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Economie de la communication

William.spano@univ-lyon2.fr
Groupe BV : L3 Economie de la communication

Mardi 14h-18h : amphi minerve


La séance du 8 mars est reportée au 15 mars

Introduction
Pertinence d’une approche socio-économique des médias : perspective récente car les objets
étudiés sont récents également :
- Livre : l’édition en masse n’a guère plus d’un siècle et demi (Gutenberg : 15e siècle)
- Presse (commerciale ou grand public) : un siècle un quart
- Musique enregistrée et cinéma : un peu plus d’un siècle
- Radio : trois quarts de siècle
- Télévision : un peu plus d’un demi-siècle
- Internet : milieu des années 90

Différentes manières d’étudier les médias. Plusieurs dimensions :


- Dimension juridique : on s’intéresse au droit de la communication (statut des
entreprises et personnels, droits d’auteur, questions relatives à la liberté d’expression.
- Dimension technique des médias : influence de l’aspect technique des médias sur le
social. Cf. Marshall McLuhan, médiologie…
- Dimension culturelle : les « effets » culturels et sociaux des médias  comment le
public reçoit les contenus médiatiques et culturels ? Cf. Sociologie de la culture,
Cultural Studies…

Approche économique (les médias comme des produits mais pas des produits comme les
autres).
Depuis les 70’s, le phénomène d’industrialisation des médias se renforce, de marchandisation.
Ces marchés sont vus comme des voies de sortie de crise (dont crise pétrolière). Une grande
partie des économies occidentales dépend de ces marchés. Le secteur des médias regroupe des
entreprises très importantes  grands enjeux financiers avec des liens fréquents avec
l’armement surtout en France.

Différentes manières d’étudier l’économie de la communication :


- Economie industrielle : appartenant à l’école néoclassique (dernier tiers du 19 e
siècle). Courant de pensée dominant dans les sciences économiques dont les pères
fondateurs sont Smith, Ricardo… (18e siècle). Définition des grands principes du
système économique actuel, étude du fonctionnement des entreprises et de leurs
relations concurrentielles sur les marchés  Observer la communication par le prisme
unique de la concurrence « libre et non faussée ».
- Ecole de Francfort (années 40) : cercle d’intellectuels d’inspiration marxiste :
Adorno, Horkheimer, Marcuse, Benjamin, Habermas…  Dévalorisation de la
culture de masse : celle délivrée par les médias et nouveaux moyens de
communication. Travail sur la culture produite sous la forme industrielle. Regard
critique sur l’Industrie culturelle (entreprise de normalisation et de standardisation
culturelles, aliénation). « La culture de masse fait des classiques non des œuvres à
comprendre mais des produits à consommer » (H. Arendt, La crise de la culture,
1968)

D’autres chercheurs, d’inspiration marxiste, dans les 70’s vont essayer de concilier la
dimension économique et la dimension artistique des biens culturels et médiatiques.

Economie politique de la communication (Mattelart, Miège, Flichy)


 Etude des médias et de culture selon 2 axes : système économique de production
industrielle de la culture + Rôle social et politique dans l’espace public.

Définition d’un média :


Un contenant : « technique de reproduction ou de diffusion »
Un contenu : « projet artistique »
 Contenant et contenu sont supposés constituer les deux pôles indissociables d’un média.
Un modèle économique : « mode de mise sur le marché »

 Originalité de cette approche socio-éco et critique. Ainsi les médias sont des produits
soumis à un processus industriel. Mais ils ne sont pas des produits comme les autres. Quel
impact de la marchandisation des médias sur le pluralisme des opinions ?
Chapitre 1 : L’industrialisation des biens médiatiques
Qu’est-ce qu’une industrie ?
Cf. Raymond Aron, 18 leçons sur la société industrielle, 1964
« Une société industrielle serait celle où la production s’opère dans des entreprises comme
celles de Renault Citroën »
- Séparation entre le lieu de travail et le lieu de vie familiale
- Organisation du travail basée sur la division des tâches
- Accumulation du capital : le capital est l’ensemble des moyens de production. 2
origines : financier et technique.
- Logique de calcul rationnel
- Concentration importante des ouvriers face à un nombre de propriétaires détenant les
moyens de production

Cas des industries culturelles et médiatiques :


- Vie familiale éloignée de la vie professionnelle
- Organisation du travail en fonction de postes déterminés (création/fabrication)
- Importances des ressources financières et des techniques de production industrielle
- Minimum de gain garantissant la pérennité de ces industries (rentabilité)
- Moyens de production n’appartenant pas à ceux qui travaillent

Considérer l’ensemble de la filière industrielle :


Ensemble d’entreprises situées à différents stades du processus de production d’un produit
≠ Branche : ensemble d’entreprises produisant un même type de bien ou de service
≠ Secteur : ensemble d’entreprises ayant la même activité principale (produits ou services
voisins)

Entreprise médiatique : spécialisée dans la fabrication de biens matériels (publication) ou


immatériels (émission)
Conception stricte qui ne rend pas compte de l’activité réelle des médias (amont et aval)

L’amont des entreprises :


Contenus : matières premières (domaine de la création, de l’information et de la publicité) 
agences de presse (AFP, AP, Reuters) et photo, régies publicitaires, spectacles vivants,
marchandises culturelles, manifestations sportives
Les filières des ICM (industries culturelles et médiatiques) s’alimentent entre elles.
Contenant : achat et location de matières premières et matériels  papier, encre, ateliers
d’imprimerie ; studio d’enregistrement, de montage.
Différentes filières des ICM ont besoin des mêmes équipements et matières premières.

L’aval des entreprises :


• Presse : acheminement des publications aux lecteurs  messageries, services
postaux : dépositaires, kiosques (Prestalis) : service de portage à domicile
• Audiovisuel : transmission directe ou différée des programmes  opérateur de
télécommunication, société de câblage, diffusion par satellite, réseau numérique ;
matériels de réception (écran, antenne, parabole, décodeur…). Filière liée aux
industries électronique et informatique.
Matières intellectuelles et physiques, outil de production, relais de diffusion, circuits de
distribution, etc.  Nécessité d’une main d’œuvre qualifiée.

