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le point sur…

Insulinothérapie et nutrition
parentérale en soins intensifs : aspects
pratiques

Les patients aux soins intensifs (SI) présentent un état hyper-


catabolique lié au stress et à l’inflammation, qui induit une
­hyperglycémie. Pour limiter la perte de masse maigre, un sup-
port nutritionnel précoce doit être instauré. La nutrition enté-
rale est la référence mais si elle ne permet pas d’atteindre les
cibles protéino-caloriques après les trois premiers jours, une
nutrition parentérale de complément est débutée afin de
­diminuer la morbi-mortalité. D’autre part, pour limiter les trou­
Rev Med Suisse 2015 ; 11 : 728-33 bles métaboliques et diminuer la mortalité, le contrôle glycé-
mique par insulinothérapie est primordial.
A. Limonta Cet article précise l’utilisation de la nutrition parentérale et de
l’insulinothérapie chez les patients des soins intensifs, et montre
G. Gastaldi le modèle décisionnel utilisé dans notre institution.

C.-P. Heidegger
C. Pichard introduction
Les patients admis aux soins intensifs (SI) présentent un état
hypercatabolique lié à la présence d’un syndrome de réponse
inflammatoire systémique (SIRS) qui peut évoluer vers un syn­
Insulin therapy and parenteral nutrition in drome de défaillance multiple d’organes (MODS). Au niveau cellulaire, ces patients
intensive care patients : practical issues
souffrent d’ischémie tissulaire, de défauts d’apoptose et d’atteintes cytotoxiques
Critically ill patients are hypercatabolic due
to stress and inflammation. This condition
secondaires au dérèglement de la réponse inflammatoire. Ces atteintes favo­
­induces hyperglycemia. Muscle wasting is in­ risent le déséquilibre entre les voies métaboliques anaboliques et cataboliques,
tense during critical illness. Its prevention is qui se traduit cliniquement par une perte de masse maigre, principalement mus­
essential. This is possible by early and appro­ culaire, et une tendance à l’hyperglycémie.
priate nutritional support.
Preserving the function of the gastrointestinal
tract with enteral nutrition is the gold stan­ stress et glycémie
dard. However, when targeted protein-caloric
intake is not met through enteral nutrition Aux SI, l’apparition d’un déséquilibre glycémique est courant, y compris chez
­within the first three days in the intensive care des patients non diabétiques,1 avec une prévalence qui atteint 32%, soit trois à
unit (ICU), supplemental parenteral nutrition is quatre fois celle de la population générale.2 L’hyperglycémie est souvent secon­
administered to reduce morbidity and mor­ daire à la décompensation d’un diabète préexistant ou inaugural. Elle peut aussi
tality. In addition, in order to limit metabolic découler d’apports nutritionnels excessifs ou refléter une réponse adaptative
imbalance and reduce mortality, glycemic con­
(hyperglycémie de stress, hyperglycémie secondaire aux traitements hyperglycé­
trol using insulin therapy is mandatory.
This article reviews the current understanding
miants).3 Les mécanismes sous-jacents sont l’augmentation de l’insulino-résis­
of parenteral nutrition and insulin therapy in tance (IR) en lien avec l’état inflammatoire et l’activation des hormones de stress.
ICU patients, and provides the decision model
applied in our institution. Hyperglycémie de stress
L’hyperglycémie associée à une maladie aiguë, appelée aussi hyperglycémie
de stress, a longtemps été considérée comme une réponse physiologique secon­
daire à l’augmentation des taux de cortisol, de catécholamines, de glucagon et
d’hormone de croissance (GH). En effet, ces hormones, communément appelées
hormones de contre-régulation, agissent à trois niveaux : 1) elles favorisent l’IR ;
2) elles stimulent les voies cataboliques hyperglycémiantes (néoglucogenèse et
glycogénolyse) et 3) elles modulent la sécrétion insulinique du pancréas (réserve
pancréatique dépendante du nombre d’îlots fonctionnels). La définition de l’hy­
perglycémie de stress est une élévation de la glycémie, limitée à la phase des
soins aigus, avec une résolution complète après trois mois (absence de traitement,

