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LE DROIT
CONSTITUTI-0 NN-EL
DE LA BELGIQUE
BRUYLANT lG·D1
BRUXELLES PARIS
2000
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J~L~~(Î
IMPRIMÉ EN BELGIQUE
AVANT-PROPOS
La Constitution
3. - L'on étudie, dans un premier livre, la notion même de
Constitution. Ce qui ne va pas sans susciter trois questions : quel
objet s'assigne la Constitution?, quelle utilité présente-t-elle dans
l'Etat moderne?, quelle méthode privilégie-t-elle pour rendre
compte de ses prescriptions et de sa mise en œuvre 1
L'on examine également les caractères que présente la Constitu-
tion. Ce qui conduit, spécialement en Belgique, à mettre l'accent sur
deux particularités de la règle constitutionnelle : le formalisme et la
stabilité. Ces traits singularisent la Constitution. Ils justifient la
place à part qui lui est faite dans l'étude des règles de droit.
L'on s'interroge encore sur le respect dû à la Constitution. Ce qui
amène à examiner le principe et les modalités des contrôles de
constitutionnalité. Une conviction s'impose. Le développement de
la justice constitutionnelle contribue, spécialement en Belgique, à
l'organisation rationnelle et au fonctionnement harmonieux de
l'Etat.
CHAPITRE PREMIER
LA NOTION DE CONSTITUTION
SECTION r e . - L'oBJET
A. - La création de l'Etat
6. - L'Etat est créé. Comme l'écrit M. PRELOT, à la manière de
Fr. GENY, <<l'Etat n'est jamais donné mais toujours construit>> (1}.
Il n'est pas fait brut ou produit de l'histoire. Les circonstances -
diverses et contingentes - qui permettent à un groupe social de
devenir groupe politique ne sont pas ignorées. Elles ne sauraient,
cependant, donner naissance par elles-mêmes à un nouvel Etat.
Mieux : l'Etat est création juridique. Des éléments préalables exis-
tent. Ils précèdent et surtout préparent l'Etat. Des hommes et des
femmes vivent sur une portion déterminée de la terre. Quelques-uns
parmi eux exercent un commandement sur les autres. Une réparti-
tion élémentaire des tâches s'est peut-être organisée entre eux.
Le droit se saisit de ces éléments. Il les transforme. Il fait œuvre
résolument novatrice. Au terme du processus de création juridique,
des citoyens - nationaux et étrangers - vivent sur un territoire
déterminé. Les rapports qu'ils établissent avec les pouvoirs publics
s'analysent désormais en termes de droits et d'obligations. Les rela-
tions entre pouvoirs publics s'analysent, pour leur part, en termes
de compétences, d'attributions et de fonctions.
A moins de prétendre expliquer le droit par le fait, cette transfor-
mation radicale ne peut être attribuée qu'à une opération de carac-
tère juridique.
Mieux encore : l'opération juridique de création de l'Etat se matéria-
lise le plus communément dans la rédaction d'une Constitution. La
(1) M. PRELOT, Institutions politiques et droit constitutionnel, 9'' éd., Paris, Dalloz, 1984, p. 12.
LA NOTION DE CONSTITUTION 13
(2) R. CARRÉ DE MALBERG, Contribution à la théorie générale de l'Etat, Paris, rééd. C.N.R.S.,
1962, p. 66, note 13.
(3) F.F. RIDLEY, «Les sources du droit constitutionnel britannique», in F. DELPÉRÉE,
M. VERDUSSEN et K. BIVER, Recueil des Constitutions européennes, Bruxelles, Bruylant, 1994,
p. 295.
14 LA CONSTITUTION
B. - L'organisation de l'Etat
7. - Le raisonnement que l'on suggère- au commencement du
droit est la Constitution ... - n'est pas tenu à l'imparfait mais au
présent. Il rend compte non d'un moment historique dépassé, mais
d'une réalité toujours continuée. Dans l'Etat doté d'une Constitu-
tion - ce que l'on appelle l'Etat de droit - , l'action de l'autorité
comme celle du citoyen se trouvent, à tout instant, réglées, enca-
drées et limitées par le droit.
La leçon est précieuse. SIÉYÈS l'a notée de façon concise : << La
Constitution n'est pas l'ouvrage du pouvoir constitué mais du pou-
voir constituant>>. Il en tire des conséquences précises : les règles
constitutionnelles peuvent être qualifiées de << fondamentales, non
pas en ce sens qu'elles puissent devenir indépendantes de la volonté
nationale, mais parce que les corps qui existent et agissent par elles
ne peuvent point y toucher>> (4).
Les principes d'organisation de l'Etat moderne sont en germe
dans cette réponse.
D'abord, la Constitution est règle «fondamentale ». Elle donne au
groupe politique sa cohésion, sa permanence, sa stabilité - son sta-
tus - . Elle lui procure les conditions d'une action continue pour la
réalisation du bien public. Elle est traité d'armistice. Elle exprime
de manière durable l'ensemble des principes de vie sur lesquels
existe un accord quasi unanime de tous les éléments du groupe poli-
tique. Entre deux révisions à la procédure intentionnellement
lourde et compliquée (no 57}, la Constitution soustrait à la lutte
partisane les principes fondateurs qui sont considérés comme essen-
tiels à l'organisation et à l'action des pouvoirs publics.
<<Depuis vingt-cinq ans, la Belgique procède, dans une sorte de fièvre perma-
nente à des amendements de sa Constitution : 1970, 1980, 1988, 1991, et je
m'empresse de dire que ce n'est pas fini. Nous avons du mérite à procéder à des
amendements à la Constitution. La Constitution belge peut sans doute être
caractérisée comme l'une des Constitutions les plus rigides au monde et sa procé-
dure de révision est parsemée d'obstacles, d'embûches, de difficultés>> (F. DEL-
PÉRÉE, « Intervention >>, in Procès-verbaux et témoignages du Comité mixte spécial
du Sénat et de la Chambre des communes du Canada, 2 mai 1991, fascicule 32,
p. 5).
Ensuite, la Constitution est la règle par laquelle «existent et agis-
sent» les pouvoirs publics. C'est de la Constitution, en effet, qu'ils
C. - Le développement du droit
8. - En créant et en organisant les pouvoirs constitués, la
Constitution permet le développement du droit. C'est elle, en effet,
qui précise à quelles conditions une règle de conduite est assortie
d'un caractère contraignant et obligatoire. C'est elle qui institue en
droits protégés et en devoirs sanctionnés ce qui ne serait autrement
que droits naturels de l'individu et préceptes de morale sociale.
C'est elle qui crée les organes chargés de dire le droit en toute
matière. C'est elle qui fixe le statut des institutions qui, telles les
administrations, vont pourvoir par des mesures concrètes à l'exécu-
tion des normes et des jugements.
Quelle discipline juridique peut se dispenser d'utiliser, au moins
pour partie, l'outillage juridique, conceptuel et institutionnel que
fournit la Constitution? Certes, le droit étatique ne rend pas compte
de l'ensemble du phénomène juridique. Mais n'est-ce pas la Consti-
tution qui, dans un Etat fédéral, par exemple, établit les règles du
partage des pouvoirs et autorise l'élaboration concomitante des
16 LA CONSTITUTION
§ 2. -L'explication de l'Etat
(5) G. BuRDEAU, ''Le pouvoir», in Encyclopédie française, t. X, L'Etat, Paris, 1964, p. 115.
LA NOTION DE CONSTITUTION 19
(6) A. MAST, Overzicht van het Belgisch grondwettelijk recht, Gand, Story-Scientia, 1985, ge éd.,
p. lOI.
20 LA CONSTITUTION
(7) H. KELSEN, La démocratie- Sa nature- Sa valeur (trad. Ch. EISENMANN), Paris, Sirey,
1932, p. 11.
(8) G. ScELLE, Introduction à l'étude du droit, Paris, Rousseau, 1931, t. 1, p. 80.
(9) F. DELPÉRÉE, «La citoyenneté multiple>>, Ann. D. Lv., 1996, p. 261.
LA NOTION DE CONSTITUTION 23
rope comme LuTHER fit du droit canon : en jeter tous les livres au
feu>>.
(Il) M. AMos, La Constitution anglaise (trad. P. DE LA PRADELLE), Paris, Sirey, 1935, p. 221.
(12) H. VAN IMPE, Le régime parlementaire en Belgique, Bruxelles, Bruylant, 1968, p. 20.
Quelques dispositions paraissent particulièrement concourir à l'élaboration du mythe elles
concernent, par exemple, le régime des libertés publiques, les modalités du système électoral ou
les principes de l'autonomie locale.
26 LA CONSTITUTION
C. -La Constitution
et les projets de développement
17. - Nombre d'Etats parvenus récemment à l'indépendance se
sont préoccupés d'un aménagement des fonctions étatiques dans
l'ordre interne et ont sacrifié, sous la pression notamment de la
communauté internationale, à la mode de la rédaction d'une Consti-
tution. Mais, comment ne pas le constater?, les Constitutions à l'oc-
cidentale adoptées par certains Etats en voie de développement
politique, social ou économique n'ont eu qu'une durée de vie
réduite. Les nouveaux Etats confrontés à des besoins politiques
urgents dans les domaines de l'alimentation, de l'enseignement, de
la santé, des techniques de communication ... ont laissé au second
plan la préoccupation d'appliquer et de respecter les dispositions
constitutionnelles qu'ils s'étaient originellement données.
Une vie politique, spontanée ou dirigée, s'organise en marge des
textes établis. Des Etats promis au multipartisme se voient
conduits par un parti dominant ou unique; des Etats de structure
fédérale se voient gérés comme des Etats unitaires; des Etats voués
au parlementarisme voient s'instaurer des dictatures civiles ou mili-
taires.
En somme, la Constitution, produit de l'Occident (15), affronte
l'épreuve d'un monde nouveau. Elle peut en être rejetée purement
et simplement. Plus que toute autre règle juridique, n'est-elle pas le
reflet d'un monde ancien et contesté? Mais elle peut aussi acquérir
(14) M. DuvERGER, Institutions politiques et droit constitutionnel, 7" éd., Paris, P.U.F., 1963,
p. 2.
(15) J. GICQUEL et A. HAURIOU, Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris,
Montchrestien, 1985, p. 35.
28 LA CONSTITUTION
On veut espérer qu'à l'aube du XXI" siècle, il n'est pas naïf de penser que les
institutions démocratiques ne sont pas le pire des moyens pour y contribuer.
Certes, il ne peut y avoir de démocratie sans démocrates. Mais sans l'apprentis-
sage des mécanismes élémentaires de la démocratie, on voit mal comment pour-
rait naître une culture démocratique>) (G. CoNAC, «Succès et crises du constitu-
tionnalisme africain>), in Les Constitutions africaines publiées en langue fran-
çaise - dir. J. DU BOIS DE GAUDUSSON, G. CONAC et C. DEBOUCHES - , t. Il,
Paris/Bruxelles, La Documentation françaisefBruylant, 1998, p. 19).
A. ~ Le cadre temporel
18. ~ Délaissant les projections incertaines dans un avenir à
trop long terme, la Constitution doit aussi se détacher des circons-
tances historiques et momentanées qui permettent ou qui provo-
quent son élaboration.
Certes, une Constitution nouvelle ou rénovée ne peut manquer de
rendre compte des controverses politiques les plus immédiates aux-
quelles elle s'efforce précisément d'apporter une solution. Si elle ne
tranche cependant que des questions circonstancielles, la Constitu-
tion expose ses dispositions à une prompte désuétude.
A un moment de l'histoire, telle controverse a pu paraître diviser
fondamentalement les composantes de la société politique. La
Constitution a cherché à la trancher. Avec le recul du temps, cepen-
dant, le litige s'estompe, s'apaise ou se donne une solution diffé-
rente (16). A terme, quelle valeur attribuer à la disposition constitu-
tionnelle inappliquée ?
Trop proche de l'événement, la Constitution ne peut le maîtriser.
Les dispositions de circonstance qu'elle conçoit s'exposent à rester
lettre morte. Si une Constitution, nouvelle ou rénovée, ne peut man-
quer d'être le reflet de son époque, elle doit s'en abstraire si elle veut
faire œuvre utile et durable.
« Among the written Constitutions of the late eighteenth or early nineteenth
Cent ury, only three remain in force today : the American Constitution of 1787,
with the 1791 Amendments, the Norwegian Constitution of 1814, and the Bel-
( 17) P. DE VISSCHER, Cours général de droit international public, Recueil des Cours de l'Acadé-
mie de droit international, vol. II, 1972, p. 19.
(18) P. DE VISSCHER, op. cit., p. 15.
32 LA CONSTITUTION
C. - Le cadre politique
21. - L'illusion constitutionnelle a pu parfois être dénoncée. A
quoi bon une Constitution dépassée par les évolutions les plus mar-
quantes de la société étatique~ A quoi bon encore une Constitution
(22) J. ELLUL, <<Sur l'artificialité du droit et le droit d'exception>>, Arch. Ph. Dr., 1963, p. 28.
(23) P. DE VISSCHER et F. DELPÉRÉE, «Pour une juridiction constitutionnelle en Belgique>>,
in Actualité du contrôle juridictionnel des lois, Bruxelles, Larcier, 1973, p. 245.
34 LA CONSTITUTION
A. - L'interprétation de la Constitution
23. - Il s'agit d'interpréter le droit de la Constitution (26).
1nterpréter le droit de la Constitution, c'est d'abord Jaire œuvre
d'exégèse. Au nom d'une conception des exigences du bien public, de
la justice et de la morale, une règle de droit positif a été construite;
c'est la lex lata. L'interprète se doit d'éclairer ses dispositions à la
lumière des fins sociales que l'Etat a considérées comme nécessaires
et praticables dans une conjoncture déterminée. Mais la règle de
droit positif apparaît également comme rassemblant un ensemble de
notions techniques, articulées les unes aux autres et classées dans
un système organisé et cohérent. L'interprète montrera alors com-
ment la règle constitutionnelle, comme toute règle de droit, impli-
que relation entre deux termes; d'une part, le concept d'une cer-
taine hypothèse, d'autre part, un concept conséquent rattaché au
(27) J. DABIN, La technique de l'élaboration du droit positif, spécialement du droit privé, Paris,
Sirey, 1935, p. 106.
(28) H. BATTIFOL, «Questions de l'interprétation juridique», in L'interprétation dans le droit,
Arch. Ph. Dr., t. XVII, Paris, Sirey, 1972, p. 17.
LA NOTION DE CONSTITUTION 37
B. - Le droit constitutionnel
et le droit public
25. - Selon la summa divisio des matières juridiques - le dipty-
que n'ULPIEN -,le droit de la Constitution paraît aisément seran-
ger dans la rubrique du droit public. La doctrine publiciste fait
même de la règle qui crée et organise l'Etat sa matière de prédilec-
tion. Est-ce à dire qu'il n'y a guère matière à discussion sur ce
point?
Une première question domine le débat. Elle porte sur l'intérêt
scientifique de la classification que l'on opère en situant le droit
constitutionnel dans le domaine du droit public. Ressortit-elle au
domaine de la politique ou à celui de la technique juridique?
La classification employée n'a pas pour objectif de consacrer l'au-
tonomie foncière du droit public et le particularisme du << point de
vue)) qu'il choisit (29). Quoi qu'on dise, le droit public n'est pas
droit de contrainte et de soumission par opposition à un droit privé,
droit de liberté; le droit constitutionnel, en particulier, n'est pas
indifférent à l'affirmation et à la protection des droits du citoyen.
Un parti pris idéologique ne peut fonder la division des branches du
droit.
(29) R. SAVATIER, Du droit civil au droit public à travers les personnes. les biens et la responsabi-
lité civile, Paris, L.G.D.J., 1945.
38 LA CONSTITUTION
(30) Ch. EJHENMANN, <<Droit public, droit privé ''• R.D.P., 1952, p. 961.
(31) G. VEnEL, <<Les bases constitutionnelles du droit administratif», E.D.C.E., n" 8, p. 21.
(32) C. CAMBIER, Droit administratif, Bruxelles, Larcier, 1968, p. 8.
LA NOTION DE CONSTITUTION 39
(34) J. DABIN, L'Etat ou le Politique. Essai de définition, Paris, Dalloz, 1957, p. 16.
42 LA CONSTITUTION
B. - La Constitution
et l'histoire des institutions publiques
C. - La Constitution
et la philosophie politique
BIBLIOGRAPHIE
A. - La Constitution et la coutume
33. - La question de la compatibilité entre Constitution et cou-
tume est posée d'emblée. On s'efforce d'apporter quelques idées
simples et quelques distinctions élémentaires dans ce débat où four-
millent les condamnations au nom de l'une ou l'autre orthodoxie
juridique. Car autant paraît exagérée la thèse qui revient à considé-
rer a priori qu'il y a imperméabilité entre la Constitution et la cou-
tume, autant paraît outrancière celle qui en vient à qualifier de
constitutionnelle toute pratique consacrée par l'usage en marge ou
au mépris du droit écrit des institutions publiques.
Il n'existe pas de Constitution coutumière; il n'existe que des
coutumes dites constitutionnelles.
34. - Il n'existe pas de Constitution coutumière. La sûreté du
diagnostic de R. CARRÉ DE MALBERG ne saurait être mise en cause.
L'une des caractéristiques de la Constitution est d'être une règle de
(2) R. CARRÉ DIO MALBJORG, op. cit., t. Il, p. 582, note 10.
50 LA CONSTITUTION
(3) M. PRELOT, in Le Monde, 15 mars 1962, cité par H. DUVAL, P.-Y. LEBLANC et P. MINDU,
Référendum et plébiscite, Paris, A. Colin, 1970, p. 85.
LES CARACTÈRES DE LA CONSTITUTION 51
(4) M. PRELOT, Institutions politiques ... , op. cit., n" 106, p. 203.
(5) G. BuRDEAU, Traité de science politique, t. II, L'Etat, Paris, L.G.D.J., 1969, p. 288.
(6) W.J. GANSHOF VAN DER MEERSCH,« Propos sur le texte de la loi et les principes généraux
du droit», J. T., 1970, p. 561. «Le système du gouvernement de cabinet, la responsabilité ministé-
rielle sanctionnée par la démission du gouvernement, le formateur du gouvernement, le pouvoir
du roi de nommer et de révoquer les ministres, le premier ministre, le pouvoir du roi de sanction·
neret de promulguer les lois •> sont, pour W.J. GANSHOF VAN DER MEERSCH.« autant de matières
que la coutume constitutionnelle a profondément façonnées>> (op. cit., p. 561, note 87).
52 LA CONSTITUTION
(7) R. CHAPUS, Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, Les cours de droit, 1969-
1970, p. 113.
(8) R. SENELLE, La Constitution belge commentée, Bruxelles, 1974, Coll. Idées et études, p. 294.
LES CARACTÈRES DE LA CONSTITUTION 53
solution est défendable sur un plan théorique; il n'est pas exclu que
certains ordres juridiques y recourent à la manière de la société
internationale qui fait expressément place au jeu des règles coutu-
mières. Ce n'est cependant pas la solution consacrée en droit belge.
L'article 33, alinéa 2, de la Constitution fait obstacle à l'apparition
de règles coutumières de valeur constitutionnelle. Les pouvoirs ne peu-
vent être exercés que << de la manière établie par la Constitution f>;
le roi, par exemple, ne détient le pouvoir exécutif fédéral que << tel
qu'il est réglé par la Constitution f) (art. 37) et n'a d'attributions que
celles que lui confèrent formellement <<la Constitution et les lois par-
ticulières portées en vertu de la Constitution même f> (art. 105).
La Constitution << établit f> un type de répartition des attributions
et un modèle de fonctionnement des pouvoirs. Elle << cristallise f>
arbitrairement et intentionnellement (9) en une règle écrite une cer-
taine conception des rapports juridiques. Parce que la coutume
pourrait remettre en cause de manière informelle ou infléchir les dis-
positions ainsi arrêtées et porter atteinte à la stabilité constitution-
nelle, elle ne se voit pas reconnaître par le droit public belge, sinon
le droit à l'existence, du moins le droit à l'équivalence avec la règle
constitutionnelle. On peut déplorer ou approuver cette prétention
du pouvoir constituant à tout régler par écrit : il s'agit d'une don-
née de droit positif.
L'observation ne fait pas obstacle au travail d'interprétation qui
cherche à donner au texte écrit sa cohérence, sa logique et son effi-
cacité. Telle disposition obscure, laconique ou imprécise sera inter-
prétée et comprise dans plusieurs acceptions différentes (no 23).
L'exégèse d'un texte, l'éclairage qu'il reçoit compte tenu de l'esprit
général des institutions, le sens qu'il prend réinséré dans le contexte
politique où il se situe vont donner naissance à des régimes juridi-
ques fort différents. Mais il n'y a pas place, à travers la diversité de
ces procédés d'interprétation d'un texte écrit, pour l'apparition
d'une coutume.
En somme, la coutume n'a pas, quoi qu'on en ait dit, plus de
place en droit constitutionnel que dans les autres branches de droit.
Mise à part la coutume préconstitutionnelle qui prépare l'opération
constituante et, d'une certaine manière, y participe, les coutumes
dites constitutionnelles ne peuvent que souffrir de la comparaison
qui s'établit entre elles et une règle écrite, stable et supérieure. Leur
existence n'est pas contestée, encore que leur nombre ne doive pas
être exagérément grossi. Leur valeur ne peut concurrencer celle des
textes écrits.
C. - La Constitution
et les principes généraux du droit public
40. - Les principes généraux du droit public ne sont pas non
plus consacrés dans une règle écrite. Telle est même leur originalité.
Seraient-ils, tel le principe de l'égalité devant la loi, rattachables à
un texte constitutionnel analogue à celui de l'article l 0 de la Cons ti-
tution, qu'ils perdraient le plus clair de leur utilité : constituer une
source de droit subsidiaire. Par définition, ces principes ne trouvent
à s'appliquer qu'en l'absence de texte exprès.
Parmi les principes généraux de droit public qui ne se rattachent
à aucun texte de droit positif, on a relevé le principe de la perma-
nence qui affecte l'Etat, les services publics et la fonction publique
ainsi que celui de leur adaptation aux nécessités de la mission qu'ils
assument (10).
Deux questions retiennent à cet égard l'attention.
La première tient à la délimitation des principes generaux de
droit public. C'est la jurisprudence - et, à son défaut, la doc-
trine - qui les dégage et les exprime. Principes, plutôt que règles
(H. Bu cH); principes au surplus très généraux qui s'apparentent
presque aux fameuses <<lois>> du service public. Mais la jurispru-
dence fait-elle plus que proférer un aphorisme en constatant que la
vie de l'Etat est placée sous le double signe de la continuité et du
changement? La <<revanche du sens commun sur la technique>> (P.
PESCATORE) que devrait signifier l'affirmation de ces principes n' ap-
porte pas toujours de réponses concrètes aux questions que suscite
le fonctionnement des pouvoirs publics.
<• Les principes non écrits peuvent contribuer à donner à l'édifice des règles
(Il) P. WwNY, Droit constitutionnel. Principes et droit positif, Bruxelles, Bruylant, 1952,
p. 168.
LES CARACTÈRES DE LA CONSTITUTION 57
Ainsi en a-t-il été, au Royaume-Uni, avec le Bill of rights (1688), l'Act of seUle-
ment (1700) ou, plus récemment, les Parliament Acts (1911 et 1949). Qu'il
s'agisse de dispositions législatives fondamentales pour le fonctionnement d'un
régime politique, nul ne le nie. A la rigueur, on peut-<< si l'on y tient>> (12)-
recouvrir pareilles lois de la dénomination de << constitutionnelles au sens matériel
de l'expression>>. La formule n'a tout de même guère de signification dans un
Etat sans Constitution. Ces lois fondamentales ne se voient pas conférer une
autorité supérieure à celle des lois ordinaires. Ce sont des lois comme les
autres (13).
(12) R. DE LACHARRIÈRE, Droit constitutionnel. Première partie. Principes généraux, Paris, Les
cours de droit, 1970-1971, p. 16l.
(13) «La notion de Constitution est purement formelle'' écrit avec force R. CARRÉ DE MAL-
BERG qui constate que <<cette distinction entre les deux concepts, formel et matériel, de Constitu-
tion a été souvent reproduite dans les traités de droit public>> mais qu' «elle demeure pourtant
dépourvue de valeur, du moins au point de vue juridique>> (op. cit., t. II, p. 572).
(14) H. VAN IMPE, op. cit., p. 20.
58 LA CONSTITUTION
( 15) La loi fédérale est entendue ici au sens de la loi ordinaire, c'est-à-dire de celle qui est
votée à la majorité absolue par les chambres législatives (Const., art. 53, al. 1'''l Elle s'oppose
à la loi spéciale (no 44)
(16) Une loi a anticipé sur une révision de la Constitution, c'est un fait. L'on ne saurait y
voir<< l'exception qui confirme la règle». Il s'agit plutôt d'une violation consciente et volontaire
de la Constitution. Elle ne procure pas un titre pour récidiver.
60 LA CONSTITUTION
qu'elle ne saurait contenir. Celle aussi qui consiste à ignorer la règle constitution-
nelle pour chercher dans la seule loi spéciale des dispositions de fond.
(22) A l'encontre d'une opinion communément admise, la Cour d'arbitrage considère à juste
titre, dans un arrêt du 7 février 1990, qu'une loi spéciale- telle celle du 8 août 1980 de réformes
institutionnelles- doit être prise en compte lorsqu'il s'agit de vérifier la validité d'une loi, d'un
décret ou d'une ordonnance, mais qu'elle est, au même titre que ces instruments législatifs, assu-
jettie au contrôle du juge constitutionnel. En ce sens, la loi spéciale ne peut prétendre ni au titre,
ni au rang de règle constitutionnelle.
(23) Comme l'écrit A. ALEN (Handboek van het Belgisch Staatsrecht, Deurne, Kluwer, 1997,
n" 208), <<la loi ordinaire est la règle, la loi spéciale est l'exception'· La loi spéciale l'est autant
par son objet que par les majorités qu'elle requiert pour son adoption. Il y a donc intérêt à ne
pas inscrire dans un même texte des dispositions qui doivent être adoptées, pour les unes, à la
majorité ordinaire et, pour d'autres, à une majorité qualifiée.
(24) Des problèmes d'interprétation peuvent surgir. La Constitution a été formulée en termes
vagues. Les habilitations qu'elle a données au législateur ont pu être exprimées de manière géné-
rale. Le texte constitutionnel peut notamment ne comprendre aucune dérogation expresse à
d'autres dispositions de la Constitution. Peut-on passer outre? Peut-on raisonner en termes de
dérogations implicites? Peut-on, à prétexte d'habilitation, laisser au législateur le soin de modeler
à sa guise une part du droit constitutionnel en vigueur? Faut-il, au contraire, ne prendre en
compte que les dérogations expresses? Faut-il donc dresser contre la loi spéciale la barrière de
tous les textes constitutionnels en vigueur? Faut-il, à la limite, assigner à l'intervention du légis-
lateur le seul champ restreint de l'exécution stricte de quelques règles inscrites dans le texte
constitutionnel ?
LES CARACTÈRES DE LA CONSTITUTION 63
(25) Selon l'article 77 de la Constitution, une loi spéciale est aussi une loi bicamérale intégrale.
(26) F. LEURQUIN-DE VISSCHER, ''Les règles de droit>>, in La Belgique fédérale (dir. F. DELPÉ-
RÉE), Bruxelles, Bruylant, 1994, p. 199.
64 LA CONSTITUTION
(29) VATTEL, Le droit des gens, Livre I, ch. lii, «De la Constitution de l'Etat, des devoirs et
des droits de la Na ti on à cet égard ».
(30) G. BuRDEAU, Traité de science politique, 2" éd., t. IV, Le statut du pouvoir dans l'Etat,
Paris, L.G.D.J., 1969, p. 184.
LES CARACTÈRES DE LA CONSTITUTION 67
(40) J. GILISSEN, «La Constitution belge de 1831, ses sources, son influence •>, Res publica,
1968, numéro spécial, p. 113.
(41) Voy. W. VAN DE STEENE, 'De Belgische Grondwetscommissie (oktober-november 1830).
Tekst van haar notulen en ontstaan van de Belgische Grondwet », Verhandelingen van de Konink-
lijke Vlaamse Academie, n" 47, 1963.
(42) R. DE LACHARRIÈRE, op. cit., p. 116.
74 LA CONSTITUTION
A. - L'auteur de la révision
53. - <~L'immobilisme constitutionnel est un danger>> (45). Pour
être stable, la règle originelle doit faire l'objet de retouches,
d'ajouts, de révisions. Si l'on exclut pour ce faire l'intervention de
l'auteur de la règle de droit, soit celle du constituant originel
(no 50), il y a lieu de recourir à l'action d'un constituant dérivé et
organisé par la Constitution elle-même. Quelle est la solution rete-
nue à cette fin ?
La Constitution n'a pas eu recours au système de la convention
nationale, c'est-à-dire à la technique de l'assemblée spécialement et
exclusivement élue pour modifier la Constitution; la méfiance du
constituant originel vis-à-vis d'une institution qui eût pu, en invo-
quant la prééminence de sa fonction, concurrencer voire supplanter
l'action des chambres législatives l'a conduit à écarter cette solu-
tion.
Elle n'a pas, pour le même motif, fait appel à la population pour
réviser, par la voie référendaire, le texte constitutionnel. Prohibant
le référendum législatif, elle devait a fortiori ne laisser aucune place
aux formes du référendum constituant (no 149) (46).
La Constitution confie au pouvoir législatif fédéral le soin d' opé-
rer pareille révision. C'est à lui que revient, d'abord, l'initiative et,
ensuite, l'adoption des nouvelles dispositions constitutionnelles. La
solution retenue a cette conséquence : le pouvoir législatif fédéral
peut, en un même moment, cumuler l'exercice de ses fonctions
propres et, à la suite d'une déclaration de révision, celui de la fonc-
tion constituante.
Y a-t-il place, dans ce contexte, pour une Constitution rigide,
entendue au sens de la règle qui ne peut être révisée, à des conditions
plus strictes que celles prévues pour l'adoption d'une loi ordinaire, que
par un organe institué à cette fin? La réponse est affirmative.
(45) A. MAST, «Propos sur l'esprit et la méthode d'une révision constitutionnelle», Ann. Dr.
Sc. pol., 1953, p. 263.
(46) Malgré les dispositions nettes de l'article 195 de la Constitution, H. DUMONT persiste à
soutenir que, dans l'état du droit positif, un référendum peut être organisé aux fins de réviser
la Constitution ( «La réforme de 1993 et la question du référendum constituant>>, A. P. T .. 1994,
p. 101).
76 LA CONSTITUTION
B. - L'objet de la révision
(4 7) Encore faut-il se demander si les règles de droit international, telles celles inscrites dans
la Convention européenne des droits de l'homme, ne s'imposent pas au pouvoir constituant et
ne font pas obstacle, par exemple, à l'abolition de certaines libertés.
(48) Contra: J. VELU, Traité de droit public, Bruxelles, Bruylant, 1986, t. l''', p. 145. Sur cette
question, voy. M.-F. RIGAUX, La théorie des limites matérielles à l'exercice de la Jonction consti-
tuante, Bruxelles, Larcier, 1985.
78 LA CONSTITUTION
(49) Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n" 1036/2, avis du Conseil d'Etat du 15 juillet 1993.
(50) J. MASQUELIN, <<Etapes et procédure de la récente révision de la Constitution •>, Ann. Dr.,
1972, p. 104.
LES CARACTÈRES DE LA CONSTITUTION 79
C. - La procédure de révision
57. - Le souci de ne procéder qu'à des révisions partielles et
échelonnées de la Constitution commande la distribution de la pro-
cédure en deux phases distinctes : l'initiative de la révision et l'opé-
ration de révision. Faisant césure entre ces deux phases se situent
le renouvellement des chambres législatives fédérales et la mise en
place de l'autorité révisionniste.
Dans une première phase, le pouvoir législatif fédéral a l'initiative
de la révision. Chacune de ses branches - le roi, la Chambre des
représentants ou le Sénat - peut mettre en mouvement la procé-
dure qui conduit à une modification du texte de la Constitution.
C'est tantôt un membre de l'une ou de l'autre chambre qui dépose
en ce sens une <~ proposition ~>; c'est tantôt le roi qui fait présenter
un <~projet de déclaration >> de révision dans la forme d'un arrêté
royal.
Un projet de déclaration de révision de la Constitution préparé par un gouver-
nement démissionnaire ne saurait contenir d'autres dispositions que celles qui
(51) Sur ce thème, voy. «Quelques aspects constitutionnels d'une crise politique •>, Ann. Fac.
dr. Lg., 1974, numéro hors série, pp. 27 s.;'' Une crise en trois temps», J.T., 1986, p. 117.
80 LA CONSTITUTION
(54) W. VAN AsscHE, «De grondwetgever van 24 december 1970 en het dilemma Preconsti-
tuante ~ Volkswi] », T.B.P., 1971, p. 363; A. ALEN et F. MEERSCHAUT, «De 'impliciete' herzie-
ning van de Grondwet », in Présence du droit public et des droits de l'homme. Mélanges offerts à
Jacques Velu, Bruxelles, Bruylant, 1992, t. l'"'·, p. 259.
82 LA CONSTITUTION
Le roi, enfin, statue << de commun accord )> avec les chambres
constituantes sur les points soumis à révision : il sanctionne les réso-
lutions portant révision d'articles de la Constitution. Il promulgue
aussi les nouvelles dispositions et en assure la publication au Moni-
teur belge; les dispositions révisées sont obligatoires dès le jour de
cette publication.
59. - Une question particulière doit être soulevée. Une disposi-
tion amendée peut-elle, au cours d'une même législature, faire l'ob-
jet d'une nouvelle révision? Le pouvoir constituant jouit-il d'un
<< droit de repentir)>? Peut-il faire preuve de plus d'audace encore?
Ou bien épuise-t-il, en une fois, la compétence qui lui a été attri-
buée?
C'est <<sur les points soumis à révision)> que les Chambres consti-
tuantes sont appelées à statuer de commun accord avec le roi ... Les
<<points)> peuvent évidemment s'entendre des <<numéros)> d'articles
LES CARACTÈRES DE LA CONSTITUTION 83
(55) Voy. A. ALEN et F. MEERSSCHAUT, op. cit., p. 261; M. VAN DER HULST, <<De nieuwe wet-
gevings-procedures in de praktijk over mengen en spiitsen <>, T.B.P., 1987, p. 589; H. SIMONART,
«La coordination de la Constitution belge», R.B.D.C., 1995, p. 133; F. TuLKENS, «L'accessibilité
du texte constitutionnel : l'enjeu de la renumérotation », A.P.T., 1994, p. 115; F. DELPÉRÉE,
« Constitution et codification », in L'Etat de droit. Mélanges offerts à Guy Braibant, Paris, Dalloz,
1996, p. 135.
84 LA CONSTITUTION
BIBLIOGRAPHIE
(B), celui qui s'impose aux autorités qui agissent au niveau fédéral
et à celles qui interviennent au niveau fédéré. Elle s'appuie encore
sur un partage complémentaire de responsabilités (C), celui qui se
manifeste entre les autorités qui agissent de manière générale et
celles qui œuvrent au plan local.
La Constitution prescrit, en second lieu, un mode d'exercice des
responsabilités publiques (§ 2). Comme le précise l'adage, <<les pou-
voirs sont d'attribution)). Les responsabilités confiées à une autorité
publique ne sauraient être assumées que par elle (A). Sauf disposi-
tion expresse en sens contraire, elles ne peuvent faire l'objet ni de
délégation (B), ni de transfert (C).
(1) F. DELPÉRÉE, «La Constitution et la règle de droit», Ann. D. Lv., 1972, pp. 187 s.; In.,
«La Constitution, la loi, le décret et l'ordonnance>>, J. T., 1990, p. 104; F. L~'URQUIN-DE VIs-
SCHER, op. cit., p. 197.
(2) A l'occasion de la contestation d'un règlement, la question peut se poser de savoir si la
loi- dont il est censé procurer exécution- n'est pas elle-même entachée d'inconstitutionnalité.
Il revient au juge de poser- à titre préjudiciel- une telle question à la Cour d'arbitrage, pour
autant que le litige soit de ceux qui sont visés par l'article 142 de la Constitution.
90 LA CONSTITUTION
sujet primitif de tous les pouvoirs; elle les détient mais peut aussi
en déléguer, par sa Constitution, l'exercice à des individus ou des
autorités qui, pour son compte, en deviennent les titulaires effectifs.
La Constitution belge qui s'inspire manifestement de pareille dis-
position pour proclamer que <c tous les pouvoirs émanent de la
Nation>> (art. 33) ne reprend, cependant, à son compte ni l'expres-
sion, ni l'idée de la délégation. Elle se contente d'affirmer qu'<c ils
(les pouvoirs) sont exercés de la manière établie par la Constitu-
tion>> (art. 33, al. 2). De là, l'idée qu'en droit belge les pouvoirs ne
sont pas délégués mais attribués (5). La doctrine accrédite cette
idée : <c les pouvoirs sont d'attribution >>.
Pourquoi l'octroi de fonctions constitutionnelles ne peut-il s'ana-
lyser en termes de <c délégation >> ? Délégation suppose possession
puis transfert d'un droit, d'une compétence ou d'une fonction. Or la
Constitution ne possède aucune responsabilité particulière. Elle
n'est pas en mesure de les transférer à des autorités constituées. Elle
n'est pas non plus habilitée à les reprendre pour les exercer elle-
même. La Constitution se borne à jouer le rôle de créateur des pou-
voirs. Elle les institue et les organise, sans plus.
La Constitution est règle supérieure et la position prééminente qui lui est ainsi
reconnue la place hors d'atteinte de l'action des pouvoirs constitués. Mais il ne
lui appartient pas, pour autant, de posséder des attributions particulières -
hormis celle d'instituer les pouvoirs - qu'elle exercerait elle-même ou dont elle
déléguerait plutôt l'exercice à tel ou tel pouvoir constitué. Comme l'écrit avec
pertinence R. CARRÉ DE MALBERG (6), «de ce que les pouvoirs constitués par la
Nation exercent leur pouvoir en vertu d'un acte primaire de volonté nationale,
il ne faut pas vouloir en déduire qu'ils l'exercent aussi en qualité de mandataires
et de représentants, délégués par la Nation>>.
(5) Une tout autre question est celle de savoir si les compétences attribuées par la Constitu-
tion à une autorité publique peuvent être déléguées à une autre autorité (n° 73).
(6) R CARRÉ DE MALBERG, op. cit., t. Il, p. 301.
LE RESPECT DÛ À LA CONSTITUTION 93
(7) F. DELPÉRÉE et A. RAssoN-ROLAND, <<La Cour d'arbitrage de Belgique», Ann. int. just.
const., 1991, p. 415.
96 LA CONSTITUTION
tracée depuis près de dix ans (A). Une jurisprudence fournie est
d'ores et déjà à mettre à son actif (B). Le mouvement est-il achevé?
Les perspectives d'avenir restent à tracer (C).
<<Dans l'univers institutionnel, l'apparition d'une autorité - plus encore
d'une juridiction- nouvelle n'est qu'exceptionnellement le fruit du hasard, ou
le produit d'une génération spontanée. Sans doute faut-il réserver l'hypothèse de
ces institutions qui, bénéficiant d'un concours heureux de circonstances, s'inscri-
vent un jour dans un système politique donné et ass<;>ient progressivement leur
existence sur fond de pratiques, voire de coutumes. Cette situation reste néan-
moins marginale. Un système constitutionnel complexe comme celui de la Bel-
gique instaure de savants équilibres que pourrait compromettre l'irruption invo-
lontaire de nouvelles autorités. Si celles-ci doivent voir le jour, ce sera au terme
d'évolutions et d'expérimentations qui permettront d'avancer à pas mesurés
vers la solution escomptée >> (F. DELPÉRÉE et F. TULKENS, << La création de la
Cour d'arbitrage>>, in La Cour d'arbitrage. Actualité et perspectives, Bruxelles,
Bruylant, 1998, p. 15).
qui leur sont équivalentes. Ils ne peuvent refuser d'en appliquer les dispositions,
même celles dont l'inconstitutionnalité serait manifeste.
(10) Ce contrôle est pour partie tenu en échec lorsque la violation de la Constitution est le
fait d'une règle du niveau de la loi dont le règlement ne fait alors que procurer exécution.
(11) Dans la pratique, note Charles HuBERLANT, les cours et tribunaux ont surtout l'occasion
d'user du pouvoir que leur confère l'article 159 lorsqu'ils sont saisis de poursuites répressives,
d'actions civiles en responsabilité dirigées contre des personnes de droit public ou de recours
organises par des lois particulières contre des actes administratifs déterminés («Le contrôle des
actes administratifs par les cours et tribunaux en Belgique », Rapports belges au IX' Congrès
international de droit comparé, Bruxelles, 1974, p. 466).
LE RESPECT DÛ À LA CONSTITUTION 99
(12) J. MASQUELIN et C. LAMBOTTE, «De la section de législation», Les Novelles, Droit admi-
nistratif, t. VI, «Le Conseil d'Etat» (sous la direction de M. SoMERHAUSEN et F.M. REM ION),
pp. 95 s.; P. DE VISSCHER et Y. LEJEUNE, «La prévention des conflits de compétence», A.P. T.,
1979-1980, p. 70; P. NIHOUL, <• La loi du 25 mai 1999 modifiant les lois sur le Conseil d'Etat •>,
J. T., 2000, p. 356.
(13) F. DELPÉRÉE, «La Constitution et le Conseil d'Etat en Belgique», E.D.C.E., 1995,
p. 173; J. VELAERS, De Grondwet en de Raad van State, Afdeling wetgeving, Antwerpen, Maklu,
1999.
(14) F. DELPÉRÉE et S. DEPRÉ, Le système connstitutionnel de la Belgique ... , n" 404.
( 15) La mission première du Conseil d'Etat réside dans le contrôle de la constitutionnalité des
textes qui lui sont soumis. Mais d'autres vérifications s'opèrent à cette occasion : la forme, la pro-
cédure, la langue, la concordance avec le droit existant ...
(16) Ch. EISENMANN, «Le contrôle juridictionnel des lois en France», in Actualité du contrôle
juridictionnel des lois ... , p. 84.
(17) Comme l'écrit F. DuMON (op. cit., p. 636), en se référant à Cass., 27 mai 1971 (Arr. Cass.,
1971, p. 959, concl. W.J. GANSHOF VAN DER MEERSCH),« de wet die een internationaal verdrag
goedkeurt beperkt zich ertoe uitwerking te verlenen aan de rechtsregels van het internationaal
verdrag en ze in het nationaal positief recht op te nemen. Dergelijke wet voert geen enkele recht-
norm in. De normen zijn neergelegd in het internationaal verdrag dat goedgekeurd werd ».
100 LA CONSTITUTION
mis à approbation. De même, il n'est pas douteux que c'est parce que les accords
de coopération entre l'Etat fédéral, les communautés et les régions prévus à l'ar-
ticle 92bis de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles sont
appelés, après avoir été approuvés, le cas échéant, par les pouvoirs législatifs
compétents, à s'intégrer à l'ordre juridique de l'Etat fédéral, de la communauté
et de la région qui les ont conclus, que le Conseil d'Etat, section de législation,
n'a jamais limité son examen aux seuls avant-projets de loi, de décret ou d'or-
donnance qui en portent l'approbation, mais l'a étendu aux accords eux-mêmes
(R. ANDERSEN et M. VAN DAMME, «La section de législation du Conseil d'Etat>),
in Conseil d'Etat. Liber memorialis1948-1998, Gent, Mys & Breesch, 1999, p. 90).
Une vérification particulière s'impose depuis 1971. Si le gouverne-
ment - fédéral, communautaire ou régional - invoque l'urgence
pour se dispenser de l'avis du Conseil d'Etat, cet avis est néanmoins
requis. Il porte alors sur le point de savoir si le projet de texte a
pour objet des matières qui relèvent, selon le cas, de la compétence
de l'Etat fédéral, de la communauté ou de la région (1. coord., art. 3,
§ 2).
S'il y a, de l'avis du Conseil d'État, excès de compétence, le pro-
jet est transmis à un comité de concertation composé de représen-
tants des gouvernements fédéral et fédérés. Si le comité partage
l'avis du Conseil d'Etat, il lui revient de demander au gouverne-
ment compétent de corriger ou d'amender son projet.
Une autre vérification s'impose depuis 1993. Le texte va-t-il être
déposé devant l'assemblée parlementaire ad hoc? Se présente-t-il
comme un texte de loi monocamérale ou bicamérale (18)? Les
régimes juridiques applicables à ces diverses lois fédérales sont pré-
vus aux articles 74, 77 et 78 de la Constitution. Il convient que l'au-
teur du projet identifie d'emblée la matière qui va faire l'objet
d'une intervention législative et choisisse en conséquence la procé-
dure pertinente. Comme l'a souligné l'assemblée générale du Conseil
d'Etat, le 10 octobre 1995, dans son avis L. 24.111/A.G., chaque
projet de loi fédérale doit désormais être muni d'<< une disposition
initiale ou finale)) qui indique <<quelle est, conformément à l'ar-
( 18) Les lois en projet se répartissent, en effet, selon leur objet en trois catégories. Même si
elles sont destinées à recevoir même valeur juridique, leur mode d'élaboration est distinct. Il y
a des lois monocamérales qui ne sont examinées que par la Chambre des représentants. Il y a
des lois bicamérales intégrales qui doivent faire l'objet d'un examen successif dans l'une et l'autre
Chambres, et sans que l'une ne soit en mesure d'imposer sa volonté à la seconde. Il y a, surtout,
des lois virtuellement bicamérales : elles sont examinées par la Chambre des représentants mais
ne sont transmises pour d'éventuels amendements au Sénat que si quinze sénateurs le réclament
dans un délai de quinze jours; les amendements déposés par le Sénat sont ensuite examinés par
les députés; ceux-ci adoptent ensuite, définitivement, et sans concertation avec les sénateurs, le
projet de loi en question.
LE RESPECT DÛ À LA CONSTITUTION 101
(19) Certains avis sont méconnus de manière désinvolte. Parfois même le gouvernement
entend manifester son mécontentement à l'égard de son conseiller juridique. Ille fait de manière
discrète ou plus spectaculaire. Il provoque, par exemple, la réunion d'une commission d'experts
pour obtenir un autre avis qui, faut-il s'en étonner 1, contredit en tous points celui du Conseil
d'Etat. Fort de ce second avis, l'auteur du projet répond alors dans l'exposé des motifs aux
objections soulevées par le Conseil d'Etat.
102 LA CONSTITUTION
(20) Le président du conseil est tenu de demander cet avis lorsqu'un tiers au moins des
membres en font la demande.
(21) La même solution vaut, depuis 1996, pour le président du collège de la Commission com-
munautaire française et pour celui du collège réuni de la Commission communautaire commune.
(22) M. LEROY, Les règlements et leurs juges, Bruxelles, Bruylant, 1987, p. 30; A. CELARD, Le
partage du pouvoir réglementaire de l'Etat, th. Lille, 1995, t. l'"', p. 40.
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
(25) Cass., 27 mai 1971, Etat belge c. S.A. Fromagerie Franco-Suisse Le Ski, J.T., 1971,
p. 460; J. SALMON,'' Le conflit entre le traité international et la loi interne en Belgique à la suite
de l'arrêt rendu Je 27 mai 1971 par la Cour de cassation>>, J.T., 1971, pp. 509 s.
LE RESPECT DÛ À LA CONSTITUTION 105
(26) Cass., 3 mai 1974, conclusions W.J. GANSHOF VAN DER MEERSCH, J.T., 1974, pp. 564 S.,
note A. VANWELKENHUYZEN. Sur les évolutions ultérieure, voy. F. DELPÉRÉE, «La conformité de
la loi à la Constitution ••, R.C.J.B., 1977, p. 450.
(27) L'arrêt du 3 mai 1974 a, sur le moment, provoqué une vive réaction des milieux politi·
ques. Elle a pris la forme d'une proposition de loi - votée uniquement au Sénat - qui précisait
ni plus ni moins que «les cours et tribunaux ne sont pas juges de la constitutionnalité des lois
et des décrets». Elle entendait, sous couvert d'interprétation authentique de la règle constitu·
tionnelle, affirmer la prérogative du seul pouvoir législatif de vérifier la conformité de son œuvre
à la Constitution. Mais la constitutionnalité de la proposition laissait elle-même à désirer ... Ne
106 LA CONSTITUTION
faut-il pas, en effet, réserver au pouvoir constituant la possibilité de donner une interprétation
d'autorité de la Constitution? Voy. F. DELPÉRÉE, "Au nom de la loi», J.T., 1975, p. 489.
(28) P. DE VISSCHER et F. DELPF.RF.E, op. cit., p. 241; adde : F. DELPÉRÉE et F. TULKENS,
« La création de la Cour d'arbitrage », in La Cour d'arbitrage. Actualité et perspectives, Bruxelles,
Bruylant, 1989, p. 15.
LE RESPECT DÛ À LA CONSTITUTION 107
A. - La justice constitutionnelle
87. - Comme le veut l'article 142 de la Constitution (29), la jus-
tice constitutionnelle est rendue par la Cour d'arbitrage. Elle
détient cette fonction en monopole.
La Cour d'arbitrage naît au moment même où l'Etat belge se res-
tructure. Elle reçoit pour mission originelle de préserver les équi-
libres entre l'Etat fédéral, les communautés et les régions. Dès ses
premiers arrêts, elle contribue à mieux dessiner les contours du fédé-
ralisme belge. Au moment où le mouvement fédéraliste trouve de
nouvelles concrétisations - notamment à la faveur de la commu-
nautarisation de l'enseignement - , elle reçoit des attributions plus
étendues. Elle inscrit une part essentielle de son action dans une
perspective précise : donner corps aux principes constitutionnels qui
président au partage des pouvoirs et des moyens, assurer leur adap-
tation aux réalités politiques du moment, censurer les excès de pou-
voir constitutionnels. Elle prolonge cette action dans une perspec-
tive plus large : protéger les droits fondamentaux, prévenir les dis-
criminations, assurer en toutes choses l'égalité entre les Belges mais
aussi entre les étrangers.
Par son organisation comme par son action, la Cour d'arbitrage
transcende le clivage fédéral-fédéré. Elle n'agit pour le compte ni de
l'un, ni de l'autre. Elle a charge de faire respecter le pacte fédératif.
88. - La Cour se compose de douze juges qui sont nommés à vie
et dont le statut s'apparente, pour l'essentiel, à celui dont bénéfi-
cient les magistrats de la Cour de cassation et du Conseil d'Etat.
C'est le roi qui les nomme (30).
Les pouvoirs du roi ne sont pas discrétionnaires. Un juge à la Cour d'arbitrage
est désigné sur une liste de deux noms qui aura été, au préalable, établie alterna-
tivement par la Chambre des représentants et par le Sénat. L'intervention de ces
(29) L'article 142 de la Constitution prévoit qu'« il y a, pour toute la Belgique, une Cour d'ar-
bitrage ... ». Cette disposition, insérée le 29 juillet 1980, a été modifiée le 15 juillet 1988. Une loi
ordinaire du 28 juin 1983, puis une loi spéciale du 6 janvier 1989 établissent la composition et
les attributions de la Cour. Sur l'ensemble de la question, voy. F. DELPÉR~:E et A. RASSON-
RoLANil, La Cour d'arbitrage, Bruxelles, Larcier, 1997; des mêmes auteurs, ''La Cour d'arbitrage
de Belgique», cité, p. 68.
(30) Voy. F. DELPÉRÉE, «Réflexions sur la justice constitutionnelle, au départ de l'expérience
belge>>, in La Cour suprême du Canada -- éd. G. BEAUDOIN - , 1986, p. 313.
108 LA CONSTITUTION
corps politiques a pour but de donner aux juges et, par là même, à la Cour une
légitimation démocratique. L'assemblée est amenée à se prononcer à la majorité
des deux tiers - les candidats doivent avoir la confiance de la majorité, mais
aussi celle de l'opposition; ils ont l'appui d'une communauté, mais ils doivent
aussi être acceptés par l'autre - .
La Cour d'arbitrage présente une particularité. Six des douze
juges sont d'expression française (et forment, à ce titre, le groupe
linguistique français de la Cour}; les six autres sont d'expression
néerlandaise (et composent le groupe linguistique néerlandais) (31).
Chaque groupe désigne un président.
La parité est l'un des principes essentiels d'organisation de la
Cour d'arbitrage. Comme on l'a souligné, elle ne peut être assimilée
à une disposition sur l'emploi des langues dans une institution de
justice. Elle ne doit pas donner à penser que la Cour siège en
chambres distinctes- francophones et flamandes- . Elle part, au
contraire, de l'idée éminemment fédérative que des juges relevant
de groupes linguistiques différents vont travailler ensemble dans de
mêmes formations et rendre la justice constitutionnelle en commun.
En même temps, elle entend apaiser les craintes de l'une et l'autre
des communautés les plus importantes. La Cour d'arbitrage est mise
à l'abri des critiques que pourrait lui valoir une composition désé-
quilibrée.
Dans chaque groupe linguistique, trois juges doivent avoir été
magistrat pendant cinq ans à la Cour de cassation ou au Conseil
d'Etat ou avoir enseigné, pour la même durée, le droit dans une uni-
versité belge : les trois autres doivent avoir appartenu, pendant
cinq ans, à la Chambre des représentants, au Sénat ou à un parle-
ment de communauté ou de région (art. 34, § 1er) (32).
La présence de six anciens parlementaires au sein d'une Cour de
douze juges n'a pas manqué de provoquer une réelle émotion. L'es-
prit de parti n'allait-il pas s'introduire dans le fonctionnement de la
(31) Le recours au principe de parité linguistique se comprend aisément. Il n'est pas sans sus-
citer des difficultés techniques : comment départager deux groupes qui, par hypothèse, reste-
raient antagonistes? Pour lever cet obstacle, il est prévu que la Cour siège, en principe, en forma-
tion de sept membres - ce qui devrait permettre, en toute circonstance, de dégager une majo-
rité - : trois juges d'expression française, trois d'expression néerlandaise et le président (1. sp.,
art. 55, § 1"') (n" 90). Pour éviter toute contestation, deux présidents sont institués. Ils appar-
tiennent à l'un et à l'autre groupe linguistique et sont choisis par les membres de ces groupes
(art. 33).
(32) Il va sans dire que la qualité de juge profite à l'ensemble de ceux qui sont nommés
membres de la Cour d'arbitrage. Il n'y a pas deux qualités de membres. Tous sont appelés à
rendre, de manière indépendante, la justice constitutionnelle.
LE RESPECT DÛ À LA CONSTITUTION 109
tence de la Cour>> (art. 71, al. 1er), <<la chambre restreinte peut ...
décider, à l'unanimité des voix, de mettre fin à l'examen de l'affaire,
sans autre acte de procédure>> (art. 71, al. 3) (33).
91. - La Cour d'arbitrage est une Cour constitutionnelle spécia-
lisée. Elle connaît, aux termes mêmes de l'article 142 de la Constitu-
tion, de deux contentieux distincts.
Elle statue sur les << conflits >> entre lois, décrets et ordonnances,
soit sur les excès de pouvoir - plus exactement, les excès de compé-
tence - qui sont le fait du pouvoir législatif - au niveau fédéral,
communautaire ou régional-.
Elle se prononce également sur la violation par ces mêmes auto-
rités législatives des principes de l'égalité (Const., art. lü) (34) et de
la non-discrimination (art. 11), ainsi que des règles constitutionnelles
en matière d'enseignement (art. 24).
