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Projet fin d’étude

sous thème :

LA RELATION ENTRE LE MARKETING


TERRITORIAL ET LE DEVELOPPEMENT LOCAL

Sous l’encadrement de :


Mr. SALMI MOHAMMED

Ce travail est réalisé par :


HAMZA MAHFOUDI

Année universitaire : 2020/2021

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REMERCIEMENT

Je tiens à exprimer mes remerciements à


l’ensemble des personnes qui m’ont soutenu et
permis de ré aliser ce mé moire.
Pour commencer je souhaiterai remercier mon
encadrement de mé moire de fin d’é tude Mr
SALMI Mohammed qui pour ses pré cieux
conseils et son orientation ficelé e tout au long de
mon recherche.
De plus, je remercie ma famille qui par leurs
priè res et leurs encouragements, j’ai pu
surmonter tous les obstacles.
Enfin je tiens à adresser un grand merci à mon
ami pour son soutien constant

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TABLE DES MATIERES
PARTIE 1 : LA DEFINITION ET LA RELATION ENTRE LE MARKETING TERRITORIAL ET
LE DEVELOPPEMENT LOCAL………………………………………………………………………………………..8

CHAPITRE I : LA REVUE THEORIQUE DES DEUX CONCEPTS…………………………………………9


SECTION 1 : LA REVUE THEORIQUE DU MARKETING TERRITORIAL ........................................................9

1-1. Le marketing de territoires, une pratique nouvelle…………………………………………………………………..9


1-2. Le marketing territorial, un essai de définition…………………………………………………………………….10
1-3. Le développement territorial : La nouvelle approche……………………………………………………………12
1-3-1. Le marketing territorial et son développement…………………………………………………………………………..12
1-3-2. le développement économique vu à travers le prisme de l’économie territoriale……………………….12

1-4. Importance et pratiques du marketing territorial………………………………………………………………….14

1-5. Quelles implications pour le Marketing territorial ?..................................................................14

1-6. Conclusion………………………………………………………………………………………………………………………….18

SECTION 2 : LA REVUE THEORIQUE DU DEVELOPPEMENT LOCAL……………………………………………………….19

2-1. Pour une définition du développement local…………………………………………………………………………19

2-2. Le Genèse du développement local……………………………………………………………………………………..20

2-3. Le développement local comme alternative à plusieurs problèmes………………………………………..20

2-4. Les dimensions du développement local……………………………………………………………………………….21

2-5. Les objectifs du développement local…………………………………………………………………………………..21

CHAPITRE II : LE MARKETING TERRITORIAL ET LE DEVELOPPEMENT LOCAL…………..23


SECTION1 : LA RELATION ENTRE LES DEUX CONCEPTS …………………………………………………………………….23

1-1. Management public et marketing des territoires………………………………………………………………………23


1-2. Le marketing et le développement territorial……………………………………………………………………………23
1-3. Communication territoriale : Variable importante du mix marketing territorial………………………..24
1-4. Communication territoriale : Clé de voûte du développement local………………………………………….24

CHAPITRE III : LE TERRITOIRE EN TANT QUE MARQUE……………………………………………..26


SECTION 1 : LA MARQUE APPLIQUEE AU TERRITOIRE………………………………………………………………………26

1-1. La notion du territoire……………………………………………………………………………………………………………….26


1-1.1. Définition conceptuelle…………………………………………………………………………………………………………………….26
1-2. L’attractivité territoriale des investissements……………………………………………………………………….27

SECTION 2 : LA TRANSPOSITION DU CONCEPT DE LA MARQUE SUR LE TERRITOIRE…………………………..27

2-1. Raisons en faveur de l’analogie…………………………………………………………………………………………….27

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2-1-1. L’engouement des villes pour la pratique de marquage……………………………………………………………………….27

2-1-2. La ville une marque par nature…………………………………………………………………………………………………………….28

2-2. Raisons de rejet de l’analogie…………………………………………………………………………………………….29

2-3. Conclusion………………………………………………………………………………………………………………………..31

PARTIE 2 : LE MARKETING EN TANT QUE CONCEPTION SCIENTIFIQUE ET DES CAS


PRATIQUES………………………………………………………………………………………………………………..32

CHAPITRE I : LE MARKETING EN TANT QUE CONCEPTION SCIENTIFIQUE………………….33


SECTION 1 : La place du marketing territorial dans le processus de transformation territoriale (cas de
new York)…………………………………………………………………………………………………………………………………………..33

1-1. Introduction……………………………………………………………………………………………………………………………33

SECTION 2 : MUTATION D’UNE APPROCHE EMPIRIQUE A UNE CONCEPTION SCIENTIFIQUEMENT


FONDEE………………………………………………………………………………………………………………………………………………33

2-1. Le marketing territorial : une « cacophonie » ?............................................................................34

2-2. Le marketing territorial : la confluence entre deux paradigmes………………………………………………….35

2-3. Le marketing territorial : au-delà d’une méthode, un processus accéléré de transformation………36

SECTION 3 : POUR L’ANALYSE DE LA TRANSFORMATION TERRITORIALE : LA THEORIE DE L’ACTIVITE…..39

3-1. Du bien-fondé de la théorie de l’activité pour analyser les systèmes complexes………………………..39

3-2. Les défis de l’évaluation en marketing territorial……………………………………………………………………….40

SECTION 4 : CONSTRUCTION DU CUBE D’EVALUATION ET D’ANALYSE DE LA TRANSFORMATION


TERRITORIALE (CEATT)…………………………………………………………………………………………………………………………42

4-1. Les dimensions de l’évaluation en marketing territorial………………………………………………………….42

4-2. Les usages du CEATT……………………………………………………………………………………………………………..45

4-3. Conclusion…………………………………………………………………………………………………………………………..50

CHAPITRE II : LES PRATIQUES DE MARKETING TERRITORIAL DES REGIONS


ETUDIEES…………………………………………………………………………………………………………………..52
SECTION 1 : LA METHODOLOGIE PRATIQUEE ET DES CAS ETUDIES ……………………………………………………..52

1-1. Terrain étudie et méthodologie…………………………………………………………………………………………….52


1-2. Cas de la région Campagne- Ardenne en France……………………………………………………………………..52
1-3. Région de Nord-Pas-de-Calais en France………………………………………………………………………………..54
1-4. Cas de la région de l’Oriental Marocain………………………………………………………………………………….56
1-5. Discussion conclusions………………………………………………………………………………………………………….60
1-6. Conclusion……………………………………………………………………………………………………………………………63

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LISTE DES ANNEXES

Image 1 : la carte des marques territoriales…………………………………………………………16

Shèma 1 : La phase aval et amont du marketing territorial…………………………………..17

Figure 1 : Les groupes de cible de la marque territoriale………………………………………17

Figure 2 : La démarche du marketing territorial…………………………………………………..29

Tableau 1 : Le mix marketing………………………………………………………………………………30

Shèma 2 : La démarche de marketing territorial un processus itératif et piloté…….38

Shèma 3 : Le Cube d’Evaluation et d’Analyse de la Transformation Territoriale


(CEATT)………………………………………………………………………………………………………………45

Tableau 2 : Le CEATT appliqué au cas de la Principauté de Laà s …………………………..47

Tableau 3 : É valuation de la transformation territoriale de la Principauté de Laà s…48

Shèma 4 : Le CEATT appliqué au cas de la Principauté de Laà s……………………………...50

Tableau 4 : Présentation succincte des outils de marketing utilisés par la région de
l’Oriental………………………………………………………………………………………………………...59-60

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INTRODUCTION GENERALE

L’attractivité est un élément important dans le développement d’un territoire du fait qu’elle
contribue à le mettre au devant sur la scène concurrentielle des territoires. Elle se voit, en effet,
comme impérative pour tous les pays. Ceci est facilité notamment par l’adoption d’une stratégie
de marketing territorial qui permet de mettre en valeur ses atouts et qui favorise le
développement par l’apport des actions de marketing qui peuvent être mises en place et qui se
traduisent, dans notre cas, par des actions de communication territoriale. Aussi, l’effort de
valorisation du territoire nécessite une transformation de ses ressources impliquant, de ce fait,
des conséquences sur les richesses, le niveau de vie des acteurs et le devenir du territoire, en
d’autres mots, son développement. Afin de parvenir à se développer, le territoire agit sur sa
promotion vis-à-vis des différents acteurs.

Il nous apparaît qu’il existence une relation entre la pratique du marketing territorial et le
développement local. En effet, au moyen du marketing territorial, les décideurs locaux peuvent
orienter leurs actions de développement. Mais comment peuvent-ils aller dans le sens du double
visée de convaincre les acteurs à collaborer et à promouvoir leur territoire ? C’est ainsi
qu’apparaît le rôle de la communication marketing.

Aussi l’engouement des collectivités locales pour le marketing territorial s’est fait en grande
partie sous l’impulsion du domaine du management public. Le marketing paraît comme un
instrument adéquat pour permettre aux territoires, dans une situation de concurrence, de
mettre en place des stratégies capables d’influencer en leur faveur, les comportements de leurs
publics cibles. Le contexte régional marocain encourage la pratique du marketing territorial. En
effet, le processus de régionalisation et de décentralisation a franchi des étapes importantes
comme en témoignent les acquis engrangés sur les plans de l'élargissement des attributions des
acteurs locaux, l'amélioration des ressources matérielles et humaines et le renforcement de
l'autonomie de gestion. On assiste, depuis une dizaine d’années, à la professionnalisation
progressive des pratiques de développement économique et de communication territoriale dans
un nombre croissant de régions marocaines. C’est le cas de la région Souss-Massa-Drâa qui a eu
recours en 2006 au cabinet international Mc Kinsey. Ce dernier s’est servi, entre autres, de la
célèbre matrice Mc Kinsey afin d’identifier les secteurs porteurs de développement de la région.
La ville d’Essaouira mérite aussi d’être citée ; cette ville s’est tournée vers le tourisme et
développe son image de marque sur la base de l’événementiel culturel. En effet, le rayonnement
international du Festival de musique a permis à cette ville de faire émerger des associations
positives et fortes, autour de la tolérance et de la coexistence entre les religions. Cette image de
marque est sans doute favorable au positionnement de la ville en tant que destination
touristique. De toute évidence, tout territoire peut avoir une certaine image qui peut être
positive ou négative auprès de son public. Une stratégie passive consistant à l’accepter telle

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qu’elle est, sans agir, peut être à l’encontre des objectifs d’attraction des investissements vers ce
territoire. Dans ce sens, les pratiques de certaines villes couronnées de succès ont le mérite
d’être citées. L’exemple le plus parlant est celui de la ville de New York qui a réussi à changer son
image négative et à créer une marque territoriale qui contribue au développement économique
local. En effet, dans les années 1970, le taux de criminalité assez élevé a poussé l’office du
tourisme à recourir à l’agence Wells riche Greene en collaboration avec le graphiste Milton
Glaser, pour créer le logotype « I love NY » afin de promouvoir l’image de la ville.

Dans cet article, nous cherchons à définir et à analyser les éléments importants du marketing
territorial et son effet sur le développement d’un territoire, en bref, quelle est la revue de
littérature théorique et scientifique de la place du marketing territorial dans le processus de
transformation (développement) territoriale ?

Dans les cas étudies, nous nous intéresserons au cas de la région de l’Oriental marocain, ayant
déployée une stratégie de marketing territorial depuis plus de dix ans. Ensuite, une approche
comparative est menée avec d’autres agglomérations dans une perspective d’identifier les
différences et les spécificités inhérentes au marketing des territoires des pays du Sud, l’Oriental
comme exemple.

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PARTIE 1 : LA DEFINITION ET LA RELATION
ENTRE LE MARKETING TERRITORIAL ET LE
DEVELOPPEMENT LOCAL

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CHAPITRE I : LA REVUE THEORIQUE DES DEUX CONCEPTS

SECTION 1 : LA REVUE THEORIQUE DU MARKETING TERRITORIAL


Le marketing territorial représente, ces dernières années, une des plus importantes méthodes
de management dans la gestion et la valorisation des territoires. Ceci, du fait que l’accentuation
de la concurrence entre les territoires et la mise en valeur de leurs offres (par la communication)
pour accroitre leur attractivité sont de meilleures solutions pour renforcer les actions entreprises
dans le cadre du développement local.

Dans un premier temps nous dresserons brièvement le contexte général de la


régionalisation avancée au Maroc. Ensuite nous mettrons l’accent dans une deuxième partie sur
les apports du courant de l’économie territoriale quant au processus de développement
économique. En fin dans une dernière partie nous insisterons sur les corollaires de cette nouvelle
vision du développement en termes d’attractivité et de marketing territorial.

1-1. Le marketing de territoires, une pratique nouvelle

Au cours des dernières années, le marketing territorial "formel" a bénéficié d'une attention
accrue, à la fois comme pratique et comme sujet de recherche académique, les villes et les
territoires ayant utilisé depuis des siècles beaucoup de marketing "informel" (Kotler, 2009).

C'est la détérioration des conditions classiques de croissance et la nécessité d'exploiter


d'autres sources de productivité, qui donnent au facteur territoire tout son intérêt. L'octroi du
prix Nobel d'économie à Paul Krugman en 2008, principalement pour ses travaux sur la
localisation des entreprises démontrent bien la naissance quand bien même récente des
questions territoriales dans les analyses économiques. Cette nomination constitue en fait un
fait majeur dans la relation entre économie et territoires.

Pour le marketing territorial et selon la nouvelle conception du territoire, celui-ci est


désormais présenté tel un espace de valeurs incarnées par une marque qui est perçue comme
légitime auprès de ses clients actuels ou potentiels. Il devient alors un domaine d’extension de
la marque qui sera utilisée pour les produits et services issus du même territoire.

Pendant des années, les chercheurs ont privilégié l’approche globalisante de l’analyse
économique. Selon cette approche l’espace était limité à une unité économique, le territoire
n'est plus un espace neutre où se projette l'activité économique et dont la seule manifestation
de son existence est le coût du transport pour le parcourir depuis le lieu de production jusqu'au
marché. Cependant, on assiste depuis quelques années au retour vers le local. Surtout avec le
mouvement global de mondialisation qui se voit contre balancer par le renforcement du local.
Le territoire est alors le moteur de développement qui se positionne dans l’articulation entre le
global et le local.

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Les partisans de l’économie territoriale analysent le territoire en termes de proximité,
d’encastrement social, d’acteurs, de dynamique territoriale et de ressources. On citera les
travaux de Bernard Pecqueur et Claude Courlet (1992) autour des Cluster, districts industriels,
et Systèmes Productifs Locaux. Il faut noter que l’économie territoriale a hérité certains
éléments de bases de la théorie de localisation en s’inspirant des travaux de Giacomo
Beccattini6 sur les districts industriels. Elle emprunte aussi des fondamentaux de la nouvelle
économie géographique à travers l’approche de proximité.

Aujourd'hui l'étude de la notion de territoire devient primordiale en sciences humaines,


comme en témoigne les travaux nombreux à ce sujet ces dernières décennies et ce dans
différents champs disciplinaires. Mais qu'est-ce donc le concept de territoire ?

Selon Leloup, Moyart et Pecqueur (2004),

- « le territoire est un système dynamique complexe construit par une pluralité d'acteurs
qui se situent dans des espaces proches (proximité géographique) qui sont en
interrelation grâce à certaines normes communes (proximité institutionnelle).
- le territoire est un espace ouvert et, comme tel, il existe un échange de relations avec
d'autres espaces territoriaux. Les frontières de ces territoires peuvent être définies par
des critères politiques ou administratifs mais ces frontières peuvent aussi être
déterminées par des réseaux physiques et humains, formels ou informels.
- le territoire se construit socialement à partir de l'identification de problèmes communs
et à partir de l'appropriation et la transformation des ressources du territoire qui ne
sont pas encore valorisées. Ces limites seront déterminées par la forme dans laquelle
vont évolué les processus d'appropriation des ressources de la part des acteurs
territoriaux.
- le territoire compris comme un système se nourrit des échanges et des relations,
emboîté dans un ensemble d'autres espaces qu'il influence et qui l'influencent
réciproquement.
- Le territoire est un système complexe qui s'auto régule et dont l'autorité dépend de son
identité, de son histoire et de sa propre dynamique, différente de celle des autres
territoires. »

Dans le cadre de cette approche, selon les travaux d’Alexandre Moine: « le territoire présente
une double nature, à la fois matérielle (l’espace géographique, sous système du territoire), et
symbolique ou idéel, en relation cette fois avec les systèmes de représentation qui guide les
sociétés dans l’appréhension qu’elles ont de leur « environnement », (Moine 2006, p.118).

1-2. Le marketing territorial, un essai de définition

Le marketing des territoires (place marketing en anglais) est une démarche qui vise à
élaborer, sur la base de la connaissance de l’environnement, géographique, démographique,

6
culturel, économique, social et politique, l’offre territoriale (Chamard et al., 2013). Il est
généralement associé au marketing des organisations territoriales, dans la mesure où un
territoire ne peut se développer que par l’intermédiaire d’organisations (généralement des
institutions administratives, les conseils régionaux pour les régions, les agences de
développement, les agences de promotion des investissements, les chambres de commerce, les
centres régionaux d’investissement, etc.). Le marketing territorial n'est pas une simple
communication institutionnelle entreprise par les autorités territoriales. Il s’agit en fait d’un
ensemble d’atouts et d’opportunités, destiné à un public dont les besoins ont été identifiés et
compris. L'offre qui en résulte souligne la manière dont le territoire répond à ces attentes en
concurrence avec d'autres territoires et régions, en présentant une proposition de vente unique
(USP).

