porter un jugement sur des qualités personnelles du salarié
(capacité à communiquer, esprit d’équipe) qui peuvent donner lieu à
débat. Ces qualités se sont certes illustrées dans des situations concrètes,
mais il n’est pas aisé de les récapituler annuellement. S’agissant de
qualités qui peuvent en partie s’acquérir mais sont aussi des aptitudes, la
mesure des progrès est particulièrement délicate d’un entretien à l’autre.
Le risque est de juger les personnes et non plus les comportements
constatés. De plus, l’entretien a de multiples autres objets : les échanges
sur le fonctionnement ou les projets du service et les perspectives de
carrière. Enfin, l’évaluation est un processus conjoint, qui repose sur la
recherche d’un consensus. Or, comme le remarque le sociologue Jean-
Pierre Le Goff 2 : « Pour des gens issus d’une culture ouvrière […], ce
n’est pas si simple de communiquer dans le cadre de ces entretiens où on
leur demande, par exemple, d’évaluer leur propre capacité d’initiative. »
Il importe donc de rester modeste en ce domaine, même si l’effort de
mesure des compétences reste indispensable, notamment dans le cadre
de l’élaboration du plan de formation ou de la préparation des projets de
l’entreprise.
Le contrôle de gestion sociale, une notion à manier avec discernement
L’élaboration d’un tableau de bord comportant des indicateurs sociaux
témoigne de la volonté de mesurer les résultats de la gestion des
ressources humaines et de piloter celle-ci sur la base des objectifs dont se
dote l’entreprise. Elle s’inscrit souvent dans la perspective d’une GRH
stratégique, qui doit apporter sa contribution aux résultats, en tout cas
témoigner de son efficience. Pour autant, de tels outils doivent être
utilisés avec précaution. Il faut d’abord replacer les indicateurs dans le
contexte économique et social de l’organisation : le sens d’un tableau de
bord n’est pas seulement à rechercher dans les chiffres. Il faut ensuite ne
pas se focaliser exclusivement sur les données financières, mais acquérir
une vision plus globale de la fonction : une GRH efficiente est aussi une
GRH soucieuse de qualité et qui prépare l’avenir, pas seulement une
fonction axée sur la rentabilité de court terme.
De la difficulté de la transparence
Les rapports du ministère en charge de la Fonction publique ne
comportent pas d’indicateurs de climat social ni d’efficacité de la
fonction GRH : on n’y trouve pas de données sur l’absentéisme ni sur
l’occupation des premiers postes. Ministère par ministère, certaines de
ces données sont pourtant connues mais considérées le plus souvent
comme confidentielles. Quand il existe un « bilan social » (ministère de la
Défense ou ministère de l’Éducation nationale pour les personnels de
direction), les chiffres publiés portent pour l’essentiel sur les effectifs, les
mutations, les carrières. L’établissement de tableaux de bord plus
complets et le partage d’informations « sensibles » avec les organisations
syndicales, voire avec le personnel lui-même, seraient pourtant utiles.

Retenir l’essentiel
La prise en compte des compétences - combinaison des savoirs, savoir-
faire et autres aptitudes comportementales permettant d’occuper un
emploi - a modifié le classement des emplois et des rémunérations dans
de nombreuses entreprises. Désormais, l’employeur attend davantage du
salarié que les gestes de travail indispensables. La rémunération
s’individualise et l’évaluation se répand, le plus souvent par entretien.
Par la formation ou les recrutements, les employeurs s’engagent
aujourd’hui dans une gestion des compétences, parfois prévisionnelle, en
fonction d’une analyse de leurs besoins futurs.
Les autres outils utilisés par la GRH pour connaître les ressources
humaines sont légion : sur le fondement du SIRH, qui regroupe
l’ensemble des données connues, le service de GRH produit le bilan
social, somme d’indicateurs sur l’emploi, les effectifs, les rémunérations
ou les conditions de travail, à destination des partenaires sociaux. Il
mène aussi diverses études, tels les audits sociaux, pour appréhender les
écarts entre la réalité et les objectifs assignés. Enfin, la production d’un
tableau de bord de gestion sociale permet de sélectionner les indicateurs
considérés comme stratégiques, notamment des indicateurs financiers ou
d’efficacité des politiques menées, et de suivre les performances de la
GRH.

1. Comité d’enquête sur le coût et le rendement des services


publics, L’évaluation et la notation des fonctionnaires de l’État.
juillet 2006.
2. Conférence donnée à l’École de Paris du Management, 16
janvier 1996.
CHAPITRE 3 - Le management des
ressources humaines
Fiche 1 - Qu’est-ce que le
management ?

1. Définition et caractéristiques
Le terme de management est un anglicisme qui signifie « gestion, direction,
pilotage ».
Henri Fayol, un ingénieur français qui, au début du XXe siècle, a posé les
bases du management 1, définissait celui-ci comme le fait de « prévoir,
organiser, commander, coordonner, contrôler ».
Ces fonctions sont bien les mêmes aujourd’hui, même si les termes employés
diffèrent : le management recouvre en premier lieu la prospective et la
fixation des objectifs à atteindre, puis la répartition des tâches et l’allocation
de ressources. Il consiste ensuite à diriger les divers services de l’entreprise et
à les faire coopérer. Enfin, le manager vérifie la bonne exécution des tâches
confiées. Le management intègre la gestion de personnel, mais ne se limite
pas à cette fonction.
Les quatorze principes sur lesquels Fayol appuie ses recommandations
traduisent la vision d’une organisation idéale, rationnellement dirigée, proche
des organisations qu’à la même époque, l’économiste et sociologue allemand
Max Weber appelait bureaucratiques : figurent dans ces principes la division
du travail, l’autorité, l’unité de commandement (chaque employé ne doit
avoir qu’un chef direct), la discipline et la centralisation des décisions. Pour
autant, Fayol est très en avance sur son temps : il a de l’organisation une
vision globale, insiste sur la coordination et a compris l’importance de la
fonction administrative. Certains des principes qu’il énonce sont
annonciateurs de préoccupations actuelles : c’est le cas de « l’équité » envers
le personnel, définie comme une « combinaison de gentillesse et de justice »,
ou de l’initiative, considérée comme « une source de force pour
l’organisation ». Fayol estime qu’il faut s’efforcer de développer le moral
des employés, « d’encourager l’enthousiasme et d’utiliser les capacités de
chaque personne ». Les termes ont certes vieilli, mais certains objectifs sont
déjà ceux du management moderne.
Du mythe de l’organisation idéale au constat d’une réalité complexe
La connaissance du management a été constamment approfondie tout au long
du XXe siècle. Les approches les plus récentes cherchent à en montrer les
difficultés et parfois le démythifient.
- Henry Mintzberg 2, ingénieur et universitaire canadien, met en lumière
l’influence déterminante de l’environnement sur les structures et le
management des organisations. Il souligne le fossé entre « la légende et la
réalité » de la vie professionnelle des managers : il insiste sur la faible place
qu’occupe en pratique, dans leur emploi du temps, la réflexion et la décision
stratégique, et sur le caractère fragmenté et haché de leurs activités. Il montre
également l’importance de l’intuition dans la prise de décision, là où le
management classique part du présupposé de décisions rationnelles.
L’organisation idéale décrite par Henri Fayol est bien loin…
- James March 3, célèbre universitaire américain, dénonce quant à lui « les
mythes du management » : les décisions des managers ne sont pas toutes, loin
s’en faut, raisonnables ; il est illusoire de penser qu’au sein d’une
organisation, les niveaux les plus élevés peuvent parfaitement contrôler les
niveaux inférieurs. Il existe même une asymétrie au détriment de l’échelon
supérieur ; l’importance des leaders individuels doit être relativisée et les
organisations inefficientes peuvent parfaitement perdurer.
Ainsi, dans le domaine du management, les certitudes simples ont laissé place
à des considérations plus subtiles, qui insistent sur la complexité de la réalité.
Le modèle de la poubelle selon March :
« Vous avez la solution, nous avons le problème »
Selon le « modèle de la poubelle », les managers ne recherchent pas de
solution adaptée au problème précis qu’ils rencontrent mais plaquent une
solution toute faite simplement parce qu’ils l’ont sous la main (dans la
corbeille, le problème et la solution se rencontrent par hasard).
Le modèle de la poubelle s’applique remarquablement à nombre de
situations : informatisation plus ou moins adaptée, actions de modernisation
présentées comme le remède à un malaise du personnel alors que le problème
requiert d’autres solutions. Le recours accru aux consultants en management,
souvent lié au désarroi de dirigeants qui ne savent trop comment traiter une
difficulté, a certainement développé de telles pratiques.

1. Henri Fayol, Administration industrielle et générale (1916),


Dunod, 1999.
2. Henry Mintzberg, Le management. Voyage au centre des
organisations (1989), Éditions d’Organisation, 2004.
3. James March et Herbert Simon, Les organisations (1965), Dunod,
2005.
Fiche 2 - Le « Nouveau management
public »

1. La volonté de sortir du modèle bureaucratique


Tout comme la GRH se veut désormais stratégique (voir chapitre 1),
aujourd’hui, dans la pratique, le terme de « management » recouvre l’effort
pour atteindre les objectifs de l’organisation. L’intérêt se focalise moins sur la
notion et davantage sur les pratiques managériales, celles qui permettent au
manager - du cadre dirigeant au simple responsable d’équipe - d’accroître
l’efficacité et la rentabilité de son service. Cette vision devient peu à peu celle
du secteur public, du moins celle du « Nouveau management public »* 1 qui
entend y transposer les règles et les méthodes du secteur privé.
Depuis les années 1980, des réformes du secteur public ont été engagées dans
plusieurs pays de l’OCDE : Royaume-Uni, Suède, Canada, Australie, dans
une moindre mesure États-Unis et Pays-Bas sont devenus en ce domaine des
pays de référence. Ils ont mis en place, dans des contextes certes différents,
des réformes comportant nombre de points communs. La volonté de réformer
l’État s’explique alors par un contexte de raréfaction des ressources publiques
et une approche d’inspiration libérale, selon laquelle il est exclu d’augmenter,
voire de maintenir les moyens de l’action publique si leur bonne utilisation
n’est pas garantie.
Ce mouvement repose sur un diagnostic négatif du fonctionnement
traditionnel du secteur public, accusé d’être rigide, coûteux, plus soucieux de
la répétition des actions et des procédures que de répondre avec un esprit
d’économie aux besoins des usagers - qu’il faut désormais considérer
davantage comme des clients à satisfaire. Se défendant de vouloir altérer les
valeurs et la qualité du service public, la nouvelle gestion publique veut
abandonner le modèle de fonctionnement bureaucratique prôné par Max
Weber.
Le modèle traditionnel de fonctionnement bureaucratique
Le sociologue allemand Max Weber, dans son ouvrage Économie et société
(1921), a distingué trois types d’autorité : l’autorité dite « rationnelle légale »
(dont le détenteur est choisi pour sa compétence) ; l’autorité traditionnelle (ou
héréditaire) ; et l’autorité charismatique (reposant sur les qualités
individuelles d’un chef).
Weber considère que le modèle fondé sur la « légitimité légale », dont la
bureaucratie est l’illustration topique, est plus pérenne et mieux adapté aux
organisations modernes.
L’organisation bureaucratique s’appuie sur le respect de règles rationnelles,
établies en fonction de l’intérêt de l’organisation :
- centralisation des décisions : chaque agent constitue le maillon d’une
chaine hiérarchique dans laquelle il est soumis au contrôle de l’échelon
supérieur ;
- définition précise du périmètre de chaque fonction et de chaque emploi
: il existe des services de conception, d’exécution, de contrôle et des services
support ;
- prégnance du droit (règlements, circulaires, consignes) dans le
fonctionnement et les modes de contrôle (contrôle de régularité) : dans le
travail, le respect de la règle et de la procédure prime, tandis que l’arbitraire
est proscrit ;
- effacement de l’individu derrière la fonction : les individus sont
interchangeables.
Dans une telle organisation, le recrutement s’opère à partir des qualifications
techniques, mesurées par les diplômes et selon le principe de sélection des
meilleurs (concours). Le travail des individus est contrôlé, et la promotion est
liée à l’ancienneté et à l’évaluation des supérieurs.
La fonction publique ressemble traditionnellement à ce modèle ou, du moins,
lui a emprunté bien des traits. Elle tente aujourd’hui de s’en éloigner.

2. Une nouvelle gestion publique axée sur les


objectifs
Les objectifs du Nouveau management public sont les suivants :
- une efficience* accrue de l’État, qui doit améliorer sa productivité : la
logique juridique dominante des fonctionnaires (appliquer les textes, garantir
un État de droit) est complétée par une approche gestionnaire, qui, une fois
fixés les objectifs politiques, doit mesurer le rapport coût / efficacité des
actions menées, en rendre compte au pouvoir politique et lui fournir ainsi des
éléments de décision ;
- une meilleure qualité du service rendu : la nouvelle gestion publique
insiste sur l’accueil de l’usager, la rapidité du traitement des demandes,
l’administration électronique, la bonne motivation des actes, des textes plus
faciles à comprendre. Moins « régalien », plus attentif aux besoins, l’État se
veut un prestataire de service plus performant ;
- une meilleure transparence sur l’utilisation de l’argent public : des
systèmes d’évaluation de l’action publique accompagnent systématiquement
la mise en place de la nouvelle gestion publique. Les indicateurs, quantitatifs
et volontairement simples, se multiplient ;
- des gestionnaires mis « sous tension », auxquels des objectifs sont fixés :
la logique serait que l’affectation des ressources tienne également compte des
performances obtenues mais, compte tenu des impératifs de service public, il
est difficile, voire impossible, de pénaliser excessivement les structures
publiques pour de mauvais résultats. En contrepartie de l’obligation d’atteinte
des objectifs, les gestionnaires bénéficient de souplesses : ils peuvent (selon
le cas) faire glisser des crédits d’une ligne budgétaire à une autre, réutiliser
les crédits économisés ou préférer des moyens financiers à du personnel
supplémentaire ;
- un fonctionnement déconcentré* : les cadres locaux sont responsabilisés
et se voient fixer des objectifs. La délégation de compétences et le partage
des responsabilités permettent alors de les juger, eux aussi, sur leurs
performances.
La nouvelle gestion publique débouche tout naturellement sur une nouvelle
gestion des ressources humaines : le lien de plus en plus fréquent entre la
rémunération et les résultats en découle. Des procédures d’évaluation des
agents publics sont mises en place parallèlement à l’évaluation des politiques
publiques. Plus fondamentalement encore, le cadre de proximité exerce
désormais davantage de responsabilités en ce domaine : sélectionner,
sanctionner et récompenser les collaborateurs qui vont l’aider à atteindre les
résultats qui lui sont fixés devient pour lui un enjeu.

3. Le Nouveau management public en France :


entre adhésion et méfiance
La France a adopté tardivement - et sans doute incomplètement - les principes
du Nouveau management public : c’est la LOLF* (loi organique relative aux
lois de finances du 1er août 2001) qui a imposé, à partir de 2005 et 2006, une
autre présentation du budget de l’État, en missions et programmes,
permettant ainsi d’identifier les crédits affectés à telle ou telle politique.
Chaque action comporte un engagement d’atteindre des objectifs, assortis
d’indicateurs de mesure. La révision générale des politiques publiques
(RGPP), engagée en 2007, est un autre volet de cette modernisation de
l’action publique : elle vise également un objectif de meilleure efficience de
l’État. La méthode consiste à passer en revue les missions et les services pour
les regrouper, les adapter ou y renoncer. Un des objectifs affichés de la RGPP
est de diminuer les charges de l’État et, en particulier, le nombre des
fonctionnaires, en adoptant une organisation plus rationnelle. La gestion des
ressources humaines doit accompagner ce mouvement : la définition de
nouvelles règles de recrutement, de mobilité et de rémunération y concourt
(voir chapitre 5).
L’adoption des principes de la nouvelle gestion publique ne fait pas
consensus, ni en France ni dans aucun des autres pays concernés :
- en France, les organisations syndicales de la fonction publique y sont pour
la plupart hostiles, la redéfinition des structures comme les réductions
d’emplois étant souvent présentées comme un risque d’altération de la
qualité, voire comme un choix idéologique. Des craintes s’expriment aussi
sur le maintien des garanties statutaires dont bénéficient aujourd’hui les
fonctionnaires (voir chapitre 4). La logique de résultats est jugée formelle, les
indicateurs sont contestés et les souplesses de gestion accordées en
contrepartie considérées comme insuffisantes ;
- dans les autres pays, les bilans réalisés 2 montrent que les résultats atteints
n’ont pas toujours été à la hauteur des espoirs initiaux.
Au final, le risque est double : d’une part, l’idéalisation des règles appliquées
dans le secteur privé, transposées de manière aveugle et, d’autre part, un
excès de technocratie. Le présupposé rationaliste selon lequel l’action
publique est évaluable dans sa totalité et doit être définie en fonction
d’indicateurs de résultat ne résiste pas à l’épreuve des faits.
Pour autant, nul ne peut récuser que le nouveau management public conduise
à revoir certaines méthodes de travail dépassées, à simplifier des structures
administratives trop nombreuses et à enclencher de nécessaires économies.
Les préoccupations d’efficience et de qualité du service aux usagers
revivifient les valeurs traditionnelles du secteur public. Les enquêtes de
l’Observatoire de la Fonction publique montrent, au demeurant, que la grande
majorité des fonctionnaires exprime de fortes attentes de changement du
service public, sans pour autant toujours, il est vrai, adhérer pleinement aux
réformes en cours (baromètre IPSOS, 2007).

Présentation de la révision générale des politiques publiques (RGPP)


Source : Ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction
publique, Rapport sur l’état de la fonction publique, volume
2 :« Politiques et pratiques 2007-2008 », La Documentation française,
2008, p. 8.

1. Les termes suivis d’un astérisque renvoient au glossaire, p. 157.


2. « La gestion par les résultats dans le secteur public », Télescope,
volume 12, no 3, automne 2005.
Fiche 3 - Vers un management plus
coopératif ?

1. L’animation des équipes, nouvel impératif


managérial
Compte tenu de l’importance du facteur humain, le management, synonyme à
l’origine de direction et de pilotage, est souvent entendu désormais comme le
seul management des hommes. Les deux significations sont liées : c’est parce
qu’elle est « managée », c’est-à-dire dirigée, qu’une organisation recherche la
meilleure manière de mobiliser ses équipes.
Les théoriciens de la motivation ont peu à peu permis une nouvelle approche
de la fonction de « commandement » évoquée par Fayol dans sa définition du
management. Dans sa pyramide des besoins*, Abraham Maslow (1908-1970)
hiérarchise ceux des êtres humains et montre que, au-delà des besoins
physiologiques et matériels, il existe des besoins sociaux, des besoins
d’estime et d’accomplissement de soi qui peuvent se réaliser dans le travail,
une fois satisfaits les besoins de base. Elton Mayo (1880-1947) prouve
l’influence des facteurs relationnels et de la reconnaissance sur la
productivité. Frederick Herzberg (1923-2000) a travaillé sur le contenu du
travail et la nécessité de l’enrichissement des tâches. Tous ont montré que les
personnes sont incitées au travail par des facteurs psychologiques ou par
l’intérêt du travail lui-même, ce qui a annoncé l’avènement d’un management
plus participatif, moins autoritaire. Celui-ci se met en place dès les années
1930 dans certaines entreprises pionnières, comme General Motors.
Désormais, les cadres doivent certes organiser le travail, mais aussi
- prioritairement peut-être - animer et motiver. Comme le montre le tableau
page 59, le modèle de management par les règles et par l’obéissance
hiérarchique est devenu peu à peu un management « coopératif ».
Celui-ci repose sur plusieurs principes d’action :
- l’acceptation d’une dynamique d’équipe et l’écoute des salariés, auxquels
il n’est plus demandé de respecter des règles prédéterminées mais de
participer à la recherche des solutions. L’encadrement identifie, en fonction
du contexte, les meilleurs moyens de créer cette dynamique. Les décisions
sont expliquées, voire débattues. L’initiative est encouragée ;
- le travail n’est plus statique, il devient une projection vers l’avenir. Il se
définit par des projets à réaliser ou des objectifs à atteindre. Le but n’est plus
de garantir la stabilité mais l’évolution de l’entreprise, l’adaptation à un
environnement changeant étant considérée comme une garantie de survie.
Dans ce cadre, la coopération entre des métiers différents et des cultures
professionnelles diverses est considérée comme un enrichissement ;
- les équipes bénéficient d’une certaine autonomie, la contrepartie étant une
obligation de résultats, avec, souvent, la mise en place d’un intéressement ;
- la réalisation du travail suppose un partage des responsabilités entre le
cadre et les autres membres de l’équipe ; elle implique aussi l’instauration de
relations contractuelles ou quasi contractuelles, soit de l’équipe avec la
hiérarchie externe, soit des membres de l’équipe entre eux. Les écarts
hiérarchiques s’estompent, les salariés sont censés s’identifier aux objectifs
au même titre que les cadres.
L’organisation bureaucratique pouvait entraîner une perte de créativité et une
démotivation des salariés (surtout les non-cadres), considérés comme
interchangeables. Mais le management dit « coopératif » n’est pas non plus
sans risques : paradoxalement, il peut aboutir lui aussi à une
dépersonnalisation des relations si les exigences de résultats prennent le pas
sur les autres préoccupations. Les dirigeants et les cadres, tout en s’affirmant
« managers », peuvent finir par considérer l’implication totale du personnel
comme un dû et ne plus s’interroger sur les moyens de la développer. Or,
sans attention portée aux personnes, le management peut être nocif aux
intérêts bien compris de l’entreprise.
Du management
… au management coopératif
classique
Point Certitude qu’il Il existe des principes de management,
de départ existe un modèle cependant le manager produit un effort
idéal de permanent d’adaptation au contexte. Il
management, qu’il se heurte au caractère difficilement
est possible prévisible des comportements, à la
d’atteindre en complexité des relations. L’incertitude
appliquant peut être réduite par l’observation des
certains principes personnes et du fonctionnement d’une
et certaines règles. organisation, mais ne peut être annulée.
Conception Le facteur humain L’uniformisation des règles et des
des ressources est pris en compte, comportements est considérée comme
humaines mais on attend ayant des effets nocifs. Le facteur
que les humain est vu de manière dynamique,
préoccupations c’est une ressource. C’est aussi un objet
personnelles d’étude, on cherche à comprendre ses
s’effacent derrière enjeux, les sources de sa motivation.
la fonction, les
règles à appliquer,
l’intérêt général.
Responsabilité Les décisions sont Le fonctionnement est déconcentré : le
centralisées, sur le manager de terrain « négocie » les
fondement objectifs qui vont lui être fixés et les
d’objectifs moyens correspondants, il est
déterminés par le responsabilisé ainsi que son équipe.
chef d’entreprise.
Organisation Elle repose sur la Elle repose sur des relations
hiérarchie et contractuelles, l’accord des volontés.
l’obéissance. Elle met en avant le partenariat, le
partage des objectifs et l’abolition des
distances. Le cadre est un « coach » »
plus qu’un chef, même si on lui
demande de faire si c’est nécessaire (le
moins souvent possible) preuve
d’autorité.
Mode de Les métiers Le travail en « mode projet » et le
coordination s’articulent et sont développement des réseaux
du travail coordonnés tout professionnels sont valorisés, avec une
en étant demande de coopération
clairement multidisciplinaire, l’insistance sur la
identifiés et complémentarité des compétences.
séparés les uns
des autres.
Rôle du cadre Disposant d’une Il sait animer son équipe, faire coopérer
compétence les personnes, apaiser les tensions,
technique obtenir des résultats.
supérieure, il
transmet les
consignes, se fait
obéir (et donc
respecter), il veille
au bon
déroulement du
travail.
Valeurs Égalité, Coopération, efficacité, efficience,
reconnaissance résultats, évaluation.
des compétences Dans le service public, adaptation du
techniques. service rendu à la mesure des besoins,
Dans le service éventuellement différenciation des
public, traitement usagers.
identique des
usagers.
Risque Excessive Recherche de l’efficacité à tout prix et
stabilité, routine, désengagement des individus,
égalité formelle. manipulation, artifice…

2. Les fonctions du cadre opérationnel dans le


public et dans le privé
Le rôle des cadres, du moins de ceux qui dirigent une unité opérationnelle, a
beaucoup évolué avec l’importance accrue donnée aux préoccupations
managériales dans les organisations. Les exigences à leur égard sont plus
fortes. En particulier, les cadres opérationnels exercent désormais des
fonctions jusqu’alors dévolues aux cadres dirigeants. Le management
s’exerce ainsi à tous les niveaux : cadre supérieur, cadre moyen, et même
agent de maîtrise.
Le cadre assure les fonctions de management énumérées par Fayol, dont le
contenu a toutefois fortement évolué :
- prévoir : le niveau de la seule prévision est dépassé. Le cadre doit, sur le
fondement des résultats obtenus ou d’un plaidoyer bien étayé, discuter des
objectifs à atteindre et négocier les moyens nécessaires. Il doit ainsi savoir
« manager » ses propres supérieurs, voire leur résister. Il a envers eux des
obligations de reporting. Lui-même sera jugé par son équipe sur la cohérence
entre les objectifs à atteindre et les moyens alloués. Ses préoccupations sont
donc logistiques : sa première tâche est d’éviter d’accepter des objectifs
irréalistes et des moyens insuffisants. Sa crédibilité en dépend ;
- organiser le travail : comme naguère, il s’agit bien sûr de le répartir, mais
aussi d’optimiser la répartition, en tenant compte des qualités de chacun et en
individualisant les rôles ;
- commander : l’accent est mis désormais sur la participation de l’équipe. Le
pouvoir hiérarchique ne disparaît pas (l’autorité reste une des fonctions du
cadre) ; cependant, il est utilisé le plus rarement possible ; dès lors que les
décisions sont concertées, le rappel à l’ordre est en théorie une exception…
En revanche, le cadre exerce pleinement sa fonction hiérarchique dans
certains cas : lors de l’évaluation, même si l’entretien est aussi une discussion
et une sorte de contrat, ou lorsqu’il sélectionne les salariés appelés à
bénéficier d’une augmentation et d’une promotion ;
- coordonner : l’objectif essentiel devient de favoriser le travail en équipe.
Le cadre doit créer un contexte qui va favoriser la coopération (rencontres
formelles et informelles, organisation des locaux, politique de la porte
ouverte, actions de communication sous différentes formes, notamment
l’intranet, soutien des membres de son équipe en cas de difficultés…). Un des
rôles majeurs du cadre est de faire circuler l’information. Il y passe une partie
essentielle de son temps, souvent largement plus de la moitié ;
- contrôler : l’évaluation devient souvent une tâche collective.
Le cadre, autrefois choisi pour son expertise et légitimé par elle, doit donc
trouver un autre équilibre entre l’exercice de ses compétences techniques, sa
capacité d’organisation et le management des ressources humaines. Son
agenda est consacré pour une bonne part à la communication, aux contacts,
aux réunions. Le risque est alors celui de l’éparpillement et de la
superficialité. Or, le cadre doit prendre le temps de connaître et d’observer
son service, de comprendre ce que le sociologue Michel Crozier appelle
l’« organisation informelle », celle qui ne se voit pas immédiatement. Cette
observation va lui être utile : la coopération au sein d’une unité de travail
repose en effet en partie sur des logiques d’intérêts, comme le montrent les
travaux de Robert Axelrod, chercheur en science politique : la coopération est
facilitée si le jeu est « à somme non nulle » ou met en cause l’avenir, c’est-à-
dire si la personne sollicitée estime qu’elle peut y gagner 1. Pour obtenir la
bienveillance des salariés et réguler le service, le cadre doit comprendre leurs
propres enjeux et leur donner, au moins partiellement, satisfaction.
Le modèle de leadership proposé par AXA (page 62) synthétise les
évolutions attendues 2. Il met de plus l’accent sur les qualités morales du
cadre, valorisant même son intuition et son affectivité. C’est dire combien les
exigences à l’égard des cadres sont fortes, certains diront excessives,
dépassant en tout cas des compétences purement techniques.
Le modèle de leadership d’AXA
La transformation des pratiques managériales :

Source : AXA pour le comité des DRH, 2008.


Le tableau ci-contre illustre également les qualités demandées aux managers-
évaluateurs dans le cadre d’un entretien d’évaluation dans le secteur public :
les consignes insistent sur la préparation mais aussi sur la qualité de
l’échange, sur la nécessité d’aborder la question des moyens et de formuler
des propositions. L’objectif est de prendre en considération l’interlocuteur, de
témoigner de son importance et de réduire ainsi les distances hiérarchiques.
Les études sur la motivation montrent que les salariés attendent encore
davantage des cadres : ceux-ci, pour entraîner l’adhésion, doivent donner au
travail une orientation, du sens. En effet, les motivations des agents sont loin
de reposer seulement sur le jeu des égoïsmes qu’évoque Robert Axelrod.
Déjà, Henri Fayol en avait l’intuition, qui insistait sur une autorité faite
« d’intelligence et de valeur morale ». L’exemplarité et l’implication
personnelles sont alors des valeurs cardinales…

3. Préparation d’un entretien d’évaluation dans le


secteur public
Source : Mémento pratique sur l’évaluation et la notation des personnels du
ministère de l’Intérieur, édition 2005 (extraits).
Préparation de l’évaluateur Quelques conseils pour réussir l’entretien
1. Bilan de l’année écoulée - accueillir personnellement l’agent à
Ce qu’a fait mon l’heure prévue et dans un lieu garantissant la
collaborateur : confidentialité ;
- quels étaient mes critères et - établir et maintenir une atmosphère
mes exigences ? cordiale et confiante ;
- quels étaient les résultats - prendre soin de ne pas être dérangé
attendus ? pendant l’entretien ;
- qu’a-t-il fait facilement ? - garder toujours l’objectif de l’entretien
- sur quoi a-t-il rencontré des présent à l’esprit pour ne pas dévier ;
difficultés ? - il s’agit d’évaluer non pas une personne de
- que n’a-t-il pas fait qu’il manière subjective et sur un plan
aurait dû faire ? psychologique, mais sur le travail qu’elle a
accompli au cours d’une année ;
2. Fixation des objectifs
- ne pas se limiter au diagnostic sans
Quels étaient les objectifs du
service ? formuler de propositions ;
Quels étaient les objectifs - être en mesure de réviser son point de vue
propres à l’agent ? en fonction des éléments apportés par
Quels nouveaux objectifs l’interlocuteur ;
j’envisage de lui proposer ? - ne pas faire de l’entretien un interrogatoire
3. Fixation des moyens guidé par un questionnaire préétabli sans
En quoi son poste aurait-il discussion, sans échange, par crainte
besoin d’être mieux défini ? d’aborder les vrais problèmes ;
En quoi une réorganisation de - ce n’est pas non plus le moment choisi
ses activités serait-elle utile ? pour résoudre un problème ponctuel ;
Quelles seraient les priorités à - instaurer une relation de collaboration dans
lui fixer ? En quoi une une optique de travail d’équipe, tout en
formation lui serait-elle utile ? considérant que ce ne doit pas être le seul
De quel matériel aurait-il moment de communication dans l’année ;
besoin ? - l’entretien est un moment de franchise
4. Possibilités d’évolution réciproque entre l’agent et son supérieur
direct.
Quelles nouvelles attributions
puis-je lui confier dans le
service ?
Quelles perspectives
d’évolution peut-il avoir ?
À quelle promotion peut-il
prétendre ?