Dans le domaine particulier de l'enseignement et eu égard aux
principes et règles qu'énonce en la matière la Constitution, la Cour
d'arbitrage est investie d'une fonction spécifique qui l'amène à sor-
tir de ses tâches traditionnelles. Elle vérifie si la répartition des
compétences entre le pouvoir législatif - fédéral ou communau-
taire- et le pouvoir exécutif- de même provenance- est scrupu-
leusement respectée (C.A., no 9/90, 7 février 1990; no 33/92, 7 mai
1992; no 45/94, 1er juin 1994) (35).
A la faveur d'autres contrôles- et, dans ces cas, sans réelle habi-
litation constitutionnelle-, la Cour d'arbitrage peut également être
tentée de veiller au partage des responsabilités entre les autorités
législatives et gouvernementales- que ce soit au plan fédéral, com-
munautaire ou régional - (36).
92. - La Cour d'arbitrage ne statue pas d'office. Pour exercer
l'une ou l'autre de ses missions, elle doit être saisie. Selon l'ar-
ticle 142, alinéa 3, de la Constitution, <<la Cour peut être saisie par
toute autorité que la loi désigne, par toute personne justifiant d'un
intérêt ou, à titre préjudiciel, par toute juridiction )). La loi spéciale
du 6 janvier 1989 précise, en ses articles 2 et suivants, la manière
d'introduire ces recours.
93. - Le premier recours est le recours en annulation (art. 9 à 18).
Il peut être introduit par une autorité publique. Selon l'article 142
de la Constitution, il y a lieu de compter, au nombre des requérants,
les autorités qu'une loi spéciale désigne. L'article 2 de la loi spéciale
du 6 janvier 1989 indique quels sont ces requérants privilégiés. Il
s'agit d'autorités exécutives - le conseil des ministres, le gouverne-
ment flamand, le gouvernement de la Communauté française, le
gouvernement de la Région wallonne, le gouvernement de la Com-
munauté germanophone, le gouvernement de la Région de
Bruxelles-Capitale, le collège réuni de la Commission communau-
taire commune et le collège de la Commission communautaire fran-
çaise - . Il s'agit aussi d'autorités parlementaires - à savoir les
neuf présidents d'assemblée législative (fédérale, communautaire ou
régionale), pour autant que deux tiers des membres de l'assemblée
le requièrent (37) - .
Le recours peut également être introduit à l'initiative d'un parti-
culier - personne physique ou morale - qui justifie d'un intérêt
pour agir (38).
Il s'agit d'un recours abstrait formé contre une règle de droit qui
est entrée en vigueur, sans que les requérant n'aient à faire état des
difficultés concrètes que la règle incriminée aurait pu susciter.
Il s'agit d'un recours direct qui vise à obtenir de la Cour l'annula-
tion en tout ou en partie d'une loi fédérale, d'un décret ou d'une
ordonnance, sans que les requérants n'aient à mettre en œuvre
d'autres procédures ou à saisir d'autres juridictions.
(39) F. TuLKENS, «La procédure de suspension devant la Cour d'arbitrage (1989-1990) », J.T.,
1991, p. 305; L.-P. SuETENS, • De vordering tot schorsing voor het Arbitragehoh, in Présence du
droit public et des droits de l'homme ... , p. 385; J.-C. ScHOLSEM, • Les demandes de suspension
devant la Cour d'arbitrage», Act. dr., 1992, p. 1035.
LE RESPECT DÛ À LA CONSTITUTION 113
(40) La Cour considère parfois que cet examen n'est pas nécessaire parce que la demande doit ·
être rejetée quant au fond (n" 81/92, du 23 décembre 1992).
(41) C.A., n" 14/90, 22 mars 1990; n" 27/90 et n" 28/90, 14 juillet 1990; n" 32/90, 24 octobre
1990; n" 6/91, 26 mars 1991; n" 29/91, 24 octobre 1991; n" 1/92, 9 janvier 1992 et n" 22/92,
19 mars 1992.
(42) C.A., n" 26/94, 22 mars 1994.
(43) C.A., n" 2, 5 avril 1985; n" 21/89, 13 juillet 1989; n" 20/92, 12 mars 1992; n" 60/92 du
8 octobre 1992 et n" 30/93, 1,., avril 1993.
(44) P. BoUCQUEY, <<Qui peut poser une question préjudicielle à la Cour d'arbitrage>>,
R.B.D.C., 1997, p. 139.
(45) A. RASSON·ROLAND, «La question préjudicielle» ... , p. 37.
114 LA CONSTITUTION
(46) Sur la critique de ce régime et sur les solutions proposées, voy. F. DELPÉRÉE et A. RAs-
soN-ROJ,AND, op. cit., n" 35 s. Adde : R. ANDERSEN, P. NIHOUL et S. DEPRÉ, «La Cour d'arbi-
trage et le Conseil d'Etat» ... , p. 163.
(47) A. RASSON-ROLAND, <<La question préjudicielle» ... , p. 37; M. VERDUSSEN, «Les atouts
et les limites du renvoi préjudiciel à la Cour d'arbitrage», in La saisine du juge constitutionnel
p. 175.
(48) Ce régime distinct n'existait pas sous l'empire de la loi du 28 juin 1983.
LE RESPECT DÛ À LA CONSTITUTION 115
(49) Pour un aperçu très complet de la jurisprudence du Conseil d'Etat quant au renvoi pré-
judiciel à la Cour d'arbitrage, voy. R. ANDERSEN, P. NIHOUL et S. DEPRÉ, op. cit., pp. 163-173.
(50) Voy., par ex., Cass., 5 février 1990, Pas., 1, p. 654.
(51) L'arrêt est revêtu d'une<< autorité absolue de chose jugée •>, à partir de sa publication au
Moniteur belge.
(52) L'arrêt est revêtu d'une autorité relative renforcée de chose jugée (F. DELPÉRÉE et
A. RASSON-ROLAND, Recueil d'études ... , p. 51).
116 LA CONSTITUTION
serait manifestement régulière. L'existence d'un tel arrêt prive, en effet, tout
juge quel qu'il soit, de la possibilité de considérer que la régularité de cette dis-
position ne constitue point une question véritable. Le juge n'est toutefois pas lié
par un tel arrêt. Il est simplement placé devant l'alternative suivante : soit il
se conforme à l'arrêt précédent, ce qui signifie concrètement qu'il refuse d'appli-
quer la disposition au litige dont il est saisi, soit il interroge à nouveau la Cour
d'arbitrage à propos de la régularité de cette disposition~ (H. SrMONART, La
Cour d'arbitrage. Une étape dans le contrôle de la constitutionnalité de la loi,
Bruxelles, Story Scientia, 1988, p. 257, cité par J. VAN CoMPERNOLLE et M. VER-
DUSSEN, << La guerre des juges aura-t-elle lieu 1 A propos de l'autorité des arrêts
préjudiciels de la Cour d'arbitrage>>, J.T., 2000, p. 303).
B. - La jurisprudence constitutionnelle
98. - La Cour d'arbitrage remplit ses fonctions depuis quinze
ans (54). Elle rend, chaque année, une centaine d'arrêts qui sont
rendus, pour moitié, sur recours en annulation, et pour l'autre moi-
tié sur question préjudicielle (55). Une jurisprudence étoffée voit le
jour (56).
Le juge constitutionnel exerce ainsi une fonction régulatrice. Il
ordonne l'activité des pouvoirs publics en assurant une meilleure
répartition des attributions entre l'Etat fédéral, les communautés et
les régions. Il concilie les droits et libertés qui reviennent à chacun
dans la société politique.
(53) E. KRINGS, «Propos sur les effets des arrêts rendus par la Cour d'arbitrage», J. T., 1985,
p. 580; M.-F. RwAux, <<L'effet rétroactif des arrêts d'annulation rendus par la Cour d'arbitrage
et les effets de la norme annulée», J.T., 1986, p. 589 et B. LoMBAERT, «Les techniques d'arrêt
de la Cour d'arbitrage>>, R.B.D.C., 1996, n" 3, p. 317.
(54) F. DELPÉRÉE, «Crise du juge et contentieux constitutionnel en droit belge>>, in La crise
du juge (éd. J. LENOBLE), Paris, L.G.D.J., 1990, p. 47.
(55) R. LEYSEN, B. PATY et A. RASSON-ROLAND, «Un cap est franchi : le millième arrêt de
la Cour d'arbitrage>>, R.B.D.C., 2000, p. 3.
(56) F. LEURQUIN-DE VISSCHER, «Principes généraux et principes fondamentaux dans la
jurisprudence de la Cour d'arbitrage>>, Ann. D. Lv., 1996, p. 275.
LE RESPECT DÛ À LA CONSTITUTION 117
cédé, si elle n'est pas négligeable, ne s'érode-t-elle pas dès que l'en-
semble des règles de droit ne sont pas assujetties à contrôle et que
le barrage ne fait pas définitivement obstacle à tout texte inconsti-
tutionnel?
Le droit belge n'ignore pas non plus les contrôles répressifs. Ils ont
pour eux l'avantage de l'impartialité. La présence d'un barrage en
aval vise à expulser de l'ordre juridique une règle qui y serait péné-
trée en fraude ou, tout au moins, à paralyser l'application de cette
règle de droit. Un débat plus juridique que politique permet, à la
lumière de l'expérience, une confrontation objective de la règle
incriminée avec la règle constitutionnelle. La tâche naturelle et quo-
tidienne du juge est de trancher pareils conflits - conflits de règles
dans le temps ou dans l'espace, ou contentieux de la légalité-; les
particularités de son statut comme les modalités de la procédure
qu'il a adoptée n'en font-ils pas l'arbitre naturel de pareilles diffi-
cultés?
Le droit belge connaît des contrôles par voie d'action. Ils ont pour
eux l'avantage de la simplicité. Avant même qu'un litige particulier
ne soit né, une procédure simple, directe et énergique permet de
déférer à censure un acte, d'obtenir son annulation ou, tout au
moins, son amendement. La simplicité de la procédure va de pair
avec l'unicité de l'organe qui est appelé à connaître du contentieux
constitutionnel. L'objectif poursuivi est de localiser cette forme de
contentieux, de lui apporter des limites dans le temps comme dans
l'espace, de le voir engendrer une jurisprudence uniforme, pour que,
selon l'expression de G. BuRDEAU (57), il n'y ait, dans l'Etat, à un
moment donné qu'une seule vérité constitutionnelle. La Cour d'ar-
bitrage pourvoit à cet office.
Le droit belge connaît aussi des contrôles par voie incidente. Ils
ont pour eux l'avantage de la discrétion. Intervenant à l'occasion
d'un litige en cours, ils ménagent la susceptibilité de l'auteur de la
règle contestée. La question de constitutionnalité est soulevée de
manière accidentelle; le contrôle est exercé sans ostentation; la
sanction se traduit au maximum par un refus d'appliquer en l'es-
pèce la règle inconstitutionnelle; la décision rendue est affectée de
la relativité de la chose jugée.
Le droit belge n'ignore pas non plus les contrôles spécialisés. Mis
en œuvre par la Cour d'arbitrage, ils se limitent, à vérifier la consti-
tutionnalité des lois, décrets et ordonnances. Ils cherchent à préser-
ver les règles de compétence ratione materiae et ratione loci qui com-
mandent l'action des autorités publiques, ainsi que les droits et
libertés inscrits aux articles 10, 11 et 24 de la Constitution.
BIBLIOGRAPHIE
Les citoyens
101. - Dans un deuxième livre, on analyse le statut du citoyen
au sein de l'Etat belge.
Pour ce faire, il faut indiquer qui, dans la population - de près
de dix millions d'habitants - , a la qualité de citoyen. Ce qui conduit
à s'interroger sur les principes et les conséquences de la distinction
entre Belges et étrangers.
Il faut ensuite s'interroger sur les droits du citoyen. Quel est le
principe et quelles sont les modalités de la participation des indivi-
dus à la gestion des affaires publiques- dans l'Etat fédéral, les col-
lectivités fédérées et les collectivités locales -?
La question essentielle des droits de l'homme mérite aussi d'être
examinée. Car le citoyen n'est pas seulement appelé à remplir des
fonctions politiques. Il peut trouver dans la société un terrain
approprié pour l'exercice de ses libertés. Ce qui n'est pas sans soule-
ver la question des garanties que la société politique peut offrir pour
assurer la protection et la promotion des droits de l'homme.
CHAPITRE PREMIER
LA QUALITÉ DE CITOYEN
( 1) Sous des formulations diverses, les Constitutions des Etats européens contiennent des
prescriptions du même ordre. Sur ce sujet, F. DELPÉRÉE, Les droits politiques des étrangers, Paris,
P.U.F., 1994, p. 66.
(2) Alors que la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamen-
tales proclame, dans son article 10, la liberté d'expression pour tous, y compris en matière politi-
que, elle ne peut s'empêcher de préciser, dans son article 16, que des restrictions pourront être
apportées à « l'activité politique des étrangers », notamment lorsqu'elle implique leur participa-
tion au pouvoir de décision dans l'Etat. Sur l'interprétation stricte qu'il convient de donner à
cette expression, J. VELU et R. ERGEC, La Convention européenne des droits de l'homme, Bruxelles,
Bruylant, 1990, no 205.
(3) Les Belges ne participent pas également, ni en fait, ni en droit, au fonctionnement du sys-
tème politique. Ils ne sont pas tous associés de la même manière à l'exercice des droits politiques.
Ils ne bénéficient pas tous dans la même mesure des libertés publiques. La nationalité est une
condition nécessaire, mais jamais suffisante, de la qualité de citoyen.
LA QUALITÉ DE CITOYEN 127
(4) Avant 1993, les personnes acquérant la nationalité par mariage on par naturalisation ordi-
naire ne bénéficiaient pas de tous les droits politiques qui étaient reconnus aux « Belges de nais-
sance '· Cette distinction est actuellement abolie.
128 LES CITOYENS
(5) Les règles relatives à la nationalité s'inspirent plus de l'intérêt de l'Etat que de l'intérêt
des personnes. Le but recherché est de faciliter l'intégration des étrangers au sein de la société.
Voy. B. RENAULD, ''La naturalisation est accordée par le pouvoir législatif fédéral», R.B.D.C.,
1997, p. 249.
LA QUALITÉ DE CITOYEN 129
A. - L'attribution de la nationalité
108. - Selon l'article 1er du Code de la nationalité belge, l'ob-
tention de la nationalité s'appelle attribution lorsqu'elle n'est pas
(6) La société internationale peut aussi prendre des dispositions particulières en matière de
nationalité. A l'issue d'un conflit, elle précisera, par exemple, les conséquences d'un changement
de frontières sur la nationalité des habitants du territoire cédé. Le traité de Versailles précise
ainsi que les ressortissants allemands, établis au 20 septembre 1920 dans les territoires cédés à
la Belgique et qui justifient d'un établissement ininterrompu depuis une date antérieure au
1 ,., avril 1914, deviennent belges (art. 36).
130 LES CITOYENS
(7) Telle est l'innovation majeure. La transmission de la nationalité à l'enfant se fait égale-
ment par chacun de ses auteurs. En cas de mariage mixte, la solution retenue multiplie les cas
de bipatridie.
(8) M. VERWILGHEN, Code de la nationalité belge, 1985, n" 477.
(9) Doc. Pari., Chambre, sess. 1983-1984, 756, n" 1, pp. 19 et 20.
LA QUALITÉ DE CITOYEN 131
(lO) Le principe du jus sanguinis vaut quel que soit le mode de filiation entre !"enfant et son
auteur : les filiations légitime, naturelle et adoptive (quelle que soit d'ailleurs la forme d'ad op·
tion) (art. 9) bénéficient d'une régime identique.
(Il) Au sens que procurait à cette expression !"article 76 de la loi du 10 mars 1925 organique
de l'assistance publique.
132 LES CITOYENS
que les parents aient résidé en Belgique durant les dix années qui
précèdent la déclaration et que l'enfant y ait, pour sa part, résidé
depuis sa naissance (Code, art. llbis, §PT La déclaration est faite
devant l'officier de l'état civil de la résidence principale de l'enfant.
Elle est communiquée au parquet du tribunal de première instance
du ressort. Le procureur du Roi en accuse réception sans délai. Il
<< peut s'opposer à l'attribution de nationalité, dans les deux mois
B. - L'acquisition de la nationalité
113. - A la différence de l'attribution, l'acquisition de nationa-
lité postule une démarche volontaire de l'étranger qui aspire à deve-
nir belge. Trois techniques sont envisageables. La Constitution pré-
voit une procédure particulière d'obtention de la nationalité - la
naturalisation - . Le code de la nationalité, lui, envisage l'option
LA QUALITÉ DE CITOYEN 133
(12) Le Code de la nationalité prévoit une autre manière d'acquérir la nationalité. Il s'agit
de l'acquisition en raison de la possession d'état de Belge (art. 17). Ce mode d'acquisition consiste
en un droit d'option offert à toute personne dont la qualité de Belge est contestée alors que celle-
ci a joui de façon constante de la possession d'état de Belge pendant au moins dix ans (Rép. Not.,
Matières diverses, t. II, p. 127).
(13) B. RENAULD, op. cit., p. 249. Voy. égal. J.-C. B. MUBERUKA et B. CHAPAUX, «La natura-
lisation dans le droit belge de la nationalité», R.D.E., 1998, n° 97, p. 14.
(14) «La Cour d'arbitrage et les lois de naturalisation, note sous C.A., 24 juin 1998 », R.D.E.,
1998, p. 320.
134 LES CITOYENS
(15) Seuls les enfants sur lesquels la personne qui obtient la naturalisation exerce l'autorité
et qui sont âgés de moins de 18 ans et non émancipés, se verront attribuer la nationalité belge.
Le conjoint et ses enfants de plus de dix-huit ans pourront acquérir la nationalité belge pour
autant qu'ils remplissent les conditions exigées respectivement par les articles 16 et 13 du Code.
LA QUALITÉ DE CITOYEN 135
C. - Le mariage et la nationalité
117. - A la base, la naissance - soit d'un auteur belge, soit en
Belgique - sert à déterminer la nationalité d'une personne. A la
demande de l'intéressé, une décision unilatérale de l'autorité publi-
que - celle du pouvoir législatif fédéral - peut aussi contribuer à
l'obtention de la nationalité. Un acte juridique, telle mariage, peut-
il remplir le même office ?
La question est concrète. L'époux d'un ou d'une Belge le devient-
il de plein droit? Le Belge ou la Belge qui épouse un étranger perd-
il d'office sa nationalité d'origine ?
(16) La procédure d'option est décrite à l'article 15 du Code de la nationalité : elle comprend
une déclaration d'option, l'enquête du procureur du Roi, l'agréation par jugement du tribunal
de première instance, la transcription de la décision dans les registres de l'état civil.
------------------------------------------------------------------------~
§ 2. -- Les limitations
A. -- Les conditions
118. -- La qualité de Belge n'est pas acquise indéfiniment à
celui qui possède cette nationalité. Le citoyen n'est pas attaché
pour toujours à l'Etat qui lui a conféré cette qualité. Il peut chan-
ger de nationalité. Il peut aussi renoncer à la nationalité belge.
( 17) Les époux doivent avoir résidé ensemble en Belgique pendant six mois au moins. Le
législateur exige en outre que la vie commune dans le Royaume perdure tout au long de la procé-
dure. La vie commune à l'étranger peut être assimilée à la vie commune en Belgique, mais c'est
à condition que le déclarant prouve qu'il a acquis des liens véritables avec la Belgique (art. 16).
LA QUALITÉ DE CITOYEN 137
B. - La destitution
121. - L'article 23 du Code de la nationalité organise une pro-
cédure de destitution. Les Belges qui ne possèdent pas cette qualité
de naissance - l'expression désigne tous ceux qui n'ont pas acquis
la nationalité belge dès le jour de leur naissance - peuvent être
poursuivis <<s'ils manquent gravement à leurs devoirs de citoyen>>.
138 LES CITOYENS
(18) La personne déchue de la nationalité ne pourra redevenir belge que par naturalisation
(art. 23, § 9 du Code).
( 19) Il reste néanmoins possible à ces derniers de renoncer à la nationalité belge (art. 22, § 1,.,,
2" du Code).
LA QUALITÉ DE CITOYEN 139
C. -Le recouvrement
122. - Certaines personnes ont, pour divers motifs, perdu la
qualité de Belge. Cette perte n'est pas irréversible. Le Belge de nais-
sance âgé d'au moins 18 ans, qui a perdu cette nationalité autre-
ment que par déchéance (20), peut recouvrer cette qualité.
Ille fera en suivant la procédure d'option (art. 15 du Code de la
nationalité). C'est à condition toutefois que la perte de la nationa-
lité belge n'ait pas procédé d'une renonciation et que la preuve soit
apportée que, durant l'année précédant le début de la procédure, la
résidence principale de l'étranger était établie en Belgique.
Si l'une des deux conditions n'est point remplie, la procédure est
renforcée. En plus des contrôles classiques à opérer dans le cadre de
la procédure ordinaire, le tribunal apprécie souverainement << les cir-
constances dans lesquelles le déclarant a perdu la nationalité belge
et les raisons pour lesquelles il veut la recouvrer •> (art. 24).
(20) Celui qui a perdu la nationalité belge par déchéance peut néanmoins !"acquérir à nouveau
par la naturalisation.
140 LES CITOYENS
(21) Voy. P. BoucQUEY, ''La Cour d'arbitrage et la protection des droits fondamentaux de
l'étranger>>, Ann. Dr. Lv., 1996, p. 291; R. ERGEC, Introduction au droit public, t. II, Les libertés
publiques, Bruxelles, Story-Scientia, 1995, p. 40; D. RENDERS, «La Cour d'arbitrage et l'ar-
ticle 191 de la Constitution'· obs. sous C.A., 14 juillet 1994, arrêt no 61/94, J.L.M.B., 1995,
p. 1414. On ne saurait tirer argument de l'intitulé quelque peu restrictif du titre II de la Consti-
tution ''Des Belges et de leurs droits» - ou de la formulation de quelques-uns de ses articles
(voy. art. 26 et 27) - pour refuser à l'étranger le bénéfice d'une quelconque des libertés qu'il
consacre. En particulier, l'exercice des libertés d'opinion, de réunion et de rassemblement ne sau-
rait être refusé, au nom de la Constitution, à l'étranger.
LA QUALITÉ DE CITOYEN 141
bénéfice des droits qu'elle définit << à toute personne relevant de leur
juridiction)) (art. 1er); l'expression renvoie aux nationaux, mais
aussi aux étrangers soumis à l'autorité de ces Etats. Ils s'engagent
également à assurer la jouissance des droits et libertés reconnus
dans la Convention << sans distinction aucune)) (art. 14); en particu-
lier, <<l'origine nationale)) (id.) ne saurait fonder une différence de
régime.
(24) Voy. aussi l' A.R. du 6 décembre 1955 relatif au séjour en Belgique de certains étrangers
privilégiés.
144 LES CITOYENS
(25) M. VERWILGHEN, <<La police des étrangers : accès, séjour, établissement. Droit commun
et traités bilatéraux''· Ann. Dr. Lv., 1970, p. 342.
LA QUALITÉ DE CITOYEN 145
§ 2. - Les limitations
A. - Les conditions
130. - <<En vertu de la nature même des choses>> (28), l'accès,
le séjour et l'établissement de l'étranger en Belgique sont régle-
mentés. La loi du 15 décembre 1980 en établit les conditions géné-
rales; elle est, sur des points précis, modifiée par la loi du 28 juin
1984 qui institue le Code de la nationalité belge mais qui est aussi
relative à certains aspects de la condition des étrangers.
131. - Il y a des conditions d'accès.
En principe, l'étranger ne peut pénétrer sans autorisation en Bel-
gique (29). Muni d'un passeport que lui délivrent les autorités de son
pays (30), il doit posséder, en outre, un visa (valable, en principe,
pour un séjour de moins de trois mois) ou une autorisation en
(26) J.- Y. CARLIER, ''Chronique de jurisprudence annuelle : Droit des étrangers», Journal des
procès, 5 avril 1991, p. 18.
(27) Pour une analyse détaillée de ce statut, voy. J.-Y. CARLIER, Droit des réfugiés, Story-
Scientia, 1989, pp. 73 s.
(28) Ch. HuBERJ,ANT, «Les garanties de procédure et de recours actuellement accordées aux
étrangers», Ann. Dr. Lv., 1970, p. 481.
(29) Des exceptions importantes sont apportées à ce principe. Le droit international s'attache
à en préciser les contours ainsi les articles 39, 43 et 49 TCE reconnaissent aux ressortissants
de l'un des États membres le droit d'accès et de séjour sur le territoire des États de la Commu-
nauté.
(30) La question se pose aussi pour le citoyen belge. La liberté d'aller et de venir que postule
la règle de la liberté individuelle comprend-elle la liberté de sortir du territoire national et celle
d'y rentrer 1 Deux réponses peuvent être apportées à cette question. D'une part, la liberté de la
personne physique n'a de portée que dans les limites du territoire national; rien n'empêche l'au-
torité publique de subordonner la sortie du territoire à la possession d'un document - un passe-
port, par exemple, qu'elle délivre-, voire d'interdire à ses nationaux de quitter le pays. D'autre
part, «nul ne peut être privé du droit d'entrer sur le territoire de l'Etat dont il est le ressortis-
sant» (protocole n" 4 de la Convention européenne, art. 3, 2"); l'autorité publique ne saurait donc
fermer ses frontières à ses nationaux.
146 LES CITOYENS
tenant lieu (valable pour la durée qu'elle détermine) que lui déli-
vrent les autorités diplomatiques et consulaires de la Belgique (loi
du 15 décembre 1980, mod. à de nombreuses reprises, art. 2).
L'autorisation d'entrer sur le territoire belge peut être refusée,
notamment si l'étranger ne dispose pas des moyens de subsistance
suffisants, si sa présence constitue un danger pour l'ordre public et
la sécurité nationale, s'il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement
pour n'avoir pas respecté les disposition relatives à l'entrée ou au
séjour des étrangers (loi du 15 décembre 1980, art. 3, 4° et 5°) (31).
Si l'étranger se trouve irrégulièrement en Belgique, il s'expose à
des poursuites et à des sanctions pénales. Il peut également faire
l'objet de mesures de sûreté. Il peut être refoulé et donc contraint
de faire marche arrière pour << sortir illico du royaume )) (32). Il peut
aussi être ramené à la frontière s'il séjournait de facto en Belgique.
132. - Il y a aussi des conditions de séjour.
En principe aussi, l'étranger ne peut séjourner sans autorisation en
Belgique. Cette autorisation peut être assortie de conditions de
temps ou de lieu. Elle postule aussi le respect des conditions admi-
nistratives mises à un séjour régulier, notamment l'inscription aux
registres de la population.
Si l'étranger qui est admis pour un court séjour (trois mois maxi-
mum) ne respecte pas les conditions attachées à l'autorisation qui
lui est accordée ou si, par son comportement, il porte atteinte à
l'ordre public ou à la sécurité nationale (33), il peut recevoir du
ministre de la Justice l'ordre de quitter le territoire; si besoin en est,
il sera remis sans délai à la frontière.
Si l'étranger a été admis à séjourner plus de trois mois en Bel-
gique, il peut - s'il a porté atteinte à l'ordre public ou à la sécurité
nationale ou s'il n'a pas respecté les conditions mises à son séjour
(art. 20, al. 1er) - faire l'objet d'une mesure de renvoi prise par
arrêté ministériel. L'ordre de quitter le pays et l'interdiction d'y
revenir pendant dix ans (art. 26) sont notifiés à l'étranger après
(31) D'autres conditions sont prescrites par la loi du 15 décembre 1980 (art. 3, 6", 7o et 8").
Voy. notamment la situation particulière des étudiants étrangers.
(32) M. VERWILGHEN, op. cit., p. 338.
(33) D'autres situations justifient, dans cette hypothèse, que soit décerné un ordre de quitter
le territoire. Elles sont inscrites à l'art. 7, al. l''" de la loi du 15 décembre 1980.
LA QUALITÉ DE CITOYEN 147
B. - Les exceptions
134. - L'étranger se trouve régulièrement sur le territoire de la
Belgique. Il y jouit de la protection accordée aux personnes et aux
biens. Ce statut que la Constitution lui octroie peut être assorti
d'.exceptions.
Ainsi, la Constitution habilite la loi fédérale à organiser des sta-
tuts différents pour les Belges, d'une part, et les étrangers, d'autre
part. On ne saurait y voir une discrimination, au sens précis du
terme (35). Le principe qui permet d'établir une différence de traite-
ment entre ces deux catégories de personnes est compatible avec
l'esprit de la Constitution, notamment avec ses articles 10 et
ll (36).
L'on peut être tenté de faire une application combinée de l'article 191 de la
Constitution et de ses articles 10 et 11 (37). Selon la Cour d'arbitrage (38), lors-
que le législateur établit une exception dans le régime de protection des droits
fondamentaux des étrangers, il doit respecter les dispositions prescrites dans les
(34) Une directive du 25 février 1964 du conseil des ministres de la Communauté européenne
(pour la coordination des mesures spéciales aux étrangers en matière de déplacement et de séjour,
justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique) précise que
la seule existence d'une condamnation pénale ne peut justifier les mesures de renvoi et d'expul-
sion; des éléments tenant au comportement personnel de l'étranger doivent être avancés à l' ap-
pui de ces mesures.
(35) Contra :M. VERWILGHEN, op. cit., p. 338.
(36) C.A., n" 21/89, 13 juillet 1989, Mon. b., 21 juillet.
(37) Voy. P. BoucQUEY, ibid., p. 307 et D. RENDERS, ibid., p. 1413.
(38) C.A., n" 61/94, 14 juillet 1994, Rec., 1994, p. 796; J.T., 1994, p. 673; J.L.M.B., 1995,
p. 1141 et R.R.D., 1994, p. 449 et C.A., n" 4/96, 9 janvier 1996, J.T., 1996, p. 188.
148 LES CITOYENS
C. - Les interdictions
135. - Le statut des étrangers est aussi fait d'interdictions.
Elles portent, pour l'essentiel, sur l'exercice des droits politiques
dont la jouissance complète n'est reconnue qu'aux Belges qui ont la
qualité de citoyen. Cependant, les portes de la citoyenneté s'ou-
vrent, lentement et prudemment, à l'étranger.
La Constitution a, longtemps, réservé aux Belges l'exercice des
droits politiques. Aux termes de l'article 8 de la Constitution, ces
droits n'étaient reconnus qu'à ceux qui avaient la <<qualité de
Belge)). La justification était simple. L'indépendance de l'Etat ne
saurait être assurée sans que soient réservés à ses membres les droits
politiques les plus importants (42). L'étranger qui ne possède
d'autre lien avec la Belgique que son séjour sur le territoire national
ne saurait les exercer (43).
L'article 21 de la Déclaration universelle des droits de l'homme le précise
<<Toute personne a le droit de participer au gouvernement de son pays>) (44).
«Son pays ... >). L'expression est significative à souhait. Elle ne désigne pas le
pays d'autrui. Dans la plupart des Etats contemporains, l'étranger est donc
dépourvu du moindre droit politique.
(41) Voy. not. loi du 19 février 1965 relative à l'exercice par les étrangers des activités profes-
sionnelles indépendantes; A.R. n" 34 du 20 juillet 1967 relatif à l'occupation des travailleurs de
nationalité étrangère; A.R. du 6 novembre 1967 relatif aux conditions d'octroi et de retrait des
autorisations d'occupation et des permis de travail pour les travailleurs de nationalité étrangère
et loi du 19 février 1965 relative à l'exercice, par les étrangers, des activités professionnelles indé-
pendantes.
(42) Ch. HUBERLANT, op. cit., p. 479.
(43) Sur ce thème, voy. F. DEL PÉRÉE, «Les étrangers et les élections en Belgique>), A.P. T.,
1978-1979, pp. 34 s.; ID., Les droits politiques des étrangers, Paris, P.U.F., Coll. Que sais-je 1, 1995.
(44) On trouve une formulation comparable dans l'article 25 du Pacte international relatif
aux droits civils et politiques : « Tout citoyen a le droit et la possibilité ... , sans aucune discrimina-
tion ... et sans restrictions déraisonnables, de prendre part à la direction des affaires publiques ... ».
150 LES CITOYENS
Pour une critique de cette manière de procéder, voy. les avis du Conseil d'Etat
du 6 mai 1992 et du 23 mars 1998 ainsi que F. DELPÉRÉE, <<La Belgique et l'Eu-
rope •>, R.F.D.C., 1992, p. 643. Adde: E. DARDENNE, «Entre réalités et idéalisme
européen: le compromis belge>>, in P. DELWIT, J.-M. DE WAELE et P. MA-
GNETTE (dir.), Gouverner la Belgique. Clivages et compromis dans une société com-
plexe, Paris, P.U.F., 1999, p. 275; F. DELPÉRÉE, <<De la commune à l'Europe.
L'émergence d'une citoyenneté multiple>>, in P. MAGNETTE (dir.), De l'étranger
au citoyen, Bruxelles, De Boeck, 1997, p. 41.
BIBLIOGRAPHIE
L'exposé des principes du droit de la nationalité fait partie, dans les Facultés de
droit, de l'enseignement du droit public. L'analyse des questions délicates suscitées
par les conflits de nationalités fait, par contre, l'objet des enseignements de droit
international privé. On consultera notamment à ce sujet :
F. RIGAUX, Droit international privé, t. 1, Théorie générale, t. Il, Droit positif belge,
Bruxelles, Larcier, 1977 et 1979.
nationalité belge>>, in Les Novel/es Droit civil, t. 1, Bruxelles, Larcier, 1978, pp. 35 s.;
M. VERWILGHEN, Le Code de la nationalité belge, Bruxelles, Bruylant, 1985.
..
CHAPITRE II
LES DROITS DU CITOYEN
136. - Le citoyen est, par définition, celui qui réunit les condi-
tions nécessaires pour participer à la gestion des affaires publi-
ques (1). Il possède la nationalité belge selon les règles que la Consti-
tution et la loi fédérale déterminent. De surcroît, il répond aux exi-
gences particulières qu'elles mettent à l'exercice des droits et des
libertés. A ce titre, il est investi de fonctions que la Constitution lui
réserve et du bénéfice desquelles elle exclut, en principe, l'étranger.
Une idée-maîtresse apparaît ici. L'Etat et les collectivités qui le
composent sont investis de fonctions. Ils ne pourront les assumer
que << par le truchement )) de personnes physiques (2) que sont les
gouvernants et, dans une société démocratique, les gouvernés. Ces
personnes physiques se voient reconnaître des droits - tels le droit
de vote ou le droit d'exercer un mandat politique - . Ces droits
sont protégés au titre de droits subjectifs.
Le citoyen ne se voit pas reconnaître pareils droits dans son inté-
rêt propre et pour sa seule satisfaction. Il est appelé à les exercer
<< dans l'intérêt de l'Etat )>, en tout cas dans la conception qu'il est
(1) R. PELLOUX, Le citoyen devant l'Etat, Paris, P.U.F., 1966, Coll. Que sais-je?, p. 5.
(2) J. DABIN, Le droit subjectif, Paris, Dalloz, 1952, p. 28.
LES DROITS DU CITOYEN 153
A. - L'électorat
137. - R. CARRÉ DE MALBERG a fort justement précisé l'idée.
<<Dans son acception précise, le mot électorat désigne une faculté
individuelle : la faculté pour le citoyen-électeur de participer, par
l'émission de son suffrage personnel, aux opérations par lesquelles le
corps électoral procède à la nomination des autorités à élire>> (4).
L'électorat ne confère pas au citoyen - ou à l'ensemble des
citoyens -l'exercice d'une quelconque compétence dans l'Etat ou
dans d'autres collectivités politiques. Il l'associe au processus de
désignation de certaines autorités publiques. En ce sens, l'électorat
ne confère pas au citoyen le pouvoir de décision : celui-ci n' appar-
tient qu'aux élus. Il lui donne seulement une fonction d'organisa-
tion.
Telle est, en effet, l'originalité de l'électorat. Il est à la fois droit
et fonction : le citoyen a le droit d'exercer la fonction que lui assigne
la Constitution.
138. - L'électorat est un droit
(3) <<Le citoyen en marche», Rev. Gén., 1997, pp. 53 s; La démarche citoyenne, Bruxelles,
Labor, coll. Quartier libre, 1998; <<Le citoyen dans la société démocratique», L'Entreprise et
l'Homme, 2000, n" 2, p. 25.
(4) R. CARRÉ DE MALBERG, op. cit., t. JI, p. 411.
154 LES CITOYENS
une charge que Je citoyen est obligé d'exercer, un devoir <<organique>>. C'est
cette conception que J'on retrouve à la base de l'inscription, en 1893, du principe
du vote obligatoire dans la Constitution (M. KAISER, <<Les enjeux et les perspec-
tives de J'obligation de vote>>, R.B.D.C., 1998, p. 251).
(9) Voy., cependant, les modalités particulières de vote, à l'occasion des élections euro-
péennes, au profit des électeurs belges qui résident dans un autre Etat de l'Union.
(10) Voy., les modalités particulières de vote, à l'occasion des élections législatives et euro-
péennes au profit des Belges de l'étranger.
LES DROITS DU CITOYEN 157
C'est à cette fin aussi que le principe du vote secret est imposé par
la Constitution (art. 62, al. 3) et affirmé par le Code électoral
(art. 114). La fonction assurée revient à choisir grâce à la confronta-
tion des opinions qui se sont exprimées et à leur recensement les
titulaires de la fonction législative. Il convient que ceux qui procè-
dent à cette désignation ne s'exposent à aucune sanction de la part
des détenteurs de l'autorité. Il faut que, dans l'exercice de la fonc-
tion qu'ils sont tenus de remplir, les citoyens jouissent d'une liberté
d'appréciation aussi complète que possible. Des dispositions détail-
lées s'efforcent de préserver dans la pratique la règle du secret : iso-
loirs, bulletins, urnes, sceaux, modalités de dénombrement des
votes, etc. Des sanctions pénales visent à réprimer les délits politi-
ques qui pourraient être commis au cours des opérations électorales
(C. El., art. 199).
Le vote peut s'accomplir au moyen d'une machine à voter disposée dans l'iso·
loir : au moyen d'un crayon optique, l'électeur indique son vote sur un écran de
visualisation. Les modalités du vote automatisé sont définies par la loi du
ll avril 1994, modifiée par une loi du 18 décembre 1998. Trois problèmes peu-
vent apparaître.
Les problèmes techniques tiennent à la fiabilité du matériel et des logiciels uti-
lisés. Il faut faire confiance à la machine, à ceux qui l'ont conçue et vérifiée ...
Cette crédulité n'est-elle pas excessive dans une société démocratique? Une com-
mission d'experts constituée par la Chambre des représentants et le Sénat s'en
explique dans un rapport qu'elle remet le 1"' juillet 1999 : << La confection (des
logiciels) a eu lieu selon les règles de l'art, ... les entrées/sorties se limitent au
vote émis, le secret du vote peut être préservé et la totalisation du vote se
déroule correctement>>.
Les problèmes pratiques tiennent à la dimension de l'écran et à la faculté qu'il
offre de présenter simultanément un ensemble de données sur les listes et les
candidats. Une vision panoramique des noms et des cases n'est plus offerte à
l'électeur. Le Conseil d'Etat avait naguère suggéré qu'une affiche reprenant ces
différentes données figure dans chaque isoloir et permette au citoyen d'identifier
le candidat de son choix avant d'entreprendre les opérations de vote. Ce conseil
judicieux n'est pas suivi en toutes circonstances.
Les problèmes politiques ne peuvent non plus être ignorés. Le vote automatisé
ne se conçoit pas sans une forme particulière de guidance dans le processus infor-
matique. Est-il excessif de soutenir que celle-ci peut induire certains comporte·
ments électoraux? L'écran affiche des instructions ou des indications pendant
l'opération de vote. Il est demandé à l'électeur de sélectionner la liste de son
choix, de confirmer cette option, d'indiquer ensuite s'il entend voter en case de
tête ou en faveur d'un ou de plusieurs candidats effectifs ou suppléants, de
confirmer enfin ce vote. La séquence retenue a pour effet d'instaurer une compé-
tition qui va se développer, en première instance, entre des formations politiques
et, ensuite seulement, entre des candidats. Le poids des formations politiques
158 LES CITOYENS
dans le choix des élus ne s'en trouve-t-il pas encore renforcé 1 («Courtes crises >>,
... ,p. 633).
A l'issue des élections du 13 juin 1999, le législateur s'est préoccupé d'apporter
quelques retouehes au système du vote automatisé. Il est prévu notamment que
«lorsque l'électeur a voté ... , la carte magnétique est libérée de la machine à
voter>>. A ce moment, <<l'électeur a ... la possibilité de visualiser sur l'écran de
cette machine les votes qu'il a émis pour chaque élection».
B. - L'éligibilité
143. - L'éligibilité, c'est l'aptitude à être élu.
Chaque citoyen détient le droit de se porter candidat à une élec-
tion, pourvu qu'il remplisse les conditions que la Constitution ou la
loi fédérale prescrivent à cet effet. Il n'y a pas de droit à détenir une
fonction élective, mais un droit à concourir pour l'obtenir.
LES DROITS DU CITOYEN 159
(Il) Dans quelle mesure des conditions particulières d'éligibilité ne sont-elles pas inscrites
dans des dispositions légales, comme celles du Code électoral? Voy., par ex., les prescriptions
relatives à la présentation des candidatures (art. 115 s.)(« Au fil de la crise», J.T., 1977, p. 601).
160 LES CITOYENS
(12) Le droit d'accès aux emplois publics est également proclamé et protégé par des disposi-
tions de droit international (M. LEROY et J. SoHIER, <<Les règles supranationales relatives à
l'accès à la fonction publique», A.P.T., 1997, pp. 53 s.).
(13) F. RWAl:x et F. D>,LPÉRFèll, <<Nationalité et citoyenneté. Développements et incidences
sur le droit de la fonction publique en Belgique», A.P.T., 1997, pp. 15 s.
(14) Sur la compatibilité entre l'article 10 de la Constitution et l'article 48, § 4 du traité
C.E.E., voy. J. C. SÉcHt, <<L'apport de l'arrêt de la Cour de Justice du 17 décembre 1980-
Commission c. Belgique, 149-79 >>, A.P.T., 1980, p. 249 et Ch. HoREVOETS, <<La condition de
nationalité comme condition d'accès aux emplois publics>>, in Les agents contractuels dans la fonc-
tion publique régionale, Bruxelles, Bruylant, 1997, pp. 227 s.
(15) On trouvera des formulations du même genre dans la Constitution grecque (art. 4, al. 4)
et dans la Constitution portugaise (art. 15, al. 2) qui introduit néanmoins une exception pour les
fonctions à caractère technique. Sur ce thème, voy. J. ZILLER, Egalité et mérite :l'accès à la fonc-
tion publique dans les Etats de la C.E.E., Bruxelles, Bruylant, 1988, p. 120.
LES DROITS DU CITOYEN 161
raie, exclus de la fonction publique, et, enfin, que des lois peuvent permettre a
des étrangers d'occuper certains emplois publics (tels, par exemple, les emplois
consulaires).
On trouve la même idée dans le pacte international sur les droits civils et poli-
tiques de 1966 : <<Tout citoyen a le droit et la possibilité, sans aucune des discri-
minations visées à l'article 2 et sans restrictions déraisonnables ... c) d'accéder,
dans des conditions générales d'égalité aux fonctions publiques de son pays>>.
Mais pas, comme on l'a relevé, aux fonctions publiques du pays d'autrui (Les
droits politiques des étrangers, p. 55).
146. - Les Belges ont un égal accès aux emplois publics. Comme
l'écrit M. WALINE, le principe d'égalité ne signifie pas que << n'im-
porte qui, étant bon à n'importe quoi, peut exiger d'obtenir n'im-
porte quel emploi public>> mais, plus simplement, que nul citoyen ne
peut être écarté a priori d'un emploi public pour des raisons qui
seraient étrangères à sa valeur personnelle.
Seules des raisons objectives, justifiées par l'intérêt du service
public, peuvent légitimer une exclusion inscrite dans une règle géné-
rale et impersonnelle. Figurent, au nombre des conditions objectives
que retiennent différents statuts, des dispositions relatives à l'âge,
à l'aptitude, à la moralité ou à la dignité des candidats.
Des tempéraments existent. Le principe de l'égal accès aux
emplois publics n'est pas absolu. Certaines lois confèrent à certains
citoyens un<< droit de priorité par rapport aux autres citoyens)) ( 17).
Il s'agit des lois du 27 juillet 1961 et du 3 avril 1964 qui ont assuré
un reclassement prioritaire aux agents publics des cadres d'Afrique,
de la loi du 16 avril 1963 qui oblige les administrations publiques à
recruter un certain nombre de personnes handicapées et de la loi du
16 juillet 1973 qui prévoit que, dans certaines administrations, il est
nécessaire d'assurer <<une répartition équilibrée des fonctions, attri-
butions et affectations entre les différentes tendances représenta-
tives)) (art. 20).
Dans Je souci d'assurer une répartition équilibrée, sinon égalitaire, des emplois
publics entre hommes et femmes, la Constitution, la loi fédérale, le décret et l'or-
donnance pourraient s'engager dans la voie hasardeuse de la définition de quotas
supplémentaires.
147. - La loi fédérale peut, dans des cas particuliers, habiliter des
étrangers à occuper des emplois publics.
Il ne s'agit pas d'accorder à tel étranger le droit d'occuper telle
fonction mais de définir, de manière générale, certaines catégories
limitées d'emplois qui ne seront pas réservés aux citoyens.
On cite, à titre d'exemples, la loi du 22 septembre 1831 permet-
tant le recrutement d'officiers étrangers, celle du 31 décembre 1851
sur les consulats et les juridictions consulaires, celle encore du
28 avril 1953 sur l'organisation de l'enseignement universitaire.
rable au nord du pays dans tout référendum national (19). A moins évidemment
d'organiser un référendum dont les résultats seraient comptabilisés et proclamés
par collège, étant entendu que seule la solution qui obtiendrait une réponse
majoritaire dans l'ensemble du pays et dans les deux collèges serait considérée
comme valable.
(19) Pour 32% de Wallons, préconiser la voie référendaire parait relever du comportement
suicidaire. Les techniques traditionnelles qui cherchent à prévenir les risques de minorisation -
lois spéciales, sonnette d'alarme, parité gouvernementale.. - paraissent, à ce moment, leur
conférer plus de garanties (F. DELPÉRÉE, «Le citoyen est aussi un homme politique», op. cit.,
p. 36).
(20) Sur l'ensemble de la question, voy. La participation directe du citoyen à la vie politique
et administrative (travaux des XII"" journées juridiques Jean Dabin), Bruxelles, Bruylant, 1986.
(21) La loi du 19 juillet 1945 tendait «à pourvoir à l'exécution de l'article 93 de la Constitu-
tion » qui règle la matière de ''l'impossibilité de régner».
LES DROITS DU CITOYEN 165
(22) F. DELPÉRÉE, «La consultation communale», Rev. dr. communal, 1995, pp. 287 s.
(23) Voy. aux art. 318, 319, 320 et 323, al. 3, les conditions de formes et de fond auxquelles
la demande doit répondre.
(24) Pur une critique du caractère facultatif de la consultation, voy. F. DELPÉRÉE, op. cit.,
p. 295.
166 LES CITOYENS
(art. 327). Elle porte sur des matières d'intérêt communal ou sur
tout autre objet soumis au conseil communal par l'autorité supé-
rieure (art. 318 qui renvoie aux art. 117, 118, 119, 121, 122 et 135,
§ 2, NLC).
La réponse procurée par les citoyens a la valeur d'un avis. Celui-ci
aura du poids s'il est sensé, s'il est motivé, s'il intervient à un
moment opportun, s'il est appuyé par une majorité significative.
153. - Depuis le 12 mars 1999, la Constitution accrédite, dans
son article 41, alinéa 2, ces façons de faire : <<Les matières d'intérêt
communal ou provincial peuvent faire l'objet d'une consultation
populaire dans la commune ou la province concernée. La loi règle
les modalités d'organisation de la consultation populaire)).
154. - Tel est l'état du droit positif (25). Mis à part l'usage de
l'électorat et l'exercice aléatoire du droit de pétition (26), le citoyen
voit sa participation à la direction des affaires publiques réduite à
une très simple expression.
Il faut le regretter. Maniée avec circonspection, la technique réfé-
rendaire peut présenter des avantages. C'est à condition qu'en
soient précisées les formes et les conditions d'utilisation : quand?,
dans quel ressort?, pour quelles questions?, à l'initiative de qui?,
avec quels effets?
Il ne saurait être question de réduire les techniques référendaires
au procédé simple et commode qui servirait pour des autorités gou-
vernementales à faire approuver, quand elles le souhaitent, leurs
intentions ou leurs réalisations par l'ensemble des citoyens. Une
réflexion en profondeur sur les principes et les modalités reste à
poursuivre (27).
En juin 2000, le gouvernement fédéral a pris l'initiative d'interroger la popu-
lation belge sur quelques questions relatives à une réforme de l'administration
fédérale. Il a reçu 9 % de réponses. Ces formes improvisées de consultation ou
d'enquête, réalisées en dehors de tout cadre constitutionnel et légal, sont de
nature à dévaluer les instruments officiels de démocratie directe. En dehors de
(25) On prendra connaissance, avec un intérêt particulier, des avis que l'assemblée générale
de la section de législation du Conseil d'Etat a donnés à ce sujet, le 15 mars 1985.
(26) J. V ANDE LANOTTE et Y. LEJEUNE, <<Actualité du droit de pétition», Cahiers constitu-
tionnels, 1985, n" 4.
(27) Voy. Référendums (dir. F. DELPÉRÉE), Bruxelles, Ed. CRTSP, 1985; M. GmLLAUME-HoF-
NUNG, Le référendum, Paris, P.U.F., 1994.
LES DROITS DU CITOYEN 167
tout débat et de toute campagne politique, elles n'assurent pas une participation
effective des citoyens à la gestion des affaires publiques.
B. - Le citoyen et l'administration
(28) W.J. GANSHOF VAN DER MEERSCH, «Existe-t-il des droits administratifs et sociaux dis-
tincts des droits politiques et dépourvus des garanties constitutionnelles ? », conclusions précé-
dant l'arrêt de la Cour de cassation du 21 décembre 1956, J.T., 1957, p. 49.
(29) J. RIVERO, «A propos des métamorphoses de l'administration d'aujourd'hui : démocratie
et administration>>, in Mélanges R. Savatier, Paris, Dalloz, 1965, p. 82l.
168 LES CITOYENS
(31) La loi du 23 mars 1989, modifiée par la loi du 26 juillet 1993 et la loi du Il avril 1994
(portant exéeution de la directive du Conseil n" 93/lOOJC.E.), arrête la procédure électorale en
vue de la désignation des vingt-cinq représentants de la Belgique au Parlement européen. Elle
établit quatre circonscriptions électorales - flamande, wallonne, germanophone et celle de
Bruxelles-Hal-Vilvorde --· et trois collèges électoraux - néerlandais, français et germano-
phone - . Elle précise que le premier de ces collèges est appelé à désigner quatorze parlemen-
taires, le deuxième en choisit dix et le troisième en élit un (au scrutin majoritaire). Elle permet
aux électeurs de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde --· qui comprend les
arrondissements administratifs de Bruxelles-Capitale et de Hal-Vilvorde - de déterminer par
leur vote (en faveur d'une des listes françaises ou d'une des listes néerlandaises) le collège électo-
ral auquel ils souhaitent appartenir. Les électeurs résidant à Fourons et à Comines-Warneton
peuvent décider de voter à Aubel et à Heuvelland et, par conséquent, de faire partie respective-
ment du collège électoral français et du collège électoral néerlandais.
170 LES CITOYENS
effective dans un autre Etat membre, d'une part, les citoyens com-
munautaires qui sont âgés de dix-huit ans accomplis et qui résident
de manière habituelle en Belgique, d'autre part. La participation au
scrutin est obligatoire pour les Belges qui résident en Belgique; elle
ne l'est pas pour les deux autres catégories d'électeurs : seuls ceux
qui ont manifesté le souhait de s'exprimer en Belgique à l'occasion
des élections européennes sont tenus de participer au scrutin.
Pour être éligible au Parlement européen, il faut être inscrit en
Belgique sur une liste d'électeurs pour le Parlement européen. L'âge
d'éligibilité est fixé à vingt et un ans.
159. - La citoyenneté de l'Union peut être comprise au mtm-
mum dans trois sens distincts. Une première perspective est celle de
la subsidiarité. L'idée n'est pas d'accorder au citoyen de l'Union des
droits supplémentaires mais de lui permettre d'exercer ses droits de
citoyen communal dans l'Etat de l'Union où il réside. S'il advient
qu'un citoyen belge ne puisse participer aux élections communales
qui se déroulent en Belgique - par exemple, parce qu'il réside en
Italie et que, comme on le sait, la Belgique n'organise pas le vote
par correspondance-, il sera admis à participer aux élections pour
le renouvellement des conseils municipaux en Italie. La citoyenneté
européenne remplit ainsi une fonction supplétive.
Une deuxième perspective est celle de la complémentarité. La
citoyenneté de l'Union ouvre aussi à de nouveaux droits. L'électo-
rat et l'éligibilité au Parlement européen sont consacrés - de
manière timide dans l'Acte de 1976 puis de manière plus nette dans
le traité sur l'Union de 1992 - . Le Conseil d'Etat a souligné que la
reconnaissance de ces nouvelles formes de citoyenneté ne soulevait
aucun problème de conformité au regard de l'article 8 de la Consti-
tution (32).
Une troisième perspective ne peut être ignorée. Elle se situe à mi-
chemin de la subsidiarité et de la complémentarité. Les élections euro-
péennes en procurent un exemple significatif. Le citoyen italien qui
(32) Selon le Conseil d'Etat, "l'article 8. alinéa 2, de la Constitution (qui réserve aux Belges
le bénéfice des droits politiques) vise exclusivement la participation des citoyens belges aux élec-
tions qui sont organisées dans les diverses collectivités politiques du Royaume». Sur ce thème,
F. DELPÉRÉE, ''La participation directe des citoyens, perspectives belges et européennes>>, Ann.
dr. Lv., 1983, p. 333; A. RASSON-ROLAND, ''Le droit des citoyens européens : un développement
nouveau>>. in Vers une citoyenneté européenne, asbl Tncontri, 198.5, p. 27; F. DELPÉRÉE, "Les
formes de participation des citoyens au fonctionnement de l'Etat >>, in Le nouveau droit constitu-
tionnel, Bruxelles, Bruylant, 1987, p. 173.
LES DROITS DU CITOYEN 171
A.- L'âge
(33) L'idée ne surprend plus guère aujourd'hui. Même si l'art. 14 de la Convention européenne
des droits de l'homme ne retient pas l'âge, mais la naissance, comme condition inadmissible pour
fonder une distinction dans l'exercice de tels droits.
174 LES CITOYENS
(34) Pourquoi pas 16 ans L Les évolutions du droit civil et du droit pénal peuvent inciter à
moduler les formes de participation citoyenne. Là, par exemple, où des consultations commu-
nales sont organisées, la loi permet à des jeunes de plus de 16 ans qui ne sont pas encore en droit
de voter, de se prononcer, avec d'autres, sur l'implantation d'un centre sportif ou sur l'organisa-
tion d'un établissement scolaire. Il serait singulier que les principaux intéressés n'aient pas droit
à la parole, surtout si, comme en l'espèce, il ne s'agit pas de décider mais de procurer un avis
aux autorités publiques compétentes (n" 152).