Cependant, le marketing territorial a ses propres spécificités car le territoire n’est pas une
entreprise. En effet, alors que l’entreprise maîtrise plus ou moins bien l’ensemble de ses
avantages concurrentiels, les territoires n’en contrôlent qu’une petite partie. Le climat, le site,
l’histoire d’une ville, sont des données déterminantes dans son attractivité et sur lesquelles
aucun acteur n’a la moindre prise. Mais surtout, alors qu’une entreprise a pour fonction
première de produire et de vendre des services ou des biens, les élus d’un territoire ont pour
responsabilité majeure de faire en sorte que les citoyens de ce territoire vivent dans les
meilleures conditions possibles. C’est pourquoi certains élus sont parfois réticents à utiliser les
méthodes du privé dans la gestion publique. « Le marketing territorial n’est pas l’ennemi des
territoires, pour peu qu’il vienne en appui d’efforts réels et mesurables en faveur du
développement économique, culturel, urbain et social.. » (Meyronin, 2009). En d’autres termes,
il faut « être dans la séduction, certes, mais être aussi dans la construction du sens, au
croisement d’une histoire, d’une géographie, d’une ambition d’un imaginaire à construire pour,
et avec ceux qui y vivent, et pour ceux que l’on veut faire venir » (Meyronin, 2009). Le
marketing territorial a un objectif pratique au-delà de la construction d'image. Quand il est
réussi, cette pratique aide les régions à cibler des marchés finaux spécifiques, à atteindre des
cercles d’influence et à façonner l’opinion publique.

Si le marketing des territoires est, en particulier aux USA où il a vu le jour, une industrie de
plusieurs milliards de dollars, où les lieux sont vendus de manière agressive (Kotler et al., 1999 ;
Ashworth & Voogd, 1994 ; Ward, 1998 ; Rainisto, 2003), les expériences européennes dans ce
domaine sont encore récentes, avec cependant des cas d’écoles, notamment pour les grandes
métropoles européennes, comme Lyon en France, Barcelone en Espagne, ou Londres en
Grande Bretagne. Dans les pays du Sud, les pratiques sont toutes récentes et datent des
dernières années, avec des cas particuliers très performants comme celui de Dubai. Au Maroc,
Casablanca s’est distingué par le lancement en 2016 d’une stratégie de marketing et une
marque territoriale, WeCasablanca. D’autres villes, comme Marrakech, Agadir ou Essaouira, ont
des pratiques intéressantes. Les régions s’y sont mises à leur tour, comme la région Tanger-
Tétouan-Al Hoceima ou Souss-Massa-Daraa, la région de l’Oriental étant la seule à avoir mis en
place une stratégie réfléchie, intégrée et formelle (Moussalim, 2017).

6
1-3. Le développement territorial : La nouvelle approche

1-3-1. Le marketing territorial et son développement

Le marketing est appliqué au territoire depuis le 19ème siècle (Gollain, 2008) comme en
témoignent certaines pratiques dans l’époque coloniale aux Etats-Unis. Ces pratiques
correspondent à une certaine forme de marketing agricole (Meyronin, 2012) visant à
promouvoir et à commercialiser des terres (pour leur peuplement) dans l’ouest des Etats-Unis.
Progressivement, ces pratiques ont été développées par les acteurs locaux afin de promouvoir
leurs villes. Ainsi, ce fut l’émergence d’un marketing urbain.

Cependant, en se référant au sociologue Michel Wieviorka, le terme de « marketing


territorial » est apparu en 1975 et, depuis, il a eu des évolutions sur le plan théorique aussi bien
que sur le plan pratique. Ceci est relié aux préoccupations majeures qu’avait l’espace ou plus
exactement les territoires à cette époque. Il ne s’agit pas uniquement de promouvoir ou de
vendre le territoire mais de soigner et de développer ses qualités naturelles et le potentiel des
régions. Toutefois, particulièrement pour les territoires urbains, le vrai sens de ce néologisme
n’est conçu qu’à travers le premier livre d’Ashworth et Voogd (1990) intitulé "Selling the city:
Marketing approaches in public sector planning" (Mendes, 2006).

Le marketing territorial peut alors être désigné comme "l’effort de valorisation des territoires
à des marchés concurrentiels pour influencer, en leur faveur, le comportement de leurs publics
par une offre dont la valeur perçue est durablement supérieure à celle des concurrents. Cette
activité est généralement pilotée par des agences de développement pour le compte
d’autorités publiques ou d’acteurs privés" (Gollain, 2008).

1-3-2. le développement économique vu à travers le prisme de l’économie territoriale

Pecqueur (2010, p. 299) avance que « Aujourd’hui, le modèle est différent. Les perspectives
de création de richesses tiennent aux capacités de groupes à s’organiser et à élaborer des
processus originaux d’émergence des ressources. La globalisation, qui consiste essentiellement
en l’interconnexion des marchés et qui crée des liens de cause à effet de plus en plus denses
entre les acteurs économiques, produit en même temps des dynamiques et des procédures
singulières de création de ressources. Ces stratégies visent à l’adaptation aux conditions
nouvelles de la concurrence internationale, mais ouvrent en même temps des possibilités
encore insuffisamment exploitées de créations d’activité. »

Le développement territorial est désormais imaginé comme l'élaboration de stratégies


d'accommodation aux contraintes extérieures, et ce moyennant la mobilisation d'acteurs qui
s'identifient collectivement à une culture et à un territoire. Nous comprenons donc que le
développement territorial n'est aucunement quelque chose qui se décrète mais, et le résultat
d'une construction d'acteurs capables de réorganiser l'économie locale face à la concurrence
internationale plutôt qu’une opération d’optimisation de dotations de facteurs. (Pecqueur,
2005, p. 299)

6
On parle désormais du concept de « capital territorial », un concept qui trouve son origine
dans le courant de l'économie territoriale. Pour ce courant le processus de développement
socio-économique s'articule autour de trois vecteurs composant le système territorial, qui sont
respectivement les ressources matérielles et immatérielles du territoire, le capital relationnel
développé entre les individus et enfin la gouvernance locale. Ce triptyque est à la base du
processus de coopération accompagnant la conception des stratégies de développement et la
mise en chantier de projet territoire. L’apport théorique de l'économie territoriale suppose
donc que le capital territorial est un facteur de développement qui fonde la compétitivité des
territoires locaux. (Camagni, 2006).

Dans un croisement avec l’approche systémique, et selon l’approche territoriale de


développement, les dynamiques de développement d’un territoire impliquent : les
coordinations des acteurs et la mobilisation des ressources territoriales comme les piliers du
développement territorial (Lamara ,2009). C’est un « processus de mobilisation des acteurs qui
aboutit à l’élaboration d’une stratégie d’adaptation aux contraintes extérieures, sur la base
d’une identification collective à une culture à un territoire » (Pecqueur, 2005, p298).

Ainsi, le territoire n’est pas un objet neutre décidé dans l’abstraction et déconnecté du réel.
Il est avant tout bricolé par les acteurs en fonction d’un grand nombre de paramètres en
permanente mutation (Lajarge, 2000, p.117). Le développement territorial est «l’augmentation
de la capacité des acteurs situés d'un territoire à en maîtriser les dynamiques d’évolution qui
les concernent » (Deffontaines et al. 2001, p.39).

Le processus de développement territorial a induit une transformation des rôles des acteurs
au niveau du territoire. Cette transformation a aussi introduit de nouvelles formes de
coordinations faisant émerger d’autres acteurs ignorés dans le développement territorial
comme les acteurs de la société civile.

G. Colletis et B. Pecqueur (2004), postulent le territoire comme un construit, celui-ci ne


préexiste pas à l’action des acteurs, il est « révélé » par ces derniers. La question de la
coordination est abordée « en dynamique ». Une dynamique d’un ensemble d’acteurs mobilisés
autour d’une ou plusieurs productions, et qui vont ainsi créer des savoir-faire, des réseaux, une
identité et des liens. Le territoire est donc également une structure sociale, construite par des
relations (Ternaux, 2007).

Cette reterritorialisation, caractérisant l’économie territoriale, offre la possibilité d’une


réappropriation du processus de développement par les acteurs du territoire. Le
développement n’est plus limité à une vision sectorielle mais particulièrement une vision
transversale. Dans cette perspective, l’ensemble des acteurs sont invités à inscrire et orienter
leurs actions dans le cadre de projet de développement partagé.

La ressource territoriale, qui fera l’objet de l’attractivité d’un territoire moyennant sa mise
en valeur au travers d’une stratégie marketing élaborée, est approchée selon le courant de
l’économie territoriale, de manière constructiviste qui met l’accent sur le fait que celle-ci

6
résulte d’un cheminement évolutif des pratiques des acteurs. « Ce processus se décompose en
séquences : le territoire constitue la matrice de l’interaction ; vient ensuite l’empreinte sur le
territoire laissée par les premières formes de valorisation de la ressource. La thèse postule que
les processus économiques sont liés aux héritages du passé, aux itinéraires suivis (path
dependence) et aux capacités présentes des acteurs à se projeter dans le futur».

1-4. Importance et pratiques du marketing territorial

Le marketing territorial représente un outil qui permet d’attirer et de fidéliser diverses cibles,
notamment les entreprises. Ces dernières, constituent un réel investissement sur le territoire
considéré et contribuent, de ce fait, à l’amélioration de sa qualité de vie et à l’instauration d’un
sentiment d’appartenance pour l’ensemble des acteurs du territoire.

Selon l’étude de Meyronin (2008), le cas de Lyon Parc Auto (LPA) représente un exemple
illustratif d’un service public qui a comme objectif direct la promotion du parc, mais sa
démarche d’ensemble reflète d’une manière indirecte la promotion du territoire. Ce parc a
pour rôle de gérer le stationnement public dans l’agglomération lyonnaise mais, à partir des
années 1990, des innovations (nouveau design, identité visuelle, art contemporain, diffusion
musicale et éclairage) lui sont apportées de sorte qu’il s’agisse de "faire des parcs de
stationnement des lieux emblématiques d’une nouvelle qualité urbaine" (Meyronin, 2012).
L’unicité de ce parc et son attractivité ont contribué à améliorer le rayonnement du territoire
lyonnais.

De même, le cas de la fête des lumières à Lyon (Meyronin, 2008) est un exemple illustratif du
marketing territorial, car, cette fête qui est bien traditionnelle est devenue, à partir des années
1998, un festival "Lyon Lumière" qui se déroule chaque soir du 8 décembre en le rendant
lumineux et orchestré par des manifestations musicales. D’autant plus, le passé riche de cette
région lui a permis de repositionner le territoire en attirant plusieurs visiteurs. Ceci a permis
notamment de renforcer son tourisme par son rayonnement tant national qu’international.

1-5. Quelles implications pour le Marketing territorial ?

La réussite de la stratégie de développement territorial passe par la mobilisation du


marketing territorial comme un outil susceptible de bien identifier et d’élaborer les réponses
adaptées aux enjeux du projet de développement territorial. En marketing, le territoire se
définit comme étant : «Une réalité tout à la fois historique, socio-économique, institutionnelle,
géographique ; des dimensions qui convergent pour donner à un ensemble d'acteurs publics et
privés la conviction d'un destin partagé, dont une partie au moins se joue à travers le territoire»
(MEYRONIN 2012).

A l’instar du développement territorial, le marketing territorial s’inscrit dans une démarche


collective. C’est un outil au service des acteurs pour renforcer l’attractivité de leur territoire.
Dans ce contexte, on remarque un recours aux stratégies de marketing territoriale qu’il s’agisse
de villes (Babey & Giauque, 2009), de régions (Mihalis Kavaratzis, Warnaby, & Ashworth, 2015),

6
d’Etats (Papadopoulos & Heslop, 2002) ou d’autres espaces hybrides (Zenker & Jacobsen,
2015).

Le marketing territorial constitue l’outil stratégique indispensable des décideurs pour mettre
en exergue l’attractivité de leur territoire dans un environnement ou la concurrence est de plus
en plus rude. Il est certes basé sur un ensemble de techniques et d’analyses qui on pour objet
l’investissement dans une politique d’image et de valeur perçue, de spécialisation et de
différenciations, empruntés généralement au marketing des entreprises, cependant, à la
différence d’une entreprise, le développement d’un territoire n’est pas affaire d’un seul acteur,
mais est basé sur la synergie de plusieurs acteurs.

En ce sens, le marketing territorial est défini comme : « l’effort de valorisation des territoires
à des marchés concurrentiels pour influencer, en leur faveur, le comportement de leurs publics
par une offre dont la valeur perçue est durablement supérieure à celle des concurrents. Cette
activité est généralement pilotée par des agences de développement pour le compte
d’autorités publiques ou d’acteurs privés » (Gollain, 2008).

Faut-il noter qu’à la différence du marketing classique, le marketing territorial doit adopter
plutôt une politique de demande pour ainsi agir sur l’attractivité du territoire sans pour autant
copier ce qui est fait ailleurs, car chaque territoire est singulier. L’objet est de proposer une
offre de services différenciant afin de positionner le territoire en utilisant des compétences
spécialisées ou moyennant la création de pôles d’activités, en soutenant des filières, etc.

Toujours en rapport avec le processus de différenciation, l’un des objectifs primordiaux du


marketing territorial est de développer une marque territoriale qui ne se base plus uniquement
sur un nom mais plutôt sur des attributs et des valeurs. Aussi, est-il important dans une
démarche de marketing territorial de mettre l’accent sur l’identité culturelle du territoire ce qui
suppose la mobilisation de plusieurs acteurs en l’occurrence, les sociologues, les géographes,
les habitants, etc.

La sphère publique doit s’imprégner de la grande importance de la marque quant à la


stratégie de développement territorial. Elle ne doit pas être, en ce sens, une finalité mais doit
incarner une stratégie d’attractivité annonçant une vision et un positionnement collectifs
associant les acteurs clés d’un territoire.

La marque pour un territoire est un moyen d’être reconnu à un niveau endogène et


exogène. C’est aussi un moyen de fédérer les acteurs territoriaux en dynamisant l’économie
locale et en guidant l’action publique autour d’un enjeu stratégique qui n’est autre que
l’attractivité du territoire par un système de valeurs, d’actions de discours ciblant le
renforcement de la notoriété de la destination. Aussi, assiste-t-on à l’émergence des marques
territoriales. Les marque villes comme Only Lyon, Osez Bordeaux, CASA, etc. mais aussi les
régions : voir figure ci-dessous :

6
Image 1 – La carte des marques territoriales

Source : Thébault Marc. Carte des marques territoriales. 2013 [en ligne]. http://w1p.fr/157203

Généralement les auteurs s’accordent sur une démarche de marketing territorial désignant un
phasage en amont et en aval de la démarche.

Pour Chamard (2014), la phase amont concerne les préalables à la mise en œuvre du
marketing territorial, le diagnostic territorial y compris. Elle comprend trois étapes dans
lesquelles les principales décisions sont prises et d’une manière irréversibles. Alors que la phase
aval regroupe toutes les actions collectives de la mise en œuvre du marketing territorial. C’est la
traduction opérationnelle de la démarche en actions concrètes.

6
Schéma 1 – La phase aval et amont du marketing territorial

Source : adapté de Chamard, 2014 la démarche de marketing territorial

La démarche du marketing territorial introduite par V.Gollain (2013), d’une part elle se veut
être un guide pour la conception et la mise en œuvre d’une stratégie de marketing territorial.
D'autre part, l'auteur insiste aussi que de la démarche de marketing territorial s’appuie sur deux
éléments importants qui la distinguent souvent des diagnostics économiques classiques à savoir :
la prise en compte des besoins et attentes des clients existants et potentiels ainsi que le
caractère comparatif de la méthode à chacune des étapes. Cette démarche est structurée en
trois séquences principales découpées en 10 étapes,

Figure 1 – La démarche du marketing territorial

Mise en œuvre d’une démarche de marketing territorial, Vincent Gollain (aout 2013)

6
Par conséquent, sur le plan économique, le territoire doit « vendre » de nouveaux espaces et
projets pour attirer divers publics : touristes, entreprises, administrations, investisseurs (Sur le
plan politique, Lussault (1996), précise que la dimension politique est une composante
intrinsèque du marketing territorial puisque les décideurs sont élus. Un marketing territorial
efficace participe donc à un bilan de leur gestion auprès de leurs administrés. Sur le plan social,
chaque territoire sait l’importance de créer un sentiment d’appartenance des habitants,
utilisateurs ou touristes (Mitchell, 2000).

Les spécificités du territoire influence l’élaboration et l’exécution de son plan de marketing. Il


s’agit d’une démarche personnalisée et complexe, qui mobilise des outils et nécessite une
réflexion approfondie de la part de tous les acteurs du territoire afin de se concerter sur le
positionnement adéquat. C’est d’ailleurs le but du marketing territorial est bien de promouvoir
un projet de développement territorial (élaboration d’un projet de ville, aménagement d’un
centre ville, construction d’un tramway etc…) (Girard (1997)).

A cet effet, Le marketing fournit d’abord au territoire les moyens permettant de prendre
conscience de son identité et de connaître son environnement. A ce stade, les acteurs du
territoire reconnaîtront les ressources présentes et les capacités spécifiques que recèle le
territoire. Enfin, suite au diagnostic du territoire, Les acteurs s’engagent dans des politiques de
marketing territorial qui reposent en grande partie sur les ressources territoriales. La dite
politique doit être fondée sur une réflexion prospective et partagée. Notamment par la
construction d’une offre territoriale attractive adaptée aux attentes de la cible bénéficiaire qu’ils
s’agissent de résidents, d’entreprises, de touristes et des investisseurs.

