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DISSECTION AORTIQUE
(ANEVRISME DISSEQUANT DE L’AORTE)

1 – INTRODUCTION

1 – 2 – Définition

Elle se définit comme un accident secondaire au clivage longitudinal de la média de la paroi


aortique, à partir d'une porte d'entrée (ou déchirure) intimale siégeant à un niveau variable
de l'aorte thoracique, par un hématome disséquant consécutif à une fragilisation de la média
et à une rupture de l’intima, entraînant la création d'un faux chenal circulant d'extension
variable, source de complications précoces ischémiques et hémorragiques.

1 – 2 – Intérêts

 Fréquence rare : 0,5 à 5 / 100 000 habitants par an (Europe)


 Affection grave : urgence cardio-vasculaire dramatique  forte mortalité
o 50 % dans les 48 – 1ère heures
o 70% au cours de la 1ère semaine
o 80% à la fin du 1er mois
o 1% / h pendant le premier jour

 Le pronostic autrefois effroyable a été amélioré, ces dernières années par des
techniques d’imagerie autorisant une prise en charge médico-chirurgicale plus rapide
et plus efficace

1 – 3 – Anatomie pathologique

La dissection consiste en un hématome disséquant quiclive la média aortique à l’union des


2/3 interne et du 1/3 externe, dans le sens longitudinal, à partir d’une rupture de l’intima (la
porte d’entrée) créant une communication entre les deux chenaux. La dissection n’est jamais
circonférentielle, mais le plan de clivage s’étend le plus souvent de manière hélicoïdale vers
l’aval et éventuellement vers l’amont ; c’est le faux chenal. Une porte de sortie (en fait, porte
de réentrée) est fréquente, en aval. L’aorte ascendante est atteinte dans les 2/3 des cas.
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1 – 4 – Physiopathologie

A partir de la brèche, le sang sous pression progresse dans la paroi, plus ou moins loin vers
l’aval et à un degré moindre en amont, vers l’orifice aortique du cœur, responsable d’une IA
lorsqu’elle l’atteint, et pouvant fuser dans la paroi des grosses branches collatérales, au
passage. La rupture médiastinale est une éventualité dramatique, de même que la rupture
intrapéricardique ou l’extension à une coronaire. Vers l’aval, l’extension vers l’aorte
abdominale expose au risque de dissection des artères rénales, mésentériques, illiaques.

Deux mécanismes semblent jouer un rôle fondamental :


 l’altération de la média ou médianécrose kystique, lésion qui, bien que non
spécifique, est habituellement observée dans la paroi d’aortes dystrophiques ;
 l’HTA, facteur hémodynamique de 1er plan.

2 – SIGNES

2 – 1 – Type de description : Dissection aortique aiguë

2 – 1 – 1 – Circonstance de découverte
 Fortuite (découverte fortuite d’un médiastin élargi sur un cliché radiologique du
thorax)
 Douleur thoracique syncopale
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 Complications

2 – 1 – 2 – Signes cliniques

2 – 1 – 2 – 1 – Signes fonctionnels

 DOULEUR THORACIQUE (maître symptôme +++) : comporte cinq caractéristiques


particulières; il s'agit d'une douleur :
o Aiguë, brutale, survenant d'une seconde à l'autre, comme un coup de couteau
ou de fusil, spontanée ou provoquée par effort, émotion,
o Thoracique, rétro-sternal, médio-thoracique, ou antérieure large irradiant
entre les deux omoplates, ou seulement postérieure, pouvant s'associer à des
douleurs au cou à la base des mâchoires ou aux bras comme dans l'angor ou
l'infarctus.
o Sévère, très intense, atroce, intolérable, déchirante, comme une sensation de
mort imminente, parfois syncopale.
o Pulsatile, ressentie comme cyclique, comme associée aux battements
cardiaques, variant un peu comme une migraine.
o Migratrice, typiquement commençant comme une violente douleur de la
poitrine, puis du dos entre les omoplates (interscapulo-vertébrale), puis
dorsolombaire et lombo-abdominale, suivie parfois de douleurs des membres
inférieurs.