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normoglycémie). Des publications récentes montrent néan­ support nutritionnel
moins que la prévalence du diabète est nettement plus A l’admission aux SI, la malnutrition concerne 20 à 40%
élevée une année après les soins aigus. des malades. L’introduction précoce d’un support nutrition­
Contrairement au dogme du passé, l’augmentation du nel, soit l’apport de calories, de protéines, d’électrolytes, de
cortisol circulant n’est pas secondaire à une activation de vitamines, de minéraux et d’oligo-éléments en quantité
l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien mais à une baisse adéquate, est considérée comme un standard of care.7 Le ré­
de la clairance périphérique du cortisol.4 Seules des études sultat d’un déficit cumulatif en énergie est associé à une
complémentaires permettront de mieux dissocier les effets hausse des coûts7 secondaires à une morbi-mortalité ac­
respectifs de l’activation du système neuro-végétatif sur le crue,8,9 avec une augmentation du risque infectieux,10-12
pancréas (inhibition de la sécrétion d’insuline par le système une altération de la guérison des plaies,11 du risque de
sympathique) des effets endocriniens spécifiques. syndrome de détresse respiratoire aiguë, d’insuffisance ré­
nale et des escarres.11
Insulino-résistance
La réponse métabolique aux hormones de stress est Quand commencer ?
déterminée par le degré de sensibilité à l’insuline. Cette L’introduction précoce du soutien nutritionnel vise à limi­
dernière dépend de facteurs métaboliques cliniquement ter la fonte de la masse maigre, qui est en moyenne de 400 g/j
objectivables (adiposité viscérale, dyslipidémie, prédiabète, et peut atteindre 800-900 g/j lors de stress majeur (par
diabète de type 2, etc.) ainsi que de facteurs non évalua­ exemple, brûlures sévères, polytraumatisme, sepsis sévère,
bles en l’absence d’une méthodologie sophistiquée adaptée etc.). Un tel impact sur la masse maigre, essentiellement
à la recherche.5 constituée de la masse musculaire, est problématique pour
Sur le plan biochimique, l’IR, soit la diminution de la ré­ les patients, en particulier pour ceux souffrant d’une mal­
ponse cellulaire et tissulaire à l’insuline, est un désordre nutrition préexistante à l’hospitalisation ou ceux atteints de
post-translocationnel secondaire à des défauts de phospho­ maladies chroniques réduisant leur masse musculaire. C’est
rylation des protéines de signalisation intracellulaire (PI3K/ notamment le cas chez les patients présentant un âge
Akt, MAPK, etc.). L’IR est corrélée au degré d’inflammation avancé, une obésité sarcopénique ou souffrant de maladies
systémique.6 Dans le cas d’un SIRS, la libération massive chroniques comme une broncho-pneumopathie chronique
de facteurs inflammatoires accentue les défauts de phos­ obstructive, une maladie neurodégénérative, ou une cir­
phorylation (défaut d’action des protéines kinases), puis rhose avancée.13,14
de l’IR intrinsèque et du degré de dysglycémie secondaire Les conditions spécifiques des patients des SI, soit le
aux défauts d’externalisation des récepteurs GLUT4 et des travail respiratoire, l’hyperthermie, l’anxiété et la douleur
signaux anabolisants dépendant de l’insuline (figure 1). contribuent à une augmentation du métabolisme et à ac­
L’homéostasie du glucose résulte du degré d’IR, de la centuer le déficit calorique.15
capacité du pancréas à produire de l’insuline, des taux Durant la phase aiguë du stress, le glucose est le subs­
d’hormones de stress (figure 2) et des apports nutritionnels. trat énergétique principal et l’utilisation des acides gras à
Insuline

Insuline
Récepteur

Récepteur

Récepteur
Récepteur
insuline

insuline

Membrane cellulaire
insuline
insuline

Membrane cellulaire

Cytosol Cytosol

GLUT4 GLUT4

PI3K/Akt MAPK PI3K/Akt MAPK

• Métabolisme du glucose • Croissance cellulaire • Métabolisme du glucose • Croissance cellulaire


Expression des gènes Expression des gènes
• Synthèse (lipides, protéines, • Différenciation • Synthèse (lipides, protéines, • Différenciation
non spécifiques non spécifiques
glycogène) cellulaire glycogène) cellulaire
• Expression des gènes spécifiques • Expression des gènes spécifiques

Figure 1. Mécanismes intracellulaires de l’insulinorésistance


L’insulinorésistance entraîne des altérations post-translocationnelles liées à des défauts de la phosphorylation des voies de signalisation intracellulaires
(PI3K/Akt, MAPK, etc.) et d’externalisation des récepteurs GLUT4. Ces anomalies augmentent la glycémie et sont à la base d’anomalies du métabolisme
cellulaire des macronutriments (glucides, lipides, protéines).