1. Robert Axelrod, Comment réussir dans un monde d’égoïstes ?


Théorie du comportement coopératif, Odile Jacob, 2006.
2. Modèle présenté par l’entreprise AXA en 2008 au Comité des
DRH. Réuni par le ministère en charge de la Fonction publique, ce
comité regroupe des responsables de ministères et d’entreprises privées.
Voir ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction
publique, Rapport sur l’état de la fonction publique, volume 2 :
« Politiques et pratiques 2007-2008 », La Documentation française,
2008, p. 53.
Fiche 4 - Les sources de la motivation

1. La diversité des sources de motivation


La motivation au travail* est ce qui déclenche l’engagement d’un salarié. Elle
correspond à l’objectif premier du management coopératif : accroître
l’implication et la productivité des salariés, par le biais notamment de
pratiques participatives et de délégations de responsabilités.
Sur le modèle du classement des besoins de la pyramide de Maslow*, les
analystes distinguent différentes sources de motivation :
- la rémunération est un des outils traditionnels de motivation car elle
satisfait l’intérêt et le besoin de sécurité des salariés. Les organisations
tayloriennes prônaient déjà la motivation par une rémunération plus élevée
que le marché pour compenser le caractère routinier du travail. Aujourd’hui,
on lie rémunération et motivation en utilisant le mérite (évaluation de la
valeur professionnelle) ou la performance (appréciation des résultats) ;
- à l’autre extrémité de la pyramide, la motivation peut naître de la fierté de
maîtriser un métier ou d’exercer une mission considérée comme noble
(formation, santé…).

2. L’incitation liée à la rémunération : mythe ou


réalité ?
Selon la DARES (Direction de l’animation, de la recherche, des études et des
statistiques du ministère du Travail) 1, les entreprises privées accordent de
plus en plus d’importance à l’incitation liée à la rémunération : les primes
« réversibles » se sont développées fortement ces dernières années et, en
2004-2005, la moitié des établissements de plus de 20 salariés y ont recours,
alors que le pourcentage était d’un tiers en 1998. 29 % des salariés touchent
des primes de performance individuelle, surtout dans les secteurs de la
finance, du commerce et des services aux entreprises. De même, dans la
fonction publique, des rémunérations « à la performance » ont été mises en
place depuis quelques années, d’abord pour certains cadres ou certains
services, aujourd’hui pour l’ensemble de la filière administrative (voir
chapitre 5). L’analyse se répand qu’il faut différencier les rémunérations pour
motiver les meilleurs.
Des doutes se font jour néanmoins sur l’utilisation de la rémunération comme
outil de motivation. Dans les entreprises privées, une minorité de cadres de
direction (46 %) considère qu’il s’agit là d’un bon outil. Dans le secteur
public, une étude de l’OCDE relative à « La rémunération liée aux
performances dans l’administration » pointe la difficulté, pour certains
métiers, d’asseoir cette politique de modulation sur des indicateurs pertinents.
Il apparaît clairement que les perspectives de carrière et l’intérêt du travail
sont des moteurs plus efficaces que la rémunération à la performance, en
particulier pour les cadres.
Rémunération liée à la performance (RLP) : quelle évaluation ?
La rémunération à la performance est une idée attrayante, mais l’expérience
montre que sa mise en œuvre est complexe et délicate. De précédentes études
de l’OCDE sur l’incidence de la rémunération en fonction de la performance,
au niveau des postes d’encadrement, ont montré que beaucoup des dispositifs
existants n’étaient pas parvenus à obtenir les effets de motivation que l’on
attendait d’un système de RLP efficace, et cela en raison de problèmes de
conception et de mise en œuvre, mais aussi parce que l’évaluation des
performances est intrinsèquement difficile dans le secteur public. Mesurer les
performances des agents publics fait largement appel au jugement des
instances de direction, puisqu’il est malaisé de trouver des indicateurs
objectifs et quantifiables. En outre, la notion de performance est en elle-
même complexe, les objectifs de l’administration changeant bien souvent
avec l’orientation politique du gouvernement. De nombreuses études
concluent que la RLP a une incidence restreinte - sinon négative - sur les
performances.
La RLP se répercute de manière ambivalente sur la motivation : si elle a
certes un impact motivant pour une petite partie du personnel, elle ne
constitue pas un élément de motivation significatif pour la majorité des
fonctionnaires. Pour ces derniers, s’il est essentiel que les salaires de base
correspondent aux prix du marché, les compléments salariaux apparaissent
accessoires. Les perspectives de carrière et de promotion et l’intérêt du travail
exercé s’avèrent être les facteurs de motivation essentiels pour les
fonctionnaires, loin devant l’incitation « rémunération à la performance ».
Contrairement à son objectif premier affiché, la RLP ne parvient pas à
motiver la majorité du personnel de la fonction publique.
Malgré ces limites, l’intérêt porté à la rémunération liée aux performances n’a
pas faibli durant les vingt dernières années. Il est paradoxal de voir que la
plupart des observateurs s’accordent pour signaler les limites des politiques
de RLP, mais que ces dernières continuent d’être introduites à une grande
échelle dans les administrations centrales des pays de l’OCDE.
Source : OCDE, La rémunération liée à la performance dans l’administration,
résumé du rapport, pp. 4-5, www.oecd.org (extraits).

3. Au final, des incertitudes et des choix souvent


mixtes
Longtemps, on a pu croire que les salariés adoptaient des comportements
conformes à leurs traits de personnalité ou dictés par la volonté de satisfaire
leurs besoins, qu’il s’agisse de rémunération ou de reconnaissance.
Aujourd’hui, cette croyance est moins ancrée 2. Les situations de travail sont
trop différentes et les motivations trop changeantes pour que les responsables
puissent espérer que les salariés réagissent de manière uniforme et constante.
Les organisations ont recours le plus souvent à des politiques mixtes, en
agissant sur plusieurs leviers : la rémunération (avec un degré
d’individualisation plus ou moins prononcé), l’intéressement collectif, la
gestion des carrières ou la reconnaissance d’une autonomie dans le travail,
sans garantie permanente d’efficacité.
Comment définir une politique de rémunération ?
Plusieurs approches permettent d’élaborer une politique de rémunération.
Approche à dominante juridique : le choix des éléments de la
rémunération
Le choix des éléments de la rémunération est souvent contraint par les textes.
Ainsi, le droit du travail et la convention collective dans le secteur privé, les
textes statutaires pour les fonctionnaires, prévoient les différents éléments de
la rémunération :
- le salaire de base (qui peut découler d’une grille indiciaire sur laquelle sont
placés les emplois ou être individualisé) ;
- différentes sortes de primes (ancienneté, technicité, résultats) ;
- parfois un supplément familial ;
- des dispositifs d’intéressement collectif aux résultats peuvent être mis en
place (on en trouve dans le privé et dans le public3 comme des dispositifs
d’épargne salariale (réservés au secteur privé).
Selon la convention collective applicable, les entreprises privées
maintiennent (ou pas) le salaire en cas de maladie ou de longue maladie
pendant une durée plus ou moins longue, tandis que, pour les fonctionnaires,
cet avantage est statutaire.
Approche à dominante GRH : les choix de méthode
La politique de rémunération peut également être définie selon une approche
à dominante GRH. Dans ce cas, elle repose essentiellement sur des choix de
méthode. Les questions qui se posent sont alors les suivantes : comment
classer les emplois pour parvenir à hiérarchiser les salaires ? Souhaite-t-on les
classer en fonction des exigences de l’emploi ou en tenant compte aussi des
caractéristiques de la personne qui l’occupe (diplôme, ancienneté) ? Quel est
le nombre de niveaux hiérarchiques souhaitable ? Quelle part donner à
l’individualisation de la rémunération (manière dont la personne occupe
l’emploi) ? Selon quels critères d’évaluation ? Les primes doivent-elles être
ou non réversibles ? Quelle part faut-il réserver à l’ancienneté ? Comment
s’effectuent les revalorisations annuelles, de manière uniforme ou sélective ?
Quel est le pourcentage de personnes qui bénéficieront alors d’une
revalorisation ou d’une promotion ?
Approche à dominante sociale, par catégorie de population
Enfin, une politique de rémunération peut être définie selon une approche à
dominante sociale, à destination de certaines catégories de population. Les
questions soulevées sont dès lors de plusieurs ordres : quelles sont les
différences entre les hommes et les femmes ? Veut-on les réduire ? Un plan
existe-t-il en ce sens, éventuellement négocié avec lanisations syndicales ?
Quelle pyramide des rémunérations et quel écart entre les déciles extrêmes
souhaite-t-on4 ? Que donne une comparaison avec les entreprises du même
secteur ?

4. Le caractère essentiel des facteurs qualitatifs


Même si l’on écarte tout déterminisme mécanique, force est de reconnaître
que les relations dans l’entreprise ou le service influent sur la performance.
De plus en plus, les analystes mettent l’accent sur les facteurs psychologiques
de la motivation. Ainsi, une étude du Laboratoire interdisciplinaire des
ressources humaines et de l’emploi (LIRHE) 5 met en lumière un lien entre la
performance et les facteurs relationnels, parmi lesquels il mentionne :
- le contrat implicite, engagement réciproque de loyauté de chaque partie,
portant notamment sur la sécurité de l’emploi ; il est d’ailleurs souvent
souligné que les cadres du secteur privé sont aujourd’hui plus indifférents aux
objectifs de leur entreprise, depuis que celle-ci leur donne moins de signes
positifs, avec l’augmentation des licenciements touchant leur catégorie et la
« financiarisation » de l’économie ;
- la confiance du salarié dans son supérieur hiérarchique immédiat ou les
dirigeants du service ou de l’entreprise, qui semble jouer un rôle déterminant
dans la satisfaction au travail, les comportements innovants, l’absentéisme et
les résultats obtenus ;
- le sentiment de justice, qui vient d’une comparaison du traitement reçu
avec des personnes comparables (l’évaluation des performances doit ainsi
paraître équitable), de la conviction d’être respecté et de pouvoir, le cas
échéant, obtenir des explications en cas de désaccord ;
- le soutien de l’organisation, qui doit accorder les moyens nécessaires ;
- la qualité de l’échange interpersonnel avec les supérieurs hiérarchiques.
En définitive, la performance des salariés et l’atteinte des objectifs d’une
organisation seraient très liées à la qualité de l’encadrement.

Questions et débats
Le management peut-il s’apprendre ?
Les qualités managériales apparaissent souvent innées. Les analystes ne
récusent d’ailleurs pas l’importance de la personnalité des individus : en
étudiant les types d’autorité, Max Weber a fait une place à l’autorité
charismatique. Il y voyait la qualité naturelle qui permet à un individu
de disposer d’un ascendant sur les autres, avec un risque d’ailleurs
important sur la pérennité de cette autorité. De même, le repérage, dans
certaines grandes entreprises, des cadres à haut potentiel renvoie à une
conception globale de l’individu où, à côté des compétences acquises,
figurent des caractéristiques innées de personnalité. La fonction
publique elle-même utilise (ou devrait utiliser, on lui reproche souvent de
ne pas suffisamment le faire) la sélection sur les aptitudes
comportementales. Les oraux de la plupart des concours de recrutement
doivent, selon les textes, « apprécier la personnalité et les aptitudes » du
candidat, en particulier ses aptitudes relationnelles.
Pour autant, le management s’apparente aussi à un savoir empirique. Sa
cohérence n’est pas parfaite et il est souvent constitué de recettes qui
paraissent simplistes. Cependant, le management recouvre aussi un
ensemble de règles, d’outils, de réflexions. On peut prendre deux
exemples : les études sur la motivation apprennent à se méfier des
raisonnements d’apparent bon sens, qui voudraient que la qualité du
travail dépende mécaniquement des avantages matériels offerts en
contrepartie. Autre exemple : sans formation à l’entretien d’évaluation,
quel cadre parviendrait à dominer des réflexes spontanés consistant à
monopoliser la parole et à juger sans recul ?
Enfin, le management des ressources humaines procède certainement d’un
état d’esprit spécifique. Henry Mintzberg note ainsi que ceux des cadres
qui sont préoccupés de management consacrent l’essentiel de leur temps
à communiquer, à mettre du lien, à expliquer les consignes. Ces cadres
s’interrogent sur leur propre pratique et sont attentifs à détecter des
signaux de dysfonctionnement. On évoque parfois « l e management en
se baladant___ » propre au cadre qui rencontre quotidiennement son
service. Tout comme en gestion des ressources humaines, la prise en
compte du context e est alors essentielle.
Des approches semblables pour les secteurs public et privé ?
Si la réussite d’un mode de management dépend de son adaptation à un
contexte spécifique, il est loisible de se demander si les méthodes et les
outils du secteur privé sont transposables au secteur public.
Il n’existe pas de raison de principe de refuser cette transposition, dès lors
que les outils et méthodes de management sont adaptés au secteur public,
cohérents avec les objectifs du service public et tendent à améliorer celui-
ci : les préoccupations d’efficience, légitimes dans l’un ou l’autre secteur,
ne doivent pas y avoir le même sens.
Les difficultés d’appropriation sont d’ailleurs parfois surestimées :
l’entretien d’évaluation a été bien accepté dans le secteur public. De plus,
comme le montrent certains auteurs 6, les freins à la transformation du
secteur public ne tiennent pas seulement à la crainte de l’arbitraire ou à
la peur de perdre certaines garanties, même si ces peurs jouent. Ils
tiennent autant au fonctionnement d’organisations encore lourdes,
centralisées, dont les pratiques managériales restent archaïques et qui,
de ce fait, ne sont pas toujours crédibles lorsqu’elles affichent des
objectifs en contradiction avec leurs pratiques.
Reste que la transposition des méthodes et des outils doit être prudente
pour éviter d’être interprétée comme une volonté de contrôler
excessivement les personnes et d’altérer les identités professionnelles 7.
Éviter la manipulation, prévenir le conformisme
Les excès du management sont régulièrement dénoncés. Le risque de
manipulation est patent. Or, les organisations doivent toujours respecter
les individus, sans les considérer comme des objets, faute de quoi les
salariés réagissent par la passivité ou par des attitudes affectées. Le
paradoxe, au moins apparent, est que le management ne sert les intérêts
de l’entreprise que s’il respecte une certaine éthique.
Dans le même esprit, le management court le risque de conduire à
l’uniformité des comportements et au conformisme et de réduire
l’innovation. Certains sociologues dénoncent le modèle caricatural du
cadre lisse, « performant, communicant et édredon » 8, qui esquive les
contradictions ainsi que les conflits, et adhère sans état d’âme aux
consignes de l’institution. Là aussi, sur le long terme, certains types de
man agement desservent l’entreprise.

Retenir l’essentiel
Le management est défini comme la gestion et le pilotage d’une
organisation. Aujourd’hui, les entreprises attendent de leurs managers, à
tous les niveaux, qu’ils améliorent l’efficience * de l’organisation en
mobilisant leurs équipes sur des objectifs. Avec le nouveau management
public, cette préoccupation est devenue aussi celle du secteur public. De
ce fait, le rôle des cadres a évolué dans les deux secteurs : responsables
des résultats à atteindre, coachs plutôt que distributeurs de tâches, ils
sont chargés de créer les conditions d’une dynamique collective de
collaboration.
La motivation des cadres et des salariés devient alors un enjeu. Les
organisations publiques et privées misent de plus en plus sur la
rémunération à la performance, tout en jouant aussi sur d’autres
registres. Or, la motivation des salariés est un phénomène complexe, sans
automaticité, où les facteurs qualitatifs et relationnels paraissent
essentiels.
Les risques du management sont régulièrement dénoncés, tels que la
manipulation, l’artifice ou le conformisme. L’existence d’effets pervers
prouve que respecter les personnes est le meilleur service à rendre à
l’entreprise sur le long terme. Quant à la transposition des outils et des
méthodes du management privé dans le secteur public, elle est bienvenue
dès lors qu’elle est utile au service public, respecte les identités
professionnelles et que les principes affichés, en particulier la
responsabilisation des personnes, sont appliqués effectivement.

1. Voir DARES, « Les pratiques salariales en entreprise », Premières


informations Premières synthèses, no 37.1, septembre 2007 et « La
structure des rémunérations en 2005 », Premières informations
Premières synthèses, no 45.1, novembre 2008.
2. Voir notamment les travaux de Pierre Morin et Éric Delavallée, Le
manager à l’écoute du sociologue, Éditions d’Organisation, 2000.
3. L’intéressement dans le secteur privé est prévu par le Code du
travail. Dans la fonction publique, il est pratiqué par certains ministères
(voir chapitre 5).
4. Les déciles sont les montants qui répartissent la distribution des
salaires en dix parties égales. Le premier décile est le montant du salaire
au-dessous duquel se situent 10 % des salariés et au-dessus duquel on
trouve 90 % des salaires. Le neuvième est le montant du salaire au-
dessous duquel se situent 90 % des salaires.
5. Brigitte Charles-Pauvers, Nathalie Commeiras, Dominique Peyrat-
Guillard, Patrice Roussel, « Les déterminants psychologiques de la
performance au travail : bilan des connaissances et proposition de voies
de recherche », Les notes du LIRHE, no 436, septembre 2006.
6. Annie Bartoli, Le management dans les organisations publiques,
Dunod, 2009 et Frédéric Petitbon, Le guide du manager public,
Éditions d’Organisation, 2005.
7. Abdelaâli Laoukili, « Les collectivités territoriales à l’épreuve
du management », Connexions, n o 9I, 2009-I.
8. Jean-Pierre Le Goff, Les illusions du management, La
Découverte, 1996.
CHAPITRE 4 - Le statut de la fonction
publique
Fiche 1- La fonction publique en
France

1. Un cinquième de l’emploi total


Au 31 décembre 2007 1, la fonction publique - personnels soumis à des règles
de droit public employés dans des services administratifs de droit public 2 -
compte 5,3 millions d’agents, dont 2,5 millions pour la fonction publique
d’État (FPE), 1,8 pour la fonction publique territoriale (FPT) et 1 million
pour la fonction publique hospitalière (FPH). La fonction publique représente
ainsi un pourcentage élevé de l’emploi total, un peu plus d’un cinquième, soit
21 %.
De 1996 à 2007, l’emploi dans la fonction publique a progressé de 1,3 % en
moyenne annuelle, dont 3 % pour la FPT, qui aujourd’hui encore est la
fonction publique qui connaît la plus forte croissance. Une partie de cette
augmentation est liée, il est vrai, aux transferts de compétences de l’État à la
FPT. Dans la période récente, ce sont des agents de l’Équipement et des
personnels ouvriers et de service des établissements d’enseignement qui ont
été transférés à la FPT, transferts liés à la définition des compétences entre
l’État et les collectivités territoriales inscrite dans la loi du 13 août 2004
relative aux libertés et aux responsabilités locales.
Ce n’est que depuis 2006 que l’emploi baisse dans la fonction publique
d’État, d’abord légèrement (- 9 000 agents en 2006) puis de manière plus
prononcée (- 61 500 en 2007).

2. Agents titulaires et non titulaires


En France, la plupart des agents publics sont fonctionnaires titulaires.
Autrement dit, ils relèvent du « statut général », c’est-à-dire d’un ensemble
formé de quatre lois qui fixe les règles essentielles de recrutement et de
gestion des fonctionnaires ainsi que leurs droits et obligations. Cependant,
compte tenu de leurs caractéristiques professionnelles, certains d’entre eux -
comme les militaires, les magistrats ou les fonctionnaires des Assemblées
parlementaires - dépendent d’un statut spécifique.
Les personnels non titulaires - qui ne sont pas des fonctionnaires mais des
agents publics dès lors qu’ils travaillent dans un service public administratif -
représentent, quant à eux, 13,5 % des effectifs dans la fonction publique
d’État, 21 % dans la fonction publique territoriale, 14 % dans la fonction
publique hospitalière.

3. Une conception large de la fonction publique


La France, à la différence de nombreux pays européens, a une conception
large de l’emploi public. Tandis que la Cour de justice des communautés
européennes définit les emplois d’administration publique comme ceux qui
participent directement ou indirectement à l’exercice de la puissance publique
et qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts généraux des collectivités
publiques, la France inclut dans la fonction publique tous les agents qui
travaillent pour le compte d’un service public administratif, y compris les
enseignants, les personnels soignants, les personnels techniques ou ceux des
services d’appui. Ces personnels sont ainsi couverts par un droit statutaire
alors que, dans nombre d’autres pays de l’Union européenne, ils sont
souvent, malgré leur qualité d’agent public, soumis à un régime proche de
celui des salariés de droit commun.

1. Source : Ministère du Budget, des Comptes publics, de la Fonction


publique et de la Réforme de l’État, Rapport annuel sur l’état de la
fonction publique, volume 1 : « Faits et chiffres 2008-2009 », La
Documentation française, 2009.
2. Administratif signifie ici non industriel et non commercial.
Fiche 2 - Pourquoi avoir opté pour un
statut ?

1. Le statut plutôt que le contrat


Pour la majorité des salariés, le droit du travail représente une norme
minimale, appelée à être complétée et précisée par le contrat, qu’il s’agisse du
contrat de travail individuel ou des accords et conventions collectives. Le
salarié régi par le droit du travail contracte avec son employeur : toute
modification substantielle du contrat initial (portant, par exemple, sur la
rémunération ou la durée du travail) doit lui être soumise.
Or, à la différence des autres salariés, les fonctionnaires ne sont pas dans une
situation contractuelle, mais dans une situation statutaire et réglementaire.
L’organisation de la fonction publique et les relations des fonctionnaires avec
leur employeur sont régies par un droit statutaire, c’est-à-dire un corps de
règles édictées par la puissance publique. Le statut soustrait pour l’essentiel
les fonctionnaires au droit du travail 1. Le contenu du droit applicable est
différent, tout comme sa méthode d’élaboration. Les textes statutaires
régissent la totalité de la carrière* 2 des agents et fixent l’ensemble des règles
de fonctionnement applicables. Les actes qui régissent le recrutement et la
carrière du fonctionnaire sont des actes unilatéraux, même s’ils sont pris à sa
demande, ou doivent respecter certaines procédures.

2. Une option statutaire héritée du compromis de


1946
Ce choix statutaire est un héritage : avant-guerre, le fonctionnaire était
considéré comme un rouage impersonnel au service de la puissance publique.
Il ne disposait pas (du moins en théorie) du droit de se syndiquer ni, a
fortiori, de faire grève. En 1946, le choix de le doter d’un statut a fait l’objet
de débats : le parti communiste, qui participait alors au pouvoir, aurait voulu,
pour lui donner davantage de droits, rapprocher sa situation de celle des
autres salariés. Un compromis a été trouvé avec les partisans d’une gestion
publique unilatérale, davantage en accord avec la tradition d’une fonction
publique vouée au service de l’État. Ainsi, le principe d’un statut a-t-il été
retenu par la loi du 19 octobre 1946, mais avec des instances de
participation* spécifiques qui associent les représentants des fonctionnaires
aux décisions qui les concernent.
Ce compromis donne au statut de la fonction publique - celui de 1946, adapté
en 1959 à la Constitution de la Ve République, puis remplacé par les textes
législatifs de 1983-1984-1986 - une vocation ambivalente :
- d’une part, les dispositions statutaires précisent les obligations du
fonctionnaire et fixent minutieusement les conditions de son recrutement et
de la gestion de sa carrière ;
- d’autre part, elles reconnaissent au fon_ctionnaire des droits. Ainsi, l’article
34 de la Constitution de 1958 réserve au législateur la possibilité de fixer les
règles concernant « les garanties fondamentales accordées aux
fonctionnaires civils et militaires de l’État ». Les compétences des
représentants du personnel, consultés pour avis y compris sur les décisions
individuelles de carrière, sont plus larges que dans le secteur privé. Enfin,
l’existence même de règles statutaires a conduit à affirmer un principe
d’égalité entre fonctionnaires en situation identique au regard des textes, ce
qui, compte tenu du niveau de détail auquel descend le droit de la fonction
publique, s’avère très protecteur.
Le statut de 1946 entérine également le choix d’une fonction publique de
carrière, plutôt qu’une fonction publique d’emploi. Une fonction publique
d’emploi recrute par contrat sur un emploi spécifique et laisse le salarié libre
de décider ensuite de sa mobilité, le cas échéant dans le secteur privé. À
l’inverse, une fonction publique de carrière est caractérisée par un
recrutement effectué le plus souvent en début de vie professionnelle, après
sélection vérifiant le niveau ou la qualification des candidats, rarement sur un
emploi déterminé. Dans ce cadre, l’ensemble de la vie professionnelle est
organisé de manière à permettre au fonctionnaire d’évoluer d’un emploi
public à un autre. Les allers et retours avec le privé sont possibles, mais rares.

3. Un même statut pour les agents des différentes


collectivités publiques
Si le statut de 1946 a unifié les règles applicables aux fonctionnaires d’État,
en revanche il ne s’est pas appliqué aux fonctionnaires territoriaux. Au début
des années 1980, lors de la préparation de la première décentralisation, il
existait certes un statut du personnel communal, mais les agents relevant des
départements ou des régions ne disposaient pas d’un corps de règles unifié.
Ces différentes catégories d’agents publics, sans mobilité organisée, ne
constituaient pas un ensemble cohérent.
L’extension aux fonctionnaires territoriaux et hospitaliers du statut des
fonctionnaires d’État, même avec des aménagements, a soulevé des
discussions.
Comme le note Olivier Schrameck dans son ouvrage sur la fonction publique
territoriale 3, deux conceptions différentes se sont alors affrontées : pour
certains, la référence obligée était la fonction publique d’État, structurée,
dotée d’un statut, bénéficiant de droits à l’égal des autres citoyens, la liberté
d’opinion en particulier. Il fallait donner aux fonctionnaires territoriaux des
garanties d’indépendance vis-à-vis des élus. Pour d’autres, surtout les élus
des petites collectivités, l’ambition était de se rapprocher d’une fonction
publique d’emploi, avec une large possibilité de recruter des contractuels*.
Le choix, inspiré par le ministre de la Fonction publique de l’époque, Anicet
Le Pors, communiste et surtout jacobin, a été celui de l’unité.

4. L’architecture retenue au début des années 1980


Depuis le début des années 1980, le statut général de la fonction publique
s’articule autour de quatre textes législatifs :
- la loi du 13 juillet 1983 (dite « loi Le Pors »), titre I du statut général
portant droits et obligations des fonctionnaires, est applicable à tous les
fonctionnaires quel que soit leur employeur, hormis ceux qui relèvent de
statuts propres. Elle constitue le socle commun aux trois fonctions publiques.
Elle précise les conditions pour être fonctionnaire, énumère les garanties dont
les fonctionnaires bénéficient ainsi que leurs obligations, définit les principes
d’une fonction publique de carrière ; - trois lois (formant respectivement les
titres II, III et IV du statut général des fonctionnaires) définissent ensuite les
dispositions particulières qui s’appliquent aux trois fonctions publiques : la
loi du 11 janvier 1984 concerne la fonction publique d’État, la loi du 26
janvier 1984 la fonction publique territoriale, la loi du 9 janvier 1986 la
fonction publique hospitalière.
Ces textes législatifs sont complétés par une cascade de textes réglementaires,
décrets d’application générale du statut et statuts particuliers précisant les
dispositions applicables à chaque corps* ou cadre d’emploi*.

5. Les implications de l’unité statutaire


Le choix de l’unité statutaire emportait obligation d’organiser la mobilité
entre les trois fonctions publiques : le titre I affirme d’ailleurs que cette
mobilité fait partie des garanties fondamentales du fonctionnaire. Or, ce
principe ne s’est pas bien appliqué : la mobilité s’est souvent effectuée à sens
unique - de la fonction publique d’État aux autres fonctions publiques - et a
été réservée à certains grades*.
Ce choix aurait dû également entraîner l’application d’un principe de parité
de rémunération des fonctionnaires exerçant des fonctions comparables
dans les différentes fonctions publiques. Là encore, le principe ne s’est que
partiellement appliqué : la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions
statutaires relatives à la fonction publique territoriale indique seulement que
les fonctionnaires territoriaux ne peuvent bénéficier de régimes indemnitaires
plus favorables que ceux dont bénéficient les fonctionnaires de l’État
exerçant des fonctions équivalentes. L’inverse n’est pas interdit.
L’élaboration d’un statut unitaire repose sur l’idée qu’un corpus de règles
identiques ou proches peut s’appliquer à des populations disparates, dont les
employeurs, les métiers, les conditions d’emploi sont diverses. Cet idéal a
mal résisté au temps. Depuis 1983, une lente dérive a éloigné la fonction
publique d’État et la fonction publique territoriale, le paradoxe étant que
celle-ci est devenue, au fil de ses évolutions, une référence pour la
modernisation de la fonction publique d’État (voir chapitre 5).

