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Sommaire

Chapitre 01 • Métabolisme Des Glucides Et Méthodes D'Exploration Chez L'Homme


Chapitre 02 • Exploration De La Sensibilité A L’Insuline Chez L'Homme
Chapitre 03 • Production Et Sécrétion De L'Insuline Par La Cellule B Pancréatique
Chapitre 04 • Syndrome Métabolique
Chapitre 05 • Stéatohépatite Non Alcoolique
Chapitre 06 • Anomalies Héréditaires Du Métabolisme Des Glucides
Chapitre 07 • Hypoglycémies De L'Adulte
Chapitre 08 • Épidémiologie Du Diabète
Chapitre 09 • Etiologie Et Physiopathologie Du Diabète De Type 1
Chapitre 10 • Etiologie Et Physiopathologie Du Diabète De Type 2
Chapitre 11 • Maladies Du Pancréas Exocrine Et Diabète
Chapitre 12 • Diabètes Endocriniens
Chapitre 13 • Diabète Secondaire Aux Traitements Immunosuppresseurs En Transplantation D’Organe
Chapitre 14 • Diabète Et Infection Par Le Virus De L’Hépatite C
Chapitre 15 • Diabètes Mitochondriaux
Chapitre 16 • Diabètes De Type MODY
Chapitre 17 • Traitement Du Diabète Sucré De L'Enfant Et De L'Adolescent
Chapitre 18 • Diabètes Sucrés Néonatals
Chapitre 19 • Diabète Du Sujet Agé
Chapitre 20 • Diabètes Et Grossesse
Chapitre 21 • Diabétique En Période Périopératoire
Chapitre 22 • Cétoacidose Diabétique
Chapitre 23 • Coma Hyperosmolaire
Chapitre 24 • Epidémiologie Et Physiopathologie Des Complications Dégénératives Du Diabète Sucré
Chapitre 25 • Diabète Et Hypertension Artérielle
Chapitre 26 • Insuffisance Coronaire, Cardiomyopathie Et Neuropathie Autonome Chez Le Diabétique
Chapitre 27 • Dépistage De L'Ischémie Myocardique Silencieuse Des Patients Diabétiques
Chapitre 28 • Artériopathie Diabétique Des Membres Inférieurs
Chapitre 29 • Epidémiologie Et Physiopathologie De La Rétinopathie Diabétique
Chapitre 30 • Diagnostic Et Traitement De La Rétinopathie Diabétique
Chapitre 31 • Neuropathie Diabétique
Chapitre 32 • Pied Diabétique
Chapitre 33 • Transplantation Pancréatique
Chapitre 34 • Thérapie Cellulaire Du Diabète De Type 1
Chapitre 35 • Complications Ostéoarticulaires Du Diabète
Chapitre 36 • Manifestations Cutanéomuqueuses Du Diabète
Chapitre 37 • Traitement Des Maladies De Longue Durée
Chapitre 38 • Diététique Des Etats Diabétiques
Chapitre 39 • Traitement Du Diabète En Dehors De L’Insuline
Chapitre 40 • Stratégie Thérapeutique Dans Le Traitement Du Diabète De Type 2
Chapitre 41 • Insulinothérapie Dans Le Diabète De Type 2
Chapitre 42 • Insulinothérapie Fonctionnelle
Chapitre 43 • Pompe A Insuline
Chapitre 44 • Hypoglycémies Chez Les Patients Diabétiques
Chapitre 45 • Lipodystrophies Et Troubles Métaboliques Associés A L'Infection Par Le Virus VIH

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 10-361-A-10

Métabolisme des glucides et méthodes


d’exploration chez l’homme
F. Andreelli

L’étude de l’homéostasie glucidique est capitale tant pour la physiopathologie de certaines pathologies
que pour le soin. Les faibles variations de la glycémie observées au cours du nycthémère chez le sujet
sain résultent de l’adéquation harmonieuse entre la sensibilité à l’insuline et l’insulinosécrétion. Toute
situation altérant la sensibilité à l’insuline entraîne une augmentation immédiate de l’insulinosécrétion
afin de conserver la glycémie dans une zone de valeurs physiologiques. La pathologie s’installe lorsque
cette adaptation est altérée. L’exploration de la sensibilité à l’insuline et de l’insulinosécrétion in vivo
chez l’homme a considérablement progressé, permettant la validation d’un certain nombre de tests
métaboliques. Avant de choisir un test, il est important de bien préciser les objectifs de l’étude. Dans
un contexte épidémiologique où de larges populations doivent être explorées, il est possible d’employer
des tests basés sur l’analyse concomitante de la glycémie et de l’insulinémie à jeun dont la formulation
mathématique se traduit par des index de sensibilité à l’insuline et d’insulinosécrétion. À l’inverse, si l’on
souhaite explorer très spécifiquement un aspect de l’homéostasie glucidique (par exemple la phase précoce
de l’insulinosécrétion), il sera alors nécessaire d’employer des explorations métaboliques complexes, car
nécessitant l’emploi de conditions dynamiques (perfusion d’insuline et/ou de glucose). Quelle que soit
la technique employée, il est néanmoins toujours nécessaire de se souvenir que la sécrétion d’insuline
ne peut s’interpréter qu’en connaissant la sensibilité à l’insuline (et inversement). Ces deux aspects
du métabolisme glucidique sont donc indissociables. Dans cette revue seront décrites les techniques
d’exploration du métabolisme glucidique, les protocoles utilisés, leur rationnel et leurs limites.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Métabolisme ; Glucose ; Insuline ; Clamp ; HOMA ; QUICKI

Plan  Introduction
■ Introduction 1 De nombreuses pathologies affectent l’homéostasie gluci-
■ Métabolisme du glucose 2 dique [1] . Celle-ci est dépendante de deux composantes essen-

tielles : la sensibilité à l’insuline et la sécrétion d’insuline [1] . La
Principe des méthodes de mesure du métabolisme glucidique 2
mesure de ces deux paramètres peut s’avérer nécessaire pour
Problématique du couple glucose-insuline 2
de multiples raisons. Par exemple, pour mieux comprendre les
Couple glucose-insuline 3
mécanismes qui affectent l’homéostasie glucidique dans une
Nécessité des traceurs 3
pathologie donnée ou pour évaluer les mécanismes d’action des
Limitations des traceurs 4
thérapeutiques pouvant modifier l’homéostasie glucidique.
■ Mesurer la sécrétion d’insuline 4 Les techniques permettant la mesure in vivo chez l’homme de
Rappels physiologiques 4 la sensibilité et de la sécrétion d’insuline sont nombreuses. Leur
Mesurer l’insulinosécrétion in vivo : problèmes à considérer 4 choix dépend de facteurs comme le nombre de sujets à étudier,
Clairance hépatique de l’insuline 6 la répétition des mesures au cours du temps ou la nécessité d’un
Mesure de l’insulinosécrétion préhépatique 7 centre d’investigation clinique pour réaliser des méthodes tech-
Descriptif des méthodes d’étude de l’insulinosécrétion 8 niquement complexes. Même s’il existe des techniques dites « de
■ Conclusion 12 référence », chaque technique a ses limites qui sont importantes
à connaître et qui seront détaillées.
L’étude du métabolisme des glucides in vivo est souvent
résumée à la détermination de deux composantes essentielles :
l’insulinosécrétion et la sensibilité à l’insuline. Nous décrirons
dans ce chapitre les techniques qui permettent d’analyser ces deux
aspects.

EMC - Endocrinologie-Nutrition 1
Volume 9 > n◦ 4 > octobre 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1941(12)40468-1
10-361-A-10  Métabolisme des glucides et méthodes d’exploration chez l’homme

 Métabolisme du glucose Glucose Insuline

La glycémie d’un sujet sain varie tout au long du nycthé-


mère selon une fourchette étroite comprise entre 0,80 g/l en
période postabsorptive et 1,2 g/l en postprandial [1] . Les fluctua-
tions glycémiques sont très perturbées en cas de diabète (Fig. 1) [2] .
L’homéostasie glucidique est la résultante de l’interaction de nom- IRS-1
breux facteurs (sécrétions endocrines, système nerveux central et Glucose
autonome, apparition et utilisation du glucose dans le secteur san- PI3-Kinase
guin circulant) qui agissent de manière coordonnée afin d’éviter Glycolyse
(oxydation)
d’importantes fluctuations glycémiques susceptibles de survenir
lors de la transition jeûne/repas ou repos/activité physique. Glycogène GLUT-4
En situation postabsorptive, le foie, les reins et l’intestin sont (stockage)
capables de produire du glucose, car ces organes expriment
la glucose-6-phosphatase, qui permet l’hydrolyse du glucose-6- Figure 3. Schématisation des étapes conduisant à la translocation des
phosphate en glucose (Fig. 2) [3] . Ces organes déterminent un transporteurs de glucose insulinodépendants glucose transporter isoform
débit d’apparition endogène du glucose, permettant de stabiliser 4 (GLUT-4) du cytoplasme vers la membrane en présence d’insuline.
Le glucose capté peut emprunter la voie de l’oxydation et la voie de
la synthèse de glycogène. IRS-1 : insulin receptor substrate-1 ; PI3-kinase :
phosphatidylinositol-3 kinase.
400

d la glycémie à une valeur minimale (0,8 g/l) lors du jeûne. La pro-


duction hépatique de glucose (2 mg/kg par minute chez le sujet
300
sain, dont l’origine est d’abord la glycogénolyse puis la néogluco-
Glycémie (mg/dl)

genèse) contribue alors à la majorité du glucose, produit qui sera


utilisé par le cerveau, les éléments figurés du sang, la médullaire
200 rénale et les tissus de la région splanchnique. Les mécanismes mis
c en jeu sont une insulinémie basse, une élévation relative de la
glucagonémie, une élévation du cortisol, des catécholamines, de
b la lipolyse et des acides gras (dont l’oxydation hépatique couvre
100 a le coût énergétique de la néoglucogenèse).
Lors du repas, la production endogène de glucose chute suite à
la hausse de l’insulinémie et de la chute de la glucagonémie [3] .
La hausse de l’insulinosécrétion est renforcée par la sécrétion
0 postprandiale d’hormones à point de départ digestif, les incré-
8 9 10 11 12 13 14 15 16
tines, dont le chef de file est le glucagon like peptide-1 (GLP-1).
Heures La hausse de l’insulinémie et la disponibilité du glucose alimen-
Figure 1. Fluctuations glycémiques au cours d’une partie du nycthé- taire (via la veine porte) permettent de reconstituer les réserves
mère chez des sujets témoins (a), des patients diabétiques bien équilibrés de glycogène hépatique. La hausse de l’insulinémie permet éga-
(b) ou à l’équilibre moyen (c), voire très médiocre (d) (d’après [2] ). On lement une réduction de la lipolyse, une hausse de la lipogenèse
constate que les fluctuations glycémiques sont faibles chez les sujets et de l’utilisation du glucose insulinodépendante dans le muscle
témoins et d’autant plus importantes que le diabète est mal équilibré. et le tissu adipeux (grâce aux transporteurs de glucose glucose
transporter isoform 4 [GLUT-4] qui, sous l’action de l’insuline, trans-
loquent du cytoplasme vers la membrane plasmique) (Fig. 3).
Enfin, l’insuline a des effets positifs sur la protéosynthèse.
G6Pase La sensibilité à l’insuline du corps entier est la résultante de
Glycogénolyse Cerveau
tous les effets physiologiques de l’insuline sur ces différents
Glucose 6P Glucose Glucose Rein métabolismes.
Néoglucogenèse GB, GR
Énergie Oxydation β OH
 Principe des méthodes
Foie Acides gras TA de mesure du métabolisme
Insulinémie
Glycérol glucidique
Glucagon Problématique du couple glucose-insuline
Alanine Muscle Les glucides sont des substrats énergétiques importants au
même titre que les lipides même si les lipides stockés dans le
tissu adipeux sont les principales réserves énergétiques sur le
Figure 2. Flux métaboliques le matin à jeun (situation postabsorptive). plan quantitatif [4] (Tableau 1). Certains tissus utilisent préféren-
L’insulinémie est basse et le glucagon relativement élevé. Ce profil méta- tiellement les glucides et cela, indépendamment des effets de
bolique permet d’assurer une production endogène de glucose (dont le l’insuline. Ces tissus insulino-indépendants sont le cerveau, les
foie contribue à 75 % au moins) permettant de stabiliser la glycémie à éléments figurés du sang et la médullaire rénale qui captent et
une valeur minimale. Le glucose est alors utilisé par des organes insulino- utilisent les glucides à la fois à jeun et lors du repas [3] . Les autres
indépendants. La production de glucose par le foie est assurée par la tissus (comme le foie, les muscles squelettiques et le tissu adi-
néoglucogenèse (à partir du glycérol et de l’alanine) et la glycogénolyse. peux) captent et utilisent les glucides sous l’action de l’insuline
La lipolyse stimulée en conditions de faibles concentrations circulantes qui permet d’augmenter le transport de glucose, d’oxyder et de
d’insuline permet l’approvisionnement hépatique en acides gras libres. stocker les glucides sous forme de glycogène. Ces tissus insulino-
Leur oxydation donne l’énergie nécessaire à la couverture énergétique dépendants utilisent les glucides essentiellement lors des repas.
des réactions de la néoglucogenèse. Glucose 6P : glucose-6-phosphate ; L’activité physique permet également une captation et une utili-
G6Pase : glucose-6 phosphatase ; ␤ OH : ␤ hydroxybutyrate. TA : tissu sation des glucides, indépendamment de l’action de l’insuline.
adipeux ; GB : globules blancs ; GR : globules rouges. L’intégration de ces différents modes d’utilisation des glucides

2 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Métabolisme des glucides et méthodes d’exploration chez l’homme  10-361-A-10

Tableau 1.
Réserves énergétiques chez l’homme (pour un poids de 70 kg) Ra Secteur Rd
(d’après [4] ). Production plasmatique Utilisation
Tissus Energie (kcal) Poids (g)
Triglycérides Tissu adipeux 100 000 15 000 Figure 4. La concentration plasmatique d’un substrat dépend de son
blanc débit d’apparition (Ra) et de son débit d’utilisation (Rd). Si la concentra-
Glycogène Foie 200 70 tion plasmatique du substrat est stable, cela indique que Ra = Rd.
Muscle 400 120
squelettique
est souvent résumée à la production hépatique de glucose. Lors
Glucose Circulation 80 20 d’un repas, la glycémie a tendance à s’élever transitoirement, car
Protéines Muscles 25 000 6000 le débit d’apparition du glucose dans le sang est supérieur au débit
d’utilisation. Dans ce cas, il s’agit d’un état non stationnaire. La
glycémie à un instant t est donc la résultante de deux flux, Ra et
permet de contrôler la glycémie tout au long du nycthémère Rd, qu’il faut mesurer.
dans une fourchette de valeurs physiologiques. Les mécanismes Il est possible de quantifier la production et l’utilisation d’un
en jeu dans chacun de ces modes d’utilisation du glucose sont, substrat en mesurant sa concentration dans l’artère (Ca) vascula-
certes, multiples et complexes (incrétines, système nerveux cen- risant le compartiment à étudier et dans la veine (Cv) qui draine
tral, endothélium, etc.) (voir pour revue [3] ), mais dépendent en ce compartiment. Si l’on connaît le débit sanguin, la production
premier lieu du couple glucose-insuline. ou l’utilisation du substrat dans le compartiment se calcule selon
la méthode de Fick par la formule suivante :

Couple glucose-insuline Production ou utilisation = flux sanguin × (Ca – Cv )


Toute modification de la glycémie influence l’insulinosécrétion
et inversement. Cela veut dire que le couple glycémie-insulinémie Cette méthode, dite de la différence artérioveineuse, est diffi-
est indissociable. Ainsi, un dosage d’insulinémie ne peut être cile à mettre en œuvre pour des raisons éthiques chez l’homme.
interprété en l’absence d’un dosage concomitant de glycémie. Il Pour pallier cette difficulté a été développée la méthode de dilu-
est important de noter que depuis la mise au point de la méthode tion isotopique d’un traceur qui consiste à ajouter un traceur au
radio-immunologique de dosage de l’insulinémie en 1959 par pool de substrat afin de connaître le renouvellement de ce der-
Yalow et Berson [5, 6] , les techniques de dosage de l’insulinémie nier. Par l’emploi d’un traceur, il devient possible de mesurer le
ont continué à évoluer, permettant de réduire les interférences débit d’apparition et le débit de disparition d’un substrat. Plusieurs
avec la pro-insuline ou ses fragments. Cela a permis de démon- conditions sont néanmoins nécessaires à respecter [9] :
trer que tous les sujets diabétiques (hyperglycémiques) de type 2 • le traceur doit présenter une structure chimique et un devenir
sont carencés en insuline (au moins relativement pour leur degré métabolique proches du substrat à étudier ;
d’hyperglycémie) et ne sont pas aussi hyperinsulinémiques que • le traceur ne modifie pas le métabolisme du substrat à étudier ;
l’on pensait [7] . Cet hyperinsulinisme peut également être expli- • le traceur a le même devenir métabolique que le substrat à
qué par une moindre extraction hépatique de l’insuline [8] . étudier ;
Puisque le couple glucose-insuline est indissociable, il est néces- • le traceur est en faible quantité par rapport au substrat à étudier ;
saire de disjoindre artificiellement ces deux paramètres afin de • le traceur peut être différencié du substrat à étudier par des
quantifier des variables comme l’insulinosécrétion ou la sensibi- méthodes appropriées.
lité à l’insuline. Ainsi, pour étudier l’insulinosécrétion, la méthode Les traceurs employés en France pour les études humaines sont
de clamp hyperglycémique consiste à infuser des débits pro- des isotopes stables non radioactifs. Pour l’étude du métabolisme
gressivement croissants de glucose (par paliers de 30 minutes) et du glucose, le traceur glucose peut consister en du glucose dont on
de quantifier l’insulinosécrétion durant ces différents paliers. De a remplacé un ou plusieurs atomes de carbone (par du 13 C) ou un
même, pour étudier la sensibilité à l’insuline, la méthode de clamp ou plusieurs atomes d’hydrogène (par du deutérium, 2 H). L’un des
euglycémique hyperinsulinémique consiste à infuser de l’insuline traceurs les plus couramment employés est le glucose deutéré dou-
d’action rapide à débit constant pendant 3 heures afin de stimuler blement marqué en position 6 ([6,6-2 H2 ]-glucose). Il s’agit d’un
la captation et l’utilisation du glucose dans les tissus périphé- traceur irréversible du glucose (car le marquage est perdu définiti-
riques. Dans cette condition, l’insulinosécrétion endogène est le vement lors de l’oxydation du pyruvate), le double marquage en
plus souvent inhibée par l’insuline exogène perfusée. On voit, position 6 étant considéré comme celui qui permet le mieux de
dans ces deux méthodes de référence, que la quantification de calculer les flux de glucose [9] . Le traceur est perfusé afin de per-
la sécrétion d’insuline ou de la sensibilité à l’insuline consiste à mettre l’enrichissement du compartiment contenant le substrat
étudier ces deux variables dans des situations métaboliques impo- à étudier (en pratique, on parle d’enrichissement isotopique). La
sées. Puisqu’il est capital de réaliser les études métaboliques in vivo perfusion est précédée d’un bolus et la durée de perfusion néces-
chez le sujet sain et le patient dans les mêmes conditions, il est saire pour obtenir un enrichissement correct est de 180 minutes.
important que les procédures des tests d’exploration soient stan- Ici, le compartiment accessible est le sang circulant. Lors de la
dardisées pour ces deux types de populations. dernière demi-heure de perfusion du traceur, des prélèvements
sanguins sont réalisés toutes les dix minutes afin de mesurer le rap-
port entre le traceur [6,6-2 H2 ]-glucose et le glucose naturel (non
Nécessité des traceurs marqué). Pour l’analyse, le glucose non marqué peut être diffé-
La concentration d’une substance dans un compartiment bio- rencié du glucose marqué (le traceur) par chromatographie en
logique dépend à la fois de son débit d’apparition (Ra) et de son phase gazeuse couplée à une spectrométrie de masse [10] . Sur un
débit de disparition (Rd, ou utilisation du glucose par les tissus, échantillon biologique (comme le sang), ce type d’analyse per-
souvent notée M dans la littérature) (Fig. 4). Ainsi, une glycémie met de mesurer le rapport molaire traceur/tracé selon la formule
donnée résulte de la balance entre la production de glucose et son suivante :  F 
utilisation par les tissus. La glycémie varie selon les changements Ra = Rd = × 100 (en état stationnaire)
RM
du Ra et du Rd. À l’inverse, la glycémie peut rester stable alors que Avec :
le Ra et le Rd ont varié de manière similaire. La glycémie ne pré- • Rd = utilisation tissulaire réelle du glucose (mg/kg par minute) ;
juge donc en rien de la disponibilité et de l’utilisation du glucose. • Ra = débit d’apparition du glucose endogène (mg/kg par
Le matin à jeun, la glycémie est stable à une valeur minimale et Ra minute) ;
= Rd. Il s’agit d’un état stationnaire. À ce stade, même si d’autres • F = débit du traceur (en mg/kg par minute) ;
organes participent à la production endogène de glucose, celle-ci • RM (%) = le rapport molaire traceur/tracé.

EMC - Endocrinologie-Nutrition 3
10-361-A-10  Métabolisme des glucides et méthodes d’exploration chez l’homme

Limitations des traceurs et glycémie. Lorsque la glycémie est augmentée brutalement


(lors d’une charge orale ou intraveineuse en glucose) et reste
L’emploi des traceurs est difficile à mettre en œuvre. En particu- supraphysiologique, l’insulinosécrétion décrit une courbe bipha-
lier, des difficultés administratives sont actuellement rencontrées sique comportant une phase précoce et une phase tardive
en France concernant leur utilisation chez l’homme. Les traceurs (comportant une phase décroissante qui dure 2 heures), ayant
ne sont en effet ni considérés comme des thérapeutiques ni consi- chacune une fonction propre et pouvant l’une comme l’autre
dérés comme des outils d’exploration métabolique. L’autorisation (ou les deux à la fois) être atteintes dans certaines pathologies.
d’emploi est donc difficile à obtenir. De plus, leur conditionne- Physiologiquement, le glucose en lui-même modifie les capa-
ment sous forme stérile et injectable est de la seule responsabilité cités insulinosécrétoires puisque l’administration préalable de
du pharmacien hospitalier. N’ayant aucune définition légale en glucose potentialise l’insulinosécrétion lors de l’administration
France, les restrictions d’emploi des traceurs risquent de se multi- suivante de glucose (c’est ce qu’on appelle le priming ou effet
plier. Pourtant, la mesure de la production hépatique de glucose mémoire ou potentialisation). À l’inverse, l’hyperglycémie chro-
nécessite la technologie des traceurs. nique dans un contexte de diabète de type 2 provoque une
réduction de l’insulinosécrétion par des mécanismes de glucolipo-
toxicité. L’insulinosécrétion stimulée par voie orale est supérieure
 Mesurer la sécrétion d’insuline à celle stimulée par la même quantité de glucose administrée
par voie veineuse. Cette différence est liée à l’effet incrétine
Rappels physiologiques qui consiste, lors de la charge orale en glucose, en la sécré-
tion par l’intestin d’hormones (comme le GLP-1) qui amplifient
La régulation de l’insulinosécrétion est complexe est fait inter- l’insulinosécrétion [12] . L’insulinosécrétion est également stimulée
venir à la fois des substrats (comme le glucose ou certains par d’autres sécrétagogues que le glucose. Parmi ceux-ci, on peut
acides aminés), des hormones (comme les incrétines) et le sys- citer le glucagon, les sulfonylurés, l’arginine et les incrétines. La
tème nerveux [11] . L’insulinosécrétion est en elle-même complexe comparaison des stimulations de l’insulinosécrétion par différents
à décrire. Avant toute chose, il est capital de comprendre que sécrétagogues permet d’affiner les connaissances sur les voies de
toute insulinémie ne peut s’interpréter qu’à la lumière de la signalisation impliquées et leur altération en pathologie. Ainsi,
glycémie au même moment, car ces deux paramètres sont inti- contrairement à l’altération de l’insulinosécrétion dépendante du
mement liés en une boucle de régulation. Ainsi, si la glycémie glucose ou du GLP-1, observée par exemple chez le patient diabé-
et l’insulinémie interagissent en permanence, toutes deux sont tique de type 2, l’insulinosécrétion dépendante de l’arginine est
également le reflet de la sensibilité à l’insuline. L’interprétation souvent préservée dans cette population, même à un stade avancé
de l’insulinémie est d’autant plus rigoureuse que l’on connaît la de la pathologie.
sensibilité à l’insuline. On peut même affirmer qu’interpréter une Si l’on considère, chez les sujets prédisposés au diabète de type 2,
insulinosécrétion sans connaître la sensibilité à l’insuline conduit un continuum entre état normal, état insulinorésistant non dia-
à de graves erreurs d’interprétation. En effet, toute dégradation bétique puis état diabétique, on considère que le passage de la
réversible de la sensibilité à l’insuline (comme la prise transi- normoglycémie à l’hyperglycémie résulte d’une faillite progres-
toire de glucocorticoïdes ou la grossesse) entraîne une hausse sive de l’insulinosécrétion dans un contexte d’insulinorésistance.
de l’insulinosécrétion pour faire face aux besoins. Cette adap- Si cette dernière n’est pas compensée totalement par une hausse de
tation est strictement physiologique et démontre les capacités la sécrétion d’insuline, une hyperglycémie apparaît, alors même
d’adaptation. La pathologie apparaît lorsque l’insulinosécrétion que l’insulinorésistance persiste. Un point capital est que, comme
ne peut s’adapter à l’insulinorésistance. Cela est bien mis en démontré dans les études épidémiologiques ou les essais cliniques
évidence par la relation hyperbolique qui relie la sensibilité à prospectifs (comme l’étude UKPDS) [13] , l’insulinorésistance ne
l’insuline et l’insulinosécrétion (Fig. 5). s’aggrave pas avec le temps [13] . En revanche, on note une
Physiologiquement, lorsque la glycémie augmente progressi- décroissance progressive de l’insulinosécrétion au cours du
vement, l’insulinosécrétion augmente parallèlement, permettant temps qui explique non seulement la transition normoglycémie-
de décrire une courbe dose-réponse corrélant insulinosécrétion hyperglycémie, mais également une dégradation progressive du
diabète et la nécessité d’une escalade thérapeutique.

2 000
Phase précoce de la sécrétion d'insuline

75 % Mesurer l’insulinosécrétion in vivo :


1 600 problèmes à considérer
Emploi des techniques
(pmol.min-1)

1 200 Il n’y a pas de consensus sur une méthode de référence


d’étude de l’insulinosécrétion. De nombreux auteurs ont pro-
posé que l’insulinosécrétion soit étudiée par plusieurs méthodes
800 différentes, chacune permettant de mettre en évidence des ano-
R
malies particulières de la fonctionnalité ␤. La détermination de
l’insulinosécrétion peut se révéler capitale pour le démembre-
400 25 % ment des diabètes en pratique clinique quotidienne. Elle permet
S ainsi de démontrer que tous les patients diabétiques de type 2
R’ sont carencés en insuline, que certains diabètes étiquetés dia-
0 bètes de type 2 sont plutôt des diabètes avec atteinte précoce et
0,5 1 1,5 2 2,5 parfois spécifique de la cellule ␤ pancréatique et dans lesquels
Sensibilité à l'insuline (× 10-4.min-1.mμ-1.ml-1) l’insulinorésistance est un épiphénomène (comme le diabète
MODY 3). De très nombreuses situations nécessitent l’évaluation
Figure 5. Relation hyperbolique entre la phase précoce de de l’insulinosécrétion comme le dépistage de sujets à risque de
l’insulinosécrétion durant un test de tolérance intraveineuse au glu- diabète de type 1 ou de type 2, l’étude de l’insulinosécrétion rési-
cose et la sensibilité à l’insuline (Si) (d’après [20] ). Les deux lignes duelle dans les diabètes de type 1 et de type 2, le suivi après
représentent la distribution des données obtenues chez 93 sujets. greffe d’îlots pancréatiques ou l’effet de thérapeutiques modifiant
Lorsque le sujet devient insulinorésistant, allant de S vers R, son insulino- l’insulinosécrétion. Dans les situations pathologiques comme les
sécrétion augmente pour maintenir une tolérance au glucose normale. diabètes, l’étude de l’insulinosécrétion peut se révéler difficile, car
Ainsi le produit entre l’insulinosécrétion et la Si reste constant (c’est le l’hyperglycémie chronique en elle-même peut paradoxalement
disposition index). En l’absence d’adaptation (situation R’), la pathologie réduire les capacités d’insulinosécrétion (c’est ce que l’on appelle
survient. la glucotoxicité).

4 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Métabolisme des glucides et méthodes d’exploration chez l’homme  10-361-A-10

Le dernier point est de savoir si l’insulinosécrétion doit être au glucose de la première (1 ) et de la deuxième phase (2 )
étudiée à jeun ou en condition stimulée. Il est indéniable que de l’insulinosécrétion. En corrélant la SI et la 2 , les auteurs
l’évaluation de la sécrétion d’insuline à jeun est plus efficace ont montré que l’apparition de l’insulinorésistance au cours du
pour mettre en évidence une sécrétion accrue (telle qu’on peut régime s’accompagnait d’une hausse de l’insulinosécrétion met-
l’observer chez le sujet insulinorésistant) qu’un déficit insulino- tant ainsi en évidence la corrélation inverse entre SI et 2 . De plus,
sécrétoire (qui sera mieux mis en évidence dans une situation l’adaptation de l’insulinosécrétion était proportionnelle au déve-
dynamique). Ainsi, dans la problématique des diabètes, l’étude loppement de l’insulinorésistance de telle sorte que le produit des
de l’insulinosécrétion en situation stimulée semble primordiale deux paramètres était constant au cours du temps pour chaque
alors que les études prospectives de cohortes de sujets bénéficient animal étudié. Cette constatation ouvrait la voie à la modélisa-
d’une analyse de l’insulinosécrétion à jeun. tion mathématique des paramètres impliqués dans les relations
entre ces deux variables et désormais baptisée « minimal model
Techniques de dosage de l’insuline de Bergman ». Richard Bergman a ensuite appliqué sa méthode
d’analyse chez l’homme en comparant les paramètres obtenus au
L’interprétation de l’insulinémie doit également tenir compte
cours d’un FSIGTT chez un groupe de sujets obèses et un groupe de
de certains critères comme la technique de dosage et la captation
sujets sains [18] . Dans cet article, il a été clairement démontré que
hépatique de l’insuline. Les techniques de dosage de l’insuline
la relation entre la SI et la 2 était hyperbolique et non linéaire
circulante ont permis, ces dernières années, d’avoir une acces-
(Fig. 5). De plus, les auteurs confirment l’importance du produit
sibilité précise de la concentration d’insuline libre circulante
de ces deux variables, produit qu’ils baptisent du terme de dispo-
avec moins d’interférences avec la pro-insuline ou ses fragments
sition index. Cet index permet de s’assurer que l’insulinosécrétion
que pour les techniques utilisées antérieurement. Cela est capi-
est bien adaptée au niveau de sensibilité à l’insuline de l’individu.
tal, car, si la pro-insuline ou ses fragments interfèrent dans le
Ce test permet ainsi l’étude simultanée de la sensibilité à l’insuline
dosage, l’insulinémie (et donc la capacité insulinosécrétrice) est
et de l’insulinosécrétion.
surestimée. C’est une des raisons qui ont conduit autrefois à
Étudier au même moment la sécrétion et la sensibi-
décrire les patients diabétiques de type 2 comme hyperinsuliné-
lité à l’insuline semble primordial pour éviter toute erreur
miques quel que soit le stade du diabète alors que les méthodes
d’interprétation. Ainsi, Johnston et al. ont utilisé le minimal model
récentes de dosage (en particulier radio-immunologiques)
de Bergman dans un travail sur les sujets normoglycémiques,
montrent bien que ces sujets sont carencés en insuline très
apparentés à des patients diabétiques de type 1 et identiques pour
précocement.
leur human leucocyte antigen (HLA) aux patients. Ces sujets ont
été comparés à des sujets sains, sans antécédents familiaux de
Relation masse cellulaire/masse fonctionnelle
diabète. Les auteurs ont démontré que les sujets apparentés nor-
Une question largement débattue dans la littérature, et qui moglycémiques présentaient, par rapport à des sujets témoins,
n’a pour l’instant pas de réponse satisfaisante, est la corréla- des anomalies de leur insulinosécrétion [19] . Mais ces anoma-
tion possible ou non entre le nombre de cellules ␤ pancréatiques lies n’étaient significatives que si la sensibilité à l’insuline était
(masse cellulaire) et l’insulinosécrétion (masse fonctionnelle). La ajustée entre les deux groupes. En d’autres termes, les auteurs sou-
difficulté tient au fait que l’étude de la masse cellulaire est très lignent que puisque la sensibilité à l’insuline des deux groupes
difficile in vivo à la fois chez l’homme et chez les rongeurs. Il est différente (essentiellement pour des questions de composi-
est donc extrêmement difficile, à l’heure actuelle, d’estimer pré- tion corporelle différente), la comparaison brute de leur sécrétion
cisément la relation masse fonctionnelle/masse cellulaire à un d’insuline n’a aucun sens. Ce travail a ainsi précisé l’importance
instant t. de l’analyse parallèle de la sensibilité à l’insuline et de la sécré-
tion d’insuline dont la corrélation hyperbolique est une donnée
Voie orale ou voie parentérale fondamentale, confirmée au sein d’une large cohorte de sujets
Aucun test ne permet à lui seul de déterminer le niveau par Kahn et al. [20] . De cette corrélation, il est déduit que toute
d’atteinte de l’insulinosécrétion, ce qui oblige à réaliser plusieurs modification de la sensibilité à l’insuline conduit immédiatement
tests. Le choix de l’administration de glucose par voie orale à une modification de la sécrétion d’insuline et que ces ajus-
ou parentérale pour l’étude de l’insulinosécrétion dépend de la tements réciproques sont quantitativement adaptés pour que le
question posée. Lors de l’administration orale de glucose, la sti- produit de ces deux paramètres reste constant pour un niveau
mulation de l’insulinosécrétion dépend, entre autres, de l’effet donné de tolérance au glucose (c’est le disposition index de Berg-
incrétine, de la réduction de la glucagonémie, du système ner- man). Concernant la sécrétion d’insuline, il s’agit à la fois de
veux et de la cellule ␤ pancréatique elle-même. Plus physiologique la sécrétion totale, mais également de la phase précoce de la
et de pratique aisée, elle se heurte néanmoins à la variabilité de sécrétion. Ainsi, Bergman montre que la comparaison de la
la vitesse de vidange gastrique et de l’absorption digestive du première phase de l’insulinosécrétion entre des groupes de sensi-
glucose. Elle ne permet pas non plus d’obtenir des valeurs de bilités à l’insuline différentes est impossible. Les deux paramètres
glycémies suffisamment élevées pour tester la capacité insulino- doivent donc être étudiés, ce qui fait préférer des tests comme
sécrétrice maximale du sujet. Celle-ci nécessite l’administration le minimal model de Bergman ou le clamp hyperglycémique qui
parentérale de glucose. permettent d’obtenir simultanément des données sur ces deux
variables.
Analyse simultanée nécessaire de la sécrétion
et de la sensibilité à l’insuline Première phase de l’insulinosécrétion
Il est connu depuis plusieurs décennies que l’insulinorésistance Les patients diabétiques de type 2 présentent une perte de la
observée chez des sujets en surpoids s’associe à des taux circu- phase précoce de l’insulinosécrétion qui empêche le contrôle de
lants élevés d’insuline [14–16] . Néanmoins, des travaux plus récents la glycémie après une charge en glucose. Les prélèvements de
ont mis en évidence à quel point la sensibilité à l’insuline l’hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) étant espacés
était fortement corrélée à la sécrétion d’insuline. La traduc- toutes les 30 minutes, ce test n’apprécie que la phase secondaire
tion mathématique de la relation entre des deux paramètres de l’insulinosécrétion. Or, celle-ci est souvent plus ample que chez
a donné lieu à de nombreux travaux, dont le travail princeps les sujets sains normoglycémiques (ce qui est mis en évidence par
de Richard Bergman, qui a consisté à étudier les paramètres l’aire sous la courbe de l’insulinosécrétion). Ainsi, la comparai-
obtenus lors de plusieurs charges intraveineuses de glucose au son de l’aire sous la courbe des glycémies pendant l’HGPO entre
cours desquelles de nombreux prélèvements sont effectués pour ces deux groupes a fait conclure, à tort, que les patients diabé-
déterminer l’insulinémie (frequently sampled intravenous glucose tiques de type 2 sont hyperinsulinémiques. Ils le sont, mais parce
tolerance test − FSIGTT) chez cinq chiens soumis pendant 2 mois que la phase précoce de l’insulinosécrétion est perdue. Cette alté-
à un régime riche en glucides [17] . La traduction mathématique ration est grave, comme en témoigne, dans cette population, la
de l’évolution des insulinémies au cours du temps a permis non-diminution de l’insulinosécrétion au niveau basal au temps
la mesure de la sensibilité à l’insuline (SI ) et de la sensibilité 120 minutes du test.

EMC - Endocrinologie-Nutrition 5
10-361-A-10  Métabolisme des glucides et méthodes d’exploration chez l’homme

“ Points forts Convolution

Modélisation
Sécrétion d’insuline Concentration
• La phase secondaire de l’insulinosécrétion seule est et de peptide C
de la cinétique
de peptide C
insuffisante pour contrôler la glycémie, même si elle est du peptide C
plus ample que celle observée chez des sujets sains.
• Une autre conclusion est que la courbe en forme Déconvolution
de dôme de Starling, parfois employée dans la littéra- Figure 6. Définitions de la convolution et de la déconvolution.
ture et censée récapituler toutes les phases d’atteinte de
l’insulinosécrétion des patients diabétiques de type 2 (de
l’hyperinsulinisme à la carence en insuline), est fausse.
k12
Peptide C ISR(t)
CP1 CP2
Clairance hépatique de l’insuline k01
k21

Il a rapidement été compris que l’insulinémie périphérique était


un mauvais reflet de l’insulinosécrétion pancréatique du fait d’une Cellule β Foie
captation variable de l’insuline dans le foie. L’insuline endogène
sécrétée est immédiatement récupérée par la veine porte puis par
le foie. Ce dernier capte une partie de l’insuline portale de telle
manière que l’insulinémie mesurée dans le sang périphérique est I
toujours inférieure aux capacités insulinosécrétoires réelles du Insuline IDR(t)
sujet. L’extraction hépatique de l’insuline (ou effet de premier n
passage hépatique), estimée à 50-80 %, est variable d’un sujet à
l’autre et chez un même sujet d’une condition à l’autre. La clai- Dégradation hépatique
rance hépatique de l’insuline pose donc des problèmes dans la de l’insuline
détermination de l’insulinosécrétion et cela, d’autant plus que
Figure 7. Schématisation du modèle à deux compartiments proposé
l’utilisation hépatique de l’insuline peut être affectée par certaines
par Eaton (d’après [31] ). Le peptide C n’est pas dégradé par le foie et gagne
pathologies comme la stéatose hépatique non alcoolique (non-
le compartiment vasculaire CP1 en équilibre avec le compartiment extra-
alcoholic steatohepatitis − NASH), fréquente au cours du diabète de
vasculaire (CP2 ). Le transfert du peptide C d’un compartiment à l’autre
type 2, les cirrhoses ou l’hépatite C. L’insulinémie périphérique
est déterminé par les constantes cinétiques k12 et k21 alors que la clai-
reflète donc la distribution posthépatique de cette hormone et
rance rénale du peptide C est déterminée par la constante k01 . ISR(t)
sous-estime l’insulinosécrétion réelle du sujet (que l’on appelle
est l’insulinosécrétion préhépatique estimée par la cinétique du peptide
sécrétion préhépatique de l’insuline).
C. IDR(t) est l’insulinosécrétion préhépatique minorée de la dégradation
Le dosage du peptide C a été proposé pour augmenter la préci-
hépatique de l’insuline. L’inuline gagne son compartiment plasmatique
sion de la détermination de l’insulinosécrétion. En effet, le peptide
(I) et n est la constante de dégradation de l’insuline.
C est cosécrété avec l’insuline de manière équimoléculaire et son
extraction hépatique est quasi nulle. Sa clairance métabolique
est essentiellement rénale, constante chez un même individu
et modifiée uniquement en cas d’insuffisance rénale. Du fait de mathématique est complexe et nécessite l’emploi de logiciels
l’absence de captation hépatique du peptide C, la concentration appropriés (voir pour revue [26] ) dont les plus cités sont SAAM II
circulante de peptide C permet de connaître l’insulinosécrétion software [27] ou le ISEC computer program [28] qui sont validés par
préhépatique [21–23] . En comparant les concentrations circulantes des équipes indépendantes, mais ne sont pas commercialisés et
d’insuline (insulinosécrétion périphérique ou posthépatique) et sont disponibles sur demande [29] .
de peptide C (insulinosécrétion préhépatique), on peut logi-
quement estimer le degré d’extraction hépatique de l’insuline.
Néanmoins, la demi-vie du peptide C est plus longue que celle de Modèle bicompartimental de Eaton
l’insuline (30 minutes versus 3 minutes respectivement) et leurs
volumes de distribution sont différents de telle sorte que les L’insulinosécrétion peut être résumée en différentes
fluctuations rapides de l’insulinosécrétion sont théoriquement phases :l’insulinosécrétion préhépatique ;
difficilement analysées par la concentration circulante du pep- • l’extraction hépatique de l’insuline ;
tide C. La reconstitution en temps réel de l’insulinosécrétion • la distribution de l’insuline dans le compartiment post-
préhépatique peut être obtenue par la méthode de déconvolu- hépatique (résumé au compartiment plasmatique), puis sa
tion du peptide C, méthode proposée par Eaton [24] et utilisée par distribution (clairance métabolique) ;
Polonsky et al. [25] . • la diffusion de l’insuline dans l’espace interstitiel ;
• la fixation de l’insuline sur les récepteurs cellulaires ;
• la dégradation de l’insuline.
Déconvolution
Pour étudier les paramètres de la cinétique du peptide C,
La relation mathématique qui relie la sécrétion d’insuline à celle Eaton [24] puis Polonsky [25] ont proposé un modèle bicomparti-
du peptide C est dénommée convolution, opération qui consiste à mental (ou à deux compartiments ouverts) (Fig. 7) :
calculer la sécrétion de peptide C en connaissant celle de l’insuline • C1 : compartiment contenant la masse de peptide C dans le
(Fig. 6). L’opération inverse de la convolution est dénommée secteur plasmatique ;
déconvolution et permet la reconstitution de l’insulinosécrétion • C2 : compartiment contenant la masse de peptide C dans les
basale (après une nuit de jeûne) ou lors de l’administration de secteurs extravasculaires ;
glucose (perfusé pendant le clamp hyperglycémique et/ou admi- • k21 est la constante de transfert du peptide C du compartiment
nistré par voie orale) par l’analyse de la cinétique du peptide C. plasmatique vers l’extravasculaire ;
Pour accéder à ce type d’analyse, la plupart des protocoles néces- • k12 est la constante de transfert du peptide C du compartiment
sitent de réaliser de multiples prélèvements sanguins sur des temps extravasculaire vers le compartiment plasmatique ;
brefs (par exemple toutes les minutes pendant 30 minutes) afin de • k01 est la constante d’élimination irréversible du peptide C
déterminer la cinétique du peptide C, en particulier lors de condi- (traduisant sa clairance rénale) à partir du compartiment
tions stimulées comme l’administration de glucose. L’analyse vasculaire.

6 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Métabolisme des glucides et méthodes d’exploration chez l’homme  10-361-A-10

Clairance rénale du peptide C Surface corporelle = poids0,425 × taille0,725 × 0,007184


L’analyse de l’insulinosécrétion par déconvolution du peptide Où le poids est en kg et la taille en cm pour une surface corpo-
C consiste en des dosages successifs de la concentration circu- relle en m2 .
lante du peptide C sur une période de temps donnée et de leur La cinétique du métabolisme périphérique de l’insuline est
traitement informatique qui tient compte de la clairance rénale déterminée par la clairance métabolique de l’insuline (MCR)
du peptide C. Dans la publication princeps de Polonsky et al. [25] , calculée pendant un clamp euglycémique hyperinsulinémique
celle-ci était déterminée pour chaque patient étudié par la courbe par la formule suivante :
de décroissance de la concentration plasmatique du peptide C
après injection intraveineuse de peptide C synthétique. MCR insuline (ml/min/m2 )
Devant les difficultés d’obtention du peptide C synthétique, des
IR
équipes ont proposé une alternative. Celle-ci consiste à stimuler =  
la sécrétion endogène de peptide C pendant un palier de clamp insulinémie à jeun
hyperglycémique durant 150 minutes puis à perfuser de la soma- IRIa −
× (peptide C plateau/peptide C à jeun)
tostatine afin de supprimer la sécrétion endogène de peptide C
dont la concentration plasmatique va donc décroître progressive-
ment de manière similaire à ce qui est observé après une injection Avec :
unique de peptide C synthétique [27] . • IR (␮U/m2 par minute) = débit de perfusion d’insuline pendant
Actuellement, ces méthodes trop complexes ont été remplacées la phase d’équilibre du clamp euglycémique hyperinsuliné-
par la détermination de la clairance rénale du peptide C au moyen mique ;
de paramètres comme l’âge, le poids, la taille, le sexe à condition • IRIa (␮U/ml) pour insulinémie moyenne pendant la phase de
que la fonction rénale soit normale [30] (voir infra). Quelle que soit plateau du clamp.
la méthode, la courbe de décroissance plasmatique du peptide C L’insulinosécrétion posthépatique est alors déterminée en basal
a été modélisée en un modèle à deux compartiments. ou lors de l’administration de glucose par la formule suivante :
 mU 
Insulinosécrétion posthépatique par minute
m2
Mesure de l’insulinosécrétion préhépatique = IRIa × MCR
Méthode de Peiris et al. Avec :
Protocole employé • IRIa (␮U/ml) = insulinémie moyenne en basal ou pendant la
Le protocole consiste à étudier les différents paramètres ciné- phase de plateau du clamp ;
tiques nécessaires à la détermination de l’insulinosécrétion pré- • MCR (ml/m2 par minute) = clairance métabolique de l’insuline.
et posthépatique au moyen de prélèvements à jeun suivis d’un Connaissant l’insulinosécrétion pré- et posthépatique, il est
clamp hyperglycémique de 150 minutes [27] . Ce clamp est pour- possible de calculer l’extraction hépatique de l’insuline par la
suivi et complété par une perfusion de somatostatine (0,5 mg/h) formule suivante :
de 2 heures. Les prélèvements sanguins nécessaires à la mesure de
l’insulinémie, de la glycémie et de la concentration de peptide C Extraction (%) = insulinosécrétion préhépatique
sont réalisés à jeun et toutes les 5 minutes pendant la dernière
demi-heure du plateau du clamp avant la perfusion de soma- insulinosécrétion posthépatique

tostatine. Après avoir débuté la perfusion de somatostatine, les insulinosécrétion préhépatique
prélèvements sont réalisés toutes les minutes pendant les 30 pre-
× 100
mières minutes, puis toutes les 5 minutes les 30 minutes suivantes
puis toutes les 10 minutes pendant les 60 minutes restantes afin
de déterminer la concentration décroissante de peptide C. Durant
Méthode de Di Nardo et al. [31]
la période de perfusion de somatostatine, la glycémie est mainte-
nue à la même valeur que celle qui précédait la perfusion grâce au Protocole employé
clamp hyperglycémique qui se poursuit. Dans leur étude, le clamp En faisant l’hypothèse que le peptide C est sécrété dans un
hyperglycémique est complété par un clamp euglycémique hyper- compartiment accessible à l’analyse (compartiment 1 résumé au
insulinémique (débit de perfusion d’insuline de 40 mU/m2 par secteur plasmatique) en équilibre rapide avec l’autre comparti-
minute) afin de déterminer la clairance métabolique de l’insuline. ment (compartiment 2 ou secteur extravasculaire), la cinétique
Tous les prélèvements sont réalisés sur sang artérialisé (cf. supra). du peptide C est décrite par les deux équations suivantes de
Eaton [24] :
Résultats
CP1 (t) = – [k01 + k21 ]CP1 (t) + k12 CP2 (t) + ISR(t) avec CP1 (0) = 0
En utilisant le clamp hyperglycémique, l’insulinosécrétion
préhépatique (en basal, mais aussi lors de l’insulinosécrétion
stimulée lors de l’administration de glucose) peut être déterminée CP2 (t) = k21 CP1 (t) – k12 CP2 (t) avec CP2 (0) = 0
précisément grâce au peptide C selon la formule suivante :

Insulinosécrétion préhépatique Où :
• CP1 (t) et CP2 (t) = concentrations au cours du temps au-dessus
peptide C × 0,045 × volume plasmatique × k01 des valeurs basales du peptide C (pmol/l) respectivement dans
=
surface corporelle le plasma et dans le compartiment extravasculaire ;
• k21 (en minutes) = constante cinétique décrivant le transfert du
Avec : peptide C du compartiment vasculaire vers le compartiment
• insulinosécrétion préhépatique en mU/m2 par minute ; extravasculaire ;
• peptide C = concentration moyenne sur sang artérialisé en pep- • k12 (en minutes) = constante cinétique décrivant le transfert du
tide C (ng/ml) soit à jeun, soit durant la phase de plateau peptide C du compartiment extravasculaire vers le comparti-
hyperglycémique du clamp ; ment vasculaire ;
• 0,045 = facteur constant ; • k01 (en minutes) = constante cinétique décrivant le métabolisme
• volume plasmatique (ml) ; irréversible du peptide C à partir du compartiment vasculaire ;
• k01 est déterminé par la clairance rénale du peptide C dont la • IRS(t) (minutes pmol/l) = sécrétion d’insuline au-dessus de la
valeur est 0,153 ± 0,014 chez le sujet non obèse et de 0,188 valeur basale entrant dans le compartiment accessible, nor-
± 0,013 chez le sujet obèse. malisée pour le volume de distribution du peptide C dans le
La surface corporelle est calculée selon la formule suivante : compartiment 1 (Vc en litres).

EMC - Endocrinologie-Nutrition 7
10-361-A-10  Métabolisme des glucides et méthodes d’exploration chez l’homme

Insulinosécrétion préhépatique par modélisation du peptide Connaissant l’insulinosécrétion non affectée par le foie (ISR(t)
C obtenu par la modélisation du peptide C) et l’insulinosécrétion
Les paramètres cinétiques du peptide C (k21 , k12 , k01 et Vc) ont qui a subi l’extraction hépatique (IDR(t), déterminée par la
pu être déterminés par Van Cauter et al. au moyen de paramètres modélisation de l’insulinémie), il devient possible de déterminer
anthropométriques (âge, poids et taille) [30] selon les formules la captation hépatique de l’insuline (HDR(t)) par la formule
suivantes : suivante :
ISR(t) − IDR(t) IDR(t)
k12 = FRA × B1 + (1 – FRA) × A1 HDR(t) = +1−
ISR(t) ISR(t)
A1 × B 1
k01 =
k12
Descriptif des méthodes d’étude
k21 = A1 + B1 – k12 – k01 de l’insulinosécrétion
Avec : Indices d’insulinosécrétion basés
• A1 = 0,152 si l’indice de masse corporelle (IMC) est supérieur à sur des prélèvements à jeun
29 ou 0,140 si l’IMC inférieur ou égal à 29 ;
• FRA = 0,78 si l’IMC est supérieur à 29 ou 0,76 si l’IMC est « Homeostasis model assessment of insulin resistance »
inférieur ou égal à 29. (HOMA) d’insulinosécrétion
Le HOMA-B (ou HOMA d’insulinosécrétion) utilise la glycémie
0,69315
B1 = et l’insulinémie à jeun dans la formule suivante :
0,14 × âge + 29,16

Vc = 1,92 × surface corporelle + 0,64 (hommes) ou 1,11 × HOMA – B = 20 × insuline à jeun/(glycémie à jeun – 3,5)[64]
surface corporelle + 2,04 (femmes)
Avec : insuline à jeun en mU/l et glycémie à jeun en mmol/l.
Avec surface corporelle (m2 ) = poids0,425 × taille0,725 Un calculateur automatique est disponible sur le site de
× 0,007184 l’université d’Oxford : www.dtu.ox.ac.uk.
Où le poids est en kg et la taille en cm pour une surface corpo- Le HOMA-B est utilisé le plus souvent pour l’étude de grandes
relle en m2 . cohortes, car sa détermination est simple, basée sur des prélève-
L’insulinosécrétion basale (isrb ) est définie par la formule ments sanguins à jeun même déjà stockés et analysés a posteriori.
suivante : Mais cette simplicité a comme corollaire que le HOMA-B est une
grossière estimation de la fonction ␤. Ainsi, la corrélation entre
isrb = k01 × CP1b le HOMA-B et le clamp hyperglycémique est médiocre, en parti-
culier chez les patients hyperglycémiques [32] . Néanmoins, parce
Avec : isrb en min/pmol par litre. que des tests comme le clamp hyperglycémique sont impossibles
CP1b est la concentration du peptide C en fin de test. à réaliser sur de grandes populations, le HOMA-B garde son utilité
L’insulinosécrétion totale (ISR(t)) est définie par la formule pour l’étude de groupes où le nombre de sujets est suffisamment
suivante : important.

ISR(t) = [k01 × CP1b + mX(t)] × Vc


Évaluation dynamique
Avec : Méthodes employant la voie orale
• ISR(t) en min/pmol par litre ;
Repas test. La méthode d’étude la plus physiologique de
• Vc déterminée par la formule 30 ;
l’insulinosécrétion est celle de l’administration d’un repas test
• m (minutes) = un paramètre de proportionnalité.
comportant à la fois des glucides, des lipides et des protéines [33, 34] .
X(t) intègre à la fois la première et la seconde phase de
Le repas test permet l’étude de la contribution des incrétines dans
l’insulinosécrétion (le développement mathématique de ce para-
l’insulinosécrétion. Ce repas peut être préparé en cuisine ou acheté
mètre est détaillé dans [31] ).
sous forme d’une préparation industrielle standardisée et le sujet
Insulinosécrétion périphérique par modélisation doit l’absorber en un temps donné standardisé. L’inconvénient du
de l’insulinémie repas test est la variabilité de la vidange gastrique qui peut affecter
La cinétique de l’insulinosécrétion est linéaire pour des valeurs grandement la réponse insulinique.
d’insulinémie comprises entre 0 et 600-900 pmol/l. L’insulinémie Hyperglycémie provoquée par voie orale. L’HGPO est l’un
périphérique (IDR(t)) est la résultante de la sécrétion totale des tests les plus couramment employés en diabétologie. Malgré
d’insuline et de son degré d’extraction hépatique (Fig. 7). En les nouvelles définitions du diabète basées sur la glycémie à jeun
reprenant les mêmes équations que pour le peptide C décrites ou l’hémoglobine glycosylée (HbA1c), l’HGPO reste d’actualité
supra et en remplaçant les concentrations de peptide C par dans de nombreuses circonstances comme la confirmation
l’insulinémie au cours du temps, on obtient l’équation suivante : d’un diabète gestationnel après un test de O’Sullivan positif. La
procédure de l’HGPO a le mérite d’être standardisée et facilement
ISR(t) = [idrb +IDR(t)] × VI = [nIb + mX(t)] × V1 réalisable : 75 g de glucose per os sont ingérés par le sujet et les
prélèvements sanguins sont réalisés toutes les 30 minutes pen-
dant 120 minutes afin de déterminer la glycémie et l’insulinémie.
Où :
On obtient ainsi à la fois la cinétique de l’évolution de la glycémie
• IDR(t) = l’insulinosécrétion résultante de la sécrétion préhépa-
et de l’insulinémie après la charge en glucose. La concentration
tique et de l’extraction hépatique de l’insuline ;
d’insuline ou sa sécrétion doivent être normalisées par rapport
• Ib = insulinosécrétion basale ;
à la glycémie basale. Cela peut se faire en utilisant le ratio
• n (min) = – 0,0005 × âge + 0,252 ;
entre l’incrément de l’insulinémie et de la glycémie au-dessus
• m (min) = un paramètre de proportionnalité ;
de leurs valeurs basales respectives à 30 minutes. Ce ratio est
• X(t) intègre à la fois la première et la seconde phase de
dénommé insulinogenic index [35] et est calculé par la formule
l’insulinosécrétion ;
suivante :
• VI = volume de distribution de l’insuline calculé avec la for-
mule ;
• VI = volume de distribution de l’insuline Index insulinogénique = (insulinémie 30 min – insulinémie
= e0,5358 × surface corporelle + 1 . 0 min)/(glycémie 30 min – 0 min)

8 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Métabolisme des glucides et méthodes d’exploration chez l’homme  10-361-A-10

Cet index est très bien corrélé à la phase précoce de dans la vie quotidienne. Cela est vrai, mais une procédure qui
l’insulinosécrétion déterminée par d’autres méthodes (voir évalue une fonction physiologique n’a pas forcément à être
ci-dessous) et peut être utilisé chez l’insuffisant rénal modéré. proche de la vie quotidienne. Elle doit d’abord répondre le plus
D’autres indices utilisant les aires sous la courbe ont été utilisés précisément possible à la question posée, être reproductible et
ainsi que des indices particuliers permettant d’estimer la première entraîner le moins de contraintes possibles sur le plan technique.
phase et la seconde phase de l’insulinosécrétion [36] . On peut Ensuite, la variabilité de la vidange gastrique et de la sécrétion
citer les index d’estimation de la première et de la seconde phase d’incrétines entraîne une variabilité dans les réponses insuliniques
de l’insulinosécrétion proposés par Stumvoll et qui se calculent obtenues.
comme suit :
Méthodes employant la voie parentérale
Première phase = 1,283 + 1,829 × Ins30 – 138,7 × Gly30 + 3,772
× Ins0 Hyperglycémies provoquées par voie veineuse.
L’hyperglycémie provoquée par voie veineuse (HGPIV) consiste
en l’injection intraveineuse (en 1 à 2 minutes) de glucose (0,3 g de
Seconde phase = 287 + 0,4164 × Ins30 – 26,07 × Gly30 + 0,9226 glucose/kg) qui permet d’obtenir une réponse insulinosécrétoire
× Ins0 dont la phase précoce est la plus intéressante à étudier. Les
critères analysés sont soit la somme des insulinémies à 1 et
NB. Ces index ont été validés par rapport aux don- 3 minutes, soit la somme à 3 et 5 minutes, soit la surface sous
nées obtenues lors d’un clamp hyperglycémique chez des la courbe des insulinémies des 10 premières minutes. Le pic
sujets normoglycémiques et des patients intolérants au d’insulinémie obtenu lors du test est dénommé dans la littérature
glucose. acute insulin response (AIR) et est considéré comme une analyse
Il est également possible de corréler l’index insulinogénique de la phase précoce de l’insulinosécrétion. En toute rigueur, cela
à un index de sensibilité à l’insuline comme celui de Matsuda, n’est pas exact, car l’insulinémie mesurée résulte de la sécrétion
permettant en un index composite [37] qui reflète les capacités d’insuline minorée de l’extraction hépatique de l’insuline. Le
insulinosécrétoires ajustée, pour la sensibilité périphérique à test sous-estime donc l’insulinosécrétion réelle d’autant que
l’insuline soit : l’extraction hépatique de l’insuline varie considérablement
ISIcom × insulinogenic index entre les individus. Pour pallier cet inconvénient, le dosage
Insulin disposition index =
100 du peptide C permet, par la méthode de déconvolution, de
mieux préciser l’insulinosécrétion totale du sujet (voir chapitre
Avec sur la déconvolution). La population diabétique de type 2 est
• ISIcom calculé avec l’indice de Matsuda ; difficilement évaluable par ce test, car l’hyperglycémie chronique
• insulinogenic index calculé avec la formule citée plus haut. va sidérer l’insulinosécrétion par des mécanismes de glucotoxi-
Cela correspond en fait au disposition index de Bergman, cité. L’HGPIV est en revanche largement utilisée dans la phase
produit de la sensibilité à l’insuline et de l’insulinosécré- préclinique du diabète de type 1 afin de mesurer la sécrétion insu-
tion. linique résiduelle. La variabilité intra-individuelle est importante
La cinétique des glycémies et des insulinémies au cours de (15 % à 20 %).
l’HGPO prend la forme de courbes dont on peut calculer la Perfusions croissantes de glucose. Le test avec des perfu-
surface (aire sous la courbe ou AUC pour area under the curve). sions progressivement croissantes de glucose introduit en 1995
Il a été proposé de définir les capacités d’insulinosécrétion par s’apparente au clamp hyperglycémique. Après une période basale,
rapport à l’évolution des glycémies en comparant les aires sous la le test consiste en une augmentation du débit de perfusion de
courbe de la manière suivante : glucose par multiples paliers de 40 minutes afin d’augmenter pro-
gressivement la glycémie. À chaque palier, l’insulinosécrétion est
AUCins 0 − 120 déterminée par méthode de déconvolution. Le test dure au moins
AUC ratio = 6 heures. Chez les patients diabétiques, la glycémie peut être nor-
AUCglu 0 − 120
malisée par un bolus d’insuline effectué avant la perfusion de
glucose. Le bolus d’insuline ne modifie pas la concentration circu-
Avec : lante de peptide C, permettant de déterminer l’insulinosécrétion
• AUCins 0 − 120 = aire sous la courbe des insulinémies pendant par la méthode de déconvolution. Cela permet de comparer
l’HGPO ; des profils d’insulinosécrétion obtenus chez des sujets sains et
• AUCglu 0 − 120 = aire sous la courbe des glycémies pendant des patients diabétiques de type 2 pour des glycémies équiva-
l’HGPO. lentes. L’insulinosécrétion moyenne déterminée à chaque palier
La comparaison directe des AUC des insulinémies permet glycémique est corrélée à la glycémie correspondante, permet-
théoriquement de comparer les capacités insulinosécrétoires des tant d’obtenir une évaluation individuelle de la fonction ␤. Cette
groupes de sujets étudiés. Néanmoins, des précautions sont néces- courbe dose-réponse est une caractéristique essentielle de la cel-
saires. En effet, dans le diabète de type 2, l’altération de la phase lule ␤ et son altération est intéressante à mettre en évidence
précoce de l’insulinosécrétion provoque une réponse retardée dans diverses situations physiopathologiques. Cette technique (au
et exagérée de la phase tardive de l’insulinosécrétion qui se contraire du clamp hyperglycémique) ne permet pas d’étudier la
traduit par une surface sous la courbe importante. Il ne faut phase précoce de l’insulinosécrétion et n’analyse que la phase
pourtant pas en conclure que les sujets étudiés sont hyperinsuliné- secondaire.
miques, car l’exagération de la phase tardive de l’insulinosécrétion Administration d’autres sécrétagogues que le glucose. Sur
n’est qu’une compensation de la perte de la phase précoce le plan physiopathologique, il est important de connaître les effets
qui induit une hausse de la glycémie. Ces sujets doivent donc d’autres sécrétagogues que le glucose sur l’insulinosécrétion. En
d’abord être considérés comme déficitaires de la phase précoce effet, la sécrétion d’insuline induite par le glucose peut être très
de leur insulinosécrétion. Ainsi, la recherche d’un déficit insu- déficitaire alors que celle induite par l’arginine, le glucagon, les
linosécrétoire porte plus sur l’analyse de la phase initiale de la incrétines ou l’isoprotérénol peut être moins affectée. Le test au
sécrétion d’insuline que sur la surface totale de l’excursion insu- glucagon était très largement utilisé en diabétologie et permet-
linémique pendant les 120 minutes qui suivent l’ingestion de tait d’obtenir une exploration de la réserve insulinique endogène
glucose. chez le patient diabétique de type 1 ou de type 2 [38] . Il est moins
Il existe quelques limites de l’HGPO qu’il faut bien connaître. utilisé aujourd’hui. Ce test consiste en l’injection intraveineuse de
La première est que l’ingestion d’une solution aussi concentrée 1 mg de glucagon et de la mesure du peptide C circulant 6 minutes
en glucides est parfois mal tolérée sur le plan digestif, entraî- après l’injection. Chez le patient diabétique de type 2, une valeur
nant nausée ou diarrhée. Contrairement au repas test, l’HGPO de peptide C inférieure à 0,6 pmol/ml (ou 1,8 ng/ml) traduit une
est jugée peu physiologique, car l’ingestion d’une telle quan- insulinorequérance. Ce test est simple, rapide et bien standardisé.
tité de glucides indépendamment des autres nutriments est rare Le coefficient de variation intra-individuel du test au glucagon est

EMC - Endocrinologie-Nutrition 9
10-361-A-10  Métabolisme des glucides et méthodes d’exploration chez l’homme

25 3
Bolus de glucose
Bolus d'insuline
20

Insulinémie (nM)
Glycémie (mM)

2
15

10
1

0 0
–30 10 30 60 90 150 210 –30 10 30 60 90 150 210
Temps (minutes) A Temps (minutes) B

4 Figure 8. Évolution des glycémies (A), de l’insulinémie (B) et de la concentration


circulante de peptide C (C) lors d’un frequently sampled intravenous glucose tole-
rance test (FSIGTT) modifié (bolus de glucose de 0,3 g/kg suivi 25 minutes plus tard
d’une perfusion de 0,03 U/kg en 5 minutes) chez un sujet témoin (d’après [41] ).
3
Peptide C (nM)

0
–30 10 30 60 90 150 210
Temps (minutes) C

correct même si la glycémie de départ peut influencer le résultat « Minimal model » de Bergman. Protocole. Le principe
du test dans la population diabétique. Il est en revanche diffi- du FSIGTT (décrit supra) initialement proposé consistait en la
cile de stratifier les individus d’un même groupe, car le test est perfusion de glucose pendant 30 à 60 minutes avec des pré-
plutôt de type tout ou rien. Contrairement au test au glucagon, lèvements sanguins toutes les 10-15 minutes [39] . Le test a été
les réponses insulinosécrétrices à l’arginine et à l’isoprotérénol modifié par Bergman dans les années 1970 : il repose désormais
sont du domaine de la recherche. Ces deux sécrétagogues peuvent sur l’administration intraveineuse en 2 minutes d’un bolus de
être injectés en intraveineux lors des différents plateaux de glycé- glucose (0,3 g/kg de poids en une minute) chez un sujet à jeun
mie obtenus pendant le clamp hyperglycémique (voir ci-dessous) depuis la veille au soir (situation postabsorptive) suivie de pré-
et, en particulier, lors du dernier plateau (glycémie clampée à lèvements sanguins multiples et répétés (− 10, − 1, 1, 2, 3, 4,
22-25 mmol/l). La réponse insulinosécrétoire obtenue en hyper- 5, 6, 7, 8, 10, 12, 14, 16, 20, 22, 23, 24, 25, 27, 30, 40, 50,
glycémie permet d’estimer très précisément la fonction cellulaire ␤ 60, 70, 80, 90, 100, 120, 160 et 180 minutes) afin de détermi-
pancréatique. L’injection d’arginine provoque une hausse brutale ner la cinétique d’évolution de la glycémie et de l’insulinémie [40] .
et fugace de l’insulinosécrétion que beaucoup considèrent comme Chez un sujet sain, durant le FSIGTT, la glycémie s’élève puis
l’équivalent d’une phase précoce de la sécrétion d’insuline. Le diminue à une valeur minimale inférieure à la valeur au début
niveau de stimulation de l’insulinosécrétion obtenu par l’arginine de l’exploration avant d’y revenir progressivement (Fig. 8) [41] .
dépend de la glycémie (elle est d’autant plus forte que la gly- L’insulinémie s’élève brutalement en un pic fugace (dénommé
cémie est élevée), expliquant que la perfusion d’arginine ait index de la première phase ou first responsivity index, correspon-
lieu lors du dernier palier de glycémie du clamp hyperglycé- dant à la phase précoce de l’insulinosécrétion) puis diminue à une
mique ou des techniques équivalentes. À la suite de la perfusion valeur inférieure à la valeur observée au début de l’exploration,
d’arginine, les prélèvements sanguins sont réalisés toutes les puis augmente à nouveau en un pic plus faible (seconde phase de
minutes pendant 10 minutes. Le résultat s’exprime comme la l’insulinosécrétion) avant de revenir à la valeur basale (Fig. 8). La
moyenne de l’incrément d’insulinémie ou de peptide C circulant première phase de l’insulinosécrétion est considérée comme résul-
pendant les 5 à 10 premières minutes qui suivent la perfu- tant de l’exocytose immédiate d’un pool de granules d’insuline
sion, incrément baptisé AIR (pour acute insulin response), Une immédiatement mobilisable. Cette phase est dépendante de la
variante de ce test consiste à injecter l’arginine en basal puis à hausse de la glycémie au-dessus de la valeur basale. La seconde
répéter l’injection à la fin de chaque palier de glycémie obtenu phase de l’insulinosécrétion est considérée comme la résultante
lors d’un clamp hyperglycémique. La stimulation maximale de de l’exocytose d’un autre pool de granules, contenant l’insuline
l’insulinosécrétion par l’arginine est obtenue pour une glycémie mobilisable en réponse à une valeur donnée de glycémie qui se
supérieure à 30 mmol/l. L’étude des patients diabétiques nécessite stabilise dans le temps. Cette phase est le témoin des réserves
la normalisation préalable de la glycémie par un bolus d’insuline. d’insulinosécrétion au cours du temps pour une glycémie stable.
De manière remarquable, l’arginine restaure la phase précoce Pour bien différencier les deux phases d’insulinosécrétion ou
d’insulinosécrétion chez le patient diabétique de type 2, suggérant augmenter la précision de la détermination de la sensibilité à
que cette phase précoce reste stimulable par d’autres sécrétagogues l’insuline, la procédure initiale de Bergman a été modifiée selon
que le glucose. la modalité suivante : le bolus de glucose de 0,3 g/kg est suivi,

10 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Métabolisme des glucides et méthodes d’exploration chez l’homme  10-361-A-10

25 minutes plus tard, d’une perfusion d’insuline de 0,03 U/kg en étudié est insulinorésistant ou carencé en insuline. Cela veut dire
5 minutes ou de l’emploi de tolbutamide. La décroissance de la que les données obtenues par le minimal model sont imparfaites
glycémie dépend à la fois de la sécrétion d’insuline et de l’action concernant les populations les plus intéressantes à étudier : les
de l’insuline, permettant ainsi l’estimation de la sensibilité à patients diabétiques de type 2 insulinorésistants et présentant une
l’insuline. carence relative en insuline [44] . Pour cette population, la sensi-
Traitements mathématiques des données. Les valeurs obtenues bilité à l’insuline déterminée par le minimal model peut parfois
sont ensuite traitées par le logiciel MINMOD qui génère un index être nulle, voire négative. Enfin, le coefficient de variation intra-
de sensibilité à l’insuline (logiciel disponible auprès de Bergman, individuelle est d’autant plus élevé que l’atteinte de l’homéostasie
Physiology, Univ Southern California, Los Angeles, États-Unis [42] ). glucidique est prononcée. En outre, la formulation mathématique
L’analyse mathématique des résultats des prélèvements obtenus est complexe et nécessite une programmation appropriée. Hormis
au cours du FSIGTT permet de calculer différentes composantes celui de Bergman, il n’y a pas de logiciel officiel disponible pour
du minimal model dont : ce traitement mathématique. Un certain nombre de programmes
• SI : sensibilité à l’insuline (soit l’effet de l’insuline sur la dispa- sont décrits dans [26] ou sur l’adresse http://person.hst.aau.dk ou
rition du glucose du compartiment vasculaire) ; sont disponibles sur demande [29] .
• SG : glucose effectiveness (ou effet de masse du glucose, soit Clamp hyperglycémique. Le clamp hyperglycémique est
l’effet du glucose sur sa propre captation indépendamment de une technique très précise permettant l’analyse de la capacité
l’insuline) ; insulinosécrétoire et consiste en la perfusion de glucose pen-
• 1 : première phase de l’insulinosécrétion suite à l’injection dant 180 minutes au débit nécessaire pour élever la glycémie
de glucose (dépendante de la hausse brutale de la à un niveau stable déterminé (le plus souvent 11 mmol/l) [45] .
glycémie) ; Cette technique est précise, mais réservée à quelques centres
• 2 : seconde phase de l’insulinosécrétion suite à l’injection de recherche. Elle a l’avantage de mesurer également la sensibi-
de glucose (moins dépendante des variations glycémiques et lité à l’insuline. Elle peut être modifiée pour réaliser des paliers
témoignant des réserves d’insulinosécrétion au cours du temps croissants d’hyperglycémie durant chacun 40 minutes et permet-
pour une glycémie donnée) ; tant d’analyser l’insulinosécrétion en une courbe dose-réponse.
• le disposition index est le produit de la sensibilité à l’insuline Pour obtenir les paliers, le glucose à 20 % est perfusé succes-
SI et de 1 ou 2 (qui témoigne de la bonne adéquation de sivement aux débits de 1, 2, 3, 4, 6 et 8 mg/kg par minute.
la sécrétion d’insuline pour un niveau donné de sensibilité La perfusion de glucose est adaptée afin de stabiliser la gly-
à l’insuline). Le disposition index est constant, car la sécrétion cémie à chaque palier. Au dernier palier (qui peut atteindre
d’insuline s’adapte immédiatement à toute modification de la 20 mmol/l de glycémie), un sécrétagogue non glucidique peut
sensibilité à l’insuline. La pathologie survient si cette adapta- être injecté (comme l’arginine). Les prélèvements sanguins (glu-
tion n’est plus possible (Fig. 5). cose, insuline, peptide C) sont effectués en basal, puis toutes
Postulats nécessaires. Alors que le clamp quantifie la sensibilité les minutes pendant les dix premières minutes (afin de déter-
à l’insuline dans une situation d’équilibre métabolique (la phase miner la phase précoce de l’insulinosécrétion) puis à chaque
stationnaire du clamp), le minimal model quantifie la sensibilité à palier (dont le dernier permet de calculer la phase secondaire
l’insuline dans une situation dynamique (administration de glu- de l’insulinosécrétion). L’incrément des différentes phases de
cose). Plusieurs postulats sont faits pour permettre le traitement l’insulinosécrétion pour chaque palier croissant de glycémie
mathématique des données sous la forme d’équations différen- est déterminé par la méthode de déconvolution (voir chapitre
tielles : sur la déconvolution). Stumvoll propose également de calcu-
• le volume de distribution du glucose administré est unique ler les première et seconde phases d’insulinosécrétion comme
(modèle unicompartimental) ; suit :
• la cinétique de disparition du glucose (sous l’influence de • première phase = somme des insulinémies à 2, 5, 7 et
l’insulinosécrétion) est monoexponentielle ; 10 minutes–insulinémie moyenne basale ;
• la glycémie à la fin de l’exploration est la même qu’au temps 0 ; • seconde phase = moyenne de l’insulinémie pendant la dernière
• la production hépatique de glucose est freinée durant le test ; du clamp–insulinémie moyenne basale.
• l’insulinosécrétion est forcément minimale (c’est-à-dire au- Une normalisation glycémique par perfusion d’insuline préa-
dessus d’une certaine valeur seuil). lable est nécessaire chez le patient diabétique de type 2. Ce test
La procédure est plus facile à mettre en œuvre que le clamp (le permet de détecter des anomalies discrètes de l’insulinosécrétion
minimal model a déjà été utilisé dans de larges cohortes de sujets chez des sujets normoglycémiques, mais porteurs d’une anoma-
à étudier) ne nécessite pas de perfusion de longue durée. Les cor- lie génétique de la cellule ␤ pancréatique. De plus, au dernier
rélations aux résultats du clamp sont excellentes pour des sujets palier d’hyperglycémie, le rapport entre le débit de perfusion de
non insulinorésistants [43, 44] . Les risques d’hypoglycémie (et donc glucose nécessaire pour obtenir cette glycémie et l’insulinémie
de sécrétion d’hormones de contre-régulation) sont très faibles qui en résulte est une estimation correcte de la sensibilité à
contrairement au clamp. Le traitement mathématique des don- l’insuline.
nées permet non seulement de quantifier la sensibilité à l’insuline, Technique « continous infusion of glucose with model
mais également la sécrétion d’insuline (contrairement au clamp assessment » (CIGMA). La méthode CIGMA consiste en la per-
qui inhibe la sécrétion endogène d’insuline). Cette procédure fusion continue de glucose (5 mg/kg) pendant 60 minutes. Son
permet donc d’avoir accès conjointement aux deux paramètres utilisation pour l’étude de la sécrétion d’insuline reste confiden-
fondamentaux que sont la sensibilité à l’insuline et la sécrétion tielle.
d’insuline. En résumé. Il n’y a pas de consensus sur une méthode de réfé-
Limitations. Des limitations du minimal model ont été décrites rence d’étude de l’insulinosécrétion d’autant que la sécrétion doit
dans la littérature. Le postulat que le volume de distribution du être étudiée en connaissant la sensibilité à l’insuline. Le FSIGTT
glucose peut se résumer à un seul compartiment est bien entendu et le clamp hyperglycémique sont les tests de référence, car ils
une approximation, ce qui a conduit à modifier le traitement étudient à la fois la sensibilité et la sécrétion d’insuline, mais
informatique des données afin de considérer une modélisation à leur mise en pratique peut s’avérer difficile. La méthode la plus
deux compartiments conformément au modèle de Eaton. De plus, simple est la détermination de l’aire sous la courbe pendant un
du fait de l’extraction hépatique du glucose, l’insulinosécrétion test de stimulation de l’insulinosécrétion (comme l’HGPO). Cette
ne peut être étudiée uniquement en mesurant l’insulinémie et méthode ne donne néanmoins qu’une estimation de la sécrétion
nécessite l’analyse de la cinétique du peptide C par la méthode de totale d’insuline dans des conditions imposées sans toutefois dis-
déconvolution (voir ci-dessus). La production hépatique de glu- socier des éléments capitaux comme la première et la seconde
cose n’est pas toujours inhibée au cours du test (elle l’est d’autant phase de l’insulinosécrétion et pose également le problème de
moins que le sujet présente une insulinorésistance hépatique) l’absorption intestinale du glucose. L’emploi de deux tests diffé-
et sa non-freination aura bien entendu un impact important rents augmente la connaissance de la fonction ␤ insulaire même
sur la cinétique de la glycémie au cours du test. Les corréla- si la corrélation stricte entre différents tests réalisés chez un même
tions avec le clamp sont d’autant plus médiocres que le sujet individu peut n’être pas parfaite [46] . Cela s’explique par le fait

EMC - Endocrinologie-Nutrition 11
10-361-A-10  Métabolisme des glucides et méthodes d’exploration chez l’homme

que chaque test étudie plus ou moins partiellement (mais jamais [2] Fraze E, Donner CC, Swislocki AL. Ambient plasma free fatty acid
complètement) les facteurs déterminant la fonction endocrine concentrations in noninsulin-dependent diabetes mellitus: evidence for
␤. insulin resistance. J Clin Endocrinol Metab 1985;61:807–11.
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Traité de Diabétologie. Paris: Flammarion Médecine Sciences; 2005.
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man. J Clin Invest 1960;39:1157–75.
Choix des techniques d’étude de l’insulino- [6] Yalow RS, Berson SA. Assay of plasma insulin in human subjects by
sécrétion immunological methods. Nature 1959;184(suppl21):1648–9.
• Choisir le test en fonction des facteurs modulant la [7] Cerasi E. Insulin resistance, insulin deficiency, and non-
insulin-dependent diabetes mellitus. Diabetes Res Clin Pract
fonction ␤ à étudier (par exemple : voie orale versus voie 1991;14(suppl2):S37–45.
veineuse, test permettant l’emploi d’autres sécrétagogues [8] Goran MI, Bergman RN, Cruz ML, Watanabe R. Insulin
que le glucose). resistance and associated compensatory responses in african-
• Choisir le test en fonction de l’infrastructure et du american and hispanic children. Diabetes Care 2002;25:
personnel disponibles (HGPO avec cinq prélèvements san- 2184–90.
guins versus FIGTT avec prélèvements multiples). [9] Bier DM. Stable isotope methods for nutritional diagnosis and research.
Nutr Rev 1982;40:129–34.
• Choisir des tests par voie veineuse si la standardisation
[10] Tissot S, Normand S, Guilluy R. Use of a new gas chromatograph
de la glycémie basale est difficile (par exemple chez le isotope ratio mass spectrometer to trace exogenous 13C labelled glu-
diabétique). cose at a very low level of enrichment in man. Diabetologia 1990;33:
• Vérifier le protocole avec soin, en particulier le mode 449–56.
d’administration et la quantité de sécrétagogue adminis- [11] Barreto SG, Carati CJ, Toouli J, Saccone GT. The islet-acinar axis of
tré et les conséquences éventuellement délétères des tests the pancreas: more than just insulin. Am J Physiol Gastrointest Liver
Physiol 2010;299:G10–22.
(comme la majoration de l’hyperglycémie après adminis-
[12] Holst JJ. The physiology of glucagon-like peptide 1. Physiol Rev
tration de glucose chez le patient diabétique). 2007;87:1409–39.
• Utiliser des méthodes de dosage de l’insuline et du pep- [13] UK prospective diabetes study 16. Overview of 6 years’ therapy of
tide C standardisées. type II diabetes: a progressive disease. UK Prospective Diabetes Study
• Si des groupes doivent être comparés, choisir un test Group. Diabetes 1995;44:1249–58.
qui permette de standardiser la glycémie basale (comme [14] Karam JH, Grodsky GM, Forsham PH. Excessive insulin response
par exemple l’administration parentérale d’insuline préa- to glucose in obese subjects as measured by immunochemical assay.
Diabetes 1963;12:197–204.
lablement à l’administration de glucose chez le diabétique
[15] Perley M, Kipnis DM. Plasma insulin responses to glucose and tolbu-
hyperglycémique). tamide of normal weight and obese diabetic and nondiabetic subjects.
• Toujours garder à l’esprit que la sécrétion d’insuline doit Diabetes 1966;15:867–74.
être interprétée en fonction de la sensibilité à l’insuline [16] Bagdade JD, Porte Jr D, Brunzell JD, Bierman EL. Basal and stimulated
(ce qui suppose d’utiliser deux tests différents ou un test hyperinsulinism: reversible metabolic sequelae of obesity. J Lab Clin
combiné). Med 1974;83:563–9.
[17] Bergman RN, Bowden CR, Cobelli C. Minimal modeling,
partition analysis and identification of glucose disposal in ani-
mals and man. In: Proceedings of the International Conference
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[18] Bergman RN, Phillips LS, Cobelli C. Physiologic evaluation of factors
 Conclusion controlling glucose tolerance in man: measurement of insulin sensiti-
vity and beta-cell glucose sensitivity from the response to intravenous
Les techniques d’exploration du métabolisme glucidique sont glucose. J Clin Invest 1981;68:1456–67.
nombreuses. Chacune a ses spécificités, ses difficultés et ses [19] Johnston C, Raghu P, McCulloch DK. Beta-cell function and insulin
limites. Le choix de l’une par rapport à l’autre doit donc sensitivity in nondiabetic HLA-identical siblings of insulin-dependent
diabetics. Diabetes 1987;36:829–37.
dépendre à la fois de la question posée dans l’étude (quel test
[20] Kahn SE, Prigeon RL, McCulloch DK. Quantification of the
permet d’apporter la réponse avec le plus de précision possible ?),
relationship between insulin sensitivity and beta-cell function in
du nombre de sujets à étudier ou de groupes à comparer et
human subjects. Evidence for a hyperbolic function. Diabetes
des moyens humains et matériels disponibles pour l’étude. Les 1993;42:1663–72.
méthodes d’exploration couvrent tout le panel des possibilités, [21] Watanabe RM, Volund A, Roy S, Bergman RN. Prehepatic beta-cell
des index à jeun réalisables sur de larges cohortes de plusieurs secretion during the intravenous glucose tolerance test in humans:
milliers de sujets jusqu’au clamp. Excepté les études épidémiolo- application of a combined model of insulin and C-peptide kinetics.
giques, la nécessité grandissante de connaître à la fois la sensibilité J Clin Endocrinol Metab 1989;69:790–7.
à l’insuline et la sécrétion d’insuline en recherche clinique fait [22] Pacini G. Mathematical models of insulin secretion in physiologi-
préférer l’emploi de méthodes combinées étudiant ces deux cal and clinical investigations. Comput Methods Programs Biomed
aspects. Ces techniques s’enrichissent elles-mêmes de nouvelles 1994;41:269–85.
méthodes d’exploration complémentaires prometteuses comme [23] Mari A. Mathematical modeling in glucose metabolism and
la résonance magnétique nucléaire, permettant l’analyse non insulin secretion. Curr Opin Clin Nutr Metab Care 2002;5:
invasive de la composition des tissus ou la cinétique du méta- 495–501.
bolisme d’un substrat en temps réel. Ensemble, ces méthodes [24] Eaton RP, Allen RC, Schade DS. Prehepatic insulin production in man:
permettent aujourd’hui de mieux progresser dans la compréhen- kinetic analysis using peripheral connecting peptide behavior. J Clin
sion des pathologies du métabolisme glucidique. Endocrinol Metab 1980;51:520–8.
[25] Polonsky KS, Licinio-Paixao J, Given BD. Use of biosynthetic human
C-peptide in the measurement of insulin secretion rates in nor-
mal volunteers and type I diabetic patients. J Clin Invest 1986;77:
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F. Andreelli, Professeur (fabrizio.andreelli@psl.aphp.fr).


Service de diabétologie, CHU Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Andreelli F. Métabolisme des glucides et méthodes d’exploration chez l’homme. EMC - Endocrinologie-
Nutrition 2012;9(4):1-13 [Article 10-361-A-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


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EMC - Endocrinologie-Nutrition 13
¶ 10-361-A-20

Exploration de la sensibilité à l’insuline


chez l’homme : méthodes et indications
J.-P. Bastard, R. Rabasa-Lhoret, J. Capeau, B. Fève

L’insulinorésistance joue un rôle central dans la genèse du diabète de type 2, et est associée à de
nombreux facteurs de risque cardiovasculaire que l’on retrouve dans l’obésité ou chez les patients
dysmétaboliques. Aussi, rechercher et caractériser la résistance à l’insuline est un des éléments
importants dans ces situations physiopathologiques. Le choix d’une méthode de mesure ou d’une autre
dépend néanmoins de la nature de l’information recherchée et des moyens disponibles. Le clamp
hyperinsulinémique euglycémique est la méthode de référence pour évaluer la sensibilité à l’insuline chez
l’homme. Sa complexité de mise en œuvre en limite néanmoins l’utilisation aux protocoles de recherche et
à des équipes spécialisées. Aussi, plusieurs index dérivés des mesures de glycémie et d’insulinémie à jeun,
ou au cours d’une hyperglycémie provoquée par voie orale, ont été développés pour évaluer la résistance
à l’insuline dans diverses populations. Nous présentons dans cette revue les techniques permettant de
mesurer et quantifier la sensibilité à l’insuline chez l’homme en indiquant leurs limites et leur intérêt.
© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Insulinorésistance ; Insuline ; Glucose ; Clamp hyperinsulinémique euglycémique ; HOMA ;


QUICKI ; HGPO

Plan réponse à l’hormone ou encore de mesurer la synthèse de


glycogène, de lipides ou d’acide désoxyribonucléique (ADN)
¶ Introduction 1
sous l’action de l’insuline. Mais la notion d’insulinorésistance
s’applique aussi à des situations cliniques. Elle est associée à
¶ Clamp hyperinsulinémique euglycémique 2 certains états physiologiques comme la puberté, la grossesse ou
¶ Calcul du « disposition index » 2 le vieillissement mais aussi à des situations comme l’obésité, en
¶ Test de suppression insulinique ou « steady state plasma particulier si elle se caractérise par une répartition androïde du
glucose » 2 tissu adipeux, chez les sujets sédentaires, hypertendus, intolé-
rants au glucose ou diabétiques, en cas de dyslipidémie asso-
¶ « Minimal model » de Bergman 2
ciant un cholestérol-high density lipoproteins (HDL) bas avec une
¶ Test de tolérance intraveineuse à l’insuline 3 hypertriglycéridémie, ou chez les femmes présentant un syn-
¶ Mesures dérivées de l’hyperglycémie provoquée par voie orale 3 drome des ovaires polykystiques. Elle peut être suspectée
¶ Index simples réalisés à jeun 4 cliniquement par la présence d’un acanthosis nigricans [1-3]. Il
existe aussi fréquemment une insulinorésistance dans les
¶ Conclusion 5
situations de stress et en particulier à l’occasion des infections
aiguës [3]. La présence d’anomalies de régulation du métabo-
lisme des glucides, des lipides ou de la pression artérielle dans
■ Introduction un contexte d’obésité androïde a permis de définir une entité
connue sous le terme de syndrome métabolique ou syndrome
La physiopathologie de l’insulinorésistance aux niveaux d’insulinorésistance qui est un facteur de risque important de
cellulaires et moléculaires est très complexe. Elle peut se situer développement d’un diabète de type 2 et de complications
à différents niveaux dans la voie de signalisation de l’insuline cardiovasculaires [4]. Ces circonstances évoquent fortement une
depuis le récepteur jusqu’aux étapes post-récepteur tardives et insulinorésistance, mais ne permettent ni d’affirmer sa présence,
peut affecter de façon différente les tissus cibles (foie, muscles, ni de la quantifier. La présence d’une obésité même sévère ne
tissu adipeux) et les voies métaboliques. Plusieurs approches permet pas d’affirmer la présence d’une insulinorésistance. En
nous permettent d’apprécier le niveau de résistance à l’insuline effet, certains sujets présentent toutes les anomalies métaboli-
dans les modèles cellulaires ou tissulaires : le nombre de ques sus-citées alors qu’ils ne sont pas obèses tandis que certains
récepteurs et leurs capacités de liaison de l’hormone, la capacité sujets obèses, au contraire, sont métaboliquement normaux [5,
6] . Nous ne développons pas ici l’évaluation de marqueurs
de l’insuline à induire la phosphorylation sur tyrosine du
récepteur ou de ses protéines substrats, l’activation par phos- indirects de l’insulinorésistance comme les adipokines telles que
phorylation des kinases métaboliques (Akt/PKB) et mitogéniques l’adiponectine, la leptine ou le plasminogen activator inhibitor 1
(ERK1/ERK2) principales. En recherche, il est également possible (PAI-1) ou des protéines de transport telles que la sex hormone
au niveau cellulaire de mesurer les capacités de transport du binding protein (SHBG). Nous présentons, dans cette revue, les
glucose dans les cellules musculaires ou adipeuses en réponse à techniques utilisables en recherche et en clinique permettant de
l’insuline, de mesurer l’activité antilipolytique des adipocytes en mesurer et quantifier la sensibilité à l’insuline chez l’homme.

Endocrinologie-Nutrition 1
10-361-A-20 ¶ Exploration de la sensibilité à l’insuline chez l’homme : méthodes et indications

■ Clamp hyperinsulinémique composition corporelle, au mieux par absorptiométrie biphoto-


nique peut être nécessaire. Enfin, on comprend aisément, que
euglycémique du fait de sa complexité de mise en œuvre et de son coût, le
CHE ne soit réservé qu’à des études de recherche clinique
L’épreuve du clamp hyperinsulinémique euglycémique (CHE) comprenant un nombre limité de sujets, qui sont le plus
consiste à administrer de l’insuline en perfusion intraveineuse souvent des études d’intervention où la sensibilité à l’insuline
continue et à maintenir la glycémie constante au cours de est retenue comme critère principal de jugement. Bien que cette
l’épreuve en perfusant du glucose [7] . Le débit de glucose méthode permette une mesure précise de l’insulinorésistance,
nécessaire pour maintenir la glycémie constante, habituellement elle n’est pas applicable en pratique clinique dans le cadre du
aux alentours de 4,5 mmol/l, permet une estimation de l’utili- soin et ne peut être utilisée dans le cadre d’études de recherche
sation du glucose par les tissus périphériques pour chaque débit clinique qui nécessitent une investigation sur de grands effectifs.
d’insuline perfusé. Le CHE est la méthode de référence pour Ceci a amené de nombreux auteurs à essayer de développer
mesurer la résistance à l’insuline aussi bien chez l’homme que d’autres méthodes d’évaluation de la sensibilité et/ou résistance
chez l’animal. Cette méthode décrite initialement par Andres et à l’insuline allant du minimal model décrit par Bergman aux
dont les algorithmes ont été publiés en 1979 par De Fronzo et index simples dérivés des mesures de glycémie et insulinémie à
Andres permet d’apprécier plusieurs types d’insulinorésistance jeun.
selon les niveaux d’insulinémie utilisés au cours de l’épreuve.
En effet, l’insulinorésistance du tissu adipeux peut être mesurée,
en appréciant l’activité antilipolytique de l’insuline, en quanti- ■ Calcul du « disposition index »
fiant la décroissance des acides gras non estérifiés (AGNE) au
cours de l’épreuve pour des débits d’insuline perfusés faibles de Cette méthode développée par une équipe scandinave corres-
l’ordre de 10 mU/m2/min. L’insulinorésistance hépatique est pond à la combinaison d’une hyperglycémie intraveineuse
appréciée par la mesure de la production hépatique du glucose (0,3 g/kg de glucose 20 %) qui permet de mesurer la sécrétion
grâce à l’utilisation des isotopes stables comme le 6,6-2H- d’insuline sur 60 minutes, suivie d’un CHE [9] . La mesure
glucose et pour des débits d’insuline plus faibles que ceux concomitante de ces paramètres, qui prend 3 heures, est
utilisés lors la mesure de l’insulinorésistance musculaire. intéressante puisque la sécrétion d’insuline dépend en grande
partie de la sensibilité à l’insuline. Cette méthode permet de
L’utilisation globale du glucose, en majorité musculaire, est
calculer le disposition index (DI) qui est une mesure de la
appréciée pour des débits d’insuline de 40 mU/m2/min ou plus.
sécrétion d’insuline ajustée pour la sensibilité à l’insuline selon
Si la dose d’insuline est suffisante pour inhiber la production
une relation hyperbolique [10]. Ainsi, le maintien d’une tolé-
hépatique de glucose, la quantité de glucose perfusé est alors le
rance au glucose normale est réalisé grâce à l’adaptation de la
reflet de la sensibilité périphérique musculaire à l’insuline. Ceci
sécrétion d’insuline en fonction de l’insulinorésistance qui a
est en général obtenu pour des débits d’insuline de l’ordre de
cependant des limites qui dépendent en grande partie de l’état
1 mUI/kg/min ou 40 mU/m2/min chez des sujets non diabéti-
fonctionnel du pancréas endocrine. Néanmoins, ce calcul du DI
ques ayant un index de masse corporelle (IMC) au-dessous
n’est pas encore couramment utilisé et nécessite d’être validé
de 25 kg/m2. Dans certaines circonstances (surpoids, obésité ou dans de grandes études.
diabète de type 2), la production hépatique de glucose peut ne
pas être totalement inhibée pour de tels débits d’insuline. Elle
peut alors être mesurée en utilisant des perfusions de glucose
marqué aux isotopes stables. La dilution du glucose marqué
■ Test de suppression insulinique
dans le plasma permet de mesurer le flux de glucose qui entre ou « steady state plasma glucose »
dans le compartiment plasmatique, somme de la production
hépatique et du glucose perfusé, qui rend compte de l’utilisation Le principe de cette méthode consiste à perfuser du glucose
périphérique du glucose. On peut en déduire la production (6 à 8 mg/kg/min) et de l’insuline (0,9 à 2,5 mU/kg/min) à des
hépatique endogène résiduelle après soustraction du débit de débits fixes et choisis pour éviter une hypoglycémie ou une
glucose exogène perfusé. L’utilisation de plusieurs débits hyperglycémie susceptibles de déclencher une réponse hormo-
d’insuline permet d’établir une courbe dose-réponse entre les nale contre-régulatrice [11]. On peut, au cours du test, perfuser
concentrations croissantes d’insuline et l’augmentation des des agents pharmacologiques comme la somatostatine ou de
débits de glucose perfusé. Cette méthode est plus précise pour l’adrénaline associée à du propranolol qui permettent de
l’évaluation de la résistance à l’insuline, puisqu’elle permet bloquer la sécrétion endogène d’insuline. La durée de l’épreuve
d’identifier la sensibilité à l’insuline et la capacité maximale est de 150 minutes. Le degré de résistance à l’insuline est
d’utilisation du glucose. Pour déterminer la quantité de glucose proportionnel au niveau de glycémie atteint à l’état d’équilibre,
ou steady state plasma glucose (SSPG), en fin de test. La clairance
à perfuser, la glycémie est mesurée toutes les 5 minutes au cours
métabolique du glucose correspond au rapport SSPG sur débit
de l’épreuve. Cette technique peut être couplée à des mesures
de perfusion du glucose. L’index de sensibilité à l’insuline est
de calorimétrie indirecte pour apprécier le métabolisme oxydatif
calculé en divisant la clairance métabolique du glucose par
et non oxydatif du glucose.
l’insulinémie obtenue à l’état d’équilibre ou steady state plasma
Compte tenu des multiples facteurs influençant la sensibilité
insulin (SSPI). Cette approche, très utilisée par le groupe de
à l’insuline, il est important que ce test soit réalisé chez des Reaven, est moins utilisée que le clamp.
sujets en poids stable, dont le régime a été préalablement
standardisé avec une quantité suffisante de glucides dans les 2
à 3 jours précédant le test, à distance (plus de 3 semaines) d’un
épisode aigu (infection, chirurgie, etc.) et sans exercice intense
■ « Minimal model » de Bergman
depuis 72 heures, ce qui correspond aux recommandations Cette méthode décrite par Bergman [12] est une alternative
d’usage avant de réaliser une épreuve d’hyperglycémie provo- validée pour la mesure de l’insulinorésistance. Son principe
quée par voie orale (HGPO). repose sur une hyperglycémie provoquée par voie veineuse
Bien qu’il s’agisse de la méthode de référence, il n’existe pas associée à une modélisation mathématique prenant en compte
de consensus sur la dose d’insuline à perfuser quand on utilise la courbe de disparition du glucose et les insulinémies mesurées
un seul débit de perfusion d’insuline (habituellement compris au cours de l’épreuve. Cette méthode est en théorie plus simple
entre 40 et 75 mU/m2/min), sur la durée du test (2 ou 3 heures) que le CHE. Elle permet au cours du test d’évaluer l’insulino-
ainsi que sur la façon d’exprimer les résultats : quantité de sécrétion et donc de calculer le DI. Néanmoins, les données
glucose perfusée pendant les 30 à 60 dernières minutes du test, sont parfois difficiles à analyser, en particulier chez les patients
normalisée ou non en fonction du plateau d’insuline obtenu, diabétiques chez qui il est fréquent d’obtenir une valeur nulle
du poids du sujet ou de sa masse maigre (masse musculaire et pour la sensibilité à l’insuline, ce qui ne correspond pas à la
organes) [8] . Dans ce dernier cas, une mesure fiable de la réalité. De plus, la mesure de la sensibilité à l’insuline n’est pas

2 Endocrinologie-Nutrition
Exploration de la sensibilité à l’insuline chez l’homme : méthodes et indications ¶ 10-361-A-20

directe comme avec le clamp et nécessite l’utilisation d’un gastrique, la sécrétion d’insuline mais aussi d’autres hormones
logiciel pour analyser les données. Enfin, l’épreuve dure d’origine intestinale ou du stock de glycogène préalable,
180 minutes, ce qui n’est pas réellement un avantage par plusieurs groupes de recherche ont tenté d’établir des formules
rapport au clamp. mathématiques qui permettent une évaluation de la résistance
à l’insuline au cours de cette épreuve dynamique. Ces équipes
spécialisées [13] n’ont fait que relancer l’HGPO pour l’étude de
■ Test de tolérance intraveineuse la résistance à l’insuline puisque c’est cette épreuve qui initia-
à l’insuline lement avait permis à Himsworth, en 1936, de proposer une
subdivision du diabète en deux types, sensible à l’insuline et
Ce test consiste en l’injection de 0,1 unité d’insuline non sensible à l’insuline [14].
par kilogramme de poids corporel et permet le calcul d’un index L’estimation de la sensibilité à l’insuline obtenue à partir
de décroissance de la glycémie au cours des 15 à 30 premières d’équations fondées sur la comparaison des concentrations
minutes suivant l’injection d’insuline. Ce test est simple à plasmatiques de glucose et d’insuline au cours de l’HGPO a été
réaliser mais présente différents écueils dont le risque de comparée avec sa mesure directe par la méthode de référence du
survenue d’une hypoglycémie susceptible d’induire une contre- CHE ou le minimal model. Les index les plus utilisés actuelle-
régulation hormonale. Celle-ci peut néanmoins être évitée si on ment sont ceux publiés par Matsuda et DeFronzo et par Stum-
s’intéresse aux 15 premières minutes suivant l’injection en voll et al. [15, 16] mais d’autres sont aussi performants comme
déterminant le rapport de la différence (glycémie de base – l’index de Belfiore ou le simple index assessing insulin sensitivity
glycémie à 15 minutes) sur la glycémie basale. Ce rapport doit au cours de l’HGPO (SIisOGTT) [17, 18]. Les équations de plu-
être inférieur à 0,5. Dans ces conditions, ce test donne une sieurs index sont présentées dans le Tableau 1 [15-22]. Plusieurs
évaluation globale qui dépend de l’utilisation périphérique du études ont comparé les index simples statiques de mesure de la
glucose et de la suppression de sa production hépatique qui
résistance à l’insuline calculés à partir d’échantillons obtenus à
peut être plus ou moins bien freinée. Selon l’objectif recherché,
jeun (cf. infra) à d’autres plus sophistiqués obtenus après une
cette situation peut donc présenter des désavantages. Néan-
épreuve dynamique d’HGPO, et suggèrent une meilleure
moins, les résultats rapportés montrent une bonne corrélation
performance des tests dynamiques. Cependant, ces derniers
avec ceux du CHE.
n’ont pas fait jusqu’à présent la preuve formelle de leur
supériorité sur les index statiques, et il est difficile actuellement
■ Mesures dérivées de choisir l’utilisation d’un index plutôt qu’un autre. Néan-
moins, des arguments solides sont en faveur de leur supériorité
de l’hyperglycémie provoquée pour évaluer la sensibilité musculaire à l’insuline. En effet, outre
l’estimation de l’insulinorésistance hépatique déterminée à
par voie orale partir des premiers prélèvements à jeun à T0 de l’HGPO, la
L’HGPO est un test de charge orale en glucose standardisé sensibilité à l’insuline estimée au cours de l’épreuve dans sa
(75 g chez l’adulte et 1,75 g/kg de poids chez l’enfant sans phase dynamique est un bon reflet de la sensibilité muscu-
dépasser 75 g) qui a été largement utilisé ces dernières décennies laire [23]. De plus, les indices dérivés de l’HGPO permettent
pour le diagnostic du diabète et pour quantifier le degré de d’obtenir trois informations au cours du même test : établir la
tolérance au glucose. Bien qu’il ne soit pas aisé de décliner un tolérance au glucose, estimer la sensibilité à l’insuline et évaluer
indice de sensibilité à l’insuline fiable au cours d’une HGPO, les capacités sécrétoires du pancréas. Ces indices nécessitent
compte tenu de la faible reproductibilité de ce test dynamique d’être validés sur de grandes cohortes avec une large gamme de
qui dépend de nombreux facteurs dont la qualité de la vidange sensibilité à l’insuline et de tolérance au glucose. Enfin,

Tableau 1.
Index dérivés de l’hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO).
Index Référence Équation
ISI-Avignon [19] {[0,137 x 108 / (insulinémie à jeun (µUI/ml) × glycémie à jeun (mg/dl) × VD)] + [108 / (insulinémie à la 2e heure
(µUI/ml) × glycémie à la 2e heure (mg/dl) × VD)]} / 2
où VD est le volume apparent de distribution du glucose = 150 (ml/kg de poids)

ISI Belfiore [17] 2/[(AUC insulinémies (µUI/ml)) × (AUC glycémies (mg/l) +1]
où AUC insulinémies et AUC glycémies représentent les aires sous la courbe de l’insulinémie et de la glycémie divisées
par la moyenne de leurs valeurs normales

ISI-Cederholm [20] [75 000 + glycémie à jeun (– glycémie à la 2e heure (mmol/l) × 1,15 × 180 × 0,19 × poids corporel (kg)] / [120 × (log
insulinémie moyenne (µUI/ml) × glycémie moyenne (mmol/l)]

ISI-Gutt [21] {75 000 + (glycémie à jeun – glycémie à la 2e heure (mg/dl) × 0,19 × poids corporel (kg)} / {120 × log [insulinémie à
jeun + insulinémie à la 2e heure (µUI/ml) / 2] × [(glycémie à jeun + glycémie à la 2e heure (mg/dl) / 2]}

ISI Matsuda [15] 10 000 / Rac ([glycémie à jeun (mg/dl) × insulinémie à jeun (µUI/ml)] × [glycémie moyenne (mg/dl) × insulinémie
moyenne (µUI/ml)])

ISI- Stumvoll [16] 0,226 – [0032 × IMC (kg/m2)] – [0,0000645 × insulinémie à la 2e heure (pmol/l)] – [0,00375 × glycémie à la 1,5e heure
(mmol/l)]

OGIS [22] 0,5 {B + Rac [B2 + 4 × P5 × P6 × (Gly90 – GlyCLAMP) × ClHGPO]}


où ClHGPO = P4 × {[P1 D0 – V (Gly120 – Gly90) / 30] / Gly90 + P3 / Gly0} / [Ins120 – Ins0 + P2]
et B = [P5 (Gly90 – GlyCLAMP) + 1] × ClHGPO
Avec P1 = 6,50, P2 = 1,951, P3 = 4,514, P4 = 792, P5 = 11,8 10-3 et P6 = 173
qui sont des constantes utilisées quand les paramètres de l’équation sont exprimés en unités internationales

SIisOGTT [18] 1/[log (R glycémie0+30+90+120 min(mmol/l)) + log (R insulinémie 0+30+90+120 min (µUI/ml))
IMC : index de masse corporelle.

Endocrinologie-Nutrition 3
10-361-A-20 ¶ Exploration de la sensibilité à l’insuline chez l’homme : méthodes et indications

l’absence de valeurs usuelles de référence pour ces différents également important lors d’études multicentriques évaluant ces
modèles en limite encore l’utilisation en pratique clinique. paramètres d’exiger un dosage centralisé de l’insuline pour pallier
ces différences. Toutefois, si on utilise une transformation
logarithmique du HOMA ou le QUICKI, qui possède déjà cette
■ Index simples réalisés à jeun transformation dans son équation, on obtient alors un coefficient
de variation inférieur à 10 %, ce qui est acceptable pour ce type de
Afin de pallier la complexité des méthodes précédemment mesure. On peut améliorer la performance de ces tests par la
décrites dont l’indication se trouve restreinte aux études portant répétition des prélèvements à jeun. Ils peuvent être utilisés même
sur de faibles effectifs, des formules mathématiques dérivées des en cas de déficit insulinosécrétoire, notamment dans le diabète de
mesures de glycémie et d’insulinémie à jeun ont été proposées. type 2, mais avec un risque d’erreur plus important. Ils permettent
Elles présentent l’avantage de restreindre l’étude de la sensibilité néanmoins de différencier la sensibilité à l’insuline de différents
à l’insuline à un seul prélèvement sanguin. Plusieurs formules groupes dans des études à large échelle. Ces index ont montré
mathématiques ont été proposées, mais il a été démontré que qu’ils pouvaient être intéressants comme indicateur du risque de
les index dont les formules étaient présentées sous la forme de développer un diabète de type 2 [29]. De plus, ils pourraient aussi
somme ou de produit de la glycémie et de l’insulinémie étaient être des indicateurs de risque des complications du diabète et de
plus pertinents que ceux présentés sous forme de rapports de l’insulinorésistance. Ainsi, une diminution de la sensibilité à
ces deux variables [1]. En effet, l’estimation qu’elles fournissent l’insuline estimée par le QUICKI est-elle corrélée à une
est beaucoup plus précise, en particulier, lorsque la résistance à augmentation de l’épaisseur intima-média carotidienne [30]. Dans
l’insuline est importante et que le patient présente une hyper- l’étude Veterans Affairs HDL Intervention Trial (VA-HIT), le
glycémie. Les équations des principaux index sont présentées HOMA prédit mieux la survenue d’événements cardiovasculaires
dans le Tableau 2. que le profil lipidique [31].
Deux indices sont communément utilisés : le modèle homeos- En résumé, ces index ont pour avantage leur simplicité, ils sont
tasis model assessment (HOMA) [24] , et plus récemment le
suffisamment fiables pour distinguer différents sous-groupes de
quantitative insulin sensitivity check index (QUICKI) [25], qui se
population et sont utilisables chez les enfants. De plus, leur valeur
révèle être approximativement l’inverse logarithmique du
prédictive pour identifier le risque de survenue d’un diabète de
HOMA [1]. Les index HOMA et QUICKI reposent sur un modèle
type 2 ou de maladies cardiovasculaires est assez puissante. Il est
mathématique structurel fondé sur la connaissance des réponses
cependant important de connaître leurs limitations. En effet, ils
quantitatives des principaux organes intervenant dans la
peuvent être pris en défaut lorsque le prélèvement sanguin n’est
régulation du métabolisme du glucose. Ils permettent une
pas réalisé chez un sujet en état stable comme à la suite d’un
évaluation de l’insulinorésistance essentiellement hépatique [23],
régime hypocalorique, d’un programme d’entraînement ou si le
qui elle-même est un bon reflet de l’insulinorésistance globale.
diabète de type 2 est franchement déséquilibré. Leur corrélation
Récemment, le logiciel de calcul du HOMA réactualisé, appelé
avec le CHE est significativement supérieure dans les situations
HOMA 2, a été mis à disposition sur le site de l’université
d’insulinorésistance importante par rapport aux sujets témoins
d’Oxford (http://www.dtu.ox.ac.uk/homacalculator/index.php).
normoglycémiques [25]. Il est probable que les faibles variations
Il permet de calculer le HOMA-S (inverse du HOMA) et le
de l’insulinémie et de la glycémie à jeun présentes dans la
HOMA-B (estimation de la sécrétion insulinique) et de situer ces
population normale ne soient pas suffisantes pour rendre compte
données par rapport à des valeurs de références. Les index HOMA
de la variabilité importante de la sensibilité à l’insuline [32]. Dans
et QUICKI présentent de nombreux avantages puisqu’ils sont
le cadre d’études épidémiologiques, l’inclusion d’un sous-groupe
faciles à réaliser et sont bien corrélés avec la sensibilité à l’insuline
de sujets insulinorésistants peut donc affecter les relations
mesurée par le CHE ou le minimal model. On estime actuellement
retrouvées. Ils ne peuvent pas être utilisés chez les patients
que 55 % à 65 % de la variabilité de la sensibilité à l’insuline
diabétiques de type 1 ou de type 2 traités par insuline puisque,
déterminée par le CHE peut l’être par ces index. Le coefficient de
dans ce cas, l’insulinémie mesurée est le reflet de l’intervention
variation du HOMA est de l’ordre de 20 % et correspond à celui de
thérapeutique. Néanmoins, une partie de ces limitations peut être
l’insulinémie, qui est dû essentiellement à la variabilité intrasujet
surmontée. Pour améliorer la performance de l’index QUICKI, il a
d’un jour à l’autre, plus qu’à une défaillance analytique, en
été proposé d’y inclure la valeur des AGNE à jeun [26], afin
particulier depuis le développement de dosages spécifiques de
d’incorporer dans la formule un estimateur plus sensible que
l’insuline. Il est important de noter qu’il n’y a pas de
l’insuline et le glucose pour apprécier de faibles variations
normalisation des techniques de dosage d’insuline et que les
d’insulinosensibilité, en particulier dans les populations
valeurs normales sont variables d’un laboratoire à l’autre, ce qui
strictement normoglycémiques, puisque l’effet antilipolytique de
bien évidemment modifie les seuils de HOMA et QUICKI
l’insuline s’observe pour des concentrations très faibles en
considérés comme indiquant une insulinorésistance. Il est
insuline. Ainsi, il est estimé que la sensibilité à l’insuline pour le
contrôle de la lipolyse explique 10 % de la sensibilité à l’insuline
Tableau 2. globale avec une interrelation marquée entre les deux processus.
Index dérivés des mesures réalisées à jeun. De plus, du fait des relations complexes qui existent entre
l’insulinorésistance et le métabolisme des lipides (l’insulino-
Index Référence Équation résistance altère le contrôle de la lipolyse et une élévation des
HOMA [24] [glycémie (mmol/l) × insulinémie acides gras à jeun majore l’insulinorésistance), cette formule du
(µUI/ml)] / 22,5 QUICKI modifiée a été utilisée avec succès dans les situations
d’insulinorésistance modérée [32] où il a été montré que cette
QUICKI [25] 1/[log glycémie (mg/dl) + log formule modifiée était mieux corrélée que le HOMA ou le QUICKI
insulinémie (µUI/ml)] à la sensibilité à l’insuline évaluée par le CHE. Néanmoins, elle
[26]
peut aussi être prise en défaut à l’occasion d’un régime
QUICKI révisé 1/[log glycémie (mg/dl) + log
hypocalorique au cours duquel le niveau d’AGNE reflète
insulinémie (µUI/ml) + log AGNE
beaucoup plus la lipolyse induite par le déficit calorique que
(mmol/l)]
l’effet antilipolytique de l’insuline. D’autres formules prenant en
Mc Auley [27] exp [2,63 – 0,28 ln (insulinémie, compte les paramètres du bilan lipidique tels que les triglycérides,
µUI/ml) – 0,31 ln (triglycéridémie, le cholestérol total, le HDL-cholestérol ou les AGNE et
mmol/l)] l’insulinémie mais pas la glycémie à jeun ont été développées [27,
28]. Elles ont été très performantes dans les populations ayant

Disse [28] 12 × [2,5 × (HDL-cholestérol (mmol/l)/ permis leur description initiale et ont pu, pour certaines, être
cholestérol total (mmol/l)) – AGNE validées dans d’autres populations, montrant ainsi leur
(mmol/l)] – insulinémie (µUI/ml) efficacité [33]. Ces index nécessitent cependant d’être validés sur
AGNE : acides gras non estérifiés (acides gras libres) ; HDL : high density de grands effectifs de sujets présentant une large gamme de
lipoproteins. sensibilité à l’insuline et de tolérance au glucose avant de pouvoir

4 Endocrinologie-Nutrition
Exploration de la sensibilité à l’insuline chez l’homme : méthodes et indications ¶ 10-361-A-20

être utilisés à grande échelle. Afin de minimiser les variations [4] Hanley AJ, Williams K, Gonzalez C, D’Agostino Jr. RB,
intra-individuelles de l’insulinémie, il est important de pouvoir Wagenknecht LE, Stern MP, et al. Prediction of Type 2 Diabetes
standardiser le dosage d’insuline comme cela vient d’être Using Simple Measures of Insulin Resistance: Combined Results
récemment proposé [34]. Par ailleurs, ceci permettrait une From the San Antonio Heart Study, the Mexico City Diabetes Study,
meilleure comparaison des différentes études entre elles. and the Insulin Resistance Atherosclerosis Study. Diabetes 2003;
52:463-9.
[5] Conus F, Rabasa-Lhoret R, Péronnet F. Characteristics of metabolically
obese normal-weight (MONW) subjects. Appl Physiol Nutr Metab
■ Conclusion 2007;32:4-12.
[6] Messier V, Karelis AD, Prud’homme D, Primeau V, Brochu M, Rabasa-
Le CHE est la méthode de référence pour évaluer la sensibilité Lhoret R. Identifying metabolically healthy but obese individuals in
à l’insuline chez l’homme. Sa complexité de mise en œuvre en sedentary postmenopausal women. Obesity 2010;18:911-7.
limite néanmoins l’utilisation aux protocoles de recherche et à [7] DeFronzo RA, Tobin JD,Andres R. Glucose clamp technique: a method
des équipes spécialisées. Les index proposés à partir de la for quantifying insulin secretion and resistance. Am J Physiol 1979;
glycémie et de l’insulinémie à jeun ou au cours d’une HGPO 237:E214-EE23.
[8] Ferranini E, Mari A. How to measure insulin sensitivity. J Hypertens
sont souvent la variante d’une même formule dont l’élément
1998;16:895-906.
commun est le produit de la glycémie par l’insulinémie. Il est [9] Tripathy D, Wessman Y, Gullstrom M, Tuomi T, Groop L. Importance
important de se souvenir que tous ces indices ne mesurent pas of Obtaining Independent Measures of Insulin Secretion and Insulin
exactement les mêmes composantes de la sensibilité à l’insuline Sensitivity During the Same Test: Results with the Botnia clamp.
(globale, musculaire, du tissu adipeux ou du foie). À l’exception Diabetes Care 2003;26:1395-401.
du modèle HOMA et du QUICKI, la plupart de ces index [10] Bergman RN,Ader M, Huecking K, Van Citters G.Accurate assessment
souffrent d’une validation limitée à de faibles effectifs de sujets, of beta-cell function: the hyperbolic correction. Diabetes 2002;
de l’absence de corrélation rapportée avec les éléments classi- 51(suppl1):S212-S220.
ques du syndrome d’insulinorésistance et de n’avoir pas été [11] Reaven GM, Farquhar JW. Steady-state plasma insulin response to
utilisés dans les études épidémiologiques. Les données actuelles continuous glucose infusion in normal and diabetic subjects. Diabetes
n’indiquent pas une supériorité décisive des index obtenus lors 1969;18:273-9.
d’une HGPO comparativement à ceux se limitant aux données [12] Bergman RN, Prager R, Volund A, Olefsky JM. Equivalence of
the insulin sensitivity index in man derived by the minimal model
à jeun, bien que certains méritent d’être évalués sur de plus
method and the euglycemic glucose clamp. J Clin Invest 1987;79:
grandes séries de sujets. Les tests autres que le clamp utilisant 790-800.
une injection d’insuline sont limités par leur complexité, leurs [13] Scheen AJ. Comment apprécier chez l’homme l’action de l’insuline en
risques, et le peu de publications les ayant utilisés. Enfin, les recherche et en pratique. Ann Endocrinol (Paris) 1999;60:179-87.
formules prenant en compte les AGNE à jeun méritent d’être [14] Himsworth HP. Diabetes mellitus. Its differentiation into insulin-
étudiées sur des cohortes de patients plus larges, même si le sensitive and insulin-insensitive types. Lancet 1936;1(Pt1):27-130.
facteur limitant actuel pour la réalisation d’un dosage d’AGNE [15] Matsuda M, DeFronzo RA. Insulin sensitivity indices obtained from
fiable est la gestion de l’étape préanalytique pour éviter la oral glucose tolerance testing: comparison with euglycemic insulin
lipolyse dans le tube de prélèvement et donc les fausses clamp. Diabetes Care 1999;22:1462-70.
augmentations de ce paramètre. [16] Stumvoll M, Mitrakou A, Pimenta W, Jenssen T, Yki-Järvinen H, Van
Haeften T, et al. Use of the oral glucose tolerance test to assess insulin
Le choix d’une méthode ou d’une autre dépend de la nature
release and insulin sensitivity. Diabetes Care 2000;23:295-301.
de l’information recherchée et des moyens disponibles. Dans la
[17] Belfiore F, Iannello S, Volpicelli G. Insulin sensitivity indices
mesure où l’insulinorésistance est associée à de nombreuses calculated from basal and OGTT-induced insulin, glucose, and FFA
pathologies, en particulier cardiovasculaires, tout en jouant un levels. Mol Genet Metab 1998;63:134-41.
rôle central dans la genèse du diabète de type 2, rechercher et [18] Bastard JP, Vandernotte JM, Faraj M, Karelis AD, Messier L,
caractériser la résistance à l’insuline reste un élément fonda- Malita FM, et al. Relationship between the hyperinsulinemic-
mental. Sa mesure précise pour chaque patient n’est cependant euglycemic clamp and a new simple index assessing insulin sensitivity
pas indispensable car les mesures proposées (exercice physique, in overweight and obese postmenopausal women. Diabetes Metab
amaigrissement, molécules thérapeutiques, etc.) ne dépendent 2007;33:261-8.
pas exclusivement de son importance et procurent des bénéfices [19] Avignon A, Boegner C, Mariano-Goulart D, Colette C, Monnier L.
qui dépassent la simple amélioration de la sensibilité à l’insu- Assessment of insulin sensitivity from plasma insulin and glucose
in the fasting or post oral glucose-load state. Int J Obes 1999;
line. En pratique clinique, il n’y a donc pas d’indication à
23:512-7.
réaliser un CHE pour guider une décision thérapeutique. [20] Cederholm J, Wibell L. Insulin release and peripheral sensitivity at
L’utilisation d’un index à partir des données obtenues à jeun est the oral glucose tolerance test. Diabetes Res Clin Pract 1990;10:
logique pour de grands groupes mais son application au niveau 167-75.
individuel n’est pas validée et peu utilisée jusqu’à présent. [21] Gutt M, Davis CL, Spitzer SB, Llabre MM, Kumar M, Czarnecki EM,
Néanmoins, elle peut permettre d’objectiver une insulinorésis- et al. Validation of the insulin sensitivity index (ISI0-120): comparison
tance à un moment donné et de garder cette information with other measures. Diabetes Res Clin Pract 2000;47:77-184.
chiffrée dans le dossier du patient, et cela est souvent un [22] Mari A, Pacini G, Murphy E, Ludvik B, Nolan JJ. A model-based
préalable nécessaire avant des recherches génétiques plus method for assessing insulin sensitivity from the oral glucose tolerance
complexes, lorsque l’on s’adresse aux syndromes rares test. Diabetes Care 2001;24:539-48.
d’insulinorésistance. [23] Abdul-Ghani MA, Matsuda M, Balas B, DeFronzo RA. Muscle and
liver insulin resistance indexes derived from the oral glucose tolerance
test. Diabetes Care 2007;30:89-94.
.
[24] Matthews DR, Hosker JP, Rudenski AS, Naylor BA, Treacher DF,
Turner RC. Homeostasis model assessment: insulin resistance and beta-
■ Références cell function from fasting plasma glucose and insulin concentrations in
man. Diabetologia 1985;28:412-9.
[1] Bastard JP, Rabasa-Lhoret R, Maachi M, Ducluzeau PH, Andreelli F, [25] Katz A, Nambi SS, Mather K, Baron AD, Follmann DA, Sullivan G,
Vidal H, et al. What kind of simple fasting index should be used et al. Quantitative insulin sensitivity check index: a simple, accurate
to estimate insulin sensitivity in humans? Diabetes Metab 2003; method for assessing insulin sensitivity in humans. J Clin Endocrinol
29:285-8. Metab 2000;85:2402-10.
[2] Montague CT. O’Rahilly. Causes and consequences of visceral [26] Perseghin G, Caumo A, Caloni M, Testolin G, Luzi L. Incorporation of
adiposity. Diabetes 2000;49:883-8. the fasting plasma FFA concentration into QUICKI improves its asso-
[3] Yki-Jarvinen H. Toxicity of hyperglycemia. Diabetes Metab Rev 1998; ciation with insulin sensitivity in nonobese individuals. J Clin
14(suppl1):S45-S50. Endocrinol Metab 2001;86:4776-81.

Endocrinologie-Nutrition 5
10-361-A-20 ¶ Exploration de la sensibilité à l’insuline chez l’homme : méthodes et indications

[27] McAuley K, Williams S, Mann J, Walker R, Lewis-Barned N, Tem- [31] Robins SJ, Rubins HB, Faas FH, Schaefer EJ, Elam MB, Anderson JW,
ple L, et al. Diagnosing Insulin Resistance in the General Population. et al. Insulin resistance and cardiovascular events with low HDL
Diabetes Care 2001;24 (0-464). cholesterol: the Veterans Affairs HDL Intervention Trial (VA-HIT).
[28] Disse E, Bastard JP, Bonnet F, Maitrepierre C, Peyrat J, Louche- Diabetes Care 2003;26:1513-7.
Pelisser C, et al. A lipid-parameter-based index for estimating insulin [32] Rabasa-Lhoret R, Bastard JP, Jan V, Ducluzeau PH, Andreelli F,
sensitivity and identifying insulin resistance in healthy populations. Guebre F, et al. Modified quantitative insulin sensitivity check index is
Diabetes Metab 2008;34:457-63. better correlated to hyperinsulinemic glucose clamp than other fasting-
[29] Hanley AJ, Williams K, Gonzalez C, D’Agostino Jr. RB, based index of insulin sensitivity in different insulin-resistance states.
J Clin Endocrinol Metab 2003;88:4917-23.
Wagenknecht LE, Stern MP, et al. Prediction of Type 2 Diabetes Using
[33] Antuna-Puente B, Disse E, Faraj M, Lavoie ME, Laville M, Rabasa-
Simple Measures of Insulin Resistance: Combined Results From the Lhoret R, et al. Evaluation of insulin sensitivity with a new lipid-based
San Antonio Heart Study, the Mexico City Diabetes Study, and the index in non-diabetic postmenopausal overweight and obese women
Insulin Resistance Atherosclerosis Study. Diabetes 2003;52:463-9. before and after a weight loss intervention. Eur J Endocrinol 2009;161:
[30] Rajala U, Laakso M, Päivänsalo M, Pelkonen O, Suramo I, Keinänen- 51-6.
Kiukaanniemi S. Low insulin sensitivity measured by both quantitative [34] Staten MA, Stern MP, Miller WG, Steffes MW, Campbell SE. Insulin
insulin sensitivity check index and homeostasis model assessment Standardization Workgroup. Insulin assay standardization: leading to
method as a risk factor of increased intima-media thickness of the measures of insulin sensitivity and secretion for practical clinical care.
carotid artery. J Clin Endocrinol Metab 2002;87:5092-7. Diabetes Care 2010;33:205-6.

J.-P. Bastard (jean-philippe.bastard@tnn.aphp.fr).


Université Pierre et Marie Curie (UPMC) Paris 6, Unité mixte de recherche UMR S938, Centre de recherche Saint-Antoine, INSERM U938, 75012 Paris,
France.
Service de biochimie et hormonologie, Hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75020 Paris, France.
R. Rabasa-Lhoret.
Department of Nutrition, Université de Montréal, Montréal, Québec, Canada.
Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM), Québec, Canada.
Montreal Diabetes Research Center (MDRC), Centre hospitalier de l’université de Montréal, Montréal, Québec, Canada.
J. Capeau.
Université Pierre et Marie Curie (UPMC) Paris 6, Unité mixte de recherche UMR S938, Centre de recherche Saint-Antoine, INSERM U938, 75012 Paris,
France.
Service de biochimie et hormonologie, Hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75020 Paris, France.
B. Fève.
INSERM U693, 94276 Le Kremlin-Bicêtre, France.
Université Paris-Sud, Faculté de médecine Paris-Sud, UMR S693, 94276 Le Kremlin-Bicêtre, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Bastard J.-P., Rabasa-Lhoret R., Capeau J., Fève B. Exploration de la sensibilité à l’insuline chez l’homme :
méthodes et indications. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Endocrinologie-Nutrition, 10-361-A-20, 2011.

Disponibles sur www.em-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

6 Endocrinologie-Nutrition
 10-362-E-10

Production et sécrétion de l’insuline


par la cellule ␤ pancréatique
M. Karaca, C. Magnan

L’insuline participe au contrôle du métabolisme énergétique et, en particulier, du métabolisme du glu-


cose. C’est la seule hormone hypoglycémiante. Sa structure a été remarquablement conservée au cours
de l’évolution. Sa production et sa sécrétion par les cellules ␤ du pancréas endocrine sont très étroite-
ment contrôlées. La transcription du gène de l’insuline est sous le contrôle de nombreux facteurs qui
agissent en trans sur la région promotrice. Le glucose est le régulateur le plus important, mais des hor-
mones (glucagon-like peptide 1, growth hormone, leptine, prolactine, etc.) sont aussi capables de
moduler l’expression du gène de l’insuline. L’hormone définitive est d’abord synthétisée sous la forme
d’une protéine de haut poids moléculaire, la pro-insuline, qui est stockée dans des microvésicules où
s’amorce sa conversion en insuline. La libération de l’insuline nécessite la mise en route du processus
d’exocytose des vésicules sécrétoires. Le contrôle de la sécrétion de l’hormone fait appel à une boucle élé-
mentaire de régulation qui lie la concentration des nutriments, en premier lieu le glucose, à la sécrétion
d’insuline. Des agents modulateurs, hormonaux ou nerveux se greffent sur cette boucle pour atténuer ou
amplifier cette sécrétion. Le glucose est l’agent stimulant le plus puissant de la sécrétion d’insuline et il
conditionne l’action de tous les autres stimuli. Son métabolisme dans la cellule ␤ génère des cofacteurs
dont notamment l’adénosine triphosphorique, à l’origine de phénomènes électriques membranaires et
de mouvements ioniques aboutissant à l’entrée massive de calcium dans la cellule et à la stimulation de
l’exocytose. Les facteurs modulateurs de la réponse sécrétoire au glucose agissent essentiellement via des
protéines Gs ou Gi (modulation de la concentration en adénosine monophosphorique cyclique) ou des
protéines Gq (activation de la phospholipase C). L’adaptation du fonctionnement coordonné des cellules
␤ aux variations de l’équilibre glycémique est un bel exemple de spécialisation d’un micro-organe au
contrôle optimal à court et à long terme de l’homéostasie énergétique.
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Métabolisme du glucose ; Exocytose ; Boucle de régulation ; Stimuli primaires ; Stimuli secondaires ;
Incrétines ; Facteurs nerveux

Plan  Introduction
■ Introduction 1 Le contrôle de l’homéostasie énergétique fait appel à des cor-
■ Structure de l’insuline 2 rélations hormonales et nerveuses complexes dans lesquelles

l’insuline occupe une place prépondérante et unique à certains
Biosynthèse et sécrétion de l’insuline 2
égards. Aucun des trois grands métabolismes — glucidique, lipi-
Du gène à l’acide ribonucléique messager (ARNm) 2
dique, protéique — n’échappe au contrôle de l’hormone, qui les
De l’acide ribonucléique messager à la molécule d’insuline 5
oriente dans le sens de l’anabolisme et s’oppose aux effets cata-
■ Contrôle de la sécrétion d’insuline 6 boliques de nombreux autres facteurs. Très schématiquement,
Boucle élémentaire de régulation : contrôle de la sécrétion l’insuline favorise la mise en réserve de glucose sous forme de
d’insuline par les substrats circulants 8 glycogène dans le foie et dans le muscle, stimule le stockage des
Facteurs modulateurs 13 lipides dans le tissu adipeux blanc et contribue fortement à la
■ Conclusion 16 rétention protéique dans tous les tissus. Mais c’est certainement
au niveau du métabolisme glucidique que le rôle de l’insuline est

EMC - Endocrinologie-Nutrition 1
Volume 10 > n◦ 2 > avril 2013
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1941(13)58044-9
10-362-E-10  Production et sécrétion de l’insuline par la cellule ␤ pancréatique

S S

Chaîne A
Glu Gln Cys Cys Thr Ser Ile Cys Ser Leu Tyr Gln Leu Glu Asn Tyr Cys Asn
Val
Ile 5 8 10 15 21
Gly S S
1
S Ala Val S

Chaîne B
Gln His Leu Cys Gly Ser His Leu Val Glu Ala Leu Tyr Leu Val Cys Gly Glu Arg Gly
Asn
Val Phe
5 10 15 20
Phe Phe
25
1 Tyr

Thr
Insuline bovine
Pro
Lys
Insuline porcine 30 Thr

Ala Ala

Figure 1. Structure primaire de l’insuline humaine. L’insuline porcine ne diffère de l’insuline humaine que par un seul acide aminé (la thréonine en position
30 de la chaîne B est remplacée par une alanine). Trois acides aminés différencient l’insuline bovine de l’insuline humaine : une alanine et une valine,
respectivement en position 8 et 10 de la chaîne A, remplacent la thréonine et l’isoleucine. L’acide aminé 30 de la chaîne B est une alanine au lieu d’une
thréonine.

le plus remarquable et le plus caractéristique. L’insuline est le seul chaîne B en comporte 30. Un pont disulfure intracaténaire relie
facteur hypoglycémiant face à l’arsenal copieux des hormones et les acides aminés 6 et 11 de la chaîne A. La structure primaire de
des neurotransmetteurs hyperglycémiants. L’importance du rôle l’insuline humaine et celle, très proche, de l’insuline porcine et
de l’insuline ressort également de sa conservation remarquable de l’insuline bovine sont représentées sur la Figure 1.
au cours de l’évolution et de son expression quasi universelle, La forme monomérique est la forme active de l’hormone et
puisqu’on la retrouve, non seulement chez les mammifères, mais c’est sous cette forme que se présente la molécule d’insuline
aussi chez les oiseaux, les reptiles, les amphibiens et les pois- dans la gamme des concentrations physiologiques et à pH neutre.
sons, même les plus primitifs. Le déficit insulinique est à l’origine Le monomère d’insuline présente une structure globulaire dont
du diabète sucré, dont l’augmentation considérable de la pré- le centre est constitué d’un noyau hydrophobe. La molécule
valence correspond aujourd’hui à un problème majeur de santé d’insuline peut se dimériser spontanément, c’est-à-dire sans la
publique. À l’opposé, sa surproduction ou sa sécrétion exagérée participation d’atomes de zinc, aux concentrations supraphysio-
conduisent à des syndromes hypoglycémiques mettant en péril logiques et à pH neutre ou acide. Trois dimères peuvent s’associer
à brève échéance la survie des sujets qui en sont atteints. D’un pour former des hexamères. Cette association nécessite la pré-
point de vue téléologique, cette place particulière de l’insuline sence de deux atomes de zinc qui jouent en quelque sorte le
dans le contrôle du métabolisme du glucose revêt de nombreuses rôle de coordinateurs entre les deux monomères. Les hexamères
conséquences et explique la complexité des systèmes régulateurs d’insuline forment des cristaux qui représentent la forme de
de la sécrétion de l’hormone. Elle permet de comprendre aussi stockage majeure de l’hormone dans les granules de sécrétion.
le rôle fondamental, dans ce dispositif, du glucose, qui condi- Cette capacité de polymérisation de l’insuline a été largement
tionne la réponse des cellules ␤ à tous les autres stimuli. Ainsi, le mise à profit pour la production d’insuline « retard » dans le trai-
débit de sécrétion de l’insuline est ajusté à tout moment par des tement des diabétiques.
interactions métaboliques (concentration plasmatique des sub-
strats énergétiques, en particulier du glucose), hormonales ou
nerveuses. Cet ajustement est autorisé par des systèmes de recon-  Biosynthèse et sécrétion
naissance et de transduction divers et complexes permettant de
régler le fonctionnement de la cellule ␤ en réponse aux variations de l’insuline
de l’environnement métabolique. Nous envisageons ici les aspects
moléculaires et cellulaires du contrôle de la production et de la Du gène à l’acide ribonucléique messager
sécrétion de l’insuline en essayant à chaque fois de les replacer (ARNm)
dans leur contexte physiologique.
Structure du gène de l’insuline
Comme nous l’avons souligné, la structure du gène de l’insuline
 Structure de l’insuline a été remarquablement conservée au cours de l’évolution. Dans
toutes les espèces de mammifères, l’espèce humaine comprise,
La séquence primaire en acides aminés de la molécule d’insuline il n’existe qu’un exemplaire de ce gène. Le rat et la souris, sur
a été établie en 1955 par le groupe de Sanger [1] . L’insuline est lesquels de nombreuses études ont été menées, font exception
un polypeptide de taille plutôt modeste, d’un poids moléculaire à la règle, puisqu’on y observe deux exemplaires non alléliques
d’environ 6 kDa. C’est un hétérodimère constitué de deux chaînes du gène de l’insuline localisés tous deux sur le chromosome 1
polypeptidiques, la chaîne A et la chaîne B, reliées entre elles chez le rat et respectivement sur les chromosomes 9 (insuline
par deux ponts disulfures. Dans la plupart des espèces, l’espèce I) et 19 (insuline II) chez la souris (revue in [2] ). L’expression du
humaine comprise, la chaîne A comporte 21 acides aminés et la gène de l’insuline est, classiquement, l’apanage exclusif de la

2 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Production et sécrétion de l’insuline par la cellule ␤ pancréatique  10-362-E-10

Gène
5’ UT Exon 1 Intron 1 Exon 2 Intron 2 Exon 3 3’ UT

I
II Transcription/épissage
III

ARNm 5’ UT Exon 1 Exon 2 Exon 3 3’ UT

Traduction

Prépro-insuline
Peptide signal Chaîne B Peptide C Chaîne A
Figure 2. Structure du gène de l’insuline. 5 UT et 3 UT représentent les séquences non traduites. L’extrémité 5 est flanquée d’une région hypervariable
dont les trois allèles (I, II et III) peuvent être distingués en fonction de leur taille.

Glucose

GLP-1

GR Pax4
PUR-1 PDX1 OCT 1 RIPE3b1 USF PDX1 CREB, CREM E2A/HEBß2 PDX1

ILPR A5 NRE C2 E2L A3 CRE CRE A2 C1 E1 A1 G1

Z CEB

ISP(un)
Figure 3. Promoteur du gène de l’insuline humaine et principaux facteurs de transcription associés. Facteurs régulateurs en cis : insulin linked polymorphic
region (ILPR) ; negative regulatory element (NRE) ; Z minienhancer (Z) ; cAMP response element (CRE) ; E2-like (E2L). Facteurs régulateurs en trans : purine rich
1 (PUR-1) ; pancreatic duodenal homeobox 1 (PDX1) ; glucocorticoid receptor (GR) ; rat insulin promoter element (RIPE 3b) ; islet-specific protein (unindentified) (ISP
[un]) ; helix loop binding protein ß2 (HEBß2) ; upstream stimulatory factor (USF) ; CRE modulator (CREM) ; CRE binding protein (CREB) ; C-element binding (CEB).

cellule ␤ du pancréas endocrine ; cependant, un certain nombre lation par des agents métaboliques ou hormonaux. Les facteurs de
d’études récentes suggèrent que des neurones particuliers, situés transcription peuvent être spécifiques ou non de la cellule ␤ [5] .
dans l’hypothalamus, ont également la capacité d’exprimer le Les séquences régulatrices en cis principales et dont le fonc-
gène et de synthétiser l’hormone (revue in [3] ). tionnement est le mieux connu chez l’homme correspondent
Le gène de l’insuline humaine est situé sur le bras court du aux boîtes A, E, C2, adénosine monophosphate cyclique (cAMP)
chromosome 11 (in [2] ), à proximité du gène de l’insulin-like growth response element (CRE) et insulin-linked polymorphic region (ILPR)
factor 2 (IGF-2). Ce gène contrôle la synthèse d’un précurseur de (Fig. 3).
haut poids moléculaire, la prépro-insuline. Il est long de 1355 Boîtes A (A1–A5). Ce sont des séquences riches en AT et
paires de bases et sa région codante comporte trois exons séparés qui contiennent toutes, à l’exception de A2, des motifs TAAT.
de deux introns (régions non transcrites), qui comportent res- L’importance des boîtes A, en particulier de A3 + A4, réside dans
pectivement 179 et 786 paires de bases. Le premier exon, long leur capacité de lier le facteur de transcription majeur pour le
de 42 paires de bases, contrôle la synthèse du peptide signal. Le fonctionnement et le développement de la cellule ␤, et plus
deuxième exon (187 paires de bases) code la chaîne B de l’insuline généralement du pancréas, qu’est pancreatic duodenal homeobox-1
et une partie du peptide connecteur ; le troisième exon, dont la (PDX-1), connu également sous les dénominations plus anciennes
taille est de 220 paires de bases, code la chaîne B et le reste du de STF-1, IPF-1, IDX-1, GSF et IUF-1. PDX-1, qui est exprimé prin-
peptide connecteur (Fig. 2) (in [4] ). cipalement dans la cellule ␤, et qui est crucial non seulement pour
La transcription du gène et le processus d’épissage, qui permet l’expression du gène de l’insuline [2] , mais également pour d’autres
l’élimination des séquences codées par les introns, aboutissent à gènes insulaires tels que Glut-2, pour la glucokinase, le peptide
un ARNm de 600 nucléotides qui est traduit en une protéine de amyloïde, ou la somatostatine [2] .
11,5 kDa, la prépro-insuline (Fig. 2). La boîte A2 correspond au motif autrefois dénommé GGAAAT
(ou GC1). On ne connaît pas encore la fonction de cette boîte
chez l’homme.
Boîtes E (E1 et E2-« like »). Elles font partie des motifs E qui
Contrôle de la transcription du gène de l’insuline ont en commun la propriété de porter les séquences consensus
Facteurs régulateurs en cis et en trans CANNTG et d’assurer en grande partie la spécificité tissulaire de
Les données concernant le gène de l’insuline humaine, espèce à l’expression des gènes. Elles lient des facteurs de transcription de
laquelle nous nous limitons, sont résumées sur la Figure 3. Le site la famille hélice-boucle-hélice (helix-loop-helix [HLH]). La première
du contrôle de la transcription du gène de l’insuline est la région étape de cette interaction comprend la fixation de l’hétérodimère
régulatrice 5 flanquante, en amont de l’exon 1. Cette région insulin enhancer factor-1 (IEF-1) qui, à son tour, interagit avec
est constituée d’un promoteur et d’un activateur (enhancer), qui BETA2/NEURO D, autre protéine de la famille HLH. Ce dernier
comportent de courtes séquences d’acide désoxyribonucléique facteur est très spécifique du pancréas endocrine et du système ner-
(ADN) (ou « boîtes ») régulatrices en cis. Ces séquences inter- veux. Il intervient largement dans le développement du pancréas
agissent elles-mêmes avec des facteurs de transcription protéiques et le contrôle de l’expression du gène de l’insuline [2] .
régulateurs en trans. L’interaction entre ces séquences et les Une répression de la transcription du gène de l’insuline peut
facteurs de transcription contrôle l’expression du gène et sa modu- également s’exercer via les boîtes E selon différentes modalités :

EMC - Endocrinologie-Nutrition 3
10-362-E-10  Production et sécrétion de l’insuline par la cellule ␤ pancréatique

et le risque respectif de diabète de type I et de diabète de type 2 [2] .

“ Point fort Cette relation fait penser que certains polymorphismes d’ILPR
pourraient conduire à une altération de la transcription du gène
de l’insuline, mais pour l’instant, aucune liaison claire n’a pu être
établie entre les différentes classes alléliques et l’expression du
Structure et biosynthèse de l’insuline
gène.
L’insuline est un hétérodimère, constitué de deux chaînes Même si chacune des séquences possède un mode de fonction-
polypeptidiques, une chaîne A (21 acides aminés) et une nement et de contrôle qui lui est propre, il existe de nombreuses
chaîne B (30 acides aminés). preuves et de nombreux exemples d’interactions, notamment
La molécule d’insuline peut se polymériser jusqu’à former entre les boîtes A et E incluant, dans ce cas précis, la forma-
des hexamères. La formation d’hexamères nécessite la par- tion de complexes transactivateurs entre PDX-1 et des protéines
ticipation d’atomes de zinc. HLH [12–14] .
Le gène de l’insuline est situé sur le bras court du chromo- Il faut noter aussi qu’outre la répression en trans de la transcrip-
some 11 chez l’homme. tion (cf. supra), il pourrait exister une répression en cis liée, dans
La transcription du gène et le processus d’épissage (élimi- l’espèce humaine, à l’existence d’une séquence dite negative regula-
tory element (NRE), capable de fixer plusieurs protéines nucléaires
nation des séquences codées par les introns) aboutissent
dont le récepteur des glucocorticoïdes [15] . Cependant, la preuve
à un ARNm de 11,5 kDa. de la fonctionnalité de cette séquence et de son effet répresseur
Le glucose est l’agent stimulant le plus puissant de la bio- réel dans les conditions physiologiques manque encore.
synthèse de l’insuline. Il augmente la transcription du gène
et stabilise les ARNm de l’hormone. Modulation de la transcription par les substrats énergétiques
Les hormones qui stimulent la transcription du gène de et les hormones
l’insuline sont le glucagon like peptide-1 (GLP-1), la GH, la Glucose. Le glucose est un agent stimulant puissant de la bio-
prolactine et la leptine. synthèse de l’insuline. Une grande partie de son action passe par
La transcription du gène de l’insuline aboutit à la syn- la stimulation de l’expression du gène de l’insuline qui résulte à
thèse de la prépro-insuline, qui, après action d’enzymes la fois de son effet positif vis-à-vis de l’activité de transcription et
de la stabilisation des ARNm [16] .
protéolytiques, donne la pro-insuline.
Les séquences activatrices en cis du promoteur et de l’activateur
La pro-insuline est transportée dans des microvésicules où de la région 5 flanquante relaient l’effet du glucose [2] . Les régions
s’amorce la conversion en insuline (action des endopepti- plus importantes sont situées dans les boîtes E1, A3 et C1 que nous
dases). La maturation se poursuit dans des vésicules issues avons évoquées (cf. supra) et, pour l’espèce humaine, dans un
de l’appareil de Golgi. élément de réponse au glucose intitulé « Z mini-enhancer » (Fig. 3).
Les produits libérés dans le torrent circulatoire sont L’effet du glucose ne s’exerce évidemment pas directement
l’insuline et le peptide C. par sa fixation sur les régions activatrices en cis, mais il néces-
site son interaction, ou plus exactement celle de certains de
ses métabolites, avec des facteurs de transcription au premier
rang desquels PDX-1, dont l’importance dans le processus res-
• par le facteur BETA3 qui ne se fixe pas sur E1, mais qui peut sort de très nombreux travaux portant notamment sur l’espèce
réprimer la transcription du gène en empêchant la liaison des humaine [17] . Parmi les séquences capables de fixer PDX-1, la boîte
transactivateurs BETA2 et d’autres protéines HLH telles que A3 semble prépondérante, puisqu’une mutation ponctuelle sur
E47 [2] ; cette séquence suffit à abolir la stimulation de la transcription
• par c-Jun, qui interagit également avec les protéines HLH [6] ; du gène par le glucose [2] . L’effet transcriptionnel de PDX-1 est
• par c/EBP␤, qui contrecarre lui aussi l’effet transactivateur de rapide, ce qui exclut a priori la nécessité d’une synthèse protéique,
E47 [7] . mais le mécanisme qui sous-tend la stimulation de la transcrip-
La boîte E2, qui est présente chez le rat, ne se retrouve pas chez tion par l’interaction glucose-PDX-1 n’est pas vraiment élucidé.
l’homme où elle est remplacée par une séquence apparentée dite Différentes hypothèses ont été avancées, sur la base d’un certain
« E2-like », qui lie une protéine HLH nommée upstream stimulatory nombre d’arguments expérimentaux. Elles incluent l’importance
factor (USF) [8] . des phénomènes de phosphorylation et la participation, selon
Élément de réponse à l’AMPc (CRE). Il se retrouve sur les cas, de l’AMPc, des mitogen-activated protein (MAP)-kinases
tous les gènes capables de répondre à l’AMPc. L’Effet de l’AMPc et de la phospho-inositide 3-kinase (PI3-kinase). Aucune n’a reçu
s’effectue par la protéine-kinase AMPc-dépendante (PKA) qui, de démonstration expérimentale suffisante à ce jour [2] même si
après son activation par le nucléotide, phosphoryle une protéine l’implication des PI3-kinases est celle qui ressort le plus claire-
cAMP response element binding protein (CREB), ce qui lui confère la ment. En revanche, la nécessité du métabolisme du glucose n’est
capacité de se lier à CRE. Cette séquence d’événements aboutit à plus discutée. On peut reproduire les effets du glucose par le gly-
la stimulation de la transcription du gène de l’insuline et elle sous- céraldéhyde, intermédiaire de la glycolyse, alors que l’inhibition
tend le mécanisme d’action d’hormones, comme le glucagon ou le de la glucokinase [18] empêche l’effet du glucose de s’exercer. Le
GLP-1, qui agissent sur l’expression du gène via l’AMPc [9, 10] . Une calcium, dont la concentration intracytosolique est fortement
autre catégorie de facteurs de transcription peut se lier à CRE. Il augmentée par le métabolisme du glucose, pourrait être impliqué
s’agit des protéines CRE modulators (CEM) dont il existe plusieurs dans la signalisation intermédiaire de la molécule, puisque le véra-
isoformes. Certaines de ces isoformes ont un effet activateur et pamil, agent bloquant des canaux calciques, abolit la stimulation
d’autres un effet inhibiteur vis-à-vis de la transcription du gène [11] . de la transcription du gène provoquée par le glucose [2] .
Séquence C2. Elle peut fixer deux facteurs qui, par ailleurs, Facteurs hormonaux. Le GLP-1, l’hormone de croissance
jouent un rôle fondamental dans le développement du pancréas : (growth hormone [GH]), la prolactine, l’insuline et la leptine sont
paired-box 6 (PAX6), activateur de la transcription, et PAX4, qui les hormones et cytokines dont l’effet sur la transcription du gène
lui agit comme un répresseur. L’effet de PAX4, dont l’expression de l’insuline a été le plus étudié.
est limitée à la période embryonnaire, n’a pas d’influence majeure Le GLP-1 stimule la transcription du gène de l’insuline et aug-
sur l’expression du gène de l’insuline chez l’adulte. mente la stabilité des ARNm [9] . Cet effet passe par l’intermédiaire
Région ILPR. Également appelée variable number of tandem intracellulaire classique de l’hormone, l’AMPc. Il n’est donc pas
repeat (VNTR) ou encore hypervariable region (HVR), elle présente étonnant que la région CRE et la protéine CREB soient impliquées
un très haut degré de polymorphisme lié surtout au nombre de dans l’effet du GLP-1. De manière très intéressante, l’hormone sti-
répétitions en tandem, qui a conduit à définir trois classes allé- mule, de plus, l’expression de PDX-1 et l’efficacité de son effet
liques par ordre croissant du nombre moyen de répétions, les transactivateur après sa fixation sur les régions E2 et A3 (166), qui
classes I, II et III. Le grand intérêt porté récemment à l’étude de sont donc d’autres régions mises indirectement à contribution par
cette région réside dans la relation entre la classe I et la classe III le GLP-1.

4 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Production et sécrétion de l’insuline par la cellule ␤ pancréatique  10-362-E-10

La GH, la prolactine et l’hormone placentaire lactogène (HPL) inclut l’activation de l’interaction ARNm-récepteur du SRP et de
sont des facteurs dont l’effet stimulant de l’expression du gène est l’élongation de la chaîne peptidique en formation [29] .
sans ambiguïté et passe en partie par la stimulation de la trans- La prépro-insuline en cours d’élongation est rapidement
cription [2, 19] . Cet effet s’inscrit dans la logique du rôle trophique déversée (en 1 min environ) dans la lumière du réticulum endo-
sur le pancréas endocrine de ces hormones pendant la gestation. plasmique où les enzymes protéolytiques clivent la séquence
L’effet de l’insuline et de la leptine est plus discuté. Selon les signal, formant ainsi la pro-insuline (peptide de 9 kDa conte-
données classiques, l’insuline exerce un rétrocontrôle négatif sur nant les chaînes A et B de l’insuline connectées entre elles par
l’expression de son gène [20] mais des données plus récentes, uti- le peptide C). Cette première étape de maturation dure entre 10
lisant des méthodes d’invalidation tissu-spécifique du récepteur et 20 minutes. Le rôle du peptide C serait de maintenir les ponts
de l’insuline ou des intermédiaires de signalisation ont conduit à disulfures qui réunissent les chaînes A et B dans une position favo-
réévaluer le rôle de l’insuline dans le fonctionnement de la cellule rable au clivage correct de la molécule, lors des étapes ultérieures
␤. Ainsi, il semble que l’insuline favorise la liaison de PDX-1 sur de la maturation [29] .
la séquence A3 du promoteur du gène de l’insuline humaine, au Après son passage dans le réticulum endoplasmique, la pro-
moins en partie, par l’intermédiaire de la PI3-kinase [21] . Le fait que insuline est transportée dans des microvésicules intermédiaires
la PI3-kinase pourrait être aussi impliquée dans les effets du glu- (en 20 min environ) vers le cis-Golgi (Fig. 4,5).
cose est retenu par certains auteurs comme un argument en faveur
d’effets additifs du glucose et de l’insuline sur la transcription du
gène de l’hormone [22] .
La forme longue du récepteur à la leptine (ObRb) s’exprime
dans les cellules ß murines et humaines [23] . Selon les études consi-
“ Point fort
dérées, la leptine a un effet négatif [24] , neutre [23] , ou stimulant
de la biosynthèse de l’insuline. Cependant, l’effet physiologique Libération d’insuline par la cellule ␤
majeur semble être l’inhibition de la synthèse et de la sécrétion L’insuline est cosécrétée avec le peptide C par la cellule ␤
d’insuline [25] . Des séquences inhibitrices de la transcription du par exocytose.
gène de l’insuline sensibles à la leptine ont bien été identifiées Les étapes principales de l’exocytose incluent le transport
chez le rat et l’homme [25] . Ainsi, la leptine, issue du tissu adipeux,
des vésicules sécrétoires vers la membrane et la fusion des
aurait un rôle de modulateur négatif de la production d’insuline,
membranes des vésicules avec celle de la membrane plas-
ce qui préviendrait une accumulation trop importante de triglycé-
rides dans le tissu adipeux. L’insuline, quant à elle, ayant un effet mique.
stimulant sur la synthèse et la sécrétion de leptine, l’interaction La translocation des vésicules vers la membrane plasmique
de ces deux hormones est un élément essentiel de l’axe adipo- implique le cytosquelette.
insulaire [25] . Les partenaires (membrane plasmique et membrane de la
Micro-ARN. Depuis peu, les petits ARN non codants se sont vésicule) :
révélés essentiels dans la régulation des gènes. En particulier, • protéines Rab ;
les micro-ARN (miR, d’environ 21 à 22 nucléotides) sont impli- • canaux calcium de type L ;
qués dans divers processus biologiques allant du développement • complexe NSF/SNAP/SNARE.
à l’apoptose. Une étude souligne l’implication des miR dans
Mécanisme général :
l’exocytose [26] . Les auteurs démontrent que la sécrétion d’insuline
• la majorité des vésicules de sécrétion est localisée dans le
par les cellules ␤ est contrôlée par le miR-375 [26] . La surexpression
de miR-375 dans les cellules MIN6 inhibe la sécrétion d’insuline cytoplasme, associées à des microfilaments et des micro-
induite par le glucose, le KCl et le tolbutamide, un hypogly- tubules du cytosquelette. Environ 1 % des vésicules est
cémiant. En revanche, la répression de miR-375 augmente la accolé à la membrane (docked) et constitue un « pool
sécrétion d’insuline par le glucose. Les auteurs démontrent que immédiatement mobilisable » (readily releasable pool), res-
miR-375 inhibe l’exocytose et la sécrétion d’insuline, au moins en ponsable de la première phase de sécrétion d’insuline.
partie, en réprimant la myotrophine qui serait impliquée dans la Lors d’une stimulation de l’exocytose, les vésicules accos-
dépolymérisation de l’actine, et potentiellement, dans la fusion tées deviennent « compétentes » vis-à-vis de la membrane
des vésicules de sécrétion [26] . D’autres miR sont aussi impliqués plasmique ;
dans la sécrétion d’insuline. Par exemple, miR-9 régulerait la sécré- • la seconde phase de sécrétion d’insuline correspond à
tion d’insuline en inhibant le facteur de transcription ONECUT2
un nouvel accolement des vésicules de sécrétion et leur
et via SIRT1 [27] , alors que les miR-29a et 29b, fortement expri-
més dans les îlots de souris diabétiques, inhiberaient la sécrétion conditionnement ;
d’insuline en inhibant l’expression de MCT1 [28] . • en moyenne, une dépolarisation induit l’exocytose de
700 vésicules par seconde.

De l’acide ribonucléique messager


C’est dans cet organite que s’amorce la conversion de la pro-
à la molécule d’insuline insuline en insuline. La conversion complète qui se produit entre
Traduction de l’ARNm et mise en réserve 30 et 120 minutes se poursuit dans les vésicules issues du trans-
Golgi, revêtues de clathrine [29] . La maturation est catalysée par
de la protéine deux endopeptidases (les prohormones convertases 2 et 3) et la
La traduction de l’ARNm aboutit à la formation de la prépro- carboxypeptidase H. L’action conjuguée de ces enzymes permet
insuline, polypeptide de 11,5 kDa. La partie N-terminale comporte le clivage du peptide C en libérant deux dipeptides et finalement
une séquence de 25 acides aminés, majoritairement hydrophobes, l’insuline bicaténaire. Ces vésicules subissent une acidification de
le peptide signal, qui favorise le passage du peptide en forma- leur contenu (résultant de l’excision et de la perte d’acides aminés
tion dans la lumière du réticulum endoplasmique, au cours des basiques pendant la conversion protéolytique) et la pro-insuline
premières étapes de la biosynthèse. Selon le schéma classique est clivée en insuline et peptide C. Simultanément, les vésicules
de la synthèse protéique, un complexe signal recognition particle perdent leur revêtement de clathrine et deviennent des vésicules
(SRP) permet l’accolement du ribosome à la membrane du réti- matures lisses. L’insuline, qui a une faible solubilité, coprécipite
culum endoplasmique, qui est équipée d’un récepteur au SRP, avec des ions zinc pour former des microcristaux contenus dans
lui-même étroitement lié à une protéine de translocation. Le glu- les vésicules de sécrétion. La précipitation est également facilitée
cose peut stimuler la traduction des ARNm de la prépro-insuline par le faible pH intravésiculaire (Fig. 4). L’insuline et le pep-
et cela dans des délais rapides (quelques minutes) après l’élévation tide C contenus dans les mêmes vésicules sont sécrétés de façon
de sa concentration. Le mécanisme d’action de cette stimulation équimolaire. La demi-vie des vésicules est de quelques heures à

EMC - Endocrinologie-Nutrition 5
10-362-E-10  Production et sécrétion de l’insuline par la cellule ␤ pancréatique

Réticulum endoplasmique
Peptide C
Dipeptide Arg31-Arg32

10 à 20 minutes Chaîne A
Pro-insuline
Dipeptide
1 Chaîne B Lys64-Lys65

2
20 minutes Proconvertases 2 et 3
Cis-Golgi

30 à 120 minutes 3

Trans-Golgi
(vésicules
revétues de clathrine) Carboxypeptidase

Quelques heures
à quelques jours 4

Vésicules de sécrétion
Insuline

Figure 4. Synthèse d’insuline et transport intracellulaire. 1. Début de la traduction : formation de prépro-insuline puis de pro-insuline (clivage du peptide
signal) dans la lumière du réticulum endoplasmique ; 2. la pro-insuline est transportée dans des vésicules intermédiaires vers le cis-Golgi ; 3. la conversion
complète a lieu dans le Golgi et les vésicules issues du trans-Golgi ; 4. formation et stockage des vésicules de sécrétions matures contenant les cristaux
d’insuline.

quelques jours. Dans des conditions physiologiques, plus de 95 % Il était couramment admis que les vésicules du RRP accolées à la
de l’hormone sont sécrétés sous forme d’insuline (on parle de membrane étaient responsables de la première phase de sécrétion
sécrétion « réglée ») et 5 % sous forme de pro-insuline (sécrétion d’insuline, la seconde phase correspondant à un nouvel accole-
« constitutive »). Dans certains insulinomes, la sécrétion constitu- ment des vésicules de sécrétion et à leur conditionnement à partir
tive est majoritaire, et on observe un taux anormalement élevé de du RP.
pro-insuline circulante. Récemment, une équipe japonaise a décrit trois modes dis-
Une cellule ␤ humaine contient en moyenne 10 000 vésicules tincts d’exocytose en se basant sur la dynamique des granules [31] :
de sécrétion. Comme dans la plupart des cellules endocrines et mode 1 dans lequel les granules accolées à la membrane sont
des neurones, l’exocytose de l’insuline est réglée et les variations immédiatement fusionnées avec la membrane plasmique suite
d’insulinémie à court et à moyen terme sont majoritairement dues à une stimulation (old face) ; mode 2 dans lequel les granules
à cette régulation de l’exocytose plutôt qu’à la synthèse d’insuline. sont nouvellement recrutées en réponse à la stimulation et
immédiatement fusionnées à la membrane plasmique (restless
newcomer) ; et mode 3 dans lequel les granules sont nouvelle-
ment recrutées en réponse à la stimulation mais sont d’abord
Exocytose accolées puis fusionnées avec la membrane plasmique (resting
Les mécanismes moléculaires de l’exocytose des vésicules de newcomer) [31] .
sécrétion ont été particulièrement bien décrits dans le cas des neu- Le même groupe a ensuite montré que les deux phases
rones. Il est vraisemblable qu’ils soient relativement identiques d’exocytose d’insuline en réponse au glucose étaient essentielle-
dans les cellules ␤ car de nombreux acteurs protéiques semblent y ment provoquées par les restless newcomer, à partir du RRP pour la
être également exprimés. Parmi eux, on peut citer : des protéines première phase et du RP pour la seconde phase [32] . Contrairement
monomériques à activité guanosine triphosphatasique (GTPa- à une stimulation par le glucose, la grande majorité d’exocytose
sique) de type Rab, des canaux calcium de type L, le complexe induite par le potassium, qui est une réponse immédiate et tran-
N-ethylmaleimide-sensitive fusion protein/soluble NSF attachment pro- sitoire, serait due aux granules old face [33] .
tein/SNAP receptors (NSF/SNAP/SNARE) (Fig. 6). En particulier, La seconde phase de sécrétion d’insuline correspond à un
les SNARE (synaptotagmine, synaptobrévine, syntaxine) sont des nouvel accolement des vésicules de sécrétion et leur condition-
molécules-clés du mécanisme de fusion membranaire. Ces pro- nement.
téines, présentes à la fois sur la membrane plasmique et la vésicule, En moyenne, une dépolarisation induit l’exocytose de 700 vési-
sont capables de s’associer en trans pour former un complexe cules par seconde.
thermodynamiquement très stable. Cette énergie permet le rap-
prochement puis la fusion des deux bicouches lipidiques [30] .
La majorité des vésicules de sécrétion est localisée dans le cyto-
plasme, associées à des microfilaments et des microtubules du
 Contrôle de la sécrétion
cytosquelette, constituant un pool de réserve (reserve pool [RP]). d’insuline
Environ 1 % des vésicules est accolé à la membrane (docked),
« prêtes à fusionner » selon un mécanisme dépendant du calcium. La capacité de stockage de l’insuline par la cellule ␤ est par-
Ces vésicules constituent un « pool immédiatement mobilisable » ticulièrement élevée. Cela implique une séparation nette du
(readily releasable pool [RRP]). contrôle de la biosynthèse et de la sécrétion de l’hormone. Ainsi,

6 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Production et sécrétion de l’insuline par la cellule ␤ pancréatique  10-362-E-10

2 3

Accostage

Fusion

Calcium SNAP-25 Synaptotagmine Syntaxine

Synaptobrevine Canal calcium NSF

Figure 5. Principales protéines impliquées dans le processus d’exocytose. Les vésicules sont libres dans le cytoplasme (1) ou accolées à la membrane (2),
via l’interaction entre des soluble NSF attachment protein receptors (SNARE) (synaptobrévines, 25-kDa synaptosomal-associated protein [SNAP-25], syntaxine)
localisées à la surface des vésicules ou de la membrane. Lors de l’entrée de calcium dans la cellule, la fusion des vésicules avec la membrane plasmique se
produit (3). NSF : N-ethylmaleimide-sensitive fusion protein.

Peptides et hormones insulaires : Système nerveux


- insuline parasympathique :
- glucagon − + - acétylcholine
Substrats circulants
- somatostatine - VIP
+ −
- IAPP - PACAP
- pancréastatine - GRP
- peptide C - Glucose, fructose
Système nerveux
- Acides gras non − sympathique :
estérifiés Cellule β
- noradrénaline
- Corps cétoniques
- galanine
- Acides aminés
Hormones diverses : - neuropeptide Y
- hormone de croissance −
- cortisol + Axe entéro-insulaire :
- adrénaline + - GIP
- hormones thyroïdiennes + - GLP-1
- leptine Boucle élémentaire de régulation - CCK

Figure 6. Principaux facteurs humoraux et nerveux de contrôle de la sécrétion d’insuline. PACAP : pituitary adenylate cyclase activating polypeptide ; VIP :
vasoactive intestinal peptide ; GRP : gastrin releasing peptide ; IAPP : islet amyloide polypeptide ; GIP : gastric inhibitory polypeptide ; GLP-1 : glucagon like peptide-
1 ; CCK : cholécystokinine.

toute molécule capable d’influencer la sécrétion de l’insuline Schématiquement, on peut classer les agents stimulants de la
est, par définition, une molécule qui agira en modulant le sécrétion d’insuline en deux grands groupes :
processus d’exocytose réglée. À l’exception remarquable de • les stimuli primaires (ou déclencheurs), qui ont la capacité de
substrats énergétiques, comme le glucose, ou de certaines hor- déclencher à eux seuls la sécrétion d’insuline, au premier rang
mones comme le GLP-1, les stimuli de la sécrétion d’insuline desquels se trouve le glucose. Si on se réfère à la définition
n’ont pas souvent une influence majeure sur la biosynthèse de stricte, s’y ajoutent la leucine, le mannose, le glycéraldéhyde,
l’hormone. les sulphonylurées et les glinides. En réalité, le seul vrai stimulus

EMC - Endocrinologie-Nutrition 7
10-362-E-10  Production et sécrétion de l’insuline par la cellule ␤ pancréatique

Glucose (mM)
4–5 ≥ 20 4–5

Glucose seul
0 1 2 0
Glucose +
amplificateur

0 2–3 2 4 8 20
Temps (min)
A Concentration en glucose (mM)
B
Figure 7. Caractéristiques de la réponse insulinosécrétrice au glucose.
A. Sécrétion d’insuline en réponse à un stimulus constant de glucose (0 : basal et retour au basal ; 1 : première phase ; 2 : seconde phase).
B. Sécrétion d’insuline en réponse au glucose seul ou en présence d’un facteur amplificateur.

primaire est le glucose, car son effet s’exerce dans une gamme
de concentrations physiologiques, alors que les caractéristiques
des autres molécules ont été établies sur la base d’expériences
in vitro utilisant des concentrations largement supraphysiolo-
“ Point fort
giques ;
Physiologie du contrôle de la sécrétion d’insuline
• les stimuli secondaires (ou potentialisateurs ou amplificateurs),
qui ne peuvent exercer d’effet stimulant direct sur la sécrétion Les agents stimulants de la sécrétion d’insuline sont classés
d’insuline qu’en présence d’un stimulus primaire (le glucose, en deux grands groupes :
dans les conditions physiologiques normales) dont ils ampli- • les stimuli primaires ou déclencheurs, capables de
fient alors l’effet stimulant de la sécrétion. On range dans cette déclencher à eux seuls la sécrétion d’insuline ; prototype :
catégorie tous les agents stimulants physiologiques (substrats le glucose ;
énergétiques, hormones digestives, acétylcholine, etc.) et la plu- • les stimuli secondaires (ou potentialisateurs, ou ampli-
part des molécules à visée antidiabétique actives vis-à-vis de la ficateurs), qui ne peuvent exercer d’effet stimulant direct
sécrétion d’insuline autres que les sulfonylurées et les glinides. sur la sécrétion ; ils amplifient l’effet d’un stimulus primaire
Il faut voir encore dans ce rôle central et unique du glucose une (glucose).
protection contre l’hypoglycémie, puisque aucune substance, si
Les agents atténuateurs diminuent l’intensité de la réponse
puissants soient ses effets, ne peut activer la sécrétion d’insuline,
si la glycémie est trop basse. sécrétoire au glucose.
Un troisième groupe est constitué par les agents dits Le glucose conditionne la réponse sécrétoire à tous les
« atténuateurs de la sécrétion d’insuline », qui sont capables de autres stimuli.
diminuer l’intensité de la réponse sécrétoire au glucose. Il s’agit Schéma général :
des neuromédiateurs libérés par les terminaisons nerveuses sym- • dans l’organisme entier, les substrats circulants (glucose
pathiques de l’îlot, en particulier la noradrénaline, et certaines principalement) stimulent la sécrétion d’insuline qui, en
hormones agissant par voie endocrine ou paracrine, comme la retour, abaisse leur concentration. C’est la boucle élémen-
somatostatine. taire de régulation ;
Dans l’organisme entier, le contrôle de la sécrétion d’insuline • des agents modulateurs (hormones, neuromédiateurs)
fait appel à des nutriments et des substrats énergétiques, des hor-
viennent se greffer sur cette boucle pour amplifier ou atté-
mones et des neuromédiateurs, en interaction complexe selon
un schéma général qu’on peut résumer de la manière suivante : nuer la réponse sécrétoire aux substrats (glucose).
il existe une relation très étroite entre la concentration circu-
lante des nutriments et des substrats énergétiques, et notamment
du glucose, et la sécrétion d’insuline, selon une boucle de régu-
lation dite « élémentaire » ; les substrats circulants (glucose au l’agent stimulant le plus puissant, mais il conditionne en plus la
premier chef, acides aminés, acides gras non estérifiés [AGNE], réponse sécrétoire à tous les autres stimuli (effet dit « permissif »
corps cétoniques) stimulent la sécrétion d’insuline qui, en retour, du glucose).
abaisse leur concentration plasmatique. Des agents modulateurs,
d’origine hormonale ou nerveuse, viennent se greffer sur cette
boucle en amplifiant ou, au contraire, en atténuant la réponse Caractéristiques de la réponse insulinosécrétrice au glucose
sécrétoire au glucose et aux autres substrats circulants. (Fig. 7)
Sécrétion d’insuline en fonction de la concentration de
glucose. Les deux caractéristiques majeures de la réponse insu-
Boucle élémentaire de régulation : contrôle linosécrétoire au glucose consistent en sa sensibilité et sa rapidité.
Une élévation brusque de la glycémie provoque une réponse insu-
de la sécrétion d’insuline par les substrats linique rapide aussi bien in vivo qu’in vitro [29] . Dans la gamme des
circulants concentrations physiologiques, l’amplitude de la réponse est pro-
portionnelle à la concentration extracellulaire de glucose selon
Glucose une relation sigmoïdale (Fig. 7B). In vitro, le seuil, la réponse
Nous avons déjà évoqué la place particulière que tient le glucose semi-maximale et la réponse maximale sont observés pour des
dans le contrôle de la sécrétion d’insuline. Il en est non seulement concentrations respectives de 5–6 mM, 9–11 mM et 20 mM [34] . Un

8 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Production et sécrétion de l’insuline par la cellule ␤ pancréatique  10-362-E-10

1 1
2 2
1 = SUR1
Pore K+
2 = Kir6.2
2 2
1 1 Ca2+


Fermeture des canaux
K+ dépendants de l’ATP K+ 3 Entrée massive des
4
ions Ca2+
Glucose Glucose Dépolarisation
2 5 6
GK + +
Ca2+
G6P
Insuline
ATP/ADP + Translocation/exocytose
G6P +
AMPc
Glycolyse PFK-1
1
2’
F1-6diP
Cycle Oxydation
ATP ATP
de Krebs
Pyruvate

PDH
Pyruvate Acétyl-CoA

Mitochondrie

Figure 8. Stimulation de la sécrétion d’insuline par le glucose : voie dépendant des canaux K+ sensibles à l’adénosine triphosphate (ATP). GK : glucokinase ;
PFK-1 : phosphofructokinase 1 ; PDH : pyruvate déshydrogénase ; SUR1 : récepteur aux sulphonylurées. L’image en cartouche représente une coupe transversale
du canal potassique. 1 à 6 : les différentes étapes du couplage stimulus-sécrétion.

déplacement, même minime, de la courbe vers la droite (effet de augmentation progressive de la libération d’insuline d’un niveau
facteurs atténuateurs, jeûne prolongé, vieillissement) ou la gauche plus faible, qui tend lentement vers une valeur d’équilibre (« pic
(effet de facteurs amplificateurs) peut modifier de manière impor- tardif » ou deuxième phase de sécrétion). Cette deuxième phase
tante la quantité d’insuline sécrétée. se maintient jusqu’à l’arrêt de la stimulation.
L’allure sigmoïdale de la courbe dose-réponse correspond à une La signification physiologique du caractère biphasique de la
réactivité pancréatique globale de plus en plus intense en fonc- sécrétion d’insuline n’apparaît encore pas tout à fait clairement,
tion de la concentration de l’hexose, selon deux interprétations mais le rôle du pic précoce de sécrétion serait de sensibiliser les
possibles. tissus cibles aux effets de l’hormone et d’empêcher une hyperinsu-
L’activité de chaque cellule ␤ augmente progressivement avec linémie trop prononcée et une hypoglycémie réactionnelle [39, 40] .
l’augmentation de la concentration de glucose. Toutes les cellules Cela semble surtout vrai si on se réfère à l’inhibition de la produc-
␤ sont donc équivalentes sur le plan fonctionnel. C’est ce qui tion hépatique de glucose par l’insuline. Il est, de plus, notable
ressort de certaines expériences fondées sur la mesure des varia- que la disparition de la première phase de sécrétion est une carac-
tions de la concentration en réponse au glucose dans des cellules téristique majeure de l’altération de la fonction pancréatique
␤ isolées [35] . chez le diabétique de type 2 et qu’elle en est le signe le plus
L’élévation de glucose recruterait un nombre croissant de cel- précoce [41] .
lules ␤ hétérogènes sur le plan fonctionnel. Ainsi, il existerait
des sous-populations de cellules ␤ dont la sensibilité au glucose Mécanismes cellulaires de la réponse insulinosécrétoire
serait différente, les plus actives étant recrutées aux concentra- au glucose (Fig. 8)
tions les plus faibles de l’hexose, les moins actives ne répondant L’activation des protéines du cytosquelette dépend d’une suc-
qu’aux concentrations plus élevées. De nombreuses données cession de phénomènes qui peuvent être variés. Les variations
expérimentales [36–38] sont venues étayer cette hypothèse énoncée de la concentration intracytosolique de calcium jouent un rôle
initialement par Pipeleers. central, même s’il n’est pas unique, dans le couplage stimulus-
Les deux explications qui ont chacune leurs arguments ne sont sécrétion, quels que soient les mécanismes mis en jeu en
pas contradictoires. amont.
Cinétique de la libération d’insuline en réponse au Contrôle de la concentration intracytosolique de calcium
glucose. Après une élévation aiguë et transitoire de la concentra- dans la cellule ß. La quantité totale de calcium dans la cellule
tion extracellulaire de glucose, le niveau maximal de la sécrétion ␤ est de l’ordre de 20 à 30 mmol/g de tissu sec. La concentration
d’insuline est atteint en quelques minutes. Lorsque le stimulus de l’ion est très faible en comparaison de sa concentration cellu-
de glucose est constant et prolongé, le profil caractéristique de la laire totale et de sa concentration extracellulaire. Il existe ainsi à
réponse sécrétoire est biphasique. Il s’observe in vitro sur îlot ou l’état basal un gradient d’un facteur 4 environ entre sa concentra-
pancréas isolés perfusés, et in vivo au cours de clamps hypergly- tion extracellulaire (10−3 M) et sa concentration intracytosolique
cémiques. (10−7 M). Il suffit donc théoriquement d’une faible augmentation
Comme le montre la figure 7A, le premier pic de sécrétion de la perméabilité membranaire à l’ion pour que sa concentration
(« pic précoce » ou première phase de la sécrétion) est suivi par une s’élève fortement.

EMC - Endocrinologie-Nutrition 9
10-362-E-10  Production et sécrétion de l’insuline par la cellule ␤ pancréatique

Le maintien de la concentration intracytosolique de Ca2+ à un glucokinase à basse affinité (Km 7,9 mM) [44] . L’hexokinase est
niveau très bas est assuré par un transport actif qui rejette l’ion fortement inhibée par le glucose-6-phosphate, et à un degré
hors de la cellule. Le mécanisme de ce transport fait appel à moindre par le glucose-1,6-biphosphate. Ainsi, l’activité de cette
une pompe Ca2+ /adénosine triphosphate (ATP)-dépendante, dont enzyme est très faible dans la cellule ␤. Au contraire, l’activité
l’énergie provient de l’hydrolyse de l’ATP par une ATPase, elle- de la glucokinase échappe presque totalement à l’inhibition
même activée par le Ca2+ cytosolique. par le glucose-6-phosphate. De plus, par ses propriétés lui
Certains organites cellulaires qui concentrent l’ion soit grâce permettant d’adapter la vitesse de dégradation du glucose à
à une ATPase, différente de celle de la membrane plasmique, des concentrations physiologiques (5 mM) du fait de sa faible
mais dont le fonctionnement est semblable (réticulum endoplas- affinité, la glucokinase est considérée, par certains auteurs,
mique), soit par un échangeur Na+ / Ca2+ (mitochondrie). comme le « détecteur du glucose » (glucose sensor). Cette étape
À côté du transport actif de l’ion, il existe un transfert passif très de phosphorylation est limitante dans le métabolisme du
faible dans la cellule ß au repos, de la membrane extracellulaire glucose [45] .
vers le cytosol. Le potassium extracellulaire diffuse passivement à Une fois phosphorylé, le glucose est utilisé principalement par
travers la membrane plasmique suivant le gradient de concentra- la voie de la glycolyse et de la respiration oxydative (Fig. 8). Le
tion. Le flux passif dépend de la concentration extracellulaire de métabolisme du glucose dans la cellule ␤ est à l’origine d’une
l’ion et de la perméabilité de la membrane plasmique pour le K+ , production accrue de protons (H+ ), d’équivalents réduits (nicoti-
tributaire, en grande partie, du potentiel transmembranaire. La namide adénine dinucléotide hydrogéné [NADH], nicotinamide
membrane plasmique possède des canaux calciques dépendants adénine dinucléotide phosphate hydrogéné [NADPH], glutathion
du voltage dont l’activité est étroitement liée à l’état de polarisa- réduit) et surtout d’intermédiaires phosphorylés à haute énergie
tion de la membrane. (ATP). La génération d’ATP conduit à l’inactivation des canaux
Au repos, la membrane plasmique est polarisée aux environs de K+ /ATP-dépendants et donc à la cascade d’événements déjà décrite
−70 mV (Fig. 8). Cette polarisation provient essentiellement d’un aboutissant finalement à l’augmentation massive de la concen-
courant sortant d’ions K+ . Il existe, au sein de la membrane des tration cytosolique de Ca2+ et, en définitive, à la stimulation de
cellules ␤, plusieurs types de canaux K+ et, en particulier, un canal l’exocytose des grains de sécrétion d’insuline (Fig. 7) [42] . Certains
K+ dit « canal dépendant de l’ATP » ou « sensible à l’ATP », dont auteurs attribuent également un rôle important aux équivalents
l’activité est inhibée par l’ATP (Fig. 8). Ce canal est également la réduits (NADH, NADPH, glutathion réduit) dont l’interaction avec
cible des sulphonylurées et des glinides [42] dont le correspondant les groupements soufrés des protéines membranaires modulerait
endogène serait une protéine retrouvée dans de nombreux tis- la perméabilité aux ions [45] .
sus (système nerveux) équipés de canaux K+ dépendants de l’ATP, Par ailleurs, le phosphoénolpyruvate (PEP) et le pyruvate du
l’endosulfine [43] . Ce canal est un hétéro-octamère formé de quatre métabolisme du glucose favorisent l’activité adénylcyclase qui
sous-unités représentant les canaux potassiques (Kir 6.2) enser- permet la conversion d’ATP en AMPc, lequel potentialise l’effet
rées par quatre autres sous-unités jouant le rôle de récepteur aux insulinosécréteur du glucose (Fig. 8). L’AMPc intervient dans le
sulphonylurées (SUR1) (Fig. 8). Les sous-unités Kir 6.2 ménagent processus d’exocytose par l’intermédiaire de la PKA, qui peut acti-
un passage par lequel transitent les ions K+ alors que les sous- ver, en les phosphorylant, certaines protéines du cytosquelette. Il
unités SUR1 jouent un rôle régulateur. Il existe des sites de fixation existe également une voie indépendante de la PKA, décrite plus
pour l’ATP et les sulphonylurées (ou l’endosulfine) sur Kir 6.2 et récemment : elle dépend de l’interaction de l’AMPc avec la pro-
SUR1 [42] . L’adénosine diphosphate (ADP) se fixe sur un domaine téine Epac2A (ou AMPc-GEFII). Epac2A peut former un complexe
de liaison présent sur SUR1. Sa fixation active les canaux K+ . avec Rim2 et stimuler l’activité d’une petite protéine G (Rab3)
Ainsi, une élévation de la concentration intracytosolique d’ATP, impliquée dans l’exocytose [46] . De plus, il a été montré que la
ou plus exactement du rapport ATP/ADP, entraîne une fermeture protéine Rap1, activée par l’AMPc via Epac2A, était nécessaire
des canaux K+ dépendants de l’ATP. Il en résulte une dépolarisa- à la potentialisation de la sécrétion d’insuline par l’AMPc de
tion de la membrane plasmique qui permet l’ouverture des canaux façon PKA-indépendante. La signalisation Epac2/Rap1 favorise-
calciques dépendants du voltage et donc l’entrée massive de l’ion. rait l’exocytose des granules d’insuline en augmentant la taille du
Le phénomène est amplifié par le fait que l’entrée de Ca2+ elle- readily releasable pool près de la membrane plasmique [33] .
même induit une nouvelle dépolarisation. Étant donné l’ampleur La voie que nous venons de décrire est reconnue aujourd’hui
et le sens du gradient de concentration, la conséquence de ces comme la voie majeure, dépendante des canaux K+ sensibles à
mouvements ioniques est une augmentation considérable de la l’ATP, de déclenchement de la sécrétion d’insuline (triggering path-
concentration intracytosolique de Ca2+ . way). Cependant, de nombreux arguments expérimentaux ont fait
Enfin, l’activité de ces canaux est aussi contrôlée par des seconds apparaître que le processus mettant en jeu les canaux K+ sensibles
messagers cellulaires comme l’AMPc et la protéine-kinase C (PKC). à l’ATP n’était pas suffisant pour expliquer le maintien d’une
Effet du glucose sur la concentration intracytosolique de réponse soutenue à un stimulus constant de glucose et surtout
Ca2+ : relation avec la sécrétion d’insuline. Voie déclenchante, à son caractère biphasique [47, 48] . L’absence de coïncidence entre
dépendante des canaux K+ sensibles à l’ATP. Il est maintenant le profil de sécrétion d’insuline en réponse au glucose et celui des
bien établi que le glucose exerce son effet insulinosécréteur essen- événements ioniques et électriques est un des arguments les plus
tiellement en élevant la concentration intracytosolique de Ca2+ , convaincants à l’appui de l’existence d’une autre voie, complé-
soit en augmentant la perméabilité cellulaire à l’ion, soit en favo- mentaire de la précédente.
risant (mais ce phénomène est moins important) la libération de Voie « indépendante des canaux K+ sensibles à l’ATP »,
Ca2+ par les organites cellulaires capables de les concentrer. ou amplificatrice (« amplifying pathway ») (Fig. 9). Effet du
Longtemps supposée, l’existence d’un récepteur pour le glucose glucose sur la libération de Ca2+ par des organites cellulaires.
au niveau de la membrane des cellules ␤ n’est plus défendue. L’augmentation de la concentration cytosolique de Ca2+ dans le
L’ensemble des faits expérimentaux est clairement en faveur de milieu intracytosolique peut se faire également par un relargage de
l’hypothèse selon laquelle le glucose doit être métabolisé pour Ca2+ à partir du réticulum endoplasmique. La participation déter-
déclencher la sécrétion d’insuline [44] . minante du métabolisme des phospho-inositides membranaires
Le glucose pénètre dans la cellule ␤ par l’intermédiaire d’un dans ce processus est maintenant bien admise. Une phospholipase
transporteur identifié sur le plan moléculaire comme l’isoforme spécifique, la phospholipase C, hydrolyse un phospho-inositide
GLUT-2, à haute affinité pour le glucose (Km 15–20 mM). Il permet particulier, le phosphatidylinositol 4-5 biphosphate (PIP2), en
un transport rapide et une équilibration quasi instantanée avec la inositol 1,4,5 triphosphate (IP3) et diacylglycérol (DAG), tous
concentration extracellulaire de glucose. Le transport du glucose deux médiateurs de la sécrétion d’insuline. Le glucose stimule
à l’intérieur de la cellule ␤ n’est donc pas un site de contrôle de la l’activité de la phospholipase C et donc la production de ces
vitesse d’utilisation de l’hexose. médiateurs.
Une fois à l’intérieur de la cellule ␤, le glucose peut être La libération d’IP3 dans le cytosol induit une mobilisation de
phosphorylé en glucose-6-phosphate théoriquement par deux Ca2+ à partir de régions du réticulum endoplasmique [45, 49, 50] . L’IP3
enzymes : une hexokinase à haute affinité (Km 0,1 mM) et une est reconnu par ces organites par des récepteurs spécifiques. Sa

10 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Production et sécrétion de l’insuline par la cellule ␤ pancréatique  10-362-E-10

Glucose
Dépolarisation membranaire
GLUT

Glucose K+
GRP Réticulum endoplasmique
CCK Ca++
Ach R [ATP]
Gq PIP2 [ADP]
PLC IP3

Ca++
DAG
Ca++

Gq
GPR40 PKC
AMPc PKA
ATP
AGL

Gs + AC – Gi
R R

Glucagon CGRP
GLP-1 Galanine
VIP Somatostatine
GIP Catécholamines
PACAP NPY
Catécholamines IAPP
Figure 9. Voies indépendantes des canaux K-adénosine triphosphate (ATP) ou amplificatrice (amplifying pathway). PACAP : pituitary adenylate cyclase
activating polypeptide ; VIP : vasoactive intestinal peptide ; GRP : gastrin releasing peptide ; IAPP : islet amyloide polypeptide ; GIP : gastric inhibitory polypeptide ;
GLP-1 : glucagon like peptide-1 ; CCK : cholécystokinine ; NPY : neuropeptide Y ; CGRP : calcitonin gene related peptide ; AMPc : adénosine monophosphate
cyclique ; Ach : acétylcholine ; PLC : phospholipase C ; PIP2 : phosphatidyl inositol 4-5 biphosphate ; IP3 : inositol 1,4,5 triphosphate ; DAG : diacylglycérol ;
PKC : protéine-kinase C ; PKA : protéine-kinase AMPc-dépendante ; ADP : adénosine diphosphate ; AC : adénylate cyclase. Les catécholamines peuvent agir via
des récepteurs ␣ (inhibiteur) ou ␤ (stimulateur). Dans les conditions physiologiques, c’est l’effet inhibiteur qui l’emporte.

Une deuxième conséquence de l’hydrolyse du PIP2 est la forma-

“ Point fort tion du DAG. Le DAG peut également être généré par une autre
voie : le catabolisme du glucose par la voie de la glycolyse abou-
tit en effet à la production de trioses phosphates qui peuvent être
les précurseurs d’une synthèse de novo de cette molécule. Le DAG
Sécrétion d’insuline induite par le glucose, méca-
est un activateur endogène de la PKC. Plusieurs travaux indiquent
nisme cellulaire que les substrats de la PKC favorisent le processus sécrétoire [47, 51] .
Le glucose pénètre dans la cellule ␤ par l’intermédiaire Glutamate. De nombreux travaux suggéraient que le méta-
d’un transporteur spécifique (isoforme GLUT-2 chez les bolisme intramitochondrial du glucose ne se limitait pas à la
rongeurs et GLUT-1 chez l’homme). génération d’ATP : des seconds messagers sont capables d’activer
Le glucose est phosphorylé en glucose-6-phosphate par ou de maintenir le processus d’exocytose. À la lumière des expé-
la glucokinase (considéré, par certains auteurs, comme le riences récentes, et bien que son rôle demeure controversé,
« détecteur du glucose » ou glucose sensor). le glutamate apparaît comme le candidat le plus sérieux [52] .
Une fois phosphorylé, le glucose est utilisé principalement Cette molécule peut provenir de nombreuses voies métaboliques
par la voie de la glycolyse et de la respiration oxydative. incluant des transaminations, mais la majorité du glutamate mito-
Le métabolisme du glucose dans la cellule ␤ est à l’origine chondrial est issu de l’␣-cétoglutarate produit par le cycle de Krebs.
La molécule gagne le cytosol, puis elle est probablement captée par
d’une production accrue de protons, d’équivalents
les vésicules sécrétoires où son rôle majeur serait de sensibiliser ces
réduits (NADH, NADPH, glutathion réduit) et surtout vésicules aux effets du calcium.
d’intermédiaires phosphorylés à haute énergie (ATP). D’autres effecteurs participent très certainement à cette voie
La génération d’ATP conduit à l’inactivation des canaux indépendante des canaux K+ sensibles à l’ATP ; certains comme
K+ /ATP, entraînant une dépolarisation membranaire et le malonyl-CoA, l’acide arachidonique ou les prostaglandines
l’ouverture de canaux Ca2+ voltage-dépendants, abou- constituent déjà des pistes intéressantes, mais à confirmer ;
tissant finalement à l’augmentation massive de la d’autres sont encore à découvrir.
concentration cytosolique de Ca2+ . « Mémoire » de la cellule ␤ pancréatique au glucose
Stimulation de l’exocytose des grains de sécrétion Une première exposition du pancréas au glucose conditionne
d’insuline. la réponse insulinique des cellules ␤ lors d’une stimulation ulté-
rieure par le glucose lui-même ou par un autre agent stimulant.
C’est le phénomène de « mémoire » au glucose tel qu’il a été décrit
liaison provoque l’ouverture des canaux calciques, qui libèrent le originellement par Cerasi et Grill [53] . Suivant la durée et la nature
Ca2+ dans le compartiment cytosolique par diffusion passive selon de la première stimulation de cette exposition préalable et le
le gradient de concentration, qui est très favorable à la sortie de temps qui s’écoule entre les deux stimulations, la réponse insu-
l’ion. linique à la deuxième stimulation est soit amplifiée (phénomène

EMC - Endocrinologie-Nutrition 11
10-362-E-10  Production et sécrétion de l’insuline par la cellule ␤ pancréatique

de mémoire « positive » au glucose ou time-dependent-potentiation de protéines transmembranaires, les connexines [56, 57] , dont les
[TDP]), soit inhibée (phénomène de mémoire « négative » au plus importantes pour le fonctionnement des cellules ␤ semblent
glucose ou time-dependent inhibition [TDI]). Lorsque la première être la connexine 32 et surtout la connexine 36 [58] . Ainsi, les cel-
exposition au glucose est longue (20 à 60 min), la réponse insuli- lules ␤ dispersées montrent une expression très faible du gène
nique à la deuxième stimulation est fortement amplifiée (priming de l’insuline et du niveau de base de la sécrétion de l’hormone.
effect). Au contraire, quand la première stimulation est de courte Leur réponse sécrétoire au glucose est aussi très faible. La restau-
durée (5 min) et que le temps séparant les deux stimulations est ration des communications cellulaires rétablit la biosynthèse de
bref (5 min), on observe une diminution franche de la sécrétion l’hormone et augmente considérablement la riposte insulinique
d’insuline à une deuxième exposition au glucose à une concentra- au stimulus. On peut empêcher cette restauration par l’utilisation
tion habituellement stimulante. Les mécanismes impliqués dans de drogues spécifiques bloquant les canaux dépendants de la
l’induction des deux signaux font appel à des systèmes indépen- connexine 36 [56, 57] .
dants et différents. Le TDP est tributaire de la concentration de
Ca2+ intracellulaire, mais pas le TDI [10] . Tous les agents stimulants Acides gras non estérifiés
de la sécrétion d’insuline sont capables de générer le TDI. Seuls les
Dans des conditions physiologiques, les AGNE potentialisent
stimuli métabolisables par la cellules peuvent induire le TDP.
la sécrétion d’insuline induite par le glucose [44] . La longueur de
Effet potentialisateur du glucose la chaîne aliphatique et le degré d’insaturation influent sur leur
En plus de son effet permissif, le glucose est capable d’influencer effet insulinosécréteur [59, 60] . Ainsi, les acides gras à chaîne longue
l’amplitude de la réponse insulinosécrétoire des agents stimu- tels que l’acide palmitique ou l’acide linoléique amplifient la
lants non glucidiques. Lorsque la concentration extacellulaire de sécrétion d’insuline en réponse au glucose pour des concentra-
glucose augmente, la réponse insulinique aux autres stimuli est tions faibles de l’hexose (3 mM) [60] . L’importance des AGNE sur le
accrue. Par exemple, les acides aminés stimulent plutôt faible- plan physiologique est particulièrement perceptible au cours de
ment la sécrétion d’insuline lorsque la glycémie est peu élevée, la réalimentation après une période de jeûne où leur niveau élevé
mais beaucoup plus fortement en présence d’une hyperglycé- favorise la réponse sécrétoire au glucose. La diminution de leur
mie. Cela est surtout vrai pour l’arginine, qui est l’acide aminé concentration par des manipulations pharmacologiques chez le
le plus puissamment insulinosécréteur et qui est très souvent uti- rat réalimenté réduit considérablement l’amplitude de la sécrétion
lisé expérimentalement. L’importance de la réponse insulinique d’insuline induite par le glucose [61] .
aiguë (entre 2 et 10 min après l’injection) à un stimulus autre que Les mécanismes cellulaires responsables de l’effet potentia-
le glucose est liée directement à la concentration de glucose cir- lisateur des acides gras sur l’insulinosécrétion en réponse au
culant. Cet effet potentialisateur du glucose a été bien décrit chez glucose sont encore discutés. L’hypothèse actuellement proposée
l’homme non diabétique. Vingt à 24 heures de perfusion de glu- assigne un rôle déterminant à l’un des métabolites intracellu-
cose augmentent largement la réponse sécrétoire au glucose (test laires des AGNE, les acyl-CoA. Plusieurs mécanismes peuvent
de tolérance au glucose ou à l’arginine) [54, 55] . rendre compte de l’effet stimulant des acyl-CoA sur la sécrétion
Ainsi, l’amplitude de la sécrétion d’insuline dépend des varia- d’insuline (Fig. 9). Tout d’abord, ils pourraient favoriser directe-
tions de la glycémie plutôt que de la valeur de la glycémie à un ment l’exocytose en facilitant la fusion des granules de sécrétion
moment donné et la réponse insulinique à des stimuli non glu- avec la membrane plasmique des cellules ␤ [62] . Une accumula-
cidiques est largement tributaire de la glycémie ambiante. Les tion cytoplasmique des acyl-CoA pourrait aussi augmenter les
conséquences physiologiques en sont nombreuses, notamment si acylations et contribuer ainsi à l’activation de certaines voies de
on se réfère à la situation d’un repas mixte gluco-protéo-lipidique. signalisation, notamment celles qui font appel aux protéines G
ou aux protéines à activité tyrosine-kinase de la famille Src [63] .
Oscillations de la sécrétion d’insuline en réponse au glucose L’acylation des protéines joue aussi un rôle dans l’adressage des
Le caractère pulsatile de la sécrétion d’insuline est un phéno- protéines vers des sites spécifiques de la membrane plasmique,
mène reconnu depuis assez longtemps, mais dont le mécanisme la stabilisation de l’interaction protéine-protéine et la régulation
reste assez mystérieux. In vivo, il existe des oscillations lentes de de l’activité enzymatique dans les mitochondries [64] . Une élé-
la sécrétion de l’hormone (la période est de 2 à 3 h), probable- vation de la concentration intracellulaire des acyl-CoA affecte
ment en relation avec la prise de repas, auxquelles se superposent également l’activité des canaux ioniques de la membrane plas-
des oscillations beaucoup plus rapides (la période est de 5 à mique [65] . Enfin, les acyl-CoA peuvent également potentialiser la
15 min). Le glucose augmente l’amplitude des pics de sécrétion. sécrétion d’insuline en activant la PKC.
Cette propriété apparaît comme étant une propriété intrinsèque Le mode d’action des AGNE pourrait revêtir un aspect nou-
de la cellule ␤, car on la retrouve in vitro, notamment dans veau très différent de leur mode d’action classique, puisque,
des expériences utilisant le pancréas isolé perfusé, et les oscil- selon des études récentes [66] , ils se sont avérés être des ligands
lations concernent non seulement la sécrétion d’insuline, mais de la G-protein-coupled receptor 40 (protéine GPR40), récepteur
aussi le potentiel de membrane, les mouvements calciques, le ratio couplé à une protéine G, considéré jusqu’alors comme orphe-
ATP/ADP, la consommation d’O2 , la production d’AMPc ou encore lin et fortement exprimé dans les cellules ß pancréatiques [66] .
l’utilisation de glucose, les oscillations de Ca2+ étant responsables Ainsi, les effets des AG libres sur la sécrétion d’insuline in vitro
de la pulsatilité de la sécrétion [5] . sont bloqués par des petits ARN interférants (small interfering-
Quelle qu’en soit la cause, le phénomène revêt une importance mRNA [si-mRNA]) qui inhibent l’expression de GPR40 [66] , alors
physiologique à prendre en compte, surtout si on se réfère à la que l’activation de GPR40 par les acyl-CoA induit l’augmentation
situation d’un nombre non négligeable de diabétiques de type 2 du Ca2+ intracellulaire [66] . Il existe un certain nombre de polymor-
chez qui la perte du caractère pulsatile de la sécrétion d’insuline phisme dans la région codant le GPR40, mais aucun ne semble
est partie prenante du déficit insulinique et aboutit à une baisse associé au diabète de type 2.
de la sensibilité tissulaire aux effets de l’hormone [5] .
Coopération entre cellules ␤ Acides aminés
Bien que chaque cellule ␤ soit équipée de son propre système Les acides aminés sont capables, dans leur majorité, de sti-
de couplage stimulus-sécrétion, la réponse réglée de l’ensemble muler la sécrétion d’insuline. Les plus puissants sont l’arginine,
des cellules endocrines nécessite une coordination du fonc- la leucine et la lysine. De manière générale, les acides aminés
tionnement de ces cellules à l’intérieur du micro-organisme stimulent de façon modeste la sécrétion d’insuline en présence
très sophistiqué que constitue le pancréas endocrine, surtout de faibles concentrations de glucose, mais beaucoup plus for-
si on se réfère à l’existence de sous-populations de cellules tement lorsque la concentration de glucose s’élève. Ce sont
␤ que nous avons évoquée plus haut. Il existe aujourd’hui alors des amplificateurs très efficaces de la réponse sécrétoire à
de nombreuses preuves expérimentales recueillies sur la base l’hexose [10] .
d’expériences in vivo et in vitro de cette réponse coordonnée des Le mécanisme d’action des acides aminés varie selon leurs
cellules ␤ au glucose, autorisée par l’existence de jonctions lacu- propriétés biochimiques. Certains, comme la leucine, sont méta-
naires (gap junctions). Ces jonctions sont assurées par une famille bolisés par la cellule ␤ et exercent ainsi un effet insulinosécréteur

12 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Production et sécrétion de l’insuline par la cellule ␤ pancréatique  10-362-E-10

Figure 10. Contrôle de la sécrétion


Hypothalamus
d’insuline par le système nerveux autonome.
VMH LH PACAP : pituitary adenylate cyclase activating
polypeptide ; VIP : vasoactive intestinal peptide ;
GRP : gastrin releasing peptide ; NPY : neuropep-
tide Y ; VMH : hypothalamus ventromédian ; LH :
Colonne Noyau dorsal du hypothalamus latéral.
intermédiolatérale vague
de la moelle épinière (bulbe rachidien)

Nerf splanchnique Nerf vague

Système Ganglion Ganglion Système


sympathique cœliaque parasympathique parasympathique

Libération de : Libération de :
- noradrénaline - acétylcholine
- galanine - VIP
- NPY - PACAP
- GRP

− +
Cellule β

Sécrétion d’insuline

par des voies semblables à celles du glucose. La leucine, après son Les trois incrétines (gluco-incrétines) majeures exerçant un
entrée dans la cellule par un système de transport dépendant du effet insulinotrope dans des conditions physiologiques sont
sodium, fournit par transamination de l’acide ␣-caproïque (KIC), le glucose-dependent insulinotropic polypeptide (GIP), le GLP-1 et
dont le métabolisme génère équivalents réduits et ATP. La suite la cholécystokinine (CCK), qui agit également en tant que neu-
de la séquence est la même que celle que nous avons décrite rotransmetteur [69] . Le GIP est un peptide de 42 acides aminés
précédemment (Fig. 10). Les effets non ioniques du glucose sont produit dans les régions proximales de l’intestin par les cellules
également reproduits par la leucine [67] . K du duodénum. Le GLP-1 est produit dans les cellules L du jéju-
L’arginine et la lysine, qui sont des acides aminés chargés, num et de l’iléon (régions distales de l’intestin), par un mécanisme
traversent la membrane plasmique grâce à un système de trans- de clivage protéolytique différentiel de la molécule de prépro-
port spécifique des acides aminés cationiques. L’accumulation glucagon. La sécrétion de GIP et de GLP-1 est principalement
de charges positives consécutives à ce transport dépolarise déclenchée par le glucose, mais aussi par les acides aminés et
la membrane et provoque la cascade d’événements cellulaires les acides gras libres. L’effet insulinotrope de ces hormones n’est
déjà décrite. C’est du moins l’explication la plus couramment observé qu’en présence de concentrations de glucose égales ou
admise [10] . supérieures à la normoglycémie (autre exemple de défense contre
La glutamine et l’alanine sont les acides aminés les plus abon- l’hypoglycémie). La sécrétion quasi simultanée de GIP et de GLP-
dants dans la circulation ainsi que dans les fluides extracellulaires. 1 après une prise alimentaire à partir de régions relativement
Une exposition prolongée (24 h) à l’alanine ou à la glutamine éloignées suggère également un mécanisme indirect impliquant
non seulement régule, positivement, la sécrétion d’insuline en le système nerveux entérique [69] . Le GLP-1 et le GIP se lient à
réponse au glucose, mais induit également l’expression de nom- des récepteurs spécifiques à sept domaines transmembranaires
breux gènes spécifiques de la cellule ␤ [68] . présents à la surface des cellules ␤, dont l’activité mène à la
stimulation de l’adénylate-cyclase et à la production d’AMPc,
qui intervient dans différentes étapes du processus de sécrétion
d’insuline via un mécanisme PKA-dépendant et un mécanisme
Facteurs modulateurs PKA-indépendant (Epac2A) [70–72] . Dans un pancréas perfusé, le
GLP-1 et le GIP potentialisent à la fois la première et la deuxième
Axe entéro-insulaire : « incrétines »
phase de la sécrétion d’insuline en réponse au glucose [73] . De plus,
L’axe « entéro-insulaire » regroupe un ensemble de signaux ner- il a été montré que le GLP-1 peut rendre compétentes au glu-
veux ou hormonaux qui régule la fonction du pancréas endocrine cose des cellules ␤ individuelles de rats, dispersées à partir d’îlots,
et particulièrement la sécrétion d’insuline. L’ensemble de ces qui normalement ne sont pas sensibles au glucose, probablement
molécules est regroupé sous le terme d’incrétines. Dans ce para- en modulant l’activité du canal K-ATP [73] . Il a été récemment
graphe sont uniquement traités les signaux d’origine hormonale. montré qu’une augmentation de la concentration de glucose par
La notion d’un effet incrétine est ancienne. Elle est fondée sur petits paliers, allant de 2,8 à 12,5 mM, n’induit pas la sécrétion
l’observation qu’une administration de glucose par voie orale d’insuline dans le pancréas perfusé de souris. Cependant, en pré-
aboutit à une excursion de la glycémie moins importante et une sence d’un analogue de l’AMPc tel que le GLP-1, la sécrétion
sécrétion d’insuline plus ample que l’administration de la même d’insuline est rapidement induite dans ces mêmes conditions.
quantité de glucose par voie intraveineuse. Son intérêt sur le plan Par conséquent, la signalisation AMPc est critique non seulement
physiologique est de contribuer à l’anticipation de l’augmentation pour la potentialisation de la sécrétion d’insuline induite par le
postprandiale de la glycémie, puisque un pic précoce de sécrétion glucose mais aussi pour le déclenchement d’une réponse au glu-
d’insuline est déclenché par le passage du glucose alimentaire dans cose. Le traitement par le GLP-1 induit une réponse sécrétoire au
le duodénum avant toute élévation significative de la concentra- glucose retardée mais mesurable même chez les souris déficientes
tion plasmatique de l’hexose. en canaux K-ATP (Kcj11–/– ) [70] . Cette observation montre que

EMC - Endocrinologie-Nutrition 13
10-362-E-10  Production et sécrétion de l’insuline par la cellule ␤ pancréatique

certains des effets du GLP-1 sont indépendants des canaux K-ATP. l’insuline et, de manière plus générale, des ligands du récepteur
En revanche, l’induction d’une réponse au glucose par le GIP chez à activité tyrosine-kinase vis-à-vis de l’activité fonctionnelle de la
les souris Kcj11–/– est beaucoup moins importante que celle avec cellule ␤ est, aujourd’hui, indéniable.
le GLP-1, ce qui indique que l’action du GIP dépend de façon
critique des canaux K-ATP [8] . De façon intéressante, une étude « Miniglucagon »
récente a montré que dans la lignée de cellules ␤ de souris MIN6- Depuis quelques années, des données indiquent que le mini-
K20 qui ne répond ni au GLP-1 ni au GIP en conditions de culture glucagon pourrait être un nouveau régulateur local de l’îlot de
monocouche, les cellules répondent de façon presque comparable Langerhans [43] . Comme indiqué (cf. supra), le proglucagon est
à celle des îlots normaux de souris lorsqu’elles sont cultivées sous exprimé dans le pancréas endocrine (cellules ␣), l’intestin (cel-
forme de pseudo-îlots (c’est-à-dire lorsqu’elles ont une structure lules L) et le système nerveux central. La maturation de type
3D). Ces données suggèrent que l’interaction entre cellules ␤ est pancréatique produit du glucagon, la maturation de type intes-
critique pour l’induction de la réponse à l’AMPc. Des effets dif- tinal des peptides rallongés du côté C-terminal (oxyntomoduline
férents du GLP-1 et du GIP sur la sécrétion d’insuline sont aussi et glicentine). Le fragment C-terminal (19-29) du glucagon, ou
retrouvés en clinique. Par exemple, le traitement avec le GLP-1 miniglucagon, issu de l’hormone-mère par l’action d’une pro-
améliore la sécrétion d’insuline dans le diabète de type 2, et pas le téase de surface présente dans les cellules ␣ et au niveau de
GIP [73] . La contribution de l’effet incrétine à la sécrétion d’insuline ses tissus-cibles, est un inhibiteur puissant des effets du gluca-
en réponse au glucose est estimée à 60 à 70 % chez des sujets en gon ; en particulier, il inhibe, à des concentrations très faibles
bonne santé [73] . (< pM), la sécrétion d’insuline [43] . L’effet du miniglucagon serait
Quant à l’effet insulinotrope de la CCK (peptide de 33 acides de fermer, consécutivement à une hyperpolarisation, les canaux
aminés), il met en jeu l’activation de la phospholipase C et de Ca2+ voltage-dépendants suivant une voie de signalisation impli-
la phospholipase A2 . La CCK a également un effet permissif sur quant des protéines Gi ou Go [27] .
l’action de l’acétylcholine. Ghréline et peptides apparentés
Enfin, il existe aussi une sécrétion de somatostatine
La ghréline est un peptide orexigénique de 28 acides aminés,
(somatotrophin-relaese inhibitory factor [SRIF]) par l’intestin,
sécrété par les cellules X/A de la muqueuse gastrique. Récemment,
sous une forme de 28 acides aminés, différente de la forme de
des cellules ␧ sécrétrices de ghréline ont été décrites dans l’îlot
14 acides aminés produite par les cellules D pancréatiques. Elle
pancréatique. En plus de son effet sur la prise alimentaire, la ghré-
exerce un effet inhibiteur sur la sécrétion d’insuline [74] .
line est impliquée dans l’homéostasie glucidique. De nombreux
groupes ont étudié les effets de la ghréline (forme acylée [AG] et
Hormones insulaires non acylée [UAG]) ainsi que de l’obestatine (Ob), un peptide de
23 acides aminés, dérivé du gène de la ghréline, sur la sécrétion
Le glucagon et la somatostatine insulaires stimulent et inhibent
d’insuline dans différents modèles animaux et chez l’homme. La
respectivement la sécrétion d’insuline. Ces hormones agissent
forme acylée de la ghréline agit via le growth hormone secretagogue
principalement de façon paracrine, mais elles peuvent aussi exer-
receptor type 1 (GHS-R1a) alors que le récepteur de la forme non
cer leurs effets par la voie endocrine. Comme nous l’avons
acylée n’a pas été identifié. L’obestatine pourrait exercer ses effets
également indiqué (cf. supra), la somatostatine est aussi un neuro-
via le G protein-coupled receptor39 (GPR39). Le rôle de la ghréline et
transmetteur libéré par certaines fibres nerveuses et une hormone
peptides apparentés dans la sécrétion et l’action de l’insuline est
intestinale.
sujet à controverses. En effet, dans différentes conditions expé-
Le glucagon gagne la cellule ␤ par voie paracrine ou endocrine.
rimentales, AG, UAG et Ob ont induit soit la stimulation, soit
Son récepteur est couplé à une protéine Gs. Cette possibilité de
l’inhibition de la sécrétion de l’insuline [76, 77] .
régulation paracrine par la somatostatine en fait un des inhibi-
teurs les plus puissants de la sécrétion d’insuline. Il existe deux
isoformes de récepteurs de la somatostatine sur la cellule ␤ (SSTR2 Hormones et cytokines diverses
et 3) [74] . GH, prolactine et hormones thyroïdiennes
L’effet de la somatostatine passe par une diminution de la L’hormone de croissance et la prolactine inhibent la sécrétion
synthèse d’AMPc consécutive à l’inhibition de l’adénylylcyclase d’insuline [78, 79] . Cependant, les mécanismes précis sont encore
(protéine Gi). mal connus. La voie de signalisation impliquée pourrait, entre
Le rôle de l’insuline elle-même reste très discuté. La notion selon autres, faire intervenir la tyrosine-kinase JAK2 [78] .
laquelle l’hormone pourrait moduler sa propre sécrétion n’est Les hormones thyroïdiennes ont un effet stimulant de la sécré-
pas nouvelle. Les concentrations énormes d’insuline auxquelles tion d’insuline reconnu depuis longtemps, mais là encore les
sont exposées les cellules ␤ pouvaient laisser penser logique- mécanismes moléculaires sont mal connus.
ment à un phénomène de « désensibilisation » de ces cellules
et donc à un rétrocontrôle négatif de l’insuline vis-à-vis de sa Adipokines : l’axe adipo-insulaire
propre sécrétion. De fait, les premiers ont conclu à une inhibi- Outre leur rôle métabolique, les adipocytes sont capables de
tion de l’activité sécrétoire par l’insuline suivant une régulation synthétiser et de sécréter de nombreuses molécules (adipokines)
autocrine et paracrine [24] . Des travaux ont fait ressortir que cet impliquées, entre autres, dans la régulation du métabolisme
effet serait relayé par le glucose et aboutirait à l’ouverture de énergétique. Certaines de ces adypokines contrôlent la sécré-
canaux K+ ATP-dépendants, résultant en une hyperpolarisation tion d’insuline au point qu’on parle maintenant de plus en plus
et l’abolition de l’entrée du calcium dans la cellule [75] . De plus, volontiers d’axe adipo-insulaire. La leptine, produit du gène Ob,
l’insuline pourrait, via la voie PI3-kinase, moduler la transcrip- identifiée en 1994, est le « chef de file » de ces cytokines. Syn-
tion de la glucokinase mais aussi de l’insuline elle-même [75] . Ces thétisée majoritairement par le tissu adipeux sous-cutané, ses
données sont complètement contredites par les résultats issus effets sont pléiotropes, mais son rôle majeur est de réguler, au
des modèles d’invalidation spécifique du gène du récepteur de niveau hypothalamique, le métabolisme énergétique en modi-
l’insuline ou de l’insulin-like growth factor 1 (IGF-1) ou des insulin fiant la prise alimentaire et la dépense énergétique. Comme écrit
receptor substrate (IRS) dans la cellule ␤, qui soulignent le rôle cru- (cf. supra), c’est l’isoforme longue (ObRB) du récepteur de la lep-
cial de l’insuline et de la signalisation insulinique dans le maintien tine qui est présent sur la membrane de la cellule ␤ pancréatique.
de la sécrétion de l’hormone [24] . D’autres études in vitro montrent La voie de signalisation de l’hormone est de type janus-kinase
également un effet stimulant puissant de l’insuline sécrétée sur (JAK)/signal transducer and activator of transcription (STAT). La
le processus d’exocytose via une augmentation de la concen- leptine inhibe la sécrétion d’insuline [23] . L’effet de l’hormone pas-
tration intracytosolique de calcium [24] . Ces contradictions sont serait par l’activation de la phosphodiestérase 3B (via l’activation
liées probablement à des approches méthodologiques différentes, de la PI3-kinase), enzyme catalysant l’hydrolyse de l’AMPc. Un
notamment en ce qui concerne le temps d’exposition à l’insuline autre effet serait d’ouvrir les canaux K+ ATP-dépendants, hyper-
et on peut parfaitement concevoir des effets différents, inhibi- polarisant ainsi la cellule ␤. Enfin, comme nous l’avons déjà vu,
teurs ou stimulants de l’hormone selon qu’ils s’exercent à court la leptine aurait également un effet inhibiteur sur l’expression de
ou à long terme. En tout état de cause, l’influence majeure de l’insuline [23] .

14 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Production et sécrétion de l’insuline par la cellule ␤ pancréatique  10-362-E-10

Une autre protéine sécrétée par l’adipocyte, l’adiponectine postprandiale de la sécrétion d’insuline. Deux récepteurs sont
ou adipoQ ou Acrp30, augmente la sensibilité à l’insuline au actuellement décrits (PACAP-specific receptor [PAC-R] et vasoactive
niveau hépatique et musculaire. Concernant la cellule ␤, il n’a intestinal polypeptide receptor 1 [VPAC-R]) dont l’activation aboutit
pas été décrit d’effet majeur de cette hormone sur la sécrétion à la production d’AMPc et finalement à l’augmentation de la
d’insuline. Cependant, sur des îlots de souris insulinorésistante concentration intracellulaire de calcium [83] .
(à la suite d’un régime riche en lipides), il a été montré que
l’adiponectine potentialisait la réponse insulinosécrétoire au Neurotransmetteurs associés aux fibres sympathiques
glucose. L’adiponectine pourrait également avoir un effet anti- Noradrénaline. La noradrénaline est le neurotransmetteur
apoptotique vis-à-vis des cellules ␤, comme il a été récemment principal du système nerveux sympathique. Son effet sur la cellule
montré sur la lignée cellulaire INS-1. Une autre hormone adi- ␤ pancréatique est lié à la présence de deux sous-types de récep-
pocytaire, la résistine ou adipocyte tissue-specific secretory factor teurs des catécholamines à leur surface : ␣2 et ␤2 [82] . Le sous-type
(ADSF), a été impliquée dans la résistance à l’insuline. Cepen- ␣2 est lui-même subdivisé en plusieurs sous-sous types (de ␣2A
dant, chez l’homme, son rôle reste hypothétique et aucun effet à ␣2E). Selon les espèces, on trouve différents sous-sous-types ␣2
n’a été encore rapporté concernant le contrôle de la sécrétion à la surface des cellules ␤ [80] . Chez le rat, l’isoforme majoritaire
d’insuline. est l’isoforme ␣2A [82] . L’isoforme ␣2A est aussi majoritaire chez
Enfin, l’apeline et la progranuline ont été récemment identifiées l’homme où elle est notée ␣2 C10 .
comme des modulateurs potentiels de la sécrétion d’insuline. L’effet des catécholamines est, de prime abord, complexe
puisque l’activation de ces deux voies entraîne des effets oppo-
Système nerveux sés. En fait, les récepteurs ␤ ont une plus grande affinité pour
Les facteurs d’origine nerveuse participent largement au les catécholamines que les récepteurs ␣2A, si bien qu’à de très
contrôle de la sécrétion d’insuline (Fig. 10) [80, 81] . faibles concentrations, les catécholamines stimulent la sécrétion
Les îlots de Langerhans sont richement innervés, principale- d’insuline [80] . C’est ce qu’on observe in vitro avec des concen-
ment par des fibres d’origine sympathique (nerf splanchnique) trations d’adrénaline ou de noradrénaline de 10−9 à 10−10 M.
et parasympathique (nerf vague) dont les centres nerveux de On peut aussi démasquer cet effet in vivo en utilisant des blo-
contrôle sont respectivement localisés dans l’hypothalamus ven- quants spécifiques des récepteurs ␣2. Mais, comme la densité
tromédian (VMH) et latéral (LH). De plus, des fibres appartenant de récepteurs ␣2 présents sur la cellule ␤ est beaucoup plus
au système nerveux entérique jouent également un rôle régulateur grande que celle des récepteurs ␤ quand la concentration de
important. noradrénaline s’élève, l’effet obtenu est une inhibition de la
Les terminaisons nerveuses sympathiques libèrent non seule- sécrétion d’insuline. Ainsi, dans les conditions physiologiques
ment de la noradrénaline, qui est le neuromédiateur le plus normales et a fortiori lors d’un stress, l’effet résultant des caté-
important de ce système, mais aussi de la galanine et du neuro- cholamines est toujours une atténuation de la sécrétion de
peptide Y. Les terminaisons nerveuses parasympathiques libèrent l’hormone [80] .
de l’acétylcholine (neuromédiateur principal des terminaisons L’activation du récepteurs ␣2 aboutit à la mobilisation de
nerveuses pancréatiques), ainsi que du vasoactive intestinal pep- protéine Gi. Les cibles des protéines Gi sont nombreuses. Au
tide (VIP), du pituitary adenylate cyclase activating polypeptide mécanisme classique de l’inhibition de l’activité de l’adénylate
(PACAP) [80] et du gastrin-related polypeptide (GRP) [80] . cyclase (et la diminution consécutive de la concentration intracy-
L’activation du système nerveux parasympathique avant la toplasmique d’AMPc) s’ajoute l’activation des canaux potassiques,
prise alimentaire constitue ce que l’on appelle classiquement la induisant une hyperpolarisation de la membrane et s’opposant
phase céphalique de la sécrétion d’insuline. Cette phase, qui inclut ainsi à l’effet dépolarisant de certains stimuli comme le glu-
notamment la mise à contribution de neurones sensoriels oropha- cose. Ce dernier effet des catécholamines semble cependant être
ryngés, est perçue, sur le plan adaptatif, comme une anticipation transitoire, de faible amplitude et il ne paraît pas capable de
de l’élévation de la glycémie postprandiale puisqu’elle génère un contrecarrer totalement l’effet insulinosécréteur du glucose. Les
pic précoce, bien que modeste, de sécrétion d’insuline avant toute catécholamines auraient également un effet direct sur les canaux
augmentation de la concentration du glucose circulant et avant calcium voltage-dépendants de type L, qui sont impliqués dans
même que le glucose n’ait atteint le tube digestif. la voie majeure de la sécrétion d’insuline [80] . Plus récemment, on
L’activation du système nerveux sympathique contribue à a montré qu’une inhibition par les catécholamines de la sécré-
l’inhibition de la sécrétion d’insuline au cours du stress. Elle tion d’insuline en réponse au glucose pouvait être observée dans
joue un rôle physiologique important au cours, notamment, de des cellules dont la concentration intracellulaire en AMPc et en
l’exercice physique. Ca2+ était maintenue fixe. Il semble donc exister un quatrième
mécanisme d’action des catécholamines qui s’effectuerait indé-
Neurotransmetteurs associés aux fibres parasympathiques pendamment de toute modification de la concentration d’AMPc
Acétylcholine. Principal neurotransmetteur du système ner- ou de calcium intracellulaire. Ce mécanisme, dont on découvre
veux parasympathique, l’acétylcholine amplifie la sécrétion de plus en plus l’importance, intervient en aval de l’augmentation
d’insuline induite par le glucose [82] . Son récepteur sur la cellule de la concentration intracytosolique de calcium et on parle ainsi
␤ est de type muscarinique (isoformes M3 et M4). Il est couplé à d’effet « tardif » ou « distal ».
une protéine Gq dont l’activation stimule l’activité de la phos- Galanine et neuropeptide Y (NPY). Ces deux peptides
pholipase C, ce qui conduit à la production de diacylglycérol inhibent la sécrétion d’insuline chez le chien et les rongeurs [84, 85]
et de phosphatidylinositol 3 phosphate. Une étude montre que tandis qu’ils la stimulent chez le porc [84] .
l’activation de la phospholipase A2 semble aussi intervenir, ce qui Chez l’homme, aucun effet n’a encore été démontré. L’effet
suggère l’implication de l’acide arachidonique ou de ses dérivés inhibiteur de la galanine et du NPY met en jeu différents
(prostaglandines). mécanismes : hyperpolarisation membranaire, réduction de la
VIP. Ce peptide stimule la sécrétion d’insuline en activant concentration cytosolique de calcium et d’AMPc. Cela suggère
l’adénylate cyclase via une protéine Gs, ce qui aboutit à une aug- l’implication majeure de protéines Gi.
mentation de la concentration intracellulaire en AMPc [80] . « Calcitonin gene-related peptide » (CGRP). Présent dans
GRP. L’action de cet autre neuropeptide parasympathique l’intestin et le cerveau, ce peptide a également été localisé dans
passe par l’activation d’une protéine Gq et finalement par le pancréas. Il exerce un effet inhibiteur sur la sécrétion basale et
l’activation d’une phospholipase C et la production de diacylgly- stimulée d’insuline en provoquant une diminution de la concen-
cérol et de phosphatidylinositol 3 phosphate [80] . tration cytoplasmique d’AMPc [80] .
PACAP. Le PACAP stimule également la sécrétion Somatostatine. Comme décrit précédemment, la somatosta-
d’insuline [83] . Il existe sous deux formes biologiquement tine est une hormone sécrétée par les cellules D mais également
actives : le PACAP27 et le PACAP38 [80] . La forme 27 présente un neurotransmetteur libéré par des terminaisons nerveuses sym-
68 % d’homologie avec le VIP. Les deux peptides sont des pathiques de l’îlot de Langerhans [80] . L’effet de la somatostatine
amplificateurs puissants de la sécrétion d’insuline induite par passe également par une diminution de la synthèse d’AMPc consé-
le glucose. Ils semblent jouer un rôle majeur dans la régulation cutive à l’inhibition de l’adénylylcyclase (protéine Gi).

EMC - Endocrinologie-Nutrition 15
10-362-E-10  Production et sécrétion de l’insuline par la cellule ␤ pancréatique

 Conclusion [18] Ferrer J, Gomis R, Fernandez Alvarez J, Casamitjana R, Vilardell


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M. Karaca.
Faculté de médecine, Université de Genève, rue Michel-Servet 1 1211, Genève 4, Suisse.
C. Magnan (christophe.magnan@univ-paris-diderot.fr).
CNRS EAC 4413, Université Paris Diderot, Case courrier 71264, rue Marie-Andrée-Lagroua-Weill-Hallé, 75013 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Karaca M, Magnan C. Production et sécrétion de l’insuline par la cellule ␤ pancréatique. EMC -
Endocrinologie-Nutrition 2013;10(2):1-17 [Article 10-362-E-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

EMC - Endocrinologie-Nutrition 17
¶ 10-363-A-10

Syndrome métabolique
B. Hansel, J.-P. Bastard, E. Bruckert

Le syndrome métabolique associe de façon variable des anomalies du métabolisme glucidique et lipidique
dans un contexte d’excès de graisse viscérale et d’insulinorésistance. Il favorise la survenue du diabète
gras et des maladies cardiovasculaires. Il expose également au risque d’hépatopathie non alcoolique, de
syndrome d’apnées du sommeil et de syndrome des ovaires polykystiques. Des habitudes alimentaires
inadaptées associées à un manque d’activité physique sont les déterminants majeurs de son apparition et
de son aggravation sur un terrain génétique prédisposant. Une prise en charge médicale individualisée du
syndrome métabolique comporte plusieurs étapes : diagnostic précis des anomalies présentes, évaluation
du risque cardiovasculaire, mise en place et suivi de l’application des mesures portant sur le mode de vie,
introduction d’éventuels traitements médicamenteux. Les mesures hygiénodiététiques auront pour
objectif de réduire la graisse viscérale et l’insulinorésistance par l’intermédiaire d’une d’augmentation de
l’activité physique et d’une modification quantitative et qualitative des apports alimentaires. Il n’existe
pas de traitement pharmacologique du syndrome métabolique en tant que tel. Le seul médicament qui
reste indiqué dans la surcharge pondérale peut être utile dans certains cas. Les hypolipémiants, les
antidiabétiques oraux et les antihypertenseurs ne visent chacun à traiter qu’une anomalie que les
mesures hygiénodiététiques ne peuvent à elles seules faire régresser. Les statines sont la thérapeutique
hypolipémiante de première intention si le low density lipoprotein (LDL)-cholestérol n’est pas à l’objectif
même quand il existe une hypertriglycéridémie ; les antagonistes du système rénine-angiotensine-
aldostérone et les inhibiteurs calciques sont le traitement de choix pour l’hypertension artérielle
métabolique. Dans tous les cas, chaque introduction de médicament doit se faire au bon moment, ni trop
tôt, ni trop tard et être considérée comme un accompagnement des modifications du mode de vie qui
restent toujours le pilier central de la prise en charge du syndrome métabolique.
© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Syndrome métabolique ; Gaz viscéral ; Insulinorésistance ; NASH ; Risque cardiovasculaire

Plan ¶ Peut-on prévenir le diabète ? 6


Efficacité des mesures hygiénodiététiques 6
¶ Introduction 1 Prévention pharmacologique du diabète 6
¶ Diagnostic du syndrome métabolique 2 ¶ Démarche pratique 6
Principales définitions cliniques du syndrome métabolique 2 ¶ Diagnostic précis des anomalies constituant le syndrome
Définition consensuelle du syndrome métabolique 3 métabolique et de ses complications 6
Tour de taille hypertriglycéridémiant 3 ¶ Évaluation du risque cardiovasculaire 6
¶ Épidémiologie du syndrome métabolique 3 ¶ Prise en charge thérapeutique 7
Prévalence de l’obésité abdominale en France 3 Mesures hygiénodiététiques 7
Prévalence du syndrome métabolique 3 Thérapeutique médicamenteuse 7
¶ Syndrome métabolique et maladies cardiovasculaires 4 ¶ Traitement des pathologies associées 10
Risque attribuable au syndrome métabolique 4
¶ Conclusion 10
Syndrome métabolique et scores de risque (Framingham, SCORE) 4
Le syndrome métabolique pour « optimiser » la prédiction
du risque ? 4
Risque associé aux différentes combinaisons de trois critères
du syndrome métabolique 4
■ Introduction
¶ Syndrome métabolique et diabète 5 Le syndrome métabolique est une association de facteurs de
¶ Autres complications ou maladies associées au syndrome risque cardiovasculaire survenant en présence d’une surcharge
métabolique 5 graisseuse viscérale et d’une insulinorésistance. Les groupes
Hépatopathie métabolique ou « maladie du foie non alcoolique » 5 d’experts en matière de diabétologie ou de cardiologie ont
Syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) 5 proposé diverses définitions de ce syndrome avec le souci de
Syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) 5 faciliter son diagnostic en routine [1]. Mais le syndrome méta-
Hypogonadisme masculin et dysfonction érectile 6 bolique ne se limite pas à une somme de critères cliniques ou

Endocrinologie-Nutrition 1
10-363-A-10 ¶ Syndrome métabolique

biologiques. Il désigne plus précisément un désordre général, une définition clinique doit être proposée afin que tout méde-
incluant à des degrés divers, des perturbations des métabolismes cin puisse faire simplement le diagnostic.
glucidiques et/ou lipidiques, des anomalies vasculaires, un état
inflammatoire, un état prothrombotique, l’ensemble de ces Principales définitions cliniques
anomalies étant étroitement lié à un excès de graisse viscé- du syndrome métabolique
rale [2]. Peuvent également être associés, des anomalies hépati-
ques pouvant conduire à une stéatohépatite non liée à la Depuis l’apparition de la notion de syndrome métabolique,
consommation d’alcool (NASH), un syndrome des ovaires les définitions cliniques se sont succédées. Chacune d’entre elles
polykystiques pouvant conduire à l’infertilité et des troubles insiste sur certains aspects du syndrome. En 1999, dans son
respiratoires incluant le syndrome d’apnées du sommeil. rapport sur les recommandations pour le diagnostic de diabète,
L’augmentation du risque cardiovasculaire associée au syn- l’Organisation mondiale de la santé (OMS) proposait une
drome métabolique est variable d’un sujet à l’autre et dépend de définition dans laquelle la preuve biologique d’une perturbation
la présence concomitante d’autres facteurs de risque dont le du métabolisme glucidique doit être obligatoirement apportée.
. tabagisme, l’hypercholestérolémie et un antécédent de corona- Il peut s’agir soit d’une anomalie de la glycémie (diabète,
ropathie précoce familiale [2]. La physiopathologie du syndrome intolérance au glucose diagnostiquée lors d’une hyperglycémie
métabolique est encore mal connue mais un apport calorique provoquée par voie orale [HGPO], hyperglycémie à jeun), soit
excessif et un manque d’activité physique sont de façon d’une insulinorésistance affirmée par la technique de clamp
indiscutable deux déterminants majeurs de son apparition et de euglycémique hyperinsulinique. En plus de l’anomalie glucidi-
son aggravation. que, la définition OMS nécessite la présence d’au moins deux
Une prise en charge efficace et complète du syndrome critères supplémentaires (Tableau 1). Des critères diagnostiques
métabolique comporte plusieurs étapes : diagnostic précis des voisins ont été proposés par le Groupe européen pour l’étude de
anomalies présentes, évaluation du risque cardiovasculaire, mise l’insulinorésistance : l’anomalie du métabolisme glucidique est
en place et suivi de l’application des mesures hygiénodiététi- évaluée par la mesure de l’insulinémie à jeun et non plus par la
ques, introduction d’éventuels traitements médicamenteux. technique complexe de clamp euglycémique. Cette définition
est d’utilisation difficile en routine d’autant plus que le dosage
de l’insulinémie n’est pas standardisé. Les définitions ultérieures
■ Diagnostic du syndrome n’ont pas insisté sur l’insulinorésistance ni sur les anomalies de
la glycémie, ces dernières étant désormais un critère non
métabolique obligatoire du syndrome. Ainsi, la définition du National
Cholesterol Education Program/Adult Treatment Panel III
Il peut être défini comme une intolérance à la graisse viscé- (NCEP/ATPIII) et cette dernière reprise par l’American Heart
rale responsable d’un ensemble de perturbations, notamment Association (AHA) sont toutes les deux basées sur la présence
métaboliques, inflammatoires et vasculaires. Au-delà de cette d’au moins trois critères cliniques et biologiques parmi cinq
définition traduisant une réalité physiopathologique complexe, anomalies cliniques ou biologiques (Tableau 1). Cette méthode

Tableau 1.
Critères diagnostiques du syndrome métabolique selon différents groupes d’experts.
OMS EGIR NCEP-ATPIII IDF
(modifiée en 2004 par l’AHA)
Insulinémie : clamp < Q1 Insulinémie à jeun ≥ Q4 ≥ 3 critères Tour de taille élevé :
ou GAJ ≥ 110 mg/dl + parmi les 5 suivants ≥ 94 cm (H)
ou HGPO (2h) ≥ 140 mg/dl 2 autres critères ≥ 80 cm (F)
+ (parmi les 4 suivants) +
2 autres critères 2 autres critères
(parmi les 4 suivants) (parmi les 4 suivants)

GAJ ≥ 110 mg/dl GAJ ≥ 100 mg/dl GAJ ≥ 100 mg/dl


(à l’exclusion du diabète)
TG ≥ 150 mg/dl TG ≥ 180 mg/dl TG ≥ 150 mg/dl TG ≥ 150 mg/dl
et/ou et/ou HDL-C : HDL-C :
HDL-C : HDL-C < 40 mg/dl < 40 mg/dl (H) ≤ 40 mg/dl (H)
≤ 35 mg/dl (H) < 50 mg/dl (F) ≤ 50 mg/dl (F)
≤ 40 mg/dl (F) et/ou et/ou
traitement de l’hypoHDLémie traitement de l’hypoHDLémie
PA ≥ 140/90 mmHg PA ≥ 140/90 mmHg PA ≥ 130/85 mmHg PA ≥ 130/85 mmHg
et/ou et/ou et/ou
traitement anti-HTA traitement anti-HTA traitement anti-HTA
Taille/hanche : Tour de taille : Tour de taille :
> 0,90 (H) ≥ 94 cm (H) ≥ 102 cm (H)
> 0,85 (F) ≥ 80 cm (F) ≥ 88 cm (F)
et/ou
IMC ≥ 30 kg/m2
microalbuminurie > 20 mg/min
ou albumine/créatinine urinaire :
≥ 30 mg/g
OMS : Organisation mondiale de la santé ; EGIR : Groupe européen pour l’étude de résistance à l’insuline ; NCEP/ATPIII : National Cholesterol Education Program/Adult
Treatment Panel III ; AHA : American Heart Asociation ; IDF : International Diabetes Federation ; GAJ : glycémie à jeun ; HGPO ; hyperglycémie provoquée oralement ;
TG : triglycéridémie ; HDL-C : high density lipoprotein-high density lipoprotein-cholestérol ; IMC : indice de masse corporelle ; PA : pression artérielle ; HTA : hypertension
artérielle.

2 Endocrinologie-Nutrition
Syndrome métabolique ¶ 10-363-A-10

Tableau 2. utilisée, selon les régions du monde et la tranche d’âge consi-


Critères diagnostiques du syndrome métabolique selon le consensus dérée. La fréquence des différentes anomalies (obésité abdomi-
récent International Diabetes Federation/National Heart, Lung and Blood nale, élévation de la pression artérielle, hyperglycémie ou
Institute/American Heart Association/World Heart Federation diabète, anomalies lipidiques) est variable d’une population à
International Atherosclerosis Society/International Association for the l’autre. Par exemple, l’élévation de la pression artérielle est plus
Study of Obesity [3]. fréquente dans les populations où la prévalence de l’obésité est
Le syndrome métabolique est affirmé si au moins trois des critères relativement faible, alors qu’aux États-Unis où celle-ci est élevée,
suivants sont présents : c’est l’anomalie du high density lipoprotein-cholestérol (HDL-C)
- tour de taille ≥ 94 cm (homme) / ≥ 80 cm (femme), patients qui est la plus souvent rencontrée. De même, il existe des
« europoïdes » (des seuils spécifiques sont établis pour certaines ethnies) différences ethniques : par exemple, la fréquence de l’élévation
- triglycéridémie ≥ 1,50 g/l (et/ou hypertriglycéridémie traitée)
tensionnelle est particulièrement élevée chez les sujets noirs.
Ces variations sont une des limites du concept de syndrome
- glycémie à jeun ≥ 1,0 g/l (et/ou diabète traité)
métabolique dans la mesure où pour une même définition, le
- PA ≥ 130/85 (et/ou HTA traitée)
profil des patients diffère notablement suivant la population
- HDL-C < 0,40 g/l (homme) / < 0,50 g/l (femme) observée.
PA : pression artérielle ; HTA : hypertension artérielle ; HDL-C : high density
lipoprotein-cholestérol. Prévalence de l’obésité abdominale
en France
diagnostique a l’avantage d’être simple et utilisable en routine. La prévalence de l’obésité abdominale est en augmentation
Les experts de l’International Diabetes Federation (IDF) ont régulière et rapide dans tous les pays. Dans l’étude française
choisi d’insister particulièrement sur l’excès de tissu adipeux SUVIMAX [6] , des mesures anthropométriques incluant la
abdominal : l’augmentation, même modérée, du tour de taille mesure du tour de taille ont été réalisées chez plus de
est un critère obligatoire auquel doivent s’associer au moins 6 000 volontaires. La fréquence de l’obésité abdominale est
deux autres anomalies. particulièrement marquée chez les sujets de niveau socio-
économique faible, chez les plus âgés et chez les fumeurs. Pour
les hommes, un tour de taille supérieur à 102 cm est observé
Définition consensuelle du syndrome chez 10,9 %, 14,9 % et 15,2 % des personnes dans les tranches
métabolique d’âge 45-50, 50-55 et plus de 55 ans respectivement. En ce qui
concerne les femmes, la prévalence d’un tour de taille au-dessus
Récemment les critères diagnostiques du syndrome métaboli- de 88 cm est de 11,6 %, 14,3 % et 20,2 % dans ces mêmes
que ont fait l’objet d’un relatif consensus intermédiaire entre les tranches d’âge. L’étude Data Epidemiological Study on the
définitions de l’IDF et de l’AHA (Tableau 2) [3]. Par ailleurs, il Insulin Resistance syndrome (DESIR) concernant un échantillon
faut citer la notion de « tour de taille hypertriglycéridémiant » « représentatif » de la population française du centre-ouest de la
combinant un tour de taille élevé, reflet de la surcharge France retrouve des chiffres voisins et confirme une plus forte
graisseuse abdominale (viscérale + sous-cutanée), avec une prévalence de l’obésité abdominale chez les femmes par rapport
hypertriglycéridémie qui est un marqueur plus spécifique d’un aux hommes. Les données de l’étude nationale d’épidémiologie
excès d’adiposité viscérale. Cette association d’un critère de l’obésité (OBEPI) 2006 montrent que l’obésité abdominale en
clinique (tour de taille > 90 cm) et d’une anomalie biologique France concerne 35,8 % des femmes et 22,2 % des hommes
(triglycéridémie > 2 mmol/l) a donc été proposée par l’équipe (tour de taille > 88 cm et 102 cm respectivement).
canadienne du professeur Desprès comme alternative simple
pour diagnostiquer les obésités abdominales à risque
métabolique. Prévalence du syndrome métabolique
La prévalence du syndrome métabolique dépend de sa
Tour de taille hypertriglycéridémiant définition, de l’âge et du sexe, ce qui complique les comparai-
sons entre les pays [7, 8]. Aux États-Unis, il concerne globalement
Dans un souci de simplification du diagnostic de syndrome 30 % de la population, avec une prévalence de 7 % dans la
métabolique, l’équipe canadienne du professeur Desprès propose tranche d’âge 20-29 ans et qui culmine à 44 % pour les
de déceler les patients à risque métabolique par la recherche de 60-69 ans. En France, quelques données sont disponibles
deux critères : tour de taille au-dessus de 90 cm et triglycéridé- notamment au travers des études DESIR [9] et Monitoring of
mie supérieure à 2 mmol/l. La majorité des sujets ayant un tour Trends and Determinants in Cardiovascular Diseases
de taille hypertriglycéridémique ont un syndrome métabolique (MONICA) [10]. Selon les critères NCEP/ATPIII, la prévalence du
selon les critères IDF (89,2 %) et les critères NCEP-ATPIII syndrome métabolique est estimée à 16 % chez les hommes et
(82,7 %). En outre, chez les sujets ayant ce phénotype, les 11 % chez les femmes selon l’étude DESIR, et à 22,5 % et
anomalies métaboliques telles que l’augmentation des low 18,5 % respectivement selon l’étude MONICA. Cette dernière
density lipoprotein (LDL) petites et denses, athérogènes, la montre par ailleurs une grande disparité Nord/Sud avec une
concentration élevée de l’apolipoprotéine B et la réduction de prévalence de 26 % à Lille contre 15 % à Toulouse.
l’adiponectinémie sont présentes de manière similaire compara- Le risque de développer un syndrome métabolique est plus
tivement aux sujets avec un syndrome métabolique selon les élevé en cas de surpoids et d’obésité : dans une étude améri-
définitions classiques [4]. Le rôle prédictif du tour de taille pour caine portant sur 3 305 sujets noirs, 3 477 Mexicains et
les maladies cardiovasculaires a été démontré par plusieurs 5 581 sujets blancs de plus de 20 ans, la prévalence du syn-
études et notamment au sein de la cohorte française SUVIMAX drome métabolique est de 22,8 % chez les hommes et de
(SUpplémentation en VItamines et Minéraux Anti-oXydants) 22,6 % chez les femmes. Chez les sujets de poids normal, elle
chez des sujets d’âge moyen caractérisés par un risque cardio- est de 4,6 % (hommes) et de 6,2 % (femmes) contre 22,4 %
vasculaire faible [5]. (risque relatif [RR] = 5,2) et 28,1 % (RR = 5,4) chez les sujets en
surpoids. En cas d’obésité, la fréquence est encore plus éle-
vée puisque 59,6 % des hommes et 50 % des femmes de cette
■ Épidémiologie du syndrome population sont touchés [11]. De manière concordante, une
étude française a montré que l’évolution du poids est un
métabolique puissant déterminant de l’apparition ou au contraire de l’atté-
nuation des critères définissant le syndrome métabolique : une
Les données épidémiologiques concernant le syndrome prise de 1 kilo sur 6 ans s’accompagne d’une augmentation de
métabolique diffèrent de manière importante selon la définition 22 % du risque de développer un syndrome métabolique [12].

Endocrinologie-Nutrition 3
10-363-A-10 ¶ Syndrome métabolique

Enfin, il faut signaler une forte expansion du syndrome Syndrome métabolique et scores de risque
métabolique dans les régions du monde concernées par des
problèmes de malnutrition et d’accès à l’information médicale.
(Framingham, SCORE)
Ainsi, les pays en voie de développement sont touchés par une Une autre question débattue est celle de l’intérêt du syn-
augmentation rapide de l’incidence du diabète et des maladies drome métabolique dans l’évaluation du risque cardiovasculaire,
cardiovasculaires. au-delà des scores tenant compte des facteurs de risque tradi-
tionnels : hypertension, âge, diabète, tabagisme, etc. Dans la
cohorte ARIC, la prise en compte du « critère syndrome méta-
bolique » n’améliore pas l’évaluation du risque coronaire par le
■ Syndrome métabolique score de Framingham. De manière concordante, Wannamethee
et al. [18] ont montré la supériorité de ce score pour prédire les
et maladies cardiovasculaires évènements coronaires ou vasculaires cérébraux comparative-
ment au syndrome métabolique. À l’inverse, une analyse post-
La majorité des études montre un lien positif entre le hoc des études 4S et Air Force/Texas Coronary Atherosclerosis
syndrome métabolique et le risque cardiovasculaire. La récente Prevention Study (AFCAPS/TexCAPS) a montré que les sujets
méta-analyse de Gami [13] incluant 36 études quantifie le risque ayant un syndrome métabolique présentaient un niveau de
relatif d’évènements cardiovasculaires et de décès à 1,78 (1,58- risque augmenté indépendamment de celui qui est évalué par
2,00) dans la population des sujets ayant un syndrome métabo- l’algorithme de Framingham [19].
lique par rapport à celle qui en est indemne. La Kuopio D’une manière générale, il faut rappeler que les scores classi-
Ischemic Heart Disease Risk Factor Study [14] a suivi pendant ques ont été élaborés pour évaluer le risque à 10 ans. Aucune
11 ans des hommes finlandais en prévention primaire. Le risque étude n’a correctement comparé l’intérêt de ces scores et celui du
de décès par maladie cardiovasculaire était multiplié par 2,6 en syndrome métabolique pour une évaluation à plus long terme.
cas de syndrome métabolique. D’autres cohortes importantes Or, la présence d’un syndrome métabolique est, a priori, une
(Framingham, National Health and Nutrition Examination indication de désordres métaboliques très précoces dont les
Survey [NHANES], Atherosclerosis Risk In Community study conséquences cardiovasculaires sont à craindre à long terme.
[ARIC]) retrouvent des risques relatifs compris entre 1,5 et 3.
Dans la méta-analyse de Gami, le risque relatif d’évènement Le syndrome métabolique
cardiovasculaire est supérieur chez les sujets ayant une histoire pour « optimiser » la prédiction du risque ?
de coronaropathie comparativement aux sujets n’ayant aucun
Il ressort des études citées précédemment que la recherche
antécédent cardiovasculaire (RR : 2,78 versus 1,94). Chez les
d’un syndrome métabolique ne doit pas se substituer à l’évalua-
sujets diabétiques, la prévalence de la maladie coronaire est plus
tion du risque par les scores tenant compte des facteurs de
que doublée en présence d’un syndrome métabolique (19,2 % risque traditionnels. En revanche, elle semble importante pour
en cas de diabète avec syndrome métabolique verus 7,5 % chez affiner le résultat, en particulier pour certaines populations.
les diabétiques sans syndrome métabolique) [15]. Dans l’étude des critères de diagnostic en Europe (DECODE), les
À l’inverse des précédentes, quelques études n’ont pas hommes ont été classés selon deux catégories en fonction du
retrouvé de relation entre le syndrome métabolique et le risque résultat de l’échelle SCORE : faible risque (< 5 % à 10 ans) et
cardiovasculaire. C’est le cas de la Casale Monferrato Study dans haut risque (> 20 % à 10 ans). Au sein de la population à faible
laquelle le syndrome métabolique n’augmente pas l’incidence risque, il est noté trois fois plus d’évènements cardiovasculaires
des évènements chez des sujets diabétiques. De même, chez des chez les sujets ayant un syndrome métabolique par rapport à
Indiens non diabétiques, il n’a pas été retrouvé d’association ceux qui en sont indemnes. Un résultat semblable a été retrouvé
entre le niveau d’insulinosensibilité ou la présence d’un dans une analyse regroupant deux essais cliniques avec des
syndrome métabolique et l’incidence des maladies cardiovascu- hypolipémiants. Ainsi, le syndrome métabolique semble être un
laires. Compte tenu du faible nombre d’évènements, il est outil important de prédiction des maladies cardiovasculaires
probable que la puissance de cette étude ait été insuffisante. dans les populations à faible risque.
Enfin, chez des sujets en prévention secondaire (coronaropathie En pratique clinique, il convient donc en premier lieu
stable), le syndrome métabolique était associé à une augmenta- d’évaluer le risque par un score classique puis de « corriger » le
tion du risque coronaire chez les femmes mais pas chez les résultat en fonction de la présence ou non d’un syndrome
hommes. Dans cette étude, le tour de taille n’était pas disponi- métabolique. Il semble raisonnable de reclasser les sujets
ble et l’indice de masse corporelle moyen était inférieur (27 kg/ ayant un risque calculé faible (entre 6 % et 10 % à 10 ans) et
m2) à celui des critères d’inclusion (> 30 kg/m2), ce qui un syndrome métabolique dans le groupe « risque intermé-
témoigne de l’existence de difficultés méthodologiques limitant diaire » (10 % à 20 % à 10 ans) [20].
la portée de ce travail.
Risque associé aux différentes combinaisons
de trois critères du syndrome métabolique
Risque attribuable au syndrome
Peu d’études ont comparé le risque relatif de la mortalité ou
métabolique des évènements cardiovasculaires selon les combinaisons de
critères du syndrome métabolique. Au sein de la cohorte de
Le risque attribuable au syndrome métabolique est-il supé-
Framingham, Wilson et al. n’ont pas montré de différence
rieur au risque calculé en additionnant chaque facteur de
franche du risque selon la manière dont le syndrome métabo-
risque ? lique se manifeste. À l’inverse, Guize et al. ont dégagé cinq
Il persiste un débat sur l’intérêt du syndrome métabolique combinaisons de trois critères particulièrement à risque de
pour quantifier le risque cardiovasculaire indépendamment de décès :
la somme des anomalies qui le constituent. Dans la méta- • tour de taille + triglycérides + glycémie ;
analyse de Gami et al., le risque relatif lié au syndrome méta- • tour de taille + pression artérielle + glycémie ;
bolique est évalué à 1,54 (1,32-1,79) après ajustement sur ces • triglycérides + HDL-C + glycémie ;
différentes anomalies. À l’inverse, plusieurs études suggèrent que • triglycérides + pression artérielle + glycémie ;
le risque cardiovasculaire du syndrome métabolique n’est pas • tour de taille + triglycérides + pression artérielle.
supérieur à la somme des risques de ses critères [16, 17]. Autre- Ces données méritent d’être confirmées par d’autres travaux
ment dit, il augmente progressivement avec le nombre de avant de conclure à une hétérogénéité du risque de morbimor-
critères de 0 à 5, le fait d’en avoir trois parmi les cinq n’ayant talité en fonction du mode de révélation du syndrome
pas de signification particulière. métabolique.

4 Endocrinologie-Nutrition
Syndrome métabolique ¶ 10-363-A-10

■ Syndrome métabolique associé à d’autres pathologies. Celles-ci sont intimement liées au


niveau d’adiposité viscérale et d’insulinorésistance. Il s’agit
et diabète notamment de l’hépatopathie métabolique, du syndrome des
ovaires polykystiques, du syndrome d’apnées du sommeil et
La plupart des patients diabétiques (type 2) présentent une d’un hypogonadisme. Par ailleurs, il est probable que l’obésité
insulinorésistance et un syndrome métabolique avant même abdominale et/ou le syndrome métabolique soient associés à un
l’apparition du diabète [21] : l’obésité abdominale et/ou la risque plus élevé de cancers et de démences de type Alzheimer.
dyslipidémie typique associée et un état d’hyperinsulinisme
(hypertriglycéridémie et hypoHDLémie) sont mis en évidence
précocement chez 75 % à 85 % des patients qui deviendront Hépatopathie métabolique ou « maladie
diabétiques [22]. De nombreuses études prospectives ont montré du foie non alcoolique »
dans des populations diverses (Américains, Européens, Mexi-
cains, Chinois, etc.) une relation franche entre l’existence d’un L’hépatopathie métabolique inclut plusieurs situations :
syndrome métabolique et la survenue ultérieure d’un diabète. simple stéatose, NASH pouvant évoluer vers la cirrhose puis le
Ainsi, l’incidence de celui-ci est cinq fois plus élevée chez les carcinome hépatocellulaire. Le dépistage de l’hépatopathie
sujets touchés par le syndrome métabolique par rapport à ceux métabolique repose sur le dosage des transaminases et l’écho-
qui en sont indemnes [23]. Toutefois, ce risque dépend de la graphie du foie. En l’absence d’autres causes évidentes de
définition utilisée. Quand une perturbation de la glycorégulation cytolyse (médicaments, alcool, hépatites virales B et C, hémo-
(hyperglycémie à jeun ou intolérance au glucose) est un critère chromatose notamment), le diagnostic d’hépatopathie métabo-
diagnostique obligatoire (définitions OMS ou Groupe européen lique doit être évoqué. Dans la population générale, sa
pour l’étude de résistance à l’insuline [EGIR]), la présence d’un prévalence est comprise entre 3 % et 36 % selon les critères
syndrome métabolique a un caractère prédictif supérieur à celui diagnostiques retenus. Elle toucherait 95 % des obèses et près de
des définitions de l’IDF et de la NCEP-ATPIII où l’hyperglycémie 70 % des diabétiques de type 2. L’incidence de l’hépatopathie
est une anomalie « facultative ». Par ailleurs, l’incidence du est multipliée par quatre et onze chez les hommes et les femmes
diabète est d’autant plus importante que le syndrome a une touchés par un syndrome métabolique comparativement aux
présentation complète. Dans l’étude West of Scotland Coronary témoins qui en sont indemnes. L’accumulation hépatique de
Prevention Study (WOSCOPS), le risque relatif (comparativement graisse est en premier lieu la conséquence de l’afflux d’acides
à un groupe de sujets ne présentant aucune anomalie) est chiffré gras libres au niveau du foie, secondaire à une stimulation de
à 7,26 en présence de trois critères et à 24,4 quand le tableau est la lipolyse à laquelle s’associe une augmentation de la lipo-
complet (cinq critères sur cinq dans la définition NCEP- genèse. L’hépatopathie favorise elle-même l’insulinorésistance et
ATPIII) [17]. En outre, les différentes combinaisons d’anomalies pourrait jouer un rôle dans l’apparition ou l’aggravation du
ne sont pas équivalentes dans la prédiction : la présence d’une syndrome métabolique. L’évolution d’une stéatose vers la NASH
hyperglycémie à jeun augmente de manière franche le risque de puis vers la cirrhose n’est pas constante. Les raisons de cette
diabète (risque relatif voisin de 10 par rapport à une population aggravation de la maladie hépatique chez certains patients plus
témoin indemne de syndrome métabolique) [24]. Cependant, ce que d’autres ne sont pas connues et il n’existe pas pour le
risque reste significativement élevé (entre 3,5 et 5 quand trois moment de facteurs prédictifs d’apparition d’une NASH. Des
critères sur cinq sont présents) même quand la glycémie à jeun facteurs génétiques sont probablement impliqués, expliquant les
est strictement normale (< 1 g/l). différences interindividuelles.
L’intérêt clinique du syndrome métabolique pour détecter les
patients à haut risque de diabète fait toutefois l’objet d’un
débat. Dans la San Antonio Heart Study, Stern et al. ont montré
Syndrome des ovaires polykystiques (SOPK)
la supériorité du Diabetes Predicting Model comparativement au Le SOPK est fréquent chez la femme jeune en surpoids ou
syndrome métabolique pour prédire l’incidence du diabète. De obèse et se caractérise par l’association de troubles des règles
même, le Finnish Diabetes Risk Score, qui est un score continu (irrégularités menstruelles, plus rarement aménorrhée) à un
de risque, semble avoir une meilleure sensibilité pour une même hirsutisme, en général modéré, et à une hypofertilité. Ce
spécificité [25]. À l’inverse, le score de Framingham est inférieur syndrome est la première cause de stérilité chez la femme. Il
au syndrome métabolique chez des hommes de la British expose également à un risque élevé de fausses couches. Le SOPK
Regional Health Study [18]. Comparativement à des marqueurs est presque toujours associé à une insulinorésistance, celle-ci
d’un trouble de la régulation glycémique (hyperglycémie à jeun, jouant probablement un rôle important dans sa patho-
intolérance au glucose notamment), il n’est pas établi si la genèse [27] . De 30 % à 50 % des femmes préménopausées
présence d’un syndrome métabolique apporte ou non une touchées par un SOPK présentent un syndrome métabolique et
information supplémentaire : certaines études montrent la plus de deux tiers d’entre elles ont une intolérance au glucose.
supériorité ou l’absence de différence du caractère prédictif de La relation précise entre le syndrome métabolique et le SOPK
l’hyperglycémie à jeun comparativement au syndrome métabo- reste à éclaircir.
lique. D’autres travaux, comme la San Antonio Heart Study,
aboutissent à un résultat inverse : la présence d’un syndrome
métabolique est associée à un risque de diabète indépendam- Syndrome d’apnées obstructives
ment de l’intolérance au glucose et de l’hyperinsulinémie [26]. du sommeil (SAOS)
Au total, le syndrome métabolique est le témoin d’un risque
significativement augmenté de développer un diabète. Toutefois, Le SAOS est une pathologie probablement sous-estimée en ce
certains scores spécifiquement construits pour repérer les qui concerne sa prévalence et ses conséquences. En dehors de
possibles futurs diabétiques ont une sensibilité supérieure à celle la symptomatologie clinique qui peut le révéler (asthénie,
du syndrome métabolique. L’intérêt de ce dernier est d’attirer somnolence pathologique, ronflements, céphalées matinales,
l’attention du clinicien à la fois sur le risque de survenue d’un etc.), il peut être responsable d’une hypertension artérielle avec
diabète et celui d’être touché par une maladie cardiovasculaire disparition du dipping nocturne (baisse de la pression artérielle
à long terme. lors de l’endormissement), d’une cardiopathie avec troubles du
rythme ou encore d’accidents de la route secondaires à un
■ Autres complications ou maladies endormissement lors de la conduite automobile. Le SAOS est
fréquent chez l’obèse, particulièrement en cas de surcharge
associées au syndrome métabolique abdominale et/ou de syndrome métabolique. Au sein d’une
population de patients bénéficiant d’une prise en charge
En dehors des maladies cardiovasculaires et du diabète de éducative pour un syndrome métabolique, la réalisation systé-
type 2, le syndrome métabolique peut se compliquer et/ou être matique d’une polygraphie ventilatoire nous a permis de déceler

Endocrinologie-Nutrition 5
10-363-A-10 ¶ Syndrome métabolique

un SAOS (défini par un index apnées-hypopnées > 15/h) chez existe une moindre incidence du diabète chez les sujets sous
44 % des hommes [28]. Il faut ajouter que la majorité de ces inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) ou antagonistes des
patients ne présentait pas de somnolence pathologique sur récepteurs de l’angiotensine II (ARA II) (RR : 0,78 ; IC : 0,74 à
l’échelle d’Epworth. Sur le plan physiopathologique, les rela- 0,83) par comparaison aux patients traités par d’autres médica-
tions exactes entre le syndrome métabolique et le SAOS sont ments. Deux essais ont spécifiquement testé l’intérêt des
inconnues. Le rôle de l’insulinorésistance [29], de l’inflammation bloqueurs du système rénine-angiotensine-aldostérone pour
infraclinique [30] et l’intervention des adipokines, en particulier prévenir le diabète. L’étude DREAM réalisée avec un IEC, le
de l’adiponectine, sont évoqués. ramipril, est positive [41]. À l’inverse, l’étude NAVIGATOR testant
un ARA II, le valsartan, est négative [42] . Compte tenu des
différences méthodologiques importantes qui caractérisent ces
Hypogonadisme masculin et dysfonction deux études, il serait prématuré de conclure à une différence
érectile d’efficacité entre les IEC et les ARA II en prévention du diabète.
Les hommes ayant un syndrome métabolique présentent plus
fréquemment un hypogonadisme. Les études épidémiologiques
transversales et longitudinales révèlent une association entre
■ Démarche pratique
l’excès de graisse abdominale et certaines anomalies métaboli-
En pratique clinique, la prise en charge d’un patient ayant un
ques avec des taux bas de testostérone plasmatique et de sa
syndrome métabolique comporte trois volets :
protéine porteuse, la sexual hormon binding protein (SHBG) [31-
33]. Ces perturbations biologiques sont parfois présentes avant
• réaliser un bilan précis des anomalies constituant le syn-
drome, rechercher d’éventuelles complications ou maladies
même que les critères diagnostiques du syndrome métabolique
associées et évaluer le risque cardiovasculaire global ;
n’apparaissent. Cela suggère, sans toutefois le démontrer, un
• débuter le plus tôt possible une prise en charge hygiénodié-
possible rôle causal des perturbations hormonales gonadiques
tétique ;
dans le développement du syndrome métabolique. Sur le plan
• introduire si nécessaire une thérapeutique médicamenteuse
clinique, une dysfonction érectile, parfois précoce, est également
« ni trop tôt, ni trop tard ».
associée au syndrome métabolique [34-36].

■ Peut-on prévenir le diabète ? ■ Diagnostic précis des anomalies


constituant le syndrome
L’efficacité d’une prise en charge « intensive » hygiénodiété-
tique ou médicamenteuse pour prévenir l’apparition d’un
métabolique
diabète chez des sujets prédiabétiques a fait l’objet de plusieurs et de ses complications
études randomisées.
La mesure du tour de taille (à mi-distance entre les dernières
côtes et la crête iliaque antérosupérieure) et de la pression
Efficacité des mesures hygiénodiététiques artérielle au repos, le bilan lipidique (incluant la mesure du
Une méta-analyse regroupant huit essais évaluant l’efficacité HDL-C et des triglycérides) et une glycémie à jeun sont les
d’une intervention visant le changement du mode de vie a examens essentiels qui permettent d’affirmer le diagnostic de
montré une réduction de 37 % de l’incidence du diabète à moyen syndrome métabolique. Ils doivent être complétés par un
terme dans les groupes « intervention » versus les groupes de interrogatoire à la recherche de symptômes évocateurs de SAOS
témoin [37]. Le bénéfice du suivi des patients en vue d’obtenir un (ronflements, somnolence diurne, nycturie, céphalées matinales,
changement des habitudes de vie persiste plusieurs années après etc.) et de signes orientant vers le diagnostic d’ovaires polykys-
l’intervention : les résultats de l’étude de prévention finlandaise, tiques : irrégularité menstruelle, voire aménorrhée, infertilité,
7 ans après la randomisation, montrent une incidence du diabète hirsutisme. Des dosages hormonaux et une échographie ova-
dans le groupe « intervention » réduite de 43 % par rapport au rienne permettent d’étayer ce diagnostic s’il existe des points
groupe témoin [38] ; de même, le suivi des patients inclus dans le d’appels cliniques. Les examens biologiques doivent également
Diabetes Prevention Program (DPP) montre, 10 ans après la comporter systématiquement un bilan hépatique à la recherche
randomisation, un taux cumulé de diabète plus faible dans le d’une stéatose, voire d’une stéatohépatite pouvant évoluer vers
groupe « intervention » par rapport aux témoins [39]. Toutefois, la cirrhose. Une échographie hépatique permet de documenter
l’incidence du diabète pendant la période d’extension du suivi une cytolyse et/ou une cholestase biologique.
n’est pas différente selon les groupes, excluant l’hypothèse d’un
« effet mémoire » de l’intervention initiale. L’adaptation de
l’intervention DPP pour la prise en charge des patients prédiabé- ■ Évaluation du risque
tiques dans la « vie réelle » a fait l’objet de plusieurs études
suggérant l’intérêt de programmes éducatifs plus simples à la fois
cardiovasculaire
sur le plan médical et économique. Une évaluation statistique du risque cardiovasculaire chez les
patients ayant un syndrome métabolique présente un double
Prévention pharmacologique du diabète intérêt. D’une part, elle oriente le médecin dans ses choix
thérapeutiques, notamment dans la décision d’introduire un
Plusieurs essais cliniques, dont le DPP [40] , ont montré hypolipémiant, un antihypertenseur ou un antiagrégant pla-
l’efficacité en prévention du diabète (– 31 % versus placebo à quettaire (cf. infra). D’autre part, elle a pour avantage de
2,8 ans). Cependant cet effet est inférieur à celui des mesures sensibiliser le patient à la nécessité de mettre en œuvre des
hygiénodiététiques. D’autres traitements sont également effica- mesures préventives, pour réduire le risque cardiovasculaire.
ces pour réduire l’incidence du diabète, notamment les glitazo- Divers algorithmes sont actuellement disponibles pour évaluer
nes, l’orlistat et l’acarbose (cf. infra). Toutefois, pour le moment, le risque de morbidité et mortalité cardiovasculaire à 10 ans.
aucun de ces médicaments n’est indiqué spécifiquement pour la Comme nous l’avons mentionné, on peut proposer l’utilisation
prévention du diabète. Chez le patient hypertendu à risque, il d’un score de risque classique dont le résultat est interprété en
existe des arguments pour choisir certains antihypertenseurs tenant compte de l’existence du syndrome métabolique. Une
plutôt que d’autres. Les essais réalisés dans des populations de équipe française a proposé un score spécifiquement adapté à la
patients traités pour différentes indications par un bloqueur du mesure du risque cardiovasculaire chez les patients atteints de
système rénine-angiotensine-aldostérone (hypertension, insuffi- syndrome métabolique [43]. Ce score a pour avantage d’être
sance cardiaque, haut risque cardiovasculaire) indiquent qu’il adapté à la population française.

6 Endocrinologie-Nutrition
Syndrome métabolique ¶ 10-363-A-10

■ Prise en charge thérapeutique de morbidité et mortalité. Elle est donc réservée aux cas les plus
graves, après vérification de l’absence de contre-indications
psychiatriques.
La prise en charge thérapeutique du syndrome métabolique
est complexe pour plusieurs raisons. D’une part, l’hétérogénéité
de ce syndrome et la multiplicité des facteurs environnemen- Augmenter l’activité physique
taux qui le favorisent impliquent que chaque patient est un cas Divers travaux démontrent un effet bénéfique de l’activité
particulier et doit bénéficier d’une prise en charge personnalisée physique sur les anomalies qui définissent le syndrome méta-
tenant compte du mode de vie et de l’état psychologique. bolique, y compris en l’absence de perte de poids [45]. Ainsi, une
D’autre part, le syndrome métabolique a une évolution chroni- augmentation de l’activité physique s’accompagne d’une
que avec une tendance spontanée à l’aggravation. Par consé- diminution du tour de taille, d’une diminution de la glycémie
quent, son traitement nécessite, plutôt qu’une polythérapie et de l’insulinorésistance, d’une réduction discrète mais signifi-
médicamenteuse ciblant chaque anomalie d’emblée, de hiérar- cative de la pression artérielle, d’une baisse des triglycérides
chiser les problèmes afin de les résoudre un par un, en agissant plasmatiques et d’une hausse du HDL-C. La durée et la fré-
avant tout sur le mode de vie du patient. Les traitements quence optimales des séances d’activité physique ne sont pas
médicamenteux ne sont introduits qu’en seconde intention, en connues. Les recommandations actuelles prônent la pratique
ayant toujours conscience qu’à chaque fois qu’un comprimé d’un exercice modéré quotidien équivalent à 30 minutes de
supplémentaire est prescrit, cela compromet un peu plus marche rapide, éventuellement fractionné sur les 24 heures par
l’observance thérapeutique. séance de 10 minutes. Des exercices de renforcement musculaire
Nous abordons en premier lieu les principes de la prise en au moins deux fois par semaine doivent également être propo-
charge hygiénodiététique du syndrome métabolique. Nous sés de manière complémentaire. Un programme plus intensif
traitons ensuite de l’indication des différentes classes thérapeu- d’activité physique semble toutefois souhaitable et plus efficace,
tiques utilisées dans le traitement de l’obésité et de la préven- notamment sur les paramètres lipidiques et pour prévenir
tion cardiovasculaire. l’apparition d’un diabète. Toute activité d’endurance peut être
proposée, en tenant compte des antécédents, notamment
Mesures hygiénodiététiques rhumatologiques et cardiologiques, du patient. Des séances
plurihebdomadaires d’une durée de 20 minutes à 1 heure sont
Bien que le syndrome métabolique ne se développe que chez conseillées. L’utilisation d’un carnet est encouragée afin d’y
des patients ayant une certaine susceptibilité génétique, le mode inscrire chaque jour la durée et le type des activités réalisées.
de vie joue un rôle primordial dans sa genèse et son évolution.
L’obésité abdominale, le manque d’activité physique et une Améliorer la qualité de l’alimentation
alimentation hypercalorique, diabétogène et athérogène sont les
principaux facteurs modifiables qui déterminent son apparition Des modifications qualitatives de l’alimentation semblent
et accélèrent son aggravation. Par conséquent, les mesures bénéfiques, même si elles ne conduisent pas à une perte de
hygiénodiététiques ont pour objectif : poids. Il est souhaitable de réduire autant que possible l’apport
• de réduire la surcharge pondérale, notamment abdominale ; en graisses saturées au profit des graisses mono- et poly-
• d’augmenter l’activité physique ; insaturées, de limiter les aliments à fort index glycémique et
• d’améliorer la qualité des apports alimentaires. d’augmenter en contrepartie l’apport en fibres contenues dans
les légumes et céréales. Une consommation plurihebdomadaire
de poisson a pour intérêt d’assurer un apport en protéine
Réduire la surcharge pondérale
animale tout en favorisant l’ingestion d’acides gras poly-
Une réduction du poids et du tour de taille améliore de façon insaturés (dont les omégas 3). L’apport en fruits doit se limiter
sensible l’ensemble des anomalies qui caractérisent le syndrome à deux, voire trois fruits par jour et les légumes ou crudités
métabolique. Néanmoins, il n’est généralement pas concevable doivent être consommés à chaque repas.
d’obtenir, sur le long terme, une correction complète de la Des travaux récents suggèrent que le régime crétois a un
surcharge pondérale. Un objectif bien plus réaliste est de réduire impact favorable sur le syndrome métabolique [46]. Il semble en
l’excès pondéral en visant une diminution de 5 % à 10 % du être de même avec le régime Dietary Approaches to Stop
poids. Une telle perte de poids s’est montrée très efficace pour Hypertension (DASH) initialement proposé pour réduire la
diminuer la glycémie et améliorer l’hémoglobine glyquée pression artérielle [47]. Ce régime consiste à limiter l’apport en
(HbA1c) chez le diabétique, diminuer la pression artérielle et sel à 2,4 g/j, à augmenter la consommation de laitages pauvres
réduire les triglycérides plasmatiques en augmentant parallèle- en graisses, ainsi que celle des fruits et légumes et des aliments
ment le taux de HDL-C. Cette perte de poids nécessite avant complets. À l’inverse, l’apport en graisses totales et en graisses
tout une réduction raisonnable de l’apport calorique global. Une saturées est réduit. Azadbakht et al. ont montré que le suivi
enquête alimentaire approfondie doit être conduite afin de d’un tel régime est plus efficace qu’un régime hypocalorique
déceler les « mauvaises habitudes alimentaires ». Les conseils classique pour corriger en partie les cinq anomalies qui définis-
diététiques sont de deux ordres : en premier lieu ils visent à sent le syndrome métabolique. Les auteurs considèrent de plus
corriger les erreurs majeures responsables d’un apport calorique que l’effet du régime DASH sur la pression artérielle, les lipides
important : consommation excessive d’alcool, de fromage, sanguins et la glycémie à jeun est en partie indépendant de la
charcuterie, biscuits ou pâtisseries, etc. Une telle correction perte de poids qu’il occasionne.
permet parfois, à elle seule, d’amorcer une perte significative de
poids. Dans un second temps, on tente de rééquilibrer les repas Thérapeutique médicamenteuse
en essayant de s’approcher au mieux des recommandations
habituelles concernant les apports nutritionnels. La valorisation La plupart des classes médicamenteuses employées dans le
des efforts réalisés par le patient est un élément majeur pour traitement de l’obésité ou des facteurs de risque cardiovasculaire
que celui-ci puisse continuer à modifier favorablement et ont été évaluées chez des patients ayant un syndrome métabo-
durablement ses habitudes alimentaires. lique et/ou chez des sujets insulinorésistants. La décision
Un trouble du comportement alimentaire (grignotage, bouli- d’introduire un nouveau médicament doit se faire de façon
mie, etc.) doit systématiquement être dépisté et doit souvent prudente en évaluant non seulement le rapport bénéfice-risque
être pris en charge par un intervenant spécialisé. mais surtout en évitant une escalade thérapeutique. Celle-ci
La chirurgie de l’obésité a montré son efficacité pour faire pourrait rapidement faire occulter l’importance des modifica-
régresser les anomalies qui constituent le syndrome métaboli- tions des habitudes de vie et réduire l’observance thérapeutique,
que [44]. Néanmoins, quelle que soit la méthode employée, il qui, rappelons-le, est inversement corrélée aux nombres de
s’agit d’une chirurgie lourde, grevée d’un taux non négligeable prises médicamenteuses et de médicaments prescrits.

Endocrinologie-Nutrition 7
10-363-A-10 ¶ Syndrome métabolique

Orlistat première intention. L’intérêt des fibrates, dans certaines


circonstances, est probable, ce qui justifie parfois leur prescrip-
Seul un médicament reste disponible sur le marché français tion. En pratique, les recommandations françaises de l’Agence
dans le traitement de l’excès pondéral : l’orlistat. Il n’y a pas française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS)
aujourd’hui d’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour la prise en charge des hyperlipidémies proposent l’utilisa-
justifiant spécifiquement l’emploi de ce médicament dans le tion des fibrates en première intention, uniquement lorsque le
cadre du syndrome métabolique. Son indication se limite à LDL-C est à l’objectif et en présence de l’une des deux circons-
l’obésité ou au surpoids associé à des facteurs de risque cardio- tances suivantes :
vasculaire. Cet intitulé de l’AMM autorise la prescription de • hypertriglycéridémie importante (> 4 g/l) malgré les mesures
l’orlistat chez la plupart des patients ayant un syndrome diététiques ;
métabolique. • hypertriglycéridémie associée à une hypoHDLémie (HDL-C
En ce qui concerne le mécanisme d’action, l’orlistat est un < 0,4 g/l).
inhibiteur des lipases intestinales réduisant de 30 % l’absorption L’étude FIELD [55], dont l’objectif était d’évaluer l’efficacité du
intestinale des graisses. Une méta-analyse montre que ce fénofibrate sur la mortalité cardiovasculaire chez des patients
médicament entraîne, à 1 an, une perte supplémentaire d’envi- diabétiques ayant des caractéristiques lipidiques proches de
ron 3 kg par rapport au placebo [48]. En outre, l’étude XENical celles rencontrées dans le syndrome métabolique, s’est révélée
in the prevention of Diabetes in Obese Subjects (XENDOS), a négative sur le critère principal. De plus, dans le sous-groupe des
montré qu’un traitement par orlistat chez des patients obèses patients ayant un authentique syndrome métabolique, il
peut réduire de 37,3 % le risque de développer un diabète à n’existait qu’une tendance statistique en faveur de l’efficacité du
4 ans (incidence cumulée : 6,2 % sous orlistat versus 9 % sous fénofibrate par rapport au placebo sur le critère principal
placebo) [49] . Les paramètres lipides, et en particulier les (p = 0,07). Il faut néanmoins signaler que dans cette étude, de
triglycérides plasmatiques et le HDL-C, ainsi que la pression façon inattendue, le HDL-C ne s’est que très peu élevé sous
artérielle sont également discrètement mais favorablement fénofibrate. Contrastant avec ces données, trois études suggèrent
modifiés sous orlistat. Outre l’apparition d’une diarrhée grais- l’intérêt d’une prescription d’un fibrate dans le traitement du
seuse, attendue avec ce traitement compte tenu de son méca- syndrome métabolique. L’étude VAHIT a montré chez des
nisme d’action, le principal effet secondaire est une diminution patients en prévention secondaire qu’un traitement par le
de l’absorption des vitamines liposolubles dont les valeurs gemfibrozil réduit les évènements cardiovasculaires chez des
restent néanmoins dans les limites de la normale. patients hypoHDLémiques et notamment dans les sous-groupes
de sujets diabétiques ou non diabétiques mais insulinorésis-
Hypolipémiants tants [56, 57]. L’étude Bézafibrate infarctus prévention (BIP) a
La dyslipidémie du syndrome métabolique inclut typique- évalué, en prévention secondaire, l’effet d’un traitement par
ment une hypertriglycéridémie témoignant d’une surproduction bézafibrate sur les évènements coronaires. Cette étude s’est
de lipoprotéine de très basse densité (very low density lipoprotein révélée globalement négative, les médicaments testés n’ayant
[VLDL]), une diminution du HDL-C résultant de mécanismes guère fait mieux que le placebo. En revanche, une analyse post-
complexes, notamment une élimination accélérée des HDL et hoc a révélé que chez les patients ayant un syndrome métabo-
une augmentation de la quantité de LDL petites et denses, lique, la prise du fibrate était associée à un moindre risque
athérogènes [50]. La fonctionnalité, en particulier l’effet antioxy- d’infarctus du myocarde [58].
dant des HDL est altérée [51, 52]. Le cholestérol LDL (LDL-C) des
Place de l’acide nicotinique
patients atteints de syndrome métabolique est semblable à celui
du reste de la population. L’acide nicotinique, sous une forme à libération prolongée
Les résultats des grandes études de morbimortalité testant qui rend sa tolérance acceptable, est récemment réapparu sur le
l’effet des hypolipémiants sur les évènements cardiovasculaires marché français. L’intérêt principal de ce médicament est d’être
permettent de guider les choix thérapeutiques. le plus puissant pour augmenter le HDL-C (+ 20 % en
moyenne). Il a également un effet favorable sur le LDL-C et les
Première cible du traitement hypolipémiant : le LDL-C triglycérides plasmatiques. Les preuves de l’efficacité de l’acide
La décision d’introduire un hypolipémiant dépend en pre- nicotinique pour réduire la morbimortalité sont actuellement
mier lieu du niveau de LDL-C. Les statines sont prescrites en limitées. Par conséquent, selon le libellé de son AMM, il n’a
première intention. En effet, la plupart des grands essais d’indication qu’en seconde intention, soit à la place d’une
thérapeutiques ont montré qu’un traitement par statine chez les statine pour réduire le LDL-C si la statine est mal tolérée, soit
sujets à risque cardiovasculaire réduit la fréquence des évène- en association à une statine si l’objectif n’est pas atteint, en
ments cardiovasculaires. Ce résultat est souvent retrouvé dans particulier s’il existe une hypertriglycéridémie et/ou une
les sous-groupes de patients ayant un syndrome métabolique [53, hypoHDLémie. Il faut signaler l’existence d’une possible
54]. Il n’existe pas de recommandations spécifiques au syndrome élévation de l’uricémie et de la glycémie secondaire au traite-
métabolique pour décider de la nécessité ou non d’introduire ment par l’acide nicotinique. Ces effets sont variables mais
une statine chez un patient donné ; l’indication est guidée par peuvent être significatifs en cas de syndrome métabolique et/ou
les recommandations habituelles et dépend du risque cardiovas- de prédiabète. Chez des patients diabétiques, un traitement par
culaire global. Lorsque le patient appartient à une des trois 1 500 mg d’acide nicotinique a eu un effet négligeable sur
catégories de sujets à « haut risque cardiovasculaire » (préven- l’HbA1c mais au prix d’une adaptation du traitement antidiabé-
tion secondaire, diabète compliqué ou associé à deux facteurs de tique oral [59] . Le bénéfice clinique de l’acide nicotinique
risque, risque cardiovasculaire à 10 ans > 20 %), une statine est pourrait être supérieur à ses effets métaboliques délétères : au
débutée dès lors que le LDL-C dépasse 1 g/l malgré des mesures cours du Coronary Drug Project, la mortalité totale et cardio-
diététiques appropriées. Dans le cas contraire, le nombre de vasculaire était réduite dans le groupe acide nicotinique quelle
facteurs de risque cardiovasculaire détermine la valeur de LDL-C que soit la glycémie initiale [60]. Sur le plan pratique, il est donc
au-delà de laquelle une statine est prescrite. possible d’introduire l’acide nicotinique chez les patients ayant
un syndrome métabolique mais il est raisonnable de renforcer
Dans quel cas utiliser un fibrate ? la surveillance glycémique.
Le niveau de preuve de l’efficacité des fibrates en termes de
Conduite pratique pour l’emploi des hypolipémiants
morbimortalité est inférieur à celui obtenu avec les statines. Si
dans le syndrome métabolique
l’on s’intéresse à la sous-population des patients ayant une
hyperlipidémie incluant une hypertriglycéridémie et une Comme nous l’avons déjà mentionné, le premier objectif est
hypoHDLémie, les résultats, bien que parfois contradictoires, d’abaisser le LDL-C en dessous du seuil souhaitable tel qu’il est
restent néanmoins en faveur de l’utilisation des statines en défini par les recommandations générales pour la prise en

8 Endocrinologie-Nutrition
Syndrome métabolique ¶ 10-363-A-10

charge des dyslipidémies. Plusieurs attitudes sont ensuite suggère que la rosiglitazone et la pioglitazone sont efficaces
acceptables. Les recommandations françaises proposent l’emploi dans la prévention du diabète chez le patient prédiabétique.
d’un fibrate en association à la statine (ou seul si le LDL-C est L’étude DREAM a évalué chez environ 5 000 patients l’intérêt de
spontanément à l’objectif) en cas d’hypertriglycéridémie la rosiglitazone dans la prévention du diabète [65]. Les résultats
associée à une hypoHDLémie. Chez les patients en prévention montrent une réduction de 60 % du critère composite (surve-
secondaire, l’AHA et le National Heart, Lung and Blood Institute nue d’un diabète et décès). De même, l’étude ACTnow avec la
ont proposé une conduite à tenir un peu différente, en présen- pioglitazone a montré une réduction de 81 % de la survenue
tant par ordre d’importance les trois objectifs à atteindre chez d’un diabète par rapport au placebo. La prise de poids engen-
le patient ayant un syndrome métabolique [61]. En premier lieu drée par les glitazones et leurs effets secondaires cardiaques
il faut abaisser le LDL-C en dessous de la valeur souhaitable remettent en question l’intérêt de cette classe thérapeutique en
(définie comme nous l’avons vu par le niveau de risque cardio- prévention du diabète.
vasculaire). Le deuxième objectif, une fois le LDL-C diminué, est
d’abaisser le non-HDL-C (cholestérol total – HDL-C) en dessous Acarbose
de la valeur souhaitable (qui est égale à la valeur souhaitable du L’acarbose est utilisé dans le traitement du diabète en
LDL-C à laquelle sont ajoutés 30 mg/dl). Si le non-HDL-C n’est association aux autres antidiabétiques oraux. Son mécanisme
pas à l’objectif malgré un traitement par statine, deux options d’action est l’inhibition de l’a-glucosidase, réduisant ainsi
sont proposées : soit d’augmenter la dose de statine (même si le l’absorption intestinale du glucose. Dans l’étude STOP-
LDL-C est à la cible), soit d’introduire une autre molécule en NIDDM [66] , un traitement précoce par l’acarbose chez des
association, un fibrate (sauf le gemfibrozil) ou l’acide nicotini- patients intolérants au glucose réduisait de 25 % le risque de
que. Le troisième objectif concerne le HDL-C qui doit être développer un diabète. Il y était également associé une baisse de
augmenté autant que possible [62]. Il n’est pas précisé de valeur 49 % du risque d’évènement cardiovasculaire et de 34 % de
cible à atteindre, ni les moyens médicamenteux à employer. celui de développer une hypertension artérielle. Dans cet essai
L’acide nicotinique et, dans une moindre mesure, les fibrates clinique, l’acarbose était prescrit à la dose de 300 mg/j. Les
sont les médicaments les plus efficaces pour améliorer le niveau principaux inconvénients de ce médicament à cette dose sont
de HDL-C. Enfin, dans le cas particulier de l’hypertriglycéridé- d’une part, la grande fréquence des effets secondaires digestifs
mie importante (> 5 g/l), un traitement hypotriglycéridémiant et, d’autre part, la nécessité de l’administrer en trois prises
(fibrate ou acide nicotinique) est proposé en première intention. quotidiennes, ce qui rend l’observance thérapeutique difficile.
Antidiabétiques oraux Doit-on prescrire un antidiabétique oral pour prévenir
Parmi les antidiabétiques oraux, trois molécules ont un effet l’apparition d’un diabète de type 2 ?
préventif vis-à-vis de l’apparition d’un diabète : la metformine, Au vu des résultats des études précédentes, cette question se
la troglitazone (et probablement les glitazones en général) et pose, surtout si l’on considère que la prescription d’un médica-
l’acarbose. Ces médicaments ont en outre un effet généralement ment est plus simple et plus réaliste qu’un suivi personnalisé et
favorable sur la dyslipidémie du syndrome métabolique et sur intensif comme celui qui est réalisé dans les études d’interven-
les anomalies hépatiques de la NASH. tion comme la DPP. Néanmoins, le rapport bénéfice-risque et le
coût d’un traitement du prédiabète par des médicaments
Metformine antidiabétiques oraux sont mal évalués. Par conséquent, ces
Compte tenu de son mécanisme d’action, de son efficacité et médicaments n’ont pas aujourd’hui d’AMM en l’absence de
de son innocuité, la metformine constitue le traitement de diabète de type 2.
première intention du diabète de type 2, lorsque les mesures
hygiénodiététiques ne suffisent pas. Afin d’étudier l’intérêt Traitements antihypertenseurs
potentiel d’un traitement précoce par la metformine chez le
patient à risque de développer un diabète, le DPP [40] a comparé, En l’absence de diabète et de maladie rénale, l’objectif est
chez des patients prédiabétiques, l’effet de la metformine à celui d’avoir une pression artérielle au repos en dessous de
de deux types de prises en charge hygiénodiététiques : l’une 140 mmHg de systolique et 90 mmHg de diastolique. Au-dessus
« usuelle », l’autre plus renforcée et personnalisée. Une réduc- de ce seuil, un traitement médicamenteux antihypertenseur est
tion de 58 % de l’incidence du diabète de type 2 a été observée indiqué. En cas de diabète et/ou de maladie rénale chronique,
chez les patients du groupe « mesures hygiénodiététiques les valeurs-seuils à ne pas dépasser sont abaissées à 130 mmHg
renforcées » par rapport au groupe témoin « mesures hygiéno- de systolique et 80 mmHg de diastolique. Au-delà de la question
diététiques usuelles ». Un traitement par la metformine réduisait de l’introduction d’un médicament pour réduire la pression
de 30 % le risque de survenue d’un diabète par rapport à la artérielle, il convient de préciser que, tout comme pour le
prise en charge de ce groupe témoin. LDL-C, les mesures hygiénodiététiques sont toujours indiquées
pour réduire autant que possible le niveau tensionnel. Comme
Glitazones nous l’avons vu précédemment, les mesures diététiques (portant
Compte tenu de leur mécanisme d’action, les glitazones sur la quantité mais aussi la qualité des aliments) et l’activité
représentent une classe thérapeutique séduisante pour le physique contribuent à elles seules à réduire le niveau de
traitement du syndrome métabolique. Les études réalisées chez pression artérielle. Le choix des traitements médicamenteux
le diabétique montrent un effet bénéfique de la rosiglitazone et antihypertenseurs doit se faire en tenant compte de leurs effets
de la pioglitazone sur le niveau d’insulinorésistance et une métaboliques potentiels. À cet égard, il est possible de classer ces
amélioration de l’équilibre glycémique. En outre, ces molécules traitements en trois catégories.
ont un effet favorable sur la pression artérielle, et, en particulier
Trois catégories de molécules
avec la pioglitazone, sur les anomalies lipidiques du syndrome
métabolique. La pioglitazone a également montré son efficacité Les bloqueurs du système rénine-angiotensine-aldostérone
pour prévenir les évènements cardiovasculaires chez des patients (IEC et ARA II) semblent exercer des effets métaboliques
diabétiques en prévention secondaire [63]. Les glitazones ont été favorables. Notamment, ils réduisent le risque d’apparition d’un
étudiées dans une moindre mesure chez des patients prédiabé- diabète [67] (cf. supra).
tiques. L’étude TRIPOD [64] a évalué dans une petite population À l’inverse, les b-bloquants et les diurétiques favorisent
de femmes ayant une histoire de diabète gestationnel l’effet de l’apparition d’un diabète chez le sujet à risque. Une méta-
la troglitazone (retirée du marché en raison d’une toxicité analyse récente montre que le risque relatif de voir apparaître
hépatique) par comparaison à un placebo. Il est montré que un diabète lorsque le traitement ne comporte pas de b-bloquant
l’apparition d’un diabète est diminuée de 55 % chez les femmes est de 0,81 (IC : 0,77 à 0,86) par rapport à une stratégie incluant
traitées. Une autre petite étude randomisée mais en ouvert, un b-bloquant [68]. De plus, les b-bloquants paraissent moins

Endocrinologie-Nutrition 9
10-363-A-10 ¶ Syndrome métabolique

efficaces que les autres antihypertenseurs pour réduire le risque d’attirer l’attention sur les risques de pathologie associée
cardiovasculaire [69]. Pour ce qui est des diurétiques, les effets (diabète sucré, hépatopathie métabolique, ovaires polykystiques,
favorables qu’ils exercent sont probablement supérieurs à leurs apnées du sommeil, hypogonadisme) et de sensibiliser précoce-
effets métaboliques. Par conséquent, cette classe thérapeutique ment le patient à la nécessité d’acquérir une meilleure hygiène
reste utile chez le patient hypertendu, même en cas de syn- de vie. La prescription d’un traitement médicamenteux (anti-
drome métabolique, pour réduire le risque cardiovasculaire. hypertenseur, antidiabétique, hypolipémiant) doit se faire au
Les inhibiteurs calciques paraissent neutres sur le plan bon moment, ni trop tôt, ni trop tard, et doit être considérée
métabolique. En particulier, ils ne favorisent pas, mais ne comme un accompagnement des modifications du mode de vie
réduisent pas non plus, le risque de développer un diabète. qui restent toujours le pilier central de la prise en charge.
L’étude Antihypertensive and Lipid-Lowering Treatment to .

prevent Heart Attack Trial (ALLHAT), qui a comparé un diuréti-


que thiazidique à un IEC et à un antagoniste calcique sur une ■ Références
période de 6 années a montré que l’incidence des nouveaux cas
de diabète était la plus faible dans le groupe traité par IEC et [1] Balkau B, Valensi P, Eschwege E, Slama G. A review of the metabolic
qu’elle était la plus élevée dans celui traité par les diurétiques. syndrome. Diabetes Metab 2007;33:405-13.
Les hypertendus traités par l’antagoniste calcique présentaient [2] Despres JP, Lemieux I. Abdominal obesity and metabolic syndrome.
une incidence se situant entre les deux groupes [70]. Nature 2006;444:881-7.
[3] Alberti KG, Eckel RH, Grundy SM, Zimmet PZ, Cleeman JI,
En pratique, quel(s) antihypertenseur(s) choisir en cas Donato KA, et al. Harmonizing the metabolic syndrome: a joint interim
de syndrome métabolique ? statement of the International Diabetes Federation Task Force on
Epidemiology and Prevention; National Heart, Lung, and Blood
Il convient d’éviter la prescription d’un b-bloquant, sauf si Institute; American Heart Association; World Heart Federation; Inter-
cette classe thérapeutique est indiquée pour une raison particu- national Atherosclerosis Society; and International Association for the
lière (troubles du rythme, postinfarctus en particulier). En Study of Obesity. Circulation 2009;120:1640-5.
présence d’une néphropathie, on choisit en première intention [4] Blackburn P, Lemieux I, Almeras N, Bergeron J, Cote M, Tremblay A,
un IEC (ou un ARA II). Dans le cas contraire, on introduit et al. The hypertriglyceridemic waist phenotype versus the National
préférentiellement soit un IEC (ou un ARA II), soit un inhibiteur Cholesterol Education Program-Adult Treatment Panel III and Inter-
calcique. Les associations thérapeutiques peuvent également national Diabetes Federation clinical criteria to identify high-risk men
comporter un diurétique thiazidique à la dose de 12,5 mg/j, with an altered cardiometabolic risk profile. Metabolism 2009;58:
voire 25 mg/j. 1123-30.
[5] Czernichow S, Bruckert E, Bertrais S, Galan P, Hercberg S, Oppert JM.
Traitements antithrombotiques Hypertriglyceridemic waist and 7.5-year prospective risk of
cardiovascular disease in asymptomatic middle-aged men. Int J Obes
Les antiagrégants plaquettaires ont fait la preuve de leur 2007;31:791-6.
efficacité en prévention des accidents cardiovasculaires chez les [6] Miranda PJ, DeFronzo RA, Califf RM, Guyton JR. Metabolic
patients à haut risque. Néanmoins, ces traitements sont poten- syndrome: definition, pathophysiology, and mechanisms. Am Heart J
tiellement dangereux en favorisant notamment les hémorragies 2005;149:33-45.
digestives. En dehors du cas de la prévention secondaire où ils [7] Cameron AJ, Shaw JE, Zimmet PZ. The metabolic syndrome:
sont toujours indiqués, il semble raisonnable de prescrire un prevalence in worldwide populations. Endocrinol Metab Clin North
traitement antiagrégant plaquettaire lorsque le risque cardiovas- Am 2004;33:351-75.
culaire l’emporte sur celui d’effets secondaires graves. Des [8] Eckel RH, Grundy SM, Zimmet PZ. The metabolic syndrome. Lancet
recommandations [71] (US Preventive Services Task Force) ont été 2005;365:1415-28.
[9] Balkau B, Vernay M, Mhamdi L, Novak M, Arondel D, Vol S, et al. The
récemment publiées pour guider le praticien dans le choix
incidence and persistence of the NCEP (National Cholesterol Educa-
d’introduire ou non un antiagrégant plaquettaire en mettant en
tion Program) metabolic syndrome. The French D.E.S.I.R. study.
balance le risque et le bénéfice de ce traitement.
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[12] Hillier TA, Fagot-Campagna A, Eschwege E, Vol S, Cailleau M,
Comme nous l’avons vu, le syndrome métabolique s’associe Balkau B. Weight change and changes in the metabolic syndrome as the
fréquemment à des pathologies hépatiques (NASH), respiratoires French population moves towards overweight: the D.E.S.I.R. cohort.
(SAOS), et gynécologiques (SOPK). Les mesures hygiénodiététi- Int J Epidemiol 2006;35:190-6.
ques ont montré leur efficacité pour corriger ces anomalies. Une [13] Gami AS, Witt BJ, Howard DE, Erwin PJ, Gami LA, Somers VK, et al.
consultation spécialisée doit néanmoins être programmée sans Metabolic syndrome and risk of incident cardiovascular events and
retard compte tenu des conséquences potentiellement graves death: a systematic review and meta-analysis of longitudinal studies.
qui peuvent en résulter et de l’existence de traitements spécifi- J Am Coll Cardiol 2007;49:403-14.
ques souvent efficaces. [14] Lakka HM, Laaksonen DE, Lakka TA, Niskanen LK, Kumpusalo E,
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cative dans le domaine de la médecine préventive. Ce syndrome Diabetes 2003;52:1210-4.
révèle, chez un patient donné, l’existence d’un risque important [16] McNeill AM, Rosamond WD, Girman CJ, Golden SH, Schmidt MI,
de morbidité alors que les examens biologiques montrent des East HE, et al. The metabolic syndrome and 11-year risk of incident
anomalies qui, individuellement, attirent peu l’attention du cardiovascular disease in the atherosclerosis risk in communities study.
clinicien. La découverte d’un syndrome métabolique ne dis- Diabetes Care 2005;28:385-90.
pense pas d’évaluer le risque cardiovasculaire global du patient [17] Sattar N, Gaw A, Scherbakova O, Ford I, O’Reilly DS, Haffner SM,
en utilisant des équations de risques validées, comme celle de et al. Metabolic syndrome with and without C-reactive protein as a
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10 Endocrinologie-Nutrition
Syndrome métabolique ¶ 10-363-A-10

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B. Hansel (boris.hansel@psl.aphp.fr).
Service d’endocrinologie-métabolisme et de prévention cardiovasculaire, Unité de prise en charge du syndrome métabolique, AP-HP, Hôpital
Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.
J.-P. Bastard.
Service de biochimie et hormonologie, AP-HP, Hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75020 Paris, France.
E. Bruckert.
Service d’endocrinologie-métabolisme et de prévention cardiovasculaire, Unité de prise en charge du syndrome métabolique, AP-HP, Hôpital
Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Hansel B., Bastard J.-P., Bruckert E. Syndrome métabolique. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Endocrinologie-Nutrition, 10-363-A-10, 2011.

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12 Endocrinologie-Nutrition
¶ 10-363-D-10

Stéatohépatite non alcoolique


H. Castel, P. Mathurin

La définition de la stéatose est histologique. Il s’agit d’une accumulation de vacuoles lipidiques au sein des
hépatocytes. La stéatohépatite non alcoolique (NASH) est, quant à elle, définie par l’association de la
stéatose à d’autres critères histologiques (une ballonnisation hépatocytaire et des lésions inflammatoires
lobulaires) et à des critères cliniques : l’absence de consommation excessive d’alcool ou d’hépatite virale B
ou C. Elle survient le plus souvent chez des patients ayant des caractéristiques du syndrome
dysmétabolique, et notamment un état d’insulinorésistance, élément clé de la physiopathologie de la
NASH. Sa prévalence réelle n’est pas connue et est en hausse du fait de l’augmentation de l’obésité dans
la population générale. Son évolution est variable, mais il existe un risque d’évolution cirrhogène et un
risque carcinologique réel, imposant le suivi et la prise en charge des malades. La place des marqueurs
non invasifs de fibrose dans l’évaluation de la fibrose est encore mal établie. Son traitement fait appel à la
prise en charge des facteurs de risque de la maladie, notamment le traitement de l’obésité et du diabète.
© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Stéatose ; Stéatohépatite non alcoholique ; Syndrome dysmétabolique ; Insulinorésistance ;


Marqueurs non invasifs de fibrose ; Fibrose

Plan ■ Définition
¶ Définition 1 La définition de la stéatose est histologique. La plus classi-
quement utilisée est d’une accumulation de lipides au sein des
¶ Étiologies 2
Stéatose primitive : stéatose d’origine métabolique 2
hépatocytes (principalement des triglycérides) ; elle concerne,
Stéatoses secondaires 2 selon certains auteurs, plus de 5 % des hépatocytes [1]. Pour
d’autres auteurs, le seuil de 10 % devrait être retenu. Le
¶ Physiopathologie 2 diagnostic de stéatose est donc posé si plus de 5 % à 10 % des
Insulinorésistance 2 hépatocytes apparaissent chargés de vacuoles lipidiques en
Graisse viscérale 2 microscopie optique. On distingue la stéatose macrovacuolaire
Stéatose 3
de la stéatose microvacuolaire. La stéatose macrovacuolaire
Évolution vers la stéatohépatite 3
correspond à l’accumulation de lipides au sein d’une vacuole
¶ Épidémiologie 4 unique refoulant le noyau de l’hépatocyte en périphérie, tandis
¶ Présentation clinique 5 que la stéatose microvacuolaire correspond à une accumulation
¶ Présentation biologique 5
de plusieurs microgouttelettes lipidiques, sans refoulement du
noyau de l’hépatocyte. La stéatose mixte est définie par la
¶ Diagnostic radiologique 5 cœxistence d’une stéatose micro- et macrovacuolaire sur une
¶ Diagnostic histologique 5 même biopsie. Il est possible que la stéatose microvacuolaire
¶ Évaluation de la fibrose 6 soit un stade précurseur de la stéatose macrovacuolaire.
Facteurs prédictifs de fibrose 6 Cette revue se limite aux cas de stéatose par surcharge en
Marqueurs non invasifs de fibrose 6 triglycérides, les autres types de surcharge lipidique étant
¶ Histoire naturelle 7
exceptionnels.
La stéatohépatite non alcoolique (NASH) est définie par
¶ Traitement 7 l’association de la stéatose à d’autres critères histologiques
Règles hygiénodiététiques 7 (une ballonnisation hépatocytaire et des lésions inflammatoires
Prise en charge médicamenteuse 8
lobulaires) et à des critères cliniques : l’absence de consomma-
Chirurgie de l’obésité 9
tion excessive d’alcool ou d’hépatite virale B ou C [2, 3]. Le seuil
Transplantation hépatique 9
de consommation d’alcool au-delà duquel on peut parler de
¶ En pratique 9 consommation excessive d’alcool, et donc exclure la NASH
Rechercher un syndrome dysmétabolique 9 pure, n’est pas consensuel dans les différents travaux publiés sur
Éliminer une consommation excessive d’alcool 9 le sujet. En fonction des auteurs, il varie de l’abstinence totale
Éliminer les autres hépatopathies 9 à une consommation maximale de 140 g d’alcool pur par
Établir le diagnostic de gravité 9 semaine. Les experts ont fixé un seuil maximal de 140 g par
Bilan des comorbidités 9 semaine en dessous duquel on peut considérer que la stéatose
Surveillance évolutive 9 n’est pas liée à l’alcool [1].
¶ Conclusion 9 Le terme de non alcoholic fatty liver disease (NAFLD) regroupe,
quant à lui, un spectre de pathologies hépatiques d’origine

Endocrinologie-Nutrition 1
10-363-D-10 ¶ Stéatohépatite non alcoolique

Tableau 1.
Définitions du syndrome dysmétabolique chez l’adulte.
Définition OMS Diabète (glycémie à jeun ≥ 7 mmol/l [1,26 g/l] à deux reprises), intolérance au glucose ou HOMA élevé, et
au moins deux des critères suivants : Rapport taille/hanche > 0,9 chez l’homme et > 0,85 chez la femme
Triglycérides ≥ 1,50 g/l ou HDL < 0,35 g/l chez l’homme (< 0,39 g/l chez la femme)
Albuminurie > 20 µg/min
PA ≥ 140/90 mmHg

Définition ATP III Au moins trois des critères suivants : Tour de taille > 102 cm chez l’homme (> 88 cm chez la femme)
Triglycérides ≥ 1,50 g/l
HDL < 0,4 g/l chez l’homme (< 0,5 g/l chez la femme)
PA ≥ 130/85 mmHg
Glycémie ≥ 1,10 g/l
ATP : Adult Treatment Panel ; OMS : Organisation mondiale de la santé ; HDL : high density lipoprotein ; HOMA : homeostatic model assessment ; PA : pression artérielle.