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Tableau 1. Nutritional Risk Screening – 2002
(NRS-2002)
Hormones :
q hormone de croissance Etat Degré 1 – léger 1
Gènes q hormones thyroïdiennes nutritionnel • perte pondérale de L 5% en 3 mois
q glucocorticoïdes • ingesta couvrant 50-75% des besoins
q catécholamines
Degré 2 – modéré 2
• perte pondérale de L 5% en 2 mois
• ingesta couvrant 25-50% des besoins
• IMC 18,5-20 kg/m2
Altération des Insulinorésistance
fonctions foie, muscle, tissu Degré 3 – sévère 3
endocrines du adipeux • perte pondérale de L 5% en 1 mois
pancréas • ingesta couvrant 0-25% des besoins
• IMC l 18,5 kg/m2
Hyperglycémie
qROS
Age L 70 ans 1
Troubles
immunitaires Gravité Degré 1 – léger 1
qFacteurs de transcription maladie Fracture hanche, pathologies chroniques
acutisées, dialyse, diabète, tumeurs
qInfection
systémique qMédiateurs secondaires Degré 2 – modéré 2
Interventions abdominales majeures, AVC,
H
bronchopneumonie sévère
qDurée d’hospitalisation, qMorbidité, qMortalité
Degré 3 – sévère 3
Trauma neurochirurgical, polytraumatisme,
Figure 2. Régulation glycémique brûlures graves, transplantation moelle, score
APACHE L 10 (soins intensifs)
L’homéostasie du glucose résulte du degré d’insulinorésistance et de la
capacité du pancréas à produire de l’insuline. Ces deux conditions sont Total…
fortement influencées par le génome et par l’augmentation des hormones
de la contre-régulation. L’altération du métabolisme glucidique détermine Le NRS-2002 quantifie le risque de malnutrition chez les patients hos-
une toxicité métabolique qui aggrave les troubles endocriniens du pancréas, pitalisés. Un score NRS-2002 L 3 points doit faire poursuivre le bilan
ainsi que l’insulinorésistance. L’hyperglycémie influence d’autres systèmes nutritionnel. Le NRS-2002 prend en considération l’état nutritionnel du
(immunologique, inflammatoire, vasculaire) avec une aggravation de la patient (IMC, évolution pondérale et ingesta) et la gravité de la maladie.
morbi-mortalité et des coûts hospitaliers. Aux soins intensifs, cette dernière correspond presque toujours à 3
ROS : Reactive oxygen species. points. L’âge avancé (L 70 ans) est un risque indépendant de malnutri-
tion qui fait augmenter le score de 1 point.

visée énergétique est partiellement inhibée.16 Ce phéno­


mène induit une consommation supplémentaire des pro­
téines endogènes (tissus maigres) par néoglucogenèse, ce
Evaluation des besoins nutritionnels
qui aggrave les pertes musculaires en l’absence d’apports
optimaux en protéines et en énergie, via la nutrition.17-19
Oui Alimentation orale
Réalimentation orale
Comment commencer ? possible ?
Non ou insuffisante
L’utilisation d’un score de dépistage permet de stratifier
Nutrition entérale Oui Tube digestif Non Nutrition parentérale
le risque de malnutrition et d’établir son degré de sévérité. (NP)
(NE) fonctionnel ?
Le score employé aux HUG est le Nutritional Risk Screening
ou NRS-2002 (tableau 1), recommandé par la Société euro­ Couverture des Maintenir la NE
Non
péenne de nutrition clinique et métabolisme (ESPEN).20 apports M 60% durant Ajouter NP pour atteindre 100% de la
3 jours ? cible énergétique à J4
Son emploi, associé à l’évaluation des ingesta, permet de
proposer des apports nutritionnels personnalisés (figure 3). Oui Non

Poursuite NE Augmentation NE possible ?