1-6. Conclusion

Actuellement, les territoires sont appelés à dépasser l’optique de la spécialisation, à savoir


disposer d’un avantage comparatif pour faire face à la concurrence. En s’orientant d’avantage
vers l’élaboration de l’avantage différentiel à travers l’exploitation de leurs propres spécificités, «
l’astuce est de faire ce que le voisin ne sait pas faire, ce qui est spécifique à son territoire »
(Pecqueur, 2002, p. 24). Cette inscription territoriale de l’activité économique concrétise le
passage d'une approche en termes d'allocation de ressources à une approche en termes de
création de ressources. En d'autres termes: l’identification et la valorisation des ressources
territoriales.

Le territoire est aujourd’hui conçu comme une construction des acteurs où interagissent, dans
des cadres géographiques et historiques déterminés, des liens à la fois économiques, sociaux,
culturels, politiques et symboliques. On parle alors de l’échelle locale efficace pour aborder les
problèmes auxquels les populations font face. C’est aussi le niveau où il est possible de mettre en
chantier des solutions globales participatives pour endiguer les problèmes de pauvreté et
d’exclusion qui peuvent naitre du mouvement de globalisation.

Le territoire est actuellement au centre des préoccupations sociétales. Les politiques, les
professionnels et les institutionnels sont acculés à le prendre en considération dans leurs

6
réflexions en matières de stratégies de développement, de valorisations des offres territoriales et
de différenciation par rapport à la concurrence.

Il est clair selon la nouvelle conception du territoire que le processus de révélation et de


valorisation des ressources issues des spécificités des territoires et des groupes humains qui y
sont ancrés, constitue un grand défi de l’attractivité territoriale où la logique informationnelle est
primordiale.

SECTION 2 : LA REVUE THEORIQUE DU DEVELOPPEMENT LOCAL


Le développement local pourrait être éclairé en faisant référence à l’explication des quelques
points suivants:

2-1. Pour une définition du développement local

Le développement local, qui est né sur fond de crise suite à l’échec du fordisme, des pôles de
croissance et également la remise en cause des modèles de développement par le haut, a été
considéré comme une logique de critiquer une conception étatique à forte centralisation.

Le développement local est un processus grâce auquel la communauté participe au


façonnement de son propre environnement dans le but d'améliorer la qualité de vie de ses
résidents.

Cette démarche nécessite une intégration harmonieuse des composantes économique, sociale,
culturelle, politique et environnementale. La composante économique devient souvent une
priorité vu l'importance pour chacun d'être en mesure de gagner sa vie et de subvenir de
manière satisfaisante à ses besoins et ceux de ses proches.

Cette approche est avant tout un phénomène humain où les projets et l'action, plus que les
institutions et les politiques, mobilisent l'ensemble des intervenants de la communauté de
chacun des arrondissements.

Pour mieux appréhender le concept de développement local, de nombreux essais de


définitions sont avancés. Cependant, nous retiendrons ici la définition marquant l’originalité du
développement local du fait qu’elle cadre au mieux le concept clé de notre étude « le territoire
en l’occurrence » et ce, en lui donnant son rôle actif dans le développement et en le considérant
comme le " lieu de la mobilisation d’acteurs" (Taleb, 2004). Cette définition est celle donnée par
Greffe dans les années 80. Cet auteur définit le développement local comme étant " un
processus de diversification et d’enrichissement des activités économiques et sociales sur un
territoire donné, à partir de la mobilisation et de la coordination de ses ressources et de ses
énergies. Il est donc le produit des efforts de sa population. Il met en cause l’existence d’un
projet de développement intégrant ses composantes économiques, sociales et culturelles, il fera
d’un espace de contiguïté un espace de solidarité active" (Greffe, 1984).

6
Toutefois, le développement local ne donne pas toujours les mêmes résultats quand il est
appliqué sur différents territoires. Il n’est ni mode, ni modèle (Pecqueur, 1989).

2-2. Le Genèse du développement local

Les effets prévus par la théorie du développement par le haut, notamment amont/aval, ne se
sont pas réellement produits, au contraire, des déséquilibres économiques et sociaux se sont
accrus dans les espaces environnants (Courlet, 2001). Ainsi, en réaction à l’échec de ces modèles
de développement guidés par le haut, de nouvelles pratiques et de nouvelles stratégies
entrepreneuriales sont apparues pour s’adapter le mieux possible et pour faire face aux
déséquilibres engendrés entre les régions, mais également à la crise du fordisme qui a aggravé la
situation sociale et économique des pays.

Vers le début des années 1980, et, avec les premières impulsions des politiques de
décentralisation, une nouvelle logique de développement est mise en place, celle du
"développement par le bas" (Sthör, 2003). Celle-ci apparait comme une solution et une réponse
prometteuse aux blocages du développement par le haut (Ferguene, 2004). Ce nouveau modèle
de développement a permis la redécouverte de la dimension locale et a donné un regain
d’intérêt pour la PME (Prevost, 2001) qui est apparue comme un stimulant pour le
développement local.

Toutefois, en Algérie, le développement local a émergé dans les mêmes conditions de crise
que le système économique mondial (Sadoudi, 2004) suite à l’échec du modèle des pôles de
croissance (les industries industrialisantes). Il est accompagné, depuis l’indépendance de
l’Algérie, d’un certains nombre de programmes d’intérêt local planifiés et centralisés (Bellache,
2006), et, ce n’est qu’à partir de la fin des années 80 que de nouvelles orientations économiques
se sont imposées. Ceci, pour donner plus de prérogatives aux collectivités locales en mettant en
place une politique de développement local à travers l’adoption d’un processus de
déconcentration et de décentralisation donnant plus d’importance au niveau local (Ferfera,
1996). Ces dernières années, malgré les démarches entreprises en la matière (dispositifs de
création d’entreprises par exemple), le développement local reste une politique difficile à mettre
en œuvre efficacement faute du centralisme économique qui a régné depuis l’indépendance
(Belal, 2004).

2-3. Le développement local comme alternative à plusieurs problèmes

Le développement local peut être une alternative à plusieurs problèmes majeurs (Kheladi,
2008). Ceci en le considérant comme "une manière de tirer avantage de ses possibilités pour
construire et façonner sa réalité" (Smati, 2009).

L’avènement du choc pétrolier des années 70, suivi d’une crise monétaire, a fait que le cercle
vertueux tournant autour de la production et de la consommation de masses est devenu un
cercle vicieux qui a reflété l’échec du fordisme. Le développement local était alors le bienvenu,
notamment en privilégiant la petite échelle (PME) et les politiques non interventionnistes de

6
l’Etat. De même, avec la prise en compte des pratiques périlleuses de la mondialisation (accroitre
les disparités régionales), des politiques nationales doivent être accompagnées de politiques
"locales". Autrement dit, les individus de chaque localité doivent puiser, solidairement et avec
confiance, les ressources et les spécificités de leur territoire pour réussir à "installer à coté des
politiques de type national des stratégies de développement local". Ainsi, les acteurs doivent
"penser globalement et agir localement". Le développement local représente, de ce fait, une
alternative à la mondialisation.

2-4. Les dimensions du développement local

Au niveau terminologique, l'approche du développement local est aussi appelée


développement économique communautaire (DÉC) dans sa version plus urbaine. Ce dernier
terme serait plus utilisé aux États-Unis et au Canada.

L'approche du développement économique communautaire peut donc se définir comme une


approche globale de revitalisation économique et sociale de collectivités qui réunit quatre
dimensions.

a) La dimension économique vise le déploiement d'un ensemble d'activités de production et


de vente de biens et services;
b) La dimension locale touche la mise en valeur des ressources locales d'un territoire donné,
dans le cadre d'une démarche partenariale tripartite où s'engagent les principales
composantes d'une communauté;
c) La dimension du DÉC se veut sociale et politique. Elle vise la revitalisation économique et
sociale d'un territoire en intervenant au niveau de l'emploi, du logement, de la formation,
de la santé et des services sociaux. Elle cherche à favoriser la réappropriation de son
devenir économique et social par la population résidante. Il s'agit donc "d'empowerment"
de la communauté. Sur ce point, Bill Ninacs mentionne que le DÉC est une orientation
stratégique que peut prendre une intervention auprès d'une communauté plus
défavorisée.
d) La dimension communautaire où la communauté est le centre d'intérêt de l'intervention.

Quant à lui, le développement social fait référence à la mise en place ou au renforcement, au


sein des communautés et à l'échelle de la collectivité, de conditions qui permettent d'une part à
une société de progresser socialement, culturellement et économiquement et, d'autre part, à
tous les membres de cette société de participer au progrès et de profiter de ses fruits, le plus
équitablement possible. Dans cette optique, le développement social est étroitement associé au
développement économique et au développement culturel.

2-5. Les objectifs du développement local

a) Le développement local vise à améliorer le cadre de vie des personnes de la communauté


pour qu'elles puissent profiter d'un environnement sain et agréable;

6
b) Il vise également à améliorer leur milieu de vie pour qu'elles puissent s'épanouir dans une
communauté qui leur offre plusieurs occasions sociales et culturelles;
c) Il cherche à augmenter le niveau de vie afin que chacun dans la communauté puisse
travailler et donc gagner un revenu pour pouvoir profiter des avantages de la
communauté (création d'emplois et répartition de la richesse).

6
CHAPITRE II : LE MARKETING TERRITORIAL ET LE
DEVELOPPEMENT LOCAL

SECTION1 : LA RELATION ENTRE LES DEUX CONCEPTS

1-1. Management public et marketing des territoires

Le marketing traditionnel, avec ses outils classiques, ne pouvait pas s’appliquer tel quel aux
territoires. C'est l’émergence du marketing des services dans les années 80 et celle du marketing
relationnel qui a contribué à jouer un rôle clé dans l’affirmation d’un marketing public, adopté
par les organisations publiques, dans un environnement dominé par la philosophie du
management public (NMP), et qui a contribué à lui fournir des axes de réflexion et des outils plus
pertinents (Rochette & Cassière, 2012).

Le NMP a été adopté aussi bien par les organisations publiques que par les territoires. En
effet, les réformes de plus en plus poussées en matière de décentralisation, ont transféré une
partie du pouvoir décisionnel et des compétences de l’Etat à des structures locales, qui gèrent
des territoires institutionnels, devenus des territoires de projets, dans une logique partenariale
entre différentes parties prenantes (Hernandez, 2007). Il est maintenant largement admis que
les territoires sont au cœur du développement économique et que les autorités régionales sont
désormais des acteurs majeurs dans la globalisation. C’est ainsi que les régions sont
confrontées aux mêmes défis managériaux que les entreprises ou les organisations. Avec la
décentralisation, l’optimisation des moyens et les attentes de plus en plus fortes des usagers,
les organisations publiques territoriales ont été amené à initier et à conduire le changement en
s’appuyant sur les outils du NMP. On parle alors de management public territorial, qui fait appel
aux mêmes outils que le management privé, dont le marketing.

1-2. Le marketing et le développement territorial

Le marketing est devenu aujourd'hui une stratégie largement déployée par les collectivités
territoriales, essentiellement au niveau des villes et des régions, pour améliorer leur
gouvernance (Eshuis, Braun & Klijn, 2013). Il est utilisé pour accroître la compétitivité des
territoires et attirer des groupes cibles tels que les touristes, les nouveaux résidents ou encore
les entreprises et les investisseurs (Bennett & Savani, 2003 ; Braun, 2008), ainsi que pour
améliorer le cadre de vie des résidents. Cet effort peut se traduire par la création et la
promotion d'une image positive, mais doit surtout développer le produit territorial, c'est à dire
le développement du territoire lui-même. Ce développement ne doit pas se faire uniquement
en réponse à la demande des groupes cibles, touristes, entreprises ou investisseurs (comme
cela est souvent défendu dans la littérature, voir entre autres : Greenberg, 2008 ; Kavaratzis,
2004, Kotler & Gertner, 2002). Le développement territorial doit d'abord se penser et se faire

6
pour le bien des populations et des résidents locaux, le ciblage des investisseurs et des
entreprises ayant d’abord pour objectif la création de richesse et d'emplois au niveau local.

Aux Etats-Unis seulement, 20 milliards de dollars ont été dépensés par an dans les années 90,
sur les programmes de développement économique (Hocomb, 1994). Dans les pays européens,
des budgets importants, quoique plus modestes, issus de financement européens et nationaux,
sont dépensés dans le même cadre. Avec le temps, la logique de développement économique
des territoires a changé pour être remplacée par un logique marketing. Les villes et territoires
sont de plus en plus amenés à produire des diagnostics partagés de leur situation socio-
économique, à élaborer des positionnements, développer des plans stratégiques et mettre en
œuvre des plans marketing. Ces expériences sont nombreuses et plurielles aujourd’hui à
l’échelle internationale, alors que cette pratique est encore naissante au Maroc.

1-5. Communication territoriale : Variable importante du mix marketing territorial

A partir de son sens évolutif, la communication tient en compte d’influencer autrui, de rendre
l’image d’un produit ou d’une organisation (territoire) plus favorable, de la positionner et de
donner un sens à son existence. Elle peut être définie d’une manière simple comme "un
échange d’information et de transmission de sens" (Dessler et al, 2004) et ce, en utilisant un
ensemble d’outils et de moyens qui facilitent la transmission des messages.

Dès lors, la communication s’inscrit comme une force permettant de mettre en relief le
meilleur positionnement (en diffusant la meilleure image) pour ce produit, ce qui permet
notamment d’influencer la cible et de l’attirer dans l’objectif qu’elle achète le produit et à payer
son prix. Ainsi, le cas de la ville algérienne de "Tlemcen", qui dispose d’une assez bonne image
liée aux qualificatifs de radieuse, historique, conviviale, riche et calme, attribués par ses
visiteurs (Belkaid et Benhabib, 2011), la mise en place d’une stratégie de communication aurait
dû être plus bénéfique et plus efficace pour la promotion de cette ville et sa mise en valeur au
niveau national qu’international.

La communication a ainsi pour objectif de "rendre lisible et compréhensible la décision,


montrer son sens, ses ambitions, ses conséquences. Elle remplit dès lors des rôles
complémentaires : informer, promouvoir un territoire, mobiliser les acteurs, les décideurs et les
citoyens, animer la démocratie locale" (Megard et Deljarrie, 2009).

1-6. Communication territoriale : Clé de voûte du développement local

La communication territoriale s’avère l’un des éléments les plus importants à la résolution et
à la prise en compte de l’ensemble des difficultés auxquelles est confronté le marketing
territorial. Aussi, elle est d’une grande importance pour la réalisation des projets de
développement. Elle permet de faciliter les échanges entre les intervenants (les collectivités
locales, les ONG, les autorités régionales, les groupes communautaires,…) dans le but de faire
face aux problèmes communs de développement et d’atteindre des objectifs communs
concernant l’action communautaire.

6
Le rôle de la communication ne consiste pas seulement à promouvoir les projets ou à
simplifier les processus de décisions, mais aussi à organiser l’écoute (entendre les suggestions
des citoyens et leurs questions et leur répondre) pour réussir à mobiliser les citoyens. Il ne
s’agit pas uniquement de donner de l’importance aux citoyens lors du choix des projets, mais
également de les impliquer dans chacun des projets choisis.

Ainsi, la communication territoriale est au cœur du développement local en permettant


notamment de mieux formuler et planifier les programmes de développement et en
encourageant la participation des citoyens et leur mobilisation. En ce sens, l’existence d’une
culture d’empathie (particulièrement l’écoute) entre les différents acteurs du territoire crée un
climat favorable à la communication territoriale. Ici, l’empathie désigne la capacité des acteurs
à ressentir ce que les autres éprouvent, sans pour autant le partager (Pacherie, 2004). Cette
empathie contribue à mettre en place un sentiment de liberté d’expression, d’écoute de la part
des autres et surtout fait sentir à l’interlocuteur qu’il a la capacité de communiquer et
transmettre clairement son message. Une telle situation favorise et renforce l’implication réelle
des acteurs dans le processus de communication et, par conséquent, dans le processus de
développement (exécution des messages transmis).

La communication territoriale est alors considérée comme la clé de voûte2 du


développement puisqu’elle favorise et crée, des projets de développement à travers la mise en
valeur des relations de participation et de mobilisation de l’ensemble des acteurs d’un
territoire, et également à travers la valorisation et la promotion des ressources territoriales
génériques ou spécifiques (valorisation de l’image du territoire)

6
CHAPITRE III : LE TERRITOIRE EN TANT QUE MARQUE

SECTION 1 : LA MARQUE APPLIQUEE AU TERRITOIRE


La transposition de la marque sur la réalité du territoire suscite un débat chez les chercheurs
académiques. Avant de présenter les raisons d’acceptation ou de rejet d’une telle analogie, la
compréhension de la notion du territoire ainsi que celle de l’attractivité des investissements
s’impose.

1-3. La notion du territoire


1-1-1. Définition conceptuelle

Le concept du territoire est multidisciplinaire. Son apparition dans la production scientifique


de la géographie, de l’urbanisme, de la sociologie urbaine, de l’économie, de la science de
gestion et autres rend sa définition malaisée à cerner.

Pour les géographes, le territoire peut être défini comme un espace limité par des frontières
(administratives, géographique…) et approprié par un groupe social pour assurer sa
reproduction et la satisfaction de ses besoins vitaux. Ces derniers ont une mémoire, mais aussi
une pratique, une représentation de cet espace (Baud P. et al. 1995; Le Beurre M., 1995).

D’autres auteurs mettent l’action sur le caractère interactif entre le territoire et l’individu
ou un groupe d’individu. Barel Y. (1996) souligne la fonction d’identification que remplit le
territoire à travers sa définition donnée en sens plus large : « c’est un milieu de vie, de pensée
et d’action dans lequel et grâce auquel un individu ou un groupe se reconnait, dote ce qui
l’entoure de sens et se dote lui-même de sens, met en route un processus identificateur et
identitaire ».