Tableau 2. Il convient de les éliminer avant de conclure à une stéatose


Causes des stéatoses et stéatohépatites secondaires. primitive. Chacune de ces causes de stéatose peut évoluer vers
Nutritionnelles Malnutrition protéinoénergétique
une stéatohépatite.
(Kwashirkor), perte de poids rapide Cette revue ne concerne que la stéatose primitive d’origine
et importante, bypass gastro-intestinal, métabolique.
nutrition parentérale exclusive, résection
étendue du grêle
Médicamenteuses Corticoïdes, estrogènes de synthèse, ■ Physiopathologie
tamoxifène, méthotrexate, amiodarone,
nifédipine, diltiazem, isoniazide, zidovudine, La physiopathologie de la stéatohépatite non alcoolique est
valproate, tétracycline, cocaïne, aspirine, complexe et encore incomplètement élucidée. L’hypothèse des
solvants industriels two hits est la plus généralement diffusée, décrivant les facteurs
Toxiques Amanite phalloïde, solvants industriels,
concourant à la stéatose (insulinorésistance, graisse viscérale) et
Bacillus cereus, organophosphorés ceux conduisant secondairement aux lésions de stéatohépatite
(via la réaction inflammatoire). Néanmoins, cette explication
Infectieuses Hépatite C, VIH, pullulation microbienne
intestinale
reste schématique.
Autres Maladie de Wilson, dysthyroïdie,
lipodystrophie des membres, Insulinorésistance
hypo-b-lipoprotéinémie
Le foie joue un rôle majeur dans l’homéostasie du glucose. En
VIH : virus de l’immunodéficience humaine. situation physiologique, l’augmentation de la glycémie active la
sécrétion d’insuline par les cellules b des îlots de Langherans
pancréatiques. L’insuline se lie alors à la sous-unité a du
métabolique, allant de la stéatose à la stéatohépatite avec ou
récepteur de l’insuline, ubiquitaire, mais surtout présent sur les
sans fibrose, puis à la cirrhose.
cellules des tissus cibles (foie, muscle, tissu adipeux). Elle active
ainsi l’activité intrinsèque tyrosine kinase de la sous-unité b du
■ Étiologies récepteur à l’insuline. Les médiateurs principaux de l’activité
métabolique de l’insuline sont les protéines insulin receptor
On distingue la stéatose primitive, conséquence de l’insulino- substrate (IRS) 1 et 2 associées au récepteur de l’insuline.
résistance (IR), des stéatoses secondaires. L’insuline favorise l’utilisation et le stockage des sucres (glyco-
génogenèse) et des graisses (inhibition de la lipolyse), augmente
Stéatose primitive : stéatose d’origine la synthèse protéique et a une action antiapoptose.
L’insulinorésistance a un effet patent sur l’homéostasie
métabolique hépatique du glucose et un rôle clé dans le développement de
La stéatose primitive est une des conséquences de l’insulino- la stéatose [4, 5] . Dans l’hépatocyte, la glycogénolyse et la
résistance. Elle est donc associée fréquemment aux autres néoglucogenèse sont moins efficacement inhibées en réponse à
caractéristiques du syndrome dysmétabolique (Tableau 1) : l’insuline et à des niveaux pourtant adéquats de glucose
surcharge pondérale, augmentation de la masse grasse viscérale, circulant. Cela a pour conséquence une hyperinsulinémie, un
hyperglycémie, diabète de type 2, dyslipidémie, hyperuricémie relargage inapproprié de glucose par le foie et une hyperglycé-
et hypertension artérielle. mie postprandiale et à jeun. En cas d’insulinorésistance, le
signal de l’insuline est bloqué ou atténué sur la majorité des
Stéatoses secondaires cellules cibles. Cela résulte principalement de l’altération de la
phosphorylation des résidus sérine et thréonine de IRS 1 et 2,
Les autres causes de perturbation du métabolisme hépatique qui découple les protéines IRS du récepteur à l’insuline et stoppe
des acides gras sont responsables des causes de stéatose secon- la transduction du signal insulinique. Elle est modulée par une
daire. Elles sont résumées dans le Tableau 2. famille de protéines kinases : inhibitor of nuclear factor j b (IKKb),
Les mécanismes sont divers en fonction de la cause : mitogen activated protein (MAP) kinase et Jun kinase, capables de
• par défaut de transformation des acides gras (AG) en cas déphosphoryler le récepteur à l’insuline. Ces kinases sont
d’altération mitochondriale ; sensibles à l’hyperinsulinémie, ce qui autoentretient l’IRS [6].
• secondaires à l’action des particules virales de l’hépatite C
(génotype 3) qui perturbe l’oxydation mitochondriale et Graisse viscérale
l’export des AG vers les very low density lipoprotein (VLDL) ;
• par excès de synthèse en cas d’apport excessif de glucose L’obésité de type androïde, favorisée par une alimentation
(nutrition parentérale inadaptée) ; déséquilibrée ainsi que par des facteurs génétiques, joue un rôle
• par défaut d’export des AG (malnutrition ou résection clé dans l’apparition de l’insulinorésistance par le biais du tissu
intestinale) ; par hyperproduction de TNF-a (pullulation adipeux [7]. La graisse viscérale a ainsi un véritable rôle endo-
bactérienne intestinale). crine, en secrétant des médiateurs appelés adipokines [8]. D’une

2 Endocrinologie-Nutrition
Stéatohépatite non alcoolique ¶ 10-363-D-10

Lipolyse Acides gras


Insuline AG Altérations
de la chaîne
Augmentation respiratoire
de la captation mitochondriale Voies d’oxydation
des acides gras extramitochondriales
Tissu adipeux Espèces réactives
Stress oxydatif de l’oxygène
Acides gras

Augmentation du cytochrome Augmentation de la ß-oxydation Carence en ATP Peroxydation


lipidique Cytokines
P450 4A/2E1 mitochondriale pro-inflammatoires
HNE et MAD
Lésions de l’ADN
Peroxydation et protéiques
lipidique Chimiotactisme
Accumulation Activation des polynucléaires
des acides gras Carence des cellules
Augmentation en glutathion stellaires
Diminution apo B-100 de la glycolyse

Mort cellulaire Fibrose Inflammation


Synthèse des AG

VLDL Accumulation des TG Hyperinsulinémie Figure 2. Mécanismes de l’inflammation et de la fibrose dans la


stéatohépatite non alcoolique (NASH). ATP : adénosine triphosphate ;
ADN : acide désoxyribonucléique ; MAD : malonédialdéhyde ; HNE :
trans-4-hydroxy-2-nonenal.
Figure 1. Mécanismes de la stéatose dans la stéatohépatite non alcoo-
lique (NASH). AG : acides gras ; TG : triglycérides ; VLDL : very low density
lipoprotein.
stimulée par l’hyperinsulinémie et l’hyperglycémie, ainsi que
par la production de TNF-a et de SOCS par le tissu adipeux
périphérique. SREBP1c active aussi la production de malonyl
part, le tissu adipeux module l’effet des protéines kinases par la
CoA, ce qui a pour conséquence de saturer la capacité d’oxyda-
production de cytokines pro-inflammatoires (interleukine 1, 6
tion des mitochondries. Puisque la capacité d’oxydation
[IL1, IL6], tumor necrosis factor alpha [TNF-a]), dont l’expression
mitochondriale des AG vers la production d’ATP est dépassée,
et le relargage systémique augmentent proportionnellement à
on observe encore une accumulation hépatocytaire d’AG. Enfin,
l’importance de la masse grasse. Il a par exemple été démontré
une troisième voie d’activation de la lipogenèse est médiée par
que l’IL6 inhibe la transduction du signal du récepteur à
l’hyperglycémie et un autre facteur de transcription, carbohydrate
l’insuline au niveau des hépatocytes, par le biais de suppressor of
response element binding protein (ChREBP). ChREBP active la
cytokines signalling (SOCS-3), et que le TNF-a antagonisait le
pyruvate kinase hépatique, enzyme clé de la glycolyse, augmen-
récepteur à l’insuline en augmentant la phosphorylation de la
tant ainsi la production d’acétylCoA, utilisé pour la synthèse des
sérine de IRS1 et IRS2. D’autre part, l’augmentation de la masse
AG. SREBP1 et ChREBP activent la production des gènes de la
grasse favorise le relargage excessif d’AG circulants, qui inhibent
lipogenèse hépatique. Enfin, le rôle de peroxysome proliferator
également la réponse à l’insuline au niveau hépatique. Enfin, en
activated receptor gamma (PPARc) est controversé : si ce facteur de
cas d’obésité, on observe une diminution de la sécrétion
transcription favorise la lipogenèse chez l’animal, ces effets
d’adiponectine par le tissu adipeux et une résistance à la
n’ont pas été confirmés chez l’homme.
leptine, hormones importantes dans la régulation du métabo-
La composition intrahépatique en AG est aussi capable
lisme glucidique, ce qui a pour conséquence de favoriser l’IR et
d’influencer l’accumulation de triglycérides en altérant l’AMP-
l’accumulation d’AG dans les tissus.
activated protein kinase (AMPK), qui normalement réagit propor-
tionnellement au taux d’AMP de la cellule en stimulant la
Stéatose b-oxydation des AG pour augmenter la production d’ATP, et en
La stéatose est la conséquence de l’accumulation de triglycé- inhibant la lipogenèse. Cette dérégulation de l’AMPK a donc
rides (TG) dans le foie. En situation normale, les AG captés par encore pour conséquence une augmentation relative de la
le foie sont métabolisés dans deux voies : l’oxydation pour lipogenèse.
former de l’adénosine triphosphate (ATP), ou l’estérification De plus, l’export hors de la cellule hépatique sous forme de
pour former des triglycérides, eux-mêmes stockés ou exportés VLDL des triglycérides ainsi formés est diminué par l’hyperin-
sous forme de VLDL. Le métabolisme des AG est perturbé en sulinémie, par le biais d’une augmentation de la dégradation
situation d’insulinorésistance, ce qui a pour conséquence hépatique des apolipoprotéines B.
l’accumulation d’AG dans le foie (Fig. 1). Les AG accumulés L’augmentation de la lipolyse périphérique, de la lipogenèse
proviennent de différentes voies métaboliques, la lipogenèse hépatique et le défaut d’export des triglycérides en VLDL, sous
hépatique de novo et le relarguage d’AG stockés dans le tissu l’effet de l’insulinorésistance, concourent donc à un état de
adipeux étant les deux principales [9]. surcharge métabolique de l’hépatocyte. L’augmentation de la
Soixante pour cent à 86 % des AG stockés dans le foie concentration intrahépatique en triglycérides induit la forma-
proviennent de l’excès de lipolyse du tissu adipeux périphéri- tion de gouttelettes lipidiques, dont la fonction initiale serait la
que, sous l’effet de l’insulinorésistance périphérique. De cet protection des organelles contre le stress oxydatif.
excès de lipolyse résulte une augmentation de la libération d’AG
circulants, proportionnelle à l’importance de la masse grasse. Il Évolution vers la stéatohépatite
y a donc afflux d’AG au niveau hépatique et augmentation de
leur concentration hépatocytaire, la captation des AG n’étant La présence d’une stéatose est un prérequis à l’évolution vers
pas régulée. la NASH. Cette évolution est inconstante. Elle est représentée
La lipogenèse est le mécanisme clé de la formation de la par l’apparition de lésions inflammatoires induites par différents
stéatose. En cas d’insulinorésistance, elle est activée par diffé- mécanismes (Fig. 2).
rentes voies, et contribue à environ 20 % du stock d’AG
intrahépatocytaires. La première voie est médiée par sterol
Dysfonction mitochondriale
regulatory element binding protein 1c (SREBP1c), facteur de En cas de NASH, il existe une dysfonction et des altérations
transcription activant la lipogenèse, dont l’expression est structurelles des mitochondries, et notamment de la chaîne

Endocrinologie-Nutrition 3
10-363-D-10 ¶ Stéatohépatite non alcoolique

respiratoire. Cela a pour conséquence, d’une part, l’accumula- Rôle de la leptine, de l’adiponectine
tion d’AG dans l’hépatocyte par altération de la capacité et de la résistine
d’oxydation mitochondriale et, d’autre part, la production de
reactive oxygen species (ROS). De nombreux facteurs semblent La leptine est un peptide produit par le tissu adipeux, et son
concourir à cette dysfonction mitochondriale. Il s’agit d’un absence est associée à l’obésité massive chez l’homme. Cette
cercle vicieux, puisque la surproduction de ROS entretient les hormone induit la déphosphorylation de IRS1, ce qui a pour
anomalies de la chaîne respiratoire. La régulation de la produc- conséquence une augmentation de l’insulinorésistance hépati-
tion de ROS par la chaîne respiratoire mitochondriale altérée, que [15] . La leptine a pour action notamment d’inhiber la
qui fait intervenir la protéine uncoupling protein 2, a pour stéatose. Il a été mis en évidence une augmentation de la
conséquence une carence en ATP. Une des conséquences de ces concentration de leptine en cas de NASH, ainsi qu’un état de
altérations mitochondriales est l’activation des caspases (caspase leptinorésistance hépatique.
3), qui clivent les substrats intracellulaires comme la cytokéra- L’adiponectine est aussi produite par le tissu adipeux, son
tine 18 (CK18) et induisent ainsi l’apoptose des hépatocytes [10]. action a notamment un effet anti-TNF au niveau hépatique.
Enfin, une autre des conséquences de la saturation des capacités Une étude sur la souris obèse ob/ob mice a démontré une
d’oxydation mitochondriale est la mise en œuvre de voies amélioration significative de la stéatose après administration
d’oxydation non mitochondriales, peroxysomale (b-oxydation) d’adiponectine. De plus, la diminution du taux de cette hor-
et microsomale (x-xydation), qui induisent une production de mone est inversement corrélée à la sévérité des lésions hépati-
ROS. Il a été montré que les altérations structurelles des ques chez les patients atteints de NASH. La troisième des
mitochondries ne sont présentes que chez les patients atteints protéines produites par le tissu adipeux est la résistine, qui
de NASH, et pas chez ceux ayant une stéatose [4]. L’hypothèse aurait un rôle clé dans l’insulinorésistance, comme cela a été
avancée est que, en cas d’insulinorésistance, la présence d’une démontré chez la souris [8].
dysfonction mitochondriale est indispensable pour passer de la
stéatose à la NASH. Il a de plus été observé que plusieurs gènes
régulant la mitochondrie étaient sous-exprimés en cas de NASH,
■ Épidémiologie
suggérant un terrain génétique favorisant cette affection. La prévalence réelle de la NASH n’est pas connue, puisque la
fréquence de cette affection varie selon l’outil de dépistage
Stress oxydatif
utilisé. La prévalence rapportée par les études épidémiologiques
Le stress oxydatif résulte d’un déséquilibre entre molécules est en effet fondée sur des critères biologiques ou morphologi-
pro- et antioxydantes, conduisant à des lésions cellulaires. Dans ques permettant d’estimer la stéatose, mais ne permettant pas
le foie stéatosique, l’oxydation des AG est une source impor- de la différencier de la NASH. La stéatose est probablement une
tante de molécules pro-oxydantes, les ROS : O– , OH– , H2O2, des affections les plus fréquentes [16], mais la prévalence réelle
O2–. Ces molécules oxydantes causent des lésions cellulaires par de la NASH reste mal connue.
le biais de plusieurs mécanismes : création de lésions de l’acide Plusieurs études de population ont été conduites, mais leur
désoxyribonucléique (ADN), diminution du stock d’ATP, principale limitation est la faible sensibilité des méthodes de
altérations membranaires et relarguage de cytokines pro- diagnostic non invasif. Celles fondées sur l’échographie rappor-
inflammatoires. tent une incidence allant de 14 % au Japon [17] à 23 % en
Italie [16], tandis que la Dallas Health Study a montré que la
Peroxydation lipidique
stéatose était présente chez un Américain sur trois en spectros-
Les ROS sont des molécules à demi-vie courte ayant la copie IRM [18] , et que 79 % des individus présentant une
capacité d’induire des lésions des membranes cellulaires par le stéatose avaient des transaminases normales. La prévalence de
biais de la peroxydation lipidique des AG polyinsaturés. La la NAFLD est donc élevée, même dans les régions considérées
peroxydation produit des molécules (malonédialdéhyde [MAD], comme à « faible risque », comme l’Asie, où elle représente
trans-4-hydroxy-2-nonenal [HNE]) de demi-vie plus longue et 14 % des adultes dans des études de population chinoises basées
capables de diffusion à distance, qui amplifient l’effet du stress sur l’échographie et après exclusion de l’alcool et des hépatites
oxydatif et créent inflammation et nécrose hépatocytaire, du virales [19]. Aux États-Unis, il semble cependant y avoir une
fait d’une altération de la synthèse protidique et nucléotidique, prévalence variable en fonction de l’origine ethnique, la NAFLD
d’une diminution des stocks de glutathion et du relargage de étant plus fréquente chez les Hispaniques que chez les Blancs ou
TNF-a. De plus, ces aldéhydes favorisent la fibrogenèse en les Noirs [20].
activant les cellules stellaires. Il a ainsi été observé que, chez les Les transaminases ne sont pas un outil de dépistage sensible
patients porteurs d’une NASH, les taux de xanthine oxydase de la NASH, avec une sensibilité de seulement 40 % dans une
(générateur de ROS) sont plus élevés que ceux des contrôles, population d’obèses opérés pour bypass [21]. Cela est confirmé
tandis que le taux de plusieurs enzymes antioxydants étaient par la faible prévalence de la maladie dans les études utilisant
abaissés [11]. ce critère diagnostique. En ce qui concerne la fréquence de la
cytolyse chez les patients atteints de stéatose, un travail a
Rôle des cytokines et de la pullulation montré que seuls 26,7 % des patients présentant une stéatose
microbienne intestinale radiologique avaient des transaminases supérieures à la normale
La variabilité de l’évolutivité de la NASH vers la fibrose (40 UI/ml) [22]. Le taux de transaminases n’est pas non plus un
pourrait en partie être expliquée par le polymorphisme des outil sensible pour différencier la stéatose simple de la NASH.
médiateurs de la cascade de l’inflammation et de leurs récep- L’importance du facteur métabolique dans la NASH a été
teurs, comme c’est le cas pour le TNF-a. La production de TNF-a démontrée dans une étude italienne, qui retrouvait une préva-
est augmentée chez les patients présentant une stéatohépatite, lence de 16 % chez les sujets de poids normal (IMC < 25 kg/
du fait de son expression proportionnelle à la masse grasse. De m2) et de 76 % chez les obèses (IMC > 30 kg/m2) [16]. Dans la
plus, il serait également produit en réponse à l’augmentation de population obèse candidate à une chirurgie bariatrique, la
l’endotoxinémie circulante secondaire à la translocation et à la prévalence de la stéatose à la biopsie hépatique varie de 71 % à
pullulation bactérienne [12] . Il a en effet été montré une 88 % et celle de la NASH de 10 % à 56 % [23-26]. Trente-quatre
augmentation de la pullulation bactérienne chez les NASH pour cent à 47 % ont une fibrose à la biopsie et 2 % à 12 %
comparé aux contrôles sains [13]. Chez la souris obèse, une une cirrhose [27].
augmentation de la perméabilité intestinale et de l’endotoxiné- Chez l’enfant, la prévalence de la NASH est mal connue. Il est
mie portale a été observée, et l’injection de lipopolysaccharides cependant probable que ce soit la cause la plus fréquente
chez le rat a pour conséquence le développement d’une d’hépatopathie dans cette tranche d’âge [28]. Certaines séries
NASH [14] . Une autre des conséquences de la pullulation rapportent une prévalence de 2,6 % à 3 % tous morphotypes
microbienne est la production d’acéthaldéhyde en excès, qui confondus aux États-Unis et en Asie, et de 28 % à 53 % chez
par un effet de premier passage hépatique peut induire des les enfants obèses [29-31] dans des études utilisant le taux de
lésions de NASH. transaminases ou l’échographie. Une étude chez l’enfant a

4 Endocrinologie-Nutrition
Stéatohépatite non alcoolique ¶ 10-363-D-10

évalué la NASH par biopsie hépatique et retrouve une préva- et que l’importance du taux de transaminases ne permette pas
lence de 9,6 % de stéatohépatite dans la population générale et d’évaluer la gravité des lésions histologiques, la probabilité de
de 81 % chez l’enfant obèse [32]. Le principal facteur de risque lésions sévères augmente si celles-ci sont supérieures à la valeur
de NASH chez l’enfant est l’obésité, avec une prévalence plus normale.
grande chez le garçon [28]. Une hyperferritinémie inférieure à 1 000 ng/ml est souvent
La NASH est donc une affection fréquente, qui survient dans constatée, le coefficient de saturation de la transferrine étant
toutes les origines ethniques et semble plus fréquente chez normal. Elle peut être secondaire à la cytolyse, ou entrer dans
l’homme que chez la femme, dans la population générale le cadre d’une hépatosidérose dysmétabolique et être associée à
comme chez l’obèse [33]. Son incidence augmente avec l’âge, une surcharge hépatique en fer, attestée par une concentration
avec un pic après 45 ans. hépatique en fer de plus de 36 µmol/g de foie (en IRM ou à la
biopsie). L’élévation de la ferritine est alors secondaire à
l’insulinorésistance et associée à la NAFD [43] , corrélée à la
■ Présentation clinique sévérité de la fibrose, mais pas à la surcharge hépatique en
fer [44]. En effet, la moitié des patients présentant une hépato-
La NASH est une pathologie généralement asymptomatique. sidérose dysmétabolique ont une stéatose et un tiers une NASH,
Un des modes de diagnostic fréquent est la découverte d’une ce qui va dans le sens d’une relation primaire entre métabo-
cytolyse hépatique lors d’un bilan biologique, ou d’une stéatose lisme du fer et insulinorésistance, et secondairement le dévelop-
lors d’un bilan échographique fait par exemple dans le cadre pement de lésions de NAFLD.
d’un syndrome dysmétabolique. À ce stade, si des symptômes
sont présents, il s’agit le plus souvent d’une asthénie, d’une
sensation de pesanteur épigastrique ou d’une gêne de l’hypo- ■ Diagnostic radiologique
chondre droit [34]. Il existe une altération de la qualité de vie,
liée à l’état d’insulinorésistance. L’examen clinique peut alors Les techniques d’imagerie permettent de détecter la présence
montrer une hépatomégalie. d’une surcharge en graisse dans le foie, mais ne sont pas
L’examen clinique met en évidence les signes cliniques capables de faire le diagnostic de NASH.
évocateurs d’un état d’insulinorésistance. On note fréquemment L’échographie permet de déceler la présence d’une stéatose
une surcharge pondérale de type androïde, caractérisée par une supérieure à 30 % des hépatocytes [45]. La stéatose correspond
répartition abdominale de la masse grasse, et confirmée par un alors à une hyperéchogénicité du parenchyme hépatique par
rapport de la circonférence taille/hanches supérieur à 0,9 chez rapport au rein. Mais l’échographie a de nombreuses limita-
l’homme et à 0,85 chez la femme. Le périmètre abdominal est tions : l’aspect de la stéatose n’est pas spécifique et sa sensibilité
un autre des outils diagnostiques de l’obésité androïde. Sa valeur médiocre, surtout en cas de stéatose de faible importance.
seuil dépend de l’ethnie [35]. En Europe, on admet qu’il existe L’examen est souvent limité par la présence d’une obésité
une obésité abdominale si le périmètre est supérieur ou égal à abdominale, où sa sensibilité n’est que de 40 % pour le dia-
94 cm chez l’homme et à 80 cm chez la femme. Enfin, on peut gnostic de NASH [46]. Son principal intérêt est la recherche
noter une hypertension artérielle au repos (supérieure à 130/ d’une dysmorphie hépatique en rapport avec une cirrhose. Le
85), un acanthosis nigricans (surtout chez l’enfant), un psoriasis scanner abdominal avec injection met en évidence une hypo-
ou encore des signes évocateurs des autres pathologies associées densité spontanée du parenchyme avec hyperdensité relative
(diabète, dyslipidémie). des structures vasculaires, et une hypodensité du foie par
Enfin, étant donné le caractère asymptomatique de la mala- rapport au rein après injection. Là encore, l’examen n’est pas
die, il n’est pas rare de la diagnostiquer au stade de cirrhose assez sensible en cas de stéatose légère, l’hypodensité n’étant
compensée ou à l’occasion d’une complication de celle-ci. La spécifique de stéatose qu’en dessous de – 20 unités Hounsfield.
dénutrition consécutive à la cirrhose peut rendre le diagnostic Le scanner sans injection, quant à lui, ne permet pas d’exclure
de NASH plus difficile cliniquement, c’est pourquoi il est la stéatose, particulièrement en cas d’obésité, avec une sensibi-
important de rechercher à l’anamnèse un antécédent de sur- lité globale de 33 % seulement [47]. En IRM, on observe une
charge pondérale. La présentation sous forme d’insuffisance atténuation du signal du foie en opposition de phase. L’avan-
hépatocellulaire subaiguë est beaucoup plus rare. tage de cette technique est de pouvoir quantifier une éventuelle
surcharge en fer. L’absence de stéatose en IRM est un bon
argument, permettant d’exclure une surcharge en graisse, mais
■ Présentation biologique la spécificité de la stéatose en IRM n’est que de 63 % [47]. Enfin,
la spectroscopie de résonance magnétique est le seul examen
On observe le plus souvent une cytolyse hépatique, en permettant de quantifier le contenu hépatique en graisse [29].
général modérée, de l’ordre de 1,5 à 2 fois la normale, rarement La sensibilité et la spécificité de la combinaison des techni-
de plus de 5 fois la normale [23, 36]. Les ALAT sont en général ques d’imagerie pour la détection de la stéatose sont respective-
supérieures aux ASAT [37], tandis qu’une inversion du rapport ment de 56 % et 82 % selon une étude confrontant ces données
ALAT/ASAT suggère une fibrose sévère [38], et serait associée au avec celles de l’anatomopathologie en cas de résection hépati-
syndrome d’apnées du sommeil chez l’obèse atteint de que [47], ce qui confirme que le diagnostic de la stéatose ne doit
NASH [39]. Les cGT sont fréquemment modérément augmentées pas reposer uniquement sur l’imagerie standard.
(≤ 5N) et leur élévation est corrélée à l’insulinorésistance [40].
Chez l’adulte [22] comme chez l’adolescent [40], l’augmentation
des ALAT est corrélée aux facteurs de risque de NASH : obésité ■ Diagnostic histologique
androïde, taux de triglycérides, insulinorésistance. Une étude
portant sur une population féminine de plus de 60 ans (diabé- La biopsie hépatique est l’examen de référence pour le
tiques et non diabétiques) a montré que le taux d’ALT était diagnostic de NASH. C’est le seul examen permettant de la
corrélé de façon précoce à l’insulinorésistance. Le taux d’ALAT différencier de la stéatose simple, et elle permet aussi de
diminue avec la perte de poids [41]. Néanmoins, les transamina- quantifier la fibrose.
ses ne sont pas un marqueur fiable pour différencier la stéatose Les trois critères histologiques de la stéatohépatite sont : la
simple de la NASH, et l’augmentation des ALAT au-delà de la stéatose, l’inflammation lobulaire polymorphe et la ballonnisa-
valeur normale n’est pas constante [22]. Enfin, la présence de tion hépatocytaire. Les lésions prédominent dans la zone
transaminases normales n’exclut pas l’existence d’une cir- centrolobulaire. Un score histologique a été proposé pour faire
rhose [42]. Chez les patients ayant des transaminases normales, le diagnostic de NASH [3], évaluant la gravité de la fibrose en
il a été montré que plus le taux d’ALAT se rapproche de la quatre stades (stade 1 : fibrose périsinusoïdale ; stade 4 :
valeur supérieure de la normalité, plus le risque relatif de cirrhose), complété par la suite par la même équipe [48]. Le score
stéatose augmentait chez le sujet en surpoids comme chez le NAS permet ainsi de grader la probabilité de NASH (Tableau 3) :
sujet de poids normal [42]. Néanmoins, bien que des transami- le diagnostic est exclu si le score est inférieur à 3 et affirmé s’il
nases normales n’éliminent pas l’existence d’une fibrose sévère est supérieur à 5. Sa particularité est de ne pas tenir compte du

Endocrinologie-Nutrition 5
10-363-D-10 ¶ Stéatohépatite non alcoolique

Tableau 3. plusieurs données cliniques ont montré que l’âge (> 45 ou


Non alcoholic fatty liver score (NAS) selon Kleiner et al. [1] exprimé en 50 ans) était associé de façon significative au risque de fibrose
nombre par champ au grossissement × 200. sévère [37]. Le risque de fibrose lié à l’âge était associé à un odds
Type de lésion Intensité Score
ratio (OR) de 14 dans une étude portant sur 93 patients atteints
de NASH, devant l’indice de masse corporelle (IMC) (OR = 5,7)
Stéatose et le taux d’ALAT (OR = 4,6) [51]. Le rapport ASAT/ALAT serait
<5% 0 également associé au risque de fibrose septale s’il est supérieur
5 % à 33 % 1 à 1. Enfin, le diabète et l’obésité androïde, le taux de triglycéri-
33 % à 66 % 2 des, l’hypertension artérielle et la présence de corps de Mallory
> 66 % 3 ainsi que des plaquettes basses ont aussi été identifiés comme
facteurs prédictifs de fibrose. En pratique, les patients de plus de
Foyer d’inflammation lobulaire
45 ans, ou présentant un diabète, une insulinorésistance, un
Aucun 0
syndrome dysmétabolique marqué ou des plaquettes basses sont
<2 1 à risque élevé de fibrose et doivent donc bénéficier d’une
2-4 2 biopsie hépatique.
>4 3
Ballonnisation Marqueurs non invasifs de fibrose
Absente 0 L’utilisation du fibroscan dans la NASH a été évaluée dans
Rare 1 une seule étude portant sur 97 cas. Sa performance diagnostique
Nombreuse 2 est bonne pour discriminer la fibrose sévère au-delà du seuil de
17,5 kPa (valeur prédictive négative [VPN] = 100 %) [52]. Mais
son utilisation est surtout limitée par l’obésité abdominale, un
IMC supérieur à 28 étant un facteur d’échec de la technique.
stade de fibrose. La concordance interobservateurs est correcte
Plusieurs marqueurs biologiques ont été évalués afin de dépister
(61 %). Le score NAS est le score le plus reproductible et devrait
de façon non invasive la présence d’une fibrose sévère et ainsi
être systématiquement utilisé chez les patients atteints de
de mieux sélectionner les candidats à la biopsie. Un marqueur
NAFLD. D’autres lésions histologiques non spécifiques peuvent
biologique, l’acide hyaluronique, serait ainsi prédictif de fibrose
être observées en cas de NASH : des corps de Mallory, des
sévère s’il est supérieur ou égal à 50 ng/ml (VPN de 78 %) [53],
mégamitochondries avec inclusions cristallines, des inclusions
tandis qu’en utilisant un cut-off de 42 ng/ml, une autre équipe
glycogéniques intranucléaires, des corps acidophiles et fréquem-
a obtenu une valeur prédictive négative de 100 % [54]. Un travail
ment une surcharge en fer hépatocytaire et kuppférienne. La
portant sur une cohorte de patients avec transaminases élevées
fibrose peut être périsinusoïdale ou portale, ces deux entités
et éléments du syndrome dysmétabolique selon l’Adult Treat-
pouvant coexister. Enfin, certaines lésions sont inhabituelles
ment Panel III (ATP III) a montré qu’aucun de ceux ayant un
dans la NASH et doivent faire rechercher d’autres diagnostics :
taux d’acide hyaluronique inférieur ou égal 15 µg/l par la
une stéatose microvacuolaire prédominante, une inflammation
technique enzyme linked immunosorbent assay (Elisa) (ou inférieur
ou une fibrose portale plus marquée que l’inflammation
ou égal à 35 µg/l par la technique radioimmunoassay [RIA]) ne
lobulaire ou la fibrose périsinusoïdale, une infiltration éosino-
présentait de fibrose égale ou supérieure à F2 [55]. Un algorithme
phile ou plasmocytaire, des lésions ductulaires ou des bouchons
décisionnel a ainsi été proposé, tenant compte du taux d’acide
biliaires, etc.
hyaluronique et du rapport CDT (transferrine désialylée)/
Bien que la biopsie hépatique soit l’examen de référence pour
transferrine : les patients ayant un taux d’acide hyaluronique
le diagnostic et l’évaluation de la fibrose, il faut savoir qu’au
supérieur à 15 µg/l et un rapport CDT/transferrine inférieur
stade de cirrhose, les anomalies histologiques nécessaires au
à 0,9 ne sont pas susceptibles d’avoir une fibrose supérieure
diagnostic de NASH peuvent avoir disparu, et que l’histologie ne
à F2, ceux dont le rapport est supérieur à 0,9 devant être évalués
permet pas de différencier la NASH de la stéatohépatite alcooli-
par une biopsie [55]. L’élévation du collagène IV de type 7S serait
que. Dans ces situations, seule l’anamnèse permet de faire le
aussi un marqueur biologique de fibrose supérieur à F3 en cas
diagnostic de NASH.
de NAFLD.
Plusieurs équipes ont développé récemment des tests non
■ Évaluation de la fibrose invasifs de fibrose. Le score BAAT [51] combine l’IMC (< 28 = 0 ;
≥ 28 = 1), l’âge (< 50 ans = 0 ; ≥ 50 = 1), le taux d’ALAT (< 2N
Bien que la biopsie hépatique soit l’examen de référence pour = 0 ; ≥ 2N = 1) et le taux de triglycérides (< 1,7 mmol/l = 0 ; ≥
le diagnostic et l’évaluation de la fibrose, il faut savoir que les 1,7 = 1). Il est prédictif d’absence de fibrose supérieure ou égale
lésions histologiques seraient susceptibles d’être de répartition à F2 s’il est inférieur ou égal à 1 avec une valeur prédictive
hétérogène au sein du parenchyme hépatique. Une étude négative de 100 %, mais sa valeur prédictive positive est moins
prospective comportant deux trajets biopsiques chez 51 patients bonne. La valeur diagnostique du fibrotest dans cette situation
porteurs de NASH a montré que la valeur prédictive négative de semble inadéquate chez environ un tiers des patients atteints de
cette technique était mauvaise (74 %) et que d’un fragment NASH, mais avec un cut-off inférieur à 0,30, la valeur prédictive
biopsique à l’autre, il existait des discordances notables dans négative est bonne [56]. Son utilisation dans la NASH semble
l’évaluation de la fibrose [49]. En effet, 35 % des patients ayant limitée par la diminution du taux d’apolipoprotéine A1 secon-
une cirrhose sur un des fragments biopsiques n’avaient au plus daire au syndrome dysmétabolique. Un test non invasif de
qu’une fibrose modérée sur l’autre fragment. Il faut souligner fibrose, le Original European Liver Fibrosis (OELF) Panel,
que ces résultats n’ont pas été confirmés dans une autre étude combinant l’âge, l’acide hyaluronique, le propeptide de colla-
portant sur 43 patients opérés d’un bypass, où la concordance gène de type III et le tissue inhibitor of matrix metalloproteinase
interfragment biopsique était de 98 % pour la fibrose et de 93 % 1, a une performance diagnostique acceptable dans la NASH,
pour le score NAS [50]. La taille de la biopsie est en tout cas un mais a été évalué sur un petit nombre de patients atteints [57].
élément important pour le diagnostic de NASH et l’évaluation Ces performances ont été validées par la même équipe dans une
de la fibrose. autre cohorte, dans laquelle le test enhanced liver fibrosis (ELF) a
été développé, avec une bonne performance diagnostique pour
le dépistage de la fibrose F3-F4 (VPN = 90 %), mais moindre
Facteurs prédictifs de fibrose pour celui de fibrose modérée ou d’absence de fibrose (VPN
Étant donné que l’évaluation du stade de fibrose est un = 80 % et 79 %, respectivement) [58]. Enfin, un modèle établi
élément crucial de la prise en charge et du pronostic de ces sur un échantillon de 773 patients adultes et comportant
patients, et que la biopsie hépatique comporte certaines comme variables l’âge, l’IMC, l’albumine, le taux de plaquettes
limitations (diagnostiques, de morbidité et de coût), l’identifi- et le ratio ASAT/ALAT a lui aussi une bonne performance
cation des facteurs prédictifs de fibrose est importante. Ainsi, diagnostique, avec une valeur prédictive négative de 93 % et

6 Endocrinologie-Nutrition
Stéatohépatite non alcoolique ¶ 10-363-D-10

Tableau 4. 38 % à 50 % des patients atteints d’hépatopathie alcoolique


Marqueurs biologiques de fibrose utilisés dans la non alcoholic fatty liver progressent vers la cirrhose sur une période de 7 ans, alors que,
disease (NAFLD). dans la NASH, ce taux est de 8 % à 26 %. Alors que la fibrose
Test Définition AUC pour fibrose
progresse, les critères histologiques de NASH tels que la stéatose
avancée et l’inflammation ou la ballonnisation peuvent régresser et les
transaminases se normaliser [60]. Cela montre que le diagnostic
Score BAAT IMC (< 28 = 0 ; ≥ 28 = 1) ; âge 0,84 (IC : NA) de cirrhose dysmétabolique peut être difficile à établir sur les
(< 50 ans = 0 ; ≥ 50 ans = 1) ; ALAT données histologiques au stade de cirrhose, et explique que
(< 2N = 0 ; ≥ 2N = 1) ; triglycéridémie
ces cirrhoses aient pu auparavant être classées comme
(< 1,7 mmol/l = 0 ; ≥ 1,7 mmol/l = 1)
cryptogéniques.
OELF panel Âge, acide hyaluronique, propeptide 0,82 La vitesse de progression de la fibrose est, de façon globale,
de collagène de type III, tissue inhibitor relativement lente. Le pronostic de la maladie et la prévalence
of matrix metalloproteinase 1 des complications hépatiques sont cependant différents en
fonction du stade de la NAFLD. Les patients avec une stéatose
ELF panel Acide hyaluronique, collagène 0,87 (IC 95 % : isolée semblent avoir un meilleur pronostic. Une étude danoise
de type IV, collagène de type VI, tissue 0,66-1) ayant suivi 109 sujets obèses porteurs d’une stéatose simple a
inhibitor of matrix metalloproteinase 1, ainsi montré que la survie globale était similaire à celle de la
propeptide de collagène de type III population générale, avec une incidence de la cirrhose inférieure
à 1 % [63]. Il a néanmoins été montré que les porteurs d’une
NAFLD – 1,675 + 0,0357 × âge (années) 0,88 (IC 95 % : stéatose isolée pouvaient, à terme, développer une fibrose
fibrosis score + 0,094 × IMC (kg/m2) 0,85-0,92) – 0,82
significative [62]. À l’inverse, les patients au stade de cirrhose ont
+ 1,13 WIFG/diabète (oui = 1 ; × (IC 95 % :
une survie de 9 % à 26 % à 4-10 ans [64]. Les patients atteints
non = 0) + 0,99 × ASAT/ALAT – 0,013 076-0,88)
de NASH ont une survie globale significativement moins bonne
× plaquettes (109/l) – 0,66 × albumine
(g/dl)
que la population générale de même âge et de même sexe [62].
Les décès de cause hépatique sont la troisième cause de décès
Fibrotest x2 macroglobuline, apoprotéine A, dans cette population, alors qu’ils occupent le 12e rang dans la
haptoglobine, cGT, bilirubine population générale [62]. Les complications hépatiques grèvent
donc le pronostic de ces malades. Les facteurs de risque de décès
ALAT : alanine aminotransférase ; ASAT : aspartate aminotransférase ; IMC :
indice de masse corporelle ; IC : intervalle de confiance ; OELF : Original démontrés sont : la présence d’une cirrhose (risque relatif [RR]
European Liver Fibrosis. = 3,1), l’âge (RR = 2,1) et le diabète ou l’insulinorésistance (RR
= 2,6) [60]. Les patients atteints de NAFLD sont aussi à risque
élevé de complications cardiovasculaires, notamment du fait du
une valeur prédictive positive de 90 % pour discriminer la diabète. La NAFLD elle-même est associée de façon significative
fibrose F3-F4. Ce score permettrait d’éviter 75 % des biopsies [59] au risque cardiovasculaire, après ajustement au diabète et aux
(Tableau 4). Il a été évalué dans une cohorte de NAFLD à faible éléments du syndrome dysmétabolique. La mortalité cardiovas-
prévalence de fibrose sévère, dans laquelle la valeur prédictive culaire est la principale cause de décès dans cette popula-
négative du test était de 91 %. Ces résultats intéressants tion [60]. La survenue d’une cirrhose semble déplacer le risque de
nécessitent toutefois d’être confirmés dans d’autres cohortes, décès vers un risque hépatique plutôt que cardiovasculaire [61].
notamment chez l’enfant, et comparés aux autres stratégies non Enfin, il faut noter que la présence d’une NASH altère le
invasives. Le principal problème posé par l’ensemble de ces tests pronostic des autres hépatopathies chroniques, telles que la
est leur faible performance diagnostique pour prédire la fibrose maladie alcoolique ou l’hépatite C.
intermédiaire. De façon générale, l’obésité est associée à un risque accru de
Si l’intérêt du diagnostic de cirrhose est évident, celui de cancer de tous types et de carcinome hépatocellulaire, notam-
dépister une fibrose modérée l’est tout autant dans un contexte ment chez les patients porteurs d’une cirrhose cryptogénique et
de développement de nouvelles molécules, afin d’initier la alcoolique [65]. Le diabète est, quant à lui, un facteur de risque
thérapie et d’évaluer la réponse au traitement. Les tests non indépendant de carcinome hépatocellulaire, surtout chez
invasifs de fibrose ont encore une performance diagnostique l’homme. Peu d’études permettent d’estimer l’incidence de
insuffisante dans cette indication. Même si leur développement l’hépatocarcinome chez le patient porteur d’une cirrhose NASH.
doit rester un enjeu important dans la prise en charge de ces D’après les données actuelles, il varierait de 7 % à 27 % [64, 66].
malades, la réalisation d’une biopsie hépatique est donc Il est probable que l’incidence des hépatocarcinomes sur
actuellement toujours la stratégie recommandée. Elle est cirrhose métabolique augmente dans les années à venir [66].
facultative si les scores prédictifs de fibrose permettent d’exclure Comme le suggèrent des données expérimentales, il semble
une fibrose sévère avec une bonne valeur prédictive, mais probable que le stress oxydatif et l’insulinorésistance soient les
s’impose dans les autres situations, où elle doit être si possible causes directes de la carcinogenèse hépatique, pouvant interve-
complétée par le dosage d’un marqueur de fibrose afin d’élimi- nir directement en l’absence de cirrhose. Si c’est le cas, la
ner un éventuel faux négatif de la biopsie. survenue de carcinomes hépatocellulaires chez des patients
atteints de stéatose sans cirrhose pourrait augmenter.
■ Histoire naturelle
La prévalence de la cirrhose métabolique en population ■ Traitement
générale serait de 5 % [60]. Le risque d’évolution fibrosante de la L’objectif du traitement est d’obtenir la régression ou la
NASH est actuellement bien établi. Des études sur des patients limitation des lésions hépatiques et, in fine, de prévenir ou de
atteints de NASH chez lesquels des biopsies séquentielles étaient faire régresser la fibrose hépatique. Néanmoins, aucune théra-
faites tous les 3 ans ont montré une progression de la fibrose peutique ne permet à ce jour de contrôler durablement la
chez un tiers environ des cas [61]. Les lésions sont, selon les maladie, et l’efficacité à long terme sur la survie et la prévention
études, susceptibles de s’améliorer chez un patient sur cinq en des complications sont encore inconnus.
moyenne. L’évolution de celle-ci varie donc selon les individus.
Dans le sous-groupe de patients atteints de NAFLD et ayant des
transaminases élevées, il a été montré qu’on observait une
Règles hygiénodiététiques
progression de la fibrose chez 41 % d’entre eux, et que celle-ci L’équilibration du régime alimentaire et l’exercice physique
était associée à une prise de poids de plus de 5 kg, à l’insulino- sont les deux mesures principales de la prise en charge, quelle
résistance et à l’importance de la stéatose [62] . Malgré les que soit l’atteinte histologique. Une perte de poids modérée et
similitudes histologiques entre NASH et alcool, la vitesse l’augmentation de l’activité physique améliorent l’insulinorésis-
d’évolution vers la cirrhose semble plus lente en cas de NASH : tance, la qualité de vie et l’atteinte histologique, et diminuent

Endocrinologie-Nutrition 7
10-363-D-10 ¶ Stéatohépatite non alcoolique

le taux de transaminases. Une étude randomisée récente a traitement au long cours soit nécessaire, mais la tolérance de
souligné l’intérêt d’une prise en charge active, en démontrant celui-ci reste à évaluer, notamment en ce qui concerne les effets
l’efficacité de la perte pondérale (7 % à 10 % du poids corporel) secondaires cardiologiques et les conséquences de la prise de
sur les lésions de stéatose et d’inflammation lobulaire [67], avec poids secondaire aux thiazolinediones.
une corrélation entre le pourcentage de poids perdu et l’amélio- Rosiglitazone. Une étude non contrôlée a inclus 30 patients
ration du NAS score. La perte de poids ne devrait pas excéder atteints de NASH traités par rosiglitazone (4 mg trois fois par
1,6 kg/semaine chez l’adulte, une perte de poids trop rapide jour) pendant 48 semaines [77]. Elle a démontré une améliora-
pouvant être associée avec une aggravation de la maladie tion du score histologique nécrotico-inflammatoire chez 45 %
hépatique. des patients, avec parfois disparition des lésions histologiques
L’exercice physique est bénéfique, même en l’absence de caractéristiques de NASH. Une étude montre aussi un effet
perte de poids. Il permet, en association au régime, de diminuer significatif sur les transaminases et l’amélioration de la stéatose
la graisse viscérale et donc d’agir sur l’insulinorésistance. Mais versus placebo, mais sans effet sur la fibrose [78]. Dans le cas de
la prise en charge de cette population obèse est difficile. Un la rosiglitazone, si un traitement prolongé (au-delà de 2 ans)
tiers seulement des patients parviendraient à atteindre les permet une amélioration continue des transaminases et de
objectifs de la préparation physique. Néanmoins, une activité l’insulinosensibilité, le bénéfice observé au cours de la première
physique même modeste permet de prévenir l’augmentation de année sur les lésions de stéatose ne se poursuit pas au-delà [79].
l’obésité abdominale. Il n’y a donc pas de bénéfice hépatique à poursuivre le traite-
Même chez les sujets atteints de NASH de IMC normal ou ment, d’autant que les effets secondaires cardiovasculaires des
peu augmenté, la prise en charge nutritionnelle est nécessaire, thiazolinediones sont à prendre en compte dans cette popula-
car même si l’apport calorique est comparable à celui des sujets tion à haut risque.
sains, il a été montré des variations de qualité nutritionnelle de
la ration alimentaire dans cette population, privilégiant les AG Autres thérapeutiques
saturés, au détriment notamment des vitamines C et E [68]. Le Plusieurs autres molécules ont été testées dans la NASH. La
régime alimentaire hypocalorique doit idéalement être encadré plupart d’entre elles sont des études pilotes ou randomisées sur
par une prise en charge diététique spécialisée. L’alimentation de petits effectifs, dans lesquelles l’évaluation de la réponse
doit inclure des fibres alimentaires, des graisses polyinsaturées et histologique n’était pas toujours systématique. Les résultats
être pauvre en graisses saturées et en sucres rapides. Les agents préliminaires obtenus avec ces molécules n’ont pour la plupart
anorexiants sont abandonnés du fait de leurs effets secondaires. pas été confirmés dans de plus grandes cohortes.
Les recommandations en termes de consommation d’alcool
ne sont pas consensuelles. Des données suggèrent un effet Antioxydants
protecteur de faibles quantités d’alcool (20 g/j) sur le risque Le rationnel de l’utilisation de la vitamine E dans la NASH
hépatique. Au-delà de 20 g d’alcool pur/jour, l’effet délétère de repose sur son effet inhibiteur du stress oxydatif. Dans une
l’alcool chez l’obèse est démontré [69] . En cas de cirrhose, étude pilote évaluant la vitamine E en comparaison avec une
l’abstinence doit bien sûr être recommandée. association vitamine E plus pioglitazone, on observait aussi une
amélioration des transaminases, mais sans amélioration histolo-
Prise en charge médicamenteuse gique dans le bras vitamine E seule [72] . Une combinaison
vitamine C et E améliorerait quant à elle la fibrose dans une
Agents hypoglycémiants étude contre placebo [80] . Enfin, dans une étude contrôlée
Metformine récente versus placebo et versus pioglitazone, la vitamine E
permettait une amélioration des enzymes hépatiques et des
La metformine régule la glucogénogenèse hépatique et lésions histologiques de NASH [76].
favorise la b-oxydation des acides gras au détriment de la
production de triglycérides. La plupart des études l’évaluant Hypolipémiants
dans le NASH portaient sur de petits groupes de patients, et Le probucol, agent hypolipémiant et antioxydant, permettrait
n’étaient pas toutes randomisées. Récemment, une méta- une diminution des transaminases dans la population de NASH.
analyse Cochrane a montré que la metformine améliorait
significativement les transaminases, comparée à la diète seule, et Acide ursodéoxycholique
diminuait la stéatose. Une étude randomisée versus vitamine E Un effet bénéfique de l’acide ursodeoxycholique a été suggéré
a montré un bénéfice sur les transaminases, avec une tendance par une étude pilote, mais n’a pas été confirmé par une étude
à l’amélioration histologique [70]. Une autre étude non rando- contrôlée portant sur 166 patients traités pendant 2 ans [81].
misée [71] n’a pas mis en évidence de bénéfice. Le bénéfice de
la metformine reste donc à démontrer dans des études contrô- Pentoxifylline
lées à plus grande échelle. Néanmoins, ce traitement est bien Le rationnel de l’utilisation de pentoxifylline est son effet
toléré et pourrait améliorer l’insulinosensibilité de ces patients. anti-TNF-a. Deux études pilotes ont montré une amélioration
des transaminases [82, 83]. Une amélioration du score de Brunt à
Thiazolinediones
l’issue de 12 mois de traitement a été mise en évidence dans
Les thiazolinediones sont une classe d’antidiabétiques oraux une petite étude pilote portant sur dix cas chez 67 % des
qui améliorent l’insulinosensibilité via leur action agoniste sur patients [84].
les récepteurs PPARc. Ils redistribuent la graisse hépatique et
musculaire vers le tissu adipeux périphérique, améliorent Inhibiteurs de l’angiotensine II
l’insulinorésistance périphérique et augmentent les taux circu- L’angiotensine II est impliquée dans la fibrogenèse hépatique
lants d’adiponectine. Dans le NASH, ils ont été évalués chez les et dans l’aggravation de l’insulinorésistance. Une étude pilote a
patients non diabétiques. évalué le losartan chez sept patients atteints de NASH et a
Pioglitazone. Plusieurs études ont évalué la pioglitazone suggéré qu’il permettait une amélioration biochimique et une
seule ou en association avec la vitamine E dans la NASH [72-74]. diminution des marqueurs sériques de fibrose [85]. Ces données
Le traitement par pioglitazone était associé à une diminution n’ont pas encore été confirmées par d’autres travaux.
des transaminases, une amélioration de l’insulinosensibilité
hépatique et une amélioration de la stéatose [74]. Le bénéfice en Orlistat
termes de régression de la fibrose et d’amélioration des lésions L’orlistat est un inhibiteur de la lipase gastro-intestinale
histologiques inflammatoires est controversé [74]. Ces améliora- utilisé dans le traitement de l’obésité. Une étude randomisée
tions semblent régresser après arrêt du traitement [75]. Dans une dans la NASH a mis en évidence une diminution de la stéatose
étude randomisée récente, la pioglitazone améliorait la stéatose (évaluée par l’échographie) et des transaminases [86]. Dans une
et l’inflammation, mais pas la fibrose, et était sans amélioration étude pilote portant sur 14 patients obèses avec NASH, une
significative du score NAS global [76] . Il est possible qu’un amélioration de la fibrose a aussi été observée [87], mais ces

8 Endocrinologie-Nutrition
Stéatohépatite non alcoolique ¶ 10-363-D-10

bénéfices ne sont pas confirmés dans une étude contrôlée en recherchant la consommation quotidienne et d’éventuelles
récente versus placebo, où les patients étaient stratifiés selon alcoolisations massives répétées (> 50 g d’alcool pur chez
leur pourcentage de perte de poids [88]. l’homme sur une période de 2 heures, > 40 g chez la femme).
Le seuil de 140 g d’alcool pur par semaine devrait être utilisé.
L-carnithine Ce seuil pose d’ailleurs le problème des formes mixtes, car il
La L-carnithine a une action sur le métabolisme du glucose exclut les patients ayant une consommation supérieure à
et des lipides, ainsi que sur le stress oxydatif. Une étude récente celui-ci avec des caractéristiques du syndrome dysmétabolique.
versus placebo a montré une amélioration du score histologique Enfin, l’augmentation des cGT, du volume globulaire moyen,
de NASH, ainsi qu’une diminution de l’insulinorésistance, des une élévation et un rapport ASAT/ALAT > 1 sont en faveur
taux de C reactive protein (CRP) et de TNF (malaguarena). d’une consommation chronique, sous réserve de l’absence de
fibrose extensive.
Antagoniste des récepteurs cannabinoïdes de type I
Les récepteurs cannabinoïdes de type I ont été identifiés dans Éliminer les autres hépatopathies
le tissue adipeux et le foie, organes qui jouent un rôle clé dans
l’homéostasie du glucose. Le rimonabant, antagoniste des La fréquence du syndrome dysmétabolique ne doit pas faire
récepteurs de type I, a montré une efficacité en termes de poser le diagnostic de NAFLD de façon systématique. Les autres
diminution de l’insulinorésistance chez l’obèse et le diabéti- causes de maladie hépatique doivent être recherchées par un
que [89]. Son développement a été interrompu en raison d’effets bilan systématique. L’hémochromatose (recherchée par la recher-
secondaires psychiatriques. che des mutations du gène HFE en cas d’élévation du coefficient
de saturation de la sidérophiline ≥ 45 %), la maladie de Wilson
Chirurgie de l’obésité et une hépatite médicamenteuse ne doivent pas être méconnus.

La chirurgie bariatrique (anneau gastrique, gastroplastie ou Établir le diagnostic de gravité


bypass) est indiquée chez l’obèse sévère (IMC > 40 ou > 35 en
présence de comorbidités). Elle permet l’amélioration du Le dépistage de la fibrose a un intérêt pronostique particulier
syndrome dysmétabolique et de certaines de ses conséquences. et permet d’orienter la prise en charge thérapeutique. Elle
Elle a démontré son efficacité sur la diminution de la stéatose, permet aussi le diagnostic différentiel en cas de tableau atypi-
conditionnée par le degré d’insulinorésistance préopératoire [25, que. À l’heure actuelle, la biopsie hépatique reste l’examen
90] . Elle est bénéfique sur le plan pondéral, la stéatose et recommandé. Le recours à la biopsie pourrait être orienté par les
l’inflammation hépatique ainsi que sur la prévention des scores non invasifs d’évaluation de la fibrose. Seuls ceux ayant
comorbidités associées à l’obésité [91] . Enfin, elle semble une bonne valeur prédictive d’absence de fibrose évoluée
permettre une amélioration de la fibrose hépatique chez certains (permettant d’exclure une fibrose significative) sont utiles,
patients. Son bénéfice à long terme a été démontré : elle permet permettant de cibler les patients candidats à la biopsie. En
une perte de poids plus importante et plus durable que celle de pratique, il s’agit surtout des patients âgés de plus de 45 ans,
la prise en charge diététique seule, améliore les paramètres du ceux ayant un syndrome dysmétabolique marqué (IMC élevé,
syndrome dysmétabolique ainsi que la qualité de vie [92] et hypertension artérielle [HTA], et particulièrement le diabète), et
améliore la survie globale [92]. Plus récemment, il a été observé ayant des transaminases élevées. Il faut cependant garder à
que le bénéfice histologique persistait à 5 ans tant en termes l’esprit qu’une fibrose évoluée peut être présente même en cas
d’amélioration de la stéatose que de diminution de la nécrose. de transaminases normales. À l’heure actuelle, les indications de
la biopsie hépatique restent mal définies, mais on ne peut
Transplantation hépatique raisonnablement pas envisager de biopsier tous les patients
ayant des facteurs de risque de NASH.
La transplantation hépatique est à discuter en cas de cirrhose
décompensée ou de carcinome hépatocellulaire, selon les
mêmes indications que les autres hépatopathies. Une obésité
Bilan des comorbidités
morbide ou les comorbidités cardiovasculaires de ces malades Les patients porteurs d’une NASH sont à risque élevé de
peuvent constituer des contre-indications. La récidive de la complications cardiovasculaires, qui conditionnent souvent le
NAFLD sur le transplant hépatique n’est pas rare. La prise en pronostic. Leur prise en charge doit impérativement comporter
charge de la prise de poids et des effets secondaires métaboli- le diagnostic des comorbidités cardiaques et vasculaires, ainsi
ques des médicaments antirejet est primordiale. que la prise en charge du diabète et le dépistage de ses compli-
cations viscérales. Une prise en charge multidisciplinaire est
donc indispensable.
■ En pratique
Surveillance évolutive
Rechercher un syndrome dysmétabolique
L’objectif de la surveillance est de détecter les patients ayant
La recherche d’une insulinorésistance ou d’un diabète est une évolution fibrosante rapide, et de dépister la cirrhose. Le
indispensable. Elle est évaluée par la glycémie à jeun, ou, si degré de fibrose doit être évalué périodiquement, tous les 3 à
celle-ci est normale, par l’hyperglycémie provoquée par voie 5 ans, en utilisant les marqueurs de fibrose (voire le fibroscan
orale. L’indice d’homeostatic model assessment (HOMA) (glycémie s’il est techniquement réalisable) et, si nécessaire, la biopsie
à jeun × insulinémie à jeun/22,5) permet de dépister l’insulino- hépatique. Les patients ayant une fibrose en pont doivent faire
résistance si l’indice du patient est supérieur au 75e percentile l’objet d’un dépistage du carcinome hépatocellulaire, en gardant
de la population de référence. Son utilisation est donc surtout à l’esprit que le développement d’un carcinome est possible
dédiée aux études de cohorte. chez ces patients même en l’absence de cirrhose (probablement
Les autres paramètres du syndrome dysmétabolique doivent chez les sujets diabétiques).
aussi être recherchés (Tableau 1) : mesure du tour de taille et du
tour de hanches, calcul de l’IMC et anamnèse (poids maximal
déjà atteint par le sujet), pression artérielle. Le bilan lipidique ■ Conclusion
doit être fait.
L’incidence de la NASH est en augmentation dans la popula-
Éliminer une consommation excessive tion générale du fait de l’augmentation de la prévalence du
syndrome dysmétabolique, avec une prévalence supposée de la
d’alcool cirrhose métabolique de 5 % en population générale. Les
L’interrogatoire évalue la consommation actuelle et s’efforce patients de plus de 45 ans, ou présentant un diabète, une
de faire l’historique de celle-ci tout au long de la vie du sujet, insulinorésistance, un syndrome dysmétabolique marqué ou des

Endocrinologie-Nutrition 9
10-363-D-10 ¶ Stéatohépatite non alcoolique

plaquettes basses sont à risque élevé de fibrose et doivent donc [10] Wieckowska A. In vivo assessment of liver cell apoptosis as a novel
bénéficier d’une biopsie hépatique. La place des marqueurs non biomarker of disease severity in nonalcoholic fatty liver disease.
invasifs de fibrose pour sélectionner les candidats à la biopsie Hepatology 2006;44:27-33.
hépatique reste à préciser. [11] Baskol G, Baskol M, Kocer D. Oxidative stress and antioxidant
Les patients atteints de NASH ont une survie globale moins defenses in serum of patients with non-alcoholic steatohepatitis. Clin
bonne que la population générale de même âge et de même Biochem 2007;40:776-80.
sexe. La présence d’une cirrhose, l’âge et le diabète ou l’insuli- [12] Ruiz AG, Casafont F, Crespo J, Cayón A, Mayorga M, Estebanez A,
norésistance sont les principaux facteurs de risque de décès chez et al. Lipopolysaccharide-binding protein plasma levels and liver TNF-
ces malades. La prise en charge des malades doit être multidis- alpha gene expression in obese patients : evidence for the potential role
ciplinaire pour prévenir les complications non hépatiques du of endotoxin in the pathogenesis of non-alcoholic steatohepatitis. Obes
syndrome dysmétabolique. L’objectif du traitement est d’obtenir Surg 2007;17:1374-80.
la régression ou la limitation des lésions hépatiques et, in fine, [13] Wigg AJ. The role of small intestinal bacterial overgrowth, intestinal
de prévenir ou de faire régresser la fibrose hépatique. Si aucune permeability, endotoxaemia, and tumour necrosis factor alpha
thérapeutique médicamenteuse ne permet à ce jour de contrôler in the pathogenesis of non-alcoholic steatohepatitis. Gut 2001;48:
durablement la maladie, les mesures hygiénodiététiques sont 206-11.
efficaces, de même que la chirurgie bariatrique lorsqu’elle est [14] Kirsch R, Clarkson V, Verdonk RC, MaraisAD, Shephard EG, Ryffel B,
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de même sexe. La présence d’une cirrhose, l’âge et le [22] Oh SY, Cho YK, Kang MS, Yoo TW, Park JH, Kim HJ, et al. The
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H. Castel (castel_h@hotmail.com).
P. Mathurin.
Service des maladies de l’appareil digestif, Hôpital Claude Huriez, CHRU de Lille, 2, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Castel H., Mathurin P. Stéatohépatite non alcoolique. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Endocrinologie-Nutrition, 10-363-D-10, 2011.

Disponibles sur www.em-consulte.com


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12 Endocrinologie-Nutrition
¶ 10-364-A-10

Anomalies héréditaires du métabolisme


des glucides
P. de Lonlay, S. Dubois

De nombreuses anomalies héréditaires peuvent affecter le métabolisme glucidique. Il peut s’agir de


maladies énergétiques car les glucides sont des substrats énergétiques pour la cellule (glycogénoses,
déficits de la néoglucogenèse), ou de maladies d’intoxication par effet toxique du composé accumulé en
amont du déficit enzymatique (anomalies héréditaires du galactose et du fructose). La plupart de ces
maladies sont traitables.
© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Glucides ; Glycogénoses ; Galactosémie ; Fructosémie ; Néoglucogenèse

Plan le déficit enzymatique, une enzymothérapie apportant l’enzyme


manquante, ou encore l’éviction du jeûne et des circonstances
¶ Introduction 1 conduisant à la décompensation du patient. Les maladies
d’intoxication et les maladies énergétiques sont dépendantes de
¶ Glycogénoses 1 l’environnement. Les facteurs de risque pour une décompensa-
Glycogénose de type I 2
tion de ces MHM sont les situations de catabolisme ou des
Glycogénoses type III 3
charges exogènes (alimentaires). D’autres maladies métaboliques
Autres glycogénoses 3
ne sont pas traitables mais leur diagnostic précis est nécessaire
Glycogène synthase ou type 0 4
pour un conseil génétique et un diagnostic anténatal. Les MHM
¶ Anomalies héréditaires du métabolisme du galactose 4 sont le plus souvent des maladies génétiques, principalement de
Déficit en galactose-1-phosphate-uridyl-transférase 4 transmission autosomique récessive.
Déficit en uridine diphosphate-galactose-4-épimérase 5 Les anomalies héréditaires du métabolisme des glucides
Déficit en galactokinase 5
peuvent être classées dans le groupe des maladies énergétiques,
Traitement de la galactosémie classique et du déficit en uridine
comme les glycogénoses et les déficits de la néoglucogenèse
diphosphate-galactose-4-épimérase 5
(déficit en pyruvate carboxylase [PC], déficit en fructose-1,6-
Complications et surveillance du déficit en GALT 5
bisphosphatase), ou dans le groupe des maladies d’intoxication,
¶ Anomalies héréditaires du métabolisme du fructose 6 comme les galactosémies et la fructosémie. Elles sont résumées
Intolérance héréditaire au fructose ou fructosémie classique 6 sur la Figure 1.
Fructosurie essentielle 8
¶ Anomalies héréditaires de la néoglucogénèse 8
Déficit en fructose-1,6-bisphosphatase
Déficit en phosphoénolpyruvate carboxykinase
8
8 ■ Glycogénoses
Déficit en pyruvate carboxylase 9
Le glycogène est un polymère de molécules de glucose
¶ Anomalies héréditaires de la glycolyse 9 associées dans une structure branchée particulière qui permet la
¶ Conclusion 9 libération rapide de quantités importantes de glucose à distance
des repas. Ainsi, le glycogène hépatique représente la forme de
stockage de glucose permettant le maintien de la glycémie dans

■ Introduction
les périodes de jeûne. Présent dans de nombreux tissus, il est
surtout quantitativement important dans le foie et les muscles.
Les maladies héréditaires du métabolisme (MHM) résultent le Alors que le glycogène musculaire est surtout une source
plus souvent d’un déficit enzymatique sur l’une des nombreuses d’énergie locale, le glycogène hépatique joue un rôle fonda-
voies métaboliques, dérivées des glucides, protides ou acides mental dans la régulation de la glycémie et la production de
gras ou du trafic intracellulaire [1] . Un déficit enzymatique glucose disponible pour les autres tissus de l’organisme lors du
entraîne l’absence d’un composé situé en aval du déficit et/ou jeûne. Glycogénogenèse et glycogénolyse mettent en jeu de
l’accumulation d’un composé toxique situé en amont du déficit. nombreuses enzymes. Seules les glycogénoses hépatiques
Un traitement est possible pour un grand nombre de ces responsables d’hypoglycémies sont traitables par des mesures
maladies métaboliques. L’absence de traitement entraîne des diététiques. Toutes les glycogénoses ne sont pas musculaires. La
séquelles très sévères ou le décès. Le traitement est diététique et glycogénose de type I, essentiellement hépatique et non
médicamenteux avec la suppression du composé toxique musculaire entraîne, outre une glycogénose, un déficit de la
associée à un apport énergétique suffisant pour relancer l’ana- néoglucogenèse responsable d’hypoglycémies prolongées. La
bolisme dans les maladies d’intoxication, l’apport d’un cofacteur majorité des déficits enzymatiques a un mode de transmission
ou d’un substrat qui ne peut être synthétisé ou qui peut pallier récessif autosomique.

Endocrinologie-Nutrition 1
10-364-A-10 ¶ Anomalies héréditaires du métabolisme des glucides

Lactose, macromolécules Épimérase


glycosylées Enzyme branchante
UDP-Gal UDP-Glc
Glycogène synthétase
GALT Glycogène
Galactokinase Enzyme débranchante
Galactose Gal-1-P Glc-1-P
Phosphorylase

Réticulum endoplasmique
Galactitol
Glc-6-P’ase
T T
Glc-6-P Glucose
Glucokinase
Hexokinase
Sorbitol Fru-6-P

Phosphofructokinase
Fructokinase
Fructose Fru-1-P Fru-1,6-bis-P

Aldolase B Fructose-1,6-bisphosphatase

Dihydroxyacétone-P Glycéraldéhyde-P

Glycérokinase
Glycérol Glycérol-3-P
Glycérolipides PEPCK
Phosphoénolpyruvate Oxaloacétate Malate

Mitochondrie T
Alanine
PC Oxaloacétate Malate
Lactate Pyruvate
LDH
PDH
Cycle de Krebs

Figure 1. Voie métabolique des glucides. Le glucose est métabolisé en pyruvate par la glycolyse cytosolique, lui-même transporté dans la mitochondrie et
oxydé dans le cycle de Krebs. La néoglucogenèse permet la synthèse de glucose-6-phosphate (GLc-6-P) puis glucose à partir de certains acides aminés et le
lactate, par les enzymes PC, PEPCK, fructose-1,6-bisphosphatase (Fru-1,6-bis-P) et glucose-6-phosphatase (Glc-6-P’ase). Les enzymes de la glycolyse
permettent de fournir du glucose à partir du glycogène. Le galactose provenant du lactose de l’alimentation (lait et produits laitiers) est métabolisé à partir des
enzymes galactokinase, galactose-1-phosphate (Gal-1-P) uridyltransférase et UDP-galactose-4-épimerase. Le fructose provenant du sucrose de l’alimentation
(fruits, végétaux, produits sucrés) est métabolisé par la fructokinase, puis l’aldolase B. UDP-Gal : uridine diphosphate-galactose ; UDP-Glc : UDP-glucose ;
GALT : galactose-1-phosphate-uridyl transférase ; GLc-1-P : glucose-1-phosphate ; Fru-6-P : fructose-6-phosphate ; Fru-1-P : fructose-1-phosphate ; LDH :
lacticodéshydrogénase ; PC : pyruvate carboxylase ; PDH : pyruvate déshydrogénase ; PEPCK : phosphoénolpyruvate carboxykinase.

Glycogénose de type I la surproduction de purines et d’urate provoquant, en associa-


tion avec une résorption accrue d’acide urique au niveau du
Déficit en glucose-6-phosphatase (Glc-6-P’ase) ou maladie de tubule rénal, une hyperuricémie.
von Gierke.
Manifestations cliniques et biochimiques
Définition
Le diagnostic est porté dans les premiers jours ou les premiè-
Les déficits héréditaires en enzymes spécifiques de la néoglu- res semaines de vie devant des hypoglycémies et/ou un gros
cogenèse, en limitant la synthèse de glucose, provoquent des foie. En effet, à l’origine d’un déficit tant de la glycogénolyse
troubles dominés par une mauvaise tolérance au jeûne, respon- que de la néoglucogenèse, cette maladie se manifeste par des
sable d’hypoglycémies graves. Parmi ceux-ci, le déficit en hypoglycémies survenant pour un temps de jeûne très court qui
glucose-6-phosphatase est responsable de la glycogénose de ne dépasse habituellement pas 3 à 4 heures.
type I ou maladie de von Gierke, la plus fréquente. Le dysfonc- L’accumulation de glycogène dans le foie et les reins est
tionnement du système de la glucose-6-phosphatase, étape clé responsable d’une hépatomégalie sans splénomégalie, associée à
de la régulation de la glycémie, est dû au déficit soit de la sous- une néphromégalie.
unité catalytique de cette enzyme (type Ia), soit du transporteur Les malades présentent également un retard staturopondéral,
du glucose vers le microsome (type Ib). Il provoque alors une un faciès poupin et parfois une hypotonie.
accumulation de glucose-6-phosphate, provoquant à son tour Sur le plan biologique, les hypoglycémies s’accompagnent
une accumulation de glycogène dans le foie et les reins entraî- d’une hyperlactacidémie se majorant au jeûne (liée au déficit de
nant alors une hypoglycémie et une hyperlactacidémie. L’hypo- la néoglucogenèse associé), d’une hypertriglycéridémie et d’une
glycémie a un double mécanisme : la non-utilisation du hyperuricémie chronique.
glycogène et le déficit en néoglucogenèse ; ce dernier explique Outre les risques aigus liés aux hypoglycémies, la maladie
l’hyperlactacidémie en hypoglycémie. peut se compliquer à long terme d’adénomes hépatiques
L’accumulation de glucose-6-phosphate entraîne également apparaissant souvent dans la deuxième décade de la vie. Ces
une suractivation de la voie des pentoses-phosphates et donc adénomes peuvent se compliquer : compression des structures
une élévation de la production du ribose-5-phosphate, cause de de voisinage, hémorragie intra-adénomateuse et, rarement,

2 Endocrinologie-Nutrition
Anomalies héréditaires du métabolisme des glucides ¶ 10-364-A-10

hépatocarcinome. Tout cela implique une surveillance régulière glycogène. La libération de glucose-1-phosphate à partir du
par échographie et surtout imagerie par résonance magnétique glycogène hépatique peut se faire et produire du glucose à
(IRM) abdominale et un dosage régulier de l’alphafœtoprotéine distance des repas. La néoglucogenèse est fonctionnelle. Ces
plasmatique. enfants ont donc souvent un temps de jeûne plus long. Le
Une ostéopénie, voire une ostéoporose, sont fréquentes mais traitement répond aux mêmes principes mais moins stricts que
les mécanismes sont encore mal compris. dans la glycogénose de type I. La tolérance au jeûne plus longue
L’hyperuricémie peut entraîner des manifestations de goutte et souvent supérieure à 12 heures chez l’adulte, permet une nuit
et des lithiases rénales dès l’adolescence justifiant un traitement de jeûne physiologique, souvent avec une adjonction d’une
hypo-uricémiant précoce. prise de Maïzena® le soir avant le coucher. Il n’est pas nécessaire
À long terme, des complications rénales peuvent apparaître : de limiter l’apport de fructose et lactose car la néoglucogenèse
lithiases, néphrocalcinose, et surtout protéinurie, hypertension est fonctionnelle.
artérielle et insuffisance rénale, liée à une glomérulosclérose et Les manifestations myopathiques font la gravité de la mala-
une fibrose interstitielle progressive. Une microalbuminurie doit die ; elles s’aggravent avec le temps alors que la tendance
être recherchée très régulièrement. hypoglycémique s’améliore, avec une fatigabilité musculaire, et
Les anomalies de l’hémostase primaire sont fréquentes, à type des complications cardiaques à type de myocardiopathie et
d’allongement du temps de saignement. Elles peuvent entraîner troubles du rythme cardiaque [4].
des saignements répétés à type d’épistaxis. Elles doivent
impérativement être corrigées avant toute intervention chirur- Diagnostic
gicale, même « bénigne ».
Le diagnostic est porté devant des hypoglycémies au jeûne de
Une forme particulière de la maladie (type Ib) associe une
durée variable, souvent 8 à 10 heures, mais parfois 3 à 4 heures
neutropénie et parfois un dysfonctionnement des polynucléaires
chez le tout-petit, ne répondant pas au glucagon, une hépato-
neutrophiles qui peuvent être à l’origine d’infections bactérien-
mégalie, l’absence d’acidose lactique lors d’une hypoglycémie,
nes essentiellement cutanéomuqueuses (aphtes, gingivite
une hypercholestérolémie, l’augmentation des transaminases
chronique, furoncles, bartholinites) mais parfois plus sévères, et
sériques, d’origine hépatique et musculaire, l’augmentation des
d’une maladie inflammatoire du tube digestif ressemblant à une
créatines phosphokinases (CPK) sériques. Le diagnostic est
maladie de Crohn. Conséquences des gingivites chroniques, les
confirmé par le dosage enzymatique sur lymphocytes ou
problèmes dentaires sont également fréquents, souvent dès l’âge
fibroblastes (ou muscle). L’étude moléculaire est longue en
de 25 à 30 ans.
raison de la taille du gène (34 exons) [5].
Diagnostic
Clinique
Le diagnostic est porté devant l’association d’hypoglycémies
sévères au jeûne court ne répondant pas au glucagon (1 mg Hépatomégalie modérée, lisse et molle chez le petit enfant,
sous-cutané), une hépatomégalie lisse à bord inférieur mou, une pouvant devenir plus ferme chez l’adulte (fibrose possible),
hyperlactacidémie lors des hypoglycémies, une hypercholesté- parfois hypoglycémie ne répondant pas au glucagon et/ou
rolémie modérée, une hypertriglycéridémie, une hyperuricémie. atteinte musculaire avec hypotonie, rarement amyotrophie,
L’étude moléculaire du gène codant la Glc-6-P’ase (type Ia) ou atteinte cardiaque possible (à rechercher), à type de myocardio-
du gène G6PT (type Ib) permet dans la quasi-totalité des cas de pathie hypertrophique.
confirmer le diagnostic.
Traitement
Traitement
L’alimentation est normale avec quatre repas principaux et
Le traitement des glycogénoses est essentiellement diététique. parfois des collations, en privilégiant les sucres complexes. Il est
Le principe du régime est de proposer des apports réguliers de cependant recommandé d’enrichir l’alimentation en protéines
glucose sous forme de repas fréquents toutes les 2-3 heures pour favoriser la néoglucogenèse, surtout dans les formes
répartis dans la journée (il est indispensable de connaître la myopathiques [6].
tolérance au jeûne de chaque patient pour déterminer la L’introduction de Maïzena® peut être indispensable pour
fréquence des prises alimentaires) et une nutrition entérale à augmenter le temps de jeûne, voire une NEDC nocturne.
débit constant (NEDC) la nuit chez le petit enfant. Cette NEDC Il n’est pas nécessaire de limiter l’apport de fructose et
nocturne peut être mise en place à la naissance, pendant des lactose.
années, en fonction de la croissance et des paramètres de
surveillances cliniques biologiques.
Il est nécessaire d’introduire des glucides complexes (dits Autres glycogénoses
« d’absorption lente ») dans la ration alimentaire. Pour les La glycogénose de type IV (Andersen) est due à un déficit en
nourrissons et jeunes enfants, les repas sont enrichis en enzyme branchante [7]. L’atteinte hépatique sévère (cirrhose)
polymères de glucose/maltodextrine. révèle les formes typiques du type IV, mais il existe de nom-
La nutrition entérale peut être remplacée par de l’amidon cru breuses autres manifestations cliniques en particulier neuro-
de maïs (Maïzena®) donné le plus tard possible le soir et une musculaires comme dans le type III, parfois dès la vie fœtale.
fois dans la nuit, en fonction de la tolérance au jeûne de Une splénomégalie accompagne l’hépatomégalie. Un retard de
l’adolescent [2] . Elle est proposée à partir de l’âge de 12 à croissance et un retard mental peuvent s’y associer. L’évolution
18 mois afin de permettre de prolonger le jeûne de la journée. se fait, outre l’atteinte cardiaque (myocardiopathie), vers une
Son introduction dans l’alimentation doit se faire progressive- cirrhose, voire un hépatocarcinome. La transplantation hépati-
ment. Chez les adultes, il est conseillé de prendre une ou deux que permet de guérir l’atteinte hépatique. Son effet sur l’atteinte
collation(s) nocturne(s) en fonction de la tolérance au jeûne, cardiomusculaire est discuté.
comprenant une prise d’amidon de maïs cru (Maïzena®). Les autres glycogénoses, type VI (Hers) par déficit en phos-
Concernant le choix des autres glucides, il est recommandé phorylase hépatique, type IX par déficit en phosphorylase-b-
de restreindre les apports de lactose, fructose et saccharose. kinase, n’entraînent que des hypoglycémies modérées survenant
Il convient de pallier les carences alimentaires par des au jeûne long. Une hépatomégalie prononcée est présente et
compléments minéraux et vitaminiques sous forme de traite- souvent révélatrice de la maladie (type VI et IX) et les trans-
ments médicamenteux. aminases sont fréquemment élevées. Un retard de croissance et
La transplantation hépatique est rarement indiquée, sauf en une faiblesse musculaire sont associés au type V (déficit en
cas de complications hépatiques [3]. phosphorylase musculaire, sans aucune atteinte hépatique) et
type VII (déficit en phosphofructokinase, maladie de Tarui). Le
Glycogénoses type III traitement diététique est le plus souvent inutile du fait de la
Le bloc enzymatique, moins fréquent, concerne l’enzyme tolérance spontanée d’un jeûne prolongé, et seules des mesures
amylo-1,6-glucosidase qui est l’enzyme débranchante du de prudence en cas de jeûne prolongé sont à recommander.

Endocrinologie-Nutrition 3
10-364-A-10 ¶ Anomalies héréditaires du métabolisme des glucides

Glycogène synthase ou type 0 principale : la réduction du galactose en galactitol est essentiel-


lement le fait de l’aldose réductase présente dans de nombreux
L’enzyme déficiente est la glycogène synthase (GS), enzyme tissus ; l’oxydation du galactose en galactonate fait intervenir
qui catalyse la synthèse du glycogène à partir de l’uridine plusieurs étapes intermédiaires.
diphosphate (UDP)-glucose dans le foie, le muscle et les autres Le déficit en transférase entraîne l’accumulation de différents
tissus [8]. Le diagnostic se fait lors de l’espacement des repas dû métabolites dont le rôle toxique demeure discuté. L’accumula-
à l’absence de réserve de glycogène. Les hypoglycémies survien- tion du galactitol dans le cristallin est certainement responsable
nent vers 9-12 mois. par son action osmotique de la cataracte. L’accumulation de
Gal-1-P et les carences en phosphore et en adénosine triphos-
Diagnostic phate (ATP) expliqueraient les lésions hépatiques et rénales.
Hypoglycémie de jeûne court avec hypolactacidémie (néoglu-
cogenèse fonctionnelle), hyperglycémie avec hyperlactacidémie Déficit en galactose-1-phosphate-uridyl-
en période postprandiale (le glucose apporté par le repas ne
pouvant pas se transformer en glycogène, se transforme en
transférase
lactate), cétose parfois majeure. Ce profil glycémique s’accom- La maladie décrite sous le nom de galactosémie dite « classi-
pagne de l’absence d’hépatomégalie (ou discrète) : c’est la seule que » est due au déficit en GALT et comporte les manifestations
glycogénose hépatique qui ne s’accompagne pas d’un gros foie. cliniques à long terme les plus sévères, à savoir des troubles
neurologiques et endocriniens.
Traitement
Le temps de jeûne étant plus long entre les repas, seule une Manifestations cliniques
NEDC nocturne est donc parfois nécessaire ou une prise de La maladie se manifeste par une association syndromique :
Maïzena®. L’alimentation est normale dans la journée avec atteinte hépatique, tubulopathie, cataracte. La forme aiguë
quatre repas en privilégiant les sucres lents. typique de cette maladie se caractérise par une symptomatologie
habituellement précoce, dès le début de l’alimentation lactée
Diagnostics différentiels (1re semaine de vie), associant des signes digestifs (vomisse-
L’association d’une glycosurie et d’une cétonurie peut être ments, anorexie, diarrhée), des signes hépatiques (ictère,
confondue avec le diabète sucré de l’enfant ou avec une hépatomégalie, ascite, œdèmes, syndrome hémorragique) liés à
tubulopathie proximale. Dans les causes de glycosurie rénale, le une insuffisance hépatique et des infections souvent sévères et
déficit en GS peut être confondu avec le syndrome de Fanconi- précoces (Escherichia coli). Il existe également des formes
Bickel lié à une anomalie du transporteur GLUT2, qui associe d’évolution subaiguë, voire chronique avec un retard staturo-
une hépatomégalie, une hyperglycémie postprandiale et une pondéral, des troubles digestifs, un ictère persistant, une
hypoglycémie avec cétose. En revanche, dans le syndrome de hépatomégalie, un tableau de cirrhose précoce très évocateur à
Fanconi-Bickel, il n’existe pas d’hyperlactatémie postprandiale. cet âge, voire la découverte d’une cataracte. Exceptionnelle-
ment, la symptomatologie est neurologique : retard psychomo-
teur, hypertension intracrânienne avec œdème cérébral. Il peut
■ Anomalies héréditaires exister une hypoglycémie après une charge en galactose, mais
associée à des troubles digestifs.
du métabolisme du galactose Enfin, il existe des formes peu symptomatiques et révélées
chez l’adulte par des troubles neurologiques [12] et des troubles
La principale source alimentaire du galactose est le lactose, endocriniens affectant le système reproducteur.
disaccharide (glucose-galactose) du lait des mammifères qui,
après ingestion, est rapidement hydrolysé par la lactase intesti- Diagnostic
nale. Il existe aussi une synthèse endogène de galactose. Chez
l’homme, la principale voie métabolique du galactose est sa Il repose sur la mise en évidence de la surcharge en galactose
conversion hépatique en glucose, laquelle fait intervenir quatre et galactose-1-phosphate. Le diagnostic peut être rapidement
étapes enzymatiques principales : conforté par le dosage de l’activité enzymatique GALT, réalisé en
• la galactokinase transforme le galactose en galactose-1- parallèle, au niveau érythrocytaire. À l’heure actuelle, l’étude
phosphate (Gal-1-P). Cette réaction se fait préférentiellement moléculaire est effectuée d’emblée et permet de confirmer le
vers la phosphorylation ; diagnostic. Parfois le nouveau-né a dû subir, au regard de son
• la galactose-1-phosphate-uridyltransférase (GALT), en présence état clinique grave, une exsanguinotransfusion, rendant, si
d’uridine diphosphate glucose (UDP-Glc), transforme le aucun prélèvement n’a pu être conservé, le diagnostic impossi-
galactose-1-P en UDP-galactose ; ble chez le malade. On peut alors prélever les deux parents pour
• l’uridine diphosphate-galactose-4-épimérase isomérise l’UDP- une étude moléculaire, voire un dosage enzymatique sur
galactose en UDP-glucose ; érythrocytes (activité des hétérozygotes à 50 % des valeurs
• l’UDP-glucose peut ensuite rejoindre le métabolisme du normales).
glucose sous forme de glucose-1-phosphate, grâce à l’UDP-
Concernant le diagnostic biologique
glucose pyrophosphorylase.
Trois maladies sont dues à des erreurs innées du métabolisme L’évaluation de la présence de sucres réducteurs totaux dans
du galactose [9-11]. La maladie décrite sous le nom de « galacto- les urines (Clinitest®), et notamment de galactitol, doit être
sémie classique » est caractérisée par la déficience enzymatique complétée par un dosage spécifique du galactose. En pratique,
en GALT dans le métabolisme du galactose, qui donne lieu à on ne dose plus jamais le galactose dans les urines, la galacto-
l’accumulation de galactose-1-phosphate. Les déficits enzymati- surie peut être intermittente, et est rapidement corrigée après
ques en uridine diphosphate-galactose-4-épimérase et en l’exclusion du galactose de l’alimentation. Elle est non spécifi-
galactokinase sont moins fréquents mais entraînent aussi une que en cas d’insuffisance hépatocellulaire.
augmentation de la concentration plasmatique du galactose. Le Il existe une atteinte hépatique avec hyperbilirubinémie,
déficit en GALT à transmission récessive autosomique a une abaissement du fibrinogène et effondrement des différents
fréquence relativement élevée (entre 1/18 000 et 1/180 000 facteurs du complexe prothrombique. Les transaminases sont en
selon les ethnies ; en France, 10 à 12 nouveaux cas chaque règle générale modérément augmentées.
année) et bénéficie dans certains pays d’un dépistage néonatal Une atteinte tubulaire rénale est présente, qui peut se résumer
systématique, non effectué en France. à une hyperaminoacidurie. Le plus souvent il existe aussi une
La réversibilité des deux dernières réactions rend possible une acidose hyperchlorémique et une protéinurie.
synthèse endogène de galactose à partir du glucose. L’existence Des hypoglycémies postprandiales (pas uniquement liées à
de voies métaboliques secondaires explique la présence de l’atteinte hépatique) sont essentiellement rencontrées dans les
métabolites anormaux, notamment en cas de déficit sur la voie formes chroniques.

4 Endocrinologie-Nutrition
Anomalies héréditaires du métabolisme des glucides ¶ 10-364-A-10

Plus rarement, le syndrome hémorragique peut être majoré lactose puis par l’exclusion des aliments apportant du galactose.
par une anémie hémolytique. La source alimentaire principale du galactose est le lactose,
Une infection systémique à E. coli peut révéler la maladie. disaccharide (glucose-galactose) du lait des mammifères qui,
Il est très important de noter que toutes ces perturbations après ingestion, est rapidement hydrolysé par la lactase intesti-
biologiques (excepté l’infection à E. coli) se corrigent rapidement nale. Il faut donc supprimer le lait et tous ses dérivés et contre-
après exclusion du galactose de l’alimentation. indiquer l’allaitement maternel. D’autres aliments contiennent
L’atteinte hépatique peut être à l’origine d’une élévation du galactose libre, tels que certains fruits et légumes et l’œuf, et
plasmatique non spécifique de la phénylalanine, de la tyrosine du galactose sous forme de molécules plus complexes, telles que
et de la méthionine sur la chromatographie des acides aminés, les galactolipides (abats, jaune d’œuf), les oligosaccharides
ce qui peut faire discuter le diagnostic différentiel avec une comme le stachyose, le raffinose, le verbascose que l’on trouve
tyrosinémie de type I. dans des légumineuses (graine de soja) et certains légumes,
fruits et cacao.
Concernant le diagnostic enzymatique Pour le nourrisson, pendant la phase d’alimentation lactée
Le déficit en GALT est confirmé par le dosage de l’activité exclusive, la suppression du galactose de l’alimentation impose
enzymatique de la galactose-1-phosphate-uridyltransférase la prescription d’une formule 1er âge fortement délactosée dont
érythrocytaire. Le diagnostic est d’emblée conforté par les la teneur en galactose résiduel est inférieure à 5 mg pour
résultats du spot test semi-quantitatif. Une source de faux 100 kcal tels que Enfamil O-lac®, Nutramigen®, Prégestimil®.
négatifs est l’existence d’une transfusion récente. Il est alors L’exclusion totale est impossible du fait de la présence de très
possible de mesurer l’activité transférase chez les parents faibles quantités de galactose dans de nombreux aliments tels
hétérozygotes (activité diminuée chez les hétérozygotes). Dans que les fruits ou les légumes, les œufs, certains abats, le cacao,
tous les cas un dépistage positif doit être contrôlé immédiate- le soja. De plus, il existe des controverses concernant les listes
ment par un dosage enzymatique et une étude moléculaire (qui d’aliments permis entre les différents centres de référence du
souvent supplante l’enzymologie à ce jour). métabolisme. En effet, un régime très strict limitant le choix des
Dans la forme classique, le déficit enzymatique est complet et fruits et des légumes peut être prescrit. Il y a, à ce jour, deux
généralisé. Du fait du dépistage de masse effectué dans certains tables de compositions récentes publiées notifiant des teneurs
pays, de nombreux variants biochimiques, parfois asymptoma- en galactose contenues dans les aliments [13, 14].
tiques, dont le variant Duarte, ont été identifiés. Leur recon- Dès la diversification de l’alimentation la supplémentation en
naissance est nécessaire pour éviter un traitement abusif chez calcium devient indispensable. En effet, l’enfant consomme de
certains de ces sujets. moins en moins de lait délactosé, principale source de calcium.
La supplémentation en vitamine D doit être prescrite comme
Concernant le diagnostic moléculaire pour tous les enfants en bas âge.
La mutation Q188R est la mutation la plus fréquente (envi-
ron 57 %) dans toutes les ethnies. D’autres mutations ont été Traitement diététique de l’adolescent
identifiées, telles que les mutations S135L, Y209S et A320T, et et de l’adulte
sont retrouvées dans 7 % des cas. Certaines mutations sont De nombreux aliments interdits pendant l’enfance sont
spécifiques d’une population comme la mutation R148Q qui est introduits, sans ordre défini, dès l’adolescence en tenant compte
commune et retrouvée dans une population espagnole et des habitudes familiales et culturelles (produits à base de soja,
portugaise. œufs en plats protidiques, abats, fruits exotiques, légumes,
chocolat) tout en évitant de consommer les aliments contenant
Déficit en uridine diphosphate-galactose-4- des traces de galactose le même jour.
épimérase Le régime de l’adulte est un régime sans lait et ses dérivés à
vie. Il permet une vie sociale avec possibilité de manger au
Il peut être localisé aux globules rouges et aux leucocytes et restaurant ou dans d’autres modes de restauration collective.
être asymptomatique, ne nécessitant aucun traitement. Mais il Une supplémentation en calcium et vitamine D est à prévoir.
existe aussi un déficit généralisé qui est responsable de formes Le régime sans lactose-galactose nécessite une grande vigi-
très sévères de galactosémie. lance vis-à-vis des aliments industriels, ainsi que des excipients
Cette maladie associe deux formes distinctes : médicamenteux. Il est très important de comprendre les
• un déficit partiel : localisé aux globules rouges et aux leuco- informations nutritionnelles disponibles sur les étiquettes et de
cytes sans déficit hépatique. Il paraît être totalement asymp- lire avec attention la liste des ingrédients qui changent
tomatique et sans conséquence pour l’organisme, ne relevant régulièrement [15].
donc d’aucun traitement. Il se traduit uniquement par une Tolérance au galactose : actuellement il n’est pas possible de
accumulation de galactose-1-phosphate sans accumulation de connaître la quantité de galactose exogène tolérée par chaque
galactose ni élévation de la galactosémie ; patient et d’adapter de façon très spécifique son régime. Il est
• un déficit généralisé : il semble être à l’origine de formes probable que la tolérance augmente avec l’âge et que la produc-
cliniques très sévères et similaires aux formes néonatales du tion de galactose endogène diminue, permettant d’élargir le
déficit en transférase. Un régime sans galactose strict entraîne régime.
une amélioration des symptômes. Cependant, l’évolution se
fait inéluctablement vers un retard psychomoteur. Complications et surveillance du déficit
Déficit en galactokinase en GALT
La surveillance doit être régulière.
Le déficit en galactokinase entraîne l’accumulation de Diététique : éducation familiale, suivi du régime, repérer les
galactose sans accumulation de galactose-1-phosphate. Il est erreurs de régime (prévoir une consultation diététique annuelle),
responsable de cataractes précoces et isolées. Il bénéficie du prévention de la carence en calcium, etc.
régime sans galactose qui permet la régression complète des Biologique : dosage du Gal-1-P intraérythrocytaire qu’il faut
opacités cornéennes ou au mieux de les prévenir chez les sujets maintenir entre 3 et 5 mg pour 100 ml de sang. Il est difficile
dépistés dans une famille à risque. de descendre en dessous de 3 mg/100 ml de sang. Le dosage est
réalisé trois à quatre fois durant la première année de vie, puis
Traitement de la galactosémie classique une fois par an par la suite si la concentration reste inférieure à
et du déficit en uridine diphosphate- 5 mg/100 ml de sang. Il faut néanmoins savoir que la concen-
tration de Gal-1-P intraérythrocytaire reflète l’équilibre métabo-
galactose-4-épimérase lique des 48 heures qui précèdent le dosage.
Le traitement repose sur l’élimination du galactose de L’évolution est en principe favorable et l’éviction du galactose
l’alimentation, initialement grâce à des laits infantiles sans étant même un excellent test thérapeutique. Passé la phase

Endocrinologie-Nutrition 5
10-364-A-10 ¶ Anomalies héréditaires du métabolisme des glucides

aiguë, le régime strict permet en général la régression des signes


d’atteinte hépatique et rénale. La cataracte, si elle existe (elle est
■ Anomalies héréditaires
le plus souvent absente), peut régresser en 2-3 mois. du métabolisme du fructose
En cas de formes diagnostiquées tardivement, il faut surveiller
Le fructose est un hexose largement répandu dans de nom-
l’état hépatique avec plus d’attention à la recherche d’une
breux fruits et légumes, et dans le miel. Dans l’alimentation, il est
éventuelle cirrhose.
aussi apporté par le saccharose, disaccharide (glucose-fructose).
L’évolution initiale peut cependant être défavorable du fait de Le foie, l’intestin grêle et le rein possèdent l’équipement
la gravité du tableau initial ou de la survenue de complications, enzymatique nécessaire au métabolisme du fructose faisant
notamment des infections fulminantes à E. coli. Dans les formes intervenir quatre étapes enzymatiques :
avec insuffisance hépatocellulaire sévère, des mesures sympto- • la fructokinase catalyse de façon non spécifique la phospho-
matiques telles que la perfusion de plasma frais congelé ou rylation du fructose en fructose-1-phosphate (F1P) ;
l’exsanguinotransfusion peuvent être nécessaires. • la fructose aldolase clive le F1P en D-glycéraldéhyde (D-GAH)
En plus d’une surveillance biologique, des consultations de et dihydroxyacétone phosphate (DHAP). Elle catalyse aussi le
spécialistes sont effectuées ; il faut surveiller et prévenir le clivage du fructose-1,6-bisphosphate (F1-6diP), important
développement d’une ostéopénie, voire d’une ostéoporose, car intermédiaire de la glycolyse et de la néoglucogenèse. Trois
les risques sont accrus par le régime (carencé en calcium), isoenzymes tissu-spécifiques sont connues : les aldolases A
l’hypogonadisme hypergonadotrophique ; faire une surveillance (muscle, globules rouges, fibroblastes, foie fœtal), B (foie,
gynécologique avec prescription d’un traitement substitutif intestin grêle, rein) et C (cerveau) ;
hormonal, une surveillance ophtalmologique annuelle afin de • la triosekinase phosphoryle le D-GAH en D-GAH-3-phosphate
prévenir l’apparition d’une cataracte (examen à la lampe à et permet l’utilisation de ce triose par le système glycolyse-
fente), et un soutien éducatif, scolaire, en orthophonie. néoglucogenèse ;
En effet, si le régime est très efficace sur la disparition des • la fructose-1,6-bisphosphatase, enzyme de la néoglucogenèse,
signes digestifs, hépatiques, rénaux et/ou oculaires, avec un interfère avec ce métabolisme. Elle catalyse le clivage du
pronostic en partie lié à sa précocité de mise en route, l’évolu- F1-6diP en F6P et P-ion, étape indispensable à l’entrée du
tion à long terme montre des résultats médiocres au plan du fructose dans la néoglucogenèse.
développement mental avec des quotients intellectuels (QI) Trois maladies sont liées à des erreurs innées du métabolisme
inférieurs aux normes dans toutes les séries [12, 16-18]. Schémati- du fructose :
quement, à l’âge de 12 ans, environ 80 % des malades ont un • l’intolérance héréditaire au fructose, liée au déficit en aldolase
QI inférieur à 80. L’évolution neuropsychologique de ces B, est d’expression clinique essentiellement hépatique ;
patients ne paraît corrélée ni à la précocité du régime ni à la • la fructosurie essentielle, due au déficit en fructokinase, est
asymptomatique ;
concentration intraérythrocytaire du galactose-1-phosphate. Le
• le déficit en fructose-1,6-bisphosphatase est une anomalie de
quotient intellectuel diminue progressivement avec l’âge, plus
la néoglucogenèse à l’origine d’accès d’hypoglycémie de jeûne
de la moitié des patients présentent des signes de dyspraxie
avec hyperlactacidémie (cf. infra).
verbale, de perturbation visiospatiale et du schéma corporel.
Certains présentent une microcéphalie. Des atteintes neurologi-
ques (ataxie, syndrome cérébelleux, apraxie, voire crises convul- Intolérance héréditaire au fructose
sives) peuvent également apparaître tardivement. En raison de ou fructosémie classique
la carence possible en UDP-galactose, métabolite indispensable Il s’agit du déficit en aldolase B.
à la synthèse endogène des galactoprotéines et galactolipides
présents notamment dans les cérébrosides cérébraux, certains Physiopathogénie
auteurs avaient préconisé une supplémentation en uridine qui
Les effets délétères du fructose sont liés à l’accumulation F1P
n’a pas montré d’efficacité. L’existence d’une synthèse endogène
associée à une carence en ATP et phosphate inorganique (Pi).
de galactose pourrait aussi expliquer l’inefficacité partielle du
L’accumulation de F1P au niveau intestinal serait directement
régime d’exclusion du galactose en rendant possible une
responsable des nausées et vomissements. La déplétion en ATP
intoxication endogène progressive expliquant la dégradation
peut, par ses effets sur la synthèse des protéines, expliquer
neurologique progressive constatée chez certains patients. Le
l’hyperaminoacidémie, la diminution des facteurs de coagula-
Gal-1-P intraérythrocytaire pourrait enfin inhiber d’autres tion et les autres signes d’insuffisance hépatique. Les perturba-
enzymes et expliquer le retard mental. tions complexes de la fonction rénale, ressemblant à un
Chez les filles, un hypogonadisme hypergonadotrophique est syndrome de De Toni-Debré-Fanconi, seraient provoquées par la
également fréquent et doit être recherché et traité à partir de carence rénale en ATP. L’effet hyperuricémiant résulte de la
l’âge de 10 ans [19, 20]. La physiopathogénie de ces complica- dégradation des nucléotides en adénosine. Le fructose, sucre
tions à long terme est encore mal connue. L’existence d’une non insulinosécréteur, est sans effet sur l’activation de la
altération structurale des isoformes de la follicle stimulating pyruvate déshydrogénase (PDH), enzyme permettant l’entrée du
hormone (FSH) plasmatique, caractérisée par une déficience en lactate, via le pyruvate, dans le cycle de Krebs, d’où l’hyperlac-
galactose et en acide sialique, serait responsable de l’hypogona- tacidémie induite par le fructose (y compris, à fortes doses, chez
disme. Une élévation précoce des gonadotrophines est un le sujet normal). L’élévation de la magnésémie est probablement
indicateur prédictif de l’apparition de l’insuffisance ovarienne. liée à la carence en ATP qui est un puissant chélateur du
La FSH est élevée précocement, mais fluctuante en fonction du magnésium. L’acidose métabolique est due à la combinaison
cycle ou des traitements substitutifs. La puberté est cependant d’une acidose lactique, de loin la plus importante, et d’une
en général spontanée. Cinquante grossesses spontanées ou sous acidose tubulaire proximale rénale.
traitement estroprogestatif non contraceptif ont été rapportées Le mécanisme de l’hypoglycémie induit par le fructose associe
entre 1971 et 2007, survenues après des périodes d’aménorrhée, une diminution de la néoglucogenèse et un blocage de la
chez des femmes en moyenne très jeunes. Si ces femmes glycogénolyse mis en évidence par l’incapacité du glucagon à
galactosémiques sont enceintes, l’hypogonadisme étant le plus corriger l’hypoglycémie.
souvent à l’origine d’une anovulation, il faut poursuivre le
régime de façon très stricte du fait de la possible intoxication du Présentation clinique
fœtus par le Gal-1-P. Le déficit en aldolase B (incidence : 1/30 000) est une maladie
Chez les hétérozygotes, outre le conseil génétique, la surve- à transmission autosomique récessive qui se manifeste habituel-
nue potentielle de cataractes fait préconiser une surveillance lement dès la petite enfance par des signes digestifs (vomisse-
ophtalmologique. Des cataractes d’aggravation particulièrement ments importants ; ils sont constants et souvent au premier
rapide ont été rapportées notamment durant la grossesse et la plan, alors que l’appétit est encore relativement conservé), des
période d’allaitement chez des femmes hétérozygotes. manifestations postprandiales (à type de malaises avec sueurs,

6 Endocrinologie-Nutrition
Anomalies héréditaires du métabolisme des glucides ¶ 10-364-A-10

pâleur, tremblements, nausées, troubles de conscience allant de La suspicion diagnostique est renforcée lorsque l’enquête
la somnolence jusqu’au coma, et parfois des convulsions), des nutritionnelle minutieuse trouve un lien entre l’apparition des
signes d’insuffisance hépatocellulaire (ictère, syndrome hémor- symptômes et la consommation de fructose.
ragique, œdèmes, ascite, etc.) associés à une hépatomégalie. L’existence d’une melliturie (fructosurie et/ou glycosurie) est
L’utilisation de laits sucrés au glucose a retardé l’âge d’appari- un élément majeur du diagnostic qui peut cependant avoir
tion des symptômes qui débutent maintenant lors de l’intro- disparu si le dosage est fait à distance d’une prise de fructose.
duction de fruits, jus de fruits, légumes et produits laitiers sucrés Dès que le diagnostic est suspecté, l’exclusion du fructose
au saccharose, c’est-à-dire vers l’âge de 5-6 mois. Rappelons que s’impose et constitue un véritable test diagnostique : en
le lait de mère ne contient pas de fructose. quelques heures, vomissements et signes hémorragiques dispa-
Ces signes, bien que non spécifiques, doivent d’emblée faire raissent ; en quelques jours, troubles de l’hémostase et signes
proscrire tout apport de fructose chez le patient. L’hépatoméga- d’atteinte tubulaire rénale se corrigent. Les nourrissons récupè-
lie associée aux signes digestifs et d’hypoglycémies oriente le rent plus lentement que les enfants.
diagnostic. Des épisodes d’hypoglycémies, un état de choc Le diagnostic est actuellement le plus souvent confirmé par
les études moléculaires qui recherchent les mutations les plus
brutal, des surinfections fréquentes, la constitution progressive
fréquentes du gène de l’aldolase B. Deux mutations ponctuelles
d’une insuffisance hépatique et d’une insuffisance rénale
(A149P et A174D) représentent plus de 80 % des mutations
peuvent menacer la vie de l’enfant.
rencontrées dans les populations européennes. Il est également
Il existe des formes plus subaiguës, voire chroniques, et il possible d’effectuer le séquençage du gène. Ce n’est donc plus
n’est pas rare que certains patients ayant spontanément déve- que dans des situations exceptionnelles qu’est encore discutée
loppé un régime autolimité en fructose demeurent relativement l’indication du dosage de l’aldolase B sur biopsie de foie.
asymptomatiques. Ils présentent des vomissements itératifs,
distension abdominale avec discrète hépatomégalie, anorexie ou Traitement
simple dégoût sélectif pour les aliments sucrés, diarrhée hydri-
Le traitement repose sur l’éviction complète et définitive du
que, stagnation pondérale, accès de pâleur, de pleurs, irritabilité,
fructose de l’alimentation, à vie. Le fructose est un hexose
fièvre inexpliquée, éruptions non spécifiques, apathie, somno-
largement répandu, présent dans tous les fruits et légumes, et
lence, tremblements ou mouvements anormaux. Un ictère avec
dans le miel. Il est aussi apporté par le saccharose, disaccharide
ou sans selles décolorées peut être observé. L’hépatomégalie est (glucose-fructose). Du fait de leur pouvoir sucrant, fructose et
constante, une splénomégalie est plus rare. Parfois l’enfant n’est saccharose figurent dans de nombreuses préparations industriel-
vu qu’à l’âge scolaire devant un retard de croissance, des les. Le sorbitol administré par voie intraveineuse est converti en
troubles du comportement, un ballonnement abdominal avec fructose grâce à la sorbitol déshydrogénase, alors qu’il échappe
gros foie pouvant évoquer une maladie de surcharge. D’autres en grande partie à l’absorption intestinale, il est donc
patients suivant un régime autolimité en fructose demeurent contre-indiqué.
asymptomatiques jusqu’à l’âge adulte. Une supplémentation en vitamine C médicamenteuse sous
Tous les symptômes régressent rapidement après l’élimination une forme dépourvue de fructose est nécessaire car la limitation
du fructose de l’alimentation ou après une perfusion intravei- des fruits et légumes entraîne la carence du régime.
neuse n’apportant que du glucose si l’enfant n’est pas capable Toute prescription de médicaments ne doit être faite qu’après
de s’alimenter et/ou si la symptomatologie est sévère. vérification de la nature des excipients (absence de fructose,
saccharose, sorbitol et mannitol pour les formes intraveineuses).
Présentation biochimique et diagnostic Dans les formes sévères avec insuffisance hépatocellulaire
grave, outre l’arrêt alimentaire et une perfusion de glucose, des
Signes non spécifiques
mesures symptomatiques telles que perfusion de plasma frais
On note des signes non spécifiques d’atteinte hépatique, congelé ou exsanguinotransfusion peuvent atténuer les troubles
d’atteinte tubulaire rénale et de dysfonctionnement du métabo- de coagulation.
lisme intermédiaire. Le fructose est retrouvé dans un grand nombre d’aliments (cf.
L’atteinte hépatique se manifeste par une élévation des Consensus diététique de 1998-1999 de la Société française pour
transaminases en règle modérée, avec hyperbilirubinémie, l’étude des erreurs innées du métabolisme [SFEIM]) :
abaissement des facteurs du complexe prothrombique et du • tous les fruits : fruits oléagineux, secs, au sirop, frais, en jus,
fibrinogène, et hypoalbuminémie modérée. Un syndrome de les compotes, les petits pots de fruits ;
coagulation intravasculaire peut être observé. Comme dans • tous les légumes contenant plus de 1,5 g de fructose/100 g
toute hépatopathie métabolique, une élévation non spécifique sont exclus : artichaut, betterave, carotte, chou blanc, chou
de la phénylalaninémie, de la méthioninémie et de la tyrosiné- rave, citrouille, maïs en boîte, navet, oignon, patate douce,
mie peut évoquer le diagnostic différentiel de tyrosinémie de poireau, topinambour, légumes secs ;
type I qui est éliminé par le dosage de la succinylacétone. • jusqu’à 2 ans, on autorise 100 g de légumes à moins de 0,5 g
L’atteinte rénale est une tubulopathie avec acidose métaboli- de fructose/100 g/j : avocat, bette poirée, cèpe, champignons
cultivés, chanterelle, chou de chine, chou navet, endive,
que, hyperchlorémie, hypokaliémie, hypophosphorémie, hyper-
épinard, laitue, mâche, pomme de terre ancienne, pousse de
magnésémie. Dans les urines, on retrouve une hyperamino-
bambou, taro. Pour les légumes contenant entre 0,5 et 1,5 g
acidurie, une protéinurie, une augmentation de l’excrétion
de fructose/100 g (c’est-à-dire les autres), on autorise 50 g à
urinaire de bicarbonates et de phosphates.
partir de 2 ans puis 100 g entre 6 et 10 ans et plus après
Le dysfonctionnement du métabolisme intermédiaire se selon la tolérance ;
traduit par une hyperlactacidémie et lactaturie, une hyperuricé- • le fructose et le sucre ordinaire (saccharose), le sucre de
mie et uraturie. Des hypoglycémies postprandiales ne sont en betterave, de canne, d’érable, le miel, les bonbons, confitures,
fait notées que dans une minorité de cas. Classiquement le nougat, les pâtes de fruits, la crème de marron, la marme-
considérées comme un signe majeur, elles sont souvent de lade, les chocolats, les poudres chocolatées, les glaces, sorbets
courte durée, suivant inconstamment les ingestions de fructose, et entremets du commerce, les biscuits ;
et échappent aisément à leur diagnostic. • les limonades, sodas, cidre, bière, sirop de fruits, le sucrose,
Des signes hématologiques non spécifiques sont souvent les eaux aromatisés et sucrées ;
notés et sont parfois au premier plan : anémie, thrombopénie, • les médicaments sucrés : sirops, granulés, dragées ;
parfois présence d’acanthocytes, et peuvent s’ajouter aux • les laits sucrés (liquides, en poudre, concentrés, aromatisés
troubles de l’hémostase. [chocolat, fraise, vanille]), les laitages sucrés, aux fruits,
aromatisés, les laitages au soja ;
Signes spécifiques
• tous les laits infantiles contenant des prébiotiques car entre
Le diagnostic peut être cliniquement difficile du fait de la autres prébiotiques autorisés, il y a les fructo-oligo-saccharides
diversité des symptômes, qui sont eux-mêmes non spécifiques. (FOS) ;

Endocrinologie-Nutrition 7
10-364-A-10 ¶ Anomalies héréditaires du métabolisme des glucides

• HN 25®, lait de croissance, Galactomin 19®, solutions de habituels. Les accès d’hypoglycémie se caractérisent par : la
réhydratation pour nourrisson sauf Fanolyte®. Vérifier la survenue à jeun, l’acidose lactique concomitante, l’absence de
composition des laits « 2 » car certains peuvent contenir du cétose ou une cétonurie modérée, l’existence d’une hépatomé-
fructose ; galie modérée, en règle associée à des signes modérés d’insuffi-
• les charcuteries dont la composition n’est pas connue : sance hépatocellulaire, la correction rapide de l’hypoglycémie et
jambons, saucisses, boudins blancs, noirs, saucissons, pâtés, de l’acidose sous perfusion continue de glucose.
etc., les viandes panées ou en conserve, les poissons panés ou Les premiers accès chez le nouveau-né sont rapidement
frits du commerce, les bâtonnets de crabe (5 % de saccha- réversibles. Par la suite, les hypoglycémies sont déclenchées par
rose), les plats cuisinés à base de poisson, les quenelles, abats ; un jeûne (de 12 à 16 heures) ou précipitées lors d’une infection
• les céréales complètes de seigle, blé, riz, orge, soja, pâtes fébrile. L’hépatomégalie régresse entre les accès. Le développe-
complètes, chapelure, germes de blé, Ebly®, Floraline®, tous ment staturopondéral et mental est normal. Cependant, à
les pains complets ou aux céréales et biscottes, tous les chaque accès, l’évolution peut devenir dramatique : hyperven-
produits de viennoiserie, de pâtisserie ; tilation, agitation, convulsions, coma, arrêts cardiorespiratoires
• les condiments sucrés, le ketchup, la sauce soja. peuvent survenir du fait de l’acidose profonde avec hyperlacta-
Lire attentivement les listes d’ingrédients sur les emballages cidémie et hypoglycémie.
des aliments industriels. Ces accès d’acidose sévère peuvent aussi être provoqués par
l’ingestion de fructose.
Évolution Les perturbations du bilan hépatique sont modérées. La
Une fois la phase aiguë passée et au prix d’un régime correc- fonction tubulaire rénale et la coagulation sanguine sont
tement suivi, l’évolution est sans incident, le développement normales.
intellectuel et staturopondéral est normal. Une hépatomégalie
modérée peut persister pendant plusieurs mois, voire plusieurs Diagnostic
années. Le déficit en fructose-1,6-bisphosphatase doit être suspecté
Dans la fratrie d’un enfant atteint, les nouveau-nés à risque chez tout enfant présentant une hypoglycémie à gros foie
doivent être soumis à un régime sans fructose dès la naissance, déclenchée par un jeûne prolongé ou une infection fébrile. Le
jusqu’à confirmation du caractère atteint ou sain par l’étude diagnostic peut être confirmé par les explorations fonctionnel-
moléculaire. les. Lors d’une épreuve de jeûne, effectuée sous surveillance
rigoureuse, la chute de la glycémie est associée à une élévation
Fructosurie essentielle progressive de la lactacidémie et de l’alaninémie. L’hépatomé-
galie régresse après l’épisode aigu.
Le déficit en fructokinase hépatique (fréquence 1/130 000) est
Le diagnostic de certitude est établi par la démonstration du
à transmission récessive autosomique. Il entraîne une accumu-
déficit enzymatique dans les leucocytes périphériques et par la
lation de fructose sans accumulation de F1P. Ces sujets asymp-
biologie moléculaire.
tomatiques sont découverts lors d’examens urinaires de routine
mettant en évidence la présence de sucres réducteurs et posent
Traitement et pronostic
essentiellement le problème du diagnostic différentiel avec un
diabète. La fructosurie est confirmée par une chromatographie Le traitement des accès aigus consiste en la correction des
des sucres. Elle est variable selon l’horaire et la quantité de hypoglycémies (et de l’acidose) par perfusion intraveineuse de
fructose absorbée. Une charge orale en fructose (1 g/kg) provo- glucose qui est rapidement efficace. Par la suite, la contre-
querait une augmentation anormale de la fructosémie et un indication du jeûne évite d’autres épisodes. La tolérance au
retour retardé (> 6 h) à la normale. Glycémie, lactate, pyruvate jeûne semble augmenter avec l’âge.
et uricémie sont peu modifiés. L’excrétion urinaire de fructose L’acidose peut être telle qu’il faille la traiter, mais toujours
est également augmentée. Ces résultats témoignent d’une après avoir corrigé l’hypokaliémie (calcul de la kaliémie
utilisation ralentie du fructose. corrigée).
Il n’y a pas de traitement (sujets asymptomatiques). Fructose et saccharose doivent être exclus (cf. la liste des
interdits pour l’intolérance héréditaire au fructose). Ce régime
risque d’entraîner une carence en vitamine C, il faut prévoir
■ Anomalies héréditaires une supplémentation médicamenteuse et s’assurer de l’équilibre
alimentaire. Néanmoins, le degré d’intolérance au fructose peut
de la néoglucogénèse varier considérablement d’un patient à l’autre, mais aussi dans
La néoglucogenèse permet la néoformation de glucose à le temps chez un même individu. Ces patients ne développent
partir de précurseurs non glucidiques (pyruvate, lactate, glycérol, pas d’aversion pour les aliments sucrés.
certains acides aminés glucoformateurs comme l’alanine) dans Il faut limiter le jeûne nocturne chez le grand nourrisson et
le foie et le rein. Elle constitue ainsi la voie métabolique le petit enfant par la prise de biberons + céréales au cours de la
essentielle au maintien de la glycémie au jeûne, avec l’oxyda- nuit le plus longtemps possible. Il peut être nécessaire d’intro-
tion des acides gras. duire une prise de Maïzena® (1 à 2 g/kg) avant le coucher chez
l’enfant après 2 ans et parfois le matin si l’enfant a un petit
appétit. Le fractionnement alimentaire se fait en fonction de
Déficit en fructose-1,6-bisphosphatase l’équilibre biochimique de l’enfant, à savoir pas d’hypoglycémie
Le fructose-1,6-bisphosphatase clive le fructose-1,6- ni d’épisode d’acidose.
diphosphate en fructose-6-phosphate et phosphate inorganique. Une fois le diagnostic établi et la tolérance au jeûne détermi-
Son déficit est une anomalie rare dont une centaine de cas a été née, l’évolution est rapidement favorable, l’hépatomégalie
rapportée chez l’enfant [21-23]. Il s’agit d’une des enzymes clés de régresse, croissance staturopondérale et développement psycho-
la néoglucogenèse. moteur sont normaux. Les rechutes lors d’infections fébriles
sont aisément prévenues ou contrôlées par le glucose intravei-
Manifestations cliniques neux, seul ou en association avec du bicarbonate de sodium.
Le déficit en fructose-1,6-bisphosphatase est un trouble sévère
de la néoglucogenèse à l’origine d’accès hypoglycémiques aigus Déficit en phosphoénolpyruvate
survenant au jeûne et mettant en jeu le pronostic vital chez des carboxykinase
nouveau-nés et nourrissons. La symptomatologie débute soit dès
la période néonatale, soit plus tardivement mais en général Le déficit en phosphoénolpyruvate carboxykinase, ou PEPCK,
avant l’âge de 2 ans. enzyme mitochondriale et cytosolique, transforme l’oxaloacétate
Chez le nouveau-né, malaise hypoglycémique et accès d’aci- en phosphoénolpyruvate. Peu de patients sont connus [24, 25]. Le
dose métabolique sont les symptômes révélateurs les plus tableau clinique est celui d’une hypoglycémie de jeûne avec

8 Endocrinologie-Nutrition
Anomalies héréditaires du métabolisme des glucides ¶ 10-364-A-10

hyperlactacidémie, une hypotonie, un retard psychomoteur, des Un nouveau traitement par triheptanoïne (TH), déjà utilisé
troubles digestifs, une hépatomégalie, une macroglossie, une dans les déficits de l’oxydation des acides gras à chaîne longue,
cétose sans rapport avec l’hypoglycémie, une hyperlactacidémie, permet l’apport d’acétyl-CoA et de succinate pour faire fonc-
une augmentation de l’alanine, une hyperlipidémie. Une tionner le cycle de Krebs [29]. Ce médicament, associé à l’admi-
myocardiopathie est possible. nistration de citrate (autre traitement anaplérotique), a permis
Le test au glucagon ou les charges en galactose ou fructose d’équilibrer de façon fantastique mais transitoire la situation
(non utilisées aujourd’hui) entraînent une élévation de la métabolique chez un enfant avec un déficit en PC néonatal [30].
glycémie alors que la perfusion de lactate ou d’alanine est sans Cependant, ce traitement est difficile à obtenir et le patient qui
effet sur la glycémie, et aggrave l’hyperlactacidémie, orientant en a bénéficié est décédé.
vers le diagnostic de déficit en PEPCK (mitochondrial pour la
charge en lactate et cytosolique pour la charge en alanine). En
effet, la PEPCK existe sous la forme de deux isoenzymes, ■ Anomalies héréditaires
cytosolique et mitochondriale, et un déficit des deux isoformes
a été rapporté. Le dosage enzymatique est délicat, rendant de la glycolyse
difficile ce diagnostic.
La glycolyse met en jeu de multiples étapes enzymatiques. Les
Cette enzyme est stimulée par le glucagon et inhibée par
nombreux déficits enzymatiques correspondants ne peuvent être
l’insuline.
détaillés ici. Le déficit en glucokinase est une cause de diabète
Le traitement consiste à la phase aiguë en la perfusion de
non insulinodépendant de l’enfant (maturity onset diabetes of the
bicarbonates et glucose ; en phase chronique, le traitement
young [MODY]). Les déficits en hexokinase, en phosphofructo-
repose sur un régime assurant un apport régulier de glucose,
kinase érythrocytaire, en fructose-1,6-bisphosphate aldolase, et
associé à la prévention du jeûne et des situations de catabo-
en pyruvate kinase sont des causes d’anémie hémolytique. Le
lisme, et en la limitation des substrats néoglucoformateurs
déficit en phosphofructokinase musculaire a été décrit avec les
(diminution des graisses : 20-25 %, diminution des protéines :
glycogénoses. Le déficit en triose phosphate isomérase provoque
10 %), pour ne pas accumuler le lactate.
une cardiopathie avec myopathie, anémie hémolytique et
encéphalopathie. Le déficit en phosphoglycérate kinase entraîne
Déficit en pyruvate carboxylase une anémie hémolytique avec myopathie et retard mental.
La PC, enzyme mitochondriale biotine-dépendante, trans-
forme le pyruvate en oxaloacétate, qui participe au cycle de
Krebs. La PC aussi est une enzyme de la néoglucogenèse. Elle est ■ Conclusion
activée en période de jeûne.
Les anomalies héréditaires du métabolisme des glucides
corrrespondent à un large spectre de maladies métaboliques,
Présentations cliniques
énergétiques et d’intoxication. Elles sont le plus souvent
On connaît deux présentations cliniques du déficit en PC [26-28] : traitables alors que non traitées elles entraînent des complica-
• une forme néonatale : détresse néonatale sévère avec acidose tions sévères, voire le décès.
lactique majeure, hypo- ou hypertonie, coma, parfois convul- .

sions, parfois hypoglycémie, parfois insuffisance hépatique ;


• une forme du nourrisson révélée par un retard des acquisi- ■ Références
tions et une hyperlactacidémie pouvant être à l’origine de
décompensations aiguës par acidose, à l’occasion d’une [1] Fernandes J, Saudubray JM, Van den Berghe G. Inborn metabolic
infection intercurrente ou d’un jeûne. Une microcéphalie, des diseases: diagnosis and treatment. Berlin: Springer-Verlag; 2001.
convulsions, une spasticité, des troubles de conscience sont [2] Correia CE, Bhattacharya K, Lee PJ, Shuster JJ, Theriaque DW,
fréquents. L’évolution se fait vers un retard mental. Shankar MN, et al. Use of modified cornstarch therapy to extend fasting
in glycogen storage disease types Ia and Ib. Am J Clin Nutr 2008;88:
1272-6.
Diagnostic [3] Reddy SK, Austin SL, Spencer-Manzon M, Koeberl DD, Clary BM,
Le diagnostic doit être systématiquement évoqué devant Desai DM, et al. Liver transplantation for glycogen storage disease type
toute hyperlactacidémie permanente, sans hyperpyruvicémie Ia. J Hepatol 2009;51:483-90.
(rapport lactate/pyruvtate élevé > 20). Il existe une cétose. En [4] Dai YJ, Chen L, Guo YP, Ren HT, Zhao YH, Wei M, et al. Clinical and
période néonatale, la cétose est importante, avec un rapport pathological features of glycogen storage disease type III. Zhonghua Yi
3-OH butyrate/acétoacétate bas inférieur à 1 (contrairement au Xue Za Zhi 2009;89:1064-6.
déficit de la chaîne respiratoire mitochondriale). La chromato- [5] Cheng A, Zhang M, Okubo M, Omichi K, Saltiel AR. Distinct muta-
graphie des acides aminés (CAA) plasmatique est spécifique avec tions in the glycogen debranching enzyme found in glycogen storage
une hypercitrullinémie et une hypoglutaminémie. Chez le disease type III lead to impairment in diverse cellular functions. Hum
Mol Genet 2009;18:2045-52.
nourrisson, les caractéristiques du point Redox (notamment le
[6] Dagli AI, Zori RT, McCune H, Ivsic T, Maisenbacher MK,
ratio des corps cétoniques) et de la CAA peuvent manquer.
Weinstein DA. Reversal of glycogen storage disease type IIIa-related
Aussi, le dosage de la PC sur fibroblastes ou lymphocytes doit-il cardiomyopathy with modification of diet. J Inherit Metab Dis. 2009
être quasi systématique en cas d’hyperlactacidémie permanente Mar30 [Epub ahead of print].
avec un rapport lactate/pyruvate élevé. L’étude moléculaire est [7] Jimenez-Mallebrera C, Nascimento A, Cusi V, Corbera JR,
facilement réalisable, après le diagnostic enzymatique. Rolland MO, Froissart R, et al. Glycogen branching enzyme deficiency
in an infant with severe congenital hypotonia: an emerging diagnosis of
Traitement muscle weakness in the perinatal period. Histopathology 2009;54:
La biotine (vitamine B8) est prescrite en tant que cofacteur de 765-8.
[8] Van den Berghe G. Disorders of gluconeogenesis. J Inherit Metab Dis
la PC (10 mg/j par voie orale). L’administration de citrate est
1996;19:470-7.
recommandée car elle permet de compenser l’acidose et de
[9] Cuthbert C, Klapper H, Elsas L. Diagnosis of inherited disorders of
mieux faire fonctionner le cycle de Krebs (substrat du cycle de galactose metabolism. Curr Protoc Hum Genet 2008;17:Unit17.5.
Krebs, ou anaplérotique). [10] Schadewaldt P, Kamalanathan L, Hammen HW, Wendel U. Age
Dans les formes néonatales, l’entrée des glucides dans le cycle dependence of endogenous galactose formation in Q188R homozygous
de Krebs ne peut pas se faire du fait du déficit, il est donc galactosemic patients. Mol Genet Metab 2004;81:31-44.
important de fournir 60 % des apports énergétiques conseillés [11] Bosch AM, Bakker HD, Wenniger-Prick LJ, Wanders RJ, Wijburg FA.
(AEC) sous forme de lipides. High tolerance for oral galactose in classical galactosaemia: dietary
Dans les formes tardives, le jeûne prolongé est à proscrire implications. Arch Dis Child 2004;89:1034-6.
puisqu’il sollicite l’enzyme PC. On préfère activer la PDH en [12] Shah PA, Kuchhai FA. Galactosemia with chorea: an unusual
proposant l’administration de Maïzena® crue le soir au coucher. presentation. Indian J Pediatr 2009;76:97-8.

Endocrinologie-Nutrition 9
10-364-A-10 ¶ Anomalies héréditaires du métabolisme des glucides

[13] Souci W, Fachmann W, Fraut H. Food Composition and nutrition [23] Guery MJ, Douillard C, Marcelli-Tourvieille S, Dobbelaere D,
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the aldolase B gene in a large patients cohort from France-identification biochemical response to anaplerotic diet therapy. Mol Genet Metab
of eight new mutations. Mol Genet Metab 2008;94:443-7. 2005;84:305-12.

P. de Lonlay, Professeur des Universités, praticien hospitalier.


S. Dubois, diététicienne.
Centre de référence des maladies métaboliques de l’enfant et l’adulte, Hôpital Necker Enfants-Malades, 149, rue de Sèvres, 75743 Paris cedex 15, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : de Lonlay P., Dubois S. Anomalies héréditaires du métabolisme des glucides. EMC (Elsevier Masson SAS,
Paris), Endocrinologie-Nutrition, 10-364-A-10, 2011.

Disponibles sur www.em-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

10 Endocrinologie-Nutrition
¶ 10-364-E-10

Hypoglycémies de l’adulte
J. Bertherat

L’hypoglycémie correspond à une baisse anormale du taux sanguin de glucose dont les causes peuvent
être multiples. Les hypoglycémies sont responsables d’une symptomatologie polymorphe et variable
comportant des signes adrénergiques et de neuroglucopénie. L’analyse de ces symptômes et leurs
circonstances sont un élément-clé pour évoquer le diagnostic d’hypoglycémie. Les causes d’hypoglycémie
sont multiples et diverses. Les médicaments (en particulier les thérapeutiques du diabète sucré : insuline
et sulfamides) et les toxiques (alcool) sont le plus fréquemment incriminés. Le diagnostic et la conduite à
tenir chez un patient présentant une hypoglycémie médicamenteuse sont souvent faciles à déterminer.
Les causes endocrines sont dominées par l’insuffisance surrénale et l’hypopituitarisme. Les pathologies
générales (insuffisance rénale, insuffisance hépatique, choc septique, etc.) peuvent entraîner une
hypoglycémie qui est en général facile à rattacher à la maladie causale en règle déjà bien connue. Plus
rarement, l’étiologie de l’hypoglycémie peut être génétique ou auto-immune. Les causes tumorales sont
avant tout l’insulinome, beaucoup plus rarement l’hyperplasie des cellules b du pancréas endocrine ou
une volumineuse tumeur sécrétrice d’IGF-II. La démarche diagnostique doit être rigoureuse, et
l’hypoglycémie confirmée par un prélèvement veineux. Ceci peut nécessiter, en particulier pour
l’insulinome, une épreuve de jeûne pour confirmer l’hypoglycémie et en préciser le mécanisme causal. Le
traitement de l’épisode hypoglycémique repose sur sa correction rapide, souvent par l’apport oral ou
parentéral de glucose. La thérapeutique repose surtout sur la prévention de l’hypoglycémie dans le cas du
traitement du diabète sucré. Dans tous les cas le traitement de la rechute de l’hypoglycémie par le
traitement de la cause sera fondé sur le diagnostic étiologique.
© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Hypoglycémie ; Insulinome ; Insuline

Plan d’hypoglycémie sont multiples et diverses. Les causes médica-


menteuses (en particulier traitement du diabète sucré) ou
¶ Introduction 1 toxiques (alcool) sont les plus fréquentes. Le diagnostic et la
conduite à tenir chez un patient présentant une hypoglycémie
¶ Définition 1
médicamenteuse, la plupart du temps chez un diabétique traité,
¶ Physiologie de l’homéostasie glucidique 2 sont le plus souvent faciles à déterminer. En pratique, en dehors
Insuline 2 de ces causes exogènes le plus souvent facilement identifiables,
Hormones de contre-régulation 2 le diagnostic d’hypoglycémie organique n’est que rarement
¶ Diagnostic 2 confirmé. Le diagnostic de « malaise hypoglycémique » est
Sur quels éléments rechercher une hypoglycémie ? 2 souvent porté par excès chez des patients présentant des
Comment retenir le diagnostic d’hypoglycémie ? 3 symptômes variables, parfois mal définis, et à l’origine desquels
¶ Causes d’hypoglycémie 3 une hypoglycémie n’a pas été prouvée. Il est donc essentiel de
Causes médicamenteuses et toxiques d’hypoglycémie 3 suivre une démarche diagnostique rigoureuse avant de retenir le
Autres causes non tumorales d’hypoglycémie 4 diagnostic d’hypoglycémie puis d’en rechercher l’étiologie.
Causes tumorales d’hypoglycémies 4
¶ Traitement 6
Malaise hypoglycémique 6 ■ Définition
Traitement à long terme des hypoglycémies organiques 6
Les symptômes cliniques d’hypoglycémie sont nombreux et
peu spécifiques. La définition de l’hypoglycémie repose donc sur

■ Introduction une mesure sur sang veineux de la glycémie et le seuil le plus


souvent admis est de 0,50 g/l (2,75 mmol/l). À noter que la
L’hypoglycémie correspond à une baisse anormale du taux mesure du taux de glucose sur sang total est à peu près 10 %
sanguin de glucose dont les causes peuvent être multiples. Les plus basse que les valeurs plasmatiques et peut être plus basse
hypoglycémies sont responsables d’une symptomatologie encore sur sang capillaire. Cette dernière mesure ne peut pas
polymorphe et variable et la suspicion d’hypoglycémie est une être utilisée pour porter un diagnostic de pathologie
préoccupation fréquente en consultation. De plus, les causes hypoglycémiante.

Endocrinologie-Nutrition 1
10-364-E-10 ¶ Hypoglycémies de l’adulte

■ Physiologie de l’homéostasie Tableau 1.


Principaux symptômes d’hypoglycémie.
glucidique Signes adrénergiques Tremblements
La régulation de la glycémie est essentielle pour l’organisme, Palpitations
en particulier le système nerveux, et est contrôlée par le système Sueurs
neuroendocrinien. Ce contrôle permet de maintenir la glycémie Anxiété
dans une fourchette assez étroite (0,55 à 1,65 g/l ; 3 à 9 mmol/l)
Pâleur
sur le nycthémère malgré des variations importantes des stocks,
apports et consommation. Le système nerveux central ne peut Signes de neuroglucopénie Troubles visuels
stocker ni produire du glucose. Le glucose étant une source Faiblesse, lipothymie
énergétique indispensable pour la cellule nerveuse toute Confusion
hypoglycémie significative peut entraîner des troubles des Troubles du comportement
fonctions cérébrales. Une baisse de la glycémie en dessous de Vertiges
0,70 g/l (3,85 mmol/l) réduit l’utilisation périphérique du
Diplopie
glucose. Le glucose est libéré dans la circulation par la glycogé-
nolyse et la gluconéogenèse, principalement par le foie et le Convulsion
rein. Le foie joue le rôle essentiel, surtout par la glycogénolyse. Trouble de conscience
Les stocks de glycogène suffisent pour 48 heures. Lors d’un Coma
jeûne supérieur à 48 heures les stocks hépatiques s’épuisent et
la néoglucogenèse hépatique et rénale prend le relais. soigneusement les symptômes secondaires à cette neurogluco-
pénie pour approcher le diagnostic d’hypoglycémie. L’interro-
Insuline gatoire du patient, éventuellement complété à l’aide de
L’insuline sécrétée par la cellule b des îlots de Langerhans est l’entourage, sera donc la première étape capitale du diagnostic.
le facteur essentiel du contrôle glycémique. Il s’agit d’une La symptomatologie devra soigneusement être précisée. Les
hormone indispensable à la vie jouant le rôle principal dans la symptômes d’hypoglycémie peuvent être liés d’une part à la
diminution de la glycémie. L’insuline inhibe la néoglucogenèse réponse du système nerveux autonome, d’autre part à la
hépatique et la glycogénolyse. Cette hormone stimule la souffrance du système nerveux central due à la
formation de glycogène après transport du glucose dans les neuroglucopénie.
tissus périphériques. L’insulinosécrétion est contrôlée par
différents facteurs dont le principal est la glycémie. Une baisse Analyse des symptômes (Tableau 1)
de cette dernière en dessous de 0,80 g/l (4,4 mmol/l) inhibe Les symptômes neurovégétatifs surviennent en général pour
l’insulinosécrétion. Le GIP (gastric inhibitory polypeptide) et le des glycémies inférieures à 0,6 g/l (3,3 mmol/l) et les signes de
GLP-1 (glucagon-like peptide) sont des peptides digestifs sécrétés neuroglucopénie pour des glycémies inférieures à 0,5 g/l
lors de l’alimentation orale et stimulant la sécrétion postpran- (2,75 mmol/l). [1] Cependant, le seuil glycémique d’apparition
diale d’insuline. des symptômes et la symptomatologie sont très variables d’un
patient à l’autre. [2] En revanche, chez un patient donné ils sont
Hormones de contre-régulation assez reproductibles d’un malaise à l’autre.
Les autres facteurs hormonaux sont hyperglycémiants et font • Les principaux signes neurovégétatifs sont : sueurs, tremble-
partie du système de la contre-régulation. Ils seront donc ments, tachycardie, anxiété, nausée.
sécrétés dans les situations d’hypoglycémie. Ceci permet • Les principaux signes de neuroglucopénie sont : asthénie (peu
d’expliquer certains symptômes de l’hypoglycémie (par exemple spécifique), difficulté de concentration, troubles visuels,
les manifestations adrénergiques) et certaines causes d’hypogly- céphalées, difficultés de langage, troubles psychiatriques,
cémie (comme l’hypopituitarisme chez l’enfant). Ils peuvent en syndrome confusionnel, déficit neurologique, crise comitiale,
général être stimulés lors de baisses glycémiques inférieures à au maximum coma (avec sueurs, contractures, parfois signe
0,70 g/l (3,8 mmol/l). L’hormone de croissance (GH) hypophy- de Babinski bilatéral).
saire entraîne une diminution de la sensibilité à l’insuline et L’élément essentiel orientant le clinicien vers une hypoglycé-
réduit l’utilisation périphérique de glucose. Les catécholamines, mie organique est la présence de signes neuroglucopéniques,
originaires principalement de la médullosurrénale, sont hyper- surtout lorsqu’ils surviennent par épisodes. Leur existence, en
glycémiantes par plusieurs mécanismes liés globalement à la particulier des troubles neurologiques ou psychiatriques, doit
stimulation de la néoglucogenèse et la réduction de la consom- inciter à poursuivre les investigations. À l’inverse, lorsqu’un
mation périphérique de glucose. Les catécholamines entraînent interrogatoire bien conduit ne met en évidence que des signes
aussi une inhibition de l’insulinosécrétion et à l’inverse une neurovégétatifs, sans aucun signe de neuroglucopénie, le
stimulation du glucagon. Le glucagon provenant du pancréas diagnostic d’hypoglycémie est peu probable. La note confusion-
endocrine est un puissant hyperglycémiant. Cette hormone nelle parfois observée lors d’une hypoglycémie organique rend
peptidique stimule la néoglucogenèse et la glycogénolyse souvent la description de ses symptômes par le patient peu
hépatique. Cette stimulation est rapide et son efficacité justifie précise. Tout doit alors être fait pour compléter l’anamnèse par
l’emploi du glucagon injectable dans le traitement de l’hypo- l’interrogatoire de l’entourage.
glycémie du diabète insulinotraité. Les glucocorticoïdes sont
Autres arguments cliniques
hyperglycémiants. Le cortisol provient de la corticosurrénale
sous le contrôle positif de l’hormone hypophysaire ACTH et Les autres arguments cliniques pour une hypoglycémie
sera sécrété comme les catécholamines lors d’un stress, dont organique sont :
l’hypoglycémie. Le cortisol réduit l’utilisation périphérique de • les horaires : des malaises survenant le matin à jeun ou dans
glucose et stimule la néoglucogenèse hépatique. la journée à distance des repas sont évocateur d’hypoglycé-
mies organiques. Une distinction a longtemps été faite entre
les hypoglycémies survenant à jeun, et les hypoglycémies
■ Diagnostic postprandiales. Une cause organique est suspectée chez les
premières alors que les secondes sont souvent rapportées à
Sur quels éléments rechercher des troubles fonctionnels. En réalité les symptômes post-
une hypoglycémie ? prandiaux surviendraient fréquemment en l’absence de réelle
hypoglycémie. [3] Le diagnostic « d’hypoglycémie fonction-
Anamnèse nelle » porté fréquemment sans qu’aucune hypoglycémie n’ai
L’anamnèse est une étape fondamentale pour le diagnostic pu être documentée sur un prélèvement sanguin chez des
d’hypoglycémie : l’hypoglycémie est un syndrome clinique au patients présentant des symptômes 2 à 5 heures après un
cours duquel la baisse de la glycémie conduit à une neuroglu- repas est actuellement très controversé. En dehors de situa-
copénie. Le clinicien se doit donc de rechercher et d’analyser tions très particulières, comme les sujets gastrectomisés, ces

2 Endocrinologie-Nutrition
Hypoglycémies de l’adulte ¶ 10-364-E-10

malaises postprandiaux ne seraient contemporains d’une entraîner une hypoglycémie sont une cause fréquente, en
baisse glycémique modérée mais significative que dans 5 % particulier chez le patient diabétique. L’anamnèse permet en
des cas. [3] À l’inverse, les malaises survenant chez certains règle de les évoquer assez facilement.
patients présentant des hypoglycémies organiques (par À l’inverse, le clinicien peut se trouver à l’issue de la première
exemple certains cas d’insulinomes ou de rares cas d’hypo- consultation face à un patient ne présentant aucune étiologie
glycémies de l’adulte d’origine génétique) peuvent avoir un évidente d’hypoglycémie. En l’absence d’élément d’orientation,
horaire postprandial ; [4] un certain nombre de causes, en particulier endocriniennes,
• le lien avec l’effort physique : l’aggravation ou l’apparition doivent être discutées et recherchées avant de poursuivre les
des symptômes à l’effort physique est un bon argument explorations, et d’éventuellement proposer une épreuve de
d’hypoglycémie organique ; jeûne si l’hypoglycémie n’a pas à ce stade pu être prouvée.
• la régression rapide des symptômes après ingestion de sucre
est un argument majeur pour rattacher les symptômes à une
hypoglycémie ;


la prise de poids : est souvent observée dans certaines
étiologies d’hypoglycémie comme l’insulinome ;
l’aggravation dans le temps des épisodes : en fréquence et en
“ Point fort
intensité (en particulier pour les signes neurologiques), est un Principales étiologies des hypoglycémies
argument pour une hypoglycémie organique.
(en dehors des causes médicamenteuses)
• Insuffisance hépatocellulaire
Comment retenir le diagnostic • Insuffisance rénale sévère
d’hypoglycémie ? • Infection sévère, état de choc
Les symptômes d’hypoglycémie étant non spécifiques, il est • Insuffisance cardiaque congestive
important de confirmer biologiquement l’hypoglycémie avant • Insuffisance surrénale primaire
d’en retenir le diagnostic. Le diagnostic d’hypoglycémie organi- • Déficit corticotrope
que doit remplir les critères de la classique triade de Whipple • Hypopituitarisme
(glycémie inférieure à 0,50 g/l [2,75 mmol/l], contemporaine de • Insulinome
symptômes d’hypoglycémie cédant après apport de sucre). Lors
• Hyperplasie des îlots de Langherans (enfants, adultes ?)
de la première consultation le clinicien dispose cependant très
rarement de ces trois éléments. • Volumineuse tumeur extrapancréatique (IGF-II)
La mesure de la glycémie capillaire au doigt n’est pas fiable • Jeûne prolongé, cachexie, anorexie
pour le diagnostic d’hypoglycémie, même si elle peut en • Exercice physique intense
pratique être suffisante pour la prise en charge du diabétique • Chirurgie du phéochromocytome
traité. La mesure de la glycémie capillaire risque souvent de • Causes génétiques : PC1, glucokinase, Sur1, Kir6.2,
sous-estimer la glycémie et de conduire au diagnostic par excès. déficit congénital des enzymes du métabolisme des
Une glycémie réalisée au laboratoire sur un prélèvement effectué hydrates de carbones, etc.
lors d’un malaise serait la meilleure façon de confirmer le • Auto-immune (anticorps anti-insuline et antirécepteur
diagnostic. Le plus souvent ce prélèvement n’a pas pu être
de l’insuline)
effectué lors d’un malaise spontané.
La mesure systématique de la glycémie à jeun sera réalisée en • Fonctionnelle postvagotomie ou chirurgie gastrique
première intention ; mais cet examen simple sera souvent non (« dumping » syndrome)
concluant car le prélèvement est habituellement effectué en
dehors d’un épisode d’hypoglycémie. Il est alors évident qu’une
glycémie normale ne permet pas d’écarter le diagnostic.
L’existence d’une histoire clinique évocatrice de malaises
hypoglycémiques, en particulier si existent des signes de Causes médicamenteuses et toxiques
neuroglucopénie, doit inciter le clinicien à poursuivre les d’hypoglycémie
explorations pour confirmer l’hypoglycémie. L’épreuve de jeûne
Le surdosage et les défaillances viscérales (en particulier
est alors l’exploration de référence pour prouver une hypogly-
hépatique) sont les principales causes d’hypoglycémies toxi-
cémie. Il est évident que sa prescription doit être faite lorsque
ques. [6] L’insuline, les sulfamides et l’alcool expliquent la
le clinicien estime que la symptomatologie est bien compatible
majorité de ces hypoglycémies. [7]
avec le diagnostic d’hypoglycémie organique, après une évalua-
tion complète des données cliniques détaillées auparavant. Traitements du diabète sucré
L’épreuve de jeûne a surtout pour but de rechercher une
Hypoglycémie du diabétique insulinotraité
hypoglycémie survenant dans le cadre d’un insulinome. Avant
de réaliser une épreuve de jeûne il conviendra donc de recher- Elle est d’autant plus fréquente qu’un équilibre optimum du
cher par la clinique et éventuellement quelques examens diabète est recherché pour limiter le développement des
complémentaires simples dictés par une orientation clinique complications chroniques de la maladie. [8] L’éducation a pour
certaines étiologies d’hypoglycémies. Ces dernières sont en but de prévenir ces hypoglycémies et d’en limiter l’importance.
général facilement mises en évidence à la différence de Ces hypoglycémies peuvent être asymptomatiques et révélées
l’insulinome. par la surveillance systématique, en particulier chez certains
patients présentant une diminution des manifestations cliniques
adrénergiques. Les facteurs favorisant l’hypoglycémie du
■ Causes d’hypoglycémie .
diabétique insulinotraité doivent être recherchés et prévenus :
erreur de la technique d’injection (dose, lipodystrophie, etc.),
Souvent, la présentation clinique permet d’emblée une irrégularité des apports glucidiques et/ou exercice physique.
orientation étiologique, guidant ainsi les explorations. Le
problème est parfois simplement résolu chez des patients Hypoglycémie induite par les sulfamides
polymédicamentés et souffrant de pathologies multiples et/ou Elle est observée dans 1 à 5/1000 années-patients. [7] Les
sévères guidant facilement le diagnostic étiologique. Une étude glinides peuvent aussi être cause d’une hypoglycémie. Ces
a mis en évidence une hypoglycémie chez 1,2 % des sujets accidents iatrogènes sont plus fréquents chez le sujet âgé et
hospitalisés tout-venant. [5] Ceci s’explique le plus souvent par peuvent être favorisés par le jeûne, l’alcool, et l’insuffisance
la coexistence de plusieurs pathologies sévères pouvant chacune rénale ou hépatique. Certains médicaments peuvent potentiali-
entraîner une hypoglycémie. L’analyse du terrain et des traite- ser les sulfamides hypoglycémiants (antivitamine K, fibrates,
ments pris par le patient permet ainsi souvent d’orienter vers antiobiotiques, etc.). La prise de sulfamide peut être responsable
une cause évidente d’hypoglycémie. Les médicaments pouvant d’hypoglycémie factice. À la différence de l’insuline exogène

Endocrinologie-Nutrition 3
10-364-E-10 ¶ Hypoglycémies de l’adulte

que l’on pourra différencier par le dosage concomitant du Causes endocrines par déficit des hormones
peptide C, seule la mise en évidence dans le sang ou l’urine du de la contre-régulation
sulfamide responsable peut apporter la preuve biologique d’une
• L’insuffisance surrénale primaire ou secondaire est une cause
hypoglycémie induite par les sulfamides.
classique bien que peu fréquente d’hypoglycémie. Elle doit
Médicaments hors traitement du diabète être écartée par la réalisation d’un test au Synactène® immé-
diat avant réalisation d’une épreuve de jeûne. Rappelons à
En dehors des thérapeutiques du diabète sucré de nombreux
cette occasion qu’il faut se méfier d’une hypoglycémie lors de
médicaments ont pu être impliqués dans des hypoglycémies.
l’arrêt d’une corticothérapie ou la correction d’un hypercor-
Citons les bétabloquants, l’acide acétylsalicylique, certains
ticisme chez un patient bénéficiant d’un traitement hypogly-
antiarythmiques et antalgiques. [9]
cémiant.
• L’hypopituitarisme représente, en particulier chez l’enfant, une
autre cause endocrinienne d’hypoglycémie. Cette dernière est
alors liée au manque des hormones hyperglycémiantes que
“ Point fort sont l’hormone de croissance et le cortisol.
• La chirurgie du phéochromocytome par la disparition brutale des
catécholamines hyperglycémiantes peut entraîner une hypo-
Principaux médicaments hypoglycémiants glycémie qu’il convient de rechercher.
• Insuline
• Sulfamides Hypoglycémie d’origine auto-immune
• Glinides Cette forme d’hypoglycémie est rare et est liée à la présence
• Disopyramide (Rythmodan®) d’autoanticorps antirécepteurs de l’insuline ou anti-
• Cibenzoline (Cipralan®) insuline. [13-15] On l’observe habituellement chez des patients
• Inhibiteurs de l’enzyme de conversion présentant un terrain auto-immun. [16-18]
• Lidocaïne
• Quinine Causes tumorales d’hypoglycémies
• Acide acétylsalicylique à forte dose Insulinome
• b-bloquant
Une suspicion d’hypoglycémie organique sans argument en
• Dextropropoxyphène (Antalvic®)
faveur des causes précédentes doit inciter à rechercher un
• Pentamidine insulinome. L’insulinome entraîne souvent des malaises inter-
• Cotrimoxazole (Bactrim®) mittents chez un sujet apparemment bien portant et parfois
normoglycémique en dehors des épisodes aigus. Pour cette
raison, le diagnostic d’insulinome est souvent évoqué lors d’une
première consultation pour suspicion d’hypoglycémie au cours
Causes toxiques de laquelle aucun argument n’est retrouvé en faveur d’une des
L’hypoglycémie induite par l’alcool survient lorsque le stock causes d’hypoglycémie précédemment exposées. Cependant,
de glycogène est épuisé, que le jeûne soit survenu avant ou même si l’insulinome est la plus fréquente des tumeurs du
après l’ingestion d’alcool. L’alcool inhibe la néoglucogenèse en pancréas endocrine, il reste rare puisque son incidence est
réduisant l’oxydation des lactates. [10] L’hypoglycémie liée à estimée à quatre cas par million chaque année. [19, 20]
l’alcool ne doit pas être prise pour un simple coma éthylique. L’insulinome peut se voir à tout âge chez l’adulte, avec une
En dehors de l’alcool, les causes toxiques d’hypoglycémie légère prédominance entre 35 et 55 ans. Il s’agit le plus souvent
sont rares. Le mécanisme est souvent une insuffisance hépato- de tumeur unique. Dans 10 % des cas cependant, il s’agit de
cellulaire aiguë. Citons l’intoxication au tétrachlorure de tumeurs multiples, en particulier chez les patients présentant
carbone, l’éthylène glycol. Certains fruits ou végétaux peuvent une néoplasie endocrinienne multiple de type 1 (NEM 1). Dans
aussi être responsables d’hypoglycémies : amanite phalloïde, 5 à 10 % des cas il s’agit de lésions malignes. Comme souvent
fruit de l’ackee, atractylis gummifera, etc. pour les tumeurs endocrines, le diagnostic histologique de
malignité des insulinomes est difficile à porter en dehors d’une
Autres causes non tumorales effraction capsulaire ou d’une dissémination tumorale. Pour ces
raisons, un suivi est indispensable après exérèse d’un insuli-
d’hypoglycémie nome. Les récurrences sont estimées à 6 % à 10 ans et 8 % à
Pathologies générales sévères 20 ans. [19] Les localisations ectopiques sont exceptionnelles
(moins de 1 % des cas, localisées dans l’estomac, le duodénum,
Ces nombreuses pathologies sont en général déjà clairement le diverticule de Meckel, mésentérique, etc.). Enfin il s’agit
diagnostiquées au moment ou l’hypoglycémie survient et sont fréquemment de petites lésions puisque 30 % des insulinomes
donc facilement identifiées. ont un diamètre inférieur à 1 cm. De plus, il n’y a pas de
• L’insuffisance hépatocellulaire sévère peut entraîner une hypo- corrélation entre la durée et la sévérité des symptômes et le
glycémie lorsque plus de 80 % du foie est détruit. Le méca- volume tumoral. De petites tumeurs de 0,5 gramme pouvant
nisme principal est la réduction de la néoglucogenèse. être symptomatiques par une hypersécrétion d’insuline impor-
• L’insuffisance rénale sévère est une cause d’hypoglycémie chez tante. Le diagnostic d’insulinome est souvent fait avec un retard
les patients hospitalisés. La majorité des patients hospitalisés important par rapport au début des manifestations cliniques.
présentant une hypoglycémie sur la glycémie systématique de
jeûne souffrent en effet d’une insuffisance rénale. [5] Chez ces Comment porter le diagnostic d’insulinome (Fig. 1) ?
patients cependant, à côté de l’atteinte de la néoglucogenèse Le diagnostic biologique d’hypersécrétion d’insuline doit être
rénale une dénutrition peut jouer. rigoureusement établi avant de porter le diagnostic d’insuli-
• L’état infectieux sévère ou un état de choc sont responsables nome et d’en rechercher la localisation. Une glycémie inférieure
d’une consommation importante d’énergie, d’un hypercata- ou égale à 0,45 g/l (2,47 mmol/l) associée à une insulinémie
bolisme protidique et lipidique avec une consommation supérieure à 5 µU/ml et un peptide C en rapport avec l’insuli-
importante de glucose. [11] L’hypoglycémie peut alors survenir némie permettent de retenir le diagnostic d’hyperinsulinisme
si les capacités de compensation hépatiques et rénales sont endogène. [4, 21] Il est indispensable d’avoir une insulinémie
dépassées. contemporaine d’une véritable hypoglycémie pour porter
• L’insuffisance cardiaque congestive peut surtout chez l’enfant correctement le diagnostic. Raisonner sur un rapport
être responsable d’une hypoglycémie. insulinémie/glycémie en dehors d’une hypoglycémie ou sur la
• La cachexie et l’anorexie comme tout état de dénutrition ou normale de l’insulinémie à jeun du laboratoire effectuant le
l’activité physique intense [12] peuvent aussi s’accompagner dosage ne peut qu’induire le clinicien en erreur, l’amener à
d’une hypoglycémie. confondre l’hyperinsulinisme adapté à l’insulinorésistance et

4 Endocrinologie-Nutrition
Hypoglycémies de l’adulte ¶ 10-364-E-10

Figure 1. Arbre décisionnel. Schéma


Démontrer l'hypoglycémie : général de la conduite à tenir pour le
Médicament ?
- glycémie lors d'un malaise Pathologie générale ? diagnostic d’hypoglycémie.
- glycémie à jeun systématique Déficit endocrine ?
- sinon : épreuve de jeûne

Absence d'hypoglycémie Hypoglycémie

Insulinémie inadaptée (≥ 5 µU/ml)

Insulinémie adaptée (< 5 µU/ml)

Peptide C effondré Peptide C non effondré

Insuline exogène Insulinome Échoendoscopie


(sulfamides ?) TDM
(cause auto-immune ?)

l’hyperinsulinisme endogène inadapté. Une difficulté supplé- Le dosage concomitant du peptide C qui sera en rapport avec
mentaire est apparue récemment, paradoxalement liée aux l’insulinémie permet d’écarter des injections d’insuline exogène
progrès dans les méthodes de dosage hormonaux avec la mais pas une hypoglycémie factice par prise de sulfamides ou
diffusion des dosages IRMA d’insuline. Il apparaît en effet avec certaines formes d’hypoglycémies auto-immunes. Le clinicien a
ces dosages très sensibles et spécifiques que l’insulinémie puisse habituellement l’attention attirée sur ces dernières situations qui
être dans certains cas d’hyperinsulinisme endogène inférieure à sont assez rares par le contexte clinique (milieu médical ou
6 µU/ml lors d’une hypoglycémie. Dans ces cas difficiles le paramédical, parent d’un sujet diabétique traité). Dans le cas des
dosage concomitant du peptide C et/ou de la pro-insuline hypoglycémies induites par les sulfamides la recherche du
semble pouvoir rattraper le diagnostic d’hyperinsulinisme en médicament dans le plasma ou les urines peut parfois être utile
objectivant un taux non effondré. [22] mais est difficilement réalisable de façon systématique en
Chez certains patients l’hyperinsulinisme est facile à docu- dehors des sulfamides de première génération.
menter sur un prélèvement effectué lors d’un malaise ou chez Lorsque le diagnostic d’hyperinsulinisme endogène est porté
un patient présentant une histoire clinique évocatrice mais sur les explorations endocriniennes, les investigations morpho-
consultant en dehors d’un malaise, sur un prélèvement le matin logiques doivent être réalisées pour localiser l’insulinome.
à jeun. En effet, une hypoglycémie est retrouvée après 12 heures Localisation d’un insulinome
de jeûne chez la moitié des patients présentant un insuli-
nome. [21] Dans les autres cas la réalisation d’une épreuve de Cette tumeur endocrine pouvant être de très petite taille, il
jeûne sera indispensable au diagnostic. est essentiel d’avoir la confirmation biologique d’une hypogly-
cémie par hyperinsulinisme endogène avant de réaliser les
Épreuve de jeûne explorations morphologiques.
Elle est standardisée et se réalise en hospitalisation et sous L’échoendoscopie et l’examen tomodensitométrique avec la
une étroite surveillance médicale. L’épreuve se poursuivra technique d’acquisition hélicoïdale sont les explorations non
jusqu’à 72 heures et sera interrompue auparavant si la glycémie invasives réalisées en première intention. [23] L’échoendoscopie
est inférieure à 0,4 g/l (2,2 mmol/l) et que le patient présente doit être pratiquée par un opérateur expérimenté dans les mains
des signes ou symptômes d’hypoglycémie. L’existence de signes duquel la sensibilité de l’examen dépasse 90 %. Il s’agit d’une
cliniques lors d’une baisse de la glycémie est importante à noter technique d’apprentissage difficile en raison de la multiplicité
dans la mesure où certains sujets normaux, en particulier des des coupes échoendoscopiques souvent obliques, marquées de
jeunes femmes, peuvent présenter une glycémie à 0,40 g/l superpositions, et sources d’une séméiologie complexe. En
(2,2 mmol/l) en fin d’épreuve de jeûne. Dans l’hypothèse d’un échoendoscopie, la plupart des insulinomes ont un aspect de
insulinome, une insulinémie non effondrée ou « inadaptée » tumeurs hypoéchogènes homogènes à limites régulières. Beau-
sera observée alors que le patient est en hypoglycémie et ne coup plus rarement, elles sont hyperéchogènes, irrégulières, ou
présente pas de cétonurie. Comme évoqué précédemment, ce encore kystiques. Le centre peut être plus échogène que le reste
seuil d’insulinémie « inadapté » varie avec la sensibilité et de la lésion, mais dans tous les cas, les tumeurs apparaissent
spécificité des méthodes de dosage. Classiquement il est fixé à assez bien délimitées. Les difficultés diagnostiques peuvent être
6 µU/ml lorsque qu’un dosage ayant une sensibilité de 5 µU/ml liées à la petite taille des lésions, ou à leur développement au
est utilisé. Il peut être parfois plus bas avec les dosages IRMA sein de remaniements parenchymateux, pancréatite chronique
actuels très sensibles (seuil de sensibilité à 0,2 mUI/l par notamment. La localisation exacte des petites lésions, situation
exemple) et spécifiques (peu de « réaction croisée » avec la pro- .
antérieure ou postérieure, haute ou basse, et segments de
insuline et le peptide C). Après 24 heures de jeûne, 75 % des pancréas, peut être précisée par rapport aux vaisseaux, canaux
patients présentant un insulinome sont en hypoglycémie, après pancréatiques, et autres éléments de voisinage.
48 heures de jeûne l’hypoglycémie survient dans 98 % des cas. Un examen tomodensitométrique réalisé avec une technique
Moins de 0,6 % des patients ayant un insulinome ne présente- rigoureuse est un élément important du bilan initial permettant
ront pas une hypoglycémie après un jeûne prolongé de 72 heu- la localisation tumorale dans plus de 70 % des cas et surtout la
res. Avec un dosage d’insulinémie « classique » à la fin de recherche de localisations secondaires ganglionnaires ou
l’épreuve de jeûne l’insulinémie reste supérieure à 10 µU/ml hépatiques. Spontanément, le scanner met en évidence un
dans 98 % des cas et supérieure à 5 µU/ml chez tous les nodule hypo- ou isodense par rapport au parenchyme normal
patients. [21] L’épreuve de jeûne, à condition d’une interpréta- avant l’injection. Les dimensions du pancréas ne sont pas
tion rigoureuse de la glycémie et de l’insulinémie, a donc une modifiées par les masses inférieures à 15 mm, seules les tumeurs
excellente sensibilité pour le diagnostic d’hyperinsulinisme. effaçant la lobulation ou déformant les contours de la glande

Endocrinologie-Nutrition 5
10-364-E-10 ¶ Hypoglycémies de l’adulte

peuvent être détectées. Ces tumeurs apparaissent homogènes, habituellement facilement mises en évidence par l’examen
solides et contiennent parfois des calcifications. Après injection, clinique, éventuellement complété par une radiographie de
l’aspect de cette tumeur devient caractéristique, la prise de thorax et une échographie abdominale. L’hypoglycémie est liée
contraste est intense, rapide, fugace, et apparaît dès la 20e à l’expression par la tumeur d’IGF II (insulin-like growth factor
seconde. Cette hyperdensité est observée dans 80 % des cas. II) [37, 39] Par un effet de rétrocontrôle direct ou indirect, il est
L’exploration scanographique en mode hélicoïdal associant une observé des taux plasmatiques bas d’insuline, d’hormone de
double phase, artérielle puis veineuse permet de concilier à la croissance (GH) et d’IGF-I (Fig. 2) [40, 41].
fois l’étude du pancréas à la phase précoce, puis secondairement
le bilan d’extension splénoportal et enfin, la recherche de
■ Traitement
.

lésions hépatiques secondaires au cours de la phase parenchy-


mateuse portale. [24]
Le traitement de l’hypoglycémie vise, dans l’urgence parfois,
La place de l’IRM reste à définir et cet examen ne peut pas
à traiter le malaise ou l’accident hypoglycémique aigu et dans
être recommandé systématiquement actuellement pour l’explo-
tous les cas à réaliser ensuite le traitement curatif de la cause ou
ration d’un insulinome. Par ailleurs, l’échographie convention-
la prévention de la rechute.
nelle par voie transpariétale manque de sensibilité puisqu’elle
ne détecte qu’environ 60 % des insulinomes. Dans le cas de
figure rare d’un insulinome non visualisé par l’échoendoscopie Malaise hypoglycémique
et le scanner, les explorations vasculaires invasives comme Les sucres d’absorption rapide par voie orale sont utilisés lors
l’artériographie, les prélèvements veineux étagés, ou le dosage d’un malaise sans trouble de conscience. Un apport adapté en
veineux sus-hépatique d’insuline après stimulation calcique sucres d’absorption lente est ensuite préconisé pour maintenir
intra-artérielle, peuvent avoir leur place mais imposent le une normoglycémie.
recours à des équipes spécialisées. En pratique, les progrès dans Le recours à une injection intraveineuse de glucose est
l’imagerie échoendoscopique en limitent beaucoup l’utilisation. nécessaire lors d’un malaise avec troubles de conscience. Il est
Il en est de même des scintigraphies aux analogues marqués de alors impératif d’administrer sans tarder le sérum glucosé, par
la somatostatine dont la sensibilité est avec les techniques exemple : sérum glucosé à 30 % (3 à 4 ampoules de 20 ml) par
actuelles limitée (40 à 60 %), même si l’expression des récep- voie intraveineuse stricte et lente, puis relais par perfusion de
teurs de type 2 et 5 de la somatostatine est observée dans la sérum glucosé à 10 % sous surveillance médicale.
majorité des insulinomes. [25, 26]
Contrairement aux hypoglycémies survenant chez le diabéti-
Hyperplasie des îlots de Langerhans que insulinotraité, le recours au glucagon pour corriger une
(« nésidioblastose ») hypoglycémie peut être inefficace si la pathologie responsable
entraîne une déplétion hépatique en glycogène. Dans certains
L’hyperplasie des cellules b du pancréas endocrine est une
hyperinsulinismes, le glucagon pourrait aggraver l’insulinosé-
cause classique bien que rare d’hypoglycémie du nouveau-né.
crétion. Pour ces raisons il est préférable, si cela est possible, de
Elle peut être observée dans une forme diffuse mais aussi focale.
recourir au sérum glucosé.
Les formes familiales de ces hypoglycémies persistantes du
Une hypoglycémie sévère induite par les sulfamides hypogly-
nouveau-né sont liées à des mutations activatrices des gènes
cémiants nécessite le recours à une perfusion de sérum glucosé
SUR1 et Kir6.2 codant pour les sous-unités d’un canal potassi-
sur au moins 24 heures. Ceci est lié à l’action prolongée de ces
que dépendant de l’ATP. [27-29] Des formes plus rares encore
médicaments. L’utilisation du glucagon peut aggraver l’insuli-
d’hypoglycémie génétique par mutation de la glucokinase et de
nosécrétion. Le traitement préventif de l’hypoglycémie liée aux
la glutamate déshydrogénase ont aussi été décrites. [30, 31]
sulfamides est bien sûr important.
La possibilité d’une hyperplasie des cellules b du pancréas
endocrine chez des adultes sans insulinome détectable a
longtemps été discutée sur la base d’observations uniques. Traitement à long terme des hypoglycémies
Récemment le groupe de FJ. Service a décrit 5 adultes présentant organiques
un tableau clinique et biologique d’hypoglycémie par hyperin-
sulinisme endogène et une hyperplasie focale des îlots du Le traitement vise avant tout la cause de l’hypoglycémie
pancréas endocrine. [32, 33] Chez ces patients, les malaises lorsque cette dernière est curable (insuffisance surrénale,
hypoglycémiques sont volontiers postprandiaux et les dosages insulinome, etc.). Ceci permet évidemment la disparition des
d’insuline lors d’un test de stimulation calcique artériel suggè- épisodes d’hypoglycémie.
rent une source focale d’insuline. La difficulté de la définition En l’attente du traitement de la cause, ou lorsque cette
de ce syndrome repose sur la complexité du diagnostic histo- dernière n’est pas curable, les mesures diététiques sont essen-
morphométrique de l’hyperplasie du pancréas endocrine et tielles. Un apport adapté en glucides est préconisé pour main-
l’absence jusqu’à ce jour de cause moléculaire identifiée. Un tenir une normoglycémie. Des collations entre les repas, voire
travail récent portant sur l’étude en aveugle de pièce de des collations nocturnes seront instituées. Le recours à des
pancréatectomie suggère cependant la réalité de cette entité. [34] perfusions intraveineuses de glucose est parfois nécessaire lors
Dans tous les cas, il semble important en pratique de bien d’hypoglycémies sévères et fréquentes (par exemple dans
documenter l’hypoglycémie et l’hyperinsulisme endogène avant l’insulinome) en attendant la mise en route d’un traitement
d’évoquer ce diagnostic qui peut conduire à proposer une additionnel.
pancréatectomie partielle. Le traitement de l’insulinome sporadique ou dans le cadre
d’une néoplasie endocrine multiple de type 1 est avant tout
Hypoglycémies par tumeurs extrapancréatiques chirurgical. [20, 42] Celui-ci est guidé par les études morphologi-
(« non islet cell tumor hypoglycemia ») ques préopératoires. Dans 90 % des cas, le traitement chirurgical
Ces rares tumeurs entraînent des hypoglycémies souvent aboutit à la guérison des hypoglycémies. Les échecs sont
sévères et itératives. [35, 36] Le diagnostic de ces hypoglycémies habituellement liés à l’absence de localisation de l’insulinome
est en général porté rapidement (en 3 mois dans 58 % des cas ou à l’existence d’une autre localisation (cas des insulinomes
et en 1 an dans 89 % des cas). Les tumeurs responsables sont malins) ou d’une lésion inextirpable. La performance des
souvent d’origine mésenchymateuse et habituellement volumi- explorations actuelles, en particulier l’échoendoscopie, devrait
neuses. Leur siège est intrathoracique dans un tiers des cas et encore améliorer les résultats. Chez les patients présentant un
rétropéritonéal dans deux tiers des cas. Environ trois quarts de insulinome, le diazoxide est souvent nécessaire en l’attente de
ces tumeurs sont malignes. Les tumeurs les plus fréquemment la chirurgie ou dans les formes métastatiques.
incriminées sont d’origines mésenchymateuses : fibromes ou Le diazoxide (Proglicem®) agit sur un canal potassique ATP-
fibrosarcomes pleural, léiomyomes, léiomyosarcomes, rhabdo- dépendant et inhibe l’insulinosécrétion. Un effet périphérique
myomes, rhabdomyosarcomes, etc. Une étude rétrospective sur musculaire et de stimulation de la néoglucogenèse hépatique
223 tumeurs pleurales met en évidence douze cas d’hypoglycé- participerait aussi à l’action hyperglycémiante. La posologie sera
mie dont neuf observés pour des tumeurs de plus de 10 centi- progressivement augmentée jusqu’à correction des hypoglycé-
mètres. [37, 38] S’agissant de volumineuses tumeurs elles sont mies. Une posologie de 300 à 600 mg est parfois nécessaire.

6 Endocrinologie-Nutrition
Hypoglycémies de l’adulte ¶ 10-364-E-10

Figure 2. Mécanismes de l’hypogly-


cémie par les tumeurs productrices
TUMEUR d’IGF-II (non islet cell tumor hypoglyce-
Big-IGF II mia).
-

-
Diminution de la glycémie
-
-
- Diminution de : Insuline
- GH
- IGFII +

Diminution de : Augmentation de : Augmentation du


- IGF I - IGFBP-2 nombre de récepteurs
- IGFBP-3 à l'insuline
- ALS

Augmentation du
complexe binaire

Diminution du
complexe ternaire

- Augmentation de la biodisponibilité
tissulaire de la Big-IGF II :
- récepteur à l'insuline
- récepteur à l'IGF de type I

- Diminution de la production
hépatique de glucose
- Diminution de la lipolyse
- Augmentation de la captation périphérique du glucose

Dans les insulinomes malins une posologie plus élevée peut être [2] Towler DA, Havlin CE, Craft S, Cryer P. Mechanism of awareness of
discutée si les effets secondaires le permettent. L’efficacité hypoglycemia. Perception of neurogenic (predominantly cholinergic)
semble moindre voire nulle dans les tumeurs agranulaires. Les rather than neuroglycopenic symptoms. Diabetes 1993;42:1791-8.
effets secondaires sont la rétention hydrosodée, les nausées, [3] Palardy J, Havrankova J, Lepage R, Matte R, Belanger R, D’Amour P,
l’hypertrichose, etc. Le diazoxide doit être associé à un diuréti- et al. Blood glucose measurements during symptomatic episodes in
que thiazidique ce qui limite les œdèmes mais favorise l’hypo- patients with suspected postprandial hypoglycemia. N Engl J Med
kaliémie. De nouveaux agonistes des canaux potassiques ATP- 1989;321:1421-5.
dépendants sélectifs pour la cellule B pancréatique sont en cours [4] Service FJ. Hypoglycemic disorders. N Engl J Med 1995;332:1144-52.
de développement. [5] Fischer KF, Lees JA, Newman JH. Hypoglycemia in hospitalized
Les analogues de la somatostatine ont été proposés dans les patients. Causes and outcomes. N Engl J Med 1986;315:1245-50.
insulinomes et les tumeurs sécrétrices d’IGF II dans un but [6] Seltzer HS. Drug-induced hypoglycemia. A review of 1418 cases.
antisécrétoire. L’effet dans les insulinomes semble cependant Endocrinol Metab Clin North Am 1989;18:163-83.
[7] Pandit MK, Burke J, Gustafson AB, Minocha A, Peiris AN. Drug-
inconstant et modeste. Une aggravation des hypoglycémies est
induced disorders of glucose tolerance. Ann Intern Med 1993;118:
parfois observée et pourrait être liée à une inhibition des
529-39.
hormones de la contre-régulation comme le glucagon ou la
[8] Epidemiology of severe hypoglycemia in the diabetes control and com-
GH. [43] plications trial. The DCCT Research Group. Am J Med 1991;90:450-9.
Les bêtabloquants et inhibiteurs calciques ont été essayés avec [9] Baron SH. Salicylates as hypoglycemic agents. Diabetes Care 1982;5:
des résultats inconstants et modestes dans les insulinomes. De 64-71.
même les corticoïdes à forte dose (1 mg/kg/j) peuvent aider à [10] Siler SQ, Neese RA, Christiansen MP, Hellerstein MK. The inhibition
stabiliser la glycémie dans certaines situations délicates. of gluconeogenesis following alcohol in humans. Am J Physiol 1998;
Enfin, dans l’insulinome malin, une chimiothérapie est 275(5Pt1):E897-E907.
souvent discutée lorsqu’une exérèse chirurgicale n’est pas [11] Chiolero R, Revelly JP, Tappy L. Energy metabolism in sepsis and
possible. [44] Cette chimiothérapie sera à discuter en fonction de injury. Nutrition 1997;13(suppl9):45S-51S.
l’évolution tumorale et du bilan d’extension. L’association [12] Felig P, Cherif A, Minagawa A, Wahren J. Hypoglycemia during
streptozocine et adriamycine semble la plus efficace. [45] prolonged exercise in normal men. N Engl J Med 1982;306:895-900.
Dans les tumeurs hypoglycémiantes sécrétrices d’IGF-II [13] Taylor SI, Grunberger G, Marcus-Samuels B, Underhill LH, R.F. Dons,
l’injection de GH recombinante (quatre à douze unités) s’oppose J. Ryan, et al. Hypoglycemia associated with antibodies to the insulin
au rétrocontrôle négatif exercé sur l’axe somatotrope et permet- receptor. N Engl J Med 1982;307:1422-6.
trait une amélioration des hypoglycémies. [46, 47] [14] Redmon B, Pyzdrowski KL, Elson MK, Kay NE, Dalmasso AP,
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Endocrinologie-Nutrition 7
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J. Bertherat (jerome.bertherat@cch.aphp.fr).
Service des maladies endocriniennes et métaboliques, Hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Bertherat J. Hypoglycémies de l’adulte. EMC (Elsevier SAS, Paris), Endocrinologie-Nutrition, 10-364-E-10,
2006.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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8 Endocrinologie-Nutrition
 10-366-B-10

Épidémiologie du diabète
D. Simon

Le diabète est en expansion partout dans le monde, essentiellement du fait de la rapide croissance du
diabète de type 2 qui s’explique essentiellement par le vieillissement des populations et le développement
de l’obésité à la suite des modifications relativement récentes du mode de vie (réduction de l’activité
physique et déséquilibre de l’alimentation). Ses critères diagnostiques ont été peu modifiés depuis 1980, en
dehors de l’introduction de la mesure de l’hémoglobine glyquée A1c (HbA1c) parmi les outils diagnostiques
du diabète. La classification des diabètes est périodiquement réévaluée à mesure que progressent les
connaissances scientifiques, en particulier dans le domaine de la génétique. Cette réévaluation n’a pas
modifié l’écrasante prédominance du diabète de type 2 (plus de 90 % de l’ensemble des diabètes partout
dans le monde). Le diabète de type 1, très minoritaire, concernant environ 5 % des patients diabétiques,
n’en connaît pas moins une modeste croissance régulière avec des disparités géographiques importantes,
incitant à mieux préciser ses facteurs de déclenchement, en particulier environnementaux, pour trouver
des moyens de prévention et freiner sa progression. La mortalité liée au diabète, difficile à étudier car
nécessitant des études spécifiques, est nettement augmentée chez les patients diabétiques par rapport aux
sujets non diabétiques, essentiellement du fait d’un excès de décès d’origine cardiovasculaire. Le problème
majeur de santé publique est constitué aujourd’hui par l’expansion du diabète de type 2, particulièrement
en Asie et aux États-Unis où l’on parle d’« épidémie de diabète ». Si la progression en France n’atteint pas
encore un niveau épidémique, il n’en reste pas moins essentiel de développer des mesures de prévention
pour amener la population à changer son comportement alimentaire et à accroître son activité physique.
Le succès de ces mesures préventives de l’obésité est essentiel pour empêcher qu’avec le vieillissement des
populations le diabète ne soit source de lourdes complications chroniques, en particulier cardiovasculaires
et néphrologiques, avec de sévères handicaps et une moins bonne qualité de vie pour les patients, et de
lourdes dépenses de santé pour la société.
© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Épidémiologie ; Diabète ; Diagnostic ; Classification ; Mortalité ; Prévention

Plan  Introduction
■ Introduction 1 La dernière version de ce chapitre « Épidémiologie du diabète »,
■ Définition et critères diagnostiques du diabète 2 en 2001, prévoyait une forte augmentation de la prévalence du
■ Classification des diabètes 3 diabète dans tous les pays du monde avec des conséquences
dramatiques dans nombre de pays en développement. Cette pré-
■ Épidémiologie du diabète de type 1 3
diction bien pessimiste s’est malheureusement confirmée, faisant
Incidence du diabète de type 1 5
parler d’« épidémie de diabète » [1] et considérer actuellement que
Facteurs de risque du diabète de type 1 6
le diabète est devenu un véritable problème de santé publique,
■ Épidémiologie du diabète de type 2 7 avec un coût majeur pour les individus et pour la société [2] .
Prévalence du diabète de type 2 7 Si le diabète de type 1 est en légère augmentation, c’est avant
Incidence du diabète de type 2 11 tout le diabète de type 2 qui crée cette menace [1] . Comme pré-
Facteurs de risque du diabète de type 2 11 cisé en détail dans la suite de cet article, sa croissance est liée
■ Mortalité liée au diabète 13 au vieillissement des populations et aux changements de mode
Mortalité liée au diabète tous types confondus 13 de vie (réduction de l’activité physique, alimentation de plus en
Mortalité dans le diabète de type 1 14 plus riche en graisses saturées avec diminution des fibres), source
Mortalité dans le diabète de type 2 15 de prise de poids et d’obésité. À l’échelle planétaire, d’après les
■ Conclusion 16 chiffres de l’International Diabetes Federation (IDF), la préva-
lence du diabète chez l’adulte (de 20 à 79 ans) était de 8,3 % en

EMC - Endocrinologie-Nutrition 1
Volume 13 > n◦ 4 > octobre 2016
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1941(16)51211-6
10-366-B-10  Épidémiologie du diabète

2013 et devrait atteindre 10,1 % en 2035, alors que le nombre de n’a fait qu’emboîter le pas de l’American Diabetes Association
diabétiques adultes devrait passer de 382 à 592 millions, surtout (ADA) qui, depuis quelques années, souhaitait simplifier les pro-
du fait d’une augmentation explosive dans les pays en voie de cédures diagnostiques du diabète en se passant de l’HGPO [12] . En
développement [3] . Cette évolution attendue est en grande par- effet, dans l’étude DECODE [13] , cet abaissement du seuil à 1,26 g/l
tie liée à la croissance rapide du surpoids et de l’obésité depuis permettait d’obtenir avec la glycémie à jeun une prévalence du
une trentaine d’années, chez les adultes mais aussi chez les diabète à peu près identique à celle obtenue en utilisant la gly-
enfants [4] . Cette augmentation du nombre de diabétiques dans cémie à la deuxième heure de l’HGPO, semblant donc autoriser
le monde va se poursuivre, voire même s’accentuer dans le futur. à se dispenser de l’HGPO pour le diagnostic du diabète chez les
Ainsi, l’« épidémie de diabète » peut engendrer des coûts majeurs, sujets asymptomatiques. En revanche, cette étude DECODE indi-
humains et financiers, pour les individus et pour la société, du quait par ailleurs que la glycémie à la deuxième heure de l’HGPO
fait des complications liées au diabète. Il n’est donc pas exagéré prédisait mieux que la glycémie à jeun la mortalité cardiovas-
de dire aujourd’hui que le diabète représente un véritable pro- culaire [14] . C’est ce dernier point qui a justifié le maintien de
blème de santé publique, essentiellement du fait de l’expansion l’éventuel recours à l’HGPO pour le diagnostic du diabète, bien
du diabète de type 2. que ce test ne soit guère utilisé dans la pratique clinique (en
Ce chapitre commencera par définir le diabète, mon- France, environ 500 000 tests HGPO ont été remboursés durant
trant en particulier l’évolution des critères diagnostiques avec l’année 2013 par l’ensemble des régimes de l’assurance maladie
l’introduction récente de la mesure de l’hémoglobine glyquée A1c contre près de 32 000 000 remboursements pour la glycémie [15] ),
(HbA1c) comme outil diagnostique. La classification des diabètes et que son usage pour des études épidémiologiques soit également
sera ensuite envisagée, puis on abordera, successivement pour très limité du fait de ses contraintes en coût et en temps, difficile-
le diabète de type 1, puis pour le diabète de type 2, les don- ment acceptables à grande échelle, sur de vastes échantillons de
nées épidémiologiques descriptives (statistiques de prévalence et population.
d’incidence), et les données épidémiologiques analytiques pré- C’est ce même souci de simplifier les procédures diagnos-
cisant les facteurs de risque et permettant éventuellement de tiques du diabète qui, dès la fin des années 1970, avait conduit
dégager des moyens de prévention. L’article se terminera par la à envisager d’utiliser le dosage de l’HbA1c pour la détection du
description des données de mortalité chez les patients diabé- diabète [16] . En effet, les caractéristiques de l’HbA1c, son mode
tiques. On se limitera aux données épidémiologiques concernant de biosynthèse et sa cinétique, en ont fait depuis 40 ans l’outil
les diabètes de type 1 et type 2, car ils constituent les seuls majeur d’évaluation de l’équilibre glycémique des diabétiques [17]
types de diabète ayant fait l’objet d’études épidémiologiques. En et devaient logiquement permettre son utilisation comme outil
effet, l’absence de définition consensuelle du diabète gestationnel diagnostique du diabète. Ce sont essentiellement des problèmes
jusqu’à une époque récente empêche de préciser ses caractéris- de standardisation des méthodes de mesure de l’HbA1c qui ont
tiques épidémiologiques, et la rareté des autres types de diabète retardé l’échéance jusqu’à ce que, en 2011, sous la pression de
n’a pas permis de mener d’études épidémiologiques à leur propos. l’ADA, l’OMS ne se décide à ajouter la mesure du taux d’HbA1c
Il ne sera pas ici question de l’épidémiologie des complications dans les outils diagnostiques du diabète, non sans mettre en
chroniques du diabète. Le lecteur pourra se reporter aux chapitres garde vis-à-vis de facteurs, érythrocytaires en particulier, pouvant
consacrés à ces complications. fausser la mesure du taux d’HbA1c, sans parler des problèmes
techniques du dosage et de son coût élevé pour de nombreux
pays [18] .
 Définition et critères Ainsi, aujourd’hui, tant pour l’OMS que pour l’ADA, le diagnos-
tic de diabète peut être retenu dans quatre situations différentes
diagnostiques du diabète (Tableau 1) [19] :
• glycémie (sur plasma veineux) à jeun (depuis huit heures au
Le diabète est une affection métabolique caractérisée par la pré- moins) supérieure ou égale à 1,26 g/l (7,0 mmol/l) ;
sence d’une hyperglycémie chronique résultant d’une déficience • glycémie (sur plasma veineux) deux heures après ingestion
de sécrétion d’insuline et/ou d’anomalies de l’action de l’insuline de 75 g de glucose (test HGPO) supérieure ou égale à 2,00 g/l
sur les tissus cibles du fait d’une résistance à l’insuline. (11,1 mmol/l) ;
Sans remonter aux années 1960 à 1980 où de multiples pro- • présence de symptômes de diabète (polyurie, polydipsie,
positions de critères diagnostiques du diabète ont fleuri, il amaigrissement) et glycémie (sur plasma veineux) mesurée
paraît intéressant de rappeler l’histoire récente de l’évolution et n’importe quand, supérieure ou égale à 2,00 g/l (11,1 mmol/l) ;
des fondements des critères diagnostiques du diabète. Les cri- • HbA1c supérieure ou égale à 6,5 % (48 mmol/mol) en utilisant
tères diagnostiques actuels reprennent pour l’essentiel ceux que une mesure par méthode certifiée par le National Glycohe-
l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (World Health Organi- moglobin Standardization Program (NGSP) et standardisée aux
zation [WHO]) avait proposés dès 1980 [5] . La seule modification normes du Diabetes Control and Complications Trial (DCCT).
concernant les seuils pour la glycémie est l’abaissement de la En pratique clinique, pour que le diagnostic de diabète soit
limite de la glycémie à jeun de 1,40 g/l (7,8 mmol/l) à 1,26 g/l retenu, il convient d’obtenir confirmation par une deuxième
(7,0 mmol/l) décidé en 1999 [6] . La stabilité de ces critères diag- mesure montrant un nouveau résultat anormal, sauf s’il existe
nostiques s’explique par le fait qu’en 1980 les experts de l’OMS des symptômes cliniques. Dans cette seule situation, une unique
s’étaient appuyés sur des bases épidémiologiques solides pour les mesure anormale suffit à porter le diagnostic de diabète.
édicter [5] : Enfin, d’autres anomalies de la glycorégulation sont définies,
• d’une part, des études transversales de populations à forte pré- qui constituent des situations à risque de développer un diabète,
disposition génétique pour le diabète et à grande prévalence désignées également sous le terme de « prédiabète ». Il s’agit de
d’obésité – les Indiens Pimas d’Arizona et les Micronésiens de l’intolérance au glucose (IG), reposant sur la mesure glycémique
Nauru – avaient mis en évidence une distribution bimodale de à la deuxième heure de l’HGPO, et de l’hyperglycémie modérée à
la glycémie avec croisement des deux courbes se situant aux jeun (HMJ), reposant sur la glycémie à jeun, ou encore d’un taux
environs de 1,40 g/l pour la glycémie à jeun et de 2,00 g/l pour un peu élevé d’HbA1c (Tableau 1) [19] .
la glycémie à la deuxième heure de l’hyperglycémie provoquée Les critères diagnostiques du diabète de l’OMS prennent en
par voie orale (HGPO) après absorption de 75 g de glucose [7–9] ; compte pour la glycémie non seulement le temps de prélèvement
• d’autre part, les études prospectives de Bedford et de Whitehall, mais encore le type d’échantillon sanguin, comme indiqué dans
en Angleterre, avaient montré que les complications microan- le Tableau 1.
giopathiques spécifiques du diabète ne se développaient que Dans ses recommandations, l’OMS ne propose pas de modali-
chez les sujets dont la glycémie à jeun et la glycémie à la tés différentes de diagnostic du diabète durant la grossesse, sinon
deuxième heure de l’HGPO dépassaient ces chiffres de 1,40 g/l qu’elle considère comme atteinte de diabète gestationnel toute
et 2,00 g/l au début du suivi [10, 11] . femme enceinte ayant une IG. Ce point de vue est discuté, en
La décision de l’OMS en 1999 d’abaisser la limite de la gly- particulier par l’ADA [19] (sur ce sujet controversé, voir le chapitre
cémie à jeun de 1,40 g/l (7,8 mmol/l) à 1,26 g/l (7,0 mmol/l) [6] spécifique).

2 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Épidémiologie du diabète  10-366-B-10

Tableau 1.
Critères diagnostiques du diabète et du prédiabète (intolérance au glucose [IG], hyperglycémie modérée à jeun [HMJ] ou hémoglobine glyquée A1c [HbA1c]
anormale) suivant le type de mesure et les conditions de prélèvement (d’après [6] ). Sera également considéré comme diabétique tout sujet ayant des
symptômes cliniques de diabète (polyurie, polydipsie, amaigrissement) avec une glycémie sur plasma veineux, mesurée n’importe quand, supérieure ou
égale à 2,00 g/l (11,1 mmol/l).
Concentration de glucose en g/l (mmol/l) HbA1c
Sang total Plasma veineux
Veineux Capillaire
Diabète ≥ 6,5 %
(48 mmol/mol)
Glycémie à jeun ≥ 1,10 (6,1) ≥ 1,10 (6,1) ≥ 1,26 (7,0)
ou ou ou ou
à la deuxième heure de l’HGPO ou HbA1c ≥ 1,80 (10,0) ≥ 2,00 (11,1) ≥ 2,00 (11,1)
IG
glycémie à jeun (si mesurée) < 1,10 (6,1) < 1,10 (6,1) < 1,26 (7,0)
et et et et
à la deuxième heure de l’HGPO 1,20–1,79 (6,7–9,9) 1,40–1,99 (7,8–11,0) 1,40–1,99 (7,8–11,0)
HMJ
glycémie à jeun 1,00–1,09 (5,6–6,0) 1,00–1,09 (5,6–6,0) 1,10 b –1,25 (6,1 b –6,9)
et et et et
à la deuxième heure de l’HGPO (si mesurée) < 1,20 (6,7) < 1,40 (7,8) < 1,40 (7,8)
Prédiabète 5,7–6,4 % a
(en plus d’IG et HMJ) (36–46 mmol/mol)

HGPO : hyperglycémie provoquée par voie orale.


a
Ces valeurs d’HbA1c ne font porter le diagnostic de prédiabète que si les taux de glycémie à jeun et à la deuxième heure de l’HGPO ne permettent pas de retenir le
diagnostic de diabète.
b
Pour l’ADA (19), la limite inférieure de la glycémie sur plasma veineux définissant le prédiabète se situe à 1,00 (5,6)

 Classification des diabètes qu’il s’agit en fait plus vraisemblablement d’une forme de diabète
de type 2 [22] .
À côté des types étiologiques du diabète, depuis 1999, la classi-
La classification des diabètes a assez peu évolué. En 1980, fication de l’OMS a introduit des stades cliniques qui, quelle que
l’OMS considérait, comme la plupart des cliniciens depuis fort soit l’étiologie, reflètent l’évolution du diabète avec son histoire
longtemps, qu’il y avait deux classes principales de diabète : le naturelle, à partir de la normoglycémie [6] . Ces stades, toujours
diabète insulinodépendant ou diabète de type 1, et le diabète non d’actualité [20] , représentent l’évolution d’un patient diabétique
insulinodépendant ou diabète de type 2. L’OMS distinguait égale- dans un sens ou dans l’autre (Fig. 1). Dans cette approche très
ment des « diabètes d’autres types » et le diabète gestationnel [5] . pragmatique, l’OMS a adopté pour la première fois le terme
En 1999, les nouvelles recommandations de l’OMS proposaient d’« insulinorequérance » en indiquant que le type de « diabète
de supprimer les dénominations « insulinodépendant » et « non insulinorequérant pour la survie » correspond à l’ancienne caté-
insulinodépendant » pour garder uniquement les termes « type 1 » gorie de « diabète insulinodépendant », ou encore « C peptide
et « type 2 », en détaillant les différentes formes de « diabètes négatif », alors que le « diabète insulinorequérant pour le contrôle
d’autres types », tout en continuant d’individualiser le diabète glycémique » correspond à un diabète qui garde une insulinosé-
gestationnel [6] . Depuis, peu de changements ont été apportés : crétion endogène suffisante pour la survie mais ne permettant
la classification étiologique des diabètes publiée récemment par pas d’atteindre la normoglycémie sans apport d’insuline exogène.
l’ADA ajoute simplement quelques nouvelles formes de diabètes Enfin, dans le « diabète non insulinorequérant », on peut obtenir
monogéniques de type maturity onset diabetes in the young (MODY), un contrôle glycémique satisfaisant par des méthodes non phar-
à la suite des progrès dans le domaine de la génétique ayant per- macologiques ou des médicaments autres que l’insuline. Les deux
mis d’identifier de nouvelles mutations entraînant des troubles dernières catégories, regroupées, constituent l’ancienne classe de
héréditaires de la régulation glycémique, très rares mais avec une « diabète non insulinodépendant » [6] .
forte pénétrance et une lourde atteinte familiale [19] . C’est égale-
ment l’amélioration des investigations génétiques qui ont conduit
à préciser le mécanisme des diabètes néonataux et du diabète
mitochondrial, eux aussi très rares, et à les individualiser dans la
 Épidémiologie du diabète
classification des diabètes (Tableau 2) [20] . En revanche, le diabète de type 1
de malnutrition, appelé aussi diabète tropical, que l’OMS avait
identifié sans doute un peu prématurément en 1985 [21] , a disparu, Le diabète de type 1 est une maladie relativement rare, repré-
ne persistant que sous la forme de diabète lié à une pancréatite sentant moins de 10 % de l’ensemble des diabètes [19] . Les
fibrocalculeuse, dans la catégorie des diabètes liés à une maladie connaissances épidémiologiques sur le diabète de type 1 ont beau-
du pancréas exocrine (Tableau 2) [20] . coup progressé depuis une vingtaine d’années grâce à la mise en
Le diabète de type 1 reste subdivisé en une forme auto-immune place d’études collaboratives internationales qui ont permis des
qui inclut le classique diabète juvénile et le diabète auto-immun comparaisons précises entre pays, avec un taux d’exhaustivité des
lent de l’adulte (LADA), et une forme idiopathique susceptible de enregistrements des nouveaux cas de diabète de type 1, validé par
décompensation aiguë sur un mode cétoacidosique, rare mais un plusieurs sources, supérieur à 90 %.
peu plus fréquente chez les sujets d’origine africaine et asiatique, Dans la plupart des études, et en particulier dans l’étude EURO-
ayant aussi été décrit comme un diabète « insulinodépendant DIAB [23–26] , le souci de standardisation du recueil d’information et
intermittent » chez les Africains [19] . Le rattachement de cette der- la difficulté pratique à obtenir des mesures biologiques uniformes
nière forme de diabète au type 1 a cependant été contesté dans sur de longues périodes et dans des zones géographiques étendues,
une revue des publications relatant des cas de diabète avec cétoa- ont conduit à simplifier la définition du diabète de type 1 pour
cidose chez des Africains ou des Noirs américains, où il est conclu considérer comme diabétique de type 1 tout sujet dont le diabète a

EMC - Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-B-10  Épidémiologie du diabète

Tableau 2.
Classification étiologique des diabètes.
Diabète de type 1 (destruction des cellules ␤, conduisant Mécanisme auto-immun
habituellement à un déficit absolu en insuline) Idiopathique
Diabète de type 2 (peut varier d’insulinorésistance
prédominante avec déficit relatif en insuline à déficit
sécrétoire prédominant avec insulinorésistance)
Autres types spécifiques Anomalies génétiques de la fonction de la cellule ␤
–MODY3 (Chromosome 12, HNF-1␣)
–MODY1 (Chromosome 20, HNF-4␣)
–MODY2 (Chromosome 7, glucokinase)
–Autres formes très rares de MODY (par exemple MODY4 : chromosome 13, insulin promoter
factor-1 ; MODY6 : chromosome 2, NeuroD1 ; MODY7 : chromosome 9, carboxyl ester lipase)
–Diabète néonatal transitoire (le plus souvent défaut d’inprinting ZAC/HYAMI sur 6q24)
–Diabète néonatal permanent (le plus souvent gène KCNJ11 codant Kir6.2, sous-unité du
canal KATP de cellule ␤)
–Mutation ADN mitochondrial
Anomalies génétiques de l’action de l’insuline
–Insulinorésistance de type A
–Lépréchaunisme
–Syndrome de Rabson-Mendenhall
–Diabète lipoatrophique
Maladies du pancréas exocrine
–Pancréatite
–Trauma/pancréatectomie
–Néoplasie
–Mucoviscidose
–Hémochromatose
–Pancréatopathie fibrocalculeuse
Endocrinopathies
–Acromégalie
–Syndrome de Cushing
–Glucagonome
–Phéochromocytome
–Hyperthyroïdie
–Somatostatinome
–Hyperaldostéronisme primaire
Secondaire à des médicaments ou des toxiques
–Vacor
–Pentamidine
–Acide nicotinique
–Glucocorticoïdes
–Hormones thyroïdiennes
–Diazoxide
–Agonistes ␤-adrénergiques
–Thiazides
–Dilantin
–␥-Interféron
–Autres
Infections
–Rubéole congénitale
–Cytomégalovirus
Formes rares de diabète d’origine auto-immune
–« Stiff-man » syndrome
–Anticorps anti-récepteurs de l’insuline
Autres syndromes génétiques
–Trisomie 21
–Syndrome de Klinefelter
–Syndrome de Turner
–Syndrome de Wolfram
–Syndrome de Lawrence-Moon-Biedl
–Syndrome de Prader-Willi
–Ataxie de Friedreich
–Chorée de Huntington
–Porphyrie
Diabète gestationnel

MODY : maturity onset diabetes in the young.

été découvert avant l’âge de 15 ans et traité d’emblée par insuline. malgré le développement de l’obésité de l’enfant et de l’adolescent
Aux États-Unis, la limite supérieure d’âge au moment du diag- (voir infra) et, de plus, l’insulinothérapie n’y est habituellement
nostic allait jusqu’à 17 ans inclus dans l’étude DERI [27] , et jusqu’à pas prescrite d’emblée. Ce choix apparaît donc acceptable scien-
20 ans dans l’étude SEARCH [28] . Certes, ce mode de classification tifiquement. En revanche, par définition, il occulte totalement
du diabète est un peu approximatif car il peut y avoir un certain l’information sur le diabète de type 1 apparaissant à partir de l’âge
degré de confusion avec le diabète de type 2 de l’adolescent [29] et de 15 ans (ou de 18 ans ou de 20 ans suivant les études), ce qui
le diabète de type MODY [30] , mais ces types de diabète restent rares constitue une lacune importante et regrettable.

4 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Épidémiologie du diabète  10-366-B-10

Stades Normoglycémie Hyperglycémie


Tolérance normale Trouble de la régulation Diabète
au glucose glycémique

Types Intolérance au glucose Non Insulinorequérant Insulinorequérant


et/ou hyperglycémie insulinorequérant pour le pour la
modérée à jeun contrôle survie
glycémique

Type 1
– Auto-immun
– Idiopathique

Type 2a
– Insulinorésistance
prédominante
– Déficit
d’insulinosécrétion
prédominant

Autres types
spécifiquesa

Diabète gestationnela

Figure 1. Anomalies glycémiques : types étiologiques et étapes cliniques. a : dans de rares cas, les patients atteints de diabète de type 2, de diabète « type
spécifique » et de diabète gestationnel (par exemple toxicité du vacor, type 1 survenant durant la grossesse, etc.) peuvent avoir besoin d’insuline pour survivre.

Incidence du diabète de type 1 d’incidence, alors qu’il n’y avait pas d’augmentation significative
de l’incidence en Sardaigne et dans les pays scandinaves, à
L’incidence d’une maladie représente le nombre de nouveaux l’exception de la Finlande [26] . Les auteurs de cette étude esti-
cas diagnostiqués durant une période de temps donnée (un an maient à 15 000 le nombre de nouveaux cas de diabète de type 1
le plus souvent, et on parle alors d’incidence annuelle), dans chez les moins de 15 ans en Europe, prédisant que ce chiffre
une zone géographique précise. Le programme EURODIAB, mis passerait à 24 400 en 2020, alors que la prévalence (nombre de
en place à la fin des années 1980, visait à tester l’existence d’un sujets atteints d’une maladie à un instant donné) des diabétiques
gradient d’incidence du diabète de type 1 croissant du Sud au de type 1 chez les moins de 15 ans augmenterait de 94 000 en
Nord de l’Europe et avait été le premier à fournir des données 2005 à 160 000 en 2020 [26] .
comparatives parfaitement fiables [23] . En effet, un protocole stan- Cette augmentation modérée de l’incidence du diabète de
dardisé d’enregistrement des nouveaux cas de diabète de type 1 type 1 a été retrouvée hors des frontières de l’Europe, en regrou-
chez l’enfant de moins de 15 ans avait été utilisé dans 17 pays pant 37 études réalisées dans 27 pays, sur les cinq continents [31] .
européens, dont la France, et en Israël, avec des procédures L’analyse de ces données un peu disparates (âge au diagnos-
uniformes de vérification de la qualité des données. Malgré la tic allant parfois jusqu’à 19 ans et suivi variant de 8 à 32 ans)
relative ancienneté de ce programme EURODIAB, aucune étude faisait ressortir une augmentation de l’incidence du diabète de
de qualité équivalente n’a été réalisée depuis, et les quelques type 1 de 3,0 % par an (IC 95 % : 2,6–3,3 %) entre 1960 et 1996,
données plus récentes, souvent parcellaires, vont dans le même proche du chiffre d’EURODIAB, et amenait à prévoir une inci-
sens. dence annuelle moyenne de 13,7 pour 100 000 sujets de moins
L’étude EURODIAB sur l’incidence du diabète de type 1 chez de 15 ans sur l’ensemble du monde en 2010 [31] . Ce chiffre n’a pu
les enfants de moins de 15 ans a montré une grande dispersion être confirmé, faute de données récentes sur l’ensemble de la pla-
des taux d’incidence annuelle observés (Fig. 2), allant pour la nète. L’IDF indiquait en 2013 que, parmi les moins de 15 ans, il y
période 1989 à 1998 de 3,2 pour 100 000 dans la république de aurait chaque année à travers le monde 79 100 enfants supplémen-
Macédoine à 40,2 pour 100 000 en Finlande [24, 25] . Les pays scandi- taires qui deviendraient diabétiques de type 1 (incidence) alors
naves étaient les plus touchés avec la Sardaigne faisant exception qu’il y aurait en tout 497 100 enfants diabétiques de type 1 (pré-
dans le Sud de l’Europe avec une incidence annuelle de 36,6 pour valence), dont 26 % vivent en Europe, 22 % en Amérique du Nord
100 000, sans explication claire jusqu’à aujourd’hui. La France se et 22 % aux Caraïbes, tout en soulignant la difficulté d’évaluer le
situait dans le groupe des pays les plus protégés avec une inci- nombre de diabétiques de type 1 dans de nombreux pays. Ainsi, en
dence annuelle chez les moins de 15 ans de 10,4 pour 100 000, Afrique subsaharienne comme dans beaucoup de pays en dévelop-
très proche des taux observés dans les pays du pourtour méditer- pement, bon nombre de cas restent sans doute non diagnostiqués,
ranéen. et des enfants peuvent encore mourir aujourd’hui du fait de la
Durant les quinze années du programme EURODIAB, non-disponibilité de l’insuline [3] .
entre 1989 et 2003, presque partout en Europe l’incidence En France, on dispose de données d’incidence un peu
annuelle a augmenté, avec une croissance moyenne de 3,9 % par anciennes, datant de la première vague d’EURODIAB, sur
an (intervalle de confiance [IC] 95 % : 3,6–4,2 %) ; la croissance quatre régions (Aquitaine, Lorraine, Basse-Normandie et Haute-
la plus forte ayant été observée chez les enfants de moins de Normandie), grâce aux registres mis en place de 1988 à 1997.
5 ans (5,4 % par an [IC 95 % : 4,8–6,1 %]) et la plus faible chez L’étude n’a ensuite été poursuivie qu’en Aquitaine. Le taux annuel
les 10 à 14 ans (2,9 % par an [IC 95 % : 2,5–3,3 %]). Il y avait une d’incidence du diabète de type 1 chez les sujets de moins de 20 ans
association inverse entre l’augmentation annuelle d’incidence était de 9,6 pour 100 000 en 1997 contre 7,41 pour 100 000 en
du diabète de type 1 et le taux d’incidence moyenne durant les 1988 [32] . On avait donc observé entre 1988 et 1997 un accrois-
15 ans de l’étude, ce qui fait que les pays situés dans la partie sement d’environ 3 % par an, très uniforme au fil du temps,
centrale et orientale de l’Europe (Pologne, Roumanie, République identique à l’évolution dans l’ensemble des pays du monde, éga-
tchèque, Slovaquie) ont connu l’augmentation la plus importante lement plus marqué chez les enfants de moins de 5 ans [32] . La

EMC - Endocrinologie-Nutrition 5
10-366-B-10  Épidémiologie du diabète

Figure 2. Incidence (pour 100 000 par an) du diabète de


type 1 en Europe et dans les pays méditerranéens (0–14 ans)
14 en 1998 (adapté d’EURODIAB, d’après [24] ).
40

36
21
26
20 23 10 6
22 8
16 13
13 6
19
13
7 7
10 15
12
Élevé 12 7
10 8 9
Intermédiaire 9
10 6 7
Bas 19 11 9.8
12 8 7
16 12 7 9 3 5
15 16 37 6
6
9
12
7 18
15
7
6 3

poursuite de l’étude en Aquitaine jusqu’en 2004 a confirmé ces Facteurs de risque du diabète de type 1
tendances : l’incidence annuelle du diabète de type 1 chez les
moins de 15 ans est passée de 8,9 pour 100 000 en 1988 à 13,5 Les études épidémiologiques, et en particulier l’étude EURO-
pour 100 000 en 2004, soit une augmentation annuelle du taux DIAB [23–26] , ont tenté de dégager les facteurs de risque du diabète
d’incidence de 3,3 % alors que l’âge moyen au diagnostic a baissé de type 1 et de préciser la responsabilité respective des facteurs
de 10,0 ans à 8,8 ans (p = 0,01), et que l’augmentation annuelle génétiques et environnementaux dans les importantes différences
du taux d’incidence a été la plus forte chez les enfants les plus géographiques notées. Ci-après sont rappelés quelques points
jeunes (0–4 ans : 7,6 % ; 5–9 ans : 4,1 % ; 10–14 ans : 1,3 %) [33] . Par essentiels concernant les facteurs de risque du diabète de type 1,
ailleurs, les données de la Caisse nationale de l’assurance maladie dégagés par les travaux épidémiologiques (voir le chapitre consa-
des travailleurs salariés (Cnamts) en 2005 indiquaient que le dia- cré au diabète de type 1 pour plus d’informations).
bète de type 1 représentait un peu moins de 10 % de l’ensemble
du diabète et touchait environ 150 000 sujets sur l’ensemble
de la population, soit une prévalence de l’ordre de 0,25 % en
Facteurs génétiques
France [34] . La grande hétérogénéité de l’incidence du diabète entre groupes
La croissance du diabète de type 1 est habituellement considérée ethniques, avec une incidence plus élevée chez les Caucasiens que
comme la preuve de l’intervention de facteurs d’environnement chez les Mongoloïdes et les Noirs, souligne l’importance de la
dans l’éclosion du diabète de type 1. Cependant, l’incidence du susceptibilité génétique, différente d’une population à une autre.
diabète de type 1 n’a été mesurée que chez les enfants et les Ainsi, aux États-Unis, en 2009, la prévalence du diabète de type 1
adolescents (voir supra). Il n’est pas exclu que l’augmentation chez les moins de 20 ans était de 2,55 pour 1000 chez les Blancs
de l’incidence du diabète de type 1 chez les sujets de moins de non hispaniques, 1,62 pour 1000 chez les Noirs, 1,29 pour 1000
15 ans (ou 20 ans), soit simplement due à un glissement de l’âge chez les Hispaniques, 0,60 pour 1000 chez les sujets originaires
de début du diabète de type 1 qui atteindrait plus précocement d’Asie ou des îles du Pacifique, et 0,35 pour 1000 chez les Indiens
les sujets prédisposés sans que le nombre total de personnes affec- d’Amérique [35] . Pourtant, la concordance pour le diabète de type 1
tées n’ait réellement augmenté [24] . Cette hypothèse est difficile est seulement d’un peu moins de 20 % dans les paires de jumeaux
à vérifier, faute de données épidémiologiques consistantes sur monozygotes, et le partage d’un même environnement explique
l’incidence du diabète de type 1 chez l’adulte. Toutefois, dans la sans doute une partie de cette concordance, même si elle est infé-
partie française de l’étude EURODIAB qui incluait tous les nou- rieure à 10 % chez les jumeaux dizygotes [36] .
veaux cas apparus jusqu’à l’âge de 20 ans, l’incidence du diabète de Le contraste entre jumeaux monozygotes et dizygotes indique
type 1 est restée stable entre 1988 et 1997 chez les sujets entre 15 cependant de manière incontestable que des facteurs génétiques
et 19 ans, alors qu’une franche augmentation d’incidence était interviennent dans la prédisposition au diabète de type 1. Depuis
observée pour les sujets de moins de 15 ans [32] . Ce résultat ali- près de 40 ans, on sait que les gènes du complexe majeur
mente l’hypothèse du glissement vers le bas de l’âge d’apparition d’histocompatibilité (CMH) de classe II, le système human leuko-
du diabète de type 1. cyte antigen (HLA), impliqués dans l’histocompatibilité et donc
Toutes ces données incitent à poursuivre les études collabo- l’auto-immunité, situés sur le chromosome 6, sont la source
ratives internationales de l’incidence du diabète de type 1, en d’environ 40 % du risque familial de diabète de type 1. En effet,
les étendant si possible aux adultes jeunes. Pour la France en plus de 90 % des diabétiques de type 1 sont porteurs des allèles
particulier, il apparaît nécessaire de reprendre la surveillance épi- du CMH de classe II à haut risque : DQ2, appelé aussi DQA1*0501-
démiologique du diabète de type 1, abandonnée depuis quelques DQB1*0201, sur les haplotypes DR3 de l’ancienne nosologie, ou
années. Enfin, l’augmentation de l’incidence du diabète de type 1 DQ8 (DQA1*0301-DQB1*0302) sur les haplotypes DR4. Trente-
chez l’enfant pousse à intensifier les efforts de recherche pour cinq pour cent des diabétiques de type 1 sont hétérozygotes
réussir à dépister cette maladie à un stade préclinique et mettre DQ2/DQ8 [37] . Par ailleurs, des allèles protecteurs du diabète de
au point des traitements préventifs efficaces, sujet difficile resté type 1 ont été identifiés, tel DQA1*0102-DQB1*0602, ainsi que
sans solution aujourd’hui après quelques dizaines d’années de la présence d’un aminoacide aspartique (Asp) en position 57
recherches. sur la chaîne DQB1 de la classe II (ou encore, la présence d’un

6 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Épidémiologie du diabète  10-366-B-10

acide aminé différent en cette position aurait un rôle favo- zotocine) y est consommé essentiellement au moment des fêtes
risant) [38] . Les études écologiques d’EURODIAB ont confirmé de fin d’année [45] . Par ailleurs, l’introduction précoce de lait de
en partie ces notions en montrant une corrélation positive vache dans l’alimentation du nourrisson et/ou la durée réduite de
significative entre la fréquence des génotypes HLA DQ2/DQ8 l’allaitement maternel ou son absence ont été également incrimi-
(DQA1*0501-DQB1*0201/DQA1*0301-DQB1*0302) et HLA nées à partir d’études cas-témoins [46, 47] , la suspicion étant étayée
DQ4/DQ8 (DQA1*0401-DQB1*0402/DQA1*0301-DQB1*0302) par la présence dans le lait de vache de déterminants immuno-
au niveau de la population générale d’un pays et l’incidence géniques du diabète de type 1 [48] . Certes, les études prospectives
du diabète de type 1 dans chaque pays [39] . En revanche, dans chez des enfants génétiquement prédisposés au diabète n’ont pas
cette même étude, aucune corrélation significative n’a été mise toutes confirmé cette association [49] , mais la plupart ont mis en
en évidence entre d’une part l’incidence du diabète de type 1 évidence une liaison entre un allaitement maternel prolongé et un
et d’autre part la prévalence dans la population soit des allèles risque diminué de survenue de diabète de type 1 [50, 51] . Cependant,
de susceptibilité (non-Asp) en position 57 de la chaîne DQB1 de pour certains auteurs, il semble plutôt que ce soit l’introduction
classe II, soit des allèles protecteurs DQA1*0102-DQB1*0602 [39] . précoce, avant l’âge de 3 mois, d’aliments solides, en particulier
Ces données soulignent la complexité des relations entre facteurs s’ils contiennent du gluten, qui favorise le développement des
génétiques et diabète de type 1, les études présentant des éléments mécanismes auto-immuns associés au diabète de type 1, spécia-
parfois contradictoires, soit en raison d’un manque de puissance lement chez des enfants ayant un génotype HLA-DR3/DR4-DQ8,
statistique, soit surtout du fait d’interactions entre facteurs descendants de diabétiques de type 1 [52] .
génétiques et facteurs d’environnement dans le déclenchement Enfin, des facteurs socio-économiques ont été dégagés par dif-
du diabète de type 1. férentes études qui démontrent une association positive entre le
Par ailleurs, il a été remarqué depuis plus de 20 ans qu’un père niveau de vie/niveau d’hygiène et le risque de diabète de type 1,
diabétique de type 1 avait, par rapport à une mère diabétique de en utilisant soit des corrélations écologiques au niveau interna-
type 1, un risque deux à trois fois plus élevé de transmettre cette tional [25] ou régional [53] , soit des comparaisons cas-témoins [54] .
affection à son enfant (environ 6 % contre 2,5 %) [40] . Cette diffé- Cette association pourrait s’expliquer par un rôle protecteur vis-
rence pourrait s’expliquer non par un mécanisme génétique mais à-vis du diabète de type 1 de l’exposition précoce à des agents
par une transmission d’anticorps protecteurs vis-à-vis du diabète infectieux dans les premiers mois de la vie, jouant sur les
de type 1 par le placenta puis par le lait maternel [41] . mécanismes d’immunomodulation [55] . Plus récemment, le rôle
éventuel d’entérovirus a aussi été évoqué [56] , sans que les tech-
niques les plus modernes de séquençage du microbiote par next
Facteurs liés au sexe, à l’âge et à l’environnement generation sequencing (NGS) n’aient apporté confirmation pour le
La plupart des publications indiquent que l’incidence du dia- moment [57] .
bète de type 1 est légèrement plus élevée chez les garçons que Au total, l’ensemble des données épidémiologiques concernant
chez les filles ; cette différence en fonction du sexe, plus nette le diabète de type 1 met en évidence la croissance lente mais régu-
dans les zones géographiques à haut risque, ne semble pas liée lière de cette pathologie dans le monde et alimente des hypothèses
à des facteurs génétiques mais plutôt à une susceptibilité plus intéressantes non seulement sur le plan conceptuel mais égale-
grande aux facteurs d’environnement, en particulier à certaines ment pour la mise en place de mesures pratiques visant à enrayer
infections virales, chez les garçons [42] . sa progression.
Les études menées à vaste échelle montrent qu’au cours des
quinze premières années de la vie, des pics d’incidence sont obser-
vés à l’âge préscolaire et au moment de la puberté. De manière
générale, si on découpe les jeunes populations par classes d’âge
 Épidémiologie du diabète
de cinq ans en cinq ans, des incidences croissantes sont observées de type 2
de la naissance jusqu’à 15 ans dans les deux sexes [23] . En revanche,
comme vu précédemment, c’est chez les plus jeunes que la crois- Le diabète de type 2 représente l’essentiel du problème de santé
sance du diabète de type 1 a été la plus rapide sur l’ensemble des publique constitué par l’« épidémie de diabète » puisque plus de
centres d’EURODIAB [24] . 90 % des diabétiques ont un diabète de type 2 dont la croissance
Des variations saisonnières pour le moment de la première dans un futur proche devrait être très forte [3] . Il est donc capital de
injection d’insuline ont également été mises en évidence par disposer de données épidémiologiques fiables. Pourtant, ces don-
l’étude EURODIAB [24] . La courbe a une forme sinusoïdale dans les nées sont difficiles à recueillir car le diabète de type 2 est le plus
deux sexes et dans les trois classes d’âge, moins marquée cepen- souvent asymptomatique, ce qui impose le recours à des mesures
dant chez les 0 à 4 ans, avec un pic en décembre à janvier et une glycémiques pour le reconnaître. Pratiquer un dosage sanguin sys-
incidence minimale en juin [24] . Cette observation globale souffre tématique sur de vastes échantillons représentatifs pour évaluer
cependant des exceptions, ainsi, aucune variation saisonnière n’a le nombre de diabétiques de type 2 dans une population n’est
été retrouvée en Lettonie ou en Lituanie, mais le petit nombre pas aisé. Cela explique qu’on ne dispose pratiquement d’aucune
de cas pourrait expliquer ce résultat [43] . Il est probable que la donnée d’incidence du diabète de type 2, en dehors de quelques
recrudescence d’apparition du diabète en saison froide soit liée populations très particulières, car il est difficile de répéter des
à des facteurs environnementaux (infections virales par exemple) mesures glycémiques systématiques chez des sujets ne se plai-
qui précipitent la survenue du diabète de type 1. Cette hypothèse gnant de rien. On doit donc se contenter presque uniquement de
est soutenue par l’observation d’une forte corrélation négative données de prévalence pour le diabète de type 2. De plus, il faut
(r = –0,55) entre la température moyenne annuelle dans un pays et souligner que les problèmes de diagnostic du diabète évoqués pré-
son incidence du diabète de type 1 [27] et par le lien entre infections cédemment rendent difficiles les comparaisons temporospatiales
virales et diabète de type 1 [44] . de prévalence du diabète de type 2 du fait de l’hétérogénéité des
L’épidémiologie a aussi contribué à mettre en évidence méthodes employées (utilisation de la glycémie à jeun et/ou de
l’influence de facteurs alimentaires chez le nouveau-né et le nour- l’HGPO et/ou depuis peu de l’HbA1c) et des modifications des
risson, voire même durant la vie fœtale ou à la conception, sur le critères diagnostiques.
risque de diabète de type 1. Bien sûr, les données épidémiologiques
descriptives ne peuvent que faire naître des hypothèses sur la phy-
siopathologie du diabète. Avant de les retenir définitivement, il Prévalence du diabète de type 2
faut les confirmer par des expérimentations animales, des mesures
biologiques ou, mieux encore, des études d’intervention. Ainsi, en
Données internationales
Islande, à partir de l’observation d’une plus grande fréquence du À l’échelle de la planète, la prévalence du diabète de type 2
diabète de type 1 chez les enfants nés vers la fin septembre ou le peut être assimilée en première approximation à la prévalence du
début octobre, le rôle de la consommation de nitrosamines par diabète tous types confondus puisque plus de 90 % des patients
les parents à la période de la conception a pu être soupçonné, car diabétiques sont atteints de diabète de type 2. Pour l’IDF, la
le mouton fumé, riche en nitrosamines (d’où dérive la strepto- prévalence du diabète chez l’adulte (de 20 à 79 ans) était de

EMC - Endocrinologie-Nutrition 7
10-366-B-10  Épidémiologie du diabète

Pays Figure 3. Nombre de patients diabétiques par


pays en 2014 (source : International Diabetes
Jusqu'à 1 million 1–5 millions 5–10 millions 10–20 millions 20–50 millions
Federation. IDF Diabetes Atlas update poster,
Plus de 50 millions 6th ed. Brussels, Belgium: International Diabetes
Federation, 2014).

Pays Figure 4. Prévalence du diabète par pays en


≤4% > 4–5 % > 5–7 % > 7–9 % > 9–12 % > 12 % 2014 (source : International Diabetes Federation.
IDF Diabetes Atlas update poster, 6th ed. Brus-
sels, Belgium: International Diabetes Federation,
2014).

8,3 % en 2013 et devrait atteindre 10,1 % en 2035. Cette aug- l’Inde, la Chine et les États-Unis et, d’après les prévisions, le clas-
mentation de 22 % en 22 ans peut apparaître relativement faible sement devrait rester le même en 2030 [58] . Les chiffres fournis
comparativement à l’augmentation prévue de 55 % du nombre de par l’IDF sont assez différents puisque l’IDF considère que c’est
diabétiques adultes dans la même période, pour passer de 382 à la Chine qui arrivait en tête devant l’Inde en 2013 et qu’elle le
592 millions [3] . Ce contraste dans l’évolution du diabète de type 2 restera en 2035 [3] . L’IDF et l’OMS s’entendent cependant pour
entre prévalence et nombre de patients tient en grande partie à placer les États-Unis en troisième position, loin derrière les deux
l’effet de la taille des populations des pays en développement où leaders asiatiques, aussi bien aujourd’hui que dans le futur [3, 58] .
l’urbanisation croît à très grande vitesse. En effet, si la prévalence Les variations entre les estimations de l’OMS et de l’IDF peuvent
du diabète restera plus élevée dans les pays industrialisés, comme sans doute s’expliquer par des méthodologies un peu différentes.
actuellement, l’accroissement du nombre des diabétiques dans le Noter que l’OMS indique que, pour toutes les projections, elle ne
monde proviendra surtout des pays en développement [3] (Fig. 3). tient compte que de l’évolution démographique attendue et ne
Pour l’OMS, en 2030, un peu plus de 75 % des diabétiques de la prend pas en considération l’évolution prévisible de l’obésité dans
planète résideront dans les pays en développement, contre un peu le monde, ce qui entraîne vraisemblablement une sous-estimation
moins de 65 % en 2000 [58] . majeure de ses chiffres de prévalence et du nombre de diabétiques
Par ailleurs, l’allongement de l’espérance de vie dans presque en 2030 [58] .
toutes les populations du monde explique aussi l’accroissement À partir des multiples enquêtes épidémiologiques, malgré les
du nombre de patients diabétiques observé depuis plusieurs importantes différences méthodologiques précédemment signa-
années et attendu dans le futur. Dans les pays en développement, lées, il est possible de dégager les grandes lignes de la prévalence
depuis longtemps, la plupart des diabétiques sont âgés de 45 à du diabète de type 2 à travers le monde [3, 58] . La Figure 4 tirée de
64 ans, alors que dans les pays développés la majorité des diabé- l’atlas du diabète de l’IDF montre les grandes disparités obser-
tiques ont plus de 64 ans. Cependant, en 2030, on estime que le vées à travers le monde en 2014. Elle indique, si on la compare
nombre de sujets diabétiques de plus de 64 ans devrait se situer à à la Figure 3 rapportant le nombre de diabétiques, que ce sont
environ 82 millions dans les pays en développement et 48 millions de petits pays qui ont les plus fortes prévalences du diabète chez
dans les pays développés [58] . Pour l’OMS, les pays comprenant le les adultes de 20 à 79 ans, en particulier les îles du Pacifique :
plus grand nombre de diabétiques étaient en 2000, dans l’ordre :
Marshall (37 %), États fédérés de Micronésie (31 %), Cook (25 %),

8 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Épidémiologie du diabète  10-366-B-10

Kiribati (24 %), Vanuatu (21 %), mais aussi les pays du Moyen- Tableau 3.
Orient : Arabie saoudite (21 %), Koweït (18 %), Qatar (16 %). Elle Prévalence du diabète traité pharmacologiquement selon l’âge et le sexe
souligne également que c’est l’énorme masse de population qui en 2012, en France (d’après [61] ).
place la Chine et l’Inde en tête pour le nombre de diabétiques Âge atteint dans Hommes (%) Femmes (%) Total (%)
puisque la prévalence du diabète dans ces deux pays n’était l’année (ans)
que de 9 % en 2014 [3] . Ces données mettent donc en évidence
d’énormes différences de prévalence suivant les régions du monde 0–4 0,02 0,02 0,02
et entre divers groupes ethniques. Par ailleurs, à l’intérieur d’une 5–9 0,09 0,09 0,09
même ethnie, il a été observé depuis longtemps d’importantes 10–14 0,18 0,18 0,18
différences pour la prévalence du diabète en fonction du lieu 15–19 0,24 0,24 0,24
d’implantation, avec des chiffres nettement plus élevés en ville
20–24 0,29 0,31 0,30
qu’à la campagne. Si ce contraste géographique semble s’atténuer
dans les pays développés [58] , il reste important dans les pays en 25–29 0,40 0,44 0,42
voie de développement où l’urbanisation s’associe très souvent 30–34 0,56 0,61 0,59
à un régime alimentaire déséquilibré, une moindre activité phy- 35–39 0,96 0,87 0,91
sique et davantage de stress, le tout favorisant la prise de poids 40–44 1,68 1,36 1,52
et, en conséquence, le diabète [58] . On estime que, dans la plupart
45–49 3,20 2,37 2,78
des pays en voie de développement, la prévalence du diabète est
deux fois plus faible en milieu rural qu’en milieu urbain [58] , et il a 50–54 5,71 4,07 4,87
même été observé que cette réduction atteignait un quart à la cam- 55–59 9,38 6,38 7,83
pagne par rapport à la ville au Bangladesh, au Bhoutan, en Inde, 60–64 13,67 8,56 11,02
aux Maldives, au Népal et au Sri Lanka [59] . La Figure 4 montrant 65–69 17,03 10,81 13,78
la prévalence du diabète chez l’adulte par pays ne peut mettre en
70–74 18,96 12,78 15,62
évidence la plus forte prévalence du diabète au monde, observée
depuis de nombreuses années chez les Indiens Pimas d’Arizona où 75–79 19,44 13,97 16,31
elle est proche de 50 %. Ce point sera abordé dans le chapitre sur 80–84 18,09 13,51 15,29
les facteurs de risque du diabète de type 2. 85–89 14,60 11,17 12,31
Enfin, du fait de son caractère habituellement asymptomatique 90 et plus 10,29 7,93 8,54
et de la difficulté d’accès à des laboratoires d’analyse dans beau-
Total 5,13 4,08 4,58
coup de contrées, le diabète de type 2 reste bien souvent méconnu,
et la prévalence du diabète de type 2 non diagnostiqué n’est pas
facile à évaluer. L’IDF propose un chiffre de 175 000 000 sujets dia-
bétiques non diagnostiqués dans le monde en 2013 chez les sujets polypathologies ouvrant droit à l’ALD et ne sont inscrits qu’au
de 20 à 79 ans, pratiquement tous diabétiques de type 2, soit près titre d’une seule affection –, mais il est impressionnant de consta-
de la moitié du nombre des diabétiques connus. Ces diabétiques ter qu’alors que le diabète ne figurait qu’en quatrième position
non diagnostiqués se situeraient essentiellement dans la partie en 1990 pour la fréquence de prise en charge en ALD derrière le
ouest du Pacifique qui inclut la Chine (74 700 000 sujets), et en cancer, les troubles mentaux et les artériopathies, il est passé au
Asie du Sud-Est qui inclut l’Inde (35 100 000 sujets), alors que la deuxième rang en 2002 derrière le cancer, puis a pris la tête depuis
proportion de diabète méconnu serait la plus élevée dans les pays 2010, et qu’en 2013, sur un total de 9 700 000 sujets inscrits en
les plus pauvres d’Afrique (75 %) et de la partie ouest du Pacifique ALD 30, il y a 2 250 760 ALD pour diabète contre 1 992 380 ALD
(63 %) [3] . pour tumeur maligne [62] .
Par ailleurs, grâce au SNIIRAM [61] , il a été observé en 2012,
comme depuis longtemps, qu’à âge égal la prévalence du dia-
Données françaises bète était plus élevée chez l’homme (5,5 %) que chez la femme
En France, depuis 1998, la mise en place du Système (3,8 %), donnant un sex-ratio homme/femme de 1,4. Par ailleurs,
d’information de l’assurance maladie (SIAM) permet de dispo- de grandes différences de prévalence du diabète ont été mises
ser de données précises de prévalence du diabète. Initialement en évidence en fonction de l’âge (Tableau 3), puisqu’il touche
limité à la métropole et aux personnes affiliées au régime général 0,5 % des moins de 45 ans et 9,7 % des sujets âgés de 45 ans et
de l’assurance maladie, ce qui représentait tout de même environ plus. L’examen de la répartition géographique indiquait pour la
70 % de la population française, il a depuis été élargi pour deve- métropole en 2012 que la prévalence, standardisée sur l’âge et
nir, depuis 2003, le Système national d’information inter-régimes le sexe, était la plus élevée dans la région Nord-Pas-de-Calais
de l’assurance maladie (SNIIRAM) qui couvre pratiquement toute (5,50 %) suivie de la Picardie (5,46 %), de l’Alsace (5,22 %) et
la population de métropole mais aussi des départements d’outre- de la Champagne-Ardenne (5,09 %), alors que les taux les plus
mer (DOM) à l’exception de Mayotte. Le SIAM devenu SNIIRAM bas étaient observés en Bretagne (2,94 %), dans les Pays de la
est une base de données qui enregistre toutes les prestations rem- Loire (3,71 %), en Basse-Normandie (3,83 %) et en Midi-Pyrénées
boursées aux assurés sociaux, en particulier les médicaments. Dans (3,83 %) (Fig. 5). De plus, cette prévalence, standardisée sur l’âge,
la mesure où les deux types de traitement pharmacologique utili- augmentait en fonction de l’indice territorial de désavantage
sés dans le diabète – l’insuline et les antidiabétiques oraux – sont social calculé à l’échelle de la commune à partir de données socio-
spécifiques de cette maladie, il est ainsi possible de connaître la économiques issues du recensement de la population. Chez les
prévalence du diabète traité pharmacologiquement en France. moins de 60 ans, elle était un peu plus de deux fois plus élevée chez
Alors que la première estimation de cette prévalence était de les personnes bénéficiant de la couverture maladie universelle
3,06 % en 1998 [60] , elle est passée à 4,6 % en 2012, soit envi- complémentaire (CMU-C) que chez celles n’en bénéficiant pas
ron 3 000 000 diabétiques traités pharmacologiquement [61] . Cette (2,1 % versus 1,0 %). Dans les DOM, à l’inverse de la métropole,
augmentation importante semble cependant se ralentir un peu la prévalence du diabète traité pharmacologiquement était plus
puisque le taux de croissance annuel est passé de 4,7 % entre 2006 élevée chez les femmes que chez les hommes, avec un sex-ratio
et 2009 à 2,8 % entre 2010 et 2012 [61] . La progression du dia- homme/femme de 0,8 en Guadeloupe, Martinique et Guyane, et
bète en France depuis une vingtaine d’années est confirmée par de 0,9 à la Réunion. De plus, c’est dans les DOM qu’étaient notées
l’évolution du nombre d’admissions en affection de longue durée les prévalences standardisées les plus fortes, atteignant 9,80 % à la
(ALD) pour diabète, qui constitue une des 30 pathologies don- Réunion, 9,24 % à la Martinique, 8,30 % en Guadeloupe et 7,12 %
nant droit au remboursement à 100 % du coût des soins liés à en Guyane [61] .
la maladie. Certes, cette source d’information comporte une cer- Ces données de prévalence portant sur le diabète traité pharma-
taine imprécision – certains patients ne souhaitent pas bénéficier cologiquement semblent bien refléter la prévalence du diabète de
de la prise en charge en ALD diabète pour des raisons de confi- type 2 en France d’après l’étude ObÉpi qui a utilisé une métho-
dentialité vis-à-vis d’un employeur en particulier, d’autres ont des dologie très différente. Elle repose en effet sur un échantillon

EMC - Endocrinologie-Nutrition 9
10-366-B-10  Épidémiologie du diabète

Guadeloupe

Martinique

Guyane

Réunion

> 4,71 %
4,15 % à 4,71 %
< 4,15 %
Figure 5. Prévalence du diabète traité pharmacologiquement standardisée sur la population française par département en 2012 (d’après [61] ).

représentatif de 20 000 foyers auxquels a été adressé par voie L’étude ObÉpi retrouvait aussi un gradient géographique impor-
postale, début 2012, un questionnaire à remplir par les adultes tant avec 4,3 % d’adultes diabétiques de type 2 dans le sud-ouest
de 18 ans et plus vivant à l’adresse choisie au hasard suivant de la France contre 9,0 % dans le Nord-Pas-de-Calais. De plus,
les techniques des sondages [63] . Pour interpréter correctement la elle mettait en évidence des différences très significatives, après
comparaison entre les données du SNIIRAM et celles d’ObÉpi, ajustement sur l’âge et le sexe, entre les patients diabétiques de
il faut se souvenir que le SNIIRAM évalue la prévalence du type 2 et les sujets non diabétiques en ce qui concerne le niveau
diabète dans l’ensemble de la population française, depuis les d’éducation et les revenus financiers, les patients diabétiques
nouveau-nés jusqu’aux centenaires, alors qu’ObÉpi fournit des apparaissant défavorisés sur ces deux critères. Enfin, elle préci-
chiffres de prévalence du diabète de type 2 chez les adultes. sait que l’indice de masse corporelle (IMC) moyen des patients
Avec un taux de réponse des foyers de 73,5 % (65,0 % pour diabétiques de type 2 était de 29,9 kg/m2 contre 26,0 kg/m2 chez
les données complètes avec poids et taille indiqués), assez les non-diabétiques après ajustement sur l’âge et le sexe, avec
satisfaisant pour valider la représentativité de l’échantillon, chez les diabétiques 38,4 % de sujets en surpoids (IMC entre 25
la prévalence du diabète de type 2 chez les 25 714 sujets et 30 kg/m2 ) et 43,1 % d’obèses (IMC ≥ 30 kg/m2 ) [63] .
de 18 ans et plus ayant répondu au questionnaire était de Pour compléter ces connaissances sur la prévalence du diabète
5,5 %. de type 2 en France, il convient d’avoir une idée précise du nombre
Le traitement de ces patients diabétiques de type 2 se résu- de cas de diabète de type 2 non diagnostiqué, ce qui est difficile
mait aux mesures hygiénodiététiques pour 5,3 % d’entre eux, alors en raison du caractère asymptomatique de cette pathologie. Pour-
que 77,1 % étaient traités par antidiabétiques oraux uniquement, tant, l’Étude nationale nutrition santé (ENNS) [64] menée en 2006
14,5 % par insuline (seule dans un peu plus d’un tiers des cas) et 2007 permet de répondre assez bien à cette interrogation.
et 3,0 % par analogue du glucagon-like peptide-1 (GLP-1) seul ou L’ENNS visait principalement à connaître les apports alimentaires,
associé à des antidiabétiques oraux. L’étude ObÉpi confirmait éga- l’état nutritionnel et l’activité physique d’un échantillon national
lement la prédominance masculine pour la prévalence du diabète d’adultes (18–74 ans) et d’enfants vivant en France métropoli-
de type 2 (55 % d’hommes) et la grande influence de l’âge, avec taine. Cette étude avait aussi, entre autres objectifs secondaires,
0,5 % de la population atteinte de diabète de type 2 entre 18 et l’ambition de décrire la prévalence du diabète, connu et non diag-
24 ans contre 14,2 % chez les sujets âgés de 65 ans et plus. Elle nostiqué. L’enquête a porté sur un échantillon aléatoire d’adultes
montrait que la courbe de prévalence du diabète de type 2 aug- de 18 à 74 ans avec un taux de réponse de 40 % à la fois pour le
mentait doucement avec l’âge jusqu’à la classe 45 à 54 ans où remplissage des questionnaires et le prélèvement sanguin à jeun.
la courbe se raidissait, plus encore chez l’homme dont la préva- Parmi les 2328 sujets ayant répondu à la question « Un médecin ou
lence passait de 4,4 % à 45 à 54 ans à 10,0 % à 55 à 64 ans puis à un autre professionnel de santé vous a-t-il dit que vous étiez diabé-
18,4 % à partir de 65 ans, que chez la femme où, pour les mêmes tique ? », en indiquant alors le traitement du diabète reçu, et ayant
classes d’âge, les prévalences étaient respectivement de 3,4, 7,7 et eu la mesure de glycémie à jeun, 3,4 % avaient un diabète traité
10,8 %. pharmacologiquement et 0,5 % un diabète traité par mesures

10 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Épidémiologie du diabète  10-366-B-10

hygiéno-diététiques uniquement, alors que 1,0 % avait une glycé- Tableau 4.


mie à jeun supérieure ou égale à 1,26 g/l (7,0 mmol/l) sans notion Facteurs de risque du diabète de type 2.
préalable d’existence d’un diabète, donnant une prévalence glo- Âge ≥ 45 ans
bale de 4,9 % pour le diabète dans la population française des Surpoids (IMC ≥ 25 kg/m2 ), surtout si répartition abdominale de la
18-74 ans [64] . L’ensemble de ces données est assez cohérent avec graisse ou si associé à l’inactivité physique
les chiffres fournis par le SNIIRAM et par l’étude ObÉpi, et permet Niveau socio-économique bas
donc de considérer que la prévalence du diabète non diagnos- Antécédents familiaux (parents ou fratrie) de diabète de type 2
tiqué en France est voisine de 1 %, soit environ 600 000 sujets. Origine ethnique non caucasienne et/ou migrant
Ce chiffre se situe dans la moyenne des estimations très disper- Antécédents d’hyperglycémie modérée à jeun ou d’intolérance au
sées avancées précédemment, qui allaient de 200 000 à 1 000 000 glucose
pour le nombre de diabétiques de type 2 méconnus en France sui- Antécédents de diabète transitoire à l’occasion d’un stress majeur ou
vant les auteurs. De plus, il faut noter que cette proportion de d’une corticothérapie
20 % de sujets (0,010/0,049) dont le diabète était méconnu jusqu’à Antécédents de diabète gestationnel ou d’accouchement d’un
réalisation de la glycémie à jeun, parmi l’ensemble des sujets dia- nouveau-né pesant plus de 4 kg
bétiques en 2006 à 2007 en France, est proche de la proportion Pression artérielle (≥ 140/90) ou hypertension traitée
de 25 % de diabète méconnu diagnostiqué par la glycémie à jeun HDL-cholestérol ≤ 35 mg/dl (0,90 mmol/l) et/ou triglycérides
≥ 250 mg/dl (2,82 mmol/l) ou dyslipidémie traitée
aux États-Unis en 2005 à 2006 dans l’enquête NHANES chez les
Syndrome des ovaires polykystiques
20 ans et plus [65] . Tous ces arguments accréditent les résultats de
l’ENNS pour la prévalence du diabète de type 2 non diagnostiqué IMC : indice de masse corporelle ; HDL : high-density lipoprotein.
en France.
L’ensemble de ces données permet de conclure que la préva-
lence du diabète de type 2 en France est aujourd’hui voisine de
de 780 pour 100 000. L’incidence était de 360 pour 100 000 chez
6 %, ce qui représente un chiffre de près de 4 000 000 de diabé-
les sujets de 20 à 44 ans, de 1 200 pour 100 000 chez les 45 à 64 ans,
tiques, connus ou non diagnostiqués.
et de 1150 pour 100 000 à partir de l’âge de 65 ans. Chez les moins
de 20 ans, un diabète a été découvert chez 23 525 sujets, atteints
Incidence du diabète de type 2 d’un diabète de type 2 pour 22 % et d’un diabète de type 1 pour
78 %. Alors que le diabète de type 1 touchait surtout les enfants et
Les données d’incidence du diabète de type 2, c’est-à-dire adolescents caucasiens non hispaniques, à l’inverse le diabète de
reposant sur des études spécifiques avec mesures glycémiques sys- type 2 concernait avant tout les autres populations et très peu les
tématiques au moins à deux reprises, à distance, chez un même enfants et adolescents caucasiens non hispaniques [67] .
sujet, ne seront pas ici détaillées. En effet, la difficulté à mener
de telles explorations a conduit à les abandonner depuis de nom-
breuses années, alors que les rares études anciennes, menées pour
Données françaises
la plupart entre les années 1960 et la fin des années 1980, ne En France, l’incidence du diabète peut être approchée à partir
concernaient pratiquement que des populations caucasiennes ou des admissions en ALD pour diabète sur une année [62, 68] . En 2006,
des populations connues pour avoir un très haut risque de dia- pour la France métropolitaine, le taux brut d’incidence des ALD
bète, tels les Indiens Pimas, et que presque toutes s’intéressaient à pour diabète était de 289 pour 100 000 habitants, correspondant
des sujets autour de la cinquantaine, le plus souvent des hommes à environ 178 000 nouveaux patients. Le taux d’incidence stan-
(étude prospective parisienne par exemple) et qu’elles utilisaient dardisé sur l’âge était plus élevé chez les hommes que chez les
des critères diagnostiques anciens. De cet ensemble hétéroclite, femmes (154 versus 121/100 000) et le taux d’incidence augmen-
on retiendra simplement que l’incidence du diabète de type 2 se tait avec l’âge jusqu’à un pic à 64 à 75 ans (1011 et 670/100 000
situait, il y a une vingtaine d’années, autour de 4 pour 1000 chez chez les hommes et les femmes respectivement) avant de diminuer
les Caucasiens de la cinquantaine vivant en Europe. ensuite. Par ailleurs, les disparités régionales, déjà constatées pour
Dans de nombreux pays, ce sont maintenant les grandes bases la prévalence, étaient pratiquement retrouvées pour l’incidence
de données issues des systèmes de santé ou de remboursement du diabète, avec les taux les plus élevés dans le nord-est et les plus
des soins qui sont utilisées pour évaluer le nombre de nou- bas dans l’ouest de la France. Entre 2000 et 2006, à structure d’âge
veaux patients diabétiques (en étant parfois capables de préciser comparable, le taux d’incidence du diabète a augmenté globale-
« diabétiques de type 2 ») et fournir ainsi une estimation dite ment de 21 %, 27 % chez les hommes et 14 % chez les femmes.
« écologique » de l’incidence, en rapportant le nombre de nou- Dans les DOM, les taux d’incidence, calculés globalement sur la
veaux cas de diabète (ou de diabète de type 2) déclarés durant période 2000 à 2006, ont été retrouvés nettement plus élevés
l’année à la population générale. qu’en métropole puisque, à structure d’âge et de sexe compara-
ble, ce taux était de 559/100 000 en Guadeloupe, 517/100 000 à la
Données internationales Réunion, 366/100 000 en Martinique et 307/100 000 en Guyane
contre 244/100 000 en métropole sur la même période. Il faut
Des données assez récentes d’incidence du diabète de type 2
noter enfin que dans les DOM, les taux d’incidence du diabète
proviennent du Royaume-Uni grâce au réseau de médecins géné-
étaient plus élevés chez les femmes que chez les hommes, à
ralistes du Clinical Practice Research Datalink, montrant un
l’inverse de la métropole [68] .
taux brut d’incidence annuelle du diabète de type 2 de 515
pour 100 000 en 2010 [66] . La comparaison des taux d’incidence
depuis 1991, standardisés sur l’âge et le sexe, en prenant pour Facteurs de risque du diabète de type 2
référence l’incidence du diabète de type 2 entre 1991 et 1995,
montrait une augmentation d’un facteur multiplicatif de 1,58 La liste des facteurs de risque du diabète de type 2, présentée
pour la période 1996 à 2000, de 2,37 pour la période 2001 à 2005 et dans le Tableau 4, a pour intérêt de fournir des éléments pour
de 2,75 pour la période 2006 à 2010. Cette croissance était encore organiser un dépistage orienté du diabète de type 2 en population,
plus marquée chez les sujets d’âge inférieur ou égal à 40 ans avec, en identifiant les sujets à risque. En revanche, elle n’indique que
toujours par rapport à la période 1991 à 1995, un facteur mul- deux facteurs modifiables, susceptibles d’orienter une politique
tiplicatif de 2,17 entre 1996 et 2000, de 3,27 entre 2001 et 2005 de prévention du diabète de type 2, le surpoids et l’inactivité phy-
et de 5,98 entre 2006 et 2010. La survenue de plus en plus jeune sique, catégorie dans laquelle on peut sans doute aussi inclure le
du diabète de type 2 était également attestée par la proportion de bas niveau socio-économique.
sujets d’âge inférieur ou égal à 40 ans lors du diagnostic, passée de On ne s’attardera pas sur les facteurs de risque non modifiables,
5,9 % entre 1991 et 1995, à 8,4 % entre 1996 et 2000, puis 8,5 % sinon pour insister sur l’influence de l’âge mise en exergue à de
entre 2001 et 2005 et enfin 12,4 % entre 2006 et 2010 [66] . nombreuses reprises lorsqu’ont été décrites les données de pré-
Aux États-Unis, durant l’année 2012, 1 700 000 sujets de 20 ans valence et d’incidence du diabète de type 2. Il est certain que
ou plus sont devenus diabétiques, soit une incidence annuelle l’allongement de l’espérance de vie observé pratiquement dans

EMC - Endocrinologie-Nutrition 11
10-366-B-10  Épidémiologie du diabète

Tableau 5.
Influence de la génétique et de l’environnement sur la prévalence du diabète de type 2 (d’après [70] ).
Pimas d’Arizona Pimas du Mexique Mexicains
(n = 888) (n = 224) (n = 193)
Indice de masse corporelle (kg/m2 ) a 34,6 ± 7,9 25,1 ± 4,2 25,8 ± 4,4
Apports caloriques (kcal/j) a 1 751 ± 788 2 485 ± 563 2 593 ± 600
Apports lipidiques (%) a 34,5 ± 9,5 26,3 ± 6,3 25,4 ± 5,8
Activité physique (heures/semaine) a 7±3 27 ± 2 27 ± 1
Prévalence du diabète de type 2 (%) 38,1 7,1 2,6
a
Moyenne ± déviation standard.

toutes les populations est la principale cause, avec les modifica- Tableau 6.
tions du mode de vie, de l’« épidémie de diabète » en cours. En Prévention du diabète de type 2 par intervention sur le mode de vie.
effet, le vieillissement s’accompagne d’une légère réduction des Réduction du risque relatif (%)
capacités d’insulinosécrétion et surtout d’une augmentation de
l’insulinorésistance, en particulier au niveau musculaire, par une Étude Durée n Régime Exercice Régime et
anomalie postrécepteur [69] . (ans) exercice
Le rôle du mode de vie – alimentation et activité physique – Da Qing 6,0 577 31 a 46 c 42 b
et du poids dans le risque de survenue du diabète de type 2
Finnish DPS 3,2 522 58 c
sont à détailler davantage puisque les données épidémiolo-
giques de prévalence et d’incidence du diabète de type 2 ont DPP 2,8 3 234 58 c
déjà permis d’entrevoir le rôle majeur joué par la génétique et a
p < 0,05.
l’environnement dans le risque de développer un diabète de b
p < 0,01.
c
type 2. Une belle illustration de la part respective de ces facteurs p < 0,001.
génétiques et environnementaux dans le déterminisme du diabète
de type 2 est fournie par une étude qui a comparé deux groupes mortalité cardiovasculaire (11,9 % versus 19,6 %, p = 0,033) dans
d’Indiens Pimas, ceux implantés en Arizona, qui ont la plus forte le groupe d’intervention [74] . Cela confirme sans ambiguïté ce qui
prévalence de diabète de type 2 au monde, et leurs cousins qui était suggéré par les enquêtes épidémiologiques d’observation
ont poursuivi leur route jusqu’au Mexique lors de la migration des ayant montré dans tous les pays du monde une plus grande fré-
Pimas depuis le continent asiatique, à travers le détroit de Behring, quence du diabète de type 2 en zone urbaine qu’en région rurale.
il y a plus de 700 ans [70] . Les Pimas du Mexique vivent dans une L’obésité constitue l’élément intermédiaire entre mode de vie et
région montagneuse difficilement accessible et gardent un mode diabète de type 2, en particulier en cas de répartition abdominale
de vie ancestral, alors que les Pimas d’Arizona, implantés près de de la graisse, comme l’avait noté Jean Vague dès les années 1950,
Phoenix, sont très influencés par la civilisation occidentale. Un sous le terme d’« obésité androïde » [75] . Ce concept a été repris
petit groupe de Mexicains installés près de la réserve des Pimas a à la fin des années 1980 par Reaven et popularisé sous le terme
également été examiné dans cette étude. Les données recueillies, de « syndrome X » ou encore « syndrome d’insulinorésistance »
présentées dans le Tableau 5, montrent, sur des groupes appa- ou « syndrome métabolique » [76] et précisé dans son mécanisme
riés pour l’âge et le sexe, d’impressionnantes différences entre les physiopathologique par Björntorp [77] . La croissance galopante de
deux groupes de Pimas pour l’IMC et la prévalence du diabète, l’obésité à travers le monde est la raison majeure de l’inflation
beaucoup plus élevés chez les Pimas d’Arizona. On relève égale- épidémique du diabète de type 2. Une récente compilation de
ment d’importantes différences pour l’activité physique, près de 1 769 études provenant de 183 pays [4] a montré qu’au niveau pla-
quatre fois supérieure chez les Pimas mexicains, et pour les apports nétaire, entre 1980 et 2013, le nombre de sujets en surpoids ou
caloriques, plus faibles chez les Pimas d’Arizona mais avec une obèses (IMC ≥ 25 kg/m2 ) est passé de 857 000 000 à 2 100 000 000,
proportion de lipides plus importante [70] . Ces comparaisons entre et la prévalence, standardisée sur l’âge, du surpoids ou de l’obésité
Indiens Pimas illustrent l’influence du mode de vie sur le risque chez les adultes a crû de 28,8 à 36,9 % chez les hommes et de
de diabète de type 2 et mettent bien en évidence l’impact majeur 29,8 à 38,0 % chez les femmes, alors qu’en 2013 la prévalence
de l’activité physique et des apports lipidiques alimentaires. En de l’obésité dépassait 50 % chez les hommes à Tonga et chez les
revanche, par rapport à la population mexicaine, les Pimas du femmes au Koweït, à Kiribati, dans les États fédérés de Micronésie,
Mexique ont une prévalence du diabète près de trois fois plus éle- en Libye, au Qatar, à Tonga et à Samoa. Pour les enfants et adoles-
vée en dépit d’un IMC un peu plus bas et d’apports caloriques un cents, entre 1980 et 2013, la prévalence du surpoids ou de l’obésité
peu moindres avec une proportion de lipides alimentaires à peine a également beaucoup augmenté dans les pays développés pour
plus importants, cet ensemble soulignant le rôle des facteurs géné- passer de 16,9 à 23,8 % chez les garçons et de 16,2 à 22,6 % chez
tiques dans la survenue du diabète de type 2 (Tableau 5). Cette les filles, mais elle a aussi connu une nette croissance dans les
étude observationnelle conduit à la conclusion que le mode de pays en développement, de 8,1 à 12,9 % chez les garçons et de
vie intervient probablement plus que la prédisposition génétique 8,4 à 13,4 % chez les filles. Seule petite note d’optimisme dans ce
dans le déterminisme du diabète de type 2, et qu’il y a interaction sombre bilan : depuis 2005, la progression de l’obésité semble se
entre ces deux éléments [70] . ralentir un peu dans le monde, et il apparaît que les jeunes géné-
L’influence du mode de vie sur le risque de survenue du dia- rations accroissent leur IMC plus lentement que les précédentes,
bète de type 2 a été démontrée de façon irréfutable par trois mais, globalement, une diminution de la prévalence de l’obésité
études d’intervention, randomisées et contrôlées, portant sur des n’a été observée dans aucun des 183 pays entre 1980 et 2013 [4] .
sujets intolérants au glucose, qui ont toutes les trois mis en La France n’est pas épargnée dans le domaine du surpoids et de
évidence l’effet préventif majeur de l’activité physique et d’un l’obésité, et on dispose de données extrêmement précises sur ce
régime adapté sur la survenue du diabète de type 2 chez ces sujets sujet grâce aux enquêtes ObÉpi répétées tous les trois ans de 1997 à
à haut risque (Tableau 6) [71–73] . L’étude chinoise de Da Qing a 2012, selon une méthodologie rigoureuse décrite supra. En 2012,
même démontré un bénéfice résiduel de l’intervention hygiéno- avec un taux de réponse de 65 %, 25 714 questionnaires ont été
diététique à 23 ans, 17 ans après la fin de l’étude randomisée à remplis par des adultes, fournissant en particulier leur poids et leur
l’issue de laquelle tous les groupes avaient été soumis aux soins taille [78] . Ces données montrent que, dans la population adulte
habituels : le diabète était apparu chez 72,6 % des sujets dans (≥ 18 ans) française, la prévalence de l’obésité (IMC ≥ 30 kg/m2 )
le groupe d’intervention contre 89,9 % dans le groupe témoin est passée de 8,5 % en 1997 à 15,0 % en 2012, soit une augmen-
(p = 0,001) avec de plus une réduction significative de la mor- tation de 76 % en 15 ans, alors que, du fait de l’accroissement de
talité toutes causes (28,1 % versus 38,4 %, p = 0,049) et de la la population, le nombre d’obèses a pratiquement doublé dans

12 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Épidémiologie du diabète  10-366-B-10

le même temps, passant d’un peu plus de 3 500 000 à un peu qui en sont dépourvues à mettre en place des registres d’état civil.
moins de 7 000 000 d’obèses. Durant cette période, la prévalence Ceux-ci pourront en effet être utiles pour mener des études sur la
du surpoids (25 kg/m2 < IMC < 30 kg/m2 ) a également augmenté, mortalité chez les patients diabétiques, soit en prenant en compte
de 29,8 % en 1997 à 32,3 % en 2012. Il faut noter que l’obésité toutes les causes (initiales et associées) de décès notifiées dans les
apparaît de plus en plus tôt dans l’existence : la proportion de certificats, soit surtout en permettant d’évaluer le statut vital de
10 % d’obèses est apparue dès l’âge de 28 ans dans la génération cohortes de patients diabétiques. De plus, ces données permet-
des sujets nés entre 1980 et 1986, alors qu’il fallait attendre l’âge tront de calculer des taux standardisés de mortalité liée au diabète
de 49 ans pour atteindre ce seuil pour la génération née entre 1946 qui, inclus dans des modèles statistiques avec d’autres données
et 1951. Le tour de taille s’élargit également de façon progres- telles la prévalence du diabète et la mortalité générale de la popu-
sive au fil des années : par rapport aux seuils d’excès de tour de lation, pourront fournir des chiffres assez fiables concernant la
taille fixés par le National Cholesterol Education Program (NCEP) mortalité des patients diabétiques.
(102 cm chez l’homme et 88 cm chez la femme), la proportion de
sujets ayant un tour de taille excessif est passée de 21,3 % en 1997
à 35,5 % en 2012. De même qu’au niveau mondial décrit ci-dessus,
Mortalité liée au diabète tous types
la seule note un peu rassurante tirée de cette enquête ObÉpi pro- confondus
vient de la discrète décélération observée dans la progression des
En utilisant les techniques de modélisation décrites ci-dessus,
courbes tant pour l’obésité que pour l’IMC et le tour de taille
l’OMS a montré une nette augmentation récente de la morta-
depuis quelques années [78] . Cette relative bonne nouvelle ne suffit
lité liée au diabète à travers le monde. En effet, chez les sujets
cependant pas à compenser l’inquiétude provenant des données
de 20 à 79 ans, l’estimation de 3 960 000 décès attribuables au
observées chez les jeunes : en 2006, en France, un surpoids était
diabète et 6,8 % de la mortalité totale en 2010 [81] est passée à
noté chez 18 % des enfants de 3 à 17 ans contre 5 % en 1980,
environ 5 100 000 décès et 8,4 % de la mortalité totale en 2013 [3] .
et 3,5 % de ces enfants étaient obèses [79] . En effet, cela contri-
Cet accroissement de 29 % en trois ans provient essentiellement
buera sans aucun doute à accentuer la précocité de l’installation
de l’évolution de la mortalité par diabète dans tout le conti-
du diabète de type 2 à l’âge adulte, sans attendre la cinquantaine
nent africain, la partie ouest du Pacifique (qui inclut la Chine)
comme dans la génération précédente. Ainsi, l’augmentation de
et le Moyen-Orient, liée au fait que certains de ces pays à très
l’espérance de vie aidant, les patients risquent fort d’être de plus
forte population, la Chine en particulier, ont vu la prévalence du
en plus touchés par les complications du diabète puisque la durée
diabète monter rapidement récemment. Il faut noter que cette
d’exposition à l’hyperglycémie est le principal facteur de risque
évolution de la mortalité par diabète contraste avec la réduction
de ces complications, surtout dans le domaine de la microangio-
de la mortalité liée aux maladies non communicables dans la plu-
pathie (rétinopathie, néphropathie et neuropathie).
part des pays. Enfin, la répartition par sexe ne montre pas grande
Les données pouvant permettre la mise en évidence d’une rela-
différence globalement pour le nombre de décès par diabète [3] .
tion entre niveau socio-économique et prévalence ou incidence
du diabète sont moins nombreuses et un peu plus discutables. Aux États-Unis, d’après les statistiques nationales fondées sur les
Cependant, la répartition géographique du diabète évoque un lien certificats de décès, en 2010, le diabète arrivait au septième rang
entre une situation socio-économique défavorisée et un risque des causes de décès, figurant dans 234 051 certificats de décès, dont
accru de diabète de type 2, que les données du SNIIRAM [61] 69 071 fois en cause initiale du décès, avec la notion qu’aux États-
ainsi que l’analyse orientée sur le diabète de l’enquête ObÉpi [63] Unis, en cas de décès chez un patient diabétique, le diabète n’est
viennent conforter. De plus, le surpoids et l’obésité, grands pour- notifié sur le certificat que dans environ 35 à 40 % des cas, dont
voyeurs de diabète de type 2, semblent plus fréquents dans les 10 à 15 % en cause initiale [67] .
couches sociales les moins favorisées. Ainsi, depuis la première En France, concernant la mortalité liée au diabète, jusqu’à
une date récente, les seules données disponibles étaient celles
étude en 1997, l’enquête ObÉpi a trouvé constamment une asso-
reposant sur les statistiques nationales de décès analysées par
ciation négative quasi linéaire entre les revenus des ménages et la
l’Institut national de la statistique et des études économiques
prévalence de l’obésité en France [78] . Il est donc très vraisemblable
(Insee) et, pour les causes de décès, par le Centre d’épidémiologie
que le risque de diabète de type 2 soit accru en cas de situation
sur les causes médicales de décès (CepiDc) de l’Institut natio-
socio-économique défavorable, tout au moins dans les pays occi-
nal de la santé et de la recherche médicale (Inserm), avec tout
dentaux.
le côté approximatif déjà évoqué des certificats de décès appli-
Au total, la rapide croissance du diabète de type 2 en France
qués à l’étude de la mortalité par diabète. On citera simplement
et dans le monde s’explique pour l’essentiel par le vieillissement
les données de 2009 [82] où, parmi les certificats de décès de per-
des populations et par la fréquence grandissante de l’obésité. Cela
sonnes résidant en France métropolitaine, 34 599 mentionnaient
impose de mettre en place ou d’intensifier des campagnes de pré-
un diabète parmi les causes multiples de décès (6,3 %) et 11 675
vention s’adressant en particulier aux jeunes, visant à promouvoir
l’identifiaient comme cause initiale du décès (2,1 %). C’est dans
l’activité physique et à réduire la surconsommation de graisses et
la classe d’âge 65 à 84 ans que le diabète figurait le plus souvent
d’aliments à haute densité calorique.
parmi les causes multiples de décès, avec 7,9 % des certificats le
mentionnant. Le taux de décès lié au diabète en causes multiples
était en 2009, brut de 53,7 pour 100 000, et standardisé sur l’âge
 Mortalité liée au diabète de 30,3 pour 100 000, plus élevé chez l’homme (40,7 pour 100 000)
que chez la femme (22,6 pour 100 000), mais l’indice de surmor-
Les statistiques de mortalité, si on se contente des données sta- talité masculine diminuait avec l’âge. Il existait des différences
tistiques de décès nationales, sont depuis longtemps considérées géographiques importantes, avec les taux annuels standardisés les
comme un mauvais marqueur de l’importance du diabète dans plus hauts dans le Nord-Pas-de-Calais, la Champagne-Ardenne, la
une population [80] . En effet, la notification du diabète est souvent Lorraine et la Picardie ; et les plus bas en Bretagne, Île-de-France,
omise dans les certificats de décès. De plus, pour les comparaisons Corse et Basse-Normandie. Le taux de décès par diabète standar-
internationales, l’OMS ne prenait en compte jusqu’à il y a envi- disé sur l’âge était nettement plus élevé dans les DOM : 96,8,
ron dix ans que la cause initiale (principale) du décès. Or, si cette 61,6, 61,2 et 54,4 pour 100 000 respectivement à la Réunion, en
information peut être assez pertinente dans le cadre de la morta- Guyane, en Guadeloupe et en Martinique. En métropole, 88 %
lité chez les patients diabétiques de type 1, surtout en cas de décès des certificats de décès où le diabète était notifié concernaient
précoce à un âge jeune, elle sera rarement utile pour étudier la des sujets âgés de 65 ans et plus, et 34 % des sujets âgés de 85 ans
mortalité chez les patients diabétiques de type 2, car cette patho- et plus. L’âge moyen au décès pour les patients diabétiques en
logie ne sera jamais notifiée comme cause initiale chez un patient métropole était de 79 ans, plus élevé chez les femmes que chez les
décédé d’un infarctus du myocarde ou d’un accident vasculaire hommes (81 versus 76 ans), et il était plus bas dans les DOM, entre
cérébral, par exemple. Malgré ces sérieuses réserves, les statistiques 69 et 77 ans suivant les départements. Entre 2001 et 2009, les taux
de mortalité constituent un repère indispensable pour mener une standardisés de mortalité liée au diabète en causes multiples ont
bonne politique de santé publique, et il faut inciter les nations eu tendance à diminuer chez les femmes en dehors d’un pic en

EMC - Endocrinologie-Nutrition 13
10-366-B-10  Épidémiologie du diabète

Tableau 7. 1,76 (IC 95 % : 1,52–2,03) ; pour l’insuffisance rénale à 2,14 (IC


Cause de décès (%) de personnes diabétiques selon l’étude ENTRED 2001- 95 % : 1,77–2,56) ; pour l’insuffisance hépatique à 2,17 (IC 95 % :
2006, France. 1,52–3,00). Par ailleurs, le TSM était augmenté chez les hommes
Cause initiale Causes multiples seulement pour la septicémie à 1,56 (IC 95 % : 1,15–2,09). Il était
également significativement augmenté pour certains sites de can-
n % n % cer : cancer du foie dans les deux sexes combinés à 2,84 (IC 95 % :
Maladie cardiovasculaire : 434 32 823 60 2,06–3,81) et chez l’homme seul à 3,00 (IC 95 % : 2,10–4,15), can-
cer du pancréas dans les deux sexes combinés à 2,30 (IC 95 % :
–cardiopathie ischémique 152 11 253 18
1,60–3,20) et chez la femme seule à 3,22 (IC 95 % : 1,94–5,03) et
–accident vasculaire 106 8 192 14 cancer colorectal dans les deux sexes à 1,66 (IC 95 % : 1,28–2,12) et
cérébral chez l’homme à 1,58 (IC 95 % : 1,12–2,17) comme chez la femme
–maladie hypertensive 17 1 196 14 à 1,78 (IC 95 % : 1,16–2,61). En revanche, les TSM n’étaient pas
Diabète 171 12 480 35 significatifs pour les cancers du sein, du système respiratoire et de
Cancer 380 28 426 31 l’estomac [83] . Si on excepte le cancer du pancréas où il est tou-
jours difficile de savoir dans quel sens marche sa relation avec le
Maladies respiratoires 66 5 250 18
cancer, la fréquence assez élevée de décès par cancer et les TSM
Maladies digestives 61 4 153 11 significatifs pour plusieurs cancers digestifs n’ont sans doute pas
Maladies de l’appareil 31 2 136 10 été observés de façon fortuite, car, chez les patients diabétiques
génito-urinaire de type 2, un risque accru par rapport aux sujets non diabétiques
–dont insuffisance rénale 22 2 117 8 de développer des cancers digestifs et d’en mourir a fait l’objet
Maladies infectieuses et 26 2 124 9 depuis quelques années d’une littérature abondante, leur associa-
parasitaires tion semblant passer par l’hyperinsulinémie chronique [84] .
Maladies du système 33 2 97 7
nerveux
Mortalité dans le diabète de type 1
Troubles mentaux et du 19 1 90 7
comportement Les comparaisons établies sur les données de l’OMS ont montré
pour les sujets décédés avant l’âge de 25 ans une variation géogra-
phique de la mortalité des diabétiques de type 1, dans un rapport
de 1 à 10, entre d’une part l’Europe du Nord et de l’Ouest où la
2003 possiblement lié à la canicule, et sont restés stables chez les
mortalité était basse, et d’autre part l’Europe de l’Est et le Japon
hommes, entre 40,7 et 43 pour 100 000, alors que le diabète a été
notifié de façon croissante en causes multiples, passant de 5,5 % où la mortalité était élevée, alors que les États-Unis se situaient en
en 2001 à 6,3 % en 2009. L’âge moyen au décès s’est également position intermédiaire. De plus, elles soulignaient qu’une bonne
un peu élevé, de 77 ans en 2001 à 79 ans en 2009 [82] . partie de l’excès de risque de décès pouvait être prévenue [85] .
Plus précises sont les informations fournies par l’étude ENTRED Par ailleurs, une analyse écologique de ces données, pays par
pays, indiquait que la mortalité chez les diabétiques de type 1,
sur les causes de décès chez les patients diabétiques [83] . À par-
ajustée sur l’incidence, avait une relation négative avec l’incidence
tir de la base de données de l’assurance maladie permettant
du diabète de type 1 elle-même (r = –0,45), et une relation positive
d’identifier les sujets adultes affiliés au régime général ayant eu un
avec la mortalité infantile et l’espérance de vie à la naissance [85] .
remboursement d’un traitement antidiabétique, un échantillon
Cependant, les données les plus fiables de mortalité chez les
aléatoire de 10 000 patients diabétiques traités pharmacologique-
diabétiques de type 1 reposent sur les rares études portant sur
ment, vivant en métropole, a été constitué en 2001. Un certain
des échantillons représentatifs ou sur l’ensemble des diabétiques
nombre d’informations ont été recueillies à partir de question-
d’une population. Les résultats disponibles pour le diabète de
naires envoyés par la Poste (36 % de taux de réponse), ayant
type 1 sont avant tout tirés de l’étude DERI qui a analysé de
fait l’objet de quelques publications sur les caractéristiques des
façon standardisée les décès à partir des registres des diabétiques
patients. Ici, on s’intéresse aux données de mortalité recueillies
de type 1 implantés dans le comté d’Allegheny (en Pennsylva-
en 2006, avec 91 % de sujets dont le statut vital et les causes
du décès éventuel ont pu être précisés, permettant de considé- nie, autour de Pittsburgh, aux États-Unis), dans une grande partie
rer la représentativité de l’échantillon comme excellente. Le taux du Japon, et sur l’ensemble d’Israël et de la Finlande [86, 87] . Le
de mortalité à cinq ans était de 15 %. Le taux de mortalité stan- Tableau 8 indique la mortalité toutes causes observée dans DERI et
dardisé sur l’âge était 1,6 fois plus élevé chez les hommes que le TSM d’un diabétique de type 1 par rapport à un non-diabétique
chez les femmes (10,2 versus 6,2 pour 1000 personnes-années). de la même population. Ce tableau rapporte aussi les résultats
Par rapport à la population générale, le taux standardisé (sur l’âge d’études nationales en Norvège [88] et en Suède [89] , et de toute une
et le sexe) de mortalité (TSM) était de 1,45, sensiblement iden- partie de l’état du Wisconsin, aux États-Unis [90] . Pour interpréter
tique dans les deux sexes, et il diminuait de 1,96 chez les sujets correctement ces données au premier abord un peu contradic-
de moins de 60 ans à 1,32 chez les sujets de 80 ans et plus. Il y toires, il faut tenir compte des particularités de chaque étude.
avait en moyenne quatre causes de décès notifiées par certificat. Dans DERI, tous les sujets ont été inclus entre 1965 et 1979, lors
Le Tableau 7 indique les causes initiales et les causes associées du diagnostic de diabète ; ils devaient être âgés de moins de 18 ans
rapportées dans les 1377 certificats de décès. On remarque que le et traités d’emblée par insuline ; ils ont été suivis jusqu’en 1990
diabète ne figurait en cause initiale ou associée que dans 35 % en Israël, jusqu’en 1994 au Japon et en Finlande et jusqu’en 1999
des certificats, confirmant l’absence de fiabilité des statistiques dans le comté d’Allegheny [86, 87] . L’étude du Wisconsin a concerné
nationales d’état civil utilisées seules, pour étudier la mortalité tous les diabétiques domiciliés dans 11 comtés de cet État, ayant
liée au diabète. Les maladies cardiovasculaires représentaient la consulté un médecin en 1979 à 1980, diagnostiqués diabétiques
première cause de mortalité, notifiées dans 60 % des certificats et avant l’âge de 30 ans et traités par insuline. À l’inclusion, les
classées comme cause initiale dans 32 % des cas, dont 11 % par patients avaient un âge moyen de 28 ans ; le suivi pour l’étude
cardiopathie ischémique et 8 % par accident vasculaire cérébral. de mortalité a été de huit années, durant lesquelles 12,1 % des
Le cancer venait en seconde position, considéré comme cause patients sont décédés [90] . En Norvège et en Suède, tous les enfants
initiale dans 28 % des décès. Les sites de cancer étaient variés : diagnostiqués diabétiques avant l’âge de 15 ans ont été inclus, puis
35 cancers du pancréas, 64 cancers colorectaux, 44 cancers du foie, suivis en moyenne quatre ans et dix ans respectivement [88, 89] . Il
16 cancers de l’estomac, 22 cancers du sein, 24 cancers de la pros- est donc vraisemblable que les différences importantes observées
tate, 73 cancers de la trachée, des bronches ou des poumons. Par pour le taux de mortalité soient en grande partie liées à ces carac-
rapport à la population générale, le TSM était significativement téristiques de recrutement. Par rapport aux données de DERI, le
augmenté dans les deux sexes pour la cardiopathie ischémique taux de mortalité beaucoup plus important dans le Wisconsin
à 2,19 (IC 95 % : 1,93–2,48), davantage chez la femme (2,43) s’explique sans doute par l’âge beaucoup plus élevé et la durée
que chez l’homme (2,06) ; pour l’accident vasculaire cérébral à d’évolution du diabète de 14 ans en moyenne lors de l’inclusion.

14 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Épidémiologie du diabète  10-366-B-10

Tableau 8.
Taux de mortalité dans des cohortes représentatives de diabétiques de type 1 (d’après [85, 88–90] ).
Population Âge à l’inclusion Durée d’évolution du Durée du suivi Mortalité toutes causes a Taux de mortalité
(ans) diabète à l’inclusion (ans) (n) standardisé
(ans)
Allegheny (États-Unis) < 18 0 23 627 (170) 5,2
Finlande < 18 0 18 352 (319) 3,7
Israël < 18 0 14 158 (12) 2,8
Japon < 18 4 18 607 (137) 12,9
Norvège < 15 0 10 108 (20) 2,1
Suède < 15 0 4 75 (10) 2,1
Wisconsin (États-Unis) < 30 14 8 1 470 (145) 7,5
a
Mortalité toutes causes pour 100 000 personnes–années.

À l’inverse, les taux de mortalité faibles en Norvège et surtout en Tableau 9.


Suède sont sans doute dus à la durée de suivi relativement brève. Il Causes de décès (%) chez les diabétiques de type 1 dans l’étude DERI
en est de même en Israël pour DERI. En effet, les taux de mortalité (d’après [91] ).
ne sont guère différents chez les diabétiques de type 1 et la popu- Allegheny Finlande Israël Japon
lation générale durant les 15 premières années d’évolution de la (États-Unis) (n = 73) (n = 6) (n = 48)
maladie, avant de connaître une augmentation brutale chez les (n = 20)
diabétiques. En revanche, il faut certainement retenir comme bien
Complications aiguës 30 23 33 42
réelle la différence de taux de mortalité entre le Japon et la Fin-
lande, car les conditions de recrutement et de suivi ont été presque Mort violente (accident, 20 36 17 8
identiques dans ces deux pays [87] . Ce dernier point est confirmé suicide, rixe)
par le taux de mortalité standardisé qui apparaît remarquable- Néphropathie diabétique 10 10 0 33
ment élevé au Japon alors que les deux régions des États-Unis se Infections 15 10 0 10
situent en position intermédiaire. Ces données comparatives ont Maladie coronarienne ou 10 7 17 2
joué un rôle essentiel pour modifier la prise en charge des dia- cérébrovasculaire
bétiques de type 1, en particulier au Japon. En effet, la rareté de
la maladie n’incitait guère à y organiser l’éducation des patients
et ainsi, ce n’est que dans les années 1980 que les diabétiques y
écossais des diabétiques de type 1 a évalué l’espérance de vie de
ont été autorisés à faire eux-mêmes leurs injections d’insuline. Les
24 691 patients âgés de 20 ans et plus entre 2008 et 2010, corres-
données récentes montrent qu’à la suite des efforts pour dévelop-
pondant à 67 712 personnes–années, avec 1043 décès enregistrés,
per l’éducation des diabétiques de type 1, le taux standardisé de
en la comparant à l’espérance de vie de la population générale [92] .
mortalité a fortement diminué au Japon, passant de 15,7 pour
Chez un homme diabétique, l’espérance de vie à l’âge de 20 ans
la cohorte diagnostiquée à la période 1965 à 1969 à 6,9 pour la
est de 46,2 ans contre 57,3 ans chez un non-diabétique, soit une
cohorte diagnostiquée à la période 1975 à 1979 [87] . De même aux
perte d’espérance de vie de 11,1 ans (IC 95 % : 10,1–12,1), et chez
États-Unis, l’amélioration de la prise en charge des diabétiques de
une femme diabétique du même âge, l’espérance de vie est de
type 1 a sans doute beaucoup contribué à la franche réduction de
48,1 ans contre 61,0 ans chez une non-diabétique, soit une perte
la mortalité notée récemment : dans le comté d’Allegheny, le taux
d’espérance de vie de 12,9 ans (IC 95 % : 11,7–14,1). Même chez
de mortalité et le taux standardisé de mortalité ont baissé respec-
les diabétiques de type 1 ayant un débit de filtration glomérulaire
tivement de 903 à 299 pour 100 000 personnes-années et de 6,8 à
normal (≥ 90 ml/min/1,73 m2 ), une réduction de l’espérance de
2,8 entre la cohorte diagnostiquée durant la période 1965 à 1969
vie était observée, de 8,3 ans (IC 95 % : 6,5–10,1) chez l’homme
et celle diagnostiquée en 1975 à 1979 [86] .
et 7,9 ans (IC95 % : 5,5–10,3) chez la femme. Sur l’ensemble de
En ce qui concerne les causes de décès dans le diabète de type 1,
la cohorte, le plus fort pourcentage de perte d’espérance de vie
par définition, elles ne concernent que des pays suffisamment
était dû à la cardiopathie ischémique (36 % chez l’homme et 31 %
développés pour étudier ce sujet, et il est impossible de préci-
chez la femme), mais chez les patients de moins de 50 ans, le plus
ser aujourd’hui combien de diabétiques dans le monde meurent
grand pourcentage de perte d’espérance de vie était lié au coma
par défaut d’approvisionnement en insuline. Les données dispo-
diabétique ou à une cétoacidose diabétique (29,4 % chez l’homme
nibles sur les causes de mortalité chez les diabétiques de type 1,
et 21,7 % chez la femme) [92] . Plus réjouissantes, les données de
longtemps limitées aux données de l’étude DERI [91] se sont récem-
mortalité du DCCT, vingt ans après la fin de l’étude randomisée,
ment enrichies grâce au registre national écossais [92] et au suivi à
indiquent un modeste bénéfice significatif en termes de mortalité
long terme des patients ayant participé à l’étude randomisée du
pour les sujets qui avaient été inclus dans le groupe du traitement
DCCT dans l’étude observationnelle EDIC [93] .
intensif durant sept années en moyenne, entre 1983 et 1989, par
L’étude DERI a l’intérêt de permettre une excellente comparai-
rapport aux sujets du groupe conventionnel, alors que les deux
son géographique car la classification de la cause de décès a été
groupes ont été traités de la même manière depuis 1993 [93] . En
établie de façon homogène par un unique comité d’experts pour
effet, la différence de risque absolu de mortalité était de –109 pour
les quatre pays. En revanche, elle a l’inconvénient de dater d’une
100 000 patients–années (IC 95 % : –218 à –1, p = 0,048), avec un
époque un peu ancienne où le suivi était encore court, de cinq à
risque diminué de mortalité toutes causes dans le groupe intensif
vingt ans, les sujets les plus âgés ne dépassant pas alors 37 ans au
(hazard ratio [HR] = 0,67 [IC 95 % : 0,46–0,99]). Le risque de décès
terme de l’étude, avec un nombre restreint de décès, en particulier
était aussi associé à un taux moyen d’HbA1c plus élevé durant
en Israël et aux États-Unis [91] . On peut espérer que l’ancienneté des l’ensemble du suivi (HR = 1,56 ; IC 95 % : 1,35–1,81) pour une
données explique la fréquence relative des complications aiguës élévation relative de 10 % du taux d’HbA1c [93] .
comme cause de décès dans les quatre pays. Les points remar-
quables concernent d’une part la haute fréquence des décès par
insuffisance rénale au Japon, probablement liée à la difficulté Mortalité dans le diabète de type 2
d’accès à la dialyse et aux carences passées de l’éducation diabé-
tologique dans ce pays, et d’autre part la grande proportion des Une évaluation correcte de la mortalité liée au diabète de type 2
morts violentes chez les diabétiques finlandais [91] (Tableau 9), à impose de partir d’un échantillon représentatif des diabétiques de
rapprocher du taux élevé de suicides dans la population géné- type 2 d’une population puis de suivre ces patients et d’enregistrer
rale en Finlande. Tout récemment, une étude du registre national les décès au fil du temps, en enquêtant alors sur la cause du

EMC - Endocrinologie-Nutrition 15
10-366-B-10  Épidémiologie du diabète

décès, comme cela a été fait dans l’étude ENTRED [83] . Aux États- ajustement, le risque relatif étant de 0,74 (IC 95 % : 0,55-1,00) [98] .
Unis, la National Health Interview Survey (NHIS) a étudié, sur Enfin, par rapport à la population générale, le taux standardisé de
des échantillons représentatifs de la population adulte de 18 ans mortalité sur les cinq premières années de suivi était égal à 1,42
et plus, l’évolution du taux de mortalité à trois ans, suivant pour la mortalité toutes causes (IC 95 % : 1,35–1,50), 1,34 pour
que les sujets étaient ou non diabétiques, avec quatre périodes les maladies cardiovasculaires (IC 95 % : 1,23–1,44), 1,48 pour les
consécutives d’inclusion (1997–1998, 1999–2000, 2001–2002 et accidents vasculaires cérébraux (IC 95 % : 1,25–1,73) et 1,41 pour
2003–2004) [94] . Chez les diabétiques, la mortalité toutes causes a les cardiopathies ischémiques (IC 95 % : 1,24–1,62), et 1,83 pour
diminué de 23 % (IC 95 % : 10–35 %) et la mortalité cardiovascu- les pathologies digestives (IC 95 % : 1,50–2,21), avec un chiffre de
laire de 40 % (IC 95 % : 23–54 %) entre les deux périodes extrêmes 2,52 pour le décès par cirrhose du foie (IC 95 % : 1,96–3,20) [99] .
d’inclusion, avec la même réduction chez les hommes et chez les
femmes. L’excès de mortalité toutes causes des sujets diabétiques
par rapport aux sujets non diabétiques a diminué de 44 % (de 10,8
à 6,1 décès pour 1000) et l’excès de mortalité cardiovasculaire de
 Conclusion
60 % (de 5,8 à 2,3 décès de cause cardiovasculaire pour 1000) dans
Le diabète apparaît aujourd’hui comme une maladie par-
ce même intervalle de temps [94] .
faitement bien définie, avec des critères diagnostiques précis
La réduction de la mortalité cardiovasculaire semble incontes-
ne soulevant plus guère de discussions au niveau internatio-
tablement liée à la baisse du niveau des facteurs de risque de
nal et ayant relativement peu évolué depuis 1980, si ce n’est
coronaropathie, bien mise en évidence sur des échantillons repré-
l’introduction récente de la mesure d’HbA1c comme outil diag-
sentatifs de diabétiques âgés de 30 à 79 ans dans l’étude américaine
nostique, dont l’intérêt reste à évaluer dans cette fonction. La
NHANES, avec un score de l’United Kingdom Prospective Dia-
classification des diabètes est en revanche moins consensuelle
betes Study (UKPDS) de risque coronaire à dix ans passé de 21,1
et devrait connaître des remaniements au fur et à mesure que
à 16,4 % (p = 0,001 pour la tendance linéaire) entre 1999–2000
progresseront les connaissances scientifiques.
et 2007–2008 [95] . Cette baisse de surmortalité des patients diabé-
Les données épidémiologiques indiquent une croissance régu-
tiques a été retrouvée récemment dans d’autres pays, en particulier
lière du diabète de type 1 dont l’étiologie mérite d’être encore
au Danemark où le croisement du registre national exhaustif
approfondie. Une meilleure connaissance des facteurs favorisant
du diabète avec le registre de mortalité a montré une impor-
son éclosion, en particulier environnementaux, devrait en effet
tante réduction de l’écart entre patients diabétiques et sujets non
permettre d’enrayer cette augmentation de la fréquence du dia-
diabétiques pour la mortalité toutes causes et la mortalité cardio-
bète de type 1 et contribuer à sa prévention.
vasculaire entre 1995 et 2008 [96] . Les registres danois indiquaient
Le diabète de type 2 constitue la préoccupation majeure en
par ailleurs une réduction de l’espérance de vie pour les diabé-
terme de santé publique. Son expansion, en particulier en Asie et
tiques par rapport aux non-diabétiques, de neuf ans à l’âge de
30 ans et de trois ans à l’âge de 70 ans [96] . La diminution de la sur- aux États-Unis justifie aujourd’hui la qualification d’« épidémie ».
mortalité des patients diabétiques contribue aussi pour une faible La France est maintenant concernée par ce phénomène. Sa pré-
part à l’augmentation de la prévalence du diabète dans le monde vention passe par des mesures de modification du mode de
et on ne peut que s’en réjouir, mais cela souligne encore plus la vie dont la mise en application n’est pas simple. Une volonté
nécessité de diminuer l’émergence de nouveaux cas de diabète politique se manifeste dans notre pays, comme dans beau-
pour empêcher cette affection de peser trop lourdement sur les coup d’autres, pour amener les populations à changer leur
dépenses de santé. comportement alimentaire et à accroître leur activité physique.
Des données intéressantes sur la mortalité chez les diabétiques Il faut espérer le succès de ces mesures préventives pour que
de type 2 proviennent également de Vérone, en Italie [97–99] . Là, l’« épidémie » soit freinée ou mieux enrayée. C’est la condition
fin 1986, 5818 diabétiques de type 2 âgés d’au moins 45 ans, sui- nécessaire pour que, le vieillissement des populations aidant, le
vis dans les centres de diabétologie ou par un médecin généraliste diabète ne devienne à court terme le principal pourvoyeur des
(78 % ont accepté de participer) ont été inclus, représentant 76 % complications chroniques les plus lourdes, cardiovasculaires et
de l’ensemble des diabétiques de type 2 de la ville. Ils avaient en
moyenne 67 ans et 9,5 années d’évolution du diabète. Dix ans
plus tard, 2 328 sujets étaient décédés (40,0 %), 974 (43,3 %) de
maladie cardiovasculaire dont 343 (15,3 %) de cardiopathie isché-
mique et 235 (10,5 %) d’accident vasculaire cérébral, 517 (23,0 %)
“ Points essentiels
de cancer, 324 (14,4 %) de diabète et 134 (6,0 %) de pathologie
digestive, essentiellement d’hépatopathie chronique ou de cir- • Il existe une « épidémie » mondiale du diabète de
rhose. À âge égal, le risque de décès augmentait significativement type 2 avec 382 millions de patients et une prévision de
avec la durée d’évolution du diabète, mais, pour le décès par car- 592 millions pour 2035. Les trois pays participant le plus
diopathie ischémique, ce lien n’était pas tout à fait significatif à cette croissance épidémique sont la Chine, l’Inde et les
chez l’homme (p = 0,07) et très loin de la signification chez la États-Unis.
femme (p = 0,53) [97] . Une étude complémentaire portant sur un • En France, on compte près de 4 millions de diabétiques
sous-groupe de 3398 diabétiques de type 2 suivis dans le centre de diagnostiqués dont 150 000 diabétiques de type 1 et envi-
diabétologie et ayant eu des mesures cliniques et biologiques plus
ron 600 000 diabétiques méconnus.
complètes a mis en évidence un lien dépendant de l’âge entre
• Cette augmentation n’est pas due à une révision à la
l’IMC et la mortalité dans le diabète de type 2 [98] . Les sujets de
moins de 65 ans obèses (quantile supérieur d’IMC ≥ 30,9 kg/m2 ) baisse des critères diagnostiques qui n’ont pas fonda-
avaient un risque relatif de mortalité toutes causes égal à 1,74 (IC mentalement changé, en dehors de l’ajout d’une HbA1c
95 % : 1,26–2,40) par rapport aux sujets du quartile inférieur (IMC supérieure ou égale à 6,5 % pour une normale comprise
≤ 25,4 kg/m2 ), un peu réduit mais encore significativement accru entre 4 et 6 %.
après ajustement sur la durée du diabète, l’hypertension artérielle • Cette augmentation de la prévalence s’explique par
et la glycémie à jeun, puisqu’alors égal à 1,52 (IC 95 % : 1,10–2,11), le vieillissement de la population et le développement
alors que la mortalité d’origine cardiovasculaire n’était pas signi- de l’obésité et de la sédentarité, auxquels il faut ajouter
ficativement liée à l’IMC. Les sujets de 65 ans et plus appartenant l’augmentation de deux à trois ans de l’espérance de vie
au dernier quartile d’IMC (≥ 29,9 kg/m2 ) avaient à l’inverse, par
des patients diabétiques.
rapport au premier quartile (≤ 24,6 kg/m2 ), une réduction de la
• Cette augmentation de l’espérance de vie s’explique par
mortalité toutes causes, avec un risque relatif de 0,78 (IC 95 % :
0,65–0,94), un peu plus important encore après ajustement sur la une diminution importante (moins 40 % en dix ans) de la
durée du diabète, l’hypertension artérielle et la glycémie à jeun, mortalité cardiovasculaire des diabétiques, même si elle
puisqu’alors égal à 0,74 (IC 95 % : 0,62–0,90) et une réduction tout reste supérieure à celle des non-diabétiques.
juste significative pour la mortalité cardiovasculaire après le même

16 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Épidémiologie du diabète  10-366-B-10

néphrologiques, sources de sévères handicaps et de dépenses de [25] Patterson CC, Dahlquist G, Soltész G, Green A, on behalf of the
santé majeures. C’est dire l’importance du Programme national EURODIAB TIGER Study Group. Is childhood-onset type 1 diabetes a
nutrition santé mis en place depuis une dizaine d’années en wealth-related disease? An ecological analysis of European incidence
France, dont le développement doit encore s’intensifier pour pré- rates. Diabetologia 2001;44(Suppl. 3):B9–16.
venir l’obésité dès le plus jeune âge [100] . [26] Patterson CC, Dahlquist GG, Gyürüs E, Green A, Soltész G, and
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1 diabetes in Europe during 1989–2003 and predicted new cases
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Épidémiologie du diabète  10-366-B-10

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D. Simon (dominique.simon@psl.aphp.fr).
Service de diabétologie, Institute of Cardiometabolism and Nutrition (ICAN), Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Simon D. Épidémiologie du diabète. EMC - Endocrinologie-Nutrition 2016;13(4):1-19 [Article 10-366-
B-10].

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EMC - Endocrinologie-Nutrition 19
 10-366-C-10

Étiologie et physiopathologie du diabète


de type 1
L. Marchand, C. Thivolet

Le diabète de type 1 est une maladie chronique caractérisée par la destruction des cellules bêta qui
produisent l’insuline dans le cadre d’une susceptibilité génétique, probablement en réaction à un facteur
d’environnement qui reste encore inconnu. La présence d’anticorps circulants spécifiques, la susceptibilité
génétique principalement associée au système MHC (major histocompatibility complex), le rôle de
l’immunité cellulaire suggèrent fortement une participation auto-immune. Les autoanticorps circulants
permettent de prédire la survenue d’un diabète avant l’élévation de la glycémie dans les populations à
risque. De nombreuses tentatives d’intervention précoce avant ou au début du diabète clinique n’ont pas
permis de ralentir la perte des cellules bêta. L’hétérogénéité des mécanismes en cause rend nécessaire
la caractérisation de biomarqueurs avant de cibler les interventions qui devront être multifactorielles,
ciblant à la fois le système immunitaire et les cellules bêta.
© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Insuline ; Cellule bêta ; Auto-immunité ; Génétique ; Environnement

Plan tères de diagnostic de l’Organisation mondiale de la santé (OMS)


de 2006, le diabète sucré se définit notamment par deux glycémies
■ Définition – Épidémiologie – Aspects cliniques 1 à jeun supérieurs à 1,26 g/l (7 mmol/l) ou bien une glycémie supé-
Définition 1 rieure à 2 g/l (11 mmol/l) à n’importe quel moment de la journée
Épidémiologie 1 associée à des signes cliniques d’hyperglycémie (cette deuxième
Aspects cliniques 2 situation est la plus fréquente dans le cas de découverte de DT1
dans le contexte de carence insulinique). On distingue habituel-
■ Immunologie du diabète de type 1 3 lement la forme 1A définie par la présence d’autoanticorps à la
Études du pancréas 3 découverte [2] . Cette forme de diabète s’oppose à d’autres formes
Immunité humorale et cellulaire 4 de carence en insuline chez le sujet jeune comme le diabète de
Susceptibilité génétique 5 type 1B, le diabète monogénique de type MODY notamment les
■ Déterminisme du diabète et importance de l’environnement 5 formes associées à des mutations HNF1A (MODY 3) ou HNF4A
Virus 5 (MODY 1), le diabète néonatal qui correspondent à une destruc-
Microbiote intestinal 5 tion et/ou une dysfonction des cellules bêta n’impliquant pas
Vitamine D 6 l’auto-immunité, le diabète mitochondrial à transmission mater-
Autres facteurs nutritionnels dans l’enfance 6 nelle, les diabètes pancréatiques exocrines notamment au cours
Environnement périnatal 6 de la mucoviscidose. Ces différentes formes de diabète peuvent
■ Applications cliniques 6 être considérées comme des diagnostics différentiels du DT1 et ne
Dépistage du risque de diabète 1 6 seront pas traitées dans cette revue.
Immuno-interventions et protection des cellules bêta 7
Perspectives thérapeutiques 9
■ Conclusion 9
Épidémiologie
Le DT1 est la maladie chronique la plus fréquente de
l’enfance [3] . La moitié des pays européens avait en 2000 une
 Définition – Épidémiologie – incidence annuelle de DT1 de cinq à dix cas sur 100 000 sujets
de moins de 14 ans [4] . De plus fortes incidences (> 20 pour
Aspects cliniques 100 000 par an) étaient retrouvées en Finlande, Sardaigne, Nor-
vège, Portugal. Actuellement, il existe un contraste entre les pays
Définition à forte incidence comme la Finlande (> 60 cas pour 100 000 habi-
tants par an), la Sardaigne (> 40 cas pour 100 000 habitants
Le diabète de type 1 (DT1) correspond à une destruction des par an), et les pays à faible incidence comme la Chine, l’Inde
cellules bêta aboutissant à terme, à une carence de production ou le Venezuela (0,1 cas pour 100 000 habitants par an). Les
d’insuline. Il représente 5 à 10 % des cas de diabète [1] . Selon les cri- chiffres d’incidence augmentent chaque année en Europe de plus

EMC - Endocrinologie-Nutrition 1
Volume 13 > n◦ 4 > octobre 2016
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1941(16)67773-9
10-366-C-10  Étiologie et physiopathologie du diabète de type 1

de 3 %, notamment dans les groupes d’âge les plus jeunes, c’est-


à-dire dans la tranche 0 à 4 ans et avant l’âge de 10 ans. Cette
augmentation correspond à un doublement du nombre de nou- T1D
T1D LADA T2D
veaux cas sur une période de 25 ans [5] . Cependant, il existe tardif
une stabilisation de l’incidence du DT1 en Finlande [6] . Parmi
les hypothèses évoquées à l’origine de cette épidémie figurent
des changements de l’immunité intestinale par la réduction de Destruction des
l’exposition aux pathogènes conditionnant aussi le microbiote cellules bêta
intestinal, l’augmentation de la prévalence de l’obésité et de
l’insulinorésistance favorisant les anomalies fonctionnelles des Résistance
à l’insuline
cellules ␤. En Europe, la prévalence du DT1 est de 0,2 % et
concerne deux millions de personnes [7] . Contrairement à la plu-
part des maladies auto-immunes, il n’y a pas de prédominance
IMC
féminine chez les enfants. Après la puberté, il existe une discrète
prédominance masculine avec un ratio hommes/femmes (H/F)
de 1,5 [8] . Une augmentation de la fréquence de DT1 a été notée Autoanticorps
chez les enfants nés au printemps, notamment dans des pays de
latitude nord [9] . Cette variation saisonnière a été attribuée à une
carence maternelle en vitamine D. La survenue du DT1 est habi-
Figure 1. Zones frontières entre les différentes formes de diabètes.
tuellement plus fréquente à l’automne et en hiver [10] , pouvant
T1D : diabète de type 1 ; LADA : latent autoimmune diabetes in adults ;
suggérer un lien avec les infections virales. La prévalence du DT1
T2D : diabète de type 2 ; IMC : indice de masse corporelle.
est probablement sous-estimée chez l’adulte, car il est estimé que
5 à 15 % des cas de diabète de type 2 sont en fait des DT1 à marche
lente [11] .
auto-immunes peuvent être associées, notamment la maladie
cœliaque dont la prévalence peut atteindre 10 % chez l’enfant.
Aspects cliniques La mise en place d’un régime sans gluten s’avère nécessaire pour
maintenir une croissance physiologique et favoriser l’équilibre
Phénotype clinique glycémique. La maladie d’Addison (insuffisance surrénalienne
Le trait commun au DT1 est une carence en production périphérique par rétraction corticale auto-immune) se révèle par
d’insuline. Elle nécessite le recours à un traitement par insu- la fréquence et la sévérité des hypoglycémies (dues à la carence
line exogène, de façon à prendre en charge les symptômes en cortisol). Devant la fréquence de ces associations et le carac-
liés à l’hyperglycémie, le syndrome polyuropolydipsique, la tère souvent infraclinique de ces autres atteintes auto-immunes,
perte de poids et la fonte musculaire, auxquels se rajoutent les un dépistage de ces affections doit se faire à la découverte du
complications métaboliques associées à la lipolyse et l’acidocétose DT1 par la recherche des autoanticorps spécifiques, en particulier
pouvant aboutir, en l’absence de traitement, au coma et au décès. chez l’enfant [14] . Par ailleurs, certaines anomalies clinicobiolo-
Il est important de considérer que le phénotype clinique est très giques peuvent orienter vers une maladie auto-immune associée
hétérogène lors du diagnostic initial avec des besoins en insu- (carence martiale révélatrice d’une maladie cœliaque, macro-
line très variables. Cette hétérogénéité est souvent associée avec cytose/carence en vitamine B12 révélatrice d’une maladie de
l’âge de survenue, puisque la carence en insuline est plus impor- Biermer).
tante chez l’enfant, l’acidocétose inaugurale étant donc plus rare Le dépistage systématique au diagnostic et ultérieurement (à
chez l’adulte [12] . La révélation d’un diabète chez l’adulte après une fréquence non consensuelle) de certaines pathologies peut
30 ans pose parfois la question du diagnostic différentiel avec le se justifier par un risque oncologique spécifique à ces dernières
diabète 2. À la différence d’un DT1 « aigu » (de forme juvénile), (risque de lymphome associé à la maladie cœliaque, risque de
il existe une forme intermédiaire caractérisée par une carence en cancer digestif pour la maladie de Biermer).
insuline modérée qui ne nécessite pas d’insuline dans les six pre- Les associations entre diabète 1 et différentes maladies endocri-
miers mois du diagnostic. Cette forme de diabète à marche lente niennes auto-immunes peuvent se regrouper en syndromes : les
de l’adulte ou diabète LADA (latent autoimmune diabetes in adults) polyendocrinopathies auto-immunes.
survient chez des patients avec un indice de masse corporelle plus La polyendocrinopathie auto-immune de type II (PEAI II)
faible et un degré d’insulinorésistance moins marqué que lors du est la plus fréquente des PEAI et se définit classiquement par
diabète 2, avec des marqueurs d’auto-immunité associés avec le l’association de la maladie d’Addison, avec une autre affection
diabète 1, mais souvent limité à la positivité des anticorps anti- auto-immune, notamment thyroïdienne (la définition « élar-
glutamate décarboxylase 65 (GAD65) [11] . Cet aspect suggère des gie » de la PEAI II ne fait plus de la présence d’une maladie
mécanismes physiopathologiques différents. Il est actuellement d’Addison une condition indispensable au diagnostic : la pré-
suggéré qu’il existe un continuum entre les différents types de sence de deux endocrinopathies auto-immunes suffit [15] ). C’est
diabètes en fonction du degré de carence en insuline (Fig. 1). un syndrome polygénique à transmission autosomique domi-
Dans ce cadre, il est souvent nécessaire de mettre en place une nante et pénétrance incomplète. La présence de l’antigène
insulinothérapie adaptée aux profils glycémiques. Le diagnostic d’histocompatibilité DR3 est augmentée, notamment le sous-type
clinique d’un DT1 est parfois compliqué chez l’enfant du fait de DR3-DQB1*0102.
l’augmentation de la prévalence de l’obésité ou de particularités La polyendocrinopathie auto-immune de type I, également
ethniques [13] . appelée autoimmune polyendocrinopathy-candidiasis-ectodermal dys-
trophy (APECED), est exceptionnelle et associe une candidose
Polyendocrinopathies auto-immunes et maladies chronique, une hypoparathyroïdie auto-immune et une mala-
die d’Addison. C’est un syndrome monogénique à transmission
auto-immunes associées
autosomique récessive déterminé par des mutations du gène régu-
Dans environ 30 % des cas, le diabète 1 est associé avec d’autres lateur de l’auto-immunité AIRE, récemment identifié, situé sur le
maladies auto-immunes spécifiques d’organe. Le plus souvent chromosome 21q22.3.
il s’agit de dysthyroïdies auto-immunes, notamment thyroïdites Le syndrome IPEX (immune dysregulation, polyendocrinopathy,
chroniques d’Hashimoto mais aussi maladie de Basedow. Une enteropathy, X-linked) est encore plus rare. Ce syndrome se révèle
hyperthyroïdie associée au diabète favorise l’instabilité glycé- chez le nouveau-né ou dans la jeune enfance, il associe un DT1,
mique et a un retentissement cardiovasculaire péjoratif chez les une entéropathie sévère et d’autres atteintes auto-immunes. Il est
sujets à risque. À signaler une plus forte prévalence de thyroï- rapidement mortel. Cette maladie liée à l’X est causée par des
dites du post-partum (25 %) au cours du DT1, qui nécessite un mutations sur le gène FOX-P3 conduisant à la perte de fonction
dépistage systématique après la grossesse. D’autres manifestations des lymphocytes T régulateurs [16] .

2 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Étiologie et physiopathologie du diabète de type 1  10-366-C-10

Des associations plus fréquentes avec la sclérose en plaques alpha et delta. Les données expérimentales chez la souris NOD
suggèrent également des mécanismes physiopathologiques (non obese diabetic) et après pancréatectomie segmentaire ont long-
communs. temps fait suggérer que le diabète chez l’homme correspondait à
À l’inverse, la présence d’une autre maladie auto-immune chez une perte de plus de 80 % de la masse des cellules bêta. La per-
un patient avec une découverte d’un diabète oriente vers une sistance chez l’homme de cellules bêta dans les cinq ans suivant
étiologie auto-immune au diabète. L’apparition ultérieure d’une le diagnostic suggère que les anomalies de la sécrétion d’insuline
maladie auto-immune chez un patient avec un diabète étiqueté correspondent à une réduction de la masse, mais aussi de la fonc-
de type 2 ou de nosologie indéterminée permet dans certains cas tion des cellules bêta. L’hyperglycémie chronique s’accompagne
de reclasser le diagnostic. d’un stress métabolique, oxydatif et du réticulum, pouvant favori-
ser les anomalies fonctionnelles et l’apoptose. Il est aussi possible
de retrouver chez certains sujets des îlots contenant encore des
cellules bêta marquées après plus de dix années de diabète [17] , ce
“ Point important qui est un autre aspect de l’hétérogénéité de la maladie et peut
expliquer la présence de sujets microsécréteurs d’insuline [18] . Il
n’a jamais pu être démontré de prolifération de cellules bêta. On
Anomalies biologiques et diabète de type 1 : peut donc conclure à une discordance entre les altérations de la
quelques réflexes pour rechercher une maladie sécrétion d’insuline et l’évolution de la masse des cellules bêta au
auto-immune associée cours du diabète 1 chez l’homme, avec différents profils (Fig. 2).
Hypoglycémies : insuffisance surrénalienne Les îlots sont le siège d’une infiltration appelée insulite consti-
Instabilité glycémique, avec ou sans signes digestifs et/ou tuée par des cellules mononucléées du système immunitaire
retard de croissance : maladie cœliaque principalement des lymphocytes T CD8+ , des macrophages [19] .
La présence de lymphocytes B CD20+ est associée avec une
Anémie ferriprive : maladie cœliaque, gastrite atrophique
infiltration plus sévère. En revanche, cette insulite est bien plus
Macrocytose/anémie macrocytaire : maladie de Biermer
modérée que celle observée dans les modèles animaux de dia-
Anomalies du bilan hépatique : hépatite auto-immune, bète auto-immun comme celui de la souris NOD, parfois limitée à
maladie cœliaque quelques dizaines de cellules par îlot. L’infiltration des îlots évolue
par vagues avec une atteinte régionale avec une topographie lobu-
laire, dont la signification chez l’homme est encore inconnue. Il
est possible que ce mode évolutif soit en rapport avec les particula-
rités de l’innervation et de la vascularisation tissulaire des lobules
 Immunologie du diabète pancréatiques.
Il existe une augmentation de l’expression des molécules du
de type 1 major histocompatibility complex (MHC) de classe 1 à la surface des
cellules endocrines de l’îlot, en fonction de la persistance de cel-
Études du pancréas lules bêta identifiées. Toutefois, cette anomalie n’est pas toujours
associée avec une insulite. En revanche, cette hyperexpression
Analyses histologiques de molécules du MHC de classe 1 est associée à une sécrétion
L’examen des pancréas de diabétiques de type 1 a permis de d’interféron alpha (IFN-␣) par les cellules endocrines de l’îlot
révéler plusieurs données importantes. et les cellules endothéliales. De même, des chémokines comme
Il existe une diminution du nombre de cellules contenant de CXCL10 dont l’expression est augmentée en présence d’IFN-␣,
l’insuline qui s’aggrave avec la durée de la maladie. sont fortement exprimées à la surface des cellules bêta. L’ensemble
La destruction totale des cellules bêta donne lieu à des îlots atro- est cohérent, un mécanisme inflammatoire impliquant le recru-
phiques avec une augmentation relative du nombre de cellules tement de lymphocytes T activés par les cellules bêta.

Événement Figure 2. Différents profils d’altération de la


déclencheur ? capacité de sécrétion d’insuline précédant le
Cinétique diabète 1 (prédiabète) et après la survenue du dia-
variable bète clinique (adapté du schéma de Eisenbarth).
Prédisposition
génétique

Diabète de type 1
« juvénile »
Masse et/ou fonction des cellules bêta

Diabète de type 1 à
marche lente
Découverte
du diabète
Insulinorequérance
souvent différée de
plusieurs mois après
la découverte
Découverte
du diabète
La masse bêta Insulinorequérance
résiduelle est variable immédiate
à la découverte
Les patients avec un DT1
de longue durée peuvent
garder des cellules béta

Âge

EMC - Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-C-10  Étiologie et physiopathologie du diabète de type 1

Le pancréas exocrine présente une infiltration par des cel- docrines. Les GADA sont présents dans 70 à 80 % des sérums
lules inflammatoires, dont l’importance semble indépendante de de nouveaux diabétiques de type 1 et dans 7 à 10 % des diabé-
l’importance de l’insulite [20] . Ces infiltrats sont composés majo- tiques ayant un phénotype proche du diabète de type 2 (Fig. 1)
ritairement par des lymphocytes T CD8+ , mais aussi par des et représentant un sous-groupe de patients intitulé « diabète de
lymphocytes CD4+ ou des macrophages et quelques cellules den- type 1 à marche lente » (diabète LADA). La valeur prédictive
dritiques CD11c+ . Il est aussi important de noter que la masse de des GADA positifs de façon isolée est faible. En revanche, cette
pancréas diminue de 30 % dans les cinq ans après le diagnostic valeur prédictive augmente de façon notable en présence d’un
clinique. Il peut s’agit soit d’une conséquence de l’inflammation autre autoanticorps ;
chronique, soit d’un effet indirect de la carence progressive de • les anticorps anti-IA-2. L’antigène IA2 d’origine neuroendo-
la sécrétion d’insuline qui peut jouer un facteur de croissance crine correspond à une forme inactive de la famille de la
paracrine. En conséquence, la fonction exocrine pancréatique est tyrosine phosphatase, enzyme impliquée dans la régulation
altérée chez les patients avec DT1 en fonction de la durée de la de la sécrétion d’insuline. La protéine IA2 et sa portion
maladie [21] . transmembranaire, appelée phogrine ou IA2-␤, sont localisées
Au total, les données histologiques récentes obtenues chez préférentiellement dans les granules de sécrétion d’insuline. Les
l’homme confirment que le DT1 est associé avec la perte progres- IA2A sont présents chez 60 à 80 % des diabétiques de type 1 ;
sive du nombre de cellules bêta dans un contexte inflammatoire • les anticorps anti-ZnT8. La famille des transporteurs de zinc est
qui touche à la fois le pancréas endocrine et exocrine et la mise en fortement exprimée dans les cellules bêta et joue un rôle phy-
jeu d’une réaction auto-immune au niveau des îlots de Langerhans siologique important, du fait de l’implication du zinc dans le
qui évolue par poussées. stockage de l’insuline. Le DT1 est associé avec des autoanticorps
dirigés contre la protéine du transport du zinc Slc30A8 (ZnT8).
Les ZnT8A sont retrouvés chez 60 % des patients DT1 à la décou-
Rôle des cellules bêta
verte. Leur positivité permet de classer en DT1A 10 à 20 % des
Le rôle des cellules bêta dans le ciblage et l’activation des nouveaux diabétiques avec phénotype évident de DT1 et GADA
cellules T autoréactives est évident. Seuls les îlots comportant et IA2A négatifs ;
des cellules bêta avec de l’insuline sont le siège d’une insulite. • des modifications post-translationnelles dans le cadre du stress
L’expression des autoantigènes, la présence de cellules den- du réticulum endoplasmique, ou en présence de cytokines,
dritiques migrant dans les ganglions pancréatiques favorisent peuvent conduire à la synthèse de néopeptides immunogènes
l’activation des cellules effectrices. L’augmentation de l’expression donnant lieu à des autoanticorps avec de nouvelles spécificités.
de chémokines par les cellules bêta est aussi un facteur favorisant Mais la significativité pathologique de la présence d’un autoan-
la migration de lymphocytes T. ticorps reste indéterminée : un cas de DT1 a été décrit en l’absence
Protéomique et métabolomique du pancréas et des cellules de lymphocyte B [24] , et à la différence avec une autre atteinte
bêta : grâce à des analyses complexes par chromatographie haute endocrine auto-immune, par exemple avec une maladie de Base-
résolution et spectrométrie de masse, le protéome des îlots et du dow, il n’y a pas d’argument prouvant qu’un transfert maternel
pancréas exocrine a été étudié. Chez l’homme, la comparaison d’autoanticorps soit délétère sur la fonction bêta de la descen-
des analyses faites au cours du DT1, du DT2 et chez des don- dance. Les anticorps ne seraient pas directement pathogènes, mais
neurs d’organes présentant des autoanticorps associés avec le DT1 participeraient à l’amplification de la réponse auto-immune [25] .
a révélé au cours du DT1 une augmentation de l’expression de Leur persistance chez les patients à distance du diagnostic n’a pas
protéines associées avec l’inflammation et l’auto-immunité [22] . de signification établie [26] . Ces données soulignent les particu-
Le contexte inflammatoire et l’hyperglycémie au début clinique larités de la physiopathologie du DT1, et suggèrent que les vrais
du diabète rendent difficile une approche quantitative de perte effecteurs de la destruction seraient plutôt les cellules T CD4+ et
de la masse de cellules bêta. Il est probable qu’il existe une part CD8+ .
importante d’anomalies fonctionnelles avec une réduction de la
sécrétion d’insuline en lien avec un stress métabolique expliquant
les possibles rémissions cliniques dans les semaines qui suivent Immunité cellulaire
la normalisation glycémique. La présence de cellules bêta et du Même si aucun modèle expérimental ne peut refléter parfai-
stimulus créé par la persistance des autoantigènes explique la tement la complexité de la situation du DT1 chez l’homme, les
persistance pendant de longues années de cellules T effectrices modèles animaux comme celui de la souris NOD ont permis
mémoire. d’étudier différentes voies importantes de destruction des cellules
bêta impliquant l’immunité cellulaire.
La migration des cellules mononucléées comme les lym-
Immunité humorale et cellulaire phocytes T autoréactifs CD4+ ou CD8+ et les macrophages
sont des étapes déterminantes. Il existe un certain nombre
Autoanticorps d’éléments [27, 28] :
La présence d’autoanticorps circulants à la découverte d’un • les cellules T diabétogènes sont les agents essentiels dans la
diabète permet de faire le diagnostic positif de DT1A. Depuis la destruction des cellules bêta et dans l’insulite. Le fait que les
caractérisation initiale des anticorps anti-îlots (islet cell antibody molécules cibles comme GAD ou IA2 ne soient pas spécifiques,
[ICA]) par immunofluorescence indirecte, l’utilisation de tests suggère des mécanismes locaux de présentation notamment
dirigés contre des autoantigènes de la cellule bêta a grandement par l’hyperexpression des molécules du système MHC et un
facilité les études cliniques avec de larges populations de sujets. élargissement du répertoire cible, notamment par des néoan-
Il s’agit du dosage des anticorps antiglutamate 65 (GADA-65), tigènes. Ceux-ci peuvent être produits par des modifications
anti-insulinoma associated antigen-2 (IA-2A), anti-insuline (IAA) et post-translationnelles au cours du stress du réticulum endoplas-
antitransporteur de zinc T8 (ZnT8A) [23] . Du fait des difficultés mique ;
méthodologiques du dépistage, la recherche des autoanticorps • il est en général admis que le répertoire T dans la circulation
nécessite des outils standardisés : reflète celui présent dans les îlots. Cela est en général le cas
• les anticorps anti-insuline. Les études expérimentales chez la dans le cadre de la souris NOD, mais les données chez l’homme
souris NOD ont mis en évidence des épitopes très immunogènes sont encore limitées.
portés par la chaîne B en position B9-23. Des titres élevés d’IAA Les lymphocytes T autoréactifs vis-à-vis de constituants de l’îlot
sont rencontrés avant l’âge de 5 ans et sont associés à une forme ne sont pas spécifiques du diabète et peuvent être retrouvés dans
agressive de destruction, contre moins de 50 % des sujets de d’autres maladies auto-immunes. Cela suggère un défaut de tolé-
plus de 15 ans qui développent un diabète. D’après les études rance périphérique au cours du diabète 1.
prospectives chez les enfants de mères diabétiques, les IAA sont Un défaut de la population FOXP3 TREG CD4+ CD25+ (popula-
les premiers autoanticorps spécifiques à se positiver ; tion régulatrice) a été constaté chez la souris NOD et chez certains
• les anticorps anti-GAD65. La glutamate décarboxylase est une patients porteurs d’un DT1, avec chez la souris une baisse quan-
enzyme présente dans des microvésicules des cellules neuroen- titative et fonctionnelle au niveau de l’insulite. Parallèlement, il

4 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Étiologie et physiopathologie du diabète de type 1  10-366-C-10

existe une augmentation de la population autoréactive TH 1 (lym- études d’association pangénomique (genome-wide association study
phocyte T auxiliaire activé produisant notamment l’interféron [GWAS]) [34] . Beaucoup sont impliqués dans la réponse immuni-
gamma et l’interleukine 12) et TH 17 (lymphocyte T auxiliaire taire ou dans la fonction des cellules bêta. Il a été remarqué que des
activé produisant des facteurs pro-inflammatoires, notamment populations à faible risque génétique ont une prévalence de DT1
l’interleukine 17 [IL-17]). qui augmente après leur migration dans des zones géographiques
Le défaut de tolérance vis-à-vis des autoantigènes bêta est un élé- à fort taux d’incidence. L’importance respective des régions de
ment majeur de la physiopathologie du DT1, et peut s’expliquer : susceptibilité, le rôle des interactions entre gènes et agents de
• par une présentation inappropriée des autoantigènes au niveau l’environnement et la contribution respective des génotypes en
thymique et un défaut de sélection des lymphocytes T à ce fonction de l’âge de survenue de la maladie restent à éclaircir.
niveau, conduisant au passage en périphérie de lymphocytes T
autoréactifs. Différents travaux chez la souris NOD et le rat Susceptibilité multigénique en fonction du terrain
BB (rat biobreeding, modèle animal de rat de DT1) ont mis en
Au sein des familles de diabétiques de type 1, le risque de diabète
évidence un rôle clé du thymus pour prévenir ou induire le
augmente en fonction du nombre d’haplotypes en commun avec
diabète [29, 30] ;
le probant diabétique. Les allèles MHC de classe II déterminent
• par des dysfonctions des cellules T avec absence de régulation
également le profil d’autoanticorps spécifiques détectables en péri-
périphérique des cellules T effectrices et/ou des anomalies des
phérie. Malgré la forte prédisposition génétique, la majorité des
cellules T régulatrices [31] ;
patients qui développe un diabète n’a pas de contexte familial
• par un défaut de transfert et/ou de présentation des antigènes
(> 90 %). En raison de cette complexité et des coûts, l’utilisation
de la cellule bêta des cellules dendritiques aux lymphocytes T
des marqueurs génétiques dans le dépistage n’est pas de pratique
dans les ganglions péripancréatiques [32] .
courante.
La meilleure connaissance des mécanismes cellulaires associés
Cependant, malgré un grand nombre de loci de susceptibilité, il
au diabète 1 devrait permettre d’établir une série de biomar-
existe de rares formes monogéniques de DT1 qui illustrent la rela-
queurs permettant de mettre en place et suivre les protocoles
tion entre gènes et activation du système immunitaire. En effet,
d’immuno-intervention avec la baisse des cellules T effectrices
une mutation sur le gène AIRE, sur le gène FOXP3 ou bien sur le
et/ou l’augmentation des lymphocytes T régulateurs.
gène SIRT1 peut entraîner à elle seule la survenue de ce diabète
auto-immun dans le cadre d’une rupture de tolérance immuni-
Susceptibilité génétique taire [33] .

Le DT1 survient sur un terrain génétique prédisposant


complexe, impliquant plusieurs gènes. Cela se traduit par un  Déterminisme du diabète
risque augmenté dans la fratrie par rapport à la population géné-
rale (6 versus 0,4 %) et une concordance de l’ordre de 40 à 50 % et importance de l’environnement
entre jumeaux monozygotes, alors qu’elle n’est que de 10 % entre
jumeaux dizygotes. Le risque dans la descendance d’un diabétique La prédisposition génétique ne peut expliquer l’augmentation
de type 1 est de 3 à 4 %. La susceptibilité est multigénique et de l’incidence du DT1 observée depuis 20 ans, en particulier
n’obéit pas à un modèle mendélien. chez les sujets de moins de 5 ans. L’hétérogénéité dans la dis-
tribution géographique avec des gradients européens sud-nord et
Système MHC est-ouest ainsi que l’augmentation de l’incidence chez les enfants
de migrants issus de pays à faible incidence suggèrent fortement
Une grande partie du risque génétique est associée au système des interactions avec l’environnement. L’influence des condi-
MHC sur le bras court du chromosome 6 (région 6p21). Il est admis tions de vie avec la réduction de l’exposition précoce aux agents
que certains allèles MHC de classe II (IDDM1) sont notamment pathogènes (théorie hygiéniste de l’auto-immunité et des mala-
impliqués dans les mécanismes de reconnaissance de l’antigène. dies allergiques) a été évoquée. Il est suggéré que l’environnement
Deux haplotypes sont plus fréquemment associés avec le DT1 : il interagit dès la vie fœtale et immédiatement après la naissance,
s’agit de l’haplotype DR3 (DRB1*03-DQB1*0201-DQA1*0501) et et pourrait agir sur différents stades de la maladie en tant que
de l’haplotype DR4 (DRB1*04-DQB1*0302-DQA1*0301). La fré- facteur déclenchant ou modulateur de la réaction et/ou tolérance
quence des hétérozygotes DR3/DR4 est plus importante lorsque immunitaire.
le diabète est de survenue précoce.
Les anti-GAD65 sont plus fréquents chez les sujets DR3 et les
anti-IA2, plus fréquents chez les sujets DR4. Dans la population Virus
générale, la combinaison de ces deux haplotypes ne s’accompagne
La piste virale est suspectée depuis longtemps, avec une asso-
que de 5 % de risque absolu de diabète contre 20 % dans les
ciation préférentielle avec les entérovirus. Une méta-analyse de
familles de diabétiques de type 1. Cela souligne l’importance
26 études utilisant des analyses moléculaires ou sérologiques a
d’autres régions génétiques en dehors du système MHC. Chez les
révélé que la probabilité d’une infection par entérovirus était dix
Caucasiens, 80 à 90 % des patients avec DT1 sont porteurs de l’un
fois plus importante chez un patient avec DT1 par rapport à un
ou l’autre haplotype à risque. En revanche dans la population
sujet contrôle non diabétique, et quatre fois plus importante en
générale, moins de 10 % des individus porteurs d’un génotype
cas d’auto-immunité anti-cellules bêta [35] . Toutefois, il est peu
MHC de susceptibilité vont développer un diabète [33] . Il est à
vraisemblable que les virus soient directement à l’origine de la
noter que la prévalence de ces allèles à haut risque diminue
perte des cellules bêta par un mécanisme cytolytique. On suspecte
chez les patients avec DT1, avec parfois la présence de l’allèle
plutôt une inflammation chronique facilitant l’activité des cel-
MHC DQB1*0642 qualifié de protecteur, suggérant une pression
lules du système immunitaire, ou bien une homologie de structure
de l’environnement favorisant les modifications épigénétiques et
d’un épitope de l’agent pathogène avec celui d’un autoantigène
expliquant la hausse de l’incidence du DT1.
bêta [36] .