(35) Un âge-plancher peut être déterminé. Un chiffre est fixé ne varietur. Il peut aussi être
indéterminé. Il est prescrit par la loi fédérale ou les règlements. Mais il n'est pas formulé par réfé-
rence à un chiffre précis. Il se déduit de l'inventaire des conditions qui sont prescrites pour l'ob-
tention de tel emploi public. Nul ne saurait être agent public s'il n'est porteur de tel diplôme,
s'il n'a présenté ensuite tel concours, s'il ne bénéficie d'une expérience professionnelle d'autant
d'années, s'il n'a accompli un stage administratif de plusieurs mois ... L'accumulation des durées
minimales requises pour accomplir ces diverses opérations suffit à inscrire le recrutement d'un
agent dans des périodes de la vie qui oscillent entre 20 et 30 ans.
LES DROITS DU CITOYEN 175
B. -Le domicile
(37) Le Belge de l'étranger qui n'a jamais résidé en Belgique et qui introduit une demande
d'agrément doit justifier qu'il possède la qualité de Belge, qu'il est âgé de dix-huit ans accomplis,
qu'il réside à titre habituel sur le territoire de l'Etat où il est établi et qu'il est détenteur des
autorisations de séjour nécessaires à cette fin. Il doit également déclarer sur l'honneur qu'il n'a
pas encouru dans l'Etat où il est établi de condamnations qui, si elles avaient été prononcées en
Belgique, emporteraient la déchéance ou la suspension de ses droits électoraux et qu'il ne jouit
pas du droit de vote pour les élections législatives dans l'Etat où il est établi.
(38) Le mandataire doit avoir un lien de parenté ou d'alliance avec le mandant (art. 5, al. 4),
il votera dans la commune belge où le mandant a résidé en dernier lieu ou, si le mandant n'a
jamais résidé en Belgique, dans la commune où le mandataire est lui même inscrit comme élec-
teur (art. 5, al. 5).
(39) L'électeur établi à l'étranger pourra être admis à voter en personne à l'occasion d'un
retour au pays (art. 5, al. 6).
(40) E. ARCQ et P. BLAISE, <<La préparation des élections législatives du 13 juin 1999 », CH.
Crisp, 1999, n" 1463, p. 37.
LES DROITS DU CITOYEN 179
citoyen qui réside lui-même en Belgique et qui y émettra en son nom et pour
son compte son suffrage. 3. - Résidant à l'étranger, le citoyen se rend à l'am-
bassade ou au consulat de Belgique pour y émettre un vote qui sera acheminé,
par courrier, en Belgique. 4. ---- Résidant à l'étranger mais n'ayant pas l'occa-
sion de se rendre dans un poste diplomatique ou consulaire, le citoyen donne
procuration à un autre Belge qui vit dans le même pays et qui ira voter, pour
son compte, auprès de ce poste. 5. - Résidant à l'étranger, le citoyen va rece-
voir par la poste un bulletin de vote qu'il renverra par le même chemin en Bel-
gique.
Le cinquième mode de vote laisse rêveur. Qu'en est-il du secret du vote?
Qu'en est-il du secret du dépouillement?
(41) Voy. égal. l'art. 210, al. 3 du Code électoral qui permet de rayer des listes électorales
pour une durée de dix ans celui qui s'abstient, pour la quatrième fois dans une période de quinze
ans, de remplir son devoir électoral.
(42) Les personnes mises à la disposition du gouvernement par application de l'article 38lbis,
3° du Code pénal ou par application des articles 22 et 23 de la loi de défense sociale sont égale-
ment frappées de la suspension de leurs droits électoraux.
LES DROITS DU CITOYEN 181
Elles frappent ceux qui ont été condamnés à une peine crimi-
nelle (43).
La jouissance des droits civils et politiques conditionne également
l'accès à un emploi public.
A. - Le contentieux de l'électorat
170. - L'électorat se constate par l'inscription au registre des
électeurs. Ce fichier qui est réalisé par l'administration commu-
nale (44) recense les données qui permettent d'identifier chaque
électeur par ses nom, prénoms, date de naissance, sexe et résidence
principale (C. El., art. 10, § 2). Il sert à répertorier tant les électeurs
généraux que les électeurs communaux.
Le corps électoral se révèle -- il faudrait peut-être écrire : se réveille ... - le
jour de l'élection. Il n'a pas d'existence permanente. A ce titre, il est dépourvu
d'une administration qui lui est propre. Il doit compter sur l'aide technique des
collectivités locales qui, pour un temps, affectent une part de leurs autorités, de
leurs services et de leurs personnels, à l'organisation de l'élection.
(43) Voy. aussi le régime des déchéances pour fait d'incivisme et la loi du 30 juin 1961.
(44) Peu importent les modalités pratiques de réalisation du registre feuilles enliassées,
fiches, bandes magnétiques, listing d'ordinateur, cartes perforées ..
182 LES CITOYENS
d'une déclaration dans un registre spécial (C. El., art. 26, al. 1er et
4); c'est la cour d'appel qui aura à en connaître. Son arrêt n'est sus-
ceptible d'aucun recours (45) (C. El., art. 34).
B. - Le contentieux de l'éligibilité
171. - A la différence des contestations portant sur le jus suf-
Jragii, celles qui ont trait au jus honorum échappent pour l'essentiel
à l'appréciation des autorités communales. L'explication est simple.
Le contentieux de l'éligibilité ne saurait être totalement dissocié du
contentieux de l'opération électorale prise dans son ensemble.
Un litige peut naître à propos de la réunion ou de la perte des
seules conditions d'éligibilité d'un candidat. Mais l'opération de
désignation des élus n'a-t-elle pas été faussée par cet élément
d'inexactitude?
Les bureaux chargés de la conduite des opérations électorales
vont s'efforcer de limiter le nombre des litiges. Ils ont compétence,
en effet, pour vérifier certaines conditions d'éligibilité des candidats
(C. El., art. 119bis). Le bureau principal d'arrondissement peut
écarter ceux qui, au jour de l'élection, n'atteindront pas l'âge ou ne
jouiront pas des droits politiques requis. A l'occasion d'élections
communales, ils éliminent aussi le candidat qui n'est pas inscrit au
registre de la population de la commune, au jour de la présentation
des listes (46).
D'autres questions peuvent surgir. Il y a lieu, à l'issue des élec-
tions, de vérifier si les conditions d'éligibilité - qui doivent être
acquises au jour du scrutin - sont réunies par les élus.
A l'occasion des élections communales, les candidats, et eux seuls,
sont autorisés à introduire une réclamation contre l'élection. C'est
auprès de la députation permanente (L. él. corn., art. 74, §1er,
al. 1er) (47) et, en appel, auprès du Conseil d'Etat (lois coord.,
art. 16, 1 °) qu'ils sont invités à agir. Les juridictions administra-
(45) F. DELPÉRÉE, Le contentieux électoral, Paris, P.U.F., 1998, colL Que sais-je?, p. 13.
(46) Un système de réclamation est organisé contre les décisions qui se rapportent à l'éligibi·
lité des candidats. C'est la cour d'appel qui est amenée à en connaître (C. EL, art. 125 s.). Ses
arrêts <<ne sont susceptibles d'aucun recours» (C. EL, art. 125quater).
(47) En ce qui concerne les réclamations à propos des élections communales qui sont organi·
sées dans les dix-neuf communes bruxelloises, les compétences juridictionnelles anciennement
détenues par la députation permanente du Brabant sont exercées par un collège de neuf membres
désignés par le Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale (L sp. 12 janvier 1989, modifiée le
16 juillet 1993, art. 83quinquies. § 2).
LES DROITS DU CITOYEN 183
tives annulent les élections pour tout motif d'irrégularités << suscep-
tibles d'influencer la répartition des sièges entre les différentes
listes)) (art. 74bis).
A l'occasion des élections provinciales ou législatives, au
contraire, ce sont les assemblées elles-mêmes qui procèdent à <<la
vérification des pouvoirs de leurs membres)) (Const., art. 48). Il ne
s'agit pas d'une forme de contrôle politique dans son objet : les
commissions de vérification sont appelées à statuer en application
de la règle de droit. Il s'agit, par contre, d'une forme de contrôle
systématique : les assemblées n'ont pas à statuer sur des réclama-
tions; elles vérifient, pour chaque arrondissement, la régularité des
opérations électorales; elles s'assurent aussi que tous les élus réunis-
sent les conditions d'éligibilité (48).
172. - Trois problèmes doivent être envisagés.
Qui est juge ? La situation ne manque pas d'être paradoxale. A la première
séance qui suit les élections générales, aucun parlementaire n'a pu être vérifié.
Ce sont donc des individus sans pouvoirs reconnus qui vont se prononcer sur les
pouvoirs d'autres individus tout aussi peu reconnus. A charge de revanche, sans
doute. Il y a là un cercle vicieux, comme l'écrivait Pierre WIGNY, à première vue
infranchissable.
On résout le problème en attribuant à chaque élection << une présomption de
validité>). Chacun est censé valablement et régulièrement élu jusqu'à preuve du
contraire - la Convention nationale parlait de ''présumés députés >> -- . Chaque
membre dont l'élection n'est pas contestée prend part à l'opération de vérifica-
tion.
Que doit juger l'assemblée? Elle vérifie, comme disent les textes constitution-
nels, les pouvoirs de ses membres. Elle s'en saisit ex officia. Qu'il y ait ou non
contestation. Mais comment juger s'il n'y a pas litige? Les textes constitution-
nels le précisent aussi. L'assemblée connaît également des contestations qui
s'élèvent au sujet des élections. Mais celles-là seulement? L'assemblée peut-elle
censurer des irrégularités qui n'ont fait l'objet d'aucune contestation mais qui
témoignent d'une atteinte caractérisée à des règles d'ordre public? Une indéci-
sion règne quant à la détermination précise des missions de l'assemblée.
Comment doit juger l'assemblée? L'on peut s'interroger sur la qualification des
parlementaires et des assemblées pour résoudre des problèmes délicats qui ont
trait, par exemple, à des questions de nationalité, de domicile, de capacité civile
et politique. L'on peut aussi se demander si l'exercice de la fonction de justice,
même parlementaire, ne doit pas s'accompagner de garanties procédurales, telles
(48) En la matière, le contrôle des assemblées déborde la simple vérification de la réunion par
les élus des conditions d'éligibilité. L'assemblée peut ainsi invalider les pouvoirs de l'un de ses
membres et faire appel à son suppléant. En cas d'irrégularité grave qui a pu fausser la dévolution
des sièges entre les listes en présence, elle peut provoquer une nouvelle élection dans l'arrondisse-
ment concerné.
184 LES CITOYENS
celles qui sont inscrites dans l'article 6 de la Convention européenne des droits
de l'homme. Pour ne prendre qu'un exemple, n'y a-t-il pas lieu d'entendre les
personnes concernées 1 Ne faut-il pas assurer la publicité des audiences et des
sentences 1 Ne convient-il pas de motiver en la forme les décisions qui mettent
un terme au contentieux électoral 1 Ne faut-il pas assurer des voies de recours
contre les décisions de justice parlementaire 1
De ces différents points de vue, le contentieux parlementaire peut paraître
rudimentaire.
BIBLIOGRAPHIE
La doctrine n'accorde pas aux droits du citoyen une place suffisante. La matière
est noyée dans des exposés d'ordre historique ou dans des manuels de caractère tech-
nique. Les problèmes de droit constitutionnel passent alors au second plan. Voy.
cependant Académie internationale de droit constitutionnel, Le citoyen et la Constitu-
tion, Presses d'Université des sciences sociales de Toulouse, 1998, avec des contribu-
tions de M. BEN ArssA, F. DELPÉRÉE, D. JAZY, Y. Luc:HAIRE, A. MEZGHANI et
B. PELLETIER.
(50) Seul existera un droit à percevoir un traitement, une allocation ou une pension pour ser-
vice fait.
(51) M. LEROY et J. SoHIER, (<<Les règles supranationales relatives à l'accès à la fonction
pnblique », A.P. T., 1997, pp. 55 s.) s'interrogent sur l'applicabilité de l'art. 6, § 1,., de la Conven-
tion européenne des droits de l'homme en matière d'accès à la fonction publique. Une telle appli-
cation impliquerait qu'un litige sur ce droit relève non pas du contentieux objectif mais du
contentieux des droits subjectifs et que ce droit constitue un droit de caractère civil.
186 LES CITOYENS
(1) J. GILIS~EN, <<La Constitution belge de 1831 : ses sources, son influence», Res publica,
1968, numéro spécial, pp. 213 s.; J. VANDERLINDEN, «Aux origines du titre II de la Constitution
belge de 1831 -Essai d'histoire constitutionnelle comparative>>, in Présence du droit public et des
droits de l'homme, t. II, pp. 1193-1209.
188 LES CITOYENS
(2) B. LoUIS,« La participation politique des personnes d'origine immigrée. A propos de quel-
ques propositions de loi et des projets de Constitutions flamande et wallonne », in Wallonie, terre
de couleurs, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1998, p. 74.
LES DROITS DE L'HOMME 189
(3) Voy. l'ensemble des contributions à L'Etat de droit. Mélanges en l'honneur de Guy Braibant
(Paris, Dalloz, 1996), et spécialement celle de J. RIVERO («Etat de droit, Etat du droit», p. 609).
190 LES CITOYENS
(4) Dans d'autres Etats, il est communément recouru à la déclaration de droits pour définir
et, si possible, garantir les libertés que la société politique entend reconnaître au citoyen. Le
recours à cette technique n'est pas sans présenter quelques inconvénients.
La déclaration est équivoque à raison des sources de son inspiration. Elle est le produit de
courants philosophiques. Elle groupe un ensemble d'axiomes qu'elle considère comme les fonde-
ments d'une société juste, libre et rationnelle. Elle se veut inspiratrice d'une Constitution. Elle
se présente volontiers comme supérieure et antérieure à toute définition des libertés par le droit
positif. Mais, ce faisant, ne se situe-t-elle pas en dehors de l'orbite des phénomènes juridiques 1
La déclaration est équivoque aussi à raison des modes de sa formulation. Elle est déclarative.
Elle est censée dire <<ce qui est». Sa valeur politique et pédagogique ne saurait, à cet égard, être
contestée; elle énonce et rappelle, au besoin, des vérités d'évidence. La déclaration ne peut man-
quer, cependant, de rester au niveau des principes : elle formule solennellement «des vérités de
tous les temps et de tous les pays» (DUPORT, 16 août 1789). Mais, ce faisant, ne laisse-t-elle pas
dans l'ombre les garanties concrètes dont le citoyen a besoin pour voir consacrer, dans les faits,
les libertés proclamées 1
La déclaration de droits est équivoque à raison des particularités de ses sanctions. Elle pro-
clame des droits absolus. L'ordre juridique, pour sa part, fait place à des droits relatifs et limite
la portée des affirmations de principe eu égard aux exigences de la vie sociale. En d'autres
termes, le droit apporte inévitablement des restrictions aux libertés absolues que consacre une
déclaration. Si ce n'est dans l'hypothèse où les termes de la déclaration la rendent immédiate-
192 LES CITOYENS
ment applicable et lui confèrent valeur de règle de droit constitutionnel, ne peut-elle être vidée
par une loi de tout contenu?
(5) M.-F. RIGAUX, op. cit., p. 51.
(6) Ceci à la différence de la Loi fondamentale de la République fédérale d'Allemagne ou de
la Constitution irlandaise. Voy. C. GREWE et H. RUIZ-FABRI, Droits constitutionnels européens,
Paris, P.U.F., 1995, pp. 164-165.
(7) R. ERGEC, Introduction au droit public, t. II, Les droits et libertés, Bruxelles, Kluwer, 1995,
p. 33.
LES DROITS DE L'HOMME 193
(8) J. MoRANGE, op. cit., p. 76; C. GREWE etH. Rmz-FABRI, op. cit., p. 154; J. VELU et
R. ERGEC, op. cit., p. 47.
194 LES CITOYENS
(lü) Voy. l. sp. , art. 79, § l "' : «Les gouvernements (de communauté et de région) peuvent
poursuivre des expropriations pour cause d'utilité publique dans les cas et selon les modalités
fixés par décret, dans le respect des procédures judiciaires fixées par la loi (fédérale) et du principe
de la juste et préalable indemnité visé à l'article Il de la Constitution» (n" 245).
196 LES CITOYENS
(13) E. CEREXHE, «La protection des droits fondamentaux dans les Communautés euro-
péennes», Rev. jur. pol. ind. coop., 1932, p. 637; G. CoHEN-JONATHAN, «Les droits de l'homme
dans les Communautés européennes», Recueil d'études en l'honneur de Charles Eisenmann, Paris,
Cujas, 1977, p. 399; M.-A. DA USES, <• La protection des droits fondamentaux dans l'ordre juridi-
que communautaire>>, R. T.D.E., 1984, p. 401; C. SASSE, ''La protection des droits fondamentaux
dans la Communauté européenne>>, in Mélanges Fernand Dehousse, Paris, Nathan et Bruxelles,
Bruylant, 1979, vol. 2, p. 297; J. VERGES, «Droits fondamentaux de la personne et principes
généraux du droit communautaire», in L'Europe et le droit. Mélanges en l'honneur du doyen Bou-
louis, Paris, Dalloz, 1991, p. 513.
( 14) R. ERGEC, op. cit., p. 31.
200 LES CITOYENS
(15) F. SUDRE, <<La Communauté européenne et les droits fondamentaux après le Traité
d'Amsterdam. Vers un nouveau système européen de protection des droits de l'homme?<>, J.C.P.,
1998, D, p. 9 (cité par M. VERDUSSEN et D. DE BRuYN, «La protection des droits de l'homme
et le rôle des administrations en Belgique», R.f. S.A., 1999, p. 495).
LES DROITS DE L'HOMME 201
1. La liberté et l'égalité.
192. - La loi est générale, la loi doit être générale, la loi ne peut
être que générale ... On ne saurait se satisfaire de tels aphorismes. La
se positionner comme juridiction·carrefour ·~(in Liber amicorum Prof. em. E. Krings. Bruxelles,
Story Scientia, 1991, p. 775).
204 LES CITOYENS
(22) C.A., n" 21/89, 13 juillet 1989, n" 22/99, 28 septembre 1989 et n" 23/89, 13 octobre 1989
(cités par J. SA ROT, P. VANDERNOOT et E. PEREMANS, Dix ans de jurisprudence de la Cour d 'arbi-
trage, Bruxelles, Bruylant, 1995, t. II, p. 699). Adde : F. DELPÉRÉE et A. RAssoN-ROLAND,
«Chronique. Belgique>>, A.l.J.C., 1990, p. 503.
206 LES CITOYENS
(26) <• Le but de la loi, écrit J.-C. SCHOLSEM, devient le critère principal, sinon exclusif, du
jugement porté en matière d'égalité'· Le même auteur ne manque pas d' ajouter que «trouver
à toute norme un but donné auquel elle peut être confrontée n'est pas une tâche facile» (op. cit.,
p. 773).
(27) B. RENAULD, <<Objectifs du législateur et contrôle de constitutionnalité. Observations
sous l'arrêt n" 22/94 du 8 mars 1994 », R. B. D.C., 1994. p. 347. Adde : L.-P. SuETENS, ,, Gelijkheid
en discriminatie in de rechtspraak van het Arbitragehof •>, in Gelijkheid en non discriminatie, Ega-
lité et non-discrimination, Antwerpen, Kluwer, 1991, p. 95.
(28) Une conséquence s'impose logiquement : «Le principe d'égalité est violé lorsqu'il est éta-
bli qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le
but visé •> (C.A., n" 21/89, 13 juillet 1989).
208 LES CITOYENS
(29) C.A., n" 4/92, 23 janvier 1992, n" 16/92, 12 mars 1992, n" 59/92, 8 octobre 1992, n" 64/92,
15 octobre 1992, no 70/92, 12 novembre 1992, no 45/93, 10 juin 1993, n" 59/93, 15 juillet 1993,
n" 77/93, 3 novembre 1993, n" 79/93, 9 novembre 1993 et n" 1/94, 13 janvier 1994 (cités par
J. SAROT, op. cit., t. II, p. 702).
(30) C.A., n" 9/94, 27 janvier 1994. Dans le même sens, C.E., L. 27.394/2, 30 mars 1998.
LES DROITS DE L'HOMME 209
être éradiquée. Il n'est pas pour autant rassurant. Qui peut soutenir
que des majorités abusives ne prendront jamais prétexte d'inéga-
lités qu'elles considéreront aussitôt comme patentes pour imposer
des solutions de droit qui s'inscriront pourtant en violation des
règles essentielles d'égalité ?
Des garde-fous sont prescrits. Les mesures discriminatoires ne
sont pas acceptables telles quelles. Des limites d'ordre chronologi-
ques sont imposées. Les mesures prises doivent être tempo-
raires (31) ; elles sont censées disparaître dès que l'objectif poursuivi
aura été atteint. D'autres limites touchent plus au fond du droit.
Les mesures adoptées ne peuvent restreindre inutilement les droits
d'autrui (32). Ou, pour paraphraser une formule célèbre, l'égalité
dont un individu peut profiter s'arrête là où commence la liberté
d'autrui.
197. - La notion d'égalité juridique tend à s'affiner au contact
de l'idée de proportionnalité. Deux orientations méritent, à cet
égard, d'être dégagées.
La première. Il est élémentaire de constater que des situations
identiques appellent une même solution et que des situations diffé-
rentes requièrent un traitement différent. Mais des différences
minimes vont-elles pouvoir justifier des solutions contradictoires ?
La réponse va de soi. Une distinction n'est pas licite par cela seul
qu'elle poursuivrait un but légitime - tenir compte de situations
différentes - . Elle doit encore revêtir une ampleur raisonnable ;
elle doit se traduire dans des mesures qui s'accordent avec les diffé-
rences dont elle croit devoir tenir compte. C'est une idée d'égalité
graduée qui tend à s'imposer comme règle d'action des pouvoirs
publics (33).
La seconde orientation. Il est banal d'observer que la règle d'éga-
lité juridique joue entre citoyens ; l'on s'attachera donc à réperto-
rier les catégories d'individus au sein desquelles le principe de l'éga-
(31) Rien n'empêche, dit la Cour d'arbitrage dans un arrêt du 8 juillet 1993 (n" 56/93), que
le législateur procède par étapes successives pour mettre fin à une distinction qui est admise dans
les mentalités et intégrée dans de nombreuses règles de droit mais qui tend à s'amenuiser progres-
sivement à raison des évolutions socio-économiques et technologiques.
(32) C.A., n" 9/94, 27 janvier 1994; F. DELPÉRÉE et A. RASSON-ROI~AND, op. cit., n" 94.
(33) Sur cette question, voy. F. DELPÉRÉE, ''Le principe de proportionnalité en droit public>>,
Rapports belges au X' Congrès international de droit comparé, Bruxelles, Bruylant, 1978, p. 503;
F. DEtPÉRÉE et V. BoucQUEY-RÉMION, ''Liberté, légalité et proportionnalité>>, Rapport au
X V 1 n·· Congrès international des sciences administratives, Madrid, 1980.
210 LES CITOYENS
(34) J. RIVERO, ; Rapport sur les notions d'égalité et de discrimination en droit public fran-
çais'· Travaux de l'Association Henri Capitant, t. XlV, pp. 343 s.
(35) C.A., n" 90/94, 22 décembre 1994.
(36) C.A., no 17/95, 16 février 1995.
(37) 11 s'agit là d'une application particulière du principe d'égalité formulé à l'article 10 de
la Constitution (C.A., n" 20/91, 4 juillet 1991 et n" 31/92, 23 avril 1992; sur ce thème H. SIMo-
NART et A. RASSON-ROLAND, <• La jurisprudence de la Cour d'arbitrage •>, in Protection des droits
fondamentaux du contribuable, Bruxelles, Bruylant, 1993, p. 7).
(38) On trouve ici la règle traditionnelle de l'égal accès aux emplois publics. Elle est assortie
d'une clause stricte de nationalité.
(39) T.a Constitution abolit la distinction en ordres qui s'était maintenue sous le régime hol-
landais. Si le roi a la faculté de conférer des titres de noblesse ou des distinctions dans les ordres
civils et militaires, il n'y attache aucun privilège : l'exercice de cette compétence ne s'inscrit donc
pas en violation de la règle de l'égalité de droit.
212 LES CITOYENS
2. La liberté et la justice
(40) Le principe de l'égalité devant les charges publiques retient, en particulier, l'attention :
il veut que ces charges soient imposées à chaque citoyen en proportion de sa force contributive.
Les jurisprudences de la Cour de cassation et du Conseil d'Etat ont mis en relief l'idée selon
laquelle ce principe ne s'opposait pas à l'établissement de taxes rémunératoires : elles ne frappent
pas également tous les citoyens mais sont exigées des usagers en fonction des services qui leur
ont été rendus (Cass., 16 novembre 1966, Pas., 1967, T, p. 953); elles ont également justifié la
taxe générale qui, en fait, ne frappe qu'un seul contribuable (C.E., n" 181, 9 décembre 1949, Wie-
lemans-Ceuppens, R.J.D.A., 1950, p. 39, note F. PERIN).
(41) C.A. CoLLIARD, Libertés publiques (3'' éd.), Paris, Dalloz, 1968, p. 190.
LES DROITS DE L'HOMME 213
(42) J. RIVERO, Libertés publiques, t. !'"'. Les droits de l'homme, Paris, P.U.F, 1973, p. 132.
214 LES CITOYENS
(43) Une disposition essentielle en la matière est celle de l'article 6, § 1''', de la Convention
européenne de sauvegarde : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitable-
ment, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, éta-
bli par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil,
soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit
être rendu publiquement, mais l'accès à la salle d'audience peut être interdit à la presse et au
public pendant la totalité ou une partie du procès, dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public
ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la
protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement
nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales, la publicité serait de nature
à porter atteinte aux intérêts de la justice. »
(44) Voy., en particulier, Cass., 9 octobre 1959, Pas., 1960, 1, p. 170 et 17 octobre 1966, Pas ..
1967, 1, p. 217. La Cour de cassation considère que<< l'article 149 de la Constitution, en tant qu'il
dispose que tout jugement est motivé», énonce une règle qui constitue pour les parties une garan-
tie essentielle contre l'arbitraire du juge et est, partant, inséparable de la mission de juger une
contestation. Mais elle précise, en même temps, que la disposition de l'article 149 qui prévoit que
le jugement est prononcé en audience publique <<a pour but de permettre un contrôle public de
la décision rendue», qu'elle institue ainsi un contrôle qui, de même que celui institué par l'ar-
ticle 148 de la Constitution, prescrivant la publicité des audiences, <<n'est applicable de droit
qu'aux tribunaux>> de l'ordre judiciaire. Dans quelle mesure cette distinction est-elle compatible
avec les dispositions de la Convention européenne? Voy. Cour européenne des droits de l'homme,
Konig, 28 juin 1978, C.D.E., 1979, p. 407, obs. P. DuBOIS.
LES DROITS DE L'HOMME 215
(45) La Convention européenne en dégage une leçon concrète : <<nul ne peut être tenu en
esclavage ni en servitude» (art. 4, § 1''').
216 LES CITOYENS
(46) L'on dénonce parfois cette conception topographique de la liberté. Elle a pourtant sa rai-
son d'être. Tl y a des droits fondamentaux qui s'exercent «à domicile •>, par opposition à des
droits qui s'exercent dans des lieux publics, clos et couverts, par opposition aussi à des droits
qui s'exercent sur la voie publique. La liberté est mesurée en fonction de cette donnée géographi-
que, à savoir la localisation de la personne et de ses activités.
LES DROITS DE L'HOMME 217
(47) Il va de soi que si cette activité menée au domicile a des répercussions<< au dehors>>, elle
tombe sous le coup des lois de police.
(48) «L'intervention du juge d'instruction, magistrat impartial et indépendant. telle qu'elle
est prévue par les articles 87 et 88 du Code d'instruction criminelle, apparaît comme une garantie
essentielle>>. Elle se justifie à raison de l'atteinte qui est portée à <<l'inviolabilité du domicile,
garantie par l'article 15 de la Constitution et par l'article 8.1 de la Convention européenne des
droits de l'homme •• (no 140(98, 16 décembre 1998).
(49) Des exceptions sont prévues par la loi en cas de sinistre (inondation ou incendie), en cas
de réquisition ou du consentement de la personne qui a la jouissance du bien, en cas d'appel
venant de ce lieu. La loi réserve aussi l'hypothèse de dispositions légales particulières qui autori-
sent les perquisitions ou les visites domiciliaires pendant la nuit.
218 LES CITOYENS
(50) La Constitution précise aussi, dans son article 29, al. 2, qu'il appartient à la loi de déter-
miner les agents responsables de la violation du secret des lettres confiées à la poste. Elle entend
ainsi éluder la règle de la responsabilité du ministre pour fait de son administration, ce qui aurait
privé la norme d'une sanction effective. Voy., à ce sujet, la loi du 26 décembre 1956 sur le service
des postes.
LES DROITS DE L'HOMME 219
(51) Par analogie aux règles constitutionnelles de l'inviolabilité du domicile ou du secret des
lettres, on voit dans la vie privée cette sphère d'intérêts et d'activités propre à chaque individu
et dans laquelle nul ne peut s'immiscer sans y être convié (J. RIVERO ). Entrent ainsi dans le
domaine de la vie privée tout ce qui concerne la santé personnelle, les convictions morales et reli-
gieuses, la vie affective et familiale, certains aspects de l'activité professionnelle ou de la situation
matérielle. Plus concrètement, il y a lieu de protéger le nom, l'image, l'identité, l'honneur, la
réputation de chaque individu. Il y a lieu aussi de mettre à l'abri d'une divulgation les renseigne-
220 LES CITOYENS
ments confidentiels qui le concernent directement. Il faut encore mettre l'individu à l'abri des
formes d'écoutes ou de prises de vue illicites. Sur l'ensemble de la question, voy. J. VELU, Le droit
au respect de la vie privée, Bruxelles, Larcier, 1974.
LES DROITS DE L'HOMME 221
en tenant compte des liens affectifs que des étrangers peuvent avoir avec des
Belges.
Dans une première hypothèse, la personne qui est installée en Belgique et qui
souhaite y accueillir son conjoint et éventuellement ses enfants est belge ou res-
sortit à l'un des Etats membres de l'Union européenne. Le couple reconstitué ne
doit pas justifier d'une cohabitation de fait.
Dans une seconde hypothèse, la personne qui est installée en Belgique n'est
ni belge, ni citoyenne de l'Union. Dans ce cas, le regroupement familial est
subordonné à trois conditions. Il faut que le couple se trouve dans <<la situation
juridique de conjoints >>. Il faut, de surcroît, que homme et femme soient, de fait,
<<époux cohabitants>>. Il faut encore que cette cohabitation soit << réelle et
durable>>.
Ne s'agit-il pas d'une immixtion<< dans la vie privée des intéressés>> ainsi que
dans leur vie familiale ? Sans doute, mais cette ingérence peut se justifier, eu
égard à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. Il faut
éviter les mariages blancs. Il faut vérifier s'il y a famille. Il faut aussi que le
regroupement familial ne soit pas fictif, ce qui serait le cas s'il apparaissait que
<<des étrangers mariés n'ont jamais cohabité ou ont cessé définitivement de le
faire>> (n° 4/96, 9 janvier 1996).
Autre serait évidemment la situation d'un divorce ou d'une séparation de fait
qui interviendrait plus de trois mois après que le conjoint a été autorisé à séjour-
ner en Belgique.
C'est l'occasion, pour la Cour d'arbitrage, de rappeler que << le droit au respect
de la vie privée et familiale, garanti par l'article 22 de la Constitution et par l'ar-
ticle 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, implique la liberté de
se marier et celle de se séparer>>. La Cour aurait pu ajouter que les dispositions
précitées consacrent aussi le droit de ne pas se marier et de ne pas fonder famille,
sous une forme ou sous une autre.
(55) Adde : «Nulle peine ne peut être établie ... qu'en vertu d'une loi>> (art. 14). Cette défini-
tion ne fait pas obstacle à ce que les peines - prévues par la loi - assortissent J'inobservation
d'un décret, d'un arrêté royal, du règlement d'une autorité locale. Corn p. M. V ERDUSSEN,
Contours et enjeux du droit constitutionnel pénal, Bruxelles, Bruylant, 1995, pp. 98 et s.
226 LES CITOYENS
huit jours, d'une personne qui pourra faire valoir ultérieurement son
innocence ou qui bénéficiera d'un non-lieu (voy. loi du 20 avril
1874, art. 28, modifié). Dans cette hypothèse, une indemnité dont le
montant est fixé en équité et en tenant compte de toutes les cir-
constances d'intérêt public et privé (art. 28, § 2) sera versée à la vic-
time. La situation ne manque pas d'être paradoxale. L'autorité
publique - en l'occurrence, le juge - n'a pas commis de faute :
pour << des raisons plausibles >>, un individu a été soupçonné d'avoir
commis une infraction (Conv. eur., art. 5, a, 3) et a été mis en
détention préventive mais l'instruction ou les débats ont permis de
révéler d'autres éléments du dossier. C'est un mécanisme de respon-
sabilité sans faute que la loi fédérale organise en la matière (56) ; il
n'est appelé à fonctionner que là où l'intéressé n'est pas en mesure
d'<< intenter une action en indemnisation devant les juridictions ordi-
naires>> (art. 28, § 3).
Au cœur de la décision de justice, la Constitution rencontre le pro-
blème de la définition et du choix des sanctions. Toute sanction
porte atteinte aux droits de l'individu, à sa liberté de mouvement
ou à l'utilisation libre de son patrimoine, voire à la jouissance de ses
droits de citoyen. Certaines peines sont prohibées : la confiscation
générale des biens (art. 17), la mort civile (art. 18), la torture, les
peines ou traitements inhumains et dégradants (Conv. eur., art. 3).
Celles qui sont autorisées doivent avoir été établies << en vertu de
la loi>> fédérale (art. 14). Rien n'empêche le législateur de confier à
d'autres autorités publiques, comme le conseil communal, le soin de
procéder à la définition de ces sanctions (57).
En aval de la décision de justice, la Constitution rencontre, d'un
mot, les problèmes de<< l'exécution des peines>> (art. 14 et 40, al. 2)
et de l'exercice du <<droit de grâce>> (art. 110). C'est pour préciser
que l'autorité gouvernementale fédérale y pourvoit.
D'autres mesures échappent aux prévisions du droit pénal. Elles
mériteraient peut-être de retenir l'attention des publicistes. Sans
(56) Une commission composée du premier président de la Cour de cassation, du premier pré-
sident du Conseil d'Etat et du doyen de l'Ordre national des avocats connaît des recours contre
les décisions prises par le ministre de la Justice ou des demandes d'indemnisation lorsque le
ministre n'a pas statué dans les six mois.
(57) ORBAN note à cette occasion que «l'article 14 de la Constitution corrige l'article 12 >>. Il
suffit, écrit-il, que la sanction soit définie «en vertu de la loi>>. «Cette rédaction voulue et réflé-
chie, car elle a été votée par voie d'amendement, a eu pour but de permettre au législateur d'ac-
corder ou de laisser aux pouvoirs exécutif et administratif le soin de sanctionner par des peines
leurs règlements ou ordonnances>> (op. cit., t. III, p. 351).
LES DROITS DE L'HOMME 227
(59) Sur la portée de l'article 10 de l'A.R. du 2 octobre 1937 (modifié par l'A.R. du 26 sep-
tembre 1994), voy. F. RIGAUX et F. DELPÉRÉE, 'Le loyalisme constitutionnel>>, J.T., 1977,
p. 353.
LES DROITS DE L'HOMME 229
(61) Quelques questions ont retenu jadis l'attention des juristes: la formule déiste du serment
(voy. Ch. HUBERLANT, "La formule déiste du serment en justice et la liberté religieuse», Ann.
Dr., 1968, p. 141), la règle du repos dominical (alors que la Constitution précise, en son article 15,
que'' nul ne peut être contraint ... d'en observer les jours de repos>>, ceux d'un culte), la présence
d'autorités civiles et militaires au Te Deum. Ces questions n'ont plus, pour une large part, qu'un
intérêt historique.
(62) Ainsi la création de paroisses ou d'évêchés est du ressort exclusif de l'autorité religieuse.
Mais seules les nouvelles entités reconnues par l'Etat seront pourvues d'un ministre dont il pren-
dra en charge le traitement.
LES DROITS DE L'HOMME 231
ministres d'un culte sont nommés et installés par les autorités res-
ponsables de l'Eglise dont ils relèvent ; ils peuvent correspondre
librement avec leurs supérieurs ; ils peuvent publier leurs actes ...
(art. 21, al. 1er).
Elle rappelle, en corollaire, le principe de non-intervention de
l'Etat dans l'organisation des Eglises. L'Etat n'a pas le droit d'<~ in-
tervenir >> ; il n'a pas non plus celui de <~ défendre >> (ibidem). C'est la
règle d'indépendance des Eglises et de l'Etat qui est ainsi concréti-
sée.
La Constitution énonce, cependant, un troisième principe : celui
de l'aide de l'Etat aux cultes reconnus. Certaines Eglises se voient
reconnaître une place prééminente (63).
Les <~ traitements et pensions >> des ministres des cultes reconnus
sont à charge de l'Etat fédéral (Const., art. 181, § pr; loi générale
du 21 juillet 1844 sur les pensions civiles et ecclésiastiques ; loi du
2 août 1974 relative aux traitements des titulaires de certaines fonc-
tions publiques et des ministres des cultes, art. 26 s.) (64).
D'autres formes d'aide sont consacrées en droit positif Alors
même que la Belgique ne connaît pas de régime concordataire, cer-
taines dispositions de la convention passée à Paris, le 26 messidor
an IX, entre le Pape et le gouvernement français restent en
vigueur : ils consacrent notamment le rôle des fabriques <~ pour veil-
ler à l'entretien et à la conservation des temples, à l'administration
des aumônes>> (art. 76; voy. aussi le décret impérial du 30 décembre
1809 concernant les fabriques des églises) ; ils règlent également la
question du logement à procurer aux desservants des paroisses:
De son côté, la Nouvelle loi communale fait obligation aux com-
munes de porter annuellement à leur budget les <~secours aux fabri-
ques d'église et aux consistoires>> dont les moyens seraient insuffi-
sants (art. 255, 9°) ainsi que<~ l'indemnité de logement des ministres
des cultes>> si ce logement n'est pas fourni en nature (art. 255, 12°);
la loi provinciale, elle, prévoit des obligations similaires pour le
conseil provincial en ce qui concerne les églises cathédrales, les
palais épiscopaux et les séminaires interdiocésains (art. 69, go).
(63) Sont ainsi reconnus les cultes catholique. protestant, anglican, israélite, islamique et
orthodoxe. Outre les textes cités, voy. les lois du 4 mars 1870 et du 19 juillet 1974.
(64) La Constitution reconnaît dans l'article 181, § 2, aux délégués des organisations recon·
nues par la loi des traitements et pensions pour autant qu'ils «offrent une assistance morale selon
une conception philosophique non confessionnelle >>.
232 LES CITOYENS
(67) Cette phrase figurait déjà dans l'ancien article 17 de la Constitution, qui fut adopté en
1831 et remplacé en 1988. L'adoption de l'article 17 suscita de vifs débats au sein du Congrès
national, notamment quant au partage des responsabilités entre les pouvoirs publics et l'Eglise
catholique. Voy. E. HuYTTENS, op. cit., pp. 625-642; T. JusTE, Le Congrès national de Belgique
1830-1831, t. J•', Bruxelles, C. Muquardt, 1880, pp. 354-363.
(68) Avant d'accéder à l'indépendance, la Belgique a connu des périodes de monopole de l'en-
seignement, que ce soit celui du clergé catholique, d'une part, ou - à la faveur de la Révolution
française et, surtout, de la Loi fondamentale de 1815 -celui de l'Etat, d'autre part. Le Congrès
national a voulu rompre avec cette monopolisation de l'enseignement et a favorisé ainsi l'essor
de l'enseignement privé, dit« libre». Voy. J. VELU, <<Contenu et signification des droits fonda-
mentaux dans le domaine de l'instruction<>, A.P.T., 1982, pp. 1-2.
(69) C.E., arrêts Wailliez, n" 32.151 à n" 32.154, 8 mars 1989. J.T., 1989, p. 399, rapport
B. HAUBERT.
234 LES CITOYENS
des droits et libertés fondamentaux, créer des écoles fondées sur une
philosophie confessionnelle ou non-confessionnelle déterminée, amé-
nager des institutions qui appliquent des conceptions spécifiques
d'ordre pédagogique ou éducatif, ou encore organiser et faire dispen-
ser un enseignement selon leur propre conception (70).
Ceci comprend la liberté de fixer le contenu de l'enseignement à
dispenser, d'en déterminer les modalités pratiques, de sélectionner
les étudiants et d'arrêter les conditions de rémunération des services
rendus. Elle implique aussi le droit de choisir le personnel qui sera
chargé de mener à bien la réalisation des objectifs pédagogiques
propres. Ce personnel sera normalement engagé sous un contrat de
droit privé (71).
222. - L'on distingue dès lors trois réseaux d'enseignement
financés par les pouvoirs publics : l'enseignement de la Commu-
nauté, l'enseignement officiel subventionné (il s'agit, pour l'essen-
tiel, de l'enseignement organisé par les provinces et les communes)
et l'enseignement libre subventionné.
L'on peut tantôt rapprocher l'enseignement de la Communauté et l'enseigne-
ment officiel subventionné pour les opposer à l'enseignement libre subventionné,
tantôt rapprocher les deux enseignements subventionnés, pour les opposer à
l'enseignement de la Communauté. Ces rapprochements permettent une mise en
ouvre affinée des règles d'égalité et de non-discrimination qui vont prévaloir
notamment entre les enseignants. Ces règles n'excluent pas toute différence de
traitement entre les membres du personnel des réseaux, pour autant qu'il y ait
des différences objectives entre la situation de ces membres et que la distinction
alléguée soit, à l'égard de la matière traitée, pertinente (72).
(70) C.A., n'" 25/92, 2 avril 1992; n'" 18/93, 4 mars 1993, R.B.D.C., 1995, p. 33, note F. RI-
GAUX, « Le pluralisme confessionnel>); Tijdschrift voor onderwijsrecht en onderwijsbeleid, 1993-
1994, p. 55, note A. ÛVERBEEKE, « Wat is vrij in Vlaanderen! De overheid ais beschermvrouwe
van het godsdienstonderricht in vrije protestantse scholen ».
(71) C.A., n'" 82/95, 14 décembre 1995; n'" 10/96, 8 février 1996, Voy. R. VANDERSTRAETEN,
<< Een overzicht van de roi van religieuzen in het katholieke net », Tijdschrift voor onderwijsrecht
en onderwijsbeleid, 1995-1996, pp. 157-167.
(72) C.A., n" 38/96, 27 juin 1996.
LES DROITS DE L'HOMME 235
(73) C.A., n" 25/92, 2 avril 1992; n" 28/92, 2 avril 1992; arrêt n" 18(93, 4 mars 1993.
(74) Dans nn arrêt du 21 mars 1995, la Cour précise que << la coexistence d'institutions de
droit public et d'organismes de droit privé fut une des circonstances les plus déterminantes de
l'adoption du principe d'égalité de traitement des établissements d'enseignement posé dans l'ar-
ticle 24, § 4, de la Constitution·~ (C.A, n" 27/95, 21 mars 1995). La Cour lie par ailleurs le principe
d'égalité au principe du libre choix des parents : c'est l'égalité entre établissements qui garantit
le libre choix des parents, ce qui n'empêche pas que l'enseignement organisé par la communauté
soit tenu d'observer un devoir de neutralité et que les écoles organisées par les pouvoirs publics
assument une charge particulière en ce qui concerne l'enseignement des différentes religions
reconnues en Belgique et de la morale non confessionnelle (C.A., n" 38/91, 5 décembre 1991).
236 LES CITOYENS
(81) Ibidem.
(82) C.A., n" 27/95.
238 LES CITOYENS
(83) S'il est âgé de 18 ans, J'enfant qui fréquente une école officielle ou pluraliste sera aussi
en mesure de choisir entre un cours de religion et un cours de morale (loi du 29 mai 1959,
art. 8bis, introduit par la loi du 2 juin 1970).
LES DROITS DE L'HOMME 239
(84) J.-J. MARQUELIN, Le droit aux subsides de l'enseignement libre, Bruxelles, Bruylant, 1977.
240 LES CITOYENS
(85) Deux situations peuvent se présenter : des parents désirent pour leurs enfants un ensei-
gnement non confessionnel mais ne trouvent pas, à une distance raisonnable, d'écoles dont au
moins les trois quarts du personnel sont titulaires d'un diplôme de l'enseignement non confession-
nel; des parents souhaitent un enseignement confessionnel mais ne trouvent pas d'établissement
dont au moins les trois quarts du personnel sont titulaires d'un diplôme de l'enseignement confes-
sionnel (sur la portée et l'application de ces critères inscrits dans la loi du 29 mai 1959, modifiée
par la loi du Il juillet 1973, voy. P. DE VISSCHER, op. cit., t. l''', p. 246).
(86) Tirant argument des travaux du Congrès national et du mode de rédaction de l'ancien
article 17 (article 24) de la Constitution, la doctrine considère généralement que l'enseignement
officiel présente' un caractère supplétif» par rapport à l'enseignement libre (P. DE VISSCHER, op.
cit., t. l''', p. 237); l'ordre de la phrase indiquerait l'ordre des préoccupations du constituant.
(87) Le <<ramassage scolaire' peut prendre deux formes distinctes. Tl y a le transport de libre
choix- qui vise à pallier l'absence, à une distance raisonnable, d'une école d'un caractère déter-
miné - ; il est, en principe, gratuit. Il y a aussi le transport de commodité - qui concerne les
élèves d'une école de libre choix qui se situe à distance raisonnable ou qui est plus éloignée
qu'une école de même caractère-. Normalement, il est payant (CE, L. 27.321/4, 23 mars 1998
et 29.980/2, 31 mai 2000).
(88) Un sort particulier est réservé à l'enseignement qui est dispensé dans la région bilingue
de Bruxelles-Capitale. La langue de l'enseignement y est le français ou le néerlandais, selon le
'choix du chef de famille'' mais à condition que celui-ci réside dans cette région (loi du 30 juillet
1963, art. 5, modifié par la loi du 26 juillet 1971); il n'est plus tenu compte de la langue mater-
nelle ou usuelle des enfants bruxellois pour déterminer la langue de l'enseignement qu'ils sont
tenus de suivre.
(89) La Cour européenne des droits de l'homme condamne, dans le même arrêt, le régime
organisé dans les << communes à facilités » qui sont périphériques à l'agglomération bruxelloise :
les écoles françaises ne sont pas accessibles aux enfants dont les parents ne résident pas dans
l'une des six communes, alors que les écoles néerlandaises sont ouvertes à tous les enfants, quels
que soient leur langue maternelle et le lieu de résidence de leurs parents.
LES DROITS DE L'HOMME 241
gatives gardent leur importance. Mais l'évolution des techniques comme celle
des institutions publiques peuvent leur donner de nouvelles dimensions.
(92) Ainsi en va-t-il de la saisie qui met fin à la distribution d'une publication par le retrait
d'autorité de l'ensemble de ses exemplaires. Elle a parfois été présentée comme une mesure d'ins-
truction qu'il fallait accomplir dans la recherche d'un délit de presse.
LES DROITS DE L'HOMME 243
(93) La notion de« délit de presse» est entendue dans un sens restreint. Une infraction pénale
doit avoir été commise à l'occasion de l'expression d'une pensée dans un écrit imprimé et diffusé.
On ne saurait comprendre sous cette expression toute infraction commise à l'aide de moyens
d'imprimerie : la fabrication de faux billets de banque (C. pén., art. 160 s.), l'omission des nom
et domicile de l'auteur ou de l'imprimeur responsable (C. pén .. art. 299), le refus d'insertion du
droit de réponse (décret du 20 juillet 1831), la publicité en faveur d'objets, produits ou opérations
prohibés par la loi (C. pén., art. 383), la diffusion d'avis et d'informations inexacts de nature à
ébranler le crédit de l'Etat ou la confiance dans le franc (A.R. 19 juillet et 3 décembre 1934) ..
(94) Exception faite des écrits à caractère raciste ou xénophobe (Const. art. 150, al. 2)
(A.M. ScHAUS, «Le délit de presse raciste>>, in Les droits de l'homme au seuil du troisième millé-
naire ... , p. 785).
244 LES CITOYENS
(95) Une jurisprudence contestable de la Cour de cassation met l'accent sur cette réalité en
opérant une distinction artificielle entre l'écrit - qui traduit l'exercice de la liberté de presse -
et les images, photos ou dessins qui l'illustrent qui ne sont pas protégés comme relevant de
l'usage de cette même liberté (Cass., 18 décembre 1973, Pas., 1974, I, p. 46). On trouvera une
critique de cette jurisprudence dans l'étude de J. DE MEYER, « Enkele overwegingen betreffende
de drukpersvrijheid », T.B.P., 1978, pp. 3 s.
(96) F. DELPÉRÉE, «Questions et réponses sur le statut de la R.T.B.F.», Etudes de Radio-
Télévision, 1980, n" 27, p. 44.
(97) J. RIVERO, op. cit., t. 2, p. 176.
LES DROITS DE L'HOMME 245
(lOO) La réponse doit être insérée dans le premier numéro publié après expiration d"un délai
de deux jours. qui prend cours à compter du moment du dépôt de la réponse au bureau du jour-
nal. Ainsi, le droit de réponse adressé le lundi au bureau d"un quotidien devra être publié dans
les éditions du jeudi; envoyé le même jour à un hebdomadaire qui paraît le jeudi, il devra être
reproduit dans le numéro du jeudi de la semaine suivante.
LES DROITS DE L'HOMME 247
(lOI) La notion de' langues officielles' rejoint, aujourd'hui, celle de' langues nationales •>. Il
n'en a pas toujours été ainsi. La loi du 19 septembre 1831 concernant la sanction et la promulga-
tion des lois prévoit que le texte français des lois demeure ''seul officiel •> (art. 2). La loi du
18 avril 1898 consacre le principe d'égalité des langues française et flamande;<< les contestations
basées sur la divergence de textes sont décidées d'après la volonté du législateur, déterminées sui-
vant les règles ordinaires d'interprétation sans prééminence de l'un des textes sur l'autre>> (art. 7).
Voy. aussi la loi du 31 mars 1961 relative à l'emploi des langues en matière législative, à la pré-
sentation, à la publication et à l'entrée en vigueur des textes légaux et réglementaires. La langue
allemande s'est vu reconnaître le statut de langue officielle à la faveur de la révision constitution-
nelle de 1970 (art. 3 et 4); voy. aussi la loi du 31 décembre 1983, art. 47, 53, 76 et 77.
248 LES CITOYENS
( 102) On s'interrogera ultérieurement (n" 962) sur la compatibilité des articles 30 et 129, § 2,
de la Constitution. Cette difficulté ne saurait être résolue que si l'on tient compte des ressorts
géographiques distincts qui sont ceux de la loi fédérale et du décret. Dans les matières qui sont
apparemment de compétence concurrente, le décret est en mesure d'abroger ou de modifier la loi
fédérale, mais dans le ressort d'une seule région linguistique. La loi fédérale reste d'application
ailleurs.
(103) Ce principe de territorialité était initialement conçu de manière souple. La loi du 28 juin
1932 sur l'emploi des langues en matière administrative prévoyait, en effet, l'organisation de
recensements linguistiques décennaux et l'adaptation du régime linguistique des services publics
en fonction de leurs résultats : si trente pour cent des habitants d'une commune unilingue décla·
raient utiliser plus fréquemment l'autre langue, des'' facilités» devaient leur être accordées (voy.
n" 330); si cinquante pour cent des habitants se prononçaient en faveur de l'autre langue, la
commune changeait de régime linguistique. Ce système équilibré et respectueux de la volonté
exprimée par les habitants des communes concernées a été paralysé par la grève administrative
de bourgmestres flamands qui se sont opposés à l'organisation d'un recensement avec volet lin·
guistique. La loi du 24 juillet 1961 a accrédité ce point de vue. Celle du 3 novembre 1962 a fixé
les frontières linguistiques et supprimé tout mécanisme d'adaptation automatique de ces limites.
LES DROITS DE L'HOMME 249
(104) La peine de confiscation est dangereuse et injuste parce qu'elle frappe des innocents.
(105) J. RIVERO, op. cit., t. l''', p. 27.
250 LES CITOYENS
(108) La notion d'« utilité publique» est appelée à recevoir une interprétation extensive.
Voyez, par exemple, les lois du 29 mars 1962 organique de l'aménagement du territoire et de l'ur·
banisme (art. 25), du 9 avril 1965 sur l'expansion universitaire (art. 68), du 30 décembre 1970 sur
l'expansion économique (art. 30) ...
( 109) Comme l'écrit J. HoEFFLER (avis et rapport dans l'affaire Liébin et Baudry, C.E., arrêt
n" 16.159, du 6 décembre 1973, R.J.D.A., 1974, pp. 107 s.),« si l'on s'en tient à la lettre de l'ar-
ticle 16 de la Constitution, l'expropriation n'est permise que dans les cas, c'est-à-dire dans les cir-
constances expressément visées par une loi». Mais, relève-t-il, «d'importants domaines de l'acti-
vité publique qui, par nature, requièrent sans le moindre doute des expropriations et y donnent
couramment lieu, ne font pas l'objet de textes légaux de portée générale habilitant les pouvoirs
publics à cette fin>> (p. 115).
(llO) Il revient, en particulier, au juge de vérifier si le décret d'expropriation a été régulière-
ment pris et peut s'autoriser d'une loi. Ce décret ne réalise pas l'expropriation mais l'exprime par
la décision prise par la puissance publique de procéder à une affectation du sol et à des travaux
d'aménagement de nature à modifier la topographie d'un quartier ou à transformer l'environne-
ment (J. HoEFFLER, op. cit., p. 109). Il donne aussi au pouvoir expropriant un titre à poursuivre
la procédure à cette fin.
(Ill) R. ANDERSEN et P. NtHOUL, «Le Conseil d'Etat. Chronique de jurisprudence>>,
R. B. D.C., 1994, p. 86 et références citées.
(112) Pour plus de détails, voy. C. CAMBIER, op. cit., pp. 363 s.; D. DÉOM, «Les causes parti-
culières d'expropriation», in L'expropriation pour cause d'utilité publique (dir. G. BF:NOIT, J. SAM·
BON et P. JADOUL), Bruxelles, La Charte, 1993, pp. 81-100.
252 LES CITOYENS
(113) Le dommage subi par l'exproprié ne se limite pas à la perte de la propriété, mais tient
aux effets de l'expropriation sur l'ensemble de son patrimoine, immobilier et mobilier, ainsi que
sur son activité professionnelle. Pour évaluer le dommage et donc le montant de l'indemnité, il
y a lieu de se placer au moment où statue le juge et non à celui de la naissance ou de la surve-
nance du dommage (Cass., 20 septembre 1979, J.T., 1980, p. ll6, concl. F. DuMON) .
. (ll4) J. VELU, op. cit., t. III, p. 993.
(115) P. DE VISSCHER, «Le régime administratif de la propriété privée>, Rev. Adm., 1957,
p. 176.
LES DROITS DE L'HOMME 253
(116) Cass., 16 novembre 1920, Pas., 1921, 1, p. 126. Le Conseil d'Etat ne partage pas ce
point de vue (n" 2.387, 24 avril 1953, Boi, R.J.D.A., p. 221, note M. DuMoNT). Une autre ques-
tion est celle de l'accès aux salles de danse des mineurs de moins de 18 ans non accompagnés de
leurs parents; voy. la loi du 15 juillet 1960 sur la préservation morale de la jeunesse. Adde :
1. LEYSEN, <<La liberté de danser: les mesures de police administrative à l'égard des bals et des
salles de danse>>, A.P. T., 1999, no 4.