Nutrition entérale Promouvoir Oui
Si le tractus digestif est fonctionnel, la nutrition entérale alimentation orale

(NE) est toujours à privilégier 21-23 car elle est plus physiolo­ Diminuer la NP

gique que la nutrition parentérale (NP). Malheureusement,


la tolérance digestive requiert souvent une prescription
Figure 3. Arbre décisionnel pour le choix du
progressive dont le but est de couvrir les besoins nutri­
support nutritionnel aux soins intensifs
tionnels au terme des 3-5 premiers jours de traitement. La
NE est assez souvent insuffisante pour atteindre les cibles L’alimentation orale est toujours privilégiée. Si celle-ci est impossible ou si
les ingesta sont insuffisants, une nutrition entérale par sonde naso-gastri­que
protéino-énergétiques.24 est débutée pendant les 3 premiers jours si le tube digestif est utilisable.
Une nutrition parentérale est débutée quand le tube digestif n’est pas
Nutrition parentérale fonctionnel. Si à J3 la cible protéino-énergétique n’est pas atteinte, une
L’introduction d’une NP est recommandée pour toute si­ nutrition combinée (NE r NP) est commencée.
Adaptée de : Heidegger CP, Maisonneuve N. Soins intensifs adultes (SIA) ;
tuation contre-indiquant l’administration de nutriments via Dicastère nutrition-métabolisme & gastro-entérologie, 2010.
le tractus digestif ou lorsqu’un déficit énergétique sous NE

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persiste au terme des trois premiers jours aux SI.
Tableau 2. Hypo ou hyperglycémies sous insulino-
La NP a souvent été associée à un risque accru d’infections thérapie
liées aux cathéters. Or, de grandes études récentes n’ont (Adapté de : Gardaz V, Fleury Y, Heidegger CP. Soins intensifs adultes
montré aucune différence en termes de morbi-mortalité (SIA) ; Dicastère nutrition-métabolisme & gastro-entérologie, juin 2012).
entre NP et NE, lorsque ces dernières apportent une quan­ Glycémie Actions
tité d’énergie optimale.9,22,25,26 C’est donc l’excès d’apport
énergétique observé dans certaines études recourant à la l 3 mmol/l • Stopper l’insulinothérapie IV
• Confirmer l’hypoglycémie
NP qui cause un nombre accru d’infections. En revanche, il • 2-4 ampoules 10 ml G40% IV
reste à déterminer avec précision le meilleur moment pour • Traiter l’hypoglycémie selon ordre médical
débuter la NP. • Contrôler les glycémies toutes les 15 minutes
jusqu’à valeurs L 3 mmol/l puis toutes les
Il est utile d’intégrer la mesure des besoins énergéti­ques
30 minutes jusqu’à valeurs L 5 mmol/l
par calorimétrie, afin d’éviter une surnutrition qui augmente
le risque infectieux,8,25,27-29 le risque de complications mé­ 3,1-3,9 mmol/l • Stopper l’insulinothérapie IV
• Confirmer l’hypoglycémie
taboliques (hyperglycémie, hypertriglycéridémie)30 et d’un
• Traiter l’hypoglycémie selon ordre médical
allongement du temps de ventilation mécanique.8 • Contrôler les glycémies toutes les 30 minutes
jusqu’à valeurs L 5 mmol/l
En pratique : nutrition combinée
4-4,5 mmol/l • Diminution de 50% de l’insulinothérapie IV
Dans la pratique, sous NE exclusive, la calorimétrie in­ • Traiter l’hypoglycémie selon ordre médical
directe montre que les besoins protéino-caloriques réels • Contrôler les glycémies toutes les 30 minutes
sont couverts au mieux chez 52 à 70% des patients.24,31,32 jusqu’à valeurs L 5 mmol/l
En effet, il existe de multiples aspects pratiques qui limitent L 10 mmol/l • Confirmer l’hyperglycémie
une utilisation efficace de la NE.33 De fait, il est fréquent de (pendant L 4 h) • Administrer l’insuline en bolus IV selon ordre
devoir recourir à une nutrition combinée (NE r NP) pour (sous insuline IV) médical
• Contrôler les glycémies après 15 minutes, puis
couvrir efficacement les besoins nutritionnels protéino-ca­ en fonction de la cinétique
loriques accrus.24,34 L’administration d’une NP complémen­
taire dès le quatrième jour après l’admission aux SI réduit
le risque d’infection nosocomiale et la durée de ventilation incluant un algorithme décisionnel (tableau 2).
mécanique.8,9,35 La gestion de l’insulinothérapie se complique le plus
souvent au moment du transfert à l’étage. Car, si l’insulino­
