Vous êtes sur la page 1sur 8

Anévrisme de l’aorte abdominale

Dr Adama Sawadogo, INSSA 2022

OBJECTIFS

1. Définir un anévrysme de l’aorte abdominale (AAA)


2. Citer les 3 types anatomopathologiques de l’AAA
3. Décrire le signe de De Bakey dans le diagnostic d’un AAA sous rénal
4. Citer 5 étiologies de l’AAA
5. Citer les moyens de traitement d’un AAA

1. GENERALITES

1.1. Définition
- Un anévrisme est une dilatation permanente et localisée d’un vaisseau de
plus de 50% par rapport au diamètre normal, avec une perte de
parallélisme de ses bords.
- L’aorte abdominale est la portion de l’aorte qui s'étend du diaphragme
jusqu'au niveau du disque intervertébral entre les vertèbres L4 et L5 où
elle se divise en deux artères iliaques communes et une artère médiane :
l'artère sacrale médiane (inconstante).
- Chez les humains, le calibre de l’aorte abdominale est 18 à 20 mm chez
l'homme et de 14 à 16 mm chez la femme.
- La définition d'AAA retenue est un diamètre antéro-postérieur > 30 mm
ou une dilatation d'au moins 50% par rapport au diamètre de l'aorte
abdominale sus-jacente normale.

1.2. Intérêt
- Epidémiologique: les AAA représentent environ 60 % des anévrismes
artériels avec une nette prédominance masculine (8M / 1F)
- Clinique: la principale complication, c’est la rupture
- Pronostic: La mortalité en cas de rupture est de 80 % même en milieu
spécialisé !!!

1.3. Rappels anatomiques


- Sur les plans radiologique et chirurgical, l’aorte abdominale est divisée en
deux parties séparées par l’émergence des artères rénales en aorte supra-
rénale (segment 4) et aorte infra-rénale (segment 5).
- Elle est retro-péritonéale, à gauche de la veine cave inférieure (VCI) et en
avant du rachis.
- Elle donne trois types de branches collatérales:
*Branches digestives: tronc cœliaque, artère mésentérique supérieure,
artère mésentérique inférieure.
*Branches uro-génitales: artères rénales et gonadiques droites et gauches
*Branches pariétales: artères phréniques inférieures et artères lombales
- les branches termina sont les deux artères iliaques communes droite et
gauche et l'artère sacrale médiane qui est inconstante.

1.4. Rappels anatomopathologiques


- La paroi de l’anévrisme est habituellement pauvre en fibres élastiques et
collagène, et est +/- fibreuse et calcifiée.
- Le thrombus endo-sacculaire est fait d'appositions lamellaires fibrineuses.
- Il existe trois types anatomo-cliniques:
*Fusiforme dans l'axe du vaisseau avec un chenal central.
*Sacciforme dû à une fragilisation ponctuelle, excentré.
*Disséquant par clivage de la paroi.

1.5. Rappels physiopathologiques


- Un anévrisme a tendance spontanément à augmenter de volume : en
moyenne, la progression en diamètre d'un AAA sous-rénal est de 1 à 2
mm/an initialement, puis de 2 à 5 mm lorsque le diamètre est supérieur à
40-45 mm.
- En raison de la destruction de la média, l'artère perd progressivement sa
capacité à lutter contre la distension (loi de Laplace T = PD/2e). Ainsi, un
AAA ne peut évoluer qu'en s'aggravant.
- La vitesse de croissance est d'autant plus grande que le diamètre aortique
est élevé.
- L'augmentation de diamètre d'un anévrisme est inexorable avec de très
larges variations individuelles. Certains anévrismes restent stables pendant
plusieurs années alors que d'autres ont une croissance régulière très rapide.
- L'HTA favorise bien entendu le phénomène (augmentation de P).
2. SIGNES
2.1. Signes cliniques
2.1.1. Type de description : anévrisme de l’aorte abdominale sous rénale

Circonstances de découverte

- Elles sont multiples allant de la découverte fortuite au cours d’une


palpation de l’abdomen au syndrome abdominal aigu associé au
collapsus de la rupture anévrysmale.
- Au moment de la découverte, 4 tableaux cliniques sont souvent
rencontrés:
*L’anévrysme asymptomatique
*L’anévrysme évolutif
*L’anévrysme douloureux
*L’anévrysme fissuré ou rompu

Signes fonctionnels

- Classiquement, l’AAA est asymptomatique


- La douleur abdominale :
 elle révèle un facteur de gravité (faisant craindre une rupture) et doit
déboucher sur une prise en charge urgente dans un service de chirurgie
vasculaire.
 C’est une douleur sourde, permanente, de siège épigastrique, à type de
pesanteur, pouvant irradier dans les lombes ou vers l'hypogastre et les
membres inférieurs.
 Elle n'a rien de spécifique, ce d'autant qu'elle peut s'accompagner de
manifestations digestives ou urinaires.
- Beaucoup plus rarement, en rapport avec une complication
 Des signes d’ischémie aiguë ou subaiguë de membre inférieur
secondaire à une embolie à partir du thrombus intra-anévrismal de l'AAA.
 Lombalgie, cruralgie (érosion vertébrale).
 OMI avec ou sans thrombose veineuse ilio-cave par compression de la
VCI ou d'une veine iliaque

