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Analyse de Texte n°7 - Le Rouge et le Noir : La scène de première rencontre

Introduction :

Chaque roman présente une scène de première rencontre, dans Le Rouge et le Noir,
publié par Stendhal en 1830 et mettant en scène l’ascension d’un jeune homme dans la
société, on peut retrouver différentes scènes de première rencontre.
La scène de rencontre entre Julien Sorel, le héros du roman, et madame de Rênal,
appartient à l’intrigue de l'œuvre, Julien est à la base un paysan qui devient prêtre, et qui
vient chez monsieur de Rênal pour être précepteur de ses enfants.
La première rencontre entre les deux personnages est importante pour l’intrigue du
roman car les impressions et les sentiments mis en avant sont déterminants pour la suite de
la relation entre eux.
Nous allons tenter de comprendre comment à travers cette scène théâtrale de
première rencontre, Stendhal nous dépeint-il le portrait de ses personnages ?
Pour cela, nous verrons tout d’abord la description du décor de la scène lors des 5
premières lignes, puis le portrait de Julien par Mme de Rênal de la ligne 6 à la ligne 12,
ensuite celui de Mme de Rênal par les yeux de Julien de la ligne 13 à 19 et enfin, dans les 6
dernières lignes, la révélation du quiproquo.

1ère Partie : La description du décor de la scène :

Stendhal plante tout d’abord le décor de la scène, il donne de premières indications


élogieuses sur Mme de Rênal et indique sa gestuelle comme dans une pièce de théâtre. Les
termes “vivacité” et “grâce” fonctionnent comme des didascalies. On comprend qu’elle est à
l’aise loin du regard des hommes ce qui montre toute la pression sociale qu’elle subit.

L’auteur indique ensuite que la scène se déroule dans le jardin, il n’en fait pas une
description précise, on a donc un décor assez simple comme au théâtre.

Les premiers regards que pose Mme de Rênal sur Julien évoquent déjà la construction du
quiproquo, elle ne le considère au début pas comme un homme mais comme un jeune
enfant, elle n’est donc pas intimidée. La description de la figure du personnage avec les
termes “enfant” et “pâle” montrent la personnalité, fragile en apparence, de Julien. On a
l’impression d’une description d’un masque qu’il porte en raison des indications caricaturales
de l'enfant comme par exemple le fait qu’il vient de pleurer.

On remarque que Julien fait un effort pour faire bonne impression et pour cacher son
extraction sociale, cela est mis en évidence par l’utilisation d’adverbes d’intensité comme
“bien” et “fort” qui mettent ici en avant un réel effort sur la tenue vestimentaire. La description
de la matière des vêtements indique la propreté de la couleur, cela renvoie au côté réaliste
de l’écriture de Stendhal.
On peut donc dire que Stendhal, comme un metteur en scène, donne toutes les informations
pour introduire sa scène de rencontre, elles portent sur le lieu, la gestuelle et les vêtements
des personnages.

2ème Partie : Le portrait de Julien par Mme de Rênal :

On assiste par la suite à la description du portrait de Julien présenté comme assez


fragile, il est décrit comme un être sensible, on comprend cela par l’évocation de son teint
puis de sa jeunesse. Cette fragilité est également évoquée grâce à la comparaison de Julien
par Mme de Rênal à une jeune fille à la ligne 7. On retrouve d’ailleurs une opposition entre
le portrait physique de Julien et son statut social puisqu’il n’est pas commun d’être petit et
fragile, et d’avoir le teint blanc pour un paysan.

Mme de Rênal porte un regard maternel sur Julien, cela suggère la différence d’âge entre
eux, on comprend qu’elle a un caractère romanesque, imaginatif et rêveur et s’imagine des
choses invraisemblables comme le fait que Julien soit une jeune fille. Le regard qu’elle porte
sur lui va ensuite devenir un regard de pitié sur celui qu’elle décrit comme une “pauvre
créature''.

Aux lignes 8 et 9, Stendhal nous plonge dans l’imagination de Mme de Rênal qui croît
percevoir de la timidité chez Julien, l’adverbe “évidemment” montre son intuition qui lui
permet de deviner ses émotions.

Ensuite, le romancier décrit l’état d’esprit de Mme de Rênal à l’idée de l’arrivée de Julien, je
cite : “Mme de Rênal s’approcha, distraite un instant de l’amer chagrin que lui donnait
l’arrivée du précepteur”, on a donc deux personnages à l’unisson dans la souffrance. La
façon dont elle s’adresse à lui montre à nouveau son caractère maternel puisqu’elle lui parle
d'une "voix douce” et l’appelle “mon enfant”, malgré cela, elle a tout de même du respect
pour lui puisqu'elle le vouvoie.