La fabrication des médias est liée à de nombreuses autres activités  Cette dépendance
explique les stratégies de concentration des groupes industriels de communication.

Evolution des marchés et stratégies des groupes industriels de


communications

Qu’est-ce qu’un marché ?

C’est le lieu de rencontre entre une offre et une demande. « Mécanisme de régulation qui
permet d’adapter l’offre d’une certaine catégorie de biens ou de services à la demande de
leurs utilisateurs » (Forest, L’argent du cinéma, 2002)
 Lieu d’affrontement entre différents acteurs (entreprises, consommateurs, régions, pays…).
Un marché réunit des acteurs, des échanges et des flux monétaires.

Variation de la demande
Demande soumise à de nombreux aléas (évolution des pratiques de consommation, du
pouvoir d’achat, de la conjoncture économique, etc.)

Barrières à l’entrée
« Est constituée par tout obstacle qui empêche un entrepreneur d’installer une nouvelle
entreprise sur le marché »
 Effet : limiter ou éliminer la concurrence :
- Coûts (et temps nécessaire) pour une nouvelle entreprise
- Avantage aux entreprises en place par rapport aux entreprises entrantes potentielles

Poids des investissements initiaux liés à la production et diffusion des biens  Outil de
production, relais de diffusion, circuits de distribution + mais d’œuvre spécialisée et capitaux
(retours sur investissement long et aléatoire)

Autres barrières à l’entrée :


- Barrières juridiques : agrément des pouvoirs publics, brevets
- Barrières stratégiques : politique tarifaire agressive
- Barrières techniques : savoir-faire particulier, connaissances techniques
- Barrières politiques : renforcement des protections réglementaires, politique de
quotas…

• Barrières à l’entrée apparaissent progressivement sur un marché.


• Milieu très concurrentiel explique : des techniques de marketing sophistiquées
(« stratégie de niche »), des campagnes publicitaires souvent coûteuses

Les besoins d’équipement


Les entreprises se heurtent à la nécessité pour le public d’acquérir le matériel adéquat.
Cycle de vie du produit S :
- Naissance : ventes faibles
- Adolescence : phase exponentielle des ventes
- Maturité : ralentissement
- Vieillesse : stagnation puis chute des ventes

Les stratégies des groupes industriels de communication

Distinguer l’assemblage financier et l’assemblage industriel


« Les poles financiers, comme Vivendi, assemblent des groupes industriels, comme le groupe
Canal+ ou SFR, entre lesquels les synergies ne sont pas industrielles mais financières.é

Les stratégies de concentration

« Processus au cours duquel la taille des unités de production s’accroît […] pour tendre à une
plus grande efficacité et/ou une plus grande rentabilité et/ou une extension de pouvoir »

Différentes formes de concentration :


- Horizontale : regroupement d’entreprises qui fabriquent les mêmes produits ou
vendent les mêmes services qui sont dits substituables.
- Verticale : forme de concentration qui consiste à associer des entreprises ou activités
complémentaires dans une filière, c'est-à-dire qui fabriquent des produits ou vendent
des services dérivant les uns des autres
- Concentration conglomérale : contrôle d’entreprises exerçant des activités très
différentes.

Différents degrés de concentration :


- Fusion : une entreprise rachète une autre par une OPA (opération publique d’achat) ou
prise de participation (ex : Bayard Milan)  nouvelle entreprise
- Rapprochement ou alliance stratégique : association d’entreprises indépendantes.
Mener un projet industriel  accord sur un projet particulier
- Entente : forme de concentration tacite ou occulte entre des entreprises d’une même
branche d’activité, visant à s’entendre sur les prix ou la production pour limiter la
concurrence entre elles.  forme d’accord interdit.

Les motifs de la concentration :


- « Coups financiers » = opportunités de « bonnes affaires » : racheter une entreprise à
faible valeur financière mais qui a du potentiel (exemples nombreux pendant la crise
financière)
- Synergies industrielles : les stratégies d’intégration verticale et de diversification
horizontale sont généralement l’occasion de réaliser d’importantes économies
d’échelle (faire baisser le cout unitaire du produit en augmentant la production. Ex :
locaux communs entre plusieurs supports d’un même groupe. Informations recyclables
dans plusieurs supports). Dangers de rapprocher des filières qui ont des organisations
bien différentes (AOL, Vivendi…)
- Promotion croisée :
o Soit publicité pour les contenus du groupe que l’on retrouve d’un média à
l’autre (publicité pour un média du même groupe. Ex : Poincaré de Europe 1
parle de Paris Match, médias de Lagardère).
o Soit, tarifs publicitaires avantageux aux annonceurs du même groupe (publicité
SFR dans le journal de Canal +). Avantage : l’argent ne sort pas du groupe et
n’engraisse pas les concurrents.
- Exclusivité ou privilège pour la diffusion : avantage concurrentiel (souvent
contesté). Ex : mise en avant des magazines du groupe Lagardère dans les relais qui
appartiennent au même groupe.
- Pouvoirs de marché : les pôles et les groupes fonctionnent alors comme des
organisateurs de la rareté et comme des instances d’acquisition de positions
dominantes  pouvoir de négociation, stratégies tarifaires agressives, mise en place
de barrières à l’entrée.

L’internationalisation de la production des biens médiatiques


Chances de rentabilisation : transférer les « formules à succès » à l’échelle mondiale 
logique de concentration et de diversification. 3 niveaux :
- Au niveau des échanges : échange de produits physiques (adaptation des produits
édités pour l’étranger, mais aussi matières premières et matériels)
- Au niveau des programmes, du contenu : vente des droits de diffusion en termes de
films, retransmissions sportives… (suprématie de certains pays). Exportation des
concepts comme les fictions, jeux télévisés… (audiovisuel et presse)  phénomène
favorisé par l’uniformisation des sociétés et des modes de vie, limite des échecs par
importation de produits qui marchent ailleurs.
- Au niveau des capitaux : investissement à l’étranger par la participation dans des
sociétés existantes ou par la création de nouvelles sociétés  consolider sa position et
se développer (gestion centralisée d’activités décentralisées)

 Conclusion sur l’internationalisation :


- Risque de standardisation des produits
- Politique d’innovation pour renouveler la production (rôle des petites entreprises)
- Paradoxe : favoriser les marchés locaux / dispositifs de dérégulation.