Gilly J.-P.et Perrat J. (2003) assimilent le territoire à un construit socio-économique produit


entre les acteurs locaux : économiques, techniques, sociaux, institutionnels qui participent à
résoudre un problème commun ou à réaliser un projet de développement collectif. Du point
de vue économique, l’interprétation donnée par Camagni R. (2002) semble synthétiser les
définitions suscitées du concept de “territoire” qui désigne à la fois:

 Un système d’externalités “ technologiques” localisées, c’est-à-dire un ensemble de


facteurs aussi bien matériels qu’immatériels qui gérèrent un avantage compétitif aux
entreprises et qui, grâce à l’élément de la proximité et à la réduction des coûts de
transaction qu’elle comporte, peuvent devenir aussi des externalités “patrimoniales” ;

 Un système de relations économiques et sociales qui contribuent à la constitution du


capital relationnel ou du capital social d’un certain espace géographique;

6
 Un système de gouvernance local, qui rassemble une collectivité, un ensemble d’acteurs
privés et un système d’administrations publiques locales.

1-4. L’attractivité territoriale des investissements

Godron J. (2003) compare l’attractivité à la notion de gravité. Pour lui, elle est liée à la seule
masse du territoire et souligne l’importance des enjeux de dotation et de richesse. Les
territoires dégagent une attractivité du seul fait de leur « poids », lié lui-même à la quantité de
facteurs dont ils sont dotés et à la taille de leur périmètre. La loi de gravité territoriale profite
donc aux grandes aires urbaines, aux territoires peuplés, aux territoires dotés de ressources
primaires spécifiques et rares, aux grands territoires (Godron, J. ,2003).

Hatem F. (2004) distingue quant à lui entre trois définitions complémentaires de l’attractivité
territoriale, qui mobilisent trois approches distinctes:

 Approche macro : l’attractivité se définit comme l’existence de caractéristiques


générales globalement bien adaptées aux critères globaux de localisation des firmes (ex
: main d’œuvre productive, coûts salariaux modérés, réseau d’infrastructures dense et
fiable, etc.). Elle peut alors se mesurer à partir de statistiques comparatives globales, en
général au niveau international.
 Approche méso : l’attractivité se définit, au niveau régional, comme l’existence d’un
ensemble de facteurs favorables à la constitution d’un « pôle de compétence local
(entreprises et laboratoires de recherche spécialisées..), susceptible d’inciter les firmes
appartenant aux mêmes filières et/ou secteur à se localiser dans le zone pour bénéficier
des externalités favorables. Sa mesure nécessite alors un recensement exhaustif de
l’offre territoriale dans l’activité concernée
 Approche micro : l’attractivité se définit comme la capacité pour un site donné d’offrir,
pour un projet spécifique, un meilleur rapport risque/rentabilité que les sites
concurrents. Sa mesure passe alors par l’utilisation d’outils de type business plans,
éventuellement couplés à des scénarios prospectifs (pour prendre en compte les
incertitudes affectant les coûts, les marchés, les risques politiques, monétaires ou
techniques, etc.).

Les usages croissants du terme d’attractivité depuis une quinzaine d’années découlent de
l’intérêt accordé à l’impact de la mondialisation, dont les délocalisations sont un exemple.

SECTION 2 : LA TRANSPOSITION DU CONCEPT DE LA MARQUE SUR LE TERRITOIRE

2-1. Raisons en faveur de l’analogie

Ces raisons tiennent au recours massif des praticiens à la marque territoriale comme outil de
gestion et la considération de certains chercheurs académiques que tout territoire est une
marque par nature.

6
2-1-1. L’engouement des villes pour la pratique de marquage

Dans une démarche du marketing classique, le concept de la marque gagne de plus en plus en
importance. Il est considéré comme une des plus fortes idées du monde des affaires et est décrit
comme une ultime arme concurrentielle pour les entreprises. Kapferer J.N. (1992) suggère que
les marques sont le capital réel de toutes entreprises, et restent plus rentables que les usines, les
machines et l’immobilier. La marque est alors vue comme un actif intangible ayant une valeur
financière, ou un avantage concurrentiel actuel et potentiel qui est le fruit des investissements
passés et de ceux dont la marque doit bénéficier dans l’avenir afin de se développer de manière
durable.

Après le succès du célèbre logotype « I Love NY » créé au début pour attirer les touristes en
1975, l’engouement des villes pour les marques comme outils de gestion est important. Les villes
créent des logotypes et produisent des marques pour exister dans un monde de plus en plus
urbain (Maynadier B., 2009).

La ville de Lyon a consacré un budget de 600 000 euros la première année ; 1,5 millions d'euros
les années suivantes pour créer en 2007 la marque «Only Lyon», destinée à l'origine à la
promotion économique de la ville à l’échelle à l'international. Au regard de son succès, Only Lyon
s’est transformée en marque globale ciblant aussi bien les entreprises, que les touristes et les
citadins.

L’expérience de Lyon a servi d’exemple pour d’autres villes françaises: Saint-Etienne a fait du
design sa marque, Strasbourg est devenue "The Europtimist", Saint-Nazaire a opté pour
"Audacity", Rennes construit sa marque autour de l’axe du numérique.

2-1-2. La ville une marque par nature

Selon Anholt S. (2005a), « les villes ont toujours été des marques, dans le sens le plus vrai du
terme ». Venise ou New York sont des noms très évocateurs. Les villes sont susceptibles de créer
des images dans l’esprit de leur publics (Ashworth G .-J. et Kavaratzis M., 2007 ; Kotler P. et
all.,2006; Chamard C. , 2004,2013), la marque d’une ville tient essentiellement à sa réputation et
à son image. Dans cette perspective, toute ville est susceptible d’avoir une réputation. Pour
revenir vers des exemples comme Venise ou New York, ces réputations sont mêmes mondiales.
Ainsi, selon Anholt, le fait que ces villes aient acquis de telles réputations en fait des marques.

Pour Kotler P. et Gertner D. (2002) et pour Ashworth G.-J. et Kavaratzis M. (2007), l’idée que
les villes soient de nature assimilable à des marques est aussi soutenue par une analyse de leur
perception. Pour les auteurs, et dans un sens proche de celui de Anholt S. (2005a.,2005b.), les
villes et les marques sont perçues de la même manière. Cela justifierait, par un effet de
naturalisation, la notion de marque de ville.

Keller (2003) souligne que " les territoires, comme les produits, peuvent également être
marques". Pour Keller K.L., Fleck N. et Fontane I. (2009 p.23) « le nom du lieu détermine en
général le nom de la marque ». Pryor S. et Grossbart S. (2007) ajoutent que théoriquement les

6
marques sont devenues des " propriétés d'un large éventail d'entités y compris des sociétés, des
personnalités publiques et des idéologies " et il est difficile d’imaginer que les territoires ne
peuvent pas être marqués. Anholt S. (2006) a constaté que la recherche contemporaine
considère que la marque ne concerne pas seulement les produits et les services, mais s’étend à
des personnes et des territoires.

2-2. Raisons de rejet de l’analogie

Si l’application de la marque à la ville, comme territoire restreint, a connu beaucoup de succès


chez les praticiens comme le montrent ces exemples, certains chercheurs académiques
acceptent cette transposition avec beaucoup de réserves. Selon Marion G. (2002) : « en dépit du
fait que la ville n’est pas un produit et que son nom n’est pas réductible à une marque, il pourrait
être rentable, d’un point de vue étroitement économique comme d’un point de vue plus large
(social, culturel), d’explorer une telle analogie ». Dans ce sens, Chamard C. (2004) identifie trois
difficultés qui conditionnent la gestion de la marque auxquelles les gestionnaires locaux doivent
faire face :

 La première difficulté majeure pour une ville concerne la multiplicité des cibles d’usagers.
Zenker S. et Braun E. (2010) distinguent trois groupes de cible

Figure 2 – Les groupes de cible de la marque territoriale

Source : adapté de Zenker S. et Braun E. (2010)

Les problématiques environnementales actuelles témoignent par exemple de conflits


d’intérêts entre des citoyens, soucieux de maintenir une qualité de vie au sein de la ville de
résidence, et des entrepreneurs, en quête de développement profitable. Le défi de l’équipe

6
municipale est de cerner premièrement les attentes et les contraintes de ces différentes cibles
pour ensuite tenter de trouver des synergies d’image valorisée par le plus grand nombre.

 Le deuxième domaine d’unicité des villes quant à leur gestion d’image est lié au nombre
de facteurs déterminants. En 1995, Girard-Millet décrivait déjà ce qu’elle appelait le Mix
territorial.

Tableau 1 – Le mix marketing

Source : Girard-Millet V. (1995)

Le maire certes, a la maîtrise sur certains éléments liés notamment à la politique locale : la
gestion opérationnelle de la ville, urbanisation, budget etc. mais doit intégrer dans sa politique
de marque des variables sur lesquelles il n’a aucune prise : politique gouvernementale, actions
d’acteurs privés et publiques mais également la culture des équipes municipales passées.

 Enfin, une grande spécificité pour les villes est que la prise en compte de l’image de
marque comme vecteur de satisfaction des cibles et de développement pour une ville est
récente et ne concerne encore qu’une faible proportion des acteurs.

D’autres auteurs considèrent la pratique de la marque territoriale par les villes comme
relevant d’un effet de mode. Houllier-guilbert C.-E. (2010) souligne que certaines villes
(Amsterdam, Edimbourg, Lyon, Montpellier, Rennes) diffusent des discours porteurs de
symbolique urbaine pour des marques de ville. Ces nouvelles formes de visibilité n’est qu’une
réimpulsion d’un marketing urbain à l’image négative cherchant une image branchée et une
signature innovante visant la classe créative (Florida R., 2002) et s’appuyant sur l’imaginaire et la

6
promesse émotionnelle. Le rejet de ce type de pratiques attire l’attention que la ville est
beaucoup plus qu’une marque (Marion G., 2002). En effet, si certains marketers conçoivent la
marque de ville comme marque produit tels que Kotler (Kotler P. et al. 1999), qui propose
l’application de la matrice SWOT (pour relever les opportunités/menaces et les forces/faiblesses)
au territoire comme étape préliminaire du management de la marque de ville, il sera judicieux de
tenir compte des spécificités de la ville. Ainsi, Merunka D. et al. (2006) préconisent-ils que les
villes n’ont pas le même environnent décisionnel que les marques commerciales et que la
gestion de la marque de ville est beaucoup plus complexe. Selon Anholt S. (2005b) le concept de
la marque est généralement utilisé de trois façons: une façon populaire, une simple et une
avancée.

La compréhension populaire de la marque est la moins précise: elle est considérée comme un
concept à la mode et une référence à toutes les nouvelles techniques de vente avec une
connotation négative d’agressivité et de malveillance qui rappelle directement l’ancienne
utilisation du terme. Nous rappelons ici que le sens original du mot désigne un fer chaud
appliqué à l'élevage pour identifier les animaux. La compréhension simple de la marque est
utilisée par les entreprises de services de marketing et de leurs clients et se réfère à une identité
visuelle - nom, logo, slogan... Il s'agit de la manière dont l'identité de l'entreprise, produit ou
service est reconnue. La définition avancée de la marque comprend la définition simple mais va
couvrir un champ beaucoup plus large à savoir la stratégie de l’entreprise, les consommateurs et
leur comportement, l'éthique et le but de l’entreprise.

Anohlt S. (2005b) explique que l’hostilité qui résulte de la transposition du concept de la


marque sur un territoire découle directement de la compréhension populaire ou simple du
terme. Ceci conduit à une hypothèse que les praticiens et les partisans de la discipline cherchent
seulement à faire un marquage du territoire comme s’il ne s’agissait de rien de plus qu'un
produit dans un supermarché. Cet antagonisme est considéré par l’auteur comme absurde
puisque les expériences de plusieurs villes en matière de leur stratégie de marque de ville ont
montré qu’elles pouvaient changer leur destin et devenir des territoires attractifs.

2-3. Conclusion

S’il existe plusieurs définitions et approches théoriques du concept de marque territoriale,


c’est que ce manque de consensus est avant tout révélateur de sa jeunesse conceptuelle et
montre un champ théorique nouveau et à construire (Chanoux M. et Serval S., 2012).
L’applicabilité des outils jusque là réservés à l’entreprise, sur le territoire n’est pas une tâche
facile. Cela nous a conduits à élucider la complexité de la notion du territoire pour mieux
approcher le concept de la marque appliquée au territoire.

6
PARTIE 2 : LE MARKETING EN TANT QUE
CONCEPTION SCIENTIFIQUE ET DES CAS
PRATIQUES

6
CHAPITRE I : LE MARKETING EN TANT QUE CONCEPTION
SCIENTIFIQUE

SECTION 1 : La place du marketing territorial dans le processus de transformation


territoriale (cas de new York)

1-2.Introduction

« I love NY », marque territoriale lancée en 1977 (Maynadier 2009), fait figure d’exemple tout
autant que de point de départ de la réflexion sur le marketing territorial. Le marketing
territorial pratiqué par les colslectivités territoriales connaît aujourd’hui une évolution radicale
puisque ses objectifs ont été réorientés, repensés en profondeur, allant jusqu’à s’afficher dans
les organigrammes de ces organisations. Certains auteurs parlant même « d’invasion » de la vie
privée et publique par le branding (Van Ham 2002). Aussi, depuis la fin des années 1990, les
recherches académiques initialement focalisées sur des variables de marketing opérationnel,
ont vocation de plus en plus à s’intéresser au processus de transformation visé par les
démarches de marketing territorial récentes. Comme l’indique Vuignier (2016), il existe un «
flou conceptuel, des définitions divergentes et de faibles assises théoriques » autour du
marketing territorial et de ses mises en œuvre. Il paraît essentiel aujourd’hui d’asseoir ce
champ de pratiques sur des fondements plus robustes afin d’en faire un objet de recherches
académiques légitime. Ainsi, après avoir défini la démarche de marketing territorial et
circonscrit ses domaines d’application à la lumière des travaux de recherche récents (partie i),
nous présentons la théorie de l’activité comme socle théorique permettant d’évaluer la
transformation du territoire occasionnée par le marketing territorial (partie ii). Enfin, nous
proposons un outil d’évaluation de cette transformation : le Cube d’Évaluation et d’Analyse de
la Transformation Territoriale (CEATT). Ce dernier synthétise l’impact d’une démarche de
marketing sur le territoire étudié par le biais d’une évaluation multidimensionnelle (partie III).

SECTION 2 : MUTATION D’UNE APPROCHE EMPIRIQUE A UNE CONCEPTION


SCIENTIFIQUEMENT FONDEE
Si la marque créée pour la ville de New York dans les années 1970 fait figure de pionnière, la
recherche acadermique en marketing territorial commence seulement à se structurer depuis les
trois dernières décennies. Après être revenu sur la confusion qui caractérise fréquem ment les
définitions consacrées au marketing territorial, nous préciserons notre conception de cette
démarche, établie sur la base de la littérature pluridisciplinaire existante. Enfin, nous insisterons
sur la nécessaire logique transformationnelle qu’intègre le marketing territorial aujourd’hui tant
d’un point de vue académique qu’opérationnel. En effet, l’évaluation d’une démarche de
marketing territorial consiste à mesuer les changements vécus par le territoire à courts, moyens

6
et longs termes sous l’impulsion de ce processus volontaire, collectif, et doté d’objectifs
prédéterminés.

2-1. Le marketing territorial : une « cacophonie » ?

Ce qualificatif emprunté à Giovanardi et al. (2013) traduit avec justesse l’impression


couramment ressentie par les chercheurs en matière de marketing territorial. Le sentiment de
flou, voire de désordre scientifique, s’explique par trois éléments majeurs : une difficulté
sémantique, une absence de cadre conceptuel robuste et une variété extrême des cas étudiés.

Dans le contexte franco-français du marketing territorial, l’association des termes « marketing


» et « territorial » engendre le scepticisme de nombreux auteurs et praticiens. En effet, faire du
territoire un objet, fusse-t-il spécifique, de pratique marketing renvoie à l’idée qu’un bien, par
nature collectif et co-construit, puisse être à commercialiser au bénéfice d’un petit nombre
d’acteurs. L’utilisation des termes « marketing territorial » s’accompagne bien souvent de
notions d’attractivité, d’hospitalité, de compétitivité, dans l’optique de préciser davantage le
sens à privilégier à une telle démarche.

Dans la littérature anglo-saxonne, malgré des distinctions classiques entre branding et


marketing, les vocables « place marketing » (Gertner 2011a ; 2011b) et « place branding »
(Skinner 2008) sont désormais utilisés pour faire référence à la démarche de marketing
territorial. Néanmoins, comme le rapporte Vuignier (2016) dans son méticuleux travail de
synthèse, les termes « place branding » ont supplanté progressivement ceux de « place
marketing » dans les titres des articles académiques consacrés au domaine entre 2005 et 2015.
S’agitil d’une simple modification sémantique ou bien alors d’un changement profond de l’objet
d’étude, passant du marketing au seul branding ? Vraisemblablement, un peu les deux à la fois.
Sur le plan sémantique, la notion de branding est devenue plus employée parce qu’elle recouvre,
au sens anglo-saxon du terme, une conception plus large que la seule stratégie de marque. De
plus, au regard de l’objet scientifique même, bon nombre de travaux se sont focalisés sur des
enjeux liés au branding (Braun 2008 ; Kavaratzis et Asworth 2005) plus que sur ceux liés au
marketing. Il est à noter que dans cette volonté de recherche de sens, la notion de territoire est
absente des débats sémantiques. « Place » n’évoque-telle aucune spécificité, ni ne soulève-t-elle
aucune ambiguïté ? Il semblerait plutôt que la définition du territoire ne fasse pas consensus
parmi les chercheurs, qu’elle soit très teintée culturellement alors même que ce concept
constitue un réel apport à la compréhension de ce qu’est le marketing territorial. C’est la raison
pour laquelle nous reviendrons sur cette définition, sur la base des travaux de géographes, afin
de saisir la pertinence du territoire en tant qu’un objet d’évaluation.