1. Le Code du travail réglemente cependant la grève dans les services


publics et, par ailleurs, de nombreux textes concernant l’hygiène et la
sécurité reprennent les dispositions du Code du travail ou y renvoient
directement.
2. Les termes suivis d’un astérisque renvoient au glossaire, p. 157.
3. Olivier Schrameck, La fonction publique territoriale, Dalloz, 1995.
Fiche 3 - Le statut aujourd’hui : les
grands principes

1. Fonctionnaires : des droits et obligations


spécifiques ?
La loi du 13 juillet 1983 énumère les droits et obligations des fonctionnaires.
Ces droits et obligations sont pour une part les mêmes que ceux des autres
salariés. Pourtant, on évoque souvent la spécificité des obligations des
fonctionnaires en insistant, notamment, sur le devoir d’obéissance. La
comparaison avec le droit du travail montre qu’en ce domaine les obligations
des salariés de droit privé sont identiques : c’est la subordination et
l’obligation de respecter les consignes de l’employeur qui qualifient le
salariat. De même, l’obligation d’exécuter le contrat de bonne foi emporte,
pour les salariés de droit privé, une obligation de discrétion et de loyauté
identique à celle exigée des fonctionnaires. La différence est plutôt
culturelle : les organisations publiques sont encore centralisées, les consignes
sont souvent descendantes, le respect des titres y est plus ancré. La référence
fréquente au pouvoir hiérarchique y est sans doute aussi le signe d’une
réticence devant la prise de responsabilité individuelle, héritage des principes
de fonctionnement des organisations bureaucratiques.
Restent toutefois des spécificités juridiques, soulignées dans le tableau page
suivante : parce qu’il représente la puissance publique, le fonctionnaire
bénéficie d’un droit à la protection de son administration qui va bien au-delà
du devoir des employeurs privés de veiller à la sécurité et à la santé des
salariés. Les règles restrictives relatives au cumul d’activités publiques et
privées, et l’obligation de désintéressement et de neutralité tiennent
également à la mission particulière des fonctionnaires, qui représentent une
puissance publique laïque et indépendante.
Droits, garanties et obligations des fonctionnaires : spécificités par
rapport aux salariés du privé
Les droits - droit syndical, droit de grève (avec des spécificités) ;
- droit à la protection de son administration (droit spécifique,
couverture des condamnations civiles s’il n’y a pas de faute
personnelle, droit à réparation des dommages subis à l’occasion
des fonctions) ;
- droit de retrait en cas de danger grave et imminent pour la
vie ou la santé ;
- liberté d’opinion ;
Les - absence de discrimination liée aux opinions, aux origines, à
garanties l’âge, à l’état de santé, etc., sous réserve des nécessités
imposées par certains emplois ;
- obéissance hiérarchique, sauf ordre manifestement illégal et
de nature à compromettre un intérêt public (possibilité dans le
secteur privé de ne pas exécuter un ordre illégitime) ;
- restriction des possibilités de cumul d’activités publiques
et privées (obligation de consacrer l’intégralité de l’activité
professionnelle aux tâches confiées, avec des exceptions :
notamment la possibilité d’exercer des activités accessoires
compatibles avec les fonctions) ;
Les - obligation de ne pas mener des activités de nature à
obligations compromettre son indépendance (obligation spécifique de
désintéressement) ;
- obligation de discrétion et de secret professionnel, dans
certains cas, devoir de signalement ;
- obligation de neutralité (obligation spécifique de respecter les
principes de laïcité).
Il est à noter que l’obligation de réserve n’existe pas dans les
textes. Cette obligation est une construction jurisprudentielle du
Conseil d’État et s’applique en tenant compte des circonstances
et du rang du fonctionnaire.

2. L’association des représentants des


fonctionnaires aux décisions
En vertu du principe de participation* (voir chapitre 6), le titre I du statut
général prévoit que les fonctionnaires sont associés aux décisions qui les
concernent au sein d’instances le plus souvent paritaires composées de
représentants de l’administration et de représentants des organisations
syndicales :
- un Conseil supérieur de la fonction publique, consulté sur les projets de
textes statutaires ou concernant la formation professionnelle des
fonctionnaires ;
- des commissions administratives paritaires (CAP), compétentes pour
donner un avis sur des actes de gestion individuelle : titularisation, mutation,
détachement, avancement de grade*, sanctions disciplinaires graves, recours
sur la notation ;- des comités techniques paritaires (CTP), consultés sur les
questions concernant l’organisation et le fonctionnement des services ;
- des comités d’hygiène et de sécurité, non paritaires, qui assistent les CTP.

3. Un recrutement par concours, sauf exception


Le principe de l’égal accès aux emplois publics est un principe
constitutionnel inscrit dans la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen de 1789. En application de ce principe, le titre I du statut général
édicte que le concours - censé garantir la meilleure égalité entre candidats -
est le mode ordinaire de recrutement des fonctionnaires, sauf exception
prévue par la loi.
Le terme de concours* recouvre toutefois des réalités diverses. Le concours
sur épreuves anonymes, le plus répandu, n’est pas la seule modalité. Le
concours peut être « sur titres ou travaux » : ce mode de sélection est adapté à
certains recrutements, sur des emplois nécessitant une qualification précise,
dans les organismes de recherche notamment.
De plus, sans déroger à l’égalité, des concours différents selon l’origine des
candidats peuvent concourir à une même opération de recrutement : au
concours externe s’ajoute un concours interne, réservé aux personnes déjà
fonctionnaires ou non titulaires, voire un troisième concours, réservé à des
personnes qui ont travaillé un certain temps dans le secteur privé.
Enfin, conformément à la jurisprudence du Conseil d’État et du Conseil
constitutionnel, des situations objectives différentes ou des raisons d’intérêt
général peuvent justifier des recrutements sans concours, prévus par la loi.
La fonction publique est ainsi ouverte sans concours à des catégories dont on
veut faciliter l’insertion professionnelle :
- les personnes handicapées, recrutées par contrat d’un an renouvelable une
fois, donnant vocation à titularisation, à condition que le handicap soit jugé
compatible avec l’emploi auquel la personne handicapée postule. La fonction
publique est en effet soumise à l’obligation d’emploi de 6 % de personnes
handicapées ;
- les militaires, pensionnés de guerre, leurs conjoints survivants et leurs
orphelins, peuvent accéder à des emplois dits « réservés », de catégorie B et
C, après une procédure de reconnaissance des qualifications et acquis de
l’expérience professionnelle et sur choix des administrations ; - en vertu de
l’ordonnance du 2 août 2005 instituant le PACTE (parcours d’accès aux
carrières de la fonction publique territoriale, hospitalière et d’État), des jeunes
de 16 à 25 ans sans diplôme ou sans qualification professionnelle ou dont le
niveau de qualification est inférieur à un diplôme de fin de second cycle du
second degré (baccalauréat) bénéficient d’un contrat en alternance de 12 à 24
mois avec tutorat. Ils peuvent être ensuite recrutés après un examen
professionnel. Malgré son faible succès (250 contrats ont été signés en 2007),
le dispositif est symboliquement important : les recommandations des
rapports Versini (2004) et Calvès (2005) 1, à l’origine de cette mesure, ont
insisté sur l’importance d’une fonction publique vecteur d’ascension sociale
et reflet de la diversité de la population.

4. Des emplois publics en principe réservés aux


fonctionnaires
Le principe est posé à l’article 3 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et
obligations des fonctionnaires : sauf dérogation législative, les emplois civils
permanents de l’État, des collectivités territoriales et des établissements
publics qui en dépendent sont occupés par des fonctionnaires.
Ce principe est cohérent avec celui d’une fonction publique de carrière.
Les contraintes de fonctionnement courant emportent pourtant nécessité de
faire appel à des personnels non titulaires. La loi liste avec précision les
dérogations à ce principe : pour la fonction publique d’État, les non-
titulaires peuvent occuper les emplois supérieurs, les emplois d’assistants
d’éducation, les emplois de catégorie A si la nature des fonctions ou les
besoins du service le justifient, les emplois à temps non complet. Il est
possible également de recruter des non-titulaires pour des besoins
saisonniers, occasionnels ou de remplacement, voire, depuis la loi du 3 août
2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction
publique, pour répondre à la vacance d’un emploi qui ne peut être
immédiatement pourvu.
La situation des non-titulaires est ambiguë : ils signent un contrat avec le
service qui les emploie. Pour autant, sauf exception, le droit du travail ne leur
est pas directement applicable. La loi précise leurs conditions d’emploi et ils
relèvent d’une sorte de « statut » (le décret du 17 janvier 1986 dans la
fonction publique d’État) qui définit le pouvoir de l’administration
(discipline, licenciement), leur donne des droits (préavis, droit à congés et à
formation) et des obligations, identiques pour l’essentiel à celles des
fonctionnaires titulaires.
Alors que le droit du travail ordinaire exclut le renouvellement indéfini de
contrats à durée indéterminée, la règle a longtemps été différente dans la
fonction publique, qui maintient ses contractuels dans une situation précaire,
les contrats n’excédant pas 3 ans. La situation a été modifiée par la loi du 26
juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire
à la fonction publique, qui impose, au-delà d’une durée de 6 ans de contrats
successifs, la signature d’un contrat à durée indéterminée. Les CDI restent
cependant l’exception.

5. Vers un rapprochement avec le droit du travail ?


L’influence du droit communautaire a réduit la spécificité du droit de la
fonction publique française, au point que l’on a pu évoquer parfois une
relative « banalisation ».
La Cour de justice des communautés européennes a imposé une définition
restrictive des emplois relevant de l’administration publique :
tous ceux qui ne participent pas à l’exercice de la puissance publique et n’ont
pas pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de la puissance publique
sont des emplois de « travailleurs », soumis aux règles de libre circulation,
auxquels les ressortissants européens doivent pouvoir avoir accès.
Cette conception s’est imposée à un droit français de la fonction publique
pourtant bien éloigné de cette distinction fondée sur la nature des emplois.
Depuis la loi du 26 juillet 2005, hors les emplois réservés aux nationaux, le
principe est l’ouverture des corps de fonctionnaires aux ressortissants
européens, par concours externe, interne ou par la voie du détachement dès
lors que le postulant occupe un emploi équivalent dans sa fonction publique
d’origine. La loi du 3 août 2009 précise les conditions d’accès aux concours
internes, en particulier les exigences de durée de service préalable et de
formation.
Comme le montre le tableau ci-dessous, le droit communautaire a conduit
également à aligner les droits sociaux des agents publics sur ceux des
autres salariés. La disposition la plus importante est sans doute celle
évoquée ci-dessus qui concerne le droit des personnels non titulaires à un
contrat à durée indéterminée.
Au total, le droit de l’Union européenne a certes rapproché le droit de la
fonction publique du droit du travail, notamment dans le domaine des droits
sociaux ou en élargissant le recrutement sur certains emplois. Cependant,
quoi qu’on en dise parfois, les principes statutaires, qui comportaient déjà des
exceptions, ne s’en trouvent pas altérés.
L’influence du droit communautaire :
des fonctionnaires soumis au droit commun
1989 Directive communautaire de 1989 imposant que les employeurs
consultent les travailleurs sur les questions relatives à la sécurité et à la
santé : cette disposition s’applique aux emplois publics.
2002 Sous l’influence de la directive de 1989, les non-titulaires se voient
reconnaître le droit de faire partie du corps électoral qui élit les
comités techniques paritaires dans la FPT.
2003 Modification des droits dans le domaine de la retraite (droits à
majoration de durée d’assurance et à départ anticipé uniquement
réservés jusqu’alors aux femmes) pour satisfaire au principe d’égalité
entre les hommes et les femmes imposé par la Cour de justice des
communautés européennes(*).
2005 Insertion dans le statut de dispositions permettant aux non-titulaires,
après 6 ans, de bénéficier d’un CDI, qui est, selon une directive
communautaire de 1999, la forme normale du contrat de travail.
Harmonisation des congés liés aux enfants avec ceux du privé
(maternité, paternité, congé parental, adoption).
2007 Insertion dans le statut de dispositions sur la lutte contre le
harcèlement, au nom de l’égalité entre les hommes et les femmes dans
le milieu professionnel.
(*) Par avis motivé du 22 juin 2009, la Commission a toutefois demandé des
explications à la France car elle considère que la réforme de 2003 n’a pas fait
disparaître les discriminations à l’égard des hommes fonctionnaires en
matière d’avantages familiaux de retraite.

1. Dominique Versini, Rapport sur la diversité dans la fonction


publique, Ministère de la Fonction publique et de la Réforme de l’État,
2004 ; Gwenaëlle Calvès, Renouvellement de la fonction publique, de,
l’État, DGAFP, 2005.
Fiche 4 - La fonction publique d’État :
organisation et fonctionnement

1. Le corps
Toute personne qui a réussi un concours de recrutement de la fonction
publique est nommée dans un corps de fonctionnaires. Le plus souvent, elle y
passera l’intégralité de sa vie professionnelle. Tout fonctionnaire appartient
donc à un corps*, qui est un cadre d’accueil et de gestion des
fonctionnaires d’État recrutés par concours et relevant d’un même statut
particulier*. Les corps sont classés en trois catégories hiérarchiques A, B et C
selon leur niveau de recrutement et de responsabilité.
Il y a quinze ans, on décomptait encore 1 700 corps dans la fonction publique
d’État, de tailles très inégales. Des mesures de fusion ont permis de réduire ce
nombre à 685 en 2009, 90 % des effectifs étant regroupés dans 140 corps.
Depuis 2005, les corps de même niveau d’administration centrale et de
services déconcentrés ont été fusionnés au sein de chaque ministère, ouvrant
ainsi aux agents de nouvelles perspectives de carrière. Les corps de
fonctionnaires de catégorie C ont été fortement simplifiés. Le ministère de la
Fonction publique annonce en 2009 son ambition de réduire le nombre de
corps à 350 dans les prochaines années, notamment en créant davantage de
corps interministériels et en fusionnant avec d’autres les corps propres à un
seul établissement public.
La définition du corps* est fonctionnelle et ne correspond pas à un contenu
homogène. Souvent, le corps correspond à un métier : il en est ainsi pour les
corps techniques (ingénieurs, techniciens), les professions de santé ou
d’enseignement. Encore est-il fréquent qu’un même métier recouvre plusieurs
corps : les professeurs d’enseignement secondaire relèvent du corps des
agrégés ou des certifiés, les personnels des bibliothèques sont conservateurs
ou bibliothécaires. Les corps instituent parfois des hiérarchies dans un même
métier. Mais les corps ne correspondent pas toujours à un métier. Les corps
de la filière administrative (corps des administrateurs civils, des attachés, des
secrétaires administratifs…) regroupent des personnels dont les métiers
(juristes, financiers, comptables, responsables de ressources humaines… )
sont très différents.
Surtout, les corps de la fonction publique d’État sont définis par leur
territoire d’intervention, plus ou moins large et parfois très étroit. Rares
sont les corps interministériels (comme celui des administrateurs civils). La
plupart des corps sont rattachés à un ministère. C’est le cas des attachés
d’administration : il y a autant de corps d’attachés que de ministères. Certains
établissements publics ou organismes spécifiques ont leur propre corps de
fonctionnaires : il existe ainsi des adjoints techniques de l’Inserm (Institut
national de la santé et de la recherche médicale) comme des secrétaires
d’administration de la Caisse des dépôts et consignations.
Le corps est régi par un texte réglementaire (décret en Conseil d’État)
appelé statut particulier 1. Parfois, un statut particulier commun régit
plusieurs corps : c’est le cas pour les multiples corps d’attachés. Le statut
particulier précise la catégorie hiérarchique (A, B et C) dont relève le corps.
Comme le montre l’encadré ci-contre, le statut particulier indique également
les missions du corps, de façon très générale, puis les modalités de
fonctionnement, en particulier :
- les voies de recrutement du corps : types de concours prévus, pourcentage
de recrutements effectués par promotion interne (la promotion interne étant
ouverte aux fonctionnaires d’un corps hiérarchiquement inférieur,
sélectionnés sur leur valeur professionnelle) ;
- la structuration du corps en grades* (un ou plusieurs) et, à l’intérieur de
chaque grade, le nombre d’échelons : le statut particulier dessine ainsi la
carrière des fonctionnaires dans le corps. À chaque grade et à chaque échelon
correspond un indice de rémunération. Le corps se caractérise ainsi par un
indice de début et un indice terminal ;
- les modalités d’avancement* : durées minimales et durées moyennes entre
chaque échelon, conditions d’avancement de grade.
Le corps et le statut particulier sont ainsi des références directement
opérationnelles. Le corps détermine le cadre de travail de l’agent et ses
possibilités de mutation, sa rémunération, son espoir de progression compte
tenu du nombre de grades, des conditions pour avancer, de l’écart entre
l’indice de départ et l’indice de fin de carrière, du temps moyen mis pour en
franchir les étapes.
Les dispositions du statut particulier des attachés
Article 2. - Les attachés d’administration exercent leurs fonctions en
administration centrale, dans les services déconcentrés, dans les services à
compétence nationale et dans les établissements publics de l’État. Ils peuvent
également exercer leurs fonctions dans les établissements publics locaux
d’enseignement et de formation professionnelle.
Ils participent à la conception, à l’élaboration et à la mise en œuvre des
politiques publiques ministérielles et interministérielles.
Ils sont chargés de fonctions de conception, d’expertise, de gestion et de
pilotage d’unités administratives.
Ils peuvent être appelés à remplir les fonctions d’ordonnateur secondaire. Ils
ont vocation à être chargés de fonctions d’encadrement.
Art. 3. - Chaque corps d’attachés d’administration comprend :
- le grade d’attaché principal, qui comporte 10 échelons ;
- le grade d’attaché, qui comporte 12 échelons.
Art. 4. - Les attachés d’administration sont recrutés :
1° à titre principal, par la voie des instituts régionaux d’administration ;
2° à titre complémentaire, par la voie de concours (spécifiques). Ces concours
peuvent être organisés en commun par plusieurs administrations ;
3° au choix, dans les conditions fixées à l’article 7 (…).
Art. 6. - Lorsque, au titre d’une même année, sont organisés un concours
externe et un concours interne, le nombre de places offertes au concours
interne ne peut être inférieur au tiers des places offertes aux deux concours.
Le nombre de places offertes au (troisième) concours (…) ne peut excéder 20
% du nombre total des places offertes à l’ensemble des concours.
Les postes ouverts aux concours qui n’auraient pas été pourvus par la
nomination des candidats à l’un des concours peuvent être attribués aux
candidats de l’autre ou des autres concours.
Art. 7. - Les nominations au choix sont prononcées par le ministre dont
relève le corps d’attachés concerné après inscription sur une liste d’aptitude
établie après avis de la commission administrative paritaire. Peuvent être
inscrits sur cette liste d’aptitude les fonctionnaires de l’État appartenant à un
corps classé dans la catégorie B ou de même niveau de l’administration
concernée. Les intéressés doivent justifier d’au moins neuf années de services
publics, dont cinq au moins de services civils effectifs dans un corps (de
secrétaire administratif ou assimilé).
Source : Décret no 2005-1215 du 26 septembre 2005 portant dispositions
statutaires communes aux corps des attachés (extraits).

2. La position administrative
La position administrative* est la situation juridique du fonctionnaire par
rapport à son corps d’appartenance. Les principales positions sont :
- l’activité : le fonctionnaire est administrativement rattaché à son corps et y
travaille la plupart du temps (il peut toutefois bénéficier de certains congés ou
de décharges syndicales) ;
- le détachement : le fonctionnaire quitte temporairement son corps et exerce
son activité dans un autre corps ou une autre fonction publique. Il continue
néanmoins à appartenir à son corps d’origine tant qu’il ne demande pas son
intégration dans un autre corps. Il a un droit de retour ;
- la mise à disposition : par convention signée entre deux administrations, le
fonctionnaire exerce pendant un temps limité son activité dans une autre
administration que la sienne, sans pour autant quitter son corps ;
- la disponibilité : le fonctionnaire est placé, soit à sa demande, soit d’office,
en dehors de son corps d’origine et perd ses droits à avancement et retraite. À
certaines conditions, il peut demander à être réintégré. La disponibilité est en
général demandée pour exercer une activité dans le secteur privé.

3. La carrière
La carrière* signifie avancement et promotion. Il s’agit du parcours, en
termes d’échelons et de grades, éventuellement de changement de corps, que
le fonctionnaire va effectuer lors de sa vie professionnelle.
Au début de sa carrière, le fonctionnaire est d’abord nommé dans un corps,
qui comporte un ou plusieurs grades. Le grade est un titre qui caractérise la
situation d’un fonctionnaire recruté dans un corps. Avec l’échelon, il
détermine le montant de sa rémunération. Il ne peut être retiré au
fonctionnaire qu’en cas de licenciement ou de mesure disciplinaire : c’est
pourquoi l’on dit qu’il est la « propriété » de l’agent.
Dans son grade, le fonctionnaire progresse ensuite d’échelon en échelon.
Cette progression s’effectue à l’ancienneté*, en fonction de la durée moyenne
entre chaque échelon prévue par le statut particulier.
Le fonctionnaire peut gravir les échelons un peu plus vite que cette durée
moyenne : depuis l’intervention du décret no 2002-682 du 29 avril 2002
relatif aux conditions générales d’évaluation, de notation et d’avancement des
fonctionnaires de l’État, les chefs de service reçoivent un quota de
mensualités à attribuer en fonction de la valeur professionnelle des agents,
qui réduit la durée entre deux échelons dans la limite d’un minimum.
Le fonctionnaire peut aussi progresser moins vite : le décret de 2002 prévoit
des majorations d’ancienneté* entre les échelons pour des agents dont la
valeur professionnelle serait insuffisante, après avis de la CAP.
Ces réductions ou ces majorations restent cependant d’ampleur limitée et
l’ancienneté reste le critère dominant pour les passages d’échelon.
Le fonctionnaire peut ensuite, à certaines conditions, bénéficier d’un
avancement de grade. L’avancement de grade est ouvert dans la limite d’un
quota, calculé sur le nombre de personnes qui remplissent les conditions
nécessaires, notamment d’ancienneté. Le critère pour accéder à un grade n’est
toutefois pas l’ancienneté : l’avancement s’opère soit « au choix » (sélection
par l’administration sur laquelle la CAP doit être consultée), soit après
examen professionnel, soit par concours professionnel. Quand l’avancement
s’effectue « au choix », le statut précise que les deux critères de sélection sont
la valeur professionnelle et la reconnaissance des acquis de l’expérience
professionnelle.
L’avancement de grade conduit en principe à un changement de fonctions.
Un fonctionnaire peut aussi progresser en changeant de corps, par exemple en
passant d’un corps classé B à un corps classé A. Cette progression s’opère
soit par concours, soit par examen professionnel, soit « au choix », en
fonction de la valeur professionnelle et des acquis de l’expérience
professionnelle.

Corps > grades > échelons > avancements : l’exemple des attachés
d’administration
Indice de
Durée moyenne entre rémunération brute
Grade Échelon
chaque échelon 1 point d’indice annuel
= 55,287l€
au 1/10/2009
10e - 783
9e 3 ans 746
Attaché Durée entre le 2e et le 9e échelon : 15 ans
principal moyenne
2e 2 ans 483
1er 1 an 434
Progression de grade possible, mais pas automatique
12e - 658
11e 4 ans 626
Attaché Durée entre le 2e et le 11e échelon : 21 ans et 6 mois
moyenne
2e 1 an 376
1er 1 an 349
échelon
Lecture du tableau : le corps des attachés des administrations de l’État
comporte deux grades, celui d’attaché et celui d’attaché principal. Une fois
qu’il a été recruté par voie de concours et nommé dans le corps des attachés
d’administration au premier grade, la carrière d’un fonctionnaire au sein de ce
grade comporte 12 échelons. À chaque échelon correspond une rémunération
indiciaire brute calculée en fonction du nombre de points d’indice (pour le
premier échelon du grade d’attaché : 349 x 55,2871 = 19 295 euros bruts
annuels). L’attaché peut bénéficier d’un avancement d’échelon (il accède plus
rapidement que prévu à l’échelon supérieur, avec une rémunération indiciaire
supérieure). Il peut aussi être reclassé dans le grade d’attaché principal (à la
faveur d’un avancement de grade, c’est-à-dire, le plus souvent, à la suite d’un
examen professionnel ou d’une promotion au choix), où un avancement
d’échelon est également possible.
Une fonction publique de carrière repose sur la séparation du grade et de
l’emploi.

Nommé dans un corps et un grade, le fonctionnaire va occuper un emploi,


puis éventuellement un autre localisé ailleurs ou présentant des
caractéristiques différentes. Pour un même grade, l’emploi peut varier. Un
attaché du ministère de l’Intérieur affecté dans une préfecture peut être, avec
le même grade, chef du bureau des étrangers ou responsable du service des
fonds structurels européens.
La séparation du grade et de l’emploi est pour le fonctionnaire une garantie
de maintien de la rémunération en cas de changement d’emploi, au moins
pour le salaire de base, les rémunérations accessoires étant souvent davantage
liées à l’emploi occupé. C’est également une garantie de sécurité : si son
emploi vient à disparaître, le fonctionnaire garde son grade. Quant à
l’administration, une telle séparation lui permet de faire prévaloir l’intérêt du
service dans la gestion des mobilités, sans pénaliser les agents 2.
La séparation du grade et de l’emploi n’est cependant pas absolue, tant s’en
faut. La loi donne même une définition du grade fondée sur l’emploi. Ainsi,
l’article 12 de la loi du 13 juillet 1983 comporte-t-il deux affirmations qui
peuvent apparaître, sinon contradictoires, du moins comme une approche
subtile de la distinction grade / emploi : « Le grade est distinct de l’emploi.
Le grade est le titre qui confère à son titulaire vocation à occuper un des
emplois qui lui correspondent… »
De fait, le grade, qui va déterminer le niveau de la rémunération, et l’emploi
occupé, qui va justifier celle-ci, ne peuvent pas être étrangers l’un à l’autre.
En témoigne le fait qu’un fonctionnaire bénéficiant d’un avancement de
grade doit accepter l’emploi qui lui est assigné dans ce nouveau grade. De
même, un fonctionnaire est en droit de se plaindre (y compris au juge) s’il est
affecté dans un emploi en complète discordance avec son grade, à condition
que cette distorsion soit manifeste.
La distinction entre les deux notions n’en est pas moins capitale : c’est elle
qui permet la succession des affectations à divers emplois ; c’est elle aussi
qui permet qu’en cas de détachement dans un autre corps, le fonctionnaire
puisse retrouver son grade lorsqu’il revient. Cette distinction est donc le
moyen de maintenir l’unité de la carrière.

4. Un effort récent pour mieux définir et évaluer la


valeur professionnelle
Jusqu’en 2002, la mesure de la valeur professionnelle des fonctionnaires,
utilisée pour décider des avancements de grade et des promotions, était la
notation. Définie par un décret de 1959, la procédure de notation était
devenue formelle et n’avait plus aucune crédibilité. Le décret du 29 avril
2002 relatif aux conditions générales d’évaluation, de notation et
d’avancement des fonctionnaires de l’État l’a donc réformée et lui a adjoint
un entretien d’évaluation*, mené par le supérieur hiérarchique direct. La
notation a été maintenue pour mesurer la valeur professionnelle proprement
dite.
L’entretien d’évaluation* porte non pas sur les qualités propres de l’agent
mais sur la mesure des résultats atteints par rapport aux objectifs fixés l’année
précédente. Les textes témoignent ainsi d’une volonté d’objectivité,
nécessaire pour rassurer les organisations syndicales qui étaient au départ
réservées sur cette nouvelle procédure. L’objectif est aussi un objectif de
« management » : l’entretien conduit à clarifier les missions attendues des
agents et à les mettre en cohérence avec les objectifs que se donne le service.
La procédure est quasi contractuelle, puisque le compte-rendu d’entretien est
cosigné.
Le rapport Weiss consacré au bilan de la réforme de 2002 3 souligne que
l’évaluation, après avoir suscité des craintes, a été plutôt bien acceptée.
L’entretien d’évaluation a eu le grand mérite d’obliger à un face-à-face
préparé et maîtrisé. Il met fin à des conduites d’évitement dont les cadres de
la fonction publique ont longtemps été coutumiers.
Le rapport est cependant plus critique s’agissant du maintien de la notation.
De ce fait, la loi du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique
prévoit, à titre expérimental, dans les ministères volontaires, un entretien
professionnel qui remplace entretien d’évaluation et notation. Conduit par le
supérieur hiérarchique direct, le nouvel entretien porte à la fois sur les
résultats obtenus, sur les compétences de l’agent et sa manière de travailler,
sur ses acquis et ses besoins de formation ainsi que sur ses perspectives
professionnelles.
La loi du 9 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels
dans la fonction publique prolonge l’expérimentation jusqu’en 2012, date à
laquelle l’entretien professionnel sera généralisé.

5. Une meilleure prise en compte des acquis de


l’expérience
Dans le domaine des progressions de carrière, la loi de modernisation de la
fonction publique du 2 février 2007 ajoute au critère de la valeur
professionnelle celui des acquis de l’expérience.
Le choix de ce critère témoigne de la volonté de valoriser la « capitalisation »
d’expériences acquises au fil des différents emplois. L’objectif est de prendre
en compte la richesse d’un parcours, l’importance des postes occupés et leur
variété. Implicitement, un tel critère signifie que le fonctionnaire doit
redéfinir périodiquement un projet professionnel : cette déinition rompt avec
une vision trop administrative de la carrière, longtemps synonyme de
progression mécanique. Ce critère tend à empêcher les « carrières
immobiles » et les promotions acquises sans changer d’emploi ni
d’administration. S’il est appliqué avec rigueur (il est encore trop tôt pour en
connaître le bilan), il modifiera fondamentalement la notion de progression
professionnelle.

