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William.spano@univ-lyon2.fr
Groupe BV : L3 Economie de la communication
Introduction
Pertinence d’une approche socio-économique des médias : perspective récente car les objets
étudiés sont récents également :
- Livre : l’édition en masse n’a guère plus d’un siècle et demi (Gutenberg : 15e siècle)
- Presse (commerciale ou grand public) : un siècle un quart
- Musique enregistrée et cinéma : un peu plus d’un siècle
- Radio : trois quarts de siècle
- Télévision : un peu plus d’un demi-siècle
- Internet : milieu des années 90
Approche économique (les médias comme des produits mais pas des produits comme les
autres).
Depuis les 70’s, le phénomène d’industrialisation des médias se renforce, de marchandisation.
Ces marchés sont vus comme des voies de sortie de crise (dont crise pétrolière). Une grande
partie des économies occidentales dépend de ces marchés. Le secteur des médias regroupe des
entreprises très importantes grands enjeux financiers avec des liens fréquents avec
l’armement surtout en France.
D’autres chercheurs, d’inspiration marxiste, dans les 70’s vont essayer de concilier la
dimension économique et la dimension artistique des biens culturels et médiatiques.
Originalité de cette approche socio-éco et critique. Ainsi les médias sont des produits
soumis à un processus industriel. Mais ils ne sont pas des produits comme les autres. Quel
impact de la marchandisation des médias sur le pluralisme des opinions ?
Chapitre 1 : L’industrialisation des biens médiatiques
Qu’est-ce qu’une industrie ?
Cf. Raymond Aron, 18 leçons sur la société industrielle, 1964
« Une société industrielle serait celle où la production s’opère dans des entreprises comme
celles de Renault Citroën »
- Séparation entre le lieu de travail et le lieu de vie familiale
- Organisation du travail basée sur la division des tâches
- Accumulation du capital : le capital est l’ensemble des moyens de production. 2
origines : financier et technique.
- Logique de calcul rationnel
- Concentration importante des ouvriers face à un nombre de propriétaires détenant les
moyens de production
La fabrication des médias est liée à de nombreuses autres activités Cette dépendance
explique les stratégies de concentration des groupes industriels de communication.
C’est le lieu de rencontre entre une offre et une demande. « Mécanisme de régulation qui
permet d’adapter l’offre d’une certaine catégorie de biens ou de services à la demande de
leurs utilisateurs » (Forest, L’argent du cinéma, 2002)
Lieu d’affrontement entre différents acteurs (entreprises, consommateurs, régions, pays…).
Un marché réunit des acteurs, des échanges et des flux monétaires.
Variation de la demande
Demande soumise à de nombreux aléas (évolution des pratiques de consommation, du
pouvoir d’achat, de la conjoncture économique, etc.)
Barrières à l’entrée
« Est constituée par tout obstacle qui empêche un entrepreneur d’installer une nouvelle
entreprise sur le marché »
Effet : limiter ou éliminer la concurrence :
- Coûts (et temps nécessaire) pour une nouvelle entreprise
- Avantage aux entreprises en place par rapport aux entreprises entrantes potentielles
Poids des investissements initiaux liés à la production et diffusion des biens Outil de
production, relais de diffusion, circuits de distribution + mais d’œuvre spécialisée et capitaux
(retours sur investissement long et aléatoire)
« Processus au cours duquel la taille des unités de production s’accroît […] pour tendre à une
plus grande efficacité et/ou une plus grande rentabilité et/ou une extension de pouvoir »
« Une grave erreur serait de séparer les industries culturelles de l’ensemble des autres
branches industrielles et d’en faire un secteur à part, préservé en quelque sorte ; mais il serait
tout aussi grave de ne pas remarquer que la valorisation du capital s’y effectue en fonction de
conditions spécifiques »
(Cf. Miège, B., Capitalisme et industries culturelles, Grenoble, PUG, 2ème édition, 1984)
Industrie de prototype :
1) Coûts élevés supportés par la production de la première unité
2) Coûts fixes : peu importe le nombre d’exemplaires produits
(Exemple : coût du prototype dans la presse : PQN : 40 % et PQR : 50%)
3) Coûts de reproduction du prototype peu onéreux : coût marginal faible. C’est le coût
supplémentaire engendré par une nouvelle unité (proche de 0)
4) Réalisation d’économies d’échelle (augmentation des capacités et volumes de
production provoque une baisse du coût unitaire) impératif de répartir les charges
de production du prototype en multipliant le nombre d’exemplaires vendus. Encore
plus vrai dans ce secteur.