Plusieurs revues de littérature (Gertner 2011 ; Lucarelli et Berg 2011 ; Lucarelli et Brorström
2013 ; Chan et Marafa 2013 ; Andersson 2014, Chamard et al. 2014 ; Oguztimur et Akturan 2015 ;
Acharya et Rahman 2016) ont été réalisées, aboutissant au constat d’une véritable confusion
conceptuelle au sein du domaine scientifique que constitue le marketing territorial. En 2016,
Vuignier poursuit cette même quête par une revue systématique des 1 172 articles en anglais

6
portant sur le sujet. Sa contribution remarquable par son exhaustivité met également en lumière
les nécessités de clarifier conceptuellement ce qu’est le marketing territorial, tant d’un point de
vue scientifique qu’empirique. Les principaux thèmes étudiés par les chercheurs en marketing
territorial s’articulent autour de l’image des territoires, l’identité, les effets de la marque
territoriale, le rôle des parties prenantes, les réseaux sociaux et les événements (Vuignier 2016).
Ce qui fait défaut au cœur de la démarche de marketing territorial est bien une assise
conceptuelle telle qu’il en existe habituellement dans les recherches en marketing.

Ces états de l’art semblent bien être caractérisés par l’extrême diversité des approches, des
terrains d’études, allant jusqu’à donner l’impression d’un assemblage de cas particuliers, voire «
d’anecdotes » et réclamant la mise en évidence d’une théorie intégrée (Vuignier 2016). Les
méthodologies qualitatives utilisées, le plus souvent des études de cas, ne permettent pas
d’accéder à une validité externe des résultats obtenus. Une succession de cas cliniques menés
sur des territoires d’échelles variées (quartier, ville, département, région, pays…) accroît la
perception du manque d’un cadre conceptuel, mais également celle d’une confusion
sémantique, les réalités décrites étant tellement diverses.

2-2. Le marketing territorial : la confluence entre deux paradigmes

De toute évidence le marketing territorial doit encore circonscrire les contours de ses
domaines d’application. Il ne parvient pas réellement aujourd’hui à dire qui il est, à quoi il sert, et
comment il peut être pratiqué de manière méthodique pour engendrer une véritable
transformation territoriale. En guise de synthèse, et en vue d’approfondir notre compréhension
du sens à donner au marketing territorial, nous identifions deux termes récurrents dans la
littérature : place branding et place marketing.

« Le branding territorial fait référence au développement de marques pour des territoires, tels
que des régions, des villes ou autres collectivités, dans l’optique de provoquer des associations
positives et distinctives par rapport aux autres territoires » (Eshuis et Klijn 2012)1 . Dans ce
prolongement, « Les marques territoriales sont des constructions symboliques visant à ajouter
du sens et de la valeur aux territoires. Les marques constituent des signes qui identifient les
territoires et suscitent des associations dotées d’une portée culturelle. » (Braun 2008, p. 43).

Comme nous l’avons évoqué précédemment, le terme de « Place » ne semble pas faire débat.
En effet, depuis les premiers écrits anglo-saxons en marketing territorial (Kotler 1993), le
paradigme dominant a été celui du marketing traditionnel, intégrant le territoire comme un objet
d’application parmi d’autres. Dans cette optique, la mission du marketing territorial consiste à
adapter les outils de marketing de grande consommation à un univers particulier, celui des «
villes, des États ou des Nations » (Kotler 1993). Cette traduction du marketing territorial semble
réductrice au regard de la complexité de ce terrain d’application du marketing qu’est le
territoire.

L’origine étymologique du mot, « terre » (terra qui a donné territorium), confère une réalité
physique à ce que nous appelons « territoire ». Au-delà de cette signification élémentaire, le

6
territoire est défini par trois dimensions complémentaires (Laganier, Villalba et Zuindeau 2002) :
matérielle (propriétés naturelles, réseaux urbains), organisationnelle (acteurs sociaux et
institutionnels), et identitaire (nom, patrimoine, histoire, représentations collectives). Ainsi, la
notion de territoire est polysémique et multidimensionnelle.

Il apparaît également que le territoire est un objet en mouvement perpétuel, façonné par ses
utilisateurs et bénéficiaires. « Le territoire est une œuvre humaine. Il est un espace approprié […]
: propre à soi et propre à quelque chose » affirmait Brunet (1991). Pour Di Méo (1996) le
territoire est « une appropriation à la fois économique, idéologique et politique (sociale, donc)
de l’espace par des groupes qui se donnent une représentation particulière d’eux-mêmes, de
leur histoire ».

Dans une lecture dynamique et historique de la conception du territoire, Pourtier (2005) met
en relation les groupes humains à l’espace pour décliner l’évolution qui accompagne la prise en
compte du territoire. Cette conception paraît tout à fait pertinente au regard des territoires
communautaires qui sont créés au-delà des territoires physiques et naturels traditionnellement
considérés. Le territoire entre en interaction avec une multitude de partenaires, de territoires
voisins ou lointains, afin de s’enrichir et de s’insérer dans un éco-système qu’il juge profitable à
son propre développement. Ainsi, Zardet et Noguera (2013) considèrent qu’« en gestion, la
notion de territoire est un périmètre de vie, de production ou de consommation, représentant
une certaine cohésion géographique, sociale, économique et culturelle. C’est un espace vécu par
des acteurs individuels et collectifs, publics, privés et associatifs caractérisés par des statuts
multiples et avec des enjeux variés et des rationalités différentes. Ces acteurs locaux […]
envisagent de développer des coopérations multipartenaires et de créer des synergies visant à
mettre en œuvre des projets de développement du territoire ».

Dans le paradigme dominant en France, le territoire est perçu comme un bien commun co-
construit par différents acteurs et usagers du lieu. Le territoire est alors défini comme un
système complexe (Moine, 2006), associant un sous-système de représentations mentales, un
sous-système d’acteurs et un sous-système spatial. Le territoire constitue donc à la fois l’objet et
le sujet du développement.

Fruit mixé d’une conception anglo-saxone du marketing-branding et d’un paradigme du


territoire à la française, le marketing territorial peut être représenté par un balancier qui irait de
droite à gauche, tantôt positionné sur une borne « branding/marketing », tantôt attiré vers
l’extrémité « territoire » opposée. Ainsi, dans les priorités qui sont données, plutôt focalisées sur
la valorisation des atouts du lieu ou bien plutôt sur la compréhension de ce qu’est précisément le
territoire, le point d’équilibre est rarement atteint tant il est dépendant des opérateurs de la
démarche entreprise.

2-3. Le marketing territorial : au-delà d’une méthode, un processus accéléré de


transformation

6
Le territoire, quelle que soit sa localisation sur le globe, évolue sans cesse. Il connaît des
transformations naturelles et physiques comme des évolutions provoquées par les pouvoirs
publics. Cette mutation se produit, avec ou sans marketing territorial. Pourquoi donc s’intéresser
à cette pratique si son intérêt n’est pas démontré ? Pourquoi prôner son utilité alors que certains
territoires, pourtant développés, en seraient étrangers ?

Même s’il existe quelques contre-exemples comme les cas de Montpellier (Rozemberg 2000)
et de Rennes (Houllier-Guibert 2008), les démarches de marketing territorial émergent dans des
contextes de vulnérabilité ressentie par les acteurs. Ainsi, les sous-systèmes du territoire,
acteurs, espaces et représentations mentales, sont affectés par une dégradation qui justifie la
mise en place d’une action corrective, érigée en politique. Les exemples de reconversion
industrielle qui débouchent sur la définition d’une politique de marketing territorial sont
nombreux : Detroit, aux États-Unis, ou Lens et Saint-Étienne en France sont emblématiques.

Le marketing territorial peut donc être défini comme un processus itératif et piloté de
transformation accéléré du territoire visant à accroître l’attractivité et l’hospitalité de ce dernier
en vue de poursuivre un développement territorial harmonieux aux yeux de l’ensemble des
parties prenantes. Pour parvenir à une mise en œuvre, le cycle décrit ci-dessous la démarche à
suivre.

Le marketing territorial rassemble plusieurs caractéristiques qui font de lui un processus de


transformation d’une part, complexe d’autre part. Ce processus comporte de nombreuses
spécificités liées à la diversité des acteurs en présence, à la nature non marchande de certains
échanges, à la complexité de ce que constitue un territoire ou encore à la nécessaire mais
délicate implication de la population dans la démarche menée. Par conséquent, la démarche de
marketing territorial exige de prendre en compte ces éléments pour se structurer.

Plusieurs auteurs se sont intéressés à l’élaboration d’une méthodologie de la démarche de


marketing territorial. Ainsi, Houllier-Guibert (2012) propose une progression en 3 étapes : phase
analytique, puis stratégique et enfin opérationnelle. Rochette (2012) et Pecqueur (2005) se
focalisent quant à eux sur la notion de ressources en vue d’analyser la trajectoire des territoires
étudiés sous l’angle de la variation du volume de ces ressources, de leur nature et de leur
organisation. Afin de compléter ces approches, nous proposons une progression en deux phases
et en cinq étapes

La première phase, dite amont, se compose de toutes les étapes qui précèdent la mise en
œuvre à proprement parler du marketing territorial. Dans notre contexte, elle se révèle
particulièrement longue et parfois fastidieuse mais elle revêt un rôle essentiel dans la démarche
globale puisque toutes les décisions fondamentales, souvent irréversibles, seront prises au cours
de cette phase.

Plus précisément, trois étapes se succèdent : dresser un état de l’existant, faire émerger un
projet partagé et élaborer une stratégie territoriale dotée d’un pilotage.

6
Schéma 2 – La démarche de marketing territorial : un processus itératif et piloté

Source : Chamard et alii, 2014

Le territoire existait bien avant que la démarche de marketing soit entreprise à son sujet. Il est
donc nécessaire d’établir un diagnostic, d’inventorier tout ce qui forme le territoire vécu. De cet
état des lieux, et grâce à l’analyse dont il fait l’objet, émane un projet partagé. En effet, les
éléments collectés doivent être confrontés aux publics du territoire pour être validés, contredis,
pondérés, exclus. Lors de cette étape, des allers-retours fréquents sont opérés et un cycle
vertueux état des lieux-projet partagé s’installe jusqu’à ce qu’une stabilisation s’opère et que le
consensus émerge. À ce stade, le projet partagé regroupe toutes les facettes du territoire, et
comporte encore des éléments abstraits ou généraux. C’est pourquoi, l’élaboration d’une
stratégie territoriale conduit à transformer le projet partagé en décision, déterminant la nature
du pilotage ainsi les axes prioritaires et l’allocation de ressources de la manière la plus pertinente
possible au regard des contraintes du projet. À ce stade seront décrites de manière formelle, les
orientations de la stratégie territoriale à mettre en œuvre dans la phase aval. Cette phase amont
est donc le temps de la réflexion, la discussion, la mobilisation, la décision et la formulation.

La deuxième phase, dite aval, conduit à piloter la mise en œuvre du projet de marketing
territorial. Elle consiste à décliner l’offre territoriale et à évaluer la transformation territoriale
engendrée. L’offre territoriale regroupe tout ce que le territoire et ses acteurs proposent en
matière de biens et de services aux publics bénéficiaires. La vocation de la démarche entreprise
étant d’accroître l’attractivité et l’hospitalité du territoire, il est nécessaire de procéder
régulièrement à l’évaluation d’un tel projet. Mise en œuvre, action, adhésion, évaluation
apparaissent comme les maîtres mots de cette phase aval.

6
Le territoire n’est donc pas un espace figé, objet d’une campagne marketing éphémère, mais
un système social dynamique qui, en tant que sujet, conditionne toute tentative de marketing
territorial. Par ailleurs, la réussite d’une démarche ne se trouve pas dans la campagne marketing
menée mais dans la nature et l’ampleur de la transformation territoriale occasionnée. Les
preuves de cette transformation ne sont pas toujours directement observables, et requirent la
mise en place de métriques d’évaluation à plusieurs niveaux. C’est ce que nous nous proposons
de développer en mobilisant la théorie de l’activité, similaire en certains points à l’approche
systémique de Moine (2006), tout en intégrant le processus de transformation comme clef
d’analyse.

SECTION 3 : POUR L’ANALYSE DE LA TRANSFORMATION TERRITORIALE  : LA


THEORIE DE L’ACTIVITE
Comme nous l’avons indiqué précédemment, les travaux en marketing territorial se
caractérisent par une succession d’études de cas et par une très grande hétérogénéité de ces
dernières. Par conséquent, il nous semblait pertinent de mobiliser la théorie de l’activité (Vugoski
1985 ; Engeström 1987) afin de tenir compte du contexte et de l’interaction collective
omniprésents dans la mise en œuvre et l’analyse des démarches de marketing territorial.

3-1. Du bien-fondé de la théorie de l’activité pour analyser les systèmes complexes

La théorie de l’activité s’intéresse tout particulièrement aux systèmes complexes de


coopération. Le territoire, tel que décrit par Moine (2006), correspond précisément à cette
conception. Dans ce travail, Moine argumente la nécessité d’analyser les « territoires de vie »
afin de comprendre la complexité de leur construction historique autour du social, de la politique
et du psychologique. Il affirme que le territoire est avant tout un processus d’appropriation,
conditionné à la fois par la nature d’un espace géographique, par un système de représentations
de cet espace, et par un système d’acteurs qui agissent dans cet espace.

La théorie de l’activité a été définie comme étant un « cadre pluri-disciplinaire pour étudier
comment les individus transforment intentionnellement la société… » (Roth et alii 2012).
L’objectif poursuivi est de cerner l’activité de transformation collective sous l’impulsion des
différentes parties prenantes du territoire. Les travaux de Vygotsky (1978), popularisés par
Engeström (2007), offrent une perspective pluri-disciplinaire pour analyser les diverses pratiques
humaines comme un processus de développement dans lequel les individus et la société sont
interdépendants. Aussi appelée la théorie historico-culturelle de l’activité, ce cadre conceptuel
suggère que la transformation s’appuie sur trois principes majeurs : les individus agissent
collectivement par le biais de pratiques, et communiquent socialement par leurs actions ; les
individus inventent, utilisent et assimilent différentes technologies pour apprendre et
communiquer ; la communauté est centrale à la fois dans le processus de transformation et de
connotation du sens.

6
Dans l’analyse de la transformation territoriale, deux aspects essentiels sont à considérer. Tout
d’abord, le cadre d’analyse tient compte du fait que les politiques publiques, notamment
économiques, s’appuient sur les technologies existantes. Le terme « technologie » ici s’entend au
sens large, comportant l’ensemble des outils (artefacts) qui facilitent l’appropriation,
l’organisation, et la transformation de l’espace social. Ces outils influents progressivement sur les
interactions entre les acteurs et leur territoire, ils se modifient dans le temps avec l’accumulation
d’expérience. Ces interactions sont par leurs natures multi-dimensionnelles, car elles modifient
progressivement le territoire et les perceptions du territoire.

De plus, le développement économique et social d’un territoire ne peut être considéré comme
une observation objective, mais plutôt comme le résultat d’une méthodologie de recherche
donnée (Engström et alii 1999). Il en est de même pour le développement territorial qui est
subjectif tant dans sa réalité perçue que dans sa mesure. Loin d’être la promotion d’un état des
lieux ou d’une photographie d’un espace donné, une initiative territoriale est avant tout « un
moment d’une mise en capacité d’agir des acteurs du territoire ». Une campagne de marketing
territorial est donc une « mise en tension » des multiples acteurs du système. (Lardon et
Pivoteau 2005). Une évaluation de cette transformation annoncée, accélérée par la démarche de
marketing territorial est à juste titre attendue.

Si la théorie de l’activité est prometteuse pour l’analyse du processus de transformation


territorial, il s’avère qu’aucun outil opérationnel n’en découle. Par conséquent, le décideur
territorial, même convaincu par l’apport de ce nouveau cadre conceptuel pourrait se sentir
démuni face à l’ampleur de la tâche, celle d’évaluer l’impact du marketing territorial dans son
propre contexte. C’est pourquoi, nous proposons de bâtir une grille d’analyse fondée à la fois sur
les apports de l’état de la littérature précédemment exposé, et sur les fondements qu’offre la
théorie de l’activité. Notre objectif étant de mettre au point un outil d’évaluation capable de
rendre compte de la transformation territoriale vécue lors de la mise en place d’une démarche
de marketing territorial.

3-2. Les défis de l’évaluation en marketing territorial

Construire une grille d’analyse et d’évaluation d’une démarche de marketing territorial


représente à la fois en enjeu majeur pour le praticien mais également un défi empirique pour
tenir compte de la complexité de l’objet étudié, le territoire. Plusieurs auteurs se sont penchés
sur les précautions à prendre en matière d’évaluation d’un projet territorial.

Tout d’abord, comme le souligne Burghard (2012), le succès de tout projet de marketing
territorial présuppose un plan stratégique dans lequel l’envergure, la finalité et les moyens du
projet sont clairement identifiés.

De plus, les buts opérationnels du marketing territorial doivent être élaborés en fonction du
contexte politique, économique et historique de chaque collectivité. La vision, les attentes, et la
mission du projet aux yeux du maître d’ouvrage méritent d’être clairement définis et
communiqués. Enfin, chaque objectif du projet peut être qualifié de spécifique, mesurable,

6
actionnable, réaliste et opportun2. Les travaux de Pride (2008) sur les indicateurs clés de la
performance pour Visite Wales constituent un exemple rare de projet dans lequel ces critères
d’évaluation ont été établis au moment de l’élaboration de l’initiative.