Les spécificités socio-économiques des industries médiatiques

« Une grave erreur serait de séparer les industries culturelles de l’ensemble des autres
branches industrielles et d’en faire un secteur à part, préservé en quelque sorte ; mais il serait
tout aussi grave de ne pas remarquer que la valorisation du capital s’y effectue en fonction de
conditions spécifiques »

(Cf. Miège, B., Capitalisme et industries culturelles, Grenoble, PUG, 2ème édition, 1984)

Une industrie de prototype couteuse


- Marque première de l’industrie : reproductibilité
- Produire en série s’effectue à partir d’un prototype. Modèle unique à partir duquel on
lance la reproduction
 Industries médiatiques : chaque bien est unique. Le contenu change sans cesse. Caractère
périssable de l’information implique le renouvèlement constant des moyens humains et
techniques (différent des biens de consommation courante)
La durée de vie des biens est de plus en plus courte (amortissement difficile)

3 couts dans l’économie de production médiatique :


- Coûts de conception
- Coûts de fabrication et de reproduction
- Coûts de transmission et de promotion
 Disproportion dans la répartition des coûts : création/transmission ≠
fabrication/reproduction. Ex dans la presse : gestation du projet, collecte de l’information,
collaborateurs, marketing, outils de production… Pas toujours vrai dans l’histoire : les coûts
de reproduction et de diffusion étaient beaucoup plus élevés que la création (plagiat fréquent)

 Industrie de prototype :
1) Coûts élevés supportés par la production de la première unité
2) Coûts fixes : peu importe le nombre d’exemplaires produits
(Exemple : coût du prototype dans la presse : PQN : 40 % et PQR : 50%)
3) Coûts de reproduction du prototype peu onéreux : coût marginal faible. C’est le coût
supplémentaire engendré par une nouvelle unité (proche de 0)
4) Réalisation d’économies d’échelle (augmentation des capacités et volumes de
production provoque une baisse du coût unitaire)  impératif de répartir les charges
de production du prototype en multipliant le nombre d’exemplaires vendus. Encore
plus vrai dans ce secteur.

Conséquences :
Renouvellement incessante de l’offre. Création permanente de contenus originaux
- Recours aux « formules à succès » (thèmes, auteurs, formats, genres…)
- Stratégie d’innovation : miser sur des créations originales (plumes célèbres, auteurs
reconnus, artistes, scénaristes, animateurs, compositeurs…). Place des PME
indépendantes face aux majors, rôle des « têtes chercheuses » (risques assumés de
recherche de nouveaux talents) puis récupération de ce travail par les grands groupes
 L’équilibre du secteur tient de cette articulation

Remarque : le secteur des médias est structuré autour de majors et de PME.


PME = capacité d’innovation et de réaction (création)
Majors = « faiseurs » de succès durables (promotion)
 Coexistence entre ces acteurs. « Oligopole et la fourmilière ». Les PME apparaissent
comme des entreprises sous-traitantes des majors (L. Creton. Economie du cinéma, 2001).
¾ des artistes sont sous la coupe des indépendants mais seulement ¼ du chiffre d’affaire.

Intervention des pouvoirs publics :


Les coûts élevés de production expliquent les politiques de soutien public.
- Aide à un secteur fragile : audiovisuel et presse (et filières culturelles)
- Situations différentes selon les pays (aides massives en France et en Italie, ciblées dans
les pays scandinaves). Elles représentent 15% du CA dans la presse en France
- Aides à différents stades de la filière industrielle (création, production, diffusion,
distribution)
- Soutien indispensable qui maintient certaines productions locales et nationales avec
quelques effets pervers

Exemple dans la presse :


Multiplication des aides  Système à deux vitesses : presse d’information générale et
politique (en difficulté) / presse magazine et spécialisée (très dynamique).
Le système est conservateur. Rien n’est prévu pour la création de titres. Paradoxalement,
certaines mesures (franchise d’impôts) favorisent uniquement les entreprises bénéficiaires.

Le caractère aléatoire de la valeur d’usage

Plusieurs éléments à considérer :


- Il faut prendre en compte l’alphabétisation et la culture de la population.
- Le facteur temps joue dans la sélection des médias (faire des choix parmi la
concurrence)
- Bien de recherche (bien dont on connaît l’utilité avant de se le procurer) / bien
d’expérience (Nelson, 1970) : la satisfaction du bien est révélée a posteriori.
- Imprévisibilité intrinsèque des productions culturelles (nobody knows)  incertitude
quant au succès potentiel d’un bien.

Définition de la valeur d’usage :


L’« utilité d’un bien évalué soit de manière objective et générale, soit de manière subjective et
donc variable d’un individu à l’autre. La valeur d’usage est relative au besoin ; la valeur
d’échange relative à un autre bien. » (Claude-Danièle Echaudemaison)

- Propriétés intrinsèques et objectivement décelables


- Propriétés liées à ce que le consommateur en fait. Valeur d’un bien considéré dans le
cadre de son utilisation future.
- Conditionne la valeur d’échange. « Le taux auquel une marchandise s’échange contre
une autre

Valeur d’usage des produits médiatiques et culturels


- Usage jamais prévisible : adéquation du bien aux préférences des consommateurs ?
(succès ou échec)
- Prise de risque importante (multiples tentatives nécessaires)
- Forte déperdition des marchandises (« pilon » des livres, retour des journaux, films
directement en produits édités…)
- Rapide obsolescence des produits et constance des échecs commerciaux

Conséquences :
Stratégies des firmes pour faire face aux aléas de production.
Une offre pour deux demandes : le double marché (Emile de Girardin dès le 19e siècle),
celui des lecteurs et celui des annonceurs. Baisser le coût unitaire pour élargir la demande.
- La somme fixée pour l’achat d’un produit médiatique ne représente qu’une partie de
son coût. L’autre partie est prise en charge par les annonceurs. La valeur pécuniaire de
ces biens est donc faussée (impression d’une information gratuite)
- Le profit est réalisé grâce au tarif publicitaire : marge de négociation car « position de
force » (les entreprises ne peuvent se priver de la pub dans la presse) vis-à-vis des
annonceurs mais prise de risque (dépendance). Le premier marché des lecteurs sert à
fixer les termes du second marché.