LES DROITS DE L'HOMME 255
dans les conditions fixées par la loi; la loi de 1873 accorde aussi la
personnalité juridique aux sociétés commerciales.
La constitution d'une association est libre. L'exercice de ce droit
ne peut être soumis à mesures préventives. Mais l'octroi à cette
association, sous quelque forme qu'elle se constitue, de la personna-
lité juridique reste subordonné à des conditions que la loi est en
mesure de déterminer.
L'exercice du droit d'association peut faire l'objet de mesures
répressives : ainsi la loi du 29 juillet 1934 (modifiée par la loi du
4 mai 1936) interdit les milices privées, soit les organisations dont
l'objet est de recourir à la force, ou de suppléer l'armée ou la police,
de s'immiscer dans leur action ou de se substituer à elles; il entend
également réprimer l'action des groupements qui, par leurs exhibi-
tions, ont l'apparence de troupes militaires.
mais sur les droits d'un homme situé et engagé dans des réalités
toujours concrètes.
Il ne sert à rien pourtant d'opposer les libertés modernes aux
libertés classiques. Les mêmes préoccupations affleurent. Des
accents particuliers peuvent être apportés ici ou là. Des méthodes
différentes peuvent être utilisées. Mais, au-delà de différences cir-
constancielles, les objectifs à atteindre semblent de même nature.
Ils sont, en tout état de cause, étroitement complémentaires. A quoi
bon la sécurité juridique sans la sécurité d'existence, ou l'inverse?
Et qui peut dire que l'une est plus indispensable que l'autre aux
droits de l'homme?
Seules diffèrent, en réalité, les modalités d'intervention des pou-
voirs publics. Non, comme on le répète si souvent, parce que, dans
le domaine des libertés classiques, l'Etat doit s'abstenir et que, dans
le cadre des libertés modernes, il se doit d'intervenir. Mais parce
que, dans le premier cas, l'Etat est tenu à ce que le civiliste appelle-
rait une obligation de Jaire ou de ne pas Jaire et que, dans le second,
l'Etat est tenu à une obligation de donner qui prend principalement
la forme de prestations pécuniaires.
Il n'y a pas de libertés plus ou moins réelles, plus ou moins
concrètes, plus ou moins sociales. Elles sont toutes l'expression de
finalités identiques. Mais elles peuvent être comprises de manière
différente à des moments distincts de l'évolution de l'Etat. Une
société qui se veut libre ne saurait sacrifier les unes aux autres, ni
même donner le pas aux unes sur les autres.
Quelles sont ces libertés nouvelles dont l'Etat moderne assure à
l'individu le bénéfice?
rant par son activité les ressources nécessaires. Ce droit peut évi-
demment revêtir plusieurs significations ( 119).
La première, toute négative, se traduit dans la prohibition du tra-
vail forcé ou obligatoire. Nul ne peut être astreint à accomplir pareil
travail (Conv. europ., art. 2), mises à part les prestations requises en
cours de détention, à l'occasion de crises ou de calamités, dans le
cadre aussi de l'exécution d'obligations civiques ou militaires (ibi-
dem).
Une seconde signification, plus positive, mérite d'être soulignée.
Elle offre à chaque individu la possibilité de choisir l'emploi qu'il
juge convenir à ses aptitudes, à ses souhaits, aux disponibilités du
marché. La Constitution garantit à chacun <~ le droit au travail et au
libre choix d'une activité professionnelle~> (art. 23, al. 3, 1°, in
limine). Mise à part la catégorie des emplois publics que les pouvoirs
créent et auxquels ils pourvoient d'autorité en recrutant ceux qui
leur paraissent les plus aptes (no 144), les emplois du secteur privé
sont conférés librement.
Une troisième signification, plus positive encore, du droit au tra-
vail requiert une intervention multiforme des pouvoirs publics :
outre l'obligation, plus politique que juridique, de tenter de réaliser
le plein emploi, ils peuvent notamment souscrire à cette autre obli-
gation de créer des services de placement, d'orientation, de forma-
tion ou de réadaptation professionnelles. C'est dans ce contexte
aussi que les pouvoirs publics viendront au secours des citoyens qui
sont sans emploi, en leur versant, par exemple, des allocations de
chômage.
252. - Le droit à la santé semble également faire partie de ces
intérêts qui sont liés à l'existence même de l'individu. Il s'agit du
droit que possède toute personne de vivre en mettant sa personne
à l'abri de la maladie.
Le droit à la santé peut apparaître sous un jour individuel. C'est
une facette du droit à la vie et du droit au respect de la vie privée
(119) D. DE BRUYN, «Le droit constitutionnel au travail», A. D. Lv., 1996, p. 187; J. JACQ-
MAIN, <<Droit au travail, droit du travail », in Les droits économiques, sociaux et culturels dans la
Constitution ... , p. 170.
260 LES CITOYENS
(n° 202). Nul ne peut, dans cette perspective, être soumis à des trai-
tements inhumains et dégradants (Conv. europ., art. 3) (120).
Le droit à la santé peut également prendre une signification
sociale. La protection de la santé fait partie des objectifs qui peu-
vent justifier, dans une société démocratique, que des entraves
soient apportées au jeu normal des libertés - telle la détention
régulière de la personne susceptible de propager une maladie conta-
gieuse- (Conv. europ., art. 5, 1, e) ou l'interdiction de faire de la
publicité en faveur de tel médicament ou de tel traitement.
Le droit à la santé peut aussi susciter une intervention directe des
pouvoirs publics. Outre l'obligation générale de prévention - dans
la mesure du possible - de maladies épidémiques et autres, il y a
lieu de relever l'obligation d'organiser des services de consultation
et d'éducation pour assurer l'amélioration de la santé. Il y a place
pour un effort de santé <<publique >>. Les pouvoirs veilleront, ainsi
que le relève J. DABIN (121), à ce que chaque homme soit doté des
forces physiques qui le rendent << apte à occuper son poste social >>.
253. - Le droit à la sécurité sociale paraît également s'inscrire
parmi les besoins vitaux de l'individu. Consacré de manière
embryonnaire par les déclarations de droits de la Révolution fran-
çaise qui l'envisageaient sous forme d'une dette sacrée,<< pour élever
les enfants abandonnés, soulager les pauvres infirmes et fournir du
travail aux pauvres valides qui n'auraient pu s'en procurer>>
(Constitution du 3 septembre 1791, titre Ie•), éclipsé au XIXe siècle
par les courants du libéralisme politique qui se superposaient à ceux
du libéralisme économique, le droit à la sécurité sociale s'est pro-
gressivement inscrit dans le droit interne et international. Ce qui est
en cause, c'est le droit à << la sécurité économique de chacun par une
redistribution concertée du revenu national>> (122).
La Constitution consacre désormais << le droit à la sécurité sociale,
à la protection de la santé et à l'aide sociale, médicale et juridique >>
(art. 23, al. 3, 2°).
(120) Au sens de la Convention européenne des droits de l'homme (art. 3), la notion de« trai-
tements inhumains » déborde de beaucoup le problème de la détermination et de l'exécution des
sanctions pénales; elle vise toute mesure prise par l'autorité publique qui, en raison des circons-
tances, peut apparaître comme affectant l'intégrité physique de celui qui en est victime. La
notion de << traitement dégradant >> s'entend de toute mesure qui peut avilir l'individu en portant
atteinte à sa dignité.
(121) J. DABIN, op. cit., p. 116.
(122) J.-J. DUPEYROUX, Sécurité sociale, Paris, Dalloz, 1969, p. 26.
LES DROITS DE L'HOMME 261
(124) C'est dans cette même perspective que, sans se préoccuper outre mesure des attribu-
tions reconnues en la matière aux communautés, le législateur fédéral a cru devoir étendre la
législation sur le droit de réponse (voy. no 236) aux «émissions, éditions ou programmes audio-
visuels à caractère périodique» (loi du 4 mars 1977, art. 2). Les conditions mises à l'exercice de
ce droit diffèrent sur plus d'un point de celles requises pour l'exercice de pareil droit dans la
presse écrite. Le titulaire du droit de réponse (personne physique, personne morale ou association
de fait) doit justifier d'un intérêt personnel; il ne peut agir qu' «en vue de rectifier un ou plu-
sieurs éléments de fait erronés »ou de "répondre à un ou plusieurs faits ou déclarations de nature
à porter atteinte à son honneur» (art. 7 nouveau); il doit "motiver» sa demande. Il est précisé,
par ailleurs, que << le requérant n'accède en aucun cas au microphone, à la caméra ou au dispositif
d'enregistrement •> (art. Il, § 1"',al. 5) et que« la réponse est lue par la personne qui est désignée
par l'organisme producteur ou par l'éditeur, sans commentaire ni réplique» (art. Il, § 1 '"', al. 4).
Des voies de recours sont organisées en cas de <<refus de la demande de réponse» (art. 12).
LES DROITS DE L'HOMME 263
(128) Sur les droits de l'enfant, voy. M. BossUYT, «La Convention internationale relative aux
droits de l'enfant •>, R. !nt. D. H., 1990, p. 141 ; F. DELPÉRÉE, ''La Constitution et la Convention
relative aux droits de l'enfant», in La Convention des droits de l'enfant et la Belgique (dir. M.·
Th. MEULDERS-KLEIN), Bruxelles, Story-Scientia, 1990, p. 87; V. POULEAU, <<A propos de la
Convention internationale relative aux droits de l'enfant. L'enfant, sujet de droit . enfin une réa-
lité?», J.T., 1990, p. 617.
LES DROITS DE L'HOMME 267
(130) Voy. les<< accords de la Saint-Michel>> négociés dans la nuit du 28 au 29 septembre 1992
par le Premier ministre DEHAENE et les présidents des quatre partis de la majorité gouvernemen-
tale.
270 LES CITOYENS
(131) Sur l'ensemble de la question, voy. F. DELPÉRÉE, H. SIMONART, S. WEERTS etE. WIL-
LEMART, Les droits fondamentaux en Belgique, Louvain-la-Neuve, 1999, 95 p. et spécialement les
chapitres IV et V rédigés par E. WILLEMART.
LES DROITS DE L'HOMME 271
(132) P. WEIL, 'Les techniques de protection des libertés publiques en droit français», in
Mélanges Marcel Bride/, Lausanne, Imprimeries réunies, 1968, p. 609.
272 LES CITOYENS
( 133) Ou faudrait-il considérer que la nationalité est le premier des droits de l'homme, en tout
cas celui qui revient comme tel aux nationaux de l'Etat?
LES DROITS DE L'HOMME 273
(134) Voy. G. DoRet A. BRAAS, «La Constitution>>, in Les Novelles, Lois politiques et adminis-
tratives, t. V, Bruxelles, Larcier, 1935, p. 122, n" 308; W.,J. GANSHOF VAN DER MEERSCH, <<La
sécurité de l'Etat et les libertés individuelles et droit belge>>, R.D.l.D.C., 1958, p. 58; P. WIGNY,
op. cit., p. 265, n" 152.
(135) D. RENDERS, <>La Cour d'arbitrage et l'article 191 de la Constitution>> ... , p. 1411.
274 LES CITOYENS
(136) Voy. J.-P. LACASSE, «Les étrangers et le principe d'égalité et de non-discrimination •>,
R.D.E., 1991, pp. 33-36; R. ERGEC, "Le droit international et le droit à l'égalité des étrangers
dans la jurisprudence de la Cour d'arbitrage», R.B.D.C., 1991, pp. 622-649; P. BouCQUEY, op.
cit., ibidem.
(137) J. VELU et R. ERGEC, op. cit., n" 76
--- ------------------------------
(145) P. LAMBERT, «La mise en œuvre juridictionnelle des droits économiques, sociaux et
culturels"· in Les droits économiques, sociaux et culturels ... , p. 116.
(146) Ou groupe de particuliers: l'on pense notamment aux partis politiques, aux entreprises,
aux syndicats, aux églises, aux écoles ..
(147) M. A. EISSEN, <<La Convention européenne des droits de l'homme et les obligations de
l'individu une mise à jour ll, in René Cassin Amicorum discipulorumque Liber, t. III, Paris,
Pedone, 1971, p. 162. Voy. égal., du même auteur,« The European Convention in Human Rights
and the duties of the individual ~~. Acta Scandinavia Juris Gentium, 1962, pp. 230-253.
(148) La doctrine belge est partagée sur cette question. Voy. not. K. RIMANQUE, De toepasse-
lijkheid van de grondrechten in private verhoudingen, Anvers, Kluwer, 1982. En faveur de la Dritt-
wirkung, voy. J. VELU et R. ERGEC, op. cit., p. 75; D. SPIELMANN, L'effet potentiel de la Conven-
tion européenne des droits de l'homme entre personnes privées, Bruxelles, Bruylant, 1995. A l'op-
posé, voy. F. RwAux, La protection de la vie privée et des autres biens de la personnalité, Bruxelles,
Bruylant, Paris, L.G.D.J., 1990, pp. 675 s.; In., «Le droit successoral des enfants naturels
devant le juge international et le juge constitutionnel : obs. sous C.E.D.H., 29 novembre 1991,
arrêt Vermeire c. Belgique>~, R.T.D.H., 1992, pp. 211-226.
(149) C.E.D.H., 26 mars 1985, arrêt X. et Y. c. Pays-Bas.
280 LES CITOYENS
(155) La liberté des éditeurs de presse, par exemple, est favorisée par l'aide financière des
pouvoirs publics.
(156) La loi du 24 mai 1921 garantissant la liberté d'association complète, par exemple, l'ar-
ticle 27 de la Constitution, sans que le législateur n'ait été expressément invité à intervenir en
ce sens.
282 LES CITOYENS
(157) Le législateur fédéral a rempli ce mandat en adoptant la loi du 16 juillet 1973 garantis-
sant la protection des tendances idéologiques et philosophiques. Mon. b., 16 octobre 1973.
(158) M. VERDUSSEN et A. NoEL, <• Les droits fondamentaux et la réforme constitutionnelle de
1933 >>, A.P. T., 1994, p. 130.
(159) Ibid.
(160) En l'occurrence, la Constitution confie cependant d'importantes compétences aux com-
munautés en matière d'emploi des langues (Const., art. 129).
LES DROITS DE L'HOMME 283
(162) A ce sujet, voy. les observations de K. RIMANQUE ( «De vrijheid van expressie op stra-
ten en pleinen », T.B.P., 1978, no 1, pp. 7 à 24).
LES DROITS DE L'HOMME 287
fixés par la loi)) (171). La plupart des droits fondamentaux sont sus-
ceptibles de faire l'objet de telles dérogations.
Par contre, la Convention européenne des droits de l'homme et le
Pacte sur les droits civils et politiques limitent, quand ils les autori-
sent, les restrictions dont peuvent être affectés les droits qu'ils
reconnaissent ( 172).
(171) Coust., art. 22. Voy. égal. Coust., art. 10, al. 2, 11, 14, 16, 21, al. 2, et art. 32.
(172) Ces restrictions doivent être nécessaires, dans une société démocratique, pour préserver
les intérêts limitativement énumérés par la Convention. Voy. les art. 8, 9, 10 et 11, § 2, de la
Convention européenne des droits de l'homme. Le Pacte sur les droits civils et politiques prévoit
des limitations similaires au pouvoir du législateur.
LES DROITS DE L'HOMME 291
l'articles 131, d'autre part - , elles peuvent, par leurs avis, contri-
buer à la défense des libertés publiques.
(174) Voy. M. DRAN, Le contrôle juridictionnel et la garantie des libertés publiques, Paris,
L.G.D.J., 1968, coll. Bibliothèque constitutionnelle et de science politique.
(175) Autre chose est des attentes de l'autorité publique elle-même. Elle provoquera normale-
ment la répression des infractions commises à l'occasion de l'usage des libertés. Elle agira en vue
d'obtenir réparation des dommages qu'elle a subis.
LES DROITS DE L'HOMME 293
( 176) Sur la responsabilité de la puissance publique et de ses agents, voyez C. ÜAMBIER, op.
cit., pp. 573 s. Adde : F. DELPÉRÉE, «Problèmes de responsabilité des agents publics dans les
Etats d'Europe occidentale>>, in La responsabilité des fonctionnaires, Paris, Cujas, 1979, p. 151.
294 LES CITOYENS
(178) La chambre saisie peut à tout moment se dessaisir au profit de la Grande chambre. Elle
agit de la sorte lorsque l'affaire examinée soulève une question grave qui porte sur !"interpréta-
tion de la Convention ou lorsque l'examen du litige pourrait conduire à rendre un arrêt qui s'ins-
crirait en contradiction avec un arrêt rendu antérieurement par la Cour.
LES DROITS DE L'HOMME 299
BIBLIOGRAPHIE
Voyez également :
G. BURDEAU, Libertés publiques, 4e éd., Paris, L.G.D.J., 1972; C.A. CoLLIARD,
Libertés publiques, 6e éd., Paris, Dalloz, 1982; J. MouRGEON, Les droits de l'homme,
Paris, PUF, coll. Que sais-je 1, n° 1728; J. RoBERT, Libertés publiques, Paris, Ed.
Montchrestien, 1971.
La sécurité juridique :
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Convention européenne des droits de l'homme, Bruxelles, Bruylant, 1973; J. VELU,
Le droit au respect de la vie privée, Bruxelles, Larcier, 1974.
La sécurité personnelle :
C.J. VANHOUDT, <<Le droit de perquisition et les atteintes à l'inviolabilité du domi-
cile>>, J. T., 1959, p. 598.
La liberté d'opinion :
F. DELPÉRÉE, <<Libres propos sur la liberté d'expression», A.P.T., 1977-1978,
p. 103; P. VANDERNOOT, «La liberté d'expression dans la fonction publique en Bel-
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300 LES CITOYENS
La liberté de l'enseignement :
J. BouRTEMBOURG, (<L'enseignement et la communautarisation >>, A.P.T., 1988,
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« Federalisering van het onderwijs >>, T.B.P., 1990; R. WITMEUR, (<La Cour d'arbi-
trage (1989-1995) et le droit de l'enseignement», J.T., 1996, p. 825.
Le droit de propriété :
B. LoMBAERT, «La protection juridictionnelle de la propriété pnvee face aux
empiètements de l'administration», R. T.D.H., 1995, p. 33; P. VANDERNOOT, (<La
Cour d'arbitrage et le droit de propriété>>, A.P.T., 1999, p. 200; M. VERDUSSEN et
D. RENDERS, (<Le droit de propriété face aux politiques d'aménagement du terri-
toire. Analyse de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et
de la Cour d'arbitrage •>, Aménagement-Environnement, 1996, p. 195.
La liberté de réunion :
LES DROITS DE L'HOMME 301
La liberté de manifestation
Maintien de l'ordre et droits de l'homme, Bruxelles, Bruylant, 1987; K. RIMANQUE
et J. DE JoNGHE, <<De vrijheid van expressie op straten en pleinen •>, T.B.P., 1978,
p. 7.
La liberté d'association :
R. ANDERSEN et J. HARMEL, <<La liberté d'association et la fonction publique •>,
A.D.Lv., 1980, p. 249; J. MoRANGE, La liberté d'association en droit public français,
Paris, P.U.F, 1977; J. VAN CoMPERNOLLE, <<Le contrôle administratif et judiciaire
des syndicats», in Rapports belges au XI' Congrès de l'Académie internationale de droit
comparé, Bruxelles, 1982.
La confusion des concepts est encore avivée du fait que les pou-
voirs fédéraux se voient confier l'essentiel des tâches qui relèvent
des fonctions fédératives.
302. - Seul l'Etat fédéral, au sens strict de l'expression - il
vaudrait mieux écrire : la collectivité fédérale, par comparaison
avec les collectivités fédérées et, en même temps, par opposition à
elles - , retient, pour le moment, l'attention.
L'Etat fédéral est une collectivité politique territoriale.
L'Etat fédéral est, d'abord, une collectivité politique (§ Pr). Il se
définit tel, à raison de la personnalité juridique qui lui revient (A),
des attributions qu'il exerce (B) et des institutions spécifiques dont
il est pourvu (C). Il peut même apparaître à ce titre comme la col-
lectivité politique par excellence : les buts qu'il poursuit, les per-
sonnes qu'il rassemble, les moyens qu'il met en œuvre lui confèrent
une place privilégiée dans l'ensemble du système constitutionnel.
L'Etat fédéral est aussi une collectivité territoriale (§ 2). Un phé-
nomène notoire est relevé. L'action fédérale s'inscrit sur un terri-
toire qui est plus vaste que celui qui est assigné à toute autre collec-
tivité politique. Le droit en détermine les frontières (A) et en
authentifie les modifications (B). Il attache surtout à cette délimita-
tion des effets juridiques (C).
A. ~ La personnalité juridique
304. ~ La Constitution ne proclame pas la personnalité juridi-
que de l'Etat fédéral. Il n'empêche que les droits et obligations qui
lui incombent suffisent à attester de cette personnalité. L'existence
d'un patrimoine propre, le droit d'être représenté en justice, le droit
d'acquérir, d'aliéner, d'échanger, d'accepter des dons et des legs (1),
celui d'occuper les agents << de l'Etat 1> fédéral..., autant de carac-
tères révélateurs d'une personnalité propre.
Cette personnalité juridique est celle de l'Etat fédéral. Elle n'est
pas démembrée entre ses différents pouvoirs. Elle n'est pas partagée
entre les diverses autorités qui exercent concrètement ses fonctions.
Elle n'est pas non plus dissociée en fonction des activités de l'Etat
fédéral : la distinction d'un Etat-personne privée et d'un Etat-per-
sonne publique est d'ancienneté récusée (Cass., 5 novembre 1920,
Flandria, Pas., I, p. 218, conclusions P. LECLERCQ).
La reconnaissance au profit de l'Etat fédéral de la personnalité
juridique n'est évidemment pas sans présenter quelque originalité.
L'Etat fédéral tient une place <<hors pair 1> parmi les personnes juri-
(7) Voy. aussi le traité des 24 articles du 19 avril 1839 et la Convention de Maastricht du
8 août 1843. Par la suite, et après la première guerre mondiale, le Traité de Versailles du 28 juin
1919 a prévu l'adjonction du territoire de Moresnet ainsi que celui d'Eupen-Malmédy-Saint-Vith.
(8) V. LEJEUNE, <<La mer territoriale fait-elle partie du territoire de la province de Flandre
occidentale?>>, note sous C.E., n" 17.569, 27 avril 1976, Koninklijk Belgisch Yachting Verbond,
A.P.T., 1976-1977, no 4, p. 332. Adde: l'avis nuancé de la section de législation du Conseil d'Etat
(chambres réunies) sur des amendements au projet de loi spéciale de réformes institutionnelles
(Doc. Parl., Ch., 1980, n" 627(12).
312 LES COLLECTIVITÉS POLITIQUES
B. - La modification de frontières
310. - <<Les limites de l'Etat ... ne peuvent être changées ou rec-
tifiées qu'en vertu d'une loi >> précise l'article 7 de la Constitution;
son article 167, § P", alinéa 3, complète l'énoncé du principe général
en fournissant quelques exemples d'application : <<Nulle cession, nul
échange, nulle adjonction de territoire ne peut avoir lieu qu'en
vertu d'une loi >>. Ces dispositions sont significatives à plus d'un
titre.
Premièrement, la Constitution ne prohibe pas d'une manière
générale les modifications de frontières. Au contraire, elle les auto-
rise. Que ces changements se traduisent en plus ou en moins, ou
qu'ils représentent une opération d'échange importe peu en l'espèce.
Ainsi, la Constitution qui paraît faire obligation expresse à certaines
de ses autorités de <<maintenir ... l'intégrité du territoire>> (art. 91)
n'a pu s'empêcher, dans un réflexe de réalisme, de tenir compte de
quelques-uns des aléas de la vie internationale; elle n'hésite pas,
dans le même esprit, à imaginer, dans son article 185, l'hypothèse
où le territoire serait occupé ou traversé sans habilitation légale par
une troupe étrangère - ce qui correspond à la définition internatio-
nale de l'agression et de la violation de territoire - .
Dans la double éventualité de l'accroissement - elle se réalisera
avec les cantons d'Eupen, Malmédy et Saint-Vith, par exemple -
et de la restriction- elle se réalisera notamment avec une partie de
la province du Luxembourg - , la Constitution ne pouvait négliger
de régler la procédure de modification des frontières.
Deuxièmement, la Constitution attribue compétence au légis-
lateur fédéral pour procéder à l'opération de modification des fron-
tières. Sans doute, ces modifications sont-elles, le plus souvent, ins-
crites dans un traité international que le roi est, pour la Belgique,
amené à conclure. Mais l'accord qu'il peut ainsi apporter au nom de
l'Etat ne saurait, à raison des particularités du droit public belge,
emporter effet en droit international s'il ne se trouvait consolidé par
l'adhésion que lui apporte le législateur fédéral par le vote d'une loi
bicamérale; celle-ci, à la différence de la loi d'assentiment, apparaît
comme condition de validité de l'opération en droit international (9)
et non comme élément de validité du traité en droit interne.
à celles qui sont attribuées aux collectivités fédérées et qui affectent nécessaire-
ment une portion du même territoire (sur le territoire régional, voy. no 318; sur
l'aire de compétence communautaire, voy. n°' 328 s.).
Plusieurs précisions méritent à ce propos d'être apportées.
Dans l'accomplissement de ses tâches, l'Etat fédéral ne peut être entravé par
les comportements de collectivités politiques qui prétendraient iJ?,staurer des
aires géographiques réservées et où serait exclue toute intervention fédérale.
A l'inverse, l'Etat fédéral ne peut perturber, au nom d'un prétendu principe
de prééminence, l'exercice des compétences fédérées. Une exception est relevée
dans la Région bruxelloise : l'Etat fédéral se réserve le droit d'intervenir, dans
quatre matières de compétence régionale, en vue de préserver « le rôle national
et international de la capitale>> (n° 1032).
L'Etat fédéral - qui est en mesure d'intervenir sur l'ensemble du territoire
national - peut pratiquer des politiques sectorielles qui le conduisent à n'agir
que pour une partie de celui-ci (n" 339). Les secteurs géographiques sélectionnés
pour diversifier les politiques fédérales coïncident peut-être avec ceux qui ser-
vent de ressort territorial aux régions, voire aux communautés. Dès l'instant où
les autorités fédérales restent dans leurs domaines de compétence matérielle, l'on
ne saurait y voir une intrusion dans le champ des responsabilités fédérées.
313. - <(La Belgique comprend trois régions ... >> (Const., art. 3).
La Constitution ou, à la rigueur, une loi spéciale <( établit >> leur <( res-
sort>> (Const., art. 5 et 39). Dans leur laconisme, les prescriptions
constitutionnelles ont un mérite. Elles indiquent que les régions
sont des collectivités politiques. Elles précisent aussi qu'il s'agit de
collectivités territoriales.
Pour tenir compte du vocabulaire utilisé par la Constitution et par la loi spéciale
du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises, l'on désignera la collecti-
vité politique sous le titre de<< Région bruxelloise >>et l'on qualifiera ses institutions
de Conseil et de Gouvernement de la « Région de Bruxelles-Capitale >>.
C'est <<la Belgique>> (19) tout entière qui doit comprendre (20) trois
régions (21). La formule est nette à souhait. Elle exclut l'hypothèse
selon laquelle la carte de la Belgique régionalisée pourrait com-
prendre des blancs : nulle commune, nul arrondissement, nulle pro-
vince n'échappe à la division du territoire en régions.
La Constitution fixe aussi, on l'a relevé, la dénomination des
régions : ce sont << la Région wallonne, la Région flamande et la
Région bruxelloise>> (art. 3).
La Constitution hésite, par contre, sur la manière d'établir le res-
sort territorial de chaque région. Elle opère d'office pour la Région
wallonne et pour la Région flamande. Elle laisse au législateur spé-
cial le soin de régler cette question pour la Région bruxelloise.
C. - La Région bruxelloise
320. - Si l'on s'en tient à la pureté des principes constitutionnels, c'est le
législateur, statuant à la majorité spéciale, qui est habilité à fixer << le ressort»
de la Région bruxelloise (art. 39). La section de législation du Conseil d'Etat
dira en ce sens que<< l'obligation d'exécuter l'article (39) pour la Région bruxel-
loise comme pour les autres régions est et demeure inscrite dans la Constitu-
tion» (22).
La loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises met en
œuvre cette compétence. Elle précise que «le territoire>> de la Région bruxelloise
(23) Sur cette question, voyez F. DELPÉRÉE, ''Le statut de Bruxelles», in La réforme de l'Etat,
cent cinquante ans après l'indépendance nationale, Bruxelles, Ed. Jeune Barreau, 1980, p. 331.
320 LES COLLECTIVITÉS POLITIQUES
(24) Les commissions communautaires doivent également être considérées comme des collecti-
vités politiques (n" 374).
L'ÉTAT FÉDÉRAL ET SES COMPOSANTES 321
(25) Cette conception étroite est préconisée par Y. LEJEUNE (<<La notion de collectivité en
droit public belge», in Liber amicorum E. Krings ... , pp. 209 s.) ainsi que par M. UYTTENDAELE
et R. WITMEUR, «La frontière linguistique entre deux eaux», J.T., 1997, p. 477. Camp. F. DEL-
PÉRÉE, « Le 'peuple', la 'nation' et la 'Communauté' dans la Constitution belge», in Le concept
de peuple (dir. F. RIGAUX), Bruxelles, Story-Scientia, 1988, p. 65.
322 LES COLLECTIVITÉS POLITIQUES
met l'emploi d'une autre langue que celle de la région dans laquelle
ils sont situés (Const., art. 129, § 2, premier tiret) (32). Ces com-
munes sont généralement qualifiées de <~ communes à statut spécial •>
(Doc. parl., Sénat, sess. ord. 1962-1963, no 304; Ann. parl.,
Chambre, 6 novembre 1997, intervention J.L. DEHAENE).
~·Le règlement de l'emploi des langues pour les opérations électorales>> peut,
par exemple, être «fixé par la Communauté française et par la Communauté fla-
mande pour les communes sans statut linguistique spécial >>. Il doit, par contre,
être fixé par le législateur fédéral, statuant à la majorité spéciale pour les com-
munes dotées d'un statut spécial (Doc. parl., Chambre, 1985-1986, 315, n"' 1 et
2; C.E., L. 22.180/VR, le' avril 1993; adde: C.A., n" 26/90, 14 juillet 1990).
(32) On vise ainsi, d'une part, ''les communes périphériques' et, d'autre part, «les communes
de la frontière linguistique». On y ajoute les «communes malmédiennes ».
Les « communes périphériques », au sens des lois coordonnées sur l'emploi des langues en
matière administrative (art. 7), sont dotées d'un statut propre et sont considérées comme des
communes à régime spécial. Situées dans l'arrondissement de Hal-Vilvorde, il s'agit des com-
munes de Drogenbos, Kraainem, Linkebeek, Rhode-Saint-Genèse, Wemmel et Wezembeek-
Oppem.
Les «communes de la frontière linguistique», au sens des mêmes lois (art. 8), sont dotées,
elles, d'un régime spécial en vue de la protection de leurs minorités. Il s'agit, dans la province
du Brabant flamand, de la commune de Biévène, dans la province de Flandre occidentale, des
communes de Messines et Espierres-Helchin, dans la province de Flandre orientale, de la com-
mune de Renaix, dans la province de Hainaut, des communes de Comines, Enghien, Flobecq et
Mouscron, dans la province de Limbourg, des communes de Fouron et d'Herstappe.
Les «communes malmédiennes », que visent les mêmes lois coordonnées (art. 8, 2"), sont égale-
ment dotées d'un « régime spécial » en vue de la protection de la minorité de langue allemande.
Il s'agit, dans l'arrondissement de Verviers, et donc dans la province de Liège, des communes
de Malmédy et de Waimes.
L'ÉTAT FÉDÉRAL ET SES COMPOSANTES 327
écarter d'autres. Seules sont prises en compte les << institutions >> qui
sont établies dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale. Les
termes employés sont particulièrement vagues; ils peuvent viser des
institutions privées ou publiques, des entités autonomes ou des ser-
vices distincts, etc.
Par contre, les personnes physiques établies dans la région bilin-
gue ne sont pas, à la différence de celles qui relèvent de régions uni-
lingues, personnellement assujetties à l'observation des décrets : ce
n'est qu'indirectement, et à travers l'action ou l'intervention d'ins-
titutions spécialisées (écoles, théâtres, hôpitaux, centres sportifs ... ),
qu'elles seront considérées comme relevant de l'une, de l'autre, voire
des deux communautés.
333. - Un critère matériel ou un critère organique vient s'y
ajouter.
Lorsque le décret entend régler des matières culturelles, l'enseigne-
ment ou la coopération entre les communautés, c'est le critère maté-
riel qui prévaut. Les institutions prises en considération doivent
exercer des << activités >> dont le caractère les fait appartenir de plein
droit à une communauté.
Le critère matériel qui est ainsi retenu est particulièrement res-
trictif. Dans une région unilingue, en effet, non seulement toutes les
personnes physiques mais encore toutes les institutions publiques ou
privées, quelles que soient leurs activités (culturelles ou non, locali-
sées exclusivement dans la région linguistique ou non), vont être
considérées comme relevant de la communauté correspondante;
dans la région bilingue, par contre, seules les institutions dont les
activités sont d'ordre culturel pourront être rattachées valablement
à l'une ou l'autre des communautés.
Le décret du 20 juillet 1975 fait obligation aux institutions publiques d'appo-
ser en certaines occasions le drapeau de la Communauté française sur les édifices
publics : le décret concerne, en région de langue française, toutes les institutions
publiques - maisons communales, écoles, prisons, casernes ... - alors que, dans
la région bilingue, il ne touche que les institutions culturelles (33).
(34) Un décret de la Communauté française du 1"'juillet 1982 fixe les critères d'appartenance
exclusive à cette communauté des institutions traitant les matières personnalisables dans la
région bilingue de Bruxelles-Capitale : «Appartiennent exclusivement à la Communauté fran·
çaise, au sens de l'article (128, § 2) de la Constitution, les institutions ... dont les actes de gestion
courante et journalière se font en français et qui, par l'organisation de leur service d'accueil,
s'adressent de manière spécifique aux francophones» (art. 2).
330 LES COLLECTIVITÉS POLITIQUES
(35) «L'autorité fédérale conserve, à titre résiduel, compétence exclusive à l'égard des institu-
tions établies dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale qui, en raison de leurs activités, ne
peuvent être considérées comme appartenant exclusivement à l'une ou l'autre communauté>>
(C.E., L. 23.040, 4 mai 1994).
L'ÉTAT FÉDÉRAL ET SES COMPOSANTES 331
BIBLIOGRAPHIE
On consultera également
F. DELPÉRÉE, Le nouvel Etat belge, Bruxelles, Labor, 1986; F. DELPÉRÉE et S.
DEPRÉ, Le système constitutionnel de la Belgique, Bruxelles, Larcier, 1998.
CHAPITRE II
L'ÉTAT ET SES DIVISIONS
ti vi tés qui voient délimiter leur champ d'action dans l'espace par
référence à une portion du territoire.
Une étude de l'Etat belge qui ignorerait ces réalités politiques et
institutionnelles serait amputée d'une donnée importante. Comment
caractériser le centre en ignorant les extrémités?
Les communes, les provinces, les agglomérations et fédérations de
communes ainsi que les districts sont des collectivités qui présentent
une même caractéristique : ce sont des collectivités politiques. Elles
sont, avec l'Etat fédéral et les régions, les espèces d'un genre com-
mun : les collectivités politiques territoriales. La Constitution précise
notamment la manière dont sont établis et modifiés les ressorts ter-
ritoriaux de ces collectivités politiques.
Les commissions communautaires représentent, pour leur part,
des collectivités d'un type particulier. Ce ne sont pas des collectivités
politiques territoriales, mais communautaires. La Constitution les
organise. Elle doit, cette fois, préciser leur aire de compétence grâce
à des facteurs institutionnels de rattachement.
(3) Il est précisé qu'aucune commune ou groupe de communes ne pourrait rester" en l'air'' :
«chaque commune du Royaume fait partie d'une de ces régions linguistiques>> (Const., art. 4,
al. 2).
L'ÉTAT ET SES DIVISIONS 335
(4) Autre chose est évidemment de la constitution des communautés (n"' 324 s.).
336 LES COLLECTIVITÉS POLITIQUES
A. - La personne juridique
344. - Une personnalité distincte de celle de l'Etat fédéral et de
ses composantes caractérise, sans conteste, la commune. La Consti-
tution, peu familiarisée avec ce problème dont les contours, même
en doctrine, sont mal assurés, ne consacre pas de manière expresse
L'ÉTAT ET SES DIVISIONS 337
(5) La Cour de cassation l'observe dans un arrêt du 6 avril 1922 :<<Doit être considéré comme
d'intérêt communal, l'acte ou le service public qui intéresse la collectivité des habitants d'une
commune» (Rev. Adm., 1923, p. 143).
338 LES COLLECTIVITÉS POLITIQUES
(6) Y. LF,JIWNE, «La gestion des intérêts généraux par les communes», A. P. T., 1986, p. 126.
L'ÉTAT ET SES DIVISIONS 339
L'école communale est dirigée par la commune (art. 23). Le conseil arrête le
cadre du personnel et désigne les instituteurs. Il organise l'enseignement qui se
donne dans cette école (7).
L'école communale est une école officielle. Elle n'est pas soumise à l'obligation
de neutralité que la Constitution impose aux écoles qui sont organisées par la
communauté. Une contrainte s'impose néanmoins dans l'aménagement des pro·
grammes. L'école doit offrir le choix <<entre l'enseignement d'une des religions
reconnues et celui de la morale non confessionnelle>> (Const., art. 24, § 1"', al. 4).
348. - << La police communale fait partie des matières relevant de l'intérêt
communal>> (C.A., n" 18/94, 3 mars 1994) ..
La commune <<a pour mission de faire jouir les habitants des avantages d'une
bonne police, notamment de la propreté, de la sûreté et de la tranquillité dans les
rues, lieux et édifices publics>> (NLC, art. 135, § 2, al. 1'"). A cette fin, il revient
au conseil communal d'établir <<les ordonnances de police communale>> (NLC,
art. II9, al. 1c'). Il peut les assortir de sanctions pénales.
Reprenant à son compte des formulations qui étaient déjà inscrites dans l'ar·
ticle 50 du décret du 14 décembre 1789 relatif à la constitution des municipalités
et l'article 3 du décret des 16·24 août 1790 sur l'organisation judiciaire, ainsi que
les commentaires que la jurisprudence leur a apportés en près de deux siècles
(Cass., 9 octobre 1953, Pas., 1954, I, p. 109) (8), la loi fédérale reconnaît à la
commune- et plus particulièrement au conseil communal (9)- des responsabi·
lités spécifiques dans le domaine de la police générale (10). Ce pouvoir de police
ne peut s'exercer - dans les matières que la loi confie aux autorités commu·
nales - que pour autant que la mesure prescrite soit nécessaire pour atteindre
le but poursuivi (Il).
La compétence du conseil est assortie de deux exceptions.
- Le collège exerce <<la police des spectacles» (NLC, art. 130), c'est·à·dire
veille à ce que les représentations de spectacles ne compromettent pas l'ordre
public. L'interdiction doit être temporaire. Elle doit se justifier par des raisons
qui tiennent au maintien de l'ordre public. Elle doit répondre aux exigences de
la proportionnalité (C.E., n° 44, 9 mai 1949, Universal Films; n" 6.797, 8 janvier
1959, Columbia Films; n" 38.018, 31 octobre 1991 et n" 38.108, 14 novembre
1991, SPRL Sound and Vision).
Le bourgmestre assume des tâches de suppléance (NLC, art. 134, § 1 ec) dans
deux hypothèses. L'une est celle <<d'émeutes, d'attroupements hostiles, d'at-
teintes graves portées à la paix publique •>. L'autre est celle <<d'autres événe-
ments imprévus ». Dans ces deux cas, << lorsque le moindre retard pourrait occa-
sionner des dangers ou des dommages pour les habitants •>, c'est-à-dire en cas
d'urgence (12), le bourgmestre peut, à son tour, <<faire des ordonnances de
police •> (13).
Comme l'écrit M.-A. FLAMME, le premier magistrat communal <<est (ainsi)
investi ... d'un pouvoir réglementaire exceptionnel, sorte de dictature momenta-
née dont il peut assurer la fonction par des peines de police» (14). Dans la prati-
que administrative, une grande tolérance existe en ce qui concerne l'appréciation
de l'urgence. L'intervention du bourgmestre est jugée régulière non seulement
s'il lui est impossible de réunir le conseil communal mais aussi s'il est simple-
ment difficile de tenir la réunion à temps.
( 16) Les crises qu'un régime de type parlementaire ménage dans le fonctionnement des collec-
tivités politiques semblent inconciliables avec le souci de continuité qui doit caractériser la ges-
tion des intérêts locaux.
342 LES COLLECTIVITÉS POLITIQUES
C. - Le ressort de la commune
353. - Par définition, chaque collectivité locale intervient dans
le ressort qui est le sien. Des exceptions mineures sont apportées de
manière classique à cette règle de bon sens.
Il est traditionnellement admis que la commune peut installer un
cimetière public en dehors des limites du territoire communal et y
exercer les compétences de police qui s'attachent à l'ensevelissement
des défunts (18).
La constitution d'une association de pouvoirs publics permet la
gestion des intérêts locaux au-delà des limites du territoire d'une
collectivité locale. Selon l'expression consacrée, il s'agit de faire
<<plus grand>> mais il ne s'agit pas de faire <<autre chose>>.
(18) F. D!èLPÉRÉE, «Les cimetières et les musulmans>>, R.B.D.C., 1997, pp. 267 s.
344 LES COLLECTIVITÉS POLITIQUES
A. - La personne juridique
355. - De la même manière qu'elle consacre implicitement la
personnalité juridique de la commune, la Constitution la reconnaît à
la province. Elle range ainsi la province parmi les << pouvoirs
publics>> qu'elle organise (art. 41, 162 et 163).
L'attribution d'une telle personnalité juridique est clairement
attestée par la loi provinciale qui confère des prérogatives particu-
lières aux provinces, notamment la compétence de se doter d'un
personnel (art. 65, al. 2) et d'un budget (art. 66), de faire <<les
emprunts, les acquisitions, aliénations et échanges de biens de la
province>> (art. 73), de créer et organiser des établissement publics
d'intérêt provincial (art. 72) ainsi que d'ester en justice (art. 74 et
124).
(20) Comme les autres collectivités locales, la province n'agit que dans le cadre des moyens
qu'elle acquiert - en ce compris par le biais de l'impôt (Const., 170, § 3, avec les exceptions
importantes que précisent ses al. 2 et 3) - ou qui lui sont alloués- par le biais de dotations - .
La province est investie des tâches de gestion des intérêts provinciaux. Elle doit également assu-
mer la gestion des intérêts généraux que l'Etat fédéral, la communauté ou la région lui confient.
(21) Cass., 29 avril 1872, Pas., 1, p. 315.
(22) M.-A. FLAMME, op. cit., p. 189. J.-M. FAVRESSE, «La province et l'Etat central
Approche théorique», in La province dans l'Etat belge, Bruxelles, La Charte, 1985, p. 63.
346 LES COLLECTIVITÉS POLITIQUES
(23) LP, art. 1°' : ''Il y a dans chaque province un conseil provincial, une députation perma-
nente et un gouverneur)).
348 LES COLLECTIVITÉS POLITIQUES
C. - L 'extraprovincialisation
362. - L' <• extraprovincialisation )) de certaines parties du terri-
toire est prévue explicitement par la Constitution : aux fins de sous-
traire celles-ci à la division de la Belgique en provinces, une loi spé-
ciale (art. 5, al. 3) peut fixer les limites de ces territoires, préciser
qu'ils relèvent directement du pouvoir exécutif fédéral et les sou-
mettre à un statut propre. Cette disposition, conçue initialement
pour résoudre les difficultés nées dans les Fourons, n'a pas reçu
d'application.
En 1962, les six communes de Fourons ont été transférées de la province de
Liège (arrondissement de Verviers) à la province de Limbourg (arrondissement
de Tongres). Elles font ainsi partie de la région de langue néerlandaise, tout en
étant dotées d'un régime spécial en vue de la protection des minorités~ en fait,
des majorités d'habitants d'expression française~. Elles entrent dans la catégo-
rie des ''communes de la frontière linguistique~ (lois coord. sur l'emploi des lan-
gues en matière administrative, art. 8).
Devant les vives réactions suscitées par cette situation, le gouvernement sug-
géra, en 1968, d'« extraprovincialiser >) les six communes des Fourons et de les
(24) Les régions linguistiques prennent pour base géographique les limites de certaines pro-
vinces (n" 330).
L'ÉTAT ET SES DIVISIONS 349
A. - La personne juridique
364. - La loi du 26 juillet 1971 organisant les agglomérations et
les fédérations de communes lève toute équivoque en précisant, en
son article 3, § 3, que <<les agglomérations et les fédérations sont
dotées de la personnalité juridique»>.
La dénomination choisie- agglomération ou fédération de com-
munes - est sans incidence sur le statut juridique de la collectivité.
La première appellation est réservée aux collectivités qui pourraient
être constituées à Anvers, Bruxelles, Charleroi, Gand et Liège. La
seconde est donnée aux collectivités qui seraient créées ailleurs dans
le pays.
L'on relève que l'agglomération bruxelloise ne jouit que d'une
personnalité incomplète. Les droits et obligations qui lui reviennent
à ce titre sont, en réalité, exercées par les autorités d'une autre col-
lectivité politique, la Région bruxelloise.
(25) C.E., L. 21.739/9, 23 décembre 1992. Adde : P. NmouL, «Les autorités bruxelloises», in
La Belgique fédérale ... , p. 145, note 109.
352 LES COLLECTIVITÉS POLITIQUES
§ 2. - Le ressort territorial
A. - La personne juridique
370. - Il n'apparaît pas clairement des textes constitutionnel et
législatifs si l'institution infracommunale détient la personnalité
juridique. Elle n'a pas de personnel, ni de moyens financiers propres
mais utilise une part de ceux qui reviennent à la commune (NLC,
art. 340, § 6, 346 et 34 7). Elle possède néanmoins des biens, elle
engage des dépenses, elle fait exécuter des travaux, elle érige des
établissements .... Tout donne à penser qu'en rangeant cette institu-
tion parmi les pouvoirs constitués, l'article 41 de la Constitution
§ 2. - Le ressort territorial
A. - La personne juridique
377. - L'article 60 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative
aux institutions bruxelloises, pris en application de l'article 135 de
la Constitution, prévoit que chaque commission possède la person-
nalité juridique (30).
(32) L. sp. 12 janvier 1989, art. 65. Pour les missions déléguées, aucun mécanisme particulier
de tutelle n'est institué. Voy. R. ANDERSEN,« Les compétences des institutions bruxelloises», in
La Région de Bruxelles-Capitale ... , p. 287.
L'ÉTAT ET SES DIVISIONS 359
Capitale. Ceux-ci sont, par la force des choses, investis d'un triple
mandat : conseiller régional, conseiller de l'Assemblée de la Commis-
sion communautaire, conseiller de l'Assemblée réunie.
Le Collège de la Commission communautaire comprend les deux
ministres et le ou les secrétaires d'Etat du gouvernement régional
qui appartiennent au groupe linguistique correspondant. En fonc-
tion de ce groupe, le ministre-président est également membre de
l'un des collèges (33).
Quant à la commission communautaire commune, elle a, pour
autorités une Assemblée réunie et un Collège réuni.
L'Assemblée réunie rassemble les membres des deux groupes lin-
guistiques de la Région de Bruxelles-Capitale. Elle comprend donc
septante-cinq membres. Trait caractéristique de son statut : elle
délibère selon la règle de la double majorité.
Le Collège réuni se compose, pour sa part, des ministres bruxel-
lois, à l'exclusion, par conséquent, des secrétaires d'Etat. Le
ministre-président en fait partie, mais il n'y détient qu'une voix
consultative même s'il en assume la présidence (l. sp. 12 janvier
1989, art. 77).
(33) L. sp. 12 janvier 1989, art. 60, al. 2 et 3, modifié par l'art. 77 de la l. sp. 16 juillet 1993
(I). Adde : L. sp., art. 76 :<<Un membre bruxellois du gouvernement de la Communauté française
et un membre bruxellois du gouvernement flamand désignés par leurs gouvernements assistent
avec voix consultative aux séances du Collège de la Commission communautaire française ou du
Collège de la Commission communautaire flamande, selon le cas» (al. 1"'); <• Ils assistent, tous
deux, dans les mêmes conditions, aux séances du Collège réuni>> (al. 2).
360 LES COLLECTIVITÉS POLITIQUES
BIBLIOGRAPHIE
équilibre des masses ... Tout donne à penser que les similitudes de
vocabulaire et les images qu'elles suggèrent ne relèvent pas d'un
simple jeu de société mais traduisent l'adéquation de réalités com-
parables.
Les analogies que l'on relève peuvent évidemment être trom-
peuses si elles laissent croire que l'entreprise constitutionnelle se
donne pour seul but de tracer puis d'élever la charpente générale de
l'Etat; elles réduisent alors le droit public à l'étude de ses struc-
tures, c'est-à-dire à la description de son ossature. Les analogies
peuvent, par contre, être instructives et significatives si elles rappel-
lent que construire est vain pour qui entreprend la conception et
l'exécution d'un plan, sans se soucier des besoins à satisfaire. L'art
de construire rappelle, mieux que tout autre, que l'organisation à
promouvoir va de pair avec la fonction à remplir, les structures à
construire avec les intérêts à protéger, le cadre de vie à aménager
avec l'action à poursuivre.
En d'autres termes, la distinction chère aux publicistes entre
l'étude des structures de l'Etat (ou dans l'Etat) et celle du fonction-
nement des pouvoirs dans le même Etat paraît artificielle.
Comment les options en matière de structures ne conditionne-
raient-elles pas le fonctionnement des pouvoirs? On ne légifère pas
de la même manière et dans les mêmes matières dans un Etat uni-
taire et dans un Etat fédéral... En revanche, la connaissance des
modalités de fonctionnement en droit et en fait des pouvoirs dans
l'Etat est indispensable pour caractériser correctement les struc-
tures de cet Etat. On ne contrôle pas de la même manière et sur les
mêmes matières dans un Etat unitaire et dans un Etat fédéral...
(2) M. W ALINE, «Empirisme et conceptualisme dans la méthode juridique : faut-il tuer les
catégories juridiques 1 », in Mélanges Dabin, t. I, p. 687.
(3) Sur cette discussion, voy. F. DELPÉRÉE, La Belgique, Etat fédéral?, cité, p. 638.
(4) C. CAMBIER, op. cit., p. 138.
366 LES COLLECTIVITÉS POLITIQUES
(5) «Pour nous servir de guide dans cette œuvre de rénovation, notre vieille devise nationale
a gardé toute son actualité. En l'adoptant, les fondateurs de la Belgique indépendante avaient
conscience à la fois de notre diversité et notre indispensable cohésion. Ils pensaient qu'au sein
d'un pays, les régions, dans leur légitime autonomie, sont les parties complémentaires d'un
ensemble et ne peuvent s'ériger en jalouses rivales. Ils savaient que fédérer c'est unir dans la dif-
férence acceptée et non pas dissocier dans l'affrontement>> (Discours du Roi BAUDOUIN, le
31 mars 1976).
(6) Les études de G. SCELLE ont bien démonté ce mécanisme : l'Etat décentralisé peut être
la condition mise par des collectivités préexistantes à leur soumission ou à leur intégration dans
une société politique plus étendue; l'Etat fédéral, de son côté, peut tantôt résulter de l'associa-
tion ou de l'agrégation d'organismes étatiques originaux, tantôt provenir d'un phénomène de
désagrégation d'Etats ou d'empires préexistants (G. SCELLE, <<Le droit public et la théorie de
l'Etat>>, in Introduction à l'étude du droit, Paris, Rousseau, 1951, t. I. p. 34).
L'ÉTAT ET SES STRUCTURES 367
(7) R. PINTO, Eléments de droit constitutionnel, Lille, Morel et Corduant, 1952, p. 195.
(8) Sur l'opposition classique comme sur certains rapprochements entre <• confédération» et
<• fédération •>, voy. P. REUTER, op. cit., p. 154-.
368 LES COLLECTIVITÉS POLITIQUES
(12) Voy. L. FAVOREU, Les cours constitutionnelles, P.V.F .. 1992, 2'' éd., «Que sais-je?»,
n" 2293, pp. 51 s.
(13) Ibid., pp. 6 à 10.
(14) Le degré de coopération organique est variable. Les collectivités fédérées participent à
la révision de la Constitution de l'Etat; ou bien, elles sont représentées au sein d'une assemblée
législative fédérale; ou bien encore, elles désignent les membres du gouvernement fédéral. Toutes
caractéristiques qui permettent aux collectivités fédérées d'être présentes, pour une part, ~·dans
la substance du pouvoir fédéral>> (G. BURDEAU, Droit constitutionnel ... , op. cit., p. 50).
374 LES COLLECTIVITÉS POLITIQUES
(15) .J. ANASTOPOULos, Les aspects financiers du fédéralisme, Paris, L.G.D.J, 1979, p. 221.
(16) J. C. VILE, The structure of American Federalism, New York, Oxford University Press.
1961, p. 199 (cité par J. ANASTOPOULOK, op. cit., p. :~99).
( 17) Les systèmes confédéraux n'aménagent, en principe, aucun lien, ni de subordination ni
de coopération, entre les collectivités particulières des Etats confédérés et les institutions de la
confédération. Ce problème d'organisation institutionnelle sort du domaine du droit interne pour
déboucher sur la scène internationale (voy. n" 388).
L'ÉTAT ET SES STRUCTURES 375
(18) Sur ce thème, F. D~~LPÉRÉE, «Le compromis régional», in Rapports belges au IX' Congrès
international de droit comparé, Bruxelles, 1974. pp. 407 s.
376 LES COLLECTIVITÉS POLITIQUES
époques. Un salon victorien, une salle à manger Henri IV, une chambre à cou-
cher Louis-Philippe, une cuisine moderne et un grenier vide ... Discutera-t-on des
goûts et des couleurs? L'ensemble peut être, selon le talent du décorateur, plus
ou moins réussi, plus ou moins harmonieux, plus ou moins pratique ... Il en va
de même dans la vie des Etats >>.
(19) C.J. FRIEDRICH, Tendances du fédéralisme en théorie et en pratique, trad. par A. et L. PHJ-
LIPPART, Bruxelles, Institut belge de science politique, 1971, p. 19 (cité par F. DELPÉRÉE et
M. VERDUSSEN, <<L'organisation •>, in La Belgique fédérale ... , p. 59).
L'ÉTAT ET SES STRUCTURES 379
A. - La perspective unitaire
407. - L'Etat belge de 1831 était, sans conteste, un Etat uni-
taire. Ce n'est pas à dire, comme on le soutient très so~vent, que
la forme de l'Etat s'est imposée d'elle-même. Les membres du
Congrès national étaient conscients des diversités de tous ordres, et
spécialement des particularités provinciales, qui caractérisaient le
nouvel Etat. Ils n'ont pu esquiver le débat institutionnel, théorique
et pratique, sur le choix des structures qui paraissaient le mieux
correspondre à ces réalités politiques. Sur ce terrain fondamental,
les discussions du Congrès national ne laissent point, cependant,
d'être quelque peu décevantes. Et ceci pour trois raisons.