 Autres signes fonctionnels associés : font craindre les complications :


o Oligo-anurie, parfois douleur de type colique néphrétique
o Syncope ou éclipse cérébrale ou déficit neurologique (de type AIT ou AVC
ou paraplégie par atteinte parenchymateuse cérébrale ou médullaire)
o Ischémie aiguë des membres inférieurs
o Syndrome douloureux abdominal (extension de la maladie, ischémie
digestive)
o Dyspnée ( fuite aortique massive)

2 – 1 – 2 – 2 – Signes généraux
 Fièvre 38° dès premier jour
 Etat de choc + collapsus
 Poussée d’HTA ( atteinte de l’artère rénale)

2 – 1 – 2 – 3 – Signes physiques

2 – 1 – 2 – 3 – 1 – Signes cardio-vasculaires

 Deux signes de bonne valeur diagnostique


o Souffle holodiastolique d’IAO
o Signe d’obstruction d’une branche de l’aorte
 Signe d’obstruction artérielle ou d’ischémie de membre
  ou asymétrie de pouls et de TA
 souffle systolique plus ou moins frémissant sur un trajet
artériel

 troubles neurologiques :
 trouble de la conscience jusqu’au coma
 syndromes neurologiques déficitaires focalisés

 Insuffisance rénale aiguë


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 Autres signes cardio-vasculaires


o Souffle systolique dans le dos ( dissection de l’aorte descendante)
o Assourdissement du BDC, Frottement péricardique de mauvais pronostic,
évoquant un hémopéricarde ;
o Tachycardie, HTA, IDM, TDR et TDC
o Syndrome cave supérieur,

2 – 1 – 2 – 3 – 2 – Signes viscéraux

a – Signes pleuro-pulmonaires et médiastinaux


 Polypnée + oppression thoracique, hémoptysie
 Signes d’Hémopéricarde (rupture dissection dans le péricarde)
 Signes de Compression médiastinale
o Bronchique
o Oesophagienne
o Récurentielle

b- Signes abdominales  signe d’ischémie viscérale


 Douleur abdominale, Vomissement, infarctus mésentérique, Diarrhée + melæna,
hématémèse
 Perforation d’ulcère gastro-duodénale, Syndrome sub-occlusif
 Tableau de pancréatite

c- Signes rénaux  ischémie parenchyme rénal  :


 Douleur type colique néphrétique
 Hématurie, protéinurie
 Oligurie voire même anurie

d- Autres Signes : Syndrome de Claude-Bernard-Horner

2 – 1 – 3 – Signes paracliniques : Les examens complémentaires seront demandés et


réalisés
 En urgence, et si possible non invasifs
 En milieu de réanimation cardiologique

2 – 1 – 3 – 1 – ECG (15 dérivations)


 Peut être normal
 Ou signes sans spécificité (HVG,…) ; Absence de signe d’IDM

NB : association douleur thoracique intense + ECG normal doit faire évoquer le


diagnostic d’une dissection aortique

2 – 1 – 3 – 2 – Biologie
 Enzymes cardiaques normales (troponine Ic, Myoglobine, CK-MB, ASAT)

 Autres
o Groupage sanguin ABO et rhésus, Agglutinines,
o Ionogramme sanguin, Urée et créatinine plasmatique
o Glycémie, Hémogramme + taux des plaquettes
o Bilan d’hémostase (TP, INR, TCA, Fibrinogène)
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2 – 1 – 3 – 3 – Radio thorax (face, au lit)


 Elargissement du médiastin et du pédicule aortique, du bouton aortique
o inconstant ; sur des clichés comparatifs
o image de double contour de la paroi aortique + déplacement interne des
calcifications intimales distantes de > 6 mm à 1 cm du bord de la paroi
aortique
 Augmentation rapide ombre cardiaque entre 2 clichés successifs plaide en faveur d’un
hémopéricarde
 Epanchement pleural gauche dans dissection de type III

2 – 1 – 3 – 4 – Echo-Doppler cardiaque : ETT et ETO (examen diagnostique de


référence)

 Diagnostic positif
o Dilatation aortique + augmentation du diamètre interne (racine > 42mm ; aorte
ascendante > 38mm ; aorte descendante > 28 mm)
o « Flap » ou voile intimal sépare l’aorte en 2 chenaux
 2 cylindres : interne (vrai chenal) et externe (faux chenal)
 dédoublement des parois aortiques
 paroi antérieure >16mm
 paroi postérieure > 10mm
  diamètre interne de l’aorte

 Bilan lésionnel :
o localise la porte d’entrée au Doppler couleur : unique ou multiple
o précise le type anatomique A ou B
o précise l’étendue (de la dissection aortique)
o étude de la crosse aortique

 Recherche des complications


o fuite aortique par dilatation anneau ou capotage d’un sigmoïde
o épanchement péricardique
o anomalie de la cinétique segmentaire du ventricule gauche
o extension de la dissection aux troncs supra-aortiques
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2 – 1 – 3 – 5 – Scanner thoraco-abdominal spiralé ou hélicoïdal+ injection de produit


de contraste (angio-scanner ; exploration non invasive avec imagerie de bonne
qualité ; examen diagnostique de référence : sensibilité entre 80 et 100% et spécificité
entre 90 et 100%)

