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Arnaud Desjardins, Véronique Loiseleur - en Relisant Les à Vangiles - La Table Ronde (1990)
Arnaud Desjardins, Véronique Loiseleur - en Relisant Les à Vangiles - La Table Ronde (1990)
Desjardins
Véronique Loiseleur
EN,RELISANT
LES EVANGILES
ARNAUD DESJARDINS
VÉRONIQUE LOISELEUR
Sn relisant
les Svangiles
La Table Ronde
7, rue Corneille, Paris 6e
©Éditions de La Table Ronde, Paris, 1990.
ISBN 2-7103-0424-4.
INTRODUCTION
LE CHRISTIANISME AUJOURD'HUI
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«MAÎTRE, OÙ DEMEURES-TU?»
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Si nous prenons le cas de Jean-Baptiste, qu'on appelle
aussi le Précurseur et qui vient « pour aplanir les chemins
du Seigneur >>, nous trouverons un exemple supplé-
mentaire d'une double interprétation des Évangiles. Son
intervention peut être considérée juste comme un événe-
ment historique: un certain Jean-Baptiste vêtu de peaux
de bête, se nourrissant de sauterelles, baptisait au bord du
Jourdain; ou bien, à un niveau plus profond, Jean-
Baptiste peut être vu comme un aspect de nous-mêmes et
décrire ainsi une étape de notre propre évolution. Il est
dit de Jean-Baptiste qu'il traverse un moment de doute
quand il est en prison. Il fait demander au Christ : « Es-tu
bien celui qui doit venir?» Jean-Baptiste représente le
début de la voie, il correspond à un stade qui va aplanir
les chemins du Seigneur. Mais la compréhension de Jean-
Baptiste est encore limitée tout comme la compréhension
que nous avons de notre propre cheminement est au
départ incomplète.
Jean-Baptiste parle de ce qui doit être fait ou <1e ce qui
ne doit pas être fait. En effet, presque toujours nous abor-
dons la vie spirituelle avec cette question : « Que faut-il
faire?>> Toute l'existence nous a demandé d'agir: faire
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qui est, selon moi, une des plus cruelles et des plus dou-
loureuses - c'est de buter sur la lettre de l'enseignement
et de se débattre dans les contradictions : les protestants
ont dit ceci, les catholiques ont dit cela et les orthodoxes
disent encore autre chose; et le Christ a donné un ensei-
gnement qu'on me dit être dualiste, le Védanta est un
enseignement non dualiste, alors où est la vérité? Tant
qu'on s'en tient aux formulations, même en admettant
qu'on connaisse l'hébreu, le grec, le sanscrit et l'arabe, on
peut véritablement se torturer. Et, s'il n'y a pas un
homme transformé, un sage, un maître pour nous sauver
de cette torture, nous pouvons souffrir longtemps sans
parvenir à réconcilier ces contradictions. Au nom du
Christ, certains se sont meurtris avec des interdits et des
dogmes sans comprendre que l'essentiel réside dans ce
passage de l'amour ordinaire, phileo, à l'amour supé-
rieur, agapè, dont je parlais tout à l'heure.
De même, la lapidation ne doit pas être entendue uni-
quement au sens de mettre à mort en lançant des pierres,
mais de tuer moralement quelqu'un à coups de « véri-
tés ». Le passage de la femme adultère prend ainsi toute
sa dimension: «Que celui qui n'a jamais péché lui jette la
première pierre. » Qui ne s'est pas senti, à un moment ou
à un autre, jugé, accablé, condamné par ce qui a été dit ou
écrit; une autorité extérieure détenant la vérité littérale
nous assène : « Il a été dit ceci, tu es un pécheur, tu as fait
mal, tu as transgressé. » Avec ces injonctions écrites, qui
se trouvent en effet dans le Coran, dans les Upanishads,
dans l'Ancien et le Nouveau Testament, on peut torturer
quelqu'un, alors que d'un bout à l'autre des Évangiles, le
Christ nous demande de dépasser le jugement pour accé-
der à la compréhension et à l'amour suprême qui accepte
l'autre tel qu'il est.