Finalement, le regard que Mme de Rênal pose sur Julien ne nous apprend pas grand chose
sur lui, mais plutôt sur elle et son caractère. Elle nous apprend d’ailleurs presque des
choses qui sont fausses.

3ème Partie : Le portrait de Mme de Rênal par Julien :

Dans le début de la troisième partie, Stendhal décrit les différentes étapes de la


passion amoureuse, tout d’abord l’étonnement de Julien qui ressort de par sa surprise, je
cite : “et frappé du regard si rempli de grâce de Mme de Rênal”. On voit que cet étonnement
entraîne ensuite un sentiment d’admiration de la part de Julien. On peut donc dire que les
deux personnages n’ont pas les mêmes sentiments que lors de la première rencontre.

Au début, Julien était simplement un peu intimidé, ensuite il devient vraiment bouleversé de
la beauté de Mme de Rênal, cela est mis en avant par une gradation : tout d’abord, Julien
oublie sa timidité, et puis il oublie tout, cela met en avant son trouble intérieur.
Le romancier ne donne que peu d’informations sur Mme de Rênal puisque la “grâce” et la
“beauté” qu’il décrit sont des termes abstraits. Cette absence de précisions permet de
souligner le caractère particulier de Mme de Rênal.

Aux lignes 14 et 15, l’étonnement de Julien est mis en avant par le silence, il est si étonné
qu’il doit écouter à nouveau la question que lui pose Mme de Rênal. L’utilisation du plus que
parfait suggère l’antériorité de l’action et montre qu’il y a eu un temps d’attente de sa part.
Après la prise de parole de Julien, le mot “enfin” montre que ce temps d’attente a bien eu
lieu.

La réplique de Julien : “Je viens pour être précepteur, madame” lui fait endosser son
costume, on a l’impression qu’il se remet dans la peau d’un personnage qu’il avait oublié de
jouer à cause de son intimidation.

A la ligne 18, l’auteur nous fait comprendre que les deux personnages éprouvent le même
étonnement l’un pour l’autre, je cite : “Mme de Rênal resta interdite”, on a l’impression qu’ils
ont tout pour se plaire et qu’ils sont désormais à l’unisson dans les sentiments. Le mot
“interdite” est en quelque sorte une hyperbole puisqu’il montre l’étonnement de Mme de
Rênal mais en beaucoup plus marqué.

L’utilisation de la voix pronominale “se regarder” met en évidence la réciprocité des regards
entre eux, on peut parler de topos de la scène de première rencontre.

On assiste ensuite à des regards plus précis de Julien sur Mme de Rênal, qui nous donne
de nouvelles indications sur elle. On remarque qu’il utilise beaucoup d’adjectifs mélioratifs
au lignes 19 et 20, ce qui marque encore une fois son admiration pour elle. La première
chose remarquée par Julien, c’est le style vestimentaire et l’élégance de Mme de Rênal,
symbole de sa richesse et de leur différence sociale. Ensuite, Julien remarque la beauté de
Mme de Rênal, et enfin il remarque sa douceur à laquelle il est sensible.

En effet, on observe un rapprochement progressif des sentiments entre les deux


personnages qui annonce le dénouement de la scène de rencontre.

4ème Partie : La révélation du quiproquo :

Dans la dernière partie du texte, les “joues pâles et roses” de Julien que décrit Mme de
Rênal montrent une caricature qu’elle fait de lui en le comparant à un bébé, ce qui renvoie à
son regard maternel déjà évoqué.

Cela déclenche un rire chez elle lorsqu’elle comprend qu’elle s'est totalement trompée, on
peut donc dire que cette scène se termine comme une comédie.

A la ligne 22, la scène rappelle le dénouement d’une comédie avec le champ lexical de la
joie avec les termes “rire”, “gaieté folle” et “bohneur” ce qui s’oppose à l’état d’esprit du
début de la scène.
Stendhal souligne le quiproquo avec une antithèse entre les attentes de Mme de Rênal
concernant Julien et la réalité. Il souligne ironiquement le côté imaginatif de Mme de Rênal
qu’il décrit implicitement comme romanesque comme c’était le cas au début du texte.

La dernière phrase de Mme de Rênal met en avant sa surprise quant au fait que Julien soit
vraiment prêtre et qu’il sache le latin à la ligne 25.

Conclusion :

Ainsi, à travers cette scène théâtrale, Stendhal décrit la première rencontre entre Julien
Sorel et Mme de Rênal, il utilise pour cela des jeux de regards et le monologue des
personnages, éléments qui en font une scène singulière et non conventionnelle.
Cette scène de première rencontre décrit avec précision les sentiments intérieurs
des personnages. Tout passe par les yeux avec les regards mutuels. Jean-Daniel
Verhaeghe a fait une adaptation cinématographique de l’ouvrage et passe pratiquement
sous silence cette scène à cause de sa difficulté à être reproduite.

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