Susceptibilité génétique en dehors du système


MHC Microbiote intestinal
De nombreux gènes, en dehors du MHC, contribuent à la La colonisation bactérienne intestinale à la naissance et
susceptibilité génétique du DT1, avec notamment la région dans l’enfance est un élément clé dans le développement de
promoteur du gène INS (région 11p15, IDDM2) expliquant l’immunité innée et adaptative. Le contexte génétique, le mode
10 % de la susceptibilité génétique, avec un allèle prédispo- d’accouchement, le sevrage du lait maternel, l’introduction
sant (classe I) et un allèle protecteur (classe III), le gène CTLA4 des aliments solides puis le mode alimentaire, l’usage ou non
(région 2q33, IDDM12), et le gène LYP/PTPN22 (région 1p13). Il d’antibiotiques, les conditions d’hygiène sont des facteurs qui
existe par ailleurs plus de 40 loci de prédisposition décrits dans les contribuent à façonner le microbiote intestinal. La diversité de

EMC - Endocrinologie-Nutrition 5
10-366-C-10  Étiologie et physiopathologie du diabète de type 1

la flore semble assez stable notamment en ce qui concerne le Ces expositions environnementales intra-utérines pourraient
rapport des familles Bacteroides et Firmicutes [37] . Alors que la taxo- expliquer une augmentation du risque de DT1 par une modifi-
nomie des espèces bactériennes est stable au cours de l’enfance, cation de l’expression de certains gènes. L’épigénétique se définit
l’analyse de la flore d’enfants finlandais à haut risque génétique par l’étude des changements d’activité des gènes (via des modi-
de DT1 a révélé sur les trois premières années de vie une réduc- fications de compaction de la chromatine ou des méthylations
tion de la diversité bactérienne dès l’apparition des autoanticorps spécifiques sur les îlots CpG) qui sont transmis au fil des divisions
associés au DT1, puis un profil inflammatoire avec une augmenta- cellulaires ou des générations sans faire appel à des mutations de
tion de l’expression de la bêta-défensine 2 à la révélation clinique l’acide désoxyribonucléique (ADN). L’importance des modifica-
du diabète [38] . Cette réponse inflammatoire peut modifier la tions épigénétiques dans la physiopathologie du DT1 est encore
perméabilité de la muqueuse intestinale et la réponse immuni- largement inconnue, mais ces régulations de l’expression génique
taire. D’autres études chez l’homme suggèrent l’implication d’une peuvent faire le lien entre génétique et environnement. Les don-
modification de la composition du microbiote intestinal dans nées expérimentales et cliniques doivent être étoffées dans ce
l’apparition du diabète [39] . Il est aussi intéressant de noter que domaine [53] .
le diabète de la souris NOD s’accompagne d’une augmentation
de la réponse du système inné vis-à-vis du microbiote, que le
changement de la flore est capable de modifier cette réponse et  Applications cliniques
de prévenir la maladie [40] .
Dépistage du risque de diabète 1
Vitamine D Il existe différents types de marqueurs de risque du DT1. Les
marqueurs les plus précoces du DT1 sont les marqueurs génétiques
La vitamine D a des propriétés immunomodulatrices. Une étude (cf. supra, avec par exemple un risque plus élevé de sérocon-
effectuée dans sept centres européens a indiqué que la supplémen- version chez un enfant avec MHC à risque). Il y a également
tation en vitamine D s’est accompagnée d’une réduction du risque les marqueurs immunologiques (autoanticorps et lymphocytes T
de DT1 [41] . Une étude de cohorte finlandaise de 10 800 enfants circulants) et plus tardivement les marqueurs métaboliques
a révélé qu’une supplémentation à hautes doses en vitamine D (notamment la glycémie et l’insulinémie/peptide C, peptide
(2000 UI/j) pendant la première année de vie, s’accompagnait incorporé dans la pro-insuline, puis clivé et libéré dans la circu-
d’une réduction du risque d’apparition d’un DT1 [42] . Une méta- lation porte, puis dans la circulation générale et non dégradé par
analyse de cinq études a indiqué qu’un apport en vitamine D le foie).
était associé avec une réduction du risque de DT1 [43] . Toutefois, Sur le plan clinique, l’utilisation d’approches combinées avec
il faut noter que l’incidence du DT1 est très élevée en Europe du la recherche des différents autoanticorps est actuellement la pro-
Nord malgré des apports systématiques en vitamine D chez plus cédure la plus performante pour apprécier le risque de diabète
de 80 % des nouveau-nés. Au cours de l’étude DAISY (Diabetes dans les populations génétiquement à risque (human leukocyte
Autoimmunity Study in the Young), l’apport en vitamine D et les antigen [HLA] à risque ou enfant issu d’un parent DT1). La plu-
taux circulants de 25-hydroxyvitamine D (25 OH-D3) n’étaient part des études familiales prospectives indiquent que la présence
pas corrélés avec l’apparition d’une auto-immunité anti-cellules d’au moins deux autoanticorps s’accompagne d’un très fort risque
bêta [44] . Cela traduit que la carence en vitamine D est un élément de survenue de diabète.
facilitant, mais non causal du DT1. Dans la cohorte DAISY, 89 % des enfants développant un dia-
bète avaient au moins deux autoanticorps positifs [54] . De plus,
l’âge de survenue du diabète était corrélé avec l’âge de survenue
Autres facteurs nutritionnels dans l’enfance des autoanticorps et en particulier les IAA. Dans le cadre d’une
D’autres facteurs nutritionnels ont été étudiés comme analyse d’études prospectives finlandaises, allemandes et nord-
l’introduction précoce des protéines du lait de vache et la durée de américaines chez des apparentés du premier degré, la majorité
l’allaitement maternel. Chez les apparentés du premier degré de des enfants présentant plusieurs autoanticorps a développé un
DT1, la consommation excessive de lait de vache est associée avec DT1 dans les cinq ans de suivi (en cas de positivité d’un anticorps
une séroconversion, mais pas avec l’apparition du DT1 [45] . Quatre le risque à cinq ans de développer un diabète est de 20 à 25 %,
études prospectives ont évalué dans des populations à risque avec deux anticorps 50 à 60 %, 70 % avec trois anticorps positifs
génétique, l’impact de l’alimentation lactée des enfants et le déve- et 80 % avec quatre anticorps) [55] . Dans le cadre de la cohorte
loppement des autoanticorps. Dans l’étude allemande BABYDIAB DIPP, les IAA sont apparus en premier dans les deux premières
chez 1610 enfants avec au moins un parent avec un DT1, il n’y années [56] . Cette donnée reproduit les résultats de l’étude BABY-
avait pas d’association entre le développement des autoanticorps DIAB obtenue en Allemagne lors du suivi d’enfants de parents
et la durée de l’allaitement maternel, mais avec l’introduction avec DT1.
d’aliments contenant du gluten avant 3 mois [46] . Dans l’étude Il est possible d’identifier des marqueurs génétiques associés
nord-américaine DAISY, les 34 sur 1183 enfants qui ont développé avec l’apparition des autoanticorps. Avant l’âge de 9 ans, plu-
après la naissance des autoanticorps avaient une exposition pré- sieurs loci de susceptibilité sont associés avec une séroconversion
coce aux céréales [47] . Dans l’étude finlandaise DIPP, l’apparition comme PTPN22, ERBB3, SH2B3 et INS [57] .
de plusieurs autoanticorps chez 265 enfants sur 6069 était associée De nouvelles stratégies de dépistage utilisent des antigènes
avec l’introduction de légumes racines (pommes de terre, carotte, hybrides permettant des recherches combinées d’autoanticorps,
navet) [48] . En conclusion, les preuves reliant l’alimentation du comme GADA et IA2A, IA2A et ZnT8A, en utilisant les épitopes
nouveau-né et le DT1 sont parfois contradictoires. Les recomman- les plus immunogènes et ayant la plus grande valeur prédictive [58] .
dations sont de maintenir l’allaitement maternel et d’introduire Les études protéomiques de cellules bêta exposées à des cytokines,
des aliments solides entre 4 et 6 mois. ainsi que l’analyse de la composition des peptides liés aux molé-
cules MHC de classe II, permettent de caractériser de nouveaux
épitopes pouvant, peut-être dans un proche avenir, donner lieu à
Environnement périnatal de nouveaux tests diagnostiques [22, 59] .
Alors que la réponse lymphocytaire T joue un rôle déterminant
Différentes observations soulignent un rôle de l’environnement dans l’attaque des cellules bêta, l’analyse du répertoire T en cli-
périnatal dans le développement ultérieur d’un DT1 [49] . De nique est décevante, même si des augmentations de prolifération
manière surprenante, un poids élevé à la naissance (> 4 kg) appa- cellulaire ont été retrouvées chez des sujets prédiabétiques, ou au
raît être un facteur de risque de développer ultérieurement un début du diabète en présence d’insuline, de GAD ou d’IA-2. Le
DT1 [50] . D’autre part, un âge élevé maternel est aussi un facteur faible pourcentage de CD4+ effecteurs dans le sang circulant, la
de risque pour le futur enfant de développer un DT1 [51] . Les infec- complexité des tests, qui impliquent parfois une culture cellulaire
tions intra-utérines, comme la rubéole, peuvent être associées à de huit à dix jours, et l’absence de standardisation rendent dif-
une augmentation du risque de DT1 chez l’enfant [52] . ficile l’usage de tests cellulaires en pratique clinique. Toutefois,

6 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Étiologie et physiopathologie du diabète de type 1  10-366-C-10

Figure 3. Concepts de prévention primaire,


secondaire et tertiaire dans le diabète de type 1.
Prévention Prévention Prévention
primaire secondaire Présence tertiaire
Sujets à d’autoanticorps Après la
risque au cours du découverte de
génétique prédiabète la maladie

Protocoles
Intolérance au
glucose et/ou
anomalies de la
sécrétion
d’insuline
Marqueurs d’activité

Stabilité du
Stabilité du
Prévalence des peptide C
peptide C
autoanticorps Prévalence du
HbA1c
diabète

Stabilité
Objectifs

Prévention de Prévention du glycémique,


la maladie diabète de type 1 prévention des
complications

des tests optimisant la mesure dans le sang circulant des lympho- Une revue exhaustive de la littérature à ce sujet n’a pas été réa-
cytes CD8 autoréactifs spécifiques des autoantigènes ont été mis lisée, mais une sélection des essais les plus importants (Tableau 1).
au point dans le cadre de la recherche clinique [60] .
Une autre problématique dans le suivi/dépistage d’un patient à Protocoles de prévention primaires et secondaires
risque est l’estimation de la masse bêta résiduelle et de sa fonction-
nalité. Devant l’absence de mesure directe de la masse bêta, des Insuline (voies sous-cutanée et orale)
indices basés sur la glycémie et le peptide C à jeun puis une heure À la suite des résultats prometteurs obtenus chez la souris
après charge orale en glucose (par exemple l’indice Index60 [61] ) NOD, plusieurs essais chez l’homme ont été réalisés. L’effet de
permettent d’estimer le risque de développer ultérieurement un l’administration d’insuline a été évalué dans une très large étude
DT1. Une technique de mesure non invasive de la masse cellulaire prospective randomisée (Diabetes Prevention Trial-1 [DPT-1] [42] ),
bêta ou la caractérisation de biomarqueurs spécifiques permet- à partir d’un dépistage effectué chez presque 100 000 apparen-
traient un meilleur suivi des patients à risque, et pourraient être tés du premier et du second degré de diabétiques de type 1.
utilisées dans les protocoles d’intervention développés (cf. infra). Cette étude n’a pas retrouvé d’efficacité de l’administration sous-
cutanée de l’insuline pour la prévention du diabète clinique.
Il est possible ainsi d’extrapoler que les effets bénéfiques de
l’insulinothérapie au début du diabète sur la fonction endocrine
Immuno-interventions et protection des cellules bêta et l’augmentation des rémissions sont plus de
des cellules bêta nature métabolique qu’immunologique. Dans un sous-groupe
d’apparentés à plus faible risque, l’administration orale d’insuline
Contexte général ne s’est pas non plus accompagnée d’effets sur l’incidence du
Depuis 30 ans, de multiples tentatives ont été entreprises pour la diabète. Toutefois, des analyses secondaires ont identifié une effi-
prévention du diabète dans les populations à risque (soit porteur cacité de l’insuline orale dans un sous-groupe de sujets à fort
d’un MHC à risque, soit apparenté du premier degré d’un dia- taux d’IAA. Cela donne lieu actuellement à un nouvel essai thé-
bétique), mais aussi pour améliorer la fonction des cellules bêta rapeutique de prévention dans le cadre du réseau TrialNet. La
après le diagnostic du DT1 et favoriser les rémissions cliniques. discordance entre le modèle de la souris NOD et les études chez
Au cours de cette période, de nombreux progrès ont été obtenus l’homme s’explique en partie par un choix de doses dix fois
dans la caractérisation des patients, dans l’étude des biomarqueurs plus faibles et l’absence de témoins immunologiques confirmant
immunologiques et génétiques. Du fait de l’hétérogénéité clinique l’induction d’une tolérance. Cela pose, plus généralement, la ques-
et immunogénétique des patients porteurs d’un DT1, il n’est pas tion de l’utilité du modèle murin comme préalable à la validation
surprenant d’observer une variabilité dans la réponse clinique aux des stratégies de prévention. L’administration d’insuline par voie
immunothérapies. Certaines approches apparaissent parfois plus nasale a également été testée. Dans une étude australienne, aucun
efficaces dans des sous-groupes de patients. effet métabolique n’a été retrouvé, alors qu’un effet immunolo-
Les essais de prévention concernent différentes populations gique – une réduction du taux des anticorps anti-insuline – avait
(Fig. 3) : la prévention primaire concerne la population générale pourtant été noté.
ou une population à haut risque avec comme objectif principal
une réduction de l’incidence des autoanticorps, alors que la pré- Interventions nutritionnelles
vention secondaire concerne des sujets présentant des marqueurs Hydrolysat de lait de vache. Devant l’apparition très pré-
immunologiques à risque avec comme objectif principal la pré- coce des autoanticorps chez les apparentés, ainsi que l’observation
vention du diabète clinique. La prévention tertiaire concerne des de la survenue de l’insulite chez la souris NOD après le sevrage
diabétiques de type 1 après la découverte avec comme but la pré- et l’introduction des protéines alimentaires, l’hypothèse d’un
servation de la masse et fonction bêta résiduelle par la mesure du rôle de facteurs alimentaires comme déterminant et/ou accélé-
peptide C, avec un rôle bénéfique potentiel sur le long terme, rateur de l’auto-immunité a conduit à plusieurs études cliniques,
sur la stabilité de l’équilibre glycémique, sur les complications notamment en Finlande. Dans une étude prospective randomisée,
dégénératives du diabète (notamment microangiopathiques), sur menée chez 230 enfants présentant à la naissance des haplotypes
la fréquence des hypoglycémies sévères. HLA de classe II à risque (étude TRIGR [62] ), l’administration, dans

EMC - Endocrinologie-Nutrition 7
10-366-C-10  Étiologie et physiopathologie du diabète de type 1

Tableau 1.
Principaux essais d’intervention chez l’homme.
Traitement(s) testé(s)/nom Type de prévention Mode d’action du traitement Nombre Principaux résultats
de l’étude de sujets
Effets bénéfiques possibles
Hydrolysat de lait de Primaire Diminuer l’exposition à des antigènes 230 Réduction de l’ordre de 50 % des
vache/TRIGR autoanticorps spécifiques à 10 ans
Insuline orale/DPT-1 Secondaire Induction de tolérance par 372 Efficacité chez sujets avec
administration de l’antigène anticorps anti-insuline
Teplizumab/Protégé Tertiaire Anticorps anti-CD3, ciblent les 516 Insulino-indépendance à 1 an
lymphocytes T pour 5 % des patients
Rituximab/T1D TrialNet Tertiaire Anticorps anti-CD20, entraînent une 87 Peptide C plus élevé et HbA1c
Anti-CD20 study déplétion des lymphocytes B plus bas
Abatacept/T1D TrialNet Tertiaire Bloque l’activation des lymphocytes T 112 Peptide C plus élevé à 24 mois
Abatacept study
Transplantation autologue de Tertiaire Restauration d’une tolérance après 65 Taux d’insulino-indépendance de
CSH immuno-ablation chimique, effet 33 % à 48 mois
immunomodulateur des CSH
Absence de bénéfice
Régime sans gluten/BABYDIET Primaire et secondaire Diminuer l’exposition à des antigènes 150 Pas de bénéfice
Nicotinamide/ENDIT Secondaire Action bêta-protectrice 552 Pas de bénéfice
GAD65 Tertiaire Induction de tolérance par 334 Pas de bénéfice
administration de l’antigène
Otelixizumab/DEFEND-1 ET 2 Tertiaire Anticorps anti-CD3 281 et Pas de bénéfice
179
Antagoniste du récepteur à Tertiaire Bloque une cytokine 69 Pas de bénéfice
l’IL-1 : anakinra et pro-inflammatoire
canakinumab
Globuline antithymocyte Tertiaire Induction d’une immunorégulation 58 Pas de bénéfice
IL-2 + rapamycine Tertiaire Activation de LTreg/inhibition de LTh 9 Toxicité bêta

CHS : cellules souches hématopoïétiques ; LTreg : lymphocytes T régulateurs ; LTh : lymphocytes T helper.

les premiers mois, d’une formule de lait hydrolysé avec un retard (avec donc seulement une immunosuppression « temporaire », et
d’introduction des protéines de lait de vache de quelques mois, non pas une immunomodulation). Mais ces études ont ouvert la
s’est accompagnée, à 10 ans, d’une réduction de l’ordre de 50 % voie à d’autres essais de prévention tertiaire.
de l’incidence des autoanticorps spécifiques. Une étude rando-
misée multicentrique (17 pays) est en cours afin de valider ces GAD65
premières observations (les résultats ne seront pas disponibles Fortement argumentées par des résultats probants chez la sou-
avant 2017) [63] . ris NOD, les stratégies vaccinales utilisant la GAD65 avec des sels
Régime sans gluten. Selon l’hypothèse que l’exposition pré- d’aluminium comme adjuvant ont été utilisées chez l’homme
coce au gluten altère l’immunotolérance, le régime sans gluten dans des études de phase II et de phase III. Les études initiales
a été testé en prévention primaire et secondaire [46, 47, 64] . Dans de phase II chez des patients avec un diabète LADA, ainsi qu’une
l’étude BABYDIET, 150 enfants allemands avec une histoire fami- étude de phase IIb chez des diabétiques de type 1, d’âge compris
liale de DT1 au premier degré et un génotype HLA à risque ont entre 10 et 18 ans, ont donné des résultats prometteurs, tant
été randomisés en deux groupes : exposition tardive au gluten sur le plan immunologique avec une réorientation du système
(à partir de 12 mois) et exposition standard (6 mois). Cependant immunitaire vers une activité Th2 (réponse immunitaire de type
l’étude n’a pas montré de différence significative entre les deux humoral), que métabolique avec des taux plus élevés de peptide C.
groupes sur l’apparition d’autoanticorps et sur la survenue de Cet enthousiasme n’a pas été confirmé par des études récentes de
diabète. phase II/III [69] , ni dans une étude randomisée de phase III contre
Nicotinamide. L’administration de nicotinamide qui possède placebo avec deux modalités différentes d’administration. Dans
des actions anti-oxydantes et prévient le diabète expérimental, n’a cette dernière étude, il n’y avait aucune différence pour la valeur
pas donné d’efficacité en prévention secondaire chez l’homme. du peptide C à 15 mois, pour la dose d’insuline quotidienne utili-
En effet dans l’étude multicentrique internationale European sée et sur les valeurs d’HbA1c, alors que le profil immunitaire a été
Nicotinamide Diabetes Intervention Trial (ENDIT), 552 enfants favorablement modifié, avec une baisse de la quantité de cellules
apparentés de premier degré à un patient diabétique de type 1 Th1/Tc1 (lymphocytes cytotoxiques de type 1, médiateurs de la
avec anticorps anti-îlots positifs, ont été randomisés entre nicoti- réponse immunitaire cellulaire) circulantes [70] .
namide et placebo pendant cinq ans sans démontrer de différence
sur l’incidence de diabète [65] . Peptides de la protéine de choc thermique Hsp60
À la suite des effets protecteurs spectaculaires observés dans
les modèles expérimentaux de diabètes auto-immuns, des essais
Thérapeutiques au début du diabète
d’administration sous-cutanée de peptides de Hsp60 ont été initiés
Ciclosporine en prévention tertiaire. De par la fixation de Hsp60 au TLR2 (Toll-
Les premiers essais de prévention tertiaire qui ont prouvé like receptor 2, récepteur médiateur de l’immunité innée), les effets
qu’une immuno-intervention pouvait retarder la progression du protecteurs ont été associés avec une orientation Th2 du système
diabète remontent aux années 1980, avec notamment différentes immunitaire et une action anti-inflammatoire. Plusieurs études
études impliquant la ciclosporine (antilymphocytes T) [66–68] . ont utilisé un variant du peptide p277 dans lequel deux cystéines
Cependant il existait une toxicité néphrologique importante, et le sont mutées en valine afin d’améliorer la stabilité (DiaPep277® )
bénéfice du traitement ne perdurait pas après l’arrêt de ce dernier avec un effet marginal. L’étude récente multinationale de phase 3

8 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Étiologie et physiopathologie du diabète de type 1  10-366-C-10

DIA-AID 1 a inclus 457 sujets avec DT1 de découverte récente IL-2 et rapamycine
(âgés de 16 à 45 ans), traités pendant deux ans par injections de L’interleukine 2 (IL-2) est une cytokine qui active à faibles doses
DiaPep277® ou placebo [71] . Cependant en raison de fraudes avé- certains sous-types de lymphocytes T régulateurs (CD25 et FoxP3
rées dans l’exploitation statistique, l’article a été rétracté, et une Treg). Chez la souris NOD et chez les patients diabétiques de
analyse indépendante des résultats n’est pas encore disponible. type 1, un défaut de production de l’IL-2 et des perturbations de la
voie de signalisation du récepteur à l’IL-2 semblent jouer un rôle
Anticorps anti-CD3 clé dans la pathogenèse. Malgré des résultats prometteurs chez
Les anticorps anti-CD3 ont permis des rémissions prolongées de la souris NOD, une étude pilote d’administration combinée IL-2
diabète dans des essais chez la souris NOD. Ces anticorps anti-CD3 et rapamycine a été stoppée du fait d’effets secondaires avec une
ciblent les cellules T et induisent chez la souris une immunotolé- apparente toxicité sur la cellule bêta [83] . Un essai multicentrique
rance. français est actuellement en cours utilisant uniquement de l’IL-2
Otelixizumab. Dans une étude de phase 2 multicentrique à petites doses.
randomisée contre placebo et ayant inclus 80 patients à la décou-
Alefacept
verte du diabète, l’otelixizumab (anticorps monoclonal anti-CD3)
Un essai utilisant Alefacept, une protéine de fusion (LFA3Ig)
a été administré six jours de suite [72] . À 48 mois, les besoins
qui reconnaît la molécule de surface CD2 des lymphocytes T, est
en insuline étaient inférieurs dans le groupe expérimental avec
en cours au début clinique du DT1 (T1DAL trial) à la suite des
un effet plus marqué après 18 ans et chez les sujets ayant
résultats prometteurs d’une étude pilote [84] utilisée dans d’autres
une valeur de peptide C initial plus importante [73] . Devant la
maladies auto-immunes avec succès comme dans le psoriasis. Il
réactivation fréquente du virus d’Epstein-Barr (EBV), les études
s’agit dans ce cas de cibler les cellules T effectrices mémoires et
ultérieures de phase 3 ont utilisé des doses inférieures (DEFEND-
d’induire une tolérance.
1 [74] , 281 patients et DEFEND-2 [75] , 179 patients), mais n’ont pas
montré de bénéfice. Autogreffes de cellules souches hématopoïétiques après
Teplizumab. Le teplizumab, autre anticorps anti-CD3 huma- immunosuppression
nisé, a montré une efficacité dans les études de phase 1 et 2 avec
Les cellules souches ont des propriétés immunomodulatrices
une rémission du diabète jusqu’à 18 mois [76] . Une étude multi-
pouvant permettre de restaurer une tolérance vis-à-vis des
centrique de phase 3 (étude Protégé) avec différentes doses contre
autoantigènes. L’immuno-ablation chimique suivie d’une trans-
placebo a inclus et randomisé 516 DT1 au début du diabète (âgés
plantation autologue de cellules souches hématopoïétiques s’est
de 8 à 35 ans). Cette étude n’a pas montré de différence signi-
accompagnée dans plusieurs essais cliniques d’une augmenta-
ficative sur le critère de jugement principal (critère composite ;
tion de la fréquence des rémissions, certaines pendant plusieurs
pourcentage de patients avec dose d’insuline inférieure à 0,5 UI/kg
années [85, 86] . Cependant, malgré ces résultats favorables, les effets
par jour et une HbA1c inférieure à 6,5 % à un an) [77] . À deux ans, le secondaires étaient nombreux et parfois sévères (notamment neu-
groupe de patients traités par teplizumab avait une perte moindre tropénie fébrile, un décès sur un sepsis à Pseudomonas aeruginosa).
du peptide C versus placebo [78] . Les analyses post hoc ont identifié
des facteurs prédictifs d’une meilleure réponse au produit.
Perspectives thérapeutiques
Anticorps anti-CD20
Les résultats des différentes études d’intervention chez l’homme
Les anticorps anti-CD20 (rituximab) ciblent les lymphocytes
n’ont pas donné les résultats escomptés d’après les données pro-
B (entraînant une déplétion sélective de ces derniers) et inhibent
metteuses obtenues dans les modèles expérimentaux, et font poser
donc l’immunité humorale (ils diminuent la présentation efficace
différentes problématiques :
médiée par les lymphocytes B et induisent des cellules régulatrices
• une hétérogénéité génétique et/ou environnementale dans la
avec un effet protecteur sur les maladies auto-immunes à média-
susceptibilité aux interventions ;
tion cellulaire). Une étude de phase 2 chez 87 patients (8 à 40 ans)
• l’importance du stade de la maladie dans l’efficacité ;
à la découverte du DT1 a comparé quatre injections de rituximab
• l’intérêt de caractériser les sous-groupes de bons répondeurs en
versus placebo. À un an, il y avait un niveau plus élevé de pep-
fonction de critères cliniques ou de biomarqueurs ;
tide C après stimulation et un niveau inférieur d’HbA1c dans le
• l’importance des doses et du ratio efficacité/toxicité dans les
groupe traité par l’anticorps anti-CD20 [79] .
approches chez l’homme ;
• l’intérêt des combinaisons de différents traitements immuno-
Abatacept modulateurs ou suppresseurs et de l’addition de thérapeutiques
L’abatacept est une molécule qui empêche l’activation complète ciblant les cellules bêta pour augmenter les chances de réussite ;
des lymphocytes T (en bloquant une interaction entre la cel- • les hétérogénéités phénotypique, immunologique et génétique
lule présentatrice d’antigène et le lymphocyte T, via une fixation des patients avec DT1 rendent nécessaire une approche per-
sélective sur le récepteur CD80/86 de la cellule présentatrice sonnalisée dans le choix de l’immuno-intervention, avec un
d’antigène). Dans le cadre d’un essai de phase 2, 112 sujets après traitement qui doit dans l’idéal moduler le système immuni-
la découverte d’un DT1 et âgés de 6 à 36 ans ont reçu 27 injec- taire, et non pas simplement entraîner une immunosuppression
tions sur deux ans d’abatacept ou de placebo. À deux ans, l’aire temporaire ;
sous la courbe (AUC) moyenne ajustée du peptide C était signifi- • les différentes études d’immuno-interventions ainsi que la
cativement plus élevée dans le groupe traité par abatacept [80] . Le meilleure connaissance de la physiopathologie de la maladie
bénéfice était encore maintenu un an après arrêt du traitement suggèrent fortement des approches par étapes successives : une
avec une différence toujours significative sur le critère de l’AUC réduction ou une anergie de la réponse effectrice, suivie par
du peptide C [81] . une réorientation de la réponse immunitaire notamment par
l’induction de réponses régulatrices.
Antagoniste du récepteur à l’IL-1
La cytokine pro-inflammatoire interleukine 1 (IL-1) est consi-
dérée comme toxique sur la cellule bêta (via une activation des  Conclusion
voies pro-apoptotiques après sa fixation sur son récepteur) et pour-
rait également potentialiser la réponse immunitaire adaptative. Le DT1 s’accompagne d’une perte irréversible des cellules
L’anakinra et le canakinumab, deux antagonistes du récepteur à bêta. L’origine auto-immune de cette atteinte est certaine. Néan-
l’IL-1, ont été administrés respectivement pendant neuf et 12 mois moins, il s’agit d’un processus pathogénique évoluant par vagues,
dans des études de phase 2 (69 patients inclus dans les deux essais, peut-être dans le cadre de facteurs d’accélération en lien avec
âgés de 6 à 45 ans, avec DT1 récent et peptide C stimulé avec l’environnement. L’ensemble aboutit à des modes d’entrée dans
une valeur au-dessus de 0,2 nmol/l). Cependant il n’y avait aucun la maladie hétérogènes, rendant difficile une approche unique de
bénéfice métabolique à un an [82] . prévention.

EMC - Endocrinologie-Nutrition 9
10-366-C-10  Étiologie et physiopathologie du diabète de type 1

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◦ dépister les sujets à risque ; Schnell A, et al. Gender differences and temporal variation in the
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◦ l’importance de l’environnement (virus, alimentation, betes Care 2009;32:2010–5.
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ZnT8 ne doit pas retarder la mise sous insuline ; [12] Caillat-Zucman S, Garchon HJ, Timsit J, Assan R, Boitard C, Djilali-
◦ intérêt en cas d’une forme atypique avec obé- Saiah I, et al. Age-dependent HLA genetic heterogeneity of type 1
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le risque de diabète notamment pour ceux qui ont au lesions from recent onset and long-term type 1 diabetes patients. J Exp
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• Dans les familles d’un diabétique de type 1 : [18] Wang L, Lovejoy NF, Faustman DL. Persistence of prolonged C-
◦ la recherche des autoanticorps n’est pas systéma- peptide production in type 1 diabetes as measured with an ultrasensitive
tique ; C-peptide assay. Diabetes Care 2012;35:465–70.
◦ en cas de positivité et d’altération de la sécrétion [19] Campbell-Thompson ML, Atkinson MA, Butler AE, Chapman NM,
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suivi rapproché ; [20] Rodriguez-Calvo T, Ekwall O, Amirian N, Zapardiel-Gonzalo J, von
◦ cette recherche doit s’intégrer dans le cadre d’une Herrath MG. Increased immune cell infiltration of the exocrine pan-
stratégie coordonnée dans des centres spécialisés creas: a possible contribution to the pathogenesis of type 1 diabetes.
habilités à gérer les impacts psychologiques d’un test Diabetes 2014;63:3880–90.
positif et à permettre l’inclusion dans des protocoles [21] Larger E, Philippe MF, Barbot-Trystram L, Radu A, Rotariu M, Nobe-
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10-366-C-10  Étiologie et physiopathologie du diabète de type 1

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L. Marchand.
Service d’endocrinologie, diabète, nutrition, Centre hospitalier Lyon-Sud, 165, chemin du Grand-Revoyet, 69310 Pierre-Bénite, France.
C. Thivolet, Professeur (charles.thivolet@chu-lyon.fr).
Service d’endocrinologie, diabète, nutrition, Centre hospitalier Lyon-Sud, Inserm 1060, Faculté de médecine Lyon-Sud Charles-Mérieux, Université Claude-
Bernard Lyon, 165, chemin du Grand-Revoyet, 69310 Pierre-Bénite, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Marchand L, Thivolet C. Étiologie et physiopathologie du diabète de type 1. EMC - Endocrinologie-Nutrition
2016;13(4):1-12 [Article 10-366-C-10].

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12 EMC - Endocrinologie-Nutrition
¶ 10-366-D-10

Étiologie et physiopathologie du diabète


de type 2
V. Rigalleau, J. Lang, H. Gin

Malgré son hétérogénéité, le diabète de type 2 présente des caractéristiques cliniques qui orientent
l’étude de ses causes. Les patients ont une histoire familiale, un surpoids prédominant au niveau de
l’abdomen, des antécédents obstétricaux pour les femmes. Longuement précédée par des troubles
apparemment mineurs de la glycorégulation, la pathologie s’aggrave au fil des décennies, sous l’effet
« toxique » du glucose et des lipides. Elle implique toujours une insulinorésistance, non spécifique, innée
et acquise, partiellement réversible, dont le rôle est essentiel dans l’expansion épidémique et les
complications macrovasculaires de la maladie. Les taux d’insulinémie, normaux en apparence, sont en
fait insuffisants si on tient compte des niveaux glycémiques et de cette insulinorésistance : une
insulinodéficience relative est indispensable pour que la glycémie s’élève, et déterminante pour
l’aggravation progressive de la maladie. Les mécanismes moléculaires de l’action et de la sécrétion de
l’insuline sont de mieux en mieux connus, ainsi que l’implication des principaux tissus en cause : le muscle
qui utilise mal le glucose, le foie qui en produit trop, le tissu adipeux dont les produits de sécrétion
influencent les autres acteurs, et la cellule b déficiente. Le défaut de chacune des enzymes ou
transporteurs de l’homéostasie glucidique et lipidique peut jouer un rôle important, éventuellement
variable selon les individus. Ceux qui sont impliqués à la fois dans la sécrétion et l’action de l’insuline,
comme les mitochondries, sont particulièrement suspects.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Diabète de type 2 ; Étiologie ; Insulinorésistance ; Insulinodéficience ;


Production endogène de glucose ; Utilisation du glucose

Plan ¶ Défaut d’utilisation du glucose 7


Il n’est pas synonyme d’insulinorésistance 7
¶ Introduction 1 Diabétiques de type 2 utilisant mal le glucose 7
Transport et phosphorylation du glucose dans les cellules 7
¶ Facteurs apparents dès l’abord clinique 2
Oxydation ou stockage du glucose-6-phosphate 8
Hérédité 2
Oxydation du glucose 8
Obésité 2
Synthèse de glycogène 8
Âge 2
Évolutivité 2 ¶ Production excessive de glucose : rôle du foie 9
Production de glucose 9
¶ Insulinorésistance ET insulinodéficience 2
Utilisation du glucose par le foie 9
Insulinémie apparemment normale 2
Rôle des acides gras libres 9
Accroissement de l’insulinosécrétion en cas d’insulinorésistance 3
Implication des hormones de contrerégulation 3 ¶ Conclusion 10

¶ Insulinorésistance 4
Phénomène mesurable in vivo chez l’homme 4
Insulinorésistance non spécifique au diabète de type 2 4 ■ Introduction
Insulinorésistance des diabétiques de type 2 4
Rôle du tissu adipeux 5
Le diabète sucré est défini par un état d’hyperglycémie
chronique exposant à un risque de complications vasculaires. La
¶ Mécanismes moléculaires du défaut d’action de l’insuline 5 forme la plus commune, représentant 90 % des cas, est le
Jusqu’au récepteur 5 diabète de type 2, en pleine expansion. Même si elle est
Au niveau de ses substrats « IRS » 5 hétérogène, la présentation clinique de ces patients montre que
Au-delà 5 le diabète de type 2 ne survient pas chez n’importe qui,
Autres voies de signalisation importantes 5 n’importe quand et n’importe comment, et souligne l’impor-
¶ Insulinodéficience et cellules b pancréatiques 6 tance de l’hérédité, de l’obésité, de l’âge, ainsi que l’évolutivité
Cellule b : un senseur de glucose 6 de la maladie. Ses mécanismes connus, insulinorésistance et
Métabolisme, mitochondries et facteurs de couplage 6 insulinodéficience, qui entraînent une production excessive et
Couplage du métabolisme à la sécrétion de l’insuline par le canal un défaut d’utilisation du glucose circulant et donc l’hypergly-
KATP et l’influx calcique 6 cémie, échappent en revanche en grande part à cet abord
Synthèse, trafic et exocytose de l’insuline 7 clinique, et leur mise en évidence, a fortiori leur explication,
Gluco- et lipotoxicité et cellules b 7 nécessitent de mettre en œuvre des techniques de recherche.

Endocrinologie-Nutrition 1
10-366-D-10 ¶ Étiologie et physiopathologie du diabète de type 2

■ Facteurs apparents dès l’abord Âge


clinique La majorité des patients ont entre 55 et 75 ans : au-delà la
prévalence chute du fait de la surmortalité associée à la maladie.
L’allongement de l’espérance de vie joue donc un rôle dans
Hérédité l’épidémie de diabète, mais son apparition récente chez l’enfant
La majorité des patients ont un parent diabétique de type 2 : rappelle durement l’importance des autres facteurs déjà cités [8] :
20 % de leurs apparentés au premier degré auront au cours de en cas d’obésité les hyperglycémies provoquées par voie orale
leur vie un trouble de la glycorégulation [1], le risque augmente (HGPO) systématiques révèlent une intolérance au glucose chez
avec le nombre de parents affectés, et la concordance chez les 25 % des enfants, et un diabète de type 2 chez 4 % des adoles-
jumeaux monozygotes approche 100 %. Les études génétiques cents. L’âge s’accompagne physiologiquement d’une réduction
ont permis de découvrir la cause de formes monogéniques progressive de la sécrétion d’insuline, d’une réduction de la
particulières de diabètes (maturity onset diabetes of the young masse maigre utilisatrice de glucose [9] et peut-être d’une
[MODY]), et l’implication des gènes de PPARc, IRS1, KIR6.2, la diminution de sa sensibilité à l’insuline [10] qui favorisent toutes
calpaïne [2] et plus récemment TCF7L2 [3] dans les formes l’expression de la maladie. Le début tardif traduit aussi le retard
communes de diabète de type 2, mais elles sont complexes car diagnostique lié à son insidiosité, et son caractère progressif,
plusieurs gènes sont probablement impliqués. Il faut noter longuement précédé d’une phase d’état « prédiabétique ».
qu’outre l’hérédité, l’environnement nutritionnel in utero joue
un rôle très précoce : l’hyperglycémie maternelle pendant la Évolutivité
grossesse, pourvoyeuse de macrosomie néonatale [4], ainsi qu’à Ces troubles mineurs de la glycorégulation, comme l’hyper-
l’inverse le petit poids de naissance [5], favorisent le diabète de glycémie modérée à jeun et l’intolérance au glucose plus
type 2 à l’âge adulte. fréquente, exposent à un risque de diabète de type 2 évalué à
environ 7 %/an [2]. Dans le cas des femmes, ils peuvent s’expri-
mer des dizaines d’années auparavant, sous la forme d’un
diabète gestationnel : même si le diagnostic n’a pas été porté à
“ Points essentiels l’époque, les patientes concernées se souviennent généralement
avoir donné naissance à des enfants de poids élevé. Les stéato-
hépatites non alcooliques exposent probablement aussi à ce
La majorité des patients diabétiques de type 2 : risque : un taux de transaminases plus élevé de quelques unités
• ont un parent au 1er degré diabétique de type 2, est associé à une nette augmentation du risque de diabète de
• sont (ou ont été) en surpoids, type 2 ultérieur [11].
• sont âgés de 50 à 75 ans. Mais surtout l’aggravation ne s’arrête pas une fois le diagnos-
tic de diabète de type 2 porté. L’étude de l’United Kingdom
Prospective Diabetes Study (UKPDS) a montré que, quels que
soient le type et l’intensité du traitement, l’HbA1C tend alors à
Obésité s’élever progressivement au fil des années [12], conduisant les
cliniciens à une escalade thérapeutique qui fait finalement
La majorité des patients sont, ou ont été, obèses, et l’épidé- passer chaque année 5 à 10 % des patients sous insuline. Même
mie actuelle d’obésité et de diabète souligne l’importance des si l’inobservance thérapeutique de patients lassés par leur
facteurs environnementaux : abondance alimentaire et sédenta- régime et la prise de multiples antidiabétiques oraux existe, on
rité. La prise de poids paraît un « accélérateur » crucial qui ne doit plus considérer cette explication comme suffisante,
influence aussi la survenue d’un diabète de type 1, plus précoce particulièrement lorsque le contrôle pondéral est obtenu. Les
chez les enfants qui ont préalablement présenté un indice de taux élevés de glucose et d’acides gras libres jouent des rôles par
masse corporelle (BMI) élevé [6]. L’excès ou la prise de poids leurs effets délétères sur les cellules sensibles à l’insuline et
favorisent la survenue d’un trouble « mineur » de la glycorégu- surtout sur les cellules b : il y a une « glucotoxicité » [13], et une
lation, son évolution vers un diabète de type 2, et une élévation « lipotoxicité » [14], responsables de troubles fonctionnels, mais
accrue de la glycémie une fois celui-ci établi, faisant du contrôle aussi d’apoptose accélérée de ces cellules. Des dépôts pancréati-
pondéral le premier objectif thérapeutique tout au long de la ques amyloïdes formés à partir de l’amyline qu’elles cosécrètent
maladie. C’est l’accumulation de graisse dans le territoire avec l’insuline peuvent aussi favoriser cette aggravation [15].
abdominal, marquée cliniquement par un tour de taille excessif,
qui entraîne une insulinorésistance. Les produits de sécrétion du
tissu adipeux en excès sont donc largement étudiés. Même si
l’organisme ne peut pas directement générer du glucose à partir
des acides gras libres, ceux-ci ont des effets délétères sur la
“ Points essentiels
sensibilité à l’insuline, bien établis et détectables en quelques
heures chez l’homme. Une sécrétion excessive d’adipokines Les états qui prédisposent au diabète de type 2 sont :
comme le tumor necrosis factor alpha (TNF-a), l’interleukine 6, la • l’hyperglycémie modérée à jeun (> 1,10 g/l),
résistine, joue peut-être aussi un rôle [2]. À l’inverse, le tissu • l’intolérance au glucose (glycémie > 1,40 g/l 2 h après
adipeux sécrète moins d’adiponectine insulinosensibilisatrice au prise orale de 75 g de glucose à jeun),
cours de l’obésité [7]. • le diabète gestationnel,
• et probablement les stéatohépatites non alcooliques
(NASH).
Ils s’associent aussi à un risque accru d’accident
“ Points essentiels cardiovasculaire.

Prendre du poids :
• favorise la survenue d’un état prédiabétique, ■ Insulinorésistance ET
• favorise sa conversion au diabète,
• élève la glycémie une fois le diabète déclaré.
insulinodéficience (Fig. 1)
Chez les patients diabétiques de type 2, la simple Insulinémie apparemment normale
intention de perdre du poids s’associe à un meilleur
pronostic. Le dosage d’insulinémie est aujourd’hui largement répandu,
les valeurs retrouvées chez les diabétiques de type 2 sont

2 Endocrinologie-Nutrition
Étiologie et physiopathologie du diabète de type 2 ¶ 10-366-D-10

Hormones de contre régulation

Fonction de la cellule β
+ - Insulinorésistance
Production Glucose Utilisation compensée
endogène
- + +
Sécrétion
Insulinorésistance
non compensée
Tolérance
Insuline Métabolismes au glucose normale
- lipidique Intolérance au glucose
- protéique… Diabète de type 2
Figure 1. Homéostasie glucidique.
Sensibilité à l'insuline
Figure 3. Relation entre insulinosécrétion et insulinosensibilité.
β•200 %
Insulinosécrétion
R•16 décroissante (β)

40
β•100 %
“ Points essentiels
35
Insulinorésistance Comment interpréter un résultat d’insulinémie
R•16
croissante (R) chez un diabétique de type 2 ?
30
Insulinémie à jeun (mU/l)

Le chiffre ne peut être interprété qu’en fonction de la


R•8 glycémie, et de l’insulinosensibilité du sujet, notamment
25 β•50 %
reflétée par son tour de taille. Disposer de valeurs
20 antérieures peut être une aide importante pour évaluer
comment évoluent les capacités d’insulinosécrétion.
15 R•4 R•8
β•25 %
10 insulinique ne sont pas bien connus, on ne peut pas simple-
R•2
R•4 ment l’expliquer par des modifications de la glycémie : au cours
5 R•1 β•12,5 % d’insulinorésistances expérimentales (administration d’acide
R•2
R•1/2 R•1 nicotinique), la réponse insulinosécrétrice augmente alors que la
0 R•1/2 glycémie baisse, et à l’inverse au cours d’insulinosensibilisations
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 expérimentales (activité physique), la sécrétion insulinique
Glycémie à jeun (mmol/l) baisse alors que la glycémie monte [20] . En tout cas, cette
[18].
adaptation physiologique de l’insulinosécrétion au niveau de
Figure 2. Modèle HOMA (Homeostasis Model Assessment) sensibilité à l’insuline oblige à reconsidérer les conclusions de
multiples travaux qui ont conclu au rôle fondateur d’une
insulinorésistance précoce dans le diabète de type 2 : la résis-
normales (~10 µU/ml comme dans la population générale), tance à l’insuline existe bien, mais les sécrétions insuliniques de
voire élevées, confirmant la persistance d’une sécrétion insuli- ces sujets n’étaient normales qu’en apparence [20]. L’application
nique. Interpréter ces taux pour quantifier la sécrétion et la du HOMA chez les sujets inclus dans l’étude de l’UKPDS a
sensibilité à l’insuline est très délicat. L’insulinémie dépend de montré que le défaut de sécrétion insulinique jouait un rôle
la sécrétion insulinique, dont la pulsatilité entretient des majeur dans leur élévation glycémique progressive [21], mais
oscillations insulinémiques de 10-20 % à quelques minutes cette sécrétion est déjà réduite de 50 % au moment du diagnos-
d’intervalle [16], mais aussi de la clairance de l’insuline, altérée tic de diabète de type 2, et anormale à des stades plus préco-
au cours du diabète de type 2. La majorité de cette clairance se ces [22]. L’insulinodéficience, bien que relative, est donc
produit au niveau du foie, avant même que l’insuline ne puisse nécessaire au développement de l’hyperglycémie, et détermi-
être dosée dans le sang périphérique : pour cette raison, doser nante pour sa progression. Mais l’insulinorésistance est aussi
le peptide-C, cosécrété avec l’insuline et très peu dégradé par le nécessaire, jouant un rôle majeur dans l’impact des facteurs
foie, peut offrir un meilleur reflet de la sécrétion insulinique. environnementaux responsables de l’épidémie de diabète de
Les taux doivent être confrontés à la glycémie : chez un sujet type 2, et dans le développement des complications macrovas-
normal l’insulinémie est multipliée par 2 ou 3 lorsque la culaires qui en font la gravité.
glycémie est expérimentalement élevée à 120 mg/dl, et par 10
à une glycémie de 225 mg/dl [17] . Des indices rapportant
l’insulinémie à la glycémie, comme le HOMA (Fig. 2), peuvent
Implication des hormones
aider à cette confrontation [18]. Mais surtout la valeur de la de contrerégulation
sécrétion insulinique ne peut s’apprécier qu’en regard de celle Il est légitime d’envisager le rôle d’hormones (glucagon,
de l’insulinosensibilité. catécholamines, cortisol, hormone de croissance) qui intervien-
nent dans l’homéostasie glycémique normale, d’autant que leur
Accroissement de l’insulinosécrétion en cas influence hyperglycémiante rend compte des rares diabètes
d’insulinorésistance secondaires à des endocrinopathies : glucagonome, phéochro-
mocytome, hypercorticisme surrénalien, acromégalie. Elles sont
Pour un niveau glycémique donné, le produit « sensibilité à mises en jeu dans la réponse à l’agression, rendant compte de
l’insuline × sécrétion insulinique » (disposition index des Anglo- la majoration habituelle de l’hyperglycémie lorsque les patients
Saxons) est constant, les deux paramètres sont liés par une présentent une pathologie intercurrente. Leur implication dans
relation hyperbolique comme le décrit la Figure 3 [19] . Les le diabète de type 2 commun est moins importante, mais elle
mécanismes qui permettent cette adaptation de la sécrétion existe.

Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-D-10 ¶ Étiologie et physiopathologie du diabète de type 2

Le glucagon stimule la production hépatique de glucose,


permettant de l’adapter lors du jeûne. La glucagonémie diminue
donc normalement après les repas, mais cette réponse ne se Glycémie
produit pas chez les diabétiques de type 2 [23]. Lorsque l’on
reproduit expérimentalement chez des sujets normaux ce défaut
de suppression de la glucagonémie (par la perfusion de Insulinémie
somatostatine-insuline-et glucagon à débit variable), la produc-
tion hépatique est moins bien freinée après prise orale de
glucose, et la glycémie s’élève si cet effet n’est pas compensé par
une perfusion d’insuline en quantité suffisante. Ce type d’expé-
rience entraîne une hyperglycémie marquée si on le réalise chez
des diabétiques de type 2, dont les capacités d’insulinosécrétion
sont limitées [24]. Leur hyperglucagonémie contribue donc à leur
hyperglycémie postprandiale, en limitant la suppression de la
production endogène de glucose après les repas. Perfusion d'insuline
L’hypercorticisme surrénalien partage beaucoup des aspects
cliniques rencontrés dans le diabète de type 2 : surcharge Débit de perfusion de glucose
adipeuse abdominale, hypertension artérielle, dyslipémie. Une
Sujet sensible à l'insuline
recherche systématique chez les diabétiques de type 2 fait
dépister une hypersécrétion autonome avérée de glucocorticoï-
des (maladie de Cushing ou adénome cortisolique) dans 2 %
des cas, et jusqu’à 3,5 % supplémentaires pourraient être liés à
des adénomes cortisoliques [25] . Le fait que ces diagnostics Sujet insulinorésistant
influencent significativement la prise en charge en dehors de
quelques cas isolés reste cependant à démontrer, il faut donc
avoir des arguments cliniques supplémentaires pour réaliser des
explorations de l’axe surrénalien chez les diabétiques de
type 2 en routine clinique. Indépendamment d’hypersécrétions
Temps (heures)
autonomes, l’activation de la 11b-hydroxystéroïde déshydrogé-
nase de type 1 qui transforme la cortisone inactive en cortisol Figure 4. Le clamp hyperinsulinique euglycémique : principe.
actif, peut entraîner des productions excessives de cortisol au
niveau du tissu adipeux viscéral ou du muscle [26], avec une
influence sur la sensibilité à l’insuline de ces tissus.
Insulinorésistance non spécifique au diabète
de type 2
Le clamp a été très largement utilisé au cours des 25 dernières
“ Points essentiels années, permettant de confirmer l’existence d’une insulinorésis-
tance au cours du diabète de type 2, mais aussi au cours de
l’obésité, de l’hypertension artérielle, des dyslipémies. L’insuli-
Toute pathologie intercurrente tend à élever la glycémie norésistance est donc impliquée dans les cofacteurs de risque
des patients diabétiques. cardiovasculaire fréquemment associés au diabète de type 2, et
Les agressions (infectieuses, inflammatoires, vasculaires, que l’on tend à regrouper sous l’appellation de « syndrome
tumorales, voire psychologiques) mettent en effet métabolique » : il est hautement probable qu’elle joue un rôle
normalement en jeu les hormones de contrerégulation. déterminant dans les complications cardiovasculaires, et qu’elle
Seul le traitement (diététique, activité physique, n’est pas anodine de ce point de vue même quand la glycémie
médicaments), et la résolution de l’épisode intercurrent, est normale. De multiples autres pathologies s’accompagnent
d’une résistance à l’insuline : insuffisance rénale, cirrhose
peuvent faire baisser la glycémie.
hépatique, insuffisance coronarienne et cardiaque, maladies de
système... celle-ci est même impliquée dans des changements
physiologiques comme la puberté et la grossesse normales, voire
■ Insulinorésistance le vieillissement [10]. C’est en fait un phénomène commun,
comme l’a montré Reaven : si on réalise des clamps chez
100 sujets tirés de la population générale, et dont la tolérance
Phénomène mesurable in vivo au glucose est normale, 25 d’entre eux ont une sensibilité à
chez l’homme l’insuline faible, similaire à celle de diabétiques de type 2
établis [28]. Les conséquences de cette résistance à l’insuline
La résistance à l’insuline est une diminution de son action, deviennent évidentes chez des sujets dont la sécrétion insulini-
inhibitrice de la production endogène et stimulatrice de que est défectueuse, avec alors une hyperglycémie.
l’utilisation périphérique du glucose. La sensibilité à l’insuline
peut être étudiée par les biologistes sur les cellules cibles de son
action : hépatocytes, cellules musculaires, adipocytes. Pour
Insulinorésistance des diabétiques de type 2
étudier l’action de l’insuline chez l’homme, il faut en adminis- L’insulinorésistance concerne virtuellement tous les diabéti-
trer, mais cela entraîne une diminution de la glycémie, avec des ques de type 2. Détectable 10 à 20 ans avant le diagnostic,
effets métaboliques propres, une réaction des hormones de même en l’absence d’obésité [29], sa présence prédit la survenue
contrerégulation, voire un malaise hypoglycémique. Cette ultérieure de la maladie chez les sujets apparentés [30]. Les effets
difficulté a été résolue à la fin des années 1980, par la technique (anaboliques et anticataboliques) de l’insuline en dehors du
du clamp hyperinsulinémique euglycémique [27]. L’insuline est métabolisme glucidique peuvent aussi être réduits, notamment
administrée à la seringue électrique pour entretenir un plateau sa capacité à réduire la lipolyse au niveau du tissu adipeux [31],
stable d’hyperinsulinémie, et la glycémie est maintenue au ce qui est important car les acides gras ainsi libérés contribuent
niveau choisi par une perfusion de glucose adaptée (Fig. 4). Le aux perturbations de l’homéostasie glucidique. Le métabolisme
débit de cette perfusion correspond au glucose métabolisé par protéique a été moins étudié et paraît moins perturbé, mais un
l’organisme sous l’influence de l’hyperinsulinémie : plus il est défaut de synthèse de protéines mitochondriales pourrait jouer
élevé, plus le sujet est sensible à l’insuline, ce qui permet une un rôle clé dans les perturbations du métabolisme énergétique
approche quantitative. de ces patients [32]. Le fait que l’insulinorésistance soit, au moins

4 Endocrinologie-Nutrition
Étiologie et physiopathologie du diabète de type 2 ¶ 10-366-D-10

partiellement, réversible sous l’influence de mesures hygiéno- Insuline


diététiques ou de certains antidiabétiques oraux, renforce son PTP1B
intérêt pour le clinicien. a-PKC Déphosphorylation Tyr
C-JUN kinase Phosphorylations Sér
- IRS
IKKβ
Rôle du tissu adipeux
Bien qu’il ne représente que quelques kilogrammes, c’est Dégradation
surtout le tissu adipeux viscéral qui influence la sensibilité à protéasome
l’insuline : les acides gras qu’il libère dans la veine porte +
fournissent au foie l’énergie nécessaire à la néoglucogenèse. Les PI3kinase
acyl-CoA issus d’acides gras libérés par le tissu adipeux, ou
provenant de dépôt locaux (intramusculaires, intrahépatiques, TNF-α PIP3
voire présents au sein même des cellules b) peuvent aussi Acides gras libres
réduire la captation de glucose par les tissus concernés.
Le tissu adipeux des diabétiques de type 2 sécrète aussi IL6
- PKB a-PKC
davantage d’adipocytokines (TNF-a, interleukine 6, résistine) qui
inhibent la voie de signalisation de l’insuline. Sa sécrétion Hyperglycémie
d’adiponectine est en revanche réduite, or cette dernière stimule Glucosamines
Effets métaboliques
l’utilisation musculaire du glucose par la voie de l’adénosine - Transport de glucose
monophosphate kinase (AMPK). - Synthèse de glycogène
Le rôle fonctionnel du tissu adipeux est bien reflété par l’effet - Lipogenèse
insulinosensibilisateur des glitazones, agonistes des récepteurs
nucléaires PPARc qu’il exprime. Figure 5. Mécanisme de la signalisation insulinique et de ses entraves.

■ Mécanismes moléculaires rylations ou déphosphorylations des IRS (et du domaine


intracellulaire du récepteur à l’insuline) peuvent expliquer
du défaut d’action de l’insuline d’importantes modulations du signal insulinique : des tyrosines
phosphatases (PTP1B) et des sérine kinases (c-JUN kinase,
Jusqu’au récepteur protéines kinases C atypiques, IKKß) réduisent ainsi l’effet de
L’insuline doit d’abord parvenir aux tissus cibles de son l’insuline. Ces mécanismes peuvent rendre compte des insuli-
action, par la circulation : une augmentation du débit sanguin norésistances induites par le TNF-a, les acides gras libres, les
et un recrutement capillaire participent à l’action musculaire de glucocorticoïdes, donc en grande part du lien entre obésité et
l’insuline, moins efficacement en présence de TNF-a [33]. Son résistance à l’insuline, éventuellement par l’intermédiaire de
transport transcapillaire met encore en jeu la fonction endothé- l’accumulation intracellulaire de céramides, sphingolipides
liale, altérée au cours du diabète de type 2 [34]. L’insuline accède synthétisés en excès à partir d’acides gras saturés à longue
ainsi à ses récepteurs musculaires, adipocytaires et hépatiques. chaîne [39].
Les souris transgéniques déficientes en récepteur à l’insuline au
niveau du foie sont diabétiques [2] . Il faut noter que des
récepteurs à l’insuline sont aussi présents sur les cellules b, où Au-delà
leur absence s’accompagne aussi d’un diabète [2]. Mais chez Les IRS activés interagissent avec la sous-unité régula-
l’homme les mutations du récepteur de l’insuline sont excep- trice p85 de la PI3Kinase, entraînant sa translocation à proxi-
tionnelles, responsables de syndromes d’insulinorésistance rares.
mité de la membrane cellulaire où se trouvent les phospho-
Au cours du diabète de type 2, le nombre de récepteurs à
inositides substrats de sa sous-unité catalytique p110 : celle-ci les
l’insuline présents à la surface des cellules est suffisant, en
phosphoryle, générant du phosphatidylinositol triphosphate
occuper 10 % suffit pour entraîner une action maximale. Le fait
« PIP3 » qui active d’autres protéines kinases : PKB, PKC
que l’insuline soit glyquée peut gêner sa liaison à son récepteur,
et jouer un rôle dans la « glucotoxicité » [35]. Mais les entraves atypiques. Ces dernières vont mettre en jeu des voies métaboli-
à l’action de l’insuline ont essentiellement été localisées en aval ques majeures : pénétration intracellulaire du glucose avec la
de son récepteur, à l’intérieur des cellules-cibles (Fig. 5). translocation membranaire de ses transporteurs GLUT4, syn-
thèse de glycogène et lipogenèse [30]. À ces niveaux encore, des
influences négatives peuvent s’exercer : l’hyperglycémie ou la
Au niveau de ses substrats « IRS » présence de glucosamine entravent l’activation de PKB, pouvant
Deux voies sont impliquées dans les évènements intracellu- médier les effets « toxiques » du glucose sur la sensibilité à
laires suivant la fixation de l’insuline à son récepteur, et l’insuline [40].
l’activation de la fonction tyrosine kinase de son domaine
intracellulaire : les protéines SHC, qui activent la voie des AMP
Kinases, aboutissant à la translocation des protéines ERK au Autres voies de signalisation importantes
noyau et aux effets mitogéniques de l’insuline, et d’autre part
L’étude de la voie de signalisation de l’insuline, et des
les protéines IRS (insulin receptor substrate 1 et 2), dont vont
influences auxquelles elle est soumise, est essentielle pour
dépendre les effets métaboliques [36, 37]. IRS1 est nécessaire pour
expliquer l’insulinorésistance ; le défaut de sécrétion d’insuline
la transmission du message insulinique au muscle et au tissu
observé dans des modèles animaux transgéniques déficients en
adipeux, les souris transgéniques déficientes en IRS1 sont
insulinorésistantes, mais pas diabétiques car elles développent récepteur à l’insuline ou IRS2 montre qu’elle peut même être
une hyperplasie des cellules b compensatrices [38]. IRS2 inter- impliquée dans l’insulinodéficience. D’autres voies de signalisa-
vient au niveau des hépatocytes et des cellules b, les souris tion indépendantes, comme celles des hormones de contrerégu-
transgéniques déficientes en IRS2 sont insulinorésistantes et lation, sont cependant mises en jeu dans l’homéostasie
insulinodéficientes, donc diabétiques [36]. Comme les autres glucidique. L’activation de l’AMPKinase lorsque les besoins en
protéines, les IRS se renouvellent et sont dégradés par le énergie de la cellule augmentent, stimule les voies métaboliques
protéasome : sous l’influence de l’interleukine 6, une dégrada- productrices d’énergie (glycolyse, oxydation des acides gras) et
tion accrue pourrait diminuer l’action de l’insuline. Les IRS, inhibe celles qui en consomment (lipogenèse) [41] : elle rend
comme le récepteur à l’insuline, sont activées par la phospho- probablement compte d’effets très importants en clinique,
rylation de leurs résidus tyrosines, à l’inverse la phosphorylation comme ceux de l’exercice physique, de l’adiponectine ou de la
sur des résidus sérines et thréonine les inactive. Les phospho- metformine.

Endocrinologie-Nutrition 5
10-366-D-10 ¶ Étiologie et physiopathologie du diabète de type 2

■ Insulinodéficience et cellules β sécrétion d’insuline et que le métabolisme de glucose est lié au


métabolisme ou à la synthèse de lipides. La majorité des
pancréatiques facteurs de couplages sont générés au niveau des mitochon-
dries : des cellules b déplétées de ces organites ne répondent
Cellule b : un senseur de glucose (Fig. 6) plus à une stimulation glucosée même si la sécrétion peut
encore être détectée par une dépolarisation directe. Le rôle des
La cellule b pancréatique assure la synthèse, le stockage et la mitochondries est aussi souligné par la symptomatologie des
libération de l’insuline et doit incorporer une multitude de MIDD (mitochondrial inherited diabetes and deafness), pathologies
signaux afin de libérer les quantités appropriées à un moment rares combinant surdité et diabète. Le MIDD est dû à des
donné. Avant l’arrivée du glucose, les cellules sont préparées à mutations du génome mitochondrial et accompagné d’une
la sécrétion au cours de la phase « céphalique » qui se traduit diminution considérable de la génération de l’ATP ainsi que
surtout par une activation parasympathique et l’activation des d’une augmentation des ROS [49], dont le rôle pathogène a
récepteurs de type M3, ainsi que par la phase « intestinale », souvent été évoqué car les cellules b ont des défenses limitées
médiée par le GLP-1 libéré par les cellules L de l’intestin [42, 43]. face au stress oxydant, cependant la situation in situ est peu
Ces mécanismes rendent compte pour environ un tiers de connue. En effet, certaines enzymes de protection contre le
l’amplitude de la sécrétion. Cependant, la particularité majeure stress oxydatif semblent être surexprimées lors de l’exposition à
de la cellule b consiste dans ses facultés à analyser exactement de hautes concentrations de glucose et le glucose lui-même peut
la concentration du glucose sanguin et à traduire ceci dans une diminuer la génération des ROS dans la cellule b.
réponse adaptée grâce à l’architecture spécialisée de ses voies
métaboliques [44]. Son activité faible en LDH et en gluconéoge-
nèse permet d’introduire toutes les unités carbones du sucre Couplage du métabolisme à la sécrétion
dans le cycle de Krebs et la phosphorylation oxydative afin que de l’insuline par le canal KATP et l’influx
la concentration en glucose soit étroitement reflétée par la
concentration de molécules de couplage générées (surtout calcique
adénosine triphosphate [ATP]). Ceci se traduit finalement dans Afin de mieux comprendre les mécanismes extrêmement
une sécrétion de type biphasique avec une première phase complexes de la signalisation dans les cellules b qui déclenchent
rapide et une deuxième phase prolongée de moindre amplitude. la sécrétion de l’insuline, une distinction entre facteurs de
déclenchement et d’amplification a été proposée [50]. Claire-
Métabolisme, mitochondries et facteurs ment, le seul et unique facteur de déclenchement est, comme
de couplage lors de la neurotransmission, une augmentation du taux
intracellulaire de calcium libre passant de 100 nM à au moins
Le glucose, molécule polaire, est transporté par la cellule à 1 µM dans le cas des cellules b. Le couplage entre métabolisme
l’aide du GLUT2. Ce transporteur, comme les enzymes clés de
et sécrétion est achevé par le changement du ratio ATP/ADP,
la glycolyse, possède un Km correspondant à des glycémies
induit par le métabolisme, qui permet la fermeture d’un canal
supraphysiologiques ce qui permet une adaptation rapide de sa
potassique de type « outward rectifying », le KATP. Celui-ci est
vitesse selon la concentration physiologique du substrat, le
constitué du canal proprement dit, Kir6.2, et d’une unité
glucose. Cependant GLUT2 ne constitue en général pas une
régulatrice, SUR1 [51-53]. Étant donné que le potentiel de repos
étape limitante en raison de son taux d’expression considérable
des cellules b est surtout contrôlé par le KATP, sa fermeture
et parce qu’il existe des mécanismes d’entrée de secours. Les
induit une dépolarisation de la membrane plasmique, suivie par
observations de diabètes MODY [45] au cours desquelles la
l’ouverture de canaux calciques dépendants du voltage de
régulation de son expression par islet-brain-factor 1 est compro-
type L et l’influx du calcium extracellulaire dans le cytosol. Les
mise sont exceptionnelles. En revanche, la phosphorylation du
différentes phases de sécrétion d’insuline sont probablement
glucose par la glucokinase représente une étape clé et haute-
induites par l’influx calcique à travers des sous-types distincts de
ment régulée dont les nombreuses mutations connues résultent
canaux L. D’autres canaux calciques, tels que ceux de type R,
en diabètes MODY 2 [46] : cette enzyme est une cible thérapeu-
peuvent jouer un rôle qui reste cependant mineur. De même, le
tique potentielle pour des activateurs allostériques. L’oxydation
cycle de dépolarisation-repolarisation implique plusieurs types
aérobie et complète du glucose permet la génération d’ATP ainsi
de canaux potassiques mais leur utilisation comme cible
que d’autres molécules de couplage, via le cycle de Krebs. Le
thérapeutique est actuellement entravée par l’absence d’isofor-
rôle de ces autres facteurs, tels que le glutamate, est cependant
mes spécifiques au niveau des cellules b et le KATP reste au
incertain [47, 48] . C’est également surtout par ce cycle que
centre de l’événement comme démontré par maintes observa-
certains acides aminés (leucine surtout) peuvent stimuler la
tions cliniques. En effet, il constitue la cible d’antidiabétiques
oraux tels que les sulfonylurées ou les glinides qui exercent leur
Glucose Arginine + effet clinique au niveau du SUR1 même si d’autres interactions
∆Ψ ont été rapportées. Plus récemment des substances qui agissent
Sulfonylurées directement au niveau du Kir6.1 ont été décrites. Outre son
e Glucose importance thérapeutique, des mutations du KATP (au niveau de
lism
bo ΚATP Kir6.1 ou de SUR1) sont associées à des pathologies telles que
ta

l’hyperinsulinisme congénital de l’enfant, le diabète néonatal


Facteurs permanent ou le syndrome DEND (Developmental delay, Epilepsy,


Leucine
de couplage ∆Ψ and Neonatal Diabetes) et une mutation du Kir6.2 (E23L) est
fortement associée avec un risque accru de développer un
Ca2+ Ca2+ diabète [53] . En effet, l’étude moléculaire des mutations de
Acides gras
Kir6.2 a permis de mieux comprendre sa fonction et très
Insuline
Noyau récemment une mutation a été décrite, qui empêche son
R
endocytose depuis la membrane plasmique. Cette observation
R
souligne que les perturbations du trafic intracellulaire de
PKA protéines clés peuvent engendrer une symptomatologie
Ca2+
cAMP ATP diabétique [54].
PLC AC Tandis que le signal calcique déclenche la sécrétion, la
R R réponse même est modulée par différents signaux intracellulai-
res et surtout renforcée par l’augmentation de taux d’AMPc avec
+ GLP-1, ACh + GLP-1, glucagon
activation de la protéine kinase A ou de l’EPAC (Exchange Protein
- adrénaline, SST
directly Activated by cAMP). Ce mécanisme est mis en jeu lors de
Figure 6. Mécanisme de la sécrétion insulinique. l’utilisation de GLP-1 qui n’est actif qu’en cas d’augmentation

6 Endocrinologie-Nutrition
Étiologie et physiopathologie du diabète de type 2 ¶ 10-366-D-10

de la glycémie, la mobilisation de calcium interne induite par l’expression de gènes liés à la fonction métabolique et insulino-
GLP-1 ou autres hormones étant insuffisante pour entraîner à sécrétoire des cellules b, tels ceux codant l’insuline, les enzymes
elle seule une sécrétion d’insuline [42, 55]. clés de la glycolyse, de la lipolyse et de l’oxydation des lipides.
Des concentrations chroniquement élevées de glucose induisent
en plus un stress du réticulum endoplasmique dont les consé-
quences cliniques ont surtout été élucidées dans le cadre de

“ Points essentiels deux syndromes associés à un diabète insulinodépendant, le


syndrome de Wolcott-Rallison et le syndrome de Wolfram [46,
48].

Une découverte fortuite Les travaux des dernières années ont montré que les cellules
L’activité antidiabétique des sulfonylurées a été d’abord b peuvent se multiplier, comme lors de la grossesse ou l’obésité.
observée en tant qu’effet secondaire lors de Ce phénomène est induit par le glucose, les acides gras, le GLP-
l’antibiothérapie de la diphtérie à Montpellier et publiée 1 ainsi que par l’insuline même, soulevant la question d’un rôle
pathogénique d’une résistance à l’insuline au niveau des cellules
en 1942 par Marcel Janbon et collègues. Le premier indice
b mêmes [49]. Avec l’âge, cette capacité de régénération diminue
que le récepteur de ce médicament fait partie d’un canal et on observe une sensibilité accrue des cellules b humaines aux
potassique a été publié en 1985 dans le Lancet, effets néfastes du glucose, c’est-à-dire l’induction de l’apoptose
permettant ensuite de purifier et reconstituer ses des cellules b, par l’induction de l’expression de l’interleukine-
composantes en 1995. 1b, de Fas et des caspases 3 et 8 [50]. La contribution relative
d’une diminution de la masse des îlots à la déficience sécrétrice,
par un équilibre altéré entre apoptose et régénération, reste
discutée.
Synthèse, trafic et exocytose de l’insuline
La régulation métabolique de l’expression de pré-pro-insuline
dans les cellules b pancréatiques à travers un réseau complexe ■ Défaut d’utilisation du glucose
de facteurs de transcription permet un couplage étroit selon les
besoins physiologiques. Des mutations de ces facteurs, surtout Il n’est pas synonyme d’insulinorésistance
dans le cas du NeuroD (neurogenic differentiation), causent des
diabètes monogéniques de type MODY [56]. Cette régulation L’utilisation du glucose circulant peut être mesurée in vivo
métabolique implique également des conséquences au niveau chez l’homme, en perfusant à débit connu et constant un
de l’expression de l’insuline suite à une augmentation chroni- traceur (isotope radioactif ou stable du glucose) : plus l’enrichis-
que de glucose ou de lipides (gluco- et lipotoxicité, cf. infra). sement alors mesuré est élevé, plus le débit de renouvellement,
Des travaux récents ont permis de mieux comprendre la et donc l’utilisation du glucose, est faible. Les techniques de
physiopathologie du transport et surtout du relargage de calorimétrie indirecte (pour mesurer l’oxydation glucidique) et
l’insuline. En effet, des études d’îlots de diabétiques ont de résonance magnétique nucléaire (RMN) métabolique (pour
clairement montré un déficit sécrétoire non seulement suite à mesurer les contenus de certains tissus en glucose et en glyco-
une stimulation par le glucose, qui peut s’expliquer par un gène) permettent d’étudier le devenir de ce glucose, une fois
défaut métabolique, mais également avec l’arginine ou le capté par les cellules. À l’état postabsorptif (le matin à jeun), la
glibenclamide [57, 58] . Tandis que l’entrée de l’acide aminé grande majorité du glucose produit par le foie est utilisée par
cationique arginine provoque un courant vers l’intérieur de la des tissus non sensibles à l’insuline (cerveau, reins, érythrocytes)
cellule et dépolarise celle-ci, la sulfonylurée glibenclamide induit pour lesquels il est un substrat énergétique essentiel. C’est lors
directement une fermeture des canaux K ATP . Leurs effets de l’administration de glucose (intraveineuse lors de clamps,
sécrétoires sont donc largement indépendants du métabolisme orale lors d’HGPO ou de repas) que l’utilisation du glucose
du glucose. Ceci suggère une altération du trafic des granules augmente au niveau des tissus sensibles à l’insuline, sous
sécrétoires et de leur exocytose dont les facteurs impliqués sont l’influence de l’insuline mais aussi de l’élévation glycémique,
de plus en plus élucidés [45, 59]. En effet, des études d’expression dont l’effet propre peut être étudié lors de clamps hyperglycé-
d’ARNm et des protéines responsables des étapes finales de la miques : l’élévation glycémique rend compte de la moitié de
sécrétion, de l’exocytose, ont mis en évidence leur réduction l’utilisation après prise orale de glucose [53]. Un défaut d’utilisa-
considérable dans des îlots de patients atteints de diabète de tion du glucose peut donc traduire une résistance à l’insuline,
type 2 [58], en concordance avec plusieurs études in vitro [45, 59]. mais aussi une résistance au glucose. Il faut aussi noter qu’un
Un changement de leur expression ou des événements post- défaut d’utilisation du glucose au niveau des cellules b peut
translationnels, champs encore peu explorés, pourraient donc entraîner une réduction de leur sécrétion d’insuline.
participer au déficit sécrétoire. Plusieurs études des dernières
années suggèrent que l’augmentation chronique de la concen- Diabétiques de type 2 utilisant mal
tration de glucose pourrait être à la base de ce phénomène à le glucose
travers un réseau de facteurs de transcription.
Mesurée au cours de clamps euglycémiques, l’utilisation du
glucose est réduite chez les diabétiques de type 2, même en
Gluco- et lipotoxicité et cellules b l’absence d’obésité [54] : cette dernière précision est importante,
Les cellules b sont extrêmement sensibles aux concentrations car le défaut d’utilisation du glucose est aussi caractéristique de
de glucose et de lipides circulants. Une certaine concentration l’insulinorésistance au cours de l’obésité, de l’hypertension
de ces nutriments est requise afin de préserver la fonction artérielle, des dyslipémies. Il concerne principalement l’utilisa-
physiologique et des hypoglycémies peuvent contribuer à une tion musculaire du glucose, correspond à la fois à une résistance
altération de leur fonction, le rôle néfaste de concentrations à l’insuline et une résistance au glucose, et est détectable
chroniquement élevées de glucose et d’acides gras non estérifiés précocement, chez des sujets à haut risque de diabète en
dans le dysfonctionnement des cellules b a conduit aux fonction de leur histoire familiale [60]. Chacune des étapes du
concepts de glucotoxicité et lipotoxicité. Les principales métabolisme du glucose peut être concernée (Fig. 7).
conséquences de la glucotoxicité sont une perte de la sécrétion
d’insuline en réponse au glucose et une chute du contenu en Transport et phosphorylation du glucose
insuline des cellules b. Le dysfonctionnement des cellules b
induit par la glucotoxicité est multifactoriel. L’observation de
dans les cellules
modifications transcriptionnelles induites par l’exposition Les contenus musculaires en glucose et glucose-6-phosphate,
prolongée des cellules b au glucose a également mené à l’hypo- mesurés par RMN, sont réduits chez les apparentés insulinoré-
thèse d’une perte de différenciation, suite à l’inhibition de sistants de diabétiques de type 2 [61]. Molécule hydrophile, le

Endocrinologie-Nutrition 7
10-366-D-10 ¶ Étiologie et physiopathologie du diabète de type 2

Glycogène certaines cellules, comme les neurones, ne peuvent pratique-


ment pas utiliser d’autre substrat énergétique. Elles permettent
GGsynthase Stockage de former de l’ATP, en consommant moins d’oxygène que
l’oxydation des autres substrats énergétiques. Les premières
étapes aboutissant au pyruvate n’en nécessitent même pas : c’est
Glucose GLUT Glucose HK G-6-P la glycolyse anaérobie. Il est donc logique que l’organisme
maintienne un stock de ce substrat énergétique précieux, sous
forme de glycogène hépatique (exportable sous forme de
Glycolyse anaérobie
glucose) et musculaire (utilisable sur place). Oxydation et
stockage ne sont cependant pas les seuls devenirs possibles du
glucose ; outre la voie des pentoses, 2-3 % du glucose peut
Lactate Pyruvate s’engager dans la synthèse d’hexosamines comme la glucosa-
Recyclage mine, dont les effets adverses sur l’action et la sécrétion
Oxydation
d’insuline constituent un mécanisme important de la
Mitochondrie « glucotoxicité » [13].
La glycolyse anaérobie permet, par une série de réactions
cytoplasmiques, de générer de l’ATP et deux molécules de
Figure 7. Devenir du glucose dans les cellules musculaires. pyruvate, qui seront oxydées par la mitochondrie ou libérées
sous forme de lactate, substrat de la néoglucogenèse hépatique.
Une mutation de la phosphofructokinase, et un déficit de la
glucose ne traverse pas librement la bicouche phospholipidique pyruvate kinase secondaire à une hyperactivité de sa protéine
des membranes cellulaires : des transporteurs « GLUT » assurent régulatrice, peuvent inhiber cette voie et contribuer à certains
ce transport, de façon variable selon le tissu. GLUT1 est cas de diabètes de type 2 [44].
ubiquitaire. GLUT2 est présent sur les cellules capables de
produire du glucose (foie surtout, rein, intestin) et sur les Oxydation du glucose
cellules b. Ses caractéristiques cinétiques (Km élevé) font qu’il
assure ce transport proportionnellement au niveau glycémique, La pyruvate déshydrogénase catalyse la première réaction qui
rendant les tissus concernés sensibles au glucose. De rares permet l’oxydation mitochondriale du glucose, en transformant
mutations inactivantes du gène de GLUT2 ont été décrites en le pyruvate en acétyl-CoA ; son inhibition par l’acétyl-CoA
pathologie humaine (syndrome de Fanconi-Bickel), mais il ne provenant de l’oxydation des lipides serait un point majeur
paraît pas impliqué dans le diabète de type 2. GLUT3 permet d’interaction lipides-glucides, suivant l’hypothèse proposée par
l’apport de glucose indispensable dans les neurones, maximal Randle il y a 40 ans [64]. Même si les oxydations lipidique et
pour un niveau de glycémie normal, mais réduit lorsque la glucidique évoluent de façon opposée dans de nombreuses
glycémie descend sous 2 mmol/l, entraînant alors les consé- situations, une oxydation lipidique accrue ne rend pas compte
quences neuroglycopéniques de l’hypoglycémie. du défaut d’oxydation glucidique chez les diabétiques de
C’est GLUT4 qui assure le transport du glucose dans les tissus type 2 : leurs muscles captent mal les acides gras, dont l’oxyda-
périphériques sensibles à l’insuline : muscle (et cœur), tissu tion améliore plutôt la sensibilité à l’insuline, comme on le
adipeux. Son externalisation à la surface des cellules de ces constate au cours de l’exercice physique. Randle a présumé que
tissus est un des principaux effets induits par l’activation de la le glucose insuffisamment oxydé à cause des lipides s’accumulait
voie de signalisation de l’insuline, cette externalisation peut dans les muscles, y réduisant son transport, or les taux de
aussi être induite lors de l’exercice physique, par l’activation de glucose et de glucose-6-phosphate intramusculaires, mesurés en
l’AMPKinase. L’étude d’animaux transgéniques déficients en RMN, sont plutôt réduits lors de perfusions lipidiques [65, 66].
GLUT4 confirme son importance, ces souris sont insulinorésis- L’effet des acides gras libres élevés chez les diabétiques de
tantes et intolérantes au glucose, et la surexpression de GLUT4 a type 2 passe donc par d’autres mécanismes qu’une augmenta-
l’effet inverse [44]. La translocation de GLUT4 est réduite chez les tion de leur oxydation, qui n’est d’ailleurs pas constatée chez
diabétiques de type 2, comme attendu en fonction de leur ces patients.
insulinorésistance, en revanche il n’a pas été mis en évidence Même si l’hyperglycémie tend à compenser ce défaut, l’oxy-
d’anomalies génétiques de cette molécule. L’étude de nouveaux dation glucidique est réduite chez les diabétiques de type 2
transporteurs, comme GLUT10, pourrait conduire à mettre en étudiés en euglycémie. Outre le défaut de transport du glucose,
évidence de telles anomalies. une dysfonction mitochondriale paraît y contribuer : des
Une fois présent dans la cellule, le glucose doit être phospho- altérations concernant la surface et l’activité des mitochondries,
rylé sous forme de glucose-6-phosphate pour y être métabolisé. et l’expression de gènes codant leurs protéines, ont été décrites
Des hexokinases présentes dans l’ensemble des cellules y au cours des dernières années chez ces patients et leurs appa-
catalysent cette réaction, leur expression est réduite dans les rentés [44]. Le dysfonctionnement mitochondrial peut aussi
muscles des diabétiques de type 2 [44], sous l’effet de l’insulino- affecter les cellules b, et constitue donc une hypothèse étiologi-
résistance. En revanche, les variants génétiques connus de que majeure, même si les mutations proprement dites de l’ADN
l’hexokinase musculaire ne prédisposent pas particulièrement au mitochondrial ne rendent compte que de formes rares de
diabète de type 2. L’hexokinase présente au niveau du foie et diabètes, très particulières dans leur expression phénotypique.
des cellules b, appelée glucokinase, a des caractéristiques
cinétiques particulières : son activité augmente en fonction du Synthèse de glycogène
taux de glucose intracellulaire. Les animaux transgéniques Très rapidement, les expérimentateurs qui utilisaient la
hétérozygotes pour l’invalidation de son gène ont un défaut de technique du clamp euglycémique l’ont couplée avec des
sécrétion insulinique et une hyperglycémie modérée [62], tableau mesures d’oxydation glucidique par calorimétrie indirecte, et
cohérent avec celui des diabètes MODY2 qui ont une mutation ont considéré que le glucose qu’ils perfusaient et qui n’était pas
de la glucokinase. Des mutations de protéines régulatrices de la oxydé devait être stocké sous forme de glycogène musculaire :
glucokinase pourraient rendre compte d’une réduction de son la réduction de cette utilisation non oxydative du glucose a
activité chez les diabétiques de type 2 [63], elles n’ont pas été alors été considérée comme un phénomène majeur, invariable-
mises en évidence jusqu’ici. ment retrouvé chez les diabétiques de type 2, et au cours des
états d’insulinorésistance en général [67]. Les mesures de contenu
Oxydation ou stockage musculaire en glycogène par RMN confirment que sa synthèse
du glucose-6-phosphate est réduite chez les diabétiques de type 2 [68], et un défaut
d’activité de la glycogène synthase musculaire a été mis en
Les réactions permettant de fournir de l’énergie à partir du évidence chez leurs apparentés non obèses [44] . Il peut dans
glucose sont d’une importance critique pour l’organisme : certains cas être associé à des polymorphismes particuliers du

8 Endocrinologie-Nutrition
Étiologie et physiopathologie du diabète de type 2 ¶ 10-366-D-10

Ces défauts de régulation expliquent probablement le maintien

“ Points essentiels
anormal de la production endogène après prise orale de glucose
qui contribue à l’hyperglycémie postprandiale des diabétiques
de type 2, et dont l’influence est significative dès le stade
L’organisme ne fabrique pas de glucose à partir des d’intolérance au glucose [77] . L’élévation de la production
lipides. endogène de glucose a aussi été mise en évidence chez des
La néoglucogenèse n’est pas possible à partir des acides sujets non diabétiques apparentés au premier degré à des
gras, même s’ils peuvent fournir de l’énergie pour la diabétiques de type 2 [78], confirmant son implication précoce.
faciliter. La lipolyse des triglycérides du tissu adipeux Le glucose produit en excès provient d’une néoglucogenèse
fournit du glycérol, mais c’est un substrat mineur de la accélérée, ses précurseurs (acides aminés, lactate, glycérol) étant
plus disponibles et davantage captés par le foie. Mais cette
néoglucogenèse. Les acides gras libres élèvent la glycémie
explication est insuffisante : la stimulation expérimentale de la
essentiellement en entravant l’entrée du glucose dans les
néoglucogenèse par la perfusion de précurseurs n’élève pas la
cellules musculaires. production endogène de glucose chez des sujets normaux, cette
dernière paraissant autorégulée [79]. Il semble que cette autoré-
gulation persiste chez le diabétique de type 2, mais à un niveau
gène de cette enzyme [69], mais les recherches de mutations du plus élevé de production de glucose. En tout cas, des perturba-
gène de la glycogène synthase chez les diabétiques de tions surajoutées à la néoglucogenèse, impliquant les autres
type 2 ont été décevantes. Le caractère primitif des anomalies voies métaboliques du glucose-6-phosphate (couple glucose-6-
de la synthèse de glycogène musculaire reste discutable, car elles phosphatase/glucokinase, métabolisme du glycogène hépatique),
sont très sensibles à la glycémie : son élévation à court terme sont nécessaires pour accroître la production endogène de
par clamp hyperglycémique, ou sa normalisation à moyen glucose.
terme par le jeûne [70] ou l’insuline [71] restaurent une glycogé-
nosynthèse normale.
Utilisation du glucose par le foie
■ Production excessive de glucose : Avant de parvenir à la circulation systémique, le glucose
ingéré doit traverser un double filtre, intestinal puis hépatique :
rôle du foie 25 % du glucose ingéré est utilisé à ces niveaux. La réduction
de cette utilisation « splanchnique » du glucose ingéré peut
Le foie est le principal organe producteur de glucose à jeun,
contribuer à l’hyperglycémie postprandiale : ce défaut a été
son rôle dans l’hyperglycémie du diabète de type 2 est cepen-
constaté chez les diabétiques de type 2 par certains auteurs [80].
dant difficile à appréhender. L’étude directe du fonctionnement
Même dans les conditions postprandiales, il joue un rôle
hépatique est limitée chez l’homme, pour des raisons éthiques
quantitatif mineur par rapport à la réduction d’utilisation
évidentes. Les caractéristiques (glycémie, insulinémie, glucago-
némie) du sang arrivant au foie par la veine porte ne peuvent périphérique du glucose. Son rôle qualitatif peut quand même
qu’être présumées, et depuis les années 1960 on ne réalise plus être important, car à l’inverse l’utilisation splanchnique du
de biopsie hépatique dans le cadre de recherches en métabo- glucose paraît accrue chez les sujets obèses non diabétiques, ce
lisme sauf dans le cas particulier des gastroplasties pour obésité. qui peut les protéger de l’hyperglycémie postprandiale [81]. En
Le rôle d’autres organes producteurs de glucose comme les reins accord avec cette hypothèse, le contenu hépatique en glycogène
ou l’intestin ne peut donc pas être distingué lors d’études est accru chez l’obèse non diabétique [82], et réduit chez le
métaboliques réalisées sur l’organisme entier. Le foie occupe diabétique de type 2 [83]. L’activité de la glucokinase a aussi pu
aussi une place particulière car il est producteur, mais aussi être étudiée directement sur des biopsies hépatiques de diabéti-
utilisateur de glucose, et il est soumis à l’influence des acides ques de type 2 obèses lors de gastroplasties, et est réduite de
gras libérés par le tissu adipeux viscéral intra-abdominal. 50 % [84].

Production de glucose Rôle des acides gras libres


Les études réalisées dans les années 1980 rapportaient des
Les acides gras libérés par le tissu adipeux stimulent la
productions endogènes de glucose deux, voire trois fois supé-
néoglucogenèse. Ils n’entraînent cependant pas d’élévation de la
rieures chez les diabétiques de type 2, par rapport à des sujets
production endogène de glucose chez le sujet normal, ni chez
normaux. Ces résultats ont ensuite été critiqués, des erreurs
le diabétique de type 2 [85] à jeun : une réduction compensatrice
méthodologiques dans l’utilisation des traceurs isotopiques du
de la glycogénolyse hépatique permet alors l’autorégulation de
glucose rendant compte d’une surestimation proportionnelle au
la production endogène de glucose, ce qui s’accorde avec l’effet
niveau d’hyperglycémie [72]. Des travaux récents font plutôt état
d’épargne des acides gras sur le glycogène hépatique évalué par
d’une production modérément (+ 25 %) élevée, corrélée à
RMN [86]. La production endogène de glucose s’élève sous l’effet
l’hyperglycémie, mais « labile », revenant à la normale en
10 heures de jeûne, en fin d’après-midi [73]. Prolonger le jeûne des acides gras chez les diabétiques de type 1 ou sous somatos-
ne résout pas le problème : contrairement aux sujets normaux, tatine, suggérant que cette autorégulation nécessite une sécré-
les diabétiques de type 2 vont en effet présenter une élévation tion insulinique normale. Les effets hépatiques des acides gras
de leur production endogène, et de leur glycémie, pendant la paraissent en revanche atténués par l’hyperglycémie, chez le
nuit [74] . Le mécanisme de cette évolution cyclique reste à sujet normal ou diabétique de type 2 [87].
déterminer (l’élévation de la production de glucose précède de Les acides gras perturbent cependant l’inhibition de la
plusieurs heures celle de la cortisolémie). production endogène de glucose par l’insuline et favorisent
Cette hyperproduction de glucose, même modérée, marque l’hyperglycémie postprandiale, comme cela a été mis en évi-
cependant un trouble profond de la régulation de la production dence au cours de clamps hyperinsulinémiques et d’HGPO
hépatique du glucose, qui est normalement inhibée de 50 % doublement marquées [88], ou en combinant les deux techni-
environ lorsqu’on l’étudie chez des sujets sains aux niveaux ques [89]. L’effet antilipolytique de l’insuline expliquerait ainsi
d’hyperinsulinémie ou d’hyperglycémie auxquels se trouvent les une bonne part de son effet suppresseur de la production de
diabétiques de type 2 le matin à jeun. L’effet suppresseur de glucose. La réduction pharmacologique de la lipolyse permet à
l’hyperglycémie expérimentale sur la production endogène de l’inverse de réduire la production endogène de glucose, et
glucose est effectivement aboli chez le diabétique de type 2 [75]. l’hyperglycémie, chez les diabétiques de type 2 obèses [90], mais
En revanche, la résistance à l’effet suppresseur de l’insuline sur ses résultats à long terme sont décevants. Les acides gras libres
la production endogène de glucose a été confirmée chez les n’ont en revanche pas d’effet sur l’utilisation splanchnique du
diabétiques de type 2 obèses, mais pas en l’absence d’obésité [76]. glucose chez le sujet normal [91].

Endocrinologie-Nutrition 9
10-366-D-10 ¶ Étiologie et physiopathologie du diabète de type 2

■ Conclusion [12] Turner RC, Cull CA, Frighi V, Holman RR. Glycemic control with diet,
sulfonylurea, metformin, or insulin in patients with type 2 diabetes
La recherche des causes du diabète de type 2 est difficile. mellitus: progressive requirement for multiple therapies (UKPDS 49).
Plusieurs facteurs, innés et acquis, y interviennent, de façon UK Prospective Diabetes Study (UKPDS) Group. JAMA 1999;281:
2005-12.
variable selon les individus. L’hyperglycémie qui définit la
[13] Yki-Jarvinen H. Glucose toxicity. Endocr Rev 1992;13:415-31.
maladie joue un rôle complexe, à la fois compensateur à très
[14] Robertson RP, Harmon J, Tran PO, Poitout V. Beta-cell glucose toxicity,
court terme, mais surtout aggravant à moyen et long terme. lipotoxicity, and chronic oxidative stress in type 2 diabetes. Diabetes
Ceci justifie pleinement les efforts des cliniciens pour contrôler 2004;53(suppl1):S119-S124.
la glycémie, mais beaucoup de leurs interventions majorent le [15] Hoppener JW, Ahren B, Lips CJ. Islet amyloid and type 2 diabetes
surpoids des patients, expliquant un certain malaise. La mau- mellitus. N Engl J Med 2000;343:411-9.
vaise accessibilité de certains tissus au rôle crucial (foie, cellules [16] Lang DA, Matthews DR, Peto J, Turner RC. Cyclic oscillations of basal
b) rend aussi malaisé le travail des chercheurs. plasma glucose and insulin concentrations in human beings. N Engl
Des progrès importants sont cependant perceptibles. L’abord J Med 1979;301:1023-7.
clinique reconnaît maintenant bien le caractère évolutif de la [17] Tillil H, Shapiro ET, Rubenstein AH, Galloway JA, Polonsky KS.
maladie. Le développement des techniques de recherche permet Reduction of insulin clearance during hyperglycemic clamp. Dose-
de mieux comprendre les dysfonctionnements des tissus acteurs response study in normal humans. Diabetes 1988;37:1351-7.
de l’homéostasie glucidique (RMN), de préciser le rôle des [18] Matthews DR, Hosker JP, Rudenski AS, Naylor BA, Treacher DF,
enzymes et transporteurs qui y interviennent (animaux transgé- Turner RC. Homeostasis model assessment: insulin resistance and beta-
niques), de distinguer certaines formes liées à des mutations de cell function from fasting plasma glucose and insulin concentrations in
man. Diabetologia 1985;28:412-9.
leur gènes. Reconnaître que l’insulinorésistance et l’insulinodé-
[19] Bergman RN. Lilly lecture 1989. Toward physiological understanding
ficience sont toutes les deux nécessaires au développement de
of glucose tolerance. Minimal-model approach. Diabetes 1989;38:
la maladie est aussi un progrès conceptuel important : le fait
1512-27.
que certaines molécules ou organelles (mitochondries) inter- [20] Kahn SE. The relative contributions of insulin resistance and beta-cell
viennent dans les deux processus pourrait déboucher sur une dysfunction to the pathophysiology of Type 2 diabetes. Diabetologia
explication unificatrice. 2003;46:3-19.
Ces progrès sont en concurrence avec ceux d’une maladie de [21] Matthews DR, Cull CA, Stratton IM, Holman RR, Turner RC. UKPDS
plus en plus fréquente et précoce. Les changements de mode de 26: Sulphonylurea failure in non-insulin-dependent diabetic patients
vie qui sous-tendent de façon évidente l’épidémie actuelle de over six years. UK Prospective Diabetes Study (UKPDS) Group.
diabète ne sont pas que l’affaire des cliniciens et des chercheurs. Diabet Med 1998;15:297-303.
Mais mieux expliquer les mécanismes aboutissant au diabète de [22] Tripathy D, Carlsson M, Almgren P, Isomaa B, Taskinen MR, Tuomi T,
type 2 n’est plus une simple exigence intellectuelle, et devient et al. Insulin secretion and insulin sensitivity in relation to glucose
une véritable urgence. tolerance: lessons from the Botnia Study. Diabetes 2000;49:975-80.
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Endocrinologie-Nutrition 11
10-366-D-10 ¶ Étiologie et physiopathologie du diabète de type 2

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1559-66. nutriments et des antidiabétiques chez l’homme).

V. Rigalleau, Professeur des Universités, praticien hospitalier (vincent.rigalleau@chu-bordeaux.fr).


Service de nutrition-diabétologie, CHU de Bordeaux, Hôpital Haut-Lévêque, avenue de Magellan, 33600 Pessac, France.
J. Lang, Professeur des Universités, MD.
Université de Bordeaux 1, Institut européen de chimie et biologie, UMR CNRS 5248, 2, avenue Robert-Escarpit, 33607 Pessac, France.
H. Gin, Professeur des Universités, praticien hospitalier, Chef de service.
Service de nutrition-diabétologie, CHU de Bordeaux, Hôpital Haut-Lévêque, avenue de Magellan, 33600 Pessac, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Rigalleau V., Lang J., Gin H. Étiologie et physiopathologie du diabète de type 2. EMC (Elsevier Masson SAS,
Paris), Endocrinologie-Nutrition, 10-366-D-10, 2007.

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12 Endocrinologie-Nutrition
 10-366-D-20

Maladies du pancréas exocrine et diabète


E. Larger, A.-Y. Lemoine

Cet article présente les caractéristiques spécifiques des diabètes lorsqu’ils sont la conséquence d’une
maladie chronique du pancréas ou d’une résection pancréatique. Les causes les plus communes sont,
pour le diabétologue, la pancréatite chronique alcoolique et la chirurgie de résection du pancréas. Cet
article traite aussi des associations entre diabète et cancer du pancréas. Les particularités thérapeutiques
du diabète dans le contexte d’une maladie générale du pancréas sont discutées, ainsi que le risque très
spécifique d’hypoglycémie dans ce contexte.
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Pancréatite chronique ; Cancer du pancréas ; Hémochromatose ; Maladies du pancréas exocrine ;


Diabète ; Hypoglycémie

Plan Cette classification mérite révision, puisque mucoviscidose et


diabète fibrocalculeux sont des formes cliniques de pancréatite
■ Introduction 1 chronique héréditaire et que l’hémochromatose ne devrait pro-
bablement pas figurer dans cet article.
■ Pancréatectomie et diabète 1 Dans le contexte des maladies exocrines du pancréas, le diabète
■ Pancréatite et diabète 2 est dû à la perte des cellules B des îlots de Langerhans, qui sécrètent
Pancréatite aiguë et diabète 2 l’insuline ; cette perte est proportionnelle au degré de fibrose du
Pancréatite chronique alcoolique et diabète 2 pancréas exocrine ou de réduction de la masse pancréatique totale.
Diabète de la pancréatite alcoolique : aspects cliniques 3 À l’inverse, d’autres événements, associés à la fibrose du pancréas,
Pancréatite chronique de cause génétique 4 vont retarder l’apparition du diabète :
Pancréatite tropicale, diabète fibrocalculeux 4 • perte de la sécrétion de glucagon, certains allant jusqu’à dire
Pancréatite auto-immune 4 que sans glucagon, il n’y a pas de diabète [2] , ce qui est peut-être
Autres causes de pancréatite chronique 5 vrai chez le rongeur mais probablement pas chez l’homme [3, 4] ;
■ Cancer du pancréas 5 • maldigestion–malabsorption par déficit de la sécrétion exo-
■ Hémochromatose 5 crine.
C’est pourquoi le diabète est souvent tardif dans l’histoire natu-
■ Diagnostic des maladies exocrines du pancréas 5 relle de la malade pancréatique. Pertes de la sécrétion de glucagon
■ Conséquences pratiques 6 et de la sécrétion exocrine ont par ailleurs des conséquences thé-
Chez qui rechercher une maladie du pancréas exocrine 6 rapeutiques.
Comment rechercher une maladie du pancréas exocrine 6
Conséquences thérapeutiques 6
■ Conclusion 7  Pancréatectomie et diabète
Dans le contexte de la pancréatectomie, il est difficile de déter-
miner à partir de quelle quantité de pancréas le risque de diabète
 Introduction devient significatif, car souvent le pancréas résiduel n’est pas
complètement sain [5] ; de plus, la perte de sécrétion exocrine
Dans la classification des diabètes adoptée par l’Organisation associée à la pancréatectomie pourrait avoir un effet significatif
mondiale de la santé (OMS) [1] , les diabètes associés aux mala- masquant les désordres métaboliques par maldigestion des ami-
dies du pancréas exocrine sont classés dans la catégorie des causes dons. Le débat ancien sur l’inégalité de la répartition des îlots
« autres », groupe hétérogène qui regroupe tout ce qui n’est pas de Langerhans, et au sein de ceux-ci, de la proportion relative
diabète de type 1, de type 2 ou gestationnel. Toutes les maladies des cellules B mériterait une réanalyse [6] car les données les plus
qui atteignent le pancréas de manière diffuse peuvent se compli- récentes suggèrent une répartition homogène des cellules B dans
quer de diabète. Ceci inclut les pathologies suivantes : les différentes parties du pancréas dans l’espèce humaine [7] . Dans
• pancréatite chronique, quelle qu’en soit la cause ; les modèles animaux, une pancréatectomie à 90 % cause dans tous
• pancréatectomie et traumatismes du pancréas ; les cas un diabète. Chez l’homme, les meilleures indications qu’on
• cancer du pancréas ; a sur la quantité de pancréas nécessaire à une glucorégulation nor-
• mucoviscidose ; male viennent des hémipancréatectomies qui ont été faites pour
• hémochromatose ; transplantation de pancréas chez un donneur apparenté. Dans ce
• diabète fibrocalculeux. contexte, une hémipancréatectomie augmente significativement

EMC - Endocrinologie-Nutrition 1
Volume 10 > n◦ 3 > juillet 2013
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1941(13)50112-0
10-366-D-20  Maladies du pancréas exocrine et diabète

la glycémie à 1 an : de 4,9 ± 0,5 à 5,4 ± 0,9 mmol/l [8] . L’aire sous


la courbe d’une épreuve d’hyperglycémie provoquée augmente de
20 % et six/17 (35 %) des donneurs ont développé une intolérance
au glucose un an après l’intervention. Après un suivi moyen de
six ans, 15 des 21 sujets hémipancréatectomisés ont été réanaly-
sés. À cette date, seuls six/15 (40 %) avaient une glucorégulation
normale (trois diabètes et six anomalies modérées de la tolérance
au glucose) [9] . Ces données suggèrent que même sur pancréas
sain, une hémipancréatectomie peut déclencher un diabète. Dans
le contexte d’une chirurgie sur pancréas malade, des interven-
tions de moindre ampleur peuvent dégrader significativement la
régulation de la glycémie [10, 11] . Ainsi, l’incidence de diabète est
bien supérieure après une chirurgie pancréatique pour pancréa-
tite chronique que pour tumeur du pancréas, mais le risque de
diabète est proportionnel à la quantité de pancréas réséquée.

 Pancréatite et diabète
Pancréatite aiguë et diabète Figure 1. Diabète de type 1 : coloration hématoxyline et éosine. Tête
du pancréas. Patient mort à l’âge de 89 ans, 84 ans après le diagnos-
La pancréatite aiguë, quelle qu’en soit la cause, peut provoquer tic de diabète. Atrophie acinaire sévère avec fibrose et dégénérescence
une hyperglycémie transitoire, habituellement réversible après graisseuse. Nombreux îlots (non visibles sur cette image) dépourvus de
guérison ; c’est l’un des critères du score de Ranson qui évalue la cellules à insuline mais riches en cellules à glucagon. Projet Network for
gravité de la pancréatite aiguë. Cependant, les études à long terme Pancreatic Organ Donors with Diabetes (nPOD), cas 6085 (avec l’aimable
font état d’une prévalence de diabète voisine de 40 % [12, 13] . Cette authorisation du nPOD).
prévalence élevée de diabète paraît être le fait de la récurrence
d’épisodes de pancréatite aiguë avec développement progressif
d’une pancréatite chronique. Une forme particulière, pourtant, est
le diabète « fulminant », décrit pour la première fois en 1988 [14] ,
alors attribué à une pancréatite virale, redécouvert en 2000 [15, 16] ,
dont la plupart des cas sont survenus chez des individus ori-
ginaires de l’Extrême-Orient (Japon, Chine, Corée, Vietnam [ce
dernier pays est celui dont sont originaires les deux patients que
nous connaissons]), caractérisé par la survenue brutale d’un dia-
bète avec acidocétose, souvent pendant une grossesse, avec ou
sans pancréatite aiguë ; mais dans les cas où on a pu étudier
l’histopathologie du pancréas, c’est une inflammation diffuse du
pancréas qui a été observée. Le diabète est permanent ; on a assez
peu de données sur la fonction exocrine à long terme.

Pancréatite chronique alcoolique et diabète


Dans la pancréatite chronique, l’histoire naturelle est établie
pour la pancréatite alcoolique qui représente au moins 80 % des
cas. Le diabète est tardif ; il apparaît habituellement après dix
ans d’évolution, après la phase douloureuse de la maladie, et
simultanément au développement des calcifications et du déficit Figure 2. Pancréatite chronique : hématoxyline-éosine. Noter la
exocrine [10, 17] . Dans le travail prospectif de Malka [10] , la préva- fibrose, les dilatations canalaires et les calculs intracanalaires (cliché du
lence de diabète atteint 85 % 25 ans après le diagnostic de la docteur Dauge, service d’anatomie pathologique, Hôpital Bichat).
pancréatite. La pancréatite alcoolique paraît associée à une pré-
valence plus élevée de diabète que la pancréatite idiopathique [18] .
Dans notre expérience (E. Larger, données non publiées), la pan- illustré par l’analyse de pancréas collectés dans le cadre du projet
créatite chronique rend compte du diabète chez plus de 2 % de Network for Pancreatic Organ Donors with Diabetes (nPOD :
nos patients hospitalisés. www.jdrfnpod.org) (Fig. 1). La cause du déficit exocrine du pan-
L’histoire naturelle des autres formes de pancréatite chronique créas chez les diabétiques de type 1 et de type 2 reste incertaine ;
paraît similaire [19] . Si ces études fixent le cadre du diabète dans nous avions suggéré qu’il puisse s’agir de lésions vasculaires [22] .
le contexte d’une pancréatite chronique symptomatique, elles ne
renseignent pas sur l’histoire naturelle des formes silencieuses de Anatomie pathologique du pancréas.
la maladie. Nos données personnelles (E. Larger, données non Physiopathologie
publiées) indiquent qu’un tiers des patients ayant un diabète L’anatomie pathologique de la pancréatite chronique est carac-
associé à une pancréatite chronique voit la pancréatite chro- téristique, faite de dilatations des canaux exocrines, et de fibrose
nique diagnostiquée après le diabète, et qu’en réalité moins de de l’ensemble du pancréas (Fig. 2). Des calcifications plus ou
40 % de ces pancréatites compliquées de diabète ont été sympto- moins extensives sont observées dans la lumière des canaux pan-
matiques avant l’hyperglycémie. Des données d’autopsies faites créatiques ou dans le tissu cicatriciel. Des pseudokystes, séquelle
au Japon indiquent que la prévalence de la pancréatite chro- de nécrose tryptique focale, sont observés dans 60 % des cas.
nique pourrait atteindre 2 % dans la population générale [20] . Si
50 % de ces pancréatites chroniques se compliquent de diabète, Diabète des pancréatites chroniques. Sécrétion
le diabète pancréatique pourrait être bien plus fréquent que ce
qu’indiquent les données anciennes. Les données sont en réalité
hormonale
plus compliquées, puisqu’il apparaît qu’un pourcentage significa- Au cours de la pancréatite chronique, un déficit sécrétoire a été
tif de diabètes de type 1 et de type 2 se compliquent de lésions montré pour la plupart des hormones des îlots de Langerhans du
du pancréas exocrine [21, 22] ; ceci est particulièrement clairement pancréas.

2 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Maladies du pancréas exocrine et diabète  10-366-D-20

Insuline la dénutrition lors du diagnostic est souvent remarquable. Elle


La progression de la fibrose conduit à la réduction de la masse est la conséquence de l’alcoolisme, de la maldigestion et du
des cellules B, et l’altération de la régulation glycémique est pro- diabète. Néanmoins, le tableau clinique peut être plus subtil.
portionnelle à l’altération des capacités insulinosécrétoires. Il Chez nos patients, près de 30 % ont vu leur diabète diagnosti-
semble exister une relation étroite entre le degré d’altération de qué avant la pancréatite chronique, y compris des patients ayant
l’insulinosécrétion et la durée d’évolution de la pancréatite d’une été considérés comme ayant un diabète de type 2 pendant plu-
part et l’altération de l’insulinosécrétion et le déficit exocrine sieurs années. Chez un autre tiers de nos patients, diabète et
d’autre part [23] . pancréatite chronique ont été diagnostiqués simultanément. Il
apparaît ainsi que la majorité de nos patients ont échappé à
Glucagon l’histoire naturelle classique de la pancréatite chronique, faite
Le défaut de sécrétion du glucagon, qui distingue les diabètes d’épisodes douloureux et de complications chirurgicales pen-
pancréatiques des autres formes de diabète, a été décrit dès les dant des années avant l’apparition du diabète [26] . Ceci et les
années 1970 [3] . C’est une cause majeure du défaut de réponse aux particularités de la prise en charge de ces patients — risque
hypoglycémies insuliniques chez ces patients. Il faut néanmoins d’hypoglycémie par poursuite de l’intoxication alcoolique, défi-
noter que l’immunoréactivité du glucagon que l’on peut doser cit en glucagon, maldigestion et insuline, dénutrition, risque
dans le plasma n’est pas le seul fait du glucagon pancréatique. carcinologique lié à l’intoxication alcoolotabagique — rendent
Plusieurs formes immunoréactives de glucagon sont générées par légitime un dépistage de la pancréatite chronique chez tout
apprêtement du préproglucagon par les cellules endocrines de patient ayant consommé plus de 80 g/j d’alcool à un moment de
l’intestin. Seul le glucagon « vrai », pancréatique, a une activité sa vie.
biologique [23] . La rareté des acidocétoses dans le contexte de la
pancréatite chronique peut être attribuée à la perte de la sécrétion Complications de micro- et macroangiopathie
de glucagon. Il a longtemps été écrit que les patients ayant une pancréa-
Autres hormones tite chronique sont protégés des complications de micro- et de
macroangiopathie. Il n’en est rien ; plusieurs publications sou-
Au cours de la pancréatite chronique, un déficit en polypeptide
lignent que le risque est comparable à celui mesuré chez les
pancréatique a été décrit. En revanche, les taux circulants de soma-
patients ayant un diabète de type 1 [27, 28] . Dans ce contexte, les
tostatine sont normaux, ce qui suggère que les autres sources de
choix thérapeutiques sont difficiles, entre la crainte des hypo-
production de somatostatine contribuent significativement aux
glycémies, pour les raisons déjà indiquées, et la survie souvent
taux circulants.
prolongée de ces patients, qui les expose au risque de compli-
cation. Il faut y ajouter la majoration des risques d’atteinte
Diabète des pancréatites chroniques : sécrétion visuelle par carence en vitamine A ou névrite optique rétro-
exocrine bulbaire, du risque de neuropathie, d’hypertension artérielle
La plupart des données disponibles indiquent qu’au cours de et néphropathie par l’alcool, du risque de macroangiopathie
l’histoire naturelle de la pancréatite chronique, le diabète sur- par le tabagisme habituellement associé à l’alcoolisme chez ces
vient simultanément à l’apparition de la stéatorrhée, c’est-à-dire patients.
lorsque le déficit de la sécrétion exocrine devient mesurable par
des techniques simples. Il est probable que les patients chez qui Autres particularités cliniques
une dissociation temporelle a été constatée sont des patients qui, Cancer. L’équipe de Beaujon a montré un risque accru de
en plus du déficit insulinosécrétoire, ont une résistance à l’action cancer du pancréas, dont l’incidence est de quatre cas pour
de l’insuline et voient ainsi leur diabète apparaître avant le déficit 3800 années/patients, c’est-à-dire un risque relatif de 27 [29] ,
exocrine. mais surtout, ces patients sont exposés au risque des cancers
liés au tabac et à l’alcool. Dans notre série personnelle, sur
65 patients, avec un suivi inférieur à sept ans, huit patients, soit
Diabète de la pancréatite alcoolique : aspects 14 % du groupe, ont eu un cancer, pour la plupart oto-rhino-
cliniques laryngologique. Nous pensons que les carences en vitamines
liposolubles, impliquées dans la différenciation des épithéliums,
En France, la pancréatite alcoolique rend compte de 60 à 90 % ont eu un rôle adjuvant dans la genèse de ces cancers.
des cas de pancréatite chronique [24] . Dans l’histoire naturelle de Hypoglycémies. Tous les auteurs soulignent la fréquence,
la pancréatite chronique, le diabète est tardif, associé dans le le caractère imprédictible et surtout la sévérité des hypogly-
temps à la disparition des douleurs, à l’apparition des calcifica- cémies. Assan soulignait que les plus sévères surviennent au
tions pancréatiques et à l’apparition d’un déficit de la sécrétion sortir de l’hospitalisation alors que l’insulinothérapie avait été
exocrine [10, 17, 25] . Les calcifications pancréatiques sont pathogno- « optimisée », chez un sujet inactif dans son lit, abstinent et
moniques de la pancréatite chronique, et ainsi, au stade où le recevant des repas appropriés [30] . Ces patients sont les seuls dia-
diabétologue voit le malade, le diagnostic de pancréatite chro- bétiques clairement exposés au risque de séquelles cérébrales ou
nique est facile. de décès à l’occasion d’hypoglycémies.
Fractures. Plusieurs auteurs ont noté la fréquence de
Syndrome digestif l’ostéopénie chez les patients ayant une pancréatite chronique cal-
cifiante. Y contribuent la carence en vitamine D et l’alcoolisme.
La douleur est épigastrique, médiane, à irradiation transfixiante,
Dans notre série personnelle, sur 65 patients, avec un suivi infé-
souvent déclenchée par les repas ou l’ingestion d’alcool. Classi-
rieur à sept ans, 13, soit 21 % du groupe, ont eu des fractures
quement, cette douleur est calmée par l’aspirine. La fréquence et
osseuses, souvent pour un traumatisme minime.
l’intensité des poussées douloureuses diminuent avec le temps ;
Complications chirurgicales de la pancréatite chronique.
la plupart des patients n’ont plus de douleurs lorsque apparaît le
Lorsque le diabète apparaît, la plupart des patients ont passé
diabète.
l’heure des complications chirurgicales (pseudokystes, obstruc-
La plupart des patients ont, lors du diagnostic du diabète, un
tions des voies biliaires, douleurs réfractaires) [31] . Néanmoins,
déficit de la sécrétion exocrine du pancréas. Celui-ci se manifeste
des examens de surveillance périodique, échographie ou tomo-
par une diarrhée, souvent peu abondante, faite de selles pâteuses,
densitométrie (TDM), paraissent nécessaires pour dépister ces
contenant des aliments non digérés, luisantes, grasses et fétides.
complications.
Autres complications. Dans le contexte d’alcoolisme et de
Diabète dénutrition qui caractérise ces patients, il n’est pas inutile de rap-
Le diabète est généralement d’emblée un diabète insulinodé- peler la fréquence de la tuberculose, 13 sur 65 (21 %) patients
pendant, qui dans le contexte d’alcoolisme est le plus souvent suivis à Bichat, des maladies sexuellement transmissibles, de la
facilement rattaché à sa cause, d’autant plus que la pancréa- désinsertion sociale — 25 sur 65 (38 %) patients suivis à Bichat
tite chronique est connue depuis des années. L’importance de étaient chômeurs, receveurs du revenu minimal d’insertion ou

EMC - Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-D-20  Maladies du pancréas exocrine et diabète

Pancréatite tropicale, diabète fibrocalculeux


Le diabète fibrocalculeux, aussi appelé pancréatite tropicale,
est une forme particulière de pancréatite idiopathique, obser-
vée dans certains pays tropicaux, dont le sud de l’Inde (Kérala
et Tamil Nadu), Sri Lanka, Madagascar et les Comores, Haïti,
la Jamaïque, et lié à la malnutrition. Sa prévalence a ainsi ten-
dance à décroître dans les pays émergents comme l’Inde [39] ,
où, dans la région de Madras, il représentait 4 % des diabètes
« juvéniles » [40] . Autrefois décrit chez des patients ayant une
dénutrition sévère, la présentation a changé. La maladie est main-
tenant, au moins en Inde, diagnostiquée chez des individus
le plus souvent minces, âgés majoritairement de 10 à 30 ans,
avec la triade douleurs abdominales–diarrhée graisseuse et dia-
bète [41] . Le diagnostic est confirmé, outre la mise en évidence
du déficit exocrine, par la présence de calcifications massives
du pancréas [42] . Cette forme de diabète, habituellement insu-
Figure 3. Mucoviscidose : coloration hématoxyline-éosine. Tête du linodépendante, est souvent caractérisée par sa résistance à la
pancréas d’une femme morte à 29 ans d’une mucoviscidose, 7 ans après cétose, pour des raisons incertaines (déficit en glucagon, défaut de
le diagnostic de diabète. Noter les dilatations extrêmes des canaux substrat).
pancréatiques, l’atrophie exocrine. Projet Network for Pancreatic Organ La physiopathologie de cette forme de pancréatite chronique
Donors with Diabetes (nPOD), cas 6136 (avec l’aimable authorisation reste incertaine. Si le rôle d’une malnutrition calorique ou pro-
du nPOD). téique pendant le développement fœtal ou l’enfance a souvent
été évoqué, si les patients se présentent habituellement, au moins
sous les tropiques, avec des signes marqués de dénutrition, le
sans-domicile-fixe —, et surtout, ceci n’a jamais clairement été étu- kwashiorkor ne se complique habituellement pas de pancréatite
dié, des maladies psychiatriques graves, affections qui ont souvent tropicale ; la maladie paraît très rare en Afrique, et l’état de l’Inde
été la cause de l’intoxication alcoolique. où la prévalence de la maladie est la plus élevée, le Kerala, est l’un
Influence de l’association à une hépatopathie. Il y a peu de des états les plus riches de l’Inde et celui où la mortalité infantile
données sur la fréquence des lésions hépatiques chez les patients est la plus basse [43] . L’hypothèse que le manioc pourrait être la
ayant une pancréatite chronique. Un travail prospectif fait en Ita- cause de la pancréatite tropicale, par défaut de détoxication des
lie chez 50 patients ayant une pancréatite chronique alcoolique cyanides, chez des enfants carencés en acides aminés soufrés n’est
indique que 56 % de ces patients ont des lésions hépatiques, dont maintenant plus retenue : cette hypothèse n’est pas confirmée par
14 % de cirrhoses et 26 % d’hépatites alcooliques. Les patients les modèles animaux, ni par les données épidémiologiques. Le
ayant des lésions hépatiques significatives avaient une consom- rôle de déficit en micronutriments, d’un stress oxydant a aussi été
mation d’alcool supérieure à celle des autres [32] . Un pourcentage évoqué [43] .
significatif des patients ayant une cirrhose alcoolique ont des Il est maintenant admis que la maladie a un déterminant géné-
lésions pancréatiques ; leur fréquence est évaluée à 20 %, dont tique ; elle a été associée à des mutations de SPINK1, en cause
18 % de pancréatites chroniques calcifiantes à l’autopsie [33] ; 20 % dans les pancréatites héréditaires en Occident [44] . Ont aussi été
des patients ayant une cirrhose alcoolique ont des aspects évoca- associées à la pancréatite tropicale des mutations du gène de la
teurs de pancréatite chronique à la pancréatographie rétrograde trypsine, du chymotrypsinogène et de CFTR, faisant ainsi de la
et 11 % des anomalies des tests de fonction exocrine [34] . Il est pancréatite tropicale une forme clinique de pancréatite hérédi-
probable que la résistance à l’action de l’insuline induite par la taire [45] . La malnutrition protéique pendant l’enfance a sûrement
cirrhose précipite l’apparition du diabète chez des patients ayant un rôle adjuvant important, comme en témoigne le déclin de
des lésions modérées du pancréas, en l’absence de calcifications, la maladie en Inde. Cette forme de diabète est importante à
par exemple. connaître, car il s’agit d’une situation à haut risque de cancer
du pancréas : dans la série de Madras, le cancer du pancréas était
responsable de 25 % des décès, sur un suivi de cinq ans, risque
Pancréatite chronique de cause génétique 100 fois supérieur à celui de la population générale [41] . Une sur-
veillance régulière par scanner, et, mais ça n’a jamais été étudié,
Les maladies génétiques du pancréas sont autosomiques réces- du CA 19.9 se discute ([46] et professeur Levy [hôpital Beaujon],
sives (mucoviscidose, mutation du trypsinogène cationique, de conversation avec les auteurs).
son inhibiteur serine protease inhibitor Kazal type 1 [SPINK1]). Elles
représentent moins de 1 % des pancréatites chroniques, mais des
mutations sont retrouvées dans près de 40 % des pancréatites Pancréatite auto-immune
idiopathiques. Le risque des hétérozygotes cystic fibrosis transmem-
brane conductance regulator (CFTR) est diversement estimé, mais le Il s’agit d’une forme de pancréatite récemment identifiée, carac-
risque des doubles hétérozygotes pour CFTR et SPINK1 est cer- térisée par une présentation habituelle sous la forme d’un ictère
tain (in [35] ). De plus, des mutations à l’état hétérozygote de CFTR isolé, le plus souvent après 40 ans, avec une nette prédomi-
et SPINK1 ont été décrites chez les patients ayant une hypertri- nance chez l’homme. Cette présentation fait bien sûr discuter
glycéridémie ou une hyperparathyroïdie et qui développent une le cancer du pancréas, avec au scanner une hypertrophie dif-
pancréatite chronique. Enfin, il est important de signaler que plu- fuse ou focale, et d’autres caractéristiques dont les sténoses
sieurs des formes de maturity onset diabetes of the young (MODY) étagées du canal pancréatique. Le diabète peut être révéla-
s’accompagnent d’anomalies morphologiques ou fonctionnelles teur, bien particulier dans ce contexte puisqu’il peut régresser
du pancréas exocrine ; c’est le cas des MODY dus à une muta- sous corticoïdes. Le diagnostic, outre les caractéristiques mor-
tion d’hepatocyte nuclear factor 1 homeobox B (HNF-1b) [36] , de la phologiques, repose sur la mise en évidence d’une élévation
carboxylester lipase (CEL), mais aussi de HNF-1a [37] . Le diabète est des taux sériques d’immunoglobulines G4 (IgG4 ), observée chez
une complication fréquente de la mucoviscidose : 20 % des ado- 95 % des patients avec une spécificité de 97 % [47] . En présence
lescents, 50 % des adultes [38] . En dehors d’une nette association à d’une imagerie caractéristique et après constatation d’une élé-
l’âge, le diabète est associé à des mutations plus sévères, et à des vation des IgG4 , la biopsie n’est pas nécessaire au diagnostic,
formes pulmonaires sévères. Le diabète s’inscrit dans le contexte mais doit être réalisée si on a le moindre doute. La rémission
d’une pancréatite chronique due à l’obstruction des canaux pan- spontanée est possible ; le traitement de choix repose sur les corti-
créatiques (Fig. 3), avec constitution d’un déficit endocrine et coïdes. D’autres atteintes sont possibles : glandes salivaires, fibrose
exocrine. rétropéritonéale, etc.

4 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Maladies du pancréas exocrine et diabète  10-366-D-20

Autres causes de pancréatite chronique découvertes sont dans la plupart des cas évoluées et inaccessibles
à une chirurgie curatrice.
Ce sont les suivantes : La question du rapport entre thérapeutiques hypoglycémiantes
• hypercalcémie–hyperparathyroïdie ; et cancer du pancréas chez les diabétiques de type 2 a été examinée
• hypertriglycéridémie–déficit en lipoprotéine lipase ; par plusieurs études dont les résultats sont divergents. Plusieurs
• insuffisance rénale chronique ; études épidémiologiques soulignent un risque plus faible de
• infection (virus de l’immunodéficience humaine [VIH], cancer en général et de cancer du pancréas en particulier sous met-
oreillons, coxsackie) ; formine, en comparaison aux sulfonylurées et à l’insuline [59, 60] .
• post-traumatique ; Les agonistes du récepteur du glucagon-like peptide-1 (GLP-1) et
• pancréatopathie obstructive ; les inhibiteurs de la dipeptidylpeptidase 4 (gliptines) sont sous
• médicamenteuse. surveillance quant au risque de pancréatite, facteur de risque de
On signale juste l’émergence du diabète postradique, décrit au cancer du pancréas [61] . Des données expérimentales démontrent
long terme chez les survivants de cancer de l’enfance [48] . Le risque que le GLP-1 favorise la prolifération des cellules ductales du pan-
de diabète est proportionnel à la dose d’irradiation, ainsi qu’à l’âge créas [62, 63] .
au moment de la radiothérapie [49] , pour une prévalence de 16 %
chez les individus ayant reçu une dose de plus de 10 Gy. Cette
forme de diabète paraît s’inscrire dans le contexte plus large d’une  Hémochromatose
pancréatite radique [50, 51] et dont la cause pourrait être vasculaire.
Dans la série de de Vathaire, la fonction du pancréas exocrine n’a Dans l’hémochromatose, il est communément admis que les
pas été analysée [49] . dépôts de fer dans les cellules B des îlots de Langerhans sont la
cause d’une diminution des capacités de sécrétion de l’insuline,
et donc la cause directe du diabète [64] . Bien que classiquement
 Cancer du pancréas classée parmi les maladies du pancréas exocrine, il n’y a quasi-
ment aucune donnée publiée concernant la fonction exocrine du
pancréas chez les patients ayant une hémochromatose. Un tra-
La relation entre diabète et cancer du pancréas est bijective : le vail ancien a évalué la fonction exocrine du pancréas chez des
diabète peut être cause ou conséquence de diabète. La moitié des patients ayant une hémochromatose secondaire, et des valeurs
patients qui ont un cancer du pancréas est diabétique au moment normales ont été mesurées chez la plupart des patients [65] . De
du diagnostic, et ce pourcentage augmente au cours de l’évolution plus, le seul travail de référence d’anatomie pathologique du pan-
du cancer jusqu’à 80 % [52, 53] . C’est un phénomène assez spécifique créas au cours de l’hémochromatose n’a décrit que des lésions
du cancer du pancréas comparé à d’autres types de cancer [54] . Le de pancréas endocrine [66] . Pour finir, la description radiologique
diabète peut ainsi révéler un cancer du pancréas. Plus de 85 % des du pancréas chez les patients ayant une hémochromatose n’est
cas de diabète chez les patients ayant un cancer du pancréas sont pas celle de la pancréatite chronique [67, 68] . Ainsi, il n’y a aucun
diagnostiqués dans les deux ans qui précèdent le diagnostic de argument morphologique, fonctionnel ou pathologique pour
cancer ou durant l’évolution de celui-ci. Dans ce contexte, il s’agit classer l’hémochromatose dans cet article. De plus, au cours de
plus souvent de cancer de la tête que de cancer du corps ou de la l’hémochromatose primitive, la survenue d’un diabète est étroite-
queue du pancréas. La physiopathologie du diabète reste obscure. ment liée à la survenue d’une cirrhose : la prévalence du diabète est
Il s’agit parfois d’une pancréatite due à l’obstruction canalaire de 80 % chez les individus qui ont une cirrhose, alors qu’elle n’est
chronique, mais des données éparses, montrant que la sensibi- que de 20 % en l’absence de cirrhose, de sorte que le diagnostic
lité à l’insuline peut s’améliorer après résection de la tumeur [55] , d’hémochromatose étant fait plus précocement, la prévalence de
suggèrent aussi qu’un facteur sécrété par la tumeur pourrait être diabète est moindre qu’autrefois. Indépendamment de la charge
en cause. De fait, la plupart des études suggèrent que les patients en fer, le diabète est étroitement associé au degré de fibrose hépa-
qui ont un cancer du pancréas ont une résistance à l’action de tique [69] . Lorsqu’on prend le problème dans l’autre sens, celui de
l’insuline. Le rôle de différents peptides sécrétés par la tumeur la prévalence de l’hémochromatose dans une population de dia-
a été discuté, dont l’amyline, mais aucune conclusion définitive bétiques, là aussi les données sont assez uniformes : la prévalence
n’a été apportée à ce jour [52] . En ce qui concerne spécifiquement d’hémochromatose n’est pas plus importante dans une popula-
l’amyline, ses taux circulants sont augmentés dans la pancréatite tion diabétique que dans la population générale [70, 71] .
chronique, les obstructions biliaires et d’autres cancers digestifs,
mais son expression pourrait être augmentée en périphérie de
tumeurs pancréatiques.
À l’inverse, il est maintenant clairement établi que le diabète de
 Diagnostic des maladies
type 2 est un facteur de risque de cancer du pancréas, un risque exocrines du pancréas
multiplié par 2 (1,6 à 2,8) par rapport aux patients non diabé-
tiques [56, 57] . Obésité, âge et tabagisme sont trois facteurs de risque Parfois, le lien entre diabète et maladie exocrine du pancréas est
communs au diabète et au cancer du pancréas. évident dans le contexte ; c’est le cas de la chirurgie du pancréas
Ceci pose deux questions : lorsque le diabète apparaît dès l’intervention. Dans le contexte des
• chez qui rechercher un cancer du pancréas, et pourquoi ? patients chez qui la maladie chronique du pancréas est connue, le
• quels sont les rapports entre traitement du diabète et cancer du diagnostic devrait être fait à l’occasion d’examens de surveillance
pancréas ? périodiques qui doivent évaluer la fonction endocrine, par une
Des études de cohortes ont montré qu’un cancer du pancréas simple mesure de la glycémie et la fonction exocrine du pancréas.
n’apparaît dans les trois ans suivant le diagnostic que chez 1 % Plus complexe est la situation où le diabète révèle la maladie chro-
des patients ayant un diabète diagnostiqué après 50 ans [58] , ce qui nique du pancréas, qu’il faut alors rattacher à sa cause. Dans le
limite clairement la place d’un dépistage, d’autant que les exa- contexte de la pancréatite chronique, la démarche diagnostique
mens spécifiques, scanner et échoendoscopie, sont coûteux et pas vise à mettre en évidence soit des calcifications pancréatiques, soit
simples de réalisation en ce qui concerne l’échoendoscopie. Le un déficit de la fonction exocrine du pancréas.
dosage du CA 19.9 n’est pas utilisable non plus ; sa valeur prédic- Les calcifications du pancréas, pathognomoniques de la pan-
tive est de moins de 1 %, ses concentrations sont proportionnelles créatite chronique et dont la prévalence atteint 90 % dans la
à la taille de la tumeur et l’hyperglycémie elle-même peut en pancréatite alcoolique [72] , peuvent être mises en évidence sur une
altérer les valeurs. Une population de diabétiques à risque peut simple radiographie de l’abdomen sans préparation, mais nos
cependant être définie : âge supérieur à 55 ans, amaigrissement données personnelles (non publiées) indiquent que la sensibilité
rapide malgré un traitement bien conduit du diabète, anomalies de cet examen n’est que de 60 %. L’examen de référence est donc la
du bilan hépatique [55] . Néanmoins, des données indiquent que TDM qui met en évidence les anomalies qui définissent la pancréa-
lorsqu’on diagnostic un cancer du pancréas par dépistage systéma- tite chronique : calcifications du pancréas et dilatations du canal
tique, on n’augmente pas les chances de survie ; les lésions ainsi de Wirsung (Fig. 4). En pratique de routine diabétologique, il n’est

EMC - Endocrinologie-Nutrition 5
10-366-D-20  Maladies du pancréas exocrine et diabète

notre expérience, dans deux tiers des cas, c’est le diabète qui révèle
la pancréatite (E. Larger, données non publiées), et la diarrhée est
bien souvent absente. Ainsi la pancréatite chronique doit être
recherchée systématiquement dans le contexte d’un alcoolisme
chronique ou chez des patients originaires des régions où a été
décrit le diabète fibrocalculeux ; dans notre expérience : Madagas-
car, les Comores, le sud de l’Inde et Sri Lanka, les Caraïbes non
françaises (Jamaïque et Haïti).

Cancer du pancréas
Le dépistage du cancer du pancréas n’est pas réaliste chez
les patients diabétiques sans autre critère ; rare, son diagnostic
fait appel à des examens coûteux et difficiles (échoendoscopie
et TDM), et le dépistage du cancer dans le contexte de diabète
n’améliore pas le pronostic. L’habitude est de chercher un can-
cer en présence de symptômes (ictère, cholestase, grosse vésicule,
anorexie), ou en l’absence de reprise de poids rapide après la mise
sous insuline.

Hémochromatose
Les enquêtes épidémiologiques indiquent que la prévalence
Figure 4. Tomodensitométrie d’un patient diabétique avec pancréatite. de l’hémochromatose n’est pas supérieure dans une popula-
Sur ce cliché sans injection, les calcifications du pancréas et la dilatation tion de patients suivis en consultation de diabétologie que
irrégulière du canal de Wirsung sont facilement visibles. dans la population générale. Ainsi, le dépistage systématique
de l’hémochromatose chez tout patient diabétique ne se justifie
pas [70] . Les données de la série de patients de Rennes indiquent
pas besoin d’avoir recours à d’autres examens morphologiques que le diabète est rarement révélateur de l’hémochromatose et
de référence (échoendoscopie, wirsungo-imagerie par résonance que le diabète est rare en l’absence de cirrhose [76] . C’est donc chez
magnétique [IRM], cholangiopancréatographie rétrograde) qui des patients ayant une hépatomégalie ou une cirrhose qu’il est
détectent des anomalies précoces. L’échographie souffre d’un pro- souhaitable de rechercher une hémochromatose.
blème de sensibilité, mais sa spécificité est excellente.
En ce qui concerne l’évaluation de la fonction exocrine,
l’examen de référence, le test à la sécrétine, ne fait pas partie Comment rechercher une maladie
de la routine clinique. L’évaluation de la fonction exocrine du du pancréas exocrine
pancréas fait donc appel à l’examen coprologique. La référence
est l’évaluation de la stéatorrhée, difficile en pratique courante En ce qui concerne la pancréatite chronique, ce sont bien les
car nécessitant un recueil complet des selles sur 72 heures, et tests morphologiques qui l’emportent, puisque les tests fonc-
une charge en lipides, pour des apports supérieurs à 100 g/j. Plus tionnels manquent de spécificité. La radiographie simple de
simple est l’évaluation par le dosage de l’élastase fécale [73] , dont l’abdomen, très spécifique, manque de sensibilité, de même que
les valeurs normales vont jusqu’à 200 ␮g/g, une valeur inférieure l’échographie. La TDM est probablement l’examen de choix. Les
à 100 ␮g/g signant un déficit exocrine sévère. Ce seuil de 100 ␮g/g tests fonctionnels ne servent qu’à confirmer le déficit exocrine ; ils
n’est atteint par aucun de nos patients diabétiques ayant une pan- sont altérés, profondément chez 100 % de nos patients ayant une
créatite chronique (E. Larger, données en cours de publication). imagerie de pancréatite chronique, radiographie simple ou scan-
Cependant, la spécificité de ces dosages de fonction exocrine n’est ner (E. Larger, données non publiées). Personne n’a de réponse
pas bonne, puisque des altérations de la fonction exocrine du pan- à la question de savoir s’il faut renouveler les examens morpho-
créas sont observées chez un pourcentage significatif de patients logiques chez les patients diabétiques lorsqu’ils sont normaux.
ayant un diabète « commun » de type 1 ou de type 2 [22] , sans ano- La réponse serait plutôt non si l’on considère que diabète et
malie morphologique caractéristique (atrophie, sans calcification calcifications sont contemporains dans l’histoire naturelle de la
ni dilatation des canaux pancréatiques [74] ), et chez des sujets âgés pancréatite chronique. Concernant le cancer du pancréas, il n’y a
non diabétiques [75] . pas de donnée non plus. La pratique courante est de faire une TDM
pour un examen de dépistage orienté par des symptômes. Le dépis-
tage de l’hémochromatose repose sur la mesure du coefficient de
 Conséquences pratiques saturation de la transferrine (document de la Haute Autorité de
santé [HAS] 2005, www.has-sante.fr).
Plusieurs questions se posent au clinicien :
• chez qui rechercher une maladie du pancréas exocrine ?
• comment rechercher une maladie du pancréas exocrine ?
Conséquences thérapeutiques
• quelles sont les conséquences thérapeutiques ? La reconnaissance que le diabète s’inscrit dans le contexte d’une
maladie globale du pancréas a des conséquences thérapeutiques. Il
faut rappeler que ces formes de diabète se caractérisent par la perte
Chez qui rechercher une maladie du pancréas de la sécrétion de glucagon, parallèle à celle de l’insuline, à la dif-
exocrine férence des autres formes de diabète, caractérisées par la sécrétion
augmentée de glucagon. La sécrétion exocrine du pancréas est elle
Pancréatite chronique aussi altérée en parallèle de l’altération de la fonction endocrine
Dans sa forme caractéristique, la pancréatite chronique évolue du pancréas, avec des conséquences sur l’état nutritionnel global
pendant des années avec poussées douloureuses, complications (amaigrissement, dénutrition), le risque d’hypoglycémie à cause
chirurgicales (faux kystes, etc.) avant l’apparition de la maldi- de la mauvaise digestion des glucides complexes, et le risque de
gestion, se manifestant par un amaigrissement et la stéatorrhée carence en vitamines liposolubles avec ses risques secondaires :
(diarrhée, selles huileuses) et le diabète, rendant en théorie le fractures osseuses par carence en vitamine D, troubles visuels par
diagnostic facile chez un patient ayant un long passé de consom- carence en vitamine A. Enfin, la cause principale de la pancréatite
mation excessive d’alcool (classiquement plus de 100 g/j d’alcool chronique étant l’alcoolisme, cet état ajoute un risque supplémen-
pendant 10 ans). En réalité, le tableau est souvent différent : dans taire d’hypoglycémie.

6 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Maladies du pancréas exocrine et diabète  10-366-D-20

Rattacher un diabète à une maladie du pancréas conduit donc à


être particulièrement vigilant quant au risque d’hypoglycémie, et
 Conclusion
ainsi à fixer des objectifs en accord avec l’état clinique du patient. Le diabète qui complique la pancréatite chronique mérite d’être
Il convient aussi de supplémenter le déficit exocrine du pancréas connu, pour le rattacher à sa cause. Combien de comptes-rendus
avec des préparations gastroprotégées à haute teneur en lipase ; avons-nous lus qui parlaient de diabète de type 2 chez des patients
une posologie apportant 50 000 U de lipase par repas est suffi- signalés par ailleurs comme porteurs d’une pancréatite chronique.
sante le plus souvent. Ces médicaments doivent être pris avec le Ceci conduit à des choix thérapeutiques erronés. Le cancer du
début du repas. Une supplémentation en vitamines liposolubles pancréas pose lui des problèmes que nous ne savons pas résoudre,
est prescrite à la demande, en particulier de la vitamine D. en particulier les circonstances où un cancer doit être cherché
Le dépistage des complications — cancer du pancréas dans le chez un diabétique. Les altérations du pancréas exocrine chez le
contexte d’une pancréatite quelle qu’en soit la cause — n’est pas sujet diabétique au long cours est un autre sujet pour lequel nous
établi. n’avons que des questions sans réponse à ce jour.
Insuline
La plupart des patients non insulinodépendants d’emblée le Conflit d’intérêt : aucun.
deviennent dans les années qui suivent le diagnostic. Si un
patient peut être contrôlé avec une sulfonylurée ou un glinide,
il faut choisir une molécule à demi-vie brève en raison du risque Remerciements : Certaines des images de ce manuscrit ont été obtenues par le
d’hypoglycémie chez les patients non sevrés de l’alcool. La metfor- site internet du réseau « diabétiques donneurs de pancréas » (nPOD). Le nPOD
mine peut être envisagée en l’absence de signes patents de carence est un projet de recherche collaboratif sponsorisé par la JDRF.
en insuline (amaigrissement), mais sa prescription n’est pas simple
lorsque le patient a un déficit exocrine (diarrhée).
Les besoins en insuline ne diffèrent guère de ceux des diabé-  Références
tiques de type 1. Après une phase d’insulinothérapie « intensive »
sous surveillance hospitalière, permettant aux patients de [1] Alberti KG, Zimmet PZ. Definition, diagnosis and classification of
reprendre rapidement du poids, les objectifs glycémiques doivent diabetes mellitus and its complications. Part 1: diagnosis and classifi-
être adaptés au degré de dépendance de l’alcool du patient. On cation of diabetes mellitus provisional report of a WHO consultation.
est souvent obligé de se contenter d’une insulinothérapie simpli- Diabet Med 1998;15:539–53.
fiée, basale de glargine avec des objectifs glycémiques lâches, avec [2] Lee Y, Berglund ED, Wang MY, Fu X, Yu X, Charron MJ, et al. Metabo-
rajout d’un analogue rapide lorsque les repas sont effectivement lic manifestations of insulin deficiency do not occur without glucagon
action. Proc Natl Acad Sci U S A 2012;109:14972–6.
pris. Les réhospitalisations sont fréquentes et l’errance hospita-
[3] Assan R, Tiengo A. Comparaison des sécrétions de glucagon dans les
lière n’est pas rare. On est alors amené à limiter ses objectifs
diabètes sucrés avec ou sans pancréatopathie organique acquise. Pathol
à la prévention des complications aiguës, hypoglycémie et aci-
Biol 1973;21:17–25.
docétose/coma hyperosmolaire. Dans tous les cas, surtout chez [4] Tiengo A, Bessioud M, Valverde I, Tabbi-Anneni A, Delprato S,
les patients non alcooliques, il faut savoir mesurer les enjeux Alexandre J, et al. Absence of islet alpha cell function in pancrea-
à long terme et le risque d’hypoglycémie. À l’inverse, chez les tectomized patients. Diabetologia 1982;22:25–32.
patients sevrés de l’alcool ou non alcooliques, un schéma clas- [5] Meier JJ, Menge BA, Breuer TG, Maller CA, Tannapfel A, Uhl W,
sique d’insuline peut être proposé, avec des objectifs glycémiques et al. Functional assessment of pancreatic beta-cell area in humans.
stricts, mais avec une attention particulière sur les hypoglycémies. Diabetes 2009;58:1595–603.
Il n’est pas inutile de rappeler ici qu’on ne se méfie jamais assez [6] wittingen J, Frey C. Islet concentration in the head, body, tail and
des adaptations trop fines, en milieu hospitalier, des doses chez uncinate processe of the pancreas. Ann Surg 1974;179:412–4.
des patients qui dès leur sortie vont retrouver des conditions de [7] Cabrera O, Berman DM, Kenyon NS, Ricordi C, Berggren PO, Caicedo
vie difficiles, l’alcool et la sous-alimentation. Des hypoglycémies A. The unique cytoarchitecture of human pancreatic islets has implica-
ont été fatales à la sortie d’hospitalisation. tions for islet cell function. Proc Natl Acad Sci U S A 2006;103:2334–9.
[8] Kendall D, Sutherland D, Najarian J, Goetz F, Robertson R. Effects
Autres traitements of hemipancreatectomy on insuline secretion and glucose tolerance in
healthy humans. N Engl J Med 1990;322:898–903.
La correction de la maldigestion fait appel aux préparations de [9] Kumar AF, Gruessner RW, Seaquist ER. Risk of glucose intolerance
pancréas à forte activité enzymatique, en préférant les formes en and diabetes in hemipancreatectomized donors selected for normal
microgranules gastroprotégés dosés à 25 000 U de lipase (Créon® , preoperative glucose metabolism. Diabetes Care 2008;31:1639–43.
Eurobiol® ) à bonne posologie ; 50 000 U de lipase par repas sont [10] Malka D, Hammel P, Sauvanet A, Rufat P, O’Toole D, Bardet P, et al.
suffisantes le plus souvent ; mais en réalité, nous constatons fré- Risk factors for diabetes mellitus in chronic pancreatitis. Gastroente-
quemment que les posologies prescrites sont moindres et à notre rology 2000;119:1324–32.
avis insuffisantes. Cette posologie peut être augmentée en cas de [11] Maeda H, Hanazaki K. Pancreatogenic diabetes after pancreatic resec-
diarrhée persistante ; des prises additionnelles doivent être ajou- tion. Pancreatology 2011;11:268–76.
tées pour les collations ; ceci permet de normaliser l’excrétion [12] Appelros S, Lindgren S, Borgstrom A. Short and long-term outcome
fécale chez la plupart des patients, et, associé à l’insulinothérapie, of severe acute pancreatitis. Eur J Surg 2001;167:281–6.
conduit à des reprises de poids spectaculaires. [13] Yasuda T, Ueda T, Takeyama Y, Shinzeki M, Sawa H, Nakajima T, et al.
La plupart des patients avaient des carences en vitamines liposo- Long-term outcome of severe acute pancreatitis. J Hepato-Biliary-
lubles A, D et E (E. Larger, données en cours de publication) lorsque Pancreat Surg 2008;15:397–402.
celles-ci ont été dosées sous traitement. Ces carences participent [14] Foulis A, Francis N, Farquharson M, Boylston A. Massive synchronous
probablement au risque de fractures osseuses, au risque carcino- B-cell necrosis causing type 1 (insulin-dependent) diabetes - a unique
histopathological case report. Diabetologia 1988;31:46–50.
logique, aux troubles de la vue. Si la correction de la carence en
[15] Imagawa A, Hanafusa T, Miygawa JI, Matsuzawa Y. A novel subtype
vitamine E ne pose pas de problème de toxicité (mais son intérêt
of type1 diabetes mellitus characterized by a rapid onset and an absence
n’est pas démontré), il n’en va pas de même pour la carence en of diabetes-relates antibodies. N Engl J Med 2000;342:301–7.
vitamine A, toxique pour le foie à forte dose, cette toxicité hépa- [16] Hanafusa T, Imagawa A. Fulminant type 1 diabetes: a novel clinical
tique étant favorisée par l’alcoolisme. La carence en vitamine D entity requiring special attention by all medical practitioners. Nat Clin
peut être corrigée par les protocoles habituels de substitution, en Pract End Met 2007;3:36–45.
se rappelant cependant qu’une administration parentérale pour- [17] Bernades P, Belghiti J, Athouel M, Mallardo N, Breil P, Fekete F.
rait être préférable. Histoire naturelle de la pancréatite chronique : étude de 120 cas. Gas-
Une politique large de vaccination doit être proposée à ces troenterol Clin Biol 1983;7:8–13.
patients. [18] Ito T, Otsuki M, Itoi T, Shimosegawa T, Funakoshi A, Shiratori K,
Tuberculose et cancers oto-rhino-laryngologiques doivent être et al. Pancreas TRCoIDot: pancreatic diabetes in a follow-up survey
dépistés, systématiquement ou au moindre symptôme. of chronic pancreatitis in Japan. J Gastroenterol 2007;42:291–7.

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E. Larger (etienne.larger@htd.aphp.fr).
A.-Y. Lemoine.
Service de diabétologie, Hôtel Dieu, Groupe hospitalier Cochin-Hôtel Dieu-Broca, AP–HP et Université Paris René Descartes, Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Larger E, Lemoine AY. Maladies du pancréas exocrine et diabète. EMC - Endocrinologie-Nutrition
2013;10(3):1-9 [Article 10-366-D-20].

Disponibles sur www.em-consulte.com


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EMC - Endocrinologie-Nutrition 9
¶ 10-366-D-21

Diabètes endocriniens
C. Baudry, C. Waintrop, H. Mosnier-Pudar

Un grand nombre de maladies endocriniennes peuvent s’accompagner d’anomalies de la tolérance


glucidique pouvant aller jusqu’au diabète, au premier rang desquelles l’acromégalie et le syndrome de
Cushing. D’autres endocrinopathies, dans lesquelles le lien physiopathologique entre l’hypersécrétion
hormonale et les anomalies du métabolisme glucidique paraît moins évident, peuvent être en cause :
phéochromocytome, hyperaldostéronisme primaire, hyperthyroïdie et hyperparathyroïdie. Dans
l’acromégalie et le syndrome de Cushing, les anomalies de la tolérance glucidique sont particulièrement
fréquentes et doivent être systématiquement recherchées. Elles participent au risque élevé de morbidité et
mortalité cardiovasculaires chez ces patients. Il faut noter que même dans les formes infracliniques
d’hypercortisolisme le diabète est fréquent. La prise en charge thérapeutique propre de la maladie
endocrinienne s’accompagne le plus souvent d’une amélioration du diabète, mais lorsque celui-ci
persiste, il nécessite le recours aux traitements antidiabétiques oraux voire à l’insuline, avec des objectifs
thérapeutiques stricts, identiques à ceux du diabète de type 2. Le choix du traitement antidiabétique doit
alors tenir compte des mécanismes physiopathologiques qui sous-tendent les anomalies du métabolisme
glucidique dans la maladie endocrinienne en cause.
© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Diabète ; Métabolisme glucidique ; Acromégalie ; Syndrome de Cushing

Plan Tableau 1.
Principales endocrinopathies pouvant être responsables d’un diabète et
examens de première intention à réaliser afin de les dépister.
¶ Introduction 1
¶ Acromégalie et insuffisance somatotrope 2 Endocrinopathie Examens à réaliser en première
Hormone de croissance, « insulin-like growth factor 1 » et intention
homéostasie glucidique 2 Acromégalie IGF1, cycle de GH (± GH sous HGPO)
Acromégalie et diabète 2 Syndrome de Cushing Freinage minute sur le cortisol (± FLU,
Insuffisance en hormone de croissance et métabolisme glucidique 3 cortisol à minuit)
¶ Syndrome de Cushing 3 Phéochromocytome Dérivés méthoxylés urinaires des
Cortisol et métabolisme glucidique 3 24 heures
Syndrome de Cushing et diabète 4 Hyperaldostéronisme primaire Aldostérone et rénine couché/debout
Syndrome de Cushing infraclinique et diabète 4 (sous traitement neutre)
Effet du traitement de l’hypercortisolisme sur le diabète 4 Hyperthyroïdie TSH, T4 libre
¶ Diabète secondaire à d’autres endocrinopathies 5 Hyperparathyroïdie primaire Calcémie totale/corrigée/ionisée (PTH)
Phéochromocytome 5 IGF : insulin-like growth factor ; GH : growth hormone ; HGPO : hyperglycémie
Hyperaldostéronisme primaire 5 provoquée par voie orale ; FLU : cortisol libre urinaire ; TSH : thyroid stimulating
Hyperthyroïdie 6 hormone ; T4 : thyroxine ; PTH : parathormone.
Hyperparathyroïdie primaire 6
Tumeurs endocrines gastro-entéro-pancréatiques 6
¶ Conclusion 6 sous-estimées dans les endocrinopathies, car un dépistage par
une hyperglycémie provoquée par voie orale n’est pas systéma-
tiquement réalisé.
■ Introduction La survenue d’un diabète dans l’acromégalie comme dans le
syndrome de Cushing, et cela est probablement vrai pour les
Des anomalies de la tolérance glucidique voire un diabète autres causes plus rares de diabètes endocriniens, est d’autant
peuvent survenir au cours de nombreuses maladies endocri- plus fréquente qu’il existe une prédisposition (antécédents
niennes (Tableau 1). Elles résultent d’un effet direct ou indirect familiaux de diabète de type 2) et que le sujet est âgé.
de l’hormone présente en excès sur le métabolisme glucidique. Dans l’acromégalie et le syndrome de Cushing, le diabète
Nous nous attarderons en particulier sur l’acromégalie et le vient s’ajouter aux autres facteurs de risque cardiovasculaire qui
syndrome de Cushing, dans lesquelles la prévalence respective sont présents dans ces deux pathologies (hypertension, etc.),
du diabète est de 19 % à 56 % et de 20 % à 50 % [1, 2]. Les responsable d’une morbidité et d’une mortalité cardiovasculaires
anomalies de la tolérance glucidique sont très probablement importantes.

Endocrinologie-Nutrition 1
10-366-D-21 ¶ Diabètes endocriniens

La guérison de la pathologie endocrinienne s’accompagne le concomitante de l’insulinorésistance semble exister [4]. À l’âge
plus souvent d’une amélioration voire d’une disparition des adulte, on observe une diminution graduelle de la sécrétion de
anomalies de la tolérance glucidique. Cependant, le recours à GH, avec un lien marqué entre le statut sécrétoire de GH et la
un traitement spécifique du diabète, avec les mêmes objectifs graisse viscérale [5].
que dans le diabète de type 2 et le plus souvent les mêmes Le rôle de la GH dans le métabolisme glucidique a été
outils (antidiabétiques oraux, insuline), est nécessaire lorsque la suspecté dès les années 1930 par Houssay qui a montré que des
maladie endocrinienne n’est pas contrôlée ou lorsque le diabète chiens hypophysectomisés présentaient des hypoglycémies et
persiste après la guérison, du fait de la surmortalité d’origine une hypersensibilité à l’insuline. Plus tard, des essais avec de la
cardiovasculaire de ces patients. GH extractive ont montré, chez des sujets sains, diabétiques ou
déficitaires en GH, l’augmentation de la lipolyse et l’apparition
d’une hyperglycémie. En perfusion locale dans l’artère brachiale,
■ Acromégalie et insuffisance on observe une inhibition de l’absorption du glucose par le
muscle [6]. Une perfusion de GH à dose physiologique réduit la
somatotrope consommation du glucose dans le muscle de l’avant-bras,
diminue l’oxydation du glucose de 50 % et augmente l’utilisa-
Hormone de croissance, « insulin-like tion non oxydative du glucose [7]. Au total, la GH diminue donc
la sensibilité à l’insuline [8].
growth factor 1 » et homéostasie glucidique Chez des patients diabétiques de type 1, la GH semble
L’hormone de croissance (GH), sécrétée par l’antéhypophyse, contribuer à l’insulinorésistance [9-11] , a peut-être un rôle
est une protéine de 191 acides aminés, de 22 kDa. La GH agit facilitateur dans le phénomène de l’aube et a un rôle protecteur
par l’intermédiaire de son récepteur, que l’on retrouve dans de dans les hypoglycémies [12].
nombreux tissus : foie, muscle, graisse, cœur, rein, cerveau, En ce qui concerne le rôle propre de l’IGF1, polypeptide qui
pancréas. La sécrétion de GH est pulsatile, avec un maximum présente près de 50 % d’homologie avec la pro-insuline, une
de sécrétion en deuxième partie de nuit. Pendant le jeûne, on étude réalisée chez l’homme a montré un effet hypoglycémiant
observe une amplification de la sécrétion, alors qu’en présence et une amélioration de la sensiblilité à l’insuline secondaires à
d’un excès de substrats (glucose, lipides), sa sécrétion est la perfusion d’IGF1 couplée à l’IGFBP3 chez des sujets diabéti-
inhibée [3]. ques de type 1 [13]. Ces observations sont probablement secon-
Les effets de la GH sont en partie médiés par l’insulin-like daires à un effet direct de l’IGF1 via une liaison au récepteur de
growth factor 1 (IGF1), hormone polypeptidique produite par le l’insuline, mais aussi via une liaison à son propre récepteur,
foie en présence de nutriments suffisants, de taux élevés ainsi qu’à des effets indirects associant une inhibition de la
d’insuline, et en réponse à une stimulation par la GH. sécrétion de GH et de glucagon, une diminution du tissu
L’IGF1 circule lié à l’IGF-binding protein 3 (IGFBP3), et est adipeux.
responsable d’un effet anabolique protéique.
La sécrétion de GH est soumise à une régulation complexe Acromégalie et diabète
(Fig. 1) : l’IGF1 exerce un effet inhibiteur via un rétrocontrôle
négatif, tandis que la GH-releasing hormone (GH-RH) hypothala- Prévalence
mique stimule la production de la GH, de même que la grhé-
Dans l’acromégalie, on observe différents stades d’altération
line, sécrétée par l’estomac, qui a une action sécrétagogue sur la
de l’homéostasie glucidique : hyperinsulinémie ; intolérance au
GH. Enfin, la somatostatine exerce un effet inhibiteur direct sur
glucose ; diabète.
la production de GH, et indirect en inhibant la sécrétion de
La prévalence de l’intolérance au glucose est rapportée entre
grhréline et de GH-RH.
16 % et 46 %, et celle du diabète entre 19 % et 56 % [2] .
Le maximum de sécrétion correspond à la période pubertaire,
L’hyperglycémie modérée à jeun n’a pas été décrite formelle-
et un lien entre l’activation de l’axe GH/IGF1 et l’augmentation
ment en tant que telle dans l’acromégalie [14], mais dans une
série de 200 patients [15] on retrouve au diagnostic : 13 %
d’hyperglycémie modérée à jeun, 25,5 % d’intolérance au
+ glucose et 15,5 % de diabète, soit 54 % d’altération du métabo-
Somatostatine GH-RH lisme glucidique, comparé à 23 % dans une population
– contrôle, avec un sexe ratio à 1.
+ + + Les facteurs de risque prédisposant à l’intolérance au glucose
ou au diabète, chez les patients acromégales, sont : un taux plus
– + élevé de GH, un âge plus avancé et une durée plus longue de la
Ghréline maladie [16]. D’autres études rapportent uniquement l’âge [17],
d’autres encore les antécédents familiaux de diabète et l’exis-
+ tence d’une hypertension artérielle [14].
– + Le diagnostic du diabète ne présente pas de particularité par
GH rapport à la population générale, mais ne doit pas échapper. En
– effet, la surmortalité des patients acromégales est liée aux
+ complications systémiques (cardiovasculaires, respiratoires,
gastro-intestinales, métaboliques). Les patients acromégales avec
IGF1
Métabolisme hypertension artérielle et diabète ont une altération plus
glucidique marquée de leur performance cardiaque [18] . La survenue
Glycogénolyse hépatique d’acidocétose a été décrite dans de rares cas [19]. La rétinopathie
Diminution de la captation musculaire diabétique sévère est rare [20], mais l’existence d’une altération
du glucose
→ insulinorésistance
de la tolérance au glucose dans l’acromégalie est associée à un
taux élevé de microalbuminurie [21].
Tissu
Os Muscle Physiopathologie
adipeux
Croissance Synthèse protéique Augmentation de la lipolyse Le diabète observé dans l’acromégalie est secondaire au
développement d’une insulinorésistance d’une part, et à une
réduction de l’insulinosecrétion d’autre part.
Figure 1. Régulation physiologique de l’hormone de croissance (GH) et
Chez les patients acromégales non diabétiques, qu’ils soient
principaux effets sur les tissus cibles. GH-RH : GH-releasing hormone ;
ou non intolérants au glucose, on observe une diminution de
IGF : insulin-like growth factor.
l’absorption du glucose par le muscle de l’avant-bras, par

2 Endocrinologie-Nutrition
Diabètes endocriniens ¶ 10-366-D-21

rapport à des sujets sains, avec une diminution du métabolisme anomalies préalables de la tolérance glucidique [31]. Dans une
non oxydatif du glucose. Des taux d’insuline significativement autre étude, les mêmes taux de détérioration de la tolérance au
supérieurs sont observés chez les patients acromégales avant et glucose sont observés à 60 mois chez des patients sous traite-
après charge en glucose comparativement à des sujets ment médical ou traités par chirurgie, avec comme principal
témoins [22]. Ces observations suggèrent donc une insulinorésis- facteur prédictif l’augmentation de l’indice de masse
tance précoce liée à l’excès chronique de GH, avant même corporelle [32].
l’apparition d’une intolérance au glucose. L’apparition d’une Antagoniste du récepteur de la GH. Les effets du pegviso-
intolérance au glucose ou d’un diabète serait liée à la dégrada- mant seul semblent être une amélioration de l’insulinosensibi-
tion ultérieure de la fonction cellulaire bêta. En effet, l’insuli- lité périphérique et hépatique [33, 34] . Une étude récente a
nosensibilité est réduite chez les patients acromégales par rapporté une diminution significative de la glycémie à jeun
rapport au reste de la population, et cela quelle que soit la chez les patients contrôlés par pegvisomant [35]. Les mêmes
tolérance au glucose. En revanche, on observe une fonction constations sont faites lorsqu’on remplace les analogues de la
cellulaire bêtapancréatique significativement supérieure chez les somatostatine par le pegvisomant [35, 36].
acromégales avec normoglucotolérance par rapport aux intolé- L’association de pegvisomant aux analogues de la somatosta-
rants au glucose et aux diabétiques, et même par rapport à la tine semble s’accompagner d’une amélioration significative de la
population contrôle. Le maintien d’une tolérance normale au réponse de l’insuline et de la glycémie lors de l’hyperglycémie
glucose chez les acromégales semble donc lié à une hyperfonc- provoquée par voie orale, sans modification significative de la
tion compensatoire des cellules bêta pour contrebalancer glycémie à jeun, de l’hémoglobine A1c, de l’index de résistance
l’insulinorésistance [23]. à l’insuline (HOMA-IR) et de l’index de fonction bêta cellulaire
On peut donc distinguer deux étapes dans le développement (HOMA bêta %). Il n’y a pas de modification du nombre de
du diabète de l’acromégalie : patients avec intolérance au glucose. L’association de pegviso-
• tout d’abord une phase d’hyperinsulinisme, avec normoglu- mant aux analogues de la somatostatine ne semble donc pas
cotolérance ; le pic d’insuline après charge en glucose est plus capable de restaurer des paramètres cliniques et biochimiques
ample et plus rapide, et revient plus tardivement à la nor- normaux du métabolisme glucidique, mais améliore certains
male ; marqueurs biochimiques intermédiaires [37]. Ailleurs, on note
• ensuite une phase avec réponse retardée de l’insuline au une amélioration de l’insulinosensibilité avec cette
glucose avec altération de la tolérance au glucose, réversible association [38].
après traitement [24].
Traitement du diabète secondaire à l’acromégalie
Une troisième étape serait caractérisée par une réponse
pancréatique maximale dès l’état basal, ne permettant pas Les données spécifiques au traitement du diabète de l’acro-
d’augmentation de la sécrétion d’insuline en réponse à une mégalie sont rares ; l’altération initiale de l’insulinosensibilité
charge en glucose. dans la sécrétion excessive de GH incite plutôt à l’utilisation de
molécules insulinosensibilisatrices. Sous analogues de la soma-
Effet du traitement tostatine, une utilisation des insulinosécréteurs ou d’insuline
serait plus judicieuse [30, 39].
Effet de la chirurgie
La guérison de l’acromégalie après traitement chirurgical Insuffisance en hormone de croissance
semble permettre dans la majorité des cas la guérison concomi-
tante du diabète, avec retour à la normale de la sécrétion
et métabolisme glucidique
d’insuline, même si ce dernier peut être un peu retardé.
Physiopathologie
Dans une étude comparant des patients avant et après
chirurgie, on observe avant la chirurgie une élévation de Avant traitement, les patients avec insuffisance somatotrope
l’insulinémie et de la glycémie chez les acromégales, avec sont sujets aux hypoglycémies à jeun (surtout chez les enfants
normalisation de ces deux paramètres après chirurgie curatrice, de moins de 4 ans et avec une constitution maigre). On observe
et ceci via l’augmentation de la captation périphérique du une hyperréactivité à l’insuline [40, 41]. À l’inverse, les adultes
glucose et la diminution de sa production hépatique [25] . déficients en GH présentent des altérations de la tolérance au
L’insulinosécrétion n’est pas totalement normalisée après glucose corrélées avec l’âge, le sexe féminin et l’obésité. Les
guérison chirurgicale, avec persistance d’une réponse plus ample explications, peu nombreuses, pourraient être l’augmentation
après charge en glucose, suggérant soit la persistance d’une des acides gras libres circulant en rapport avec l’adiposité
insulinorésistance, soit la persistance d’une augmentation de la viscérale, le mode de vie plus sédentaire et la coexistence
masse fonctionnelle cellulaire bêta [26]. On trouve ailleurs des d’autres déficits hypophysaires [42, 43].
informations similaires qui montrent après chirurgie une
normalisation de l’insulinosensibilité mais une fonction cellu- Effet du traitement
laire bêta inchangée [23]. Lors du traitement substitutif par GH, on observe initiale-
Effet du traitement médical ment une altération de l’insulinosensibilité et de la tolérance au
glucose. Cet effet est corrélé positivement à la dose de GH et
Analogues de la somatostatine. Les analogues de la soma- négativement à la durée du traitement [44, 45]. En revanche, on
tostatine agissent sur différents aspects de l’homéostasie note une tendance à la normalisation voire l’amélioration de
glucidique : ils exercent un effet indirect par l’inhibition l’insulinosensibilité et de la tolérance au glucose avec la durée
recherchée de la sécrétion de GH, mais aussi un effet direct par du traitement, possiblement en rapport avec la diminution
l’inhibition de la sécrétion d’insuline et du glucagon, ralentis- progressive des doses de GH utilisées, et avec l’effet favorable
sement de l’absorption intestinale de glucose, et diminution de obtenu sur la composition corporelle (augmentation de la masse
la clairance de l’insuline. maigre et diminution de la graisse viscérale) [43, 46].
L’effet global sur le métabolisme glucidique semble non
significatif [27-29]. Divers effets, soit délétères, soit bénéfiques,
peuvent être observés : diminution des taux d’insuline, aug- ■ Syndrome de Cushing
mentation des glycémies à 120 minutes de l’hyperglycémie
provoquée par voie orale, mais restant dans un intervalle
normal, élévation de l’hémoglobine A1c, normalisation de
Cortisol et métabolisme glucidique
l’insulinosensibilité [30]. Une étude montre un nombre similaire Les glucocorticoïdes endogènes et en particulier le cortisol
d’améliorations et de détériorations de la tolérance au glucose ont, comme leur nom l’indique, un rôle majeur dans le méta-
sous analogues de la somatostatine en première intention. On bolisme glucidique, mais aussi dans les métabolismes lipidique
observe une détérioration de la tolérance au glucose, surtout et protidique. L’hypercortisolisme est responsable en premier
chez des patients non contrôlés sous traitement ou ayant des lieu d’une insulinorésistance périphérique et hépatique [47].

Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-D-21 ¶ Diabètes endocriniens

Tableau 2. signes doivent orienter vers le diagnostic et faire réaliser les tests
Symptômes et signes cliniques du syndrome de Cushing (les signes les biologiques permettant de poser le diagnostic positif et étiolo-
plus spécifiques sont en gras) (d’après Newell-Price [1]). gique (Fig. 2).
Obésité/Prise de poids 95 %
Il faut noter que la prévalence du diabète dans le syndrome
de Cushing est totalement indépendante de la cause de celui-ci
Faciès lunaire 90 %
(Fig. 2).
Fragilité cutanée 90 %
Irrégularités menstruelles 80 %
Syndrome de Cushing infraclinique
Hypertension artérielle 75 %
Hirsutisme 75 %
et diabète
Troubles psychiques 70 % On distingue du syndrome de Cushing franc, qui se caracté-
Intolérance au glucose 60 % rise par un tableau clinique complet, le syndrome de Cushing
Asthénie 60 %
infraclinique : cette entité se caractérise par un hypercortiso-
lisme biologique fruste en l’absence des signes cliniques
Ostéopénie 50 %
typiques du syndrome de Cushing. Contrairement au syndrome
de Cushing, très rare (incidence estimée à 0,7-2,4 patients par
million de personnes par an) [1] , le syndrome de Cushing
Au plan hépatique, les glucocorticoïdes induisent une dimi- infraclinique est probablement relativement fréquent : par
nution de la transduction du signal en aval du récepteur de exemple, dans les incidentalomes surrénaliens qui sont eux-
l’insuline, en diminuant l’activité PI3kinase [48]. Les glucocorti- mêmes fréquents, pour lesquels une exploration hormonale
coïdes sont responsables d’une augmentation de la néoglucoge- systématique est recommandée, on trouve une sécrétion auto-
nèse hépatique par augmentation des substrats (acides aminés, nome de cortisol a minima dans 5 % à 20 % des cas. Il a été
glycérol) issus de la lipolyse et de la protéolyse, et par la montré que, même dans ces formes frustes, la fréquence des
transactivation de gènes codant des enzymes clés telles que la anomalies de la tolérance glucidique était significativement plus
phosphoenolpyruvate carboxykinase. élevée en comparaison avec des sujets contrôles (35,7 % de
Au plan musculaire, ils entraînent une diminution de l’utili- diabète, 28,6 % d’intolérance au glucose). Ceci s’explique par
sation périphérique de glucose, en interagissant là encore avec une insulinorésistance objectivée par la mesure de l’index
la voie de signalisation intracellulaire en aval du récepteur de HOMA-IR, et ce associé aux autres stigmates du syndrome
l’insuline. Il existe en particulier une diminution de la translo- métabolique [54].
cation à la membrane des transporteurs de glucose GLUT4 [49]. Du fait de cette association forte entre diabète et syndrome
De plus, il s’y associe une diminution de l’oxydation du de Cushing infraclinique, plusieurs études se sont intéressées au
glucose. dépistage systématique de l’hypercortisolisme infraclinique chez
Sur le tissu adipeux, les glucocorticoïdes jouent un rôle les patients diabétiques de type 2. Ces études ont permis
majeur en stimulant la différenciation et la prolifération d’objectiver un hypercortisolisme et une lésion surrénalienne ou
adipocytaire, en particulier viscérale. Des travaux ont aussi hypophysaire causale dans près de 2 % des cas en moyenne
montré qu’il existait une influence des glucocorticoïdes in vitro selon les travaux [55-57], ce qui semble très significatif. D’autres
sur la production d’adipokines, en particulier une diminution études avec une méthodologie et des critères d’inclusion
d’expression de l’adiponectine [50]. différents n’ont pas confirmé ces résultats [58, 59].
Il faut noter aussi le rôle probablement important d’une Si des études à plus grande échelle, contrôlées, semblent
enzyme, la 11 bêta hydroxystéroïde déshydrogénase de type 1 indispensables avant d’extrapoler ces résultats à l’ensemble des
(11bêtaHSD1), qui est exprimée dans le foie, le muscle et le tissu patients diabétiques de type 2, leur confirmation pourrait
adipeux. Cette enzyme catalyse la transformation de cortisone conduire à un dépistage systématique. Ainsi, il faut retenir que
inactive en cortisol actif dans les tissus périphériques. Des malgré l’absence de signes cliniques typiques, devant un diabète
travaux réalisés chez l’animal ont permis de démontrer que la de type 2 déséquilibré sans cause évidente, il faut penser à
surexpression du gène codant cette enzyme induisait une rechercher un hypercortisolisme infraclinique. Dans ce cadre, le
insulinorésistance. De plus, l’administration d’un inhibiteur test qui semble le plus performant en première intention reste
pharmacologique de la 11bêtaHSD1 chez l’homme est respon- le test de freinage minute à 1 mg de dexaméthasone, avec un
sable d’une augmentation de la sensibilité à l’insuline [51]. Ces seuil de cortisol à 8 h le lendemain inférieur à 18 ng/ml, seuil
travaux soulignent le lien étroit qui existe entre le cortisol qui augmente la sensibilité du test [60-62].
intracellulaire et le développement d’un syndrome métabolique
chez les patients présentant une obésité viscérale, mais le rôle Effet du traitement de l’hypercortisolisme
spécifique de cette enzyme dans le syndrome de Cushing n’est
pas établi.
sur le diabète
Enfin, des études réalisées in vitro et in vivo ont permis de Dans les études portant sur le dépistage du syndrome de
mettre en évidence un effet direct des glucocorticoïdes sur les Cushing infraclinique chez les diabétiques de type 2, les
cellules bêta pancréatiques, responsable d’une diminution de la données recueillies sur les quelques patients traités pour un
sécrétion d’insuline [52]. syndrome de Cushing authentifié plaident en faveur d’une nette
amélioration de la sensibilité à l’insuline et par conséquent de
Syndrome de Cushing et diabète la tolérance au glucose et du diabète [55, 63].
Dans plusieurs études portant sur des patients ayant un
La prévalence des anomalies de la tolérance glucidique dans hypercortisolisme infraclinique d’origine surrénalienne, et
le syndrome de Cushing varie d’une série à l’autre, en fonction comparant le traitement chirurgical (exérèse de l’adénome
des méthodes de diagnostic utilisées (réalisation ou non d’une surrénalien) à une simple surveillance, le groupe des patients
hyperglycémie provoquée par voie orale), et de leur caractère opérés avait une évolution favorable de tous les facteurs de
systématique ou non. On peut retenir qu’environ 20 % à 50 % risque cardiovasculaires, et en particulier du diabète [64-66].
des patients ont un diabète, et 30 % à 60 % une intolérance au Bien sûr, lorsqu’il s’agit d’un syndrome de Cushing franc, la
glucose [53]. question du traitement de l’hypercortisolisme ne se pose pas. Le
Cliniquement, le syndrome de Cushing se manifeste par un traitement de première intention, qu’il s’agisse d’un syndrome
ensemble de signes tout à fait aspécifiques et qui recouvrent très de Cushing ACTH-indépendant ou ACTH-dépendant, est chi-
largement le spectre du syndrome métabolique (obésité viscé- rurgical. Concernant le cas particulier de la maladie de Cushing,
rale, hypertension artérielle, etc.). Mais il s’y associe des signes il faut aussi évoquer l’intérêt spécifique théorique que pour-
plus spécifiques, secondaires à l’hypercatabolisme protidique raient constituer les thiazolidinediones, qui sont des ligands du
(amyotrophie, fragilité cutanée, vergetures, ostéoporose) [1] peroxisomal proliferator activated receptor gamma (PPARc). En effet,
(Tableau 2). Ainsi, dans le syndrome de Cushing franc, ces une expression importante de PPARc a été observée dans les

4 Endocrinologie-Nutrition
Diabètes endocriniens ¶ 10-366-D-21

Figure 2. Arbre décisionnel. Démarche dia-


Diagnostic positif gnostique en cas de suspicion de syndrome de
Cushing. ACTH : adrenocorticotrophic hor-
mone ; IRM : imagerie par résonance magnéti-
que ; CRH : corticotropin releasing hormone.
Cortisol libre urinaire des 24 heures
Freinage minute (1 mg de dexaméthasone à minuit),
dosage du cortisol plasmatique à 8 h le lendemain
Dosage du cortisol plasmatique ou salivaire à minuit

Diagnostic étiologique

Dosage de l'ACTH

ACTH normal/augmenté ACTH bas (freiné)


Syndrome de Cushing Syndrome de Cushing
ACTH-dépendant ACTH-indépendant

IRM hypophysaire
Tests dynamiques :
- test au CRH
- test au Minirin®
- freinage fort (8 mg dexaméthasone)

Causes : Causes :
- maladie de Cushing - adénome surrénalien
- sécrétion ectopique d’ACTH - corticosurrénalome malin
- autres

adénomes hypophysaires corticotropes. Cependant, leur effica- En effet, les catécholamines ont une action inhibitrice sur la
cité pour contrôler de façon prolongée l’hypercortisolisme dans sécrétion d’insuline via les récepteurs alpha2 [71]. Cependant, cet
la maladie de Cushing n’a pas été confirmée [67, 68]. effet est en partie compensé par un effet stimulant via les
Après correction de l’hypercortisolisme, les anomalies de la récepteurs bêta sur la sécrétion d’insuline. L’effet global qui en
tolérance glucidique sont la plupart du temps améliorées voire résulte dépend en particulier du ratio entre la sécrétion de
guéries. Cependant, d’autres études réalisées chez des patients noradrénaline et d’adrénaline.
ayant une maladie de Cushing ont montré que même après Par ailleurs, même si les effets directs des catécholamines sur
guérison de l’hypercortisolisme, les patients restaient à haut la cellule bêta pancréatique sont prépondérants, les catéchola-
risque cardiovasculaire : l’athérosclérose, estimée par l’épaisseur mines entraînent aussi une insulinorésistance périphérique,
intima-média carotidienne, était plus sévère en comparaison comme cela a été montré dans des études chez l’animal, mais
avec des sujets contrôles, soit appariés pour l’âge, soit pour aussi chez l’homme [72].
l’indice de masse corporelle. Associé à cela, des anomalies de la La prévalence du diabète dans le phéochromocytome a été
tolérance glucidique persistaient avec une fréquence significati- estimée, dans une étude portant sur une cohorte de
vement plus importante que dans les populations contrôles [69, 191 patients, à 35,6 %. Cette prévalence était significativement
70]. supérieure à celle retrouvée dans la population contrôle de
Ainsi, le diabète n’est pas toujours guéri ou amélioré après le sujets hypertendus. L’âge, la durée de l’hypertension, ainsi que
traitement du syndrome de Cushing, et il faut donc traiter les les taux plasmatiques d’adrénaline étaient associés au risque de
patients avec les mêmes armes thérapeutiques (antidiabétiques diabète chez les patients porteurs d’un phéochromocytome [73].
oraux, en privilégiant les médicaments qui améliorent la Après traitement chirurgical du phéochromocytome ou
sensibilité à l’insuline, insuline) et surtout les mêmes objectifs paragangliome, la sensibilité à l’insuline, objectivée à l’aide d’un
que dans le diabète de type 2, en visant un contrôle optimal de clamp euglycémique hyperinsulinémique, et la tolérance au
l’ensemble des facteurs de risque cardiovasculaire, du fait de la glucose s’améliorent, et le diabète est parfois guéri [74, 75].
surmortalité cardiovasculaire prédominante dans le syndrome
de Cushing. Hyperaldostéronisme primaire
L’hyperaldostéronisme primaire est la cause la plus fréquente
■ Diabète secondaire à d’autres d’hypertension artérielle secondaire. Il peut être dû à une lésion
surrénalienne unilatérale ou adénome de Conn, ou à une
endocrinopathies hyperplasie bilatérale des surrénales.
Sur le plan physiopathologique, il est démontré que l’hypo-
kaliémie induite par l’hyperaldostéronisme peut entraîner une
Phéochromocytome diminution de la sécrétion d’insuline. De nombreux travaux
Les phéochromocytomes et paragangliomes sont des tumeurs récents ont aussi permis de mettre en évidence l’implication
endocrines dérivées des cellules chromaffines, susceptibles de directe de l’aldostérone, via le récepteur des minéralocorticoïdes,
sécréter des catécholamines. L’hypersécrétion de catécholamines dans le développement d’une insulinorésistance périphérique
peut être responsable d’une intolérance au glucose ou d’un (interaction avec la voie de signalisation de l’insuline, avec la
diabète. fonction endothéliale), ainsi qu’un rôle direct de l’aldostérone

Endocrinologie-Nutrition 5
10-366-D-21 ¶ Diabètes endocriniens

sur la fonction bêtapancréatique [76] . Sur le tissu adipeux, confirmés par une étude plus récente portant sur une plus large
l’aldostérone, toujours via le récepteur des minéralocorticoïdes, cohorte, après stratification sur l’âge [89].
entraîne une modulation de la production des adipokines :
diminution de la production de l’adiponectine, augmentation Tumeurs endocrines gastro-entéro-
des adipokines pro-inflammatoires, concourant là encore au
développement d’une insulinorésistance [77]. Ces éléments sous-
pancréatiques
tendent l’existence théorique d’anomalies de la tolérance au Il s’agit ici de causes très rares de diabète endocrinien,
glucose dans l’hyperaldostéronisme primaire. puisque le glucagonome et le somatostatinome sont des
Cependant, les études portant sur la prévalence du diabète et tumeurs d’une exceptionnelle rareté.
des anomalies glucidiques dans l’hyperaldostéronisme primaire Le glucagonome, lorsqu’il est sécrétant et symptomatique, se
ne sont pas univoques. Certaines ont montré une prévalence du caractérise cliniquement par un amaigrissement important, un
syndrome métabolique, et de l’hyperglycémie en particulier, de diabète et une manifestation cutanée spécifique, l’érythème
près de 27 % dans l’hyperaldostéronisme primaire quelle qu’en nécrolytique migrateur [90]. Le somatostatinome, lorsqu’il est
soit la cause, significativement plus élevée que chez des sujets fonctionnel, peut entraîner une lithiase biliaire, une diarrhée, et
contrôles ayant une hypertension artérielle essentielle [78]. Une là encore un diabète [91]. Ces deux types de tumeurs peuvent
autre portant sur une large série de plus de 400 cas d’hyperal- être bénignes ou malignes, voire métastatiques. Elle sont le plus
dostéronisme primaire n’a pas trouvé d’augmentation de la souvent sporadiques, mais peuvent s’intégrer dans le cadre
prévalence du diabète, en comparaison avec les patients ayant d’une néoplasie endocrinienne multiple de type 1. Leur traite-
une hypertension artérielle essentielle [79]. ment, outre la chirurgie, et surtout dans les situations métasta-
Inversement, l’hyperaldostéronisme primaire étant une cause tiques, peut faire appel aux analogues de la somatostatine (cf.
relativement fréquente d’hypertension artérielle résistante, un supra).
dépistage systématique de cette pathologie a été réalisé dans des
populations de sujets diabétiques hypertendus : là encore, les
résultats sont discordants, avec une fréquence de l’hyperaldos- ■ Conclusion
téronisme primaire allant de 0 % à 14 % selon les études [80].
Un grand nombre d’endocrinopathies peuvent être responsa-
Finalement, il faut garder à l’esprit cette association possible bles d’anomalies de la tolérance au glucose ou d’une détériora-
entre hyperaldostéronisme primaire et diabète de type 2, et tion de l’équilibre glycémique en cas de diabète préexistant. En
rechercher un hyperaldostéronisme primaire en cas d’hyperten- fonction des signes cliniques d’appel associés, il faut penser à
sion artérielle résistante au traitement chez un patient rechercher devant un diabète de découverte récente ou déséqui-
diabétique. libré une endocrinopathie sous-jacente, à l’aide des dosages de
Le traitement de l’hyperaldostéronisme primaire, qu’il soit première intention spécifiques à chacune de ces pathologies. Le
chirurgical ou médical (antialdostérone) s’accompagne d’une traitement spécifique de celles-ci peut entraîner un bénéfice,
amélioration, en tous cas à court terme, de la tolérance au plus ou moins important selon les sujets et la pathologie en
glucose [81, 82]. question, sur l’équilibre glycémique du patient.
.

Hyperthyroïdie
Les hormones thyroïdiennes affectent l’homéostasie glucidi-
■ Références
que en augmentant la production hépatique de glucose, en [1] Newell-Price J. Cushing’s syndrome. Lancet 2006;367:1605-17.
diminuant les stocks hépatiques et musculaires de glycogène, et [2] Scacchi M, Cavagnini F. Acromegaly. Pituitary 2006;9:297-303.
en modifiant l’utilisation périphérique et l’oxydation du [3] Moller N, Jorgensen JO. Effects of growth hormone on glucose, lipid,
glucose [83-85]. Elles sont aussi responsables d’une diminution de and protein metabolism in human subjects. Endocr Rev 2009;30:
la production d’insuline et d’une augmentation de sa clairance 152-77.
rénale. La résultante de ces différents effets est une possible [4] Moran A. Association between the insulin resistance of puberty and the
altération de la tolérance au glucose dans les situations d’hyper- insulin-like growth factor-I/growth hormone axis. J Clin Endocrinol
thyroïdie quelle qu’en soit la cause, mais qui entraîne rarement Metab 2002;87:4817-20.
un diabète [86] . Cependant, en cas de diabète préexistant, [5] Vahl N, Jørgensen JO, Skjaerbaek C, Veldhuis JD, Orskov H,
Christiansen JS. Abdominal adiposity rather than age and sex predicts
l’hyperthyroïdie, surtout si elle est sévère, peut entraîner un
mass and regularity of GH secretion in healthy adults. Am J Physiol
déséquilibre du diabète, voire dans des cas exceptionnels une
1997;272(6Pt1):E1108-E1116.
acidocétose [84]. [6] Rabinowitz D, Klassen GA, Zierler KL. Effect of human growth
Par conséquent, il est justifié de rechercher une hyperthyroï- hormone on muscle and adipose tissue metabolism in the forearm of
die en cas de décompensation de diabète, d’autant que la man. J Clin Invest 1965;44:51-61.
fréquence de la maladie de Basedow, cause très courante [7] Moller N. Short-term effects of growth hormone on fuel oxidation and
d’hyperthyroïdie, est augmentée chez les sujets diabétiques de regional substrate metabolism in normal man. J Clin Endocrinol Metab
type 1. 1990;70:1179-86.
[8] Raben MS. Growth hormone. 1. Physiologic aspects. N Engl J Med
1962;266:31-5.
Hyperparathyroïdie primaire [9] Asplin CM. Alterations in the pulsatile mode of growth hormone
Des données anciennes, fondées sur quelques résultats release in men and women with insulin-dependent diabetes mellitus.
expérimentaux, font état d’une insulinorésistance associée à J Clin Endocrinol Metab 1989;69:239-45.
l’hyperparathyroïdie, peut-être secondaire à l’élévation de la [10] Unger RH. High growth-hormone levels in diabetic ketoacidosis: a pos-
concentration intracellulaire de calcium libre, qui serait respon- sible cause of insulin resistance. JAMA 1965;191:945-7.
sable d’une diminution de l’utilisation périphérique de glucose. [11] Amiel SA. Effect of diabetes and its control on insulin-like growth
factors in the young subject with type I diabetes. Diabetes 1984;33:
Il existe donc théoriquement un risque accru d’anomalie de la
1175-9.
tolérance au glucose dans l’hyperparathyroïdie primaire. En
[12] Christ ER. The effect of growth hormone (GH) replacement therapy in
effet, d’après certains auteurs, il existe une association entre ces adult patients with type 1 diabetes mellitus and GH deficiency. Clin
deux pathologies, avec des prévalences de l’hyperparathyoïdie Endocrinol (Oxf) 2003;58:309-15.
dans le diabète de type 2 de 1 %, et de diabète dans l’hyperpa- [13] Clemmons DR. The combination of insulin-like growth factor I and
rathyroïdie de 8 % environ, plus importantes que les prévalen- insulin-like growth factor-binding protein-3 reduces insulin
ces respectives attendues dans la population générale [87]. Ainsi, requirements in insulin-dependent type 1 diabetes: evidence for in vivo
dans une série rétrospective portant sur 59 hyperparathyroïdies biological activity. J Clin Endocrinol Metab 2000;85:1518-24.
primaires sans diabète antérieurement connu, une prévalence de [14] Kreze A, Kreze-Spirova K, Mikulecky M. Risk factors for glucose
l’intolérance au glucose de plus de 40 % et de diabète de 15,3 % intolerance in active acromegaly. Braz J Med Biol Res 2001;34:
a été retrouvée [88] . Cependant, ces résultats n’ont pas été 1429-33.

6 Endocrinologie-Nutrition
Diabètes endocriniens ¶ 10-366-D-21

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C. Baudry (camille.baudry@cch.aphp.fr).
C. Waintrop.
H. Mosnier-Pudar.
Service des maladies endocriniennes et métaboliques (Professeur Bertagna), Hôpital Cochin, Assistance publique-Hôpitaux de Paris, 27, rue du
Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Baudry C., Waintrop C., Mosnier-Pudar H. Diabètes endocriniens. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Endocrinologie-Nutrition, 10-366-D-21, 2011.

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8 Endocrinologie-Nutrition
¶ 10-366-D-22

Diabète secondaire aux traitements


immunosuppresseurs en transplantation
d’organe
J. Zuber, N. Pallet, C. Legendre, D. Dubois-Laforgue

Le diabète sucré est une complication fréquente chez le transplanté d’organe. Certains de ses facteurs de
risque ne sont pas modifiables, tels que l’origine africaine, l’âge ou les antécédents familiaux de diabète
de type 2, d’autres au contraire sont des enjeux de prévention et traitement, comme l’infection chronique
par le virus de l’hépatite C, la surcharge pondérale, et surtout le régime d’immunosuppression. Le rôle des
immunosuppresseurs, en particulier des stéroïdes et inhibiteurs de la calcineurine (tacrolimus >
ciclosporine), est déterminant dans sa pathogénie. Les premiers sont associés à une insulinorésistance, les
seconds à une insulinopénie. L’individualisation du traitement immunosuppresseur repose sur la
minimisation, l’arrêt ou la conversion d’un régime d’immunosuppression diabétogène pour un autre qui
l’est moins. Si l’arrêt des stéroïdes est une procédure sans risque chez des patients ciblés, son bénéfice
métabolique par rapport à une minimisation est incertain. En cas de diabète, il est probable qu’une
conversion du tacrolimus pour la ciclosporine améliore le contrôle glycémique, mais il n’y a pas de grande
étude à ce jour qui le démontre. Le diabète post-transplantation de novo a un retentissement péjoratif sur
la survie des patients et greffons ainsi que sur la progression de la fibrose hépatique au cours des hépatites
virales. Les accidents cardiovasculaires constituent la principale cause de mortalité chez les transplantés
diabétiques.
© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Diabète post-transplantation ; Facteurs de risque ; Inhibiteurs de la calcineurine ; Corticoïdes ;


Individualisation du traitement ; Pronostic vital et fonctionnel

Plan risque accru de perte tardive du greffon, mais aussi de compli-


cations cardiovasculaires et infections, principales causes de
mortalité chez le patient transplanté [1-4]. De plus, les complica-
¶ Introduction 1
tions microvasculaires du diabète peuvent survenir chez les
¶ Définition 1 patients transplantés ayant développé un diabète de novo au
¶ Épidémiologie 2 cours de la greffe [5]. Enfin, le surcoût généré au cours des
Incidence 2 2 premières années post-transplantation par tout nouveau
Facteurs de risque 2 patient diabétique a été estimé aux États-Unis à 21 500 $ [6].
¶ Physiopathologie 3 Cette revue propose une mise au point sur sa définition
Rôle des immunosuppresseurs 3 actuelle, ses caractéristiques épidémiologiques, ses facteurs de
Rôle du virus de l’hépatite C 3 risque, ses mécanismes physiopathologiques, ses implications
Prédispositions génétiques 4 pronostiques et les bénéfices métaboliques attendus de la
modulation du traitement immunosuppresseur.
¶ Impact du diabète post-transplantation de novo
sur la morbimortalité des transplantés 4
Impact sur la survie du patient et du greffon
Impact sur la progression de la fibrose hépatique
4
4
■ Définition
¶ Influence de la modulation des immunosuppresseurs 4 Une difficulté majeure à apprécier la fréquence réelle du DPT
Stéroïdes 5 a résulté de l’absence de définition consensuelle. De nombreuses
Inhibiteurs de la calcineurine (tacrolimus, ciclosporine) 5 études se sont fondées sur une glycémie à jeun supérieure à
7,8 mmol/l, sur un besoin prolongé en insuline (> 30 jours) ou
¶ Conclusion 5
surtout sur une combinaison de plusieurs critères [7, 8], condui-
sant à une sous-estimation de sa fréquence [9]. La nécessaire
standardisation des critères diagnostiques de DPT est pourtant
■ Introduction possible par l’adoption des définitions d’hyperglycémies
énoncées par l’American Diabetes Association (ADA) et l’Orga-
Les progrès de l’immunosuppression ont considérablement nisation mondiale de la santé (OMS) [10] . Le diagnostic de
amélioré les résultats fonctionnels à court terme en transplan- diabète est retenu chez un sujet, qu’il soit transplanté ou non,
tations d’organe. Le contrôle des comorbidités cardiovasculaires, lorsque la glycémie à jeun est supérieure à 7 mmol/l, ou lorsque
dont le diabète est une des manifestations les plus fréquentes, la glycémie est supérieure à 11,1 mmol/l à n’importe quel
est devenu par là même un nouvel enjeu. En effet, le diabète moment de la journée, ou au décours d’une hyperglycémie
post-transplantation survenant de novo (DPT) est associé à un provoquée orale. Un test de tolérance orale au glucose définit

Endocrinologie-Nutrition 1
10-366-D-22 ¶ Diabète secondaire aux traitements immunosuppresseurs en transplantation d’organe

l’intolérance au glucose lorsque la glycémie est comprise entre Tableau 1.


7,8 et 11,1 mmol/l, 2 heures après la charge glucosée. La Facteurs de risque de diabète post-transplantation.
glycémie à jeun altérée correspond à une glycémie comprise Préexistants à la transplantation Associés à la transplantation
entre 5,6 et 7 mmol/l en l’absence d’ingestat calorique au cours
des 8 dernières heures. Certains ont proposé une nouvelle Non modifiables Non modifiables
terminologie, le désordre glycémique associé à la transplanta- Âge > 40 ans Donneur décédé
tion (TAH = transplant-associated hyperglycemia), pour désigner Sexe masculin Restauration d’une clairance
l’ensemble des désordres glycémiques définis ci-dessus, surve- de l’insuline
nant de novo après la transplantation d’organe [11]. Origine africaine ou hispanique
Histoire familiale de diabète de type 2
■ Épidémiologie Polymorphismes monogéniques

Potentiellement modifiables Potentiellement modifiables


Incidence Obésité (indice de masse corporelle Gain pondéral
L’incidence rapportée du DPT varie considérablement selon la > 30 kg/m2)
définition retenue et la population d’étude. En 2002, une méta- Hépatite C Corticostéroïdes (effet dose)
analyse portant sur des études observationnelles et essais Intolérance au glucose Tacrolimus > ciclosporine
randomisés, montre une incidence de diabète de novo à 1 an Pas d’accès aux études supérieures
post-transplantation variant de 2 % à 53 % [12]. L’étude améri-
caine publiée en 2003 à partir des 11 659 patients bénéficiaires
du Medicare, répertoriés dans la base de données URDS (United
Renal Data System), illustre parfaitement les biais méthodologi- (HCV) a également émergé comme un facteur de risque
ques de ce type d’analyse [3]. En ciblant les patients bénéficiaires indépendant [3, 11, 13, 22, 23] . Une méta-analyse impliquant
du Medicare, plus volontiers afroaméricains, âgés, séropositifs 2 502 transplantés rénaux évalue le risque ajusté (odds ratio
pour le virus de l’hépatite C et peu instruits, les incidences du [OR]) de développer un diabète après la transplantation en
DPT de 9,1 %, 16 % et 24 % respectivement à 3, 12 et 36 mois
rapport avec une infection par le virus HCV à 3,97 (intervalle
après la transplantation, sont vraisemblablement supérieures à
de confiance [IC] 95 % 1,83 à 8,61) [22]. A contrario, le contrôle
celles de la population transplantée rénale générale [3] . A
du virus HCV, avant la transplantation, par un traitement
contrario, le diagnostic de diabète reposant, dans cette étude,
sur la déclaration au Medicare sous-évalue son incidence réelle interféron de type I permet de réduire le risque de DPT [24].
dans cette sous-population à risque [3]. Une autre étude améri- L’accès aux études supérieures (College Education) confère au
caine montre que l’incidence annuelle de diabète augmente contraire une protection vis-à-vis du DPT, montrant l’impor-
d’un facteur 3 à 5, selon le type d’immunosuppresseur, entre la tance des mesures d’éducation diététique dans sa prévention [3].
période d’hémodialyse (6 % par an) et les 2 premières années Enfin, les immunosuppresseurs jouent un rôle considérable ;
post-transplantation [6]. leur contribution dans la genèse du diabète post-transplantation
À la même époque, une étude canadienne adopte plus est estimée à 74 % [12].
rigoureusement les critères de diabète selon l’OMS/ADA. L’étude
porte sur 386 patients recevant un premier greffon rénal entre Stéroïdes
1995 et 2001, en majorité non afroaméricain (97,4 %). L’inci- Le rôle des stéroïdes est connu de longue date et dépend de
dence cumulée de DPT est de 6,7 %, 7 % et 8 % à 6, 12 et la dose et durée du traitement [9, 25]. L’incrément de 0,01 mg/kg
36 mois, respectivement [13] . Enfin, une étude prospective de la dose quotidienne augmente le risque de 5 % de dévelop-
internationale récente met en évidence une très grande fré- per un diabète après transplantation [9]. Néanmoins, de nom-
quence de désordre glycémique associé à la transplantation breuses études récentes, à l’ère de la minimisation en stéroïdes,
(TAH) à 6 mois post-greffe, concernant entre 26 % et 34 % des
ne trouvent pas d’association entre la dose cumulée de stéroïdes
transplantés rénaux selon le régime d’immunosuppression [14].
et la survenue de diabète post-transplantation [12, 13, 23]. Cette
nouvelle donne émerge de protocoles actuels associant de
Facteurs de risque faibles doses de corticostéroïdes, du tacrolimus et du mycophé-
Une prévention individualisée du DPT nécessite au préalable nolate mofétil, précédés d’une induction biologique par des
l’identification des facteurs de risque. On distingue classique- anticorps poly- ou monoclonaux. Ces protocoles ont permis une
ment les facteurs de risque modifiables, sur lesquels une action réduction significative de l’incidence de DPT de 40 % à
préventive ou curative peut être engagée, des facteurs de risque 10-20 % [23, 26, 27].
non modifiables, principalement épidémiologiques ou généti-
ques (Tableau 1). Inhibiteurs de la calcineurine

Facteurs de risque non modifiables L’introduction des inhibiteurs de la calcineurine (ciclosporine


et tacrolimus) a révolutionné le pronostic à court terme de la
Parmi ces derniers, certains sont propres au receveur tels que greffe rénale en réduisant très significativement l’incidence des
l’âge supérieur à 40 ans [3, 13, 15] , le sexe mâle [3], l’origine rejets aigus. Néanmoins, le bénéfice métabolique escompté par
géographique hispanique ou africaine [3, 15], certains polymor-
la réduction des stéroïdes est contrebalancé par leur propre effet
phismes monogéniques (interleukine 6 [IL6] [16] ou TCF7L2 [17,
18]), et une histoire familiale de diabète [15]. D’autres sont liés à diabétogène. Les analyses de registre [3, 6] et méta-analyses [27, 28]
indiquent que le tacrolimus est significativement plus associé au
la procédure de transplantation tels que la restauration d’une
clairance rénale de l’insuline [19] ou l’origine cadavérique d’un risque de diabète post-transplantation de novo, avec un risque
greffon [13] (Tableau 1). relatif de 1,83 et 3,86 à 1 et 3 ans [28]. Il a été suggéré que
l’utilisation de microémulsion de ciclosporine et la réduction
Facteurs de risque modifiables des posologies de tacrolimus dans les protocoles plus récents
Les facteurs de risque modifiables, leviers d’action et préven- diminuaient cette différence [27, 28]. Néanmoins deux grandes
tion, sont l’objet d’une attention particulière. L’obésité (indice études prospectives multicentriques récentes confirment une
de masse corporelle > 30 kg/m2) et le gain pondéral après la plus grande fréquence de diabète sous tacrolimus [14, 29] , y
greffe exposent à une insulinorésistance et sont associés à un compris à faible posologie [29] . L’étude DIRECT (Diabetes
risque accru de diabète de novo post-transplantation [3, 9, 20]. De Incidence after Renal Transplantation), évaluant l’incidence
manière cohérente, un taux bas d’adiponectine avant la greffe 6 mois après la transplantation de désordres glycémiques selon
augmente le risque de diabète au décours de la transplanta- les critères énoncés par l’ADA/OMS montre une incidence
tion [21] . L’infection chronique par le virus de l’hépatite C respective de 26 % et 34 % sous ciclosporine et tacrolimus [14].

2 Endocrinologie-Nutrition
Diabète secondaire aux traitements immunosuppresseurs en transplantation d’organe ¶ 10-366-D-22

Origine ethnique Figure 1. Mécanismes physiopathologiques


Obésité ICN qui lient les facteurs de risque de déséquilibre
Hépatite C Restauration Sirolimus glycémique à la dysfonction du greffon et au
Stéroïdes d’un métabolisme rénal Polymorphisme décès du patient (d’après [30]). ICN : inhibi-
Sirolimus de l’insuline de TCF7L 2 teurs de la calcineurine ; HTA : hypertension
artérielle.

Clairance Sécrétion
Insulinorésistance
de l’insuline de l’insuline

Syndrome Désordre glycémique


métabolique associé
à la transplantation
HTA
Évènements
cardiovasculaires
Dysfonction
du greffon
Évènements
cardiovasculaires

Décès

■ Physiopathologie cellules b et en particulier inhibent la transcription du gène


codant l’insuline en réponse à la stimulation par le glucose, qui
De nombreux mécanismes interviennent dans la pathogénie implique la signalisation dépendante de la calcineurine [44-46].
du DPT. La Figure 1 représente l’intrication des facteurs de D’autres mécanismes impliquent une inhibition de l’activité de
risque du DPT dans sa pathogénie, mais aussi dans l’installation la glucokinase et une inhibition de la signalisation dépendante
de lésions chroniques du greffon et la survenue d’évènements du calcium en réponse au glucose [47-50].
cardiovasculaires [30]. Toutes les études s’accordent sur le fait que le tacrolimus a un
effet diabétogène supérieur à celui de la ciclosporine [23, 51]. Une
Rôle des immunosuppresseurs des hypothèses est basée sur la différence d’expression cellulaire
des cibles de ces molécules. L’immunophiline FKBP-12, qui lie
Les molécules impliquées dans la diabétogenèse sont les
le tacrolimus, est préférentiellement exprimée dans les cellules
corticostéroïdes et les inhibiteurs de la calcineurine, incluant la
b pancréatiques alors que la cyclophiline, qui lie la ciclosporine,
ciclosporine et le tacrolimus. Les données concernant l’effet
diabétogène du sirolimus sont moins formelles, mais reposent est peu exprimée dans ces cellules [51].
néanmoins sur un faisceau d’arguments cliniques et
expérimentaux. Sirolimus
Le sirolimus semble également diabétogène [52, 53] . Une
Corticoïdes
diminution de la sensibilité à l’insuline et une dysfonction des
L’effet diabétogène des stéroïdes associe une insulinorésis- cellules b pancréatiques ont été demontrées sous sirolimus [53].
tance à une augmentation de l’efflux hépatique de glucose par Plusieurs mécanismes ont été impliqués. Le sirolimus bloque la
l’intermédiaire d’une augmentation de la gluconéogenèse. Plus suppression de la glucogenèse hépatique par l’insuline [54]. Par
récemment, un effet insulinopéniant des corticostéroïdes a été ailleurs, le sirolimus peut induire des dépôts de triglycérides
mis en évidence. Dans des modèles expérimentaux in vivo et in ectopiques, conduisant à l’insulinorésistance [55]. Finalement, le
vitro, plusieurs effets biologiques ont été identifiés : effet pro- sirolimus est vraisemblablement toxique pour les cellules b [56].
apoptotique, inhibition de la sécrétion d’insuline par activation Dans un modèle expérimental de diabète induit, le sirolimus
des récepteurs a2-adrénergiques, diminution de l’expression comme le tacrolimus inhibent la régénération des cellules b [57].
membranaire du transporteur GLUT2 et de l’expression de la
glucokinase [31-40].
Rôle du virus de l’hépatite C
Inhibiteurs de la calcineurine
Il n’y a pas de mécanisme connu susceptible d’expliquer
Le potentiel diabétogène des inhibiteurs de la calcineurine a
complètement la genèse du diabète au décours de la transplan-
été reconnu dès l’introduction de la ciclosporine au début des
tation chez le porteur chronique de l’hépatite C. L’hépatite C
années 1980 et il est bien établi à l’heure actuelle que l’insuli-
chronique affecte le métabolisme du glucose par la destruction
nopénie en est le principal mécanisme [41-43]. Les cellules b
des hépatocytes [58]. Des données in vitro et in vivo montrent
pancréatiques constituent une cible privilégiée de la toxicité des
inhibiteurs de la calcineurine. Des altérations ultrastructurales une association entre hépatite C et résistance à l’insuline [59-61],
notables ont été observées très tôt comme des dilatations des impliquant différents mécanismes dont la diminution de la
citernes du réticulum endoplasmique, des vacuolisations signalisation du récepteur de l’insuline [61] . Chez la souris
intracytoplasmiques et une mort des cellules b. Cette toxicité transgénique exprimant une protéine d’enveloppe du virus
directe et isolée au sein du pancréas des cellules b pourrait être HCV, la phosphorylation tyrosine du substrat du récepteur de
liée au rôle central que joue la calcineurine dans l’homéostasie l’insuline, sous l’action de l’insuline, est affectée [61]. Le virus
de ces cellules. En effet, la sous-unité b1 de la calcineurine serait également capable de se répliquer dans le pancréas,
contrôle la croissance cellulaire et la délétion du gène codant comme l’a suggéré une étude post-mortem [62] . De même,
cette sous-unité est associée à une réduction de la croissance et l’intolérance au glucose est fréquente chez les patients avec
de la prolifération des cellules b accompagnée d’une insulino- hépatopathie du fait d’une insulinorésistance et production
pénie. Les inhibiteurs de la calcineurine altèrent la fonction des hépatique de glucose [63].

Endocrinologie-Nutrition 3
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1,0 1,0

0,9 0,9

0,8 0,8

0,7 0,7

0,6 0,6

0,5 0,5
0 12 24 36 48 0 12 24 36 48
Suivi (mois post-transplantation) A Suivi (mois post-transplantation) B
Figure 2.
A. Analyse Kaplan-Meier de la survie patient après transplantation des transplantés rénaux sans (ligne continue) ou avec (ligne pointillée) diabète
post-transplantation (log-rank, p < 0,0001).
B. Analyse Kaplan-Meier de l’incidence des évènements cardiovasculaires chez les transplantés rénaux sans (ligne continue) ou avec (ligne pointillée) diabète
post-transplantation (log-rank, p <0,0001). D’après [73].

Prédispositions génétiques à la perte de greffon (OR [IC 95 %] = 1,63 [1,46-1,84],


p < 0,0001), à la perte de greffon après censure des décès (OR
Le poids épidémiologique de l’origine géographique et des [IC 95 %] = 1,46 [1,25-1,70], p < 0,0001), et à la mortalité (OR
antécédents familiaux dans le risque de survenue de DPT [IC 95 %] = 1,87 [1,60-2,18], p < 0,0001) [3].
souligne l’importance de la prédisposition génétique. Il est Les transplantés rénaux avec DPT ont une survie à 5 ans
vraisemblable qu’il s’agit d’une hérédité polygénique dont la considérablement diminuée en comparaison des autres greffés
plupart des acteurs sont inconnus. Néanmoins certains gènes normoglycémiques (70 versus 93 %, p < 0,0001) [73] . Cette
sont identifiés comme celui encodant l’IL6 [16] , confortant surmortalité est liée à une plus grande incidence d’évènements
l’association entre inflammation (C-reactive protein), IL6 et cardiovasculaires (Fig. 2) [73]. Les évènements cardiovasculaires
susceptibilité au diabète de type 2 [64, 65]. Le génotype GG du constituent la principale cause de décès chez les diabétiques
polymorphisme en position -174 (G→C) du gène IL6 est associé (61 %) à la différence des non diabétiques (26 %) [73].
à un risque accru de DPT comparé au génotype CC [16]. Plus Le DPT est également associé à une diminution de la survie
récemment, le gène TCF7L2, impliqué dans la prédisposition du greffon à 54 % versus 82 % à 4 ans (p < 0,05) [74]. Le DPT
génétique au diabète de type 2 [66], a été associé à celui du de novo est de fait un facteur de perte du greffon indépendant
DPT [17, 18]. Différentes études convergentes établissent que le important (OR = 3,72, p = 0,04) [20] . Le retentissement du
polymorphisme dans TCF7L2 influe sur la sécrétion d’insu- diabète sur la survie de l’organe est attribué à une incidence
line [67, 68]. À notre connaissance, le dernier gène en date associé accrue de rejet [75], mais surtout au développement de lésions
au diabète de type 2, à savoir celui encodant le récepteur 1B de rénales d’origine diabétique [5].
la mélatonine (MTNR1B), n’a pas été étudié spécifiquement
dans la population transplantée [69, 70] . Enfin, nous avons
récemment rapporté deux patients porteurs d’une anomalie Impact sur la progression de la fibrose
génétique hétérozygote dans HNF1B, normoglycémiques lors de hépatique
la transplantation rénale et développant un diabète au
Le diabète est associé à une progression plus rapide de la
décours [71] . Une approche combinatoire de l’ensemble des
fibrose hépatique et au développement de carcinome hépatocel-
polymorphismes génétiques influant sur la glycorégulation
lulaire, en particulier chez le porteur de l’hépatite C [76, 77].
pourrait permettre d’affiner la prédiction de risque diabéto-
L’altération de la réponse à l’insuline chez le diabétique peut
gène [72], nécessaire à une individualisation précoce du traite-
promouvoir la fibrogenèse hépatique par plusieurs mécanis-
ment immunosuppresseur.
mes [78]. Un des effets les plus significatifs de l’insulinorésistance
est l’excès de production hépatique du glucose [79], qui conduit
■ Impact du diabète à l’hyperglycémie, l’hyperinsulinémie, qui à son tour exerce un
effet mitogène sur les cellules hépatiques [80] . Par ailleurs,
post-transplantation de novo l’hyperinsulinémie stimule l’expression de tumor necrosis factor
alpha (TNF-a) et IL6, tous deux promoteurs de synthèse lipidi-
sur la morbimortalité que et pourvoyeurs de stéatose [81]. Une étude récente montre
des transplantés que l’insulinorésistance prédit chez le transplanté hépatique
pour hépatite C un risque de récidive plus sévère et plus
rapidement fibrosante [82].
Impact sur la survie du patient
et du greffon
Plusieurs études nord-américaines ont montré un impact très
■ Influence de la modulation
significatif du DPT sur la survie des patients (Fig. 2) et des des immunosuppresseurs
greffons [2, 3, 73]. Dans l’étude de registre URDS à partir des
patients bénéficiaires du Medicare, une analyse multivariée L’adaptation d’un traitement immunosuppresseur pour préve-
montre que le DPT de novo est associé de façon indépendante nir ou contrôler un DPT de novo peut se traduire sous la forme

4 Endocrinologie-Nutrition
Diabète secondaire aux traitements immunosuppresseurs en transplantation d’organe ¶ 10-366-D-22

d’une minimisation, d’un arrêt ou d’une conversion d’un régime individualisée, articulée sur la connaissance des facteurs de
d’immunosuppression pour un autre, moins diabétogène. risque modifiables. Son diagnostic doit être précoce et fondé sur
une définition rigoureuse. Enfin, sa prise en charge globale
Stéroïdes implique une modulation du régime d’immunosuppression en
Les glucocorticoïdes sont typiquement arrêtés ou diminués à privilégiant le moins diabétogène et le contrôle des autres
un dosage qui n’affecte pas l’homéostasie du glucose [83]. De facteurs de risque.
nombreuses études montrent que l’utilisation de faibles doses de .

corticoïdes permet une réduction significative du risque de


DPT [27, 83]. La réduction à 5 mg/j des stéroïdes à 1 an permet ■ Références
de diminuer l’intolérance au glucose de 55 % à 34 % [84] .
[1] Cosio FG, Kudva Y, van der Velde M, Larson TS, Textor SC,
Néanmoins, le bénéfice de l’arrêt des stéroïdes est évident
Griffin MD, et al. New onset hyperglycemia and diabetes are associated
lorsque la posologie quotidienne est de 10 mg [26], beaucoup
with increased cardiovascular risk after kidney transplantation. Kidney
plus ténu lorsqu’elle est de 5 mg [83]. Cette observation suggère
Int 2005;67:2415-21.
qu’une réduction de dose des stéroïdes en deçà de 5 mg/j
[2] Cosio FG, Pesavento TE, Kim S. Patient survival after renal
n’apporte pas de bénéfice supplémentaire au contrôle
transplantation: IV. Impact of post-transplant diabetes. Kidney Int 2002;
glycémique.
62:1440-6.
Les grands essais cliniques prospectifs ont également souligné
[3] Kasiske BL, Snyder JJ, Gilbertson D. Diabetes mellitus after kidney
l’importance de la durée du traitement. L’incidence du diabète
transplantation in the United States. Am J Transplant 2003;3:178-85.
post-transplantation est peu modifiée par l’arrêt à 3 mois des
[4] Revanur VK, Jardine AG, Kingsmore DB. Influence of diabetes
stéroïdes [85], alors qu’elle est très significativement réduite par
mellitus on patient and graft survival in recipients of kidney transplan-
leur éviction immédiate dans l’étude Carvedilol and ACE – tation. Clin Transplant 2001;15:89-94.
Inhibitor Remodelling Mild Heart Failure Evaluation (CARMEN) [5] Benhamou PY, Penfornis A. Natural history, prognosis, and manage-
(5,4 versus 0,4 % ; p = 0,003) [86]. Les résultats à 5 ans de la ment of transplantation-induced diabetes mellitus. Diabetes Metab
première étude randomisée avec placebo, en double aveugle, 2002;28:166-75.
évaluant l’arrêt précoce (j7) des stéroïdes ont récemment été [6] Woodward RS, Schnitzler MA, Baty J. Incidence and cost of new onset
rapportés [87]. Au terme de l’étude, le groupe sans stéroïdes diabetes mellitus among U.S. wait-listed and transplanted renal
présente un moindre gain pondéral (5,1 versus 7,7 kg, p = 0,05), allograft recipients. Am J Transplant 2003;3:590-8.
une même incidence de diabète (21,5 % versus 20,9 %) mais un [7] Jindal RM, Hjelmesaeth J. Impact and management of posttransplant
besoin réduit en insuline (3,7 % versus 11,6 %, p = 0,05). En diabetes mellitus. Transplantation 2000;70(suppl11):SS58-SS63.
contrepartie, il y a significativement plus de rejet prouvé par [8] Weir MR, Fink JC. Risk for posttransplant diabetes mellitus with
biopsie. Le bénéfice/risque de l’éviction des stéroïdes est donc à current immunosuppressive medications. Am J Kidney Dis 1999;
mesurer au cas par cas, en fonction du risque de rejet et de la 34:1-3.
nécessité corollaire de fortes doses de stéroïdes. Ces derniers [9] Davidson J, Wilkinson A, Dantal J. New-onset diabetes after
peuvent en effet abroger le bénéfice métabolique escompté [12, transplantation: 2003 International consensus guidelines. Proceedings
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of an international expert panel meeting. Barcelona, Spain, 19 February
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Inhibiteurs de la calcineurine (tacrolimus, [10] Report of the expert committee on the diagnosis and classification of
ciclosporine) diabetes mellitus. Diabetes Care 2003;26(suppl1):S5-S20.
[11] Bloom RD, Crutchlow MF. New-onset diabetes mellitus in the kidney
Les inhibiteurs de la calcineurine constituent le squelette de
recipient: diagnosis and management strategies. Clin J Am Soc Nephrol
la plupart des régimes d’immunosuppression. L’étude prospec-
2008;3(suppl2):S38-S48.
tive randomisée DIRECT, dont le critère principal de jugement
[12] Montori VM, Basu A, Erwin PJ. Posttransplantation diabetes: a
est l’évaluation du déséquilibre glycémique, établit formelle-
systematic review of the literature. Diabetes Care 2002;25:583-92.
ment une plus grande fréquence de diabète et intolérance au
[13] Gourishankar S, Jhangri GS, Tonelli M, Wales LH, Cockfield SM.
glucose sous tacrolimus que ciclosporine [14] . Ces résultats
Development of diabetes mellitus following kidney transplantation: a
suggèrent un bénéfice à remplacer le tacrolimus par de la
Canadian experience. Am J Transplant 2004;4:1876-82.
ciclosporine chez ceux qui développent un DPT sous tacrolimus.
[14] Vincenti F, Friman S, Scheuermann E. Results of an international,
Cette approche est confortée par des petites séries [88] mais n’a
randomized trial comparing glucose metabolism disorders and
pas été validée par de grandes études prospectives. A contrario, outcome with cyclosporine versus tacrolimus. Am J Transplant 2007;
la conversion tardive de la ciclosporine pour le tacrolimus ne 7:1506-14.
semble pas augmenter le risque de DPT [89, 90]. Par ailleurs, il [15] Sumrani NB, Delaney V, Ding ZK. Diabetes mellitus after renal trans-
existe des données contradictoires concernant l’impact de la plantation in the cyclosporine era-an analysis of risk factors. Transplan-
posologie et des taux résiduels de tacrolimus sur l’incidence du tation 1991;51:343-7.
DPT [23]. Il semble que l’influence d’un surdosage soit plus [16] Bamoulid J, Courivaud C, Deschamps M. IL-6 promoter
marquée au début de la transplantation qu’à distance [13]. La polymorphism -174 is associated with new-onset diabetes after trans-
réduction des posologies et des concentrations résiduelles de plantation. J Am Soc Nephrol 2006;17:2333-40.
tacrolimus, à un taux inférieur à 10 ng/ml, est néanmoins [17] Ghisdal L, Baron C, Le Meur Y. TCF7L2 polymorphism associates
accompagnée d’une réduction significative du risque de with new-onset diabetes after transplantation. J Am Soc Nephrol 2009;
DPT [28]. 20:2459-67.
Enfin, l’introduction du sirolimus comme alternative ou [18] Kang ES, Kim MS, Kim YS. A variant of the transcription factor 7-like
appoint d’un traitement réduit par inhibiteur de la calcineurine 2 (TCF7L2) gene and the risk of posttransplantation diabetes mellitus
n’est pas une solution métabolique satisfaisante. Les premières in renal allograft recipients. Diabetes Care 2008;31:63-8.
études qui ont comparé ciclosporine et sirolimus n’ont pas mis [19] Porte Jr. D. Clinical importance of insulin secretion and its interaction
en évidence d’incidence différente de diabète [91, 92]. Par ailleurs, with insulin resistance in the treatment of type 2 diabetes mellitus and
la combinaison sirolimus-ciclosporine est associée à plus de its complications. Diabetes Metab Res Rev 2001;17:181-8.
diabète que la ciclosporine seule [52]. [20] Miles AM, Sumrani N, Horowitz R. Diabetes mellitus after renal
transplantation: as deleterious as non-transplant-associated diabetes?
■ Conclusion [21]
Transplantation 1998;65:380-4.
Bayes B, Granada ML, Pastor MC. Obesity, adiponectin and inflam-
Le DPT est une complication fréquente, qui grève le pronostic mation as predictors of new-onset diabetes mellitus after kidney trans-
vital et fonctionnel des transplantés d’organe. La surmortalité plantation. Am J Transplant 2007;7:416-22.
est liée à l’incidence accrue d’évènements cardiovasculaires. Le [22] Fabrizi F, Martin P, Dixit V. Post-transplant diabetes mellitus and HCV
DPT requiert donc une approche efficace, globale et multidisci- seropositive status after renal transplantation: meta-analysis of clinical
plinaire, fondée sur plusieurs axes. Sa prévention doit être studies. Am J Transplant 2005;5:2433-40.

Endocrinologie-Nutrition 5
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patients transplanted for hepatitis C. Am J Transplant 2009;9:1406-13. 69:1252-60.

J. Zuber, Praticien hospitalier universitaire (julien.zuber@nck.aphp.fr).


N. Pallet, Chef de clinique assistant.
C. Legendre, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Transplantation rénale, Hôpital Necker, 161, rue de Sèvres, 75015 Paris, France.
D. Dubois-Laforgue, Maître de conférence, praticien hospitalier.
Diabétologie, Hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Zuber J., Pallet N., Legendre C., Dubois-Laforgue D. Diabète secondaire aux traitements
immunosuppresseurs en transplantation d’organe. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Endocrinologie-Nutrition, 10-366-D-22, 2010.

Disponibles sur www.em-consulte.com


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Endocrinologie-Nutrition 7
¶ 10-366-D-23

Diabète et infection par le virus


de l’hépatite C
J.-M. Petit, A. Poussier, B. Bouillet, M.-C. Brindisi, P. Hillon

L’infection chronique par le virus de l’hépatite C (VHC) est associée à une augmentation de l’incidence de
l’insulinorésistance et du diabète sucré. Selon le niveau de l’atteinte hépatique, on évalue entre 10 % à
30 % le nombre de patients porteurs d’une infection chronique par le VHC qui présente un diabète sucré.
Le risque augmente avec le niveau de fibrose hépatique. Les troubles métaboliques associés à l’infection
par le VHC seraient liés à une action directe du virus C sur les voies de signalisation de l’insuline.
L’infection par le VHC augmente le niveau d’insulinorésistance indépendamment des autres anomalies
du syndrome métabolique. Le VHC a également une action inhibitrice sur la microsomal transfert
triglyceride protein, une enzyme impliquée dans la synthèse et la sécrétion des very low density
lipoproteins. Cela se traduit par une hypobêtalipoprotéinémie et un taux de triglycérides normal ou bas
en cas d’infection virale C. En conséquence, les patients diabétiques séropositifs pour l’infection par le
VHC présentent un profil clinique particulier avec un poids plus faible et un profil lipidique et tensionnel
moins altéré que ceux des diabétiques séronégatifs. Les troubles métaboliques sont susceptibles
d’influencer l’histoire naturelle de l’infection par le VHC. L’obésité et l’insulinorésistance sont associées à
une progression plus rapide de la fibrose en cas d’infection par le VHC. De même, le diabète et
l’insulinorésistance sont des facteurs de mauvaise réponse aux thérapeutiques antivirales C. Des essais
thérapeutiques évaluant l’intérêt de molécules insulinosensibilisantes afin d’augmenter la réponse au
traitement antiviral par interféron-ribavirine sont actuellement en cours. Le risque de développer un
carcinome hépatocellulaire est augmenté en cas de diabète sucré chez un patient porteur d’une infection
chronique par le VHC, ce qui justifie une prise en charge préventive de ces patients. La prise en charge
thérapeutique de ces patients n’a pas bénéficié d’évaluation spécifique. Toutefois, en l’absence de fibrose
sévère, les glitazones, en augmentant les taux d’adiponectine, pourraient avoir un effet bénéfique sur la
pathologie hépatique.
© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Hépatite C ; Fibrose ; Diabète type 2 ; Stéatose ; Hypobêtalipoprotéinémie ; Récepteurs des LDL

Plan ¶ Prise en charge métabolique proposée aux patients infectés


par le virus de l’hépatite C 5
¶ Introduction 1 ¶ Conclusion 5
¶ Rappel sur l’infection par le virus de l’hépatite C 2
¶ Fréquence de l’infection par le virus de l’hépatite C
chez les sujets diabétiques 2
¶ Infection par le virus de l’hépatite C et syndrome métabolique 3
■ Introduction
¶ Infection par le virus de l’hépatite C et risque iatrogène L’infection chronique par le virus de l’hépatite C (VHC) est
chez le patient diabétique 3 une pathologie hépatique très fréquente [1]. En France, près de
¶ Troubles glucidiques et hépatite chronique C 3 1 % de la population a été au contact du VHC, et plus de
Effet direct du virus de l’hépatite C ou simple conséquence 400 000 Français sont porteurs chroniques de cette infection.
de la maladie hépatique ? 3 Les spécialistes des maladies métaboliques peuvent être intéres-
Mécanismes physiopathologiques de l’insulinorésistance sés par l’infection par le VHC à plusieurs titres. Les rapports
liée au virus de l’hépatite C 3 entre l’infection chronique par le VHC et l’insulinorésistance et
¶ Infection par le virus de l’hépatite C et métabolisme lipidique 4 le diabète sont démontrés depuis de nombreuses années [2-4].
Réplication virale du virus de l’hépatite C et métabolisme lipidique 4 Les sujets porteurs d’une infection par le VHC ont un risque
Stéatose et infection par le virus de l’hépatite C 4 important de présenter un diabète sucré et cela d’autant plus
qu’ils sont obèses ou atteints d’une fibrose sévère [3, 5]. L’obésité,
¶ Conséquence de l’infection par le virus de l’hépatite C le diabète et l’insulinorésistance sont des facteurs de mauvaise
sur l’histoire naturelle du diabète sucré 4 réponse aux thérapeutiques antivirales et des facteurs d’évolu-
¶ Influence du diabète sucré, de l’insulinorésistance tion défavorable de la pathologie hépatique [6]. Pour finir, de
et de l’obésité sur l’infection par le virus de l’hépatite C 5 nombreux acteurs du métabolisme lipidique sont impliqués de

Endocrinologie-Nutrition 1
10-366-D-23 ¶ Diabète et infection par le virus de l’hépatite C

façon étroite dans le cycle de réplication virale du VHC, la


présence d’une stéatose, la réponse au traitement antiviral.

■ Rappel sur l’infection par le virus Stéatose


non alcoolique
de l’hépatite C
Alcool
Aux États-Unis, on évalue à 1,8 % la population ayant été en
contact avec le VHC, dont les trois quarts présentent une
Hépatites
infection encore active avec un acide ribonucléique (ARN) viral
virales
plasmatique détectable [7]. Pour l’ensemble de la population des
États-Unis, on estime que 4 millions d’Américains ont été au Cirrhoses
contact du VHC et que 3 millions ont une hépatite chronique biliaires
active. Après un contact avec le VHC, 80 % des patients
développent une infection chronique qui peut progresser vers Autres
une fibrose sévère, voire une cirrhose et parfois vers un carci-
Figure 1. Principales causes d’une élévation des transaminases chez
nome hépatocellulaire [1]. Le VHC est un virus à ARN simple
les patients diabétiques de type 2 (d’après [9]).
brin de la famille des Flaviviridae. Il existe plusieurs génotypes
viraux [1-9]. Le génotype 1 est celui qui répond le moins bien au
traitement. En France, le génotype 1 est le plus fréquent (50 %)
et le plus résistant. Le mode de contamination se fait essentiel- deux tiers des cas), il est important d’éliminer d’autres patholo-
lement par contact avec du sang humain (toxicomanie, trans- gies hépatiques fréquemment associées à la maladie hépatique
fusion sanguine, etc.). L’hépatite aiguë C est le plus souvent et en particulier l’hépatite chronique C. Dans un travail
asymptomatique, ce qui explique que le diagnostic soit rare- prospectif, Hickman et al. observaient que 28 % des patients
ment fait au stade aigu de la maladie. L’hépatite chronique est diabétiques de type 2 présentaient une anomalie du bilan
également fréquemment asymptomatique, d’où un diagnostic hépatique avec, pour 65 % d’entre eux, une stéatose, 14 % une
souvent porté à un stade tardif de la maladie. La guérison infection virale, et 12,6 % une hépatopathie d’origine alcooli-
spontanée de l’hépatite aiguë C n’est observée que dans 20 % que [9] (Fig. 1).
des cas, ce qui conduit 80 % des patients à développer une L’infection par le VHC s’accompagne d’une augmentation
hépatite chronique. On estime que 75 % des porteurs chroni- significative de la prévalence du diabète sucré. Les premières
ques présentent une hépatite minime et le quart restant une descriptions d’une association entre ces deux pathologies datent
hépatite modérée ou sévère. La cirrhose secondaire à l’infection du milieu des années 1990 [2-4]. La plupart des études observent
est longtemps asymptomatique, et parfois le diagnostic de une prévalence du diabète sucré dans la population de porteurs
cirrhose n’est réalisé qu’à l’occasion de la découverte d’un chroniques du VHC de l’ordre de 10 % à 30 % selon le niveau
carcinome hépatocellulaire. Le traitement des patients associe d’atteinte hépatique (Tableau 1) [2-4, 10, 11] . Chez des sujets
des injections d’interféron alpha à de la ribavirine. La durée du atteints de cirrhose C en attente de transplantation hépatique,
traitement est conditionnée par le génotype viral et par la il a même été rapporté 50 % de diabète contre seulement 10 %
rapidité de la réponse virologique. Le pourcentage de guérison chez les patients porteurs de cirrhose non liée au VHC [4] .
dépend notamment du génotype viral : 75 % à 80 % dans les Mason et al., dans une cohorte de plus de 500 sujets atteints
génotypes 2 et 3 et seulement 40 % à 50 % pour le génotype d’hépatite C, ont diagnostiqué 21 % de diabète sucré [3]. Dans
1 [1]. un travail prospectif au cours duquel une population de sujets
non diabétiques a été suivie 9 ans, le risque de développer un
diabète était multiplié par 11 en cas de sérologie VHC-positive
■ Fréquence de l’infection dans le groupe de sujets à haut risque de diabète [12]. Une méta-
par le virus de l’hépatite C analyse récente révèle que le risque de développer un diabète est
1,7 fois plus élevé dans la population des patients porteurs
chez les sujets diabétiques d’une hépatite chronique C par comparaison aux populations
contrôles séronégatives [13]. L’augmentation de la prévalence de
La découverte d’une anomalie hépatique est une situation l’infection par le VHC a également été détectée dans la popula-
fréquente chez les patients porteurs d’un diabète de type 2. Le tion de sujets diabétiques ; le pourcentage de sujets séropositifs
pourcentage de patients porteurs d’une anomalie hépatique est était évalué entre 3 % et 11 % selon les études [2, 14]. Il semble
variable selon le type de recrutement. Ainsi, dans une étude que les études les plus récentes ne confirment pas d’augmenta-
regroupant plus de 6 000 patients diabétiques de type 2 inclus tion importante de la prévalence de l’infection par le VHC dans
dans 22 essais cliniques, 5,6 % des sujets avaient des taux de la population diabétique [15, 16]. Il ne semble donc pas justifié de
transaminases au-dessus des normes à l’inclusion [8]. La conduite proposer un dépistage systématique de l’infection par le VHC
diagnostique devant une élévation des transaminases repose sur chez les sujets diabétiques. Le dépistage doit rester ciblé aux
la connaissance des hépatopathies chroniques associées au patients ayant présenté les risques habituels de contamination
diabète. Si le diagnostic de stéatose est le plus fréquent (environ par le VHC (transfusion avant 1992, usage de drogues) ou

Tableau 1.
Principales études sur la prévalence du diabète sucré dans les populations de sujets infectés par le virus de l’hépatite C (VHC).
Études Nombre de sujets VHC-positifs Populations contrôles Pourcentage de sujets diabétiques Type d’étude
versus population contrôle
Allison, 1994 [4] 34 cirrhoses VHC 66 cirrhoses non VHC 50 % versus 9 % Rétrospectif
Mason, 1999 [3] 640 VHC+ 486 VHB chroniques 21 % versus 12 % Rétrospectif
Simó, 2004 [2] 380 VHC+ sans cirrhose 92 hépatites non VHC 17 % versus 7 % Rétrospectif
Caronia, 1999 [10] 1 151 cirrhoses VHC 181 cirrhoses VHB 23 % versus 9 % Rétrospectif
Wang, 2007 [11] 812 VHC+ 3 886 sujets séronégatifs 14,3 % versus 8,6 % Suivi prospectif 7 ans
VHB : virus de l’hépatite B.

2 Endocrinologie-Nutrition
Diabète et infection par le virus de l’hépatite C ¶ 10-366-D-23

porteurs d’anomalies du bilan hépatique. Le lien infection par études qui sont résumées dans le Tableau 1, mais le lien de
le VHC-diabète et insulinorésistance a également été observé causalité restait à démontrer. L’existence de cas de contamina-
dans des populations particulières comme les transplantés tion par les virus des hépatites B ou C, de sujets diabétiques
rénaux ou les patients co-infectés par le virus de l’immunodéfi- utilisant des lecteurs de glycémie en collectivité, pouvait
cience humaine (VIH) [17, 18]. Les patients co-infectés par les suggérer que l’augmentation de l’incidence de la séroprévalence
VIH/VHC présentent 1,8 fois plus de risque d’être diabétiques au VHC était liée à une origine iatrogène [21]. Dans un travail
que les patients mono-infectés par le VIH [13]. Après transplan- proposant à plus de 250 sujets diabétiques de bénéficier d’un
tation rénale, le risque d’avoir un diabète sucré est 3,4 fois plus dépistage de l’infection par le VHC, il n’a pas été observé de
élevé en cas d’infection chronique par le VHC qu’en l’absence surrisque en cas d’antécédents d’utilisation de lecteurs de
d’infection [18]. glycémie, d’hospitalisation en service de diabétologie ou dans
d’autres services [14]. L’augmentation de l’incidence de l’infec-
tion par le VHC des sujets diabétiques est donc bien secondaire
à l’effet direct ou indirect du VHC sur le métabolisme glucidi-

“ Point fort que et non pas à une augmentation de la transmission iatro-


gène du VHC chez des sujets déjà diabétiques. Néanmoins, le
risque de transmission iatrogène du VHC ou du VHB par
• L’infection chronique par le VHC est associée à une l’utilisation de lecteurs de glycémie inadaptés à un usage
augmentation de la prévalence de l’insulinorésistance et collectif est réel. Ce risque justifie les recommandations de
du diabète sucré. réactovigilance, notamment celle de n’utiliser que des lecteurs
• Entre 10 % à 30 % des patients porteurs d’une infection de glycémie mentionnés dans la liste et dont l’usage partagé est
chronique par le VHC présentent un diabète sucré. revendiqué par le fabricant.
• Le risque de développer un diabète est 1,7 fois plus
élevé dans la population des patients porteurs d’une
hépatite chronique C par comparaison aux populations ■ Troubles glucidiques et hépatite
contrôles séronégatives.
• L’insulinorésistance apparaissait dès les stades précoces
chronique C
de la fibrose hépatique. Les sujets avec une fibrose
modérée F2 ont une insulinorésistance significativement Effet direct du virus de l’hépatite C
plus importante que les sujets avec une fibrose minime F0-
ou simple conséquence de la maladie
F1.
• L’infection chronique par le VHC s’associe à une hépatique ?
insulinorésistance sans être accompagnée des autres Le lien entre diabète et maladie hépatique a pu être démontré
composantes du syndrome métabolique. dans de nombreuses maladies du foie, comme la stéatohépatite
• Différents travaux expérimentaux ont montré que le non alcoolique, l’hémochromatose ou la cirrhose. Les maladies
VHC interférait avec les voies de signalisation de l’insuline. hépatiques, notamment la cirrhose, sont associées à une plus
grande fréquence du diabète sucré et de l’insulinorésistance [22].
La sévérité de l’atteinte hépatique s’accompagne d’une plus
grande prévalence du diabète [22]. On pouvait donc penser que
■ Infection par le virus le lien entre infection par le VHC et diabète pouvait être
simplement le témoin de la gravité de l’atteinte hépatique et
de l’hépatite C et syndrome non pas une complication spécifique de l’infection par le VHC.
métabolique Cependant, un certain nombre d’arguments plaident en faveur
d’un rôle diabétogène spécifique du VHC. Ainsi, la prévalence
Il est intéressant de noter que l’infection chronique par le de l’insulinorésistance et du diabète sucré est plus importante
VHC s’associe à une insulinorésistance sans être accompagnée en cas d’infection par le VHC que par le VHB et cela à un stade
des autres anomalies du syndrome métabolique. Dans une étude de fibrose similaire [3]. Nous avons observé que l’insulinorésis-
de cohorte américaine, il a été clairement objectivé que le tance apparaissait dès les stades précoces de la fibrose hépatique.
niveau d’insulinorésistance mesuré par l’Homeostasis Model Les sujets avec une fibrose modérée F2 ont une insulinorésis-
Assessement (HOMA) est significativement augmenté en cas de tance significativement plus importante que les sujets avec une
sérologie VHC-positive alors que, paradoxalement, les sujets fibrose minime F0-F1 [5]. De plus, les génotypes 1 et 3 du VHC,
séropositifs pour le VHC présentaient un body mass index (BMI) à stade de fibrose identique, ne provoquent pas le même niveau
plus faible que celui des sujets séronégatifs [19]. De même, il a d’insulinorésistance, le génotype 1 ayant l’impact le plus négatif
été démontré que la fréquence du syndrome métabolique était sur l’insulinorésistance et le diabète sucré [23]. Cela conforte
très différente entre les patients porteurs d’une infection donc l’hypothèse d’une action spécifique du VHC et de certains
chronique C, les patients atteints de stéatohépatite non alcoo- génotypes VHC sur le métabolisme glucidique. L’augmentation
lique et les témoins sains (4,1 % versus 27,9 % versus 5,1 %), de la prévalence du diabète sucré chez les sujets porteurs d’une
alors que le niveau d’insulinorésistance mesuré par le HOMA infection chronique par le VHC n’est pas secondaire à des
était similaire entre les groupes de patients atteints d’hépatite modifications de l’auto-immunité ; la prévalence des anticorps
ou de stéatohépatite non alcoolique [20]. Ces études suggèrent spécifiques du diabète (anticorps antiglutamate décarboxylase)
que l’insulinorésistance des sujets séropositifs au VHC est liée à n’est pas modifiée en cas d’infection par le VHC. Par ailleurs,
une action directe du virus C sur l’insulinosensibilité et cela l’étude des mécanismes physiopathologiques en cause plaide
indépendamment des autres composantes du syndrome également en faveur d’une action directe du VHC sur
métabolique. l’insulinosensibilité.

■ Infection par le virus Mécanismes physiopathologiques


de l’hépatite C et risque iatrogène de l’insulinorésistance liée au virus
chez le patient diabétique de l’hépatite C
L’accroissement de l’incidence de l’infection par le VHC chez Différents travaux expérimentaux ont montré que le VHC
les sujets diabétiques de type 2 a été suggéré par de nombreuses interférait avec les voies de signalisation de l’insuline. Au niveau

Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-D-23 ¶ Diabète et infection par le virus de l’hépatite C

hépatique, l’infection par le VHC s’accompagne d’une altération répondeurs au traitement antiviral C, et cela peut être en lien
de la phosphorylation d’insulin receptor substrate-1 (IRS-1), en avec une expression des récepteurs des LDL plus basse [35]. Ces
induisant une phosphorylation anormale de l’IRS-1 sur un motif résultats incitent donc à une certaine prudence dans le manie-
sérine plutôt que sur un motif tyrosine [24]. Les études sur des ment des statines chez ces patients, et justifient des études
modèles de cultures d’hépatocytes ont montré que ce défaut complémentaires pour préciser l’implication de ces hypolipé-
postrécepteur des voies de signalisation de l’insuline conduit à miants dans la réplication du VHC.
une insulinorésistance en diminuant significativement la
phosphorylation d’AKt stimulée par l’insuline, ce qui induit une
diminution de la captation du glucose [24-26]. Ce mécanisme a Stéatose et infection par le virus
été confirmé chez l’homme à partir d’études sur des biopsies de l’hépatite C
hépatiques [24]. Aytug et al. ont montré que le tissu hépatique
de malades porteurs du VHC, par comparaison avec des prélè- La stéatose hépatique macrovésiculaire est très fréquente au
vements hépatiques de malades séronégatifs, présente un défaut cours de l’infection chronique C. Les virus génotype 3 entraî-
de phosphorylation de la protéine IRS-1 sur le motif tyrosine nent une stéatose plus importante que les virus d’autres
ainsi qu’une diminution de l’activité enzymatique PI3 kinase, et génotypes [36]. La stéatose secondaire à l’infection par le VHC
cela malgré un contenu plus élevé en récepteurs à l’insuline et s’accompagne d’une hypobêtalipoprotéinémie [30, 37] . Les
en protéine IRS-1 [24] . Sur des modèles animaux de souris particules virales VHC provoquent une inhibition de la microso-
transgéniques exprimant les protéines VHC, il a été observé une mal transfert triglyceride protein (MTP), qui est une enzyme
augmentation de l’insulinorésistance en relation avec une impliquée dans l’assemblage des particules very low density
activation du système tumor necrosis factor (TNF) [25]. Le traite- lipoproteins (VLDL) [27]. Cette inhibition de la MTP se traduit par
ment de ces souris par des anticorps anti-TNF réduisait l’insuli- un déficit de l’incorporation des triglycérides dans les VLDL à
norésistance secondaire à l’expression des protéines VHC [25]. l’origine de la surcharge hépatique en graisse et s’accompagne
L’ensemble de ces travaux expérimentaux confirme que l’insu- d’une diminution de la sécrétion des particules apoB des VLDL,
linorésistance des patients porteurs d’une hépatite chronique C responsable de l’hypobêtalipoprotéinémie de ces patients [38].
est liée à une action directe du VHC sur les voies de signalisa- Un second mécanisme concerne la stimulation de la fatty acid
tion de l’insuline et non pas à la simple évolution de synthase par les protéines virales, ce qui provoque une augmen-
l’hépatopathie. tation de la synthèse des acides gras et donc une stéatose [39].
L’obésité viscérale est également un facteur de risque de stéatose
en cas d’infection chronique par le VHC [40]. De plus, la stéatose
est un facteur de développement d’une fibrose plus sévère [41].
■ Infection par le virus Des altérations de la libération d’adipokines, et plus particuliè-
rement une baisse de la sécrétion d’adiponectine, sont associées
de l’hépatite C et métabolisme à une augmentation de la présence de stéatose [42]. Dans ce
lipidique contexte, les glitazones, qui augmentent le taux d’adiponectine,
pourraient être un apport intéressant pour la prise en charge de
ces patients.
Réplication virale du virus de l’hépatite C Il semble qu’il existe une stéatose viralement induite, notam-
et métabolisme lipidique ment en cas de génotype 3, dont le caractère péjoratif et
l’association à l’insulinorésistance ne sont pas démontrés. À
De nombreux acteurs du métabolisme lipidique sont impli- l’inverse, la stéatose métabolique, associée à l’obésité et à
qués dans le cycle de réplication virale du VHC [27]. Le VHC l’insulinorésistance, est beaucoup plus dangereuse et serait
circule dans le plasma lié aux lipoprotéines. La pénétration associée à une augmentation du risque de fibrose et de carci-
intrahépatocytaire du VHC, sa réplication et l’assemblage des nome hépatocellulaire et à une moindre réponse au traitement
particules virales sont étroitement liés au métabolisme lipidique. antiviral [23, 43].
Ainsi, plusieurs récepteurs impliqués dans le métabolisme
lipidique, comme le récepteur des low density lipoproteins (LDL)
et le récepteur des high density lipoproteins (HDL) (scavenger
receptor class BI : SR-B1), permettent la pénétration virale au sein
de l’hépatocyte [28, 29]. La charge virale du VHC est corrélée à la
concentration plasmatique d’apolipoprotéine B (apoB) [30]. In
“ Point fort
vitro, le récepteur des LDL permet la pénétration hépatocytaire
• De nombreux acteurs du métabolisme lipidique sont
du virus par un phénomène d’endocytose [29]. Chez les patients
impliqués dans le cycle de réplication virale du VHC.
porteurs d’une hépatite chronique, l’expression monocytaire des
récepteurs des LDL, qui est un bon reflet de leur expression • Le récepteur des LDL et le récepteur des HDL
hépatocytaire, est corrélée à la quantité de virus dans le permettent la pénétration hépatocytaire du VHC.
plasma [31] . Les récepteurs des HDL facilitent l’entrée des • Les particules virales VHC provoquent une inhibition de
particules virales en interaction avec le récepteur CD81 [28]. la MTP, qui est une enzyme impliquée dans l’assemblage
Récemment, il a été montré que l’action antivirale de l’interfé- des particules VLDL.
ron passait en partie par une diminution du niveau d’expression • L’inhibition de la MTP s’accompagne d’une
des récepteurs des HDL [32]. hypobêtalipoprotéinémie et favorise la stéatose.
Dans ce contexte d’implication forte du métabolisme lipidi- • L’obésité viscérale et les modifications de la sécrétion
que dans le cycle de réplication virale du VHC, le rôle des des adipokines favorisent le développement de la stéatose.
statines a été discuté. In vitro, il a été montré que les statines
pouvaient inhiber la réplication virale du VHC en diminuant la
concentration intracellulaire de mévalonate et en géranyl-
géraniol, molécules lipidiques impliquées dans la synthèse des
particules virales [33] . Toutefois, ces résultats doivent être ■ Conséquence de l’infection
tempérés par le fait que les statines augmentent l’expression
hépatique des récepteurs des LDL dont on a vu l’implication
par le virus de l’hépatite C sur
dans la pénétration intrahépatocytaire des particules virales l’histoire naturelle du diabète sucré
VHC [34]. De même, le taux de LDL-cholestérol initial est un
facteur de réponse au traitement par interféron. Les patients L’infection par le VHC s’accompagne d’une hypobêtalipopro-
ayant un taux de LDL-cholestérol élevé sont des meilleurs téinémie et d’une stéatose secondaire à une inhibition de

4 Endocrinologie-Nutrition
Diabète et infection par le virus de l’hépatite C ¶ 10-366-D-23

l’activité de la MTP par les particules virales VHC [27]. Cela se


traduit par une diminution des paramètres lipidiques (cholesté- Progression plus rapide Développement
rol total, LDL, HDL et triglycérides) en cas d’infection par le de la fibrose hépatique d’une stéatose hépatique
VHC [30, 37] . Les patients diabétiques infectés par le VHC
présentent un profil clinique différent de celui des patients
diabétiques de type 2 classique, avec un BMI plus faible, des
paramètres lipidiques moins altérés et une tension artérielle
mieux contrôlée [44]. De plus, le diabète associé à l’infection par
le VHC pourrait s’accompagner d’une moindre prévalence des Obésité - Insulinorésistance - Diabète
complications microvasculaires [44]. La plus faible prévalence des
troubles lipidiques et de l’hypertension artérielle est peut-être
un début d’explication à cette protection relative contre les
complications microvasculaires. Concernant le risque macrovas-
culaire, nous ne disposons pas d’étude spécifique de population
de patients diabétiques porteurs d’une infection chronique par Diminution du taux de réponse
Augmentation du risque
le VHC. En revanche, il vient d’être démontré que dans la aux thérapeutiques
de carcinome hépatocellulaire
population générale, l’infection par le VHC s’accompagnait d’un antivirales C
risque plus élevé de coronaropathies par comparaison à la
population séronégative, et cela malgré un profil lipidique et Figure 2. Influence de l’obésité et des troubles glucidiques sur l’histoire
tensionnel plus favorable [45]. Cette augmentation du risque naturelle de l’infection par le virus de l’hépatite C.
serait liée à l’inflammation chronique et aux dérèglements
cytokiniques provoqués par l’infection par le VHC. Toutefois, si
cette étude a pris en compte l’existence d’un diabète sucré, dans
l’analyse multivariée, le niveau d’insulinorésistance, qui est 30 s’accompagne d’une réduction de 70 % de la réponse de
élevé en cas d’hépatite C chronique, n’a pas été pris en compte. l’infection par le VHC au traitement par interféron [6]. De même,
l’insulinorésistance est un facteur pronostique indépendant de la
réponse au traitement antiviral C [48]. Ces résultats suggèrent
qu’une prise en charge précoce des troubles métaboliques des
patients porteurs d’une infection par le VHC pourrait permettre
“ Point fort de ralentir la progression de la fibrose et d’améliorer la réponse
au traitement antiviral C (Fig. 2). L’utilisation des glitazones sur
la réponse au traitement antiviral est en cours d’évaluation chez
• Les patients diabétiques porteurs du VHC présentent un ces patients [49].
profil clinique différent de celui des patients diabétiques
de type 2 classique, avec un BMI plus faible, des
paramètres lipidiques et des tensions artérielles moins ■ Prise en charge métabolique
altérés.
• La présence d’un diabète sucré est un facteur de risque proposée aux patients infectés
de développement d’un carcinome hépatocellulaire en par le virus de l’hépatite C
cas d’infection chronique par le VHC.
• Le rythme de progression de la fibrose est plus élevé Le dépistage du diabète sucré et la prévention de l’obésité et
chez les sujets obèses et insulinorésistants. du diabète doivent faire partie de la prise en charge d’un
• Les anomalies métaboliques influencent les réponses au malade porteur chronique d’une infection virale C. La préva-
traitement antiviral. lence importante du diabète dans cette population implique un
• L’obésité et l’insulinorésistance sont associées à une suivi régulier de la glycémie au moins une fois par an. La
moindre réponse au traitement antiviral C. comorbidité hépatique (fibrose sévère, carcinome hépatocellu-
laire, diminution de la réponse au traitement antiviral) associée
à l’obésité et au diabète implique une prise en charge nutrition-
nelle précoce de ces patients pour prévenir ce risque. En cas de
diabète sucré, le choix des thérapeutiques hypoglycémiantes
■ Influence du diabète sucré, doit prendre en compte le niveau d’insuffisance hépatocellu-
laire. L’insulinothérapie doit être privilégiée chez les patients
de l’insulinorésistance avec insuffisance hépatocellulaire. En présence d’une fonction
hépatocellulaire conservée, les glitazones peuvent être un
et de l’obésité sur l’infection recours intéressant. Elles présentent une action favorable sur la
par le virus de l’hépatite C stéatose hépatique dont on connaît l’effet délétère chez ce type
de patient. Elles augmentent le taux d’adiponectine qui est
Les risques évolutifs de l’infection chronique par le VHC sont abaissé chez ces patients. Chez l’animal, les glitazones réduisent
la cirrhose et le carcinome hépatocellulaire. Les facteurs le risque de carcinome hépatique [50]. Le pronostic hépatique,
métaboliques sont susceptibles d’interférer avec l’histoire notamment le risque de carcinome hépatocellulaire, doit
naturelle de l’infection par le VHC. Ainsi, le rythme de progres- probablement être privilégié par rapport à celui des complica-
sion de la fibrose est élevé chez les sujets obèses : 41 % des tions vasculaires du diabète sucré. Des protocoles d’évaluation
« progresseurs » rapides ont un BMI supérieur à 30 contre thérapeutique sont nécessaires afin de pouvoir préciser la
seulement 11 % des « progresseurs » lents [46]. La présence d’un meilleure stratégie de traitement de ces patients et notamment
diabète sucré est un facteur de risque de développement d’un la place des glitazones.
carcinome hépatocellulaire en cas d’infection chronique par le
VHC [47]. Le risque de développer un cancer du foie est multi-
plié par 3 à 4 en cas d’obésité avec un BMI supérieur à 30, ou ■ Conclusion
en cas de diabète sucré [47]. De même, la croissance tumorale est
corrélée au niveau d’insulinémie. Il est maintenant bien établi que l’infection par le VHC
Les anomalies métaboliques influencent également les répon- s’associe à une augmentation du risque de diabète sucré. Cela
ses au traitement antiviral. L’obésité avec un BMI supérieur à doit conduire les cliniciens à dépister le diabète dans cette

Endocrinologie-Nutrition 5
10-366-D-23 ¶ Diabète et infection par le virus de l’hépatite C

population et surtout à proposer des actions de prévention, [20] Lonardo A, Ballestri S, Adinolfi LE, Violi E, Carulli L, Lombardini S,
notamment nutritionnelle, pour limiter ce risque. Par ailleurs, et al. Hepatitis C virus-infected patients are ’spared’ from the metabolic
l’obésité, l’insulinorésistance et le diabète sucré modifient syndrome but not from insulin resistance. A comparative study of
l’évolution naturelle de la maladie VHC en augmentant le nonalcoholic fatty liver disease and hepatitis C virus-related steatosis.
risque de développer une fibrose sévère ou un carcinome Can J Gastroenterol 2009;23:273-8.
hépatocellulaire, ce qui confirme l’intérêt d’actions concertées [21] Desenclos JC, Bourdiol-Razès M, Rolin B, Garandeau P, Ducos J,
entre les différents acteurs soignants. Une prise en charge Bréchot C, et al. Hepatitis C in a ward for cystic fibrosis and diabetic
multidisciplinaire de ces patients avec, en particulier, une patients: possible transmission by spring-loaded finger-stick devices
évaluation métabolique et une prise en charge spécifique de ces for self-monitoring of capillary blood glucose. Infect Control Hosp
Epidemiol 2001;22:701-7.
troubles, est indispensable pour améliorer le pronostic vasculaire
[22] Hickman IJ, Macdonald GA. Impact of diabetes on the severity of liver
et surtout le pronostic hépatique.
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Diabète et infection par le virus de l’hépatite C ¶ 10-366-D-23

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J.-M. Petit, Professeur des Universités, praticien hospitalier (jean-michel.petit@chu-dijon.fr).


A. Poussier, Assistante-chef de clinique.
B. Bouillet, Interne des Hôpitaux.
M.-C. Brindisi, Assistante-chef de clinique.
Service de diabétologie et d’endocrinologie, Centre hospitalier universitaire du Bocage, BP 77908, 21079 Dijon cedex, France.
P. Hillon, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service d’hépatologie, Centre hospitalier universitaire du Bocage, BP 77908, 21079 Dijon cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Petit J.-M., Poussier A., Bouillet B., Brindisi M.-C., Hillon P. Diabète et infection par le virus de l’hépatite C.
EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Endocrinologie-Nutrition, 10-366-D-23, 2010.

Disponibles sur www.em-consulte.com


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Endocrinologie-Nutrition 7
¶ 10-366-D-25

Diabètes mitochondriaux
P.-J. Guillausseau, M. Laloi-Michelin, T. Meas, M. Virally, J. Bitu, P. Massin,
C. Bellanné-Chantelot, J. Timsit

Le maternally inherited diabetes and deafness (MIDD), par mutation 3243 A>G, est la forme la plus
fréquemment rencontrée de diabète par mutation ou délétion de l’acide désoxyribonucléique (ADN)
mitochondrial. Il est caractérisé par une transmission maternelle et un phénotype évocateur : indice de
masse corporelle bas, petite taille (chez les seuls patients masculins), atteintes extrapancréatiques
(surdité neurosensorielle, dystrophie maculaire réticulée, atteintes neurologiques et musculaires,
cardiomyopathie). Le diabète se présente cliniquement comme un type 1 ou un type 2 (80 % des cas), et
est lié à un déficit primitif de l’insulinosécrétion secondaire à la dysfonction de la chaîne respiratoire
mitochondriale. La rétinopathie diabétique y est moins fréquente que dans les formes habituelles de
diabète, non seulement du fait d’une moindre hyperglycémie et d’une plus faible fréquence de
l’hypertension artérielle, mais aussi grâce à la diminution des besoins énergétiques de la rétine. Une
néphropathie mitochondriale spécifique, de pronostic sévère, est présente. Le coenzyme Q10 peut être
proposé comme traitement spécifique, préventif et curatif. Le diagnostic moléculaire du MIDD est réalisé
principalement à partir de leucocytes sanguins. Près de 20 mutations et des délétions de l’ADN
mitochondrial, responsables de phénotypes comportant inconstamment un diabète, ont été rapportées à
ce jour.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Diabète sucré ; Génétique du diabète ; Diabète mitochondrial ; ADN mitochondrial ; MIDD ;
Rétinopathie ; Néphropathie ; Myopathie ; Dystrophie maculaire réticulée ; MELAS

Plan qui code l’acide ribonucléique (ARN) de transfert de la leucine


(ARNtLeu[UUR]), initialement trouvée dans le MELAS (encéphalo-
¶ Introduction 1 myopathie mitochondriale, acidose lactique, pseudoaccident
vasculaire cérébral) [5]. D’autres mutations et des délétions de
¶ Rappels sur les mitochondries 2
l’ADNmt ont été aussi rapportées en association avec un
¶ « Maternally inherited diabetes and deafness » 2 diabète.
Mode de transmission 2
Aspects cliniques 2
Dépistage et diagnostic moléculaire 3
Traitement spécifique du « maternally inherited diabetes and
deafness »
Encéphalomyopathie mitochondriale-acidose lactique-pseudo-
3
“ À retenir
accident vasculaire cérébral et « maternally inherited diabetes and
deafness » 4 Quand penser à un diabète mitochondrial
¶ Autres formes de diabète mitochondrial 4 • Devant un diabète, le diagnostic de diabète
mitochondrial ou MIDD est évoqué lorsqu’il existe une
surdité ou une diminution de l’acuité auditive bilatérale
associée, une fois éliminées les causes de surdité
■ Introduction « locales », infectieuses ou autres.
• Les autres éléments évocateurs d’un diabète
Certaines formes de diabète sucré sont secondaires à des
mutations et à des délétions de l’acide désoxyribonucléique mitochondrial sont une transmission maternelle de la
mitochondrial (ADNmt). Le maternally inherited diabetes and maladie, un indice de masse corporelle (IMC) normal ou
deafness (MIDD) en est la forme la plus fréquente. Isolé en bas lorsque le diabète se présente comme un diabète de
1992 [1, 2], le MIDD est caractérisé par sa transmission mater- type 2, c’est-à-dire non insulinodépendant d’emblée, des
nelle et l’atteinte multiorgane associée : troubles de l’audition, manifestations musculaires à type de douleurs ou de
altérations de l’épithélium pigmentaire rétinien, troubles faiblesse, et enfin des lésions pigmentaires de l’épithélium
neurologiques, myocardiopathie [3, 4]. Le MIDD coségrègue avec rétinien.
une mutation ponctuelle A>G en position 3243 de l’ADNmt,

Endocrinologie-Nutrition 1
10-366-D-25 ¶ Diabètes mitochondriaux

■ Rappels sur les mitochondries Les anomalies de la chaîne respiratoire mitochondriale sont à
l’origine des troubles de la glycorégulation. Elles modifient le
Les mitochondries fournissent l’énergie de la cellule grâce au rapport adénosine triphosphate (ATP)/adénosine diphosphate
métabolisme oxydatif des glucides et des acides gras. L’ADNmt (ADP). Elles sont ainsi susceptibles d’altérer la transduction du
comporte deux brins circulaires de 16 569 paires de bases, sans signal glucose au niveau de la glucokinase, avec pour consé-
intron. Il code 22 ARN de transfert, deux ARN ribosomaux quence une élévation du seuil de sensibilité au glucose, comme
(synthèse des protéines mitochondriales) et 13 sous-unités dans le maturity onset type diabetes of the young 2 (MODY 2). Le
protéiques des complexes de la chaîne respiratoire [6]. Il est rapport ATP/ADP conditionne aussi la probabilité d’ouverture des
davantage exposé aux mutations que l’ADN nucléaire. Les canaux K+ATP, impliqués dans l’insulinosécrétion. Le rôle central
atteintes cliniques résultent d’une accumulation de mitochon- de l’ADNmt dans l’insulinosécrétion est attesté par les résultats
dries mutées dans les organes à faible renouvellement cellulaire de travaux convergents. Dans des cellules b dont l’ADNmt a été
(cellules b des îlots de Langerhans du pancréas, cellules muscu- réduit par le bromide d’éthidium, la réponse de l’insuline au
laires, nerveuses et neurosensorielles). Un nombre variable de glucose est abolie, alors que la réponse aux sulfonylurées qui
mitochondries mutées est présent par cellule et par organe. Leur ferment directement les canaux K + ATP est conservée [17, 18] .
coexistence avec des mitochondries comportant un ADNmt L’invalidation de l’ADNmt dans les cellules b abolit aussi
normal (sauvage) définit l’hétéroplasmie, qui explique en partie l’insulinosécrétion en réponse au glucose [19]. Chez la souris,
l’hétérogénéité clinique intra- et interfamiliale des l’invalidation spécifique dans les cellules b du gène nucléaire qui
mitochondriopathies. code le facteur de transcription mitochondrial A (Tfam), qui
contrôle l’expression et la protection de l’ADNmt, entraîne un
diabète insulinoprive [20]. Le déficit de l’insulinosécrétion est
■ « Maternally inherited diabetes absent avant l’apparition d’un trouble de la glycorégulation chez
les porteurs asymptomatiques de la mutation 3243 A>G. Les
and deafness » troubles de la glycorégulation apparaissent entre 20 et 40 ans, et
s’aggravent avec l’âge [10]. Une augmentation du degré d’hétéro-
Le MIDD est le plus fréquent des diabètes mitochondriaux, et
plasmie dans les cellules b pourrait être en cause. Il existe une
représente 0,1 % à 0,4 % des diabétiques caucasiens [7]. La
corrélation entre la sévérité du diabète (jugée sur le taux
mutation 3243 A>G est présente chez 16,3/100 000 individus de
d’hémoglobine glyquée [HbA1c]) et le taux d’hétéroplasmie dans
la population générale finlandaise adulte [8].
les leucocytes [21] , et une corrélation inverse entre le taux
d’hétéroplasmie dans le muscle et l’insulinosécrétion [13].
Mode de transmission
Les mitochondries sont d’origine maternelle, d’où la trans-
Atteintes multiorganes associées au diabète
mission maternelle de la maladie, mais il existe des mutations Troubles de l’audition
de novo [9]. Chez les patients atteints de MIDD, un antécédent
Des troubles bilatéraux de l’audition d’origine neurosenso-
maternel de diabète est trouvé dans 72 % des cas [3, 4]. Chez
rielle sont présents dans 98 % des cas [1, 3, 4]. Ces troubles sont
109 porteurs néerlandais de la mutation 3243 A>G, le trouble
acquis, et apparaissent précocement, entre 30 et 35 ans, voire
de la glycorégulation survient entre 20 et 40 ans, et pratique-
dans l’enfance ou l’adolescence. La sévérité du déficit auditif est
ment dans tous les cas avant 70 ans, ce qui implique une
variable, avec une surdité qui nécessite un appareillage dans
pénétrance complète de la maladie à cet âge [10].
35 % des cas [3]. L’audiogramme révèle, dans les formes débu-
tantes, un déficit qui porte sur les fréquences élevées (aiguës),
Aspects cliniques comparable à celui de la presbyacousie.
Diabète et anomalies de la glycorégulation Atteintes oculaires
Le MIDD se présente cliniquement selon deux phénoty- Lésions de l’épithélium pigmentaire rétinien. Le MIDD est
pes [11]. Dans les deux formes, il est remarquable par un IMC caractérisé par une lésion spécifique de l’épithélium pigmentaire
anormalement bas. Le MIDD1 (20 % des cas) a la présentation rétinien, la dystrophie maculaire réticulée ou pattern dystro-
d’un diabète insulinodépendant d’emblée, avec une acidocétose phy [22, 23]. Cette lésion est définie par des dépôts pigmentés
inaugurale une fois sur deux, un âge de début précoce (30 ans sous-rétiniens maculaires et péripapillaires en réseau, associés à
en moyenne) et un IMC très bas (18 kg/m2). Le MIDD2, de une atrophie de l’épithélium pigmentaire du pôle postérieur
découverte de dépistage systématique dans une majorité de cas, (Fig. 1). Elle évolue avec le temps, apparaissant entre 20 et
emprunte le phénotype du diabète de type 2 dans sa forme 30 ans, complétée tardivement par des zones d’atrophie de
habituelle. Il apparaît plus tardivement que le MIDD1 (40 ans), l’épithélium pigmentaire et de la choriocapillaire périmaculai-
l’IMC est plus élevé (21 kg/m2) et, comme le diabète de type 2, res [24]. L’atteinte du centre de la macula est rare, alors respon-
évolue vers l’insulinorequérance en 10 ans en moyenne [3]. Le sable d’une baisse de l’acuité visuelle. Trois stades évolutifs sont
traitement du MIDD2 repose sur le régime et les sulfonylurées, décrits [23] : dépôts pigmentés localisés (stade 1), dépôts pig-
la metformine étant contre-indiquée en raison du risque mentés périfovéolaires et péripapillaires (stade 2), atrophie
théorique d’acidose lactique. Une fréquence identique d’antécé- (stade 3). La dystrophie maculaire réticulée est présente chez
dents maternels de diabète dans le MIDD1 (73 %) et le MIDD2 77 % à 84 % des MIDD caucasiens [3, 11, 25], mais est rare chez
(71 %) [11] semble écarter le rôle de l’exposition in utero à les Japonais (13 %) [4]. Une autofluorescence du fond d’œil est
l’hyperglycémie dans la plus grande sévérité et la précocité de observée au contact et entre les zones d’atrophie. Les anomalies
l’insulinopénie du MIDD1. Chez les hommes, mais non chez les de l’électrorétinogramme multifocal associées à un électroréti-
femmes, atteints de MIDD, la taille est plus petite que celle des nogramme plein champ (Ganzfeld) normal témoignent dans le
diabétiques appariés [11]. MIDD de lésions non uniformes de la rétine centrale, en accord
Initialement incriminé pour expliquer l’hyperglycémie du avec les résultats de l’autofluorescence. Les données électrophy-
MIDD, le métabolisme musculaire n’est en réalité pas sévèrement siologiques suggèrent une perte localisée de fonction, et sont en
altéré [10], l’insulinosensibilité étant trouvée soit normale [4, 10, faveur d’une lésion des segments externes des photorécepteurs
12], soit réduite [13]. L’hyperglycémie est principalement secon- ou d’une disparition des photorécepteurs des cônes [26]. De fait,
daire à un déficit primitif de l’insulinosécrétion [1, 4, 10, 12-14]. La sur le plan histologique, une atrophie des segments externes des
mutation 3243 A>G est présente dans les cellules b des îlots de photorécepteurs, des anomalies structurelles de l’épithélium
Langerhans dans tous les cas où elle a été cherchée (un cas de pigmentaire, avec des mitochondries anormales de grande taille
MIDD et sept cas de MELAS avec diabète) [15]. Une diminution ont été décrites chez des patients atteints de MELAS [27, 28].
des cellules a et b et de la masse insulaire, sans signe d’insulite Rétinopathie diabétique. La fréquence de la rétinopathie
ni d’apoptose, est observée [16]. La recherche des stigmates d’une diabétique est environ quatre fois plus faible dans le MIDD que
agression immunitaire vis-à-vis des cellules b est négative [3, 4]. chez les patients atteints de diabète « commun » appariés (8 %

2 Endocrinologie-Nutrition
Diabètes mitochondriaux ¶ 10-366-D-25

créatininémie (103 versus 82 µmol/l, p = 0,0178) et une


diminution du débit de filtration glomérulaire estimé par
l’équation du modification of the diet in renal disease (MDRD)
(74,5 ± 26,9 versus 82,4 ± 18,1 ml/min). Ces différences
s’exagèrent après ajustement sur l’HbA1c, la présence d’une HTA
et la pression artérielle systolique [29]. L’atteinte rénale du MIDD
n’est pas liée au diabète mais relève d’une néphropathie
mitochondriale [35, 36]. Elle se caractérise par une hyalinose
segmentaire et focale (80 % des cas), des lésions vasculaires des
artérioles afférentes et efférentes caractéristiques et une fibrose
tubulo-interstitielle, sans glomérulopathie diabétique [37].
Macroangiopathie
Des complications macrovasculaires cliniques, insuffisance
coronaire, artériopathie des membres inférieurs, sténose carotide,
sont présentes chez 20 % des patients atteints de MIDD [3, 29].
Autres manifestations associées
Troubles endocriniens. De rares cas d’hypoparathyroïdie ont
Figure 1. Dystrophie maculaire réticulée. Forme évoluée avec dépôts été rapportés dans le MIDD [14, 31, 38].
pigmentaires péripapillaires et intermaculopapillaires, et atrophie de Troubles digestifs. Des troubles digestifs, diarrhée et/ou
l’épithélium pigmentaire (stade 3). constipation, sont fréquents chez les patients atteints de
MIDD [39], avec au maximum un syndrome de pseudo-
obstruction colique mortelle [40]. Un taux élevé de mitochon-
versus 40 %) [29]. Une hyperglycémie plus modérée (HbA1c 1 %
dries mutées est observé dans la muqueuse gastrique [39, 40].
en moyenne plus basse) et une fréquence plus faible d’hyper-
L’association pseudo-obstruction intestinale chronique et
tension artérielle (HTA) (un tiers contre deux tiers) pourraient
pancréatite récidivante a été observée dans une famille [41]. Une
expliquer cette différence, mais elle persiste inchangée après
insuffisance pancréatique externe a été rapportée dans trois
ajustement sur l’HbA1c, la présence d’une HTA et la pression
familles [42].
artérielle systolique [29]. Le rôle protecteur de la dystrophie
Complications lors de la grossesse. La fréquence des avor-
maculaire réticulée, qui pourrait diminuer les besoins énergéti-
tements spontanés serait plus importante chez les femmes
ques de la rétine, est probablement en cause [3, 30]. En faveur de
diabétiques atteintes de MIDD, 27 % contre 12 % chez des
cette explication, la fréquence plus élevée de rétinopathies
femmes atteintes de diabète non mitochondrial [43].
diabétiques chez les Japonais atteints de MIDD (55 % des cas,
avec 20 % de formes sévères), alors que la dystrophie maculaire
est rare chez ces patients [4]. Dépistage et diagnostic moléculaire
Myopathie et cardiomyopathie La recherche de la mutation 3243 de l’ADNmt a pour but de
Une atteinte musculaire s’observe dans 23 % à 43 % des confirmer le diagnostic clinique chez un patient dont le
cas [3, 4], souvent discrète, responsable de douleurs et/ou d’une phénotype est évocateur de la maladie. L’identification d’une
faiblesse des membres inférieurs à la course ou à la marche mutation de l’ADNmt permet de déduire le risque de transmis-
prolongée. Elle peut s’aggraver avec le temps et devenir invali- sion (maternelle) et de proposer un diagnostic génétique aux
dante. Elle est objectivée par spectroscopie par résonance apparentés. La présence de la mutation chez des apparentés
magnétique du phosphore. La biopsie musculaire révèle un asymptomatiques permet une surveillance préventive adaptée.
aspect de myopathie mitochondriale, avec des ragged-red fibers [3, En pratique, la recherche de la mutation 3243 A>G s’effectue
30] . Une cardiomyopathie, responsable d’une insuffisance sur leucocytes extraits à partir d’un prélèvement sanguin. La
cardiaque parfois sévère, peut être observée [3, 14, 31], touchant séquence d’ADNmt qui comprend la position 3243 est amplifiée
18 % à 34 % des patients [3, 4]. Un syndrome de Wolff- à l’aide d’amorces oligonucléotidiques spécifiques et la substitu-
Parkinson-White (3 % à 13 % des cas) [3, 4, 32], des troubles du tion A>G mise en évidence à l’aide d’une enzyme de restric-
rythme cardiaque (4 %) et de la conduction auriculoventricu- tion [44], d’amorces oligonucléotidiques spécifiques de l’allèle A
laire (9 %) [3, 4] ont aussi été rapportés. ou G, ou par séquençage du produit amplifié. Un faible taux
d’hétéroplasmie peut être responsable de faux négatifs. En
Manifestations neurologiques et neuropsychiatriques particulier, du fait du renouvellement cellulaire rapide des
Dans 16 % à 18 % des cas sont présents des troubles neuro- leucocytes et de l’élimination préférentielle des cellules à taux
psychiatriques comprenant troubles du comportement, retard d’hétéroplasmie élevé, les leucocytes peuvent être un matériel
mental de sévérité variable, troubles de la mémoire et de la biologique non informatif, en particulier chez les personnes
concentration, syndrome dépressif, au maximum démence [3, 4]. âgées [45] . Il faut alors, en présence d’un phénotype très
Des paralysies oculomotrices et une ataxie cérébelleuse ont été évocateur, rechercher la mutation à partir d’un frottis buccal, de
rapportées [3, 4, 33]. Des calcifications des ganglions de la base [4], cellules de l’uroépithélium obtenues par filtrat urinaire, ou
une atrophie diffuse, de fréquentes anomalies en imagerie par d’une biopsie musculaire.
résonance magnétique à type d’atrophie et de zones d’hyperin- Les particularités des différents traits phénotypiques du MIDD
tensité (78 % des cas) [33] ont été rapportées. Rare en France, (poids, âge de découverte du diabète, surdité, dystrophie
une polyneuropathie périphérique douloureuse est notée dans maculaire) permettent un premier criblage pour la recherche de
50 % des cas japonais, avec dans 27 % des cas une neuropathie la mutation 3243 A>G. Dans la série française (données non
autonome (vessie neurogène, hypotension orthostatique, publiées), l’absence d’excès pondéral (IMC < 27 kg/m 2 ) et
trouble de l’érection, diarrhée motrice) [4]. Une neuropathie l’association surdité/dystrophie maculaire ont une sensibilité
autonome cardiaque semble également fréquente [34]. proche de 100 %. La présence d’une dystrophie maculaire a une
Atteintes rénales spécificité de 100 %.
Une atteinte rénale sévère caractérise le MIDD, responsable
d’une insuffisance rénale terminale (transplantation ou épura- Traitement spécifique du « maternally
tion extrarénale) dans 6,5 % des MIDD français [29]. Chez les inherited diabetes and deafness »
patients atteints de MIDD comparés à des diabétiques appariés,
on observe une augmentation de l’élimination urinaire d’albu- Le coenzyme Q10 (ubiquinone), cofacteur de la chaîne
mine (en moyenne 315 versus 80 mg/24 h, p = 0,035), de la respiratoire, facilite le transfert des électrons des complexes I et

Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-D-25 ¶ Diabètes mitochondriaux

II vers le complexe III. Une moindre aggravation des troubles de troubles suivants : troubles de la conduction cardiaque, hyper-
l’insulinosécrétion et des troubles auditifs [46] ainsi qu’une protéinorachie (> 1 g/l), anomalies cérébelleuses. Des déficits
amélioration des manifestations musculaires [47] ont été rappor- endocriniens (hypogonadisme, hypoparathyroïdie, déficit
tées par deux essais non randomisés. Compte tenu de son somatotrope) et un diabète sucré (12 % à 15 % des cas) peuvent
innocuité, le coenzyme Q10 pourrait être proposé en traitement être associés [70]. Un diabète a aussi été inconstamment signalé
préventif aux porteurs asymptomatiques de la mutation dans le syndrome de Pearson [71] dû à des délétions de l’ADNmt
3243 A>G, et pourrait être utilisé en traitement curatif des et qui associe anémie réfractaire sidéroblastique, insuffisance
formes symptomatiques, pour éviter l’aggravation ou l’appari- pancréatique externe et tubulopathie.
tion des atteintes sévères en termes pronostiques (diabète, .

néphropathie, cardiomyopathie) ou invalidantes (troubles de


l’audition, myopathie). D’autres traitements spécifiques comme
la L-carnitine [47] et plus récemment l’arginine [48, 49] ont été
■ Références
proposés, avec des résultats positifs dans de courtes séries. [1] Reardon W, Ross RJ, Sweeney MG. Diabetes mellitus associated with
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La mutation 3243 A>G est associée à deux phénotypes diabetes and deafness: a multicenter survey. Ann Intern Med 2001;134:
distincts, MIDD et MELAS [5]. Au contraire du MIDD, le MELAS 721-8.
a un pronostic défavorable par atteinte cérébrale ou cardiomyo- [4] Suzuki S, Oka Y, Kadowaki H. Clinical features of diabetes mellitus
pathie. La dystrophie maculaire est commune au MIDD et au with the mitochondrial DNA 3243 (A-G) mutation in Japanese:
MELAS, et absente dans les diabètes liés à des mutations maternal inheritance and complications. Diabet Res Clin Pract 2003;
différentes ou à des délétions de l’ADNmt [50]. L’hétéroplasmie 59:207-17.
est l’une des hypothèses avancées, les patients de phénotype [5] Goto Y, Nonaka I, Horai S. A mutation in the tRNALeu(UUR) gene
MELAS ayant davantage de mitochondries mutées dans les associated with the MELAS subgroup of mitochondrial
cellules cérébrales. Suzuki et al. [4] proposent d’expliquer la encephalomyopathies. Nature 1990;348:651-3.
survenue d’un MELAS par la rupture de l’apport énergétique aux [6] Rotig A. Genetic bases of mitochondrial respiratory chain disorders.
cellules cérébrales. L’atteinte cérébrale résulterait d’un déficit Diabetes Metab 2010;36:97-107.
sévère en ATP lié aux anomalies de la phosphorylation oxyda- [7] Saker PJ, Hattersley AT, Barrow B. UKPDS 21: low prevalence of the
tive. Une encéphalopathie aiguë a été observée après un jeûne mitochondrial transfer RNA gene (tRNA Leu[UUR]) mutation at position
glucidique de 1 à 3 jours chez huit des 14 MELAS de la série 3243bp in UK Caucasian type 2 diabetic patients. Diabet Med 1997;
japonaise qui avaient initialement un phénotype MIDD. Même 14:42-5.
si cette hypothèse n’a pas reçu de confirmation, on peut (sans [8] Majamaa K, Moilanen JS, Uimonen S. Epidemiology of A3243G, the
risque) chercher à prévenir ces accidents en informant les mutation for mitochondrial encephalomyopathy, lactic acidosis, and
patients des risques potentiels du sevrage glucidique, en leur stroke-like episodes: prevalence of the mutation in an adult population.
remettant une carte indiquant les précautions à observer, et en Am J Hum Genet 1998;63:447-54.
les perfusant avec du soluté glucosé en situation de jeûne. [9] Maassen JA, Biberoglu S, T’Hart LM, Bakker E, de Knijff P. A case of
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[11] Guillausseau PJ, Dubois-Laforgue D, Massin P. Maternally inherited
Un diabète est inconstamment associé à des maladies liées à diabetes and deafness. Two distinct phenotypes for diabetes. Diabetes
des délétions ou à diverses mutations de l’ADNmt, et qui Metab 2004;30:181-6.
comportent le plus souvent des anomalies neurologiques et/ou [12] Velho G, Byrne MM, Clément K. Clinical phenotypes, insulin
musculaires. Des délétions de l’ADNmt peuvent être associées à secretion, and insulin sensitivity in kindreds with maternally inherited
un phénotype voisin du MIDD, avec un diabète de transmission diabetes and deafness due to mitochondrial tRNALeu(UUR) gene muta-
maternelle et une surdité [51]. En revanche, l’atteinte rétinienne tion. Diabetes 1996;45:478-87.
de ces formes est une rétinopathie « poivre et sel », et non une [13] Lindroos MM, Majamaa K, Tura A. m.3243A>G mutation in
dystrophie maculaire réticulée. Près de vingt mutations ponc- mitochondrial DNA leads to decreased insulin sensitivity in skeletal
tuelles de l’ADNmt, coségréguant avec des phénotypes compor- muscle and to progressive beta-cell dysfunction. Diabetes 2009;58:
tant un diabète sucré, ont été rapportées. Le diabète est fréquent 543-9.
ou au premier plan dans une dizaine de ces formes, associé à [14] Katagiri H, Asano T, Ishihara H. Mitochondrial diabetes mellitus:
une surdité dans neuf d’entre elles : 3254 C>A (ARNtLeu) [52], prevalence and clinical characterization of diabetes due to
3256 C>T (ARNtLeu) (phénotype de MELAS ou de myoclonic mitochondrial tRNALeu(UUR) gene mutation in Japanese patients.
epilepsy and ragged-red fibers [MERRF]) [53], 3260 A>G (ARNt- Diabetologia 1994;37:504-10.
Leu) [54], 3264 T>C (ARNtLeu) [55], 3316 G>A [56], 3394 C>T [15] Kobayashi T, Nakanishi K, Nakase H. In situ characterization of islets
(nicotinamide adénine dinucléotide hydrogéné [NADH] déshy- in diabetes with a mitochondrial DNA mutation, at nucleotide position
drogénase) [57], 3398 T>C (NADH déshydrogénase) [58], 3243. Diabetes 1997;46:1567-71.
8296 A>G (ARNtLys) [59], et 14577 T>C [60]. Ailleurs, le diabète [16] Otabe S, Yasuda K, Mori Y. Molecular and histological evaluation of
est au second plan, comme dans le MERRF par mutation pancreata from patients with a mitochondrial gene mutation associated
ponctuelle 8344 A>G [61]. Les mutations rapportées sont with impaired insulin secretion. Biochem Biophys Res Commun 1999;
3252 A>G (ARNtLeu) (encéphalomyopathie, cardiomyopathie, 59:49-56.
rétinite poivre et sel) [62], 3271 T>C (ARNtLeu) (myopathie, [17] Hayakawa T, Noda M, Yasuda K. Ethidium bromide-induced inhibition
MELAS) [63], 7472 insertC [64], 8356 T>C (ARNtLys) (surdité, of mitochondrial gene transcription suppresses glucose-stimulated
MERRF) [65], 12258 C>A (ARNtSer) (surdité, cataracte, ataxie) [66], insulin release in the mouse pancreatic beta-cell line betaHC9. J Biol
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68], et 16189 T>C [69].
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Le syndrome de Kearns-Sayre, lié à des délétions de l’ADNmt, mitochondrial DNA-depleted pancreatic beta-cell line: impaired
est défini par la triade ophtalmoplégie chronique progressive, insulin secretion induced by glucose, leucine, and sulfonylureas.
rétinite pigmentaire, début avant 20 ans, et l’un au moins des Diabetes 1998;47:621-31.

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Diabètes mitochondriaux ¶ 10-366-D-25

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P.-J. Guillausseau (pierre-jean.guillausseau@lrb.aphp.fr).


M. Laloi-Michelin.
T. Meas.
M. Virally.
J. Bitu.
Service de médecine interne B, Hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré, 75010 Paris, France.
P. Massin.
Service d’ophtalmologie, Hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré, 75010 Paris, France.
C. Bellanné-Chantelot.
Département de génétique, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.
J. Timsit.
Service de diabétologie, Hôtel-Dieu, 1, place du parvis Notre-Dame, 75004 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Guillausseau P.-J., Laloi-Michelin M., Meas T., Virally M., Bitu J., Massin P., Bellanné-Chantelot C., Timsit
J. Diabètes mitochondriaux. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Endocrinologie-Nutrition, 10-366-D-25, 2012.

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6 Endocrinologie-Nutrition
 10-366-D-40

Diabètes de type MODY


J. Timsit, C. Saint-Martin, D. Dubois-Laforgue, C. Bellanné-Chantelot

Les maturity-onset diabetes of the young (MODY) sont un groupe d’affections monogéniques respon-
sables d’anomalies primaires de la sécrétion d’insuline et de diabètes non auto-immuns de transmission
dominante. Des mutations hétérozygotes pouvant affecter six gènes différents sont responsables de
la plupart des cas de MODY. Des mutations du gène de la glucokinase (GCK) sont responsables du
GCK-MODY, trois autres sous-types sont associés à des mutations de facteurs de transcription de type
hepatocyte nuclear factor (HNF) et deux autres aux gènes ABCC8 et KCNJ11 codant les sous-unités
du canal potassique de la cellule B. Les GCK-MODY et HNF-1 alpha (HNF1A)-MODY sont les formes les
plus fréquentes. La présentation clinique des MODY diffère en fonction du gène en cause, de la sévé-
rité du défaut d’insulinosécrétion et des anomalies associées au diabète. La pénétrance et l’expressivité
d’une même anomalie moléculaire peuvent cependant être très variables d’un individu à l’autre. Le GCK-
MODY se caractérise par une hyperglycémie modérée, présente dès la naissance, asymptomatique et
stable dans le temps. Les complications de microangiopathie sont rares et un traitement est rarement
nécessaire. Chez les patients qui ont un HNF1A-MODY, dans 25 % des cas la survenue postpubertaire
d’une hyperglycémie sévère peut à tort conduire au diagnostic de diabète de type 1 (DT1). Chez les
autres patients HNF1A-MODY, la distinction avec un diabète de type 2 (DT2) précoce peut être difficile
sur des critères cliniques. La sensibilité aux sulfamides hypoglycémiants est normale mais l’aggravation
du déficit de la sécrétion d’insuline conduit souvent à instaurer une insulinothérapie. Les complications
de microangiopathie sont fréquentes au cours du HNF1A-MODY. L’HNF-1 bêta (HNF1B)-MODY, dû à
des mutations ou à des délétions complètes d’HNF1B, associe diversement un diabète de phénotype très
variable, une atrophie pancréatique, des anomalies morphologiques des reins et du tractus génital, une
insuffisance rénale chronique progressive et des anomalies des tests hépatiques. Le diagnostic de MODY
doit donc être évoqué dans diverses circonstances cliniques. La confirmation du diagnostic moléculaire a
des conséquences pronostiques, thérapeutiques et pour le dépistage familial.
© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : MODY ; Diabète ; Sécrétion d’insuline ; Facteur de transcription ; Mutation

Plan ■ HNF1B-MODY (MODY 5) 6


Physiopathologie 6
■ Introduction 2 Présentation clinique et diagnostic 6
Traitement et surveillance 7
■ Épidémiologie des diabètes monogéniques 2
■ MODY liés aux mutations des gènes codant les sous-unités
■ Glucokinase-MODY (MODY 2) 2 du canal potassique 7
Physiopathologie 2
■ Diabètes liés aux mutations du gène de l’insuline 8
Anomalies métaboliques, présentation clinique et diagnostic 4
Traitement et surveillance 4 ■ Diagnostic génétique des diabètes MODY : prescription,
■ HNF1A-MODY (MODY 3) 4 approches diagnostiques et interprétation 8
Physiopathologie 4 Prescription d’un diagnostic génétique 8
Présentation clinique et diagnostic 5 Approches diagnostiques 8
Traitement et surveillance 5 Interprétation des résultats 9
■ Conclusion 10
■ HNF4A-MODY (MODY 1) 6
Physiopathologie 6
Présentation clinique et traitement 6

EMC - Endocrinologie-Nutrition 1
Volume 13 > n◦ 2 > avril 2016
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1941(16)67772-7
10-366-D-40  Diabètes de type MODY

 Introduction
▲ Attention
Le diabète de type maturity-onset diabetes of the young (MODY)
est défini sur des critères essentiellement cliniques : diabète de
survenue précoce, avant l’âge de 40 ans, non auto-immun, initia-
Situations cliniques devant faire évoquer un dia-
lement non insulinodépendant et de transmission autosomique bète monogénique
dominante [1] . Les MODY constituent un cadre génétiquement • Hyperglycémie à jeun, modérée et stable dans le temps.
hétérogène, des anomalies moléculaires d’une quinzaine de gènes • Diabète « de type 1 » sans autoanticorps, sans cétose.
pouvant être impliquées dans leur survenue, via des anomalies • Diabète « de type 1 » dont l’équilibre est « trop facile ».
primitives de l’insulinosécrétion [1–3] . Les MODY sont dus à des • Diabète « de type 2 » sans surpoids, sans marqueur
mutations hétérozygotes de ces gènes (Tableau 1). d’insulinorésistance.
Les phénotypes associés aux MODY sont en fait très divers, • Sensibilité inhabituelle aux sulfamides hypoglycé-
le diabète pouvant être isolé ou associé à des anomalies extra- miants/glinides.
pancréatiques et ne répondent pas toujours aux critères cliniques • Atteintes extrapancréatiques (notamment rénales,
initiaux du MODY ; on parle donc aujourd’hui plus volontiers de
« diabètes monogéniques ». Des corrélations génotype/phénotype
hépatiques, urogénitales).
• Forte histoire familiale de diabète, de survenue précoce
ont été établies, permettant d’évoquer le gène en cause sur les
caractéristiques des patients et conduisant à une classification cli- et en l’absence de surpoids.
nique des diabètes monogéniques (Tableau 2) [2] . Cependant, ces • Histoire familiale combinant des diabètes de phéno-
corrélations ont été en partie remises en question par la variabi- types différents.
lité du phénotype observé chez des patients porteurs de la même • Antécédent personnel ou familial de diabète néonatal.
anomalie moléculaire (y compris au sein d’une même famille) • Antécédent personnel ou familial d’hypoglycémies néo-
et par les techniques de séquençage de nouvelle génération, qui natales par hyperinsulinisme.
mettent en évidence des mutations non prédites par le phéno-
type des patients [4] . De plus, les anomalies de certains de ces gènes
peuvent être successivement responsables, chez le même individu,
d’hypoglycémies par hyperinsulinisme dans la petite enfance et
d’un diabète de phénotype variable à l’âge adulte [5] ou d’un dia-
bète néonatal puis d’un diabète MODY après une période de
 Épidémiologie des diabètes
rémission [6] . Du fait de cette variabilité phénotypique, l’ancienne monogéniques
nomenclature (MODY 1, 2, 3, etc.) tend à être remplacée par une
nomenclature désignant le gène impliqué (par exemple le gène de En l’absence d’étude épidémiologique spécifique, on estime que
la glucokinase (GCK) [GCK-MODY pour MODY 2]). les différents types de diabètes monogéniques pourraient rendre
Les questions qui se posent aujourd’hui aux cliniciens sont donc compte de 2 à 3 % des cas de diabète. Une prévalence mini-
de savoir dans quelles circonstances il est légitime de demander male de 1,1 % a été rapportée dans une population d’enfants
un génotypage à la recherche d’un diabète monogénique et quels ayant un diabète de découverte récente en Norvège [7] . De même,
bénéfices le patient et sa famille peuvent attendre de ce diagnostic. l’étude SEARCH a estimé la prévalence minimale des hepato-
cyte nuclear factor-4 alpha (HNF4A)-MODY, GCK-MODY et HNF-1
alpha (HNF1A)-MODY à 1,2 % dans une population de patients
diabétiques de moins de 20 ans [8] . Dans la population générale,
Tableau 1.
une étude menée en Grande-Bretagne a montré que la prévalence
Gènes impliqués dans le diabète maturity-onset diabetes of the young
minimale du diabète MODY est de l’ordre de 108/106 [9] . L’étude
(MODY) et prévalence relative.
Atlantic Diabetes in Pregnancy a conduit à estimer la prévalence
Gène Protéine Prévalence relative du seul GCK-MODY à 1,1/1000 [10] .
Les formes les plus fréquentes de MODY sont décrites ici : trois
GCK Glucokinase 30–60 % a
sont dues à des anomalies touchant des gènes codant des fac-
HNF1A Hepatocyte nuclear factor-1α 30–60 % a teurs de transcription de la famille des HNF, les HNF1A-MODY [11] ,
HNF4A Hepatocyte nuclear factor-4α 5–10 % HNF4A-MODY [11, 12] et HNF1B-MODY [13] , le GCK-MODY associé
HNF1B Hepatocyte nuclear factor-1β 5–10 % à des mutations du gène de la GCK [14] et les MODY associés à des
ABCC8 Sous-unité (SUR1) du canal Rare, < 1 % b,c mutations des gènes ABCC8 [15] et KCNJ11 [3] , codant respective-
potassique ATP-dépendent ment les sous-unités SUR1 et Kir6.2 du canal potassique impliqué
pancréatique dans l’insulinosécrétion par les cellules B (Fig. 1).
KCNJ11 Sous-unité (Kir6.2) du canal Très rare b,c Les GCK-MODY et HNF1A-MODY sont de loin les plus fré-
potassique ATP-dépendent quents [1] . D’autres formes de MODY, identifiées dans un petit
pancréatique nombre de familles, ont été décrites (Tableau 1). Tous les gènes
de MODY ne sont pas identifiés. Chez environ 20 % des patients
INS Insuline Rare, < 1 % b,c
qui ont une histoire clinique évocatrice de diabète monogénique,
PDX1 Pancreas/duodenum homeobox protein Très rare b,d aucune mutation des gènes connus n’est identifiée [16] . Il existe
NEUROD1 Neurogenic differentiation factor 1 Très rare b,d d’autres formes de diabètes monogéniques qui ne sont pas envisa-
CEL Carboxyl ester lipase Très rare b,d gées ici, comme le syndrome de Wolfram, les diabètes secondaires
KLF11 Kruppel-like factor 11 Très rare e aux anomalies du génome mitochondrial, les pancréatites mono-
géniques, de rares formes de diabète auto-immun [2, 17] .
PAX4 Paired box 4 Très rare e
BLK B lymphoid tyrosine kinase Très rare e

ATP : adénosine triphosphate.


a
Prévalence fonction du recrutement : GCK-MODY plus fréquent parmi les cas  Glucokinase-MODY (MODY 2)
pédiatriques, HNF1A-MODY plus fréquent parmi les cas adultes.
b
Gènes plus fréquemment associés au diabète néonatal, pouvant également Physiopathologie
être associés à un hyperinsulinisme néonatal.
c
La prévalence de ces gènes parmi les diabètes monogéniques est probablement Le GCK-MODY est la conséquence de mutations perte de fonc-
sous-estimée (cf. diagnostic moléculaire du diabète MODY par séquençage de
nouvelle génération). tion du gène de la glucokinase à l’état hétérozygote [14, 18] . Plus de
d
Moins de cinq familles de MODY associé à ces gènes ont été rapportées dans 600 mutations de la glucokinase ont été identifiées, pour la plu-
la littérature. part de type « privé », c’est-à-dire qu’une mutation différente est
e
Les preuves de la causalité de ces gènes dans le diabète MODY sont limitées. présente dans chaque famille de GCK-MODY.

2 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Diabètes de type MODY  10-366-D-40

Tableau 2.
Caractéristiques phénotypiques des sous-types les plus fréquents de diabète maturity-onset diabetes of the young (MODY).
Sous-type de Histoire familiale Âge au diagnostic Hyperglycémie Symptômes b Circonstances du Anomalies
MODY a diagnostic associées
GCK-MODY +++ (souvent Très précoce Très modérée Aucun Examen systématique Aucune
méconnue) (enfance) mais peut Surtout nette à jeun Diabète gestationnel
être méconnu Stable dans le temps
(découverte tardive)
HNF1A-MODY ++ (la pénétrance Habituellement Variable Le plus souvent Examen systématique Glucosurie avant
augmente avec post-pubertaire Surtout aucun Diabète gestationnel le diabète
l’âge) Âge moyen 20 ans postprandiale au Décompensation Décompensation Rares adénomes
début dans 25 % des cas hépatiques
Aggravation avec le (faux type 1)
temps
Sensibilité aux IS
HNF4A-MODY ++ (la pénétrance Habituellement Variable Aucun ou Idem à HNF1A-MODY Aucune
augmente avec postpubertaire Aggravation avec le décompensation Rares cas de macrosomie et
l’âge) Âge moyen 30 ans temps hyperinsulinisme néonatal
Sensibilité aux IS transitoire
HNF1B-MODY ± (anomalies de Très variable Variable Aucun ou Association Multiples
novo fréquentes) Aggravation avec le décompensation diabète-anomalies rénales
temps
ABCC8-MODY ++ (anomalies de Très variable Variable Aucun ou Idem à HNF1A-MODY Aucune
novo) Sensibilité aux IS décompensation Rares cas de diabète
néonatal ou
d’hyperinsulinisme
sensible au diazoxide

Dans tous les cas : absence de marqueurs d’auto-immunité anti-cellules B (anticorps anti-glutamate acide décarboxylase [GAD] et anti-tyrosine phosphatase [IA2]). IS :
insulinosécréteurs (sulfamides hypoglycémiants et glinides) ; GCK : glucokinase ; HNF : hepatocyte nuclear factor.
a
Dans environ 20 %, en dépit d’un tableau clinique évocateur de diabète monogénique aucune mutation de ces gènes n’est identifiée.
b
Dans tous les cas, l’acidocétose diabétique est très rare.

Glucose

Transporteur

Glucose Canal K+ ATP-dépendant


Glucokinase
K+
Glucose-6-P

ATP
Pyruvate Kir6.2 (KCNJ11)
SUR1 (ABCC8)

HNF4A Cycle de Krebs


HNF1A
HNF1B Dépolarisation
Ca++
Insuline
etc.

Canal Ca++
voltage-dépendant

Insuline
Anomalies hétérozygotes
Figure 1. Schéma des mécanismes de l’insulinosécrétion en réponse au glucose et du rôle des principaux gènes de maturity-onset diabetes of the young
(MODY). ATP : adénosine triphosphate ; HNF : hepatocyte nuclear factor ; K+ : potassium ; Ca++ : calcium.

La glucokinase catalyse la phosphorylation du glucose en posi- entre la glycémie et le niveau d’insulinosécrétion est décalée vers
tion 6 et se comporte, dans la cellule B, comme un « sensor » du la droite avec, à chaque niveau de glycémie, une réduction de
glucose. L’activité enzymatique des mutants de la glucokinase l’insulinosécrétion d’environ 60 % [20] . Dans l’hépatocyte, la glu-
associés au GCK-MODY est diminuée, avec pour conséquence une cokinase est impliquée dans la première étape du stockage du
réduction du flux glycolytique dans les cellules B [19] . Cette ano- glucose sous forme de glycogène. Chez les patients qui ont un
malie se traduit in vivo par une élévation du seuil de glycémie GCK-MODY, la synthèse hépatique de glycogène est réduite, la
à partir duquel l’insulinosécrétion est déclenchée, de 5 mmol/l néoglucogenèse est augmentée [21] et la production hépatique de
physiologiquement à environ 7 mmol/l en moyenne chez les glucose est insuffisamment freinée par l’hyperglycémie [22] . La glu-
patients qui ont un GCK-MODY [20] . La relation dose-réponse cokinase est également exprimée dans l’hypothalamus où elle

EMC - Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-D-40  Diabètes de type MODY

participe à la contre-régulation hormonale de l’hypoglycémie, qui de la glycémie. Dans la plupart des cas, le traitement repose donc
se déclenche à un niveau plus élevé chez les patients porteurs d’un sur les seules mesures diététiques [18] sans cependant que leur
GCK-MODY [23] . En revanche, bien que la glucokinase intestinale bénéfice soit établi. En dehors de la grossesse, un traitement phar-
participe à l’effet incrétine, il n’a pas été montré d’anomalie sur macologique de l’hyperglycémie est rarement nécessaire, car ces
ce plan chez les patients porteurs d’un GCK-MODY [24] . patients ne sont pas symptomatiques, leur HbA1c est peu élevée et
le risque de complications du diabète est très faible. Dans certaines
séries, 2 à 30 % des patients sont pourtant traités par hypoglycé-
Anomalies métaboliques, présentation miants oraux, voire par l’insuline, le plus souvent parce que le
clinique et diagnostic diagnostic de GCK-MODY n’a pas été fait [8] . Une étude a montré
que l’interruption d’un traitement par antidiabétiques oraux ou
En France, les mutations du gène de la glucokinase sont la cause par insuline n’affecte pas la qualité du contrôle glycémique [31] .
la plus fréquente de MODY (50 % des cas) lorsque le recrutement La grossesse chez une femme porteuse d’une mutation de GCK
est pédiatrique. Une étude récente suggère que la très grande pose un problème spécifique. Si le diagnostic n’est pas connu
majorité des cas ne sont pas diagnostiqués et que la prévalence avant la grossesse, le dépistage des femmes enceintes porteuses
du GCK-MODY dans la population générale serait de l’ordre de d’un GCK-MODY peut être orienté par des critères simples : glycé-
0,1 % [10] . mie à jeun supérieure ou égale à 1,00 g/l (5,5 mmol/l) et indice de
Les anomalies métaboliques du GCK-MODY sont probablement masse corporelle (IMC) inférieur à 25 kg/m2 [10] . Le pronostic de
présentes dès la vie fœtale. En effet, dans des familles de GCK- la grossesse et la nécessité de traiter la mère dépendent du statut
MODY, le poids de naissance des enfants porteurs d’une mutation génétique de l’enfant. Lorsque l’enfant est porteur de la mutation
est plus faible que celui des nouveau-nés n’ayant pas de mutation, maternelle, sa croissance est normale puisque son insulinosécré-
suggérant que l’insulinosécrétion et en conséquence la croissance tion est déclenchée au même niveau que celui de sa mère ; le
puissent être réduites chez les fœtus porteurs d’une mutation de traitement de l’hyperglycémie maternelle est donc inutile [32] . En
GCK [25] . revanche, si l’enfant n’est pas porteur de la mutation, le risque de
La pénétrance du GCK-MODY est pratiquement complète. Au macrosomie fœtale est élevé, de l’ordre de 50 % [33] . Bien qu’il n’y
sein d’une famille, tous les sujets portant la mutation sont hyper- ait pas de retentissement mesurable à long terme chez les enfants
glycémiques et à un niveau comparable. La glycémie est peu nés macrosomes dans ce contexte [34] , la macrosomie peut être res-
élevée dans la grande majorité des cas, en moyenne de l’ordre de ponsable de complications obstétricales [33] . À ce jour, le diagnostic
7 mmol/l à jeun et augmente peu au cours d’une hyperglycémie anténatal non invasif du GCK-MODY n’est pas disponible et la
provoquée par voie orale [26] . Sur ces critères, la moitié des sujets décision de traiter ou pas l’hyperglycémie maternelle est difficile.
porteurs d’une mutation de la glucokinase n’atteignent pas les Elle pourrait être étayée par l’étude répétée de la croissance fœtale,
seuils diagnostiques du diabète selon l’Organisation mondiale de comme cela a été proposé au cours du diabète gestationnel [35] mais
la santé (OMS). La moyenne de l’hémoglobine glyquée (HbA1c) cette attitude n’a pas encore été validée au cours du GCK-MODY.
est peu élevée, de l’ordre de 6,5 % avant l’âge de 40 ans [27] . Des Par ailleurs, du fait de la contre-régulation, la normalisation des
études longitudinales [28] et transversales [29] suggèrent également glycémies est difficile à obtenir sans hypoglycémies répétées et
que la glycémie augmente dans le long terme de façon similaire exige de fortes doses d’insuline [18] . La metformine pourrait être
à ce qui est observé chez des sujets non porteurs d’une muta- une alternative mais n’a pas, à ce jour, d’autorisation d’utilisation
tion de GCK. Cette élévation reste modeste et semble en rapport au cours de la grossesse en France.
avec l’insulinorésistance physiologique liée au vieillissement et
non avec une diminution de la sécrétion d’insuline [28] .
En conséquence, bien qu’une rétinopathie minime soit obser-
vée dans environ 30 % des cas de GCK-MODY après une  HNF1A-MODY (MODY 3)
cinquantaine d’années d’évolution, les complications de microan-
giopathie diabétique cliniquement significatives sont très rares Physiopathologie
chez ces patients [29] . Les patients qui ont un GCK-MODY n’ont Le diabète de type HNF1A-MODY est dû à des mutations à l’état
habituellement pas de facteur de risque cardiovasculaire asso- hétérozygote du gène HNF1A [11] . Il s’agit de la forme la plus fré-
cié et les complications de macroangiopathie sont également quente de MODY chez les patients dont le diabète est diagnostiqué
rares [29, 30] . à l’âge adulte, représentant 30 à 70 % des cas de MODY dans des
Le diagnostic de GCK-MODY est généralement évoqué devant séries européennes et nord-américaines [36] .
une hyperglycémie à jeun modérée de découverte fortuite ou à La physiopathologie du diabète de type HNF1A-MODY n’est
l’occasion d’un dépistage systématique, en particulier au cours de pas complètement élucidée. Le gène HNF1A est exprimé dans
la grossesse, donc en l’absence de tout symptôme clinique, le plus divers tissus, notamment le foie, le pancréas, les reins, le tube
souvent chez un sujet de poids normal. Une HbA1c supérieure digestif. Comme les autres facteurs de transcription de type HNF,
à 5,8 % mais inférieure à 7,6 % permettrait d’identifier correcte- la protéine comporte trois domaines : un domaine N-terminal,
ment les patients porteurs d’un GCK-MODY [27] . Cependant, il est impliqué dans la dimérisation de la protéine, un domaine de
important, comme pour les autres formes de diabète monogé- liaison à l’acide désoxyribonucléique (ADN) et un domaine C-
nique, d’éliminer par une recherche d’autoanticorps un diabète terminal impliqué dans la transactivation [11] . La dimérisation de
de type 1 (DT1) auto-immun à un stade tout débutant avant la protéine sous forme d’homo- ou d’hétérodimère avec HNF1B
d’envisager le diagnostic de GCK-MODY. L’hyperglycémie étant est nécessaire à son activité. Plus de 400 mutations du gène
très précoce, le diagnostic de GCK-MODY peut être évoqué chez HNF1A ont été caractérisées dans des familles de HNF1A-MODY
l’enfant. L’absence d’antécédent familial de diabète ne doit pas de diverses origines géographiques [36] . La plupart de ces muta-
faire réfuter le diagnostic puisque l’hyperglycémie est modeste et tions sont privées, à l’exception de la mutation p.G292fs (définie
a pu passer inaperçue [8] . Le diagnostic de GCK-MODY doit être auparavant comme P291fs) dans l’exon 4 qui rend compte de 10
également évoqué devant une hyperglycémie à jeun dépistée au à 15 % des cas de HNF1A-MODY [36] . Des variants du promoteur
cours de la grossesse chez une femme de poids normal, a fortiori d’HNF1A, localisés dans des sites de fixation pour des facteurs
si elle persiste après l’accouchement [10] . Le dépistage génétique de transcription, ont également été associés à la survenue d’un
familial peut être orienté par la mesure de la glycémie à jeun ou HNF1A-MODY [37] . De rares cas de délétion complète du gène
de l’HbA1c [27] . HNF1A ont été rapportés [38, 39] . Les mécanismes moléculaires qui
expliquent comment une mutation hétérozygote d’HNF1A peut
Traitement et surveillance avoir un tel retentissement sur l’insulinosécrétion chez l’homme
sont mal compris. Le mécanisme généralement retenu est celui de
Le pronostic du GCK-MODY est bon et le bénéfice de son l’haplo-insuffisance [36] .
traitement n’est pas établi. Par ailleurs, les patients GCK-MODY Des modèles murins de HNF1A-MODY ont été décrits. Une
ont une élévation du seuil glycémique de contre-régulation de hyperglycémie marquée est observée chez les souris dont les deux
l’hypoglycémie [23] qui rend difficile la normalisation chronique allèles d’hnf-1α ont été invalidés. Elle est due à une réduction

4 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Diabètes de type MODY  10-366-D-40

d’environ 85 % de l’insulinosécrétion en réponse au glucose et à le diabète avait été découvert à l’occasion d’un syndrome polyuro-
l’arginine [40] . L’absence de réponse au glucose peut être due à une polydipsique chez 25 % des patients et en l’absence de symptôme,
anomalie de la production d’adénosine triphosphate (ATP) dans fortuitement ou à l’occasion d’un dépistage, dans la majorité des
les mitochondries [41] . HNF1A est impliqué dans la transcription de cas [56] . Une réduction de 50 % de la réabsorption tubulaire du glu-
gènes codant des protéines qui participent au transport du glucose cose, liée à une réduction de l’expression des transporteurs du
(GLUT2) et à son métabolisme (pyruvate kinase) dans la cellule B, glucose dans le tubule proximal, a été décrite chez les patients
ainsi que dans la transcription du gène de l’insuline chez le rat et porteurs d’une mutation d’HNF1A et participe à la glucosurie [57] .
chez l’homme [42] . Globalement, l’expression de nombreux gènes Cette anomalie peut être observée chez des sujets porteurs d’une
impliqués dans le développement de l’îlot et dans ses fonctions mutation d’HNF1A mais encore normoglycémiques. Les patients
est anormale chez les souris hnf-1α (–/–) [43] . L’absence de régénéra- qui ont un HNF1A-MODY ont en moyenne un poids normal au
tion des îlots malgré l’hyperglycémie indique probablement une diagnostic de diabète (IMC : 22,3 kg/m2 dans la série française) et
anomalie spécifique du développement de l’îlot [44] . ont moins fréquemment les anomalies métaboliques associées au
Chez les patients qui ont un HNF1A-MODY, l’insulinosécrétion diabète de type 2 (DT2) (hypertension artérielle, cholestérol high
basale, le pic précoce et la phase d’insulinosécrétion secondaire en density lipoprotein [HDL] bas, hypertriglycéridémie, augmentation
réponse au glucose intraveineux et l’insulinosécrétion en réponse des gamma glutamyl transpeptidases [␥GT] et de la ferritinémie).
à l’arginine intraveineuse sont très réduites [45, 46] . Des anomalies Une histoire familiale de diabète sur trois générations est pré-
de la sécrétion d’insuline sont observées chez les patients porteurs sente dans 55 % des cas. Le diagnostic de HNF1A-MODY peut
d’une mutation mais qui n’ont pas encore un diabète, excluant donc être évoqué chez des patients jeunes qui ont une histoire
donc un phénomène de glucotoxicité. Une diminution de l’effet familiale évocatrice et une hyperglycémie de degré très variable
incrétine a également été décrite au cours du HNF1A-MODY [24] . (HbA1c moyenne au diagnostic, 8 % dans la série française), sans
Après une charge orale en glucose, la glycémie augmente beau- cétose. Cependant, aucun de ces critères n’a de valeur absolue du
coup plus chez les patients ayant un HNF1A-MODY qu’au cours fait de la dispersion de tous ces critères chez les patients ayant
du GCK-MODY [26] . En revanche, l’insulinosécrétion en réponse un HNF1A-MODY : des antécédents familiaux de diabète ne sont
aux sulfamides hypoglycémiants est préservée chez les patients pas toujours retrouvés chez les patients diabétiques porteurs d’une
porteurs d’une mutation d’HNF1A [47] . Les données concer- mutation d’HNF1A [56] ; dans la série française, 40 % des patients
nant la sensibilité à l’insuline sont contradictoires. Certaines avaient plus de 25 ans au moment du diagnostic de diabète [56] ;
suggèrent une insulinorésistance secondaire à l’hyperglycémie de très rares cas de HNF1A-MODY révélés par une authentique
chronique [45, 46, 48] mais deux études ont rapporté une sensibi- acidocétose ont été également rapportés.
lité à l’insuline normale chez des sujets porteurs d’une mutation Le diagnostic de HNF1A-MODY peut donc être difficile dans les
d’HNF1A, même au stade de diabète [47, 49] . deux situations cliniques qui peuvent l’évoquer. Chez des sujets
jeunes et plutôt minces, une hyperglycémie initiale sévère conduit
souvent au diagnostic de DT1. Dans ce contexte, l’absence des
Présentation clinique et diagnostic marqueurs immunologiques du DT1 auto-immun est un impor-
tant élément d’orientation [58–60] . Le diagnostic différentiel avec
L’expression clinique du HNF1A-MODY est très variable d’une un DT2 est difficile car la fréquence du DT2 augmente chez
famille à l’autre, en particulier en ce qui concerne l’âge au les sujets jeunes et 30 % des sujets ayant un HNF1A-MODY ont
diagnostic de diabète. Cette variabilité est en partie due aux carac- un excès pondéral [56] . Les critères phénotypiques utilisés pour
téristiques de la mutation d’HNF1A : les mutations tronquantes rechercher une mutation d’HNF1A chez l’adulte (IMC, âge de sur-
et les mutations faux sens (substitution d’acide aminé) affectant venue, précocité de survenue du diabète dans la famille) ont une
le domaine de dimérisation/liaison d’HNF1A sont associées à un bonne sensibilité mais une très faible spécificité, ce qui conduit
diabète révélé en moyenne dix ans plus tôt que les mutations à de nombreux tests génétiques négatifs. Il est donc nécessaire
faux sens touchant le domaine de transactivation [50] . Cepen- d’identifier de nouveaux critères cliniques ou biologiques simples
dant, parmi les sujets porteurs de la même mutation d’HNF1A, pour améliorer la rentabilité du diagnostic moléculaire. L’absence
y compris au sein d’une même famille, certains peuvent être de marqueur d’insulinorésistance pourrait constituer un critère
normoglycémiques alors que leurs apparentés sont très hyper- d’orientation chez des adultes jeunes avec un diabète suggérant un
glycémiques à un âge comparable. Ces observations suggèrent DT2 [60] . Des scores de prédiction, fondés sur des critères simples,
que d’autres facteurs, génétiques ou environnementaux, contri- ont été proposés mais ils sont imparfaits [56] . L’intérêt du dosage de
buent au phénotype. Les apparentés porteurs d’une mutation la protéine C réactive (CRP) plasmatique a également été suggéré,
mais normoglycémiques ont déjà des anomalies franches de car la transcription du gène de la CRP est sous le contrôle d’HNF1A
l’insulinosécrétion [46, 49] . Ces sujets peuvent développer un dia- et les patients atteints de HNF1A-MODY ont des valeurs basses de
bète si une insulinorésistance intervient, à l’occasion par exemple CRP [61, 62] . Cependant, ce paramètre ne permet pas de discriminer
d’une prise de poids ou d’une grossesse. Un antécédent de diabète efficacement la majorité des patients ayant un HNF1A-MODY de
gestationnel est ainsi retrouvé chez près de 40 % des femmes ayant ceux qui ont un DT2 de survenue précoce [63] .
un HNF1A-MODY avéré [51] . Dans des familles de HNF1A-MODY, Les complications microvasculaires sont fréquentes au cours du
les sujets porteurs de la mutation mais non diabétiques sont plus HNF1A-MODY. Après une durée moyenne de 16 ans d’évolution
minces que les sujets diabétiques [51] . Dans le même sens, deux du diabète, la prévalence de la rétinopathie est de l’ordre de 30
études ont montré que l’apparition du diabète chez des descen- à 50 % et les formes sévères de rétinopathie affectent 15 à 20 %
dants de mère ayant un HNF1A-MODY et porteurs eux-mêmes des patients [64, 65] . Une néphropathie débutante est présente chez
de la mutation d’HNF1A était de cinq à dix ans plus précoce environ 15 à 20 % des patients. À durée du diabète et niveau de
lorsque le diabète maternel avait été diagnostiqué avant la gros- contrôle glycémique comparables, la fréquence des complications
sesse, par rapport à ceux dont la mère avait eu un diabète apparu de microangiopathie est la même au cours du HNF1A-MODY
après la grossesse [52, 53] . Ces données suggèrent que l’exposition qu’au cours du DT1 ou du DT2 [64] . La macroangiopathie est moins
intra-utérine à l’hyperglycémie maternelle puisse augmenter la fréquente au cours du HNF1A-MODY qu’au cours du DT2 du fait
pénétrance des mutations d’HNF1A. Par ailleurs, il a également d’une fréquence plus faible de l’hypertension artérielle et de la
été montré que l’âge de survenue du diabète était en partie dyslipidémie ; elle reste cependant plus fréquente que dans une
génétiquement déterminé au sein de familles HNF1A-MODY, population contrôle, justifiant des mesures préventives [66] .
suggérant l’intervention d’autres gènes (dits modificateurs) dans
l’expression du phénotype [54] . La pénétrance du diabète HNF1A-
MODY est de l’ordre de 63 % à 25 ans, 94 % à 50 ans et quasi Traitement et surveillance
complète à 75 ans [55] .
Les symptômes qui révèlent le diabète sont également très varia- Au moment du diagnostic, les patients sont souvent non insu-
bles. Dans la majorité des cas, le diabète est diagnostiqué après la linodépendants et, contrairement à ce qui est observé dans le
puberté, à un âge médian de 21 à 26 ans selon les séries [56] . Dans DT2, une sensibilité normale aux effets des sulfamides hypoglycé-
une étude française récente portant sur 196 cas de HNF1A-MODY, miants a été rapportée [47, 56] . En conséquence, chez les patients qui

EMC - Endocrinologie-Nutrition 5
10-366-D-40  Diabètes de type MODY

ont été traités par insuline du fait de la sévérité des symptômes hyperinsulinisme [77, 78] . Cet hyperinsulinisme n’est pas en rap-
initiaux, le diagnostic de HNF1A-MODY peut conduire à tester port avec un éventuel diabète maternel car il est également
l’efficacité des sulfamides hypoglycémiants [67] . Des études ont observé chez les enfants qui ont hérité de la mutation d’HNF4A
également montré le bénéfice d’un traitement par glinide, avec de leur père. Il peut durer quelques jours mais dans certains
une réduction du risque d’hypoglycémie [68, 69] . Plus récemment, cas persister plusieurs années [79] . Il est sensible au diazoxide.
la possibilité d’un traitement par analogue du GLP1 a également Le suivi à long terme de certains de ces enfants a montré
été proposée [70] . Cependant, l’insulinosécrétion diminue avec le que l’hyperinsulinisme était spontanément résolutif et que ces
temps, comme le suggère le faible niveau de l’insulinosécrétion enfants pouvaient évoluer ultérieurement vers un diabète [80] . Des
endogène résiduelle chez les sujets de plus de 20 ans [71] . Cela modèles de souris déficientes en HNF4A reproduisent ce phéno-
explique en partie le fait que près de 50 % des patients sont traités type d’hyperinsulinisme [77, 81] .
par insuline après une vingtaine d’années d’évolution du dia- La même mutation d’HNF4A peut donc être responsable, par
bète [56] . des mécanismes non élucidés, d’une séquence hyperinsulinisme-
Du fait des caractéristiques cliniques du HNF1A-MODY, de l’âge rémission-diabète. Des antécédents familiaux ou personnels
jeune de survenue du diabète et de la fréquence des complications d’hyperinsulinisme néonatal et/ou de macrosomie peuvent donc
de microangiopathie, les patients qui ont un HNF1A-MODY orienter vers un HNF4A-MODY. Dans ces familles, une sur-
doivent être suivis comme ceux qui ont un DT1 ou un DT2. Il veillance particulière de la croissance fœtale et du statut de
est nécessaire de proposer un dépistage familial, en particulier l’enfant à la naissance doit être recommandée au cours des gros-
chez les femmes en âge de procréer pour éviter les risques d’une sesses, même si c’est le père qui est porteur de la mutation
hyperglycémie méconnue durant les premières semaines de la d’HNF4A. Des séquences analogues ont été décrites pour les gènes
grossesse, et plus généralement parce que l’hyperglycémie peut codant les sous-unités du canal potassique, beaucoup plus rare-
rester asymptomatique mais suffisante pour favoriser la survenue ment pour HNF1A [36, 78] .
de complications de microangiopathie. Les apparentés porteurs
d’une mutation mais non diabétiques doivent être suivis réguliè-
rement. Puisque l’excès pondéral semble majorer l’hyperglycémie,
des mesures diététiques de prévention doivent être mises en place.
 HNF1B-MODY (MODY 5)
Le diagnostic de HNF1A-MODY a d’autres conséquences pra-
tiques. Il a été rapporté que l’inactivation biallélique d’HNF1A
Physiopathologie
au niveau du tissu hépatique est impliquée dans la survenue Le diabète de type HNF1B-MODY est dû à des anomalies molé-
d’une polyadénomatose hépatique [72] . Dans la majorité des cas, culaires hétérozygotes du gène HNF1B. Ce facteur de transcription
cette affection est silencieuse. Elle peut cependant se compli- est exprimé très précocement dans la vie embryonnaire et joue
quer d’hémorragie brutale et favoriser la survenue d’un carcinome un rôle crucial dans le développement et la différenciation de
hépatocellulaire. La mise en évidence d’une inactivation soma- nombreux tissus. Il reste exprimé à l’âge adulte et gouverne la
tique du second allèle d’HNF1A dans le tissu tumoral de sujets transcription de nombreux gènes, en particulier dans le rein et le
porteurs d’une mutation constitutionnelle et par ailleurs atteints pancréas. Les anomalies cliniques observées au cours du HNF1B-
d’une polyadénomatose hépatique suggère que HNF1A puisse MODY répondent en partie au rôle d’HNF1B dans les phases
fonctionner comme un gène suppresseur de tumeur. À ce jour, précoces de l’organogenèse du tractus urinaire et génital, du foie,
la présence d’une polyadénomatose hépatique a été rapportée des canaux biliaires et du pancréas chez la souris [82–84] et chez
dans quelques familles de HNF1A-MODY [72–74] . La prévalence l’homme [85, 86] .
de la polyadénomatose hépatique et des adénomes hépatiques Le HNF1B-MODY est une cause rare de diabète monogénique
au cours du HNF1A-MODY semble être de l’ordre de 5 à 10 %. (moins de 10 % des cas) et se caractérise sur le plan moléculaire
La sévérité potentielle de cette affection justifie son dépis- par deux particularités :
tage par échographie chez les patients porteurs d’une mutation • l’anomalie la plus fréquente (plus de 50 % des cas) est une délé-
d’HNF1A. tion complète à l’état hétérozygote du gène HNF1B, due à une
microdélétion du chromosome 17 (17q12), d’environ 1,5 Mb
qui emporte 15 à 20 gènes dont HNF1B [87] . Dans les autres
 HNF4A-MODY (MODY 1) cas, les anomalies moléculaires impliquées dans le HNF1B-
MODY sont très variées, comportant des mutations faux sens,
Physiopathologie des décalages du cadre de lecture, des anomalies d’épissage et
des réarrangements génomiques. Plus de 100 mutations ponc-
Le diabète de type HNF4A-MODY est dû à des mutations hétéro- tuelles différentes ont été rapportées [88] . À ce jour, il n’a pas
zygotes du gène HNF4A [12] . Le défaut primaire du HNF4A-MODY été rapporté de corrélation génotype/phénotype au cours du
est une diminution de l’insulinosécrétion en réponse au glucose, HNF1B-MODY [82, 88] ;
également observée chez les sujets porteurs de la mutation mais • dans 50 % des cas pour les mutations et 75 % des cas pour
non diabétiques [75, 76] . Les mécanismes impliqués dans les anoma- la délétion complète du gène, ces anomalies moléculaires sur-
lies de l’insulinosécrétion sont probablement voisins de ceux du viennent de novo, donc sans antécédent familial.
HNF1A-MODY puisque HNF4A est un des facteurs impliqués dans
la transcription du gène HNF1A. La sensibilité à l’insuline est nor-
male [75, 76] . La fréquence du HNF4A-MODY est estimée à 5 à 10 % Présentation clinique et diagnostic
des MODY [9, 39] .
Le HNF1B-MODY a été initialement décrit comme l’association
d’un diabète de survenue précoce et d’une atteinte rénale [13] . Du
Présentation clinique et traitement fait de la présence très fréquente de kystes rénaux, il a également
été décrit sous renal cysts and diabetes (RCAD) [89] .
Le phénotype du HNF4A-MODY est très proche de celui du Les descriptions de ce syndrome dépendent des biais de sélec-
HNF1A-MODY, avec la même variabilité en ce qui concerne tion intervenus dans le recrutement des patients. Les séries de
les modes de présentation du diabète [76] . Le diabète HNF4A- cas rapportées chez l’enfant mettent en avant la constance de
MODY peut être sensible aux sulfamides hypoglycémiants l’atteinte morphologique rénale, en particulier une dysplasie
pendant des décennies [1, 76] mais une diminution progressive de rénale kystique bilatérale [90] . Dans cette population, le diabète est
l’insulinosécrétion endogène a été rapportée, expliquant la néces- très rare [90, 91] . Chez l’adulte, des tableaux beaucoup plus complets
sité de recourir à l’insulinothérapie chez certains patients [1] . ont été décrits, faisant du HNF1B-MODY une affection syndro-
Environ 50 % des sujets porteurs d’une mutation d’HNF4A mique, avec une grande variabilité individuelle d’une famille à
sont macrosomes à la naissance [77] . Dans 15 % des cas envi- l’autre et à l’intérieur d’une même famille [82, 87, 92, 93] .
ron, les enfants porteurs d’une mutation d’HNF4A sont atteints Le spectre des atteintes associées aux anomalies moléculaires
d’hypoglycémies néonatales, quelquefois sévères, dues à un d’HNF1B peut associer :

6 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Diabètes de type MODY  10-366-D-40

• des anomalies rénales, quasi constantes, très variées [82] : kystes un patient ayant un diabète sans marqueur d’auto-immunité,
(présents dans plus de 70 % des cas), atrophie, dilatation des l’existence d’une atteinte rénale morphologique ou fonction-
cavités pyélocalicielles, syndrome de jonction, agénésie unilaté- nelle (présente au diagnostic de diabète dans plus de 60 % des
rale, rein en fer à cheval [87, 94] . Les rares biopsies rénales qui ont cas) ou une hypomagnésémie peuvent être des éléments simples
été rapportées montraient une maladie glomérulokystique, une d’orientation. Il existe cependant des phénotypes restreints chez
oligoméganéphronie ou des lésions non spécifiques [82] . Aux des patients porteurs d’une anomalie moléculaire d’HNF1B, en
anomalies morphologiques s’associe une insuffisance rénale, particulier rénaux chez les enfants et des sujets jeunes. De rares
non liée à une néphropathie diabétique, d’évolution progres- observations de diabète en apparence isolé ont été décrites.
sive avec une perte du débit de filtration glomérulaire de
2,5 ml/min/an en moyenne, à terme responsable chez la majo- Traitement et surveillance
rité des patients d’une insuffisance rénale chronique sévère
ou terminale [87, 95] . L’atteinte rénale peut se révéler très tôt Le traitement du diabète HNF1B-MODY n’a pas de spécificité. Il
dans la vie par une dysplasie diagnostiquée lors d’une écho- semble logique, comme dans les HNF1A-MODY et HNF4A-MODY,
graphie fœtale (hyperéchogénicité) et une insuffisance rénale de faire l’essai d’un traitement par sulfamide hypoglycémiant,
aiguë néonatale d’évolution variable [82] . Une hypomagnésé- tant que la fonction rénale l’autorise, ou par répaglinide. Chez
mie est fréquente et peut être un élément d’orientation du la plupart des patients, une insulinothérapie est à terme néces-
diagnostic [82, 95, 96] . Une néphropathie hyperuricémique et une saire pour des raisons métaboliques et/ou du fait de la progression
goutte juvénile peuvent être présentes [97] , liées à un défaut de l’insuffisance rénale. Dans l’expérience des auteurs, un bon
d’expression du gène de l’uromoduline (UMOD). Une préva- contrôle glycémique peut être obtenu (médiane de l’HbA1c : 7,1 %
lence accrue de l’hyperparathyroïdie primaire a également été chez 150 patients, après 15 années d’évolution du diabète).
signalée [98] ; Les patients qui ont un diabète de type HNF1B-MODY doivent
• des anomalies du tractus génital : utérus bicorne, syndrome de faire l’objet d’une évaluation complète à la recherche des autres
Rokitansky, agénésie des canaux déférents, hypospadias, cryp- atteintes du syndrome, qui peuvent être infracliniques. La fonc-
torchidie, stérilité par anomalies du spermogramme [92, 94, 99–101] ; tion pancréatique exocrine doit être explorée régulièrement car
• des anomalies morphologiques du pancréas exocrine. Une elle peut se détériorer avec le temps et nécessiter un traitement
atrophie (due à une hypoplasie) du pancréas, totale ou cor- substitutif. Une prise en charge multidisciplinaire est nécessaire,
poréocaudale, est fréquente, souvent associée à un déficit, le impliquant en particulier un néphrologue compte tenu du pro-
plus souvent infraclinique, de la fonction exocrine (diminution nostic rénal. Un traitement néphroprotecteur et le contrôle des
de l’élastase fécale, stéatorrhée modérée) [92, 102] . Des calcifica- facteurs de risque cardiovasculaire sont indispensables, d’autant
tions pancréatiques ont également été rapportées ainsi que des qu’une hypertension artérielle et une dyslipidémie sont présentes
épisodes de pancréatite aiguë [93] ; chez la majorité des patients. La transplantation rénale ou rein-
• des anomalies des tests biologiques hépatiques, très fréquentes : pancréas fait partie des options thérapeutiques [109] .
augmentation fluctuante des transaminases et de la ␥GT sans Il est enfin probable qu’HNF1B puisse fonctionner comme un
anomalie clinique, ni morphologique, ni de la fonction hépa- gène suppresseur de tumeur car une inactivation biallélique du
tique [87, 103] . Les rares biopsies hépatiques réalisées dans ce gène a été observée dans des cas de cancer chromophobe du
contexte n’ont pas montré d’anomalie spécifique ; rein et de cancer de l’ovaire [110] . Ces tumeurs semblent rares
• des anomalies neuropsychiatriques ont également été signalées, mais justifient une surveillance morphologique régulière, dont les
essentiellement retard mental ou troubles autistiques [104–106] . modalités ne sont pas standardisées.
Cependant, ces anomalies ont été observées chez des enfants
porteurs de la délétion 17q12 et il n’est pas établi qu’elles soient
en rapport avec la délétion d’HNF1B ou avec celle de gènes  MODY liés aux mutations
contigus également emportés par la délétion [107] . des gènes codant les sous-unités
La fréquence de l’association d’un diabète à l’atteinte rénale
dépend des critères de sélection utilisés pour évoquer le diagnos- du canal potassique
tic de HNF1B-MODY. Lorsque la porte d’entrée est néphrologique
chez l’adulte, un diabète est présent dans environ 50 % des Dans la cellule B de l’îlot, le canal potassique dit « ATP-
cas [82, 93, 95] . Les caractéristiques du diabète peuvent être décrites à dépendant » joue un rôle crucial dans le déclenchement de la
partir des données de la littérature et de la série de 204 cas français sécrétion d’insuline en réponse au glucose. L’augmentation du
(manuscrit en préparation). Le diabète est diagnostiqué chez des rapport ATP/adénosine diphosphate (ADP), secondaire au méta-
sujets âgés de 28 ans en moyenne, au-delà de 40 ans dans 20 % des bolisme intracellulaire du glucose, permet la fermeture du canal
cas, très rarement chez de jeunes enfants. Au moment du diagnos- potassique dit « ATP-dépendant » par l’intermédiaire des sous-
tic, les patients ont un poids normal dans 80 % des cas. Le diabète unités SUR1 (qui sont aussi le site de liaison des sulfamides
est asymptomatique dans 50 % des cas. Chez les autres patients, hypoglycémiants, des glinides et du diazoxide) qui interagissent
il est révélé par une polyurie, mais l’acidocétose est rare (5 %). La avec les sous-unités Kir6.2 qui constituent le pore de ce canal.
sévérité initiale de l’hyperglycémie est très variable : l’HbA1c est La fermeture du canal induit une dépolarisation membranaire
inférieure à 7 % dans un tiers des cas et supérieure à 14 % dans un qui permet à son tour l’ouverture d’un canal calcique dit
autre tiers. Une insulinosécrétion endogène stimulable persiste « voltage-dépendant », l’entrée de calcium dans la cellule et le
dans la majorité des cas mais le déficit évolue avec le temps [92] . déclenchement de l’expulsion de granules de sécrétion d’insuline.
Des antécédents familiaux évocateurs de MODY ne sont présents Les sous-unités SUR1 et Kir6.2 sont codées, respectivement, par
que dans 40 % des cas. Du fait de la sévérité initiale du phéno- les gènes ABCC8 et KCNJ11. Les mutations de ces gènes peuvent
type, 50 % des patients sont d’emblée traités par insuline. Il a induire soit un diabète de révélation néonatale lorsqu’elles
été rapporté que le HNF1B-MODY n’est pas sensible aux sulfa- bloquent le canal en position « ouverte » [15, 111] , soit un hyperin-
mides hypoglycémiants [108] mais, dans l’expérience des auteurs, sulinisme néonatal et donc des hypoglycémies lorsque le canal
les sulfamides hypoglycémiants ou le répaglinide sont efficaces est maintenu « fermé » indépendamment de la concentration
pendant plusieurs années chez plus de 20 % des patients. Après de glucose [112] . Ces phénotypes peuvent être particulièrement
15 années d’évolution, 80 % des patients sont traités par insu- sévères en période néonatale. Chez les patients porteurs de ce
line pour des raisons métaboliques et/ou du fait de la progression type de mutations, des séquences ont été décrites de type diabète
de l’insuffisance rénale. Une rétinopathie et/ou une neuropathie néonatal-rémission-diabète définitif ou hyperinsulinisme néo-
périphérique est présente chez 25 % des patients. La fréquence de natal avec hypoglycémies-rémission-diabète [6, 113] . Curieusement,
la macroangiopathie n’est pas documentée. dans les familles d’enfants ayant eu de telles affections, des formes
Le diagnostic de HNF1B-MODY est hautement probable chez beaucoup plus modérées de diabète ont été rapportées chez des
les patients présentant un phénotype complet, même en l’absence sujets pourtant porteurs de la même mutation. Il peut s’agir de
d’antécédent familial de diabète. Un score de prédiction du diag- diabète évoquant un DT2, de diabète gestationnel, voire de formes
nostic reposant sur des critères simples a été proposé [99] . Chez très discrètes chez certains apparentés uniquement mises en

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10-366-D-40  Diabètes de type MODY

évidence par l’hyperglycémie provoquée par voie orale [15] . Cette prescription du diagnostic génétique et les modalités de commu-
très grande variabilité du phénotype, particulièrement marquée nication des résultats par le médecin prescripteur.
pour les mutations d’ABCC8, n’a pas reçu d’explication à ce jour. Deux types de diagnostic génétique doivent être distingués.
Plus récemment, des mutations d’ABCC8 responsables de dia-
bète pouvant évoquer un MODY ont été décrites chez des sujets Diagnostic de confirmation chez un patient
n’ayant pas d’antécédent personnel ni familial connu de diabète diabétique
néonatal ou d’hyperinsulinisme néonatal. Chez certains de ces
patients, l’hyperglycémie peut être très modérée [114] . S’il s’agit d’un cas index (probant), le diagnostic génétique
Ces diabètes liés aux mutations des sous-unités du canal fondé sur les analyses moléculaires d’un ou plusieurs gènes asso-
potassique sont habituellement sensibles aux sulfamides hypo- ciés au MODY (cf. Approches diagnostiques) permet de confirmer
glycémiants, y compris à long terme après des décennies ou d’infirmer le diagnostic de MODY.
d’insulinothérapie [115] . Il est par ailleurs important de les identi- Si le patient est apparenté à une famille MODY dans laquelle
fier dans les couples qui ont une histoire personnelle ou familiale une mutation d’un gène de MODY a été identifiée, il s’agit du
évocatrice et qui envisagent d’avoir un enfant, du fait du risque de dépistage familial d’une mutation connue. Le diagnostic géné-
transmission au fœtus et du risque potentiel d’hyperinsulinisme tique est ciblé et permet de confirmer l’étiologie du diabète.
ou de diabète néonatal sévère. Cette confirmation est nécessaire du fait de la grande variabilité
d’expression clinique associée au MODY, de l’augmentation de la
prévalence du DT2 dans la population générale et de sa survenue
 Diabètes liés aux mutations plus précoce ; il n’est pas rare d’observer dans une même famille
une prédisposition génétique associée à un MODY et des cas de
du gène de l’insuline DT2 (appelés « phénocopies »).