Quand le Christ surnomme Simon Pierre - le mot
DU VIEIL HOMME A L'HOMME NOUVEAU 81
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LE PÉCHÉ ET LA FOI
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Cette foi dont le Christ parle aux apôtres c'est ce qui per-
met de faire, d'agir, aussi bien au-dehors - déplacer les
montagnes ou guérir un enfant malade- qu'au-dedans de
soi. Le centurion se situe dans une hiérarchie. De même
celui qui a la foi se situe entre les ordres qu'il reçoit d'un
niveau supérieur de la réalité - qu'on appelle la volonté
de Dieu ou, si vous préférez, la «justice de la situation » -
et un niveau inférieur de la réalité qui est le monde maté-
riel, y compris cet aspect particulier du monde matériel
que représentent nos propres fonctionnements. L'homme
devrait être capable de commander, de maîtriser ce
niveau inférieur. Mais celui qui n'a pas la foi ne possède
aucun pouvoir sur lui-même, il ne peut pas « faire » parce
que des émotions, des impulsions l'entraînent. Il veut
accomplir la volonté du Père et il en est incapable par
manque de foi. Pour agir et non pas seulement réagir, il
faut un être unifié conscient et maître de lui.
La foi est donc en même temps la certitude des choses
invisibles et la capacité d'accomplir des actions qui ne
soient pas simplement des réactions. c·est parce que le
centurion dit : « Moi je sais ce que c'est qu'obéir et je sais
ce que c'est que commander », que le Christ déclare :
«Même en Israël je n'ai pas vu une foi pareille», c'est-à-
dire une compréhension pareille de la hiérarchie des
niveaux. La part de nous la plus décidée à mettre en pra-
tique l'enseignement du Christ peut être comparée à
Moïse conduisant en nous le peuple de nos tendances et
désirs contradictoires hors de la terre de servitude
jusqu'à la Terre promise qui se lève aussi en nous. Pen-
dant longtemps la multiplicité des personnages qui nous
composent fait de notre complexité non pas un peuple
structuré autour d'une divinité unique et d'un chef mais
une foule incohérente. Si nous avons la foi, nous pourrons
convaincre les aspects les plus réticents de nous-mêmes
de se soumettre pour servir la cause de notre trans-
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ego. J'ai accompli cette action. Tel que j'étais situé exté-
rieurement, intérieurement, je ne pouvais pas ne pas
l'accomplir. Maintenant, j'ai appris quelque chose, j'ai
compris quelque chose; je ne ressens plus de la même
manière et dans une situation semblable mon comporte-
ment serait différent. Il s'agit d'une compréhension qui
naît de la vision. L'important est d'éviter une émotion sté-
rile de conflit avec nous-mêmes et de mépris de nous-
mêmes.
Vous savez qu'on a abondamment accusé le christia-
nisme d'être culpabilisant. A partir de cette culpabilité,
des hommes, des femmes effrayés sont obligés de faire
appel à l'institution par crainte de la damnation afin que
leurs péchés leur soient remis. Peut-on parler d'une reli-
gion heureuse, d'une religion libératrice si le péché est
entendu dans ce sens-là? Compte tenu des vies qui ont été
ruinées non pas par le péché mais par la peur et la culpa-
bilité, vous ne pouvez pas envisager ce thème tragique du
péché sans vous souvenir de l'insistance du Christ sur le
non-jugement. Quels sont les péchés que le Christ paraît
avoir vraiment condamnés? L'hypocrisie et tous les
comportements qui nous interdisent l'accès à la trans-
formation parce que nous restons à la surface de nous-
mêmes. Il n'a pas ménagé ceux qui abusent d'une autorité
ecclésiastique. Lisez les Évangiles. Où semble-t-il qu'il y
ait sévérité et fermeté de la part du Christ et où y a-t-il, au
contraire, non-jugement et uniquement compréhension et
pardon?