La première est d'ordre politique. Les tenants de la thèse fédérale
au Congrès n'ont eu de cesse d'associer au problème des formes de
l'Etat celui des formes du gouvernement et même celui des modes
de désignation du chef de l'Etat; l'idée fédérale ne pouvait, selon
eux, se concrétiser que dans la <<république fédérative des provinces
belges)) (20). L'option prise, dès le 22 novembre 1830, en faveur
d'une forme monarchique de gouvernement eut pour résultat
d'écarter la solution fédérale et de clore prématurément le débat sur
les structures de l'Etat. Observateur attentif des premiers moments
de la Belgique indépendante, E. HuYTTENS pouvait écrire, en ce
sens, aux premières lignes de ses Discussions du Congrès national :
<<La révolution belge a fait une nation, une dynastie, une Constitu-
tion)) (21). Il serait même plus exact d'écrire: une Constitution, une
dynastie, une nation.
La deuxième raison est d'ordre doctrinal. Les tenants de l'une et
de l'autre thèses, plus préoccupés de références à l'Antiquité que
d'analyses de droit contemporain, n'ont pas été en mesure d'étayer
leur argumentation sur quelques modèles précis de référence. Igno-
rant le droit public des Etats-Unis d'Amérique, <<cette confédéra-
tion étendant son autorité des lacs du Canada jusqu'au pied des
Montagnes rocheuses, depuis l'océan jusqu'aux hordes sauvages qui
avoisinent les bords de la Mer glaciale)) (22), vivant dans le souvenir
B. - La perspective décentralisatrice
408. - L'Etat belge, construit sur le modèle unitaire, faisait
place à l'action de collectivités politiques décentralisées - les pro-
A. -L'ouverture au fédéralisme
B. - L'approfondissement du fédéralisme
411. - L'Etat belge, qui a fonctionné pendant près d'un siècle
et demi comme un Etat unitaire (30), est devenu un Etat fédéral.
Les germes semés en 1970 ont produit leurs fruits. Des réformes
radicales sont intervenues, dans le même sens, à partir des étés 1980
et 1988. A chaque étape, la mise en œuvre des règles organiques de
l'Etat fédéral se perfectionne (31).
412. - La règle d'autonomie se concrétise très tôt.
Les Communautés française et flamande sont d'emblée habilitées
à faire la loi dans le domaine des matières culturelles. Elles seront
ensuite autorisées à faire de même dans un autre domaine, celui des
matières dites personnalisables. La Communauté germanophone les
rejoint sur ce double terrain, même si, en l'occurrence, c'est une loi
ordinaire qui détermine ses attributions. Toutes trois seront égale-
ment parties, dès 1988, aux opérations de communautarisation de
l'enseignement.
De leur côté, les Régions wallonne et flamande sont, à partir de
1980, investies de compétences législatives dans un ensemble de
domaines qui touchent essentiellement à l'aménagement du terri-
toire et aux équipements collectifs. Elles prendront en charge, à
(30) <<Cet Etat (unitaire) était un Etat simple. Pour un constitutionnaliste, c'était vraiment
un Etat de tout repos. Une nation, un peuple, un territoire, un roi, un Parlement, une Cour de
cassation, un Conseil d'Etat, que demander de plus? Comment imaginer une structure plus
simple et plus claire de l'Etat? (... ) Ces structures unitaires -faut-il le dire? - , nous les tenions
de la France de 1789, de la France jacobine, de la République et de l'Empire>> (F. DELPÉRÉE,
«Les nouvelles institutions de la Belgique», in The Cambridge Lectures 1981, ed. N.E. EARTHAM
et B. KRIVY, Butterworths, p. 313).
(31) F. DELPÉRÉE, ''La Belgique est un Etat fédéral>>, J.T., 1993, p. 637.
384 LES COLLECTIVITÉS POLITIQUES
partir de 1988, puis de 1993, d'au t .;s secteurs d'ac ti vi tés, comme
les transports, les communications, la politique économique. Quant
à la Région bruxelloise, elle est appelée, depuis 1989, à assumer des
responsabilités identiques. Encore qu'à son égard, la faculté de faire
la loi, au sens précis de l'expression, n'est pas reconnue dans quatre
secteurs : l'urbanisme, l'aménagement du territoire, les travaux
publics et le transports (32).
En vertu de l'article 167 de la Constitution·, les communautés et
les régions disposent, depuis 1993, du pouvoir de conclure des
traités internationaux dans les matières de leur compétence (33).
Enfin, la Commission communautaire française est amenée à
intervenir dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale pour exercer
certaines compétences de la Communauté française (Const.,
art. 138). La Commission communautaire commune y est habilitée
à régler les matières personnalisa bles d'intérêt général (Const.,
art. 135).
413. - L'égalité entre les collectivités qui composent l'Etat
belge est réalisée par la mise en œuvre de plusieurs techniques :
l'équivalence des normes, l'exclusivité des attributions et l'identité
des contrôles.
L'équivalence des normes vient en premier. Dans les matières qui
lui reviennent, l'Etat fédéral fait la loi. Dans les matières qui leur
sont attribuées, les trois communautés, les Régions wallonne et fla-
mande et la Commission communautaire française adoptent des
décrets. Dans les matières qui lui sont dévolues, la Région bruxel-
loise adopte, pour sa part, des ordonnances. La différence de termi-
nologie ne reflète en rien une différence de nature entre ces normes
législatives. Lois, décrets et ordonnances (34) ont même valeur. Ils
ont force de loi (35).
L'exclusivité des attributions ne peut non plus être perdue de vue.
<<Les compétences de l'Etat (fédéral) et celles de ses composantes
(36) R. ERGEC, 'Un Etat fédéral en gestation : les réformes institutionnelles belges de 1988-
1989 », R.D.P., 1991, p. 1597, n" 5.
(37) Selon la formule usuelle de la Cour d'arbitrage, ''il faut considérer que le Constituant et
le législateur spécial, dans la mesure où ils n'en disposent pas autrement, ont attribué aux com-
munautés et aux régions toute la compétence d'édicter les règles propres aux matières qui leur
ont été transférées» (C.A., n" 69(92, 12 novembre 1992).
(38) Voy. F. DRLPÉRÉE, ''La Cour d'arbitrage et le fédéralisme belge>>, in Fédéralisme et cours
suprêmes (dir. E. ÜRBAN), Bruxelles, Bruylant, Montréal, Presses de l'Université, 1991, pp. 167
à 198.
(39) Coust., art. 142, al. 2; 1. sp. 6 janvier 1989, art. 2, 2". Le seul Etat où les particuliers peu-
vent également saisir la juridiction constitutionnelle de tels litiges est l'Espagne. La comparaison
reste limitée. Si le Tribunal constitutionnel espagnol peut être saisi des conflits de compétence
entre l'Etat et les Communautés autonomes, ou entre les Communautés elles-mêmes, il ne peut
être saisi par un particulier que dans l'hypothèse d'un conflit négatif de compétence : l'État
national et une Communauté se refusent à prendre en charge une matière déterminée au motif
qu'elle se rattache aux compétences de l'autre.
386 LES COLLECTIVITÉS POLITIQUES
D'autres mécanismes sont mis en place qui permettent aux collectivités fédé-
rées de trouver un terrain d'expression au plan fédéral. On pense aux groupes
linguistiques établis, au sein de chacune des chambres, par l'article 43, § 1"' de
la Constitution. On pense également à la Cour d'arbitrage, dont la composition,
mais aussi le fonctionnement, sont réglés dans le strict respect de la parité lin-
guistique (40).
(42) J.-F. AuBERT, <• Essai sur le fédéralisme», R.D.P., 1963, pp. 401 à 452.
(43) G. HERAUD, L'inter-étatique, le supra-national et le fédéral, Archives de philosophie du
droit, t. 6, Paris, Sirey, 1961, p. 182.
(44) P. REUTER,« Confédération et fédération. Vetera et Nova», in Mélanges offerts à Charles
Rousseau, Paris, Pédone, 1974, p. 199; K. RIMANQUE, ''Le confédéralisme >>, in La Constitution
fédérale du 5 mai 1993 ... , p. 31.
388 LES COLLECTIVITÉS POLITIQUES
416. - <<En deçà et au-delà de l'Etat fédéral ... >> (45). Le diagnos-
tic demeure, même si le champ d'analyse s'est singulièrement res-
serré. Ce n'est rien dire qu'un Etat est ou non fédéral. Il peut être
plus ou moins fédéral. Qui contestera que la Belgique d'après 1993
est plus fédérale (46) que celle qui, en 1970, faisait l'expérience
timide de la redistribution des pouvoirs ?
A. - Le fédéralisme de dissociation
B. ~ Le fédéralisme de superposition
418. ~ Le fédéralisme belge est un fédéralisme de superposition.
La préoccupation est exprimée de faire droit à une double revendi-
cation d'autonomie. Sur un même territoire, deux catégories de col-
lectivités fédérées coexistent : les communautés et les régions. Les
trois communautés ne coïncident pas, cependant, avec les trois
régions. Comme l'a souligné André MoLITOR, <<cette situation est
unique en Europe occidentale>> (50).
De là, l'affirmation ambiguë que ne peut manquer de véhiculer
l'article 1er de la Constitution : << La Belgique est un Etat fédéral qui
se compose des communautés et des régions>>. On serait tenté de
commenter cette disposition en précisant que l'Etat belge se com-
pose à la fois des communautés et des régions en se demandant au
surplus comment elles peuvent coordonner leurs interventions.
(48) Il y a fédéralisme par dissociation lorsqu'une entité. gérée par un Etat unitaire, se désa-
grège. Le fédéralisme. note J.-L. QuERMONNE, arrête« cette désagrégation à un certain stade en
substituant à l'Etat unitaire un Etat fédéral apte à reconnaître et à garantir des compétences
étatiques à différentes entités reconnues autonomes» (Les régimes politiques occidentaux, Paris,
Seuil, coll. Points. 1986, p. 268).
(49) Voy. F. DELPÉRÉE et S. DEPRÉ, Le système constitutionnel de la Belgique .... n•' 336 s.
(50) A. MoLITOR, «La régionalisation dans les Etats d'Europe occidentale'· A.P.T., 1981,
p. 206.
390 LES COLLECTIVITÉS POLITIQUES
C. ~ Le fédéralisme de confrontation
419. ~ Le fédéralisme belge est un fédéralisme de confrontation.
Il repose sur l'existence, au sein de l'Etat belge, de huit collectivités
fédérées. Telle est la leçon de l'analyse juridique. D'un point de vue
plus politique l'on est amené à constater qu'il se compose, pour l'es-
sentiel, de deux parties distinctes~ à savoir les deux grandes com-
munautés ~. Le fédéralisme est dualiste.
L'accent est mis sur l'existence, voire l'équilibre, de deux groupes communau-
taires - le français et le flamand - qui trouvent dans des institutions appro-
priées des mécanismes de protection de leurs intérêts spécifiques. Le recours à
des majorités pondérées permet notamment d'atteindre cet objectif. Dans une
perspective plus constructive, ces mécanismes pourraient être conçus comme les
instruments d'une collaboration intercommunautaire.
Le groupe germanophone, lui, n'est guère pris en considération. Un sénateur
communautaire lui est néanmoins alloué. Il ne relève ni de l'un, ni de l'autre
groupe linguistique au Sénat (Const., art. 43, § 2, et 67, § l "', 5°). Un parlemen-
taire européen lui est également assuré (1. 23 mars 1989 relative à l'élection du
Parlement européen, art. 10, § 5).
Les groupes régionaux, et notamment le groupe bruxellois n'interviennent pas
non plus dans l'organisation des autorités fédérales, que ce soit au niveau gou-
vernemental, législatif ou juridictionnel, Aucun quota d'emplois ou de postes ne
leur est réservé dans cette perspective. Dans le même esprit, aucun mandat
européen ne leur est consacré.
A cet égard, le choix est clair. La Belgique n'est plus un Etat uni-
taire. Elle présente les traits essentiels d'un Etat fédéral. Elle
devient, chaque jour un peu plus, un Etat fédéral. Elle connaîtra,
à l'avenir, des évolutions qui rendront l'Etat plus fédéral
encore (55).
La Belgique n'en est pas moins un Etat fédéral complexe. Cette
complexité est, en quelque sorte, le reflet d'une société multidimen-
sionnelle, où s'enchevêtrent des aspirations apparemment antinomi-
ques. D'une certaine manière, cette conjonction de desseins confère
à la Belgique une richesse enviable. N'est-elle pas, de ce point de
vue, le miroir du monde contemporain, spécialement en Europe 1
BIBLIOGRAPHIE
Sur les structures de l'Etat belge après les réformes institutionnelles de 1993-1994,
l'on consultera :
F. DEHOUSSE, Introduction au droit public, Brugge, La Charte, 1995; F. DELPÉRÉE
et S. DEPRÉ, Le système constitutionnel de la Belgique, Bruxelles, Bruylant, 1998; Het
federale België na de vierde Staatshervorming (dir. A. ALEN et L.-P. SuETENS), Brugge,
Die Keure, 1993; «La Belgique est un Etat fédéral>) (dir. M.-F. RIGAUX, H. DuMONT
et F. TULKENS), A.P.T., 1994, n° 3; La Belgique fédérale (dir. F. DELPÉRÉE),
Bruxelles, Bruylant, 1994 (et la bibliographie, fort complète, citée); La Constitution
fédérale du 5 mai 1993 (dir. F. DELPÉRÉE), Bruxelles, Bruylant, 1993; Les réformes
institutionnelles de 1993. Vers un fédéralisme achevé?, Bruxelles, Bruylant, 1994; La
réforme de l'Etat... et après? L'impact des débats institutionnels en Belgique et au
Canada (dir. S. JAUMIN), Bruxelles, Editions ULB, 1997, avec des contributions de
J.-P. NANDRIN, M. UYTTENDAELE, Ph. DE BRUYCKER et F. DELPÉRÉE; M.-A. LE-
JEUNE, Introduction au droit et aux institutions de la Belgique fédérale, 2• éd., Brugge,
La Charte, 1996; M. UYTTENDAELE, Regards sur un système institutionnel paradoxal.
Précis de droit public belge, Bruxelles, Bruylant, 1997; ID., Institutions fondamentales
de la Belgique, Bruxelles, Bruylant, 1997.
Sur le thème général du fédéralisme, voy., dans une littérature juridique et politi-
que abondante :
M. CROISAT, Le fédéralisme dans les démocraties contemporaines, Paris, Montchres-
tien, 1995; M. CROISAT et J.-L. QuERMONNE, L'Europe et le fédéralisme, Paris,
Montchrestien, 1996; F. DELPÉRÉE, Le fédéralisme en Europe, Paris, PUF, 2000, coll.
Que sais-je!, n° 1953 et références citées; ID.,<< Le fédéralisme sauvera-t-il la nation
belge!», in Le déchirement des nations (dir. J. RUPNIK), Paris, Le Seuil, 1995, p. 123;
Foderalismus zwischen Integration und Sezession. Chancen und Risiken bundesstaa-
tlicher Ordnung (dir. J. KRAMER), Baden-Baden, Nomos, 1993; Le fédéralisme.
Approches politique, économique et juridique, Bruxelles, De Boeck, 1994.
LIVRE IV
D'une part, <<le pouvoir)) est ignoré comme tel. C'est une donnée,
non de droit, mais de philosophie ou de science politique. Le
Congrès national ne l'a appréhendée qu'en apercevant la nécessité
de distinguer le pouvoir civil du pouvoir des Eglises; l'affirmation
des principes de la séparation mitigée des Eglises et de l'Etat
(art. 21 et 181, § 1er) en résulte incidemment (n" 219).
D'autre part, << les pouvoirs )) fédéraux sont énumérés au titre III
de la Constitution. Outre le pouvoir constituant, il est fait référence
au << pouvoir législatif fédéral )>, au << pouvoir exécutif fédéral )) et au
<<pouvoir judiciaire )). Mais cette division tripartite ne commande ni
l'ordonnancement du texte constitutionnel, ni - de manière plus
fondamentale -l'aménagement des institutions de l'Etat fédéral.
Tout se passe comme si la Constitution, après avoir affirmé, dans
le préambule du titre III, l'existence des pouvoirs, cherchait avant
tout à en démonter les mécanismes et à définir les différentes auto-
rités publiques qui les composent; quitte à montrer ensuite com-
ment ces autorités sont appelées, en pratique, à collaborer au sein
de l'un ou l'autre pouvoir.
Il paraît indiqué de suivre la même démarche et de connaître les
autorités publiques qui sont titulaires du pouvoir avant d'examiner
l'organisation des pouvoirs publics que ces autorités composent.
424. - La notion d'autorité publique qui est utilisée ici est ins-
crite incidemment à l'article 28 de la Constitution qui consacre le
droit de pétition; elle est utilisée par son article 30 lorsqu'il s'efforce
de préciser quelles limites peuvent être apportées à la liberté de
l'emploi des langues; elle figurait également dans une disposition
transitoire de la Constitution - l'ancien article 137 - qui s' atta-
chait, dans l'attente de lois organiques, à préciser le sort des institu-
tions provinciales et communales mises en place par le régime hol-
landais.
Cette notion gagne à être rapprochée et distinguée de celle de
pouvoir public qui revient, elle, aux articles 33 à 41 de la Constitu-
tion. La différence n'est pas de pure forme.
Chaque pouvoir public est composé d'un ou de plusieurs élé-
ments - de rouages, en quelque sorte-. Ces éléments, ce sont les
autorités publiques. Ainsi le <<pouvoir législatif fédéral )) se compose
de trois <<branches)), c'est-à-dire de trois autorités publiques dis-
tinctes : le roi, la Chambre des représentants et le Sénat (art. 36).
LE CHOIX DES TITULAIRES DU POUVOIR 399
A l'inverse, une autorité publique, telle <<le roi)>, est appelée à com-
poser, en tout ou en partie, non pas un seul mais deux pouvoirs
publics distincts : le pouvoir exécutif fédéral (art. 37) et le pouvoir
législatif fédéral (art. 36).
425. - La distinction entre <<autorité publique)) et <<pouvoir
public)) permet de souligner d'emblée deux éléments caractéristi-
ques du système constitutionnel de la Belgique : la complexité de
l'organisation des pouvoirs et l'interdépendance des éléments qui les
cons ti tuent ( 1).
Cette distinction est plus significative encore dans un Etat fédé-
ral, puisque des pouvoirs législatifs et exécutifs sont organisés aux
différents niveaux de pouvoir. Il va sans dire que ce sont des auto-
rités distinctes qui les composent.
Dans cette perspective, priorité doit être donnée à l'étude des
autorités publiques. Telle a été également la démarche du Congrès
national préoccupé de la question de savoir quelle autorité serait
placée à la tête de l'Etat ou comment serait composé le Sénat,
avant même d'avoir déterminé la composition respective des pou-
voirs et les règles qui présideraient à leurs relations. Ce faisant, le
pouvoir constituant n'a pas seulement fait œuvre empirique. Il a
traduit l'une des préoccupations majeures de son temps.
L'apport essentiel du droit public contemporain ne réside pas
dans une théorie de la séparation ou de la collaboration des pou-
voirs. Il se concrétise dans cette idée-force : les tenants d'un pou-
voir, quels qu'ils soient, ne s'imposent jamais aux membres de la
société politique. Les autorités publiques agissent parce qu'elles ont
été sélectionnées selon les techniques que la Constitution détermine.
Les autorités sont choisies. <<L'idée qu'on puisse choisir les gou-
vernants, écrit en ce sens M. DuvERGER, est moderne)) (2). De là,
l'importance et la priorité que la Constitution réserve à l'inventaire
des techniques de sélection des titulaires du pouvoir. Quelques dis-
positions traduisent cette préoccupation. Elles peuvent paraître iso-
lées. Elles sont d'autant plus significatives. Tels l'article 42 qui veut
(1) La notion de<< pouvoir», telle qu'elle est utilisée par la Constitution, est ambiguë. Tantôt
elle renvoie à des institutions, tantôt à des fonctions. Ainsi, dans l'alinéa 1,., de l'article 33 de la
Constitution, le terme de <<pouvoirs» a un sens organique; il faut plutôt lui donner un sens maté-
riel dans son alinéa 2. De la même manière, l'intitulé du titre III et l'article 75 doivent être com-
pris dans un sens organique, alors que les articles 34, 36, 37 et 74 visent les pouvoirs au sens
matériel du terme.
(2) Institutions politiques et droit constitutionnel, Paris, P.U.F, 1963, p. 75.
400 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
que << les membres des deux Chambres représentent la Nation ~>, l'ar-
ticle 85 qui précise que << les pouvoirs constitutionnels du roi sont
héréditaires ~> ou l'article 152 qui proclame que << les juges sont
nommés à vie~>.
Le choix des autorités publiques peut s'opérer selon des modalités
diverses. Il peut relever d'une technique de désignation (nos 426 s.).
Il peut ressortir aussi à une technique d'élection (nos 462 s.). Il peut
encore recourir à des techniques plus complexes; ce sont celles qui
empruntent, par exemple, des éléments particuliers aux techniques
de désignation et d'élection (n°" 486 s.).
(3) Exception est faite de !"hypothèse où le roi, titulaire du pouvoir exécutif fédéral, entend,
à la faveur de la désignation de ministres ou de fonctionnaires, assurer l'organisation de ce même
pouvoir. Encore doit-il agir dans le respect des règles ~ fort simples, au demeurant ~ de la
Constitution.
LE CHOIX DES TITULAIRES DU POUVOIR 401
sion qui revient ainsi à un pouvoir constitué lui ménage dans la pro-
cédure de choix des individus, une marge importante d'initiative.
Les règles de composition du gouvernement fédéral (§ 2) entrent
dans cette catégorie. Le roi nomme les ministres (A) et les secré-
taires d'Etat (B). Il peut leur adjoindre des commissaires du gou-
vernement (C).
La nomination est le procédé normal de sélection des autorités et
des agents qui relèvent du pouvoir exécutif fédéral. Encore
convient-il de nuancer l'observation. La même procédure, mise en
œuvre par le roi, sert aussi à composer d'autres autorités relevant
d'autres pouvoirs. On y trouve une illustration supplémentaire du
phénomène de perméabilité entre les pouvoirs. Ils restent organi-
quement distincts et exercent des fonctions spécifiques mais les
autorités qui les constituent peuvent, en maintes circonstances, se
réclamer d'une commune origine.
Des procédures de nomination (§ 3) peuvent servir à composer,
sinon le pouvoir législatif fédéral (A), du moins, pour une part, le
pouvoir judiciaire (B). Elles conduisent aussi à désigner les tenants
du pouvoir dans d'autres collectivités que l'Etat fédéral (C).
·Ûn ne saurait négliger le rôle joué par le roi dans le processus de
désignation. Il est l'autorité désignée, selon les règles de l'hérédité,
par la Constitution. Il est aussi l'autorité appelée à désigner, selon
les procédures de nomination, d'autres titulaires du pouvoir.
§ 1er . - L'h'ere'd't'
te
A. - L'institution monarchique
427. - La formule figure dans tous les manuels scolaires : la
Belgique est une << monarchie constitutionnelle )>. Si la proposition
n'a pas la portée que d'aucuns ont tenté de lui donner (4), elle a, au
moins, le mérite de mettre l'accent sur quelques réalités constitu-
tionnelles.
Le roi, comme toute autre autorité, tient ses pouvoirs de la
Nation (art. 33) et de la Constitution qui en exprime les
(4) Selon L. WoDoN, «il y a des éléments fondamentaux antérieurs et supérieurs à la Consti-
tution même et c'est au roi, chef de l'Etat, qu'il appartient d'assurer le maintien de ces bases.
Voilà la prééminence royale»(« Considérations sur la séparation et la délégation des pouvoirs en
droit public belge>>, Académie royale de Belgique, classe des sciences politiques et morales, 1942,
p. 55).
402 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
(5) Le chef de l'Etat porte le titre de «roi des Belges» et non celui de «roi de Belgique>>
(décret du Congrès national du 29 janvier 1831 ''sur le mode de proclamation et d'acceptation
du chef de l'Etat>>). L'appellation indique l'origine des pouvoirs reconnus au roi. Ils ne procèdent
pas d'un titre de propriété sur un territoire. Tls ont pour source la volonté de la Nation que la
Constitution est censée exprimer.
(6) La formalité est importante. A supposer que les chambres législatives aient été dissoutes
antérieurement et que la convocation de nouvelles chambres ait été faite pour une époque posté-
rieure au dixième jour suivant le décès d'un roi, «les anciennes chambres reprennent leurs fonc-
tions» (art. 90) et reçoivent le serment du nouveau roi.
(7) «Avant cela, est-il déjà roi?», demande P. WIGNY (op. cit., p. 595). Jouit-il, avant même
d'avoir prêté serment, du privilège de l'inviolabilité (n" 557)? La réponse paraît affirmative. Une
chose est d'être désigné comme titulaire du pouvoir exécutif, une autre est d'en exercer les res-
ponsabilités.
(8) P. WIGNY, op. cit., p. 586.
(9) Sur l'ensemble de la problématique, ''La succession au trône>>, J. T., 1993, p. 813 et «Le
prince et le roi>>, J. T., 2000, p. 159.
(10) Le 3 février 1831, le Congrès national choisit Loms CHARI~ES d'Orléans, duc de Nemours,
et le préfère à CHARLES AuausTE-EUGÈNE-NAPOLIWN, duc de Leuchterberg. Mais Loms-PHI-
LIPPE, ''roi des Français>>, déclina la proposition du Congrès. Les puissances européennes s'oppo-
sèrent, de leur côté, à l'autre candidature.
LE CHOIX DES TITULAIRES DU POUVOIR 403
(11) ''La monarchie belge>>, Revue internationale de politique comparée, 1996, p. 277 et ''La
fonction du roi», Pouvoirs, 1996, p. 43.
( 12) Pour sa part, le décret du 28 janvier précise le mode de désignation du premier roi. Les
votes sont émis par bulletin signé. Le candidat qui obtient, au premier tour, un nombre de suf-
frages qui dépasse la moitié du nombre des parlementaires est élu. Après ce scrutin, la moitié
du nombre de votants suffit. Si un résultat n'est pas obtenu de cètte manière, il est procédé à
un scrutin de ballottage entre les deux candidats qui ont recueilli le plus de suffrages.
404 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
(13) Voy. cependant, F. PERIN, <<Monarchie, partis et pouvoirs réels», in Hommage à Charles
Goossens, Liège, Faculté de Droit, 1985, p. 281.
(14) Voy. J. DE MEYER,<< De monarchie in de moderne Staat »,Res Publica, 1957, p. 181; In.,
<<Réflexions sur la monarchie parlementaire>>, Res Publica, 1961, p. 245; R. ERGEC et M. UYT-
TENDAELE, <<La monarchie en Belgique - Reflet du passé ou nécessité nationale 1 >>, in Présence
du droit public et des droits de l'homme ... , p. 597.
( 15) << Le prince et le roi », op. cit., p. 159.
LE CHOIX DES TITULAIRES DU POUVOIR 405
successeur avec l'assentiment des Chambres>> (18). Faut-il y voir une modalité
de <<succession>> au trône? Faut-il, au contraire, relever une prérogative qui
serait celle de <<nommer» le futur chef de l'Etat, de la même manière que le roi
nomme ses ministres? Faut-il, selon une expression consacrée, encore qu'impré-
cise, ramener l'opération à une forme« d'adoption politique>>- ce qui explique-
rait le double quorum, de présences et de suffrages, des deux tiers requis pour
l'assentiment que procurent à pareille décision les deux Chambres législatives?
Usant de la prérogative de l'article 86, le roi désigne non seulement un succes-
seur mais aussi, en vertu de l'article 85, alinéa 1"', une nouvelle dynastie. Il
semble donc qu'on puisse analyser l'opération comme l'une des modalités des
règles de succession au trône. Les décrets dits supra-constitutionnels sont d' ap-
plication.
(18) Le Congrès national avait reconnu cette prérogative à LÉOPOLD l''' (art. 86). Elle fut
étendue à ses successeurs à l'occasion de la révision constitutionnelle de 1893. Elle s'exerce dans
les conditions prescrites par l'article 106 de la Constitution.
(19) L'article 85, alinéa 2, de la Constitution ne vise pas le mariage du roi mais celui d'un
prince de la famille royale (voy. no 499). Cette disposition gagne cependant à recevoir une inter-
prétation a fortiori :le consentement qu'elle postule est de nature politique et requiert l'interven-
tion d'un ministre responsable. Imagine-t-on que celui-ci doive intervenir pour le mariage d'un
prince, mais non celui du roi? (Voy., à cet égard, la déclaration du gouvernement par laquelle
les ministres réunis en conseil ''ont donné leur assentiment unanime à la décision de S. M. le Roi
de contracter mariage avec Dona FABIOLA DE MoRA v ARAGON'' (16 septembre 1960, Mon. b.,
28 septembre 1960) ainsi que l'acte du gouvernement précédant l'acte de mariage du Roi BAu-
DOUIX (15 décembre 1960, Mon. b., 16-17 décembre 1960). Cela ne signifie pas que le roi qui se
LE CHOIX DES TITULAIRES DU POUVOIR 407
marie sans le consentement d'un ministre soit de plein droit déchu de ses fonctions. Préoccupée
de préserver la stabilité de !"institution monarchique, la Constitution ignore les modes de destitu-
tion du chef de l'Etat.
(20) «Le prince et le roi», op. cit., p. 160.
(21) L'épouse du roi porte le titre de <<reine>>. Cette appellation honorifique ne lui confère
aucmne fonction, ni aucune protection spéciale, hormis celle que consacre l'article 103 du Code
pénal.
(22) Voy. la loi du 16 novembre 1993 et la dotation qu'elle prévoit au profit de la reine
FABIOLA et du prince PHILIPPE.
408 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
(23) Contra : P. ERRERA, Traité de droit public belge, 2'' éd., p. 197.
(24) Alors même qu'ils appartiennent de plein droit au Sénat, ils ne font pas partie des
groupes linguistiques constitués au sein de l'assemblée (no 467).
LE CHOIX DES TITULAIRES DU POUVOIR 409
(30) Le mécanisme s'applique également lorsque la Chambre des représentants refuse de voter
la confiance au gouvernement.
(31) «Les autorités fédérales», in La Constitution fédérale du 5 mai 1993 ... , p. 9.
(32) ''Il faut remonter au 13 mars 1946 et à un gouvernement minoritaire Spaak pour trouver
une situation comparable» (op. cit.).
(33) Op. cit., p. 11.
(34) Reste évidemment l'hypothèse où un ou plusieurs ministres sont remplacés dans un cas
fortuit (décès, maladie ... ). L'on retient aussi l'hypothèse de la désignation de l'un ou l'autre
ministre pour assurer la relève d'un ministre démis de ses fonctions ou révoqué par le roi. Ces
nominations particulières peuvent ne pas affecter les équilibres généraux qui président à l' organi-
sation du gouvernement.
LE CHOIX DES TITULAIRES DU POUVOIR 413
(36) On ne saurait dégager de la règle selon laquelle le roi détient la compétence exclusive de
nommer ses ministres l'idée que le chef de l'Etat puisse choisir ses collaborateurs <<où il veut et
comme il lui plaît» (LEFEBRE, Etudes sur les lois constitutionnelles de 1875, p. 103, cité par
R. CARRÉ DE MAI.BERG, Contribution à la théorie générale de l'Etat, t. II, p. 75).
LE CHOIX DES TITULAIRES DU POUVOIR 415
(37) <<Pour le suppléant, il s'agit ni plus ni moins d'un siège éjectable ... '' (La Constitution fédé-
rale du 5 mai 1993 ... , p. Il.
(38) De là, l'habitude prise par les gouvernements nouvellement désignés de se présenter
devant la Chambre des représentants, de lui communiquer le contenu de la déclaration gouverne-
mentale et de solliciter sa confiance. Le cabinet n'est pas dans l'impossibilité de gouverner aussi
longtemps qu'il n'a pas reçu ce que l'on appelle improprement «l'investiture'' de la Chambre,
(contra : P. WIGNY, n" 141, p. 245 et no 454, p. 607). Celle-ci n'a pas à ratifier (ibidem, p. 246) les
nominations intervenues. Elle n'a pas à parfaire une œuvre qui est de la responsabilité exclusive
du roi et qui est donc achevée dès que celui-ci a rédigé l'arrêté royal portant désignation des
ministres.
Subsiste évidemment la faculté pour la Chambre des représentants de contrôler, en tout
temps, l'action du pouvoir exécutif. Rien ne l'empêche d'exercer cette censure dès l'entrée en
fonctions du nouveau cabinet et de provoquer éventuellement sa démission immédiate (hypo-
thèse d'un gouvernement P.H. SPAAK, désigné le 13 mars 1946- Mon. b. du 17 mars, p. 2382-
et démissionnaire, le 20, à la suite du rejet par la Chambre des représentants d'un ordre du jour
de confiance). L'article 96, alinéa 2, de la Constitution autorise même la Chambre, non satisfaite
du gouvernement nommé par le roi, à proposer dans une telle hypothèse le nom d'un successeur
à l'éphémère Premier ministre. Dans l'intervalle, soit entre le moment de la nomination et celui
du vote qui clôt le débat parlementaire, le gouvernement exerce pleinement ses fonctions.
Lorsqu'un ministre est remplacé, pour des raisons fortuites, par un autre, la mesure ne fait
pas l'objet d'une communication à la Chambre des représentants.
LE CHOIX DES TITULAIRES DU POUVOIR 417
(39) Selon P. WIGNY (La troisième révision de la Constitution, Bruxelles, Bruylant, 1972,
p. 95), <<la présence d'nn ministre d'expression allemande n'influe pas sur la parité ... ».
(40) L'article 99, al. 2 ne s'applique pas aux secrétaires d'Etat qui appartiennent au gouver-
nement sans faire partie du conseil des ministres.
LE CHOIX DES TITULAIRES DU POUVOIR 419
(41) f)p là vient quP le conseil drs ministre~--- ainsi constitu{~ Pst appelé à connaîtrP rlPs
motions rnotiYées adoptées par ]ps trois quarts des membres d'un groupt> linguistiqn(' (C'onl.-'t ..
art. .)4) et des dispositions qui pourraient, à J'occasion de J'élaboration d'une loi. affecter les rela-
tions entre com'muna·utés. Sur la eomposition du gouvernement MARTEN~ V, constitué en
décembre 1981, voy. Chronique-s de crise, p. 178. La rupture de la parité linguistique au conseil
des ministres soulève des problèmes politiques importants puisqu'elle affecte la protection que
la Constitution entend assurer à chacune des Communautés, française et flamande. Elle pose éga-
lement la question de la validité des actes administratifs qui seraient accomplis par un conseil
composé en violation de J'art. 99, al. 2, de la Constitution (Chroniques de crise, pp. 85 à 88).
(42) ''Cette modification de la Constitution apparaît comme une concession aux critiques de
type poujadiste qui ont pu être émises sur Je coût des appareils gouvernementaux» (<<Les auto-
rités fédérales», op. cit., p. 8).
420 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
vent être ministres>> (art. 97). Nul ne peut être ministre s'il appar-
tient à la famille royale (art. 98; no 433) (43).
Mais, de son côté, la personne désignée comme ministre ne doit-
elle pas tenir compte, avant d'entrer en fonctions, des interdictions
particulières que la loi fédérale formule à la faveur d'un régime d'in-
compatibilités?
La réponse est affirmative. Les dispositions légales paraissent,
cependant, désuètes et lacunaires (voy., par exemple, la loi du
4 août 1832 organique de l'ordre judiciaire, art. 6, et la loi du
29 octobre 1846 relative à l'organisation de la Cour des comptes,
art. 2). La matière gagnerait à être mieux réglementée pour éviter
le cumul de mandats publics tout comme l'immixtion dans les
affaires privées (44) (voy., sur ce thème, les suggestions qu'avait
déjà formulées, en 1937, le Centre d'études pour la réforme de l'Etat).
Le souci affiché, depuis 1999, par le gouvernement Verhofstadt d'assurer une
présence équilibrée des hommes et des femmes dans différentes autorités publi-
ques pourrait conduire à formuler une exigence supplémentaire : le conseil des
ministres devrait comprendre au moins une femme.
(43) La Constitution entend éviter que ne soit éludée, par la désignation d'un ministre dans
la famille royale, la règle du contreseing ministériel. Elle veut aussi ne pas exposer inutilement
à critique politique celui qui pourrait occuper le trône (<• Le prince et le roi>>, cité).
(44) Voy. égal. les articles 2 et 4 de la loi du 6 août 1931 établissant les incompatibilités et
interdictions concernant les ministres, anciens ministres et ministres d'Etat, ainsi que les
membres et anciens membres des Chambres législatives.
(45) A. MoLITOR, La fonction royale en Belgique, Ed. CRISP, 1994, p. 3l.
LE CHOIX DES TITULAIRES DU POUVOIR 421
(53) A. MoLITOR relève que <<durant toute la période qui sépare la démission du gouverne-
ment de la nomination du suivant >>, les démarches du roi pour résoudre la crise se déroulent
pratiquement sans couverture constitutionnelle. «Sans doute, en théorie, si l'attitude du roi dans
cette activité suscitait ultérieurement, à tort ou à raison, des critiques au Parlement, le Premier
ministre en fonction devrait-il en prendre la responsabilité mais elle serait fictive» (op. cit., p. 42).
(54) Le droit public de la Belgique, Bruxelles, 1884, p. 124.
(55) Un refus pourrait se justifier par l'impossibilité devant laquelle se trouverait le nouveau
gouvernement d'obtenir, de quelque manière que ce soit, la confiance de la Chambre des repré-
sentants.
LE CHOIX DES TITULAIRES DU POUVOIR 425
(56) Rapport de la Commission chargée d'émettre un avis motivé sur l'application des prin-
cipes constitutionnels relatifs à l'exercice des prérogatives du Roi et aux rapports des grands pou-
voirs constitutionnels entre eux (Mon. b. du 6 août 1949, pp. 7589 s.).
(57) La question prend une acuité particulière. le 2 juin 1977, lorsque quatre ministres
sociaux-chrétiens nommés, le jour même. par le roi refusent, à la demande du comité directeur
de leur parti. de prêter serment. Le 3 juin, ils acceptent pourtant la charge qui leur avait été
confiée (Chroniques de crise, p. 39).
426 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
ces conditions, l'élément qui noue ou dénoue les liens qui pouvaient
s'établir entre le roi et l'un de ses ministres? Toute désignation
n'est-elle pas affectée d'une condition suspensive - à savoir l' accep-
tation de fonctions, opération que la prestation de serment a pour
objet d'officialiser -?
Ces perspectives contractuelles sont peu compatibles avec le pro-
cessus de désignation - et de révocation - unilatérales. La réalité
est autre. Le roi nomme les ministres. Cette désignation emporte
immédiatement des effets juridiques. Mais puisque nul ne peut, au
nom du principe de liberté individuelle, se voir imposer l'exercice
d'une fonction publique, la procédure de la prestation de serment
place la personne nommée devant une alternative : ou la charge qui
lui est nouvellement conférée lui agrée et le serment marque le
moment où elle est en mesure d'exercer ses fonctions; ou cette
charge ne lui convient pas et le refus de prêter serment s'apparente
à une démission.
En un mot, la prestation de serment d'un ministre marque le
commencement de l'exercice légitime des fonctions que lui confère
la nomination.
(58) Des «conclaves» trouvent à s"organiser à cette occasion · voy., en 1974, la réunion de
Steenokkerzeel, et, en 1977, la conclusion des accords d'Egmont.
(59) Voy., par exemple, «Courtes crises», J. T., 1999, p. 629.
428 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
(60) «Tl n'est pas douteux, écrivait encore H. SPEYER, en 1939, qu'en ce qui concerne le choix
du Premier ministre, le roi des Belges jouit d'une très large liberté d'action et que la règle qui
lui réserve l'initiative de toute action positive a toujours été observée ... >> (Le rôle des partis, 1939,
p. 127, cité par A. MAST, Overzicht van het Belgisch grondwettelijk recht, Gand, Story-Scientia,
1981, p. 354, note 18).
LE CHOIX DES TITULAIRES DU POUVOIR 429
(61) Le statut des secrétaires d'Etat est identique à celui des ministres; les modalités de
nomination, les régimes de responsabilité, les règles sur les incompatibilités leur sont d'office
applicables. L'expression de «sous-ministre» qui est parfois utilisée pour qualifier les secrétaires
d'Etat est donc foncièrement inexacte.
(62) A ce titre, ''ils peuvent recevoir le contreseing>> (art. 104, al. 3).
(63) Ce ministre est, en principe, le titulaire du département dont le secrétaire d'Etat exerce
certaines responsabilités. Dans l'hypothèse où les attributions dépassent les limites d'un départe-
ment ministériel (exemple d'un secrétaire d'Etat à la politique scientifique désigné aux fins de
coordonner les activités de divers services dans ce secteur d'activités), il s'indique d'adjoindre le
secrétaire d'Etat au Premier ministre.
(64) P. W!GNY, La troisième révision ... , p. 273.
430 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
royal particulier (65) (art. 104, al. 2). En l'absence ou dans l'attente
de pareille détermination, un secrétaire d'Etat ne saurait exercer la
fonction qu'il tient de sa nomination : il est paré d'un grade mais
dépourvu d'emploi (voy. la situation faite en 1974 à R. MOREAU,
secrétaire d'Etat aux Affaires sociales wallonnes).
453. - Les modalités de l'assimilation entre ministre et secré-
taire d'Etat gagnent à être précisées.
Un arrêté royal du 24 mars 1972 précise les conditions de l'intervention d'un
secrétaire d'Etat. II énonce à cet égard trois principes.
En principe, le secrétaire d'Etat dispose, dans les matières qui lui sont
confiées, de «tous les pouvoirs d'un ministre>> (art. 1e'). II lui revient, en particu-
lier, de représenter et d'engager l'Etat fédéral dans le domaine de compétences
qui lui est attribué.
Le secrétaire d'Etat doit agir conjointement avec le ministre auquel il est
adjoint dans quelques domaines. Le contreseing de l'un et de l'autre sont requis
en ces matières. A savoir :
. la présentation d'un projet de loi à la Chambre des représentants;
. la sanction et la promulgation de la loi fédérale;
. l'élaboration d'un arrêté royal réglementaire;
. la confection d'un arrêté royal <<portant création d'emplois des rangs 15 à 17
dans un ministère ou de même importance dans un organisme d'intérêt public
ou portant nomination à un tel emploi» (art. 2, 4°).
«La compétence du secrétaire d'Etat n'exclut pas celle du ministre auquel il
est adjoint. Celui-ci peut toujours évoquer une affaire ou subordonner la décision
à son accord>> (art. 4).
(65) ''Les secrétaires d'Etat peuvent être chargés de missions bien différentes; tantôt ils
seront les collaborateurs d'un ministre dont ils partagent toutes les responsabilités; tantôt ils
géreront un département moins important ou une section de département; tantôt encore ils rece-
vront une mission spécifique qui peut être de caractère temporaire, par exemple, l'élaboration
d'une législation importante>> (P. WwNY, op. cit., p. 274).
LE CHOIX DES TITULAIRES DU POUVOIR 431
C. - La nomination de commissaires
du gouvernement
nions ... - à harmoniser les activités des personnes et des services dans un sec-
teur d'activités déterminé(<< Courtes crises>>, J.T., 1999, p. 640).
A. - La nomination
et l'organisation du pouvoir exécutif
B. - La nomination et l'organisation
du pouvoir législatif
C. - La nomination et l'organisation
du pouvoir juridictionnel
457. - La nomination est l'un des modes normaux de désigna-
tion des autorités qui assument l'exercice des responsabilités dans
l'ordre du pouvoir juridictionnel. Non pas que l'autorité judiciaire
soit une branche du pouvoir exécutif fédéral, mais parce que, une
fois écartées les règles de l'élection et de la cooptation comme modes
de désignation des magistrats (70), il üwt s'en remettre au titulaire
du pouvoir exécutif fédéral, éclairé au besoin par des propositions,
pour choisir ceux qui exerceront la fonction de juger (71).
La Constitution veut que les juges soient nommés par une même autorité, à
savoir le roi. Tous tiennent leur autorité d'un acte de désignation qui est l'œuvre
du chef de l'Etat. Le phénomène est saisissant à souhait. Les juges qui compo-
sent un pouvoir, en l'occurrence le pouvoir juridictionnel, sont désignés par le
titulaire d'un autre pouvoir, l'exécutif (fédéral). Précision essentielle. Certains
d'entre eux, à savoir les magistrats du siège, ne sont pas soumis à l'autorité hié-
rarchique du ministre de la Justice. Leurs personnes mais aussi leurs décisions
sont mises à l'abri des interventions du pouvoir exécutif. Il n'en va pas de
même, mais selon des modalités complexes, pour les membres du ministère
public (72) (<<Quelques propos sur la justice et la politique>>, J.T., 1997, p. 71).
(70) L'idée du tirage au sort subsiste aux fins de constituer le jury (Const., art. 150; Code
jud., art. 218 s.).
(71) Sur l'ensemble de la question, F. DEL PÉRÉE,« La Constitution et les juges''· in Constitu-
tion et justice, Presses de l'Université de Toulouse, 1996, p. 55.
(72) Voy. Un ministère public pour son temps, actes du colloque des 7-8 octobre 1994, notam-
ment l'intervention d'A. ALEN (« Het openbaar ministerie en de federale regering, de Gemeens-
cbaps- en Gewestregeringen •>. p. 211); M. VERDUHSEN, <<Le statut constitutionnel du ministère
public», Juger, 1997, p. 10.
(73) A. EsM~:IN, Eléments de droit constitutionnel français et comparé, Paris. 1903, 3'' éd.,
p. 354. La Constitution apporte, elle-même, des exceptions à pareille règle. L'article 157 laisse à
la loi le soin de fixer la durée des fonctions confiées aux membres des tribunaux militaires, des
tribunaux de commerce et des juridictions du travail.
434 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
(74) J. VAN CoMPERNOLLE, «Le Conseil supérieur de la justice et la carrière des magistrats>>,
in Le Conseil supérieur de la justice (dir. M. VlŒDUSSEN), Bruxelles, Bruylant, 1999, p. 113.
LE CHOIX DES TITULAIRES DU POUVOIR 435
(75) Voy. «Un ministère public pour son temps>>, actes du colloque tenu au Palais de Justice
de Bruxelles, les 7 et 8 octobre 1994.
436 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
§ l er. - L'élection
A. - Le principe de l'élection
B. ~ La portée de l'élection
466. - C'est <c la Nation f) que les membres des Chambres fédé-
rales sont censés représenter. <c Un député est nommé par un bail-
liage au nom de la totalité des bailliages f), écrivait déjà SIÉYÈS.
<c Un député l'est de la Nation entière f>. Mais qu'est-ce que la
(76) L'article 42 de la Constitution précise que «les membres des deux Chambres • ne repré-
sentent pas « uniquement ceux qui les ont élus ».
(77) P. VANDERNACHT et J. VAN NIEUWENHOVE, «La réforme des assemblées législatives à la
lumière des révisions constitutionnelles de 1993 », R.B.D.C., 1994, pp. 72-73.
LE CHOIX DES TITULAIRES DU POUVOIR 443
§ 2. -L'élection directe
(78) Ce n'est pas à dire que d'autres techniques électorales n'ont pas été utilisées. Entre 1831
et 1899, il a été recouru à la technique du scrutin majoritaire avec ballottage; il s'agissait, selon
les arrondissements, d'un scrutin uninominal ou d'un scrutin de liste. La Constitution révisée en
1893 permet, cependant, à la loi de modifier cet état de choses - loi du 29 décembre 1899 -.
Une nouvelle révision, celle du 15 novembre 1920, fait obligation constitutionnelle de recourir à
ce mode de scrutin.
LE CHOIX DES TITULAIRES DU POUVOIR 445
Une technique simple sert cet objectif: les listes de candidats (79)
présentées aux suffrages des électeurs obtiennent, au sein des
diverses circonscriptions électorales, un nombre de sièges propor-
tionné au nombre de voix qu'elles y ont recueillis.
La préférence donnée aux techniques de représentation propor-
tionnelle traduit, sans conteste, une préoccupation de justice électo-
rale. Une vérité arithmétique est sortie des urnes. Elle indique avec
précision la force respective des formations en lice. Il est raisonnable
de composer l'assemblée élue à l'image de la Nati on qui s'est ainsi
exprimée. L'élection a été le révélateur de toutes les nuances et de
toutes les diversités d'opinion qui caractérisent la Nati on. Pourquoi
les gommer artificiellement ?
471. - Sans doute, des arguments sérieux sont-ils traditionnel-
lement avancés à l'encontre de cette technique de représentation.
Des voix s'élèvent sporadiquement pour plaider la cause d'un sys-
tème majoritaire- c'est-à-dire d'une forme de scrutin où la forma-
tion politique qui, dans un arrondissement, recueille la majorité des
voix (80) obtient automatiquement le ou les sièges qui formaient
l'enjeu de l'élection-.
La technique de la représentation proportionnelle ne privilégie-t-
elle pas l'idée de justice au détriment d'un objectif d'efficacité poli-
tique qui est de dégager une majorité nette dont les traits seront
automatiquement accentués mais qui sera seule capable d'appuyer
l'action d'un gouvernement stable? Ne fait-elle pas la part trop
belle aux petites formations politiques tout en faisant obstacle à la
constitution de ces partis de large coalition que le système majori-
(79) Ces listes sont présentées, aux termes de l'article ll6, § 1"', du Code électoral, par
500 électeurs au moins lorsqu'au dernier recensement, la population de la circonscription électo-
rale est supérieure à un million d'habitants, par 400 électeurs au moins lorsque ladite population
est comprise entre 500.000 et un million d'habitants et par 200 électeurs au moins dans les autres
cas; soit par trois membres sortants au moins. Les formations politiques, estimait-on générale-
ment, ne bénéficient donc d'aucun monopole - ni de droit, ni de fait - dans le dépôt des listes.
L'observation reste fondée pour une part. Voy. cependant, les dispositions du Code électoral qui
tendent à favoriser les formations qui sont déjà représentées aux Chambres, notamment
l'art. ll5bis sur la protection des sigles et l'affiliation des listes et l'art. ll6, § 1''', in fine, qui per-
met à trois députés sortants de présenter une liste.
(80) Une majorité relative peut être requise (dans l'hypothèse du scrutin majoritaire à un
tour - système britannique). Une majorité absolue peut aussi être exigée - tout au moins au
premier tour- (dans l'hypothèse du scrutin majoritaire à deux tours, avec ballottage- système
français); à défaut, une majorité relative suffira.
446 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
(81) L'obRervation vaut surtout pour le scrutin majoritaire. pur et simple. à un seul tour. Le
Herutin de ballottage permet lui, de\( s'exprimer au premier tour >t même s'il invite à <t choisir au
second>>.
(82) Peut-être aussi faut-il s'attacher à conjuguer <• justice électorale» et<< efficacité gouverne-
mentale •>? Des systèmes tempérés de représentation proportionnelle cherchent à atteindre ces
objectifs. Voy. not. les systèmes électoraux en usage en République fédérale d'Allemagne --
représentation proportionnelle «personnalisée» - et en République d'Irlande.
(83) Une crainte transparaît ainsi : celle de voir le scrutin majoritaire engendrer, dans un
pays divisé et peu tolérant, des majorités qui pratiqueraient l'alternance sans respecter les mino-
rités, c'est-à-dire les majorités d'hier. Ce n'est pluR l'alternance, de règle dans les sociétés démo-
cratiques, mais c'est la loi du talion qui trouve alors à s'appliquer.
LE CHOIX DES TITULAIRES DU POUVOIR 447
(86) Le scrutin uninominal postule évidemment que l'ensemble du territoire soit divisé en
autant de circonscriptions qu'il y a de représentants à élire. Il n'y a pas de compatibilité entre
cette forme de scrutin et la représentation proportionnelle. Le scrutin majoritaire, lui, n'exclut
pas nécessairement la forme du scrutin plurinominal; pour les modalités du scrutin majoritaire
de liste, voy. J. M. CoTTERET et Cl. EMERI, Les systèmes électoraux, Paris, P.U.F, 1970.
LE CHOIX DES TITULAIRES DU POUVOIR 449
(87) L'affirmation mériterait d'être nuancée car, dans le débat électoral, les «listes» gagne-
ront à être conduites par des individualités marquantes et les <<hommes» gagnent, même dans
le scrutin «d'arrondissement», à être porteurs d'un projet politique précis.
(88) On ne confondra pas l'influence des votes en case de tête avec celle des votes de préfé-
rence pour un candidat, lorsque ces votes de préférence excèdent le quotient d'éligibilité. Les
votes en case de tête influencent directement à la fois l'attribution des sièges à la liste, parce qu'ils
interviennent dans le calcul du chiffre électoral de la liste, et l'attribution des sièges aux candi-
dats, parce qu'ils sont reportés dans l'ordre de la liste aux candidats suivants. Les votes de préfé-
rence, par contre, n'influencent que l'attribution des sièges à la liste parce qu'ils interviennent
pour le calcul du chiffre électoral de la liste. Ils sont sans effet direct sur l'ordre d'attribution
des sièges aux candidats, puisque les votes de préférence excédentaires ne sont pas reportés à
d'autres candidats de la même liste.
450 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
(89) «La liberté de l'électeur est plus apparente que réelle'' (P. WIGNY, op. cit., p. 432); «les
candidats placés en tête de classement sont assurés de J'appoint des gros bataillons de la case
de tête ... ; on a dit que c'étaient des élus à vie'' (ibidem).
(90) En recourant éventuellement au système des ''polis •·
LE CHOIX DES TITULAIRES DU POUVOIR 451
permette aux candidats les mieux placés sur la liste de puiser dans le pot plus
de voix que leurs coreligionnaires. Il faut également revoir les mécanismes de
financement des partis politiques aux fins d'assurer une répartition équitable des
moyens publics et d'éviter que les candidats plus fortunés puissent s'assurer une
propagande plus efficace>> (La démarche citoyenne, Bruxelles, Labor, 1998, p. 38).
(91) Selon le système décrit, toutes les listes en présence participent à la distribution des
sièges. Le droit belge ne connaît pas la formule du « seuil électoral '' qui conduit à écarter de l' opé-
ration de répartition des mandats les listes qui n'ont pas obtenu, soit dans un arrondissement
électoral, soit dans l'ensemble du pays, un nombre minimum de voix.
LE CHOIX DES TITULAIRES DU POUVOIR 453
(92) Le bureau provincial écarte de la répartition complémentaire les listes qui n'auraient
obtenu dans aucune circonscription une fraction locale égale à 0,33. La fraction locale se calcule
en divisant le chiffre électoral de la liste par le nombre de sièges obtenus plus un (Code él.,
art. 169, al. 2).
.....
0<
Chambre Province de Luxembourg
.....
Arlon-Marche- t"'
68.759 22.919 30.636 1336 17.768 0,775 0,887 7.799 76.558 1
Bastogne 20.355 _l t>:l
Neufchâteau- Virton 54.9H6 27.498 29.044 1.056 12.709 0.462 13.243 0,481 5.321 1 60.317 w
"'i
0
Totaux 123.755 59.680 30.-t-ïï 0 33.598 1 13.120 1 136.875 1 cj
<:
Chiffre.s électoraux pro\'inciaux 59.680 30.477 33.598 0
....,
:Nombre de sièges arfJuis à la première répartition 0 0 ~
w
Quotients électoraux provinciaux 3) 19.893 III 1) 30.477 II 1) 33.598 "i
t>:l·
4) 14.920 2) 15.238 2) 16.799 tj
t>:l-
~
Fractions locales >
cj
~
Arlon~ Marche- Bastogne 0.668 0.775 II 0,887
Neufchâteau- Virton 0.528 III 0.462 0,481
Arlon-Marche-Bastogne 1+0 =1 0 + 1 =1 0 + 1 =1
Xeufchâteau- Virton 1+ 1 =2 0+0=0 0 +0= 0
Totaux 2 + 1 =3 0 + 1 = 1 0 + 1 =1
LE CHOIX DES TITULAIRES DU POUVOIR 455
(93) Le désavantage du système est qu'il introduit, comme dit P. WIGNY (op. cit., p. 440),
«une instabilité artificielle dans la représentation parlementaire>>. Dans le cadre d'une province,
écrit justement l'auteur, le dernier siège acquis par une liste sera, d'élection en élection, attribué
tantôt à un arrondissement, tantôt à un autre (Chroniques de crise, pp. 61 et 183).