Les mutations de gène de l’insuline (INS) sont une cause rare Diagnostic présymptomatique
de diabète. Dans la majorité des cas décrits à ce jour, ces muta-
Il s’agit du dépistage familial d’une mutation pathogène chez
tions sont associées à un diabète de révélation néonatale ou
un apparenté ne présentant aucun signe biologique ni clinique
de la petite enfance et surviennent le plus souvent de novo.
de diabète mais à risque de développer un diabète en rai-
Selon leur localisation et leurs conséquences fonctionnelles, elles
son des antécédents familiaux de MODY. Ce diagnostic, dit
peuvent cependant être responsables de tableaux de sévérité
« présymptomatique », est soumis à une réglementation spéci-
variable [116, 117] .
fique.
Les mutations localisées dans la région promotrice d’INS
La détection de la mutation permet d’instaurer des mesures
peuvent conduire à une diminution d’activité du promoteur, à un
préventives et une prise en charge précoce du diabète MODY.
défaut d’initiation de la traduction ou à une instabilité des ARN
L’absence de la mutation permet de rassurer le sujet, son risque
messagers. Elles s’expriment à l’état homozygote (ou hétérozygote
de diabète rejoignant celui de la population générale.
composite) sous la forme d’un retard de croissance intra-utérin
sévère et d’un diabète néonatal très précoce. Les apparentés por-
teurs de la mutation à l’état hétérozygote n’ont pas d’anomalie de Approches diagnostiques
la tolérance au glucose [116] .
Les mutations affectant le peptide, signal de la pré-pro-insuline, Le diagnostic génétique nécessite un prélèvement de 5 à
sont responsables d’un défaut de translocation de la protéine vers 10 ml de sang sur éthylène-diamine-tétra-acétique (EDTA) à par-
le réticulum endoplasmique (RE) ; elles s’expriment à l’état hétéro- tir duquel est extrait l’ADN leucocytaire. L’analyse moléculaire
zygote et sont le plus souvent responsables d’un diabète néonatal consiste à rechercher des mutations par séquençage des régions
permanent de transmission dominante. Cependant, des formes codantes du gène et, dans certains cas, de la région promo-
plus modérées de diabète dit « de type 1 non auto-immun », trice. Ce sont dans la plupart des cas des mutations ponctuelles
de MODY/DT2 précoce, de diabète gestationnel et des cas sans dites « privées » car rares et différentes d’une famille à une
expression clinique ont été rapportés. autre. Plus rarement, l’anomalie moléculaire est une délétion
Les mutations affectant la séquence de la pro-insuline ont été partielle/complète ou une duplication recherchée par polymerase
décrites, il y a plus de 30 ans, sous le terme d’insulinopathies et chain reaction (PCR) semi-quantitative. Pour tout nouveau cas
ont été associées à une hyperinsulinémie lorsqu’elles touchent index étudié, du fait de la diversité des anomalies moléculaires
le site de liaison de l’insuline à son récepteur ou à une (environ 700 et 450 mutations répertoriées respectivement sur les
hyper-pro-insulinémie lorsqu’elles impliquent les sites de clivage gènes GCK et HNF1A), l’ensemble de la séquence codante du gène
du peptide C ; elles sont asymptomatiques ou responsables de doit être analysé.
tableaux très modérés de diabète ou d’intolérance au glucose. Jusqu’à très récemment, chaque gène était analysé individuel-
D’autres mutations, les plus fréquemment décrites dans les dia- lement par séquençage. Les principales limites de cette approche
bètes liés à INS, sont responsables de formes dominantes sévères sont l’analyse d’un petit nombre de gènes, choisis en fonction de
de diabète néonatal permanent. Elles affectent des sites impliqués leur fréquence dans le MODY (le plus souvent seuls GCK et HNF1A
dans le repliement de la pro-insuline dans le RE, conduisant à un sont analysés) ou d’hypothèses a priori en fonction de l’histoire
stress du RE et à une apoptose des cellules B. clinique et un délai de rendu de résultats très long car les analyses
Les études de séquençage systématique d’INS dans des groupes sont réalisées de manière séquentielle. Dans ces conditions, un
de patients ayant un DT1 non auto-immun ou un phénotype diagnostic de MODY est confirmé dans environ 15 % des cas [9, 121] .
de MODY ont montré que les mutations d’INS sont rarement en Le développement du séquençage de nouvelle génération
cause [118–120] . permet d’analyser simultanément plusieurs dizaines de gènes.
Plusieurs panels de gènes ciblés sur le diabète MODY ont été
développés. Les résultats préliminaires obtenus par les auteurs sur
 Diagnostic génétique un panel de sept gènes (GCK, HNF1A, HNF4A, HNF1B, ABCC8,
KCNJ11 et INS) appliqué à près de 1000 patients montrent un
des diabètes MODY : prescription, taux de détection de mutations de l’ordre de 25 à 30 % et la
détection de mutations non suggérées par l’histoire clinique du
approches diagnostiques patient. En particulier la fréquence des mutations affectant le
et interprétation canal potassique bêtapancréatique (ABCC8 et KCNJ11) est très
supérieure à la fréquence de 1 % rapportée dans la littérature.
Prescription d’un diagnostic génétique L’approche du séquençage de nouvelle génération appliquée au
diabète MODY souligne encore plus l’hétérogénéité génétique et
Elle est encadrée par les lois de bioéthique et soumise à clinique associée aux formes monogéniques de diabète (Bellanné-
une réglementation concernant l’information à donner avant la Chantelot, données personnelles). Elle constitue une véritable

8 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Diabètes de type MODY  10-366-D-40

Validation d'une anomalie génétique :


la mutation identifiée est elle causale ?

Type de mutation

–Mutations non sens, mutations avec


–Mutations faux sens
décalage du cadre de lecture
(substitutions d'acides aminés)
(petites insertions/délétions)
–Insertions/délétions en phase
codon stop prématuré
(sans décalage du cadre de lecture)
–Mutations affectant un site
–Mutations dans la région promotrice
d'épissage transcrit anormal

Mutation pathogène Mutation connue avec une Nouvelle mutation : variant


causalité démontrée (étude de signification
fonctionnelle) inconnue

Il est recommandé de
confirmer le résultat sur un
deuxième prélèvement avant de Démontrer la causalité du
proposer un dépistage familial variant de signification
inconnue nécessite :
–Analyse bio-informatique
de prédiction de
pathogénicité
–Recherche du variant dans
les bases de données de
séquençage (ESP, EXAC)
–Revue de la littérature
–Étude de ségrégation
familiale

Figure 2. Arbre décisionnel. Validation d’une anomalie génétique : la causalité d’une mutation dans la survenue d’un maturity-onset diabetes of the young
(MODY). ESP : exome sequencing project ; ExAC : exome aggregation consortium.

avancée permettant en une étape unique de tester l’ensemble des décalage du cadre de lecture), une mutation affectant un site
gènes associés au MODY, avec de bonnes sensibilité et spécifi- consensus d’épissage ou une substitution d’acide aminé affectant
cité et pour un coût inférieur au séquençage classique. Plusieurs un domaine fonctionnel important, le généticien conclut, même
gènes étant analysés par séquençage de nouvelle génération, il est en l’absence d’étude fonctionnelle, à une mutation pathogène
important que le prescripteur du diagnostic génétique mentionne responsable du phénotype observé. Ce résultat permet de pro-
sur le consentement le nom de la pathologie « diabète familial » poser un dépistage familial ciblé sur la mutation identifiée mais
ou « diabète monogénique » et non un sous-type de MODY ou un il est recommandé de confirmer sur un second prélèvement le
gène particulier. diagnostic génétique du cas index.
Le diagnostic moléculaire du diabète MODY est aujourd’hui Pour d’autres mutations, la nature du changement nucléoti-
disponible pour les principaux gènes impliqués dans les diabètes dique ou protéique ne permet pas de conclure sur la pathogénicité
monogéniques (Tableau 1). La base de données Orphanet recense du variant. Aucune analyse fonctionnelle n’étant réalisable en
les laboratoires réalisant ces diagnostics génétiques et les gènes routine, le généticien conclut sur une pathogénicité probable ou
analysés. En raison des dernières avancées technologiques, il peut non du variant sur un faisceau d’arguments :
être utile de revoir sur le plan du diagnostic moléculaire les cas • la nature du changement nucléotidique/protéique prenant en
de diabètes « atypiques » par leur présentation ou leur évolution compte la conservation inter-espèces de l’acide aminé, l’écart
et restés sans étiologie identifiée. physicochimique entre la forme normale et mutée de l’acide
aminé, la localisation ou non du variant dans un domaine
fonctionnel ; cette analyse s’appuie sur l’utilisation de plusieurs
Interprétation des résultats logiciels de prédiction de pathogénicité ;
• l’absence du variant dans les bases de données de polymor-
La complexité du diagnostic génétique tient aujourd’hui à phismes issus des grands projets de séquençage dans différentes
l’interprétation des variants de séquence identifiés. Il s’agit de populations ; il est donc essentiel de connaître l’origine géogra-
déterminer si le variant identifié est une mutation pathogène phique du patient (pays de naissance des parents) ;
responsable du diabète familial ou un variant de significa- • une revue de la littérature recherchant si le variant a déjà été
tion inconnue nécessitant des analyses complémentaires pour rapporté ;
conclure sur sa causalité. Le généticien est de plus en plus souvent • et une étude familiale chez des apparentés diabétiques et
confronté à cette situation avec l’analyse de panels de gènes par asymptomatiques afin de déterminer si le variant identifié
séquençage de nouvelle génération. De plus, il n’est pas rare que ségrège uniquement avec le phénotype « diabète ».
plusieurs variants soient identifiés, conduisant à faire l’hypothèse Au terme de cette analyse, le généticien conclut à une muta-
d’un digénisme. tion causale ou à un variant de signification inconnue. Il est
Le premier niveau d’interprétation est fonction du type de important que ces commentaires, mentionnés dans le compte-
mutations (Fig. 2). Si le variant identifié est une mutation tron- rendu du diagnostic génétique, soient pris en compte avant que
quante (mutation non sens, insertion/délétion conduisant à un le clinicien rende un résultat de diagnostic génétique. Seules les

EMC - Endocrinologie-Nutrition 9
10-366-D-40  Diabètes de type MODY

mutations considérées comme causales peuvent donner lieu à un [4] Ellard S, Lango Allen H, De Franco E, Flanagan SE, Hysenaj G, Col-
diagnostic présymptomatique (cf. « Prescription d’un diagnostic clough K, et al. Improved genetic testing for monogenic diabetes using
génétique »). targeted next-generation sequencing. Diabetologia 2013;56:1958–63.
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 Conclusion [6] Flanagan SE, Patch AM, Mackay DJ, Edghill EL, Gloyn AL, Robinson
D, et al. Mutations in ATP-sensitive K+ channel genes cause transient
neonatal diabetes and permanent diabetes in childhood or adulthood.
Les diabètes monogéniques sont un bon exemple de « médecine Diabetes 2007;56:1930–7.
personnalisée ». Le diagnostic de diabète monogénique et du gène [7] Irgens HU, Molnes J, Johansson BB, Ringdal M, Skrivarhaug
impliqué a de nombreuses conséquences pratiques pour le patient T, Undlien DE, et al. Prevalence of monogenic diabetes in the
et sa famille. Ce diagnostic repose en premier lieu sur une ana- population-based Norwegian Childhood Diabetes Registry. Diabeto-
lyse précise de l’histoire médicale du patient, des caractéristiques logia 2013;56:1512–9.
cliniques et évolutives du diabète et d’éventuelles pathologies [8] Pihoker C, Gilliam LK, Ellard S, Dabelea D, Davis C, Dolan LM,
associées et des antécédents familiaux. Les nouvelles techniques et al. Prevalence, characteristics and clinical diagnosis of maturity
de séquençage permettent d’augmenter le taux de détection des onset diabetes of the young due to mutations in HNF1A, HNF4A,
diabètes monogéniques mais elles peuvent poser des difficultés and glucokinase: results from the SEARCH for Diabetes in Youth. J
d’interprétation des résultats qui soulignent l’importance d’un Clin Endocrinol Metab 2013;98:4055–62.
dialogue étroit entre cliniciens et généticiens. [9] Shields BM, Hicks S, Shepherd MH, Colclough K, Hattersley AT,
Ellard S. Maturity-onset diabetes of the young (MODY): how many
cases are we missing? Diabetologia 2010;53:2504–8.

“ Points essentiels [10] Chakera AJ, Spyer G, Vincent N, Ellard S, Hattersley AT, Dunne FP.
The 0.1% of the population with glucokinase monogenic diabetes can
be recognized by clinical characteristics in pregnancy: the Atlantic
Diabetes in Pregnancy cohort. Diabetes Care 2014;37:1230–6.
• Les MODY sont des diabètes monogéniques de sur- [11] Yamagata K, Oda N, Kaisaki PJ, Menzel S, Furuta H, Vaxillaire M, et al.
venue précoce, non auto-immuns, le plus souvent non Mutations in the hepatocyte nuclear factor-1alpha gene in maturity-
cétosiques, de transmission autosomique dominante. onset diabetes of the young (MODY3). Nature 1996;384:455–8.
• Le diagnostic de diabète monogénique peut être évo- [12] Yamagata K, Furuta H, Oda N, Kaisaki PJ, Menzel S, Cox NJ, et al.
Mutations in the hepatocyte nuclear factor-4alpha gene in maturity-
qué dans des situations cliniques très diverses. onset diabetes of the young (MODY1). Nature 1996;384:458–60.
• Des anomalies moléculaires de six gènes rendent [13] Horikawa Y, Iwasaki N, Hara M, Furuta H, Hinokio Y, Cockburn
compte de la très grande majorité des cas de diabète BN, et al. Mutation in hepatocyte nuclear factor-1 beta gene (TCF2)
monogénique mais tous les gènes de MODY ne sont pas associated with MODY. Nat Genet 1997;17:384–5.
identifiés. [14] Froguel P, Zouali H, Vionnet N, Velho G, Vaxillaire M, Sun F, et al.
• À l’exception du GCK-MODY, dont la présentation Familial hyperglycemia due to mutations in glucokinase. Definition of
a subtype of diabetes mellitus. N Engl J Med 1993;328:697–702.
clinique est très homogène, il existe une très grande varia-
[15] Babenko AP, Polak M, Cave H, Busiah K, Czernichow P, Scharfmann
bilité du phénotype des diabètes monogéniques. R, et al. Activating mutations in the ABCC8 gene in neonatal diabetes
• Le GCK-MODY, dû à des mutations du gène de la glu- mellitus. N Engl J Med 2006;355:456–66.
cokinase, se caractérise par une hyperglycémie modérée, [16] Frayling TM, Lindgren CM, Chevre JC, Menzel S, Wishart M, Ben-
stable et ne nécessite habituellement pas de traitement. mezroua Y, et al. A genome-wide scan in families with maturity-onset
• Le HNF1A-MODY se révèle le plus souvent après la diabetes of the young: evidence for further genetic heterogeneity. Dia-
puberté par un tableau pouvant évoquer un diabète de betes 2003;52:872–81.
type 1 ou un diabète de type 2 précoce. Les complications [17] Schwitzgebel VM. Many faces of monogenic diabetes. J Diabetes
Invest 2014;5:121–33.
de microangiopathie sont fréquentes. [18] Chakera AJ, Steele AM, Gloyn AL, Shepherd MH, Shields B, Ellard
• Le HNF1A-MODY est habituellement sensible aux sulfa- S, et al. Recognition and management of individuals with hyperglyce-
mides hypoglycémiants ou aux glinides mais le déficit de mia because of a heterozygous glucokinase mutation. Diabetes Care
la sécrétion d’insuline est évolutif et impose souvent une 2015;38:1383–92.
insulinothérapie. [19] Velho G, Froguel P, Clement K, Pueyo ME, Rakotoambinina B, Zouali
• Au cours du HNF1B-MODY, de nombreuses atteintes H, et al. Primary pancreatic beta-cell secretory defect caused by muta-
tions in glucokinase gene in kindreds of maturity onset diabetes of the
peuvent s’associer au diabète, en particulier une insuffi-
young. Lancet 1992;340:444–8.
sance rénale lentement évolutive. Dans plus de la moitié [20] Byrne MM, Sturis J, Clement K, Vionnet N, Pueyo ME, Stoffel M,
des cas, les anomalies moléculaires surviennent de novo, et al. Insulin secretory abnormalities in subjects with hyperglycemia
donc en l’absence d’antécédent familial. due to glucokinase mutations. J Clin Invest 1994;93:1120–30.
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Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en Abnormal regulation of hepatic glucose output in maturity-onset dia-
relation avec cet article. betes of the young caused by a specific mutation of the glucokinase
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Diabètes de type MODY  10-366-D-40

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12 EMC - Endocrinologie-Nutrition
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J. Timsit (jose.timsit@aphp.fr).
Service de diabétologie, Hôpital Cochin-Port-Royal, 123, boulevard de Port-Royal, 75014 Paris, France.
C. Saint-Martin.
Département de génétique, Hôpital Pitié-Salpêtrière, 63, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.
D. Dubois-Laforgue.
Service de diabétologie, Hôpital Cochin-Port-Royal, 123, boulevard de Port-Royal, 75014 Paris, France.
C. Bellanné-Chantelot.
Département de génétique, Hôpital Pitié-Salpêtrière, 63, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Timsit J, Saint-Martin C, Dubois-Laforgue D, Bellanné-Chantelot C. Diabètes de type MODY. EMC -
Endocrinologie-Nutrition 2016;13(2):1-13 [Article 10-366-D-40].

Disponibles sur www.em-consulte.com


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EMC - Endocrinologie-Nutrition 13
 10-366-E-10

Traitement du diabète sucré de l’enfant


et de l’adolescent
M. Polak, J. Beltrand, J.-J. Robert

Le traitement du diabète de l’enfant vise, comme chez l’adulte, à maintenir une glycémie proche de la
normale. Les pédiatres qui assurent sa mise en route et son suivi chez l’enfant et l’adolescent, doivent en
effet avoir comme objectif principal la prévention des complications à long terme : la microangiopathie
(rétinopathie, néphropathie, neuropathie) et la macroangiopathie (athérosclérose, maladie coronarienne,
accidents vasculaires cérébraux), en sachant que, plus le diabète commence tôt, plus les effets cumulatifs
de l’hyperglycémie chronique risquent de se manifester précocement. Les pédiatres qui prennent en charge
ces enfants doivent aussi adapter le traitement à un organisme en croissance, et prendre en compte les
aspects éducatifs, psychologiques et sociaux propres à l’enfant et à l’adolescent. C’est grâce à un dialogue
permanent entre l’équipe soignante, l’enfant et sa famille que les meilleurs résultats sont obtenus.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Diabète sucré ; Insulinothérapie ; Analogues de l’insuline ; Éducation thérapeutique

Plan étiologies rares de découverte récente faisant toutefois exception


à cette règle), les principes fondamentaux du traitement et la phy-
■ Introduction 1 siopathologie des complications.
Néanmoins, comme pour les autres pathologies chroniques, le
■ Traitement : approche multidisciplinaire 1 traitement est influencé dans une large mesure par les grandes
Insulinothérapie 1 étapes du développement et par les caractéristiques particulières
Nutrition 2 du comportement chez l’enfant et l’adolescent. Le vaste ensemble
Activités physiques 2 de caractéristiques physiologiques, psychologiques et sociales sus-
Surveillance 3 ceptibles de s’intriquer les unes aux autres demande à être analysé
Équilibre métabolique 3 et intégré dans les programmes thérapeutiques. Cette exigence
Éducation thérapeutique 4 suppose que des équipes de diabétologie pédiatrique extrêmement
■ Problèmes particuliers 4 spécialisées travaillent en collaboration étroite avec les centres
Enfants d’âge préscolaire 4 médicaux de première ligne.
Prise en charge pendant les événements particuliers : infection, L’incidence du diabète augmente chez les jeunes dans le monde
chirurgie 4 entier, ce qui constitue pour les soignants un vrai défi. De l’avis
Troubles des conduites alimentaires 4 de tous, les complications à distance sont liées non seulement à
■ Acidocétose diabétique 4 la qualité de l’équilibre glycémique mais aussi à l’ancienneté de la
Traitement de l’acidocétose 5 maladie. Le risque de complications est donc plus grand lorsque le
Œdème cérébral et son traitement 5 diabète débute dans l’enfance. Cependant, on dispose maintenant
Prévention de l’acidocétose 5 de stratégies efficaces pour améliorer le contrôle glycémique.

Nous nous concentrons ici sur le traitement du diabète sucré
Vivre avec le diabète sucré 5
de type 1, le plus fréquent chez l’enfant. Le traitement des formes
Évolution clinique initiale 5
néonatales et des formes non insulinoprives est abordé dans un
Hypoglycémie chez l’enfant 5
autre article. Nous ne traitons pas non plus de la prévention du
Aspects affectifs 6
diabète de type 1.
■ Contribution de l’environnement social et associatif 6
Séjours éducatifs pour enfants et adolescents diabétiques 6
Organisation des soins 6  Traitement : approche
multidisciplinaire
Insulinothérapie
 Introduction
Les traitements comprennent toujours une insuline d’action
Le diabète de l’enfant a de nombreux points communs avec rapide, une insuline d’action prolongée, qu’elle soit intermédiaire
le diabète insulinodépendant à début plus tardif, notamment ou lente. Dans la plupart des pays, l’insuline est utilisée en solu-
le mécanisme responsable de la destruction cellulaire (certaines tion à 100 U/ml.

EMC - Endocrinologie-Nutrition 1
Volume 13 > n◦ 1 > janvier 2016
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1941(15)67775-7
10-366-E-10  Traitement du diabète sucré de l’enfant et de l’adolescent

Figure 1. Différents schémas d’insulinothérapie


chez l’enfant : un analogue rapide avant chaque
repas ; insuline basale : deux lentes (détémir),
figure du haut ; une lente le soir (glargine, peut
aussi être injectée au coucher), figure du milieu ;
débit de base de la pompe, figure du bas.

Réveil Soir Réveil

Les injections d’insuline sont de réalisation facile mais exigent injections par jour [11, 12] . Les enfants traités par injections mul-
une technique rigoureuse. Les injections sont faites dans le tissu tiples reçoivent davantage d’insuline et semblent prendre plus de
sous-cutané [1, 2] . La rotation des points d’injection s’impose pour poids [8] .
prévenir l’apparition d’une lipohypertrophie. Si l’enfant est très À la fin de la première année de traitement, la dose d’insuline est
jeune, ce sont les parents qui font l’injection d’insuline. L’âge d’environ 0,8 unité/kg par jour. Chez l’enfant, il est souvent néces-
auquel un enfant réalise les injections lui-même est variable, mais saire d’adapter la dose quotidienne en raison de variations dans
ils peuvent commencer à le faire entre 8 à 12 ans, s’ils le sou- le mode de vie, de maladies fébriles, de variations saisonnières
haitent. Toutefois, il arrive que les parents de grands enfants et du développement somatique et affectif. Pendant la puberté,
continuent à administrer les injections, notamment le matin. la dose d’insuline est souvent augmentée, se situant entre 1,2 et
Les schémas de traitement par l’insuline ont beaucoup évolué 1,6 unité/kg par jour.
récemment, du fait principalement de l’avènement des analogues
de l’insuline, à la fin des années 1990, et du remboursement de
la pompe à insuline, au début des années 2000. Les analogues Nutrition
rapides ont été conçus pour surmonter les problèmes liés à la durée
d’action trop longue (6 h) des insulines rapides humaines. Leur La prise en charge nutritionnelle des enfants qui ont un dia-
début d’action plus rapide permet de les injecter immédiatement bète ne donne plus lieu aux malentendus et controverses comme
avant les repas [3] . Chez les très jeunes enfants à l’appétit erratique, par le passé. Les apports nutritionnels nécessaires à une crois-
ils peuvent être injectés après les repas [4] . Leur durée d’action sance et à un développement normaux sont similaires chez les
plus courte (4 h) diminue les hypoglycémies nocturnes [5] . Les ana- jeunes qui ont un diabète et chez les autres jeunes. Les besoins
logues de longue durée d’action, glargine (Lantus® ) et détémir énergétiques quotidiens sont identiques, et l’alimentation doit
(Levemir® ), ont une cinétique moins variable que les anciennes être composée de 55 % de glucides, 30 % de lipides et 15 % de
insulines d’action lente, ce qui permet d’obtenir une meilleure gly- protéines. Les glucides sont principalement des glucides com-
cémie moyenne au réveil sans accroître le risque d’hypoglycémie. plexes, le saccharose ou le sucre fortement raffiné étant à limiter
Leur combinaison avec un analogue d’action rapide permet au maximum. Les principes de base de l’équilibre alimentaire [13] ,
la diminution du nombre d’hypoglycémies nocturnes [6] . La identiques à ceux qui s’appliquent au diabète de l’adulte, ne
pompe à insuline est utilisée exclusivement avec des analogues sont pas détaillés ici (Tableau 1). Toutefois, la coordination
rapides. nécessaire entre les apports alimentaires, l’activité physique et
Dans la première moitié des années 2010, plus de 80 % des le schéma d’insulinothérapie doit être conciliée avec la sou-
enfants et des adolescents français sont traités par des schémas plesse et la variabilité des apports alimentaires qui caractérisent
à injections multiples (basal bolus) ou par la pompe à insuline [7] . l’enfant et l’adolescent. L’alimentation doit être ajustée pour
Les schémas utilisant deux ou trois injections par jour sont de répondre aux besoins et aux habitudes de chaque enfant. La
moins en moins utilisés, au début du traitement. Les insulines régularité des apports alimentaires et de la quantité de glucides
prémélangées, faciles à injecter en stylo, ne permettent pas de est favorable au respect de l’équilibre alimentaire, mais c’est
modifier le rapport insuline rapide-insuline intermédiaire (Fig. 1) l’insulinothérapie qui doit être adaptée à l’alimentation plutôt
et sont associées à des valeurs plus élevées de l’hémoglobine que l’inverse. L’ajustement des doses d’insuline rapide à la compo-
glyquée (HbA1c ) [8] . Elles sont donc à réserver à des cas particu- sition glucidique des repas (insulinothérapie fonctionnelle) est
liers. L’immense majorité des jeunes utilise des analogues rapides une pratique de plus en plus couramment employée. Elle doit
et/ou lents. Plus de 80 % effectuent les injections avec un stylo s’adapter aux problèmes spécifiques qu’elle pose chez des jeunes,
à insuline. Des études à court terme et dans des populations de chez qui il n’a pas été formellement fait la preuve de son efficacité.
patients sélectionnés ont montré que ces stratégies permettent
d’améliorer l’équilibre glycémique. Elles sont applicables dans Activités physiques
toutes les classes d’âges, adolescents [9] , jeunes enfants [10] et même
nouveau-nés et nourrissons. En revanche, dans les études de popu- Les activités physiques sont à encourager chez l’enfant qui a un
lations de jeunes diabétiques non sélectionnés, l’équilibre diffère diabète, plus pour le bien-être qu’elles procurent que pour leur
peu avec la pompe, les injections multiples et avec deux ou trois effet sur l’équilibre glycémique qui n’est pas démontré dans le

2 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Traitement du diabète sucré de l’enfant et de l’adolescent  10-366-E-10

diabète de type 1 des jeunes. En effet, si l’on apprend que c’est par (papier ou électronique). Le carnet est un outil extrêmement pré-
l’expérience que l’on peut mettre au point un schéma approprié cieux pour l’éducation de l’enfant et des parents concernant la
pour les activités physiques prévues, une des caractéristiques de maladie, mais surtout pour ajuster les doses d’insuline pour obte-
l’exercice physique chez les jeunes est d’être souvent imprévisible nir un équilibre optimal. Cet ajustement repose sur deux principes
et peu reproductible, faisant du sport un facteur de variation de la simples : l’adaptation rétrospective, d’après les mesures glycé-
glycémie, plus qu’un facteur régulateur, et rendant l’ajustement miques effectuées la veille et les jours précédents ; et la correction
du traitement souvent difficile. Certaines activités n’ont presque des doses d’insuline rapide en fonction de la mesure glycémique
pas besoin d’adaptation, tandis que d’autres nécessitent une dimi- effectuée au moment de l’injection, de la composition glucidique
nution de la dose d’insuline de 10 % ou plus, ou une augmentation des repas et de l’anticipation des activités physiques.
de l’apport de glucides. L’hypoglycémie est une complication L’HbA1c doit être dosée tous les 2 à 3 mois. Ce paramètre consti-
majeure de l’activité physique, assez souvent à distance de l’effort tue pour le diabétologue un outil d’une valeur inestimable pour
lui-même (la nuit par exemple pour un effort physique dans évaluer la qualité de l’équilibre glycémique. Il est important aussi
l’après-midi). Toutefois, l’enfant et les parents doivent aussi savoir que le malade et les parents connaissent la signification de cet
qu’une activité physique intense peut aggraver une hyperglycé- examen [14] .
mie avec cétose et favoriser alors l’acidocétose. La technique des capteurs glycémiques permet de surveiller
de façon continue la concentration de glucose dans le tissu
interstitiel sous-cutané et d’obtenir ainsi une courbe glycémique
Surveillance sur 24 heures (Fig. 2). La glycémie moyenne obtenue avec cette
méthode est étroitement corrélée à la glycémie moyenne cal-
La mesure de la glycémie est essentielle à la prise en charge culée à partir de quatre dosages quotidiens de la glycémie
du diabète. La recherche de corps cétoniques urinaires ou san- capillaire par la méthode classique. Néanmoins, les courbes des
guins revêt une importance primordiale pendant les épisodes 24 heures montrent souvent une hyperglycémie postprandiale et
d’hyperglycémie ou de maladie intercurrente. Il est primordial des hypoglycémies insoupçonnées. Cette technique peut aider
d’avoir une technique parfaite, qui est apprise en détail dès la mise à améliorer l’équilibre glycémique et à prévenir la survenue
en route de l’insulinothérapie. La glycémie doit être mesurée au d’hypoglycémies [15, 16] , mais de façon assez dépendante de l’âge et
moins quatre fois par jour et les résultats sont notés dans un carnet de la motivation. Néanmoins, l’objectif de la lecture continue de la
glycémie a toujours été d’automatiser l’administration d’insuline
Tableau 1. (pancréas artificiel). Cette technologie, couplant capteur et pompe
Alimentation de l’enfant ayant un diabète sucré. à des algorithmes de délivrance de l’insuline, et qui nécessite un
accompagnement éducatif particulier, est en train de prendre sa
L’enfant qui a un diabète ne doit pas être mis à l’écart des autres place dans le traitement quotidien et la délivrance des enfants et
L’alimentation doit assurer : des adolescents [17, 18] .
– un bon équilibre nutritionnel
– un apport régulier, pour limiter les variations de la glycémie
Équilibre métabolique
Les besoins nutritionnels sont les mêmes que pour les autres enfants
L’alimentation équilibrée est celle que l’on souhaiterait pour tous les Nous avons maintenant des informations précises sur
enfants ; la diététicienne corrige les erreurs nutritionnelles les plus l’équilibre glycémique dans de vastes populations d’enfants et
courantes d’adolescents ayant un diabète de type 1. Ces données viennent
Le rythme de l’alimentation est adapté au schéma de traitement : soit d’études transversales multicentriques multinationales [8] , soit
de registres de suivi à une échelle nationale ou internationale [8–19] .
– un repas doit être pris après une injection d’insuline rapide ; ne pas
Ces études montrent que les moyennes d’HbA1c sont souvent
prendre de repas après l’injection, c’est l’hypoglycémie à coup sûr
supérieures à l’objectif [7, 8] de 7,5 % qui a été fixé par un consensus
– la prise des collations et du goûter dépend du type d’insuline utilisé au sein de la Société internationale pour le diabète de l’enfant et de
Chaque repas apporte une quantité régulière d’aliments glucidiques l’adolescent (ISPAD) [20] , qu’il y a une variabilité importante, d’un
d’un jour à l’autre centre à l’autre (de 7,6 à 10,2 % dans la référence [8] ), et qu’un pour-
Les produits sucrés sont consommés de façon modérée, occasionnelle, et centage élevé de jeunes a des valeurs supérieures à 9 % ou 10 % [7, 8] ,
pendant les repas en particulier au cours de la puberté, donc des valeurs à haut risque
Il vaut mieux habituer l’enfant à des saveurs non sucrées qu’aux de complications précoces. Les études de suivi montrent, suivant
édulcorants les populations, que l’HBA1c moyenne [19] ou la fréquence des
En cas d’exercice physique, la prise d’aliments énergétiques est justifiée valeurs les plus élevées [7] diminuent avec les années, sans qu’aient
si on n’a pas pu anticiper l’exercice, ou si l’exercice est intense et été trouvées des explications très satisfaisantes à ces évolutions.
prolongé L’ensemble de ces études montre cependant que l’équilibre
glycémique est très dépendant des facteurs alimentaires, des

400 Figure 2. Enregistrement continu de la glycémie par le sys-


tème continuous glucose monitoring system (CGMS).
350
Niveaux de glucose (mg/dl)

300

250

200

150

100

50

04h00 08h00 12h00 16h00 20h00

EMC - Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-E-10  Traitement du diabète sucré de l’enfant et de l’adolescent

conditions socioéconomiques, du terrain psychologique et des contribuent peut-être à la variabilité de la glycémie. Les jeunes
modèles de perception de la santé dans la famille et les équipes enfants ne peuvent pas décrire les symptômes qui accompa-
médicales [21] . Ces facteurs jouent un rôle primordial pendant gnent l’élévation ou la baisse de la glycémie et ne comprennent
la puberté. À cette période, la prescription autoritaire d’un pro- pas les principes qui gouvernent le traitement. Étant donné que
gramme thérapeutique n’est pas conforme à la réalité d’une l’acquisition de l’indépendance par rapport aux parents constitue
affection chronique pour laquelle c’est le jeune qui est responsable un aspect normal du développement, les limites que les parents
de son propre traitement. Dans notre expérience, il faut intro- doivent établir pour traiter le diabète peuvent constituer une
duire les modifications de prise en charge de façon progressive source de conflit avec leur petit enfant. Quand il commence à
pour qu’elles puissent être facilement intégrées dans la routine rechercher une autonomie, vers l’âge de 2 à 3 ans, les parents
de l’enfant et de la famille. Les objectifs doivent leur être expli- doivent imposer ces limites, malgré leurs sentiments de culpabilité
qués et acceptés. Il a été démontré qu’une meilleure valeur pour souvent intenses.
l’HbA1c s’accompagne d’un risque plus élevé d’hypoglycémie et Ces difficultés expliquent pourquoi le diabète chez un très
d’une tendance à prendre davantage de poids [8] . Il convient de jeune enfant peut affecter l’ensemble du fonctionnement de la
prévenir ces effets en améliorant les connaissances et en garantis- famille. Une étude a mis en évidence un retentissement socioé-
sant une meilleure surveillance. Le programme éducatif doit être conomique majeur [26] , les mères des enfants de moins de 6 ans
adapté non seulement au niveau de développement de chaque arrêtant souvent de travailler ou réduisant leur temps de travail,
enfant mais aussi à son environnement socioculturel. par comparaison aux mères des enfants plus âgés.

Éducation thérapeutique Prise en charge pendant les événements


particuliers : infection, chirurgie
« L’éducation thérapeutique est la pièce maîtresse de la prise
en charge du diabète. » [22] . L’éducation devrait être dispensée par Pendant les affections intercurrentes, qu’il s’agisse d’infections
des professionnels de santé ayant une compréhension claire des ou de traumatismes, l’ajustement du traitement est difficile car
besoins spécifiques et changeants des jeunes et de leurs familles, l’évolution de la glycémie est imprévisible. D’un côté, la maladie
au fur et à mesure qu’ils passent par les différentes étapes de leur et l’arrêt des activités physiques augmentent les besoins en insu-
vie. L’éducation doit être modulable et personnalisée, adaptée à line, de l’autre les parents ne savent pas ce que l’enfant va manger
l’âge de l’enfant, à sa maturité et à son mode de vie, à sa culture et en cas de vomissements, la situation peut devenir encore plus
et dispensée au rythme qui lui convient. L’éducation doit être un complexe. L’hospitalisation peut être nécessaire pour une réhy-
processus continu et répété pour être efficace. L’éducation devrait dratation par voie intraveineuse, l’administration d’insuline et
être planifiée, documentée, suivie et évaluée régulièrement. La une surveillance étroite, mais c’est plutôt rare en pratique et la
recherche sur les méthodes éducatives en diabétologie est essen- majorité des situations peut se régler au domicile, avec l’aide télé-
tielle pour améliorer la pratique clinique [23] . phonique de l’équipe soignante. La règle essentielle est de ne
jamais arrêter l’insuline, ce qui signifie en pratique continuer à
injecter les insulines d’action prolongée ou administrer le débit de
 Problèmes particuliers base de la pompe, aux doses habituelles ou aux doses conseillées
par l’équipe soignante. Les doses d’analogue rapide sont ajustées à
chaque injection, en fonction de la glycémie et de l’alimentation.
Enfants d’âge préscolaire Lorsqu’une intervention chirurgicale est nécessaire, il faut arrê-
L’incidence du diabète augmente et la rapidité de cette augmen- ter l’alimentation orale. Cette situation peut être gérée par voie
tation est maximale chez les jeunes enfants. Le pourcentage de cas sous-cutanée si l’anesthésie est courte (maintien des insulines
incidents avant l’âge de 5 ans est donc passé de 20 à 25 % (des cas d’action prolongée ou du débit de base de la pompe, et corrections
révélés avant 15 ans en France) en une vingtaine d’années [24, 25] . avec les doses de rapide), mais en cas d’intervention plus longue
Chez le jeune enfant, une surveillance fréquente de la glycé- ou à risque, l’administration d’insuline par voie intraveineuse est
mie est d’importance cruciale pour gérer l’équilibre glycémique en nécessaire, ainsi qu’une perfusion de glucosé à 10 %, jusqu’à ce
minimisant le risque d’hypoglycémie sévère ou fréquente. Habi- que l’enfant reprenne une alimentation normale.
tuellement, les parents ou autres adultes responsables de l’enfant
mesurent la glycémie cinq à six fois par jour. Il importe que les Troubles des conduites alimentaires
parents mesurent la glycémie au moment où ils se couchent afin
de détecter les hypoglycémies asymptomatiques ou de donner La consommation d’aliments souvent sucrés, en accès compul-
un en-cas si la glycémie est inférieure à une valeur détermi- sifs, est assez fréquente chez les adolescent(e)s qui ont un diabète.
née, souvent inférieure à 120 mg/dl, pour prévenir la survenue Toutefois, on peut observer des comportements plus anormaux,
d’hypoglycémies nocturnes que l’apport systématique de glucides notamment des troubles d’allure boulimique, des vomissements
au repas du soir ne prévient pas toujours. auto-induits ou une alimentation insuffisante qui peuvent par
Le meilleur moyen d’éviter les hypoglycémies est de faire appel à leur intensité et leur fréquence constituer de vrais troubles des
un protocole d’insulinothérapie qui minimise l’hyperinsulinémie conduites alimentaires [27] . L’association de ces troubles et du
non physiologique, surtout pendant la nuit. L’emploi généralisé diabète est à l’origine d’omissions ou de réductions des doses
des analogues à durée d’action courte a eu plus d’effet sur la pré- d’insuline pour induire une glycosurie, méthode efficace pour évi-
vention des hypoglycémies que sur l’amélioration de l’HbA1c . La ter une prise de poids mais qui s’accompagne, inévitablement,
perfusion sous-cutanée continue à la pompe est très efficace pour de valeurs extrêmement élevées de l’HbA1c et d’un risque accru
maintenir un bon équilibre glycémique sans hypoglycémies fré- de rétinopathie très précoce [27] . Environ 30 % des adolescentes et
quentes ou sévères [26] . Cette technique exige bien entendu une femmes jeunes présentent des troubles de ce type, qui persistent
éducation des parents et une surveillance par une équipe spécia- souvent plusieurs années.
lisée dans le diabète pédiatrique. Elle est indiquée avant l’âge de
1 an, ainsi que chez l’enfant d’âge préscolaire en cas d’échec d’un
traitement classique bien conduit.  Acidocétose diabétique
Une caractéristique frappante du diabète chez le jeune enfant
est l’instabilité de la glycémie. Les facteurs en jeu sont complexes Une acidocétose diabétique est souvent la manifestation inau-
et difficiles à identifier chez un enfant donné. Les épisodes hypo- gurale du diabète de type 1 chez l’enfant et l’adolescent. Sa
glycémiques sont plus fréquents et plus sévères chez les enfants fréquence est variable selon les pays mais en France elle est supé-
plus jeunes. Les comportements varient de façon imprévisible rieure à 40 %, ce qui est particulièrement élevé [28] . L’acidocétose
dans cette tranche d’âge, et les maladies aiguës accompagnées peut de plus survenir à tout moment de l’évolution de la mala-
d’une diminution de l’appétit sont fréquentes. Enfin, les petites die, les facteurs favorisants étant un conseil mal avisé d’arrêter
quantités d’insuline utilisées chez les enfants les plus jeunes l’insulinothérapie car l’enfant ne peut plus s’alimenter au cours

4 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Traitement du diabète sucré de l’enfant et de l’adolescent  10-366-E-10

d’une infection aiguë, parfois des épisodes infectieux aigus et route du traitement de l’acidocétose, laissant penser que la phy-
surtout une mauvaise observance délibérée du traitement insu- siopathologie ne s’explique pas uniquement par les mouvements
linique, surtout chez l’adolescent [29] . osmotiques liquidiens à travers la membrane cellulaire. Le risque
d’œdème cérébral n’était pas plus élevé chez les enfants âgés de
5 ans ou moins, ce qui contredit des résultats antérieurs [33] .
Traitement de l’acidocétose
L’acidocétose est une urgence qui exige une prise en charge Prévention de l’acidocétose
rigoureuse et une surveillance médicale très attentive. L’admission
en réanimation s’impose chez le très jeune enfant et en cas de La meilleure stratégie thérapeutique consisterait à prévenir
coma ou d’acidocétose sévère. Le traitement repose sur la réhy- l’œdème cérébral en traitant la décompensation métabolique
dratation par voie intraveineuse et la perfusion intraveineuse avant le stade d’acidocétose sévère. Ainsi, une action éducative
d’insuline pour mettre fin à la production d’acides cétoniques [30] . dispensée dans la province de Parme en Italie, aux écoles, aux
La glycémie et le pH doivent être normalisés lentement afin pédiatres et aux familles pour permettre un diagnostic précoce du
d’éviter une chute brutale de l’osmolalité sanguine susceptible diabète s’est avérée extrêmement efficace dans la prévention de
de favoriser un œdème cérébral. Il convient alors de modifier le l’acidocétose sévère [34] . En France, une campagne d’information a
traitement en fonction de l’évolution, qui doit être surveillée de permis une baisse significative de la fréquence de l’acidocétose [35] ,
près. mais les modalités de la campagne doivent être adaptées du fait
Le bilan biochimique initial doit comporter la mesure de la gly- de l’organisation différente du système de soins et de l’échelle
cémie, du pH plasmatique veineux, du sodium, du potassium, des nationale de la campagne.
bicarbonates, du chlore, de l’urée et de la créatinine. L’osmolalité
est donnée par la formule 2 × [Na mEq/l + K mEq/l] + glu-
cose mmol/l + urée mmol/l. Une voie veineuse doit être assurée  Vivre avec le diabète sucré
immédiatement et une solution de NaCl à 0,9 % administrée à
un débit de 8 à 10 ml/kg pendant la première heure, en fonc- Évolution clinique initiale
tion de la sévérité de la déshydratation. La perfusion doit ensuite
être surveillée en permanence. Une fois la réhydratation débu- Au moment du diagnostic de diabète, les besoins en insuline
tée, l’insulinothérapie est mise en route. La kaliémie doit être sont corrélés à la sévérité des anomalies métaboliques. En cas
mesurée toutes les deux heures et l’électrocardiogramme surveillé d’acidocétose, les besoins en insuline pendant les premiers jours
en continu. L’administration de potassium doit être débutée très sont habituellement plus élevés qu’en cas de manifestations plus
tôt si la diurèse est satisfaisante. L’administration de bicarbonates discrètes. Chez la quasi-totalité des malades qui ont un diabète de
n’est pas justifiée, même en cas de pH très bas ; la seule exception diagnostic récent, les besoins quotidiens en insuline diminuent
à cette règle est peut-être le choc gravissime susceptible d’altérer pendant la première semaine du traitement. Chez l’enfant, il est
la fonction myocardique. Le pH augmente et la glycémie dimi- habituellement nécessaire de diminuer progressivement la dose
nue à mesure de la correction de l’acidocétose sous l’effet de quotidienne de 1 à 0,5 unité/kg, voire moins. Une rémission par-
la perfusion d’insuline et de la réhydratation. La perfusion ini- tielle, définie de façon arbitraire comme un besoin en insuline
tiale de soluté physiologique doit être remplacée par une solution inférieur à 0,5 unité/kg avec des paramètres métaboliques nor-
glucosée au bout de deux heures au plus ou lorsque le glucose plas- maux, s’observe dans environ les deux tiers des cas.
matique atteint environ 14 mmol/l, le but étant d’empêcher une La rémission clinique est due à une amélioration de la syn-
chute supplémentaire et d’apporter des substrats énergétiques à thèse et de la sécrétion de l’insuline, comme le démontrent les
l’organisme [30] . Le débit de la perfusion d’insuline et l’apport de dosages pendant cette période du peptide C sérique à l’état basal
glucose sont adaptés de façon à ce que la réduction n’excède pas ou après stimulation [36] . Les études faisant appel aux techniques
5 mmol/l par heure. La perfusion d’insuline doit être poursuivie du clamp ont montré qu’une amélioration de la sensibilité tissu-
jusqu’à la disparition de la cétonurie. Pour éviter une rechute, la laire à l’insuline contribue aussi à la rémission [37] .
première injection sous-cutanée d’insuline doit être donnée avant La rémission dure de quelques mois à un ou deux ans. Pen-
l’arrêt de l’insuline par voie intraveineuse. dant cette période, l’insulinothérapie doit être maintenue, et il
est exceptionnel chez l’enfant d’arriver à l’arrêt de l’insuline parce
qu’une dose quotidienne minime (< 0,1 unité/kg) est responsable
Œdème cérébral et son traitement d’hypoglycémies.
Un œdème cérébral doit être évoqué chez un enfant qui reste
obnubilé malgré une amélioration des résultats des examens Hypoglycémie chez l’enfant
biochimiques sanguins ou qui présente des céphalées, une brady-
cardie ou une hypertension. L’œdème cérébral est probablement Mécanismes et symptômes
la cause de mortalité la plus fréquente dans le diabète de type Chez les personnes qui reçoivent une insulinothérapie, une
1 du sujet jeune, à l’hôpital ou au domicile (enfant trouvé mort hypoglycémie peut survenir quand la concentration circulante
dans son lit). Le diagnostic repose sur l’imagerie par résonance d’insuline est supérieure à la valeur qu’elle aurait si la glycé-
magnétique (IRM) ou la tomodensitométrie (TDM) cérébrale. mie était régulée par la sécrétion d’insuline endogène. Ainsi, le
Toutefois, le traitement doit être institué aussi rapidement que risque est maximal 2 à 5 heures après les repas et la nuit. D’une
l’exige l’évolution et ne doit pas être retardé par des tentatives façon générale, pendant la période de veille, et à l’exception
d’obtention d’une preuve objective par imagerie [31] . La conduite des réponses insulinique et glucagonique, les mécanismes qui
à tenir consiste à administrer du mannitol par voie intraveineuse tendent à combattre l’hypoglycémie (catécholamines, hormone
(mannitol à 20 %, 2,5 ml/kg en 15 min, répété toutes les heures si de croissance, cortisol et activation du système nerveux végé-
nécessaire) et à adresser immédiatement l’enfant en réanimation, tatif) sont de nature similaire mais d’ampleur plus importante
où la prise en charge neurochirurgicale comporte la surveillance que chez l’adulte [38] . De plus, la réponse à la phase précoce de
des pressions intracrâniennes pour guider le traitement. Aucun l’hypoglycémie peut parfois se perdre si les personnes ont récem-
malade n’est décédé dans l’étude de Roberts et al., alors que dans ment eu des hypoglycémies [39] . Heureusement, il est possible de
une récente étude multicentrique de 61 malades avec œdème céré- compenser cette absence de « conscience » des hypoglycémies en
bral, 21 % des enfants sont décédés et 21 % ont gardé des séquelles ajustant le traitement de façon rigoureuse, de sorte que la glycémie
neurologiques définitives [31, 32] . Dans cette dernière étude, la pré- ne descende pas au-dessous de 3 mmol/l [40] .
valence de l’œdème cérébral était de 0,9 % et les facteurs de risque
pour cette complication étaient une pression partielle basse de
dioxyde de carbone et une urée sanguine élevée à l’arrivée, ainsi
Fréquence de l’hypoglycémie diurne et nocturne
que l’administration de bicarbonates. Parmi les 61 malades, trois Dans une étude internationale transversale portant sur
avaient des signes cliniques d’œdème cérébral avant la mise en 2873 enfants, le taux d’incidence des épisodes d’hypoglycémie

EMC - Endocrinologie-Nutrition 5
10-366-E-10  Traitement du diabète sucré de l’enfant et de l’adolescent

sévère se manifestant par une perte de connaissance ou des dans d’autres pays [46] , alors que l’adaptation psychologique sem-
convulsions était de 60 épisodes pour 100 années-patient avant blait aussi bonne chez les jeunes adultes diabétiques que chez les
l’âge de 5 ans contre 10 à 20 épisodes pour 100 années-patient jeunes adultes bien portants [47] dans d’autres études longitudi-
chez les malades plus âgés [8] . Les seules variables qui influençaient nales. Un déni de la maladie et un comportement manipulateur
significativement l’incidence des hypoglycémies sévères étaient peuvent s’observer, donnant lieu à une mauvaise observance du
l’âge, la diminution étant de 8,4 % pour chaque année supplé- traitement, l’injection volontaire d’une dose excessive d’insuline
mentaire, et l’HbA1c , avec une réduction d’incidence de 21 % pour responsable d’hypoglycémie, ou l’absence d’injection d’insuline
chaque augmentation de 1 % de l’HbA1c . De plus, la fréquence risquant de conduire à une acidocétose. Un soutien psycholo-
des hypoglycémies nocturnes était deux fois plus élevée avant gique est souvent nécessaire pour porter le diagnostic et mettre
l’âge de 5 ans (57 %) qu’entre 5 et 9 ans (28 %) [41] . Les hypogly- au point la stratégie thérapeutique, toujours complexe. Le diabé-
cémies nocturnes sont souvent asymptomatiques et prolongées tologue joue alors un rôle privilégié qui exige du tact vis-à-vis du
(3 à 9 h dans 30 % des cas), résultat qui a été confirmé dans un jeune et des parents.
groupe plus petit d’enfants étudiés à leur domicile [42] . Toutes les Les recommandations de l’ISPAD insistent sur l’importance de
études ont mis en évidence une prévalence inquiétante d’épisodes la prise en charge psychologique [48] : « Des professionnels de santé
hypoglycémiques nocturnes asymptomatiques et imprévisibles mentale devraient être disponibles, pour interagir en consultation
chez les jeunes enfants, même avec une insulinothérapie clas- avec les patients et les familles, mais aussi pour aider l’équipe de
sique. L’imprévisibilité du comportement chez le jeune enfant diabétologie à prendre en charge les problèmes de santé mentale et
joue un rôle de premier plan dans l’instabilité glycémique à cet de comportement. Les consultations psychiatriques devraient être
âge. Toutefois, une moindre tolérance au jeûne a été mise en d’accès facile pour les cas de psychopathologie sévère. Les spécia-
évidence chez les jeunes enfants normaux, par comparaison aux listes de santé mentale et du comportement devraient être formés
enfants plus grands, et cette caractéristique contribue à la surve- au diabète et à son traitement. L’évaluation du développement
nue d’épisodes hypoglycémiques [43] . Bien que les hypoglycémies dans tous les domaines de la qualité de vie (physique, intellectuel,
nocturnes puissent être favorisées par un excès d’insuline pen- scolaire, émotionnel et social) devrait être menée régulière-
dant la première partie de la nuit, leur nature prolongée reflète ment. L’identification des problèmes d’ajustement psychosocial et
peut-être une altération des réponses compensatrices pendant d’autres troubles psychiatriques devrait être programmée à inter-
la nuit [44] . Selon la conclusion des auteurs, l’insulinothérapie valles réguliers par les professionnels de santé mentale. L’équipe
intensive pourrait être particulièrement dangereuse chez le jeune interdisciplinaire devrait former les parents à un comportement
enfant. La même équipe a mis en évidence des altérations du som- efficace, à des moments clés du développement, en particulier
meil (avec un nombre accru de réveils) chez les enfants diabétiques après le diagnostic et avant l’adolescence... souligner l’importance
par comparaison à un groupe témoin sans toutefois d’effet des de l’implication et du soutien familial dans le traitement du dia-
hypoglycémies nocturnes sévères sur la qualité du sommeil [45] . bète. L’équipe interdisciplinaire devrait avoir l’objectif d’évaluer
Ce dernier résultat pourrait s’expliquer par un ralentissement du le fonctionnement général de la famille et le fonctionnement lié
métabolisme cérébral du glucose pendant le sommeil profond [45] . au diabète. Les adolescents devraient être encouragés à assumer
Malgré l’absence de preuve formelle d’un effet délétère permanent plus de responsabilité dans la prise en charge du diabète, mais
des hypoglycémies nocturnes, il semble raisonnable de minimiser avec un accord mutuel sur l’implication et le soutien continus
ces épisodes. des parents. »

Traitement de l’hypoglycémie
Le traitement d’une hypoglycémie discrète consiste à admi-  Contribution de l’environnement
nistrer du glucose par voie orale (habituellement 5 g pour 20 kg
de poids). Le sucre en morceaux, les comprimés de glucose, les
social et associatif
sodas sucrés (sans édulcorants artificiels) ou les jus de fruits frais, Séjours éducatifs pour enfants et adolescents
selon les aspects pratiques, font rapidement monter la glycémie ;
il convient d’ajouter un en-cas contenant des glucides lents si diabétiques
l’épisode survient plusieurs heures avant le prochain repas. Il ne Il existe dans plusieurs pays une longue tradition de séjours
faut pas administrer de glucose par voie orale chez un enfant de vacances pour enfants et adolescents diabétiques ; des infor-
inconscient. Les parents doivent être capables d’administrer une mations peuvent habituellement être obtenues auprès des
injection de glucagon (1 mg par voie sous-cutanée, 0,5 mg chez associations nationales de parents. L’objectif principal de ces
les jeunes enfants), qui permet d’obtenir la récupération en moins séjours est d’offrir des programmes éducatifs adaptés dans un
d’un quart d’heure. Un traitement parentéral n’est nécessaire que environnement autre que l’hôpital, tout en passant des vacances
si une obnubilation sévère expose l’enfant à des complications en agréables avec des pairs confrontés aux mêmes problèmes de
cas d’administration per os. santé, et en garantissant l’assistance et la sécurité médicale. Les
La prévention des hypoglycémies sévères est un point essen- parents tirent souvent profit de ce répit qui leur permet de faire
tiel. Comme nous l’avons écrit (cf. supra), cela suppose des une pause dans la routine incessante et angoissante de la vie
vérifications plus fréquentes de la glycémie chez les petits, une d’une famille confrontée au diabète, mais les parents de petits
participation plus active des parents, des enseignants et des autres enfants peuvent aussi participer à des séjours parents-enfants qui
personnes qui ont la charge des enfants et, enfin, une meilleure ont l’objectif de les aider à échanger entre parents sur la gestion
observance du schéma thérapeutique par les enfants plus grands. des problèmes complexes qu’ils vivent au quotidien en tant que
parents d’un enfant qui a un diabète.
Aspects affectifs
Le risque de difficultés affectives et psychiatriques est plus élevé
Organisation des soins
en cas de diabète, mais ces difficultés ne sont pas spécifiques du Le centre de diabétologie doit réunir en un seul lieu tout le
diabète. Parmi les études qui ont évalué les difficultés psycholo- personnel médical et infirmier nécessaire pour soigner les enfants
giques et leurs conséquences sur le contrôle du diabète, certaines et les adolescents qui ont un diabète. L’équipe doit comporter
sont en faveur d’un retard à la maturation psychologique et d’un notamment un pédiatre diabétologue, des infirmier(ère)s spécia-
risque accru de problèmes psychiatriques, alors que d’autres sont lisé(e)s en pédiatrie, un(e) infirmier(ère) spécialisé(e) en éducation
plus optimistes. Selon une étude longitudinale réalisée à Pitts- thérapeutique, un(e) diététicien(ne), une assistante sociale et
burgh, l’apparition du diabète s’accompagne d’ajustements qui, un(e) psychologue ou pédopsychiatre. Cette approche est très effi-
bien que discrets et transitoires, semblent indiquer un risque accru cace et habituellement appréciée des parents et des malades.
de pathologie psychiatrique plus tard dans la vie, avec entre autres Les consultations doivent être fréquentes initialement mais
une incidence accrue de difficultés psychiatriques ou d’idées sui- peuvent ensuite être espacées en fonction des besoins du suivi.
cidaires à l’adolescence. Des résultats similaires ont été obtenus Dans la majorité des pays, ce type de centre peut être créé dans

6 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Traitement du diabète sucré de l’enfant et de l’adolescent  10-366-E-10

les grands hôpitaux universitaires. Les centres doivent travailler [4] Rutledge KS, Chase HP, Klingensmith GJ, Walravens PA, Slover RH,
de façon très étroite avec les centres plus petits et les pédiatres Garg SK. Effectiveness of postprandial Humalog in toddlers with dia-
généralistes de façon à permettre aux familles de recevoir un suivi betes. Pediatrics 1997;100:968–72.
près de leur domicile. [5] Ford-Adams ME, Murphy NP, Moore EJ, Edge JA, Ong KL, Watts
Les associations à but non lucratif sont très utiles pour recueillir AP, et al. Insulin lispro: a potential role in preventing nocturnal
des fonds destinés à la recherche, organiser les colonies de hypoglycaemia in young children with diabetes mellitus. Diabet Med
vacances et promouvoir les droits fondamentaux des enfants et 2003;20:656–60.
des adolescents qui ont un diabète. Les jeunes, les familles et les [6] Murphy NP, Keane SM, Ong KK, Ford-Adams M, Edge JA, Acerini
soignants peuvent consulter les sites de l’Aide aux jeunes dia- CL, et al. Randomized cross-over trial of insulin glargine plus lispro or
bétiques (www.ajd-educ.org) et de l’ISPAD (www.ispad.org) pour NPH insulin plus regular human insulin in adolescents with type 1 dia-
toute information sur le diabète de l’enfant et de l’adolescent. betes on intensive insulin regimens. Diabetes Care 2003;26:799–804.
[7] Redon I, Beltrand J, Martin D, Taupin P, Choleau C, Morandini M,
et al. Changes in insulin therapy regimens over 10 years in children
and adolescents with type 1 diabetes attending diabetes camps. Pediatr
“ Points essentiels [8]
Diabetes 2014;15:329–35.
Mortensen HB, Hougaard P. Comparison of metabolic control in a
cross-sectional study of 2873 children and adolescents with IDDM
• L’incidence du diabète, de type 2 mais aussi de type 1, from 18 countries. The Hvidore Study Group on Childhood Diabetes.
augmente chez les jeunes, et l’augmentation de la fré- Diabetes Care 1997;20:714–20.
quence du diabète de type 1 est deux fois plus rapide chez [9] Boland E, Grey M, Oesterle A, Fredrickson L, Tamborlane WV. Conti-
nuous subcutaneous insulin infusion. A new way to lower risk of
les jeunes de moins de 5 ans, ce qui constitue pour les
severe hypoglycemia, improve metabolic control, and enhance coping
soignants un vrai défi. in adolescents with type 1 diabetes. Diabetes Care 1999;22:1779–84.
• Le mécanisme responsable de la destruction cellulaire [10] Litton J, Rice A, Friedman N, Oden J, Lee MM, Freemark M. Insulin
dans le diabète de type 1 est le même que celui du diabète pump therapy in toddlers and preschool children with type 1 diabetes
insulinodépendant à début plus tardif. Certaines formes mellitus. J Pediatr 2002;141:490–5.
rares de diabètes monogéniques se révèlent souvent dans [11] Phillip M, Battelino T, Rodriguez H. Use of insulin pump therapy
l’enfance ou l’adolescence. in the pediatric age-group. Consensus statement fom the European
• Le traitement du diabète de l’enfant vise, comme Society for Paediatric Endocrinology, the Lawson Wilkins Pediatric
Endocrine Society, and the International Society for Pediatric and Ado-
chez l’adulte, à maintenir une glycémie proche de la lescent Diabetes, endorsed by the American Diabetes Association and
normale pour prévenir les complications à long terme the European Association for the Study of Diabetes. Diabetes Care
(rétinopathie, néphropathie, neuropathie ; athérosclérose, 2007;30:1653–62.
maladie coronarienne, accidents vasculaires cérébraux). [12] Pankowska E, Balasik M, Dziecchiarz P, Szypowska H. Continuous
Les complications sont liées à la qualité de l’équilibre gly- subcutaneous insulin vs. multiple daily injections in children with
cémique, mais aussi à l’ancienneté de la maladie. Le risque type 1 diabetes: a systematic review and meta-analysis of randomized
control trials. Pediatr Diabetes 2009;10:52–8.
de complications est donc plus grand lorsque le diabète [13] Smart CE, Annan F, Bruno LP, Higgins LA, Acerini CL. Nutritional
débute dans l’enfance. management in children and adolescents with diabetes. ISPAD Clinical
• Cependant, on dispose dès maintenant de straté- Practice Consensus Guidelines 2014 Compendium. Pediatr Diabetes
gies efficaces pour améliorer le contrôle glycémique, et 2014;15(Suppl. 20):135–53.
d’autres apports technologiques doivent prochainement [14] The Diabetes Control and Complications Trial Research Group. Effect
faire aboutir les recherches des trois dernières décennies on intensive diabetes treatment of diabetes on the development and
sur l’automatisation de l’administration de l’insuline (pan- progression of long-term complications in adolescents with insulin
dependent diabetes mellitus: diabetes control and complications trial.
créas artificiel). J Pediatr 1994;125:177–88.
• Les pédiatres qui prennent en charge les enfants et les [15] Boland E, Monsod T, Delucia M, Brandt CA, Fernando S, Tambor-
adolescents qui ont un diabète doivent adapter le traite- lane WV. Limitations of conventional methods of self-monitoring
ment à un organisme en croissance, et prendre en compte of blood glucose: lessons learned from 3 days of continuous glu-
les aspects éducatifs, psychologiques et sociaux propres à cose sensing in pediatric patients with type 1 diabetes. Diabetes Care
l’enfant et à l’adolescent. Cette exigence suppose que des 2001;24:1858–62.
équipes de diabétologie pédiatrique extrêmement spécia- [16] Kaufman FR, Austin J, Neinstein A, Jeng L, Halvorson M, Devoe DJ,
et al. Nocturnal hypoglycemia detected with the Continuous Glucose
lisées travaillent en collaboration étroite avec les centres Monitoring System in pediatric patients with type 1 diabetes. J Pediatr
médicaux de première ligne. 2002;141:625–30.
[17] Nimri R, Muller I, Atlas E, Miller S, Fogel A, Bratina N, et al. MD-
Logic overnight control for 6 weeks of home use in patients with type 1
diabetes: randomized crossover trial. Diabetes Care 2014;37:3025–32.
[18] Phillip M, Battelino T, Atlas E, Kordonouri O, Bratina N, Miller S,
et al. Nocturnal glucose control with an artificial pancreas at a diabetes
Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en camp. N Engl J Med 2013;368:824–33.
relation avec cet article. [19] Gerstl EM, Rabl W, Rosenbauer J. Metabolic control as reflected by
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mellitus: combined longitudinal analysis including 27 035 patients
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EMC - Endocrinologie-Nutrition 7
10-366-E-10  Traitement du diabète sucré de l’enfant et de l’adolescent

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Pediatr 2015;22:343–51. Diabetes 2014;15(Suppl. 20):232–44.

M. Polak, Professeur des Universités, praticien hospitalier.


J. Beltrand, Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier.
J.-J. Robert, Professeur des Universités, praticien hospitalier (jean-jacques.robert@nck.aphp.fr).
Service d’endocrinologie, gynécologie et diabétologie pédiatrique, Hôpital Necker-Enfants malades, 149, rue de Sèvres, 75743 Paris cedex 15, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Polak M, Beltrand J, Robert JJ. Traitement du diabète sucré de l’enfant et de l’adolescent. EMC -
Endocrinologie-Nutrition 2016;13(1):1-8 [Article 10-366-E-10].

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8 EMC - Endocrinologie-Nutrition
 10-366-E-15

Diabètes sucrés néonatals


K. Busiah, J. Beltrand, L. Vaivre-Douret, S. Drunat, R. Scharfmann, H. Cavé, M. Polak

Le diabète « néonatal » (DNN) est une maladie génétique rare (une naissance vivante sur 90 000 à
260 000). Il se définit par l’existence d’hyperglycémies liées à l’insuffisance ou à l’absence d’insuline
circulante et survenant avant l’âge de 1 an. Ces hyperglycémies nécessitent un traitement soit de façon
transitoire dans environ la moitié des cas, soit de façon permanente. Deux grands groupes de mécanisme
expliquent la maladie : anomalie de développement du pancréas ou anomalie de fonction de la cellule β
pancréatique. Les causes génétiques les plus fréquentes de diabète néonatal avec anomalie de fonction
de la cellule β sont les anomalies du locus 6q24 et les mutations des gènes ABCC8, KCNJ11, codant pour
les sous-unités du canal potassique de la cellule β impliqués dans le lien entre métabolisme de celle-ci et
sécrétion d’insuline. D’autres gènes sont associés à une malformation du pancréas ou à une destruction
des cellules β. Comparés aux patients avec une mutation dans ABCC8 ou KCNJ11, les patients avec
anomalie de 6q24 ont un poids et une taille de naissance plus faibles, un âge au diagnostic et un âge
de rémission plus précoces et une fréquence plus importante de malformations. Les patients avec une
mutation dans ABCC8 ou KCNJ11 ont des troubles neurologiques et neuropsychologiques chez tous ceux
testés finement. Jusqu’à 86 % des patients ayant une rémission récidivent leur diabète à l’âge pubertaire,
sans qu’il existe une différence selon la cause génétique. Tous ces résultats plaident pour l’importance
d’un suivi au long cours par une équipe multidisciplinaire pédiatrique puis de médecins d’adultes.
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Diabète néonatal transitoire ; Diabète néonatal permanent ; Anomalie du chromosome 6q24 ;
KCNJ11 ; KIR6.2 ; ABCC8 ; SUR1 ; Diabète monogénique ; Insuline ; Rémission ; Récurrences ; Malformations ;
Retard de croissance intra-utérin ; Maladie neuroendocrine ; Dyspraxie ; Maladie neuropsychologique

Plan formes cliniques ont été individualisées en fonction de la durée


du traitement : une forme transitoire où l’insuline va pouvoir
■ Définition 1 être arrêtée et une forme permanente où l’enfant ne peut être
sevré de médicament hypoglycémiant (cf. « Traitement médica-
■ Causes génétiques 1 menteux »). Deux grands groupes de mécanisme expliquent la
Anomalie de fonction de la cellule ␤ 1 maladie : malformation du pancréas ou anomalie de fonction-
Anomalie morphologique du pancréas 3 nement de la cellule ␤ pancréatique sécrétrice d’insuline (par
■ Description clinique 3 dysfonctionnement d’un composant cellulaire ou par destruction
■ Aspects thérapeutiques 4 de la cellule ␤) (Tableau 1) [4–25] .
Traitement médicamenteux 4
Prise en charge multidisciplinaire et rééducations : une approche
holistique d’une maladie neuroendocrine 4  Causes génétiques
■ Conseil génétique 6
Transmission de type mendélien 6 Anomalie de fonction de la cellule ␤
■ Conclusion 6 Les causes génétiques les plus fréquentes de diabète néonatal
avec morphologie normale du pancréas sont les anomalies du
locus 6q24 et les mutations des gènes codant pour le canal potas-
 Définition sique adénosine triphosphate (ATP)-dépendant.

6q24 (Office de nomenclature internationale


Le diabète sucré du très jeune enfant ou diabète « néonatal » est
une maladie génétique rare (une naissance vivante sur 90 000 à
des maladies [OMIM] #601410 et 603044)
260 000) [1, 2] . Il se définit par l’existence d’hyperglycémies néces- La première cause génétique identifiée a été les anomalies
sitant un traitement et survenant très habituellement entre la du locus 6q24 qui regroupe les unidisomies paternelles de 6q24
période néonatale et l’âge de 1 an. Ces hyperglycémies sont (pUPD6), la duplication partielle de 6q24 d’origine paternelle et la
liées à l’insuffisance ou à l’absence d’insuline circulante [3] . Deux relaxation de l’empreinte maternelle du locus 6q24. Il existe dans

EMC - Endocrinologie-Nutrition 1
Volume 11 > n◦ 4 > octobre 2014
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1941(14)67109-2
10-366-E-15  Diabètes sucrés néonatals

Tableau 1.
Causes génétiques de diabète néonatal monogénique selon les mécanismes physiopathologiques (hors anomalies du locus 6q24).
Gène/protéine Fonction Locus Mode de transmission Type de diabète
Anomalie de fonction de la cellule beta
ABCC8/SUR1 [7, 26] Canal KATP/sécrétion 11p15.1 Dominant DNNP/DNNT/iDEND/DEND
d’insuline
KCNJ11/Kir6.2 [27, 28] Canal KATP/sécrétion 11p15.1 Dominant DNNP/DNNT/iDEND/DEND
d’insuline
INS/insuline [8, 29] Hormone 11p15.5 Récessif DNNT/DNNP isolé
GCK/glucokinase [9, 30] Métabolisme du glucose 7p15.3-p15.1 Récessif/dominant Hétérozygote : MODY2
Homozygote : DNNP
SLC2A2/GLUT2 [10] Récepteur membranaire 3q26.1-q26.2 Récessif DNNP/DNNT + maladie de Fanconi-Bickel
(glycogénose)
Tubulopathie proximale + petite
taille + rachitisme + anomalie du métabolisme du
glucose et du galactose
SLC19A2 [11] Transporteur de 1q23.3 Récessif Syndrome de Rogers : anémie mégaloblastique
thiamine sensible à la thiamine + diabète + surdité de
perception ± DNNP
Maternally inherited diabetes ARNt mitochondrial de Mutation de l’ADN Surdité de perception et diabète + autres signes
and deafness (MIDD) leucine mitochondrial : cliniques des maladies mitochondriales
(OMIM #520000) [12] transmission maternelle
Anomalie de développement du pancréas endocrine
GATA6/GATA6 [13] Facteur de transcription 18q11.1-q11.2 Dominant DNNP par agénésie/hypoplasie
pancréas + cardiopathie congénitale + anomalies des
voies biliaires
GLIS3/protéine en doigt de Facteur de transcription 9p24.2 Récessif DNNP+ hypothyroïdie congénitale ± fibrose
zinc, GLIS3 [14] hépatique progressive ± dysplasie rénale
cystique ± glaucome congénital
HNF1β/HNF1␤ Facteur de transcription 17q12 Dominant MODY5 ou DNNT + hypoplasie
pancréatique + kystes rénaux
NEUROD1/bêta2 Facteur de transcription 2q31.3 Récessif/dominant Hétérozygote : MODY6
Homozygote : DNNP + hypoplasie
cérébelleuse + défaut visuel + surdité de perception
NEUROG3/neurogenin3 [15, 16] Facteur de transcription 10q21.3 Récessif Mutation hypomorphique homozygote : diarrhée
de malabsorption congénitale + diabète tardif
(8 ans)
Mutation nulle homozygote : DNNP + diarrhée de
malabsorption congénitale
PAX6/aniridia type II Facteur de transcription 11p13 Récessif DNNP + microphtalmie + malformation cérébrale
protein, Pax6 [17]
PDX1 (ou IPF1)/pancréas Facteur de transcription 13q12.1 Récessif/dominant Hétérozygote : MODY4
duodénum homeobox Mutation nulle homozygote : DNNP par
protéine 1 [18–20] agénésie/hypoplasie du pancréas
Mutation hypomorphique homozygote : DNNP par
hypoplasie du pancréas
PTF1A/pancréas Facteur de transcription 10p12.2 Récessif DNNP par agénésie du pancréas + agénésie
transcription factor 1 et cérébelleuse
élément exhausteur en
amont du gène [4, 21]
RFX6/Rfx6 Facteur de transcription 6q22.1 Récessif Syndrome de Martinez-Frias : hypoplasie
NKX2.2 et MNX1 [5, 6, 22] Facteur de transcription chr7 et chr 20 Récessif pancréatique + atrésie intestinale avec
diarrhée + agénésie/hypoplasie de la vésicule biliaire
Pancréas normal et hypoplasie du pancréas
Destruction des cellules beta
INS/insuline [31, 32] Hormone 11p15.5 Récessif DNNP
EIF2AK3/EIF2AK3 [23] Enzyme 2p11.2 Récessif Syndrome de Wolcott-Rallison : DNNP + dysplasie
épiphysaire
IER3IP1/immediate early Protéine du réticulum 18q12 Récessif DNNP + microcéphalie + lissencéphalie + épilepsie
response 3-interacting protein endoplasmique
1 [24]
FOXP3/forkhead box Facteur de transcription Xp11.23 Récessif lié à l’X Syndrome IPEX : DNNP + augmentation des IgE
protéine P3 [25] (domaine forkhead)
WFS1/wolframine (OMIM Protéine 4p16.1 Récessif Syndrome de Wolfram : DNNP + atrophie
#222300) transmembranaire du optique ± diabète insipide ± surdité (DIDMOAD)
réticulum
endoplasmique

DNN : diabète néonatal ; DNNP : diabète néonatal permanent ; DNNT : diabète néonatal transitoire ; DEND : syndrome associant retard mental, épilepsie et diabète néonatal
(developmental delay epilepsia neonatal diabetes) ; iDEND : intermediate DEND (syndrome de DEND sans épilepsie) ; MODY : diabète monogénique du jeune (maturity onset
diabetes of the young) ; IPEX : immunodysrégulation, polyendocrinopathie, entéropathie liée à l’X ; DIDMOAD : diabetes insipidus, diabetes mellitus, optic atrophy, and deafness ;
ADN : acide désoxyribonucléique ; IgE : immunoglobulines E ; ARN : acide ribonucléique.

2 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Diabètes sucrés néonatals  10-366-E-15

ce locus un îlot CpG, présentant une méthylation différentielle Mutations du gène de la glucokinase
selon l’origine parentale (non méthylation sur l’allèle d’origine (OMIM *138079)
paternelle, méthylation sur l’allèle d’origine maternelle) [33] . À ce
jour, l’anomalie de méthylation n’a pas été retrouvée chez les La glucokinase est responsable de la première étape du méta-
parents d’enfants atteints. La méthylation permet de réprimer bolisme du glucose dans la cellule ␤. Il agit comme un sensor de
la transcription des gènes. Toutes ces anomalies conduisent à la glycémie, ce qui permet de contrôler la quantité d’insuline
une surexpression de gènes soumis à empreinte situés en 6q24 sécrétée. Des mutations inactivatrices du gène de la glucokinase
tels pleiomorphic adenoma gene-like 1 (PLAGL1/ZAC) et hydatiforme entraînent le maturity onset diabetes in the youth type 2 (MODY-2)
mole associated and imprited transcript (HYMAI) qui sont les gènes qui se manifeste habituellement par une hyperglycémie modé-
candidats les plus « probables » [33–35] . PLAGL-1 code pour un fac- rée [47] . La transmission est hétérozygote. À l’état homozygote,
teur de transcription mis en jeu dans la régulation de l’arrêt du ces mutations inactivatrices entraînent un diabète néonatal par
cycle cellulaire et de l’apoptose et dans l’induction du gène du déficit complet de la glycolyse [30] . Il ne s’agit pas d’une cause
récepteur 1 du polypeptide activateur de l’adénylate cyclase hypo- fréquente de diabète néonatal [48, 49] . Toutefois, un dosage de la
physaire humaine (PACAP1, qui stimule fortement la sécrétion glycémie à jeun chez les deux parents est nécessaire, en particu-
d’insuline). La fonction du gène HYMAI n’est pas connue [36] . Le lier en cas d’antécédent de diabète de la grossesse. La découverte
mécanisme du diabète serait lié à un défaut de développement des d’une intolérance discrète au glucose chez les deux parents doit
cellules ␤, mais l’existence d’une rémission du diabète fait qu’une alors conduire à la recherche de mutations du gène de la
anomalie de fonction de la cellule ␤ ne peut être exclue [37] . Les glucokinase.
anomalies de 6q24 sont toujours associées à un diabète néonatal
transitoire [38, 39] .
Le gène ZFP57 (OMIM *612192) est impliqué dans le main- Anomalie morphologique du pancréas
tien de la méthylation de l’acide désoxyribonucléique (ADN) au Plusieurs gènes sont associés à un diabète néonatal avec ano-
cours des stades très précoces de l’embryogenèse. Il est localisé malie morphologique du pancréas (Tableau 1). Ces gènes sont
en 6p22.1. Des mutations homozygotes conduisant à une absence impliqués dans le développement du pancréas à un stade plus ou
de protéine ou une protéine non fonctionnelle sont associées à moins précoce de la morphogenèse. Ces diabètes néonatals sont
une hypométhylation globale de l’ADN, dont une hypométhyla- éventuellement associés à une insuffisance du pancréas exocrine
tion du locus 6q24 [40] . Cependant, il existe des patients qui ont selon la sévérité de l’atteinte pancréatique ou à d’autres malfor-
une anomalie de méthylation de 6q24 non due à des mutations mations congénitales.
de ce gène [40] . La conduite du diagnostic chez un enfant de moins de 1 an
atteint d’un diabète sucré est proposée (Fig. 1).
Mutations des gènes ABCC8 et KCNJ11 codant
pour le canal KATP (OMIM *600509 et *600937)
Le canal potassique ATP-dépendant (canal KATP) joue un rôle  Description clinique
central dans la stimulation de la sécrétion d’insuline en réponse au
glucose par la cellule ␤ pancréatique. À des glycémies peu élevées Il existe deux formes cliniques de diabète néonatal selon la
(par exemple à jeun), les canaux KATP sont ouverts (activés) et leur durée de l’insulinorequérance. Dans la forme transitoire, le traite-
activité maintient le potentiel membranaire de repos à un niveau ment peut être arrêté depuis les premières semaines de vie, jusqu’à
hyperpolarisé (autour de −70 mV). L’augmentation de la glycémie l’âge de 5 ans [38] . Dans les formes permanentes, un traitement
(par exemple en période postprandiale) induit une entrée plus médicamenteux est nécessaire à vie.
importante de glucose dans la cellule ␤. Le glucose entre dans la La différence clinique entre diabète néonatal transitoire et
voie de la glycolyse qui permet l’augmentation de la concentra- permanent n’est pas toujours sous-tendue par des mécanismes
tion intracellulaire d’ATP. Cela provoque la fermeture des canaux moléculaires distincts. Les anomalies du locus 6q24 sont associées
KATP (inhibition), ce qui entraîne une accumulation potassique exclusivement à un diabète néonatal transitoire. En revanche, les
intracellulaire à l’origine d’une dépolarisation membranaire. mutations des gènes ABCC8, KCNJ11, et INS peuvent être asso-
Cette dernière active les canaux calciques voltage-dépendants, ciées à la fois à des formes permanentes et transitoires [26, 32, 46, 50] .
entraînant l’entrée de Ca2+ dans la cellule ␤, permettant alors Les autres causes génétiques sont associées à un diabète néonatal
l’exocytose des vésicules de sécrétion et la libération d’insuline permanent.
dans la circulation sanguine. Le diagnostic de diabète néonatal se fait avant l’âge de 1 an.
Le canal KATP est un octamère formé de deux types de sous- Cependant, l’âge au diagnostic varie en fonction des causes géné-
unités, les sous-unités Kir6.2 formant le canal sélectif au potassium tiques : le diabète dû à une anomalie du locus 6q24 apparaît avant
rectifiant entrant entouré des sous-unités régulatrices SUR1 [41, 42] . l’âge de 1 mois dans 93 % des cas et avant l’âge de 3 mois dans
Elles sont respectivement codées par les gènes KCNJ11 et ABCC8. 100 % des cas. Dans les mutations des gènes ABCC8 et KCNJ11,
Des mutations activatrices dans l’un de ces deux gènes sont il apparaît avant l’âge de 1 mois dans 30 % des cas et entre 1 et
responsables de diabète néonatal avec morphologie du pancréas 6 mois dans 66 % des cas [38] .
normal [26–28] . Elles entraînent une ouverture permanente du canal À la naissance, les patients ont un poids de naissance inférieur
KATP qui ne module plus le potentiel de membrane en réponse au 10e percentile dans 62 % des cas [38] , soulignant le rôle crucial
au glucose et donc bloque la cascade d’événements qui conduit à de la sécrétion d’insuline dans la croissance pondérale fœtale. Ce
la libération d’insuline. retard de croissance intra-utérin est retrouvé dans tous les groupes
génétiques avec une proportion plus importante chez les patients
Mutations du gène de l’insuline (INS) avec une anomalie de 6q24 que ceux porteurs d’une mutation
d’ABCC8 ou de KCNJ11 (92 % versus 48 % ; p < 0,001) [38] .
(OMIM +176730) La rémission du diabète a lieu chez la moitié des patients.
La troisième cause de diabète néonatal, en fréquence, est Elle survient vers l’âge de 4 mois. Il existe une différence
les mutations du gène de l’insuline (INS). La majorité des selon les causes génétiques. Les patients avec une anomalie du
mutations sont à transmission hétérozygote et affectent la struc- locus 6q24 sont en rémission avant l’âge de 1 an dans 97 % des
ture de la prépro-insuline ; elles sont transmises sur un mode cas (âge médian de 14 semaines) alors que la rémission peut
dominant [31, 32] . La pro-insuline anormale est dégradée dans le aller jusqu’à l’âge de 5 ans chez les patients avec une mutation
réticulum endoplasmique qui est soumis à un stress, létal pour la d’ABCC8 ou KCNJ11 (âge médian de 39 semaines) [38] . Les patients
cellule ␤. Ce processus a été décrit dans des modèles de souris [43] avec une mutation du gène INS ont une rémission à un âge
et chez l’homme [44, 45] . Certaines mutations altèrent l’expression médian de 12 semaines [46] . La récidive du diabète est fréquente
de la protéine. Elles sont transmises sur le mode récessif, dans la (jusqu’à 86 % des cas) à l’âge péripubertaire probablement dû à
majorité des cas dans des familles consanguines. Ces mutations l’insulinorésistance de la puberté [38, 51] . Il n’y a pas de différence
affectent le promoteur de l’insuline [29, 46] . selon les groupes génétiques.

EMC - Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-E-15  Diabètes sucrés néonatals

Figure 1. Arbre décisionnel. Prise en charge diagnostique


Diabète < 1 an d’un diabète sucré chez l’enfant de moins de 1 an. ICA : anti-
corps anti-îlots (islet cell antibody) ; IA2 : islet cell antigen ; GAD :
glutamate acide décarboxylase ; Znt8 : zinc transporter 8 ; HLA :
human leucocyte antigen.
Anticorps Échographie du pancréas
ICA (sur pancréas humain)
IA2
GAD
Insuline (avant insulinothérapie)
Znt8
Typage HLA

Si négatif et âge Si négatif et âge Si anomalie :


> 6 mois : 2e dosage < 6 mois ou retard - analyse génétique
anticorps de croissance - bilan malformatif et
Analyse génétique intra-utérin dysmorphologique
(cf. infra) Analyse génétique - recherche de déficit du
pancréas
- exocrine (élastase
fécale)
Analyse génétique
ABCC8-KCNJ11
Insuline
Anomalie de 6q24
Autre gènes (selon phénotype)

Selon la cause génétique, les patients avec un diabète néonatal cémies et les hyperglycémiques, néfastes tous les deux pour le
ont d’autres signes cliniques associés au diabète. développement neurologique du nouveau-né. La pompe à insu-
Dans le cadre de diabète néonatal avec morphologie normale line avec dilution au 10e , voire au 100e de l’insuline dans du
du pancréas, il existe des troubles neurologiques ou des mal- chlorure de sodium (NaCl) 0,9 % offre beaucoup de maniabilité.
formations. Environ 25 % des patients avec une mutation des Les lecteurs glycémiques doivent pouvoir donner une mesure
gènes ABCC8 ou KCNJ11 ont des troubles neurologiques allant fiable de la glycémie capillaire avec la plus faible quantité de sang
de troubles psychomoteurs à un retard mental associé à une épi- possible (par exemple 0,3 ml de sang). Peu de lecteurs glycémiques
lepsie sévère (syndrome de developmental delay, epilepsia, neonatal « conventionnels » répondent à ce critère. Les mesures capillaires
diabetes [DEND]) [52] . De plus, on vient de montrer que lorsque traditionnelles peuvent être réalisées sur le bord latéral de tous
les patients sont testés finement sur le plan neuropsychomoteur les doigts, grâce à des autopiqueurs proposant des profondeurs
et neuropsychologique, on retrouvait une dyspraxie, un trouble de piqûre variables. Cela offre l’avantage d’épargner le talon des
de l’attention ou un trouble du langage allant jusqu’à la dyslexie nouveau-nés. Une alternative est l’utilisation de capteurs de glu-
chez 100 % d’entre eux [38] . cose en continu isolés ou associés à une pompe à insuline. Ils
Les patients avec anomalie du locus 6q24 peuvent avoir des ont pour avantage de minimiser le nombre de piqûres. Utilisés
malformations (macroglossie, hernie ombilicale, malformations dans les conditions d’hygiène adaptée, il n’y a pas d’augmentation
cardiaques, malformations rénales et urinaires, anémies non auto- d’infections cutanées. Il convient de faire appel à des équipes expé-
immune, hypothyroïdie avec glande en place) et des troubles rimentées pour la prise en charge de l’enfant et l’utilisation de ces
neurologiques [38, 39] . techniques.
Dans le cadre de diabète néonatal avec morphologie anormale Les patients avec mutations d’ABCC8 ou de KCNJ11 sont trai-
du pancréas ou avec destruction des cellules ␤, les malformations tés avec succès par des sulfamides hypoglycémiants, dont l’action
associées dépendent des causes génétiques et sont souvent regrou- passe par une liaison à la sous-unité régulatrice du canal potas-
pés au sein de syndromes définis (Tableau 1). sique SUR1 [53] . Les canaux mutés restent, dans la très grande
Une stratégie de diagnostic en biologie moléculaire selon le majorité des cas, sensibles aux sulfamides, qui ont un effet inhi-
phénotype des patients est proposée (Fig. 2). biteur sur le canal potassique de la cellule ␤ pancréatique.
Un protocole est actuellement en cours à l’hôpital
Necker–Enfants malades, pour permettre aux enfants de bénéficier
 Aspects thérapeutiques de ces avancées thérapeutiques, les sulfamides hypoglycémiants
étant contre-indiqués chez l’enfant en France (clinicaltrial.gov
Traitement médicamenteux no NCT00610038).
Il a été montré que les sulfamides hypoglycémiants pou-
Du fait de la précocité du diagnostic et du retard de crois-
vaient améliorer les troubles neurologiques, neuropsychologiques
sance intra-utérin associé, la prise en charge initiale des patients
et visuomoteurs s’ils sont mis en place tôt dans la vie de
avec diabète néonatal se fait très souvent en néonatalogie. Le
l’enfant [52, 54, 55] . Cela souligne l’importance d’un diagnostic géné-
traitement a pour objectif initial de rééquilibrer le métabolisme
tique précoce.
glucidique. Il doit être débuté dès le diagnostic. Le traitement
consiste à maintenir l’équilibre entre les apports calorique et glu-
cidique nécessaires pour le rattrapage pondéral régulier et non
excessif afin d’éviter tout risque d’insulinorésistance future (entre
Prise en charge multidisciplinaire
15 et 18 g/kg par jour de glucides) et une insulinothérapie suffi- et rééducations : une approche holistique
sante pour obtenir un bon équilibre métabolique. d’une maladie neuroendocrine
La restriction des apports en deçà des recommandations nutri-
tionnelles des enfants avec un petit poids de naissance est inutile La prise en charge des patients avec diabète néonatal est multi-
au vue de la physiopathologie de la carence en insuline circulante. disciplinaire et holistique. Au moment du diagnostic, tout patient
L’insulinothérapie est difficile à manipuler du fait du très petit devrait avoir un bilan malformatif complet, à renouveler éventuel-
poids. Les marges thérapeutiques sont faibles entre les hypogly- lement dans la petite enfance s’il persiste un doute.

4 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Diabètes sucrés néonatals  10-366-E-15

Figure 2. Arbre décisionnel. Approche en bio-


Analyses génétiques logie moléculaire du diabète néonatal avec
(morphologie du pancréas normale) morphologie normale du pancréas.

Âge au Formes Signes


diagnostic cliniques associés

Diabète Diabète Malformations


Avant Après Signes
néonatal néonatal cardiaques ou
1 mois 1 mois neurologiques
transitoire permanent réno-urinaire

1er 1er 1er 1er


Anomalie KCNJ11 KCNJ11 Anomalie
Anomalie
de 6q24 ABCC8 ABCC8 de 6q24
de 6q24 KCNJ11
KCNJ11 ABCC8
2e 2e ABCC8 Insuline 2e 2e
KCNJ11 Anomalie Insuline Anomalie KCNJ11
ABCC8 de 6q24 de 6q24 ABCC8
Insuline Insuline Insuline Insuline

De plus, malgré l’amélioration induite par le traitement des sul- Bilan orthophonique
famides hypoglycémiants, les enfants avec mutation d’ABCC8 ou
Le langage doit être testé dans ces domaines : la phonologie
KCNJ11 peuvent conserver un certain degré de troubles neuro-
(les sons), le lexique (le vocabulaire), la syntaxe (la grammaire), la
logiques, neuropsychologiques et neuropsychomoteurs. Il existe
pragmatique (le sens général du discours).
également des troubles neurologiques dans les autres causes de
Dans le langage écrit, doivent être explorés la lecture et ses
diabète néonatal. Ils doivent donc être évalués à l’aide d’un bilan
mécanismes, la transcription dans différents aspects (orthogra-
complet qui cible la prise en charge.
phique, lexical et grammatical) et le graphisme. Un orthophoniste
Le pédiatre peut s’aider du test de Denver [56] au cours d’une
s’attache à explorer le versant réceptif (compréhension) et expres-
consultation simple. Les principales acquisitions de l’enfant y sont
sif (production) du langage. Le but est de dépister les troubles du
classées en quatre rubriques : motricité globale, motricité fine, lan-
langage oral (dysphasie) ou du langage écrit (dyslexie et dysortho-
gage et contact social. Le test de Denver est facile à utiliser chez
graphie). Un ou plusieurs troubles peuvent se retrouver chez les
le nourrisson puis chez l’enfant, jusqu’à 5 à 6 ans. Il permet une
enfants avec diabète néonatal.
évaluation rapide et sert ainsi au dépistage.
L’orthophoniste peut être amené à faire un bilan logicomathé-
matique. Ce bilan vise à faire un état des lieux des structures
Examen neurologique logiques (outils de raisonnement) et des acquisitions, déficits ou
retards, en mathématiques, de faire le lien avec la présence ou
Il a pour but de confirmer et d’orienter les patients avec syn- l’absence de certaines structures logiques, de poser un diagnos-
drome de DEND et syndrome de DEND intermédiaire (syndrome tic de dyscalculie et, le cas échéant, de typer la dyscalculie et
de DEND sans épilepsie) vers une prise en charge adaptée. d’élaborer un projet thérapeutique adapté.
En absence de troubles neurologiques majeurs, il convient de
dépister des retards mentaux modérés, une dyspraxie, des troubles
du langage, des troubles neuropsychologiques ou de la personna- Bilan orthoptique fonctionnel
lité. Il est important de les repérer tôt dans la vie de l’enfant afin Il a pour but de dépister des troubles visuels d’ordre perceptif
de conseiller les parents pour le début de sa scolarité. L’évaluation et/ou perceptivomoteur, même si l’acuité visuelle est normale. Son
requiert souvent la réalisation de tests standardisés qui ne peuvent objectif est d’évaluer la mise en œuvre de la vision dans l’action
être pratiqués que par des examinateurs entraînés. Les tests per- (vision fonctionnelle) par analyse du rôle de la vision selon trois
mettent de préciser s’il s’agit d’un retard homogène (dans toutes axes : communication, saisie de l’information et organisation du
les rubriques du test : motricité globale, motricité fine, langage, geste avec les ajustements posturaux mis en œuvre. Il s’intègre
contact social) ou hétérogène (l’enfant échoue exclusivement cer- dans la cadre d’un bilan complet, sensoriel et moteur.
taines épreuves du test).

Ergothérapie
Bilan psychologique
L’ergothérapeute évalue et rééduque les fonctions déficitaires
Il comprend plusieurs tests adaptés à l’âge de l’enfant permet- dans le but de favoriser l’autonomie et l’indépendance dans
tant d’évaluer le quotient de développement global, les quotients la vie quotidienne et/ou une réadaptation de l’environnement
partiels de posture, de coordination, de langage et de sociabilité quotidien, scolaire et social, en trouvant des moyens de compen-
et le quotient intellectuel (QI) : global, verbal et de performance. sations (par exemple aménagement du bureau scolaire, place de
l’enfant dans la classe, etc.).
Bilan neuropsychomoteur et neuropsychologique
La batterie d’évaluation des fonctions neuropsychomotrices de
Graphothérapie clinique
l’enfant est détaillée dans le Tableau 2 [57] . Le bilan neuropsycholo- La graphothérapie clinique est une thérapie qui s’adresse aux
gique évalue : oculomotricité, écriture, structuration temporelle, enfants dont l’écriture est difficile à lire, confuse et désagréable
fonctions mnésiques, gnosies visuelles, intégration visuomotrice, au regard, ou encore trop lente. C’est une spécialité peu connue
fonctions visuospatiales et visuoconstructives, fonctions exécu- qui a pour objectif d’acquérir de l’aisance dans le geste graphique,
tives et attention visuospatiale, et le langage oral et écrit avec la d’améliorer la lisibilité et/ou la vitesse et d’accepter son écriture
vitesse de lecture et compréhension par le scripteur.

EMC - Endocrinologie-Nutrition 5
10-366-E-15  Diabètes sucrés néonatals

Tableau 2.
Batterie d’évaluation des fonctions neuropsychomotrices de l’enfant [57] . La batterie a été étalonnée sur une population de 452 enfants âgés de 4 ans à 8 ans
5 mois. Différentes études de fidélité (test–retest, interobservateurs) et de validité (contenu et construction) ont été réalisées.
Fonctions Tests réalisés
Tonus Ballant, extensibilité, mobilisation passive des membres, tonus de soutien (assis), tonus d’attitude, réflexes rotuliens,
tonus d’action
Motricité globale Équilibre dynamique (marches et saut), équilibre statique (pieds joints et unipodal)
Latéralité Spontanée, usuelle, « psychosociale » (pantomimes)
Praxies manuelles Pronosupination bimanuelle symétrique et asymétrique, touche pouce/index, opposition pouce/doigts
Gnosies tactiles digitales
Habileté oculomanuelle Mettre des jetons dans une boîte
Orientation spatiale Connaissance droite/gauche sur soi, sur autrui et par rapport à des objets, orientation par rapport à un plan
Rythme Tempo spontané, adaptation aux rythmes auditivo-visuo-kinesthésiques, adaptation aux rythmes
auditivo-visuo-moteurs (frappe et marche)
Attention auditive (sélective) Épreuve de frappes

Psychothérapie garçons et les filles. Si la mère a l’anomalie, ses enfants n’ont pas
la maladie, mais la progéniture mâle transmet la maladie. Dans le
Parfois, une psychothérapie peut aider l’enfant ou la famille à
cas d’une anomalie d’empreinte, la logique dit que la mère devrait
verbaliser les difficultés rencontrées et aider l’enfant à améliorer
transmettre, mais, jusqu’à présent, aucun cas familial n’est connu,
sa confiance et estime de soi.
et le risque de transmission est inconnu. En effet, la cause de la
relaxation d’empreinte n’est pas identifiée et les enfants identifiés
Bilan scolaire avec ce type d’anomalie sont trop jeunes pour procréer.
Il convient aussi d’ajouter un bilan scolaire au moment des
étapes clés de la scolarité (3 ans, 6 ans) afin de dépister les secteurs Transmission de type mendélien
d’apprentissages en difficulté et proposer un soutien personna-
lisé. Le bilan porte en particulier sur les matières demandant Le risque de récidive est de 25 % dans les troubles autosomiques
une compréhension et représentation abstraite des choses. En récessifs (EIF2AK, GLIS3, PTF1A, PDX1) (Tableau 1). Le syndrome
particulier, les secteurs les plus fréquemment touchées sont les immunodérégulation, polyendocrinopathie, entéropathie auto-
mathématiques (aspects spatiaux de la pose des opérations, repré- immune liée au chromosome X (IPEX) est une maladie liée à l’X.
sentation en trois dimensions [3D] en géométrie), l’apprentissage La mutation dans les gènes codant pour le canal potassique et ses
de l’écriture (lettres cursives). Mais l’apprentissage de toutes les sous-unités sont transmises en règle général à l’état hétérozygote
matières peut être perturbé. d’une façon dominante, mais il existe de rares cas de récessivité.
D’autres bilans peuvent être réalisés en fonction des besoins Par ailleurs, la transmission par mosaïcisme germinal a été décrit
et des résultats des bilans précédents. La plupart de ses bilans et ici.
rééducations se font sous prescription médicale. Certains d’entre
eux sont peu ou pas remboursés par l’Assurance maladie. De plus,
la multiplication des rééducations peut entraver le rythme scolaire  Conclusion
de l’enfant. L’assistante sociale est alors une aide précieuse pour
l’accompagnement social des familles et pour faire le lien avec Le diabète « néonatal »/« monogénique de la très jeune
les écoles et les rééducateurs. Elle participe au processus de mise enfance », est un modèle de maladie génétique humaine rare,
en place d’aides spécialisées (auxiliaire de vie scolaire) ou dans important pour comprendre le développement et la fonction de
l’orientation scolaire si besoin (classe pour l’intégration scolaire la cellule ␤ pancréatique et aider à mieux comprendre la physio-
[CLIS] ; unité pédagogique d’inclusion [UPI] ; section enseigne- pathologie de diabètes plus fréquents de l’adulte tel le diabète de
ment général et professionnel adaptés [SEGPA]). Elle aide aussi à la type 2. Le diabète néonatal est souvent associé à des troubles neu-
constitution d’un dossier usager à la maison départementale des ropsychologiques ou développementaux spécifiques des causes
personnes handicapées (MDPH) et/ou pour le service d’éducation génétiques sous-jacentes. Une approche holistique et multidisci-
spéciale et de soins à domicile (SESSAD). plinaire est alors essentielle. Ces signes cliniques devraient être
recherchés par tous cliniciens amenés à prendre en charge un
patient avec un diabète néonatal. Connaître l’histoire naturelle
 Conseil génétique [3]
et le phénotype complet de cette maladie permet, d’une part, de
mieux prendre en charge les patients et, d’autre part, d’ouvrir le
Le risque de récurrence est différent en fonction de la forme champ des analyses génétiques vers des gènes impliqués dans le
« transitoire » ou permanente de la maladie et des mécanismes développement et la fonction d’autres organes.
moléculaires identifiés. Des anomalies dans la région 6q chromo-
somique entraîne une maladie liée à l’empreinte. Dans le cas d’une
disomie uniparentale, l’allèle de la mère n’est pas retrouvé chez le Déclaration d’intérêts : Ce travail a été financé par l’Agence nationale de la
recherche-maladies rares (ANR-MRAR) Research Program Grant #ANR-07-
propositus, le risque de récidive n’existe pas, en théorie, et il n’y a
MRAR-000 (Michel Polak et Martine Vaxillaire), le Transnational European
pas de transmission par l’enfant. Des cas de disomie uniparentale
Research Grant on Rare Diseases #ERANET-09-RARE-005 (Michel Polak
partielle ont été décrits, ils sont liés à un mécanisme postzygo-
et Martine Vaxillaire), la Société francophone du diabète (SFD)-Association
tique. Le risque de récidive est probablement faible ou proche de française du diabète (AFD) (Michel Polak). Un support financier a aussi été reçu
zéro, comme l’anomalie est postzygotique. S’il y a une duplica- de l’Association française du diabète (AFD) (Raphaël Scharfamnn) et de l’Aide
tion partielle chez le propositus, il y a alors un risque de récidive aux jeunes diabétiques (AJD) (Michel Polak). Kanetee Busiah a reçu une bourse
de la maladie dans la famille et les parents sont à tester. Les por- CIFRE du ministère de l’Éducation nationale et de la Recherche, avec le soutien
teurs de la duplication ont un risque de 50 % de transmettre le de HRA-Pharma, et aussi une bourse de la Société française de pédiatrie (SFP).
défaut. S’il s’agit d’une mutation de novo, il n’existe a priori pas
de risque de récidive, sauf si un mosaïcisme germinal existe (non
décrit à ce jour). En ce qui concerne le risque de transmission, Remerciements : aux Prs Paul Czernichow et Jean-Jacques Robert du ser-
les pères transmettent à la fois le défaut génétique et la maladie. vice d’endocrinologie, gynécologie et diabétologie pédiatrique à l’Hôpital
La moitié des enfants a la maladie, présente également chez les Necker–Enfants malades, Paris, France, pour leur participation active à notre

6 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Diabètes sucrés néonatals  10-366-E-15

projet consacré au diabète néonatal ; à Mmes Nathalie Pouvreau et Christelle [20] Nicolino M1, Claiborn KC, Senée V, Boland A, Stoffers DA, Julier
Désirée à l’Hôpital Robert-Debré, Paris, pour le diagnostic biologique et la tenue C. A novel hypomorphic PDX1 mutation responsible for perma-
de la banque d’ADN ainsi qu’aux Drs Martine Vaxillaire, Amélie Bonnefond, à nent neonatal diabetes with subclinical exocrine deficiency. Diabetes
Mme Aurélie Dechaume et au Pr Philippe Froguel de l’Institut Pasteur de Lille, 2010;59:733–40.
pour les recherches génétiques ; et aussi à l’ensemble des cliniciens en France et [21] Sellick GS, Barker KT, Stolte-Dijkstra I, Fleischmann C, Coleman RJ,
à l’étranger, ainsi qu’aux enfants et à leurs familles qui nous font confiance dans Garrett C, et al. Mutations in PTF1A cause pancreatic and cerebellar
ce domaine. agenesis. Nat Genet 2004;36:1301–5.
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is mutated in patients with Wolcott-Rallison syndrome. Nat Genet
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10-366-E-15  Diabètes sucrés néonatals

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K. Busiah.
Service d’endocrinologie, gynécologie et diabétologie pédiatrique, hôpital Necker–Enfants-malades, AP–HP, Institut Imagine, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris,
France.
Université Paris-Descartes, Sorbonne Paris Cité, 12, rue de l’École-de-Médecine, 75006 Paris, France.
J. Beltrand.
Service d’endocrinologie, gynécologie et diabétologie pédiatrique, hôpital Necker–Enfants-malades, AP–HP, Institut Imagine, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris,
France.
Université Paris-Descartes, Sorbonne Paris Cité, 12, rue de l’École-de-Médecine, 75006 Paris, France.
Inserm U1016, Institut Cochin, 22, rue Mechain, 75014 Paris, France.
L. Vaivre-Douret.
Service d’endocrinologie, gynécologie et diabétologie pédiatrique, hôpital Necker–Enfants-malades, AP–HP, Institut Imagine, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris,
France.
Université Paris-Descartes, Sorbonne Paris Cité, 12, rue de l’École-de-Médecine, 75006 Paris, France.
Inserm UMR-S0669, Paris, France.
S. Drunat.
Service de génétique, Unité fonctionnelle de génétique, hôpital Robert-Debré, AP–HP, 48 boulevard Sérurier, 75019 Paris, France.
R. Scharfmann.
Inserm U1016, Institut Cochin, 22, rue Mechain, 75014 Paris, France.
H. Cavé.
Service de génétique, Unité fonctionnelle de génétique, hôpital Robert-Debré, AP–HP, 48 boulevard Sérurier, 75019 Paris, France.
Université Paris-Diderot, Sorbonne Paris Cité, Paris, France.
M. Polak (michel.polak@nck.aphp.fr).
Service d’endocrinologie, gynécologie et diabétologie pédiatrique, hôpital Necker–Enfants-malades, AP–HP, Institut Imagine, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris,
France.
Université Paris-Descartes, Sorbonne Paris Cité, 12, rue de l’École-de-Médecine, 75006 Paris, France.
Inserm U1016, Institut Cochin, 22, rue Mechain, 75014 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Busiah K, Beltrand J, Vaivre-Douret L, Drunat S, Scharfmann R, Cavé H, et al. Diabètes sucrés néonatals.
EMC - Endocrinologie-Nutrition 2014;11(4):1-8 [Article 10-366-E-15].

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8 EMC - Endocrinologie-Nutrition
¶ 10-366-F-10

Diabète du sujet âgé


B. Bauduceau, L. Bordier, O. Dupuy, H. Mayaudon

Les études épidémiologiques soulignent l’augmentation de la prévalence du diabète dans toutes les
tranches d’âge de la population. Ce fait constitue un réel problème de santé publique puisque le quart des
diabétiques est âgé de plus de 75 ans. La constitution d’un groupe de travail réunissant des
diabétologues de l’Association de langue française pour l’étude du diabète et des maladies métaboliques
(Alfédiam) et des gériatres de la Société française de gériatrie et de gérontologie (SFGG) témoigne de
l’intérêt porté sur ce sujet. La plus grande partie des seniors présente un diabète de type 2, mais un certain
nombre de diabétiques de type 1 qui ont bien vieilli sont concernés par cette problématique. Les
complications dégénératives sont plus fréquentes, plus graves et altèrent la qualité de vie de ces malades.
La prise en charge des diabétiques âgés doit s’appuyer sur l’évaluation gériatrique qui prend en compte
toutes les composantes du diabète, des handicaps, des fonctions cognitives et de l’environnement social
du malade. Ainsi, l’attitude et les objectifs thérapeutiques diffèrent selon que le diabétique a réussi son
vieillissement ou qu’il entre dans la catégorie des sujets fragiles. L’échec fréquent des antidiabétiques
oraux et l’existence de comorbidités, notamment d’une insuffisance rénale, conduisent souvent à
proposer une insulinothérapie. L’éducation du patient et surtout de son entourage est l’une des clés de
l’efficacité et de la sécurité du traitement. Un trop grand laxisme chez un diabétique qui a réussi son
vieillissement est aussi déraisonnable que l’activisme chez des sujets particulièrement fragiles. En somme,
comme toujours, le bon sens ne peut être rédigé sous forme de recommandations, mais il demeure
essentiel à un exercice médical de qualité.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Diabète ; Sujet âgé ; Insuline ; Complications dégénératives

Plan ■ Introduction
Le diabète des sujets âgés devient un phénomène de société
¶ Introduction 1 qui risque fort de mettre demain en péril les comptes sociaux.
¶ Épidémiologie 1 La majoration de la prévalence du diabète chez les seniors
¶ Concept de fragilité 2
procède du vieillissement de la population et de l’augmentation
générale de la fréquence du diabète en France comme dans le
¶ Circonstances de découverte du diabète des sujets âgés 2 reste de l’Europe, justifiant la rédaction de recommandations
¶ Particularités des complications du diabète 2 adaptées à cette population [1]. Face à cette situation, force est
Atteinte ophtalmologique 2 de constater que les études portant sur les seniors sont rares et
Atteinte rénale 2 incomplètes [2]. Dans le but de combler ce déficit de connais-
Complications cardiaques 2 sances, un intergroupe associant diabétologues de l’Alfédiam
Complications cérébrales 3
(Association de langue française pour l’étude du diabète et des
maladies métaboliques), épidémiologistes et gériatres de la SFGG
Pied diabétique et neuropathie 3
(Association française de gériatrie et de gérontologie) s’est
¶ Prise en charge des facteurs de risque 3 constitué en 2004 [3]. Ses travaux ont abouti à la rédaction d’un
Tabac 3 guide pratique paru en avril 2008 avant la mise en place d’une
Hypertension artérielle 3 grande étude de suivi de cohorte [4].
Dyslipidémie 4
¶ Traitement 4 ■ Épidémiologie
Objectifs glycémiques 4 La définition du sujet âgé n’est pas unanimement reconnue.
Hypoglycémies 4 Pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS), un sujet est
Moyens thérapeutiques 4 considéré comme âgé après 65 ans. En fait, l’important réside
Stratégies thérapeutiques 5 plus dans l’âge physiologique que dans le simple état civil et les
¶ Conclusion 5 gériatres définissent désormais, comme âgés, les sujets de plus
de 75 ans, ainsi que ceux de plus de 65 ans qui présentent une
polypathologie. Ainsi, l’important réside plus dans l’âge physio-
logique que dans le simple état civil et l’on considère
aujourd’hui le sujet de 80 ans comme l’on envisageait le malade

Endocrinologie-Nutrition 1
10-366-F-10 ¶ Diabète du sujet âgé

de 60 ans dans les années 1970. En réalité, rien n’est plus de multiples infiltrations locales de corticoïdes, peut générer ou
éloigné d’un sujet qui a bien réussi son vieillissement qu’un révéler un diabète latent et réaliser ainsi un mode de découverte
vieillard fragile présentant de multiples handicaps. Ce point est de la maladie.
essentiel car il conditionne le mode de prise en charge et les La survenue relativement brutale et inexpliquée d’un désé-
objectifs du traitement. quilibre glycémique doit amener à la réalisation d’une imagerie
Selon les dernières estimations, plus de 600 000 Français âgés pancréatique chez un malade âgé. En effet, même si beaucoup
de plus de 75 ans sont diabétiques. L’étude PAQUID montre, des tumeurs ainsi découvertes se situent au-delà de toute
qu’en France, la prévalence du diabète peut être évaluée à possibilité thérapeutique, leur caractère parfois curable et la
10,3 % chez les seniors de plus de 65 ans [5]. Tandis que les nécessité d’éclairer le pronostic invitent à réaliser, de façon
tranches de la population âgée augmentent régulièrement, la systématique, une échographie ou une tomodensitométrie
prévalence du diabète de type 2 se majore avec les années, abdominale lorsqu’un diabète s’installe ou se déséquilibre
parvenant au chiffre de 17,7 % chez les hommes et de 11,5 % brutalement sans raison particulière chez un sujet âgé [10].
chez les femmes âgées de 70 à 79 ans [6]. Ces chiffres sont
particulièrement préoccupants en institution, où l’on estime
que 20 % des 700 000 pensionnaires sont diabétiques. ■ Particularités des complications
La majoration de l’espérance de vie explique en grande partie du diabète
ce phénomène puisque, pour les femmes, la durée de l’existence
est passée de 70 ans en 1950 à près de 84 ans en 2004. Si les L’âge, la multiplicité des pathologies et leur intrication
hommes à la naissance accusent un déficit de près de 10 ans sur confèrent une tonalité particulière aux complications du diabète
l’espérance de vie de leur compagne, ce retard est en grande des seniors. Ce fait mérite d’être souligné car ces nuances ont
partie comblé après 75 ans. Ainsi à cet âge, les femmes ont une pour conséquence de modifier la prise en charge de ces
espérance de vie de 13 ans et les hommes de 10 ans. La malades.
majoration de la prévalence globale du diabète, en France
comme dans le monde, constitue la seconde composante de Atteinte ophtalmologique
l’explosion épidémique du diabète des sujets âgés. Ainsi, à Particulièrement redouté des malades, le retentissement du
l’échelle du globe, le nombre des diabétiques âgés de plus de diabète sur la fonction visuelle est multifactoriel. En effet, outre
65 ans devrait passer de 50 millions en 1995 à 110 millions en les atteintes spécifiques de la rétinopathie et de l’œdème
2025. maculaire dont la fréquence augmente avec l’âge, la vision peut
Les conséquences humaines, sociales et économiques de cette être altérée par des affections associées comme un glaucome,
explosion épidémique du diabète des seniors sont particulière- une cataracte ou une dégénérescence maculaire. Les anomalies
ment lourdes en raison des complications multiples de la de la vision constituent une source majeure de handicap,
maladie. Sur ce terrain fragilisé par les années, le diabète et ses d’isolement et nécessitent la participation d’un aidant dans la
complications altèrent la qualité de vie et concourent à la gestion du traitement, en particulier de l’insulinothérapie. Une
dépendance médicale et sociale. Une prise en charge adaptée se surveillance ophtalmologique régulière, au moins annuelle, est
révèle par conséquent indispensable. donc indispensable afin de prendre à temps les mesures
nécessaires [11].
■ Concept de fragilité
Atteinte rénale
Les résultats de l’étude Entred montrent clairement la fragilité
des diabétiques très âgés de plus de 85 ans [7]. Si leur surpoids Les atteintes de la fonction rénale ne se résument pas à la
est moins fréquent, ces malades sont plus souvent inactifs sur néphropathie diabétique chez les sujets âgés. En effet, les rôles
le plan physique, isolés et dépendants. Ces observations joués par l’hypertension artérielle (HTA), les uropathies obstruc-
témoignent de la nécessité d’une prise en charge adaptée et tives, notamment chez l’homme, les sténoses des artères rénales
illustrent le concept de fragilité qui doit nécessairement et les causes iatrogènes sont également déterminantes. La
conduire à une évaluation gérontologique. Cet état de fragilité surveillance de la fonction rénale par le dosage annuel de la
constitue l’état intermédiaire situé entre le vieillissement réussi créatinine et de la microalbuminurie est donc indispensable.
et la dépendance irréversible du vieillissement pathologique [8]. Comme chez les sujets plus jeunes, le contrôle de la glycémie
En effet, ces malades sont susceptibles de cumuler les handicaps et de la pression artérielle, en particulier par les médicaments
qui vont altérer la qualité de la prise en charge. Au vieillisse- bloquant le système rénine-angiotensine doivent être mis en
ment sensoriel, auditif et visuel, s’ajoutent une atteinte fré- œuvre dès le diagnostic de néphropathie incipiens. L’évaluation
quente de la fonction rénale et une dégradation des fonctions de la clairance de la créatinine est habituellement effectuée par
cognitives. Enfin, l’isolement social, les difficultés financières et la formule de Cockcroft et Gault. Toutefois, ce mode de calcul
la multiplicité des pathologies avec les risques d’interactions pénalise les sujets âgés si bien que la formule modification of the
médicamenteuses que cela sous-entend compliquent encore les diet in renal disease (MDRD) est préférable dans ce contexte car
soins. plus proche de la réalité. Le déclin de la fonction rénale a pour
Les critères de définition de la fragilité que les gériatres conséquence de limiter les possibilités thérapeutiques. Ainsi, la
connaissent beaucoup mieux que les diabétologues reposent sur metformine doit en théorie être interrompue pour une clairance
des données cliniques et sociales, mais également sur des inférieure à 60 ml/min et le recours à l’insulinothérapie s’avère
échelles d’évaluation explorant les fonctions cognitives, les fréquemment nécessaire, ce qui implique que l’évaluation de la
possibilités fonctionnelles et l’état nutritionnel [8]. clairance soit bien validée. Certains diabétologues proposent de
réduire la dose de metformine à 850 ou 1 000 mg/j lorsque la
clairance de la créatinine est comprise entre 30 et 60 ml/min et
■ Circonstances de découverte de n’arrêter ce traitement que lorsque la clairance se situe en
dessous de 30 ml/min.
du diabète des sujets âgés Au stade de l’insuffisance rénale terminale, le contrôle de
Grâce aux progrès des traitements, il n’est heureusement plus l’état nutritionnel, de l’anémie et la prescription d’un traitement
exceptionnel de rencontrer des diabétiques de type 1 parvenus vitaminocalcique sont indispensables. Lorsque la clairance
à un grand âge. Toutefois, le diabète de type 2, connu de longue devient inférieure à 15 ml/min, l’indication et les modalités de
date, constitue le cas de figure le plus habituel. Cependant, ce la dialyse doivent être discutées avec l’équipe de néphrologie en
diabète peut se révéler brutalement chez les seniors par une fonction de l’état clinique et cognitif du malade [12].
décompensation hyperosmolaire plus souvent que cétosique,
notamment à l’occasion d’une affection intercurrente vasculaire Complications cardiaques
ou infectieuse [9]. La constatation d’un amaigrissement ou d’une
polyurie, qui ne doit pas être confondue avec une incontinence, Coronaropathie
notamment en institution, doit conduire à contrôler la Le diabète et l’âge se conjuguent pour majorer la fréquence
glycémie. Une corticothérapie, générale ou résultant et la gravité de la maladie coronaire, notamment chez les

2 Endocrinologie-Nutrition
Diabète du sujet âgé ¶ 10-366-F-10

femmes. En 2001, près du tiers des patients hospitalisés pour un traitement d’un état dépressif améliore l’état fonctionnel et
infarctus du myocarde était diabétique. La prévalence des affectif des diabétiques, la recherche systématique de la dépres-
maladies coronariennes autodéclarées chez les diabétiques âgées sion chez les diabétiques âgés est très souhaitable.
s’élevait de 20 % entre 65 à 74 ans, à 28 % après 85 ans.
Souvent cliniquement peu bruyante, l’insuffisance corona- Accidents vasculaires cérébraux
rienne diabétique se révèle volontiers au stade des complica- Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) ischémiques
tions (infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque ou mort constituent une complication fréquente et grave du diabète et
subite). L’ischémie myocardique silencieuse, particulièrement une cause majeure de décès. Ainsi, le risque d’AVC ischémique
fréquente et de mauvais pronostic chez le diabétique âgé, pose qui est globalement triplé est d’autant plus élevé que le sujet est
le problème de son dépistage. Sa recherche est nécessaire chez hypertendu ou présente une fibrillation auriculaire ou une
un malade à risque lorsque l’état clinique le permet dans la sténose carotidienne, que le diabète est mal équilibré ou que le
mesure où la mise en évidence d’une coronaropathie conduirait malade présente déjà un antécédent d’AVC. En revanche, le
à une modification de la prise en charge. Les moyens de diabète semble protéger de la survenue d’accidents hémorragi-
diagnostic doivent être adaptés aux possibilités pour ces malades ques. Enfin, la mise en évidence de lacunes est particulièrement
d’effectuer une épreuve d’effort. Chez ces sujets âgés, la fréquente après 80 ans, mais il n’existe aucun consensus quant
scintigraphie myocardique de perfusion constitue fréquemment à la responsabilité du diabète dans leur survenue.
l’examen de choix. La mise en évidence d’une ischémie myo- La mortalité des AVC est majorée chez les diabétiques d’un
cardique justifie une coronarographie pour effectuer un éventuel facteur 1,8 à 3 tandis que le risque de handicap à trois mois est
geste interventionnel. Pour les patients fragiles, il ne paraît plus très élevé. Le rôle délétère de l’hyperglycémie au cours de l’AVC
licite d’effectuer un dépistage systématique de l’ischémie a été avancé à l’instar de celui observé au cours de l’infarctus du
silencieuse. myocarde. Ainsi, la mortalité est triplée dès que la glycémie à
Chez les diabétiques âgés en bonne santé apparente, la prise jeun lors de l’hospitalisation dépasse 1,10 g/l. Ce fait justifie de
en charge d’un angor invalidant ou d’un syndrome coronarien privilégier le recours à l’insuline associée à une hydratation
aigu doit être la même que celle recommandée pour les sujets correcte, à un nursing de qualité et à une rééducation
plus jeunes. En revanche, chez les patients fragiles ou de plus précoce [15].
de 80 ans, une approche purement médicale est privilégiée en
raison du risque iatrogène élevé des procédures de cardiologie Pied diabétique et neuropathie
interventionnelle [13].
Les atteintes des pieds chez les diabétiques âgés sont redou-
Insuffisance cardiaque tables, fréquentes, mais méconnues. L’absence de douleur, qui
supprime ce signal d’alarme, l’artériopathie fréquemment
Très souvent d’origine multifactorielle, l’insuffisance cardia- associée à la neuropathie et les troubles statiques d’observation
que constitue une cause majeure de mortalité et d’hospitalisa- courante s’associent pour conférer à ces sujets des pieds
tion chez les sujets âgés. Hypertension, maladie coronaire et particulièrement à risque. Les difficultés dans les soins quoti-
valvulopathies se conjuguent pour conférer une gravité particu- diens qui sont la conséquence de la baisse de la vision et du
lière à l’insuffisance cardiaque des diabétiques âgés. L’échogra- manque de souplesse de ces seniors expliquent le fréquent
phie permet d’identifier l’insuffisance cardiaque diastolique en retard de la prise en charge des plaies. Le dépistage des malades
rapport avec des anomalies de la compliance sans diminution à haut risque en ayant recours à la gradation internationale, le
de la fraction d’éjection du ventricule gauche. Reconnaître une recours aux aidants et la prescription de soins préventifs sont
insuffisance cardiaque, même débutante, impose l’arrêt des ainsi indispensables puisque le risque d’amputation est estimé
glitazones. En revanche, la prescription d’un régime désodé doit à 0,5 % par an et par malade de plus de 80 ans [16, 17].
être raisonnée et surveillée en raison des risques d’hyponatrémie
et de dénutrition [14].
■ Prise en charge des facteurs
Complications cérébrales de risque
Les troubles cognitifs, les démences, les états dépressifs et les
accidents vasculaires cérébraux constituent un « quadriptyque » Comme chez les sujets plus jeunes, la lutte contre les facteurs
qui handicape les diabétiques âgés et génère des conséquences de risque est aussi importante que l’obtention d’un équilibre
socioéconomiques considérables. glycémique acceptable.

Troubles cognitifs Tabac


Les diabétiques présentent dans l’ensemble des fonctions Beaucoup de sujets âgés ont cessé de fumer, malheureusement
cognitives plus altérées qu’une population indemne de diabète, souvent un peu tard. Encourager ces malades à interrompre
avec une prédominance des troubles de l’attention. Cette cette pratique est souvent difficile car les habitudes sont
dégradation des fonctions cognitives semble liée à l’ancienneté fortement ancrées. Cependant, les bénéfices que l’on peut en
du diabète et à l’équilibre glycémique. attendre sont importants et concernent en particulier le système
cardiovasculaire et la fonction respiratoire.
États démentiels
Le diabète multiplie par deux le risque de développer une Hypertension artérielle
démence vasculaire et l’association HTA-diabète majore ce L’HTA qui ne se manifeste souvent que sous la forme d’une
risque d’un facteur 6. Le diabète pourrait aggraver une maladie élévation isolée de la pression systolique est très fréquemment
d’Alzheimer au même titre que d’autres facteurs de risque associée au diabète des sujets âgés. Ainsi, dans l’étude Entred,
cardiovasculaire. Les hypoglycémies profondes et récurrentes plus de 70 % des sujets au-delà de 85 ans ont une pression
ont un rôle néfaste sur les capacités cognitives des diabétiques artérielle qui dépasse 140/90 mmHg. Le contrôle de la pression
âgés. Ces démences constituent un obstacle majeur pour la prise artérielle constitue un objectif majeur de la prise en charge de
en charge de ces malades qui deviennent dépendants pour la ces malades, permettant de diminuer l’incidence des accidents
surveillance et l’adaptation des traitements notamment de cardiaques, des AVC et des démences. Les objectifs de pression
l’insulinothérapie. Ainsi, la réalisation d’un mini mental score artérielle sont habituellement moins ambitieux que chez les
(MMS) est indispensable afin d’identifier et de quantifier jeunes diabétiques et sont fixés à 140/80 mmHg jusqu’à 80 ans.
l’importance du déficit cognitif. Au-delà de 80 ans ou chez les sujets fragiles, le but du traite-
ment est d’obtenir une pression systolique inférieure à
États dépressifs 150 mmHg. Dans le cas de figure où la pression de départ est
Les syndromes dépressifs, qui s’avèrent plus fréquents chez les très élevée, une baisse de 30 mmHg constitue déjà un objectif
diabétiques âgés, constituent un facteur à la fois confondant et raisonnable. Les mesures non médicamenteuses sont efficaces,
aggravant d’un syndrome démentiel. Dans la mesure où le mais difficiles à mettre en place et le régime désodé strict doit

Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-F-10 ¶ Diabète du sujet âgé

Tableau 1.
Objectifs glycémiques selon le groupe francophone Association de langue
française pour l’étude du diabète et des maladies métaboliques-Société
française de gériatrie et de gérontologie (Alfédiam-SFGG).
“ Point important
Patient âgé diabétique Patient âgé diabétique « fragile » Modalités de l’autosurveillance glycémique selon
en « bonne santé » le groupe francophone Alfédiam-SFGG
Glycémie à jeun entre 0,9 Glycémie à jeun entre 1,26 • Chez le diabétique âgé autonome, les principes sont les
et 1,26 g/l et 1,60 g/l mêmes que chez le diabétique jeune :
HbA1c entre 6,5 % et 7,5 % HbA1c entre 7,5 % et 8,5 % C diabète insulinotraité : contrôle de la glycémie
capillaire au moins avant chaque injection ;
HbA1c : hémoglobine glyquée.
recherche d’acétonurie ou évaluation de la
cétonémie en cas d’hyperglycémie supérieure à
être évité. Le traitement doit permettre une baisse progressive de
la pression artérielle en débutant par une monothérapie à faible
2,5 g/l ;
dose après 80 ans. La surveillance clinique à la recherche d’une C diabète non insulinotraité : autosurveillance
hypotension orthostatique et le contrôle biologique portant sur glycémique facultative, contrôle glycémique en cas
la créatinine, la natrémie et la kaliémie sont indispensables. Le d’événement intercurrent ou de traitement pouvant
choix de la monothérapie initiale dépend de la pathologie entraîner une hypoglycémie.
associée et de la tolérance prévisible de la classe médicamen- • En cas de perte d’autonomie, la surveillance est réalisée
teuse. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), les par une tierce personne :
antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II) et les C avant chaque injection d’insuline ;
bloqueurs calciques, associés si besoin aux diurétiques, consti-
C une à deux fois par semaine en cas de traitement
tuent les médicaments les plus souvent utilisés [18].
oral.
Dyslipidémie L’autosurveillance doit être renforcée lors de tout
événement intercurrent ou lors de l’institution d’un
La constatation d’une dyslipidémie est particulièrement
traitement (médicamenteux ou non) pouvant retentir sur
fréquente chez les sujets âgés. Le problème posé est celui de
l’opportunité et de la légitimité d’un traitement hypolipémiant. l’équilibre glycémique.
Bien que sa valeur pronostique diminue avec l’âge, les objectifs
en termes de low density lipoprotein (LDL), que ce soit en
prévention primaire ou secondaire ne sont pas modifiés selon de l’insuffisance rénale qui majore l’activité des hypoglycé-
les dernières recommandations. De fait, les bénéfices attendus miants, notamment des sulfamides et des interactions médica-
d’un traitement par statine sont identiques pour les sujets entre menteuses. Ces hypoglycémies sont particulièrement redoutées
70 et 80 ans. Au-delà de cette limite, le traitement doit être dans ce contexte en raison du risque de chutes et des compli-
discuté au cas par cas en fonction du terrain et du niveau de cations cardiologiques et neurologiques qu’elles peuvent
risque. Les risques de rhabdomyolyse sous statine sont plus entraîner [22]. Cependant, ces hypoglycémies sont volontiers peu
élevés chez les sujets âgés, notamment en cas d’hypothyroïdie symptomatiques surtout lorsqu’elles surviennent la nuit. Elles se
ou d’insuffisance rénale, ce qui justifie une surveillance clinique manifestent souvent par une symptomatologie neurologique ou
attentive. Enfin, en prévention primaire, il n’est pas recom- psychiatrique qui peut être difficile à reconnaître chez un
mandé de débuter un traitement par statine après 80 ans [19].
patient présentant un déficit cognitif. Les hypoglycémies de
l’insulinothérapie sont les plus fréquentes, mais celles qui
■ Traitement résultent d’un traitement par les sécrétagogues sont les plus
redoutables car elles sont volontiers de longue durée, notam-
Les objectifs généraux du traitement visent à réduire les ment chez les malades présentant une insuffisance rénale et
symptômes liés à l’hyperglycémie, prévenir les complications nécessitent un resucrage prolongé. Ce risque d’hypoglycémie ne
métaboliques aiguës, dépister et traiter à temps les complica- doit pas cependant conduire à un laxisme chez les malades
tions, prendre en charge les pathologies associées et enfin dont l’état clinique autorise une bonne prise en charge du
inclure le traitement dans une démarche cohérente avec niveau glycémique. En effet, de façon globale, la morbidité et la
l’environnement social et familial [20]. mortalité des hypoglycémies ne paraissent pas supérieures au
regard de celles de la population plus jeune. La prudence
Objectifs glycémiques impose donc des mesures de prévention et une éducation de
Aucune étude à ce jour ne permet de définir les objectifs l’entourage ou des malades lorsque cela est possible [23].
glycémiques des diabétiques âgés. Force est donc de se fonder
sur les travaux portant sur des sujets plus jeunes alors que les Moyens thérapeutiques
bienfaits que l’on peut espérer sont en partie remis en cause par
les résultats des dernières études. Quoi qu’il en soit, les objectifs Moyens non médicamenteux
glycémiques doivent être adaptés à l’état clinique et à l’autono- Ces mesures doivent être particulièrement adaptées à la
mie fonctionnelle du diabétique âgé. Ainsi, l’évaluation gériatri- personne âgée et doivent tenir compte des conditions de vie, de
que et le bon sens prennent ici tout leur intérêt. Chez les l’isolement, de l’état cognitif, des pathologies associées et
malades qui ont réussi leur vieillissement, un consensus se notamment de l’état dentaire. En effet, le « régime » ne vise plus
dégage pour rapprocher les objectifs glycémiques de ceux de la
à cet âge à réduire une surcharge pondérale puisque la majorité
population plus jeune. La fourchette d’HbA1c souhaitable qui
des sujets âgés diabétiques ne sont pas obèses. En revanche,
est habituellement retenue est de 6,5 % à 7,5 %. Toutefois, les
toute l’attention doit être portée sur les risques de dénutrition
contraintes générées par un traitement agressif nécessitant un
qui peuvent être aggravés ou déclenchés par des problèmes
autocontrôle rapproché et exposant à des hypoglycémies
dentaires [24]. Il est donc nécessaire de proscrire toute restriction
doivent être prises en compte. Chez les sujets fragiles ou
alimentaire excessive aboutissant à une ration calorique infé-
présentant un vieillissement pathologique, ces objectifs sont
rieure à 1 500 kcal/j. Sans verser dans le laxisme, le plaisir des
naturellement moins ambitieux et se situent entre 7,5 % et
repas doit être respecté car il est essentiel chez les personnes
8,5 % [21] (Tableau 1).
âgées diabétiques ou non et toute frustration à ce sujet est à la
fois mal vécue et globalement inutile. La prise raisonnable de
Hypoglycémies glucides simples en fin de repas et la consommation éventuelle
Les hypoglycémies sont fréquentes en raison du caractère d’un verre de vin au cours de celui-ci s’inscrivent dans cette
aléatoire de l’alimentation des diabétiques âgés, de la prévalence démarche.

4 Endocrinologie-Nutrition
Diabète du sujet âgé ¶ 10-366-F-10

L’activité physique doit également tenir compte de l’état Si le refus est habituel lors de l’annonce de l’indication chez
clinique du diabétique âgé. Il s’agit d’une composante essen- un diabétique âgé, il est bien rare que cette opposition résiste
tielle du traitement dont les bénéfices sont multiples, portant bien longtemps à un argumentaire patient. Les craintes des
sur la qualité de l’équilibre glycémique, mais également sur la seniors portent sur les contraintes et la gravité imprimée dans
trophicité musculaire et sur le renforcement de l’estime de soi. l’imaginaire qu’implique ce mode de traitement. Avec quelques
Enfin, la socialisation est bien améliorée, notamment dans les mois de recul, la dédramatisation des injections et le bien-être
exercices en groupe. La marche régulière doit être encouragée, qu’apporte l’insuline grâce en particulier à ses vertus anaboli-
ainsi qu’un entraînement en endurance et en résistance lorsque santes font que l’acceptation est généralement unanime.
cela est possible. Un rythme de trois séances par semaine La mise en route d’une insulinothérapie nécessite une
débutant par un échauffement progressif est idéal si l’explora- éducation thérapeutique comme chez les plus jeunes. Dans
tion cardiovasculaire l’autorise. La kinésithérapie permet enfin, l’idéal, cette éducation doit être donnée au malade lui-même.
chez les sujets fragiles, de maintenir la masse musculaire [25]. Lorsque les fonctions cognitives ne le permettent pas, force est
de se tourner vers l’entourage ou les aidants.
Moyens médicamenteux Les posologies de l’insuline doivent être adaptées à l’âge et
Antidiabétiques oraux contrôlées grâce aux glycémies capillaires. Afin de limiter les
La pharmacopée disponible s’est considérablement enrichie risques d’hypoglycémie, la dose initiale de l’insuline ne doit pas
ces dernières années, apportant de nouvelles classes médica- dépasser 0,3 à 0,5 U/kg.
menteuses et modernisant les insulines. Cette richesse bienve- La mise sur le marché des analogues d’action rapide et plus
nue complique le choix du traitement dont l’objectif est récemment des analogues lents a facilité l’utilisation de l’insu-
d’obtenir un équilibre glycémique acceptable en évitant les line chez les sujets âgés. En effet, les analogues de courte durée
effets iatrogènes et les contre-indications liées notamment à d’action entraînent moins d’hypoglycémies et peuvent être
l’insuffisance rénale. administrés après les repas et après vérification de la prise
Traitement de première ligne du diabète de type 2, la metfor- effective de nourriture. La durée d’action prolongée et la
mine nécessite des précautions d’emploi chez les diabétiques stabilité des analogues lents autorisent, notamment chez les
âgés. Les effets secondaires sont marqués par des troubles sujets fragiles, à ne recourir qu’à une seule injection par jour
digestifs qui peuvent être gênants et nécessiter l’arrêt du tout en limitant les risques d’hypoglycémie. Dans ce cas de
traitement. Sa prescription est en théorie contre-indiquée chez figure, l’heure de l’injection importe peu et doit être définie en
les sujets de plus de 80 ans ou en cas d’insuffisance rénale avec fonction de la disponibilité des infirmières. Ainsi, pour les
une clairance de la créatinine en dessous de 60 ml/min, ce qui malades dépendants restant à domicile, l’injection d’un analo-
sous-entend que son évaluation est bien valide. Enfin, la prise gue lent le matin, associée au contrôle de la glycémie capillaire,
de la metformine doit être interrompue en cas d’affection constitue la solution la plus simple et la plus commode.
intercurrente et avant la réalisation d’une imagerie nécessitant
une injection de produit iodé. Ces mesures de prudence visent
à éviter la survenue d’une acidose lactique dont la gravité est Stratégies thérapeutiques
redoutée. En ce domaine, l’important ne réside pas dans les moyens
Les sulfonylurées sont fréquemment utilisés chez les diabéti- utilisés, mais dans les résultats obtenus. Sous réserve de
ques âgés. Les risques d’hypoglycémie invitent à utiliser les l’absence de contre-indication notamment rénale et de la
produits dont la demi-vie est courte, à débuter le traitement par constatation d’une HbA1c dans les objectifs, il est parfaitement
de faibles doses, à être vigilant face aux interactions médica- licite de poursuivre un traitement par voie orale. Dans ce
menteuses et à éduquer le malade ou son entourage de façon à contexte, les sulfonylurées sont les plus couramment utilisées
les prévenir et à les corriger. Il est recommandé de proscrire les associées, si cela est possible, à la metformine.
sulfonylurées en cas d’insuffisance rénale pour une clairance se Les schémas d’insulinothérapie et les objectifs thérapeutiques
situant entre 30 et 50 ml/min. sont à évaluer au cas par cas. Ils sont guidés par le degré
Le répaglinide doit être administré avant chaque repas et peut d’autonomie, l’âge physiologique, l’espérance de vie et les
être utilisé en cas d’insuffisance rénale modérée. Toutefois, en
résultats du traitement. Ainsi, toutes les possibilités sont
l’absence d’études contrôlées, sa prescription n’est pas recom-
offertes, depuis l’injection unique le matin ou au coucher,
mandée après 75 ans.
associée éventuellement aux antidiabétiques oraux, jusqu’aux
Les inhibiteurs des alpha-glucosidases ont pour intérêt de ne pas
multi-injections dans le cadre d’un schéma basal-bolus [27].
engendrer d’hypoglycémie. Cependant, leur efficacité est
modérée et leurs effets secondaires digestifs font qu’ils sont peu
utilisés chez les diabétiques âgés, notamment en institution.
Aucune contre-indication formelle ne frappe les glitazones ■ Conclusion
quant à leur prescription chez les diabétiques âgés. L’absence de
L’allongement de l’espérance de vie et l’explosion épidémique
risque d’hypoglycémie, leur utilisation possible jusqu’à une
du diabète expliquent que le diabète des sujets âgés constitue
clairance de la créatinine à 30 ml/min et les moindres consé-
un réel problème de santé publique [28]. La plus grande partie
quences d’une éventuelle prise de poids chez les sujets âgés sont
des seniors présente un diabète de type 2, mais un certain
des arguments qui jouent en leur faveur. Toutefois, les risques
nombre de diabétiques de type 1 qui ont bien vieilli sont
d’insuffisance cardiaque engendrés par la rétention hydrosodée
concernés par cette problématique. Les complications dégénéra-
nécessitent une grande prudence et limitent beaucoup leur
tives ne semblent pas différentes de celles de l’adulte jeune,
prescription. Enfin, la rosiglitazone ne doit pas être prescrite en
mais sont plus fréquentes, plus graves et altèrent la qualité de
cas de coronaropathie ou d’artériopathie ischémique.
vie de ces malades. La prise en charge de ces diabétiques âgés
À ce jour, aucune étude de grande ampleur n’a été menée
doit s’appuyer sur l’évaluation gériatrique qui prend en compte
pour évaluer la place des analogues du glucagon-like peptide 1
toutes les composantes du diabète, des handicaps, des fonctions
(GLP1) et des inhibiteurs de la dipeptidyl peptidase IV (DPP-IV)
cognitives et de l’environnement social du malade. Ainsi,
chez les diabétiques âgés [26]. Leur intérêt potentiel réside pour
l’attitude et les objectifs thérapeutiques diffèreront selon que le
cette population dans leur faible risque hypoglycémique et dans
diabétique a réussi son vieillissement ou s’il entre dans la
l’absence de nécessité de titration.
catégorie des sujets fragiles. L’échec fréquent des antidiabétiques
Insulines oraux et l’existence de comorbidités, notamment d’une insuffi-
L’insulinothérapie constitue le traitement incontournable du sance rénale, conduisent souvent à proposer une insulinothéra-
diabète des sujets âgés. Ce traitement peut être indiqué de façon pie qui a largement bénéficié des progrès technologiques, mais
temporaire à l’occasion d’un épisode aigu intercurrent, infec- ne dispense pas de l’éducation du patient ou de son entourage.
tieux notamment ou au cours d’une intervention chirurgicale. Un trop grand laxisme chez un diabétique qui a réussi son
Plus souvent, l’insulinothérapie définitive s’impose devant un vieillissement et un activisme excessif chez des sujets particuliè-
déséquilibre chronique du diabète ou en raison des contre- rement fragiles constituent deux écueils qui doivent être évités
indications des traitements oraux en cas d’insuffisance rénale. chez ces malades âgés.

Endocrinologie-Nutrition 5
10-366-F-10 ¶ Diabète du sujet âgé

[9] Constans T. Diabetic hyperosmolarity: a consequence of loss of

“ Points essentiels [10]


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Mayaudon H, et al. Should pancreas imaging be recommanded in
• La fréquence du diabète chez les sujets âgés augmente patients over 50 years when diabetes is discovered because of acute
symptoms? Diabetes Metab 2004;30:203-7.
si bien que le quart des diabétiques est âgé de plus de [11] Massin P, Kaloustian E. The elderly diabetic’s eyes. Diabetes Metab
75 ans. 2007;33(suppl1):S4-S9.
• Les complications dégénératives sont plus fréquentes, [12] Blickle JF, Doucet J, Krummel T, Hannedouche T. Diabetic
plus graves et altèrent la qualité de vie de ces malades. nephropathy in the elderly. Diabetes Metab 2007;33(suppl1):
• La prise en charge des diabétiques âgés doit s’appuyer S40-S55.
sur l’évaluation gériatrique. [13] Chanudet X, Bonnevie L, Bauduceau B. Coronary heart disease and
• Les objectifs thérapeutiques diffèrent selon que le cardiovascular autonomic neuropathy in the elderly diabetic.
Diabetes Metab 2007;33(suppl1):S19-S31.
diabétique a réussi son vieillissement ou qu’il entre dans la [14] Verny C. Congestive heart failure in the elderly diabetic. Diabetes
catégorie des sujets fragiles. Metab 2007;33(suppl1):S32-S39.
• L’échec fréquent des antidiabétiques oraux et [15] Bauduceau B, Bourdel-Marchasson I, Brocker P, Taillia H. The brain
l’existence de comorbidités, notamment d’une of the elderly diabetic patient. Diabetes Metab 2005;31(suppl2):
insuffisance rénale, conduisent souvent à proposer une 5S92-5S97.
insulinothérapie. [16] Bourdel-Marchasson I, Helmer C, Fagot-Campagna A, Dehail P,
Joseph PA. Disability and quality of life in elderly people with
• L’éducation du patient et surtout de son entourage est
diabetes. Diabetes Metab 2007;33(suppl1):S66-S74.
l’une des clés de l’efficacité et de la sécurité du traitement. [17] Pataky Z, Vischer U. Diabetic foot disease in the elderly. Diabetes
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B. Bauduceau (bernard.bauduceau@wanadoo.fr).
L. Bordier.
O. Dupuy.
H. Mayaudon.
Service d’endocrinologie, Hôpital d’instruction des Armées Bégin, 69, avenue de Paris, 94160 Saint-Mandé, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Bauduceau B., Bordier L., Dupuy O., Mayaudon H. Diabète du sujet âgé. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Endocrinologie-Nutrition, 10-366-F-10, 2009.

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

6 Endocrinologie-Nutrition
 10-366-G-10

Diabètes et grossesse
O. Vérier-Mine, F. Dorey, J.-L. Bacri, H. Quiquempois

La prévalence croissante de l’obésité et du diabète de type 2 (mais aussi de type 1), associée à l’âge
tardif des grossesses, vont augmenter le nombre des femmes enceintes diabétiques. Toutes doivent être
informées de la nécessité d’un bon équilibre glycémique avant la grossesse et d’une contraception efficace.
Le souhait de grossesse impose un bilan complet des complications du diabète et l’arrêt des traitements
contre-indiqués. Les hypoglycémiants sont remplacés par l’insulinothérapie. Le diabète gestationnel prédit
un haut risque ultérieur de diabète de type 2 ou d’intolérance au glucose, multiplié par 7 (30 % à
50 % à 10 ans). La grossesse affecte la prise en charge du diabète : en cas de diabète de type 1, risque
accru d’hypoglycémies (spécialement au premier trimestre), d’acidocétose à un seuil glycémique plus
bas, par infections ou iatrogénicité, et, dans le diabète de type 2, majoration de l’insulinorésistance.
L’hyperglycémie du premier trimestre accroît le risque de malformations, de fausses couches spontanées.
Plus tard, l’hyperglycémie élève le risque de décès fœtal par acidose. Si l’hyperglycémie est plus modeste,
il y a un risque persistant de macrosomie, de prématurité et d’hypoglycémies néonatales. Ultérieurement,
on retrouve une prédisposition à l’obésité et à l’intolérance au glucose. Beaucoup d’arguments plaident
en faveur d’une programmation intra-utérine des pathologies cardiovasculaires, dont l’impact semble
supérieur à celui de l’hérédité génétique, pourtant si redoutée des parents. Ils rendent plus importante
l’obtention de la normoglycémie. Les prises en charge par des équipes multidisciplinaires, avant, pendant
et après la grossesse sont les plus performantes à court et à long terme. Le suivi régulier porte au minimum
sur l’hémoglobine glyquée (HbA1c), les glycémies, la pression artérielle et la prise de poids. L’éducation
traite non seulement de la prise en charge du diabète pendant la grossesse, mais aussi des bénéfices
de l’allaitement, de la réduction des éventuels facteurs de risque cardiovasculaire et, en cas de diabète
gestationnel, de la prévention du diabète de type 2.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Grossesse ; Diabète de type 1 ; Diabète de type 2 ; Diabète gestationnel ; Allaitement ; Contraception

Plan  Introduction
■ Introduction 1 La grossesse représente encore, pour les femmes diabétiques
■ Diabètes préexistants et grossesse 1 tout comme pour les équipes soignantes, un défi.
Préparation de la grossesse 1 Certes, il est devenu exceptionnel que la grossesse soit contre-
Prise en charge diabétologique d’une femme DT1 ou DT2 2 indiquée. La fréquence des principales complications et la
Complications 3 mortalité néonatale ont diminué. Mais chez les femmes diabé-

tiques de type 1 (DT1) ou celles, de plus en plus nombreuses, de
Prise en charge obstétricale 5
type 2 (DT2) [1] , la programmation de la grossesse, puis la coor-
Complications 5
dination des différents professionnels restent imparfaites, même
Accouchement 5
dans les pays développés. Le diabète est souvent banalisé ou
Complications néonatales et devenir à long terme 6
méconnu, bien que survenant chez une femme souvent à risque.
■ Diabète gestationnel 6 Cela explique la morbimortalité encore observée (Tableau 1) [1–9] .
Prévalence 6
Dépistage 6
Prise en charge durant et après la grossesse 6
■ Allaitement 7  Diabètes préexistants
■ Contraception 7 et grossesse
■ Conclusion 7
Préparation de la grossesse
L’objectif de la préparation de la grossesse est de permettre la
conception dans les meilleures conditions, afin de diminuer le
risque de malformation fœtale et d’avortement. Il est aussi de
dépister d’éventuelles complications du diabète.

EMC - Endocrinologie-Nutrition 1
Volume 9 > n◦ 3 > juillet 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1941(12)40976-3
10-366-G-10  Diabètes et grossesse

Tableau 1.
Devenir des grossesses diabétiques. Études récentes de population. Années 1991-2004 (d’après [25] ).
DPGF, 2003 [1] EVERS, 2004 [2] CDAPP, CEMACH, Lapolla, Bell, 2008 [6] Jensen, Persson,
France Pays-Bas 2004 [3] 2005 [4] 2008 [5] Italie Grande- 2009 [7] 2009 [8] Suède
2000-2001 1999-2000 Californie Grande- 1999-2003 Bretagne Danemark 1991-2003
2002-2003 Bretagne 2002-2004 1993-1999
2002-2003
n Diabète + grossesse 435 324 1 324 2 359 668 428 933 5 089
n Témoins − 200 679 − 620 841 − − 70 089 1 260 207
Malformations 4,1 versus 2,2 5,5 versus 2,6 5,6 4,6 versus 2,1 4,9 versus 6,3 4,8 versus 2,8 4,7 versus 1,8
congénitales (%) 0,86
Accouchement 38 versus 5 32 versus 7 23 37 36,5 versus − − 21 versus 5,1
prématuré (%) 5,8
Macrosomes (%) 17 > 4 kg 45 > 95 22,5 > 95 21 > 4 kg 12,5 − − 31 versus 3,6
percentile percentile
Morts-nés (%) 3,4 versus 0,6 2,8 versus 0,8 2,9 2,7 versus 0,6 1,3 versus 0,3 1,9 3,3 versus 0,7 1,5 versus 0,3
Mortalité infantile (%) 1 − − 1,0 versus 0,4 0,6 versus 0,3 − − 2 versus 0,5

Bilan préconceptionnel durant tout le premier trimestre. Le risque de malformations


apparaît si l’HbA1c préconceptionnelle dépasse trois déviations
La consultation préconceptionnelle est indispensable. Elle
standard au-delà de la moyenne (6,3 %). Le taux de malforma-
confirme le type de diabète et apprécie le degré d’équilibre glycé-
tions est inférieur à 3 % quand, lors du premier trimestre, la
mique (taux d’hémoglobine glyquée [HbA1c], fréquence et degré
glycémie est de moins de 1,10 g/l à jeun, de moins de 1,40 g/l en
de perception des hypoglycémies). L’objectif est d’avoir l’HbA1c
postprandial et que les moyennes glycémiques sont inférieures
la plus proche de la normale sans hypoglycémie. Elle analyse
à 1,20 g/l [10] .
et essaie d’optimiser, en tenant compte du contexte psycho-
Une contraception efficace doit être poursuivie jusqu’à obten-
social, le comportement alimentaire, l’activité physique et, si
tion des objectifs glycémiques.
possible, organise le sevrage d’un tabagisme ou d’autres addic-
L’acide folique (400 ␮g à 5 mg/j par jour) prévient les anomalies
tions. Les patientes en surpoids ou obèses nécessitent une prise
du tube neural aussi chez ces patientes.
en charge nutritionnelle. Le traitement du diabète est adapté.
Les thérapeutiques potentiellement tératogènes (notamment sta-
tines, inhibiteurs de l’enzyme de conversion [IEC], antagonistes Prise en charge diabétologique d’une femme
du récepteur de l’angiotensine II, fibrates) sont remplacées, mais
l’objectif tensionnel reste strict. Il faut préciser et traiter les DT1 ou DT2
complications liées à la microangiopathie, en particulier rénales et
L’hyperglycémie maternelle a des conséquences graves au-delà
oculaires qui peuvent s’aggraver. En cours de grossesse, la patiente
du premier trimestre chez le fœtus (Tableau 1) [1–9] , car elle sus-
doit en être informée. La neuropathie, notamment neurovégéta-
cite un hyperinsulinisme fœtal induisant la macrosomie (12 % à
tive, rend difficile l’équilibre du diabète. Quand le DT1 est ancien
plus de 50 % des grossesses) et des complications néonatales. Elle
ou associé à des facteurs de risque cardiovasculaire, et chez les
modifie leur composition corporelle [13, 14] . Enfin, l’hyperglycémie
patientes DT2 plus âgées, il est important de vérifier l’absence
augmente le risque de mort fœtale par hypoxie et acidose (dès
d’insuffisance coronarienne ou d’insuffisance cardiaque. Une dys-
que l’HbA1c est supérieure ou égale à 6,9 %) [7] . Chez la mère,
thyroïdie est recherchée.
l’hyperglycémie favorise la progression de la rétinopathie, de la
Souvent, la grossesse n’a pas été planifiée. Le bilan biolo-
néphropathie et la survenue de prééclampsie.
gique minimum lors de cette première consultation comprend
HbA1c, glycémie, créatinine, thyroid stimulating hormone (TSH),
T4L, microalbuminurie/créatininurie, fond d’œil (FO) et électro- Autosurveillance et objectifs glycémiques
cardiogramme (ECG). ou comment atteindre le meilleur équilibre
glycémique possible
Complications de la grossesse diabétique Physiologiquement, la glycémie à jeun s’abaisse dès le premier
au premier trimestre trimestre. Ensuite, les glycémiques postprandiales et les moyennes
Les fausses couches spontanées sont deux à cinq fois plus fré- s’élèvent discrètement.
quentes. Les malformations majeures, liées à l’hyperglycémie, La glycémie capillaire est dosée quotidiennement avant et après
sont deux à cinq fois plus nombreuses [10] . Elles restent la prin- les trois repas et vers 3 heures du matin 2 à 4 fois par mois.
cipale cause des morts périnatales. Avec une prise en charge pré- L’objectif avant les repas, au coucher et la nuit est entre 0,60
et postconceptionnelle intensive, grâce à l’équilibre obtenu, leur et 0,99 g/l. L’objectif du pic postprandial, se situe entre 1,00 et
fréquence a pu être réduite de 9 % à moins de 3 %. Les objec- 1,29 g/l [15] (moins de 1,20 g/l 2 heures après) [16] . Si la patiente
tifs de normoglycémie [11] sont difficiles à obtenir pour toutes les ne perçoit plus bien ses hypoglycémies ou n’est pas capable
patientes, ce qui explique la persistance de l’augmentation des d’autocontrôle, les objectifs sont relevés.
malformations (Tableau 1) [1–9] et des fausses couches spontanées. L’horaire de la mesure postprandiale pourrait être fixé par le pic
Il n’y a pas d’embryopathie spécifique du diabète, en dehors du glycémique. Il survient 60 à 90 minutes après le début du repas [15] ,
rare syndrome de régression caudale. Les malformations peuvent mais avec une grande variabilité intra- et interindividuelle ; un
être rénales (agénésie × 15), génitales (× 4,3), cardiovasculaires repas gras ralentit la vidange gastrique. Le délai d’une heure après
(× 3,4), neurologiques ou musculosquelettiques, diversement la fin du repas est donc aussi proposé. Quand les patientes en sont
associées entre elles [12] . capables, il est intéressant de vérifier si le pic survient bien dans
ce délai.
Prévention des malformations et avortements La patiente recherche la cétonurie dès que la glycémie est supé-
rieure à 1,80 à 2 g/l, car l’acidocétose (AC) apparaît à un seuil
spontanés précoces glycémique plus bas [17] . Le dosage dans le sang capillaire est plus
La prévention des malformations et des avortements spontanés fiable, mais la méthode a été peu évaluée durant la grossesse.
précoces repose sur l’obtention du meilleur équilibre glycémique Le taux d’HbA1c est inférieur à 5,7 %, en moyenne 5,3 %, au
possible, en évitant les hypoglycémies, en préconceptionnel et cours de la grossesse normale (résultats préliminaires de l’étude

2 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Diabètes et grossesse  10-366-G-10

HAPO, concordants avec deux autres études antérieures) [18] . n’a pas montré la supériorité de la détémir comparée à la NPH.
L’objectif durant la grossesse est inférieur à 6 % [19] . Les contrôles L’insuline Lévémir® a l’autorisation de mise sur le marché pendant
sont mensuels jusqu’à atteindre l’objectif, puis tous les 2 à 3 mois. la grossesse.
Le dosage de fructosaminémie n’a pas fait ses preuves. La zone d’injection doit rester la même pour limiter les
L’enregistrement continu des valeurs interstitielles de glucose a variations de cinétique d’absorption. Les hanches ou les flancs
prouvé son efficacité [20] . préservent des variations induites par l’activité (à la différence des
faces antérieures des cuisses).
Prise en charge nutritionnelle
La prise de poids optimale varie selon l’indice de masse cor- Antidiabétiques oraux
porelle (IMC). La ration calorique, répartie en trois repas et en Chaque fois que c’est possible, avant la conception, les hypo-
une à trois collations, est adaptée à l’activité physique, à la glycémiants oraux sont arrêtés et l’insuline est introduite (cf.
croissance fœtale et à la rétention éventuelle de poids après les supra). On procède de même si la patiente est enceinte sous trai-
grossesses précédentes. Les apports en graisse sont souvent exces- tement oral. Elle est rapidement mise à l’insuline. Mais en cas
sifs et l’apport calorique peut être diminué d’environ un tiers chez de difficultés, vu la tératogénicité de l’hyperglycémie, mieux vaut
les obèses. La grossesse ne devrait pas être l’occasion de favoriser poursuivre quelques jours le traitement oral jusqu’à l’introduction
l’obésité. de l’insuline.
La ration protidique ne doit pas descendre sous 1,1 g/kg. La L’importance du passage transplacentaire du glibenclamide et
ration glucidique, enrichie en fibres, répartie entre les différents son impact sur le fœtus sont discutés. Il n’est pas recommandé
repas pour éviter les hypo- et les hyperglycémies, est au mini- en début de grossesse. Son efficacité aux deuxième et troisième
mum de 180 g/j. Dans les diabètes gestationnels (DG) et chez trimestres est en cours d’évaluation.
les DT2, l’acétonurie apparaît en fin de matinée ou d’après-midi La metformine passe la barrière placentaire. Elle a bénéficié
si les apports sont inférieurs à 180 g/j. Sa recherche systéma- d’une utilisation ancienne et d’évaluations nombreuses. Elle est
tique dépiste les patientes qui se restreignent à tort. La collation efficace aux deuxième et troisième trimestres, mais son utilisation
en soirée limite les hypoglycémies nocturnes et atténue la céto- n’est pas recommandée en France. Elle l’est en Grande-Bretagne.
nurie matinale. La consommation de folates est recommandée, Des études sont en cours pour mieux apprécier la tératogénicité et
celle d’édulcorants, en quantité modérée, possible. Un semainier surtout le développement et le devenir métabolique de l’enfant.
alimentaire facilite le suivi [16, 21] . Les autres molécules (inhibiteurs de l’alphaglucosidase, gli-
Les objectifs de prise de poids en fonction de l’IMC (recom- nides, glitazones, inhibiteurs de la DPP4 et analogues du GLP1)
mandés par l’Institut of Medecine, 2009 [22] ) sont pour une taille ne sont pas autorisées. L’exenatide ne traverse pas le placenta,
de plus de 1,57 m et hors grossesse gémellaire : l’acarbose sans doute pas.
• IMC normal : 11,5-16 kg ;
• surpoids : 7-11,5 kg ;
• obésité : 5-9 kg [22] . Complications
D’autres conseillent 5 à 9 kg en cas de poids normal et 5 kg au-
Acidocétose
delà [23] . Il n’y a pas de recommandations quant à un éventuel
amaigrissement. L’acidocétose (AC) se développe plus vite pendant la gros-
sesse : 10 % à 30 % des cas apparaissent dès un seuil glycémique
Activité physique « bas », inférieur à 2,50 g/l [17] . Aux facteurs prédisposants habituels
s’ajoute la prise de glucocorticoïdes ou de bêtamimétiques.
C’est un traitement à part entière. Au moins 30 minutes par La mortalité fœtale est de 9 % à 35 %, elle survient souvent avant
jour d’activité physique adaptée (ne risquant pas d’induire une l’admission. Le risque disparaît dès que la mère est correctement
perte d’équilibre, ou toute autre cause de traumatisme fœtal) sont traitée, même si les enregistrements cardiaques fœtaux restent
recommandées, aussi bien pour les patientes enceintes DT1, que anormaux. La mortalité maternelle n’a pas totalement disparu,
DT2 non compliquées [24] . Aucun effet néfaste ne survient lors et le pronostic reste fonction de la rapidité du diagnostic.
de la grossesse des patientes non compliquées, si elles pratiquent La clinique est classique, mais parfois discrète. L’association
les adaptations de glucides et d’insuline, ainsi que l’autocontrôle hyperglycémie-acétonémie (ou acétonurie) porte le diagnostic,
nécessaires pour éviter les hypoglycémies. confirmé par le pH inférieur à 7,3.
Hors diabète gestationnel, il n’a pas été mené d’étude spécifique S’y ajoute l’enregistrement des contractions utérines et du
chez la femme enceinte diabétique. rythme cardiaque fœtal dès que le fœtus est viable.
Le traitement est d’abord préventif. Il repose sur l’éducation des
Insulinothérapie durant la grossesse patientes DT1 et « DT2 » ou « DG » mais dont l’histoire clinique les
classe à risque d’AC. Les troubles digestifs (nausées, vomissements,
L’insulinothérapie durant la grossesse est de type intensifiée,
douleurs abdominales, anorexie, fièvre) peuvent être trompeurs,
basal-bolus, en multi-injections. La pompe à insuline permet une
mais doivent faire évoquer l’AC. Une glycémie supérieure à 2 g/l
délivrance d’insuline plus ajustée aux besoins.
nécessite la recherche d’acétone (urines ou sang capillaire). En cas
Chez les patientes DT1, après une légère baisse au premier
de positivité, il faut injecter des bolus supplémentaires d’insuline
trimestre, les besoins augmentent (de 60 % à 200 %), avec des
rapide au stylo et contacter très rapidement l’équipe médicale.
variations individuelles. Ils peuvent décliner à nouveau après la
35e semaine. Chez les DT2, ils peuvent doubler, voire tripler.
Une grande régularité dans l’apport des féculents prévient
Hypoglycémies
mieux les hypoglycémies, ce qui peut limiter l’utilisation de En début de grossesse normale, la glycémie s’abaisse et le seuil
l’insulinothérapie fonctionnelle (technique d’adaptation des de contre-régulation des hypoglycémies se situe entre 0,48 et
doses d’insuline aux quantités de glucides ingérés). Les ana- 0,57 g/l [25] . Le seuil diagnostique des hypoglycémies est fixé
logues rapides de l’insuline (asparte ou lispro) limiteraient à moins de 0,60 g/l [16] . L’intensification de l’insulinothérapie
mieux l’élévation glycémique postprandiale et induiraient moins en élève le risque. L’ancienneté du diabète, des doses élevées
d’hypoglycémies. d’insuline, l’HbA1c basse les favorisent [9] . Un tiers des patientes
Les analogues rapide, glulisine, et lent, glargine, ne sont pas ressentent de façon altérée ces hypoglycémies. Près de la moi-
indiqués pendant la grossesse, faute d’étude observationnelle suf- tié fait une hypoglycémie sévère (nécessitant l’intervention d’un
fisante. In vitro, la glargine a une mitogénicité six fois plus forte tiers) au premier trimestre. Le pic de survenue se situe entre 2 et
que l’insuline. La cinétique d’activité de la glargine (trop plate) la 3 mois [9] . Le risque de coma hypoglycémique y est multiplié par
rend moins utile que l’insuline NPH pour contrôler la glycémie à deux (19 %) ; il persiste ultérieurement. Au troisième trimestre,
jeun. L’analogue lent détémir est différent, moins mitogène que 20 % des patientes avaient encore une hypoglycémie sévère [2] . Les
l’insuline, mais lié à un acide gras. Sa demi-vie est fonction de hypoglycémies nocturnes asymptomatiques sont fréquentes. Les
la dose, entre 6 à 23 heures. Une étude chez la femme enceinte patientes DT2 semblent moins exposées.

EMC - Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-G-10  Diabètes et grossesse

Les hypoglycémies modérées n’ont pas d’incidence sur le deve- • pendant la grossesse : en cas de ND patente, réduire les apports
nir fœtal (malformations), sur les anomalies du rythme cardiaque protéiques à 1,1 g/kg de poids (sans être inférieurs à 60 g/j) ; trai-
et respiratoire, sur le flux ombilical ou sur le QI [26] . ter l’anémie ;
Leur prévention repose sur une bonne formation de la patiente : • prendre un avis néphrologique si le taux de filtration gloméru-
prélèvements capillaires fréquents, prise de féculents régulière, laire est inférieur à 60 ml/min/1,73 m2 ou si l’HTA est sévère, ou
avec introduction de trois collations supplémentaires, et aussi en cas de protéinurie néphrotique ;
pendant et après l’activité physique, avant la conduite automo- • le décubitus latéral peut améliorer la perfusion.
bile. En cas de mauvaise perception, il convient d’augmenter la
fréquence des contrôles glycémiques et d’éviter méticuleusement Rétinopathie diabétique et grossesse
les hypoglycémies, ce qui facilite à nouveau leur identification.
La prise d’environ 15 g de sucres simples (sucre en morceaux, Prévalence
jus de fruits, confiture, etc.) traite l’hypoglycémie modérée, sans Dans l’étude multicentrique française [1] , la prévalence de la réti-
risque de surcorrection. En cas d’hypoglycémie profonde, la nopathie diabétique (RD) était de 34 % chez les DT1 et de 2,7 %
conduite à tenir est la même que hors grossesse. chez les DT2 ; au Danemark, de 10,4 % et 0 % [29] respectivement.
Chez les DT2, les cas de rétinopathie floride sont rarement rap-
portés. L’œdème maculaire n’est pas fréquent, souvent associé
Hypertension artérielle chez la diabétique à une ND, à une RD proliférante (RDP) ou à une prééclampsie
enceinte surimposée.
Environ 10 % à 17 % des patientes DT1 enceintes présentent Évolution de la rétinopathie diabétique pendant la grossesse :
une hypertension artérielle (HTA) chronique (1,4 % hors diabète). facteurs de risque de progression
La prévalence est supérieure chez les DT2 [27] . Elle croît avec l’âge,
Ces facteurs sont la préexistence de la RD, la durée du diabète,
l’ancienneté du diabète, l’obésité et les antécédents familiaux. Un
l’HbA1c élevée en début de grossesse, l’HTA avant la grossesse et
quart des hypertendues chroniques auront une prééclampsie sur-
la prééclampsie.
imposée.
L’amélioration brutale de la glycémie en début de grossesse peut
L’HTA gestationnelle est présente chez 3,5 % des DT1 et DT2.
aussi accélérer le développement d’une RD. Mais dans l’étude du
Il faut traiter l’HTA sévère (stade 2) des patientes diabétiques
DCCT, la grossesse n’a pas entraîné plus d’aggravation dans le
enceintes hypertendues chroniques (pour la préservation de la
groupe intensif [30] . Il est donc difficile d’évaluer l’impact du dés-
croissance fœtale et la protection cardiovasculaire maternelle).
équilibre glycémique seul chez les patientes ayant déjà une RD.
Les objectifs habituels sont inférieurs à 140/90. Pour l’American
Le risque d’aggravation varie de 1,3 % à 29,4 % selon l’état
Diabetes Association (ADA), ils sont entre 109/64 et 130/80
rétinien initial. Elle survient souvent au deuxième trimestre,
(consensus d’experts) [16] . Sont actifs et bien tolérés le labéta-
exceptionnellement en fin de grossesse. Il est maximal si la RDP
lol, la nifédipine (un peu plus étudiée que la nicardipine et
n’a pas été photocoagulée avant la conception [31] .
l’amlodipine), l’alphaméthyldopa, la clonidine, utilisés seuls ou
combinés. La consommation de sel doit être de l’ordre 8 g/j. Une Prise en charge
consommation excessive comme sa restriction restent contre- En préconceptionnel, chez les patientes avec rétinopathie non
indiquées. Ces grossesses à haut risque doivent être suivies très proliférante (RDNP) ou RDP, il est très souhaitable de traiter
tôt par une équipe obstétricale multidisciplinaire spécialisée, qui l’éventuelle HTA et de normaliser pendant 6 mois au moins les
évaluera l’impact de ces mesures sur la mère et le fœtus (retard de glycémies avant de concevoir.
croissance intra-utérin [RCIU] qui nécessite d’interpréter la bio- Au premier trimestre, toutes les patientes doivent équilibrer
métrie fœtale avec précaution). Les enregistrements en continu, rapidement leur diabète, quels que soient leur HbA1c et leur fond
l’automesure sont utiles. Le traitement de l’HTA ne diminue pas d’œil (FO).
le risque de prééclampsie. Le suivi comporte un FO au premier trimestre. Ensuite, au-delà
du stade de RD minime, le FO est trimestriel. En cas de RDNP
Néphropathie diabétique et grossesse modérée ou sévère, de RDP, il est mensuel.
L’accouchement par voie vaginale induit un risque, mal évalué,
La microalbuminurie est assez fréquente. Dans une étude néo- d’hémorragies rétiniennes ou du vitré ; par prudence en cas de
zélandaise [27] elle était présente chez 1/5 des patientes DT1 et un RDP non traitée, une césarienne peut être indiquée.
tiers des DT2 enceintes. En début de grossesse, elle est un mar- La grossesse, en elle-même, n’élève pas le risque ou l’aggravation
queur de surrisque de prééclampsie (jusqu’à 35-60 %) [27] . Après de la RD après l’accouchement [28] . Le FO annuel est nécessaire.
20 semaines d’aménorrhée (SA), certaines patientes diabétiques, Comment traiter ? Quand photocoaguler ? Les recommandations
normotendues et dont la grossesse n’est pas compliquée, ont une sont analogues à celles hors grossesse.
élévation de la microalbuminurie (voire de la protéinurie) beau- En cas de RD avancée, une prise en charge plutôt agressive par
coup plus importante que hors diabète. En l’absence de prise en des ophtalmologues expérimentés est recommandée. Les néovais-
charge intensive peut apparaître une protéinurie néphrotique. Le seaux de fin de grossesse méritent toujours un traitement rapide.
mécanisme n’est pas connu (aggravation de la néphropathie dia- Parfois, l’aggravation de la RD peut cesser et même s’améliorer en
bétique [ND] ou manifestations rénales de la prééclampsie ?), mais post-partum.
cette protéinurie régresse généralement en post-partum [26] . La vitrectomie est possible durant toute la grossesse. L’œdème
La ND patente est affirmée si la macroalbuminurie ou la protéi- maculaire peut nécessiter la prise de corticoïdes ou de diurétiques,
nurie est permanente avant 20 SA. Sa prévalence est de 5,3-6,4 % mais régresse habituellement en post-partum.
dans le DT1 et de 1-4 % dans le DT2 [2] . La ND contribue à
l’aggravation de la morbidité maternelle et fœtale, d’autant plus
si la fonction rénale est altérée : elle induit une prévalence accrue
Dyslipidémies
de prééclampsie ajoutée, de naissance prématurée et de RCIU. La grossesse normale s’accompagne de modifications notables
L’évolution vers l’insuffisance rénale terminale durant la gros- des constantes lipidiques, rapportées depuis longtemps.
sesse est rare. En cas de dialyse, le risque est moins à la Les triglycérides (TG) s’élèvent tout au long de la grossesse
surmortalité maternelle qu’au devenir fœtal (plus d’un quart des normale, jusqu’à doubler, voire quadrupler y compris lors d’une
fœtus décèdent). hypertriglycéridémie (hyper-TG) préexistante. Le risque de pan-
La grossesse en elle-même n’augmente pas la prévalence de la créatite survient dès que les TG sont supérieurs à 10 g/l. Au-delà
microalbuminurie ultérieure [28] ni celle de la macroalbuminurie. de 20 g/l, le risque de pancréatite aiguë est de 1/1 000 au troi-
Elle n’accélère pas l’évolution vers l’insuffisance rénale terminale. sième trimestre. L’hyper-TG est prédictrice de macrosomie fœtale
Voici les propositions thérapeutiques [16] : dans le DG et par extension dans la grossesse DT2 et sans
• avant et pendant la grossesse : optimiser l’équilibre glycémique doute DT1.
et tensionnel pour réduire la ND ; utiliser les antihypertenseurs En pratique, la dyslipidémie doit être diagnostiquée et traitée
autorisés ; avant la grossesse. Sinon, il faut la rechercher dès que possible,

4 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Diabètes et grossesse  10-366-G-10

avant la fin du deuxième trimestre. Les statines, tératogènes, Il n’y a pas plus de pyélonéphrite.
doivent être arrêtées avant la conception. Les résines abaissent La prééclampsie est trois à sept fois plus fréquente en cas de
modestement (10 % à 20 %) le low density lipoprotein cholesterol diabète [33] . Les facteurs favorisants sont la nulliparité, l’HbA1c
(LDL-C). La diététique est la même que hors grossesse. élevée, l’HTA chronique, la micro- ou macroprotéinurie. La prise
en charge ne diffère pas de celle hors diabète. L’objectif de
Pathologies cardiovasculaires la pression artérielle (PA) systolique est alors inférieur à 155-
160 mmHg et celui de la pression diastolique est inférieur
Les pathologies cardiovasculaires concernent les patientes DT1 à 110 mmHg.
et de plus en plus de patientes DT2 (prévalence croissante combi- L’accouchement prématuré est trois à six fois plus fré-
née à un âge plus tardif des grossesses). Aux États-Unis, pendant la quent (Tableau 1) [1–9] . Les causes sont l’accouchement spontané
grossesse et le post-partum, hors diabète, le taux d’infarctus est de et la prééclampsie. Les bêtamimétiques sont contre-indiqués
6,6/100 000. Le diabète multiplie ce risque par 3,6 (James, 2006, pour la tocolyse, car ils sont potentiellement responsables
in [26] ) ; le taux d’infarctus ancien ou survenu pendant la grossesse d’hyperglycémie majeure. Il faut utiliser les inhibiteurs calciques
est de 1/10 000, et de 1/350 en cas de diabète (Leguizamon, 2004, (en l’absence de contre-indication) ou l’atosiban. Le bénéfice
in [26] ). Rappelons que la coronaropathie non revascularisée est néonatal des glucocorticoïdes pour accélérer la maturation pul-
une contre-indication à la grossesse. Le diagnostic de l’infarctus est monaire n’a pas été démontré en cas de diabète. En cas de
porté par le dosage de la troponine ; les taux de créatines phospho- risque de grande prématurité (moins de 33 SA), leur utilisation est
kinases (CPK) et de transaminases sont modifiés par l’état gravide. licite. L’augmentation des doses d’insuline les jours qui suivent
Le risque d’accident vasculaire cérébral ischémique (9,2/100 000 l’injection de glucocorticoïdes de 27 % le 1er jour, 45 % le 2e jour,
pendant la grossesse hors diabète aux États-Unis) est plus que 40 % le 3e jour, 31 % le 4e jour et 11 % le 5e jour est efficace pour
doublé (tous diabètes confondus) [26] . limiter l’hyperglycémie [34] .
La césarienne augmente le risque thromboembolique des dia-
Obésité, diabète et grossesse : diabésité bétiques (DT1, DT2, DG).
La prévalence croissante de l’obésité chez les femmes en âge de
procréer élève le nombre de patientes qui seront atteintes d’un
DT2 ou d’un DG. Elle accentue toutes les complications liées au Accouchement
diabète. Le taux de mort-nés est proportionnel à l’IMC. L’obésité Conduite obstétricale
est un facteur indépendant de malformations et rend difficile
leur diagnostic échographique. Elle contribue à la macrosomie et Les patientes dont le diabète est récent, très bien équilibré, qui
double le taux de prééclampsies. ont des grossesses non compliquées, peuvent attendre leur tra-
vail spontané à 39-40 semaines. Chez les DT1, l’accouchement
est proposé entre 38 et 39 SA (37-38 si le diabète est déséquili-
Dysthyroïdies
bré). La prise en charge de la douleur améliore la PA et l’équilibre
Pendant la grossesse diabétique, la prévalence des hypothy- glycémique.
roïdies varie entre 5 % et 16 %. Chez les DT1 des Pays-Bas, Le principal risque est celui de la dystocie des épaules liées à
elle est de 4,9 % et celle de l’hypothyroïdie infraclinique de la macrosomie (4,7 % à 11,4 %) (risque × 2,4 à 6) [35] . La dystocie
18,3 % ; 20,7 % des patientes avaient des anticorps antithyroïdiens reste difficile à prédire. Elle peut se compliquer de fracture de la
positifs ; 13 % ont développé une hypothyroïdie durant la gros- clavicule ou de l’humérus, de paralysie radiale et d’étirement du
sesse [32] . L’hyperthyroïdie est retrouvée chez 1,7 % des DT1 et plexus brachial.
0,3 % des DT2 (0,1 % à 0,6 % hors diabète). Elle aggrave le pro- Le consensus suivant tente de la prévenir [36] :
nostic fœtal en déséquilibrant le diabète. • si le poids estimé est supérieur ou égal à 4,5 kg, en fonction des
Avant et en début de grossesse, il faut doser la TSH et les antécédents : césarienne à 39 SA ;
anticorps antithyroïdiens. Il n’y a pas d’autre mesure à envisa- • entre 4 et 4,5 kg à 37-38 semaines : travail induit à ce terme ou
ger si les anticorps sont négatifs et la TSH normale (inférieure césarienne à 39 SA.
à 4,5 ␮U/ml avant la grossesse et inférieure à 2,5 ␮U/ml au premier • entre 3,5 et 4 kg : accouchement par voie basse (dystocie encore
trimestre). possible).
La thyroïdite, recherchée 3 à 6 mois post-partum, est retrouvée Les antécédents de la patiente modulent ces propositions.
dans 18 % à 51 % des DT1 (5 % à 7 % hors diabète), souvent sous La césarienne est donc fréquente (50 % à 60 %). Son risque
forme d’hypothyroïdie infraclinique. Le risque des patientes DT2 d’infection doublé, non lié à l’équilibre glycémique, nécessite,
et DG est intermédiaire. pour certains, une antibiothérapie prophylactique.

Maintien de l’euglycémie
 Prise en charge obstétricale Durant le travail, le risque d’hypoxie fœtale apparaît au-delà
Complications de 1,50 g/l. Un risque moindre d’hypoglycémies néonatales est
obtenu si les glycémies maternelles sont inférieures à 1 g/l. Cela
Le suivi de la grossesse est analogue à celui hors diabète. définit les objectifs glycémiques.
L’échographie du premier trimestre confirme la vitalité et recti- Les besoins en insuline, quasi nuls lors de la première phase
fie le terme, plus souvent inexact. Celles des deuxième et troisième du travail, réaugmentent ensuite. Une autosurveillance horaire
trimestres apprécient la biométrie et dépistent les malformations, est indispensable. Elle est réalisée dès le début du travail. La
complétées par une échocardiographie en cas de haut risque. dernière dose d’insuline intermédiaire est donnée, si possible,
La macrosomie fœtale, induite par le mauvais équilibre la veille du travail en soirée. Au début du travail, une perfusion
glycémique, est la complication de loin la plus fréquente. La cir- intraveineuse d’insuline est installée au débit de 1,25 U/h si la
conférence abdominale, qui apprécie le tissu adipeux sous-cutané, glycémie est supérieure à 1,00 g/l. Quand le travail se met en
est excessive (supérieur au 75e percentile pour l’âge), plus souvent route, ou que la glycémie descend sous 0,70 g/l, du glucosé à
chez le garçon. Un équilibre médiocre induit un hydramnios. La 5 % est administré, 100 à 150 ml/h, pour maintenir la glycémie
prédiction échographique de la macrosomie et de la dystocie des maternelle vers 1 g/l (sous 1,30 g/l) (protocole de l’American
épaules n’est ni très sensible ni très spécifique, mais reste meilleure College of Obstetricians and Gynecologists [ACOG]) [36] .
que celle clinique, surtout chez l’obèse. La valeur prédictive néga- D’autres préfèrent l’administration systématique de glucosé
tive de l’échographie (répétée) apparaît meilleure aussi. à 5 %.
La microangiopathie et l’HTA favorisent le retard de croissance Après la délivrance, les glycémies chutent brutalement pendant
intra-utérin. quelques heures puis se relèvent, mais n’atteignent que 30 % à
L’enregistrement cardiotocographique dès 32 semaines 1 à 2 50 % des besoins de fin de grossesse [37] . Les objectifs glycémiques
fois par semaine vérifie la vitalité fœtale. sont élargis.

EMC - Endocrinologie-Nutrition 5
10-366-G-10  Diabètes et grossesse

Complications néonatales et devenir à long Tableau 2.


Dépistage du diabète gestationnel (DG) [47] . Rappel des facteurs de
terme risque : âge > 35 ans ; indice de masse corporelle (IMC) > 25 ; antécédents
personnels de DG ou d’enfant macrosome ; antécédent de diabète chez
Les complications néonatales sont aussi fréquentes en cas de
les apparentés au premier degré.
DT1 qu’en cas de DT2 et nécessitent la présence du pédiatre.
Dans les 48 premières heures peuvent survenir des hypoglycémies Premier trimestre DG affirmé si glycémie à
(délétères si elles sont inférieures à 0,40 g/l chez le nouveau-né jeun ≥ 0,92 g/l
à terme et inférieures à 0,35 g/l chez le prématuré dysmature). À 24-28 SA, si la patiente avait HPO : 75 g de glucose le matin, à
Le nadir physiologique des glycémies (0,45-0,60 g/l) survenant une glycémie < 0,92 g/l au premier jeun (depuis au moins 8 heures)
entre 30 et 40 minutes de vie, le nouveau-né doit être alimenté trimestre
le plus tôt possible. La surveillance glycémique commence après
DG affirmé si une seule valeur est :
le premier repas et avant le suivant. Une détresse respiratoire, -à jeun ≥ 0,92 g/l
une tachypnée transitoire, une difficulté à la succion peuvent -1 h ≥ 1,80 g/l
survenir. Le bilan morphologique, la recherche de polycythé- -2 h ≥ 1,53 g/l
mie, d’hyperbilirubinémie, d’hypocalcémie sont orientés par la
clinique. Le pronostic fœtal des cardiopathies hypertrophiques HPO : hyperglycémie provoquée par voie orale ; SA : semaine d’aménorrhée.
n’est pas bien évalué. Le diabète maternel quadruple le risque de
convulsions néonatales.
À long terme, les enfants des mères bien équilibrées n’ont Prise en charge durant et après la grossesse
pas de troubles psychomoteurs ni de réduction du QI [38] . Mais
beaucoup plus préoccupante est la survenue de syndrome méta- La prise en charge obstétricale [47] , ainsi que diététique et dia-
bolique, d’intolérance au glucose et d’obésité [38, 39] , de DT2 [40] , de bétologique [48] , est proche de celle décrite supra et infra pour
DT1 (2,1 % d’incidence cumulative après 20 ans de suivi) [41] . les diabètes prégestationnels, sans oublier l’activité physique [49] .
L’insuline est introduite dès que les objectifs glycémiques sont
dépassés (0,95 g/l à jeun ; 1,20 g/l 2 heures après le repas, 1,30 g/l
1 heure après) [48] . La metformine est une alternative [50] non
 Diabète gestationnel encore introduite en France (devenir à 2 et 5 ans des enfants en
attente). Si la titration en insuline est bien faite, elle prévient effi-
Le DG est un trouble de la tolérance glycémique découvert pour cacement la macrosomie et les complications néonatales [51, 52] ).
la première fois lors de la grossesse. Si l’IMC est supérieur à 35, l’insulinothérapie systéma-
tique semble plus efficace [53] . L’insuline est arrêtée pour
l’accouchement. Après celui-ci, l’alimentation équilibrée,
Prévalence l’activité physique restent conseillées pour toutes les femmes
Sa prévalence en France (1991) était de 6,1 % [42] ; elle s’élève en raison des risques ultérieurs de dysglycémie. Un hypo-
au fil des années [43] , de par l’obésité de plus en plus souvent glycémiant oral peut être indiqué si le diabète (glycémie à
intriquée au DG. Les populations latino- et afro-américaine, jeun ≥ 1,26 g/l) persiste en post-partum immédiat, malgré les
indienne, asiatique, des îles du Pacifique sont plus touchées, mesures hygiénodiététiques.
jusqu’à 19 %. Un trouble de la tolérance glycémique doit être recherché 6 à 12
Les gènes de susceptibilité du DT2 y sont retrouvés à la même semaines post-partum [47] . Le rappel de ce dépistage par l’équipe
fréquence [44] . obstétricale, avec remise de l’ordonnance de dépistage à la mater-
nité, est la mesure qui conditionne le plus sa réalisation. Si l’HPO
(75 g/2 heures) est la méthode la plus sensible, c’est aussi la moins
Dépistage acceptée. Le dosage de l’HbA1c, proposé par l’Organisation mon-
diale de la santé (OMS), est le plus simple (notons que la Société
Le DG est une entité cliniquement hétérogène. Chez certaines, francophone du diabète n’avait pas encore validé l’usage diagnos-
le DG va éclore à mi-grossesse. Mais chez d’autres femmes, il s’agit tique de l’HbA1c en 2011). Une valeur de 6,5 % affirme le diabète,
de DT2 négligé ou méconnu avant la grossesse. Le diagnostic n’est une valeur entre 5,7 % et 6,5 % l’intolérance au glucose. La glycé-
possible que par des glycémies précoces. mie à jeun manque de sensibilité [54] .
C’est ce que permet la nouvelle stratégie de dépistage du consen- Le dépistage doit être renouvelé annuellement [47] . La pré-
sus international fondé [45] sur l’étude HAPO [46] . Il comporte, dès sence de facteurs de risque permet de cibler les femmes les plus
le premier trimestre, le dosage d’une glycémie à jeun. Le diagnos- exposées, chez lesquelles il faut concentrer les efforts de dépis-
tic est posé si elle est supérieure ou égale à 0,92 g/l. Diagnostic tage (IMC supérieur à 30, découverte précoce du DG, glycémies
et prise en charge sont urgents, car la morbimortalité est quasi- diagnostiques du DG élevées, nécessité d’une insulinothérapie,
ment celle du DT2. Le trouble de la tolérance glucidique persiste antécédent familial de diabète) [54] . Il semble s’y ajouter l’HTA
souvent post-partum. avant la grossesse [55] .
Si la glycémie du premier trimestre est normale, le dépistage à Il est très important de noter qu’une perte modeste de poids
24-28 semaines est réalisé par une hyperglycémie provoquée par (5 kg) prévient le DG [56] et sans doute sa récidive, de même que
voie orale (HPO) 75 g sur 2 heures en un seul temps. Une seule l’activité physique [57] .
valeur supérieure ou égale à 0,92 g/l à jeun, à 1,80 g/l à la pre- Le risque de DT2 est multiplié par 7 et s’élève avec le temps [54] ;
mière heure et de 1,53 g/l à la deuxième heure, diagnostique le 6,7 ans après l’accouchement, 39,9 % ont un trouble de la tolé-
DG (Tableau 2). rance glycémique [55] . L’activité physique et le traitement par
Le consensus français [47] recommande un dépistage ciblé en metformine réduisent de 50 % la survenue d’un DT2 chez les
présence d’au moins un facteur de risque : femmes déjà intolérantes au glucose [58] , mais ce traitement n’a
• âge supérieur ou égal à 35 ans ; pas d’autorisation de mise sur le marché dans cette indication. Le
• IMC supérieur ou égal à 25 ; surrisque cardiovasculaire est certain [54] .
• antécédents personnels de DG ou d’enfant macrosome ; La prévention du DT2 est indispensable. L’instauration par ces
• antécédent de diabète chez les apparentés au premier degré. mères de famille d’un environnement bénéfique (alimentation
Il reste possible, en zone de forte prévalence, de proposer un équilibrée, sans induire de restriction cognitive, activité phy-
dépistage universel [47] . sique) peut contrebalancer la prédisposition génétique familiale,
La morbimortalité est un peu moins prononcée qu’en cas de car leurs enfants sont aussi à risque de syndrome métabolique [38] ,
diabète préexistant. La relation entre la glycémie maternelle et les sans doute en lien avec l’adiposité néonatale [59] , tout comme la
complications maternofœtales est continue [46] . Le DG disparaît à descendance des DT1 et DT2. Une seule étude jusqu’à présent
l’expulsion du placenta, mais ces patientes conservent un risque semble suggérer que la prise en charge intensive du DG pourrait
élevé de trouble de la tolérance glucidique. limiter l’obésité chez ces enfants [60] .

6 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Diabètes et grossesse  10-366-G-10

 Allaitement Le stérilet (y compris au lévonorgestrel) reste très souvent la


meilleure solution, car il n’a pas de retentissement métabolique.
Le lait de la patiente diabétique bien équilibrée (à jeun : moins Il a peu de contre-indications qui doivent être respectées (maladie
de 1,21 g/l ; en postprandial : moins de 1,60 g/l) n’est pas différent sexuellement transmissible, pathologie pelvienne inflamma-
de celui de femmes témoins. Ni la glycémie (au-delà de la première toire récente, grossesse extra-utérine). La nulliparité n’en est
semaine de vie) ni l’HbA1C ne sont corrélées au taux de glucose plus une.
dans le lait.
Le coût énergétique net maternel est calculé à 454 kcal/j. L’effet
sur le métabolisme lipidique est quasi neutre (baisse discrète des
TG, augmentation légère du high density lipoprotein cholesterol
 Conclusion
[HDL-C]). La demande calorique se fait en postprandial à par-
Des progrès importants ont été accomplis. Ces patientes
tir du glucose sanguin et, durant le jeûne, via la glycogénolyse.
commencent leur grossesse avec moins de complications, elles
Les besoins en insuline baissent chez les DT1 (à 0,2 U/kg/j) [61] ,
maîtrisent mieux l’autocontrôle glycémique dont le rôle cru-
pouvant favoriser les hypoglycémies maternelles (vérifier la gly-
cial a été reconnu. Les progrès généraux de l’obstétrique, de la
cémie nocturne). L’apport minimal de 1 800 kcal est augmenté
néonatalogie ont diminué la mortalité périnatale. Les conduites
de 500 kcal, par exemple par des collations de 15 g de glucides
à tenir sont mieux codifiées. La contraception semble plus
à chaque tétée.
simple et plus sûre. La grossesse, en elle-même, n’aggrave pas
La mise au sein rapide (dès 30 minutes) et le contact peau à peau
les complications de microangiopathie dans le post-partum
préviennent les hypoglycémies néonatales. Le retard de succion,
lointain.
au-delà de 12 heures post-partum, compromet la montée laiteuse
Et pourtant, toutes les femmes ne sont pas concernées par
si le lait n’est pas tiré.
ces avancées, notamment celles que les difficultés sociales et/ou
Le glipizide, le glibenclamide, (tous deux non transférés dans
psychologiques éloignent des soignants. Les solutions pourraient
le lait maternel), l’acarbose et la metformine (passage faible à
siéger dans des offres de soins de proximité plus innovantes
très faible) sont compatibles avec l’allaitement, bien qu’ils soient
(équipes mobiles, réseaux, etc.). Mais pour celles dont le DT2
encore tous contre-indiqués en France (Vidal® ).
ou le DG n’est pas reconnu à temps, celles toujours plus
L’allaitement semble protéger l’enfant de l’obésité à court [62] et
nombreuses dont le diabète s’intrique à l’obésité, les deux
à long terme [63] . Il favorise la perte de poids post-partum. Il dimi-
pathologies s’aggravant mutuellement (« diabésité ») et augmen-
nue le risque de syndrome métabolique maternel après DG. Chez
tant les risques de transmission de l’obésité et du diabète, que
les femmes normales, il réduit le risque de DT2. Mais les patientes
proposer ?
DG ne semblent pas bénéficier ni de cette protection du DT2, ni
Pour notre part, nous pensons que la présence d’équipes
de la récurrence du DG : sans doute les anomalies sont-elles plus
multidisciplinaires, dédiées et clairement identifiées à proximité
profondes. L’activité physique est encouragée, car, combinée à la
des maternités, alliant suivi pré- et postconceptionnel, doit se
diététique, elle favorise la perte de poids. En cas de surcharge pon-
généraliser. Le partage des connaissances récentes et leur trans-
dérale, une perte de poids d’environ 2 kg par mois est compatible
mission (notamment vers les médecins généralistes) doivent être
avec l’allaitement.
intensifiés.

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microdosés sont utilisables (passage dans le lait insignifiant). Les of health : Data reports for deliveries between January 1st 2002 and
stérilets (sauf celui au lévonorgestrel) peuvent être insérés dans les December 31 2002 and between January 1st 2003 and December 31
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Les contraceptifs oraux-estroprogestatifs (CO-OP) plus récents, 2005.
les patchs Evra® , anneaux vaginaux (Nuvaring® ), ont de faibles [5] Lapolla A, Dalfra MG, Cianni G DI, Bonomo M, Paretti E, Mello
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Pedersen L, Westegaard JG, et al. Peri-conceptional A1c and risk of
passage à une forme moins dosée (20 ␥ d’éthinyl-estradiol) peut la
serious adverse outcome in 933 women with type 1 diabetes. Diabetes
faire disparaître. Les CO-OP seront arrêtés en cas de persistance de
Care 2009;32:1046–8.
taux de TG élevé (au-delà de 2 g/l). Toute HTA ou atteinte cardio-
[8] Persson M, Norman M, Hanson H. Obstetric and perinatal outcomes in
vasculaire ou un tabagisme est une contre-indication aux CO-OP type 1 diabetic pregnancies - a large, population-based study. Diabetes
(effets procoagulants). Chez les femmes sans aucun facteur de Care 2009;32:2005–9.
risque cardiovasculaire, le tabac n’est pas une contre-indication [9] Nielsen LR, Pedersen-Bjergaard U, Thorsteinson B, Johansen M,
aux CO-OP seulement avant 35 ans et si la consommation est de Damm P, Mathiesen ER. Hypoglycemia in pregnant women with type
moins de 15 cigarettes par jour. En présence de lésions de microan- 1 diabetes. Predictors and role of metabolic control. Diabetes Care
giopathie, même débutante, les CO-OP ne sont pas recommandés 2008;31:9–14.
non plus (augmentation de la micro- et macroalbuminurie). [10] Inkster ME, Fahey T, Donnan PT, Leese GP, Mires GJ, Murphy DJ.
Les microprogestatifs n’ont aucune répercussion métabolique. Poor glycated haemoglobin control and adverse pregnancy outcomes in
Sous réserve d’une grande régularité de leur prise (sinon risque de types 1 and type 2 diabetes mellitus: systematic review of observational
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Pour en savoir plus En ce qui concerne la contraception des patientes à risque vasculaire,
voir les recommandations de la Sociéte française d’endocrinologie
Basells M, Garcia-Petterson A, Gich I, Corcoy R. Maternal and foetal (www.endocrino.org) :
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diabète gestationnel : métaboliques 2011;5:91-5.

O. Vérier-Mine, Praticien hospitalier (veriermine-o@ch-valenciennes.fr).


F. Dorey, Praticien hospitalier.
J.-L. Bacri, Praticien hospitalier.
H. Quiquempois, Praticien hospitalier.
Service d’endocrinologie, Hôpital Jean-Bernard, avenue Désandrouin, 59322 Valenciennes cedex, France.
Service de néphrologie, hémodialyse et médecine interne, Hôpital Jean-Bernard, avenue Désandrouin, 59322 Valenciennes cedex, France.
Service de gynécologie obstétrique, Hôpital Jean-Bernard, avenue Désandrouin, 59322 Valenciennes cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Vérier-Mine O, Dorey F, Bacri JL, Quiquempois H. Diabètes et grossesse. EMC - Endocrinologie-Nutrition
2012;9(3):1-9 [Article 10-366-G-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

EMC - Endocrinologie-Nutrition 9
 10-366-G-50

Diabétique en période périopératoire


M. Raucoules-Aimé

Les complications du diabète, en particulier dans le diabète de type 2, en font une maladie dont la mor-
bidité et le recours à la chirurgie sont fortement accrus par rapport à la population générale. Le risque
opératoire est essentiellement lié aux complications dégénératives du diabète. Un taux d’hémoglobine
glyquée supérieur à 7 % est associé à un risque accru de comorbidités et de complications en postopéra-
toire. La consultation d’anesthésie, outre le bilan des lésions dégénératives, permet d’évaluer la qualité
de l’équilibre glycémique, d’identifier les patients à risque d’hypoglycémie, d’adapter les traitements et
de demander les examens complémentaires nécessaires. Il n’y a aucun agent anesthésique indiqué ou
contre-indiqué chez le diabétique. Les données de la littérature et les pratiques en anesthésie, en par-
ticulier dans le cadre de l’ambulatoire, sont en faveur de l’anesthésie locorégionale. Pour des patients
diabétiques dont les comorbidités sont stabilisées, le maintien en périopératoire d’une glycémie inférieure
à 10 mmol/l (1,8 g/l) est un objectif recommandé. Les prises en charge dans certaines situations parti-
culières sont envisagées dans cet article (ambulatoire, urgence, examens radiologiques, corticothérapie,
grossesse et accouchement).
© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Diabète ; Évaluation préopératoire ; Risque opératoire ; Anesthésie ; Complications postopératoires ;


Grossesse ; Accouchement

Plan ■ Objectifs glycémiques en périopératoire 8


Monitorage de la glycémie 8
■ Introduction 1 ■ Prise en charge dans des circonstances particulières 8
■ Diagnostic, classification et épidémiologie du diabète 2 Ambulatoire 8
En urgence 9
■ Principales complications dégénératives liées ou associées Examens radiologiques avec produits de contraste iodés 9
au diabète 2 Précautions à prendre lors d’une corticothérapie 9
Atteinte cardiovasculaire 2 Gestion des accidents hypoglycémiques 9
Neuropathie sensitivomotrice 2 Grossesse et diabète 9
Néphropathie diabétique 3
■ Conclusion 13
Atteinte articulaire 3
■ Conséquences en termes de risques opératoires 4
Risque infectieux 4
Risque respiratoire postopératoire
Risque lié à la neuropathie dysautonomique
4
4
 Introduction
Risque rénal périopératoire 4
Risque neurologique 5 Le diabète constitue un problème de santé publique dont le
Risque lié à l’atteinte vasculaire périphérique 5 poids humain et économique va croissant. La prévalence du dia-
Défauts de cicatrisation 5 bète traité pharmacologiquement en France est estimée à 4,7 %
Relations diabète de type 2, obésité et syndrome d’apnées en 2013, tous régimes d’assurance maladie confondus [1] , soit
obstructives 5 plus de trois millions de personnes traitées pour un diabète. Ses
complications en font une maladie dont la morbidité et le recours
■ Adaptation des traitements médicamenteux du diabète à la chirurgie sont fortement accrus par rapport à la popula-
en périopératoire 6 tion générale. Le risque opératoire est essentiellement lié aux
En préopératoire 6 complications dégénératives du diabète, en particulier cardiovas-
En peropératoire 6 culaires ou affectant le système nerveux autonome.
En postopératoire 6 Le diabète de type 2 est le plus fréquent et le délai moyen entre
■ Prise en charge anesthésique 7 les premiers troubles biologiques et le diagnostic clinique de dia-
Examens complémentaires 7 bète de type 2 serait en moyenne de sept ans. Dans ces conditions,
Consignes pour le jeûne préopératoire 7 les complications micro- et macrovasculaires commencent à se
Antibioprophylaxie 7 développer avant que le diagnostic de diabète n’ait été porté,
Prémédication à visée anxiolytique 7 expliquant en grande partie la morbidité importante dans cette
Choix du type d’anesthésie 7 population [2] . Le diabète de type 2 est fréquemment associé à

EMC - Endocrinologie-Nutrition 1
Volume 13 > n◦ 3 > juillet 2016
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1941(16)51213-X
10-366-G-50  Diabétique en période périopératoire

d’autres facteurs de risque comme l’obésité (aux États-Unis, 90 % plus souvent pluritronculaires et distales, associées fréquemment
des diabétiques de type 2 sont en surpoids et/ou ont un syndrome à des sténoses modérées et à des anomalies de la microcirculation
d’apnées obstructives du sommeil [SAOS] ; 23 % des patients avec coronaire.
un SAOS ont un diabète de type 2), facteurs qui peuvent ajouter Une des caractéristiques du patient diabétique est la fré-
des contraintes dans la prise en charge périopératoire [3, 4] . quence (de l’ordre de 30 %) de l’ischémie myocardique silencieuse
La place de l’anesthésie locorégionale (ALR) est aujourd’hui (IMS), en particulier quand d’autres facteurs de risque vasculaire
réhabilitée et les niveaux du contrôle glycémique en per- et post- s’associent au diabète [7] . Cependant, le dépistage systématique
opératoire sont bien définis. L’anesthésie ambulatoire est possible chez les patients diabétiques de type 2 avec un électrocardio-
mais aussi souhaitable chez les patients équilibrés. L’évaluation gramme (ECG) normal est actuellement discuté quant à son
préopératoire est fondamentale : elle permet de recenser les princi- intérêt en clinique et son éventuel intérêt pronostique [8] . La réa-
pales complications dégénératives liées et/ou associées au diabète, lisation systématique d’un angioscanner coronarien est discutée
de déterminer les conséquences éventuelles en termes de risque en termes de rapport bénéfices/risques, même si les diabétiques
opératoire, et d’adapter ainsi les traitements et la prise en charge de type 2 avec des lésions objectivées à l’angioscanner auraient
anesthésique. à distance plus d’événements cardiaques [9] . La réalisation éven-
tuelle d’une coronarographie et les gestes et/ou les traitements
liés à une revascularisation ne doivent pas retarder inutilement la
 Diagnostic, classification chirurgie. La coronarographie justifie des précautions d’emploi,
tant en ce qui concerne la prévention des épisodes d’insuffisance
et épidémiologie du diabète rénale aiguë (IRA) iatrogénique que l’utilisation des antidiabé-
tiques oraux (ADO) (cf. infra).
Classiquement, le diagnostic du diabète est basé sur des cri-
tères de glycémie plasmatique : la glycémie à jeun ou deux heures Hypertension artérielle
après une charge orale en glucose de 75 g. En 2009, l’utilisation
de l’hémoglobine A1c (HbA1c) pour le diagnostic de diabète a L’hypertension artérielle (HTA) (pression artérielle systolique
été recommandée par un comité international d’expert (valeur [PAS]/diastolique [PAD] ≥ 140/90 mmHg [10] ) affecte 40 à 60 % des
seuil d’HbA1c ≥ 6,5 %) (Tableau 1) [5] . Le dosage de l’HbA1c pré- patients diabétiques. Le contrôle de cette HTA est indispensable
sente plusieurs avantages, en particulier au cours de la période en préopératoire pour éviter, en association avec une neuropathie
opératoire : il ne nécessite pas que le patient soit à jeun, il est dysautonomique, une instabilité hémodynamique peropératoire
moins sensible au stress ou à la maladie et un taux élevé (> 7 %) est et des complications coronariennes et rénales. Les antihyperten-
associé à un risque accru de comorbidités et de complications post- seurs sont continués en périopératoire et peuvent être donnés lors
opératoires [6] (cf. paragraphe infra). Certains auteurs préconisent de la prémédication.
des mesures préventives vis-à-vis de la survenue d’un diabète
pour les patients dont l’HbA1c est comprise entre 5,5 et 6,5 % Cardiomyopathie diabétique
(Tableau 2) [6] . Il est décrit, en peropératoire, des tableaux de défaillance
cardiaque gauche avec troubles du rythme en l’absence de
toute cardiopathie hypertensive ou ischémique. Ce tableau doit
 Principales complications évoquer l’existence d’une cardiomyopathie diabétique [11] . La car-
diomyopathie diabétique est caractérisée par une atteinte de la
dégénératives liées ou associées fonction diastolique, avec une préservation de la fonction systo-
au diabète lique, et évolue progressivement vers une insuffisance cardiaque
globale. La diminution de la performance du ventricule gauche
Atteinte cardiovasculaire est davantage secondaire à un défaut de remplissage ventricu-
laire gauche qu’à une diminution de la contractilité ou à une
Maladie coronaire augmentation de la postcharge. L’importance des anomalies de
La maladie coronaire du diabétique est fréquente et sa préva- la performance du ventricule gauche est corrélée à la sévérité de
lence est supérieure à celle de la population non diabétique, même la microangiopathie au niveau de la rétine du patient ainsi qu’à
en l’absence d’autres facteurs de risque. Elle est liée à des lésions le la qualité de l’équilibre glycémique [12] .

Insuffisance cardiaque congestive


Tableau 1.
Critères diagnostiques du diabète. Elle est deux fois plus fréquente chez le diabétique de sexe
masculin et cinq fois plus fréquente chez la femme diabétique
Critères diagnostiques du sujet diabétique comparativement à la population non diabétique, d’où la néces-
Glycémie à jeun (au moins 8 h de jeûne) ≥ 7 mmol/l (1,26 g/l) et vérifiée sité d’une évaluation soigneuse en préopératoire.
à 2 reprises [2] ou
Présence de symptômes du diabète (polyurie, polydipsie,
amaigrissement) associés à une glycémie (sur plasma veineux) Neuropathie sensitivomotrice
≥ 11,1 mmol/l (2 g/l) [2] ou
Les atteintes périphériques (mono- ou polynévrites) sont obser-
Glycémie (sur plasma veineux) 2 h après la prise orale (charge) de 75 g
de glucose ≥ 11,1 mmol/l (2 g/l) [2] ou
vées chez environ 50 % des patients diabétiques après 15 ans
HbA1c ≥ 6,5 % [5] d’évolution. Le dépistage en préopératoire de cette neuropathie
périphérique est aussi important en raison des implications pos-
HbA1c : hémoglobine glyquée. sibles avec l’ALR (cf. infra).

Tableau 2.
Différents seuils pour le diagnostic et la prévention du diabète [6] .
Diagnostic Glycémie à jeun 2 h après HGPO HbA1c
Pas de diabète < 6,1 mmol/l (< 1,11 g/l) < 7,8 mmol/l (< 1,4 g/l) < 5,5 %
Glycémie à jeun altérée 6,1–7,0 mmol/l (1,11–1,26 g/l) < 7,8 mmol/l (< 1,4 g/l) < 6,0 %
Intolérance au glucose < 7,0 mmol/l (< 1,26 g/l) > 7,8 mmol/l (> 1,4 g/l) 6,0 %–< 6,5 %
Diabète > 7,0 mmol/l (> 1,26 g/l) > 11,1 mmol/l (> 2,0 g/l) ≥ 6,5 %

Hb : hémoglobine ; HGPO : hyperglycémie provoquée par voie orale ; HbA1c : hémoglobine glyquée.

2 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Diabétique en période périopératoire  10-366-G-50

A B
Figure 1. Au niveau du rachis cervical, il existe une fixation de l’articulation atlanto-occipitale (A) et un défaut d’extension et de flexion de la tête sur les
premières vertèbres cervicales, rendant difficile, voire impossible, l’intubation. Toute tentative pour mettre la tête en hyperextension entraîne une voussure
antérieure de la colonne cervicale (B) et un déplacement dans le même sens du larynx, diminuant l’exposition des cordes vocales [14] .

Néphropathie diabétique
L’évolution de la néphropathie diabétique se fait en quelques
années vers l’insuffisance rénale chronique (IRC), et le diabète
représente près de 20 % des mises en hémodialyse en France. Une
microalbuminurie persistante comprise entre 30 et 299 mg/24 h
est la première étape de la néphropathie diabétique chez le
diabétique de type 1 et un marqueur du développement de la
néphropathie chez le diabétique de type 2 [2, 5] . C’est aussi un mar-
queur d’augmentation du risque cardiovasculaire. Les patients
dont la microalbuminurie progresse au-delà de 300 mg/24 h
sont susceptibles de développer une IRC. La progression vers
l’IRC est ralentie par une amélioration du contrôle glycémique
(HbA1c < 8 %) et surtout une diminution de la pression artérielle
(PAS < 130 mmHg). Chez ces patients, les IEC sont fréquemment
prescrits, seuls ou en association à un traitement antihyperten-
seur. Sauf contre-indication spécifique, ils sont aussi maintenus
avant la chirurgie.

Atteinte articulaire
L’intubation trachéale est considérée comme plus difficile chez
le patient diabétique. Warner et al. observent une incidence de
4,8 % de laryngoscopie difficile [13] . Les difficultés d’intubation
sont liées à une fibrose interstitielle para-articulaire avec un
réseau collagène anormalement résistant en raison d’une glyca-
tion non enzymatique (même principe que pour l’hémoglobine
glyquée), l’hyperglycémie favorisant la constitution d’un réseau
de collagène anormalement résistant au niveau articulaire. Au
niveau du rachis cervical, il existe une fixation de l’articulation Figure 2. Signe de la prière.
atlanto-occipitale et un défaut d’extension et de flexion de la
tête sur les premières vertèbres cervicales, rendant difficile, voire
impossible, l’intubation (Fig. 1). Toute tentative pour mettre la
tête en hyperextension entraîne une voussure antérieure de la patient ne peut pas joindre les mains) doit être considérée comme
colonne cervicale, et un déplacement dans le même sens du prédictive d’intubation difficile (Fig. 2). Si l’examen est néga-
larynx, diminuant l’exposition des cordes vocales [14] . La rai- tif, le meilleur rapport sensibilité/spécificité est l’ancienneté du
deur para-articulaire débutant et prédominant aux mains avec diabète. Au-delà de dix ans, le risque d’intubation difficile est
une pseudosclérodactylie responsable du signe de la prière (le accru [13] .

EMC - Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-G-50  Diabétique en période périopératoire

 Conséquences en termes Les causes de morts subites périopératoires sont bien connues
chez ce type de patients. En dehors des problèmes respiratoires
de risques opératoires décrits au chapitre précédent, les diabétiques dysautonomiques
sont exposés à la survenue d’infarctus du myocarde indolores,
Risque infectieux de défaillance myocardique, de mort subite et de troubles du
rythme, en particulier de fibrillations auriculaires et ventricu-
Chez le diabétique, les infections représentent les deux tiers laires. Ces risques et leur association ont surtout été étudiés en
des complications postopératoires et 20 % des décès en périopé- chirurgie vasculaire. Ces anomalies du rythme sont liées à un dés-
ratoire. Après une chirurgie non cardiaque tout venant, chez les équilibre entre le système vagal, dont l’activité est réduite, et le
diabétiques de type 2, le taux d’infection postopératoire est accru système sympathique, dont l’activité est maintenue. Ce déséqui-
qu’il s’agisse de pneumonies (12,1 % versus 5,4 %), d’infections libre peut être mis en évidence par une diminution de la variabilité
du site opératoire (5 % versus 2,3 %), de septicémies (3,6 % ver- de la fréquence cardiaque et plus tardivement par une tachy-
sus 1,1 %) ou d’infections urinaires (4,5 % versus 1,4 %) [15] . En cardie sinusale de repos (> 100 b/min) [19] . L’intervalle QT, sous
chirurgie propre (classe I d’Altemeier), il a longtemps été affirmé contrôle du système nerveux autonome, semble aussi un mar-
que les patients diabétiques étaient plus sujets aux infections queur prédictif de l’instabilité myocardique périopératoire [20] . Il
(× 5). Cependant, lorsque l’on tient compte de l’âge et des a été montré que la variabilité de la durée du QT (dispersion du
atteintes dégénératives préexistantes, il n’existe plus de diffé- QT) est aussi corrélée au risque d’arythmie ventriculaire et qu’il
rence. En chirurgie de résection colorectale (chirurgie propre existe une relation directe entre l’importance de la dispersion des
contaminée, classe II d’Altemeier), la fréquence d’infection peut valeurs du QT et la survenue d’une mort subite [21] . Cette disper-
atteindre dans certaines études jusqu’à 15 %. L’hyperglycémie, sion est le reflet des modifications du tonus autonome. Elle affecte
l’utilisation de drains et une durée d’antibioprophylaxie supé- particulièrement les patients diabétiques insuffisants rénaux et
rieure à 24 heures sont les facteurs associés à ces infections dysautonomiques [20] .
du site opératoire [16] . En chirurgie cardiaque après sternoto- Par ailleurs, les patients diabétiques dysautonomiques
mie, le taux d’infections de la paroi est retrouvé plus élevé sont exposés à un risque accru d’instabilité tensionnelle
chez les patients diabétiques, mais l’incidence de l’infection est périopératoire [18] . Ces modifications traduisent la difficulté
réduite par un contrôle strict de la glycémie [17] . Actuellement, d’adaptation hémodynamique du patient dysautonomique soit à
les recommandations de la Société françaises d’anesthésie et de l’hypovolémie, soit à l’administration de produits vasoplégiants
réanimation (SFAR) et de la Société française du diabète (SFD) ou modifiant le baroréflexe. Ces perturbations s’associent à
sont de maintenir la glycémie au-dessus de 5 mmol/l et au-dessous une absence de variations des taux circulants de noradrénaline.
10 mmol/l, afin de réduire le risque d’infection tout en limi- Cependant, l’étude de Keyl et al. se veut rassurante [21] . Chez
tant le risque d’hypoglycémie. Enfin, l’infection urinaire étant des patients diabétiques, coronariens bêtabloqués et dysautono-
l’infection la plus fréquente en postopératoire, la prescription miques, ces auteurs n’observent pas d’instabilité hémodynamique
d’une cytobactériologie urinaire (CBU) en préopératoire doit être en peropératoire. Il faut cependant noter que ces patients avaient
large, et même obligatoire en présence d’une vessie dysauto- une bonne fonction ventriculaire gauche, ne présentaient pas
nomique. Le sondage urinaire doit toujours être réfléchi et la d’hypovolémie en pré- et peropératoire, et étaient endormis avec
recherche d’un globe vésical doit être systématique en post- de l’étomidate.
opératoire. Le taux d’infections nosocomiales doit pouvoir être Enfin, la dysautonomie cardiaque expose au risque
diminué grâce à un développement plus large de l’anesthésie d’hypothermie en peropératoire. L’hypothermie s’installe
ambulatoire (et des hospitalisations courtes) chez les patients dia- pour des durées d’anesthésie supérieures à deux heures et
bétiques. serait en rapport avec des altérations de la vasoconstriction
périphérique [22] .
Risque respiratoire postopératoire
Risques liés à la gastroparésie diabétique
Le diabète est un facteur de risque de survenue de complications
L’atteinte dysautonomique gastrique, souvent associée à des
respiratoires en postopératoire immédiat : il semble que cer-
altérations de la motricité œsophagienne avec diminution du
tains diabétiques dysautonomiques aient une diminution de
tonus du sphincter inférieur de l’œsophage, pourrait augmenter
leur réponse ventilatoire à l’hypoxie et à l’hypercapnie ; il est
le risque potentiel de régurgitation à l’induction et en postopé-
observé une diminution, voire une absence, de réactivité bron-
ratoire (Fig. 3) [23] . Le diagnostic est essentiellement clinique et
chique et du réflexe de toux lors de l’instillation trachéale d’acide
doit être suspecté devant des pesanteurs, voire des douleurs, post-
citrique chez ces mêmes patients ; en dehors de la dysautono-
prandiales, des nausées, des vomissements, des hypoglycémies
mie, il a été décrit, chez des patients diabétiques de types 1 et
postprandiales d’horaire inhabituel, une distension épigastrique.
2, une perte des propriétés élastiques du poumon. Un certain
L’érythromycine, qui possède un effet agoniste de la motiline,
nombre des morts subites d’origine hypoxique périodiquement
permet de restaurer une activité motrice gastrique et de vider ces
rapportées dans la littérature sont donc possiblement en rap-
gros estomacs dysautonomiques en deux heures (200 mg par voie
port avec les effets respiratoires résiduels de l’anesthésie ou
intraveineuse, 2 h avant l’induction anesthésique). La vérification
avec des régurgitations passées inaperçues en raison de l’atteinte
échographique de la vacuité antrale n’a pas été encore validée en
du réflexe de toux chez ces patients. Il n’est pas exclu qu’en
préopératoire chez le patient diabétique.
postopératoire immédiat ces altérations, associées aux effets rési-
duels de l’anesthésie et au retentissement respiratoire d’une
chirurgie abdominale ou thoracique, puissent expliquer une fré- Risque rénal périopératoire
quence plus élevée de complications respiratoires chez les patients
diabétiques. Le risque d’IRA dans la période périopératoire est accru
chez les diabétiques, et tout particulièrement après la chi-
rurgie valvulaire ou pontage aortocoronarien. Cette IRA peut
Risque lié à la neuropathie dysautonomique compliquer l’administration d’iode lors d’un bilan artériogra-
phique préopératoire ou être la conséquence fonctionnelle d’une
Dysautonomie cardiaque hyperglycémie importante responsable d’une hypovolémie par
La neuropathie diabétique dysautonomique est retrouvée chez diurèse osmotique, non ou insuffisamment compensée par les
20 à 40 % des patients diabétiques hospitalisés. Cette fréquence apports hydrosodés. Lors d’une transplantation rénale, le pro-
est encore plus élevée chez les diabétiques hypertendus (50 %). nostic postopératoire immédiat des patients diabétiques n’est pas
La présence d’une neuropathie dysautonomique diabétique a une différent de celui des patients non diabétiques, qu’il s’agisse du
valeur prédictive quant à la survenue d’une instabilité hémody- pourcentage de complications, de décès ou de rejet du greffon.
namique périopératoire et de complications postopératoires (× 2 En revanche, et à distance, la mortalité cardiovasculaire est plus
à 3) [18] . élevée [24] .

4 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Diabétique en période périopératoire  10-366-G-50

100 Figure 3. Vidange gastrique chez les personnes saines et chez


les patients avec gastroparésie diabétique [23] .

Liquides et éléments solides dans l'estomac


Vidange d'éléments
solides dans la
gastroparésie diabétique

(% du total consommé)
Vidange Vidange normale
50 normale d'éléments solides
de nutriments
liquides ou
de solides
homogénéisés

Vidange
normale
de liquides
0
0 1 2 3 4
Heures

Risque neurologique études expérimentales suggèrent que l’hyperglycémie en elle-


même pourrait altérer la réparation tissulaire. Chez l’animal
Le diabète est identifié comme facteur de risque de surve- diabétique hyperglycémique, la cicatrisation est retardée, avec
nue d’une neuropathie postopératoire indépendamment de la une diminution de la synthèse de collagène et, en corol-
chirurgie ou de la technique anesthésique [25] . L’hyperglycémie laire, une mauvaise consolidation de la plaie. Ces anomalies
périopératoire serait un des facteurs en cause. L’hyperglycémie sont corrigées par l’administration d’insuline. L’administration
aiguë diminue la conduction nerveuse périphérique alors que d’insuline est cruciale pour le développement du granulome
l’hyperglycémie chronique s’associe à une perte en fibres myéli- inflammatoire et, secondairement, pour la croissance des fibro-
nisées et non myélinisées [26] . L’atteinte des fibres nerveuses étant blastes et la synthèse du collagène. Cependant, si l’insuline est
précoce au cours de la maladie diabétique, il est possible que nécessaire dans les phases précoces de la réaction inflamma-
l’hyperglycémie aiguë observée en périopératoire démasque et toire, elle ne semble plus avoir d’effet après les dix premiers
aggrave une atteinte nerveuse sensitive infraclinique préexistante. jours.
Cela est important à savoir de façon à ne pas faussement attribuer Dans les plaies de cornée, des taux de cicatrisation comparables
l’apparition de lésions neurologiques sensitives à une mauvaise ont été rapportés, que les patients soient ou non diabétiques. En
position ou à une compression en peropératoire. fait, la cicatrisation des plaies épithéliales n’entraîne pas d’afflux
leucocytaire, contrairement aux plaies profondes, et la récupé-
ration de l’intégrité tissulaire ne repose pas sur la synthèse de
Risque lié à l’atteinte vasculaire périphérique collagène. La réparation épithéliale n’est donc pas altérée chez
Les patients diabétiques avec sténose carotidienne asymptoma- le diabétique, alors que la cicatrisation des plaies profondes l’est,
tique ont spontanément un risque élevé d’infarctus du myocarde en raison des problèmes de synthèse de collagène et de défense
ou de mort subite, y compris en dehors de tout antécédent de vis-à-vis de l’infection.
coronaropathie. Au cours de la chirurgie vasculaire périphérique, La fréquence des fractures est plus élevée chez les diabétiques
tous les patients, qu’ils soient ou non diabétiques, sont à risque (× 6,6 chez les diabétiques de type 1 et 1,7 chez ceux de type 2) [5]
élevé de complications, qui sont pour 30 à 40 % des cas d’origine en raison à la fois de la fréquence accrue de l’ostéoporose et des
cardiovasculaire. Dans l’étude de Sprung et al. menée après chi- chutes dues à un trouble statique induit par la neuropathie diabé-
rurgie majeure, le diabète n’est cependant pas identifié comme tique, ou plus rarement par une hypotension orthostatique. En ce
un facteur indépendant de risque [27] . De même, le diabète n’est qui concerne les fractures de cheville déplacées, la fréquence de
pas identifié comme un facteur de risque d’accident vasculaire en complications est élevée (> 40 %) [31] chez les diabétiques (nécrose
postopératoire immédiat après endartériectomie carotidienne et cutanée, défaut de cicatrisation et de consolidation, infection
la morbidité périopératoire, neurologique et cardiaque n’est pas ostéocutanée, voire nécessité d’amputation). Ces complications
augmentée. En revanche, ces auteurs retrouvent, après endarté- sont significativement plus fréquentes après traitement chirurgi-
riectomie, une mortalité plus élevée chez les patients diabétiques cal. De même, la présence d’un diabète est un facteur de risque de
à j30 et à un an (3,2 % versus 1,4 %). Enfin, sur un suivi de dix complications postopératoires après la pose d’une prothèse totale
ans et malgré les progrès médicaux réalisés, aucune réduction de du genou. Le risque de descellement aseptique est par exemple
la mortalité n’est observée chez les diabétiques contrairement à la multiplié par un facteur 9 [32] .
population de patients non diabétiques pour laquelle la mortalité
a baissé de 50 % [28] .
En ce qui concerne la pose de stents au niveau cérébral ou caro- Relations diabète de type 2, obésité
tidien et sur les premières études publiées, il n’est pas retrouvé et syndrome d’apnées obstructives
de différence dans le pronostic à court et moyen termes entre
diabétiques et non-diabétiques [29, 30] . Relations entre obésité et diabète de type 2
Les relations entre obésité et diabète de type 2 ne se limitent plus
Défauts de cicatrisation à une simple association sur le plan épidémiologique : l’obésité
et le diabète sont deux des composantes du syndrome métabo-
La présence d’une macroangiopathie, voire d’une microan- lique [3] ; le diabète et l’état de résistance à l’insuline sont fortement
giopathie, peut contribuer à une mauvaise cicatrisation. Des associés à l’obésité ; la présence d’une obésité chez les patients

EMC - Endocrinologie-Nutrition 5
10-366-G-50  Diabétique en période périopératoire

diabétiques semble être associée de manière indépendante à une


augmentation significative du risque de complications postopéra-
 Adaptation des traitements
toires [33, 34] . médicamenteux du diabète
L’impact de la chirurgie bariatrique sur le diabète de type 2 est
important tant sur le plan clinique que biologique (glycémie à en périopératoire
jeun, glycémie postprandiale et HbA1c) [35, 36] . La méta-analyse
de Buchwald et al. [37] confirme cette efficacité de la chirurgie En préopératoire
sur l’amélioration ou la régression du diabète, même si le taux En chirurgie, la veille au soir, il est conseillé aux patients de
de rémission du diabète diminue de façon significative avec le prendre un repas léger sans gras. Le matin de la chirurgie, le patient
temps [38, 39] . L’intensité de la perte de poids et l’amélioration est soit à jeun, soit a pris per os des liquides clairs jusqu’à deux
du diabète sont liées au type d’intervention chirurgicale [40] . Le heures avant l’anesthésie. Cette modification des habitudes ali-
court-circuit gastrique (bypass gastrique), qui associe réduction du mentaires va souvent nécessiter une adaptation des médicaments
volume gastrique et malabsorption, est considéré actuellement antidiabétiques dès la veille au soir.
comme la référence. L’amélioration de la sensibilité à l’insuline La plupart des patients sous insuline vont devoir ajuster leur
et la diminution de l’insulinorésistance surviennent avant que la dosage le jour précédant la chirurgie. Les patients diabétiques
perte pondérale ait lieu. Dès les premiers jours postopératoires, de type 1 connaissent bien leur propre sensibilité à l’insuline et
une chute des besoins en insuline parfois drastique peut être peuvent aider l’anesthésiste-réanimateur dans la prise en charge
observée. L’effet sur la glycémie serait d’autant plus important pré- et postopératoire. La dose d’insuline rapide du dîner de la
que le patient était traité antérieurement par ADO plutôt que veille doit être réduite, adaptée aux apports glucidiques du repas et
par insuline et que l’ancienneté du diabète était inférieure à trois au taux de la glycémie capillaire préprandiale. En revanche, chez
ans [40] . les patients qui ne présentent pas d’hypoglycémies nocturnes, la
Initialement, l’amélioration du contrôle métabolique a été dose d’insuline retard (insuline de base) doit être maintenue ou
attribuée à la perte de poids et la diminution importante légèrement diminuée (10 à 20 %). Les pompes à insuline doivent
de l’insulinorésistance qui lui est associée. En fait, des effets être programmées pour délivrer la dose habituelle. Chez les dia-
endocrinométaboliques propres peuvent être attendus de la chi- bétiques de type 2 sous insuline retard uniquement, la dose doit
rurgie bariatrique, en particulier par diverses actions sur la être maintenue ou légèrement réduite (10 à 20 %) [48] .
sécrétion d’hormones gastro-intestinales qui, non seulement Pour les traitements oraux et les traitements injectables non
contribuent à augmenter la satiété (ou réduire l’appétit), mais insuliniques, la dernière prise de sulfamides hypoglycémiants (SH)
aussi à améliorer l’homéostasie glycémique. Sur le plan phy- se fait 24 heures avant la chirurgie [49] . Sont aussi arrêtés les ADO
siologique, les techniques de dérivation et/ou la gastrectomie non indispensables en périopératoire comme : les biguanides (24 h
longitudinale (sleeve gastrectomie) modulent l’activité de l’axe avant), les inhibiteurs des alphaglucosidases et les analogues des
entéro-insulaire, notamment au niveau des incrétines, respon- GLP-1/bloqueurs DPP-4. La prise par inadvertance de ces ADO ne
sables de l’amélioration du profil glucidique [41, 42] . Certains constitue pas une contre-indication à l’anesthésie et à la chirurgie,
auteurs ont proposé de traiter le diabète de type 2 par la chirur- y compris pour la metformine (en dehors d’un acte de radiologie
gie (chirurgie métabolique) [40–42] . S’il existe un consensus chez les nécessitant l’administration d’iode) [49] .
patients avec un IMC supérieur à 35 kg/m2 et/ou des comorbidités,
et/ou un diabète difficile à équilibrer par le traitement et l’hygiène
de vie, la légitimité de ce type de chirurgie chez les patients avec un En peropératoire
IMC inférieur à 30 kg/m2 est discutée, le rapport bénéfice/risques
n’étant pour l’instant pas favorable et le recul insuffisant en par- Pour les diabétiques de type 1 et les diabétiques de type 2 diffi-
ticulier pour la gastrectomie longitudinale moins pourvoyeuse de ciles à équilibrer et/ou soumis à une chirurgie majeure, l’apport
complications [42, 43] . Par ailleurs, l’étude SOS montre que, 15 ans à la seringue autopousseuse (SAP) d’une insuline intraveineuse
après la chirurgie, seulement 30,4 % des patients sont encore en d’action rapide et brève à faible dose est la technique de choix.
rémission de leur diabète pour 72,3 % à deux ans [38] . Cet aspect L’insulinothérapie est associée à un apport continu et contrôlé
de la prise en charge est amené à évoluer très rapidement dans de glucose (soluté glucosé à 5 % 125 ml/h par exemple) jusqu’à
les années à venir, en particulier en raison de l’évolution favo- la reprise de l’alimentation. Pour le diabétique de type 2 dont
rable de la morbimortalité des nouvelles techniques chirurgi- l’HbA1c est inférieure à 7 %, on pourra utiliser soit la même tech-
cales. nique d’insulinothérapie, soit un protocole « pas d’insuline-pas de
glucose ».
Pour les diabétiques de types 1 et 2 bien équilibrés et avec un
acte court réalisé en début de programme opératoire (par exemple
en chirurgie ambulatoire) :
Diabète associé à la présence d’un syndrome • le traitement habituel hypoglycémiant peut être donné le matin
d’apnées obstructives de l’intervention, en totalité ou partiellement. La prise de
La présence d’un SAOS semble un facteur de risque impor- liquides clairs sucrés jusqu’à deux heures avant l’anesthésie
tant de survenue d’un diabète, et cela indépendamment du peut remplacer le petit-déjeuner ;
poids [44] . Des études ont montré les effets bénéfiques de la venti- • la prise du médicament hypoglycémiant (insuline ou ADO)
lation non invasive (VNI) sur l’hyperglycémie chez les patients peut aussi être décalée et administrée lors de la collation après
diabétiques souffrant d’un SAOS [45] . Après trois mois de trai- chirurgie ;
tement, les glycémies postprandiales à une heure et les taux • un apport continu et contrôlé de glucose par voie intraveineuse
d’HbA1c étaient réduits de manière significative chez les patients est associé jusqu’à la reprise de l’alimentation [49] .
utilisant la VNI, y compris chez les patients qui avaient une Une surveillance glycémique peropératoire et lors du réveil per-
valeur initiale d’HbA1c supérieure à 7 % [46] . La mise en place met d’ajuster le protocole d’insulinothérapie et/ou d’administrer
d’une VNI augmente la sensibilité à l’insuline de façon signi- un bolus d’insuline rapide si besoin. Il faut se méfier en pério-
ficative chez les patients non diabétiques souffrant d’un SAOS pératoire des apports cachés en glucose ou en précurseurs du
après deux nuits du traitement. Ces effets bénéfiques sont encore glucose qui alimentent la néoglucogenèse (NGG) : solutés conte-
retrouvés après trois mois de VNI. Lorsque celle-ci est utilisée nant du lactate, colloïdes, transfusion sanguine, plasma frais, etc.,
régulièrement, avec des pressions efficaces, l’amélioration de la en particulier chez les diabétiques de type 2 qui ont une activation
sensibilité à l’insuline a été observée sur des périodes de temps importante de la NGG hépatique.
plus longues (en moyenne 2,9 ans) [46] . Enfin, la chirurgie baria-
trique diminue la sévérité du SAOS. À l’inverse, la persistance En postopératoire
d’un SAOS limite l’impact de la perte de poids sur les per-
formances myocardiques et le syndrome inflammatoire sous- Si le patient doit rester à jeun, l’apport de glucose et d’insuline
jacent [47] . en continu à la SAP est poursuivi comme en peropératoire.

6 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Diabétique en période périopératoire  10-366-G-50

Une fois arrêtée, les effets d’une perfusion d’insuline se dis- Antibioprophylaxie
sipent en quelques minutes et une insuline de base doit être
utilisée en remplacement, tout en sachant que la transition La pratique de l’antibioprophylaxie doit être rigoureuse dans la
vers l’injection sous-cutanée d’une insuline de base (insuline mesure où l’infection représente les deux tiers des complications
retard) peut nécessiter deux à trois heures. La voie sous-cutanée postopératoires. Le risque d’infection postopératoire est surtout
et l’utilisation d’insuline d’action courte sont une alternative à élevé après dix ans d’évolution du diabète et plus largement chez
l’apport d’insuline en continu à la SAP, dont la gestion en service les diabétiques mal équilibrés. En revanche, il n’existe pas de
de chirurgie n’est pas toujours aisée. Les ADO et l’insulinothérapie recommandations spécifiques pour le patient diabétique quant
sous-cutanée peuvent être repris en postopératoire lorsque le aux modalités de cette antibioprophylaxie.
patient s’alimente. Le patient, et son médecin traitant, sont infor-
més du risque de majoration de la glycémie dans les jours qui
suivent la chirurgie. Dans tous les cas, il importe de multiplier les Prémédication à visée anxiolytique
contrôles de glycémies capillaires de toutes les heures en postopé- En présence d’une anxiété importante, la prémédication fait
ratoire (voire de façon plus rapprochée en cas d’hypoglycémie) à appel aux benzodiazépines qui, par leur action anxiolytique, sont
toutes les trois à quatre heures après la reprise de l’alimentation capables de diminuer les taux sanguins de catécholamines, res-
afin de faire des bolus supplémentaires d’insuline rapide quand ponsables de l’initiation de la réaction hyperglycémiante au stress
la glycémie dépasse 10 mmol/l (1,8 g/l), sachant que la durée chirurgical. La clonidine donnée en prémédication à la dose
d’action d’un bolus d’insuline rapide est d’une heure par voie de 4 mg/kg a montré son efficacité pour améliorer l’équilibre
intraveineuse et de trois à quatre heures par voie sous-cutanée. glycémique peropératoire tout en réduisant les besoins insuli-
niques [55] . La gabapentine peut être théoriquement à l’origine
d’hypoglycémies sévères, y compris chez les diabétiques [56] . À ce
 Prise en charge anesthésique jour, aucun cas n’a été rapporté pour une administration en dose
unique en prémédication.
Examens complémentaires
Une glycémie à jeun, un ionogramme, une créatininémie, une Choix du type d’anesthésie
HbA1c récente et un ECG permettent de dépister les principales
comorbidités associées. Le cas particulier de l’IMS a été envisagé La plupart des agents anesthésiques généraux sont responsables
précédemment. Plus le taux d’HbA1c est élevé, plus les risques de d’hyperglycémie mais ces perturbations restent très discrètes, lar-
voir survenir des complications en postopératoire (infection du gement occultées par celles de l’acte chirurgical. Il n’y a donc
site opératoire par exemple ou mauvaise cicatrisation) sont impor- aucun agent anesthésique indiqué ou contre-indiqué chez le dia-
tants. En chirurgie vasculaire, les patients diabétiques avec un taux bétique. Le choix du type d’anesthésie, locorégionale ou générale,
d’HbA1c supérieur à 7 % ont une augmentation significative de la est encore débattu. Les données de la littérature et les pratiques
morbidité à 30 jours postopératoires par comparaison aux diabé- en anesthésie, en particulier dans le cadre de l’ambulatoire, sont
tiques bien équilibrés. Le pourcentage de complications semble en faveur de l’ALR. Les raisons sont un risque opératoire accru
croître avec l’augmentation du taux d’HbA1c [6, 50–53] . L’intérêt avec l’anesthésie générale et l’obtention d’un meilleur équilibre
d’essayer de diminuer le taux d’HbA1c avant la chirurgie n’a métabolique périopératoire chez les patients diabétiques ayant
cependant jamais été démontré et une valeur élevée ne doit pas bénéficié d’une ALR.
être le seul argument pour reporter une intervention chirurgicale. L’anesthésie générale expose au risque de compressions cutanée
La prescription d’une CBU en préopératoire est faite au moindre et nerveuse en per- et postopératoire immédiat. En périopéra-
doute, et même obligatoire en présence d’une vessie dysautono- toire, le diabétique a un risque plus élevé de lésions nerveuses en
mique. rapport avec l’atteinte microvasculaire et l’hypoxie nerveuse chro-
nique [25, 26] . Le nerf cubital au niveau du coude, le nerf médian au
niveau du canal carpien et le sciatique poplité externe sont les
Consignes pour le jeûne préopératoire plus exposés. Une étude réalisée à partir des plaintes reçues pour
déficit neurologique lié à l’anesthésie montre que la compression
Le jeûne préopératoire était recommandé pour les patients dia- du nerf cubital est associée dans 85 % des cas à une anesthésie
bétiques en début de programme opératoire. Un jeûne prolongé générale. Ces données sont confirmées par l’étude de Warner et al.
chez un diabétique de type 1 est possible à la condition de main- menée sur plus de 1 000 000 de patients anesthésiés [25] . Les auteurs
tenir une insulinothérapie basale continue assurant une glycémie retrouvent une fréquence du diabète quatre fois plus élevée que
entre 5 et 10 mmol/l. Toute carence insulinique entraîne, en effet, chez les témoins. Quoi qu’il en soit, pour une anesthésie géné-
très rapidement, particulièrement en période de stress, la survenue rale ou locorégionale, un soin tout particulier est apporté durant
d’une hypercétonémie et d’une élévation du taux d’acides gras la période opératoire à la protection des points d’appui.
libres susceptible d’induire une plus grande fréquence d’arythmies Sous ALR, l’équilibre métabolique périopératoire est plus facile à
ventriculaires à l’induction anesthésique. obtenir. L’équilibre métabolique périopératoire dépend en grande
Pour tous les patients, un apport de 400 ml d’hydrates de partie de la réponse neuroendocrinienne à la chirurgie. Les tech-
carbone (HC) à 12,5 % en préopératoire permettrait de réduire niques d’ALR rachidienne ou par bloc nerveux périphérique
l’insulinorésistance postopératoire et d’améliorer le confort du peuvent réduire cette réponse hormonale hyperglycémiante,
patient. Il n’existe pas suffisamment d’études chez le patient dia- notamment en réduisant la sécrétion de catécholamines inhibant
bétique pour systématiquement recommander cette charge d’HC l’insulinosécrétion endogène résiduelle. L’intérêt de l’AL ou de
en préopératoire. En revanche, le patient diabétique, en l’absence l’ALR par rapport à une anesthésie générale a été démontré en
de signes cliniques évoquant une gastroparésie, peut bénéficier chirurgie de la cataracte chez des diabétiques de type 2. Il existe
d’un apport de liquides clairs jusqu’à deux heures avant la chirur- un bénéfice concernant une reprise plus précoce de l’alimentation
gie car sa vidange gastrique ne semble pas modifiée par rapport en postopératoire permettant ainsi un meilleur équilibre méta-
au sujet sain [54] . Ces liquides clairs sont absorbés avec ou sans bolique et hormonal durant cette période [57] . Les mêmes effets
glucides selon l’administration ou non des ADO ou de l’insuline bénéfiques ont été observés chez des patients diabétiques de type 2
rapide sous-cutanée le matin de l’intervention. Pour les colosco- bénéficiant d’une rachianesthésie pour une chirurgie mineure
pies, et là aussi en l’absence de signes cliniques de gastroparésie, vésicoprostatique (données personnelles non publiées).
la dernière prise de la préparation colique se fait, comme pour Il n’existe pas de travaux ayant démontré l’existence d’un
le patient non diabétique, trois heures avant l’anesthésie (recom- risque particulier lié à l’utilisation d’une technique d’ALR chez le
mandations SFED/SFAR), la vacuité gastrique étant obtenue dès patient diabétique. Certaines études rapportent un taux de réus-
la deuxième heure. En présence de signes évoquant une gas- site des blocs périphériques plus important (× 3) chez ces patients
troparésie, le patient est considéré comme ayant un estomac sans que les raisons soient claires (neuropathie subclinique pré-
plein. existante, sensibilité accrue des structures nerveuses, injections

EMC - Endocrinologie-Nutrition 7
10-366-G-50  Diabétique en période périopératoire

intraneurales plus facilement méconnues). Quoi qu’il en soit, cer- strict en périopératoire a été l’objet de controverses depuis la
taines précautions doivent être prises, en particulier vis-à-vis d’une publication de Van den Berghe qui retrouvait une réduction signi-
neuropathie sensitivomotrice préexistante et de la dysautonomie ficative de la mortalité et de la morbidité chez les patients de soins
diabétique. intensifs soumis à une insulinothérapie avec une cible de glycémie
Pour une chirurgie des extrémités effectuée sous bloc plexique inférieure à 6,1 mmol/l [67] , mais au prix d’un nombre impor-
ou tronculaire, une altération neurologique préexistante doit tant d’épisodes d’hypoglycémie. Un vaste essai multicentrique
être recherchée impérativement (parésies, paresthésies doulou- (NICE-SUGAR [Normoglycemia in Intensive Care Evaluation and
reuses, fonte musculaire). En effet, quelques cas rapportés de Surviving Using Glucose Algorithm Regulation]) a trouvé une
complications neurologiques posent la question de l’utilisation cible de glycémie intermédiaire (1,4–1,8 g/l ou 7,8–10 mmol/l)
d’un bloc périphérique en présence d’une neuropathie péri- plus sûr (moins d’épisodes hypoglycémiques) que de cibler une
phérique et de sa contribution aux lésions postopératoires. glycémie normale [68, 69] . Dans une analyse Cochrane de 2012,
Néanmoins, il est difficile d’imputer les altérations neurolo- regroupant tout type de patients diabétiques opérés, le contrôle
giques postopératoires à la technique anesthésique utilisée plutôt intensif de la glycémie ne réduit pas le risque de complications
qu’à une cause positionnelle, ischémique (garrot pneumatique), postopératoires (infections, mortalité, complications cardiovas-
inflammatoire, ou à l’exacerbation d’une neuropathie préexis- culaires, insuffisance rénale, durée d’hospitalisation et séjours
tante. Des études cliniques et expérimentales suggèrent, en en soins intensifs ou en réanimation). En revanche, ce contrôle
présence d’une neuropathie diabétique, une toxicité et/ou une intensif semblerait aussi augmenter le risque d’épisodes hypo-
sensibilité accrues aux AL y compris en absence de tout adju- glycémiques (analyse posthoc) [70] . Il n’existe plus actuellement
vant [58–61] et l’American Society of Regional Anesthesia considère d’argument formel pour imposer au patient chirurgical diabétique
l’existence d’un diabète comme un facteur théorique de risque un contrôle glycémique strict en périopératoire. La plupart des
de survenue d’une neuropathie ou d’aggravation d’une neuro- protocoles d’apport en insuline sont complexes, nécessitant des
pathie préexistante [62] . Cela nécessite souvent l’utilisation de équipes médicales et infirmières entraînées. C’est l’appropriation
doses inférieures à celles généralement utilisées et l’utilisation de de ces protocoles par les équipes, en particulier infirmières, qui
vasoconstricteurs associés aux AL doit être discutée. Le repérage diminue le nombre d’hypoglycémies. Le niveau optimal de gly-
échographique des nerfs pourrait représenter un avantage. cémie en périopératoire dépend probablement de la pathologie
L’existence d’une neuropathie périphérique peut retarder le concernée. Pour des patients diabétiques sans antécédents par-
diagnostic de complication nerveuse, en particulier lors d’une ticuliers et pour une chirurgie non à risque, il est recommandé
perfusion continue par un cathéter, péridural ou périphérique. de maintenir une glycémie en pratique supérieure à 5 mmol/l et
L’existence d’une neuropathie après une ALR représente une inférieure à 10 mmol/l. Cependant, il semble important d’éviter
contre-indication à une nouvelle ALR car une complication neu- les variations et les fluctuations de la glycémie en périopératoire
rologique à type de déficit sensitivomoteur récidivant a déjà été (avec pour conséquence une aggravation du stress oxydatif et
rapportée chez le diabétique [63] . Enfin, devant un déficit neuro- des lésions cellulaires) [66, 71] . Les patients qui ont une hyperglycé-
logique postopératoire, il est impératif de réaliser rapidement un mie chronique doivent être maintenus autour de 10 à 11 mmol/l
bilan électromyographique à la recherche d’une neuropathie pré- durant la période périopératoire en évitant toute baisse brutale de
existante afin de ne pas imputer à tort ce déficit à la réalisation du la glycémie et toute hypoglycémie.
bloc.
La réalisation d’un bloc médullaire chez le patient diabétique
présente quelques spécificités. Le délai d’installation peut être Monitorage de la glycémie
plus court et la durée d’action prolongée. Cela pourrait être
La mesure de la glycémie capillaire est effectuée à l’arrivée au
en rapport avec des modifications de composition observées au
bloc opératoire, durant la chirurgie, toutes les heures ou toutes les
niveau du liquide cérébrospinal [64] et/ou une diminution de la
deux heures (selon le type de chirurgie et sa durée) et en salle de
clairance hépatique de la lidocaïne décrite lors du diabète ges-
surveillance postinterventionnelle. Quand un patient est hypo-
tationnel (DG) [65] . Bien que les répercussions hémodynamiques
glycémique, certains appareils de mesure de la glycémie capillaire
aient été rapportées uniquement lors de l’anesthésie générale,
surestiment le niveau de la glycémie [72] .
l’indication d’une anesthésie médullaire chez les patients dysau-
tonomiques présentant une atteinte cardiovasculaire importante
doit être discutée. La vasoplégie induite par le bloc médullaire
pourrait induire plus volontiers une hypotension car le système  Prise en charge dans
nerveux autonome est altéré de façon diffuse dans la dysautono- des circonstances particulières
mie diabétique. La conjonction d’une cardiomyopathie et d’une
dysautonomie avec un bloc sympathique médullaire pourrait Ambulatoire
contribuer à aggraver une instabilité hémodynamique et à pro-
voquer une ischémie (souvent silencieuse), ainsi que des troubles La prise en charge en chirurgie ambulatoire est possible dans
du rythme. En revanche, une chirurgie sous bloc nerveux péri- la mesure où les lésions dégénératives sont correctement évaluées
phérique peut tout à fait se concevoir, y compris en ambulatoire, et stabilisées. En revanche, la présence de comorbidités associées,
chez un patient dysautonomique. comme un SAOS, peut contre-indiquer la prise en charge en ambu-
latoire d’un patient après anesthésie générale ou sédation. Les
biguanides sont classiquement arrêtés 24 heures avant l’acte en
 Objectifs glycémiques ambulatoire mais leur prise intempestive le matin de l’acte ne
contre-indique pas la réalisation de la chirurgie [49] . L’injection
en périopératoire d’insuline ou la prise du sulfamide hypoglycémiant se fait le matin
de l’intervention, le petit-déjeuner étant remplacé par un apport
Le contrôle glycémique commence en préopératoire en glucidique intraveineux de substitution (soluté glucosé à 5 %,
n’acceptant en chirurgie programmée que des patients dont le 125 ml/h) ou la prise de liquides clairs sucrés, jusqu’à la reprise
profil glycémique est stable. Pour des patients diabétiques dont de l’alimentation. Si l’intervention est de durée courte et réali-
les comorbidités sont stabilisées, le maintien en périopératoire sée en début de programme opératoire, l’horaire d’administration
d’une glycémie inférieure à 10 mmol/l (1,8 g/l) est un objectif de l’insuline ou du SH peut être décalé et celle-ci est administrée
suffisant [66] . Une glycémie nettement supérieure à 10 mmol/l pro- avant la collation. Chez le diabétique de type 2 bien équilibré, un
voque une diurèse osmotique (glycémie au-dessus du seuil de protocole « pas d’insuline-pas de glucose » est possible. La réali-
réabsorption rénale du glucose) qui peut conduire à une déshydra- sation de l’intervention en début de programme opératoire doit
tation et des désordres ioniques et/ou acidobasiques. En revanche, permettre la prise d’une collation à l’heure du déjeuner et la
viser l’euglycémie expose au risque d’hypoglycémie dont la sortie du patient en fin d’après-midi, après un ultime contrôle
gravité est accrue chez le patient diabétique ancien, âgé, dysauto- glycémique. L’existence de vomissements ou d’une hyperglycé-
nomique et mal équilibré antérieurement. Le contrôle glycémique mie importante contre-indique le retour au domicile. Dans ce

8 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Diabétique en période périopératoire  10-366-G-50

contexte, la prévention des nausées et vomissement postopéra- corticothérapie. Une insulinothérapie temporaire peut être mise
toires est importante. Leur prévention et leur traitement ne sont en route, en fonction des glycémies capillaires. L’insuline est
pas différents que ceux appliqués à des patients non diabétiques. habituellement nécessaire en cas de doses élevées (≥ 1 mg/kg de
La seule difficulté concerne l’utilisation de la dexaméthasone qui prednisone ou prednisolone).
augmente la glycémie de manière significative (20 % en moyenne
pour 10 mg de dexaméthasone [73] ). Cette augmentation persiste
durant quatre heures environ, avec un pic à la deuxième heure. Gestion des accidents hypoglycémiques
Les recommandations chez le diabétique sont d’utiliser la dose L’hypoglycémie est un risque réel en périopératoire [75, 76] . La
de 4 mg (aussi efficace) de renforcer la surveillance de la glycé- survenue d’une hypoglycémie modifie durablement (environ
mie et de corriger si nécessaire une hyperglycémie importante par 24 heures) l’équilibre glycémique et altère les mécanismes phy-
de l’insuline par voie intraveineuse en bolus [73] . Les patients sont siologiques de contre-régulation pendant quatre à cinq jours [77] .
informés d’avoir à disposition des liquides clairs sucrés pour trai-
ter l’hypoglycémie à la venue ou au retour de l’unité de chirurgie
ambulatoire.
Dépistage des patients à risque
En consultation d’anesthésie, on recherche :
• les sujets à risque (contrôle très strict de la glycémie avec un taux
En urgence bas d’HbA1c, variabilité importante de la glycémie, épisodes fré-
quents d’hypoglycémie, patient âgé, patients dysautonomiques
En urgence, l’obtention d’un contrôle glycémique vraiment en raison de la difficulté du diagnostic et l’altération des méca-
satisfaisant est illusoire tant que l’origine de l’état moti- nismes de contre-régulation) [76] ;
vant l’intervention n’a pas été traitée. On s’efforce cependant • des signes évocateurs de « petites » hypoglycémies à distance des
de réduire une hyperglycémie importante avant l’induction repas, se traduisant par des fringales ou des malaises mineurs.
de l’anesthésie (sans retarder l’heure de la chirurgie) par Ces hypoglycémies nécessitent une adaptation des doses des
l’administration par voie intraveineuse d’insuline en essayant de hypoglycémiants, la recherche d’une interaction médicamen-
ramener progressivement la glycémie en dessous de 11 mmol/l, teuse ou d’une insuffisance rénale. Chez ces patients peut
avec un contrôle glycémique initial renforcé. En parallèle, on s’installer une peur de l’hypoglycémie les conduisant à ne
commence aussi à corriger une éventuelle déshydratation, une jamais faire baisser leur glycémie en dessous d’un certain seuil.
hyperosmolarité, voire une acidocétose. À la surveillance régu- Cette attitude peut expliquer une prise de poids par prise ali-
lière de la glycémie s’ajoutent le contrôle de l’osmolarité, de la mentaire inadéquate ;
natrémie et de la kaliémie, de la créatininémie, des lactates, la • leur capacité à maîtriser l’autosurveillance glycémique et à gérer
recherche d’une élévation du trou anionique et la détermination eux-mêmes leur glycémie. Cette capacité d’autotraitement est
des gaz du sang. Si le patient est traité par metformine, ou si une généralement bonne chez les patients diabétiques de type 1 qui
réduction du débit circulatoire ou une hypoxie sont constatées en bénéficient d’une éducation thérapeutique systématique et pré-
per- ou en postopératoire, des dosages répétés de la concentration coce dès la découverte de la maladie ;
en bicarbonates, en lactates artériels et la mesure des gaz du sang • la présence d’une dysautonomie qui nécessite un renforcement
s’avèrent nécessaires. de la surveillance clinique et des glycémies capillaires au cours
de l’hospitalisation.
Examens radiologiques avec produits
Traitement des hypoglycémies
de contraste iodés Au cours du jeûne, le traitement de l’hypoglycémie est possible
Toute injection de produit de contraste iodé est, chez le diabé- par l’ingestion de liquides clairs sucrés sans pulpe jusqu’à deux
tique, une situation à risque de survenue d’IRA iatrogénique. La heures avant l’anesthésie (par exemple 30 ml de jus de pomme).
prévention repose sur : Les tablettes de glucose se présentant sous forme particulaire
• la limitation aux seuls examens strictement nécessaires ; doivent être évitées au cours du jeûne. Si le patient ne peut rece-
• une hydratation adéquate ; voir de glucose par voie orale, le traitement de l’hypoglycémie
• l’utilisation élective de produits de contraste non ioniques, de repose sur l’administration de 30 à 50 ml de glucosé 30 %, renou-
faible osmolarité [74] . velable si besoin [77] . Le relais par une perfusion de sérum glucosé
Un contrôle de la créatininémie à la recherche d’une altéra- 10 % peut s’imposer en particulier avec les SH et/ou en pré-
tion de la fonction rénale est recommandé après la réalisation sence d’une insuffisance rénale. Il faut garder à l’esprit qu’une
de l’examen. Une dégradation rapide de la fonction rénale hyperglycémie liée à l’administration de glucose peut avoir des
risque d’entraîner, chez les patients traités par metformine, effets délétères, en particulier dans le cadre d’une ischémie céré-
une acidose lactique dont le pronostic est gravissime. Plusieurs brale périopératoire. Une surveillance accrue de la correction de
observations documentées dans la littérature et des relevés de l’hypoglycémie est mise en place dans ce contexte [77] .
pharmacovigilance ont montré la réalité de cette succession En per- et postopératoire pour les patients recevant un apport
d’événements indésirables. Dans ce contexte, la metformine sera par voie intraveineuse d’insuline, il ne faut pas arrêter l’insuline
arrêtée 48 heures avant l’examen. Sa réintroduction se fait après mais réduire les doses de façon à éviter une variation glycémique
vérification de la normalité de la fonction rénale à la 72e heure [49] . importante, avec toutes les conséquences précédemment décrites.
De même, une altération transitoire de la fonction rénale peut
entraîner une hypoglycémie iatrogène prolongée liée à la prise
des sulfamides hypoglycémiants. Ce risque peut être prévenu par Grossesse et diabète
l’arrêt temporaire, le jour de l’examen, de la prise de ces médica- Définitions, épidémiologie et facteurs de risque
ments et la surveillance rapprochée de la glycémie. liés au diabète
Les diabètes connus avant la grossesse, de type 1 ou 2, sont
Précautions à prendre lors rares. Ces femmes bénéficient de conseils et d’une prise en charge
d’une corticothérapie préconceptionnelle (Tableau 3). Le DG est la forme la plus fré-
quemment observée.
Les corticoïdes ont un effet hyperglycémiant dose-dépendant, Le DG est défini par l’Organisation mondiale de la santé comme
réversible et transitoire, qu’ils soient administrés par voie orale, un trouble de la tolérance glucidique conduisant à une hyper-
intraveineuse, intramusculaire ou intra-articulaire. La conduite à glycémie de sévérité variable, débutant ou diagnostiqué pour la
tenir dépend du risque de déséquilibre glycémique apprécié par première fois pendant la grossesse, quels que soient le traitement
la dose, la durée, le type de corticoïde et la voie d’administration. nécessaire et l’évolution dans le post-partum. Cette définition
Dans tous les cas, le renforcement de la surveillance de la gly- englobe en fait deux entités différentes qu’il convient de distin-
cémie capillaire est indispensable dès la mise en place de la guer :

EMC - Endocrinologie-Nutrition 9
10-366-G-50  Diabétique en période périopératoire

Tableau 3. Tableau 4.
Recommandations de l’American Diabetes Association avant la concep- Objectifs glycémiques au cours de la grossesse.
tion chez les diabétiques de types 1 et 2 [5] .
Recommandations nord-américaines (in [5] )
Avant la conception, il est important de contrôler de manière étroite le Diabète gestationnel :
diabète afin de réduire le risque d’anomalies fœtales en insistant sur la - glycémies capillaires en préprandial ≤ 0,95 g/l (5,3 mmol/l)
nécessité de réduire l’HbA1c en dessous de 7 % si cela est réalisable sans - 1 h après le repas ≤ 1,40 g/l (7,8 mmol/l)
hypoglycémies (grade B) - 2 h après le repas ≤ 1,20 g/l (6,7 mmol/l)
Les médicaments potentiellement tératogènes (IEC, ARA, statines, etc.) Pour les femmes diabétiques de type 1 ou 2 antérieur à la grossesse, les
devraient être évités chez les femmes sexuellement actives en âge de objectifs glycémiques suivants sont recommandés s’ils peuvent être
procréer et qui n’utilisent pas de méthode fiable de contraception atteints sans hypoglycémies excessives :
(grade B) - avant le repas, au coucher et durant la nuit : glycémie comprise entre
Un examen ophtalmologique de référence est souhaitable 0,60 et 0,99 g/l (3,3 à 5,4 mmol/l)
- pic de glycémie en postprandial entre 1,0–1,29 g/l (de 5,4 à 7,1 mmol/l)
HbA1c : hémoglobine glyquée ; IEC : inhibiteurs de l’enzyme de conversion de - HbA1C < 6,0 %
l’angiotensine ; ARA : antagonistes des récepteurs de l’angiotensine.
Recommandations du CNGOF [78]
L’objectif est d’obtenir une glycémie à jeun < 0,95 g/l. Il n’existe pas de
• un diabète patent, le plus souvent de type 2, préexistant à la données suggérant de privilégier la mesure postprandiale à 1 h ou 2 h, ni
grossesse et découvert seulement à l’occasion de celle-ci, qui les seuils à retenir : 1,30 g/l ou 1,40 g/l à 1 h ou 1,20 g/l à 2 h, ce dernier
persiste après l’accouchement ; seuil étant actuellement à conseiller
• une anomalie de la tolérance glucidique réellement apparue en
CNGOF : Collège national des gynécologues et obstétriciens français.
cours de grossesse, généralement en deuxième partie, disparais-
sant, au moins temporairement, en post-partum.
Dans les conditions actuelles de dépistage, la prévalence du DG Pendant la grossesse
est estimée entre 2 et 6 %, mais peut être beaucoup plus élevée L’insuline est préférée pendant la grossesse en raison de
dans des populations spécifiques ; la tendance actuelle va vers l’absence de données sur la sécurité à long terme des ADO. Des
une augmentation de cette prévalence. Le problème se pose en études contrôlées et randomisées sont en faveur d’une effica-
fait pour le dépistage du DG. Le diagnostic est simple en pré- cité et d’une sécurité à court terme du glibenclamide et de la
sence d’une hyperglycémie. Sinon, le diagnostic et le dépistage metformine [80–83] . Cependant, ces deux agents traversent le pla-
reposent sur une épreuve d’hyperglycémie provoquée. Le Col- centa et il n’existe pas de données sur leur innocuité à long
lège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) terme [5, 83] . En France, les ADO n’ont pas d’autorisation de mise
recommande le dépistage du DG en présence d’au moins un sur le marché pendant la grossesse et ne sont pas recomman-
des critères suivants : âge maternel supérieur à 35 ans, IMC supé- dés. Les modifications physiologiques de la grossesse, comme
rieur à 25 kg/m2 , antécédents de diabète chez les apparentés au on l’a vu précédemment, imposent souvent une modification
premier degré, antécédents personnels de DG ou d’enfant macro- de l’insuline pour suivre l’évolution des besoins en insuline.
some [78] . Les modalités de l’épreuve et les chiffres anormaux ne Durant le premier trimestre, une diminution de la dose totale
font toujours pas l’objet d’un consensus [5, 78, 79] . Les stratégies en journalière est nécessaire. Au deuxième trimestre de la gros-
un temps sont basées sur la réalisation, dans la population cible, sesse, l’augmentation rapide de l’insulinorésistance nécessite une
d’une charge en glucose de 75 g. Les stratégies en deux temps sont augmentation hebdomadaire ou bihebdomadaire des doses afin
basées sur la réalisation d’un test de dépistage (charge de 50 g, d’atteindre les objectifs glycémiques fixés. D’une manière géné-
dit « test de O’Sullivan ») sur la population cible, puis d’un test rale, une faible proportion du total de la dose quotidienne est
diagnostique (charge de 100 g ou 75 g) qui confirme ou non le administrée en base et une plus grande proportion en post-
diagnostic de DG chez les femmes dépistées positives. Chez les prandial. Les données disponibles sont rassurantes concernant la
patientes non diagnostiquées préalablement, le CNGOF recom- sécurité et l’efficacité durant la grossesse des analogues rapides de
mande comme critères diagnostiques (critères de l’International l’insuline lispro et aspart. Il y aurait, dans certaines études, moins
Association of Diabetes Pregnancy Study Group [IADPSG]) entre d’hypoglycémies qu’avec les insulines humaines [79] . Il n’existe pas
24 et 28 semaines d’aménorrhée (SA), date à laquelle la tolérance de données ou l’on dispose de données limitées pour les insu-
au glucose se détériore au cours de la grossesse (charge en glu- lines les plus récentes (glargine et glulisine) pendant la grossesse.
cose de 75 g) : glycémie à jeun supérieure ou égale à 5,1 mmol/l Si une insuline d’action lente est nécessaire, il faut privilégier
(0,92 g/l) et/ou glycémie une heure après une charge orale de 75 g l’insuline NPH [78] . Il n’existe pas de consensus sur les objec-
de glucose supérieure ou égale à 10,0 mmol/l (1,80 g/l) et/ou glycé- tifs glycémiques au cours de la grossesse (Tableau 4). En raison
mie deux heures après la charge supérieure ou égale à 8,5 mmol/l de la complexité de gestion de l’insuline pendant la grossesse,
(1,53 g/l). En cas de normalité du dépistage entre 24 et 28 SA, il l’orientation et la prise en charge par un centre spécialisé sont
n’y a pas pour le CNOGF d’arguments pour répéter ultérieure- recommandées.
ment le dépistage à titre systématique. Chez les femmes ayant Diabète gestationnel. La prise en charge diététique est la
des facteurs de risque mais qui n’ont pas eu de dépistage du pierre angulaire du traitement du DG. L’apport calorique est
DG, celui-ci peut être fait au troisième trimestre, au minimum déterminé selon l’IMC préconceptionnel, la prise de poids ges-
par une glycémie à jeun. La mise en évidence de biométries tationnelle et les habitudes alimentaires. L’apport recommandé
fœtales supérieures au 97e percentile ou d’un hydramnios chez est compris entre 25 et 35 kcal/kg par jour. Une activité physique
une femme sans facteurs de risque doit aussi faire rechercher régulière, en l’absence de contre-indication obstétricale, est aussi
un DG. recommandée. Ces mesures hygiénodiététiques permettraient un
bon contrôle de la glycémie chez 70 à 80 % des parturientes [5] .
L’insuline est envisagée si les objectifs glycémiques ne sont pas
Évolution du diabète au cours de la grossesse atteints après sept à dix jours de règles hygiénodiététiques. Le
Les hypoglycémies sont fréquentes au premier trimestre schéma d’insulinothérapie est adapté en fonction des profils gly-
(absorption non insulinodépendante du glucose par le placenta) ; cémiques.
puis, à partir de 17 à 20 SA, les besoins en insuline augmentent, Gestion pendant la grossesse des diabétiques de types 1 et 2
soit progressivement, soit par paliers (hormones placentaires dia- préexistant à la grossesse. Pour les femmes avec un diabète de
bétogènes et augmentation de la résistance à l’insuline de manière type 1, il existe un risque accru d’hypoglycémie durant le premier
exponentielle au cours du deuxième trimestre, se stabilisant vers trimestre. Des hypoglycémies fréquentes peuvent être associées
la fin du troisième trimestre) ; ils diminuent brutalement (environ à un retard de croissance intra-utérin. La correction rapide de la
de moitié) dès l’accouchement [5] . L’autosurveillance glycémique glycémie avec une insulinothérapie intensive dans le cadre de la
permet de surveiller les patientes, et d’indiquer et de guider rétinopathie est associée à une aggravation de celle-ci [84] . La résis-
l’insulinothérapie. tance à l’insuline diminue rapidement après la délivrance et les

10 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Diabétique en période périopératoire  10-366-G-50

femmes deviennent très sensibles à l’insuline, nécessitant beau- puis toutes les deux heures durant les 24 premières heures. En
coup moins d’insuline que dans le période pré-partum. Le devenir parallèle, sont recherchés les signes cliniques (non spécifiques)
maternofœtal et le contrôle glycémique ne semblent pas différents pouvant évoquer une hypoglycémie : hypotonie, pâleur, apnée,
selon que les femmes bénéficient d’une pompe à insuline ou d’une détresse respiratoire, léthargie, hypothermie, voire convulsions.
administration discontinue d’insuline [85] . En revanche, des études Les hypoglycémies sont liées à deux causes principales : cer-
de cohortes retrouvent une évolution favorable de la grossesse et tains développent un état d’hyperinsulinisme en relation avec
de la glycémie avec une pompe à insuline chez des femmes diffi- un passage excessif de glucose transplacentaire chez les patientes
ciles à équilibrer sous insuline en discontinu [79] . Étant donné la au diabète mal équilibré ; d’autres nouveau-nés n’ont pas déve-
gravité avec le risque de mort fœtale des épisodes d’acidocétose loppé d’hyperinsulinisme durant la période fœtale et peuvent
chez la femme enceinte, des vérifications itératives du bon fonc- répondre à une hyperglycémie durant le travail par une produc-
tionnement de la pompe sont indispensables. tion d’insuline durant une à deux heures après l’accouchement et
Les femmes avec un diabète de type 2 prégestationnel ont sou- à l’origine d’une hypoglycémie transitoire [79] . L’alimentation est
vent une obésité associée. La prise de poids conseillée pendant la commencée là aussi dès la naissance.
grossesse pour les femmes en surpoids est de 7 à 12 kg, et pour
les femmes obèses de 5 à 9 kg. Le contrôle glycémique est souvent Dans le post-partum
plus facile à obtenir dans le type 2, mais l’hypertension et d’autres
La sensibilité à l’insuline dans le diabète de type 1 aug-
comorbidités associées au type 2 prégestationnel augmentent les
mente dans le post-partum immédiat puis se normalise au
risques liés à la grossesse par rapport au type 1 [86, 87] .
cours des une à deux semaines suivantes. Pour de nombreuses
Pendant l’accouchement femmes, il faut beaucoup moins d’insuline qu’au cours de la
période précédant l’accouchement. L’allaitement maternel peut
L’hyperglycémie maternelle per-partum contribue à une hyper-
provoquer une hypoglycémie, qui peut être prévenue par une
capnie et une acidose fœtale. Cette acidose réduit la délivrance
collation.
d’oxygène au fœtus. Cet effet est aggravé s’il existe une mau-
Parce que le DG peut avoir révélé un diabète de type 2 méconnu,
vaise vascularisation utéroplacentaire qui diminue d’autant la
les femmes doivent être recontrôlées dans les 6 à 12 semaines
délivrance d’oxygène et de substrats au fœtus [79] . L’hyperglycémie
post-partum en utilisant pour le diagnostic les critères biologiques
maternelle, au moment de l’accouchement, est à l’origine
validés hors grossesse. En fonction des facteurs de risques éven-
d’hypoglycémies chez le nouveau-né, via l’hyperinsulinisme
tuellement associés, ces femmes sont réévaluées tous les un à
fœtale. Le nouveau-né est en effet incapable de mobiliser ses
trois ans. Les parturientes avec une histoire de DG ont un risque
réserves en glucose pour lutter contre l’hypoglycémie.
considérablement augmenté de survenue à distance d’un diabète
En pratique, la veille au soir de l’accouchement, il est recom-
de type 2 et pas seulement dans les 6 à 12 semaines du post-
mandé de prescrire une insuline intermédiaire plutôt qu’une
partum [91] .
insuline lente. Le matin de l’accouchement (début de travail ou
L’allaitement est conseillé chez les femmes, quel que soit le type
césarienne), l’insuline est omise. En revanche, la cible glycémique
de diabètes, et pourrait avoir à long terme un effet positif sur la sur-
pendant l’accouchement n’est pas clairement définie dans la litté-
venue ou l’évolution d’un diabète de type 2 [92, 93] chez la mère et
rature. Une glycémie supérieure à 6,5 mmol/l semble associée à des
l’enfant. Le risque de développer un diabète dans les 30 premières
glycémies néonatales inférieures à 2,2 mmol/l mais n’est pas cor-
années de la vie est de l’ordre de 1 % (risque multiplié par 5 à 10
rélée à la sévérité des hypoglycémies [88] . En revanche, une HbA1c
par rapport à un enfant de mère non diabétique). Si le père et la
supérieure à 6,5 mmol/l en pré-partum est prédictif de la survenue
mère ont un diabète de type 1, le risque pour l’enfant serait proche
d’hypoglycémies fœtales sévères et de besoins en insuline impor-
de 25 %.
tants lors de l’accouchement. Le Royal College of Obstetricians
and Gynaecologists propose de maintenir la glycémie entre 4,0
et 7,0 mmol/l, d’amener du glucose pendant l’accouchement à la Prise en charge anesthésique pour l’accouchement
pompe (500 ml de soluté glucosé à 10 % : 100 ml/h), de monitorer La prise en charge anesthésique repose sur :
la glycémie toutes les heures, d’apporter de l’insuline à la pompe • la consultation d’anesthésie systématique, réalisée en fin de
lorsque la glycémie est supérieure à 7 mmol/l et de mettre alors grossesse (idéalement dans le courant du troisième trimestre
en place un protocole glucose-insuline [79] . Pour les parturientes à distance de l’accouchement). Certaines complications sont
avec un diabète de type 1, le protocole glucose-insuline est mis en plus fréquentes au cours de la grossesse diabétique. Les
place dès le début du travail [89, 90] . En post-partum, en raison de complications possibles sont décrites au Tableau 5 ;
la baisse des besoins en insuline, la surveillance de la glycémie est • une technique d’anesthésie adaptée aux diverses situations pos-
renforcée et poursuivie pendant 24 à 48 heures par des glycémies sibles ;
capillaires postprandiales. • un bon contrôle glycémique.

Consultation d’anesthésie
Prise en charge néonatale
La consultation d’anesthésie de la parturiente diabétique
Selon les recommandations du CNGOF, le risque inclut l’évaluation de la sévérité du diabète, la recherche de
d’hypoglycémie sévère est faible en cas de DG. La macroso- lésions dégénératives (rénales, cardiaques, neurologiques, ocu-
mie augmente le risque d’hypoglycémie. La surveillance de laires ou vasculaires) et l’examen des voies aériennes. L’évaluation
la glycémie est recommandée pour les nouveau-nés de mère concerne aussi l’état fœtal (rythme cardiaque fœtal, biométrie,
avec DG traité par insuline ou dont le poids de naissance est maturité et poids estimé) (Tableau 6). La consultation d’anesthésie
inférieur au dixième percentile ou supérieur au 90e percentile. permet de mieux cerner les différents « scénarios » anesthésiques
Les nouveau-nés doivent être nourris le plus tôt possible après pour l’accouchement (analgésie pendant le travail, anesthésie
la naissance (environ 30 min) et à intervalles fréquents (au en urgence). Toutes les données sont colligées dans un dossier
moins toutes les 2–3 h). La surveillance de la glycémie ne doit d’anesthésie, joint au dossier obstétrical.
débuter, en l’absence de signes cliniques, qu’après la première
tétée et juste avant la deuxième. La présence de signes cli- Analgésie et anesthésie du travail et de l’accouchement
niques d’hypoglycémie impose une surveillance plus précoce La prise en charge de ces patientes doit être multidisciplinaire :
de la glycémie. Le contrôle de la glycémie doit être réalisé par diabétologue, obstétricien, anesthésiste-réanimateur et pédiatre.
un lecteur le plus adapté aux caractéristiques du nouveau-né En cas de DG bien équilibré avec un fœtus eutrophique, aucune
et régulièrement étalonné ; il est recommandé de confirmer précaution particulière n’est à prendre. Il faut considérer cette
les hypoglycémies dépistées à la bandelette par un dosage au patiente comme lors d’un accouchement normal. En cas de DG
laboratoire [78] . avec macrosomie ou une pathologie associée, l’accouchement
Pour les mères diabétiques de types 1 et 2, la glycémie est doit être programmé, tant en ce qui concerne sa date que sa
mesurée chez le nouveau-né (glycémie à la naissance < 2 mmol/l modalité : déclenchement ou césarienne. Le choix est fonction des
ou 0,35 g/l chez un enfant à terme) puis à une heure de vie, conditions obstétricales, du déroulement de la grossesse ou des

EMC - Endocrinologie-Nutrition 11
10-366-G-50  Diabétique en période périopératoire

Tableau 5. Tableau 6.
Complications maternofœtales pouvant survenir au cours de la grossesse. Consultation d’anesthésie de la parturiente diabétique.
Complications fréquentes au cours de la grossesse diabétique Patiente
Infection urinaire prédisposant, lorsqu’elle est patente, à la cétose et à Évaluation de l’équilibre glycémique
l’acidocétose diabétique, qui sont graves pour la mère et peuvent Recherche des lésions dégénératives rénales :
entraîner la mort du fœtus in utero - la néphropathie est beaucoup plus rare, mais des complications en
Hydramnios qui s’observe surtout en cas de macrosomie fœtale particulier fœtales sont à prévoir au cours de la grossesse (retard de
Hypertension artérielle : chronique, antérieure à la grossesse, ou induite croissance intra-utérin, souffrance fœtale, mort fœtale in utero ou la
par la grossesse, compliquée parfois de protéinurie et pouvant s’intégrer prématurité induite pour éviter la mort du fœtus in utero). La
dans un tableau de toxémie gravidique a protéinurie augmente dans la seconde moitié de la grossesse et une
Lors de l’accouchement : disproportion fœtopelvienne à l’origine d’un hypertension artérielle apparaît presque toujours, ou s’aggrave si elle
taux élevé de césariennes a , allongement de la durée du travail ; était présente avant la grossesse
hémorragie de la délivrance par atonie utérine, en particulier en Recherche des lésions cardiovasculaires (ischémie myocardique) :
présence d’une macrosomie - neuropathie dysautonomique : chez la parturiente diabétique, la
Complications fœtales tachycardie sinusale n’est pas toujours un bon reflet de la dysautonomie
car l’augmentation de la fréquence cardiaque liée aux modifications
Avortements spontanés : plus fréquents lorsque le diabète est mal
physiologiques de la grossesse est moindre. L’hypotension orthostatique
contrôlé
est fréquente au cours de la grossesse normale. La gastroparésie
Malformations fœtales : la fréquence des malformations graves et létales
diabétique est exceptionnelle
est plus élevée que dans la population générale. Leur survenue est plus
- neuropathies sensitivomotrices : leur recherche doit être systématique.
fréquente lorsque le diabète est mal contrôlé dans les premières
Des atteintes peuvent s’observer lors du passage du mobile fœtal dans le
semaines de la vie embryonnaire. Leur fréquence est diminuée chez les
pelvis, lors de la mise en place de forceps ou la simple position
femmes qui ont un contrôle correct du diabète, secondaire à une prise
gynécologique lors de l’accouchement. Les nerfs les plus fréquemment
en charge avant la conception
atteints sont le tronc lombosacré, le crural, le cutané fémoral externe et
Le bon contrôle du diabète diminue mais ne supprime pas la
le sciatique poplité externe
macrosomie qui persiste chez 20 à 30 % des nouveau-nés de mère
Recherche des lésions oculaires : une flambée de la rétinopathie peut
diabétique. Elle est à l’origine de difficultés obstétricales comme la
survenir, surtout lorsque existent déjà des lésions en début de grossesse.
dystocie des épaules
Dans certains cas, une régression partielle peut s’observer dans le
Mortalité in utero : survient le plus souvent chez des femmes dont le
post-partum
diabète est mal contrôlé, le fœtus gros, hydramniotique, et la plupart du
Prééclampsie
temps dans les dernières semaines de la grossesse
Modalités d’accouchement : césarienne, voie basse, instrumentale,
Complications néonatales possibilité d’une dystocie des épaules
Macrosomie, principale complication néonatale démontrée d’un diabète Fœtus et nouveau-né
gestationnel (DG) [94]
Maturité pulmonaire
Détresse respiratoire : des détresses respiratoires transitoires (24–48 h)
Retard de croissance intra-utérin
par retard de résorption du liquide intrapulmonaire ont été rapportées.
Macrosomie
Cependant, le risque de décès périnatal n’est pas augmenté et il n’existe
Acidose
pas assez de données pour établir un lien entre le diabète gestationnel et
Hypoglycémie néonatale
les troubles respiratoires néonataux [78]
Traumatisme à la naissance
Myocardiopathie hypertrophique transitoire : il n’y a pas de données de
la littérature qui permettent d’estimer l’incidence et le risque exact de
cardiomyopathie en cas de diabète gestationnel, ni le lien avec
l’hyperglycémie maternelle diminuer d’autant. Par ailleurs, l’anesthésie péridurale procure
Troubles métaboliques : l’hypoglycémie est fréquente et transitoire une excellente analgésie sans dépression néonatale, permet un
(quelques jours) ; en revanche, le risque d’hypocalcémie en cas de DG bon relâchement de la musculature périnéale et les manœuvres
est comparable à celui de la population générale ; la polyglobulie est due obstétricales sont possibles à tout moment, permet de transformer
vraisemblablement à une hypoxie chronique modérée. Elle peut cette APD analgésique en APD anesthésique pour la réalisation
entraîner une hyperviscosité et un ictère d’une césarienne. Si la technique de péridurale ne diffère pas de la
La mortalité néonatale est basse, due essentiellement aux malformations
technique habituelle, il existe quelques particularités à respecter :
congénitales et à la grande prématurité, parfois induite dans les
réalisation de l’APD très tôt, en tout début de travail ; uniquement
néphropathies diabétiques
du sérum physiologique pour le remplissage préalable et comme
a
Ces risques sont corrélés de façon positive et linéaire au degré de garde veine (soluté ne comprenant pas de précurseurs de la NGG) ;
l’hyperglycémie initiale. Le surpoids, défini par un indice de masse corpo- les doses d’anesthésiques locaux nécessaires sont classiquement
relle (IMC) ≥ 25 kg/m2 , et l’obésité, définie par un IMC ≥ 30 kg/m2 , sont des plus faibles que pour les parturientes non diabétiques sans que
facteurs de risque de prééclampsie et de césarienne, indépendamment de
l’hyperglycémie maternelle. Leur association avec le diabète gestationnel aug- la raison en soit connue (la parturiente diabétique étant souvent
mente les risques de prééclampsie et de césarienne par rapport aux femmes comparée à la personne âgée en termes de réponse et de tolérance
diabétiques ayant un IMC normal [78] . à l’APD).
En cas de césarienne. Si les précautions précédemment énon-
cées sont observées, il n’existe pas plus de risque maternel ou fœtal
complications liées au diabète. L’accouchement s’effectue dans à réaliser une anesthésie générale ou anesthésie médullaire (APD
des maternités adaptées au niveaux des soins pour le nouveau-né ou rachianesthésie). Le statut acidobasique des nouveau-nés, après
(type II ou III). césarienne sous anesthésie générale, n’est pas différent que les
En cas de déclenchement. Il s’agit très souvent d’un déclen- mères soient diabétiques ou non. Cependant, l’Apgar à la première
chement artificiel du travail permettant que l’accouchement ait minute est significativement plus bas (< 7). Le risque d’acidose
lieu de jour en présence de toute l’équipe médicale, améliorant néonatale au cours de la césarienne sous anesthésie médullaire
ainsi la sécurité maternofœtale. L’analgésie péridurale fait partie est négligeable à condition de contrôler la glycémie maternelle,
intégrante de cette méthode d’accouchement qui représente une de réaliser un remplissage par sérum physiologique, de traiter
situation obstétricale à haut risque de manœuvres au moment immédiatement toute hypotension artérielle.
de l’expulsion (la disponibilité de l’anesthésiste-réanimateur au
moment de l’expulsion est recommandée), voire de césarienne
Problèmes spécifiques
urgente tout au long du travail. L’anesthésie péridurale (APD) est
particulièrement indiquée dans ce contexte. Elle permet de réduire Complications métaboliques
les taux circulants de catécholamines et de cortisol, et facilite L’acidocétose diabétique est rare mais expose au risque de décès
la perfusion utéroplacentaire et l’équilibre glycémique. La sur- maternel et/ou fœtal [79] . Elle est observée essentiellement chez
veillance glycémique est renforcée car les besoins en insuline vont les femmes diabétiques de type 1 mais aussi dans le type 2 et le

12 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Diabétique en période périopératoire  10-366-G-50

Tableau 7. présence de comorbidités associées comme un SAOS peut contre-


Causes d’acidocétose diabétique au cours de la grossesse. indiquer la prise en charge en ambulatoire d’un patient après
Mauvaise compliance au traitement anesthésie générale ou sédation. Il n’y a aucun agent anesthé-
Mode d’entrée dans la maladie sique indiqué ou contre-indiqué chez le diabétique. Les données
Utilisation de bêtamimétiques ou de corticoïdes de la littérature et les pratiques en anesthésie, en particulier dans le
Problème sur la pompe à insuline : panne, occlusion ou déconnexion du cadre de l’ambulatoire, sont en faveur de l’ALR. Pour des patients
cathéter diabétiques dont les comorbidités sont stabilisées, le maintien
Vomissements, erreurs diététiques d’une glycémie inférieure à 10 mmol/l (1,8 g/l) est un objectif suf-
Sepsis fisant. Viser l’euglycémie expose au risque d’hypoglycémie dont
Non-suivi de la grossesse la gravité est accrue chez le patient diabétique ancien, âgé, dysau-
Toxicomanie tonomique et mal équilibré antérieurement. En périopératoire, il
est important d’éviter autant que faire se peut les variations et les
fluctuations importantes de la glycémie.
DG. Les causes sont multiples (Tableau 7). Les symptômes sont :
nausées et vomissements, malaise, troubles de la conscience, poly-
dipsie, polyurie, douleurs abdominales. L’examen retrouve une Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en rela-
hyperventilation de type Kussmaul, une odeur acétonique de tion avec cet article.
l’haleine, une déshydratation, plus rarement une hypotension.
Le diagnostic est confirmé par l’association d’une glycémie éle-
vée (> 13,7 mmol/l [2,5 g/l], souvent plus basse chez la femme  Références
enceinte), un CO2 T inférieur à 15 mmol/l, un pH inférieur à
7,3, la présence d’une glycosurie et d’une cétonurie élevées, de [1] Institut de veille sanitaire. Journée mondiale du diabète, 14 novembre
corps cétoniques plasmatiques élevés. Dès que le diagnostic est 2014. Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) 2014; 30–31.
confirmé, le traitement doit être entrepris sans délais et la sur- [2] Stratégie médicamenteuse du contrôle glycémique du diabète de type 2.
veillance fœtale par monitoring doit être continue. Le traitement Méthode. Recommandations pour la pratique clinique. Argumentaire.
n’a pas de spécificité par rapport à la grossesse. Le déficit hydrique Janvier 2013. HAS-ANSM.
peut atteindre dix litres. [3] O’Neill S, L O’Driscoll L. Metabolic syndrome: a closer look at the
growing epidemic and its associated pathologies. Obes Rev 2015;
Tocolyse et diabète 16:1–12.
En cas de menace d’accouchement prématuré, les inhibiteurs [4] Candiotti K, Sharma S, Shankar R. Obesity, obstructive sleep
calciques et les antagonistes de l’ocytocine peuvent être utilisés ; apnoea, and diabetes mellitus: anaesthetic implications. Br J Anaesth
les bêtamimétiques ne doivent être utilisés qu’en dernier recours 2009;103(Suppl. 1):i23–30.
et avec une surveillance glycémique rapprochée, avec un ajuste- [5] Standards of medical care in diabetes-2015. American Diabetes Asso-
ment permanent des apports en insuline (par voie intraveineuse ciation. Diabetes Care 2015;38(Suppl.):S1–S93.
à la SAP). [6] Furnary AP. Invited commentary. Ann Thorac Surg 2010;89:1487–8.
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La prise en charge anesthésique du patient diabétique est of Ischemia in Asymptomatic Diabetics (DIAD) Study. A post hoc
conditionnée par les comorbidités associées. La consultation analysis. Diabetes Care 2011;34:204–9.
d’anesthésie, outre le bilan de ces lésions dégénératives, permet [9] Hadamitzky M, Hein F, Meyer T, Bischoff B, Martinoff S, Schömig A,
d’évaluer la qualité de l’équilibre métabolique, d’adapter les traite- et al. Prognostic value of coronary computed tomographic angiography
ments et de demander les examens complémentaires nécessaires. in diabetic patients without known coronary artery disease. Diabetes
La consultation permet aussi d’identifier les patients à risque Care 2010;33:1358–63.
d’hypoglycémie, en particulier les patients âgés et/ou présentant [10] 2013 ESH/ESC Guidelines for the management of arterial hyperten-
une neuropathie dysautonomique. La prise en charge en chirurgie sion. The Task Force for the management of arterial hypertension of the
ambulatoire est possible dans la mesure où les lésions dégéné- European Society of Hypertension (ESH) and of the European Society
ratives sont correctement évaluées et stabilisées. En revanche, la of Cardiology (ESC). J Hypertens 2013;31:1281–357.
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complications dégénératives du diabète, en particulier car- the atlanto-occipital gap. Br J Anaesth 1983;55:141–4.
diovasculaires ou affectant le système nerveux autonome. [15] Frisch A, Chandra P, Smiley D, Peng L, Rizzo M, Gatcliffe C, et al.
• Un taux d’hémoglobine glyquée (ou HbA1c) supérieur Prevalence and clinical outcome of hyperglycemia in the perioperative
à 7 % est associé à un risque accru de comorbidités et de period in noncardiac surgery. Diabetes Care 2010;33:1783–8.
complications en postopératoire. [16] Seghal R, Berg A, Figueroa R, Poritz LS, McKenna KJ, Stewart DB,
• La metformine est classiquement arrêtée 24 heures et al. Risk factors for surgical site infections after colorectal resection
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avant l’acte mais sa prise par inadvertance le matin de [17] Lazar HL, McDonnell MM, Chipkin S, Fitzgerald C, Bliss C, Cabral
l’intervention ne contre-indique pas la chirurgie. H. Effects of aggressive versus moderate glycemic control on clinical
• Dès lors que le patient diabétique et les comorbidités outcomes in diabetic coronary artery bypass graft patients. Ann Surg
associées au diabète sont équilibrés, la réalisation d’actes 2011;254:458–63.
interventionnels en ambulatoire est non seulement pos- [18] Lankhorst S, Keet SW, Bulte CS, Boer C. The impact of autonomic dys-
sible mais aussi souhaitable. function on peri-operative cardiovascular complications. Anaesthesia
• Pour des patients diabétiques dont les comorbidités sont 2015;70:336–43.
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stabilisées, le maintien d’une glycémie comprise entre 5 et measurement of heart rate variability in diabetics: a method to estimate
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EMC - Endocrinologie-Nutrition 13
10-366-G-50  Diabétique en période périopératoire

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M. Raucoules-Aimé (raucoules.m@chu-nice.fr).
Pôle anesthésie-réanimations, Hôpital Archet 2, 151, route Saint-Antoine-Ginestière, BP 3079, 06202 Nice cedex 3, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Raucoules-Aimé M. Diabétique en période périopératoire. EMC - Endocrinologie-Nutrition 2016;13(3):1-15
[Article 10-366-G-50].

Disponibles sur www.em-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

EMC - Endocrinologie-Nutrition 15
¶ 10-366-H-10

Cétoacidose diabétique
S. Kury-Paulin, V. Cachot, A. Penfornis

La cétoacidose diabétique est une complication aiguë du diabète qui survient le plus souvent chez les
patients diabétiques de type 1, mais pouvant survenir également chez les diabétiques de type 2,
notamment les patients noirs africains. Cette complication se caractérise par une hyperglycémie, une
cétose et une acidose. Son pronostic peut être sévère avec un taux de mortalité estimé à 5 %. La
physiopathologie est liée à la combinaison de deux anomalies : une insulinopénie (favorisée par une
éventuelle infection, une prise médicamenteuse ou une pathologie endocrinienne, etc.) et une élévation
des hormones de la contre-régulation. D’un point de vue clinique, l’évolution est marquée par deux
étapes : une phase de cétose simple, suivie de la phase d’acidocétose, dont le diagnostic repose sur des
analyses sanguine et urinaire mettant en évidence une hyperglycémie, une cétonémie et une cétonurie. Le
pH artériel, le taux de bicarbonates et l’osmolalité plasmatique confirment le diagnostic. Le traitement
repose sur l’insulinothérapie, la réhydratation et la correction des troubles hydroélectrolytiques (en
particulier du potassium). Les complications de la cétoacidose diabétique, comme l’œdème cérébral et de
l’hypokaliémie, résultent le plus souvent d’un traitement mal conduit. Pour conclure, la cétoacidose
diabétique, en survenant dans la majorité des cas chez des patients diabétiques connus, pourrait être
largement prévenue par la réalisation d’un diagnostic précoce et l’éducation des patients diabétiques de
type 1.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Hyperglycémie ; Cétose ; Acidose ; Potassium ; Œdème cérébral

Plan Cétoacidose des patients porteurs de pompe à insuline


sous-cutanée 6
Cétoacidose du sujet âgé et du sujet jeune 6
¶ Introduction 2
¶ Diagnostics différentiels 6
¶ Physiopathologie 2
Acidocétose alcoolique 6
Anomalies du métabolisme glucidique 2
Anomalies du métabolisme lipidique 2 Coma hyperosmolaire 6
Coma hypoglycémique 6
¶ Clinique 2 Acidose lactique 6
Phase de cétose simple 2
Cétose de jeûne 6
Phase de cétoacidose 3
Acidose survenant au cours d’intoxications 6
¶ Biologie 3
¶ Traitement 6
Hyperglycémie 3
Restauration de l’hémodynamique 6
Cétonémie élevée 3
Insulinothérapie 6
pH artériel 3
Apport de potassium 7
Kaliémie 3
Apport de bicarbonates 8
Natrémie 4
Apport de phosphore 8
Osmolalité plasmatique 4
Apport de magnésium 8
Trou anionique 4
Urée et créatinine 4 Anticoagulation préventive 8
Phosphorémie 4 ¶ Surveillance du traitement 8
Protidémie et hématocrite 4 Surveillance clinique 8
Numération formule sanguine 4 Surveillance biologique 8
Transaminases, CPK, amylases et lipases 4 Surveillance paraclinique 8
Hypertriglycéridémie 4 ¶ Complications de la cétoacidose diabétique 8
¶ Étiologies 4 Complications liées au traitement 8
Situations d’insulinopénie absolue 4 Complications évolutives 9
Situations d’insulinopénie relative 5 Prévention 10
¶ Formes cliniques particulières 5 ¶ Conclusion 10
Cétoacidose chez la femme enceinte 5
Cétoacidose du sujet noir africain 5

Endocrinologie-Nutrition 1
10-366-H-10 ¶ Cétoacidose diabétique

Figure 1. Physiopathologie de la cétoacidose


diabétique.
Insuline ↑ Hormones de la contre-régulation

↑ Lipolyse ↑ Néoglucogenèse et Acides aminés ↑ Protéolyse


glycogénolyse

↑ Acides gras Hyperglycémie

↑ Cétogenèse → Glycosurie Déshydratation


→ Diurèse osmotique

Cétonémie Acidose

■ Introduction Cette hyperglycémie entraîne, à son tour, une glycosurie, une


diurèse osmotique et une déshydratation (en moyenne 5 à
La cétoacidose diabétique représente l’une des complications 7 litres pour un adulte). Il en résulte une diminution de la
aiguës les plus sérieuses du diabète. Elle survient le plus souvent perfusion rénale et une limitation de l’élimination urinaire du
au cours du diabète de type 1 et peut, dans un certain nombre glucose, ce qui tend à aggraver l’hyperglycémie [5].
de cas, constituer le mode d’entrée dans la maladie (dans 15 %
à 67 % des cas) [1]. Cependant, il est possible de l’observer au Anomalies du métabolisme lipidique
cours du diabète de type 2, notamment chez les patients noirs En l’absence de substrat énergétique glucosé, la cellule se
africains obèses [2]. tourne vers le métabolisme des acides gras. L’élévation des
La mortalité liée à cette complication apparaît relativement hormones de la contre-régulation retentit sur le métabolisme
stable depuis les années 1970, elle est inférieure à 5 % dans la lipidique en entraînant l’activation de la lipase, enzyme respon-
majorité des pays développés [3] , bien que son incidence sable de la transformation des triglycérides en acides gras libres
annuelle tende à augmenter (par exemple aux États-Unis avec (lipolyse). Ces derniers sont pris en charge par le foie pour y
12,5/1 000 personnes diabétiques en 1987 contre 0,4 à 3,1/ être transformés (dans les mitochondries) en corps cétoniques
1 000 personnes diabétiques en 2001) [4]. (produits que l’on ne trouve pas à l’état normal). En effet, en
Chez les patients présentant un diabète établi, la fréquence de présence d’apport cellulaire normal de glucose, la mitochondrie
survenue d’un épisode de cétoacidose est de l’ordre de 1 à 10 % est capable de dégrader la totalité des acides gras sans produire
patients/années [1]. de corps cétoniques. En revanche, lorsqu’elle ne dispose plus
Le pronostic lié à cette pathologie dépend de la capacité du suffisamment de glucose, la dégradation mitochondriale des
patient à réagir devant une hyperglycémie aiguë et de la rapidité corps cétoniques s’arrête à l’acétylcoenzyme A, qui ne peut
d’instauration du traitement qui repose sur l’association d’une rentrer dans le cycle de Krebs. Cette cétogenèse, stimulée par le
insulinothérapie, d’une réhydratation et d’une correction des glucagon et les catécholamines (effet a2), aboutit à la synthèse
troubles hydroélectrolytiques (surtout du potassium). de deux acides : l’acide b-hydroxybutyrique, présent en quantité
Communément appelée « acidocétose », le terme de « cétoa- deux à trois fois plus importante que le second, représenté par
cidose » semble toutefois plus approprié, puisque d’un point de l’acide acétoacétique. Ces acides, libérés dans la circulation
vue physiopathologique, la cétose précède l’apparition de périphérique, sont ensuite filtrés par le rein puis partiellement
l’acidose. L’emploi de « coma acidocétosique », apparaît, quant excrétés dans les urines. L’acétone, qui provient de la décar-
à lui, le plus souvent inadapté, le coma ne s’observant que dans boxylation non enzymatique de l’acide acétoacétique, est
moins de 10 % des cas. Ce terme reste néanmoins attribué aux éliminée par voie respiratoire et confère à l’haleine une odeur
formes sévères de la maladie. caractéristique. La rétention de ces corps cétoniques est aggravée
par la déshydratation et contribue à l’installation d’une acidose
■ Physiopathologie (Fig. 1) métabolique qui induit une hyperventilation par stimulation de
chémorécepteurs cérébraux. Il s’ensuit une diminution de la
La cétoacidose diabétique se définit comme un déséquilibre pression partielle en CO2, susceptible de corriger partiellement
métabolique résultant de l’association d’une carence insulinique l’acidose [2].
(relative ou absolue) et d’une augmentation des hormones de la
contre-régulation représentées par le glucagon, les catécholami-
nes, l’hormone de croissance et le cortisol [2].
■ Clinique
Dans la majorité des cas, la cétoacidose diabétique se met en
Anomalies du métabolisme glucidique place progressivement (quelques jours), à l’exception de celle
La carence insulinique, en empêchant la pénétration du survenant chez les enfants, les femmes enceintes et les sujets
glucose à l’intérieur des cellules, ne permet pas de satisfaire les âgés, ou à l’occasion du dysfonctionnement de la pompe à
besoins en glucose des organes insulinodépendants. Elle insuline. Dans ces derniers cas, le début est le plus souvent
entraîne également une augmentation de la néoglucogenèse brutal et la phase de « cétose simple » ou « précoma » est
hépatique et de la glycogénolyse associée à une élévation des court-circuitée.
hormones de la contre-régulation. L’augmentation de la corti-
solémie stimule la protéolyse et produit des précurseurs de la Phase de cétose simple
néoglucogenèse sous forme d’acides aminés. La production de Au cours de cette phase, les manifestations cliniques secon-
glucose qui en découle et sa non-utilisation par les tissus daires aux anomalies biologiques apparaissent :
périphériques (muscles, tissu adipeux, foie), favorisées par • l’hyperglycémie : elle s’accompagne d’un syndrome polyuro-
l’élévation des catécholamines, sont responsables d’une polydipsique et d’une soif intense, plus rarement de crampes
hyperglycémie. nocturnes ou encore de troubles visuels. La présence et

2 Endocrinologie-Nutrition
Cétoacidose diabétique ¶ 10-366-H-10

l’intensité de ces symptômes dépendent de la sévérité et de


l’ancienneté de l’hyperglycémie ;
• la cétose : elle se manifeste par un tableau digestif plus ou
moins complet associant douleurs abdominales, nausées et
“ Points forts
vomissements ; Critères diagnostiques cliniques de cétoacidose
• l’haleine présente une odeur caractéristique d’acétone. • Déshydratation.
Cette phase est généralement reconnue par le patient diabé-
tique bien éduqué et impose l’instauration rapide d’un traite-
• Tachypolypnée.
ment adapté ainsi qu’une surveillance accrue des différents • Troubles digestifs (douleurs abdominales, vomisse-
paramètres biologiques. Malheureusement, elle semble fré- ments).
quemment négligée par les patients, et tend à évoluer vers la • Tableau neurologique : conscience normale (20 %),
cétoacidose. Cette première phase n’est pas reconnue chez les état stuporeux (70 %), coma (10 %).
patients dont le diabète est méconnu. • Hypothermie.