Palpation

- Elle ne permet de détecter le plus souvent que des AAA de grand diamètre
> 50mm.
- C’est une étape fondamentale du diagnostic lorsqu'elle retrouve:
 Une masse battante (synchrone au pouls) et expansive (c'est-à-dire
écartant les doigts de la main qui la palpe à chaque systole).
 De siège péri-ombilical ou latéralisé à gauche.
 De volume variable.
 La possibilité de glisser le tranchant de la main entre le pôle supérieur de
l’anévrysme et le rebord costal traduit le caractère sous rénal de la masse :
signe de DE BAKEY.

Auscultation

- La présence de souffle n’est pas un argument en faveur du diagnostic,


- L’absence de souffle ne peut être retenue contre lui

2.1.2. Formes topographiques : anévrismes de l’aorte sus rénale


- Ils ne représentent que 5-15% des AAA
- Il s’agit le plus souvent d’anévrisme thoraco-abdominaux
- La douleur si elle survient est vague, tantôt thoracique et tantôt
abdominale
- Le principal risque est lié à la présence des branches viscérales

2.1.3. Formes compliquées

2.1.3.1.compression des organes de voisinage


- Complications relativement rares :
- Duodénales : douleurs, pesanteur épigastrique, vomissements
postprandiaux.
- Nerveuses : douleurs solaires, radiculalgies (sciatiques).
- Voies urinaires: coliques néphrétiques (compression urétérale G),
hydronéphrose unilatérale avec dilation des cavités pyélocalicielles
gauches.
- Veineuses : œdèmes des membres inférieurs.
- Osseuses : érosions vertébrales.

2.1.3.2.Rupture
- Complication la plus fréquente, souvent révélatrice de l'anévrisme : plus
de 50% des AAA rompus ne sont pas connus avant leur rupture.
- Le risque de rupture est directement proportionnel à la taille de
l'anévrisme :
Risque très faible si diamètre < 40 mm.
Risque modéré si diamètre entre 50 et 55 mm.
Risque élevé si diamètre> 55 mm.
Anévrisme ≥ 6 cm de diamètre = 20% de rupture à 1 an.
- La rupture peut être :
 rétro-péritonéale : fréquente, douleurs abdominales ou lombaires
paroxystiques, défense abdominale et collapsus modéré
 intrapéritonéale : rare, en général foudroyante et mortelle. C’est un
tableau d'abdomen aigu chirurgical avec choc hémorragique foudroyant
par hémopéritoine.
 rupture dans le duodénum : elle se traduit par des douleurs abdominales
et une hémorragie digestive basse de gravité variable.
 rupture dans la veine cave inférieure : responsable d'une fistule artério-
veineuse avec shunt vrai massif donnant un tableau d'insuffisance
cardiaque, d'hématurie par hyperpression dans la veine rénale, ou plus
rarement d'une embolie pulmonaire par migration d'un thrombus intra-
sacculaire dans la VCI.

2.1.3.3.Embolies
- La thrombose intra-sacculaire étant constante, elle peut être responsable
- Thrombose de la poche anévrismale (très rare) : oblitération progressive
(syndrome de Leriche), oblitération aiguë (ischémie du pelvis et des 2
jambes).
- Embolies provenant de l'anévrisme : tableau d'ischémie aiguë des
membres inférieurs, micro-emboles de cristaux de cholestérol ou de dépôts
fibrino-cruoriques répétés (maladie des emboles de cholestérol ou blue toe
syndrome).

2.1.3.4.Infection

Infection du sac anévrismal avec emboles septiques à distance (rarissime).

2.2. Signes paracliniques

2.2.1. Echographie abdominale


- C’est une technique non invasive, peu onéreuse, reproductible dont la
fiabilité est proche de 100%
- Elle permet, dans la grande majorité des cas : d'affirmer le diagnostic d'
AAA et de mesurer la taille de l'anévrisme, de détecter la présence d'une
thrombose intra-sacculaire ou d’un hématome rétropéritonéal traduisant la
rupture de l'anévrisme, de préciser ses limites (collet supérieur, état des
artères iliaques), de surveiller la taille de l'anévrisme ( examens réguliers).
- Elle doit également rechercher des anévrismes poplités associés dans 25%
des cas.
2.2.2. Angioscanner
- Il est devenu l'examen de référence dans le bilan pré-thérapeutique de la
maladie anévrismale.
- C'est un scanner abdominal sans puis avec injection de produit contraste
iodé.
- Il permet:
 De mesurer avec précision la taille de l'anévrisme.
 De préciser avec exactitude le collet supérieur de l'anévrisme, sa
localisation par rapport aux artères rénales, la position de la veine
rénale gauche par rapport à l'aorte.
 Il donne une meilleure définition du contenu (thrombose)
 Il visualise mieux le retentissement sur les organes de voisinage.
 Les coupes sans injection permettent de quantifier le degré de
calcification de la paroi aortique.
 L'IRM remplace le scanner en cas de contre-indication (insuffisance
rénale+++).