Conséquences :
Renouvellement incessante de l’offre. Création permanente de contenus originaux
- Recours aux « formules à succès » (thèmes, auteurs, formats, genres…)
- Stratégie d’innovation : miser sur des créations originales (plumes célèbres, auteurs
reconnus, artistes, scénaristes, animateurs, compositeurs…). Place des PME
indépendantes face aux majors, rôle des « têtes chercheuses » (risques assumés de
recherche de nouveaux talents) puis récupération de ce travail par les grands groupes
L’équilibre du secteur tient de cette articulation
Conséquences :
Stratégies des firmes pour faire face aux aléas de production.
Une offre pour deux demandes : le double marché (Emile de Girardin dès le 19e siècle),
celui des lecteurs et celui des annonceurs. Baisser le coût unitaire pour élargir la demande.
- La somme fixée pour l’achat d’un produit médiatique ne représente qu’une partie de
son coût. L’autre partie est prise en charge par les annonceurs. La valeur pécuniaire de
ces biens est donc faussée (impression d’une information gratuite)
- Le profit est réalisé grâce au tarif publicitaire : marge de négociation car « position de
force » (les entreprises ne peuvent se priver de la pub dans la presse) vis-à-vis des
annonceurs mais prise de risque (dépendance). Le premier marché des lecteurs sert à
fixer les termes du second marché.
(Schéma)
A retenir :
Pour maximiser les chances de succès, les entreprises produisent davantage de biens.
Multiplier les tentatives. Il faut aussi multiplier les points de rencontre entre le produit et le
public. Pour la presse : être présent dans le plus de kiosques possibles avec nombre
d’invendus important. Pour l’audiovisuel : multiplier les fenêtres d’exploitation des
programmes, acquérir plusieurs chaines pour amortir le plus possible les programmes.
Compenser les nombreux échecs par quelques succès au sein d’un seul et même catalogue.
Bénéfice commercial calculé par catalogue de produits.
La logique du star system permet de concentrer les ventes sur un faible nombre de
titres/artistes (Superstardom ou Winner-takes-all)
Phénomène ancien existant surtout dans le cinéma (années 1910/20 avec le muet), la musique,
la télévision Monopole de certains animateurs, acteurs, sportifs sur le marché.
Le modèle du star system correspond bien :
- aux caractéristiques de la demande (mimétisme lié à la construction du capital culturel
(proches, réseau social, bouche à oreille)
- aux stratégies de concentration des groupes de communication multipliant les supports
de rencontre entre les stars et le public : films, disques, spectacles, émissions de
télévision et de radio, magazines…
Culture et médias :
- Mode de partage d’expériences
- Mode de distinction sociale (Bourdieu, 1979)
Recours à l’intermittence
Remarque :
Organismes professionnels parfois puissants. Leur force est la perte de valeur rapide des biens
médiatiques, impossibilité de constituer des stocks. Ex dans la presse avec le Syndicat du
Livre (rôle renforcé après la seconde GM). De nombreux conflits (exemple : Groupe Amaury
entre 1975 et 1977, presse londonienne entre 1970 et 1986)
Conclusions :
Statuts spécifiques
Mode de rémunération (différence de salaires)
Relations particulières entre employeurs et salariés
La marchandisation de l’information
« Après des phases dominées par la presse d’opinion, puis la presse commerciale, enfin par
les mass media, on serait […] entré depuis 1970 […] dans la phase des “relations publiques
généralisées » (de la Haye, Dissonances, 1984)
3 caractéristiques :
- Recours croissant aux stratégies de communication
- Etendue des moyens par lesquels ces stratégies se déploient
- Remodelage des médias existants (nouveau contexte fait évoluer les médias)
Collecte des faits, rédaction des articles, mise en scène de l’actualité ont évolué dans ce
contexte.