 Diagnostic positif + signes directs :


o Dilatation de l’aorte
o Image de double chenal
 Séparée par le voile ou « flap » intimal
 + calcifications intimales
o Angiographie séquentielle : faibles différences d’opacification, la lumière étant
opacifiée plus vite que la fausse

 Recherche de complications
o Hémomédiastin
o Hémopéricarde

 Souvent pris en défaut dans le bilan lésionnel (< ETO)

2 – 1 – 3 – 6 – IRM et ciné- IRM


 Diagnostic positif
o Voile intimale séparant 2 chenaux AO
o Dilatation Ao
 Bilan lésionnel de la dissection
o Siège
o Porte d’entrée
o étendue
 complications
o fuite aortique
o hémopéricarde
o hémomédiastin

2 – 1 – 3 – 7 – Aortographie (angiographie numérisée)

 Diagnostic positif
o Dilatation aortique
o 2 cylindres et un septum intimal
 un cylindre interne rétréci, déformé, refoulé par l’hématome
 un cylindre externe ( faux chenal)
 septum intimal

 Bilan lésionnel de la dissection


o Porte d’entrée
o étendue
 Complications et ou lésions associées
o Fuite aortique
o Fissuration
o Extension aux collatéraux

2 – 1 – 4 – Evolution

2 - 1 – 4 – 1 – Spontanée

 Pronostic spontané
o Décès %
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o 24- 1ère h 35%


o 48 h 50%
o 1ère semaine 70%
o 2ème semaine 80%

 Complications

o Rupture paroi externe  hémopéricarde, hémomédiastin, hémothorax


o Extension dissection aortique aux artères efférentes de l’aorte ( artère
coronaire, à destinée céphalique, rénales, mésentérique, iliaque, et fémorale)
o Extension rétrograde vers la racine aortique  IAO, hématome du SIA et ou
SIV, compression vrai chenal augment l’ischémie
o décès

 Passage à la chronicité

 Facteur pronostic, éléments de gravité :

o Etat de choc Anurie (oligo-anurie)


o Tamponnade Hémothorax gauche
o Syndrome neurologique déficitaire Age > 60 ans

2 – 1 – 4 – 2 – Evolution sous traitement

 Immédiate : satisfaisante

 Complications secondaires sont fréquentes en cas de persistance d’un faux chenal


circulant et d’une HTA mal contrôlée :
o IAO ; dilatation AO ; anévrisme AO
o Lâchage de suture --> faux anévrisme
o Ischémie récurrente d’un membre ou d’organe
o Infection de prothèse (rare, redoutable)
o Dissection d’un autre segment aortique

2 – 2 – Formes cliniques

2 – 2 – 1 – Forme typique : type de description (cf)

2 – 2 – 2 – Formes étiologiques

2 – 2 – 3 – Formes symptomatiques

2 – 2 – 4 – Formes anatomiques selon les classifications

2 – 2 – 5 –Formes évolutives (non compliquée, compliqués)

2 – 2 – 6 – Formes selon le pronostic (bon, mauvais)

2 – 2 – 7 –Formes selon l’ancienneté


- aiguë : 2 – 1ère semaines
- subaiguë 3ème et 4ème semaines
- chronique > 3 mois
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3 – DIAGNOSTIC

3 – 1 – Diagnostic positif :

 Evoqué par l’association


o Douleur thoracique, très intense, rétrostérnale, migratrice, irradiation
postérieure puis dorso-lombaire
o Terrains évocateurs (Marfan, maladie annulo-ectasiante)
o ECG normal + enzyme cardiaque normal
o Signe d’ischémie persistante ou transitoire dans un territoire des collatérales
aortiques
o Découverte d’IAO ou de signe de tamponnade
 Affirmé par l’imagerie médicale (telle que ETT, ETO, Scanner, IRM, Angiographie)

3 – 2 – Diagnostic topographique

 Classification de DE BAKEY
o Type I : Aorte thoraco-abdominale
o Type II : Aorte thoracique ascendante ne dépassant pas le tronc artériel
brachio-céphalique
o Type III : respectant l’aorte thoracique ascendante et horizontale, et débutant
après l’artère sous-clavière gauche

 Classification de STANFORD
o Type A : touche l’aorte ascendante (Type I de De Bakey: Aorte thoraco-
abdominale et Type II de De Bakey: Aorte thoracique ascendante ne
dépassant pas le tronc artériel brachio-céphalique) ;
o Type B : ne touchant pas l’aorte thoracique ascendante et horizontale, et
débutant après l’artère sous-clavière gauche (Type III de De Bakey)
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 Classification de Dailey
o Dissection aortique proximale ou distale

 AHA (5 classes)
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 Classification des brèches intimales selon Svensson