1. Il existe des statuts particuliers dérogatoires, qui prévoient des


règles différentes de celles du statut général, par exemple pour les corps
recrutés par la voie de l’École nationale d’administration (gestion
interministérielle, obligation de mobilité, organisation d’un recrutement
par tour extérieur accessible aux fonctionnaires A). Il existe aussi des
statuts spéciaux, qui interdisent l’exercice de certains droits (le droit de
grève, pour l’essentiel) à certains corps (police, personnels
pénitentiaires…).
2. Pour autant, la gestion des mobilités n’est pas arbitraire : certes, la
mutation d’office existe dans l’intérêt du service, mais elle doit être
justifiée. Nonobstant ce cas rare, la mutation en dehors du service ne
peut être imposée qu’en cas de faute ou de suppression d’emploi.
3. Jean-Pierre Weiss, L’évaluation et la notation des fonctionnaires de
l’État, Premier ministre, 2007.
Fiche 5 - Forces et faiblesses du statut

1. Des valeurs et une culture professionnelle


spécifiques
Le statut fait des fonctionnaires des salariés à part. Au-delà de cet aspect
juridique, ceux-ci se distinguent par une conception particulière de leur rôle :
le « métier » de fonctionnaire, parce qu’il relève du service public, s’éloigne
du seul exercice technique d’une compétence professionnelle.
Comme le note Jean-Luc Bodiguel 1, le statut isole la relation de travail de la
sphère marchande. Le fonctionnaire ne met pas seulement sa force de travail
au service d’un employeur, en contrepartie d’un salaire : il s’engage à
assumer un service à la population, ce qui lui donne un autre rapport au
pouvoir, à l’argent, au temps. Même la relation de subordination est plus
complexe que dans le secteur privé : la morale professionnelle inclut le
respect du droit et la qualité de service due aux usagers. Le fonctionnaire a
une responsabilité propre et l’exercice du pouvoir hiérarchique doit en tenir
compte.
Les « valeurs » du service public sont, dans ces conditions, un élément de la
culture professionnelle des fonctionnaires.
Cette réflexion se retrouve dans le Livre blanc sur l’avenir de la fonction
publique d’avril 2008, dit rapport Silicani, rédigé dans le cadre de la
Conférence nationale sur les valeurs, les missions et les méthodes du service
public organisée en 2007 et 2008 avec les organisations syndicales et des
personnalités qualifiées.
Parce qu’il sait que toute réforme d’importance dans le domaine statutaire
impose une adhésion des fonctionnaires, le rapport Silicani, avant même
d’aborder l’analyse du statut et les propositions d’évolution de la gestion des
ressources humaines, rappelle les valeurs traditionnelles sur lesquelles se
fonde l’action publique : continuité, égalité, mutabilité 2, neutralité et laïcité.
Selon lui, certaines de ces valeurs, l’équité et l’égalité, doivent être entendues
de façon moins formelle. Il regrette surtout la faible affirmation de ce qu’il
appelle des valeurs émergentes, comme l’efficacité et la performance.
Les valeurs propres à la fonction publique, comme l’implication personnelle
des fonctionnaires dans l’exercice de leur mission, ont contribué à la qualité
du service public. Pour critique qu’il soit, le rapport public du Conseil d’État
de 2003 sur les perspectives de la fonction publique reconnaît ainsi que « le
statut a permis que se constitue en France une fonction publique intègre,
professionnelle et impartiale ».

2. La dénonciation croissante des faiblesses de la


GRH dans la fonction publique
Malgré cette reconnaissance, depuis vingt ans, de nombreux rapports 3 aux
constats convergents soulignent les faiblesses de la gestion des ressources
humaines dans la fonction publique :
- une égalité formelle : l’égalité juridique des fonctionnaires, qui se trouvent
dans une situation identique au regard des textes, a conduit à faire prévaloir
une conception formelle de l’égalité, selon laquelle le « mérite » ou les
compétences individuelles n’ont pas le même poids que des considérations
tenant à l’âge, à l’ancienneté* ou à la situation familiale ;
- une part encore excessive des automatismes : ces considérations pèsent
sur les avancements de grade et les promotions par changement de corps.
Ainsi, malgré les textes, l’ancienneté explique encore souvent les choix
effectués, même si l’administration s’efforce aujourd’hui de faire prévaloir
plus strictement les critères de valeur professionnelle et de richesse des
parcours ;
- une trop faible individualisation de la gestion : les résultats obtenus au
concours et l’ancienneté jouent aussi dans les affectations et les mutations ;
certes, depuis plusieurs années, la pratique des affectations « sur profil » se
répand, surtout pour les cadres, pour lesquels l’affectation donne lieu
davantage qu’auparavant à un examen détaillé des candidatures, ce qui
correspond à la pratique, de bon sens, des entreprises privées. Certes aussi,
les premières affectations ne devraient plus, pour les fonctionnaires issus de
l’École nationale d’administration, obéir à la loi quelque peu aveugle du rang
obtenu au classement de sortie. Mais souvent encore, on considère qu’un
fonctionnaire en vaut un autre de même grade et l’on affecte en fonction de
l’ancienneté ou de la situation de famille, en s’interrogeant peu sur les
compétences spécifiques demandées par l’emploi à pourvoir. La valorisation
de l’ancienneté revient à sacrifier les jeunes et, en l’absence de cotation des
emplois, à les affecter sur les postes les plus ingrats, ceux que les
fonctionnaires plus âgés quittent, comme c’est le cas, en particulier, dans
l’Éducation nationale, situation que « tous déplorent sans jamais y mettre
fin » 4.
Ces faiblesses s’expliquent par un certain nombre de dérives :
- le poids excessif que les chefs de service ont souvent laissé, dans les CAP
(commissions administratives paritaires), aux représentants des
organisations syndicales qui plaident souvent pour l’utilisation de critères
« objectifs » tenant à la situation des personnes et non pas à leur évaluation
individuelle ; certains barèmes de mutation sont ainsi définis sous l’influence
des organisations syndicales, puis appliqués sans état d’âme par
l’administration ;
- le recours à des méthodes de gestion de masse, peu ou prou
dépersonnalisée, comme on le voit dans les « gros » ministères, Éducation
nationale ou Intérieur. Le facteur aggravant est l’éloignement des décisions
par rapport au service concerné : plus les décisions sont centralisées, moins
elles s’appuient sur une comparaison réaliste des mérites et tiennent compte
des exigences des emplois ;
- le concept même de carrière*, tel que les statuts particuliers le révèlent.
Quelle que soit la valeur professionnelle, l’avancement d’échelon intervient,
tôt ou tard, même si la durée de progression peut en être allongée. Des quotas
existent pour les avancements de grade, donnant le sentiment qu’il suffit
d’attendre son tour. Le statut conforte implicitement les personnels dans la
conviction d’une sorte de droit à progresser.

3. Un droit disciplinaire peu ou pas appliqué


Dans la fonction publique d’État, pour 2,5 millions d’agents, le nombre des
blâmes et avertissements, sanctions les moins importantes, atteint quelques
milliers par an ; les révocations (essentiellement pour détournements)
quelques centaines par an ; quant au licenciement pour insuffisance
professionnelle, qui n’est pas une sanction, il n’est quasiment pas utilisé.
Trois faits concourent à expliquer la faible application du droit disciplinaire :
- les sanctions graves (hors avertissement et blâme) sont prises après avis
d’un conseil de discipline, dans la pratique la commission administrative
paritaire, où figurent des représentants des organisations syndicales. Le refus
des cadres de prendre publiquement leurs responsabilités, au risque d’un
affrontement avec les syndicats, voire avec leur service, est patent ; « la
gestion publique est empreinte de relâchement », selon les termes utilisés par
Marcel Pochard, l’ancien directeur général de l’Administration et de la
Fonction publique 5 ;
- la jurisprudence du Conseil d’État est très protectrice du droit des
agents : ainsi, le licenciement pour insuffisance professionnelle n’est justifié
qu’en cas de perturbations graves et constantes du service ;
- les cadres de proximité, qui exercent traditionnellement une influence
limitée sur la carrière, l’affectation ou les promotions de leurs agents et sont
rarement décisionnaires directs dans le domaine disciplinaire, ne se sentent
pas en charge de la mise en œuvre de telles procédures. La responsabilité de
la conduite de l’entretien professionnel (et donc de l’évaluation) ainsi qu’une
meilleure prise en compte des critères de mérite pour les avancements
peuvent contribuer à modifier la donne. Mais le processus est à peine engagé.

4. La gestion par corps : une insuffisante


valorisation du métier
Dans une fonction publique de carrière, la notion de corps* ne pose pas en
elle-même question : il est nécessaire de disposer d’un cadre de gestion des
personnes.
C’est le nombre encore excessif de corps dans la fonction publique d’État
qui soulève des critiques. Sauf à mettre en œuvre des procédures lourdes de
détachement ou de disponibilité, le territoire d’intervention du corps délimite
en effet le plus souvent le cadre de la vie professionnelle des agents : celle-ci
peut être confinée, si le corps est étroit, à un ministère, voire à une direction.
L’encouragement à la mobilité et à l’acquisition d’une expérience
professionnelle variée passe donc par l’élargissement des corps, encore
insuffisant malgré les fusions* déjà réalisées.
La gestion par corps rend également plus difficile d’opérer les recrutements
sur des critères professionnels, du moins dans les corps qui ne correspondent
pas à un métier. Sans consigne précise des services demandeurs du
recrutement, qui ne sont pas clairement identifiés au moment de
l’organisation du concours, les jurys - qui s’efforcent aujourd’hui de modifier
leurs méthodes - appliquent des critères de choix de type universitaire. Or,
cette sélection s’avère redondante par rapport à celle déjà opérée par les
diplômes et inadaptée à certains postes.
Enfin, dès lors que les personnels sont gérés par des corps sans référence
aux métiers, la gestion prévisionnelle est difficile : la GPEEC* repose sur
une appréciation des compétences acquises. Comme le cadre de gestion ne
classe pas les personnes en fonction de leurs compétences… le processus
devient ardu.

5. Un droit procédural qui appelle le contentieux


Dans la droite ligne de la prégnance du droit des organisations
bureaucratiques, la gestion des ressources humaines dans la fonction publique
est avant tout une gestion procédurale et juridique. Le droit statutaire, à
l’image des documents de « glose » statutaire que sont les circulaires, est un
droit détaillé et complexe qui, dans le souci d’aider les gestionnaires à
respecter dans tous les services de France l’égalité imposée par le statut,
s’efforce de prévoir l’ensemble des cas qui peuvent survenir. Il est de ce fait
extraordinairement contraignant pour le gestionnaire de ressources humaines,
dont la marge d’appréciation est souvent réduite.
Le rapport public du Conseil d’État de 2003 souligne la contradiction de cette
démarche avec une gestion par objectifs. Les textes définissent ainsi avec
minutie les cas où un agent a droit (ou pas) à communication de son dossier,
les cas où l’obligation de mobilité peut être considérée (ou pas) comme
satisfaite, les cas où une mutation est à la libre appréciation du chef de
service et les cas où elle doit être soumise à des procédures plus
contraignantes. Il en est de même de l’établissement des listes d’aptitude, de
l’organisation des jurys de recrutement, de l’organisation des temps de
travail… Dans la fonction publique, un responsable des ressources humaines
ne se demande pas en premier lieu quelle est la bonne décision à prendre,
mais quel est le texte applicable ou la jurisprudence existant sur le cas
d’espèces. Cette prudence s’explique par le développement constant d’un
contentieux très technique qui s’appuie souvent sur des erreurs formelles :
la minutie des textes, qui voudrait protéger les gestionnaires des
contestations, les y expose directement.
Questions et débats
Une logique statutaire intrinsèquement pernicieuse ?
Pendant longtemps, les carences constatées ont été imputées à un
management défaillant, à une insuffisante formation des cadres, à une
mauvaise application du statut. La circulaire Rocard de février 1989
relative au renouveau du service public, historiquement le premier texte
sur la modernisation de l’État, insiste sur la nécessité d’une meilleure
application du statut, qu’elle ne remet pas en cause. Aujourd’hui, le
statut est plus directement critiqué, non pas toujou rs dans son principe,
mais au moins dans certaines de ses dispositions dont la logique apparaît
nocive.
Comme l’indique Marcel Pochard dans l’article intitulé « Quel avenir
pour la fonction publique ? » paru dans AJDA le 20 janvier 2000 : « Il est
exact que les statuts n’empêchent pas a priori ni la gestion au mérite, ni la
différenciation des carrières, ni la sanction des insuffisances, ni la mobilité,
ni en définitive ce qui fait une bonne gestion. S’agissant de la mobilité, par
exemple, dont l’insuffisance est souvent dénoncée. on aime magnifier tous les
mécanismes du statut qui la permettent : séparation du grade et de l’emploi.
détachement. mise à disposition. disponibilité. ouverture des concours
internes à tous les agents publics… Une fois cela dit. la conclusion tombe
d’elle-même : les gestionnaires ne savent pas utiliser le merveilleux outil mis
à leur disposition. Il suffirait de changer la pratique et le problème serait
réglé.
Il y a du vrai dans la mise en cause de la pratique et nous avons vu que la
gestion est susceptible d’évoluer utilement, mais il est trop facile de s’en tenir
à cette analyse. Il reste en effet à s’interroger pourquoi, année après année.
il en est ainsi de cette gestion. Si celle-ci débouche quasi inexorablement sur
une incapacité partielle à rééquilibrer les choses. il doit bien y avoir une
raison en amont même des pratiques de gestion […]. Disons d’emblée qu’il
nous paraît y avoir dans les statuts eux-mêmes une série d’éléments qui
concourent à la situation que l’on déplore et que c’est notre conception
même d’un ensemble unique, commun à plusieurs millions d’agents. régi de
façon exclusivement législative et placé sous une chape ministérielle et
interministérielle qui pose problème. »
Pourquoi la fonction publique territoriale est-elle épargnée par les
critiques ?
Depuis l’institution de textes statutaires témoignant de l’unité des trois
fonctions publiques, diverses lois sont venues modifier profondément la
fonction publique territoriale (FPT), au nom de la nécessité de concilier
le statut et le principe de libre administration des collectivités
territoriales :
- institution d’une liste d’aptitude après concours, qui donne aux élus le
choix de leurs collaborateurs à l’embauche (ce qui rapproche la FPT
d’une fonction publique d’emploi) ;
- organisation de la FPT en cadres d’emploi* et non en corps* : entités
plus larges et dont le découpage, au croisement de filières
professionnelles et de niveaux hiérarchiques, rapproche la FPT d’une
fonction publique de métiers ;
- organisation d’une mobilité entre les collectivités sur le fondement d’un
recrutement individualisé.
Les impératifs de la décentralisation ont imp osé dans la FPT des règles
particulières sur les reclassements après suppression d’emploi ou la
possibilité pour un élu de se séparer de certains collaborateurs. Les
règles du dialogue social elles-mêmes sont spécifiques : pour permettre
une gestion de proximité, les commissions administratives paritaires ne
sont pas organisées par corps, mais par catégorie A, B ou C.
Au-delà de l’aspect juridique, il est probable que la taille plus restreinte
des collectivités territoriales permette une meilleure connaissance des
agents et une meilleure personnalisation de la gestion.
Aujourd’hui, compte tenu de ces évolutions, la situation semble inversée
par rapport à celle de 19821983. Face à une fonction publique d’État qui
souffre de la multiplicité des corps et d’une gestion des ressources
humaines centralisée et trop impersonnelle, la FPT a su inventer un
modèle intermédiaire entre la fonction publique de carrière et la fonction
publique d’emploi où la gestion de proximité responsabilise davantage
les agents.
Retenir l’essentiel
Les fonctionnaires, soustraits au droit du travail, sont dans une situation
statutaire et réglementaire définie unilatéralement par la puissance
publique. Les principes statutaires (droits, garanties et obligations
reconnus aux fonctionnaires, organisation d’une fonction publique de
carrière, principe de recrutement par concours, emplois publics réservés
aux fonctionnaires) sont communs aux trois fonctions publiques. Le droit
communautaire a conduit à assouplir certains de ces principes (par
exemple, des contractuels occupent désormais des emplois publics en
CDI), mais cette banalisation du droit applicable reste limitée.
La fonction publique d’État est organisée en corps, eux-mêmes régis par
un statut particulier qui organise l’exercice professionnel et la
progression de carrière des agents qui y sont recrutés. Même si
l’attachement des fonctionnaires aux valeurs de service public ainsi que
leurs compétences sont reconnus, des critiques sévères et concordantes
pointent les carences de la gestion des ressources humaines dans la
fonction publique : part encore excessive donnée à l’ancienneté dans la
gestion des carrières (malgré la réforme des procédures d’évaluation et
l’accent mis sur la valeur professionnelle et la diversité des parcours),
individualisation limitée, faible responsabilisation des cadres de
proximité, insuffisante valorisation des métiers, GRH excessivement
procédurale. Ce constat largement partagé peut s’infléchir avec la
montée en charge des réformes récentes, mais il reste préoccupant.

1. Jean-Luc Bodiguel, Christian-Albert Garbar et Alain Supiot, Servir


l’intérêt général. Droit du travail et Fonction publique, PUF, 2000.
2. La mutabilité correspond à l’adaptabilité du service public, appelé à
s’adapter à l’évolution des besoins.
3. Commissariat général du Plan, Fonctions publiques, enjeux et
stratégie pour le renouvellement (2000), Rapport public du Conseil
d’État (2003), Rapport du Centre d’études des revenus et des coûts
(2006), Livre blanc sur l’avenir de la fonction publique (2008), Livre
vert sur l’évolution du métier d’enseignant (2008).
4. Livre vert sur l’évolution du métier d’enseignant, dit aussi
« Rapport Pochard » (janvier 2008).
5. Marcel Pochard, « Quel avenir pour la fonction publique ? »,
AJDA, 20 janvier 2000.
CHAPITRE 5 - GRH publique : des
fonctions en évolution
Chapitre 5 - GRH publique : des
fonctions en évolution

Depuis une vingtaine d’années, les pouvoirs publics ont fait du renouveau du
service public et de la fonction publique un de leurs thèmes d’action.
Dans le cadre de la « Conférence nationale sur les valeurs, les missions et les
méthodes du service public » organisée en 2007 et 2008 avec les
organisations syndicales et des personnalités qualifiées, le gouvernement a
souhaité la rédaction d’un rapport de diagnostic, pour engager un débat sur
les orientations à choisir pour la fonction publique. La publication en avril
2008 du Livre blanc sur l’avenir de la fonction publique (dit aussi « Rapport
Silicani »1), dont les propositions s’inspirent de celles du rapport public du
Conseil d’État de 2003, s’est accompagnée de réformes dans le domaine du
recrutement, de la gestion des carrières et de la rémunération. D’autres
propositions sont restées sans suite, du moins à ce jour.

1. Du nom du rapporteur général de la Conférence nationale, le


conseiller d’État Jean-Ludovic Silicani. Voir J.-L. Silicani, Livre blanc
sur l’avenir de la fonction publique : faire des services publics et de la
fonction publique des atouts pour la France, Ministère du Budget, des
Comptes publics et de la Fonction publique, 2008.
Fiche 1 - Recruter et affecter

1. Des critères de recrutement et d’affectation


dépassés ?
Pendant longtemps, l’administration n’a pas eu d’état d’âme : elle recrutait
sur des connaissances disciplinaires et sur la « culture générale », ensemble
assez flou de savoirs et de références sur l’histoire, la culture et les « grands
problèmes » du monde contemporain, considéré comme le bagage minimal
de l’honnête homme. Pour les filières administratives ou judiciaires, le
recrutement s’opérait pour l’essentiel sur les connaissances juridiques et sur
la capacité à rédiger une « composition », autrement dit à savoir maîtriser les
techniques d’exposition d’une démonstration argumentée. L’oral servait à
tester la solidité des acquis universitaires et à mesurer l’aisance du candidat
dans les échanges avec ses futurs pairs. Les candidats internes étaient recrutés
sur les mêmes critères, tout comme ceux, issus du secteur privé, de « la
troisième voie », dans les quelques concours où celle-ci existait. Le principe
de promotion sociale était respecté, à charge pour les bénéficiaires de
s’adapter au modèle dominant.
Par ailleurs, encore aujourd’hui, le recrutement dans la fonction publique, à la
différence du secteur privé, ne s’effectue pas sur un emploi mais dans un
corps : ces modalités de recrutement ouvrent certes aux fonctionnaires la
possibilité d’occuper divers emplois et de bénéficier d’une certaine mobilité,
mais elles comportent aussi le risque avéré de déconnecter le choix effectué
par les jurys de concours des besoins des administrations.
Quant aux procédures de première affectation* 1, elles ne tenaient pas
compte, dans la fonction publique d’État, de l’expérience professionnelle
antérieure des candidats s’ils en avaient une. La logique était celle d’une
« seconde chance » offerte aux candidats, bien plus que d’une diversification
des viviers. Il en résulte aujourd’hui une uniformité culturelle et sociale
prononcée des fonctionnaires, surtout ceux des catégories A ou A +.
Ces constats ont conduit à apporter des modifications notables à certains
concours, sans pour autant que soient appliquées pleinement les propositions
de réforme les plus radicales.

2. La prise en compte des acquis de l’expérience


professionnelle
La loi du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique constitue
une première réforme : elle prévoit la possibilité qu’une des épreuves des
concours de recrutement porte sur les acquis de l’expérience professionnelle
des candidats 2, dans la perspective des fonctions auxquelles destine le
concours.
Cette disposition a été mise en œuvre dans plusieurs concours : les concours
des instituts régionaux d’administration (IRA) pour les candidats internes et
ceux du 3e concours, le concours d’ingénieur des mines ou certains concours
des services pénitentiaires. Critiqué pour ne pas « favoriser le brassage,
l’ouverture, la diversité » 3, le concours sur épreuves, sans formellement
changer de nom, se rapproche ainsi du concours sur titres et travaux,
traditionnellement destiné à des recrutements sur des emplois ciblés.
L’épreuve « RAEP », destinée à vérifier l’aptitude du candidat aux fonctions
auxquelles il postule, ouvrirait ainsi la voie à des recrutements « sur profil »
professionnel.

3. La refonte des épreuves et des programmes


La mise en place d’une épreuve de RAEP s’est accompagnée d’une refonte
progressive des épreuves des concours administratifs, sur le fondement des
propositions du Rapport préparatoire au réexamen général du contenu des
concours d’accès à la fonction publique d’État (dit « rapport Desforges ») de
janvier 2008.
Ce rapport critique l’absence de liens entre les jurys et les administrations qui
recrutent : l’administration devrait à l’inverse définir ses besoins afin que le
jury effectue la sélection sur ce fondement. Il critique également - tout
comme le rapport Silicani - le caractère académique des concours, qui
vérifient l’acquisition de connaissances plus que les compétences, notamment
l’adaptabilité, l’esprit d’initiative et les qualités relationnelles.
Une refonte des programmes et des épreuves (en particulier pour les concours
d’entrée aux IRA 4) s’en est suivie en 2008, avec les objectifs suivants :
- limiter, voire supprimer les épreuves de culture générale, considérées
comme inappropriées et superficielles, au profit d’épreuves relatives aux
politiques publiques, centrées sur le rôle de l’État dans les grands domaines
où il intervient ;
- limiter la place du droit, au profit de connaissances de base plus larges,
notamment dans le domaine économique, social et la gestion des ressources
humaines ;
- sélectionner les candidats internes et ceux du 3e concours par une épreuve
sur dossier, proche, dans certains cas, d’une étude de cas avec
préconisation ;
- centrer la sélection à l’oral sur l’appréciation des compétences
relationnelles et managériales du candidat et sur son comportement face à
une situation concrète.

4. Aller au-delà ?
Le Livre blanc d’avril 2008 propose la suppression des concours internes au
bénéfice d’une sélection fondée uniquement sur les acquis professionnels. Il
recommande aussi d’étendre les recrutements des contractuels par contrat ou
de les intégrer dans un corps par reconnaissance de leurs acquis. Ces
propositions poussent à leur terme la logique de recrutement sur critères
professionnels et l’alignement sur les méthodes de recrutement du secteur
privé. Elles n’ont pas été retenues, sans doute parce qu’elles banalisent
excessivement le recrutement et respectent peu la tradition du concours.
Des modes de recrutement très largement inadaptés
Le recrutement dans la fonction publique est essentiellement conçu comme
un processus logistique et juridique et non comme la première étape -
fondamentale - de la gestion des ressources humaines.
Ainsi que l’a souligné le rapport de Corinne Desforges et Jean-Guy de
Chalvron, et alors que le recrutement est un métier à part entière,
l’administration l’aborde essentiellement sous l’angle logistique et juridique.
Les concours étant lourds à organiser et toujours susceptibles d’être
contestés, les administrations publiques ont concentré leurs efforts sur leur
sécurisation juridique. Les critères de recrutement retenus par les épreuves
demeurent pour l’essentiel académiques et ont peu évolué. Ainsi, il n’est pas
rare de trouver, pour les recrutements d’agents de catégorie C, des épreuves
de culture générale de niveau déraisonnable. La finalité du concours, tel qu’il
est pratiqué aujourd’hui, n’est pas d’identifier les meilleurs éléments au
regard des profils recherchés, mais d’établir un classement non contestable
des candidats. Ce sont les connaissances plus que les compétences qui sont le
principal critère de sélection. […]
Les profils humains, qu’il est désormais convenu d’appeler le « savoir-être »,
sont également très mal évalués. Il s’agit pourtant d’une dimension
essentielle pour un agent public, qu’il soit en contact direct avec les usagers
ou qu’il ait des responsabilités d’encadrement. Deux raisons sont souvent
mises en avant pour expliquer l’insuffisante prise en compte de cette
dimension personnelle : d’une part, la difficulté à apprécier objectivement et
sérieusement une personnalité, ce qui nécessiterait notamment une
observation continue et de longue durée de l’intéressé, d’autre part, une
réticence idéologique à différencier les candidats sur des critères personnels.
Source : Jean-Ludovic Silicani, Livre blanc sur l’avenir de la fonction
publique : faire des services publics et de la fonction publique des atouts pour
la France, Ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction
publique, 2008, p. 109 (extraits).
Reste qu’à recruter dans des corps « généralistes » sans y prévoir des
« spécialités professionnelles » 5, il sera difficile de sélectionner les candidats
sur les acquis nécessaires à un métier déterminé. Pour prendre le cas des
attachés de la fonction publique d’État, la « déclinaison opérationnelle des
compétences » souhaitée par le rapport Silicani pour servir de guide aux jurys
de recrutement offre une description très générale : « aptitudes à la
communication écrite et orale et au travail en équipe, capacités
d’organisation », « savoir rédiger avec aisance… » 6. Ce sont les qualités
attendues depuis toujours de candidats à des corps de catégorie A. Recruter
dans des filières administratives spécialisées permettrait de préciser ces
critères mais nécessiterait aussi un effort de prévision sur les besoins effectifs
des administrations, qui n’est guère engagé. Il présenterait aussi
l’inconvénient de cantonner la carrière à certains emplois et de freiner une
forme de mobilité fonctionnelle à laquelle les fonctionnaires sont attachés,
même s’ils l’usent peu dans la pratique (malgré les possibilités offertes dans
un corps, ils changent peu de métier).
De plus, sauf pour l’ENA, où il est envisagé de supprimer le classement de
sortie au bénéfice d’une liste d’aptitude, le mode d’affectation à la sortie des
écoles de formation de la fonction publique reste inchangé. Or, laisser
l’affectation se faire au hasard du choix des élèves sur les postes qui leur sont
présentés au dernier moment par les administrations, choix qui se restreint
avec la descente dans le classement, est contraire à un principe fort de la
gestion des ressources humaines : l’adéquation d’une personne à un poste. Le
rapport Silicani ne s’y trompe pas, qui propose que, pour la première
affectation comme pour les suivantes, ce soit l’administration qui choisisse
les postulants, après entretien. De fait, sans cette mesure, la réforme de la
professionnalisation des recrutements reste dans un entre-deux peu
satisfaisant.

Le projet de suppression du classement de sortie à l’ENA


Les élèves, à l’issue de leur formation commune, ne seront plus affectés en
fonction d’un classement mais recrutés par les employeurs sur la base d’un
dossier d’aptitudes. Il s’agit d’assurer une meilleure adéquation entre, d’un
côté, les besoins des administrations et, de l’autre, les compétences et
aspirations des élèves. Cette nouvelle procédure de sortie sera encadrée :
- les élèves pourront candidater librement auprès de tous les employeurs ; les
employeurs formaliseront et diffuseront une fiche de poste précise pour
chaque poste ouvert au recrutement ;
- leur dossier d’aptitudes sera étoffé et comportera leurs notes ainsi que des
appréciations littérales ;
- ces dossiers d’aptitudes seront transmis sous une forme anonyme aux
employeurs. C’est à partir de ces dossiers et en fonction des critères précisés
dans les fiches de postes à pourvoir que les employeurs pourront sélectionner
les candidats qu’ils souhaitent auditionner ;
- à l’issue de cette sélection sur dossier, les employeurs conduiront des
entretiens personnalisés. La décision de recrutement d’un candidat sera
rendue de manière collégiale ;
- enfin, un comité ad hoc veillera à la bonne régularité de la procédure de
sortie. Il sera présidé par Jean-Cyril Spinetta et composé de professionnels de
la gestion des ressources humaines. Son rôle premier sera de valider les
processus mis en place par les employeurs d’ici à la fin de l’année 2009.
Source : Communiqué de presse 25 mars 2009.