456 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
B.- Le Sénat
479. - Aux termes de l'article 67, § l er, de la Constitution le
Sénat se compose de << . . . sénateurs élus conformément à l'ar-
ticle 61... >> (art. 67, § pr, P et 2), de << ... sénateurs désignés par le
Conseil de la Communauté flamande, dénommé Conseil flamand, en
son sein ... , par le Conseil de la Communauté française, en son sein ... ,
par le Conseil de la Communauté germanophone en son sein >>
(art. 67' § l er, 3° à 5°) et de (( sénateurs désignés )) par les autres
membres du Sénat (art. 67, § pr, 6° et 7°).
Selon l'article 72, << les enfants du Roi ou, à leur défaut, les des-
cendants belges de la branche de la famille royale appelés à régner,
sont de droit sénateurs à l'âge de dix-huit ans ... >>.
Il résulte de ces deux dispositions que le Sénat compte quatre
catégories distinctes de membres. On les cite d'ordinaire sous les
appellations suivantes : les sénateurs élus directs, les sénateurs com-
munautaires, les sénateurs cooptés et les sénateurs de droit. Seule
la première catégorie retient, pour l'instant, l'attention.
480. - Le Sénat se compose, pour une première part, << de séna-
teurs élus conformément à l'article 61 >> de la Constitution (art. 67,
§ l er, l et 2°), soit d'élus directs.
0
(94) « La proportion de vingt-cinq à quinze ne correspond pas au rapport numérique entre les
deux groupes qui servent de soutènement aux collèges néerlandais et français ... La règle d'égalité
dans la comptabilisation des suffrages a été corrigée, ici, au profit du collège néerlandais» («Les
autorités fédérales>>, op. cit., p. 12).
LE CHOIX DES TITULAIRES DU POUVOIR 457
(95) Un correctif est inscrit dans l'article 67, § 2 de la Constitution : ''si quatre au moins des
sénateurs visés au § 1'"', 2" (soit les sénateurs élus directement par le collège français) ne sont pas
domiciliés, le jour de leur élection. dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, au moins deux
des sénateurs visés au§ 1''', 4" (soit les sénateurs communautaires) doivent être domiciliés, le jour
de leur élection, dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale>>. De la même façon, un sénateur,
au moins, membre du groupe linguistique néerlandais est domicilié au jour de son élection dans
la région bilingue de Bruxelles-Capitale (voy. F. DELPt<:r<~~E, ''Les institutions>>, in La Belgique
fédérale, 1994, p Ill).
458 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
ral : les autres sont choisis par les parlements de communauté, par
les sénateurs eux-mêmes ou encore par la Constitution. Ce mode
particulier d'élection confère-t-il aux sénateurs élus directs des res-
ponsabilités particulières? On pourrait en douter. Ils ne composent
pas une assemblée particulière au sein du Sénat. Il n'empêche. Avec
les sénateurs communautaires, les sénateurs élus au premier degré
seront investis de la responsabilité de choisir les sénateurs cooptés
et de compléter ainsi la composition de l'assemblée dont ils font
partie.
§ 3. - L'élection médiate
électoral et autorité élue sont les organes distincts d'une même per-
sonne juridique. Mieux encore : ils peuvent se recouvrir pour partie.
L'autorité élue est choisie au sein de l'assemblée. Organiquement,
elle en émane. Fonctionnellement, elle en dépend- soit qu'elle ait
charge de procurer exécution à ses décisions, soit qu'elle ait à lui
rendre compte de sa gestion - .
L'élection des échevins et celle des députés permanents se réali-
sent selon ces modalités : dans la commune, les échevins (dont le
nombre peut varier de deux à dix) sont élus au scrutin secret par
le conseil communal et en son sein (96); dans la province, les
députés permanents (dont le nombre est de six) sont élus par le
conseil provincial et en son sein.
Cette élection permet, au moins en principe, d'harmoniser les
actions de l'autorité délibérante et de l'autorité exécutive.
(96) Par dérogation à ce principe, les échevins des communes périphériques visées à l'article 7
des lois sur l'emploi des langues en matière administrative et des communes de Comines-Warne-
ton et de Fourons sont élus directement par l'assemblée des électeurs communaux (NLC, art. 15,
§ 2).
460 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
C. - La cooptation
485. - L'organisation du Sénat répond encore à une autre
préoccupation. Les sénateurs cooptés sont élus par un collège électo-
ral restreint composé des sénateurs élus directs et des sénateurs
communautaires.
Pour compléter le groupe linguistique néerlandais du Sénat, les
vingt-cinq sénateurs élus directement par le collège électoral néer-
(97) '' Les sénateurs de communauté ne représentent pas les coalitions politiques établies au
sein de leur conseil puisque leur désignation se fera en fonction du résultat des élections directes
des 40 sénateurs» (P. VANDERNACHT en J. VAN NIEUWENHOVE, op. cit., p. 77).
LE CHOIX DES TITULAIRES DU POUVOIR 461
(101) L'article 33 de la loi spéciale du 8 août 1980 utilise à bon escient le terme d'élections.
466 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
sion de nomination dispose d'un délai de quinze jours pour procéder à une nou-
velle présentation».
Si aucun autre candidat n'est présenté dans le délai prescrit ou si le roi ne pro-
cède à nouveau pas à la nomination du candidat présenté dans les soixante
jours, un nouvel appel aux candidats est publié au Moniteur belge (<<Le statut
et la composition du Conseil supérieur de la justice >>, in Le Conseil supérieur de
la justice ... , 1999, p. 50).
Ces présentations peuvent aussi émaner d'assemblées élues (102).
Non qu'il revienne à des corps politiques de choisir des juges ou
qu'il leur appartienne de lier de manière décisive le pouvoir de nom-
mer du chef de l'Etat. Mais parce qu'elles sont à même de res-
treindre, dans une très large mesure, les possibilités de nommer. La
Chambre des représentants et le Sénat alternativement, agissent de
la sorte. Ils présentent au roi des candidats aux postes de juge à la
Cour d'arbitrage, de conseiller d'Etat et d'assesseur auprès de la
section de législation du Conseil d'Etat.
( 102) Il en va ainsi pour la nomination par le roi des membres de la Commission permanente
de contrôle linguistique, qui se fait sur présentation d'une liste triple par les différents conseils
de communauté (lois coord., art. 60).
(103) Sur les controverses que suscite l'instauration du bourgmestre-fonctionnaire, voy. les
travaux du C.E.R.E., La réforme de l'Etat, t. J''', p. 410.
LE CHOIX DES TITULAIRES DU POUVOIR 467
BIBLIOGRAPHIE
La manière dont sont choisis les titulaires du pouvoir n'a pas fait l'objet d'études
d'ensemble, hormis celles qui sont reprises dans les ouvrages généraux de droit
public.
En ce qui concerne la désignation du roi, l'ouvrage fondamental est évidemment
celui d'André MoLITOR, La fonction royale en Belgique, Bruxelles, Ed. CRISP, 1994.
On consultera également :
C. KoNINCKX, Tout savoir sur le Roi en Belgique. Monarchie et fonction royale,
Bruxelles, Kluwer, 2000; J. DE MEYER,<< De monarchie in de moderne Staat >>,Res
Publica, 1967, p. 181; A. MoLITOR, <• Réflexions sur la fonction royale>>, in Nous, Roi
des Belges. 150 ans de monarchie constitutionnelle, Bruxelles, 1981, p. 13; A. VANWEL-
KENHUYZEN, V 0 <• Chef de l'Etat>>, R.P.D.B., 1977, Complément, t. V.
1966, p. 463; A. MAST, «La nomination et la révocation des ministres>>, J. T., 1949,
p. 649; F. SPAAK, «La nomination et la révocation des ministres. Le rôle du Premier
ministre>>, Rev. Uni v. Bruxelles, 1949, p. 70; B. WALEFFE, Le Roi nomme et révoque
ses ministres. La formation et la démission des gouvernements en Belgique depuis 1944,
Bruxelles, Bruylant 1972.
A. - Le principe
494. - <<Le roi ne peut agir seul)). Cette maxime reçoit une signi-
fication précise. Tout acte, toute parole, toute attitude, tout écrit du roi
qui est susceptible d'avoir une incidence politique requiert l'accord d'un
ministre (ou d'un secrétaire d'Etat).
L'article 106 de la Constitution exprime cette règle dans les
termes suivants : <<Aucun acte du roi ne peut avoir d'effet s'il n'est
contresigné par un ministre ... )). Cette disposition a pu, un temps,
être interprétée comme prescrivant une simple condition de forme :
l'obligation pour un ministre d'authentifier la signature apposée au
bas d'un acte du roi, l'engagement aussi d'assurer l'exécution de la
décision exprimée par écrit. Elle est apparue, très vite, comme
imposant aussi une condition de fond : l'obligation pour un ministre
d'intervenir conjointement avec le roi pour tout acte - positif ou
non, écrit ou non, dans l'ordre national ou non ... - que le chef de
l'Etat est appelé à accomplir.
L'ORGANISATION DES POUVOIRS 471
(1) Comme le relève, en 1949, la Commission instituée pour préciser les pouvoirs du roi, «le
Congrès national a concilié les avantages de la monarchie héréditaire avec la nécessité d'un pou-
voir responsable devant la nation souveraine, en établissant la règle de l'incapacité pour le roi
d'agir seul dans le domaine politique, celle de la responsabilité ministérielle et enfin celle de l'in-
violabilité de la personne du roi. Ces règles vont de pair et se justifient mutuellement» (Mon.
b., 6 août 1949, p. 7590).
------------------------
(4) Rapport de la Commission (Mon. b .• 6 août 1949, p. 7589); W. J. GANSHOF VAN DER
MEERSCH,<< Le commandement de l'armée et la responsabilité ministérielle en droit constitution-
nel belge», Revue de l'Université de Bruxelles, 1948-1949, pp. 256-321; P. DE VISSCHER, «La fonc-
tion royale<>, Revue générale belge, 1949, p. 673.
(5) Si ce contreseing ne peut -pour des raisons politiques ou pratiques -être apporté par
un ministre, le roi se trouve dans l'obligation de s'abstenir d'agir. C'est ainsi qu'il ne participe
pas aux élections.
474 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
C. -Les effets
501. - Si le concours du roi et de ses ministres est requis pour
la confection des actes qu'il revient au pouvoir exécutif d'accomplir,
ne faut-il pas en déduire que les <~ actes du roi )) sont toujours le pro-
duit de deux volontés conjointes - le seing et le contreseing -? Et
admettre qu'à défaut de pareil concours, l'acte du pouvoir exécutif
fédéral manque de fondement juridique? De la même manière que,
dans les matières définies à l'article 77 de la Constitution, la
Chambre et le Sénat doivent, chacun de leur côté, se prononcer sur
l'adoption d'une loi en préparation, il appartiendrait au roi et à l'un
de ses ministres d'exprimer, en toute indépendance, leurs volontés,
étant entendu que la concordance dans l'appréciation est requise
pour produire des effets de droit.
La comparaison est inexacte. Sans le contreseing d'un ministre, le
roi est sans doute incapable d'agir valablement; sans la signature
du roi, un acte du pouvoir exécutif est également dépourvu d' effica-
cité juridique. Mais le problème est autre. Le roi et ses ministres ne
se situent pas dans une relation d'indépendance réciproque. Ils ne
statuent pas de manière autonome. Le pouvoir exécutif fédéral, à la
différence du pouvoir législatif fédéral, est un. La volonté qu'il
exprime n'est pas divisible.
En cas de divergence, il n'y a pas absence de décision. L'un est
appelé à l'emporter sur l'autre. Dans la mesure où la responsabi-
L'ORGANISATION DES POUVOIRS 475
(6) F. DréLPfmÉE, ''Le Roi sanctionne les lois'· J.T., 1991, p. 593 et R. ERGEC, «L'institution
monarchique à l'épreuve ùe la crise>>, J. T., 1990, p. 265.
(7) «Le prince et le roi >>, cité.
(8) Comme le relève le jurisconsulte anglais, Walter Bagehot, il appartient au roi ùe déclarer
en substance à un ministre, au sujet d'une question controversée:<< Vous portez entièrement la
responsabilité des mesures que vous préconisez. Ce que vous estimez être le mieux doit être fait.
Tout ce que vous estimez être le mieux aura mon appui total et effectif. Mais je dois vous faire
observer que, pour telle et telle raison, ce que vous proposez n'est pas indiqué; que, pour telle
et telle raison, ce que vous ne proposez pas est meilleur. Je ne m'oppose pas à vos intentions;
il est de mon devoir de ne pas m'opposer, ruais je vous rends attentif au fait que je vous mets
476 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
en garde>>. Et le roi d'ajouter : «Avez-vous songé aux événements survenus pendant tel ou tel
gouvernement, il y a quelques années 1 Ils constituent un exemple frappant des résultats déplo-
rables qui seront la conséquence inéluctable de la politique que vous entendez poursuivre. Votre
rôle dans la vie politique à cette époque ne revêtait pas la même importance et il se peut que
vous n'ayez point un souvenir assez précis de ce qui s'est passé. Je vous engage à revoir laques-
tion à la lumière de ces précédents et de prendre l'avis de vos collègues plus anciens qui y ont
été plus directement associés. Il n'est pas raisonnable de refaire une politique qui, dans le passé,
a donné d'aussi mauvais résultats •> (cité par R. SENELLE, 'Le monarque constitutionnel en Bel-
gique», Res Publica, 1962, p. 64).
L'ORGANISATION DES POUVOIRS 477
A. - Le principe
505. - S'interroger sur le principe de la solidarité ministérielle,
c'est se demander comment le gouvernement se décide à agir. Un
478 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
(12) Comme le relève A. MAST, << voor het nemen van een bindende beslissing is het niet
vereist dat de ministers eenstemmig stelling nemen over de oplossing van het gestel de probleem;
eike minister heeft het recht de mening van de meerderheid van zijn collega's niet te delen en
dienovereenkomstig tegen het besproken voorstel stelling te nemen » (op. cit., p. 378).
(13) P. WIGNY, op. cit., p. 722.
L'ORGANISATION DES POUVOIRS 481
B. - Les limites
510. - La solidarité ministérielle est-elle sans limites? Les
ministres sont-ils politiquement et solidairement responsables -
notamment devant la Chambre des représentants - des actions
menées par chacun d'eux? Une réponse classique revient à dire que
la responsabilité est solidaire, dès qu'il s'agit d'un acte intéressant
la politique générale; il aura normalement fait l'objet d'une délibé-
ration en conseil des ministres; ses conséquences doivent rejaillir sur
le cabinet tout entier. La responsabilité peut, au contraire, être
individuelle, particulière à un ministre ou à un secrétaire d'Etat,
lorsqu'il s'agit d'un acte qui n'intéresse qu'un département ministé-
riel déterminé, qu'il n'émane que d'un seul membre du gouverne-
ment et qu'il n'a pas fait l'objet d'une discussion collégiale.
Mais comment distinguer les actes qui intéressent ou qui n'inté-
ressent pas la politique générale? Dans une société politique de
dimension restreinte et dans laquelle la presse fait écho aux
moindres faits et gestes des titulaires de l'autorité publique, les déci-
sions dont le contenu peut paraître peu significatif (la nomination
d'un bourgmestre, par exemple) peuvent prendre l'allure de ques-
tions de gouvernement. Le champ de la responsabilité individuelle
tend à se réduire considérablement (14).
C. - Les instruments
511. - Le souci de constituer un gouvernement homogène, sinon
dans sa composition politique du moins dans son organisation et son
action, conduit à mettre en place un ensemble d'institutions qui
s'attachent à coordonner l'action gouvernementale. Le plus sou-
vent, des pratiques se développent. Elles sont progressivement
accréditées par le droit. Mais l'évolution ne se produit pas sans à-
coups. Les milieux politiques semblent rebelles à des formes trop
nettes de hiérarchisation entre les membres du gouvernement ou
entre les formations qu'il pourrait compter en son sein (voy., cepen-
dant, les observations sur le statut des secrétaires d'Etat, no 452 et
note 65). Les mêmes milieux semblent également privilégier le
recours aux procédés purement politiques de coordination, en
dehors des mécanismes officiels utilisés par des institutions prééta-
( 14) La suite qui, sur un plan politique, est donnée, le 13 juillet 1985, au «drame du Heyse! »
confirme au besoin cette interprétation. Comp. loi spéciale de réformes institutionnelles, art. 71.
482 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
(15) Le titre de Premier ministre apparaît pour la première fois dans l'arrêté royal du
2 décembre 1919 refusant la démission de Léon DELACROIX. Voy. cependant l'arrêté royal du
25 novembre 1918 instituant le cabinet du Premier ministre ainsi que le rapport au Roi de l'ar-
rêté royal du 1°' janvier 1918 organisant le département de la reconstitution nationale. Dès le
mois de décembre 1918, L. DELACROIX a contresigné certains arrêtés royaux en usant du titre
de Premier ministre.
L'ORGANISATION DES POUVOIRS 483
(16) Voy. la démission de Léo TINDEMANS, le Il octobr·e 1978, Chroniques de crise ... , p. 44.
(17) Comme le note H. VAN IMPE (op. cit .. p. 231). <<en 1958. le gouvernement social-chrétien-
libéral comprenait officiellement un vice-président du conseil de cabinet, Albert LILAH, qui, sans
être titulaire d'un département, était chargé, en outre, de la réforme administrative>>.
484 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
sion est justifiée par des raisons tenant à l'activité politique de l'in-
téressé.
Lorsque la loi laisse au pouvoir exécutif le soin de régler par
arrêté royal une matière importante dont elle se borne à définir les
principes, ou lorsque le roi établit la manière dont il exercera la
fonction exécutive dans une matière qui intéresse la généralité des
ministres, il peut aussi se faire qu'ils exigent que la réglementation
prenne la forme d'<< arrêtés royaux délibérés en conseil des
ministres)) (voy., par exemple, l'arrêté royal du 2 octobre 1937 por-
tant le statut des agents de l'Etat qui, dans son article 116, prévoit
que << toute modification, même partielle, apportée au ... statut fera
l'objet d'un arrêté motivé délibéré en conseil des ministres)>).
De manière plus exceptionnelle, la loi peut attribuer directement
certains pouvoirs aux ministres réunis en conseil, sans que l'inter-
vention du roi ne soit, en l'occurrence, prescrite. Ainsi la loi du
29 octobre 1846 permet aux ministres de passer outre au refus de
visa que la Cour des comptes leur oppose à l'occasion de la liquida-
tion définitive d'une dépense, mais à charge pour eux d'engager leur
responsabilité devant la Chambre des représentants. Ainsi encore la
loi du 6 janvier 1989 organisant la Cour d'arbitrage leur donne-t-elle
la faculté de saisir la Cour d'un recours abstrait contre une loi ou
un décret qui, à leur estime, violerait les règles répartitrices de com-
pétences entre l'Etat, les communautés et les régions ou les
articles 10, 11 et 24 de la Constitution.
Enfin, l'usage requiert une délibération du conseil des ministres
dans tous les cas où une décision engage la politique générale du
gouvernement (projets de budget, nominations importantes ... ). Des
décisions qui, en temps normal, revêtent un caractère mineur, peu-
vent encore, en fonction des circonstances du moment, mettre le
sort d'un gouvernement en péril et, de ce fait, être évoquées en
conseil des ministres.
Sur la procédure de délibération en conseil des ministres et sur la
règle du consensus, voy. n° 506.
A. - Le principe
520. - Le conseil des ministres délibère à huis clos. <<Faut-il en
conclure, écrit P. WIGNY, que le public, dans une démocratie, n'a
pas le droit de tout savoir)> ( 19)?
(20) Le procès-verbal est rédigé en cinq exemplaires. Quatre sont destinés respectivement au
chef de l'Etat, au Premier ministre, au secrétaire du conseil et aux archives du Royaume. Le cin-
quième, dénommé {( canada >>, est conservé au secrétariat du conseil des ministres.
(21) P. WIGNY, op. cit., p. 574.
L'ORGANISATION DES POUVOIRS 489
C. -Les effets
522. - A l'occasion des démarches qu'ils accomplissent, et
notamment lorsqu'une publicité relative est donnée à leurs inter-
ventions, le roi et ses ministres doivent veiller à ne pas se mettre
mutuellement devant le fait accompli.
Le roi manquerait à cette prescription de déontologie si, par un
discours improvisé ou une initiative insolite, il obligeait le gouverne-
ment à couvrir les actes du chef de l'Etat, alors qu'il n'aurait pu,
au préalable, discuter avec lui du bien-fondé de ces démarches. De
leur côté, les ministres portent atteinte au rôle d'influence que le roi
doit être en mesure d'exercer lorsqu'ils présentent à l'opinion un
ensemble de mesures que le monarque ne peut - sauf à susciter une
crise constitutionnelle grave - que ratifier.
A. - Le bicaméralisme
525. - l. Le principe du bicaméralisme. - La division du corps
législatif en deux assemblées est apparue, au début du siècle, comme
un << axiome de la science politique)) (BRYCE). Depuis les règles d'or-
ganisation du régime parlementaire jusqu'aux techniques d' aména-
gement des Etats composites, tout contribuait à faire d'un accident
historique - les délibérations séparées au sein du Parlement
anglais- un principe naturel appelé à gouverner les modes de déli-
bération. Cette règle, disaient les plus enthousiastes, forme << le droit
commun chez les peuples libres)) (EsMEIN).
Le corps législatif est appelé à se diviser en deux chambres.
Celles-ci sont égales en droit. Seule une délibération concordante
prise de part et d'autre à la majorité peut engager le corps législatif
tout entier et saisir valablement la troisième branche du pouvoir
législatif.
La justification d'un tel principe est simple. Il assure la modéra-
tion du pouvoir législatif, en le prémunissant contre les << emporte-
ments)) d'une assemblée unique. Il permet de réaliser une représen-
tation fidèle des courants qui divisent l'opinion et entre lesquels le
législateur fera œuvre de compromis. D'un point de vue plus techni-
que, il sert aussi l'œuvre de réflexion et de rédaction de la loi.
526. - Cet axiome est, aujourd'hui, mis en cause dans ses pos-
tulats comme dans ses modalités.
492 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
Dans ses postulats? Le système repose sur l'idée que deux assem-
blées différemment composées, et assurant donc une représentation
différente de la Nation, exprimeront mieux qu'une seule institution
la fonction de délibération. Un problème technique en découle : si
la première assemblée est constituée de représentants directs de la
Nation, sur quels critères composer la seconde?
Des suggestions ont été, à un moment ou à un autre, formulées.
Elles conduisent à la création d'un Sénat aristocratique, d'un Sénat
capacitaire, d'un Sénat royal, d'un Sénat national, d'un Sénat com-
munautaire et régional, d'un Sénat corporatif...
Ces formules, pour intéressantes qu'elles puissent paraître, n'ont
guère eu de répercussions réelles, parce qu'elles négligeaient de s'in-
terroger sur les attributions respectives des deux assemblées.
Comment ~ de surcroît ~ deux assemblées, dont les membres
représentent tous et chacun la Nation, pourraient-elles, en un même
moment, exprimer deux opinions contradictoires?
Dans ses conséquences? Le système bicaméral se donne un objec-
tif : lutter contre le despotisme des assemblées délibérantes. De la
même manière que les Romains restreignaient leur exécutif en rem-
plaçant un roi par deux consuls, les démocraties modernes enten-
dent se prémunir contre l'absolutisme de l'assemblée en partageant
entre deux institutions la fonction de délibération. Pour éviter les
excès et les abus, deux chambres valent mieux qu'une. Leur com-
mune délibération ne sera pas commode à établir mais, lorsqu'elle
sera acquise, elle exprimera au moins une opinion largement répan-
due, longuement discutée et soigneusement rédigée.
Deux objections se dessinent aussitôt. La première, c'est que, si
la différence de composition n'est pas valablement assurée, ce sont,
en réalité, deux assemblées identiques qui vont examiner un même
texte; le système n'offre aucune garantie contre des majorités abu-
sives. La seconde, c'est que le système des deux Chambres aboutit
essentiellement à ralentir la délibération de la loi. Ces lenteurs sont-
elles conciliables avec le fonctionnement du pouvoir législatif dans
l'Etat moderne?
Pour éviter de tels inconvénients, le bicaméralisme parfait cède
souvent la place à un bicaméralisme inégalitaire où la haute assem-
blée ~ le Sénat français, la Hou se of Lords ... ~ est dépossédée
d'une part de ses attributions.
L'ORGANISATION DES POUVOIRS 493
(26) Charles GooSSENS, «Le bicaméralisme en Belgique et son évolution», Liber amicorum
Frédéric Dumon, Anvers, 1983, t. II, p. 793; R. HENRION, «Le Parlement belge. Pouvoir de légis-
lation et de contrôle?», séance de l'Académie royale de Belgique du 6 mai 1985.
496 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
(27) A l'ouverture de chaque session, un bureau provisoire est constitué. Il est formé du
doyen d'âge, qui fait office de président, et des quatre membres les plus jeunes qui font fonction
de secrétaires (Règl., Ch. et Sén., art. 1'''). Le bureau provisoire fait procéder, en début de légis-
lature, à la vérification des pouvoirs et à la prestation de serment des nouveaux membres.
(28) Ch. DF.BBASCH, J. BoURDON, J.-M. PoNTIF.R et J.-Cl. RICCI, Droit constitutionnel et insti-
tutions politique8, Paris, Economica, 1983, p. 674.
498 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
(32) Le sénateur désigné par la Communauté germanophone en son sein (art. 67, § 1 ,.,., 5")
n'est membre d'aucun des deux groupes linguistiques du Sénat.
.----------------------------------
(33) Les commissions mixtes sont formées de députés et de sénateurs. Elles permettent d'évi-
ter les navettes entre les deux assemblées. Cette pratique est trop rarement utilisée en Belgique
(discussion du projet de Code judiciaire, par exemple) alors pourtant qu'elle permet de lutter
contre les méfaits du bicaméralisme.
L'ORGANISATION DES POUVOIRS 503
(35) La session s'entend de la période de temps de moins de douze mois pendant laquelle une
assemblée délibérante est habilitée à siéger valablement. Elle s'inscrit le plus souvent à cheval
sur deux années civiles. Exemple : session ordinaire 1999-2000. La séance, elle, est cette période
de la journée au cours de laquelle une assemblée se réunit de manière effective; elle est ajournée
à une séance ultérieure que fixe le président, après consultation de ses collègues.
(36) Ce délai est notamment prescrit pour l'adoption des budgets et le vote du contingent qui
doivent intervenir annuellement (Const., art. 174 et 18~).
(37) L'inverse n'est pas vrai. Il n'empêche que l'activité de la Chambre des représentants est,
pour une part, paralysée dès le moment où le Sénat n'est plus en mesure d'agir; la règle de la
collégialité requiert leur collaboration pour l'élaboration des lois bicamérales.
L'ORGANISATION DES POUVOIRS 505
les mois d'été, ont la faculté de réunir les membres des Chambres.
Une conséquence en résulte : il n'y a plus de session extraordinaire,
si ce n'est à l'issue d'élections législatives.
L'esprit du régime parlementaire le veut ainsi. Les Chambres, et
en particulier la Chambre des représentants, sont appelées à exercer
un contrôle permanent sur l'action du pouvoir exécutif fédéral; elles
lui apportent, par la majorité qu'elles représentent, un appui indis-
pensable.
<< Le ministère politiquement responsable, ne saurait sans danger
§ 2. - La règle de la majorité
543. - La règle de la majorité fait partie de ces idées simples
qui commandent l'aménagement des sociétés démocratiques et, au
sein de celles-ci, le fonctionnement des assemblées. Une décision
prise à la majorité s'impose à tous. La minorité, même si elle reste
fidèle à ses convictions, ne peut que s'incliner devant la mesure qui
est arrêtée de cette manière. Mais de quelle majorité s'agit-il et com-
ment la calculer ?
(39) Nul sénateur ne peut s'abstenir d'assister à une séance ... Le compte rendu analytique
mentionne le nom des absents en assemblée et en section, en indiquant les motifs d'excuse. Un
tableau trimestriel des absences en assemblée, en section et en commission est publié, avec J'indi-
cation des motifs d'absence (Règl., Sén., art. 35, al. 2). Selon le règlement de la Chambre (art. 31,
al. 5), la liste des membres présents est portée au procès-verbal.
L'ORGANISATION DES POUVOIRS 507
(no 44). Elles le sont également lorsque les Chambres doivent auto-
riser le roi à devenir chef d'un autre Etat (art. 87, al. 2) ou nommer
son successeur (art. 86, al. 2).
§ 3. - La règle de la publicité
(40) Après un avertissement, le président peut décider que les propos tenus par l'orateur qui
dépasse son temps de parole ne seront reproduits ni aux Annales parlementaires, ni au Compte
rendu analytique.
L'ORGANISATION DES POUVOIRS 509
Quelles en sont les modalités? Le vote peut avoir lieu par assis
et levé. C'est la procédure la plus simple et la plus rapide. Elle est
de droit en toute matière - sauf pour les élections et les nomina-
tions qui se font au vote secret, ainsi que pour les projets et les pro-
positions de loi pour lesquels d'autres conditions sont exigées du
scrutin public -. Le résultat du vote par assis et levé est constaté
par les secrétaires et proclamé par le président; il ne laisse aucune
trace.
Le vote peut aussi avoir lieu par appel nominal. Il est obligatoire
quand il porte sur l'ensemble des lois fédérales (Const., art. 55) ou
quand il est réclamé par cinq membres, au Sénat (Règl., art. 42,
al. 3) ou huit membres, à la Chambre (Règl., art. 46, al. 1er).
Dans la pratique, le vote par appel nominal peut revêtir deux
modalités. Il y a le vote à haute voix (Const., art. 39 ancien). C'est
le scrutin le plus solennel. Une lettre de l'alphabet est tirée au sort
au début de chaque séance; en fonction de l'ordre ainsi constitué,
il est procédé à l'appel des noms des parlementaires; chacun d'eux
exprime son vote à haute voix. Le recours systématique à cette
forme de scrutin aboutit à paralyser les travaux de l'assemblée. Il
y a aussi le vote électrique que l'on appelle le vote nominatif et qui
constitue une variété d'appel nominal; il remplace le scrutin à haute
voix. De son pupitre, chaque parlementaire émet un vote au moyen
d'un appareil placé devant lui. De petites lampes constatent l'exé-
cution du vote; elles restent allumées jusqu'à la clôture du scrutin;
les résultats sont reproduits sur un tableau électrique figurant dans
l'assemblée.
C. - Les exceptions
550. - La publicité des séances et des votes n'est pas une règle
absolue. Des exceptions peuvent lui être apportées.
<<Chaque Chambre se forme en comité secret, sur la demande de
son président ou de dix membres. Elle décide ensuite, à la majorité
absolue, si la séance doit être reprise en public sur le même sujet >)
(Const., art. 47, al. 2 et 3). Il est tenu un procès-verbal des réunions
en comité secret. Mais, comme le précisent l'article 32, alinéa 7, du
règlement de la Chambre et l'article 36, alinéa 3, du règlement du
Sénat, l'assemblée peut aussi décider qu'il n'en sera pas rédigé.
510 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
(41) W. J. GANSHOF VAN DER MEERSCH, «Le droit de défense, principe généra\ de droit.
Réflexions sur des arrêts récents», in Mélanges Jean Dabin, Bruxelles, Bruylant, 1963, t. II,
p. 569.
512 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
§ 2. - La règle de la motivation
553. - Un jugement doit être motivé. Il doit, selon l'expression
consacrée, révéler les raisons de droit ou de fait que la juridiction
compétente a prises en compte pour justifier sa décision. C'est là,
observe la Cour de cassation, << une garantie essentielle contre la par-
tialité et l'arbitraire, qui s'impose comme preuve que le magistrat
a examiné soigneusement les moyens qui lui étaient soumis, et qu'il
a médité la solution du litige>) (Cass., 21 septembre 1933, Pas., I,
p. 311). Le juge ne peut se contenter d'imposer sa décision. Il doit
convaincre les parties au litige, les juridictions qui en connaîtront
éventuellement sur recours et, plus généralement, l'opinion publique
du bien-fondé de la solution qu'il retient.
<<Tout jugement est motivé>), précise l'article 149 de la Constitu-
tion. D'où il suit que la règle a une portée générale. Elle vaut évi-
demment pour les tribunaux judiciaires. Elle vaut aussi pour les
juridictions administratives. A ce niveau, elle s'impose tantôt à rai-
son d'un texte exprès (voy. l. coord. Conseil d'Etat, art. 28, al. 1er),
tantôt en vertu d'un principe général de droit public - la nature de
la fonction juridictionnelle impose au juge de motiver ses déci-
sions - . Elle s'applique encore à la Cour d'arbitrage (loi spéciale du
6 janvier 1989, art. 111 : <<L'arrêt contient les motifs et le disposi-
tif...>)).
<<L'obligation de motiver est complexe, écrit le procureur général
W. J. GANSHOF VAN DER MEERSCH. Elle est à la fois de forme et de
fond. De ce qu'elle est de forme, il résulte que l'examen du moyen
fondé sur un défaut de motif est préalable aux moyens de fond.
Mais que l'obligation de motiver doive toucher au fond ressort de
ce que la juridiction supérieure, et surtout la Cour de cassation, doi-
vent trouver dans le motif les éléments de nature à leur permettre
d'exercer leur contrôle >) (42).
<<Le motif doit être clair, précis et complet sur le point tranché
dans le dispositif>) ; il y a défaut de motifs lorsque les motifs donnés
par le juge sont << incertains, imprécis, ambigus, contradictoires ou
inconciliables>) (43).
(42) «L'obligation de motiver les actes de juridiction en droit belge», in Rapports belges au
xe Congrès international de droit comparé, Bruxelles, Bruylant, 1978, p. 465.
(43) Ibid., p. 466.
L'ORGANISATION DES POUVOIRS 513
§ 3. - La règle de la publicité
554. - Selon l'article 148 de la Constitution, <(les audiences des
tribunaux sont publiques>>. L'ouverture des prétoires permet, en
principe, que l'œuvre de justice, en tout cas le déroulement des
débats, s'accomplisse sous le contrôle des citoyens. Une exception
est prévue au texte. Le huis clos peut être prononcé au cas où
<( cette publicité serait dangereuse pour l'ordre ou les mœurs >>; il
revient au juge de décider si ces conditions sont remplies, encore
qu'en matière de délits politiques et de presse, le huis clos ne puisse
être prononcé qu'à l'unanimité des magistrats appelés à siéger
(al. 2).
La disposition inscrite dans l'article 148 de la Constitution
connaît des tempéraments. Des débats se déroulent en chambre du
conseil, à l'abri de la publicité. La Constitution mériterait d'être
révisée pour tenir compte de ces solutions imposées par l'expérience.
<(Tout jugement ... est prononcé en audience publique>> (Const.,
art. 149). Comme le relève J. VAN CoMPERNOLLE, <(la condition du
prononcé en audience publique détermine l'existence même de l'acte
juridictionnel>>. Elle ne s'apparente pas aux exigences de publicité
qui affectent les lois, décrets et règlements pour leur permettre de
sortir leurs effets (44). En conséquence, il ne peut y être dérogé (45).
Une jurisprudence contestable de la Cour de cassation tend à
considérer que ces prescriptions ne trouvent pas à s'appliquer aux
juridictions administratives. Elle conduit à donner une portée diffé-
rente aux deux conditions inscrites dans l'article 149 de la Constitu-
tion - la motivation et la publicité du prononcé - . Elle semble
également s'écarter de l'interprétation communément apportée à
l'article 6, § 1er de la Convention européenne des droits de l'homme.
BIBLIOGRAPHIE
A. - L'inviolabilité du roi
557. - En s'attachant à définir le statut personnel du roi, la
Constitution ne peut manquer de reprendre à son compte la formule
de l'Ancien droit : The King can do no wrong. Elle le fait en termes
laconiques : <<La personne du roi est inviolable>) (art. 88).
De cette manière, elle écarte l'idée même que le chef de l'Etat
puisse commettre des agissements répréhensibles au regard de la loi
pénale. Elle considère aussi que, si une infraction se révèle, le roi
doit être mis à l'abri de toute mesure d'instruction, de contrainte
ou de jugement. La protection qui va à la fonction se révèle ainsi :
s'il en allait autrement, comment préserver la continuité monarchi-
que et la permanence de l'institution royale ( 1)?
L'inviolabilité du roi est absolue. Elle couvre les actes que le roi
accomplit dans l'exercice de ses fonctions. <<Si la Reine, disait déjà
DICEY au siècle dernier, tuait de sa propre main le Premier
ministre, aucun tribunal ne pourrait connaître de cet acte >). D'où
cette précision qu'apporte un peu maladroitement l'article 88 : les
ministres seront politiquement responsables de ces actes. L'inviola-
bilité couvre aussi les agissements hors fonction.
La Commission chargée d'émettre un avis motivé sur l'applica-
tion des principes constitutionnels relatifs à l'exercice des préroga-
tives du roi a estimé que l'immunité prévue par l'article 88 de la
Constitution produisait également des effets d'un point de vue civil.
A raison de la généralité des termes utilisés, le roi est mis à l'abri
de toute action devant la juridiction civile.
Selon la Commission, << un correctif est apporté à la rigueur du
principe en ce qui concerne les obligations de droit privé qui ont
trait au patrimoine du roi : aussi admet-on, en cette matière, la pos-
sibilité d'une action en justice, l'immunité ne se manifestant que
par le fait que le roi ne peut être attrait personnellement en justice
(1) Les articles 101 à 112 du Code pénal visent, de leur côté, à réprimer les attentats et les
complots contre le Roi, mais aussi ceux qui seraient accomplis contre l'héritier présomptif et les
membres de la famille royale ou qui chercheraient à changer la forme de gouvernement monar-
chique. Adde :le décret du 20 juillet 1831 (art. 3) et la loi du 6 avril 1847 (art. r') sur la répres-
sion des offenses envers la personne du Roi.
LE STATUT DES TITULAIRES DU POUVOIR 517
(2) Mon. b., 6 août 1949, p. 7591. Adde . J. SAcE, ''Nul fors le Roi ne plaide par procureur»,
in Mélanges offerts à Roland De Valkeneer, Bruxelles, Bruylant, 2000.
(3) Op. cit., p. 252.
(4) A. GIRON, Le droit public de la Belgique, pp. 128 s.; J. J. THONISSEN, La Constitution belge
annotée, pp. 200 s.; CENTRE n'ÉTUDES POUR LA RÉFORME DE L'ETAT, La réforme de l'Etat, conclu-
sions additionnelles, pp. 94 s.; R. DELANGE, «Considérations sur la responsabilité pénale et la res-
ponsabilité civile des ministres et des secrétaires d'Etat>> J.T., 1976, pp. 653 s.; M. VERDUSSEN,
Contours et enjeux du droit constitutionnel pénal, Bruxelles, Bruylant, 1995, pp. 511 s.
518 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
(5) On considérait, jusqu'en 1993, que la Chambre pouvait retenir, à l'encontre d'un ministre,
des faits qui n'étaient pas incriminés par la loi pénale. Les auteurs du siècle dernier imaginaient,
par exemple, qu'un ministre soit mis pénalement en cause pour avoir porté gravement atteinte
aux intérêts généraux du pays en entraînant celui-ci dans une guerre malheureuse. La répression
pénale se voulait un substitut de la responsabilité politique.
(6) Affaires Inusop et Agusta-Dassault («Le procès Agusta-Dassault »,in L'Année francophone
internationale. An 2000, AFI, 2000, p. 42).
(7) Affaire Trusnacht.
(8) La loi du 17 décembre 1996 portant exécution temporaire et partielle de l'article 103 de
la Constitution montre très tôt ses limites.
LE STATUT DES TITULAIRES DU POUVOIR 519
(9) L'intervention de la Chambre des représentants in limine litis est précisée : 'Sans se pro-
noncer sur le fond du dossier, la Chambre vérifie si la demande (que lui transmet le procureur
général) est sérieuse •· Elle peut refuser son autorisation dans deux cas.' Il s'avère: que tant l'ac-
tion publique que les faits sont manifestement fondés essentiellement sur des motifs politiques;
que les éléments fournis sont irréguliers, arbitraires ou insignifiants •• (loi du 25 juin 1998, art. 12,
§ 1"', al. 2 et 3).
(lü) Il s'agit d'une loi monocamérale (Const., art. 74).
520 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
lieu où le prévenu aura été trouvé »> qui sont << également compé-
tentes »> pour connaître de ce dossier.
(JI) D'où la formulation elliptique et peu heureuse de l'article 103, alinéa 1'"'·, de la Constitu-
tion : «Les ministres sont jugés exclusivement par la cour d'appel pour les infractions qu'ils
auraient commises dans l'exercice de leurs fonctions. Il en est de même des infractions qui
auraient été commises par les ministres en dehors de l'exercice de leurs fonctions et pour lesquels
ils sont jugés pendant l'exercice de leurs fonctions». Comment un ministre peut-il commettre des
infractions qui se situeraient, en même temps <<en dehors)) et <<pendant)) l'exercice de ses fonc-
tions? Il s'agit, dans le premier cas, d'un rattachement de type matériel et. dans le second, de
type chronologique. A contrario, si un ministre commet une infraction qui ne présente aucun lien
avec la fonction qui lui a été confiée, mais qu'il doit répondre de ses actes à un moment où il
n'est plus en charge, le droit commun trouve à s'appliquer.
( 12) L'étude la plus complète a été publiée de manière anonyme dans la Revue administrative
de 1910 (pp. 197 s.). Adde . A. MoLITOR, La fonction royale. 2'' éd., Bruxelles, Ed. CRISP, 1994
et A. VANWELKENHIJYZEN, v" Chef d'Etat, in R.P.D.B., supplément, t. V, 1977.
522 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
pose problème. Il peut donner à croire que des pratiques peu com-
patibles avec une saine administration des deniers publics auraient
tendance à se développer. Il peut engendrer des suspicions d'autant
plus vives qu'elles se fonderont sur des faits ou des chiffres qui
échappent, pour une large part, à vérification.
566. - Si le roi des Belges détient ou utilise un certain nombre
de biens - mobiliers et immobiliers - , ceux-ci ne sont pas tous
assujettis à un même régime juridique. La propriété de ces biens,
leur gestion et leur utilisation répondent à des règles différentes.
Des biens relèvent du patrimoine privé du roi. La qualité de chef de l'Etat est,
en l'occurrence, indifférente. Par divers procédés qui relèvent du droit privé -
achat, succession, libéralité ... - , le roi a acquis un certain nombre de biens. Ils
lui reviennent, en sa qualité de citoyen, au même titre que toute autre per-
sonne (13). Peu importe le moment où ces biens entrent dans le patrimoine du
roi. Ils lui appartenaient avant même qu'il ne monte sur le trône ou ils sont
devenus, depuis lors, sa propriété.
D'autres biens composent les biens de la couronne. Ils sont mis par l'Etat fédé-
ral à la disposition du roi. Celui-ci bénéficie à leur égard d'une jouissance en via-
ger. Des immeubles - le palais de Bruxelles et le château de Laeken- sont uti-
lisés par le roi. Il les affecte à un usage professionnel ou leur donne, au moins
pour partie, une utilisation privée. A charge pour lui de les entretenir et de les
meubler.
Des biens relevant de la donation royale sont également mis à la disposition
du roi. Ils sont utilisés pour meubler les résidences royales sous la responsabilité
de l'Intendant de la liste civile.
Une autre catégorie de biens compose la collection royale. Il s'agit de biens
meubles qui appartiennent à l'Etat fédéral mais qui se trouvent placés dans
diverses résidences royales. Ils sont répertoriés et inventoriés. En principe, ils ne
se trouvent que dans les résidences officielles (palais de Bruxelles, châteaux de
Laeken, du Stuyvenberg, de Ciergnon et de Fenffe).
Une dernière catégorie de biens relèvent de la liste civile.
cette pratique saute aux yeux. Il faut éviter que le vote des moyens financiers mis à la disposi-
tion du roi n'offre aux chambres législatives la possibilité de mettre en cause, fût-ce de manière
indirecte, la responsabilité du roi. Il faut mettre aussi le gouvernement à l'abri de la tentation
de faire, de cette manière, pression sur le chef de l'Etat. De la sorte, '' la personne royale est mise
à l'abri des discussions parlementaires et des démonstrations antidynastiques, comme il s'en pro-
duit, depuis quelques années, à propos des dotations des princes royaux' (PANDECTES BELGES,
v" Roi, Royauté, n" 297).
(16) Le caractère budgétaire de la liste civile lui vaut notamment d'être arrêtée par le légis-
lateur. Une dérogation importante est néanmoins apportée au principe de l'annualité du budget.
( 17) A. MoLITOR, « Réflexions sur la fonction royale », in Nous, Roi des Belges. 150 ans de
monarchie constitutionnelle, Bruxelles, Crédit communal, 1981, p. 20.
(18) La maison du roi groupe quatre services : le département du grand maréchal de la Cour,
le cabinet du roi, la maison militaire et le service de la liste civile.
(19) Le terme est d'origine britannique. Il date du lendemain de la révolution de 1688, c'est-
à-dire du moment où fut fixé le nouveau statut de la monarchie britannique.
(20) J.J. THONISSEN, op. cit., n" 341; R. SENELLE etE. CLEMENT,« Dota ti es», Administratief
Lexicon, 1990.
(21) La liste civile n'est pas à proprement parler un traitement. S'il fallait y voir la contre-
partie des services assumés par le roi, son montant serait manifestement disproportionné. Il n'en
reste pas moins que la Jiste civile permet de servir des traitements, ceux qui reviennent au roi
et à ses collaborateurs (P. ERRERA, op. cit., p. 193. Contra J. VELU, Notes de droit public,
Bruxelles, Presses universitaires, 1979, vol. 2, p. 421; R. ERGEC, Introduction au droit public,
t. I"', n" 411).
524 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
C. ~ Autres avantages
569. ~ Les membres du gouvernement ne perçoivent pas, en
cette qualité, d'allocations familiales. En attendant qu'un régime
(22) La loi du 28 février 1832 a mis les habitations royales à la disposition de LÉOPOLD l''',
à charge pour la liste civile de pourvoir à leur entretien et à leur ameublement. La même pres-
cription est établie par la loi du 25 décembre 1865 qui met les mêmes habitations à la disposition
de LÉOPOLD Il.
LE STATUT DES TITULAIRES DU POUVOIR 525
(23) S'il renonce au véhicule de l'Etat et utilise sa propre voiture, il est remboursé des frais
qu'il a consentis (AR. 18 janvier 1965 portant réglementation générale en matière de frais de
parcours).
526 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
A. - Le régime constitutionnel
571. - A proprement parler, la Constitution n'organise pas un
régime d'incompatibilités. Elle se borne à préciser que le membre de
l'une des Chambres fédérales (( nommé par le Roi en qualité de
ministre ... cesse de siéger)) dans l'assemblée parlementaire. Il est
remplacé par son suppléant mais retrouve son mandat s'il vient à
perdre son portefeuille ministériel (art. 50).
La Constitution précise aussi que ((le membre de l'une des deux
chambres nommé par le gouvernement fédéral à toute autre fonction
salariée que celle de ministre et qui l'accepte, cesse immédiatement
de siéger ... )) (art. 51). Il s'agit d'une sorte de sanction, plus que d'un
cas d'incompatibilité.
La nomination d'un parlementaire à une fonction publique que le
gouvernement rémunère éveille le soupçon. L'indépendance de l'élu
a pu être compromise; sa nomination peut apparaître comme une
promesse ou comme une récompense. Une sanction le frappe qui ne
pourra être<( purgée)) (A. EsMEIN) qu'<( en vertu d'une nouvelle élec-
tion)) (art. 51, in fine).
La Constitution ne prohibe donc pas formellement le cumul de la
fonction parlementaire et d'une fonction publique. Elle permet à un
fonctionnaire de se porter candidat à une élection, d'être élu et
d'exercer le mandat pour lequel il a été désigné. Elle permet aussi
au parlementaire qui a été déchu de ce mandat pour avoir accepté
une fonction publique mais qui, par la suite, est réélu d'exercer ces
deux responsabilités.
Aujourd'hui, les dispositions inscrites dans les articles 50 et 51 de
la Constitution doivent être lues de concours avec celles que retien-
nent un ensemble de textes législatifs. Cette double lecture infléchit
le premier commentaire.
B. - Le régime légal
572. - Le regime des incompatibilités est, en réalité, orgamse
par la loi du 6 août 1931. Pour l'essentiel, il se ramène à la prohibi-
LE STATUT DES TITULAIRES DU POUVOIR 527
(26) La loi du 2 mai 1995 prescrit l'obligation de déposer une liste de mandats, fonctions et
professions et d'établir une déclaration de patrimoine. Elle n'a pas pour objet d'exclure le cumul
de ces activités et de leurs rémunérations. Elle reste sans portée pratique, à défaut de mesures
qui en permettent la mise en œuvre (art. 5).
Pour sa part, la loi du 4 mai 1999 précise qu'à partir de 2001, le mandat parlementaire ne
peut être cumulé C< avec plus d'un mandat exécutif rémunéré>> et que le montant des indemnités,
traitements et jetons de présence perçus en rétribution d'activités politiques ou publiques <<ne
peut excéder la moitié du montant de l'indemnité parlementaire» (art. 3 et 4).
LE STATUT DES TITULAIRES DU POUVOIR 529
pour qui <~ il est interdit d'exercer simultanément deux mandats ...
politiques ... , sauf obligation constitutionnelle ou légale>> (point VII,
5.2) et d'assumer pareil mandat <~pendant plus de deux termes nor-
maux consécutifs>> (point VII, 5.6). Tantôt encore il s'agit d'éviter
qu'un mandataire politique ne fasse partie des instances dirigeantes
d'un mouvement extérieur au parti (voy., par exemple, la décision
du comité directeur du parti social chrétien du 15 mai 1982).
Le respect de ces prescriptions relève de la discipline interne de
chaque formation politique.
§ 2. - Les immunités
576. - Les immunités parlementaires sont les garanties que la
Constitution accorde aux parlementaires en matière civile et pénale,
en vue de préserver le libre exercice de leur mandat (27). Elles com-
prennent notamment l'irresponsabilité et l'inviolabilité.
A. - L'irresponsabilité
577. - La première immunité est celle de l'irresponsabilité. Ins-
cr~te dans le Bill of Rights de 1686, proclamée par les Etats géné-
raux en 1789, elle fait partie du droit commun des Etats qui enten-
dent assurer l'indépendance du Législatif et de ses membres.
Elle reçoit une expression large : <~ Aucun membre de l'une ou de
l'autre chambre ne peut être poursuivi ou recherché à l'occasion des
opinions et votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions >>
(art. 58).
L'irresponsabilité est une forme d'immunité absolue. Elle emporte
dispense générale et perpétuelle d'application des règles de droit
pénal et de responsabilité civile à tous les actes que le député ou le
sénateur accomplit dans l'exercice de ses fonctions et qui pourraient
contenir une infraction ou une faute faisant corps avec cet exercice
même.
Le souci de protéger les membres des Chambres de poursuites
téméraires ou vexatoires pour des faits imaginaires, mineurs ou dou-
teux conduit à les mettre à l'abri de poursuites qui, à l'égard
(27) Les immunités sont accordées tant dans l'intérêt de la fonction exercée que dans celui
des parlementaires qui en bénéficient. D'où il ressort qu'un député ou un sénateur ne peut renon-
cer soit de manière générale, soit dans un cas particulier, à ces éléments qui font partie intégrante
de son statut.
530 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
B. - L'inviolabilité
(28) Mais l'assemblée concernée peut prendre l'initiative de demander la suspension des pour-
suites ou de la détention.
532 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
exercer les fonctions qui lui sont conférées par élection qu'après
avoir prêté le serment d'<< observer la Constitution >>.
A. - L'indemnité parlementaire
C. - Autres avantages
587. - Les parlementaires bénéficient d'avantages fiscaux :
72 %, soit une somme mensuelle de 219.272 francs, est assimilée
à une rémunération; 28 %, soit une somme mensuelle de
61.398 francs est censée couvrir les dépenses inhérentes à l'exercice
de la fonction et est, au titre des charges professionnelles, exonérée
d'impôt.
C. - Les empêchements
591. - Les empêchements que prescrivent les lois fédérales sont
de plusieurs ordres.
Ils affectent le processus de désignation des juges : des conjoints,
parents et alliés jusqu'au troisième degré ne peuvent être nommés
dans une même juridiction. Ils touchent aussi au processus de
confection des sièges, soit des formations de jugement : << là où, sur
dispense du roi, des parents peuvent être membres d'une même juri-
diction, ils ne peuvent jamais siéger dans une même affaire)) (36).
Ils justifient la mise en œuvre des procédures de récusation (Code
jud., art. 828 et sv.) lorsqu'un magistrat pourrait avoir un intérêt
personnel dans l'affaire dont il est saisi.
Une cause particulière d'empêchement concerne les conseillers
d'Etat : ils ne peuvent connaître, à la section d'administration, de
recours en annulation qui seraient introduits contre des arrêtés et
règlements sur lesquels ils auraient été consultés à la section de
législation.
Dans la même perspective, un problème de récusation peut se
poser devant la Cour d'arbitrage. L'impartialité de la Cour et de ses
membres peut être contestée si, en sa qualité originelle de magis-
trat, un juge s'est prononcé sur l'affaire dont la Cour est saisie ou
si, en sa qualité première de parlementaire, un juge a pris position
A. - Le traitement
592. - <<Le salaire des juges, écrit BENTHAM, doit provenir uni-
quement du trésor public, sans aucun émolument, aucune amende,
aucun droit sur les parties, ou sur aucune des opérations judiciaires.
Toute exception à ce principe, quelque légère qu'elle fût, directe ou
indirecte, exposerait la probité du juge ou sa réputation >> (cité par
R. WARLOMONT, op. cit., p. 972).
La Constitution s'inspire directement de ces idées. Le juge ne doit
pas compter sur une fortune personnelle pour être à même d'exercer
sa fonction. Il ne doit pas non plus toucher les épices et soutirer une
part des profits de justice pour subvenir à ses besoins.
La Constitution recourt au système des rémunérations fixes. Il les
met à l'abri d'interventions du pouvoir exécutif fédéral. << Les traite-
ments des membres de l'ordre judiciaire sont fixés par la loi >> fédé-
rale (Const., art. 154; voy. Code jud., art. 355 s.).
Les traitements et pensions des juges à la Cour d'arbitrage, sont
fixés par la loi ordinaire du 6 janvier 1989 (art. 1, 4, 6 et 8).
Pour les membres du Conseil d'Etat, le principe est identique :
<<une loi (fédérale) fixe les traitements, majorations et indemnités>>
(37) F. DEL PÉRÉE et A. RASSON-ROLAND, «En route pour la Cour d'arbitrage», A.P. T., 1982,
p. 237.
540 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
(lois coord., art. 103, et loi du 5 avril 1955 relative aux traitements
des titulaires d'une fonction au Conseil d'Etat).