Maintenant, regardez de plus près et vous verrez que
n'importe quel péché répertorié correspond toujours à
une émotion et, en fin de compte, à une souffrance. Sou-
venez-vous : tout agissement humain qui nous paraît cou-
pable s'explique par une souffrance profonde dans
laquelle la personne se débat sans habileté. Même les
péchés dits mortels sont la manifestation d'une frustra-
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accepte tels que nous sommes et non pas tels que nous
devrions être et il est là pour nous aider à dissiper notre
agressivité, nos complexes, nos conflits et nous permettre
de nous épanouir. C'est encore plus vrai d'un gourou qui
nous aime d'un amour inébranlable et inconditionnel
fondé sur le sentiment de communion et qui ne nous
demandera jamais l'impossible. Nous pouvons faire ce
crédit à Dieu, si nous le considérons comme une per-
sonne, d'être au moins aussi neutre, aussi exempt de pro-
jections que le meilleur des thérapeutes ou le plus grand
des gourous, même si cette manière de voir est étrangère
à la sensibilité du chrétien moyen. Comment Dieu, consi-
déré comme un Père, pourrait-il être aussi malhabile
avec nous, aussi injuste, aussi mauvais psychologue que
le sont certains pères humains?
A ce sujet, je tiens à redire, puisque le souvenir latent
de la paternité humaine se mêle à notre tentative de sentir
la paternité divine, qu'en hébreu les Dix Commande-
ments donnés à Moïse dans l'Ancien Testament ne sont
pas à l'impératif présent mais au futur. La Bible française
a d'ailleurs respecté le texte original en ne traduisant pas
« honore ton père et ta mère » mais « tu honoreras ton
père et ta mère ». Par contre, beaucoup des commande-
ments de nos parents nous ont été donnés à l'impératif. A
un enfant qui est incapable de se tenir droit, que ce soit
pour des raisons psychologiques ou physiologiques, on
ordonne « tiens-toi droit ». Il se redresse alors en se cam-
brant exagérément et, cinq minutes après, la mauvaise
position à laquelle son corps est habitué reprend le des-
sus. Donner les commandements à l'indicatif présent,
c'est- je pèse le terme parce qu'il est fort -le crime de la
pédagogie. Toute éducation, au sens étymologique du
mot, consiste à« conduire hors>> d'un certain état, il s'agit
donc d'une évolution dans le temps, d'une marche en
avant progressive.
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loin de Lui mais c'est votre erreur. Aussi abjects que vous
vous sentiez, rien, rien - c'est inconditionnel et absolu -
ne peut vous exiler de Dieu. La vie religieuse commence
le jour où naît en vous la conviction que vous pouvez vous
jeter dans les bras de Dieu tels que vous êtes. J'ai encore
fait une sottise, j'appelle papa, tel que je suis. Si vous choi-
sissez cette attitude révolutionnaire - au lieu de continuer
à aller tout droit vers le nord, faites demi-tour et dirigez-
vous vers le sud - votre existence va s'en trouver illumi-
née. «Oh! mais mon appel n'est pas désintéressé»; eh
non, votre appel n'est pas désintéressé; « mais je sais bien
que je recommencerai »; oui, vous savez bien que vous
recommencerez.
Et pourtant, tel que je suis, j'appelle papa avec une
totale confiance, une vraie sincérité, un véritable amour.
La confiance, la sincérité et l'amour doivent être purs
sinon vous serez inévitablement déçus. La pureté ne
consiste pas à être désintéressé - cela vous est impossible
au départ de la voie - elle consiste à ne pas nier votre
vérité, à oser être vous-mêmes en face de Dieu. Vous ne
pouvez rien truquer avec Dieu, vous ne pouvez pas faire
semblant d'être autres que vous n'êtes, vous ne pouvez
pas tricher. Dieu sonde les cœurs et les reins. Vous ne
pouvez qu'être complètement vrais. Complètement vrai,
tel que je suis mais avec une confiance et un amour
d'enfant qui sait qu'il ne sera pas rejeté, j'appelle.