Une troisième observation apparaît dans la difficulté à déterminer la nature de l’évaluation des
projets de marketing territorial. L’objectif de la transformation territoriale doit être explicite et
mesurable. La démarche de marketing territorial peut être conçue pour influer sur les opinions
des usagers, conférer une fierté d’appartenance, ou inciter les investissements en infrastructure.
Les preuves de réussite peuvent être captées au niveau de l’individu, de la collectivité ou de
l’opinion des cibles externes au projet. Le succès ou l’échec du projet peut être mesuré en
termes d’efficacité (calcul coûts-bénéfices), d’efficience (qualité des relations entre la collectivité
et ses usagers) ou d’innovation (la mise en place des scénarios d’usages nouveaux). Groves et Go
(2009) insistent sur la nécessité de distinguer entre la production, les résultats et l’impact des
projets de marketing territorial.

Les facteurs politiques et administratifs externes au projet doivent également être pris en
compte. La répartition du territoire en communes, communautés, départements ou autres ne
correspond que rarement aux régions socio-économiques ciblées par la démarche marketing. Les
visions, les agendas et les évènements politiques conditionnent la valeur perçue et la portée de
chaque campagne. Face à la nature compétitive et souvent conflictuelle des mandats électoraux,
la question de la propriété intellectuelle de la marque peut amplifier ou compromettre sa
pertinence et sa longévité. À l’appui d’une étude du contenu de la promotion de la région de
Romagna, Lucarelli et Giovanardi (2014) démontrent ainsi comment différents acteurs politiques
influencent le processus de mise en place d’une marque à travers leur appropriation, la
contestation et la négociation de chaque projet. En effet, derrière les démarches de construction
de marque territoriale se situe de manière sous-jacente un enjeu de légitimité des multiples
acteurs en présence.

Le calendrier budgétaire influe également sur les possibilités de réussite d’une démarche de
marketing territorial. Si l’impact d’un projet est mesuré dans le changement des attitudes et des
comportements des différentes parties prenantes du projet, les échéances budgétaires de la
fonction publique sont souvent en conflit avec le temps nécessaire pour constater ces
changements. Boisen (2015) note qu’un grand nombre de facteurs qui influent sur la perception
globale d’une collectivité sont souvent non maîtrisables par les collectivités elles-mêmes. Belloso
(2011) ajoute de son côté, que le temps nécessaire pour mener une politique de conduite de
changement n’est malheureusement pas compatible avec les processus de financement public.

Pour toutes ces raisons, l’impact du marketing territorial sur le développement économique et
social d’une collectivité reste difficile à mesurer. La causalité entre les moyens mis en œuvre par
le projet et les résultats économiques et sociétaux est conditionnée par le contexte,
l’administration et la vision politique de la collectivité dans le temps. Le lien entre la perspective
subjective des consommateurs de la marque et les indicateurs objectifs de performance sont

6
difficiles à établir. Les comparaisons des projets dans le temps, et entre les collectivités
requièrent l’élaboration de nouveaux cadres conceptuels et de métriques externes aux projets.

Pour faire face à ces différents défis, en nous basant sur la théorie de l’activité, nous proposons
de construire un outil d’évaluation et d’analyse de la transformation territoriale.

SECTION 4 : CONSTRUCTION DU CUBE D’EVALUATION ET D’ANALYSE DE LA


TRANSFORMATION TERRITORIALE (CEATT)
Malgré la quantité de contributions de ces dernières années, traitant le marketing territorial, il
n’existe que peu d’analyses portant sur le rôle que ces projets ont joué dans la transformation
des collectivités publiques et de leur environnement socio-économique. Cette omission est
encore plus remarquable lorsque l’on considère que ces démarches sont souvent entreprises
avec un objectif explicite : accompagner et accélérer la transformation de la collectivité ciblée.
Dans un premier temps, nous présentons un nouvel outil d’évaluation de la transformation
territoriale puis nous en préciserons les usages à l’aide d’un exemple : celui de la Principauté de
Laàs.

4-1. Les dimensions de l’évaluation en marketing territorial

La question de l’évaluation en marketing territorial se pose en deux temps successifs : quelles


sont les dimensions sur lesquelles porte la transformation territoriale ? Puis, quels sont les
indicateurs pertinents pour mesurer l’ampleur de cette transformation ?

Il existe quatre dimensions dans la transformation territoriale : le territoire lui-même, les


infrastructures, les représentations à l’égard du territoire et les pratiques observées au sein du
territoire.

Le premier aspect évalué de la transformation est le territoire lui-même, considéré comme un


bien commun co-construit par différents acteurs et usagers du lieu. Le territoire, considéré
comme l’objet de la transformation, regroupe ses caractéristiques naturelles et ses contours
physiques.

Les infrastructures regroupent des plateformes qui créent des relations de proximité entre les
fournisseurs et les consommateurs de services. La notion d’infrastructures déployées sur un
territoire pour le transformer fait référence à la fois à des équipements physiques tels que des
routes, des écoles ou des usines mais également à des installations permettant des usages
dématérialisés, comme le développement de la fibre optique par exemple. Le marketing
territorial peut faciliter la création de nouvelles infrastructures : routières, sanitaires, scolaires,
informatiques, etc. qui accentuent la proximité entre les consommateurs et les producteurs de
ressources territoriales. C’est pourquoi, bon nombre de démarches de marketing territorial
intègrent la création d’une communauté d’ambassadeurs ayant pour but principal de faire

6
connaître les ressources territoriales disponibles : produits locaux, infrastructures disponibles,
compétences accessibles, fonciers mobilisables pour des investissements.

La notion de représentations couvre les différentes formes d’engagement communautaire sur


le territoire. Les usagers partagent, dans une certaine mesure, des perceptions communes par
rapport à la représentation du territoire. Cet état d’esprit conditionne leur participation aux
processus décisionnels et leurs actions encouragent ou handicapent certaines formes d’action
politique. Sur cette troisième dimension, le marketing territorial peut transformer les
perceptions individuelles et collectives du rôle qu’a le citoyen dans la politique locale, l’économie
et la société. Ainsi, l’un des impacts positifs observé dans les démarches de marketing territorial
reste l’accroissement de l’appropriation au lieu voire l’émergence d’une véritable fierté
d’appartenance. Après avoir mis en lumière des atouts du lieu, une démarche de marketing
territorial peut modifier les représentations mentales liées au territoire et déclencher les
comportements d’ambassadeurs performants.

Enfin, les pratiques font référence aux activités qui caractérisent la production sociale et
économique sur un territoire donné. Elles représentent les domaines dans lesquels le territoire
est perçu comme singulier ou spécifique, doté d’atouts uniques. Ces pratiques territoriales
déterminent les normes et les usages de proximité, la source de valeur ajoutée et une mesure de
son apport à la collectivité. L’impact du marketing territorial se reconnaît ici dans le degré
d’innovation des moyens locaux de production ou dans la recomposition de ses forces
productrices. Le cas du Louvre Lens3 illustre bien cette capacité qu’un projet de redynamisation
territoriale peut apporter au-delà de son périmètre d’action immédiat. Adoptant comme point
de départ la création d’un musée, de très nombreuses activités périphériques ont été
développées ensuite autour de la gastronomie, du design ou du carnaval.

Les quatre dimensions de la transformation territoriale ayant été exposées, la littérature nous
propose quatre approches de l’évaluation en marketing territorial : les indicateurs clés de la
performance, la veille concurrentielle (benchmarking), l’opinion à l’égard du territoire et le suivi
en temps réel.

Il est possible d’accéder à l’évaluation de l’impact d’une démarche de marketing territorial,


intégrant ou non la création d’une marque territoriale, grâce à l’élaboration des indicateurs clés
de la performance. Un indicateur clé de la performance est une valeur mesurable qui démontre à
quel point une campagne atteint ses objectifs. La question cruciale qui se pose concerne la
pertinence des indicateurs à retenir pour bâtir un outil adapté à des situations très diverses, tant
par leur contexte que par les parties prenantes impliquées, et pour rendre compte de la
transformation territoriale suivie.

Dans son travail pour Visit Wales, Pride (2008) proposait de mesurer les facteurs clés de succès
: la reconnaissance de la région et de la démarche, la proximité émotionnelle de la population
cible, son engagement à visiter le lieu, sa réponse à la démarche marketing, l’efficience
marketing et la valeur marketing. S’il est vrai que ces métriques démontrent plutôt des

6
corrélations que des liens de causalité entre le marketing territorial et l’attractivité de la région,
les indicateurs clés de la performance constituent néanmoins une base pour évaluer son impact.
Diniie (2017) souligne que les porteurs du projet devraient systématiquement définir leurs
objectifs, mettre en œuvre les moyens nécessaires, puis évaluer que ces objectifs ont été
atteints. D’après le Place Brand Observer, les références les plus connues comprennent
l’identification de la marque, sa reconnaissance par le public ciblé, et son attractivité par les
usagers et les publics internationaux.

La veille concurrentielle (benchmarking) constitue un deuxième moyen d’évaluation. Les


techniques de veille font référence à l’observation et à l’analyse des pratiques marketings utilisés
et des performances atteintes par d’autres collectivités. Plutôt que de se fier uniquement aux
métriques internes d’un projet, la veille concurrentielle permet la prise en compte à la fois des
meilleures pratiques d’autres collectivités mais aussi des influences macro-économiques des
événements nationaux voire internationaux. Dans le cas du marketing territorial, le
benchmarking implique l’évaluation de l’impact des initiatives sur des objectifs sociétaux ou
économiques. Aujourd’hui, les professionnels du marketing territorial disposent de suffisamment
de recul sur certaines expériences menées en France comme à l’étranger pour tirer profit d’une
veille concurrentielle. À titre d’exemple, le Place Marketing Forum présente chaque année de
nombreux cas de marketing territorial, constituant un observatoire des pratiques actuelles les
plus avancées à l’échelle mondiale.

L’analyse de l’opinion vis-à-vis du territoire fournit une troisième approche à l’évaluation.


L’analyse des sentiments fait référence au processus d’identification et de catégorisation des
opinions afin de détecter et d’analyser comment différentes parties prenantes réagissent vis-à-
vis d’un territoire. Ainsi, des entretiens, des sondages et des études de médias sociaux peuvent
être engagés dans le but de mieux comprendre comment le public cible appréhende, apprécie et
évalue les résultats d’une démarche de marketing territorial dans le temps. Grandi et Nehri
(2014) utilisent cette approche dans leur analyse des perceptions de la marque de la ville de
Bologne à travers le Web. Dans la conclusion de leur contribution, ils suggèrent que l’analyse des
sentiments démontre la diversité des perceptions face à une campagne de marketing territorial,
et la nécessité d’intégrer une pluralité d’approches à la fois dans sa mise en œuvre et dans son
évaluation.

Enfin, le suivi en temps-réel (tracking) offre une approche complémentaire d’évaluation pour
détecter le comportement des usagers (Sevin, 2011). Ce suivi implique l’utilisation des ensembles
de données qui sont agrégées et analysées tout au long du projet. La disponibilité généralisée
des techniques d’analyse de données fournit une abondance de données quantitatives et
qualitatives aux collectivités sur les motivations, les objectifs et les actions de leurs publics cibles.
La mise en œuvre des stratégies multicanales utilisant conjointement des sites Web, des
applications mobiles et des médias sociaux offre la possibilité de structurer et d’influencer les
perceptions des usagers du territoire. Zenker et Martin (2011) suggèrent que le suivi des
données clés puisse aider les spécialistes du marketing territorial à comprendre le contexte et la
complexité des concepts tels que le capital client et la satisfaction du consommateur. Il en est de

6
même pour le capital territoire, tel que défini par Chamard et alii (2013). Même si les données en
temps réel sont nécessairement imparfaites, les résultats peuvent être ajustés et corrigés quand
des données plus fiables deviennent disponibles.

Nous pouvons ainsi synthétiser ces quatre dimensions de la transformation territoriale et ces
quatre approches de l’évaluation sous une forme matricielle. Lorsqu’une démarche marketing
voit le jour, il est donc nécessaire d’appliquer à chaque projet une évaluation puis une analyse
relative aux quatre niveaux d’évaluation : territoire, représentations, infrastructures et pratiques.
Puis, chacun de ces quatre objets sera évalué selon l’une des quatre approches précédemment
indiquées : la veille concurrentielle, les indicateurs clés de performance, le suivi en temps réel, et
l’analyse d’opinion.

Schéma 3 – Le Cube d’Evaluation et d’Analyse de la Transformation Territoriale (CEATT)

Source : Chamard et Schlenker

Cette matrice fournit une grille d’évaluation permettant à tout acteur impliqué dans une
démarche de marketing territorial d’analyser la transformation observable sur le territoire. Ce
cube représente une évaluation complète d’une transformation territoriale, chaque brique
constitutive correspondant à une dimension du territoire évaluée selon l’une des modalités
présentées. En effet, dans cette configuration, nous constatons que tous les projets donnent lieu
à une évaluation sur les quatre dimensions du territoire et selon toutes les modalités de
l’évaluation. Si cette situation paraît idéale, il convient de préciser qu’elle ne représente
qu’exceptionnellement la réalité vécue par les professionnels du marketing territorial. Le CEATT
se construit progressivement au cours d’une démarche marketing, au fur et à mesure que les
projets émergent et qu’ils sont menés à leur terme. Les briques vont donc être assemblées tout
au long de la démarche en vue d’obtenir le cube le plus complet possible. Nous proposons une
application de cet outil dans la partie suivante.

4-2. Les usages du CEATT

6
Le CEATT se construit en trois étapes. Dans un premier temps, les projets qui s’intègrent dans
la démarche de marketing territorial sont inventoriés afin d’être évalués dans le cadre de la
mesure de la transformation territoriale. Puis, les dimensions du territoire susceptibles d’être
modifiées par le projet sont identifiées. Enfin, les modalités d’évaluation sont choisies au regard
de leur pertinence vis-à-vis de la nature du projet entrepris. Un tel processus s’entend comme un
suivi longitudinal. La configuration du cube évoluera donc au fil du temps, puisque des projets
s’agrégeront (ou seront arrêtés), des dimensions du territoire transformé ou des indicateurs
d’évaluation s’ajouteront. In fine, le CEATT synthétise l’ensemble des évaluations de la
transformation territoriale dans le but de faciliter l’analyse de cette évolution.

Sur la base de quatre objets d’analyse de la transformation territoriale et des quatre approches
de l’évaluation, nous pouvons appliquer cette grille d’analyse à tout type de territoire.

Nous présentons ci-dessous un exemple d’utilisation de cet outil à la lumière d’un cas pratique
de marketing territorial particulièrement original et ambitieux : la création d’une Principauté au
sein d’une commune du sud-ouest de la France.

En 2011, le village de Laàs, 130 habitants, a choisi de devenir une principauté4. L’objectif
central est la valorisation et la dynamisation territoriales, dans le souhait de limiter l’exode rural
des petits villages à la population vieillissante, d’encourager la création d’emplois par de
nouveaux projets, devenir une destination touristique à part entière en augmentant la capacité
d’accueil et les points d’intérêts, renforcer l’identité locale autour de ses ressources :
architecture, nature, terroir, artisanat de qualité, agriculture en circuits courts, et fédérer les
acteurs du territoire en devenant une structure d’accompagnement. Il s’agit d’un projet à long
terme. Pour cela, la création de la Principauté constitue une expérimentation de transformation
territoriale, permettant de tester le CEATT.

Dès 2014, l’association nouvellement créée et dotée d’un conseil d’administration joue le rôle
d’un comité de pilotage de la démarche de marketing territorial. Nous avons accompagné cette
initiative depuis le départ, c’est pourquoi nous pouvons proposer une synthèse de l’avancée de
ce projet notamment en termes d’évaluation de la transformation territoriale.

6
Tableau 2 – Le CEATT appliqué au cas de la Principauté de Laàs

Pour une meilleure lisibilité, nous présentons nos résultats sous la forme de tableaux. Ces derniers pourront être
transformés en une figure à trois dimensions de forme cubique.

Le tableau 1 rassemble les dimensions du territoire mobilisées pour évaluer la transformation


territoriale de Laàs ainsi que des exemples d’indicateurs pertinents pour mesurer cette mutation.
Le tableau 2 contient certaines données déjà enregistrées dans le cadre de la démarche de la
Principauté de Laàs. Certaines cases du tableau restent vides puisque le projet est encore en
cours et que l’évaluation suivra son cours tout au long de l’année 2018.

Comme de nombreuses démarches de marketing territorial, l’initiative de la Principauté de


Làas rassemble différents projets présentés dans la première colonne intitulée « projets évalués
». Dans un premier temps, il s’agit d’établir une liste selon la dimension du territoire qu’ils
affecteront. Par exemple, Laàs a été modifié par deux initiatives : la création d’une principauté
votée en conseil municipal et la mise en place de cabanes douanières disposées aux entrées du

6
village. La dimension infrastructures est également évaluée sur la base de deux projets : le choix
de confier la gestion du château et de son parc de 12 hectares à un délégataire de service public
et l’intégration dans la rue principale du village, le Laàs Vegas boulevard, de 35 étoiles à l’effigie
de chanteurs renommés ayant participé au festival de chanson annuel de la Principauté. Quant
aux représentations du territoire, elles sont véhiculées par deux moyens : un réseau
d’ambassadeurs présents dans 15 pays du monde munis de passeport de la Principauté. Ces deux
vecteurs, ambassadeurs et passeports, présentent les valeurs et les atouts du territoire sur leur
zone d’influence. Enfin, en ce qui concerne les pratiques, le rachat par un investisseur d’une
fabrique de bérets dans le village et l’organisation du festival « Les transhumances musicales »
de Laàs constituent deux projets qui fonderont l’évaluation de la transformation territoriale.