1. Les termes suivis d’un astérisque renvoient au glossaire, p. 157.


2. Épreuve dite « RAEP » pour « reconnaissance des acquis de
l’expérience professionnelle ».
3. Discours du président de la République à l’IRA de Nantes sur la
réforme de la Fonction publique, septembre 2007.
4. Arrêté du 6 juin 2008 fixant la nature, la durée et le programme des
épreuves des concours d’entrée aux Instituts régionaux d’administration.
Le concours d’attaché territorial a été modifié par le décret no 2009-756
du 22 juin 2009 selon les mêmes termes.
5. Certains concours de la fonction publique territoriale, tel celui
d’attaché, prévoient de telles « spécialités ».
6. Citations du Guide de remplissage pour la constitution du dossier
RAEP publié par le ministère en charge de la Fonction publique (2009-
2010).
Fiche 2 - Gérer les carrières et la
mobilité

1. Passer des corps aux cadres d’emploi ?


La proposition d’abandonner la gestion par corps et d’adopter une gestion par
« cadres d’emploi » a été avancée dès le rapport public de 2003 du Conseil
d’État sur les perspectives de la fonction publique. Elle est aujourd’hui
reprise dans le Livre blanc d’avril 2008 issu de la Conférence nationale sur
les valeurs, les missions et les métiers du service public et de la fonction
publique, qui propose, sur le modèle de la fonction publique territoriale,
qu’une cinquantaine de cadres d’emploi se substitue à plusieurs centaines de
corps dans la fonction publique d’État. Ces cadres d’emploi seraient inscrits
dans des filières professionnelles (filières éducative, culturelle,
administrative…) et comporteraient trois ou quatre niveaux de qualification.
Comme le notait déjà le Conseil d’État dans son rapport de 2003, la situation
juridique des agents classés dans des cadres d’emploi ne changerait pas
fondamentalement par rapport au droit actuel : ils continueraient à être
titularisés dans un grade, avec maintien de la séparation du grade et de
l’emploi. Ils relèveraient simplement d’un cadre de gestion plus large,
essentiellement défini par une référence professionnelle et non plus par des
territoires d’intervention. C’est en ce sens que le rapport Silicani évoque la
construction d’« une fonction publique de métiers ».

2. Avantages et inconvénients d’une telle réforme


L’abandon d’une gestion par corps au bénéfice de cadres d’emploi apporterait
de multiples avantages.
L’avantage principal serait certainement de favoriser la mobilité des agents,
en offrant la possibilité d’évolutions plus faciles entre les emplois des
différents ministères, services et collectivités. Le Livre blanc va jusqu’à
préconiser des filières communes à plusieurs fonctions publiques (filière
administrative ou technique). Sans avoir recours à la procédure de
détachement*, les agents pensant détenir les qualités requises pour occuper
un emploi pourraient postuler librement et changer aisément d’environnement
professionnel.
La réforme permettrait également davantage d’équité : aujourd’hui, des
fonctions identiques sont occupées par des agents relevant de corps distincts,
dont les perspectives de carrière et l’échelonnement indiciaire sont différents,
sans même évoquer les disparités en termes de rémunérations accessoires,
dont le niveau est lié davantage au ministère où les agents travaillent qu’aux
responsabilités assumées.
En outre, une telle réforme, en unifiant encore plus les règles de gestion,
contribuerait à réduire le coût élevé de la gestion des ressources humaines
dans la fonction publique.
Dernier avantage : la réforme permettrait plus facilement d’envisager la
déconcentration* de la gestion des personnes. La gestion de corps parfois
étroits conduit fréquemment à une centralisation des décisions de carrière au
niveau national, au nom de l’égalité entre membres d’un même corps : ce
n’est qu’à ce niveau que les effectifs sont suffisants pour organiser une
comparaison des mérites équitable et décider des promotions. Avec des
cadres de gestion plus larges, la déconcentration deviendrait possible.
Reste que l’alignement des profils de carrières qui en résulterait serait sans
doute coûteux, même si un travail a déjà été engagé depuis plusieurs années
pour harmoniser les échelles indiciaires* des corps proches appelés, tôt ou
tard, à fusionner 1.
Surtout, une telle réforme reste à mettre au point techniquement et
juridiquement : la réussite de la formule des cadres d’emploi dans la
fonction publique territoriale tient à la combinaison de cadres de gestion
larges et d’une GRH de proximité, souvent exercée au niveau de la
collectivité territoriale. Comment retrouver cette harmonie avec la création de
cadres d’emploi interministériels dans la FPE, dès lors que l’organisation de
l’État est ministérielle et centralisée ? Des réponses existent sans doute mais
elles sont complexes. Aussi, plutôt que d’organiser à un temps T un vaste
reclassement des fonctionnaires dans des cadres de gestion élargis, le
gouvernement a-t-il plutôt choisi de redessiner les contours des corps, tout en
levant les obstacles juridiques à la mobilité.

3. Une alternative : rénover la gestion des corps et


faciliter la mobilité
La mobilité au sein de la fonction publique a toujours été possible. Le
statut général garantit ainsi la mobilité entre les trois fonctions publiques. Des
procédures de mutation géographique ou fonctionnelle sont régulièrement
organisées par les différents ministères. Les outils existent : détachement*
hors du corps d’appartenance, mise à disposition*, disponibilité* pour une
mobilité dans le secteur privé. Depuis la loi du 26 juillet 2005, l’ensemble des
corps est ouvert aux détachements. Le mouvement de fusion des corps
entrepris depuis 2005 tend lui aussi à rendre la mobilité plus aisée (voir
chapitre 4). Plus récemment, la loi du 2 février 2007 de modernisation de la
fonction publique a élargi les conditions de mise à disposition d’un
fonctionnaire, permis le cumul temporaire entre un emploi de fonctionnaire et
la gestion d’une entreprise, et réduit le délai d’incompatibilité entre une
fonction de responsabilité publique et un emploi privé.
De plus, comme on l’a vu, la mobilité des fonctionnaires est désormais prise
en compte dans les procédures de recrutement comme pour les promotions :
les acquis de l’expérience professionnelle sont mentionnés, avec la valeur
professionnelle, dans les critères d’avancement de grade et de changement de
corps.
La volonté de développer la mobilité des fonctionnaires reste pourtant un
des axes essentiels des réformes de la fonction publique en cours. Les
responsables font en effet l’analyse que la diversité du parcours professionnel
et la connaissance de différents contextes de travail enrichissent les
compétences et favorisent l’adaptabilité. Or, les chiffres de mobilité des
fonctionnaires sont faibles (4,7 % d’entre eux ont une position en dehors de
leur corps, 4,4 % ont géographiquement bougé en 2007). Il est vrai que de
telles données ne sont pas pleinement significatives. Il faudrait comparer le
taux de mobilité professionnelle, tous motifs confondus, entre le secteur privé
et le secteur public : or, celui des salariés du secteur privé est connu 2, celui
de la fonction publique ne l’est pas. Il lui est sans doute bien inférieur. Il
suffit d’analyser l’ancienneté des agents dans une préfecture ou une
université pour s’en convaincre. La mobilité est donc un objectif de la GRH
publique.
En 2008 et 2009, la révision générale des politiques publiques (RGPP),
qui redessine les services de l’État et impose des réaffectations, a conduit à
accélérer les réformes en ce domaine : il fallait pouvoir gérer les
mouvements de personnel des services de l’État qui en résultaient aux
niveaux départemental et régional.
Trois décrets du 17 avril 2008 ont d’abord visé à atténuer les conséquences
financières de la mobilité, en instituant diverses primes : indemnité
temporaire destinée à faciliter la mobilité sur des postes avec sujétions
difficiles à pourvoir ; prime de restructuration ; ou indemnité de départ
volontaire en cas de démission.
La RGPP imposait également de prévoir les conséquences des suppressions
d’emploi. La loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours
professionnels dans la fonction publique définit un dispositif de réorientation
professionnelle pour les agents dont l’emploi est susceptible d’être supprimé.
Un projet personnalisé d’évolution professionnelle est élaboré conjointement
par l’administration et l’agent. Des équipes d’appui à la GRH, placées dans
les préfectures, doivent accompagner les réformes de l’administration
territoriale dans le domaine des ressources humaines. La loi prévoit
également qu’en cas de disparition effective de l’emploi occupé, le refus de
trois emplois offerts correspondant au grade et au projet personnalisé
conduira à une mise en disponibilité d’office. Ces dispositions, qui existent
déjà dans la fonction publique territoriale, correspondent à une mobilité
contrainte, moins bien acceptée que les mobilités choisies.
Au-delà de ces aspects conjoncturels, la loi du 3 août 2009 comporte des
avancées statutaires qui permettent aux agents d’envisager plus sereine-
ment des mobilités, jusqu’alors jugées pénalisantes pour leur carrière :
- création d’un droit à la mobilité après préavis, sauf lorsque la mobilité est
organisée à périodicité régulière par l’administration (cas, par exemple, des
enseignants) ;
- possibilité d’intégration directe dans un autre corps, sans avoir d’abord à
solliciter un détachement ;
- droit à se voir proposer une intégration après un détachement de 5 ans ;
- reconnaissance dans le corps d’origine des promotions obtenues dans le
corps de détachement, ce qui n’était pas le cas jusqu’alors.
Ces mesures, pour importantes qu’elles soient, ne modifient que les textes.
Elles ne suffiront pas à elles seules à faire de la mobilité un outil de gestion
des ressources humaines. L’organisation de la fonction publique d’État en
corps trop segmentés reste un obstacle. L’annonce de la constitution de corps
interministériels, que rend possible une disposition de la loi du 3 août 2009,
est à cet égard décisive.
Enfin, une gestion plus active se met parfois en place : certains services
(ministères, préfectures) élaborent des « chartes de mobilité » qui tendent à
faire des propositions aux agents ayant occupé une même fonction pendant
plusieurs années, de manière à les inciter à envisager de nouvelles
perspectives.

1. On parle de « typisation* des corps » : ainsi trois échelles


indiciaires types ont été définies pour l’ensemble des corps de catégorie
C.
2. Une étude réalisée en 2009 pour le Conseil d’orientation de
l’emploi montre que 46 % des salariés du secteur privé ont vécu au
moins une mobilité fonctionnelle dans les 5 ans précédant l’enquête.
Fiche 3 - Rémunérer autrement

1. Une rémunération complexe, opaque et injuste


La rémunération des fonctionnaires se compose :
- d’un traitement indiciaire de base dont le montant résulte du corps et du
grade de l’agent ;
- de plusieurs compléments (indemnité de résidence, le cas échéant
supplément familial, si l’agent a des enfants à charge) ;
- d’indemnités (« rémunérations accessoires »)*, prévues par un texte
législatif ou réglementaire. Ces indemnités varient selon le corps
d’appartenance. Elles sont très diverses, fixes ou variables, attribuées en
fonction des sujétions ou de la technicité du poste ou encore de la valeur
professionnelle. Elles peuvent être ou non cumulables entre elles. En
moyenne, elles représentent 23 % du traitement indiciaire de base (14,5 % du
salaire brut total) avec d’importantes variations 1 : ainsi, les enseignants en
perçoivent peu (9 %), tandis que les cadres supérieurs peuvent recevoir
jusqu’à 50 % de leur salaire sous forme de primes. L’ensemble formé par les
rémunérations accessoires est unanimement qualifié de complexe, opaque et
injuste.

2. Faire de la rémunération la contrepartie de


l’emploi occupé
Le Livre blanc d’avril 2008 propose d’appliquer les mêmes principes à
l’ensemble des emplois en distinguant, au-delà de la rémunération indi-
ciaire* de base :
- une part de rémunération liée au poste occupé, définie en fonction des
sujétions imposées (lieu d’affectation, par exemple) ou des responsabilités
assumées ;
- une part variable liée aux résultats obtenus par rapport aux objectifs
assignés.
Ces deux parts devraient atteindre en moyenne 25 % du salaire total, la part
liée à l’emploi étant définie en fonction d’une cotation* des emplois de l’État
et la part variable liée au mérite devant atteindre de 5 à 20 % du salaire total,
selon les responsabilités exercées. La partie variable serait exclusivement liée
à l’appréciation de la valeur professionnelle évaluée par le responsable
hiérarchique direct. Elle pourrait être nulle.

3. La mise en place de la prime de fonctions et de


résultats
Dans la suite logique des propositions du Livre blanc 2, une prime de
fonctions et de résultats (PFR) a été instituée par le décret no 2008-1533 du
22 décembre 2008. Elle est appelée à se mettre progressivement en place
dans l’ensemble de la filière administrative de l’État. Elle remplacera à terme
la quasi-totalité des primes existantes et correspond à une volonté de
simplifier et d’harmoniser les indemnités.
Comme l’indique le décret du 22 décembre 2008, « la prime de fonctions et
de résultats comprend deux parts :
- une part tenant compte des responsabilités, du niveau d’expertise et des
sujétions spéciales liées aux fonctions exercées ;
- une part tenant compte des résultats de la procédure d’évaluation
individuelle prévue par la réglementation en vigueur et de la manière de
servir. »
La part liée aux fonctions exercées est définie en fonction d’une typologie des
emplois que chaque ministère doit construire. La part liée à la valeur
professionnelle et aux résultats obtenus est appelée à varier individuellement.
Les deux éléments de la prime sont calculés par rapport à un barème de
référence national. L’amplitude des variations y est forte : en 2009, pour un
attaché d’administration, la part annuelle liée aux fonctions peut varier de 1 à
6, soit de 2 600 à 15 600 euros, la part annuelle liée au mérite est comprise
entre zéro et 10 200 euros.

4. Une volonté de rendre effective la modulation


individuelle
La philosophie de la PFR, en ce qui concerne la part variable liée à la
valeur professionnelle, n’est pas nouvelle. Nombreuses sont d’ores et déjà
les primes individuellement modulables en fonction de la « manière de
servir », pour lesquelles la jurisprudence a toujours refusé de considérer le
taux moyen comme un droit.
Les choix en ce sens datent du statut général des fonctionnaires de 1946. Lors
de la discussion du projet de loi visant à instaurer ce statut, Maurice Thorez,
alors vice-président du gouvernement et secrétaire général du parti
communiste français, avait déclaré : « Le statut prévoit aussi l’extension des
primes de rendement individuelles et collectives qui permettront de
"proportionner" la rémunération du fonctionnaire ou d’un groupe donné de
fonctionnaires à l’intensité et à l’efficacité de l’effort. »
Il est vrai que le rapport de 2004 du Comité d’enquête sur le coût et le
rendement des services publics (CECRSP) reconnaissait que « la plus grande
diversité règne dans les pratiques de modulation, que ce soit entre ministères,
mais aussi au sein de certains d’entre eux, entre administrations centrales et
services déconcentrés ou établissements publics ». En pratique, certains
ministères n’appliquaient pas la modulation, d’autres ne la mettant en œuvre
que de manière limitée.
La création de la prime de fonctions et de résultats traduit la volonté de
rendre effective une modulation individuelle officiellement inscrite dans
les textes. Le CECRSP, dans son rapport de 2004, considère au demeurant
que la modulation relève du bon sens, rejoignant ainsi l’opinion commune
d’aujourd’hui : « La rémunération » affirme-t-il, « doit être un outil de
management. »
Aucune réflexion n’a pour autant été menée sur les raisons pour lesquelles les
primes modulables n’étaient pas, jusqu’alors, modulées : choix de la facilité ?
Difficulté, en dehors de cas extrêmes, à justifier des écarts importants entre
des agents, surtout sur la durée ? Doute sur l’efficacité de l’outil en termes de
motivation ? Manque d’outils d’évaluation, désormais disponibles, ce qui est
de nature à légitimer la modulation ? L’institution de la PFR est un pari, non
gagné d’avance, sur la capacité des responsables à moduler la prime et,
surtout, à rendre cette modulation légitime.
5. La cotation des emplois : une approche novatrice
La véritable originalité de la PFR réside dans la cotation des emplois *.
Le souci de rémunérer les sujétions ou la technicité propres à certains emplois
n’est pas nouveau : instituée en 1990, la nouvelle bonification indiciaire
(NBI) se traduisait déjà par des points d’indice supplémentaires 3 (de 10 à
180) accordés aux personnes occupant certains emplois, des plus modestes
(poste d’accueil du public) aux emplois supérieurs.
L’approche de la PFR, qui lie de manière systématique la rémunération à
l’emploi occupé, est plus novatrice parce qu’elle généralise la « pesée » des
emplois, c’est-à-dire l’appréciation de la difficulté relative de chaque emploi.
La réforme conduit à définir, dans chaque corps et pour chaque grade, deux à
quatre niveaux correspondant à des métiers de difficulté croissante, afin de
dessiner une progression professionnelle. L’approche par corps et grade est
ainsi complétée par une approche plus concrète, par emplois, avec une
rémunération qui varie en conséquence. Certes, il ne s’agit que d’une
indemnité. Pour la rémunération principale, la référence au grade perdure,
sans référence à l’emploi occupé. L’on s’approche toutefois des pratiques de
rémunération liées au classement des emplois utilisé dans le secteur privé
(voir chapitre 2).
La mesure peut avoir d’importantes conséquences en termes de gestion des
ressources humaines : la cotation de l’ensemble des emplois administratifs
conduira logiquement à veiller à une bonne adéquation entre la difficulté de
l’emploi et les compétences des candidats. Les jeunes auront plus de chances
d’être affectés sur des emplois de « débutant ». Le réalisme prend le pas sur
l’égalité formelle entre les membres d’un même corps.
Exemples de cotation d’emplois d’attaché d’administration
Grade Fonctions
emploi fonctionnel / chargé de mission auprès d’un sous-directeur / chef
attaché principal de service / ou directeur d’administration centrale
attaché principal chef de bureau
attaché (confirmé) cadre expert / adjoint au chef de bureau
ou attaché principal
attaché (confirmé) chargé d’études
attaché (débutant) rédacteur / chargé d’études
Source : présentation de la PFR effectuée par l’École de la GRH du ministère
en charge de la Fonction publique, mars 2009.

Évolution du montant de la PFR selon le poste occupé

6. Vers un intéressement collectif ?


Le ministère en charge de la Fonction publique se déclare intéressé par la
perspective d’instituer, en complément des indemnités traditionnelles, un
intéressement collectif, c’est-à-dire une prime en fonction des résultats
obtenus par un service ou une direction. Comme le rappelle le rapport
Diefenbacher 4, des mesures de ce type ont déjà été mises en place dans
plusieurs ministères (Finances, Intérieur, Défense) malgré l’absence de base
juridique claire.
L’intéressement collectif présente plusieurs avantages :
- il répond directement aux objectifs prioritaires d’une organisation,
quantitatifs ou qualitatifs : ainsi, au ministère des Finances, le versement
dépend de l’amélioration de la productivité mesurée par le nombre de
dossiers traités par agent et de la qualité de traitement des dossiers fiscaux;
- les résultats sont objectivement mesurables, alors que les organisations
syndicales et les fonctionnaires eux-mêmes craignent l’arbitraire des
modulations individuelles ;
- les représentants du personnel sont associés à la définition du système, ce
qui renforce le dialogue social.
Même si l’intéressement collectif fait ouvertement référence aux « résultats »,
il a davantage de chances d’être accepté par les agents et par les organisations
syndicales que les modulations individuelles de rémunération. Il répond
mieux en effet aux pratiques professionnelles des services publics, qui se
traduisent par une organisation collective du travail et des décisions.

1. Ministère du Budget, des Comptes publics, de la Fonction publique


et de la Réforme de l’État, Rapport sur l’état de la fonction publique,
volume 1 : « Faits et chiffres 20082009 », La Documentation française,
2009.
2. En 2009, la PFR ne s’applique qu’aux attachés d’administration.
Elle est étendue aux administrateurs civils à compter du 1er janvier
2010.
3. La valeur mensuelle du point d’indice est au 1er octobre 2009 de
4,6072 euros (55,2871 euros annuellement).
4. Michel Diefenbacher, L’intéressement collectif dans la fonction
publique, Rapport au Premier ministre, La Documentation française,
coll. des Rapports officiels, 2009.
Fiche 4 - Mieux gérer les compétences

1. La gestion prévisionnelle : une ambition ancienne


Le rapport du Commissariat général du Plan relatif aux « enjeux pour le
renouvellement » de la fonction publique insistait, dès 2000, sur l’intérêt de
la gestion prévisionnelle des ressources humaines. Il en rappelait la
définition : « la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences repose
sur l’analyse du personnel nécessaire en termes de niveau d’effectifs et de
qualification, à masse salariale donnée » 1, dans un horizon, proche ou
lointain, à définir. La gestion prévisionnelle permet de programmer de façon
adéquate les recrutements nécessaires, catégorie par catégorie. Elle conduit à
une meilleure adaptation des personnels et des structures aux missions, en
facilitant les redéploiements envisageables et les reconversions à prévoir.
L’approche est double, quantitative et qualitative.
Malgré la multiplication des circulaires sur ce thème (les plus récentes datent
de 2002 et de 2006), le Livre blanc sur l’avenir de la fonction publique
d’avril 2008 souligne que les employeurs publics n’ont que très récemment
commencé à concevoir des politiques d’emplois dans une vision prospective.

2. Les outils de GPRH existants


Des outils ont pourtant été mis en place.
Un répertoire interministériel des métiers de l’État (le RIME) a été
élaboré, qui classe et décrit les emplois « de référence » de l’État par grandes
familles professionnelles et décrit les compétences nécessaires.
Un guide méthodologique a été publié en 2008 par le ministère en charge de
la Fonction publique qui, comme le montre l’encadré ci-dessous, insiste sur la
nécessité de lier la gestion prévisionnelle aux actes de gestion concrète et de
ne pas la considérer comme une affaire technique déconnectée des décisions
individuelles. L’utilisation des termes de GPRH, gestion prévisionnelle des
ressources humaines, est liée à ce souci opérationnel.
Les différents plans de GPRH publiés par les divers ministères 2 témoignent
de l’engagement d’une démarche : la population gérée et son évolution
spontanée ont été étudiées, les ministères ont analysé leurs missions et parfois
défini des orientations stratégiques sur les emplois ou sur les qualifications à
développer ou à réduire. Toutefois, ces plans ratissent large et leur
déclinaison op érationnel le n’est pas toujours évidente.
La gestion prévisionnelle des ressources humaines dans la fonction
publique d’État
La gestion prévisionnelle n’est rien d’autre que l’introduction du temps, de
façon consciente, dans la gestion, en amont du système de GRH en éclairant
les décisions par des analyses appropriées, en aval en contribuant au pilotage
de la performance RH. La gestion prévisionnelle n’est rien d’autre que
l’introduction dans « la tête des décideurs » d’une réflexion sur le futur qui
pèse réellement sur les décisions qu’ils s’apprêtent à prendre aujourd’hui.
Ce que la GPRH n’est
Ce qu’est la GPRH…
pas…
Une démarche au service de la gestion des Une affaire de spécialistes,
ressources humaines déconnectée des pratiques
gestionnaires
Une démarche pour agir Un simple recueil
d’informations
Une démarche qui mobilise des outils Une étude statistique
quantitatifs mais aussi qualitatifs en vue de la
réalisation d’un plan d’action
Une démarche qui est fondée sur des prévisions Une étude prospective
en matière d’objectifs mais aussi d’évolution
des paramètres de gestion
Une démarche qui doit être le socle du dialogue Un bilan social
social
Source : DGAFP, La gestion prévisionnelle dans les services de l’État Guide
méthodologique, 2008, p. 9 (extraits).
Entre l’administration centrale et les services déconcentrés, un « dialogue de
gestion » organisé dans le cadre de la LOLF 3 permet au responsable d’un
programme, qui attribue les moyens, et aux chefs de services locaux, qui
présentent leurs demandes, de débattre des ressources humaines. La GPRH
devrait avoir sa place dans ce dialogue. Elle y est inégalement présente.
Les plates-formes régionales interministérielles d’appui à la GRH mises
en place en 2009 pour gérer les conséquences de la RGPP sur les personnels
ont également pour mission d’élaborer une gestion prévisionnelle au niveau
régional. Mais elles se consacrent aujourd’hui essentiellement à la gestion des
conséquences des restructurations.
Enfin, au niveau individuel, l’entretien d’évaluation prévu par le décret no
2002-682 du 29 avril 2002, tout comme l’entretien professionnel résultant
du décret no 2007-1365 du 17 septembre 2007 dans des ministères
« expérimentateurs », doivent aborder les perspectives professionnelles des
agents. Le protocole du 21 novembre 2006, signé avec les organisations
syndicales et relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie,
prévoit un droit à périodicité régulière à un entretien de carrière et à un bilan
de carrière. Les ministères encouragent leurs services à y avoir recours. Il
semble toutefois que, hors opérations de restructuration liée à la RGPP, les
entretiens professionnels abordent peu ce volet prospectif, qui reste au
demeurant peu ou pas exploité.

3. Comment passer à une démarche


opérationnelle ?
La gestion prévisionnelle des ressources humaines, dans la fonction publique
comme dans le secteur privé, se heurte à plusieurs obstacles.
En premier lieu, la définition des missions et de l’organisation reste
soumise à des décisions politiques. L’incertitude sur l’avenir fragilise
encore davantage les démarches publiques que celles du secteur privé. Par
exemple, les démarches précédemment engagées ont été bouleversées depuis
deux ans par la RGPP, qui a supprimé certaines missions et postes, et
fusionné des directions.
De plus, les personnels s’approprient peu la gestion prévisionnelle : les
outils apparaissent comme techniques, les descriptions d’emplois sont
pauvres et « nivellent les représentations », ne permettant guère aux
personnes d’y projeter leur trajectoire personnelle 4. Le RIME comme les
répertoires d’emploi ministériels n’échappent pas à cette critique : ils tentent
d’apporter de l’information objective, mais ils sont peu parlants.
Enfin, la gestion prévisionnelle exige en amont une bonne connaissance
des caractéristiques des personnels alors que ceux-ci sont enregistrés dans
la fonction publique avec leurs caractéristiques statutaires, rarement leur
niveau de compétences. Dès lors que les procédures de gestion des
fonctionnaires (et les systèmes d’information correspondants) font pour
l’instant peu ou pas référence aux emplois tenus, la prospective devient
complexe sinon impossible, sauf à être très individualisée, comme elle tente
de l’être dans les processus de reclassement. Il est vrai que la gestion
prévisionnelle doit de toute façon s’appliquer au final à des individus et
nécessite une gestion de proximité. Elle demande alors une volonté locale, la
construction éventuelle de projets professionnels individuels, la capacité
d’offrir des perspectives, des moyens de suivi… tous domaines dans lesquels
la fonction publique tâtonne encore.
Il n’est donc pas étonnant que le Livre blanc appelle de ses vœux une gestion
prévisionnelle enfin opérationnelle, articulant mieux gestion statutaire et
dimension métier au niveau de la GRH quotidienne. Le but est que la gestion
prévisionnelle soit utile pour les recrutements, les affectations, les
promotions, la formation. Cet objectif (qui passe notamment par la définition
des besoins en compétences au niveau des services, par la cotation des
emplois, par des affectations ciblées en fonction des compétences) est plus
modeste que les démarches de réflexion globales mises en œuvre au niveau
des administrations centrales, mais doit les compléter. Or, il est encore loin
d’être atteint.