3 – 3 – Diagnostic différentiel

 Toute douleur thoracique


 A l’ETO et ETT :
o cardiopathie ischémique
o embolie pulmonaire
o péricarde

3 – 4 – Diagnostic étiologique

3 – 4 – 1 – Dominés par 3 causes principales

 HTA

 Maladies du tissu élastique (maladie de la média aortique de type dégénératif)


o Médianécrose kystique
o Maladie de Marfan (homme de grande taille, arachnodactylie, subluxation
cristallin)
o Maladie d’Ehlers-Danlos (hyperlaxité cutanée et ligamentaire)
o Elastorhexie systématisée de Touraire

 Anomalie congénitale aortique ou associée à une cardiopathie congénitale


o Bicuspidie aortique
o COAO
o CIA
o CIV
o RAO valvulaire congénital
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o Hypoplasie aortique
o Plus rarement PCA

3 – 4 – 2 – Autres causes

 Grossesse : surtout les femmes multipares, au 3ème trimestre


 Facteurs prédisposants : syndrome de Turner, syndrome de Moonan, aortite à cellules
géantes, LEAD, polychondrite atrophiante
 Traumatisme aortique iatrogène
o Cathétérisme artériel
o Ballon de contre-pulsion intra-aortique
o Canule de CEC
o Chirurgie aortique
 Traumatisme thoracique
 Efforts physiques violents
 Athérosclérose
 Dégénérescence physiologique de la média ( vieillissement)
 Idiopathique

3 – 4 – 3 – La dissection aortique survient sur un terrain particulier

 une Hypertension
 Des stigmates de maladie de Marphan
 Une histoire de dissection aortique dans la proche famille
 La notion d'un anévrysme de l'aorte ascendante connu
 bicuspidie aortique connue
 Antécédents de réparation de coarctation de l'aorte
 Fin de grossesse ou post-partum

4 – TRAITEMENT

4 –1- Buts du traitement

 Soulager le patient (contrôler la douleur)


 Corriger le pronostic spontanné dramatique en :
o  PA
 PAS  100 – 120 mmHg
 PAD  60 – 75 mmHg
o  force de contraction ventriculaire gauche
o en évitant la mort par rupture de la paroi aortique
o ferment la porte d’entrée
o thrombose fausse lumière aortique

4 – 2 – Moyens T3

4 – 2 – 1 – Curatif

4 – 2 – 1 – 1- Médicaux

 bêta-bloquant : Propranolol
 autres anti-HTA
o ICL ; nicardipine
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o Labetalol
o nitroprussiate
 antalgiques majeures
 repos prolongé
 prévention de l’endocardite infectieuse

4 – 2 – 1 – 2 – Chirurgie sous CEC

 Remplacement aortique par prothèse en Dacron


 Correction IAO par
o Plastie
o Prothèse valvulaire
 Excision du voile initiale
 Oblitération de la PE dans le forme chenal
 Chirurgie de revascularisation d’organe
 Remplacement segmentaire aorte thoracique en regard de la porte d’entrée

4 – 2 – 1 – 3 – Thérapeutiques interventionnelles

 Stent couvert ou prothèse endovasculaire


 Fenestration de la membrane intimale (pour rétablir la perfusion d’organe ou des
membres ischémiques)

4 – 2 – 2 – Préventif

4 – 2 – 2 – 1 – Médical

 Traitement anti-HTA
 Bêta-bloquant au long cours

4 – 2 – 2 – 2 – Chirurgical

 Remplacement préventif racine aortique dont diamètre  5,0 – 5,5 cm chez l’adulte

4 – 3 – Indications T3

4 – 3 – 1 – Dissection type A ou proximale (Urgence chirurgicale cardio-vasculaire)

 Remplacement prothétique de l’aorte ascendante sous CEC


o Parfois remplacement valvulaire aortique
o Ou remplacement crosse aortique
 Suivi par traitement médical

4 – 3 – 2 – Dissection type B

 Traitement médical : bêta-bloquant + traitement anti-HTA

 nécessite un contrôle rigoureux de la PA + surveillance régulière par imagerie


pour dépister l’apparition d’un anévrisme thoracique dont le diamètre ou
l’évolutivité peut amener à discuter le recours à d’autres traitements :
 prothèse endovasculaire
 chirurgie
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4 – 4 – Résultats après traitement

 Evolution immédiate améliorée, satisfaisante


o Survie > 50 % à 2 ans
o Meilleur résultat pour les types B
 Evolution à long terme est parfois grevée de complication secondaire

4 – 5 – Surveillance = spécialisée :

 Rythme de surveillance
o 1ère année : 1 – 3 – 6 – 12 mois
o puis tous les ans
 Eléments de surveillance
o Examen clinique complet
o Imagerie aortique (ETT, ETO, RCP, IRM).

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