La relation éditeur-lecteur-annonceur : une relation marchande.

(Schéma)

A retenir :

 Entreprise médiatique propose un « produit-joint ».


 S’interroger sur la place des annonceurs dans le contenu des médias. Rapport concurrentiel
très fort entre les groupes
 Essor de nouveaux modes de financement (y compris dans le service public) : recettes
provenant du sponsoring (Darty pour la météo), des appels téléphoniques ou SMS…
 Difficulté à fixer le prix d’un bien d’expérience puisque l’accueil est incertain. Toujours
périlleux d’anticiper la demande.

Augmentation de la production et recours au marketing

Pour maximiser les chances de succès, les entreprises produisent davantage de biens.
Multiplier les tentatives. Il faut aussi multiplier les points de rencontre entre le produit et le
public. Pour la presse : être présent dans le plus de kiosques possibles avec nombre
d’invendus important. Pour l’audiovisuel : multiplier les fenêtres d’exploitation des
programmes, acquérir plusieurs chaines pour amortir le plus possible les programmes.

Recours au marketing pour mieux adapter le produit au marché  marketing-mix : prix,


produit, promotion, place (distribution).

Généralisation du marketing de la demande (maitriser les conditions de valorisation) et


développement du marketing de l’offre (organisation de la production)

La « dialectique du tube et du catalogue »

Cf. Huet, Ion, Lefebvre, Miège et Peron, Capitalisme et industriels culturelles

Compenser les nombreux échecs par quelques succès au sein d’un seul et même catalogue.
 Bénéfice commercial calculé par catalogue de produits.

Politique de hits : part essentielle su chiffre d’affaires. Ex du cinéma au EU : - de 1% des


films équilibrent leurs coûts de production grâce aux sorties en salle. Mais certains succès
rapportent 8 fois plus que leur coût total.
L’attribution des prix (Renaudot, Femina…) est cruciale pour rendre attrayant le catalogue de
biens.

Constitution d’un catalogue : productions anciennes et acquisition de droits (ex : adaptation de


livres, émissions audiovisuelles, magazines à succès…)

La logique du star system permet de concentrer les ventes sur un faible nombre de
titres/artistes (Superstardom ou Winner-takes-all)
Phénomène ancien existant surtout dans le cinéma (années 1910/20 avec le muet), la musique,
la télévision  Monopole de certains animateurs, acteurs, sportifs sur le marché.
 Le modèle du star system correspond bien :
- aux caractéristiques de la demande (mimétisme lié à la construction du capital culturel
(proches, réseau social, bouche à oreille)
- aux stratégies de concentration des groupes de communication multipliant les supports
de rencontre entre les stars et le public : films, disques, spectacles, émissions de
télévision et de radio, magazines…

Pour conclure sur ce point :


- La politique du hits nourrit le star system et inversement (d’où contrat de long terme
proposé par majors). Renforcement ces dernières décennies. Ex : 95% des meilleures
recettes de films postérieurs à 1990

Culture et médias :
- Mode de partage d’expériences
- Mode de distinction sociale (Bourdieu, 1979)

La singularité du marché du travail

Risque et irrégularité des marchés expliquent le développement de relations professionnelles


particulières.

Recours à l’intermittence

Emplois qui ne valent que pour certains projets particuliers.


- Presse : plumes prestigieuses, signatures extérieures ponctuelles, pigistes
- Audiovisuel : intermittents du spectacle (artistes et techniciens qualifiés)  alternance
de périodes d’activité et de chômage. Intermittent = employeurs multiples (chaines de
télévision, stations de radio, sociétés de production et de réalisation…). Il faut
travailler un certain nombre de jours pour avoir le statut.

Dans le domaine de la culture : intermittence très répandue (cinéma, musique).


Rémunération (conception) :
- Droits d’auteurs : exploitation commerciale des œuvres. Renouvellement de la création
- Droits voisins (artistes, interprètes)  protéger le créateur et l’artiste
 Précarité des situations socio-économiques des artistes et techniciens : quelques stars
dissimulent la réalité des marchés du travail

Remarque :
Organismes professionnels parfois puissants. Leur force est la perte de valeur rapide des biens
médiatiques, impossibilité de constituer des stocks. Ex dans la presse avec le Syndicat du
Livre (rôle renforcé après la seconde GM). De nombreux conflits (exemple : Groupe Amaury
entre 1975 et 1977, presse londonienne entre 1970 et 1986)

Conclusions :

 Statuts spécifiques
 Mode de rémunération (différence de salaires)
 Relations particulières entre employeurs et salariés

 Le marché du travail dépend du fonctionnement des ICM (valeur d’usage)

 L’industrialisation et la marchandisation n’épargnent pas le domaine de la


communication
 Phénomène accru depuis quelques décennies
 La rentabilité de ce secteur industriel est incertaine  spécificité prototypale et caractère
aléatoire des conditions de valorisation des biens
 Stratégies des groupes de communication  Logiques de développement habituelles…et
inhabituelles

La marchandisation de l’information

Le commerce de l’information existe depuis l’origine


Logique accrue depuis trente ans environ. Modification des pratiques journalistiques

1. Le contexte des « relations publiques généralisées »

Expression de Miège et de la Haye pour aborder les transformations de l’espace public


(Habermas, 1962)

« Après des phases dominées par la presse d’opinion, puis la presse commerciale, enfin par
les mass media, on serait […] entré depuis 1970 […] dans la phase des “relations publiques
généralisées » (de la Haye, Dissonances, 1984)

3 caractéristiques :
- Recours croissant aux stratégies de communication
- Etendue des moyens par lesquels ces stratégies se déploient
- Remodelage des médias existants (nouveau contexte fait évoluer les médias)

D’un point de vue général, permet d’appréhender :


- Rôle crucial de la communication dans l’espace public
- Intensification des stratégies d’influence à destination des médias
D’un point de vue particulier, permet de cerner :
- Changements dans la production de l’information contemporaine (journalisme) 
Dépendance vis-à-vis d’un discours préconstruit (professionnalisation accrue des
sources d’information – hommes politiques, entreprises, mouvements associatifs,
groupe de pression…). « Pré-formatage » de l’information (dossiers de presse, RP…)
= « parajournalisme » (Schudson, The sociology of news, 2003)

 Collecte des faits, rédaction des articles, mise en scène de l’actualité ont évolué dans ce
contexte.
Le web n’y échappe pas (en dépit du positionnement éditorial de certains acteurs)

2. La généralisation du marketing

Dans les 60’s : rationalisation de la production de la production de l’information à partir des


techniques de marketing.