4. La formation : un champ peu investi par la


réforme
Les dépenses de formation initiale et continue ont représenté un peu plus de 4
milliards d’euros en 2007, soit 6,6 % de la masse salariale, ce qui peut
paraître de bon niveau par rapport aux dépenses de secteur privé, qui
n’atteignent pas 3 % de la masse salariale.
Dans cet ensemble, 3,1 % sont consacrés à la formation initiale réservée aux
fonctionnaires stagiaires accueillis dans les écoles de formation et 3,5 % à la
formation continue.
C’est assez montrer les faiblesses du système. Moins de 100 000 personnes -
pour l’essentiel des fonctionnaires de catégorie A, dans une moindre mesure
des B, pour ainsi dire pas de fonctionnaires C - consomment en formation
initiale une petite moitié des dépenses totales de formation, tandis que 2,5
millions de personnes accèdent, par an, à une formation de 3,4 jours en
moyenne en 2007 5, chiffre plutôt en baisse depuis quelques années. 14 % des
journées de formation continue sont au demeurant consacrées à la préparation
des concours internes, ce qui ne correspond pas - en tout cas pas directement
- aux besoins des administrations. Les propositions de réforme 6 portent sur la
réduction de la formation initiale et de son coût, mais celle-ci n’aurait de sens
que si la formation continue se développait parallèlement.
Certes, des avancées importantes ont été récemment enregistrées : le
protocole d’accord du 21 novembre 2006 relatif à la formation
professionnelle tout au long de la vie conclu entre l’administration et les
organisations syndicales (repris par la loi du 2 février 2007 de modernisation
de la fonction publique) a institué l’obligation d’un plan de formation dans
les services. Il a conduit à mettre en place, dans la fonction publique, un droit
individuel à la formation (DIF) de vingt heures par an cumulables sur une
durée de six ans. On sait cependant que ce droit, s’il peut satisfaire un projet
personnel de formation ou répondre à des besoins de reconversion, est
insuffisant pour garantir une véritable « formation continue » des agents. Il
est au demeurant mis en œuvre, dans la quasi-totalité des cas, sur le
fondement d’un projet du salarié lui-même.
Les propositions du rapport Silicani restent donc pleinement d’actualité :
elles insistent sur la mise en place systématique de formations de « prise de
poste », soit lors d’un recrutement pour les personnels qui n’en bénéficient
pas, soit lors d’une promotion. La formation au management des ressources
humaines est par ailleurs unanimement jugée défaillante ou insuffisante. Le
lien entre la formation et une gestion prévisionnelle des ressources humaines
n’est manifestement pas encore établi, sauf pour les personnels en
reconversion ou dont l’emploi va être supprimé qui, aux termes de la loi du 3
août 2009, peuvent se voir proposer des formations et des périodes de
professionnalisation en alternance.
Questions et débats
La situation des fonctionnaires peut-elle être partiellement régie par le
droit contractuel ?
Le rapport public du Conseil d’État de 2003, de même que le Livre blanc
d’avril 2008, se sont interrogés sur les outils de management qui
garantiraient l’efficacité des réformes statutaires préconisées. Ils o nt
l’un et l’autre proposé que la situation des fonctionnaires puisse être
partiellement régie par le droit contractuel.
Le Livre blanc propose ainsi une convention d’affectation des personnels
sur les emplois (acte formellement unilatéral, en réalité partiellement
négocié) précisant la mission, les résultats attendus, les contraintes et
sujétions du poste ainsi que les besoins de formation. La convention
d’affectation serait définie par le supérieur hiérarchique direct,
responsable du choix de son équipe, y compris pour les chefs
d’établissements scolaires. Surtout, la conve ntion limiterait la durée de
l’affectation du fonctionnaire sur un emploi : l’administration serait en
droit de rompre l’accord au terme de trois à cinq ans en cas
d’insuffisance professionnelle.
La logique de cette proposition est forte. Le Livre blanc entend faire
prévaloir les caractéristiques individuelles des agents dans l’ensemble
des actes de gestion : recrutement, affectation, rémunération et
promotion tiendraient compte au premier chef du profil de l’agent et des
résultats attendus ou obtenus. Les affectations ne seraient plus opérées
par un « mouvement » anonyme et quantitatif, mais par un choix
personnel. Les « managers de proximité » auraient ainsi tous pouvoirs,
d’autant plus que les CAP (commissions administratives paritaires) ne se
prononceraient plus sur les affectations.
De telles propositions tendent à réagir contre des affectations aveugles
peu soucieuses d’exploiter correctement les compétences des personnels.
Elles tendent aussi à rompre le fatalisme fréquent des cadres de
proximité qui, ne choisissant pas leur équipe, ne s’en sentent pas
pleinement responsables.
Combiner situation statutaire et réglementaire, d’une part, et relations
contractuelles, d’autre part, pose toutefois des questions juridiques
ardues, sauf à utiliser plus systématiquement des techniques de « mise en
situation de recherche d’emploi » des personnels, utilisées déjà dans les
fonctions publiques territoriale ou hospitalière.
En outre, l’apparente rationalité de la proposition ne doit pas en cacher
les inconvénients : les fonctionnaires doivent sans nul doute accepter une
part plus grande d’individualisation dans la gestion de leur carrière.
Mais le risque est fort de passer d’une gestion intégralement procédurale
à une gestion totalement individualisée. De plus, gérer les hommes par
l’insécurité, en limitant systématiquement les durées d’affectation, risque
de soulever des résistances.
Sans doute serait-il préférable de définir plus systématiquement les
postes à pourvoir sur profil, après entretien, et de s’en tenir, lors de la
procédure d’affectation, à la signature d’un « quasi-contrat », clarifiant
les attentes et les missions dans la perspective de l’évaluation.
Des atteintes croissantes au statut des fonctionnaires ?
Plusieurs organisations syndicales de fonctionnaires (essentiellement les
fédérations de fonctionnaires de FO et de la CGT, la FSU, l’Union
syndicale des syndicats solidaires 7considèrent que le mouvement de
réformes engagé depuis quelques années met le statut en danger.
Elles relient ces réformes au contexte de suppressions de postes et de
restructuration des services liée à la RGPP (révision générale des
politiques publiques). Selon elles, il existe désormais, sinon un risque de
privatisation du secteur public, du moins une soumission excessive à des
impératifs de rentabilité financière qui, portant atteinte au service
public, affaiblissent nécessairement les garanties offertes aux agents. Les
nouvelles pratiques managériales d’évaluation et de rémunération au
mérite sont accusées de mettre en concurrence ceux-ci et, au final, en
installant l’arbitraire, de porter atteinte à leur indépendance.
L’insistance sur les mesures de mobilité apparaît également comme
ambiguë : il ne s’agirait pas de favoriser une diversité de parcours et
d’expériences professionnelles, mais de faciliter les départs vers le
secteur privé pour diminuer les effectifs. La mesure de réorientation
professionnelle prévue par la loi du 3 août 2009 apparaît ainsi comme la
mise en place d’un droit de licenciement peu compatible avec une
fonction publique de carrière. Enfin, les mesures relatives aux
contractuels - élargissement des conditions de recrutement, mise en place
de contrats à durée indéterminée - sont interprétées par les organisations
syndicales comme autant de signes d’une suppression progressive de
toutes les marques qui distinguent le droit de la fonction publique du
droit du travail.
La volonté de mener de front les réformes statutaires et la réduction du
nombre des fonctionnaires d’État, dans l’objectif d’assainir les finances
publiques, a conduit les organisations syndicales à de telles
interprétations.
De fait, le récent rapport de la Cour des comptes (Rapport public
thématique, Les effectifs de l’ É tat 1980-2008, Un état des lieux,
décembre 2009) souligne qu’une politique des effectifs ne peut se réduire
à l’application d’une norme et appelle de ses vœux une réflexion
prospective sur les missions et les besoins, de nature à légitimer
davantage de tels projets.
Des craintes pour l’instant infondées
D’un point de vue juridique, aucune des mesures évoquées dans le
présent chapitre ne porte atteinte aux principes statutaires. Affirmer le
contraire reviendrait à dire que la fonction publique territoriale
contrevient au statut de la fonction publique, dans la mesure où elle
dispose de cadres d’emploi larges, établit des listes d’aptitude après
concours, recrute ses agents sur profil et entretien, et a la possibilité de
les réorienter quand une collectivité veut s’en séparer. Ce constat serait
sans doute différent si les fonctionnaires d’État étaient un jour appelés à
choisir entre le statut et un contrat de droit privé 8, ou si l’appel aux
personnels contractuels devenait plus systématique 9. Mais ce n’est
toujours pas le cas aujourd’hui.
Les réformes en cours sont-elles justifiées ?
Juger de l’opportunité des réformes actuelles implique aussi de revenir
sur les critiques récurrentes contre certaines dispositions du droit
statutaire : concep tion formelle de l’égalité, place excessive donnée à
l’ancienneté, affectations opérées en fonction de la demande des agents et
non des exigences de l’emploi, déresponsabilisation des cadres de
proximité.
Si ces critiques sont fondées (et elles le sont), il importe, dans l’intérêt
même de la fonction publique, de modifier les éléments qui, dans le
statut, condui sent à de telles pratiques.
Par ailleurs, le principe de mutabilité du service public doit s’appliquer :
le service public doit évoluer et s’adapter aux besoins de la popula tion.
Il n’est pas destiné à bénéficier aux seuls fonctionnaires. Ceux-ci doivent
plutôt être à son service : l’efficience, l’effort de mesure et de
transparence, l’évaluation des performances individuelles ne sont pas
récusables.
S’inspirer du privé ?
L’individualisation de la gestion des personnels et l’attention portée aux
caractéristiques des emplois sont adaptables sans difficulté au secteur
public dès lors que les principes du statut sont sauvegardés et que les
emprunts faits au secteur privé sont réfléchis et adaptés.
Il est vrai, cependant, que ces conditions de bonne transposition ne sont
pas toujours réunies.
L’individualisation des rémunérations n’a pas sans doute toutes les
vertus qu’on lui prête. Elle soulève le problème de l’objectivité des
critères (c’est la question la plus débattue avec les organisations
syndicales), mais aussi celui de leur efficacité sociale : la motivation est
un phénomène trop complexe pour obéir aux seuls critères financiers
(voir chapitre 3).
De même, la prégnance - et parfois la pauvreté -du discours sur les
résultats dans le secteur public engendre le risque d’un nouveau
formalisme et du découragement de fonctionnaires attachés à la qualité
de leur action.
Au final, si l’on s’efforce de gommer les aspects idéologiques du débat
sur la transposition au public des outils du privé, celui-ci se pose en des
termes assez simples : les emprunts sont parfaitement légitimes dès lors
qu’ils sont adaptés à la qualité et aux objectifs fondamentaux du service
public, en prenant garde de ne pas céder aux effets de mode et de
redéfinir les notions à utiliser en fonction de finalités qui sont, dans l’un
ou l’autre secteur, fondamentalement différentes.
Les réformes engagées sont-elles efficaces au regard des objectifs
poursuivis ?
Tout en saluant le mouvement actuel de réformes, Marcel Pochard,
auteur du rapport public du Conseil d’État de 2003, reconnaissait dans
un article récent 10que les mesures étaient encore largement
« incantatoires » . La vie quotidienne dans les services tendrait à lui
donner raison : rien ne semble changer fondamentalement. Souvent,
force est de constater que le discours managérial multiplie les références
à des notions de ressources humaines sans grand changement dans les
pratiques.
Il ne serait cependant pas honnête de porter aujourd’hui un jugement
sur l’efficacité des récentes réformes. Certaines sont au milieu du gué,
comme les réformes sur le recrutement. D’autres sont nécessairement
lentes, comme l’élargissement et la refonte des corps. D’autres encore (la
cotation des postes, la gestion prévisionnelle) s’engagent à peine. Des
réformes essentielles à la réussite de l’ensemble (la déconcentration des
décisions) ne sont pas même décidées, malgré des déclarations
d’intention. L’ensemble a besoin d’atteindre un point de cohérence.
Enfin, le management au quotidien mettra du temps à évoluer.
Sans doute faudra-t-il attendre que les cadres les plus anciens, que leur
expérience a rendus sceptiques et méfiants, laissent la place à une autre
génération, plus ouverte au partage des responsabilités.
Retenir l’essentiel
Les analyses menées lors de la Conférence nationale sur les valeurs, les
missions et les méthodes du service public organisée en 2007 et 2008 ont
conduit à plusieurs réformes : modification dès 2008 de la teneur des
épreuves de certains concours pour professionnaliser davantage les
recrutements, annonce en 2009 de la poursuite du remodelage des corps,
en réduisant leur nombre et en créant des corps interministériels,
encouragement à la mobilité par la loi du 3 août 2009. Ce texte crée un
droit à la mobilité, rend plus faciles les intégrations dans un autre corps
et réduit les inconvénients des détachements. La mise en place, dès 2009,
de la prime de fonctions et de résultats pour la filière administrative
oblige à une cotation des emplois et définit l’éventail des rémunérations
en fonction des responsabilités exercées et de la valeur professionnelle.
Elle parachève une réflexion sur la rémunération au mérite, considérée
comme un outil de management. Un intéressement collectif aux résultats
est par ailleurs envisagé.
D’autres ambitions s’esquissent, comme la mise en place d’une gestion
prévisionnelle à plusieurs niveaux : central, régional et individuel.
L’ensemble de ces mesures conduit à gérer et à rémunérer les
fonctionnaires moins en fonction de leurs caractéristiques propres et
bien davantage en fonction de l’emploi occupé ou à occuper. Quelle que
soit l’inquiétude provoquée par le contexte de restructuration des
services et de suppression d’emplois, on ne peut affirmer que ces
réformes portent atteinte aux principes statutaires fondamentaux. En
revanche, leur efficacité reste encore à mesurer.

1. Bernard Cieutat et Nicolas Tenzer, Fonctions publiques : enjeux et


stratégie pour le renouvellement, Rapport du Commissariat général du
Plan, La Documentation française, 2000, p. 73.
2. Voir Ministère du Budget, des Comptes publics, de la Fonction
publique et de la Réforme de l’État, Rapport annuel sur l’état de la
fonction publique, volume 2 : « Politiques et pratiques 2008-2009 »,
Annexe I : « Plans GPRH des ministères ».
3. Loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001. Le
budget de l’État est désormais présenté par programmes, au nom
desquels les responsables nationaux de programme attribuent aux chefs
de services déconcentrés des budgets opérationnels de programme
(BOP), comportant, entre autres, des crédits de personnel.
4. Jacques Igalens, « La GPEC, intérêts et limites pour la gestion du
personnel », Droit social, no 11, novembre 2007, pp. 1074-1080.
5. 3,7 jours pour les catégories A, 4,7 jours pour les B et 2 jours pour
les C.
6. Raymond-François Le Bris, Propositions pour une réforme de la
formation des agents de l’État, Rapport au ministre du Budget, des
Comptes publics et de la Fonction publique, La Documentation
française, coll. des Rapports officiels, 2009.
7. FO : Force ouvrière ; CGT : Confédération générale du
travail ; FSU : Fédération syndicale unitaire ; l’Union sy ndicale des
syndicats solidaires fédère notamment les syndicats SUD (Solidaires
Unitaires Démocratiques).
8. Discours du président de la République sur la réforme de la
fonction publique à l’IRA de Nantes, septembre 2007.
9. Ainsi que le suggère J.-L. Silicani dans le chapitre 3.1 de son
Livre blanc sur l’avenir de la fonction publique, cité plus haut.
10. M. Pochard, « Nouvelles perspectives sur la fonction
publique », Politiques et management public, volume 26, n o 2, 2008,
pp. 3-14.
CHAPITRE 6 - Le dialogue social dans
la fonction publique
Fiche 1 - Le dialogue social dans les
textes

1. Qu’est-ce que le dialogue social ?


Le « dialogue social » désigne les échanges (information, consultation,
concertation) entre les employeurs et les salariés ou leurs représentants, ainsi
que la négociation et la signature d’accords sur les questions d’intérêt
commun, en particulier les salaires, les conditions de travail ou l’emploi.
L’expression suggère un partenariat : le dialogue social se donne pour
ambition la régulation des conflits même si, bien évidemment, il ne peut
totalement les empêcher.
Dans le secteur privé, la principale illustration du dialogue social est la
négociation des conventions et accords collectifs : ces textes modifient le
droit du travail applicable dans les entreprises concernées.
Dans la fonction publique, le dialogue social ne recouvre pas les mêmes
réalités. La représentation des salariés y est organisée différemment, les droits
reconnus aux organisations syndicales ne sont pas les mêmes. Mais cette
situation est appelée à se modifier : reprenant le contenu des « accords de
Bercy » signés en juin 2008 entre le gouvernement et les organisations
syndicales de fonctionnaires, un projet de loi devrait en 2010 être soumis au
vote du Parlement. Le droit applicable restera spécifique. Mais il devrait
sensiblement évoluer.

2. Droit syndical et droit de grève


Dans la fonction publique, la reconnaissance du droit de se syndiquer et de
faire grève a été tardive : le fonctionnaire, représentant de la puissance
publique, n’a pas été mis sur un pied d’égalité avec les autres salariés. Les
syndicats de fonctionnaires n’ont été officiellement autorisés qu’à la
Libération, de même que le droit de grève* 1 n’a été reconnu aux
fonctionnaires qu’en 1950, sur le fondement du Préambule de la Constitution
du 27 octobre 1946 et d’une décision jurisprudentielle. Enfin, certains
fonctionnaires ne disposent toujours pas du droit de se syndiquer (le corps
préfectoral, les militaires de carrière), tandis que d’autres, pour des raisons de
continuité du service public, n’ont pas le droit de grève (policiers, personnel
de l’administration pénitentiaire, magistrats, personnel des transmissions du
ministère de l’Intérieur).
Le droit de grève, quand il existe, est réglementé : la réquisition* est possible
si l’interruption du service public porte gravement atteinte aux besoins
essentiels du pays. La légalité de la grève est conditionnée au dépôt d’un
préavis par les organisations syndicales représentatives. Les chefs de service
peuvent organiser un service minimum, sous le contrôle du juge, là aussi pour
répondre à des besoins essentiels de la population, dès lors qu’ils ne portent
pas atteinte au droit de grève. Enfin, en vertu de l’article L. 2512-5 du Code
du travail, la retenue sur le salaire des fonctionnaires en cas de cessation de
travail est fixée par journée, soit au minimum un trentième de leur traitement
mensuel 2.
Dans la fonction publique d’État, le décret no 82-447 du 28 mai 1982 définit
les conditions d’exercice du droit syndical, en particulier le droit à organiser
des réunions avec les personnels, les temps de décharge* et les modalités de
calcul des subventions versées aux organisations syndicales.

3. Les instances de participation


L’article 9 du titre I du statut général de la fonction publique dispose que
« les fonctionnaires participent, par l’intermédiaire de leurs délégués
siégeant dans des organismes consultatifs, à l’organisation et au
fonctionnement des services publics, à l’élaboration des règles statutaires et
à l’examen des décisions individuelles relatives à leur carrière. » Ce
principe de participation conduit à la constitution d’instances consultatives
saisies pour avis de sujets très larges, couvrant l’ensemble des décisions qui
peuvent concerner les fonctionnaires. Originalité marquante, ces instances
sont paritaires, constituées à parts égales de représentants de l’administration
et des fonctionnaires, comme pour afficher un objectif de co-gestion, en tout
cas de co-décision.
Pour chacune des trois fonctions publiques, un Conseil supérieur* donne un
avis, au niveau national, sur toutes les questions d’ordre général
(essentiellement les textes statutaires). Pour la fonction publique d’État, le
Conseil est composé de 40 membres, dont 20 sièges attribués aux
organisations syndicales en fonction de leur représentativité*.
Dans les services, il existe trois types différents d’instance consultative : - les
commissions administratives paritaires* (CAP) : organisées par corps dans
la fonction publique d’État, elles sont placées au niveau ministériel, là où le
corps est géré, ou auprès du chef de service qui a reçu délégation pour
accomplir tout ou partie des actes de gestion de ressortissants d’un corps. Les
représentants du personnel dans les CAP sont élus pour 3 ans, sur des listes
établies, au premier tour, par les seules organisations syndicales
représentatives. Les CAP donnent un avis sur les décisions individuelles
relatives à la carrière des fonctionnaires du corps, en particulier la
titularisation, le détachement, l’avancement, la mutation. Elles examinent les
recours des agents contre la notation et se prononcent, en tant que Conseil de
discipline, sur les sanctions disciplinaires les plus graves ;
- les comités techniques paritaires* (CTP) : ils sont placés au niveau
ministériel et auprès des chefs de service d’au moins 50 agents, moins dans
certains cas. Dans la fonction publique d’État (à l’inverse des autres fonctions
publiques), les représentants du personnel au sein des CTP ne sont pas élus,
sauf exception. La répartition des sièges entre les organisations syndicales est
effectuée au prorata des résultats aux élections aux CAP. Les CTP ont des
compétences multiples, qui portent essentiellement sur les mesures
d’organisation et de fonctionnement du service. Ils traitent des programmes
de modernisation et de restructuration, d’hygiène et de sécurité, de formation.
Un rapport sur l’état du service (moyens disponibles, évolution prévisionnelle
des effectifs et des qualifications) leur est présenté annuellement.
- des comités d’hygiène et de sécurité sont placés auprès du CTP dans
chaque département ministériel et peuvent être créés, au niveau local, pour
assister les CTP. Leur originalité est de n’être pas paritaires et de comporter
davantage de représentants du personnel que de représentants de
l’administration.

4. Au niveau national, le droit de « négocier et


débattre »
L’article 8, alinéa 2 du titre I du statut général prévoit que « les organisations
syndicales de fonctionnaires ont qualité pour conduire au niveau national
avec le gouvernement des négociations préalables à la détermination de
l’évolution des rémunérations et pour débattre, avec les autorités chargées
de la gestion, aux différents niveaux, des questions relatives aux conditions et
à l’organisation du travail ».
Cet article permet aux organisations syndicales de négocier avec le
gouvernement 3, mais seulement sur les rémunérations. Sur les autres sujets,
les conditions et l’organisation du travail, elles ne disposent en théorie que du
droit de « débattre ».
La pratique est différente : les organisations syndicales signent régulièrement
des accords négociés avec les représentants du gouvernement, sur des sujets
divers. Toutefois, les décisions négociées dans ce cadre n’ont pas de valeur
juridique en elles-mêmes et, pour s’appliquer, doivent être reprises dans un
acte unilatéral, loi ou règlement.

1. Les termes suivis d’un astérisque renvoient au glossaire, p. 157.


2. Autrement dit, même si un fonctionnaire ne cesse le travail qu’une
demi-journée, un trentième de son salaire mensuel lui sera retiré pour
fait de grève.
3. Ces dispositions ne figuraient pas dans le statut de 1946.
Fiche 2 - La pratique du dialogue social

1. Syndicalisation et paysage syndical dans le


secteur public
Le taux de syndicalisation est bien plus élevé dans la fonction publique
(15,2 % en 2005) que dans le secteur privé (5 %). Les trois fonctions
publiques regroupent ainsi à elles seules plus de la moitié des salariés affiliés
à une organisation syndicale 1. Il est vrai que le taux de syndicalisation
dépend de la taille des entreprises et que les agents publics travaillent
davantage que les salariés du privé dans des services de grande taille.
Cependant, la spécificité est réelle : les professions les plus syndiquées dans
le public sont les cadres (19 %), les professions intermédiaires (17 %),
professeurs, chercheurs, médecins hospitaliers. Le taux de participation aux
élections des CAP est en baisse depuis les années 1980, mais reste élevé (70
% pour les élections de 2006 à 2008).
Le paysage syndical, très éparpillé, n’est pas tout à fait le même que dans le
secteur privé, compte tenu du poids d’organisations essentiellement
implantées dans le secteur public. On décompte 8 grandes organisations au
niveau national dans la fonction publique d’État, dont aucune ne recueille au
total beaucoup plus que 20 % des voix, comme le montre la consolidation des
élections 2006, 2007 et 2008 dans la fonction publique d’État.
Outre les organisations syndicales présentes au niveau national, il existe dans
chaque ministère des syndicats catégoriels : le seul ministère de l’Éducation
nationale en compte une cinquantaine. Le syndicalisme public est pour une
part non négligeable un syndicalisme corporatiste, avec une implantation
localisée.
2. Le dialogue social au niveau national : des
avancées sporadiques
Jusqu’à présent, les négociations - et les accords - ont suivi, au niveau
national, un rythme irrégulier.
Les accords les plus récents ont porté sur la résorption de l’emploi précaire en
2000, sur l’emploi des travailleurs handicapés en 2001, sur l’amélioration des
carrières et l’évolution de l’action sociale en janvier 2006, sur la formation
professionnelle tout au long de la vie en novembre 2006. Il y a eu négociation
- mais pas accord - sur la réduction du temps de travail. En juin 2008, un
accord a été signé sur la rénovation du dialogue social et un autre, en
novembre 2009, sur la santé et la sécurité au travail.
Quant aux négociations salariales, la pratique de discussions annuelles ou
quasi annuelles s’est instaurée à partir des années 1970 :
- de 1999 à 2008, les négociations, moins régulières, se sont toutes terminées
sur un constat d’échec, le gouvernement décidant d’accorder unilatéralement
des augmentations de la valeur du point, qui sert de base au calcul du
traitement indiciaire des fonctionnaires et dont l’augmentation a un impact
direct sur l’évolution de leur pouvoir d’achat 2 ;
- le protocole d’accord de février 2008 met un terme à cette période : un
calendrier des négociations salariales est fixé, des modalités de garantie
individuelle du pouvoir d’achat* (GIPA) sont définies, l’engagement est pris
de revoir l’ensemble des carrières et des grilles indiciaires. L’accord met un
terme au moins provisoire à un différend récurrent sur l’évolution du pouvoir
d’achat des fonctionnaires, que les organisations syndicales entendaient
mesurer par la seule évolution de la valeur du point d’indice, tandis que
l’administration souhaitait tenir compte également des avancements et
promotions.
Ces accords ont été signés par un nombre d’organisations variable. Certains
accords sont consensuels : 7 organisations sur 8 ont signé l’accord sur la
santé et la sécurité au travail, et 6 sur 8 l’accord sur la rénovation du dialogue
social, qui n’allait pourtant pas de soi. D’autres le sont moins : seules la
CFDT, la CFTC et la CGC ont signé l’accord de février 2008 pour sa partie
salariale, ce qui ne donne pas à cet accord une très forte légitimité. Peu
importe au demeurant, du moins d’un point de vue juridique : les accords
n’acquièrent de valeur en droit qu’après transposition dans les textes, et
donner ou refuser sa signature n’a d’importance que politique.

3. Une forte conflictualité, témoignant d’un malaise


récurrent
La conflictualité dans la fonction publique est nettement plus importante que
dans le secteur privé. Sur la décennie 1999-2008, on dénombre dans la seule
fonction publique d’État 1,4 million de jours de grève en moyenne annuelle
pour 2,5 millions de personnes, soit une moyenne annuelle de 56 jours de
grève pour 100 salariés. En 2008, 70 % de ces journées étaient imputables à
l’Éducation nationale. Dans le secteur privé, on estime le nombre des
journées de travail perdues entre 800 000 et 900 000 par an 3 pour 16 millions
de salariés, soit 5 à 6 jours par salarié et par an, chiffre en nette baisse sur la
longue période. Il est vrai que la conflictualité dépend de la taille des
entreprises : de ce fait, les comparaisons sont délicates. Reste une propension
à la grève nettement plus forte dans le secteur public, malgré un encadrement
juridique plus strict.
Cette conflictualité importante est peu étudiée. Les grèves de fonctionnaires,
à la fois répétitives et ponctuelles, s’adressent à l’État, un employeur lointain
que l’on n’envisage guère de convaincre mais auquel on veut montrer sa
capacité de mobilisation. Les enseignants, qui souffrent de la dévalorisation
de leur métier et de l’absence de management proche, y ont particulièrement
recours, sans grande réaction des autorités compétentes. L’indifférence des
pouvoirs publics à la grève révèle le caractère sans doute inadapté de ce mode
d’action. Surtout, elle témoigne des carences de la GRH publique, qui ne sait
trop comment réagir devant des protestations sporadiques qu’elle vit comme
une fatalité.

4. Des organisations attachées au maintien du


statut, avec de fortes références aux valeurs
Toutes les organisations syndicales de fonctionnaires sont attachées au statut,
vu comme une garantie contre le favoritisme et l’arbitraire, ainsi qu’au
principe d’une fonction publique de carrière. Elles souhaitent toutes que les
missions d’intérêt général soient confiées à des salariés recrutés et formés
spécialement, et traités de manière égalitaire. Elles défendent le recrutement
« au mérite », par concours.
Cependant, les organisations divergent sur la portée de cette prise de position.
La CGT, la FSU, FO ou SUD, qui se référent souvent au statut originel de
1946, restent pénétrées de l’esprit initial du statut et considèrent ses principes
comme quasi intangibles. Ce choix se traduit par une forte hostilité à
l’ensemble des mesures qui s’inscrivent dans la « modernisation » de l’État :
la LOLF, les propositions du rapport public du Conseil d’État de 2003, la
mise en place de l’évaluation individuelle, les réflexions et réformes issues du
Livre blanc de 2008, la fusion des corps, les efforts de déconcentration. Toute
mesure tendant à rapprocher le droit de la fonction publique du droit
ordinaire du travail est suspectée de révéler un objectif de « privatisation ».
D’autres organisations (la CFDT essentiellement, mais aussi, dans une
moindre mesure, l’UNSA, la CFTC et la CGC) accepteraient bien davantage
les évolutions statutaires dès lors que les principes de base (notamment une
fonction publique de carrière) leur paraissent respectés. La CFDT, en
particulier, insiste sur le « sens » du statut, garantie de la qualité du service
public, et elle estime qu’il est loisible de le faire évoluer sur ce fondement :
« Le statut n’est pas un avantage social. Cette façon de le justifier confine les
tenants de cette thèse au corporatisme. » 4
Si les organisations syndicales sont divisées sur les réformes touchant la
fonction publique proprement dite, elles sont davantage unies sur les sujets
relatifs à la diminution de l’emploi public et aux restructurations de services
qui les accompagnent.

1. DARES, « Le paradoxe du syndicalisme français », Premières


informations, premières synthèses, no 16.1, avril 2008.
2. Mais aussi, du même coup, sur le volume de la masse salariale dans
la fonction publique. Voir chapitre 2, p. 45.
3. Ces chiffres sont issus d’enquêtes spécifiques. Les données
administratives transmises par l’Inspection du travail utilisées jusqu’en
2005 sous-estimaient le nombre des conflits.
4. Intervention d’Alexis Guénégo, Fédération Interco-CFDT, juin
2005.
Fiche 3 - Un bilan insatisfaisant

1. Des carences unanimement reconnues


Un Livre blanc sur le dialogue social dans la fonction publique 1 a été rédigé
en 2002, qui en a dressé un bilan sévère, repris et enrichi ensuite par de
nombreux observateurs 2. Les principales critiques portent sur l’absence de
« droit contractuel du travail » dans la fonction publique et sur le formalisme
des débats qui en résulte dans les différentes instances de « concertation ».
De fait, les organisations syndicales, qui ne partagent pas toutes le diagnostic
d’ensemble du Livre blanc, s’accordent à dénoncer l’atonie du dialogue
social au niveau national et « l’absence de culture du dialogue social » des
responsables de l’État. Cette carence est frappante sur les questions de
modernisation : comme le notent certains analystes 3, les promoteurs des
réformes sont si convaincus de leur bien-fondé qu’ils ne voient pas la
nécessité de les négocier, face, il est vrai, à des syndicats parfois convaincus
eux-mêmes d’être le dernier rempart des principes fondateurs de la fonction
publique.
La situation a évolué avec la Conférence sur les valeurs, les missions et les
méthodes du service public : les organisations syndicales ont, en 2007 et
2008, participé à l’élaboration d’une synthèse des débats sur le dialogue
social. Les accords de Bercy sur la rénovation du dialogue social en sont
issus en juin 2008, qui devraient profondément modifier la situation.

2. Des critères de représentativité contestés


La reconnaissance de représentativité* donne aux organisations syndicales le
droit de se présenter au premier tour des élections aux CAP des corps où
l’organisation est considérée comme représentative. Sur le fondement des
résultats obtenus aux CAP, l’organisation disposera ensuite de moyens
d’action matériels et financiers, au niveau du ministère où elle est implantée,
voire au niveau interministériel. C’est dire l’importance de cette
reconnaissance.
Or, comme cela a été le cas dans le secteur privé jusqu’à la loi du 20 août
2008 4, les critères actuels de représentativité * des organisations syndicales
de la fonction publique sont contestés. Les « gros » syndicats membres d’une
Union ayant un siège dans les trois Conseils supérieurs ou ayant obtenu 10 %
des voix aux CAP, dont au moins 2 % dans chacune des trois fonctions
publiques, bénéficient en effet d’une représentativité présumée, qui leur
permet de se présenter au premier tour de toutes les élections dans l’ensemble
des services, tandis que les autres organisations doivent prouver leur
représentativité selon les critères du Code du travail.