Le web n’y échappe pas (en dépit du positionnement éditorial de certains acteurs)
2. La généralisation du marketing
Nouvelles fonctions dans les entreprises (JM Charon, La Presse en France, 1991) :
- Gestion et finances
- Planification et stratégie
- Développement
- Direction du personnel (ressources humaines)
- Expertise juridique
- Marketing
Le marketing a fait le succès de certains groupes
Le marketing se greffe à toutes les étapes de la fabrication d’un bien (production
distribution). La généralisation s’explique aussi par des éléments de contexte : concurrence,
récession, restructuration.
Place cruciale des études d’audience. Minimiser les risques d’incompatibilité entre un
média et son public. Faire correspondre la cible du média à celle des annonceurs
Orientations stratégiques majeures qui encadrent l’activité des rédacteurs.
Le web n’y échappe pas. Les techniques d’études de marketing sont adossées à des dispositifs
de recueil de traces laissées par les usagers
- Mesures dites site-centric : fréquentation des sites repérer le parcours des
internautes (« profiling »)
- Mesures dites user-centric : comportement des internautes à partir de l’étude de panels
d’internautes. Ex : Médiamétrie/Net Ratings (8500 internautes)
Pointer les liens entre les sujets couverts (ou non) par les médias et les activités du groupe.
Exemples :
- Déclarations de Dassault, élu UMP et propriétaire du Figaro : « un journal permet de
faire passer un certain nombre d’idées saines »
- Le Journal du dimanche : l’article sur l’abstention de Cécilia Sarkozy est retiré avant
le bouclage
- Paris Match : retouche sur les bourrelets disgracieux du Président
L’information peut devenir une arme politique (concentration conglomérant et commande
publique)
Les médias doivent permettre l’expression de toutes les idées et contribuer au débat public.
« Il est malaisé d’établir une relation directe entre le degré de concentration dans les médias
et le caractère plus ou moins pluraliste des services qu’ils offrent aux lecteurs, auditeurs ou
spectateurs » (Lancelot, 2005, p.16)
Conclusion :
- Logique gestionnaire généralisé dans les média. Conséquences sur le travail
journalistique (Accardo, 1995 et 1998)
- Enjeux importants liés aux stratégies de concentration. Nature et portée des
discussions publiques
- Dispositions en vigueur sans doute à repenser :
o Détention de groupes de communication par des acteurs (parfois dépendant des
décisions politiques est-elle souhaitable ?)
o Que peut la « clause de conscience » face à l’uniformisation de l’information
imposée par le marketing ?
B. Miège reprend ces deux grandes catégories et propose des modes de fonctionnement
structurant l’économie et définissant les pratiques sociales des filières modèle socio-
économiques
Modèle éditorial
Constitution de stocks, durée de vie variable, vente à l’unité par le consommateur final,
rémunération sous forme de droits d’auteur (marchandise culturelle). Ex : industrie du disque
Modèle de flot
Critères supplémentaires :
- Organisation de la filière : mode de production des biens par les entreprises
- Caractéristique des marchés (marché de masse ? marché segmenté ?)
La presse écrite
Elle est proche du modèle de flot : financement par la publicité, continuité et régularité des
programmes, fidélité de l’audience…
Mais aussi proche du modèle éditorial : vente à l’unité sur un marché, constitution de
stocks…
Années 1980 :
Prise en compte d’autres modes de diffusion de l’information et de la culture.