2.2.3. Radiographie de l’abdomen sans préparation (ASP)


- Peu d'intérêt de nos jours (cliché de profil surtout).
- Recherche des calcifications de l'anévrisme dessinant les contours de
l'anévrisme avec perte du parallélisme des parois.
- Dans quelques cas, le cliché de profil retrouve une érosion des corps
vertébraux.

2.2.4. Aortographie
- Elle peut être réalisée dans un autre cadre (par exemple lors d'une
aortographie + artériographie des MI pour prise en charge d'une ischémie
aiguë du MI par thrombose sur artères pathologiques) et amener à la
découverte d'un AAA.
- L'aortographie ne fait plus partie du bilan systématique après découverte
d'un AAA.

3. DIAGNOSTIC

3.1. Diagnostic positif


Le diagnostic est évoqué devant une masse abdominale péri-ombilicale
battante et expansive avec signe de De Bakey positif. Il est confirmé par
l’échodoppler vasculaire. Le scanner décrit son anatomie, ses complications et
les organes de voisinage.

3.2.Diagnostic étiologique
3.2.1. Athérome
- L'athérosclérose domine l'étiologie des AAA.
- Aux lésions d'ulcérations et de calcifications s'ajoutent la dégénérescence
de la média par destruction de ses fibres élastiques et le remplacement des
3 tuniques par un tissu fibreux.
- L'athérome est responsable des anévrismes dans 98% des cas; il s'agit le
plus souvent d'anévrismes fusiformes.

3.2.2. Artérites inflammatoires


- Maladie de Takayasu : c'est une aorto-artérite inflammatoire non
spécifique intéressant l'ensemble des 3 tuniques artérielles, touchant
surtout les femmes jeunes, « maladie des femmes sans pouls ».
- Maladie de Horton : c'est une panartérite inflammatoire à cellules géantes
touchant surtout les sujets âgés. Les complications aortiques (anévrismes
touchant principalement l'aorte ascendante) surviennent à distance de la
première manifestation.
- Maladie de Kawasaki : Elle touche surtout les enfants et aboutit à des
anévrismes diffus au niveau des petites branches artérielles, et notamment
coronaires. C'est une des principales causes d'IDM chez l'enfant.

3.2.3. Anévrismes infectieux


- Responsables en général d'anévrismes sacciformes.
- La cause la plus classique était l'anévrisme syphilitique, devenu rarissime.
- Les autres causes sont la greffe bactérienne à distance d'un foyer septique
(complication d'une endocardite infectieuse), une suppuration de
contiguïté, une surinfection de la thrombose d'un anévrisme athéromateux.

3.2.4. Anévrismes génétiques


- Maladie de Marfan: anomalie de la fibrilline. Anévrisme atteignant surtout
l'aorte thoracique ascendante.
- Maladie d'Ehlers-Danlos : anomalie du tissu élastique avec risque
d'anévrisme de l'aorte thoracique et/ou abdominale.
- Le principal risque est ici la dissection aortique.
3.2.5. Dysplasie fibro-musculaire
3.2.6. Anévrismes post traumatiques et post dissection
3.3.Diagnostic différentiel
- Il n'existe guère de diagnostic différentiel, cependant:
- Une tumeur du pancréas ou d'un autre organe rétropéritonéal, battant au
contact de l'aorte, peut simuler un anévrisme, mais cette masse est non
expansive.
- Chez les sujets très maigres ou cyphotiques, on peut sentir une aorte
sinueuse (ou une dolicho-méga-aorte) battante sous les doigts, mais les
battements sont antéro-postérieurs alors qu'ils sont latéraux dans
l'anévrisme de l'aorte abdominale.

4. TRAITEMENT
4.1.But
- Assurer une intégrité de la paroi artérielle
- Eviter les complications
- Assurer une revascularisation en distalité

4.2.Moyens
4.2.1. Moyens médicaux
- Prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaires
 Sevrage tabagique
 Equilibrer le diabète
 Corriger les dyslipidémies
- Contrôler l’HTA
- Antiagrégant plaquettaire : aspirine, clopidogrel
- Statine
4.2.2. Traitement endovasculaire
- C’est la mise en place d'une prothèse endovasculaire (endoprothèse) à
l'intérieur de l'anévrisme par voie fémorale.
- Il a pour but d'isoler la poche anévrismale du courant sanguin.
- Il permet d’éviter les complications relatives à la chirurgie qui reste une
méthode lourde et invasive.

4.2.3. Le traitement chirurgical


- Abord trans-péritonéal ou rétro-péritonéal
- Mise à plat- greffe par prothèse vasculaire
- Fermeture de la paroi anévrismale sur la prothèse

Vous aimerez peut-être aussi