Nouvelles fonctions dans les entreprises (JM Charon, La Presse en France, 1991) :
- Gestion et finances
- Planification et stratégie
- Développement
- Direction du personnel (ressources humaines)
- Expertise juridique
- Marketing
 Le marketing a fait le succès de certains groupes
 Le marketing se greffe à toutes les étapes de la fabrication d’un bien (production 
distribution). La généralisation s’explique aussi par des éléments de contexte : concurrence,
récession, restructuration.

 Place cruciale des études d’audience. Minimiser les risques d’incompatibilité entre un
média et son public. Faire correspondre la cible du média à celle des annonceurs 
Orientations stratégiques majeures qui encadrent l’activité des rédacteurs.

Le web n’y échappe pas. Les techniques d’études de marketing sont adossées à des dispositifs
de recueil de traces laissées par les usagers
- Mesures dites site-centric : fréquentation des sites  repérer le parcours des
internautes (« profiling »)
- Mesures dites user-centric : comportement des internautes à partir de l’étude de panels
d’internautes. Ex : Médiamétrie/Net Ratings (8500 internautes)

Conclusion : vers un « journalisme de marché » ? (Mc Manus)


- Montée en puissance de stratégies de communication de plus en plus élaborées
- Renforcement de la rationalisation de l’information à partir du marketing
Concentration et pluralisme de l’information

Différentes conséquences : certaines avéré, certaines en discussion…

1. Le poids écrasant des majors

- Avantages liés aux stratégies de concentration (économie d’échelle, pouvoirs de


marchés…) permettent aux majors de maintenir leur position dominante.
- « Ecrasement » de la concurrence (visibilité)  surreprésentation des médias des
groupes dominants.

2. Les risques pour l’indépendance de l’information

Pointer les liens entre les sujets couverts (ou non) par les médias et les activités du groupe.

Exemples célèbres ou récents :


- Années 1980 : Michel Polac licencié car critique du groupe Bouygues dans son
émission Droit de réponse (dessins humoristiques)
- Manifestation contre la construction du pont de l’île de Ré (de Bouygues) jamais
relayées dans les journaux de TF1
- Le Figaro : couverture de l’actualité d’une filiale par le média possédé par le groupe
 Conséquences sur le traitement de l’information lorsque les intérêts économiques d’une
filiale du groupe sont en jeu (censure)

Pointer les relations entre le groupe, le contenu du média et …l’autorité politique.

Exemples :
- Déclarations de Dassault, élu UMP et propriétaire du Figaro : « un journal permet de
faire passer un certain nombre d’idées saines »
- Le Journal du dimanche : l’article sur l’abstention de Cécilia Sarkozy est retiré avant
le bouclage
- Paris Match : retouche sur les bourrelets disgracieux du Président
 L’information peut devenir une arme politique (concentration conglomérant et commande
publique)

3. La diversité des opinions et le pluralisme de l’information en débat

Les médias doivent permettre l’expression de toutes les idées et contribuer au débat public.

Exemple : action des pouvoirs publics


- Aides aux journaux à faible diffusion ou aux faibles revenus publicitaires
- Lois anti-concentration : un groupe de communication ne peut posséder 30% de
diffusion totale de la presse quotidienne d’information générale. Et règle des « deux
sur trois » (un groupe ne peut pas détenir une chaine nationale, une radio nationale et
un quotidien national)
Unanimité remise en cause. 2 thèses s’opposent :

Rapports officiels Lancelot (2005) et Tessier (2007).


Concurrence : contenus voisins (mais public non satisfait)
Monopole : contenus diversifiés (large public)

« La concentration des activités s’accompagne souvent d’une politique de « niches


multiproduits », en partie motivée par la recherche de cibles publicitaires spécialisés sur des
catégories spécifiques de consommateurs » (Gabzcewicz/Sonnac, 2006, p.370)

« Il est malaisé d’établir une relation directe entre le degré de concentration dans les médias
et le caractère plus ou moins pluraliste des services qu’ils offrent aux lecteurs, auditeurs ou
spectateurs » (Lancelot, 2005, p.16)

 Lever tout obstacle à la concentration

Rapports officiels Muller (2005), Rebillard et alli (2007)


Tendance : grands groupes définissent des orientations stratégiques de manières transversales.
Les titres se ressemblent

Quelle vitalité de la presse ?


- Presse magazine : apparition et disparitions de nombreux titres
- PQN et PQR : peu de créations (Muller, 2005)

Diversité des titres = pluralisme de l’information ?


« La diversité des contenus, le pluralisme de l’information [ne sont] pas qu’une affaire
quantitative liée au nombre de publications et d’informations publiées. » (Rebillard, 2007,
p.8-9)

 Analyse qualitative et systématique visant à évaluer l’originalité et la diversité des


contenus.

Conclusion :
- Logique gestionnaire généralisé dans les média. Conséquences sur le travail
journalistique (Accardo, 1995 et 1998)
- Enjeux importants liés aux stratégies de concentration. Nature et portée des
discussions publiques
- Dispositions en vigueur sans doute à repenser :
o Détention de groupes de communication par des acteurs (parfois dépendant des
décisions politiques est-elle souhaitable ?)
o Que peut la « clause de conscience » face à l’uniformisation de l’information
imposée par le marketing ?

 Mesures existent pour les médias traditionnels : quid de l’Internet ?