insulinothérapie thérapie reste indiquée, les soignants sont confrontés à plu­
sieurs problèmes. D’une part, le transfert implique de mo­
Rationnel de l’insulinothérapie difier l’administration de l’insuline de la voie veineuse à la
La gestion de l’hyperglycémie est intimement liée au voie sous-cutanée. Cette transition est souvent marquée par
support nutritionnel. En effet, indépendamment de l’étiolo­ des changements dans les besoins en insuline (mobilisa­
gie de l’hyperglycémie, il faut contrôler la glycémie afin de tion, changement d’alimentation, anorexie, etc.). D’autre part,
limiter la morbi-mortalité. De nombreuses études ont con­ les soignants ont moins de disponibilités pour gérer l’insu­
firmé l’effet délétère de l’hyperglycémie intra-hospitalière line.3 Cela explique probablement pourquoi, malgré de nom­
sur la morbidité (durée d’hospitalisation,3,36 taux de surin­ breuses tentatives, il n’existe à ce jour pas de protocoles
fection, taux de cicatrisation) ainsi que sur la mortalité.37,38 fiables pour prédire la manière de faire ce changement.
L’insulinothérapie IV est le traitement de choix pour un Dans notre institution, il existe un protocole spécifiant
bon contrôle glycémique.39 les changements du traitement insulinique lors du transfert
vers l’étage (pour plus d’informations, veuillez consulter le
Glycémie : cibles à atteindre site internet des soins intensifs des HUG).
Il persiste cependant une controverse autour des cibles
glycémiques optimales. En effet, l’usage de cibles glycé­
miques trop strictes (4-6 mmol/l) a conduit, dans d’autres conclusion
essais cliniques, à une mortalité accrue, attribuée à des Le stress observé lors de séjour en soins intensifs entraîne
événements cardiovasculaires liés aux hypoglycémies ré­ des modifications métaboliques liées à la libération des
pétées.37,40 A l’heure actuelle, les cibles glycémiques su­ hormones de contre-régulation et à l’inflammation. Limiter
périeures rendant le traitement insulinique futile restent à la perte de masse maigre est primordial pour diminuer la
déterminer (entre 8 et 10 mmol/l).41 Sur la base de ces élé­ morbi-mortalité et favoriser la convalescence après l’épi­
ments, un consensus d’experts a retenu, comme glycémie sode aigu, d’où l’importance de débuter précocement un
cible, de viser 8 mmol/l.42 support nutritionnel optimal et d’assurer un contrôle glycé­
mique efficace grâce à l’insulinothérapie intraveineuse con­
En pratique tinue. L’optimisation du support nutritionnel et de l’insuli­
Aux HUG, les patients admis aux SI bénéficient d’un nothérapie constitue un défi permanent pour les soignants
contrôle glycémique régulier et de l’introduction d’un sché­ durant le séjour aux SI et lors du transfert vers les unités de
ma d’insuline IV avec des cibles glycémiques situées entre soins.
5 et 8,5 mmol/l. C’est l’équipe infirmière qui gère le traitement
insulinique IV selon un protocole de contrôle glycémique 

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Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec
Implications pratiques
cet article.

> Débuter un support nutritionnel précoce chez les patients aux


soins intensifs, afin de limiter la perte de masse maigre Adresse
Dr Alessandro Limonta
> Choisir la modalité d’administration la plus adéquate : si le Pr Claude Pichard
tube digestif est fonctionnel, la nutrition entérale est à privi­ Unité de nutrition
légier Dr Giacomo Gastaldi
Unité d’endocrinologie et diabétologie
Service d’endocrinologie, diabétologie,
> Si, après trois jours d’hospitalisation, les cibles protéino- hypertension et nutrition
énergétiques ne sont pas atteintes, débuter une nutrition Dr Claudia-Paula Heidegger
parentérale de complément Service des soins intensifs
Département d’anesthésiologie,
> Surveiller les glycémies et les corriger afin de diminuer la pharmacologie et soins intensifs
HUG, 1211 Genève 14
morbi-mortalité alessandro.limonta@hcuge.ch
giacomo.gastaldi@hcuge.ch
> Organiser le relais soins intensifs-étage est indispensable pour claude.pichard@hcuge.ch
optimiser la prise en charge nutritionnelle claudia.heidegger@hcuge.ch

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