Tableau 3 – Évaluation de la transformation territoriale de la Principauté de Laàs

6
Pour une meilleure lisibilité, nous présentons nos résultats sous la forme de tableaux. Ces derniers pourront être
transformés en une figure à trois dimensions de forme cubique, en cohérence avec le CEATT

Une fois les projets identifiés, les quatre dimensions de l’évaluation peuvent être scrutées afin
de déterminer le mode le plus pertinent pour rendre compte de la transformation territoriale
vécue. Par exemple, nous suivons le nombre de manifestations organisées au sein du château, le
nombre de visiteurs, l’évolution des recettes de manière longitudinale, et nous collectons
l’opinion des visiteurs grâce à un livre d’or disposé à la sortie du château et sur une application
mobile. Toutes ces informations sont reportées dans une matrice unique afin de constituer
progressivement le CEATT.

Ainsi, concernant la transformation du village de Laàs en Principauté dans le cadre d’une


démarche de Marketing territorial, chaque dimension est évaluée à intervalle régulier afin de
suivre à la fois l’évolution du projet et l’ampleur de la mutation territoriale. Chaque projet,
chaque « activité », pour reprendre l’unité de base de la théorie de Vygotski (1985), s’intègre
dans une œuvre collective, souvent qualifiée de projet de territoire par les marketeurs
territoriaux. Selon l’ampleur de la démarche de marketing territorial menée, il sera parfois
impossible de disposer de tous les éléments d’évaluation dans un premier temps. Il conviendra
donc de réunir progressivement l’ensemble de ces dimensions afin de bâtir une évaluation
complète, autorisant une analyse plus pertinente de la transformation territoriale étudiée.

La dernière étape, plus analytique que descriptive, revient à caractériser la transformation


territoriale enregistrée. En fonction du degré d’exhaustivité des informations obtenues, il est
possible de déterminer quelles sont les dimensions du territoire les plus impactées par les
projets inclus dans la démarche de marketing territorial. Au regard d’objectifs initiaux, le CEATT
conduit à identifier d’éventuels écarts avec la transformation mesurée en cours ou en fin de
projet (Schéma 3). À ce stade du projet de Principauté de Laàs, à peine 3 ans après son
lancement, la dimension « territoire » a été la première impactée chronologiquement.
L’importante couverture médiatique a largement contribué à transformer le territoire vécu mais
également sa perception. Aujourd’hui, les dimensions « infrastructures » et « pratiques » sont les
plus emblématiques de la transformation territoriale puisque les résultats, et notamment les
indicateurs clés de performance, révèlent une redynamisation de l’activité dans le périmètre de
la Principauté. La dimension « représentations » n’enregistre pas encore une véritable mutation
suite aux projets qui ont été lancés mais il s’agit de démarches de long terme qui ne porteront
leurs fruits qu’ultérieurement.

6
Schéma 4 – Le CEATT appliqué au cas de la Principauté de Laàs

Les préférences d’évaluation des porteurs de chaque projet sont indiquées selon l’intensité de la couleur bleue.

L’apport de telles matrices est donc triple. Tout d’abord, compléter cet outil permet d’élucider
la spécificité d’un territoire et de son contexte. L’intégration de l’ensemble de ces éléments
donne une vision globale et approfondie du territoire observé. Le CEATT a également vocation à
suivre une évolution de façon longitudinale. En effet, les démarches de marketing territorial
étant généralement lourdes à mettre en œuvre, seule une évaluation à moyen et long terme
permettra de capter réellement la transformation territoriale. Enfin, une utilisation comparative
entre plusieurs collectivités territoriales de cette matrice conduit à relever les principales zones
de concurrence ou de complémentarité entre territoires.

4-3. Conclusion

Les démarches de marketing territorial sont aujourd’hui omniprésentes au sein des


collectivités territoriales. Elles s’accompagnent d’une montée en puissance des fonctions de
pilotage, d’analyse et d’évaluation de ces démarches. Nous avons bâti le CEATT, un outil d’aide à
ces opérations afin que les décideurs puissent appréhender de la manière la plus complète
possible les transformations territoriales provoquées par la mise en œuvre d’une démarche de
marketing territorial. La matrice présentée conduit à adopter une vision holistique, nécessaire
pour cerner les dynamiques du système complexe que constitue un territoire. Le CEATT permet
de faire ressortir le territoire en tant que sujet (dynamique) qui conditionne les projets de
marketing territorial. Il permet une meilleure réponse aux questions sur la représentativité de la
marque, de ses objectifs, de métriques appropriées, des enjeux politiques et budgétaires. Enfin, il

6
permet une analyse comparative de l’impact des projets dans une région cible, ou à travers un
ensemble de territoires.

Les perspectives de diffusion du CEATT sont nombreuses et ce, pour deux raisons principales.
Basé sur la théorie de l’activité, cet outil permettrait en premier lieu d’obtenir des résultats
probants lors de la confrontation avec des terrains d’application divers. En second lieu, les
professionnels engagés dans des démarches ambitieuses, ont besoin d’avoir recours à des outils
d’analyse et d’évaluation adaptés à ce domaine d’expertise spécifique qu’est le marketing
territorial. Le nombre et la variété des usages du CEATT permettront peut-être d’accroître
l’efficacité des démarches de marketing territorial menées ?

6
CHAPITRE II : LES PRATIQUES DE MARKETING TERRITORIAL
DES REGIONS ETUDIEES

SECTION 1 : LA METHODOLOGIE PRATIQUEE ET DES CAS ETUDIES

1-1. Terrain étudie et méthodologie

Nous nous situons ici au niveau de l’entité région. L’évolution de l’organisation territoriale au
Maroc, vers un modèle de « régionalisation avancée » est à l'origine d'un regain d’intérêt pour le
territoire, devenu espace de vie et d’initiatives pour mieux l’organiser, et pouvoir mieux y vivre.
La Région semble représenter « un relais privilégié entre le national et le mondial » (Ben Hachem
El Harouni, 2008, p. 171), et est le niveau idéal entre l’Etat et le niveau le plus bas des
collectivités territoriales, c'est à dire la commune, constituant l’unité territoriale et sociale
fondamentale du développement. Elle permet d’avoir une masse critique pour favoriser le
développement puisqu’elle est assez grande pour pouvoir atteindre un niveau de
développement raisonnablement complexe et assez petite pour que la participation directe de la
population au mécanisme décisionnel soit possible (Ben Hachem el Harrouni, 2008). La région est
aussi le meilleur niveau territorial pour la conduite de politiques et stratégies de marketing
territorial, la commune n'ayant ni les ressources humaines, ni les ressources financières pour s'y
atteler alors que les prérogatives de la province ne le lui permettent pas (Moussalim, 2017).

La méthodologie suivie est celle de la méthode des cas (Yin, 2003). Nous avons choisi la région
de l’Oriental comme cas unique pour notre recherche. Notre recherche empirique a été réalisée
sur la base d’une analyse documentaire2 et des interviews3 avec les dirigeants des organisations
publiques, privées et associatives, au niveau régional, national et international. Les outils et les
instruments utilisés nous ont permis de collecter et analyser un corpus de données, en utilisant
la méthode de l’Analyse de Contenu Thématique (ACT) avec l’aide du logiciel NVIVO4. Le
repérage international, appréhendé grâce à une étude bibliographique, et à l’étude empirique
dans l’Oriental, concernera deux régions françaises qui ont des relations très étroites avec la
région de l’Oriental. La première est la région Champagne Ardennes, jumelée à l’oriental depuis
les années 90, et partageant avec elle de nombreux points communs relatifs à leur situation
comme régions de transit, aux disparités importantes entre les territoires mais aussi à des
secteurs économiques stratégiques comme l’agriculture ou l’agroalimentaire, ou la logistique.
Ensuite, nous étudierons le cas de la région Nord-Pas-de-Calais, dont la capitale Lille est jumelée
avec la ville d’Oujda depuis 2005.

1-2. Cas de la région Campagne- Ardenne en France

La région Champagne-Ardenne (CA) est une ancienne collectivité territoriale française (de 1982
à 2015). Dans le dernier découpage territorial de 2015, elle a fusionné avec l’Alsace et la Lorraine
pour former la nouvelle région Grand Est. Ayant eu des relations privilégiées avec l’Oriental

6
marocain depuis plus d’une vingtaine d’années, nous nous intéresserons à cette région, dans ses
anciennes frontières géographiques. La CA était classé au 12ème rang des régions françaises par
sa superficie (4,7% de l’espace national métropolitain). De par sa position géographique et les
activités de ses habitants, elle a été de tout temps tournée à la fois vers le Bassin parisien et le
Grand-Est de la France. Quatre départements, les Ardennes, l’Aube, la Marne et la Haute-Marne,
et 1.945 communes, structuraient de façon administrative ce territoire qui s’étirait sur 350 km du
Nord au Sud.

La région CA disposait de quelques bons indicateurs économiques : 1ère région pour la


production de fonte, 3ème région métallurgique, 2ème région agroalimentaire ou encore 25% de
la production française de bonneterie. Les grands secteurs clés du développement économique
de la CA sont5 : La filière agroalimentaire, L’industrie textile, La métallurgie, L’industrie de
l’emballage, La logistique et Les biomolécules/les biomatériaux. Située au cœur des grands
courants d'échanges entre la mer du Nord, les Flandres et l'Italie, la CA est depuis toujours une
région de transit, comme la région de l’Oriental, comme nous allons le voir. Elle est bien dotée en
infrastructures de transports, surtout sur l’axe est-ouest, renforcé par l’arrivée du TGV Est en
2007.

Ces quelques classements avantageux ne devraient pas masquer des indicateurs alarmants. La
région a été en effet également marquée par de grandes disparités selon les territoires. Elle
présente en matière de cohésion sociale, un profil très particulier, lié d’une part aux
conséquences des graves mutations industrielles en cours et d’autre part, à son armature
urbaine faible. En effet, la fragilisation des bassins d’activité se traduit par l’accroissement du
nombre de demandeurs d’emploi et de bénéficiaires des minimas sociaux. Pour inverser cette
tendance, la CA a créée, en 2005, CADev (Champagne- Ardenne développement), l’agence de
développement économique de la Région Champagne-Ardenne. C’est une structure privée
organisée sous forme associative, financée principalement par le conseil régional, et présidée par
un chef d’entreprise. Elle a pour missions essentielles de :

 Prospecter en France et à l’étranger des entreprises susceptibles de s’implanter dans la


région Champagne-Ardenne.
 Accompagner des projets stratégiques d’entreprises régionales,
 Assurer la promotion des atouts de la région Champagne-Ardenne.

La CADev est formée d’une équipe d’une quinzaine personnes et s’appuie sur des
compétences internes en matière de veille et intelligence économique, d'ingénierie de projet
(aspects règlementaires, aides publiques, analyse financière, recherches de sites
d’implantation...) et de marketing. A sa création, CADev a bénéficié d’un budget de 1,5 M€, grâce
à des financements croisés : Région, Union Européenne, Datar, Caisse des Dépôts et
Consignation, conseil général des Ardennes et de recettes "participations et cotisations".

En 2009, les différents acteurs du territoire ont décidé de déployer une stratégie de la marque
"Champagne-Ardenne" dans le cadre d’une démarche de marketing territorial, avec à la clé le

6
lancement d’un site internet « invest in Champagne Ardenne » pendant l’été 2011. Ce site
s'adresse uniquement aux clients potentiels du territoire, entreprises et investisseurs potentiels.
Puis la CADev a lancé son portail Internet dédié à la filière Transport et Logistique : « Logistics in
Champagne-Ardenne », l’un des secteurs économiques stratégiques pour la Région.

Cette stratégie de marketing de la Région s’accompagne également d’autres stratégies,


menées par les principales villes de la région, dont notamment la ville de Reims. C’est ainsi qu’en
2003, à l’initiative de la ville de Reims, de Reims Métropole et de la chambre de commerce et
d’industrie de Reims & Epernay (CCIRE), l'agence Invest in Reims (RCD) est créée, avec une
équipe de 7 personnes et un budget de 1,3 M€, avec pour mission de favoriser la promotion et le
développement économique de la métropole rémoise.

En 7 ans, Invest in Reims a accompagné la création de plus de 4 200 emplois en accueillant plus
de 95 entreprises dont de nombreux groupes basés à Paris. Dès sa création, cette agence a
développé une triple stratégie de différenciation, de conquête et de fierté du territoire
s'appuyant sur le « celebrity marketing »6 et le cobranding7 autour d'une marque unique : Invest
in Reims.

1-3. Région de Nord-Pas-de-Calais en France

La ville de Lille est la capitale de la région Nord-Pas-de-Calais (NPDC), qui a fusionné, dans le
cadre de la réforme territoriale de 2015, avec la région Picardie, s’appelant désormais Hauts-de-
France. Lille et Oujda sont unies par un accord de partenariat depuis plus d’une quinzaine
d’années. Les deux villes ont souhaité contribuer au rapprochement euro-méditerranéen en
s’appuyant sur leurs puissants liens humains (plus de 50% des Lilloises et Lillois d’origine
marocaine sont issus de la région de l’Oriental) et partant de leurs problématiques communes,
telle que leur position frontalière. Les nombreux projets partenariaux vont de la promotion du
développement économique au développement social et culturel en passant par le tourisme
responsable ou l’économie sociale et solidaire. Les Universités de Lille et d’Oujda ont également
développé de nombreuses coopérations illustrées par une grande diversité de recherches et
d’articles conjoints, des formations bi-diplômantes et l’organisation d’événements scientifiques.

La région NPDC a subi de nombreuses mutations au cours du XXe siècle. Quatrième région
française pour son PIB, une situation géographique privilégiée au cœur de l'Europe, une capitale
(Lille) au statut européen, des secteurs économiques historiques (ferroviaire, automobile, etc.) :
le Nord-Pas-de-Calais avait des sérieux atouts et connaissait une réelle diversification,
industrielle et tertiaire, symbole de son renouveau économique. Cependant, cette région a fait
face à une grave crise industrielle, à l’image de l’Oriental, dans le sens d’une recomposition en
profondeur du système productif. En trente ans, entre 1975 et 1992, la région a vu disparaître ou
décliner plusieurs secteurs clés de son économie : le secteur minier, le secteur textile et la
sidérurgiemétallurgie.

La région avait une image de région industrielle fortement peuplée, cependant une part
importante du territoire est consacrée à l'agriculture. L'industrie automobile est un secteur en

6
reconversion. Autrefois marginale, elle est devenue un acteur majeur de l'économie régionale
avec l’installation d'une dizaine d'usines modernes pour des constructeurs comme Renault, PSA
Peugeot Citroën et Fiat ou plus récemment Toyota, et leurs sous-traitants. La logistique est un
autre secteur économique important au niveau de la Région.

En 2000, l’ancien PDG du Groupe privé « 3 Suisses International » a créé une association de loi
1901, Créativallée, pour promouvoir et sensibiliser à l'esprit d'entrepreneuriat sur le territoire du
Nord-Pas-de-Calais. En juin 2008, à l’initiative de la même personne et du vice-président du
conseil régional, l'association Créativallée a vu ses missions s’élargir pour être pionnière en
matière de marketing territorial et porter la nouvelle marque de promotion économique
régionale, « NordPas de Calais, La Créativallée ». Son objectif premier a été de positionner le
Nord-Pas de Calais comme « la vallée de la création » en Europe, à l’image de la Silicon Valley.

Avec une équipe d’animation composée de sept personnes et 750.000 € de budget annuel,
l’association Créativallée, soutenue par le Conseil Régional, le FEDER, la Caisse des Dépôts et
Consignations, le Conseil Général du Nord et l’ensemble des acteurs régionaux de la
créationreprise d’entreprises et de l’innovation, a mis en place une ambitieuse stratégie de
marketing territorial, avec le slogan « Nord-Pas de Calais, La Créativallée », qui représente une
marque et une démarche partagée de marketing territorial. Elle fédère et anime les acteurs
économiques et institutionnels de la région pour concourir au développement économique de la
région en travaillant sur son image, la créativité et la qualité de l’accompagnement des
entrepreneurs.

Cette stratégie s’adresse aux porteurs de projets, régionaux ou venant d’une autre région
française ou étrangère qui souhaiteraient entreprendre dans la région. La créativallée propose à
travers son offre territoriale, des structures adaptées aux besoins des investisseurs, un suivi de
projet régulier, et un soutien en réseau dense, coordonné et efficace.

Le plan de marketing territorial de la région NPDC est très diversifié. En plus des instruments
développés, la créativallée met en œuvre une stratégie web 2.0 très active et anime depuis le
lancement de la marque un réseau d'ambassadeurs qui compte plus de 1100 membres, le réseau
international des Ch'tis8 du monde.

En complément du réseau d’ambassadeurs, plusieurs vecteurs de communication sont utilisés


pour faire connaître la démarche du territoire :

 Le marketing viral : buzz, teasing, bouche à oreille …


 Les nouveaux modes de communication (notamment le web 2.0 : Viadeo, Facebook)
 La diffusion des success stories de la région par vidéos et par témoignage écrits,
 Ou encore le « Project Center, northern France the Lille Region ».

Ce Project Center est une salle multimédia haut de gamme qui utilise des animations
numériques pour convaincre les investisseurs et prescripteurs des avantages concurrentiels de la
région. Il s’agit donc d’un outil de marketing territorial qui, en valorisant et illustrant les

6
informations sur le Nord Pas de Calais, contribue à la vente du territoire par les partenaires en
charge de l’attractivité internationale de la région.

Comme dans le cas de la région Champagne-Ardenne, la région NPDC en faisant son marketing
territorial ne se sent pas concurrencée par ses propres villes. La métropole lilloise a ainsi sa
propre agence pour la promotion, avec un statut d’association : l’agence pour la promotion
Internationale de Lille Métropole APIM qui accompagne les entreprises dans leurs projets
d'implantation et de développement et se charge de promouvoir la métropole à l'international.