Tout petit, mon fils avait une très bonne relation avec
moi et il lui arrivait, quand il s'était mis en difficulté en
désobéissant à sa mère, de m'appeler plutôt que d'avoir
recours à sa maman. J'ai donc bien vu que cet aspect
d'accueil et de pardon pouvait également faire partie du
rôle du père. Sa mère lui avait demandé un jour de ne pas
marcher sur une planche vermoulue au-dessus d'un bas-
sin. Il n'en a pas tenu compte, la planche s'est cassée et il
est tombé dans l'eau; quand il est revenu tout ruisselant,
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LA FOI DU CHARBONNIER
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donnons- tous les saints l'ont dit-, enfin nous nous trou-
vons nous-mêmes. C'est un éveil ou un réveil, j'oserai dire
le réveil d'un long cauchemar même si notre vie a été
plutôt heureuse. C'est le retour de l'enfant prodigue vers
son père et ce à quoi nous avons depuis toujours- peut-
être sans le savoir, peut-être en le sachant - aspiré : être
libres du fardeau de nous-mêmes et retrouver la pleine
condition d'héritier du Royaume, d'enfant de Dieu,
d'enfant bien-aimé de Dieu.
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vous le pouvez, l'offensive, alors que tout est déjà là, que
l'univers - si le mental de l'homme ne s'en mêlait pas -
fonctionne harmonieusement et que vous pouvez tout
trouver dans cette participation ou cette communion avec
l'ordre naturel tel qu'il est. Que nous soyons d'accord ou
non, la Genèse ose nous dire : « Dieu vit que sa création
était bonne.» Vous ne pouvez pas prétendre être en
communion avec Dieu et en même temps lutter contre la
nature. Vous ne pouvez pas diviser. Dieu se manifeste ou
s'exprime à travers tout cet univers et vous ne pouvez pas
être en communion avec Dieu si vous n'êtes pas en
communion avec sa Création. Certes nous avons à colla-
borer avec Dieu. C'est à travers chacun de nous que
l'offre de la vie éternelle peut atteindre notre prochain et
nous sommes coresponsables de la bonne marche du
monde. Dieu vient à nous à travers ses serviteurs et vient
à nos frères à travers nous mais que sa volonté soit faite et
non la nôtre.
Vous vivez sur la défensive non seulement en ce qui
concerne votre insertion dans le monde mais dans votre
rapport avec vous-mêmes, plus précisément votre rela-
tion avec les différents aspects de votre être et les éner-
gies qui vous composent. A mesure que je connais plus
profondément ceux à qui je m'adresse, je vois combien les
uns et les autres vous avez peur de vous-mêmes. L'un a
peur de sa sexualité, l'autre de sa mauvaise santé, de ses
fatigues, de ses malaises, un troisième a peur de ses idées
étranges, de ses fantasmes, un quatrième d'être submergé
par ses émotions trop fortes, de devenir franchement per-
turbé ou même délirant. Là encore vous vous crispez
dans cette situation de conflit qui est à la racine du maté-
rialisme. Le bouddhisme a été qualifié de religion athée
mais le bouddhisme est une spiritualité parce que c'est
une religion de communion, de participation et d'amour.
On peut posséder un doctorat en théologie et être pour-
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LE BIEN ET LE MAL
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Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1. Le christianisme aujourd'hui. . . . . . . . . . . . . . . . . 15
2. « Maître, où demeures-tu? ». . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
3. Du vieil homme à l'homme nouveau......... 67
4. Sur la terre comme au ciel . . . . . . . . . . . . . . . . . 99
5. Le péché et la foi .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. 129
6. Dieu en tant que Père . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171
7. La foi du charbonnier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201
8. Le bien et le mal. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 243
9. «Prenez courage, j'ai vaincu le monde»...... 277