Phase de cétoacidose
Elle se caractérise par l’intensification des symptômes la cétose et l’acidose ne sont pas retrouvées systématiquement.
préexistants et l’apparition de nouvelles manifestations Inversement, il existe de véritables cétoacidoses avec des
cliniques. glycémies peu élevées. C’est notamment le cas dans les dys-
fonctionnements de la pompe à insuline sous-cutanée, l’ob-
Déshydratation struction de cathéter ou la grossesse.
Elle est secondaire à l’hyperglycémie et à la diurèse osmoti-
que. Elle prédomine sur le secteur extracellulaire et associe pli Cétonémie élevée
cutané, tachycardie et hypotension artérielle. L’évolution vers
un collapsus cardiovasculaire est à craindre. Une déshydratation La cétonémie normale est inférieure à 0,5 mmol/l, ce dosage
intracellulaire, caractérisée par une sécheresse des muqueuses, correspond à celui de l’acide b-hydroxybutyrique. La cétonémie
une soif intense et une hypotonie des globes oculaires, peut s’y et la cétonurie permettent d’identifier l’accumulation des corps
associer. Malgré l’importance de cette déshydratation, la diurèse cétoniques dans l’organisme. Le corps cétonique majoritaire est
reste conservée. C’est la raison pour laquelle l’existence d’une représenté par l’acide b-hydroxybutyrique, présent en quantité
anurie impose la recherche d’une cause organique et l’instaura- deux à trois fois plus importante que l’acide acétoacétique. Les
tion prudente d’une réhydratation. bandelettes urinaires (en utilisant la méthode colorimétrique
semi-quantitative au nitroprussiate), ne détectent que l’acide
Dyspnée acétoacétique, ce qui tend à sous-estimer la cétonurie. Ces
bandelettes sont également susceptibles de se positiver en
La dyspnée à deux ou quatre temps de Kussmaul correspond
présence de substances possédant un groupe sulfhydryle
à une tachypolypnée dont la fréquence apparaît supérieure à
(captopril, pénicillamine [7], N-acétylcystéine [8]) et d’être ainsi à
20 cycles respiratoires par minute. Ce signe clinique caractéris-
l’origine de faux positifs. Des faux négatifs peuvent s’observer
tique peut être toutefois absent dans les situations d’acidose
lorsque les bandelettes ont été conservées dans de mauvaises
sévère déprimant les centres respiratoires. La surveillance de la
conditions ou utilisées sur des urines non fraîches. Afin d’éviter
fréquence respiratoire représente donc un élément fondamental
ces différentes erreurs, il est actuellement recommandé de doser
de la prise en charge thérapeutique.
l’acide b-hydroxybutyrique sanguin (cétonémie) à l’aide d’un
Tableau digestif lecteur combinant glycémie et cétonémie. Au cours de la
cétoacidose, la concentration de b-hydroxybutyrique est en
Un tableau digestif pouvant mimer une urgence chirurgicale
moyenne de 5 mmol/l mais elle peut atteindre jusqu’à
(notamment chez l’enfant) associe des nausées, des vomisse-
30 mmol/l. Cette mesure s’avère plus précise que la cétonurie
ments ou des douleurs abdominales susceptibles d’aggraver la
pour le diagnostic de la cétoacidose (apparition retardée des
déshydratation. Une pancréatite aiguë peut être mise en
corps cétoniques urinaires par rapport aux corps cétoniques
évidence dans certains cas (étiologie de l’acidocétose dans 10 %
sanguins) et pour la surveillance de l’évolution (normalisation
des cas) [6]. Une hématémèse peut également s’observer dans un
plus rapide de la cétonémie par rapport à la cétonurie).
contexte de gastrite hémorragique ou d’ulcères de
Mallory-Weiss.
pH artériel
Tableau neurologique L’acidose se caractérise par un pH artériel inférieur à 7,30. La
Les troubles de la conscience concernent uniquement 10 % réserve alcaline apparaît abaissée, inférieure à 15 mmol/l, voire
des patients. Ceci tend à démontrer le caractère inadapté de inférieure à 10 mmol/l dans les formes sévères (pH inférieur
l’emploi du terme de coma acidocétosique. Cependant, lorsqu’il à 7).
existe, ce coma est calme, associé à une aréflexie ostéotendi- Les deux premiers critères biologiques diagnostiques sont
neuse et sans aucun signe de localisation à l’examen neurologi- facilement réalisables au lit du patient, notamment à domicile,
que. La quasi-totalité des patients (70 %) se présentent dans un et peuvent être renouvelés fréquemment afin d’adapter au
état stuporeux et les 20 % restants ont une conscience tout à mieux le traitement. Le troisième critère nécessite le recours au
fait normale. prélèvement artériel (pH sanguin).
Il existe d’autres examens biologiques permettant d’étudier la
Hypothermie gravité de la cétoacidose et la surveillance de son évolution.
L’hypothermie est fréquente, favorisée par l’acidose et la Il apparaît également nécessaire d’évaluer le pronostic de la
vasodilatation périphérique. Il est toutefois nécessaire de cétoacidose diabétique en contrôlant les paramètres biologiques
rechercher un syndrome infectieux sous-jacent, notamment suivants.
lorsque la température est inférieure à 35 °C.
Kaliémie
■ Biologie Initialement, la kaliémie est le plus souvent normale ou
augmentée (dans 30 % des cas). Il s’agit cependant d’une fausse
La cétoacidose se caractérise par une triade de signes
hyperkaliémie secondaire d’une part à la carence insulinique
biologiques.
entraînant le blocage de la pompe sodium-potassium à l’origine
de la sortie du potassium des cellules vers le plasma, et d’autre
Hyperglycémie part à l’acidose qui s’accompagne d’une augmentation de
La glycémie se révèle généralement supérieure à 2,5 g/l 1 mmol/l de kaliémie par 0,1 point de pH situé en dessous de
(14 mmol/l). Dans la majorité des épisodes hyperglycémiques, 7,40. Dans des cas plus rares, la kaliémie initiale peut être

Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-H-10 ¶ Cétoacidose diabétique

Phosphorémie
▲ Mise en garde Elle est initialement élevée en raison de l’insulinopénie, de
l’acidose, de l’hyperosmolalité et d’une part d’insuffisance
rénale fonctionnelle ; elle tend à diminuer lors de la mise en
Mesures de la cétonémie et de la cétonurie route du traitement entraînant une entrée de phosphore dans
Mesure de la cétonémie (technique à privilégier) la cellule.
Simple et rapide (à l’aide d’un lecteur combinant
glycémie-cétonémie capillaires). Protidémie et hématocrite
Précise (l’acide b-hydroxybutyrique est pris en compte).
La protidémie et l’hématocrite reflètent l’intensité de la
Reproductible. déshydratation extracellulaire.
Permet un diagnostic plus précoce.
Permet de confirmer la guérison plus rapidement que la Numération formule sanguine
cétonurie.
Il est fréquent d’observer une hyperleucocytose à polynu-
Mesure de la cétonurie (à défaut)
cléaires neutrophiles au cours de l’acidocétose, liée à la démar-
Contraignante (bandelettes urinaires + urines). gination des leucocytes secondaires à l’acidose.
Imprécise (ne mesure que l’acide acétoacétique d’où Elle ne témoigne pas pour autant de l’existence d’un syn-
résultat sous-estimé). drome infectieux sous-jacent.
Risque d’erreurs liées aux bandelettes périmées ou mal
stockées, à l’utilisation d’urines non fraîches, aux Transaminases, CPK, amylases et lipases
interactions médicamenteuses (résultat faussement positif Leurs taux sont fréquemment augmentés mais ils ne possè-
ou négatif). dent aucune valeur diagnostique. Les amylases et lipases ont des
Diagnostic retardé (élimination urinaire des corps taux parfois supérieurs à trois fois la normale en dehors de tout
cétoniques retardée par rapport à la cétonémie). contexte de pathologie pancréatique. Elles rendent le diagnostic
Confirmation de la guérison retardée (risque de « sur- de pancréatite particulièrement difficile et n’ont d’intérêt qu’en
traitement »). présence d’une forte suspicion clinique de pancréatite. En
dehors d’une imagerie pancréatique évocatrice, la régression de
la symptomatologie abdominale lors de la correction de l’acido-
abaissée. Elle est liée à des vomissements, une diurèse impor- cétose est le seul moyen de rassurer le clinicien sur l’absence de
tante et à une éventuelle prise de diurétiques. Dans tous les cas, pancréatite associée.
et quelle que soit la kaliémie initiale, il existe une hypokalicys-
tie constante.
La kaliémie constitue un critère indispensable à la sur-
Hypertriglycéridémie
veillance du traitement de la cétoacidose diabétique, en raison Elle est la conséquence d’un défaut de clairance des lipopro-
du risque de survenue d’une hypokaliémie, qui apparaît maxi- téines riches en triglycérides (VLDL et chylomicrons) en réponse
mal à la 4e heure. En effet, la mise en route de l’insulinothéra- à l’inactivation de la lipoprotéine lipase ou d’une augmentation
pie va rétablir la pompe sodium-potassium et ainsi faire rentrer de la synthèse hépatique de VLDL. Elle peut entraîner une
le potassium du plasma dans les cellules. Le dosage de la éruption xanthémateuse et une pancréatite aiguë.
kaliémie doit être couplé à la réalisation systématique d’un
électrocardiogramme afin d’étudier le retentissement cardiaque
d’une éventuelle hypokaliémie (allongement de l’espace QT,
diminution d’amplitude de l’onde T et apparition de l’onde U). “ Points forts
Natrémie
Elle reflète les pertes hydrosodées. Elle peut dans certains cas
Critères diagnostiques biologiques de cétoacidose
se révéler normale ou haute mais s’avère le plus souvent • Hyperglycémie (> 2,55 g/l).
abaissée. Il est toutefois nécessaire de vérifier qu’il ne s’agit pas • Cétonémie (< 5 mmol/l).
d’une fausse hyponatrémie liée à une hyperglycémie ou à une • Glycosurie ++++.
hypertriglycéridémie. Le calcul de la natrémie corrigée apparaît • Cétonurie ++ à ++++.
donc indispensable. Sa formule est la suivante : • Taux de bicarbonates abaissé (< 18 mmol/l).
Natrémie corrigée = natrémie mesurée + 1,6 × (glycémie g/l) • pH artériel inférieur à 7,30.
Une natrémie corrigée élevée témoigne d’une déshydratation
intracellulaire associée.

Osmolalité plasmatique ■ Étiologies


L’osmolalité plasmatique est le plus souvent modérément
augmentée, entre 300 et 325 mOsm/kg. Ce facteur de gravité se La cétoacidose est une complication qui concerne essentielle-
calcule selon la formule suivante : ment les patients diabétiques de type 1. Elle peut révéler la
Osmolalité (mOsm/kg d’eau) = 2 × (natrémie (mmol/l) + 13) maladie ou survenir au cours de son évolution. Les sujets noirs
+ glycémie (mmol/l). africains obèses constituent une population particulière de
patients diabétiques de type 2, susceptibles, de manière non
Trou anionique exceptionnelle, de présenter une cétoacidose au cours de leur
maladie.
Il se calcule selon la formule suivante : [Na – (Cl + HCO3)]. Il
est généralement supérieur à 12 meq/l, ce qui traduit la pré-
sence de corps cétoniques non dosés. L’intensité du trou Situations d’insulinopénie absolue
anionique varie parallèlement à la diminution du taux de L’acidocétose survient chez des patients diabétiques de type
bicarbonates. 1 au décours de plusieurs situations :
• le diabète est méconnu (30 % des cas). L’acidocétose révèle la
Urée et créatinine maladie ;
Elles sont élevées et témoignent d’une insuffisance rénale • le diabète est connu et traité de façon inadaptée. Un facteur
fonctionnelle. favorisant est retrouvé dans 20 % des cas. Il s’agit essentiel-
Bien que non indispensables au diagnostic, quelques paramè- lement de troubles du comportement alimentaire (concernent
tres biologiques peuvent également préciser la gravité de la surtout les filles), de difficultés socioéconomiques et du déni
cétoacidose et orienter la prise en charge thérapeutique. de la maladie. Ces facteurs s’observent notamment dans les

4 Endocrinologie-Nutrition
Cétoacidose diabétique ¶ 10-366-H-10

épisodes récidivants d’acidocétose. La carence insulinique,


dans ces cas, est secondaire à l’arrêt « plus ou moins »
volontaire de l’insulinothérapie par le patient ;
• le diabète est connu et traité de façon adaptée. La carence
“ Points forts
insulinique est alors liée à un dysfonctionnement de l’insuli- Facteurs favorisants ou déclenchants de la
nothérapie (problème de pompe ou de stylo à insuline, ou cétoacidose
inefficacité d’une insuline). On assiste toutefois à une
diminution de l’incidence de l’acidocétose chez les patients
Méconnaissance du diabète (30 %).
porteurs de pompe (3 épisodes pour 100 patients diabétiques Inobservance thérapeutique (20 %) ou traitement
actuellement contre 6 épisodes pour 100 diabétiques en inadapté.
1990), amélioration qui repose sur une meilleure prise en Arrêt accidentel de l’insulinothérapie (dysfonctionnement
charge thérapeutique et surtout sur l’intensification de d’une pompe à insuline ou inefficacité d’une insuline).
l’éducation du patient diabétique de type 1 traité par pompe ; Facteur médicamenteux (tacrolimus, pentamidine,
• le diabète est connu ou méconnu et associé à la prise d’agents L-asparaginase, antipsychotiques atypiques, etc.).
pharmacologiques pourvoyeurs d’acidocétose. C’est le cas du Infections (30 à 50 %), surtout pulmonaires et urinaires.
tacrolimus [9] ou de la pentamidine [10] , de la
Pathologies intercurrentes (stress, traumatisme, infarctus
L-asparaginase [11] et des antipsychotiques atypiques [12] qui
agissent par un effet toxique sur les cellules b des îlots de du myocarde, etc.).
Langerhans. Pathologie hormonale (phéochromocytome, hyper-
thyroïdie, syndrome de Cushing).
Situations d’insulinopénie relative Grossesse.
Ces situations s’observent fréquemment et concernent les Facteur médicamenteux (corticoïdes, b2-mimétiques,
patients diabétiques connus. Elles sont responsables de l’aug- etc.).
mentation brutale et parfois imprévisible des besoins en insuline Aucun facteur retrouvé (2 à 10 %).
non ou insuffisamment compensés.
Les syndromes infectieux correspondent à l’étiologie la plus
fréquente (30 à 50 %). Il s’agit essentiellement de pneumopa- 2 g/l). Depuis le dépistage systématique du diabète et la
thies et d’infections urinaires hautes (pyélonéphrites) [13]. Les surveillance accrue des grossesses, l’incidence de l’acidocétose
signes généraux, tels que l’hyperthermie, l’anorexie ou l’asthé- diabétique a nettement diminué (22 % en 1976-81 et 2 % en
nie, limitent la prise alimentaire, et le patient diminue ou arrête 1985-95 [19]). La mortalité apparaît très élevée dès lors que le
son traitement insulinique de peur de la survenue d’une diagnostic est tardif (dans 9 à 35 % des cas). Selon la dernière
hypoglycémie. étude réalisée par Cullen et al. sur la période de 1985 à 1995,
Les pathologies intercurrentes, en générant un stress (trauma- l’incidence de l’acidocétose est de 1 à 3 %, avec une mortalité
tismes, interventions chirurgicales même minimes, pathologie fœtale de 9 % et une mortalité maternelle de l’ordre de 4 à
médicale dont les accidents vasculaires cérébraux, les infarctus 15 % [20].
du myocarde, etc.), favorisent la survenue de cette complication Au cours de la grossesse, plusieurs facteurs de risque sont
métabolique. C’est la raison pour laquelle il apparaît nécessaire susceptibles de favoriser la survenue d’une acidocétose :
de les rechercher systématiquement lors du diagnostic d’acido- • l’augmentation de l’insulinorésistance (2e et 3e trimestres),
cétose, afin d’initier un traitement adapté le plus précocement ainsi que l’élévation de certaines hormones (progestérone,
possible. cortisol et prolactine), favorisent l’hyperglycémie ;
Les pathologies hormonales (hyperthyroïdie [14], phéochro- • le fœtus, en utilisant le glucose maternel, est responsable de
mocytomes [15], maladie de Cushing [16], etc.) sont susceptibles l’augmentation de production d’acides gras libres et de corps
de favoriser la survenue d’une cétoacidose chez des patients cétoniques hépatiques par la mère ;
diabétiques. • les nausées et vomissements favorisent la déshydratation ;
Les médicaments tels que les corticoïdes [10] , les • l’alcalose respiratoire de la femme enceinte est compensée par
b2-mimétiques [17] et les diurétiques thiazidiques, sont égale- une augmentation de l’excrétion rénale de bicarbonates ;
ment de fréquents pourvoyeurs de cétoacidose. Tout patient • une mauvaise observance du traitement, un dysfonctionne-
diabétique bénéficiant d’un tel traitement doit être prévenu du ment de la pompe à insuline, une infection, peuvent consti-
risque de survenue d’une hyperglycémie voire d’une tuer d’éventuels facteurs déclenchants.
cétoacidose. Le passage des corps cétoniques à travers la barrière placen-
La grossesse est une situation à risque de cétoacidose chez les taire est responsable d’une hypoxie à l’origine d’une souffrance
femmes diabétiques. Cette situation particulière est développée fœtale, pouvant évoluer vers la mort in utero.
ci-dessous. Les suivis gynécologiques et diabétologique réguliers Le traitement et la surveillance sont identiques à ceux mis en
devraient limiter l’incidence de cette complication dont le place chez la femme non enceinte, mais il est cependant
pronostic maternofœtal reste péjoratif [18]. nécessaire d’ajouter une surveillance fœtale par monitoring. Si
Dans 2 à 10 % des cas on observe une absence de facteur une tocolyse pour menace d’accouchement prématuré s’avère
déclenchant. indispensable, il est préférable d’utiliser les inhibiteurs calciques
(absence d’autorisation de mise sur le marché dans cette
indication) ou les antagonistes de l’ocytocine, plutôt que les
■ Formes cliniques particulières b2-mimétiques, grands pourvoyeurs d’hyperglycémie et de
cétoacidose. La prévention constitue un élément primordial. Elle
Cétoacidose chez la femme enceinte repose sur une surveillance accrue obstétricale et diabétologique,
à débuter dès la période préconceptionnelle, en association avec
La survenue d’une acidocétose au cours de la grossesse est
un contrôle métabolique intensif et à une éducation de la
une complication sérieuse mettant en jeu le pronostic vital du
patiente et de son entourage [21].
fœtus et de la mère. Elle survient généralement en fin de
grossesse et concerne essentiellement les patientes diabétiques
de type 1, inaugurant parfois le diabète. De façon moins Cétoacidose du sujet noir africain [2]
fréquente mais cependant non exceptionnelle, cette complica- Les caractéristiques du diabète des sujets noirs africains
tion peut s’observer au cours d’un diabète de type 2, voire d’un présentant une cétoacidose diffèrent de celles du diabète de type
diabète gestationnel, notamment lorsque la femme suit un 1 classique et se rapprochent plus d’un diabète de type 2. Elles
traitement par corticostéroïdes (utilisés pour la maturation associent :
pulmonaire en cas de menace d’accouchement prématuré) ou, • une sécrétion insulinique élevée ;
encore plus, par b-2 mimétiques (utilisés pour la tocolyse). • une association plus fréquente au HLA-DR3 et DR4 ;
Elle tend à apparaître plus rapidement que chez les patientes • l’absence d’anticorps anti-GAD et anti-IA2 ;
non enceintes et pour des glycémies plus basses (inférieures à • une obésité dans 15 % des cas ;

Endocrinologie-Nutrition 5
10-366-H-10 ¶ Cétoacidose diabétique

• une phase de rémission fréquemment observée au cours de Coma hypoglycémique


son évolution naturelle ;
• un traitement, après la phase aiguë, qui repose sur l’associa- Cette complication se caractérise par une glycémie basse en
tion de la diététique et d’antidiabétiques oraux. l’absence d’acidose et de cétose. Ce coma apparaît généralement
Ce diabète, situé à la frontière des diabètes de type 1 et de agité et l’examen clinique peut mettre en évidence des signes en
type 2, représente la forme de diabète la plus fréquemment foyer. La réalisation d’une glycémie capillaire confirme le
rencontrée chez les sujets africains. Il est désigné sous le nom diagnostic et impose un traitement par resucrage.
de diabète atypique avec « tendance à la cétose » ou diabète
idiopathique de type 1B. Il coexiste avec un autre diabète Acidose lactique
atypique représenté par le « diabète tropical ». L’acidose lactique doit être évoquée devant l’existence, dans
un contexte de pathologie hypoxique et de déshydratation
Cétoacidose des patients porteurs modérée, d’un coma de stade I ou II, d’une tachypolypnée et
d’une asthénie globale. D’un point de vue biologique, on
de pompe à insuline sous-cutanée observe une acidose (pH > 7,3) associée à des taux artériels
Cette cétoacidose se caractérise par une nette augmentation élevés de lactates.
de son incidence depuis quelques années, en raison de la
généralisation de l’utilisation des pompes à insuline dans le Cétose de jeûne
traitement du diabète de type 1. Elle se manifeste par la Un patient diabétique peut présenter une discrète cétose, lors
survenue très rapide de différents signes cliniques et semble liée, d’un jeûne prolongé, mais elle ne s’accompagne pas d’acidose.
dans la majorité des cas, à un dysfonctionnement de la pompe Il est toutefois possible d’observer une cétoacidose chez un
ou, cas de loin le plus fréquent, à une obstruction de cathéter, patient non diabétique, suivant un régime pauvre en hydrates
responsable de l’interruption brutale du flux d’insuline au de carbone (< 20 g/j). La baisse de l’insulinémie et l’augmenta-
niveau sous-cutané [22]. La diminution de l’incidence de cette tion du glucagon sont responsables d’une lipolyse qui conduit
complication repose sur l’éducation du patient et de son à la mise en place d’une cétose. Celle-ci peut évoluer vers un
entourage, et, en particulier, sur la réalisation d’une glycémie véritable état d’acidocétose (hyperglycémie, cétonurie et
capillaire, d’une cétonémie ou d’une cétonurie au moindre acidose), notamment lorsque le régime hypoglucidique se
doute (symptômes d’hyperglycémie, suspicion d’un dysfonc- prolonge [25].
tionnement de la pompe, etc.). Dès lors qu’un dysfonctionne-
ment de la pompe est suspecté, le patient doit être en mesure Acidose survenant au cours d’intoxications
de changer immédiatement son cathéter ou, à défaut, de
reprendre son schéma par injections sous-cutanées d’insuline. Certains toxiques sont responsables d’une acidose à trou
anionique élevé. Il s’agit des salicylés, du méthanol ou de
l’éthylène glycol [26]. Aucune cétose n’est associée.
Cétoacidose du sujet âgé et du sujet
jeune [23]
Il apparaît que les patients âgés de plus de 65 ans sont moins
■ Traitement (Fig. 2)
fréquemment traités par insuline avant leur hospitalisation pour L’acidocétose diabétique est une urgence médicale dont le
cétoacidose que les sujets jeunes. Il en est de même pour les traitement repose sur :
antécédents de cétoacidose qui s’avèrent plus fréquents chez les • la restauration de l’hémodynamique ;
jeunes. Les doses d’insuline utilisées au cours du traitement de • une insulinothérapie adaptée, pour la correction de l’hyper-
la cétoacidose de la personne âgée sont plus importantes que glycémie, de l’acidose métabolique et de la cétonémie ;
celles utilisées chez les sujets jeunes ; le temps nécessaire à la • la correction des troubles hydroélectrolytiques ;
normalisation glycémique apparaît également allongé chez le • le traitement d’un éventuel facteur déclenchant.
sujet âgé. Concernant la mortalité, il existe une différence Ce traitement doit être réalisé dans une unité de soins
significative entre les sujets âgés et les jeunes (22 % vs 2 %) intensifs si le patient présente des critères de gravité :
ainsi qu’une corrélation entre la mortalité et l’existence d’une • un pH inférieur à 7 (témoin de la sévérité de l’acidose) ;
infection et/ou d’une pathologie rénale sous-jacente. .
• une kaliémie initiale inférieure à 4 mmol/l ;
Le traitement de la cétoacidose, bien que similaire chez les • des troubles de la conscience ;
deux types de sujets, repose sur l’adaptation précise des quanti- • une défaillance viscérale [27].
tés de solutés de réhydratation au poids du patient (enfant),
indispensable compte tenu du risque élevé de survenue d’un Restauration de l’hémodynamique
œdème cérébral.
La correction des volumes extracellulaire et intracellulaire et
la restauration de la perfusion rénale constituent les trois
■ Diagnostics différentiels principaux objectifs de la réhydratation. En l’absence de
pathologies cardiaque ou rénale sous-jacentes, il est recom-
mandé de débuter la réhydratation à l’aide de soluté de chlorure
Acidocétose alcoolique [24] de sodium à 0,9 % à la dose de 15-20 ml/kg au cours de la
Cette complication métabolique aiguë survient dans un première heure (soit 1 à 1,5 l pour un adulte) puis de diminuer
contexte d’alcoolisme chronique et/ou d’antécédent de pan- les doses de 4 à 14 ml/kg/h au cours des 2 heures suivantes.
créatite aigue ou chronique. Elle se caractérise par une glycémie Il est possible d’utiliser du chlorure de sodium à 0,45 %
inférieure à celle observée dans la cétoacidose diabétique et lorsque la natrémie initiale est normale ou élevée [27].
peut, dans certaines situations, être normale voire basse. Les Il est nécessaire, le plus souvent rapidement, de remplacer le
corps cétoniques, constitués en grande majorité d’acide soluté de chlorure de sodium par un sérum glucosé à 5 %
b-hydroxybutyrique, sont responsables d’une cétose plus ou (associé à 4 à 5 g de NaCl/l) dès que la glycémie atteint les
moins importante. 2,5 g/l.

Coma hyperosmolaire Insulinothérapie [28]


Il s’agit d’une complication métabolique aiguë, survenant Le consensus actuel repose sur l’utilisation d’une pompe à
dans la majorité des cas dans un contexte de facteur déclen- insuline permettant d’administrer, de façon continue et par voie
chant (infection dans 30 à 60 % des cas), chez des patients âgés, intraveineuse, de faibles doses d’insuline. Cette technique
présentant un diabète de type 2 méconnu ou négligé, et non apparaît plus physiologique que les injections intramusculaires
traité par insuline. La sévérité de la déshydratation, l’absence ou sous-cutanées d’insuline. Elle minimise le risque de survenue
d’acidose (pH > 7,3) et l’importance de l’hyperglycémie et de de complications telles que l’hypoglycémie, l’hypokaliémie ou
l’osmolalité plasmatique orientent le diagnostic. Il n’est toute- l’œdème cérébral, en permettant de corriger de manière plus
fois pas exceptionnel d’observer une cétose modérée associée. lente et plus précise la glycémie.

6 Endocrinologie-Nutrition
Cétoacidose diabétique ¶ 10-366-H-10

Figure 2. Arbre décisionnel.


Prise en charge thérapeutique de
Cétoacidose diabétique
la cétoacidose diabétique.

Facteurs de gravité
- K ≤ 4 mmol/l
- pH ≤ 7
- troubles de la
Service conscience Absence de Service
réanimation - collapsus facteurs de gravité conventionnel

Insulinopénie Réhydratation Électrolytes Anticoagulation

Insuline NaCl 0,9 % K≥5:0 Si facteurs de


rapide (PSE) : 4 ≤ K ≤ 4 : 0,5 g/h risque
ou 3,3 ≤ K ≤ 4 : 2 g/h - sujet âgé
0,1 UI/kg/h K ≤ 3,3 : 3 g/h - antécédents de
Si glycémie ≤ 2,5 g/l : G5 % thromboses
Objectif : Si glycémie ≤ 2 g/l : G10 % Bicarbonates si pH ≤ 7 - hyperosmolarité
glycémie ≤ 2,5 g/l Si pH ≤ 7 : bicarbonates et/ou bicarbonates ≤ 10 +++

Surveillance

Clinique Biologique

- pression artérielle Toutes les 4 heures


- pouls - kaliémie
- fréquence Paraclinique - gaz du sang
respiratoire ECG - créatinine
- état de conscience - ionogramme sanguin

Toutes les 30 min Toutes les heures :


pendant 4 h puis glycémie
toutes les 60 min
pendant 4 h puis
toutes les 4 h

L’insulinothérapie peut être débutée à la dose de 0,1 UI/kg/h Apport de potassium


(ce qui permet une diminution de la glycémie de 0,5 g/l/h, soit
3 à 4 mmol/l/h), à l’exception des situations où la kaliémie On assiste à une diminution rapide de la kaliémie au cours
des premières heures du traitement de l’acidocétose. Cette
initiale est inférieure à 3,3 mmol/l. La réalisation d’un bolus
hypokaliémie, responsable de troubles du rythme cardiaque
d’insuline avant la mise en place de la pompe est possible mais
potentiellement mortels, est liée à plusieurs facteurs :
son efficacité n’a jamais été démontrée. Lorsque la glycémie
• l’insulinothérapie, qui entraîne l’entrée du potassium dans les
passe en dessous du seuil de 2,5 g/l, il est nécessaire de réduire
cellules ;
de 50 % le débit d’insuline et de lui associer une perfusion de
• l’expansion du volume extracellulaire, secondaire à la réhy-
soluté glucosé à 5 %. Le débit d’insuline doit également être dratation ;
ajusté en fonction de l’évolution de l’acidose (évaluée clinique- • la correction de l’acidose ;
ment par la mesure de la fréquence respiratoire et biologique- • la perte urinaire de potassium, constante, liée à la diurèse
ment par l’évolution des bicarbonates) et augmenté si l’acidose osmotique.
ne régresse pas. L’insulinothérapie doit être poursuivie tant que Compte tenu de la rapidité à laquelle l’hypokaliémie s’ins-
persiste l’acétonémie (la correction de l’hyperglycémie étant talle, il est recommandé d’ajouter précocement du potassium
plus rapide que la disparition de l’acétonémie), en maintenant dans les solutés de perfusion et de réaliser un contrôle de la
une glycémie aux alentours de 2 g/l. Outre ces critères, le relais kaliémie 4 heures après l’instauration du traitement.
par voie sous-cutanée ne peut s’envisager que si le patient est à Les recommandations sont les suivantes :
nouveau capable de se réalimenter correctement et si : • l’ajout de potassium est réalisé dès lors que la kaliémie est
• bicarbonates supérieurs à 18 mmol/l ; inférieure à 5 mmol/l, et uniquement après s’être assuré du
• pH supérieur à 7,3 ; maintien de la diurèse ;
• trou anionique inférieur à 12 mmol/l ; • l’apport de soluté de réhydratation est de 1,5 à 2 g/l afin de
• glycémie inférieure à 2 g/l (11 mmol/l) ; maintenir une kaliémie entre 4 et 5 mmol/l ;
• cétonurie négative ou acétonémie inférieure à 0,5 mmol/l à • si la kaliémie s’avère initialement inférieure à 3,3 mmol/l, il
deux reprises. est impératif de retarder l’insulinothérapie et d’instaurer

Endocrinologie-Nutrition 7
10-366-H-10 ¶ Cétoacidose diabétique

immédiatement un traitement par potassium au pousse- L’ionogramme sanguin, la kaliémie et la réserve alcaline sont
seringue électrique (PSE), sur une voie veineuse centrale, afin contrôlés toutes les 4 heures jusqu’à normalisation des
d’obtenir une kaliémie supérieure à 3,3 mmol/l. paramètres.
En l’absence d’hypokaliémie ou de critères de gravité, le La glycémie veineuse, rapidement remplacée par une glycé-
contrôle initial de la kaliémie est réalisé 4 heures après le début mie capillaire, est surveillée toutes les heures afin de permettre
du traitement. Une surveillance du rythme cardiaque est le relais chlorure de sodium/sérum glucosé dès que la glycémie
indispensable lorsque la kaliémie est inférieure à 4 mmol/l atteint 2,5 g/l.
(scope).
Surveillance paraclinique
Apport de bicarbonates Un électrocardiogramme doit être réalisé à l’arrivée du patient
L’utilisation de bicarbonates reste controversée malgré les et contrôlé régulièrement en présence d’anomalies de la
complications possibles dues à une acidose sévère (défaillance kaliémie.
cardiaque, hépatique, cérébrale, etc.). Les bicarbonates semblent Il est important de préciser que la cétoacidose diabétique doit
favoriser l’apparition d’une hypokaliémie et la survenue d’une se corriger rapidement, en quelques heures (en dehors de
acidose paradoxale du système nerveux central. l’hyperglycémie) et que, si elle ne l’est pas entre la 6e et la 8e
Néanmoins, il est recommandé d’utiliser une perfusion de heure, c’est qu’il existe une pathologie sous-jacente grave à
bicarbonate de sodium à 14/1 000 (1 l maximum) lorsque le pH rechercher (principalement infectieuse) ou une réanimation mal
artériel est inférieur à 7 après une heure de réhydratation conduite.
correcte, ou si le patient est en choc cardiogénique [29].

Apport de phosphore ■ Complications de la cétoacidose


L’apport de phosphore au cours du traitement de l’acidocé- diabétique (Fig. 3)
tose apparaît théorique. L’hypophosphatémie s’accompagne de
plusieurs manifestations cliniques lorsqu’elle est sévère (infé- Complications liées au traitement
rieure à 0,32 mmol/l) : une détresse respiratoire, une faiblesse
musculaire, un dysfonctionnement cardiaque et une éventuelle Les complications de la cétoacidose diabétique sont rares et
anémie hémolytique. résultent le plus souvent du traitement lui-même.
Les différentes études n’ont cependant démontré aucun effet Œdème cérébral
bénéfique de la correction du déficit en phosphore, mais, au
contraire, un risque accru de survenue d’une hypocalcémie L’œdème cérébral symptomatique est une complication non
responsable de crises de tétanie. classique (incidence de 5,1 épisodes pour 1 000 cas d’acidocé-
Néanmoins, certains auteurs recommandent de coupler la tose au Canada) mais sérieuse de la cétoacidose, et qui survient
correction de l’hypophosphatémie et de l’hypokaliémie, par généralement chez les enfants, notamment au décours de la
utilisation de phosphate de potassium [28]. découverte d’un diabète de type 1 [1]. Il se définit comme la
survenue, dans un contexte de diabète et de cétonurie, d’une
Apport de magnésium détérioration inattendue ou soudaine du niveau de conscience
associée à un pH inférieur à 7,30 et/ou un taux abaissé de
Il est fréquent d’observer une diminution du taux de magné- bicarbonates (< 15 mmol/l). Les formes subcliniques asympto-
sium dans le sang au cours de la cétoacidose. Les symptômes matiques, mises en évidence par un électroencéphalogramme ou
liés à cette hypomagnésémie sont difficilement reconnaissables un scanner cérébral, semblent plus fréquentes [28]. De récentes
et sont souvent noyés dans la symptomatologie liée aux autres études réalisées en 2001 en Angleterre et aux États-Unis révèlent
déficits électrolytiques. Certains auteurs, peu nombreux, un taux de mortalité de l’ordre de 21 à 24 % avec un risque de
préconisent un dosage systématique de magnésium et une séquelles neurologiques variant de 21 à 35 %.
supplémentation dès lors que le taux apparaît inférieur à L’œdème cérébral apparaît, en règle générale, au cours des
0,5 mmol/l [30]. 24 premières heures de traitement (moyenne de 3,5 heures avec
des chiffres variant de 1,5 à 20 heures).
Anticoagulation préventive Bien qu’il n’existe à l’heure actuelle aucun facteur prédictif
La prescription d’une héparine de bas poids moléculaire, bien formel, les enfants en bas âge, la découverte du diabète, la
que non démontrée, est recommandée par certains auteurs, chez quantité et le type de substances administrées au cours du
les patients présentant des facteurs de risque thromboemboli-
ques (sujet âgé, hyperosmolalité, antécédents de thromboses
vasculaires). Complications
de la
cétoacidose
■ Surveillance du traitement
Surveillance clinique
Les signes suivants : tension artérielle, pouls, saturation en Liées au traitement Évolutives
oxygène, température, fréquence respiratoire et état de cons-
cience, sont étudiés toutes les 30 minutes au cours de la - œdème cérébral - infections +++
première heure puis une fois par heure au cours des 4 heures - détresse respiratoire aiguë - thromboses vasculaires
suivantes et enfin toutes les 2 à 4 heures jusqu’à résolution - acidose hyperchlorémique - pancréatite aiguë
complète de l’épisode de cétoacidose. - hypoglycémie - gastrite hémorragique
Il est impératif de surveiller la survenue éventuelle de - hypokaliémie - mouvements anormaux
symptômes neurologiques, symptômes faisant suspecter un - hypophosphorémie
œdème cérébral (céphalées, vomissements répétés, modification
de l’état neurologique) [31].

Surveillance biologique
Grossesse
Un bilan sanguin, comportant glycémie, créatininémie,
urémie, ionogramme, bicarbonates, kaliémie, cétonémie [32], pH - mort fœtale in utero
artériel et calcul de l’osmolalité plasmatique, est réalisé à - prématurité
l’admission. Il est complété, dès que possible, par un bilan - mort maternelle
urinaire associant glycosurie et cétonurie. Une uroculture doit
également être envisagée à titre systématique. Figure 3. Complications de la cétoacidose.

8 Endocrinologie-Nutrition
Cétoacidose diabétique ¶ 10-366-H-10

traitement (notamment la réhydratation excessive ou la dimi- ou par des symptômes musculaires tels qu’une asthénie ou des
nution trop rapide de la glycémie), augmenteraient le risque de myalgies. Cette hypophosphorémie apparaît lors de la correc-
survenue de cette complication. Les patients présentant une tion de l’acidose et de la mise en place de l’insulinothérapie.
acidose sévère (pH < 7 et/ou bicarbonates < 10 mmol/l) et une
déshydratation marquée semblent également plus à risque de Complications évolutives
développer un œdème [33]. À l’inverse, des glycémies très élevées
n’exposent pas à un risque supplémentaire. Complications thromboemboliques
L’apparition de céphalées ou la modification de l’examen Au cours de la cétoacidose diabétique, plusieurs facteurs
neurologique au cours du traitement de la cétoacidose diabéti- prédisposent le patient à la survenue de thromboses vasculaires :
que sont à considérer comme deux signes cliniques évocateurs • la déshydratation, l’hyperosmolalité et le bas débit cardiaque
de l’installation d’un œdème cérébral et nécessitent l’instaura- entraînent une augmentation de la viscosité sanguine ;
tion rapide d’un traitement adapté reposant sur l’injection • des troubles de la coagulabilité sont fréquemment observés
intraveineuse de Mannitol (1 à 2 g/kg sur 15 minutes) [27, 31]. En (élévation du fibrinogène et de l’activité plaquettaire, dimi-
effet, l’augmentation de l’osmolalité liée à la présence des corps nution de l’antithrombine III).
cétoniques et à l’hyperglycémie, entraîne une sortie d’eau du L’utilisation de faibles doses d’héparine de bas poids molécu-
secteur intracellulaire vers le secteur extracellulaire. Lors de la laire peut être envisagée à titre prophylactique lorsque les
mise en place du traitement, la normalisation brutale de la patients présentent des facteurs de risque (insuffisance veineuse,
glycémie et la disparition des corps cétoniques sont à l’origine antécédents thromboemboliques). Cependant, aucune étude n’a
d’une entrée d’eau du secteur extracellulaire vers le secteur clairement démontré l’efficacité d’un tel traitement.
intracellulaire, responsable de l’œdème. Afin de minimiser au
mieux ce risque, il est recommandé de ne corriger les déficits en Complications infectieuses
eau et en électrolytes que de façon très progressive et d’abaisser Ces complications s’observent fréquemment chez les patients
la glycémie le plus lentement possible [28]. présentant une déshydratation, notamment lorsqu’il existe des
Syndrome de détresse respiratoire aigu troubles neurologiques associés. Les pneumopathies et les
Un œdème aigu pulmonaire peut être observé au cours du infections urinaires sont les principales complications infectieu-
traitement de l’acidocétose diabétique ; il se traduit par une ses rencontrées au cours de la cétoacidose. Des œsophagites, le
extravasation d’eau dans les poumons, responsable d’une plus souvent mycotiques, secondaires aux reflux et aux vomis-
diminution de la compliance pulmonaire et de l’apparition de sements, eux-mêmes favorisés par la neuropathie végétative,
la détresse respiratoire. Le mécanisme mis en jeu est similaire à surviennent le plus souvent dans les cas de diabète ancien. Les
celui observé dans l’œdème cérébral [2] . Les patients âgés, mycoses, non exceptionnelles, semblent favorisées par le terrain
présentant une altération de leur fonction rénale ou cardiaque, immunodéprimé sous-jacent fréquemment associé. L’une
sont plus à risque de développer cette complication. Ce syn- d’entre elles est représentée par la mucormycose, infection
drome de détresse respiratoire peut cependant s’observer chez fungique rare mais grave de l’acidocétose diabétique. Cette
des patients indemnes de toutes pathologies rénale, cardiaque infection opportuniste se manifeste cliniquement par une
ou pulmonaire sous-jacentes. atteinte de la sphère ORL, associant une sinusite à une rhinor-
Une réhydratation lente et la surveillance de certains para- rhée mucosanguinolante. Son affinité particulière pour le
mètres (auscultation pulmonaire, tension artérielle, pouls, système nerveux central en fait toute la gravité et implique un
diurèse et saturation en oxygène) s’avèrent nécessaires afin de diagnostic et une prise en charge précoces et rapides (traitement
limiter au mieux le risque de survenue de cette complication. antifungique par amphotéricine B) [35].

Acidose métabolique hyperchlorémique Complications digestives


L’acidose métabolique hyperchlorémique à trou anionique L’acidocétose peut compliquer une pancréatite aiguë dans
normal est une complication rare qui s’observe typiquement environ 10 % des cas [36], dont l’hypertriglycéridémie représente
après la résolution de la cétonémie [28]. Le mécanisme physio- l’étiologie la plus fréquente. Le diagnostic de pancréatite reste
pathologique principal est représenté par la perte, dans les difficile compte tenu de l’absence de critères biologiques
urines, de kétoanions, substrats nécessaires à la régénération des typiques. Au cours de la cétoacidose on observe une augmenta-
bicarbonates. D’autres mécanismes entrent en jeu, notamment tion non spécifique des amylases (origine parotidienne et non
l’utilisation excessive de solutés de réhydratation riches en pancréatique). La lipase est généralement à un taux normal ou
chlorures ou pauvres en bicarbonates [34]. Cette acidose ne faiblement augmenté. Il est cependant recommandé d’évoquer
s’accompagne, en règle générale, d’aucun symptôme et se ce diagnostic lorsqu’au moins un des critères suivants est
corrige spontanément en 24 à 48 heures par élimination rénale présent :
des acides. • hyperamylasémie supérieure à trois fois la normale ;
• hyperlipasémie supérieure à trois fois la normale ;
Hypoglycémie • hypertriglycéridémie supérieure à 10 g/l.
Ce risque peut être observé au cours du traitement lorsque Le diagnostic de certitude de pancréatite ne pourra être
l’insulinothérapie n’est pas correctement adaptée à la glycémie. obtenu qu’après réalisation d’un scanner abdominal (surtout
Il semble toutefois limité depuis l’utilisation quasi systématique chez les enfants) [37], en mettant en évidence un élargissement
des pompes à insuline. Ces dernières permettent une adaptation de la glande pancréatique associé à une ou plusieurs coulées
précise de la glycémie grâce à l’administration intraveineuse de nécrotiques.
faibles doses d’insuline. Des œsophagites et une gastrite hémorragique accompagnée
Afin de limiter la survenue de cette complication, il est d’hématémèse peuvent également s’observer au cours de la
nécessaire de réaliser une surveillance horaire de la glycémie et cétoacidose.
une perfusion de soluté glucosé à 5 % dès que la glycémie est
inférieure à 2,5 g/l (14 mmol/l). Complications rares
Hypokaliémie L’acidocétose peut se compliquer de mouvements anormaux
La survenue d’une hypokaliémie est une complication à mimant un syndrome parkinsonien et de manifestations à type
redouter compte tenu de ses effets secondaires potentiellement de spasmes de l’hémiface.
fatals, représentés par de graves troubles du rythme cardiaque. Ces différents symptômes, exceptionnels, régressent dès la
Sa prévention repose sur une surveillance régulière de la mise en route du traitement.
kaliémie et une supplémentation potassique dès que la kaliémie Complications au cours de la grossesse
est inférieure à 5 mmol/l.
La survenue d’une cétoacidose chez une femme enceinte
Hypophosphorémie compromet surtout la survie du fœtus (risque accru de mort
Elle se manifeste par des signes cliniques neurologiques tels fœtale in utero et de prématurité) mais également celle de la
que des paresthésies, des tremblements, une confusion mentale, mère [21].

Endocrinologie-Nutrition 9
10-366-H-10 ¶ Cétoacidose diabétique

Tableau 1.
Suggestion d’algorithme pour moduler les besoins en insuline rapide ou en analogue en fonction de la cétonémie.
Cétonémie Glycémie ≤ 2,5 g/l 2,5 g/l ≤ glycémie ≤ 4 g/l Glycémie ≥ 4 g/l
0,6 à 0,9 mmol/l Recontrôler dans 2 à 4 heures Recontrôler dans 2 à 4 heures Recontrôler dans 2 à 4 heures
≤ 1,0 mmol/l Aucune modification +5 % +10 %
1,0 à 1,4 mmol/l +5 % +10 % +15 %
≥ 1,5 mmol/l +10 % +15 % +20 %

Tableau 2.
Suggestion d’algorithme pour moduler les besoins en insuline rapide ou
analogue en fonction de la cétonurie. “ Conduite à tenir
Cétonurie Glycémie 2,5 g/l Glycémie
≤ 2,5 g/l ≤ glycémie ≤ 4 g/l ≥ 4 g/l Prévention de la cétoacidose par l’éducation du
Traces ou + Surveillance Surveillance Surveillance
patient diabétique de type 1
++ +5 % +10 % +15 %
Savoir :
• reconnaître les situations à risque de cétoacidose :
+++ +10 % +15 % +20 %
infections, traumatismes physique ou psychologique, tout
épisode médical ou chirurgical intercurrent ;
• maintenir son insulinothérapie même si on a des
Prévention difficultés pour manger ;
L’éducation représente une étape fondamentale dans la prise • reconnaître les manifestations cliniques précoces de
en charge du patient diabétique, et doit être réalisée précoce- cétoacidose : polyurie, polydipsie, hyperglycémie,
ment dans l’évolution de la maladie afin de limiter au mieux la nausées, vomissements, polypnée, douleurs abdominales,
survenue des complications. Une campagne de sensibilisation troubles de la conscience, etc. ;
de jeunes enfants diabétiques dans une école américaine a • accroître la surveillance : glycémie capillaire (toutes les
permis de diminuer l’incidence de la cétoacidose de 78 % à 0 %
heures), cétonémie, ou à défaut, cétonurie (toutes les
en 6 ans.
heures) ;
Les effets bénéfiques de certains programmes de sensibilisa-
tion et d’assistance téléphonique ont également été démontrés • adapter (augmenter) les doses d’insuline en fonction de
au cours de plusieurs études, en diminuant l’incidence de la la glycémie et de la cétonémie/cétonurie ;
cétoacidose diabétique. • appeler son médecin ou son diabétologue en cas de
Le programme éducatif s’applique essentiellement aux persistance d’une cétonémie ou d’une cétonurie.
patients diabétiques de type 1 (2/3 des cétoacidoses surviennent
chez des patients diabétiques de type 1) et repose sur trois
étapes :
• ne jamais arrêter l’insulinothérapie même s’il existe des ■ Conclusion
difficultés pour s’alimenter (gastroentérite, etc.). Ces conseils
L’éducation de tout sujet diabétique de type 1 et la prise en
éducatifs sont maintenant facilités par les schémas basal-
charge thérapeutique précoce s’avèrent être des éléments
bolus (que tout diabétique de type 1 devrait avoir) : ne jamais
essentiels dans la diminution de l’incidence de cette complica-
arrêter le débit de base (pour ceux traités par pompe) ou
tion potentiellement grave qu’est la cétoacidose.
l’analogue lent de l’insuline ;
• reconnaître les différentes manifestations cliniques de la
cétoacidose, afin de réaliser un diagnostic précoce ;
.

• connaître les modifications de traitement à réaliser pour


corriger le déséquilibre métabolique (Tableaux 1 et 2).
■ Références
Il est également important d’insister auprès des patients sur [1] Lawrence SE, Cummings EA, Gaboury I, Daneman D. Population-
l’intérêt d’appeler rapidement leur médecin ou leur diabétolo- based study of incidence and risk factors for cerebral edema in pediatric
gue pour la suite de la prise en charge, en cas de persistance de diabetic ketoacidosis. J Pediatr 2005;146:688-92.
l’acétonémie ou de l’acétonurie. [2] Umpierrez GE, Casals MM, Gebhart SP, Mixon PS, Clark WS,
Une surveillance accrue de la glycémie capillaire et de la Phillips LS. Diabetic ketoacidosis in obese african-americans. Diabetes
cétonémie doit être envisagée dans les situations susceptibles de 1995;44:790-5.
favoriser la survenue de la cétoacidose : [3] Basu A, Close CF, Jenkins D, Krentz AJ, Nattrass M, Wright AD.
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tion chirurgicale) ; [4] Glaser N, Barnett P, McCaslin I, Nelson D, Trainor J, Louie J, et al. Risk
factors for cerebral edema in children with diabetic ketoacidosis. N
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Engl J Med 2001;344:264-9.
• insulinothérapie par pompe sous-cutanée (la survenue d’un
[5] Schade DS, Eaton RP. Pathogenesis of diabetic ketoacidosis: a
dysfonctionnement de la pompe implique pour le patient
reappraisal. Diabetes Care 1979;2:296-306.
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récente a montré que 22,5 % des cétoacidoses survenaient chez [8] Williamson J, Davidson DF, Boag DE. Contamination of a specimen
4,8 % des patients sur une période de 3 ans. L’inobservance with N-acetyl cysteine infusion: a cause of spurious ketonaemia and
thérapeutique en représente le principal facteur déclenchant. hyperglycaemia. Ann Clin Biochem 1989;26:207.
Afin de réduire cette incidence, il semble que l’éducation, le [9] Ersoy A, Ersoy C, Tekce H, Yavascaoglu I, Dilek K. Diabetic
suivi psychologique et la surveillance de l’administration du ketoacidosis following development of de novo diabetes in renal
traitement insulinique par un adulte constituent des solutions transplant recipient associated with tacrolimus. Transplant Proc 2004;
potentielles. 36:1407-10.

10 Endocrinologie-Nutrition
Cétoacidose diabétique ¶ 10-366-H-10

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S. Kury-Paulin (stephaniepaulinkury@yahoo.fr).
V. Cachot.
A. Penfornis.
Service de diabétologie-endocrinologie, Hôpital Jean Minjoz, 1 boulevard Fleming, 25000 Besançon, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Kury-Paulin S., Cachot V., Penfornis A. Cétoacidose diabétique. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Endocrinologie-Nutrition, 10-366-H-10, 2007.

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Endocrinologie-Nutrition 11
¶ 10-366-H-30

Coma hyperosmolaire
S. Borot, C. Kleinclauss, A. Penfornis

Le coma hyperosmolaire est une forme grave de décompensation du diabète sucré définie par une
hyperglycémie supérieure à 6 g/l (33 mmol/l), une déshydratation majeure avec hyperosmolarité
plasmatique supérieure à 320 mOsm/l et des troubles de la conscience, sans cétose. Cet état se développe
surtout chez des personnes diabétiques de type 2, dont le diabète était connu ou non et qui, pour
différentes raisons, ne parviennent pas à compenser les pertes hydriques liées à la diurèse osmotique de
l’hyperglycémie. Les facteurs déclenchants sont multiples (infection, affection médicochirurgicale aiguë,
médicament). Un état de déshydratation sévère s’installe entraînant des troubles de la conscience,
pouvant aller jusqu’au coma avec collapsus. La mortalité est de 15 à 20 %, plus élevée chez les personnes
âgées. Le traitement consiste d’abord en une correction de la volémie (sérum physiologique) puis en une
réhydratation (solutés glucosés enrichis en sodium et potassium). L’insulinothérapie ne doit pas être trop
précoce, elle n’a pour but que de stopper la polyurie en ramenant les glycémies à un taux inférieur à 3 g/l.
Une réhydratation trop hypotonique ou une insulinothérapie trop précoce peuvent entraîner un œdème
cérébral. La prévention est efficace à condition de bien dépister les personnes à risque, d’informer le
patient et son entourage des signes d’alerte et de privilégier l’insulinothérapie pour le traitement du
diabète chez ces patients à risque.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Coma hyperosmolaire ; Hyperosmolarité ; Hyperglycémie ; Complications aiguës ;


Diabète de type 2

Plan ■ Introduction
¶ Introduction 1 Le coma hyperosmolaire constitue une forme grave de
décompensation du diabète sucré. Sa description, caractérisée
¶ Étiologies 2
par l’association d’une hyperglycémie et d’une déshydratation
Facteurs favorisants : terrain 2
majeures avec troubles de la conscience sans cétose, a été isolée
Cause déclenchante 2
sous ce vocable en 1957 [1]. Sa définition est celle d’un syn-
¶ Biochimie, physiopathologie 2 drome clinicobiologique [2-6] associant :
Hyperglycémie sans cétose majeure 2 • une hyperglycémie supérieure ou égale à 6 g/l (33 mmol/l) ;
Polyurie osmotique responsable d’une perte hypotonique d’eau et • une osmolalité plasmatique supérieure ou égale à 320
de sodium 3
– 350 mOsm/kg selon les critères retenus par les auteurs ;
Mouvements d’eau du secteur intracellulaire vers le secteur
• l’absence d’acidose (pH supérieur ou égal à 7,30, HCO3- >
extracellulaire, installation de l’hyperosmolarité 4
15 mEq/l) et de cétonémie (corps cétoniques < 5 mmol/l)
Adaptation du système nerveux central à l’hyperosmolalité
notables.
plasmatique 4
Il s’agit d’une situation métabolique dont la gravité tient à la
¶ Clinique 4 fois du terrain sur lequel elle survient (le plus souvent chez des
Période d’installation 4 malades âgés), et des complications secondaires (infections,
Stade de coma hyperosmolaire installé 4 collapsus), parfois iatrogènes (œdème cérébral). En l’absence
¶ Diagnostic biologique 4 d’étude prospective, il existe peu de données fiables sur l’inci-
¶ Évolution, complications 5 dence du coma hyperosmolaire. La mortalité au cours du coma
Naturelles 5 hyperosmolaire est élevée et, si au cours des 25 dernières années
Iatrogènes 5 elle semble avoir diminué de près de 60 % à environ 15 % [2, 7,
8], c’est probablement le résultat d’un diagnostic plus précoce et
¶ Pronostic 5
d’une meilleure prise en charge de la réanimation hydroélectro-
¶ Traitement 6 lytique et des pathologies associées.
Traitement curatif 6
Il s’agit d’une entité dont les frontières ne sont pas absolu-
Surveillance clinique et biologique 7
ment tranchées : il existe en effet un continuum entre une
Prévention 7
simple hyperglycémie marquée sans réelle déshydratation et le
¶ Cas particuliers du coma hyperosmolaire en pédiatrie 7 coma hyperosmolaire se caractérisant par ces deux éléments. Les

Endocrinologie-Nutrition 1
10-366-H-30 ¶ Coma hyperosmolaire

critères retenus pour définir l’état d’hyperosmolalité correspon- Plus récemment ont été rapportés des cas de comas hyperos-
dent effectivement à un tournant clinique sur le plan de la molaires avec ou sans cétose chez les patients africains souvent
conscience et à un tournant pronostique [7]. âgés de moins de 40 ans, par ailleurs grands buveurs de boissons
De même, si l’on oppose classiquement la situation du coma sucrées.
hyperosmolaire à celle de l’acidocétose quant au terrain, au
degré de l’hyperglycémie et à la déshydratation, et à la présence
ou l’absence d’une acidose ou d’une cétonémie, il existe là aussi Cause déclenchante
des situations moins tranchées. Dans une étude portant sur plus Cet état d’urgence métabolique survient de façon aiguë, sur
de 600 cas de diabètes décompensés, 22 % des sujets présen- un terrain prédisposé, sous l’influence d’un facteur déclenchant
taient une acidocétose, 45 % un coma hyperosmolaire et 33 % (Tableau 1) qui va aggraver l’hyperglycémie et/ou la déshydra-
des sujets avaient des profils cliniques et biologiques mixtes [8]. tation. Le bilan hydrique se négative (besoins hydriques sous-
Dans le coma hyperosmolaire, une acidose modérée est fré- estimés, pertes non ou insuffisamment compensées), étape
quente par hypercétonémie, hyperlactatémie ou insuffisance initiale du développement d’un coma hyperosmolaire.
rénale. C’est la raison pour laquelle le terme anglais d’« hyper-
Les infections sont les causes les plus fréquemment retrouvées
glycemic hyperosmolar nonketotic coma » a été remplacé par
(entre 32 % et 60 % des cas) [7, 9] avec en première ligne les
« hyperglycemic hyperosmolar state ».
infections pulmonaires et urinaires. Viennent ensuite l’infarctus
de myocarde, l’accident vasculaire cérébral (AVC), l’infarctus
■ Étiologies mésentérique et la pancréatite aiguë. Un facteur déclenchant est
retrouvé dans 80 % des cas [7] mais il peut parfois être difficile
Facteurs favorisants : terrain de séparer la cause de la conséquence du coma hyperosmolaire.
Certaines pathologies peuvent en effet être induites par l’état de
Au premier plan des facteurs étiologiques (Tableau 1), il faut déshydratation sévère, les troubles de la perfusion tissulaire ou
mettre en avant le terrain, ou le profil des sujets à risque de les anomalies de l’hémostase observés au cours de ce syndrome
développer un jour un coma hyperosmolaire. C’est la connais- (infarctus du myocarde, embolie pulmonaire, pancréatite
sance de ce profil qui offre la possibilité d’une prévention par aiguë...).
l’éducation des malades, de leur famille, ou des soignants sur les
Un certain nombre de médicaments ont pu être associés au
circonstances de survenue devant appeler à leur vigilance.
développement d’un coma hyperosmolaire ; c’est le cas en
Le développement d’un coma hyperosmolaire nécessite
particulier des diurétiques, corticoïdes ou hydantoïnes qui
plusieurs conditions en lien avec le processus physiopathologi-
favorisent un état d’hyperglycémie et/ou de déshydratation. La
que d’hyperglycémie et de déshydratation non compensée sans
responsabilité directe d’un médicament en particulier est le plus
insulinopénie majeure.
souvent difficile à établir, sauf lorsqu’il y a coïncidence entre le
Les sujets prédisposés à cette complication sont donc les
début de la thérapeutique et le déclenchement du coma hyper-
personnes :
osmolaire. Le plus souvent, ces médications, prescrites antérieu-
• avec un diabète de type 2 méconnu (30 à 50 %) [7, 9] ou
rement, jouent un rôle de facteur favorisant dans la genèse du
négligé ;
coma hyperosmolaire.
• sous antidiabétiques oraux plus que sous insuline ;
L’alimentation entérale, avec un fort pouvoir hyperglycé-
• ne pouvant pas « ressentir, exprimer ou satisfaire » [12] leur
miant (20 à 30 % d’hyperglycémies), peut être retrouvée comme
soif : personnes âgées, aux capacités physiques et mentales
facteur étiologique et ce d’autant plus qu’elle est utilisée chez
diminuées, rendant l’apport hydrique dépendant d’une tierce
des personnes prédisposées (post-AVC, sujet âgé, néoplasie) [13].
personne.
La prédominance du sexe féminin dans certaines études [7, 9]
illustre la présence majoritaire des femmes au sein de cette
population âgée, le plus souvent en institution. ■ Biochimie, physiopathologie
Tableau 1.
Facteurs favorisants et déclenchants du coma hyperosmolaire [2, 7, 9-11].
Hyperglycémie sans cétose majeure (Fig. 1)
Comme dans l’acidocétose, il existe un déficit en insuline
Facteurs favorisants
parallèlement à une augmentation des taux d’hormones de la
Âge > 70 ans > 50 %
contre-régulation (cortisol, growth hormone [GH], catécholami-
Démence 30 % nes, glucagon), diminuant l’utilisation périphérique du glucose
Résidence en maison de retraite ou institution 30 % et stimulant la glycogénolyse. La protéolyse est activée, facili-
Diabète antérieur méconnu 50 à 60 % tant la néoglucogenèse hépatique à partir des acides aminés
Diabète non traité par insuline 30 à 85 % glucoformateurs libérés. Ces trois mécanismes (diminution de la
Facteurs médicamenteux 1,5 % sensibilité périphérique au glucose, glycogénolyse, néoglucoge-
nèse) participent à la constitution d’une hyperglycémie majeure.
- b-bloquants
La lipolyse, avec formation d’acides gras circulants, vient
- diurétiques
pallier le déficit énergétique dû à la non-utilisation du glucose.
- corticoïdes
Au cours de la décompensation hyperosmolaire, l’hyperglycé-
- immunosuppresseurs mie apparaît prédominante sur la cétogenèse qui reste modérée,
- hydantoïne même en tenant compte des taux de b-hydroxybutyrate qui
- nutrition parentérale sont augmentés, mais environ dix fois inférieurs à ceux observés
Facteurs déclenchants dans l’acidocétose [14, 15].
Infections aiguës 32 à 60 % Il n’est pas clairement établi si le caractère modéré de la
- pneumopathies
cétogenèse est le résultat de taux moins élevés des hormones de
la contre-régulation ou des acides gras libres [16, 17], ou d’une
- infections de l’appareil urinaire
insulinémie portale plus élevée que dans l’acidocétose. Cepen-
- sepsis à Gram - dant, une étude mesurant les concentrations des hormones de
Accident vasculaire cérébral la contre-régulation chez des patients en décompensation aiguë
Infarctus du myocarde de leur diabète ne retrouve pas de différence significative entre
Infarctus mésentérique les taux observés lors du coma hyperosmolaire et ceux retrouvés
Pancréatite aiguë lors de l’acidocétose. En revanche, le degré de cétonémie est
Occlusion digestive
corrélé positivement au taux d’acides gras et négativement au
taux de C peptidémie. Le degré de l’hyperglycémie est, quant à
Hématome sous-dural
lui, corrélé aux taux de cortisol et de glucagon [18].

2 Endocrinologie-Nutrition
Coma hyperosmolaire ¶ 10-366-H-30

Stress, infection

Glucagon
Carence insulinique absolue Carence insulinique relative
Catécholamines
Cortisol
GH

Lipolyse
Acides gras libres Cétogenèse absente
Cétogenèse ou minime
Protéolyse
Réserve alcaline
Protéosynthèse

Substrats de la
néoglucogenèse
Acidocétose

Utilisation
du glucose Néoglucogenèse Glycogénolyse

Triglycérides

Hyperlipidémie
Hyperglycémie

Glycosurie

Déplétion hydrosodée

Déshydratation Hyperosmolarité

Insuffisance rénale fonctionnelle

Coma hyperosmolaire

Acidocétose

Figure 1. Physiopathologie du coma hyperosmolaire et de l’acidocétose [10]. GH : growth hormone.

L’absence de carence absolue en insuline [14] est probable- Polyurie osmotique responsable d’une perte
ment la raison principale pour laquelle la décompensation du
diabète s’exprime de façon préférentielle par une hyperglycémie
hypotonique d’eau et de sodium
et une hyperosmolarité sévères sans cétose marquée. Si l’insuli- Au niveau du tubule proximal et dans l’anse de Henle, la
némie au cours du coma hyperosmolaire ne parvient pas à concentration élevée du glucose dans l’urine primitive, consé-
contrôler l’hyperglycémie produite par la néoglucogenèse, elle quence de la saturation du mécanisme de réabsorption tubulaire
est suffisante pour limiter le recours à la lipolyse et donc la du glucose, entraîne, par son pouvoir osmotique, une diminu-
cétogenèse. tion des mouvements d’eau. La concentration de sodium dans
Le rôle joué par les médiateurs de l’inflammation et de le compartiment urinaire est donc réduite par dilution, le
l’infection, les prostaglandines et les cytokines, est encore mal gradient de concentration de sodium contre lequel se fait cette
connu, mais probablement important [19-21]. réabsorption augmente, diminuant ainsi la réabsorption tubu-
L’hyperglycémie apparaît primitivement ; elle augmente laire du sodium et, par conséquent, le gradient corticomédul-
l’osmolalité extracellulaire et crée un gradient osmotique qui va laire. La réabsorption d’eau au niveau du tube collecteur est
avoir plusieurs conséquences. donc moindre, d’autant plus que le glucose en excès ne stimule

Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-H-30 ¶ Coma hyperosmolaire

pas la sécrétion de l’hormone antidiurétique (HAD) et peut inférieure à 350 mOsm/l doit faire rechercher une autre patho-
même l’inhiber lorsque l’hyperglycémie entraîne une fausse logie, en particulier neurologique. Sur une série de 132 patients
hyponatrémie de dilution. Il y a globalement perte d’eau et de en « coma hyperosmolaire », seuls 8 % étaient en état de coma
sodium par augmentation du volume urinaire, polyurie norma- à l’entrée et 43 % en état stuporeux [7].
lement compensée par une polydipsie. Les troubles neurologiques focaux ne sont pas rares, essen-
tiellement crises convulsives partielles ou généralisées ; leur
Mouvements d’eau du secteur intracellulaire survenue est un facteur de complications et de mauvais
vers le secteur extracellulaire, installation pronostic.
de l’hyperosmolarité Déshydratation globale
Ce mouvement d’eau du secteur intra- vers le secteur extra-
cellulaire contribue au début à la préservation des volumes Elle est souvent impressionnante ; la notion d’une perte de
extracellulaires et de la filtration glomérulaire, et à l’entretien de poids importante de plus de 5 kg est la règle, traduisant une
la polyurie. Tant que l’apport de liquides compense la polyurie, déshydratation intracellulaire qui est au premier plan. Il y a
l’osmolalité plasmatique reste peu augmentée. En revanche, si la fréquemment une hyperthermie. La déshydratation extracellu-
compensation des pertes urinaires n’est plus assurée, ou si elle laire (pli cutané, hypotonie des globes oculaires...) est constante,
l’est par des boissons sucrées, une hyperosmolalité plasmatique et même sévère, dans plus de 50 % des cas [7], et elle constitue
va progressivement s’installer. La contraction des volumes le principal facteur de gravité à court terme. L’hypotension
extracellulaires entraîne une insuffisance rénale fonctionnelle artérielle, parfois aggravée par la poursuite d’une thérapeutique
qui, en limitant la glycosurie, va contribuer à majorer considé- antihypertensive, peut évoluer rapidement et brutalement vers
rablement la concentration de glucose, puis la déplétion sodée un collapsus cardiovasculaire puis un état de choc.
et la contraction des volumes extracellulaires jusqu’au collapsus. Contrairement à l’acidocétose, on ne retrouve pas ici de
signes d’acidose métabolique, pas de dyspnée de Kussmaul.
Adaptation du système nerveux central
à l’hyperosmolalité plasmatique Polyurie et absence de cétose
Le mouvement d’eau vers l’espace extracellulaire s’accompa- C’est une polyurie osmotique qui contraste avec l’état de
gne d’une augmentation de l’osmolalité intracellulaire. Le déshydratation du patient. Longtemps conservée, elle ne cesse
système nerveux central possède des mécanismes spécifiques qu’avec la survenue du collapsus. La réalisation d’une bande-
d’adaptation à l’hyperosmolalité qui permettent de restaurer lette urinaire objective la glycosurie massive et l’absence de
partiellement l’eau intracellulaire perdue. Le cerveau s’adapte en cétose notable (inférieure à une croix).
produisant des osmoles « idiogéniques » dont le rôle est de
retenir l’eau et de restaurer le volume cellulaire sensiblement
normal. Expérimentalement chez l’animal, cette adaptation
apparaît après environ 4 heures [22, 23]. Le mécanisme précis
■ Diagnostic biologique
n’est pas absolument élucidé, et les substances engendrées La glycémie est toujours très élevée, en règle supérieure à
responsables de la correction partielle du gradient hyperosmo- 6 g/l (33 mmol/l) et peut parfois dépasser 15 g/l (83 mmol/l).
tique ne sont pas clairement identifiées. Environ la moitié des La natrémie peut être faussement normale ou abaissée au
substances osmotiquement actives contient du potassium et départ en raison du flux osmotique constitué par les taux élevés
pourrait provenir d’une dissociation de complexes protéines- de glucose. Il est donc nécessaire de calculer la natrémie corrigée
ions [1]. L’autre moitié est probablement constituée d’acides par la formule de Katz :
aminés que l’on désigne par le terme d’« osmoles idiogéni- natrémie corrigée = natrémie mesurée + 1,6 (glycémie en g/l-1)
ques ». Cette restauration du volume cellulaire au niveau du
À la phase d’état, la natrémie s’élève pour dépasser
système nerveux central se fait au prix d’une hyperosmolalité
150 mEq/l, traduisant le déficit hydrique et masquant le déficit
intracellulaire. La dissipation des osmoles idiogéniques après
sodé. Une natrémie normale ou élevée ne doit pas tromper : il
correction de l’hyperosmolalité plasmatique demande plusieurs
existe toujours une déplétion sodée.
heures. Le cerveau ne peut donc pas s’adapter à une diminution
L’élévation de l’hématocrite et de la protidémie reflète
rapide de l’hyperosmolalité extracellulaire.
l’hémoconcentration.
L’osmolalité est élevée, supérieure ou égale à 320 mOsm/kg
■ Clinique pour une normale inférieure à 290 mOsm/kg. Elle est calculée à
partir de la glycémie et de la natrémie :
Période d’installation osmolarité (mOsm/l) = (Na [mEq/l] + 13) × 2 + glycémie (mmol/l)
Cette formule permet de calculer l’osmolarité plasmatique
Le coma hyperosmolaire est précédé d’une longue phase (mOsm/l) qui peut être considérée comme équivalente à
d’installation de plusieurs jours, au cours desquels vont se l’osmolalité (mOsm/kg).
développer progressivement hyperglycémie, polyurie osmotique
et déshydratation. L’absence de cétose et d’acidose métabolique
explique la longueur de la phase d’installation et l’intensité de
la déshydratation. Sur plusieurs jours, le patient évolue d’une
asthénie progressivement intense vers un état de torpeur
parallèlement à l’aggravation de la déshydratation dont témoi-
“ À retenir
gne la perte pondérale rapide.
Osmolarité ou osmolalité ?
Stade de coma hyperosmolaire installé L’osmolarité est la concentration de particules
osmotiquement actives par litre de solvant. Elle met en jeu
Signes neurologiques des volumes et dépend par conséquent de la température
C’est une altération constante, parfois profonde, de la et de la place occupée par les substances dissoutes. Il est
conscience dans un tableau de déshydratation globale chez une plus satisfaisant d’employer le terme d’osmolalité, qui
personne âgée. Il s’agit le plus souvent d’un état stuporeux qui, tient compte de la masse de solvant, mesurée par
en l’absence de diagnostic, évolue rapidement vers un coma l’osmométrie. Cependant, dans les conditions stables de
profond de mauvais pronostic. température, ces deux termes peuvent être employés
La sévérité des troubles de la conscience est corrélée avec indifféremment.
l’hyperosmolalité [7] ; leur présence avec une osmolarité calculée

4 Endocrinologie-Nutrition
Coma hyperosmolaire ¶ 10-366-H-30

Il est également possible de tenir compte du taux d’urée Iatrogènes


sanguine (mmol/l) en l’ajoutant à la glycémie, expliquant les
différents seuils d’osmolalité suivant la formule utilisée (320 ou Collapsus
350 mOsm/kg). Mais cette formule ne tient pas compte de la
Il peut être précipité par une insulinothérapie trop brutale si
présence de substances dissoutes perméantes (dont la concen-
la correction de la déplétion sodée a été insuffisante. L’insuline,
tration s’équilibre rapidement de part et d’autre des membranes
en favorisant l’entrée du glucose dans la cellule, entraîne
cellulaires), sous-estimant ainsi l’hyperosmolalité plasmatique
également un déplacement d’eau vers le secteur intracellulaire
réelle (mannitol, sorbitol, glycérol, acides aminés, substances du aggravant l’hypovolémie efficace [27, 28].
trou osmotique) [24] . Cette osmolalité réelle ne peut être
déterminée que par mesure du delta cryoscopique : plus le Œdème cérébral
plasma est hyperosmolaire et plus son point de congélation est
bas. L’osmolalité est déduite en comparant le point de congéla- Il est aussi la conséquence d’une réduction trop rapide de
tion du plasma testé avec celui du plasma de référence. Cette l’hyperglycémie et de l’hyperosmolalité sous l’effet de l’insuli-
technique est disponible en urgence dans un délai de 15 minu- nothérapie et surtout de l’administration trop importante de
solutés hypotoniques. Les osmoles idiogéniques engendrées par
tes dans les laboratoires de biochimie et peut être réalisée en
le système nerveux central en réponse à l’hyperosmolalité
même temps que les ionogrammes sanguins. Dans le coma
plasmatique mettent en effet plusieurs heures à se dissiper [19,
hyperosmolaire installé, l’osmolalité mesurée à l’osmomètre 23].
dépasse les 350 mOsm/kg.
Une insuffisance rénale est retrouvée de façon constante, au Déplétion potassique
moins fonctionnelle, conséquence de la contraction volémique
avec augmentation de la créatininémie, et encore plus, de l’urée Elle est majorée par une insulinothérapie à forte dose.
sanguine.
La kaliémie est variable, mais là aussi il existe toujours une
Infections
déplétion potassique par pertes urinaires, même si la kaliémie L’hyperglycémie majeure favorise les infections secondaires
est élevée. Le potassium est également véhiculé du secteur sur sonde urinaire, cathéter central ou périphérique.
intracellulaire vers le secteur extracellulaire parallèlement au
flux osmotique hydrique. Hypoglycémie
Il n’existe pas, en revanche, d’acidose métabolique sévère à C’est une complication fréquente iatrogène, qui se produit
moins que celle-ci n’accompagne l’étiologie du coma hyperos- surtout en cas de surdosage en insuline et de contrôles glycé-
molaire. On retrouve fréquemment (50 %) [25] une augmenta- miques trop espacés. Elle doit être prévenue par l’utilisation de
tion des lactates ou des corps cétoniques plasmatiques (taux de solutés glucosés à 5, voire 10 % en cas de glycémie inférieure à
3-hydroxybutyrate, qui n’est pas mesuré par les bandelettes 2,5 g/l dans les 24 premières heures et par une adaptation du
urinaires Kétodiabur®) mais de façon modérée, provoquant une débit d’insuline aux glycémies capillaires.
élévation du trou anionique sans acidose majeure comme le
veut la définition du coma hyperosmolaire (pH > = 7,3 et Autres
bicarbonates > 18 mEq/l).
Une hémolyse intravasculaire, toujours iatrogène, peut se voir
dans les cas de réhydratation en trop grande quantité de soluté
hypotonique [29].
■ Évolution, complications
Naturelles ■ Pronostic
Le pronostic d’ensemble reste sombre même si la mortalité
Collapsus semble être passée de plus de 50 % il y a 20 ans [1, 6], à près de
Il menace le patient à très court terme. Il peut s’installer 15 à 20 % dans les séries les plus récentes [7, 8]. La gravité tient
brutalement lorsque les mécanismes de compensation sont en grande partie à l’âge et au terrain souvent fragilisé des
dépassés. Il conditionne le pronostic du coma hyperosmolaire patients, ainsi qu’à la cause déclenchante (Tableau 2) [7, 8, 30].
Les facteurs de mortalité clinicobiologiques sans rapport avec le
en entraînant des défaillances multiviscérales par bas débit,
terrain et la cause sont : une pression artérielle basse, un taux
comme des insuffisances rénales oligoanuriques par tubulopa-
élevé d’urée et d’osmolalité. Mais seul l’âge élevé est retrouvé
thie aiguë.
comme facteur indépendant de mortalité lors d’analyses
multivariées.
Déplétion potassique Après la phase aiguë, les décès surviennent plus par compli-
Il existe toujours une déplétion potassique par diurèse cations infectieuses ou thromboemboliques.
osmotique.
Tableau 2.
Infections Facteurs de mortalité du coma hyperosmolaire [7, 8, 30].

En plus des infections ayant déclenché le syndrome survien- Liés au facteur déclenchant
nent les infections de décubitus, les infections pulmonaires liées - Choc septique (30 % des décès)
aux troubles de la conscience. - Accident vasculaire cérébral
- Infarctus du myocarde
Autres complications Liés au terrain
Les complications thromboemboliques sont fréquentes. Il - Âge
existe également des obstructions canalaires dues à l’épaississe- - Terrain cardiovasculaire précaire
ment des sécrétions entraînant des bouchons muqueux, au Liés au coma hyperosmolaire
niveau bronchique, responsables d’atélectasies, et au niveau - Hypotension
pancréatique, responsables de quelques cas de pancréatite aiguë - Coma
secondaire, ainsi qu’au niveau des glandes salivaires.
- Hyperosmolalité importante (> 370 mOsm/kg)
Une rhabdomyolyse biologique, plus rarement clinique, est
- Urée sanguine élevée
parfois observée [26].

Endocrinologie-Nutrition 5
10-366-H-30 ¶ Coma hyperosmolaire

■ Traitement Rétablir rapidement la volémie


Ce but est obtenu en administrant du sérum salé isotonique
Traitement curatif (Tableau 3) à 0,9 % au cours des 4 premières heures : 500 ml/h si la
déshydratation est modeste, 750 à 1 000 ml/h si elle apparaît
Conduite pratique plus sévère [3, 27, 31-33]. Le premier litre peut être passé sur
1 heure, suivi de 1 à 3 l sur les 3 heures suivantes (soit de 2 à
Il faut mettre en place une voie veineuse sûre car plusieurs 4 l sur les 4 premières heures).
litres de solutés sont en effet à perfuser au cours des 24 premiè- En cas de collapsus, il faut avoir recours aux solutés de
res heures. En cas de difficulté, il faut poser une voie veineuse remplissage de type macromolécules et à l’administration
centrale. Une sonde urinaire est mise en place pour la sur- d’agents dopaminergiques si la correction volémique ne restaure
veillance de la diurèse en cas de difficulté de recueil urinaire ; pas une hémodynamique suffisante.
une sonde nasogastrique est nécessaire en cas de troubles de la
conscience. Chez les patients insuffisants cardiaques, la réani- Poursuivre la réhydratation en comblant le déficit hydrique
mation peut être conduite sous la surveillance de la pression
Le débit est d’environ 250 ml/h à 500 ml/h, soit 1 à 2 l de la
veineuse centrale.
4e à la 8e heure. La nature des solutés à injecter fait l’objet de
nombreuses discussions et controverses, mais de façon générale,
Réanimation hydroélectrolytique l’utilisation de solutés trop hypotoniques (sérum glucosé 2,5 %
La priorité est la correction rapide de l’hypovolémie et la ou 5 % sans électrolytes, eau distillée) est à éviter en raison des
prévention du collapsus. La réduction de l’hyperosmolalité et de risques d’œdème cérébral. On peut donc utiliser, tant qu’il
l’hyperglycémie survient dans un deuxième temps par correc- existe une hyperglycémie importante, du sérum salé isotonique
tion lente du déficit hydrique. à 0,9 % ou hypotonique à 0,45 % sans qu’il n’y ait, a priori, de
différence de pronostic. Le relais peut ensuite être pris par des
solutés glucosés à 5 % contenant 4 à 5 g/l de NaCl quand la
glycémie s’abaisse au-dessous de 2,5 g/l. Ceci a le double
Tableau 3.
[11]. avantage d’apporter de l’eau tout en évitant une baisse trop
Traitement du coma hyperosmolaire
rapide de la glycémie. La diminution de l’hypernatrémie ne doit
Apports liquidiens pas dépasser 0,5 mmol/l/h. Il faut tenir compte de la natrémie
• 0-4 heures : corrigée par la glycémie, puisqu’en introduisant une insulino-
-750 à 1 000 ml/h de sérum salé isotonique à 0,9 % thérapie, on assiste à une augmentation ou à une faible dimi-
en cas de déshydratation sévère nution de la natrémie alors que l’osmolalité a baissé de façon
-500 ml/h en cas de déshydratation modérée plus franche [27]. Il est ainsi beaucoup plus intéressant de suivre
-dont 1 l sur la 1re heure pour une correction rapide de l’hypotension l’osmolalité plasmatique qui comprend les variations de ces
deux paramètres. Pour une natrémie réelle de 160 mmol/l, avec
-puis 3 l sur 3 heures en cas de déshydratation sévère
une glycémie à 6 g/l, la natrémie est mesurée à 152 mmol/l.
-1 l sur 3 heures en cas de déshydratation modérée
Après insulinothérapie abaissant la glycémie à 2 g/l, la natrémie
• 4 heures : mesurée est de 158,4 mmol/l alors que la natrémie réelle,
-250 ml/h (soit 1 l sur 4 h) à adapter en fonction de la diurèse corrigée par la glycémie, est toujours de 160 mmol/l.
et de la clinique Au total, 6 à 10 l seront perfusés au cours des 24 premières
-sérum salé à 0,9 % ou à 0,45 % heures, dont la moitié (3 à 5 l) sur 8 heures.
-sérum glucosé isotonique à 5 % contenant 4 à 5 g/l de NaCl
dès que la glycémie atteint 2,5 g/l Électrolytes [10, 28, 29, 34, 35]
• Correction sur les 8 premières heures de 50 % de la perte liquidienne • Potassium : il existe toujours un déficit potassique. Cepen-
estimée (soit 3 à 6 l) dant, l’absence d’acidose rend le problème moins crucial que
Électrolytes dans l’acidocétose, avec un risque moindre d’hypokaliémie
• Potassium : il faut l’introduire dans les solutés de perfusion brutale. Les apports sont à adapter en fonction de l’iono-
en fonction de la kaliémie de départ, mais en général après restauration gramme après correction de la volémie et de l’insuffisance
des conditions hémodynamiques, reprise de la diurèse et correction rénale fonctionnelle (après les 2 premières heures), surtout si
de l’insuffisance rénale fonctionnelle la kaliémie initiale est supérieure à 5,5 mEq/l.
• Bicarbonates : ils n’ont pas d’indication • Phosphates : contrairement à l’acidose, il n’existe pas de
Insuline données concernant l’hypophosphatémie dont la supplé-
• Insuline rapide intraveineuse administrée à la seringue électrique avec
mentation n’a pas montré d’intérêt significatif au cours de
un débit initial de 2 à 3 U/h à adapter en fonction de l’évolution de la l’acidocétose [28, 29]. Certains auteurs proposent de doser la
glycémie. Celle-ci ne doit pas s’abaisser en dessous de 2,5 g/l au cours phosphatémie [10] et de ne la supplémenter qu’en cas de
des 12 premières heures déficit sévère authentifié, par 20 à 30 mEq/l de phosphate de
• Après correction de la déshydratation et reprise de l’alimentation, potassium. Il est alors indispensable de surveiller la calcémie
passage à la voie sous-cutanée en raison des risques d’hypocalcémie [35].
Mesures générales
• Autres : il n’existe pas d’indication à l’utilisation de solutés de
bicarbonates.
• Examen clinique au début, recherche de collapsus
• Électrocardiogramme
Insulinothérapie
• Prise de tension artérielle, du pouls, mesure de la diurèse toutes
les heures Elle est importante mais doit être secondaire à la réhydrata-
• Sonde urinaire, sonde nasogastrique en cas de troubles tion hydroélectrolytique initiale. Il est préférable de l’adminis-
de la conscience trer en perfusion intraveineuse continue par seringue électrique.
• Mesure de la pression veineuse centrale chez les patients ayant Il ne faut pas, au début, l’administrer par voie sous-cutanée car,
des antécédents de décompensation cardiaque pour améliorer en raison de la déshydratation extracellulaire, elle est mal
le remplissage résorbée. Les débits sont moindres que ceux utilisés dans
Surveillance biologique l’acidocétose, le but étant de corriger lentement l’hyperglycémie
• Calcul ou mesure initiale de l’osmolalité avec des objectifs entre 2,5 g/l et 3 g/l dans les 12 premières
heures pour éviter une aggravation de la déplétion extracellu-
• Ionogramme sanguin toutes les 4 heures, avec calcul ou mesure
de l’osmolalité plasmatique
laire initiale et un œdème cérébral [4]. Contrairement à l’acido-
cétose, il n’existe pas de carence absolue en insuline et il n’y a
• Mesure de la glycémie capillaire toutes les heures
donc pas besoin de maintenir des débits élevés pour faire

6 Endocrinologie-Nutrition
Coma hyperosmolaire ¶ 10-366-H-30

disparaître la cétose alors que la glycémie s’est normalisée. Un libérales des patients diabétiques de plus de 75 ans nécessi-
débit de 2 à 3 U/h est le plus souvent approprié et est à adapter tant un traitement par insuline à domicile ne peut que
en fonction de la glycémie. favoriser la mise en place d’une insulinothérapie de sécurité
chez les personnes à risque de coma hyperosmolaire.
Mesures thérapeutiques générales
Il faut par ailleurs traiter la cause déclenchante et prévenir les
complications. L’administration d’héparine de bas poids molé-
■ Cas particuliers du coma
culaire ou d’héparine non fractionnée sous-cutanée (en cas hyperosmolaire en pédiatrie
d’insuffisance rénale) à dose préventive est nécessaire en
l’absence de toute contre-indication (hémorragie digestive...). Les premiers cas pédiatriques de coma hyperosmolaire fatal
Les mesures de prévention contre la sécheresse buccale ont été décrits en 1969 par Rubin [36] chez des enfants handi-
(compresses humides, soins de bouche) et conjonctivale (collyre capés mentaux, ou lors de la primodécouverte d’un diabète de
ou gel ophtalmiques) ainsi que la lutte contre l’obstruction type 1 avec une réserve insulinique suffisante pour éviter
bronchique sont indispensables. Les risques d’escarres sont très l’acidocétose.
élevés et imposent des soins de nursing : changement de Depuis 2 ans, la littérature rapporte une trentaine de cas
posture toutes les 3 heures avec préférence pour la position pédiatriques de décompensation hyperosmolaire lors de la
semi-assise, utilisation d’un matelas à gonflement d’air alterna- découverte d’un diabète de type 2 chez des enfants non
tif, kinésithérapie préventive respiratoire et de mobilisation déficients mentaux ou physiques. Il s’agit dans la totalité des cas
passive avec massage circulatoire, soins d’hygiène fréquents. d’enfants âgés de 10 à 18 ans, obèses avec un body mass index
(BMI) supérieur au 90e percentile, avec des antécédents fami-
liaux de diabète de type 2 et d’origine afro-américaine [37]. Le
Surveillance clinique et biologique tableau clinique est dominé par les troubles de la conscience et
Une mesure des constantes hémodynamiques est nécessaire les signes de déshydratation. La glycémie lors de la prise en
de façon horaire, voire de façon plus rapprochée en cas d’ano- charge est souvent plus élevée que chez les adultes âgés (entre
malies au départ. Un monitoring cardiaque n’est nécessaire 10 et 20 g/l) avec une hyperosmolarité plus marquée. Ceci vient
qu’en cas de troubles du rythme préexistants ou de troubles de probablement du fait que la compensation de la polyurie se fait
la kaliémie. Le suivi de la pression veineuse centrale est utile avec des boissons sucrées et/ou salées (soda, boissons énergéti-
chez les patients en instabilité hémodynamique ou insuffisants ques), aggravant l’hyperglycémie et la natrémie [38]. La réhydra-
cardiaques. Le recueil de la diurèse doit être fiable avec une tation doit se faire d’abord avec du sérum physiologique et
mesure de la diurèse horaire. l’insulinothérapie doit être différée de quelques heures pour
Sur le plan biologique, un ionogramme sanguin est nécessaire éviter la constitution d’un œdème cérébral, dont l’incidence
toutes les 4 heures pendant les 24 premières heures avec un semble plus importante chez les enfants. La distinction avec
calcul ou une mesure de l’osmolalité plasmatique. Une glycémie une acidocétose est donc importante, tant du point de vue
capillaire doit être effectuée de façon horaire. pronostique que thérapeutique.
La prévention passe par un dépistage précoce. L’American
Diabetes Association (ADA) recommande ainsi, depuis 2000, la
Prévention réalisation d’une glycémie veineuse à jeun chez tout enfant de
Nous ne disposons pas de données fiables sur l’incidence du plus de 10 ans, aux antécédents familiaux de diabète de type 2
coma hyperosmolaire ni sur l’impact des mesures préventives, (1er et/ou 2e degré), d’origine afro-américaine, hispanique, ou
mais il est raisonnable de penser qu’elles sont efficaces si elles des îles du Pacifique, présentant des signes d’insulinorésistance
sont entreprises selon trois directions. (acanthosis nigricans, hypertension artérielle, dyslipidémie,
• Prise en compte du risque du coma hyperosmolaire. Il faut syndrome des ovaires polykystiques) [39].
prendre en compte ce risque devant toute affection médicale .

ou chirurgicale chez le sujet diabétique de plus de 50 ans et


réaliser systématiquement une glycémie chez les autres, ■ Références
permettant le diagnostic d’un diabète méconnu susceptible
[1] De Graeff J, Lips J. Hypernatremia in diabetes mellitus. Acta Med
d’évoluer à cette occasion vers cette complication. Scand 1957;157:71-5.
• Information des patients et de leurs proches. [2] Arieff A, Caroll H. Nonketotic hyperosmolar coma with
Il faut éduquer les patients, les soignants et les familles à être hyperglycemia: clinical features, pathophysiology, renal fonction, acid-
vigilants en de telles circonstances et veiller à ce que l’apport base balance, plasma cerebrospinal fluid equilibria and the effects of
en boissons soit assuré et les besoins compensés. La période therapy in 37 cases. Medecine 1972;51:73-94.
de canicule de l’été 2003 a souligné dramatiquement la [3] Caroll P, Matz R. Uncontrolled diabetes mellitus in adults: experience
difficulté pour les personnes âgées de compenser les pertes in treating diabetic ketoacidosis and hyperosmolar non ketotic coma
hydriques lorsque celles-ci sont majorées, même lorsque ce with low-dose insulin and a uniform treatment regimen. Diabetes Care
.
besoin paraît évident. La déshydratation par diurèse osmoti- 1983;6:579-85.
que dans l’état d’hyperosmolarité est, en revanche, moins [4] Levine S, Sanson T. Treatment of hyperglycemic hyperosmolar non-
évidente et les pertes sont presque toujours sous-estimées. ketotic syndrome. Drugs 1989;38:462-8.
• Choix thérapeutiques dans le diabète du sujet âgé. La préven- [5] Lorber D. Non-ketotic hypertonicity in diabetes. Med Clin North Am
tion suppose aussi une réflexion quant aux choix thérapeuti- 1995;79:39-52.
ques dans le diabète du sujet âgé. La survenue d’une [6] Small M, Alzaid A, MacCuish AC. Diabetic hyperosmolar non-ketotic
circonstance favorisant la survenue d’un coma hyperosmo- decompensation. Q J Med 1988;66:251-7.
laire doit faire systématiquement remplacer un traitement [7] Pinies JA, Cairo G, Gaztambide S, Vazquez JA. Course and prognosis
oral devenant inefficace par une insulinothérapie. Dans of 132 patients with diabetic non ketotic hyperosmolar state. Diabete
Metab 1994;20:43-8.
nombre de cas, le recours à l’insuline plutôt qu’au traitement
[8] Watchel TJ, Tetu-Mouradjian LM, Goldman DL, Ellis SE,
oral est préférable. Il s’agit le plus souvent d’une insulinothé-
O’Sullivan PS. Hyperosmolarity and acidosis in diabetes mellitus: a
rapie de sauvegarde, peu contraignante, qui suppose le three year experience in Rhode Island. J Gen Intern Med 1991;6:
concours d’une infirmière à domicile. Celle-ci va ainsi 495-502.
procéder à un contrôle glycémique quotidien et exercer une [9] Wachtel TJ, Silliman RA, Lamberton P. Predisposing factors for the
surveillance précieuse participant au maintien à domicile. diabetic hyperosmolar state. Arch Intern Med 1987;147:499-501.
N’oublions pas que la phase d’installation de la décompensa- [10] Kitabchi, Abbas E. Management of hyperglycemic crises in patients
tion hyperosmolaire est longue, en moyenne 12 jours [7]. with diabetes. Diabetes Care 2001;24:131-53.
L’infirmière dépiste les prémices de la décompensation et [11] Race J, Penfornis A, Legrelle M. Coma hyperosmolaire du diabétique.
donne l’alerte. Une nouvelle prestation (Journal officiel Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris), Endocrinologie-Nutrition,
27/02/2003) concernant la prise en charge par des infirmières 10-336-H-30, 1998 : 5p.

Endocrinologie-Nutrition 7
10-366-H-30 ¶ Coma hyperosmolaire

[12] Assan R, Larger E, Lesobre B. Prise en charge et traitement du coma [27] Brown R, Rossini A, Callaway C, Cahill Jr. G. Caveat on fluid repla-
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Sherwin RS, editors. Diabetes mellitus: theory and practice.
Amsterdam: Elsevier; 1997. p. 845-60. Pour en savoir plus
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nonketotic syndrome associated with rhabdomyolysis and acute kidney Pickup JC, Williams G. Textbook of diabetes 2. London: Blackwell
failure. Diabetes Care 1991;14:146-7. Publishing; 2003.

S. Borot.
C. Kleinclauss.
A. Penfornis (alfred.penfornis@ufc-chu.univ-fcomte.fr).
Service de diabétologie, Hôpital Jean Minjoz, centre hospitalier universitaire de Besançon, boulevard Fleming, 25030 Besançon, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Borot S., Kleinclauss C., Penfornis A. Coma hyperosmolaire. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Endocrinologie-Nutrition, 10-366-H-30, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

8 Endocrinologie-Nutrition
10-366-I-10
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 10-366-I-10 (2004)

Épidémiologie et physiopathologie
des complications dégénératives
du diabète sucré
D. Raccah

Résumé. – La physiopathologie des complications dégénératives du diabète sucré met en jeu des facteurs
métaboliques vasculaires et génétiques qui interagissent les uns avec les autres. L’hyperglycémie chronique
est à l’origine des anomalies métaboliques et vasculaires. Parmi les facteurs, l’on distingue l’accélération de la
voie des polyols, la glycation des protéines, des anomalies du métabolisme des acides gras essentiels,
l’augmentation de la voie oxydative, la carence en peptide-C et l’augmentation de production de facteurs de
croissance. Les facteurs vasculaires sont représentés par la diminution de synthèse de l’oxyde nitrique et
l’augmentation de l’activité de la protéine-kinase C. Les facteurs génétiques impliqués concernent
principalement la néphropathie, avec en particulier un polymorphisme du gène de l’enzyme de conversion de
l’angiotensine, et la neuropathie avec un polymorphisme du gène de la Na/K ATPase, qui pourraient expliquer
la prédisposition ou la protection de certains patients vis-à-vis de ces complications.
© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Diabète ; Complications dégénératives ; Épidémiologie ; Physiopathologie

Introduction capillaire et finalement de la sclérose vasculaire [1, 2]. L’ischémie par


atteinte des vasa nervorum est prédominante dans la neuropathie
que l’on rattache néanmoins à la microangiopathie [ 3 ] .
Les complications chroniques du diabète, aussi bien du type 1, que L’hyperglycémie apparaît comme le grand inculpé de la
du type 2, comprennent deux composantes : la microangiopathie et microangiopathie. En effet, les deux grandes études d’intervention
la macroangiopathie. Si le diabète n’est qu’un facteur de risque de la thérapeutique réalisées aussi bien dans le diabète de type 1 :
macroangiopathie, au même titre que l’hypertension artérielle, Diabetes Control and Complications Trial (DCCT), que de type 2 :
l’hyperlipidémie ou le tabagisme, la microangiopathie apparaît United Kingdom Prospective Diabetes Study (UKPDS), ont bien
spécifique de l’hyperglycémie, et elle est responsable des montré l’intérêt du contrôle glycémique sur la survenue de ces
complications dites « dégénératives » du diabète sucré. Trois tissus complications [4, 5, 6]. En effet, dans le DCCT, le traitement insulinique
sont particulièrement le siège de cette microangiopathie : la rétine, intensif comparativement au traitement conventionnel permet une
le glomérule rénal et le nerf périphérique. Il existe aussi une diminution de la survenue de la rétinopathie, de la néphropathie et
myocardiopathie diabétique par microangiopathie, mais celle-ci est de la neuropathie à 5 ans (respectivement de 75, 40 et 70 %). De
moins étudiée. La microangiopathie correspond à l’atteinte des même, il est noté une diminution de la progression de ces
artérioles et des capillaires avec pour lésion fondamentale complications de plus de 50 % à 5 ans (respectivement 54, 56 et
l’épaississement de la membrane basale. Néanmoins, cette lésion se 57 %) [4]. Des résultats similaires, quoique de signification statistique
retrouve également au cours du vieillissement physiologique, d’où moindre, ont été apportés par l’UKPDS avec une diminution de 29 %
l’intervention, pour expliquer son expression dans certains organes, de la survenue de toutes les complications microangiopathiques à
d’autres mécanismes, tels que la perte de l’autorégulation du flux 10 ans de traitement intensif [ 5 , 6 ] . Plusieurs mécanismes
sanguin artériolaire et la dysfonction endothéliale. Ainsi, l’expression physiopathologiques sont évoqués pour expliquer la toxicité
et l’évolution de la microangiopathie présentent une spécificité cellulaire du glucose : les plus anciens sont représentés par la voie
d’organe. Dans la rétinopathie, la disparition des péricytes rétiniens des polyols, impliquée essentiellement dans la neuropathie, et la
semble jouer un rôle majeur avec pour conséquences une altération voie de la glycation des protéines plus impliquée dans la
de la vasomotricité et une prolifération endothéliale, à l’origine rétinopathie et la néphropathie. Plus récemment, d’autres voies ont
d’une augmentation de la perméabilité capillaire et de la formation été identifiées telles que le stress oxydatif, la production de facteurs
des microanévrysmes. Ultérieurement, l’occlusion capillaire avec de croissance, l’activation d’enzymes impliquées dans la
ischémie rétinienne serait à l’origine du développement des transduction du signal et le déficit en peptide C. Il y aurait une
néovaisseaux. Dans la néphropathie, c’est l’expansion mésangiale interaction entre ces différentes voies dont le produit final serait la
qui, associée à l’altération des capillaires, est responsable d’une perte dysfonction endothéliale ou « endothéliopathie » . À ces mécanismes
de la filtration glomérulaire, de l’altération de la perméabilité biochimiques, il faut ajouter l’existence d’autres facteurs, en
particulier génétiques bien décrits dans la néphropathie mais
également dans la neuropathie, et qui pourraient intervenir dans la
rétinopathie. Ces derniers pourraient expliquer que certains patients
soient protégés de ces complications malgré un mauvais contrôle
glycémique. Une meilleure connaissance de la physiopathologie de
D. Raccah (Professeur des Universités, praticien hospitalier) la microangiopathie pourrait ouvrir de nouvelles perspectives
Adresse e-mail: denis.raccah@ap-hm.fr
Service de nutrition, maladies métaboliques et endocrinologie, Hôpital de La Timone, boulevard Jean-
thérapeutiques, en plus du contrôle glycémique souvent difficile à
Moulin, 13385 Marseille cedex 05, France. obtenir.
Épidémiologie et physiopathologie
10-366-I-10 Endocrinologie-Nutrition
des complications dégénératives du diabète sucré

Épidémiologie des complications ailleurs, des patients ayant un bon contrôle métabolique peuvent
présenter une neuropathie invalidante précocement après le
dégénératives du diabète sucré diagnostic du diabète. Cela suggère l’existence de facteurs
indépendants de l’état d’hyperglycémie dans la physiopathologie de
RÉTINOPATHIE la neuropathie. Ces facteurs pourraient être génétiques, mais
également liés à l’environnement, et notamment nutritionnels. La
Le diabète est la principale cause de cécité de l’adulte dans les pays prévalence de la neuropathie est importante dans certaines
développés. Il est responsable de 10 % des nouveaux cas de cécité et populations (Indiens, Nord-Africains).
d’environ 20 % des cas de cécité entre 45 et 74 ans. L’incidence de la
rétinopathie est plus élevée en cas de diabète de type 1 que de
diabète de type 2. Après 15 ans d’évolution, presque 100 % des
patients diabétiques de type 1 ont une rétinopathie. Au bout de Mécanismes physiopathologiques
20 ans, 60 % ont une rétinopathie proliférante [7]. Dans le diabète de des complications dégénératives
type 2, au moment du diagnostic, environ 20 % des patients ont une du diabète sucré
rétinopathie et on pense qu’elle a débuté au moins 6,5 ans avant la
découverte du diabète [8]. Après 20 ans de diabète, 60 % des patients
diabétiques de type 2 ont une rétinopathie, 10 à 20 % une forme FACTEURS MÉTABOLIQUES
proliférante.
La prévalence des complications oculaires en France a été rapportée ¶ Voie des polyols
au congrès de l’International Diabetes Federation (IDF) à Kobe en
1994. Sur 5 000 patients examinés sur une période de 20 ans (44 % En présence d’un excès de glucose, une fraction non oxydée de ce
de diabétiques type 1), 36 % avaient une rétinopathie « de fond » ou substrat est dirigée vers la voie des polyols. Sous l’effet de l’aldose
non proliférante («background retinopathy »), 20 % une cataracte, 7 % réductase, le glucose est réduit en sorbitol par le nicotinamide-
un œdème maculaire, 3 % une rétinopathie proliférante, 1 % des adénosine-dinucléotide phosphate (NADPH). Le sorbitol est ensuite
hémorragies du vitré et 0,32 % un décollement de rétine. Ces oxydé en fructose en présence de NAD+ par la sorbitol-
complications étaient plus fréquentes dans le diabète de type 1, déshydrogénase. L’accumulation de sorbitol et de fructose, peu
notamment la rétinopathie proliférante (6,5 % versus 0,8 % chez les diffusibles à travers la membrane cellulaire, a pour conséquences :
diabétiques type 2) et l’œdème maculaire (11,9 % versus 3,1 %). Fait – une augmentation de la pression osmotique intracellulaire ;
intéressant, la fréquence des complications était plus faible chez les
sujets examinés après 1984, surtout pour les formes sévères – une déplétion en myo-inositol responsable d’une perturbation du
(rétinopathie proliférante 2,7 versus 4,3 % ; hémorragie du vitré 0,7 turnover des phospho-inositides de la membrane et en particulier de
versus 1,6 % ; décollement de rétine 0,2 versus 0,5 % ; œdème la production des seconds messagers, inositol triphosphate et
maculaire 5,7 versus 9,4 %). Cette diminution de fréquence pourrait diacylglycérol (DAG) à partir du phosphatidyl-inositol. Le DAG
s’expliquer par la meilleure prise en charge des diabétiques, que ce permet l’activation de la protéine kinase C, indispensable à
soit sur le plan de l’équilibre glycémique ou de la surveillance l’activation de la Na+ /K+ -ATPase. La diminution de la production
ophtalmologique et du traitement précoce des lésions. de DAG conduit à une réduction de l’activité de la Na+
/K+ -ATPase impliquée dans les mouvements de sodium, et dont le
rôle est important dans la conduction nerveuse [3, 16] ;
NÉPHROPATHIE
– une augmentation du rapport NADH/NAD+ , responsable d’une
Depuis une trentaine d’années, la prévalence de la néphropathie activation de la protéine kinase C via la biosynthèse de novo de
diabétique ne s’est pas modifiée dans le type 1 où elle est de l’ordre diacylglycérol et la production accrue de radicaux libres (rétine, rein,
de 30 % après 35 ans d’évolution de la maladie [9], alors que la vaisseaux) [17].
prévalence de la néphropathie est évaluée à 15-20 % dans le cadre
du diabète de type 2 [10]. Au Japon, une étude récente montre que ¶ Glycosylation non enzymatique des protéines
l’incidence de la néphropathie dépend de l’âge du sujet au moment
de la survenue du diabète. Dans cette population, après 30 ans de La glycation ou glycosylation non enzymatique des protéines est une
recul d’un diabète de début postpubertaire, il apparaît que réaction covalente qui attache, sans l’intervention d’enzyme, des
l’incidence cumulée de la néphropathie diabétique est résidus glucose aux NH2 libres des protéines. La réaction peut
significativement plus élevée dans le type 2 (44 %) que dans le type s’effectuer dans le milieu extracellulaire, dépendante exclusivement
1 (20 %) [11]. La prévalence de la microalbuminurie dans le type 2 est du glucose, mais également dans le milieu intracellulaire, faisant
estimée à 34 % [12]. intervenir d’autres sucres tels que le fructose ou des intermédiaires
de la glycolyse comme le glycéraldéhyde 3-phosphate dont la vitesse
de glycation est beaucoup plus rapide que le glucose. In vivo, c’est
NEUROPATHIE la réaction d’Amadori qui est la principale voie de production des
La prévalence de la neuropathie diabétique varie de 0 à 93 % selon produits de glycation. En revanche, in vivo, elle ne représenterait
les études [13]. Plusieurs raisons expliquent cette disparité : les que 50 %, d’autres voies interviendraient comme l’auto-oxydation
symptômes cliniques ne sont pas spécifiques de la neuropathie des sucres avec comme intermédiaires très réactifs le glyoxal et
diabétique, la prévalence dépend des critères diagnostiques utilisés l’arabinose, mais également une voie non oxydative. La réaction
et de l’utilisation ou non des tests électrophysiologiques dont la d’Amadori s’effectue en plusieurs étapes : la première étape aboutit
sensibilité est variable, les vitesses de conduction nerveuse à la formation d’une base de Schiff, résultat de la liaison entre le
diminuent physiologiquement avec l’âge, des fibres nerveuses de groupement aldéhyde du glucose et le résidu aminé d’une protéine,
types différents peuvent être atteintes. L’étude de Pirart [14], bien que puis une deuxième étape conduit à la formation de produits de
plus ancienne, fait toujours référence. Elle porte sur environ glycation précoce par une réaction d’Amadori. Ces deux premières
4 500 patients et la neuropathie est définie par l’absence de réflexes étapes sont réversibles alors que les étapes ultérieures sont
achilléens associée à des symptômes ou à des signes objectifs de irréversibles. Les composés d’Amadori peuvent réagir entre eux
polynévrite. La prévalence de la neuropathie augmente avec la aboutissant aux produits de Maillard ou produits avancés de la
durée d’évolution du diabète : 7 % lorsque la découverte du diabète glycation (AGE ou advanced glycation end products) [18, 19] . Les
remonte à moins de 1 an, 50 % après 20 ans d’évolution du diabète. produits intermédiaires peuvent également être réduits en
Ces données ont été confirmées par Young et al. [15]. Quel que soit métabolites inactifs par une réductase [18]. La glycation n’est pas
l’équilibre glycémique, environ 50 % des patients ne développent seulement liée à la concentration de glucose, mais également à
pas de neuropathie clinique, même après 20 ans d’évolution. Par l’activité des réductases qui ont un rôle de détoxification de ces

2
Épidémiologie et physiopathologie
Endocrinologie-Nutrition 10-366-I-10
des complications dégénératives du diabète sucré
AGE. Les différences d’activité de ces réductases pourraient surtout D6. Les conséquences sont doubles : d’une part la diminution
expliquer l’inégalité dans la survenue des complications de la production des acides gras poly-insaturés oméga 6, qui modifie
indépendamment du contrôle glycémique [18]. l’ordre lipidique de la membrane et gêne l’activité d’enzymes
Ces produits, très réactifs, sont responsables d’anomalies via les trois membranaires comme la Na+/K+-ATPase [3, 22] ; d’autre part, un
mécanismes suivants [20]. déséquilibre de la production des prostaglandines avec une
augmentation des thromboxanes, vasoconstrictrices et proagrégantes
– L’élévation rapide des AGE à l’intérieur des cellules conduit à plaquettaires, comme la thromboxane A2 et une diminution des
l’altération des protéines de fonction. prostaglandines E 1 et E 2 , vasodilatatrices et antiagrégantes
– Au niveau extracellulaire, ces produits vont altérer les propriétés plaquettaires. Dans le nerf périphérique, ces anomalies sont à
fonctionnelles des protéines de la matrice extracellulaire, en l’origine d’une réduction du flux sanguin nerveux et d’une hypoxie
particulier du collagène, avec création de réactions croisées entre ce endoneurale. De même, des anomalies du métabolisme de l’acide
dernier et des protéines solubles telles que la fraction protéique des linolénique, acide gras essentiel oméga 3, sont décrites dans le
low density lipoproteins (LDL) et les immunoglobulines G (IgG). Ces diabète [23].
anomalies conduisent à une altération des interactions entre matrices
extracellulaires avec augmentation de la perméabilité, retrouvée au ¶ Stress oxydatif
niveau du glomérule. Il existe également une altération des
interactions matrice extracellulaire-cellules avec modification de L’implication du stress oxydatif dans la genèse des complications de
l’adhésion des cellules endothéliales, disparition des péricytes et microangiopathie diabétique est classique, mais son interaction avec
prolifération des cellules endothéliales au niveau rétinien [21]. La les différents mécanismes physiopathologiques est de connaissance
conséquence est une dysfonction vasculaire majorée par le récente.
déséquilibre en facteurs vasoactifs (endothéline, oxyde nitrique,
angiotensine) [20]. Qu’est-ce que le stress oxydatif ?
– L’interaction des AGE avec des récepteurs spécifiques induit des Le stress oxydatif se définit comme un déséquilibre entre la
modifications dans l’expression de certains gènes. Deux récepteurs production d’espèces réactives d’oxygène appelées radicaux libres
(60 kDa et 90 kDa) spécifiques ont été identifiés pour les AGE au et les défenses antioxydantes, dont la conséquence est une ischémie
niveau des macrophages et des monocytes, mais également au tissulaire.
niveau des cellules mésangiales des glomérules appelés « RAGE » [18,
Les radicaux libres peuvent être définis comme des molécules
19]
. La liaison des AGE à ses récepteurs induit la production de
contenant un nombre impair d’électrons, ce qui modifie leur
cytokines (interleukine 1, insulin growth factor 1, tumor necrosis factor
a), capables de stimuler la prolifération des cellules mésangiales réactivité chimique. Parmi les radicaux libres, on peut citer : le
glomérulaires, des cellules musculaires lisses, d’augmenter la radical hydroxyle (.OH), le plus réactif, capable d’attaquer beaucoup
synthèse glomérulaire du collagène, la production et l’activation du de molécules, l’anion superoxyde (O.2– ), moins réactif, formé
NFkB, facteur de transcription régulant l’expression de différents lorsqu’une molécule d’oxygène cède un électron, le peroxyde
gènes [18, 19, 20]. Les cellules endothéliales expriment également des d’hydrogène (H 2 O [2] ) et l’oxyde nitrique (NO . ), un radical
récepteurs spécifiques. Deux ont été isolés : l’un de 35 kDa contenant physiologique intervenant dans le tonus vasculaire. Ces radicaux
une séquence NH2-terminale commune avec la lactoferrine et un de libres peuvent être produits par différentes réactions biochimiques.
46 kDa identifié comme un nouveau membre de la superfamille des Ces molécules instables vont céder ou capter un électron à d’autres
immunoglobulines. Ces deux protéines sont étroitement associées à molécules non radicalaires (lipides, protéines, acides nucléiques) afin
la surface cellulaire. La liaison des AGE au niveau des cellules d’obtenir un état plus stable. Il en résulte une réaction en chaîne
endothéliales induit des modifications dans les activités responsable de la production de nouveaux radicaux libres, capables
procoagulantes : en particulier une diminution de l’activité de la de réagir avec d’autres molécules. La peroxydation des lipides
thrombomoduline et une augmentation de facteurs tissulaires qui résulte de l’attaque par des radicaux libres des acides gras [8]. Cette
activent les facteurs de coagulation tels que les facteurs X, IX et VIIa. réaction est à l’origine de dommages tissulaires responsables de
cancers, de maladies inflammatoires, du vieillissement et de lésions
Outre ces modifications dans l’activité procoagulante, il y a une
vasculaires comme l’athérosclérose. Elle constitue l’archétype de la
production accrue de facteurs vasoconstricteurs tels que
réaction d’oxydation : la première étape consiste en l’attaque d’un
l’endothéline. La transduction du signal de ces AGE via leurs
groupement méthyle (RH) de la chaîne d’acides gras par un radical
récepteurs implique la production de radicaux libres d’oxygène
hydroxyle (.OH) à l’origine d’un radical libre méthyle (R.). Ce sont
responsables d’un stress oxydatif que nous décrirons plus loin [18, 20].
les acides gras poly-insaturés qui sont les plus sensibles à l’attaque
des radicaux libres du fait de leur double liaison. Le radical libre
¶ Anomalies du métabolisme des acides gras essentiels
méthyle porteur d’un nombre impair d’électrons se réarrange en
Elles ont été impliquées essentiellement dans la physiopathologie formant un conjugué diène. Ce dernier peut se combiner avec un
de la neuropathie. L’acide linoléique est un acide gras poly-insaturé oxygène pour former un radical peroxyde (ROO.) puis attaquer un
oméga 6, essentiel pour l’homme, c’est-à-dire qu’il ne peut être groupement méthyle d’un autre acide gras à l’origine de la réaction
synthétisé et doit être apporté par l’alimentation. Son métabolisme en chaîne (ROOH + R.). Cette réaction se poursuit jusqu’à ce que le
est primordial puisqu’il conduit à la formation de la famille des substrat soit totalement consommé ou jusqu’à ce qu’un antioxydant
acides gras poly-insaturés oméga 6, dont l’acide arachidonique, qui vienne casser la chaîne. Les composés peroxydiques issus des lipides
sont des composants majeurs des phospholipides membranaires. sont relativement stables, mais leur décomposition peut être
D’autre part, il est le précurseur des eicosanoïdes : les leucotriènes catalysée par des ions métalliques ou des complexes métalliques
par la voie de la lipo-oxygénase et les prostaglandines par la voie de conduisant à la formation de radicaux peroxyles et alkoxyles qui
la cyclo-oxygénase. La transformation de l’acide linoléique en acide peuvent à leur tour induire la réaction de peroxydation des lipides.
arachidonique nécessite un système de désaturation et d’élongation Cette peroxydation des lipides est très dommageable pour les
impliquant des désaturases et des élongases. La première étape cellules tant au niveau de leur fonction que sur les propriétés de
consiste en une D6 désaturation qui transforme l’acide linoléique en leurs membranes (altération de la fluidité membranaire,
acide gamma linoléique. Ce dernier est transformé en acide dihomo- augmentation de leur perméabilité, diminution du potentiel de
gamma-linolénique sous l’effet d’une élongase. L’acide membrane, voire rupture) [24] :
arachidonique est enfin formé sous l’action d’une D5 désaturase, à RH + · OH → R· + H2 O
partir de l’acide dihomo-gamma-linolénique [3]. L’hyperglycémie,
l’hypo-insulinisme, mais également le stress oxydatif, sont R· + O2 → ROO· ROO· + RH → R
responsables d’une réduction de l’activité des désaturases D5, mais OOH + R·

3
Épidémiologie et physiopathologie
10-366-I-10 Endocrinologie-Nutrition
des complications dégénératives du diabète sucré
Quels sont les moyens de défense de l’organisme pour lutter contre – les protéines glyquées, contenues dans le collagène en particulier,
ces radicaux libres ? peuvent réagir avec l’oxygène pour former des radicaux libres : c’est
Compte tenu du caractère toxique de ces radicaux libres, l’organisme la glyco-oxydation ;
a mis en place des systèmes de défense (cellulaires, membranaires – l’augmentation du rapport NADH/NAD + induit par
et extracellulaires) pour se protéger de leur attaque : ce sont les l’hyperglycémie est également une cause de production accrue de
antioxydants. Gutteridge définit l’antioxydant comme toute radicaux libres, qui vont induire une altération des protéines, la
substance capable à faible dose de retarder ou d’inhiber l’oxydation peroxydation des lipides membranaires, et des lésions de l’ADN [17,
des substrats [25] . Les antioxydants cellulaires comprennent la
28, 30]
;
superoxyde dismutase (SOD), les peroxydases et les catalases. Ainsi, – l’interaction des AGE avec leurs récepteurs induit la production
la SOD dans le cytosol et dans la mitochondrie catalyse la de radicaux libres.
dismutation du peroxyde d’hydrogène en oxygène : Dans la rétinopathie, le stress oxydatif interviendrait dans la genèse
2O 2. + 2H + → H2O2 + O2 et dans l’évolution vers une forme proliférative. En effet,
Le peroxyde d’hydrogène, produit de la réaction, est un oxydant l’administration chez le lapin dans l’humeur vitrée d’hydroperoxyde
faible et stable. Néanmoins, à la différence du radical superoxyde, le linoléique, produit final de la réaction d’oxydation, conduit au
peroxyde d’hydrogène peut diffuser à travers les membranes développement d’une néovascularisation de la surface rétinienne au
cellulaires et, en présence d’un ion métal, être converti en radical niveau de la cavité vitréenne [31] . Chez l’homme, l’utilisation
hydroxyle via la réaction de Fenton : d’antioxydants (vitamine E) peut normaliser les anomalies
Fe2 + + H2O2 − → Fe3 + + . OH + OH– hémodynamiques présentes au stade préclinique [ 3 2 ] .
L’hyperglycémie induit un processus d’hypoxie par déséquilibre de
Deux enzymes sont capables de casser le peroxyde d’hydrogène :
la balance NADH/NAD+ à l’origine de la production de radicaux
les glutathion peroxydases (GSH) localisées dans le cytosol et dans
libres, en particulier d’anion superoxyde. Ce dernier va d’une part
la mitochondrie et les catalases présentes dans les peroxysomes de
stimuler la production de facteurs de croissance, en particulier le
nombreux tissus. Les glutathion peroxydases par une réaction
vascular endothelial growth factor (VEGF) qui possède des propriétés
d’oxydation jouent un rôle majeur dans la destruction du peroxyde
angiogéniques, stimuler les réactions d’auto-oxydation des sucres, à
d’hydrogène formé par la SOD :
l’origine d’intermédiaires oxydés, réactifs qui vont induire la
2 GSH + H2 O2 → GSSG + 2H2O réaction en chaîne, enfin stimuler la peroxydation des lipides qui
De même, les catalases sont capables d’éliminer le peroxyde ont eux-mêmes des propriétés angiogéniques. Par ailleurs, les
d’hydrogène lorsqu’il est produit en excès par la réaction suivante : défenses antioxydantes sont diminuées, en particulier la glutathion
2H2O2 → O2 + 2H2O peroxydase [33].
D’autres antioxydants comme la vitamine E a-tocophérol, le Dans la neuropathie, le stress oxydatif résulte également d’une
b-carotène et la coenzyme Q10 sont présents dans les membranes augmentation de la production d’espèces radicalaires réactives et
cellulaires et capables de piéger les radicaux libres [26]. La vitamine E d’une diminution des défenses antioxydantes. L’hyperglycémie, via
est un puissant antioxydant lorsqu’elle est incorporée dans la partie les mécanismes décrits précédemment, va augmenter directement la
lipidique de la membrane. Elle est capable de piéger les radicaux production de radicaux libres, mais également induire une hypoxie
peroxydes, interrompant ainsi la chaîne de réaction d’oxydation. Le endoneurale consécutive à la diminution du flux sanguin par
radical tocophérol formé (T.) est beaucoup moins réactif. Il est augmentation des résistances vasculaires [34]. Ces conséquences
reconverti en a-tocophérol par la vitamine C [27]. Par ailleurs, outre rhéologiques résulteraient d’une diminution de l’oxyde nitrique
la présence de ces antioxydants cellulaires, la structure membranaire (NO), puissant vasodilatateur synthétisé par les cellules
est également un important moyen de résistance aux radicaux libres. endothéliales endoneurales, les cellules musculaires lisses, mais
Parmi les antioxydants extracellulaires, les plus importants sont les également les péricytes, qui régulent le flux sanguin régional. La
protéines liant les ions métalliques. En effet, les ions libres fer et production de NO provient de la conversion d’arginine en citrulline
cuivre peuvent induire la production de radicaux libres toxiques en via une enzyme appelée l’oxyde nitrique synthase (NOs) qui utilise
accélérant le processus de peroxydation des lipides et en catalysant comme cofacteur le NADPH comme l’aldose réductase [35]. Ainsi,
la formation de radicaux hydroxyles. Des protéines liant ces ions l’accélération de la voie des polyols au cours de l’hyperglycémie est
(transferrine, lactoferrine et céruloplasmine) sont capables de responsable d’un déséquilibre dans la balance NADP+/NADPH,
protéger l’organisme en les maintenant dans un état stable. En plus bloquant la synthèse de NO. Cet état d’hypoxie majore la production
des protéines liant les ions métalliques, d’autres molécules, telles de radicaux libres. Ces derniers vont stimuler la peroxydation des
que la bilirubine et la vitamine C, auraient des propriétés lipides au niveau des nerfs périphériques. Par ailleurs, le déficit en
antioxydantes. De plus, des formes extracellulaires spécifiques de glutathion peroxydase retrouvé dans les nerfs périphériques laisse
glutathion peroxydases et de superoxyde dismutases ont été la réaction en chaîne de peroxydation se poursuivre. Ces radicaux
décrites. libres vont également induire des lésions au niveau de l’ADN
mitochondrial à l’origine d’une dysfonction mitochondriale majorant
Rôle du stress oxydatif dans la physiopathologie la production de radicaux libres [34].
de la micro-angiopathie diabétique Dans la néphropathie, l’hyperglycémie induit une production accrue
L’implication du stress oxydatif dans la survenue des complications de radicaux libres majorant la peroxydation des lipides. Comme
de microangiopathie est connue depuis de nombreuses années. pour l’athérosclérose, les LDL oxydés stimulent le recrutement des
L’accélération de cette voie au cours du diabète résulte d’une part macrophages au niveau du mésangium via la sécrétion de facteurs
de l’augmentation de la production de radicaux libres et d’autre part de croissance, stimulent la production de collagène à l’origine de la
d’une diminution des antioxydants permettant de les éliminer. glomérulosclérose diabétique par épaississement des membranes
L’augmentation de la production des radicaux libres résulte de basales glomérulaires et tubulaires avec prolifération de la matrice
plusieurs mécanismes [28] : extracellulaire [36].

– l’hyperglycémie par la glycosylation auto-oxydative, terme ¶ Carence en peptide C


introduit par Wolff pour décrire l’effet catalyseur des sucres réduits Le peptide C est un petit peptide de 33 acides aminés qui résulte du
sur les réactions d’oxydation avec secondairement interaction avec clivage de la pro-insuline par des enzymes, au niveau de l’appareil
des protéines [29]. L’auto-oxydation est débutée par l’oxydation d’un de Golgi des cellules des îlots de Langerhans. L’insuline et le peptide
aldose aboutissant à la formation d’une espèce plus réactive, un C sont libérés en quantité stœchiométrique dans la circulation
sucre dicarbonylé appelé gluycosone, qui pourrait interagir avec une portale [37]. Jusqu’à ces dernières années, le peptide C avait pour rôle
protéine pour former un produit rattaché aux produits d’Amadori connu la mise en place de la structure tertiaire de l’insuline et peut-
mais plus réactif appelé kétoïmine ; être une protection de l’insuline contre les enzymes protéolytiques

4
Épidémiologie et physiopathologie
Endocrinologie-Nutrition 10-366-I-10
des complications dégénératives du diabète sucré
de la cellule [38]. Des travaux récents ont suggéré que le déficit en ¶ Insulin-like growth factor 1 (IGF1)
peptide C pouvait intervenir dans la survenue des complications de
microangiopathie chez des patients porteurs d’un diabète de type 1, L’IGF1 est un polypeptide qui partage une homologie structurale
traités par insuline seule [39-42], en particulier la neuropathie et la avec l’insuline. Il régule la prolifération et la différenciation de
plusieurs types cellulaires. In vivo, l’IGF1 agit comme un facteur
néphropathie. L’administration de peptide C améliore les
paracrine/autocrine, médiant les effets physiologiques de l’hormone
perturbations induites par le diabète au niveau de la filtration
de croissance (GH). L’activité de l’IGF1 dans les milieux
glomérulaire, du flux sanguin et de la diffusion capillaire au niveau
extracellulaires est régulée par des protéines de transport, les insulin
du muscle squelettique, enfin de la fonction nerveuse [39–42]. Ces effets
growth factor binding proteins (IGFBP) qui prolongent leur demi-vie
passeraient par la restauration de l’activité de la Na+/K+-ATPase
dans la circulation et servent de réservoir aux IGF. Par ailleurs, les
qui joue un rôle essentiel dans le maintien de l’homéostasie
IGFBP règlent l’action des IGF au niveau des cellules cibles [51].
cellulaire [43]. De plus, il a été montré une relation directe entre les
Plusieurs études cliniques ont suggéré le rôle du complexe GH/IGF
concentrations de peptide C plasmatique et l’amélioration de la
dans le développement de la rétinopathie diabétique : les souris
neuropathie après 3 ans de transplantation d’îlots chez des patients
diabétiques déficientes en hormone de croissance [52] et les patients
diabétiques de type 1 [44].
diabétiques porteurs d’une hémochromatose ou d’une maladie
infiltrative [53] ne développent pas de rétinopathie. Inversement, la
FACTEURS DE CROISSANCE rétinopathie diabétique proliférante peut être améliorée après
hypophysectomie [54]. L’IGF1 a été impliqué dans l’aggravation de la
rétinopathie observée au cours de la puberté et de la grossesse, deux
¶ Vascular endothelial growth factor
situations où son élévation est physiologique [51]. Par ailleurs, l’IGF1
Le VEGF est une glycoprotéine de 45kDa, connue pour ses a été impliqué dans l’aggravation d’une rétinopathie préexistante
propriétés par la perméabilité et le tonus vasculaire. Le VEGF est après amélioration rapide de l’équilibre glycémique par traitement
essentiellement mitogénique pour les cellules endothéliales et son insulinique intensif [55]. Les taux d’IGF et d’IGFBP ont été retrouvés
expression est surtout augmentée dans les tissus tumoraux [23]. La élevés dans l’humeur vitrée de patients porteurs d’une rétinopathie
production de VEGF est stimulée par les situations d’hypoxie. Les proliférante. L’origine des IGF et des IGFBP peut être intrarétinienne
effets du VEGF sont médiés par des récepteurs tyrosine kinase et la par synthèse locale. En effet, l’IGF1 aussi bien que ses récepteurs
transduction du signal passe par l’activation de la protéine kinase C sont exprimés constitutionnellement chez l’homme par les cellules
que nous détaillerons plus loin. Les deux récepteurs les plus connus endothéliales de la rétine, mais également par l’épithélium
sont fms-like tyrosine kinase (Flt ou VEGFR1) et fetal liver kinase (Flk-1 pigmentaire. L’élévation des taux des IGF peut également résulter
ou VEGFR2). Le VEGF et ses récepteurs sont indispensables au de leur diffusion à partir du sérum par altération de la barrière
développement embryonnaire normal. En effet, l’invalidation, même hématorétinienne. Les études mesurant les taux IGF1 dans l’humeur
d’un seul allèle de ces gènes, a des conséquences vasculaires vitrée rapportés aux taux de protéines plaident pour le rôle
mortelles [45]. prédominant de l’IGF1 d’origine sérique. Les IGFBP 1 et 3 également
retrouvées élevées dans l’humeur vitrée de patients porteurs d’une
La rétinopathie diabétique est caractérisée par plusieurs anomalies
rétinopathie proliférante auraient pour origine principale une
comprenant l’œdème rétinien, les hémorragies, l’ischémie, les
diffusion à partir du sérum. L’activité angiogénique de l’IGF1
microanévrismes et les néovaisseaux. L’identification de taux élevés résulterait d’un déséquilibre entre l’IGF1 et le rapport
intraoculaires de VEGF chez les sujets diabétiques, corrélés au IGFBP1/IGFBP3. De plus, d’autres facteurs angiogéniques, tels que
développement de l’œdème et la néovascularisation, la prévention le fibroblast growth factor (FGF) et le VEGF, auraient des effets
de la néovascularisation oculaire, dans les modèles animaux, par additifs avec l’IGF1 [51, 56].
l’inhibition spécifique du VEGF et l’induction des anomalies
oculaires chez les primates par injection de VEGF plaident pour son Les IGF et les IGFBP ont également été impliqués dans la
neuropathie. En effet, ce facteur interviendrait dans la croissance et
rôle clé dans la pathogénie de la rétinopathie [45, 46]. Beaucoup de
la différenciation des neurones. Les récepteurs aux IGF sont
types cellulaires sont capables de produire le VEGF, tels que les
exprimés dans le tissu nerveux. Leur production est régulée par
cellules épithéliales rétiniennes, les péricytes, les cellules
l’insuline et l’état d’hyperglycémie. Ainsi, des anomalies du
endothéliales et les cellules gliales [45, 47, 48]. Dans ces cellules,
métabolisme de ces facteurs semblent intervenir dans la pathogénie
l’expression du VEGF est considérablement augmentée par les
de la neuropathie.
situations d’hypoxie. Par ailleurs, les cellules endothéliales des
microvaisseaux rétiniens expriment un grand nombre de récepteurs L’augmentation des taux d’IGF1 et de ses récepteurs dans les
aux VEGF. Le stress oxydatif induit par l’hyperglycémie stimule la glomérules de rats diabétiques et leur activité profibrosante in vitro
production de VEGF. De plus, les produits avancés de la glycation plaident pour son rôle dans le développement de la
(AGE) sont aussi capables de stimuler directement l’expression du glomérulosclérose diabétique. En effet, l’IGF1 stimule la production
VEGF et de son récepteur. Les conséquences au niveau rétinien de de la matrice extracellulaire par les cellules fibroblastiques et
cette production accrue de VEGF sont d’une part la diminue l’activité de MMP2, une métalloprotéase de cette matrice.
néovascularisation et d’autre part l’œdème maculaire. Ainsi, par augmentation du volume glomérulaire, l’IGF1 peut
stimuler la prolifération des cellules mésangiales et stimuler la
L’implication du VEGF dans la pathogénie de la neuropathie et de
production de TGFb. Néanmoins, des souris transgéniques qui
la néphropathie est moins évidente. Néanmoins, plusieurs travaux
surexpriment le gène de l’IGF1 ont des glomérules plus gros, mais
ont montré une augmentation de l’expression du VEGF et de son
ne développent pas une glomérulosclérose [57]. On peut donc penser
récepteur VEGFR2 chez le rat et chez l’homme, au niveau des
que l’IGF1 ne déclenche pas la réaction de fibrose, mais la débute.
cellules épithéliales du glomérule, des podocytes, des tubes
collecteurs et des cellules endothéliales. Outre l’hyperglycémie via ¶ Transforming growth factor b
le stress oxydatif et les produits avancés de la glycation, d’autres
facteurs peuvent promouvoir l’expression du VEGF et de son Le TGFb, cytokine produite par la plupart des types cellulaires, est
récepteur comme l’angiotensine II et certaines cytokines comme le un polypeptide dimérique de 112 acides aminés reliés par un pont
transforming growth factor bêta (TGFb) retrouvé en grande quantité disulfure. Il est sécrété dans le milieu extracellulaire sous une forme
en cas de glomérulosclérose diabétique [48, 49, 50]. Les effets sur la inactive, le pro-TGFb. Celui-ci est coupé dans sa partie N-terminale
perméabilité vasculaire et les effets angiogéniques du VEGF au pour former la forme mature. Celle-ci est associée de façon covalente
niveau du rein reste à ce jour controversée. L’augmentation de à une protéine appelée latency associated protein (LAP) qui masque
l’expression du niveau du rein reste à ce jour controversée. son activité, formant le petit complexe latent. La LAP peut être
L’augmentation de l’expression du VEGF au niveau des nerfs associée par un pont disulfure aux latent-TGFb-binding proteins
périphériques plaide pour son rôle dans la neuropathie [45]. (LTBP) formant le grand complexe latent. Ces protéines stabilisent

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Épidémiologie et physiopathologie
10-366-I-10 Endocrinologie-Nutrition
des complications dégénératives du diabète sucré
le TGFb et le maintiennent à la surface des cellules et dans la matrice Les anomalies de la libération et de l’action de l’ET retrouvées chez
extracellulaire. L’activation du TGFb implique certains facteurs les animaux et les patients diabétiques suggèrent son rôle dans la
comme la thrombospondine-1, la cathepsine, la plasmine et la physiopathologie de la microangiopathie. Les facteurs en cause dans
calpaïne. Les effets du TGFb passent par des récepteurs la survenue de ces anomalies restent discutés. Les effets de
transmembranaires appartenant à la famille des récepteurs l’hyperglycémie sur la production et sur l’action de l’ET sont
sérine/thréonine kinases. Deux types de récepteurs sont impliqués controversés. Il en est de même pour l’expression des récepteurs
pour la transduction du signal : le type II lie le TGFb, puis le type ETA et ETB. Il semble que la durée d’exposition à l’hyperglycémie
1 reconnaît le complexe formé induisant la phosphorylation des explique ces discordances. L’hyperinsulinisme et l’hyperlipidémie
résidus sérine et thréonine du type 1. Le second messager implique interviendraient également dans la production et l’action de l’ET.
les protéines Smad à l’origine de la transcription des gènes cibles du Dans la neuropathie, l’ET interviendrait sur la diminution du flux
TGFb [50]. sanguin à l’origine de l’hypoxie par vasoconstriction [63].
In vitro, le TGFb stimule la prolifération des fibroblastes, est à Le tissu oculaire est riche en ET dont le rôle est de maintenir le flux
l’origine de la production des protéines de la matrice extracellulaire sanguin rétinien. En conséquence, il a été évoqué des anomalies à la
comme le collagène de type 1, et inhibe la dégradation de la matrice fois de la production et de la réponse à l’ET dans la rétinopathie [63,
extracellulaire par diminution des métalloprotéases et augmentation 64]
.
de la synthèse d’inhibiteurs de ces mêmes métalloprotéases. Ces
effets in vitro en font une des principales cytokines profibrosantes. Le rein est également un site important de synthèse et d’action de
Ainsi, les données des études in vitro, mais également in vivo, l’ET. Les glomérules, les cellules mésangiales et les cellules
suggèrent que cette cytokine joue un rôle clé dans la pathogénie de épithéliales sécrètent de l’ET. Celle-ci, par un effet vasoconstricteur
la néphropathie diabétique [ 5 0 , 5 8 , 5 9 ] . En effet, in vitro, des et mitogénique, induit la vasoconstriction des vaisseaux rénaux et
concentrations élevées de glucose augmentent la production des une contractilité des cellules mésangiales, inhibe la réabsorption
composants de la matrice extracellulaire, mais également la d’eau et de sel, stimule la prolifération de la matrice extracellulaire.
production de TGFb et de ses récepteurs de type I et II. De plus, Malgré un effet modeste sur le tonus vasculaire rénal, des
l’utilisation d’anticorps anti-TGFb, ou la transfection concentrations supraphysiologiques d’ET induisent une
d’oligonucléotides antisens codant pour le TGFb diminuent la vasoconstriction rénale sans effet systémique [50]. Les études faites
synthèse des protéines de la matrice extracellulaire, confirmant sur les antagonistes des récepteurs de l’ET ont montré leur rôle dans
l’action autocrine du TGFb. In vivo, l’analyse de biopsies de patients la physiopathologie de la néphropathie diabétique. Ainsi,
atteints de néphropathie retrouve une expression accrue d’ARNm l’administration d’un antagoniste des récepteur ETA, le FR139317,
du TGFb et de la protéine correspondante [60]. Les voies liant le pendant 24 semaines, chez des rats rendus diabétiques par
diabète et la production de TGFb impliqueraient la voie du administration de streptozocine, atténue l’altération de la clairance
diacylglycérol-protéine kinase C, qui stimulerait l’expression du de la créatinine, diminue l’excrétion urinaire d’albumine et
TGFb au niveau du glomérule [61] mais également la production du l’expression de l’ARNm des composants de la matrice extracellulaire
VEGF, reliant étroitement la pathogénie de la néphropathie et de la et des facteurs de croissance [65]. Des études faites chez l’homme ont
rétinopathie comme l’ont montré les travaux réalisés sur les confirmé ce rôle. En effet, l’endothéline est retrouvée à des
inhibiteurs de la protéine kinase C62. Une autre voie possible est concentrations élevées dans les urines de diabétiques de type 2 avec
celle des hexosamines avec la glucosamine et ses métabolites. La microalbuminurie [66]. De plus, cette élévation semble précéder la
voie des polyols pourrait également induire la production du TGFb microalbuminurie [67].
via l’activation de la protéine kinase C qui résulterait d’une
production accrue de diacylglycérol en réponse à un déséquilibre de ¶ Autres facteurs de croissance
la balance NADH/NAD+. Les produits avancés de la glycation et Nerve growth factor (NGF) : c’est un membre de la famille des
leurs intermédiaires constituent d’autres candidats possibles au lien facteurs neurotrophiques. Il intervient pour maintenir la trophicité
entre l’hyperglycémie et le TGFb. Ces produits pourraient avoir des nerveuse. Un déficit de ce facteur serait impliqué dans la pathogénie
effets profibrosants sur le glomérule via l’augmentation de la de la neuropathie [68].
production de TGFb et de ses récepteurs.
Le fibroblast growth factor (FGF), l’epidermal growth factor (EGF), le
Au niveau oculaire, le TGFb a des effets anti-angiogéniques. En effet,
platelet derived growth factor (PDGF) seraient impliqués dans la
sur des cocultures de péricytes rétiniens et de cellules endothéliales,
pathogénie de la microangiopathie, plus particulièrement dans la
le TGFb est produit par les péricytes, un type cellulaire
néphropathie et la rétinopathie [50, 56].
correspondant fonctionnellement à des cellules musculaires lisses de
la paroi des microvaisseaux rétiniens. Il inhibe la croissance des
cellules endothéliales. La diminution des péricytes observée au cours FACTEURS VASCULAIRES
de la rétinopathie entraîne une diminution de la production de TGFb
Des anomalies vasculaires ont été identifiées dans plusieurs organes
induisant la prolifération des cellules endothéliales, à l’origine des
d’animaux ou de patients diabétiques incluant le rein, les artères
processus de néovascularisation [56].
périphériques et les microvaisseaux des nerfs périphériques. Ces
¶ Endothéline (ET) anomalies vasculaires résultent de la dysfonction endothéliale
induite par l’hyperglycémie.
La famille des endothélines regroupe trois peptides de 21 acides
aminés désignés comme ET1, ET2 et ET3. Les effets des endothélines ¶ Diminution de la synthèse d’oxyde nitrique (NO)
sont médiés par deux types de récepteurs membranaires couplés aux
protéines G : ETA et ETB. Les endothélines sont synthétisées par les Comme nous l’avons dit précédemment, l’oxyde nitrique est un
cellules endothéliales sous forme de précurseurs puis transformées puissant vasodilatateur, synthétisé par les cellules endothéliales
en formes biologiquement actives. Les effets des endothélines sont endoneurales musculaires lisses, les péricytes et les ganglions
d’une part autocrines sur les cellules endothéliales, avec une action sympathiques. La sécrétion d’oxyde nitrique par la
vasodilatatrice par activation des récepteurs ETA, et d’autre part microvascularisation exerce un effet vasodilatateur puissant qui
paracrines sur les cellules musculaires lisses adjacentes avec des régule le flux sanguin régional. L’enzyme qui catalyse la conversion
activités vasoconstrictives et mitogéniques par activation des de la L-arginine en citrulline et oxyde nitrique est la NO synthase.
récepteurs ETA et ETB. L’ET1 est la forme circulante prédominante. Cette enzyme utilise comme cofacteur le NADPH, comme l’aldose
Ainsi, la réponse fonctionnelle à l’ET varie en fonction des tissus et réductase [3, 35]. L’effet de relaxation endothélium dépendant des
des territoires vasculaires en raison des différences d’expression de cellules musculaires lisses est altéré dans le diabète humain et
distribution des types de récepteurs. L’ET apparaît comme un expérimental. Ses mécanismes pourraient impliquer une déplétion
modulateur du tonus vasculaire. en oxyde nitrique, soit par défaut de synthèse, soit par défaut de

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Épidémiologie et physiopathologie
Endocrinologie-Nutrition 10-366-I-10
des complications dégénératives du diabète sucré
sécrétion, ou bien une diminution de la sensibilité à l’oxyde nitrique signal-regulated kinase (ERK) impliquée dans la voie de transduction
des cellules musculaires lisses [ 2 6 , 6 9 ] . Dans tous les cas, la des facteurs de croissance, la c-Jun-N-terminal kinase (JNK) impliquée
conséquence est une vasoconstriction permanente des dans la réponse à certains stress cellulaires et les p38 kinases qui
microvaisseaux et donc une hypoxie tissulaire. constituent un élément de réponse osmotique. Ces MAP kinases
seraient des transducteurs de glucose impliquant les différentes
¶ Protéine kinase C
voies métaboliques. L’activation de la protéine kinase C serait
Plusieurs études ont montré que l’activation de la protéine kinase C, également un effecteur de ce groupe d’enzymes. La conséquence de
induite par l’hyperglycémie, est à l’origine d’anomalies vasculaires cette activation est la transcription de certains gènes [72].
chez les patients diabétiques [62, 70] . Douze isoformes ont été
identifiées : les isoformes b et d apparaissent plus particulièrement
impliquées dans les anomalies vasculaires, mais d’autres isoformes FACTEURS GÉNÉTIQUES
ont été identifiées dans la rétinite et au niveau des glomérules. Les facteurs génétiques ont été initialement suggérés dans la
L’hyperglycémie chronique stimule la protéine kinase C via le néphropathie diabétique, à partir d’études de suivi de cohorte et
diacylglycérol, le stress oxydatif (la glycosylation auto-oxydative, la
d’études familiales. En effet, à peine la moitié des diabétiques de
glyco-oxydation, le déséquilibre NADH/NAD+, l’interaction des
type 1 porteurs de rétinopathie développent une néphropathie et le
AGE avec leurs récepteurs) et le VEGF.
risque relatif de néphropathie pour un germain de sujet affecté est
Les conséquences vasculaires de cette activation sont multiples. de trois environ. Plusieurs gènes candidats ont été proposés : ceux
– Modification de la réactivité vasculaire ; dès le début de la qui affectent le métabolisme du glucose comme celui de l’aldose
maladie, il a été montré une modification des flux sanguins en raison réductase, impliqué non seulement dans la néphropathie, mais
d’une anomalie de l’autorégulation qui résulterait : également dans la rétinopathie avec un polymorphisme de sa partie
– d’une hyperexpression de l’endothéline, puissant 5’, ceux qui modifient la réponse rénale à l’hyperglycémie avec le
vasoconstricteur ; rôle du système rénine-angiotensine. L’angiotensine II provient
d’une série de réactions enzymatiques. Son action passe par un
– d’une modification de la réponse à l’oxyde nitrique ;
récepteur membranaire dont le sous-type 1 (ATR1) est intéressant.
– d’une augmentation de l’activité du système rénine- Plusieurs composants de ce système peuvent présenter un
angiotensine et de la sensibilité vasculaire à l’angiotensine II ; polymorphisme génétique. Il a été décrit deux polymorphismes pour
– d’une augmentation de la production de prostaglandines. l’angiotensinogène (M235T et T174M), substrat de la rénine donnant
– Modification de la perméabilité vasculaire par activation directe l’angiotensine 1 et un polymorphisme d’insertion/délétion pour
de la protéine kinase C ou via l’expression de facteurs de l’enzyme de conversion, transformant l’angiotensine I en
coagulation et diminution de facteurs de fibrinolyse, tels que angiotensine II, mais également la kallicréine en bradykinine,
l’activateur tissulaire du plasminogène (t-PA). localisé sur l’intron 16 du gène. De plus, il a été décrit un
– Stimulation de la synthèse des protéines de la matrice polymorphisme pour ATR1 (A1166C) impliqué dans l’hypertension
extracellulaire (collagène, fibronectine, hyperexpression du TGFb). artérielle essentielle [73].
– Inhibition de l’activité de la pompe Na+/K+-ATPase impliquée La rétinopathie proliférante impliquerait également des facteurs
dans les mouvements ioniques participant au maintien de l’intégrité génétiques. En effet, bien que 97,5 % des patients diabétiques avec
cellulaire. plus de 15 ans d’évolution aient une rétinopathie, une rétinopathie
proliférante n’est observée que chez 67 % des patients diabétiques,
– Dans la rétine, il a été décrit un phénomène de vasoconstriction
depuis plus de 35 ans [74, 75]. Les concentrations de rénine, prorénine
aux stades précoces de la maladie avec pour conséquence une
et d’enzyme de conversion sont augmentées chez les diabétiques de
diminution du flux sanguin rétinien. Ces modifications du tonus
type 1 présentant une rétinopathie [75]. De plus, l’étude EUCLID
vasculaire sont liées à l’activation de la protéine kinase C qui induit
(EURODIAB controlled trial of lisinopril in insulin-dependent diabetes
la production d’endothéline et une moindre réactivité à l’oxyde
nitrique. Cette diminution du flux sanguin rétinien induit une mellitus) a montré la réduction significative de la rétinopathie
hypoxie qui stimule la production de VEGF responsable de la proliférante chez le diabétique de type 1 non hypertendu traité par
progression de la rétinopathie. De plus, les effets mitogéniques et inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) [76]. Les concentrations
d’augmentation de la perméabilité du VEGF passent par la voie de plasmatiques d’enzyme de conversion sont associées au gène codant
la protéine kinase C conduisant à la rétinopathie proliférante. pour l’enzyme de conversion : le polymorphisme d’insertion/
délétion situé sur l’intron 16 du gène serait responsable de 50 % des
Dans le rein, le premier stade de la maladie correspond à
variations individuelles de la concentration d’enzyme de conversion
l’hyperfiltration glomérulaire. Celle-ci est surtout liée à des facteurs
et le génotype délétion/délétion est associé à des concentrations
hémodynamiques comme l’augmentation du flux sanguin rénal et
élevées d’enzyme de conversion et une prédisposition à la
la modification du tonus artériolaire, prédominant au niveau de
néphropathie [75]. L’HLADR4 a également été identifié comme un
l’artériole afférente et augmentant la pression de filtration
marqueur de prédisposition génétique à la rétinopathie proliférante :
glomérulaire. Ces effets semblent médiés par l’angiotensine II, les
ainsi les diabétiques HLADR4+ et HLADR3+ ont cinq fois plus de
prostacyclines et l’oxyde nitrique via l’activation de la protéine
risque de développer une rétinopathie proliférante [74].
kinase C. L’augmentation de la perméabilité vasculaire et la
prolifération de la matrice extracellulaire, également rencontrées Un facteur génétique est également retrouvé dans la neuropathie :
dans la néphropathie, impliqueraient l’activation de la protéine un polymorphisme de l’intron 1 du gène ATP1 A1 codant pour
kinase C, soit par effet direct, soit par l’hyperexpression du TGFb. l’isoforme alpha 1 de la pompe Na+/K+-ATPase est associé à une
Dans la neuropathie diabétique, il semble que différentes isoformes diminution constitutionnelle de son activité, et à un risque de
de la protéine kinase C soient impliquées comme le confirment les neuropathie [77] de 6,5.
travaux utilisant un inhibiteur spécifique de l’isoforme b [71] .
L’activation de l’isoforme interviendrait au niveau des
microvaisseaux des nerfs périphériques par un effet vasoconstricteur INTERACTION ENTRE LES DIFFÉRENTS FACTEURS
PHYSIOPATHOLOGIQUES
responsable d’une diminution du flux sanguin à l’origine de
l’ischémie. Les autres isoformes interviendraient sur la voie des Tout au long de cet exposé, nous avons cité à plusieurs reprises les
polyols avec diminution de la Na+/K+-ATPase. liens entre les différents mécanismes pathogènes de la
microangiopathie. Pour les illustrer clairement, nous expliquerons
¶ Mitogen-activated protein kinases (MAP kinases) l’interaction entre un facteur métabolique : la voie des polyols et un
Il s’agit d’un groupe de sérine/thréonine kinases spécifiques. Il facteur vasculaire : la production de NO ; puis nous terminerons par
existe trois principaux groupes de MAP kinases : l’extracellular l’exposé d’une hypothèse unifiant quasiment tous les facteurs.

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Épidémiologie et physiopathologie
10-366-I-10 Endocrinologie-Nutrition
des complications dégénératives du diabète sucré
¶ Diminution de la production d’oxyde nitrique et/ou l’origine de la production accrue de radicaux libres oxygénés
de la réponse vasculaire en condition d’hyperglycémie intracellulaires, en particulier l’ion superoxyde (O. 2– ). Ceci a été
montré dans les cellules endothéliales qui expriment Glut 1, alors
Comme nous l’avons décrit précédemment, la synthèse d’oxyde que ce phénomène est absent dans les cellules musculaires lisses qui
nitrique nécessite comme cofacteur le NADPH tout comme ne l’expriment pas.
l’activation de l’aldose réductase, première enzyme de la voie des
polyols. En condition d’hyperglycémie, l’activité de l’aldose Cette hypothèse a été vérifiée :
réductase est très augmentée ainsi que l’utilisation de la NADPH. – en utilisant des inhibiteurs du transport du pyruvate au niveau
Cette surconsommation de NADPH par l’aldose réductase joue un mitochondrial qui préviennent l’augmentation des radicaux libres
rôle véritablement inhibiteur compétitif de la production d’oxyde oxygénés induits par l’hyperglycémie ;
nitrique [3]. Ceci confirme l’interaction entre la production d’oxyde
nitrique et la voie des polyols en condition d’hyperglycémie. – en utilisant des inhibiteurs mitochondriaux qui agissent à
différents niveaux du processus, soit par inhibition chimique, soit
De même, toujours en condition d’hyperglycémie, l’activation de la
en surexprimant l’uncoupling protein UCP1 et la superoxyde
protéine kinase C modifie la réactivité vasculaire à l’oxyde nitrique.
dismutase mitochondriale (Mn-SOD).
Or, celle-ci passe par différentes voies (le DAG, le stress oxydatif,
l’augmentation du rapport NADH/NAD+, l’interaction des AGE L’utilisation de ces inhibiteurs prévient l’augmentation de l’activité
avec leurs récepteurs et le VEGF) [62, 70]. de la protéine kinase Cb, la production accrue des AGE et
Ces modifications de l’oxyde nitrique concourent aux altérations du l’augmentation de l’activité de l’aldose réductase.
flux sanguin régional responsable de l’hypoxie tissulaire. Il existe par ailleurs, un polymorphisme mitochondrial avec des
«tight-couplers » qui produisent un haut niveau de radicaux libres et
¶ Une nouvelle hypothèse : un mécanisme des «loose-couplers » qui en produisent peu. Ceci pourrait expliquer
physiopathologique unique pour les complications la différence de susceptibilité aux complications de la
de microangiopathie [78] microangiopathie [79].
L’hyperglycémie est responsable d’une élévation de la concentration
intracellulaire de glucose dans les cellules exprimant le transporteur
du glucose, Glut 1, c’est-à-dire là où le transport de glucose n’est Conclusion
pas «down-régulé ». Cette élévation des concentrations
intracellulaires de glucose entraîne une augmentation de la glycolyse Les mécanismes impliqués dans la microangiopathie diabétique sont
intracellulaire avec augmentation de la production de pyruvate. Ce complexes et beaucoup d’interrogations persistent. Néanmoins, la
pyruvate en excès conduit à une production accrue de lactate et à lésion fondamentale semble être « l’endothéliopathie » diabétique dont
l’augmentation du transport du pyruvate dans la mitochondrie avec l’hyperglycémie est à l’origine. Plusieurs facteurs physiopathologiques
pour conséquence une majoration du flux d’électrons dans la interviennent et interagissent entre eux : facteurs métaboliques,
mitochondrie. Ceci génère un gradient électrochimique au niveau facteurs vasculaires, facteurs de croissance et facteurs génétiques qui
de la membrane mitochondriale qui, lorsqu’il dépasse un seuil expliquent la prédisposition ou la protection de certains patients à ces
critique, bloque le transport d’électrons. Cette particularité est à complications.

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Endocrinologie-Nutrition 10-366-I-10
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9
¶ 10-366-J-10

Diabète et hypertension artérielle


C. Draunet-Busson, S. Laboureau-Soares Barbosa, P. Rodien, F. Illouz, V. Rohmer,
B. Bouhanick

L’association diabète-hypertension artérielle est fréquente. Elle augmente le risque cardiovasculaire et


accélère la survenue des complications dégénératives du diabète. Dans le diabète de type 1,
l’hypertension est plutôt la conséquence d’une atteinte rénale, dans le diabète de type 2, l’hypertension
artérielle précède le diabète et accélère l’atteinte rénale. Le contrôle optimal des chiffres tensionnels et la
lutte contre les autres facteurs de risque associés (obésité, dyslipidémie, tabagisme, sédentarité) sont
nécessaires. Chez le diabétique, la pression artérielle doit être inférieure à 130/80 mmHg. Toutes les
classes thérapeutiques peuvent être utilisées. Néanmoins, les inhibiteurs du système rénine-angiotensine
sont prescrits en première intention en cas de néphropathie, suivis des diurétiques thiazidiques.
© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Hypertension artérielle ; Diabète ; Traitement du diabète

Plan prévention, le dépistage précoce et le traitement intensif des


autres facteurs de risque associés [2]. Parmi ces derniers, l’hyper-
tension artérielle (HTA) a une place prédominante du fait de sa
¶ Introduction 1
fréquence, car elle augmente significativement le risque vascu-
¶ Épidémiologie 1 laire et favorise les complications dégénératives. Son diagnostic
¶ Physiopathologie 2 précoce et son traitement intensif font partie intégrante de la
Diabète de type 1 2 prise en charge du patient diabétique. Le contrôle de l’HTA
Diabète de type 2 2 permet de diminuer le nombre des complications, d’augmenter
¶ Diagnostic de l’hypertension artérielle chez le patient
la survie et de réduire le coût des complications [3]. Par ailleurs,
2 325 000 patients ont été pris en charge en France par l’Assu-
diabétique 2
rance maladie en 2006, 79 % au titre d’une affection de longue
Mesure de la pression artérielle 3
durée (ALD), ce qui représente un coût annuel de 1,8 milliard
Automesure tensionnelle (AMT) et mesure ambulatoire de la
d’euros, deux fois plus qu’en 2000. Toutefois, le coût inhérent
pression artérielle sur 24 heures (MAPA) chez le diabétique 3
au contrôle de la pression artérielle (PA) est tolérable dans une
Évaluation du patient hypertendu diabétique 3
politique de soins et de prévention sachant que cette évaluation
¶ Conséquences de l’association diabète - hypertension artérielle 4 date de 1998 [4].
Sur la macroangiopathie 4
Sur la microangiopathie 4
¶ Intérêt du contrôle de l’hypertension artérielle 5 ■ Épidémiologie
Sur la macroangiopathie 5
Sur la microangiopathie 5 Toutes les études épidémiologiques ont montré la plus grande
prévalence de l’HTA chez les sujets diabétiques (de type 1 ou
¶ Traitement de l’hypertension artérielle 5
non) par rapport aux non diabétiques de même âge et de même
Méthodes non pharmacologiques 5
sexe : elle est supérieure à 50 % chez le diabétique de plus de
Moyens médicamenteux 6
45 ans (PA ≥ 160/95 mmHg) [5]. L’HTA systolique (PA systolique
¶ Conclusion 8 [PAS] ≥ 160 mmHg) est trois fois plus fréquente chez les
hommes diabétiques âgés de 35 à 57 ans que chez les hommes
non diabétiques de même âge et de même sexe [6]. Chez les
diabétiques de type 1, la prévalence de l’HTA (≥ 160/95 mmHg)
■ Introduction est de 14,7 % contre 4,4 % dans la population générale, d’âge
identique (p < 0,00001) [7]. Les seuils définissant l’HTA (160/
95 mmHg) retenus dans les études précitées correspondent aux
Le diabète, et notamment le diabète de type 2, est une anciens critères de l’OMS. Si l’on prend comme critères des
pathologie en pleine expansion liée au vieillissement de la valeurs ≥ 140/90 mmHg [8, 9], la prévalence de l’HTA chez les
population, la sédentarité et l’obésité. Selon l’Organisation diabétiques s’en trouve majorée, estimée à 51 % pour les
mondiale de la santé (OMS), la prévalence mondiale du diabète diabétiques de type 1 et 80 % pour les diabétiques de type 2 [10].
chez l’adulte est de 4 % en 1995 et atteindra 5,4 % en 2025 [1]. Dans l’étude ENTRED, les médecins interrogés répondent même
Le diabète à lui seul est un véritable facteur de risque cardiovas- qu’au moins 87 % des patients diabétiques traités par antidia-
culaire, nécessitant une prise en charge globale incluant la bétiques oraux ont des PA > 130/80 mmHg. Par ailleurs dans

Endocrinologie-Nutrition 1
10-366-J-10 ¶ Diabète et hypertension artérielle

cette étude, 93 % des patients interrogés déclarent avoir au ■ Diagnostic de l’hypertension


moins un autre facteur de risque cardiovasculaire associé au
diabète, 69 % en signalent au moins deux et 31 % au moins artérielle chez le patient diabétique
trois [11].
Selon les recommandations de l’OMS [18], du JNC-VII [19], de
la Haute Autorité de santé (HAS) et de l’ESH/ESC [20], l’HTA dans
la population générale est définie par une PAS ≥ 140 mmHg
■ Physiopathologie mesurée(s) au cabinet médical et confirmée(s) par deux mesures
par consultation, au cours de trois consultations successives, sur
une période de 3 à 6 mois (en excluant les patients de moins
Diabète de type 1 de 18 ans et les femmes enceintes) [18-20]. Si la PA est ≥ 180/
110 mmHg, une prise en charge rapide en moins de 15 jours est
L’HTA chez le diabétique de type 1 est souvent secondaire à recommandée après avoir multiplié les mesures sur une consul-
une néphropathie sous-jacente : le rein est la cause et la non- tation. À la différence des recommandations américaines, les
victime de l’élévation de la PA [12]. Les facteurs hémodynami- recommandations européennes comme celles de l’OMS insistent
ques joueraient un rôle prédominant dans la survenue de la sur la détermination des facteurs de risque cardiovasculaires
microangiopathie rénale, par rapport aux facteurs métaboliques. permettant l’évaluation du niveau de risque cardiovasculaire
Chez le diabétique, dès le début de la maladie, il existe une global [18-20]. En effet, cette classification des patients permet de
hyperfiltration glomérulaire, une augmentation du débit déterminer les seuils d’intervention thérapeutique et les diffé-
rentes étapes successives d’intervention, sachant que seuil
cardiaque et du débit plasmatique capillaire intraglomérulaire.
d’intervention et valeur cible sont confondus. Le patient
La transmission des PA systémiques dans le glomérule, y
diabétique appartient à la catégorie niveau de risque élevé : ainsi
compris lorsque les PA sont encore normales, est favorisée par
le niveau tensionnel cible est défini comme inférieur à 130/
un déséquilibre entre les résistances au niveau des artérioles 80 mmHg, seuil également adopté en France et aux États-Unis
afférentes du rein qui sont trop basses par rapport aux résistan- (Tableaux 1 à 4) [21-23] . En cas de protéinurie
ces des artérioles efférentes ; il en résulte une augmentation de > 1 g/24 h, la valeur seuil est de 130/80 mmHg en France
la pression hydraulique intraglomérulaire. L’extravasation des
protéines plasmatiques à travers les parois vasculaires s’en
trouve majorée, source d’œdème, favorisée par l’hyperglycémie, Tableau 1.
parallèlement à l’occlusion d’une partie des capillaires résistants. Définition et classification des niveaux de pression artérielle (mmHg),
Plusieurs substances interviennent dans la vasodilatation d’après l’European Society of Hypertension (ESH)/European Society of
artériolaire, dont probablement le glucose, mais il existe Cardiology (ESC) 2007 [20].
possiblement une prédisposition génétique (plus grande fré- Catégorie PAS PAD
quence de la néphropathie diabétique chez les sujets noirs, Optimale < 120 et < 80
polymorphisme de l’enzyme de conversion) [13].
Normale 120-129 et/ou 80-84
Normale haute 130-139 et/ou 85-89
Diabète de type 2 HTA grade 1 140-159 et/ou 90-99
HTA grade 2 160-179 et/ou 100-109
L’HTA précède fréquemment la découverte du diabète. Elle est HTA grade 3 ≥ 180 et/ou ≥ 110
souvent essentielle et ne peut être expliquée par l’atteinte rénale HTA systolique isolée ≥ 140 et < 90
seule car 7 % seulement des diabétiques de type 2 développent PAS : pression artérielle systolique ; PAD : pression artérielle diastolique ; HTA :
une néphropathie diabétique clinique. En cas de microalbumi- hypertension artérielle.
nurie, l’hypertension n’est responsable que dans un tiers des cas
de l’atteinte rénale [12]. Or le diabète de type 2 s’inscrit fré-
quemment dans le cadre d’un syndrome métabolique, caracté- Tableau 2.
Facteurs de risque cardiovasculaires utilisés pour estimer le risque
risé par une HTA, un diabète ou une intolérance au glucose, une
cardiovasculaire global chez le patient hypertendu issu de la Haute
obésité, une hypertriglycéridémie et une hypo-high density
Autorité de santé (HAS).
lipoprotein (HDL)émie [14]. Le syndrome métabolique est attribué
à une insulinorésistance qui interviendrait dans la physiopatho- Âge (> 50 ans chez l’homme et > 60 ans chez la femme)
logie de l’HTA essentielle [15] . L’insulinorésistance, source Tabagisme (actuel ou arrêté depuis moins de 3 ans)
d’hyperinsulinémie, pourrait contribuer au développement Antécédents familiaux d’accident cardiovasculaire précoce
d’une HTA par rétention sodée [16]. En effet, Skott et al. ont - Infarctus du myocarde ou mort subite avant l’âge de 55 ans chez le
montré, chez le sujet sain, que l’insuline diminue la clairance père ou chez un parent du premier degré de sexe masculin
rénale du sodium sans altérer la filtration glomérulaire - Infarctus du myocarde ou mort subite avant l’âge de 65 ans chez la
rénale [17]. L’insuline est responsable d’une rétention sodée (en mère ou chez un parent du premier degré de sexe féminin
stimulant la réabsorption du sodium au niveau du tube - Accident vasculaire cérébral précoce (< 45 ans)
contourné distal) aux concentrations physiologiques postpran- Diabète (traité ou non)
diales, par effet antinatriurétique, sans action sur le système Dyslipidémie
rénine-angiotensine et peut ainsi augmenter la PA. Parallèle- - LDL-cholestérol ≥ 1,60 g/l (4,1 mmol/l)
ment, l’hyperinsulinisme peut amplifier l’hyperactivité sympa- - HDL-cholestérol ≤ 0,40 g/l (1 mmol/l) quel que soit le sexe
thique relative et l’insuline ne peut, également, exercer son effet Autres paramètres à prendre en compte lors de la prise en charge du
vasodilatateur normal ; le déséquilibre entre activation sympa- patient hypertendu
thique et défaut de vasodilatation contribue à élever les niveaux - Obésité abdominale (> 102 cm chez l’homme et > 88 cm chez la
tensionnels. femme) ou obésité (IMC ≥ 30 kg/m2)
L’insulinorésistance et l’hyperinsulinisme préexistants au - Sédentarité (absence d’activité physique régulière, soit 30 minutes
diabète pourraient expliquer que l’HTA soit fréquemment 3 fois par semaine)
découverte avant l’apparition du diabète. Pourtant la perfusion - Consommation excessive d’alcool (> 3 verres de vin/j chez l’homme
d’insuline chez des sujets sains n’induit pas d’HTA, ce qui n’est et > 2 verres/j chez la femme)
pas en faveur d’un effet direct de l’insuline dans la genèse de LDL : low density lipoprotein ; HDL ; high density lipoprotein ; IMC : indice de masse
l’HTA. corporelle.

2 Endocrinologie-Nutrition
Diabète et hypertension artérielle ¶ 10-366-J-10

Tableau 3.
Stratification des niveaux de risque cardiovasculaires selon la Haute Autorité de santé, issue de l’European Society of Hypertension (ESH)/European Society of
Cardiology (ESC) [20].
HTA grade 1 HTA grade 2 HTA grade 3
PA 140-159/90-99 PA 160-179/100-109 PA ≥ 180/110
O FDR associé Risque faible Risque moyen Risque élevé
1 à 2 FDR associés Risque moyen
≥ 3 FDR et/ou AOC et/ou diabète Risque élevé Risque élevé
Maladies cardiovasculaires/rénales
PA : pression artérielle (en mmHg) ; HTA : hypertension artérielle ; FDR : facteur de risque ; AOC : atteinte d’organe cible (hypertrophie ventriculaire gauche ; microalbuminurie
[30 à 300 mg/j ou 20 à 200 mg/l] ; maladies cardiovasculaires/rénales : insuffisance rénale [débit de filtration glomérulaire < 60 ml/min ou protéinurie > 500 mg/j], accident
ischémique transitoire et accident vasculaire cérébral, insuffisance coronarienne, artériopathie des membres inférieurs et aorto-iliaque).

Tableau 4. Tableau 5.
Sujets à haut/très haut risque selon l’European Society of Hypertension Seuils de pression artérielle définissant une hypertension artérielle (HTA)
(ESH)/European Society of Cardiology (ESC) [20]. pour les mesures au cabinet médical et hors cabinet médical (moyenne
des mesures).
PAS ≥ 180 mmHg et/ou PAD ≥ 110 mmHg
PAS > 160 mmHg avec PAD basse (< 70 mmHg) Cabinet médical 140/90 mmHg
Diabète Automesure 135/85 mmHg
Syndrome métabolique (selon les critères NCEP-ATP III [14]) MAPA éveil 135/85 mmHg
≥ trois facteurs de risque cardiovasculaires MAPA sommeil 120/70 mmHg
Une ou plus des atteintes des organes cibles suivants : MAPA 24h 130/80 mmHg
- hypertrophie ventriculaire gauche électrique (surtout avec MAPA : mesure ambulatoire de la pression artérielle.
contrainte) ou échographique (surtout concentrique)
- épaisseur intima-média augmentée (> 0,9 mm) ou plaque
carotidienne Automesure tensionnelle (AMT) et mesure
- rigidité artérielle augmentée ambulatoire de la pression artérielle
- augmentation même discrète de la créatininémie (> 115 µmol/l chez sur 24 heures (MAPA) chez le diabétique
l’homme, > 107 µmol/l chez la femme)
Ces alternatives à la mesure de la PA en cabinet médical sont
- diminution de la filtration glomérulaire ou de la clairance de la
recommandées en cas d’HTA résistante, pour rechercher une
créatinine estimée (< 60 ml/min)
HTA « masquée » (PA normale au cabinet et élevée à domicile)
- microalbuminurie ou protéinurie
plus fréquente en cas de diabète, pour s’affranchir d’un effet
Maladie cardiovasculaire ou rénale avérée (accident vasculaire cérébral, « blouse blanche » chez le sujet diabétique de plus de 65 ans
cardiaque [cardiopathie ischémique, insuffisance cardiaque], rénale dont la variabilité tensionnelle est augmentée. Par ailleurs, la
[néphropathie diabétique, fonction rénale altérée : créatininémie chez
survenue de malaises sous traitement consécutifs à des hypo-
l’homme > 133 µmol/l, chez la femme > 124 µmol/l, protéinurie >
tensions et/ou liés à la présence d’une dysautonomie, l’appré-
300 mg/j], artérite des membres inférieurs, rétinopathie sévère
[hémorragies, exsudats, œdème papillaire]) ciation du mode de variations des PA nocturnes (pour
rechercher l’absence de baisse de la PA de 10 à 20 % majorant
PAS : pression artérielle systolique ; PAD : pression artérielle diastolique ; NCEP- alors le risque d’événements cardiovasculaires [24]) sont autant
ATP III : National Cholesterol Education Program Adult Treatment Panel.
de situations qui bénéficient de ces méthodes de mesures.
L’utilisation de l’AMT est encouragée pour ses vertus éducatives
mais nécessite... l’éducation du patient. Les conditions d’AMT
avec comme autre but une réduction de cette protéinurie ainsi que les critères diagnostiques d’HTA qui sont plus bas que
< 0,5 g/24 h mais elle peut être plus basse dans ce contexte, ceux utilisés en cabinet de consultation sont toutefois identi-
ques à ceux de l’hypertendu non diabétique (Tableau 5).
< 125/75 mmHg, seuil souvent proposé par les néphrologues.
Évaluation du patient hypertendu
Mesure de la pression artérielle diabétique
Les objectifs définis par la HAS chez l’hypertendu en général
La méthode de référence de mesure de la PA est la mesure
s’appliquent au patient diabétique et comportent plusieurs
occasionnelle à l’aide d’un sphygmomanomètre à mercure
sachant qu’il est possible d’utiliser un appareil électronique
validé avec un brassard huméral adapté à la taille du bras
(surtout en cas d’obésité, plus fréquente chez les diabétiques
de type 2). La mesure s’effectue après quelques minutes de “ Point fort
repos chez un patient couché ou assis, le bras placé à hauteur
du cœur ; deux mesures minimum sont nécessaires ; la PA Conditions d’automesures tensionnelles
retenue est la moyenne de ces mesures. Il est recommandé proposées par le Comité français de lutte contre
d’effectuer une mesure à chaque bras à la première consulta- l’hypertension artérielle
tion pour dépister une asymétrie tensionnelle et d’effectuer les Règle des trois
mesures suivantes au niveau du bras qui présente la valeur • Trois mesures consécutives en position assise le matin
tensionnelle la plus élevée. Il est recommandé de rechercher (entre le lever et le petit-déjeuner)
une hypotension orthostatique (chute de la PAS de plus de • Trois mesures consécutives en position assise le soir
20 mmHg et/ou de la PA diastolique [PAD] de plus de (entre le dîner et le coucher)
10 mmHg chez le sujet diabétique) ; sa présence suggérant une • À effectuer 3 jours de suite en période d’activité
dysautonomie en l’absence de facteurs iatrogènes ou étant liée habituelle
à l’âge.

Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-J-10 ¶ Diabète et hypertension artérielle

étapes : rechercher les facteurs de risque cardiovasculaires


associés, faire le point d’une atteinte des organes cibles, d’une
■ Conséquences de l’association
éventuelle maladie cardiovasculaire associée et surtout ne pas diabète - hypertension artérielle
méconnaître une HTA secondaire (Tableau 3). Les seuils d’inter-
vention des PA chez le patient diabétique restent en France à Sur la macroangiopathie
moins de 130/80 mmHg quel que soit le nombre des autres
facteurs de risque associés et les lister permet de prendre en Le patient diabétique est à haut risque cardiovasculaire : le
compte l’individu dans sa globalité. Colliger l’atteinte des risque relatif (RR) de la maladie cardiovasculaire est multiplié
organes cibles rend plus pertinent le choix des traitements par trois chez l’homme diabétique et par cinq chez la femme
antihypertenseurs. diabétique qui perd en partie sa protection naturelle après la
ménopause [26]. Le risque absolu de décès par maladies cardio-
Examens complémentaires recommandés lors vasculaires est multiplié lui aussi par trois chez l’homme
de la prise en charge initiale diabétique par rapport à celui qui ne l’est pas [26]. L’espérance
de vie est diminuée de 8 ans chez le diabétique entre 55 et
• HbA1c. 64 ans et de 4 ans entre 65 et 74 ans [27] . L’insuffisance
• Créatininémie et estimation du débit de filtration gloméru- coronaire est la première cause de morbimortalité chez le
laire (par la formule de Cockcroft et Gault d’après les recom- diabétique (60 % des décès) [28]. Le risque de nécrose myocardi-
mandations, même si des travaux plus récents privilégient la que serait le même chez les sujets diabétiques ayant plus de
formule modification of the diet in renal disease [MDRD]). 10 ans de diabète n’ayant pas fait d’infarctus du myocarde que
• Bandelette urinaire (protéinurie, hématurie) avec quantifica- chez les sujets non diabétiques aux antécédents d’infarctus du
tion si positive. myocarde, quels que soient l’âge et le sexe [29, 30].
• Kaliémie (sans garrot). L’HTA est présente chez 80 % environ des patients diabéti-
• Prélèvements à jeun : glycémie, cholestérol total, HDL- ques de type 2 le plus souvent au diagnostic [31] et multiplie par
cholestérol, triglycérides, calcul du low density lipoprotein 7 le taux de mortalité des patients diabétiques par rapport aux
(LDL)-cholestérol par la formule de Friedewald. patients non diabétiques ; c’est également un important facteur
• Électrocardiogramme de repos. de risque d’accident vasculaire cérébral. Des pressions artérielles
≥ 150/90 mmHg constituent un facteur de mortalité précoce [32].
Examens complémentaires conseillés L’augmentation de la PA est un facteur de risque majeur de la
pour la recherche d’atteinte d’organes cibles maladie coronarienne chez les sujets diabétiques : ainsi, une
augmentation de la PAS de 10 mmHg est associée à une aug-
• Échographie cardiaque. mentation de 15 % du risque [33].
• Échodoppler des troncs supra-aortiques et des artères des
membres inférieurs.
• Microalbuminurie des 24 heures (positive entre 30 à Sur la microangiopathie
300 mg/24 h ou 20 à 200 mg/l ; en cas de positivité une
vérification est à effectuer à quelques mois d’intervalle et la Néphropathie
microalbuminurie est confirmée sur plus de deux résultats Dans les pays industrialisés, le diabète représente la première
positifs sur les urines des 24 h). cause d’insuffisance rénale chronique. Le RR d’insuffisance
• Fond d’œil en cas d’HTA sévère grade 3 (indispensable rénale est de 33,7 pour un diabétique de type 1 et de 7 pour un
toutefois pour rechercher une rétinopathie diabétique). diabétique de type 2, par rapport à un sujet non diabétique [34].
À la différence de l’ESH/ESC [20], la HAS ne recommande pas Le RR augmente avec la durée d’évolution du diabète. La
tous ces examens de façon systématique mais ces recommanda- néphropathie diabétique est glomérulaire. Le dépistage précoce
tions concernent l’hypertendu essentiel et ne sont pas ciblées de l’atteinte rénale repose sur la mesure de l’excrétion urinaire
sur la population diabétique. La HAS propose de faire une d’albumine. L’HTA contribue à la dégradation de la fonction
recherche de microalbuminurie chez le diabétique tandis que le rénale et intervient dans l’histoire de la maladie diabétique de
fond d’œil est préconisé dans les recommandations spécifiques façon différente selon le type de diabète. Dans le diabète de
concernant la prise en charge du patient diabétique [21]. type 1, L’HTA est la conséquence de la néphropathie et une
microalbuminurie permanente a une forte valeur prédictive
Recherche d’une hypertension artérielle dans la survenue d’une néphropathie et sur l’évolution vers une
secondaire insuffisance rénale terminale : 80 % des diabétiques de type
1 présentant une microalbuminurie développent une néphropa-
Non codifiée de façon spécifique dans la population diabéti- thie dans les 10 à 15 ans. L’HTA est un facteur de progression
que, c’est l’existence d’un faisceau d’arguments cliniques et/ou de la néphropathie [35] et de la mortalité cardiovasculaire [36]. Le
biologiques qui oriente sa recherche. La recherche d’une HTA nombre de diabétiques de type 2 en constante augmentation
secondaire est recommandée si l’HTA est sévère d’emblée explique une fréquence accrue en hémodialyse. Dans le diabète
(≥ 180/110 mmHg), si elle s’aggrave rapidement, si elle survient de type 2, l’HTA est souvent contemporaine, voire antérieure à
chez un sujet de moins de 30 ans ou si elle est résistante aux la découverte du diabète. L’ensemble des facteurs de risque
traitements : c’est-à-dire non contrôlée malgré trois antihyper- cardiovasculaires contribue au développement de l’atteinte
tenseurs dont un diurétique thiazidique [20]. rénale et accélère l’évolution vers l’insuffisance rénale [37]. Les
Un manque d’observance thérapeutique et des apports sodés malades qui développent une microalbuminurie évolutive ont
excessifs sont fréquents. Une cause iatrogène (prise d’anti- des chiffres de PAS et PAD plus élevés [38]. En fait, c’est surtout
inflammatoires non stéroïdiens [AINS], de corticoïdes, d’œstro- la PAS qui intervient dans l’évolution de la néphropathie : une
progestatifs, de ciclosporine ou tacrolimus, de vasoconstricteurs élévation de 20 mmHg double la vitesse de progression [39, 40].
nasaux, de certains antidépresseurs...), la prise de toxiques À noter que chez le diabétique de type 2, l’existence d’une
(réglisse, ecstasy, amphétamines, cocaïne, ...), la prise d’alcool en microalbuminurie est un facteur de risque cardiovasculaire
quantité excessive, la présence d’un syndrome d’apnées du indépendant [41] et est un marqueur précoce du risque de
sommeil sont dépistées à l’interrogatoire. Une pathologie complications rénales et cardiovasculaires chez les diabétiques
endocrinienne (phéochromocytome, syndrome de Cushing, hypertendus [42].
hyperaldostéronisme primaire), rénale ou vasculaire (coarctation
de l’aorte, sténose de l’artère rénale) sont à évoquer. L’HTA Rétinopathie
rénovasculaire est l’étiologie la plus fréquente d’HTA secondaire
dans la population diabétique de type 2 (environ 20 % des La PAS contribue majoritairement au développement d’une
cas) [25]. rétinopathie [43, 44]. Chez le diabétique de type 1, l’existence

4 Endocrinologie-Nutrition
Diabète et hypertension artérielle ¶ 10-366-J-10

d’une HTA favorise la rétinopathie proliférative ; chez le Sur la microangiopathie


diabétique de type 2, elle est responsable de la rétinopathie
exsudative [45] . De plus, chez ceux-ci, l’augmentation de Un traitement intensif des facteurs de risque associés au
l’excrétion urinaire d’albumine est associée à une plus grande diabète de type 2 permet une diminution de la progression de
fréquence de rétinopathie [46]. la néphropathie par rapport au traitement conventionnel (RR :
0,31 ; p = 0,01) [59].

Neuropathie Néphropathie
L’étude européenne EURODIAB a mis en avant le rôle prédic- Il est actuellement admis que le contrôle tensionnel du
teur de l’HTA dans l’apparition d’une neuropathie chez le malade diabétique permet de protéger le rein et évite l’évolution
patient diabétique de type 1, associée à d’autres facteurs de vers une néphropathie. Chez le diabétique de type 1, le traite-
risque comme l’HbA1C, le profil lipidique entre autres [47]. ment antihypertenseur précoce et prolongé réduit la protéinurie
et la vitesse de dégradation glomérulaire [60]. Chez le diabétique
de type 2 présentant une microalbuminurie supérieure à
50 mg/l, le contrôle tensionnel permet une diminution de
■ Intérêt du contrôle l’évolution de la néphropathie de 29 % (p = 0,009). Pour ceux
dont la protéinurie est supérieure ou égale à 300 mg/l, la
de l’hypertension artérielle diminution de 39 % n’est plus significative (p = 0,061) [3]. Dans
ADVANCE, une réduction significative de 21 % pour tous les
événements rénaux est relevée, avec une réduction significative
Sur la macroangiopathie dans l’apparition d’une microalbuminurie. Sur 5 ans, un
événement rénal est évité pour 20 patients traités, les auteurs
Plusieurs grandes études (HDFP, SHEP, STOP-H, SYST-EUR)
signalant que la plupart du temps il s’agit de la survenue d’une
mais également ABCD, FACET étudient l’impact du traitement
microalbuminurie. Une baisse dans la survenue ou une absence
antihypertenseur chez le diabétique (principalement de type 2)
de détérioration d’une néphropathie est à la limite de la
sur les complications cardiovasculaires [48-53]. Mais, ce sont significativité en faveur du bras actif (p = 0,055) [56].
surtout les études UKPDS, HOT et plus récemment ADVANCE
qui mettent en évidence le bénéfice apporté de valeurs cibles de Rétinopathie
pressions artérielles systolique et diastolique sur la mortalité et
les complications cardiovasculaires [3, 54-56]. Dans l’UKPDS, une Le contrôle de l’HTA (PA moyenne de 144/82 mmHg) permet
baisse de la PAS de 10 mmHg est associée à une diminution de une réduction de 47 % du risque de baisse de l’acuité visuelle
12 % du risque de complications liées au diabète, de 17 % du (p = 0,004), de 34 % de la progression de la rétinopathie selon
risque de décès, de 12 % du risque d’infarctus du myocarde, de les données de l’UKPDS. Il permet en outre le contrôle de la
19 % du risque d’accident vasculaire cérébral et de 13 % du maculopathie chez les diabétiques de type 2 [3]. À l’inverse dans
risque de complications microangiopathiques. Cette étude ADVANCE, aucune action sur la vision, la rétinopathie diabéti-
montre une relation linéaire et continue entre les niveaux de que, n’est relevée [56].
PAS et l’incidence des complications (le risque le plus faible
étant observé pour des PAS < 120 mmHg) tandis que le bénéfice
sur la prévention des complications cardiovasculaires conféré
■ Traitement de l’hypertension
par la baisse de la PA semble plus important que celui lié à la artérielle
baisse de l’hémoglobine glyquée [54].
L’étude HOT, quant à elle, montre dans le sous-groupe Méthodes non pharmacologiques
diabétique, une réduction de 51 % d’événements cardiovascu-
laires majeurs et une réduction significative de la mortalité Toutes les dernières recommandations internationales et
cardiovasculaire pour des PAD ≤ 80 mmHg. L’incidence la plus nationales s’accordent à préconiser l’utilisation systématique de
basse d’événements cardiovasculaires majeurs était observée mesures hygiénodiététiques intensives pour la population
pour toute la population pour des PA moyennes de diabétique quelle que soit la valeur de PA. Ces règles hygiéno-
138,5/82,6 mmHg sans préjudice en cas d’abaissement de la PA diététiques peuvent être instaurées seules initialement (pendant
en dessous de ces valeurs [55] . L’étude ADVANCE dont la 1 à 3 mois) en cas d’HTA normale haute (et même de grade
stratégie originale consiste à utiliser une bithérapie d’emblée 1 pour l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments et
quelles que soient les PA initiales (PA moyennes à la randomi- produits de santé [AFSSAPS/HAS]) mais ne pas pas retarder
sation de 145/81 mmHg) fait baisser les PAS/PAD en moyenne l’initiation d’un traitement pharmacologique [18-22].
de 5,6 mmHg et 2,2 mmHg dans le groupe actif par rapport au Ces mesures hygiénodiététiques comprennent :
• la limitation de la consommation en sel jusqu’à 6 g/l ;
groupe placebo et réduit le risque relatif d’événements macro-
• une réduction du poids en cas de surcharge pondérale afin de
et microvasculaires majeurs de 9 % (p = 0,041). Une réduction
maintenir l’indice de masse corporelle (IMC) inférieur à
de risque relatif de mortalité de 18 % est notée (p = 0,027) ; il y
25 kg/m2 ou d’obtenir une perte de 10 % du poids initial ;
a eu moins d’événements coronariens dans le groupe actif
• la pratique d’une activité physique régulière surtout à type
tandis qu’aucune différence pour la survenue des événements
d’endurance (idéalement 30 minutes 3 fois par semaine)
cérébrovasculaires ou l’insuffisance cardiaque n’est notée [56].
selon les capacités physiques du patient ;
Le bénéfice d’un traitement antihypertenseur est d’autant • la limitation de la consommation d’alcool (< trois verres/j
plus net qu’il est associé à une prise en charge multifactorielle chez l’homme et < deux verres/j chez la femme) ;
des facteurs de risque cardiovasculaires, qu’il se poursuit sur une • l’arrêt du tabac avec si besoin une aide au sevrage tabagique
période de plus de 13 ans avec surtout nécessité d’un maintien (les substituts nicotiniques ne sont pas contre-indiqués chez
de la baisse des chiffres de PA (qui est d’au moins 6 mmHg dans le patient diabétique) ;
l’extension de l’étude STENO) [57]. À l’inverse, dans le cas où les • un régime alimentaire riche en fruits, légumes, produits frais,
PA dérivent et échappent au contrôle, le bénéfice observé sur la poissons et pauvre en graisses saturées avec une répartition
macro- ou la microangiopathie disparaît et il ne semble pas y identique à la population diabétique non hypertendue (50 %
avoir d’effet rémanent du contrôle des PA : il s’agit plutôt d’un des glucides, 35 % des lipides et 15 % des protides), le
effet on-off [58]. Le contrôle tensionnel doit être poursuivi au « régime DASH » [61].
long cours au risque sinon de voir disparaître la plupart des L’étude INTERHEART a démontré qu’un régime alimentaire
bénéfices [58]. riche en fruits et légumes, l’activité physique, l’arrêt du tabac

Endocrinologie-Nutrition 5
10-366-J-10 ¶ Diabète et hypertension artérielle

sont associés à un risque plus faible de développer un infarctus Les IEC sont actuellement préconisés en première intention
du myocarde et particulièrement dans la population diabéti- chez le patient diabétique et particulièrement en cas de diabète
que [62]. Par ailleurs, l’intoxication tabagique multiplie par trois de type 1, surtout au stade de néphropathie.
le risque cardiovasculaire absolu chez les diabétiques par rapport
aux non-diabétiques [26]. Enfin, une perte de 4 kg se traduit par Antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II)
une baisse de la PAS de 2,3 mmHg et de la PAD de
L’étude LIFE a indiqué que le losartan était supérieur à
2,9 mmHg [63]. Ces mesures s’inscrivent donc dans la prise en
l’aténolol pour la réduction des événements cardiovasculaires
charge globale des facteurs de risque et restent très difficiles à
majeurs, la mortalité cardiovasculaire (-37 %) et la mortalité
entreprendre en pratique clinique, si bien que la mise en place
totale (-39 %) dans le sous-groupe de patients diabétiques
d’objectifs réalistes et réalisables par le patient est nécessaire.
hypertendus avec une hypertrophie ventriculaire gauche et ce
pour un même contrôle de PA. Concernant l’évolution de la
Moyens médicamenteux fonction rénale, les deux traitements sont identiques [78].
Plusieurs études ont prouvé que l’utilisation d’un ARA II
Bloqueurs du système rénine-angiotensine (SRA) (losartan 50 à 100 mg/j, valsartan 80 mg/j, irbésartan 150 à
300 mg/j) chez un diabétique hypertendu avec micro- ou
Inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) macroalbuminurie retarde la progression de l’albuminurie et
Il est clairement admis que les IEC permettent la réduction l’apparition et la progression de la néphropathie diabétique,
des événements cardiovasculaires dans la population diabéti- effet en partie indépendant de la baisse de PA [79-82]. Les études
que : l’étude HOPE portant sur environ 9 000 patients à haut RENAAL et IDNT effectuées chez des patients hypertendus avec
risque vasculaire dont le tiers était diabétique a démontré macroprotéinurie ont démontré un effet néphroprotecteur des
l’efficacité du ramipril (10 mg) versus placebo avec une diminu- sartans (losartan 50 à 100 mg/j et irbésartan 300 mg/j) confir-
tion du risque d’événements cardiovasculaires majeurs de 25 %, mant que les valeurs cibles de PA pour la néphroprotection
de celui des infarctus du myocarde de 22 %, des accidents étaient inférieures à 130/80 mmHg [79, 83]. Une autre étude a
vasculaires cérébraux de 33 %, de la mortalité cardiovasculaire révélé que le telmisartan (80 mg/j) offre une néphroprotection
de 37 %, de la mortalité totale de 24 %, des néphropathies de identique à l’énalapril 20 mg/j chez les patients diabétiques de
24 % avec un bénéfique propre de ce traitement chez le type 2 [84] , cet effet équivalent entre ARA II et IEC sur la
diabétique, indépendamment du simple contrôle tensionnel [64]. microalbuminurie avait également été noté dans une autre
Une revue de la littérature [65] a effectué la synthèse de plusieurs étude [85].
grands essais cliniques randomisés (ABCD, CAPPP, FACET) Le bénéfice de l’association IEC-ARA II (candésartan + lisino-
comparant les IEC (énalapril, captopril, fosinopril) avec d’autres pril) observé dans l’étude CALM avec une baisse de 50 % de la
traitements antihypertenseurs conventionnels (diurétiques, microalbuminurie sous association plus importante que sous les
bêtabloquants, inhibiteurs calciques) révélant un bénéfice traitements utilisés en monothérapie n’est pas confirmé par
combiné des IEC sur la morbimortalité cardiovasculaire en l’étude de grande ampleur ONTARGET qui au contraire démon-
dehors des accidents vasculaires cérébraux [52, 53, 66, 67]. De plus, tre que si la protéinurie baisse plus sous l’association telmisartan
l’étude MICRO-HOPE a mis en évidence un bénéfice sur la + ramipril que sous monothérapie, en revanche les événements
réduction des complications cardiovasculaires par une baisse rénaux majeurs sont plus fréquents et la tolérance moins bonne
additionnelle de la PA chez des diabétiques de type 2 à haut sous association [75, 86]. Ainsi, les associations IEC-ARA2 impo-
risque vasculaire normotendus sous traitement (ramipril sent l’avis spécialisé du néphrologue.
10 mg/j) avec une baisse de la PAS de 10 mmHg et de la PAD Pour la rétinopathie, le candésartan sur 3 ans réduit l’inci-
de 4 mmHg [64, 68]. dence de sa survenue mais pas de sa progression dans le diabète
Chez le diabétique de type 1, protéinurique ou microalbumi- de type 1 tandis que le risque de progression de la rétinopathie
nurique, non hypertendu, l’énalapril et le captopril permettent baisse mais de façon non significative dans le diabète de
une diminution de la progression de l’insuffisance rénale, en cas type 2, avec toutefois une tendance à la régression du stade de
de néphropathie établie, et préviennent l’apparition d’une rétinopathie [87, 88].
protéinurie clinique, en cas de néphropathie débutante, indé- À l’heure actuelle, les ARA II sont recommandés chez le
pendamment du contrôle tensionnel [60, 69, 70]. Chez le diabéti- patient diabétique de type 2 hypertendu surtout au stade de
que de type 2 normotendu, l’énalapril versus placebo retarde néphropathie [18] . Toutefois, la HAS souligne l’absence de
l’augmentation de la créatinine en cas de micro- ou macroalbu- différence en termes d’efficacité entre les IEC et les ARA2 dans
minurie, suggérant l’intérêt de ce traitement chez le diabétique l’HTA essentielle et préconise l’utilisation des IEC en première
de type 2 non hypertendu, afin d’éviter les complications intention dans cette indication. Cela ne concerne pour l’instant
microangiopathiques [71, 72]. MICRO-HOPE a prouvé que l’utili- pas les diabétiques.
sation du ramipril chez un diabétique normotendu malgré une
réduction négligeable de la PA réduit l’apparition de la microal- Inhibiteurs de la rénine
buminurie [64, 68] . Dans l’étude BENEDICT, l’utilisation de
trandolapril chez un diabétique hypertendu retarde de façon Classe thérapeutique très récente et bientôt commercialisée en
significative l’apparition de la microalbuminurie [73]. France, son chef de file et unique représentant est l’aliskiren.
L’association des IEC à des diurétiques thiazidiques baisse les Réservé en seconde intention chez l’hypertendu, il assure une
événements macro- et microvasculaires, la récidive des accidents baisse des PA comparable à celles observées sous inhibiteurs du
vasculaires cérébraux et l’apparition d’une microalbuminurie [56, système rénine-angiotensine et pourrait avoir un effet néphro-
74]. Un essai qui compare le ramipril au telmisartan chez des protecteur chez les patients diabétiques de type 2 [89]. Sa place
patients à haut risque cardiovasculaire parmi lesquels des dans la stratégie thérapeutique n’est pas codifiée car il est trop
patients diabétiques démontre l’équivalence des deux traite- récent.
ments sur la survenue de la néphropathie, mais au détriment
d’une moindre tolérance du ramipril [75] ; de même, cette étude Diurétiques
ONTARGET, dans la même population, démontre que ces deux
traitements sont équivalents sur la survenue des complications Les diurétiques sont efficaces chez le diabétique hypertendu
cardiovasculaires et que leur association n’entraîne pas de qui présente souvent une hypervolémie [90]. L’étude SHEP a
bénéfice mais majore les effets secondaires [76]. Au final, une montré une diminution des événements cardiovasculaires
méta-analyse conclut à l’efficacité des IEC comme des sartans majeurs de 34 % sous chlortalidone, diurétique thiazidique à
pour baisser le temps de doublement de la créatininémie chez faibles doses versus placebo chez les diabétiques présentant une
les diabétiques tandis qu’aucune des deux classes ne parvient à HTA systolique (PAS > 160 mmHg) [91]. L’étude ALLHAT menée
réduire la mortalité toutes causes [77]. sur 5 ans et portant sur 33 000 patients hypertendus dont

6 Endocrinologie-Nutrition
Diabète et hypertension artérielle ¶ 10-366-J-10

11 000 diabétiques a comparé les effets de trois classes théra- Antagonistes calciques
peutiques sur la morbimortalité cardiovasculaire (la chlortali-
done [diurétique thiazidique], le lisinopril [IEC] et l’amlodipine Ils sont bien tolérés, n’ont pas d’effets métaboliques délétères
[inhibiteur calcique]) qui sont comparables avec même une et sont indiqués dans l’HTA et, pour certains, dans l’insuffisance
supériorité du diurétique thiazidique sur la prévention de cardiaque. Une controverse maintenant ancienne avec les
l’insuffisance cardiaque, tout en sachant que les trois bras inhibiteurs calciques à courte durée d’action (augmentation de
n’étaient pas strictement comparables, au départ en termes de 5,5 du RR d’infarctus du myocarde sous nisoldipine par rapport
niveau tensionnel. De plus, dans cette étude, aucun des trois à un traitement par énalapril, entraînant l’arrêt précoce de
traitements n’est supérieur à un autre pour la prévention de l’étude) ne doit plus occulter le bénéfice sur la baisse des PA
l’insuffisance rénale [92]. démontrée au cours d’études de grande ampleur dans la popu-
lation d’hypertendus [52, 55, 100, 101]. De la même façon, l’étude
L’association indapamide/périndopril permet une diminution
SYST-EUR montre une diminution de la mortalité cardiovascu-
plus importante de la microalbuminurie qui persiste après
laire, des événements cardiovasculaires et des accidents vascu-
ajustement des chiffres de PA versus l’énalapril [93]. L’étude
laires cérébraux sous nitrendipine versus placebo chez des
ADVANCE a montré le bénéfice de l’association indapamide/
patients diabétiques [51]. Toutefois, plusieurs études ont révélé
périndopril avec une baisse tensionnelle versus placebo [56].
l’absence de supériorité, voire une efficacité moindre concernant
Les diurétiques thiazidiques, à des posologies équivalentes l’effet néphroprotecteur par rapport notamment aux bloqueurs
d’hydrochlorothiazide supérieures à 25 mg/j, sont source d’effets du système rénine-angiotensine [81, 102, 103].
métaboliques indésirables : hypokaliémie, diminution de la Les antagonistes calciques non dihydropyridines (vérapamil et
tolérance glucidique, augmentation du LDL-cholestérol, des diltiazem) restent aussi une alternative efficace pour le traite-
triglycérides et de l’uricémie [94] . Afin d’éviter leurs effets ment de l’HTA chez les diabétiques de type 2, en particulier en
secondaires, les thiazidiques sont utilisés à des doses inférieures cas de contre-indication aux bêtabloquants.
ou égales à des posologies équivalentes à 25 mg/j d’hydrochlo- Ainsi, les antagonistes calciques font partie de l’arsenal
rothiazide. Une étude récente note que les diurétiques thiazidi- thérapeutique de première intention et se retrouvent bien
ques pourraient augmenter l’incidence de diabète chez l’hyper- souvent dans la bi- ou la trithérapie antihypertensive du patient
tendu via l’hypokaliémie (favorisant l’insulinorésistance muscu- diabétique.
laire et l’altération de l’insulinosécrétion) mais également par
augmentation de la stéatose hépatique ; d’autres études restent Alphabloquants
nécessaires pour confirmer ou non cette hypothèse [95].
Les diurétiques de l’anse, bien tolérés, sont employés en cas Ils ne modifient pas le métabolisme glucidique mais ne sont
d’insuffisance rénale qui contre-indique l’utilisation des thiazi- pas recommandés en première intention du fait des risques
diques (si clairance glomérulaire < 30 ml/min) ou d’insuffisance d’hypotension orthostatique chez les patients prédisposés [90].
cardiaque. Ceci d’autant qu’un des bras de l’étude ALLHAT comportant la
Les épargneurs potassiques sont également utilisables, bien doxazosine a été arrêté prématurément devant un nombre plus
que leur mécanisme d’action (réduction de 30 % du risque de important d’événements cardiovasculaires [104].
décès) soit spéculatif (action propre sur la fibrose pour les
spironolactones ?). Ils sont surtout préconisés en cas d’insuffi- Antihypertenseurs centraux
sance cardiaque, sont à utiliser avec prudence en association Ce sont des traitements qui ont des effets secondaires
avec un inhibiteur du système rénine-angiotensine et restent (hypotension orthostatique, impuissance) nettement moins
contre-indiqués en cas d’insuffisance rénale [96]. présents pour les nouvelles molécules type rilménidine ou
Chez le diabétique hypertendu, les diurétiques thiazidiques moxonidine. Leur indication est plutôt réservée en deuxième
sont préconisés peut-être dès le stade de bithérapie, sûrement en intention chez le patient diabétique, avec un effet dépresseur de
trithérapie [23]. l’activité sympathique, et peut aider à atteindre l’objectif
tensionnel [6].
Bêtabloquants
Stratégie thérapeutique
Ils ont fait la preuve de leur efficacité dans le traitement de
Chez le patient diabétique, le choix du traitement médical est
l’HTA [97]. Ils permettent une réduction de la mortalité cardia-
guidé par deux objectifs principaux : la prévention cardiovascu-
que et ont une place thérapeutique dans l’insuffisance cardiaque
laire et la néphroprotection. La stratégie de prise en charge de
et la prévention secondaire de l’infarctus du myocarde.
l’HTA du diabétique se fait au sein d’une prise en charge globale
L’UKPDS a démontré pour les diabétiques de type 2 qu’un du risque vasculaire ainsi que d’un bon contrôle glycémique.
bêtabloquant cardiosélectif, l’aténolol, permettait une diminu- Associées aux moyens non médicamenteux avec importance des
tion significative des chiffres tensionnels, des complications règles hygiénodiététiques et obtention d’une réduction pondé-
dégénératives microangiopathiques et de la mortalité et morbi- rale dans le diabète de type 2, les cinq classes thérapeutiques
dité cardiovasculaire. Son efficacité est comparable à celle de (IEC, ARA 2, diurétiques thiazidiques, bêtabloquants cardiosé-
l’IEC [3]. lectifs, inhibiteurs calciques) peuvent être utilisées en première
Une étude a montré l’augmentation du risque de développer intention chez le diabétique [21]. Mais ceci est à moduler en
un diabète chez les malades hypertendus traités par bêtablo- fonction du « profil » du patient : un patient diabétique de type
quants mais le patient diabétique n’est plus concerné par cette 1 sera traité préférentiellement en première intention par un
éventuelle restriction de prescription [98]. Classiquement, les IEC, ce d’autant qu’il existe une néphropathie au stade de
bêtabloquants sont responsables d’une atténuation des symptô- microalbuminurie ; un patient diabétique de type 2 avec une
mes adrénergiques de l’hypoglycémie chez les patients sous néphropathie incipiens ou avérée, par un bloqueur du système
sulfamides hypoglycémiants ou insuline, rendant leur emploi rénine-angiotensine également, et plutôt un ARA II. Toute
parfois discuté. Dans l’UKPDS, cependant, le nombre d’hypo- bithérapie doit comporter un diurétique thiazidique en
glycémies sévères n’est pas plus important dans le groupe de l’absence de contre-indication. Lors d’une insuffisance corona-
patients traités par aténolol [3]. Le RR d’hypoglycémies sévères rienne, les bêtabloquants sont à privilégier. Une polythérapie est
sous bêtabloquants est de 1 contre 3 sous IEC [99]. Cette crainte souvent nécessaire pour obtenir des PA dans les objectifs
ne doit donc pas occulter les bénéfices observés chez les souhaités. De même, la décision d’augmenter une monothérapie
diabétiques d’autant qu’ils sont coronariens. L’utilisation des ou d’utiliser d’emblée une bithérapie est laissée au choix du
bêtabloquants est également parfois limitée par l’aggravation prescripteur. Une réévaluation de l’observance, de l’efficacité et
d’une artérite des membres inférieurs, d’un bronchospasme ou de la tolérance des traitements est un élément clé de la consul-
l’apparition d’une impuissance [3]. tation de suivi.

Endocrinologie-Nutrition 7
10-366-J-10 ¶ Diabète et hypertension artérielle

■ Références
.

Par ailleurs, rappelons qu’une prise en charge de tous les


facteurs de risque cardiovasculaires s’impose pour améliorer le
pronostic du patient : ainsi, la prescription de statines doit [1] King H, Aubert RE, Herman WH. Global burden of diabetes, 1995-
s’envisager en prévention primaire (objectif de LDL inférieur à 2025. Prevalence, numerical estimates, and projections. Diabetes Care
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d’aspirine à faible dose (75 à 100 mg/j) antérieurement recom- Dunstan DW, et al. Risk of cardiovascular and all-cause mortality in
mandée chez le diabétique hypertendu avec un autre facteur de individuals with diabetes mellitus, impaired fasting glucose, and
risque cardiovasculaire est très controversée à l’heure impaired glucose tolerance: the Australian Diabetes, Obesity, and
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• un bloqueur du système rénine-angiotensine, d’autant early mortality in maturity-onset diabetes. N Engl J Med 1984;310:
qu’il existe une néphropathie ; 356-60.
• le recours fréquent à une polythérapie anti- [8] Joint National Committee V. The fifth report of the Joint National
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diabétique de type 2, et d’autre part dans l’utilisation des
[13] Marre M, Bernadet P, Gallois Y, Savagner F, Guyene TT, Hallab M,
médicaments antihypertenseurs souvent multiples, avec une
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• le traitement de l’HTA nécessite une prise en charge
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C. Draunet-Busson.
Service d’endocrinologie, diabétologie, Centre hospitalier de Cholet, 1, rue Marengo, 49325 Cholet cedex, France.
Département d’endocrinologie, diabétologie, nutrition (professeur V. Rohmer), Centre hospitalier universitaire d’Angers, 4, rue Larrey, 49933 Angers cedex
09, France.
S. Laboureau-Soares Barbosa (sasoares@chu-angers.fr).
Département d’endocrinologie, diabétologie, nutrition (professeur V. Rohmer), Centre hospitalier universitaire d’Angers, 4, rue Larrey, 49933 Angers cedex
09, France.
Centre de référence des maladies de la réceptivité hormonale, Centre hospitalier universitaire d’Angers, 4, rue Larrey, 49933 Angers cedex 09, France.
P. Rodien.
Département d’endocrinologie, diabétologie, nutrition (professeur V. Rohmer), Centre hospitalier universitaire d’Angers, 4, rue Larrey, 49933 Angers cedex
09, France.
Université d’Angers, rue Haute-de-Reculée, 49035 Angers, France.
Centre de référence des maladies de la réceptivité hormonale, Centre hospitalier universitaire d’Angers, 4, rue Larrey, 49933 Angers cedex 09, France.
F. Illouz.
Département d’endocrinologie, diabétologie, nutrition (professeur V. Rohmer), Centre hospitalier universitaire d’Angers, 4, rue Larrey, 49933 Angers cedex
09, France.
Centre de référence des maladies de la réceptivité hormonale, Centre hospitalier universitaire d’Angers, 4, rue Larrey, 49933 Angers cedex 09, France.
V. Rohmer.
Département d’endocrinologie, diabétologie, nutrition (professeur V. Rohmer), Centre hospitalier universitaire d’Angers, 4, rue Larrey, 49933 Angers cedex
09, France.
Université d’Angers, rue Haute-de-Reculée, 49035 Angers, France.
Centre de référence des maladies de la réceptivité hormonale, Centre hospitalier universitaire d’Angers, 4, rue Larrey, 49933 Angers cedex 09, France.
B. Bouhanick.
Service de médecine interne et HTA, Centre hospitalier universitaire Rangueil, TSA 50032, 31059 Toulouse cedex 9, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Draunet-Busson C., Laboureau-Soares Barbosa S., Rodien P., Illouz F., Rohmer V., Bouhanick B. Diabète et
hypertension artérielle. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Endocrinologie-Nutrition, 10-366-J-10, 2010.

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Endocrinologie-Nutrition 11
¶ 10-366-J-20

Insuffisance coronaire, cardiomyopathie


et neuropathie autonome
chez le diabétique
X. Chanudet, M.-C. Chenilleau, P. Schiano, B. Bauduceau

Les atteintes cardiaques sont fréquentes et sévères chez le diabétique, se plaçant au premier rang des
causes de décès. L’insuffisance coronaire, la cardiomyopathie, la neuropathie autonome en représentent
les principaux mécanismes. La difficulté de prise en charge de la coronaropathie réside dans son caractère
silencieux, imposant un dépistage adapté. Les mesures de prévention de l’athérome sont au moins aussi
efficaces chez le diabétique que chez le non-diabétique, elles doivent être intégrées aux actions éducatives
indispensables chez ces patients. L’insuffisance cardiaque est une complication fréquente, sous-estimée.
Sa prise en charge est souvent rendue difficile par les conditions de terrain. La neuropathie autonome
modifie la symptomatologie classique de l’insuffisance coronarienne, complique la prise en charge des
patients à travers l’hypotension orthostatique et constitue probablement un facteur de surmortalité.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Coronaropathie ; Cardiomyopathie ; Insuffisance cardiaque ; Neuropathie autonome ; Diabète

Plan ■ Insuffisance coronaire


¶ Introduction 1 Les cardiopathies ischémiques constituent la principale cause
¶ Insuffisance coronaire 1
de décès des diabétiques dans les pays occidentaux [1]. Le risque
Risque cardiovasculaire et diabète 1 des diabétiques n’est toutefois pas uniforme et mérite d’être
Anatomie. Pathogénie 2 évalué individuellement. La prise en charge est fondée sur la
Symptomatologie 2 prévention et un dépistage orienté de la coronaropathie. Au
Prise en charge 2 stade de l’accident coronarien constitué, le traitement a large-
ment bénéficié des grands essais conduits ces dernières années.
¶ Cardiomyopathie 4
Mécanismes et conséquences 4
Aspects thérapeutiques 4 Risque cardiovasculaire et diabète
¶ Neuropathie autonome cardiaque 5 Les liens étroits unissant cardiopathie ischémique et diabète
Histoire naturelle. Pathogénie 5 doivent conduire à rechercher une éventuelle coronaropathie
Diagnostic 5 chez tout diabétique à risque tandis que devant toute cardiopa-
Conséquences 5 thie ischémique doivent être dépistées des anomalies du
¶ Conclusion 6 métabolisme glucidique.

Anomalies du métabolisme glucidique au cours


des coronaropathies
■ Introduction L’existence d’une anomalie du métabolisme glucidique est
une éventualité fréquente au cours des cardiopathies ischémi-
Les diabétiques sont tout particulièrement exposés à différen- ques. Ces anomalies, qui sont trop souvent méconnues car
tes complications cardiaques. La maladie coronaire pèse ainsi asymptomatiques, constituent un facteur de pronostic péjoratif.
très lourdement sur la morbidité et la mortalité de ces malades Un tiers des patients qui ont constitué un infarctus du myo-
comme le montrent toutes les enquêtes épidémiologiques. Le carde développera dans les 3,5 années qui suivent soit un état
caractère fréquemment silencieux de la maladie coronaire d’hyperglycémie modérée à jeun, soit un diabète, de telle sorte
constitue un facteur aggravant indiscutable puisqu’il prive le que l’infarctus du myocarde est considéré comme un état
malade et le médecin de tout symptôme d’alarme. Ainsi, la prédiabétique [2]. Il est peu probable que l’infarctus par lui-
coronaropathie diabétique ne demeure silencieuse que pendant même prédispose au diabète. Ce sont plutôt les facteurs de
la période précédant une manifestation souvent spectaculaire risque cardiovasculaire associés qui font le lit de l’anomalie
comme une mort subite, un infarctus du myocarde ou une métabolique.
insuffisance cardiaque. L’insuffisance cardiaque et la neuropa-
thie autonome cardiaque sont sous-estimées alors qu’elles sont Coronaropathie et diabète
également fréquentes et qu’elles aggravent le pronostic des
diabétiques. Toutes ces considérations rendent compte de Données épidémiologiques
l’importance d’un partenariat efficace entre diabétologues et La maladie diabétique touche plus de 150 millions de
cardiologues. patients dans le monde. Elle est appelée à se développer,

Endocrinologie-Nutrition 1
10-366-J-20 ¶ Insuffisance coronaire, cardiomyopathie et neuropathie autonome chez le diabétique

évoluant dans le sillage du syndrome métabolique. Le diabète Symptomatologie


de type 2 représente 95 % des patients. Bien que le taux
d’événements cardiovasculaires ait été réduit de moitié ces Une caractéristique majeure de la coronaropathie diabétique
dernières années, l’incidence reste encore très élevée (1,4 est son caractère volontiers silencieux. L’absence de symptoma-
événements/100 années-patients chez les diabétiques contre tologie supprime tout signe d’alerte et expose à une reconnais-
0,5 chez les non-diabétiques) [3]. Un diabétique sur deux décède sance tardive de la maladie, au stade des complications. Cela
d’une atteinte cardiovasculaire, au premier rang desquelles se justifie le dépistage systématique de l’ischémie silencieuse chez
situe la maladie coronaire. Les diabétiques d’âge moyen ont les diabétiques à haut risque.
deux à quatre fois plus de risque de développer une coronaro-
pathie que les non-diabétiques [4]. Le risque augmente avec Dépistage de l’ischémie myocardique silencieuse
l’ancienneté du diabète et avec l’âge, amenant les diabétiques L’ischémie myocardique silencieuse (IMS) est importante à
âgés à payer un plus lourd tribut à la coronaropathie [5]. Le dépister car c’est la seule expression d’une pathologie aux
risque lié à l’atteinte coronaire est plus élevé chez la femme conséquences potentiellement graves. Elle se définit comme une
diabétique que chez l’homme, cela semble être en partie lié à anomalie électrocardiographique (et/ou scintigraphique et/ou
une disparité de traitement [6]. échocardiographique), silencieuse et transitoire, observée à
l’occasion d’un stress chez des sujets dont l’électrocardiogramme
Estimation du risque cardiovasculaire de repos est normal. Elle concerne 20 à 36 % des diabétiques [14,
15] ; elle prédit la survenue d’événements cardiaques, particuliè-
L’excès de risque des diabétiques a conduit le National rement après 60 ans avec un hazard ratio (HR) de 2,89 (IC
Cholesterol Education Program Adult Treatment Panel III 95 % : 1,32-6,40) [15].
(NCEP-ATP III) à considérer le diabète comme un équivalent de Le dépistage fait appel aux moyens d’investigation classiques
maladie coronarienne, c’est-à-dire à créditer ces patients d’un reposant sur l’épreuve d’effort ou, lorsque celle-ci n’est pas
risque de survenue d’événement coronarien à 10 ans > 20 % [7]. réalisable, sur l’échographie de stress et/ou la scintigraphie
Cette approche globale masque des situations individuelles très myocardique. Compte tenu de son coût, le problème est de
hétérogènes. Le diabète ne constitue en effet un équivalent de définir la population de patients susceptibles d’en bénéficier.
maladie coronaire que chez les patients exposés à de multiples L’étude Detection of Ischemia in Asymptomatic Diabetics
facteurs de risque concomitants [8]. Une juste évaluation du (DIAD) a montré qu’une sélection fondée sur une approche
risque est nécessaire à l’échelon individuel afin d’adapter la traditionnelle (diabétiques avec au moins deux facteurs de
prévention et le dépistage aux patients qui en ont réellement risques associés) aboutissait à méconnaître 40 % des coronaro-
besoin. Différentes méthodes d’évaluation ont été proposées [9]. . pathies [14]. Des constatations du même ordre ont été faites en
Elles prennent en compte les facteurs de risque classiques, ainsi France, elles ont conduit à affiner les critères de haut risque
qu’un certain nombre de caractéristiques spécifiques aux pour améliorer le dépistage [16].
diabétiques car les seuls facteurs classiques sous-estiment le
risque. Ces caractéristiques sont : Syndromes coronariens aigus
• l’âge, avec un risque devenant significatif à partir de 40 ans ; Ils s’opposent à l’angor stable et traduisent un remaniement
• le sexe, avec un risque plus élevé chez la femme ; des plaques d’athérome. Environ 20 % des patients hospitalisés
• le type de diabète, avec un risque ajusté sur l’âge plus élevé pour angor instable sont diabétiques. Le fait d’être diabétique
dans le diabète de type 1 ; confère un risque comparable à celui d’un sujet non-diabétique
• l’ancienneté du diabète ; ayant 10 ans de plus [17].
• la qualité du contrôle glycémique ; La présentation clinique et le pronostic dépendent de l’âge
• l’existence de signes d’atteinte vasculaire (microangiopathie, des patients, de l’étendue et de la sévérité de la zone ischémi-
artériopathie périphérique) ; que. Le caractère atypique de la symptomatologie explique que
• une atteinte rénale (néphropathie incipiens, insuffisance le diagnostic puisse parfois être totalement méconnu. Il est alors
rénale). fait rétrospectivement devant la constatation d’une cicatrice de
L’existence d’un syndrome métabolique (tel qu’il est défini nécrose sur l’électrocardiogramme (ECG) ou à l’occasion d’une
par le NCEP-ATP III) qui est présent chez 90 % des diabétiques échographie. L’affection peut également se révéler au stade des
. de type 2 identifie bien des patients à haut risque [10], mais sans complications qui sont plus fréquentes chez le diabétique. La
apporter plus à la prédiction du risque que les facteurs de risque mortalité en particulier est deux fois plus élevée que chez le
non-diabétique [18].
classiques [11].
D’autres marqueurs sont en cours d’évaluation comme la
recherche de calcifications coronaires [12]. Prise en charge
La prise en charge vise à réduire le risque cardiovasculaire et
à traiter l’ischémie myocardique lorsqu’elle est avérée.
Anatomie. Pathogénie
Les sujets diabétiques présentent, par rapport aux non
Réduction du risque cardiovasculaire
diabétiques, des lésions coronariennes plus diffuses et plus Les mesures de prévention ne diffèrent pas fondamentale-
sévères avec davantage de lésions du tronc commun, des lésions ment selon que l’on se trouve en situation de prévention
pluritronculaires et une atteinte artérielle diffuse. Les lésions primaire ou secondaire. Seuls les objectifs sont plus exigeants en
sont en outre plus calcifiées, la lumière artérielle des segments prévention secondaire. La prévention passe par l’amélioration
artériels adjacents aux vaisseaux occlus ou sténosés est plus de l’hygiène de vie, l’optimisation du contrôle glycémique, le
petite, les lésions occlusives sont plus sévères. Outre l’impor- traitement médicamenteux de la dyslipidémie et de l’hyperten-
tante diffusion de l’athérosclérose, les diabétiques présentent sion artérielle, l’utilisation de l’aspirine. Ces différentes mesures
une plus grande quantité de plaques riches en lipides à risque ont fait l’objet de recommandations récentes [9, 13].
de rupture. Les mécanismes physiopathologiques qui concou-
rent à l’athérothrombose du diabétique sont dominés par : la Amélioration de l’hygiène de vie
dysfonction endothéliale induite par l’hyperglycémie, l’altéra- L’augmentation de l’activité physique et la réduction de la
. tion de la fibrinolyse, une hyperagrégabilité plaquettaire, des surcharge pondérale sont à la base des mesures de prévention et
plaques instables, un remodelage artériel inadapté, des artères de traitement du diabète de type 2 [19]. Il est conseillé 30 minu-
coronaires calcifiées et fibreuses [13]. tes d’activité physique au moins 5 fois par semaine, une

2 Endocrinologie-Nutrition
Insuffisance coronaire, cardiomyopathie et neuropathie autonome chez le diabétique ¶ 10-366-J-20

limitation des ingestats à 1 500 kcal/j, une consommation de Les fibrates et notamment le fénofibrate, qui a fait l’objet
corps gras ne dépassant pas 30 % de la ration énergétique d’une étude spécifique chez les diabétiques [33] , n’ont pas
journalière (dont 10 % d’acides gras mono-insaturés, de type montré d’effet favorable sur la réduction des événements
huile d’olive), la consommation de 30 g/j de fibres, la limitation . cardiovasculaires et la mortalité chez ces malades.
des mono- et disaccharides sous forme liquide. Ces recomman- Les modalités pratiques du traitement font l’objet de recom-
dations doivent s’inscrire dans le cadre d’une prise en charge mandations spécifiques [13].
éducative conduisant en outre à l’autocontrôle de la glycémie et
de la pression artérielle (PA) [20] . Une éventuelle surcharge Traitement de l’hypertension artérielle
pondérale doit être réduite avec l’objectif de perdre 5 à 10 % du Quel que soit le type de diabète, l’apparition d’une hyperten-
poids initial. L’arrêt du tabac constitue une nécessité absolue sion amplifie fortement son rôle pathogène. Un traitement
dans la mesure où celui-ci amplifie fortement les effets athéro- intensif de la maladie hypertensive réduit l’incidence des
gènes du diabète [21]. complications cardiovasculaires avec un bénéfice plus important
chez le diabétique que chez le non-diabétique. L’objectif chez le
Contrôle glycémique diabétique est de ramener le niveau de la PA au-dessous de 130/
L’élévation de la glycémie par elle-même expose à un excès 80 mmHg [34]. Ce but est difficile à atteindre, il passe par des
de risque de cardiopathie ischémique. Celui-ci existe dès le stade mesures hygiénodiététiques et par une plurithérapie. Celle-ci
des troubles de glycorégulation prédiabétique (hyperglycémie doit obligatoirement comporter un agent bloquant le système
modérée à jeun, intolérance aux hydrates de carbone) [22]. Le rénine-angiotensine-aldostérone du fait d’un bénéfice particulier
risque paraît être plus fortement lié à l’élévation de la glycémie démontré chez les diabétiques, que ce soit en termes de protec-
postprandiale qu’à l’augmentation de la glycémie à jeun [23]. tion rénale ou cardiovasculaire [13, 34]. Les médicaments du
Autant il est bien établi que la microangiopathie et la système rénine-angiotensine (inhibiteurs de l’enzyme de
neuropathie autonome peuvent être réduites par un bon conversion [IEC], antagonistes des récepteurs de l’angiotensine,
contrôle glycémique dans les diabètes de type 1 et 2 [24, 25], spironolactone) sont susceptibles de provoquer des insuffisances
autant le bénéfice sur la macroangiopathie est plus difficile à rénales sévères et des hyperkaliémies chez les diabétiques âgés
démontrer. Dans une méta-analyse récente portant sur 6 300 dès lors que ces patients ont une altération préexistante de leur
patients diabétiques de type 1 et 2, il apparaît qu’un bon fonction rénale, sont sous diurétiques ou déshydratés. L’emploi
équilibre glycémique réduit la survenue de complications de ces produits doit donc respecter les contre-indications
macroangiopathiques (artériopathies périphériques, coronaro- formulées par l’autorisation de mise sur le marché (AMM) et
pathies, accident vasculaire cérébral [AVC]) chez les diabétiques impose une surveillance régulière du ionogramme et de la
de type 1 alors que le bénéfice ne porte que sur les artériopa- fonction rénale. Les modalités pratiques du traitement font
thies périphériques et les AVC, mais pas sur la coronaropathie l’objet de recommandations détaillées [34].
dans le diabète de type 2. Cette méta-analyse montre de plus
l’absence de corrélation entre le taux de l’hémoglobine glyquée Traitement antiagrégant plaquettaire
A1C (HbA1C) et la survenue d’une macroangiopathie chez les L’intérêt d’un traitement antiagrégant plaquettaire par
diabétiques de type 2 [26]. Malgré ces données, l’objectif d’un aspirine en prévention secondaire n’est pas discuté chez le
contrôle glycémique optimal est essentiel et la cible reste un diabétique. Il doit être utilisé dans les mêmes conditions que
taux d’HbA1c inférieur à 6,5 % [13]. chez le non-diabétique à la dose de 75 mg/j [13].
Le choix du traitement n’est probablement pas indifférent. Le bénéfice de ce traitement en situation de prévention
Un éventuel accroissement du risque cardiovasculaire sous primaire fait en revanche l’objet de discussions. Les recomman-
l’influence des sulfamides de première génération reste contro- dations européennes ne mentionnent pas son utilisation en
versé [27]. Les thiazolidinediones qui avaient suscité beaucoup prévention primaire des cardiopathies ischémiques [13] alors que
d’intérêt font l’objet d’une forte réserve en raison de leur rôle les auteurs américains la recommandent à la dose de
aggravant dans les insuffisances cardiaques et du fait d’un excès 75-162 mg/j chez les diabétiques de plus de 40 ans qui ont des
d’infarctus du myocarde observé avec la rosiglitazone [28]. facteurs de risque associés (antécédents familiaux de maladie
Dans le cadre des syndromes coronariens aigus ou au décours cardiovasculaire, hypertension artérielle [HTA], tabagisme,
d’une procédure interventionnelle ou chirurgicale, l’optimisa- dyslipidémie, protéinurie). Les évidences sur lesquelles repose
tion du contrôle glycémique représente un enjeu majeur en cette recommandation sont incertaines [35].
termes de pronostic cardiovasculaire [29, 30]. L’objectif dans ces
situations est de normaliser la glycémie quel que soit le Effet de ces interventions
médicament utilisé. Le bénéfice de ce type d’intervention a été évalué dans
l’étude STENO 2. Dans cette étude danoise, 160 diabétiques de
Traitement de la dyslipidémie type 2, microalbuminuriques, âgés d’en moyenne 55 ans ont été
Constitutive du syndrome métabolique, une dyslipidémie suivis pendant 7,8 ans, en bénéficiant soit d’un traitement
existe chez la plupart des diabétiques de type 2 au moment du conventionnel, soit de mesures interventionnelles intensives
diagnostic. Elle est qualitative : augmentation de la fraction des visant à modifier le style de vie, à optimiser l’équilibre du
low density lipoprotein (LDL) petites et denses qui sont particu- diabète, à traiter l’HTA et la dyslipidémie associées à la prise
lièrement athérogènes et quantitative : hypertriglycéridémie d’aspirine. Ces mesures ont permis de réduire le risque d’événe-
modérée, baisse du high density lipoprotein (HDL) cholestérol, ments cardiovasculaires et microvasculaires d’environ 50 % [36].
tandis que les taux de cholestérol total et de LDL cholestérol
(LDLc) sont peu modifiés. L’excès de risque associé à l’hypertri-
Traitement des événements coronariens
glycéridémie est discuté, il paraît plus lié à l’abaissement Les patients diabétiques restent moins bien traités que les
concomitant du HDL cholestérol [31]. L’augmentation du LDL non diabétiques en raison d’un diagnostic souvent tardif du fait
cholestérol, même si ce n’est pas la caractéristique principale de du caractère volontiers silencieux de l’ischémie et parce qu’ils
ces patients, est particulièrement délétère. Dans l’United sont considérés comme plus vulnérables et moins susceptibles
Kingdom Prospective Diabetes Study (UKPDS), toute augmenta- de recevoir les traitements classiques. Néanmoins, les procédures
tion de 1 mmol/l (39 mg/l) était associée à un accroissement de de revascularisation sont au moins aussi efficaces chez eux que
57 % des événements cardiovasculaires [32]. chez les non-diabétiques.
Les traitements par statines, que ce soit en prévention Le traitement des événements repose sur les mêmes principes
secondaire ou en prévention primaire [13] , se sont montrés que chez le non-diabétique. Il a pour objet d’évaluer le risque,
particulièrement efficaces pour réduire la survenue des événe- de traiter l’ischémie et ses complications, de revasculariser le
ments cardiovasculaires et la mortalité chez les diabétiques. Le myocarde, de stabiliser les plaques et de prévenir l’évolution des
bénéfice est proportionnel à la réduction du LDLc. phénomènes athérothrombotiques.

Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-J-20 ¶ Insuffisance coronaire, cardiomyopathie et neuropathie autonome chez le diabétique

Traitements anti-ischémiques 62 ans présentant une coronaropathie revascularisée chirurgica-


lement, il apparaît que la mortalité postopératoire précoce est
L’utilisation des dérivés nitrés et des inhibiteurs calciques ne
comparable entre les deux groupes et qu’elle n’est pas différente
modifie pas le pronostic bien que des effets favorables aient été
selon que les patients ont bénéficié d’un ou de deux pontages
décrits avec le diltiazem dans les infarctus non transmuraux. Ils
mammaires. La survie à 10 ans est un peu meilleure chez les
ne sont pas recommandés en traitement de fond, mais peuvent
non-diabétiques (79,5 %) que chez les diabétiques (76,8 %)
être utiles à titre symptomatique.
(p = 0,06). Chez les diabétiques, la survie à 6 ans n’est pas
Les b-bloquants réduisent la mortalité après un infarctus du
différente selon qu’ils aient bénéficié d’un ou de deux pontages
myocarde. Ils en préviennent les récidives, ainsi que les aryth-
mammaires. En revanche, à 10 ans, la survie est meilleure dans
mies graves et la mort subite. En l’absence de contre-indication,
le sous-groupe ayant eu deux pontages mammaires (80,2 versus
ils doivent être prescrits chez tous les diabétiques ayant
75,4 % ; p = 0,046) [44].
constitué un syndrome coronarien aigu. Certains d’entre eux
Le choix de la meilleure méthode de revascularisation entre
exercent également des effets favorables dans l’insuffisance
angioplastie et chirurgie reste incertain. Les données dont nous
cardiaque (IC). Le choix est à individualiser en fonction du
disposons ne prennent pas en compte les nouveaux moyens
terrain. On donnera la préférence aux antagonistes b1 chez les
pharmacologiques, les stents actifs et l’évolution des techniques
patients sous insuline, aux composés ayant des propriétés
chirurgicales. Des essais comparant chirurgie et angioplastie
vasodilatatrices en cas d’insulinorésistance et/ou d’artériopathie
avec stents actifs sont en cours et devraient répondre à cette
périphérique. Ces médicaments sont sous-utilisés chez les
question.
diabétiques coronariens, ce qui prive ces patients d’un traite-
ment susceptible d’améliorer leur survie.
■ Cardiomyopathie
Revascularisation myocardique
Stricto sensu, la cardiomyopathie diabétique est une condi-
Elle est essentiellement indiquée en cas de syndrome corona-
tion clinique diagnostiquée quand une dysfonction ventriculaire
rien aigu. Sa place dans le cadre d’une maladie coronaire stable
se développe chez des patients diabétiques en l’absence d’athé-
est plus discutée [37]. Elle fait appel à l’angioplastie translumi-
rosclérose coronaire et d’hypertension artérielle [45]. Dans les
nale et à la chirurgie de pontage. La thrombolyse est également
faits, ces conditions paraissent quelque peu théoriques tant les
proposée dans le cadre de l’infarctus du myocarde.
mécanismes conduisant à l’IC sont multiples et intriqués chez
Malgré des progrès substantiels ces dernières années, les
le diabétique. Il ne fait néanmoins aucun doute que le diabète
résultats sont globalement moins bons que chez le non-
conduit à l’IC par des mécanismes spécifiques justifiant le
diabétique et le devenir moins favorable.
concept de cardiomyopathie diabétique [45, 46].
Thrombolyse. La thrombolyse peut être indiquée pour
L’étude de Framingham montre que les diabétiques ont deux
restaurer la perméabilité artérielle à la phase aiguë de l’infarctus.
fois plus de risque de développer une IC pour ce qui concerne
Elle est aussi efficace chez le diabétique que chez le non-
les hommes et cinq fois plus pour ce qui concerne les fem-
diabétique. Son utilisation doit respecter les contre-indications
mes [47]. Toute augmentation de 1 % du taux de l’HbA1c est
classiques. Elle est sous-utilisée chez le diabétique en raison de
responsable d’une majoration de 8 % de l’incidence de l’IC [48].
l’opinion qu’il existerait un risque accru de saignement oculaire
Dans les essais et les registres, 20 à 40 % des insuffisants
ou cérébral. Cette position est contestée dans les recommanda-
cardiaques sont diabétiques [49]. La prévalence du diabète est
tions européennes qui conseillent son utilisation chez les
équivalente dans les insuffisances cardiaques systoliques et à
diabétiques sur les mêmes bases que chez le non-diabétique [13].
fonction systolique conservée [49].
Lorsque c’est possible, on lui préférera la revascularisation par
angioplastie qui donne de meilleurs résultats à terme dans la
population générale et chez les diabétiques [38]. Mécanismes et conséquences
Angioplastie transluminale. Pratiquée seule, ses résultats Les mécanismes en cause dans la cardiomyopathie ne sont
sont décevants. Comparativement à la chirurgie, l’étude Bypass que partiellement connus. Ils ont été récemment passés en
Angioplasty Revascularization Investigation (BARI) [39] montre, revue [45, 46]. L’accumulation de triglycérides et d’acides gras
dans une analyse a posteriori du sous-groupe diabétique, une non estérifiés jouerait un rôle central en induisant l’insulinoré-
surmortalité à 5 ans de l’angioplastie par rapport à la chirurgie sistance, en affectant directement la contractilité cellulaire
de pontage mammaire (35,5 % versus 19 %). Ces résultats myocardique et en promouvant dans certaines circonstances
diffèrent de ce que l’on observe dans la population générale, où l’apoptose cellulaire. L’insulinorésistance et l’hyperinsulinémie
il n’existe pas de différence entre les deux procédures en termes induiraient l’hypertrophie des cardiomyocytes et le développe-
de survie à long terme. ment de la matrice extracellulaire à l’origine de l’hypertrophie
Différentes évolutions techniques ont fait évoluer ces résul- myocardique. L’hyperglycémie induit la génération de radicaux
tats. L’emploi des antiplaquettaires anti-GpIIb/IIIa pendant la superoxydes cytotoxiques. Le rôle de l’accumulation de produits
procédure a amélioré le pronostic des patients [40]. L’utilisation de glycation est également à prendre en compte. Ces différents
de stents nus a permis d’améliorer la perméabilité des angio- mécanismes sont à l’origine d’une hypertrophie myocardique et
plasties, mais ils exposent à un risque de resténose particulière- d’une dysfonction diastolique puis systolique.
ment élevé chez le diabétique [41]. Les stents actifs ont permis La symptomatologie de la cardiomyophie diabétique n’a pas
de réduire ce risque de façon importante (80 % de réduction par de caractère spécifique. L’IC diastolique qui se présente habi-
rapport aux stents nus à 1 an chez le diabétique) avec des tuellement sous forme d’épisodes intermittents paroxystiques
résultats qui paraissent meilleurs chez les diabétiques traités par aurait chez ces patients un caractère plus chronique [49].
médications orales par rapport aux patients insulinorequérants.
Ces résultats sont néanmoins moins bons que ceux obtenus Aspects thérapeutiques
chez les non-diabétiques [41]. Contrairement à la population
générale, il ne semble pas exister de différence d’efficacité entre Le traitement de l’IC chez le diabétique repose sur les
les stents au sirolimus et au paclitaxel [42]. Les stents actifs, principes habituels. La manipulation des médicaments se heurte
contrairement aux stents nus, exposent à un risque de throm- toutefois, en particulier chez le diabétique âgé, à des difficultés
bose tardive qui ne semble pas diminuer avec le temps (de 1,3 liées au terrain et aux pathologies concomitantes (néphropathie,
à 1,8 % personne-année). Le diabétique y est particulièrement hypotension orthostatique). L’IC modifie les conditions
prédisposé. Cela pose la question de la durée du traitement par d’emploi des traitements hypoglycémiants.
l’association aspirine clopidogrel chez les patients porteurs de
stents actifs [43].
Traitement de l’insuffisance cardiaque
Pontage aortocoronarien. Dans une étude de cohorte Les b-bloquants sont sous-utilisés dans le traitement de l’IC
comparant 467 diabétiques à 664 non-diabétiques d’âge moyen du diabétique bien que leur bénéfice dans l’IC chronique par

4 Endocrinologie-Nutrition
Insuffisance coronaire, cardiomyopathie et neuropathie autonome chez le diabétique ¶ 10-366-J-20

dysfonction systolique soit comparable à celui observé chez le Les hypothèses pathogéniques font intervenir une souffrance
non-diabétique. Leur place en cas d’IC à fonction systolique d’origine métabolique des fibres nerveuses à travers l’accumula-
conservée est mal définie faute d’études, mais ils sont potentiel- tion de sorbitol, résultant d’une activation de la voie des
lement intéressants dans cette situation. Le choix de la molécule polyols, des mécanismes de nature ischémique en rapport avec
doit être adapté au terrain (voir supra). des phénomènes de vasoconstriction consécutifs à l’activation
Les IEC procurent le même bénéfice chez les diabétiques et de la protéine kinase C et à l’accumulation de radicaux libres,
les non-diabétiques en cas d’IC systolique et sont probablement des phénomènes auto-immuns et un déficit en facteurs de
bénéfiques en cas d’IC à fonction systolique conservée. L’effet croissance neurohormonaux [52].
des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II apparaît
moindre chez les diabétiques. Ces deux classes médicamenteuses
suscitent un intérêt particulier chez ces patients car elles Diagnostic
préviennent l’apparition de nouveaux cas de diabète chez des
Les méthodes diagnostiques utilisées pour mettre en évidence
patients non diabétiques, exercent des effets de néphroprotec-
la NAC ont évolué ces dernières années. Ewing, le premier, a
tion et améliorent le pronostic en cas de cardiopathie ischémi-
proposé dans les années 1970 une batterie de tests qui a pour
que sévère. Il n’existe pas de données spécifiques aux
objet d’évaluer la réponse réflexe du système cardiovasculaire à
diabétiques avec les antagonistes de l’aldostérone. L’utilisation
des stimuli mettant en jeu les systèmes parasympathique et
des inhibiteurs du système rénine-angiotensine impose une
sympathique [54]. Ces tests représentent la méthode de réfé-
prudence toute particulière chez les diabétiques en raison du
rence, ils ont permis de standardiser l’approche diagnostique de
risque d’hyperkaliémie et d’insuffisance rénale et nécessite une
la NAC. D’autres méthodes se sont développées. Certaines
surveillance régulière.
appartiennent au domaine de la recherche : dosage des catécho-
Des perspectives de traitement spécifique s’ouvrent avec le
lamines plasmatiques, scintigraphie à la MIBG (I123-méta-iodo-
développement de molécules capables de rompre les produits de
benzyl-guanidine), tomographie à émission de positons [55].
glycation dont l’accumulation est impliquée dans la pathogénie
Seule l’analyse de la variabilité de la fréquence cardiaque (FC),
de la cardiomyopathie [50].
à partir d’un enregistrement Holter, est utilisée en clinique. Son
Contrôle glycémique étude repose sur le fait que la FC est modulée par des oscilla-
tions de haute fréquence (HF : 0,18-0,40 Hz) dépendantes de la
Le maintien de l’équilibre glycémique est de nature à prévenir respiration qui constituent un marqueur d’activité parasympa-
l’installation de l’IC [48]. thique et par des oscillations de basse fréquence (BF : 0,03-
En présence d’une IC avérée, certains traitements sont 0,15 Hz) qui sont en partie influencées par le système nerveux
susceptibles de modifier le pronostic de la maladie : sympathique. Le rapport BF/HF constitue un indicateur accep-
• la metformine, utilisée seule ou en association, diminue la table de l’équilibre vagosympathique. Les résultats sont globa-
morbidité et la mortalité des diabétiques insuffisants cardia- lement bien corrélés aux tests d’Ewing [56] , elle présente
ques comparativement au traitement par sulfamides [51]. Son toutefois l’inconvénient de ne pas discriminer de façon précise
utilisation doit cependant faire l’objet de précautions les situations limites. Elle n’est pas applicable chez les patients
d’emploi lors des épisodes de décompensation ; arythmiques.
• les thiazolidinediones (pioglitazone, rosiglitazone) sont
responsables d’épisodes de rétention hydrosodée (œdèmes
périphériques) et d’IC chez les patients prédisposés dont le Conséquences
mécanisme reste mal compris. La prévalence de ce phéno-
mène reste modeste, mais elle a conduit à leur contre- Les conséquences de la NAC dépendent de la sévérité de la
indication en cas d’IC. dénervation et des conditions de terrain qui lui sont associées.
Il convient de distinguer la neuropathie infraclinique qui est
dépistée à travers les tests évoqués précédemment et la NAC
■ Neuropathie autonome exprimée cliniquement. L’existence d’une NAC constitue un
facteur de surmortalité cardiovasculaire, mais de nombreuses
cardiaque incertitudes persistent quant à la relation entre la sévérité de la
La neuropathie autonome cardiaque (NAC) est une complica- neuropathie et l’excès de mortalité et quant aux mécanismes en
tion fréquente [52]. Sa caractérisation est moins aisée qu’il n’y cause [55].
paraît. En effet, cette atteinte reste longtemps silencieuse et n’a
une expression clinique que tardivement. Cela explique que sa Neuropathie infraclinique
prévalence et ses conséquences dépendent largement du stade
auquel elle est diagnostiquée et donc de la sensibilité des Au stade infraclinique, l’existence d’une NAC se manifeste
méthodes diagnostiques utilisées. Dans la population générale, par une tachycardie permanente avec diminution de la variabi-
la prévalence varie de 7,7 à 90 % [52]. Au-delà de ces chiffres, il lité sinusale, une altération de la sensibilité du baroréflexe avec
convient de considérer qu’il s’agit, au moins au stade infracli- augmentation de la variabilité de la pression artérielle. La
nique, de la complication dégénérative la plus fréquente. Toute détection de ces anomalies repose exclusivement sur les tests
la question est d’établir les conséquences qui en résultent. mentionnés précédemment. Il est probable que l’excès de risque
associé à l’existence de la NAC progresse en fonction de la
sévérité de l’atteinte, il est difficile d’établir ce qu’il en est à un
Histoire naturelle. Pathogénie stade précoce. Il est possible qu’un traitement intensif ralentisse
L’atteinte du système nerveux autonome est fréquente au sa progression [57].
cours du diabète et apparaît précocement. Elle est d’autant plus
fréquente que le diabète est plus ancien et que les patients sont Neuropathie clinique
plus âgés. Sa présence est significativement associée à la
microangiopathie et singulièrement à la néphropathie et à Lorsqu’elle s’exprime cliniquement, la NAC est rendue
l’obésité chez les diabétiques de type 2. En revanche, elle n’est responsable d’une intolérance à l’effort, d’anomalies de la
pas corrélée à l’existence de la macroangiopathie [53]. régulation tensionnelle avec d’éventuels phénomènes d’hypo-
Les fibres les plus longues sont les premières affectées, ce qui tension orthostatique, d’ischémie myocardique silencieuse, d’un
explique que l’atteinte débute par le système parasympathique excès d’événements cardiovasculaires majeurs et de
et que l’atteinte sympathique soit plus tardive. mortalité [52].
Pendant longtemps, les conséquences restent infracliniques. L’intolérance à l’effort résulterait d’une moindre capacité du
L’expression clinique est inconstante et n’apparaît qu’à un stade diabétique à accélérer sa FC et d’une diminution de la capacité
de dénervation avancée. contractile de son myocarde [58].

Endocrinologie-Nutrition 5
10-366-J-20 ¶ Insuffisance coronaire, cardiomyopathie et neuropathie autonome chez le diabétique

■ Références
.

Les anomalies de la régulation tensionnelle sont détectées au


mieux par la mesure ambulatoire de la pression artérielle. Dans
les situations les plus typiques, celle-ci met en évidence une [1] Morrish NJ, Wang SL, Stevens LK, Fuller JH, Keen H. Mortality and
augmentation de la variabilité de la PA et une inversion du causes of death in the WHO Multinational Study of Vascular Disease in
rythme nycthéméral de la PA avec des valeurs nocturnes plus Diabetes. Diabetologia 2001;44(suppl2):S14-S21.
élevées que les valeurs diurnes. La sévérité de l’anomalie est [2] Mozaffarian D, Marfisi RM, Levantesi G, Silletta MG, Tavazzi L,
directement corrélée à la gravité de la NAC [59]. L’inversion du Tognoni G, et al. Incidence of new-onset diabetes and impaired fasting
rythme tensionnel nycthéméral est fréquemment associée à glucose in patients with recent myocardial infarction and the effect of
l’existence d’une néphropathie. Lorsque la neuropathie est très clinical and lifestyle risk factors. Lancet 2007;370:667-75.
évoluée, certains patients peuvent présenter des manifestations [3] Fox CS, Coady S, Sorlie PD, Levy D, Meigs JB, D’Agostino Sr. RB,
d’hypotension en orthostatisme, traduisant une dénervation et al. Trends in cardiovascular complications of diabetes. JAMA 2004;
sympathique. L’hypotension orthostatique entraîne au mini- 292:2495-9.
mum un inconfort, mais peut être responsable de manifesta- [4] Lee CD, Folsom AR, Pankow JS, Brancati FL, Atherosclerosis Risk in
tions angineuses et de pertes de connaissance. Elle s’associe Communities (ARIC) Study Investigators.. Cardiovascular events in
volontiers à des épisodes d’hypertension nocturne. diabetic and non diabetic adults with or without history of myocardial
L’ischémie myocardique silencieuse (IMS) qui est une condi- infarction. Circulation 2004;109:855-60.
tion fréquente chez le diabétique serait favorisée par la déner- [5] Wannamethee SG, Shaper AG, Lennon L. Cardiovascular disease inci-
vation végétative. Dans une méta-analyse portant sur 12 études, dence and mortality in older men with diabetes and in men with
l’existence d’une NAC chez le diabétique confère un excès de coronary heart disease. Heart 2004;90:1398-403.
risque d’IMS de 96 % (RR : 1,96 ; IC 95 % : 1,53-2,51 ; [6] Huxley R, Barzi F, Woodward M. Excess risk of fatal coronary heart
p < 0,001) par rapport au diabétique indemne [52]. disease associated with diabetes in men and women: meta-analysis of
La relation entre l’existence d’une NAC et la survenue 38 prospective cohort studies. BMJ 2006;332:73-8.
d’événements cardiovasculaires majeurs a été évaluée dans deux [7] Executive summary of the third report of the National Cholesterol Edu-
études prospectives portant sur de petits effectifs. Ces études ont cation Program (NCEP) expert panel on detection, evaluation and
relevé la survenue d’un événement cardiovasculaire fatal ou non treatment of high blood cholesterol in adults (Adult Treatment Panel
fatal à type d’angor, d’infarctus du myocarde, d’IC, de tachycar- III). JAMA 2001;285:2486-97.
die ou de fibrillation ventriculaire ressuscitée, de revascularisa- [8] Howard B, Best LG, Galloway JM, Howard WJ, Jones K, Lee ET, et al.
tion myocardique chez des diabétiques présentant ou non une Coronary heart disease risk equivalence in diabetes depends on conco-
NAC. Les résultats sont à la limite de la significativité, ils mitant risk factors. Diabetes Care 2006;29:391-7.
indiquent que la présence d’une NAC confère un excès de [9] Buse JB, Ginsberg HN, Bakris GL, Clark NG, Costa F, Eckel R, et al.
risque compris entre 2,2 et 3,4 [60, 61]. Primary prevention of cardiovascular diseases in people with diabetes
Quinze études portant sur 2 900 diabétiques suivis de 1 à mellitus. A scientific statement from the American Heart Association
16 ans ont mis en évidence une surmortalité chez les diabéti- and the American Diabetes Association. Diabetes Care 2007;30:
ques présentant une NAC par rapport à ceux qui en sont 162-72.
indemnes avec un excès de risque variant de 0,91 à 9,20. Elles [10] Grundy SM. Diabetes and coronary risk equivalency. What does it
ont fait l’objet d’une méta-analyse qui estime l’excès de risque mean? Diabetes Care 2006;29:457-60.
à 2,14 ; IC 95 % : 1,83-2,51 ; p < 0,0001 [52]. Les raisons de cette [11] Stern MP, Williams K, Gonzalez-Villalpando C, Hunt KJ, Haffner SM.
surmortalité font l’objet de discussion. Il a été évoqué la Does the metabolic syndrome improve identification of individuals at
responsabilité d’anomalies du contrôle neurovégétatif de la risk of type 2 diabetes and/or cardiovascular disease? Diabetes Care
respiration avec une moindre sensibilité à l’hypoxie, de la 2004;27:2676-81.
diminution de sensibilité aux épisodes hypoglycémiques, des [12] Musto C, Simon P, Nicol E, Tanigawa J, Davies SW, Oldershaw PJ,
complications microvasculaires évoluant en parallèle à la et al. 64-multislice computed tomography in consecutive patients with
neuropathie et d’un excès de mort subite d’origine rythmique. suspected or proven coronary artery disease: Initial single center
Cet excès de mort subite rythmique serait favorisé par un experience. Int J Cardiol 2007;114:90-7.
allongement de l’intervalle QT dont la durée est un reflet des [13] Rydén L, Standl E, Bartnik M, Van den Berghe G, Betteridge J, de
influences neurovégétatives qui s’exercent sur le cœur. Plusieurs Boer MJ, et al. Guideline on diabetes, pre-diabetes, and cardiovascular
travaux ont mis en évidence une relation entre la durée de disease: executive summary. The task force on diabetes and
l’intervalle QT et la sévérité de la neuropathie autonome [62, 63]. cardiovascular disease of the European society of cardiology (ESC)
Les diabétiques présentent également une augmentation de la and of the European association for the study of diabetes (EASD). Eur
dispersion du QT, mais le lien entre cette anomalie et la NAC Heart J 2007;28:88-136.
est discuté [63]. La responsabilité de la NAC en tant que telle [14] Wackers FJ, Young LH, Inzucchi SE, Chyun DA, Davey JA, Barrett EJ,
dans l’excès de mortalité des diabétiques n’est toutefois pas et al. Detection of silent myocardial ischemia in asymptomatic diabetic
unanimement admise. C’est ainsi que dans la Rochester Diabe- subjects. The DIAD study. Diabetes Care 2004;28:1254-61.
tic Neuropathy Study, les investigateurs ont montré que tous les [15] Valensi P, Paries J, Brulport-Cerisier V, Torremocha F, Sachs RN,
patients, diabétiques et non diabétiques, qui ont présenté des Vanzetto G, et al. Predictive value of silent myocardial ischemia for
morts subites, avaient des coronaropathies sévères ou une cardiac events in diabetic patients. Influence of age in a french
dysfonction ventriculaire gauche. Ils suggèrent que la neuropa- multicenter study. Diabetes Care 2005;29:2722-7.
thie pourrait être, au plus, un contributeur, mais pas une cause [16] Puel J, Valensi P, Vanzetto G, Lassmann-Vague V, Monin JL, Moulin P,
indépendante de décès [64]. et al. Identification de l’ischémie myocardique chez le diabétique.
Le traitement de la neuropathie est purement symptomati- Recommandations conjointes SFC/ALFEDIAM. Arch Mal Cœur
que. Un bon équilibre du diabète est susceptible d’en ralentir 2004;97:338-57.
l’évolution [57]. [17] Malmberg K, Yusuf S, Gerstein HC, Brown J, Zhao F, Hunt D, et al.
Impact of diabetes on long-term prognosis in patients with unstable
angina and non-Q-wave myocardial infarction: results of the OASIS
(Organization to Assess Strategies for Ischemic Syndromes) Registry.
■ Conclusion Circulation 2000;102:1014-9.
[18] Haffner SM, Lehto S, Ronnemaa T, Pyörälä K, Laakso M. Mortality
Le diabétique paye un lourd tribut aux complications cardia- from coronary heart disease in subjects with type 2 diabetes and in
ques. L’importance de certaines d’entre elles, telle l’insuffisance nondiabetic subjects with and without prior myocardial infarction. N
cardiaque, reste encore largement sous-estimée. Ces patients Engl J Med 1998;339:229-34.
restent trop souvent sous-traités du fait de concepts erronés. Les [19] Sigal RJ, Kenny GP, Wasserman DH, Castaneda-Sceppa C. Physical
mesures de prévention doivent être développées et s’intégrer à activity/exercise and type 2 diabetes. Diabetes Care 2004;27:
part entière dans le cadre des programmes d’éducation. 2518-39.

6 Endocrinologie-Nutrition
Insuffisance coronaire, cardiomyopathie et neuropathie autonome chez le diabétique ¶ 10-366-J-20

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Endocrinologie-Nutrition 7
10-366-J-20 ¶ Insuffisance coronaire, cardiomyopathie et neuropathie autonome chez le diabétique

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X. Chanudet, Professeur agrégé (xavier.chanudet@wanadoo.fr).


M.-C. Chenilleau, Interne des Hôpitaux.
Service de cardiologie, Hôpital d’instruction des Armées Bégin, 69, avenue de Paris, 94160 Saint-Mandé, France.
P. Schiano, Médecin des Hôpitaux.
Service de cardiologie, Hôpital d’instruction des Armées du Val-de-Grâce, 74, boulevard de Port-Royal, 75005 Paris, France.
B. Bauduceau, Professeur agrégé.
Service d’endocrinologie, Hôpital d’instruction des Armées Bégin, 69, avenue de Paris, 94160 Saint-Mandé, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Chanudet X., Chenilleau M.-C., Schiano P., Bauduceau B. Insuffisance coronaire, cardiomyopathie et
neuropathie autonome chez le diabétique. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Endocrinologie-Nutrition, 10-366-J-20, 2008.

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8 Endocrinologie-Nutrition
 10-366-J-30

Dépistage de l’ischémie myocardique


silencieuse des patients diabétiques :
modalités et enjeux
M. Moret, P. Moulin

L’ischémie myocardique silencieuse (IMS) est plus fréquente chez les diabétiques. Néanmoins, sa préva-
lence varie selon le niveau du risque cardiovasculaire global. Bien qu’il s’agisse d’un facteur de risque
de surmortalité, l’intérêt de son dépistage reste débattu. En effet, au-delà de la question de la meilleure
modalité de dépistage, l’enjeu fondamental demeure la démonstration du bénéfice d’une prise en charge
conduisant à revasculariser d’emblée toute lésion sténosante chez un malade silencieux. En effet, les
études récentes ne rapportent pas de bénéfice de la revascularisation par angioplastie par rapport au
traitement médical chez des patients porteurs d’une coronaropathie stable en population générale ou
chez les malades diabétiques. Ainsi, le dépistage de l’IMS devrait être réservé à des patients diabétiques
ayant une très forte probabilité d’atteinte pluritronculaire ou d’atteinte du tronc commun gauche puisque
ce sont eux qui peuvent tirer un bénéfice d’une revascularisation chirurgicale. Pour les autres diabétiques,
il paraît raisonnable que seuls ceux dont les facteurs de risque cardiovasculaires ne sont pas contrôlés
par le traitement médical soient soumis à une stratégie de dépistage dont les modalités optimales restent
débattues.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Ischémie myocardique silencieuse ; Diabète ; Risque cardiovasculaire ;


Revascularisation endovasculaire ; Revascularisation chirurgicale

Plan  Introduction
■ Introduction 1 La pathologie coronarienne ischémique représente dans cer-
■ L’ischémie myocardique silencieuse est-elle une pathologie taines études jusqu’à 65 % à 80 % des décès des patients
fréquente et grave ? 2 diabétiques [1] . Parallèlement, l’incidence du diabète de type 2 pro-
Prévalence 2 gressant de façon exponentielle, la prise en charge optimale de la
Pronostic de l’ischémie myocardique silencieuse 2 pathologie cardiovasculaire ischémique est un enjeu important

mais elle reste mal définie. L’ischémie myocardique est défi-
Les techniques de dépistage de l’ischémie myocardique
nie comme une diminution transitoire et réversible de l’apport
silencieuse sont-elles simples, fiables, reproductibles
en oxygène au myocarde conduisant à une inadéquation entre
et acceptables ? 2
apports et besoins en oxygène. Ceci induit un retentissement
Électrocardiogramme d’effort ou épreuve d’effort 2
hémodynamique, puis métabolique (augmentation des lactates),
Scintigraphie myocardique de perfusion 2
avec ensuite des signes électriques et enfin cliniques [2] . L’ischémie
Échographie de stress 3
myocardique silencieuse (IMS) est caractérisée par l’absence de
Coroscanner multibarrette 3
symptomatologie douloureuse. Sa prévalence affecte dans cer-
■ Le dépistage de l’ischémie myocardique silencieuse taines séries jusqu’à un tiers des patients diabétiques. Plusieurs
modifie-t-il l’histoire naturelle de la pathologie coronarienne ? 3 mécanismes sont impliqués, entre autres :
■ Le traitement de l’ischémie myocardique silencieuse • une dysfonction endothéliale secondaire au diabète conduisant
apporte-t-il un bénéfice au patient ? 4 à une réponse inappropriée du flux coronarien par rapport aux
Effets sur la morbimortalité cardiovasculaire 4 besoins croissants en oxygène ;
Qualité de vie 6 • un accroissement spécifique des bêtaendorphines diminuant
■ Qui dépister ? 6 l’intensité de la symptomatologie angineuse.
Ces deux anomalies sont associées à une dysfonction du sys-
tème nerveux autonome.

EMC - Endocrinologie-Nutrition 1
Volume 9 > n◦ 3 > juillet 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1941(12)58118-7
10-366-J-30  Dépistage de l’ischémie myocardique silencieuse des patients diabétiques : modalités et enjeux

En pratique clinique, selon les recommandations françaises


en vigueur, l’IMS est repérée, chez un patient asymptomatique,
 Les techniques de dépistage
devant une anomalie cardiaque lors d’un électrocardiogramme de l’ischémie myocardique
de repos ou d’effort, s’il est réalisable ou interprétable, complété
par une scintigraphie myocardique ou une échocardiogra- silencieuse sont-elles simples,
phie de stress. En cas de suspicion d’IMS significative, une fiables, reproductibles
coronarographie est réalisée pour rechercher des lésions coro-
nariennes. Devant des lésions sténosantes, la majorité des et acceptables ?
diabétiques « bénéficient » d’une angioplastie et une mino-
rité est revascularisée chirurgicalement [3] . Cette stratégie a pris Électrocardiogramme d’effort ou épreuve
une ampleur considérable alors que le rapport bénéfice/effets d’effort
collatéraux est manifestement bien moins important que ce
qui était escompté initialement. Compte tenu de ces incer- D’après les recommandations françaises de 2004 [3] , l’épreuve
titudes et au vu des essais cliniques montrant des résultats d’effort sur tapis roulant ou bicyclette est considérée comme
sensiblement équivalents sous traitement médical premier, les l’examen de première intention alors que sa place est considéra-
recommandations étrangères sont devenues progressivement plus blement réduite dans les recommandations de 2010 sur la prise en
circonspectes [4–6] . charge de la revascularisation myocardique [18] . Cet examen doit
être réalisé chez des patients diabétiques à haut risque cardiovas-
culaire, asymptomatiques, présentant un électrocardiogramme de
repos normal et capables de mener un effort suffisamment impor-
 L’ischémie myocardique tant. Il est nécessaire au préalable de s’assurer de l’absence de
rétrécissement aortique serré. Elle doit être démaquillée (arrêt
silencieuse est-elle une pathologie des traitements à visée anti-ischémique) et l’électrocardiogramme
fréquente et grave ? doit pouvoir être interprétable (absence de bloc de branche
gauche, absence de trouble conductif empêchant l’accélération
Prévalence du rythme cardiaque). Cet examen relativement peu onéreux est
performant pour dépister le haut risque myocardique, à savoir
L’IMS chez les diabétiques est au moins deux fois plus fré- les atteintes pluritronculaires et les sténoses du tronc commun
quente que dans la population générale. Dans l’étude de De gauche. Il a une bonne valeur prédictive négative. On distingue
Luca et al. [7] , chez près de 200 patients diabétiques appariés à quatre situations [3] :
près de 200 témoins, l’IMS est présente chez 33 % des patients • épreuve d’effort maximale négative : définie par l’absence de
diabétiques versus 15 % des patients non diabétiques. Sa préva- modifications électriques après un effort correspondant à une
lence varie selon les études en fonction du risque cardiovasculaire fréquence maximale atteignant 220 battements par minute
global ; ainsi elle passe de 6 % à 23 % chez les patients à faible moins l’âge. La probabilité d’une atteinte coronaire sévère est
risque pour atteindre plus de 60 % chez les patients à haut risque très faible ;
cardiovasculaire [8, 9] . Dans une cohorte française de patients • épreuve d’effort fortement positive avec sous-décalage du seg-
diabétiques avec deux ou plus facteurs de risque cardiovascu- ment ST supérieur à 2 mm pour une puissance inférieure à
laires, l’IMS est présente chez 30 % des patients [10] . Dans cette 75 W ou avec survenue de troubles du rythme cardiaque ou de
étude, les patients avec neuropathie autonome cardiaque ont troubles hémodynamiques : le risque d’une atteinte coronaire
un risque plus élevé d’événement même après ajustement sur sévère est très élevé ; une coronarographie s’impose ;
la présence d’une IMS. Dans l’étude Detection of Silent Myo- • épreuve d’effort faiblement positive ou douteuse : un autre test
cardial Ischaemia in Asymptomatic Diabetic subjects (DIAD) [11] fonctionnel est indiqué ;
concernant 522 patients diabétiques de type 2 dont seulement • épreuve d’effort sous-maximal négative : l’incapacité à mener
60 % avaient deux ou plus facteurs de risque cardiovasculaires un effort de plus de 440 secondes est associé à un risque impor-
associés, la prévalence de l’IMS est de 22 % avec à nouveau tant d’événements coronariens. La réalisation d’un autre test
un caractère fortement prédictif de la neuropathie autonome fonctionnel avec stress pharmacologique est fortement recom-
cardiaque. mandée.
La prévalence de l’IMS augmente de même avec le dés- Bien qu’étant l’examen de première intention, ce test est sou-
équilibre glycémique : ainsi elle affecte 50 % des patients vent non concluant car sous-maximal dans la population de
ayant une hémoglobine glyquée (HbA1C ) à plus de 7,6 % ver- patients diabétiques de type 2 souvent obèses, âgés, présen-
sus 28 % des patients diabétiques ayant une HbA1c à moins tant fréquemment une pathologie rhumatismale dégénérative, un
de 7,6 % [12] . déconditionnement à l’effort ou une artériopathie des membres
inférieurs. Dans les séries publiées, jusqu’à 58 % des patients
diabétiques sont incapables d’atteindre un niveau de puissance
suffisant [19] . La sensibilité et la spécificité de cet examen chez les
Pronostic de l’ischémie myocardique patients diabétiques asymptomatiques ont peu été étudiées. On
silencieuse dispose de données chez des diabétiques symptomatiques avec
une sensibilité de 47 % à 75 % et une spécificité de 77 % à 84 % [19] .
L’IMS est un facteur de mauvais pronostic, prédictif de la Globalement dans les études les mieux contrôlées prenant en
survenue d’événements cardiaques ischémiques majeurs [13] en compte les biais de sélection, l’électrocardiogramme d’effort chez
particulier chez les patients diabétiques [14] . Chez les patients dia- les malades diabétiques offre une sensibilité 30 % plus faible que
bétiques présentant une IMS, il existe un surrisque d’événement la scintigraphie myocardique et l’échographie de stress, mais une
cardiovasculaire (risque annuel de 3 %) [15] . Il est toutefois spécificité 30 % meilleure, proche de 80 % [20] .
moindre que chez les patients symptomatiques [16] . Cependant,
il n’y a pas de corrélation étroite entre IMS et pathologie
coronarienne athéromateuse sténosante. En effet, des sténoses Scintigraphie myocardique de perfusion
coronariennes significatives ne sont retrouvées que chez 30 %
à 60 % des patients avec une IMS. Cette discordance pour- La scintigraphie myocardique est couplée à un test de pro-
rait provenir de la dysfonction endothéliale responsable d’une vocation de l’ischémie, soit ergométrique, soit pharmacologique
diminution du flux coronarien chez plus de 50 % des patients au dipyridamole. Elle peut diagnostiquer une ischémie myocar-
présentant une IMS avec des coronaires angiographiquement dique tout en précisant son étendue, sa topographie et sa sévérité.
saines [17] . Ceci expliquerait le caractère peu reproductible des En comparaison avec l’épreuve d’effort, cet examen apporte des
scintigraphies myocardiques comme cela a été constaté lors de informations quantitatives : elle est considérée comme patholo-
l’étude DIAD [11] . gique si le trouble de perfusion concerne plus de 10 % de la masse

2 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Dépistage de l’ischémie myocardique silencieuse des patients diabétiques : modalités et enjeux  10-366-J-30

ventriculaire gauche ; ceci doit alors conduire à la réalisation d’une score calcique supérieur à 400 avaient un risque cardiovasculaire
coronarographie. Les reconstructions en trois dimensions par élevé proche de 10 %/an [30] . Dans l’étude Prospective Evaluation
tomoscintigraphie de dernière génération (single-photon emission of Diabetic Ischemic Heart Disease by Computed Tomography
computed tomography [SPECT]) permettent d’améliorer le repérage (PREDICT) [31] , le score calcique est un facteur prédictif indé-
topographique des zones ischémiées, de se prémunir des artefacts pendant de survenues d’événements coronariens : le doublement
d’extinction liés à l’obésité dans le territoire inférieur et de repé- de ce score est associé à une augmentation de 30 % du risque
rer les atteintes multitronculaires via l’analyse concomitante de d’événements coronariens. Les recommandations américaines de
la fonction ventriculaire gauche. C’est la modalité diagnostique 2007 [4] suggèrent d’approfondir les explorations coronariennes
de l’IMS qui a été la plus étudiée dans la littérature en termes de (scintigraphie ou échographie de stress) si ce score est supérieur
diagnostic et de pronostic dans la population diabétique. à 400 (en pondérant ce seuil selon l’âge du patient et une éven-
Cependant, la performance diagnostique de la scintigraphie tuelle altération de la fonction rénale qui contribuent à majorer
est moins bonne chez les diabétiques [11] ; en effet, elle ne peut ce score).
s’affranchir d’une dysfonction endothéliale ou d’une altération La mesure du score calcique ne doit pas être confondue avec
de la microcirculation, plus fréquente chez le diabétique, qui l’angioscanner coronaire qui permet de visualiser après injec-
induisent un trouble de perfusion sans sténose coronarienne tion d’iode directement les plaques (mêmes non calcifiées) sur les
focalisée. Dans la plus grosse série prospective de diabétiques troncs coronariens. Il s’agit davantage d’un examen d’évaluation
silencieux, la spécificité (versus les lésions sténosantes en corona- de lésions potentiellement sténosantes qu’une étape de dépistage.
rographie) n’atteignait pas 70 % [21] . Enfin, la scintigraphie reste Sa sensibilité peut atteindre 86 % et sa spécificité 96 % [32] . Il peut
un examen onéreux comportant une irradiation comparable à être pris en défaut pour l’inventaire des lésions athéromateuses
celle d’une coronarographie ou d’un coroscanner multibarrette. distales d’autant plus que chez les diabétiques, la paroi des coro-
naires est souvent calcifiée avec des artères grêles et des lésions
diffuses. Son interprétation est également délicate pour les lésions
Échographie de stress proximales fortement calcifiées.
Cet examen de deuxième intention explore lui aussi le À l’issue de la réalisation de ces examens, leur positivité conduit
retentissement fonctionnel en analysant la cinétique systolique à la réalisation d’une coronarographie qui demeure le gold stan-
segmentaire lors d’un stress provoqué par une injection de dard dans une stratégie consistant à revasculariser l’aval des
dobutamine. En dehors des insuffisances d’échogénicité, les plaques sténosantes. Actuellement dans la majorité des cas, le
performances de l’échographie de stress sont globalement équi- repérage de lésions sténosantes conduit à une angioplastie avec
valentes à la scintigraphie. La sensibilité serait de 81 % à 89 % pose de stents actifs chez le patient diabétique. L’intérêt d’une
et la spécificité varie de 52 % à 85 % [19] ; la sensibilité paraît telle attitude est bien établi en situation de syndrome corona-
donc meilleure que l’électrocardiogramme d’effort avec une spé- rien aigu ou chez les malades ayant des douleurs angineuses. La
cificité probablement moindre [20] . Dans une étude prospective conjonction des essais d’intervention chez le coronarien stable et
randomisée française récente, comparant un groupe de patients en particulier chez le diabétique suggère que l’angioplastie sys-
diabétiques de type 2 dépistés par scintigraphie myocardique et un tématique d’emblée n’apporte pas de bénéfice décisif face à un
groupe de patients diabétiques de type 2 dépistés par échographie traitement médical optimisé avec un geste de revascularisation
de stress, la prévalence de l’IMS était similaire [22] . différé en cas de déstabilisation.
Le choix entre scintigraphie myocardique de perfusion et
échographie de stress dépend de l’échogénicité du patient, de
l’expérience des opérateurs et de la disponibilité du plateau tech-
nique. Lors de l’évaluation globale des outils de stratification du
 Le dépistage de l’ischémie
risque cardiovasculaire, l’American College of Cardiology (ACC) myocardique silencieuse
et l’American Heart Association (AHA) ont considéré que la scin-
tigraphie myocardique fournissait un service rendu de grade IIb modifie-t-il l’histoire naturelle
pour un niveau de preuve C (IIb/C) alors que le coroscanner mul-
tibarrette avec score calcique était coté de grade IIa pour un niveau
de la pathologie coronarienne ?
de preuve B (IIa/B). Par ailleurs, le recours à l’épreuve d’effort ou à L’étude DIAD, dont les résultats ont été publiés dans JAMA en
l’échographie de stress en population générale à haut risque était 2009 [33] , visait à répondre à cette question. Elle avait pour objectif
coté respectivement IIb/B et III/C [23] . d’établir si le dépistage systématique de l’IMS chez des patients
diabétiques de type 2 affectait la mortalité cardiovasculaire et
Coroscanner multibarrette [24, 25] la survenue d’infarctus du myocarde. Cette étude randomisée
contrôlée a concerné 1 123 patients diabétiques de type 2. La moi-
Cet examen de développement plus récent ne fait pas partie tié a eu un dépistage de l’IMS par scintigraphie myocardique de
intégrante des recommandations françaises [3] . Son intégration perfusion et au besoin une coronarographie avec revascularisation
est désormais évoquée par les recommandations américaines éventuelle. Le groupe dépisté et le groupe non dépisté avaient un
plus récentes [4] . L’approche la plus simple, ne nécessitant pas risque cardiovasculaire similaire. À l’issue de 4,8 années de suivi
d’injection d’iode avec une durée d’acquisition de quelques moyen, la morbimortalité cardiovasculaire était similaire (2,7 %
secondes, permet d’établir un score calcique exprimé en unités dans le groupe dépisté versus 3 % dans le groupe non dépisté)
Agatston ; l’irradiation dans ce cadre est très faible [26] . Il quantifie (Fig. 1). Des données similaires ont été observées lors de l’essai
les calcifications athéromateuses coronariennes mais ne visualise clinique Do You Need to Assess Myocardial Ischemia in Type 2
pas les plaques non calcifiées. Cet indicateur morphologique est diabetes (DYNAMIT) [34] qui suivait le même design chez des sujets
prédictif du risque d’ischémie de stress et d’événements corona- ayant un risque cardiovasculaire plus élevé mais avec un effectif
riens. Il peut être recentré sur un réseau coronarien et permettre plus faible (n = 639) et un suivi moyen de 3,5 ans. Le risque rela-
de dépister un surrisque d’atteinte tritronculaire [27] ou du tronc tif (RR) de complications cardiovasculaires majeures ou de décès
commun gauche. En effet pour un score calcique supérieur à 1 000 toutes causes s’est avéré neutre (RR = 1,00 [0,59-1,71] ; p = ns).
au niveau du tronc commun, le taux de mortalité annuelle est de Le dépistage systématique de l’IMS avec les procédures actuelles
7,7 % versus moins de 1 % lorsque le score calcique est à moins de n’améliore donc pas le pronostic cardiovasculaire des patients dia-
400 [28] . bétiques de type 2 à moyen terme, le nombre de malades ayant
Une étude chez des diabétiques de type 2 asymptomatiques un dépistage positif s’avérant faible dans ces deux études (12 % et
a montré que c’était le meilleur critère prédictif de mortalité 21,5 % respectivement), le risque cardiovasculaire étant plus faible
toute cause dans cette population [29] . Lors du suivi de l’étude lors du suivi de la cohorte DIAD par comparaison à DYNAMIT.
Veterans’ Affairs Diabetes Trial (VADT), les malades diabétiques La négativité de ces essais cliniques peu probants provient pour
ayant un score calcique inférieur à 100 (38 % de la population) partie de la faible incidence des complications sur une période
avaient un risque cardiovasculaire faible alors que ceux ayant un de 5 années, des limites intrinsèques des outils de repérage des

EMC - Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-J-30  Dépistage de l’ischémie myocardique silencieuse des patients diabétiques : modalités et enjeux

d’une revascularisation endovasculaire, soit d’un traitement


0,06 médical optimal. À l’issue de 4,6 années de suivi, la surve-
Dépistés
nue du critère principal (critère composite comprenant décès
événements cardiaques
Incidence cumulée des

Non dépistés
toutes causes et infarctus non fatal) était similaire dans les
0,04 deux groupes : 19 % dans le groupe revascularisé et 18,5 % dans
le groupe traitement médical. Des résultats similaires ont été
observés dans le sous-groupe des diabétiques. Les malades inclus
dans le groupe traitement médical avaient un taux de couverture
0,02 thérapeutique très élevé, ce qui a pu participer à la stabilisation
des plaques [36, 43] . Dans le groupe randomisé pour le traitement
médical, une angioplastie différée a été nécessaire dans 30 % des
cas alors qu’une angioplastie itérative n’a été réalisée dans le
0
groupe angioplastie que chez 20 % des malades inclus (RR = 1,6,
0 1 2 3 4 5 intervalle de confiance [IC] [1,29-1,49] ; p = 0,001).
Figure 1. Incidence des événements cardiovasculaires dans le groupe L’étude Bypass Angioplasty Revascularization Investigation in
« dépistés » et le groupe « non dépistés ». Hazard ratio (HR) : 0,88 ; inter- Type 2 Diabetes (BARI 2D) [44] est venue confirmer ces résul-
valle de confiance 95 % : 0,44-1,88 ; p = 0,73. tats dans une cohorte exclusivement composée de diabétiques
de type 2. Cette étude concernait 2 368 patients diabétiques de
type 2 avec pathologie coronarienne avérée dont les facteurs de
malades susceptibles de présenter une complication ischémique, risque cardiovasculaires modifiables (diabète, tension artérielle
du taux de revascularisation qui est modeste après dépistage posi- et low density lipoprotein [LDL]-cholestérol) n’étaient pas intégra-
tif et surtout du bénéfice limité qu’apportent les angioplasties dans lement contrôlés chez 87 % d’entre eux. Les patients devaient
l’insuffisance coronarienne stable. De nouveaux essais visant à avoir bénéficié d’une coronarographie retrouvant soit une sté-
tester l’intérêt pratique de la stratégie de dépistage systématique nose d’une coronaire principale à plus de 50 % avec un test
sont en cours avec par exemple l’étude muticentrique italienne de stress positif, soit une sténose d’une coronaire principale à
Does Coronary Atherosclerosis Deserve to be Diagnosed and Trea- plus de 70 % avec une douleur angineuse typique. Selon l’aspect
ted Early in Diabetics (DADDY-D), un bénéfice du dépistage étant coronarographique, les malades étaient dans deux tiers des cas
apparu lors d’une étude pilote randomisée portant sur un faible randomisés au sein du sous-groupe « angioplastie versus traite-
effectif [35, 36] . ment médical intensifié » ou dans un tiers des cas, devant des
lésions multiples ou proximales, dans le sous-groupe « chirurgie
versus traitement médical intensifié ». Après 5 ans de suivi,
 Le traitement de l’ischémie la survie était identique dans les groupes « revascularisation »
et « traitement médical intensif » (88 %). Des événements car-
myocardique silencieuse diovasculaires majeurs sont survenus dans les deux groupes
dans un peu moins de 25 % des cas. Une moindre survenue
apporte-t-il un bénéfice d’événements cardiovasculaires majeurs apparaissait uniquement
au patient ? dans le groupe pontage (22,4 %) versus le groupe traitement
médical (30,5 %). BARI 2 a donc confirmé l’absence de supério-
En cas de syndrome coronarien aigu, le bénéfice de la rité de l’angioplastie sur le traitement médical pour la majorité
revascularisation conduite en urgence est incontestable. La revas- des diabétiques et a conforté la notion ancienne que pour des
cularisation, notamment endovasculaire, a largement fait ses lésions sévères chez des malades ayant une fonction ventriculaire
preuves en termes de morbimortalité cardiovasculaire, même chez gauche dégradée, une chirurgie de revascularisation est préfé-
les malades diabétiques. En revanche, en situation stable, chez rable à des angioplasties multiples [45] . Ainsi dans l’étude BARI,
un malade silencieux, il est légitime de s’interroger sur l’intérêt pour le sous-groupe des patients ayant une atteinte corona-
d’une stratégie consistant à dilater des lésions hémodynamique- rienne multivaisseaux, la mortalité à 5 ans atteint 8 % dans le
ment significatives. En effet, lors des syndromes coronariens aigus, groupe « traitement endovasculaire » versus 4,9 % dans le groupe
il est apparu que ce sont des plaques vulnérables très souvent non « pontage » [45] . Un essai clinique consistant à comparer direc-
sténosantes qui sont impliquées alors qu’elles échappent souvent tement angioplastie et revascularisation chirurgicale en cas de
au repérage par le coronarogramme en partie du fait du remode- lésions sévères est venu compléter les données de médecine
lage pariétal concomitant [37, 38] . De surcroît, le développement de fondées sur les preuves. L’essai SYNTAX [46] concernait exclusi-
vaisseaux collatéraux au fil du temps [37, 39] peut fournir une pro- vement des patients avec atteinte coronarienne multivaisseaux
tection additionnelle. Ainsi, plusieurs essais cliniques ont montré (n = 1 800) dont 25 % de diabétiques. La survenue du critère
une absence de supériorité de l’angioplastie face au traitement composite (décès toutes causes, accident vasculaire cérébral,
médical optimal, et une supériorité de la chirurgie seulement pour infarctus du myocarde, nouvelle revascularisation) a été plus
un contingent limité de malades diabétiques. fréquente dans le groupe « traitement endovasculaire » (17,8 %)
que dans le groupe « revascularisation chirurgicale » (12,4 %).
L’essai Coronary Artery Revascularization in Diabetes (CARDia)
Effets sur la morbimortalité cardiovasculaire ne concernait, quant à lui, que des diabétiques avec un design
similaire [47] : 510 patients diabétiques avec atteinte coronarienne
En population générale, une première méta-analyse de 11 essais multivaisseaux ont été inclus avec une durée de suivi de 1 an seule-
randomisés [40] chez des patients avec une coronaropathie stable ment puisque la non-infériorité du traitement endovasculaire par
suggérait dès 2005 que l’angioplastie n’apportait pas de bénéfice rapport à la revascularisation chirurgicale n’a pas été démontrée.
par rapport au traitement médical en termes de mortalité ou de Cependant, une incidence plus élevée d’infarctus a été constatée
survenue d’un infarctus du myocarde. Une autre méta-analyse dans le groupe angioplastie et le critère secondaire composite a
complémentaire a rapporté les mêmes résultats [41] . Il s’agissait montré une supériorité de la chirurgie (RR = 1,77, IC [1,17-2,82] ;
cependant de petites séries, les stents n’étaient pas systématique- p = 0,016).
ment actifs, les données étaient parfois anciennes et les durées de L’une des hypothèses face à ces constatations convergentes
suivi souvent limitées. Des études prospectives de grande ampleur serait que le pontage, à la différence de l’angioplastie, permet, via
publiées lors des 3 dernières années ont par la suite conforté ces le branchement sur la partie moyenne de la coronaire, de traiter
données préliminaires. non seulement la lésion coupable mais d’éviter les conséquen-
Lors de l’étude d’intervention Clinical Outcomes Uti- ces d’une progression de l’athérosclérose en amont sur la partie
lizing Revascularization and Aggressive Drug Evaluation proximale de la coronaire [48] . D’autre part, à l’issue de la revas-
(COURAGE) [42] , 2 287 patients coronariens avérés (dont un cularisation endovasculaire, on observe d’une part des resténoses
tiers de diabétiques) ont été randomisés pour bénéficier soit coronariennes survenant de façon plus fréquente avec les stents

4 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Dépistage de l’ischémie myocardique silencieuse des patients diabétiques : modalités et enjeux  10-366-J-30

Estimation annuelle du risque vasculaire

Faible risque Haut risque ECG


ischémique

Recherche IMS

EE possible EE impossible

Négative Positive faible Positive forte


ou douteuse
Scintigraphie
myocardique ou ES

Négative Positive

Suivi clinique annuel Nouvelle recherche IMS à 2 ans Coronarographie

Figure 2. Arbre décisionnel. Stratégie diagnostique de l’ischémie myocardique silencieuse (IMS). ECG : électrocardiogramme ; EE : épreuve d’effort ;
ES : échographie de stress à la dobutamine.

Selon FRCV Selon complications dégénératives


Patient diabétique de type 2 : Patient diabétique de type 1 ou 2 avec :
- âgé de plus de 60 ans ou ayant - artériopathie des membres inférieurs
un diabète connu depuis plus de et/ou
10 ans - athérome carotidien
et et/ou
- au moins deux FRCV - macroprotéinurie

Patient diabétique de type 1 : Patient diabétique de type 1 ou 2


- âgé de plus de 45 ans, ayant plus avec :
de 15 ans d’évolution de son diabète - microalbuminurie
et et
- au moins deux FRCV - deux autres FRCV

Figure 3. Recommandations pour le dépistage de l’ischémie myocardique silencieuse, Association de langue française pour l’étude du diabète et des
maladies métaboliques (Alfediam) 2004 [3] . Facteurs de risque cardiovasculaires (FRCV) : cholestérol total supérieur à 2,5 g/l et/ou low density lipoprotein
(LDL)-cholestérol supérieur à 1,60 g/l et/ou high density lipoprotein (HDL)-cholestérol inférieur à 0,35 g/l et/ou triglycérides supérieurs à 2 g/l et/ou traitement
hypolipémiant prescrit dans le cadre d’une dyslipidémie ; tension artérielle supérieure à 140/90 ou traitement antihypertenseur ; tabagisme actif ou sevré
depuis moins de 3 ans ; accident cardiovasculaire majeur avant 60 ans chez un apparenté de premier degré.

nus chez les diabétiques et d’autre part des thromboses de stents de l’IMS concernait l’IMS résiduelle après un infarctus, essai criti-
plus fréquentes avec les stents actifs chez les diabétiques [49] . Ainsi, quable du fait de sa puissance limitée à 201 malades randomisés
lors de l’essai FAME (25 % de diabétiques), lorsque l’on ne traite seulement mais suivis sur 10 ans [52] .
que les lésions entraînant une perte de charge substantielle, mise L’ensemble de ces résultats suggère qu’en situation de préven-
en évidence par la mesure de la fraction du flux de réserve coro- tion primaire, la stratégie de dépistage systématique de l’IMS,
naire, on constate qu’en posant moins de stents, les résultats sont dans une perspective de revascularisation, n’apporte pas de béné-
paradoxalement meilleurs [50] . fice dans la majorité des lésions simples, en face d’un traitement
L’étude Future Revascularization Evaluation in Patients with médical, à condition que celui-ci soit conduit intensivement, et
Diabetes Mellitus : Optimal Management of Multivessel Disease en sachant pratiquer une angioplastie différée, réalisée de façon
(FREEDOM), essai prospectif randomisé en cours, comparant pragmatique lorsqu’une déstabilisation survient. Cette nouvelle
revascularisation endovasculaire et pontage coronarien chez des attitude moins agressive conduit à redistribuer les ressources de
patients diabétiques avec atteinte pluritronculaire, permettra de santé sur la prévention et le traitement médical à condition que
conforter l’hypothèse de la supériorité du pontage dans cette celui-ci soit conforme à ce qui est obtenu lors des essais cli-
population [51] . niques en termes de taux de couverture et d’observance. Une
Actuellement, la seule situation à notre connaissance où un des limites du traitement médical intensif est en effet la qua-
essai clinique a suggéré un bénéfice du traitement endovasculaire lité de l’observance [39] . Cependant, en cas de revascularisation

EMC - Endocrinologie-Nutrition 5
10-366-J-30  Dépistage de l’ischémie myocardique silencieuse des patients diabétiques : modalités et enjeux

endovasculaire par stent actif, l’observance de la double anti- Qualité de vie


agrégation plaquettaire est également primordiale pour éviter une
thrombose de stent. La question de la qualité de vie reste un enjeu. Dans
La question de l’intérêt d’un traitement médical anti- l’étude COURAGE comme dans d’autres essais cliniques [42, 54] ,
ischémique chez des malades non angineux n’est pas résolue l’amélioration de la qualité de vie était supérieure dans le groupe
en l’absence de niveau de preuve clairement établi chez ces revascularisé au début du suivi mais elle devenait identique dans
malades silencieux. Les bêtabloquants sont néanmoins commu- les deux groupes à 3 ans de suivi. Cependant, la problématique
nément employés. Ainsi, lors de l’étude Atenolol Silent Ischemia concerne ici des malades asymptomatiques et l’argument de
Study (ASIST) qui testait l’intérêt de l’adjonction d’aténolol l’amélioration des signes angineux n’est pas opérant. La stratégie
chez des insuffisants coronariens (dont seulement un tiers était de revascularisation chirurgicale peut induire une détérioration
symptomatique), l’amélioration du critère combiné sous bêtablo- de la qualité de vie en lien avec une augmentation significative
quant a correspondu essentiellement à la réduction du critère des troubles neurologiques attribués à des séquelles ischémiques
« aggravation de l’angine de poitrine » ; il est donc douteux qu’il postopératoires [54, 55] .
y ait eu un bénéfice dans le sous-groupe des malades silencieux
s’il avait été individualisé [53] . La place des autres anti-ischémiques
n’est pas établie.
 Qui dépister ?
La stratégie de traitement médical premier implique de
Selon complications s’efforcer d’améliorer le repérage des malades ayant un risque
Selon FRCV dégénératives élevé d’atteinte tritronculaire à mauvais ventricule gauche ou de
Diabétiques ne Diabétiques âgés Diabétiques avec : sténose du tronc commun puisque ces patients pourraient tirer
parvenant pas à de plus de 35 ans - artériopathie des un bénéfice partiel d’une revascularisation chirurgicale d’emblée
atteindre les et souhaitant membres inférieurs (pas de preuve en termes de mortalité). Il n’existe pas de méthode
objectifs de reprendre une ou de dépistage validée permettant de repérer avec certitude cette
contrôle optimal activité physique - athérome carotidien population restreinte de malades.
des FRCV soutenue sténosant Ces malades se caractérisent par un risque de cardiopathie
ischémique plus élevé : âge de plus de 60 ans, sexe masculin,
avec présence concomitante d’une atteinte microvasculaire [45, 56] ,
Figure 4. Recommandations pour le dépistage de l’ischémie myo- de marqueurs morphologiques plus péjoratifs (hypertrophie ou
cardique silencieuse, American Diabetes Association (ADA) 2007 [4] . hypokinésie du ventricule gauche), d’un score calcique dans le
FRCV : facteurs de risque cardiovasculaires. dernier quartile, d’une épaisseur intima-média très élevée [57] et/ou

Estimation annuelle du risque vasculaire

Autres situations Diabète de type 2 depuis plus de 10 ans ECG


+ ischémique
Âge > 60 ans
+
3 FRCV

Recherche IMS

Scintigraphie
Score calcique myocardique

Score calcique Score calcique


< 100 > 400

Scintigraphie
myocardique

Négative Positive

Dépistage IMS Coronarographie ou


Nouvelle recherche
seulement si angioscanner
IMS à 2 ans
absence de contrôle des FRCV coronarien

Figure 5. Arbre décisionnel. Proposition de stratégie alternative prenant en compte des explorations avec un niveau de preuve relativement bon.
IMS : ischémie myocardique silencieuse ; ECG : électrocardiogramme ; FRCV : facteurs de risque cardiovasculaires.

6 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Dépistage de l’ischémie myocardique silencieuse des patients diabétiques : modalités et enjeux  10-366-J-30

des tests fonctionnels suspects (ischémie étendue à la scintigra- [7] De Luca AJ, Kaplan S, Aronow WS. Comparison of prevalence of
phie, épreuve d’effort positive pour une très faible charge) [58] . unrecognized myocardial infarction and of silent myocardial ischemia
Il paraît en effet aussi important de s’intéresser non seule- detected by a treadmill exercise sestamibi stress test in patients with
ment à la morphologie coronarienne mais aussi à la fonction versus without diabetes mellitus. Am J Cardiol 2006;98:1045–6.
coronarienne. [8] Zellweger MJ. Prognostic significance of silent coronary artery disease
En attendant d’établir un profil type de patient avec l’ensemble in type 2 diabetes. Herz 2006;31:240–5.
de ces marqueurs, à côté de l’arbre décisionnel classique (Fig. 2) [9] Milan Study on Atherosclerosis and Diabetes (MiSAD) Group. Preva-
concernant une population dont la composition est variable selon lence of unrecognized silent myocardial ischemia and its association
les recommandations antérieures (Fig. 3, 4), un arbre alternatif with atherosclerotic risk factors in noninsulin-dependent diabetes mel-
litus. Am J Cardiol 1997;79:134–9.
qui restreint le dépistage aux diabétiques de type 2 de plus de
[10] Valensi P, Sachs RN, Harfouche B. Predictive value of cardiac autono-
10 ans d’évolution, âgés de plus de 60 ans et cumulant trois fac-
mic neuropathy in diabetic patients with or without silent myocardial
teurs de risque cardiovasculaires mal contrôlés, peut être proposé ischemia. Diabetes Care 2001;24:339–43.
(avis d’experts) (Fig. 5). La stratégie pour ces malades pourrait [11] Wackers FJ, Young LH, Inzucchi SE. Detection of silent myocardial
comporter, en complément de l’évaluation fonctionnelle, une ischemia in asymptomatic diabetic subjects: the DIAD study. Diabetes
coronarographie pour le repérage des modalités du pontage, Care 2004;27:1954–61.
voire un angioscanner coronaire pour valider l’atteinte proxi- [12] DeLuca AJ, Saulle LN, Aronow WS, Ravipati G, Weiss MB. Pre-
male multiple et sévère. Cette stratégie incluant un tri reposant valence of silent myocardial ischemia in persons with diabetes
sur le profil de risque est défendable pour améliorer l’efficience mellitus or impaired glucose tolerance and association of hemoglo-
(enrichissement du groupe soumis au dépistage) mais elle laisse bin A1c with prevalence of silent myocardial ischemia. Am J Cardiol
statistiquement hors du champ du dépistage plus de malades tri- 2005;95:1472–4.
tronculaires que de malades dépistés. [13] Sozzi FB, Elhendy A, Rizzello V. Prognostic significance of myo-
Pour les autres diabétiques, les essais randomisés de revascula- cardial ischemia during dobutamine stress echocardiography in
risation par angioplastie n’ayant pas montré de supériorité face asymptomatic patients with diabetes mellitus and no prior history of
à un traitement médical optimisé, le dépistage n’est proposé que coronary events. Am J Cardiol 2007;99:1193–5.
pour les malades chez lesquels le strict contrôle des facteurs de [14] Giri S, Shaw LJ, Murthy DR. Impact of diabetes on the risk stra-
risque cardiovasculaires ne peut être obtenu (typiquement un tification using stress single-photon emission computed tomography
fumeur conservant une microalbuminurie élevée et un effondre- myocardial perfusion imaging in patients with symptoms suggestive
of coronary artery disease. Circulation 2002;105:32–40.
ment du high density lipoprotein [HDL]-cholestérol ou syndrome
[15] Faglia E, Favales F, Calia P. Cardiac events in 735 type 2 diabe-
métabolique sévère). La question du contrôle glycémique opti-
tic patients who underwent screening for unknown asymptomatic
mal est un enjeu marginal puisque l’HbA1c s’avère être un facteur coronary heart disease: 5-year follow-up report from the Milan
de risque cardiovasculaire entraînant un gradient de risque faible. Study on Atherosclerosis and Diabetes (MiSAD). Diabetes Care
En effet, dans les essais ayant montré l’absence de supériorité du 2002;25:2032–6.
contrôle glycémique, l’HbA1c se situait en moyenne à l’inclusion [16] Zellweger MJ, Hachamovitch R, Kang X. Prognostic relevance of
autour de 8 % [59] . symptoms versus objective evidence of coronary artery disease in
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évalué les procédures d’angioplastie dans l’insuffisance [19] Moralidis E, Didangelos T, Arsos G, Athyros V, Mikhailidis DP. Myo-
coronaire stable, le dépistage systématique de l’IMS dans cardial perfusion scintigraphy in asymptomatic diabetic patients: a
critical review. Diabetes Metab Res Rev 2010;26:336–47.
la population diabétique doit être restreint aux patients [20] Albers AR, Krichavsky MZ, Balady GJ. Stress testing in patients
à très haut risque cardiovasculaire ayant une forte proba- with diabetes mellitus: diagnostic and prognostic value. Circulation
bilité de lésions relevant d’un traitement chirurgical ou à 2006;113:583–92.
ceux dont les facteurs de risque cardiovasculaires ne sont [21] Rajagopalan N, Miller TD, Hodge DO, Frye RL, Gibbons RJ. Identi-
pas contrôlés alors qu’un traitement médical permettant fying high-risk asymptomatic diabetic patients who are candidates for
un contrôle efficace des facteurs de risque cardiovascu- screening stress single-photon emission computed tomography ima-
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M. Moret, Chef de clinique-assistant (myriam.moret@chu-lyon.fr).


P. Moulin, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Fédération d’endocrinologie, Hôpital cardiovasculaire Louis Pradel, Groupement hospitalier Est, boulevard Pinel, 69003 Lyon, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Moret M, Moulin P. Dépistage de l’ischémie myocardique silencieuse des patients diabétiques : modalités
et enjeux. EMC - Endocrinologie-Nutrition 2012;9(3):1-8 [Article 10-366-J-30].

Disponibles sur www.em-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

8 EMC - Endocrinologie-Nutrition
 10-366-J-40

Artériopathie diabétique des membres


inférieurs
I. Got

L’artériopathie périphérique est une complication fréquente du diabète, d’autant plus fréquente que le
diabète est ancien, couplé à d’autres facteurs de risque vasculaire ou compliqué d’insuffisance rénale.
Elle est souvent peu ou pas symptomatique quand une neuropathie périphérique lui est associée. Son
dépistage est basé sur la clinique, complétée par la réalisation d’explorations vasculaires fonctionnelles.
Le diagnostic d’artériopathie est parfois posé devant une plaie du pied qui ne cicatrise pas ou devant
une gangrène d’orteil venant compliquer un traumatisme minime. La surinfection de la lésion du pied est
fréquente sur un terrain mal vascularisé et vient aggraver le pronostic. Le risque d’amputation est alors
élevé. En cas de troubles trophiques du pied, l’artériopathie doit être systématiquement recherchée si elle
n’est pas déjà connue et faire l’objet d’un bilan complet pour établir la topographie lésionnelle, quanti-
fier l’ischémie tissulaire, rechercher d’autres localisations athéromateuses. La prise en charge du patient
diabétique vasculaire doit être multidisciplinaire pour être optimale. Les facteurs de risque vasculaire sont
traités avec les mêmes objectifs chez l’artéritique que chez le coronarien. Les possibilités de revasculari-
sation de plus en plus distales ont permis de réduire les taux d’amputation et les niveaux d’amputation
dans de nombreux centres. La réduction des amputations passe également par une prévention des plaies,
d’où l’importance de l’éducation thérapeutique des patients diabétiques portant sur l’hygiène des pieds,
le chaussage et l’éviction des comportements à risque podologique.
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Mots clés : Artériopathie périphérique ; Diabète sucré ; Ischémie tissulaire ; Plaie neuro-ischémique

Plan ■ Importance de l’AOMI comme facteur de risque podologique 6


■ Traitement médical de l’AOMI 7
■ Introduction 1 Contrôle des facteurs de risque : tabac, hyperglycémie,
■ Rôle de l’hyperglycémie et des autres facteurs HTA et dyslipidémies 7
de risque dans le développement de l’AOMI 2 Traitement antiagrégant plaquettaire 8
Rééducation à la marche 8
■ Particularités de l’AOMI chez le diabétique 2 Traitements pharmacologiques 8
Histologie 2
■ Prévention : éducation des patients et des soignants 8
Déficit de la collatéralité 2
Localisations lésionnelles 2 ■ Conclusion 9
Pronostic des patients diabétiques avec AOMI 2
■ Dépistage de l’AOMI 3
Identification d’un patient à risque cardiovasculaire 3
Clinique : interrogatoire et examen clinique 3
Limites de la clinique et intérêts des examens vasculaires
non invasifs 3  Introduction
■ Examens vasculaires non invasifs 4 L’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) chez
Pression systolique de cheville et calcul de l’IPS 4 le diabétique est une complication fréquente, trop souvent sous-
Courbes vélocimétriques 4 diagnostiquée ou négligée en termes de prise en charge. Les
Épreuve de marche sur tapis roulant 4 recommandations traitant de son dépistage sont anciennes ou peu
Pression d’orteil 4 suivies [1, 2] . Son traitement médical fait encore trop souvent appel
Pression transcutanée en oxygène 4 à des vasoactifs qui n’ont pas fait leurs preuves et ne tient pas assez
Pole test 5 compte des objectifs à atteindre chez un patient vasculaire, donc
Échodoppler artériel 5 en prévention secondaire, ou des recommandations existantes [3] .
■ Épidémiologie : prévalence de l’AOMI chez les patients En cas de plaie du pied, une évaluation systématique de l’AOMI
diabétiques 5 est nécessaire pour juger de sa responsabilité dans la survenue de

EMC - Endocrinologie-Nutrition 1
Volume 9 > n◦ 3 > juillet 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1941(12)56364-X
10-366-J-40  Artériopathie diabétique des membres inférieurs

la lésion ou du retard de cicatrisation de celle-ci. Les possibili- cellules endothéliales et une diminution de la néovascularisation
tés de revascularisation doivent être discutées précocement, sans en réponse à l’ischémie tissulaire, ces processus étant essentiels
attendre que les troubles trophiques s’étendent ou se surinfectent, pour la cicatrisation des plaies et la prévention de l’ischémie
ce qui augmenterait le risque d’amputation et d’un niveau plus cardiovasculaire. La néovascularisation ne repose pas unique-
proximal d’amputation. Les efforts ne doivent pas porter unique- ment sur la prolifération des cellules endothéliales locales, mais
ment sur l’optimisation de la prise en charge multidisciplinaire du implique également des cellules souches circulantes provenant
patient diabétique en ischémie critique mais impliquer davantage de la moelle osseuse. Ces cellules, nommées cellules progéni-
soignants et patients dans la prévention des plaies. La reconnais- trices endothéliales (endothelial progenitor cells [EPC]), contribuent
sance de l’éducation thérapeutique doit conduire à une meilleure jusqu’à 25 % des cellules endothéliales dans les vaisseaux nouvel-
formation des diabétiques, et notamment des patients vasculaires, lement formés dans les modèles animaux. L’injection d’EPC dans
en matière de soins des pieds. des sites ischémiques aboutit à l’incorporation des EPC dans les
capillaires néoformés et à une augmentation de la néovasculari-
sation. L’étude des cellules prélevées à des patients avec diabète
 Rôle de l’hyperglycémie de type 1 et mises en culture a montré une réduction de 44 %
du nombre des EPC par rapport à des sujets contrôles appariés
et des autres facteurs de risque sur l’âge et le sexe [7] . Le nombre des EPC était inversement cor-
dans le développement de l’AOMI rélé au taux d’HbA1c, démontrant que le degré d’hyperglycémie
affecte la prolifération et la différenciation des EPC. En cultivant
Le diabète sucré est un facteur de risque cardiovasculaire capable les EPC dans des conditions de normoglycémie, il subsiste des dif-
de léser les artères de tout calibre. Le diabète augmente le risque férences fonctionnelles entre cellules de patients diabétiques et de
d’athérogenèse par le biais d’effets délétères sur la paroi vasculaire, contrôles. L’étude de cellules provenant de patients avec diabète
mais aussi sur les cellules sanguines et les phénomènes rhéolo- de type 2 observe une réduction de 48 % de la prolifération des EPC
giques. Les altérations des cellules endothéliales sont très précoces des diabétiques par rapport aux contrôles, inversement corrélée
et apparaissent dès les stades d’hyperglycémie modérée à jeun au taux d’HbA1c des patients [8] . Les EPC des diabétiques étaient
et de diminution de la tolérance au glucose [4] . Le diabète et le altérées dans leur capacité d’adhésion à l’endothélium, de proli-
tabac sont les deux principaux facteurs de risque d’artériopathie fération et de tubulisation, cette fonction étant nécessaire pour
oblitérante des membres inférieurs. D’autres facteurs peuvent être la création de nouvelles structures vasculaires. De telles anoma-
associés comme l’âge, l’hypertension artérielle (HTA) et les hyper- lies pourraient rendre compte des déficits de néovascularisation
lipoprotéinémies. Une étude de suivi de patients [5] s’est intéressée observés chez les patients diabétiques artéritiques.
à un groupe de 130 diabétiques de type 2, dont 21 (16 %) étaient
porteurs d’une AOMI à l’inclusion. Au terme d’une période de
11 ans, 29 patients étaient décédés, dont 21 de cause cardiovascu-
Localisations lésionnelles
laire, et 21 avaient développé une AOMI. Un excès de mortalité La notion clinique que l’artériopathie des membres inférieurs
était noté chez les artéritiques comparés aux patients sans AOMI chez le diabétique est plus fréquente et plus sévère en distalité,
(58 % versus 16 %). L’analyse en régression logistique montrait tandis que les axes proximaux sont moins touchés que dans les
qu’au départ l’existence d’une AOMI était liée à l’âge, à la durée du artériopathies athéromateuses d’autres origines, a été confirmée
diabète, au tabac et à la présence d’une microalbuminurie. Durant par des données autopsiques et de nombreuses études artériogra-
la période de suivi, les patients qui avaient développé une AOMI phiques [9] . L’analyse des artériographies ne reflète que les formes
se distinguaient des autres par un âge plus avancé, un taux plus les plus graves d’AOMI. Une série d’artériographies réalisées chez
élevé de cholestérol low density lipoproteins (LDL-C) et plus bas de 417 sujets en ischémie critique et porteurs d’un ulcère du pied [10]
cholestérol high density lipoproteins (HDL-C). indique des lésions obstructives des membres inférieurs extrê-
mement diffuses et préférentiellement localisées sur les artères
de jambe (74 % sur 2 893 lésions répertoriées). Comparés aux
 Particularités de l’AOMI segments proximaux, les vaisseaux sous-poplités présentent des
lésions plus souvent occlusives que sténosantes, souvent longues
chez le diabétique (> 10 cm). Cela est particulièrement vrai pour les artères tibiales
antérieure et postérieure. En cas d’occlusion de toutes les artères
Histologie de jambe, la majorité des patients a au moins une artère du pied
L’histologie ne permet pas d’isoler des lésions artérielles spéci- perméable qui peut être utilisée pour une anastomose distale en
fiques du diabète. Néanmoins, l’artériopathie périphérique chez cas de pontage.
le patient diabétique présente des particularités lésionnelles qui Les localisations lésionnelles sont associées au pronostic géné-
influencent les moyens diagnostiques, les possibilités de trai- ral des patients. Une étude menée sur 400 patients artéritiques
tement et le pronostic. La macroangiopathie développée sous avec angiographie confirme la différence des facteurs de risque et
l’influence du diabète associe une athéromatose à une artériosclé- comorbidité rencontrés : sexe masculin et tabac apparaissent plus
rose souvent étendue et sévère. L’atteinte artérielle est plus distale fréquents dans les atteintes proximales tandis que âge, diabète,
que chez les non-diabétiques, plus diffuse et plus souvent bilaté- HTA, insuffisance rénale et insuffisance cardiaque sont plus fré-
rale. Les lésions impliquent souvent l’artère fémorale profonde et quents pour les artériopathies distales. La localisation proximale
plusieurs des axes de jambe. La médiacalcose est fréquente chez est associée de manière significative à une plus faible survie et un
le sujet diabétique et habituellement associée à la neuropathie pronostic cardiovasculaire plus sombre (survenue d’événements
périphérique. odds ratio [OR] : 3,28 ; décès OR : 3,18–p < 0,002 versus AOMI dis-
Elle s’observe aussi en cas d’insuffisance rénale chronique. La tale) [11] .
médiacalcose est un facteur de risque indépendant de mortalité
cardiovasculaire et de décès toute cause. Les remaniements de
la paroi vasculaire ne se limitent pas aux calcifications dans la
Pronostic des patients diabétiques avec AOMI
média, mais peuvent inclure des formations osseuses. Le lien avec Le pronostic des patients diabétiques avec AOMI est globale-
la neuropathie passerait par le déficit en neuropeptides, tel que le ment plus sombre que celui des artéritiques non-diabétiques.
peptide lié au gène de la calcitonine (calcitonin gene-related peptide Les localisations artériographiques des atteintes artérielles sont
[CGRP]) [6] . différentes de celles observées chez des non-diabétiques. L’atteinte
artérielle s’avère plus sévère au niveau de la fémorale profonde et
Déficit de la collatéralité de tous les axes artériels sous le genou chez les patients diabé-
tiques [12] .
Le développement d’une collatéralité est très inconstant chez La maladie athéroscléreuse chez le patient diabétique peut
le diabétique. L’hyperglycémie est associée à une dysfonction des impliquer les artères des membres inférieurs, mais également les

2 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Artériopathie diabétique des membres inférieurs  10-366-J-40

coronaires et les vaisseaux à visée cérébrale [13] . Les patients avec à risque permet de mettre en place des mesures préventives, visant
un diabète de type 2 avec l’atteinte d’un territoire vasculaire ont à éviter l’ischémie menaçant la conservation du membre.
un risque accru d’avoir une atteinte d’un autre territoire. L’atteinte
d’un seul territoire vasculaire est plus rare en cas d’AOMI (22 %)
que lors d’une ischémie myocardique (40 %) ou d’une atteinte
Clinique : interrogatoire et examen clinique
carotidienne (52 %) chez les patients avec un diabète de type 2 [14] . Le dépistage d’une atteinte artérielle périphérique, chez le dia-
Un indice de pression systolique (IPS) supérieur à 0,9 chez un bétique, commence par un relevé méticuleux des antécédents
homme diabétique s’accompagne de la survenue plus fréquente médicaux, la recherche de symptômes cliniques évocateurs et un
d’événements cardiaques [15] . examen clinique soigneux. Le diagnostic différentiel vise à exclure
Peu de données sont disponibles sur l’impact qu’a le dia- les autres causes de douleurs dans les jambes à l’effort, comme
bète à court terme et à long terme sur la mortalité des le canal lombaire étroit. La présentation clinique est variable :
patients artéritiques. La mortalité de patients diabétiques sortant absence de symptômes, ou claudication intermittente, ou dou-
d’hospitalisation avec un diagnostic d’AOMI commence à aug- leurs de repos, ou encore plaie qui ne cicatrise pas ou gangrène au
menter significativement à 6 mois de la sortie par rapport à celle niveau du pied. Le patient doit être interrogé sur les symptômes
des artéritiques non-diabétiques et continue à augmenter dans le survenant à la marche, tout en lui faisant préciser ses habitudes
temps [16] . de marche (fréquence, distance, type de terrain). Un patient qui
Une étude prospective de cohorte, avec un suivi supérieur à ne marche pas du tout, handicapé sur le plan respiratoire ou
20 ans, a permis d’évaluer les risques de décès dans un contexte locomoteur par exemple, ne se mettra pas en situation de pré-
d’AOMI, de diabète, ou d’association des deux pathologies [17] . Le senter une claudication intermittente. Beaucoup de patients font
risque de décès des patients avec AOMI et diabète est 2,2 fois celui leurs courses et autres déplacements en voiture et ne font pas des
observé avec l’AOMI seule. La mortalité a été encore plus impor- efforts de marche suffisants pour que la douleur des membres
tante pour les patients diabétiques chez qui a été mise en évidence inférieurs à l’effort se manifeste. L’examen physique comporte
une progression de l’AOMI. Le risque de décès des sujets avec une deux temps importants, l’inspection du pied et la palpation des
progression de l’AOMI à 4 ans est de 46 % plus important que pour pouls périphériques. L’examinateur recherche une variation de
ceux sans progression de l’AOMI. Cette étude illustre l’importance couleur du pied avec le changement de position (rougeâtre en
du dépistage de l’AOMI par la clinique et des examens comme déclivité et pâlissant à l’élévation), une dépilation du pied et
l’IPS chez les patients diabétiques et l’intérêt de réévaluer réguliè- de la jambe, une dystrophie des ongles, une froideur des tégu-
rement la progression de l’AOMI. ments, une peau sèche et fissurée, tous ces signes orientant vers
une insuffisance artérielle. Le pied, sans oublier les espaces inter-
digitaux, est examiné à la recherche d’un trouble trophique tel
que fissure, crevasse, ulcération, lésion mycosique, etc. La pal-
 Dépistage de l’AOMI pation des pouls périphériques devrait être un acte de routine
dans l’examen clinique d’un patient diabétique. Elle recherche
les pouls fémoraux, poplités, tibiaux postérieurs et pédieux des
Identification d’un patient à risque deux côtés. La recherche des pouls nécessite de l’expérience et
cardiovasculaire ses résultats font l’objet d’une importante variabilité interindivi-
duelle, d’où des taux élevés de faux positifs et de faux négatifs. Il
Le dépistage de l’AOMI chez le patient diabétique a un double faut par ailleurs tenir compte des variantes anatomiques présen-
intérêt. Il permet d’identifier un individu à très haut risque tées par les individus. Le pouls pédieux est rapporté être absent
d’événement cardiovasculaire (infarctus du myocarde [IDM] ou chez 8,1 % des sujets sains. Le pouls tibial postérieur est absent
accident vasculaire cérébral [AVC]), que l’AOMI soit ou non symp- chez 2 % des sujets sains. Néanmoins, l’absence des deux pouls
tomatique. Il conduit à proposer un traitement de l’AOMI pour distaux suggère fortement l’existence d’une AOMI, surtout quand
éviter l’évolution vers un handicap fonctionnel et une ampu- l’examen est réalisé par un médecin expérimenté. Une étude ori-
tation de membre inférieur. La traduction clinique de l’AOMI ginale a été réalisée à l’Université du Kentucky en 1992 pour
est souvent plus discrète chez le diabétique que chez le non- évaluer les performances de l’examen clinique et l’interprétation
diabétique. Cela tient à la localisation des lésions, plus diffuses des données cliniques vasculaires chez des étudiants en méde-
et plus distales, ainsi qu’à l’association fréquente à la neuropathie cine et des internes d’un service de chirurgie vasculaire [19] . Un
périphérique, qui altère les perceptions sensitives. La claudication patient présentant une occlusion d’artère fémorale superficielle a
intermittente à la marche est rare. L’AOMI entraîne plus souvent été examiné par 20 étudiants en 3e année, 23 internes débutants et
une fatigabilité à la marche et conduit le patient à ralentir son sept internes en fin d’internat. Un score a été établi sur l’examen
pas, mettant sur le compte de l’âge la dégradation de la capacité à clinique et un autre sur l’interprétation des données. Les perfor-
marcher. Les patients diabétiques avec AOMI voient les fonctions mances sont médiocres pour les trois groupes. Le score global
de leurs membres inférieurs s’altérer davantage que les patients donne 43 % de résultats corrects pour les étudiants, 39 % pour
artéritiques sans diabète. Cette dégradation fonctionnelle est bien les jeunes internes et 62 % pour les vieux internes. La collecte des
documentée par l’étude de Dolan [18] qui compare deux groupes de données est meilleure que leur interprétation. La palpation des
patients avec AOMI, avec ou sans diabète, sur différentes épreuves pouls est l’examen le mieux réalisé de toute la clinique, le meilleur
de marche. Les patients diabétiques avec AOMI souffrent moins score étant obtenu par les internes en fin d’internat, donc les plus
souvent de claudication typique et rapportent plus souvent des expérimentés.
douleurs de jambe variables à l’effort et débutant parfois au repos.
Leurs performances sont plus médiocres qu’en l’absence de dia-
bète, avec une distance de marche à 6 minutes plus courte et une Limites de la clinique et intérêts des examens
vitesse de déplacement plus lente. Les patients artéritiques diabé- vasculaires non invasifs
tiques présentent des troubles de l’équilibre, une endurance à la
marche réduite et une moindre vitesse de déplacement par rapport L’interrogatoire et l’examen clinique chez le patient diabétique
aux artéritiques non-diabétiques, les différences entre les deux connaissent des limites dans le dépistage de l’AOMI, bien démon-
groupes étant expliquées par l’existence d’une neuropathie péri- trées depuis plus de 30 ans. Marinelli et al. [20] ont réalisé une étude
phérique chez les diabétiques, une modification des symptômes prospective sur 458 patients diabétiques pour comparer les résul-
ressentis à l’effort au niveau des jambes et la présence d’autres tats d’investigations vasculaires non invasives aux données issues
complications cardiovasculaires. de l’interrogatoire et de l’examen clinique. L’âge moyen de cette
Un patient diabétique identifié comme artéritique a plus de population était de 52,6 ans et incluait 49 % d’hommes. Tous les
risque de faire une ischémie brutale ou une thrombose artérielle, patients ont eu une mesure de l’IPS (considérée comme patholo-
ou encore de développer une ulcération neuro-ischémique ou gique en dessous de 0,95), une épreuve de marche de 5 minutes
une infection, aboutissant rapidement à un tableau d’ischémie sur un tapis roulant à 3 km/h avec une pente à 12 %, avec une
critique et de risque d’amputation. Le dépistage de ces patients prise des pressions de cheville posteffort (pathologique en cas

EMC - Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-J-40  Artériopathie diabétique des membres inférieurs

Tableau 1. détermination de l’IPS chez tous les patients diabétiques de plus


Fréquence des faux positifs et faux négatifs lors du dépistage clinique de 50 ans, en répétant l’examen tous les 5 ans. Le dépistage peut
de l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs chez des patients être envisagé avant 50 ans chez les sujets ayant d’autres facteurs
diabétiques, en comparaison avec les résultats des explorations vasculaires de risque que le diabète : tabac, HTA ou durée de diabète supé-
non invasives (d’après [20] ). rieure à 10 ans. L’IPS doit être mesuré chez tout patient ayant des
Épreuves vasculaires fonctionnelles
symptômes évocateurs d’AOMI [22] .
Plusieurs auteurs [23–25] ont cherché à simplifier la réalisation de
Clinique Normal Anormal Total la mesure de pression de cheville afin d’augmenter les possibilités
Normal 198 45 243 de dépistage de l’AOMI. La mesure de l’IPS n’est pas un examen de
routine en médecine générale. Malgré l’apparente simplicité de la
Anormal 95 120 215 mesure, l’examen peut prendre du temps quand les artères distales
Total 293 165 458 sont difficiles à percevoir ; il nécessite un appareillage spécifique
(brassard adapté et sonde Doppler) et une formation préalable.
Les méthodes oscillométriques étant couramment utilisées pour
le dépistage de l’hypertension, quelques études s’en sont servies
de chute ≥ 20 % de la pression posteffort ou de pression de che-
pour des mesures de pression de cheville et ont rapporté une
ville restant abaissée plus de 3 minutes après l’effort), un Doppler
bonne concordance entre les mesures de l’IPS par méthode oscillo-
artériel continu pour analyser les courbes vélocimétriques depuis
métrique automatisée (Omron, Dynamap) et les résultats de l’IPS
la fémorale jusqu’aux artères distales. L’étude a montré que les
par Doppler.
épreuves vasculaires fonctionnelles (EVF) donnaient des résultats
Les examens vasculaires sont poursuivis chez les patients ayant
plus exacts que l’interrogatoire et l’examen clinique (Tableau 1), la
un diagnostic d’AOMI confirmé, afin de préciser les localisations
clinique surestimant les cas d’AOMI (95 cas de faux positifs) tout
et la sévérité de l’atteinte artérielle, par des mesures de pressions
en méconnaissant certaines AOMI (45 faux négatifs).
étagées et un enregistrement des flux sanguins. Ils sont égale-
ment envisagés chez les patients aux artères incompressibles, chez
qui l’IPS n’est pas contributif, ou chez ceux avec un IPS normal
 Examens vasculaires non invasifs mais une forte suspicion d’AOMI. Les pressions segmentaires se
mesurent à la cuisse, au mollet, à la cheville et à l’orteil.
Les examens vasculaires non invasifs ont donc toute leur place
chez le diabétique pour améliorer les performances du dépistage
de l’AOMI [21] . Courbes vélocimétriques
L’analyse des courbes vélocimétriques renseigne sur la qualité
Pression systolique de cheville et calcul du flux sanguin. Le Doppler artériel permet un repérage sonore
des artères et l’enregistrement de courbes de vitesse. Une sténose
de l’IPS va donner un retentissement hémodynamique avec une modifi-
cation du signal Doppler si elle réduit la lumière du vaisseau de
Le premier examen proposé est la prise de pression de che-
plus de 50 %.
ville, avec le calcul de l’IPS cheville/bras. C’est un examen simple
et rapide à réaliser, nécessitant peu de matériel donc peu coû-
teux, reproductible, relativement précis pour dépister l’AOMI et Épreuve de marche sur tapis roulant
en déterminer le degré de sévérité. Le calcul de l’IPS consiste à
faire le rapport de la pression systolique mesurée à la cheville par Pour les patients avec claudication intermittente ou symptoma-
la pression systolique humérale. La mesure nécessite d’avoir un tologie douloureuse atypique à la marche, l’épreuve de marche sur
brassard pour le bras, un brassard adapté à la taille de la cheville et tapis roulant peut contribuer au diagnostic et permettre d’évaluer
une sonde Doppler de 4 ou 8 MHz. Le patient est installé en décu- la gravité de l’AOMI. Le patient marche sur un tapis roulant
bitus une dizaine de minutes avant de commencer les mesures, à avec une vitesse de déroulement et une pente prédéterminées
une température ambiante agréable. La pression artérielle est prise (exemple : 3 km/h, pente à 10 %) jusqu’à ce qu’une douleur de
aux deux bras et la pression artérielle systolique la plus élevée entre membre inférieur l’oblige à s’arrêter. Le périmètre de marche est
les deux côtés est retenue comme dénominateur. La pression arté- donné en mètres. Les pressions de cheville sont mesurées dès
rielle systolique est alors mesurée en distalité ; le brassard est posé l’arrêt de l’effort. Une diminution de la pression de cheville post-
au-dessus de la cheville et le flux sanguin est repéré au niveau effort supérieure à 20 mmHg est significative d’AOMI.
de l’artère tibiale postérieure et de l’artère pédieuse. La valeur de D’autres tests peuvent être proposés.
pression la plus élevée de chaque côté est retenue comme numé-
rateur. L’IPS est interprété de la manière suivante comme critère
diagnostique de l’AOMI : Pression d’orteil
• IPS normal entre 0,91 et 1,30 ;
Une pression en dessous de 40 mmHg ou une onde de pouls
• IPS pathologique et témoignant d’une AOMI si inférieur ou égal
à l’orteil inférieure à 4 mm sont prédictives d’un défaut de cica-
à 0,9 ; l’obstruction est considérée comme légère entre 0,7 et 0,9,
trisation en cas de plaie et sont souvent utilisées comme critères
modérée de 0,4 à 0,69 et sévère en-dessous de 0,40 ;
pronostiques dans l’évaluation des ulcères ischémiques. La pres-
• incompressibilité si IPS au-dessus de 1,30. Un IPS supérieur
sion d’orteil permet également l’évaluation des patients avec
à 1,30 évoque une incompressibilité artérielle à la cheville,
médiacalcose, chez qui l’IPS n’est pas adapté.
habituellement due chez le diabétique à la présence d’une
médiacalcose. L’artère est parfois tellement calcifiée qu’il est
impossible d’abolir le signal acoustique alors que le brassard Pression transcutanée en oxygène
est gonflé à 300 mmHg.
La rigidité artérielle est évoquée quand la pression de cheville Pour la mesure de la pression partielle transcutanée en oxy-
dépasse de 50 mmHg la pression brachiale [21] . Jusqu’à 30 % des gène (TcPO2 en mmHg), les critères d’ischémie critique de la
diabétiques sont porteurs d’une médiacalcose radiologique au Trans-Atlantic Inter-Society Consensus (TASC 2000), repris dans
niveau des membres inférieurs. Le recours à l’IPS seul pour le diag- le consensus de 2007 [26] , incluent une valeur de TcPO2 inférieure
nostic d’AOMI apparaît moins fiable chez le diabétique que chez à 30 mmHg. Cette valeur est associée à un pronostic médiocre
le non-diabétique. La sensibilité de l’IPS est de 79 % et sa spécifi- en termes de cicatrisation d’une plaie et à un risque accru
cité de 96 % pour détecter une réduction supérieur ou égale à 50 % d’amputation. Pour être interprétable, cet examen nécessite de
de la lumière artérielle. tenir compte des conditions locales de réalisation (œdème, tis-
L’American Diabetes Association (ADA) estime que la forte pré- sus inflammatoires érythémateux, lésion nécrotique avec ou
valence de l’AOMI chez les diabétiques rend licite le dépistage par sans infection modifiant le revêtement cutané) car elles peuvent

4 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Artériopathie diabétique des membres inférieurs  10-366-J-40

contribuer à réduire les valeurs de TcPO2 , parfois de manière L’étude de Williams [33] montre que les méthodes employées
transitoire [27] . Il faut également prendre en compte le contrôle pour la détection de l’AOMI (palpation des pouls, IPS, index
métabolique du patient (éviter de faire l’examen en hypoglycé- de pression orteil/bras, analyse des courbes Doppler) sont des
mie ou en hyperglycémie marquée) et des traitements comme méthodes de dépistage très sensibles, que les individus aient ou
l’hémodialyse. L’hémodialyse induit une hypoxie au niveau du pas un diabète. Néanmoins, l’existence d’une neuropathie chez
pied, qui se prolonge plusieurs heures après la fin de la séance [28] . un patient diabétique est associée à une sensibilité réduite et une
Ce phénomène pourrait rendre compte de l’incidence accrue faible spécificité de la palpation des pouls, une diminution de la
d’ischémie critique chez les diabétiques insuffisants rénaux en sensibilité de l’IPS (qui passe dans l’étude de 83 % à 53 %), une
hémodialyse et du risque d’amputation majeure au cours des réduction de la spécificité de la pression d’orteil (de 81 % à 61 %) et
12 premiers mois de dialyse. de l’analyse qualitative des courbes Doppler (de 96 % à 66 %). Les
L’oxymétrie de pouls [29] a été proposée comme outil de dépis- outils de dépistage de l’AOMI sont moins performants en présence
tage de l’AOMI chez des patients asymptomatiques avec un de diabète, en particulier en cas de neuropathie périphérique cli-
diabète de type 2. Le critère retenu est d’avoir une SaO2 plus basse niquement décelable. L’analyse des courbes Doppler et l’index
de 2 % au niveau de l’orteil par comparaison à la mesure à l’index. de pression orteil/bras apparaissent comme les méthodes les plus
Cet examen demande à être évalué sur de plus grandes séries de efficaces pour dépister l’AOMI, en particulier dans le contexte de
patients. membres à risque atteints de neuropathie.