B. - La pension d'éméritat
593. - Un juge est nommé à vie (Const., art. 152) (38). Comme
l'écrit P. WIGNY, il n'en reste pas moins que <<l'âge vient accabler
inexorablement tous les membres>> du pouvoir juridictionnel (39).
D'où cette précision qu'apportait déjà la loi - dont la constitution-
nalité a été débattue - du 25 juillet 1867 et que confirment les
articles 383 à 397 du Code judiciaire : les juges peuvent être mis à
la retraite. La Constitution, révisée le 23 janvier 1981, confirme
cette interprétation : les juges << sont mis à la retraite à un âge déter-
miné par la loi et bénéficient de la pension prévue par la loi >> fédé-
rale.
Pour concilier le principe de la nomination à vie et la solution
pratique d'une mise à la retraite à 70 ans, le législateur fédéral
cherche à préserver les intérêts particuliers des magistrats en leur
accordant, après 30 ans de carrière, le bénéfice de l'éméritat : il leur
attribue, même après cessation de fonctions, un traitement plein (ou
plus exactement un traitement égal à la moyenne des traitements
des cinq dernières années). L'un des rapporteurs de la loi du 25 juil-
let 1867 soulignait de manière emphatique cette particularité : << On
lui laisse tout et on ne lui enlève que le pouvoir de siéger >> (Doc.
Parl., Chambre, 1866-1867, p. 223).
La loi fédérale peut indiquer à quel montant ces pensions sont
plafonnées.
C. - La pension de retraite
594. - Le magistrat qui n'est pas en mesure de bénéficier d'une
pension d'éméritat- parce qu'il n'a pas exercé suffisamment long-
temps la fonction de juge - a néanmoins droit à une pension de
retraite. Il va de soi que, lui aussi, est nommé à vie. Ce qui signifie
(38) Pour les juges à la Cour d'arbitrage et pour les conseillers d'Etat, voy. respectivement
la loi spéciale du 6 janvier 1989, art. 32, et les lois coordonnées, art. 70, § 4. La règle de la nomi-
nation à vie ne vaut pas pour les membres des tribunaux militaires, pour les juges consulaires
et pour les juges sociaux. L'article 157 de la Constitution prévoit explicitement qu'une loi fixe
« la durée de leurs fonctions ».
(39) Op. cit., p. 754.
LE STATUT DES TITULAIRES DU POUVOIR 541
BIBLIOGRAPHIE
On trouvera peu d'études d'ensemble, hormis dans les ouvrages généraux de droit
constitutionnel, sur les questions touchant au statut des titulaires du pouvoir.
(40) A. MAST, op. cit., n" 361; contra : EECKMAN, «Traitement des magistrats», B.J., 1888,
col. 17.
542 LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
en de selectie van haar !eden», R. W., 1977-1978, col. 1730; L.-P. SuETENS, <<Les
bases constitutionnelles de l'organisation judiciaire>>, in Rapports belges au
X' Congrès international de droit comparé, Bruxelles, Bruylant, 1978, p. 376; Ch. VAN
REEPINGHEN, «Rapport sur la réforme judiciaire>>, Doc. Parl., Sénat, 1963-1964,
n° 60. .
LIVRE V
devraient pas coïncider, en tout cas après 1999. Par contre, les élec-
tions communautaires et régionales se tiennent en même temps que
les élections européennes (3) (Const., art. 117, al. 2}.
La technique de la répartition des sièges est celle de la représenta-
tion proportionnelle.
601. - Les règles qu'établit la Constitution servent à construire
un décor en trompe-l' oeil (4). Des élections ad hoc ne sont pas orga-
nisées aux fins de composer l'ensemble des parlements de commu-
nauté et de région. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, << élec-
tion directe >> et << élus directs >> ne coïncident pas.
Le principe de l'élection directe est prévu, de manière expresse,
pour composer deux parlements régionaux sur trois - en Wallonie
et à Bruxelles, mais pas en Flandre - .
Il se concrétise pour l'un des trois parlements de communauté -
celui de la Communauté germanophone - ; il s'applique, pour par-
tie, à un autre conseil - le Parlement flamand - ; il ne commande
pas la composition du troisième parlement - celui de la Commu-
nauté française - .
A fortiori, il ne vaut pas pour les assemblées des commissions
communautaires qui sont constituées au sein du Conseil de la
Région de Bruxelles-Capitale (no 379).
602. - Comment expliquer, voire justifier, un système aussi dis-
persé d'organisation des assemblées ? Les raisons sont à la fois
d'ordre historique et politique.
Dès 1983, le Conseil de la Communauté germanophone est élu
directement par les citoyens des neuf communes de la région de lan-
gue allemande. A partir de 1989, le Conseil de la Région de
Bruxelles-Capitale est, lui aussi, élu sans intermédiaire par les
citoyens des dix-neuf communes bruxelloises. Dans l'un comme
dans l'autre cas, le principe de l'élection directe est considéré
comme un acquis institutionnel important sur lequel les réformes
ultérieures ne sauraient revenir.
L'insistance mise du côté wallon à organiser une collectivité poli-
tique qui soit pourvue d'une assemblée composée d'élus directs
(3) «Pour que le système fonctionne, il convient que ces scrutins soient clairement différenciés
et qu'une pleine participation soit favorisée en fonction des enjeux respectifs» (La Belgique fédé-
rale, p. 126).
(4) F. DELPÉRÉE, <<Les dispositions en trompe-l'oeil», R.B.D.C., 1999, p. 107.
LE CHOIX DES TITULAIRES DU POUVOIR 549
(5) Le groupe linguistique français se réunit également pour désigner en son sein les dix-neuf
parlementaires régionaux bruxellois qui servent à composer, avec les septante-cinq parlemen-
taires wallons, le Parlement de la Communauté française. Les six premiers élus du groupe linguis-
tique néerlandais rejoignent, pour leur part, le Parlement flamand.
(6) <<C'est la politique du coucou ... Le coucou est cet oiseau qui a pris la curieuse habitude
de placer ses œufs dans le nid d'un autre oiseau, à charge pour ce dernier de les couver ... Le cou-
cou, c'est la Région flamande. Elle place l'ensemble de ses attributions sous la responsabilité des
autorités de la Communauté flamande>> («Table ronde sur les fédéralismes canadien et belge>>,
Revue parlementaire canadienne, 1999-2000, vol. 22, n" 4, p. 25).
LE CHOIX DES TITULAIRES DU POUVOIR 553
§ 2. - L'élection médiate
(7) F. DELPÉRÉE, <• La Belgique est un Etat fédéral», J.T., 1993, p. 667.
LE CHOIX DES TITULAIRES DU POUVOIR 555
(8) L'expression« Communauté française>> est ambiguë. Sortie de son contexte institutionnel,
elle paraît désigner le groupe de personnes qui sont de nationalité française mais qui résident en
Belgique. L'expression << Communauté Wallonie- Bruxelles » est-elle plus appropriée? Se référant
à «Bruxelles» elle paraît annexer indûment les Bruxellois qui se réclament d'une appartenance
à la Communauté flamande. Se référant à la<< Wallonie>>, elle paraît englober tout aussi artificiel-
lement les Wallons, qui peuvent se prévaloir d'une appartenance à la Communauté germano-
phone ... D'autres appellations, telles<< Communauté francophone •> ou «Communauté franco-wal-
lonne >> ne devraient-elles pas être préférées?
LE CHOIX DES TITULAIRES DU POUVOIR 557
(9) L'on entend contourner ainsi l'obligation qui est faite aux membres des parlements de
communauté ou de région d'être domiciliés dans la région correspondante ou dans la région
bruxelloise. Un sénateur, domicilié dans l'autre région linguistique -- par exemple, dans une
commune à facilités ou à statut spécial - , peut siéger de cette manière dans un parlement de
communauté ou de région. Pour ce faire, il doit, cependant, abandonner les fonctions locales qu'il
occupait dans cette commune.
558 LES POUVOIRS FÉDÉRÉS
( 10) Des conditions de domiciliation sont néanmoins prescrites : dans la Région wallonne pour
les membres du gouvernement régional wallon, dans la même région ou dans la région bilingue
de Bruxelles-Capitale pour les membres du gouvernement de la Communauté française, dans la
région de langue néerlandaise ou dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale pour les membres
du gouvernement flamand.
( ll) '' Le ministre-président prête serment entre les mains du roi : il existe donc bel et bien
un lien particulier entre lui et le chef de l'Etat>>, écrit ,J.-M. DEHOURSE (<<Qui>> couvre« le Roi?»,
La Libre Belgique, février 1996). Celui-ci considère à tort, malgré l'article 99 de la Constitution,
que le président d'un gouvernement de communauté et de région peut assumer la responsabilité
de certains actes accomplis par le roi.
LE CHOIX DES TITULAIRES DU POUVOIR 559
pris son président. Ce nombre peut être modifié par décret spécial.
Tel est l'objet du décret du 12 juillet 1999. Ce chiffre est porté à
neuf.
Les ministres sont élus par le Parlement wallon. Avant d'entrer
en fonction, ils << prêtent serment entre les mains du président >> de
l'assemblée (l. sp., art. 62).
La circonstance que les membres du gouvernement wallon ne sont
pas nécessairement élus au sein du parlement régional oblige la loi
spéciale de réformes institutionnelles à déterminer des conditions
d'éligibilité et des incompatibilités.
Des conditions d'éligibilité sont prescrites. Elles s'inspirent de
celles applicables aux élus. Le ministre wallon doit, en particulier,
être domicilié dans une commune wallonne.
Des incompatibilités sont également prévues ( 12). Elles sont
réduites.
Il n'y a pas d'incompatibilité entre l'exercice de la fonction de
membre du gouvernement wallon et de membre du gouvernement
de la Communauté française. Le cumul est possible.
Par contre, il existe une incompatibilité entre l'exercice du man-
dat de membre du Parlement et de membre du gouvernement wal-
lons.
Conformément aux articles 123, § 2, de la Constitution et 49, § 2, de la loi spé-
ciale de réformes institutionnelles, la Région wallonne a instauré une incompati-
bilité entre un mandat au sein du Parlement wallon et l'exercice d'une fonction
au gouvernement régional. Plus précisément, <<le mandat de membre du (Parle-
ment) est incompatible avec la fonction de membre du gouvernement wallon>>.
Le parlementaire wallon qui est élu pour faire partie du gouvernement cesse
immédiatement de siéger. Il est remplacé par le premier suppléant en ordre utile
de la liste sur laquelle il a été élu (décret spécial du 13 juillet 1995 organisant
le remplacement des ministres par leur suppléant parlementaire).
Enfin, << nul ne peut être à la fois membre ... d'un gouvernement
de région et membre du gouvernement fédéral>> (l. sp., art. 61).
624. - Le gouvernement bruxellois est composé de cinq ministres.
Ce nombre n'est pas modifiable, sauf révision de la loi spéciale du
( 12) Les incompatibilités qui existaient autrefois et qui portaient sur l'exercice simultané de
la fonction de membre du gouvernement wallon et de membre du gouvernement de la Commu-
nauté française disparaissent. Le cumul est donc possible étant entendu que, pour pouvoir être
élu membre du gouvernement wallon, il faut être domicilié en Région wallonne et que l'élection
en qualité de membre du gouvernement de la Communauté française est subordonnée à une
domiciliation soit en région bilingue de Bruxelles-Capitale, soit en Région wallonne.
560 LES POUVOIRS FÉDÉRÉS
(15) «Une profonde différence-- que masque. à première vue, l'identité de dénomination-
apparaît donc entre les compétences des secrétaires d'Etat (fédéraux) et celles des secrétaires
d'Etat régionaux>> (C.E., L. 19.886/9, 19 septembre 1990).
(16) Tl peut être dérogé, par décret spécial, à une telle règle (1. sp., art. 35, § 3 et 49)
562 LES POUVOIRS FÉDÉRÉS
nement de quatre membres au plus. Si l'on veut de surcroît faire droit aux pré-
tentions des tendances, des sous-régions et des personnalités locales, les modes
de fonctionnement qui étaient en usage dans les gouvernements Onkelinx et Col-
lignon doivent être fondamentalement revus. En particulier, la pratique - fort
louable - qui revenait à confier à chaque ministre communautaire, hormis le
président, des compétences régionales ( 17) doit être abandonnée.
L'autonomie organisationnelle (18) qui revient aux communautés et aux
régions est utilisée en vue d'augmenter le volume des places à pourvoir. Il faut
regretter que des solutions structurelles soient adoptées pour faire face à des pro-
blèmes circonstanciels(<< Courtes crises>>, J.T., 1999, p. 639).
(20) A l'exclusion, par conséquent, des secrétaires d'Etat; voy. P. NIHOUL, ''Les autorités
bruxelloises», in La Belgique fédérale, p. 156.
564 LES POUVOIRS FÉDÉRÉS
convaincante n'a été donnée à une solution qui peut paraître dis cri-
minatoire (22). Tout au plus admettra-t-on que les autorités bruxel-
loises ne sauraient porter préjudice, à la faveur de dispositions spé-
cifiques, aux équilibres institutionnels délicats qui sont instaurés
dans la région centrale du pays.
La deuxième restriction est d'ordre procédural. La liberté d' orga-
nisation requiert la mise en œuvre d'une procédure particulière. Le
législateur spécial doit, dans une première étape, déterminer les
matières qui relèvent de la libre organisation des collectivités fédé-
rées et en préciser les contours. Dans une deuxième étape, il appar-
tient aux communautés et à la région intéressées d'adopter un
décret spécial - c'est-à-dire un décret voté à la majorité des deux
tiers des suffrages exprimés, à condition que la majorité des
membres du parlement concerné soient présents - en ce sens.
Tant au nord qu'au sud du pays, les communautés et la région
concernées ont utilisé la faculté d'auto-organisation. Elles ont ins-
tauré une incompatibilité entre la fonction de membre du gouverne-
ment et du parlement (23). Avec le concours de son gouvernement,
le Conseil flamand a également adopté un décret spécial selon lequel
il y avait lieu désormais de l'appeler<< Parlement flamand»> (24).
La troisième limitation est d'ordre matériel. La loi spéciale du
16 juillet 1993 précise les questions particulières <<relatives à l'élec-
tion, à la composition et au fonctionnement des assemblées fédé-
rées »> dont les collectivités intéressées peuvent se saisir de manière
autonome (Const., art. 118, § 2).
Elles sont autorisées à :
(22) Doc., CRW, 1992-1993, 168, no 1, avis L. 22.546(2, 30 juin 1993. F. TULKENH, « L'autono-
mie constitutive : un nouveau concept de droit constitutionnel belge?>>, A.P. T., 1994, p. 161;
F. TULKENS, «La réforme de l'Etat. II. ~Les entités fédérées : nouveaux socles de l'Etat fédé-
ral>>, J.T., 1994, p. 411; M. UYTTENDAELE, ''L'autonomie constitutive en droit fédéral belge.
Réflexions sur l'unicité du pouvoir constituant dans un Etat fédéral», A.P. T., 1994, p. 221.
(23) Décret spécial flamand du 26 juin 1995 établissant des incompatibilités avec le mandat
de membre du Conseil flamand, Mon. b., 1e•· juillet 1995; décret spécial de la Région wallonne
du 13 juillet 1995 organisant le remplacement des ministres par leur suppléant parlementaire,
Mon. b., 21 juillet 1995; décret spécial de la Communauté française du 24 juillet 1995 organisant
le remplacement des ministres au sein du Conseil de la Communauté française, Mon. b., 29 juillet
1995.
(24) Décret spécial du 2 avril 1996 relatif à la dénomination du Conseil flamand, Mon. b.,
18 avril 1996.
566 LES POUVOIRS FÉDÉRÉS
§ 2. - La règle du consensus
637. - A l'instar du conseil des ministres (n" 504), le gouverne-
ment fédéré ne peut prendre de décision selon la règle de la majo-
rité. Il ne peut non plus se résoudre à respecter la règle de l'unani-
§ 2. - La règle de la majorité
§ 3. - La règle de la publicité
646. - La publicité des séances et prescrite par l'article 34, ali-
néa 1er, de la loi spéciale de réformes institutionnelles. Néanmoins,
chaque assemblée se forme en comité secret<< sur la demande de son
président ou de cinq membres>> (art. 34, al. 2).
La publicité des votes est prescrite, elle, par les règlements d'as-
semblée. Il va de soi, cependant, que << les élections et présentations
de candidats se font au scrutin secret>> (art. 36, al. 2).
648. - Des ministres fédérés élus ont-ils le même statut que des
ministres fédéraux nommés? Pour l'essentiel, c'est un régime
d'identité qui prévaut. Le modèle fédéral est copié dans les collecti-
vités fédérées. Il n'empêche. Il subit quelques adaptations, sinon
quelques altérations.
(1) H. SIMONART, (op. cit., p. 50) le souligne : «Le cumul est donc possible étant entendu que,
pour pouvoir être élu membre du gouvernement wallon, il faut être domicilié en Région wallonne
et que l'élection en qualité de membre du gouvernement de la Communauté française est subor-
donnée à une domiciliation soit en région bilingue de Bruxelles-Capitale, soit en Région wallonne.
Sans être prophète, on devine que le cumul risque de se réaliser de manière fort unilatérale ».
(2) Au lendemain des élections régionales du 21 mai 1995, les partis majoritaires dans la Com-
munauté française et la Région wallonne ont donc pu opter, sans objection d'ordre juridique,
pour une forme accentuée de collaboration. Hormis le ministre-président et le ministre qui est
domicilié en Région bruxelloise, les autres ministres du gouvernement de la Communauté fran-
çaise étaient également membres du gouvernement wallon.
576 LES POUVOIRS FÉDÉRÉS
(3) Les dispositions légales relatives aux incompatibilités et aux conditions d'éligibilité ne
sont pas rendues applicables aux membres du Parlement de la Communauté française. Celui-ci
se compose de membres du Parlement wallon et du groupe linguistique français du Conseil de
la Région de Bruxelles-Capitale. De la sorte, les conditions d'éligibilité et les incompatibilités pré-
vues à l'égard des membres de ces assemblées s'appliquent également aux membres du Parlement
de la Communauté française. Voy., à ce propos, l'avis de la section de législation du Conseil
d'Etat, Doc. parl., Sénat, sess. ord. 1992-1993, n" 558/2, p. 11.
(4) L. sp. 8 août 1980, art. 24bis, § 4.
(5) Voy. l'article 2 de la loi spéciale du 25 mars 1996, modifiant l'article 24bis, § 5, de la loi
spéciale du 8 août 1980, Mon. b., 19 avril 1996, p. 9288.
578 LES POUVOIRS FÉDÉRÉS
(6) Dans le même sens, un conseiller régional bruxellois qui siège également, en cette qualité,
au Parlement flamand annonce qu'il démissionne de son mandat bruxellois, à condition de pou-
voir conserver son mandat au Parlement flamand.
(7) Décret spécial du 24 juillet 1995 organisant le remplacement des ministres au sein du
Conseil de la Communauté française, Mon. b., 29 juillet 1995, p. 20473.
LE STATUT DES TITULAIRES DU POUVOIR 579
§ 2. - Les immunités
657. - Chaque parlementaire communautaire et régional bénéfi-
cie d'immunités. Ce sont celles prévues aux articles 58 et 59 de la
Constitution, soit l'irresponsabilité et l'inviolabilité (Const., art. 120).
Si l'immunité doit être levée, elle le sera par le parlement, ou le
conseil, dont le mandataire public fait partie.
S'il appartient à la fois au Parlement wallon et au Parlement de
la Communauté française, voire au Sénat -en qualité de sénateur
communautaire - , plusieurs autorisations sont requises. Seule une
levée cumulée de ces immunités distinctes peut autoriser des pour-
suites.
BIBLIOGRAPHIE
(8) Le mandat de parlementaire communautaire ou régional est incompatible avec les fonc-
tions de gouverneur, vice-gouverneur et gouverneur-adjoint de province, de conseiller et greffier
provincial, de commissaire d'arrondissement. de juge, référendaire ou greffier à la Cour d'arbi-
trage, de conseiller d'Etat, d'assesseur de la section de législation ou de membre de l'auditorat,
du bureau de coordination ou du greffe du Conseil d'Etat, de conseiller, auditeur ou greffier à
la Cour des comptes, de militaire en service actif, de membre du personnel directement placé sous
l'autorité du conseil ou du gouvernement concerné, à l'exception des membres du personnel de
l'enseignement, ainsi qu'avec l'exercice de fonctions judiciaires (1. sp. art. 24bis, § 2 ; art. !Obis de
la loi ordinaire du 31 décembre 1983; art. 12, § 2, 1. sp. 12 janvier 1989).
(9) L. sp., art. 24bis, § 3, et 49, § 2.
( 10) Décret spécial du 26 juin 1995 établissant des incompatibilités avec le mandat de
membre du Parlement flamand, art. 1''', al. 1'''.
580 LES POUVOIRS FÉDÉRÉS
Sur les autorités communautaires, en général, voy., outre les références procurées
au livre III, F. DELPÉRÉE, <<Nouveaux itinéraires constitutionnels>>, in Nouveaux iti-
néraires en droit. Hommage à François Rigaux, Bruxelles, Bruylant, 1993, p. 157.
LIVRE VI
(1) F. DELPÉRÉE, «Introduction», in La séparation des pouvoirs: deux siècles après Montes-
quieu, dossier réalisé pour la Fondation Roi Baudouin, 1998.
582 LE PARTAGE DES COMPÉTENCES
'' La technique qui revient à établir des cloisons étanches entre règles norma-
tives suffit-elle, cependant, à écarter les conflits? On ne saurait l'affirmer. Tous
les experts du fédéralisme le confirment. Consciemment ou inconsciemment,
dans le souci de bien faire ou dans le souci de nuire, les empiétements de compé-
tence sont monnaie courante>>(<< Le fédéralisme de confrontation>>, in Gouverner
la Belgique. Clivages et compromis dans une société complexe, dir. P. DELWIT, J.-
M. DE WAELE et P. MAGNETTE, Paris, PUF, 1999, p. 60).
C. - Un renversement de perspectives
665. - Une révolution- le mot n'est pas trop fort- s'amorce
avec la révision du 17 février 1993.
Selon l'article 35, alinéa 1er, de la Constitution, <<l'autorité fédé-
rale n'a de compétences que dans les matières que lui attribuent for-
mellement la Constitution et les lois portées en vertu de la Constitu-
tion même)). L'alinéa 2 ajoute même que <<les communautés et les
régions, chacune pour ce qui la concerne, sont compétentes pour les
(4) R. ANDF:RSEN et P. NIHOUL, «Le Conseil d'Etat. Chronique de jurisprudence 1994 >>,
R.B.D.C., 1995, p. 181, no 19.
LE SYSTÈME DE PARTAGE 587
autres matières, dans les conditions et selon les modalités fixées par
la loi >> fédérale. Il est précisé qu'il doit s'agir d'une loi spéciale.
Autrement dit, les autorités fédérales ne disposeraient plus que de
compétences attribuées. Les communautés et les régions détien-
draient, elles, les attributions que la Constitution et les lois fédérales
déterminent. Elles disposeraient également des attributions que la
Constitution ou la loi fédérale ne réservent pas aux autorités fédé-
rales. Leur domaine deviendrait tout à la fois déterminé et indéter-
miné.
La Constitution s'exprime une fois de plus en utilisant la techni-
que du trompe-l'oeil. Une disposition transitoire précise, en effet,
que l'article 35 ne produira pas immédiatement ses effets. Une loi
spéciale<< détermine la date à laquelle le présent article (35) entre en
vigueur >>; << cette date ne peut pas être antérieure à la date d'entrée
en vigueur du nouvel article à insérer au titre III de la Constitution,
déterminant les compétences exclusives de l'autorité fédérale >>.
Si l'on s'attache à décoder les prescriptions particulièrement her-
métiques de l'article 35 et de sa disposition transitoire, il faut consi-
dérer que le transfert des compétences résiduelles n'aura lieu qu'à
trois conditions.
Il faut, d'abord, réviser la Constitution. A cette occasion, il
convient de définir, de manière positive, la liste des attributions qui
reviennent aux autorités fédérales. Il revient à << un nouvel article à
insérer au titre III de la Constitution >> de déterminer les compé-
tences des pouvoirs fédéraux.
Il faut, ensuite, qu'une loi spéciale précise la manière dont les
communautés et les régions vont exercer ~ de manière cumulative
ou distincte ... ~ les compétences résiduelles qui leur reviendraient
désormais.
Il faut, enfin, qu'une loi spéciale ~ la même ou une autre ~ fixe
la date à laquelle l'article 35 de la Constitution entrera en vigueur.
Cette date ne peut être antérieure à celle de l'entrée en vigueur des
nouveaux articles du titre III de la Constitution (5).
(5) Sur les critiques sévères qu'appelle le système de l'article 35 de la Constitution, en ce com-
pris sa disposition transitoire, voy. F. DELPÉRÉE et· A. ALEN, "Les compétences résiduelles>>,
J.T., 1991, p. 805 et" De residuaire bevoegdheden », R. W., 1991, col. 345; M. VERDUSSEN, <<La
réforme de l'Etat -La nouvelle configuration des compétences>>, J. T., 1994, p. 531; P. PEE-
TERS, " Vlottende residuaire gewest- en gemeenschapsbevoegdheden en de federale Belgische
Staat : een zinvolle en halbare kaart 1 >>, Jura Falconis, 1994-1995, pp. 401 à 435.
588 LE PARTAGE DES COMPÉTENCES
§ 2. - Le principe d'exclusivité
(6) Il ne s'agit pas de permettre aux communautés et aux régions de compléter les normes
fédérales ou d'exécuter des politiques conçues à ce niveau. Il convient de leur attribuer l'exclusi-
vité des interventions dans les domaines qui leur sont confiés. Selon la jurisprudence de la Cour
d'arbitrage, «il faut considérer que le Constituant et le législateur spécial, dans la mesure où ils
n'en disposent pas autrement, ont attribué aux communautés et aux régions toute la compétence
d'édicter des règles propres dans les matières qui leur ont été transférées •> (C.A., n" 69/92,
12 novembre 1992). Pour le Conseil d'Etat aussi, <• la compétence des communautés (et celle des
régions) exclut celle des autorités (fédérales), et vice-versa» (C.E., L. 19.681/VR, 27 février 1990).
(7) Voy. les art. 127, § 2, 128. § 2 et 129, § 2, de la Constitution pour les Communautés fran-
çaise et flamande, l'art. 130, § 2, pour la Communauté germanophone et l'art. 2 de la loi spéciale
de réformes institutionnelles du 8 août 1980 pour les Régions wallonne et flamande, ainsi que les
art. 2, § 1,.,. et 7, al. 2. de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises
pour la Région bruxelloise.
LE SYSTÈME DE PARTAGE 589
qui affecte parfois l'action des collectivités décentralisées. Elle donnerait à l'au-
torité centrale non seulement le droit de contrôler, mais celui d'intervenir en lieu
et place de la collectivité fédérée.
C'est un contresens absolu. Il faut donner à la clause inscrite à l'article 31 de
la Loi fondamentale une portée plus restreinte.
Le système allemand de partage des pouvoirs conduit à composer trois cor-
beilles de compétences : les compétences fédérales exclusives, les compétences
fédérées exclusives et les compétences concurrentes. Il va de soi que le principe
de prééminence ne vaut que pour la troisième corbeille. Dès l'instant où la Fédé-
ration et les Lander sont habilités à intervenir de concours dans le même secteur
d'activités, leurs initiatives peuvent se contredire. Il faut, pour ne pas prolonger
inutilement le conflit, établir une règle de prévalence. Elle profite, en l'occur-
rence, à l'Etat fédéral.
La même règle ne vaut pas pour les deux autres corbeilles (Le fédéralisme en
Europe, Paris, PUF, 2000, coll. Que sais-je 1, p. ll8).
(8) C.A., n" 25,26 juin 1986, III, 2.B.I.; n" 27,22 octobre 1986, III, 3.B.3.1.; n" 31,20 jan-
vier 1987, III, 2.B.3.a.; n" 40, 15 octobre 1987, III, 2.B.I. et n" 41,29 octobre 1987, III, 2.B.2.
590 LE PARTAGE DES COMPÉTENCES
§ 3. - Le principe d 'externalité
(9) Sur les problèmes d'interprétation suscités par les exceptions aux compétences commu-
nautaires en matière d'enseignement, voy. F. DELPÉRRF. et A. RASSON-ROLAND, Recueil
d'études ... , p. 102, n" 71.
LE SYSTÈME DE PARTAGE 591
(10) Sur l'ensemble de la question, voy. M. THEWER, «La collaboration entre l'Etat, les com-
munautés et les régions en matière européenne >>, in La Belgique fédérale ... , p. 58.
592 LE PARTAGE DES COMPÉTENCES
<<Le roi ne peut ratifier un 'traité mixte' que si les assemblies législatives de
toutes les autorités associées à la conclusion du traité ont marqué leur assenti-
ment au sujet de celui-ci, de sorte que le refus d'assentiment manifesté par une
assemblée législative rend impossible la ratification» (C.E., L. 23.877/A.G.,
13 décembre 1994).
§ 2. - Le principe de subsidiarité
(15) M. STRUYS, <<La mise en œuvre des obligations découlant du droit européen>>, in La Bel-
gique fédérale ... , p. 487.
596 LE PARTAGE DES COMPÉTENCES
§ 3. - Le principe de parallélisme
(17) A. RASRON-RoLAND (op. cit., p. 191) en déduit que <des communautés et les régions ne
peuvent ni créer une juridiction, ni déterminer ses compétences, ni la priver de sa compétence
en prenant un décret de validation d'actes administratifs individuels >>.
(18) Y. KREINS, «Les pouvoirs implicites au sens de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août
1980 », J.T., 1985, p. 487; G. CEREXHE,« Les matières réservées: une notion de droit constitu-
tionnel! >>, A. P. T., 1983, p. 243; B. HAUBERT, ''Les pouvoirs implicites ou les creux de la réforme
institutionnelle>>, A.P.T., 1985, p. 290; M. LEROY,« L'avenir des matières réservées>>. Rev. droit
U.L.B., 1990, p. 15.
(19) C.A., n" 18{96, 5 mars 1996.
LE SYSTÈME DE PARTAGE 599
(23) C.A., n" 68/96, 28 novembre 1996. Ainsi,'' afin d'exercer sa compétence de protection des
bois et forêts», le législateur wallon «a pu légitimement estimer nécessaire de réglementer la cir-
culation - - notamment celle des engins motorisés -- sur les voies qui desservent les bois et
forêts'' (ibidem).
LE SYSTÈME DE PARTAGE 601
A. -- Le principe de territorialité
692. -- En ce qui concerne la Communauté germanophone, l'ap-
partenance com.munautaire est exclusivement tributaire de critères
territoriaux. Toutes les personnes qui résident dans la région de lan-
gue allemande -- et elles seules -- relèvent de cette communauté.
Elles sont soumises à ses règles. Elles y exercent leurs droits. Elles
sont assujetties aux obligations qu'elle impose.
L'article 130, § 2, de la Constitution est clair à cet égard. Les
décrets et règlements germanophones ont force de loi dans la région
de langue allemande -- quelle que soit la matière considérée --.
Les communes de la région de langue allemande forment néan-
moins une zone distincte pour l'application des lois coordonnées sur
l'emploi des langues en matière administrative. Elles sont rangées
parmi les communes à statut spécial. Ceci explique que la Commu-
nauté germanophone ne dispose pas de compétences en matière lin-
guistique, si ce n'est dans le domaine de l'enseignement
693. -- En ce qui concerne les Communautés française et fla-
mande, la détermination de l'appartenance communautaire est plus
complexe. Elle est tributaire de quatre facteurs qu'il convient, en
chaque circonstance, de conjuguer. Ces facteurs ne sont pas indé-
pendants de tout rattachement géographique. Mais la localisation
en un point déterminé du territoire ne suffit pas à déterminer à suf-
fisance une appartenance politique précise ( 1).
La région linguistique sert à déterminer la base territoriale de la
communauté correspondante (n° 330). Mais trois autres critères --
linguistique, socio-culturel et institutionnel -- doivent être pris en
considération de manière concomitante. Selon les hypothèses envi-
sagées, ils contribuent à assurer le rétrécissement ou l'élargissement
de la base territoriale initiale (n"s 331 s.).
694. -- Un <<principe de territorialité>) ou une <<référence territo-
riale >) gouvernent-ils l'action communautaire? Ce principe et cette
référence trouvent-ils place dans la Constitution et les lois de
réformes institutionnelles? Sont-ils, de surcroît, consacrés dans un
La lecture opérée par la Cour est réductrice. Elle se fonde, de manière ambi-
guë, sur la notion de région qui, à l'époque, n'avait pas, en droit belge, de signi-
fication juridique. A supposer même qu'elle entende désigner ainsi la région lin-
guistique, enco(e faut-il constater que la détermination du champ d'application
d'une loi ne saurait être porteuse d'une signification normative. La création
d'une région linguistique n'a pour effet direct d'imposer à ceux qui vivent sur
le territoire ainsi délimité l'utilisation d'une langue déterminée. A fortiori, la
référence à la région est sans incidence sur la détermination des caractéristiques
d'une communauté. Il n'est pas besoin de rappeler <'J.Ue celle-ci ne voit le jour
qu'avec la révision de la Constitution du 24 décembre 1970.
B. - Le principe de non-territorialité
(4) M. UYTTENDAELE et R. WITMEUR, <<La frontière linguistique entre deux eaux •>, J. T.,
1997, p. 478.
(5) Ibid.
(6) Ibid. Adde : V. BARTHOLOMF:E, 'Le champ d'application des décrets communautaires en
protection de la jeunesse», note sous C.A., n" 72/96, 11 décembre 1996, J.D.J., 1997, p. 227.
612 LE PARTAGE DES COMPÉTENCES
Dans le domaine de l'emploi des langues dans les relations sociales entre
employeurs et travailleurs, il convient de tenir compte du lieu où ces relations
<<se déroulent principalement et de fixer ce lieu exclusivement dans l'aire de
compétence du législateur décréta! •>. Le siège d'exploitation est retenu comme
critère valable de rattachement (7).
(8) Dans un avis du 29 août 1986, le Conseil d'Etat (L. 17.373/2/V) rappelle un propos du
professeur RIGAUX selon lequel • la réforme institutionnelle n'ayant pas créé de sous-nationalité,
il n'existe, pour désigner les personnes destinataires des normes communautaires, aucun critère
personnel» (• Les règles de droit délimitant leur propre domaine d'application», A.D.Lv., 1983,
p. 316). Voy. égal. R.D.G., 1983-1984, no 72/1, avis L. 16.312 et C.C.F., 1984-1985, n" 174/1, avis
L. 16.403. Le Conseil d'Etat rappelle, chaque fois, que la Constitution et les lois de réformes insti-
tutionnelles ont rejeté ''toute forme de sous-nationalité >>. L'on ne saurait en déduire que les
Bruxellois n'appartiennent à aucune communauté et qu'ils ne sont pas, en définitive, destina-
taires des décrets communautaires. C'est de rattachement indirect qu'il est question en la circons·
tance (F. DELPÉRÉE, • Nouveaux itinéraires constitutionnels», cité, p. 153).
616 LE PARTAGE DES COMPÉTENCES
A. - Le critère de localisation
709. - Des problèmes peuvent se présenter à raison de la diffi-
culté de déterminer le critère de localisation d'une activité ou d'une
situation dans une région déterminée.
La Région bruxelloise a pu, à bon droit, régler l'activité de location de voi-
tures avec chauffeur en prenant en considération <<le point de départ de la pres-
tation de service·~- Il s'agit là, précise la Cour d'arbitrage, d'<< un critère de ratta-
chement pertinent permettant de localiser la matière à régler dans la sphère de
compétence territoriale de la Région (bruxelloise)·~ (9).
Le décret wallon du 16 septembre 1985 modifie, pour sa part, le Code fores-
tier. Aux termes de ses dispositions, <<toute aliénation ou tout changement de
mode de jouissance des bois et forêts situés en Région wallonne et appartenant
à des communes ou à des établissements publics sont soumis à une autorisation
du gouvernement wallon·~- La mesure ne risque-t-elle pas d'affecter des com-
munes et des établissements publics relevant d'autres régions? Selon la Cour
d'arbitrage, il ne s'agit pas d'une mesure de<< tutelle administrative·~ mais d'une
forme de <<contrôle sur la destination des bois et forêts appartenant au patri-
moine forestier wallon». Sans qu'il y ait lieu de se demander si la région exerce
ainsi une compétence extraterritoriale, il faut considérer qu'un tel contrôle serait
inefficace s'il ne s'appliquait pas à <<l'ensemble des bois appartenant aux com-
munes et aux établissements publics·~ (10).
(11) Voy. les difficultés soulevées par un projet de loi portant exécution d'un protocole au
traité sur l'Antarctique relatif à la protection de l'environnement.
618 LE PARTAGE DES COMPÉTENCES
(12) C.A., n"' 9 et 10,30 janvier 1986, n" 17,26 mars 1986 et n" 29, 18 novembre 1986. Voy.,
à ce sujet, F. DELPÉRÉE et A. RASSON-ROLAND, Recueil d'études ... , p. 120; J.-L. VAN BüXTAEL,
<<Constitution et conflits de lois», R.B. D.lnt., 1994, p. 184.
CHAPITRE III
LES CONCOURS DE COMPÉTENCE
(2) A. ALEN et P. PEETERS, '' België op zoek naar een cobperatief Staatsmodel. Over de
samenwerking tussen de Staat, de Gemeenschappen en de Gewesten na de derde Staatshervor-
ming », T.B.P., 1989, p. 351; T. DE Wn.nE n'EsTMAEL, <<Les accords de coopération comme
mécanisme de prévention et de solution des conflits - Présentation de la nouveauté institution-
nelle », in Les conflits d'intérêts. Quelle solution pour la Belgique de demain?, Brugge, La Charte,
1990, p. 98; P. KLEIN,« Un aspect du fédéralisme coopératif horizontal : les accords de coopéra-
tion entre collectivités fédérées>>, Centre d'études du fédéralisme, 1990, p. 18; M. UYTTENDAELE
et Ph. CoENRAETS, <<Les accords de coopération», CH CRISP, 1991, n" 1325.
(3) Ph. CoENRAETS, «Les accords de coopération dans la Belgique fédérale», A. P. T., 1992,
p. 158.
624 LE PARTAGE DES COMPÉTENCES
A. - L'objet de l'accord
721. - Aux termes de l'article 92bis, § P\ alinéa Pr, de la loi
spéciale de réformes institutionnelles, <<l'Etat (fédéral), les commu-
nautés et les régions peuvent conclure des accords de coopéra-
tion ... >> (4).
Ces accords portent notamment - mais pas exclusivement - sur
la création et la gestion conjointe de services et institutions com-
muns, sur l'exercice conjoint de compétences propres ou sur le déve-
loppement d'initiatives en commun.
La Communauté française et la Région wallonne peuvent passer un accord de
coopération aux fins de déterminer les politiques croisées (5) qu'elles mèneront
à frais partagés. Encore faut-il que cet accord n'ait pas pour objet exclusif d'as-
surer << le refinancement » de la Communauté française et de dissimuler un trans-
fert de compétences au profit de la Région wallonne (CE, L. 30.102/2 du 31 mai
2000). Adde :CE, L. 27.681/2, 24 juin 1998 (à propos de l'implantation d'ordina-
teurs dans les écoles wallonnes).
(4) <• Il faudrait prévoir la possibilité de conclure des accords de coopération- pas seulement
entre l'Etat (fédéral). les communautés et les régions - mais entre toutes les collectivités politi-
ques. Pourquoi une région ne pourrait-elle pas faire un accord avec une commune 1 Pourquoi une
région ne pourrait-elle pas faire un accord avec une province 1 » («Quelle coopération entre les
communautés et les régions 1 >>, Rev. pol., 1989, n''" 1-2).
(5) Cette expression sert à désigner les interventions combinées des autorités communautaires
et régionales dans un même domaine d'activités, pour autant que chacune d'elles trouve un titre
pour prendre en charge ces activités en fonction des compétences matérielles qui lui reviennent
en propre.
(6) Accord de coopération du 17 novembre 1990, Mon. b., 4 mai 1991.
LES CONCOURS DE COMPÉTENCE 625
B. - L'élaboration de l'accord
724. - Les accords de coopération sont négociés et conclus par
l'autorité compétente - l'expression s'entend au pluriel pour tenir
compte de la pluralité des partenaires - .
·Il est précisé - par analogie avec une version antérieure de l'ar-
ticle 167 de la Constitution - que <<les accords qui portent sur les
matières réglées par décret, ainsi que les accords qui pourraient gre-
ver la communauté ou la région ou lier des Belges individuellement,
n'ont d'effet qu'après avoir reçu l'assentiment par décret>>. De la
même manière, << les accords qui portent sur les matières réglées par
la loi, ainsi que les accords qui pourraient grever l'Etat ou lier indi-
viduellement des Belges individuellement, n'ont d'effet qu'après
avoir reçu l'assentiment par la loi >> fédérale (l. sp., art. 92bis, § 1er,
al. 2) (8).
<<A peine de priver, sans justification perceptible, l'article 92bis (de la loi spé-
ciale de réformes institutionnelles) d'une part importante de sa portée, il faut
admettre que la force obligatoire de la loi ou du décret d'approbation d'un
accord de coopération s'étend à celui-ci, comme celle de l'arrêté royal qui
approuve une convention collective de travail confère à cette convention sa
(7) F. LEURQUIN-DE VtsRCHER, "Les règles de droit>>, in La Belgique fédérale ... , p. 220.
(8) L'exigence de l'assentiment législatif se comprend aisément. Comme le relève R. ANDER-
SEN(« Les compétences des institutions bruxelloises», in La Région de Bruxelle8-Capitale, p. 260),
les accords de coopération contiennent des mesures <<qui, en leur absence, ne pourraient être
adoptées que par le législateur national, régional ou communautaire>>. Adde : R. ERGEC. «Le
droit international et les conflits au sein de l'Etat fédéral», R. D.l.C., 1987, p. 3:3:l.
626 LE PARTAGE DES COMPÉTENCES
propre force obligatoire, bien qu'elle ne soit pas, à proprement parler, un acte
de même nature juridique>> (C.E., L. 19.366f9bis, 6 novembre 1989).
O. -L'autorité de l'accord
725. - Pour autant qu'il ait été dûment approuvé, un accord de
coopération peut être soumis à la censure de la Cour d'arbitrage. La
loi fédérale ou le décret d'assentiment peut être annulé ou déclaré
non valide (10). Avec cette conséquence précise : <<Sans porter
atteinte à la validité de l'accord, (l'arrêt de la Cour d'arbitrage)
viendra néanmoins frapper son efficacité : il sera inapplicable dans
l'ordre juridique concerné ou, s'il s'agit d'une décision rendue sur
question préjudicielle, au litige qui a donné lieu à recours>> {11).
726. - L'article 92bis, § 5, de la loi spéciale de réformes institu-
tionnelles dispose que les litiges nés de l'interprétation ou de l'exé-
cution des accords de coopération - pour autant qu'ils soient obli-
(9) M. UYTTENDAELE considère que<< les accords de coopération s'analysent comme des traités
de droit interne». Il observe qu'ils <<peuvent, selon le cas, revêtir la forme d'une norme législative
ou d'une norme réglementaire mais, en tout état de cause, il ne peuvent être modifiés que de l'ac-
cord des parties qui les ont conclus ». Il en déduit - mais la conclusion n'est-elle pas abusive? -
que les accords de coopération <<se situent dans la hiérarchie des normes au-dessus des normes
prises par chaque autorité pour ce qui la concerne» (op. cit., p. 982). Comp. Ph. COENRAETS, op.
cit., p. 167 : <<La valeur juridique des accords approuvés ne peut être définie que par rapport à
la norme d'approbation. S'agissant de normes législatives, on peut en conclure, par application
de la théorie de l'absorption, qu'un accord approuvé se situe au même niveau que la loi (fédé-
rale), le décret ou l'ordonnance, à la seule différence près qu'il ne peut être modifié unilatérale-
ment par l'une de ces trois normes >>.
(10) F. LEURQUIN-DE VISSCHER, op. cit., p. 222.
(11) Ibid.
LES CONCOURS DE COMPÉTENCE 627
§ 2. - La coopération procédurale
728. - La coopération entre l'Etat fédéral, les communautés et
les régions postule le respect de prescriptions de procédure qui sont
imposées aux différents partenaires. Elle commande l'exercice de la
fonction normative et réglementaire qui peut être assumée dans ces
collectivités politiques.
(12) Pour une étude détaillée de ces mécanismes, voy. M.-A. LEJEUNE, <<Les mécanismes de
prévention des conflits d'intérêts>>, in Les conflits d'intérêts ... , pp. 50 et s.
(13) M.-A. LEJEUNE, op. cil., p. 51.
LES CONCOURS DE COMPÉTENCE 629
outre, celle d'en débattre avec lui, c'est-à-dire au moins de lui expo-
ser avant de prendre la décision, les raisons pour lesquelles il n'est
pas jugé opportun de les suivre, si tel est le cas, de sorte que cet
organe puisse obtenir une garantie que son point de vue ne sera pas
écarté sans motif admissible>> (avis L. 24.106/9, 29 novembre 1995
et 25.624, 27 janvier 1997) (14).
Il est généralement admis que la procédure d'association ne peut se limiter à
une réunion du comité de concertation à laquelle ne participent, comme le veut
la loi, que certains membres des gouvernements concernés. Elle doit consister en
des échanges de vues sur un texte préalablement communiqué à ces gouverne-
ments et sur lesquels ceux-ci doivent, en tant que tels et en pleine connaissance
de cause, avoir eu l'occasion de se prononcer.
La procédure prescrite vaut en toutes circonstances -- que le texte en prépa-
ration prenne la forme d'un avant-projet ou d'une proposition -- (Doc. parl.,
Chambre, sess. ord. 1996-1997, n" 748(2, avis L. 26.311(9, 7 mai 1997). Force est,
cependant, de constater que les règlements des chambres législatives restent en
défaut de préciser la manière et le moment pour organiser une telle association
lorsque le texte est d'origine parlementaire.
Le fait que la réglementation soit élaborée dans un traité international ne dis-
pense pas l'Etat fédéral de l'obligation de respecter la formalité de l'association.
Comme l'a souligné la Cour d'arbitrage,<< le Constituant, qui interdit que le légis-
lateur adopte des normes législatives internes contraires aux normes visées à
l'article 142 de la Constitution, ne peut être censé autoriser ce législateur à le
faire indirectement par le biais de l'assentiment donné à un traité international 1>
(C.A., n" 12/94, 3 février 1994, V.B.4.).
Comme l'a relevé, pour sa part, la section de législation du Conseil d'Etat,<< la
loyauté fédérale implique qu'aucune des parties ne puisse paralyser, par son
inertie, l'adoption d'une loi 1> fédérale (C.E., L. 25.093/9 et L. 25.094/9, 25 avril
1996, Doc. parl., Chambre, s. o. 1995-1996, no 577/1, p. 11).<< Encore faut-il, pré-
cise-t-elle, qu'il ressorte effectivement de la procédure suivie qu'une véritable
association a été réalisée. Ceci implique, à tout le moins, d'une part, qu'aucune
des parties ne soit placée devant des textes déjà entièrement élaborés et, d'autre
part, que la possibilité d'en délibérer dans des délais raisonnables lui ait été lais-
sée 1> (ibidem).
(14) C.E., no 31.587, 14 décembre 1988, Région wallonne. J.L.M.B., 1988, p. 551, note
B. HAUBERT, <<La prévention des conflits d'intérêts entre les différentes composantes de l'Etat
belge · la notion d'association». Adde M.-A. LEJEUNE, op. cit., p. 57.
LES CONCOURS DE COMPÉTENCE 631
voit que la liste des biens visés à l'article 57 et qui sont transférés
aux communautés et aux régions 'est dressée par arrêté royal déli-
béré en conseil des ministres, de l'avis conforme des gouvernements
de communauté et de région' (art. 57, § 4, al. 2) ~> (20).
738. - La technique de la proposition est également utilisée.
Elle peut être le fait du gouvernement fédéral ou celui des gouver-
nements fédérés.
En matière de recherche scientifique, le gouvernement fédéral
peut proposer aux gouvernements de communauté et de région de
collaborer à des actions et programmes de recherche qu'il entend
poursuivre, notamment au plan international, dans des domaines de
compétence communautaire ou régionale (1. sp., art. 6bis, § 3, al. 2).
(1) J. LE BRUN,'' La répartition des moyens», in La Constitution fédérale du 5 mai 1993 ... ,
p. 199.
(2) La Communauté germanophone trouve les règles de son financement dans une loi ordi-
naire et non dans une loi spéciale. Les moyens financiers qui lui sont alloués le sont, pour l'essen-
tiel, par la voie d'une dotation, c'est-à-dire d'un crédit à charge du budget national (art. 56, 2"
et 58 de la loi du 31 décembre 1983 de réformes institutionnelles pour la Communauté germano-
phone). A partir de 2001, cette dotation sera ajustée pour tenir compte de l'évolution de la popu-
lation âgée de moins de 18 ans. La Communauté dispose, par surcroît, du droit de lever l'impôt
(Coust., art. 170, § 2). Elle bénéficie également de recettes fiscales et non fiscales. Elle peut
contracter des emprunts (art. 56 à 60ter de la loi du 31 décembre 1983). Comme le précise l'ar-
ticle 176, alinéa 2, de la Constitution, la Communauté germanophone est maîtresse de'' l'affecta-
tion de ses recettes ». Elle le fait par décret.
LA DISTRIBUTION DES MOYENS 637
(3) A. ALEN, Handboek van het Belgisch Staatsrecht, Kluwer, 1995, n" 814 c.
(4) Conformément à article 170, § 2, c'est au législateur décrétai et à lui seul qu'il appartient
d'établir les éléments qui concourent à la détermination de la dette fiscale exigible des rede-
vables. Les délégations au gouvernement ne peuvent porter que sur des points secondaires. S'il
s'était agi d'une redevance, il aurait suffi, pour satisfaire aux dispositions de l'article 173 de la
Constitution, que le législateur décrétai détermine les cas dans lesquels une rétribution est due,
le gouvernement étant chargé du reste. La distinction entre impôt et redevance est encore impor-
tante à d'autres points de vue. Le pouvoir fiscal des collectivités fédérées est limité par la loi
fédérale- ce qui n'est pas le cas en matière de rétributions- (R. ANDERSEN et P. NIHOUL, «Le
Conseil d'Etat. Chronique de jurisprudence 1994 •>, R.B. D.C., 1995, p. 203).
(5) J.-CI. ScHOLSEM, «Le refinancement de la Communauté française>>, in La Constitution
fédérale du 5 mai 1993, p. 232; Ch. BRICMAN, << Les nouveaux mécanismes de financement •>, in Les
réformes institutionnelles de 1993. Vers un fédéralisme achevé?, Bruxelles, Bruylant, 1994, p. 196.
(6) CE, L. 21.104/2/V du 28 août 1991 : «L'attribution d'une véritable compétence fiscale à
la Communauté française et à la Communauté flamande pose un problème juridique important
qui tient, pour l'essentiel, à l'absence de 'sous-nationalités', en Belgique, en général, et dans la
région bilingue de Bruxelles-Capitale, en particulier». Sur le même thème, J.-CI. ScHOLSEM, op.
cit., p. 227.
LA DISTRIBUTION DES MOYENS 639
une grande partie de son acuité depuis que les milieux politiques
ont décidé de ne pas rendre << exécutable f> la compétence fiscale
propre dont les communautés sont dotées sur la base de l'ar-
ticle 170, § 2, alinéa 1er, de la Constitution, du moins en ce qui
concerne les Communautés française et flamande, et de résoudre par
d'autres procédés le problème du financement de l'enseignement de
la Communauté française (7). Malgré tout, le texte constitutionnel
demeure.
B. - La prééminence fédérale
(7) Sur cette question, voy. not. P. VAN ÜRSHOvEN, op. cit., pp. l07 à llO et Ch. BRICMAN,
op. cit., ibid.
640 LE PARTAGE DES COMPÉTENCES
(8) A. ALEN et B. SEUTIN, «De fiscale bevoegdheden van gemeenschappen en gewesten •>,
T,B.P., 1989, p. 271; J.-Cl. ScHOLSEM, <<L'impact de la réforme des institutions sur les finances
publiques et la fiscalité», A.D.Lv., 1981, p. 251; J.-Cl. ScHOLSEM, <<La réforme de l'Etat. Les
nouvelles règles de financement», J. T., 1989, p. 251; J.-M. VAN BoL, «Les ressources des com-
munautés et des régions en 1982. Questions et réponses sur certains aspects financiers de la
réforme de l'Etat», A.P.T., 1983, p. 42).
(9) C.A .. n" 47, 25 février 1988, Il, 6.B.3.; n" 56, 22 juin 1988.
(lü) Sur ce sujet, voy. J. SAROT, La jurisprudence de la Cour d'arbitrage ... , p. 195; F. DELPÉ-
RÉE et A. RASSON-ROLAND, Recueil d'études ... , p. 117.
(11) J.-M. DELPORTE et A. MoREAU, <<Les compétences fiscales des communautés et des
régions dans le nouveau paysage politique belge», Bull. Doc. Min. Finances, 1989, II, p. 2.
(12) Commentant l'article 170 de la Constitution, P. VAN RoMPUY (<<De financiële autonomie
van gemeenschappen en gewesten •, in Zeven Knelpunten na zeven jaar Staatshervorming,
Bruxelles, Story-Scientia, 1988, p. 226) précise, en ce sens, que le législateur fédéral peut limiter
la compétence fiscale des communautés et des régions. Cette limitation peut se traduire par des
modifications de la base imposable et même par l'interdiction de lever certains impôts.
LA DISTRIBUTION DES MOYENS 641
(13) Telle qu'elle est inscrite dans l'article 170 de la Constitution, la notion d'<< exception>> est
interprétée de manière large. Elle peut conduire à la suppression pure et simple de la compétence
constitutionnellement dévolue à l'Etat fédéral ou aux collectivités fédérées dans une matière
déterminée. Elle permet aussi au législateur fédéral de subordonner les interventions des légis-
lateurs communautaires et régionaux à ses propres interventions.
642 LE PARTAGE DES COMPÉTENCES
§ 3. ~ Les emprunts
747. ~ Les collectivités fédérées peuvent contracter des
emprunts dans les conditions fixées par la loi spéciale de finance-
ment (art. 49). Elles peuvent ainsi acquérir des ressources supplé-
( 14) J.-M. VAN BoL, «L'impôt et la redevance comme instruments des politiques régionales
et communautaires. Le cas de la politique de l'environnement», A.P.T., 1986, p. 257; R. ANDER-
SEN, << La notion de redevance, spécialement au regard de l'article ll3 de la Constitution », in
Liber amicorum Krings, Bruxelles, Story-Scientia, 1991, p. 949; Cass., 20 février 1986, J. T., 1986,
p. 457.
(15) C.E., L. 23.713/9, 7 novembre 1994.
(16) Voy. J. DE MEYER, Impôts et rétributions, polycopié; J.-M. VAN BoL, op. cit., n"' Il et
12; J. KIRCKPATRICK et P. GLINEUR, «La distinction entre l'impôt et la rétribution régie par J'ar-
ticle ll3 de la Constitution», in Présence du droit public et des droits de l'homme ... , t. I"', p. 562;
Cass., 5 mars 1888, Pas., I, p. 109; 20 novembre 1972, Pas., 1973,1, p. 279; 20 février 1986, J.T.,
1986, p. 455; C.E., n" 21.061, 24 mars 1981.
(17) C.A., arrêt no 55/96, 15 octobre 1996.