- Les télécommunications : transmission téléphonique (voix et données)
- La câblodistribution et les bouquets satellitaires : diffusion grand public de
programmes audiovisuels
Observation du système de financement (stabilisation d’un nouveau média)
Concurrence entres les modèles : lutte entre chaque catégorie d’acteurs portant ces modèles
Hybridation des modèles : les groupes audiovisuels se sont lancés dans les
télécommunications et les groupes de télécommunication se sont intéressés à l’audiovisuel
La numérisation permet aux contenus (films, images, musiques, voix, textes) de circuler sur
les mêmes réseaux et d’être stockés et lus avec les mêmes appareils : fusion
…
4. L’Internet est-il un média de masse ?
Selon la théorie des industries culturelles : Internet ≠ Média (modèle économique non
stabilisé)
Serge Proulx, La révolution internet en question, Québec Amérique, 2004, pp. 42-51
L’organisation économique
Système ouvert. Ex : relativement simple d’être présent sur le Web (blog, site
communautaire)
Production de contenus ne dépend pas d’une organisation lourde (coûts faibles pour une
audience potentiellement planétaire). Comparable à la presse du 19e siècle.
La production et la réception
Média classique : distinction forte entre l’émission et la réception peu d’interventions du
public
Avec l’Internet, cette séparation s’estompe : contribution directe des usages
(« empowerment »)
Organisation de la filière industrielle bénéficie de l’intervention des internautes
Infrastructures techniques servant, entre autre, à mettre à disposition des informations via
le WWW : ensemble des unités d’information accessibles aux usagers possédant un
ordinateur connecté à l’Internet
Tim Berners-Lee : 1889/1990, World Wide Web : mise en place des premiers serveurs et
navigateur (Mosaic 1993, Netscape 1994 (Marc Andreessen)
Ex : type de publication appelé RFC pour Request for Comments (années 60). Culture de la
coopération
L’Internet : incarnation de ce « nouveau monde » = idée prise chez les « gourous » de web, et
même chez Steve Jobs ou Bill Gates…
Remarque : rencontre inédite les libertaires et les libéraux : volonté de créer une société
mondiale, transparente, libérée d’un Etat considéré comme oppresseur.
Ex : musique
Rivalité : consommation d’un bien suppose que ce bien n’est pas consommer par un autre.
Forme privative de cette appropriation
Excluabilité : accès réservé à ceux qui paient
La numérisation sur Internet fait de la musique un bien collectif (non rivalité et non
exclusion)
- Décalage entre l’Internet et les modes habituels de financement des biens culturels
- Présence de nombreux sites non marchands
Les sites marchands sont davantage visités mais explicables parce que ce sont des passages
obligatoires (portails). Le nombre de sites gratuits sont en revanche bien plus nombreux que
les sites payants.
L’attractivité du Web vient de la gratuité. La viabilité de Web vient de l’articulation entre le
marchand et le non marchant. Si le Web était payant, il y aurait très peu de trafic. La gratuité
est un « moyen de rabattage efficace » pour le payant, le gratuit est le prescripteur de la
consommation sur le Web. L’avenir est dans le gratuit (pour l’usager du moins).
L’originalité du Web :
- Rôle de la gratuité dans la consommation
- Place du bénévolat dans la production
Ex : sites « alternatifs », nouveaux talents (My Space…), etc.
La plus-value de l’activité vient des échanges et susciter des recommandations. Il n’y a pas de
disparition des producteurs/distributeurs mais une part de la valeur leur échappe. Le rapport
de force peut être rapidement en faveur des nouveaux entrants (capacité de davantage cibler
les clients).
Le Web : c’est une multitude de sites portant sur le Web lui-même (moteurs de recherche,
portails) : mise en relation des internautes avec des contenus
La fonction d’intermédiation devient stratégique car l’orientation et le repérage sont décisifs.
Les FAI avaient très tôt repérés cela. Ce qui en jeu, c’est le contrôle de l’accès au Web.
Forte hétérogénéité des contenus sur le Web. Difficultés de plaquer des modes économiques à
chacun des contenus.
Peu de changements
Tous les modèles ne sont pas représentés. Recours aux critères les plus décisifs :
- Type d’acteur
- Valeur de la publication
- Modèle économique
Quels sites ?
Publications exclusivement sur le Web Webzines (Web-fanzines et Webmagazines comme
Le Journal du Net) et des blogs (rapport à l’actualité souvent)
Quels sites ?
Publication exclusivement sur le Web (mode collaboratif) sites de journalisme
participatif (Rue 89, Mediapart). Empreinte du modèle éditorial classique avec oscillation
entre les deux modèles.