Pole test
Une équipe de chirurgie vasculaire [30] propose un nouveau
test pour mieux diagnostiquer l’ischémie critique du membre.
“ Point fort
La quantification de l’ischémie critique repose habituellement
sur une mesure de l’IPS inférieure à 50 mmHg et/ou de la TcPO2 Le dépistage annuel de l’AOMI doit être systématique, au
en dessous de 30 mmHg. La pression systolique de cheville peut même titre que la recherche d’une rétinopathie ou d’une
être surestimée, en particulier chez les diabétiques, du fait de la coronaropathie.
médiacalcose. La mesure de la TcPO2 peut être abaissée en rai-
son des conditions locales de mesure. Le « pole test » est basé sur
la pression hydrostatique qui résulte de l’élévation de la jambe.
La mesure nécessite une sonde Doppler et une toise. Le patient
est allongé et le membre inférieur ischémique est élevé jusqu’à ce
que la sonde Doppler ne perçoive plus de signal. Cela donne une  Épidémiologie : prévalence
mesure de la vraie pression systolique : un signal perdu quand
la sonde est 70 cm au-dessus du niveau du cœur correspond à de l’AOMI chez les patients
une pression systolique de 50 mmHg ; 110 cm est équivalent à
80 mmHg. Les performances du pole test à détecter une ischémie
diabétiques
critique de membre ont été comparées aux résultats de l’IPS et de
La prévalence de l’AOMI chez le diabétique est sous-estimée
la TcPO2 chez 74 patients (83 membres inférieurs) se présentant
dans les études qui se basent sur les symptômes ou l’absence
avec des douleurs de repos ou une gangrène. Tous les patients
de pouls palpable. Le recours à des examens complémentaires
ont eu une artériographie ; 57 membres inférieurs présentaient
comme la pression de cheville conduit à des taux de prévalence de
les critères retenus pour le diagnostic d’ischémie critique. Les
l’AOMI plus importants et variables selon la population étudiée.
pressions étaient prises après 30 minutes de décubitus au niveau
Une étude utilisant la mesure de l’IPS cheville/bras trouve une
des trois artères de cheville et sur l’interdigitale du 1er orteil. La
prévalence de l’AOMI chez les diabétiques de plus de 40 ans de
toise était alors calibrée pour que le niveau zéro de pression soit
20 % [34] . Une autre portant sur une population un peu plus âgée,
situé au niveau du ventricule gauche et corresponde à la ligne
de sujets de plus de 50 ans, indique une prévalence de l’AOMI
axillaire antérieure. Le pied était lentement élevé jusqu’à dispa-
de 29 % chez les diabétiques [35] . La prévalence de l’AOMI chez le
rition du signal de pression systolique. La hauteur à laquelle le
diabétique dépend de l’âge des patients étudiés, de l’ancienneté
signal disparaît correspond à la pression systolique en cmH2 O et
de leur diabète, des critères diagnostiques de l’AOMI et aussi
est transformée en mmHg (exemple : 13 cmH2 O = 10 mmHg). La
du niveau de leur contrôle glycémique. C’est ce que montre la
procédure était répétée trois fois pour chaque artère, la valeur
Hoorn Study [36] sur un échantillon tiré au sort dans la population
moyenne de chaque artère notée et la valeur la plus élevée retenue.
néerlandaise de 50 à 74 ans, puis stratifié sur l’âge, le sexe et la
L’IPS obtenu par la technique classique brassard et manomètre
tolérance au glucose. Les résultats de deux hyperglycémies pro-
était significativement plus élevée que la pression obtenue par
voquées (HGPO) permettent d’évaluer la tolérance au glucose de
le pole test (différence de pression en moyenne de 40 mmHg ;
chaque individu, à l’exception de ceux déjà connus pour être dia-
p < 0,001). Les différences restaient statistiquement significatives,
bétiques. Le diagnostic d’AOMI est basé sur l’existence d’un de ces
chez les diabétiques comme chez les non-diabétiques. La TcPO2
facteurs : IPS inférieur à 0,9 ou courbes Doppler pathologiques car
moyenne était de 15 mmHg. Les auteurs concluaient que le pole
monophasiques ou absentes ou antécédent de chirurgie vasculaire
test présentait une efficacité de 85 % à dépister l’ischémie critique,
périphérique. La prévalence de l’AOMI n’est pas significative-
avec une sensibilité de 95 % et une spécificité de 73 %.
ment différente entre normotolérants et intolérants au glucose,
alors qu’elle est significativement plus élevée chez les diabétiques
Échodoppler artériel découverts à l’HGPO et encore plus élevée chez les diabétiques
connus (Tableau 2). La prévalence dépend du critère diagnostique
L’examen le plus souvent demandé est désormais l’échodoppler utilisé. Elle est faible quand elle est reconnue sur la seule claudi-
artériel, couplant l’imagerie à l’évaluation hémodynamique [31] . Il cation intermittente et augmente quand le diagnostic fait appel
permet de réaliser une cartographie précise des lésions artérielles aux examens complémentaires. Après correction sur les facteurs
et de juger du degré d’oblitération (sténose ou occlusion), des loca- de risque cardiovasculaire (âge, tabac, HTA), le taux d’HbA1c, la
lisations lésionnelles (distales, proximales, diffuses, etc.), de leur glycémie à jeun et la glycémie à 2 heures après charge orale en
longueur et de leur aspect (régulier, irrégulier, calcifié, etc.). Mais glucose sont des déterminants indépendants de la présence d’une
il s’agit d’un examen très opérateur dépendant, qui peut ne pas AOMI.
être contributif à l’étage aorto-iliaque chez les patients diabétiques Des études plus récentes [37, 38] portent sur la prévalence de
avec une obésité androïde marquée ou à l’étage jambier en cas de l’AOMI dans une population d’adultes américains de 40 ans ou
calcifications circonférentielles. plus, issue de la cohorte du National Health and Nutrition Exami-
Tous ces examens sont au mieux réalisés de manière standardi- nation Survey (NHANES) suivie de 1999 à 2004. La prévalence de
sée par des soignants bien formés aux différents tests [32] . l’AOMI, définie par un IPS inférieur à 0,9, est évaluée à 4,5 %. Les

EMC - Endocrinologie-Nutrition 5
10-366-J-40  Artériopathie diabétique des membres inférieurs

Tableau 2. 5 ans de diabète, passant à 3,63 entre 6 et 10 ans, puis 2,55 de 11


Prévalence de l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) à 25 ans et s’élevant à 4,53 pour une durée de diabète supérieure
selon la tolérance au glucose (d’après [36] ). à 25 ans.
NTG ITG NDM DM connus p
N 288 170 106 67
Âge moyen 63,1 (7,4) 64,9 (7) 65,9 (6,5) 65,7 (7,2)
Claudication 3,1 % 3,5 % 3,9 % 7,5 %
“ Point fort
IPS < 0,9 7% 9,5 % 15,1 % 20,9 % p < 0,01 L’artériopathie des membres inférieurs est une complica-
AOMI* 18,1 % 22,4 % 29,2 % 41,8 % p < 0,0001 tion fréquente du diabète sucré, qui atteint plus de 10 %
des sujets de plus de 70 ans. Elle touche les femmes comme
IPS : indice de pression systolique ; NTG : normotolérant au glucose ; ITG : into-
lérant au glucose ; NDM : diabète nouvellement diagnostiqué à l’HGPO ; DM
les hommes, elle concerne tous les types de diabète
connu : diabète connu avant l’étude. AOMI* : artériopathie oblitérante des (type 1, type 2, diabètes secondaires, etc.) et sa fréquence
membres inférieurs si IPS < 0,9 ou courbes Doppler pathologiques car mono- est influencée par l’âge des patients et l’ancienneté du
phasiques ou absentes ou antécédent de chirurgie vasculaire périphérique.
diabète.

sujets diabétiques, qui représentent 14,6 % de l’échantillon, ont


Une fois dépistée, l’AOMI chez le diabétique doit faire l’objet
une prévalence de l’AOMI deux fois plus importante (9,5 %). Les
d’un bilan régulier car elle va évoluer chez un certain nombre
deux tiers des sujets artéritiques sont asymptomatiques et cette
de patients. Environ 27 % des patients vont présenter une pro-
proportion s’élève à trois quarts des diabétiques artéritiques. La
gression des symptômes sur une période de 5 ans, avec une perte
prévalence de l’AOMI n’est que de 1 % dans la tranche d’âge 40 à
de membre dans 4 % des cas. La majorité des autres patients
49 ans. Elle atteint 12 % pour les sujets de 70 à 79 ans et 22 % pour
reste stable sur le plan de l’AOMI, tout en présentant un excès
ceux de 80 ans et plus. Les 3 607 sujets étudiés ont été répartis en
d’événements cardiovasculaires sur la même période de 5 ans.
quatre groupes selon leur glycémie à jeun :
Environ 20 % vont présenter un événement (IDM ou AVC) non
• glycémie considérée comme normale si inférieure à 1 g/l ;
mortel. Le taux de mortalité atteint 30 % [41] . Les patients en
• hyperglycémie modérée à jeun entre 1 et 1,25 g/l ;
ischémie critique ont un devenir plus sombre avec 30 % d’entre
• diabète méconnu si glycémie supérieure ou égale à 1,26 g/l ;
eux amputés et 20 % qui décéderont dans les 6 mois [42] . Il y a
• et diabète connu.
peu d’étude longitudinale portant spécifiquement sur les patients
L’âge moyen de la population est de 56,7 ans. La prévalence
diabétiques avec AOMI. L’étude de Faglia [43] s’intéressant au pro-
de l’AOMI est la plus faible chez les sujets avec une glycémie à
nostic à long terme d’une cohorte de 564 patients diabétiques
jeun normale (3,9 %). Elle se majore faiblement dans le groupe
pris en charge pour une ischémie critique de membre entre 1999
« hyperglycémie modérée à jeun » à 5,4 % et double chez les
et 2003 et suivis en moyenne 5,93 ± 1,28 ans indique des taux
patients diabétiques (9,2 % si diabète méconnu, 7,5 % si diabète
d’amputation majeure de 13,4 % et de décès de 49,8 %.
connu), sans que dans cette étude la durée du diabète modifie la
prévalence.
Encore plus récente et plus proche de nous se situe l’étude
de Ramos [39] en Espagne. Une étude transversale de population  Importance de l’AOMI
a été menée entre 2005 et 2006 dans la province de Girona
(≈ 600 000 habitants). Un échantillon randomisé de sujets de 35
comme facteur de risque
à 79 ans en a été extrait, stratifié sur l’âge et le sexe. L’analyse a podologique
porté sur 6 172 habitants :
• 18,6 % des 2 903 hommes et 11,9 % des 3 269 femmes ont un Le groupe de travail international consacré au pied diabétique
diabète ; a publié en 1999 une classification du niveau de risque à faire
• un IPS inférieur à 0,9 est observé chez 277 participants (4,5 %), un ulcère du pied en fonction des facteurs de risque podolo-
dont 150 hommes (5,2 %) et 127 femmes (3,9 %) ; gique identifiés chez le diabétique (Tableau 3). Cette classification
• 28,7 % des hommes avec un IPS en dessous de 0,9 ont un diabète a été validée par une étude prospective [44] , qui illustre bien le
et 22,8 % des femmes ; risque croissant d’ulcération ou d’amputation selon le grade du
• 78 personnes ont un IPS au-dessus de 1,39 suggérant une rigidité pied (Tableau 4). Une réévaluation de cette classification a été
artérielle ; faite pour mieux distinguer les rôles respectifs de l’AOMI et des
• la prévalence d’un IPS inférieur à 0,9 est plus élevée chez les déformations du pied dans le risque lésionnel [45] . L’étude est plus
participants âgés de 75 à 79 ans (14,1 %). conséquente et porte sur 1 666 patients diabétiques, contre 225
Les participants avec un IPS diminué sont plus âgés, plus sou- dans la première étude, inclus consécutivement, pour un suivi de
vent diabétiques, hypertendus, et fumeurs pour les hommes. La 27,2 ± 4,2 mois. Un niveau de risque croissant est associé à un
prévalence de la coronaropathie, de l’IDM et des AVC est plus risque plus important d’ulcérations, d’infections, d’amputations
élevée en cas d’IPS inférieur à 0,9. Dans cette étude, bien que le et d’hospitalisations (Tableau 5). Les complications sont plus fré-
diabète soit plus fréquent dans le groupe des artéritiques des deux quentes pour les patients avec AOMI que pour ceux ayant des
sexes, il n’apparaît associé de manière indépendante à l’AOMI que anomalies morphostatiques du pied (p < 0,01). Les complications
chez les femmes (OR : 1,59–95 % 1,00–indice de confiance [CI] :
2,51). Le diabète semble avoir un effet délétère plus marqué sur
Tableau 3.
l’appareil cardiovasculaire féminin.
Classification du pied à risque chez le patient diabétique selon les facteurs
Chez le patient diabétique doivent être pris en compte non
de risque de risque podologique présents.
seulement l’âge du patient mais aussi l’ancienneté du diabète. Le
risque d’AOMI chez l’homme est plus important en cas de dia- Grade 0 Absence de neuropathie cliniquement décelable
bète et augmente avec la durée du diabète. La relation entre durée et d’antécédent au niveau des pieds
du diabète et risque d’AOMI a été évaluée dans une population Grade 1 Neuropathie périphérique cliniquement décelable, isolée
de 48 607 hommes ayant répondu à un questionnaire en 1986 et
suivis durant 12 ans [40] . Durant cette période, 387 cas d’AOMI ont Grade 2 Neuropathie associée à une AOMI et/ou des déformations
été documentés. Après ajustement sur les facteurs de risque car- de pied
diovasculaire, le risque relatif de développer une AOMI chez les Grade 3 Antécédent d’ulcère sous-malléolaire et/ou d’amputation
hommes diabétiques est de 2,61 comparé à celui observé chez les au niveau d’un membre inférieur
hommes sans diabète. Le risque relatif d’AOMI chez les hommes
diabétiques augmente avec la durée du diabète : de 1,39 entre 1 et AOMI : artériopathie oblitérante des membres inférieurs.

6 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Artériopathie diabétique des membres inférieurs  10-366-J-40

Tableau 4. intensive chez l’artéritique [35] . Les patients avec AOMI ont moins
Étude prospective sur 213 patients diabétiques répartis en quatre groupes souvent un traitement antihypertenseur, un hypolipémiant ou un
selon leurs facteurs de risque podologique et évalués à 30 mois sur la antiagrégant plaquettaire que les patients présentant une corona-
survenue d’une ulcération et la réalisation d’une amputation (d’après [44] ). ropathie ou une pathologie cérébrovasculaire. Un patient sur deux
Ulcération Amputation seulement se voit proposer une aide thérapeutique pour arrêter de
fumer. Les consensus recommandent ce type d’intervention car
Groupe 0 : absence de neuropathie 5,1 % 0
diabète et AOMI sont associés à un risque significativement accru
Groupe 1 : neuropathie isolée 14,3 % 0 d’événements cardiovasculaires.
Le tabagisme actif est le facteur de risque modifiable le plus
Groupe 2 : neuropathie + déformations 13,7 % 2%
important. Fumer est associé à une progression de l’athérosclérose
ou AOMI
plus marquée que chez les non fumeurs et un risque accru
Groupe 3 : antécédent d’ulcération 64,5 % 25,8 % d’amputation. Le patient doit être encouragé dans ses motiva-
ou d’amputation tions à arrêter de fumer et recevoir une aide psychologique et
p < 0,001 p < 0,001 médicamenteuse si nécessaire.
AOMI : artériopathie oblitérante des membres inférieurs.
Le contrôle glycémique : les preuves qu’améliorer l’équilibre du
diabète a un impact sur le développement des complications car-
diovasculaires et notamment sur l’AOMI ont été longues à obtenir,
Tableau 5. cela en raison de l’âge des populations étudiées ou du manque
Étude prospective sur 976 patients diabétiques suivis en moyenne 27 mois de recul des études. Quelques années sont suffisantes pour éva-
et évalués sur la survenue de complications au niveau des pieds en fonction luer le bénéfice sur les complications de microangiopathie. Il faut
de leurs facteurs de risque podologique (d’après [45] ). beaucoup plus de temps pour tirer des conclusions sur la macroan-
Classification modifiée Ulcération Amputation giopathie, comme l’ont bien montré les études Epidemiology of
Diabetes Interventions and Complications (EDIC) [47] et United
Groupe 0 : pas de neuropathie ni 2% 0,04 % Kingdom Prospective Diabetes Study group (UKPDS) à 10 ans [48] .
d’AOMI L’UKPDS [49] n’a pas montré initialement de réduction significative
du taux d’amputation avec l’intensification du contrôle glycé-
Groupe 1 : neuropathie isolée 4,5 % 0
mique. Mais les facteurs de risque potentiels intervenant dans
Groupe 2A : neuropathie + déformations 3% 0,7 % le développement de l’AOMI ont été examinés chez 3 834 des
des pieds 5 102 individus inclus dans l’étude UKPDS, sans AOMI au diag-
nostic de diabète et suivis pendant 6 ans. Le diagnostic d’AOMI
Groupe 2B : neuropathie + AOMI 13,8 % 3,7 % était porté s’il y avait au moins deux critères présents parmi les
Groupe 3A : antécédent d’ulcère du pied 31,7 % 2,2 % suivants :
• IPS inférieur à 0,8 ;
Groupe 3B : antécédent d’amputation 32,2 % 20,7 %
• absence de pouls pédieux et tibial postérieur à une jambe ou
AOMI : artériopathie oblitérante des membres inférieurs. aux deux ;
• claudication intermittente.
L’hyperglycémie, établie sur le taux d’HbA1c, apparaît associée
sont plus fréquentes pour les patients de grade 3 ayant un antécé- à un risque accru de développer une AOMI, indépendamment
dent d’amputation que pour ceux ayant déjà présenté un ulcère des autres facteurs de risque incluant l’âge, la pression artérielle
du pied (p < 0,01). Les auteurs du pied pensent que la classification systolique (PAS) élevée, le taux diminué de HDL-C, le tabac,
du risque podologique chez le diabétique devrait être affinée pour un antécédent de maladie cardiovasculaire, la neuropathie péri-
tenir compte de ces données. phérique et la rétinopathie. À chaque augmentation de 1 % du
Le rôle aggravant de l’AOMI est d’autant plus à prendre en taux d’HbA1c est associée une augmentation de 28 % du risque
compte que les facteurs de risque impliqués dans le pied diabé- d’AOMI, tandis qu’à chaque augmentation de 10 mmHg de la
tique ont évolué. La majorité des ulcères survenait sur un pied PAS correspond une augmentation de 25 % du risque [50] . Plu-
neuropathique jusque dans les années 1980. En 1987, le groupe sieurs méta-analyses se sont intéressées au lien entre contrôle
du pied diabétique du London King’s College Hospital rapportait glycémique évalué par le taux d’HbA1c et maladies cardiovascu-
que 62 % des ulcères du pied diabétique étaient neuropathiques, laires chez les patients diabétiques. La méta-analyse de Selvin [51]
13 % purement ischémiques et 25 % neuro-ischémiques. Le pro- porte sur trois études avec des patients ayant un diabète de type 1
fil des facteurs de risque a changé dans les années 1990 avec une (DT1) et 10 études avec des diabétiques de type 2 (DT2). Les résul-
proportion croissante de pieds ischémiques. Oyibo [46] confirme tats suggèrent que l’hyperglycémie chronique est associée à un
cette évolution avec une étude de 7 ans analysant les données de risque accru de pathologies cardiovasculaires chez les diabétiques.
298 patients diabétiques examinés à la Manchester Diabetic Foot L’association apparaît similaire pour les patients avec DT1 et ceux
Clinic pour un problème de pied, qui est un ulcère du pied dans avec DT2. Comparés aux données sur les coronaropathies ou les
86,7 % des cas. Une neuropathie clinique est retrouvée chez plus AVC, les résultats des quelques études portant sur HbA1c et AOMI
de 80 % des patients ; 60 % ont une AOMI. L’ulcère est neuropa- sont en faveur d’une association plus forte entre HbA1c et cette
thique dans 36 % des cas, purement ischémique dans 12 % des cas complication vasculaire périphérique (risque évalué à 1,32 et 1,28
et neuro-ischémique dans 52 % des cas. L’artériopathie périphé- pour les sujets avec DT1 et DT2 respectivement). Les données des
rique joue un rôle de plus en plus important dans l’étiopathogénie études cliniques sont limitées et des études complémentaires sont
des ulcères du pied diabétique. nécessaires pour mieux évaluer les bénéfices d’une réduction du
taux d’HbA1c sur le risque de voir se développer une AOMI chez
des patients diabétiques. La méta-analyse de Ma [52] ne conclut
 Traitement médical de l’AOMI pas à une réduction du risque d’événements macro- et microvas-
culaires en abaissant le taux d’HbA1c à moins de 7 % pour les
Contrôle des facteurs de risque : tabac, patients avec un DT2. Il est en revanche observé une augmenta-
hyperglycémie, HTA et dyslipidémies tion du risque d’hypoglycémie. À l’issue de l’analyse, les auteurs
indiquent qu’un taux d’HbA1c entre 7 % et 7,9 % semble être une
Le traitement médical de l’AOMI implique le contrôle des fac- cible plus adéquate qu’un taux d’HbA1c inférieur à 7 % pour les
teurs de risque cardiovasculaire, d’autant plus que l’HTA et les dys- patients au DT2 confirmé.
lipidémies sont fréquentes dans le diabète de type 2. Il existe peu L’HTA est associée au développement de l’athérosclérose. Le
de données prospectives pour prouver que la prise en charge de ces risque de claudication intermittente est multiplié par un fac-
facteurs de risque va améliorer le pronostic cardiovasculaire des teur 2 à 3 chez les hypertendus dans l’étude de Framingham.
patients avec diabète et AOMI. Des études montrent en revanche L’UKPDS montre une diminution du risque d’AVC [53] avec le
que la prise en charge des facteurs de risque n’est pas assez strict contrôle tensionnel, alors que le risque d’IDM n’est pas

EMC - Endocrinologie-Nutrition 7
10-366-J-40  Artériopathie diabétique des membres inférieurs

significativement réduit. Le risque d’amputation n’a pas non ralentie dans le groupe de traitement multifactoriel intensif. Le
plus été diminué. Les bénéfices à traiter l’HTA chez les patients nombre de patients ayant présenté une chute de l’index de pres-
diabétiques artéritiques n’ont pas été directement évalués, que sion orteil/bras est très significativement supérieur dans le groupe
ce soit sur la maladie athéroscléreuse ou sur les événements de traitement conventionnel (26 versus 10). Les auteurs concluent
cardiovasculaires. Les consensus recommandent d’avoir une que le traitement intensif a eu un effet bénéfique en s’opposant
pression artérielle inférieure à 130/80 mmHg chez les patients dia- à la progression de l’AOMI. Le recueil des données de décès
bétiques, pour réduire le risque cardiovasculaire, tout en évitant et d’évènements cardiovasculaires s’est poursuivi sur 13,3 ans.
une baisse trop importante de la pression artérielle qui pour- Le groupe traité intensivement a eu significativement moins
rait entraîner une hypoperfusion périphérique. La fiabilité de la besoin de revascularisations périphériques (8 versus 17 actes) et
mesure de la PA humérale se pose chez les patients diabétiques d’amputations (10 versus 33 actes) que le groupe au traitement
avec médiacalcose des membres supérieurs. conventionnel [59] .
La mesure de la pression digitale est alors le seul moyen
d’apprécier correctement la PA.
Les dyslipidémies : le traitement d’une HLP réduit la morbimor-
talité cardiovasculaire en général. Peu d’études ont directement
porté sur l’impact du traitement hypolipémiant chez les artéri- “ Point fort
tiques. Dans une méta-analyse d’études randomisées de patients
avec AOMI et HLP, traités de manière variée, Aung et al. [54] Les facteurs de risque cardiovasculaire doivent être contrô-
observent une réduction de la mortalité et de la survenue lés avec les mêmes objectifs que pour une coronaropathie.
d’événements cardiovasculaires chez les sujets avec AOMI trai-
tés par hypolipémiant, ainsi qu’une réduction de la sévérité de la
claudication. Dans l’analyse en sous-groupe de l’étude 4S (Scan-
dinavian Simvastatine Survival Study 1995), la baisse du taux de Rééducation à la marche
cholestérol obtenue sous simvastatine est associée à une réduction
de 38 % du risque de voir apparaître ou s’aggraver des symptômes Traitement du patient symptomatique avec claudication inter-
de claudication intermittente. La dyslipidémie chez le patient dia- mittente : le réentraînement à la marche est la pierre angulaire
bétique doit être traitée en suivant les recommandations [3] , avec du traitement. Depuis plus de 40 ans, de nombreuses études
un taux de LDL-C cible inférieur à 1 g/l et un taux de triglycérides contrôlées et randomisées ont démontré le bénéfice d’un exercice
inférieur à 1,50 g/l. Certains prônent même un taux de LDL-C à encadré chez les sujets avec AOMI [60] . Ce traitement physique a
0,70 g/l comme en cas de coronaropathie. une morbidité très faible et améliore le profil de risque cardiovas-
culaire. En revanche, la marche libre, non supervisée, n’a pas fait
la preuve de son efficacité.
Traitement antiagrégant plaquettaire Le patient souffrant de claudication intermittente va bénéfi-
cier d’un entraînement encadré avec des séances séquentielles
Le risque de morbimortalité cardiovasculaire chez les patients de marche sur tapis roulant de l’ordre de 50 minutes, alter-
artéritiques diabétiques ne tient pas qu’aux facteurs de risque nant de courtes périodes de marche de 5 à 10 minutes puis des
conventionnels mais fait intervenir l’activité plaquettaire et périodes de repos, à raison de trois séances par semaine pen-
l’inflammation. Le traitement antiagrégant plaquettaire a comme dant 3 à 6 mois [61] . L’augmentation des capacités fonctionnelles
objectif de modifier l’activité des plaquettes et de prévenir la et la diminution de la symptomatologie douloureuse s’expliquent
formation de thrombus [55] . L’étude Antiplatelet Trialists’ Collabo- par l’amélioration de la vasodilatation endothéliale, du méta-
ration a analysé 145 études randomisées afin d’évaluer le bénéfice bolisme musculaire, de la viscosité sanguine et des réponses
à prendre un antiagrégant plaquettaire (le plus souvent l’aspirine) inflammatoires. L’impact de l’entraînement à la marche sur le
de manière prolongée. Les patients à haut risque présentaient flux sanguin dans les jambes et l’apport en oxygène est peu
une réduction de 27 % de l’odds ratio pour le critère composite documenté. Certains auteurs [62] ont proposé d’utiliser l’oxymétrie
regroupant IDM, AVC et décès vasculaire. L’analyse d’un échan- transcutanée dynamique chez l’artéritique au stade d’ischémie
tillon de plus de 3 000 patients avec claudication ne montrait pas d’effort. Cette technique peut faciliter le réentraînement à la
d’effet significatif de l’antiagrégant plaquettaire. Après revascu- marche du patient diabétique ayant une AOMI sans claudication
larisation, l’aspirine a amélioré significativement la perméabilité typique, pour éviter de le faire marcher avec une ischémie d’effort
chez plus de 3 000 patients artéritiques traités par pontages chirur- prolongée.
gicaux ou angioplastie. L’étude CAPRIE [56] comparant clopidogrel
et aspirine chez plus de 19 000 patients avec AVC récent, IDM ou
AOMI stable a montré que la prise de 75 mg de clopidogrel par
Traitements pharmacologiques
jour était associée à une réduction significative du risque de 8,7 % Peu de médicaments ont vraiment fait leurs preuves chez le
par rapport à 325 mg d’aspirine sur un critère composite (IDM, diabétique avec AOMI en termes d’amélioration du périmètre de
AVC ischémique, décès vasculaire). Dans l’analyse de sous-groupe marche ou bien, en cas d’ischémie critique, dans la réduction de
de plus de 6 000 patients avec AOMI, le clopidogrel est associé à la douleur, l’amélioration de la cicatrisation et la réduction du
une réduction du risque de 24 % comparé à l’aspirine. Environ un risque d’amputation. Les perfusions de prostaglandines peuvent
tiers des patients avec AOMI de l’étude CAPRIE ont un diabète. être proposées devant une impossibilité de revasculariser ou un
Chez ces patients, la supériorité du traitement par clopidogrel sur résultat insuffisant [3] .
l’aspirine est aussi retrouvée. Le traitement par aspirine est recom-
mandé chez le diabétique par l’ADA [57] . La recommandation de la
Haute Autorité de Santé [3] sur la prise en charge thérapeutique de
l’AOMI conseille le traitement par antiagrégant plaquettaire chez
 Prévention : éducation
les artéritiques et laisse le choix entre aspirine et clopidogrel. des patients et des soignants
Les bénéfices d’une prise en charge globale du patient diabé-
tique sont illustrés par l’étude Steno 2 [58] . Deux stratégies ont été La prise en charge du pied diabétique ischémique est d’autant
comparées, l’une de prise en charge conventionnelle d’un groupe plus efficace qu’elle est multidisciplinaire [63] . L’organisation d’une
de 80 patients, l’autre de traitement intensifié, avec des inter- structure intégrant chirurgien vasculaire, angéiologue, diabéto-
ventions thérapeutiques progressives et comportementales, visant logue, podiatrist dans les pays anglo-saxons et pédicure-podologue
à contrôler l’hyperglycémie, l’HTA, les paramètres lipidiques et en France permet de réduire le délai avant la première consulta-
la microalbuminurie, sur un groupe de 80 patients diabétiques. tion, de réaliser les explorations vasculaires fonctionnelles avant
L’âge moyen des patients est de 55,1 ans, le suivi de 3,8 ans en la consultation conjointe, de réduire les délais avant intervention,
moyenne. La progression des complications de microangiopa- contribuant à diminuer le nombre d’amputations majeures et la
thie (néphropathie, rétinopathie et neuropathie autonome) est mortalité. Le rapport du nombre des amputations mineures sur

8 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Artériopathie diabétique des membres inférieurs  10-366-J-40

le nombre des amputations majeures pourrait être utilisé comme [15] Ögren M, Hedblad B, Engström G, Janzon L. Prevalence and pro-
indicateur de performance dans la prise en charge du pied diabé- gnostic significance of asymptomatic peripheral arterial disease in
tique ischémique. 68-year-old men with diabetes. Results from the Population Study
L’éducation des patients diabétiques vasculaires à la prévention “Men born in 1914” from Malmö, Sweden. Eur J Vasc Endovasc Surg
des plaies du pied et à la nécessité de consulter en urgence en 2005;29:182–9.
cas de troubles trophiques du pied est très efficace pour réduire le [16] Kamalesh M, Shen J. Diabetes and peripheral arterial disease in men:
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une artériopathie des membres inférieurs a été transformé par les et al. Peripheral artery disease, diabetes, and reduced lower extremity
progrès de prise en charge de l’atteinte vasculaire, tant dans les functioning. Diabetes Care 2002;25:113–20.
procédures de revascularisation que de l’organisation pour une [19] Endean ED, Sloan DA, Veldenz HC, Donnelly MB, Schwarcz TH.
prise en charge globale et multidisciplinaire du pied diabétique. Performance of the vascular physical examination by residents and
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La diminution des amputations des membres inférieurs chez les
[20] Marinelli MR, Beach KW, Glass MJ, Primozich JF, Strandness DE.
patients diabétiques en France ne pourra être obtenue sans optimi-
Non invasive testing vs clinical evaluation of arterial disease. JAMA
ser le dépistage de l’artériopathie périphérique et son traitement.
1979;241:2031–4.
Elle nécessite également que la formation de tous les soignants [21] Teodorescu VJ, Chen C, Morrissey N, Faries PL, Marin ML, Hol-
à la gestion et à la prévention du pied diabétique, en suivant les lier LH. Detailed protocol of ischemia and the use of non-invasive
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inférieurs (indications médicamenteuses, de revascularisation et de
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EMC - Endocrinologie-Nutrition 9
10-366-J-40  Artériopathie diabétique des membres inférieurs

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I. Got (i.got@chu-nancy.fr).
Service de diabétologie-maladies métaboliques-nutrition, Hôpital de Brabois Adultes, rue du Morvan, 54511 Vandoeuvre-Les-Nancy cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Got I. Artériopathie diabétique des membres inférieurs. EMC - Endocrinologie-Nutrition 2012;9(3):1-10
[Article 10-366-J-40].

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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

10 EMC - Endocrinologie-Nutrition
 10-366-K-05

Épidémiologie et physiopathologie
de la rétinopathie diabétique
B. Dupas, P. Massin, A. Gaudric, M. Paques

La rétinopathie diabétique (RD) est la première cause de cécité dans les pays industrialisés avant l’âge
de 50 ans. Après 15 ans d’évolution de la maladie diabétique, environ 2 % des patients sont aveugles.
La prévalence de la rétinopathie diabétique croît avec la durée du diabète. Elle est supérieure à 80 %
après 15 ans d’évolution. Récemment, plusieurs études épidémiologiques ont démontré qu’une équili-
bration optimale de la glycémie pendant une période prolongée permettait de réduire l’incidence et la
progression de la rétinopathie diabétique. D’autres facteurs comme la pression artérielle, la protéinurie,
la cholestérolémie jouent également un rôle dans la survenue de la rétinopathie diabétique. La macu-
lopathie, et en particulier l’œdème maculaire, principale cause de diminution de l’acuité visuelle chez
le diabétique, est également directement liée à la durée d’évolution de la maladie. La rétinopathie dia-
bétique a comme point de départ une seule anomalie biochimique, l’élévation de la glycémie, dont les
conséquences sur la rétine sont complexes. Plusieurs hypothèses biochimiques sont proposées : la voie de
l’aldose réductase, la glycation, l’activation du système rénine angiotensine, le stress oxydatif. D’un point
de vue histologique, l’épaississement de la membrane basale des capillaires, la disparition des péricytes
et des cellules endothéliales jouent un rôle crucial. Elles aboutissent à la rupture de la barrière hématoréti-
nienne, responsable d’une hyperperméabilité des capillaires, à l’origine de l’œdème maculaire. L’ischémie
rétinienne, par l’intermédiaire de facteurs de croissance, est à l’origine de la néovascularisation, caracté-
ristique de la rétinopathie proliférante. L’œdème maculaire et les complications de la néovascularisation
sont responsables de baisse d’acuité visuelle, voire de cécité chez le diabétique.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Cécité ; Équilibre glycémique ; Hypertension artérielle ; Durée d’évolution ; Ischémie ;
Néovascularisation

Plan  Introduction
■ Introduction 1 Les principales données épidémiologiques concernant la
■ Incidence et prévalence de la cécité liée à la rétinopathie rétinopathie diabétique (RD) proviennent d’études à base commu-
diabétique 1 nautaire réalisées en Europe ou aux États-Unis, la plus importante
■ Épidémiologie de la rétinopathie diabétique 2 d’entre elles étant la Wisconsin Epidemiologic Study of Diabetic
Incidence et prévalence de la RD 2 Retinopathy ou WESDR, menée par Klein et al. dans la région
Facteurs de risque identifiés 3 du Wisconsin aux États-Unis [1, 2] . Mais ces données, même si elles
restent importantes, sont maintenant anciennes et surestiment
■ Épidémiologie de la maculopathie diabétique 3
probablement les valeurs actuelles de prévalence et d’incidence
■ Éléments de physiopathogénie de la rétinopathie diabétique 4 de la rétinopathie diabétique et de ses complications
Anomalies biochimiques 4
Flux sanguin rétinien 5
Lésions histologiques initiales
Rupture de la barrière hématorétinienne (BHR)
6
6
 Incidence et prévalence
Néovascularisation 6 de la cécité liée à la rétinopathie
■ Conclusion 7 diabétique
Dans la majorité des pays européens, on manque
d’informations fiables sur la prévalence et l’incidence de la

EMC - Endocrinologie-Nutrition 1
Volume 9 > n◦ 3 > juillet 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1941(12)51215-1
10-366-K-05  Épidémiologie et physiopathologie de la rétinopathie diabétique

cécité du fait notamment de la fréquente absence de registre de 75 % selon les études, et celle de la RDP de 10 % à 23 % [1, 2, 19–29] .
cécité ; néanmoins, la plupart des études épidémiologiques citent Chez les diabétiques de type 2, traités par hypoglycémiants oraux,
la RD parmi les 5 premières causes de cécité avec la dégénéres- la prévalence de la RD varie de 17 % à 65 %, et celle de la RDP de
cence maculaire liée à l’âge, le glaucome, la cataracte et la myopie 1,4 % à 8,8 %. Chez les diabétiques de type 2 traités par insuline,
dégénérative. Un rapport récent de l’Organisation mondiale de la la prévalence de la RD et de la RDP sont plus élevées et avoisinent
santé sur les causes de cécité dans le monde, montre que la RD est les taux de prévalence observés chez les diabétiques de type 1. Les
la 3e cause de cécité dans les pays industrialisés et la quatrième différences de prévalence entre les études sont dues d’une part à
au niveau mondial [3] . Avant l’âge de 50 ans, elle apparaît comme la méthode employée pour diagnostiquer la RD (l’ophtalmoscopie
la première cause de cécité [4] . Aux États-Unis, elle est responsable étant moins sensible que la méthode de référence qui est la pho-
d’environ 12 % des nouveaux cas de cécité annuels. Dans une tographie des sept champs du fond d’œil). D’autre part, certaines
étude récente, 3,8 % des patients diabétiques américains de plus différences peuvent être dues à la date du diagnostic du diabète,
de 20 ans présentaient une malvoyance contre 1,4 % dans une notamment chez les diabétiques de type 2 ; ainsi, les prévalences
population non diabétique de même âge [5] . Il existe une diffé- les plus faibles sont observées dans les études de dépistage systé-
rence selon l’origine ethnique des diabétiques : la rétinopathie matique du diabète chez des sujets asymptomatiques [27–29] . Enfin,
diabétique est responsable de 5,4 % des cas de cécité et 4,9 % des les taux de prévalence de la RD ont décru du fait de la meilleure
cas de malvoyance observés chez des adultes blancs américains prise en charge du diabète et des facteurs de risque associés. Ainsi,
de plus de 40 ans, contre 7,3 % et 14,5 % respectivement chez des Delcourt et al. ont repris les huit études de population sur la pré-
sujets afro-américains, et 14,3 % et 13 % chez des sujets d’origine valence de la RD, menées dans les pays occidentaux, au cours
hispanique [6] . En Europe, dans une étude danoise, la RD était des 20 dernières années, la RD étant diagnostiquée à partir de
la cause de cécité chez près de 13 % des aveugles nouvellement photographies du fond d’œil.
enregistrés [7] . Globalement, on peut estimer qu’après 15 années Les résultats de ces études sont concordants et Delcourt et al.
de diabète, 2 % des diabétiques sont aveugles et 10 % souffrent concluent, chez les sujets caucasiens, à une prévalence actuelle de
de malvoyance [8] . la RD de 28,7 %, une prévalence de la RD proliférante de 2,6 %
Les meilleures estimations de la prévalence de la cécité et de et de l’œdème maculaire de 4,8 % [19] . De manière intéressante,
la RD proviennent d’études à base communautaire réalisées en la récente étude américaine de Zhang et al. est en accord avec
Europe ou aux États-Unis, notamment de la WESDR, menée par ces résultats [5] . Une récente méta-analyse portant sur 35 études et
Klein, qui est une enquête américaine au sein d’une population plus de 20 000 patients (des années 1980 à nos jours) a évalué que
générale dans le Wisconsin [9] . Cette étude a retrouvé une préva- la prévalence de la RD était, à travers le monde, de 34,6 %, celle
lence de cécité liée à la RD de 3,6 % chez les diabétiques de type 1, de la RD proliférante de 7 % et celle des formes sévères de rétino-
et de 1,6 % chez les diabétiques de type 2. Une étude beaucoup pathie menaçant la vision de 10,2 % [30] . Enfin, aux États-Unis, la
plus récente menée par Zhang et al. aux États-Unis chez plus de prévalence de la RD est plus élevée chez les Afro-américains et les
1 000 patients âgés de plus de 40 ans a évalué la prévalence de la Hispaniques, que chez les Caucasiens ou les Chinois [20] .
RD à 28,8 % et de cécité liée à cette dernière à 4,4 % [10] . En Europe, L’incidence de la RD à 4 et 10 ans avait été donnée dans la Wis-
l’Eurodiab Study, enquête épidémiologique multicentrique menée consin Study [31–33] ; dans cette étude, l’incidence cumulée à 4 ans
sur 3 250 diabétiques de type 1 issus de 31 centres hospitaliers de la RD était de l’ordre de 60 % pour les diabétiques de type 1,
de diabétologie européens, a retrouvé une prévalence de cécité et de l’ordre de 40 % chez les diabétiques de type 2 ; celle de la
de 2,3 % [7] . En France, il n’y a pas de données épidémiologiques RD proliférante était de 10,5 % et 5 % pour les deux groupes de
nationales sur la RD. Dans une étude menée sur 423 diabétiques patients respectivement. Dans les études les plus récentes, por-
de type 2 recrutés dans 8 centres, Delcourt a retrouvé une pré- tant sur des diabétiques dont le diabète a été diagnostiqué à la fin
valence de cécité de 1,2 % et de malvoyance de 7 %, la cataracte des années 1980, les taux d’incidence de la RD sont plus faibles.
étant la principale cause de cécité [11] . Ainsi, l’incidence de la RD a évaluée dans trois études réalisées
L’incidence de la cécité et de la malvoyance chez les diabétiques en population générale ; l’incidence cumulée à 5 ans de la RD
a également été étudiée dans la WESDR [8, 12] . retrouvée dans ces études était de 11 % (95 % Indice de confiance
L’incidence annuelle de cécité liée au diabète était de 3,3/ [IC] : 3,8-18,1), 22,2 % (95 % IC : 14,1-32,2) et de 13,9 % dans
100 000 habitants. Dans une étude anglaise plus récente, 4,8 % les Melbourne VIP [34] , Blue Mountains Eye Study [35] et AusDiab
diabétiques de type 2 âgés de plus de 60 ans ont développé une Study [36] respectivement. Dans la Liverpool Diabetic Eye Study,
cécité légale après un suivi médian de 6 ans [13] . La RD semble enfin qui a suivi une large cohorte de patients diabétiques dans le cadre
plus grave chez les sujets d’origine afro-américains, avec, dans une d’un programme de dépistage systématique, l’incidence cumulée
série récente de 483 diabétiques de type 1, une incidence à 6 ans de formes sévères de RD menaçant la vision chez des patients sans
de malvoyance égale à 13,5 % [14] . RD initiale est de 3,9 %, tant chez les diabétiques de type 1 que de
Des chiffres très différents de prévalence et d’incidence de la type 2 [37, 38] .
cécité liées au diabète sont retrouvés dans les pays qui ont un Cela traduit encore l’effet de la meilleure prise en charge des dia-
programme de dépistage. En effet, le dépistage systématique de la bétiques, et d’un traitement plus intensif du diabète, notamment
RD permet de réduire à quasiment zéro l’incidence annuelle de suite aux résultats du Diabetes Control and Complications Trials
la cécité [15, 16] . Il n’existe aucune étude française sur l’incidence (DCCT) [39] . Ainsi, dans l’étude suédoise Diabetes Incidence Study
annuelle de la cécité liée au diabète. Cependant, des études in Sweden, l’incidence de la RD chez les diabétiques de type 1
récentes réalisées par nos voisins européens, chez lesquels, comme à 10 ans est de 39 %, et celle de la RDP est de 1,8 % [40] , et dans
chez nous, il n’existe pas de programme de dépistage systéma- l’étude DIRECT qui a évalué l’effet du candesartan sur l’incidence
tique de la RD, montrent des taux d’incidence annuelle de la de la RD, l’incidence de la RD à 4,7 ans a été de 31 % chez les
cécité liée à la RD encore élevés : 1,55/100 000 habitants dans patients sous placebo [41] . Enfin, Hovind a comparé l’incidence
la région de Turin en Italie [17] et 1,6 /100 000 dans la région de de la RD dans quatre groupes de diabétiques (majoritairement de
Württemberg-Hohenzollern en Allemagne [18] . On peut donc esti- type 1), suivis dans le même centre, classés selon la date de début
mer qu’en France, environ 1 000 personnes deviennent aveugles du diabète [42] . Il apparaît clairement une réduction significative
chaque année du fait d’une rétinopathie diabétique. de l’incidence à 20 ans de la RDP et de l’œdème maculaire dans le
groupe de patients dont le diabète a débuté en 1979/1980 par rap-
port aux autres groupes (Fig. 1) ; ceci s’accompagne d’un contrôle
glycémique significativement meilleur, mais aussi d’un meilleur
 Épidémiologie de la rétinopathie contrôle tensionnel et d’un traitement hypotenseur débuté plus
diabétique précocément. Enfin, Delcourt et al. estiment, d’après les études les
plus récentes, l’incidence annuelle de la RD comprise entre 2 % et
Incidence et prévalence de la RD 6 % [19] .
En ce qui concerne la progression de la RD avérée, les taux
La prévalence de la RD chez les sujets diabétiques de type 1 ou de progression sont variables selon les études. Si l’on se réfère
dont le diabète a été diagnostiqué avant 30 ans varie de 47 % à aux groupes contrôles des études thérapeutiques récentes ayant

2 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Épidémiologie et physiopathologie de la rétinopathie diabétique  10-366-K-05

fibrates permettait de réduire significativement la progression de


70 la RD à 4 ans dans le groupe traité par bithérapie par rapport au

Incidence cumulée de la rétinopathie


Groupe A (n = 113)
Groupe B (n = 130) groupe traité par statines seules (6,5 % versus 10,2 %).
60
Groupe C (n = 113)

diabétique proliférante
50 Groupe D (n = 244)

40 “ Point fort
30
Il est clairement démontré que l’équilibration optimale de
20 la glycémie, de la pression artérielle et des lipides sériques
permet une réduction de l’incidence et de la progres-
10 sion de la rétinopathie diabétique. Le contrôle de ces
facteurs systémiques est donc primordial avant de pro-
poser des thérapeutiques spécifiques pour la rétinopathie
10 15 20 525 30 35 40
diabétique.
Durée du diabète (années)
Figure 1. Incidence cumulée de la rétinopathie diabétique proliférante
chez 600 patients diabétiques de type 1 dont le diabète a débuté entre
1965 et 1969 (groupe A), 1970 et 1974 (groupe B), 1975 et 1979
(groupe C), et 1979 et 1984 (groupe D). p < 0,001, test du log-rank. Autres facteurs de risque potentiels
De nombreuses études suggèrent une association entre la préva-
évalué différents médicaments, étude DIRECT : candesartan et lence de la néphropathie et la RD. La présence d’une protéinurie
étude PKC-DRS : inhibiteurs de l’isoforme ß de la protéine ou d’une microalbuminurie serait un indice de risque de pro-
kinase C : ruboxistaurine [41, 43, 44] , le taux de progression de la RD gression vers la RD proliférante chez les diabétiques à début
a été évalué sur des photographies stéréoscopiques du fond d’œil précoce [56] .
selon la méthode de l’ETDRS. Le critère de progression habituel- Un lien entre un indice de masse corporelle élevé et la pro-
lement utilisé est une progression de trois stades dans les deux gression de la RD a été souligné récemment dans plusieurs
yeux, ou de deux stades dans un seul œil, selon l’échelle de l’Early études, notamment chez les diabétiques de type 1 [40, 57] . Enfin,
Treatment Diabetic Retinopathy Study (ETDRS). La progression a l’augmentation du tour de taille, marqueur de l’obésité et
été de 36,5 % en 3 ans dans l’étude PKC-DRS, et de 13 et 19 % d’insulinorésistance a été retrouvé comme facteur de risque de
à 4,7 ans dans l’étude DIRECT pour les diabétiques de type 1 et progression de la RD [20, 45, 50] .
2 respectivement. La plus faible progression dans l’étude DIRECT La période post-pubertaire est une période à risque de progres-
s’explique par une durée du diabète plus faible, et l’absence d’HTA sion de la RD. Il existe cependant une controverse sur le rôle des
à l’inclusion. années pré-pubertaires sur la progression de la RD. La WESDR a
suggéré que les années pré-pubertaires ne « comptaient pas » [32] ,
alors que Porta suggère que le début du diabète avant l’âge de
Facteurs de risque identifiés 12 ans serait un facteur indépendant de progression de la RD [45] .
Équilibre glycémique
De nombreux facteurs de risque interviennent dans l’apparition
et la progression de la RD. Les plus importants d’entre eux
 Épidémiologie
sont l’ancienneté du diabète et le mauvais équilibre glycé- de la maculopathie diabétique
mique [1, 2, 31, 32, 45] . Les études d’intervention du DCCT et de
l’United Kingdom Prospective Diabetes Study (UKPDS) ont main- La maculopathie diabétique, et en particulier l’œdème macu-
tenant clairement démontré le rôle bénéfique d’un bon équilibre laire, est la principale cause de mauvaise vision chez les patients
de la glycémie sur l’incidence et la progression de la RD [46, 47] . diabétiques. Elle atteint environ 10 % de la population dia-
bétique [4] . Une étude plus récente, réalisée au Royaume-Uni,
Pression artérielle retrouve cependant une prévalence de l’œdème maculaire plus
faible, inférieure à 7 % chez 775 patients diabétiques de type 2 [58] .
Les données épidémiologiques ont suggéré un lien entre
Dans la récente méta-analyse de Yau, la prévalence mondiale de
l’équilibre tensionnel et la RD [2, 31] . L’étude de l’UKPDS a mon-
l’OMD était évaluée à 6,8 % [30] . Enfin, Delcourt et al. à partir des
tré qu’une baisse de 10 mmHg de la pression artérielle systolique
études les plus récentes faites en population générale, ont éva-
chez les diabétiques de type 2 permettait de réduire l’incidence
lué la prévalence de l’œdème maculaire à 4,8 % [19] . La prévalence
des complications microvasculaires de 37 %, de réduire la pro-
de l’œdème maculaire augmente avec la durée du diabète et la
gression de la RD de 34 %, et de réduire la baisse visuelle à 9 ans
sévérité de la RD [4] .
de 47 % [48] . De plus l’étude d’Hovind et al. semble montrer que
L’incidence de l’œdème maculaire a également été étudiée dans
la réduction de l’incidence de RD à 10 ans était largement due
la WESDR [59–61] . Les résultats de cette étude ont montré une
à un meilleur contrôle tensionnel et à la prescription précoce
incidence à 4 ans et à 10 ans plus élevée chez les diabétiques à
d’un traitement anti-hypertenseur, notamment par inhibiteurs de
début précoce (8,2 %, et 20 % respectivement) et chez les diabé-
l’enzyme de conversion (IEC) [42] .
tiques à début tardif traités par insuline (8,4 % et 26 %) que chez
les patients traités par hypoglycémiants oraux (2,9 % et 14 %).
Dyslipidémie Récemment, Klein et al. ont rapporté l’incidence cumulée à 25 ans
Plusieurs études ont rapporté un lien entre les taux sériques de l’œdème maculaire chez les diabétiques de type 1 qui est de
de lipides et la présence et la progression de la RD [45, 49–51] . Dans 29 % pour l’œdème maculaire et 17 % pour l’œdème maculaire cli-
l’ETDRS, des taux élevés de triglycérides étaient associés à un niquement significatif [61] . Dans la Liverpool Diabetic Eye Study,
risque accru de progression de la RD [52] . L’hypercholestérolémie l’incidence à 5 ans de l’œdème maculaire cliniquement significatif
est également impliquée, puisqu’un traitement par statines sem- croit avec la sévérité initiale de la RD, passant de 3,2 % en l’absence
blerait capable d’inhiber la progression de la RD et de réduire le de RD initiale, à près de 50 % en cas de RD non proliférante (RDNP)
nombre d’exsudats maculaires [53] . Récemment, l’étude ACCORD sévère initiale [37, 38] .
Eye [54] soulignait le bénéfice de la prise en charge multi-factorielle L’hyperglycémie chronique semble jouer un rôle important
dans la progression de la RD, comme l’avait suggéré l’étude dans la survenue de l’œdème maculaire [59, 60] . La WEDRS a mon-
Steno-2 [55] . En effet, un traitement hypolipémiant par statines et tré qu’un taux élevé d’HbA1 C en début d’étude était un facteur

EMC - Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-K-05  Épidémiologie et physiopathologie de la rétinopathie diabétique

prédictif fort et indépendant de l’incidence de l’œdème maculaire


sur 10 ans [59] . Klein et al. ont calculé qu’une diminution d’1 % Hyperglycémie
du taux d’HbA1 C sur 4 ans pourrait réduire de 25 % l’incidence à
10 ans de l’œdème maculaire chez les diabétiques à début précoce.
Le DCCT semble confirmer ces résultats chez les diabétiques de
type 1 : l’incidence de l’œdème maculaire a été réduite de 23 % Accumulation sorbitol/aldose réductase
chez les patients traités par un traitement intensif par rapport Formation de produits avancés de la glycation (AGE)
aux patients traités conventionnellement (groupe d’intervention Activation isoforme ß protéine kinase C
secondaire) [46] . Stress oxydatif
Le lien entre hypertension artérielle, insuffisance rénale et
œdème maculaire n’est pas clair. Dans le rapport XV de la WEDRS,
l’hypertension artérielle diastolique a été identifiée comme un Réaction inflammatoire
facteur de risque de survenue d’un œdème maculaire à 10 ans Dysfonction endothéliale
chez les diabétiques à début tardif mais pas chez les diabétiques Activation du système rénine angiotensine
à début précoce [59] . Mais l’UKPDS study a montré qu’une équili- Modification du flux sanguin rétinien
bration stricte de la tension artérielle permettait de réduire le taux Production de facteurs de croissance (VEGF)
de baisse visuelle à 9 ans de 47 %, essentiellement en diminuant
l’incidence de l’œdème maculaire [48] .
Notons également qu’un lien entre hypercholestérolémie totale
et sévérité des exsudats lipidiques maculaires a été souligné dans Occlusion Rupture de la barrière
Atteinte neuronale
deux études [49, 51] . Dans la WESDR study, un taux élevé de cho- capillaire et hématorétinienne
et gliale
lestérol total était associé à une plus forte prévalence d’exsudats néovascularisation et œdème maculaire
rétiniens chez les diabétiques de type 1 et 2, et dans l’ETDRS,
des taux élevés de lipides sériques (triglycérides, LDLs, et VLDLs)
étaient associés à un risque plus élevé de développer des exsudats Figure 2. Différents mécanismes impliqués dans la pathogénie de la
maculaires. rétinopathie diabétique. VEGF : vascular endothelial growth factor ; AGE :
advanced glycosylation end.

 Éléments de physiopathogénie (Advanced Glycosylation End [AGE] products). Il s’agit d’une vaste
de la rétinopathie diabétique famille de molécules, la plus connue étant l’hémoglobine glyquée
(HbA1c). Le phénomène de la glycation se produit de manière
Anomalies biochimiques physiologique lors du vieillissement, mais est très accentué lors
du diabète.
La pathogénie de la rétinopathie diabétique est complexe et La présence des AGE induit toute une série de perturba-
secondaire à une anomalie biochimique bien définie, l’élévation tions métaboliques. Les principales seraient un ralentissement
du glucose sanguin, mais les conséquences de celle-ci sur la rétine du renouvellement des protéines (turn-over), en raison d’une
sont composites. L’excès chronique de glucose a des effets de moindre sensibilité aux enzymes de dégradation. L’accumulation
nature variée, intriqués les uns avec les autres, et leur enchaîne- des protéines glyquées pourrait expliquer l’épaississement des
ment est mal connu. Les lésions cliniquement observables sont membranes basales. Par ailleurs, il se produit une rigidification des
l’aboutissement de nombreux phénomènes coexistants.Point tissus par création de liaisons croisées entre protéines (cross-links).
important De plus, il semble que l’augmentation du flux de glucose dans
Les principaux mécanismes biochimiques impliqués dans la la voie de l’hexosamine, aboutisse également à la formation
pathogénie de la rétinopathie diabétique sont l’accumulation de des AGE [62] . L’aminoguanidine, inhibiteur de la glycation des
sorbitol et de produits avancés de la glycation, l’activation de protéines, s’est montré efficace chez l’animal pour prévenir la sur-
la protéine kinase C, le stress oxydatif, l’activation du système venue des complications microvasculaires [63] . Chez l’homme, elle
rénine angiotensine, l’inflammation, et la production de facteurs réduit la progression de la RD, mais entraîne une anémie [64] .
de croissance (Fig. 2).
Activation de la protéine kinase C (PKC)
Voie de l’aldose réductase (voie dite des polyols) La PKC semble jouer un rôle majeur dan la pathogénie des
Historiquement, il s’agit de la première hypothèse avancée pour complications microvasculaires du diabète. C’est une très large
tenter de comprendre comment l’hyperglycémie lèse la rétine. famille d’enzymes, mais c’est l’isoforme ß qui semble la plus impli-
Cette hypothèse faisait suite à la découverte du rôle de cette quée. L’hyperglycémie chronique entraîne une augmentation des
enzyme dans la cataracte diabétique [62] . Cette voie de métaboli- taux cellulaires de diacylglycerol, qui active à son tour la PKC,
sation du glucose comprend une première étape, la réduction du notamment les isoformes ß. L’activation des PKC provoque une
glucose en sorbitol par l’aldose réductase à l’aide du NADPH, puis augmentation de l’expression des protéines de la matrice extracel-
dans une deuxième étape le sorbitol est transformé en fructose lulaire et de substances vasoactives, telle que l’endothéline. Cela
par la sorbitol déshydrogénase. Il s’agit d’une voie de métabolisa- aurait pour conséquence l’épaississement des membranes basales,
tion peu active lorsque la glycémie est normale. En revanche, en une modification de la perméabilité vasculaire et une modification
présence d’une hyperglycémie, cette voie s’active de façon expo- du flux sanguin rétinien [65] . De plus, la PKCß est un composant
nentielle, et de grandes quantités de sorbitol peuvent ainsi être de la cascade de transmission intracellulaire du vascular endothelial
synthétisées. Le sorbitol formé à l’intérieur des cellules ne pouvant growth factor (VEGF) [66] . Des essais cliniques évaluant l’effet d’un
franchir les membranes cellulaires, il s’accumule dans la cellule inhibiteur de la PKCß ont montré des résultats encourageants,
à des concentrations de plus en plus délétères. Il en résulte une notamment sur l’œdème maculaire.
accumulation de sorbitol intracellulaire, une diminution du myo-
inositol, et une altération du fonctionnement de la pompe NA/K Stress oxydatif
ATPase.
La synthèse d’espèces réactives de l’oxygène par les mito-
chondries est stimulée par l’hyperglycémie. Ces espèces réactives
Glycation non enzymatique des protéines de l’oxygène sont principalement l’anion superoxyde qui est
La glycation est la liaison d’une molécule de glucose sur une une molécule d’oxygène possédant un électron « en trop », et
protéine, sans l’intermédiaire d’une enzyme. Cette liaison est sui- donc très susceptible de se lier chimiquement à des molécules
vie d’une succession de transformations biochimiques complexes. « demandeuses d’électrons ». Ces espèces réactives de l’oxygène
Aux stades évolués on parle de produits avancés de la glycation ont des effets considérés comme délétère pour les cellules,

4 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Épidémiologie et physiopathologie de la rétinopathie diabétique  10-366-K-05

Figure 3. Mécanismes possibles par lesquels le stress oxyda-


NADPH NADP+ NAD+ NADH
Glucose tif active les voies métaboliques conduisant à la rétinopathie
Sorbitol Fructose diabétique. La production excessive d’anion superoxide inhibe
l’enzyme glycolytique glycéraldéhyde-3-phosphate déshydro-
Glucosamine-6-P Voie polyol
génase (GAPDH), ce qui bloque le métabolisme normal du
glucose. Les sous-produits en amont sont alors déviés vers
GFAT
Fructose-6-P Glucosamine-6-P UDP-GlcNAc des voies accessoires. Ceci résulte en une accumulation de
diacylglycérol (DAG), de polyols, d’advanced glycosylation end
Gln Glu (AGE) et d’hexosamines, contribuant chacun à aggraver les
Voie hexosamine lésions endothéliales, en plus du stress oxydatif lui-même
(d’après [70] ).
NADH NAD+

DHAP α-glycérol-P DAG PKC


Glycéraldéhyde-3-P Voie protéine kinase C
NAD+
-
GAPDH O2 Méthylglyoxal AGE
NADH
1,3-Diphosphoglycérate Voie AGE

aboutissant à ce que l’on appelle le stress oxydatif. Dans le (ICAM-1) joue un rôle important dans cette adhésion leucocytaire
cas du diabète, il a été montré que les espèces réactives de à l’endothélium. L’expression de l’ICAM-1 est augmentée précoce-
l’oxygène induisent non seulement des lésions directement liées ment dans la RD et a été associée à une augmentation du TNF-␣,
à leurs propriétés chimiques, mais également par le biais de une leucostase, et à la mort des cellules endothéliales [75] . Chez
la modulation de certaines activités enzymatiques. C’est le cas l’homme, le taux des molécules d’adhésion circulantes, prove-
en particulier de l’enzyme appelée glycéraldéhyde-3-phosphate nant des leucocytes activés et de l’endothélium, est élevé chez
déshydrogénase (GAPDH), qui est inhibée pas les espèces réactives des patients présentant une aggravation de la rétinopathie diabé-
de l’oxygène via l’activation de la polyADP-ribose polymérase tique [76] .
(PARP) (Fig. 3). Cette inhibition entraîne le ralentissement de
la voie normale de la glycolyse, et par là même l’accumulation
Augmentation du VEGF intrarétinien
en amont des différents sous-produits de la glycolyse. C’est pré-
cisément cette accumulation de sous-produits qui activerait les Il a été montré que l’injection d’un facteur de croissance, le
différentes voies sus-citées [67] . Le stress oxydatif apparaît donc de VEGF, dans le vitré peut induire chez l’animal des lésions res-
plus en plus comme le principal facteur causal, direct ou indirect, semblant de près à une RD débutante et qu’inversement, les taux
des complications du diabète. Un véritable cercle vicieux apparaît rétiniens de VEGF sont augmentés précocement au cours du dia-
ainsi, l’augmentation de la concentration de glucose participant bète, bien avant l’apparition de la néovascularisation [77] . De plus,
à l’inhibition de sa propre métabolisation. La rétinopathie diabé- le VEGF peut induire une hyperperméabilité capillaire [78] , et enfin,
tique pourrait être due à une déviation métabolique généralisée il augmente l’adhésion des leucocytes à l’endothélium rétinien. Il
du glucose. est donc possible que le VEGF puisse participer aux lésions des
stades initiaux de la rétinopathie diabétique, en plus de son rôle
Activation du système rénine angiotensine (SRA) bien établi dans la néovascularisation. Ceci est cohérent avec la
mise en évidence d’une ischémie chronique à bas bruit.
Il existe de nombreux arguments en faveur de l’implication du
SRA dans la pathogénie de la rétinopathie diabétique. Tous les
composants du système rénine-angiotensine, y compris des récep- Flux sanguin rétinien
teurs de l’angiotensine 1 et 2, ont été retrouvés au niveau oculaire
chez les rongeurs et les humains, et ces derniers sont surexpri- Circulation rétinienne et rétinopathie diabétique
més en cas de diabète [68, 69] . L’angiotensine II (ATII) potentialise
Chez les diabétiques, même sans rétinopathie, l’ensemble de
l’activité angiogénique du VEGF dans les cellules endothéliales
l’arbre vasculaire présente un diamètre supérieur à la normale,
des capillaires rétiniens [70] . Moravski et al. ont montré que
surtout les veines, ce qui est bien mis en évidence par des
l’administration d’un inhibiteur du SRA ou d’un bloqueur des
mesures précises des diamètres vasculaires sur des photographies
récepteurs de l’ATII peut prévenir le développement d’une néo-
du fond d’œil [79] . Cette dilatation capillaire est également visible
vascularisation dans le modèle de néovascularisation du souriceau
sur les angiographies par une « trop bonne visibilité » de la maille
nouveau-né [71] . C’est pourquoi des inhibiteurs du système rénine-
capillaire périfovéolaire témoin de la dilatation des capillaires
angiotensine ont été testés en prévention primaire et secondaire
périfovéolaires. Ceci est aussi mis en évidence par la moindre
de la RD.
réponse vasodilatatrice lors de la stimulation lumineuse intermit-
tente [80, 81] . La dilatation capillaire pourrait être une réponse à un
Réaction inflammatoire état d’ischémie chronique, et/ou témoigner d’une altération de la
Il semble de plus en plus probable qu’une inflammation de bas régulation du flux sanguin. Ceci est à rapprocher de la moindre
grade et le dysfonctionnement endothélial jouent un rôle dans les tolérance des diabétiques à l’hypertension artérielle, qui pourrait
stades précoces de la rétinopathie diabétique [72] . Il a été montré se comprendre comme une moins bonne « autoprotection » de la
que peu de temps après le début d’un diabète expérimental, les leu- rétine.
cocytes adhèrent anormalement à la paroi vasculaire rétinienne, Malgré cette vasodilatation, le flux sanguin semble globale-
et migrent dans le tissu rétinien [73] . Il en résulte une rupture ment diminué aux stades initiaux de la RD [82–84] . La cause de
précoce de la barrière hématorétinienne, une non-perfusion vas- cette diminution du flux sanguin est incertaine. Elle pourrait être
culaire et la mort des cellules endothéliales [63] . La leucostase liée à la leucostase qui réalise une augmentation des résistances à
dans les capillaires rétiniens pourrait être la cause de leur obs- l’écoulement du flux sanguin. Cette hypoperfusion pourrait ainsi
truction [74] . Le stimulus initial de l’adhésion des leucocytes à la encore aggraver l’ischémie [85] . Néanmoins, aux stades plus évo-
paroi pourrait être l’état inflammatoire chronique induit, entre lués de RD, la tendance s’inverse et une augmentation du flux
autres, par les AGEs. La protéine integrin cellular adhesion molecule sanguin rétinien est observée.

EMC - Endocrinologie-Nutrition 5
10-366-K-05  Épidémiologie et physiopathologie de la rétinopathie diabétique

serrées, soit à travers la cellule endothéliale elle-même, ce qui


suppose une perméabilité accrue de la membrane plasmique, ou
1 une augmentation du transport vésiculaire [88–90] . Le VEGF voit
sa concentration augmentée précocement au cours du diabète,
peut-être en raison d’occlusions capillaires précoces, ou d’une
inflammation latente liée aux AGE. Le VEGF, outre sa capacité
à induire une néovascularisation, possède la propriété de rompre
2 la BHR en ouvrant les jonctions serrées [91, 92] . D’autres médiateurs
1 de la rupture de la BHR ont été découverts, comme la bradyki-
nine. Cette voie métabolique a l’originalité de faire intervenir les
hémorragies rétiniennes comme facteur d’entretien de l’œdème
rétinien. En effet, les globules rouges sont riches en anhydrase
carbonique, qui provoque une alcalinisation et par suite une acti-
vation de la synthèse de bradykinine, aboutissant à la rupture de
la BHR [93] .
2 La régulation du volume extracellulaire de la rétine fait interve-
nir plusieurs facteurs. À l’état physiologique, le fluide plasmatique
100 µm passant à travers la BHR est recapté soit par les cellules de Mül-
ler puis évacué dans le vitré, soit par les cellules de l’épithélium
Figure 4. Microphotographie d’une rétine de patient atteint de réti- pigmentaire. Lorsqu’il existe une rupture de la BHR, les capacités
nopathie diabétique (immunomarquage du facteur Willebrand). Les d’évacuation sont dépassées, et le fluide s’accumule dans la rétine,
microanévrismes (2), de taille et de formes variées, sont associés à générant ainsi un œdème ; les membranes limitante interne et
des dilatations capillaires focales (1) et à des rétrécissements capillaires limitante externe s’opposant à la diffusion des fluides aggravent
(flèches) [95] . cette rétention hydrique.
En cas de rupture focale de la BHR, les capillaires sains adja-
cents participent aussi à la résorption de l’œdème, comme en
Lésions histologiques initiales témoignent les exsudats secs périvasculaires parfois observés.
L’accumulation de fluide dans la fovéa peut s’expliquer par la
La RD est classiquement considérée comme une pathologie de relative faiblesse structurale liée à l’absence d’astrocytes et de vais-
la microvascularisation rétinienne. Cependant, de plus en plus seaux.
d’observations suggèrent qu’une atteinte des cellules gliales ou
neuronales de la rétine pourrait précéder l’atteinte microvascu-
laire : en effet, des altérations fonctionnelles comme des troubles
de la vision des couleurs, de la sensibilité au contraste ou des ano-
malies de l’électrorétinogramme ont été rapportées chez l’homme
“ Point fort
bien avant l’apparition d’anomalies cliniques rétiniennes [86] . Une
augmentation de l’apoptose des neurones rétiniens ainsi qu’une
L’œdème maculaire est donc le résultat de multiples pro-
altération morphologique des cellules gliales ont été observées cessus affectant le métabolisme de plusieurs populations
après un mois de diabète chez le rat diabétique [87] . neuronales interdépendantes, et pouvant être aggravé
Au niveau des capillaires rétiniens, la lésion initiale de la RD par l’hypertension artérielle (loi de Starling) et/ou les
est l’épaississement de la membrane basale. Cet épaississement phénomènes tractionnels (membrane épirétinienne). La
empêche l’interaction de contact entre cellule endothéliale et péri- perte visuelle secondaire à l’œdème maculaire peut être
cyte, pouvant conduire à une prolifération localisée de la cellule consécutive à plusieurs phénomènes intriqués, dont la dis-
endothéliale habituellement inhibée par le péricyte. Il s’y asso- tention rétinienne, la non-perfusion capillaire, la rupture
cie une diminution du nombre des péricytes et une diminution de l’équilibre homéostatique.
du nombre des cellules endothéliales. Il en résulte une dilatation
capillaire, la formation de microanévrysmes, et une occlusion des
capillaires rétinens.
Ces lésions ont tendance à se potentialiser les unes les autres ;
en effet, la présence d’une zone d’hypoxie entraîne une vaso-
dilatation réactionnelle des capillaires voisins et éventuellement Néovascularisation
l’apparition d’un microanévrisme. Celui-ci est une ectasie de la
paroi capillaire, tapissée de nombreuses cellules endothéliales Elle survient lorsque les microterritoires d’ischémie rétinienne
(et non un capillaire acellulaire) ; il est localisé le plus souvent occupent une surface étendue de la rétine, et ainsi libèrent une
en bordure d’un microterritoire rétinien non perfusé. Il peut quantité suffisante de facteurs de croissance angiogéniques. En
être considéré comme une réponse proliférative autolimitée à effet, il est admis que la rétine ischémique synthétise des facteurs
l’ischémie localisée, ainsi que comme une perte de contrôle de de croissance diffusant dans le vitré, provoquant le bourgeonne-
la prolifération endothéliale secondaire à la perte des péricytes ment de néovaisseaux à partir de veinules adjacentes aux zones
(Fig. 4). ischémiques lorsque la concentration en facteur de croissance
atteint un certain seuil.
Le VEGF apparaît cependant comme le principal facteur de la
Rupture de la barrière hématorétinienne néovascularisation. Chez l’homme, des taux très élevés de VEGF
(BHR) ont été retrouvés dans le vitré et l’humeur aqueuse des patients
présentant une RD proliférante. De plus, les taux de VEGF dans le
Le diabète entraîne une inflammation chronique de la rétine, vitré diminuent après la réalisation d’une photocoagulation pan-
un remodelage microvasculaire et une neurodégénérescence, trois rétinienne [91, 94] . C’est pourquoi l’inhibition pharmacologique du
facteurs pouvant entraîner une rupture de la barrière hématoréti- VEGF est la cible de nouvelles thérapeutiques potentielles [76, 85] .
nienne. Le paradigme actuel fait jouer au VEGF, à l’inflammation Néanmoins, d’autres facteurs de croissance pourraient être impli-
et à la dysfonction endothéliale les rôles majeurs dans cette rup- qués, indépendamment du VEGF, tels que l’érythropoïétine [66] .
ture. La rupture de la BHR est caractérisée par le passage anormal Une fois initié, le processus néovasculaire est fragile et doit
de constituants plasmatiques dans la rétine et dans le vitré. Le être soutenu par un apport constant de facteurs de croissance
ou les mécanismes de cette rupture sont mal connus. Le pas- et par un tissu de soutien, c’est-à-dire le vitré. L’absence d’un de
sage des constituants plasmatiques peut se faire, soit entre les ces éléments, spontanée ou provoquée par le traitement (photo-
cellules endothéliales, ce qui suppose l’ouverture des jonctions coagulation, vitrectomie) induit le plus souvent une régression

6 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Épidémiologie et physiopathologie de la rétinopathie diabétique  10-366-K-05

rapide des néovaisseaux. Les néovaisseaux provoquent également [16] Agardh E, Agardh CD, Hansson-Lundblad C. The five-year incidence
la croissance d’un tissu glial de soutien qui augmente son adhé- of blindness after introducing a screening programme for early detec-
sion au vitré et induisent peut-être une maturation progressive tion of treatable diabetic retinopathy. Diabet Med 1993;10:555–9.
des néovaisseaux. La fin du processus d’expansion vasculaire se [17] Porta M, Tomalino MG, Santoro F, Ghigo LD, Cairo M, Aimone M,
traduit par l’apparition d’une fibrose, qui peut d’ailleurs être accé- et al. Diabetic retinopathy as a cause of blindness in the province of
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du diabète. Elle est supérieure à 80 % après 15 ans d’évolution. Diabetic retinopathy in a multi-ethnic cohort in the United States. Am
La maculopathie, et en particulier l’œdème maculaire, principale J Ophthalmol 2006;141:446–55.
cause de diminution de l’acuité visuelle chez le diabétique, est [21] Tapp RJ, Shaw JE, Harper CA, de Courten MP, Balkau B, McCarty DJ,
également directement liée à la durée d’évolution de la maladie. et al. The prevalence of and factors associated with diabetic retinopathy
Une équilibration optimale de la glycémie ainsi que de la in the Australian population. Diabetes Care 2003;26:1731–7.
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sance, joue un rôle clé dans sa physiopathogénie, et constitue à [23] Hove MN, Kristensen JK, Lauritzen T, Bek T. The prevalence of reti-
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B. Dupas (benedicte.dupas@lrb.aphp.fr).
P. Massin.
A. Gaudric.
Service d’ophtalmologie, Hôpital Lariboisière, Université Paris 7, 2, rue Ambroise-Paré, 75010 Paris, France.
M. Paques.
Service d’ophtalmologie, Centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts, 28, rue de Charenton, 75012 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Dupas B, Massin P, Gaudric A, Paques M. Épidémiologie et physiopathologie de la rétinopathie diabétique.
EMC - Endocrinologie-Nutrition 2012;9(3):1-9 [Article 10-366-K-05].

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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

EMC - Endocrinologie-Nutrition 9
¶ 10-366-K-10

Diagnostic et traitement
de la rétinopathie diabétique
B. Dupas, P. Massin

La rétinopathie diabétique reste une cause majeure de malvoyance et de cécité en France. Environ 2 % des
diabétiques deviennent aveugles et 10 % malvoyants. L’amélioration du dépistage et la surveillance
régulière tout au long de la vie des diabétiques devraient permettre d’éviter l’évolution vers les
complications graves de la rétinopathie diabétique. Le traitement par laser, dont les indications sont
maintenant bien codifiées, permet d’éviter les complications de la rétinopathie diabétique proliférante et
de stabiliser la baisse visuelle liée à l’œdème maculaire. Mais il présente des effets secondaires puisqu’il
détruit la zone de rétine traitée. Aujourd’hui s’ouvrent des perspectives nouvelles, qui pourraient
permettre de ralentir la progression de la rétinopathie diabétique, voire de remplacer le traitement par
laser.
© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Microanévrismes ; Hémorragies ; Œdème maculaire ; Dépistage de la rétinopathie diabétique ;


Photographies du fond d’œil ; Photocoagulation panrétinienne ; Équilibre glycémique

Plan ■ Diagnostic de la rétinopathie


¶ Introduction 1
diabétique
¶ Diagnostic de la rétinopathie diabétique 1
Examen clinique 1 Examen clinique
Examens complémentaires 2
L’examen du diabétique réalisé par l’ophtalmologiste com-
Classification de la rétinopathie diabétique 2
prend un interrogatoire portant sur l’anamnèse du diabète,
Dépistage de la rétinopathie diabétique 4
l’équilibre glycémique (taux d’hémoglobine glyquée [HbA1c],
¶ Traitement de la rétinopathie diabétique 5 survenue d’épisodes hypoglycémiques) et de la pression arté-
Traitement médical 5 rielle, l’existence d’autres complications du diabète, notamment
Traitement chirurgical de la rétinopathie diabétique 8 la néphropathie. L’examen oculaire comprend la mesure de
¶ Conclusion 8 l’acuité visuelle, puis est ensuite réalisé à la lampe à fente avec
mesure de la pression oculaire, examen de l’iris et de l’angle
iridocornéen à la recherche d’une rubéose irienne, et enfin,
examen du vitré et du fond d’œil (FO) après dilatation pupil-
■ Introduction laire, à l’aide d’une lentille d’examen avec ou sans contact
cornéen. Cet examen permet d’identifier les différents signes de
La rétinopathie diabétique (RD) reste une cause majeure de la RD.
malvoyance et de cécité en France, et c’est la première cause de . • Les microanévrismes rétiniens et les hémorragies rétiniennes
cécité dans le monde avant l’âge de 50 ans. Sa prévalence ponctiformes sont les premiers signes ophtalmoscopiques de
augmente avec la durée du diabète et le niveau de l’hyper- la RD. Ils apparaissent sous forme de lésions ponctiformes
glycémie chronique. La baisse visuelle est tardive, causée par les rouges de petite taille. Ils prédominent au pôle postérieur. Les
complications de la RD. Un examen ophtalmologique précoce microanévrismes peuvent se thromboser et disparaître spon-
dès la découverte du diabète, puis une surveillance ophtalmo- tanément. Mais l’augmentation du nombre des microanévris-
logique régulière tout au long de la vie du diabétique doivent mes est un bon indice de progression de la RD.
permettre d’éviter l’évolution vers des complications graves de . • Les nodules cotonneux sont des lésions blanches, superficiel-
la RD. Le traitement par laser, dont les indications sont main- les et de petite taille, d’axe perpendiculaire à l’axe des fibres
tenant bien codifiées, permet d’empêcher les complications de optiques. Ils traduisent une occlusion des artérioles précapil-
la RD proliférante et de stabiliser la baisse visuelle liée à laires rétiniennes. Lorsqu’ils sont nombreux en moyenne
l’œdème maculaire. Pendant 20 ans, après la découverte de la périphérie rétinienne, ils traduisent une poussée évolutive de
photocoagulation au laser, aucun progrès majeur n’est survenu la RD. Leur localisation péripapillaire doit faire suspecter une
dans le traitement de la RD. Aujourd’hui s’ouvrent de nouvelles poussée d’hypertension artérielle.
perspectives, notamment dans le traitement de l’œdème macu- . D’autres signes sont évocateurs d’ischémie rétinienne sévère :
laire, qui pourraient permettre de ralentir la progression de la • les hémorragies intrarétiniennes en « taches », de plus grande
RD ou de remplacer le traitement par laser qui n’est pas dénué taille que les hémorragies ponctiformes ; elles traduisent une
d’effets secondaires. souffrance ischémique du tissu rétinien ;

Endocrinologie-Nutrition 1
10-366-K-10 ¶ Diagnostic et traitement de la rétinopathie diabétique

.
• les anomalies veineuses à type de dilatation veineuse irrégu- Tomographie en cohérence optique
lière en « chapelet » ou de boucles veineuses (veines en (« optical coherence tomography » : OCT)
« oméga ») ;
• les anomalies microvasculaires intrarétiniennes (ou AMIR) L’examen biomicroscopique permet de détecter un œdème
.
sont des dilatations et télangiectasies vasculaires développées maculaire par la présence d’un épaississement rétinien macu-
en périphérie des territoires d’occlusion capillaire ; elles laire. Mais cette appréciation est subjective. De nouvelles
correspondent en réalité à des néovaisseaux intrarétiniens ; techniques ont été développées permettant une mesure quanti-
• les néovaisseaux prérétiniens et prépapillaires témoignent tative de l’épaississement rétinien, telles que l’OCT.
d’une RD proliférante. Ils apparaissent sous forme d’un lacis L’OCT est une technique d’imagerie du FO, non invasive, qui
.
vasculaire à la surface de la rétine ou de la papille. Les permet d’obtenir in vivo des images en coupe optique de la
néovaisseaux prérétiniens se développent à la limite posté- rétine, avec une résolution de 5 µm pour les OCT Spectral
rieure des territoires ischémiques. Domain de nouvelle génération. Le principe physique sur lequel
Une hémorragie prérétinienne ou intravitréenne témoigne repose l’OCT est analogue à celui de l’échographie sauf qu’il
d’un saignement à partir des néovaisseaux. D’autre part, la utilise la lumière et non le son. Il est basé sur le principe connu
contraction du tissu fibreux de soutien des néovaisseaux peut sous le nom d’interférométrie de basse cohérence. Ce principe
entraîner un décollement de la rétine par traction. optique est une méthode simple qui peut être utilisée pour
mesurer les distances entre objets avec une grande précision, en
Au niveau de la macula, l’examen clinique recherche un
mesurant la lumière que ceux-ci réfléchissent. Dans l’OCT, un
épaississement rétinien témoin d’un œdème maculaire. Lorsque
faisceau lumineux est dirigé sur le tissu rétinien, et sa structure
celui-ci est important, il prend un aspect d’œdème maculaire
interne est étudiée en mesurant : soit le temps de trajet des
cystoïde (OMC) qui se traduit biomicroscopiquement par un
rayons réfractés pour l’OCT Time Domain, soit les fréquences
épaississement de la rétine maculaire auquel s’ajoute un aspect
des rayons réfractés (en utilisant la transformée de Fourier) pour
de microkystes intrarétiniens. Les exsudats sont des accumula-
.

l’OCT Spectral Domain, technologie la plus récente. Ceci


tions de lipoprotéines dans l’épaisseur de la rétine ; ils apparais-
produit une image en coupe du tissu rétinien.
.
sent sous forme de dépôts jaunes, et sont habituellement
Le faisceau lumineux infrarouge de faible puissance est émis
disposés en couronne autour des microanévrismes dont ils sont
par une diode supraluminescente (830 nm). La lumière est dite
issus (exsudats circinés).
de « basse cohérence » car les photons ne sont émis en conti-
Lorsqu’ils sont très nombreux, les exsudats ont tendance à
nuité de phase que pendant des laps de temps très courts.
.

s’accumuler dans la macula et à réaliser un placard exsudatif


En cas d’œdème maculaire, l’OCT permet d’objectiver l’épais-
centromaculaire de mauvais pronostic visuel.
sissement maculaire, par une augmentation de l’hyporéflectivité
des couches externes de la rétine, traduisant l’accumulation de
Examens complémentaires .
liquide dans ces zones, et par une perte de la dépression
fovéolaire normale. Les logettes cystoïdes sont visibles sous
Photographie du fond d’œil forme de cavités hyporéflectives.
La jonction vitréomaculaire peut être finement analysée.
La photographie du FO est à la base des classifications Enfin, l’OCT permet de mesurer avec une grande précision
modernes de la RD. Elle doit être considérée comme l’examen l’épaisseur rétinienne maculaire, grâce à un logiciel de cartogra-
de référence à la fois pour le dépistage de la RD et sa sur- phie maculaire qui permet de calculer automatiquement la
veillance (recommandations de la Haute Autorité de santé [HAS] valeur moyenne de l’épaisseur maculaire dans différents secteurs
2007). Sa sensibilité de diagnostic de la RD est supérieure à celle du pôle postérieur. Cette méthode de mesure est sensible et
de l’examen du FO seul. extrêmement reproductible [2] . L’OCT a donc totalement
La photographie du FO permet de visualiser les différents révolutionné l’approche de l’œdème maculaire, et est un outil
signes de la RD, et de quantifier l’ischémie rétinienne périphé- précieux pour le suivi clinique des œdèmes maculaires, ainsi
rique, dont la gravité est estimée par le nombre et la sévérité des que pour évaluer l’effet des différentes thérapeutiques.
hémorragies intrarétiniennes en « taches », des anomalies
veineuses et des AMIR. Échographie
Une étude a démontré une très bonne corrélation entre
l’évaluation de la localisation de l’ischémie rétinienne à D’autres examens complémentaires peuvent être nécessaires
l’examen du FO selon les critères de l’Early Treatment Diabetic dans certaines circonstances, en particulier l’échographie du
Retinopathy Study (ETDRS) et sur l’angiographie en segment postérieur : utile lorsque le FO n’est pas analysable
fluorescence [1]. (hémorragie intravitréenne, cataracte obturante), elle permet
Le protocole de photographie du FO est différent selon notamment de diagnostiquer l’existence d’un décollement de la
.
l’objectif de l’examen. Dans le cadre du dépistage de la RD, rétine.
deux photographies par œil (un cliché centré sur la macula et
l’autre sur la papille), éventuellement réalisées sans dilatation Classification de la rétinopathie diabétique
pupillaire, peuvent suffire (cf. infra). Cette stratégie de dépistage
De nombreuses classifications de la RD ont été proposées et
n’est applicable qu’en l’absence de RD connue, ou en cas de RD
se sont succédé. Les premières classifications, basées sur l’his-
non proliférante minime limitée à des microanévrismes.
toire naturelle de la RD, étaient qualitatives, suffisantes pour la
Lorsque la RD est plus sévère, un panoramique photographique
pratique courante. Mais les progrès thérapeutiques, en particu-
complet du FO est indispensable, comprenant une photographie
lier l’apparition du laser, ont rendu nécessaire la réalisation
du pôle postérieur et huit clichés de la périphérie rétinienne,
d’études thérapeutiques pour tester l’efficacité des nouveaux
réalisés après dilatation pupillaire.
traitements. C’est pourquoi des systèmes d’évaluation objectifs
semi-quantitatifs de la RD ont été développés depuis 20 ans, le
Angiographie à la fluorescéine plus récent étant celui de l’ETDRS [3].
L’angiographie en fluorescence n’est qu’un complément de
l’examen du FO. Elle n’est réalisée que lorsqu’il existe une RD Classification de la rétinopathie diabétique
dont la stadification pose un doute, et est surtout utile en cas Ces systèmes d’évaluation semi-quantitatifs ont été dévelop-
de maculopathie diabétique (MD), où elle trouve ses meilleures pés aux États-Unis à partir de 1966. Ils avaient pour but de
indications. Elle ne doit pas être demandée à titre systématique. subdiviser la RD en sous-groupes de pronostic et de définir des
Elle n’est pas recommandée en cas d’antécédents allergiques. « groupes à haut risque » pour lesquels se discuteraient des
Elle permet de faire le bilan de la MD : existence d’une indications thérapeutiques. Ils ont été basés pour la plupart sur
ischémie maculaire (raréfaction de la maille capillaire avec l’analyse de photographies couleurs du FO. Un très grand
élargissement de la zone avasculaire centrale), visualisation des nombre de signes de la RD est étudié, et une cotation est établie
points de diffusion responsables de l’œdème maculaire. pour chaque FO analysé par comparaison avec un jeu de

2 Endocrinologie-Nutrition
Diagnostic et traitement de la rétinopathie diabétique ¶ 10-366-K-10

Tableau 1. Tableau 2.
Classification de la rétinopathie diabétique (RD) (selon l’Association de Classification internationale de la rétinopathie diabétique (RD) (2003).
langue française pour l’étude du diabète et des maladies métaboliques
Classification de la RD Classification de l’œdème maculaire
[Alfediam, 1996]).
(OM)
Pas de RD Pas de RD OM minime
RD non proliférante a RD non proliférante minime OM modéré
RD non proliférante minime a RD non proliférante modérée OM sévère
RD non proliférante modérée a RD non proliférante sévère OM sévère
(règle des 4/2/1)
RD non proliférante sévère (ou RD préproliférante)a
RD proliférante OM sévère
RD proliférantea
a
RD proliférante minime .

RD proliférante modéréea
• RD non proliférante sévère (ou préproliférante) : elle corres-
RD proliférante sévèrea
a
.
pond à un stade à haut risque d’évolution vers la néovascu-
RD proliférante compliquée larisation. Sa définition est stricte et correspond à un des trois
critères suivants (règle des 4-2-1) :
Maculopathie diabétique
C hémorragies rétiniennes en « tache » dans quatre quadrants
Maculopathie œdémateuse
de la périphérie rétinienne,
- œdème maculaire localisé entouré d’exsudats C et/ou anomalies veineuses en « chapelet » dans deux
- œdème maculaire diffus de la région centrale : œdème maculaire non quadrants,
cystoïde, cystoïde
C et/ou AMIR nombreuses dans un quadrant.
Maculopathie ischémique La RD non proliférante sévère présente un risque de 50 %
a
± maculopathie diabétique d’évoluer vers la RD proliférante à 1 an dont 17 % de
formes à « haut risque de cécité », et un risque de 75 % à
5 ans d’évoluer vers la néovascularisation [7] ;
photographies standards. La méthode d’évaluation, pour être • RD proliférante débutante : néovaisseaux prérétiniens de
reproductible, est réservée à des spécialistes entraînés. petite taille (< 1/2 surface papillaire) dans un ou plusieurs
quadrants de la périphérie rétinienne ;
Classification de l’ETDRS • RD proliférante modérée : néovaisseaux prérétiniens de plus
C’est la classification faisant référence à ce jour [4, 5]. Elle est . grande taille (≥ 1/2 surface papillaire) dans un ou plusieurs
basée sur l’analyse de paires stéréoscopiques de photographies quadrants, et/ou néovaisseaux prépapillaires de petite taille
couleur réalisées au niveau de sept champs du FO. Environ (< un quart-un tiers de la surface papillaire) ;
vingt-cinq signes de RD sont quantifiés, chacun étant gradué au • RD proliférante sévère : néovaisseaux prépapillaires de grande
niveau de chaque champ par comparaison avec des photo- taille (≥ un quart-un tiers de la surface papillaire) ;
graphies standards. L’ensemble des paramètres est analysé par • RD proliférante compliquée : hémorragie intravitréenne,
un logiciel qui désigne le degré de sévérité de la RD. La prérétinienne, décollement de rétine par traction et/ou
classification simplifiée de l’ETDRS est exhaustive, mais reste rhegmatogène, rubéose irienne ou glaucome néovasculaire.
encore trop complexe pour être utilisée en pratique courante.
Classification simplifiée internationale de l’American
ETDRS simplifiée Academy of Ophthalmology
Une classification de l’ETDRS simplifiée a été proposée, dans Récemment, une classification simplifiée internationale en
laquelle la RD est subdivisée en 13 niveaux [4, 5]. La RD non cinq stades de la RD a été proposée par l’American Academy of
proliférante est subdivisée schématiquement en quatre sous- Ophthalmology. Elle est basée sur l’analyse du FO ou de
groupes : débutante, modérée, modérément sévère et sévère, photographies couleur du FO et est très proche de la classifica-
selon la sévérité et l’étendue de quatre signes, hémorragies tion de l’Alfediam (Tableau 2) [8].
rétiniennes et microanévrismes, AMIR, nodules cotonneux,
anomalies veineuses. La RD proliférante est subdivisée en quatre Classification de la maculopathie diabétique
groupes : débutante, modérée, à haut risque et évoluée (hémor-
La MD n’est qu’un des aspects de la RD et s’observe aussi
ragies du vitré, décollement de rétine).
bien dans les formes proliférantes que non proliférantes de RD.
Classification de l’Association de langue française pour Elle nécessite une classification à part.
l’étude du diabète et des maladies métaboliques (Alfediam) En 1983, Bresnick a proposé une classification de la MD,
distinguant l’œdème maculaire focal, le plus souvent entouré
Pour la pratique clinique, une classification simplifiée de la d’exsudats, et l’œdème maculaire diffus de la région centrale, ces
RD, dérivée de la classification de l’ETDRS, a été proposée par deux aspects pouvant coexister dans un même FO [9] . La
l’Alfediam en 1996. Elle est définie à partir des lésions observées maculopathie ischémique est secondaire à une occlusion étendue
au FO. Cette classification définit les différents stades de la RD des capillaires maculaires. Cette classification a été reprise par
et donne une indication aisément compréhensible de gravité et l’Alfediam (Tableau 2) [8].
de pronostic [6]. La RD est sous-divisée en sept stades • L’œdème maculaire focal ou localisé est un épaississement
(Tableau 1) ; à chacun d’entre eux peut être associé un certain rétinien localisé, secondaire à une diffusion focale à partir
degré de MD, qui fait l’objet d’une classification séparée. La d’un ou plusieurs microanévrismes, ou d’AMIR. Il est le plus
définition de ces différents stades est la suivante. .
souvent associé à des exsudats organisés en « couronne »
. • Pas de RD. autour des microanévrismes dont ils sont issus (exsudats
• RD non proliférante minime : petit nombre de microanévris- circinés).
mes, d’hémorragies rétiniennes ponctiformes. • L’œdème maculaire diffus de la région centrale est secondaire
• RD non proliférante modérée : nombreux microanévrismes à une hyperperméabilité étendue à tout le lit capillaire
et/ou hémorragies en « flammèches » ou ponctuées, nodules maculaire. Il peut avoir un aspect non cystoïde ou être
cotonneux, AMIR peu nombreuses (dans un quadrant de la organisé en logettes cystoïdes. C’est cet œdème qui prédo-
périphérie rétinienne), anomalies veineuses (dans moins de mine dans toutes les circonstances de grand déséquilibre
deux quadrants de la périphérie rétinienne), hémorragies glycémique, tensionnel, au cours de la grossesse ou lors des
intrarétiniennes en « flaques » dans moins de quatre qua- décompensations rénales. Biomicroscopiquement, l’œdème
drants de la périphérie rétinienne. maculaire se traduit par un épaississement rétinien maculaire

Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-K-10 ¶ Diagnostic et traitement de la rétinopathie diabétique

.
étendu, avec, en cas d’OMC, un aspect de microkystes En France, l’objectif d’un dépistage annuel de tout patient
intrarétiniens bien visibles en fente lumineuse ainsi qu’en diabétique est loin d’être atteint. En effet, une enquête de la
OCT. Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés
• En angiographie, il existe une diffusion de la fluorescéine à (CNAMTS) réalisée en 1999, sur un échantillon de 611 080
partir des capillaires maculaires dans le tissu rétinien, et en patients diabétiques de type 2 traités par hypoglycémiants
cas d’OMC, une accumulation du colorant à contours bien oraux, a montré que moins de 40 % des patients diabétiques
définis dans les logettes sur les clichés tardifs de l’angio- bénéficiaient d’un FO annuel [19], et ceci a été confirmé par des
graphie. études ultérieures. Plusieurs causes sont à l’origine de cette
L’approche de l’ETDRS est différente. Elle définit l’œdème insuffisance de dépistage : une connaissance et l’application
maculaire comme tout épaississement rétinien maculaire, insuffisantes des Recommandations de bonne pratique clinique
détectable à l’examen biomicroscopique ou sur des clichés par les médecins traitants et l’insuffisance d’éducation des
stéréoscopiques du FO, associé ou non à des exsudats [10] . patients, entre autres. L’évolution actuelle de la démographie
L’ETDRS propose une classification de l’œdème maculaire selon médicale risque de constituer également un frein sérieux à
sa localisation par rapport au centre de la macula ; elle définit l’amélioration du dépistage de la RD. En effet, face à l’augmen-
l’« œdème maculaire cliniquement significatif » (clinically tation considérable du nombre des diabétiques, on observe une
significant macular edema) comme un stade de gravité pour diminution inquiétante du nombre de médecins, et notamment
lequel il faut envisager une photocoagulation ; il correspond à des ophtalmologistes. Compte tenu de ces données, il paraît peu
un œdème maculaire menaçant ou atteignant le centre de la vraisemblable que le dépistage annuel de l’ensemble des
macula. patients diabétiques puisse être réalisé par les ophtalmologistes
Récemment, l’American Academy of Ophthalmology a pro- de façon satisfaisante dans les années à venir.
posé une classification simplifiée de l’œdème maculaire : œdème Une alternative à l’examen du FO par ophtalmoscopie pour
maculaire minime (épaississement rétinien localisé à distance du dépister la RD est la photographie du FO [20]. Cette méthode est
centre de la macula), œdème maculaire modéré (épaississement largement utilisée dans les pays du Nord de l’Europe depuis une
rétinien localisé à proximité du centre de la macula mais ne quinzaine d’années. Des photographies du FO sont prises par
l’atteignant pas), œdème maculaire sévère (épaississement des techniciens non médecins, à l’aide de rétinographes non
rétinien atteignant le centre de la macula) [8]. mydriatiques et sont lues de façon différée par un lecteur
Ces deux approches de l’œdème maculaire sont complémen- entraîné ; ce système permet de sélectionner les patients
taires, et en pratique clinique, l’œdème maculaire doit être diabétiques avec une RD ayant atteint un certain stade de
classifié à la fois selon la classification de l’Alfediam et selon gravité pour les adresser à l’ophtalmologiste. Les appareils de
celle de l’ETDRS. nouvelle génération sont très performants et permettent
d’effectuer des photographies non mydriatiques de très bonne
Forme clinique particulière : diabète qualité. L’évaluation du rétinographe Topcon TRC-NW6 sans
dilatation pupillaire a montré une sensibilité à diagnostiquer
mitochondrial
une forme modérée ou plus sévère de RD de 95 %, et une
Le diabète par cytopathie mitochondriale ou maternally spécificité de 88 % [21], le pourcentage de clichés non interpré-
inherited diabetes and deafness (MIDD) est une entité récemment tables étant de 6 %. De plus, la numérisation des images
décrite [11, 12]. Il comporte une transmission matrilinéale, une permet, outre leur archivage facile, une télétransmission vers des
surdité, et plus rarement, une atteinte neuromusculaire. Il centres de lecture ophtalmologique. Cette méthode a une
coségrègue avec une mutation ponctuelle portant sur l’acide sensibilité pour dépister la RD au moins égale, voire supérieure
ribonucléique (ARN) de transfert de la leucine (A Ÿ G 3243 ARNt à celle de l’examen ophtalmoscopique [22]. Récemment la HAS,
Leu [UUR]). Nous avons décrit une atteinte rétinienne qui conformément à la déclaration de Liverpool, a indiqué la
semble fréquemment associée à ce type de diabète [13]. Il s’agit photographie du FO comme méthode de référence pour le
d’une dystrophie maculaire réticulée (ou pattern dystrophy pour dépistage de la RD compte tenu de sa grande sensibilité pour
les Anglo-Saxons), caractérisée par des dépôts rétiniens pigmen- détecter les lésions du FO.
.
tés disposés en réseau dans la région maculaire, associés à des Une telle organisation en réseau s’est développée au sein de
altérations atrophiques de l’épithélium pigmentaire étendues à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris [20]. Ce réseau de télé-
tout le pôle postérieur. médecine se nomme « Ophtalmologie-Diabète-Télémédecine »
La rétine périphérique est normale. Le pronostic visuel de (OPHDIAT) [23]. Dans ce réseau, les photographies du FO sont
cette dystrophie est en général bon. prises par des techniciens non médecins dans des sites de
Facile à dépister, l’association de cette dystrophie à un trouble dépistage mis à disposition des médecins généralistes, dans les
de la glycorégulation doit conduire à une enquête familiale et à services d’hospitalisation ou dans des prisons, et la lecture des
une étude de l’acide désoxyribonucléique (ADN) mitochondrial. photographies réalisées de façon dissociée par des ophtalmo-
logistes. La dissociation de la prise de photographies et de la
lecture a été reconnue par la HAS en 2007. Ce dispositif permet
Dépistage de la rétinopathie diabétique d’améliorer le dépistage de la RD en Île-de-France.
La lecture de photographies du FO est réalisée en France par
Pourquoi un dépistage de la rétinopathie des ophtalmologistes, dans certains pays étrangers elle est
diabétique ? réalisée par des techniciens. Néanmoins, compte tenu de
Malgré l’efficacité du traitement par laser pour prévenir les l’évolution démographique des ophtalmologistes en France, et
complications de la RD, celle-ci reste une cause majeure de surtout compte tenu du nombre croissant de patients diabéti-
malvoyance et de cécité en France. Cela est dû à sa prise en ques en France et dans le monde, la lecture des photographies
charge souvent trop tardive. En effet, la RD est une affection deviendra une charge difficile à assumer. Pour cette raison,
silencieuse pendant de nombreuses années ; elle ne devient plusieurs équipes dans le monde travaillent sur le développe-
symptomatique qu’au stade de complications. Seul un examen ment d’algorithmes de détection automatique des signes de la
effectué régulièrement peut permettre de la diagnostiquer RD [24], permettant à terme de décharger les ophtalmologistes de
précocement et de la traiter. Les recommandations de bonne la lecture des photographies de FO normales.
pratique clinique, notamment en France, les recommandations
de l’Alfediam en 1996, et les recommandations de l’Agence
Modalités du dépistage de la rétinopathie
nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (Anaes) pour diabétique
le suivi du patient diabétique de type 2 en 1999 préconisent Il existe un consensus large pour recommander une sur-
une surveillance annuelle du FO de tous les patients diabéti- veillance annuelle du FO de tout patient diabétique, soit par
ques [6, 14]. L’efficacité d’un tel dépistage systématique de la RD ophtalmoscopie, soit par photographie du FO. L’angiographie
a été démontrée dans plusieurs pays [15-17]. De plus, l’efficacité en fluorescence, invasive et coûteuse, ne doit en aucun cas être
en termes de coût a été également démontrée [18]. utilisée comme moyen de dépistage.

4 Endocrinologie-Nutrition
Diagnostic et traitement de la rétinopathie diabétique ¶ 10-366-K-10

• Chez un diabétique de type 1, le début du diabète est connu Puberté et adolescence


avec précision. La RD ne survient en général pas avant 7 ans
Elles constituent une période à haut risque d’évolution de la
d’évolution du diabète. Un examen du FO est cependant RD et justifient une surveillance ophtalmologique renforcée.
réalisé à la découverte du diabète, puis tous les ans. Même si Chez les enfants diabétiques, la prévalence de la RD est faible
le FO est habituellement normal pendant les 5 premières et il n’y a notamment pas de RD proliférante avant la puberté.
années, il est important de sensibiliser le patient, dès le début En revanche, la période entre 16 et 18 ans est particulièrement
de son diabète, à la nécessité d’une surveillance ophtalmolo- critique : s’il existe une RD, un contrôle ophtalmologique tous
gique régulière. Par ailleurs, lors des « diabètes de type les 3 à 6 mois est justifié. Les facteurs responsables de cette
1 lents », il n’est pas rare de diagnostiquer chez ces patients aggravation sont probablement un contrôle métabolique rendu
une RD dans les 2 à 3 ans après la découverte du diabète. difficile à cette période de la vie par l’augmentation des besoins
Chez les enfants, il n’est pas nécessaire que le premier d’insuline, la compliance moins bonne des adolescents et les
examen ophtalmologique soit réalisé avant l’âge de 10 ans. modifications hormonales (augmentation de la growth hormone
• Chez un diabétique de type 2, un dépistage de la RD est [GH] et de l’insulin-like growth factor 1 [IGF1], augmentation des
impératif dès la découverte du diabète. En effet, il n’est pas hormones sexuelles). C’est chez ces jeunes gens que peut se
rare que le diabète évolue silencieusement pendant plusieurs développer une RD floride, pouvant évoluer très rapidement en
années avant d’être découvert, et qu’une RD soit présente à quelques mois vers la prolifération et ses complications avec des
la découverte du diabète. Dans l’United Kingdom Prospective décollements de rétine tractionnels très sévères [28].
Diabetes Study (UKPDS), chez 2 964 patients diabétiques de
Grossesse
type 2 dont le diabète venait d’être découvert, la prévalence
de la RD était de 39 % chez les hommes et de 35 % chez les Elle expose à un risque majoré de progression de la RD. Il est
femmes au moment du diagnostic du diabète [25]. nécessaire d’examiner le FO avant la grossesse si celle-ci est
Il existe une certaine polémique concernant la fréquence programmée, sinon en début de grossesse [29]. En l’absence de
ultérieure de surveillance ophtalmologique. En effet, chez le RD, une surveillance trimestrielle doit être réalisée. S’il existe
sujet âgé, en l’absence de RD initiale, l’incidence d’une RD une RD en début de grossesse, une surveillance du FO men-
compliquée de facteurs de haut risque à 2 ans est très faible. suelle est nécessaire, surtout si la grossesse n’a pas été program-
Dans l’étude de l’UKPDS, en l’absence de RD initiale et chez des mée. Des angiographies peuvent être réalisées si elles sont
patients dont le diabète venait d’être découvert, le taux de indiquées, aucun effet tératogène n’ayant été décrit. Toute RD
progression vers des formes sévères de RD nécessitant un préproliférante ou proliférante constatée avant la grossesse ou à
traitement par laser a été faible, de 0,2 % à 3 ans, 1,1 % à 6 ans son début doit être traitée par PPR. En cas d’aggravation de la
et 2,6 % à 9 ans [26]. En 2000, Vijan a préconisé une surveillance RD en fin de grossesse, une amélioration spontanée de la RD
tous les 2 ans, voire tous les 3 ans chez les patients sans RD après l’accouchement est possible.
dont le diabète est bien équilibré. Il propose de moduler le Le mécanisme de cette aggravation n’est pas connu. Les
rythme de surveillance en fonction du taux d’hémoglobine facteurs de risque principaux sont l’ancienneté du diabète, la
glyquée (HbA1c) et de réserver la surveillance annuelle aux sévérité de la RD en début de grossesse, et surtout l’intensité de
patients dont l’HbA1C est supérieure à 10 % [27]. la chute glycémique en début de grossesse lorsque celle-ci a été
débutée dans un contexte de mauvais équilibre glycémique et
Il est donc certainement possible, au plan individuel, de
qu’une rééquilibration glycémique rapide doit être instituée [29].
moduler le rythme de surveillance ophtalmologique des diabé-
Il est donc souhaitable que la grossesse soit programmée après
tiques de type 2 : une surveillance tous les 2 ans chez un
une évaluation précise de l’état ophtalmologique.
diabétique âgé, sans RD, dont le diabète est bien équilibré et
sans complication associée est probablement suffisante. Mais il Équilibration trop rapide de la glycémie
est dangereux, en termes de dépistage de masse, de préconiser
C’est un autre facteur d’aggravation de la RD. Le contrôle
un espacement du rythme de surveillance, qui pourrait conduire
glycémique strict obtenu par la mise sous pompe à insuline ou
à ce que certains patients ne soient plus du tout suivis.
par des injections multiples d’insuline chez les diabétiques de
type 1 ou la mise à l’insuline chez des diabétiques de type 2
Rythme de surveillance de la rétinopathie peut entraîner une aggravation de la RD. Ces cas nécessitent
diabétique donc une surveillance attentive et une éventuelle photocoagu-
lation avant de normaliser la glycémie. La constatation d’une
Le rythme de surveillance ophtalmologique des diabétiques
RD proliférante ou préproliférante doit faire réaliser une PPR
dépend de la sévérité de la RD. En dehors de certaines circons-
avant ou pendant la période de normalisation glycémique.
tances particulières qui vont être développées, les règles de
surveillance sont les suivantes. Chirurgie de la cataracte
• En l’absence de RD : surveillance annuelle du FO + photo-
Chez les patients ayant une RD, la chirurgie de la cataracte
graphies du FO.
expose à un risque de progression de la RD, et notamment à un
• RD non proliférante minime : FO annuel + photographies du
risque de rubéose irienne lorsqu’existe une RD préproliférante
FO. ou proliférante en préopératoire [30]. Un examen préopératoire
• RD non proliférante modérée : FO + photographies du FO ± du FO, puis dès le premier jour postopératoire, est indispensable
angiographie tous les 6 mois à 1 an, en fonction de la pour préciser la sévérité de la RD et instituer éventuellement un
maculopathie associée. traitement par laser. Une surveillance postopératoire régulière et
• RD non proliférante sévère (ou préproliférante) : prolongée du FO est nécessaire.
C FO + photographies du FO tous les 4 à 6 mois ± angiogra-
phie (sauf conditions particulières) ;
C photocoagulation panrétinienne (PPR) à envisager en cas ■ Traitement de la rétinopathie
de grossesse, d’équilibration rapide de la glycémie, de
chirurgie de la cataracte, de RD proliférante ou de RD diabétique
préproliférante controlatérale, ou chez un sujet au suivi
aléatoire. Traitement médical
• RD proliférante :
C PPR ; Contrôle glycémique
C contrôle 2 à 4 mois après la fin du traitement. Le traitement médical de la RD est essentiellement celui du
Il existe en outre des périodes au cours de la vie du diabéti- diabète. En effet, l’utilité d’un bon contrôle glycémique sur
que pendant lesquelles le risque d’une évolution rapide de la RD l’incidence et la progression de la RD a été suggérée par
rend nécessaire une surveillance ophtalmologique renforcée. de nombreuses études, et deux études d’intervention ont

Endocrinologie-Nutrition 5
10-366-K-10 ¶ Diagnostic et traitement de la rétinopathie diabétique

définitivement démontré l’effet bénéfique d’un bon contrôle Chez les diabétiques de type 2, l’UKPDS a montré des
glycémique sur la progression de la RD, chez les diabétiques de résultats comparables. Dans cette étude, 3 867 diabétiques de
type 1 comme chez les diabétiques de type 2 [26, 31]. Dans le type 2 dont le diabète avait été découvert récemment ont été
Diabetes Control and Complications Trial (DCCT) [31], 1 441 randomisés en deux groupes : le premier groupe (traitement
diabétiques de type 1 sans RD (groupe de prévention primaire) intensif) était traité par hypoglycémiants oraux ou insuline
ou ayant une RD non proliférante minime ou modérée (objectif glycémique : glycémie à jeun ≤ 6 mmol/l) ; le deuxième
(groupe de prévention secondaire) ont été randomisés et groupe (traitement conventionnel) était traité par régime seul
traités, soit par un traitement conventionnel, soit par un (un traitement était néanmoins institué si la glycémie à jeun
traitement intensif. Le traitement conventionnel consistait en était supérieure à 15 mmol/l). Les résultats de cette étude ont
une à deux injections d’insuline par jour, avec un autocontrôle montré, après un suivi médian de 10 ans, et une réduction
glycémique par jour, et une mesure de l’HbA1C tous les 3 mois. moyenne de 0,9 % du taux d’HbA1c, une réduction de 25 % des
Le traitement intensif consistait à obtenir une glycémie complications microvasculaires et notamment une réduction de
normale (HbA 1C mensuelle < 6,5 %), par au moins trois la progression de la RD de 21 %. Dix ans plus tard, malgré un
injections d’insuline par jour ou la mise sous pompe à contrôle glycémique plus médiocre, cet effet bénéfique se
insuline, au moins quatre autocontrôles glycémiques par jour, maintenait chez les patients dont le diabète avait été initiale-
des visites médicales mensuelles et un contact téléphonique au ment bien contrôlé avec une réduction du risque de complica-
moins hebdomadaire avec le centre médical. Le suivi moyen tions microvasculaires de 24 % [33]. Dans l’étude Action contre
de l’étude a été de 6,5 ans. L’HbA1C moyenne du groupe le diabète et les maladies vasculaires (ADVANCE) [34] , une
soumis au traitement optimal était de 7,2 %, celle du groupe réduction des risques macro- et microvasculaires a été obtenue
soumis au traitement conventionnel de 9,4 %. Le traitement dans le groupe de patients assignés à un équilibre glycémique
intensif a permis : une réduction de 27 % du risque d’appari- strict (HbA1c < 6,3 %).
tion d’une RD et une réduction de 75 % du risque de sa Cependant, des études très récentes (Action to Control
progression. Dans le groupe de prévention secondaire, le Cardiovascular Risk in Diabetes [ACCORD] Study Group et
risque de progression de la RD a été diminué de 54 %. Cet Veterans’ Affairs Diabetes Trial [VADT]) ont montré que l’équili-
effet bénéfique se maintient dans le temps, même si l’équilibre bration trop intensive de la glycémie chez les sujets diabétiques
glycémique devient ultérieurement plus médiocre : en effet, âgés pouvait être nuisible (surmortalité dans les groupes de
l’étude Epidemiology of Diabetes Interventions and Complica- traitement intensif assignés à des objectifs stricts d’HbA1c) [35, 36].
tions (EDIC) a montré que cet effet bénéfique se maintenait au
moins 4 ans après la fin du DCCT, malgré un contrôle glycé- Contrôle de la pression artérielle
mique moins strict dans le groupe interventionnel, avec une L’hypertension artérielle est très fréquente chez les diabéti-
réduction du risque de progression de la RD de 70 % par ques de type 2 : 40 % des diabétiques de type 2 sont hyperten-
rapport au groupe contrôle initial du DCCT [31]. La persistance dus à l’âge de 45 ans et 60 % après 75 ans [25]. L’UKPDS 38 [37]
de cet effet bénéfique a été qualifiée de « mémoire glycémi- a montré l’effet bénéfique de la baisse de la pression artérielle
que ». Récemment, le suivi 10 ans après la fin du DCCT sur la progression de la RD : 1 148 patients hypertendus, âgés en
montrait la persistance de cette « mémoire glycémique » avec moyenne de 56 ± 8,1 ans, avec une pression artérielle moyenne
une réduction du risque de progression de la RD de 53 % à à l’inclusion de 160-95 mmHg, ont été randomisés en deux
56 % dans le groupe initialement bien contrôlé, malgré une groupes. Un premier groupe, ou « contrôle optimal », était traité
HbA1c similaire dans les deux groupes pendant les 10 ans qui par aténolol ou captopril, avec pour but d’atteindre une
ont suivi la fin du DCCT [32] (Fig. 1). L’effet bénéfique d’une pression artérielle inférieure à 150-85 mmHg. Le second groupe,
glycémie initialement bien contrôlée se maintient donc, mais ou « contrôle sous-optimal », avait pour objectif une pression
semble s’émousser avec le temps. artérielle inférieure à 180-105 mmHg. Après un suivi moyen de

60 60

Réduction du risque de progression : 70 % Réduction du risque de progression : 38 %


50 IC 95 %, 56 %-79 % 50 IC 95 %, 22 %-51 %
p < .001 p < .001
Traitement conventionnel
40 40 Traitement intensif
Traitement conventionnel
Traitement intensif
30 30

20 20

10 10

0 0
0 1 2 3 4 4 5 6 7 8 9 10
Années Années
A B
Figure 1. Risque de progression de la rétinopathie diabétique (RD) dans les groupes initialement traités intensivement et de façon conventionnelle, 4 (A) et
10 ans (B) après la fin du Diabetes Control and Complications Trial (DCCT) (d’après [32]). EDIC study : étude Epidemiology of Diabetes Interventions and
Complications ; IC : intervalle de confiance.

6 Endocrinologie-Nutrition
Diagnostic et traitement de la rétinopathie diabétique ¶ 10-366-K-10

7,5 ans, une différence de 10 mmHg de pression artérielle ticlopidine n’étant observé que chez les diabétiques insulinodé-
systolique (PAS) et de 5 mmHg de la pression artérielle diasto- pendants (Dipyridamole-Aspirin Microangiopathy of Diabetes
lique (PAD) a réduit de 37 % l’incidence des complications [DAMAD] study [44], Ticlopidine Microangiopathy of Diabetes
microvasculaires, de 34 % la progression de la RD, et de 47 % [TIMAD] study [45]). Mais l’effet observé n’a pas été considéré
la baisse visuelle à 9 ans. Cette réduction de la baisse visuelle comme suffisamment cliniquement significatif, pour que ces
semble avoir été principalement obtenue grâce à la réduction de traitements soient recommandés pour la RD. L’ETDRS n’a pas
l’incidence de l’œdème maculaire. Il ne semble pas exister démontré d’effet bénéfique de l’aspirine (à 650 mg/j) sur
de « mémoire pressionnelle », puisque 10 ans plus tard, alors l’évolution de la RD évoluée ; cependant, il n’existe pas d’effet
que le contrôle pressionnel était plus médiocre dans le groupe délétère de l’aspirine, notamment pas de risque majoré
traité initialement de façon intensive, la réduction de risque de d’hémorragie en cas de RD proliférante [7].
complications microvasculaires observée à la fin de l’UKPDS Deux autres classes médicamenteuses sont en cours d’évalua-
n’existait plus [38]. Enfin, dans l’étude de l’UKPDS, il n’a pas été tion en prévention primaire et secondaire de la RD, les inhibi-
mis en évidence de différence de résultats en fonction du type teurs de l’isoforme b de la protéine kinase C, et les inhibiteurs
d’antihypertenseur utilisé. du système rénine-angiotensine.
L’effet bénéfique d’un bon contrôle pressionnel sur la Inhibiteurs de l’isoforme b de la protéine kinase C (PKC-b)
pression artérielle a été confirmé par d’autres études. Ainsi, dans (ruboxistaurine [RBX]). La RBX, inhibiteur spécifique de la
l’Appropriate Blood Pressure Control in Diabetes (ABCD PKC-b, a maintenant été évaluée dans plusieurs études, et peu
trial) [39], le contrôle strict de la pression artérielle chez des d’effets secondaires ont été observés. Elle est administrée par
diabétiques de type 2 normotendus a réduit la progression de la voie orale, à raison d’une prise par jour. Les résultats de trois
RD à 5 ans par rapport à un contrôle plus modeste. Enfin, le essais de phase III ont été publiés. Le premier, l’étude PKC-
contrôle associé de la glycémie et de la pression artérielle a un Diabetic Retinopathy Study (PKC-DRS) [46] a évalué les effets de
effet additif sur le risque microvasculaire, avec une réduction de trois doses différentes de RBX versus placebo sur la progression
ce risque de 21 % par diminution de 1 % de l’HbA1c et de 11 % de la RD, alors que l’étude PKC-Diabetic Macular Edema (PKC-
par réduction de 10 mmHg de la PAS [40]. DME) [47] évaluait l’effet des mêmes doses de RBX versus
En revanche, les résultats de l’étude ADVANCE comparant placebo sur la progression de l’œdème maculaire. Aucune de ces
l’effet d’un traitement combiné par un inhibiteur du système études n’a démontré d’effet significatif sur le critère principal
rénine-angiotensine et d’un diurétique à un placébo, quel que d’évaluation. Cependant, dans la PKC-DRS, une moindre baisse
soit le chiffre de tension artérielle initial, semblent décevants, visuelle a été observée avec la RBX, dans le groupe traité par
puisque aucun effet n’a été observé sur la RD [34]. Mais les 32 mg/j comparée au placebo, du fait probablement d’un effet
critères d’évaluation de la RD choisis (nécessité de laser, cécité) sur l’œdème maculaire. Ces résultats ont été confirmés par
n’étaient probablement pas assez sensibles, et il faut attendre, l’étude PKC-DRS 2, dans laquelle le risque de baisse visuelle
pour conclure définitivement, les résultats de l’étude ADVANCE modérée a été réduit de 40 % après 3 ans de traitement [48]. Et
Retinal Measurements (AdRem) sur un échantillon de patients dans cette étude, comme dans l’étude PKC-DME, une sous-
chez lesquels la progression de la RD a été évaluée par des analyse a montré une moindre progression de l’œdème macu-
photographies du FO. laire vers le centre de la macula et un moindre recours au laser,
ainsi qu’une relative protection contre la perte visuelle chez les
Contrôle lipidique patients présentant un œdème maculaire chronique. D’autres
L’étude Fenofibrate Intervention and Event Lowering in études de phase III sur l’œdème maculaire diabétique sont en
Diabetes (FIELD), évaluant l’effet du fénofibrate sur les compli- cours.
cations macro- et microvasculaires du diabète, a montré une Inhibiteurs du système rénine-angiotensine. L’inhibition du
réduction de 30 % du recours au traitement par laser dans le système rénine-angiotensine pourrait avoir un rôle protecteur
groupe traité par fénofibrate [41] . Dans le sous-groupe de contre la RD, au-delà de la baisse de la pression artérielle. L’étude
1 012 patients ayant bénéficié de photographies du FO, le EURODIAB Controlled Trial of Lisinopril in Insulin-dependent
traitement par fénofibrate n’a pas eu d’effet sur l’incidence ou Diabetes Mellitus (EUCLID) avait montré une réduction de la
la progression de la RD. Néanmoins, une moindre progression progression de la RD de 50 % chez des diabétiques de type 1,
de la RD a été observée chez les patients ayant initialement une ainsi qu’une réduction de 80 % de l’évolution vers une RD
RD, mais le nombre d’événements a été faible (14 dans le proliférante par un inhibiteur de l’enzyme de conversion de
groupe traité versus 3 dans le groupe traité). Ces résultats l’angiotensine, le lisinopril, après 2 ans de suivi [49]. Mais les
méritent d’être confirmés par d’autres études. Enfin, aucun effet patients traités par lisinopril ayant eu un meilleur équilibre
des statines sur la RD n’a à ce jour été démontré. glycémique, et surtout une pression artérielle significativement
Le rôle de ces différents facteurs médicaux dans la prévention plus basse que le groupe contrôle, il n’était pas possible d’attri-
primaire et secondaire de la RD a été confirmé par l’étude buer cet effet bénéfique à une inhibition spécifique du système
Steno [42]. Dans cette étude randomisée, un groupe de patients rénine-angiotensine. Plus récemment, l’étude Diabetic Retinopa-
diabétiques de type 2 a été traité par une approche multifacto- thie Candesartan Trials (DIRECT) a montré que le candésartan à
rielle intensive, mise en œuvre par une équipe multidiscipli- la dose de 32 mg/j entraînait une réduction de l’incidence de la
naire, visant à obtenir un équilibre glycémique et tensionnel RD de 18 % à 5 ans, à la limite de la significativité, chez les
optimal, un bilan lipidique normal, l’arrêt du tabac, et un diabétiques de type 1 normotendus et une régression significa-
exercice physique quotidien. Le groupe contrôle était traité de tive de la RD débutante chez les diabétiques de type 2, mais pas
façon conventionnelle, suivi par le médecin généraliste. Cette d’effet sur la progression de la RD [50, 51]. Dans une analyse post-
approche multifactorielle a permis de réduire de façon très hoc, pour un critère d’incidence de la RD défini par le franchis-
significative le taux de complications microvasculaires, et sement de trois stades (au lieu de deux selon le critère primaire)
notamment a réduit de 58 % la progression de la RD sur une de l’échelle de l’ETDRS, on a pu observer une diminution de
période de 8 ans. l’incidence de la RD significativement plus importante (-35 %,
p = 0,003) en faveur du groupe candésartan. Enfin, dans l’étude
Traitements médicamenteux Renin-Angiotensin System Study (RASS), les traitements par
énalapril et losartan ont réduit de 65 % et de 70 % respective-
Par voie systémique ment la progression de la RD, indépendamment de la pression
L’effet de plusieurs traitements médicamenteux sur les stades artérielle, alors qu’ils n’ont pas eu d’effet préventif sur la
initiaux de la RD a été évalué. Il n’a pas été démontré d’effet néphropathie diabétique [52]. Cette discordance avec l’étude
bénéfique des inhibiteurs de l’aldose réductase tels que le DIRECT est peut-être liée à la sévérité moindre de la RD chez les
sorbinil sur la progression de la RD [43]. patients inclus dans RASS, mais ces deux études suggèrent
Deux études ont montré l’effet bénéfique des antiagrégants néanmoins qu’un inhibiteur du système rénine-angiotensine
plaquettaires (ticlopidine et aspirine à 1 g/j) pour ralentir pourrait avoir sa place dans la prévention primaire, voire
l’augmentation du nombre des microanévrismes, l’effet de la secondaire, des stades précoces de RD.

Endocrinologie-Nutrition 7
10-366-K-10 ¶ Diagnostic et traitement de la rétinopathie diabétique

Par voie intravitréenne Traitement de l’œdème maculaire [10]


En adjuvant du traitement des facteurs systémiques, des La photocoagulation focale des anomalies microvasculaires
molécules à action symptomatique permettent d’améliorer situées au centre des couronnes d’exsudats et responsables de
l’œdème maculaire diffus de façon transitoire en restaurant les l’exsudation est toujours efficace pour faire disparaître l’œdème
protéines de jonction des barrières hématorétiniennes. maculaire focal. Elle est indiquée dans tous les cas, quelle que
La triamcinolone est un corticoïde à action prolongée utilisé soit l’acuité visuelle. En effet, les lésions à traiter sont en général
dans de nombreuses pathologies inflammatoires, notamment en situées loin du centre de la macula ; les risques du traitement
injection intra-articulaire. Elle peut s’injecter par voie intravi- sont donc modérés. Les exsudats se résorbent lentement et un
tréenne et a donné de bons résultats dans des études rétrospec- contrôle est réalisé 4 mois après la photocoagulation.
tives ainsi que dans quelques essais randomisés contrôlés [53-56], Le traitement par laser de l’œdème maculaire diffus est plus
difficile. Il est indiqué s’il existe une baisse visuelle significative
mais n’a pas l’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans
et prolongée, sans tendance à l’amélioration spontanée. Il
cette indication ophtalmologique. Elle génère 50 % d’hyperto-
consiste en une photocoagulation en grille sur toute la surface
nies et accélère la formation de la cataracte. Sa durée d’action
de l’œdème. Il permet au mieux un ralentissement de la baisse
est prolongée (4 à 6 mois).
visuelle ; de plus, il n’est pas dénué de risques, les lésions à
Plus récemment, les inhibiteurs du vascular endothelial growth
traiter étant très près du centre de la macula. Avant de traiter
factor (anti-VEGF) ont été testés pour le traitement de l’œdème par laser ce type d’œdème, il est impératif de rechercher un
maculaire diffus [57, 58]. Ils ont l’avantage de ne pas générer déséquilibre des facteurs systémiques (comme une insuffisance
d’hypertonie oculaire ni de cataracte, mais ont une durée rénale, une pression artérielle non contrôlée, un déséquilibre
d’action plus courte que celle de la triamcinolone (4 à 6 semai- glycémique patent) car la correction de ces anomalies peut à
nes). Les récents résultats de plusieurs essais de phase 3 [59-63] elle seule suffire à faire disparaître l’œdème maculaire diffus, et
ont montré que les injections d’anti-VEGF permettaient d’obte- donc surseoir au traitement. C’est pourquoi, dans ce type
nir un gain d’acuité visuelle significatif chez près de 2/3 des d’œdème, les traitements par injections intra-vitréennes repré-
patients, au prix d’injections mensuelles. sentent une réelle avancée thérapeutique et tendent à se
substituer au traitement par laser (cf. traitements
Traitement de la RD par laser
.

médicamenteux).
Traitement de la RD proliférante : PPR
La PPR est le traitement de la RD proliférante. Elle permet de
Traitement chirurgical de la rétinopathie
réduire considérablement le risque de cécité lié à la RD prolifé- diabétique
rante, et d’obtenir la régression de la néovascularisation La vitrectomie a considérablement amélioré le pronostic des
prérétinienne et/ou prépapillaire dans environ 90 % des cas [64]. RD proliférantes graves compliquées d’hémorragies du vitré ou
La PPR consiste en une coagulation étendue de toute la de décollement de rétine tractionnel. Les indications classiques
surface rétinienne située entre l’arc des vaisseaux temporaux et de cette chirurgie sont au nombre de trois [66, 67] :
l’équateur. Elle est réalisée en ambulatoire sous anesthésie de • l’hémorragie intravitréenne persistante empêchant la réalisa-
contact. L’utilisation de nouveaux verres de contact donnant tion d’une PPR efficace. La vitrectomie est réalisée dans un
une vue panoramique du FO permet de réaliser la PPR dans de délai variant de 6 semaines à 3 mois après le début de
très bonnes conditions de visibilité, même à travers de petits l’hémorragie, et en l’absence d’une résorption spontanée. Elle
orifices pupillaires. Le laser à argon (bleu-vert ou vert) est le plus est réalisée d’autant plus précocement que le patient est
souvent utilisé pour réaliser la PPR ; le laser krypton peut être monophtalme ou que l’hémorragie est bilatérale, qu’il n’y a
utile en cas de trouble des milieux oculaires (cataracte modérée, pas eu de traitement par laser avant la survenue de cette
vitré hémorragique). La PPR doit être réalisée le plus progressi- hémorragie, et surtout que le patient est jeune. Une échogra-
vement possible sous peine de générer ou d’aggraver un œdème phie en mode B est toujours réalisée à la recherche d’un
maculaire (habituellement six à huit séances de 500 impacts). La décollement de rétine associé à l’hémorragie intravitréenne ;
fréquence des séances de laser est adaptée en fonction de la • le décollement de rétine par traction décollant la macula est
gravité de la RD proliférante (espacement allant de 7 j à une indication à une vitrectomie rapide ;
6 semaines). Très récemment, le pattern scanning laser (PASCAL) • le décollement mixte rhegmatogène (c’est-à-dire par déchirure
a fait son apparition. Il utilise une technologie semi- rétinienne) associé à un décollement par traction.
automatique permettant de délivrer en un seul coup de pédale La vitrectomie a pour but de supprimer le vitré opacifié, de
jusqu’à 25 impacts ultracourts, diminuant ainsi la diffusion de disséquer et exclure en totalité les proliférations fibrovasculaires,
l’effet thermique du laser. Il génère moins d’inflammation et et de réaliser en peropératoire, grâce au laser endoculaire, la
permet donc la réalisation de PPR plus denses, plus rapides et PPR. Les résultats visuels postopératoires sont habituellement
moins douloureuses. satisfaisants après chirurgie pour hémorragie du vitré ; ils sont
La PPR est indiquée dans tous les cas de RD proliférante. La souvent plus décevants après chirurgie pour décollement de
rapidité de sa réalisation dépend de la sévérité de la RD rétine, des altérations maculaires ischémiques et atrophiques
proliférante. L’existence d’une rubéose irienne est l’indication à étant souvent présentes. L’utilisation d’anti-VEGF en préopéra-
une PPR urgente. toire peut faciliter le geste chirurgical.
En l’absence de néovascularisation, l’indication de PPR peut D’autres indications sont en cours d’évaluation. C’est le cas
des vitrectomies pour œdème maculaire. En effet, certains
être discutée au stade de RD préproliférante, à titre préventif.
œdèmes maculaires diffus résistent à la photocoagulation et
Elle peut être indiquée plus systématiquement à ce stade chez
sont dus à une traction vitréenne par le vitré épaissi et remanié
les patients au suivi aléatoire, où dans certaines circonstances à
par les altérations liées au diabète. Dans ces cas, la vitrectomie
risque d’aggravation rapide (puberté et adolescence, grossesse,
est bénéfique, mais ces cas de figure sont rares [68].
équilibration rapide de la glycémie).
Un des effets secondaires de la PPR est une baisse visuelle
modérée liée à l’apparition ou à l’aggravation d’un œdème
maculaire, le plus souvent transitoire, mais pouvant persister
■ Conclusion
dans certains cas. Cet œdème maculaire est d’autant plus La RD reste une cause importante de cécité et de malvoyance
fréquent que la PPR a été menée rapidement et qu’un œdème dans les pays industrialisés. L’application des mesures de
préexistait avant la PPR. Pour ces yeux associant un œdème dépistage, de surveillance et de traitement de la RD proposées
maculaire et une RD proliférante, il est recommandé de traiter par l’Alfediam ainsi que la collaboration entre ophtalmologistes,
d’abord l’œdème maculaire par photocoagulation focale, puis de diabétologues et médecins généralistes devraient permettre de
mener très progressivement la PPR en plusieurs séances diminuer l’incidence des complications oculaires liées au
espacées [65]. diabète. Si le traitement par photocoagulation au laser reste le

8 Endocrinologie-Nutrition
Diagnostic et traitement de la rétinopathie diabétique ¶ 10-366-K-10

traitement principal de la RD, de nombreuses études ont [22] Hutchinson A, McIntosh A, Peters J, O’Keeffe C, Khunti K, Baker R,
maintenant démontré l’importance de l’équilibration glycémi- et al. Effectiveness of screening and monitoring tests for diabetic
que et tensionnelle pour diminuer l’incidence de la RD et retinopathy-a systematic review. Diabet Med 2000;17:495-506.
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Endocrinologie-Nutrition 9
10-366-K-10 ¶ Diagnostic et traitement de la rétinopathie diabétique

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B. Dupas.
P. Massin (p.massin@lrb.aphp.fr).
Service d’ophtalmologie, Hôpital Lariboisière, Université Paris 7, 2, rue Ambroise-Paré, 75010 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Dupas B., Massin P. Diagnostic et traitement de la rétinopathie diabétique. EMC (Elsevier Masson SAS,
Paris), Endocrinologie-Nutrition, 10-366-K-10, 2011.

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10 Endocrinologie-Nutrition
 10-366-L-10

Neuropathie diabétique
P. Lozeron

Le diabète est la principale cause de neuropathie dans le monde. La forme la plus classique est la poly-
neuropathie distale symétrique qui atteint 50 % des diabétiques. Elle relève de mécanismes métaboliques
et vasculaires. L’atteinte est principalement sensitive. D’évolution chronique, elle débute et reste pré-
dominante au niveau des pieds. Elle peut être asymptomatique, découverte à l’examen clinique ou à
l’occasion de la survenue d’une plaie du pied indolore. Elle peut aussi être responsable de douleurs,
d’un engourdissement ou de paresthésies. Elle est favorisée par l’hyperglycémie chronique et la durée
d’évolution du diabète, mais également par les différents facteurs du syndrome métabolique. Son diag-
nostic est clinique mais justifie la réalisation d’un bilan biologique pour éliminer les autres causes de
neuropathie. L’électromyogramme n’est justifié qu’en présence d’atypies cliniques. L’atteinte du système
nerveux autonome peut entraîner une multitude de signes, notamment cardiovasculaires, parmi lesquels
l’hypotension orthostatique et la tachycardie de repos non modifiée par l’orthostatisme. Elle peut aussi
entraîner des signes digestifs ou urogénitaux. La neuropathie peut entraîner deux complications graves
que sont les plaies des pieds avec un risque important d’amputation et la neuroarthropathie. Le traite-
ment vise au bon contrôle glycémique, à la prévention des complications et au traitement symptomatique
des douleurs ou des troubles dysautonomiques. D’autres formes de neuropathies peuvent se rencontrer
au cours du diabète. Il s’agit en particulier des compressions des nerfs, notamment du nerf médian au
niveau du canal carpien, plus fréquent que dans la population générale. Des neuropathies sensitives très
douloureuses associées à des signes de dysautonomie peuvent être déclenchées par le contrôle rapide de
la glycémie. Enfin, des neuropathies multifocales des membres ou des nerfs thoracoabdominaux d’origine
microvasculaire inflammatoire se rencontrent plus rarement. Elles justifient un avis spécialisé.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Neuropathie sensitive ; Diabète ; Dysautonomie ; Douleurs neuropathiques ; Pied de Charcot

Plan ■ Critères diagnostiques 5


■ Traitement 6
■ Introduction 1 Contrôle glycémique 6
■ Épidémiologie 2 Traitement symptomatique 6
Traitement préventif 6
■ Physiopathologie 2
Voie des polyols 2
Glycation non enzymatique 2
Stress oxydatif 2

 Introduction
Histologie 2
Atteinte des fibres nerveuses 3
Atteinte microvasculaire 3
Le diabète est une maladie métabolique dégénérative systé-
■ Présentation clinique 3
mique. Le maintien d’un bon équilibre glycémique est un facteur
■ Facteurs favorisants 3 important dans la prévention de ses complications. On différen-
■ Neuropathie végétative 4 cie les complications macroangiopathiques affectant toutes les
■ Formes cliniques 4 artères de moyen ou gros calibre (en particulier, artères coronaires,
artères à destinée cérébrale et artères des membres inférieurs)
■ Complications 5 des complications micoangiopathiques affectant les artères de
Plaies chroniques 5 petit calibre et les capillaires. Parmi ces dernières, on identifie
Neuroarthropathie 5 la rétinopathie, la néphropathie et l’atteinte des petites artères
■ Bilan diagnostique 5 cérébrales. C’est également dans cette catégorie qu’est classée

EMC - Endocrinologie-Nutrition 1
Volume 12 > n◦ 4 > octobre 2015
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1941(15)68482-7
10-366-L-10  Neuropathie diabétique

la neuropathie diabétique, bien qu’une participation des gros concentration d’autres molécules osmotiques cellulaires, comme
vaisseaux dans le développement de la maladie soit probable. le myo-inositol, ce qui a pour effet une diminution de l’activité
Les prévalences, causes et mécanismes des atteintes macro- et de la pompe sodium-potassium adénosine triphosphatase (Na+ /K+
microangiopathiques diffèrent, mais elles peuvent se rencontrer ATPase). L’accumulation de sodium au niveau des nœuds de
aussi bien dans le diabète de type 1 (DT1) que dans le diabète de Ranvier, où la pompe est principalement localisée, bloque la dépo-
type 2 (DT2). larisation nodale des grosses fibres myélinisées produisant un
Avicenne (960-1037) décrit dans son « Canon de la médecine » ralentissement des vitesses de conduction [13] .
(Al-Qanûn fi al-tibb) les principales manifestations du diabète et Les mécanismes responsables de l’effet délétère de la voie des
de certaines de ses complications dont la neuropathie. polyols sur les nerfs font intervenir la production de radicaux
Différentes formes cliniques de neuropathie peuvent être obser- libres, l’activation de la voie des hexoses et la formation de pro-
vées [1] . La forme de loin la plus fréquente est la neuropathie duits terminaux de la glycation.
axonale sensitive symétrique, longueur dépendante, communé- L’excès de glucose peut également être métabolisé par la voie
ment appelée polyneuropathie distale symétrique (PDS) [2] . Par la des hexoses en convertissant le fructose-6-phosphate en uri-
perte de sensibilité qu’elle entraîne, elle est la principale cause dine diphosphate-N-acétylglucosamine qui peut se combiner aux
de plaies chroniques des pieds qui augmentent d’un facteur 15 sérines et thréonines de protéines intracellulaires comme certains
le risque d’amputation aux membres inférieurs s’accompagnant facteurs de transcription impliqués dans les lésions inflamma-
d’un doublement de la mortalité. Il s’agit donc d’un enjeu majeur toires des cellules endothéliales, des cellules bêtapancréatiques et
de santé publique et d’un poste de dépense important dans la prise des nerfs suraux [14] .
en charge du diabète.
Glycation non enzymatique
 Épidémiologie La fixation de monosaccharides aux protéines par des liaisons
non enzymatiques très solides est appelée la glycation. Augmen-
La prévalence varie selon les méthodes diagnostiques utilisées tée au cours du diabète, elle conduit à la formation de produits
(symptômes seuls, symptômes et signes cliniques, examens para- avancés de la glycation (advanced glycation end products [AGE]).
cliniques). Au moment du diagnostic, plus d’un quart des patients La principale source des AGE est liée à l’auto-oxydation
présentent des anomalies nerveuses [3] . La prévalence augmente du glucose qui conduit à la formation de composés dicar-
avec la durée d’évolution de la maladie pour atteindre 50 % à bonylés intracellulaires comme le glyoxal, méthylglyoxal et
25 ans d’évolution [4] . On estime qu’environ 50 % des patients 3-déoxyglucosone [15] .
diabétiques vont développer une neuropathie périphérique [2, 5] , Une forte augmentation des AGE a été montrée dans les nerfs
ce qui fait de la neuropathie une des principales complications périphériques par marquage des microvaisseaux endo- et périneu-
du diabète survenant avec une fréquence similaire chez les DT1 raux, des péricytes et des fibres amyéliniques et myélinisées [16] .
et les DT2. En France, la prévalence du diabète traité pharmaco- La glycation conduit à l’agrégation des protéines, à leur moindre
logiquement était de 4,7 % en 2013, soit plus de trois millions dégradation et, en conséquence, à un allongement de leur demi-
de personnes, auxquelles il faut ajouter les diabétiques traités par vie. Elle modifie également les propriétés de certaines protéines de
régime seul et surtout les diabétiques méconnus. Il faut s’attendre la matrice extracellulaire particulièrement vulnérables en raison
à une augmentation du nombre de patients atteints de PDS dans de leur demi-vie longue [17] . Elle peut conduire à la diminution
les prochaines années car la progression du diabète est actuelle- de l’adhésion des cellules endothéliales [18] . Par leur fixation à des
ment épidémique. L’augmentation annuelle est de 2,4 % depuis récepteurs de la membrane cellulaire (RAGE), les AGE induisent
2009 (BEH 2014, n◦ 30–31) et l’augmentation du nombre de dia- une cascade de réactions intracellulaires par l’intermédiaire des
bétiques est estimée à 20 % dans les pays dits « développés » d’ici voies de la phosphatidylinositol-3-kinase (PI-3K), Ki-Ras, et de
2030. la mitogen-activated protein kinase (MAPK). La voie RAGE induit
une activation du facteur de transcription nucléaire ␬B (NFkB) et
la transcription de différents gènes dont ceux de protéines pro-
 Physiopathologie inflammatoires.

Le risque de développer une neuropathie périphérique semble


principalement lié à l’importance de l’hyperglycémie et à la durée
Stress oxydatif
d’évolution du diabète [6] . Plusieurs grandes études ont, en effet, Le stress oxydatif induit par l’hyperglycémie peut être secon-
montré le lien entre l’exposition chronique à l’hyperglycémie [7–9] daire à une production excessive de radicaux libres normalement
et la survenue de la neuropathie. produits dans les conditions physiologiques, ou à un défaut de
Le transport du glucose par le transporteur GLUT-3 et son utili- capture des radicaux libres.
sation dans les neurones sont indépendants de l’insuline. En cas L’origine des radicaux libres est multiple. Ils proviennent de
d’hyperglycémie, la concentration intraneuronale de glucose peut la voie des polyols, de la voie de glycation, de l’activation de
être multipliée d’un facteur 4 [10] . Quand la glycolyse (voie habi- protéine kinase C (PKC) et de l’activation de la MAPK [19] . L’ion
tuelle de dégradation du glucose) est débordée, un certain nombre superoxyde pourrait initier le processus de stress oxydatif car il
d’autres voies sont activées [11] dont les mécanismes restent incom- est le premier radical libre produit au cours de la glycolyse lors du
plètement connus [12] . transport d’électrons dans la membrane mitochondriale [20] .
Les modifications neurobiologiques induites par L’accumulation de radicaux libres dans la cellule entraîne des
l’hyperglycémie chronique s’exercent en particulier par la lésions de l’acide désoxyribonucléique (ADN) nucléaire activant
voie des polyols, par la glycation non enzymatique et par la poly-(adénosine diphosphate [ADP]-ribose) polymérase (PARP)
l’augmentation du stress oxydatif de la cellule. entraînant l’accumulation d’ADP-ribose sur la glycéraldéhyde-
3-phosphate déshydrogénase (GADPH). L’activité de GADPH
diminue et tous les intermédiaires de la glycolyse en amont de
Voie des polyols l’enzyme sont activés.
En cas d’augmentation du glucose intracellulaire, l’hexokinase, Ces différents facteurs sont responsables d’une toxicité tou-
première enzyme de la voie de la glycolyse, est rapidement chant à la fois les vaisseaux et les fibres nerveuses.
saturée et le glucose emprunte la voie des polyols. Il est alors
métabolisé en sorbitol par l’aldose réductase puis oxydé en
fructose par la sorbitol déshydrogénase. Le sorbitol ne passe  Histologie
pas la membrane cellulaire et s’accumule dans la cellule. Il ne
semble pas présenter de toxicité cellulaire directe, mais pour- Dans le diabète, les anomalies structurelles du nerf concernent
rait agir par son effet osmotique en entraînant la diminution de les fibres nerveuses et les vaisseaux.

2 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Neuropathie diabétique  10-366-L-10

Atteinte des fibres nerveuses Malgré ces différents éléments histologiques et hémodyna-
miques, l’implication de la microangiopathie dans le dévelop-
La perte progressive en fibres nerveuses (perte axonale) est un pement de la PDS est discutée. L’aspect asymétrique de la
signe cardinal de la neuropathie diabétique [21] . Bien que l’atteinte distribution des fibres nerveuses dans le nerf n’est pas spécifique
clinique prédomine initialement sur les petites fibres nerveuses, aux neuropathies ischémiques mais a également été décrite dans
l’atteinte histologique semble équivalente pour les fibres amyé- les neuropathies héréditaires [38] et une étude souvent citée n’a pas
liniques et les fibres myélinisées [22] . Elle prédomine à la partie retrouvé de diminution du flux sanguin nerveux chez les patients
distale des nerfs [23] . La PDS progressant lentement, on observe diabétiques. Cette étude, cependant, ne comportait pas de groupe
rarement des fibres en cours de dégénérescence wallérienne. Cette témoin [39] .
dernière progresse de la périphérie vers le centre et explique
l’atteinte préférentielle initiale des fibres les plus longues aux
membres inférieurs [24] . Des groupements de régénération peuvent  Présentation clinique
être retrouvés en grand nombre dans les formes aiguës [25] ou chro-
niques [26] mais principalement dans les neuropathies débutantes. La PDS semble légèrement plus sévère dans le DT1 [40] .
En raison d’une altération des capacités de régénération des fibres Elle est fréquemment asymptomatique (32–39 %) et révélée par
nerveuses, les lésions prédominent chez les patients ayant les l’examen clinique [2] . Dans d’autres cas, la neuropathie est révé-
durées d’évolution du diabète les plus longues et chez les sujets lée par une lésion des pieds. La symptomatologie est d’apparition
les plus âgés. Cette observation est corroborée par la diminution progressive symétrique et essentiellement sensitive. Elle débute et
concomitante du nombre total de fibres myélinisées (traduisant reste prédominante aux pieds traduisant le caractère « longueur
l’état d’avancement de la neuropathie) et le nombre de groupe- dépendant » de l’atteinte neuronale. Les patients rapportent des
ments de régénération [27] . paresthésies, des douleurs, des brûlures, une hyperesthésie, une
D’autres études ont relevé le caractère asymétrique de la perte allodynie ou des douleurs lancinantes ou en éclairs. Une perte
en fibres [22, 23] . Cette topographie a fait évoquer la participa- de sensibilité peut également se manifester par une sensation
tion de phénomènes ischémiques dans le développement de d’engourdissement. L’instabilité est plus rare bien que la neu-
la PDS qui pourraient prédominer à la partie proximale des ropathie soit une des trois principales causes de chute chez les
troncs nerveux. Des signes de démyélinisation-remyélinisation diabétiques [41] . La présence de douleurs neuropathiques est esti-
peuvent également exister mais de façon moins fréquente que mée à 16 % des patients diabétiques sans neuropathie identifiée
les signes d’atteinte axonale [22] . Dans certains cas, une atteinte et à 50 % des patients avec une neuropathie périphérique [9] . Elles
démyélinisante proximale est associée à une dégénérescence semblent augmenter avec la gravité clinique de la neuropathie [42]
axonale distale laissant supposer que, pour certaines fibres, et sont une des principales causes de l’altération de la qualité de
l’atteinte axonale est secondaire à l’atteinte démyélinisante [24] . vie du diabétique [43] .
Pour d’autres, l’atteinte démyélinisante est préférentiellement dis- À l’examen clinique, on retrouve une perte de sensibilité
tale avec probable coexistence des deux mécanismes axonaux et atteignant principalement les pieds. En l’absence de contrôle
démyélinisants au cours de la PDS. du diabète, la neuropathie peut progresser de façon ascen-
Quelques différences ont été retrouvées entre le DT1 et le DT2. dante jusqu’aux genoux. Elle touche alors la partie médiane de
Malgré un niveau similaire de perte en fibres, de démyélinisation l’abdomen et les mains. Les sensibilités algique et thermique
et d’œdème paranodal, les patients atteints de DT2, contrairement véhiculées par les petites fibres amyéliniques (fibres C) et fine-
à ceux atteints de DT1, ne présentent pas d’atrophie axonale ni de ment myélinisées (fibres A␦) pourraient représenter les atteintes
déconnexion axogliale. La démyélinisation segmentaire y semble les plus précoces [44] . La sensibilité au tact, la sensibilité vibratoire
plus nette [21] . Ces données suggèrent des mécanismes d’action dif- et la sensibilité à la pression sont également altérées par l’atteinte
férents dans ces deux formes de diabète qui pourraient impliquer des grosses fibres myélinisées. Les réflexes tendineux achilléens,
l’action neurotrophique de l’insuline. voire rotuliens, sont abolis. Le déficit moteur, quand il existe, est
Chez les patients diabétiques, la diminution de la densité modéré et localisé à la partie distale des membres inférieurs. Il
des fibres amyéliniques intraépidermiques (IENFD) est corrélée à peut se manifester que par une amyotrophie des petits muscles
l’aggravation du Neurological Disability Score [28] et au stade de la intrinsèques des pieds avec parfois déformation (orteils en mar-
maladie. De plus, la densité des IENF est réduite chez les patients teau) traduisant le déséquilibre de force entre les extenseurs et les
n’ayant pas d’anomalie électromyographique (EMG) suggérant fléchisseurs [1] .
une atteinte précoce des petites fibres amyéliniques [29] . Les patients asymptomatiques qui ne sont pas conscients de
La microscopie confocale (CCM) peut également mettre en évi- leur neuropathie sont particulièrement vulnérables aux plaies et
dence une perte en fibres. Différents paramètres ont été évalués aux maux perforants. Le mal perforant est la conséquence d’un
avec cet examen avec des résultats discordants suivant les études. durillon négligé parce qu’indolore. Les durillons et les callosités
Il semble que les patients diagnostiqués précocement avec des sont eux-mêmes la conséquence de troubles statiques favorisés
mélanomes de moyenne et grande tailles (MLM) ne soient pas par l’atteinte neurologique des petits muscles des pieds. La neu-
les mêmes que ceux diagnostiqués avec une biopsie de la peau [30] . ropathie est le principal facteur de risque de survenue de maux
perforants (risque relatif × 10) qui affectent environ 15 % des dia-
bétiques [45] et sont une cause majeure de handicap. Or, 85 % des
Atteinte microvasculaire amputations chez les diabétiques sont précédées par des maux
perforants qui peuvent évoluer vers des infections parfois sévères
Les anomalies morphologiques des vaisseaux endoneuraux (ostéomyélite, cellulite nécrosante, phlegmon ou septicémie).
semblent précéder l’atteinte des fibres nerveuses [31, 32] . On Le diagnostic de neuropathie repose essentiellement sur
observe un épaississement de la paroi des microvaisseaux par l’examen clinique. Sa présence est un bon facteur prédictif du
l’accumulation de plusieurs couches de la membrane basale des risque de lésion cutanée, en particulier l’atteinte de la sensi-
cellules endoneurales et la présence de débris de péricytes [32] indé- bilité vibratoire étudiée à l’aide d’un diapason et l’évaluation
pendante de l’âge. Ces anomalies confortent l’hypothèse d’une de la sensibilité au tact étudiée à l’aide d’un monofilament de
participation vasculaire à la neuropathie du diabète [22, 33] . 10 g. L’examen clinique reste pourtant difficile y compris dans
Une perte des jonctions serrées des cellules endothéliales peut des mains expertes. Le recours à l’étude électrophysiologique des
également être observée ainsi qu’une augmentation du pourcen- nerfs, utile en recherche, est rarement nécessaire en pratique cli-
tage de microvaisseaux endoneuraux occlus [34] avec parfois mise nique [46] et ne doit pas être demandé systématiquement.
en évidence de thrombi intracapillaires [35] . La densité capillaire
est normale même si certains auteurs décrivent une augmenta-
tion du nombre de vaisseaux endoneuraux considérée comme  Facteurs favorisants
réactionnelle à l’hypoxie. Une diminution de la pression partielle
en oxygène au niveau du nerf [36] a été mise en évidence. Elle est Les principaux facteurs favorisants le développement de la
corrélée à la diminution de la vitesse de conduction motrice [37] . PDS sont la durée d’évolution de la maladie [4] avec une

EMC - Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-L-10  Neuropathie diabétique

prévalence passant de 10 % au moment du diagnostic à 50 % à La prise en charge de la NDD repose sur le dépistage, l’éviction
25 ans d’évolution, et le mauvais équilibre glycémique. des facteurs favorisants, en particulier médicamenteux, les traite-
La place de l’intolérance au glucose dans le développement ments symptomatiques et l’équilibre du diabète [54] .
d’une neuropathie sensitive reste incertaine. Si la prévalence de
l’intolérance au glucose est augmentée chez près de la moitié
des patients qui présentent une neuropathie sensitive idiopa-
thique [47] , et si les douleurs neuropathiques progressent avec le  Formes cliniques
déséquilibre glycémique [48] , une récente étude de population ne
montre pas d’augmentation du risque de neuropathie en cas La PDS est la forme la plus commune de neuropathie chez
d’intolérance au glucose [49] . le diabétique [5] , mais d’autres formes cliniques peuvent se ren-
De nombreux autres facteurs ont été impliqués dans la contrer. Les compressions nerveuses représentent la deuxième
survenue de la PDS. Le syndrome métabolique et ses diffé- cause d’atteinte du système nerveux périphérique au cours du
rents composants ont été impliqués, en particulier le surpoids, diabète [2, 5] au premier rang desquelles la compression du nerf
l’hypertension et l’hypertriglycéridémie [9] . Cette dernière favori- médian au canal carpien. Il atteint 2 % de la population générale,
sant la survenue d’une PDS, indépendamment d’une éventuelle mais 15 % des diabétiques et 30 % des diabétiques avec neuro-
intolérance au glucose, est associée à des modifications de la vaso- pathie [55] . La symptomatologie et l’examen clinique ne sont pas
réactivité cutanée traduisant une atteinte du système nerveux toujours typiques d’autant qu’il existe fréquemment une PDS
autonome [50] . sous-jacente et nécessitent souvent le recours à la réalisation d’un
EMG diagnostique.
Le traitement semble avoir une efficacité similaire à celle de la
population générale, avec cependant un effet retardé.
 Neuropathie végétative Différents cas de neuropathies sensitives évoluant sur un mode
aigu ont été identifiés. Elles peuvent survenir sans facteur déclen-
L’atteinte des fibres amyéliniques et des fibres finement myélini- chant identifié [56] , ou en raison d’une anorexie ou beaucoup plus
sées peut entraîner une neuropathie dysautonomique diabétique souvent en rapport avec une correction rapide de la glycémie [57, 58]
(NDD). Elle représente un facteur de risque indépendant de mor- par les antidiabétiques oraux ou par l’insuline [57] . Leur incidence
talité [51] . L’estimation de sa prévalence dépend des critères et augmente avec la rapidité de correction de la glycémie allant de
des fonctions évaluées. Elle est symptomatique chez 5,5 % des 15 % chez les sujets dont l’hémoglobine glyquée (HbA1c) a dimi-
patients [2] , mais la fréquence de l’atteinte cardiaque semble aller nué de 2 % en trois mois jusqu’à près de 100 % des patients dont
de 25 % pour les DT1 à 35 % pour les DT2 [52] et débuter dès la la diminution de l’HBA1c a été de 6 % ou plus [58] . L’intensité
première année du diagnostic chez les DT2 et dès la deuxième des symptômes est également proportionnelle à la rapidité de
année chez les DT1 [53] . De plus, dans le DT2, sa prévalence correction de la glycémie. Elle associe un syndrome douloureux
est doublée chez les patients atteints de syndrome d’apnée du très invalidant dont l’évaluation sur l’échelle visuelle analogique
sommeil. (EVA) atteint fréquemment 10/10, à une atteinte dysautonomique
Comme la PDS, elle atteint les fibres les plus longues. Elle qui a pour principaux effets une dysfonction érectile, une hypo-
peut atteindre les fibres parasympathiques et sympathiques qui tension orthostatique et des troubles de la sudation. L’examen
innervent simultanément la plupart des organes. clinique au niveau des membres et l’EMG sont souvent peu modi-
L’atteinte la plus étudiée est la neuropathie autonome car- fiés. La prise en charge est symptomatique. Malgré un traitement
diaque (NAC). Elle entraîne précocement une tachycardie de repos antalgique bien conduit, des douleurs invalidantes persistent sou-
avec perte de l’arythmie respiratoire physiologique, en raison de vent de nombreux mois. À 18 mois, la régression des symptômes
l’atteinte parasympathique. Peuvent également être observés une est plus nette dans le DT1 [57] .
intolérance à l’effort marquée par une absence d’accélération du Plusieurs types de neuropathies multifocales peuvent survenir
pouls, une prolongation de l’espace QT de même que des troubles au cours du diabète [59] . Elles se distinguent de la PDS par leur
du rythme. À des stades plus avancés, la dénervation cardiaque est caractère subaigu, asymétrique, le plus souvent douloureux avec
associée au risque de mort subite et d’infarctus dits « silencieux » déficit moteur et leur évolution limitée dans le temps. La neuro-
(infarctus indolores mais en réalité rarement asymptomatiques). pathie diabétique proximale (NDP) est la plus typique allant de
Une hypotension orthostatique peut être asymptomatique ou la simple cruralgie à l’atteinte plus diffuse pouvant intéresser éga-
responsable de lipothymies ou de syncopes traduisant l’atteinte lement la loge antéroexterne de jambe, voire être bilatérale mais
sympathique. Le diagnostic de NAC repose sur des tests non réa- asymétrique. Elle nécessite l’élimination de diagnostics différen-
lisés en pratique clinique courante. Au quotidien, le dépistage tiels comme l’ostéonécrose de la hanche (examen clinique, voire
peut être réalisé par des tests simples de variabilité du rythme imagerie orientée) ou des pathologies infiltratives (ponction lom-
cardiaque et par la recherche d’une hypotension orthostatique baire avec examen cytologique du liquide cérébrospinal [LCS], et
définie par une chute d’au moins 20 mmHg de pression systo- imagerie lombaire, voire du petit bassin). Leur mécanisme est une
lique à l’orthostatisme. L’absence d’accélération de la fréquence microvascularite nerveuse [25] . Un traitement par des corticoïdes à
cardiaque traduit l’origine neurologique en l’absence de prise de forte doses permet de calmer très rapidement les douleurs mais n’a
bêtabloqueurs. souvent qu’un effet limité sur les déficits moteur et sensitif parfois
L’atteinte gastro-intestinale peut intéresser la partie haute du invalidants. Il nécessite le plus souvent le recours à une insulino-
tube digestif, avec en particulier la gastroparésie qui se manifeste thérapie transitoire. Des neuropathies indolores plus progressives
par une sensation de satiété précoce, de plénitude gastrique, des avec déficit moteur volontiers plus distal sur les loges antéroex-
vomissements pouvant contenir des aliments du repas précédent. ternes ont été décrites. Elles présentent un aspect histologique
Elle est souvent méconnue et peut entraîner des hypoglycémies et électromyographique proche de la NDP [60] . La neuropathie
postprandiales en raison de l’altération de la vidange gastrique thoracoabdominale (NTA) peut s’associer à la NDP. Elle entraîne
des aliments. La dysphagie par trouble de la motricité œso- des douleurs en hémiceintures s’étendant sur plusieurs méta-
phagienne est plus rare. Les diarrhées vespérales avec parfois mères à type de brûlures ou de coup de poignard responsables
incontinence sphinctérienne traduisent l’atteinte digestive basse. d’une allodynie [61] . Elles ne doivent pas être confondues avec une
Une constipation est possible. Les fonctions génito-urinaires sont pathologie intra-abdominale ou plus rarement intrathoracique,
fréquemment altérées. Une dysfonction érectile doit être recher- en particulier coronarienne. D’autres formes de neuropathies
chée. L’éjaculation rétrograde n’est pas rare. Une dyspareunie par proximales sont plus rarement décrites aux membres supérieurs.
sécheresse vaginale est également possible. Une perte de la sensa- Elles sont plus brutales et peuvent s’associer à une NDP. Des mul-
tion de plénitude vésicale est précoce. Elle peut s’associer à une tinévrites de mécanisme là encore microvasculaire inflammatoire
vidange partielle de la vessie comportant un risque d’infection. Les sont rencontrées au cours du diabète. Elles intéressent surtout
troubles de la sudation sont responsables d’une anhydrase entraî- le nerf fibulaire à la jambe se présentant alors comme un pied
nant une sécheresse cutanée, majorant le risque de fissures et de tombant douloureux aigu [62] . L’atteinte des paires crâniennes est
ragades, en particulier au niveau des talons [54] . rare (1 %) [63] . Elle survient surtout dans le DT2 après plusieurs

4 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Neuropathie diabétique  10-366-L-10

années d’évolution. L’atteinte du nerf facial est plus fréquente. par un mécanisme calcium-dépendant a été démontrée chez
Les nerfs oculomoteurs (surtout le III) peuvent être atteints seuls des patients traités par biguanides [69, 70] ). La recherche d’une
ou en association. L’atteinte du III est responsable d’une diplo- insuffisance rénale, cause majeure de neuropathie, qui peut être
pie douloureuse. À l’examen clinique, on retrouve à divers degrés déclenchée ou aggravée par le diabète, d’une hypothyroïdie et
un ptosis et un strabisme externe [64] . La précession par des dou- d’une hypertriglycéridémie doit également être réalisée.
leurs périorbitaires et le respect du III intrinsèque sont évocateurs. En fonction des situations, d’autres examens peuvent être pra-
Mais il faut éliminer en urgence une pathologie intracrânienne tiqués (sérologies virus de l’immunodéficience humaine [VIH],
(fissuration d’un anévrisme de la carotide interne ou tumeur). La virus de l’hépatite C [VHC] et virus de l’hépatite B [VHB], pro-
régression est la règle en quelques mois. téine C réactive [CRP], anticorps antinucléaires [AAN]).
L’EMG a montré une bonne sensibilité et spécificité dans le diag-
nostic de PDS [46] . Il n’est cependant pas nécessaire au diagnostic
 Complications de PDS et doit être réservé aux formes cliniquement atypiques [59] .
Quand l’EMG est réalisé, il montre des anomalies axonales et
Les principales complications de la neuropathie diabétique sont démyélinisantes prédominantes sur les fibres sensitives.
les plaies chroniques des pieds et la neuroarthropathie. Diverses explorations sont disponibles pour l’examen des
petites fibres [71] . L’association d’anomalies au quantification des
Plaies chroniques seuils de sensibilité (QST) avec la densité des fibres intraépider-
miques à la cheville a été proposée pour obtenir un diagnostic
Il s’agit de la principale complication de la neuropathie dia- de certitude de neuropathie des petites fibres [71] . Leur utilisation
bétique tant en termes de conséquences cliniques, au premier en pratique quotidienne est cependant difficile. La reconnais-
rang desquelles se trouvent les amputations, qu’en termes éco- sance de cette atteinte est pourtant primordiale car plusieurs
nomiques [65] . études suggèrent que l’atteinte des petites fibres précède celle des
De nombreux facteurs de risque ont été individualisés. Parmi les grosses fibres [72] . Le patch Neuropad est un outil simple permet-
principaux, il faut noter la présence d’une neuropathie périphé- tant d’évaluer les fibres sudoripares cutanées cholinergiques. Son
rique diagnostiquée par l’insensibilité au monofilament de 10 g, atteinte est précoce et prédictive du développement d’une PDS [73] .
l’absence de perception de la vibration du diapason au-dessous
du seuil de 128 Hz à la malléole, la diminution ou l’abolition
des réflexes achilléens. De même, l’atteinte vasculaire, la pré-
sence d’antécédents d’ulcère du pied et la présence de troubles
 Critères diagnostiques
statiques [66] sont des facteurs prédisposants. Une neuropathie périphérique doit être recherchée chez tout
Le dépistage des patients à risque est fondé sur une classification patient DT2 et chez les patients DT1 après cinq ans d’évolution
simple en quatre grades de risque croissant : puis de façon annuelle. Il a pour but de dépister les atteintes ner-
• grade 0 : pas de signe de neuropathie ; veuses précoces et d’identifier les patients à risque d’amputation.
• grade 1 : présence d’une neuropathie sans déformation des Le dépistage se fonde sur l’interrogatoire (recherche de symp-
pieds ou d’artérite des membres inférieurs ; tômes), sur l’examen de la sensibilité des petites fibres (chaud
• grade 2 : présence d’une neuropathie avec déformation des froid et/ou piqûre) et/ou des grosses fibres (diapason 128 Hz et/ou
pieds ou artérite des membres inférieurs ; monofilament de 10 g) et sur l’examen des réflexes ostéotendi-
• grade 3 : antécédent de plaie des pieds ou d’amputation au neux.
membre inférieur. Différents critères diagnostiques ont été publiés à visée de
Une prise en charge spécialisée est nécessaire. recherche et ne sont pas utilisables en consultation. Des outils
plus simples ont été développés pour la pratique clinique. Le
Neuroarthropathie Michigan Neuropathy Screening Instrument (MNSI) fait appel à
un autoquestionnaire des symptômes du patient, à un examen
Il s’agit d’une atteinte des os, des tissus mous et des tendons clinique comprenant l’inspection du pied, l’évaluation de la sen-
impliquant une dislocation articulaire au niveau de la cheville sibilité vibratoire et le test au monofilament de 10 g sur le gros
et du pied. Elle survient dans le cadre d’une neuropathie péri- orteil ainsi que l’évaluation du réflexe achilléen [74] .
phérique, de nos jours le plus souvent diabétique. Elle peut être Le test au monofilament de 10 g est communément utilisé pour
déclenchée par un traumatisme parfois mineur, une infection, le dépistage du pied à risque. Il faut connaître la grande variabilité
une ulcération, une chirurgie du pied ou une revascularisation [67] . de pression exercée par les différents modèles de monofilaments
Elle se manifeste initialement par un pied inflammatoire, chaud, 10 g disponibles sur le marché [75] ainsi que la baisse de pression
douloureux, œdématié, nécessitant d’éliminer les diagnostics de exercée par le même monofilament après une utilisation répétée,
goutte ou d’érisypèle. En l’absence d’arrêt immédiat et total de cependant réversible après 24 heures sans utilisation.
l’appui, elle aboutit au classique « pied cubique » de Charcot avec Le diagnostic de PDS ne fait pas appel à l’EMG dont l’utilisation
effondrement de l’arche médial du pied, pied plat et élargissement est, en revanche, courante en recherche. Des critères composites
du cou-de-pied. Le naviculaire tarsien, le premier cunéiforme et de diagnostic de PDS ont une meilleure sensibilité et spécifi-
la base du premier métatarsien sont nécrosés et subluxés. cité par rapport à la prise en compte de paramètres isolés [76] . La
dégradation des paramètres électrophysiologiques survient avant
l’apparition de la neuropathie clinique [77] . La diminution des
 Bilan diagnostique vitesses de conduction nerveuses (VCN) est un paramètre prédic-
tif de la survenue d’une neuropathie à deux ans (seuil de VCN
Devant une neuropathie périphérique, le diabète est un diag- du nerf fibulaire : 41,5m/s) mais ce critère est de peu d’utilité car
nostic d’élimination [68] . En effet, bien que le diabète soit la bien moins prédictif que l’élévation de l’HbA1c [78] . L’utilité de
première cause de neuropathie dans le monde, un patient dia- l’EMG dans le suivi des patients est également limitée en raison
bétique peut comme n’importe quel autre patient présenter une de la décroissance annuelle très lente de l’amplitude des potentiels
neuropathie d’une autre origine. Ainsi, 10 % des diabétiques pré- sensitifs aux membres inférieurs, qui est de l’ordre de la variation
sentent une neuropathie indépendante du diabète [2] . Un bilan normale que l’on peut admettre entre deux examens successifs.
biologique est donc nécessaire, en particulier devant une pré- Des appareils de mesure automatisée de la vitesse de conduc-
sentation clinique atypique. Sont à rechercher : un début aigu, tion motrice du nerf fibulaire ou de l’amplitude du nerf sural ont
une asymétrie des symptômes ou signes cliniques, une atteinte été développés permettant d’obtenir des valeurs reproductibles.
proximale, un déficit moteur franc ou prédominant sur les signes Compte tenu des éléments mentionnés plus haut, leur intérêt est
sensitifs et une abolition des réflexes aux quatre membres. Le discutable. Cependant, les valeurs obtenues, bien que corrélées
bilan doit au moins comprendre la recherche d’une gammapa- aux résultats d’un EMG traditionnel au laboratoire, retrouvent
thie monoclonale (immunoélectrophorèse) et la recherche d’un des vitesses de conduction inférieures qui limitent d’autant leur
déficit en vitamine B12 (une malabsorption de cette vitamine utilisation.

EMC - Endocrinologie-Nutrition 5
10-366-L-10  Neuropathie diabétique

 Traitement Cependant, 12 % des diabétiques douloureux n’ont jamais parlé


à leur médecin de leurs symptômes et 39 % n’ont jamais reçu de
Le traitement de la neuropathie repose en premier lieu sur traitement [86] . De plus, après un suivi moyen de cinq ans, une
l’obtention d’un bon équilibre glycémique et des désordres étude suggère que seuls 23 % des patients douloureux ne sont plus
métaboliques associés. Des traitements symptomatiques et une algiques [87] .
éducation à la prévention des complications sont également De petites études suggèrent un effet bénéfique du contrôle gly-
essentiels. cémique sur les douleurs [88] . Cependant, il n’existe pas assez de
données à l’heure actuelle pour affirmer le lien entre les deux
phénomènes.
Contrôle glycémique Comme toute pathologie chronique, la prise en charge de la
L’effet du contrôle glycémique n’a pour l’instant été évalué que douleur neuropathique doit être multidisciplinaire et faire appel
sur l’atteinte des grosses fibres de la PDS et sur la NAC, essentiel- à des modalités pharmacologiques mais également non pharma-
lement comme critère secondaire au cours de différentes grandes cologiques, visant à améliorer la qualité de vie des patients.
études. Son étude est limitée par la variabilité des critères diag- Le traitement médicamenteux des douleurs neuropathiques du
nostiques ou pronostiques de la neuropathie. L’effet du contrôle diabète a fait l’objet de nombreuses recommandations. Diffé-
glycémique sur la PDS doit faire différencier le cas du DT1 de celui rentes molécules ont montré leur efficacité [89] . Dans ces études,
du DT2. En effet, dans ce dernier, le bénéfice du traitement semble le principal critère d’efficacité est le nombre de patients décla-
bien moins net [79] . rant une diminution de 30 ou 50 % de leurs douleurs. Il est ainsi
important de noter que l’objectif du traitement médicamenteux
Diabète de type 1 est d’obtenir une diminution, souvent partielle, de l’intensité de
leur douleur.
L’étude Diabetes Control and Complications Trial (DCCT) a Pour cette évaluation, l’utilisation de l’EVA est recomman-
montré une diminution de 64 % du risque de développer une dée. Les principales classes médicamenteuses ayant montré leur
neuropathie périphérique grâce au traitement intensif, après efficacité sont les antidépresseurs, les anticonvulsivants, les ana-
un suivi moyen de 6,5 ans [8] . Lors de l’étude Epidemiology of logues de la morphine et les anesthésiques locaux. Elles n’ont
Diabetes Interventions and Complications (EDIC) prolongeant cependant été évaluées que sur de courtes périodes et le rap-
l’étude DCCT par un suivi en ouvert [80, 81] , dès la cinquième année port bénéfice/risque de leur utilisation chronique doit être
la différence d’équilibre glycémique entre les patients sous traite- évalué individuellement [89] . Les traitements de première inten-
ment intensif initial et ceux sous traitement conventionnel avait tion comprennent les inhibiteurs de la sous-unité ␣2-␦ des canaux
disparu. La prévalence de survenue d’une neuropathie a augmenté calciques voltage-dépendants (prégabaline ou gabapentine) ou
de façon similaire dans les deux groupes au cours de l’étude EDIC les antidépresseurs tricycliques (amitriptyline et imipramine par
avec persistance d’une diminution de 30 % du risque de neuropa- exemple). La détermination de différents profils sensitifs suggé-
thie dans le groupe ayant bénéficié d’un traitement intensif initial. rant des mécanismes physiopathologiques différents permettrait
Cependant, après ajustement pour les valeurs de Nerve Conduc- d’adapter le traitement aux symptômes et signes de chaque
tion Study (NCS) à la fin de l’étude DCCT il n’existait plus de patient [90] .
différence significative entre les groupes dans l’étude EDIC. Les traitements de deuxième intention sont représentés essen-
Au cours de l’étude DCCT, la diminution du risque de déve- tiellement par les inhibiteurs mixtes de la recapture de la
lopper une NAC était de 45 % après 6,5 ans de suivi [8] . Cet effet noradrénaline et de la sérotonine (duloxétine, venfalaxine).
positif maintenu au cours du suivi (étude EDIC) est comparable à D’autres molécules peuvent être utilisées dans certaines condi-
l’effet de mémoire glycémique observé pour la rétinopathie et la tions comme les opiacés ou leurs dérivés (tramadol) [91] .
néphropathie [81] . En cas d’échec du traitement de première intention,
l’alternative consiste entre le passage à un second traitement
Diabète de type 2 de première intention ou l’association de deux traitements de
L’effet bénéfique du contrôle glycémique dans la prévention de première intention. Une étude récente suggère un avantage
la survenue de la PDS est incertain [82] . Plusieurs grandes études pour l’association de traitements qui n’est pas associée à une
n’ont pas montré de bénéfice statistique (United Kingdom Pros- augmentation d’effets indésirables [92] .
pective Diabetes Study [UKPDS], Veterans Affairs Cooperative La dysautonomie peut entraîner de nombreuses manifestations
Study in Type 2 Diabetes Mellitus [VA-CSDM], Veterans Affairs qui, pour la plupart, sont accessibles à des traitements symptoma-
Diabetes Trial [VADT], ADDITION-Denmark) [79, 83] . L’étude Action tiques [93] .
to Control Cardiovascular Risk in Diabetes (ACCORD) a montré
une moindre perte de la sensation au tact chez les patients traités
de façon intensive. Cette étude a cependant été arrêtée préma- Traitement préventif
turément en raison d’un excès de mortalité dans le groupe de
traitement intensif corrélé à la présence de symptômes de neu- Le traitement préventif vise également à prévenir les
ropathie [84] . complications. Le patient présentant une PDS doit pratiquer un
La prise en charge des facteurs métaboliques associés doit être examen quotidien de ses pieds et bénéficier d’informations rela-
considérée chez les patients diabétiques. Si la supplémentation en tives au développement des plaies des pieds. À chaque visite chez
vitamine B12 n’améliore pas la sensibilité vibratoire au diapason le diabétologue ou le médecin traitant, une recherche systéma-
à quatre semaines, elle améliore les symptômes des patients [85] , tique de plaies ou de facteurs favorisant les plaies doit être réalisée.
le score de sévérité clinique de neuropathie TCSS et le Neuropa-
thy Impairment Score (NIS) [67] . L’association d’une diminution du
taux HbA1c et d’une absence d’augmentation du taux de trigly- Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en rela-
cérides à deux mois a montré une amélioration du score sensitif tion avec cet article.
EMG à un an [85] .

Traitement symptomatique  Références


Douleurs
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P. Lozeron (pierre.lozeron@aphp.fr).
Hôpital Lariboisière, AP–HP, 2, rue Ambroise-Paré, 75010 Paris, France.
Université Paris 7, Sorbonne Paris Cité, 5, rue Thomas-Mann, 75205 Paris cedex 13, France.
Inserm U965, Institut des vaisseaux et du sang, Hôpital Lariboisière, 41, boulevard de la Chapelle, 75475 Paris cedex 10, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Lozeron P. Neuropathie diabétique. EMC - Endocrinologie-Nutrition 2015;12(4):1-8 [Article 10-366-L-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

8 EMC - Endocrinologie-Nutrition
¶ 10-366-L-20

Pied diabétique
G. Ha Van, A. Hartemann-Heurtier, F. Gautier, J. Haddad, Y. Bensimon, W. Ponseau,
J. Baillot, E. Fourniols, F. Koskas, A. Grimaldi

Le pied diabétique est un problème majeur de santé publique comme l’attestent les données
épidémiologiques. Le taux d’amputations de membres inférieurs reste très élevé même dans les pays de
haut niveau socioéconomique. Les complications podologiques du diabète sont dominées par la
neuropathie diabétique, l’artériopathie diabétique et l’infection des ulcérations du pied. La prise en
charge du pied diabétique nécessite une équipe multidisciplinaire, regroupée en unité de podologie dans
les services de diabétologie, qui prend en charge les divers problèmes posés : diagnostic précoce, bilan
étiologique des ulcérations, indications thérapeutiques médicales ou chirurgicales, traitement de
l’infection, optimisation de l’équilibre du diabète, soins locaux, prévention des récidives. Les progrès
récents permettent de diminuer le taux d’amputations grâce à la prise en compte systématique de la
composante ischémique des ulcérations chroniques, permettant après un bilan d’élargir les indications de
revascularisation par angioplasties distales ou pontages et grâce à l’amélioration du traitement des
infections osseuses ou des parties molles du pied. L’hypothèse pathogénique actuelle du pied de Charcot
est la réponse inflammatoire à un microtraumatisme local du pied. La destruction ostéo-articulaire
majeure classique du pied de Charcot peut être évitée par une décharge précoce à la phase aiguë. La
prévention des plaies multirécidivantes du pied diabétique à risque, difficile mais capitale, est dominée par
l’éducation thérapeutique des patients, les soins de pédicurie, l’appareillage par orthèses plantaires, les
chaussures orthopédiques. La prise en charge par un centre de référence du pied diabétique permet de
diminuer le taux d’amputations, d’améliorer le taux de cicatrisation et de diminuer les récidives
d’ulcérations.
© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Pied diabétique ; Pied de Charcot ; Ostéite ; Décharge ; Angioplastie ; Pontage

Plan Clinique 6
Classification 6
¶ Introduction 2 ¶ Bilan d’une plaie 6
Évaluation de la nature de la plaie 6
¶ Épidémiologie 2
Dimensions de la plaie 7
Prévalence et incidence des plaies du pied diabétique 2 Stade de la plaie 7
Facteurs de risque de plaie du pied 2 Évaluation d’une éventuelle infection 7
Amputations 2 Classifications 7
Données économiques 2
¶ Traitement des plaies 7
¶ Artériopathie oblitérante des membres inférieurs Traitement général 7
chez le diabétique 2 Traitement antalgique 8
Rôle de l’AOMI dans les plaies du pied diabétique 2 Mise en décharge de la plaie 10
Présentations cliniques de l’artériopathie 2 Traitement local 10
Signes cliniques 3 Traitement du pied de Charcot 10
Traitement de l’AOMI 3 Traitement de la neuropathie 11
¶ Neuropathie diabétique 3 Traitement chirurgical orthopédique 11
Rôle de la neuropathie dans les plaies du pied diabétique 3 Amputations 11
Présentations cliniques 3 ¶ Concept de prise en charge multidisciplinaire 11
Signes cliniques 3
¶ Prévention des récidives d’ulcérations 11
Cas particulier : le pied de Charcot 4
Dépistage 11
¶ Aspects biomécaniques 6 Éducation 11
Facteurs impliqués dans la genèse des plaies 6 Chaussage 12
Facteurs biomécaniques contribuant à la cicatrisation 6 Orthèses plantaires 12
Facteurs contribuant à la prévention de récidive de plaies 6 Pédicurie 12
¶ Infection 6 Chaussage 12
Rôle de l’infection dans les plaies 6 Chaussures orthopédiques 12

Endocrinologie-Nutrition 1
10-366-L-20 ¶ Pied diabétique

■ Introduction Une autre étude chiffre le coût total d’une amputation


d’orteil et transtibiale respectivement à 45 513 USD et à
Le Consensus international sur le pied diabétique de 82 657 USD [8].
2007 donne la définition suivante du pied diabétique : infec- En France, de 1997 à 2003, le nombre de séjours
tion, ulcération ou destruction des tissus profonds du pied hospitaliers/an pour « pied diabétique » est passé de 21 600 à
associées à une neuropathie et/ou une artériopathie périphéri- 35 900 (+8,8 % par an) [9].
que des membres inférieurs chez le diabétique [1].
■ Artériopathie oblitérante
■ Épidémiologie des membres inférieurs
Prévalence et incidence des plaies du pied chez le diabétique
diabétique Rôle de l’AOMI dans les plaies du pied
La prévalence des lésions du pied diabétique varie de 1,8 % à diabétique
7,4 %, selon les études, et dépend de l’âge [2]. Aux États-Unis,
on estime que 15 % de la population diabétique présente au Microangiopathie
cours de sa vie une ulcération des membres inférieurs. En Ce n’est pas la microangiopathie diabétique qui joue un rôle
France, on estime l’incidence des plaies chroniques à essentiel dans la pathogénie des plaies du pied diabétique [10, 11]
2,5 %/an [3]. mais la macroangiopathie.

Facteurs de risque de plaie du pied Macroangiopathie


La médiacalcose ou calcification de la média est plus fré-
Neuropathie quente chez les diabétiques. Elle est souvent associée à l’athé-
Le risque d’ulcération est plus important en cas de neuropa- rosclérose. Elle ne signifie pas l’existence d’une obstruction mais
thie (risque relatif [RR] : 2,03 ; intervalle de confiance [IC] : entraîne une rigidité de la paroi artérielle, ce qui rend la mesure
.
1,50-2,76), diagnostiquée par le défaut de baresthésie du pied à de l’index de pression systolique ininterprétable et complique
l’application d’un monofilament de Semmes-Weinstein 5.07 de les gestes de revascularisation [12].
10 g [2]. L’athérosclérose des patients diabétiques est identique
histologiquement à celle des non diabétiques [10]. Elle est plus
Artériopathie des membres inférieurs fréquente, progresse plus rapidement, se complique plus
facilement de gangrène et de troubles trophiques que chez les
Le risque lié à l’artériopathie oblitérante des membres non diabétiques et les lésions artérielles occlusives les plus
inférieurs (AOMI) est difficile à préciser car elle est souvent importantes se situent entre le genou et la cheville, épargnant
asymptomatique. Une baisse de l’index de pression systolique les artères du pied [10-13]. Les lésions proximales jugées sur la
de 0,3 est associée à un risque de plaie multiplié par 1,17 (95 % palpation des pouls fémoraux et poplités sont moins fréquentes
IC 1,27-1,04) [2]. que dans l’AOMI non diabétique. Les diabétiques qui ont une
ischémie critique menaçant la vie du membre inférieur ont un
Anomalies biomécaniques pouls poplité palpable dans 40 % des cas.
Les déformations des pieds suivantes sont décrites comme
facteurs de risque d’ulcérations : amyotrophie des muscles Présentations cliniques de l’artériopathie
intrinsèques, orteils en griffes, proéminences osseuses, dont les
têtes métatarsiennes, pied de Charcot et limitation de la Forme asymptomatique (stade I de Leriche
mobilité articulaire [2]. et Fontaine)
L’artériopathie asymptomatique est fréquente (jusqu’à 75 %
Autres facteurs
des cas) [14], ce qui rend le dépistage systématique nécessaire [15].
Les antécédents d’ulcération et d’amputation, le taux élevé
d’hémoglobine glyquée (HbA1c), le tabac, les conditions socio- Formes symptomatiques
économiques et des facteurs ethniques sont également des
Claudication intermittente (stade II de Leriche et Fontaine)
facteurs de risques [2].
La claudication intermittente est difficile à dépister, probable-
ment en raison de la neuropathie associée [13]. La douleur siège
Amputations le plus souvent au mollet mais peut être crurale ou fessière.
Une amputation au niveau des membres inférieurs serait
Douleurs de décubitus (stade III)
réalisée toutes les 30 secondes dans le monde chez un patient
diabétique [1]. Les douleurs de décubitus cèdent en général lors de la mise
Une plaie mineure du pied est à l’origine de 85 % des en déclivité et doivent être distinguées des douleurs
amputations chez le diabétique et quatre plaies sur cinq ont une neuropathiques.
origine externe identifiable [1] unique et a priori évitable.
Ischémie critique
En France, d’après le registre du Programme médical de
système d’information (PMSI) de 2003, 53 % des personnes Aux quatre stades de Leriche-Fontaine, il convient d’ajouter
amputées étaient diabétiques et l’incidence d’amputation était la notion d’ischémie critique. Elle est définie chez les patients
de 184 pour 1 000 diabétiques, soit 14 fois plus que dans la diabétiques ou non diabétiques par l’un des deux critères
population non diabétique [4]. suivants (Inter-society consensus for the management of peripheral
L’échantillon national témoin représentatif des personnes arterial disease [TASCII]) [16] :
diabétiques (étude ENTRED) 2007-2010 donne une prévalence • douleurs ischémiques de repos persistantes et récurrentes
d’amputations de 1,5 % [5]. nécessitant une analgésie régulière et adéquate depuis plus de
2 semaines avec une pression systolique de cheville inférieure
ou égale à 50 mmHg et/ou une pression d’orteil inférieure ou
Données économiques égale à 30 mmHg ;
Le coût moyen de la prise en charge d’une plaie du pied • ulcération ou nécrose du pied ou des orteils avec une pression
diabétique s’élève entre 13 000 et 15 000 USD et trois quarts des systolique de cheville inférieure ou égale à 50 mmHg et/ou
coûts sont imputables à l’hospitalisation [6, 7]. une pression d’orteil inférieure ou égale à 30 mmHg.

2 Endocrinologie-Nutrition
Pied diabétique ¶ 10-366-L-20

Troubles trophiques (stade IV) l’hyperglycémie a montré qu’elle était un facteur de risque de
neuropathie lors d’études cliniques randomisées prospectives
Dans le cadre du pied diabétique, un trouble trophique de
multicentriques. Les autres facteurs de risque comprennent
stade IV peut être de moins mauvais pronostic qu’une ischémie
l’âge, l’ancienneté du diabète, la grande taille, l’hypertension
critique.
artérielle, le taux de cholestérol, le tabagisme, la consommation
d’alcool [20].
Signes cliniques
Polyneuropathies symétriques distales
Pied ischémique
Neuropathie sensitivomotrice
La prise des pouls est très opérateur dépendante. Chez le sujet
La plus fréquente, elle intéresse les fibres de grand et petit
sain, le pouls pédieux est absent dans 8,1 % des cas et le pouls
calibre, sensitives plus que motrices. Elle se traduit par une
tibial postérieur dans 2 %. L’absence des deux pouls du pied
aréflexie achilléenne, des troubles de la sensibilité tactile,
augmente la probabilité d’avoir une AOMI [17].
positionnelle thermoalgique distale et symétrique, évoluant de
Les signes cliniques habituels de l’AOMI sont : pieds froids,
manière ascendante dite en « chaussette ». S’y associe un discret
absence des pouls du pied, blanchiment du membre en position
déficit des muscles intrinsèques des pieds responsable des
surélevée, érythrose de déclivité, retard du remplissage veineux
déformations telles que les griffes d’orteils ou la proéminence
après surélévation du membre, coloration cyanique des orteils,
des têtes métatarsiennes, facteurs de zones d’hyperpression et
atrophie du tissu graisseux sous-cutané, déshabitation des
source d’hyperkératose puis de maux perforants plantaires
pulpes d’orteils, aspect luisant de la peau, dépilation des
(Fig. 1). L’hypoesthésie va supprimer le symptôme d’alerte
membres inférieurs, épaississement des ongles avec onychomy-
qu’est la douleur, et qui assure habituellement la protection du
cose [12, 13].
pied contre les agressions (chaussures, ampoules, durillons,
Plus rarement peuvent survenir des embolies artérielles avec
ongles mal taillés, brûlures, etc.).
ischémie aiguë ou des embolies de cholestérol avec phénomène
des orteils pourpres [18]. Neuropathie sensitive par atteinte des grosses fibres
myélinisées
Plaie ischémique
Elle atteint la sensibilité proprioceptive positionnelle et
Les plaies sur terrain ischémique sont douloureuses, sauf en vibratoire.
cas de neuropathie associée. Elles surviennent sur la face dorsale
des orteils ou au pourtour du pied. Neuropathie sensitive par atteinte des fibres myélinisées
de petit calibre
Gangrène Elle se traduit par des douleurs, des dysesthésies et des
La gangrène (qui inaugure l’AOMI dans 50 % des cas) est paresthésies distales.
provoquée par une agression extérieure du pied même minime Neuropathie végétative
(taille des ongles, frottement de la chaussure, fissure talonnière,
mycose interdigitale) qui provoque une tache violette ou une Au niveau des pieds elle est responsable de troubles sudoraux
phlyctène. L’absence de bonne vascularisation favorise l’infec- avec sécheresse cutanée anormale.
tion qui en milieu ischémique entraîne la nécrose. On distingue
la gangrène sèche avec plaie atone qui évolue vers la momifi- Présentations cliniques
cation, de la gangrène humide où la zone de nécrose est
entourée d’un halo inflammatoire qui témoigne habituellement Formes asymptomatiques
d’une infection sous-jacente. Celle-ci peut diffuser aux tégu-
Un bilan annuel est nécessaire au dépistage de la neuropa-
ments voisins, réalisant des abcès des parties molles et une
thie. Différents tests de détection de la neuropathie peuvent être
.
hypodermite infectieuse, et aux tendons extenseurs avec un
utilisés (reflexes achilléens, diapason gradué, neuroesthésiomè-
risque de panaris et phlegmon des gaines qui peuvent mettre en
tre). Une biopsie nerveuse et un électromyogramme sont le plus
péril le pronostic fonctionnel du membre.
souvent inutiles au diagnostic. Le test au monofilament de
.
Semmes-Weinstein de 10 grammes est un test de dépistage du
Traitement de l’AOMI risque podologique de blessure asymptomatique, lié à la
neuropathie, très pratique car simple à effectuer (Tableau 1) [21].
Les traitements vasodilatateurs sont inutiles et l’ilomédine n’a
pas fait la preuve formelle de son utilité.
La sympathectomie lombaire est à exclure formellement.
Forme douloureuse
L’utilisation de cellules souches endothéliales est un traitement Environ 15 % des diabétiques auraient une neuropathie
encore en cours d’évaluation. douloureuse [22]. Le questionnaire DN4, non validé chez le
La marche protocolisée supervisée par un centre spécialisé diabétique, serait utile pour identifier des douleurs de type
permet d’augmenter le périmètre de marche des patients neuropathique [23] . Les douleurs neuropathiques, bien que
artériopathes ayant une claudication intermittente à condition souvent spontanément régressives, deviennent très invalidantes
que le chaussage soit adéquat afin d’éviter des ulcérations à la et dépressiogènes si elles persistent.
marche prolongée [15, 17].
Signes cliniques
■ Neuropathie diabétique Pied neuropathique
Elle est définie comme un trouble clinique ou infraclinique Il se caractérise par une chaleur relative, des pouls parfois
qui survient dans le cadre d’un diabète sans aucune autre cause bondissants, une peau épaisse sèche, avec hyperkératose au
de neuropathie périphérique [1]. niveau des points d’hyperpression notamment plantaire. La
sensibilité vibratoire, thermoalgique et douloureuse, les réflexes
achilléens sont abolis.
Rôle de la neuropathie dans les plaies
du pied diabétique Plaie neuropathique
C’est le facteur de risque principal de plaie chronique du pied .
C’est le classique mal perforant plantaire (MPP) : ulcération
diabétique. La prévalence se situerait à plus de 20 % chez les indolore, atone, de couleur grisâtre, sans dépôt fibrineux ni
diabétiques quelle que soit la méthode de diagnostic [19]. Seule nécrose, entourée d’un halo d’hyperkératose.

Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-L-20 ¶ Pied diabétique

Figure 1. Physiopathologie du mal perforant


plantaire neuropathique avec évolution vers une
infection.
A. Hyperpression et forces de cisaillement avec
hyperkératose.
B. Formation d’une poche de décollement sous
l’hyperkératose.
C. Ouverture et formation du mal perforant
plantaire.
D. Infection osseuse et des parties molles.
B
A

C D

Tableau 1. Physiopathologie
Test au monofilament 5.07 de Nylon® de 10 g.
La pathogénie du pied de Charcot aigu demeure non expli-
- Ambiance calme détendue quée avec certitude [25].
- Montrer au patient le monofilament et l’appliquer sur sa main Deux théories qui initialement étaient en opposition sont
en le faisant plier actuellement complémentaires. Sur un pied neuropathique
- Yeux fermés du patient initialement indolore, un traumatisme mineur ou un micro-
- 3 sites à tester : têtes 1er et 5e métatarsien, pulpe hallux traumatisme chronique entraînent des contraintes majeures sur
- Appliquer le monofilament perpendiculairement aux zones testées le système ostéo-articulaire et ligamentaire. Cela entraînerait des
en le faisant plier microfractures et une distension ligamentaire puis une disloca-
- Durée : approche + contact monofilament + retrait = 2 secondes tion ostéo-articulaire.
- Demander s’il ressent la pression (oui/non) et sur quel pied En parallèle, l’intervention de phénomènes vasculaires a été
(droit/gauche) mise en avant pour expliquer l’intensité et la brutalité des
- Intercaler un test factice sur les 3 essais par site : 3 réponses par site destructions osseuses, satellites de l’atteinte articulaire. Il a été
- Ne pas faire glisser le monofilament, ni faire des applications répétées, rapporté une augmentation importante et précoce du débit
ne pas tester une zone hyperkératosique ni une plaie sanguin, conséquence de l’atteinte du système nerveux auto-
nome (avec développement de shunts artérioveineux), proche
Si 2 erreurs sur 3 sur un site, le patient est à risque d’ulcération de ce qui est observé après sympathectomie ou dans l’algodys-
asymptomatique par perte de la sensibilité de protection trophie. L’hyperhémie entraîne une ostéopénie et une augmen-
tation de la résorption osseuse et une fragilisation osseuse.
Des données expérimentales ont montré qu’une augmenta-
Sa localisation préférentielle est sur un point d’hyperpression tion du flux sanguin osseux était à l’origine ou amplifiait
plantaire sous les têtes métatarsiennes ou les pulpes d’orteils, ou l’activation des ostéoclastes. Ce phénomène d’hypervascularisa-
sur un point de frottement (exostose d’hallux valgus, au sein tion est à l’origine d’un afflux de cellules (macrophages) et de
d’un cor dorsal ou interdigital). L’évolution en l’absence de cytokines (tumor necrosis alpha [TNF-a] et interleukine [IL]-1b)
traitement est sous l’effet de la marche le creusement de la plaie pro-inflammatoires, lesquelles expliqueraient l’aspect œdéma-
et son infection. Celle-ci peut s’étendre à l’os sous-jacent ou aux teux et inflammatoire de la phase initiale du pied de Char-
parties molles (dermohypodermite ou phlegmon des gaines cot [26, 27].
tendineuses). Ces théories n’expliquent pas l’unilatéralité du phénomène et
sa relative rareté alors que la neuropathie est assez fréquente.
Cas particulier : le pied de Charcot Une théorie récente introduit la notion de réponse inflam-
matoire (comme dans les fractures osseuses) à un probable
Le pied de Charcot est défini par une arthropathie progressive traumatisme mineur non perçu par le patient [20]. Cette inflam-
indolore d’une ou plusieurs articulations, due à une lésion mation est associée à la libération de cytokines pro-
neurologique sus-jacente. Il a été décrit par Charcot chez trois inflammatoires (IL-1b et TNF-a) qui sont des médiateurs de
patients tabétiques [24]. l’hyperactivité des ostéoclastes.
L’équilibre entre formation et résorption osseuse est régulé
Épidémiologie par de nombreux facteurs systémiques et locaux dont la voie
La prévalence de la neuroarthropathie dans le diabète est receptor activator of nuclear factor (RANK)-kB/RANK ligand/
relativement peu élevée : 0,08 % à 7,5 % [25]. Certains auteurs ostéoprotégérine. Le TNF-a a une action sur cet équilibre. Il
notent que l’âge moyen de diagnostic de neuroarthropathie stimule l’ostéoclastogenèse en activant le système RANK/RANK
diabétique est de 57 ans, avec une durée moyenne de diabète ligand en stimulant la production de RANK par les ostéoblastes
de 15 ans (80 % plus de 10 ans et 60 % plus de 15 ans) [25]. La et en augmentant l’expression de RANK ligand par les lympho-
bilatéralité des lésions surviendrait dans 5,9 % à 39,3 % des cytes T, B et les préostéoclastes. Le TNF-a active la différencia-
cas [25]. tion des macrophages en ostéoclastes.

4 Endocrinologie-Nutrition
Pied diabétique ¶ 10-366-L-20

Le RANK ligand fait partie des récepteurs du TNF-a et est un Classification anatomoclinique
activateur des ostéoclastes en stimulant l’expression du nuclear
La destruction ostéo-articulaire peut concerner différents sites
factor (NF)-kB.
anatomiques du pied, ce qui a suggéré la classification sui-
Le RANK est le récepteur membranaire de RANK ligand. Il est vante [25] :
présent à la surface des ostéoclastes et des précurseurs
• type 1 : il concerne essentiellement l’avant-pied avec un
ostéoclastiques.
aspect typique des têtes métatarsiennes lysées en « sucre
L’ostéoprotégérine appartient à la famille des récepteurs d’orge » (26 % à 67 % des cas) ;
solubles du TNF-a. Elle est produite par les ostéoblastes, stimulée • type 2 : fractures et subluxations au niveau des articulations
par le NF-kB et se fixe sur le RANK ligand, l’empêchant d’activer tarsométatarsiennes de Lisfranc (15 % à 48 %) ;
les ostéoclastes. • type 3 : dislocation et fracture au niveau des articulations
En cas de fracture, la douleur habituelle conduit à immobili- entre le talus, l’os naviculaire et le 1er cunéiforme (32 %) ;
ser le membre et la libération des cytokines pro-inflammatoires • type 4 : atteinte de l’articulation de la cheville et de l’articu-
est généralement de courte durée. L’absence de douleurs due à lation sous-talienne (3 % à 10 %) ;
la neuropathie conduirait à poursuivre l’appui et à pérenniser la • type 5 : fracture du calcanéus (2 %).
libération des cytokines pro-inflammatoires avec une ostéolyse
qui s’explique par la cascade d’évènements décrits plus haut Explorations complémentaires
dans le pied de Charcot.
Radiographies
Histoire naturelle
Eichenholtz a décrit trois stades radiologiques distincts :
Phase aiguë développement, coalescence et reconstruction [25] :
C’est la phase prodromique où le diagnostic doit être fait en • stade 0 : période prodromique : pas de signes radiographiques
urgence pour éviter les complications ostéo-articulaires et ou minimes ;
ligamentaires irréversibles. • stade 1 : la phase de « développement » correspondant à la
phase aiguë se traduit par un œdème tissulaire, des subluxa-
Elle est parfois précipitée par un traumatisme mineur non
tions articulaires, une ostéonécrose avec débris osseux et
reconnu par le patient. Elle peut succéder à une immobilisation
cartilagineux, des fractures articulaires et osseuses ;
plâtrée, une intervention chirurgicale ou une revascularisa-
• stade 2 : la phase de « coalescence » est marquée par la fonte
tion [20]. Elle se caractérise par l’apparition sur un pied,
de l’œdème, la résorption des débris osseux, la guérison des
jusqu’alors insensible en raison de la neuropathie, de douleurs,
fractures ;
d’une augmentation de volume et de chaleur locale, de rougeur
• stade 3 : la phase de reconstruction est celle de la réparation
avec une hyperlaxité ligamentaire. La température cutanée du
et du remodelage osseux [25], déformations osseuses.
pied serait augmentée en moyenne de 5° C. Les signes généraux
sont absents (pas de fièvre) et il n’y a pas de signes biologiques Cette classification sera probablement à réactualiser, notam-
d’infection (la vitesse de sédimentation moyenne serait de ment avec les images IRM à la phase aiguë, avec radiographies
32 mm) [25]. normales au stade prodromique.
L’aspect clinique est difficile à différencier d’autres diagnos- .

IRM
tics :
• crise de goutte ; À la phase aiguë, c’est l’examen clé du diagnostic.
• arthrite infectieuse, mais en l’absence de plaie le diagnostic L’IRM montre un œdème des tissus mous juxta-articulaires.
est peu probable. Lorsqu’il existe une ulcération cutanée La capsule articulaire et les tissus mous sont rehaussés en raison
associée à ce tableau de pied inflammatoire, le diagnostic est de la lésion aiguë et de l’instabilité. Des zones d’érosions et de
plus difficile si le pied de Charcot a simultanément une rehaussement articulaire peuvent être visibles. Un œdème de la
destruction ostéo-articulaire à la radiographie. L’ostéite moelle osseuse, un œdème des parties molles, des fissures
touche dans ces cas l’os exposé sous-jacent à la plaie (atten- osseuses, des géodes sous-chondrales doivent faire évoquer le
tion au diagnostic d’imagerie erroné d’ostéite en dehors de la diagnostic des microfractures. L’algodystrophie est souvent
zone sous-jacente à la plaie) ; évoquée alors que le pronostic est très différent.
• hypodermite, mais pas de porte d’entrée ; À la phase chronique, l’IRM montre un œdème moins
• algodystrophie, mais radiographie normale, l’imagerie par important et confirme la dislocation ostéo-articulaire vue à la
résonance magnétique (IRM) évoque souvent ce diagnostic ; radiographie.
• fractures de fatigue, mais radiographie normale, l’IRM Scintigraphie
l’évoque ;
• phlébothromboses (échodoppler veineux normal) ; Elle est peu contributive en pratique clinique ; en cas de
• poussée congestive d’arthrose mais unilatérale et inflamma- doute sur une ostéite la scintigraphie est très sensible mais peu
tion locale trop « bruyante » ? spécifique.
Ainsi, aucun examen complémentaire ne confirme ces
Imagerie à la phase destructive irréversible
hypothèses. Toute augmentation de volume d’un pied neuropa-
thique avec chaleur, rougeur, douleur avec des radiographies La radiographie standard suffit le plus souvent à faire le
normales doit faire prescrire une IRM. diagnostic montrant une destruction ostéo-articulaire majeure
des zones atteintes.
Phase destructive chronique
La tomodensitométrie, l’IRM, la scintigraphie au technétium
Le retard diagnostique, fréquent, est extrêmement délétère car ou à l’indium ou aux leucocytes marqués et plus récemment le
le patient, en continuant l’appui sur son pied fragilisé, entraîne scanner-tomographie à émission de positons (PET scan) permet-
une aggravation des lésions ostéo-articulaires et ligamentaires, traient de confirmer ou d’infirmer le diagnostic d’ostéite. Ces
avec risque de survenue secondaire de déformations majeures examens onéreux ne sont pas de pratique courante pour le
définitives. Ces déformations peuvent survenir quelques semai- diagnostic de pied de Charcot à la phase de destruction ostéo-
nes après la phase aiguë, en l’absence de mise en décharge du articulaire. Leur sensibilité et leur spécificité n’ont pas été
pied. Par exemple l’os naviculaire et le 1er cunéiforme nécrosés réellement évaluées [25]. L’absence de plaie associée à la phase
. se luxent, formant une saillie prémalléolaire au bord interne du aiguë doit éliminer a priori la présence d’une ostéite. En cas de
pied. Le coup de pied s’élargit. La voûte plantaire s’effondre plaie associée l’ostéite doit être confirmée par une biopsie
(rocker bottom foot). osseuse car l’imagerie est peu fiable [28, 29].

Endocrinologie-Nutrition 5
10-366-L-20 ¶ Pied diabétique

■ Aspects biomécaniques Tableau 2.


Classification de l’infection des plaies du pied d’après le Consensus
international sur le pied diabétique.
Facteurs impliqués dans la genèse
Grade 1 Pas de symptôme ni de signe d’infection
des plaies
Les facteurs biomécaniques jouent un rôle majeur dans Grade 2 Atteinte cutanée uniquement (sans atteinte des tissus
l’étiologie des ulcères neuropathiques du pied diabétique [30]. sous-cutanés, ni systémique) avec au moins deux
Le facteur essentiel est l’hyperpression plantaire, avec des signes suivants :
influence de l’épaisseur du coussinet plantaire, déformation des - érythème périlésionnel de 0,5 cm à 2 cm
pieds, hyperkératose, raideur articulaire, paramètres de la - chaleur locale
marche, cicatrice d’ancienne plaie. Les forces de cisaillement - sensibilité locale ou douleur
.
semblent également être en cause. L’association d’une neuropa- - tuméfaction locale ou induration
thie à des pressions plantaires élevées est directement impliquée
- écoulement purulent (sécrétion épaisse opaque
dans le MPP.
à blanchâtre ou sanguinolente)
Les autres causes de réaction inflammatoire de la peau
Facteurs biomécaniques contribuant doivent être éliminées (traumatisme, goutte, pied
à la cicatrisation de Charcot aigu, fracture, thrombose, stase veineuse)
Plusieurs études, randomisées ou non, montrent l’efficacité de
Grade 3 Érythème > 2 cm et une des constatations écrites ci-dessus
la décharge mécanique par plâtres de décharge dans le traite-
ment des maux perforants plantaires neuropathiques en 4 à ou
8 semaines [30-33]. Infection atteignant les structures au-delà
de la peau et du tissu sous-cutané (abcès profond,
lymphangite, ostéite, arthrite septique ou fasciite)
Facteurs contribuant à la prévention
Sans signes systémiques
de récidive de plaies
La récidive des MPP est fréquente [30-33] . La mesure des Grade 4 Quelle que soit l’infection locale, si présence de signes
systémiques avec au moins deux des caractéristiques
pressions d’appui dans la chaussure par podobarométrie électro-
suivantes :
nique avec semelles embarquées, permet de mesurer l’efficacité
des chaussures thérapeutiques orthopédiques ou des orthèses - température > 38 °C ou < 36 °C
plantaires (OP) correctrices visant à diminuer les pressions - fréquence cardiaque > 90/min
plantaires localisées [30, 34, 35]. Les mesures par baropodométrie - rythme respiratoire > 20/min
ont pu montrer que le seuil de pression plantaire à partir - PaCO2 < 32 mmHg
duquel on peut prédire une ulcération serait de 700 kPa (7 kg/ - leucocytes > 12 000 ou < 4 000/mm3
cm2). L’examen a une sensibilité de 70 % et une spécificité de - 10 % de formes leucocytaires immatures
60 % [30].

■ Infection une classification de l’infection dont le premier stade est


l’absence d’infection (Tableau 2).
Rôle de l’infection dans les plaies
L’infection du pied chez le diabétique est habituellement la ■ Bilan d’une plaie
conséquence d’une plaie [1]. Celle-ci étant souvent indolore, elle
ne bénéficie pas rapidement d’un traitement médical optimal, Évaluation de la nature de la plaie
notamment la mise en décharge stricte en urgence : la plaie,
phénomène aigu au départ, se chronicise et devient à haut Plaie neuropathique
risque d’infection.
Une plaie de type neuropathique survient sur un pied bien
Clinique vascularisé avec des pouls présents. Elle est localisée sur une
zone d’hyperpression plutôt plantaire ou pulpaire ou une zone
Le diagnostic positif de l’infection est clinique et non de frottement en regard de déformations du pied. Elle est
bactériologique [35-38] . Une exploration avec mesure de la entourée d’hyperkératose et totalement indolore. Elle n’est
profondeur de toutes les plaies doit être faite à la recherche d’un jamais nécrotique sauf en dehors d’une dermohypodermite
contact osseux, d’un écoulement purulent ou d’une collection. bactérienne nécrosante.
Il y a deux types d’infection des parties molles compliquant
le pied diabétique : la cellulite infectieuse et la nécrose. Une Plaie ischémique et neuro-ischémique
ostéite sous-jacente peut être présente dans les deux cas.
Elle survient sur un pied mal vascularisé, avec absence de
La chaleur locale, la rougeur, l’œdème et la douleur ne
pouls, troubles trophiques cutanés (peau fine atrophique
signent pas toujours l’infection et peuvent exister en l’absence
fragile). Elle peut être douloureuse, notamment en cas d’isché-
d’infection (phase aiguë d’un pied de Charcot sans plaie) [37]. La
mie critique. Elle peut être nécrotique en cas d’infection sévère
fièvre n’est pas toujours présente et est rarement élevée. La
associée à l’ischémie. La douleur peut être soulagée par la
fluctuence signe la présence d’une collection purulente, la
position déclive, mais attention à ne pas systématiquement
crépitation celle de la présence de gaz et d’une gangrène
attribuer les douleurs à l’ischémie en cas de nécrose car l’infec-
infectieuse.
tion est très souvent responsable. La localisation est plutôt
La nécrose signe la plaie ischémique infectée sauf en cas de
dorsale ou latérale, sans hyperkératose secondaire à un frotte-
dermohypodermite nécrosante. La part de l’infection et de
ment chronique. Les ulcères artériels sont creusants, à fond
l’ischémie est très difficile à évaluer, ce qui nécessite un bilan
atone, pâle, sec, mettant à nu les structures sous-jacentes.
vasculaire précis. Pour éviter des indications d’amputation trop
Les plaies neuro-ischémiques ont les caractéristiques des
hâtives, l’aspect clinique et l’expérience du clinicien priment sur
plaies ischémiques et neuropathiques avec des douleurs asso-
toute exploration complémentaire.
ciées moins importantes.
Classification Mesure de la pression systolique de cheville
Le consensus international spécifie que le diagnostic de La mesure des pressions systoliques à la cheville [13, 18]
l’infection est clinique et non bactériologique [1]. Il a adopté exprimée en millimètres de mercure et rapportée à la pression

6 Endocrinologie-Nutrition
Pied diabétique ¶ 10-366-L-20

humérale (index de pression systolique : IPS) permet à la fois du tissu infecté par curetage pour tenter d’isoler les germes
d’affirmer l’AOMI, d’évaluer dans une certaine mesure sa profonds, sont réalisés uniquement si la plaie est cliniquement
gravité, et de suivre l’évolution. La sensibilité de l’IPS est de infectée (Tableau 2).
95 % et la spécificité de 100 % pour l’American Diabetes La biopsie osseuse en peau saine est décrite comme la
Association (ADA) [17]. L’AOMI est confirmée par un IPS infé- méthode de référence pour détecter le germe responsable d’une
rieur à 0,9. L’IPS n’est pas fiable s’il est supérieur à 1,3, en ostéite [42, 43].
raison de l’incompressibilité des artères liée à la médiacalcose
(dans 30 % des cas) [13]. Examens complémentaires
Mesure de la pression systolique de l’hallux (PSH) [39] La numération formule sanguine, la vitesse de sédimentation,
la protéine C réactive sont peu spécifiques et servent surtout à
Elle augmenterait la valeur prédictive de la prise de pression
suivre l’évolution. Le déséquilibre glycémique est souvent la
à la cheville vis-à-vis de la cicatrisation d’un trouble trophique
conséquence de l’infection qu’il contribue à entretenir et à
qui serait peu compatible avec une valeur de 20 mmHg de PSH.
aggraver.
Échodoppler artériel des membres inférieurs
En présence d’une plaie du pied un échodoppler de qualité Ostéite
est indispensable pour la plupart des auteurs. Les axes artériels L’ostéite du pied diabétique est particulière car elle peut être
les plus atteints en cas d’AOMI diabétique sont sous-gonaux et totalement asymptomatique. Elle est toujours sous-jacente à une
doivent être décrits précisément avec la présence de sténoses ou plaie (l’ostéomyélite d’origine hématogène est exceptionnelle).
d’occlusion des artères fibulaires, tibiales antérieures et posté- Elle aboutit souvent à la formation de séquestres osseux
rieures. L’artère dorsale du pied et l’arcade plantaire, souvent extractibles à travers la plaie.
préservées, doivent être explorées. Le diagnostic d’ostéite est difficile. La présence d’un contact
osseux rugueux est très spécifique d’une atteinte osseuse [44, 45].
Mesure de la pression transcutanée en oxygène (TcPO2) [26, 39]
La radiographie est non sensible et peu spécifique. Une
La TcPO2 est mesurée sur le dos du pied mais l’électrode peut simple érosion corticale ou une déminéralisation en regard de
être placée à proximité d’un trouble trophique dont on souhaite la plaie doivent faire évoquer fortement une ostéite et doivent
préciser les capacités de cicatrisation ou au site prévu d’un geste faire renouveler les radiographies toutes les 3 semaines, surtout
d’amputation. La valeur normale moyenne est autour de si la plaie ne cicatrise pas. La scintigraphie au technétium est
60 mmHg. Bien qu’il ne faille pas en faire une règle stricte, sensible mais très peu spécifique et n’a donc de valeur que si
notamment pour les indications d’amputations, la valeur limite elle est négative. La scintigraphie au gallium, aux leucocytes
de la TcPO2 au-dessus de laquelle il paraît possible d’espérer la marqués, la tomodensitométrie et l’IRM n’ont pas encore fait la
cicatrisation d’un trouble trophique est de l’ordre de 30 mmHg preuve d’une spécificité suffisante [28, 29].
en décubitus dorsal et 40 mmHg en position assise, pour Pour éviter les errances diagnostiques, la clinique prime pour
certains auteurs [39]. Après une revascularisation, elle permet de le diagnostic d’ostéite : on peut considérer qu’il n’y a pas
mesurer le gain hémodynamique [26]. d’ostéite du pied sans plaie en regard, quel que soit le résultat
Artériographie du scanner, de la scintigraphie ou de l’IRM. De même, une
ostéite radiologique ou au scanner à l’IRM sans contact osseux
En présence d’une gangrène humide extensive ou de signes est fortement improbable.
d’ischémie critique, le recours direct à l’artériographie ou
l’angio-IRM dans l’intention d’effectuer une revascularisation est
justifié. Classifications
L’artériographie (ou angio-IRM, angioscanner) reste l’examen Plusieurs classifications ont été proposées pour identifier la
de choix pour évaluer précisément les lésions artérielles du gravité d’une plaie du pied diabétique :
diabétique [13, 27, 40]. Elle doit précéder toute décision d’ampu- • la classification de l’Université du Texas [46], est très pratique,
tation même limitée à un orteil. L’examen doit bien visualiser très simple, basée sur la profondeur de la plaie et son
les artères des pieds souvent préservées. Elle permet de porter association à une infection, une ischémie ou les deux
une indication précise sur le type de revascularisation (angio- (Tableau 3) ;
plastie endoluminale ou pontage chirurgical). • la classification PEDIS (perfusion, extension/taille, destruction
tissulaire/profondeur, infection, sensibilité) [1] (Tableau 4)
Dimensions de la plaie permet une classification commune lors des études cliniques
La gravité de la plaie dépend beaucoup de sa profondeur [41]. sur les plaies du pied diabétique ;
Une mesure précise de la plaie (longueur, largeur, profondeur) • une classification de l’infection a également été adoptée par
permet de suivre l’évolution de la cicatrisation. Des photogra- le Consensus International [1] (Tableau 2).
phies numériques complètent idéalement les mesures.
Expérience pratique
Stade de la plaie En pratique quotidienne, les trois principales causes de
Le clinicien doit évaluer le stade de la plaie en pourcentage chronicité d’une nouvelle plaie du pied diabétique à rechercher
de bourgeonnement, de fibrine et nécrose. en priorité sont : la non-observance stricte de la décharge de la
plaie, l’existence d’une ostéite sous-jacente à la plaie passée
inaperçue, une ischémie mal évaluée. La gravité d’une plaie
Évaluation d’une éventuelle infection dépend de sa surface, sa profondeur et son ancienneté [41, 47].
Évaluation clinique
Le diagnostic d’infection est clinique (Tableau 2) avec des ■ Traitement des plaies
signes locaux et locorégionaux ou généraux. Il est essentiel de
noter l’inflammation et la douleur locale qui est un signe
majeur car il est le témoin d’une infection profonde associée ou Traitement général
non à une ischémie. La recherche d’un contact osseux rugueux
à l’exploration clinique, par un stylet boutonné métallique
Équilibre glycémique
stérile doit être systématique. L’équilibre glycémique est un facteur favorable pour la lutte
contre l’infection. Même chez les patients diabétiques non
Bactériologie insulinodépendants, l’insulinothérapie optimisée par multiples
Des prélèvements bactériologiques locaux par écouvillon ou injections ou pompe est le plus souvent nécessaire jusqu’à la
par aspiration avec un cathéter souple, ou mieux en ramenant cicatrisation, en cas de plaies infectées.

Endocrinologie-Nutrition 7
10-366-L-20 ¶ Pied diabétique

Tableau 3.
Classification de l’Université du Texas des plaies du pied diabétique.
Grade 0 Grade 1 Grade 2 Grade 3
Lésion épithélialisée Plaie superficielle Exposition tendon ou capsule Exposition os ou articulation
(%) (%) (%) (%)
Stade A 0A (0) 1A (0) 2A (0) 3A (0)
Infection = 0
Ischémie = 0

Stade B 0B (12,5) 1B (8,5) 2B (28,6) 3B (92)


Infection
Pas d’ischémie

Stade C 0C (25) 1C (20) 2C (25) 3C (100)


Pas d’infection
Ischémie

Stade D 0D (50) 1D (50) 2D (100) 3D (100)


Infection
Ischémie
(%) : pourcentage d’amputation en fonction du grade de la classification dans l’étude princeps ayant donné lieu à cette classification.

Tableau 4.
Classification PEDIS.
Perfusion
Grade 1 Pas de symptômes d’artériopathie périphérique des membres inférieurs du pied associé à :
- pouls pédieux et pouls tibial postérieur palpables ou
- index de pression systolique cheville bras de 0,9 à 1,1 ou
- index de pression systolique gros orteil bras > 0,6 ou
- pression transcutanée en oxygène (TcPO2) > 60 mmHg
Grade 2 Symptômes ou signes d’artériopathie des membres inférieurs mais pas d’ischémie critique du membre inférieur :
- claudication intermittente ou
- index de pression systolique cheville bras < 0,9 mais avec pression de cheville > 50 mmHg ou
- TcPO2 entre 30 et 60 mmHg ou
- index gros orteil bras < 0,6 mais pression systolique du gros orteil > 30 mmHg ou
- autres anomalies par examen non invasif objectivant une artériopathie des membres inférieurs (mais sans ischémie critique du membre)
Grade 3 Ischémie critique définie par :
- pression systolique de cheville < 50 mmHg ou
- pression systolique de gros orteil < 30 mmHg ou
- TcPO2 < 30 mmHg

Extension
Après débridement
< 1 cm2, 1-3 cm2, > 3 cm2

Profondeur
Grade 1 Plaie superficielle ne pénétrant pas plus profondément que le derme
Grade 2 Plaie pénétrant sous le derme dans le tissu cellulaire sous-cutané atteignant fascia muscle ou tendon
Grade 3 Plaie pénétrant jusqu’à l’os ou l’articulation (contact osseux positif)

Infection (cf. Tableau 2)

Sensibilité de protection
Grade 1 Pas de perte de sensibilité de protection du pied de l’étude définie par les troubles sensitifs décrits ensuite
Grade 2 Perte de sensibilité de protection du pied de l’étude définie par l’absence de perception de l’un des tests suivants :
- absence de sensibilité au monofilament de 10 g sur 2 des 3 sites plantaires du pied ou
- absence de sensibilité vibratoire testée sur l’hallux : déterminée avec un diapason de 128 Hz ou seuil de sensibilité vibratoire > 25 V estimé
par méthodes semi-quantitatives

Traitement antalgique utilisé en préparation à 25 % dans certaines équipes, et à laisser


en place 1 heure avant le soin est très utile.
Les antalgiques type paracétamol ou de classe II comme le
tramadol peuvent être utilisés mais également les morphiniques Revascularisations
d’action rapide comme le fentanyl. L’utilisation du meopa Toute situation d’ischémie authentifiée par un bilan vascu-
pendant les soins est un bon adjuvant. Le gel de lidocaïne, laire précis avec infection et menace de perte du membre doit

8 Endocrinologie-Nutrition
Pied diabétique ¶ 10-366-L-20

Bilan vasculaire :
- clinique
- TcPO2
- Doppler artériel jambe pied

Pas de nécrose Pas de nécrose


Douleur décubitus et/ou nécrose Pas de douleur Pas de douleur
et/ou claudication serrée TcPO2 ≤ 30 mmHg et/ou Doppler TcPO2 ≥ 30 mmHg
artériel distal de mauvais pronostic ≥ 1 axe de jambe au Doppler artériel

Pontage distal Traitement médical


Pontage et Traitement médical
± angioplastie Si ostéite : chirurgie
angioplasties Éviter le geste orthopédique
+ poursuite du conservatrice possible
impossibles
traitement médical

Assèchement des lésions

Amputation limitée aux zones Si ostéite, chirurgie


nécrotiques ou autoamputation conservatrice possible

Figure 2. Arbre décisionnel. Algorithme chirurgical devant un ulcère artéritique ou neuro-ischémique du pied diabétique.

Figure 3. Arbre décisionnel.


Plaie du pied diabétique Prise en charge multidimension-
infecté nelle du pied diabétique infecté.

Débridement médical
Décharge Équilibre du diabète ± Revascularisation Antibiothérapie adaptée
ou chirurgical

faire discuter en urgence une exploration vasculaire visant à à moindre risque qu’un pontage) et en cas d’échec seulement à
revasculariser le membre par angioplastie ou pontage, à discuter envisager dans un second temps le pontage artériel.
en fonction du contexte général du patient [12, 27, 48] (Fig. 2). Les
indications des revascularisations sont : la claudication inter- Lutte contre l’infection
mittente invalidante, les douleurs de repos, la menace de perte Toute plaie infectée du pied diabétique est une urgence
du membre (ulcération, gangrène) [10]. Une ulcération ou une médicale. Un bilan précis est nécessaire avec un traitement
gangrène localisées sans signes extensifs peuvent ne pas mena- médical à démarrer d’emblée qui laisse le temps de poser
cer de façon urgente la vie du pied. éventuellement une indication chirurgicale. Les urgences
Angioplastie endoluminale chirurgicales sont la gangrène gazeuse, la nécrose ischémique
avec cellulite extensive, les collections abcédées, les phlegmons,
Elle est devenue de pratique courante dans le traitement des les dermohypodermites bactériennes nécrosantes ou les fasciites
plaies du pied diabétique avec AOMI souvent sous-gonale [27, 49]. nécrosantes qui nécessitent un débridement large. Les amputa-
Elle constitue un traitement à moindre risque que le pontage, tions sont exceptionnellement des urgences chirurgicales.
permettant des indications plus larges. Une des complications, Pour être efficace le traitement de l’infection doit être
peu fréquente, est l’hématome au point de ponction [27]. Le multidimensionnel (Fig. 3).
risque et le délai de resténose restent à évaluer, mais l’objectif
primaire est la cicatrisation du trouble trophique menaçant le Antibiothérapie
membre. Elle doit être réservée aux plaies cliniquement septiques, et
avoir pour unique but de faire disparaître les signes cliniques
Pontage
d’infection. Elle ne doit surtout pas viser à stériliser un prélève-
Le pontage chirurgical souvent distal est une solution à ment bactériologique [18, 36, 37].
envisager systématiquement en cas de menace d’amputation du Si l’antibiothérapie est instituée en urgence avant le résultat
membre inférieur. La méthode de choix est le pontage par veine des prélèvements, elle est dite « probabiliste », c’est-à-dire
saphène autogène, qui a un meilleur taux de perméabilité à susceptible de couvrir les germes probablement en cause. En cas
long terme que les pontages prothétiques synthétiques [10, 12]. de plaie récente, on doit couvrir les cocci à Gram positif (Sta-
L’étude BASIL (bypass versus angioplasty in severe ischaemia of phylococcus aureus et streptocoques b-hémolytiques), en utilisant
the leg) semble suggérer que les deux stratégies de revascularisa- par exemple amoxicilline + acide clavulanique, ou clindamy-
tion seraient aussi efficaces [50]. cine, ou cefalexine. En cas de plaie plus ancienne, on doit
La plupart des équipes ont tendance actuellement à tenter en chercher à couvrir en plus les entérobactéries (amoxicilline
première intention un geste d’angioplastie artérielle [27] (qui est + acide clavulanique). En présence de signes généraux on peut

Endocrinologie-Nutrition 9
10-366-L-20 ¶ Pied diabétique

associer des aminosides. Enfin, 20 % à 30 % des patients avec de référence du traitement de la plaie neuropathique plantaire
une plaie chronique du pied sont porteurs de staphylocoque du pied diabétique non ischémique [31-33]. Une étude montre au
résistant à la méthicilline. En cas de facteurs de risque de .
niveau histologique l’effet significativement bénéfique de la
portage (patient ayant fréquenté l’hôpital) on peut choisir en décharge stricte par plâtre [54]. Une variante non amovible avec
première intention de la pyostacine, ou un glycopeptide fenêtre en regard de la plaie est possible [33].
(vancomycine ou teicoplanine) en attendant le résultat des .
Le chausson sur mesure fenêtré en résine amovible de Ransart
prélèvements. est une autre alternative [55] ainsi que des chaussures
Si le patient est à haut risque d’être porteur d’une bactérie aménagées [56].
multirésistante, en présence de signes généraux (fièvre, frissons)
ou chez des patients fragiles (greffes), si l’on veut couvrir Traitement local
d’emblée de potentielles bactéries multirésistantes (BMR), une
triple antibiothérapie est débutée couvrant les germes hospita- Détersion
liers, associant une bêtalactamine type pipéracilline + tazobac-
Le débridement et la détersion mécanique, bien conduits,
tam (Tazocilline®) ou imipénème + cilastatine (Tienam®) avec
confiés à des thérapeutes formés (médecin ou chirurgien), sont,
un aminoside et un glycopeptide (vancomycine, Targocid®).
surtout à la phase aiguë des plaies, des facteurs anti-infectieux
L’ertapénème en une seule injection intraveineuse a montré
majeurs. En cas de pied ischémique, la détersion doit être
sa non-infériorité par rapport à l’association pipéracilline
.

beaucoup plus prudente, voire contre-indiquée s’il existe une


+ tazobactam dans les infections modérées ou sévères sans
nécrose non inflammatoire.
ostéite [36].
Si la nécrose est inflammatoire à sa base il est licite de
Traitement de l’ostéite [42, 45, 51] débrider la plaie, même en présence d’une ischémie, car le geste
Deux écoles existent. L’une propose un traitement médical est anti-infectieux et antalgique.
par antibiotiques adaptés aux germes retrouvés sur une biopsie
Momification
osseuse pendant 12 semaines, associés à la mise en décharge.
Cette stratégie doit être réservée aux ostéites peu destructrices. Le processus de momification d’orteils est obtenu par l’assè-
Les antibiotiques à bonne diffusion osseuse à utiliser sont : les chement de la nécrose par un antiseptique type polyvidone
fluoroquinolones, la rifampicine, la fosfomycine, l’acide .
iodée ou fluorescéine aqueuse à 1 % associée à la décharge
fusidique, la pristinamycine. Mais ces antibiotiques ne doivent stricte et une antibiothérapie par voie générale de 3 semaines.
pas être utilisés en monothérapie pendant au moins les 15 pre- Il correspond à la maîtrise du processus infectieux sur terrain
miers jours, sous peine de sélectionner un « mutant résistant ». .
ischémique. Il doit être recherché le plus possible car il permet
Ils peuvent être associés entre eux [42, 51]. une cicatrisation avec amputation a minima limitée à la zone
Une autre école associe une chirurgie conservatrice à une momifiée.
antibiothérapie de 4 semaines. L’association de la chirurgie dite
« conservatrice » au traitement médical pourrait permettre de Pansements
raccourcir le délai de cicatrisation en cas d’ostéite [45, 52]. Le Les antiseptiques sont toujours rincés car ils détruisent les
geste chirurgical est réalisé après « refroidissement » de l’infec- bactéries de surface et sont cytotoxiques pour le tissu de
.
tion des parties molles, et limité le plus possible à la partie granulation. Ils ne sont pas contre-indiqués en cas d’infection
osseuse infectée. Ce geste peut concerner une phalange ou une clinique locale évidente. Aucun pansement n’a fait la preuve de
tête métatarsienne sans élargissement aux parties saines. son efficacité dans le pied diabétique. Les pansements gras ou
En cas d’ischémie associée à l’ostéite, un bilan vasculaire en interfaces sont utilisés pour faire bourgeonner la plaie lorsque la
vue d’une éventuelle revascularisation précède toujours l’exérèse détersion est achevée. Les pansements occlusifs sont à éviter sur
osseuse et permet la cicatrisation de l’ulcération et donc de les plaies ischémiques et/ou infectées.
diminuer l’étendue de la résection osseuse à plus long terme.
Dans tous les cas la décharge stricte de la plaie doit être Autres traitements
associée [18, 37].
Traitement par pression négative (TPN)
État nutritionnel C’est un excellent traitement pour les plaies neuropathiques
Une mesure de l’albumine et de la préalbumine permet .
non infectées, avec grosse perte de substance, bien bourgeon-
d’évaluer et de corriger l’état nutritionnel. nantes et non ischémiques. Le TPN n’est pas un moyen de
détersion, ni anti-infectieux [57].
Vaccination antitétanique
Une mise à jour de la vaccination antitétanique est systéma- Oxygénothérapie hyperbare
tique devant une plaie du pied diabétique. Le traitement par oxygénothérapie hyperbare est peu utilisé
car difficile d’accès à tous les patients, utile pour certains [58].
Mise en décharge de la plaie
La mise en décharge de la plaie est une condition essentielle Traitement du pied de Charcot
de la guérison et de l’arrêt de l’aggravation de l’ulcération [53].
Elle est valable pour tous les types de plaies, sur tous les types Immobilisation
de pieds à risque. Elle est à mettre en œuvre en urgence dès le Le traitement de la phase aiguë du pied de Charcot est une
.
début de la plaie et jusqu’à cicatrisation totale avec des explica- urgence thérapeutique. En effet, le retard diagnostique expose
tions détaillées sur son importance capitale, car elle s’expose au risque de déformations majeures irréversibles du pied le
souvent à une très mauvaise observance. rendant à haut risque de plaies chroniques, d’infection et
.
Selon les cas, la décharge peut se faire grâce à une chaussure d’amputation.
de décharge de l’avant-pied, de décharge du talon ou une Une immobilisation par une botte de décharge type Aircast®
chaussure ouverte pour une plaie de la face dorsale des orteils. ou une botte en résine avec talonnette doit être mise en route
Il ne faut pas hésiter à utiliser tous les moyens, tels inciser la en urgence avant d’éliminer les autres diagnostics différentiels.
tige d’une chaussure en regard de la plaie, l’alitement, les Cela semble permettre une diminution des contraintes sur le
cannes-béquilles, le fauteuil roulant [16]. pied suffisante pour permettre la consolidation [18, 25] et stopper
.
En cas de plaie neuropathique (MPP), la mise en décharge l’évolution vers les phases suivantes de destruction ostéo-
stricte de la plaie, un débridement agressif, les soins locaux par articulaire massive. La durée d’immobilisation n’est validée par
une interface doivent faire cicatriser le MPP en 4 à 6 semaines. aucune étude. Elle est de 3 mois au minimum mais peut être
Si la plaie dure plus de 3 mois une botte en résine doit prolongée en cas d’absence de refroidissement cutané du pied (à
permettre la cicatrisation grâce à la décharge optimale et éviter mesurer cliniquement avec un thermomètre) ou d’absence
l’infection. Le plâtre de décharge de contact total est la méthode d’amélioration des signes IRM à 3 mois.

10 Endocrinologie-Nutrition
Pied diabétique ¶ 10-366-L-20

Traitement médical Tableau 5.


Gradation du risque podologique du patient diabétique : classification du
Biphosphonates Consensus international modifiée [21, 68].
Certains essais ont été faits avec les diphosphonates à la Grade Complications
phase aiguë [25, 59, 60] : un auteur rapporte six cas où le pami- de risque
dronate en intraveineux a amélioré les symptômes du patient et
entraîné une diminution de la chaleur locale du pied témoi- 0 Pas de neuropathie, pas d’artériopathie
gnant d’une diminution du processus « inflammatoire » local. 1 Neuropathie sensitive, pas d’artériopathie,
Une baisse parallèle des phosphatases alcalines observée est en pas de déformation
faveur d’une diminution du turn-over osseux. D’autres essais plus 2A Neuropathie sensitive et déformations des pieds,
récents n’ont montré que la diminution des marqueurs osseux pas d’artériopathie
mais ne changent pas la nécessité de la décharge pour éviter la 2B Artériopathie
dislocation ostéo-articulaire [25]. 3A Antécédent de plaie chronique (> 4 à 6 semaines)
3B Antécédent d’amputation
Traitement de la neuropathie
Il n’existe pas de traitement « pathogénique » ayant fait la permet de diagnostiquer très rapidement les trois principales
preuve de son efficacité. causes de chronicité d’une plaie : absence de décharge, ostéite
Le traitement médical de la neuropathie douloureuse doit non diagnostiquée et ischémie sous-estimée. Le traitement
éviter de mélanger les classes thérapeutiques. Globalement le médical est difficile à conduire en raison de ses particularités :
traitement médical actuel apporte une amélioration de 50 % des nécessité d’un débridement adéquat (plaie à prédominance
douleurs chez 50 % des patients. Il peut faire appel à l’équilibre infectieuse ou ischémique ?), obtention de l’observance stricte
du diabète, à l’acide salicylique, au paracétamol, aux tricycli- de la décharge, indications non systématiques de l’antibiothé-
ques, duxoletine, carbamazépine, capsaïcine locale [19, 22]. rapie bien adaptée avec prélèvements bactériologiques très
profonds, type de soins locaux, optimisation de l’équilibre
glycémique, revascularisation éventuelle en fonction d’un bilan
Traitement chirurgical orthopédique vasculaire précis (Fig. 3).
Chirurgie préventive En cas de prise en charge optimale et précoce des plaies du
pied diabétique même infectées et ischémiques, les amputations
Sur des pieds non ischémiques, le traitement chirurgical des majeures et même transmétatarsiennes peuvent être le plus
orteils en griffes, des hallux valgus, des ongles incarnés, souvent évitées. C’est la raison pour laquelle en France, la Haute
l’allongement du tendon d’Achille (qui diminuerait l’hyperpres- Autorité de Santé préconise la consultation dans les 48 heures
sion plantaire de l’avant-pied) peuvent permettre d’éviter de dans un centre de référence du pied diabétique pour une plaie
futures ulcérations lorsque le pied deviendra à risque. du pied diabétique à risque [62]. Le taux de cicatrisation dans les
centres de référence multidisciplinaires [18, 63] est excellent [64-
Traitement chirurgical du pied de Charcot 66] : une étude récente multicentrique regroupant 14 centres de

Le traitement chirurgical [61] est à bannir à la phase aiguë [18, référence européens donne le résultat de la prise en charge à
25]. 1 an de 1 088 nouvelles plaies d’un pied diabétique [65]. À 1 an,
En cas d’ulcères chroniques en regard d’une protrusion 77 % des patients étaient cicatrisés, 12 % encore en cours de
osseuse liée à la destruction ostéo-articulaire, la simple résection cicatrisation, 5 % ont subi une amputation au-dessus de la
partielle osseuse de l’os proéminent permet d’accélérer la cheville et 6 % étaient décédés [67]. En présence d’une AOMI, le
guérison de l’ulcère (par exemple l’os naviculaire). Certains taux de cicatrisation était de 69 % pour 84 % sans AOMI. Les
auteurs réalisent une correction des déformations avec arthro- taux d’amputation majeure (8 % versus 2 %) et de mortalité
dèse de cheville, sous-astragalienne, médiotarsienne, ou méta- (9 % versus 3 %) étaient plus élevés en cas d’AOMI (p
tarsophalangienne. Les complications sont fréquentes : délais de < 0,001) [65].
consolidation très longs, voire absence de consolidation chez
des patients ayant une insensibilité plantaire et ne respectant ■ Prévention des récidives
pas à la lettre les consignes de décharge avec débricolage de
l’ostéosynthèse, sepsis, amputations secondaires. d’ulcérations
L’expérience clinique des centres de référence les conduit à ne
proposer un traitement chirurgical qu’après un échec du Dépistage
chaussage sur mesure réalisé par une équipe spécialisée, avec
plaies itératives. Cette chirurgie doit être confiée à des équipes Neuropathie
chirurgicales expérimentées et travaillant avec une équipe Un test annuel au monofilament est la méthode la plus
multidisciplinaire référente dans le traitement du pied diabéti- simple pour dépister le risque podologique.
que. En postopératoire cette équipe prend également en charge
l’appareillage secondaire par OP et/ou chaussures Artériopathie
orthopédiques [18]. La prise des pouls, la mesure de l’index de pression systolique
(normale > 0,9) complétées par un échodoppler artériel sont les
Amputations méthodes de dépistage de l’AOMI.

Toute amputation, même d’orteil, doit être précédée d’un Déformations


bilan vasculaire avec dans la plupart des cas une artériographie Les plus fréquentes sont une exostose d’hallux valgus,
à la recherche d’une possibilité de revascularisation. Le plus quintus varus, griffe d’orteils, pieds creux, pieds plats, pieds de
souvent, plus la longueur osseuse conservée est grande et Charcot en « tampon buvard ».
meilleur est le résultat fonctionnel après appareillage [18]. La
décision est idéalement prise dans une équipe multidisciplinaire. Gradation du risque podologique
Le consensus international [1] préconise d’adopter une
gradation du risque podologique qui a été réévaluée en 2008 [21,
■ Concept de prise en charge 68] (Tableau 5).

multidisciplinaire Éducation
La prise en charge des plaies du pied diabétique est optimale L’éducation thérapeutique des patients diabétiques à risque
dans une équipe multidisciplinaire. L’expérience clinique y podologique est décrite comme capitale par tous les experts bien

Endocrinologie-Nutrition 11
10-366-L-20 ¶ Pied diabétique

que son efficacité soit encore controversée [69, 70]. Elle s’adresse éléments correcteurs. Entre les deux couches rigides et amortis-
aux patients à risque de grade 1, 2, 3. Elle doit être pratique, santes les éléments correcteurs ont un effet de décharge : barre
accessible aux patients, personnalisée et pratiquée par des rétrocapitale, calage interne et/ou externe du pied par bande
professionnels formés. Il faut éviter de noyer le patient de pronatrice externe, soutien rétro- ou sous-scaphoïdien.
conseils trop nombreux et cibler les vraies grandes causes de
plaie. Les causes habituelles de traumatismes sont les chaussures Pédicurie [18]
inadaptées, les corps étrangers dans la chaussure, l’hyperkéra-
tose, les ongles, la pédicurie de salle de bain, les mycoses, les L’accès aux soins de pédicurie est essentiel pour permettre
brûlures, les traumatismes, les œdèmes. aux patients à risque de bénéficier :
Les messages essentiels à faire passer progressivement • des soins d’ongles ;
sont [18] : • du traitement de l’hyperkératose : ablation de la kératose,
• l’arrêt du tabac ; application de crème locale pour diminuer le risque de
• inspecter les pieds quotidiennement si nécessaire à l’aide d’un fissuration et ralentir la production de cette hyperkératose ;
miroir ou par le conjoint ; • de la fabrication d’orthoplasties de protection, non évaluées
• se laver les pieds quotidiennement en séchant entre les orteils chez le diabétique ;
avec une serviette sèche pour éviter les mycoses ; • de l’éducation thérapeutique podologique.
• éviter les températures extrêmes (bouillottes, radiateurs, froid En France, une prise en charge par l’assurance maladie de six
intense, etc.) ;
soins de pédicurie par an pour les patients diabétiques à risque
• ne pas marcher pieds nus, mais avec des chaussures confor-
podologique de grade 3 et quatre soins pour les patients de
tables, notamment à la maison ;
grade 2 a été décidée depuis décembre 2007.
• ne pas utiliser de coricides mais consulter un pédicure ou
utiliser un Maniquick® ;
• ne pas coller de sparadrap directement sur la peau ; Chaussage
• ne pas prendre de bains de pieds prolongés ;
• appliquer une crème hydratante tous les jours sur les zones Plus de la moitié des ulcérations sont dues à un chaussage
sèches et hyperkératosiques des pieds et des orteils pour éviter inadapté. Un chaussage adapté diminue le risque de récidive
la formation de fissures et diminuer la production de kéra- d’ulcération du pied [67, 71-74].
tose ;
• porter des chaussettes sans coutures agressives, porter les bas
de contention à l’envers pour mettre les coutures à l’extérieur Chaussures orthopédiques
sur les orteils ; Les chaussures orthopédiques du pied diabétique à risque
• mettre la main dans la chaussure avant de se chausser à la s’adressent aux patients diabétiques ayant un risque de grade
recherche d’un corps étranger ; . 2 ou 3, avec des troubles morphostatiques inchaussables dans
• ne pas faire de « chirurgie de salle de bains », ne pas utiliser des chaussures de série [18].
d’objets métalliques coupants mais une lime en carton pour Elles doivent avoir les particularités suivantes :
les ongles ou un Maniquick® ; ne pas couper les ongles trop • modèle sur mesure, tenant compte du volume du pied et de
courts et garder les coins non arrondis légèrement limés ; l’OP ;
• consulter à la moindre lésion des pieds, l’absence de douleurs
• modèle Derby montant ou bas avec fermeture à lacets (ou
ne doit pas rassurer.
velcro en cas de difficultés à atteindre ses pieds) ;
• bout dur très souple ou si besoin supprimé ;
Chaussage • peausserie souple de la tige et de sa doublure : veau, agneau ;
Ils est conseillé de porter des chaussures confortables en cuir • pas de coutures ni surpiqûres agressives ;
souple, doublées de cuir souple, modèle Derby à lacets, suffi- • capitonnage en cas de grande fragilité cutanée ;
samment larges et hautes en regard des orteils, sans coutures • baleinage éventuel de la tige améliorant la stabilité dans le
agressives à apprécier avec la main. L’achat doit se faire en fin plan frontal ;
de journée lorsque les pieds sont les plus volumineux. • pas de liège recouvert de cuir pour les OP ;
• OP en mousse le plus souvent thermoformée avec des correc-
Orthèses plantaires tions surajoutées si nécessaire, matériau de recouvrement non
Leur principe commun est la répartition des pressions agressif, ayant un prêtant important, sans cuir ;
plantaires, ce qui a pour effet de diminuer les zones d’hyper- • un semellage extérieur rigide avec une barre de déroulement
pression [71] : démarrant en arrière des têtes métatarsiennes (aux deux tiers
• amélioration de la répartition du poids du corps sur une de la longueur totale de la chaussure type rocker bottom shoe
surface d’appui plus grande grâce au thermoformage enve- des Anglo-Saxons) entraîne une diminution des pressions
loppant ; plantaires de l’avant-pied lors de la marche en diminuant le
• diminution des mouvements de pronosupination ; temps de passage du déroulé du pas [37, 72] ;
• diminution des forces de cisaillement. • un coin de Berthet interne ou externe et un désaxé du talon
Les principes généraux des OP des pieds diabétiques à risque interne ou externe (antivalgus ou antivarus) peuvent être
doivent être les suivants [18] : adjoints.
• pas d’OP deux tiers mais entières ; .

• porter une chaussure avec un volume suffisant pour l’OP ;


• pour le recouvrement de l’OP directement au contact du pied, ■ Références
pas de revêtement en cuir, mais synthétique type DVT® ;
[1] International Working Group on the Diabetic Foot. International
• les bords latéraux de l’OP doivent être non coupants et Consensus on the Diabetic Foot and Practical Guidelines on the mana-
légèrement débordants pour éviter le pincement du bord du gement and prevention of the diabetic Foot. Noordwijkerhout; 2007.
pied ; [2] Reiber GE, Le Master JW. Epidemiology and economic impact of foot
• les matériaux choisis doivent avoir une usure lente ; ulcers and amputations in people with diabetes. In: Levin ME,
• l’efficacité des OP semble proportionnelle à la rigidité du O’Neal LW, Bowker JH, Pfeifer MA, editors. The diabetic foot.
thermoformage de base qui entraîne une diminution du Philadelphia: CV Mosby; 2008. p. 3-22.
temps de passage. Cette rigidité ne doit pas être en contact [3] Richard JL, Schuldiner S. Epidémiologie du pied diabétique. Rev Med
direct avec le pied. Interne 2008;29:S222-S230.
Les éléments habituels de ces orthèses sont au contact direct [4] Fosse S, Hartemann-Heurtier A, Jacqueminet S, Ha Van G, Grimaldi A,
du pied : un tissu de recouvrement puis une couche amortis- Fagot-Campagna A. Incidence and characteristics of lower limb ampu-
sante protègent de la rigidité du thermoformage et du relief des tations in people with diabetes. Diabet Med 2009;26:391-6.

12 Endocrinologie-Nutrition
Pied diabétique ¶ 10-366-L-20

[5] Fagot-Campagna A, Fosse S, Roudier C, Romon I, Penfornis A, [30] Cavanagh PR, Ulbrecht JS, Caputo GM. The Biomechs of the foot in
Lecomte P, et al. Caractéristiques, risque vasculaire et complications diabetes mellitus. In: Levin ME, O’Neal LW, Bowker JH, Pfeifer MA,
chez les personnes diabétiques en France métropolitaine : d’importan- editors. The diabetic foot. Philadelphia: Mosby Elsevier; 2008.
tes évolutions entre Entred 2001 et Entred 2007. Bull Epidemiol Hebd p. 115-84.
2009(n°42-43):450-5. [31] Armstrong DG, Nguyen HC, Lavery LA, Van Schie CH, Boulton AJ,
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G. Ha Van, Praticien hospitalier (ghavan@sfr.fr).


Unité de podologie, Service de diabétologie-métabolisme (Pr A. Hartemann-Heurtier), Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital,
75013 Paris, France.
Centre de rééducation Les Trois Soleils, 19, rue du Château, 77310 Boissise le Roi, France.
A. Hartemann-Heurtier, Professeur, diabétologue.
F. Gautier, Pédicure podologue.
J. Haddad, Pédicure podologue.
Y. Bensimon, Pédicure podologue.
W. Ponseau, Kinésithérapeute.
J. Baillot, Orthoprothésiste.
E. Fourniols, Praticien hospitalier, chirurgien orthopédiste.
F. Koskas, Professeur, chirurgien vasculaire.
A. Grimaldi, Professeur diabétologue.
Unité de podologie, Service de diabétologie-métabolisme (Pr A. Hartemann-Heurtier), Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital,
75013 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Ha Van G., Hartemann-Heurtier A., Gautier F., Haddad J., Bensimon Y., Ponseau W., Baillot J., Fourniols E.,
Koskas F., Grimaldi A. Pied diabétique. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Endocrinologie-Nutrition, 10-366-L-20, 2011.

Disponibles sur www.em-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

14 Endocrinologie-Nutrition
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 10-366-M-20 (2004)
10-366-M-20

Transplantation pancréatique :
indications, résultats et perspectives
B. Barrou
M.-O. Bitker
A. Grimaldi
Résumé. – L’intérêt de transplantation de pancréas vascularisé est bien établi. Cette transplantation
P. Debré
s’adresse essentiellement aux patients atteints de diabète de type I. Les résultats établis à partir du registre
F. Richard
international sur plus de 17 000 cas rapportés font état d’environ 80 % de survie du greffon à 1 an.
L’indication la plus fréquente est la greffe combinée rénale et pancréatique, les deux greffons provenant du
même donneur, chez les patients diabétiques de type I candidats à une transplantation rénale. Néanmoins,
les progrès, notamment dans le domaine de l’immunosuppression, ont permis d’améliorer les résultats des
greffes de pancréas chez des patients déjà transplantés rénaux ou de pancréas isolé chez les diabétiques sans
atteinte rénale. Ces deux dernières indications, encore peu fréquentes en Europe, pourraient se développer.
Les progrès dans le domaine de la greffe d’îlots pancréatiques ont été importants ces dernières années.
D’excellents résultats ont été publiés par une équipe. Ils ont motivé un essai multicentrique actuellement en
cours. S’ils peuvent être reproduits, la greffe d’îlots prendra une place de plus en plus importante dans le
traitement du diabète de type I, même si les difficultés techniques ne sont pas encore toutes résolues.
© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Diabète de type I ; Allogreffe ; Immunosuppression ; Transplantation pancréatique ; Îlots de


Langerhans

Introduction transplantation pancréatique. Les techniques de dérivation des


sécrétions exocrines sont perfectionnées dans les années suivantes [43,
L’idée de transplanter du tissu pancréatique pour guérir le diabète 47]
et permettent une maîtrise progressive des impératifs chirurgicaux
n’est pas nouvelle puisque la première publication date de 1893. qui, associée à l’apparition de la ciclosporine dans les années 1980,
Hedon [20] rapporte alors la première expérimentation de greffe non font définitivement admettre la transplantation pancréatique comme
vascularisée de tissu pancréatique chez le chien. Mais il faut attendre l’un des traitements du diabète de type I. Un registre international
1966 pour que la première greffe vascularisée de pancréas soit tentée est créé en 1980 (International Pancreas Transplant Registry, IPTR),
chez l’homme par Lillehei [27]. Les résultats initiaux décourageants permettant une analyse des résultats sur plus de 17 000 cas de nos
conduisent à l’abandon de la méthode deux ans plus tard. Une des jours [18] . L’essai publié en 1993 par le Diabetes Control and
difficultés majeures de la transplantation de pancréas vascularisé est Complications Treatment Research Group [ 1 6 ] fournit
en effet la présence des sécrétions exocrines, inutiles pour le rétrospectivement une base solide à la transplantation pancréatique.
traitement du diabète mais à l’origine de nombreuses complications. Il a en effet formellement démontré l’intérêt d’un contrôle étroit et
Les premiers cas sont réalisés en dérivant les sécrétions exocrines permanent de la glycémie pour la prévention des complications
dans le tube digestif à la fin des années 1960, puis dans l’appareil dégénératives du diabète sucré. À l’heure actuelle, la greffe de
urinaire au début des années 1970, mais les complications sont cellules b productrices d’insuline permet d’atteindre ce contrôle.
nombreuses. Ce n’est qu’à la fin des années 1970 que la technique
revient sur le devant de la scène grâce notamment aux travaux de
Dubernard [8] à Lyon qui met au point une technique d’injection des Différentes techniques
canaux excréteurs pour neutraliser la fonction exocrine de la glande. de transplantation pancréatique
Cette technique a des inconvénients et est maintenant pratiquement
abandonnée mais elle a eu l’immense mérite de relancer la Le concept consiste à greffer la partie du pancréas déficiente chez
les diabétiques de type I, c’est-à-dire les îlots de Langerhans détruits
par un processus auto-immun. Ils ne représentent que 4 à 5 % de
l’ensemble de la glande pancréatique. Deux approches sont
B. Barrou (Professeur des Universités, Praticien hospitalier)
Adresse e-mail: benoit.barrou@psl.ap-hop-paris.fr envisageables : la première, la plus logique, consiste à ne greffer que
Service d’urologie, unité de transplantation rénale et pancréatique, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 83, les îlots de Langerhans, ce qui suppose d’être capable de les isoler,
boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.
M.-O. Bitker (Professeur des Universités, praticien hospitalier) de les conserver puis de les implanter dans un site adéquat. Des
Service d’urologie, unité de transplantation rénale et pancréatique, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 83,
boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.
techniques existent qui permettent de réaliser ce type de greffe. Plus
A. Grimaldi (Professeur des Universités, praticien hospitalier) de 490 cas ont été répertoriés au sein d’un registre international (ITR)
Service de diabétologie, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex
13, France. mais les résultats étaient encore, jusqu’à peu, très décevants puisque
P. Debré (Professeur des Universités, praticien hospitalier) le taux d’insulino-indépendance à 1 an est de 14 % [23]. La seconde
Laboratoire d’immunologie cellulaire et tissulaire, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 83, boulevard de
l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France. est moins logique mais beaucoup plus efficace. Il s’agit de réaliser
F. Richard (Professeur des Universités, praticien hospitalier)
Service d’urologie, unité de transplantation rénale et pancréatique, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 83,
une transplantation vascularisée de l’ensemble du pancréas qui a
boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France. comme inconvénient majeur de greffer la fonction exocrine qui
10-366-M-20 Transplantation pancréatique : indications, résultats et perspectives Endocrinologie-Nutrition

produit des sécrétions dont le volume est de 800 ml à 1,2 l/j et qui résultats, ce qui n’est pas le cas pour les centres européens [21]. Dans
est parfaitement inutile puisque la fonction exocrine du pancréas la grande majorité des cas (83 %), il s’agit de transplantations
natif est normale. De très nombreuses techniques de transplantation combinées rénales et pancréatiques (simultaneous pancreas and kidney
de pancréas vascularisé ont été décrites, ce qui sous-entend ou SPK [abréviation anglo-saxonne]), les deux organes étant prélevés
qu’aucune n’est parfaite. Il serait fastidieux de les détailler toutes, sur le même donneur, tandis que les transplantations de pancréas
mais il faut tout de même en rappeler les principes. Deux questions après greffe rénale (pancreas after kidney ou PAK) représentent 12 %.
se posent au chirurgien : Que faire de la sécrétion exocrine ? Quelle Les transplantations pancréatiques isolées (pancreas transplant alone
implantation vasculaire choisir ? ou PTA) restent peu pratiquées (5 %). Les PAK sont toutefois en
Que faire de la sécrétion exocrine ? La fonction exocrine reste le talon augmentation puisqu’ils représentaient 22 % des cas rapportés
d’Achille de la transplantation pancréatique. Trois méthodes sont durant l’année 2000.
envisageables. La première [8] consiste à « neutraliser » la fonction
¶ Survies patients/greffon
exocrine par injection de néoprène dans les canaux excréteurs. La
transplantation ne concerne alors que le corps et la queue du L’analyse présentée prend en compte l’expérience américaine
pancréas (greffon segmentaire), les anastomoses vasculaires étant (l’analyse des expériences européennes et américaines sont faites
réalisées entre les vaisseaux spléniques du greffon et les vaisseaux séparément mais diffèrent peu) des années 1999-2002 pour donner
iliaques du receveur. Les complications précoces (pancréatite) et l’idée la plus précise de ce que l’on peut attendre de la
tardives (fibrose) ont conduit à l’abandon progressif de cette transplantation pancréatique aujourd’hui.
technique. Les deux autres méthodes consistent à dériver les La survie des patients à 1 an est de 95 % pour les receveurs de SPK
sécrétions exocrines plutôt qu’à tenter de les supprimer. Elles et de 96 % pour les receveurs de PAK et de PTA. La survie du
permettent de greffer l’organe entier (la masse d’îlots de Langerhans greffon pancréatique à 1 an est de 82 % pour les SPK, de 81 % pour
est alors supérieure). L’une consiste à dériver les sécrétions exocrines les PAK et de 78 % pour les PTA. La survie du greffon rénal pour les
dans la vessie au moyen d’une anastomose duodénovésicale SPK est de 92 % à 1 an, donc identique à celle des greffes rénales
latérolatérale. Cette technique a été la plus largement employée ces isolées.
vingt dernières années [21]. Les complications urinaires sont toutefois Sur la période 1997-2001, la technique de dérivation des sécrétions
nombreuses (infection urinaire, cystite hématurique, pancréatite du exocrines (dans le tube digestif ou dans la vessie) n’a pas modifié la
greffon par reflux, perte excessive de bicarbonate), conduisant à une survie du greffon pancréatique, ni celle du greffon rénal pour les
conversion de la dérivation urinaire en dérivation digestive dans SPK. En revanche, la dérivation urinaire a donné de meilleurs
10 à 20 % des cas, et expliquent une baisse de popularité depuis résultats pour les PAK (85 % versus 74 %, p < 0,02), alors que pour
quelques années. Elle présente toutefois le double avantage de les PTA, la différence, significative lors des analyses précédentes, ne
pouvoir placer le greffon dans l’espace sous-péritonéal [5], rendant l’est plus (81 % versus 74 %, p > 0,37). Le taux de complications
les complications exceptionnellement menaçantes pour le pronostic techniques précoces, significativement inférieur en cas de dérivation
vital, et de permettre une surveillance de la fonction exocrine au urinaire pour les trois catégories SPK, PAK et PTA lors des analyses
moyen du débit horaire de l’amylasurie, qui reste le seul marqueur antérieures, tend à l’égalité pour les deux dernières années. La
de rejet pancréatique malgré ses imperfections et l’absence de principale complication reste la thrombose du greffon qui va de 5 %
consensus à ce sujet. La troisième consiste également à transplanter pour les SPK avec dérivation urinaire à 11,6 % pour les PTA avec
l’organe entier mais en dérivant les sécrétions exocrines dans le tube dérivation digestive, cette différence restant significative.
digestif, soit au moyen d’une anse en Y soit au moyen d’une
anastomose latérale sur l’iléon. Elle a été la première utilisée puis ¶ Amélioration des résultats au cours du temps
transitoirement abandonnée. Une meilleure maîtrise des impératifs Les résultats se sont améliorés au cours du temps pour toutes les
techniques fait qu’actuellement, elle est de plus en plus employée. catégories de transplantation. Pour les SPK par exemple, la survie à
Les complications, lorsqu’elles surviennent, peuvent mettre en jeu 1 an des patients est passée de 90 % pour la période 1987-1989 à
le pronostic vital. Aucun marqueur de rejet pancréatique n’est 95 % pour la période 1996-1997 (p = 0,0001), celle des greffons
disponible, ce qui est à prendre en considération, particulièrement pancréatiques de 74 à 85 % (p = 0,0001), celle des greffons rénaux de
lorsque le pancréas n’est pas greffé conjointement avec un rein 83 à 91 % (p = 0,0001). Deux facteurs l’expliquent : d’une part une
prélevé sur le même donneur (le rejet rénal est souvent plus précoce meilleure maîtrise des complications techniques précoces, d’autre
et son traitement prévient celui du pancréas). part la mise sur le marché de nouveaux immunosuppresseurs.
Quelle implantation vasculaire ? La technique la plus employée L’impact le plus net est celui de la combinaison tacrolimus
consiste à implanter le greffon sur les vaisseaux iliaques du receveur, (inhibiteur des calcineurines, concurrent direct de la ciclosporine) et
comme une greffe rénale. La sécrétion insulinique est donc déversée du mycophénolate mofétil (MMF) inhibiteur enzymatique, réversible
dans la circulation systémique et il en résulte un hyperinsulinisme. de la synthèse des purines qui a remplacé, dans la plupart des
Certains auteurs ont donc proposé d’anastomoser la veine porte du protocoles, l’azathioprine. L’effet est particulièrement net pour les
greffon sur une veine tributaire du système porte [6]. Toutefois, transplantations à haut risque immunologique (PAK et PTA) pour
l’avantage métabolique de cette technique n’est pas formellement lesquelles l’absence de rein du même donneur prive d’un excellent
démontré [29]. marqueur de rejet (le rejet rénal précédant le plus souvent le rejet
pancréatique). De même, l’emploi d’un protocole immuno-
suppresseur d’induction par des molécules dirigées contre les
Transplantation de pancréas lymphocytes T (anticorps polyclonaux ou monoclonaux) a peu
vascularisé d’effet sur la survie des SPK mais un effet positif significatif sur la
survie des PAK et des PTA.
RÉSULTATS DE LA TRANSPLANTATION L’impact des nouveaux immunosuppresseurs est particulièrement
DE PANCRÉAS VASCULARISÉ : bien illustré par l’évolution du nombre de greffons perdus de rejet
DONNÉES DU REGISTRE INTERNATIONAL IPTR aigu. Pour les PTA, qui représentent le plus fort risque
En août 2002, 17 895 cas de transplantations pancréatiques ont été immunologique, 35 % des greffons ont été perdus de rejet à 1 an
rapportés au registre international, dont les trois quarts environ par durant la période 1987-1989 contre seulement 8 % pour la période
des centres nord-américains qui ont obligation de transmettre leurs 1997-2001 [18].

2
Endocrinologie-Nutrition Transplantation pancréatique : indications, résultats et perspectives 10-366-M-20

Tableau 1. – Risques relatifs pour la survie à 1 an des patients. Le risque relatif (RR) n’est indiqué que lorsque p < 0,2. Analyse multivariée réa-
lisée sur les cas nord-américains entre le 1/1/1996 et le 30/9/1999 (données de l’IPTR [22]). HLA : human leucocyte antigen.
SPK PAK PTA
Variables
p RR p RR p RR

Dérivation urinaire versus digestive 0,012 1,82 0,78 - - -


Âge du donneur (< 45 ans versus > 45 ans) 0,62 - 0,78 0,99
Cause de décès du donneur 0,08 1,54 0,55 0,99
Mismatch HLA locus A 0,88 - 0,16 0,52 0,99
Mismatch HLA locus B 0,68 - 0,08 2,49 0,99
Mismatch HLA locus Dr 0,66 - 0,29 0,99
Préservation (< 12 h versus > 12 h) 0,53 0,25 - 0,99 -
Âge du receveur (< 45 versus > 45 ans) 0,004 1,95 0,99 - 0,99
Retransplantation 0,14 2,41 0,14 2,6 0,99
Molécules antilymphocytes T 0,157 0,72 0,08 0,35 0,99
Tacrolimus 0,35 0,49 - 0,99
Mycophénolate mofétil 0,02 0,57 0,68 - 0,99

Tableau 2. – Risques relatifs pour la survie à 1 an des greffons pancréatiques. Le risque relatif (RR) n’est indiqué que lorsque p < 0,2. Analyse
multivariée réalisée sur les cas nord-américains entre le 1/1/1996 et le 30/9/1999 (données de l’IPTR [22]). BMI : body mass index.
SPK PAK PTA
Variables
p RR p RR p RR

Dérivation urinaire vs. digestive 0,64 - 0,11 0,67 - -


Âge du donneur (< 45 ans versus > 45 ans) 0,59 - 0,16 0,49 0,72 -
Cause de décès du donneur 0,002 1,56 0,12 1,55 0,05 2,47
Mismatch HLA locus A 0,24 - 0,03 0,67 0,43
Mismatch HLA locus B 0,68 - 0,006 1,83 0,85
Mismatch HLA locus Dr 0,83 - 0,58 - 0,06 2,09
Préservation (< 12 h versus > 12 h) 0,56 - 0,76 - 0,35 -
Âge du receveur (< 45 ans versus > 45 ans) 0,39 - 0,51 - 0,06 0,65
BMI (25) 0,07 1,02 0,49 - 0,45 -
Retransplantation 0,10 1,98 0,15 1,47 0,11 2,03
Molécules antilymphocytes T 0,07 0,79 0,004 0,47 0,51 -
Tacrolimus 0,60 - 0,11 0,65 0,0001 0,16
Mycophénolate mofétil 0,0001 0,54 0,38 - 0,29 -

Tableau 3. – Risques relatifs pour la survie des greffons pancréatiques. Le risque relatif (RR) n’est indiqué que lorsque p < 0,2. Analyse multiva-
riée réalisée sur les cas nord-américains entre le 1/1/1996 et le 30/9/1999 (données de l’IPTR [22]). HLA : human leucocyte antigen.
SPK PAK PTA
Variables
p RR p RR p RR

Dérivation urinaire versus digestive 0,24 - 0,24 - - -


Âge du donneur (< 45 ans versus > 45 ans) 0,23 - 0,99 - 0,34 -
Cause de décès du donneur 0,52 - 0,27 - 0,14 3,75
Mismatch HLA locus A 0,33 - 0,62 - 0,53 -
Mismatch HLA locus B 0,17 1,6 0,29 - 0,64 -
Mismatch HLA locus Dr 0,9 - 0,12 0,53 0,28 -
Préservation (< 12 h versus > 12 h) 0,7 - 0,08 0,31 0,72 -
Âge du receveur (< 45 ans versus > 45 ans) 0,14 0,33 0,41 - 0,99 -
Retransplantation 0,26 - 0,68 - 0,27 -
Molécules antilymphocytes T 0,52 - 0,24 - 0,64 -
Tacrolimus 0,26 - 0,82 - 0,37 -
Mycophénolate mofétil 0,0001 0,18 0,95 - 0,67 -

¶ Facteurs de succès année de 2 à 4 %, selon une courbe parallèle à celle de la survie des
greffons rénaux. Parmi les greffons fonctionnels à 5 ans, 90 % le
Les variables influençant de façon indépendante les résultats de la
restent à 10 ans. L’effet de la normalisation au long cours de
transplantation sont indiquées dans les Tableaux 1 à 4. La
l’équilibre glycémique sur la survie des patients est particulièrement
présentation peut paraître ardue mais elle reste la meilleure façon
bien illustré par les travaux de Tyden [49]. Il a comparé la survie à
de résumer le grand nombre de données accumulées par le registre
10 ans de deux groupes de patients, tous ayant reçu une greffe
international. Un des facteurs influençant fortement la survie des
combinée pancréatique et rénale. Les uns ont eu les deux greffons
greffons est la cause du décès du donneur. En effet, les complications
fonctionnels durant les 10 années de l’étude, les autres ont perdu
techniques précoces (thrombose, pancréatite, infection) sont
leur greffon pancréatique au cours de la première année (ou, pour
significativement plus élevées lorsque la cause du décès est de
certains, ont choisi de ne recevoir qu’un rein alors qu’ils
nature cardiovasculaire (qui est elle-même corrélée à l’âge du
remplissaient les conditions d’une double greffe). La différence de
donneur) [17].
survie des patients apparaît dès la 6e année (p < 0,05) et s’accentue à
10 ans pour atteindre 60 % (p < 0,01) au profit des premiers. La
¶ Survie à long terme
principale cause des 12 décès dans le groupe des patients restés
Une fois passé le cap des complications techniques précoces, le diabétiques est cardiovasculaire (six infarctus du myocarde, trois
pourcentage de greffons pancréatiques fonctionnels décroît chaque arrêts cardiaques et un accident vasculaire cérébral). Ojo et al. [36]

3
10-366-M-20 Transplantation pancréatique : indications, résultats et perspectives Endocrinologie-Nutrition

Tableau 4. – Risques relatifs pour la perte des greffons pancréatiques par échec technique. Le risque relatif (RR) n’est indiqué que lorsque
p < 0,2. Analyse multivariée réalisée sur les cas nord-américains entre le 1/1/1996 et le 30/9/1999 (données de l’IPTR [22]). BMI : body mass in-
dex, HLA : human leucocyte antigen.
Variables SPK PAK PTA
p RR p RR p RR

Dérivation urinaire versus digestive 0,13 0,76 0,29 - 0,02 0,09


Âge du donneur (< 45 ans versus > 45 ans) 0,28 - 0,93 - 0,04 1,3
Cause de décès du donneur 0,001 1,93 0,66 - 0,03 5,89
Mismatch HLA locus A 0,05 1,34 0,07 0,61 0,68 -
Mismatch HLA locus B 0,84 - 0,04 1,95 0,3 -
Mismatch HLA locus Dr 0,38 - 0,42 - 0,74 -
Préservation (< 12 h versus > 12 h) 0,88 - 0,89 - 0,09 1,39
Âge du receveur (< 45 ans versus > 45 ans) 0,73 - 0,42 - 0,21 -
BMI (25) 0,037 1,47 0,71 - 0,68 -
Retransplantation 0,19 2,3 0,99 - 0,12 3,92
Molécules antilymphocytes T 0,94 - 0,12 0,54 0,66 -
Tacrolimus 0,10 0,64 0,73 - 0,05 0,10
Mycophénolate mofétil 0,53 - 0,69 - 0,06 1,96

ont calculé rétrospectivement l’espérance de vie à partir de Enfin, fait important, la contre-régulation à l’hypoglycémie (altérée
l’inscription des patients diabétiques de type I sur liste d’attente. chez 20 % des diabétiques de type I [14]) est restaurée par la
Les données de 13 467 patients (registres USRDS et UNOS), inscrits transplantation [3, 7], si bien que ces hypoglycémies, peu sévères par
entre 1988 et 1997, ont été analysées selon un modèle multivarié ailleurs, sont bien ressenties par les patients et ne représentent pas
après ajustement sur les variables suivantes : âge, sexe, race, une difficulté majeure.
sérologie cytomégalovirus (CMV), des donneurs et des receveurs,
durée d’attente, degré d’immunisation contre le système human EFFETS SUR LES COMPLICATIONS SECONDAIRES
leucocyte antigen (HLA), degré de compatibilité HLA, temps
L’objectif principal de la transplantation est la prévention ou la
d’ischémie froide, type de protocole immunosuppresseur et
correction des complications dégénératives. Idéalement, pour
survenue d’une tubulopathie (reprise retardée de la fonction du
pouvoir tirer pleinement profit de la normalisation de la régulation
greffon rénal). L’espérance de vie des receveurs d’une greffe
glycémique, il faudrait greffer les patients dès le début de la maladie,
combinée rénale et pancréatique était de 23,4 ans (n = 4 718), celle
ce qui pose bien sûr la question du risque de l’immunosuppression
des receveurs de greffon rénal isolé de donneur vivant de 20,9 ans
au long cours face au risque de l’insulinothérapie.
(n = 671), celle des receveurs de greffon rénal isolé de donneur en
mort encéphalique de 12,9 ans (n = 4 127), enfin celles des patients L’impact de la transplantation pancréatique sur la progression de
restés sur liste d’attente de 8 ans (n = 3 951). La survie des patients à l’atteinte coronarienne a été étudiée par la mesure du calibre des
10 ans était de 67 % pour les receveurs de greffe combinée, de 65 % artères coronaires en angiographie [24]. La réduction du calibre,
pour les receveurs de rein de donneur vivant et de 46 % pour les observée sur une période de 3,9 ans en moyenne, était plus marquée
receveurs de rein de donneur en mort encéphalique. Le bénéfice en pour les patients ayant perdu leur greffon pancréatique
termes de survie disparaissait toutefois pour les receveurs âgés de (généralement de cause chirurgicale précoce) que pour les patients
plus de 50 ans. Ces chiffres doivent être interprétés avec une grande porteurs d’un greffon fonctionnel. Bien que la méthode utilisée soit
prudence puisqu’il existe un biais de sélection majeur, la répartition sujette à caution, cette étude suggère donc un effet bénéfique de la
des malades entre les différents groupes étant faite sur des critères transplantation pancréatique sur l’atteinte coronarienne.
médicaux : seuls les patients en bon état général sont inscrits pour L’effet bénéfique sur la néphropathie est bien établi. Bilous [4] a
greffe combinée, par exemple. En l’absence d’études randomisées montré que l’hypertrophie glomérulaire et la prolifération
(éthiquement difficiles à défendre), il n’est pas possible de démontrer mésangiale étaient moins prononcées sur les greffons rénaux des
plus radicalement encore l’avantage de la transplantation receveurs de SPK que sur les greffons de receveurs de
pancréatique. transplantation rénale isolée. Par ailleurs, Fioretto [12] a montré que
les lésions des reins natifs des receveurs de greffe pancréatique isolée
QUALITÉ DE L’ÉQUILIBRE GLYCÉMIQUE OBTENU pouvaient régresser mais qu’une période de 5 ans de normoglycémie
était nécessaire avant d’observer cette amélioration.
Dans la grande majorité des cas, l’insulinothérapie peut être
interrompue dans les heures suivant le déclampage du greffon L’effet sur la rétinopathie a été moins facile à démontrer. Ramsay [40]
pancréatique. L’hémoglobine glyquée se normalise en 10 à 15 jours comparant deux groupes de receveurs de greffe combinée rénale et
et reste stable à des valeurs normales ou très proches de la pancréatique, le premier avec un pancréas fonctionnel, le second
normale [31]. La sécrétion d’insuline en réponse à une hyperglycémie avec perte précoce du greffon pancréatique, n’a observé une
se fait selon une courbe biphasique. Les oscillations rapides de amélioration de la rétinopathie dans le premier groupe qu’au bout
sécrétion d’insuline ont même été retrouvées bien que d’un rythme de 3 ans de normoglycémie. Wang [50] a, lui, constaté que 7 %
et d’une amplitude différents de ceux des sujets normaux, peut-être seulement des receveurs de SPK avaient une progression de leur
du fait de la dénervation du greffon [37]. Lorsque le drainage veineux rétinopathie contre 27 % des receveurs de greffe rénale isolée.
du greffon se fait dans la circulation systémique, il existe un En ce qui concerne la neuropathie, l’effet bénéfique a été démontré
hyperinsulinisme [ 6 ] parfois à l’origine d’hypoglycémies par plusieurs auteurs [9, 19, 25, 32–35, 41]. L’amélioration des vitesses de
postprandiales. Cet hypersinsulinisme n’a toutefois pas de conduction nerveuse des nerfs sensitifs est plus tardive (entre
conséquence néfaste sur le métabolisme lipidique puisque les taux 2 ans [25] et 7 ans [9]) que celle des nerfs moteurs (entre 1 an [25] et
de cholestérol et de triglycérides tendent à se normaliser chez les 5 ans [9]). L’urémie chronique jouant un rôle aggravant pour la
receveurs de greffes combinées rénales et pancréatiques alors que neuropathie, il est difficile de faire la part entre l’amélioration due à
les taux de cholestérol s’élèvent chez les diabétiques receveurs d’un la correction de l’équilibre glycémique et celle due à la correction de
rein seulement [26]. la fonction rénale. Cette dernière semble être obtenue précocement

4
Endocrinologie-Nutrition Transplantation pancréatique : indications, résultats et perspectives 10-366-M-20

alors que la première est plus longue à observer [ 4 1 ] . Une documentée histologiquement par biopsie du greffon ou
amélioration de la dysautonomie a été également mise en évidence transplantectomie. Une observation similaire a été rapportée par
résultant en un risque moindre de décès35 et une meilleure qualité Petruzzo [39]. L’immunosuppression permet probablement de limiter,
de vie [19]. mais pas d’annuler le risque de récidive du processus auto-immun
qui justifie une surveillance des paramètres d’auto-immunité.
QUALITÉ DE VIE DES PATIENTS GREFFÉS
De nombreuses études de qualité de vie ont été réalisées [19, 30, 51], QUELLES SONT LES INDICATIONS DE LA
TRANSPLANTATION DE PANCRÉAS VASCULARISÉ ?
concluant pour la plupart à une amélioration de la qualité de vie.
D’autres études sont plus mitigées, le bénéfice en termes de qualité L’indication admise par tous est la greffe combinée rénale et
de vie semblant contrebalancé par une morbidité plus importante [44]. pancréatique (les deux organes provenant du même donneur) chez
Un exemple illustrant au moins un aspect de cette amélioration est un diabétique de type I dont la néphropathie nécessite ou va
la possibilité de mener une grossesse à terme. Même si celle-ci nécessiter le recours à une méthode de dialyse. L’immuno-
représente un risque pour la fonction des greffons et comporte une suppression est, de toute façon, indiquée pour la transplantation
possibilité de développement anormal du fœtus, l’expérience, encore rénale dont la supériorité sur la dialyse a été largement démontrée.
limitée, poursuivie ce jour semble indiquer que le greffon Les données du registre international [21] ainsi que l’expérience de
pancréatique est capable de faire face aux besoins en insuline au certains centres [28] indiquent que les receveurs doivent être
cours de la grossesse dont l’issue est, dans la grande majorité des sélectionnés avec soin si l’on ne veut pas induire une surmortalité
cas, favorable [2]. avec la greffe pancréatique. Ainsi, un âge supérieur à 45-50 ans et la
présence d’une macroangiopathie évoluée sont considérés par
beaucoup comme une contre-indication à la greffe combinée. Le
RÉCIDIVE DE L’AUTO-IMMUNITÉ
candidat idéal est un diabétique de type I de moins de 45 ans, non
Bien que peu nombreuses, des observations de destruction sélective encore dialysé mais dont l’évolution vers l’insuffisance rénale
des cellules b des îlots de Langerhans ont été rapportées après terminale est inéluctable. Cette approche a toutefois l’inconvénient
transplantation pancréatique. Sutherland [45] en a décrit huit cas sur d’intervenir relativement tard dans l’évolution de la maladie, à un
une série de 140 transplantations, tous survenant après greffe de stade où les complications secondaires risquent d’être irréversibles.
pancréas segmentaire prélevé sur donneurs vivants, jumeaux
La deuxième indication est la greffe pancréatique chez un diabétique
monozygotes dans trois cas, frères ou sœurs human leucocyte antigen
de type I ayant déjà reçu un greffon rénal. L’avantage est double :
(HLA) identiques dans cinq cas. Tous ces receveurs avaient une
celui d’une part de dissocier les deux greffes, ce qui rend la
immunosuppression minimale (voire aucune immunosuppression
technique moins lourde dans son ensemble ; celui d’autre part de
en cas de transplantation entre jumeaux) compte tenu de la forte
recourir à une greffe rénale d’un éventuel donneur vivant apparenté
compatibilité entre donneurs et receveurs, ce qui pourrait expliquer
(dont la supériorité des résultats est établie). L’inconvénient, à
la récidive du processus auto-immun dirigé contre les cellules b.
l’opposé, est de se priver du marqueur indirect de rejet qu’est la
Toutefois, il semble que cette récidive puisse également survenir sur
fonction du rein greffé lorsqu’il provient du même donneur. Il est
des greffons prélevés sur des sujets en mort encéphalique et
alors prudent de recourir à la dérivation urinaire du greffon
transplantés chez des receveurs peu compatibles recevant une
pancréatique, ce qui permet de disposer de la surveillance du débit
immunosuppression standard. La fréquence de la récidive de la
horaire de l’amylasurie qui représente tout de même un marqueur
maladie initiale n’est pas connue de façon précise. Les marqueurs
de rejet pancréatique, même s’il n’est pas parfait.
d’auto-immunité tels que les anticorps anti-îlots ou anti-GAD
(glutamate décarboxylase) ont été recherchés annuellement sur une La troisième indication est la plus contestée, même si elle est en
série de 50 transplantés avec un recul de 1 à 9 ans [10]. Les anticorps théorie la plus intéressante. Il s’agit de la greffe de pancréas isolée
anti-GAD ont été retrouvés chez 11 patients alors qu’ils étaient déjà chez un diabétique de type I non insuffisant rénal. L’avantage est,
présents chez 10 d’entre eux avant la transplantation. Les anticorps outre une meilleure qualité de vie, la prévention des complications
anti-îlots sont réapparus chez 14 % des patients et leur présence a secondaires. L’inconvénient est double : d’une part les complications
pu être corrélée à la présence d’anticorps anti-GAD et au phénotype à long terme de l’immunosuppression, d’autre part une moins bonne
HLA Dr3. De façon intéressante, le test de tolérance au glucose par survie du greffon. Les données du registre indiquent clairement que
voie orale était plus fréquemment pathologique en cas de positivité les nouveaux immunosuppresseurs ont permis de limiter la portée
des anticorps anti-îlots. La signification exacte de ces constatations du deuxième argument. Néanmoins, on peut toujours craindre
reste à établir sur une période d’observation plus longue. Thivolet qu’un gain en activité immunosuppressive se paie à plus ou moins
et al. [46] ont, eux aussi, étudié les marqueurs d’auto-immunité et ont long terme en complications à type d’infections opportunistes ou de
mis en évidence un taux significativement plus élevé d’anticorps cancers. Même si, avec un recul de 5 à 6 ans, cela ne semble pas le
anti-GAD en cas de perte de greffon par dysfonction chronique cas pour des molécules comme le tacrolimus et le mycophénolate
progressive par rapport aux greffons perdus de cause chirurgicale, mofétil, il est encore trop tôt pour apporter une réponse définitive à
ce qui suggère un rôle au moins partiel de la récidive de l’atteinte cette question primordiale et la prudence reste de rigueur.
auto-immune en cas de perte progressive de la fonction endocrine. Si l’on s’en tient aux deux premières indications (qui sont les plus
De même, le nombre de patients présentant des anticorps anti-GAD fréquentes dans notre pays), il est vraisemblable que la question de
ou antityrosine phosphatase (IA-2) est resté stable à 5 % avant et la disponibilité des greffons ne se pose pas vraiment. Les pancréas
après transplantation chez les patients porteurs d’un greffon sont en effet trop peu souvent prélevés. Néanmoins, il ne faut pas
pancréatique fonctionnel alors qu’il s’est élevé à 35 % parmi ceux perdre de vue que la réalisation d’une greffe combinée ne peut être
ayant perdu leur greffon de dysfonction chronique progressive, dissociée de la difficile question de la répartition des greffons rénaux
suggérant, là encore, une participation des phénomènes dont la disponibilité, elle, est insuffisante pour couvrir les besoins.
auto-immuns.
Sur une série de 155 transplantations, Tyden [48] a retrouvé LA GREFFE D’ÎLOTS DE LANGERHANS
20 patients avec perte progressive et isolée de la fonction endocrine A-T-ELLE UN AVENIR ?
après une période d’insulinosécrétion stable. Chez deux d’entre eux Il s’agit d’une véritable thérapie cellulaire du diabète [1]. Les îlots,
seulement, la perte sélective de fonction des cellules b a pu être une fois isolés, représentent le volume d’un dé à coudre et leur greffe

5
10-366-M-20 Transplantation pancréatique : indications, résultats et perspectives Endocrinologie-Nutrition

se fait par simple injection. La difficulté majeure réside dans les Parallèlement à l’allo- et à la xénogreffe se développe l’idée de
difficultés d’isolement des îlots et dans le choix du site d’injection. réaliser un jour une greffe de cellules autologues modifiées. La
Environ 490 tentatives ont été réalisées chez l’homme et seuls 14 % maîtrise de la réponse immunitaire deviendrait alors caduque. Deux
des diabétiques de type I traités en 1998 et 1999 ont pu arrêter leurs publications récentes méritent attention :
injections d’insuline 1 an après la greffe [23]. C’est donc peu, comparé – une équipe américaine [38] a démontré qu’il était possible, chez la
aux 80 % obtenus par la greffe de pancréas entier. Les raisons en souris, d’obtenir des îlots à partir de cellules souches des canaux
sont multiples : difficultés d’implantation, nombre insuffisant d’îlots, excréteurs du pancréas. On pourrait ainsi imaginer de « faire
traitement immunosuppresseur (notamment les corticoïdes) toxique pousser » au laboratoire des îlots à partir de certaines cellules
pour les îlots, rejet aigu pour lequel on ne dispose d’aucun souches du pancréas d’un patient diabétique, comme le suggèrent
marqueur. Toutefois, l’espoir demeure. Des progrès récents des travaux récents [13]. Une fois greffés, ces îlots ne seraient pas
pourraient changer les données du problème. En effet, une équipe reconnus comme étrangers par le système immunitaire puisque
canadienne a publié une courte série de sept malades traités par dérivés du patient lui-même et le traitement immunosuppresseur
greffe d’îlots et tous ont pu arrêter leurs injections d’insuline [42]. À deviendrait inutile ;
l’heure actuelle, un essai multicentrique utilisant le même protocole – une équipe israélienne [11] a, elle, démontré la possibilité de
est en cours. La particularité de cette expérience est double : d’une « reprogrammer » des cellules hépatiques pour leur faire sécréter de
part l’emploi de nouveaux immunosuppresseurs moins toxiques en l’insuline. Là encore, le traitement immunosuppresseur serait inutile
termes d’insulinosécrétion, d’autre part une greffe précoce chez des puisque ces cellules « reprogrammées » proviendraient du patient
patients non insuffisants rénaux, avant que le diabète n’ait eu le lui-même. Ces travaux sont encore expérimentaux, et le chemin
temps de créer des lésions irréversibles notamment des petits jusqu’aux premiers essais chez l’homme encore long. Toutefois
vaisseaux. Cette dernière est peut-être fondamentale et pourrait l’espoir est grand de pouvoir un jour traiter le diabète par une
amener à reconsidérer la place de la transplantation dans le domaine simple greffe d’îlots (ou de cellules sécrétant de manière régulée de
du diabète. Jusque-là, il était classique de dire que la greffe – et le l’insuline) sans aucun traitement immunosuppresseur et ce, dès le
traitement immunosuppresseur qu’elle implique – n’était pas début de la maladie. Il restera toutefois probablement le risque de
justifiée au début de la maladie lorsque l’alternative était la seule récidive du processus auto-immun, mais rien n’empêche d’imaginer
insulinothérapie et ce, en raison des risques liés au traitement dans ces conditions des greffes itératives si la maîtrise des
immunosuppresseur. La conséquence était la survenue des techniques in vitro est suffisante pour congeler par exemple des
complications vasculaires du diabète probablement à l’origine d’une cellules souches autologues.
partie des difficultés rencontrées pour la greffe d’îlots. Les progrès
récents réalisés dans le domaine de l’immunosuppression pourraient Conclusion
conduire à remettre en question ce dogme et proposer une greffe
précoce au moins aux patients dont le diabète est très difficile à
La transplantation de pancréas vascularisé est, à ce jour, la seule
modalité thérapeutique du diabète de type I qui permette d’obtenir un
équilibrer et chez lesquels la survenue des complications est équilibre glycémique pratiquement normal. Les résultats, lorsqu’elle est
inéluctable. combinée à une transplantation rénale, sont proches de ceux de la
La greffe d’îlots xénogéniques a, elle aussi, été étudiée. Quelques transplantation rénale isolée. Toutefois, le nombre de patients
patients ont été transplantés avec des îlots porcins fœtaux [15]. Les diabétiques de type I susceptibles d’en bénéficier reste limité compte
résultats ont été très modestes avec une fonction biologique partielle tenu de la lourdeur du geste chirurgical et de la nécessité d’une
immunosuppression. La greffe d’îlots pancréatiques ou de cellules
seulement dans certains cas, même si l’insuline de porc, très proche
produisant de l’insuline (éventuellement modifiée) a fait l’objet de
de l’insuline humaine, a largement fait la preuve de son efficacité progrès déterminants ces dernières années et il n’est pas déraisonnable
chez l’homme. Outre de difficiles barrières immunologiques, la de penser que la thérapie cellulaire constitue, dans un futur peut-être
xénogreffe soulève une question primordiale, celle du risque de assez proche, une option thérapeutique de premier ordre pour le diabète
transmission à l’homme de zoonoses. de type I, voire également dans certains cas de type II.