Chapitre 2 : Industries médiatiques et Internet

Les médias sous l’angle des modèles socio-économiques

1. Présentation des principaux modèles socio-économiques présidant à


la production et à la consommation de la culture et des médias

Flichy définit deux grandes catégories de biens industrialisés :


- Les produits « de stock », vendus sur un marché : la marchandise culturelle (disque,
livre, film)
- Les produits « de flux », diffusés en masse et renouvelés sans cesse : la culture de flot.

B. Miège reprend ces deux grandes catégories et propose des modes de fonctionnement
structurant l’économie et définissant les pratiques sociales des filières  modèle socio-
économiques

 Mode de fonctionnement stables et cohérents qui structurent l’économie de chaque filière


et définissent un ensemble de pratiques sociales

Modèle éditorial

Constitution de stocks, durée de vie variable, vente à l’unité par le consommateur final,
rémunération sous forme de droits d’auteur (marchandise culturelle). Ex : industrie du disque

Modèle de flot

Diffusion de masse, production rapidement obsolète, programmation sans faille et diversifiée,


financement par la publicité ou par l’Etat (culture de flot). Ex : médias audiovisuels

Modèle éditorial Modèle de flot


Œuvres matérielles, Œuvres immatérielles et
Nature du produit
marchandises culturelles éphémères, flot continue
Fonction centrale Editeur (ou producteu) programmateur
Cachet, droit d’auteur et de
Mode de rémunération du Salariat, vacation pour le
reproduction, au prorata des
personnel de conception personnel « free-lance »
ventes
Vente directe au Vente indirecte par
Système de paiement consommateur (en aval et à redevance ou publicité (en
l’unité) amont et collectivement)

Critères supplémentaires :
- Organisation de la filière : mode de production des biens par les entreprises
- Caractéristique des marchés (marché de masse ? marché segmenté ?)

Critères descriptifs des modèles présidant à la production et la consommation des produits


culturels :
Forme prise par le produit
Fonction centrale
Organisation de la branche industrielle
Personnels de conception
Diffusion et origines des recettes
Caractéristiques des marchés

2. Intérêts des modèles socio-économiques

- Eviter les oppositions simplistes entre les filières


- Combiner les dimensions économique, sociale et technique
- Prise en compte de l’histoire des biens culturels
- Grande actualité : dynamisme de cette approche : penser les évolutions des ICM
(modèles concurrents). Ex : domination du modèle de flot (années 80). Résistance du
modèle éditorial (aujourd’hui)
- Penser chaque filière dans son intégralité (en amont et en aval de la fabrication du
bien)

3. L’émergence de nouveaux modèles et la convergence

La presse écrite
Elle est proche du modèle de flot : financement par la publicité, continuité et régularité des
programmes, fidélité de l’audience…
Mais aussi proche du modèle éditorial : vente à l’unité sur un marché, constitution de
stocks…

 Modèle de l’information écrite : « modèle original » des industries culturelles (Miège,


1989)

Années 1980 :
Prise en compte d’autres modes de diffusion de l’information et de la culture.
- Les télécommunications : transmission téléphonique (voix et données)
- La câblodistribution et les bouquets satellitaires : diffusion grand public de
programmes audiovisuels
 Observation du système de financement (stabilisation d’un nouveau média)

• Télécommunications (kiosque sur Minitel)


Etude de la thématique française. Paiement relatif au temps passé lors d’une connexion =
modèle du compteur (Miège)

• Câblodistribution et les bouquets satellitaires


Accès privilégié à des programmes exclusifs et diffusés sur des chaines souvent thématiques =
modèle du club (Tremblay et Lacroix)

Concurrence entres les modèles : lutte entre chaque catégorie d’acteurs portant ces modèles
Hybridation des modèles : les groupes audiovisuels se sont lancés dans les
télécommunications et les groupes de télécommunication se sont intéressés à l’audiovisuel

Développement de la micro-informatique et apparition du multimédia (ex : CD-Rom) ont


également fait évoluer les recherches

L’Internet au cœur de la convergence numérique

La numérisation permet aux contenus (films, images, musiques, voix, textes) de circuler sur
les mêmes réseaux et d’être stockés et lus avec les mêmes appareils : fusion

Jusqu’aux années 90 : 3 pôles d’équipement :


- Le son (chaine hi-fi, poste de radio)
- L’image (télévision, magnétoscope)
- Le téléphone (appareil téléphonique, avec répondeur parfois)
 Réseaux, technologies et contenus distincts

Depuis les 90’s : conversion des signaux analogiques en signaux numériques :


- Analogique : variations continues d’une grandeur physique (calculatrices,
magnétoscopes, horloges, appareils audio)  altération de la qualité
- Numérique : information codée dans une série de 1 et 0 (bits)  meilleur
acheminement des informations

La numérisation s’est accompagnée de 3 mouvements majeurs :


- Apparition d’un nouveau pôle d’équipement : micro-informatique avec un nouveau
terminal : écran d’ordinateur.
- Multiplication des terminaux dans chaque pole d’équipement traditionnel : lecteurs de
DVD et décodeurs (image), baladeurs MP3 (son), modems, téléphones portables.
- Interconnexions entre les réseaux d’équipement : lecteurs DVD lisant les CD
musicaux, connexion de l’appareil photo à l’ordinateur, modems permettant d’accéder
à la télévision, etc.

« Nouveau paradigme » (Chantepie et Le Diberder)


« On assiste à une interconnexion généralisée des domaines concernés par ces techniques,
favorisant leur développement mutuel sous l’effet d’un foisonnement d’applications et de
services tirés par la demande et par les facilités financières du moment. Cette interconnexion
fait système »


4. L’Internet est-il un média de masse ?

Selon la théorie des industries culturelles : Internet ≠ Média (modèle économique non
stabilisé)

4 critères définissant un média de masse (ex : presse, audiovisuel)

Serge Proulx, La révolution internet en question, Québec Amérique, 2004, pp. 42-51

L’organisation économique
Système ouvert. Ex : relativement simple d’être présent sur le Web (blog, site
communautaire)
 Production de contenus ne dépend pas d’une organisation lourde (coûts faibles pour une
audience potentiellement planétaire). Comparable à la presse du 19e siècle.