3. Une place insuffisante laissée à la négociation


L’absence de valeur juridique des accords nationaux ou ministériels en
affaiblit la nécessité. Elle n’incite pas les organisations syndicales à la
signature, sachant que l’administration, qu’il y ait ou non accord, mettra en
œuvre ses propres décisions. Nombre d’organisations syndicales préfèrent
dans ces conditions s’en tenir à une attitude protestataire et dénoncer celles
qui, parmi elles, passent des compromis inutiles.
Le droit de la fonction publique reste ainsi pour une très large part un droit
unilatéral et pas un droit contractuel, même si, à périodicité irrégulière, un
effort de négociation est engagé, souvent pour des raisons d’affichage.
Les organisations syndicales ne sont pas les seules responsables de cette
situation :
- le gouvernement définit et suit sa politique, qu’il considère par définition
comme légitime, et a du mal à concilier cette mission avec son rôle
d’employeur : au mieux il informe et associe, mais il ne pratique guère la
concertation ;
- l’administration, qui a obligation de soumettre aux instances de
participation certains projets de textes, traite souvent ces réunions comme une
formalité dont elle n’attend rien. Au demeurant, comme le souligne le Livre
blanc de 2002, la consultation du Conseil supérieur de la fonction publique
d’État intervient trop tardivement pour avoir un impact sur les décisions. La
situation est encore moins satisfaisante au niveau local. La centralisation des
décisions y vide souvent les débats d’intérêt : les CTP locaux ont peu de
« grain à moudre ». Le rapport Lhostis les dépeint comme des chambres
d’enregistrement, où chaque partenaire joue un rôle vide de sens.
La négociation sociale est rare, pauvre et intermittente
La négociation sociale reste rare et pauvre, notamment au regard de
l’intensité des négociations dans le secteur privé ; elle est intermittente, et si
les thèmes de négociation ont pu se diversifier, l’éventail des accords conclus
reste relativement limité. Cette situation n’est pas sans lourdes conséquences,
car elle contribue à maintenir les relations sociales de la fonction publique
dans un état passablement désuet, au regard du principe de participation qui,
dans une société moderne, implique des engagements réciproques entre
partenaires placés sur un pied d’égalité et responsables. En effet, en l’espèce,
il n’y a pas des partenaires qui doivent en commun régler les problèmes qui
se posent en engageant leur signature, sauf à échouer ensemble dans leur
mission ; il y a d’un côté un partenaire, la puissance publique, sur laquelle
repose la totalité de la responsabilité, et qui est censée disposer de tous les
moyens nécessaires pour l’assumer, et de l’autre des partenaires qui le savent
et qui peuvent se contenter de contester et de marquer leur distance vis-à-vis
de ce qui ne marche pas dans la fonction publique, y compris dans les
domaines où ils ont pourtant une responsabilité objective évidente, comme
celui des affectations. Par là même, cette situation est une des causes de la
rigidité du système de fonction publique, en le privant de la souplesse et de la
dynamique des mécanismes contractuels.
Source : Conseil d’État, Rapport public 2003, La Documentation française,
coll. Études et documents du Conseil d’État, no 54, 2003, p. 333 (extrait).

4. Une priorité donnée aux préoccupations


individuelles ou corporatistes
Les échanges entre les organisations syndicales et l’administration sur les
décisions qui ont un impact sur la carrière des agents ou sur la discipline sont
fréquents : il existe dans la fonction publique d’État plus de mille
commissions administratives paritaires (CAP) ou instances locales
préparatoires aux CAP. Leur préparation, qui incombe aux services de GRH,
requiert beaucoup de temps et rythme la GRH publique.
Compte tenu de l’importance que représentent pour les agents les décisions
qui les concernent directement, les organisations syndicales se sont fortement
impliquées dans les CAP. Soumises à des élections organisées par corps, elles
se sont organisées en fonction de cet impératif et ont été conduites à défendre
les intérêts, individuels et de corps, de leurs électeurs, comme le leur propre.
Certains projets de restructuration se sont ainsi heurtés à l’hostilité de
syndicats implantés localement, parce que ceux-ci auraient risqué de perdre
avec la réforme le monopole de leur représentation.
Les comités techniques paritaires (CTP) ont moins de poids dans la
fonction publique d’État car ils ne procèdent pas directement de l’élection.
De plus, leurs compétences sont nombreuses, parfois peu claires et il arrive
que l’administration les interprète restrictivement. Enfin, comme le note le
rapport du CERC de 2006 sur le coût et l’organisation de la gestion des
ressources humaines dans l’administration, la structuration des CTP est
décalée par rapport à la création de nouveaux centres de décision liés à la
LOLF. C’est désormais le programme*, et non le service, qui représente le
point de rattachement professionnel des agents, et c’est à ce niveau que se
négocient les créations ou suppressions d’emplois.
Au final, la primauté des CAP a nui à la consistance et à l’intérêt du dialogue
social. L’administration a elle-même historiquement fait le choix de
privilégier les CAP : elle suit encore couramment l’avis des organisations
syndicales sur les mesures individuelles ou les barèmes de mutation, mais ne
les associent guère aux véritables débats sur l’organisation et l’avenir des
services. Il est vrai que plusieurs organisations syndicales refuseraient par
principe de s’y engager.

5. Une parité artificielle


La parité est acceptée dans les CAP parce que les décisions sont dans la
pratique partagées. Elle est plus discutable au Conseil supérieur de la fonction
publique et dans les CTP, qui se prononcent sur des projets qui leur sont
soumis par l’administration. Les représentants de l’administration votant
d’une seule voix, le vote à leurs côtés d’une seule organisation syndicale,
même minoritaire, suffit à considérer que l’instance consultative a donné un
avis favorable, ce qui brouille le sens de l’avis demandé.

1. Jacques Fournier, Le dialogue social dans la fonction publique :


livre blanc, Rapport au ministre de la Fonction publique et de la
Réforme de l’État, La Documentation française, 2002.
2. Rapport public du Conseil d’État de 2003 ; Rapport d’Alain Lhostis
sur L’amélioration du dialogue social dans les services déconcentrés
(2003), séminaire de l’ENA relatif au dialogue social (2004), Livre
blanc sur l’avenir de la Fonction publique (2008).
3. Jeanne Siwek-Pouydesseau, Les syndicats des fonctions publiques
au XXe siècle, Berger-Levrault, 2001.
4. La loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale
et réforme du temps de travail a modifié les critères de représentativité
des organisations dans le secteur privé en y introduisant la nécessité
d’une ancienneté de 2 ans et un seuil d’audience aux élections
professionnelles. Elle a mis fin au système de présomption de
représentativité dont bénéficiaient certaines organisations.
Fiche 4 - La réforme du dialogue social

1. Les accords de Bercy de juin 2008


Le protocole d’accord du 2 juin 2008 négocié entre les organisations
syndicales et le gouvernement va conduire à modifier les règles du dialogue
social dans la fonction publique, dès que le projet de loi déposé au printemps
2009 sur le bureau de l’Assemblée nationale sera voté.
Les orientations retenues sont les suivantes :
- assouplissement des critères de représentativité : tout syndicat pourra se
présenter au premier tour des élections après deux ans d’existence, s’il
satisfait par ailleurs aux critères de respect des valeurs républicaines et
d’indépendance ;
- institution d’un Conseil supérieur commun aux trois fonctions publiques
pour débattre des projets qui concernent l’ensemble des fonctionnaires ;
- élargissement des thèmes de négociation inscrits dans la loi : la
négociation pourra porter non seulement sur les salaires, mais aussi sur les
conditions de travail, les déroulements de carrière, la formation
professionnelle, l’action sociale, la sécurité et la santé au travail, l’insertion
professionnelle des personnes handicapées et l’égalité professionnelle entre
les hommes et les femmes. Le droit est mis ainsi en accord avec les faits ;
- possibilité de négocier à plusieurs niveaux : national, ministériel ou
local ;
- définition des conditions de validité des accords : après une période
transitoire où la signature de deux organisations représentant 20 % des voix
et l’absence d’opposition majoritaire seront exigées pour reconnaître un
accord comme valide, les accords devront être signés par des organisations
représentant la majorité des voix. Le droit public se rapprocherait ainsi en ce
domaine du droit du travail 1. Il peut toutefois paraître paradoxal d’imposer
des conditions de validité aux accords alors que ceux-ci n’ont pas - et
n’auront toujours pas après le vote de la loi transcrivant les accords de Bercy
- de valeur juridique propre. L’objectif est de responsabiliser les deux
partenaires, organisations syndicales et l’État. Il deviendra en effet difficile
de mettre en œuvre un accord qui ne réponde pas aux critères de validité
définis, ce qui devrait inciter, de part et d’autre, à la négociation et renforcer
la volonté d’aboutir ;
- meilleure assise donnée aux CTP : ceux-ci seront élus par l’ensemble des
agents publics, titulaires ou pas, pour 4 ans. L’institution de CTP à plusieurs
niveaux permettra de s’adapter aux diverses configurations des services.
Leurs compétences seront clarifiées et étendues à toutes les mesures qui
peuvent avoir un impact sur le personnel, notamment les règles statutaires, la
politique des emplois et des compétences, la politique indemnitaire, les
conditions de travail. La composition du Conseil supérieur de la fonction
publique d’État sera définie en fonction des résultats aux élections des CTP et
non plus des CAP. Enfin, les CTP, devenus comités techniques, ne seront
plus paritaires, à l’instar d’ailleurs du Conseil supérieur : les représentants de
l’administration ne prendront plus part au vote. Cet ensemble de mesures a
clairement pour objet de faire de ces comités l’épicentre du dialogue social.

2. Conditions à réunir pour un dialogue social de


qualité
Bien que la signature des accords de Bercy représente une avancée capitale,
un dialogue social de qualité dépend aussi d’autres facteurs :
- l’éparpillement des organisations syndicales reste un obstacle : en effet,
on compte actuellement huit interlocuteurs principaux dans la fonction
publique d’État, ainsi que des dizaines de syndicats représentant telle ou telle
profession ou telle ou telle direction de ministère. En outre, les organisations
pratiquent parfois une certaine surenchère pour se démarquer les unes des
autres, ce qui les affaiblit, alors même que leur audience globale est plutôt
bonne dans la fonction publique ;
- les conditions de validité des accords à partir de 2013 (des signatures
représentant 50 % des voix) apparaissent exigeantes, peut-être excessivement.
De plus, définir de telles conditions ne suffit pas : il faudrait affirmer
nettement que les accords ne remplissant pas ces conditions ne s’appliqueront
pas, serait-ce par décision unilatérale du gouvernement. Peut-être faudrait-il
aller jusqu’à subordonner certaines décisions à l’existence d’un accord : la
négociation prendrait alors une tournure moins formelle, avec sans doute un
risque de conflit plus élevé mais un poids plus fort. Il est vrai qu’aucun des
engagements pris sur ces sujets ne sera contraignant : le dispositif envisagé
pèche donc principalement par son manque d’assise juridique ;
- le droit de négocier au niveau local devrait s’accompagner d’une véritable
déconcentration * des décisions, afin que les chefs de service déconcentrés
acquièrent une crédibilité auprès des organisations syndicales. Comme le
souligne le rapport Lhostis de 2003, l’amélioration du dialogue social dans
les services déconcentrés passe par l’enrichissement des missions des chefs
de service dans le domaine des ressources humaines. Ceux qui négocient sur
l’organisation et le fonctionnement des services doivent être en même temps
responsables des choix concernant l’emploi et le personnel. Le rapport public
du Conseil d’État de 2003 avait d’ailleurs suggéré d’étudier la création d’une
seule instance de participation, fusionnant CAP et CTP, ce qui donnerait
davantage de cohérence aux décisions. Les chefs de service locaux ne doivent
pas en tout cas pouvoir reporter sur une administration centrale lointaine la
responsabilité de certaines des décisions présentées au vote des instances
locales ; or, la logique des accords de Bercy (la négociation à tous les
niveaux) ne s’accompagne pas pour l’instant d’un mouvement de
déconcentration effective ;

enfin, dernière condition, sans doute encore plus difficile à remplir, les
deux partenaires doivent avoir envie de dialoguer. Le Livre blanc de
2002 rappelle que le dialogue social est un état d’esprit : « Dans son
fonctionnement au jour le jour, les méthodes de travail entre l’ensemble
des partenaires (direction, syndicats, encadrement et agents) ont une
grande importance. Volontaires ou involontaires, les erreurs ou les
maladresses dans les communications peuvent amputer pour longtemps
la confiance minimale qui est indispensable pour un véritable dialogue
[…]. Pour y remédier de nouveaux textes de loi ou de décret ne seront
pas suffisants : c’est le climat d’ensemble qu’il faut s’efforcer de faire
évoluer. » 2

Retenir l’essentiel
Le dialogue social dans la fonction publique repose en premier lieu sur
des instances de participation paritaires, composées à parts égales de
représentants de l’administration et des personnels : au niveau national,
un Conseil supérieur se prononce sur les projets de textes généraux. Par
corps, des commissions administratives paritaires (CAP) donnent un avis
sur les mesures individuelles de carrière des fonctionnaires. Au niveau
des services, des comités techniques paritaires (CTP) donnent un avis sur
les mesures d’organisation et de fonctionnement des services.
Par ailleurs, les organisations syndicales négocient périodiquement des
accords avec le gouvernement, notamment sur l’évolution des salaires.
Ces accords n’ont pas de valeur juridique et doivent être retranscrits
dans les lois ou règlements.
Alors que le taux de syndicalisation des fonctionnaires est trois fois plus
élevé que celui du secteur privé, le dialogue social dans la fonction
publique est pauvre. Excès de corporatisme, formalisme, absence de
négociation réelle sur les projets concernant l’évolution de la fonction
publique et l’organisation des services, telles sont les principales
critiques portées par différents rapports officiels. Les « accords de
Bercy » signés en juin 2008 apportent des réponses : ils valorisent la
négociation à tous les niveaux de l’administration, en ouvrent le champ,
définissent les conditions de validité des accords, clarifient les missions
des CTP, désormais élus et non paritaires. Ces réformes amélioreront le
dialogue social sans pour autant garantir sa pleine qualité : celle-ci
tiendra à une meilleure déconcentration des décisions au profit des chefs
de services déconcentrés, à la valeur donnée aux accords et, surtout, à la
volonté des deux partenaires de dialoguer réellement.

1. La loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au


long de la vie et au dialogue social définit les conditions de validité des
accords collectifs dans le secteur privé.
2. Jacques Fournier, Le dialogue social dans la fonction publique :
livre blanc, Rapport au ministre de la Fonction publique et de la
Réforme de l’État, La Documentation française, 2002, p. 105.
CONCLUSION - L’émergence d’un
nouveau modèle de GRH publique ?
Fiche 1 - Du modèle bureaucratique au
modèle de l’organisation flexible

1. Une GRH publique longtemps marquée par le


fonctionnement bureaucratique
Les administrations publiques, on l’a vu, relèvent traditionnellement du
« modèle bureaucratique » défini par les sociologues des organisations,
caractérisé par une organisation centralisée, l’attribution précise d’un rôle à
chaque agent, l’importance des règles de droit. La gestion des ressources
humaines dans la fonction publique d’État est historiquement marquée par ce
fonctionnement : recrutement sur des qualifications objectivement mesurées,
quota d’admission dans les grades et les corps supérieurs sur condition d’âge,
définition de procédures minutieuses pour veiller au respect d’un droit
détaillé. Les règles de gestion sont inscrites dans des textes statutaires, bien
loin du contrat : générales et impersonnelles, elles font une place au mérite
mais guère à l’individualisation.
Conséquence pratique d’une fonction publique de carrière, le droit statutaire
sépare la gestion des personnes de celle des emplois : le recrutement s’opère
dans des corps, cadres de gestion des personnes, et non sur un emploi. Le
corps lui-même ne se définit pas par référence aux emplois occupés par ses
ressortissants, mais par référence à un concours et à des perspectives
d’avancement. Même s’il change d’emploi, le fonctionnaire conserve son
grade, qui atteste du stade atteint par sa carrière et détermine sa rémunération
de base. Des promotions largement déterminées par l’ancienneté ont
contribué là encore à recentrer la gestion sur les personnels au détriment
d’une approche par les emplois.

2. Des réformes calquées sur le modèle de


l’organisation flexible
Depuis quelques années, les réformes engagées se réfèrent à un tout autre
modèle, le même que celui des entreprises privées : celui de l’organisation
flexible. L’administration se veut désormais flexible et adaptable. La gestion
des ressources humaines est un outil d’amélioration de son efficacité.
L’emploi est bien davantage au centre des préoccupations. L’adéquation avec
la personne qui l’occupe est recherchée. Une importance accrue est accordée
aux compétences lors du recrutement puis de l’évaluation des personnels. La
mobilité, la variété des expériences, la stimulation de la motivation sont
censées concourir à une amélioration permanente de la qualité des ressources
humaines, qui conditionne elle-même l’amélioration du service rendu.
Volonté de professionnalisation et d’individualisation, tels sont les motifs des
réformes engagées.
La logique des organisations est longue à se modifier. Entre ses deux modèles
de référence, la GRH de la fonction publique évolue pourtant : le tableau
pages suivantes tente de donner une vision synthétique de l’avancement des
réformes comme de leur caractère encore incomplet. On y voit les risques à
venir et les difficultés à juguler : déconcentration incomplète, adoption d’un
modèle de référence emprunté au privé sans interrogations suffisantes sur sa
qualité, insuffisance du management au quotidien, contexte de restructuration
perturbant. Du moins une démarche forte est-elle engagée, qu’il est sans
doute possible d’infléchir mais à laquelle il paraît impossible de renoncer.
Fiche 2 - Fonction publique d’État :
synopsis d’une transformation

Modèle Modèle implicite


traditionnel de référence
Inflexions récentes
(modèle (commun à la
(mesures prises fin
bureaucratique fonction publique
2009)
au sens de Max et aux entreprises
Weber) du secteur privé)
Objectifs de Contribuer au Contribuer à l’amélioration de l’efficience
la GRH fonctionnement de l’organisation.
d’une
organisation
stable et bien
régulée.
Classification Classification Maintien d’une Classification des
des des personnes classification des emplois (pas des
personnes ou par corps et personnes par corps, personnes) en
des emplois, grades, avec élaboration fonction des
outils de largement parallèle de répertoires compétences
mesure des indépendante des emplois, qui ne attendues pour les
qualifications des emplois servent pas à la occuper, avec
occupés. gestion et sont peu établissement d’un
Corps liés à un utilisés pour l’instant. référentiel de
territoire Réintroduction compétences tenant
d’intervention partielle de la notion compte des savoirs,
(ministère). de métiers et des savoirs
Avantages : d’emploi : opérationnels mais
visibilité des Assouplissement des aussi des aptitudes
carrières, cadres de gestion pour et comportements.
séparation grade valoriser les métiers : La personne doit
/ emploi en élargissement des ensuite s’adapter à
théorie cadres de gestion l’emploi, qui est
favorable à la (fusion des corps) et premier.
mobilité volonté de faciliter le Souvent cotation
fonctionnelle. passage d’un corps à des emplois
inconvénients : l’autre ou d’un (distinction pour un
difficultés de ministère à l’autre (loi même type d’emploi
gestion du 3 août 2009) ; le entre plusieurs
prévisionnelle, tout permet une niveaux de
sentiment de meilleure mobilité technicité ou de
possession du fondée sur le métier. difficulté).
grade et de droit Cotation des emplois
à la (débutant, expert… )
rémunération pour les seules
afférente quel rémunérations
que soit accessoires (part de
l’emploi. rémunération liée aux
responsabilités de
l’emploi).
TABLE 1 -
Modèle
implicite de
référence
Modèle traditionnel
Inflexions récentes (commun à la
(modèle
(mesures prises fin fonction
bureaucratique au
2009) publique et
sens de Max Weber)
aux
entreprises du
secteur privé)
Recrutement Accès par concours Volonté de tenir Recrutement en
dans la sur épreuves dans un compte de Fexpé fonction des
fonction corps, responsabilité rience besoins, sur
publique du recrutement portée professionnelle : appréciation
d’État par un jury différenciation plus des
indépendant des marquée entre le compétences
administrations, peu programme des nécessaires
de recrutements sur concours externes et pour occuper
emploi. (rappel : des autres concours, l’emploi
FPT : établissement épreuves de (valorisation
d’une liste aptitude reconnaissance des des
après concours ; acquis de compétences
FPH : davantage de l’expérience d’adaptation,
concours sur emploi). professionnelle d’initiative et
Pas de réelle (RAEP) pour des
« période d’essai » certains concours. compétences
(période de « stage » Accent mis sur les relationnelles).
non opérante). compétences : Période d’essai
Avantages : équité volonté d’éviter la effective.
par anonymat et spécialisation
indépendance du jury, universitaire,
promotion sociale. insistance sur les
inconvénient : savoirs de base,
aptitudes scolaires vérification de la
privilégiées. détention des
compétences utiles
pour exercer les
métiers attendus.
Rémunération Une grille générale de Maintien d’une Rémunération
rémunération. rémunération de avec partie fixe
Rémunération fixée base indiciaire en et partie
en fonction du grade fonction du grade variable, cette
atteint, pas de atteint. dernière ayant
négociation individualisation une importance
individuelle. plus grande des grandissante.
Réévaluation des salaires : Augmentations
salaires irrégulière et - volonté de irrégulières,
le plus souvent préserver le pouvoir personnalisées,
générale. d’achat en tenant tenant compte
Impact limité de la compte des de l’évaluation
manière individuelle promotions et individuelle.
de tenir le poste avancements Écart admis et
(voire pas d’impact obtenus parfois
du tout), mais individuellement ; recommandé
compensation - institution d’une entre salariés
forfaitaire des rémunération qui occupent
contraintes du poste. accessoire au mérite, deux emplois
Avantages : volonté modulée en fonction classés
de transparence. de la valeur identiquement,
Effets pervers : mise professionnelle. en fonction des
en place d’un système introduction d’une compétences
opaque de primes, part de montrées.
pour déjouer une rémunération liée à
égalité formelle, l’emploi et aux
caractère inadapté de responsabilités
réévaluations assumées (voir ci-
générales. dessus, cotation des
emplois)

Modèle
Modèle implicite de
traditionnel
Inflexions récentes référence (commun à
(modèle
(mesures prises fin la fonction publique
bureaucratique
2009) et aux entreprises du
au sens de Max
secteur privé)
Weber)
Mobilité Mobilité Mobilité valorisée, Mobilité vue de
rarement devenue obligatoire pour manière utilitaire,
obligatoire, certains parcours. pour répondre aux
souvent à Loi du 3 août 2009 : besoins de
l’initiative de suppression des l’entreprise, attention
l’agent, grande obstacles à la mobilité. portée aux parcours
stabilité, faible Tentative de meilleure des hauts potentiels.
mobilité adaptation des mutations
fonctionnelle. aux emplois :
Organisation des établissement de profils
mutations par de poste pour corriger les
l’administration, autres critères, parfois
affectation sur entretien de recrutement
un nouveau (pour « postes à
poste selon le profils ») et sélection sur
grade et parcours.
l’ancienneté,
pénalisation des
jeunes.
Tradition : rester
dans la même
administration.
Gestion Carrière de long Règles de promotion de Décisions
des terme, processus grade et changement de décentralisées, sauf
carrières ascensionnel corps : affirmation de la pour les cadres et
régulier. prise en compte de hauts potentiels (dans
Promotion : l’évaluation et du ce cas : suivi
essentiellement parcours professionnels. spécifique des
sur critères Centralisation des parcours)
d’ancienneté, décisions maintenue le Gestion prévisionnelle
avec pour règles plus souvent. des compétences
implicites : « on Mise en place d’outils de (rarement des
prend son tour », gestion prévisionnelle emplois), souvent à
« un des emplois (encore peu très court terme (on
fonctionnaire en d’utilisation effective ?). estime à moins de 10
vaut un autre ». Éviction possible de % des entreprises
Importance des l’emploi en cas de celles qui ont une
promotions restructuration (loi du 3 démarche réellement
internes (quotas, août 2009) avec suivi prospective).
ratios). individuel de la
Décisions reconversion, possibilité
centralisées. de mise en disponibilité
Avantages : d’office au bout de trois
lisibilité, refus d’emploi
sécurité. successifs.
Inconvénients : Entretiens professionnels
égalitarisme, sur les perspectives
moindre professionnelles (encore
valorisation des faible utilisation).
compétences
individuelles.

Modèle implicite
Modèle
de référence
traditionnel
(commun à la
(modèle Inflexions récentes
fonction
bureaucratique (mesures prises fin 2009)
publique et aux
au sens de Max
entreprises du
Weber)
secteur privé)
Évaluation Évaluation Évaluation par entretien Évaluation en
formelle et peu avec grille normée fonction des
individualisée, par insistant sur les objectifs résultats
attribution d’une (du service et de l’agent), individuels
note, sans volonté de prise en obtenus, impact
conséquence compte de l’évaluation le plus souvent
importante pour la pour les décisions de direct et rapide
carrière (notation carrière. sur la
souvent sans Volonté d’utilisation de rémunération.
entretien). l’évaluation pour la
modulation des primes.
Suppression de la notation
en 2012.
Formation Valorisation du Approche inachevée : Deux dispositifs :
diplôme. réflexions entreprises sur - droit individuel
Valorisation de la une moindre valorisation à la formation
formation initiale de la formation initiale (DIF), à
et de la formation pour les fonctionnaires disposition du
théorique. stagiaires. salarié ;
Formation Volonté de valorisation de - pour
continue limitée, la formation continue : l’entreprise, plan
davantage liée à la mise en place du droit de formation lié à
promotion sociale individuel à la formation l’acquisition de
qu’aux besoins du adopté par le secteur compétences
service. privé, plan de formation, métiers, souvent
pas de vrai de court terme,
développement de la avec des
formation continue difficultés pour
cependant. anticiper.
Peu de formations liées à Faiblesse de la
une démarche de gestion formation
prévisionnelle (pas plus professionnelle.
que le privé).