Références
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Endocrinologie-Nutrition Transplantation pancréatique : indications, résultats et perspectives 10-366-M-20

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7
¶ 10-366-M-30

Thérapie cellulaire du diabète de type 1


De la recherche clinique à la réalité
quotidienne
M.-C. Vantyghem, J. Kerr-Conte, C. Noel, F. Pattou

Le diabète de type 1 résulte de la destruction des cellules β pancréatiques. Pendant près d’un siècle,
l’insulinothérapie en a constitué la seule thérapeutique. Depuis quelques années, d’autres alternatives
visant à préserver ou restaurer la fonction β insulaire ont émergé : greffe de pancréas entier, thérapie
cellulaire, anticorps antilymphocytes T (anti-CD3), cellules T régulatrices, rituximab (déplétion
lymphocytaire B), étanercept, etc. En thérapie cellulaire, le protocole dit « d’Edmonton » publié en 2000 a
permis d’obtenir 80 % d’insulino-indépendance avec hémoglobine A1c normale chez des diabétiques de
type 1, un an après greffe d’îlots isolée. Ce protocole repose sur la double optimisation de
l’immunosuppression (absence de corticoïdes, utilisation du sirolimus, faibles doses de tacrolimus) et du
greffon (injection intraportale itérative des cellules β provenant de deux à trois donneurs). Les résultats
obtenus sont similaires à ceux de la greffe de pancréas entier à un an. Deux indications ont été définies. La
greffe d’îlots isolée (sans greffe de rein) est proposée chez des patients présentant un diabète de
type 1 instable ou des hypoglycémies non ressenties, sans excès pondéral ni complications rénales
importantes. La thérapie cellulaire après greffe de rein s’adresse à des patients diabétiques de type 1,
récusés pour une double greffe rein-pancréas en raison de leur âge ou de complications
macroangiopathiques sévères, ou après échec de la greffe de pancréas, le greffon rénal restant
fonctionnel. En 2010, la thérapie cellulaire ne peut être pratiquée en France que dans le cadre d’essais
cliniques, à la différence d’autres pays où elle a acquis le même statut que la greffe de pancréas. Son
efficacité par rapport aux techniques les plus sophistiquées d’administration de l’insuline
(insulinothérapie optimisée, pompe implantable) a été démontrée en termes d’amélioration de l’équilibre
glycémique. Comme toute technique sophistiquée, la thérapie cellulaire comporte un risque d’effets
secondaires liés à la procédure d’injection et au traitement immunosuppresseur. Par ailleurs, le
pourcentage d’insulino-indépendance diminue progressivement, même si la majorité des patients greffés
garde un C-peptide décelable permettant d’améliorer l’équilibre glycémique. Il faut donc peser pour
chaque patient le rapport bénéfice-risque. Les facteurs de succès de la greffe doivent être identifiés avec
précision afin d’allonger la durée d’insulino-indépendance : masse cellulaire β, réaction inflammatoire
non spécifique, toxicité des immunosuppresseurs, réaction allo- ou auto-immune, stress oxydatif, etc. La
résolution de ces difficultés est l’enjeu de recherche clinique des dix prochaines années tandis que la
recherche fondamentale s’oriente vers des sources alternatives de cellules β.
© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Thérapie cellulaire ; Diabète de type 1 ; Greffe d’îlots

Plan ¶ Indications de la greffe 3


Diabète instable 3
¶ Introduction 2 Stratégie thérapeutique et indications de thérapie cellulaire 4
¶ Historique de la greffe d’îlots 2 ¶ Résultats 6
Autogreffe 2 Résultats des principaux essais cliniques publiés en greffe d’îlots
Allogreffe d’îlots pancréatiques après rein 2 isolée et greffe d’îlots après rein 6
Allogreffe isolée d’îlots pancréatiques 2 Complications 7
Conclusion 9
¶ Organisation générale d’une thérapie cellulaire 2
Du premier contact à l’inscription sur liste 2 ¶ Évolution et perspectives 9
Période péritransplantation 2 Recherche fondamentale en thérapie cellulaire 9
Suivi post-transplantation 3 Recherche clinique : facteurs pronostiques de la greffe d’îlots 10
¶ Traitements utilisés 3 ¶ Conclusion 11
Îlots 3
Traitement immunosuppresseur 3

Endocrinologie-Nutrition 1
10-366-M-30 ¶ Thérapie cellulaire du diabète de type 1 De la recherche clinique à la réalité quotidienne

■ Introduction la greffe d’îlots à Edmonton (Canada) chez des diabétiques de


type 1 non greffés d’un rein [7, 8]. Ce protocole a été reproduit
Le diabète de type 1 ou insulinoprive est lié à la destruction avec des succès divers en fonction de l’expérience des centres.
des cellules b. Il s’accompagne non seulement d’une disparition Compte tenu de la durée d’insulino-indépendance limitée dans
de l’insulinosécrétion, mais également de la fonction de glucose le temps et de la mise en évidence d’un certain nombre d’effets
sensing. secondaires, la question du rapport bénéfice-risque s’est posée.
La découverte de l’insuline, par Banting et Best en 1921, a Cependant, les données les plus récentes du Registre collaboratif
permis de pallier l’insulinosécrétion défaillante. Depuis lors, les international et des centres expérimentés font état d’une nette
moyens d’administration de l’insulinothérapie se sont améliorés amélioration des résultats à un terme moyen de 3 ans [10, 11].
grâce aux stylos injecteurs, aux pompes administrant de
l’insuline (par voie sous-cutanée ou intrapéritonéale), à l’auto-
surveillance glycémique et, plus récemment, aux capteurs de
glucose. Cependant, l’étude du Diabetes Control and Complica-
tions Trial (DCCT) [1-3] a montré que la prévention des compli- “ Point fort
cations microangiopathiques, qui passe par l’équilibre glycé-
mique le plus strict possible, s’accompagne d’une augmentation Deux indications de la greffe d’îlots ont été
de la fréquence des hypoglycémies sévères entravant la qualité définies :
de vie de la personne diabétique, et menaçant parfois son • la greffe d’îlots isolée (sans greffe de rein) chez des
pronostic vital [4] . Outre le niveau glycémique moyen, la patients présentant un diabète de type 1 instable ou des
variabilité glycémique participe à la survenue des complications hypoglycémies non ressenties, sans excès pondéral ni
du diabète [5].
complications rénales importantes ;
C’est pourquoi des alternatives thérapeutiques s’avèrent
• la greffe d’îlots après rein chez les patients diabétiques
nécessaires chez les patients présentant les plus grandes difficul-
tés d’adaptation. Celles-ci correspondent à une approche : de type 1, récusés pour une double greffe rein-pancréas en
• soit mécanique : pompe sous-cutanée ou implantable couplée raison de leur âge ou de complications macroangio-
à une autosurveillance glycémique en temps réel associée à pathiques sévères, ou après échec de celle-ci.
un éventuel logiciel d’adaptation des glycémies ;
• soit biologique : greffe de pancréas entier [6] ou transplanta-
tion d’îlots encore dénommée thérapie cellulaire [7-11].
Le but de cette mise au point sur la thérapie cellulaire du ■ Organisation générale
diabète est :
• d’en donner le principe, les indications et les résultats ;
d’une thérapie cellulaire
• d’en préciser les pistes de recherche. La thérapie cellulaire nécessite une prise en charge multidis-
ciplinaire assez lourde associant endocrinologue, néphrologue,
■ Historique de la greffe d’îlots chirurgien, radiologue, anesthésiste, unité d’isolement d’îlots,
Agence de la biomédecine, etc. En France jusqu’à maintenant,
le traitement n’est autorisé que dans le cadre de protocoles
L’histoire de la greffe d’îlots a débuté il y a près de 40 ans par
d’essais cliniques encadrés par l’Agence française de sécurité
des essais chez les rongeurs.
sanitaire des produits de santé (Afssaps), et qui diffèrent
essentiellement par le type d’immunosuppression et d’optimisa-
Autogreffe tion de l’implantation cellulaire. En dépit de ces différences, les
La procédure a ensuite été appliquée à des patients présentant grandes lignes de la procédure de greffe sont communes à la
des pancréatites chroniques hyperalgiques sous la forme plupart des protocoles et le but de ce chapitre est d’en préciser
d’autogreffes. Cette approche permettait de s’affranchir de les modalités.
l’immunosuppression tout en évitant une pancréatectomie
toujours délétère en termes d’équilibre glycémique sur ce Du premier contact à l’inscription sur liste
terrain. Le pourcentage d’insulino-indépendance était de 50 %
à 1 an. La première évaluation d’un patient diabétique de type 1 est
faite le plus souvent en consultation tandis qu’un document
d’information est remis au patient. Après un délai de réflexion
Allogreffe d’îlots pancréatiques après rein et si les principaux critères d’inclusion sont satisfaits, un bilan
Par la suite, des allogreffes d’îlots pancréatiques ont été prétransplantation est proposé afin de caractériser le diabète,
proposées chez des patients diabétiques de type 1 devant d’évaluer précisément les complications et d’écarter une cause
bénéficier d’une greffe de rein. L’immunosuppression de la d’hypoglycémie méconnue. L’inscription sur la liste d’attente de
greffe de rein (comportant le plus souvent du sérum antilym- l’Agence de la biomédecine est entreprise lorsque la synthèse du
phocytaire, des corticoïdes et de la ciclosporine) était alors mise bilan prégreffe est conforme aux critères d’inclusion et
à profit pour effectuer des greffes d’îlots simultanées à la greffe d’exclusion.
rénale. En dépit de la standardisation de l’isolement, il s’est
avéré très vite que les îlots provenant d’un seul donneur Période péritransplantation
n’étaient pas suffisants quantitativement pour espérer obtenir
une insulino-indépendance. Ceci a conduit à la transplantation Dès qu’un pancréas est disponible (ABO compatible et cross-
d’îlots cryopréservés, puis en raison de l’échec de cette techni- match négatif), le patient est prévenu. Son déplacement est requis
que, à la transplantation séquentielle d’îlots isolés de donneurs si le premier comptage des îlots est favorable. Le patient doit être
successifs après la greffe de rein. Le pourcentage d’insulino- prévenu qu’en cas d’évaluation insatisfaisante du produit final de
indépendance à 1 an avec HbA1c normale restait médiocre, de l’isolement, la greffe est annulée. Cette procédure ayant pour
l’ordre de 10 %. objectif de greffer les cellules dès la fin de l’isolement est
maintenant allégée par les possibilités de culture cellulaire.
Après sédation, l’injection des îlots peut s’effectuer par
Allogreffe isolée d’îlots pancréatiques ponction percutanée radiologique du tronc porte sous radiogui-
Finalement, seule une modification de l’immunosuppression dage par amplificateur de brillance. Les risques de cette techni-
caractérisée par l’abstention des corticoïdes, de petites doses de que ne sont pas négligeables (hématomes, ponction vésiculaire)
tacrolimus (inhibiteur des calcineurines) et un nouvel immuno- d’autant que les patients diabétiques sont souvent sous antia-
suppressur inhibiteur des mammalian target of rapamycine grégant plaquettaire. C’est la raison pour laquelle une technique
(mTOR), le sirolimus, a permis les premiers succès cliniques de chirurgicale mini-invasive peut être proposée après cathétérisme

2 Endocrinologie-Nutrition
Thérapie cellulaire du diabète de type 1 De la recherche clinique à la réalité quotidienne ¶ 10-366-M-30

chirurgical d’une veine iléale sous anesthésie générale. La mise Les îlots sont isolés selon une technique standardisée ayant
en place d’un cathéter est alors réalisée par une incision de type obtenu l’autorisation de l’Afssaps. Cette technique repose sur
MacBurney en chirurgie, avant chaque injection. une digestion enzymatique suivie de la purification en gradient
Les îlots sont injectés dans un volume de moins de 10 ml de densité à l’aide d’un séparateur de cellules réfrigéré (Cobe
sous contrôle de la pression portale qui ne doit pas excéder 2991) [14].
10 cm d’eau. La perméabilité de l’arbre mésentéricoporte est
contrôlée par échographie-Doppler couleur après chaque Évaluation des préparations insulaires
injection d’îlots. Les préparations insulaires pour chaque greffe excluent toutes
Après greffe, la perfusion glucosée et l’insulinothérapie les protéines d’origine animale, et sont évaluées sur les éléments
intraveineuse mises en place en péritransplantation sont suivants :
interrompues pour effectuer un relais par voie sous-cutanée • nombre d’îlots par isolement exprimé en nombre d’îlots
avant un sevrage progressif en fonction de l’autocontrôle équivalents total et par kilogramme de poids corporel du
glycémique. L’immunosuppression est parallèlement adaptée. receveur ;
• viabilité ;
Suivi post-transplantation • réponse à un test au glucose in vitro après 2 heures d’incu-
bation statique suivant 24 heures de culture ;
Après la première greffe et en attendant la seconde et éven- • évaluation de la pureté, en immunohistochimie (cellules
tuellement la troisième, le patient continue de surveiller ses endocrines et cellules b/cellules totales) ;
glycémies capillaires. Un examen clinique et des prélèvements • évaluation microbiologique des préparations documentée par
sanguins sont réalisés de façon hebdomadaire le premier mois. une coloration de Gram négative immédiatement avant greffe
Lorsqu’une deuxième ou une troisième greffe est achevée, le et par une culture.
suivi est réinitialisé comme à partir de la première greffe. Le
schéma des visites est donc le suivant : Modalités d’injections des îlots
• bilan prégreffe 1 à 12 mois avant l’inscription sur liste ; Elles varient selon les protocoles. Globalement, les prépara-
• suivi trimestriel du diabète dans l’intervalle ; tions contenant au moins 200 000 équivalents d’îlots (IEQ) de
• visite de réévaluation si la greffe n’a pas été réalisée 12 mois 150 µm de diamètre et/ou 3 500 IEQ/kg sont greffées par voie
après inscription sur liste ; intraportale. Dans le protocole de référence d’Edmonton,
• greffe ; chaque patient doit recevoir au moins 10 000 IEQ/kg, en une à
• suivi hebdomadaire le premier mois qui suit chaque greffe ; trois injections en 3 mois.
• suivi mensuel la première année ;
• suivi trimestriel par la suite. Traitement immunosuppresseur
Le suivi de greffe a pour but de prévenir le rejet et de Le traitement immunosuppresseur dit « protocole d’Edmon-
minimiser les effets secondaires de l’immunosuppression. Ce ton » ne contient pas de corticoïdes et comporte une induction
suivi nécessite notamment la réalisation régulière d’une par le daclizumab, le sirolimus et de petites doses de tacrolimus
numération-formule sanguine compte tenu de la fréquence des débutées le jour de la greffe. Le daclizumab, dont la commer-
neutropénies sous immunosuppresseurs, de la fonction rénale, cialisation a récemment été interrompue pour des raisons
du bilan hépatique, de la mesure des concentrations sanguines économiques, est remplacé par un autre anticorps antirécepteur
de sirolimus et de tacrolimus, du C-peptide, témoin de la de l’interleukine 2 (IL2), le basiliximab. Les concentrations
fonction des cellules b, et des anticorps anti-human leukocyte d’immunosuppresseur recommandées en fonction du temps
antigen (HLA) par une technique sensible. On ne dispose pas de figurent dans le Tableau 1.
marqueurs de rejet de greffe mais le suivi des anticorps anti- Des variantes de ce protocole ont été publiées dans la
glutamate acide décarboxylase (GAD), islet cell antibody (ICA) et littérature depuis 2000, sans qu’une amélioration significative
insulinoma-associated protein 2 (IA2) est utile. ne soit objectivée en termes de durée d’insulino-indépendance
avec HbA1c normale, sauf peut-être en ce qui concerne l’utilisa-
■ Traitements utilisés tion de l’étanercept. Ces variantes comportaient :
• l’utilisation d’un autre immunosuppresseur pour l’induction :
basiliximab, globuline antithymocytes, hOKT3 gamma-1 (Ala-
Îlots Ala), alemtuzumab ;
• l’association ou le remplacement du tacrolimus ou du
Préparations des îlots sirolimus par du mycophénolate, de l’évérolimus, de la
Les îlots sont isolés à partir de pancréas de donneurs en état ciclosporine, voire de l’azathioprine ;
de mort cérébrale. Les principes de traçabilité et d’anonymat • de la méthylprednisolone ou prednisone ;
sont respectés tout au long de cette procédure. • l’association à un « anti-inflammatoire » : étanercept, inflixi-
À noter que dans un unique cas, des îlots greffés ont été mab, immunoglobulines, efalizumab, etc.
isolés après hémipancréatectomie chez une mère pour sa fille
atteinte d’un diabète de type 1 [12]. Compte tenu de l’absence ■ Indications de la greffe
d’ischémie froide, le rendement de ce type d’isolement est en
général plus satisfaisant que pour des donneurs en état de mort Dans la plupart des protocoles, la thérapie cellulaire est
cérébrale. Cependant, 43 % des donneurs d’un hémipancréas en proposée dans le diabète instable. La définition en est difficile
bonne santé avant le don démasquent une hyperglycémie de et dépend des outils utilisés pour mesurer cette instabilité.
jeûne, une intolérance au glucose ou un diabète dans les années
qui suivent ce don [13]. Cette approche avec donneur vivant Diabète instable
s’avère donc délicate, même si elle est couramment pratiquée
aux États-Unis avant greffe d’un hémipancréas « entier ». Définition non standardisée
Les isolements peuvent également être réalisés à partir de Le diabète instable est une forme de diabète insulinodépen-
donneurs à cœur arrêté. dant associé à une variabilité glycémique telle qu’elle entraîne

Tableau 1.
Objectifs des concentrations sanguines d’immunosuppresseurs en fonction du temps écoulé depuis la greffe selon le protocole d’Edmonton.
Postpremière greffe Greffe 0 à 3 mois Greffe 3 à 12 mois Greffe > 12 mois
Sirolimus ng/ml 12-15 7-10 7
Tacrolimus ng/ml 3-5 3- 5 <3

Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-M-30 ¶ Thérapie cellulaire du diabète de type 1 De la recherche clinique à la réalité quotidienne

Tableau 2. Tableau 3.
Évaluation du diabète instable. Principaux facteurs d’instabilité.
Moyenne et déviation standard de la glycémie Malabsorption
Amplitude moyenne des plus grandes excursions glycémiques - Maladie cœliaque
(MAGE) : prend en compte la reproductibilité journalière (diabète : - Stéatorrhée
stable 20 à 60 mg/dl)
Médicaments et toxiques
Moyenne de la différence journalière (MODD) : reproductibilité d’un
- Abus d’alcool
jour à jour des glycémies (variations moyennes d’un sujet normal
- Antipsychotiques
10 mg/dl, d’un diabète stable 40 mg/dl, d’un diabète instable 160 mg/dl)
Dysautonomie
Index d’hypoglycémies : index de variabilité glycémique prenant plus
particulièrement en compte les valeurs basses (LBGI) ; intègre la - Gastroparésie
fréquence et la sévérité des hypoglycémies ; une valeur < 2,5 correspond - Absence de perception des hypoglycémies
à un risque faible d’hypoglycémie ; > 5 à un risque élevé Causes sous-cutanées
Hyposcore : prend en compte la fréquence, la sévérité, mais aussi - Défaut d’absorption d’insuline
l’absence de perception des hypoglycémies. Les sujets normaux ont 0,
- Dégradation accélérée
les diabètes stables environ 200, les diabètes instables avec de fréquentes
Défaut d’action des hormones de contre-régulation
et sévères hypoglycémies plus de 800
- Insuffisance surrénale
Enregistrement continu du glucose (continuous blood glucose monitoring
[CGMS®, Guardian®, etc.]) - Hypopituitarisme
Score de Clarke : questionnaire simple permettant d’évaluer le degré de Autoanticorps
perception des hypoglycémies - Anti-insuline
- Antirécepteur de l’insuline
Facteurs psychosociaux (74 %)

un retentissement sur la vie quotidienne. Sa définition demeure


clinique et une première évaluation inclut le nombre d’hospi-
talisations pour cétoacidose ou hypoglycémies ainsi que le
nombre d’hypoglycémies ayant entraîné un traumatisme ou
nécessité une aide extérieure pour la reconnaissance ou le
“ Point fort
traitement (resucrage, injection de glucagon, appel à une
ambulance). Cette définition « classique » comporte un certain Le diabète de type 1 instable doit faire l’objet d’un bilan
nombre d’éléments subjectifs et susceptibles de varier selon des étiologique rigoureux, notamment à la recherche d’une
facteurs humains et techniques en lien avec l’évolution de maladie cœliaque, d’une neuropathie végétative ou de
l’insulinothérapie et des modalités d’autosurveillance. Le diabète difficultés psychologiques. Il importe dans un premier
instable a un pronostic médiocre avec un risque accru de temps d’optimiser l’insulinothérapie. En cas d’échec, une
morbimortalité [15]. Cependant, on ne dispose d’aucune évalua- greffe d’îlots peut être proposée en cas d’hypoglycémies
tion récente de ces chiffres. non ressenties chez un patient de moins de 80 kg et/ou
Différents outils ont été proposés pour l’évaluation des avec des besoins en insuline inférieurs à 1 U/kg/j, sans
diabètes instables (Tableau 2) [16]. Le plus utile et le plus objectif complication rénale ni désir de grossesse chez les jeunes
en pratique est l’enregistrement continu ambulatoire de la femmes.
glycémie qui donne à la fois des informations quantitatives sur
la moyenne glycémique, sa variabilité (écart-type), le pourcen-
tage de temps passé en hypoglycémie, et qualitatives sur le
profil glycémique journalier et sa reproductibilité d’un jour à Deux types de protocoles sont en cours - dans le cadre
l’autre. L’évaluation de l’absence de perception des hypoglycé- d’essais cliniques - dans la plupart des centres :
mies reste cependant difficile à quantifier même si des scores
• la thérapie cellulaire après greffe de rein ;
reposant tout ou en partie sur l’interrogatoire ont été proposés
• la greffe d’îlots isolée (sans greffe de rein).
(Hyposcore, score de Clarke) [17].
Ceux-ci comportent des critères d’inclusion et d’exclusion
reposant sur le bon sens (Tableau 4). Les principaux sont, outre
Diagnostic étiologique d’une instabilité une valeur indétectable de C-peptide en base et après stimula-
Tout diabète instable doit conduire à un bilan étiologique [18, tion, l’absence d’évolutivité des complications, notamment sur
19].La gastroparésie et les facteurs psychosociaux sont des causes le plan rénal, le poids, les besoins en insuline et l’absence de
particulièrement fréquentes (Tableau 3). De plus, des hypogly- désir d’enfant [20, 21].
cémies répétées peuvent entraîner de discrètes altérations
cognitives, mais aussi une dysrégulation des hormones de Diabétique de type 1 greffé rénal
contre-régulation, notamment de la growth hormone (GH),
En néphrologie, la double greffe rein-pancréas reste le
renforçant l’instabilité, particulièrement à la puberté. L’associa-
traitement de référence chez les patients jeunes en insuffisance
tion à une maladie auto-immune telle qu’une maladie cœliaque
rénale sans complications cardiovasculaires majeures, et avec un
ou une insuffisance surrénale d’origine haute ou basse doit être
délai d’attente de greffon inférieur à 2 ans [22].
systématiquement recherchée.
Une greffe d’îlots après rein est en général proposée chez des
patients de moins de 80 kg âgés de plus de 45 ans et/ou ayant
Stratégie thérapeutique et indications des complications macroangiopathiques sévères ayant entraîné
de thérapie cellulaire leur récusation pour la double greffe rein-pancréas. Les échecs
de greffe de pancréas, le plus souvent par thrombose du greffon
pancréatique avec greffe rénale fonctionnelle, constituent
Stratégie générale
également une indication.
Les stratégies thérapeutiques du diabète instable requièrent de Si l’indication d’une greffe d’îlots est retenue, elle peut être
traiter une éventuelle cause organique d’instabilité, puis réalisée simultanément ou après greffe de rein avec des objectifs
d’optimiser l’insulinothérapie standard en utilisant une pompe souvent un peu différents. La greffe d’îlots simultanément à la
sous-cutanée d’insuline tout en tenant compte des souhaits des greffe de rein ne permet pas le plus souvent de s’affranchir de
patients. toute corticothérapie et a pour but d’améliorer l’équilibre

4 Endocrinologie-Nutrition
Thérapie cellulaire du diabète de type 1 De la recherche clinique à la réalité quotidienne ¶ 10-366-M-30

Tableau 4. Tableau 5.
Critères d’inclusion et d’exclusion habituellement retenus en vue d’une Comparaison des effets secondaires de la greffe d’îlots et d’une pompe
thérapie cellulaire du diabète de type 1. implantable (d’après [12]).
Critères d’inclusion Année post-transplantation 1 3
Âge compris entre 18 et 65 ans ou implantation
Diabète de type 1 depuis au moins 5 ans Traitement Pompe Greffe Pompe Greffe
L’un au moins des critères suivants : Nombre d’effets 1,2 5,2 0,3 1,2
- absence de perception des hypoglycémies : glycémie < 3 mmol/l secondaires/an/patient
ou 0,54 g/l
- hypoglycémie grave ayant nécessité l’assistance d’un tiers
- instabilité métabolique caractérisée par l’alternance Diabétique de type 1 non greffé rénal [20, 21]
d’hypoglycémie et d’hyperglycémie associée à l’échec d’une Chez un patient diabétique de type 1 vigilant qui reste
insulinothérapie optimisée insuffisamment équilibré alors qu’il bénéficie d’une insulino-
thérapie optimisée en multi-injections ou de préférence en
Critères d’exclusion
pompe sous-cutanée, différents choix sont possibles : une
Intoxication alcoolique ou tabagique pompe implantable éventuellement couplée à une mesure du
Pathologie psychiatrique majeure glucose en continu, une greffe d’îlots, voire une greffe de
Antécédents de non-adhésion à un traitement pancréas isolée [24].
Incapacité à donner un consentement éclairé Les indications de la pompe ont été précisées par le groupe
de travail EVADIAC : patients diabétiques de type 1, insuffisam-
Infections actives incluant l’hépatite C ou le VIH ment contrôlés en dépit d’une autosurveillance et d’une bonne
adaptation des doses d’insuline, en raison d’une absorption
Antécédents de cancer sauf certains cancers cutanés notamment aléatoire de l’insuline, d’hypoglycémies non ressenties ou
basocellulaires à moins qu’un avis oncologique indépendant ait donné
d’alternances d’hypo- et d’hyperglycémies en rapport avec un
un avis favorable
diabète instable altérant la qualité de vie. L’âge et l’indice de
Hémorragie occulte dans les selles masse corporelle (IMC) ne sont pas des critères d’exclusion.
Les indications de la greffe d’îlots sont sensiblement les
BMI > 30 ou poids > 80 kg
mêmes, avec des contraintes d’âge, d’IMC et d’absence de
Réponse du C-peptide après stimulation à plus de 0,3 ng/ml complications néphrologiques liées à la toxicité rénale poten-
Besoins en insuline > 1,2 U/kg/j tielle du traitement immunosuppresseur. Un certain nombre
HbA1C > 12 % d’études comparatives récemment publiées permet de préciser le
rapport bénéfices-risques de la greffe d’îlots par rapport à une
Macroangiopathie évolutive : cardiopathie concomitante sévère insulinothérapie optimisée.
notamment infarctus du myocarde ou accident vasculaire cérébral
datant de moins de 6 mois, coronaropathie évolutive, ischémie Comparaison insulinothérapie optimisée-greffe d’îlots
myocardique lors d’un test fonctionnel, artérite évolutive
Dans une étude de cohorte prospective croisée chez des
Hyperlipidémie ou hypertension non contrôlées patients recevant au moins 12 000 IEQ/kg sous une immuno-
Clairance de la créatinine < 60 ml/min/m2 ou albuminurie > 300 mg/24 h suppression comportant du sérum antilymphocytaire, du
Rétinopathie évolutive tacrolimus et du mycophénolate [25] , Warnock et al. ont
comparé l’évolution de l’HbA1c, du débit de filtration gloméru-
Taux d’hémoglobine < 11 g/dl chez la femme et 12 g/dl chez l’homme laire, de la rétinopathie et de la neuropathie 3 ans après
Anomalie de la numération-formule sanguine à type de neutro- ou de traitement intensif (n = 42) ou transplantation insulaire
thrombopénie (n = 31). L’HbA1c était significativement meilleure 3 ans après
la transplantation avec une décroissance plus lente du débit de
Présence de lithiase ou d’hémangiome hépatique sur l’échographie filtration glomérulaire par rapport au groupe traité intensive-
abdominale standard
ment et une occurrence moindre d’événements oculaires.
Perturbations hépatiques : phosphatases alcalines, gamma-GT et
transaminases > 3 fois la normale Comparaison pompe implantable-greffe d’îlots [11]
Dans une étude non randomisée utilisant un groupe témoin
Test de grossesse positif, désir de grossesse, incapacité à suivre une
historique, la moyenne des besoins quotidiens en insuline,
contraception efficace ou allaitement maternel
d’HbA1c, de glycémies, et de fréquence des hypoglycémies était
VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; BMI : body mass index ; gamma-GT : significativement meilleure 3 ans après greffe d’îlots comparati-
gamma-glutamyl-transpeptidase.
vement au groupe traité par pompe. Néanmoins, ces effets
métaboliques plus favorables après transplantation insulaire
étaient obtenus au prix d’un nombre d’effets secondaires quatre
glycémique sans nécessairement rechercher l’insulino-indé- fois plus fréquent dans le groupe transplanté par rapport au
pendance. La greffe d’îlots après greffe de rein peut s’effectuer groupe traité par pompe (Tableau 5). La fréquence de ces
après sevrage progressif en corticoïdes (ce qui sous-entend événements diminuait avec le temps, mais restait plus élevée
l’absence d’épisodes de rejet), dans les 6 mois-1 an qui suivent dans le groupe transplanté, en particulier en raison du traite-
la greffe rénale. Par ailleurs, la fonction rénale doit être stable ment immunosuppresseur. Toutefois, aucun décès, aucune
de même que les autres complications du diabète [11, 20]. thrombose, aucune perte de greffon rénal n’ont été constatés
dans cette étude.
Un travail récent a comparé les résultats, 3 ans après greffe,
d’un groupe de 13 patients ayant reçu une greffe d’îlots après Comparaison greffe de pancréas entier isolée-greffe d’îlots
rein et de 25 patients ayant reçu une double transplantation seuls [22, 24]
rein-pancréas. Les moyennes d’HbA1c n’étaient pas différentes La greffe de pancréas isolée n’est jusqu’à maintenant que
entre les deux groupes, en dépit d’une fréquence d’insulino- rarement proposée chez un patient diabétique de type 1 non
indépendance plus importante (96 % versus 31 %) dans le greffé rénal du fait de la morbimortalité non négligeable du
groupe double greffe rein/pancréas par rapport à la greffe d’îlots geste.
couplée à la greffe de rein. Les fonctions rénales demeuraient Si l’on compare aujourd’hui la survie à 1 an d’une greffe de
identiques, mais la double greffe rein-pancréas s’accompagnait pancréas entier isolée (69 %) à la survie des îlots à 1 an (80 %
d’un taux significativement plus élevé d’effets secondaires sous dans le groupe d’Edmonton), les résultats sont plutôt en faveur
la forme de 40 % de reprises de laparotomie [23]. de la thérapie cellulaire du diabète. Toutefois, si la survie de

Endocrinologie-Nutrition 5
10-366-M-30 ¶ Thérapie cellulaire du diabète de type 1 De la recherche clinique à la réalité quotidienne

l’organe ou des cellules est évaluée à 5 ans, elle diminue à 70 % secondaires à moyen terme d’une pompe couplée à un capteur
pour la greffe simultanée rein-pancréas, 45 % pour la greffe de de glucose, de la greffe de pancréas isolée et de la thérapie
pancréas après rein ou de pancréas isolé, 82 % pour la thérapie cellulaire. C’est la raison pour laquelle les indications proposées
cellulaire avec un taux d’insulino-indépendance de seulement ici ne sont pas des recommandations définitives mais des
10 %. propositions qui évolueront en fonction des progrès techniques.
Ce pronostic à long terme, moins bon en termes de thérapie
cellulaire du diabète, est contrebalancé par une survie du
patient qui varie de 95 % à 97 % à 1 an pour la greffe de
pancréas versus 99 % pour la greffe d’îlots avec des chiffres ■ Résultats
passant de 89 % à 91 % à 5 ans pour la greffe d’organe, ce qui
Une synthèse des résultats de la greffe d’îlots peut être
correspond à une survie du patient moins bonne en greffe
consultée sur le site du Collaborative Islet Transplant Registry
d’organe qu’en greffe d’îlots.
(CITR) soutenu entre autres par le National Institute of Health
Coût de la greffe d’îlots (NIH) et la Juvenile Diabetes Research Foundation (JDRF). Entre
Enfin, le coût de la greffe d’îlots est probablement deux fois 1999 et 2007, 279 greffes d’îlots seuls et 46 greffes d’îlots après
celui d’une pompe implantable si l’on prend en compte les frais rein ont été répertoriées dans ce registre. Le pourcentage
inhérents à la mise en place d’un laboratoire d’isolement d’une d’insulino-indépendance à 1 an est de 60 % et à 2 ans de 35 %
part, et des effets secondaires d’autre part. Néanmoins, ce toutes équipes confondues. L’un des inconvénients de ce
surcoût devrait diminuer avec l’amélioration du rendement des registre est le nombre de perdus de vue qui atteint 20 % à 3 ans
isolements. Par ailleurs, la maîtrise de la réaction inflammatoire (Fig. 1 à 3) [10].
initiale qui entraîne probablement une perte importante de la
masse de cellules greffées devrait conduire à une réduction du
nombre de pancréas nécessaire pour obtenir une insulino-
Résultats des principaux essais cliniques
indépendance prolongée [11, 26]. publiés en greffe d’îlots isolée [8, 29-36]
et greffe d’îlots après rein [23, 37-39]
Patient mucoviscidosique diabétique
insulinoprive devant bénéficier d’une Ces résultats (Tableaux 6, 7), très variables selon les équipes,
transplantation notamment pulmonaire ont conduit à une réflexion stratégique sur les objectifs de la
thérapie cellulaire du diabète. Certains préconisent une thérapie
Le diabète de la mucoviscidose est une forme de diabète, le cellulaire ne visant pas l’insulino-indépendance, mais simple-
plus souvent non insulinoprive, qui atteint globalement 10 % ment la normalisation de l’équilibre glycémique et la disparition
des patients mucoviscidosiques et dont la fréquence s’accroît des hypoglycémies [37].
avec l’âge. L’équilibre glycémique est considéré comme un
élément clé de la thérapeutique en association avec le contrôle
de la dénutrition. En effet, une détérioration de ces deux
paramètres s’associe à une diminution des capacités respiratoi-
60
res. Un faible nombre de patients souffrant d’une mucoviscidose
présente un diabète insulinoprive, le plus souvent particulière- 50
ment instable compte tenu des épisodes infectieux et de
décompensations respiratoires [27]. 40
Dans ces situations, certains auteurs ont proposé une trans- 30
plantation combinée ou parfois secondaire d’îlots associée à une
transplantation pulmonaire comme cela a déjà été pratiqué par 20
trois équipes depuis 1996 chez moins d’une dizaine de patients 10
dont deux récemment greffés à Strasbourg par voie percutanée
simultanément à la greffe pulmonaire [28] . Les résultats, en 0
général donnés à moyen terme (2 ans), s’avèrent favorables en
6 mois 1 an 2 ans 3 ans
termes d’équilibre du diabète mais non d’insulino-indépendance.
n = 269 n = 260 n = 220 n = 160
La réalisation d’une telle greffe d’îlots nécessite la coopération
d’un centre d’isolement d’îlots et d’une équipe de greffe Insulino-indépendants
pulmonaire. Insulinodépendants avec C-peptide détectable
Le principe est le même qu’une transplantation d’îlots après Insulinodépendants avec C-peptide indétectable
rein. La différence réside dans l’objectif qui n’est pas d’obtenir Perdus de vue A
une insulino-indépendance mais une normalisation de l’HbA1c
60
sans hypoglycémie. En effet, compte tenu du caractère vital de
la greffe pulmonaire, le traitement immunosuppresseur qu’elle 50
nécessite ne peut en général pas être modifié (maintien d’une
corticothérapie, absence d’utilisation systématique des inhibi- 40
teurs du mTOR). 30
Étant donné le petit nombre de patients greffés le plus
souvent dans une prise en charge à visée compassionnelle, la 20
meilleure technique (greffe combinée ou secondaire, séquen-
10
tielle ou non, par voie radiologique ou chirurgicale) et le
rapport bénéfice-risque de ce type de greffe restent mal évalués. 0
Conclusion 6 mois 1 an 2 ans 3 ans
Le diabète de type 1 instable doit faire l’objet d’un bilan n = 44 n = 40 n = 35 n = 31
étiologique rigoureux, notamment à la recherche d’une maladie Insulino-indépendants
cœliaque, d’une neuropathie végétative ou de difficultés Insulinodépendants avec C-peptide détectable
psychologiques. Il importe dans un premier temps d’optimiser Insulinodépendants avec C-peptide indétectable
l’insulinothérapie. En cas d’échec, une greffe d’îlots peut être Perdus de vue B
proposée en cas d’hypoglycémies non ressenties chez un patient
Figure 1. Pourcentage de patients insulino-indépendants après greffe
de moins de 80 kg et/ou avec des besoins en insuline inférieurs
d’îlots seule (A) et greffe d’îlots après rein (B) d’après le Registre collabo-
à 1 U/kg/j, sans complication rénale. Nous ne disposons pas
ratif international.
actuellement de travaux comparant les résultats et les effets

6 Endocrinologie-Nutrition
Thérapie cellulaire du diabète de type 1 De la recherche clinique à la réalité quotidienne ¶ 10-366-M-30

70 80

60 70

60
50
50
40 40

30 30

20
20
10
10
0
Avant 6 mois 1 an 2 ans 3 ans
0 infusion 1 n = 269 n = 260 n = 220 n = 160
0 3 6 9 12 15 18 21 24 27 30 33 36
n = 279
Mois après la dernière infusion
HbA1C < 6,5 %
Mois 0 6 12 18 24 30 36
HbA1C comprise entre 6,5 % et 7 %
Nombre 279 269 260 245 220 194 160
HbA1C > 7 %
attendu
Données manquantes chez les receveurs en échec de greffe
Autres données manquantes A
Figure 2. Pourcentages moyen (bleu) et extrêmes bas (rouge) et haut
(vert) de patients insulino-indépendants avec HbA1c normale en fonction 80
du temps en mois après greffe d’îlots seule d’après le Registre collaboratif
international. 70

60

50
D’autres équipes prônent au contraire la transplantation
d’une masse cellulaire suffisamment importante pour obtenir 40
une insulino-indépendance dont dépend en partie l’améliora-
tion de la qualité de vie [36]. 30
La première attitude « minimaliste » quant aux attentes vis- 20
à-vis de la greffe d’îlots ne tient pas compte de la dysfonction
du greffon générée par une masse insulaire insuffisante, qui 10
peut rendre l’équilibre glycémique difficile à obtenir.
0
Avant 6 mois 1 an 2 ans 3 ans
Complications infusion 1 n = 44 n = 40 n = 35 n = 31
n = 46
Complications générales HbA1C < 6,5 %
Dans le registre international des greffes (CITR 2007), le HbA1C comprise entre 6,5 % et 7 %
nombre d’effets secondaires sérieux était de 40 %, 43 % étant HbA1C > 7 %
liés à l’infusion et 47 % à l’immunosuppression ; 92 % des Données manquantes chez les receveurs en échec de greffe
patients ont vu leurs effets secondaires se résoudre sans séquelle. Autres données manquantes B
Le nombre d’effets secondaires liés à la procédure d’infusion est Figure 3. Qualité de l’équilibre glycémique après greffe d’îlots seule (A)
de 0,71 événements/personne-an la première année, et de 0,87 et greffe d’îlots après rein (B) d’après le Registre collaboratif international.
événements/personne-an pour les effets secondaires liés à
l’immunosuppression, les deux décroissant à moins de 0,21 par
la suite. Fonction rénale
Finalement, les principales complications de la greffe sont
représentées d’une part par celles souvent majeures liées à la Les premiers travaux évaluant le rapport bénéfices-risques de
procédure radiologique, d’autre part par celles, plus souvent la thérapie cellulaire du diabète à moyen terme (4 ans) sur un
mineures, liées au traitement immunosuppresseur [40] . Les groupe de 41 patients font état d’un risque d’aggravation de la
fonction rénale, en particulier après greffe d’îlots isolée, dans
complications liées à la procédure sont des hématomes ou
une étude qui ne comportait toutefois pas de groupe témoin et
hémorragies (15 % des cas), la ponction vésiculaire (4 % des
n’utilisait pas une méthode de référence (perte moyenne de
cas), la thrombose de la veine porte, gravissime mais heureuse-
clairance de la créatinine évaluée à -0,39 ml/min/mois/1,73m2).
ment rare (moins de 2 % des cas). L’utilisation d’une technique
La microalbuminurie a progressé chez dix patients, a régressé
chirurgicale permet de minimiser le risque de complications chez un autre. Les facteurs de risque d’aggravation de la
liées à la procédure et susceptibles de mettre en jeu le pronostic fonction rénale étaient une longue durée de la maladie avant
vital. Les effets secondaires liés au traitement immunosuppres- greffe, le sexe féminin et des antécédents de rétinopathie traitée
seur sont fréquents : aphtose buccale sous sirolimus, en particu- par laser témoignant probablement de complications microan-
lier les 3 premiers mois, diarrhées, anémie, leucopénie, kystes giopathiques préexistantes [44]. Toutefois, les données de la
ovariens chez les femmes non ménopausées. Le risque de littérature semblent montrer une détérioration similaire sous
décompensation d’une affection préexistante tel qu’une dyslipi- insulinothérapie [45].
démie, une hypertension artérielle, de survenue d’une infection Le groupe de Warnock [46] a comparé prospectivement un
opportuniste et de cancers cutanés sous immunosuppresseurs groupe de 21 patients transplantés à un groupe de diabétiques
justifie une surveillance étroite. de type 1 traités médicalement par une technique de référence,
Ces complications ont conduit à une réflexion sur le rapport la filtration glomérulaire mesurée par la technique au
bénéfices-risques [41-43]. Tc-diéthylène triamine penta-acétate associée à la clairance de la

Endocrinologie-Nutrition 7
10-366-M-30 ¶ Thérapie cellulaire du diabète de type 1 De la recherche clinique à la réalité quotidienne

Tableau 6.
Résultats des principales études de la littérature en greffe d’îlots seule.
Nombre Immunosuppression Résultats
de patients
Edmonton [8] 7 Edmonton 80 % à 1 an
Shapiro, 2000 10 % à 5 ans

Minneapolis [29] 8 Induction : ATG, daclizumab et étanercept Insulino-indépendance dans 100 % des cas dont 5/8 >
Hering, 2005 Maintenance : MMF, sirolimus ± petite dose de 1 an
tacrolimus
Une seule infusion 7 000 IEQ/kg

Islet Transplantation 36 Edmonton À 1 an :


Network [30] - 44 % II avec HbA1c < 6,5 %
Shapiro, 2006 - 28 % de fonction partielle
à 2 ans : II 5/36 + HbA1c < 6,5 %

GRAGIL 2 (Besançon, 10 Daclizumab, sirolimus, tacrolimus À 1 an : 3/10 II + HbA1c < 6,5 %


Genève, Grenoble, Lyon, 50 % de succès en score composite Diacell
Montpellier,
Strasbourg) [31]

Miami [32] 3 gr 1 vs Gr 1 : alemtuzumab à 2 ans : II 2/3 gr 1 et 6/16 gr 2


Froud, 2008 16 gr 2 Sirolimus-tacrolimus 3 mois puis sirolimus–MMF vs HbA1c : 5,4 ± 0,15 gr 1 vs 6,3 ± 0,12 gr 2
gr 2 : Edmonton

Chicago [33] 10 Gr 1 : Edmonton (n = 4 ; 2 ou 3 greffes) vs Évaluation 15 mois postgreffe


Gangemi, 2008 gr 2 Edmonton + étanercept + exénatide Tous ont été II ; 2 du gr 2 ont repris l’insuline
(n = 6 ; 1 greffe) HbA1c :
gr 1 pré : 6,5 ± 0,6 vs post : 5,6 ± 0,5
gr 2 pré : 7,8 ± 1,1 vs post : 5,8 ± 0,3
Amélioration significative de l’Hyposcore

Bruxelles [34] 21 ATG, tacrolimus, MMF II 13/21


Huurman, 2008

Minneapolis [35] 6 Induction : ATG, étanercept 1 an : II 5/6


Bellin, 2008 Maintenance 1re année : ciclosporine, MMF, à 3 ans : II 4/6
évérolimus
2e année : arrêt d’évérolimus
1 ou 2 infusions

Lille [36] 14 Edmonton 1 an : 71 % II + HbA1c < 6,5 %


Vantyghem , 2009 2 ans : 57 % II + HbA1c < 6,5 %

CITR [10] 279 Divers 1 an :


Alejandro, 2008 - II 50 %
- 50 % d’HbA1c normale
3 ans : II 23 %
C-peptide positif mais ID 29 %
Perte de fonction : 26 %
Perte de suivi : 22 %
ATG : antithymocyte globuline ; gr : groupe ; II : insulino-indépendance ; MMF : mycophénolate mofétil ; ID : insulinodépendant ; vs : versus.

la protéinurie sous immunosuppresseur, la clairance de la

“ Point fort
créatinine tendait également à diminuer.
Enfin, le travail de Toso met en évidence un risque de perte
de greffon rénal ou de rejet aigu, probablement lié à une
Comme toute technique sophistiquée, la thérapie immunoconversion trop soudaine en greffe d’îlots après
cellulaire comporte un risque d’effets secondaires liés à la rein [38].
procédure d’injection et au traitement immuno- Hypersensibilisation
suppresseur.
L’apparition d’anticorps anti-HLA vis-à-vis du donneur peut
témoigner d’un rejet d’allogreffe [47] mais également d’une
hypersensibilisation à l’arrêt des immunosuppresseurs [48-50].
créatinine estimée et à l’évolution de l’albuminurie. Aucune Toutefois, le risque éventuel pour une future transplantation
différence n’était constatée entre les groupes. La valeur de perte reste à préciser, ainsi que la signification précise de certains
moyenne de clairance (-0,3 ml/min/mois/1,73m2) ne différait anticorps détectés par technique dite « sensible », par rapport à
pas de celle de la population générale. la technique « classique » de dosage par microlymphotoxicité.
En matière de greffe de pancréas entier, si on a pu objectiver La présence d’anticorps anti-HLA avant transplantation serait
une amélioration des lésions histologiques et une diminution de associée à une réduction de la durée de vie de la greffe d’îlots.

8 Endocrinologie-Nutrition
Thérapie cellulaire du diabète de type 1 De la recherche clinique à la réalité quotidienne ¶ 10-366-M-30

Tableau 7.
Résultats des études de la littérature en greffe d’îlots après rein.
Nombre Immunosuppression Résultats Commentaires
de patients
Zurich [37] 9 Edmonton - 1 non-fonction primaire Greffe simultanée
Lehmann, 2004 - II 5/6 ≥ 2 greffes Suivi moyen : 2,3 ans
HbA1c pré : 8,7 ± 1,9 vs 6,2 ± 0,9 %

Zurich [23] 13 Comparaison de 13 greffes rein- - 2 non-fonction primaire dans gr rein-îlots Fréquence accrue d’effets secondaires
Gerber, 2008 îlots et 25 rein-pancréas entier - pas de différence en termes d’HbA1c sérieux (relaparotomies) dans le groupe
simultanées (6,3 % vs 5,9 %) et de fonction rénale sur rein-pancréas (40 %) vs rein-îlots (0 %)
les 41 mois de suivi
II à 1 an 31 % (rein-îlots) vs 96 % (rein-
pancréas)

GRAGIL [38] 8 Edmonton introduit le jour de la II 71 % à 1 an (5/7), et après 2 ans de suivi Six effets secondaires sévères dont la perte
Toso, 2006 greffe moyen d’un rein et un rejet rénal réversible

Miami [39] 7 II 30 % Immunoconversion vers


Cure, 2008 C-peptide > 0 : 86 % sirolimus/tacrolimus 6 mois après la greffe
rénale
Amélioration de l’HbA1c de 1,95 ± 0,3 %
Fonction rénale stable chez 6/7 patients
Disparition des hypoglycémies

Lille 11 Edmonton II avec HbA1c < 6,5 % à 1 an Aucun événement rénal majeur
Vantyghem, 2009 Immunoconversion progressive 54 % (72 % si HbA1c < 7 %)

CITR [10] 46 dont Divers II à 1 an 30 % ; à 3 ans 5 %


11 patients HbA1c < 6,5 à 1 an 50 % ; à 3 ans 20 %
lillois
ATG : antithymocyte globuline ; gr : groupe ; II : insulino-indépendance ; MMF : mycophénolate mofétil ; vs : versus.

Qualité de vie complications rétinopathiques et sur l’amélioration de la


neuropathie. Il faut néanmoins attendre des études complé-
Plusieurs équipes ont montré une amélioration de la qualité
mentaires dans ce domaine, tout particulièrement en termes de
de vie liée à la disparition des hypoglycémies et de la crainte
néphropathie et d’hyperimmunisation.
qu’elles engendrent compte tenu de la mise en jeu potentielle
du pronostic vital [51-53] . Les complications antérieures du Finalement, ces résultats mettent l’accent sur le rôle crucial
diabète liées à une longue durée d’évolution et les effets du rétablissement d’une fonction « sensibilité au glucose » par
secondaires de la greffe ont un impact défavorable sur cette le biais de la thérapie cellulaire, apportant une supériorité
qualité de vie, en particulier lorsque l’insulino-indépendance ne jusqu’ici inégalée comparativement aux approches techno-
peut être atteinte. logiques.

Complications du diabète
Des travaux récents ont montré une amélioration de la ■ Évolution et perspectives
neuropathie [54] et de la rétinopathie [55] mais ces résultats
doivent être confirmés sur de plus grandes séries. La thérapie cellulaire du diabète a fait aujourd’hui la preuve
de son efficacité similaire à 1 an à la greffe de pancréas pour
Conclusion une morbimortalité moindre.
Les enjeux actuels de la recherche en thérapie cellulaire sont :
En définitive, en 2009, la transplantation insulaire permet
• sur le plan fondamental, de disposer d’une source de cellules
d’obtenir un taux d’insulino-indépendance avec HbA1c < 6,5 %
illimitée et non immunogène ;
variant entre :
• 50 % et 80 % 1 an après la greffe ; • sur le plan clinique, de prolonger leur survie chez le receveur
• 30 % et 60 % 2 ans après la greffe. et donc d’identifier les facteurs exogènes ou endogènes
D’après le CITR, les facteurs influençant favorablement le susceptibles d’expliquer la dysfonction du greffon cellulaire à
pronostic de la greffe sont le nombre d’infusions et d’îlots long terme.
équivalents transplantés élevé, un niveau d’HbA1c prétransplan-
tation plus bas, un centre d’isolement associé au centre de
transplantation ainsi que l’utilisation de daclizumab et d’éta-
Recherche fondamentale en thérapie
nercept (un anti-tumor necrosis factor alpha [TNF-a]) à cellulaire
l’induction.
Même si la greffe d’îlots offrait des résultats identiques à la
La transplantation insulaire permet d’obtenir un contrôle
métabolique plus satisfaisant que la pompe implantable ou que greffe de pancréas, son application à une large population de
l’insulinothérapie optimisée au prix d’effets secondaires plus diabétiques de type 1 serait limitée par la pénurie de donneurs
nombreux. et les effets secondaires des immunosuppresseurs.
Les résultats à 1 an sont similaires entre la greffe d’îlots et la C’est la raison pour laquelle la recherche fondamentale
greffe de pancréas même si la greffe de pancréas permet s’oriente aujourd’hui vers des sources alternatives de cellules b :
d’obtenir une insulino-indépendance plus prolongée au prix là la xénogreffe, abandonnée du fait de la possible transmission
encore d’effets secondaires plus nombreux, en particulier un d’agents infectieux, les lignées cellulaires continues insulino-
risque de mortalité évalué à 2 % à 1 an. sécrétrices dont la régulation à long terme reste hypothétique,
Par ailleurs, différents travaux suggèrent des effets favorables et plus récemment la néogenèse des cellules b in vitro et la
de la greffe d’îlots pancréatiques sur la survenue de nouvelles régénération des cellules b in vivo [56-60].

Endocrinologie-Nutrition 9
10-366-M-30 ¶ Thérapie cellulaire du diabète de type 1 De la recherche clinique à la réalité quotidienne

Néogenèse des cellules b in vitro à partir Tableau 8.


Détermination du b-score (d’après [64]).
de cellules souches
La néogenèse des cellules b a ainsi été tentée chez la souris Composants Score 2 Score 1 Score 0
et chez l’homme à partir de cellules souches embryonnaires ou Glycémie à jeun (mmol/l) ≤ 5,5 5,6–6,9 ≥ 7,0
de cellules souches somatiques adultes pancréatiques (cellules
progénitrices insulaires, canalaires ou acinaires), ou extrapan- HbA1c (%) ≤ 6,1 6,2–6,9 ≥ 7,0
créatiques (cellules du foie, de la rate, de la moelle osseuse et du
cordon ombilical). Après expansion et différenciation, la Besoins quotidiens en insuline (U/kg) 0,01–0,24 ≥ 0,25
production d’insuline et la réduction de l’hyperglycémie étaient
Ou prise d’antidiabétiques oraux (ADO) - et /ou ADO
observées après transplantation chez l’animal diabétique.
Cependant, dans les deux cas, la production d’insuline restait C-peptide stimulé (nmol/l) ≥ 0,3 a 0,1–0,29 < 0,1 b
insuffisante, la réponse au glucose imparfaite, les cellules a
Si le C-peptide à jeun est ≥ 0,3 nmol/l, on présume que le C-peptide stimulé est
néonatales parvenant rarement à l’état de cellules matures si ≥ 0,3 nmol/l.
bien que le transfert en clinique n’est pas encore d’actualité, b
Si le C-peptide à jeun est < 0,1 nmol/l, le b-score est à 0.
même si cette voie de recherche fondamentale est très active.

Régénération des cellules b in vivo La moyenne glycémique, l’amplitude des variations glycémi-
ques et le pourcentage de temps passé en hypoglycémie sur un
La masse de cellules b postnatales est capable de s’accroître en
enregistrement continu de la glycémie sont des outils objectifs.
réponse à l’insulinorésistance, à l’obésité, à la grossesse ou à un
Le b-score est un score composite qui repose sur la glycémie
traumatisme. De plus, la réduction de l’auto-immunité dans des
à jeun, l’HbA1c, la valeur stimulée du C-peptide sanguin et
modèles de diabète de type 1 chez la souris démasque une
l’absence d’insuline ou d’antidiabétiques oraux (Tableau 8). Le
capacité de restauration endogène des cellules b. La contribution
score maximum de 8 (2 points par item) témoigne d’une
relative de la prolifération cellulaire, de l’apoptose et de la
fonction b cellulaire excellente et d’une insulino-indépendance
différenciation à partir d’un pool de cellules précurseurs encore
avec HbA1c normale. Un score de 0 témoigne de la perte du
inconnu fait l’objet de nombreuses recherches d’autant qu’il
greffon [64]. Un score supérieur à 6, 1 mois après la dernière
semble que les cellules b soient capables de se répliquer plutôt
greffe, semble constituer un facteur de bon pronostic à long
que de se différencier, peut-être en raison d’une plasticité
terme [36].
latente. La commercialisation des agonistes du glucagon like
Le score Diacell est également un score composite de succès
peptide 1 (GLP1) et les techniques d’imagerie in vivo des cellules
reposant sur le C-peptide, basal, l’HbA1c, le nombre d’hypogly-
b ouvrent des perspectives quant à la stimulation et au suivi de
cémies et les besoins en insuline exogène [31].
la masse de cellules insulinosécrétrices.
Aucun test dynamique (hyperglycémie provoquée par voie
Nous n’aborderons pas ici les techniques de préservation des
orale ou veineuse, test à l’arginine, test au glucagon, clamp
cellules b résiduelles à la phase initiale de la découverte d’un
hyperglycémique, repas mixte) n’a fait la preuve de sa supério-
diabète de type 1.
rité par rapport aux paramètres de base [65, 66].
Des techniques d’imagerie de la masse fonctionnelle des
Recherche clinique : facteurs pronostiques cellules b in vivo (résonance magnétique nucléaire, tomographie
de la greffe d’îlots par émission de positons, scintigraphies, etc.) sont en cours de
Les facteurs pronostiques de la greffe d’îlots demeurent mal développement clinique [67, 68].
connus.
Certains facteurs tiennent au donneur, d’autres à la technique Paramètres liés au receveur
d’isolement et à l’expérience du centre. Masse cellulaire greffée
Par ailleurs, de nombreux facteurs peuvent participer à la
L’analyse des résultats du premier essai lillois « îlots seuls » à
perte des cellules greffées : masse cellulaire insuffisante, réponse
2 ans laisse penser que le premier facteur de succès à long terme
inflammatoire non spécifique, rejet auto- ou allo-immun, effets
est la fonction primaire du greffon évaluée par le b-score et qui
secondaires des immunosuppresseurs, stress oxydatif, défaut
dépend à la fois de la quantité et de la qualité de la masse
d’innervation ou d’angiogenèse.
cellulaire greffée [36]. Ces constatations sont corroborées par le
Paramètres liés au donneur et à la technique registre international qui retrouve une relation entre le nombre
d’isolement de greffes réalisé et donc la masse cellulaire transplantée et la
durée d’insulino-indépendance [69].
Parmi les facteurs modulant la masse cellulaire figurent bien
sûr des paramètres liés au donneur. Un temps d’ischémie Réponse inflammatoire non spécifique [70-72]
chaude ou froide élevé, un donneur âgé, un IMC faible, un Les travaux de l’équipe de Körsgren ont bien montré que la
temps de réanimation long sont des facteurs de mauvais réponse inflammatoire non spécifique liée à l’injection d’îlots et
pronostic quant au résultat de l’isolement. Un test à l’arginine la cascade de phénomènes de coagulation qui s’ensuivait,
pratiqué chez le donneur pourrait permettre de sélectionner les étaient à l’origine d’une perte importante et très précoce de
meilleurs donneurs en termes d’isolement des cellules b [61]. La cellules b. Si l’héparine est habituellement utilisée en clinique
qualité de l’enzyme de digestion est un point clé du résultat de pour éviter les phénomènes thrombotiques, d’autres substances
l’isolement [62]. Par ailleurs, le transport des cellules pourrait anticoagulantes et/ou anti-inflammatoires telles que l’anti-
s’avérer délétère sur le plan du pronostic de greffe, bien que ceci thrombine déjà utilisée dans des modèles de choc septique, ou
puisse s’améliorer avec les avancées techniques [63]. l’anti-TNF (étanercept) dont l’effet favorable est suggéré par les
données du Registre international des greffes, sont proposées.
Paramètres de suivi d’une greffe
La prédiction de la qualité fonctionnelle du greffon reste Réaction allo- et auto-immune [73-75]
difficile à déterminer. Le rejet est très difficile à prédire et à suivre en greffe d’îlots.
Le succès d’une greffe peut être défini en termes d’insulino- Cependant, deux études ont documenté un rejet allo-immun [47, 74].
indépendance, de valeur C-peptidique et d’équilibre glycémique. Le rôle délétère des autoanticorps anticellules b pancréatiques
Le C-peptide plasmatique à jeun et les besoins en insuline préexistant à la greffe a été établi avec les protocoles d’immuno-
exogène pour maintenir une HbA1c normale sont des paramè- suppression antérieurs à celui d’Edmonton, mais également tout
tres simples, mais qui peuvent être influencés par la fonction récemment sous une immunosuppression comportant des
rénale et l’insulinorésistance. Le rapport C-peptide sur glycémie anticorps antithymocytes, du tacrolimus et du mycophénolate
à jeun semble un meilleur marqueur de la dysfonction du sur une série de 21 patients. La présence d’une auto-immunité
greffon que le C-peptide pris isolément. anticellules b avant ou après la transplantation (mais non la

10 Endocrinologie-Nutrition
Thérapie cellulaire du diabète de type 1 De la recherche clinique à la réalité quotidienne ¶ 10-366-M-30

concentration d’anticorps) était associée à une insulino- 5 ans après la greffe. La dysfonction du greffon semble essen-
indépendance retardée et des taux de C-peptide plus bas au tiellement liée à la toxicité des immunosuppresseurs et à une
cours de la première année de greffe. La réactivité cellulaire vis- masse initiale de cellules b insuffisante. C’est la raison pour
à-vis des autoantigènes GAD et IA2 semblait associée à une laquelle l’évaluation des résultats dans le cadre de la recherche
moindre fréquence d’insulino-indépendance, toutefois non clinique reste essentielle tandis que la recherche fondamentale
significative. devrait permettre, grâce à la néogenèse des cellules b à partir des
cellules souches, de s’affranchir du traitement immunosuppres-
Immunosuppresseurs [76-78]
seur et de remédier à la pénurie de donneurs.
Les immunosuppresseurs ont des effets globalement négatifs .

sur la cellule b, favorisant son apoptose et inhibant l’insulino-


sécrétion. Cependant, les conséquences diabétogènes du siroli- ■ Références
mus, inhibiteur de mTOR, sont discutées et semblent différentes
en fonction de la balance énergétique et de la dose à laquelle il [1] The Diabetes Control and Complications Trial/Epidemiology of
est utilisé. Le sirolimus a par ailleurs des effets inhibiteurs sur Diabetes Interventions and complications Research Group Retinopathy
l’adipogenèse. De nombreux essais ont été tentés avec de and nephropathy in patients with type 1 diabetes four years after a trial
nouveaux immunosuppresseurs. L’objectif est d’identifier les of intensive therapy. N Engl J Med 2000;342:381.
immunosuppresseurs les moins diabétogènes et ayant le moins [2] The Diabetes Control and Complications Trial/Epidemiology of
Diabetes Interventions and complications Research Group Intensive
d’effets secondaires à la fois à court et long terme. Des essais
Diabetes Therapy and Carotid intima-Media Thickness in Type 1
visant à induire une tolérance à la transplantation d’îlots par le
Diabetes Mellitus. N Engl J Med 2003;348:2294.
biais d’une greffe conjointe de cellules de moelle osseuse du
[3] Martin CL, Albers J, Herman WH, Cleary P, Waberski B, Greene DA,
donneur sous immunosuppression transitoire avec ou sans
et al. DCCT/EDIC Research Group. Neuropathy among the diabetes
myéloablation sont également en cours.
control and complications trial cohort 8 years after trial completion.
Insulinosensibilité du receveur [36] Diabetes Care 2006;29:340.
[4] Shalitin S, Phillip M. Hypoglycemia in type 1 diabetes: a still
L’insulinosensibilité du receveur représentée notamment par unresolved problem in the era of insulin analogs and pump therapy.
des besoins en insuline faibles semble un facteur important du Diabetes Care 2008;31(suppl2):S121-S124.
succès de la greffe d’après le registre du CITR comme dans notre [5] Bragd J, Adamson U, Bäcklund LB, Lins PE, Moberg E, Oskarsson P.
expérience. Can glycaemic variability, as calculated from blood glucose self-
monitoring, predict the development of complications in type 1
Stress oxydatif [79]
diabetes over a decade? Diabetes Metab 2008;34(6Pt1):612-6.
Les cellules b sont très pauvres en enzymes antioxydantes et [6] Larsen JL. Pancreas transplantation: indications and consequences.
des travaux récents ont montré le rôle du stress oxydant dans Endocr Rev 2004;25:919-46.
la genèse du diabète de type 1 comme de type 2 par le biais de [7] Kabelitz D, Geissler EK, Soria B, Fändrich F, Chatenoud L. Toward
la gluco- et de la lipotoxicité [28]. Il est possible qu’une dysfonc- cell-based therapy of type I diabetes. Trends Immunol 2008;29:68-74.
tion du greffon favorise le stress oxydatif et entretienne cette [8] Shapiro AM, Lakey JR, Ryan EA, Korbutt GS, Toth E, Warnock GL,
dysfonction. et al. Islet transplantation in seven patients with type 1 diabetes mellitus
using a glucocorticoid-free immunosuppressive regimen. N Engl J Med
2000;343:230-8.
Perspectives
[9] Ryan EA, Paty BW, Senior PA, Bigam D, Alfadhli E, Kneteman NM,
La comparaison de l’allogreffe et de l’autogreffe de cellules b et al. Five-year follow-up after clinical islet transplantation. Diabetes
pancréatiques montre des résultats nettement meilleurs de 2005;54:2060-9.
l’autogreffe avec un taux d’insulino-indépendance à 5 ans [10] Alejandro R, Barton FB, Hering BJ, Wease S, The CITR Investigators..
similaire à celui observé 2 ans après allogreffe [80]. L’absence 2008 Update From the Collaborative Islet Transplant Registry. Trans-
d’effets délétères sur les cellules b de la mort cérébrale du plantation 2008;86:1783-8.
donneur, une période d’ischémie froide plus courte, l’abstention [11] Vantyghem MC, Marcelli-Tourvieille S, Fermon C, Duhamel A,
des immunosuppresseurs, ici inutiles, et l’absence de manifesta- Raverdy V, Arnalsteen L, et al. Implantable pump versus islet insulin
tions allo- ou auto-immunes expliquent probablement ces delivery: comparative study in type 1 diabetic patients. Transplantation
résultats. Ces constatations confirment les pistes de recherche 2009;87:66-71.
[12] Matsumoto S, Okitsu T, Iwanaga Y, Noguchi H, Nagata H, Yonekawa Y,
vers lesquelles il faut s’orienter.
et al. Insulin independence after living-donor distal pancreatectomy
Des sites alternatifs de greffe permettant une survie à plus and islet allotransplantation. Lancet 2005;365:1642-4.
long terme et une diminution des complications liées à la [13] Kumar AF, Gruessner RW, Seaquist ER. Risk of glucose intolerance
procédure d’implantation (rate, pancréas, capsule rénale, and diabetes in hemipancreatectomized donors selected for normal
péritoine, épiploon, et surtout muscle) sont également en cours preoperative glucose metabolism. Diabetes Care 2008;31:1639-43.
d’exploration [81]. [14] Ricordi C, Lacy PE, Finke EH, Olack BJ, Scharp DW. Automated
method for isolation of human pancreatic islets. Diabetes 1988;37:
413-20.
■ Conclusion [15] Tatershall RB. Brittle diabetes revisited: the Third Arnold Bloom
memorial Lecture. Diabet Med 1997;17:99-110.
Le diabète de type 1 est lié à la destruction des cellules b [16] Selam JL. How to measure glycemic instability. Diabetes Metab 2000;
26:148-51.
pancréatiques. L’insulinothérapie est le traitement de référence.
[17] Ryan EA, Shandro T, Green K, Paty BW, Senior PA, Bigam D, et al.
Cependant, de nouvelles approches s’orientent vers la préserva-
Assessment of the severity of hypoglycemia and glycemic lability in
tion (anticorps anticellules T lymphocytaires, autogreffe de
type 1 diabetic subjects undergoing islet transplantation. Diabetes
cellules souches hématopoïétiques, etc.) ou la restauration de la 2004;53:955-62.
fonction b cellulaire (greffe de pancréas ou d’îlots). La greffe de [18] Vantyghem MC, Press M. Management strategies for brittle diabetes.
pancréas entier est en général proposée chez des patients devant Ann Endocrinol (Paris) 2006;67:287-96.
également bénéficier d’une greffe de rein compte tenu de la [19] Walter M, McDonald CG, Paty BW, Shapiro AM, Ryan EA, Senior PA.
morbidité non négligeable du geste. La greffe d’îlots pancréati- Prevalence of autoimmune diseases in islet transplant candidates with
ques est actuellement possible dans le cadre d’essais cliniques severe hypoglycaemia and glycaemic lability: previously undiagnosed
chez les patients minces présentant un diabète instable sans coeliac and autoimmune thyroid disease is identified by screening.
complication rénale sévère. Dans ces formes, la greffe d’îlots Diabet Med 2007;24:161-5.
permet d’obtenir une insulino-indépendance dans 70 %-80 % [20] Vantyghem MC, Hazzan M, Tourvieille S, Provost F, Perimenis P,
des cas à 1 an, 60 % à 3 ans avec disparition des hypoglycémies Declerck N, et al. Selection of diabetic patients for islet transplantation:
compte tenu de la persistance d’une sécrétion C-peptidique a single-center experience. Diabetes Metab 2004;30:417-23.

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M.-C. Vantyghem (mc-vantyghem@chru-lille.fr).


Service d’endocrinologie et métabolisme, Hôpital Huriez, 1 Place de Verdun, 59037 Lille cedex, France.
Inserm U 859 thérapie cellulaire du diabète, Hôpital Huriez, 1 Place de Verdun, 59037 Lille cedex, France.
J. Kerr-Conte.
Inserm U 859 thérapie cellulaire du diabète, Hôpital Huriez, 1 Place de Verdun, 59037 Lille cedex, France.
C. Noel.
Service de néphrologie, Hôpital Huriez, 1 Place de Verdun, 59037 Lille cedex, France.
F. Pattou.
Inserm U 859 thérapie cellulaire du diabète, Hôpital Huriez, 1 Place de Verdun, 59037 Lille cedex, France.
Service de chirurgie endocrine, Hôpital Huriez, 1 Place de Verdun, 59037 Lille cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Vantyghem M.-C., Kerr-Conte J., Noel C., Pattou F. Thérapie cellulaire du diabète de type 1 De la
recherche clinique à la réalité quotidienne. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Endocrinologie-Nutrition, 10-366-M-30, 2010.

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Endocrinologie-Nutrition 13
¶ 10-366-N-20

Complications ostéoarticulaires
du diabète
F. Millot, B. Fautrel, S. Rozenberg

Les complications ostéoarticulaires du diabète sont fréquentes et diverses. Certaines sont la conséquence
de l’hyperglycémie chronique. La capsulite rétractile de l’épaule domine ce type de complications car la
gêne fonctionnelle qu’elle peut occasionner est souvent intense et son évolution peut être très longue.
Dans ce même groupe de complications figurent la chéiroarthropathie, le doigt à ressaut, le syndrome du
canal carpien et la maladie de Dupuytren qui entraînent également un handicap important chez ces
patients et ce d’autant plus qu’elles sont en général associées. Les complications osseuses métaboliques
entraînent une augmentation du risque de fractures. Enfin les complications infectieuses sont
particulièrement importantes à connaître. Elles peuvent être musculaires, osseuses ou articulaires. Leur
aspect clinique n’est pas différent de celui observé dans la population générale, mais leur fréquence est
plus grande et le pronostic souvent grave.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Diabète ; Chéiroarthropathie ; Capsulite de l’épaule ; Dupuytren ; Ostéoporose ; Pyomyosite

Plan infectieuses, liées à la susceptibilité du patient diabétique aux


infections, sont importantes à connaître en raison de leur
gravité et de leur présentation volontiers atypique.
¶ Introduction 1

■ Main et épaule du diabétique


¶ Main et épaule du diabétique 1
Chéiroarthropathie diabétique 1
Maladie de Dupuytren 2
Syndrome du canal carpien 3 Chéiroarthropathie diabétique
Doigt à ressaut 3 Issu du Grec, le terme de « chéiroarthropathie » désigne une
Capsulite rétractile du diabétique 3 atteinte articulaire des mains. Cette entité clinique a également
¶ Atteintes des enthèses : hyperostose vertébrale ankylosante 4 été dénommée « syndrome de la main raide » ou « main
diabétique pseudosclérodermique » [1]. Elle est plus fréquente
¶ Atteintes osseuses : ostéoporose et fracture 4
dans le diabète de type I que le diabète de type II et sa préva-
Diabète de type I 4
lence est très variable d’une étude à l’autre, entre 8 et 34 %, à
Diabète de type II 5
comparer aux 2 % de celle des sujets non diabétiques [2]. Bien
¶ Atteintes musculaires 6 qu’initialement décrite chez l’enfant, elle est plus fréquente chez
¶ Atteintes infectieuses 6 l’adulte et son incidence augmente avec l’âge et la durée du
Infections ostéoarticulaires 6 diabète [3, 4]. Des études récentes ont montré une diminution
Pyomyosites 6 importante de la prévalence de la chéiroarthropathie, aussi bien
¶ Conclusion 6
chez l’enfant que chez l’adulte, en 20 ans du fait d’une
meilleure prise en charge avec de meilleurs contrôles glycémi-
ques [5, 6].
Cette entité clinique est caractérisée par une limitation non
douloureuse de la flexion et surtout de l’extension des doigts,
■ Introduction principalement en regard des articulations métacarpophalan-
giennes (MCP) et interphalangiennes proximales (IPP) ; cette
Les complications osseuses et articulaires du diabète sont atteinte est responsable d’une attitude en flessum des doigts. Il
fréquentes et diverses. Certaines sont la conséquence directe de s’y associe des remaniements cutanés scléreux de type scléro-
l’hyperglycémie chronique et de son effet sur le collagène telles dactylie, ne se distinguant de la sclérodermie que par l’absence
la chéiroarthropathie, la capsulite rétractile, la maladie de de télangiectasies et le respect du visage. Ces modifications
Dupuytren... D’autres manifestations rhumatologiques sont peuvent être mises en évidence dans les formes frustes en
simplement associées au diabète sans que son rôle puisse être demandant au sujet de joindre les mains dans le « signe de la
directement incriminé. Il s’agit notamment de l’hyperostose prière » (Fig. 1) ; le défaut d’accolement des faces palmaires des
vertébrale engainante. doigts signe l’enraidissement en flessum [2]. L’atteinte est le plus
Nous détaillons l’ensemble de ces manifestations en séparant souvent bilatérale, grossièrement symétrique. L’examen systé-
les atteintes de la main et de l’épaule en premier lieu du fait de matique des autres articulations peut montrer des limitations de
leurs fréquences et du handicap qu’elles entraînent, puis nous mobilité des épaules, des coudes, des poignets, des hanches ou
étudions les atteintes des enthèses avec l’hyperostose vertébrale, des chevilles [1]. L’atteinte débute le plus souvent au niveau des
et les atteintes osseuses et musculaires. Enfin, les complications IPP puis des MCP, depuis le 5e doigt vers l’index.

Endocrinologie-Nutrition 1
10-366-N-20 ¶ Complications ostéoarticulaires du diabète

Figure 2. Maladie de Dupuytren.

Maladie de Dupuytren
La maladie de Dupuytren correspond à un épaississement
chronique palpable de l’aponévrose palmaire qui conduit à
différents degrés de flexion des doigts (Fig. 2). La lésion
histopathologique correspond à un tissu cicatriciel avec prolifé-
ration fibroblastique et accumulation de collagène. L’adhésion
de ces éléments aux structures anatomiques normales entraîne
une rétraction cutanée et une attraction des articulations en
flexion [17]. Chez le diabétique, l’atteinte clinique prédomine sur
Figure 1. Signe de la prière. les troisième et quatrième rayons. Le cinquième rayon semble
plus rarement touché mais son atteinte, lorsqu’elle existe, est
plus sévère. L’atteinte est bilatérale dans un tiers des cas [18].
La prévalence de la maladie de Dupuytren dans la population
Les explorations complémentaires sont le plus souvent non diabétique serait de 2 % à 63 % selon les séries [19]. Dans une
contributives. Les radiographies montrent parfois des calcifica- étude portant sur 97 537 mineurs, il existe une association
tions vasculaires [2] . En revanche, on ne retrouve pas de statistique significative entre la maladie de Dupuytren et le
calcinose sous-cutanée contrairement à certaines formes de diabète avec un odds ratio (OR) de 1,52 (intervalle de confiance
sclérodermies (syndrome CREST : calcinose sous-cutanée, [IC] 95 % 1,3-1,77) [19]. De même, Goeghegan retrouve que le
syndrome de Raynaud, dysfonction de l’œsophage, sclérodacty- diabète est un facteur de risque de maladie de Dupuytren
lie, télangiectasie). L’échographie met en évidence un épaissis- (OR = 1,75) avec une augmentation du risque pour les diabètes
sement du derme et des gaines tendineuses [7], correspondant à traités médicalement (metformine : OR = 3,56) et en particulier
ce qui est observé en histologie. De même, en imagerie par ceux traités par insuline (OR = 4,38) par rapport à ceux traités
résonance magnétique (IRM), il est mis en évidence un épaissis- par régime diététique [20]. De plus, sur 200 patients diabétiques
sement des fléchisseurs avec prise de gadolinium autour du comparés à un groupe contrôle, la prévalence de la maladie de
Dupuytren est de 16 % et 4 fois plus fréquente que chez les
tendon [8].
témoins [21]. Elle semble identique dans le diabète de type I et
Sa physiopathologie est mal connue, et probablement pluri-
de type II [18, 22] . Elle est présente chez 46 % des patients
factorielle [9] . Premièrement, elle peut être expliquée par diabétiques souffrant d’une chéiroarthropathie et chez 21 % des
l’ischémie vasculaire liée à la microangiopathie au niveau du patients diabétiques sans chéiroarthropathie [23].
derme et des vaisseaux sous-cutanés, ce qui peut entraîner une La maladie de Dupuytren dans la population diabétique
fibrose sous-cutanée, tout comme dans la sclérodermie systémi- semble significativement associée à l’âge du patient et à la durée
que. Lorsqu’elle est observée chez de jeunes patients, elle semble d’évolution du diabète [18, 21, 24]. Après ajustement sur l’ancien-
annonciatrice de complications futures de la microvascularisa- neté du diabète, Cagliero ne retrouve aucune corrélation avec le
tion [10]. De plus, des anomalies du collagène peuvent être taux de l’hémoglobine glyquée, la présence d’une rétinopathie,
évoquées avec notamment une augmentation de la glycosyla- néphropathie ou neuropathie [21] ; mais dans une autre étude,
tion non enzymatique du collagène secondaire à l’hyperglycé- chez les diabétiques de type II, la maladie de Dupuytren est
mie, ce qui peut entraîner des lésions des articulations, des associée de façon indépendante à une neuropathie périphérique
capsules articulaires et de la peau [1, 3, 9]. Cette hypothèse est (OR = 6,8) et à la ténosynovite des fléchisseurs (OR = 7,2) [25].
confirmée par la mise en évidence que chaque augmentation Une augmentation du propeptide carboxyterminal du procolla-
d’une unité d’hémoglobine glycosylée est associée avec une gène de type 1 a été notée chez des hommes diabétiques de
augmentation de 46 % du risque de chéiroarthropathie [11]. type I, suggérant une liaison entre la maladie de Dupuytren et
En ce qui concerne sa relation avec les autres complications la dégradation accrue de cette fraction du collagène [26].
rhumatologiques du diabète, les patients avec une chéiroarthro- Le traitement de la maladie de Dupuytren des patients
pathie ont une prévalence plus importante de maladie de diabétiques ne diffère pas de celui proposé aux patients non
Dupuytren, de capsulite de l’épaule et de canal carpien [4, 12, 13]. diabétiques. La prise en charge thérapeutique peut être médicale
Les autres complications du diabète, comme la rétinopathie, la et/ou chirurgicale. La décision d’une prise en charge thérapeu-
tique est guidée par l’importance de la gêne fonctionnelle. Le
néphropathie et la neuropathie, sont associées à la chéi-
traitement médical repose sur l’aponévrotomie à l’aiguille [17]. Il
roarthropathie. La chéiroarthropathie est un facteur de risque
s’agit d’un geste percutané qui consiste à injecter dans la corde
indépendant de rétinopathie, surtout chez l’homme [14], et
aponévrotique et à sa périphérie un produit anesthésique et un
associée avec une atteinte macrovasculaire précoce chez la
dérivé cortisonique. Le sectionnement de la corde est obtenu
femme [15]. par des mouvements de va-et-vient à l’aide du biseau de
Le plus souvent, la chéiroarthropathie diabétique est bien l’aiguille associés à une extension du doigt. L’obtention d’un
tolérée. Le traitement est mal codifié ; il comprend en premier bon résultat peut nécessiter plusieurs séances, surtout lorsqu’il
lieu une meilleure équilibration du diabète. Le traitement existe des déformations interphalangiennes ; on peut dans ce
rhumatologique proprement dit repose principalement sur la cas associer à ce geste percutané le port d’une attelle nocturne
rééducation mobilisatrice, visant à restaurer une certaine d’extension. Les résultats de ce traitement sont comparables à
souplesse et un gain d’extension. Enfin, il a été rapporté ceux de la chirurgie et sont d’autant meilleurs que le stade est
quelques cas de résolution d’une chéiroarthropathie dont une moins évolué (bons résultats immédiats : stade I 83 %, stade II
après transplantation pancréatique [16]. 80 %, stade III 55 %, stade IV 62 %).

2 Endocrinologie-Nutrition
Complications ostéoarticulaires du diabète ¶ 10-366-N-20

Syndrome du canal carpien présence d’un nodule sur le tendon fléchisseur du doigt. La
mobilité de la flexion ou de l’extension digitale peut être
Le syndrome du canal carpien est le plus fréquent des limitée. Le phénomène de ressaut peut se produire dans le
syndromes canalaires. Il est idiopathique dans 50 % des cas mouvement de flexion ou d’extension. Le nodule est palpable
environ [27] . La prévalence du syndrome clinique de canal sur le tendon fléchisseur du doigt atteint.
carpien est de 2 % dans la population générale, 14 % chez les Dans une étude portant sur des patients diabétiques insulino-
diabétiques sans polyneuropathie, 30 % parmi ceux ayant une dépendants jeunes (en moyenne 38 ans), ce symptôme était
polyneuropathie. Lorsqu’il existe une neuropathie diabétique, noté chez 5 % des patients et aucun témoin d’un groupe
l’électromyogramme manque de sensibilité pour dépister une contrôle [38]. Au cours du diabète, les doigts à ressaut survien-
compression du nerf médian associée. Chez ce type de patients, nent dans 4 à 10 % des cas. Bryth et al. [39] rapportent, dans
le diagnostic doit être essentiellement clinique [28]. La présence une série de 100 patients opérés pour doigt à ressaut, 18 % de
d’au moins quatre des six critères suivants est très évocatrice : diabétiques. La population diabétique se caractérise par un
paresthésies ou troubles sensitifs prédominant nettement aux nombre de doigts atteints plus importants. L’annulaire, le
mains, symptômes nocturnes réveillant le patient, déclenche- médius et le pouce sont les doigts les plus souvent atteints.
ment des symptômes par l’action de tenir un journal ou L’existence d’un doigt à ressaut est corrélée à l’ancienneté du
conduire et soulagement en secouant les mains, prédilection diabète, mais non à son équilibre.
pour les doigts radiaux, faiblesse des muscles thénariens, Le traitement fait appel, en première intention, aux injections
troubles sensitifs limités au territoire du nerf médian [28]. Dans de corticostéroïdes qui sont moins efficaces chez les patients
ce contexte, l’échographie du nerf médian pourrait possible- diabétiques (32 % d’efficacité versus 57 % chez les non diabé-
ment être une aide diagnostique, mais elle manque d’étude chez tiques) [40] ; et en cas d’échec à la chirurgie qui est efficace mais
le diabétique. avec 45 % d’effet secondaire (infection, douleur de la cicatrice,
L’incidence du syndrome du canal carpien augmente dans les rupture tendineuse possible) contre 0 % après les injections [39,
10 ans avant le diagnostic de diabète [29]. Dans une autre série 40] hormis un déséquilibre des glycémies chez les diabétiques de
comportant 1 016 patients atteints de canal carpien, un diabète type I [41]. Il semble que le diabète de type I diffère du type II
antérieur ou survenant dans les 6 mois suivant les signes par une plus grande fréquence des atteintes multifocales et un
d’irritation du nerf médian était reconnu comme un facteur recours plus fréquent à la chirurgie [40, 42].
associé dans 6,1 % des cas [27]. Le taux standardisé de morbidité
pour un patient diabétique de développer un syndrome du Capsulite rétractile du diabétique
canal carpien était estimé à 2,3 (1,5-3,9). Chammas et al. [18]
ont comparé 60 patients ayant un diabète de type I, 60 ayant La capsulite rétractile représente une atteinte fréquente au
un diabète de type II à 120 témoins. Le syndrome du canal cours du diabète. Parmi les sujets atteints de capsulite rétractile
carpien diagnostiqué sur des arguments cliniques et électriques de l’épaule, il existe une proportion anormalement importante
était 6 fois plus fréquent dans le premier groupe, 4 fois plus de patients souffrant de diabète insulino- ou non insulinodé-
fréquent dans le second comparé aux témoins. Sa prévalence pendant, anciens ou découverts à l’occasion de la capsulite [43,
44] . Inversement, sur une large étude sur 800 diabétiques,
n’était pas corrélée à l’ancienneté du diabète, mais à l’existence
d’une neuropathie périphérique ou d’une microangiopathie Bridgman et al. rapportent 10,8 % de capsulite rétractile, soit
associée. plus de quatre fois celle de la population normale estimée à
Dans la population diabétique, contrairement à ce qui est 2,3 % sur les 600 témoins non diabétiques [45]. De plus, un
habituellement observé dans les formes idiopathiques, le sexe article récent suggère de rechercher un diabète chez les patients
masculin est également atteint. L’observation en est aussi consultant pour une capsulite de l’épaule [46]. Sur 52 patients
possible chez l’enfant [30]. Il faut de plus noter la survenue non connus comme étant diabétique, ce dépistage a permis de
possible d’un syndrome du canal carpien aigu dans les suites diagnostiquer deux patients diabétiques et 25 patients présen-
immédiates d’une transplantation rein/pancréas, d’évolution tant une intolérance au glucose.
spontanément favorable [31] et l’augmentation du risque de L’expression clinique est dominée par une limitation de
développer un syndrome du canal carpien après cette trans- l’ensemble des mobilités active et passive de l’articulation
plantation dans un délai moyen de 1,7 an [32]. scapulohumérale. Cette raideur est particulièrement invalidante
Pal et al. [33] n’ont pas détecté d’anomalie des tests de pour les patients qui se trouvent dans l’impossibilité de réaliser
tolérance au glucose chez des patients consultant pour un des gestes simples, tels que se coiffer ou se laver le visage.
syndrome du canal carpien et n’ayant pas de diabète déjà L’abduction et l’antépulsion sont souvent inférieures à 90°, la
connu. De même, dans une population de 516 patients présen- rotation externe dépasse rarement 10-15°, la rotation interne
tant un syndrome du canal carpien à l’électromyogramme, la rarement 90°, empêchant le passage de la main dans le dos. Il
réalisation systématique de glycémie a permis la détection existe de façon inconstante des troubles vasomoteurs, notam-
uniquement de deux nouveaux cas de diabète, ce qui signifie ment une diminution de la chaleur cutanée. Une limitation de
que le syndrome du canal carpien est rarement le premier la mobilité des hanches et une rétraction des gaines des tendons
symptôme du diabète. En conséquence, la réalisation systéma- fléchisseurs des doigts sont régulièrement notées, traduisant un
tique d’une glycémie n’est pas recommandée devant un syn- phénomène pathologique général, aboutissant à une perte
drome du canal carpien [34]. d’élasticité des gaines tendineuses ou des capsules articulaires [44,
47]. Les capsulites des diabétiques se distinguent des formes des
Le traitement est le même que pour les sujets non diabéti-
ques. On peut proposer en premier lieu la mise au repos du sujets non diabétiques par leur caractère plus fréquemment
poignet la nuit, au moyen d’une gouttière. Ensuite, en cas de bilatéral ou récidivant [43-45, 48], et pour certains auteurs, par leur
persistance des symptômes, on peut proposer une injection de évolution plus prolongée.
corticoïde puis une prise en charge chirurgicale. L’évolution des Balci et al. relatent une association significative entre capsu-
symptômes cliniques et électriques après traitement chirurgical lite et syndrome de Dupuytren ou chéiroarthropathie
est favorable, mais l’amélioration est moins importante que diabétique [49].
chez des témoins non diabétiques [35, 36]. De plus, le diabète Plusieurs études, de façon indépendante, ont pu corréler le
serait un facteur de risque d’échec d’une première chirurgie développement de ces capsulites avec l’âge du patient, l’ancien-
pour le canal carpien. En effet, sur une étude sur 2 357 patients neté du diabète, son caractère insulinonécessitant et l’existence
opérés d’un canal carpien à Baltimore, 48 ont dû bénéficier de certaines complications diabétiques (atteinte rétinienne),
d’une deuxième chirurgie. Sur ces 48 patients, 19 % étaient l’atteinte rénale indépendamment de l’ancienneté du
diabétiques [37]. diabète [50-52] et la présence d’une neuropathie autonome [52].
Actuellement, la plupart des études montrent que la capsulite
rétractile présente des aspects identiques à ceux observés sur le
Doigt à ressaut plan histologique et immunocytochimique dans la maladie de
Le doigt à ressaut est une ténosynovite sténosante dans Dupuytren [53]. Il n’est pas retrouvé de cellules inflammatoires,
laquelle la constriction de la gaine du tendon est associée à la en revanche, des fibroblastes et myofibroblastes sont mis en

Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-N-20 ¶ Complications ostéoarticulaires du diabète

évidence ; la production de collagène de types II et III est Le diabète non insulinodépendant est souvent associé à cette
augmentée. Il existe une hypervascularisation synoviale avec affection, sans que sa responsabilité directe puisse être avancée.
présence de cytokines. Chez les diabétiques, on trouve en plus Dans cette association, le rôle ostéoformateur de l’hyperinsuli-
l’existence de microangiopathie. nisme a été évoqué. L’insuline permettrait la différenciation des
L’évolution des capsulites rétractiles, diabétiques ou non, se cellules mésenchymateuses du ligament en chondrocyte et par
fait classiquement vers la guérison. La prise en charge thérapeu- conséquent l’ossification ligamentaire [66]. L’hyperglycémie, par
tique est souvent problématique du fait des interactions entre le biais de la glycosylation, pourrait rendre le collagène plus
les traitements rhumatologiques (anti-inflammatoires non résistant à la dégradation et il est possible que la microangiopa-
stéroïdiens [AINS] et/ou infiltrations) et l’équilibre glycémique. thie diabétique joue également un rôle dans la physiopathologie
Plusieurs thérapeutiques ont été proposées sans qu’un consensus de l’hyperostose [67].
existe sur leur place respective ou leur association. La rééduca- La prévalence de l’hyperostose dans les populations diabéti-
tion constitue le traitement de référence des capsulites rétracti- ques varie de 13 à 49 % selon les séries alors qu’elle varie de 1,6
les ; elle comprend la physiothérapie, principalement à visée à 13 % dans la population générale. Dans une série récente [68],
antalgique, et la mobilisation douce dans le respect de l’indo- un diabète était noté chez 20 % des patients ayant une hype-
lence, permettant un gain de mobilité lent mais progressif [54]. rostose vertébrale versus 9 % des contrôles appariés en âge et
Elle peut être faite de façon autonome par le patient à son sexe, mais en analyse multivariée seule une augmentation de
domicile [55] . Certains auteurs, le plus souvent chirurgiens l’indice de masse corporelle (IMC) reste associée à l’hyperostose.
orthopédistes, ont proposé, selon le même principe, la mobili- Plusieurs études ont donc discuté le rôle du diabète dans
sation forcée sous anesthésie générale, afin de rompre la capsule l’hyperostose, en pointant le surpoids comme facteur confon-
rétractée. Cependant, cette technique semble moins efficace que dant [69]. Cependant, Coaccioli retrouve une prévalence d’hyper-
l’hydrodilatation [56] et ne semble pas offrir un avantage ostose de 40 % chez les sujets obèses et chez les sujets diabéti-
conséquent par rapport à 1 an d’exercice régulier fait à la ques de type II obèses et une prévalence de 30 % chez les
maison [57]. diabétiques de type II non obèses [70]. En fait, le diabète semble
La place des infiltrations de dérivés corticoïdes est discutée ; jouer un rôle favorisant d’autant plus important qu’il est associé
elles sont peu efficaces sur la mobilité, mais peuvent apporter à une dyslipidémie, une hyperuricémie [71] , ou à IMC plus
un bénéfice sur la douleur [58]. Une étude randomisée avec élevés [67] ; et l’obésité serait un facteur de risque indépendant.
80 patients comparant physiothérapie et injection de corticoïde Il n’existe pas de traitement curatif. La prise en charge
a montré que la physiothérapie améliorait de façon significative antalgique est nécessaire en cas de douleur et peut être associée
la rotation externe à 6 semaines alors que les injections de à des programmes de physiothérapie. De plus, le traitement des
corticoïde amélioraient le degré de handicap à 6 semaines ; mais désordres métaboliques associés doit être entrepris afin de
à 16 semaines, les différents groupes étaient améliorés de façon diminuer le risque cardiovasculaire [72].
similaire [59]. L’intérêt des infiltrations est à contrebalancer avec
le risque de déséquilibrer le diabète, lorsque celui-ci est instable.
Cependant, lorsque le diabète est équilibré, les injections intra-
■ Atteintes osseuses : ostéoporose
articulaires de corticoïde n’auraient pas d’effet significatif sur la et fracture
glycémie [60].
La capsulodistension arthrographique est de développement Diabète de type I
plus récent ; son principe repose sur la rupture de la capsule par La prévalence de l’ostéopénie et de l’ostéoporose est variable
l’injection de sérum physiologique sous pression. Aucune étude en fonction des études ; et l’on peut séparer chez les diabétiques
n’a montré jusqu’à présent la supériorité de cette technique par de type I deux situations différentes, à savoir les enfants et
rapport à la simple rééducation [61] ou à l’injection intra- adolescents avant leur acquisition du pic de masse osseuse et les
articulaire simple de corticoïde [62]. En revanche, les patients adultes.
diabétiques répondent moins bien à la capsulodistension que les Chez les enfants, les études sont hétérogènes. Hofbauer et al.
non diabétiques et ont plus recours à la capsulotomie présentent dans une revue de la littérature quatre études dont
chirurgicale [63]. deux retrouvent une diminution de la densité minérale osseuse
Certains auteurs, enfin, ont prôné la capsulotomie chirurgi- (DMO) et deux une augmentation [73]. Depuis est parue une
cale sous arthroscopie ; sa finalité est similaire à la capsulodis- nouvelle étude sur 58 enfants de 3,6 à 20 ans montrant une
tension, mais ce traitement est beaucoup plus lourd ; à ce jour, ostéopénie chez 24 % et une ostéoporose chez 5,2 %. La
il n’a pas été montré qu’il est supérieur à la rééducation seule, diminution de la DMO est corrélée à l’équilibre glycémique au
en termes de mobilité [64]. long cours calculé par la moyenne de l’ensemble des HbA1c
mais pas à l’HbA1c précédent [74]. De plus, la comparaison de
■ Atteintes des enthèses : 39 adolescentes à un groupe de femme de plus de 20 ans ayant
un diabète de type I a montré une diminution de la DMO de
hyperostose vertébrale ankylosante 5,6 % au rachis et 8,7 % au col fémoral chez les femmes de plus
de 20 ans en comparaison avec des sujets sains de même âge,
L’hyperostose ankylosante vertébrale de Forestier ou enthéso- indiquant que le diabète de type I peut affecter de façon
pathie hyperostotique, diffuse idiopathic skeletal hyperostosis négative l’acquisition du pic de masse osseuse [75]. Chez l’adulte,
(DISH) des Anglo-Saxons, est une maladie ossifiante non une étude prospective chez 32 089 femmes en postménopause,
inflammatoire de l’enthèse. Elle touche les insertions tendineu- Iowa Women’s Health Study, révèle que les femmes avec un
ses ligamentaires et capsulaires sur l’os, principalement au diabète de type I ont 12 fois plus de risque de présenter une
niveau du rachis, mais également du squelette appendiculaire. fracture du col que les femmes sans diabète de type I [76]. Une
La lésion caractéristique est une coulée d’ossification paraverté- méta-analyse effectuée par Vestergaard indique une diminution
brale, prédominant à la partie inférieure du rachis dorsal où elle de la DMO et une augmentation du risque de fracture [77]. En
est surtout antérieure et latérale droite. Les autres segments effet, la DMO (Z-score) est diminuée au col (-0,37 ± 0,16) et au
rachidiens peuvent également être concernés. L’ossification du rachis (-0,22 ± 0,01) dans le diabète de type I avec une diminu-
ligament vertébral commun postérieur peut être responsable de tion plus importante au col par rapport au rachis, et avec un
compression radiculaire ou médullaire. Des proliférations risque relatif de fracture du col de 6,94 sur cinq études.
osseuses aux sites d’insertions des ligaments et des tendons Plusieurs études ont montré que la présence de complications
peuvent être observées sur la crête iliaque, les ischions, les micro- et macrovasculaires secondaires à un mauvais équilibre
trochanters, les rotules, les calcanéus, les trochiters, les olécra- glycémique au long cours est prédictive d’une diminution de la
nes... L’articulation sacro-iliaque peut être ossifiée dans sa partie DMO. Inversement, une insulinothérapie intensive permet une
ligamentaire (tiers supérieur), de même que dans sa partie stabilisation de la DMO à 7 ans [78]. De même, il existe une
articulaire (deux tiers inférieurs), ceci pouvant prêter à confu- corrélation entre le risque de fracture du col et les différentes
sion avec une spondylarthrite ankylosante [65]. complications du diabète et surtout la neuropathie [79, 80].

4 Endocrinologie-Nutrition
Complications ostéoarticulaires du diabète ¶ 10-366-N-20

Les modèles animaux confirment la diminution de la DMO altération de la qualité de la microarchitecture osseuse alors
chez les rongeurs diabétiques de type I. Dans ces modèles, même que la densité minérale osseuse est normale ou
l’activité ostéoclastique n’est pas augmentée ; en revanche, augmentée.
l’activité ostéoblastique est diminuée [81], ce qui signifie que la D’un point de vue physiopathologique, comme dans le
diminution de la DMO serait plus liée à une diminution de la diabète de type II, il existe plusieurs facteurs pouvant expliquer
formation osseuse. Cependant, les mécanismes physiopatholo- une augmentation du risque de fracture. Il existe une hypergly-
giques exacts restent inconnus. En premier lieu, on peut cémie qui peut entraîner une glycosylation du collagène de type
évoquer le rôle de l’insuline qui est un agent anabolisant sur la I et donc entraîner une altération de la qualité de la microar-
prolifération ostéoblastique et permet une bonne minéralisation chitecture osseuse. De plus, le diabète entraîne des perturbations
osseuse et une diminution de la dégradation du collagène [82], du métabolisme phosphocalcique dont une hypercalciurie par
ce qui pourrait expliquer une diminution de la formation diurèse osmotique et des altérations de l’axe parathormone-
osseuse en cas d’insulinopénie. De même, sur une étude sur vitamine D. De plus, il existe une diminution des taux de
plus de 100 enfants et adolescents avec un diabète de type I, les vitamine D chez les patients diabétiques récemment diagnosti-
taux d’insulin-like growth factor (IGF) I et de marqueurs du qués [84, 90]. Cependant, ces facteurs sont largement contreba-
remodelage sont diminués par rapport aux sujets sains [83]. lancés par l’effet positif de l’obésité sur la DMO. Les taux
Cependant, il est difficile de distinguer le rôle de l’insulinopénie d’insuline sont corrélés à la DMO et l’hyperinsulinémie a été
du rôle de l’hyperglycémie. En premier lieu, l’hyperglycémie proposée comme potentielle explication pour l’association entre
entraîne une hypocalcémie et une hypercalciurie [84]. De plus, DMO et obésité, probablement due à l’effet mitogénique de
l’hyperglycémie entraîne une glycosylation des protéines. Or les l’insuline sur l’ostéoblaste. Cependant, comme l’étude de
produits de dégradation de la glycation (AGE) et leurs récepteurs
Thomas le montre, les facteurs solubles dérivés de l’adipocyte
(RAGE) ont été impliqués dans la perte osseuse. Cependant,
ont été évoqués pour leur rôle dans la protection osseuse [91]. La
l’activation de ces récepteurs entraîne une augmentation du
leptine est sécrétée par le tissu adipeux et est corrélée à la masse
remodelage osseux, ce qui n’est pas le mécanisme principal de
grasse. Elle a deux mécanismes d’action différents, l’un central
la perte osseuse rencontré au cour du diabète de type I [81].
qui inhiberait la formation osseuse et l’autre périphérique qui
Il est donc recommandé chez ces patients de bien évaluer les
stimulerait la différenciation ostéoblastique et inhiberait
facteurs de risque d’ostéoporose et d’insister sur la nécessité
l’ostéoclastogenèse [73]. L’étude de Thomas montre une associa-
d’obtenir un strict contrôle glycémique. En cas d’ostéoporose,
les différentes stratégies thérapeutiques n’ont pas été testées de tion forte entre masse grasse et DMO. De même, il existe une
façon spécifique chez les patients diabétiques. Cependant, le fait corrélation positive entre les taux de leptine et la DMO chez la
que l’ostéoporose soit plus liée à une faible activité ostéoblasti- femme, et une corrélation négative entre les taux de leptine et
que suggère que les traitements anaboliques pourraient être plus les marqueurs de remodelage osseux. De plus, après ajustement
efficaces chez ces patients. Ceci mériterait d’être confirmé par sur les taux de leptine, il existe une diminution de la force de
des études plus spécifiques. l’association entre masse grasse et DMO, ce qui confirme le rôle
de la leptine dans l’effet protecteur de la masse grasse sur
Diabète de type II l’os [91]. À l’inverse de la leptine, les taux d’adiponectine sont
diminués en cas d’obésité et de diabète de type II. Or, Lenchik
Contrairement au diabète de type I, il a été démontré une
a montré que l’adiponectine est inversement associée à la DMO
augmentation de la DMO chez les diabétiques de type II. Une
et à la masse grasse viscérale [92]. Il existe donc probablement
étude incluant 792 diabétiques de type II et 5 863 sujets non
plusieurs facteurs solubles expliquant l’effet protecteur de la
diabétiques a montré une augmentation du risque de fracture de
masse grasse sur l’os.
hanche chez les diabétiques de type II traités en dépit d’une
augmentation de la DMO. Une sous-analyse de cette étude a Comme dans le diabète de type I, il est donc recommandé de
montré une augmentation du risque de fracture uniquement bien évaluer les facteurs de risque d’ostéoporose et d’obtenir un
chez les diabétiques traités médicalement et en revanche une contrôle optimal des glycémies. En effet, un meilleur contrôle
diminution du risque chez les patients présentant uniquement des glycémies permet de diminuer le remodelage osseux et donc
une intolérance au glucose [85]. Sur l’étude prospective de l’Iowa la perte osseuse [93] et Majima a montré une corrélation négative
Women’s Health Study, les femmes avec un diabète de type II entre la moyenne des HbA1c des deux dernières années et la
ont 1,7 fois plus de risque de fracture du col que les femmes DMO. [94]. Le plus important est cependant de lutter contre le
sans diabète [76]. Enfin la méta-analyse faite par Vestergaard risque de chute chez les patients les plus âgés. Il faut proposer
confirme ces données. Il retrouve une augmentation de la DMO en premier lieu des exercices physiques (facteurs protecteurs du
au col (0,27 ± 0,01) et au rachis (0,41 ± 0,01) et une augmen- risque de fracture) [88] et une supplémentation vitaminocalcique
tation du risque de fracture du col sur huit études avec un (diminution du risque de chute chez les personnes âgées [95],
risque relatif de 1,38 [77]. ceci d’autant plus qu’il existe une carence en vitamine D chez
Plusieurs études suggèrent que le surpoids protège l’os. En les diabétiques de type II [90] ). Enfin, il est à noter que le
effet, la DMO et l’IMC sont positivement corrélés chez le traitement par pioglitazone contribue à une augmentation de la
diabétique [86]. De plus, l’augmentation de l’IMC est associée perte osseuse et de fracture de hanche. Sur une étude rétrospec-
dans la population générale à une diminution du risque de tive cas-témoin de patients diabétiques, les patients ayant
fracture [87]. Pourtant, on observe chez le diabétique de type II présenté une fracture de hanche et de poignet étaient plus
une augmentation du risque de fracture, notamment au niveau souvent traités par thiazolidinedione (OR 2,43 ; IC 95 % 1,49-
du col fémoral. La première hypothèse est une augmentation du 3,95) [96]. Une analyse a porté sur 19 essais cliniques contrôlés,
risque de chute retrouvée dans l’étude de De Liefte où 25 % des randomisés et à double insu comparant la pioglitazone à un
diabétiques rapportent une chute contre 15 % des non- médicament ne faisant pas partie de la classe des thiazolidi-
diabétiques [85]. De même, Melton retrouve une augmentation nediones. Les résultats de l’analyse des 19 essais contrôlés ont
du risque de fracture de hanche. Dans cette étude, l’IMC et démontré qu’un nombre significativement plus élevé de femmes
l’activité physique sont des facteurs protecteurs alors qu’il existe traitées par la pioglitazone que de femmes traitées par un
une augmentation du risque chez les patients atteints de médicament ne faisant pas partie de la classe des thiazolidi-
neuropathie et chez ceux traités par insuline ; les deux pouvant nediones (autres agents antidiabétiques ou placebo) ont subi au
augmenter le risque de chute soit de façon mécanique, soit par moins une fracture osseuse (respectivement 2,6 % et 1,7 %). Il
le risque d’hypoglycémie [88]. Enfin, Yamamoto a montré que la faut donc envisager le risque de fracture chez les femmes
DMO n’est pas assez sensible pour prédire le risque de fracture atteintes de diabète de type II actuellement traitées par la
vertébrale chez les diabétiques de type II en se basant sur le fait pioglitazone et chez celles à qui on considère l’administrer [97].
que la DMO chez les diabétiques de type II n’est pas associée au Enfin, il existerait une diminution d’efficacité des biphospho-
risque de fracture vertébrale contrairement à ce qui est observé nates au col, devant faire réfléchir au meilleur traitement à
chez les contrôles [89]. L’augmentation du risque de fracture instaurer en cas d’ostéoporose en fonction de l’évaluation du
chez les diabétiques de type II serait donc aussi liée à une risque fracturaire soit prédominant à la hanche ou au rachis [98].

Endocrinologie-Nutrition 5
10-366-N-20 ¶ Complications ostéoarticulaires du diabète

■ Atteintes musculaires sur les polynucléaires neutrophiles et leur expression mem-


branaire augmente en cas d’interaction avec les produits
L’infarctus musculaire est une complication rare du diabète. terminaux de la glycation (AGE). L’interaction chronique des
Il survient le plus souvent au cours du diabète de type I, polynucléaires neutrophiles et des AGE entraîne donc une
multicompliqué dans deux tiers des cas. L’âge moyen de activation continue de ces récepteurs qui contribue à la
survenue est de 42,6 ans [99]. Le diabète est le plus souvent mal progression des complications diabétiques mais interfère aussi
contrôlé comme en témoigne la fréquence des complications avec une activation optimale lors de la phagocytose d’un
liée à une microangiopathie [100]. La fréquence de la rétinopa- agent infectieux. Colison et al. ont montré que la stimulation
thie est de 85 %, de la néphropathie de 90,3 % et de la des RAGE inhibe la bactéricidie oxydative de Staphylococcus
neuropathie de 80,4 %. La récidive est fréquente [101] et peut aureus [111].
survenir après transplantation rénale et hépatique [102]. Il se Peu d’études portent sur l’incidence et la prévalence des
traduit par une douleur brutale du muscle affecté, sans facteur infections ostéoarticulaires (arthrites septiques, spondylodiscites
déclenchant, et peut s’accompagner d’une impotence fonction- ou ostéomyélites) chez les patients diabétiques.
nelle. La douleur est intense et persiste au repos. La force Dans une étude rétrospective, le diabète était présent dans
musculaire est habituellement conservée. La localisation 62 % des cas de spondylodiscite à staphylocoque doré résistant
préférentielle est le quadriceps, puis les muscles du mollet, les à la méticilline [112]. Concernant les arthrites septiques, dans la
adducteurs et muscles postérieurs de la cuisse. La palpation peut population diabétique, le germe responsable est un staphyloco-
noter une tuméfaction profonde du muscle douloureux. Il n’y que dans 55 % des cas, un streptocoque dans 9 % des cas et un
a pas de modification de la peau en regard. Il n’y a pas de fièvre bacille à Gram négatif dans 36 % des cas. Dans cette étude, le
non plus, contrairement à la pyomyosite. Il existe un syndrome diabète est un facteur de risque d’arthrite septique (présent dans
inflammatoire biologique non spécifique et une augmentation 6 % des cas d’arthrites septiques) et également un facteur de
des enzymes musculaires [103]. Les anomalies IRM se caractéri- risque de morbidité [113]. Pour Kaandorp [114], le diabète est un
sent par un iso- ou hyposignal en séquences T1, un hypersignal facteur de risque de survenue d’une arthrite septique :
en T2, une prise de contraste uniforme ou en « anneau » après OR = 3,3 (IC 95 % 1,1-10,1).
injection de gadolinium. L’IRM peut suffire au diagnostic [104, La présentation clinique de ces infections ostéoarticulaires
105]. La biopsie n’est réalisée qu’en cas de doute diagnostique et
chez le patient diabétique n’est pas différente de celle de la
montre des plages confluentes de nécrose et d’œdème muscu- population non diabétique et le traitement est également le
laire [103]. L’IRM et la biopsie musculaire permettent de diffé- même en se rappelant du rôle délétère de l’hyperglycémie qu’il
rencier l’infarctus musculaire des différents diagnostics convient d’équilibrer.
différentiels, à savoir surtout l’infection (pyomyosite), les
tumeurs (lymphome et sarcome) et les pseudotumeurs (myosite,
fasciite) [104]. Pyomyosites
La physiopathogénie fait intervenir une microangiopathie
Les pyomyosites ont souvent été décrites chez les patients
diffuse avec artériosclérose oblitérante des petites artères, des
diabétiques [115, 116] . La pyomyosite se définit comme une
troubles de l’hémostase avec troubles de la fibrinolyse. Ces
infection aiguë des muscles squelettiques non contigus à un
anomalies comprennent une augmentation des facteurs de la
foyer osseux ou viscéral. Fréquente dans les pays tropicaux, elle
coagulation (facteurs VII, VIII et de von Willebrand) et une
est beaucoup plus rare dans les pays à climat tempéré. Elle
diminution des inhibiteurs de la coagulation (antithrombine III,
évolue en deux phases. Le diagnostic est rarement porté à la
protéines C et S) [101, 106]. Une complication possible de cet
phase invasive qui se traduit par des douleurs musculaires
infarctus est la survenue d’un syndrome de loge nécessitant le
souvent isolées. La phase suppurative survient entre le 10e et le
recours à une aponévrectomie [107].
21 e jour après le début des symptômes ; les douleurs sont
Le traitement repose sur l’immobilisation, les antalgiques, et
importantes, associées à des signes inflammatoires locaux et de
pour certains l’héparinothérapie ou les antiagrégants
la fièvre. Tous les muscles peuvent être atteints. Cette sympto-
plaquettaires.
matologie clinique est associée à un syndrome inflammatoire
biologique ; les enzymes musculaires sont généralement norma-
■ Atteintes infectieuses les. Le diagnostic est réalisé par la ponction de la masse
musculaire et/ou les hémocultures. Dans une étude rétrospec-
tive, un staphylocoque doré est retrouvé dans 83 % des cas, un
Infections ostéoarticulaires germe à Gram négatif dans 15 % et un germe anaérobie dans
10 % des cas. L’atteinte est polymicrobienne dans 31 % des
La susceptibilité des diabétiques aux infections a été étudiée
cas [117] . Un cas de pyomyosite à Candida a également été
dans de nombreux travaux. Dans des séries de patients hospi-
rapporté récemment [118] L’échographie, la tomodensitométrie et
talisés pour septicémie, l’existence d’un diabète est notée dans
surtout l’IRM permettent de poser un diagnostic précoce,
11 % à 30 % des cas [108]. Escherichia coli et le staphylocoque
d’apprécier l’étendue des lésions et de guider un éventuel geste
doré sont les germes les plus souvent isolés. Sur une étude
chirurgical [119]. Gomez-Reino et al. [120] ont revu rétrospective-
prospective portant sur les infections à staphylocoque doré, on
ment 12 cas de pyomyosite hospitalisés à Madrid entre 1976 et
retrouve dans 29 % des cas une infection ostéoarticulaire et
1992 et 85 cas colligés dans la littérature pendant cette même
dans 26 % des cas un diabète associé [109].
époque. Le diabète était noté dans 15 % des cas.
Plusieurs facteurs semblent intervenir dans l’apparition de ces
Le traitement repose sur l’antibiothérapie adaptée associée au
infections.
drainage sous échographie ou chirurgical. À noter que sur les
• La colonisation de la peau et des muqueuses par le staphylo-
pyomyosites à Staphylococcus aureus, il s’agit dans 25 % des cas
coque doré est plus importante chez les sujets diabétiques par
d’un germe résistant à la méticilline [117].
rapport à la population générale [110].
• L’hyperglycémie entraîne une altération des propriétés
phagiques et bactéricides des polynucléaires neutrophiles,
ainsi qu’une diminution du chimiotactisme [108]. La phagocy- ■ Conclusion
tose et la microbicidie requièrent une quantité importante
d’énergie dérivée essentiellement de la glycolyse anaérobie. Les complications ostéoarticulaires liées au diabète sont
Or, il existe dans le polynucléaire neutrophile du diabétique fréquentes (Tableau 1) mais restent souvent méconnues. Elles
une diminution de 50 % de la consommation du glucose et sont pourtant à l’origine d’un handicap fonctionnel important,
de la glycolyse [111]. On peut évoquer également la participa- notamment pour les atteintes de la main et de l’épaule. Une
tion des récepteurs aux produits terminaux de la glycation prise en charge multidisciplinaire doit être proposée à ces
(RAGE) dans l’activation des polynucléaires neutrophiles. En patients tout en se rappelant que le premier traitement de ces
effet, ils sont présents sur les cellules endothéliales mais aussi manifestations est en général un meilleur équilibre glycémique.

6 Endocrinologie-Nutrition
Complications ostéoarticulaires du diabète ¶ 10-366-N-20

Tableau 1. [20] Geoghegan JM, Forbes J, Clark DI, Smith C, Hubbard R. Dupuytren’s
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Sweden. Scand J Infect Dis 2007;39:6-13. 23:396-405.

F. Millot, Interne (florence.millot@voila.fr).


Service de rhumatologie du professeur Fardellone, 2, place Pauchet, Centre hospitalier universitaire, 80080 Amiens, France.
B. Fautrel, Ancien chef de clinique-assistant, professeur des Universités, praticien hospitalier.
S. Rozenberg, Ancien chef de clinique-assistant, praticien hospitalier.
Service de rhumatologie du professeur Bourgeois, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’hôpital, 75014 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Millot F., Fautrel B., Rozenberg S. Complications ostéoarticulaires du diabète. EMC (Elsevier Masson SAS,
Paris), Endocrinologie-Nutrition, 10-366-N-20, 2009.

Disponibles sur www.em-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

Endocrinologie-Nutrition 9
¶ 10-366-N-30

Manifestations cutanéomuqueuses
du diabète
P. Senet, O. Chosidow

Au cours du diabète, les atteintes cutanées en dehors du pied diabétique, sont fréquentes, touchant 50 %
à 70 % des patients. On distingue les dermatoses devant faire rechercher un diabète et les dermatoses
compliquant un diabète connu. Les dermatoses devant faire rechercher un diabète comme la nécrobiose
lipoïdique, le granulome annulaire, l’acanthosis nigricans ou le vitiligo sont rares dans la population
générale mais plus fréquentes chez les diabétiques. Il est donc justifié, dans ces cas-là de rechercher
systématiquement un diabète associé. D’autres dermatoses sont courantes dans la population générale,
et seraient plus fréquentes chez les diabétiques comme la capillarite purpurique et pigmentée, l’érythrose
faciale, la xérose cutanée. Aucune de ces pathologies n’est un marqueur de gravité, sauf la capillarite
purpurique et pigmentée qui pourrait, selon une étude, être un marqueur de complications macro- et
microvasculaires, surtout dans le diabète de type 2. Les complications chroniques cutanées du diabète
surviennent chez des diabétiques de longue date. Certaines d’entre elles comme la sclérose des extrémités
avec enraidissement articulaire semblent corrélées à la microangiopathie. Les complications cutanées
aiguës du diabète sont surtout représentées par les infections mycosiques cutanées et/ou muqueuses, plus
fréquentes chez les diabétiques et particulièrement associées à un mauvais contrôle métabolique. Les
infections bactériennes ne semblent pas plus fréquentes au cours du diabète, mais seraient plus
résistantes aux traitements et de moins bon pronostic. Les réactions cutanées aux traitements du diabète
sont beaucoup plus rares. Les éruptions lors de la prise de sulfamides hypoglycémiants surviendraient
chez 1 % des patients. Depuis l’utilisation d’insulines humaines recombinantes, les réactions cutanées à
l’insuline sont très rares, concernant moins de 1 % des patients. Ces manifestations allergiques sont plus
souvent locales aux points d’injection mais des réactions générales immédiates ont également été
rapportées.
© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Nécrobiose lipoïdique ; Granulome annulaire ; Acanthosis nigricans ; Vitiligo ;


Xanthomatose éruptive ; Bullose ; Dermopathie ; États pseudosclérodermiformes

Plan 10 % des patients insulinodépendants et les infections 20 % des


patients non insulinodépendants. Cependant s’il est aisé
¶ Introduction 1 d’associer le diabète avec certaines dermatoses rares en raison
d’une prévalence anormalement élevée de celles-ci chez les
¶ Dermatoses devant faire rechercher un diabète 1
sujets diabétiques, il est plus difficile de l’affirmer pour des
Acanthosis nigricans 2
pathologies fréquentes comme les dermatophyties unguéales par
Vitiligo 2
exemple. Les manifestations cutanées du diabète sont classées
Nécrobiose lipoïdique 2
en trois grands groupes :
Granulome annulaire 3
« Finger pebbles » ou épaississement granité des doigts 3 • dermatoses associées à la présence d’un diabète ;
Associations diverses 3 • dermatoses liées aux complications du diabète ;
• dermatoses liées aux traitements du diabète.
¶ Dermatoses compliquant un diabète 4
Complications chroniques 4
Complications aiguës 5
■ Dermatoses devant faire
rechercher un diabète
■ Introduction
Certaines atteintes dermatologiques ont une prévalence plus
Selon les études [1, 2], 54 % à 56 % des patients diabétiques élevée chez les sujets diabétiques, et doivent donc faire recher-
insulinodépendants (DID) et 61 % à 70 % des patients non cher un diabète si celui-ci n’est pas connu. Cependant, ces
insulinodépendants (DNID) auraient des manifestations cuta- atteintes dermatologiques peuvent se rencontrer également en
nées en dehors du pied diabétique. Le vitiligo touche 9 % à dehors d’un contexte diabétique.

Endocrinologie-Nutrition 1
10-366-N-30 ¶ Manifestations cutanéomuqueuses du diabète

Figure 1. Acanthosis nigricans (avec l’aimable autorisation du profes-


seur Cribier, Clinique dermatologique du CHU de Strasbourg).

Figure 2. Vitiligo dans le cadre d’un diabète de type 1.


Acanthosis nigricans (Fig. 1)

L’acanthosis nigricans se traduit cliniquement par des le vitiligo semblent difficiles à préciser en l’absence d’études
placards cutanés symétriques épais de pigmentation brune, à contrôlées [8] . Dans une étude récente, sur 1 436 patients
surface veloutée ou verruqueuse, localisés préférentiellement atteints de vitiligo, 0,6 % présente un diabète [9]. Inversement,
dans les plis de flexion, particulièrement les plis axillaires, sur une population diabétique, 3 % à 9 % des patients présen-
inguinaux et la nuque. L’atteinte muqueuse serait une particu- tent un vitiligo, cette prévalence s’élevant à 10 % chez les
larité des acanthosis nigricans malins [3]. Histologiquement, une diabétiques insulinodépendants contre 1 % chez les diabétiques
hyperkératose marquée, une papillomatose, et une acanthose de type 2 [2].
épidermique sont observées. L’acanthosis nigricans est un
marqueur d’endocrinopathies caractérisées par une insulinoré-
sistance dont font partie le DNID et/ou l’obésité. Il pourrait être Nécrobiose lipoïdique
un marqueur de complications macrovasculaires du diabète de
La nécrobiose lipoïdique (ou maladie d’Oppenheim-Urbach)
type 2 [2]. L’insulinorésistance au cours du diabète de type 2 ou
est une dermatose rare, survenant chez 0,3 % à 1 % des
de l’obésité serait secondaire à une diminution du nombre de
diabétiques. Parmi les patients présentant une nécrobiose
récepteurs fonctionnels à l’insuline. La survenue d’un acanthosis
lipoïdique, 65 % seraient diabétiques [10, 11]. Dans une étude
nigricans au cours du DNID résulterait d’une fixation de
plus récente, le pourcentage de patients diabétiques serait
l’insuline en excès sur les récepteurs à l’insulin-like growth factor
seulement de 11 % [12]. Ces pourcentages restent donc contro-
ou IGF situés sur les kératinocytes, stimulant leur proliféra-
versés en raison de l’absence de réelles études épidémiologiques
tion [4]. Une obésité et des signes d’hyperandrogénisme sont
sur le sujet.
souvent retrouvés associés. Enfin, dans quelques rares cas, le
Les lésions, le plus souvent asymptomatiques, surviennent
syndrome d’insulinorésistance avec acanthosis nigricans et
principalement sur la face antérieure de jambe, de façon
DNID s’associe à une lipoatrophie. Cette forme est congénitale
bilatérale et symétrique. D’autres localisations comme le cuir
dans 60 % des cas, autosomique récessive.
chevelu, le visage, les bras, le tronc, le gland [10] sont plus rares.
Il n’existe pas de traitement satisfaisant de cette affection,
Les lésions débutent par des papules ou des nodules rouge-
mais il est conseillé de réduire la surcharge pondérale en
brun, confluant en plaques irrégulières. Le centre devient jaune-
recommandant un régime hypocalorique et des exercices
orangé en raison d’une surcharge graisseuse, atrophique, lisse et
physiques pour diminuer l’insulinorésistance périphérique. Les
télangiectasique. Les bords sont nettement infiltrés, polycycli-
rétinoïdes locaux et la vaseline salicylée peuvent réduire
ques, à limites nettes, et restent rouge violacé. Les lésions sont
l’hyperkératose et le calcipotriol l’hyperprolifération
indolentes, de progression lente. Après plusieurs années d’évo-
épidermique [5].
lution, une ulcération centrale peut survenir spontanément ou
L’utilisation du laser CO2 ou de l’erbium reste discutée mais
après un traumatisme minime.
semble logique.
Des variantes ont été décrites : les lésions peuvent se limiter
à des papules parfois groupées en anneaux autour d’un centre
Vitiligo (Fig. 2) jaunâtre non scléroatrophique simulant un granulome annu-
laire. Des aspects verruqueux, hypertrophiques, pseudosyphiliti-
Le vitiligo est une pathologie dermatologique bénigne, ques et à type de nodules profonds, ont été également
affichante, constituée de larges plaques maculeuses de dépig- rapportés.
mentation cutanée. La localisation est le plus souvent périorifi- L’évolution est habituellement chronique mais une régression
cielle ou sur les faces d’extension des membres. Le vitiligo est peut s’observer dans 1 cas sur 5. La dégénérescence en carci-
considéré comme une pathologie auto-immune, liée à une nome épidermoïde est exceptionnelle.
destruction des mélanocytes dans l’épiderme [6], pouvant être La physiopathologie de la nécrobiose lipoïdique est hypothé-
associée à d’autres pathologies en raison d’une prédisposition tique. Elle est associée au diabète de type 1 et plus fréquemment
génétique comme le diabète de type 1 [2, 7]. En fait, le vitiligo a au diabète de type 2, rendant peu probable une cause génétique
également été rapporté en association avec le DNID et ne serait ou auto-immune liée au terrain diabétique. Les altérations du
pas simplement un marqueur d’auto-immunité au cours du collagène pourraient être primitives ou secondaires à des
diabète. De plus, les liens épidémiologiques entre le diabète et altérations microvasculaires. Une rétinopathie et/ou une

2 Endocrinologie-Nutrition
Manifestations cutanéomuqueuses du diabète ¶ 10-366-N-30

Figure 3. Granulome annulaire sur la cuisse.

protéinurie liées au diabète serait significativement plus Figure 4. Angiodermite nécrotique débutante.
fréquente chez les patients diabétiques atteints de nécrobiose
lipoïdique que chez les patients diabétiques sans nécrobiose
lipoïdique [11]. L’aspect histologique est variable selon le stade le derme superficiel et moyen. La physiopathologie est incon-
évolutif de la lésion. L’épiderme est atrophique, le derme nue. Les modalités thérapeutiques des granulomes annulaires
moyen ou profond est le siège de foyers de nécrose hyaline des localisés, principalement les dermocorticoïdes sous occlusion,
fibres collagènes et de fragmentation des fibres élastiques. sont identiques à celles de la nécrobiose lipoïdique non ulcérée,
L’infiltrat histiocytaire comportant souvent des cellules géantes mais aussi peu satisfaisantes. La rémission spontanée est une
multinucléées et des cellules épithélioïdes se dispose en palis- modalité évolutive habituelle justifiant dans la plupart des cas
sade autour des foyers d’altérations du tissu conjonctif. Des l’abstention thérapeutique.
altérations vasculaires et des dépôts lipidiques extracellulaires
caractérisent la nécrobiose lipoïdique par rapport au granulome
annulaire dont l’histologie est très proche. La sclérose apparaît « Finger pebbles » ou épaississement
comme une cicatrice du processus initial. Aucun traitement n’a granité des doigts
démontré son efficacité de façon certaine. En première inten-
tion, les dermocorticoïdes de niveau I sous occlusion (film de Cet aspect de granité des dos des mains associé au diabète, et
polyuréthane, hydrocolloïde mince) sont utilisés sur les lésions connu sous le nom de papules de Huntley, a été décrit pour la
récentes ou sur la bordure pour freiner l’extension des lésions. première fois en 1986 [16]. Il s’agit de petites structures papillai-
Leur utilisation sur le centre atrophique des lésions pourrait res siégeant sur les faces dorsales des mains, principalement en
précipiter l’évolution vers une ulcération. Les corticoïdes par regard des articulations interphalangiennes et métacarpopha-
voie générale ont également été proposés dans quelques langiennes. Ces micropapules asymptomatiques peuvent siéger
observations, notamment dans des formes ulcérées avec un bon également dans la région périunguéale et parfois tout le long
résultat mais le rapport bénéfice-risque de ce traitement reste des doigts [17] et donner un aspect d’épaississement de la peau.
très discutable dans cette indication [13]. Dans l’hypothèse du La biopsie de ces lésions montre une acanthose, une papillo-
rôle de la microangiopathie, la pentoxyfilline ou l’aspirine matose et une importante hyperkératose sans composante
associée au dipyridamole ont été utilisés dans quelques cas en inflammatoire.
seconde intention ou dans des formes étendues. Dans les formes Huntley avait trouvé sur 60 patients diabétiques, 75 %
ulcérées, l’exérèse chirurgicale suivie de greffe ou une cortico- présentant ces lésions au niveau des mains versus 21 % parmi
thérapie générale sont à discuter. Cependant, les succès théra- 52 sujets sains contrôles. Plus récemment, Cabo [18] retrouve
peutiques rapportés dans la littérature sont des cas cliniques, de une prévalence des lésions de 72 % chez 202 sujets diabétiques
niveau de preuve faible. Aucun traitement n’est clairement versus 12 % chez 48 sujets contrôles. Les dermocorticoïdes et les
efficace dans la nécrobiose lipoïdique car il n’existe actuelle- crèmes hydratantes n’ont aucune efficacité. Dans un cas isolé,
ment aucune étude contrôlée dans la littérature permettant de il semble qu’une crème contenant du lactate d’ammonium à
valider rigoureusement une attitude plus qu’une autre. 12 % ait pu apporter une amélioration [17].

Granulome annulaire (Fig. 3) Associations diverses


Le granulome annulaire est la plus fréquente des dermatoses L’association avec diverses affections comme l’angiodermite
du groupe des granulomes palissadiques. L’association au nécrotique, la porphyrie cutanée tardive sporadique, l’hépatite
diabète est classique, mal évaluée en termes de fréquence [8, 14] C et le syndrome de Werner mérite d’être signalée.
et surtout recherchée dans les formes généralisées ou d’évolu- L’angiodermite nécrotique (Fig. 4), forme particulière d’ulcère
tion prolongée. Les lésions sont des petites papules, de couleur de jambe douloureux où le processus nécrotique prédomine,
peau normale, jaunâtre ou érythémateuses, de disposition survient en général chez des femmes âgées, hypertendues dans
fréquemment arciforme, d’extension centrifuge. L’évolution est 90 % des cas et/ou diabétiques dans 28 % des cas [19].
chronique, toujours bénigne. La forme typique du granulome Plusieurs études ont récemment montré une incidence élevée
annulaire guérit spontanément en quelques mois. Les lésions (4 % à 28 %) du virus de l’hépatite C (VHC) chez les sujets
sont asymptomatiques et siègent habituellement sur les faces diabétiques insulinodépendants ou non en dehors d’antécédents
d’extension des membres, particulièrement sur le dos des pieds de transfusion et de toxicomanie [20, 21]. Une étude comparative
ou des mains. Plus rarement, elles peuvent siéger sur le visage, récente, portant sur 1 117 patients infectés par le VHC a trouvé
les oreilles et le cuir chevelu. Les formes généralisées [15] , un risque significativement plus élevé (21 %) de diabète chez
perforantes ou sous-cutanées, sont beaucoup plus rares. L’exa- des sujets positifs au VHC par rapport aux sujets positifs au
men histologique des lésions trouve une réaction inflammatoire virus de l’hépatite B (VHB) (12 %) [20]. Dans une méta-analyse
essentiellement histiocytaire, comportant des éléments épithé- récente des différentes études épidémiologiques, l’association
lioïdes et des cellules géantes multinucléées, organisée autour de entre un diabète et une infection par le VHC est établie : le
larges plages éosinophiles d’altération du tissu conjonctif dans risque de diabète est significativement plus élevé chez les

Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-N-30 ¶ Manifestations cutanéomuqueuses du diabète

patients infectés par le VHC (odds ratio = 1,68 ; intervalle de cicatricielles postinflammatoires ou post-traumatiques. L’histo-
confiance [IC] 95 % : 1,15-2,20), que chez les patients non logie est peu spécifique, retrouvant sur les lésions récentes un
infectés ou que chez les patients infectés par le VHB [22] . œdème dermique, une extravasation sanguine et un infiltrat
L’hypothèse d’une atteinte directe du pancréas par le VHC n’a lymphocytaire modéré. La physiopathologie de ces lésions n’est
pas été montrée. pas élucidée ; une atteinte de la microcirculation responsable
Le lien est également solidement établi entre les formes d’une fragilité cutanée est le plus souvent avancée. Aucun
sporadiques de porphyrie cutanée tardive et le diabète. Une traitement n’est nécessaire en dehors d’une protection contre les
inhibition par des taux élevés de glucose de l’acide delta- traumatismes.
aminolévulinique déshydratase (ALA-D) et de la porphobilino-
gène désaminase (PBG-D), enzymes intervenant dans la États pseudosclérodermiques
biosynthèse de l’hème, a été démontrée in vitro [23]. De même,
l’activité de ces mêmes enzymes est diminuée chez les souris Il faut distinguer deux entités correspondant à un épaississe-
ayant un diabète induit par la streptozotocine [24]. Dans une ment cutané au cours du diabète : le sclérœdème de Buschke et
autre étude, l’activité dans les hématies de ces deux enzymes est la sclérose des extrémités avec enraidissement articulaire.
diminuée respectivement de 20 % et 40 % chez des diabétiques Le sclérœdème de Buschke touche environ 2 % à 3 % des
sans différence significative entre le groupe insulinodépendant sujets diabétiques non insulinodépendants, obèses. Il se carac-
et le groupe non insulinodépendant [25]. térise par un épaississement cutané important débutant au
Le syndrome de Werner, maladie génétique rare, se caractérise niveau de la nuque et du haut du dos, s’étendant progressive-
par un vieillissement précoce et sélectif de certains organes. Le ment sur le tronc et quelquefois les membres [8, 32]. Les extré-
gène WRN responsable de ce syndrome a été localisé sur le mités sont respectées, il n’y a pas d’atteinte viscérale, pas de
chromosome 8 et code pour une protéine appartenant à la phénomène de Raynaud. La peau est difficilement plissable,
famille des hélicases, enzymes intervenant dans la réparation de indurée, brillante. Les signes fonctionnels sont une limitation
l’acide désoxyribonucléique (ADN) et impliquées dans d’autres des mouvements due à l’épaississement cutané. L’histologie
génodermatoses [26]. cutanée retrouve un derme épaissi avec des dépôts de glycosa-
Ce syndrome associe au vieillissement précoce de l’adulte minoglycanes entre les faisceaux de collagène. L’évolution est
jeune, une petite taille, une cataracte, un diabète dans 60 % des chronique, sans tendance à la régression. La physiopathologie et
cas, un hypogonadisme, des ulcérations cutanées, des calcifica- le traitement du sclérœdème diabétique sont inconnus.
tions vasculaires et une ostéoporose. La sclérose des extrémités avec enraidissement articulaire a
été décrite chez 8 % à 50 % des diabétiques et est corrélée aux
complications microvasculaires comme la rétinopathie et la
■ Dermatoses compliquant néphropathie diabétiques [2, 33, 34]. La sclérose des extrémités
débute typiquement par le cinquième doigt et s’étend progres-
un diabète sivement touchant les articulations interphalangiennes, méta-
carpophalangiennes et le poignet. La peau est épaissie, de
Complications chroniques couleur cireuse, les lésions sont mal limitées. Les sujets ne
peuvent plus appliquer leurs mains l’une contre l’autre en
Les maux perforants plantaires sont traités dans un chapitre extension (signe de la prière) ou les apposer à plat sur une table.
spécifique. En dehors de la limitation articulaire en extension, les lésions
sont parfaitement asymptomatiques, bilatérales et symétriques,
Bullose des diabétiques d’extension progressive. Ce syndrome a initialement été décrit
chez les adolescents diabétiques insulinodépendants, mais
Des bulles tendues, souvent multiples, de taille variable semble toucher également les sujets non insulinodépendants.
peuvent survenir chez les diabétiques en dehors de toute
pathologie auto-immune, infectieuse, traumatique ou de stase. Prurit
L’apparition est spontanée, en peau saine, sur les membres,
préférentiellement sur la face d’extension des membres infé- Le prurit généralisé chronique a longtemps été considéré
rieurs, de disposition acrale. Le liquide de bulle est stérile. comme un symptôme du diabète. En fait, il n’y a pas d’associa-
L’histologie cutanée retrouve un clivage dermoépidermique ou tion significative entre le diabète et le prurit. L’apparition d’un
intraépidermique selon les auteurs et un infiltrat périvasculaire prurit généralisé chez un diabétique doit donc faire rechercher
de faible intensité non spécifique. L’immunofluorescence directe les mêmes étiologies que chez les sujets non diabétiques. À
est négative [27]. Les lésions sont habituellement asymptomati- l’inverse, les prurits localisés anaux ou génitaux sont fréquents
ques et l’évolution se fait vers la formation d’une croûte et une chez les diabétiques et le plus souvent en rapport avec une
guérison spontanée en quelques semaines. La plupart des candidose.
patients atteints sont diabétiques de longue date, porteurs de
complications vasculaires liées au diabète. Il a été rapporté Xérose cutanée
récemment un cas avec une bulle unique de taille importante
et qui a révélé un diabète de type 2 chez un patient de La xérose cutanée, rarement recherchée lors des études
54 ans [27]. Aucun traitement n’est nécessaire en dehors des prospectives, semble fréquente au cours du diabète avec une
soins locaux usuels. La physiopathologie est inconnue, peut- prévalence mesurée à 39 % dans une étude récente [2], concor-
être liée à une fragilité cutanée liée à une altération de la dante avec les données de la littérature. Sa présence peut être
vascularisation cutanée [28]. Le rôle d’éventuels traumatismes responsable d’un prurit, rapidement réversible par l’application
associés est peu clair [29]. Le traitement est symptomatique. de topiques émollients.

Dermopathie diabétique Capillarite purpurique et pigmentée des jambes


C’est une des manifestations cutanées les plus fréquentes chez Sa fréquence au cours du diabète est de 20 % dans une étude
les diabétiques bien qu’elle ne soit pas spécifique [1, 30]. Sa récente [2] . Il s’agit d’une éruption maculeuse purpurique
prévalence au sein de la population diabétique est estimée à localisée sur les jambes, sans aucune atteinte extracutanée ni
environ 25 % [2, 31]. Il s’agit de lésions atrophiques, arrondies, signe fonctionnel. L’histologie montre une capillarite superfi-
hyperpigmentées, bilatérales siégeant sur la face tibiale des cielle, un dépôt d’hémosidérine extravasculaire et sans vasculite.
membres inférieurs, survenant chez des diabétiques de longue Elle serait plus fréquente au cours du diabète de type 2, en
date. Elle pourrait être associée aux complications microangio- association avec une dermopathie diabétique et en cas de
pathiques [31]. Les lésions sont asymptomatiques, probablement macroangiopathie ou de neuropathie. La fragilité capillaire

4 Endocrinologie-Nutrition
Manifestations cutanéomuqueuses du diabète ¶ 10-366-N-30

induite par le diabète est incriminée dans sa pathologie. Aucun


traitement n’est réellement efficace. L’évolution est toujours
bénigne, récidivante.

Complications aiguës
Infections cutanées
Les infections cutanées sont fréquentes au cours du diabète,
mais non spécifiques [8, 35, 36], probablement en rapport avec
l’altération des fonctions des polynucléaires neutrophiles liée à
un mauvais équilibre glycémique. Dans deux études récentes, la
prévalence des infections dans une population diabétique a été
estimée à 20 %, dominées par les infections mycosiques super-
ficielles [1, 36]. En dehors des infections à Candida albicans et à
corynebactéries, les infections ne sont probablement pas plus Figure 5. Xanthomatose éruptive (avec l’aimable autorisation du
fréquentes chez le sujet diabétique équilibré que dans la professeur Cribier, Clinique dermatologique du CHU de Strasbourg).
population générale. À l’inverse, chez les patients diabétiques
dont le diabète est mal contrôlé des infections à germes
opportunistes ont été rapportés comme la sporotrichose. mais les indications du traitement sont plus systématiques que
chez le sujet sain, notamment en cas d’atteinte de l’ongle. Les
Infections bactériennes imidazolés locaux sont le plus souvent suffisants pour la prise
Bien qu’il soit difficile d’affirmer que les infections à cocci à en charge des mycoses de la peau glabre. La terbinafine est le
Gram positif soient plus fréquentes chez les diabétiques, il reste traitement de référence pour les atteintes unguéales, notamment
de bonne pratique clinique de rechercher ou d’équilibrer un matricielles, à dermatophytes et le fluconazole pour les candi-
diabète devant des infections cutanées superficielles extensives, doses muqueuses.
récidivantes ou résistantes au traitement, à type de folliculites,
furonculose, impétigo et érythrasma [8]. Des otites externes à Xanthomatose éruptive (Fig. 5)
évolution invasive, liées à une colonisation puis à une invasion
du conduit auditif externe par le bacille pyocyanique, ont été Les xanthomes éruptifs sont une manifestation d’une hyper-
rapportées presque exclusivement chez des sujets diabéti- triglycéridémie majeure souvent associée à un diabète non
ques [30]. Les infections cutanées semblent survenir d’autant contrôlé. La carence en insuline est responsable d’un déficit en
plus que le diabète est déséquilibré [1] et l’équilibre du diabète lipoprotéine lipase, et d’une élévation des triglycérides circu-
semble un paramètre déterminant du traitement. Le diabète seul lants. L’éruption est faite de multiples papules jaunâtres, fermes,
contrairement à l’obésité ne semble pas être un facteur de risque entourées d’un halo érythémateux, quelquefois prurigineuses et
pour les érysipèles mais c’est un facteur de risque des infections parfois même douloureuses. Ils siègent sur la face d’extension
dermohypodermiques bactériennes sévères, notamment des des membres et des articulations. L’histologie cutanée retrouve
formes nécrosantes [37, 38]. L’érythrasma dû à Corynebacterium des histiocytes spumeux dans le derme et un infiltrat dermique
minutissimum se manifeste par de larges macules bistres, polymorphe. Les lésions disparaissent progressivement avec la
finement squameuses de fluorescence corail en lumière de normalisation des anomalies métaboliques associées (hyperlipé-
Wood. Le traitement fait appel à un macrolide oral ou à des mie, hyperglycémie, acidocétose) après la mise sous insuline.
traitements locaux dont l’érythromycine gel ou les imidazolés.
Dermatoses liées au traitement du diabète
Infections mycosiques
Éruptions dues aux antidiabétiques oraux (sulfamides,
L’association du diabète et des candidoses cutanéomuqueuses biguanides)
est souvent rapportée dans la littérature. Les candidoses oro-
pharyngées seraient significativement associées au diabète en Les sulfamides hypoglycémiants seraient responsables dans
raison d’une colonisation plus fréquente par le Candida de la 1 % des cas d’une toxidermie survenant habituellement dans le
bouche des sujets diabétiques : jusqu’à 80 % des patients premier mois de traitement [41]. L’éruption est le plus souvent
seraient porteurs [39]. Les autres sites d’infections candidosiques, un exanthème maculopapuleux bien que des réactions urtica-
fréquemment retrouvés chez les diabétiques, (perlèches, vulvo- riennes soient également possibles. Les sulfamides hypoglycé-
vaginites, balanites, onychomycoses, paronychies) sont associés miants peuvent rarement induire des réactions photoallergiques
au diabète non traité ou déséquilibré [8, 40]. et phototoxiques.
Les onychomycoses ont une prévalence atteignant 26 % à
35 % chez les diabétiques, plus élevée que dans la population Réactions cutanées aux insulines
générale. Elles sont le plus souvent associées à un intertrigo Les réactions allergiques aux insulines sont rares avec les
interorteil mycosique dont la fréquence est estimée à 32 % de insulines recombinantes [42]. Des réactions locales retardées
la population diabétique contre 7 % chez les non- peuvent survenir aux sites d’injection dans 1 % des cas lors du
diabétiques [33]. Le risque relatif d’onychomycose est estimé premier mois, disparaissant en quelques semaines alors que le
entre 1,5 et 2,8 selon les études chez les diabétiques par rapport traitement est maintenu. Il s’agit d’une papule ou d’un nodule
à la population générale [40] et le risque d’intertrigo interorteil prurigineux survenant dans les 24 à 48 heures après l’injection.
à 2,1. Les dermatophytes usuels (Trichophyton rubrum et Tricho- Récemment, des réactions d’hypersensibilité de type IV à type
phyton mentagrophytes) sont les germes les plus souvent respon- de nodules survenant 2 à 12 heures après l’injection, sur les
sables comme chez les sujets non diabétiques mais les infections sites d’injection, ont été rapportées avec le Levemir®, analogue
à Candida albicans semblent bien plus fréquentes que dans la à une insuline d’action prolongée [43].
population non diabétique, pouvant atteindre 30 % des ony- Des réactions immédiates urticariennes sont également
chomycoses. Les onychomycoses des diabétiques contribuent à rapportées dans des délais très variables après le début de
la morbidité élevée du pied diabétique car elles sont la cause de l’insulinothérapie, même avec les insulines recombinantes
plaies par abrasion ou par ulcération traumatique. Les intertrigo humaines [44]. Le traitement consiste à changer de type d’insu-
interorteils représentent une porte d’entrée pour les dermohy- line en choisissant des produits plus purifiés.
podermites bactériennes [38]. Le traitement des mycoses chez les Les réactions allergiques systémiques à type d’urticaire
diabétiques est le même que chez les sujets non diabétiques généralisé ou d’angio-œdème sont exceptionnelles. Les tests

Endocrinologie-Nutrition 5
10-366-N-30 ¶ Manifestations cutanéomuqueuses du diabète

Tableau 1. [10] Lowitt MH. Necrobiosis lipoidica. J Am Acad Dermatol 1991;25:


Récapitulatif des manifestations cutanées liées au diabète ou à son 735-48.
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P. Senet, Praticien hospitalier (patricia.senet@cfx.aphp.fr).


Service de gérontologie, Hôpital Charles-Foix, 7, avenue de la République, 94200 Ivry-sur-Seine, France.
Service de dermatologie, Hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75020 Paris, France.
O. Chosidow, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service de dermatologie, Hôpital Henri-Mondor, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94000 Créteil, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Senet P., Chosidow O. Manifestations cutanéomuqueuses du diabète. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Endocrinologie-Nutrition, 10-366-N-30, 2010.

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Endocrinologie-Nutrition 7
 10-366-P-10

Traitement des maladies de longue durée :


du passage de l’aigu au stade
de la chronicité. Une autre gestion
de la maladie, une autre prise en charge
J.-P. Assal

Suivre un patient atteint d’une maladie chronique implique une modification profonde du rapport direct
du médecin à la maladie et au malade. Il s’agit de compléter cette dimension fondamentale par un autre
rôle, complexe pour le soignant, celui d’aider le malade à gérer lui-même son traitement, de le mener vers
la responsabilité et l’autonomie. Bien que de nombreux médecins maîtrisent ces deux rôles thérapeutiques,
presque rien n’est entrepris en formation médicale initiale pour entraîner le futur praticien aux exigences de
son mandat de thérapeute lorsqu’il affrontera les nombreux problèmes du suivi au long cours. Le suivi de
patients atteints de maladie chronique suppose une triple compétence des soignants : biotechnologique,
pédagogique et psychologique. Elle nécessite une relation adulte-adulte de partenariat avec le patient
pour l’aider à trouver le compromis optimal entre le souhaitable et le possible, permettant l’intégration
des projets de soins à ses projets de vie. L’éducation thérapeutique et l’accompagnement au long cours
du patient atteint de maladie chronique suppose également une dynamique de groupe cohérente des
soignants impliqués (médecins généralistes, médecins spécialistes, infirmières et paramédicaux).
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Chronicité ; Pédagogie ; Psychologie ; Motivation ; Accompagnement

Plan  Introduction
■ Introduction 1 Différents titres pourraient être proposés pour cet article :
■ Identité médicale 2 « médecine aiguë - médecine chronique », « du diagnostic de

la maladie au suivi à long terme du malade », « médecine
Situation de crise 2
du choix thérapeutique - médecine de la gestion du traite-
■ Suivre au long cours un malade et l’accompagner 2 ment », « médecine du contrôle direct de la maladie - médecine
■ Premier des soins : mettre le patient au centre de nos intérêts 2 d’accompagnement thérapeutique du malade », « médecine bio-
■ Dimensions biotechnique, psychosociale et pédagogique 3 technologique - médecine biopsychosociale », « médecine réduc-
tionniste, spécialisée - médecine intégrée, globale », « médecine
■ Médecine aiguë, médecine de longue durée 3 hospitalière - médecine ambulatoire ». Ces thèmes sont souvent
■ Attitudes du malade dans le suivi à long terme 3 perçus comme opposés ; cette dichotomie est principalement
Vécu du patient avec sa maladie 3 entretenue par la médecine hospitalo-universitaire plus entraînée
Motivation à se soigner, observance thérapeutique 3 à classer par catégorie qu’à favoriser la synthèse. Dans la perspec-
■ Formation du médecin : quelles spécificités pour le suivi au tive des soins au malade, cette séparation peut être vue comme
long cours des malades ? 5 un artifice social et narcissique d’institutions et de corps pro-
Quatre dimensions indispensables 5 fessionnels défendant leurs propres identités et leurs pouvoirs.
Formations 5 Les exigences du traitement de la maladie et les besoins indivi-

duels de la personne malade créent un ensemble indissociable, où
Conclusion 5
approche biologique et approche psychosociale sont liées dans
un fondu-enchaîné, un passage progressif où toute séparation

EMC - Endocrinologie-Nutrition 1
Volume 9 > n◦ 3 > juillet 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1941(12)48521-3
10-366-P-10  Traitement des maladies de longue durée : du passage de l’aigu au stade de la chronicité. Une autre gestion de la maladie, une autre prise en charge

Figure 1. Blanc–noir.
A. Éventail des gris entre le blanc et le noir :
l’ensemble de ces gris illustre les infinies subtilités
de ton entre les deux extrêmes. La réalité clinique
renferme un nombre très élevé de détails.
B. Transformation de la figure A en trois tons.
L’approche biomédicale est par force réduction-
niste et biaise comme sur cette illustration la
complexité de la réalité.

A B

crée un leurre qui trahit l’ensemble (Fig. 1). La recherche, dont


la médecine est issue, a privilégié une approche réductionniste Radiologie
Hôpital Tests de laboratoire
permettant de mieux cerner le détail si important pour le diagnos-
tic. Mais la spécificité du détail ne peut être le but ultime en soi.
Or, c’est souvent cet emballement vers le détail que l’on observe Coping et
Assurances dimension
dans l’explosion des connaissances et des techniques médicales, médicales
qui mène à l’augmentation des coûts médicaux. psychologique
On dit de toute part que la médecine est en crise. Ce constat
émane des différents acteurs impliqués dans le processus de soins, Décideurs
depuis les personnes malades jusqu’au corps médical en incluant Le malade OMS, écoles de
de santé médecine
les politiciens de la santé et les structures administratives, y
compris celles qui gèrent la couverture financière des traitements.
Cette crise n’est pas à considérer comme un échec du proces- Médecins
Réhabilitation
sus de soins mais plutôt comme un révélateur d’une évolution soignants
de la médecine qui pose le problème général de la responsabilité
respective de chacun des partenaires impliqués. La situation du
Associations Éducation
médecin qui pose le diagnostic et qui traite lui-même directement
de patients Infirmières thérapeutique
un malade ne reflète qu’une partie restreinte de la médecine. Le
modèle de référence est la médecine hospitalière avec son cortège de soins à du patient
d’urgences et d’accidents, comme l’abdomen aigu, l’infarctus du domicile
myocarde, les septicémies, les syndromes douloureux, les crises Figure 2. Le patient et la délivrance des soins. La dimension des soins.
d’asthme, les comas métaboliques, la liste est longue. Si impor-
tantes soient-elles, ces situations cliniques ne représentent que
moins de 10 % des problèmes médicaux rencontrés en méde-
cine. Le reste de l’activité médicale se passe en cabinet avec un  Suivre au long cours un malade
patient debout, venu en ambulatoire, sans problème d’urgence
immédiate, qui consulte son médecin soit pour éclaircir et traiter
et l’accompagner
certains malaises dont il souffre, soit pour le suivi d’une maladie Une partie importante de l’activité ambulatoire est de suivre à
chronique. long terme des patients qui souffrent de maladies chroniques.

 Identité médicale
On peut définir le concept d’identité médicale comme  Premier des soins : mettre
l’attachement d’un médecin à appartenir à un groupe profession-
nel et à fonctionner comme l’ensemble de ses collègues. le patient au centre de nos intérêts
(Fig. 2 et 3)

 Situation de crise Être centré sur le patient est une des dimensions les plus fon-
damentales de la pratique des soins. Le porteur de la maladie, le
On pourrait définir le thème de « crise » comme la demande patient, est une personne unique, totalement différente d’un autre
pressante d’un malade d’être soulagé d’un malaise important, patient qui pourrait souffrir de la même maladie et avoir le même
d’apparition brusque (exemple : douleur abdominale ou thora- type de soins. Il est important de distinguer le concept de maladie
cique). de celui d’être malade (desease versus illness).

2 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Traitement des maladies de longue durée : du passage de l’aigu au stade de la chronicité. Une autre gestion de la maladie, une autre prise en charge  10-366-P-10

Nutrition  Attitudes du malade dans le suivi


Maladie Styles de vie
à long terme
Vécu du patient avec sa maladie
Accepter le handicap de sa maladie n’est pas évident, particu-
Médicaments Écoles et études lièrement pour les maladies qui ne guériront jamais. C’est en fait
un processus complexe et lent de maturation psychologique qui
Le malade permet au malade de ne plus rechercher cette liberté physique,
Religions psychique, sociale et professionnelle telle qu’elle était dans son
et état de santé antérieur.
Famille
croyances Les soignants doivent bien connaître cette dynamique
d’acceptation, car à chaque étape intermédiaire ils ont tendance
à développer des contre-attitudes qui peuvent freiner l’évolution
Soignants psychologique du malade et fortement interférer avec l’efficacité
Professions et du traitement (Tableau 2).
Amis activités
professionnelles
Figure 3. Le patient et son environnement psychosocial.
Motivation à se soigner, observance
thérapeutique
De nombreuses études s’intéressent à la manière dont les
 Dimensions biotechnique, patients suivent ce que le médecin a prescrit [1–4] . Plusieurs
facteurs sont nécessaires pour qu’une personne suive son traite-
psychosociale et pédagogique ment pendant de nombreuses années. Certains facteurs comme
l’acceptation de la maladie, l’information du patient sur sa
Le traitement du diabète sucré illustre remarquablement bien
maladie, sa formation pour la gestion de son traitement, sont
l’évolution des stratégies de traitement et de prise en charge
des conditions sine qua non dans la maîtrise du traitement.
des malades. Dans cette perspective, il représente certainement
Tous ces facteurs contribuent à motiver le patient pour se
un modèle pour la thérapeutique des affections de longue
soigner. En contrôlant sa maladie, le patient renforce son pou-
durée.
voir sur lui-même, ce qui le stimule dans le contrôle de son
affection.
La non-adhésion au traitement résulte de plusieurs facteurs tou-
chant le malade, les soignants et la maladie. Les plus marquants
 Médecine aiguë, médecine sont présentés dans le Tableau 3 et quelques suggestions de cor-
rections y figurent. Les caractéristiques psychologiques du vécu
de longue durée du malade lors d’une situation d’échec ainsi que les stratégies de
prévention des rechutes sont décrites avec les thèmes spécifiques à
Ces deux secteurs représentent les deux pôles de l’action théra- maîtriser par le médecin qui s’occupe d’affections de longue durée
peutique. Leurs caractéristiques sont décrites dans le Tableau 1. (cf. infra).

Tableau 1.
Dimension aiguë/dimension chronique.
Médecine aiguë Médecine chronique
Synonymes Médecine de crise, diagnostique, médecine hospitalière Médecine de suivi, d’accompagnement du patient,
médecine ambulatoire
Modèle Biomédical Biopsychosocial et pédagogique
Maladie
Caractéristique Aiguë, visible, extériorisée Silencieuse, cachée, de longue durée
Consultation Consultation non planifiable Rendez-vous planifié par le médecin
Demande externe
Lieu de traitement Structure hospitalière Cabinet privé
Médecin
Rôle Un rôle : intervenant direct Deux rôles : intervenant indirect et expert
Activité Biomédicale et technique Psychopédagogique et biomédicale
Éveil, concentration Liés à l’urgence, d’origine externe Liés à une motivation interne
Formation Excellente Biomédicale : excellente
Psychosociale : faible
Pédagogie du patient : nulle
Identité médicale Bien définie Floue à cause du poids psychosocial
Affect du médecin Pas d’état d’âme S’investit pour longtemps avec le malade
Équipe médicale Groupe de soignants Médecin isolé
Motivation du médecin Externe, par l’urgence à traiter Interne, par sa propre volonté de suivi
Rôle thérapeutique S’occupe de la crise, malade passif Doit rendre le malade autonome
Rapport parent-enfant Rapport adulte-adulte
Pouvoir médical Direct sur la crise Indirect, à partager avec le malade
Visibilité de l’acte Acte médical bien médiatisable Médecine silencieuse, activité peu visible

EMC - Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-P-10  Traitement des maladies de longue durée : du passage de l’aigu au stade de la chronicité. Une autre gestion de la maladie, une autre prise en charge

Tableau 1 (suite).
Dimension aiguë/dimension chronique.
Médecine aiguë Médecine chronique
Patient
Rôle Passif, doit se laisser faire Actif, doit participer à son traitement
Maladie Crise qui peut être « guérie » Maladie persistante, à traiter chaque jour
Rapport avec le médecin Reconnaissance, admiration Rapport adulte-adulte, avec peu de reconnaissance
du rôle du médecin
Famille du patient À informer Doit participer au suivi
Contrôle de la maladie Externe, géré par les soignants Interne, géré par le malade et sa famille
Processus de soins
Activité Pluridisciplinaire : équipe soignante Patient-médecin, activité solitaire
Fonctionnement Inventaire des pathologies et intervention thérapeutique Idem, plus ce que le patient peut développer
lui-même
Échec thérapeutique « On a tout essayé... » Sentiment de « culpabilité » du médecin
Âge des soignants Plus jeunes que le patient adulte Rapport âge plus homogène
Anticipation : traitement Court terme, de type biomédical À moyen/long termes : biopsychosocial et
pédagogique
Risque thérapeutique Visible, possibilité de correction immédiate Moins visible et repérable
Correction souvent lente et venant avec retard
Valorisation de l’acte thérapeutique Admiration et reconnaissance pour l’efficacité médicale Reconnaissance peu visible pour la prestation
rendue
Temps thérapeutique Gestion directe du court terme Gestion indirecte du moyen terme
Stress du soignant Stress aigu Stress larvé
Épuisement physique et nerveux Épuisement lié à la monotonie, à la difficulté de
Cas lourds contrôle direct
Burn out Pas de reconnaissance tangible
Burn out fréquent

Tableau 2.
Dynamique de l’acceptation d’une maladie. Vécu du malade avec sa maladie et contre-attitude des soignants.
Stade Vécu du malade Contre-attitude du soignant
1. Choc, dénégation « Non, ce n’est pas possible, je n’ai « Mon patient ne veut pas comprendre ; il ne
pas cette maladie » veut pas se rendre à l’évidence »
« Ce n’est pas à moi que cela arrive »
2. Révolte « Cette maladie, c’est la faute de, c’est « Quel caractère. On ne peut rien obtenir
à cause de... » avec quelqu’un d’aussi agressif... »
3. Marchandage « Je veux bien me traiter, mais à ma « Ou bien c’est vous, ou c’est moi qui gère
façon, la moitié de la dose, et ne faire votre traitement. Il faut choisir »
le traitement qu’à ce moment-là »
4. Réflexion, retour sur soi « Serais-je capable de gérer cette « Ouf, finalement ce patient s’est
maladie moi-même ? » tranquillisé. Je ne sais pas ce qu’il avait à être
si agressif... »
5. Acceptation « J’arrive tout de même, avec ce « Quelle personne agréable. Quel patient
handicap, à mener une vie pleine, motivé. Il comprend et fait ce que je lui
enrichissante... » dis... »

4 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Traitement des maladies de longue durée : du passage de l’aigu au stade de la chronicité. Une autre gestion de la maladie, une autre prise en charge  10-366-P-10

Tableau 3.
Non-adhésion au traitement : facteurs impliqués.
Causes Démarches possibles
Malade Mauvaise acceptation de la maladie Entretiens, tables rondes (malade et entourage)
Manque de formation pour la gestion du traitement Élaboration de programme d’enseignement
Représentations sur la maladie et le traitement Formation des soignants sur les représentations médicales des
patients
Manque de motivation pour un suivi au long cours Stratégies d’encadrement du patient pour le motiver à se
soigner
Confusion entre contrôle interne et externe Jeu de rôles avec les soignants
Médecin Identité médicale : intervention directe (modèle aigu) Formation pour le suivi au long cours
Difficultés d’écoute du malade Formation à l’écoute active
Objectifs thérapeutiques trop ambitieux Maîtrise de l’approche par objectifs
Mauvaise gestion des rechutes dans le traitement Formation à la gestion des rechutes
Mauvaise formation du malade pour la gestion du traitement Maîtrise de la pédagogie de l’apprentissage
Suivi à long terme centré sur le somatique Gestion d’un suivi intégrant au biomédical les exigences
psychologiques et pédagogiques nécessaires au malade
Non-participation de l’entourage du malade Formation et tables rondes avec la famille
Maladie Absence de signes d’alarme, maladie silencieuse Pédagogie de la prise de conscience et de la recherche de
signes
Maladie chronique non guérissable Problème de gestion du long terme
Complications invalidantes à long terme Stratégies de prévention tertiaire
Discordance entre les plaintes du malade et les signes objectifs Appréciation de l’utilité et des limites d’utiliser ce qui est
de la maladie objectif et ce qui est subjectif

 Formation du médecin : quelles Il est urgent d’aborder différemment la prise en charge à long
terme des patients atteints d’une maladie chronique. Pour arri-
spécificités pour le suivi au long ver à maîtriser les différentes techniques de suivi, il est d’abord
utile que le médecin prenne conscience des différences fondamen-
cours des malades ? tales qui existent entre la médecine diagnostique, d’urgence ou de
crise, et la médecine s’occupant du suivi, de l’accompagnement
Principalement centrées sur la physiopathologie des maladies,
du malade, une médecine du contrôle indirect de la maladie où le
l’établissement du diagnostic et le choix d’un traitement médi-
médecin devient un modérateur entre la maladie et son porteur.
camenteux, les études médicales n’ont pas formé les étudiants à
Les rôles des soignants en général, et des médecins en particulier,
suivre des patients à long terme. Une telle formation ne peut être
sont diamétralement différents dans ces deux situations théra-
entreprise que si la philosophie des études médicales se modifie.
peutiques (Tableau 1). Pour parvenir au pôle biopsychosocial, il
faut en fait compléter la formation initiale, surtout de type bio-
Quatre dimensions indispensables médical et technique, par un nouveau curriculum, offrant au
médecin un savoir-faire utile pour aborder les dimensions édu-
Elles sont décrites dans le Tableau 4. catives et psychosociales du malade. Cet autre rôle du médecin
est aussi vieux que la médecine, alors où se trouve la nouveauté ?
Elle réside dans un choix concerté de thèmes de formation qui
Formations doivent accompagner le médecin depuis le début de ses études de
médecine jusqu’au stade accompli de sa profession, tout au long
Elles doivent aider le malade à apprendre à gérer son traite- de sa pratique privée. Il existe bien sûr de nombreux médecins
ment (pédagogie thérapeutique). Le thérapeute doit aussi être qui réfléchissent en petits groupes sur ces aspects. Ces démarches
formé dans le domaine de la psychologie du patient et dans très souvent remarquables n’ont qu’un impact isolé et s’arrêtent
l’organisation du suivi à long terme du patient. une fois que les protagonistes changent d’intérêt ou arrêtent de
pratiquer. Les sciences humaines ont fait récemment des pro-
grès considérables. Sous réserve d’une adaptation aux problèmes
 Conclusion médicaux, de nombreux secteurs de la psychologie, de la pédago-
gie, de la communication, des démarches artistiques voire aussi
Plus de 80 % des consultations médicales sont données pour spirituelles peuvent grandement contribuer à l’amélioration des
des maladies de longue durée. La formation médicale initiale tout prestations médicales dans le suivi des patients atteints de mala-
comme la formation continue n’aborde pas le suivi de ces mala- dies de longue durée.
dies. Le modèle diagnostique et celui du traitement de la crise Aucun programme de formation des soignants ne peut cepen-
prédominent en permanence dans tous les modèles de formation. dant résoudre le problème-clef dans le traitement des maladies
Entre 30 % et 80 % des malades ne suivent pas ou mal leur trai- de longue durée, celui du partage avec le malade d’une partie du
tement. Très peu de patients ont été informés sur leur maladie, savoir du médecin. Partager son savoir implique inéluctablement
le nombre de ceux qui ont pu apprendre à se traiter est encore partager son pouvoir. Est-ce que le soignant accepte ce partage ?
plus restreint. Vivre avec une maladie de longue durée impose C’est à ce niveau que réside probablement une des causes de
une série d’adaptations personnelles pour faire face à ce handi- la prise en charge souvent médiocre des patients atteints d’une
cap. Les patients qui sont suivis à long terme décrivent souvent maladie de longue durée.
les consultations plutôt comme une répétition monotone trois à La relation adulte-adulte dans le rapport soignant-soigné doit
quatre fois par an où le médecin fonctionne comme « un gara- être la relation de base. Mais cette dimension ne doit pas empê-
giste qui contrôle la pression des pneus et le niveau d’huile ». Il cher le soignant d’être à nouveau rapidement « parent-contrôlant
s’ensuit que la relation entre le médecin et son patient évolue peu, et protégeant » dans une situation de crise, voire « enfant » dans
est souvent démotivante, autant pour l’un que pour l’autre. une situation bloquée où imagination et spontanéité doivent

EMC - Endocrinologie-Nutrition 5
10-366-P-10  Traitement des maladies de longue durée : du passage de l’aigu au stade de la chronicité. Une autre gestion de la maladie, une autre prise en charge

Tableau 4.
Accompagnement des patients atteints de maladies chroniques : thèmes à développer pour une prise en charge intégrée. Un panorama des quatre dimensions.
L’intégration de ces quatre dimensions stimule un processus d’adaptation et de transformation des soignants et des patients.
1/ Médecine biologique : les maladies 2/ Psychologie : compréhension de la relation 3/ Pédagogie thérapeutique : apprentissage
clinique soignant-soigné thérapeutique du malade
Connaissances médicales des différentes maladies Philosophie Pédagogie
chroniques (plus de 100 selon l’OMS) Fondement de la pratique des soignants La connaissance et ses théories
Connaître les effets de leurs caractéristiques Éthique versus déontologie Stratégies d’apprentissage versus stratégies
(maladies silencieuses, maladies douloureuses, Psychologie clinique d’enseignement
maladies et complications à long terme) Ressources psychiques Approche par objectifs
Identités et postures des soignants - le deuil : processus de maturation Qui est responsable de ma santé ? (locus of
Phase aigüe : centrée sur la maladie (diagnostic - résilience, etc. control)
et prescription) Sociologie Évaluation (formative versus évaluative)
Phase chronique : centrée sur le patient - niveau de vie Prescription versus négociation
(traitement et enseignement thérapeutique) - logique sociale Psychosociologie
Traitement médiatisé par la relation - les âges de la vie et leur conséquence Communication
soignant-soigné plus l’accompagnement Anthropologie de la santé et de la maladie Relation d’aide. L’entretien : moment privilégié
durable Logique médicale versus logiques profanes Annonce(s), récits. Animation de groupe
Croyances de santé Créativité
Représentations Pour renouveler les approches pédagogiques
Valeurs
Spiritualité
Mort et concept de l’au-delà
4/ Accompagnement du patient et de sa
famille : un territoire commun aux trois
dimensions précédentes
Relation soignant-soigné
Alliance thérapeutique : partenariat versus
contrat
Approches systémiques
Entourage du malade
Institutions et personnes influentes dans les
soins
Le patient lui-même
Favoriser l’expression de soi : lecture, écriture,
peinture, théâtre, musique, chant, danse, jouer
le vécu
Favoriser la créativité
Analyse de la pratique clinique. Groupe Balint, etc.
Prévention de l’épuisement des soignants (burn out)

Pour aborder ces quatre dimensions, une attention doit être mise sur : attentes et besoins des patients et des soignants dans la maladie chronique ; effectuer pour chaque
dimension un va-et-vient entre phase chronique et phase aigüe ; maîtrise de techniques interactives (animation de groupe, discussion visualisée [métaplan]) ; utilité et
limites des modèles tels que croyances de santé, locus of control, Prochaska, entretien motivationnel, approche cognitivocomportementale, etc. ; réflexions sur les évaluations
possibles dans chacune des quatre dimensions ; sens de la relation humaine (accueil, tendresse, humour, etc.). OMS : Organisation mondiale de la santé.

momentanément prendre le pouvoir. L’analyse transactionnelle médecin contrôlant et celle du médecin formateur de son patient.
montre l’importance de pouvoir passer rapidement par ces trois Le traitement de la maladie chronique est toujours dans un rap-
états du moi. La capacité de changer facilement de rôle assure port dialectique avec celui de la maladie aiguë, contrôle direct ou
l’équilibre du soignant et lui permet d’accéder aux différentes gestion indirecte de la maladie.
fonctions thérapeutiques nécessaires dans la gestion de la maladie L’approche thérapeutique des maladies de longue durée est un
de longue durée. Par ce processus, elle augmente la confiance du secteur majeur de la médecine qui n’a pas reçu l’attention néces-
malade et améliore la qualité du traitement. saire. Les nouvelles connaissances sur la gestion de ces maladies
Tout traitement implique risques et responsabilités qui sont doivent offrir à la médecine des moyens pour améliorer les presta-
principalement l’apanage du médecin. Dans la maladie de longue tions des praticiens. La recherche fournit à la médecine des agents
durée, la responsabilité du traitement incombe aussi au patient. pharmacologiques exceptionnels pour traiter les maladies ; mais
Quant au risque, celui de voir son patient diabétique ou asthma- en pratique ambulatoire plus de la moitié des patients ne suivent
tique souffrir à nouveau d’une crise aiguë ou d’une complication, pas ou mal leur traitement. Ce constat est effrayant, au point
la responsabilité en appartient toujours et encore au médecin. de vue tant médical que financier. Pour faire face à cette situa-
Le médecin accepte-t-il la responsabilité de laisser son patient tion, la psychologie clinique, les sciences de la communication,
prendre à son tour des risques ? On comprend ainsi les réti- l’éducation du corps médical, la formation des malades, repré-
cences de certains médecins de ne pas les laisser faire comme sentent la valeur ajoutée à tout choix thérapeutique. Et pour que
ils l’entendent. Les pédagogues de l’apprentissage insistent sur cette « valeur ajoutée » puisse être à la disposition des soignants
le rôle fondamental de l’erreur comme stimulus à la maîtrise du et de leurs patients, recherche et formation sont plus que jamais
savoir-faire. Et lorsqu’il faut que le patient apprenne à se trai- impératifs.
ter, souvent dans des situations très ardues, comme la dialyse
rénale à domicile, le processus apparaît dans toute sa comple-
xité : le malade doit apprendre à se traiter, or on n’apprend qu’en Remerciements : Ce travail d’analyse a été rendu possible grâce à une collabo-
faisant des erreurs, d’où risques dont le médecin se sent respon- ration très étroite avec Madame Lacroix, psychosociologue, les docteurs Chollet,
sable. Accepte-t-il alors que son patient prenne ce risque ? S’il ne Gfeller, Kaufmann, psychiatres, et mes collègues les docteurs Golay, Jacot, de
l’accepte pas, le médecin suit la voie du modèle de la maladie Kalbermatten, Morel et Peter. La collaboration de l’équipe infirmière et de diété-
aiguë, où il contrôle directement le traitement donc le risque. tique a été déterminante pour notre évolution dans le domaine de la prise en charge
Fonctionnant de cette manière, il empêche son patient de deve- à long terme des malades. Je tiens à les assurer tous de ma reconnaissance sans
nir plus autonome et interfère probablement avec sa qualité de oublier mes secrétaires, Mesdames Aebischer et Kaeser, pour leur aide patiente
vie : une collision entre deux identités professionnelles, celle du et experte.

6 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Traitement des maladies de longue durée : du passage de l’aigu au stade de la chronicité. Une autre gestion de la maladie, une autre prise en charge  10-366-P-10

 Références [3] Haynal A, Schultz P. Compliance: one aspect of the doctor-patients


relationship. An overview. In: Assal JP, Berger M, editors.
[1] Fabre J, Assal JP, Balant L, Dayer P. L’observance thérapeutique. Diabetes education. Amsterdam: Excerpta Medica; 1984, p.
Praxis 1992;81:129. 259-71.
[2] Golay A, Lehmann T, Jacquemet S, Jaigstaidt V, Nicolet J, Assal [4] Robert M. La consultation hors symptôme. Réflexion sur le tra-
JP. Comment améliorer l’observance des patients ? Psychothérapies vail psychothérapeutique du médecin somaticien. Psychothérapies
1995;15:137–44. 1993;1:41–7.

J.-P. Assal, Professeur de médecine, ancien médecin-chef du service d’enseignement thérapeutique pour maladies chroniques des Hôpitaux universitaires de
Genève, collaborateur de l’Organisation mondiale de la santé, président de la fondation « Recherche et formation pour l’enseignement du malade », membre
honoraire du Comité international de la Croix Rouge (jphassal@gmail.com).
Foundation for Research and Training in Patient Education, 52, boulevard Saint-Georges, 1205 Genève, Suisse.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Assal J-P. Traitement des maladies de longue durée : du passage de l’aigu au stade de la chronicité. Une
autre gestion de la maladie, une autre prise en charge. EMC - Endocrinologie-Nutrition 2012;9(3):1-7 [Article 10-366-P-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

EMC - Endocrinologie-Nutrition 7
¶ 10-366-R-10

Diététique des états diabétiques


L. Monnier, C. Colette

Les mesures hygiénodiététiques visent à la fois l’amélioration de la glycémie et celle des facteurs de risque
associés au diabète. Chez les diabétiques de type 1 et de type 2, les mesures nutritionnelles doivent
permettre de réduire l’hyperglycémie chronique soutenue et les fluctuations aiguës de la glycémie qui sont
les deux composantes de la dysglycémie du diabète. Dans le diabète de type 2 pléthorique, les régimes de
restriction calorique sont destinés à réduire l’insulinorésistance qui est, avec le déficit de
l’insulinosécrétion, l’une des composantes physiopathologiques de la maladie. La perte de poids permet
en général une amélioration de l’HbA1c. Dans les deux variétés de diabète, il est possible d’agir sur les
excursions glycémiques post-prandiales en limitant la quantité de glucides ingérés et en choisissant des
aliments à faible index glycémique. Des collations interprandiales peuvent être recommandées surtout
chez les diabétiques de type 1 pour éviter les épisodes hypoglycémiques. L’équilibre des apports
alimentaires doit permettre de minimiser le risque de complications cardiovasculaires en apportant 65 %
des apports caloriques sous forme de glucides et de graisses mono-insaturées, le plus souvent dans les
proportions de 45 % et 20 %, respectivement. Les mesures hygiénodiététiques ont fait leur preuve dans la
prévention du diabète de type 2 où elles sont deux fois plus efficaces qu’un traitement pharmacologique
pour éviter la conversion de l’intolérance au glucose en diabète de type 2 patent, surtout si elles sont
associées à la pratique d’une activité physique. Les saveurs et les arômes judicieusement utilisés peuvent
venir au secours des régimes de restriction calorique pour les rendre acceptables dans la durée.
© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : États diabétiques ; Mesures nutritionnelles ; Hyperglycémie soutenue chronique ;


Fluctuations aiguës de la glycémie ; Graisses mono-insaturées ; Saveurs et arômes

Plan ■ Place de la diététique


¶ Place de la diététique dans le traitement du diabète 1
dans le traitement du diabète
¶ Historique des mesures diététiques et évolution des concepts Toutes les recommandations [1, 2] reconnaissent que les
nutritionnels depuis le début du XXe siècle 2 mesures hygiénodiététiques restent l’une des bases fondamenta-
¶ Dans quel type et à quel stade les mesures nutritionnelles les de la prise en charge des états diabétiques, qu’ils soient de
sont-elles utiles, voire nécessaires ? 2
type 1 ou 2. Ce concept est cependant remis en question de
manière régulière, car les médecins diabétologues et les malades
¶ Objectifs et mise en pratique des mesures diététiques 3 diabétiques ont toujours rêvé de s’affranchir des mesures
Assurer un meilleur contrôle global des désordres glycémiques 3 diététiques considérées par les premiers comme difficiles à
Assurer un apport alimentaire équilibré pour minimiser le risque appliquer et par les seconds comme difficiles à suivre. Très
de complications cardiovasculaires 7 récemment, un groupe d’experts agissant au nom de l’American
¶ Les mesures diététiques permettent-elles de prévenir Diabetes Association (ADA) et au nom de l’European Association
le diabète ? 8 for the Study of Diabetes (EASD) a recommandé d’engager le
Mesures diététiques préventives : chez qui ? 8 traitement nutritionnel et pharmacologique du diabète de type
Mesures diététiques préventives : comment ? 8 2 de manière concomitante, dès que le diagnostic de la maladie
est posé [1] . Cette attitude est un peu surprenante dans la
¶ Saveurs, arômes dans le régime du diabétique 9
mesure où il est conseillé en général de faire précéder les
Arômes : où les trouve-t-on ? Comment les produit-on ? 10
traitements médicamenteux du diabète de type 2 par une
Comment restaurer le goût en jouant sur les arômes ? 10
période diététique de quelques semaines ou de quelques
¶ L’avenir des régimes 11 mois [2] . Cette position est basée sur un axiome simple :
pourquoi retarder les traitements pharmacologiques dans la
mesure où les régimes restent lettre morte chez la majorité des
patients pour qui ils devraient être prescrits. Ces voix défaitistes
trouvent un écho supplémentaire dans le fait que la nutrition
fondée sur les preuves est le « maillon faible » de l’evidence-
based medicine [3] car les essais interventionnels randomisés de
longue durée sont beaucoup plus difficiles à réaliser dans le

Endocrinologie-Nutrition 1
10-366-R-10 ¶ Diététique des états diabétiques

domaine de la nutrition que dans celui de la pharmacologie. La attitude fut de manière un peu caricaturale désignée sous le
multiplicité des biais méthodologiques, l’ambiguïté des conclu- terme de « régime libre ». Dans les années 1970-1980, les
sions, ont conduit les nutritionnistes à se replier sur des études diabétologues d’adultes reprirent certaines recommandations des
d’intervention courtes, sur des suivis de cohortes, sur des pédiatres en les modulant. Cette période fut marquée par la
enquêtes épidémiologiques ou sur des études physiopathologi- « découverte » ( ?) des fibres alimentaires [8] et par la quantifica-
ques dont le niveau de preuves est nettement plus faible que tion du pouvoir hyperglycémiant des glucides à l’aide des index
celui des essais de longue durée randomisés avec évaluation de glycémiques [9] . Le résultat global fut de recommander des
la morbimortalité au terme de l’essai. Le raisonnement basé sur régimes riches en glucides (55 % à 60 % de l’apport calorique
l’observation nous indique toutefois que les diabétiques de total). Après une période d’« enthousiasme théorique », les
type 2 qui ne respectent pas un minimum de règles hygiéno- diabétologues furent obligés de retourner à des concepts plus
diététiques sont rarement bien équilibrés en dépit d’une classiques (45 % des calories glucidiques) devant la non-
escalade médicamenteuse qui les conduit progressivement d’une observance des régimes trop riches en glucides par les malades.
monothérapie à une bithérapie orale, voire à une trithérapie En 1985, la diététique franchit une nouvelle étape : les Améri-
orale. Plusieurs arguments supplémentaires plaident en faveur cains [10] découvrent les propriétés bénéfiques antiathérogène et
des mesures nutritionnelles. En premier lieu, les mesures antithrombogène des graisses mono-insaturées (MIS). À la
hygiénodiététiques sont, dans toutes les études, plus efficaces
lumière de ces données, la teneur en glucides des régimes fut
que les interventions pharmacologiques pour prévenir la
rediscutée et les mesures diététiques sont actuellement modulées
conversion d’une intolérance au glucose en diabète de type
en fonction de divers paramètres cliniques, certains préconisant
2 patent [4]. En second lieu, les mesures diététiques doivent être
même d’utiliser le modèle nutritionnel méditerranéen comme
mises en place ou renforcées chez les diabétiques de type
base de la prescription diététique chez le diabétique dans la
2 insulinés sous peine d’une prise de poids additionnelle et
abusive [5]. Enfin, le récent retrait de certains médicaments mesure où ce modèle privilégie la consommation d’aliments à
antiobésité appartenant à la classe des antagonistes des récep- faible pouvoir hyperglycémiant et assure un enrichissement de
teurs du système endocannabinoïde n’est pas fait pour conforter la ration alimentaire en graisses MIS et en fibres alimentaires,
l’opinion qui voudrait que l’on puisse traiter le diabète de type tout en limitant les apports en graisses saturées et en sucres
2 avec des substances exerçant à la fois une action antiobésité rapides [11]. Toutefois, il convient de ne pas perdre de vue que
et antidiabétique. Pour que ce concept soit valide encore les régimes méditerranéens ont trop évolué au cours du
faudrait-il que les substances utilisées, le rimonabant en temps [12] et qu’ils sont trop variables, à travers les différentes
l’occurrence, aient fait la preuve d’un effet antidiabétique régions du pourtour de la Méditerranée, pour être préconisés
propre en dehors de leur action antiobésité. Cette propriété n’a tels quels. S’inspirer des principes généraux de l’alimentation
jamais été clairement démontrée pour le produit précité. Toutes méditerranéenne est donc souhaitable, à condition d’adapter et
ces observations renforcent l’idée que les mesures nutritionnel- de personnaliser la prescription diététique et de ne pas oublier
les doivent être considérées comme une étape incontournable les acquis de l’alimentation occidentale classique qui ne
dans la prise en charge du diabète. En plus de leur action sur présente pas que des inconvénients. N’oublions pas que l’espé-
les désordres glycémiques, les mesures diététiques ont pour rance de vie n’a jamais été aussi élevée que de nos jours et que
objectif de lutter contre les facteurs de risque qui sont fréquem- les Crétois, interrogés par les enquêteurs de la Fondation
ment associés au diabète (dyslipidémie, hypertension artérielle, Rockefeller à la fin de la Deuxième Guerre mondiale sur leur
troubles de l’hémostase) et qui favorisent l’apparition ou la degré de satisfaction par rapport à leur alimentation, souhai-
progression de complications cardiovasculaires [6]. Pour conclure taient améliorer leur ordinaire alimentaire en se rapprochant
cette introduction, les traitements nutritionnels, à l’instar des des standards de l’alimentation occidentale. Ainsi, il apparaît
traitements pharmacologiques, sont en train de s’éloigner d’une que la nutrition est un domaine où les recommandations sont
vision très « glucocentrique » pour rejoindre des objectifs plus soumises à une réévaluation permanente. La diététique du
larges avec prise en charge « multifactorielle ». diabète sucré n’échappe pas à cette règle.

■ Dans quel type et à quel stade


“ Point important
les mesures nutritionnelles
Les mesures hygiénodiététiques sont la base de la prise en sont-elles utiles, voire nécessaires ?
charge des états diabétiques. Elles visent non seulement
l’amélioration de la glycémie mais aussi celle des facteurs La réponse est simple : dans tous les types et à tous les
de risque fréquemment associés au diabète. stades !
Dans le diabète de type 1, les mesures diététiques doivent être
entreprises dès la découverte du diabète sucré qui nécessite la
mise en route d’une insulinothérapie immédiate. Insulinothéra-
■ Historique des mesures pie et mesures diététiques doivent être couplées pour essayer de
réduire les fluctuations glycémiques vers le haut (dérives
diététiques et évolution glycémiques post-prandiales) ou vers le bas (épisodes hypogly-
des concepts nutritionnels cémiques survenant dans le post-prandial tardif ou dans les
depuis le début du XXe siècle périodes interprandiales). Le diabète de type 1 est caractérisé par
une carence insulinique qui nécessite un traitement insulinique
La « saga » commence, il y a près de 100 ans, avec les régimes dont les principes consistent à mimer les deux composantes de
de « prohibition glucidique » qui étaient considérés à cette la sécrétion insulinique physiologique : la sécrétion basale et les
époque comme la seule méthode pour contrecarrer, sans succès, décharges insuliniques qui surviennent au moment des repas.
les désordres glycémiques du diabète sucré dit juvénile. En fait, Malgré tous les progrès réalisés au cours des dernières années
ces régimes ne faisaient que traduire d’une part la méconnais- (schémas optimisés de type basal-bolus à l’aide de multi-
sance des mécanismes physiologiques de la maladie et d’autre injections ou de pompes à insuline) l’administration d’insuline
part l’absence cruelle de toute thérapeutique médicamenteuse ne parvient jamais à reproduire la sécrétion normale qui est
efficace. La découverte de l’insuline, en 1921, ouvrit une ère régulée chez le sujet non diabétique par un système de feedback
nouvelle pour les diabétiques. Les régimes furent progressive- précis dont les facteurs déclenchants sont les taux de la
ment élargis, l’apport glucidique étant fixé entre 30 et 40 % des glycémie et ses variations. L’absorption intestinale des glucides
calories totales. Dans les années 1960, les pédiatres [7] préconi- alimentaires, phénomène aléatoire et variable d’un jour à
sèrent d’assouplir les régimes des enfants diabétiques. Cette l’autre, ne fait qu’aggraver le manque de reproductibilité des

2 Endocrinologie-Nutrition
Diététique des états diabétiques ¶ 10-366-R-10

Absorption
intestinale
des glucides
“ Point important
Métabolisme Dans le diabète de type 1, les mesures nutritionnelles
Glycémie permettent surtout de réduire l’instabilité glycémique.
interne Dans le diabète de type 2, elles sont utiles à un stade très
Pharmacocinétique précoce de la maladie pour retarder la conversion de
et pharmacologie
l’intolérance au glucose en diabète patent. Ultérieurement
des médicaments
hypoglycémiants elles sont destinées à contrôler les désordres glycémiques
et les facteurs de risque associés : dyslipidémie,
hypertension artérielle, troubles de l’hémostase.
Figure 1. Le contrôle de la glycémie obéit à un modèle stochastique. Le
caractère aléatoire de l’absorption intestinale des glucides et de l’action
des médicaments (hypoglycémiants oraux et surtout insuline) condi-
tionne la variabilité des profils glycémiques. ■ Objectifs et mise en pratique
des mesures diététiques
profils glycémiques. À titre d’exemple, deux repas qui contien- Les objectifs généraux du traitement du diabète de type 1 et
nent la même quantité de glucides ne conduisent pas à la de type 2, qu’il soit diététique ou pharmacologique, peuvent
même montée glycémique post-prandiale car la nature de être regroupés dans deux grandes rubriques :
l’aliment, son degré de cuisson, son association avec d’autres • chercher à ramener les glycémies à des taux aussi proches que
aliments et la vitesse de vidange gastrique interviennent dans possible de la normale ;
l’absorption intestinale des glucides. L’insulinothérapie fonc- • minimiser le risque d’apparition ou de progression des
tionnelle est une tentative éducative louable pour essayer de complications dégénératives en agissant à la fois sur l’hyper-
coupler l’adaptation des doses d’insuline aux choix alimentaires glycémie et sur les facteurs de risque qui sont fréquemment
du sujet [13]. Néanmoins le problème reste non résolu au niveau associés au diabète sucré.
individuel car il est impossible de fournir une solution détermi-
niste (définition d’une dose d’insuline précise) à des phénomè- Assurer un meilleur contrôle global
nes probabilistes : absorption des glucides, résorption des des désordres glycémiques
injections de l’insuline dans le tissu cellulaire sous-cutané.
Comme indiqué sur la Figure 1, les profils glycémiques nycthé- La dysglycémie du diabète comprend deux composantes :
méraux du diabétique de type 1 ne peuvent que varier d’un jour • l’hyperglycémie chronique soutenue qui est explorée de
à l’autre dans la mesure où ils sont la résultante de deux manière globale par l’HbA1c, laquelle intègre à la fois
phénomènes aléatoires. Le but des mesures diététiques est l’élévation de la glycémie à jeun et les excursions glycémiques
d’essayer de réduire cette variabilité en proposant un pro- post-prandiales. L’hyperglycémie chronique conduit aux
complications diabétiques en augmentant la glycation des
gramme nutritionnel dans lequel les quantités de glucides
protéines membranaires des capillaires et des protéines
doivent être relativement constantes pour un repas donné et
contenues dans le sous-endothélium artériel. L’hyperglycémie
dans lequel toute augmentation de la ration glucidique doit être
chronique exerce également une toxicité chronique sur les
compensée par un ajustement adéquat des doses d’insuline [13].
cellules endothéliales en activant le stress oxydatif [15] ;
En général, la dose d’insuline est de 1 unité pour 10 g de
• les fluctuations aiguës de la glycémie. Elles peuvent être
glucides. Pour le petit déjeuner, il est souvent nécessaire de faire dirigées vers le haut (hyperglycémie post-prandiale) ou vers le
une dose plus élevée : 1,5 à 2 unités pour 10 g de glucides car bas (nadirs glycémiques interprandiaux, voire épisodes
c’est le moment où l’insulinorésistance et la production hépati- hypoglycémiques à distance des repas). Ces fluctuations
que de glucose sont à leur maximum. aiguës de la glycémie exercent une action nocive sur les
Dans le diabète de type 2, les mesures diététiques sont utiles, endothélium vasculaires. Cette toxicité aiguë est caractérisée
voire indispensables, aux différentes étapes de l’histoire natu- par une activation du stress oxydatif [16].
relle de la maladie. Le diabète de type 2 évolue sur de nombreu-
ses années en passant par plusieurs périodes : le prédiabète, le Réduire l’hyperglycémie chronique soutenue
diabète méconnu et enfin le diabète connu avec trois étapes
schématiques selon qu’il est exempt de complications ou qu’il Deux études, le DCCT (Diabetes Complications Control Trial)
publié en 1993 [17] et l’UKPDS (United Kingdom Prospective
s’accompagne de complications non handicapantes ou handica-
Diabetes Study) publié en 1998 [18], ont clairement montré que
pantes. Tous ces stades sont accompagnés d’une insulinorésis-
la réduction de l’hyperglycémie chronique soutenue, estimée
tance, de désordres glycémiques plus ou moins marqués qui
par le dosage de l’HbA1c, entraîne à long terme une diminution
s’aggravent avec la disparition progressive de l’insulinosécrétion
du risque de complications. Dans le diabète de type 1, il a été
résiduelle. Avec l’évolution de la maladie apparaissent des
démontré par l’étude du DCCT [17] que les diabétiques soumis
anomalies tensionnelles ou lipidiques (dyslipidémie du diabéti- à un traitement insulinique optimisé avec un taux moyen
que) qui augmentent le risque de complications vasculaires. Les d’HbA1c égal à 7 % ont un risque de complications microan-
mesures diététiques comme les traitements médicamenteux ont giopathiques (rétinopathie et glomérulopathie) nettement plus
pour but de réduire l’insulinorésistance, de sauvegarder l’insuli- faible que celui des diabétiques laissés à un traitement conven-
nosécrétion résiduelle, de réduire les perturbations glycémiques, tionnel avec un taux moyen d’HbA1c égal à 9 %. Dans le
lipidiques et tensionnelles et d’éviter le passage d’une étape diabète de type 2, l’UKPDS [19] a démontré que les risques
donnée de la maladie à l’étape suivante. À titre d’exemple, il a d’infarctus du myocarde et de complications microvasculaires
été clairement démontré par plusieurs études de prévention que diminuent respectivement de 14 % et 37 % pour toute baisse de
le risque de conversion d’une intolérance au glucose en diabète 1 % de l’HbA1c. Toutefois, les moyens pour obtenir la réduction
est diminué en moyenne de moitié par des mesures hygiéno- de l’hyperglycémie chronique sont foncièrement différents dans
diététiques combinant un régime de restriction calorique et une les diabètes de type 1 et de type 2. Chez les diabétiques de type
activité physique [14]. Ces résultats encourageants obtenus avec 1 dont la maladie est caractérisée par une carence quasi absolue
des pertes de poids modérées (de – 4 kg à –6 kg) sont supérieurs de la sécrétion insulinique endogène, le contrôle de l’hyper-
à ceux observés lors d’essais conduits avec des médicaments glycémie chronique est essentiellement sous la dépendance de
comme l’acarbose ou la metformine. l’insulinothérapie. Le choix des schémas et doses d’insuline est

Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-R-10 ¶ Diététique des états diabétiques

donc primordial. Chez ce type de patient, les mesures diététi-


Petit déjeuner
ques sont marginales pour lutter contre l’hyperglycémie chro-
nique soutenue. En revanche, chez les diabétiques de type 2, les
mesures diététiques retrouvent tout leur intérêt pour le contrôle 260

Concentration de glucose (mg/dl)


de l’hyperglycémie chronique, qui est sous la dépendance de 240
trois perturbations métaboliques essentielles définies sous le 220
terme de « triumvirat » du diabète de type 2 [20] :
200
• un état d’insulinorésistance au niveau des tissus périphériques
(muscle essentiellement) ; 180
• une production excessive de glucose au niveau du foie ; 160 10,0
• une diminution de la sécrétion insulinique. 140
Par ailleurs, il est bien connu d’une part que la plupart des 8,4
120
patients diabétiques de type 2 sont obèses ou en surcharge 4,4
pondérale, et d’autre part que c’est l’augmentation de la masse 100 Période
grasse viscérale qui est le facteur majeur de l’insulinorésistance. 80 matinale
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24
Aujourd’hui, il est clairement démontré que la perte de poids et
les régimes de restriction calorique entraînent une augmenta- Temps (heures) Durée du diabète
tion de la sensibilité des tissus périphériques à l’insuline et une (années)
diminution de la production hépatique de glucose. Ces deux Figure 2. Profils glycémiques chez des diabétiques de type 2 traités par
effets combinés ont pour conséquence une amélioration à court antidiabétiques oraux, classés en fonction de leur niveau d’HbA1c. De bas
terme des glycémies chez les patients diabétiques pléthoriques en haut : 6,5 % < HbA1c < 7 % (n = 17) ; 7 % ≤ HbA1c < 8 % (n = 32) ; 8 %
qui acceptent de se soumettre à un régime de restriction ≤ HbA1c < 9 % (n = 25).
calorique et de perdre du poids [21] . L’effet des régimes de
restriction calorique est basé sur le premier principe de la
thermodynamique auquel la « machine humaine » n’échappe Réduire les fluctuations aiguës de la glycémie
pas. Ce principe dit simplement que la quantité d’énergie
Toutes les fluctuations aiguës et excessives de la glycémie
stockée ou perdue par l’organisme (DU) est égale à la différence devraient être réduites car il a été démontré qu’elles activent le
entre la quantité de calories apportées par les aliments (Q) et stress oxydatif, qui est l’un des mécanismes qui conduit aux
celle qui est dépensée par l’organisme (W). Dans ces conditions : complications diabétiques [16] . Deux types de fluctuations
DU = Q – W doivent être envisagés : les pics hyperglycémiques aigus qui
Toute perte de poids implique donc que DU soit négatif et surviennent en général après les repas et les descentes glycémi-
que Q soit inférieur à W. En accord avec ce principe, et compte ques excessives qui peuvent conduire à des épisodes hypoglycé-
tenu du fait qu’une perte de poids de 1 kg nécessite un déficit miques plus ou moins sévères à distance des repas.
énergétique de 7 700 kcalories [22] , un régime qui réduirait
l’apport calorique quotidien de 500 kcalories par rapport aux Réduire les excursions glycémiques post-prandiales
dépenses (Q - W = 500 kcalories) devrait conduire à un déficit Chez les diabétiques de type 1, les montées glycémiques post-
calorique de 3 500 kcalories par semaine, c’est-à-dire à une perte prandiales sont souvent imprévisibles. En effet, des repas
de poids de 0,5 kg/semaine. Malheureusement, ces calculs comparables par la quantité et la nature des glucides apportés
optimistes sont contredits par les faits observés. La perte de peuvent conduire à des excursions glycémiques post-prandiales
poids est toujours plus faible que celle qui est normalement très différentes sur la même journée et d’un jour à l’autre. Ainsi,
prédite car les patients acceptent mal les contraintes diététiques dans le diabète de type 1, il est difficile de déduire des règles
et suivent les régimes de manière plus ou moins laxiste [23]. générales pour contrôler les montées glycémiques post-
Comme nous l’avons indiqué plus haut, l’effet des régimes de prandiales. Pourtant deux anomalies sont plus fréquemment
restriction calorique est souvent spectaculaire au début de la observées que les autres : en premier lieu les glycémies après le
maladie. Dans ce cas, une perte de poids de quelques kilogram- petit déjeuner sont souvent plus fortes qu’après les deux autres
mes sur une période de quelques semaines ou de quelques mois repas. Cette anomalie correspond au phénomène de l’aube et à
peut entraîner une quasi-normalisation de la glycémie ou une son prolongement sur la période matinale [25]. Commune aux
réduction marquée de l’HbA1c. À titre d’exemple, dans l’étude diabètes de type 1 et 2, elle est sous la dépendance d’une
UKPDS, une baisse de 2 points en pourcentage de l’HbA1c exagération de la production hépatique de glucose en fin de
nuit, relayée par l’absorption des glucides alimentaires du petit
(passage de 9 % à 7 %) a été observée sur une période de 3 mois
déjeuner. En second lieu, la montée glycémique qui suit le
avec un simple régime (1 361 kcalories) avant toute mise en
dîner, même si elle n’est pas excessive, se poursuit pendant une
route d’un traitement médicamenteux [24]. Cet effet des régimes
grande partie de la nuit. L’absence d’activité physique après le
s’épuise malheureusement avec le cours de l’histoire naturelle de
dîner est la principale cause qui conduit à cette anomalie. Ces
la maladie. Après quelques années d’évolution, lorsque le
deux observations ont pour conséquence pratique d’inciter les
patient est en multithérapie orale, le régime devient moins patients diabétiques de type 1 à être particulièrement vigilants
efficace. Chez les diabétiques de type 2 qui nécessitent un sur la quantité et la nature des hydrates de carbone qu’ils
traitement insulinique, la mise en route de l’insulinothérapie consomment au petit déjeuner et au dîner.
conduit fréquemment à une prise de poids supplémentaire chez Chez les diabétiques de type 2, les excursions glycémiques
des sujets qui sont déjà obèses. Ainsi, il est communément post-prandiales sont beaucoup plus reproductibles dans le cadre
admis qu’une chute moyenne de 1 % de l’HbA1c sous traite- d’une alimentation normale avec trois repas par jour avec la
ment insulinique chez un diabétique de type 2 entraîne une répartition suivante : 10 à 20 % des glucides au petit déjeuner
prise de poids moyenne de l’ordre de 2 kg [5]. Cet effet doit et 40 à 45 % aux repas de midi et du soir. Le petit déjeuner est
inciter le médecin qui initie le traitement insulinique chez un en général le repas le plus hyperglycémiant de la journée
diabétique de type 2 à renforcer les mesures diététiques pour (Fig. 2). Comme dans le diabète de type 1, le phénomène de
que la prise de poids reste modeste. Pour avoir ignoré ce l’aube et de l’aube prolongée sont responsables de cette dérive
principe, certains thérapeutes se trouvent confrontés à une excessive de la glycémie dans la période qui suit le petit
spirale « infernale » avec prise de poids excessive suivie d’une déjeuner [26]. Par ailleurs, dans l’histoire naturelle du diabète de
augmentation des doses d’insuline, laquelle conduit à son tour type 2, ce sont les glycémies post-prandiales qui se détériorent
à une aggravation de la surcharge pondérale. Le résultat est à en premier alors que la glycémie basale ne se dégrade que dans
terme la prise de plusieurs dizaines de kilogrammes et l’admi- un deuxième temps [26]. Chez les patients dont l’HbA1c est
nistration de doses d’insuline dépassant largement 1 unité/kg de inférieure à 7,3 %, les glycémies post-prandiales contribuent à
poids/jour [5]. plus de 70 % à l’hyperglycémie globale [27]. Cette contribution

4 Endocrinologie-Nutrition
Diététique des états diabétiques ¶ 10-366-R-10

diminue lorsque l’HbA1c augmente. Chez les diabétiques dont certains procédés industriels sont destinés à réduire le pouvoir
l’HbA1c dépasse 10,2 %, l’hyperglycémie post-prandiale ne hyperglycémiant des aliments. C’est ce qui est obtenu lorsqu’on
représente que 30 % de l’hyperglycémie globale. La conclusion remplace une partie des hydrates de carbone naturels (sucres
de ces observations est que toutes les montées glycémiques simples, oligosaccharides et polysaccharides) par des édulcorants
post-prandiales doivent être contrôlées chez tous les diabétiques « intenses » (aspartam, acésulfam, sucralose) ou par des édulco-
de type 2 avec une mention plus particulière pour les diabéti- rants de charge tels que les sucres alcools, le pouvoir hypergly-
ques dont l’HbA1c est comprise entre 6,5 % et 8 % et pour les cémiant étant nul pour les premiers ou modeste pour les
dérives glycémiques qui suivent le petit déjeuner puisqu’elles seconds [3]. C’est à partir de ces substituts que sont fabriqués les
sont prédominantes [26]. Les moyens nutritionnels pour attein- produits dits allégés en sucres. Leur utilisation est intéressante
dre ces objectifs sont au nombre de quatre [28]. pour réduire les excursions glycémiques post-prandiales à
Agir sur la quantité de glucides ingérés à chaque repas. La condition que le consommateur connaisse leur teneur en
charge prandiale conditionne en partie la montée glycémique calories et glucides par rapport à l’aliment naturel
post-prandiale [29]. À titre d’exemple, une portion de pain blanc correspondant.
apportant 50 g de glucides entraîne une réponse glycémique Augmenter la teneur en fibres des aliments. L’amélioration
deux fois plus forte que celle obtenue avec une demi-portion de de la tolérance glucidique est l’effet le plus constamment
pain blanc apportant 25 g de glucides. Ces faits plaident d’une observé lorsqu’on ajoute des fibres alimentaires à une hypergly-
part pour une limitation et une quantification de l’apport en cémie provoquée orale ou à un repas, qu’il soit exclusivement
hydrates de carbone au cours de la journée (40 à 50 % de glucidique ou équilibré en protides, glucides et lipides [34]. D’un
l’apport calorique total, avec une moyenne souhaitable de point de vue quantitatif, l’apport total en fibres alimentaires
l’ordre de 45 %) et d’autre part pour un étalement de l’apport devrait se situer aux alentours de 20 à 30 g/j. Ce niveau
glucidique en respectant les trois repas quotidiens. En général, d’apport s’avère en général suffisant, tout en évitant les
et comme nous l’avons indiqué plus haut, la répartition des inconvénients digestifs (ballonnements abdominaux, diarrhées,
glucides est de 10 à 20 % pour le petit déjeuner et de 40 à 45 % nausées...), dus à l’usage de fortes doses quotidiennes (40-50 g).
pour les repas de midi et du soir. Un apport de 20 à 30 g/j implique souvent une supplémenta-
Agir sur la nature des hydrates de carbone. Depuis les tion quotidienne de l’ordre de 10 g car l’alimentation spontanée
travaux de Jenkins [9], il est maintenant bien démontré que des dans les pays développés n’apporte que 10 à 20 g de fibres par
quantités identiques d’hydrates de carbone contenues dans des jour. Bien que cette supplémentation puisse être assurée par des
aliments différents peuvent conduire à des réponses hypergly- préparations diététiques enrichies en fibres, il est préférable
cémiques très variables. L’index glycémique reste à ce jour la d’utiliser des aliments naturels. En effet, les fibres de texture
méthode de référence [30] pour estimer le pouvoir hyperglycé- contenues dans les céréales complètes ou les légumes secs
miant d’un aliment ou d’un repas glucidique par rapport à un ralentissent l’hydrolyse des glucides assimilables (amidons) qui
« standard » qui dans la majorité des cas est constitué par une sont « emprisonnés » dans le réseau fibreux dont la destruction
charge orale de 50 g de glucides sous forme de pain blanc. Dans partielle est indispensable pour que les polysaccharides soient
ces conditions, les aliments peuvent être classés en fonction de attaqués par les enzymes du tube digestif. En revanche, la
la valeur de leur index glycémique. Bien que l’index glycémique simple adjonction de fibres plus ou moins purifiées sous forme
soit critiquable, on peut considérer avec Jenkins [9] que sa de poudre ou de granulés à un repas glucidique est beaucoup
reproductibilité est suffisante pour permettre de donner des moins efficace.
conseils en clinique courante. Les recommandations classiques Associer d’autres nutriments aux glucides alimentaires. La
pour limiter les montées glycémiques post-prandiales consistent présence d’autres nutriments peut modifier la disponibilité des
à privilégier la consommation d’aliments ayant des index glucides contenus dans un aliment donné. Les protides alimen-
glycémiques faibles. Ainsi, la majorité des apports glucidiques taires atténuent la réponse glycémique post-prandiale lorsqu’ils
devrait être assurée par des féculents (riz, pâtes, légumes secs), sont mélangés à un repas glucidique. Toutefois, seuls les
du lait, des fruits ou des légumes. En revanche, la consomma- enrichissements protéiniques relativement importants de l’ordre
tion de pain devrait être contrôlée, car son pouvoir hyperglycé- de 30 à 50 g au moment de la prise alimentaire sont capables
miant est voisin de celui du saccharose. La consommation d’entraîner des modifications des réponses glycémiques [35].
d’aliments contenant des glucides très hyperglycémiants ne doit Avec des enrichissements plus faibles, inférieurs ou égaux à
pas être interdite chez le diabétique mais il est préférable de 10 g, les réponses et les index glycémiques ne semblent pas
rester dans des limites raisonnables. Les pâtisseries ou confiseries modifiés de manière significative [35]. Les lipides, en particulier
ne doivent être consommées que de manière occasionnelle. De les MIS [36], sont, comme les protéines, capables de réduire
manière plus générale, il est préférable d’éviter la consommation l’effet hyperglycémiant d’un repas glucidique. À la lumière de
d’aliments à fort pouvoir hyperglycémiant aux moments de la toutes ces études, il apparaît que pour réduire le pouvoir
journée où les dérives hyperglycémiques sont les plus mar- hyperglycémiant d’un aliment riche en glucides, il est préférable
quées [31]. C’est le cas après le petit déjeuner, cette période étant de ne pas le consommer isolément mais au cours d’un repas
caractérisée par une montée excessive de la glycémie. Chez des équilibré apportant également des protéines et des lipides.
patients atteints d’intolérance au glucose nous avons montré, il
Éviter les descentes glycémiques excessives et surtout
y a quelques années, que des petits déjeuners à faible index
les épisodes hypoglycémiques à distance des repas
glycémique où l’apport glucidique est assuré par du lait et des
fruits améliore considérablement l’évolution glycémique par Cette précaution est plus théorique que pratique chez les
rapport à un petit déjeuner à fort index glycémique à base de diabétiques de type 2 traités par antidiabétiques oraux, bien que
pain et de confiture [32]. En revanche, les aliments à pouvoir certains diabétiques traités par insulinosécrétagogues (sulfony-
hyperglycémiant relativement élevé comme le pain pourraient lurées ou glinides) puissent ressentir des hypoglycémies à
être réservés aux repas où le risque de montée glycémique post- distance des repas, en fin de matinée, mais plus volontiers en
prandiale est plus faible : repas de midi et du soir. fin d’après-midi. Dans ce cas de figure, deux mesures peuvent
La simple connaissance du pouvoir hyperglycémiant des être utilisées : l’adaptation de la posologie de l’insulinosécréta-
aliments glucidiques à partir des index glycémiques est cepen- gogue et/ou l’introduction d’une collation glucidique en milieu
dant insuffisante quand on sait que les index glycémiques d’après-midi par exemple. Chez les diabétiques de type 2 traités
définis pour un aliment donné peuvent varier sous l’influence par insuline, le risque d’hypoglycémie est réel, bien que
de différents facteurs. La cuisson, l’ébullition, le broyage, la nettement plus faible que chez les diabétiques de type 1.
réduction en purée ou en compote et de manière plus générale, L’introduction de collations interprandiales peut s’avérer
tous les procédés susceptibles d’entraîner une dégradation indispensable chez le diabétique de type 2 traité par insuline,
mécanique ou thermique des aliments amylacés, augmentent le mais dans ce cas, il convient de veiller à ce que l’apport
pouvoir hyperglycémiant [33]. C’est au nom de ce principe que calorique lié aux collations ne s’additionne pas à l’apport
les purées industrielles, les snacks d’apéritif, les corn flakes sont énergétique quotidien, surtout quand on sait que l’insulinothé-
des produits alimentaires à fort index glycémique. À l’inverse, rapie favorise la prise pondérale chez le diabétique de type 2.

Endocrinologie-Nutrition 5
10-366-R-10 ¶ Diététique des états diabétiques

Toute collation doit donc s’accompagner d’une soustraction


calorique équivalente, portant sur le repas qui précède ou qui Poids de départ
suit la collation, selon le profil glycémique du patient.
Chez les diabétiques de type 1, les hypoglycémies sont Poids (a) (b)
(c)
fréquentes. Elles surviennent en général à distance des repas ou
Poids d'arrivée
après une activité physique plus intense qu’à l’accoutumée. Des
mesures de correction immédiates doivent être prises
lorsqu’elles surviennent mais le mieux est de les prévenir, Glycémie de départ
lorsque le moment de survenue est prévisible. Selon l’horaire
- fin de matinée, fin d’après-midi ou milieu de nuit - des
collations peuvent être introduites en milieu de matinée, en (b)
(c)
milieu d’après-midi ou au coucher. En général, l’apport glucidi- Glycémie
que des collations se situe autour de 20 à 30 g de glucides. La Glycémie d'arrivée
collation au coucher ne devrait pas être systématique. Elle
devrait être conseillée uniquement lorsque la glycémie au
(a)
coucher est inférieure à 1,60 g/l.

Mesures diététiques chez le patient diabétique À court terme À moyen terme


en surcharge pondérale ou en poids normal Quelques jours Quelques mois
Mesures diététiques chez le patient diabétique de type 2 ou semaines
en surcharge pondérale Figure 3. Influence à court et moyen terme de différentes modalités de
perte de poids sur la glycémie de diabétiques non insulinodépendants. a.
Compte tenu de la fréquence de la surcharge pondérale dans
Régimes à très basse teneur calorique ; b. régimes avec restriction calori-
le diabète de type 2 et compte tenu du rôle physiopathologique
que modérée ; c. régimes intermédiaires.
joué par l’insulinorésistance induite par les surcharges pondéra-
les dans le diabète de type 2, on peut affirmer que le contrôle
et la restriction des apports caloriques constituent dans la
majorité des cas le dénominateur commun des mesures diététi- d’atteindre ou à défaut de se rapprocher du poids « raisonna-
ques. À partir de cette constatation, de nombreuses stratégies ble » c’est-à-dire du niveau pondéral à partir duquel s’améliorent
diététiques ont été avancées : régimes traditionnels, régimes ou disparaissent les symptômes cliniques ou biologiques de
sélectivement restrictifs en glucides ou en lipides. La plupart des l’insulinorésistance : hypertension artérielle, hypertriglycéridé-
solutions proposées sont souvent décevantes à long terme et il mie, hypoHDLémie, etc. [39, 40].
est bien certain qu’aucun nutritionniste ne peut prétendre Les régimes à très basses calories ont-ils ou non une place
détenir une solution miracle. Le débat est également ouvert en dans la prise en charge du diabétique obèse ? Ces régimes, assez
matière de poids optimal à atteindre au terme d’une cure largement utilisés aux États-Unis, sous le terme de very-low-
d’amaigrissement car il a été démontré qu’une perte de poids calorie-diets (VLCD) sont caractérisés par des apports caloriques
modeste (- 4 kg en quelques jours) entraîne une réduction quotidiens compris entre 400 et 800 kcalories [41]. Pour tenter
notable de la glycémie à jeun qui « passe » de 3 g/l à 1,6 g/ de limiter la perte de la masse maigre, les apports protidiques
l [37]. Il convient toutefois de souligner que ces résultats ont été quotidiens sont maintenus à un niveau relativement élevé : 0,8
obtenus sur le court terme (une dizaine de jours) avec des à 1,5 g/kg de poids idéal. D’autre part, ces régimes doivent être
régimes à très basse teneur calorique (400 kcalories/j). En supplémentés en vitamines, minéraux et acides gras essentiels
prolongeant ces régimes au-delà du 10e jour, il est possible pour éviter les carences qui pourraient survenir au cours de leur
d’obtenir une perte de poids supplémentaire de 5 à 6 kg mais prescription. Le mode d’administration pratique est variable :
elle est plus lente et s’étale sur une période de 1 mois. Le gain administration de formules liquides (poudres à dissoudre dans
ultérieur sur la glycémie reste en revanche faible puisque le taux l’eau) ou aliments naturels riches en protéines à haute valeur
plasmatique du glucose à jeun « passe » de 1,6 g/l à 1,4 g/l entre biologique mais pauvres en graisses (viandes maigres, volailles,
le 10e et le 40e jour. Ces résultats suggèrent que les régimes poissons, blanc d’œuf, fromage blanc à 0 % de matières grasses).
hypocaloriques ont par eux-mêmes un effet hypoglycémiant en Une troisième possibilité est de combiner les deux modes
dehors de toute perte pondérale. En faisant une synthèse de d’administration afin de faciliter leur prescription. En général,
toutes les études réalisées sur ce thème, il semble qu’au moins les régimes à très basse teneur calorique ne sont administrés que
à court terme, 40 % de l’effet hypoglycémiant des régimes sur des périodes de temps relativement courtes, allant de 4 à
hypocaloriques soient attribuables à la restriction calorique 12 semaines [41] . À quelques variantes près, les différents
proprement dite, les 60 % étant dus à la perte de poids. En schémas sont constitués par la séquence chronologique sui-
revanche, le résultat final après plusieurs mois de régime est vante :
surtout conditionné par le gradient de la perte pondérale, quel • période initiale (1 à 4 semaines) pendant laquelle est prescrit
que soit le régime utilisé pour parvenir à cette perte de poids un régime hypocalorique équilibré (1 200 à 1 500 kcal/j) ;
(Fig. 3) [38]. Ainsi, avec des régimes à très basse teneur calorique • période de VLCD (4 à 12 semaines) au cours de laquelle est
qui entraînent une perte de poids rapide, on observe d’impor- administré le régime compris entre 400 à 800 kcal/j ;
tantes diminutions de la glycémie dans les premiers jours ou les • période de réalimentation (4 à 5 semaines) avec réintroduc-
premières semaines, avec remontée ultérieure dès que la perte tion d’une alimentation solide et avec un apport calorique
de poids se stabilise ou s’arrête. En revanche, les régimes à voisin de 1 000 kcal/j ;
restriction calorique modérée s’accompagnent d’une baisse • période de stabilisation avec retour à un régime équilibré dont
glycémique progressive, mais soutenue. Comme beaucoup la teneur calorique est comprise entre 1 200 et 1 500 kcal/j.
d’autres nutritionnistes, c’est ce type de régime que nous Comme nous l’avons indiqué plus haut, ces régimes sont
recommandons aux diabétiques de type 2 en surcharge pondé- efficaces à court terme, mais leur efficacité est beaucoup plus
rale. L’objectif est d’obtenir une vitesse de perte pondérale incertaine dans le long terme [38]. En particulier, il est difficile
comprise entre 2 et 4 kg par mois. De toute manière, il convient de savoir quelle est la qualité de vie individuelle et sociale des
d’éviter les pertes de poids trop rapides, supérieures à 4 kg par patients soumis à ce type de régime. Quand ils sont proposés,
mois, qui s’accompagnent d’une perte de masse maigre et qui ils doivent faire l’objet d’un suivi médical méticuleux avec mise
aboutissent à des échecs à moyen terme, avec reprise de poids en route au cours d’une hospitalisation. Dans notre pratique, la
rapide dès que le patient relâche ou abandonne son régime. En prescription de ces régimes devrait être limitée à des périodes de
revanche, les pertes de poids modérées sauvegardent la masse temps relativement courtes qui correspondent à l’initiation
maigre, évitent la fatigue en cours de cure d’amaigrissement et d’une perte de poids lors du démarrage d’un traitement
permettent, à condition que le sujet soit suffisamment motivé, diététique [41].

6 Endocrinologie-Nutrition
Diététique des états diabétiques ¶ 10-366-R-10

Dans ces conditions, ils constituent un moyen de sensibiliser


les patients diabétiques à la diététique, en leur montrant que les Mono-insaturés 10 %
mesures nutritionnelles peuvent améliorer de manière significa- 25 %
tive leur équilibre métabolique.
Mesures diététiques chez le patient diabétique en poids 55 %
normal 40 %
Glucides
Ces mesures concernent surtout le diabétique de type 1 qui
est le plus souvent en poids normal. Elles sont plus rarement
applicables aux diabétiques de type 2 qui sont volontiers en
surcharge pondérale ou obèses. Quand le poids est normal,
Diabétique Diabétique
l’apport calorique doit être maintenu à son niveau habituel,
lequel est fonction de l’âge, du sexe et de l’activité physique du • avec obésité androïde • en poids normal
sujet. Toutefois, la notion de poids doit être discutée pour et/ou ou avec obésité gynoïde
chaque patient diabétique. Si on se réfère aux tables et à l’indice • avec dyslipidémie • exempt de dyslipidémie
de masse corporelle (IMC = rapport poids/taille2, le poids étant • avec activité physique
exprimé en kg et la taille en mètre), la limite supérieure de la plutôt forte
normale se situe entre 25 et 27 en fonction de l’âge du sujet. Figure 4. Les facteurs qui interviennent dans le choix des pourcentages
Cette définition est toute relative et, comme nous l’avons respectifs des calories apportées par les glucides et les graisses MIS. Chez
indiqué plus haut, il est préférable de parler de poids « raison- les diabétiques ayant une obésité androïde et une dyslipidémie (hypertri-
nable ». Dans ces conditions, il est souvent inutile d’imposer des glycéridémie, hypo-HDLémie), il est préférable de choisir un régime avec
mesures de restriction calorique à des diabétiques en léger un rapport glucides/graisses MIS = 40 %/25 %. Chez les diabétiques en
surpoids, exempts de dyslipidémie, et ayant une pression poids normal ou ayant une obésité androïde, exempts de dyslipidémie et
artérielle normale. Dans ce cas, il est préférable de substituer ayant une activité physique forte, le choix doit plutôt être orienté vers un
aux mesures quantitatives des recommandations purement rapport glucides/graisses MIS = 55 %/10 %. Entre ces deux positions, le
qualitatives : privilégier la consommation de glucides à faible prescripteur peut faire des choix intermédiaires (d’après Monnier L. Les
pouvoir hyperglycémiant, recommander l’utilisation d’édul- fondamentaux de l’alimentation dans le diabète de type 2. Méd Mal
corants. Métab 2007;1:16-20).

les produits laitiers de ruminants) ou industrielle (fabrication


“ Point important de margarines hydrogénées) des acides gras alimentaires ;
• diminution des acides gras poly-insaturés de la série n-6
(acide linoléique et dérivés) présents en plus ou moins grande
La dysglycémie du diabète est la résultante de quantité dans certaines huiles végétales comme les huiles de
l’hyperglycémie chronique soutenue et des fluctuations tournesol, de maïs, de pépins de raisin, etc. Cet apport ne
aiguës de la glycémie. Les mesures diététiques sont devrait pas dépasser 10 % de l’apport énergétique total ;
destinées à contrôler ces deux désordres à la fois dans le • apport suffisant, de l’ordre de 2 g/j en acides gras poly-
diabète de type 1 et 2. Dans le diabète de type 2 où une insaturés de la série n-3 : acide alphalinolénique présent dans
perte de poids est souvent nécessaire, le régime doit être certaines huiles végétales comme l’huile de colza ou de soja,
et l’acide eicosapentaénoïque contenu dans les chairs de
basé sur une restriction calorique. La réduction des
poissons gras et dans les huiles qui en dérivent ;
excursions glycémiques post-prandiales peut être • apport protéique aux alentours de 15 % de l’apport calorique
obtenue en agissant sur la quantité et la qualité des quotidien ;
glucides alimentaires. La prévention des hypoglycémies, • diminution des apports en chlorure de sodium (NaCl) aux
surtout dans le diabète de type 1, peut faire appel à des alentours de 6 g/j ;
collations dont l’horaire doit être judicieusement choisi. • augmentation des apports en fibres alimentaires (20 à 30 g/j) ;
• augmentation des apports en antioxydants naturels (vitami-
nes antioxydantes et polyphénols contenus dans certains
fruits et légumes) ;
Assurer un apport alimentaire équilibré • apports en boissons alcoolisées limités à 1 à 2 verres d’équi-
pour minimiser le risque de complications valent de vin par jour ;
cardiovasculaires Ces recommandations dites « idéales » sont malheureusement
très théoriques et difficilement applicables. La teneur en lipides,
Les recommandations de niveau A (à fortes preuves) sont les moins de 30 % des calories pour l’apport total et moins de 7 %
suivantes [42] : pour les graisses saturées, est certainement trop restrictive pour
• moins de 7 % de l’apport calorique sous forme d’acides gras que ces régimes puissent être maintenus sur le long terme.
saturés ; Pour cette raison, la recommandation qui nous paraît la plus
• moins de 30 % de l’apport calorique sous forme de lipides ; crédible pour la pratique courante est celle qui stipule que la
• apports énergétiques adaptés aux besoins du sujet et permet- somme des apports caloriques sous forme de glucides et de
tant de maintenir le poids corporel au niveau souhaité ; graisses MIS (acide oléique) devrait être égale à deux tiers des
• apport en cholestérol inférieur à 200 mg/j. calories totales. Dans ces conditions, la balance glucides/MIS
D’autres recommandations devraient les compléter. Elles peut osciller entre deux extrêmes, l’un inférieur, à 40 % de
reposent sur des arguments plus faibles : niveau B (existence de glucides et 25 % de MIS et l’autre supérieur, avec 55 % de
preuves mais sans caractère absolu), niveau C (preuves limites), glucides et 10 % de MIS (Fig. 4). Le choix entre ces deux limites
et consensus d’experts : est modulé par le médecin en fonction des goûts, des habitudes
• apports en glucides entre 50 et 60 % de l’apport calorique alimentaires et du profil métabolique du patient. La formule
total ; intermédiaire avec 45 % de glucides et 20 % de MIS est celle qui
• apports en acides gras MIS (acide oléique) jusqu’à 20 % des est la plus souvent utilisée car elle permet d’assurer un compro-
calories totales ; mis entre les préoccupations médicales et les souhaits du
• somme des apports caloriques sous forme de glucides et de patient. Les acides gras MIS ont des propriétés antiathérogènes,
graisses MIS égale à 65 % de l’apport énergétique total ; antithrombogènes et antistress oxydatif. Les régimes enrichis en
• diminution des apports en acides gras trans dont la produc- MIS entraînent une diminution du low density lipoprotein (LDL)
tion est associée à l’hydrogénation naturelle (présence dans cholestérol identique à celle qui est obtenue avec les régimes

Endocrinologie-Nutrition 7
10-366-R-10 ¶ Diététique des états diabétiques

pauvres en graisses saturées. Par ailleurs, ils améliorent le surtout chez les sujets ayant une accumulation préférentielle de
rapport high density lipoprotein (HDL) cholestérol/LDL cholesté- tissu adipeux au niveau de l’abdomen [48]. C’est l’aggravation de
rol [43, 44]. Les acides gras MIS ont un effet antithrombogène car l’insulinorésistance [46] et l’apparition de troubles de la phase
ils augmentent la fluidité des membranes plaquettaires. Un précoce de l’insulinosécrétion qui conditionnent le passage à
apport de l’ordre de 20 % en acides gras MIS permet par ailleurs l’intolérance au glucose. La poursuite de la diminution de la
de préserver le caractère onctueux de l’alimentation qui est l’un fonction bêta-langerhansienne [47] et l’augmentation de la
des trois piliers de la palatabilité alimentaire. Si de surcroît les production hépatique du glucose [46] expliquent la conversion
acides gras MIS sont consommés sous forme d’huile d’olive de l’intolérance au glucose en diabète de type 2 après quelques
(75 % des acides gras de l’huile d’olive sont constitués par des mois ou années d’évolution si des mesures préventives ne sont
MIS), le consommateur bénéficie d’un apport substantiel pas mises en route.
d’arômes (polyphénols) qui rendent l’alimentation plus Toutes les études d’interventions nutritionnelles [4, 14, 49, 50]
agréable. ont été réalisées chez des sujets obèses ayant un syndrome
d’insulinorésistance avec en général une intolérance au glucose,
état considéré comme un véritable stade de « prédiabète ». À cet
égard, les valeurs données pour les taux annuels de conversion
“ Point important de l’intolérance au glucose en diabète de type 2, dans les
groupes contrôles des études que nous venons de citer, sont très
éloquents : 6 % dans l’étude finlandaise [14], 11 % dans l’étude
L’équilibre des apports alimentaires doit permettre de du Diabetes Prevention Program Research Group (étude DPP) [4],
minimiser le risque de complications cardiovasculaires. La 12,4 % dans l’étude Study to Prevent Non Insulin Dependent
somme des apports caloriques sous forme de glucides et Diabetes Mellitus (STOP-NIDDM) [45] et jusqu’à 15,7 % dans
de graisses MIS devrait être égale à deux tiers des calories l’étude Da Qing [49] . Ces valeurs indiquent clairement que
totales. En pratique, la formule intermédiaire la plus l’intolérance au glucose doit être prise en considération et
traitée de manière efficace chez les sujets ayant les mêmes
utilisée correspond à 45 % de glucides et 20 % de MIS.
caractéristiques que ceux inclus dans toutes les études précitées.
Tous ces sujets devraient normalement bénéficier de mesures
préventives en insistant sur la prise en charge hygiénodiététique
■ Les mesures diététiques qui est de loin la plus efficace quand elle est correctement
observée. Dès lors, on peut considérer que des sujets de plus de
permettent-elles de prévenir 40 ans, obèses, ou en surcharge pondérale et ayant une intolé-
rance au glucose, devraient être des « cibles » privilégiées pour
le diabète ? entreprendre une prévention du diabète de type 2 [14]. Toutefois,
compte tenu de l’émergence sans cesse croissante des cas de
L’augmentation sans cesse croissante de la fréquence du
diabète de type 2 chez des adolescents obèses, la limite infé-
diabète sucré est devenue un problème majeur de santé publi-
rieure d’âge est certainement à reconsidérer. À notre avis, ces
que à la fois dans les pays développés et au niveau mondial.
mesures hygiénodiététiques devraient être envisagées le plus tôt
Pour mieux appréhender l’efficacité des mesures thérapeutiques
possible chez un individu correspondant au phénotype qui
susceptibles de stopper ou de freiner cette « épidémie » de
vient d’être décrit.
diabète, plusieurs études récentes d’interventions nutritionnelles
ou pharmacologiques ont été consacrées à la prévention du
diabète de type 2 dans des populations à risque élevé d’évoluer Mesures diététiques préventives :
vers un diabète [4, 14, 45]. Les résultats de ces études réalisées comment ?
chez des intolérants au glucose ont montré que la prévention
hygiénodiététique est toujours supérieure à la prévention Deux types de mesures diététiques peuvent être envisagées.
pharmacologique. En prenant comme marqueur d’efficacité du Les premières, qui sont certainement les plus importantes, et
traitement préventif le nombre de sujets à traiter pour stopper qui devraient être utilisées en priorité, sont basées sur les
ou retarder la conversion d’une intolérance au glucose en régimes de restriction calorique avec pour objectif de réduire la
diabète patent de type 2 chez l’un d’entre eux, les chiffres sont surcharge pondérale ou l’obésité. En effet, grâce au suivi de
éloquents : 5 sujets sur 5 ans [14] et 6,9 sujets sur 3 ans [4] dans 84 941 infirmières américaines, sur une période de 16 ans, les
les cohortes de sujets soumis à de simples mesures hygiénodié- épidémiologistes de l’Université de Harvard ont montré que la
tétiques ; 13,9 sujets sur 3 ans [4] et 11 sujets sur 3,3 ans [45] surcharge pondérale ou l’obésité sont les seuls prédicteurs
dans les cohortes de sujets soumis respectivement à des traite- majeurs de survenue de diabète [51] . Un deuxième type de
ments préventifs par metformine ou acarbose. Ainsi, il apparaît mesures nutritionnelles consiste à modifier la balance glucides/
que le « rendement » des mesures hygiénodiététiques en termes lipides, à réduire les apports en acides gras saturés (moins de
de réduction de la conversion de l’intolérance au glucose en 10 % de l’apport énergétique total), à enrichir le régime en
diabète de type 2 est globalement deux fois supérieur à celui des acides gras désaturés, à favoriser la consommation de fruits, de
traitements pharmacologiques. Le problème est de savoir si cette légumes et de fibres alimentaires [4, 14]. Dans notre esprit, ce
démonstration, faite dans le cadre d’études programmées, est deuxième groupe de mesures reste accessoire par rapport à la
extrapolable à la pratique médicale quotidienne compte tenu de restriction calorique. La séquence thérapeutique recommandée
toutes les difficultés que l’on rencontre dans l’initiation et est donc la suivante : mise en œuvre d’un régime de restriction
l’observance des mesures hygiénodiététiques, surtout lorsqu’elles calorique suivie par une action plus qualitative sur certains
sont à visée préventive. constituants de l’alimentation lorsqu’un certain degré de perte
pondérale a été obtenu.
Dans les trois grandes études d’interventions nutritionnelles
Mesures diététiques préventives : chez qui ? que nous avons citées [4, 14, 49], ces deux trains de mesures ont
De nombreuses études [46, 47] ont établi que l’histoire natu- été mis en œuvre de manière concomitante. Les résultats en
relle du diabète de type 2 est caractérisée par une évolution termes de poids et de réduction du risque relatif de développer
progressive au cours de laquelle des sujets génétiquement un diabète patent sont consignés dans le Tableau 1. Sur ce
prédisposés passent lentement, mais sûrement, d’une régulation même tableau, nous avons indiqué, quand ils étaient disponi-
glycémique normale à un diabète de type 2 patent en traversant bles, les changements diététiques qui ont pu être obtenus de
une étape intermédiaire caractérisée par une intolérance au manière réelle. Dans l’ensemble, ils paraissent modestes par
glucose. À chaque étape, l’obésité et la sédentarité jouent un rapport aux recommandations qui avaient été données par les
rôle majeur pour initier ou accélérer l’évolution d’un stade médecins nutritionnistes et par les diététiciennes au début et en
donné vers le suivant. Au stade de l’obésité simple, sans cours d’étude. Dans l’étude Da Qing, la consigne chez les sujets
désordre glycémique, la résistance à l’insuline est déjà présente, en surpoids (IMC supérieur ou égal à 25 kg/m2) était de réduire

8 Endocrinologie-Nutrition
Diététique des états diabétiques ¶ 10-366-R-10

Tableau 1.
Interventions nutritionnelles réalisées pour prévenir la conversion des états d’intolérance au glucose en diabète patent de type 2. Les variations de niveau
calorique et de poids sont exprimées par rapport à l’état de base. Pour l’étude Da Qing, les diminutions de poids corporel sont estimées à partir de l’IMC.
Étude Type Régime réellement suivi Perte de poids Réduction du risque relatif Durée de l’étude
d’intervention de développer un diabète
Réduction Glucides Lipides
de type 2
calorique (%) (%)
Étude Da Qing [49] Régime seul -5% 59 % 27 % -1,1 kg/m2 dans le - 33 % 6 ans
groupe en surpoids

Étude Da Qing [49] Régime + exercice - 10 % 58 % 27 % - 1,6 kg/m2 dans le - 38 % 6 ans


groupe en surpoids

Étude Régime + exercice ND ND < 30 % - 4,2 kg à 1 an - 58 % 3,2 ans (moyenne)


finlandaise [14] chez 47 %
des sujets

Étude DPP [4] Régime + exercice - 450 kcal ND 27,5 % - 5,6 kg (perte - 58 % 2,8 ans (moyenne)
moyenne)
ND : non déterminé

l’apport calorique de telle manière que la perte de poids soit de souhaitable car les deux interventions additionnent leurs effets.
l’ordre de 0,5 kg à 1 kg par mois jusqu’à ce que l’IMC atteigne De plus, la pratique d’une activité physique augmente la
23 kg/m2. motivation des sujets vis-à-vis des mesures diététiques.
Les résultats des interventions nutritionnelles [4, 14, 49]
(Tableau 1) montrent qu’en dépit d’une perte de poids modeste,
la réduction du risque de développer un diabète de type 2 est
significative et comprise entre – 33 % et – 58 %. Ces données
confirment qu’il est possible d’assurer une prévention efficace “ Point important
du diabète de type 2 avec des pertes de poids modérées de
quelques kilogrammes. Il n’est donc pas nécessaire de proposer Les mesures hygiénodiététiques sont deux fois plus
aux obèses intolérants au glucose des cures d’amaigrissement efficaces que les mesures pharmacologiques pour prévenir
importantes qui sont souvent hors de portée de ces patients la conversion d’une intolérance au glucose en diabète
dont l’obésité est ancienne et dont les habitudes alimentaires patent de type 2. Les principaux bénéficiaires de ces
sont difficilement modifiables. Encore faut-il qu’il y ait une mesures préventives sont des sujets de plus de 40 ans,
perte de poids pour que la prévention soit effective. Cette tâche
obèses ou en surcharge pondérale. La pratique d’une
n’est pas aisée quand on sait que, par manque de disponibilité
ou d’habitude, de nombreux médecins ont des difficultés à activité physique devrait être associée à la prévention
prescrire des régimes de restriction calorique qui, de surcroît, nutritionnelle du diabète de type 2.
vont être souvent mal suivis par les personnes auxquelles ils ont
été conseillés. Pour faciliter l’observance des recommandations
diététiques, nous avons l’habitude de préconiser une approche
simplifiée qui consiste à réaliser une enquête alimentaire rapide ■ Saveurs, arômes dans le régime
basée sur un questionnaire de fréquence alimentaire [52]. Cette du diabétique
enquête, qui peut être réalisée en quelques minutes, c’est-à-dire
dans un laps de temps compatible avec une consultation de Les régimes quels qu’ils soient sont toujours contraignants.
pratique médicale courante, permet d’évaluer quelques compor- Pour que les régimes puissent être suivis sur le long terme, il
tements alimentaires spécifiques portant sur des aliments à faut qu’ils soient acceptables sur le plan gustatif. Il faut donc
haute densité énergétique : grignotage, consommation d’entrées rétablir un certain équilibre dans le triangle de la palatabilité
salées et de desserts sucrés, consommation de boissons calori- qui comprend : la sensation en bouche, les saveurs et les arômes
ques, prise de repas dits « festifs ». Nous avons pu évaluer que (Fig. 5). C’est cet aspect que nous allons développer dans les
l’apport énergétique lié à ces comportements alimentaires lignes qui suivent.
correspond en moyenne à 440 kcalories chez la femme et à La saveur salée est apportée par le chlorure de sodium dont
540 kcalories chez l’homme. Si on considère qu’un régime l’apport doit être plus ou moins diminué en cas de régime
hypocalorique standard qui permet de perdre 500 grammes par hyposodé. Les sels de régime à base de chlorure de potassium
semaine consiste à soustraire environ 500 kcalories par jour de sont des substituts gustatifs de pauvre qualité car ils ont un goût
l’apport calorique habituel [22] , il apparaît que la simple amer.
suppression des produits ou des comportements alimentaires La saveur sucrée de l’alimentation est en général sous la
dont le relevé est effectué dans le questionnaire rapide corres- dépendance du saccharose qui a l’inconvénient d’apporter des
pond à cet objectif. À cet égard, il convient de souligner qu’un calories et d’entraîner des hyperglycémies post-prandiales chez
repas « festif » apporte en moyenne un supplément de l’ordre de les diabétiques. Les édulcorants intenses (cyclamates, saccharine,
1 400 kcalories par rapport à un repas normal. De nombreux aspartame, acésulfame, sucralose) peuvent être utilisés pour
patients obèses, n’ayant pas maigri, mais convaincus de suivre reproduire le goût sucré quand les apports en sucres doivent
le régime pendant la semaine, oublient de signaler à leur être limités. L’industrie alimentaire n’a pas que des défauts car
médecin qu’ils font un ou deux repas « festifs » hebdomadaires, elle fournit au consommateur des entremets à goût sucré,
lesquels suffisent à annuler tous les efforts qu’ils ont pu réaliser allégés, moins riches en calories et à pouvoir hyperglycémiant
le reste du temps. faible ou nul. En revanche, il convient de se méfier de certains
Au terme de ce chapitre il apparaît que la prévention nutri- produits dits « sans sucre » où le pouvoir sucrant est apporté par
tionnelle du diabète de type 2 est possible. Basée essentielle- des sucres-alcools (xylose, sorbitol) qui ont un pouvoir hyper-
ment sur une perte pondérale de quelques kilogrammes chez glycémiant quasiment nul mais qui apportent autant de calories
des sujets obèses, insulinorésistants et ayant une intolérance au que le saccharose : 3,2 kcalories/g contre 4 kcalories/g. C’est
glucose, elle reste cependant difficile car les sujets qui relèvent ainsi que certaines confiseries (bonbons « dits » sans sucre) ou
de cette prévention sont souvent peu motivés. Le couplage des le chocolat sans sucre contiennent autant de calories que leurs
mesures diététiques avec un programme d’activité physique est équivalents traditionnels. Le patient diabétique doit être

Endocrinologie-Nutrition 9
10-366-R-10 ¶ Diététique des états diabétiques

Onctueux

Palatabilité

Saveurs Arômes
• Salé (plus de 5000)
• Sucré
• Acide
• Amer

Figure 5. Le triangle de la palatabilité avec ses trois composantes : la Arôme (olfaction et rétro-olfaction) Saveur (goût)
saveur, les arômes et la sensation en bouche (onctueux) (d’après Colette
C. Saveurs et arômes dans les régimes du diabétique de type 2. Méd Mal Figure 6. Différences entre arômes et saveurs. Les saveurs sont perçues
Métab 2007;1:41-5). au niveau de la langue tandis que les arômes sont perçus par des
récepteurs olfactifs soit par olfaction directe, soit par rétro-olfaction
(d’après Colette C. Saveurs et arômes dans les régimes du diabétique de
informé de ces problèmes, en particulier lorsqu’il est en type 2. Méd Mal Métab 2007;1:41-5).
surpoids.
L’onctueux est l’une des sensations les plus difficiles à
reproduire. À ce jour, les graisses gardent une supériorité qui transforme le jus de raisin en vin, produit de nouveaux
incontestable sur toutes les pseudosolutions proposées par arômes qui enrichissent la qualité du vin : ce sont les arômes
l’industrie agroalimentaire. Les substituts protéiques introduits secondaires.
dans les crèmes allégées, les amidons modifiés utilisés dans les Les arômes du fromage proviennent des réactions de fermen-
sauces à faible teneur calorique, n’arrivent jamais à reproduire tation dues à la présence de micro-organismes (levures, cham-
le caractère onctueux et crémeux de l’aliment de référence. pignons) qui sont introduits lors de la maturation du fromage.
Quand les réductions d’apports en sel, en sucres ou en Tous les fromages sont fabriqués après coagulation du lait par
graisses sont indispensables, les arômes peuvent venir au secours une enzyme : la présure. Les fromages frais qui en résultent sont
du consommateur. Les arômes se différencient des saveurs par ensuite soumis à un processus d’affinage par des traitements
leur taille et leur mode de perception. Les saveurs sont en physicochimiques (pression, cuisson) ou biologiques, par
général apportées par des molécules de taille variable, mais dont introduction de micro-organismes : Penicillium Roqueforti pour
le poids moléculaire varie entre 50 et 10 000. Elles sont perçues le roquefort, Penicillium Camemberti pour le camembert. Ce
exclusivement par la langue. Les arômes sont des molécules de sont ces micro-organismes qui produisent les arômes. Dans le
petite taille (esters, cétones, aldéhydes, composés hétérocycli- roquefort, le Penicillium Roqueforti se développe au cœur de la
ques) [53]. Leur poids moléculaire est faible (< 200). En raison de pâte, tandis que dans le camembert, le Penicillium Camemberti
leur structure chimique et de leur petite taille, elles sont ne se développe que dans la croûte. Ainsi, une personne qui
fortement volatiles. Ceci explique qu’elles soient perçues par les consomme du camembert en enlevant la croûte se prive de la
récepteurs olfactifs, par perception directe (olfaction directe ou plupart des arômes contenus dans le camembert. Les fromages
odorat) ou indirecte (rétro-olfaction) par volatilisation dans stérilisés (destruction des micro-organismes) sont en général
l’arrière-gorge (Fig. 6). dépourvus de goût.

Arômes : où les trouve-t-on ? Comment restaurer le goût en jouant


Comment les produit-on ? sur les arômes ?
Les arômes sont largement répandus dans la nature. Les Ceci peut être obtenu de plusieurs façons.
légumes et les fruits en contiennent de grandes quantités : En ajoutant des herbes odorantes : thym, laurier, ail, oignon,
358 arômes dans une fraise ! Certains corps gras contiennent ciboulette, estragon, basilic, persil, fenouil.
des arômes naturels. C’est le cas des huiles d’olive et des huiles En utilisant des huiles aromatiques : les huiles végétales
de noix. Les autres huiles (tournesol, maïs) en sont dépourvues peuvent être classées en fonction de leur teneur en acides gras
car elles sont soumises à un processus de purification indus- désaturés : MIS et poly-insaturés, en fonction de leur qualité
trielle. L’huile d’olive est riche en arômes car elle n’est jamais aromatique et de leur onctuosité. En fait, toutes ont la même
purifiée. Elle est obtenue par pression-filtration. Ce procédé de onctuosité car elles contiennent 85 % à 90 % de graisses. Les
fabrication rudimentaire, venu du fond des âges, permet de huiles riches en MIS (huile d’olive) seraient meilleures pour la
garder tous les arômes contenus dans le fruit. C’est ce qui santé que les huiles trop riches en poly-insaturés (huiles de
explique que les huiles d’olive aient un goût très différent en maïs, de tournesol, de colza, de soja, de noix). Les huiles qui
fonction du terroir d’origine et en fonction du procédé de contiennent des arômes sont plus agréables à consommer (olive,
fabrication qui leur est appliqué. Les arômes sont d’autant plus noix) que celles qui en sont dépourvues (huiles de maïs, de
conservés que la filtration est faible. tournesol, de colza, de soja). Si l’on tient compte de l’ensemble
Les arômes sont également obtenus par la transformation des de ces caractéristiques, l’huile d’olive est sûrement celle qui
produits naturels sous l’influence de deux processus : la fermen- possède les meilleurs atouts en termes de goût et de santé.
tation et le brunissement. Les noms de deux grands biologistes En mangeant des fromages aromatiques en petite quantité
français sont attachés à ces deux processus : Louis Pasteur pour plutôt que des fromages fades en grande quantité.
la fermentation et Louis-Camille Maillard pour le brunissement. En utilisant les arômes du grillé [54] : certaines viandes ou
Quelques exemples vont permettre de mieux comprendre les certains poissons ont peu de goût, en particulier lorsqu’il s’agit
choses. de viande ou de poisson maigre. Il est bien connu que les
Les arômes du vin (polyphénols) sont naturellement présents poissons gras (maquereaux, sardines) sont plus « forts en goût »
dans la peau du raisin (arômes primaires), mais la fermentation, que les poissons maigres, car les arômes sont fabriqués en partie

10 Endocrinologie-Nutrition
Diététique des états diabétiques ¶ 10-366-R-10

dans les parties grasses du poisson. Il en est de même pour les [9] Jenkins DJ, Wolever TM, Taylor RH, Barker H, Fielden H, Baldwin JM,
viandes grasses (agneau, mouton) qui se prêtent mieux à la et al. Glycemic index of foods: a physiological basis for carbohydrate
grillade que les viandes maigres. La grillade fournit trois types exchange. Am J Clin Nutr 1981;34:362-6.
d’arômes : les premiers proviennent de la réaction de Maillard [10] Grundy SM. Comparison of monounsaturated fatty acids and
(au sein de la chair de viande ou de poisson) par combinaison carbohydrates for lowering plasma cholesterol. N Engl J Med 1986;
d’acides aminés et de ribose provenant de la dégradation des 314:745-8.
acides nucléiques ; les seconds proviennent de l’oxydation des [11] Shai I, Schwarzfuchs D, Henkin Y, Shahar DR, Witkow S, Greenberg I,
acides gras poly-insaturés contenus dans les phospholipides des et al., Dietary Intervention Randomized Controlled Trial (DIRECT)
graisses invisibles de la viande ou du poisson ; les troisièmes Group. Weight loss with a low-carbohydrate, Mediterranean or low-fat
proviennent de la combustion du bois. Tous ces arômes se diet. N Engl J Med 2008;359:229-41.
recombinent entre eux pour donner le goût de « grillé ». Pour [12] Nestle M. Mediterranean diets: historical and research overview. Am
que les viandes ou les poissons maigres retrouvent un certain J Clin Nutr 1995;61(suppl6):1313S-1320S.
goût, il est d’usage d’associer des sauces, mais le bénéfice [13] Sachon C, Masseboeuf N, GrimaldiA.Alimentation et insulinothérapie
diététique de la viande ou du poisson maigre est immédiate- fonctionnelle. Méd Mal Métab 2007;1:26-32.
ment annihilé par l’adjonction d’une sauce riche en graisse ! [14] Tuomilehto J, Linstrom J, Eriksson JG, Valle TT, Hämäläinen H,
Ilanne-Parikka P, et al. Prevention of type 2 diabetes mellitus by
C’est pour cette raison que la grillade peut être utilisée pour
changes in lifestyle among subjects with impaired glucose tolerance. N
conférer des arômes à des viandes ou à des poissons qui en
Engl J Med 2001;344:1343-50.
seraient dépourvus, mais les arômes sont nettement moins
[15] Brownlee M. Banting lecture 2004. The pathobiology of diabetic
prononcés que dans les viandes ou les poissons gras, car les
complications: a unifying mechanism. Diabetes 2005;54:1615-25.
teneurs en phospholipides sont plus faibles. Par voie de consé- [16] Monnier L, Mas E, Ginet C, Michel F, Villon L, Cristol J-P, et al.
quence, les arômes provenant de l’oxydation des acides gras Activation of oxidative stress by acute glucose fluctuations compared
poly-insaturés seront très nettement diminués. La grillade ne with sustained chronic hyperglycemia in patients with type 2 diabetes.
doit pas être utilisée de manière systématique ni trop fréquente, JAMA 2006;295:1681-7.
car elle peut conduire à la production de composés cycliques, [17] The Diabetes Control and Complication Trial Research Group. The
aromatiques, à potentiel cancérigène. Cette production est effect of intensive treatment of diabetes on the development and pro-
d’autant plus forte que les températures appliquées sont plus gression of long-term complications in insulin-dependent diabetes
élevées. C’est pour cette raison que le braisé est préférable au mellitus. N Engl J Med 1993;329:977-86.
grillé. [18] UK Prospective Diabetes Study (UKPDS) Group. Intensive blood-
glucose control with sulphonylureas or insulin compared with
conventional treatment and risk of complications in patients with type
■ L’avenir des régimes [19]
2 diabetes (UKPDS 33). Lancet 1998;352:837-53.
Stratton IM, Adler AI, Neil HA, Matthews DR, Manley SE, Cull CA,
Les pessimistes diront que les régimes sont trop difficiles à et al., UK Prospective Diabetes Study Group. Association of glycaemia
expliquer pour des résultats aléatoires. C’est ce qui explique que with macrovascular and microvascular complications of type 2 diabetes
(UKPDS 35): prospective observational study. BMJ 2000;321:405-12.
certains diabétologues considèrent qu’un traitement pharmaco-
[20] De Fronzo RA. Lilly Lecture: the triumvirate: ß-cell, muscle, liver:
logique hypoglycémiant doit être mis en train dès que le
collusion responsible for NIDDM. Diabetes 1988;37:667-87.
diagnostic de diabète est posé [1]. Les optimistes diront que les [21] Kelly DE. Effects of weight loss on glucose homeostasis in NIDDM.
régimes peuvent être suivis à condition d’être correctement Diabetes Rev 1995;3:366-77.
expliqués et de s’intégrer dans un programme éducatif. Les [22] Pietrobelli A, Allison DB, Heshka S, Heo M, Wang ZM, Bertkau A,
réalistes dont nous faisons partie disent que les mesures et al. Sexual dysmorphism in the energy content of weight change. Int
diététiques méritent toujours d’être mises en œuvre. L’impor- J Obes Metab Disord 2002;26:1339-48.
tant est de donner au malade un outil et de lui expliquer [23] Heymsfield SB, Harp JB, Reitman ML, Beetsch JW, Schoeller DA,
l’intérêt qu’il représente. La suite dépend évidemment du Erondu N, et al. Why do obese patients not lose more weight when
patient et de ses choix de vie : accepter quelques contraintes treated with low-calorie diets? A mechanistic perspective. Am J Clin
diététiques ou se reposer sur la prise en charge pharmaco- Nutr 2007;85:346-54.
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L. Monnier (louis.monnier@inserm.fr).
C. Colette.
Laboratoire de nutrition humaine, Institut universitaire de recherche clinique, 641 avenue du doyen Giraud, 34093 Montpellier, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Monnier L., Colette C. Diététique des états diabétiques. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Endocrinologie-Nutrition, 10-366-R-10, 2010.

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12 Endocrinologie-Nutrition
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Traitement du diabète en dehors


de l’insuline
J.-F. Blicklé

Plusieurs nouvelles classes thérapeutiques sont venues enrichir la pharmacopée du diabète de type 2 au
cours de la dernière décennie. Si la place de la metformine et des sulfamides hypoglycémiants est validée,
les insulinosensibilisateurs de la famille des thiazolidinediones présentent, en matière de protection b
cellulaire et de durabilité du contrôle glycémique, un avantage certain et offrent en trithérapie une
alternative à l’insulinothérapie basale chez certains patients en échec de traitement par metformine et
sulfamide. Toutefois, la prise de poids qu’elles entraînent et certains effets indésirables liés à la rétention
hydrosodée et à un retentissement osseux soulèvent des interrogations sur leur utilisation au long cours.
Plus récemment, les thérapeutiques reposant sur la restauration de l’effet incrétine ont été mises sur le
marché. Les inhibiteurs de la dipeptidyl-peptidase-4 (DPP-4) peuvent représenter une alternative aux
sulfamides hypoglycémiants en cas d’échec de la monothérapie initiale par metformine avec l’avantage
d’une neutralité pondérale et d’un risque quasi négligeable d’hypoglycémie. La place thérapeutique des
agonistes des récepteurs du glucagon-like peptide-1 (GLP-1) se situe plutôt actuellement au stade de
l’échec de la bithérapie par metformine et sulfamide hypoglycémiant, comme alternative à
l’insulinothérapie basale, avec une efficacité moins constante, mais un clair avantage en termes
d’évolution pondérale. Il reste à démontrer, par des études de morbimortalité, que ces nouveaux
insulinosécréteurs présentent des avantages à long terme.
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Mots clés : Diabète de type 2 ; Metformine ; Thiazolidinediones ; Sulfamides hypoglycémiants ;


Analogues du glucagon-like peptide-1 ; Inhibiteurs de la dipeptidyl-peptidase-4 ;
Inhibiteurs des a-glucosidases

Plan sens d’une détérioration de l’équilibre glycémique lié à un


épuisement progressif de la sécrétion insulinique résiduelle, sa
prise en charge nécessite le recours à des combinaisons d’agents
¶ Introduction 1
thérapeutiques ayant des cibles différentes. Si les molécules les
¶ Insulinosensibilisateurs 1 plus anciennes, metformine et sulfamides hypoglycémiants,
Metformine 1 conservent une place dominante, la mise sur le marché au cours
Benfluorex 4 des dernières années de nouvelles classes thérapeutiques offre
Thiazolidinediones ou glitazones 4 des alternatives et des perspectives intéressantes de combinai-
¶ Insulinosécréteurs 7 sons thérapeutiques susceptibles de retarder le passage à
Sulfamides hypoglycémiants 7 l’insuline souvent mal accepté par les patients et dont l’impact
Glinides 10 sur l’évolution pondérale est fréquemment défavorable.
Incrétinomimétiques et incrétinopotentialisateurs 11
¶ Inhibiteurs des a-glucosidases
Données pharmacologiques
15
16 ■ Insulinosensibilisateurs
Données cliniques 16
Effets indésirables 16 Metformine
Place thérapeutique des inhibiteurs des a-glucosidases et Découverte en 1922 et introduite en Europe en 1957, la
modalités pratiques d’utilisation 17 metformine (diméthylbiguanide) (Fig. 1) a connu une carrière
Autres domaines d’utilisation des inhibiteurs des a-glucosidases 17 d’ombre et de lumière jusqu’à son approbation par la Food and
¶ Classes thérapeutiques en développement 17
¶ Conclusion 17
¶ Addendum 18 NH NH
CH3
N C NH C NH2

■ Introduction CH3

Compte tenu de la complexité de la physiopathologie du


Figure 1. Formule chimique de la metformine.
diabète de type 2 (DT2) et de son évolution naturelle dans le

Endocrinologie-Nutrition 1
10-366-R-20 ¶ Traitement du diabète en dehors de l’insuline

Drugs Administration (FDA) fin 1994 et sa consécration comme voire d’une discrète perte pondérale, contrastant avec la prise
thérapeutique de première ligne suite aux résultats de la United de poids observée sous sulfamides hypoglycémiants (SH) ou
Kingdom Prospective Diabetes Study (UKPDS) [1, 2]. thiazolidinediones (TZD) [8] ;
Il s’agit du seul biguanide encore commercialisé, ses concur- • effet sur les lipides plasmatiques : le traitement au long cours
rents, la phenformine, surtout développée aux États-Unis, et la par metformine s’accompagne d’une réduction modérée des
buformine en Allemagne, ayant été retirés en raison de leur triglycérides plasmatiques par réduction de la synthèse
risque important d’acidose lactique. hépatique des very low density lipoprotein (VLDL), ainsi que des
acides gras libres circulants. À un moindre degré, une légère
Données pharmacologiques baisse du cholestérol total et une augmentation du high
density lipoprotein (HDL)-cholestérol ont été rapportées dans
Pharmacocinétique
certaines études [8] ;
La metformine (Met), base faible très polaire, est extrême- • effets sur la pression artérielle : une baisse tensionnelle
ment soluble dans l’eau. Sa biodisponibilité est de l’ordre de discrète est rapportée de façon inconstante sous metformine.
50-60 %, l’absorption s’effectuant au niveau du grêle. La liaison Elle est sans doute attribuable à la réduction pondérale et à
aux protéines est négligeable. La demi-vie plasmatique est de 1,5 l’amélioration de l’insulinorésistance ;
à 4,9 heures. Les concentrations circulantes obtenues aux doses • amélioration de l’activité fibrinolytique par diminution du
thérapeutiques sont de 0,3 à 1 mg/l [3]. plasminogen activator inhibitor 1 (PAI-1), le principal inhibiteur
La metformine est très peu métabolisée et est éliminée sous de l’activateur du plasminogène, et réduction du risque
forme inchangée par voie rénale, 90 % de la dose administrée thrombotique par diminution du facteur de von Wille-
disparaissant en 12 heures. De ce fait, une altération, même brand [9] ;
modérée, de la fonction rénale est susceptible d’avoir un • diminution de l’adhésion et de l’agrégation plaquettaire ;
retentissement important sur les concentrations plasmatiques • amélioration de la relaxation vasculaire ;
du produit. L’élimination rénale de la metformine répond à un • réduction de l’excrétion urinaire d’albumine.
modèle multiexponentiel impliquant à la fois la filtration
glomérulaire et une sécrétion tubulaire. Données cliniques d’efficacité et de protection
Dans la plupart des tissus, les concentrations intracellulaires cardiovasculaire
de metformine sont équivalentes aux taux plasmatiques, mais
elles dépassent celles-ci dans le foie, les reins, et surtout les Les nombreux travaux liés à l’enregistrement de la metfor-
glandes salivaires et la paroi intestinale. mine aux États-Unis et les études récentes dans lesquelles elle a
servi de comparateur montrent une réduction de l’hémoglobine
Propriétés pharmacodynamiques : effet antihyperglycémiant glycosylée (HbA1c) de 1 % à 2 % et de la glycémie à jeun de
La metformine est classée parmi les insulinosensibilisateurs, 0,60 à 0,70 g/l, équivalente à celle des SH ou des TZD dans les
car elle réduit l’hyperglycémie des patients diabétiques de type essais thérapeutiques contrôlés [10].
2 sans augmenter leur insulinémie, mais une sécrétion résiduelle Il existe toutefois une variabilité interindividuelle de la
d’insuline est nécessaire à son action. réponse qui ne dépend pas uniquement de l’importance de
L’effet antihyperglycémiant de la metformine résulte essen- l’hyperglycémie initiale, un paramètre valable pour toutes les
tiellement de la réduction de la production hépatique de classes thérapeutiques, mais qui pourrait être sous-tendu par
glucose, principalement par inhibition de la néoglucogenèse et, certains polymorphismes génétiques de l’organic cation transpor-
à un moindre degré, par inhibition de la glycolyse [4]. ter 1 (OCT 1), qui permet l’entrée de la metformine dans le foie
En outre, la metformine potentialise l’effet de l’insuline sur la et l’entérocyte [11]. Une corrélation entre le degré d’activité de
captation musculaire et adipocytaire du glucose. Dans le muscle, ce transporteur et l’activation par la metformine de l’AMPK a
elle favorise le stockage du glucose sous forme de glycogène, été mise en évidence. Toutefois, l’étude des polymorphismes
mais n’augmente pas son oxydation. Il n’est toutefois pas génétiques de l’OCT 1 dans des petits groupes de patients
certain que cet effet périphérique observé in vivo soit direct. Il considérés comme répondeurs ou non-répondeurs à la metfor-
apparaît plus probable qu’il résulte de l’amélioration de la mine n’a pas révélé de différences remarquables. S’il est préma-
glucotoxicité. turé de tirer, à l’heure actuelle, de conclusions formelles de ces
Au niveau intestinal, la metformine réduit l’absorption du travaux de pharmacogénétique, ces approches visant à prédire
glucose, mais cela ne participe probablement que de façon la réponse thérapeutique et les effets indésirables des médica-
marginale à son effet thérapeutique. ments constitueront certainement un des fondements de la
pharmacologie du XXIe siècle.
Mécanisme d’action L’amélioration des facteurs et marqueurs de risque vasculaire
La ou les cibles moléculaires de la metformine restent mal suggère en outre un potentiel de prévention cardiovasculaire de
connues. Sur des hépatocytes isolés, son action nécessite la la metformine.
présence de la protéine kinase activée par l’acide adénosine Effectivement, dans le groupe de patients obèses de
monophosphorique (AMPK) [5, 6], un système enzymatique de l’UKPDS [2] traités avec la metformine, la réduction des événe-
structure hétérotrimérique comportant une sous-unité a cataly- ments liés au diabète, de la mortalité totale et des accidents
tique et deux sous-unités b et c régulatrices, qui joue un rôle vasculaires cérébraux (AVC) apparaît supérieure à celle des
majeur dans l’intégration et la régulation de l’homéostasie groupes chlorpropamide, glibenclamide ou insuline. En revan-
énergétique cellulaire. L’AMPK est activée par l’augmentation du che, dans cette étude, une surmortalité a été observée chez les
rapport acide adénosine monophosphorique (AMP)/adénosine patients chez lesquels la metformine était introduite après échec
triphosphate (ATP) et par diverses autres kinases. Elle déclenche, des SH. Les autres données disponibles dans la littérature ne
par phosphorylation enzymatique directe et modulation de mettant pas en évidence de surrisque lié à l’association
l’expression génique, une série de processus cataboliques metformine-sulfamide [9], il est possible que ce résultat obtenu
conduisant à la production d’ATP et inhibe les voies anaboli- dans un petit groupe de patients soit lié au hasard, ou, à la
ques consommatrices d’ATP [7]. lumière des données d’ACCORD [12] et de VADT [13], qu’il soit à
Le mécanisme par lequel la metformine active l’AMPK reste mettre sur le compte du caractère tardif du renforcement
débattu et certains travaux suggèrent même qu’il pourrait ne thérapeutique.
pas s’agir d’un effet direct de la molécule [8].
Effets indésirables
Autres effets de la metformine
En dehors de son effet sur le métabolisme glucidique, la Acidose lactique
metformine exerce un certain nombre d’autres effets directs ou L’acidose lactique est la complication la plus grave du
indirects favorables : traitement par metformine [14, 15] et est à l’origine des contre-
• effet sur le poids : dans la plupart des études, le traitement indications et précautions d’emploi de la molécule (Tableau 1).
par metformine s’est accompagné d’une stabilité pondérale, Sa fréquence, évaluée entre 2 et 9/100 000 patients-années, est

2 Endocrinologie-Nutrition
Traitement du diabète en dehors de l’insuline ¶ 10-366-R-20

Tableau 1. Autres effets indésirables


Contre-indications et précautions d’emploi de la metformine.
Les autres effets indésirables sont rares : allergies (rash, prurit,
Contre-indications(a) urticaire), carence en vitamine B 12 réversible à l’arrêt du
Insuffisance rénale (C créat < 60 ml/min) traitement ou corrigée par une prise orale de vitamine B12
Insuffisance cardiaque ou respiratoire sévère cristalline.
La metformine ne provoque pas d’hypoglycémies en
Insuffisance hépatique
l’absence d’associations thérapeutiques, de jeûne prolongé ou de
Alcoolisme
prise massive d’alcool.
Précautions d’emploi
Place thérapeutique de la metformine
Le traitement par metformine doit être arrêté transitoirement :
et modalités pratiques de prescription
– 48 heures avant une intervention nécessitant une anesthésie générale
Du fait de ses bénéfices thérapeutiques démontrés chez les
– 24 à 48 heures avant un examen radiologique nécessitant une
patients en surpoids, de l’absence de risque d’hypoglycémie, de
injection de produit de contraste iodé
la longue expérience de son utilisation et de son coût peu élevé,
– en cas d’affection intercurrente sévère avec risque de déshydratation et
la metformine est actuellement recommandée, en l’absence de
d’insuffisance rénale aiguë (fièvre, vomissements, diarrhées, traitement
contre-indication, comme thérapeutique de première ligne chez
diurétique associé, etc.), de collapsus (infarctus du myocarde, sepsis,
tous les diabétiques de type 2 dont l’HbA1c n’est pas parfaite-
etc.) ou d’hypoxie (pneumopathie grave, etc.)
ment normalisée sous traitement hygiénodiététique [17]. Elle
– en cas de survenue de signes évocateurs d’acidose lactique débutante
demeure une composante essentielle de toutes les étapes
(crampes musculaires, douleurs abdominales, etc.)
ultérieures de bi- ou trithérapie orale et du traitement insulini-
La metformine n’est pas indiquée pendant la grossesse. que du diabétique de type 2 en surpoids chez lequel elle exerce
C créat : clairance de la créatinine. un effet d’épargne insulinique et limite la prise de poids.
(a)
Ces contre-indications seront probablement assouplies prochainement. La metformine est actuellement disponible sous forme de
chlorhydrate (comprimés dosés à 500, 850 et 1 000 mg) et
très inférieure à celle observée sous phenformine. Un certain d’embonate (700 mg) (Tableau 2). Les posologies usuelles sont
nombre de travaux récents remettent même en cause la respon- de 1 700 à 2 550 mg/j. La dose peut être augmentée jusqu’à
sabilité dans la survenue d’acidoses lactiques chez les patients 3 000 mg avec un faible bénéfice thérapeutique supplémentaire
diabétiques, l’augmentation du risque paraissant davantage liée et au prix d’une majoration des effets indésirables. Il est
au diabète lui-même qu’à son traitement [16]. Aux doses théra- recommandé d’instaurer le traitement de façon progressive et
peutiques, la metformine majore discrètement les taux circu- pendant le repas pour limiter le risque de troubles digestifs,
lants de lactate par augmentation de sa production intestinale sources d’abandon thérapeutique. Chez certains patients
et réduction de la glucogenèse à partir des produits terminaux rapportant des antécédents d’intolérance digestive, souvent du
de la glycolyse. Une acidose lactique risque de se produire en fait de posologies fortes d’emblée, la réintroduction d’une autre
cas d’anoxie tissulaire, ou en situation d’insuffisance rénale qui forme du produit à faible dose est parfois possible. Il est
conduit à une accumulation anormale de metformine. Le essentiel de respecter les contre-indications et précautions
traitement par metformine doit être interrompu en cas d’insuf- d’emploi du produit (Tableau 1), bien que certains auteurs [18, 19]
fisance rénale, même modérée (débit de filtration glomérulaire préconisent de les assouplir, sous réserve de surveillance. Le
estimé [DFGe] inférieur à 60 ml/min), ou s’il existe un risque risque d’acidose lactique reste en effet extrêmement faible par
d’insuffisance rénale aiguë (déshydratation, utilisation de rapport aux bénéfices thérapeutiques de la metformine, même
contraste iodé) ou d’ischémie tissulaire (anesthésie générale, en cas de contre-indications relatives, et le développement de
insuffisance cardiorespiratoire sévère, infarctus du myocarde, l’acidose lactique nécessite presque toujours l’existence d’une
affection intercurrente sévère). L’apparition de signes prémoni- autre affection favorisante. De même, la contre-indication
toires d’acidose lactique (asthénie, crampes musculaires, classique représentée par la grossesse est remise en question par
douleurs abdominales et thoraciques) doit également conduire les données cliniques [20].
à son arrêt immédiat avant l’apparition des manifestations plus
graves (oligurie, état de choc). Autres domaines potentiels d’utilisation
de la metformine
Troubles digestifs
Les troubles digestifs à type de pesanteur épigastrique, Prévention du diabète de type 2
ballonnement abdominal, nausées, diarrhées, dysgueusie (goût Chez des sujets présentant une intolérance au glucose, la
métallique) et anorexie représentent les effets indésirables les metformine, à la dose de 2 × 850 mg/j, a permis d’obtenir une
plus fréquents. Ils sont dose-dépendants et s’atténuent parfois réduction de l’incidence du diabète de 31 %, par rapport à un
avec le temps, mais on peut évaluer à 5-10 % le pourcentage de placebo. Cet effet est toutefois moindre que celui d’une prise en
patients ayant une intolérance totale et durable à la metformine charge hygiénodiététique intensive (– 58 %) et ne se maintient
conduisant à son arrêt. pas à l’arrêt du traitement [21].

Tableau 2.
Préparations de metformine disponibles en France fin novembre 2010.
DCI Nom commercial Dosage/cp (mg) Équivalents Met (mg) Posologies usuelles (cp)
Chlorhydrate de metformine Glucophage® 500 390 2-3
850 663 2-3
1 000 780 2-3
®
Embonate de metformine Stagid 700 280 2-4

Conduite du traitement
Traitement de 1re ligne
Vérifier l’absence de contre-indication et respecter les précautions d’emploi
Instaurer le traitement à posologie progressive
Conseiller la prise des comprimés pendant les repas
Ne jamais dépasser la posologie de 3 g de chlorhydrate de Met
DCI : dénomination commune internationale ; Met : metformine ; cp : comprimé.

Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-R-20 ¶ Traitement du diabète en dehors de l’insuline

Prise en charge de l’obésité et du syndrome métabolique


S O
Dans les études BIGPRO (Biguanides and the Prevention of the CH3
Risk of Obesity) 1 et BIGPRO 1.2, une baisse non significative du
poids et une tendance à l’amélioration des composants du N NH
O O
syndrome métabolique ont été observées sous metformine 850,
2 × 1 cp/j par rapport au placebo [22]. N
A
Plusieurs essais ont mis en évidence un discret effet de la
metformine sur la perte de poids de sujets obèses. S O
Syndrome des ovaires polykystiques H3C

Bien que la pathogénie de ce syndrome reste mal comprise, NH


N O O B
l’insulinorésistance y joue un rôle majeur. Diverses observations
et essais cliniques ont rapporté sous metformine une réduction Figure 2. Formules chimiques de la rosiglitazone (A) et de la pioglita-
des taux circulants de testostérone, une amélioration des cycles zone (B).
menstruels et de l’ovulation, sans effet significatif sur la fertilité
pour autant [23].
Utilisation chez les enfants et les adolescents d’hépatites. Elle s’est poursuivie aux États-Unis jusqu’à l’avène-
ment de la rosiglitazone (Rosi) et de la pioglitazone (Pio) en
L’évolution moderne du mode de vie s’accompagnant d’une
2000 (Fig. 2).
apparition plus précoce du DT2, en particulier aux États-Unis,
la question de l’utilisation pédiatrique de la metformine se pose.
Données pharmacologiques
Certains travaux suggèrent l’intérêt de cette molécule, en
particulier vis-à-vis du poids si on la compare aux SH ou à Pharmacocinétique
l’insuline chez ces jeunes diabétiques obèses [22]. Ainsi, l’autori-
L’absorption des TZD est rapide et complète après adminis-
sation de mise sur le marché (AMM) de la metformine a été
tration orale. Le pic de concentration est légèrement retardé par
élargie en 2006 aux enfants et adolescents âgés de plus de
l’alimentation, mais l’aire sous la courbe n’est pas réduite. Les
10 ans.
TZD circulent à 99 % sous forme liée aux protéines et sont
métabolisées dans le foie. Pour la Rosi, ce métabolisme fait
intervenir les cytochromes P (CYP) 2C8 et 2C9 [24] ; pour la Pio,

“ Point important
les CYP 2C8 et 3A4 [25]. Pour la Rosi, l’élimination est rénale
pour les deux tiers de la dose et biliaire pour un tiers, alors que
pour la Pio, elle est majoritairement biliaire (70-85 %). L’insuf-
Metformine fisance rénale, même sévère, n’a toutefois pas de répercussions
sur la pharmacocinétique des deux TZD et ne nécessite pas
• Insulinosensibilsateur à action hépatique prédominante
d’ajustement posologique. En revanche, l’insuffisance hépatique
• Thérapeutique validée par des études cliniques à long
s’accompagne d’une augmentation du pic de concentration et
terme de l’aire sous la courbe et contre-indique de ce fait l’utilisation
• Traitement de première ligne des TZD [24, 25].
• Bénéfice cardiovasculaire établi Peu d’interactions médicamenteuses significatives ont été
• Effets indésirables digestifs fréquents (diarrhées), répertoriées en dehors de la réduction des courbes de concen-
nécessitant une instauration du traitement à faibles doses trations des deux TZD en présence de rifampicine et de la
• Risque rare d’acidose lactique, à l’origine des contre- majoration des concentrations de Pio de 240 % en cas de prise
indications à son utilisation (insuffisance rénale, concomitante de gemfibrozil [26].
insuffisance hépatique, alcoolisme, insuffisance cardiaque
Pharmacodynamie
ou respiratoire sévère) et de ses précautions d’emploi
(interruption lors d’affections intercurrentes, anesthésie Dans divers modèles animaux d’insulinorésistance, les TZD
générale, utilisation de contrastes iodés) corrigent de façon spectaculaire les concentrations de glucose,
d’acides gras libres et de triglycérides.
Chez l’homme, l’amélioration de la sensibilité à l’insuline
sous TZD est attestée par les expériences de clamp euglycémique
Benfluorex hyperinsulinique et les mesures de captation tissulaire de
2-fluorodésoxyglucose. À la différence de la Met, l’effet sur la
Cette molécule, chimiquement apparentée à la fenfluoramine,
sensibilité périphérique à l’insuline est dominant et celui sur la
a été proposée comme une alternative à la metformine lorsque
production hépatique de glucose moins prononcé et peut-être
celle-ci est contre-indiquée. En réalité, le statut d’antidiabétique
même indirect [27].
de ce médicament ancien est resté débattu en raison de la
pauvreté des essais cliniques, dont aucun n’a comporté de Mécanisme d’action
critères de jugement cliniques de morbimortalité, Le benfluorex
a été retiré du commerce à la fin de l’année 2009 en raison de Les TZD sont des agonistes de récepteurs nucléaires dénom-
la survenue de cas de valvulopathie et d’hypertension artérielle més peroxisome proliferator-activated receptor-gamma (PPAR-c), qui
pulmonaire. font partie d’une superfamille de facteurs de transcription
impliqués dans le développement embryonnaire, la différencia-
tion cellulaire et le contrôle du métabolisme [28]. Ces récepteurs
Thiazolidinediones ou glitazones comportent plusieurs domaines :
Cette classe thérapeutique récente a suscité une abondante • un domaine de liaison à l’acide désoxyribonucléique (ADN),
littérature et des interrogations quant à son avenir après les le plus conservé ;
espoirs qu’elle avait fait naître. • un domaine de fixation d’un ligand ;
Le développement de la ciglitazone au Japon remonte à 1982. • un domaine d’interaction avec divers coactivateurs ou
Mais le premier représentant de la classe arrivé à un développe- corépresseurs.
ment avancé, la troglitazone, n’a été commercialisé qu’en Les trois isoformes de PPAR-a, -d (ou -b) et -c sont codés par
1997 aux États-Unis, au Japon, puis au Royaume-Uni. Sa carrière des gènes différents, ont une distribution tissulaire particulière,
européenne a été interrompue quelques semaines après son reconnaissent des ligands naturels et pharmacologiques caracté-
lancement en raison de la survenue de plusieurs cas mortels ristiques et se lient à des éléments de réponse aux PPAR (PPRE)

4 Endocrinologie-Nutrition
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Données des études évaluant des critères


intermédiaires
Effet sur le contrôle glycémique
Dans les essais contrôlés du dossier d’AMM ou les études
ultérieures, la Rosi et la Pio permettaient d’obtenir chez des
patients diabétiques une réduction de la glycémie à jeun et de
l’HbA1c de 0,9 % à 1,5 %, que ce soit en monothérapie, en
association avec de la Met ou un SH, ou en trithérapie [24, 25].
En association à l’insuline, en particulier chez les sujets obèses
fortement insulinorésistants, les TZD permettent une améliora-
tion du contrôle glycémique et une réduction des doses. L’effet
des TZD ne passe pas par une stimulation de l’insulinosécrétion,
mais résulte d’une amélioration de la sensibilité à l’insuline,
dont témoigne l’évolution favorable du homeostasis model
assessment of insulin sensitivity (HOMA-S). Le traitement par TZD
Figure 3. Mécanisme d’action des thiazolidinediones (TZD). En l’ab-
améliore toutefois le fonctionnement de la cellule b, ce dont
sence de ligand, l’hétérodimère PPAR-c est associé à un répresseur empê-
témoigne la diminution du rapport pro-insuline/insuline,
chant la transcription. La liaison de la TZD provoque l’expulsion du
l’augmentation du HOMA-b et de la sécrétion insulinique
répresseur et le recrutement d’un complexe activateur. PPAR-c : peroxi-
précoce [30].
some proliferator-activated receptor-gamma ; PPRE : éléments de réponse
Si l’efficacité des TZD semble optimale chez les patients
aux PPAR ; RXR : retinoid X receptor ; ADN : acide désoxyribonucléique.
obèses [31], il est difficile de prédire la réponse thérapeutique sur
la base des données cliniques.
Effets sur les paramètres lipidiques
spécifiques. En ce qui concerne PPAR-c, présent sous deux
Le site d’action des TZD laisse prévoir des effets majeurs sur
isoformes, il est principalement exprimé dans le tissu adipeux et le métabolisme lipidique. En fait, ils concernent davantage le
plus accessoirement dans le côlon, les cellules immunitaires et tissu adipeux que les lipoprotéines circulantes. Sous TZD, on
les cellules musculaires lisses aortiques. L’isoforme c2 apparaît observe constamment une baisse significative du taux des acides
limitée au tissu adipeux [29]. gras libres plasmatiques (AGL). Les triglycérides diminuent
L’activation de PPAR-c est contrôlée par des ligands naturels modérément sous Pio (0,3-0,6 mmol/l), alors qu’ils évoluent de
imparfaitement connus ou pharmacologiques (TZD ou autres façon plus variable sous Rosi. Le LDL-cholestérol reste stable
agonistes). Un hétérodimère PPAR-c – récepteur de l’acide sous Pio, alors qu’il augmente significativement sous Rosi [32],
rétinoïque activé – peut alors se former, ce qui permet la mais la proportion de particules petites et denses, considérées
libération d’un répresseur et le recrutement d’un complexe comme les plus athérogènes, diminue dans les deux cas. Enfin,
protéique activateur permettant la transcription du message le HDL-cholestérol augmente de 5 % en moyenne avec les deux
génétique (Fig. 3). molécules. Certains cas d’effondrement du HDL-cholestérol ont
Les gènes transcrits concernent en fait essentiellement la été rapportés sous Rosi [33].
différenciation adipocytaire et le métabolisme lipidique, ce qui
ne saurait rendre compte directement de l’effet sur la sensibilité Effets sur la pression artérielle
à l’insuline et le métabolisme du glucose. Il est donc admis que Un abaissement tensionnel de 3 mmHg environ est observé
ces derniers sont indirects et résultent de la transformation du chez les diabétiques traités par TZD, mais également chez des
tissu adipeux avec formation de petits adipocytes à partir de hypertendus essentiels non diabétiques [34].
fibroblastes et de gros adipocytes. Ces petits adipocytes libèrent
dans la circulation moins d’acides gras libres et ont un profil de Effets sur les marqueurs non traditionnels de risque
sécrétion plus favorable, en particulier une sécrétion plus vasculaire
importante d’adiponectine, et moindre d’adipokines délétères Les effets sur les marqueurs non traditionnels de risque
sur le plan de la sensibilité à l’insuline (Fig. 4). Il en résulte une vasculaire sont les suivants :
meilleure utilisation périphérique du glucose et une moindre • réduction de l’excrétion urinaire d’albumine indépendante de
accumulation d’acides gras libres dans des tissus où ils sont l’amélioration du contrôle glycémique ;
susceptibles d’exercer des effets toxiques, foie, muscle strié et • réduction du PAI-1 ;
cellules b. • diminution de la C-reactive protein (CRP) ;

Stockage des AGL

Figure 4. Effets des thiazolidinediones (TZD) sur le tissu adipeux et la sensibilité à l’insuline. AGL : acides gras libres ; TNF-a : tumor necrosis factor alpha.

Endocrinologie-Nutrition 5
10-366-R-20 ¶ Traitement du diabète en dehors de l’insuline

• abaissement de la métalloprotéinase de matrice 9 (MMP-9), DT2 chez les femmes hispaniques ayant des antécédents de
une métalloprotéinase impliquée dans l’instabilité de la diabète gestationnel et une anomalie de la tolérance au glucose,
plaque athéromateuse [35] ; il restait à confirmer ces données avec les TZD actuellement sur
• régulation de la prolifération endothéliale et de la sécrétion le marché [43]. Pour la Pio, on dispose actuellement, en atten-
de peptides vasoactifs ; dant les résultats de l’étude Actos Now for the Prevention of
• amélioration de la dysfonction endothéliale [36] ; Diabetes (ACT NOW) de l’extension de l’étude TRIPOD.
• protection vis-à-vis des phénomènes d’ischémie/reperfusion Pour la Rosi, l’étude DREAM (Diabetes Reduction Assessment
expérimentale. with Ramipril and Rosiglitazone Medication), qui a porté sur
plus de 5 000 patients ayant une intolérance au glucose ou une
Données des études d’événements cliniques hyperglycémie modérée à jeun a retrouvé une réduction de
60 % du risque de conversion vers un diabète [44] avec une
Protection cardiovasculaire
persistance de la moitié de l’effet 6 mois après l’arrêt du
L’effet des TZD sur les facteurs de risque laisse présager un traitement, suggérant qu’il ne s’agit pas uniquement d’un effet
effet protecteur cardiovasculaire. masquant du traitement.
L’étude PROactive (Prospective Pioglitazone Clinical Trial in
Macrovascular Events) a évalué l’effet de la Pio 45 mg ou d’un Amélioration de la stéatopathie hépatique non alcoolique
placebo, donnés en addition aux autres thérapeutiques orales, Dans PROactive et d’autres essais de durée prolongée, une
voire insuliniques chez plus de 5 000 patients diabétiques de diminution des transaminases a été observée au cours du suivi.
type 2 ayant des antécédents vasculaires (infarctus du myocarde, Plusieurs études ont montré que le traitement par TZD réduisait
accident vasculaire cérébral) ou des lésions vasculaires, artérite significativement la surcharge lipidique hépatocytaire [45].
des membres inférieurs ou coronaropathie documentés [37]. Ces
patients étaient en outre traités de façon optimale en fonction Effets indésirables
des recommandations. L’étude a fait l’objet de critiques, car la Si les craintes initiales et précautions liées à l’hépatotoxicité
réduction du risque de survenue du critère principal, un de la troglitazone ont été assez rapidement levées pour les deux
composite associant des événements cliniques et des procédures TZD actuellement disponibles, d’autres effets indésirables de
thérapeutiques, n’était pas significative. En revanche, une cette classe thérapeutique se sont confirmés ou révélés lors des
réduction significative de 16 % du risque combiné d’infarctus études prolongées.
du myocarde (IDM), de décès et d’AVC, était observée sous Pio.
Ces effets favorables sont toutefois contrebalancés par une Prise de poids
augmentation du risque de décompensation cardiaque. Initialement considérée comme limitée aux 6 à 12 premiers
L’étude RECORD (Rosiglitazone Evaluated for Cardiac Outco- mois de traitement, il s’avère que cette dernière se poursuit au
mes and Regulation of Glycaemia in Diabetes) a évalué chez fil des années [35, 42, 44]. Elle apparaît extrêmement hétérogène
plus de 4 000 patients la non-infériorité de la Rosi associée à la en fonction des patients. Elle correspond en partie à de la
Met ou un SH sur la survenue des événements cardiovasculaires rétention hydrosodée, mais résulte pour l’essentiel d’une
(décès ou hospitalisation pour cause cardiovasculaire, y compris prolifération adipocytaire et d’un stockage lipidique accru,
l’insuffisance cardiaque) [38]. Cette étude a permis d’apporter conséquence attendue du mécanisme d’action de ces médica-
une réponse à la question d’une augmentation du risque d’IDM ments. Ce développement adipeux concerne essentiellement le
soulevée par une méta-analyse des essais antérieurs dont tissu adipeux sous-cutané alors que la graisse viscérale tend à
l’objectif n’était pas les événements cardiovasculaires. En dépit diminuer, expliquant que l’on n’observe pas sous l’effet de la
de l’évolution favorable de nombreux marqueurs de risque, la prise de poids de détérioration de la sensibilité à l’insuline [46].
Rosi n’apporte toutefois pas de protection particulière vis-à-vis Malgré tout, ces prises pondérales sont souvent mal acceptées
du risque d’infarctus et, comme la Pio, elle majore significative- par les patients et sont susceptibles d’induire à long terme des
ment le risque de décompensation d’une insuffisance cardiaque. effets délétères articulaires, cardiovasculaires et respiratoires si
Prévention de la resténose intrastent : une méta-analyse de elles sont importantes.
plusieurs essais de petite dimension a conclu à l’intérêt des TZD
après angioplastie chez le patient diabétique [39]. Rétention hydrosodée
Prévention de la progression de l’athéromatose caroti- Des œdèmes sont susceptibles d’apparaître chez certains
dienne [40]. patients, favorisés par une augmentation de la perméabilité
Le profil cardiovasculaire de la Pio apparaissant plus favorable capillaire.
que celui de la Rosi [41], l’European Medicines Agency (EMEA) a De même, une pseudoanémie par hémodilution peut être
pris la décision de suspendre l’AMM de la Rosi le 23 septembre observée en cas de rétention hydrosodée importante.
2010. Le risque majeur, confirmé par l’ensemble des grandes études,
est toutefois celui de décompensation aiguë d’une insuffisance
Durabilité du contrôle glycémique cardiaque préexistante. Pourtant, les TZD n’exercent pas d’effet
En réduisant la surcharge lipidique des cellules b, les TZD délétère sur la fonction cardiaque et la Pio semble même
pourraient prévenir leur apoptose et ainsi s’opposer à la dérive l’améliorer [47].
glycémique qui caractérise l’évolution naturelle du DT2.
L’étude ADOPT (A Diabetes Outcome Progression Trial) [42] a Œdème maculaire
comparé l’intervalle de temps entre l’instauration d’une mono- Quelques cas d’œdème maculaire paraissant corrélés à
thérapie par glibenclamide ou Rosi et l’échappement thérapeu- l’importance de la rétention hydrosodée et inconstamment
tique défini par une glycémie à jeun supérieure à 1,80 g/l chez réversibles à l’arrêt du traitement ont été rapportés [48].
plus de 4 000 patients avec un suivi médian de 4 ans. Elle a
confirmé la plus grande durabilité du contrôle glycémique sous Risque de fracture
Rosi par rapport au glibenclamide, la Met occupant une posi- L’étude ADOPT a pour la première fois attiré l’attention sur
tion intermédiaire. Cette constatation avait également été faite une augmentation du risque de fractures distales chez les
de façon moins démonstrative avec la Pio dans les études femmes ménopausées traitées par Rosi [42]. Cette observation
Quartet. Elle pourrait être liée à une protection b cellulaire par s’est confirmée dans la plupart des études ultérieures. Ces
les glitazones, mais il n’y a pas de preuves directes de cette fractures n’ont pas une localisation classique de fractures
dernière. ostéoporotiques. Elles pourraient être liées à une diminution du
renouvellement osseux par réduction de la différenciation des
Prévention du DT2 ostéoblastes.
Après les résultats extrêmement prometteurs du bras troglita-
zone du Diabetes Prevention Programm (DPP) et de l’étude Risque oncogène
TRIPOD (Troglitazone in the Prevention of Diabetes), qui Le risque oncogène a été évoqué en raison de la forte expres-
présentaient une réduction de 55 % du risque d’apparition d’un sion de PPAR-c dans le côlon. Il n’a toutefois jamais été

6 Endocrinologie-Nutrition
Traitement du diabète en dehors de l’insuline ¶ 10-366-R-20

Tableau 3.
Dosages de pioglitazone et association à la metformine.
DCI Nom Dosage/cp Posologies usuelles
“ Point important
commercial (mg) (cp)
Thiazolidinediones
Pioglitazone Actos® 15 1
• Insulinosensibilisateurs à effet périphérique
30 1
prédominant
Dose max : 45 mg
• Agonistes des récepteurs PPAR-c
Pioglitazone Competact® 15/850 2 • Effet indirect et retardé sur le contrôle glycémique
+ metformine • Durabilité de l’effet supérieure à celle des sulfamides
hypoglycémiants
Conduite du traitement • Thérapeutique validée par plusieurs essais cliniques à
En général, utilisation en bi- ou trithérapie long terme
Vérifier l’absence de contre-indications : • Profil cardiovasculaire plus favorable pour la
– insuffisance cardiaque pioglitazone que la rosiglitazone
– insuffisance hépatique ou augmentation des ALAT ≥ 3 N • Place thérapeutique essentielle : échec de la
Surveillance clinique : monothérapie par metformine ou de la bithérapie par Met
– rétention hydrosodée + SH :
– poids C prise de poids
Risque fracturaire, en particulier chez les femmes ménopausées C rétention hydrosodée
ALAT : alanine aminotransférase ; DCI : dénomination commune inter-
C risque de décompensation cardiaque (insuffisance
nationale ; cp : comprimé. cardiaque = contre-indication)
C risque fracturaire à long terme
confirmé et les données expérimentales suggèrent plutôt un
effet protecteur carcinologique des TZD.
L’alimentation est susceptible de ralentir l’absorption de
Place thérapeutique des thiazolidinediones. certains SH, mais ne réduit pas leur absorption. Toutefois, bien
Modalités pratiques d’utilisation (Tableau 3) qu’en prise unique, l’efficacité des SH sur le contrôle glycémique
postprandial soit optimal lorsqu’ils sont administrés une demi-
Bien que l’AMM européenne laisse une place pour les TZD en heure avant le repas, cela n’a que peu d’influence dans un
monothérapie chez le patient obèse insuffisamment contrôlé traitement prolongé. L’hyperglycémie pourrait également
par les mesures hygiénodiététiques et présentant une contre- influencer l’absorption du glipizide en particulier.
indication ou une intolérance à la Met, cette option n’est pas Les SH circulent tous sous forme liée aux protéines à plus de
retenue dans les recommandations françaises qui limitent leur 95 %. Ils sont biotransformés dans le foie en métabolites le plus
usage à la bithérapie et à la trithérapie [17]. La combinaison Met souvent inactifs et, sauf pour le glibenclamide, les métabolites
+ TZD, disponible sous forme d’associations fixes, est intéres- actifs qui peuvent être produits ne participent pas à l’effet
sante chez les patients en surpoids insuffisamment contrôlés par hypoglycémiant, sauf en cas d’accumulation liée à une insuffi-
une monothérapie par Met, les bons répondeurs ayant habituel- sance rénale. La métabolisation est quasi complète. Seuls le
lement des résultats assez durables. Il convient de respecter la carbutamide et, à un moindre degré, le glipizide sont partielle-
contre-indication représentée par l’insuffisance cardiaque. La ment éliminés par voie rénale sous forme inchangée, et par
surveillance clinique doit porter essentiellement sur la rétention conséquent varient selon le pH urinaire. L’élimination des SH et
hydrosodée et la prise de poids au cours des premiers mois de de leurs métabolites est essentiellement rénale, partiellement
traitement. Si cette dernière est de 3 à 4 kg, il est probablement biliaire pour le glibenclamide et le glimépiride (Tableau 4).
préférable de changer de stratégie thérapeutique. Les TZD
peuvent également être proposées en cas d’échec d’une combi- Pharmacodynamie
naison Met + SH, en particulier lorsque le déséquilibre métabo- Effet insulinosécréteur. Il s’agit du mécanisme d’action
lique n’est pas trop sévère (HbA1c < 9 %) et représenter une principal et le plus anciennement connu des SH. Cet effet, bien
alternative à l’insulinothérapie [49]. La contre-indication euro- que potentialisé par l’hyperglycémie, persiste à glycémie basse.
péenne de l’association à l’insuline a été levée et l’ajout de Pio, Il correspond à une libération d’insuline préformée et non à
en particulier, peut permettre d’améliorer le contrôle glycémi- une augmentation de sa synthèse.
que et de diminuer les doses d’insuline chez des patients obèses Cet effet insulinosécréteur des SH, bien mis en évidence en
fortement insulinorésistants [37]. administration aiguë, semble s’estomper lors d’un traitement
chronique, ce qui a conduit à la recherche d’effets extra-
■ Insulinosécréteurs pancréatiques des SH.
En fait, les différences de niveau glycémique expliquent, pour
une grande part, ce fait observé, qui peut aussi résulter à un
Sulfamides hypoglycémiants moindre degré de la perte cellulaire b au cours de l’histoire
Il aura fallu 14 ans pour que les travaux de Janbon et naturelle du DT2.
Loubatières sur les propriétés hypoglycémiantes du Réduction de la clairance hépatique de l’insuline. Elle
RP 2254 conduisent à la commercialisation, en 1956, des résulte plus vraisemblablement de l’amélioration du contrôle
premiers SH, le carbutamide et le tolbutamide. Si leur effet sur glycémique que d’un effet direct du SH.
la sécrétion d’insuline a été rapidement démontré, leur cible Effets extrapancréatiques. Plusieurs études ont mis en
moléculaire n’est connue que depuis 1995. évidence une amélioration de la liaison de l’insuline à son
Les SH répondent tous à une structure commune. Ce sont des récepteur et de la sensibilité à l’insuline in vivo lors d’un
acides faibles, totalement ionisés au pH physiologique et peu traitement chronique par SH. Au niveau musculaire, une
solubles dans l’eau (Fig. 5). augmentation de l’activité basale de la glycogène synthase et de
l’effet de l’insuline sur cette enzyme a été observée sous
Données pharmacologiques gliclazide. Au niveau hépatique, les SH, en administration
chronique, réduisent la production de glucose par diminution
Pharmacocinétique de la glycogénolyse et de la néoglucogenèse [51].
Après prise orale, l’absorption digestive est presque complète Il est toutefois difficile d’attribuer ces effets observés in vivo
et il n’y a pas d’effet significatif de premier passage [50]. à une action directe du SH dans la mesure où ils pourraient

Endocrinologie-Nutrition 7
10-366-R-20 ¶ Traitement du diabète en dehors de l’insuline

O O O O O O O
S S N S
NH CH3 NH NH NH
N
H2N O N H3C O N H3C N O N
H H H
A B C
CH3
O O O O O O O
S H3C S
CH3
NH NH N NH NH
H3C
O N O N
Cl H H
D E
Figure 5. Formules chimiques des sulfamides hypoglycémiants disponibles en France.
A. Carbutamide.
B. Gliclazide.
C. Glipizide.
D. Glibenclamide/glyburide.
E. Glimépiride.

Tableau 4.
Sulfamides hypoglycémiants et associations à la metformine disponibles en France fin novembre 2010.
DCI Nom Dosage/cp Pharmacologie Posologies Remarques
commercial (mg) usuelles (cp) concernant
1/2 vie d’élimination (h) Métabolisme Élimination l’utilisation
®
Carbutamide Glucidoral 500 45 Faible ; Rénale 80 % 1-2 1 prise quotidienne
métabolites Contre-indiqué chez le
inactifs sujet âgé

Glibenclamide Daonil® 5 4-11 Fort ; Rénale 40 % 2-3 2 ou 3 prises


(glyburide aux Hémidaonil® 2,5 2 métabolites Hépatique 60 % quotidiennes
États-Unis) actifs Risque élevé
Daonil faible® 1,25
d’hypoglycémie chez
le sujet âgé

Glibenclamide Glucovance® 2,5/500 2-6 2 ou 3 prises


+ metformine 5/500 2-3 quotidiennes
Gliclazide Diamicron® 80 12-20 Quasi total ; Rénale 90 % 1-4 1 à 3 prises
30 (libération modifiée) métabolites 1-4 quotidiennes
inactifs 1 prise quotidienne
Efficacité équivalente
des 2 formes

Glipizide Glibénèse® 5 2-4 90 % Rénale 85 % 2-3 Faible risque


Ozidia® 5 Métabolites Hépatique 15 % Posologie d’hypoglycémies
(cp osmotiques 10 inactifs maximum Contre-indiqué chez le
à LP) 15 mg sujet de plus de 65 ans

Glimépiride Amarel® 1 5-8 Fort ; Rénale 58 % 1 (posologie 1 prise quotidienne


2 2 métabolites, Hépatique 35 % maximum
dont 1 actif 6 mg)
3
4
LP : libération prolongée ; DCI : dénomination commune internationale ; cp : comprimé.

également résulter de l’amélioration du contrôle glycémique. Mécanisme d’action


D’autre part, leur participation à l’effet thérapeutique est Mécanisme de l’insulinosécrétion. Divers travaux des
vraisemblablement négligeable, car les SH n’exercent pas d’effet années 1980 ont démontré que l’effet insulinosécréteur des SH
hypoglycémiant mesurable en l’absence de cellules b passait par une réduction de la perméabilité de la membrane de
fonctionnelles. la cellule b au potassium. À l’état basal, la sortie de potassium
Effets sur les plaquettes et l’endothélium vasculaire. Les sous l’effet de son gradient de concentration crée une différence
SH, en particulier le glimépiride et le gliclazide, réduisent de potentiel transmembranaire de – 70 mV. La fermeture du
l’adhésivité et l’agrégation plaquettaire in vitro et diminuent canal potassique provoquée physiologiquement par l’augmenta-
certains marqueurs d’activation plaquettaire [52]. tion du rapport adénosine triphosphate/adénosine diphosphate
Le gliclazide exerce en outre un effet antioxydant et une (ATP/ADP), résultant de la pénétration et du métabolisme du
action sur l’endothélium vasculaire avec augmentation de la glucose dans la cellule b, réduit le potentiel membranaire
synthèse de prostacycline vasodilatatrice. (dépolarisation), conduisant à l’ouverture de canaux calciques

8 Endocrinologie-Nutrition
Traitement du diabète en dehors de l’insuline ¶ 10-366-R-20

que des ouvreurs du canal potassique ont été développés


Canal Ca 2+ comme agents antiangineux. En effet si, dans les conditions
Canal K normales, le rapport ATP/ADP élevé maintient les canaux
fermés, en situation d’ischémie, la baisse de ce rapport provo-
que l’ouverture des canaux, conduisant à la diminution de
l’entrée de calcium et ainsi à une réduction de la contractilité
myocardique et de la consommation d’oxygène. Au niveau du
tissu musculaire lisse des coronaires, l’ischémie conduit à une
vasodilatation par le même mécanisme.
Expérimentalement, un traitement par glibenclamide
s’accompagne, chez le chien soumis au clampage coronarien,
d’une disparition du phénomène de préconditionnement et
d’une augmentation de la taille de la nécrose myocardique. Il
Glucose 6-P
K
+ n’est toutefois pas démontré que cela a une traduction clinique
aux concentrations utilisées en thérapeutique, d’autant que
l’effet antiarythmique résultant de la liaison du SH au récepteur
cardiaque peut contrebalancer un éventuel effet délétère.
Aucune étude clinique randomisée ne permet de conclure à une
augmentation de la mortalité cardiovasculaire sous glibencla-
mide et seules des données de registres suggèrent un risque
supérieur à celui des patients traités par gliclazide.
Figure 6. Mécanisme d’action des sulfamides hypoglycémiants. ADP :
adénosine diphosphate ; ATP : adénosine triphosphate.
Efficacité thérapeutique
L’UKPDS [1] et les nombreuses études récentes où les SH sont
voltage-dépendants. L’augmentation de la concentration utilisés comme comparateurs apportent l’essentiel des données
intracellulaire du calcium ionisé provoque la migration des d’efficacité et de tolérance concernant cette classe thérapeutique
vésicules d’insuline vers la membrane, leur fusion avec celle-ci ancienne.
et la libération de leur contenu dans le milieu extracellulaire L’effet sur la glycémie est rapide avec une certaine dose-
(exocytose). dépendance pour un sujet donné, mais un effet dans un
Cible moléculaire des sulfamides hypoglycémiants. Les SH intervalle de concentration relativement étroit et peut-être pour
agissent de même en bloquant le canal potassique ATP- le glibenclamide un effet crochet (diminution de l’efficacité aux
dépendant (Fig. 6). Leur cible moléculaire est connue depuis très fortes concentrations). La baisse de l’HbA1c, de l’ordre de
1995 [53]. Il s’agit d’une protéine de 140 kDa appartenant à la 1 % à 1,5 %, en fait une classe thérapeutique majeure du DT2.
famille des transporteurs ATP-binding cassette (ABC) appelée Le maintien de l’efficacité dans le temps apparaît toutefois
sulfonylurea receptor (SUR), dont plusieurs formes peuvent être moindre qu’avec la Met et plus encore les TZD [42].
produites par épissage alternatif, en particulier SUR-1 exprimé À la différence de la Met [2] , un effet favorable sur les
dans les cellules b et a des îlots et les cellules L du tube digestif, événements cardiovasculaires n’a pu être démontré dans
SUR-2A présent dans le muscle cardiaque et SUR-2B dans les l’UKPDS. En revanche, le bénéfice en termes de microangio-
cellules musculaires lisses vasculaires. pathie apparaît clair.
SUR est associé à chacune des quatre unités du canal potas-
sique Kir (inwardly rectifying K channel) [54] et lui confère sa Effets indésirables
sensibilité aux nucléotides et à des agents pharmacologiques Hypoglycémies
provoquant l’ouverture (diazoxide, nicorandil) ou la fermeture
(SH, glinides) du canal. Dans la cellule b et la plupart des tissus, Le principal est représenté par les hypoglycémies [56, 57]. Il
il s’agit de Kir 6.2, dans les cellules musculaires lisses vasculaires s’agit le plus souvent d’accidents mineurs, survenant en
et les astrocytes, de Kir 6.1. particulier en fin d’après-midi ou en cas d’activité physique
Pharmacogénomique du canal potassique. Il est intéressant inhabituelle. Le risque semble lié à la durée de demi-vie et de
de noter que des mutations de Kir 6.2 et de SUR-1 ont été liaison au récepteur. Il apparaît le plus élevé sous glibenclamide
impliquées dans les diabètes néonataux transitoires et définitifs et le plus faible sous gliclazide et glipizide, le glimépiride
et que ces derniers peuvent être sensibles aux sulfamides occupant une position intermédiaire.
hypoglycémiants. À l’inverse, d’autres mutations sont impli- Les hypoglycémies graves, pouvant conduire au décès ou à
quées dans les syndromes d’hypoglycémies hyperinsuliniques des séquelles neurologiques, sont beaucoup plus rares et presque
néonatales. Certains polymorphismes de Kir s’accompagnant toujours liées à des causes déclenchantes associées : jeûne
d’une réduction de la sensibilité du canal à l’effet inhibiteur de prolongé, insuffisance rénale ou hépatique conduisant à une
l’ATP ont été associés au DT2 [55]. accumulation du médicament, interaction médicamenteuse
Réversibilité et sélectivité des sulfamides hypoglycémiants. (Tableau 5) provoquant un déplacement de la liaison du SH aux
Si l’on considère les choses sous l’angle du ligand pharmacolo- protéines plasmatiques, une réduction de son métabolisme
gique et non du récepteur, il est possible que des différences de hépatique ou de son élimination, ou encore interaction phar-
structure chimique jouent un rôle sur la réversibilité de la macodynamique par effet insulinosécréteur, augmentation de la
liaison et sur la sélectivité de celle-ci vis-à-vis de la cellule b [54]. sensibilité périphérique à l’insuline ou diminution de la
La réversibilité de la liaison au récepteur semble dépendre du néoglucogenèse hépatique [58] . Les hypoglycémies sévères
nombre de points d’interaction avec SUR-1. Ainsi, l’effet du nécessitent souvent une hospitalisation et des perfusions
tolbutamide et du chlorpropamide (retirés du marché), ainsi que prolongées de soluté glucosé.
du gliclazide, qui n’en possèdent qu’un, est rapidement réversi- Prise de poids
ble. En revanche, la liaison du glibenclamide et du glimépiride
apparaît beaucoup plus durable. Cela pourrait avoir des consé- Une prise de poids supérieure à celle sous régime seul ou sous
quences en termes de risque d’hypoglycémie. Met est observée dans l’UKPDS [1] (+ 5 kg en 12 ans) et d’autres
La sélectivité vis-à-vis de SUR-1 soulève la question d’éven- études comme ADOPT [42].
tuels effets délétères cardiovasculaires. In vitro, le tolbutamide
Effets rares ou exceptionnels
et le gliclazide ne se lient pas à faible concentration à SUR-
2 associé à Kir 6.2 dans le cœur, alors que le glibenclamide et Les effets rares ou exceptionnels sont :
le glimépiride le font. Or, l’activité des canaux K ATP est • les troubles digestifs : gastralgies, nausées, vomissements,
fondamentale dans la réponse cardiaque au stress. C’est ainsi cédant à l’arrêt du traitement ;

Endocrinologie-Nutrition 9
10-366-R-20 ¶ Traitement du diabète en dehors de l’insuline

Tableau 5.
Principales interactions médicamenteuses avec les sulfamides
hypoglycémiants et le répaglinide et leurs mécanismes principaux. H
N
Médicaments potentialisant l’effet hypoglycémiant
Associations contre-indiquées
N OH
Miconazole (voie générale ou cutanée) + SH M
Gemfibrozil + répaglinide LMR
O O
Associations déconseillées
Phénylbutazone + SH LMR
Figure 7. Formule chimique du répaglinide.
Alcool + SH ou répaglinide P
Fluconazole + glimépiride M
fonction des résultats de la glycémie à jeun et des glycémies de
Associations nécessitant des précautions d’emploi (surveillance renforcée) fin d’après-midi. Il est essentiel de respecter les contre-
Dextropropoxyphène P indications et précautions d’emploi des SH.
Salicylés, acide para-amino-salicylique LPR
Contre-indications
Sulfamides antibiotiques LMR
Quinolones M Les contre-indications sont :
Clarithromycine M • insuffisance rénale ;
• insuffisance hépatique ;
Kétoconazole, fluconazole, itraconazole M
• allergie aux sulfamides ;
Coumariniques M
• grossesse et allaitement ;
b-bloquants MP • association au miconazole ;
IEC P • porphyries (pour le carbutamide et le glibenclamide) ;
Fibrates LMR • âge supérieur à 65 ans (pour le glipizide gastrointestinal
Fluoxétine M therapeutic system [GITS] et le carbutamide).
IMAO R Précautions d’emploi
Allopurinol R
Chez le sujet âgé, il convient de privilégier les sulfamides à
Analogues de la somatostatine P durée d’action courte, de procéder à une titration plus lente des
doses et de veiller particulièrement à la régularité des prises
Médicaments réduisant l’effet hypoglycémiant
alimentaires et au risque de l’automédication.
Barbituriques I
Il convient d’avertir le patient des symptômes de l’hypogly-
Thiazidiques I cémie et des circonstances favorisantes.
Estrogènes de synthèse P Certaines associations médicamenteuses nécessitent une
Corticoïdes P surveillance renforcée ou sont déconseillées (Tableau 5).
b-mimétiques P
L : déplacement de la liaison aux protéines ; M : réduction du métabolisme
Glinides
hépatique ; R : diminution de l’élimination rénale ; P : interaction Les dérivés du méglitinide, le chef de file de la classe, qui n’a
pharmacodynamique ; I : induction enzymatique ; IEC : inhibiteurs de l’enzyme
de conversion ; IMAO : inhibiteurs de la monoamine oxydase ; SH : sulfamides
jamais été développé en clinique, se caractérisent par une
hypoglycémiants. structure chimique différente.
Un seul représentant de cette classe, le répaglinide, est
actuellement disponible en France (Fig. 7) [59]. Deux autres sont
commercialisés dans certains pays : le natéglinide, un dérivé de
• les manifestations cutanées : prurit, érythème, urticaire,
la phénylalanine de durée d’action très courte [60], et le mitigli-
vascularite allergique, syndrome de Lyell ; nide, développé au Japon.
• les anomalies hépatiques : cytolyse, cholestase ;
• les perturbations hématologiques : anémie, leucopénie et Données pharmacologiques concernant
agranulocytose, thrombopénie ; le répaglinide
• les hyponatrémies de dilution et l’effet antabuse avec flush en
présence d’alcool ont surtout été rapportées avec le chlorpro- Pharmacocinétique
pamide et, à un moindre degré, avec le glibenclamide. Son absorption digestive est rapide et peu influencée par
l’alimentation. Le pic de concentration est atteint après 1 heure.
Place thérapeutique et modalités pratiques Le répaglinide circule à 98 % sous forme liée aux protéines. Il
est très rapidement métabolisé au niveau hépatique, mettant en
d’utilisation
jeu les CYP 2C8 et 3A4, et éliminé pour 90 % par voie biliaire.
Sulfamides hypoglycémiants Sa demi-vie plasmatique est ainsi de l’ordre de 1 heure.
La pharmacocinétique du répaglinide est peu influencée par
Les sulfamides hypoglycémiants peuvent être donnés en
l’âge, ou par une insuffisance rénale modérée [59].
monothérapie chez les patients présentant une intolérance ou
L’insuffisance rénale sévère peut rendre nécessaire une
une contre-indication à la Met et dont l’HbA1c reste supérieure
adaptation posologique. En revanche, l’insuffisance hépatique
ou égale à 6,5 % sous régime seul [17].
représente une contre-indication à son utilisation en raison de
Leur place de choix est en fait plutôt la bithérapie en cas de l’allongement important de la demi-vie du produit et de la
persistance d’une HbA1c supérieure ou égale à 6,5 % sous majoration de l’aire sous la courbe qu’elle entraîne.
monothérapie par Met ou la trithérapie en cas d’échec d’une
association Met plus TZD. Lorsqu’une insulinothérapie basale Pharmacodynamie
est instaurée, leur poursuite en association à la Met est option- Chez le sujet diabétique de type 2, le répaglinide administré
nelle et une réduction de dose est souvent nécessaire lorsque la avant le repas exerce un effet insulinosécréteur sensiblement
glycémie à jeun est contrôlée. proportionnel à la dose dans l’intervalle de 0,5 à 4 mg. Le
contrôle de la glycémie postprandiale apparaît légèrement
Instauration du traitement
meilleur que sous glibenclamide, mais l’effet sur la glycémie à
L’instauration du traitement se fait à doses progressives avec jeun est moins favorable, car l’action du répaglinide ne dépasse
une augmentation par paliers d’une quinzaine de jours en pas 4 heures.

10 Endocrinologie-Nutrition
Traitement du diabète en dehors de l’insuline ¶ 10-366-R-20

Il n’y a pas d’effet sur la sécrétion de glucagon de pancréas Le choix du patient apparaît donc important dans la décision
isolés perfusés. thérapeutique. Les patients ayant un mode de vie assez irrégu-
lier et les personnes âgées dont l’alimentation est parfois
Mécanisme d’action capricieuse sont a priori de bons candidats au traitement
L’effet insulinosécréteur du répaglinide fait intervenir les fractionné, mais il n’y a pas d’études menées chez les sujets de
mêmes acteurs que celui des SH, mais il semble que le site de plus de 75 ans.
liaison sur la protéine SUR-1 soit différent. La spécificité pour
SUR-1 est mauvaise et la liaison du répaglinide au récepteur est
prolongée, ce qui explique qu’en dépit d’une cinétique plasma-
tique sensiblement identique à celle du natéglinide, la durée de
l’effet insulinosécréteur est beaucoup plus importante que celle
“ Point important
de ce dernier.
Sulfamides hypoglycémiants et glinides
Données cliniques d’efficacité • Classe thérapeutique ancienne, comportant plusieurs
représentants aux caractéristiques pharmacocinétiques
Divers essais contrôlés ont démontré l’efficacité du répagli-
nide [61] sur la glycémie à jeun, la glycémie postprandiale et différentes
l’HbA1c. La baisse de cette dernière est voisine de celle qui peut • Nombreuses interactions médicamenteuses
être obtenue avec un sulfamide hypoglycémiant. (précautions d’emploi)
Une réduction de l’HbA1c, voisine de 1 %, a également été • Effet de stimulation de la sécrétion d’insuline passant
observée en association avec la Met ou une TZD. par la fermeture du canal potassique K ATP
Enfin, le répaglinide a été testé en association à l’insuline • Risque principal : hypoglycémies
basale et la Met et permet d’améliorer dans cette situation le • Place thérapeutique essentielle : en seconde ligne en
contrôle glycémique postprandial. adjonction à la metformine
• Contre-indications essentielles :
Effets indésirables C insuffisance rénale (sauf répaglinide)
En dépit de l’élimination rapide du produit, l’hypoglycémie C insuffisance hépatique
représente le principal effet indésirable du répaglinide. Comparé
au SH d’action plus longue, le répaglinide ne diminue pas
toujours ce risque. Ce sont surtout les hypoglycémies à distance
des repas, en particulier en seconde partie de nuit [59], qui sont Incrétinomimétiques
concernées et celles susceptibles de survenir lorsqu’un repas est et incrétinopotentialisateurs
omis [62].
Les dernières nées des classes thérapeutiques du diabète de
Le risque d’interaction médicamenteuse est identique à celui
type 2 reposent sur l’utilisation de la voie des incrétines. Le
des SH avec une mention spéciale pour le gemfibrozil, dont
concept d’incrétine est né de l’observation que l’effet insulino-
l’association au répaglinide est contre-indiquée [63].
sécréteur du glucose donné par voie orale était nettement
La prise de poids pourrait être légèrement moindre que sous
supérieur à celui du glucose administré par voie intraveineuse
SH du fait de moindre taux circulants d’insuline à distance de
de façon à reproduire la courbe d’hyperglycémie orale. Chez
repas. Cela n’est toutefois pas clairement démontré par les
l’homme, cet effet est attribué à deux hormones pariétodigesti-
études randomisées.
ves, le glucose-dependant insulinotropic peptide (GIP) secrété par les
Les troubles digestifs sont essentiellement représentés par des
cellules K du duodénum et du jéjunum et le glucagon-like
gastralgies, rarement par des nausées, vomissements et troubles
peptide-1 (GLP-1) produit par les cellules L de l’iléon et du côlon
du transit.
en réponse aux repas [64]. C’est ce dernier qui a été développé
Les autres effets indésirables, allergies, réactions cutanées,
en thérapeutique, car le diabétique de type 2, est déficient en
troubles hépatiques, sont très rares.
GLP-1 alors qu’il est nettement résistant au GIP.
Une fois libéré dans la circulation, le GLP-1 exerce au niveau
Place thérapeutique et modalités d’utilisation du pancréas endocrine, de l’estomac, du cerveau divers effets,
du répaglinide tous potentiellement bénéfiques chez le diabétique de type 2.
Le répaglinide peut être utilisé en monothérapie chez les Malheureusement, il s’agit d’une hormone peptidique qui subit
patients non candidats à la Met ayant une hyperglycémie à jeun très rapidement, après sa mise en circulation, l’action d’une
modérée et une HbA1c supérieure ou égale à 6,5 % sous régime. enzyme ubiquitaire, la dipeptidyl-peptidase-4 (DPP-4) qui en
La place de choix est la bithérapie en association à la Met. Il clive les deux acides aminés N-terminaux, ce qui conduit à son
n’y a pas spécifiquement d’études de son intérêt en trithérapie inactivation.
avec une association Met plus TZD, mais cette option paraît De ce fait, deux approches ont été développées en thérapeu-
logique. tique dans le but de renforcer la voie des incrétines chez le
En revanche, l’association à un sulfamide d’action prolongée diabétique [65, 66] :
n’a pas de fondement pharmacologique ou clinique et celle avec • la production d’analogues ou d’agonistes du récepteur
les inhibiteurs des a-glucosidases, qui retardent l’absorption des insensibles à l’action de la DPP-4 ;
glucides alimentaires, n’apparaît pas logique. • l’inhibition compétitive de l’enzyme responsable in vivo de
L’intérêt majeur du répaglinide tient à la possibilité de sa dégradation.
l’utiliser jusqu’à un stade avancé d’insuffisance rénale (15 ml/
min). Il permet ainsi parfois d’éviter, dans ce cas, le recours à
Agonistes du récepteur et analogues
une insulinothérapie motivée uniquement en raison de la du « glucagon-like peptide-1 »
contre-indication des autres hypoglycémiants oraux. Deux molécules appartenant à cette classe thérapeutique sont
Le répaglinide doit être administré avant chaque repas en actuellement disponibles en France : l’exénatide et le liraglutide
commençant par une dose de 0,5 ou 1 mg qui est progressive- (Tableau 6).
ment ajustée, idéalement sur le suivi des glycémies postprandia-
les, sans dépasser 4 × 4 mg au maximum. Exénatide
La dose peut être modulée selon le repas. Le médicament ne Il s’agit de la forme synthétique d’un peptide isolé de la salive
doit pas être repris si celui-ci est omis. d’un lézard venimeux d’Amérique (Fig. 8), Heloderma suspectum
Par comparaison aux SH en prise unique matinale, la multi- (Gila Monster), un agoniste du récepteur du GLP-1 qui présente
prise peut représenter une contrainte et une cause de mauvaise une homologie de structure de 52 % avec le GLP-1, résistant à
observance thérapeutique. l’action de la DPP-4 [67, 68].

Endocrinologie-Nutrition 11
10-366-R-20 ¶ Traitement du diabète en dehors de l’insuline

Tableau 6.
Analogues du GLP-1 disponibles en France fin novembre 2010.
DCI Nom commercial Dosage/cp Posologies usuelles Indications Contre-indications
(mg) (cp) et précautions d’emploi
Exénatide Byetta® 5 µg 2 × 1 inj s.c. En bithérapie avec : Contre-indications :
10 µg 2 × 1 inj s.c. - metformine (a) - hypersensibilité, grossesse
dans l’heure - sulfamide hypoglycémiant (a) - diabète insulinorequérant
précédant le repas si metformine inappropriée - insuffisance rénale sévère
En trithérapie avec metformine (C créat < 30 ml/min)
et sulfamide hypoglycémiant Précautions d’emploi :
2 × 5 µg/j pendant un mois - sujets de plus de 75 ans
2 × 10 µg/j ensuite selon - insuffisance rénale modérée
tolérance et résultats (30 ml/min < C créat < 50 ml/min)
- pathologie gastro-intestinales,
antécédents de pancréatite

Liraglutide Victoza® 6 mg/ml 0,6 mg/j s.c. En bithérapie avec : Contre-indications :


1,2 mg/j s.c. - metformine - hypersensibilité, grossesse
1,8 mg/j s.c. - sulfamide hypoglycémiant - diabète insulinorequérant
si metformine inappropriée - insuffisance rénale sévère
En trithérapie avec : Précautions d’emploi :
- metformine et sulfamide - sujets de plus de 75 ans
hypoglycémiant
- insuffisance rénale modérée
- metformine et pioglitazone
- pathologie gastro-intestinales,
antécédents de pancréatite
- antécédents familiaux de cancer
médullaire de la thyroïde
DCI : dénomination commune internationale ; s.c. : sous-cutané.
(a)
Indication non remboursée en France ; C créat : clairance de la créatinine.

His Ala Glu Gly Thr Phe Thr Ser Asp Val Ser Ser Tyr Leu Glu Gly Gln Ala Ala Lys Glu Phe Ile Ala Trp Leu Val Lys Gly Arg Amide
7 10 15 20 25 30 35 36

Inactivation protéolytique (DDP- 4) A

His Gly Glu Gly Thr Phe Thr Ser Asp Leu Ser Lys Gln Met Glu Glu Glu Ala Val Arc Leu Phe Ile Glu Trp Leu Lys Asn Gly Gly Pro Ser Ser Gly Ala Pro Pro Pro Ser Amide

B
His Ala Glu Gly Thr Phe Thr Ser Asp Val Ser Ser Tyr Leu Glu Gly Gln Ala Ala Lys Glu Phe Ile Ala Trp Leu Val Arc Gly Arg Gly Amide

Glu

AG-C-16

Albumine C
Figure 8. Formule chimique du glucagon-like peptide-1 (GLP-1) humain (A), de l’exénatide (B) et du liraglutide (C). DPP-4 : dipeptyl-peptidase-4.

Données pharmacologiques Pharmacodynamie. L’exénatide exerce tous les effets obtenus


Pharmacocinétique. Après administration sous-cutanée d’une avec GLP-1 [64] :
dose de 10 µg, le pic de concentration, voisin de 200 µg/ml, est • stimulation glucodépendante de la sécrétion d’insuline avec
obtenu en 2,1 heures en moyenne. La courbe de concentration un effet prononcé sur la première phase et augmentation de
est identique si l’injection est effectuée dans le bras, l’abdomen la synthèse hormonale ;
ou la cuisse. L’exénatide est résistant à l’action de la DPP-4 et • freinage également glucodépendant de la sécrétion de gluca-
est éliminé pour l’essentiel par voie rénale avec une demi-vie gon ;
terminale moyenne de 2,4 heures. La pharmacocinétique reste • stimulation de la néogenèse des cellules b des îlots de
peu modifiée par une insuffisance rénale modérée, mais la Langerhans, démontrée chez l’animal ; une amélioration de la
clairance du produit est nettement réduite si le débit de fonction b-cellulaire est toutefois suggérée par l’observation
filtration glomérulaire est inférieur à 30 ml/min. humaine [69] ;

12 Endocrinologie-Nutrition
Traitement du diabète en dehors de l’insuline ¶ 10-366-R-20

• ralentissement de la vidange gastrique ; Effet thérapeutique. Les six études du programme LEAD
• diminution de la prise alimentaire. (Liraglutide Effect and Action in Diabetes) ont confirmé son
Il résulte de l’action, sur le couple insuline-glucagon, une efficacité en monothérapie par rapport au glimépiride [72], en
diminution de la production hépatique du glucose, responsable association à la Met par rapport à un placebo [73] ou à un SH
d’une baisse de la glycémie basale. En outre, l’effet sur la par rapport à la Rosi [74], en trithérapie contre placebo chez des
vidange et la majoration du pic précoce d’insulinosécrétion patients traités par Met plus TZD [75] ou versus glargine chez des
expliquent l’abaissement des glycémies postprandiales. patients insuffisamment contrôlés par Met plus SH [76]. Dans ces
Effet thérapeutique. Divers essais contre placebo ont été diverses études, la réduction de l’HbA1c a été de l’ordre de 1 %
effectués chez des patients diabétiques mal contrôlés par une à 1,2 % en valeur ajustée par rapport au placebo, sans différence
monothérapie par Met, TZD ou SH ou déjà sous association Met marquée entre la dose de 1,2 et 1,8 mg/jour. Les résultats ont
plus SH [67, 68]. été équivalents à ceux du comparateur actif avec un effet
À la dose de 2 × 10 µg/j, une réduction de la glycémie à jeun favorable sur le poids et le risque d’hypoglycémie lorsque ce
de 0,10 à 0,30 g/l et de l’HbA1c de 0,77 % à 0,89 % ont été dernier était un SH ou de l’insuline. Dans un essai de compa-
obtenues. L’amélioration de la fonction b cellulaire est attestée raison directe à l’exénatide 10 µg en association à la Met et/ou
par l’augmentation du rapport insuline/pro-insuline. Fait un SH (LEAD-6), la dose de 1,8 mg de liraglutide a permis
remarquable, l’amélioration du contrôle glycémique s’est d’obtenir une réduction plus importante de l’HbA1c (- 1,1 %
accompagnée d’une perte de poids de 1,6 à 2,8 kg. versus - 0,8 % ; p < 0,0001) et de la glycémie à jeun, avec
Chez des patients en échec de bithérapie par Met plus SH, toutefois un moins bon contrôle des glycémies postprandiales
l’exénatide a permis d’obtenir, par comparaison à l’insuline du matin et du soir [77].
glargine combinée aux antidiabétiques oraux (ADO), ou à un Tolérance. Les nausées représentent l’effet indésirable le plus
schéma par deux injections d’insuline asparte biphasique, un fréquent (10 % à 15 % des patients en début de traitement).
contrôle glycémique équivalent avec un net avantage sur le Elles s’estompent habituellement après quelques semaines, de
plan du poids (différence supérieure à 4 kg entre les deux sorte que les arrêts de traitement restent assez rares.
stratégies) et du contrôle glycémique postprandial, mais une Modalités pratiques d’utilisation. Les indications et les
efficacité un peu moins bonne à jeun. conditions de remboursement actuelles du liraglutide couvrent
Effets indésirables [67]. Les plus fréquents sont d’ordre digestif : la bithérapie en association à la Met ou un SH lorsque cette
nausées et plus rarement vomissements, surtout en début de dernière n’est pas appropriée, et la trithérapie en cas d’échec
traitement (10-30 %) et s’atténuant le plus souvent en intensité d’une association Met plus SH ou Met plus TZD.
et en fréquence, mais conduisant à l’arrêt du traitement dans Le liraglutide est disponible sous forme de stylo jetable
5 % des cas en moyenne. permettant l’administration d’une dose de 0,6 mg, recomman-
Le risque d’hypoglycémie dépend des traitements associés. Il dée lors de la première semaine de traitement, 1,2 mg qui
est minime ou nul lorsqu’il s’agit uniquement d’insulinosensi- représente la posologie usuelle ou 1,8 mg, une posologie qui
bilisateurs, mais significativement majoré si le traitement peut être proposée chez des patients obèses ayant une réponse
comporte des SH. thérapeutique insuffisante à la dose de 1,2 mg. L’injection est
De rares cas de pancréatites aiguës ont été rapportés [70], mais réalisée en sous-cutanée une fois par jour à l’horaire choisi par
leur relation avec le traitement reste incertaine. De même, de le patient. Comme pour l’exénatide, il est recommandé de
rares cas d’altération de la fonction rénale et surtout d’aggrava- réduire la posologie du SH à l’instauration du traitement si le
tion d’une insuffisance rénale légère préexistante ont été décrits. déséquilibre glycémique n’est pas très important. Il n’y a pas
Des anticorps antiexénatide apparaissent chez environ 40 % d’adaptation posologique chez le sujet âgé, mais la prudence
des patients, mais ils ne semblent pas avoir de répercussion sur s’impose chez les patients âgés de plus de 75 ans et chez ceux
l’efficacité du traitement, excepté pour une minorité de cas en insuffisance rénale modérée ou en insuffisance cardiaque, car
présentant des anticorps bloquants. les données disponibles sont peu nombreuses.
Les conséquences thérapeutiques à long terme, en particulier
Analogues d’action prolongée en développement
le risque de nésidioblastose, doivent être évaluées.
Place thérapeutique et modalités d’utilisation. L’exénatide peut Une formulation retard de l’exénatide et d’autres analogues
être utilisé en Europe chez des patients en échec de monothé- permettant une administration hebdomadaire, taspoglutide
rapie par Met ou SH ou de l’association des deux agents, mais (développement interrompu) et albiglutide sont en cours
son remboursement en France est actuellement limité à cette d’évaluation et ont donné jusqu’ici des résultats promet-
dernière indication. L’exénatide a démontré son efficacité chez teurs [78].
des patients traités par Met ou Met + TZD, mais cette situation
n’est pas retenue par l’EMEA.
Il n’est pas indiqué en association à l’insuline ou chez des
patients relevant de l’insulinothérapie, chez la femme enceinte,
en cas d’insuffisance rénale ou de gastroparésie et de diabète de
type 1 (DT1).
“ Point important
L’exénatide est disponible sous forme de stylos jetables de Incrétinomimétiques (agonistes et analogues du
60 doses de 5 µg et 10 µg. L’injection avec une aiguille courte, GLP-1)
en sous-cutané, doit être faite 30 à 60 minutes avant le petit- • Agissent par liaison au récepteur du GLP-1
déjeuner et le dîner ou avant les repas principaux, mais en
• Améliorent le contrôle glycémique du diabétique de
respectant un intervalle de 6 heures entre deux injections. Il est
type 2 par plusieurs mécanismes :
recommandé d’utiliser le dosage de 5 µg pendant le premier
mois et de réduire la posologie du SH si le déséquilibre glycé- C stimulation glucodépendante de la sécrétion
mique est modéré. Le relais par 10 µg est effectué au bout de d’insuline et inhibition de celle de glucagon
1 mois en fonction de l’efficacité et de la tolérance. C ralentissement de la vidange gastrique
C réduction de la prise alimentaire
Liraglutide • Effet favorable sur le poids
Données pharmacologiques. Le liraglutide est un analogue • Place thérapeutique essentielle : échec de la bithérapie
vrai du GLP-1 substitué sur le résidu 34 et greffé d’un acide gras par Met + SH
en C16 (Fig. 8), facilitant sa liaison à l’albumine et le protégeant • Inconvénient : médicament injectable
de l’action de la DPP-4 [71]. Sa demi-vie est ainsi de 13 heures, • Effet indésirable principal : troubles digestifs (nausées,
permettant son administration une fois par jour. Ses propriétés vomissements)
pharmacodynamiques sont identiques à celles de l’exénatide.

