UNIVERSITÉ DES SCIENCES SOCIALES ET DE GESTION DE BAMAKO
FACULTÉ DES SCIENCES ÉCONOMIQUES ET DE GESTION
Module Economie Industrielle Coûts de transaction et délocalisation L'année dernière, les 15 000 m2 de l'usine de Noyon (Oise en France) paraissaient presque vides. Les commandes se réduisaient, le travail manquait. «Rapidement, c'est devenu comme une psychose», témoigne la directrice des ressources humaines. Puis la direction de Samas France, filiale du numéro 1 européen du mobilier de bureau, a décidé de rapatrier en France une partie de la production délocalisée en Chine cinq ans plus tôt. Depuis septembre, Noyon et ses 150 salariés tournent à plein. «On ne fait pas de patriotisme économique, précise Valentin Schmitt, directeur des opérations de Samas France. On a pesé le pour et le contre en faisant fi de tous les dogmes : "Délocaliser rend plus compétitif", "L'industrie n'a plus d'avenir en France"...» Après cette «pesée», la relocalisation s'est imposée. Driss Jaouze, délégué syndical CFDT et salarié à Noyon depuis 1972, ne parle plus que de «la confiance» que les dirigeants ont faite à son usine. «On ne pourra jamais être aussi rentables que les Chinois, mais on va se rattraper grâce à une meilleure organisation.» Ils (les clients) réclament un mobilier à leur couleur, à leur logo. «Nos produits doivent être de plus en plus personnalisés, poursuit Valentin Schmitt. On le sait, les clients réclament un service plus qu'un produit. Ce qui suppose une proximité avec eux. Il faut pouvoir leur présenter un prototype en un temps record, qu'ils le montent in situ, le fassent valider par leurs salariés.» Pour contourner les difficultés de communication avec ses partenaires asiatiques, Samas envoie régulièrement ses équipes sur place. Ce qui coûte de l'argent et du temps. «Entre le moment où nous recevons un plan du bureau à construire et celui où nous livrons une démo à l'entreprise, il nous suffit de trois ou quatre jours quand il est monté en France. Contre huit semaines pour la Chine. Aucun client n'accepte d'attendre autant.» En parallèle à la relocalisation, Samas France a mené une réorganisation de sa production. Les salariés de Noyon ont perdu de leur polyvalence, le travail a été rationalisé. Pour rendre les salariés «plus performants», explique la DRH du site. «50 % de l'écart de coût a été trouvé dans l'amélioration du process. On considère qu'on gagnera les 50 % restants grâce à la baisse des coûts du transport», rapporte Valentin Schmitt., Coûts cachés. Cette relocalisation ne serait pas un cas marginal. «Beaucoup d'entreprises s'engagent à l'étranger pour rapidement découvrir que leur choix n'était pas très judicieux, commente l'économiste
Olivier Bouba-Olga (1). Leur raisonnement de base est souvent partiel. On évalue facilement les gains qu'on tirera du coût du travail. Mais on néglige tous les coûts cachés : les
Equipe Pédagogique Economie Industrielle 2022-2023 1
UNIVERSITÉ DES SCIENCES SOCIALES ET DE GESTION DE BAMAKO FACULTÉ DES SCIENCES ÉCONOMIQUES ET DE GESTION Module Economie Industrielle problèmes de qualité, le prix de formation de la main-d’oeuvre, le taux de change, les assurances, les transports... Tout dépend du secteur : le coût de la main-d’oeuvre est-il prépondérant? A-t-on besoin d'une grande proximité avec le client ?» Une étude du cabinet McKinsey réalisée aux Etats-Unis en 2005 montre l'écart entre la perception des entreprises et la réalité : interrogés, les chefs d'entreprises californiens du secteur plastique estiment qu'ils feraient un gain de coût de 22 % en délocalisant en Asie. Après études des coûts cachés (logistique, assurance, formation, défauts), les chercheurs estiment qu'ils n'en gagneraient que 11 %. Et s'ils réorganisaient, en Californie, leur appareil productif pour le rendre plus rentable, ils n'en gagneraient plus que 3 %... «Tout cela explique que les délocalisations ne pèsent pas aussi lourd qu'on le dit sur le marché de l'emploi, assure l'économiste. Les délocalisations vers les pays en développement ne représentent que 5 % des destructions d'emplois sur le total des restructurations des Quinze dernières années.» Et que certains départs se finissent en retour. • Q1 En vous appuyant sur les enseignements de la théorie des coûts de transaction, comment comprenez-vous la décision de cette entreprise de réintégrer sa production ? • Q2 Expliquez cette partie du texte : « …Leur raisonnement de base est souvent partiel. On évalue facilement les gains qu'on tirera du coût du travail. Mais on néglige tous les coûts cachés : les problèmes de qualité, le prix de formation de la main-d’oeuvre, le taux de change, les assurances, les transports... Tout dépend du secteur : le coût de la main-d’oeuvre est-il prépondérant? A-t-on besoin d'une grande proximité avec le client ?»
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