Gracieusement et en toute confidentialité, une équipe d'ingénieurs projets, guichet unique


auprès des investisseurs, les aide dans leurs démarches, qu'il s'agisse de l'installation d'un
premier bureau de représentation en Europe, d'une unité industrielle, d'un centre de recherche,
d'un siège social, d'un centre logistique ou du développement de nouvelles activités. L'APIM est
financée et administrée sous forme paritaire par Lille Métropole Communauté urbaine et la
Chambre de Commerce et d'Industrie Grand Lille, auxquelles est associé le Conseil Général du
Nord.

L’analyse des pratiques des deux régions françaises appelle de notre part les observations
suivantes :

 Les deux régions ont fait le choix de mettre en place des stratégies de marketing
territorial pour promouvoir leurs régions relativement récemment, dans les années 2000.
 Ces stratégies sont essentiellement orientées attractivité des investissements, avec des
outils et des instruments gratuits d’accompagnement.
 Les deux régions se sont appuyées sur le web, et ses versions les plus récentes (web 2.0)
et sur des réseaux importants d’ambassadeurs pour relayer l’information sur les
potentialités des deux territoires et les différentes opportunités d’investissements qui y
sont présentes.
 Les deux régions s’appuient sur des équipes dédiées et réduites, avec à leurs têtes des
managers privés, et des budgets conséquents pour promouvoir leurs territoires.
 Le marketing territorial intéresse différents niveaux d’institutions : niveau national,
régional, départemental, communautés de communes, communal… Tous ces territoires,
selon leurs moyens, agissent pour la promotion de leur territoire. Ainsi, rien n’empêche
les principales villes de faire leur marketing, à côté de leurs régions.

1-4. Cas de la région de l’Oriental Marocain

La région de l’Oriental est l’une des 12 régions du Maroc, fruit du dernier découpage
administratif de 2015. L’Oriental, dont les limites administratives n’ont pas bougé depuis le
découpage de 1972, s’est vu ainsi rajouter une nouvelle province, celle de Guercif. Située au
nord-est du Maroc, la région s'étend sur 90 130 km², soit 12,7% du territoire national.

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La région a souffert d’un grand retard de développement pendant les dernières décennies. La
région avait continué à construire son économie sur des secteurs arrivés à leur stade final :
économie minière, pastorale, commerce frontalier, etc. Aujourd’hui, les mines ont été fermées,
l’économie pastorale a subi les effets de la sécheresse récurrente des 30 dernières années, alors
que le commerce frontalier s’est décliné avec la fermeture des frontières avec l’Algérie et le
démantèlement tarifaire.

L'économie de la région est handicapée par de nombreux problèmes, dont notamment la


domination des activités du secteur tertiaire (commerce et services) avec une large prolifération
des activités non organisées. La proportion de la population active occupée dans ce secteur a
ainsi atteint en 2009 près de 51% du total de la main d’œuvre employée dans la région.

La région souffre également de nombreux handicaps, dont notamment une urbanisation


importante et un déclin significatif de la population rurale, des sécheresses récurrentes qui
mettent à mal l'agriculture, l'élevage et les stocks hydriques de la région, ainsi qu'un taux de
chômage important dépassant de loin celui de la moyenne nationale (17,9 % contre 9,9% au
niveau national10). Cette situation perdure depuis de nombreuses années malgré le lancement
par les pouvoirs publics en 2003 de l'Initiative Royale pour le Développement de l'Oriental
(IRDO), et la création, dans son sillage, de l’Agence de développement de l’Oriental.

 L'AGENCE DE L'ORIENTAL : UN INSTRUMENT DE MARKETING TERRITORIAL

Avant 2003, la région de l’Oriental souffrait d’une image très négative à l’échelle nationale,
sinon d’un déficit d’image au niveau international. Aussi, l’Agence de l’Oriental a-t-elle tenu à
intégrer, dans la liste de ses missions, celle de mettre en œuvre une stratégie de communication
appropriée pour promouvoir l'image et l'attractivité de la Région. Dès 2009, l’agence de l’Oriental
a déployé, avec l'aide d'une agence conseil en communication, une communication multicanaux,
visant différentes cibles : la diaspora de l’Oriental dans les autres régions du Maroc et à
l’étranger, les investisseurs, les intellectuels, les leaders d’opinion, et la presse nationale et
internationale. Cette stratégie de marketing territorial de la région de l’Oriental, pensée, mise en
œuvre et conduite par l’Agence de l’oriental, a trois objectifs prioritaires : améliorer l’image de la
région, accroître sa visibilité, et accroître son attractivité. Pour la réalisation de ces objectifs, 5
axes prioritaires d’intervention ont été identifiés :

1. Promotion économique, sociale et culturelle au niveau local, national et international ;


2. Promotion des investissements dans la Région grâce à un appui de la conférence des nations
unies sur le commerce et le développement, la CNUCED ;
3. Publication et production de documents de promotion de la région et d’outils de
communication, ciblant aussi bien la population locale que les visiteurs de la Région;
4. Mise en place et développement d’une stratégie de communication qui cible la population
locale, à travers l’organisation d’événements de proximité;
5. Marketing du territoire, à travers le web, grâce à la réalisation d’un portail Internet pour la
région, performant et moderne.

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Cette stratégie de marketing de la région de l’Oriental semble de prime abord très complète et
s'adresser à tous les clients potentiels du territoire. L'étude détaillée de cette stratégie17 a
montré tout l’intérêt de l’utilisation des outils du marketing territorial pour la promotion d’une
région, démarche tout à fait innovante et encore au stage expérimental au Maroc. Ci-dessous, un
tableau, établi par nous-mêmes sur la base de notre expérience de travail à l’agence de l’oriental
et d’une compilation de documents internes, présente de manière succincte les objectifs à
atteindre par la région et les outils de marketing territorial (MT) utilisés par l’agence de l’Oriental
pour les atteindre.

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Tableau n°4 – Présentation succincte des outils de marketing utilisés par la région de l’Oriental

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So
urce : Revue Internationale du Marketing et Management Stratégique, Volume 1, N°3, Juillet-Septembre 2019

1-5. Discussion conclusions

L’analyse des expériences de ces trois régions, les deux régions françaises et la région
marocaine, montre que les pratiques de marketing de ces différents territoires ont de nombreux
points en commun, mais possèdent néanmoins de nombreuses différences, qui peuvent
résumées ci-après :

- Diagnostic territorial : les trois territoires sont passés par un diagnostic territorial, avant
de définir une stratégie de marketing régional. Si dans le cas français, le diagnostic a été
participatif et la stratégie concertée et partagée par les différents acteurs du territoire,
dans le cas marocain, le diagnostic a été mené sur le territoire, sans implication de tous
les acteurs concernés, et la stratégie de marketing élaborée et mise en œuvre, par
l’Agence de développement de l’Oriental, sans réelle implication de tous les autres
acteurs.
- Vision et stratégie : La stratégie de marketing de la région de l’Oriental souffre d’un
handicap majeur. Pour les différents acteurs interviewés, cette démarche manque de
vision claire de développement et ne peut être qualifiée de stratégique. En effet, le
positionnement de l’Oriental reste à trouver et à valider par les acteurs du territoire
(entre le balnéaire, l’industrie, l’agro-industrie, les énergies renouvelables, etc.). De
même, les stratégies de développement doivent promouvoir la créativité et l’innovation,
et sortir des modèles classiques de développement qui ont montré leurs limites.
- Ressources financières : une démarche de marketing intégrée nécessite un
investissement important. Il est vrai qu’il faut de la créativité, des idées, mais il faut avoir
des financements suffisants pour engager les ressources humaines compétentes, et
produire les outils de travail nécessaires. Dans le cas de l’Oriental, nombreuses sont les
parties prenantes du territoire, toutes catégories confondues, qui pensent que le peu
d’importance des ressources financières accordées par le budget public pour le marketing
et la communication territoriaux sont la cause de l’insuccès de ces démarches. Le
marketing a ses propres outils, qui sont budgétivores. Appuyer les investisseurs, organiser
des événements, mener une politique d’édition, développer des stratégies de

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communication digitales, ainsi que l’utilisation des médias classiques, radio et TV,
journaux et magazines, demandent des fonds importants dont la région de l’Oriental ne
dispose pas actuellement.
- Promotion des investissements : La stratégie de marketing territorial de l’Oriental, dont
l’un des piliers principaux, est l’attraction et l’accompagnement des investisseurs, est
menée par un acteur, dont les missions ne couvrent pas le champ de l’investissement.
Pour dépasser cette contrainte, il aurait fallu travailler en étroite collaboration avec le CRI
de la Région. Cependant, cette coordination n’a pas toujours eu lieu, et la collaboration a
été ponctuelle, et limitée dans le temps, en raison de nombreux conflits entre les
principaux acteurs du territoire (Moussalim, 2017).
- Implication des acteurs clés de la région :

La diaspora : Pour les deux régions françaises, le développement d’un réseau


d’ambassadeurs, constitué des membres de la diaspora constitue un pilier important des
stratégies de marketing territorial. Dans le cas marocain, il s’est avéré qu’un acteur important
du marketing territorial est représenté par la diaspora de l’oriental, ou les Orientaux du
monde. La région ne compte pas forcément sur eux, à tort, comme ambassadeurs pour parler
et faire parler de la Région, mais plutôt pour venir investir dans les différents chantiers de
développement lancés dans la région, alors que ces deux missions peuvent être
complémentaires. Ainsi, la région organise de temps en temps des visites dans les pays
destinataires de l’émigration de l’Oriental (Allemagne, Belgique, France) pour les rencontrer
et leur présenter les opportunités d’investissent. Il y a aussi de nombreux projets développés
par la coopération internationale (dont le projet MIDEO de la GIZ, un projet de l’UE) pour
approcher la diaspora orientale dans ces pays, lui présenter les opportunités
d’investissement productif dans la région et contribuer à lui faciliter les démarches y
afférentes.

L’université : Les universités sont des acteurs importants du marketing des villes et des
régions. Dans un monde où une concurrence féroce se joue à l’échelle globale entre les
meilleures universités, la question de l’impact et des retombées de l’existence d’une
institution académique de grande ampleur sur le territoire qui constitue son environnement
plus ou moins proche, reste très peu étudiée à ce jour. L’Agence de Développement et
d’Urbanisme de l’Agglomération Strasbourgeoise (ADEUS) a réalisée fin 2016 une analyse sur
les effets catalytiques de l’Université de Strasbourg, pour essayer de mieux appréhender
cette opportunité. Les résultats sont édifiants et donnent des pistes aux politiques publiques
pour développer l’impact économique des universités sur un territoire. Ainsi, la présence
d’une université produit des effets économiques directs sur le territoire, qui sont de trois
genres différents, un effet d’image, un effet d’attractivité, et un effet d’écosystème. Dans
l’Oriental, l’Université Mohamed Ier d’Oujda aura donc un rôle à jouer pour le marketing de
la région, à condition que les acteurs publics prennent la mesure de l’importance de cet
acteur, et le mettent mieux à contribution à travers des politiques publiques

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d’encouragement de la recherche & développement et de développement de filières
d’enseignement innovantes.

La population locale, ou les résidents : Dans la région de l’Oriental, il y a quasiment


unanimité sur l’importance à impliquer les résidents du territoire dans les démarches de
marketing territorial, même si les modalités de cette implication ne sont pas tout à fait claires
pour les acteurs de la région. Les résidents actuels du territoire jouent un rôle important dans
la fabrication de l’image du territoire, surtout à l’ère actuelle des réseaux sociaux. Ils peuvent
construire une image positive de leur territoire quand ils en parlent positivement, comme ils
peuvent ruiner tous les efforts menés par les acteurs, à travers leurs comportements de tous
les jours (taxis, hôtels, magasins, garçons de café, etc.), comme dans les commentaires qui
accompagnent actuellement tous les sites web. Une attention particulière doit donc être
portée à cette catégorie, à travers de la communication publique qui servira à reconstruire la
confiance entre les citoyens et leurs élus, et en l’impliquant dans la réflexion et la mise en
œuvre des démarches de marketing menées par le territoire. Les résidents peuvent jouer le
rôle d’ambassadeurs du territoire, à l’échelle nationale et internationale.

- La concertation et la coordination entre les PP du territoire

Les acteurs du marketing des territoires de l’Oriental sont très nombreux et diversifiés : l’Etat
à travers ses institutions publiques, les collectivités territoriales avec à leur tête la région, les
acteurs institutionnels nationaux, la coopération internationale, le secteur associatif, le
secteur privé et ses organisations, ou encore l’université, les résidents du territoire et des
orientaux du monde. A ce jour, il y a peu de collaboration et de coopération autour de la
stratégie de marketing des territoires de l’oriental, tout le contraire de ce qui se passe de
l’autre côté de la méditerranée. Sans concertation et sans coordination des efforts de tous, il
y aura déperdition des moyens et des énergies, et manque d’efficacité et d’efficience des
projets de marketing territorial, qui peuvent même conduire à leur échec.

Apports de la recherche et implications managériales

Le marketing territorial est une discipline jeune, en pleine évolution, trop peu enseignée à
l‘université et dans les grandes écoles, alors que la pratique connait un grand engouement
dans les pays développés, et encore trop peu au Maroc. C’est dans ce cadre que notre étude
a permis de faire l’analyse de la perception des acteurs territoriaux de ce qu’est le marketing
territorial, et d’identifier ses parties prenantes, dans le cadre d’une région marocaine.

Le marketing territorial est spécifique à chaque territorial, et est construit sur ses
caractéristiques propres. Une stratégie de marketing ne peut pas être dupliquée pour un autre
territoire, même si les outils peuvent être globalement les mêmes. Notre objectif n’est pas de
généraliser nos conclusions aux autres régions marocaines, ou internationales. Mais plutôt de
tirer des enseignements qui peuvent leur être utiles et leurs éviter « les erreurs » qui peuvent
entraver la bonne réalisation d’une stratégie de marketing. Les apports managériaux pour les
acteurs de la Région de l’Oriental, et pour les acteurs des autres régions marocaines, le contexte

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étant généralement le même, sont nombreux et sont en relation avec l’importance du diagnostic
territorial, de la vision et de la stratégie, et de l’implication de l’ensemble des acteurs, publics,
privés et associatifs, au niveau local, régional, national et international. Le benchmark avec les
régions françaises a montré que la gestion de cet ambitieux projet territorial est généralement
confiée à des structures privées, sous le pilotage de réseaux publics-privés. Au niveau du Maroc,
ce modèle ne pourra pas s’appliquer immédiatement pour plusieurs raisons. Les agences de
communication, qu’elles soient nationales ou régionales, ne sont pas compétentes en matière de
marketing territorial d’une part, et ce modèle de gouvernance n’est pas accepté, à ce jour, par
les acteurs publics, qui gardent la main mise sur les stratégies de développement et de marketing
territorial.

1-6. Conclusion :

La comparaison entre les pratiques de marketing territorial entre les régions françaises
étudiées et la région marocaine de l’Oriental a montré de nombreuses similitudes. Il y a
cependant des différences marquées dans les pratiques, qui, sans véritablement constituer un
modèle spécifique de la région marocaine, représentent des particularités marquées qu’on peut
retrouver dans d’autres pays du sud. Notre étude a pu montrer que sans vision, qui soit partagée
par l’ensemble des acteurs, ni de stratégie de développement et de marketing, basée sur un
diagnostic participatif, le marketing de la région sera limité à des actions ponctuelles de
promotion sans véritable impact durable sur le marketing régional. De même, la promotion des
investissements et l’accompagnement en amont et en aval des investisseurs demeure un axe clé
de toute stratégie de marketing territorial, qui nécessite autant que les autres composantes de la
stratégie de marketing, un budget conséquent, essentiellement public, mais dont pourront
bénéficier le secteur privé et associatif, pour une action intégrée dans ce domaine. En ce qui
concerne les acteurs concernés par le marketing de la Région, notre étude a montré l’importance
d’une mobilisation de la diaspora de la région, fortement implantée en Europe, non seulement
pour l’envoi de devises, qui ne font que transiter par la région, mais pour jouer le rôle
d’ambassadeurs de la région. Il est également important de mobiliser l’université implantée dans
la région, et dont les activités restent à ce jour déconnectées de son territoire d’implantation et
n’impliquant pas les autres acteurs. Et enfin, les résidents de la région devraient être mieux
informés et également ciblés par les actions de marketing, étant eux-mêmes en même temps,
des acteurs et des cibles de marketing territorial de leur région.

Néanmoins, d’autres études plus détaillées, dans plus de régions marocaines, et d’autres
régions des pays de la rive sud de la méditerranée, sont nécessaires pour pouvoir dessiner les
véritables contours d’une pratique de marketing territorial propre à ces pays.

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BIBLIOGRAPHIE

- Revue Internationale du Marketing et Management Stratégique, Volume 1, N°3, Juillet-


Septembre 2019 (ISSN : 2665-7414, e-ISSN : 2665-7341)

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- Revue Organisation et Territoires n°4, Septembre 2019 ISSN : 2508-9188

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- MARKETING TERRITORIAL ET DEVELOPPEMENT LOCAL (les cahiers du cread N°112).


Code JEL : M31, M38, O10

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- Revue Gestion & Management public | Vol. 6, n°1 - septembre-octobre 2017

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- DONNER (Mechthild), FORT (Fatiha) et VELLEMA (Sietze), « Développement local et


marketing territorial : le cas de Chefchaouen, Maroc », Systèmes alimentaires / Food
Systems, n° 1, 2016, p. 147-168

https://www.researchgate.net/publication/317842251

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