Endocrinologie-Nutrition 13
10-366-R-20 ¶ Traitement du diabète en dehors de l’insuline

Tableau 7.
Inhibiteurs de la DPP-4 et associations à la metformine disponibles en France fin novembre 2010.
DCI Nom Dosage/cp Posologies Conduite du traitement
commercial (mg) usuelles (cp)
Saxagliptine Onglyza® 5 1 Bithérapie avec :
- metformine
- sulfamide hypoglycémiant
- pioglitazone

Sitagliptine Januvia® 100 1 Monothérapie si metformine inappropriée


Bithérapie avec :
- metformine
- sulfamide hypoglycémiant
Sitagliptine + metformine Janumet® 50/1 000 2×1 - pioglitazone
Trithérapie avec :
- metformine + sulfamide hypoglycémiant
- metformine + pioglitazone (a) Association à l’insuline (a)

Vildagliptine Galvus® 50 2×1 Bithérapie avec :


- metformine
- pioglitazone
1 Bithérapie avec sulfamide hypoglycémiant
Vildagliptine + metformine Eucreas® 50/1 000 2×1
DCI : dénomination commune internationale.
(a)
Indications non remboursées en France.

glimépiride/Met, une baisse de l’HbA1c voisine de 0,6-0,7 %,


F significative par rapport au placebo et comparable à celle
F obtenue sous glipizide en combinaison à la Met, mais avec un
H NH2 O moindre risque d’hypoglycémies. Les résultats préliminaires des
études d’extensions suggèrent une bonne stabilité des résultats
N à 52 semaines. Dans l’ensemble des essais, le poids est resté
N
N stable sous sitagliptine.
F N Effets indésirables. Les données poolées des divers essais
cliniques portant sur 5 141 patients témoignent d’une bonne
CF3 tolérance clinique [80], en particulier digestive, et d’un risque
Figure 9. Formule chimique de la sitagliptine. d’hypoglycémie significatif seulement en cas d’association à un
insulinosécréteur. De façon significative, on retrouve toutefois
une augmentation du risque de rhinopharyngite, d’infections
Inhibiteurs de la dipeptidyl-peptidase-4 urinaires et de céphalées.
Indications et modalités pratiques d’utilisation. La sita-
Ces inhibiteurs compétitifs de l’enzyme dégradant physiolo- gliptine est disponible sous forme de comprimés dosés à 100 mg
giquement le GLP-1 offrent l’avantage de la voie orale. La donnés en une prise quotidienne, et sous forme d’association
sitagliptine, la vildagliptine et la saxagliptine sont disponibles fixe à la Met administrée matin et soir.
en France seules ou en association à la metformine (Tableau 7).
L’AMM européenne actuelle de la sitagliptine autorise l’utili-
Sitagliptine sation de la sitagliptine 100 mg, en association à la Met (ou une
TZD s’il existait une contre-indication ou une intolérance), ou
Données pharmacologogiques
un SH lorsque la monothérapie ne permet pas d’atteindre
Pharmacocinétique. La sitagliptine, un inhibiteur compétitif
l’objectif d’HbA1c. Elle peut également être utilisée en trithéra-
puissant et hautement sélectif de la DPP-4 (Fig. 9), a une bonne
pie, en cas d’échec d’une association Met plus SH ou Met plus
biodisponibilité orale (87 %), peu influencée par l’alimenta-
TZD et, depuis peu, en monothérapie de seconde intention,
tion [79]. Le pic de concentration survient 1 à 4 heures après la
lorsque la Met est contre-indiquée ou mal tolérée, et chez le
prise. Elle est peu métabolisée par l’intermédiaire des CYP 3A4 et
diabétique de type 2 insulinotraité.
2C8 et éliminée sous forme inchangée par voie rénale pour plus
de 85 %. Sa demi-vie d’élimination terminale est de 8 à 14 heu- Le remboursement en France est toutefois limité à l’associa-
res, de sorte qu’en traitement continu, une inhibition résiduelle tion à la Met et, depuis septembre 2009, à l’association à un SH
de 80 % de l’activité de la DPP-4 est observée 24 heures après la et à la trithérapie.
prise de 100 mg. L’avantage de son association à la Met par rapport à un SH
L’insuffisance rénale s’accompagne d’une augmentation de tient à l’absence de nécessité de titration de dose, de risque
l’aire sous la courbe et nécessite par conséquent une adaptation hypoglycémique et de prise de poids, mais l’efficacité en termes
posologique. En revanche, une insuffisance hépatique modérée de baisse de l’HbA1c est un peu moindre. Il reste à démontrer
est sans répercussion sur la pharmacocinétique de la sitagliptine. que les résultats glycémiques sont plus stables dans le temps du
Il n’a pas été relevé jusqu’ici d’interactions médicamenteuses fait de l’effet trophique du GLP-1 sur les cellules b des îlots.
significatives. Les contre-indications sont représentées, en dehors de la
Pharmacodynamie. En augmentant les concentrations circu- grossesse et de l’hypersensibilité à la substance active ou l’un
lantes de GLP-1, la sitagliptine permet d’abaisser la glycémie à des excipients, par l’insuffisance rénale modérée à sévère
jeun et les glycémies postprandiales par le biais d’une augmen- (clairance créatinine inférieure à 50 ml/min), mais des études
tation de la sécrétion d’insuline et d’une diminution de celle de sont cours dans ce domaine.
glucagon.
Vildagliptine
Données cliniques. À la dose de 100 mg, retenue en théra-
peutique suite aux études dose-réponse, la sitagliptine a permis Cet inhibiteur compétitif hautement spécifique de la DPP-4 a
d’obtenir, dans divers essais [65, 79] de monothérapie ou d’asso- été mis sur le marché et il est remboursé en France depuis
ciation à la Met, la Pio, le glimépiride ou la combinaison septembre 2009 seul ou sous forme d’association à la Met. Il est

14 Endocrinologie-Nutrition
Traitement du diabète en dehors de l’insuline ¶ 10-366-R-20

Tableau 8.
Inhibiteurs des a-glucosidases disponibles en France fin novembre 2010.
DCI Nom commercial Dosage/cp Données pharmacologiques
(mg)
Absorption Métabolisme Élimination
Acarbose Glucor® 50 Faible pour le composé parent Digestif partiel Fécale
100 Partielle pour les métabolites 2 métabolites, dont un Rénale ± 25 % pour les métabolites
potentiellement actif absorbés

Miglitol Diastabol® 50 Totale Nul Rénale ± 99 %


100

Modalités d’utilisation
Comprimés à prendre en début de repas
Augmentation très progressive de la posologie à adapter en fonction de la tolérance et de l’efficacité
Posologie maximale : 300 mg
DCI : dénomination commune internationale ; cp : comprimé.

administré en deux prises quotidiennes, sauf en cas d’associa- été étudié et un contrôle de l’efficacité thérapeutique apparaît
tion à un SH où la dose de 50 mg est recommandée. donc souhaitable si un tel traitement était mis en place.
Données pharmacologiques Études cliniques. Diverses études randomisées de monothé-
Pharmacocinétique. La vildagliptine est rapidement absorbée rapie ou d’association à la Met [82], un SH [83] ou une TZD [84],
après prise orale conduisant à un pic de concentration propor- ont établi l’efficacité de la saxagliptine avec des réductions
tionnel à la dose au bout de 1 à 2 heures [81]. La biodisponibilité d’HbA1c de 0,5 % à 0,8 % en valeur ajustée par rapport au
absolue est de 85 %. La vildagliptine est métabolisée par placebo. La saxagliptine s’est révélée non inférieure à la
hydrolyse en un dérivé inactif. Elle ne provoque ni inhibition sitagliptine dans un essai de comparaison directe.
ni induction du CYP 450. L’excrétion est rénale pour 85 % de Les données de tolérance et particulièrement la sécurité vis-
la dose. La demi-vie d’élimination terminale n’est que de 1,68 h à-vis du risque d’hypoglycémie et la neutralité pondérale sont
à la dose de 100 mg/j. Malgré tout, la vildagliptine exerce une retrouvées avec cet inhibiteur de la DPP-4.
action prolongée du fait d’une cinétique de liaison lente. L’âge, Modalités pratiques d’utilisation. L’AMM européenne du
le sexe et l’indice de masse corporelle ne modifient pas la 5 octobre 2009 permet l’utilisation de la saxagliptine à la dose
pharmacocinétique de la vildagliptine. L’insuffisance hépatique de 5 mg en une prise quotidienne en bithérapie avec la Met, un
n’a pas de répercussions majeures. Il n’y a pas d’études dispo- SH ou une TZD. La molécule a été mise sur le marché en France
nibles concernant l’insuffisance rénale. en septembre 2010.
Pharmacodynamie. L’inhibition de la DPP-4, qui comporte une
phase rapide et une phase lente, dépasse 90 % après 28 jours Molécules en développement
d’administration de 100 mg en deux prises. Les effets qui en Plusieurs inhibiteurs de la DPP-4 sont en cours d’évaluation,
résultent sont les mêmes que ceux de la sitagliptine. l’alogliptine (SYR-322) étant au stade le plus avancé.
Données cliniques. En monothérapie, en association avec la
Met ou une TZD, la vildagliptine a permis d’obtenir, à la dose
de 2 × 50 mg/j ou 100 mg/j, une réduction de l’HbA1c de 0,9 %
à 1,1 %. Le résultat semble moins bon en combinaison avec un
SH (– 0,6 %) ou l’insuline (– 0,5 %).
Effets indésirables. Comme pour la sitagliptine, la tolérance “ Point important
de la vildagliptine s’est avérée bonne, en particulier aux plans
digestif et pondéral et sur le risque d’hypoglycémies. Inhibiteurs de la DPP-4 (gliptines)
Place thérapeutique et modalités d’utilisation. L’AMM • Agissent en ralentissant la dégradation du GLP-1
européenne de la vildagliptine à la dose de 100 mg/j concerne endogène
l’association à la Met ou une TZD. En cas d’échec d’une • Place thérapeutique essentielle : en association à la
monothérapie initiale par SH dans le cas où la Met n’est pas metformine
indiquée, la dose de 50 mg exerce un effet comparable à celle
• Avantages par rapport aux sulfamides hypoglycémiants :
de 100 mg et est donc recommandée.
C pas d’adaptation posologique
Saxagliptine C absence de risque d’hypoglycémie
Données pharmacologiques. Cet inhibiteur compétitif C neutralité pondérale
réversible très puissant et sélectif de la DPP-4 permet d’inhiber • Bonne stabilité à long terme du contrôle glycémique (?)
l’activité de l’enzyme pendant 24 heures et de multiplier par un • Bonne tolérance digestive
facteur 2 à 3 les concentrations circulantes de GLP-1. La
saxagliptine est rapidement absorbée après son administration
orale, atteignant un pic de concentration au bout de 2 heures.
Elle est peu liée aux protéines et métabolisée pour l’essentiel via
le CYP 3A4/5, le métabolite principal exerçant une activité ■ Inhibiteurs des a-glucosidases
évaluée à 50 % du composé parent. L’élimination de la saxa-
gliptine est rénale pour les trois quarts de la dose et biliaire pour Quinze ans après la commercialisation de l’acarbose, chef de
un quart. La demi-vie plasmatique terminale est de 2,5 et file des inhibiteurs des a-glucosidases (IAG), la place thérapeu-
3,1 heures respectivement pour la saxagliptine et son métabo- tique de ces agents reste assez mal définie.
lite. L’absorption de la saxagliptine est peu modifiée par L’acarbose a été isolé dès 1970 à partir d’actinoplanes et
l’alimentation et son potentiel d’interactions médicamenteuses paraissait prometteur dans le contexte thérapeutique de l’épo-
significativement significatives apparaît faible. Il a toutefois été que. Son développement clinique a toutefois subi un retard de
relevé que le diltiazem, un inhibiteur du CYP 3A4/5, majore la plus de 10 ans en raison de la suspicion d’un effet carcinogène
Cmax (concentration plasmatique maximale) et l’AUC (aire sous non confirmé par la suite. Les seuls autres représentants de cette
la courbe) de la saxagliptine, mais modifie en sens inverse celle classe pharmacologique sont le miglitol, mis sur le marché en
de son métabolite. L’effet des inducteurs du CYP 3A4/5 n’a pas France en 1998, et le voglibose, disponible au Japon (Tableau 8).

Endocrinologie-Nutrition 15
10-366-R-20 ¶ Traitement du diabète en dehors de l’insuline

Composant 2 OH
HO N
OH
Composant 1 HO
OH
b
CH2OH

}}
HO
OH
OH CH2
O
HN β-amylase
HO
OH CH2OH
O O α-amylase

Acarviosine HO
OH CH2OH
O O

HO
Glucose OH OH

Maltose
a
Figure 10. Formules chimiques de l’acarbose, de ses produits de dégradation (a) et du miglitol (b).

Données pharmacologiques Données cliniques


Structure chimique et pharmacocinétique (Fig. 10) Du fait d’une action ciblée sur la glycémie postprandiale,
l’efficacité thérapeutique des IAG, évaluée sur la baisse de
Acarbose l’HbA1c, apparaît souvent modeste (– 0,45 % à – 0,80 %),
De structure pseudo-tétra-saccharidique, il n’est pratiquement d’autant que leur tolérance digestive, souvent mauvaise, ne
pas absorbé et est éliminé dans les selles à 80 % sous forme favorise pas une bonne observance thérapeutique. Il faut
inchangée. Seuls 20 % de la dose subissent une dégradation souligner que, si les doses thérapeutiques usuelles sont de 3 ×
dans le tube digestif, formant des métabolites partiellement 50 à 3 × 100 mg/j, des résultats intéressants peuvent être
absorbés et éliminés dans les urines [85]. obtenus chez certains sujets dès la dose de 3 × 25 mg.
La seule étude portant sur des événements cliniques en
Miglitol dehors de l’UKPDS, dont le bras acarbose a été suivi sur un
De structure monosaccharidique, il est en revanche absorbé temps nettement insuffisant, est STOP-NIDDM (Study to
en quasi-totalité par un mécanisme saturable au niveau du Prevent Non-Insulin-Dependent Diabetes Mellitus), une étude
tractus digestif supérieur. Cette absorption est sans conséquen- prévention du DT2 réalisée chez des patients intolérants au
ces sur son action thérapeutique qui s’effectue uniquement dans glucose ou hyperglycémiques à jeun, non diabétiques selon les
la lumière intestinale, car la pénétration cellulaire du produit est anciens critères (1,40 g/l à jeun) [88]. L’effet de l’acarbose sur le
extrêmement faible. Le miglitol est éliminé par voie rénale sous contrôle glycémique a été limité à la période de traitement,
forme inchangée [86]. mais cette étude a également, de façon annexe, mis en évidence
Pharmacodynamie une réduction des événements cardiovasculaires majeurs et de
l’hypertension artérielle (HTA) sous traitement [89].
Les IAG inhibent de façon réversible les a-glucosidases de la
bordure en brosse qui interviennent dans le clivage de nom-
breux disaccharides alimentaires (mais pas du lactose) et des Effets indésirables
résidus de la digestion des amidons après l’action des amylases,
pour permettre l’absorption digestive des monosaccharides Les plus fréquents sont d’ordre digestif à type de météorisme,
produits [87] . L’acarbose et le miglitol présentent quelques flatulences ou diarrhées. Ils sont liés à la fermentation par les
différences dans leur affinité pour diverses a-glucosidases, mais bactéries coliques des glucides non absorbés. Du fait de son
cela n’a pas de conséquence thérapeutique. absorption digestive et d’un effet davantage limité au grêle
Il résulte de cette inhibition un retard à l’absorption des proximal, le miglitol pourrait être un peu mieux toléré, mais
glucides alimentaires et ainsi une réduction du pic d’hypergly- cela n’est pas clairement démontré. Il semble qu’il puisse y avoir
cémie postprandiale et une moindre stimulation de l’insulino- une adaptation du système enzymatique digestif et que les
sécrétion prandiale. L’effet sur la glycémie à jeun est en troubles soient susceptibles de s’améliorer avec le temps. Aucun
revanche modeste. traitement symptomatique n’apparaissant efficace, il semble que
L’effet des IAG sur l’absorption des nutriments glucidiques leur prévention repose essentiellement sur l’augmentation très
explique également l’inhibition de la sécrétion du GIP et la progressive de la posologie des IAG en commençant par 25 ou
stimulation de celle du GLP-1 observée sous traitement. La 2 × 25 mg/j et en s’arrêtant à la dose efficace maximale tolérée,
baisse des triglycérides rapportée sous acarbose est vraisembla- sans dépasser 3 × 100 mg/j.
blement secondaire à l’amélioration du contrôle glycémique et Donnés seuls ou en association à des insulinosensibilisateurs,
non à un effet direct du médicament. les IAG ne provoquent pas d’hypoglycémies. Ce risque existe en
association aux SH ou à l’insuline et le resucrage doit, dans ce
Interactions médicamenteuses cas, être réalisé avec du glucose et non du saccharose.
En dépit d’une légère réduction de l’absorption de la Met, du Les quelques cas d’élévation des transaminases et de réactions
glibenclamide, de la digoxine et du propanolol, aucune consé- cutanées rapportés sous acarbose sont sans doute attribuables
quence thérapeutique n’a été relevée. aux métabolites absorbés du médicament.

16 Endocrinologie-Nutrition
Traitement du diabète en dehors de l’insuline ¶ 10-366-R-20

Seuil de prescription Stratégie thérapeutique Objectif

HbA1c > 6 % Étape 1 HbA1c < 6 %


Mesures hygiénodiététiques (MHD)

Si malgré étape 1, Étape 2 Maintenir


HbA1c > 6 % Monothérapie + MHD : l'HbA1c < 6,5 %
(à la phase précoce du diabète) metformine, voire IAG

Si malgré étape 1, Monothérapie au choix + MHD


HbA1c > 6,5 % Metformine ou IAG ou SH ou glinides

Si malgré étape 2, Étape 3 Ramener


HbA1c > 6,5 % Bithérapie + MHD l'HbA1c < 6,5 %

Si malgré étape 3, Étape 4 Ramener


HbA1c > 7 % Trithérapie + MHD ou Insuline ± ADO l'HbA1c < 7 %
+ MHD

Si malgré étape 4, Étape 5 Ramener


HbA1c > 8 % Insuline ± ADO Insuline l'HbA1c < 7 %
+ MHD fractionnée + MHD

Figure 11. Recommandations pour le traitement du diabète de type 2 (Haute Autorité de santé [HAS] novembre 2006). Insuline + ADO : mise à l’insuline
intermédiaire ou lente le soir ; insuline fractionnée : > 1 injection/j soit 2 à 4/j ; HbA1c : hémoglobine glycosylée ; ADO : antidiabétiques oraux ; IAG :
inhibiteurs des a-glucosidases ; SH : sulfamides hypoglycémiants.

Place thérapeutique des inhibiteurs


des a-glucosidases et modalités pratiques
d’utilisation “ Point important
Si, en théorie, les IAG peuvent être associés à toutes les autres
Inhibiteurs des a-glucosidases
classes d’ADO en raison de leur mécanisme d’action très
différent, leur utilisation semble surtout intéressante au début • Agissent en ralentissant l’absorption intestinale des
de l’évolution de la maladie lorsque la Met ne peut être utilisée glucides par inhibition des a-glucosidases de la bordure en
et que les mesures diététiques ne permettent pas de contrôler brosse intestinale
l’hyperglycémie postprandiale et que la glycémie à jeun n’est • Absence d’effet systémique
que modérément élevée. • Efficacité thérapeutique, prédominant sur la glycémie
Ils peuvent également être donnés en complément de la Met postprandiale, en moyenne moindre que celle de la
pour parfaire le contrôle glycémique postprandial. En revanche, metformine, des sulfamides hypoglycémiants et des
leur efficacité au stade d’échec d’une bithérapie par Met plus SH glitazones
est habituellement insuffisante pour retarder le passage à • Place thérapeutique assez mal précisée
l’insuline et les alternatives représentées par les TZD ou l’exé-
• Tolérance digestive souvent mauvaise (météorisme,
natide apparaissent actuellement plus appropriées.
Sous réserve d’une bonne tolérance digestive, les IAG peuvent flatulences)
apparaître, en raison de l’absence de risque d’hypoglycémie et • Contre-indications : affections du tube digestif,
d’acidose lactique, séduisants chez le sujet âgé qui présente antécédents d’occlusion, insuffisance rénale sévère
souvent une hyperglycémie à prédominance postprandiale. Par
manque de données disponibles, les IAG ne sont pas indiqués
si la clairance de la créatinine est inférieure à 30 ml/min. La
grossesse et les affections chroniques du tube digestif sont les agonistes PPAR-a/c ou pan-PPAR, des recherches se poursuivent
seules contre-indications à son utilisation. dans ce domaine [90] ainsi que dans celui d’agonistes PPAR-c
Le traitement doit être mis en place à doses progressives et non TZD. En ce qui concerne le traitement de l’obésité, le
son efficacité doit être évaluée sur le contrôle des glycémies retrait du rimonabant a donné un coup d’arrêt aux recherches
postprandiales. dans ce domaine des antagonistes des récepteurs cannabinoïdes,
mais certaines recherches se poursuivent.
De nombreuses approches, en particulier celle d’activateurs de
Autres domaines d’utilisation la glucokinase, sont encore à un stade très précoce de
des inhibiteurs des a-glucosidases développement.
Les IAG permettent d’obtenir une amélioration du contrôle En revanche, plusieurs inhibiteurs du cotransporteur
glycémique postprandial chez les diabétiques de type 1, mais, Na-glucose de type 2 (SGLT-2) rénal [91] , en particulier la
depuis la mise à disposition des analogues d’action rapide, leur dapagliflozine et la remogliflozine, des médicaments qui
intérêt dans ce domaine est moindre. Ils représentent en revanche abaissent la glycémie en majorant la glycosurie, sont à un stade
un traitement adjuvant efficace dans les hypoglycémies fonction- relativement avancé de développement.
nelles ou alimentaires, en particulier chez les gastrectomisés.

■ Classes thérapeutiques ■ Conclusion


en développement Si les classes pharmacologiques de base continuent à constituer
la charpente de la stratégie thérapeutique telle qu’elle a été définie
Concernant l’insulinorésistance, en dépit de l’arrêt de par la Haute Autorité de santé (Fig. 11), des options alternatives
développement clinique pour effets indésirables de nombreux offrant certains avantages, mais également moins bien évaluées

Endocrinologie-Nutrition 17
10-366-R-20 ¶ Traitement du diabète en dehors de l’insuline

sur le long cours, sont désormais possibles aux stades de la bi- [20] Paglia MJ, Coustan DR. The use of oral antidiabetic medications in
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thérapeutiques nouvelles remettent en cause le dogme de [21] The Diabetes Prevention Program Research Group. Reduction in the
l’empilement thérapeutique et pourraient conduire à mieux incidence of type 2 diabetes with lifestyle intervention or metformin. N
prendre en compte la notion de réponse thérapeutique indivi- Engl J Med 2002;346:393-403.
duelle, une substitution plutôt qu’une addition de molécule [22] Desilets AR, Dhakal-Karki S, Dunican KC. Role of metformin for
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Endocrinologie-Nutrition 19
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J.-F. Blicklé (Jean-Frederic.Blickle@chru-strasbourg.fr).


Service de médecine interne, diabète et maladies métaboliques, Hôpitaux universitaires de Strasbourg, 1, place de l’Hôpital, 67091 Strasbourg cedex,
France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Blicklé J.-F. Traitement du diabète en dehors de l’insuline. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Endocrinologie-Nutrition, 10-366-R-20, 2011.

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20 Endocrinologie-Nutrition
 10-366-R-26

Stratégie thérapeutique dans le traitement


du diabète de type 2
X. Piguel, S. Hadjadj

Les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) concernant le contrôle de la glycémie suggèrent
que l’hémoglobine glyquée (HbA1c ) doit être inférieure à 6,5 % chez les patients diabétiques de type 2.
Ces recommandations s’appuient sur des études ayant considéré avant tout la microangiopathie. La
question des différentes stratégies thérapeutiques pour parvenir à cet objectif reste très débattue d’autant
que plusieurs options thérapeutiques nouvelles et de fait peu évaluées ont été récemment mises sur le
marché. La question n’est pas entièrement résolue pour le risque cardiovasculaire, où une stratégie
visant un niveau très bas d’HbA1c (« plus c’est bas, mieux c’est ») pourrait s’avérer efficace. Des études
récentes ont produit des résultats contrastés et ont amené conjointement l’American Diabetes Association
(ADA) et l’European Association for the Study of Diabetes (EASD) à l’élaboration d’un nouvel algorithme
thérapeutique dans la prise en charge de l’hyperglycémie du diabète de type 2. Depuis mai 2011, il
n’existe plus de recommandations officielles en France sur la stratégie thérapeutique à envisager suite au
retrait des recommandations de 2006 de la HAS sur le traitement médicamenteux du diabète de type 2,
et les prochaines recommandations ne sont pas annoncées avant 2012.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Diabète de type 2 ; Équilibre glycémique ; Traitements antidiabétiques ; Risque cardiovasculaire ;
Recommandations sur le diabète de type 2

Plan  Introduction
■ Introduction 1 Les patients présentant un diabète de type 2 ont une hyper-
■ Quel objectif glycémique ? 2 glycémie chronique qui est responsable du développement et de
Risques macrovasculaires : données observationnelles 2 l’aggravation des complications micro- et macroangiopathiques.
Risques macrovasculaires : essais thérapeutiques 2 Dans une grande cohorte française de patients diabétiques de
Critères de jugement microangiopathiques dans les essais type 2, la prévalence des complications cardiovasculaires telles
ADVANCE, ACCORD et VADT 3 que l’infarctus du myocarde et l’artérite des membres inférieurs est

respectivement de 10 % et 19 % [1] . En ce qui concerne l’atteinte
Moyens thérapeutiques 4
microangiopathique, la prévalence de rétinopathie ou de néphro-
Règles hygiénodiététiques 4
pathie diabétique était respectivement de 33 % et 30 %, avec
Metformine 5
essentiellement une atteinte rétinienne non proliférante et une
Sulfonylurées et glinides 5
microalbuminurie [1] .
Inhibiteurs des alphaglucosidases 5
De nombreuses études suggèrent un lien entre l’équilibre
Glitazones 6
glycémique et les complications chroniques du diabète. Les
Gliptines 6
données concernant le diabète de type 1 sont nombreuses et
Analogues du GLP1 6
concordantes [2, 3] . Par analogie, de nombreuses recommandations
Insuline 6
prônent une stratégie visant à abaisser l’hémoglobine glyquée
Chirurgie bariatrique 6
(HbA1c ) le plus bas possible chez les patients diabétiques de
■ Vers de nouvelles stratégies de traitement 7 type 2 [4] .
■ Conclusion 7 Il est délicat de proposer un arbre de décision univoque dans la
stratégie thérapeutique dans le diabète de type 2 en raison d’un
manque d’études s’appuyant sur des critères durs de jugement et
de l’arrivée récente de nouvelles classes thérapeutiques, évaluées
avant tout sur le critère de l’HbA1c plutôt que sur les complications
chroniques. De façon délibérée, afin de limiter les biais d’origines
multiples, nous avons repris les données qui nous ont semblé les
plus pertinentes du dictionnaire Vidal® afin de rappeler, de façon
volontairement non exhaustive, indications, contre-indications
et effets secondaires des principales classes médicamenteuses uti-
lisées dans le diabète de type 2.

EMC - Endocrinologie-Nutrition 1
Volume 9 > n◦ 3 > juillet 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1941(12)53865-5
10-366-R-26  Stratégie thérapeutique dans le traitement du diabète de type 2

 Quel objectif glycémique ? 5 000 patients diabétiques de type 2 dont l’équilibre glycémique
n’était pas optimal, a montré que l’amélioration de l’HbA1c secon-
La relation établie entre glycémie et HbA1c a permis de faire daire à l’adjonction de la pioglitazone versus placebo n’était pas
de ce marqueur la cible thérapeutique privilégiée en termes suffisante pour observer une diminution statistiquement signifi-
de contrôle glycémique. Les données des essais thérapeutiques cative du nombre d’événements cardiovasculaires composant le
montrent assez clairement un impact de l’amélioration de l’HbA1c critère principal de jugement mais néanmoins un bénéfice sur le
sur le risque de complications microvasculaires, tant dans les don- critère secondaire combiné associant infarctus du myocarde non
nées « anciennes » de l’essai United Kingdom Prospective Diabetes mortels, accidents vasculaires cérébraux et décès toutes causes [12] .
Study (UKPDS) que dans les études plus récentes Action to Control L’étude Steno-2, réalisée au Danemark sur 360 patients diabétiques
Cardiovascular Risk in Diabetes (ACCORD), Action in Diabetes de type 2, testant l’efficacité d’une intervention intensive sur la
and Vascular Disease : Preterax and Diamicron MR Controlled Eva- survenue des complications cardiovasculaires chez les patients
luation (ADVANCE) ou Veterans’ Affairs Diabetes Trial (VADT) où diabétiques de type 2 avec microalbuminurie, a certes montré une
il existe une réduction du risque rénal associée à l’intensification réduction du nombre d’événements vasculaires majeurs sur les
de la prise en charge glycémique. 8 ans de suivi, mais ces résultats ne sont pas suffisamment spé-
Cependant, les données restent beaucoup moins univoques en cifiques pour en tirer des conclusions sur l’équilibre glycémique
ce qui concerne le risque macrovasculaire. dans la mesure où l’HbA1c dans le groupe traitement intensif était
de 7,7 % [13] .
Finalement, seule l’étude Diabetes and Insulin-Glucose in Acute
Risques macrovasculaires : données Myocardial Infarction (DIGAMI) avait montré l’intérêt d’une insu-
linothérapie intensive, intraveineuse, durant la phase aiguë de
observationnelles l’infarctus du myocarde, et poursuivie par voie sous-cutanée. En
Contrairement aux risques microvasculaires, de nombreuses effet, dans cette étude réalisée chez plus de 600 patients, le traite-
données épidémiologiques issues de populations non diabétiques ment intensif par l’insuline s’était soldé par une réduction de la
suggèrent qu’il existe une relation continue entre le contrôle gly- mortalité globale de 30 % à 1 an et de 11 % à près de 3,4 ans de suivi
cémique et le risque cardiovasculaire. Coutinho et al. ont utilisé par rapport au traitement standard de la glycémie [14, 15] . Cepen-
une analyse en métarégression pour évaluer le risque de maladies dant, l’étude DIGAMI 2, réalisée ensuite sur plus de 1 200 patients,
macrovasculaires en fonction de la glycémie à jeun ou de la gly- n’a pas mis en évidence d’association entre intervention gly-
cémie postprandiale. Ils ont ainsi pu souligner que le risque de cémique et mortalité cardiovasculaire [16] , tout comme l’étude
maladies coronariennes était présent pour des glycémies basses, Clinical Trial of Reviparin and Metabolic Modulation in Acute
et commençait probablement dès 0,72 g/l, même après exclusion Myocardial Infarction Treatment and Evaluation-Estudios Clini-
des patients diabétiques [5] . cos Latino America (CREATE-ECLA), qui étudiait chez plus de
Dans l’étude European Prospective Investigation of Cancer and 20 000 patients diabétiques (18 %) et non diabétiques avec infarc-
Nutrition (EPIC-Norfolk), basée sur une large cohorte de patients tus du myocarde l’intérêt du glucose-insuline-potassium (GIK) [17] .
issus d’une population générale, l’HbA1c , avec des seuils inférieurs Cependant, il n’existait pas de différence en termes de contrôle de
à ceux des patients diabétiques, était associée à une augmentation la glycémie entre les groupes d’étude dans ces deux derniers essais
régulière du risque d’événements cardiovasculaires ou de morta- de grande taille.
lité cardiovasculaire [6] . Deux études multicentriques beaucoup plus récentes et à large
Les données chez le patient diabétique sont convergentes et échelle, l’étude ACCORD et l’étude ADVANCE, ont évalué dans
suggèrent un effet bénéfique de l’amélioration de l’HbA1c sans quelles mesures un contrôle encore plus intensif de la glycé-
pour autant établir clairement un seuil dans les études observa- mie (HbA1c < 6 ou 6,5 %) pouvait réduire davantage le risque
tionnelles. Dans une cohorte danoise de patients diabétiques de de complications vasculaires par rapport au traitement standard
type 2, une élévation de 1 % de l’HbA1c était associée à une aug- (HbA1c de 7 % à 7,5 %) chez les patients atteints d’un diabète de
mentation du risque de mortalité toutes causes de 20 % [7] . De type 2 de longue durée (au moins 8 à 10 ans d’évolution) et pré-
la même façon, l’HbA1c est apparue comme un puissant facteur sentant un risque cardiovasculaire élevé (c’est-à-dire une affection
de risque pour abaisser le risque d’amputation de membres dans cardiovasculaire et/ou au moins un facteur de risque cardiovascu-
une cohorte finlandaise [8] . Par ailleurs, les données de la cohorte laire supplémentaire).
UKPDS, en tant qu’étude épidémiologique, souligne un effet Dans l’étude ACCORD, réalisée chez plus de 10 000 patients, le
linéaire de l’HbA1c sur le risque cardiovasculaire, qui commence à contrôle intensif de la glycémie visait à obtenir un taux d’HbA1c
partir de seuils inférieurs à 6,5 % [9] . inférieur à 6 %. Le critère d’évaluation primaire était une combi-
naison d’infarctus du myocarde non fatal, d’accident vasculaire
cérébral non fatal et de mortalité cardiovasculaire [18] . En raison
Risques macrovasculaires : essais d’une augmentation de la mortalité dans le groupe sous traite-
thérapeutiques ment plus intensif (HbA1c < 6 %) par rapport au traitement visant
à obtenir un taux d’HbA1c entre 7 % et 7,9 %, cette branche de
Des données issues d’études interventionnelles confirment l’étude a été interrompue prématurément 18 mois plus tôt que
l’intérêt de l’amélioration de l’HbA1c sans pour autant déterminer prévu, soit après un suivi moyen de 3,5 ans. Par ailleurs, les résul-
de seuil précis. Dans l’étude UKPDS qui comparait, chez environ tats après un suivi de 3,5 ans ne montrent pas, dans le groupe
4 000 patients diabétiques de type 2 de découverte récente, deux sous traitement intensif, de diminution statistiquement signifi-
stratégies thérapeutiques (traitement conventionnel visant à obte- cative de risque d’accident cardiovasculaire mais néanmoins une
nir une glycémie à jeun < 2,7 g/l versus traitement intensif visant diminution de 24 % des infarctus du myocarde non mortels [19] . Le
à obtenir une glycémie à jeun < 1,10 g/l), la différence de 0,9 % risque associé à l’intensification du contrôle glycémique n’avait
durant les 10 ans de suivi n’a pas été suffisante pour être associée pas été identifié jusqu’alors.
à une diminution du risque d’événements cardiovasculaires. Il n’y Dans l’étude ADVANCE, réalisée chez plus de 11 000 patients,
avait pas de diminution des accidents vasculaires cérébraux dans le contrôle intensif de la glycémie visait à obtenir un taux
le groupe traitement intensif d’une part et la diminution consta- d’HbA1c inférieur à 6,5 %. Le critère d’évaluation primaire était
tée de l’incidence d’infarctus du myocarde n’était pas clairement une combinaison d’accidents macrovasculaires (infarctus du myo-
statistiquement significative [10] . carde non fatal, accident vasculaire cérébral non fatal et mortalité
L’étude Diabetes Control and Complications Trial (DCCT), cardiovasculaire) et d’accidents microvasculaires (apparition ou
qui avait testé également deux stratégies thérapeutiques (trai- aggravation d’une rétinopathie ou d’une néphropathie) [20] . Les
tement intensif versus traitement conventionnel) chez plus de résultats après un suivi médian de 5 ans montrent une diminu-
1 400 patients diabétiques de type 1, n’a pas non plus montré tion statistiquement significative du critère d’évaluation primaire
d’impact sur les événements macrovasculaires sur les 6,5 ans dans le groupe sous traitement intensif par rapport au traitement
moyens de suivi [11] . L’étude Prospective Pioglitazone Clinical Trial moins intensif, mais cette diminution est due surtout à la dimi-
In Macrovascular Events Study (PROactive), réalisée chez plus de nution de la néphropathie. En effet, il n’y a pas de différences

2 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Stratégie thérapeutique dans le traitement du diabète de type 2  10-366-R-26

statistiquement significatives entre les deux groupes en ce qui Dans l’étude postinterventionnelle de Steno-2, sur un suivi
concerne les accidents macrovasculaires et la mortalité cardiovas- moyen de 13,3 ans, une réduction de la mortalité de 20 % était
culaire [20] . observée dans le groupe « traitement intensif » par rapport au
Ces deux études montrent donc que chez les patients atteints groupe « traitement conventionnel » alors que les groupes ne se
d’un diabète de type 2 de longue durée, avec un risque cardio- distinguaient plus quant à l’équilibre métabolique [25] . L’étude
vasculaire élevé, contrôler la glycémie de façon à atteindre un Steno-2 a aussi montré un effet additionnel des traitements par
taux d’HbA1c inférieur à 6 % ou 6,5 % ne diminue pas davantage aspirine, traitements antihypertenseurs et traitements hypolipé-
le risque de complications vasculaires majeures par rapport au miants sur la diminution des événements cardiovasculaires.
traitement moins intensif, dans les 5 premières années. On peut Dans l’étude postinterventionnelle du suivi des patients survi-
noter que si les stratégies pour obtenir un équilibre glycémique dif- vants de la cohorte UKPDS, il a pu être montré une diminution
fèrent, les populations sont en fait assez comparables et proches du risque d’infarctus du myocarde de 15 %, et de mort toutes
de la moyenne des diabétiques de type 2 en France [21] . causes de 13 % dans le groupe ayant eu initialement le traitement
Les dernières données publiées comparant les essais d’un intensif [26] .
contrôle glycémique intensifié à ceux d’un contrôle glycémique Les résultats suggèrent qu’un traitement intensif de contrôle de
standard sur les événements cardiovasculaires sont issues de la glycémie dès le début du diabète de type 2 est associé à une dimi-
l’étude VADT. Cette étude réalisée chez près de 1 800 patients, vété- nution du risque d’infarctus du myocarde et de mortalité toutes
rans de l’armée américaine, visait à obtenir une réduction de 1,5 % causes.
de l’HbA1c dans le groupe traitement intensif en comparaison
au groupe traitement standard. Les patients inclus présentaient
une réponse glycémique insuffisante malgré une trithérapie orale
Critères de jugement microangiopathiques
maximale ou un traitement par insuline. L’HbA1c de départ était de dans les essais ADVANCE, ACCORD et VADT
9,4 %. Le critère d’évaluation primaire était le temps d’apparition
Les données des essais thérapeutiques récents sur les événe-
d’événements cardiovasculaires incluant infarctus du myocarde,
ments microvasculaires sont de grand intérêt car elles viennent
accident vasculaire cérébral, décès d’origine cardiovasculaire, sur-
compléter nos connaissances issues des grandes études épidémio-
venue ou aggravation d’une insuffisance cardiaque congestive,
logiques et de l’essai UKPDS, en s’intéressant à la population des
ainsi que des interventions chirurgicales d’ordre vasculaire ou
sujets diabétiques de type 2 plus anciens dans leur maladie (et
un geste d’amputation pour gangrène ischémique. Les critères
non au stade précoce, suivant le diagnostic de diabète comme
d’évaluation secondaires incluaient aussi bien des événements
dans l’essai britannique).
cardiovasculaires (apparition ou aggravation d’un angor, accident
L’étude ADVANCE [20] a comme critère principal de jugement un
vasculaire ischémique transitoire, apparition d’une claudication
critère combiné associant événements macro- et microvasculaire.
intermittente, ischémie de membre et mort toutes causes) que
Pour ce dernier, les événements composent le critère microvas-
des complications microvasculaires (rétinopathie, néphropathie
culaire principal de jugement combiné (noté PC pour principal
et neuropathie). Après un suivi médian de 5,6 ans, les résultats ne
combiné) ou ne sont considérés que comme critère secondaire
montrent pas de différence significative entre les deux groupes,
(noté S) (Tableau 1).
aussi bien pour les critères d’évaluation primaires que secondaires,
De façon assez proche, les auteurs de l’essai ACCORD [27] ont
tandis que le nombre d’hypoglycémies est plus important dans le
séparé les événements appartenant au critère principal microvas-
groupe de traitement intensif.
culaire combiné et les événements secondaires uniquement.
Les résultats de l’étude VADT sont donc concordants avec
Enfin, dans l’essai VADT [22] , les données microvasculaires sont
ceux de l’étude ADVANCE et de l’étude ACCORD en ce qui
considérées uniquement comme données secondaires, puisque
concerne l’absence d’effet d’un contrôle glycémique intensifié
le critère de jugement principal est cardiovasculaire. Le détail
visant à obtenir une HbA1c basse sur la survenue d’événements
de chaque événement classant est rappelé dans le Tableau 1 qui
macrovasculaires. À l’inverse de l’étude ADVANCE, l’étude VADT
montre une bonne convergence des critères de jugement des trois
ne souligne pas non plus d’impact favorable d’une intensifica-
essais, qui ont essayé de permettre une comparabilité avec les
tion de l’équilibre glycémique sur la survenue des complications
données de l’UKPDS.
microvasculaires. Néanmoins, le recrutement de l’étude VADT n’a
inclus pratiquement que des sujets de sexe masculin ainsi que Critère combiné « microvasculaire dur »
des patients ayant un diabète ancien (11,5 ans contre 8 ans dans
l’étude ADVANCE). Ces résultats pourraient ainsi suggérer que De façon discordante, les auteurs des deux essais nord-
chez des patients dont le diabète évolue depuis de nombreuses américains ne retrouvent pas d’effet significatif de l’amélioration
années, le bénéfice microvasculaire dû au seul contrôle étroit de de l’équilibre glycémique sur le critère dur que constitue
la glycémie est probablement moindre qu’attendu jusque-là [22] . l’apparition d’une atteinte rétinienne et/ou rénale grave, alors
La mise en commun des données des essais UKPDS (inter- que dans l’étude ADVANCE, la réduction de 14 % des événements
vention), ACCORD, PROactive, ADVANCE et VADT lors d’une microvasculaires est significative (p = 0,01).
méta-analyse (de méthodologie correcte mais limitée par le fait
qu’elle ne prenait pas en compte les données individuelles) sug-
Critère rénal
gère que l’amélioration de la glycémie par une stratégie intensive Dans l’étude ADVANCE, l’effet de la prise en charge intensive
permet une réduction significative du risque d’infarctus du myo- de la glycémie a été très net sur les événements rénaux avec une
carde de 15 % [23] . réduction du risque relatif de 21 % (intervalle de confiance [IC]
Enfin, on note le bénéfice cardiovasculaire à long terme d’un 95 % : 7 à 34) d’apparition d’une néphropathie grave. De façon
contrôle glycémique intensifié suggéré par le suivi postétudes concordante, les auteurs montrent une réduction de 9 % (2 % à
d’intervention tant dans le diabète de type 1 que dans celui 15 %) du risque relatif de nouvelle microalbuminurie.
de type 2. L’étude Epidemiology of Diabetes Interventions and Dans l’étude ACCORD, le critère rénal est clairement modifié
Complications Study (EDIC) qui faisait suite à l’étude DCCT par la prise en charge intensive de la glycémie, que l’on consi-
a montré que le groupe qui avait bénéficié auparavant d’un dère le critère microalbuminurie incidente, avec une réduction
traitement intensif (HbA1c ≈ 7 % pendant 6,5 ans) a réduit de du risque relatif de 21 % (10 % à 31 %) ou macroalbuminurie inci-
42 % le risque des événements cardiovasculaires et de 57 % celui dente, avec une réduction du risque relatif de 32 % (14 % à 46 %).
d’un événement grave (infarctus du myocarde, accident vascu- Il n’était pas retrouvé de bénéfice sur le critère plus dur d’altération
laire cérébral et décès de causes cardiovasculaires) par rapport au de la fonction rénale (doublement de la créatinine ou insuffisance
groupe conventionnel (HbA1c ≈ 9 % pendant 6,5 ans), même si les rénale terminale).
patients des deux groupes avaient la même HbA1c à la fin de l’étude Dans l’étude VADT, il n’y avait pas de différence sur la perte
(en moyenne à 8,5 %), ce qui suggère un effet de « mémoire glycé- néphronique, alors que les sujets du groupe intensif avaient
mique » [24] . Par ailleurs, ce bénéfice était supérieur à la baisse du moins souvent une progression vers un stade d’albuminurie supé-
risque lié au traitement antihypertenseur et au traitement hypo- rieure que les sujets du groupe conventionnel : 4,1 % versus 6,6 %
lipémiant. (p = 0,05).

EMC - Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-R-26  Stratégie thérapeutique dans le traitement du diabète de type 2

Tableau 1.
Critères de jugement microangiopathiques dans les essais d’intervention glycémique ADVANCE, ACCORD et VADT.
Lieu de l’atteinte Type d’atteinte ADVANCE ACCORD VADT
microvasculaire
Rein Apparition d’une macroalbuminurie PC S S
Doublement de la créatinine (au-delà d’un seuil) PC (seuil 200 ␮mol) PC (seuil 292 ␮mol) S (± seuil 265 ␮mol)
Épuration extrarénale PC PC
Mort de cause rénale PC
Néphropathie nouvellement apparue ou s’aggravant S
Apparition d’une microalbuminurie S S S
Altération de fonction rénale (eGFR < 15 ml/min)
Œil Apparition d’une rétinopathie proliférante P S
Apparition d’un œdème maculaire P S
Apparition d’une cécité liée au diabète P
Recours à une photocoagulation rétinienne P PC (ou vitrectomie) S (ou vitrectomie)
Détérioration de la vision S S
Chirurgie de cataracte S S
Aggravation de la rétinopatie (ETDRS) S
Nerfs Apparition/aggravation d’une neuropathie S S
Perte de sensibilité vibratoire S
Perte de réflexe achilléen S
Perte de sensibilité épicritique S
Mononeuropathie S
Neuropathie périphérique S
Neuropathie dysautonomique S

P : principal ; PC : principal combiné ; S : secondaire ; eGFR : estimated glomerular filtration rate ; ETDRS : Early Treatment of Diabetic Retinopathy Study ; ADVANCE : Action
in Diabetes and Vascular Disease : Preterax and Diamicron MR Controlled Evaluation ; ACCORD : Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes ; DAST : Veterans’
Affairs Diabetes Trial.

Critère ophtalmologique un effet sur l’albumine urinaire avec une moindre apparition de la
microalbuminurie ou de la protéinurie. L’amélioration des critères
Dans l’étude ADVANCE, il n’a pas été retrouvé d’effet sur la réti-
neurologiques ou rétiniens n’apparaît pas majeure.
nopathie grave ou sur la détérioration visuelle. Les données de la
sous-étude Advance Retinal Measurements (AdRem), qui a analysé
les données de photographie rétinienne permettant une classifi-
cation Early Treatment of Diabetic Retinopathy Study (ETDRS),  Moyens thérapeutiques
montrent une absence d’effet de l’équilibre glycémique sur les
stades moins sévères d’atteinte rétinienne mais avec un défaut de Règles hygiénodiététiques
puissance.
Leur mise en œuvre est la pierre angulaire du traitement du
Dans l’étude ACCORD, il n’y a pas de réduction du critère réti-
diabète de type 2. Elles ont clairement été validées pour la préven-
nopathie proliférante. Cependant, les sujets du groupe « intensif »
tion du diabète de type 2 dans une étude randomisée de bonne
ont moins souvent recours à la chirurgie de la cataracte, avec une
méthodologie [28] . Elles comprennent notamment la lutte contre
réduction de 10 % (-2 % à 21 %) du risque relatif et ont moins sou-
la surcharge pondérale, avec un régime équilibré en macronutri-
vent une réduction modérée de la vision : réduction de 16 % (3 %
ments (55 % de glucides, en favorisant les sucres à faible index
à 27 %) du risque relatif. La réduction de vision grave n’est pas
glycémique, 15 % de protides, en équilibrant les protides d’origine
modifiée par le traitement glycémique.
animale et végétale, 30 % de lipides, avec un tiers d’acides gras
Dans l’étude VADT, il n’y a aucun des événements rétiniens spé-
[AG] saturés, un tiers d’AG mono-insaturés et un tiers d’AG poly-
cifiés qui soit significativement réduit dans le groupe traitement
insaturés). En accord avec le Plan national nutrition santé (PNNS),
glycémique intensif.
on conseille la consommation de cinq portions de fruits ou
légumes par jour.
Critère neurologique Outre les conseils diététiques, on préconise la réalisation d’une
Dans l’étude ADVANCE, le critère neurologique a été moins pris activité physique ou sportive [29] . La marche rapide est intéressante
en compte que dans les deux autres études. Il n’est pas modifié dans le contexte du diabète de type 2 car elle ne nécessite aucune
entre les groupes de prise en charge glycémique. recherche de cardiopathie ischémique, à l’inverse du retour à une
Dans l’étude ACCORD, les événements neurologiques sont peu pratique sportive. La durée de l’activité physique est idéalement
modifiés par la prise en charge du diabète, même si la perte de de 30 minutes au moins par jour, soit 2 heures 30 par semaine.
sensibilité au monofilament est moindre dans le groupe intensif : Cependant, les méthodologies d’étude sont moins simples pour
réduction de 12 % (0 % à 23 %) du risque relatif. l’activité physique que pour un essai randomisé contrôlé contre
Dans VADT, il n’y a aucun des événements neurologiques spé- placebo ! Il convient de rappeler les précautions d’usage pour pré-
cifiés qui soit significativement réduit dans le groupe traitement venir les ulcérations du pied diabétique chez des patients à risque
glycémique intensif par rapport au groupe traitement convention- podologique (de grades 1, 2 et 3), d’adapter le chaussage et de
nel. conseiller la décharge en cas de mal perforant.
En résumé, dans les trois essais interventionnels (ACCORD, Les autres bénéfices en santé apportés, importants dans le dia-
ADVANCE, VADT), la prise en charge intensive de la glycémie a bète de type 2, notamment pondéraux, interviennent de façon

4 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Stratégie thérapeutique dans le traitement du diabète de type 2  10-366-R-26

différée plusieurs mois après la reprise de l’activité physique.


Les bénéfices sur les lipides concernent le high density lipoprotein
(HDL)-cholestérol et nécessitent une poursuite au long cours de
l’activité.
“ Point fort
Les mesures hygiénodiététiques concernent aussi les facteurs
Metformine
de risque cardiovasculaires modifiables, au premier rang desquels
l’arrêt du tabac est à privilégier. Le tabac va en effet augmenter En première intention, en surveillant le risque fréquent
l’insulinorésistance chez les patients diabétiques de type 2 [30] . d’effets secondaires gastro-intestinaux et le risque très rare
Des données expérimentales réalisées chez l’animal suggèrent mais grave d’acidose lactique.
également que l’exposition au tabac augmente l’adipogenèse et
diminue la fonction bêtacellulaire [31] . Le sevrage tabagique doit
donc être proposé à tout patient diabétique.
Ces règles hygiénodiététiques doivent être mises en œuvre capacité à réduire les complications associées au diabète de type 2.
d’emblée à la prise en charge du sujet diabétique de type 2 mais On peut toutefois leur reprocher une moins bonne durabilité dans
elles doivent aussi être rappelées et revues tout au long de sa prise le temps en termes d’efficacité sur l’HbA1c , en comparaison à la
en charge. Elles ont un bénéfice prouvé sur le niveau d’HbA1c , metformine ou aux glitazones, comme a pu le démontrer l’étude
selon les analyses de la fondation Cochrane. Elles constituent un A Diabetes Outcome Progression Trial (ADOPT).
axe majeur d’éducation au soin et d’éducation thérapeutique du Les sulfonylurées peuvent être associés avec l’ensemble des
patient présentant un diabète de type 2. classes d’ADO, excepté les glinides en raison de la communauté
de leur mécanisme d’action.
En raison de leur courte durée d’action et de leur métabo-

“ Point fort lisme hépatique marqué, les glinides sont volontiers prescrits dans
l’insuffisance rénale. Il s’agit donc d’un ADO de prescription pri-
vilégiée chez le sujet âgé. Toutefois, leur risque hypoglycémique
ne doit pas être sous-estimé [33] .
Règles hygiénodiététiques
• Indications : diabète de type 2, dès que l’effet des règles hygié-
• Diététique bien conduite
nodiététiques devient insuffisant. On privilégie leur utilisation
• Lutte contre la surcharge pondérale
soit en cas d’échec ou d’intolérance à la metformine, soit en
• Activité physique régulière association à celle-ci.
• Contre-indications : diabète de type 1, insuffisance rénale ou
hépatique sévère, interactions médicamenteuses (miconazol).
• Effets indésirables : hypoglycémies ; les autres effets indési-
Metformine rables, notamment gastro-intestinaux ou irruptions cutanées,
sont plus rares.
La metformine est le premier médicament antidiabétique oral
(ADO) à proposer chez un sujet diabétique de type 2. Son posi-
tionnement est lié aux résultats de l’essai UKPDS dans lequel
cette molécule a permis de réduire les complications chroniques,
notamment macrovasculaires, malgré un impact bénéfique faible
et non significatif sur l’HbA1c [32] .
“ Point fort
L’ensemble des recommandations ou avis d’experts place la
metformine en traitement de première intention dans le diabète Sulfonylurées-glinides
de type 2. • Sulfonylurées en deuxième intention, en association
• Indications : diabète de type 2 en première intention, dès que avec la metformine (première intention) en surveillant le
l’effet des règles hygiénodiététiques devient insuffisant. risque d’hypoglycémie, en particulier avant les repas et au
• Contre-indications : insuffisance rénale ou altération de la fonc- milieu de la nuit.
tion rénale (clairance de la créatinine < 60 ml/min), maladie • Place privilégiée des glinides en cas d’insuffisance rénale,
aiguë ou chronique pouvant entraîner une hypoxie tissulaire
sans oublier le risque d’hypoglycémie.
(insuffisance cardiaque ou respiratoire, infarctus du myocarde
récent, chocs), insuffisance hépatocellulaire.
• Effets indésirables :
◦ gastro-intestinaux : ils sont jugés très fréquents (fré-
quence > 10 %) et comprennent notamment nausées, vomis-
sements, diarrhées, douleurs abdominales et perte d’appétit ; Inhibiteurs des alphaglucosidases
◦ acidose lactique : complication très rare (moins de 1/10 000,
principalement associée aux situations d’hypoxie). Ces médicaments ont été utilisés principalement en Asie. Le
En pratique, on rappelle que la metformine doit être chef de file est l’acarbose, testé dans une étude de prévention
titrée de façon progressive pour limiter les effets indésirables du diabète de type 2, l’étude Study To Prevent Non-Insuline
gastro-intestinaux. Les nouvelles formes galéniques désormais Dependent Diabetes Mellitus (STOP-NIDDM), où le médicament
disponibles en poudre pourraient être mieux tolérées. Si la metfor- était actif contre le placebo pour réduire le risque de diabète de
mine n’est pas tolérée, les autres options d’ADO restent ouvertes type 2 chez des sujets intolérants au glucose [34] ; et dans une ana-
et peuvent être guidées par le profil du patient. Enfin, en cas lyse d’un critère secondaire, il semblait aussi efficace pour réduire
d’insuffisance rénale, il semble possible de poursuivre la metfor- les complications cardiovasculaires [35] .
mine à mi-dose jusqu’à un seuil de clairance de la créatinine de • Indications : traitement du diabète de type 2 en monothérapie
30 ml/min, mais cette attitude ne correspond pas à une attitude comme en association aux autres thérapeutiques antidiabé-
validée en France. tiques.
• Contre-indications : maladies chroniques associant des troubles
de la digestion et de l’absorption, maladies inflammatoires
Sulfonylurées et glinides chroniques de l’intestin, antécédents de syndrome suboc-
Les sulfonylurées ont été découverts en France à Montpellier, clusif, insuffisance rénale sévère (clairance de la créatinine
par la survenue d’hypoglycémies en relation avec l’utilisation de < 25 ml/min).
sulfamides anti-infectieux. Ils ont constitué la première classe his- • Effets indésirables : les effets indésirables sont principalement
torique des ADO et ont été testés dans l’essai UKPDS et utilisés digestifs (flatulence, météorisme, diarrhées, douleurs abdomi-
dans les essais récents de stratégie intensive glycémique pour leur nales).

EMC - Endocrinologie-Nutrition 5
10-366-R-26  Stratégie thérapeutique dans le traitement du diabète de type 2

liraglutide plus récemment commercialisé, qui se fait en une seule

“ Point fort injection quotidienne. Ces médicaments sont des analogues du


GLP1. Ils ont donc un impact sur l’ensemble de la voie des incré-
tines.
• Indications :
Inhibiteurs de l’alphaglucosidase
◦ l’exénatide est indiqué en association à la metformine et/ou
Ils peuvent être utilisés à chaque phase du traitement oral à un sulfamide hypoglycémiant ;
du diabète, mais ont une tolérance digestive limitée qui ◦ le liraglutide peut être utilisé à toutes les étapes
diminue son efficacité potentielle. Ils sont intéressants pour d’intensification du schéma thérapeutique du diabète,
limiter les accès hyperglycémiques liés aux repas. après « échec » d’une monothérapie par metformine ou
sulfamide hypoglycémiant, et peut donc être prescrit en
bithérapie avec la metformine ou un sulfonylurée. Il peut
également être prescrit en adjonction d’une bithérapie par
metformine-sulfonylurées.
Glitazones • Contre-indications : on note des précautions d’emploi concer-
nant l’insuffisance rénale terminale dialysée. De ce fait, on ne
Les glitazones (rosiglitazone et pioglitazone) ou thiazolidine-
recommande pas son utilisation pour une clairance de la créa-
diones sont des insulinosensibilisateurs. Ils vont entraîner une
tinine inférieure à 30 ml/min.
diminution de la résistance à l’insuline par un effet sur les peroxi-
• Effets indésirables : ceux-ci concernent de façon fréquente une
some proliferator-activated receptor gamma (PPAR-␥) au niveau des
diminution de l’appétit, qui est aussi un avantage du médi-
cellules graisseuses, des muscles et du foie. La question de la sécu-
cament, et de façon très fréquente, nausées, vomissements et
rité d’utilisation de la rosiglitazone a été évoquée [36] . L’efficacité
diarrhées. Pour limiter ce type d’effet, il est préconisé d’instaurer
de cette molécule a été prouvée sur la prévention du diabète dans
ces traitements aux posologies les plus faibles et de les majo-
l’étude Diabetes Reduction Assessment with Ramipril and Rosi-
rer progressivement. En cas d’association à des médicaments
glitazone Medication (DREAM) [37] et sur la durabilité de l’effet
potentiellement hypoglycémiants comme un sulfamide, le
hypoglycémiant par rapport au glibenclamide et à la metformine
risque d’hypoglycémie doit être rappelé.
dans l’étude ADOPT [38] .
• Indications : cette classe thérapeutique n’a désormais plus
d’indication en France depuis le retrait du marché de la rosi-
glitazone en septembre 2010 en raison d’une augmentation du
risque cardiovasculaire (infarctus du myocarde, accident vas- “ Point fort
culaire cérébral), et de la pioglitazone en juin 2011 en raison
d’une faible augmentation du risque de cancer de la vessie chez Médicaments injectables non insuliniques
les patients traités par pioglitazone. Ils sont une option avant le recours à l’insuline. La place
du liraglutide dans les recommandations, notamment au
Gliptines stade précoce dès l’échec de la metformine, est à préciser,
même si l’indication à ce stade-là de la thérapeutique du
Les gliptines sont une nouvelle classe thérapeutique. Ce sont diabète a été retenue au vu des données de la littérature.
des inhibiteurs de la dipeptidylpeptidase-4 (DPP4), enzyme res-
ponsable de la dégradation du glucagon-like peptide 1 (GLP1). Ils
vont de ce fait limiter la dégradation du GLP1, et ainsi poten-
tialiser son effet et stimuler la sécrétion d’insuline, diminuer la
sécrétion de glucagon et ralentir la vidange gastrique. Le chef de
file est la sitagliptine, suivie de la vildagliptine et de la saxagliptine. Insuline
• Indications :
◦ en bithérapie associées à la metformine et/ou aux sulfamides Le traitement insulinique est un traitement possible de
hypoglycémiants. On note la possibilité d’associations fixes l’hyperglycémie à tous les stades de la maladie diabétique. Il est
gliptine-metformine ; cependant souvent utilisé par les médecins après échec des théra-
◦ les gliptines peuvent être utilisées pour une trithérapie peutiques orales en raison de son prix (lié à l’insuline elle-même et
lorsque l’association metformine/sulfamide est insuffisam- à l’autosurveillance glycémique) et des nécessités d’éducation au
ment efficace. traitement. Sa mauvaise réputation fait de l’insuline une option
• Contre-indications : hypersensibilité à la substance. thérapeutique souvent redoutée par les patients (contrainte de
• Effets indésirables : ils sont assez rares et concernent des nausées l’injection, risque hypoglycémique, prise de poids, sentiment
et une somnolence ou des diarrhées peu fréquentes. d’une gravité particulière du diabète et crainte d’un impossible
« retour en arrière »).
Dans la prise en charge du diabète de type 2, on utilise volon-
tiers les insulines intermédiaires ou lentes, souvent au coucher,
“ Point fort pour permettre de normaliser la glycémie à jeun, en association
aux ADO. Une étude récente comparant liraglutide et insuline
glargine, chez des sujets diabétiques de type 2, pourrait remettre
Gliptines en cause cette stratégie [39] .
Elles sont efficaces en termes de résultat glycémique, mais On peut aussi avoir recours souvent en deuxième temps, après
neutres sur le poids, avec un bon profil de tolérance et l’insuline du coucher, à des schémas plus complexes, comparables
peu de contre-indications. Leur arrivée récente rend leur à ceux du diabète de type 1.
bénéfice à long terme incertain par rapport à celui des
stratégies plus anciennes. Chirurgie bariatrique
La chirurgie bariatrique est une option chirurgicale de traite-
ment de la grande obésité. Elle permet le traitement de certains cas
d’obésité morbide, et ainsi une amélioration significative, voire
Analogues du GLP1 une résolution des comorbidités liées à l’obésité dont le diabète.
La méta-analyse de Buchwald, réalisée à partir de 621 études et
Cette nouvelle classe thérapeutique comprend l’exénatide, regroupant plus de 135 000 patients, montre une rémission du
qui nécessite deux injections sous-cutanées quotidiennes, et le diabète à 2 ans de l’intervention dans 74,6 % des cas, tous types

6 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Stratégie thérapeutique dans le traitement du diabète de type 2  10-366-R-26

de chirurgie confondus (anneau gastrique, gastroplastie verticale,


court-circuit gastrique, dérivation biliopancréatique) [40] . La place
exacte de la chirurgie bariatrique est néanmoins complexe. En
effet, cette option est applicable uniquement chez le sujet obèse
“ Points essentiels
morbide (indice de masse coporelle [IMC] supérieur à 40 ou à • Il y a un consensus extrêmement fort pour l’utilisation
35 kg/m2 en cas de diabète de type 2, qui correspond à une comor-
bidité corrigeable par la chirurgie), après échec d’une prise en des règles hygiénodiététiques tout au long de la prise en
charge médicale classique et exclusion des contre-indications [41] . charge du diabète de type 2, puis de la metformine.
L’IMC moyen des sujets présentant un diabète de type 2 en France • En cas d’insuffisance d’effet de la monothérapie met-
est de 30 kg/m2 environ, suggérant qu’un nombre important de formine, nécessitant le passage à la bithérapie, plusieurs
sujets diabétiques de type 2 correspond aux recommandations options sont possibles : sulfamides (ou glinides), gliptines,
françaises sur la chirurgie bariatrique, mais le recours à la chi- inhibiteurs des alphaglucosidases, liraglutide.
rurgie bariatrique même en cas de diabète de type 2 est encore • En cas d’insuffisance d’effet, après la bithérapie, on peut
relativement rare et d’évaluation limitée en cas de diabète de type proposer une trithérapie orale comprenant généralement
2 de longue durée. metformine, sulfamides et plusieurs options : gliptines,
inhibiteurs des alphaglucosidases, analogues du GLP1.
• Après la trithérapie, il est généralement recommandé de
 Vers de nouvelles stratégies privilégier le traitement insulinique.

de traitement
Les données récentes issues des études interventionnelles ont
permis à l’American Diabetes Association (ADA) et l’European  Conclusion
Association for the Study of Diabetes (EASD) d’établir conjoin-
tement un nouveau consensus quant à l’initiation et aux La prise en charge thérapeutique du diabète de type 2 est de
adaptations thérapeutiques dans l’hyperglycémie du diabète de plus en plus complexe en raison de l’arrivée de nouvelles options
type 2 [26] . Ce texte ne constitue pas une recommandation mais il de traitement. Les stratégies thérapeutiques sont multiples et il est
a le mérite d’intégrer les nouvelles options de traitement apparues délicat de fixer les choses :
depuis les dernières recommandations françaises de 2006, retirées • tester l’ensemble des options dans différents ordres est long,
en mai 2011 par la Haute utorité de santé (HAS). Ce consensus non réalisé jusque-là, problématique en raison de l’incertitude
(position statement) prend donc en compte différents aspects : entre classe médicamenteuse et molécule spécifique. D’ores et
• dès le diagnostic de diabète, il est impératif de contrôler rapide- déjà se développe l’idée de substituer plutôt que d’empiler ;
ment l’hyperglycémie pour diminuer de façon significative les • déterminer le critère de jugement prioritaire lors des études
événements micro- et macrovasculaires. Les auteurs s’appuient (HbA1c [souvent privilégiée], apparition de complications
sur les données issues du suivi à 10 ans d’UKPDS qui montraient nécessitant des durées d’observation beaucoup plus longues,
une mémoire positive du traitement précoce du diabète ; critère combiné [moins établi] associant par exemple glycémie,
• néanmoins après un certain nombre d’années d’évolution poids, effets indésirables, etc) ;
de diabète, il est probablement trop tard pour avoir un • avancer vers des approches fondées sur une analyse de coût-
effet favorable de l’équilibre glycémique sur les complications efficacité comme le propose le National Institute forHealth and
macrovasculaires (données d’ACCORD, ADVANCE, VADT) ; Clinical Excellence (NICE) [42] .
• enfin, il convient d’évaluer le rapport bénéfice/risque des trai- Outre la prise en charge « glucocentrée », la prise en charge mul-
tements instaurés. En effet, les dernières études ont pu montrer ticible du sujet diabétique de type 2 (lipides, pression artérielle,
que l’intensification thérapeutique s’accompagne notamment blocage du système rénine-angiotensine, poids, antiagrégation
d’un risque d’hypoglycémie accru qui pouvait expliquer en plaquettaire) a été efficace sur l’apparition de complications
particulier la surmortalité constatée dans le groupe traitement micro- et macrovasculaires. Les résultats de l’étude Steno-2 sou-
intensif de l’étude ACCORD. lignent qu’une prise en charge intensive multifactorielle de
Ainsi, le nouvel algorithme du traitement des diabétiques de l’ensemble des facteurs de risque cardiovasculaires chez les
type 2 préconisé par l’ADA et l’EASD recommande dans un patients diabétiques de type 2 s’accompagne in fine d’une dimi-
premier temps d’instaurer des mesures hygiénodiététiques asso- nution de la mortalité après un suivi de 13,3 ans [25] .
ciées à un traitement par metformine pour atteindre un objectif
glycémique correspondant à une HbA1c inférieure à 7 %. Cette
association thérapeutique doit par ailleurs être maintenue tout le Remerciements : à Cécile Demer pour son aide à la rédaction de ce manuscrit.
long de la prise en charge du diabète en cas de bonne tolérance
de la metformine.
En cas de réponse thérapeutique insuffisante (HbA1c ≥ 7 %),
il est proposé de passer à un deuxième palier thérapeutique qui
 Références
comporte deux possibilités : [1] Delcourt C, Vauzelle-Kervroedan F, Cathelineau G, Papoz L,
• une première option thérapeutique, bien validée : ajout d’une CODIAB-INSERM-ZENECA Pharma Study Group. Low prevalence
insuline basale ou d’un sulfamide hypoglycémiant ; of long-term complications in non-insulin-dependent diabetes mellitus
• une deuxième option thérapeutique, moins bien validée : ajout in France: a multi-center study. J Diabetes Complications 1998;12:
de la pioglitazone, désormais retirée du marché français, ou 88–95.
d’un analogue du GLP1, qui est préféré si une perte de poids [2] Reichard P, Nilsson BY, Rosenqvist U. The effect of long-term
est recherchée en priorité. À ce stade, et avant de passer au troi- intensified insulin treatment on the development of microvascu-
sième palier, il est recommandé de prescrire de l’insuline basale lar complications of diabetes mellitus. N Engl J Med 1993;329:
si ce n’est pas déjà fait, en cas d’élévation de l’HbA1c . 304–9.
Le troisième palier est celui d’une insulinothérapie intensifiée [3] The Diabetes Control and Complications Trial Research Group: effect of
associant des insulines d’action rapide au moment des repas. intensive treatment of diabetes on the development and progression of
long-term complications in insulin-dependent diabetes mellitus. N Engl J
Le passage d’un palier à l’autre se fait par intervalle de 3 mois.
Med 1993;329:977–86.
Dans cet algorithme, le traitement par rosiglitazone n’était déjà
[4] ALD 8. Diabète de type 2, guide du médecin. HAS, 2006.
plus recommandé, en raison d’une part des effets cardiovascu-
[5] Coutinho M, Gerstein HC, Wang Y, Yusuf S. The relationship between
laires délétères possibles associés au traitement par la rosiglitazone glucose and incident cardiovascular events. A metaregression analysis of
constatés dans certaines études et d’autre part, de l’existence published data from 20 studies of 95 783 individuals followed for 12,4
d’autres options thérapeutiques. years. Diabetes Care 1999;22:233–40.

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X. Piguel.
S. Hadjadj (samy.hadjadj@chu-poitiers.fr).
Service d’endocrinologie-diabétologie, Centre hospitalier universitaire de Poitiers, 2, rue de la Milètrie, BP 577, 86021 Poitiers cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Piguel X, Hadjadj S. Stratégie thérapeutique dans le traitement du diabète de type 2. EMC - Endocrinologie-
Nutrition 2012;9(3):1-8 [Article 10-366-R-26].

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8 EMC - Endocrinologie-Nutrition
 10-366-R-30

Insulinothérapie dans le diabète de type 2


L. Molines, P. Darmon, M.-F. Jannot-Lamotte, P. Schaepelynck, C. Treglia, D. Raccah

Le recours à l’insulinothérapie dans le diabète de type 2 fait partie intégrante de l’histoire naturelle de
la maladie, que ce soit transitoirement à l’occasion de certains états intercurrents ou bien plus défini-
tivement en échec des thérapeutiques orales. L’instauration d’une insulinothérapie chronique avec une
insuline basale semble assez consensuelle, mais cela est beaucoup moins évident pour ce qui est de
l’intensification. Si différentes stratégies d’intensification ont été étudiées, c’est le concept « basal-plus »
qui apparaît aujourd’hui le plus logique, amenant progressivement à un schéma « basal-bolus » complet.
Chez le diabétique de type 2, le schéma « basal-bolus » peut évidemment être délivré par multi-injections,
mais aussi par pompe à infusion sous-cutanée d’insuline dont la place reste à déterminer plus précisé-
ment. L’instauration d’une insulinothérapie s’accompagne d’une augmentation des risques de survenue
d’hypoglycémie et de prise de poids, mais ces risques peuvent être limités par une bonne éducation du
patient et ne doivent pas entraver les efforts fournis pour améliorer l’équilibre glycémique.
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Diabète de type 2 ; Insulinothérapie ; Pompe à insuline ; Instauration de l’insuline ;


Hypoglycémies ; Poids

Plan donc l’histoire naturelle de la maladie qui justifie à un moment


ou à un autre de recourir à l’insulinothérapie, et on parle alors
■ Introduction 1 d’insulinorequérance. Dans le DT2 on assiste, au moment du
repas, à une diminution de la phase précoce de l’insulinosécrétion
■ Modalités de l’insulinothérapie 2 à l’origine d’une hyperglycémie postprandiale et d’une diminu-
Instauration de l’insulinothérapie 2 tion de 35 % du stockage hépatique en glycogène, et pendant
Intensification de l’insulinothérapie : quand l’insuline basale ne la nuit à une augmentation d’environ 55 % de la néoglucoge-
suffit plus 3 nèse hépatique contribuant à l’augmentation de la production
■ Place du traitement par pompe à infusion sous-cutanée endogène de glucose et à l’élévation de la glycémie à jeun [2] .
continue d’insuline 4 En France, 17 % des DT2, soit plus de 400 000 diabétiques, sont
■ Effets indésirables liés à l’insulinothérapie 4 traités par insuline en 2007, c’est ce qui ressort de l’étude Échan-
Prise de poids 4 tillon National Témoin Représentatif des personnes Diabétiques
Hypoglycémies 5 (ENTRED) 2007–2010, promue par l’Institut de veille sanitaire et
■ Situations particulières nécessitant un recours à l’insuline 5 qui a pour objectif d’approfondir les connaissances sur l’état de
Grossesse 5 santé des personnes diabétiques en France.
États aigus 5 L’objectif de la supplémentation insulinique dans le DT2 est
Glucotoxicité 6 de maintenir un bon contrôle glycémique et de limiter le risque
de survenue de complications dégénératives. L’UK Prospective
■ Conclusion 6 Diabetes Study (UKPDS) est l’étude princeps dont le but était
d’évaluer les effets sur les complications micro- et macrovascu-
laires d’un traitement intensif par sulfamides ou insuline versus
un traitement conventionnel chez près de 4000 DT2 récem-
 Introduction ment diagnostiqués et suivis pendant 11 années en moyenne.
Cette étude a montré qu’atteindre un objectif d’hémoglobine
Le diabète de type 2 (DT2) est une maladie chronique dont la A1c (HbA1c) inférieur ou égal à 7 % (groupe intensif) permettait
physiopathologie repose sur deux éléments principaux associés de réduire le risque de complications microvasculaires, essen-
en proportions variables : une résistance périphérique à l’action de tiellement de rétinopathie et du recours à la photocoagulation
l’insuline et une carence relative de la sécrétion d’insuline. Il existe rétinienne [1] . De plus, on sait aujourd’hui que dix ans après
par ailleurs une anomalie de la sensibilité au glucose de la cellule le terme de l’étude les patients ayant bénéficié d’une prise en
alpha pancréatique résultant en une hyperglucagonémie et une charge intensive au début de leur maladie conservent un béné-
perturbation de la voie des incrétines. La maladie évolue progres- fice par rapport à ceux qui n’ont bénéficié que d’une prise en
sivement et inéluctablement vers une défaillance cellulaire bêta charge conventionnelle. En effet, si une fois l’étude terminée
qui se traduit in fine par un déficit de l’insulinosécrétion [1] . C’est le bénéfice glycémique est rapidement gommé, dix années plus

EMC - Endocrinologie-Nutrition 1
Volume 10 > n◦ 2 > avril 2013
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1941(13)56365-7
10-366-R-30  Insulinothérapie dans le diabète de type 2

tard on observe toujours une protection, non seulement vis-à-vis 15 minutes, elles ont un pic d’action plus important et plus rapide
des complications microvasculaires, mais aussi vis-à-vis du risque (60 minutes), et une durée d’action plus courte (3 à 4 heures).
émergent d’infarctus du myocarde (IDM) et de décès toutes causes L’insuline glargine est le premier analogue lent à avoir été com-
dans le groupe traité de façon intensive initialement [3] . mercialisé, initialement annoncé pour avoir un profil parfait avec
Actuellement, l’ADA (American Diabetes Association) et l’EASD un début d’action de 2 à 4 heures, une durée d’action de 22
(European Association for the Study of Diabetes) ont organisé un à 24 heures et surtout une absence de pic d’action [5] . Mais il
groupe de travail commun pour examiner les preuves et proposer semble désormais évident, d’après les données issues des dif-
des recommandations quant aux thérapeutiques antihyperglycé- férentes études de clamp réalisées, que ce type de profil idéal,
miantes chez les adultes diabétiques de type 2 en dehors de la sans pic d’action, n’existe pas encore [6, 7] . Cependant, les ana-
grossesse. Ces recommandations ont été traduites et reprises à logues lents de l’insuline actuels (glargine ou detemir) ont un
son compte par la Société francophone du diabète en attendant pic d’action limité et une durée d’action moyenne plus impor-
celles de la Haute autorité de santé (HAS). Ces recommandations tante en comparaison aux neutral protamine Hagedorn (NPH), la
prévoient de recourir à un traitement par insuline lorsqu’une glargine ayant une durée d’action légèrement supérieure à celle
bithérapie voire une trithérapie orale à doses optimales ne per- de la detemir [5, 8] . En s’approchant du profil physiologique de
mettent pas d’atteindre les objectifs d’HbA1c fixés pour un patient sécrétion de l’insuline, les analogues lents et rapides de l’insuline
donné. Il doit s’agir, autant que faire se peut, d’une approche cen- présentent un bénéfice chez le diabétique de type 1. En ce qui
trée sur le patient, et tout objectif devrait être le reflet d’un accord concerne le DT2, qui conserve une sécrétion d’insuline endogène
entre patient et clinicien. Il est ainsi recommandé de diminuer résiduelle, les analogues rapides ne se sont pas montrés supérieurs
l’HbA1c à moins de 7 % (moins de 53 mmol/mol) chez la plupart à l’insuline ordinaire en termes de réduction de l’HbA1c ou de taux
des patients pour réduire l’incidence de la maladie microvascu- d’hypoglycémie [9] , mais les analogues lents par rapport aux NPH
laire. Ceci peut être atteint avec une concentration moyenne de exposent à un moindre risque d’hypoglycémies nocturnes [10] .
glucose plasmatique entre 8,3 et 8,9 mmol/l (approximativement
1,50 à 1,60 g/l) ; idéalement la glycémie à jeun et préprandiale
devrait être maintenue en dessous de 7,2 mmol/l (inférieure à Instauration de l’insulinothérapie
1,30 g/l) et la glycémie postprandiale à moins de 10 mmol/l (infé-
rieure à 1,80 g/l). Des cibles d’HbA1c plus strictes (par exemple, 6,0 Se pose aujourd’hui le problème de la stratégie à adopter pour
à 6,5 % [42–48 mmol/mol]) peuvent être envisagées chez certains instaurer une insulinothérapie chez un patient diabétique de type
patients sélectionnés (faible durée de diabète, longue espérance 2 après échec des ADO. Ajouter aux ADO une insuline basale le
de vie, sans maladie cardiovasculaire significative) si cette cible soir permet de freiner la lipolyse nocturne, donc la production
peut être atteinte sans hypoglycémie significative ou tout autre d’acides gras libres et par là la production hépatique de glucose.
effet indésirable du traitement. À l’inverse, des objectifs d’HbA1c La diminution de la production hépatique de glucose nocturne va
moins stricts — par exemple 7,5 à 8 % (58–64 mmol/mol) — ou permettre d’améliorer la glycémie à jeun au réveil, favorisant ainsi
même légèrement plus élevés sont appropriés pour des patients l’action des ADO et translatant vers le bas toutes les glycémies de
avec des antécédents d’hypoglycémie sévère, une espérance de vie la journée. L’insulinothérapie basale doit donc être pratiquée de
limitée, d’importantes comorbidités et chez ceux dont la cible est telle manière que le maximum d’action de l’insuline injectée se
difficile à obtenir malgré une éducation intensive à l’autonomie, situe entre 6 heures et 11 heures du matin, ce qui sous-entend une
des conseils répétés et des doses efficaces de plusieurs agents anti- injection réalisée au dîner ou au coucher. De plus, l’administration
hyperglycémiants, y compris l’insuline [4] . de l’insuline le soir est logiquement celle qui aura le moins d’effet
Outre l’échappement au traitement antidiabétique oral, dans la journée où l’activité physique est encouragée, notamment
d’autres situations peuvent conduire à envisager une insulinothé- en fin d’après midi où la glycémie des patients diabétiques de type
rapie, parfois transitoire, chez un diabétique de type 2, celles-ci 2 est en moyenne plus basse [11] . Mais si l’insulinothérapie basale
sont résumées en encadré et développées (cf. infra). est recommandée par la plupart des sociétés savantes et plébiscitée
par la majorité des cliniciens, d’autres stratégies sont possibles
(Fig. 1) [4, 12] .

“ Point important Les études treat-to-target ont bien établi l’intérêt de l’insuline
basale, en add-on d’un traitement ADO chez des DT2 naïfs
d’insulinothérapie [13–15] . Qu’il s’agisse de la glargine, de la dete-
mir ou bien de la NPH, cette stratégie permet de gagner entre 1,5
Indications d’insulinothérapie dans le DT2 et 2 % d’HbA1c, d’atteindre l’objectif d’HbA1c inférieure à 7 %
• Échec, en termes d’HbA1c, des règles hygiénodiété- chez plus d’un patient sur deux, et ce avec peu d’hypoglycémies
tiques associées aux traitements antidiabétiques oraux (des hypoglycémies nocturnes un peu moins fréquentes sous glar-
(ADO) gine et detemir que sous NPH). Dans ces études, la prise de poids
• Contre-indications aux ADO observée se situait autour de 3 kg en 26 à 52 semaines et était signi-
• Grossesse et période périconceptionnelle ficativement moindre sous detemir que sous glargine ou NPH (non
• Décompensation métabolique aiguë (acidocétose ou significativement différente entre NPH et glargine).
Mais une méta-analyse portant sur 22 essais cliniques et plus de
hyperosmolarité)
4 000 patients concluait à une plus grande efficacité des schémas
• Formes particulières du diabète : type 1b et diabète
d’instauration de l’insulinothérapie basés sur des insulines pre-
enclin à la cétose, dont l’évolutionest émaillée de décom- mix ou rapides que sur des insulines basales en termes d’HbA1c
pensations hyperglycémiques, voire cétosiques (réduction supplémentaire de 0,45 %), au prix d’un risque accru
• Certains états aigus (IDM, sepsis sévère, intervention d’hypoglycémies modérées (inconstamment retrouvé cependant)
chirurgicale ou corticothérapie, etc.) et, pour les schémas basés sur des bolus préprandiaux, d’une
• Lutte transitoire contre la glucotoxicité prise de poids supplémentaire d’environ 2 kg [16] . Peu après, l’étude
4-T, essai ouvert multicentrique mené au Royaume Uni et en
Irlande, incluant 708 DT2 insuffisamment équilibrés sous bithé-
rapie orale (metformine et sulfamide), a comparé trois stratégies
d’instauration de l’insulinothérapie [17] . Ces patients étaient ran-
domisés en trois groupes : un schéma « prandial » (aspart matin,
 Modalités de l’insulinothérapie midi et soir), un schéma « premix » (aspart 30 %-NPH 70 % matin
et soir) et un schéma « basal » (detemir au coucher et le matin
La dernière décennie a été marquée par l’apparition des ana- si nécessaire). Au terme des trois années de suivi, l’HbA1c était
logues rapides et lents de l’insuline. Les analogues rapides (aspart, comparable dans les trois groupes, mais le nombre de patients
lispro et glulisine) sont absorbés plus rapidement que l’insuline ramenés au-dessous de 6,5 % était cependant significativement
ordinaire. Leur délai d’action après l’injection sous-cutanée est de plus faible dans le groupe « premix » (31,9 %) que dans les groupes

2 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Insulinothérapie dans le diabète de type 2  10-366-R-30

Traitement Nombre Complexité


sans insuline d’injections du schéma

Insuline basale habituellement


1 Basse
avec antidiabétiques oraux

Insuline basale + un bolus Insuline prémix


2 Modérée
d’insuline rapide 2 injections par jour

Insuline basale + 2 à 3 bolus +3 Élevée


d’insuline rapide

Plus souple Moins souple

Figure 1. Stratégie séquentielle d’insulinothérapie dans le diabète de type 2. La figure décrit le nombre des injections nécessaire pour chacun de ces stades,
en plus de leur complexité et de leur souplesse relatives. Lorsqu’une modalité particulière est débutée, il est important de bien titrer la dose d’insuline, avec
les ajustements de dose faits en fonction de la glycémie en question telle que rapportée par le patient. Des médicaments autres que l’insuline peuvent être
maintenus, même si les sécrétagogues de l’insuline (sulfamides hypoglycémiants, méglitinides) sont habituellement interrompus dès lors que des traitements
plus complexes que la seule insuline basale sont utilisés. Une éducation complète ciblant l’autocontrôle glycémique, l’alimentation, l’exercice physique, la
prévention des hypoglycémies et leur traitement sont des éléments critiques pour tout patient à l’insuline.

« prandial » (44,7 %) ou « basal » (43,2 %). La fréquence des hypo- Les thérapeutiques ciblant le système incrétine et notamment
glycémies symptomatiques et/ou sévères par patient/année était des analogues du glucagon-like peptide 1 (GLP1) ont pris une place
la plus basse dans le groupe « basal » (1,7), intermédiaire dans le particulière dans le traitement du DT2. Ils peuvent permettre,
groupe « premix » (3,0) et la plus élevée dans le groupe « prandial » dans un certain nombre de cas, d’éviter ou au moins de différer
(5,7). La prise de poids, quant à elle, était moins importante le recours à l’insulinothérapie. Par rapport à la glargine, les trois
dans le groupe « basal » (+ 3,6 kg) que dans les groupes « premix » études montrent que l’analogue du GLP1 entraîne une perte de
(+5,7 kg) et « prandial » (+ 6,4 kg). Enfin, aucune différence signi- poids de 4,8 kg supérieure (perte de 2,3 à 3,6 kg avec l’analogue
ficative n’est apparue en termes de qualité de vie (questionnaire versus gain de 1 à 3 kg sous insuline). La différence en termes
EuroQol-5D). Il faut retenir de cette étude que si le schéma « basal » d’HbA1c est de 0,01 %, non significative. Par rapport à un schéma
présente bien le meilleur rapport efficacité–tolérance, et ce quel d’insulinothérapie mixte, étude mélangeant des patients sous
que soit le niveau d’HbA1c initial, ces bénéfices n’ont été obtenus NPH, « ultralente » et basal-bolus, l’analogue du GLP1 entraîne
qu’au prix d’une intensification thérapeutique précoce, avec pas- une perte de 4,7 kg supérieure (perte de 4,2 kg avec l’analogue
sage à un schéma basal-bolus (comme le prévoyait le protocole) versus gain de 0,5 kg sous insuline). La différence d’HbA1c est de
dans 82 % des cas, alors que l’intensification n’a concerné « que » 0,4 %, non significative [19] . Les analogues du GLP1 ont mis en
74 % des patients du groupe « prandial » (ajout d’une detemir au avant le concept combiné HbA1c et poids, mais nous pouvons
coucher) et 68 % du groupe « premix » (ajout d’une aspart le midi). regretter le coût important de ce type de thérapeutique.
La plupart des patients peuvent recevoir une éducation qui leur
permet de titrer leur propre dose d’insuline, selon plusieurs algo-
rithmes disponibles qui reposent essentiellement sur une petite Intensification de l’insulinothérapie : quand
augmentation de dose, progressive tant que l’hyperglycémie per- l’insuline basale ne suffit plus
siste. Lorsque les glycémies avoisinent l’objectif, l’ajustement de
dose doit être réalisé avec des amplitudes plus faibles et avec Plusieurs modes d’intensification de l’insulinothérapie ont été
une fréquence moindre. Un réajustement de la dose à la baisse étudiés : les insulines premix, le basal-bolus complet et le basal-
est recommandé si une hypoglycémie survient. Pendant la phase bolus pas à pas (ou « basal-plus »). Le concept « basal-plus » permet
d’autotitration, des prises de contact fréquentes (par téléphone d’intensifier pas à pas du schéma basal vers le schéma basal-
ou Internet) avec l’équipe soignante peuvent être nécessaires. Il bolus [20] . Ce concept a tout d’abord été validé par l’étude Orals
va de soi que l’autosurveillance de la glycémie quotidienne est Plus Apidra and Lantus (OPAL), réalisée chez des DT2 insuffi-
importante pendant cette phase de titration. Au-delà, lorsque la samment contrôlés sous glargine et ADO, et randomisés pour
dose est stabilisée, la fréquence de l’autosurveillance doit être recevoir une injection d’analogue rapide avant le petit déjeuner
redéfinie. La HAS recommande au moins quatre contrôles de gly- ou bien avant le repas principal (repas occasionnant l’excursion
cémie capillaire quotidiens si l’insulinothérapie est similaire à glycémique la plus importante) [21] . L’HbA1c était significative-
celle d’un diabétique de type 1, deux à quatre par jour sinon. ment améliorée quel que soit le moment d’injection de l’analogue
Dans tous les cas, la prescription et l’utilisation d’une auto- rapide, et 30,7 % des patients atteignaient l’objectif d’HbA1c infé-
surveillance glycémique doivent s’inscrire dans une démarche rieure à 6,5 % au terme des 26 semaines. Cette approche permet
d’éducation du patient (et de son entourage si besoin). Il est donc d’intensifier simplement le schéma basal des patients DT2
indispensable d’en expliquer les enjeux et d’organiser avec lui en ajoutant un analogue rapide prandial à titrer afin de contrôler
cette autosurveillance : fréquence, fixation des horaires, objectifs la glycémie postprandiale du petit déjeuner ou du repas le plus
glycémiques, mais aussi décisions thérapeutiques à prendre en hyperglycémiant. L’addition d’une seconde et enfin d’une troi-
fonction des résultats. En effet, l’autosurveillance « passive », ne sième injection d’analogue rapide aux autres repas reste ensuite
débouchant pas sur des conséquences thérapeutiques, n’est pas possible si le contrôle glycémique l’impose, et ce avec un risque
recommandée [18] . hypoglycémique faible. C’est ce que montre l’étude STEPwise

EMC - Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-R-30  Insulinothérapie dans le diabète de type 2

dont le design était proche de celui d’OPAL, l’analogue lent uti- satisfaction sous pompe à insuline, montre une amélioration
lisé étant la detemir et l’analogue rapide étant ajouté au repas claire de ces deux variables chez des patients diabétiques de type
le plus hyperglycémiant ou bien au repas perçu comme le plus 2 [34] .
important [22] . L’étude Osiris, présentée à l’occasion du congrès de Au total, plusieurs travaux suggèrent que le traitement par
l’EASD 2010, met aussi en évidence une amélioration significative pompe à insuline est faisable et efficace à long terme chez des
de l’HbA1c selon une approche « pas à pas » de l’intensification patients diabétiques de type 2 chroniquement mal équilibrés sous
de l’insulinothérapie, avec une prise de poids qui reste moins injections d’insuline. Cependant, la revue de la littérature actuelle
importante que celle observée sous basal-bolus complet, mais sans ne permet pas d’identifier quels sont les patients diabétiques de
atteindre cependant la non-infériorité [23] . type 2 qui peuvent tirer le meilleur bénéfice métabolique du trai-
tement par pompe à insuline. Des études prospectives, comparant
pompe et injections multiples « tout analogue » et portant sur
des effectifs de patients plus importants, sont nécessaires pour
 Place du traitement par pompe apporter des arguments sur l’efficacité de la pompe dans cette
à infusion sous-cutanée continue population, ce d’autant qu’il s’agit d’une thérapeutique dont le
coût reste très élevé, de prescription réglementée et spécialisée.
d’insuline
Les patients diabétiques de type 2 requièrent donc rapidement
des schémas complexes d’insulinothérapie de type basal-bolus.  Effets indésirables liés
Mais si ce type de traitement permet d’améliorer l’équilibre glycé- à l’insulinothérapie
mique des patients, c’est très souvent au prix de doses d’insuline
majeures et d’une majoration de l’excès de poids, rendant par- Prise de poids
fois difficile le contrôle métabolique malgré l’augmentation des
doses. Il est donc logique dans ce contexte de considérer la possi- La prise de poids est un effet secondaire classique de
bilité du traitement par pompe à infusion sous-cutanée continue l’insulinothérapie. Pour reprendre l’exemple de l’UKPDS, les
d’insuline chez ces patients. L’utilisation de la pompe dans le dia- patients du groupe intensif qui ont bénéficié d’insuline ont pris
bète de type 2 est une pratique récente par comparaison au diabète en moyenne 4 kg de plus que ceux sous règles hygiénodiététiques
de type 1 et on ne dispose actuellement que de peu d’études éva- seules au terme des dix années de suivi [1] . Cette prise de poids
luant son efficacité et sa tolérance par rapport aux multi-injections est multifactorielle, et peut être expliquée par la réduction de
dans ce contexte. Une revue de la littérature [24] a évalué l’impact la glycosurie et de la dépense énergétique de repos alors que le
chez le patient diabétique de type 2 du traitement par pompe sur contrôle glycémique s’améliore [35] . Mais l’insuline exerce aussi un
l’équilibre glycémique et d’autres paramètres comme le poids, les effet anabolique sur le tissu adipeux et orexigène sur le système
besoins en insuline, la qualité de vie et les hypoglycémies. nerveux central [36] . Les grignotages répétés pour prévenir ou cor-
Des études longitudinales [25–28] montrent une amélioration riger une hypoglycémie, ou bien la restauration de la perte de
de 0,5 à 1,7 % de l’HbA1c avec la pompe par comparaison au poids précédant classiquement l’instauration de l’insuline dans
traitement antérieur. Cette amélioration apparaît durable dans les les grands déséquilibres glycémiques, représentent aussi des fac-
études à long terme qui portent jusqu’à 3 à 6 années de suivi [25, 28] . teurs expliquant la prise de poids sous insuline. Cependant, une
Il faut noter cependant que ces résultats très intéressants doivent étude récente a montré une prise de poids moyenne de 1,8 kg
être pondérés en raison de la méthodologie de ces études. Il n’y dans les six premiers mois de la mise à l’insuline chez 23 patients
a pas de groupe contrôle et le traitement antérieur, comparateur DT2, prise de poids qui ne s’accompagnait d’aucune modifica-
de la pompe, comprend toutes les stratégies depuis un traitement tion du niveau de glycosurie, de dépense énergétique de repos ou
antidiabétique oral seul jusqu’à une insulinothérapie « basal- d’activité physique. Ce qui a donc conduit les auteurs à conclure
bolus vrai ». Quatre essais randomisés [29–32] ont tenté de faire que la seule explication possible à cette prise de poids ne pou-
la part des choses, mais seuls Herman et al. ont véritablement vait être qu’une augmentation des apports énergétiques [37] . Si les
comparé l’infusion sous-cutanée continue à un schéma basal- mécanismes sous-jacents à cette prise de poids sous insuline ne
bolus en multi-injections tout analogue [30] . Dans les autres sont donc pas complètement élucidés, il semble que celle-ci soit
études, les schémas comparateurs comportaient de la NPH voire étroitement corrélée au nombre d’injections quotidiennes et/ou à
des premix [29, 31, 32] . Deux, parmi ces quatre études [30, 31] , ont été la dose totale d’insuline quotidienne [35, 38, 39] . Si la prise de poids
menées en groupes parallèles et n’ont pas montré d’efficacité sous insuline dans le diabète de type 2 est en moyenne modé-
supérieure de la pompe sur le contrôle du diabète. En revanche, rée, certains patients sont plus enclins que d’autres à une prise
les deux autres études [29, 32] , menées en cross-over, montrent que de poids plus importante : ceux dont contrôle métabolique avant
la pompe est significativement plus efficace que les injections l’intensification thérapeutique est le plus mauvais et ceux qui ont
pour abaisser l’HbA1c (respectivement : −0,8 versus + 0,4 et −1,3 perdu le plus de poids avant l’instauration de l’insuline [40] . Il est
versus −0,4 %). tout de même intéressant de noter que cette prise de poids peut
Cette disparité des résultats peut être rapportée à la grande hété- être limitée par une augmentation de l’activité physique, une res-
rogénéité de ces études concernant notamment la méthodologie, triction calorique ou encore l’administration concomitante de
le nombre de patients, l’ancienneté du diabète, le niveau d’HbA1c metformine [41] . Une méta-analyse récente a évalué le rapport
de départ, le traitement comparateur de la pompe, etc. bénéfices/risques de l’association metformine et insuline par rap-
Si la plupart des études dont on dispose actuellement ne port à l’insuline seule. En l’absence de différence significative en
montrent pas de variation significative de la dose d’insuline sous ce qui concerne la mortalité toutes causes et cardiovasculaire,
pompe par rapport aux injections, une étude rétrospective [33] l’association metformine et insuline permettait de réduire l’HbA1c
retrouve une diminution de la dose quotidienne totale d’insuline de 0,5 % supplémentaires, de perdre un 1 kg de plus et de dimi-
chez 30 patients passés des injections multiples à la pompe. nuer les doses d’insuline de 5 UI/j par rapport au traitement par
Les études qui ont évalué la satisfaction des patients sous insuline seule [42] . De plus, le type d’insuline utilisée peut avoir des
pompe [25–27, 31] retrouvent, pour la majorité d’entre elles, un score effets différents sur le poids. Une étude a comparé l’efficacité des
de satisfaction du traitement plus élevé chez ces patients. Par analogues lents detemir et glargine en add-on des ADO pendant
ailleurs, la qualité de vie évaluée par les autoquestionnaires SF36 52 semaines, chez des diabétiques de type 2 naïfs d’insuline avec
et DQOL apparaît très améliorée sous pompe dans le suivi à long une HbA1c moyenne de 8,6 % [15] . Les deux groupes montraient
terme de Labrousse-Lhermine et al. [25] . Une étude cependant ne une diminution comparable de l’HbA1c de 8,6 à 7,2 et 7,1 % res-
montre pas de différence de qualité de vie et de satisfaction du pectivement, mais le traitement par detemir était associé à une
traitement entre les groupes de patients sous pompe et de ceux prise de poids significativement moins importante (+ 3,0 kg vs
sous injections, mais il faut noter qu’il s’agit de patients plus âgés, + 3,9 kg, p = 0,01). Cette différence semble être relative à des modi-
d’âge moyen de 66 ans [30] . Plus récemment, le travail de Rubin fications de volémie donc refléter des variations d’hydratation ou
et al., spécifiquement conçu pour examiner qualité de vie et d’effet de l’insuline au niveau des reins [43] . De la même façon,

4 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Insulinothérapie dans le diabète de type 2  10-366-R-30

très probablement justifiées par des durées d’évolution de la mala-


1

rapporté au moins un épisode


die différentes, car si le risque d’hypoglycémie modérée à sévère

Proportion de patients ayant


est faible chez un patient diabétique de type 2 récemment insu-

d’hypoglycémie sévère
0,8 liné [48] , il semble bien augmenter avec l’allongement de la durée
d’évolution de la maladie et de la durée de l’insulinothérapie [49, 50] .
0,6 Dans l’UKPDS, au terme des 10 années de suivi, la fréquence des
Prévalence
annuelle = 7 %
hypoglycémies sévères était de 2,3 % par patient/année dans le
0,4 groupe traité par insuline versus 0,6 sous glibenclamide et 0,1 %
par patient/année dans le groupe diététique seule [1] . Ce risque
0,2 d’hypoglycémie est aussi d’autant plus important que l’équilibre
glycémique est bon (significativement plus élevé en deçà de 7,4 %
0 d’HbA1c) [40] . Il est possible de limiter la fréquence et la sévérité
a b c d e des hypoglycémies :
• en utilisant préférentiellement des analogues de l’insuline ;
Figure 2. Proportion de patients présentant au moins un épisode
• en faisant attention au moment de l’injection, tenant compte
d’hypoglycémie sévère en fonction du traitement et du temps. Étude
du contenu des repas et de l’activité physique ;
observationnelle de 9 à 12 mois incluant 383 patients issus de six centres
• grâce à une autosurveillance des glycémies capillaires régulière ;
de diabétologie du Royaume Uni. Patients répartis en trois groupes en
• en éduquant correctement le patient sur l’ajustement de ses
fonction de leur thérapeutique antidiabétique pour les diabétiques de type
doses d’insuline.
2 : sulfamides hypoglycémiants (a, n = 103), insuline depuis moins de 2
Quoiqu’il en soit, à l’instauration de l’insulinothérapie, les
années (b, n = 85) et insuline depuis plus de 5 années (c, n = 75), et en deux
efforts mis en œuvre pour atteindre les objectifs en termes
groupes en fonction de la durée d’évolution de leur maladie pour les dia-
d’HbA1c ne doivent pas être entravés par les préoccupations
bétiques de type 1 : moins de 5 années (d, n = 46) et plus de 15 années
autour du risque hypoglycémique. En revanche, quand la maladie
d’évolution (e, n = 54). Recueil des épisodes d’hypoglycémies rapportés
en arrive au stade de l’insulinopénie, les hypoglycémies iatro-
par les patients (modérées ou sévères) et des hypoglycémies biologiques
gènes peuvent représenter un véritable problème, justifiant d’une
(glucose interstitiel < 2,2 mmol/l sur un système de mesure en continu du
vigilance accrue au fur et à mesure que le diabète évolue [51] .
glucose).
Sous pompe, la fréquence des hypoglycémies sévères ou modé-
rées est très faible, et les études ne montrent pas de différence entre
la pompe et les injections [25, 29–32] . Dans une étude, l’utilisation
de la mesure continue du glucose n’a pas montré de diffé-
dans l’étude ouverte multicentrique d’Holman et al. comparant rence dans la durée des hypoglycémies sous pompe ou sous
l’instauration d’une insulinothérapie selon trois modalités diffé- injections [32] .
rentes chez des diabétiques de type 2 insuffisamment contrôlés
par les ADO (HbA1 C moyenne de 8,5 %), le régime insulinothé-
rapie prandiale a été associé à une prise de poids significativement
plus importante en comparaison aux régimes insuline prémélan-  Situations particulières
gée et insuline basale (6,4 ± 0,5 kg versus 5,7 ± 0,5 et 3,6 ± 0,5 kg nécessitant un recours à l’insuline
respectivement) [39] .
Sous pompe, dans les quatre études randomisées précitées, qui Grossesse
ont duré entre 6 et 12 mois, la prise de poids sous pompe est
modérée, variant de 0 à 2,8 kg, et n’est pas significativement dif- Les ADO n’ont pas d’autorisation de mise sur le marché durant
férente entre les deux groupes de traitement. En revanche, deux la grossesse, même si les données concernant le glibenclamide
études rétrospectives longitudinales [25, 28] retrouvent une prise de et la metformine sont plutôt rassurantes bien qu’insuffisantes à
4 à 6 kg en six années de suivi, avec toutefois une grande variation l’heure actuelle.
interindividuelle, la prise de poids se faisant surtout au cours de la La grossesse ne concerne plus que les diabétiques de type 1 mais
première année de traitement par pompe. Donc l’intensification intéresse de plus en plus de diabétiques de type 2, et le recours à
de l’insulinothérapie est classiquement associée à une prise de l’insuline peut être indispensable lorsque les objectifs glycémiques
poids mais, dans ces études, la pompe ne paraît pas être un facteur ne peuvent être atteints malgré des règles hygiénodiététiques bien
aggravant. conduites. De plus, un équilibre glycémique préconceptionnel
strict permet de limiter le risque de fausses couches et de mal-
formations, alors qu’au troisième trimestre de la grossesse c’est
Hypoglycémies le risque de macrosomie et de complications inhérentes qui peut
être diminué grâce à un tel équilibre [52, 53] .
Les hypoglycémies représentent le deuxième effet secondaire
La grossesse représente aujourd’hui une indication particulière
important suivant l’introduction d’une insulinothérapie chez un
de la pompe à infusion sous-cutanée dans le DT2. En effet, l’âge
diabétique de type 2. Ce risque, s’il existe, est théoriquement
d’entrée dans la maladie diabète de type 2 ne fait que diminuer
moins important que chez le diabétique de type 1 [44] . Ceci est
alors que l’âge à la première grossesse tend à augmenter, donc
d’autant plus vrai que le délai écoulé depuis l’instauration de
la problématique de la femme diabétique de type 2 enceinte est
l’insulinothérapie est plus court. C’est ce qu’a mis en évidence le
de plus en plus fréquente. Comme pour le diabète de type 1,
UK Hypoglycemia Study Group en montrant que la fréquence des
les patientes diabétiques de type 2 ayant un projet de grossesse
hypoglycémies chez le diabétique de type 2 insulinotraité depuis
ou bien étant enceintes et n’arrivant pas à obtenir un équilibre
moins de deux années n’était pas différente de celle observée
glycémique satisfaisant malgré une insulinothérapie bien menée
chez le diabétique de type 2 sous sulfamides, alors qu’après cinq
doivent pouvoir bénéficier d’un traitement par pompe externe. De
années d’insulinothérapie la fréquence des hypoglycémies rejoint
petites études ont démontré l’efficacité et la sécurité d’utilisation
celle observée chez le diabétique de type 1 traité par insuline
de la pompe externe chez des diabétiques de type 2 enceintes parti-
depuis moins de 5 années (Fig. 2) [44] . En fait, au début, le diabé-
culièrement insulinorésistantes, mais sans bénéfice particulier sur
tique de type 2 est probablement relativement protégé du risque
la croissance fœtale, le poids de naissance ou encore le contrôle
d’hypoglycémie du fait de la persistance d’une sécrétion endogène
glycémique maternel [54, 55] .
résiduelle d’insuline et de glucagon, du fait de l’insulinorésistance,
mais aussi d’un seuil glycémique plus élevé pour ce qui est de la
perception des hypoglycémies et du déclenchement de la contre- États aigus
régulation hormonale [45, 46] . La littérature reste controversée sur
la fréquence du problème de l’hypoglycémie chez le diabétique Le recours à l’insuline est classique en cas d’affection aiguë
de type 2 insulinotraité, avec des chiffres allant d’entre 1 et 3 [12] concomitante, notamment lorsqu’un séjour en unité de soins
à entre 10 et 73 pour 100 patients/année [47] . Ces différences sont intensifs (USI) est nécessaire, mais aussi à l’occasion d’autres

EMC - Endocrinologie-Nutrition 5
10-366-R-30  Insulinothérapie dans le diabète de type 2

affections intercurrentes sérieuses à l’origine d’un déséquilibre sus traitement standard, n’a pas non plus retrouvé de différence
transitoire du diabète (états infectieux : pyélonéphrite, ostéite sur de mortalité, mort subite ou choc cardiogénique à 30 jours [64] .
mal perforant ; accident vasculaire cérébral, chirurgie, corticothé- Quoiqu’il en soit, il ressort de ces études qu’une hyperglycémie à
rapie, etc.). En USI, par rapport au traitement conventionnel, l’admission supérieure à 8 mmol/l doit être prise en charge, que
l’étude Louvain 1 a montré que le recours à une insulinothérapie le patient soit diabétique ou non. À la phase aiguë, le moyen
intensive, avec pour objectif une glycémie inférieure à 1,1 g/l (ver- thérapeutique le plus maniable pendant un temps court reste
sus 1,8 à 2 g/l dans le groupe conventionnel) permettait de réduire l’insulinothérapie sous-cutanée ou par perfusion intraveineuse.
la morbidité et la mortalité chez des patients en état critique, en
USI chirurgicale [56] . Fort de ces résultats, l’étude Louvain 2 a été
réalisée en USI médicale, avec les mêmes objectifs glycémiques Glucotoxicité
dans chacun des deux groupes. Mais les résultats sont moins pro-
bants ; en effet, il n’a été retrouvé aucune différence significative Lorsque les glycémies dépassent 250 mg/dl de façon prolongée,
en termes de mortalité, sauf dans le sous-groupe des patients dont que l’hyperglycémie devient symptomatique avec éventuel-
le séjour en USI dépassait trois jours ; en revanche, il existait une lement une perte de poids voire une cétonurie, on peut
amélioration de la morbidité avec réduction de la durée moyenne parler de glucotoxicité. Cet état justifie d’un recours rapide à
de séjour et un sevrage plus précoce de la ventilation [57] . Il faut l’insulinothérapie : en effet, nombre de patients récupèrent une
noter que ces études Louvain ne concernaient que des hypergly- meilleure fonction bêtacellulaire après quelques jours à quelques
cémies aiguës et ne comprenaient qu’une minorité de diabétiques semaines d’insulinothérapie intensive, leur permettant la plupart
(environ 15 %). L’insulinothérapie intensive permettait donc de du temps de revenir à un traitement oral associé aux règles hygié-
réduire la mortalité chez les patients admis en USI aussi bien médi- nodiététiques pendant plusieurs mois à années [65, 66] .
cale que chirurgicale, mais cet effet bénéfique disparaissait chez
les patients aux antécédents de diabète [58] . L’étude Normoglycae-
mia in Intensive Care Evaluation and Survival Using Glucose
Algorithm Regulation (NICE-SUGAR), étude multicentrique inté- “ Points essentiels
ressant plus de 6000 patients admis en USI mixte et randomisés
entre un groupe conventionnel avec un objectif glycémique infé- • Le recours à l’insulinothérapie dans le diabète de type 2
rieur à 1,80 g/l et un groupe contrôle avec un objectif entre 0,80 fait partie de l’histoire naturelle de la maladie.
et 1,10 g/l (objectif atteint chez moins de 50 % des patients du • Différentes stratégies d’instauration et d’intensification
groupe) a essayé de trancher. De façon surprenante, c’est un excès
de mortalité qui a été observé dans le groupe intensif avec un de l’insulinothérapie ont été étudiées :
risque relatif à 1,14 (p = 0,03) [59] . Il est à noter que ces études dif- ◦ commencer par instaurer une insuline basale en
féraient par certains points méthodologiques. En effet, les études association aux antidiabétiques oraux paraît assez
Louvain étaient monocentriques alors que NICE-SUGAR incluait consensuel ;
41 centres ; le score Apache était plus élevé dans les études Louvain ◦ intensifier « pas à pas » en y ajoutant progressivement
2 et NICE-SUGAR ; sur le plan nutritionnel, la voie parentérale des injections d’analogue rapide paraît une approche
était privilégiée dans Louvain 1 alors qu’il s’agissait de la voie logique.
entérale dans les deux autres études avec des apports caloriques • Le traitement par pompe à insuline externe peut avoir
moindres dans NICE-SUGAR ; enfin, les objectifs comparés ne une place dans l’insulinothérapie du diabétique de type 2,
sont pas les mêmes, avec dans les études de Louvain un groupe
mais reste à définir plus précisément.
conventionnel dont la cible glycémique est entre 1,80 et 2 g/l
• Les principaux effets indésirables inhérents à la mise à
alors que dans NICE-SUGAR le delta de comparaison est moindre,
l’objectif de ce groupe étant entre 1,40 et 1,80 g/l. Dernier élé- l’insuline d’un diabétique de type 2 sont la prise de poids
ment de divergence important, le risque hypoglycémique, qui et le risque d’hypoglycémie.
était multiplié par six dans le groupe intensif des études de Lou-
vain et par 14 dans celui de NICE-SUGAR. Finalement, ces études
ont abouti à l’établissement de recommandations par l’ADA et
l’American Association of Clinical Endocrinologists, qui préco-
nisent de recourir à l’insuline si la glycémie dépasse 1,80 g/l, avec
un objectif entre 1,40 et 1,80 g/l [60] .  Conclusion
La question du recours à l’insuline se pose aussi en USI cardio-
logique, particulièrement à la phase aiguë d’un IDM. En effet, la Chez les diabétiques de type 2 qui conservent une sécrétion
glycémie à l’admission pour IDM est un marqueur de gravité de endogène résiduelle d’insuline, le rationnel de mimer le schéma
mortalité hospitalière et à 1 an, que le patient soit diabétique ou de sécrétion insulinique physiologique reste moins convaincant
non. L’hyperglycémie multiplie par deux la mortalité à court ou que chez le diabétique de type 1. Le traitement du diabétique
à long terme [61] . Le rationnel du glucose insuline potassium (GIK) de type 2 doit donc se concevoir progressivement, par étape,
repose sur l’hypothèse qu’apporter du glucose, de l’insuline et avec des interventions successives en cas d’échec du traitement
du potassium pourrait améliorer la production d’énergie dans le précédent (en fonction de l’HbA1c), et adapté au profil glycé-
myocarde, diminuer les taux d’acides gras et réduire les arythmies mique du patient. Après six mois d’échec d’une bi- ou trithérapie
ventriculaires. L’étude Diabetes Mellitus Insulin Glucose Infu- antidiabétique orale, il semble aujourd’hui logique d’instaurer
sion in Acute Myocardial Infarction 1 (DIGAMI 1), menée sur une insulinothérapie, et la stratégie de référence en instauration
600 patients diabétiques de type 2, a montré qu’une infusion est l’insuline basale. Une titration rapide de la dose est alors
de 24 heures de GIK à la phase aiguë d’un IDM, relayée par une indispensable pour un bon contrôle glycémique, mais il faut gar-
insulinothérapie sous-cutanée, diminuait la mortalité de 30 % à der à l’esprit que cette stratégie n’est efficace sur le long terme
1 an [62] . Cette étude n’a malheureusement pas été corroborée que si elle est abandonnée au profit d’un schéma intensifié dès
par DIGAMI 2, menée chez 1200 diabétiques de type 2, qui n’a que cela devient nécessaire. Une approche logique peut consis-
montré aucun bénéfice d’une infusion de 24 heures de GIK à ter à ajouter une injection d’analogue rapide au repas le plus
la phase aiguë, qu’elle soit relayée ou non par une insulinothé- hyperglycémiant, puis, pas à pas, une seconde voire une troi-
rapie sous-cutanée, comparée au traitement par antidiabétiques sième injection prandiale afin d’arriver à un schéma basal-bolus
oraux [63] . En même temps, l’étude Clinical Trial of Reviparin and complet.
Metabolic Modulation in Acute Myocardial Infarction Treatment Le risque d’hypoglycémie demeure faible dans le DT2 lors de
and Evaluation-Estudios Clinicos Latino America (CREATE-ECLA) l’instauration d’une insulinothérapie et le seul facteur limitant à
réalisée chez 20 000 patients hospitalisés à la phase aiguë d’un l’intensification reste donc la prise de poids. C’est dans ce contexte
syndrome coronarien aigu ST + , dont un peu moins de 20 % de qu’il est intéressant d’associer la metformine à l’insuline pour ses
diabétiques, et dont un bras comparait GIK pendant 24 heures ver- effets bénéfiques sur l’équilibre glycémique et la prise pondérale.

6 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Insulinothérapie dans le diabète de type 2  10-366-R-30

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L. Molines.
P. Darmon.
M.-F. Jannot-Lamotte.
P. Schaepelynck.
C. Treglia.
D. Raccah (denis.raccah@mail.ap-hm.fr).
Service de nutrition, endocrinologie et maladies métaboliques, Centre hospitalier universitaire Sainte-Marguerite, 270, boulevard de Sainte-Marguerite, 13274
Marseille cedex 09, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Molines L, Darmon P, Jannot-Lamotte MF, Schaepelynck P, Treglia C, Raccah D. Insulinothérapie dans le
diabète de type 2. EMC - Endocrinologie-Nutrition 2013;10(2):1-8 [Article 10-366-R-30].

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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

8 EMC - Endocrinologie-Nutrition
 10-366-R-35

Insulinothérapie fonctionnelle
C. Sachon

Le concept d’insulinothérapie fonctionnelle a été développé depuis 1983 en Allemagne et en Autriche. Il


facilite l’approche pédagogique de l’insulinothérapie dans le diabète de type 1. L’insulinothérapie fonc-
tionnelle consiste en effet à séparer les besoins insuliniques de base des besoins insuliniques prandiaux
grâce à des ateliers expérimentaux. Au cours de ces ateliers, les patients doivent établir leurs propres
besoins en insuline : jeûne de 24 heures pour tester les besoins de base ; repas contenant des quantités
variables d’hydrates de carbone afin de déterminer la correspondance glucides/doses d’insuline ; détermi-
nation de la dose d’insuline nécessaire pour corriger instantanément les glycémies supérieures à 1,20 g/l
en préprandial, supérieures à 1,60 g/l quatre heures après le repas. La pratique de l’insulinothérapie
fonctionnelle suppose une éducation thérapeutique des patients, la réalisation quotidienne de quatre à
six contrôles glycémiques et de quatre à six injections d’insuline par jour. Il est toutefois indispensable
d’adapter ce concept aux désirs de responsabilité et d’autonomie des patients. L’insulinothérapie fonction-
nelle permet d’amender l’équilibre glycémique tout en diminuant le nombre d’hypoglycémies modérées
ou sévères. En facilitant l’autogestion de la maladie, elle améliore l’estime de soi des patients.
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Diabète insulinodépendant ; Jeûne glucidique ; Insulinothérapie ; Équilibre glycémique ;


Hypoglycémie

Plan patients en groupes a bien été mise en évidence par Trento et al. [2]
Cependant, l’étude du Diabetes Control and Complication Trial
■ Introduction 1 (DCCT) [3] a montré que, malgré un traitement et une éducation

intensifs, certains patients n’arrivaient pas à obtenir un équi-
Objectifs principaux de l’insulinothérapie fonctionnelle 2
libre glycémique les mettant à l’abri des complications sévères de
■ Conditions préalables à la mise en place de l’insulinothérapie microangiopathie. De plus, le bon équilibre n’était obtenu qu’au
fonctionnelle 2 prix d’une augmentation du risque d’hypoglycémies sévères [4]
Insulinothérapie fonctionnelle impossible sans autocontrôle 3 témoignant de l’inadéquation persistante entre les besoins et les
Connaître les durées d’action et cinétiques des insulines : une apports d’insuline au long du nycthémère, et ce malgré la mul-
démarche indispensable 3 tiplication des injections d’insuline et le recours à la pompe. Il
Fixer des objectifs glycémiques personnalisés 3 semble pourtant possible d’améliorer l’équilibre glycémique sans
■ Modalités pratiques de l’insulinothérapie fonctionnelle 4 accroître le risque d’hypoglycémie sévère.
Évaluation des besoins de base : jeûne glucidique, première Ainsi, Berger [5] a développé et organisé avec succès, depuis
expérience indispensable à proposer 4 1978, un programme structuré de traitement et d’éducation, chez
Évaluation des besoins prandiaux, deuxième expérience 4 les diabétiques de type 1, dont l’évaluation en 1983 a démontré
Formation diététique 5 que le contrôle glycémique peut être amélioré de façon durable
■ Évaluation de l’insulinothérapie fonctionnelle 8 et stable sans augmenter le risque d’hypoglycémies sévères. En
1983, à partir de ces constats, Howorka [6] a développé en Autriche
■ Intérêts de l’insulinothérapie fonctionnelle 9 le concept d’« insulinothérapie fonctionnelle » (IF), c’est-à-dire
■ Conclusion 10 une insulinothérapie visant à reproduire de façon aussi rigou-
reuse que possible l’insulinosécrétion physiologique. Grimm [5]
propose d’ailleurs de parler d’insulinothérapie physiologique ;
on pourrait aussi la nommer insulinothérapie basale prandiale
vraie.
 Introduction L’infusion d’insuline délivrée par un pancréas artificiel chez
un diabétique insulinoprive se décline selon trois modes
L’éducation thérapeutique des patients s’est développée dans la complémentaires :
majorité des centres de diabétologie [1] . En effet, le savoir médical • la sécrétion basale, assurant la normoglycémie à distance des
du personnel soignant ne suffit pas pour la prise en charge d’une repas ;
maladie chronique telle que le diabète. Un partage du savoir avec • la sécrétion prandiale qui « gère » les apports glucidiques pran-
les patients est indispensable. L’intérêt d’une prise en charge des diaux ;

EMC - Endocrinologie-Nutrition 1
Volume 11 > n◦ 2 > avril 2014
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1941(13)65885-0
10-366-R-35  Insulinothérapie fonctionnelle

• une sécrétion supplémentaire éventuelle afin de ramener toute permet tout simplement de découvrir que le diabétique peut avoir
glycémie déviante à la normale. une vie sociale et professionnelle comparable à celle des non-
Pour instaurer un mode thérapeutique proche de la physio- diabétiques.
logie chez les patients diabétiques, des formations successives,
par étapes, leur permettent d’acquérir un savoir-faire dans
l’adaptation des doses d’insuline selon leurs modes de vie
respectifs. On peut ainsi dire que l’IF n’est qu’une méthode péda-  Conditions préalables à la mise
gogique remarquable pour permettre aux patients diabétiques de
comprendre et d’acquérir une maîtrise personnalisée de leur trai-
en place de l’insulinothérapie
tement. fonctionnelle
Pour plusieurs équipes de diabétologie, bien qu’elle soit calquée
 Objectifs principaux sur la physiologie et donc souhaitable chez tous les diabétiques de
type 1, il n’est pas prudent de proposer l’IF à tous les diabétiques
de l’insulinothérapie fonctionnelle sans discernement, dans la mesure où il existe des prérequis indis-
pensables. L’IF n’est le plus souvent pas adaptée au diabète de
L’IF a deux objectifs principaux : type 2. Chez les diabétiques de type 1, la dyscalculie, l’absence de
• elle vise à améliorer l’équilibre glycémique en diminuant désir de participer sont des critères d’exclusion retenus par cer-
l’hémoglobine glyquée (HbA1c) sans augmenter la fréquence tains groupes [8] . L’IF implique en effet la participation active du
des hypoglycémies, en particulier les hypoglycémies sévères [7] ; patient, qui doit répondre aux critères suivants :
• elle vise à améliorer l’acceptation des contraintes du traite- • avoir le désir d’autonomie et de responsabilisation ; les patients
ment en adaptant l’insulinothérapie au style de vie des patients, à « locus de contrôle » interne répondent à cette exigence ;
notamment en ce qui concerne l’horaire des repas et la quantité • être convaincu de la nécessité d’une autosurveillance glycé-
des apports glucidiques. mique pluriquotidienne, de quatre à six tests par jour ;
Jusqu’à une période récente, le diabétique devait s’adapter à • pratiquer l’autocontrôle glycémique, c’est-à-dire être prêt à cor-
son traitement. L’IF propose d’adapter le traitement à la vie du riger toute glycémie déviant de l’objectif glycémique fixé en
patient. Les décisions de modifications thérapeutiques étaient concertation avec le diabétologue ;
faites par le diabétologue ; l’IF propose l’autonomisation et la • être prêt à faire au minimum quatre injections par jour, et
responsabilisation du patient. Paradoxalement, l’autonomisation jusqu’à six ou plus si besoin ;
des patients a été freinée par le « devoir de bienfaisance » des • renoncer aux mélanges rapide/retard tout prêts ;
médecins à l’égard de leurs malades. La maladie apparaissait suf- • avoir des connaissances très précises sur la teneur en glucides
fisamment contraignante pour ne pas chercher à compliquer le des aliments ;
traitement, mais au contraire pour essayer de le simplifier au • avoir des connaissances assez précises sur la teneur en lipides
maximum. C’est ainsi que les mélanges tout prêts d’insulines des aliments ;
rapide et retard dans les cartouches des stylos à insuline ont eu • évaluer à chaque repas les besoins insuliniques en fonction de
un grand succès. Les multi-injections avec les mélanges instan- la composition du repas ;
tanés, réalisés par le malade, d’insulines rapide et retard ont été • connaître les cinétiques et durées d’action des insulines utili-
abandonnées. Une injection d’insuline mixte matin et soir, et si sées ;
besoin un peu d’insuline rapide le midi, était considérée comme le • connaître l’efficacité d’une unité d’analogue rapide sur la gly-
confort optimal pour le diabétique. Si confortable soit-il, ce mode cémie ;
thérapeutique s’éloigne pourtant considérablement de la physio- • être prêt à faire des expériences thérapeutiques ;
logie. L’illusion du confort ne dure que le temps de la « lune de • accepter d’utiliser un carnet ou autre système de référence, au
miel » où la sécrétion résiduelle d’insuline permet de combler les moins lorsque l’objectif glycémique n’est pas atteint, pour ana-
lacunes. Ce traitement va même à l’encontre de l’autosurveillance lyser les résultats obtenus.
glycémique puisqu’il rend difficile l’autocontrôle, du moins par Il apparaît ainsi que l’IF ne doit pas être prescrite systémati-
l’adaptation des doses d’insuline rapide en fonction des besoins. quement à tout diabétique de type 1. Les diabétiques à « locus de
Il ne permet ni liberté horaire, ni liberté alimentaire. Le confort contrôle » externe, sous la dépendance de la prescription médi-
initial se convertit rapidement soit en équilibre glycémique non cale, ne souhaitant ou ne pouvant pas être responsabilisés dans
satisfaisant, soit en rigidité thérapeutique (horaires des repas leur traitement, seraient déstabilisés par ce mode thérapeutique.
réguliers, nécessité fréquente de collations, régularité dans la Il est indispensable de tenir compte du désir d’autonomisation
composition des repas, difficultés possibles dans la pratique des patients. Une évaluation erronée pourrait avoir un impact
d’un sport, etc.). C’est la vie qui doit s’adapter à l’insulino- psychologique néfaste suscitant un sentiment d’incapacité à se
thérapie ! soigner chez certains diabétiques dont l’équilibre glycémique était
À l’opposé, l’IF impose de revenir aux multi-injections, en repro- jusque-là satisfaisant, au prix d’une rigidité thérapeutique avec
duisant la sécrétion basale par une ou deux injections par jour ritualisation acceptée du mode de vie. En revanche, l’IF peut valo-
d’insuline analogue retard ou semi-retard, et la sécrétion prandiale riser le savoir-faire de diabétiques jusqu’alors en échec, en raison
par des injections d’analogue rapide à chaque prise alimen- d’un traitement inadapté à leur style de vie.
taire, sans oublier des suppléments pour corriger d’éventuelles La population cible de l’IF serait celle des diabétiques en acti-
hyperglycémies en dehors des périodes prandiales. La perfusion vité, ayant des horaires variables pour les repas, ceux qui voyagent
sous-cutanée continue d’insuline par pompe à insuline peut bien beaucoup et sont confrontés aux décalages horaires fréquents, les
sûr être une alternative aux multi-injections. La détermination des diabétiques sportifs, ceux pour lesquels la recherche d’un équilibre
besoins insuliniques de base se fait activement avec les patients glycémique parfait est indispensable (en particulier la programma-
lors d’une séance de formation expérimentale, au cours d’un jeûne tion d’une grossesse), tous ceux qui souhaitent une plus grande
total ou glucidique. Cette expérience est fondamentale sur le liberté thérapeutique. Dans tous ces cas, on peut proposer une IF
plan pédagogique. Elle démontre la nécessité impérative d’une « sur mesure ».
« couverture » insulinique de base, même en l’absence de toute Si tous les critères d’exclusion doivent être considérés, il
prise alimentaire ; elle permet de comprendre et d’éviter les hypo- nous semble que la prescription de l’IF soit aujourd’hui
glycémies classiques de fin de matinée ou de milieu de nuit (entre l’insulinothérapie de référence pour les diabétiques de type 1. Pour
2 et 4 heures du matin). Par ailleurs, grâce au jeûne, il est pos- les autres pathologies endocriniennes, la question ne se pose pas,
sible de mettre en évidence la durée réelle d’action de l’insuline tous les patients « ont droit » au traitement optimal. En diabétolo-
basale. gie, il est souhaitable que les soignants s’adaptent aux capacités de
L’expérience du jeûne démontre la possibilité d’une liberté chaque diabétique et proposent une IF « à la carte » à tout diabé-
horaire pour les repas et autorise les jeûnes religieux (carême, tique de type 1. On peut, par exemple, instaurer une IF a minima,
kippour, ramadan), classiquement interdits aux diabétiques. Elle en tirant bénéfice de l’épreuve de jeûne et en proposant des

2 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Insulinothérapie fonctionnelle  10-366-R-35

algorithmes préétablis pour les repas (apports glucidiques relative- • de connaître son objectif glycémique personnel, déterminé avec
ment fixes mais modulation des doses en fonction de la glycémie le diabétologue ;
instantanée). • de connaître les durées d’action des insulines qu’il utilise pour
Selon nous, le diabète de type 2 ne relève pas de l’IF. En effet, préciser au mieux ses horaires d’injection ;
les besoins en insuline sont très différents en raison de la fré- • de savoir comment corriger une hyperglycémie et donc être
quente résistance à l’insuline. Il paraît présomptueux de prédire capable de choisir les quantités supplémentaires d’insuline à
des besoins en insuline de 6 ou 8 unités pour 10 g de glucides. injecter (1 unité d’analogue rapide abaisse ma glycémie de ...
L’erreur de comptage des glucides s’avérerait énorme quant à la g/l) ou selon les cas de modifier ses horaires d’injection ;
dose d’insuline. Par ailleurs, les difficultés diététiques concernent • de savoir comment corriger une hypoglycémie et donc d’avoir
davantage les lipides que les glucides, qui de surcroît sont sou- testé la quantité de glucides (morceaux de sucre, briquettes
vent consommés en quantité insuffisante. Au-delà de ce constat, de jus de fruits, sachets de sucre vanillé, etc.) nécessaire pour
l’activité physique reste le traitement essentiel du diabète de remonter la glycémie d’environ 0,50 g/l ;
type 2. • d’avoir, en cas de glycémies non satisfaisantes, un référentiel des
En ce qui concerne la grossesse, l’objectif reste naturellement résultats obtenus au cours des jours précédents pour décider ou
d’essayer d’obtenir une normalisation de l’HbA1c, avec des gly- non de modifier son traitement.
cémies oscillant entre 0,60 et 1,50 g/l au cours du nycthémère. Des exercices pratiques, à type de résolution de problèmes, en
L’enfant doit rester au centre des préoccupations, les possibili- groupe, lors d’hospitalisation de jour ou de semaine, en unité
tés d’« expériences alimentaires », facilitées par l’IF, ne sont pas d’éducation thérapeutique, sont le plus souvent nécessaires pour
souhaitables. acquérir ces compétences.

Insulinothérapie fonctionnelle impossible Connaître les durées d’action et cinétiques


sans autocontrôle des insulines : une démarche indispensable
Le rôle essentiel de l’autocontrôle dans la prise en charge du dia- Les durées d’action des insulines retard ou semi-retard
bète de type 1 est démontré depuis longtemps [9] . L’autocontrôle s’étudient notamment lors de l’épreuve de jeûne glucidique. Elles
sous-entend la réalisation de quatre à six tests glycémiques quoti- sont variables d’un sujet à l’autre ; elles varient également selon
diens lors des premières semaines du traitement, puis de quatre à la dose injectée (la durée d’action est écourtée pour de faibles
cinq en régime de croisière, avec prise de décision thérapeutique doses, elle est augmentée pour de fortes doses). Elles varient selon
en fonction des résultats. les territoires d’injection (en théorie, les zones les plus rapides
Le matériel d’autosurveillance doit être évalué, avec chaque dia- sont le ventre et les bras, à réserver en principe pour les injec-
bétique, depuis l’autopiqueur et la lancette à l’appareil de lecture tions prandiales d’insuline rapide ; la résorption est plus lente
de glycémie. En ce qui concerne l’autopiqueur et la lancette, la dans les cuisses et les fesses, territoires indiqués en particulier
douleur doit être mesurée [10] , si besoin avec une échelle visuelle pour l’insuline retard du soir) ; il est en conséquence conseillé de
analogique graduée de 0 à 10, en comparant les résultats obte- conserver un même territoire pour un même horaire. La résorp-
nus avec différents modèles, afin de choisir le matériel le plus tion de l’insuline est également influencée par la profondeur de
indolore possible. Pour un même autopiqueur, plusieurs lancettes l’injection ; le choix de la longueur des aiguilles utilisées ne doit
sont adaptables. Les zones de prélèvement doivent être rediscu- pas se faire au hasard et doit rapidement être remis en question si
tées avec le patient : certaines zones sont quasi indolores ; la goutte l’équilibre glycémique se détériore à la faveur d’un changement
de sang est plus facile à obtenir à certains endroits. Il ne faut pas de longueur d’aiguille [11] .
oublier que la prescription de l’autopiqueur peut être indépen- La connaissance des durées d’action des analogues rapides est
dante de celle du lecteur de glycémie. Celui-ci doit avant tout être également nécessaire. En effet, l’un des principes de l’IF consiste
fiable, mais d’autres qualités doivent être recherchées. Il ne doit à corriger les hyperglycémies déviant de l’objectif fixé par des
nécessiter qu’une microgoutte de sang ; il doit être rapide (consa- injections supplémentaires d’insuline rapide. Ces suppléments ne
crer quelques secondes de moins pour le diabète est souvent très doivent toutefois être réalisés qu’en fin d’action de l’analogue
apprécié par le diabétique) ; de plus, sa rapidité va de pair avec rapide précédemment injecté, pour éviter tout chevauchement
la discrétion. La fiabilité de la lecture doit être, si possible, peu qui pourrait provoquer une hypoglycémie, sauf sous pompe, lors
dépendante de la température ambiante. Les qualités physiques de l’utilisation de l’assistant bolus, en tenant compte de l’insuline
de l’appareil sont également des critères de choix. L’appareil doit active.
être petit, léger, facile à transporter ; il doit nécessiter le moins
d’entretien possible (un appareil souillé de sang donne des résul-
tats souvent non fiables). L’idéal serait bien sûr d’avoir un lecteur
de glycémie transcutané, ne nécessitant pas de prélèvement san-
guin. “ Point fort
Aujourd’hui, il existe des capteurs de glycémie qui mesurent en
continu la glycémie transcutanée, affichent la glycémie instanta- Dans l’IF, les suppléments d’insuline rapide pour
née mais aussi la courbe glycémique des trois et des 24 dernières « corriger » les glycémies hors objectif, avant le repas ou
heures. Les capteurs peuvent être reliés à une pompe à insuline.
3 h 30 à 4 heures après le repas, sont indispensables.
Ces capteurs présentent un grand intérêt pour le choix de la dose
d’insuline rapide ou du resucrage qui peuvent être évalués en
fonction de la pente de la glycémie.
Quel que soit le lecteur de glycémie, il ne faut pas oublier de
vérifier régulièrement sa fiabilité en faisant simultanément une Fixer des objectifs glycémiques personnalisés
glycémie capillaire et une glycémie veineuse pour des niveaux
glycémiques variables (en pré- et postprandial par exemple). Le but de toute insulinothérapie conventionnelle, optimisée
L’autosurveillance engendre un coût important qui doit être pris ou fonctionnelle doit bien sûr s’inscrire dans la prévention
en considération. ou du moins la stabilisation des complications graves du dia-
En l’absence de remboursement, il est difficile de mettre en bète à long terme. L’étude du DCCT a démontré l’efficacité de
place l’IF, les horaires de contrôles glycémiques permettant d’agir l’insulinothérapie optimisée et a permis d’établir des recomman-
doivent donc être privilégiés. dations consensuelles. Ainsi, l’objectif glycémique souhaitable en
L’autosurveillance glycémique a pour but de favoriser préprandial se situe idéalement entre 0,70 et 1,40 g/l ; on peut le
l’autocontrôle glycémique, c’est-à-dire de permettre un correctif considérer comme acceptable jusqu’à 1,60 g/l (avec une HbA1c
thérapeutique si la glycémie mesurée n’est pas dans l’objectif inférieure à 7,5 %). Cependant, chez les diabétiques à risque élevé
glycémique souhaité. Il importe donc pour le diabétique : d’hypoglycémies sévères (antécédents d’hypoglycémies sévères

EMC - Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-R-35  Insulinothérapie fonctionnelle

ayant nécessité l’intervention d’une tierce personne, insuffisance Le rôle de l’insuline basale n’est pas de corriger une
rénale terminale, pancréatite chronique, etc.), ces valeurs doivent hyperglycémie mais de maintenir la glycémie stable entre
être revues à la hausse, entre 1 et 1,80 g/l (HbA1c inférieure à 8, les repas, c’est-à-dire au niveau obtenu grâce aux injections
voire 8,5 %). d’insulines prandiales. Si les doses prandiales sont insuffisantes,
En postprandial, tenant compte des durées d’action des ana- l’hyperglycémie résultante se prolongera jusqu’au repas suivant.
logues rapides (trois à quatre heures), l’objectif glycémique doit Il est donc indispensable, lorsque les glycémies préprandiales sont
être sensiblement le même qu’en préprandial puisque l’insuline trop élevées, de vérifier le calcul des glucides, de mesurer le len-
basale prend alors le relais et doit assurer une stabilité glycémique. demain la glycémie quatre heures après le repas pour réévaluer
l’algorithme d’analogue rapide proposé et, si besoin, intervenir
sur la glycémie ponctuelle.
 Modalités pratiques
de l’insulinothérapie fonctionnelle
Évaluation des besoins de base : jeûne
“ Point fort
glucidique, première expérience Le rôle de l’insuline basale est de stabiliser la glycémie.
indispensable à proposer
Cette évaluation se fait au cours d’un jeûne de 24 heures [12] . En
Par ailleurs, le jeûne permet de vérifier la durée d’action des
cas de jeûne glucidique, le petit déjeuner comporte seulement du
insulines de base utilisées. Ainsi, force est de constater que
thé ou du café sans lait ni sucre, ni pain ; le déjeuner et le dîner
l’insuline glargine dure moins de 20 heures chez 20 à 30 % des
se composent de salade, de 100 g de viande ou poisson, ou des
patients, et doit dans ce cas être injectée en deux prises (réveil et
œufs, éventuellement d’un petit morceau de fromage. Au cours
dîner ou coucher) ou remplacée par deux injections de détémir.
de cette journée de jeûne, le diabétique doit avoir une activité
Il existe cependant des cas où la détémir a une action inférieure à
physique ordinaire et ne doit pas rester alité. L’insuline retard ou
dix heures. L’insuline dégludec sera sûrement une solution pour
semi-retard est injectée aux horaires habituels. La dose d’insuline
les patients concernés.
à injecter se situe le plus souvent entre 0,3 et 0,4 U/kg par jour :
en une seule prise généralement, de préférence au coucher ou au
déjeuner, pour la glargine ; en deux prises le plus souvent, matin et
soir au dîner ou au coucher, pour la détémir. La dose de base selon
Howorka ne devrait pas dépasser 50 % des besoins journaliers, avec “ Point fort
un minimum de 30 %. Le choix entre 0,3 ou 0,4 U/kg par jour
dépend de la sensibilité à l’insuline du diabétique, elle-même cor- Le jeûne glucidique ou total est très utile pour vérifier la
rélée à la qualité de l’équilibre du patient et à son indice de masse durée d’action de l’insuline basale. Il est toutefois possible
corporelle (IMC). En cas de traitement par pompe à insuline, la
de sauter le repas de midi pour vérifier la durée de la basale,
résorption d’insuline est globalement meilleure, la base est plus
lorsque celle-ci est injectée le soir.
faible et s’établit selon les modalités habituelles du traitement avec
fréquemment une diminution de rythme de base entre minuit et
3 ou 4 heures du matin, puis une augmentation en deuxième par-
tie de nuit jusqu’au réveil, enfin un taux intermédiaire au cours
de la journée.
Pendant ce test, les contrôles glycémiques sont effectués toutes Évaluation des besoins prandiaux, deuxième
les heures ou deux heures pendant la journée, puis au coucher, à expérience
minuit, 3 heures, 6 heures et 8 heures.
Pour être interprétable, le jeûne ne doit se pratiquer que si la L’évaluation des besoins insuliniques prandiaux se fait au
glycémie au réveil le jour du test est comprise entre 0,6 et 2 g/l. cours de repas « thérapeutiques », en présence du diététicien, de
En pratique, dès que la glycémie est supérieure à 1,2 g/l, il faut l’infirmière d’éducation et de l’aide-soignant qui distribue les
injecter quelques unités d’insuline analogue rapide pour éviter repas.
une augmentation de la glycémie pendant la matinée. Il est utile Le plus souvent, les besoins en insuline pour 10 g de glucides se
de faire un profil glycémique nocturne avant le jeûne pour voir situent entre 1,5 et 2 unités au petit déjeuner, entre 0,5 et 1 unité
l’évolution de la glycémie en fin de nuit (phénomène de l’aube). au déjeuner et entre 1 et 1,5 unités au dîner. L’augmentation des
Cela permet de mieux évaluer la quantité d’analogue rapide néces- besoins insuliniques lors du petit déjeuner s’explique notamment
saire au réveil. À l’opposé, si la glycémie du réveil est inférieure à par l’augmentation des acides gras libres plasmatiques secondaire
0,6 g/l, un resucrage est conseillé, apportant 10 à 20 g de glucides, au jeûne de fin de nuit. Si la valeur de la glycémie préprandiale
selon les cas. n’est pas dans la cible fixée, c’est-à-dire en général entre 0,70
Le jeûne peut être total ou seulement un jeûne glucidique. et 1,40 g/l, selon les cas il y a lieu d’injecter une dose supplé-
Dans ce cas, au cours des repas du midi et du soir, il est conseillé mentaire d’insuline dite « de correction ». La quantité d’insuline
d’injecter une unité d’analogue rapide pour 20 g de protéines, à utiliser se calcule à partir de l’efficacité supposée d’une unité
faute de quoi on observe une montée glycémique postprandiale, d’insuline rapide sur la glycémie. Lorsque la glycémie est stable
en particulier si la glycémie préprandiale est supérieure à 1 g/l. depuis quelques heures à un niveau donné, il semble qu’une unité
L’intérêt du jeûne dit « glucidique » est lié au fait qu’il corres- abaisse la glycémie de 0,30 à 0,40 g/l. Cette donnée varie selon
pond à une situation plus physiologique, et plus facile à réaliser. chaque individu et dépend de la cinétique de la glycémie, mais
Par ailleurs, il permet de « visualiser » l’incidence des protéines aussi bien sûr de la sensibilité individuelle à l’insuline. Cette effi-
sur la glycémie. Les diabétiques à cette occasion comprennent cacité n’est probablement pas identique matin, midi et soir. Elle
l’hyperglycémie qu’ils ont parfois déjà constatée lors de repas peut s’évaluer tout simplement en divisant 18 par la somme des
riches en protéines, type raclette ou fondue. Ils en déduisent faci- apports insuliniques quotidiens.
lement la conduite à tenir pour l’avenir. Avant le repas, le diabétique doit évaluer très précisément
L’insuline de base injectée est considérée efficace si la glycémie la teneur en glucides de l’alimentation pour adapter la dose
reste stable au cours des 24 heures, sans hypoglycémie. La varia- d’insuline nécessaire pour le repas ; il doit mesurer sa glycémie
tion glycémique ne doit pas dépasser plus ou moins 0,35 g/l au pour vérifier s’il a besoin d’une « insuline de correction ». Il
cours du jeûne pour considérer que la dose est bonne. Dans notre doit contrôler sa glycémie trois à quatre heures après l’injection
expérience, ce test démontre souvent que la dose d’insuline de prandiale, pour si besoin apporter un correctif thérapeutique
base habituelle est excessive par rapport aux besoins. (sous-évaluation des glucides du repas, correction insuffisante de

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Insulinothérapie fonctionnelle  10-366-R-35

Tableau 1.
Guide pour l’évaluation des doses d’insuline analogue rapide.
Objectif glycémique : avant repas : ... g/l
3 à 4 heures après repas : ... g
Aliments (en g) Quantité de glucides (en g) Dose d’analogue injectée Glycémie (g/l) avant repas Glycémie (g/l) 3 à 4 h après repas
Petit déjeuner ... U/10 g
Total : ... Total : ...
Déjeuner ... U/10 g
Total : ...
Dîner ... U/10 g
Total : ...
Collation éventuelle
Correction éventuelle du calcul des doses d’analogue : petit déjeuner : ... U/10g
Déjeuner : ... U/10g
Dîner : ... U/10g

la glycémie préprandiale, mauvaise quantification des besoins même possible de sauter un repas par commodité ou manque
insuliniques pour 10 g de glucides, de l’activité physique après le de temps, ce qui n’est pas rare dans la société actuelle. Les col-
repas, etc.). C’est pour réaliser cette analyse que le carnet de sur- lations obligatoires à 10 heures, 16 heures et 22 heures n’ont plus
veillance est un réel outil thérapeutique. L’analyse de l’ensemble lieu d’être. Lorsque le traitement de base est bien adapté, le risque
des données consignées doit permettre au diabétique de modifier d’hypoglycémie de fin de matinée devient très faible, ce qui amé-
lui-même ses algorithmes personnels. liore considérablement la qualité de vie du diabétique, tant sur le
L’adaptation des doses prandiales ne peut se faire en l’absence plan familial que professionnel. Beaucoup de diabétiques relatent
d’une formation diététique précise. en effet leur phobie des réunions de fin de matinée, avant les-
quelles ils « se chargent en sucre » pour prévenir tout risque de
malaise.

“ Point fort La formation diététique pour apprendre à évaluer correctement


la teneur en glucides des repas se fait idéalement au cours d’une
hospitalisation de semaine, en unité d’éducation thérapeutique,
ou en ambulatoire, en hôpital de jour. Chaque repas fait l’objet
Le rôle de l’insuline prandiale est de normaliser la glycémie. d’un atelier pratique. Il est possible d’y faire des expériences telles
L’objectif glycémique trois à quatre heures après le repas que la prise d’un dessert sucré ou la consommation de miel sur les
est de 0,7 à 1,60 g /l. tartines du petit déjeuner. Pendant l’hospitalisation, une fiche de
suivi peut être proposée aux patients, mettant directement en rela-
tion les aliments consommés, leur teneur en glucides, la glycémie
préprandiale, la quantité d’analogue rapide injectée, la glycémie
postprandiale, environ quatre heures après le repas (Tableau 1).
L’apprentissage du calcul des glucides peut se faire en pourcen-
Formation diététique tage ou, de façon plus concrète, en portion.
Sur le plan diététique, les glucides ont longtemps été considé- Rankin et al., en 2011 [17] , ont évalué les pratiques des patients
rés comme les responsables du diabète ; ils ont ainsi été exclus pour l’ajustement des doses prandiales six et 12 mois après la for-
ou réduits dans l’alimentation du diabétique pendant des décen- mation initiale. Ils soulignent que certains patients n’adoptent
nies. Leur réhabilitation dans l’alimentation a sûrement contribué pas nécessairement un changement d’habitudes alimentaires : « Je
à une meilleure qualité de vie. Les études sur les index glycé- sais que si je mange la même chose, que j’injecte la même dose
miques [13] ont permis de « dédiaboliser » les produits sucrés, qui ne d’insuline, ma glycémie sera bonne. Je préfère la simplicité de la
sont plus interdits, leur consommation devant toutefois toujours routine. » Grâce à l’IF, d’autres diabétiques reconnaissent qu’ils
être accompagnée d’une adaptation de l’insulinothérapie [14] . L’IF appréhendent mieux l’adaptation des doses d’insuline à leurs
répond parfaitement à cette exigence. Elle ne doit pas pour habitudes alimentaires. Ils soulignent qu’avant la formation, « il
autant faciliter une anarchie alimentaire ou provoquer une prise leur fallait manger à des heures précises, quand ils le voulaient,
de poids abusive. L’IF autorise une liberté alimentaire en évi- mais aussi parfois parce que le traitement l’imposait ». Les patients
tant l’hyperglycémie postprandiale. Il est vrai cependant que l’on disent avoir acquis, grâce à la méthode, une plus grande confiance
peut observer une prise de quelques kilogrammes, comme cela a dans le choix de la dose d’insuline nécessaire pour le repas, le
d’ailleurs été rapporté lors de l’étude DCCT [15] . Cette prise de poids calcul leur paraît logique, précis.
n’est souvent que la conséquence du meilleur équilibre métabo- Au vu de ces résultats, il nous semble que trois niveaux
lique avec disparition de la perte calorique urinaire sous forme de d’éducation peuvent être proposés selon le degré de responsabili-
glycosurie. Il peut être utile avant de mettre en place l’IF, en parti- sation souhaité par le diabétique [18] .
culier chez les patients ayant un équilibre métabolique médiocre,
de doser systématiquement la glycosurie des 24 heures pour quan- Trois niveaux de formation à proposer
tifier la perte calorique quotidienne et évaluer le risque de prise
de poids. Cette démarche peut faciliter une approche critique de
pour le calcul des glucides
l’alimentation usuelle du diabétique et favoriser un changement Premier niveau : « sans compter »
de comportement. Il est souhaitable de simplifier au maximum la démarche. Il
À l’opposé, grâce à l’IF, en réduisant le nombre d’hypogly- convient alors de faire une enquête précise sur les habitudes ali-
cémies, et donc les resucrages, il est possible de permettre une mentaires du patient. On calcule les besoins en insuline pour
perte de poids. Le groupe Dose Adjustment For Normal Eating chaque repas standard, petit déjeuner, déjeuner et dîner, selon
(DAFNE), en 2011, rapporte le maintien du contrôle glycémique les besoins insuliniques du patient ; à ces doses sont ajoutées
à sept ans sans prise de poids significative par rapport au groupe des doses variables pour différents niveaux glycémiques mesu-
contrôle [16] . rés avant le repas (Tableau 2). Dans ce cas, cependant, cela
L’un des premiers avantages de l’IF concernant l’alimentation sous-entend une alimentation la plus similaire possible dans sa
est sans doute celui de la liberté des horaires des repas. Il est composition d’un jour à l’autre, en pesant les aliments.

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10-366-R-35  Insulinothérapie fonctionnelle

Tableau 2.
Insulinothérapie fonctionnelle de niveau 1 a .
Glycémie Petit déjeuner Déjeuner Correctif Dîner Correctif
1,5 unités pour 10 g de 0,8 unité pour 10 g de thérapeutique 1,2 unités pour 10 g de thérapeutique
glucides glucides 3 à 4 h après le glucides 3 à 4 h après le dîner
80 g de glucides 95 g de glucides déjeuner 70 g de glucides
< 0,70 11 6,5 7,5
≥ 0,70 12 7,5 8,5
≥ 1,20 13 8,5 9,5
≥ 1,60 14 8,5 0–1 10,5 0–1
≥ 2,00 15 9,5 1–2 11,5 1–2
≥ 2,40 16 9,5 2–3 12,5 2–3
≥ 2,80 17 10,5 4 13,5 3–4
Enquête 60 g de pain 100 g de tomates Salade verte
alimentaire 1 bol de 300 ml de lait Protéines 200 g de légumes verts
20 g de confiture 200 g de légumes verts 80 g de pain
Beurre 200 g de féculents 30 g de fromage
20 cl de jus d’orange 40 g de pain 1 yaourt sucré
1 yaourt nature
200 g de pomme
a
Exemple pour les besoins prandiaux suivants, sachant que chez ce patient une unité d’insuline rapide abaisse la glycémie de 0,40 g : petit déjeuner : 1,5 unités pour 10 g
de glucides ; déjeuner : 0,8 unité pour 10 g de glucides ; dîner : 1,2 unités pour 10 g de glucides.

Deuxième niveau : « en portions » Toutes ces approches pratiques de l’alimentation peuvent être
On peut ensuite donner plus de liberté au patient, en tradui- appréhendées par de nombreux diabétiques, ce qui ne veut
sant directement les portions alimentaires en quantité d’insuline pour autant pas dire que l’exercice sera facile en situation.
rapide calculée à partir des algorithmes personnels du diabétique, Il faut plusieurs semaines pour évaluer d’un seul coup d’œil
sur un livret répertoriant les aliments usuels (Tableau 3). Il suf- la teneur en glucides d’un repas. Le repas évalué en glucides
fit ensuite de faire une addition avec chaque aliment consommé, doit ensuite être traduit par le diabétique en unités d’insuline
sans toutefois oublier le correctif thérapeutique si la glycémie n’est selon ses algorithmes personnels. L’apprentissage peut être fas-
pas dans la cible souhaitée (Tableau 4). tidieux, dissuasif. Les repas peuvent alors perdre toute notion
de convivialité ou de saveur et n’être plus qu’une épreuve
comptable.
Pour les niveaux 1 et 2, il est bien sûr utile de faire le calcul pour
Troisième niveau : « en comptant », un niveau destiné
un exemple de repas de fête, ou tout simplement pour le dessert
aux patients dits « autonomes » ou avides d’expériences
préféré du patient. On peut dans ces cas parler d’IF a minima,
Les patients évaluent eux-mêmes les quantités contenues dans mais c’est finalement la méthode de base à l’apprentissage de cette
leur repas, ils appliquent les algorithmes qui leur ont été propo- insulinothérapie.
sés, ils ajoutent si besoin un correctif thérapeutique selon leur
glycémie préprandiale. Rôle des lipides et des protides dans le calcul
Il est habituel de dire que :
• une demi-assiette de féculents cuits correspond à peu près à de la dose d’insuline prandiale
150 g de féculents, c’est-à-dire 30 g de sucre ; Chiasson et al. [19] considèrent que la dose d’insuline rapide
• une cuillère à soupe bien pleine pèse en moyenne 30 g de fécu- pour 10 g de glucides, calculée selon l’algorithme personnalisé de
lents ; cinq cuillerées apportent 150 g, donc 30 g de glucides. chaque diabétique, n’est influencée ni par la quantité de glucides
Toutefois, l’expérience montre que ces évaluations sont peu ingérés, ni par l’index glycémique, ni par la teneur en lipides du
précises et peu reproductibles : les assiettes n’ont pas toutes la repas. D’autres études paraissent nécessaires pour confirmer ces
même forme, la même profondeur, etc., il en est de même pour observations.
les cuillères. Ce sont des récipients « en trois dimensions » (lar- Dans notre expérience clinique, et en accord avec les obser-
geur, longueur, épaisseur). Pour fixer le contenu, il est préférable vations de Jenkins [20] chez le non-diabétique, la présence de
d’utiliser « un contenant fixe, en une « seule dimension », tel lipides en quantité importante dans l’alimentation engendre une
qu’un bol ou une louche : insulinorésistance non négligeable. Dans une étude menée dans
• un bol « chinois » contient à peu près 30 g de glucides lorsqu’il notre unité de formation [21] , concernant 26 diabétiques de type 1,
s’agit de féculents cuits, 15 g pour les petits pois, les carottes ou peptide C négatif, nous avons comparé les profils glycémiques et
les betteraves, 7 g pour les légumes verts ; triglycéridémiques toutes les deux heures pendant six heures à la
• les boîtes de légumes verts du commerce (en dehors des petits suite de repas identiques en charge glucidique mais contenant de
pois) pèsent 800 g et contiennent environ 400 g de légumes façon aléatoire 30 ou 60 g de lipides. Nous avons mis en évidence
égouttés, soit 20 g de glucides ; les demi-boîtes en contiennent l’influence des lipides alimentaires sur la régulation glycé-
deux fois moins ; mique postprandiale. On observe une augmentation glycémique
• une pomme achetée dans le commerce pèse souvent environ prolongée, de façon significative, après le repas gras. Certains dia-
200 g s’il y en a cinq au kilogramme, ce qui correspond à un bétiques paraissent plus sensibles à cette influence. Il semble que
apport de glucides moyen de 20 g par fruit, mais il existe aussi cet effet soit lié à un ralentissement de la vidange gastrique [22] ,
des pommes de 100 g, voire de 250 g ; mais aussi et surtout à des phénomènes d’insulinorésistance
• un quart de baguette parisienne pèse 60 g, ce qui équivaut à 30 g avec augmentation prolongée des triglycérides après les
de glucides ; il en est de même pour trois petits pains suédois, repas.
trois « craquottes », un pain azyme ou un blini. Les biscottes Taniguchi et al. [23] , lors d’une étude réalisée chez des diabé-
peuvent peser 10 ou 15 g chacune et contiennent 75 % de glu- tiques japonais de type 2, suggèrent que l’insulinorésistance est
cides, soit de 7 à 11 g de glucides ; davantage corrélée au taux de triglycérides plasmatiques qu’à
• un croissant correspond à 30 g de glucides ; l’IMC pour des valeurs comprises entre 21,5 et 27,0. Il serait
• les paquets individuels de céréales pour le petit déjeuner pèsent intéressant de vérifier s’il en est de même chez le diabétique
30 g et apportent selon les marques 20 à 25 g de glucides, etc. de type 1.

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Insulinothérapie fonctionnelle  10-366-R-35

Tableau 3.
Insulinothérapie fonctionnelle de niveau 2 a .
Aliments Quantité de glucides Petit déjeuner 2 U/10 g Déjeuner 1 U/10 g Dîner 1,5 U/10 g
Pain et céréales
4 biscottes de 10 g chacune 30 6 3 4,5
3 petits pains suédois
3 « craquottes »
Céréales (paquet individuel : 25 g) 20 4 2 3
Féculents
100 g de pommes de terre (2 de la taille d’un œuf) 20 4 2 3
100 g de pâtes cuites
100 g de riz cuit
150 g de purée
100 g de frites 30 6 3 4,5
Légumes verts
200 g de légumes verts 10 2 1 1,5
200 g de carottes ou betteraves 20 4 2 3
200 g de petits pois 30 6 3 4,5
Produits laitiers
Yaourt aux fruits, à l’aspartam 10 2 1 1,5
Yaourt nature 10 2 1 1,5
1 fromage blanc ou 3 petits suisses 5 1 0,5 1
1 yaourt aromatisé ou aux fruits 20 4 2 3
Fromage 0 0 0 0
¼ de litre de lait 10 2 1 1,5
Gâteaux et pâtisseries
1 éclair de 100 g 30 6 3 4,5
1 tartelette de 100 g 30 6 3 4,5
3 crêpes nature
1 madeleine 20 4 2 3,5
Desserts et produits sucrés
1 morceau de sucre no 4 5 1 0,5 1,5
1 crème caramel ou 1 mousse au chocolat (portion) 20 4 2 3
2 boules de glace ou de sorbet
1 barre chocolatée
1 coupelle de confiture ou de miel (30 g) 15 3 1,5 25
Fruits
1 pomme ou 1 poire : 200 g 20 4 2 3
1 petite banane : 100 g épluchée
1 belle pêche : 200 g
1 orange ou 2 clémentines : 200 g épluchées
15 cerises
3 à 4 abricots
¼ de mangue ou d’ananas
a
Exemples d’« équivalences analogue/glucides », avec des doses arbitraires de 2 unités pour 10 g de glucides au petit déjeuner, 1 pour 10 au déjeuner, 11/2 pour 10 au dîner.
Ce tableau ne tient pas compte du supplément d’insuline éventuel en fonction de la glycémie préprandiale. Il ne tient pas compte des susceptibilités individuelles à la
charge en graisse.

Tableau 4. Brackenridge [24] , quant à elle, souligne l’impact glycémique


Propositions de correctifs thérapeutiques en fonction de la glycémie ins- d’un repas très riche en protéines (type fondue bourguignonne)
tantanée, sur la base selon laquelle 1 unité d’analogue rapide abaisserait et propose soit de majorer la quantité d’insuline calculée au
la glycémie de 0,30 g. moment de l’injection préprandiale, soit de faire une injection
Glycémie Correctif thérapeutique en fonction de la supplémentaire au cours ou après le repas. L’hyperglycémie
instantanée glycémie préprandiale, ou 3 h 30 à 4 h induite par ce type de repas riche en protéines survient en effet
(g/l) après le repas quelques heures après la prise alimentaire, liée à la néoglucoge-
nèse hépatique à partir des acides aminés glucoformateurs (c’est
< 0,70 Retirer 1 unité à la dose calculée s’il y a des
d’ailleurs la raison pour laquelle la ration de protéines doit être
symptômes d’hypoglycémie
contrôlée lors du jeûne glucidique).
0,70 0U D’autres équipes, tels Borie-Swinburne et al. [25] , ne retrouvent
1,00 0U pas l’incidence des protéines, pour une charge toutefois modérée,
1,30 1U que ce soit sur la glycémie postprandiale ou sur la glycémie du
1,60 2U lendemain lors d’un repas du soir, enrichi en protéines, 300 g de
fromage blanc frais à 0 %, soit 21 g de protéines de plus que lors
1,90 3U
du repas standard.

EMC - Endocrinologie-Nutrition 7
10-366-R-35  Insulinothérapie fonctionnelle

Rôle des boissons alcoolisées dans le calcul une dose de base de 0,55 plus ou moins 0,21 U/kg par jour ; au
de la dose d’insuline prandiale cours de l’année précédente, ils avaient eu 1,7 coma hypoglycé-
mique par patient (groupe 1). Les 18 autres diabétiques n’avaient
L’apport de boissons alcoolisées peut avoir un impact sur pour la même période que 0,06 coma hypoglycémique par an et
la glycémie. En l’absence d’apports glucidiques, le risque par patient (groupe 2). Les doses du groupe 1 ont été abaissées de
d’hypoglycémie est bien connu. Mais au cours d’un repas, il 0,43 plus ou moins 0,19 U/kg par jour, alors que dans le groupe 2
semble chez certains patients que cela entraîne une hyperglycé- les doses de 0,39 plus ou moins 0,17 U/kg par jour n’ont pas
mie tardive, six voire huit heures après le repas. Il n’est pas possible été modifiées. Les HbA1c moyennes des deux groupes n’étaient
d’anticiper en augmentant l’insuline prandiale. Il est souhaitable pas différentes (8,3 ± 1,41 % versus 8,10 ± 1,49 % [non significa-
de faire un correctif avant le repas suivant ou au moment du tif]). Après un an d’IF, le nombre de comas hypoglycémiques s’est
constat. abaissé significativement dans le groupe 1 à 0,04 coma par an et
par patient (p < 0,001) alors que, dans le groupe 2, le nombre de
Limites de l’insulinothérapie fonctionnelle comas hypoglycémiques par an et par patient est resté stable à
Ce type d’insulinothérapie n’est pas le remède infaillible à 0,06. Dans les deux groupes, l’HbA1c s’est améliorée significative-
toutes les difficultés rencontrées par les patients. Cette méthode ment : groupe 1, 7,84 plus ou moins 1,54 % (p < 0,01) ; groupe 2,
renforce les contraintes quotidiennes, elle nécessite une grande 7,67 plus ou moins 1,26 % (p < 0,05).
motivation. La prise en charge de « l’humain », comme dans toute Dans une étude ultérieure [11, 30] chez 115 diabétiques de type 1
démarche d’éducation thérapeutique est indispensable. La forma- (âge moyen 45 ± 13 ans, ancienneté du diabète 17 ± 11 ans, âge
tion ne doit pas se limiter à une méthode « comptable ». Pour moyen de début du diabète 28 ± 14 ans), nous avons étudié
s’adapter à chaque diabétique, il est utile d’aider ce dernier à l’équilibre métabolique selon les mêmes critères et évalué la qua-
exprimer son vécu émotionnel face à la maladie. Les raisons de lité de vie grâce à un questionnaire, après dix plus ou moins
l’échec sont multiples : peur phobique de l’hypoglycémie [26] , stra- cinq mois de pratique de l’IF. Tous les patients avaient bénéficié
tégie de contrôle pondéral par une sous-insulinisation délibérée, d’une hospitalisation de cinq jours en unité d’éducation théra-
non-acceptation de la maladie par crainte d’une dévalorisation peutique pour y recevoir une formation pratique diététique et
sociale, ou en raison de deuils antérieurs non faits, interdisant tout apprendre à adapter leurs doses d’insuline d’analogue rapide.
nouveau deuil, etc. Des exercices, tels que le théâtre du vécu, scé- L’HbA1c s’est améliorée de façon significative ; elle est passée
nette rédigée par le patient, mise en scène avec l’aide d’un metteur de 8,42 plus ou moins 1,25 % au cours de l’année précédente
en scène professionnel, puis jouée par des acteurs professionnels, à 7,69 % dans l’année qui a suivi (p < 0,0001) ; le nombre de
ou la rédaction par chaque diabétique d’une « lettre au diabète », comas hypoglycémiques par an et par patient est passé de 0,81
permettent une prise de distance (métacognition). Ces exercices à 0,20 (p < 0,05) ; il n’y a pas eu de prise de poids (68 ± 10 versus
peuvent aider les patients à formuler leurs difficultés personnelles 67 ± 10 kg). Nous avons obtenu 80 % de réponses au questionnaire
et leur permettre de prendre conscience du fait que la situation (92 patients) adressé à l’adresse personnelle de chaque diabé-
n’est pas figée. tique ayant participé à l’étude. Cinquante-neuf pour cent ont
fait moins d’hypoglycémies modérées ; 77 % disent évaluer facile-
ment leurs doses prandiales d’analogue ; 17 % ont vérifié leur base
 Évaluation de l’insulinothérapie lors d’un jeûne glucidique ; 70 % adaptent leurs doses d’analogue
rapide à la glycémie instantanée et aux quantités de glucides
fonctionnelle sans difficultés ; 39 % modifient leur quantité de glucides aux
repas ; 82 % savent gérer les repas exceptionnels ; 22 % apprécient
Langewitz et al. [27] ont évalué l’impact psychologique et méta- de pouvoir décaler l’horaire des repas ; 81 % perçoivent favo-
bolique de l’IF chez 43 diabétiques de type 1 (moyenne d’âge : rablement ce mode d’insulinothérapie ; seuls 16 % insistent sur
33 ± 10 ans, durée moyenne du diabète : 15 ± 10 ans). L’impact l’augmentation des contraintes. La moitié des patients souligne
psychologique a été mesuré à l’aide de plusieurs question- la nécessité d’un suivi régulier pour évaluer leurs compétences
naires : Diabetes Quality of Life (DQOL) (qualité de vie), Hospital et souhaitent une formation complémentaire, notamment en
Anxiety and Depression Scale (HAD) (dépression, anxiété), Frage- diététique.
bogen zu Kompetenz und Kontrollüber-zeugungen (FKK) (degré À la suite de ces résultats, nous avons mis en place des consulta-
d’autonomie et de responsabilisation), der Familiensystem test tions d’infirmière et de diététicien deux à quatre semaines après la
(FAST) (relation médecin/malade). L’équilibre métabolique a été mise en place de l’IF en hospitalisation de semaine, et nous avons
évalué par l’HbA1c et le nombre d’hypoglycémies sévères. Ces créé un hôpital de jour « insulinothérapie fonctionnelle » regrou-
mesures ont été réalisées un an avant et un an après la mise pant six diabétiques, trois à six mois après la formation initiale,
en place du traitement : 82 % des patients considèrent que le encadrés par une diététicienne, pour parfaire leurs connaissances,
bénéfice principal est la plus grande liberté alimentaire ; 56 % sou- et revoir si besoin les doses prandiales. Au cours des trois jours
lignent une plus grande indépendance ; 56 % se sentent plus aptes précédant l’hospitalisation, nous invitons les diabétiques à faire
à modifier eux-mêmes leur traitement ; 52 % estiment contrôler un relevé alimentaire de leurs repas en notant la quantité de glu-
plus facilement leurs écarts glycémiques ; 52 % apprécient la pos- cides, les glycémies préprandiales, les doses d’insuline injectées et
sibilité de jeûner. Le principal inconvénient souligné est celui les glycémies postprandiales. Les résultats obtenus sont discutés
de la plus grande fréquence de l’autosurveillance glycémique. par les patients entre eux, puis analysés avec la diététicienne. Des
Anxiété et dépression ont diminué de façon significative ; la rela- exercices pratiques avec de vrais aliments sont l’occasion d’évaluer
tion médecin/malade s’est améliorée de façon significative. Sur le les capacités des patients.
plan métabolique, l’HbA1c est restée stable : 6,72 % un an avant La formation initiale à l’IF ne semble en effet pas suffisante
versus 6,46 % un an après ; le nombre d’hypoglycémies sévères pour assurer une prise en charge efficace et durable du diabète de
est passé de 11,6 à 2,3 % (p < 0,05). Les auteurs concluent que le type 1. La plupart des études montrent une amélioration clinique
patient diabétique peut, grâce à ce type de traitement, améliorer sa des résultats, notamment sur l’HbA1c, la fréquence des hypogly-
qualité de vie sans pour autant sacrifier son équilibre métabolique. cémies, la qualité de vie, avec cependant de moins bons résultats
L’étude DAFNE [28] , réalisée en 2002 en Angleterre, a confirmé vers le sixième mois. Casey et al. [31] ont recherché les facteurs sus-
l’efficacité sur l’équilibre glycémique de l’IF. Il s’agit d’une étude ceptibles d’avoir un impact sur cette évolution. Quarante patients
randomisée qui a comparé deux groupes de diabétiques avec ou formés dans cinq centres, en Irlande, ont été soumis à des ques-
sans mise en place de l’IF. tionnaires, six semaines, six mois et un an après avoir participé
Notre expérience confirme les constatations précédentes. Chez à un programme structuré d’éducation à l’IF, de façon à iden-
45 diabétiques de type 1 (âge moyen 40,1 ± 15,7 ans, durée tifier les points essentiels qui favorisent la mise en pratique de
moyenne du diabète 15 ± 9 ans), nous avons étudié [29] les besoins l’IF dans leur vie quotidienne et comprendre ce qui peut avoir
insuliniques de base lors d’une épreuve de jeûne glucidique en une influence négative à long terme. La capacité à mettre en pra-
respectant leurs doses habituelles d’insuline retard. Les 27 patients tique l’IF est liée, selon eux, à quatre facteurs : l’acquisition d’un
qui ont fait une ou plusieurs hypoglycémies lors du test recevaient savoir-faire et de connaissances, une motivation durable et un

8 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Insulinothérapie fonctionnelle  10-366-R-35

soutien permanent. En effet, au début, les patients soulignent Sur le plan psychologique, il est certain que la méthode se
l’importance du soutien familial, celui des autres participants, révèle particulièrement adaptée pour les patients dont la stratégie
avec lesquels ils peuvent partager des expériences. Mais le soutien d’adaptation psychologique est la résolution de problème [38] . Il
par les professionnels paraît indispensable à six mois, période à faut cependant remarquer que l’état dépressif d’un certain nombre
laquelle les patients ressentent souvent une certaine démotiva- de patients semble lié à un sentiment d’échec et à une mauvaise
tion et une frustration : « on n’est plus très sûr de soi, on a besoin estime de soi, conséquence d’un traitement mal adapté qui ne per-
de quelqu’un qui nous dise : oui, allez-y, c’est ce qu’il faut faire ». met pas d’obtenir un équilibre glycémique satisfaisant. La maladie
Certains patients expriment un certain désarroi devant des résul- est vécue comme imprévisible et incontrôlable. L’état dépressif
tats décevants alors qu’ils ont le sentiment d’avoir fait tout ce qu’il aggrave à son tour la situation métabolique, créant un véritable
fallait. Leur motivation s’essouffle. cercle vicieux.
Rankin et al. [17] , en 2012, ont mené une enquête auprès de Par ailleurs, la place du stress et de l’anxiété dans le diabète de
30 diabétiques de type 1 formés à l’IF selon le programme DAFNE ; type 1 a été soulignée par plusieurs études [39, 40] . Elles montrent
des interviews à six et 12 mois soulignent le besoin exprimé par que les personnalités de type A ont plus de difficultés à maintenir
les patients de pouvoir bénéficier d’un suivi personnalisé, indivi- un équilibre glycémique comparativement à des personnalités de
duel, avec un clinicien avisé, dans le contexte de leur vie de tous les type B. Pour Bruchon-Schweitzer [41] , le coping actif comme trait
jours, pour maintenir l’efficacité à long terme de leur formation. de personnalité représente un facteur de résilience dans la mala-
die chronique et le diabète de type 1. Il semble que la « résilience »
soit favorisée par des stratégies de coping centrées sur le problème
 Intérêts de l’insulinothérapie et par un locus de contrôle interne. Dans l’option de l’IF, où le sujet
« devient son propre médecin », il paraît nécessaire de prendre en
fonctionnelle considération les facteurs dispositionnels (trait de personnalité,
type A, etc.) et dynamiques de sa personnalité (stratégies de coping,
Qu’elle soit instaurée dans sa globalité ou a minima, l’IF permet alexithymie, anhédonie, estime de soi, etc.). La prise en compte,
d’évaluer au mieux les besoins de base, ce qui est fondamental au cours de la semaine d’éducation, de variables psychologiques
dans la prévention des hypoglycémies modérées ou sévères. Le (anxiété, dépression) et de la vulnérabilité au stress permet d’aider
jeûne glucidique permet d’évaluer au mieux l’insulinothérapie le patient, à travers l’acquisition de pratiques nouvelles (appren-
basale (dose et durée d’action des insulines retards). tissage en petits groupes), à prendre conscience d’une meilleure
Contrairement aux résultats du DCCT, l’amélioration consta- efficacité personnelle dans la gestion de son diabète. Le rôle de
tée de l’équilibre métabolique, par la mesure de l’HbA1c, l’apprentissage social, parmi un groupe de pairs, semble plus effi-
ne s’accompagne pas d’une augmentation des hypoglycémies cace pour l’adoption de nouvelles conduites qu’une éducation
sévères, mais d’une diminution statistiquement significative de individuelle, comme l’ont montré plusieurs études sur des patho-
celles-ci, avec même une réduction des hypoglycémies modérées logies chroniques [42, 43] .
(cependant il ne s’agit pas d’une étude prospective randomisée, L’évolution de la qualité de vie a été évaluée par plusieurs
mais d’une étude observationnelle comparant la situation avant études, après mise en place de l’IF. Dans une méta-analyse en
et après). 2008 [44] , concernant 1892 sujets, Cochran a retrouvé une amélio-
En 2005, en Allemagne [32] , Sämann a évalué l’impact de ration de la qualité de vie dans le groupe intervention (formation à
l’IF sur l’équilibre glycémique et les hypoglycémies sévères. l’autonomisation dans la prise en charge du traitement) comparé
9583 diabétiques de type 1 ont été réexaminés entre 1992 et 2004. au groupe contrôle.
L’HbA1c moyenne est passée de 8,1 à 7,3 %, l’incidence des hypo- De même, Cooke et al. [45] montrent que si l’amélioration du
glycémies sévères est passée de 0,37 cas par patients et par an à 0,14 contrôle glycémique s’atténue avec le temps, l’HbA1c et les scores
après intervention. Leur conclusion est que la mise en place de ce de qualité de vie restent significativement améliorés 3, 6 et 12 mois
programme d’éducation pour la prise en charge du diabète per- après la formation des patients
met l’amélioration de l’équilibre glycémique sans augmentation Dans une étude australienne [46] , la faisabilité de la formation
du risque d’hypoglycémies sévères. des patients à raison de quatre séances, une fois par mois, par
D’autres études plus récentes confirment la possibilité d’obtenir un diabétologue et un diététicien, selon les modalités du groupe
un contrôle métabolique correct chez la majorité des patients DAFNE ou du groupe de Düsseldorf, a été démontrée. Le suivi
diabétiques de type 1, en limitant le risque d’hypoglycémies des patients, type 1 (n = 82) et type 2 (n = 55) a été assuré par le
sévères [33] , sans détérioration de l’HbA1c (7,4 versus 7,2 %). médecin généraliste. L’évaluation à un an montrait une diminu-
Hopkins et al. retrouvent [34] les mêmes conclusions, en tion de l’HbA1c de 8,7 à 8,1 %, le pourcentage de patients ayant
2012, et soulignent que la réduction des hypoglycémies sévères une HbA1c inférieure à 8 % passait de 48,9 à 62,8 % (p = 0,0005).
s’accompagne d’une restauration des symptômes d’alerte de Dans le même temps, la qualité de vie des patients augmentait de
l’hypoglycémie. 1,9 point à quatre mois et s’améliorait encore à 12 mois sur une
L’IF est indiquée chez les patients à haut risque d’hypoglycémies échelle allant de –9 à +9.
sévères ou d’acidocétose (Sämann) [35] : réduction du risque Dans une étude observationnelle prospective récente [47] , en
d’hypoglycémie sévère de 6,1 épisodes à 1,4 épisode par patient 2013, nous avons évalué, à 12 mois, si l’éducation des patients,
par an chez 341 diabétiques ayant présenté au moins trois hypo- en groupes, sur cinq jours, pouvait répondre à des objectifs per-
glycémies sévères l’année précédant la formation. Concernant sonnalisés. Cent vingt-et-un patients, inclus consécutivement,
les acidocétoses, l’incidence est passée de 3,3 événements à ont participé à l’étude. Nous les avons répartis en trois groupes
0,6 événement par an par patient, tout en observant une amé- selon l’objectif principal fixé : G1, amélioration de l’HbA1c ; G2,
lioration de l’HbA1c (9,4 versus 8,7 %). amélioration de la qualité de vie, sans détériorer l’équilibre glycé-
La faisabilité de l’IF chez 44 enfants, de 2 à 16 ans, a été mique ; G3, réduction de la fréquence des hypoglycémies. Dans
démontrée en 2002 par Alemzadeh et al. [36] , avec amélioration le G1 (74 patients), l’HbA1c a diminué de façon significative
de l’HbA1c, 8 ± 1,1 versus 9,3 ± 1,3 % chez les enfants prépu- (8,4 ± 1,4 versus 9 ± 1,4 % [p = 0,0004]), la baisse de l’HbA1c a
bères ; 8,2 ± 0,9 versus 9,2 ± 1 % chez les enfants pubères, avec de été supérieure ou égale à 0,5 % chez 53 % des patients. Parallèle-
l’insuline ultralente ou de la neutral protamine Hagedorn (NPH) en ment, l’autosurveillance glycémique a augmenté (3,9 ± 1,9 versus
basale, et de la lispro en préprandial. Ils ont observé également une 2,7 ± 1,4 tests par jour [p = 0,0073]). Il n’y a pas eu de variation
réduction du risque d’hypoglycémie sévère, sans augmentation pondérale, il n’y a pas eu d’augmentation de la fréquence des
pondérale. hypoglycémies. Dans le G2 (12 patients), l’HbA1c est restée stable
Ils ont également démontré la réduction du risque aux environs de 7 % ; dans le G3 (35 patients), la fréquence des
d’hypoglycémies sévères chez les très jeunes [37] enfants hypoglycémies mineures a diminué (3,2 ± 3 versus 6,6 ± 4,2 par
(4,8 ± 1 an) diabétiques type 1, grâce à l’utilisation de la glargine semaine [p < 0,001]), l’incidence des hypoglycémies sévères est
et de l’IF. Ils attribuent ce succès à l’adaptation physiologique de passée de 2,31 à 0,86 épisode par an et par patient. Treize (78 %)
l’insulinothérapie, à l’autocontrôle glycémique et aux exercices des 17 patients ayant fait au moins deux hypoglycémies sévères
pratiques pour l’ajustement des doses d’insuline. avant l’inclusion n’en ont pas refait au cours de l’année suivante.

EMC - Endocrinologie-Nutrition 9
10-366-R-35  Insulinothérapie fonctionnelle

L’HBA1c est restée stable, 7,5 %, ainsi que le poids. Dans les trois [14] Mühlhauser I, Bott U, Overmann H, Wagener W, Bender R, Jörgens
groupes, la satisfaction du traitement (Diabetes Treatment Satis- V, et al. Liberalized diet in patients with type 1 diabetes. J Intern Med
faction Questionnaire, status version [DTSQs]/Diabetes Treatment 1995;237:591–7.
Satisfaction Questionnaire, change version [DTSQc]), est amélio- [15] Delahanty L, Simkins SW, Camelon K, The DCCT research group.
rée. La qualité de vie, dans le G3, évaluée par le questionnaire Expended role of the dietician in the Diabetes control and com-
Audit of Diabetes-Dependent Quality of Life (ADDQoL), montre plicate trial: implications for clinical practice. J Am Diet Assoc
une tendance à l’amélioration avec un moindre impact du diabète. 1993;93:758–64.
[16] Gunn D, Mansell P. Glycaemic control and weight 7 years after Dose
Adjustment For Normal Eating (DAFNE) structured education in
Type 1 diabetes. Diabet Med 1996;13:536–43.
 Conclusion [17] Rankin D, Cooke D, Elliot J, Heller S, Lawton J, for the UK NIHR
DAFNE Study Group. BMC Public Health 2012;12:652.
L’IF vise à reproduire au mieux l’insulinosécrétion physiolo- [18] Masseboeuf N, Corset E, Sachon C. Diététique et insulinothérapie
fonctionnelle. Soins 2002;662:39–40.
gique qui s’adapte aux apports glucidiques variables. Elle est
[19] Rabasa-Lhoret R, Garon J, Langelier H, Poisson D, Chiasson JL.
rendue possible par une insulinothérapie basale prandiale, par Effects of meal carbohydrate content on insulin requirements in type
multiples injections sous-cutanées ou par pompe portable. Elle 1 diabetic patients treated intensively with the basal-bolus (ultralente-
nécessite une individualisation du traitement, l’acquisition de regular) insulin regimen. Diabetes Care 1999;22:667–73.
compétences par le patient et une aide aux changements de [20] Wolever TM, Bentum-Williams A, Jenkins DJ. Physiological modu-
comportements dans la vie quotidienne. Dans la mesure où le lation of plasma free fatty acid concentrations by diet. Diabetes Care
sentiment d’efficacité personnelle renforce à la fois l’estime de soi 1995;18:962–70.
et le locus de contrôle interne, il est important, dans le cadre d’un [21] Bourron O. [thèse de doctorat en médecine] soutenue le 15 octobre
travail en petits groupes de pairs, de proposer un schéma d’IF à la 2007 : effet des lipides alimentaires sur la glycémie post-prandiale
carte. Sachant que chaque malade a un rythme d’acquisition des chez le patient diabétique de type 1 : implications en insulinothérapie
compétences qui lui est propre, il semble nécessaire, dans cette fonctionnelle.
nouvelle prise en charge médicale du diabétique de type 1, d’être [22] Lodefalk M, Aman J, Bang P. Effects of fat implementation on glycae-
conscient des bienfaits mais aussi des contraintes, et d’évaluer ces mic response and gastric emptying in adolescents with Type 1 diabetes.
derniers avec les patients. Diabet Med 2008;25:1030–5.
[23] Taniguchi A, Fukushina M, Sakai M, Kataoka K, Nagata I, Doi K, et al.
The role of the body mass index and triglyceride levels in identifying
insulin-sensitive and insulin-resistant variants in Japanese non insulin-
Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en rela-
dependent diabetic patients. Metabolism 2000;49:1001–5.
tion avec cet article.
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C. Sachon, Praticien hospitalier (claude.sachon@psl.aphp.fr).


Service de diabétologie, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Sachon C. Insulinothérapie fonctionnelle. EMC - Endocrinologie-Nutrition 2014;11(2):1-11 [Article
10-366-R-35].

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EMC - Endocrinologie-Nutrition 11
 10-366-R-36

Pompe à insuline : un outil d’aujourd’hui


et de demain
J.-P. Riveline

Le traitement des diabétiques de type 1 consiste en une insulinothérapie optimisée de type « basal-bolus ».
Grâce à une administration continue d’analogue rapide de l’insuline, la pompe à insuline est aujourd’hui
un des meilleurs moyens d’obtenir un contrôle glycémique optimal. Elle est particulièrement indiquée chez
les patients diabétiques de type 1 déséquilibrés malgré un traitement par multi-injection insulinique bien
conduit. L’effet indésirable principal de ce traitement est la cétose ou l’acidocétose. Ce risque peut être
évité si les autocontrôles glycémiques sont fréquents et si, en cas d’hyperglycémie inexpliquée, une cétose
débutante est immédiatement traitée. Les pompes à insuline disposent aujourd’hui de nouveaux outils
qui pourraient augmenter leur attrait dans les années à venir : possibilité d’enregistrer les paramètres de
l’insulinothérapie fonctionnelle, centrale de commande à distance, mesures continues du glucose couplées
à la pompe, ceci en attendant l’arrivée sur le marché d’une administration automatisée d’insuline en
boucle fermée, autrement dit, un pancréas artificiel.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Diabète ; HbA1c ; Hypoglycémies ; Pompe à insuline ; Insulinothérapie fonctionnelle ;


Mesures continues du glucose

Plan discontinue, comprenant une ou deux injections par jour


d’analogue basal de l’insuline et une injection d’analogue rapide
■ Introduction 1 avant chaque repas, et la pompe à insuline.
■ Qu’est-ce qu’une pompe à insuline ? 1
Rationnel de l’utilisation d’une pompe à insuline dans le diabète
de type 1 2  Qu’est-ce qu’une pompe
La pompe à insuline fait-elle mieux que les multi-injections ? 2
Quelle insuline utiliser dans la pompe ? 2 à insuline ?
■ Indications et contre-indications de la pompe à insuline 2
Une pompe à insuline est un moteur qui perfuse en permanence
Indication du traitement par pompe à insuline 2
et à débit constant, par voie sous-cutanée, une quantité prédéfinie
Contre-indications du traitement par pompe à insuline externe 2
d’insuline rapide, classiquement un analogue rapide de l’insuline,
La sécurité sous pompe à insuline 3
par l’intermédiaire d’un cathéter.
■ Pompe à insuline : aujourd’hui et demain 3 Un adhésif maintient le cathéter à la peau. Seule une canule
Comparaison des pompes à insuline actuellement disponibles 3 souple pénètre en sous-cutané (remplacement tous les 3 jours en
Pompe à insuline externe : suivi spécialisé et prescription moyenne).
réglementés 3 La vitesse de perfusion s’appelle le « débit de base » et s’exprime
Nouveautés technologiques 3 en unités par heure. Plusieurs débits de base peuvent être program-
Avenir de la pompe à insuline : la boucle fermée 4 més dans la journée. Le patient doit, avant chaque repas, et dès
qu’une hyperglycémie l’exige, programmer en outre un « bolus »,
lequel consiste en l’administration immédiate d’un supplément
d’insuline (Fig. 1).
 Introduction Les débits de base métabolisent le glucose d’origine hépatique,
les bolus métabolisent le glucose provenant des aliments.
L’objectif du traitement du diabète de type 1 est de parve- Les pompes à insuline habituellement utilisées et remboursées
nir à un contrôle strict de la glycémie, de manière à éviter ne possèdent pas de système de mesure continue de la glycé-
les complications chroniques telles la rétinopathie, la néphro- mie. Le patient doit donc adapter les débits de base et les bolus
pathie diabétique, ou la macro-angiopathie, tout en réduisant en fonction des autocontrôles glycémiques qu’il lui appartient
la fréquence des hypoglycémies [1] . Seule une insulinothérapie de faire, idéalement quatre à six fois par jour. Le patient doit
optimisée de type « basal-bolus » peut s’approcher de cet objec- en outre changer lui-même les cathéters tous les 3 jours, voire
tif. Pour y parvenir, deux méthodes existent : l’insulinothérapie plus fréquemment si une hyperglycémie inexpliquée survient.

EMC - Endocrinologie-Nutrition 1
Volume 9 > n◦ 4 > octobre 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1941(12)44619-4
10-366-R-36  Pompe à insuline : un outil d’aujourd’hui et de demain

Elles montrent soit une équivalence en termes d’équilibre


métabolique [12] , soit une supériorité de la pompe sans majo-
Petit-déjeuner ration des hypoglycémies chez des adolescents diabétiques de
type 1 [13] ou chez des adultes, sur une courte période [14] . L’intérêt
de la pompe pour le patient diabétique de type 2 est plus
controversé [15] .
La définition de l’hypoglycémie était différente dans les deux
Insulinémie

Déjeuner Dîner
méta-analyses. Elles sont peu informatives dans ce domaine.
Bolus Bolus Bolus Toutefois, les données disponibles indiquaient que l’utilisation
de la pompe était associée à une diminution de la fréquence
des épisodes d’hypoglycémie modérée [11] , ce qui était proba-
blement lié à la moindre variabilité glycémique évaluée par la
moyenne des écart-types des glycémies [10] . Chez les patients à
Administration du DB
risque d’hypoglycémie sévère, l’utilisation de la pompe entraî-
nait une réduction importante et durable des épisodes [11] . La
qualité de vie n’a malheureusement été évaluée que dans un
4:00 8:00 12:00 16:00 20:00 24:00 4:00 8:00 nombre limité d’études, utilisant des mesures et des concepts dif-
férents [16, 17] . Il est donc difficile de tirer des conclusions définitives
Temps
dans ce domaine. Toutefois, ces quelques études ont montré que
la pompe semble avoir un effet favorable ou neutre sur la qualité
Figure 1. Débits de base (DB) programmables. de vie, la dépression et l’anxiété. La qualité de la vie sexuelle ne
semble pas (ou peu) être influencée par la présence de la pompe à
insuline [18] .
Les cathéters sont déconnectables, ce qui permet au patient de
se libérer de la pompe sur une courte durée (moins de 2 heures en
général), pour la douche par exemple. Quelle insuline utiliser dans la pompe ?
Les analogues de l’insuline rapide (lispro, aspart et glulisine)
Rationnel de l’utilisation d’une pompe ont une meilleure stabilité et une moindre tendance à la pré-
à insuline dans le diabète de type 1 cipitation que la rapide conventionnelle. Ils constituent de fait
une insuline de choix pour le traitement par pompe à insu-
Le développement de la perfusion continue d’insuline line. Renner [19] et Hanaire-Broutin [20] retrouvent une réduction
sous-cutanée par pompe à insuline externe représente une avan- modeste mais significative de l’HbA1 C sans modification du
cée importante dans le traitement du diabète. nombre d’hypoglycémies lors de l’utilisation de la lispro versus
Les pompes à insuline ont été introduites dans les années l’insuline rapide conventionnelle dans la pompe.
1970 dans le but d’obtenir un équilibre glycémique strict
chez les patients diabétiques de type 1 [2] , ceci grâce à une
libération d’insuline plus physiologique que ne le permettait  Indications et contre-indications
l’insulinothérapie classique par multi-injections.
L’utilisation exclusive d’insuline à action brève, perfusée par de la pompe à insuline
voie sous-cutanée en continu sur le même site pendant 2 à
3 jours, réduit en effet la variabilité de l’absorption d’insuline Indication du traitement par pompe
par rapport à l’insuline d’action prolongée [3, 4] . De plus, le à insuline
traitement par pompe est plus souple que les injections, en
particulier parce que plusieurs débits de base peuvent être pro- Les recommandations de bonne pratique de la Société franco-
grammés sur 24 heures et que le patient peut, si nécessaire phone du diabète (SFD) [21] indiquent l’utilisation de la pompe
et sous certaines limites, répéter les bolus sans multiplier les à insuline chez les diabétiques de type 1 ou 2 dont l’HbA1c
injections. n’est pas dans les objectifs malgré un traitement intensifié par
multi-injections (> 3 injections/j, diététique et autocontrôles gly-
cémiques adaptés) ou si l’obtention de l’objectif glycémique se fait
La pompe à insuline fait-elle mieux au prix de plus de quatre hypoglycémies modérées par semaine ou
que les multi-injections ? d’une hypoglycémie sévère par an. D’autres indications moins fré-
quentes et parfois transitoires concernent l’allergie à l’insuline ou
Plusieurs études ont montré la supériorité de la pompe com- la nécessité de stricte normoglycémie (préparation à la grossesse,
parée aux multi-injections en termes d’hémoglobine glyquée plaie du pied, neuropathie douloureuse, etc.). L’optimisation du
(HbA1c) [5–8] . Dans l’étude Diabetes Control and Complica- traitement par pompe passe par l’adaptation des doses d’insuline
tion Trial (DCCT), qui comparait les effets d’un traitement par le patient. Une autosurveillance glycémique intensive et une
intensif à ceux d’un traitement relâché sur la survenue des bonne connaissance de la gestion du schéma basal-bolus sont
complications dégénératives du diabète, les niveaux d’HbA1c deux prérequis importants pour une amélioration du contrôle gly-
dans le groupe soumis à un traitement intensif ont été cémique. La meilleure garantie de succès de ce traitement est la
significativement plus faibles avec la pompe qu’avec les multi- motivation du patient.
injections (–0,2 % à–0,4 %) [9] . Toutefois, le choix entre pompe
et injections n’était pas randomisé, mais laissé à l’appréciation
des investigateurs : les résultats étaient donc quelque peu Contre-indications du traitement par pompe
biaisés. à insuline externe
Deux méta-analyses comparant pompe et multi-injections
ont été publiées récemment, incluant respectivement 600 et Une rétinopathie ischémique susceptible de s’aggraver par
1 547 patients [10, 11] . Les conclusions sont les mêmes : la pompe à l’obtention rapide d’une normoglycémie est une contre-
insuline donne de meilleurs résultats que le traitement par multi- indication transitoire au traitement par pompe. Un examen récent
injections (insuline NPH en guise de basale), avec une réduction du fond d’œil est un prérequis indispensable avant de débuter la
de l’HbA1c de 0,4 %, combinée à une réduction des besoins en pompe à insuline. Les autres contre-indications du traitement par
insuline. pompe à insuline sont détaillées dans les recommandations de la
Peu d’études randomisées sont encore disponibles comparant SFD [21] . Elles peuvent se résumer ainsi : la pompe à insuline n’est
l’utilisation de la pompe versus un traitement par multi-injections pas indiquée, et est même contre-indiquée, chez tout patient qui
utilisant un analogue basal de l’insuline (glargine ou détémir). ne saura pas se mettre en sécurité (risque d’acidocétose en cas

2 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Pompe à insuline : un outil d’aujourd’hui et de demain  10-366-R-36

Tableau 1. Tableau 3.
Risques de cétose et acidocétose liés à la pompe à insuline. Conduite à tenir devant une hyperglycémie avec cétose en cas
d’hyperglycémie supérieure à 2,50 g/l.
Mécanisme Détection et/ou prévention
Panne mécanique ou Alarmes, autocontrôles plus Corps cétoniques Diagnostic
électronique fréquents et recherche d’acétone Conduite à tenir

Réservoir vide Alarmes Cétonurie : 0 Normal


Cétonémie : < 0,3 mmol/l Vérifier la glycémie, changer de
Occlusion de cathéters Autocontrôles plus fréquents et cathéter, vérifier l’acétone 2 heures
recherche d’acétone. Les alertes plus tard
d’occlusion sont trop tardives
Cétonémie : 0,3-0,4 mmol/l Doute
Fuite d’insuline, air, bulles Autocontrôles plus fréquents et Vérifier la glycémie, changer de
recherche d’acétone (absence cathéter, vérifier l’acétone 1 heure
d’alarme) plus tard
Cétonurie : ≥ traces Anormal
Cétonémie : ≥ 0,5 mmol/l Dose supplémentaire d’insuline
Tableau 2. rapide/2-3 heures
Conduite à tenir devant une hyperglycémie avec cétose. Dose supplé-
mentaire d’insuline rapide en pourcentage des doses quotidiennes. Cétonurie + ou cétonémie = 0,8 -1 mmol/l → 4 U d’insuline (3-5 U)
Cétonurie + + ou cétonémie = 1,6 -2 mmol/l → 8 U d’insuline (6-10 U)
Glycémie (mg/dl) Cétonurie + ++ ou cétonémie = 2,4 -3 mmol/l → 12 U d’insuline (9-15 U)
Corps cétoniques < 250 250-400 > 400
Cétonurie : 0 ou traces Pas de changement 5% 10 %
Cétonémie : < 1 mmol/l
et à avoir sur eux leur trousse d’autosurveillance (lecteur de glycé-
Cétonurie : + 0% à 5% 10 % 15 % mie, lancettes, bandelettes pour la glycémie capillaire et de corps
Cétonémie : 1-1,4 mmol/l cétoniques), un stylo d’analogue rapide et des aiguilles.
Cétonurie : ++ ou +++ 0 % à 10 % 15 % à 20 % 20 %
Cétonémie : > 1,5 mmol/l
 Pompe à insuline : aujourd’hui
d’arrêt de perfusion continue de l’insuline), à savoir : négligeant,
et demain
ne pratiquant pas suffisamment d’autosurveillance glycémique ou Comparaison des pompes à insuline
opposé au traitement.
actuellement disponibles
La sécurité sous pompe à insuline Trois pompes à insuline sont sur le marché en France : Para-
digm RT® 522/722, Spirit® et Animas® . Les fonctions de ces trois
Le risque d’hyperglycémie, de cétose ou d’acidocétose est poten- modèles sont comparables : bolus, débits de base, débits de base
tiellement plus élevé avec un traitement par pompe qu’avec temporaire. Elles ont toutes la capacité d’aider le patient à la pra-
un traitement par multi-injections [22, 23] . Un arrêt de perfusion tique de l’insulinothérapie fonctionnelle. Au moment d’un repas,
d’insuline, suite à un problème technique lié au matériel de per- le patient peut saisir la quantité de glucides dans la pompe et
fusion conduit à une carence en insuline rapide [24] . Les causes « l’assistant-bolus » calcule le bolus correspondant. Il est égale-
principales sont indiquées dans le Tableau 1. La prévention de ment possible de télécharger les mémoires de ces trois pompes
l’acidocétose dépend de la précocité de l’identification d’une dans un ordinateur de manière à visualiser l’historique.
carence en insuline, de la rapidité de la mise en œuvre des
mesures correctives et du dépannage de la cause de l’acidocétose.
Cette prévention exige l’éducation du patient par un centre Pompe à insuline externe : suivi spécialisé
expérimenté.
L’amélioration des consommables, de la stabilité de l’insuline
et prescription réglementés
et très certainement de l’éducation des patients a permis de En France, le nombre de pompes est passé de 4 500 (2 % des
réduire considérablement le nombre d’incidents en cas d’arrêt diabétiques de type 1) avant novembre 2000 à près de 9 000 actuel-
accidentel de perfusion de l’insuline. La décompensation d’un lement. Le traitement par pompe à insuline est inscrit sur la Liste
diabète se fait en trois étapes de gravité croissante selon le des produits et prestations (LPP) et remboursé à 100 % par la Sécu-
niveau de carence insulinique. Après la décompensation hyper- rité sociale depuis novembre 2000 [26] .
glycémique simple (sans acétone) survient la décompensation Cette prise en charge est assurée pour « l’administration
cétosique, puis l’acidocétose. L’éducation du patient sous pompe d’insuline pour le traitement du diabète de type 1 ou 2 ne pouvant
s’attache à éviter une acidocétose en dépistant et réagissant pré- être équilibré par multi-injections sous-cutanées d’insuline ». En
cocement à toute cétose. Toute hyperglycémie dépassant 2,50 g/l juillet 2006, un arrêté a défini les conditions d’initiation de ce trai-
doit l’amener à rechercher systématiquement une cétose dans tement [27, 28] . L’initiation doit être effectuée « en hospitalisation »,
les urines (Multistix® , Keto-Diastix® , Keto-Diabur® ) ou dans le dans un « centre initiateur ».
sang (bétacétonémie, lecteur optium Xceed® ) [25] . Si un patient La prescription de la pompe et du consommable doit se faire
diabétique de type 1 est privé d’insuline, une hyperglycémie sur- par « un médecin spécialiste en endocrinologie et métabolisme ou
vient au bout d’environ 60 minutes et une cétose apparaît au titulaire de la compétence ordinale en endocrinologie et métabo-
bout d’environ 4 heures [24] . L’acidose survient dans les heures qui lisme ou diabétologie et nutrition travaillant en concertation avec
suivent. Toute présence d’acétone impose la réalisation immé- le centre initiateur ». L’opportunité de poursuivre le traitement
diate d’une injection d’insuline ultrarapide en sous-cutané, au doit être « réévaluée tous les ans par le centre initiateur ».
stylo, puis la vérification (et le changement) de l’ensemble de la
ligne d’infusion (exemple de protocole dans les Tableaux 2 et 3).
Si nécessaire, un « schéma de remplacement » doit être repris par Nouveautés technologiques
injections sous-cutanées associant insuline basale (une injection
de Lantus® ou deux injections de Levemir® ou NPH) et insuline
Mesures continues du glucose
prandiale (insuline ultrarapide). L’autosurveillance glycémique traditionnelle connaît un cer-
De manière à prévenir les cétoses, les patients sont invités à tain nombre de limites. En particulier, elle ne peut pas renseigner
vérifier leur glycémie au moins quatre fois par jour (parfois plus) sur les événements survenant à distance des contrôles, telles

EMC - Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-R-36  Pompe à insuline : un outil d’aujourd’hui et de demain

les hypoglycémies nocturnes. Différents systèmes de mesures [2] Pickup JC, Keen H, Parsons JA, Alberti KG. Continuous subcutaneous
continues de la glycémie sont disponibles dans le monde : le insulin infusion: an approach to achieving normoglycaemia. Br Med J
Navigator® , le Dexcom® , le Paradigm real-time® . Ces systèmes 1978;1:204–7.
peuvent être portés et utilisés par les diabétiques à domicile. [3] Lepore M, Pampanelli S, Fanelli C. Pharmacokinetics and phar-
Ils renseignent en permanence ces derniers sur l’évolution de macodynamics of subcutaneous injection of long-acting human
leurs glycémies et peuvent les prévenir en cas d’hypoglycémies insulin analog glargine. NPH insulin, and ultralente human insu-
menaçantes. Ces outils, rassurants et permettant d’améliorer lin and continuous subcutaneous infusion of insulin lispro. Diabetes
l’équilibre glycémique [29–32] , sont toutefois coûteux. La pompe 2000;49:2142–8.
Paradigm RT® possède un récepteur capable d’enregistrer les [4] Heinemann L. Variability of insulin absorption and insulin action.
mesures continues du glucose issu d’un capteur sous-cutané. Mal- Diabetes Technol Ther 2002;4:673–82.
heureusement, les capteurs de glucose ne sont pour le moment pas [5] Chantelau E, Spraul M, Muhlhauser I. Long-term safety, efficacy and
side-effects of continuous subcutaneous insulin infusion treatment for
remboursés et restent à usage uniquement hospitalier. Ces outils
type 1 (insulin-dependent) diabetes mellitus: a one centre experience.
posent les jalons du pancréas artificiel attendu par beaucoup de
Diabetologia 1989;32:421–6.
diabétiques et leurs familles.
[6] Helve E, Koivisto VA, Lehtonen A, Pelkonen R, Huttunen JK, Nik-
kilä EA. A crossover comparison of continuous insulin infusion and
Extériorisation de la centrale de commande conventional injection treatment of Type I diabetes. Acta Med Scand
1987;221:385–93.
La pompe Spirit® offre au patient la possibilité d’utiliser le
[7] Mecklenburg RS, Benson Jr JW, Becker NM, Brazel PL, Fredlund PN,
Combo® qui est une télécommande indépendante de la pompe. Metz RJ, et al. Clinical use of the insulin infusion pump in 100 patients
Le patient peut alors programmer un bolus ou modifier les débits with type I diabetes. N Engl J Med 1982;307:513–8.
de base sur le Combo® , de manière discrète, sans être contraint de [8] Ronn B, Mathiesen ER, Vang L. Evaluation of insulin pump treatment
manipuler sa pompe, située parfois dans des endroits difficilement under routine conditions. Diabetes Res Clin Pract 1987;3:191–6.
accessibles en société. [9] The Diabetes Control and Complication Trial Research Group.
Implementation of treatment protocols in the Diabetes Control and
Pompes « patch » Complication Trial. Diabetes Care 1995;18:361–76.
[10] Pickup J, Mattock M, Kerry S. Glycemic control with continuous
La pompe à insuline offre certes les nombreux avantages décrits subcutaneous insulin infusion compared with intensive insulin injec-
ci-dessus mais elle a un inconvénient majeur : elle doit être portée tions in patients with type 1 diabetes: meta-analysis of randomized
par les patients en permanence, jours et nuits. Certains patients controlled trials. Br Med J 2002;324:705–8.
ressentent la pompe comme un « fil à la patte » qui leur rappelle [11] Weissberg-Benchell J, Antisdel-Lomaglio J, Seshadri R. Insulin pump
continuellement leur maladie. Ce sentiment est essentiellement therapy. A meta-analysis. Diabetes Care 2003;26:1079–87.
lié à la longueur des cathéters et peut avoir des conséquences [12] Bolli GB, Kerr D, Thomas R, Torlone E, Sola-Gazagnes A, Vitacolonna
dans la vie quotidienne, en particulier dans le domaine de leur E, et al. Comparison of a multiple daily insulin injection regimen (basal
sexualité [18] . once-daily glargine plus mealtime lispro) and continuous subcutaneous
Des pompes « patch » sans cathéter seront bientôt disponibles insulin infusion (lispro) in type 1 diabetes: a randomized open parallel
en France. C’est le cas de la pompe « Omnipod » et de la multicenter study. Diabetes Care 2009;32:1170–6.
« nano- »pompe de la société Debiotech. [13] Doyle EA, Weinzimer SA, Steffen AT, Ahern JA, Vincent M, Tambor-
lane WV. A randomized, prospective trial comparing the efficacy of
continuous subcutaneous insulin infusion with multiple daily injections
Avenir de la pompe à insuline : la boucle using insulin glargine. Diabetes Care 2004;27:1554–8.
[14] Hirsch IB, Bode BW, Garg S, Lane WS, Sussman A, Hu P, et al.
fermée Continuous subcutaneous insulin infusion (CSII) of insulin aspart
versus multiple daily injection of insulin aspart/insulin glargine in
La pompe à insuline apparaît aujourd’hui comme le meilleur
type 1 diabetic patients previously treated with CSII. Diabetes Care
traitement du diabète de type 1. Toutefois, des échecs existent, 2005;28:533–8.
même lorsque le traitement est correctement conduit. Chez ces [15] Hanaire H, Lassmann-Vague V, Jeandidier N, Renard E, Tubiana-Rufi
patients en échec de traitement par pompe à insuline, une N, Vambergue A, et al. Treatment of diabetes mellitus using an external
insulinothérapie intrapéritonéale par pompe implantable permet insulin pump: the state of the art. Diabetes Metab 2008;34:401–23.
de stabiliser parfois de manière impressionnante les glycémies. [16] Guerci B, Meyer L, Delbachian I, Kolopp M, Ziegler O, Drouin P.
L’alternative est la greffe d’îlots de Langerhans, mais cette solu- Blood glucose control on Sunday in IDDM patients: intensified conven-
tion, qui n’est pas sans risque reste confidentielle en raison de tional insulin therapy versus continuous subcutaneous insulin infusion.
son coût, du manque de donneurs et du risque d’échec. Diabetes Res Clin Pract 1998;40:175–80.
L’avenir des pompes à insuline réside dans l’administration [17] Riveline JP, Jollois FX, Messaoudi N, Franc S, Lagarde F, Lormeau B,
automatisée d’insuline en boucle fermée, autrement dit une admi- et al. Insulin-pump use in everyday practice: data from an exhaustive
nistration d’insuline automatiquement calculée en fonction de regional registry in France. Diabetes Metab 2008;34:132–9.
mesures continues de glycémie. Cet outil existe déjà et a été [18] Riveline JP, Franc S, Biedzinski M, Jollois FX, Messaoudi N, Lagarde
testé [33–35] . Les résultats métaboliques sont satisfaisants à jeun. En F, et al. Sexual activity in diabetic patients treated by continuous sub-
revanche, un déséquilibre post-prandial est observé en raison de cutaneous insulin infusion therapy. Diabetes Metab 2010;36:229–33.
la latence du système. Les résultats sont donc prometteurs, en par- [19] Renner R, Pfützner A, Trautmann M. Use of insulin lispro in
ticulier à jeun. Il est donc permis d’espérer qu’un jour nos patients continuous subcutaneous insulin infusion treatment. Diabetes Care
dispose d’une administration automatique d’insuline ... au moins 1999;22:784–8.
nocturne. [20] Hanaire-Broutin H, Melki V, Bessières-Lacombe S, Tauber JP, The
Study Group for the Development of Pump Therapy in Diabetes.
Comparison of continuous subcutaneous insulin infusion and mul-
Conflit d’intérêt : l’auteur a été consultant et a été rémunéré pour des tiple daily injection regimens using insulin lispro in type 1 diabetic
présentations par les sociétés Abbott Diabetes Care, LifeScan, Sanofi-Aventis, patients on intensified treatment: a randomized study. Diabetes Care
Novonordisk et Eli Lilly. 2000;23:1232–5.
[21] Lassmann-Vague V, Clavel S, Guerci B, Hanaire H, Leroy R, Loeuille
GA, et al. When to treat a diabetic patient using an external insulin
pump. Expert consensus. Société francophone du diabète (ex ALFE-
 Références DIAM) 2009. Diabetes Metab 2010;36:79–85.
[22] Pickup J, Keen H. Continuous subcutaneous insulin infusion at 25
[1] The Diabetes Control and Complications Trial Research Group. The years: evidence base for the expanding use of insulin pump therapy in
effect of intensive treatment of diabetes on the development and pro- type 1 diabetes. Diabetes Care 2002;25:593–8.
gression of long-term complications in insulin-dependent diabetes [23] Guerci B. Acute complications of insulin pump therapy. Diabetes Res
mellitus. N Engl J Med 1993;329:977–86. Clin Pract 2006;74(suppl2):S104–7.

4 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Pompe à insuline : un outil d’aujourd’hui et de demain  10-366-R-36

[24] Guerci B, Fougnot S, Benichou M. Comparison of metabolic dete- [30] Tamborlane WV, Beck RW, Bode BW, Buckingham B, Chase HP, Cle-
rioration between insulin analog and regular insulin after a 5-hour mons R, et al. Continuous glucose monitoring and intensive treatment
interruption of a continuous subcutaneous insulin infusion in type 1 of type 1 diabetes. N Engl J Med 2008;359:1464–76.
diabetic patients. J Clin Endocrinol Metab 1999;84:2673–8. [31] Raccah D, Sulmont V, Reznik Y, Guerci B, Renard E, Hanaire H,
[25] Guerci B, Benichou M, Floriot M, Bohme P, Fougnot S, Franck P, et al. Incremental value of continuous glucose monitoring when starting
et al. Accuracy of an electrochemical sensor for measuring capillary pump therapy in patients with poorly controlled type 1 diabetes: The
blood ketones by fingerstick samples during metabolic deterioration RealTrend study. Diabetes Care 2009;32:2245–50.
after continuous subcutaneous insulin infusion interruption in type 1 [32] Riveline JP, Schaepelynck P, Chaillous L, for the “EVADIAC Sensor
diabetic patients. Diabetes Care 2003;26:1137–41. Study Group”. Assessment of patient-led or physician-driven Conti-
[26] Arrêté du 10 novembre 2000 modifiant le titre 1er du tarif intermi- nuous Glucose Monitoring (CGM) in patients with poorly-controlled
nistériel des prestations sanitaires et relatif aux systèmes actifs pour type-1 diabetes using basal-bolus insulin regimens: A one-year multi-
perfusion à domicile. JO n◦ 268 du 19 novembre 2000. p. 18410. center study. Diabetes Care 2012; (in press).
http://www.legifrance.gouv.fr. [33] Steil GM, Rebrin K, Darwin C, Hariri F, Saad MF. Feasibility of auto-
[27] Arrêté du 17/07/2006 relatif à la modification de la nomenclature mating insulin delivery for the treatment of type 1 diabetes. Diabetes
relative aux pompes à insuline externes, portables et programmables 2006;55:3344–50.
inscrites au chapitre 1er du titre de la liste des produits et prestations [34] Weinzimer SA, Steil GM, Swan KL, Dziura J, Kurtz N, Tam-
remboursables prévue à l’article L.165-1 du code de la Sécurité Sociale. borlane WV. Fully automated closed-loop insulin delivery versus
http://www.legifrance.gouv.fr. semiautomated hybrid control in pediatric patients with type 1
[28] Arrêté du 11 décembre 2008. JO du 17 décembre 2008. http://www. diabetes using an artificial pancreas. Diabetes Care 2008;31:
legifrance.gouv.fr. 934–9.
[29] Deiss D, Bolinder J, Riveline JP, Battelino T, Bosi E, Tubiana-Rufi N, [35] Renard E, Place J, Cantwell M, Chevassus H, Palerm CC. Closed-loop
et al. Improved glycemic control in poorly controlled patients with type insulin delivery using a subcutaneous glucose sensor and intraperi-
1 diabetes using real-time continuous glucose monitoring. Diabetes toneal insulin delivery: feasibility study testing a new model for the
Care 2006;29:2730–2. artificial pancreas. Diabetes Care 2010;33:121–7.

J.-P. Riveline (riveline.jeanpierre@neuf.fr).


Centre hospitalier Sud Francilien, 59, boulevard Henri-Dunant, 91106 Corbeil-Essonnes, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Riveline J-P. Pompe à insuline : un outil d’aujourd’hui et de demain. EMC - Endocrinologie-Nutrition
2012;9(4):1-5 [Article 10-366-R-36].

Disponibles sur www.em-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

EMC - Endocrinologie-Nutrition 5
 10-366-R-37

Hypoglycémies chez les patients


diabétiques
S. Halimi

Les hypoglycémies sont des complications aiguës inhérentes à la recherche d’un bon contrôle glycémique
chez les diabétiques de type 1 puisque tous traités par insuline. Ces accidents métaboliques peuvent
constituer un obstacle à l’atteinte de cet objectif, grandement altérer leur qualité de vie et les limiter
dans leurs choix professionnels ou leurs loisirs. Les hypoglycémies peuvent entraîner chez eux des acci-
dents graves, voire exceptionnellement des décès. La recherche offre aujourd’hui des solutions, comme
de nouvelles insulines permettant de réduire la fréquence des hypoglycémies pour un même niveau gly-
cémique atteint (HbA1c ) et surtout des développements technologiques, capteurs utilisés seuls ou couplés
aux pompes à insuline alertant le patient et/ou interrompant transitoirement la délivrance d’insuline.
L’approche éducative reste néanmoins indispensable en ce domaine. Chez les diabétiques de type 2, les
hypoglycémies surviennent chez les patients traités par insuline et posent le même type de problème.
Pour les diabétiques de type 2 traités par sulfonylurées ou glinides, les hypoglycémies sont aujourd’hui
mieux reconnues quant à leur fréquence et leur sévérité. Chez ces patients souvent âgés, un lien entre
hypoglycémies sévères et surrisque de mortalité, en particulier cardiovasculaire, est aujourd’hui forte-
ment suspecté. La question posée chez les diabétiques de type 2 ne recevant pas d’insuline est l’existence
d’alternatives thérapeutiques, nouveaux antidiabétiques oraux ou injectables dont le coût est toutefois
sensiblement plus élevé et en limite l’usage. D’une manière générale, la fréquence des hypoglycémies a
longtemps été sous-estimée, surtout chez les diabétiques de type 2, et leur recherche systématique ainsi
que leur prévention sont aujourd’hui un des fondements de nos choix d’objectifs et de traitement. Ceux-ci
doivent tenir compte de la fragilité de chaque patient, de son risque hypoglycémique et donc aboutir à
des objectifs individualisés sans négliger le rôle incontournable des mesures éducatives.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Hypoglycémies ; Diabète ; Insuline ; Sulfonylurées ; Glinides

Plan ■ Hypoglycémies et risque cardiovasculaire du diabétique


de type 2 6
■ Introduction 1 ACCORD, VADT et ADVANCE : origine du débat 6
Hypoglycémies sévères : cause de décès ou marqueur de fragilité 7
■ Définitions cliniques et biologiques 2 Leçons à retenir 7
Définition la plus utilisée 2 Conséquences : individualisation des objectifs et traitements
Classification par sévérité 2 Statement American Diabetes Association (ADA)-European
■ Mécanismes et symptomatologie clinique à l’état Association for the Study of Diabetes (EASD) 8
physiologique 2 ■ Prévention des hypoglycémies 8
Symptomatologie 2
■ Conclusion 9
Mécanismes physiologiques de réponse hormonale
à l’hypoglycémie 3
■ Mécanismes et symptomatologie chez les patients diabétiques 3

 Introduction
Causes 3
Hypoglycémies asymptomatiques et leurs causes 3
■ Hypoglycémies chez les diabétiques de type 1 4
Les hypoglycémies représentent un enjeu majeur chez tous les
Fréquence des hypoglycémies chez les diabétiques de type 1 4
diabétiques traités par insuline, sulfamides hypoglycémiants ou
Hypoglycémies sévères 4
glinides. En effet chez les diabétiques de type 1 insulinodépen-
Conséquences cognitives et mnésiques des hypoglycémies
dants, le risque d’hypoglycémies, surtout sévères, est considéré
à long terme 4
comme un obstacle à l’obtention d’un contrôle glycémique qui
■ Hypoglycémies chez les patients diabétiques de type 2 5 les mette à l’abri des complications de l’hyperglycémie chro-
Prévalence 5 nique. C’est en même temps une entrave à une vie normale,
Hypoglycémies : hospitalisations et coûts de santé 5 en particulier chez les enfants et les adolescents [1, 2] . Longtemps,
Causes des hypoglycémies chez les diabétiques de type 2 5 l’hypoglycémie a été perçue comme une complication quasi

EMC - Endocrinologie-Nutrition 1
Volume 13 > n◦ 1 > janvier 2016
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1941(15)67777-0
10-366-R-37  Hypoglycémies chez les patients diabétiques

exclusive de l’insulinothérapie dans le diabète de type 1 (DT1) et Tableau 1.


le prix obligatoire à payer pour l’obtention d’un bon équilibre Hypoglycémies chez les personnes diabétiques. Classification du groupe
glycémique. En effet, dans les années 1990 l’étude d’intervention de travail American Diabetes Association [8] .
Diabetes Control and Complications Trial (DCCT) dans le DT1 a Hypoglycémies sévères : tout événement requérant l’assistance d’une
mis en évidence une relation inverse entre le taux d’hémoglobine tierce personne pour aider le patient par l’administration de glucides ou
glyquée (HbA1c ) et le risque d’hypoglycémies [3–9] . Les hypogly- de glucagon. La confirmation glycémique n’est pas nécessaire ici, la
cémies demeurent, pour la plupart des patients diabétiques de correction de l’état neurologique, surtout l’état de conscience du
type 1, le principal handicap de la vie quotidienne lié au traite- patient, par ces mesures, est suffisante pour retenir le diagnostic, même
ment de la maladie [9] . Pour les patients diabétiques de type 2, plus en l’absence de confirmation glycémique
âgés, la question des hypoglycémies a longtemps été considérée Hypoglycémies documentées : événement durant lequel les
comme assez marginale [10] . Plus récemment le risque hypoglycé- symptômes caractéristiques de l’hypoglycémie sont accompagnés d’une
mique au cours du traitement intensif du diabète de type 2 a été à mesure de la glycémie ≤ 70 mg/dl (3,9 mmol/l)
l’origine d’un débat sur l’évaluation du rapport bénéfice-risque Hypoglycémies asymptomatiques : événement non accompagné des
du contrôle strict de la glycémie chez ces patients : réduction symptômes caractéristiques de l’hypoglycémie mais avec une mesure de
des complications micro- et macrovasculaires du diabète contre la glycémie ≤ 70 mg/dl (3,9 mmol/l)
risque d’augmentation de la morbimortalité secondaire aux hypo-
Hypoglycémies probables asymptomatiques : événement durant
glycémies [11–14] . Un débat animé s’est développé depuis plusieurs
lequel les symptômes sont caractéristiques de l’hypoglycémie mais sans
années sur l’existence ou non d’un lien de causalité entre hypogly- confirmation par la mesure de la glycémie (mais suspecté d’être causé
cémie et morbimortalité cardiovasculaire dans les grandes études par une glycémie ≤ 70 mg/dl [3,9 mmol/l])
d’intervention Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes
Hypoglycémies relatives : événement durant lequel une personne
(ACCORD), Action in Diabetes and Vascular Disease (ADVANCE)
porteuse d’un diabète rapporte des symptômes caractéristiques de
et Veterans Affairs Diabetes Trial (VADT) [15, 16] .
l’hypoglycémie et qu’il interprète comme indicatif d’une hypoglycémie,
Les hypoglycémies des diabétiques sont des événements iatro- avec une mesure de la glycémie > 70 mg/dl (3,9 mmol/l) mais proche de
gènes mais elles se distinguent d’autres effets secondaires des ce niveau
médicaments (comme les allergies, la néphro- ou l’hépatotoxicité)
par le fait qu’elles sont inhérentes à l’action du médicament
lui-même : insuline ou anciens antidiabétiques oraux insulino-
sécréteurs. Elles ne sont donc jamais totalement évitables. Pour prévenir une hypoglycémie symptomatique d’autant qu’il existe
les patients non insulinotraités, le risque hypoglycémique est au une imprécision relative des lecteurs de glycémie dans les valeurs
cœur des controverses sur le choix entre les anciens insulino- basses [8] .
sécréteurs exposant au risque d’hypoglycémie et les nouveaux
antidiabétiques dénués de ce risque. Ce débat complexe doit égale- Classification par sévérité (Tableau 1)
ment prendre en compte la puissance d’action hypoglycémiante
des nouveaux antidiabétiques, leur effet sur le poids, leur éven- Il existe également une classification clinique des hypoglycé-
tuelle action spécifique sur le plan cardiovasculaire, leur sécurité mies distinguant les hypoglycémies sévères, les hypoglycémies
à moyen et long terme et leur coût justifiant une évaluation médi- documentées symptomatiques ou asymptomatiques, les hypogly-
coéconomique [17] . cémies symptomatiques probables et les hypoglycémies relatives
(Tableau 1). On insiste particulièrement sur les hypoglycémies
sévères définies comme tout événement requérant l’assistance
d’une tierce personne pour assurer le retour à un état neurolo-
 Définitions cliniques gique et particulièrement à un état de conscience normal grâce
et biologiques à l’administration de glucides ou de glucagon, et ce même en
l’absence de confirmation du taux de glycémie.
Sur le plan biologique, la définition des hypoglycémies varie
selon les sociétés savantes. Ces différences de définition rendent
les études de prévalence des événements hypoglycémiques par-
 Mécanismes et symptomatologie
fois difficilement comparables [8] . Au plan clinique, les choses sont clinique à l’état physiologique
aussi délicates puisque la symptomatologie varie d’un individu à
l’autre, selon la fréquence des hypoglycémies et selon l’âge des Symptomatologie
patients.
La symptomatologie chez les patients diabétiques ne se dis-
tingue pas, a priori, de celle rencontrée chez des sujets non
Définition la plus utilisée diabétiques : des signes liés à la neuroglucopénie (traduction
d’un manque de glucose pour le cerveau) et ceux qualifiés
La Société américaine du diabète (American Diabetes Asso- d’adrénergiques ou de neurovégétatifs (réponse à l’hypoglycémie
ciation [ADA]) considère que toute valeur égale ou inférieure à du système sympathique et parasympathique et sécrétion
70 mg/dl (3,9 mmol/l) est une hypoglycémie chez un sujet dia- d’adrénaline par les surrénales) [1, 2, 8] . Les signes de neurogluco-
bétique [8] . Cette valeur est retenue pour deux raisons : c’est la pénie se manifestent par une asthénie intense, des changements
limite inférieure de la glycémie normale mesurée à distance des de l’humeur et/ou du comportement, une confusion, un état
repas chez un sujet non diabétique et c’est le seuil d’activation des pseudoébrieux, une diplopie, des troubles psychomoteurs, voire
mécanismes de contre-régulation activés par l’hypoglycémie [1, 8] . pour des niveaux de glycémie plus bas, une comitialité et/ou un
Cette valeur seuil est toutefois plus haute que celle nécessaire au coma. Les manifestations adrénergiques se traduisent par des pal-
déclenchement des symptômes d’hypoglycémies ou à l’altération pitations, des tremblements, un état d’anxiété, des sueurs, des
des fonctions supérieures chez des sujets non diabétiques. Mais céphalées. La sensation de faim a ses origines au niveau central
ces valeurs sont abaissées chez les sujets diabétiques qui pré- comme périphérique. Avec la pâleur, les nausées, les bâillements,
sentent des hypoglycémies récurrentes [1, 2, 8] . À l’inverse, chez des les picotements des extrémités, la piloérection (chaire de poule)
patients diabétiques mal équilibrés restés longtemps en hyper- et en partie la sudation, elle a une origine principalement choli-
glycémie, les valeurs de glycémie déclenchant des symptômes nergique. Les signes d’alerte sont surtout d’ordre neurovégétatif
neurovégétatifs d’allure hypoglycémique sont souvent beaucoup mais ces symptômes peuvent être très amoindris chez des patients
plus élevées. On parle de pseudohypoglycémies liées à une diabétiques âgés ou ayant un diabète ancien ou surtout chez les
baisse rapide de la glycémie sans atteindre les seuils décrits plus patients faisant des hypoglycémies à répétition. Les manifesta-
haut. tions de neuroglucopénie sont alors en première ligne, encore
La valeur de 70 mg/dl (3,9 mmol/l) a aussi été choisie pour lais- faut-il que le patient arrive à les interpréter et soit capable de se
ser le temps au patient de prendre les mesures nécessaires pour resucrer [1, 18] .

2 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Hypoglycémies chez les patients diabétiques  10-366-R-37

Mécanismes physiologiques de réponse Tableau 2.


Mécanismes des hypoglycémies chez les patients diabétiques.
hormonale à l’hypoglycémie
Risques entraînés par l’excès d’insuline (relatif ou absolu)
À l’état physiologique, une chute de la glycémie entraîne Traitement par insuline ou insulinosécréteurs (sulfonylurées et glinides)
une diminution de l’insulinémie par réduction de la sécrétion à dose excessive ou administrés à un mauvais moment ou mal choisi
d’insuline, une augmentation de sécrétion de glucagon, puis une pour un patient donné
riposte adrénergique (adrénaline et noradrénaline) [1, 2, 8] , enfin Apport de glucides insuffisant : repas sauté, durant la nuit, jeûne
une augmentation de sécrétion du cortisol et de l’hormone
Utilisation du glucose importante : durant un effort physique ou juste
de croissance. La baisse de l’insulinémie d’abord conduit à
après
l’augmentation de la production hépatique (et rénale) de glu-
cose et à une baisse de l’utilisation de glucose par les tissus Baisse de production endogène de glucose : après ingestion d’alcool
périphériques insulinosensibles, en particulier les tissus muscu- Excès de sensibilité à l’insuline : milieu de nuit, à distance d’un effort,
laires et adipeux. Puis l’augmentation du glucagon stimule la en période de perte de poids, d’entraînement physique régulier ou
glycogénolyse hépatique. Lorsque la glycémie atteint 55 mg/dl, d’amélioration du contrôle glycémique
l’insulinosécrétion est pratiquement totalement suspendue (insu- Baisse de la clairance de l’insuline : par exemple en cas d’insuffisance
linémie < 3 ␮U/ml [18 pmol/l], C-peptide < 0,6 ng/ml [0,2 nmol/l], rénale
et pro-insulinémie < 5,0 pmol/l) [1] . La troisième ligne est représen-
tée par la sécrétion de noradrénaline et d’adrénaline qui stimulent
la production de glucose endogène (foie et rein), la mobilisa- Tableau 3.
tion des substrats de la néoglucogenèse (lactate, acides aminés et Hypoglycémies associées à un défaut de réponse adrénergique.
glycérol) et freinent la sécrétion d’insuline. Elle devient critique
en cas de déficit de la réponse du glucagon à l’hypoglycémie. Défaut absolu d’insuline
Contrairement à ce qui se passe pour la sécrétion d’insuline Antécédent d’hypoglycémies sévères ou asymptomatiques, ou les deux,
et de glucagon essentiellement régulée par le taux de glucose ou d’hypoglycémies sévères récentes et répétées, exercice physique
dans les cellules de l’îlot de Langerhans, la réponse adrénergique récent ou sommeil
est régulée au niveau du système nerveux central. Toutes ces Sujets âgés
défenses peuvent être profondément altérées chez les diabétiques Objectifs glycémiques très stricts (objectifs glycémiques et d’HbA1c très
de type 1 et chez les diabétiques de type 2 ayant grande ancien- bas) et/ou répétition des épisodes hypoglycémiques
neté d’évolution (i.e. dont la sécrétion d’insuline est extrêmement
faible). L’insulinopénie s’accompagne en effet d’un défaut de la HbA1c : hémoglobine glyquée.
réponse du glucagon à l’hypoglycémie. On évoque le rôle para-
crine de l’insuline sur la sécrétion de glucagon par les cellules
Tableau 4.
alpha.
Facteurs favorisant les hypoglycémies chez les patients diabétiques.
Niveau socioéconomique (éducation, ethnies)

 Mécanismes et symptomatologie Vieillissement


Statut du diabète : ancienneté, niveau HbA1c , IMC
chez les patients diabétiques Statut cognitif et fonctions supérieures
Comorbidités
Causes (Tableau 2)
Défaillances d’organes ayant un effet sur la clairance de l’insuline ou des
Du fait de leur pharmacocinétique, les insulines et les antidiabétiques (insuffisance rénale, hépatocellulaire, cardiaque)
antidiabétiques oraux qui agissent par une stimulation de Déficit du système neurologique autonome
l’insulinosécrétion non asservie à la glycémie (sulfonylurées
et glinides) peuvent provoquer des phases d’hyperinsulinémie IMC : indice de masse corporelle ; HbA1c : hémoglobine glyquée.
et conséquemment des accès d’hypoglycémie [19] . La détériora-
tion des mécanismes physiologiques de défense, l’altération des
après la fin de l’effort, volontiers la nuit. De plus le sommeil est
symptômes d’alerte et en conséquence le défaut de réaction
un facteur qui réduit la réponse adrénergique et en diminue la
comportementale peuvent conduire à des hypoglycémies pro-
perception. Le rôle de la répétition des épisodes d’hypoglycémies
fondes. Ainsi chez un sujet ayant un DT1 dont l’insulinosécrétion
est bien étayé aujourd’hui et plusieurs équipes ont montré que
résiduelle est presque totalement tarie, les taux d’insuline circu-
l’absence de toute hypoglycémie pendant 2 à 3 semaines permet
lante d’origine exogène ne diminuent pas tandis que la sécrétion
de faire réapparaître la perception clinique des hypoglycémies [20] .
de glucagon est insuffisante ou absente [1] . Ces deux premiers
Il s’agit donc d’un trouble au moins en partie fonctionnel et réver-
mécanismes de défense faisant défaut, une réponse adrénergique
sible, mais qui peut dans certains cas s’avérer structurel et fixé.
insuffisante devient alors le maillon critique à l’origine du très
Toutefois, l’hypothèse longtemps avancée d’une responsabilité
haut risque d’hypoglycémie iatrogène sévère. Ce défaut plus ou
de la neuropathie autonome diabétique à l’origine du défaut de
moins profond de réponse neurovégétative est à l’origine des
perception de l’hypoglycémie n’est plus actuellement retenue [21] .
hypoglycémies a- ou paucisymptomatiques. L’absence de symp-
Depuis longtemps on considère l’hypothalamus comme le centre
tômes multiplie par six le risque d’hypoglycémies très sévères (i.e.,
où sont intégrés les messages secondaires à la chute glycémique
nécessitant l’aide d’une tierce personne).
qui aboutissent à la réponse neuroendocrinienne. Des signaux
via le thalamus peuvent venir contrecarrer la réponse hypotha-
lamique. Le défaut de réponse adrénergique suite à la répétition
Hypoglycémies asymptomatiques d’hypoglycémies apparaît comme un phénomène à la fois adap-
et leurs causes (Tableau 3) tatif et mal adaptatif. Chez les patients diabétiques de type 1,
dont les glycémies sont fréquemment basses, la tolérance cogni-
Répétition des hypoglycémies tive (bon état de conscience et bonne réactivité comportementale)
Le sommeil ou un exercice physique intense dans les heures est très remarquable, témoignant d’un accroissement des capaci-
précédentes peuvent réduire les symptômes neurovégétatifs tés de transport intracérébrales du glucose. Mais l’abaissement du
d’hypoglycémie. De même, le fait d’avoir présenté récemment une seuil de perception de l’hypoglycémie réduit considérablement
hypoglycémie peut émousser la réponse adrénergique et induire la marge de sécurité pendant laquelle le patient peut réagir pour
ainsi un cercle vicieux facilitant la survenue de nouvelles hypo- éviter le coma. De fait la perte de perception des hypoglycémies
glycémies non ressenties [1, 2] . Les hypoglycémies qui suivent un accroît le risque d’hypoglycémies sévères de 25 fois en cas de trai-
effort important soutenu se produisent en général 6 à 15 heures tement insulinique intensif (in [8] ) (Tableau 4).

EMC - Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-R-37  Hypoglycémies chez les patients diabétiques

Rôle de l’âge Conséquences graves des hypoglycémies sévères


Il faut insister sur le rôle du grand âge qui peut rendre le diag- « Dead in bed syndrome »
nostic particulièrement difficile. Les troubles cognitifs provoqués Le dead in bed syndrome est une situation dramatique heu-
par les hypoglycémies sont parfois confondus avec ceux dus à reusement très exceptionnelle [32] . Il s’agit d’un décès survenu
une détérioration des fonctions supérieures liée à l’âge. De plus brutalement la nuit chez un jeune diabétique de type 1. En par-
on sait aujourd’hui que la réponse adrénergique est émoussée faite santé la veille, on le retrouve le matin « mort dans son lit »,
chez les sujets âgés [18] . C’est pourquoi les hypoglycémies asymp- sans signe d’agitation, ni perte d’urines, ni sudation. Ces décès tra-
tomatiques sont particulièrement à craindre chez les sujets âgés, giques, sans témoin, ne retrouvent aucune cause plausible autre
en raison des conséquences graves qu’elles peuvent entraîner : qu’un trouble du rythme cardiaque ventriculaire lié à un allonge-
chutes traumatiques, accidents cardiovasculaires, séquelles neu- ment de QT induit par l’hypoglycémie et survenant probablement
rologiques ou neuropsychologiques, auxquels il faut ajouter un sur un terrain génétiquement prédisposé. En somme il s’agirait
surrisque de mortalité globale et de démence suspecté depuis d’un trouble potentiel révélé par à une hypoglycémie nocturne
quelques années [22–29] . comme en témoignent quelques très rares enregistrements conti-
nus simultanés de la glycémie et du rythme cardiaque [33] . Ces
accidents sont beaucoup moins observés aujourd’hui probable-
ment depuis les progrès accomplis dans la prise en charge des
 Hypoglycémies jeunes patients DT1 [34] .
chez les diabétiques de type 1 Hypoglycémies et risque accru de décès
Les hypoglycémies sévères peuvent être fatales en dehors de
Fréquence des hypoglycémies ce très rare syndrome. Certains estiment que 4 à 10 % des décès
chez les diabétiques de type 1 des patients DT1 sont consécutifs à une hypoglycémie (in [8] ).
Les séquelles neurologiques ou cardiovasculaires des hypoglycé-
Dans les années 1990, l’étude d’intervention DCCT dans le DT1 mies sévères restent très exceptionnelles chez des sujets encore
a mis en évidence une relation inverse entre l’HbA1c et le risque jeunes [34] .
d’hypoglycémies [3] . Indépendamment de leur sévérité, leur fré-
quence est difficile à apprécier pour diverses raisons : outre la Hypoglycémies sévères et diabètes instables
variabilité des critères biologiques et cliniques selon les études Certains patients présentent une grande instabilité glycémique
et les sociétés savantes, il faut insister sur la non-perception avec alternance d’épisodes d’hypoglycémies très sévères, pluri-
par les patients d’un nombre important d’entre elles et sur la quotidiens et des poussées hyperglycémiques majeures. Il s’agit
sous-estimation d’appréciation rétrospective de la fréquence des en général de DT1 de très longue ancienneté, sans aucune insu-
hypoglycémies symptomatiques par les patients [8] . Les hypogly- linosécrétion endogène résiduelle et présentant une très grande
cémies sévères sont cependant mieux quantifiées dans la mesure sensibilité à l’insuline. Ces diabètes instables peuvent provoquer
où elles supposent l’intervention d’une tierce personne. Elles sur- une incapacité fonctionnelle sévère avec un pronostic à court ou
viendraient au moins une à deux fois par an chez tous les patients moyen terme très défavorable. Ce contexte clinique peut amener
DT1 (in [8] ). Mais ce chiffre est considéré par beaucoup d’experts à discuter l’indication d’une transplantation d’îlots de Lange-
et par l’entourage des patients comme très en deçà de la réa- rhans [35, 36] .
lité. Une étude internationale récente retient que trois quarts
des patients DT1 ont rapporté la survenue dans les 12 derniers Risques professionnels et conduite automobile
mois d’au moins un épisode hypoglycémique modéré par mois et Les hypoglycémies exposent à un surrisque d’accidents en par-
pour 20 % un épisode quotidien, et en moyenne chaque patient ticulier lors de la pratique de certains métiers nécessitant une
a rapporté deux à trois hypoglycémies sévères par an [9, 19, 30, 31] . parfaite vigilance et de la pratique de certains sports. Ceci est à
Cette même étude souligne que l’entourage des patients rap- l’origine de certaines limitations ou interdictions d’exercice pro-
porte en moyenne deux à trois fois plus d’hypoglycémies sévères fessionnel, de réglementations strictes au sujet de la conduite de
que le patient lui-même [9] . Une étude observationnelle pros- certains véhicules, d’obligations de déclarations pour des polices
pective française (DIALOG), menée chez 1509 patients DT1, d’assurances, de mesures de précaution concernant la pratique de
retient que sur le dernier mois, 85,3 % de patients ont présenté certains sports à risque ou en solitaire [34, 37] .
au moins un épisode hypoglycémique (< 0,70 g/l) et 13,4 % au
moins un événement sévère, soit des milliers d’épisodes dans
une vie [31] .
Conséquences cognitives et mnésiques
Il convient de rappeler que dans un grand nombre d’études, le des hypoglycémies à long terme
premier facteur de risque de présenter des hypoglycémies sévères,
peu symptomatiques, est le fait d’avoir présenté précédemment Les conséquences à long terme des hypoglycémies sévères
plusieurs épisodes d’hypoglycémies sévères [8, 19, 30] . et répétées, sur les fonctions supérieures, troubles mnésiques
comme cognitifs, ont été très étudiées et font l’objet d’un débat
qui remonte à l’introduction de l’insuline. Ces conséquences
sont particulièrement redoutées chez les jeunes patients dont le
Hypoglycémies sévères développement cérébral est en cours. En revanche, les données
épidémiologiques issues de l’étude DCCT suggèrent que chez les
Hypoglycémies sévères nocturnes jeunes adultes atteints de DT1, les épisodes d’hypoglycémie sévère
Les formes nocturnes sévères sont fréquentes et constituent un ne sont pas associés à un surrisque de déficit cognitif durant les
enjeu majeur. Elles réveillent souvent les patients mais sont encore 18 années de suivi jusqu’à l’âge de 45 ans en moyenne [3, 4, 38, 39] .
plus souvent non ressenties [32] . Elles sont redoutées par le patient Ceci confirme les résultats de travaux plus anciens [38] .
comme par son entourage dont elles peuvent altérer sérieuse- En revanche depuis un peu plus d’une décennie, nous assis-
ment la qualité de vie [8, 9] . Les personnes les plus à risque sont les tons à une diminution considérable de l’âge d’apparition du DT1
patients visant un contrôle glycémique très strict avec une glycé- de l’enfant, avec une augmentation des cas survenant entre 1
mie à jeun inférieure à 1,20 g/l ou à l’inverse les patients ayant un à 6 ans [40] . Quelles peuvent être les conséquences des hypogly-
rythme de vie irrégulier et faisant peu ou pas de contrôles de gly- cémies sur la maturation cérébrale de ces très jeunes enfants ?
cémie capillaire et pas de contrôle au coucher. Chez les enfants et La question est trop récente pour disposer de la réponse [40] . À
les adolescents dont le rythme de vie et l’activité physique sont à l’inverse, les hypoglycémies pourraient avoir un effet plus marqué
la fois très variables et peu programmables et dont l’alimentation sur les fonctions supérieures des sujets âgés de plus de 70 ans.
peut être irrégulière, la question des hypoglycémies, y compris D’une manière générale les hypoglycémies sont responsables
nocturnes, est une préoccupation importante et angoissante pour d’une altération de la qualité de vie des personnes ayant un
les parents [5] . DT1 pour lesquelles elles représentent parfois un authentique

4 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Hypoglycémies chez les patients diabétiques  10-366-R-37

handicap [1, 9] . Ces constats expliquent les espoirs fondés dans Group, chez des diabétiques de type 2, la fréquence des hypogly-
des avancées technologiques en mesure de réduire les risques cémies durant les deux premières années suivant l’instauration
d’hypoglycémies en particulier nocturnes. Nouvelles insulines [41] de l’insuline reste similaire à celle antérieurement enregistrée
ayant de meilleures caractéristiques pharmacodynamiques mais sous sulfamides hypoglycémiants, mais cette fréquence augmente
d’un coût plus élevé, surtout capteurs mesurant la glycémie en après cinq années d’insulinothérapie [19] . Dans l’étude française
continu et pompes à insuline couplées à ces capteurs susceptibles DIALOG chez 2509 diabétiques de type 2 insulinotraités (âge
de fonctionner en « boucle semi-fermée » [42] . Ces progrès techno- moyen 66,3 ± 11,0 ans), dont un quart âgé de 75 ans ou plus, le
logiques ne doivent cependant pas faire oublier le rôle majeur de suivi prospectif montre que 43,6 % des patients rapportent, sur
l’éducation thérapeutique qui devrait être une priorité [43] . un mois, au moins une hypoglycémie et 6,4 % au moins une
hypoglycémie sévère [31] .

 Hypoglycémies chez les patients Hypoglycémies : hospitalisations et coûts


diabétiques de type 2 de santé
Longtemps sous-estimées quant à leur fréquence et à leur Les conséquences médicoéconomiques des hypoglycémies chez
gravité, les hypoglycémies chez les diabétiques de type 2 font les diabétiques de type 2 sont aujourd’hui reconnues comme
aujourd’hui l’objet de très nombreuses études chez les patients importantes. L’évaluation de ces coûts fait l’objet de très nom-
traités par antidiabétiques oraux et/ou insuline. Trois éléments breuses études, mais demeure difficile puisqu’ils recouvrent le coût
nouveaux ont nourri les discussions. D’abord l’existence d’un direct des prises en charge ambulatoires et des hospitalisations
surrisque de mortalité lié, au moins statistiquement, aux hypo- et les coûts indirects liés aux arrêts de travail et au manque de
glycémies sévères dans l’étude ACCORD [44] , ensuite la mise sur le productivité ainsi que diverses autres dépenses. Aujourd’hui aux
marché d’antidiabétiques oraux ou injectables n’exposant pas à États-Unis, on compte plus de patients diabétiques hospitalisés
un risque hypoglycémique mais étant beaucoup plus coûteux [17] , pour hypoglycémie que pour déséquilibre hyperglycémique [50–54] .
enfin la reconnaissance d’un effet délétère des épisodes hypogly- Ainsi parmi les 33 millions de bénéficiaires du système Medicare
cémiques sur la qualité de vie [9] expliquant en partie l’inertie au âgés de plus de 65 ans, entre 1999 et 2011, près de 280 000 patients
renforcement thérapeutique chez les diabétiques de type 2 insuli- ont été hospitalisés pour hyperglycémie contre plus de 400 000
notraités [45, 46] . pour hypoglycémie ; de plus, dans cette même étude, la fré-
quence des d’hypoglycémie était deux fois plus importante chez
les patients âgés de plus de 75 ans et chez les patients les plus pré-
Prévalence caires [50–54] . Une autre étude menée sur près de 900 000 patients
diabétiques hospitalisés aux États-Unis, dont un tiers âgé de
La fréquence des hypoglycémies chez les diabétiques de type 2 plus de 65 ans, montre qu’un diabétique sur quatre est hos-
est difficile à mesurer avec exactitude. Les épisodes de gra- pitalisé chaque année majoritairement pour des raisons sans
vité modérée à moyenne et même les formes sévères resteront relation avec le contrôle glycémique tandis que les hypoglycé-
amplement ignorés tant que les soignants ne questionneront pas mies chez les diabétiques de type 2 représentent 23 % des motifs
systématiquement les patients et leur entourage à ce propos. Ceci d’hospitalisation [50–54] . Le grand âge, la prise de sulfamides hypo-
est bien illustré par les différences de prévalence enregistrées entre glycémiants et la dégradation de la fonction rénale jouent un
les études rétrospectives et les études prospectives allant systé- rôle déterminant. Si aux États-Unis les admissions pour hypo-
matiquement à la recherche de tout épisode hypoglycémique glycémie tendent à diminuer modestement depuis 2007, les
à l’aide de questionnaires dédiés [31] . Pour les patients sous sul- taux d’hospitalisation restent élevés chez les bénéficiaires afro-
famides hypoglycémiants, les données sont convergentes. Dans américains de Medicare et chez les patients âgés de plus de
une étude prospective observationnelle menée durant six mois en 75 ans. Les admissions hospitalières pour hypoglycémie sont donc
France, 34 % des patients recevant un sulfamide hypoglycémiant, aujourd’hui reconnues comme fréquentes, coûteuses, touchant
en addition d’un traitement par metformine, avaient déclaré d’abord les sujets les plus vulnérables et les plus défavorisés. Aux
avoir présenté une hypoglycémie : dans 58 % des cas il s’agissait États-Unis encore, le coût direct des hypoglycémies serait passé
d’une hypoglycémie mineure, dans 30 % des cas d’une hypogly- de 3,49 milliards de dollars en 2005 à 1,84 en 2009 [50–54] . Cette
cémie modérée mais dans 12 % des cas il s’agissait d’épisodes baisse pourrait être attribuée à une meilleure éducation théra-
sévères ou très sévères [47] . Ces données rejoignent celles de l’UK peutique des patients ou à l’usage des nouveaux traitements du
Prospective Diabetes Study (UKPDS) avec comme sulfamides diabète de type 2 à très faible risque hypoglycémique [50–54] . Toute-
hypoglycémiants l’ancien chlorpropamide (retiré du marché) et fois, d’autres données révisent largement ces coûts à la hausse avec
le glibenclamide [48] . Les événements hypoglycémiques seraient 248 422 hospitalisations pour hypoglycémies chez des patients
moins fréquents sous sulfamides de seconde génération (in [1] ), diabétiques de type 2, 1,9 million de journées d’hospitalisation
quoiqu’il n’existe pas d’études face-face directement conçues pour pour un coût total de 12 milliards de dollars et 9274 décès attri-
soutenir cette affirmation. Les facteurs de risque retrouvés pour buables aux hypoglycémies [50–54] .
les hypoglycémies sévères sous sulfamide hypoglycémiant sont
l’âge du patient, l’insuffisance rénale, l’ancienneté du diabète et
le manque de formation des patients à la gestion de leur trai- Causes des hypoglycémies
tement, surtout en ce qui concerne l’alimentation et l’exercice chez les diabétiques de type 2
physique [26] . Dans une étude en cours en France, GERODIAB,
chez des sujets ayant un diabète de type 2 âgés de 70 ans et Les hypoglycémies chez les diabétiques de type 2 sont consé-
plus, sur une année, un tiers des patients a présenté au moins cutives à trois des traitements couramment utilisés pour traiter
une hypoglycémie, 3,3 % des patients ont présenté une hypo- l’hyperglycémie : les sulfamides hypoglycémiants (ou sulfony-
glycémie sévère et près de 1 % (0,7 %) ont présenté un coma lurées), les glinides (le répaglinide seul présent de cette classe
hypoglycémique [29] . Il importe cependant de noter que dans cette en Europe) et l’insuline. Tous les autres traitements antidia-
étude, environ la moitié des patients recevait de l’insuline. Une bétiques, oraux comme injectables, sont considérés comme ne
étude menée aux États-Unis sur un échantillon représentatif de pouvant pas entraîner des hypoglycémies en particulier sévères :
l’ensemble des sujets hospitalisés dans les services d’urgence pour metformine, inhibiteurs de l’alphaglucosidase, inhibiteurs de la
iatrogénie, âgés de 65 ans et plus, montre que la médiane d’âge DPP4 (gliptines), inhibiteurs des cotransporteurs Na/glucose de
est de 80 ans et qu’après les accidents liés aux anticoagulants, type 2 (SGLT2), et les antidiabétiques injectables agonistes du
les hypoglycémies sous insuline sont la deuxième cause et les récepteur du GLP1. Bien sûr, si ces derniers sont associés aux
hypoglycémies sous sulfamides hypoglycémiants la quatrième médicaments pouvant entraîner des hypoglycémies (sulfamides
cause d’admission, soit respectivement 13 000 et 10 000 séjours hypoglycémiants, glinides et insuline), ils s’accompagnent alors
par an [49] . Dans l’étude britannique UK Hypoglycaemia Study d’un surrisque hypoglycémique [55] .

EMC - Endocrinologie-Nutrition 5
10-366-R-37  Hypoglycémies chez les patients diabétiques

Insuline menée en France parmi les sujets ayant présenté des hypoglycé-
mies très sévères nécessitant le recours à une tierce personne ou
Pendant les premières années qui suivent la mise sous insu-
l’hospitalisation, la proportion de patients recevant du répagli-
line, on considère que le risque hypoglycémique est le même
nide était identique à celle sous glibenclamide, mais les patients
que sous sulfamides hypoglycémiants [19] . En revanche, celui-ci
sous répaglinide étaient plus âgés et plus souvent insuffisants
s’accroît ensuite comme le montre cette même étude [19] et d’autres
rénaux [58] . On doit donc retenir que sulfonylurées comme glinides
qui ont suivi comme DIALOG.
exposent à un risque significatif d’hypoglycémies. Bien entendu le
risque hypoglycémique sous insulinosécréteurs comme sous insu-
Sulfamides hypoglycémiants [26] line est intimement lié à la capacité d’autogestion du traitement
Les antidiabétiques oraux de la famille des sulfonylurées du diabète par le patient, voire par son entourage, c’est-à-dire à la
(et les glinides) ont pour mécanisme d’action de stimuler la qualité de l’éducation thérapeutique.
sécrétion d’insuline quel que soit le niveau glycémique [47] . Ils pro-
voquent une fermeture du canal potassique (K/ATP) qui entraîne
l’ouverture des canaux calciques et la sécrétion d’insuline, et ce  Hypoglycémies et risque
y compris pendant l’hypoglycémie. Au contraire chez le diabé-
tique de type 2 traité par insuline, la survenue d’une hypoglycémie
cardiovasculaire du diabétique
ouvre le canal K/ATP et bloque la sécrétion d’insuline endogène. de type 2
C’est cette différence qui expliquerait que les gliptines puissent
aggraver les hypoglycémies sous sulfamides mais pas celles sous Il s’agit d’une question de la plus haute importance qui fait
insuline. l’objet de débats d’experts et de controverses médicales souvent
Les hypoglycémies sont consécutives à plusieurs causes, toutes très animés depuis près d’une décennie. On sait depuis l’étude
traduisant une inadéquation entre le taux bas de glucose UKPDS que le contrôle glycémique intensifié a un effet bénéfique
sanguin et le taux élevé d’insulinémie (d’origine endogène important et incontesté sur les complications de microangio-
ou exogène) : surdosage médicamenteux, apports glucidiques pathie mais plus modeste et plus discuté sur la survenue des
alimentaires insuffisants ou retardés, effort physique intense événements cardiovasculaires. Ce n’est que lors des analyses faites
et/ou non programmé, particulièrement à distance du repas. sur le suivi à 20 ans, soit longtemps après la prise en charge gly-
Des circonstances particulières accroissent le risque hypoglycé- cémique intensive précoce, qu’on a démontré significativement
mique : consommation d’alcool, insuffisance rénale, diabète par un bénéfice rémanent du bon contrôle des premières années
pancréatite chronique avec déficit en glucagon, insuffisance hépa- de traitement [48, 59] . D’autres études ont montré une diminu-
tocellulaire, prise concomitante de certains médicaments. En tion significative de la morbimortalité cardiovasculaire grâce au
outre, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine contrôle optimisé de la pression artérielle et à l’abaissement du low
(IEC) et les bêtabloquants ont été accusés de masquer certains density lipoprotein (LDL) cholestérol chez les diabétiques de type 2
symptômes d’alerte de l’hypoglycémie, mais le niveau de preuve à haut risque cardiovasculaire ou en prévention secondaire. Le
est faible [8, 27] . Des médicaments peuvent accroître le risque bénéfice de l’aspirine n’a été en revanche démontré qu’en préven-
d’hypoglycémies en augmentant les concentrations de sulfony- tion secondaire [60] . Il persistait donc un doute quant à l’effet du
lurées, comme ceux qui inhibent leur excrétion rénale (aspirine contrôle glycémique rigoureux sur la réduction des événements
et allopurinol), les déplacent de leur lien à l’albumine (aspirine, cardiovasculaires chez des diabétiques de type 2 à très haut risque.
warfarine, sulfamides antibactériens, triméthoprime et fibrates),
ou encore ceux qui réduisent leur métabolisme (warfarine et inhi-
biteurs de la monoamine oxydase) [17, 27] . L’âge est le principal ACCORD, VADT et ADVANCE : origine
facteur de risque car il cumule plusieurs facteurs : le déclin de la du débat
fonction rénale, la polymédication, les apports alimentaires irré-
guliers ou insuffisants voire la dénutrition, les troubles cognitifs et Plusieurs grandes études ont été entreprises à cet effet,
mnésiques expliquant les erreurs de prise médicamenteuse [29, 55] . ACCORD, ADVANCE et VADT [11] . Leur principe général a été de
Dans la classe des sulfonylurées, on considère généralement le gli- comparer le taux de survenue des événements cardiovasculaires
benclamide comme le plus puissant et par conséquent le plus à selon que les patients étaient soumis à contrôle glycémique strict,
risque de générer des hypoglycémies, suivi du glipizide, du glicla- objectif HbA1c à moins de 6 % dans ACCORD et VADT et à moins
zide et du glimépiride (in [1, 55] ). La durée prolongée et la sévérité de 6,5 % dans ADVANCE ou moins rigoureux, dit « standard » avec
potentielle des hypoglycémies sous sulfonylurées, ayant toutes une HbA1c comprise entre 7,0 et 7,9 %. Il s’agissait de patients à très
une durée d’action prolongée, incitent à hospitaliser les patients haut risque, âgés de 40 à 79 ans à l’entrée dans l’étude ACCORD,
au moins 48 heures même après interruption du traitement. de plus de 55 ans dans ADVANCE et de plus de 41 ans dans
VADT [11] . Au total ce sont 24 000 patients diabétiques de type 2
à haut risque cardiovasculaire qui furent assignés à un contrôle
Répaglinide glycémique intensif ou standard. Le constat commun fut, dans
Le répaglinide a une durée d’action relativement brève et les trois études, une absence de bénéfice cardiovasculaire mais une
un métabolisme extrarénal, il est souvent considéré pour cela fréquence accrue d’hypoglycémies sévères dans le groupe recevant
comme à faible risque hypoglycémique. C’est pour ces raisons un traitement hypoglycémiant intensif. Ce n’est que dans l’étude
qu’on l’a privilégié chez des sujets à haut risque d’hypoglycémies, ACCORD qu’a été enregistrée dans le bras « traitement intensif »
sujets âgés et/ou insuffisants rénaux [56] . On doit toutefois rappe- une augmentation significative de 22 % de la mortalité, ce qui a
ler les résultats d’une méta-analyse portant sur des études qui conduit à l’arrêt de la stratégie de contrôle glycémique très strict
comparaient plusieurs bithérapies entre elles (association de la après un peu plus de trois années de suivi [11, 12, 14, 15, 28] . Rappelons
metformine à un autre antidiabétique en dehors de l’insuline) au préalable que la mortalité toute cause dans l’étude ACCORD
à partir d’une HbA1c similaire : le risque hypoglycémique a été a été la plus faible de toutes celles enregistrées dans l’ensemble
trois plus élevé avec les glinides (nateglinide, répaglinide) qu’avec des études de morbimortalité conduites chez des diabétiques de
les sulfamides hypoglycémiants [57] . Certes dans plusieurs études type 2. L’étude ACCORD a fait l’objet d’analyses spécifiques plus
de bithérapie associant répaglinide et metformine, les hypogly- approfondies pour tenter de distinguer les possibles effets néfastes
cémies ne seraient jamais sévères mais ces études portent sur de d’un strict contrôle glycémique de ceux possiblement attribuables
faibles effectifs de sujets âgés de moins de 60 ans. Il n’existe pas aux hypoglycémies. En effet plusieurs explications ont été avan-
d’étude comparative face-face versus sulfonylurées. La recomman- cées pour expliquer la surmortalité du groupe traitement intensif
dation d’utiliser le répaglinide ne repose donc que sur des données de l’étude ACCORD : le simple hasard, la prise de poids et les
de pharmacocinétique et de pharmacodynamique. Le recours à hypoglycémies. La responsabilité des hypoglycémies sévères fut
cet antidiabétique reste privilégié par les néphrologues en cas la plus suspectée d’autant que celles-ci avaient été trois fois plus
d’insuffisance rénale surtout en deçà de 30 ml/min de débit de nombreuses dans le bras traitement intensif que dans le bras trai-
filtration glomérulaire (DFG) jusqu’en dialyse [56] . Dans une étude tement standard (in [8] ). Le comité d’adjudication n’a cependant

6 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Hypoglycémies chez les patients diabétiques  10-366-R-37

Mortalité en % Figure 1. Études Action to Control Cardiovascular Risk in Dia-


betes (ACCORD) et Action in Diabetes and Vascular Disease
Sans hypoglycémies Avec hypoglycémies (ADVANCE). Mortalité annuelle (%) selon le groupe : contrôle
glycémique intensif ou standard et ayant présenté ou non des
hypoglycémies sévères [11, 12] .
4,9 5,1

3,6
2,8

1,8 1,9
1,3
1

Intensif Standard Intensif Standard


ACCORD ADVANCE

réussi à retenir un rôle direct certain de l’hypoglycémie que pour et qu’elle s’améliorait plus lentement durant les quatre premiers
un seul décès, un rôle probable pour trois et un rôle seulement pos- mois de traitement. La Figure 2 montre que le risque de décès
sible pour 38, soit au total seulement 10 % des décès enregistrés dans les deux groupes est corrélé au moins bon contrôle glycé-
dans le bras traitement intensif rattachables à une hypoglycé- mique et pour le groupe traitement intensif, il s’accroît au-delà
mie [14] . Les investigateurs suggèrent donc que l’hypoglycémie au de 7 % d’HbA1c (Fig. 2) [14] . En pratique le surrisque de mortalité
moment du décès, faute d’avoir été mesurée dans les heures précé- semble donc exister pour les patients ayant une HbA1c supé-
dentes, n’était pas prouvée et que sa responsabilité directe restait rieure à 8,5 % et chez ceux dont le taux d’HbA1c ne diminue pas
donc spéculative. Reste que le taux annuel de mortalité a été plus suffisamment dans les 4 à 12 premiers mois de l’intensification
élevé dans le groupe traitement intensif que dans le groupe traite- thérapeutique [10, 12, 14, 15, 28, 44] .
ment standard (1,3 %/an versus 1,0 % soit Hazard ratio [HR] 1,25,
intervalle de confiance [IC] 95 % 1,03 à 1,52). Pour les respon-
sables de cette étude, la surmortalité du bras traitement intensif Hypoglycémies sévères : cause de décès
ne peut être expliquée par les seules hypoglycémies. La grande ou marqueur de fragilité
majorité des décès, quel que soit le bras de l’étude, est survenue
chez des sujets n’ayant pas présenté d’hypoglycémie. Si dans les Les analyses post hoc ne peuvent répondre à la question
trois études un épisode hypoglycémique sévère fut associé à une du lien de causalité. Deux hypothèses non exclusives l’une
surmortalité, dans ACCORD les sujets ayant présenté une ou plu- de l’autre sont débattues. Les décès peuvent avoir été précé-
sieurs hypoglycémies sévères ont eu un surrisque de décès (de dés d’hypoglycémies passées inaperçues responsables de troubles
41 %) par rapport à ceux n’ayant pas eu d’hypoglycémie et ce pour sévères du rythme cardiaque et/ou de troubles ioniques et/ou
les patients du bras traitement intensif comme pour ceux du bras de processus inflammatoire [22–25] ou bien la répétition des
traitement standard (Fig. 1). Dans VADT, un épisode hypoglycé- hypoglycémies représente avant tout un simple marqueur de
mique sévère récent a été le meilleur prédicteur de décès dans les « vulnérabilité » quels que soient le niveau du contrôle glycémique
90 jours suivants [11, 14] , tout comme dans ADVANCE où pourtant ou la cause du décès [10, 13, 14] .
les hypoglycémies ont été beaucoup moins fréquentes [11] . Enfin,
rappelons que si les hypoglycémies sévères survenues dans le bras Leçons à retenir (Fig. 1, 2)
traitement intensif ont été plus nombreuses que dans le bras
standard, elles semblent avoir eu une moindre gravité au moins Ce sont les suivantes :
en termes de corrélation avec la mortalité cardiovasculaire. Ce • dans les trois études, les hypoglycémies ne sont pas l’apanage
phénomène retrouvé dans toutes les études d’intensification thé- du contrôle glycémique strict ;
rapeutique s’expliquerait par la « désensibilisation » adrénergique • le contrôle glycémique strict accroît le risque d’hypoglycémies
induite par la répétition des hypoglycémies. Ainsi, la corrélation sévères mais leurs conséquences semblent plus graves dans le
entre hypoglycémies sévères et mortalité est plus élevée dans le bras traitement standard ;
bras traitement standard (Fig. 1). Dans l’étude ACCORD, la mor- • dans ACCORD, la surmortalité est corrélée statistiquement aux
talité annuelle dans le bras traitement intensif a été de 2,8 % en hypoglycémies sévères et non au contrôle strict de la glycémie ;
cas d’hypoglycémies sévères (une ou plusieurs) contre 1,2 % en • la stratégie d’intensification thérapeutique extrême utilisée
l’absence d’hypoglycémie sévère, alors que dans le bras traitement dans ACCORD serait plus en cause que par eux-mêmes les
standard, les chiffres sont respectivement de 3,7 versus 1 % [12, 14] . objectifs de normalisation des glycémies et de l’HbA1c . Dans
Si l’incidence des hypoglycémies relevant d’une assistance médi- ADVANCE, les mêmes niveaux d’HbA1c atteints ne se sont pas
cale a été plus élevée dans le bras intensifié 3,14 versus 1,03 par accompagnés de surmortalité ;
an, le risque de décès fut plus élevé en cas d’hypoglycémie rele- • dans aucune des trois études on n’a trouvé de lien entre HbA1c
vant d’une assistance dans le groupe traitement standard que basse ou contrôle strict et mortalité ;
dans le groupe traitement intensif. Enfin le degré de contrôle • ajoutons que les effets délétères des hypoglycémies s’exercent
glycémique véritablement atteint joue un rôle clé, ainsi dans plus en cas de mauvais contrôle glycémique précédent ou
les deux groupes, le risque de faire une hypoglycémie nécessi- actuel. Avoir des HbA1c élevées ne met pas à l’abri des hypo-
tant une assistance médicale a été plus élevé non pas chez les glycémies ni de leurs effets défavorables (Fig. 1) ;
patients ayant une HbA1c basse mais chez ceux ayant une HbA1c • ACCORD, ADVANCE et VADT n’incitent pas à relâcher le
très élevée. Il est donc plausible que les effets délétères des hypo- contrôle glycémique chez tous les diabétiques de type 2 mais
glycémies soient plus marqués chez des patients habituellement poussent à la prudence en cas de « fragilité » ;
les plus hyperglycémiques. Corroborant cette hypothèse, le risque • il n’existe pas de contradiction entre les données de l’UKPDS
de mortalité dans le groupe traitement intensif était d’autant et celles de ces trois études dans la mesure où elles n’ont pas
plus élevé que la valeur de départ de l’HbA1c était plus haute été entreprises dès la découverte du diabète chez des patients

EMC - Endocrinologie-Nutrition 7
10-366-R-37  Hypoglycémies chez les patients diabétiques

Figure 2. Relation niveau d’hémoglobine gly-


quée (HbA1c ) et risque de mortalité globale
selon le groupe de stratégie thérapeutique auquel
appartenaient les patients (standard ou intensi-
fié), sujets diabétiques de moins de 65 ans [14, 15] .
Par rapport à une HbA1c normale de 6 %.
1
log (Hazard Ratio)

Intensifié

Standard
–1

6 7 8 9
Moyenne A1c (%)

en prévention primaire comme dans l’UKPDS mais après en pour leur apprendre à les éviter, à les identifier et à les traiter.
moyenne 8 à 10 ans d’ancienneté du diabète chez des patients La pratique d’une épreuve de jeûne au cours de l’apprentissage
à haut risque cardiovasculaire. On doit garder à l’esprit que les de l’« insulinothérapie fonctionnelle » peut y contribuer [63] . On
complications macrovasculaires ne sont pas les seules à mena- espère aussi des progrès technologiques : nouvelles insulines, cap-
cer le diabétique [61] . teurs glycémiques fiables permettant un enregistrement continu
de la glycémie et connexion de ces capteurs à une pompe à
insuline fonctionnant en boucle semi-fermée puis fermée. Pour
Conséquences : individualisation des objectifs le diabète de type 2, l’approche éducative est tout aussi essen-
et traitements Statement American Diabetes tielle mais elle doit être précédée par l’établissement d’objectifs
Association (ADA)-European Association for
the Study of Diabetes (EASD)
C’est pourquoi de futures études investiguant les effets du
contrôle glycémique strict sur le risque cardiovasculaire des
patients DT2 en utilisant des médicaments sans risque hypoglycé-
“ Points essentiels
mique comparativement à des traitements comportant un risque • Les hypoglycémies sont une conséquence inévitable de
d’hypoglycémie devraient répondre à la question posée sur la res-
ponsabilité directe de l’hypoglycémie [17] . D’ores et déjà l’usage de
l’insulinothérapie aussi bien chez les patients diabétiques
ces thérapeutiques à très faible risque hypoglycémique chez des de type 1 que chez les patients diabétiques de type 2 avec
patients fragiles est fortement recommandable [62] . Enfin les résul- des conséquences importantes sur la morbimortalité, sur
tats de ces grandes études, UKPDS, ACCORD, VADT et ADVANCE, la qualité de vie et sur les dépenses de santé.
ont conduit au principe d’individualisation des objectifs glycé- • Les sulfamides hypoglycémiants sont aussi responsables
miques et des moyens thérapeutiques, c’est-à-dire qu’il n’existe d’hypoglycémies parfois sévères et prolongées.
pas de cible unique convenant à tous les diabétiques de type 2 [62] . • On reconnaît aujourd’hui les hypoglycémies sévères
Il convient de prendre en compte l’âge du sujet, l’ancienneté du comme une des principales causes d’hospitalisations pour
diabète, les comorbidités, le contexte global de la prise en charge, iatrogénie.
le risque d’hypoglycémie des traitements, leur tolérance, leur sécu- • Réduire la fréquence et la sévérité des hypoglycémies
rité et leur coût ainsi que la volonté du patient [62] . Viser une HbA1c
à moins de 7 %, voire moins de 6,5 % peut être parfaitement légi-
est un objectif important du traitement du diabète.
time chez des patients en bonne santé, au contexte médical et
• De grandes études récentes établissent un lien entre
social favorable et dont le diabète est peu ancien en ayant recours hypoglycémies sévères et surmortalité chez les diabétiques
à des outils de traitement sans risque hypoglycémique. La cible de type 2, surtout fragiles et âgés.
sera relevée jusqu’à 7,5 %, voire 8 % parfois 9 % chez des per- • Les dernières recommandations portant sur le traite-
sonnes vulnérables et/ou dont le diabète est très ancien et/ou dont ment du diabète de type 2 prennent en compte le risque
l’espérance de vie est courte. Le contrôle glycémique strict n’est d’hypoglycémie dans le principe d’individualisation des
donc pas remis en cause, le maintien de taux élevés d’HbA1c est objectifs et des traitements.
toujours jugé préjudiciable mais c’est également le cas de straté- • De nouvelles insulines et surtout de nouveaux antidiabé-
gies thérapeutiques agressives exposant des sujets fragiles à des
tiques oraux ou injectables permettent de réduire le risque
hypoglycémies sévères [62] .
hypoglycémique. Le recours à ces thérapeutiques doit être
discuté chez tout sujet à risque hypoglycémique.
 Prévention des hypoglycémies • L’éducation thérapeutique des patients vise à réduire
le risque hypoglycémique et à apprendre à prévenir
Cette prévention constitue donc un enjeu important dans les l’hypoglycémie ou à la traiter efficacement et précoce-
deux formes principales de diabète. Dans le DT1, on attend ment.
beaucoup de l’éducation thérapeutique éducative des patients,

8 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Hypoglycémies chez les patients diabétiques  10-366-R-37

adaptés à chaque patient. L’usage des nouveaux antidiabétiques, [12] Bonds DE, Miller ME, Bergenstal RM. The association between
oraux ou injectables, à très faible risque hypoglycémique est symptomatic, severe hypoglycaemia and mortality in type 2 diabetes:
d’une aide considérable mais pose la question de leur sécurité à retrospective epidemiological analysis of the ACCORD study. Br Med
long terme (les données récentes rassurent [64] ) et de leur coût. J 2010;340:b4909.
Pour l’insuline, le recours à de nouvelles présentations ou à de [13] Wang CC, Reusch JE. Diabetes and cardiovascular disease: changing
nouveaux analogues lents à risque hypoglycémique réduit et the focus from glycemic control to improving long-term survival. Am
la possibilité d’utiliser de nouvelles associations thérapeutiques J Cardiol 2012;110(Suppl. 9):58B–68B.
peuvent s’avérer opportuns. Mais il faut rappeler le rôle primor- [14] Riddle MC. Effects of intensive glucose lowering in the manage-
dial de l’éducation thérapeutique sans laquelle les innovations les ment of patients with type 2 diabetes mellitus in the Action to
Control Cardiovascular Risk in Diabetes (ACCORD) trial. Circulation
plus prometteuses peuvent être mises en échec.
2010;122:844–6.
[15] Miller ME, Bonds DE, Gerstein HC, for the ACCORD investigators.
The effects of baseline characteristics, glycaemia treatment approach,
 Conclusion and glycated hemoglobin concentration on the risk of severe hypogly-
caemia: post hoc epidemiological analysis of the ACCORD study. Br
Les hypoglycémies survenant chez les patients diabétiques trai- Med J 2010;340:b5444.
tés par insuline ou par certains antidiabétiques oraux représentent [16] Selvin E, Marinopoulos S, Berkenblit G, Rami T, Brancati FL,
aujourd’hui un problème de santé publique en raison de leur fré- Powe NR, et al. Meta-analysis: glycosylated hemoglobin and car-
quence, de leurs conséquences médicales et de leurs coûts. Cette diovascular disease in diabetes mellitus. Ann Intern Med 2004;141:
question est maintenant mieux reconnue, mais les formes sévères 421–31.
sont souvent les seules identifiées et prises en compte alors qu’elles [17] Ahrén B. Avoiding hypoglycemia: a key to success for glucose-
lowering therapy in type 2 diabetes. Vasc Health Risk Manag
ne représentent qu’une part minime [65] . Les recommandations sur
2013;9:155–63.
le traitement du diabète portant sur les objectifs glycémiques et
[18] Bremer JP, Jauch-Chara K, Hallschmid M. Hypoglycemia unawareness
sur les moyens thérapeutiques doivent en tenir compte. Le recours in older compared with middle-aged patients with type 2 diabetes.
à des médicaments sans ou à très faible risque hypoglycémique est Diabetes Care 2009;32:1513–7.
à favoriser dès lors que leur sécurité, notamment cardiovasculaire, [19] United Kingdom Hypoglycaemia Study Group. Risk of hypoglycaemia
est assurée et si les moyens financiers le permettent. La formation in types 1 and 2 diabetes: effects of treatment modalities and their
médicale et l’éducation thérapeutique des patients doivent mettre duration. Diabetologia 2007;50:1140–7.
systématiquement la question de l’hypoglycémie iatrogène au [20] Heller SR, Cryer PE. Reduced neuroendocrine and symptomatic res-
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S. Halimi, Professeur émérite (SHalimi@chu-grenoble.fr).


Faculté de médecine, Université Joseph-Fourier, 11, rue Voltaire, 38000 Grenoble, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Halimi S. Hypoglycémies chez les patients diabétiques. EMC - Endocrinologie-Nutrition 2016;13(1):1-10
[Article 10-366-R-37].

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10 EMC - Endocrinologie-Nutrition
¶ 10-366-S-10

Lipodystrophies et troubles métaboliques


associés à l’infection par le virus
de l’immunodéficience humaine (VIH)
et à ses traitements
C. Vigouroux, J. Capeau

Les syndromes lipodystrophiques des patients infectés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH),
associant, à des degrés divers, troubles de la répartition corporelle du tissu adipeux, dyslipidémie,
insulinorésistance, troubles de la tolérance au glucose et stéatose hépatique, ont été décrits peu après la
généralisation de l’utilisation des inhibiteurs de la protéase virale (IP), dont l’efficacité transformait dans
le même temps l’infection par le VIH en une maladie le plus souvent chronique. La physiopathologie des
lipodystrophies et des troubles métaboliques est complexe, impliquant en priorité la toxicité des
analogues nucléosidiques, inhibiteurs de la transcriptase inverse virale (INTI), mais aussi des IP, sur le
tissu adipeux. Les mécanismes en cause, multiples, font intervenir en particulier une inhibition de la
différenciation adipocytaire et des voies de signalisation insulinique, une sécrétion accrue de cytokines
pro-inflammatoires, l’induction d’un stress oxydatif et d’une sénescence cellulaire prématurée, ainsi que
des effets directs de certaines molécules antirétrovirales sur le métabolisme. De plus, l’infection par le VIH
pourrait avoir des effets propres, à la fois sur la différenciation adipocytaire, le métabolisme lipidique et le
risque cardiovasculaire. Les molécules antirétrovirales plus récentes sont beaucoup moins
lipoatrophiantes, et on considère que la prévalence des syndromes lipodystrophiques a chuté de moitié
depuis les premières descriptions, atteignant aujourd’hui environ un tiers des patients. Néanmoins,
malgré les modifications des traitements antirétroviraux, la réversibilité des syndromes lipodystrophiques
installés est lente, les dyslipidémies et le diabète restent nettement plus fréquents que dans la population
de même âge, et la majoration du risque cardiovasculaire est préoccupante chez les patients infectés par
le VIH. Le dépistage et le traitement des lipodystrophies et des troubles métaboliques font maintenant
partie intégrante de la prise en charge de ces patients.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Lipodystrophie ; VIH ; Insulinorésistance ; Diabète ; Dyslipidémie ; Traitements antirétroviraux

Plan ■ Introduction
¶ Introduction 1 Le traitement antiviral actif ou « trithérapie », qui associe les
inhibiteurs de la protéase virale (IP) et les inhibiteurs de la
¶ Description des syndromes lipodystrophiques
transcriptase inverse, a radicalement amélioré la morbidité et la
et des troubles métaboliques 2
mortalité liées à l’infection par le virus de l’immunodéficience
Aspects cliniques 2
humaine (VIH). Ces médicaments s’opposent en effet de façon
Aspects biologiques 2
synergique à la réplication du virus. Les analogues nucléosidi-
Facteurs de risque des lipodystrophies et des troubles
ques, inhibiteurs de la transcriptase inverse (INTI), inhibent la
métaboliques 3
synthèse d’acide désoxyribonucléique (ADN) à partir de l’acide
Risque cardiovasculaire 3
ribonucléique (ARN) viral, et empêchent donc l’intégration du
¶ Physiopathologie 4 virus dans le génome de la cellule cible. La protéase virale
Effets des antirétroviraux sur l’adipocyte in vitro 4 permet la maturation des polypeptides viraux, nécessaire à la
Effets des antirétroviraux sur le tissu adipeux 4 formation de nouveaux virions infectants ; les IP, analogues de
Conséquences métaboliques de la lipodystrophie 4 substrats, s’opposent à cette étape. Néanmoins, ces traitements
Impact direct des antirétroviraux sur le métabolisme 4 ne sont pas exempts d’effets secondaires, et en 1997, soit
Rôle de l’infection par le VIH en dehors de tout traitement 5 environ 18 mois après la commercialisation des premiers IP, les
¶ Traitement 6 premiers troubles de la répartition du tissu adipeux sont décrits
Traitement des lipodystrophies 6 chez des patients infectés, pour la plupart sous trithérapie [1].
Traitement du diabète 6 Ces anomalies sont souvent associées à un syndrome métaboli-
Traitement de la dyslipidémie 6 que comprenant insulinorésistance et dyslipidémie [2]. De plus,
l’augmentation de la mortalité cardiovasculaire qui résulte, au
moins partiellement, de ces anomalies, a été bien montrée chez
les patients infectés par le VIH, en particulier en France [3].

Endocrinologie-Nutrition 1
10-366-S-10 ¶ Lipodystrophies et troubles métaboliques associés à l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et à ses traitements

En raison de la chronologie d’apparition de ces syndromes,


les IP ont été mis en cause en premier lieu. Il apparaît néan-
moins actuellement que d’autres facteurs, médicamenteux (et en
premier lieu les INTI thymidiniques stavudine et zidovudine),
mais aussi immunitaires, virologiques et environnementaux
peuvent jouer un rôle dans les syndromes lipodystrophiques.
Les troubles métaboliques peuvent aussi résulter d’une atteinte
directe due aux traitements. Enfin, si les nouveaux médicaments
antirétroviraux sont aujourd’hui peu lipoatrophiants, les
modifications thérapeutiques ne permettent souvent qu’une
réversion lente et partielle des syndromes lipodystrophiques. Le
dépistage et le traitement de la lipodystrophie et des complica-
tions métaboliques sont devenus indispensables dans la prise en
charge en routine des patients infectés par le VIH, comme en
témoignent les dernières recommandations de prise en charge
des patients [4] (recommandations consultables en ligne, cf. Pour
en savoir plus).

■ Description des syndromes


lipodystrophiques et des troubles
métaboliques
Aspects cliniques
Les troubles de la répartition corporelle du tissu adipeux
peuvent prendre la forme d’une disparition ou au contraire
d’une accumulation de tissu graisseux selon le site anatomique
considéré [5].
La lipoatrophie atteint le tissu adipeux sous-cutané, de façon
préférentielle au niveau du visage et des membres. La lipoatro-
phie faciale débute par une perte symétrique du tissu adipeux
au niveau des pommettes, avec un creusement des plis nasola-
biaux, puis se complète par une disparition des boules de
Bichat, rendant apparente la musculature sous-jacente [6]. Au
niveau des membres inférieurs, la lipoatrophie rend proémi-
nents le réseau veineux et les masses musculaires tandis que les
fesses sont plates. Cette disparition du tissu adipeux, qui Figure 1. Lipoatrophie du visage (A) et des membres (B) et accumula-
survient alors qu’en général la maladie virale est bien contrôlée, tion intra-abdominale de tissu adipeux chez le même patient, apparues au
ne s’accompagne pas de signes biologiques de dénutrition, et cours d’un traitement comportant des inhibiteurs de la protéase virale (IP)
doit donc être différenciée du wasting syndrome dans lequel la et des inhibiteurs de la transcriptase inverse virale (INTI).
perte de poids est importante et concerne également la masse
musculaire, dans un contexte immunitaire défavorable.
Les dépôts excessifs de tissu adipeux sont en général intra- et les questionnaires cliniques spécifiques sont plus subjectifs.
abdominaux, ou réalisent, plus rarement, un aspect de « bosse La Figure 1 présente l’aspect clinique d’une lipodystrophie
de bison » au niveau de la nuque ou de la partie supérieure du mixte.
dos, sans qu’il existe d’hypercortisolisme systémique [1, 7, 8]. Les syndromes lipodystrophiques s’associent volontiers avec
L’hypertrophie périviscérale du tissu adipeux induit une les composantes habituelles du syndrome métabolique, comme
distension de l’abdomen alors que la graisse sous-cutanée est l’hypertension artérielle et la stéatose hépatique ou la
diminuée. L’accumulation thoracique de tissu adipeux peut stéatohépatite [11].
conduire à une adipomastie chez l’homme, tandis qu’une
hypertrophie mammaire est fréquente chez la femme [9]. En cas
de « bosse de bison », il convient néanmoins de s’assurer de
Aspects biologiques
l’absence d’autres signes d’hypercortisolisme, en particulier chez La dyslipidémie, la résistance à l’insuline et les troubles de la
les patients recevant des corticoïdes inhalés : l’utilisation de tolérance au glucose sont les principales anomalies métaboli-
ritonavir, largement utilisé pour augmenter les concentrations ques biologiques associées aux traitements antirétroviraux actifs.
circulantes des autres antirétroviraux en inhibant leur dégrada- Les anomalies lipidiques sont très fréquentes chez les patients
tion par le cytochrome P450 3A4, entraîne aussi une augmen- sous multithérapie antirétrovirale. L’hypertriglycéridémie est
tation majeure des concentrations des corticoïdes exogènes [10]. l’anomalie lipidique la plus préoccupante de façon aiguë,
Ces aspects peuvent être isolés, définissant une forme « lipoa- pouvant donner lieu à des pancréatites [12] et des ostéonécroses
trophique pure » ou « lipohypertrophique » de la maladie, mais des têtes fémorales [13]. Elle s’associe le plus souvent à une
la forme mixte, la plus fréquente, correspond à une véritable hypercholestérolémie à profil athérogène, avec augmentation du
redistribution des graisses corporelles, qui s’amenuisent au low density lipoprotein (LDL)-cholestérol et baisse du high density
niveau périphérique, sous-cutané, alors qu’elles s’accumulent au lipoprotein (HDL)-cholestérol, et augmentation des LDL oxy-
niveau central, viscéral, sans variation importante de la masse dées [14]. Certains IP, en particulier le ritonavir, sont capables,
adipeuse totale. L’examen clinique peut être complété par des même en dehors de toute infection par le VIH, d’induire de
examens d’imagerie permettant de mieux apprécier la réparti- façon précoce (en quelques semaines) une telle dyslipidémie,
tion des graisses, tels que l’absorptiométrie biphotonique, qui caractérisée par une hypertriglycéridémie et une augmentation
renseigne sur le pourcentage de graisses corporelles totale et des very low density lipoprotein VLDL due à une stimulation de
segmentaire, ou des coupes de scanner ou d’imagerie par leur production hépatique [15] et une inhibition de la dégrada-
résonance magnétique (IRM), typiquement au niveau de la tion de l’apolipoprotéine B [16]. D’autres antirétroviraux, comme
vertèbre L4, qui permettent de comparer les quantités de tissu les INTI thymidiniques stavudine et zidovudine, ou l’inhibiteur
adipeux sous-cutané et viscéral. Les mesures anthropométriques non nucléosidique de la transcriptase inverse éfavirenz, peuvent

2 Endocrinologie-Nutrition
Lipodystrophies et troubles métaboliques associés à l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et à ses traitements ¶ 10-366-S-10

contribuer à la dyslipidémie [17]. Par ailleurs, l’infection par le et éventuellement d’imagerie qui ne sont pas standardisés,
VIH elle-même, en particulier dans les formes avancées de la rendant parfois difficile l’interprétation des études.
maladie, s’accompagne fréquemment d’une hypertriglycéridé- L’exposition aux traitements antirétroviraux est probablement
mie du fait de la stimulation de la lipogenèse hépatique [18]. le facteur de risque le plus important. En effet, la prévalence des
L’insulinorésistance a été objectivée dès les premières études, lipodystrophies, qui était évaluée à 80 % dans certaines études
se compliquant fréquemment de troubles de la tolérance au initialement, a nettement baissé ces dernières années, en
glucose allant jusqu’au diabète [5, 8, 19, 20]. La plupart de ces parallèle avec l’utilisation de nouvelles molécules antirétrovira-
études ont montré que l’hyperinsulinémie était beaucoup plus les. Ainsi dans la cohorte suisse, 35 % des patients ayant débuté
marquée après stimulation par le glucose administré au cours leur traitement antirétroviral entre 2000 et 2002 ont développé
d’une hyperglycémie provoquée par voie orale, en faveur d’une une lipodystrophie, versus 21 % de ceux traités pendant la
insulinorésistance surtout périphérique [5, 8, 19] . Le clamp période 2003-2006 [37]. De plus, la durée du traitement antiré-
euglycémique hyperinsulinémique a ensuite permis de montrer troviral est corrélée à la sévérité des syndromes lipodystrophi-
que la plupart des IP (indinavir, ritonavir, nelfinavir, saquinavir, ques et des troubles métaboliques dans la majorité des études.
lopinavir), à l’exception de l’atazanavir, induisaient une insuli- Le rôle respectif des différentes classes thérapeutiques et, au sein
norésistance surtout musculaire et adipocytaire, associée à une de celles-ci, de chaque molécule individuelle, n’est pas aisé à
détérioration de la fonction insulinosécrétoire [21-23]. Des études définir puisque les multithérapies sont la règle chez les patients.
épidémiologiques récentes suggèrent que certains INTI partici- Les études in vitro et ex vivo, les essais chez le volontaire sain
pent aussi au risque d’insulinorésistance et de diabète [24, 25]. et les études de modifications thérapeutiques chez le patient
Alors que l’infection par le VIH elle-même ne semble pas infecté ont permis de mieux comprendre l’impact des différen-
conférer de sur-risque de diabète [26], les patients sous antirétro- tes drogues (cf. infra). La majorité des lipoatrophies rapportée
viraux ont une prévalence de diabète significativement plus dans la littérature concerne des patients traités par des analo-
élevée que la population générale, indépendamment des gues de thymidines (stavudine en priorité) associés à des IP et
facteurs de risque classiques connus. Dans une cohorte améri- apparaît en général 6 à 12 mois après le début du
caine de 1 278 hommes (cohorte Multicenter AIDS Cohort traitement [11].
Study [MACS]), la prévalence du diabète, ajustée en fonction de Les autres facteurs de risque de lipodystrophie les plus
l’âge et de l’index de masse corporelle, est 4,6 fois plus impor- souvent retrouvés sont la durée de l’infection par le VIH et l’âge
tante chez les patients séropositifs sous antirétroviraux que chez des patients. D’autres facteurs ont été évoqués, comme la
les patients séronégatifs [27]. Le risque de développer un diabète sévérité initiale de l’infection et l’importance de la restauration
est évalué à 10 % après 4 ans de traitement dans cette même immunitaire sous traitement (pour revue [38]). Enfin les femmes
étude. En France, les données épidémiologiques issues de la développent plus volontiers des formes lipohypertrophiques ou
cohorte Agence nationale de recherches sur le sida et les mixtes de lipodystrophies que les hommes [39].
Les facteurs de risque de diabète chez les patients infectés par
hépatites virales (ANRS) Aproco-Copilote montrent qu’en 2000,
le VIH ont été récemment analysés dans la très grande cohorte
entre 20 et 30 % des patients sous une trithérapie antirétrovirale
internationale Data collection on Adverse events of anti-HIV
comportant des IP depuis 12 à 20 mois présentaient un trouble
Drugs (DAD) (plus de 33 000 patients) [25] : après ajustement sur
de la tolérance au glucose. Un diabète affectait environ 3,8 %
les autres facteurs de risque, l’incidence du diabète augmente
de cette population [28]. La prévalence du diabète augmente avec
avec la durée d’exposition aux drogues antirétrovirales, la plus
le temps, atteignant 9 % de ces patients après 8 ans de traite-
forte association étant retrouvée avec l’utilisation de stavudine,
ment antirétroviral actif.
puis des autres INTI de première génération, zidovudine et
La fonction sécrétoire du tissu adipeux est modifiée chez les
didanosine. La présence d’une lipodystrophie, qu’elle soit
patients sous antirétroviraux et les concentrations circulantes
caractérisée par une lipoatrophie ou une accumulation de tissu
d’adipokines, qui en sont le reflet, sont perturbées [29]. On adipeux central, était significativement associée à l’apparition
trouve ainsi une diminution des taux de leptine, qui reste d’un diabète au cours du suivi, mais l’ajustement sur ce facteur
positivement corrélée à la masse adipeuse corporelle, mais aussi ne modifiait pas la relation entre stavudine et diabète dans les
d’adiponectine, et une augmentation d’interleukine 6 et du analyses multivariées, montrant bien que certains INTI contri-
récepteur soluble du tumor necrosis factor (TNF) a, inversement buent aussi directement au développement de l’insulinorésis-
corrélés à la sensibilité à l’insuline [30, 31]. La résistine, sécrétée tance et du diabète [25]. Dans la cohorte suisse, le risque de
par les macrophages activés, est considérée comme un marqueur diabète était associé au traitement par l’une ou l’autre des deux
inflammatoire, corrélé à l’insulinorésistance et au risque classes de molécules, IP ou INTI [24].
cardiovasculaire [32]. La résistine circulante pourrait être plus Il est également à signaler, dans le contexte d’une infection
élevée chez les patients infectés par le VIH que dans la popula- par le VIH, que la co-infection par le virus de l’hépatite C
tion générale [33] mais son influence sur les paramètres métabo- expose à un risque accru de stéatose hépatique, de résistance à
liques, dont la sensibilité à l’insuline, est discutée dans ce l’insuline [40] et de diabète [41], comorbidités classiquement
contexte [33, 34]. Néanmoins, un polymorphisme du gène de la associées aux syndromes lipodystrophiques.
résistine a été récemment associé à la résistance à l’insuline et
la dyslipidémie chez les patients sous traitement antirétroviral Risque cardiovasculaire
actif [35].
Une place particulière doit être faite ici aux altérations Les syndromes lipodystrophiques et les complications méta-
biologiques liées aux traitements par certains INTI. La toxicité boliques associés à l’infection par le VIH représentent, comme
mitochondriale de ces drogues, qui inhibent l’ADN polymérase le syndrome métabolique dans la population générale, un
c, permettant spécifiquement la réplication de l’ADN mito- amalgame de facteurs de risque cardiovasculaires. De plus, la
chondrial, se traduit en effet par une lactatémie et un trou consommation de tabac est significativement plus prévalente
anionique augmentés, et des anomalies témoignant d’une chez les patients infectés [42] et la consommation de drogues
atteinte spécifique d’organe : foie, moelle osseuse et pancréas comme la cocaïne est aussi un facteur de risque important
pour l’essentiel [36] . Lors de ces traitements, des acidoses d’infarctus du myocarde [43]. Il n’est donc pas étonnant
lactiques pouvant être fatales ont été décrites. Elles sont qu’aujourd’hui, en France, les maladies cardiovasculaires
actuellement très rares avec l’utilisation des nouvelles molécules représentent la quatrième cause de mortalité des personnes
moins toxiques pour les mitochondries. infectées par le VIH, après les complications infectieuses, les
cancers et les atteintes hépatiques [3].
Les traitements antirétroviraux pourraient aussi avoir un effet
Facteurs de risque des lipodystrophies délétère direct sur le système cardiovasculaire : ainsi le suivi
et des troubles métaboliques longitudinal de la cohorte internationale DAD publié en 2007 a
montré une augmentation de 16 % du nombre d’infarctus du
La définition du syndrome lipodystrophique du patient myocarde par année d’exposition aux IP, en partie via les
infecté par le VIH repose sur des critères cliniques, biologiques perturbations lipidiques qu’ils induisent [44]. La même équipe

Endocrinologie-Nutrition 3
10-366-S-10 ¶ Lipodystrophies et troubles métaboliques associés à l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et à ses traitements

incrimine aussi dans le risque d’infarctus du myocarde l’utilisa- Effets des antirétroviraux sur le tissu
tion de l’INTI abacavir, évoquant un lien avec l’augmentation
des paramètres inflammatoires (interleukine 6, C-reactive
adipeux
protein) [45] . Le risque d’atteinte vasculaire périphérique est Les traitements antirétroviraux modifient aussi l’histologie du
également augmenté : dans la cohorte suisse, la prévalence de tissu adipeux, et des études récentes ont bien montré les
l’artérite oblitérante des membres inférieurs atteint 20,7 % chez altérations inflammatoires du tissu adipeux lipoatrophique des
des patients infectés par le VIH âgés de 50 ans en moyenne, patients [62, 63] . La responsabilité des antirétroviraux dans
mais seuls l’âge, le tabac, le diabète et le taux de CD4 bas, mais l’inflammation du tissu adipeux, ses fonctions mitochondriales
pas le traitement par les IP, en sont des facteurs prédictifs et le maintien de son état différencié ont été clairement mis en
positifs en analyse multivariée [46]. évidence lors de l’essai ANRS Lipostop où 40 patients ont
Les signes de dysfonction endothéliale, marqueurs précoces accepté une biopsie de tissu adipeux avant et après interruption
d’athérosclérose, sont aussi fréquents chez les patients sous de leur traitement antirétroviral pendant 6 mois [64] : le nombre
antirétroviraux que chez les diabétiques de type 2, même en de macrophages a significativement baissé après arrêt des
l’absence de syndrome métabolique associé [47] . La rigidité antirétroviraux, alors même que l’inflammation systémique,
aortique est corrélée à la durée d’infection par le VIH et à résultant de la reprise de la réplication virale, augmentait. Les
l’exposition aux IP, en dehors des autres facteurs de risque modifications de l’expression des cytokines inflammatoires, des
d’athérosclérose [48]. protéines mitochondriales et des facteurs de la différenciation
Le rôle probable de l’infection par le VIH comme facteur de adipocytaire montraient aussi la toxicité des antirétroviraux,
risque cardiovasculaire indépendant est abordé (cf. infra). qu’ils soient de la classe des INTI ou des IP, sur le tissu adipeux.
Malgré de nombreuses études, le double effet lipodystro-
phiant des antirétroviraux sur le tissu adipeux, entraînant à la
■ Physiopathologie fois une lipoatrophie périphérique et une accumulation adi-
peuse au niveau de la partie supérieure du tronc et des régions
La physiopathologie des syndromes lipodystrophiques et des viscérales, reste mal compris, même si l’on sait que la physio-
troubles métaboliques liés à l’infection par le VIH et à son pathologie du tissu adipeux varie selon sa localisation. L’hypo-
traitement est complexe. Elle fait principalement intervenir la thèse d’une sensibilité différente des tissus adipeux à la toxicité
toxicité directe de certains médicaments sur le tissu adipeux, mitochondriale des INTI a été avancée [65]. Une autre hypothèse
aggravée par des facteurs immunologiques et environnemen- fait intervenir l’augmentation de l’activité de la 11-bêta-
taux [49]. Les troubles métaboliques sont la conséquence d’une hydroxy-stéroïde déshydrogénase de type 1 (11b-HSD1), enzyme
part de la lipodystrophie qui modifie les sites de stockage présente dans le tissu adipeux surtout viscéral, qui convertit la
tissulaires des acides gras, et d’autre part des atteintes directes cortisone, inactive, en cortisol. Cette activation locale de la
des métabolismes lipidique et glucidique par les molécules synthèse de cortisol, qui pourrait être due à l’excès de TNFa,
antirétrovirales. pourrait conduire à une hypertrophie spécifiquement viscérale
des adipocytes, et à une insulinorésistance [66]. En effet, chez les
patients infectés par le VIH, on observe une production accrue
Effets des antirétroviraux sur l’adipocyte de TNFa, corrélée à l’excès de lipolyse adipocytaire, à la
in vitro résistance à l’insuline [67] et à l’apoptose des adipocytes
sous-cutanés [68].
L’impact des molécules antirétrovirales a été testé depuis
plusieurs années dans des modèles d’adipocytes en culture,
capables de différenciation in vitro. Conséquences métaboliques
Les IP de première génération (indinavir, nelfinavir), mais de la lipodystrophie
aussi d’autres encore largement utilisés (lopinavir, ritonavir)
De la même façon que dans les syndromes lipodystrophiques
inhibent la différenciation adipocytaire in vitro, induisent une
d’origine génétique, la redistribution corporelle du tissu adipeux
insulinorésistance [50-53] et perturbent la sécrétion d’adipokines,
retrouvée cliniquement chez les patients infectés par le VIH
réprimant fortement la sécrétion d’adiponectine tandis que les
s’accompagne d’une modification des sites de stockage des
cytokines pro-inflammatoires telles que les interleukines 6 et 1b
acides gras (pour revue [69]). Ainsi, il a été montré grâce à la
et le TNFa sont produites en excès [54]. Ces IP induisent aussi
spectroscopie par résonance magnétique que la quantité de
une apoptose adipocytaire [53, 55] et un stress oxydatif prove-
lipides intramyocytaires était augmentée chez les patients
nant, au moins en partie, d’une toxicité mitochondriale [29, 56].
lipodystrophiques sous antirétroviraux [70] , et qu’elle était
Par ailleurs, la plupart des IP bloquent aussi une autre protéase
inversement corrélée à la sensibilité à l’insuline [71]. De plus,
cellulaire, Zmpste 24, qui joue un rôle majeur dans la matura-
l’excès de graisse viscérale, conduisant à un afflux d’acides gras
tion de la prélamine A en lamine A [57]. Or il a été montré que
atteignant le foie par voie portale, est associé comme attendu à
les anomalies de maturation de la lamine A, responsables de
une résistance à l’insuline, une stéatose hépatique et une
laminopathies d’origine génétique s’exprimant phénotypique-
dyslipidémie mixte avec hyperproduction de VLDL chez les
ment sous la forme de lipodystrophies et de syndromes de
sujets infectés par le VIH [72, 73], comme dans le syndrome
vieillissement prématuré, pourraient perturber les fonctions
métabolique commun.
adipogéniques du facteur de transcription sterol regulatory
Les perturbations paracrines et endocrines du tissu adipeux,
element-binding protein 1 (SREBP-1) [58]. Récemment, notre équipe
ses remaniements inflammatoires, similaires à ceux que l’on
a montré que l’accumulation cellulaire de prélamine A, qu’elle
peut voir dans l’obésité, ainsi que la toxicité des acides gras au
soit due à des anomalies génétiques ou à l’exposition aux IP, est
niveau du muscle et du foie, concourent donc au développe-
associée in vitro à des anomalies de l’enveloppe nucléaire, au
ment des troubles métaboliques.
stress oxydant, à la dysfonction mitochondriale et la sénescence
cellulaire [59]. Les syndromes lipodystrophiques sous antirétrovi-
raux et leurs complications métaboliques pourraient être une Impact direct des antirétroviraux
partie intégrante d’un processus plus général de vieillissement
prématuré, affectant aussi les fonctions neurocognitives et le
sur le métabolisme
métabolisme musculaire et osseux [60, 61]. En dehors des effets secondaires à la lipodystrophie, les
Les inhibiteurs de la transcriptase inverse de type non antirétroviraux ont aussi un impact métabolique direct, qui
nucléosidiques, les INTI de deuxième génération, l’inhibiteur de aggrave celui de la lipodystrophie. Au niveau lipidique, le
fusion (enfuvirtide), l’anti-intégrase (raltégravir), l’inhibiteur du ritonavir, très utilisé en pratique clinique, entraîne une hyper-
récepteur CCR5 maraviroc ainsi que l’atazanavir, un IP, n’ont production de VLDL indépendante de la lipodystrophie [15, 16].
pas montré d’implication majeure dans le développement des L’indinavir inhibe le transport de glucose par GLUT4 [74]. Les
lipodystrophies et des troubles métaboliques. INTI ont aussi un effet direct sur la sensibilité à l’insuline : des

4 Endocrinologie-Nutrition
Lipodystrophies et troubles métaboliques associés à l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et à ses traitements ¶ 10-366-S-10

Inhibiteurs de la protéase du VIH Analogues nucléosidiques


Inhibition de Zmpste 24 : (principalement
laminopathie acquise analogues de thymidine)
Délocalisation de SREBP-1 Toxicité mitochondriale
Différenciation adipocytaire

Adipocyte

Sénescence cellulaire prématurée Stockage des triglycérides

Stress oxydant Lipolyse

Sécrétion d'adiponectine Acides gras libres

Apoptose
Production de cytokines
pro-inflammatoires

Lipodystrophie
Inflation lipidique des tissus non adipeux (lipotoxicité)
Inflammation du tissu adipeux
Résistance à l'insuline
Figure 2. Effets des antirétroviraux sur l’adipocyte. VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; SREBP-1 : sterol regulatory element-binding protein 1.

Tableau 1.
Évaluation de l’impact des différents antirétroviraux sur le métabolisme et le risque de lipodystrophie.
Classes et molécules thérapeutiques Effets secondaires métaboliques des antiviraux
Dyslipidémie Insulinorésistance Lipodystrophie
Inhibiteurs de protéase
ritonavir +++ ++ ++
indinavir + +++ ++
saquinavir + ++ +
nelfinavir ++ ++ +
lopinavir ++ ++ +
amprénavir / fosamprénavir + +/- +/-
atazanavir +/- +/- +/-
tipranavir +/- +/- +/-
Inhibiteurs de la transcriptase inverse
Analogues nucléosidiques ou nucléotidiques
stavudine ++ ++ +++
zidovudine + ++ ++
didanosine + + +
lamivudine + +/- +
emtricitabine 0 ? ?
abacavir 0 +/- +/-
Inhibiteurs de la transcriptase inverse
non nucléosidiques
névirapine 0 0 0
éfavirenz + + +/-

volontaires sains traités pendant 1 mois par la stavudine ont Rôle de l’infection par le VIH en dehors
réduit en parallèle leur sensibilité à l’insuline et leur contenu en
ADN mitochondrial musculaire, suggérant un lien entre la
de tout traitement
toxicité mitochondriale et l’insulinorésistance induites par cette Bien qu’un syndrome lipodystrophique caractérisé n’ait
molécule [75], en accord avec les conclusions des études de jamais été décrit dans la littérature chez le patient infecté par
cohorte de patients [24, 25]. le VIH en l’absence de tout traitement, le virus lui-même
Les effets des antirétroviraux sur l’adipocyte sont schématisés pourrait être capable de modifier la répartition corporelle des
sur la Figure 2. Une évaluation de l’impact des différents graisses [76]. La capacité du VIH à infecter les cellules adipocy-
antirétroviraux sur le métabolisme et le risque de lipodystrophie taires est controversée [77, 78], mais pourrait être possible in vivo,
est présentée dans le Tableau 1. du fait de la présence de TNFa [79]. Les protéines virales telles

Endocrinologie-Nutrition 5
10-366-S-10 ¶ Lipodystrophies et troubles métaboliques associés à l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et à ses traitements

que Nef [80] ou Vpr [81] pourraient altérer la différenciation environ 400 g par année après le remplacement de la stavudine
adipocytaire, en inhibant le facteur transcriptionnel peroxisome et de la zidovudine par d’autres INTI (abacavir, ténofovir), n’est
proliferator-activated receptor c (PPARc). En faveur de cette pas toujours perceptible par les patients [90, 91]. Ces modifica-
hypothèse, l’expression de PPARc est diminuée dans le tissu tions thérapeutiques s’accompagnent aussi, dans certaines
adipeux sous-cutané des patients infectés, traités ou non, par études, d’améliorations du bilan lipidique [91]. Les associations
rapport au tissu adipeux témoin [82, 83]. thérapeutiques sans INTI, chez des patients en succès virologi-
En dehors des conséquences de la perte de poids et de la que, permettent aussi de réaugmenter la quantité de masse
cachexie, caractéristiques du stade tardif de l’infection par le grasse périphérique, mais le risque d’hyperlipidémie sous IP doit
VIH non traitée, le métabolisme glucidique ne semble pas être maîtrisé [92, 93]. En revanche, les interruptions programmées
profondément modifié par l’infection VIH, en dehors des de traitements antiviraux, qui semblaient initialement promet-
situations de co-infections VIH-hépatite C : la prévalence de teuses pour minimiser les effets secondaires à long terme, ont
diabète chez les patients naïfs de traitement antirétroviral ne conduit à des échecs virologiques [86, 94]. En raison du caractère
diffère pas de celle de la population générale [26]. En revanche, très stigmatisant de la lipoatrophie, en particulier du visage, les
le niveau de charge virale VIH est indépendamment associé à injections intradermiques de produits de comblement tels que
une concentration basse de HDL et de LDL-cholestérol et à une l’acide polylactique [95], ou la chirurgie par autogreffe de tissu
concentration élevée de VLDL-cholestérol et de triglycérides, adipeux (technique de Coleman) [96], sont efficaces et rembour-
suggérant un effet direct de la réplication virale sur le métabo- sées par l’Assurance maladie dans cette indication. Les glitazo-
lisme lipidique [84]. De plus, une étude du protéome d’une nes ont une place de choix dans le traitement du diabète
lignée lymphocytaire T humaine avant et après infection par le associé à une lipoatrophie chez ces patients. Si la rosiglitazone
VIH a démontré l’implication directe du virus dans l’altération n’est pas recommandée, en raison d’une part de son rôle
du métabolisme lipidique [85]. potentiellement aggravant sur le bilan lipidique et le risque
Les effets propres de l’infection par le VIH sur le risque cardiovasculaire, et d’autre part de ses effets controversés sur la
cardiovasculaire sont probables. En faveur, l’étude d’interruption lipoatrophie [97, 98], la pioglitazone pourrait améliorer à la fois
thérapeutique Strategies for Management of Antiretroviral la sensibilité à l’insuline et la lipoatrophie des patients [99]. Il
Therapy (SMART) (5 742 patients inclus) a montré, de façon faut néanmoins noter que le bénéfice sur la quantité de tissu
inattendue, que les patients qui arrêtaient transitoirement leur adipeux sous-cutané n’est significatif qu’en l’absence de
traitement antiviral de façon programmée, en comparaison avec traitement concomitant par la stavudine et qu’il reste modéré.
ceux qui le poursuivaient, avaient une augmentation de 60 % Les traitements de la lipohypertrophie sont plus difficiles.
du taux d’événements cardiovasculaires, associée à l’importance L’activité physique, comme attendu, peut réduire la graisse
de la réplication virale [86]. Chez 82 sujets infectés par le VIH, viscérale et améliorer les troubles métaboliques [100, 101]. D’autres
naïfs de tout traitement, la fonction endothéliale a été signifi- traitements potentiels de la lipohypertrophie ne sont pas
cativement améliorée après 4 semaines de traitement efficace au autorisés dans cette indication en Europe pour l’instant, comme
plan immunovirologique, quelles que soient les molécules les analogues de la growth hormone-releasing hormone (GHRH),
antirétrovirales utilisées [87]. Cette amélioration persistait au qui ont montré une diminution de 15 % de la masse graisseuse
bout de 6 mois, et était corrélée au niveau de charge virale [87]. abdominale en 6 mois et une amélioration des paramètres
Plusieurs arguments suggèrent en effet que les modifications des lipidiques chez 412 patients infectés par le VIH [102]. L’utilisa-
cellules immunitaires, le déséquilibre de la sécrétion des tion de l’uridine a augmenté la quantité de graisse totale, en
cytokines pro- et anti-inflammatoires dues au VIH et peut-être priorité sa fraction sous-cutanée, mais a entraîné une diminu-
même des protéines virales pourraient altérer directement le tion du HDL-cholestérol, au cours d’un essai randomisé contre
réseau vasculaire (pour revue [88]). Ainsi la réponse anticytomé- placebo chez 20 patients sous traitement antirétroviral actif [103].
galovirus (CMV) spécifique des lymphocytes T est indépendam-
ment associée à l’augmentation de l’épaisseur intima-média
carotidienne chez les patients infectés par le VIH [89]. Traitement du diabète
Concernant le diabète, dans lequel l’insulinorésistance joue
un rôle physiopathologique très important dans ce contexte, les
■ Traitement médicaments insulinosensibilisateurs sont proposés en première
intention si les mesures hygiénodiététiques ne suffisent pas : la
En premier lieu, la prévention de la lipodystrophie et des metformine doit néanmoins être utilisée avec prudence en cas
troubles métaboliques intervient au moment de l’instauration de signes cliniques ou d’hyperlactatémie secondaires à la
d’un traitement antirétroviral. Le choix des molécules antirétro- toxicité mitochondriale des analogues nucléosidiques [104] ; la
virales doit non seulement être adapté à la situation immuno- pioglitazone a été discutée plus haut et pourrait être donnée en
virologique, mais également tenir compte des facteurs de risque première intention en cas de lipoatrophie associée [4]. En dehors
familiaux et personnels de diabète, de dyslipidémie, de maladie de cette particularité, la prise en charge des patients est
cardiovasculaire. En initiation de traitement, l’INTI thymidini- identique à celle recommandée dans la population générale, en
que stavudine n’a plus d’indication, et l’IP indinavir ne garde respectant les éventuelles interactions médicamenteuses. Enfin,
qu’une indication exceptionnelle [4]. Corriger les habitudes dans une étude concernant 112 patients infectés par le VIH,
alimentaires, favoriser l’activité physique, lutter contre le nous avons montré que l’HbA1c sous-estimait les glycémies
tabagisme, l’hypertension artérielle et la dyslipidémie font moyennes de façon significative (en moyenne de 12,3 %) par
maintenant partie des recommandations officielles pour le rapport à une population de 1 238 sujets non infectés, ceci
traitement de l’infection par le VIH, à la fois pour prévenir et étant probablement en rapport avec un processus hémolytique
pour prendre en charge le risque métabolique et cardiovascu- a minima sous antirétroviraux [105]. Il convient donc de ne pas
laire [4]. Une attention particulière est également portée sur les se contenter du dosage de l’HbA1c pour le suivi de ces patients,
complications hépatiques des troubles métaboliques, qui et d’utiliser aussi la mesure des glycémies au laboratoire ainsi
confèrent un risque accru de stéatose et de stéatohépatite. que l’autocontrôle glycémique.

Traitement des lipodystrophies Traitement de la dyslipidémie


Si la lipoatrophie est moins fréquente aujourd’hui chez les Les perturbations lipidiques soulèvent des problèmes théra-
patients débutant leur traitement antirétroviral, elle ne régresse peutiques d’ordre différent suivant le degré d’hyperlipidémie.
que très lentement chez les patients antérieurement traités L’hypertriglycéridémie majeure, lors de poussées aiguës où le
pendant plusieurs années par les antirétroviraux de première taux dépasse 10 à 20 mmol/l, expose le patient au risque de
génération, même après l’arrêt des médicaments les plus pancréatite aiguë, et doit donc être considérée comme une
lipoatrophiants : le gain de masse grasse des membres, évalué à urgence thérapeutique avec mise au régime très pauvre en

6 Endocrinologie-Nutrition
Lipodystrophies et troubles métaboliques associés à l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et à ses traitements ¶ 10-366-S-10

lipides, correction du diabète fréquemment associé, examens [2] Carr A, Samaras K, Burton S, Law M, Freund J, Chisholm DJ, et al. A
biologiques et d’imagerie à la recherche d’une pancréatite aiguë. syndrome of peripheral lipodystrophy, hyperlipidaemia and insulin
Les mesures hygiénodiététiques (réduction de la consommation resistance in patients receiving HIV protease inhibitors. AIDS 1998;12:
de glucides simples, de graisses saturées, d’alcool et de calories F51-F58.
en fonction des données de l’interrogatoire alimentaire, aug- [3] Lewden C, May T, Rosenthal E, Burty C, Bonnet F, Costagliola D, et al.
mentation de l’activité physique) sont à favoriser en premier Changes in causes of death among adults infected by HIV between
lieu. Les médicaments à base d’huiles de poisson, à fortes doses 2000 and 2005: The ″Mortalite 2000 and 2005″ surveys (ANRS EN19
(3 g/j) sont efficaces pour réduire les l’hypertriglycéridémie des and Mortavic). J Acquir Immune Defic Syndr 2008;48:590-8.
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nécessitent parfois une adaptation du traitement antirétroviral ; personnes infectées par le VIH. In: Rapport 2008 du ministère de la
en particulier le ritonavir, même lorsqu’il est prescrit à faible Santé. Paris: Médecine-Sciences Flammarion; 2008. p. 98-131.
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propriétés inhibitrices du cytochrome CYP 3A4, est hyperlipé- Cooper DA. Diagnosis, prediction, and natural course of HIV-1
miant (cf. supra). En raison du risque cardiovasculaire majoré protease-inhibitor-associated lipodystrophy, hyperlipidaemia, and
par le traitement et l’infection, les nouvelles recommandations diabetes mellitus: a cohort study. Lancet 1999;353:2093-9.
thérapeutiques donnent un objectif plus sévère sur le LDL-
[6] Ascher B, Coleman S, Alster T, Bauer U, Burgess C, Butterwick K,
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et al. Full scope of effect of facial lipoatrophy: a framework of disease
infecté, l’objectif de LDL-cholestérol est inférieur à 1,9 g/l et
understanding. Dermatol Surg 2006;32:1058-69.
l’infection traitée est ajoutée aux facteurs de risque retenus par
l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé [7] Miller KD, Jones E, Yanovski JA, Shankar R, Feuerstein I, Falloon J.
(Afssaps) [4] . La prescription de statines tient compte des Visceral abdominal-fat accumulation associated with use of indinavir.
interactions médicamenteuses avec les IP, qui sont métabolisés Lancet 1998;351:871-5.
par la voie des cytochromes CYP 3A4 et/ou 2C9, d’où un risque [8] Vigouroux C, Gharakhanian S, Salhi Y, Nguyen TH, Chevenne D,
de potentialisation de leurs effets secondaires (rhabdomyolyse, Capeau J, et al. Diabetes, insulin resistance and dyslipidaemia in
atteinte hépatique). En pratique, seules la pravastatine, la lipodystrophic HIV-infected patients on highly active antiretroviral
fluvastatine et la rosuvastatine peuvent être utilisées, quoique la therapy (HAART). Diabetes Metab 1999;25:225-32.
concentration de la pravastatine soit diminuée en présence [9] Gervasoni C, Ridolfo AL, Trifiro G, Santambrogio S, Norbiato G,
d’éfavirenz et que celle de la rosuvastatine soit majorée par Musicco M, et al. Redistribution of body fat in HIV-infected women
l’association lopinavir/ritonavir : le traitement doit être com- undergoing combined antiretroviral therapy. AIDS 1999;13:465-71.
mencé à faible dose (pravastatine 20 mg ou rosuvastatine 5 mg/ [10] Samaras K, Pett S, Gowers A, McMurchie M, Cooper DA. Iatrogenic
j). Enfin, l’association avec l’ézétimibe, les résines ou l’acide Cushing’s syndrome with osteoporosis and secondary adrenal failure
nicotinique ainsi que l’utilisation des fibrates sont possibles [4]. in human immunodeficiency virus-infected patients receiving inhaled
Le risque cardiovasculaire à long terme des anomalies méta- corticosteroids and ritonavir-boosted protease inhibitors: six cases.
boliques chez ces patients justifie bien sûr la prise en charge de J Clin Endocrinol Metab 2005;90:4394-8.
l’ensemble des facteurs de risque associés. [11] Calmy A, Hirschel B, Cooper DA, Carr A. Clinical update: adverse
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nucléosidiques, surtout de première génération, sur le treated with antiretroviral agents: relation to HIV-related lipodystrophy.
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• Les troubles métaboliques, insulinorésistance, troubles [15] Riddle TM, Schildmeyer NM, Phan C, Fichtenbaum CJ, Hui DY. The
de la tolérance au glucose, dyslipidémie sont à la fois des HIV protease inhibitor ritonavir increases lipoprotein production and
has no effect on lipoprotein clearance in mice. J Lipid Res 2002;43:
conséquences des troubles de la répartition des graisses
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corporelles et des effets propres des antirétroviraux.
[16] Liang JS, Distler O, Cooper DA, Jamil H, Deckelbaum RJ,
• L’infection par le VIH elle-même est probablement aussi
Ginsberg HN, et al. HIV protease inhibitors protect apolipoprotein B
à l’origine d’un risque cardiovasculaire accru. from degradation by the proteasome: a potential mechanism for
• Le choix du traitement antirétroviral le plus adapté doit protease inhibitor-induced hyperlipidemia. Nat Med 2001;7:1327-31.
aussi prendre en compte les facteurs de risque [17] Gallant JE, DeJesus E, Arribas JR, Pozniak AL, Gazzard B, Campo RE,
cardiométaboliques de chaque patient. et al. Tenofovir disoproxil fumarate, emtricitabine, and efavirenz vs.
• La régression des lipodystrophies installées est très zidovudine, lamivudine, and efavirenz for HIV. N Engl J Med 2006;
lente. Certaines techniques de comblement de la 354:251-60.
lipoatrophie du visage donnent de bons résultats [18] Hellerstein MK, Grunfeld C, Wu K, Christiansen M, Kaempfer S,
et permettent de traiter les formes sévères, très Kletke C, et al. Increased de novo hepatic lipogenesis in human
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• La pioglitazone peut permettre une amélioration de la 559-65.
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• La prescription de statines doit tenir compte des Treatment with protease inhibitors associated with peripheral insulin
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C. Vigouroux, Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier (corinne.vigouroux@inserm.fr).


J. Capeau, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service de biochimie et hormonologie, hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, F-75020 Paris, France, Inserm UMR-S893 équipe 9, faculté de médecine Pierre et
Marie Curie, site Saint-Antoine, 27, rue Chaligny, F-75012 Paris, France, UPMC Université Paris 06, UMR-S893 équipe 9, F-75005, Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Vigouroux C., Capeau J. Lipodystrophies et troubles métaboliques associés à l’infection par le virus de
l’immunodéficience humaine (VIH) et à ses traitements. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Endocrinologie-Nutrition, 10-366-S-10, 2009.

Disponibles sur www.em-consulte.com


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