Modèle
Modèle implicite de
traditionnel Inflexions
référence (commun à
(modèle récentes
la fonction publique
bureaucratique au (mesures prises
et aux entreprises du
sens de Max fin 2009)
secteur privé)
Weber)
Contrôle Deux instances de Accord trouvé Grandes entreprises :
des participation : sur sur la méthode contrôle syndical sur
organisations l’organisation et le et le les grands outils de
syndicales fonctionnement des fonctionnement GRH (classifications,
sur les services (CTP) et des instances de référentiel de
décisions de sur les décisions dialogue social. compétences) par
GRH individuelles Volonté de accord ou conventions
(CAP). renforcer le collectives, pas sur les
Contrôle paritaire dialogue sur décisions individuelles.
fort sur les l’organisation et
décisions le
individuelles de fonctionnement
carrière et la des services.
discipline, débats Pas de
limités sur changement
l’organisation des radical sur la
services et l’avenir place du contrat,
de la fonction malgré la
publique. volonté de la
renforcer.
Modèle Négociations Insistance sur Pouvoir fort des
d’autorité nationales une GRH et un responsables
irrégulières, pas de management de opérationnels sur les
valeur proximité, sans décisions de
d’engagement mettre fin GRH.
donnée aux accords. toutefois à Mission des DRH :
Autorité affichée l’éloignement définition des règles
comme une valeur de l’autorité générales, aide au
en soi, rigidité des effective de recrutement, gestion
strates gestion. des cas difficiles, peu
hiérarchiques. Insistance sur le d’empiétement sur la
Éloignement entre dialogue de gestion des hommes,
gestion de gestion entre les confiées aux cadres
proximité et échelons opérationnels.
décisions de hiérarchiques
carrière, autorité de (LOLF), mais
proximité peu de
objectivement déconcentration
faible, risque de managériale
déresponsabilisation dans les faits.
et de laxisme.
Parfois très faible
encadrement de
proximité
(enseignants).
GLOSSAIRE

Administration du personnel : activité de gestion du personnel qui se


concentre sur la mise en œuvre des procédures définies par des textes. La
paye, l’organisation des recrutements (ou la logistique des concours dans la
fonction publique), le suivi des absences, la tenue des dossiers de personnel
en font partie. La gestion du personnel dans les organisations tayloriennes se
réduisait à cette gestion administrative. Aujourd’hui, les DRH souhaitent en
règle générale réduire la part (encore dominante) de cette fonction, en
l’externalisant en tout ou en partie, ou en améliorant sa productivité.
Affectation : décision administrative attribuant un emploi à un fonctionnaire
nommé dans un corps.
Ancienneté : durée prévue par les statuts particuliers, soit entre chaque
échelon, soit nécessaire pour pouvoir accéder à un grade ou pour s’inscrire à
un type de concours particulier. En théorie, l’ancienneté est une condition
nécessaire pour avancer en grade, mais ce n’est pas le mode de classement
des personnes dans ce dernier cas.
Audit social : procédure d’examen de tout ou partie de la GRH d’une
organisation pour repérer les écarts existant en pratique avec un référentiel
établi au préalable, apprécier leur gravité et proposer, le cas échéant, des
mesures de correction. L’audit est mené à la demande des entreprises.
Avancement : progression de carrière du fonctionnaire correspondant à un
passage d’échelon ou de grade dans un corps donné. Pour les avancements de
grade « au choix », les critères sont la valeur professionnelle et les acquis de
l’expérience, qui correspondent aux compétences acquises dans des postes
précédents.
Bilan social : production d’indicateurs relatifs à la gestion des ressources
humaines sur les trois ans écoulés, transmis aux représentants du personnel et
obligatoires dans les entreprises et établissements de santé de plus de 300
salariés.
Bureaucratique (organisation) : issue des travaux de l’économiste et
sociologue allemand Max Weber (Économie et société, 1921), la notion
d’organisation bureaucratique relève désormais de la sociologie des
organisations. Elle désigne un type d’organisation fondée sur des règles
stables et explicites, sur la force des relations hiérarchiques et la division du
travail. Les agents y sont sélectionnés et y font carrière, à l’ancienneté, sur
des critères techniques (maîtrise des savoirs et des savoir-faire). Les
standards y jouent un grand rôle dans les comportements, qu’il s’agisse des
comportements professionnels ou de la GRH (ainsi, les salaires y sont fixés a
priori, en fonction de la description de l’emploi ; les procédures y sont
formalisées). Aujourd’hui utilisée avec une connotation péjorative, qui n’était
pas présente chez Weber, l’expression « organisation bureaucratique » sert
souvent à qualifier les organisations publiques, qui tentent pour leur part
d’échapper à un tel étiquetage.
Les travaux du sociologue Michel Crozier montrent toutefois que, même dans
les organisations bureaucratiques, les individus développent des stratégies
individuelles pour améliorer leur pouvoir et limiter celui des autres, ce qui
fait évoluer l’organisation. Les comportements n’y sont pas toujours
prévisibles.
Cadre d’emploi : cadre de gestion des agents dans la fonction publique
territoriale (FPT). Le fonctionnaire territorial intègre, dans une filière
(administrative, technique, culturelle, sociale…), un cadre d’emploi A, B ou
C qui est défini par un statut particulier. Conceptuellement, le cadre d’emploi
est équivalent à un « corps » pour les fonctionnaires d’État. En pratique, les
cadres d’emploi sont néanmoins plus récents (ils datent des années 1990 pour
la plupart), moins nombreux que les corps (59 contre 700 environ), et donc
plus larges et organisés de manière plus rationnelle, en fonction d’une
référence professionnelle. Surtout, cette organisation est commune à
l’ensemble des collectivités, alors que les corps sont le plus souvent organisés
par ministère, ce qui est une des causes de leur multiplicité dans la fonction
publique d’État.
Carrière : parcours évolutif, en termes d’échelons et de grades,
éventuellement de changement de corps ou de détachement, qui caractérise la
vie d’un fonctionnaire à partir de sa première nomination dans un corps et de
sa titularisation dans un grade de ce corps. Cette évolution se traduit à chaque
étape en termes de rémunération. La carrière au sein d’un même corps est
visualisable par le bornage indiciaire du corps et, dans le statut particulier, par
le tableau notant le nombre d’échelons à parcourir, le nombre de grades
possibles et les conditions, notamment d’ancienneté, pour avancer.
Classement des emplois : description et spécification structurées et
détaillées des emplois permettant de hiérarchiser la rémunération. Dans le
secteur privé, les méthodes de classification des emplois sont souvent
inscrites dans les conventions collectives de branches. Elles font l’objet de
négociations, surtout lorsqu’elles reposent sur des critères plus larges que les
qualifications nécessaires (diplôme, expérience) et hiérarchisent les emplois
en fonction des compétences qu’ils demandent. Dans le secteur public, la
hiérarchie des rémunérations est liée au corps d’appartenance, les corps
regroupant des personnes et non pas des emplois.
Comités techniques paritaires (CTP) : instances de participation aux
décisions des représentants du personnel dans la fonction publique. Créés au
niveau des ministères et des directions et services de plus de 50 agents, les
CTP sont composés pour moitié de représentants du personnel désignés par
les organisations syndicales au prorata des résultats obtenus lors des élections
aux CAP. Ils se prononcent pour avis, essentiellement sur l’organisation et le
fonctionnement du service.
Commissions administratives paritaires (CAP) : instances de participation,
élues pour 3 ans à la proportionnelle par les fonctionnaires membres d’un
corps, sur des listes présentées au premier tour par les organisations
syndicales reconnues représentatives. Ce n’est que si un second tour est
organisé (au cas où le nombre de voix est inférieur à la moitié des inscrits
notamment) que les candidatures sont libres. Les CAP donnent leur avis sur
les décisions individuelles de carrière des fonctionnaires.
Compétence : souvent définie comme la combinaison de différents éléments
(savoirs, savoir-faire, « savoir-être »), il s’agit de l’ensemble des qualités qui
permettent à un salarié d’occuper une situation de travail. La notion dépasse
les savoirs techniques opérationnels, dans un contexte où les employeurs
attendent des salariés une capacité personnelle d’adaptation aux situations
rencontrées.
Concours : mode ordinaire de recrutement des fonctionnaires, sauf exception
prévue par la loi. Dans la fonction publique d’État (pas dans la fonction
publique territoriale), la réussite au concours donne directement accès à un
emploi public.
Conseil supérieur de la fonction publique d’État : le Conseil supérieur est
constitué de 40 membres, dont 20 sont désignés par les organisations
syndicales sur le fondement des résultats aux CAP, avec un avantage donné
aux organisations syndicales qui dépassent le cadre ministériel. Il se prononce
sur les projets de textes statutaires et concernant la formation professionnelle.
Il joue le rôle de commission de recours consultative en cas de divergence
entre l’avis du Conseil de discipline (la CAP) et l’autorité responsable de la
sanction.
Contractuels : dans les administrations publiques, agents recrutés par contrat
qui ne sont pas des fonctionnaires titulaires. Le titre I du statut général de la
fonction publique dispose que les emplois permanents de l’État et des
collectivités ne peuvent pas être occupés par des contractuels, sauf dérogation
précise prévue par une loi.
Corps : cadre de gestion des fonctionnaires d’État recrutés par un même
concours. Les membres du corps ont vocation à la même carrière et, en
particulier, aux mêmes grades. Les missions et les règles de fonctionnement
du corps sont fixées par un texte, dit « statut particulier ».
Cotation : méthode de classement des emplois permettant de calculer la
rémunération. Dans la fonction publique, l’utilisation de cette méthode, liée à
la mise en œuvre dans la filière administrative de la prime de fonctions et de
résultats (PFR), n’a de conséquences que sur les rémunérations accessoires.
La cotation est en effet utilisée pour calculer la part fonctionnelle de cette
prime.
Décharge syndicale : en fonction de leurs effectifs, les ministères disposent
de « contingents de décharges d’activité de service », qu’ils redistribuent aux
organisations syndicales représentatives en fonction de leurs résultats aux
élections. Les organisations syndicales utilisent ces décharges pour libérer
totalement ou partiellement leurs responsables de leurs obligations d’activité.
Déconcentration : délégation par l’État central de compétences aux services
déconcentrés ; par extension, délégation par une organisation de compétences
en pleine responsabilité aux différents services qui la composent. Reposant
sur la responsabilisation, le management dit « coopératif » implique la
déconcentration. L’administration d’État ne parvenant guère à atteindre cet
objectif, l’appropriation des pratiques managériales du secteur privé s’en
trouve fortement limitée.
Détachement : position temporaire (cinq ans maximum renouvelables) du
fonctionnaire placé hors de son corps d’origine. Le champ est large (autre
administration, établissement public, collectivité, entreprise d’intérêt général,
exercice de fonctions électives…). À l’expiration du détachement, le
fonctionnaire a un droit de réintégration dans son corps d’origine. Sauf
certaines exceptions (stage, fonctions électives), le détachement n’était
jusqu’en 2009 pas de droit : il pouvait être refusé (tout comme la mutation) si
l’intérêt du service était en jeu. Depuis la loi du 3 août 2009 relative à la
mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, le
détachement est de droit après un préavis, sauf nécessité de service.
Disponibilité : position dans laquelle le fonctionnaire est placé hors de son
corps d’origine et perd ses droits à avancement et retraite. Il peut s’agir d’une
disponibilité d’office (prononcée, par exemple, pour inaptitude dans l’attente
d’un reclassement) et qui se transforme en licenciement ou mise à la retraite
au bout d’un certain délai. Il peut s’agir d’une disponibilité demandée (dix
ans maximum dans une carrière), pour aller travailler dans le secteur privé,
pour créer une entreprise, pour convenance personnelle, pour études.
Droit de grève : la Constitution garantit le droit de grève, qui s’exerce dans
le cadre des lois qui le réglementent. Le Code du travail comporte des règles
spécifiques qui s’appliquent aux fonctionnaires et aux entreprises publiques :
les syndicats représentatifs ont le monopole du déclenchement de la grève
après préavis. Dans le cadre défini par la jurisprudence Dehaene (Conseil
d’État, 1950), les chefs de service peuvent organiser un service minimum
pour répondre à des besoins essentiels de la population, à condition de ne pas
porter atteinte au droit de grève.
Échelle indiciaire : dans la fonction publique, un arrêté d’échelonnement
indiciaire accompagne le statut particulier des différents corps et permet
d’attribuer un indice de rémunération à chaque grade et à chaque échelon.
Efficience : atteinte d’un objectif au moindre coût. Les lois de finances
contiennent aujourd’hui des indicateurs d’efficience qui mesurent la
productivité des services, en établissant une relation entre les activités
réalisées et les moyens dépensés.
Emploi : ensemble d’activités faisant appel aux mêmes types de
compétences. Le terme entend dépasser la notion de « poste de travail », telle
qu’on l’entendait dans les organisations tayloriennes, somme de tâches
précisément situées dans la chaîne de production.
Entretien d’évaluation : institué dans la fonction publique d’État par le
décret du 29 avril 2002 et mené par le supérieur hiérarchique direct de l’agent
évalué, l’entretien d’évaluation porte sur les résultats professionnels obtenus
au regard des objectifs assignés, sur les conditions d’organisation et de
fonctionnement du service dont il relève, sur ses besoins de formation compte
tenu des missions qui lui sont imparties et sur ses perspectives d’évolution
professionnelle en termes de carrière et de mobilité. Le compte-rendu de
l’entretien d’évaluation est établi par le supérieur hiérarchique direct du
fonctionnaire et communiqué à celui-ci qui, le cas échéant, le complète par
ses observations. Ce compte-rendu est signé par l’agent et versé à son
dossier. Le décret de 2002 maintient cependant la notation du fonctionnaire
par le chef de service, sauf dans les ministères qui ont remplacé à titre
expérimental l’entretien d’évaluation et la notation par un entretien
professionnel.
Flexible (organisation flexible) : de manière générale, une organisation est
dite flexible lorsque, pour être réactive, elle est capable de modifier son
organisation, son temps de travail ou ses produits. La GRH tient compte de
cet objectif de flexibilité : elle demande aux salariés de se doter de capacités
d’ajustement dans leurs compétences (polyvalence, augmentation des savoirs
opérationnels) et en acceptant des mobilités fonctionnelles et géographiques.
Cela explique que l’évaluation des compétences tende de plus en plus à
valoriser les capacités d’adaptation.
Fusion de corps : mouvement engagé depuis quelques années dans la
fonction publique d’État, qui a conduit à réduire le nombre de corps par
fusion de corps proches : par exemple, les corps d’attachés d’un même
ministère relevant de l’administration centrale et des services déconcentrés.
Dans son rapport public de 2003, le Conseil d’État avait souligné les risques
liés à l’éparpillement des corps dans la fonction publique d’État, en
particulier en ce qui concerne la mobilité professionnelle des agents et une
circulaire du 25 juin 2003 avait fixé aux ministères l’objectif de réduction du
nombre de corps.
Garantie individuelle du pouvoir d’achat (GIPA) : définie dans la fonction
publique d’État par l’accord salarial du 21 février 2008, la GIPA repose sur la
comparaison entre l’évolution des prix et celle du traitement indiciaire brut
des agents pendant une période de référence (4 ans). La GIPA compense
individuellement l’éventuelle différence constatée. Elle prend ainsi en
compte, pour mesurer l’évolution du pouvoir d’achat des agents publics, les
promotions et avancements, et non plus l’évolution de la seule valeur du
point.
Gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences
(GPEEQ : projection des besoins quantitatifs et qualitatifs d’une
organisation en emplois et compétences, comparaison avec la projection des
ressources existantes et effort de réduction des écarts (formation, gestion des
effectifs, mobilités).
Glissement vieillesse technicité (GVT) : indicateur permettant de mesurer
les effets de la carrière des salariés sur la masse salariale. Utilisé
principalement dans la fonction publique, il constitue aussi une préoccupation
pour les entreprises privées. On distingue généralement :
- le GVT positif, résultant des effets de l’avancement (avancement
automatique d’échelon, promotion au choix, changement de corps par
réussite d’un concours), qui tendent à augmenter la masse salariale de
manière structurelle ;
- le GVT négatif, résultant du départ en retraite des agents les plus âgés et de
leur remplacement par des agents plus jeunes dont la rémunération est moins
élevée à qualification égale, qui agit en sens inverse sur la masse salariale ;
- le GVT solde, qui correspond à la somme des deux composantes
précédentes.
Dans l’optique d’une meilleure maîtrise des dépenses de personnel, le GVT
est une variable importante, mais cet indicateur est plus difficile à piloter
dans la fonction publique que dans une entreprise privée. Le GVT négatif
dépend de la pyramide des âges. Quant au GVT positif, il est d’autant moins
maîtrisable que les textes statutaires garantissent au personnel de la fonction
publique l’automaticité de certains avancements ou définissent des quotas de
promotions, ce qui n’est pas le cas dans le privé, hors accord collectif.
Grade : mode de structuration hiérarchique d’un corps ou d’un cadre
d’emploi dans la fonction publique. La progression de grade s’opère par
concours ou examen professionnel ou « au choix », avec des conditions
d’ancienneté, en fonction de la valeur professionnelle et des acquis de
l’expérience.
Indemnités accessoires : dans la fonction publique, primes versées en
complément du traitement de base qui doivent être prévues par un texte
législatif ou réglementaire. Ces indemnités sont diverses : elles peuvent être
exprimées en pourcentage du traitement ou être forfaitaires. Malgré des
efforts d’harmonisation, ces primes restent inégales selon les ministères, à
corps comparable. Elles peuvent être ou non modulables selon la « manière
de servir » (le mérite).
LOLF : loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, qui
impose depuis 2006 une présentation des crédits du budget de l’État par
missions et programmes, ce qui permet d’appréhender à la fois les politiques
menées, les résultats attendus et les moyens alloués.
Masse salariale : composée des salaires directs et des charges, elle est un
élément du tableau de bord social. Elle évolue en fonction des revalorisations
périodiques, du GVT (évolution du salaire du personnel en fonction de son
ancienneté et de sa carrière) et des effectifs. La modification des effectifs
entraîne des effets quantitatifs mais aussi des effets de structure, en fonction
de l’âge et de la rémunération des nouveaux arrivants.
Mise à disposition : situation d’un fonctionnaire qui exerce son activité dans
un autre corps sans pour autant quitter le sien. Elle s’effectue par convention
entre les deux personnes morales concernées, avec l’accord du fonctionnaire.
Motivation : force intérieure qui détermine l’implication et l’engagement du
salarié dans son travail. Cette notion a été fortement critiquée parce qu’elle
apparaît comme excessivement déterministe. La motivation est en tout cas
variable selon les individus, sans doute évolutive, avec des sources multiples,
ce qui conduit les organisations à jouer sur une gamme complexe
d’avantages² tout en restant attentives aux conditions de travail et au « climat
social ».
Nouvelle gestion publique : traduction française du « New public
management », cette doctrine managériale s’inspire des réformes de l’action
publique intervenues depuis 20 à 30 ans dans de nombreux pays de l’OCDE.
Ses objectifs sont d’accroître les performances et l’efficience de l’État,
d’améliorer la qualité des services rendus aux usagers, d’accroître la
transparence à l’égard du Parlement et des citoyens. Les indicateurs
(d’efficience ou de qualité) font partie de ses outils.
Participation : prévue dans la fonction publique dès le statut de 1946, elle
consiste pour les représentants des organisations syndicales de fonctionnaires
à participer aux décisions qui les concernent, notamment à travers plusieurs
d’instances :
- le Conseil supérieur, consulté sur les décisions générales ;
- les commissions administratives paritaires (CAP) qui donnent un avis sur
les actes de gestion individuelle ;
- les comités techniques paritaires (CTP) consultés essentiellement sur
l’organisation et le fonctionnement des services et l’évolution des effectifs et
des qualifications.
Position administrative : situation juridique du fonctionnaire par rapport à
son corps prévue par son statut (les principales étant l’activité, le
détachement, la disponibilité).
Productivité : quantité de biens ou de services produits par un salarié (du
secteur privé ou public) pour une période de temps donné. La mesure de la
productivité peut être un des éléments du tableau de bord social.
Programme : au sens de la LOLF (loi organique relative aux lois de finances
du 1er août 2001), les programmes sont, dans le budget de l’État, des
regroupements de crédits destinés à des actions à finalité commune.
Pyramide des âges en GRH : histogramme représentant les classes d’âge du
personnel d’une organisation, d’un service ou d’un métier et leur importance
numérique relative. Deux histogrammes sont souvent accolés pour distinguer
les hommes et les femmes. La lecture (et la projection) des pyramides des
âges permet d’anticiper le vieillissement du personnel.
Pyramide des besoins : représentation graphique utilisée en marketing et en
management, et issue des travaux du psychologue américain Abraham
Maslow. Dans un article paru en 1943, ce dernier développe une théorie de la
motivation humaine, où il distingue cinq niveaux de besoins que l’homme
cherche à satisfaire : aux besoins physiologiques et de sécurité, qui
constituent des besoins de base, viennent s’ajouter les besoins sociaux, celui
d’estime, puis, au niveau ultime, celui d’accomplissement personnel.
Référentiel de compétences : document énumérant les compétences
nécessaires à l’exercice d’un métier, qui tente d’objectiver au maximum
l’appréciation portée sur le professionnalisme des salariés. Les référentiels
sont très divers. La plupart énumèrent, pour un emploi ou une famille
d’emploi donnée :
- les aptitudes et capacités professionnelles requises (savoirs, savoir-faire,
capacités d’organisation ou de réactivité, par exemple) ;
- l’implication (soin, attention aux délais, adhésion aux valeurs…) ;
- la capacité de communication requise (l’esprit d’équipe, la diplomatie, le
leadership.) ;
- la capacité d’affronter des situations à problèmes et des changements.
Rémunération indiciaire : rémunération de base perçue par chaque
fonctionnaire et qui est calculée en fonction de l’indice de son grade et de
l’échelon auquel il est situé dans le grade obtenu. La valeur du point d’indice
sert à calculer le traitement brut (traitement brut = indice majoré x valeur du
point).
Représentativité : dans la fonction publique, la reconnaissance de la
représentativité donne des droits aux organisations syndicales, notamment
celui de se présenter au premier tour des élections aux CAP et aux CTP.
Outre celles qui remplissent les critères définis par le Code du travail
(essentiellement l’audience et l’indépendance), sont reconnues
représentatives de l’ensemble des personnels de la fonction publique les
organisations syndicales adhérentes à une Union représentée dans chaque
Conseil supérieur ou qui a obtenu 10 % des voix aux CAP (dont 2 % dans
chacune des trois fonctions publiques). Cette dernière disposition, qui
favorise les organisations d’une certaine taille, est contestée. En vertu des
accords de Bercy, les organisations syndicales créées depuis deux ans
répondant aux critères d’indépendance et de respect des valeurs républicaines
pourront se présenter librement aux élections. C’est l’élection et elle seule qui
permettra ensuite la mesure de la représentativité au niveau où les votes ont
été acquis.
Réquisition : procédure issue de la loi du 28 février 1950 qui permet, au
terme d’une lourde procédure, de réquisitionner individuellement des agents
si le recours à la grève porte une atteinte grave aux besoins de la population.
Sociologie des organisations : discipline portant sur l’étude des
organisations, c’est-à-dire des groupes humains qui mènent une action
collective pour une mission commune.
La sociologie des organisations s’interroge sur les règles de fonctionnement
des organisations publiques ou privées. Elle s’intéresse à leur structure, à leur
hiérarchie, à leurs rapports d’autorité et de pouvoir, à leurs méthodes de
coordination, leurs normes et habitudes, à leurs relations internes, aux conflits
qui peuvent y surgir et à leurs causes, à leur degré de cohésion, à la capacité
ou à l’incapacité de ces organisations de s’adapter aux changements.
La sociologie des organisations fait souvent référence :
- au modèle d’organisation taylorienne ;
- au modèle d’organisation bureaucratique décrit par Max Weber ;
- aux travaux du sociologue Michel Crozier qui souligne que, même dans une
organisation très hiérarchisée, les individus s’activent pour atteindre des
objectifs propres en jouant sur les « zones d’incertitude » où ils peuvent
reprendre du pouvoir.
Statut particulier : dans la fonction publique, décret en Conseil d’État qui
précise les conditions d’application de la loi statutaire aux différents corps ou
cadres d’emploi. Les statuts particuliers comportent pour l’essentiel le rappel
des missions du corps, les voies de recrutement, la structuration en échelons
et en grades, les modalités d’avancement, les règles relatives à la mobilité et à
l’accueil dans le corps.
Système d’information des ressources humaines (SIRH) : le système
d’information des ressources humaines contient, le plus souvent sous une
forme informatisée, l’ensemble des données dont dispose une organisation
sur ses ressources humaines, des plus simples (l’état civil) aux plus
complexes (la carrière, les types de poste occupés, les compétences). La
qualité du système d’information est primordiale pour la gestion des
ressources humaines.
Tableau de bord social : ensemble des indicateurs choisis par les dirigeants
de l’entreprise pour suivre la politique de ressources humaines. Ces
indicateurs peuvent croiser des indicateurs relatifs aux personnels et des
données financières ou de production. Ils peuvent être produits par le système
d’information des ressources humaines ou résulter d’études ou d’enquêtes.
Leur choix traduit les préoccupations principales de l’organisation : maîtriser
les coûts ou, du moins, comprendre leur évolution, mesurer la rentabilité du
personnel, anticiper l’évolution des compétences, repérer les signaux de mal-
être, tels sont les principaux objectifs.
Taux d’encadrement : pourcentage de cadres « encadrants » dans une
organisation. Le taux varie fortement selon les types d’organisation, mais il
est aussi le résultat d’évolutions diverses, certaines réfléchies, d’autres moins.
Le taux d’encadrement peut être un des éléments du tableau de bord social.
Typisation : dans la fonction publique, rapprochement des échelles
indiciaires des corps appartenant à une même catégorie (A, B ou C) par
rapport à une sorte de modèle-type. La typisation rend plus facile la fusion
des corps.
BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages
Annie Bartoli, Le Management dans les organisations publiques, Dunod,
2009.
Conseil d’État, Rapport public 2003. Perspectives pour la fonction publique,
La Documentation française, 2003.
Corinne Desforges et Jean-Guy de Chalvron, Rapport de la mission
préparatoire au réexamen général du contenu des concours d’accès à la
fonction publique de l’État, 2008, La Documentation française.
Anne Dietrich et Frédérique Pigeyre, La Gestion des ressources humaines,
La Découverte, collection Repères, 2005.
Frédéric Petitbon, Le Guide du manager public : méthodes, objectifs et
exemples, Éd. D’Organisation, 2005.
Luc Rouban, La Fonction publique, La Découverte, collection Repères,
2009.
Jean-Ludovic Silicani, Livre blanc sur l’avenir de la Fonction publique, avril
2008, La Documentation française.
Articles
Annie Bartoli et Hervé Chomienne, « Le développement du management
dans les services publics, évolution ou révolution ? », Les Cahiers français, n
° 339, juillet-août 2007, « Les services publics ».
Jacques Igalens, « La GPEC, intérêts et limites pour la gestion du
personnel », Droit social, no 11, novembre 2007.
Marcel Pochard, « Quel avenir pour la fonction publique ? », AJDA, 20
janvier 2000 (un article de référence écrit par un ancien directeur de
l’Administration et de la fonction publique).
Sites internet
www.fonction-publique.gouv.fr : rubriques « Publications » et « Les grands
dossiers ».
www.vie-publique.fr : rubriques « Institutions » et « Dossiers d’actualité ».

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- bus : 24, 27, 39, 68, 69, 95
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Table of Contents
COPYRIGHT
PRÉSENTATION
CHAPITRE 1 - QU’EST-CE QUE LA GRH ?
Fiche 1 - Une science de gestion fortement dépendante de son
environnement
1. Des connaissances et des pratiques qui s’adaptent à leur contexte
2. Plusieurs modèles de GRH ont dominé l’histoire récente
3. Une discipline en amélioration constante ?
4. Des applications aussi bien dans le secteur public que dans le secteur
privé
Fiche 2 - Une fonction transversale, des métiers multiples
1. Trois fonctions principales
2. Les effectifs dédiés à la GRH dans le privé et le public
3. La répartition des effectifs entre les diverses fonctions RH
4. Désormais, priorité à l’accompagnement de l’entreprise
5. La GRH, une fonction transversale et partagée
6. La GRH, une fonction technique et une fonction relationnelle
Fiche 3 - Les enjeux stratégiques de la GRH
1. Une gestion de plus en plus considérée comme stratégique
CHAPITRE 2 - NOTIONS, PROCÉDURES ET OUTILS DE LA GRH
Fiche 1 - La compétence, une notion devenue centrale
1. Une description des emplois de plus en plus fouillée
2. Le classement des emplois* dans les accords collectifs récents
3. Les outils de description détaillée des emplois
4. Conséquences du recours à la notion de « compétence »
5. Intérêts et limites de l’approche par les compétences
Fiche 2 - Évaluation et gestion prévisionnelle des ressources humaines
1. L’évaluation des personnels
2. La gestion prévisionnelle des ressources humaines
3. Le bilan de compétences, un des outils de la GPRH
Fiche 3 - Le système d’information des ressources humaines (SIRH)
1. Un outil de gestion quotidienne et projective
2. Ce que la forme d’une pyramide des âges révèle de l’évolution
démographique d’une organisation
Fiche 4 - Les outils de reporting et de pilotage
1. Le bilan social*
2. L’audit social*
3. Les indicateurs sociaux
CHAPITRE 3 - Le management des ressources humaines
Fiche 1 - Qu’est-ce que le management ?
1. Définition et caractéristiques
Fiche 2 - Le « Nouveau management public »
1. La volonté de sortir du modèle bureaucratique
2. Une nouvelle gestion publique axée sur les objectifs
3. Le Nouveau management public en France : entre adhésion et
méfiance
Fiche 3 - Vers un management plus coopératif ?
1. L’animation des équipes, nouvel impératif managérial
2. Les fonctions du cadre opérationnel dans le public et dans le privé
3. Préparation d’un entretien d’évaluation dans le secteur public
Fiche 4 - Les sources de la motivation
1. La diversité des sources de motivation
2. L’incitation liée à la rémunération : mythe ou réalité ?
3. Au final, des incertitudes et des choix souvent mixtes
4. Le caractère essentiel des facteurs qualitatifs
CHAPITRE 4 - Le statut de la fonction publique
Fiche 1- La fonction publique en France
1. Un cinquième de l’emploi total
2. Agents titulaires et non titulaires
3. Une conception large de la fonction publique
Fiche 2 - Pourquoi avoir opté pour un statut ?
1. Le statut plutôt que le contrat
2. Une option statutaire héritée du compromis de 1946
3. Un même statut pour les agents des différentes collectivités publiques
4. L’architecture retenue au début des années 1980
5. Les implications de l’unité statutaire
Fiche 3 - Le statut aujourd’hui : les grands principes
1. Fonctionnaires : des droits et obligations spécifiques ?
2. L’association des représentants des fonctionnaires aux décisions
3. Un recrutement par concours, sauf exception
4. Des emplois publics en principe réservés aux fonctionnaires
5. Vers un rapprochement avec le droit du travail ?
Fiche 4 - La fonction publique d’État : organisation et fonctionnement
1. Le corps
2. La position administrative
3. La carrière
4. Un effort récent pour mieux définir et évaluer la valeur
professionnelle
5. Une meilleure prise en compte des acquis de l’expérience
Fiche 5 - Forces et faiblesses du statut
1. Des valeurs et une culture professionnelle spécifiques
2. La dénonciation croissante des faiblesses de la GRH dans la fonction
publique
3. Un droit disciplinaire peu ou pas appliqué
4. La gestion par corps : une insuffisante valorisation du métier
5. Un droit procédural qui appelle le contentieux
CHAPITRE 5 - GRH publique : des fonctions en évolution
Chapitre 5 - GRH publique : des fonctions en évolution
Fiche 1 - Recruter et affecter
1. Des critères de recrutement et d’affectation dépassés ?
2. La prise en compte des acquis de l’expérience professionnelle
3. La refonte des épreuves et des programmes
4. Aller au-delà ?
Fiche 2 - Gérer les carrières et la mobilité
1. Passer des corps aux cadres d’emploi ?
2. Avantages et inconvénients d’une telle réforme
3. Une alternative : rénover la gestion des corps et faciliter la mobilité
Fiche 3 - Rémunérer autrement
1. Une rémunération complexe, opaque et injuste
2. Faire de la rémunération la contrepartie de l’emploi occupé
3. La mise en place de la prime de fonctions et de résultats
4. Une volonté de rendre effective la modulation individuelle
5. La cotation des emplois : une approche novatrice
6. Vers un intéressement collectif ?
Fiche 4 - Mieux gérer les compétences
1. La gestion prévisionnelle : une ambition ancienne
2. Les outils de GPRH existants
3. Comment passer à une démarche opérationnelle ?
4. La formation : un champ peu investi par la réforme
CHAPITRE 6 - Le dialogue social dans la fonction publique
Fiche 1 - Le dialogue social dans les textes
1. Qu’est-ce que le dialogue social ?
2. Droit syndical et droit de grève
3. Les instances de participation
4. Au niveau national, le droit de « négocier et débattre »
Fiche 2 - La pratique du dialogue social
1. Syndicalisation et paysage syndical dans le secteur public
2. Le dialogue social au niveau national : des avancées sporadiques
3. Une forte conflictualité, témoignant d’un malaise récurrent
4. Des organisations attachées au maintien du statut, avec de fortes
références aux valeurs
Fiche 3 - Un bilan insatisfaisant
1. Des carences unanimement reconnues
2. Des critères de représentativité contestés
3. Une place insuffisante laissée à la négociation
4. Une priorité donnée aux préoccupations individuelles ou corporatistes
5. Une parité artificielle
Fiche 4 - La réforme du dialogue social
1. Les accords de Bercy de juin 2008
2. Conditions à réunir pour un dialogue social de qualité
CONCLUSION - L’émergence d’un nouveau modèle de GRH publique ?
Fiche 1 - Du modèle bureaucratique au modèle de l’organisation flexible
1. Une GRH publique longtemps marquée par le fonctionnement
bureaucratique
2. Des réformes calquées sur le modèle de l’organisation flexible
Fiche 2 - Fonction publique d’État : synopsis d’une transformation
GLOSSAIRE
BIBLIOGRAPHIE

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