La production et la réception
Média classique : distinction forte entre l’émission et la réception  peu d’interventions du
public
Avec l’Internet, cette séparation s’estompe : contribution directe des usages
(« empowerment »)
 Organisation de la filière industrielle bénéficie de l’intervention des internautes

Remarque : « Loi » des 1/10/100

La programmation des contenus


Audiovisuel : rencontre entre la « grille de programmation et l’emploi du temps des usagers »
(temps jamais infini).
Contrairement à l’internaute libéré de toute grille spatiale et temporelle  généralisation de la
consultation en mode différé
Remarque : Des procédés ont changé ce modèle (possibilité d’enregistrement, chaines d’info
en continue, catch-up TV…)

La constitution d’espaces publics


Potentiellement : l’Internet a multiplié les espaces de discussion  l’expression de la parole
citoyenne s’écarte (en partie) du modèle « habermassien » de l’espace public (un seul lieu de
débat). Miège parle d’espaces publics partiels.
Remarque : contrôle éditorial des médias traditionnels. Ce contrôle est plus difficile avec
l’Internet.

 L’Internet s’écarte donc de la définition habituelle du média de masse : Un « pluri


média » ? Un « super média » ?
Il faudrait le replacer dans le cadre de processus d’informatisation de nos sociétés. Pas
seulement un moyen de communiquer, il participe et accélère les mutations structurelles des
sociétés.
Le web à la recherche d’un équilibre économique

L’Internet, c’est la réunion de :

- Un ensemble de protocoles de communication assurant une connexion entre différents


réseaux
- Des routeurs constituant la colonne vertébrale du réseau
- Différentes connexions permettant l’accès au « réseau des réseaux » (ligne
téléphonique, câble, satellite…)
- Des multiples points d’accès à ce méga réseau

 Infrastructures techniques servant, entre autre, à mettre à disposition des informations via
le WWW : ensemble des unités d’information accessibles aux usagers possédant un
ordinateur connecté à l’Internet

1. Une brève histoire de l’Internet

Son ancêtre : ARPANET.

Produit de la recherche américaine : ARPA en 1958. Informatique et traitement de


l’information (Défense EU)
Contexte de la guerre froide, après le lancement du premier satellite russe Spoutnik dans
l’espace.

Financement des différents programmes :


- 1962 : programme lié aux interactions hommes-machines (Joseph Licklider)
- 1964 : financements d’expériences de communication à distance entre deux
ordinateurs (Cambridge/Santa Monica)
- 1966/1967 : mise en place d’un réseau de communication qui relie des universités des
côtes Est et Ouest
- 1972 : International Networking Working Group (INWG)  temps de
l’internationalisation du réseau
- 1983 : Standard TCP/IP, interconnexions réussies avec l’Europe (RU)
- A partir de 1985 : la National Science Foundation (NSF) contrôle la construction de
l’infrastructure d’Internet (fin d’Arpanet en 1990) ; communautés scientifiques
- A partir de 1995 : début de la commercialisation du réseau et de l’Internet grand
public. Emergences dans les 90’s du web et de la dimension hypertextuelle de la toile.

Concept d’hypertexte : Vannevar Bush, 1945


 MEMEX (Memory extender) : système permettant de classer et retrouver des documents
reliés entre eux

Terme d’hypertexte : Ted Nelson, 1945


 Xanadu : réseau rassemblant toute la littérature mondiale, accessible à toute personne
possédant un ordinateur
Douglas Engelbart : 1968, premier système de navigation (interface homme-ordinateur).
Travail sur la souris

Tim Berners-Lee : 1889/1990, World Wide Web : mise en place des premiers serveurs et
navigateur (Mosaic 1993, Netscape 1994 (Marc Andreessen)

2. Les origines non marchandes de l’Internet

Rôle décisif de l’ARPA :

La Défense EU a créé des conditions favorables à ces recherches…mais sans


instrumentalisation excessive
Ex : Réseau  « architecture distribuée »

Janet Abbate, Inventing the Internet, 1999


Marque du système militaire: système stable, prévu pour durer, incarnation de hautes
performances techniques…
Valeurs fondamentales : collégialité, compétition, système ouvert orienté vers l’échange…
 Proches des activités des chercheurs et universitaires

Ex : type de publication appelé RFC pour Request for Comments (années 60). Culture de la
coopération

Influence de contre-culture américaine des années 60


 Contestation de l’ordre établi, instauration d’un monde parallèle et meilleur (à construire)

L’Internet : incarnation de ce « nouveau monde » = idée prise chez les « gourous » de web, et
même chez Steve Jobs ou Bill Gates…

Remarque : rencontre inédite les libertaires et les libéraux : volonté de créer une société
mondiale, transparente, libérée d’un Etat considéré comme oppresseur.

Importance du secteur non marchand lié au contexte d’apparition de l’Internet (différents


modes d’utilisation)
- Au niveau du Web : sites personnels, associations à but non lucratif, institutions
publiques ou parapubliques. Accès gratuit à de multiples informations
- Au niveau de l’Internet : échange de contenus musicaux et vidéo (Peer-to-peer)

 Explication de la difficulté d’adopter un modèle non marchand par les entreprises


médiatiques et culturelles0

Problèmes posés aux ICM :


- Réticences des usagers à payer des contenus qu’ils pourraient se procurer gratuitement
- Primat d’un financement indirect (par la publicité)
- Concurrence nouvelle et inédite d’entreprises qui mettent gratuitement à disposition
des contenus

Ex : musique
Rivalité : consommation d’un bien suppose que ce bien n’est pas consommer par un autre.
Forme privative de cette appropriation
Excluabilité : accès réservé à ceux qui paient
 La numérisation sur Internet fait de la musique un bien collectif (non rivalité et non
exclusion)

3. Les possibilités de valorisation des biens et services sur l’Internet

- Décalage entre l’Internet et les modes habituels de financement des biens culturels
- Présence de nombreux sites non marchands

Michel Gensollen, « La création de valeur sur Internet », 1999

Rôle économique de la gratuité


Différenciation du Web gratuit et du Web marchand.
- Web marchand : sous-tendu par un financement (abonnement, publicité ou commerce
des biens)
- Web gratuit : bénévolat ou service public. Quelques bannières publicitaires mais qui
ne suffisent pas pour couvrir les frais (maintenance, salaires)

Les sites marchands sont davantage visités mais explicables parce que ce sont des passages
obligatoires (portails). Le nombre de sites gratuits sont en revanche bien plus nombreux que
les sites payants.
L’attractivité du Web vient de la gratuité. La viabilité de Web vient de l’articulation entre le
marchand et le non marchant. Si le Web était payant, il y aurait très peu de trafic. La gratuité
est un « moyen de rabattage efficace » pour le payant, le gratuit est le prescripteur de la
consommation sur le Web. L’avenir est dans le gratuit (pour l’usager du moins).

 L’originalité du Web :
- Rôle de la gratuité dans la consommation
- Place du bénévolat dans la production
Ex : sites « alternatifs », nouveaux talents (My Space…), etc.

L’intermédiation comme source de valeur

Cas du commerce électronique


La vente à distance est similaire à la vente traditionnelle à distance (VPC). Similarités dans la
recherche du meilleur prix, connaissance du bien, bien non disponible dans le commerce de
proximité, pas d’accompagnement commercial

La différence vient à un autre niveau. Il va comparer la vente en ligne à la vente traditionnelle.


Déplacement de valeur de l’activité de vente
Dans la filière de commerce classique :
Décision d’achat et valeur du bien : publicité du producteur et valorisation du bien par le
distributeur  concurrence dans cette prescription (on garde ses fichiers)

Dans la filière du commerce électronique (ex : Amazone) :


Un changement car le site de vente en ligne interfère dans la distribution (nouvel acteur qui
met en relation un producteur et des clients)  nouveau prescripteur ? C’est le client lui-
même. Il donne des avis, participe à des forums. L’originalité vient de là. Aujourd’hui, cette
nouveauté est complètement intégrée (avec les réseaux sociaux). Enjeux de connaître au
mieux ses clients pour monnayer par la suite les fichiers. La valeur de l’échange se réalise à
ce niveau.

Activité du nouvel intermédiaire :


- Attirer des internautes
- Organiser des échanges, structures des internautes en communautés
- Recueillir des informations

La plus-value de l’activité vient des échanges et susciter des recommandations. Il n’y a pas de
disparition des producteurs/distributeurs mais une part de la valeur leur échappe. Le rapport
de force peut être rapidement en faveur des nouveaux entrants (capacité de davantage cibler
les clients).

En généralisant le propos du livre …

Le Web : c’est une multitude de sites portant sur le Web lui-même (moteurs de recherche,
portails) : mise en relation des internautes avec des contenus
La fonction d’intermédiation devient stratégique car l’orientation et le repérage sont décisifs.
Les FAI avaient très tôt repérés cela. Ce qui en jeu, c’est le contrôle de l’accès au Web.

La valeur du Web vient de la capacité à apporter et traiter des informations contextualisées,


personnalisées, utiles, valorisables…La plus-value est dans le traitement de l’information
(place des infomédiaires). Ce qui devient attractif, c’est ce qui permet d’être guidé sur le Web.
Remarque : ces infomédiaires ont des procédures d’acquisition d’information sur les
internautes. Possibilité de modifier ensuite les offres selon les profils.
Les modes de financement de la publication sur le Web

Forte hétérogénéité des contenus sur le Web. Difficultés de plaquer des modes économiques à
chacun des contenus.

1. La publication sur le Web entre innovation et reprise des modèles


antérieurs

Héritage des modèles antérieurs


- Création/édition/diffusion : permanence de la structure de la chaine éditoriale.
- Fonction centrale de l’éditeur (sélecteur et visibilité). Rôle d’homogénéisation des
contenus
- Diversité des formules économiques utilisées pour la diffusion des contenus selon la
diversité historique des acteurs concernés (publicité pour les sites de production
audiovisuelle, archives/club pour la presse)

 Peu de changements

Originalité des formes de publication


- Numérisation  production multi-supports (économie d’échelle)
- Auto-publication (blogs collectifs ou individuels). Ceux qui durent longtemps ont
souvent un rapport à l’actualité. Logique libertaire des débuts de l’Internet
- Essor des échanges entre personnes (on s’écarte de la communication de masse)

 Il y a bien des potentialités nouvelles

2. Les quatre modèles de la publication sur le Web

Chartron et Rebillard, Modèles de publication sur le Web, 2004


Rebillard, L’information d’actualité sur l’Internet, 2009

Tous les modèles ne sont pas représentés. Recours aux critères les plus décisifs :
- Type d’acteur
- Valeur de la publication
- Modèle économique

• Modèle classique (éditorial ouvert)

Entre le modèle éditorial et le modèle de flot :


- Modèle éditorial : sélection et vérification, mise en visibilité des contenus
- Modèle de flot : recours à la publicité + combinaisons diverses (abonnements,
subventions publiques pour la presse)
 Tradition de la gratuité
Quels sites ?
Organes d’information (version Web)  médias en lignes (diffusion verticale) et agences de
presses en ligne (s’adresser directement aux usagers et spécialisation) : tendance à la
thématisassion (économie pour Reuters)

• Modèle de publication autoritative

Auto-publication individuelle ou collective sans passer par des médiateurs extérieurs.


Originalité du contenu et notoriété des auteurs (blogueurs de mode) comme richesse de ces
publications.
Mode de financement : bénévolat ou subvention (institutions).

Quels sites ?
Publications exclusivement sur le Web  Webzines (Web-fanzines et Webmagazines comme
Le Journal du Net) et des blogs (rapport à l’actualité souvent)

• Modèle de publication distribuée

« Mode décentralisé de mise en circulation des contenus »


Contenu sélectionné en aval par réseau d’utilisateurs. La valeur des contenus vient des
échanges suscités. Vente de prestations

Quels sites ?
Publication exclusivement sur le Web (mode collaboratif)  sites de journalisme
participatif (Rue 89, Mediapart). Empreinte du modèle éditorial classique avec oscillation
entre les deux modèles.

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