LA DISTRIBUTION DES MOYENS 643
En réalité, ces impôts sont dits régionaux parce que leur produit
se répartit << en fonction de leur localisation >> dans l'une des trois
régions (l. sp. fin., art. 5, § PT Sur les modalités de cette localisa-
tion, l. sp. fin., art. 5, §§ 2 et 2bis.
(18) Comme le relève la Cour d'arbitrage, dans l'arrêt n" 12/96 du 5 mars 1996, la loi spéciale
de financement traite, dans son article 8, des impôts partagés et des impôts conjoints. Il s'agit
d'impôts fédéraux dont une partie est attribuée aux collectivités fédérées. Il en résulte que la
concertation sur la politique fiscale - que prescrit cet article 8 - ne vise que ce type d'impôts.
«L'article 8 n'est dès lors applicable, ni isolément ni en combinaison avec 'le principe de la
loyauté fédérale'- telle qu'elle est visée à l'article 143, §l'", de la Constitution- à un impôt
régional 1>.
LA DISTRIBUTION DES MOYENS 645
BIBLIOGRAPHIE
Outre les ouvrages déjà cités (notamment La Belgique fédérale et Le système consti-
tutionnel de la Belgique, ainsi que les bibliographies sélectives qu'ils contiennent), l'on
se référera aux études suivantes :
A. ALEN, << La Belgique : un fédéralisme bipolaire et centrifuge >), Textes et docu-
ments, Bruxelles, 1990; R. DEHOUSSE, Fédéralisme et relations internationales,
Bruxelles, Bruylant, 1991; F. DEL PÉRÉE, «La Belgique est un Etat fédéral>), J. T.,
1993, p. 637; W.J. GANSHOF VAN DER MEERSCH et R. ERGEC, <<Les relations exté-
rieures des Etats à système constitutionnel régional ou fédéral>), R.B.D.I.C., 1986,
p. 301; M. UYTTENDAELE (dir.), Fédéralisme et relations internationales, Bruxelles,
Bruylant, 1998; ID., <<Fédéralisme régional ou fédéralisme communautaire>), in La
Constitution fédérale du 5 mai 1993, Bruxelles, Bruylant, 1993, p. 122.
(1) La fonction n'est pas définie ici d'un point de vue purement matériel. Elle n'est pas identi-
fiée sous son aspect concret et contingent. L'Etat verse une pension, la communauté délivre un
prix littéraire, la région aide une entreprise en difficulté, la commune secourt les indigents ..
Toutes interventions qui forment la trame des activités publiques dans la vie économique, sociale
ou culturelle. L'inconvénient de l'analyse matérielle est qu'elle tend à l'hétéroclite et au circons-
tanciel. Au regard de la méthodologie constitutionnelle, elle s'expose au risque de ne pouvoir
s'inscrire que malaisément dans les dispositions - peu nombreuses, au demeurant - de la règle
de droit.
(2) Ce n'est pas à dire que les activités publiques sont envisagées dans une perspective fina-
liste et classées à raison des objectifs que l'autorité publique est amenée à poursuivre : l'Etat
assure la sécurité des citoyens, il veille au progrès social, il recherche l'équilibre des finances
publiques ... L'analyse finaliste est essentiellement d'ordre politique. Au regard de la méthodolo-
gie constitutionnelle, elle suscite une difficulté. Comment donner aux objectifs une expression
appropriée en termes de droits et d'obligations, tant pour les citoyens que pour les autorités
publiques 1
648 LES FONCTIONS FÉDÉRATIVES
(3) L'on ne confondra pas la question de la répartition des compétences -telle qu'elle a été
envisagée au livre IV, et celle de la répartition des fonctions - telle qu'elle est examinée dans
les livres VII, VIII et IX --·. Une chose est d'établir que la politique de défense, pour prendre
cet exemple, est de compétence fédérale. Une autre est de préciser les tâches que couvre cette
rubrique et d'indiquer quelles autorités -- le roi, les chambres législatives, ces institutions agis-
sant de concert.. --- peuvent les remplir.
CHAPITRE PREMIER
LA DÉFINITION DES FONCTIONS
réparties entre l'Etat fédéral et les Etats fédérés. En outre, une répartition
financière correspondant à la répartition des tâches doit être assurée. La Consti-
tution fédérale détermine les deux types de répartition. Cette séparation des
pouvoirs ... doit être garantie par un droit supérieur, sinon l'organisation fédérale
est à la libre disposition du législateur fédéral. Les Etats fédérés sont les promo-
teurs essentiels de l'idée de suprématie de la Constitution >> (C. STARCK, La
Constitution, cadre et mesure du droit, Paris, Economica, 1994, p. 15).
§ 3. - La fonction de consultation
constitutionnelle
759. - La section de législation du Conseil d'Etat exerce, à son
tour, une fonction fédérative. Il s'agit de la fonction consultative en
matière constitutionnelle ( 1).
Ce faisant, elle s'attache à protéger la Constitution in globo. Elle
contribue à éclairer l'action des différents pouvoirs publics. Elle est
le conseiller juridique du gouvernement - que ce soit dans l'Etat
fédéral, dans les communautés et les régions - . Elle est parfois
celui des assemblées délibérantes - dans chacune de ces collecti-
vités - . A cette occasion, elle s'efforce de désamorcer les conflits
qui pourraient surgir entre ces collectivités politiques.
La section de législation du Conseil d'Etat n'a pas d'interlocuteur
privilégié. Elle travaille au service de l'Etat fédéral, de chacune des
communautés et de chacune des régions, sans donner la priorité- ni
chronologique, ni logique- à l'un des partenaires. Peut-être la juris-
prudence qu'elle élabore, au fil des avis, rendrait-il mieux service à
l'ensemble de ces collectivités si elle était mieux diffusée auprès de
ceux qui recourent, sur des points particuliers, à sa consultation.
<<Tout ce qui concerne le Conseil d'Etat ressortit à la compétence exclusive de
l'autorité fédérale; la matière ne se prête pas, fût-ce pour partie, à une réparti-
tion des compétences entre l'Etat fédéral et les (collectivités) fédérées, ce qui
n'exclut évidemment pas que l'institution soit mise au service de tous. Le
Conseil d'Etat est une institution fédérale qui exerce ses fonctions consultatives
et juridictionnelles dans l'intérêt de l'Etat fédéral comme dans celui des (collecti-
vités) fédérées>> (R. ANDERSEN et M. VAN DAMME, <<La section de législation du
Conseil d'Etat>>, in Conseil d'Etat. Liber memorialis 1948-1998, Gent, Mys &
Breesch, 1999, p. 87).
<<L'organisation des pouvoirs publics, la procédure de confection des lois, les
rapports entre le législatif et l'exécutif, l'aménagement des institutions de jus-
tice, les responsabilités des communautés et des régions, le régime des finances
publiques, les principes de l'autonomie locale ... , autant de matières qui sont
réglées, au moins dans les grandes lignes, par la Constitution. Le Conseil d'Etat
va procéder à un examen systématique du projet (de loi, de décret, d'ordon-
( 1) Pour rappel, • lorsque l'urgence est invoquée à propos d'un avant-projet de loi, de décret
ou d'ordonnance » et que le gouvernement concerné entend se dispenser de consulter le Conseil
d'Etat, ''l'avis de la section de législation du Conseil d'Etat est néanmoins requis». Il porte sur
un point précis : l'avant-projet a-t-il pour objet ''des matières qui relèvent, selon le cas, de la
compétence de l'Etat fédéral, de la communauté ou de la région •> (lois coord., art. 3, § 2, al. l'')?
Adde : lois coord., art. 85bis, al. !'''. «Lorsque la demande d'avis soulève une question relative
aux compétences respectives de l'Etat (fédéral), des communautés ou des régions, le premier pré-
sident la défère aux chambres réunies de la section » de législation.
656 LES FONCTIONS FÉDÉRATIVES
(2) H.A. SCHWARZ-LIEBERMANN VON WAHLENDORF, «Une notion capitale du droit constitu-
tionnel allemand: la Bundestreue (fidélité fédérale)», R.D.P., 1979, p. 769; J.-Cl. ScHOJ.HF-M, ''De
LA DÉFINITION DES FONCTIONS 657
ou, au contraire, qui font défaut entre l'Etat fédéral, les commu-
nautés et les régions (5).
Il est fréquent d'entendre des responsables politiques s'insurger contre ce
qu'ils qualifient de <<manquements à la loyauté fédérale>>, lorsqu'ils désapprou-
vent les initiatives, les déclarations ou les comportements de leurs collègues
d'une autre communauté ou d'une autre région, voire de l'Etat fédéral. Leur dis-
cours est à son tour qualifié, par d'autres dirigeants politiques, de<< manquement
à la loyauté fédérale>>. Ainsi engagé, le dialogue ne peut conduire qu'à des
impasses.
(5) Sur le thème de la loyauté fédérale, voy. les études rassemblées dans !"ouvrage sur La
loyauté. cité.
(6) F. DELPÉRÉE, <<La Belgique est un Etat fédéral», J.T., 1993, p. 644.
(7) Proposition de révision du titre III, chapitre Illbis, de la Constitution en vue d'y ajouter
des dispositions relatives à la prévention et au règlement des conflits d'intérêts, Doc. parl., Sénat,
sess. extr. 1991-1992, no l00-27/7, p. 3.
LA DÉFINITION DES FONCTIONS 659
A. - Le principe de conciliation
764. - Le bon fonctionnement du système fédératif peut encore
requérir d'autres démarches. Les méthodes conciliatrices peuvent ici
révéler leurs mérites.
660 LES FONCTIONS FÉDÉRATIVES
B. - La portée de la conciliation
<<Si la concertation n'a pas abouti à une solution dans (le) délai
(de soixante jours), le Sénat est saisi du litige ... >>. Cette assemblée,
dont on a relevé qu'elle était déséquilibrée sur un plan linguistique,
rend un avis motivé dans les trente jours. Cet avis est transmis au
comité de concertation qui << rend une décision selon la procédure du
consensus dans les trente jours>> (ibid., al. 3) (8).
771. - Lorsqu'un gouvernement estime qu'il peut être <<grave-
ment lésé>> par un projet de décision de l'une des autorités homolo-
gues, il peut également saisir le comité de concertation. Celui-ci
<< rend une décision, selon la procédure du consensus, dans les
soixante jours>> (loi du 9 août 1980, art. 32, § 2).
(8) Lorsque la procédure est mise en œuvre à l'initiative d'une chambre législative, il n'est
pas recouru au Sénat. Le comité de concertation rend une décision dans les soixante jours (ibid.,
al. 4)
LA DÉFINITION DES FONCTIONS 665
(!) Sur l'importance de la notion de collaboration dans un régime parlementaire, voy. n" 891.
(2) Sur le rôle des contrôles dans un régime parlementaire, voy. no 892.
668 LES FONCTIONS FÉDÉRATIVES
(3) Comme le souligne crûment l'article 33bis de la loi ordinaire du 9 août 1980, un membre
peut « empêcher que le consensus soit atteint ».
LA RÉPARTITION DES FONCTIONS 669
excès de compétence est encore accrue par la circonstance que, s'agissant d'une
norme de nature législative qui, jadis, échappait, une fois adoptée, à tout
contrôle de constitutionnalité de la loi, le contrôle exercé à titre préventif par
la section de législation est désormais complété par le contrôle a posteriori de
la Cour d'arbitrage. La crainte que l'avertissement donné par la section de légis-
lation soit, si le législateur n'y prend garde, suivi d'une annulation par la Cour
d'arbitrage devrait l'inciter à redoubler de prudence'' (R. ANDERSEN et M. VAN
DAMME, op. cit., p. 92).
<<En créant les chambres réunies, le législateur a voulu accroître les possibilités
de la section de législation afin qu'elle puisse répondre aux exigences liées à la
nouvelle structure de l'Etat (fédéral). Il a notamment voulu éviter que certaines
demandes d'avis, susceptibles de soulever un problème de compétences, ne doi-
vent inévitablement être traitées par des conseillers et des assesseurs apparte-
nant à un seul groupe linguistique. Il a également voulu éviter autant que faire
se peut les divergences d'avis entre les chambres françaises et néerlandaises en
matière de répartition de compétences entre l'Etat fédéral, les communautés et
les régions ... La section de législation est relativement peu consultée dans cette
composition" (Ibidem, p. 105).
777. - Les accords de coopération qui peuvent être conclus par l'Etat fédé-
ral, les communautés et les régions sont également l'œuvre conjointe de diverses
autorités publiques. Les gouvernements respectifs concluent les accords. Ceux-ci
font ensuite l'o.bjet d'une procédure d'assentiment dans chacune des collectivités
concernées. A cette occasion, les diverses branches du pouvoir législatif- fédé-
ral ou fédéré - sont appelées à intervenir.
par une question préjudicielle que lui adresse les cours et tribunaux
et, plus généralement, toute juridiction. Un <~dialogue de juge à
juge>>, selon l'expression d'A. RASSON-ROLAND, peut ainsi s'instau-
rer (8). Une<~ guerre des juges>>, pour citer J. VAN CoMPERNOLLE et
M. VERDUSSEN, peut également se développer (9).
Avec les moyens qui sont les leurs, les autorités investies des fonc-
tions fédératives peuvent contribuer à la réalisation d'un tel objec-
tif. Elles ne sauraient évidemment agir seules en ce domaine. L'atti-
tude des autorités internationales, et spécialement européennes,
peut conforter ou, au contraire, contrecarrer leurs efforts (section 3).
A. -Le texte
792. - La Constitution se saisit, en 1970, du problème de la
coopération internationale qui est poursuivie à l'entremise d'organi-
sations internationales. L'article 34 précise, depuis lors, que << l' exer-
cice de pouvoirs déterminés peut être attribué par un traité ou par
une loi à des institutions de droit international public )).
La rédaction de l'article 34 de la Constitution est prudente.
Telle qu'elle est libellée, la disposition ne permet pas à l'Etat
belge d'attribuer - sans esprit de retour - des fonctions particu-
lières à des institutions de droit international public mais l'habilite
seulement à leur en confier l'exercice provisoire. La disposition ne
permet pas non plus l'attribution de l'exercice de fonctions non
autrement précisées mais seulement celle de <<pouvoirs déter-
minés))- dont on peut présumer qu'ils auront été identifiés à suffi-
sance dans le traité fondateur ou dans la loi fédérale, par exemple,
celle qui procure assentiment au traité - . La disposition ne privilé-
gie pas l'insertion de la Belgique dans des organisations intégrées,
telle la Communauté européenne, mais envisage toute forme de col-
laboration avec des institutions de droit international public.
Dans le même moment, la rédaction de l'article 34 de la Constitu-
tion est audacieuse.
Telle qu'elle est rédigée, elle régularise une situation qui, depuis
1951, prêtait à critique sur le plan constitutionnel. Elle permet le
transfert de l'exercice de pouvoirs déterminés non seulement par un
traité mais aussi - même si cette dernière possibilité paraît assez
680 LES FONCTIONS FÉDÉRATIVES
B. - Le silence du texte
793. - La rédaction de l'article 34 de la Constitution peut
paraître lacunaire.
Telle qu'elle est libellée, la disposition constitutionnelle ne précise
pas la valeur juridique qu'il convient d'attribuer dans l'ordre
interne aux traités constitutifs; la disposition reste a fortiori en
défaut de préciser la place respective des normes et décisions qui
sont prises par les institutions de droit international public et celles
qui sont adoptées dans l'ordre interne; la disposition constitution-
nelle ne précise pas non plus quelles autorités seront en mesure de
régler les conflits qui ne manqueront pas d'apparaître entre les dis-
positions du droit international et celles du droit interne.
§ 2. - L'œuvre jurisprudentielle
A. - Le principe de primauté
795. - La jurisprudence comble, pour une part, le silence de la
Constitution.
Dès le 27 mai 1971, la Cour de cassation établit une règle fonda-
mentale d'interprétation. Elle doit servir à régler l'ensemble des
conflits qui pourraient survenir entre les normes de droit internatio-
nal, et spécialement celles de droit européen, d'une part, les règles
de droit interne, d'autre part.
La Cour estime, dans le célèbre arrêt Fromageries Franco-Suisse
Le Ski, que les Etats membres ont limité l'exercice de leurs pouvoirs
souverains dans les domaines que les traités qui ont créé le droit
communautaire déterminent.
Il en résulte que << lorsque le conflit existe entre une norme de
droit interne et une norme de droit international (qui a) des effets
directs dans l'ordre juridique interne, la règle établie par le traité
doit prévaloir. La prééminence de celle-ci résulte de la nature même
du droit international conventionnel >>.
<<Pour beaucoup, le droit européen l'emporte sur le droit national, en ce com-
pris le droit constitutionnel. Pacta sunt servanda. Autrement dit : les conventions
signées doivent être respectées. Si les traités internationaux contiennent quelque
entorse au droit national, c'est parce que les autorités publiques qui étaient
habilitées à engager l'Etat l'ont voulu ainsi. A elles de réfléchir plus tôt, de ne
pas se laisser circonvenir, de ne pas céder aux modes de l'instant>> (Le fédéra-
lisme en Europe ... , p. 84).
§ 3. - L'œuvre communautaire
A. - La jurisprudence communautaire
ser un texte interne quel qu'il soit sans perdre son caractère com-
munautaire et sans que soit mise en cause la base juridique de la
Communauté elle-même •> (C.J.C.E., n° 6/64, 15 juillet 1964).
<( Le juge national, chargé d'appliquer dans le cadre de sa compé-
tence, les dispositions du droit communautaire, a l'obligation d'as-
surer le plein effet de ces normes, en laissant au besoin inappliquée,
de sa propre autorité, toute disposition de la législation nationale,
même postérieure, sans qu'il ait à demander ou à attendre l'élimina-
tion préalable de celle-ci par voie législative ou par tout autre pro-
cédé constitutionnel •> (C.J.C.E., no 106/77, 9 mars 1978).
(3) Les Constitutions des Etats de l'Union européenne -- dir. C. GREWE et H. ÛBERDORFF --,
Paris, La DocumeDtation française. 1999, p. 19.
L'EXERCICE DES FONCTIONS 685
CA, no 12/94, 3 février 1994 : «Le Constituant, qui interdit que le législateur
adopte des normes législatives internes contraires aux normes visées par l'article
(142) de la Constitution, ne peut être censé autoriser ce législateur à le faire indi-
rectement par le biais de l'assentiment à un traité international. Par ailleurs,
aucune norme de droit international - lequel est une création des Etats --,
même pas l'article 27 de la convention de Vienne de 1969, ne donne aux Etats
le pouvoir de faire des traités contraires à leur Constitution >>.
A. -Les principes
802. - << Dans le système juridique national, le traité internatio-
nal doit céder le pas à la Constitution>> (4).
Un traité international qui a été accompli- du côté belge- par
une autorité constituée et qui a été intégré - dans l'ordre juridique
belge- par d'autres autorités constituées, dont l'une statue notam-
ment selon les règles de la majorité ordinaire ne saurait modifier de
plein droit - que ce soit dans un sens positif, en ajoutant des pres-
criptions constitutionnelles, ou dans un sens négatif, en en reti-
rant - des dispositions qui sont l'œuvre du pouvoir constituant et
qui requièrent, notamment pour leur adoption, l'adhésion des
chambres législatives statuant à la majorité des deux tiers.
Un traité international qui a été accompli- du côté belge- par
un gouvernement de communauté ou de région et qui a été
(4) F. DELPÉRÉE, ''Belgique>>, in Les Etats membres de l'Union européenne ... , p. 93.
L'EXERCICE DES FONCTIONS 687
intégré - dans l'ordre juridique belge ou, en tout cas, dans celui de
la communauté ou de la région considérée - par d'autres autorités
constituées, dont l'une notamment statue selon les règles de la
majorité ordinaire au sein d'une assemblée fédérée, ne saurait modi-
fier les dispositions du pacte fédératif.
Un traité international qui a été accompli - du côté belge -
dans des conditions qui ne correspondent pas aux prescriptions -
de forme ou de fond - du droit constitutionnel ne saurait - par le
seul fait d'un acte tout aussi inconstitutionnel d'assentiment - pro-
duire ses effets dans l'ordre juridique belge et, pis encore, défaire
des dispositions constitutionnelles ou législatives qui répondent,
pour leur part, à toutes les conditions de validité - externe et
interne-.
Un traité international qui a été conclu par les autorités belges
habilitées à ce faire et qui confère à des institutions de droit inter-
national public l'exercice de pouvoirs déterminés- mais il faudrait
aussi évoquer les normes, les règles et les décisions qui sont prises
par les autorités qui ont été aménagées à cet effet, voire même les
arrêts, ceux des juridictions belges comme ceux des juridictions
internationales, qui procurent application au droit communau-
taire- ne saurait contenir des prescriptions qui dérangent l' organi-
sation des institutions publiques de l'Etat belge.
Si l'on devait suivre un autre raisonnement, rien n'empêcherait le juge belge
d'écarter l'application d'un arrêté royal délibéré en conseil des ministres à pré-
texte que la disposition de la Constitution qui prescrit que ce conseil est composé
de quinze membres maximum complique les mécanismes de transposition des
directives communautaires. Rien n'empêcherait non plus ce même juge d'écarter
l'application d'une loi fédérale, à prétexte qu'elle a suivi, comme le veut la
Constitution, la procédure du bicaméralisme intégral ou virtuel et que ces pres-
criptions prolongent inutilement les mécanismes de transposition. Les mêmes
observations pourraient valoir pour la consultation des organes constitutionnels
d'avis ou pour la concertation avec d'autres autorités publiques et administra-
tives. Une chose est de constater que les mécanismes de décision, tels qu'ils exis-
tent en Belgique, sont inadaptés à l'évolution du droit communautaire et qu'il
y aurait lieu d'en revoir les modalités. Une autre chose est de décider, par la voie
d'une décision de justice, que ces mécanismes sont obsolètes et qu'il n'y a plus
lieu de respecter les prescriptions de la Constitution.
B. - Les contrôles
C. - Les réactions
804. - La position affichée, et réaffirmée depuis lors, par la
Cour d'arbitrage (6) n'a pas fait que des heureux. Le procureur
général VELU n'a pas manqué de souligner que cette position s'ins-
crivait manifestement en retrait de la jurisprudence Le Ski. Mais
n'est-elle pas plus respectueuse du partage des attributions constitu-
tionnelles? Ne s'inscrit-elle pas mieux dans le schéma fédératif?
Sur l'ensemble de la question, voyez notamment Y. LEJEUNE et
Ph. BROUWERS, <<La Cour d'arbitrage face au contrôle de la consti-
tutionnalité des traités f>, note sous C.A., 16 octobre 1991, J.T.,
1992, p. 671; Ph. BROUWERS et H. SIMONART, <<Le conflit entre la
Constitution et le droit international conventionnel dans la jurispru-
dence de la Cour d'arbitrage f>, in C.D.E., 1995, p. 7; J.V. LouiS,
<<La primauté, une valeur relative ? f>, C.D.E., 1995, p. 23.
(7) La question de la place des règles de droit international parmi les normes qui sont appli·
cables en Belgique est Je plus souvent envisagée dans une perspective hiérarchisante. Il s'agirait
d'imposer ou, au contraire, de contester, la (<primauté 1> des unes sur les autres. Le plus souvent
aussi, la question est examinée dans une perspective neutralisante. Dès J'instant où la supériorité
de tout ou partie des règles de droit international est affirmée à l'encontre de règles plus particu·
li ères, en ce compris des règles constitutionnelles, l'efficacité de ces dernières devrait se trouver
paralysée, sinon effacée, par des dispositions en sens contraire.
Il paraît inadéquat de confronter deux normes qui relèvent de deux ou de plusieurs ordres
juridiques différents en termes conflictuels. Chacune de ces normes prise dans son ordre juridique
spécifique, a sa validité. C'est leur application cumulative qui, dans une situation déterminée,
plonge Je juriste, voire le juge, dans J'embarras.
(8) Camp. F. RJGAUx et F. D~;LPRRÉE. ''Nationalité et citoyenneté. Développements et inci·
dences sur le droit de la fonction publique en Belgique», A.P.T., 1997, p. 15.
690 LES FONCTIONS FÉDÉRATIVES
B. - Le juge communautaire
806. - La Cour de justice des Communautés européennes peut
être tentée de donner une lecture constitutionnaliste des traités fon-
dateurs. Elle n'ignore pas l'origine conventionnelle de ces traités.
Mais elle peut y voir << le socle constitutionnel )) d'une construction
inachevée. Elle l'assimile à tout le moins à une<< charte constitution-
nelle)) (C.J.C.E., 23 avril 1986, Parti écologiste Les Verts).
Un minimum de cohérence s'impose. Aucune Constitution ne
tolère sur son territoire une autre Constitution. Ou elle n'est plus la
Constitution. L'émergence d'une Constitution européenne ne peut
que conduire à l'évanouissement des Constitutions nationales. De
règles primaires, les voici ramenées au rang de règles secondaires, et
même subordonnées ...
C. - Les contrôles
815. - Le juge constitutionnel assume le contrôle de la constitu-
tionnalité de la loi. Il exerce cette fonction dans les limites que la
Constitution lui assigne. La moindre des choses est que ce juge créé
pour défendre la Constitution la respecte ... Ne devrait-il pas dispo-
ser d'attributions qui lui permettent d'agir de façon cohérente ? La
(12) L. DUBOUIS, «Le juge français et le conflit entre norme constitutionnelle et norme euro-
péenne>>, in Mélanges Boulouis, Paris, Dalloz, 1991, p. 218).
(13) Ibid.
696 LES FONCTIONS FÉDÉRATIVES
sa source dans les Constitutions européennes, tout autant dans leurs textes que
dans les traditions constitutionnelles communes. Il justifie un contrôle, fût-il
marginal, sur les développements du droit primaire et a fortiori du droit dérivé.
Bernard STIRN écrit en ce sens que <<la Constitution est par nature supérieure
à toutes les autres normes juridiques dont elle détermine elle-même la valeur»
(Les sources constitutionnelles du droit administratif, Paris, L.G.D.J., p. 26).
En ce sens, << la forte constitutionnalisation, loin de toujours exprimer un fort
attachement à l'Europe, est, au contraire, souvent l'indice d'une méfiance
envers l'Europe, traduisant une volonté de fixer les limites de l'engagement
consenti. Le silence des Constitutions témoigne souvent, en sens inverse, d'une
ouverture plus marquée rendant inutile le recours à des aménagements constitu-
tionnels spécifiques» (J. RIDEAU, <<Rapport introductif>>, in Le traité d'Amster-
damface aux Constitutions nationales- dir. D. MAus et O. PASSELECQ- Paris,
La Documentation française, 1998, p. 15).
BIBLIOGRAPHIE
Sur les perspectives intégratrices et leur conciliation avec les perspectives fédéra-
listes, voy. F. DELPÉRÉE, Le fédéralisme en Europe, Paris, PUF, 2000, coll. Que sais-
je?, n° 1953; ID., <<La Constitution belge et le droit communautaire>>, in Droits
nationaux, droit communautaire : influences croisées. En hommage à Louis Dubouis,
Paris, La Documentation française, 2000, p. 71.
LIVRE VIII
(l) Sur ce thème, voy. G. BERGERON, Fonctionnement de l'Etat, Paris, A. Colin, 1965, p. 192.
702 LES FONCTIONS FÉDÉRALES
rité ainsi que de la diversité des techniques (C) qui sont utilisées à
cette fin.
A. -L'objectif
829. - La sécurité nationale vise à préserver l'intégrité du terri-
toire et, par là, à sauvegarder l'indépendance de l'Etat. La Consti-
tution belge dégage quelques applications du principe d'indépen-
dance et s'efforce surtout d'en protéger efficacement la réalisation.
Trois modalités méritent d'être relevées.
La première. L'indépendance de l'Etat est liée à la possession d'un
territoire. L'intégrité du territoire représente, en effet, le signe précis
et tangible de l'indépendance de la collectivité étatique. L'article 91
de la Constitution qui fixe, dans son alinéa 2, la formule du serment
constitutionnel du roi concrétise bien cette idée; il oblige le chef de
l'Etat à jurer de maintenir en même temps << l'indépendance natio-
nale et l'intégrité du territoire >>.
La deuxième. L'indépendance est liée à l'absence d'intégration dans
une autre société politique. Des restrictions unilatérales instituant un
statut de subordination portent incontestablement atteinte à l'indé-
pendance de l'Etat. Car qui dit indépendance, dit respect du prin-
cipe de non-intervention dans les affaires étatiques (5). L'égalité de
droit que la communauté internationale assure aux Etats ne fait
que consacrer cette caractéristique première.
L'Etat, quels que soient sa superficie, ses richesses ou le nombre
de ses habitants, représente une personne juridiquement autonome
et, à ce titre, égale en droit avec ses semblables; et cela même si des
contraintes de fait de tout ordre viennent, à chaque instant, limiter
le champ de son action.
La troisième. L'indépendance de l'Etat n'exclut pas sa collaboration
avec d'autres Etats. Des intérêts communs aux Etats de la société
internationale se révèlent. Ils peuvent être perçus comme tels et
(5) Le problème est d'autant moins passé inaperçu, en 1831, que les constituants n'ont pu
s'empêcher de prendre en considération la situation spécifique du Luxembourg et les relations
qu'il entretenait ''avec la Confédération germanique >> (art. 1"', al. 2, in fine, ancien). Il a pu
considérer que cette situation ne compromettait pas l'indépendance de l'Etat eu égard aux liens
particulièrement souples qui régissent les rapports entre collectivités politiques au sein d'une
confédération d'Etats. L'art. 1···, al. 2, in fine, a été privé de signification à la suite du traité des
24 articles emportant cession d'une partie de la province du Luxembourg; la révision constitu-
tionnelle du 7 septembre 1893 a entériné cette situation (voy. L. RoMMEL, Les étapes constitution.
nelles du Grand·Duché de Luxembourg, Bruxelles, L'Edition universelle, pp. 9 s.).
704 LES FONCTIONS FÉDÉRALES
promus. alors par deux ou plusieurs Etats. Ils engendrent des solida-
rités qui, sans supprimer l'indépendance des Etats, viennent en
limiter l'exercice : c'est essentiellement par des accords librement
conclus entre Etats indépendants que ces formes de coopération
s'établissent. <<Les Etats sont engagés parce qu'ils le veulent
bien •> (6).
B. - Les conceptions .
830. - Initialement, la sécurité paraît devoir être réalisée par
un moyen privilégié : c'est la<< guerre •> (art. 167) qui peut préserver
<<la sûreté de l'Etat •> (ibid.). D'où l'importance que la Constitution
accorde aux problèmes du recrutement, de l'organisation et du com-
mandement de l'armée (7).
Certes, le développement pacifique des relations internationales
ne saurait être négligé et la contribution qu'il permet d'apporter
aux différends entre Etats ne saurait être sous-estimée. Mais l'al-
liance, inscrite au besoin dans un traité, paraît moins constituer
l'aboutissement de négociations à caractère diplomatique que la
garantie imaginée pour assurer un meilleur succès des armes ou
pour conjurer les périls d'un conflit armé.
De nouvelles conceptions, cependant, sont apparues. D'une part,
la sécurité, c'est aussi la sécurité dans l'Etat. Cette sécurité n'est pas
seulement compromise <<en temps de guerre •>, elle n'est pas seule-
ment mise en péril lorsque des troupes étrangères prétendent << occu-
per ou traverser le territoire •> (art. 185) sans y être autorisées par
la loi. Des événements, d'ordre interne ou d'ordre international,
peuvent se produire : sans plonger l'Etat dans la guerre, ils peuvent
compromettre sa sécurité. La Constitution en fournit un exemple,
emprunté à l'histoire politique de laye République française : c'est
<< lorsque les Chambres se trouvent empêchées de se réunir librement
sur le territoire national•> (art. 196).
D'autre part, la sécurité de l'Etat n'est plus, pour des raisons
idéologiques et pour des raisons techniques, dissociée de la sécurité
C. - Les techniques
831. - La défense de l'Etat est assurée en recourant aux
moyens diplomatiques (no 833) et, si besoin est, à la force publi-
que (8). Sur ce point précis, les dispositions constitutionnelles sont
particulièrement nettes. Elles s'attachent à distinguer les tâches
précises qui reviennent en la matière aux autorités publiques. Trois
domaines d'activités sont à distinguer.
Le premier est celui de l'organisation générale de l'armée. La
Constitution se réserve la possibilité de statuer elle-même en la
matière. L'armée est aménagée en forces (art. 167, al. 2).
Un second domaine est celui des mesures d'organisation qui affec-
tent les branches de la force publique. La loi fédérale intervient en
la matière. C'est elle, en particulier, qui détermine le mode de recru-
tement de l'armée (art. 182) et qui fixe le statut des militaires -
<<l'avancement, les droits et les obligations))- (ibid.).
Le dernier domaine est celui du commandement de l'armée. Il
revient au roi de l'assurer. A ce titre, il dirige les hommes - dans
(8) L'armée est l'instrument dont dispose le roi en vue de «maintenir l'indépendance natio-
nale et l'intégrité du territoire» (art. 91). Toutefois, l'armée peut être affectée à d'autres tâches
d'intérêt national ou international. Il a toujours été admis que le pouvoir exécutif fédéral pouvait
utiliser l'armée en vue d'assurer le maintien de l'ordre intérieur. Selon les lois communale
(art. 175) et provinciale (art. 129), le bourgmestre et le gouverneur de province peuvent requérir
la force armée en cas d'émeutes, de rassemblements tumultueux, de sédition, etc.
706 LES FONCTIONS FÉDÉRALES
(9) W.J. GANSHOF VAN DER MEERSCH, «Le commandement de l'armée et la responsabilité
ministérielle en droit constitutionnel belge», Rev U.L.B., 1949, p. 256; P. DE VISSCHER, <<La
Constitution belge et le droit international», (spécialement le chapitre VI, La conduite de la guerre
et les autres formes d'emploi de l'armée dans la vie internationale), R.B.D.I., 1986, p. 5; P. n'AR-
GENT, « La Belgique fédérale et le droit international. Le Roi commande les forces armées •>,
R.B.D.Int., 1994, p. 210.
LA DÉFINITION DES FONCTIONS 707
( 10) Voy. N. V ALTI COS, op. cit., p. 9; J.-V. LoUis, <<L'article 25bis de la Constitution belge»,
R.M.C., 1970, p. 410.
(11) «La confusion, écrit P. WIGNY (op cit., p. 144), a été encouragée par une regrettable ter-
minologie. Les qualificatifs législatif, exécutif et judiciaire s'appliquent indifféremment aux
fonctions et aux organes. Respectant les termes de la Constitution, nous avons réservé ces expres-
sions pour les organes 1). La même démarche est suivie ici.
(12) «Il faut, écrit en ce sens G. BuRDEAU ('Remarques sur la classification des fonctions éta-
tiques ... ', pp. 202 s.), procéder à l'examen critique de la distinction des fonctions étatiques>>;
c'est là «un travail préliminaire qu'il importe d'accomplir avant de tenter la définition des
régimes politiques ... Avant de distribuer les rôles, il faut savoir ce qu'ils sont>> (p. 203).
LA DÉFINITION DES FONCTIONS 709
A. - La Jonction de gouvernement
839. - Gouverner revient pour l'autorité publique à choisir les
buts à atteindre et à imposer les méthodes pour y parvenir (13). Le
(13) Il va de soi que le mot« gouvernement>> n'est pas pris ici dans une acception organique.
Il ne renvoie pas à l'institution prévue à l'art. 104 de la Constitution.
710 LES FONCTIONS FÉDÉRALES
B. ~ La Jonction de législation
et de réglementation
840. ~ Légiférer et réglementer reviennent pour l'autorité
publique à édicter des ordres généraux (15).
(19) «Le terme 'règlement' désigne d'ordinaire, en droit public belge, un acte non législatif
qui énonce une règle de droit. Par son contenu, il présente plusieurs analogies avec la loi : il est
obligatoire, impersonnel et général, en ce sens qu'il est susceptible de régir un nombre indéter-
miné de personnes>) (M. LEROY, Les règlements et leurs juges, Bruxelles, Bruylant, 1987, p. 15).
(20) En ce sens, le règlement est présenté comme une norme secondaire. Sur la discussion de
cette thèse, voy. M. LEROY, op. cit., p. 17.
LA DÉFINITION DES FONCTIONS 713
C. - La fonction de coopération
843. - Pour assumer les fonctions de direction qui lui revien-
nent, une collectivité doit pouvoir nouer avec autrui des relations
de coopération. Elle passera avec une collectivité de même nature
qu'elle une convention, voire un simple accord politique. Ou bien
elle fondera avec d'autres une association dotée de la personnalité
juridique pour gérer des intérêts publics déterminés. Ou bien encore,
elle négociera avec des particuliers ou des entreprises leur concours
à la poursuite d'activités d'intérêt général.
A la faveur de trois révisions, la Constitution s'ouvre à ces préoc-
cupations. Mais elles ne concernent pas directement l'exercice des
fonctions fédérales.
En 1921, la révision de l'article 162 confère un fondement juridique certain à
la création des associations de pouvoirs publics - et la loi du l'" mars 1922 en
fournit une illustration avec les associations de communes, tout en précisant que
l'Etat, les provinces et même les particuliers et les sociétés peuvent participer
à la formation de pareilles institutions publiques --- (21).
(21) Ces dispositions ont été abrogées et remplacées par la loi du 22 décembre 1986 relative
aux intercommunales.
714 LES FONCTIONS FÉDÉRALES
En 1970, l'insertion de l'article 127, § 1"', al. 1°', 3°, dans la Constitution
ménage la possibilité de développer la coopération des communautés en matière
culturelle et d'enseignement·- en juillet 1980, cette faculté est étendue à la coo-
pération dans le domaine des matières personnalisables (128, § 1"') -··. Ces vir-
tualités n'ont guère été exploitées.
En 1980, enfin, des formes de coopération, plus institutionnelles encore, sont
organisées puisque les communautés et les régions peuvent décider de commun
accord que leurs attributions seront exercées par les seules institutions commu-
nautaires (art. 137 et 138); l'article 52 de la loi spéciale de réformes institution-
nelles ajoute qu'à titre transitoire, les parlements de la Région wallonne et de
la Communauté française << peuvent régler leur coopération mutuelle et celle de
leurs services, tenir des assemblées communes et organiser des services com-
muns>>.
Sur la technique des accords de coopération, voy. n°' 717 s.
ment d'un traitement ou d'une pension ... Si l'on veut être attentif
aux prescriptions éparses de la Constitution sur ces sujets, on
découvrira sans peine les têtes de chapitre d'un statut administratif
et pécuniaire pour les agents publics - en tout cas, ceux de l'Etat
fédéral - et pour les militaires. Les bases constitutionnelles d'un
droit de la fonction publique sont ainsi jetées (22).
Le propos semble aller de soi en ce qui concerne les agents de
l'Etat. La Constitution réserve aux nationaux les emplois publics
(no 145), elle établit le principe de l'égal accès à ces fonctions
(art. 10, al. 2) (no 146); elle requiert que le roi nomme aux emplois
d'administration générale et de relation extérieure (art. 107, al. 2)
(n" 455); elle exige que les pensions soient accordées <~en vertu
d'une loi>> fédérale (art. 179).
Le propos s'impose plus encore en ce qui concerne les militaires,
comme si la Constitution avait été plus préoccupée de fixer elle-
même, ou de voir déterminer par le législateur fédéral, les droits
mais surtout les devoirs qui leur reviennent : elle établit l'exigence
de nationalité et pose le principe d'une égale admissibilité aux
emplois militaires (art. 10, al. 2); elle charge la loi fédérale de déter-
miner le mode de recrutement dans l'armée, de voter le contingent
(art. 183), de régler l'avancement des militaires (art. 182) et de
déterminer la manière dont ils peuvent être privés des grades et
honneurs (art. 186) que le roi leur a conférés (art. 107, al. 1er); elle
invite la loi fédérale à déterminer - de manière plus générale
encore - les droits et les obligations des militaires (art. 182, in
fine).
(22) Sur ce thème, voy F. DELPÉRÉE, «Le système administratif de la Belgique>>. Ann. eur.
adm. publique, 1987, p. 35.
LA DÉFINITION DES FONCTIONS 717
(23) P.M. GAUDEMET, Finances publiques, t. I, Politique financière, budget et trésor, Paris,
Montchrestien, 1974, p. 8. Adde: G. BuRDEAU, «Pouvoir politique et pouvoir financier (Essai de
systématisation de leurs relations)», in Mélanges J. Dabin, Bruxelles, Bruylant, 1963, t. I, p. 33.
(24) Faut-il ajouter que l'Etat fédéral et les autres collectivités politiques disposent d'autres
ressources que de celles que leur procure l'impôt? Ils font appel à l'épargne publique par le biais
de l'emprunt, ils recourent à des prêts pour obtenir des avances de trésorerie, ils se procurent
des moyens financiers grâce à la gestion de leur patrimoine, ils perçoivent des redevances en
rémunération de services particuliers qu'ils remplissent. Les sommes rassemblées constituent les
deniers publics. Mais, sur ces thèmes, la Constitution est particulièrement laconique (voy. cepen-
dant l'art. 175).
(25) D'autres prestations financières que l'impôt peuvent être imposées au citoyen : les cotisa-
tions de sécurité sociale, les sanctions pécuniaires, les amendes, les condamnations au paiement
de dommages et intérêts ... Sur le phénomène de la parafiscalité, voy .•J. V AN HoUTTE, '' L'impré-
cise frontière entre fiscalité et parafiscalité en Belgique •>, R.D.T.D.C., 1983, pp. 133 s.
718 LES FONCTIONS FÉDÉRALES
(28) Autre chose est de savoir si cette loi est ce qu'il est convenu d'appeler une loi« formelle».
Dans la mesure où elle ne crée, ni du point de vue des recettes ni de celui des dépenses, des droits
et obligations pour les particuliers, l'expression semble justifiée. « Il en résulte, écrit J. VELU
(Droit public, t. le', n" 484), que le budget ne peut servir de fondement légal à des arrêtés royaux
réglementaires». Sur la pratique des cavaliers budgétaires qui introduisent dans la loi des normes
qui n'ont ''rien de commun avec la prévision des recettes et des dépenses», voy. Ph. QuERTAIN-
MONT, ''Les cavaliers budgétaires en droit constitutionnel et financier belge>>, R ..J.D.A., 1974,
pp. 125 à 140.
(29) Le respect du principe d'unité du budget est compromis d'une autre mauière. La création
d'établissements ou d'entreprises publics, disposant d'un patrimoine et de ressources propres,
conduit au phénomène de '' débudgétisation » · les recettes et les dépenses de ces organismes n' ap-
paraissent plus au budget de l'Etat.
720 LES FONCTIONS FÉDÉRALES
(30) Les opérations doivent être jumelées. Une simple prévision, telle celle qui résulte d'une
note d'experts, ne constitue pas un budget. Pas plus qu'une autorisation illimitée de dépenses.
Il convient que l'habilitation procurée s'inscrive dans les limites de la prévision.
(31) La période d'un an est retenue pour permettre d'établir des prévisions exactes et pour
garantir le contrôle effectif des opérations autorisées. Ce principe est critiqué au nom de la ratio-
nalité économique et de la continuité de l'action des pouvoirs publics.
LA DÉFINITION DES FONCTIONS 721
œuvre à cette occasion (voy. aussi Coust., art. lOO). Les règlements
d'assemblée sont plus explicites.
853. - L'exercice de la fonction administrative est lui aussi
assujetti à contrôle. Chacun comprend l'importance d'une fonction
qui vise à s'assurer que les institutions administratives fonctionnent
adéquatement et qu'elles remplissent correctement les tâches qui
leur sont imparties. La Constitution fait référence à quelques-unes
des modalités de ce contrôle de régularité.
Elle établit, d'abord, les prérogatives du roi - chef de l' adminis-
tration générale et chef de l'armée (art. 107 et 167) -en l'investis-
sant du pouvoir hiérarchique sur ses agents et sur ses services. L'au-
torité discipline elle-même son action. <<Le pouvoir fait sa propre
police>>, selon le mot de Cyr CAMBIER (32).
La Constitution consacre aussi le contrôle des assemblées politiques
sur l'action de l'administration, en rendant le ministre responsable
des agissements des agents et des services qui sont placés sous sa
direction (art. 101) (33). Seul le ministre est <<le répondant et le res-
ponsable>> devant les assemblées (34).
Ces techniques n'épuisent pas l'ensemble des contrôles qui peu-
vent affecter l'action de l'administration. Les contrôles juridiction-
nels, en particulier, s'attachent à limiter la part du discrétionnaire
dans la conduite des affaires publiques (35).
(36) Voy. Ph. MoNFILS, ''Le contrôle parlementaire des dépenses publiques •>, R.J.D.A., 1964,
p. 137; R HENRION, '' Qui décide en matière de finances publiques en Belgique? », Res publica,
1983, p. 618.
LA DÉFINITION DES FONCTIONS 725
BIBLIOGRAPHIE
(37) <<Juger, c'est dire le droit, à l'effet d'en assurer le respect, quand il y a lieu de le faire,
c'est-à-dire quand il est violé et contesté'' (E. ARTUR,« Séparation des pouvoirs et séparation des
fonctions», R.D.P., 1900, p. 214, ici p. 226).
726 LES FONCTIONS FÉDÉRALES
On consultera, en particulier,
sur les fonctions de sécurité nationale
W. J. GANSHOF VAN DER MEERSCH,« Le commandement de l'armée et la responsa-
bilité ministérielle en droit constitutionnel belge>), Rev. U.L.B., 1948-1949, p. 256;
Répertoire pratique de droit belge, V 0 Armée; J. V AN DER VoRST, << L'armée dans l'Etat.
Quelques considérations théoriques», Res publica, 1970, p. 605.
(1) «Tl ne faut pas toujours tellement épuiser un sujet, qu'on ne laisse rien à faire au lecteur.
Il ne s'agit pas de faire lire, mais de faire penser>> (Livre XTT, chap. XX). Sage précepte ..
LA RÉPARTITION DES FONCTIONS 729
(2) Une idée s'exprime, en effet : <<Lorsque, dans la même procédure ou dans le même corps
de magistrature, la puissance législative est réunie à la puissance exécutrice, il n'y a point de
liberté, parce qu'on peut craindre que le même monarque ou le même sénat ne fasse des lois
tyranniques pour les exécuter tyranniquement ».
(3) «C'est, écrit J. CADART, le régime de beaucoup le plus répandu dans le monde et celui qui
a dominé l'écrasante majorité des systèmes politiques, au moins depuis que les sociétés humaines
vivent dans un cadre étatique» (Institutions politiques et droit constitutionnel, Paris, L.G.D.J,
1979, t. I, p. 389).
730 LES FONCTIONS FÉDÉRALES
(4) Sous une autre forme : «La puissance de juger, si terrible parmi les hommes, n'étant atta-
chée ni à un certain état, ni à une certaine profession, devient pour ainsi dire invisible et nulle »
(Livre XI, chap. V).
(5) MONTESQUIEU, De l'esprit des lois, texte établi par J. BRÈTHE DE LA GRESSAYE, Paris, Les
belles lettres, 1955, t. II, p. 341. Dans cet esprit, la fonction de juger doit être réservée à des
autorités indépendantes, inscrites dans le pouvoir judiciaire et les autres juridictions. Lui recon-
naître une puissance ((nulle>), c'est avant tout la mettre à l'abri des interventions d'autorités
publiques qui n'émanent pas d'elle et préserver ceux qui l'exercent contre la tentation de fausser,
par leur décision, l'activité poursuivie par d'autres pouvoirs.
LA RÉPARTITION DES FONCTIONS 731
(6) Ce qui rejoint la distinction de MoNTESQUIEU entre ''la faculté de statuer» (ou ''le droit
d'ordonner par soi-même, ou de corriger ce qui a été ordonné par un autre») et'' la faculté d'em-
pêcher>> (c'est-à-dire<< le droit de rendre nulle une résolution prise par quelque autre>>) (Livre XI,
chap. VI). Sur ce thème, voy. J.J. CHEVALLIER, ''De la distinction établie par Montesquieu entre
la faculté de statuer et la faculté d'empêcher», Mélanges Maurice Hauriou, Paris, Sirey, 1929,
p. 129.
732 LES FONCTIONS FÉDÉRALES
A. - La représentation de l'Etat
863. - L'article 167 de la Constitution précise que<< le roi dirige
les relations internationales )), << commande les forces armées )) et
<< conclut les traités >>. Cette disposition peut susciter des contro-
verses sur des points de détail. Elle peut être critiquée pour des
maladresses de rédaction. Il n'empêche que, grâce à des exemples
choisis, elle exprime avec force une idée simple qui ne peut être per-
(7) Il va sans dire que le roi est appelé à exercer ces fonctions avec le concours de son gouver-
nement et avec le secours des administrations qui en dépendent.
LA RÉPARTITION DES FONCTIONS 733
§ 2. - Les tempéraments
tent >>, des traités qu'il a conclus et d'y joindre <<les communications
convenables>>. Mais, en l'espèce, le roi ne soumet pas un traité aux
chambres pour requérir leur approbation. Il se contente de leur faire
connaître ce qu'il a établi de sa seule autorité (art. 167, § pr, al. pr).
Il y a aussi l'obligation faite au roi de soumettre à l'assentiment
des chambres les traités dont il a déjà négocié le contenu avec un
Etat étranger. Ici encore, le pouvoir exécutif fédéral garde l'initia-
tive dans l'action et la maîtrise dans la décision. Il est simplement
responsable de ses actes devant les chambres. On dira, dans cette
perspective, que l'article 167, § 2, de la Constitution instaure, dans
les limites qu'il définit, une forme spécifique et automatique de
contrôle de l'action gouvernementale.
Par ailleurs, et comme le relevait déjà VAN MEENEN à la tribune
du Congrès national, le vote des chambres est, dans certains cas,
inévitable : lui seul peut changer formellement la législation ou
ouvrir des crédits à l'exécutif et ainsi donner effet utile au traité
dans l'ordre juridique national. Ce qui implique que, pour d'aucuns,
l'assentiment soit procuré par les trois branches du pouvoir légis-
latif(14).
Il y a, enfin, l'obligation faite au roi d'obtenir l'autorisation du
pouvoir législatif fédéral avant de négocier un traité de frontières
(art. 7 et 167, §1er, al. 3). L'intervention législative, cette fois, est
condition de validité internationale du traité à conclure. Elle repré-
sente la limitation la plus nette que la Constitution apporte aux
fonctions du roi dans le domaine des relations internationales (voy.
égal., Const., art. 185).
(14) L'assentiment intervient, en principe, entre le moment où le traité a été signé et celui
où il lie définitivement les parties contractantes par l'échange des instruments de ratification.
Des procédures d'assentiment anticipé sont, cependant, concevables.
736 LES FONCTIONS FÉDÉRALES
§ 3. - Les limitations
(15) P. DE VISSCHER, <<Préface" de P.F. SMETS, Les traités internationaux devant le Parlement
1945-1955, Bruxelles, Bruy1ant, 1978, p. 3.
(16) Voy. le titre de la première partie de l'ouvrage cité de P.F. SMETS: «La procédure d'as-
sentiment comme mode de contrôle parlementaire de la conclusion des traités internationaux "·
LA RÉPARTITION DES FONCTIONS 737
A. - La fonction juridictionnelle
873. - La fonction de juger est confiée au pouvoir juridictionnel
L'expression peut paraître inhabituelle, dans la mesure où l'ar-
ticle 40 de la Constitution se borne à consacrer l'existence d'un pou-
voir <<judiciaire)). Elle est choisie aux fins de rassembler sous une
même appellation l'ensemble des institutions de justice : la Cour
d'arbitrage que crée l'article 142 de la Constitution, les cours et tri-
bunaux qui composent le pouvoir judiciaire, les autres tribunaux et
juridictions contentieuses que cite l'article 146, la Cour des comptes
(qui connaît du jugement des comptables publics, en vertu de
l'art. 180, al. 2), mais aussi diverses juridictions administratives, au
sein desquelles la section d'administration du Conseil d'Etat occupe
une place prééminente (art. 160).
LA RÉPARTITION DES FONCTIONS 739
(19) Historiquement, le pouvoir juridictionnel est peut-être le plus ancien de tous. La justice
rendue à chacun a été l'un des premiers besoins des sociétés humaines. Là même où la confection
de la loi était encore inconnue et où l'idée d'un gouvernement n'était pas encore acceptée, la
nécessité était ressentie d'instituer des autorités chargées de rendre la justice, selon des formes
et des procédures prédéterminées. L'avènement de la loi et l'établissement du gouvernement ont
rendu plus impérieux encore le recours à des autorités juridictionnelles. L'application de la loi
peut susciter des difficultés; les intérêts des individus peuvent être contradictoires; les interven-
tions de l'administration peuvent se révéler abusives; des infractions peuvent être commises. Ces
circonstances requièrent l'intervention du juge.
740 LES FONCTIONS FÉDÉRALES
§ 2. - Les tempéraments
(25) Une juridiction est dotée d'attributions qui sont dissociables de celles des autres. L'indé·
pendance qui prévaut dans l'aménagement de la fonction rejaillit dans l'organisation du pouvoir.
LA RÉPARTITION DES FONCTIONS 743
Chaque cour, chaque tribunal- au sens de l'article 40- est un rouage indépendant; il est le
pouvoir judiciaire à l'œuvre.
(26) Comme le relève P. WIGNY (op. cit., t. II, p. 735), «un jugement définitif d'un tribunal
de première instance est en lui-même un acte complet de souveraineté, sans aucune intervention
de la cour d'appel ».
(27) Voy. F. DELPÉRÉE, «Le Conseil d'Etat a quarante ans», A.P.T., 1987, p. 124.
744 LES FONCTIONS FÉDÉRALES
(28) On a déjà souligné l'ambiguïté du principe du bicaméralisme (n" 524). Fondé sur l'idée
de l'indépendance des chambres, il peut signifier que seule leur intervention concordante est en
mesure de produire des effets de droit (par exemple, en matière législative); il peut aussi indiquer
que chaque assemblée détient des responsabilités qui lui sont spécifiques et pour lesquelles elle
n'a pas besoin d'une intervention complémentaire de l'autre.
LA RÉPARTITION DES FONCTIONS 745
§ 3. - Les applications
(29) P. LEWALLE, <<Les articles 160 et 161 de la Constitution relatifs au Conseil d'Etat et aux
juridictions administratives •>. A.P.T., 1994, p. 145; A. RAHHON-ROLAND, <<Les autorités de jus-
tice», in La Belgique fédérale ... , p. 190; F. DELP~'Rf<:~~. <<Le Conseil d'Etat et la Constitution •>, in
Liber Amicorum Prof Dr. G. Baeteman, Bruxelles, Story-Scientia, 1997, pp. 451 à 466.
746 LES FONCTIONS FÉDÉRALES
(31) Invité a se prononcer sur le point de savoir si ces interventions ne portent pas atteinte
au principe de la séparation des pouvoirs, le juge considère, selon la formule d'A. VANWELKEN-
HUYZEN («La séparation des pouvoirs 1831-1981 »,p. 91), qu'en vertu de cette règle,« l'autorité
relevant d'un pouvoir ne saurait substituer son appréciation à celle d'une autorité relevant d'un
autre pouvoir exerçant une compétence discrétionnaire». Faut-il en déduire que le juge ne peut
assortir sa décision d'injonctions aux tenants du pouvoir exécutif? Voy., sur ce thème, Cass.,
26 juin 1980, Pas., I, p. 1341, concl. J. VELU; R.C.J.B., 1983, p. 177, note F. DELPÉRÉE.
748 LES FONCTIONS FÉDÉRALES
(38) Encore convient-il, avec P. PACTET, de tenir compte de l'existence de régimes mixtes,
formés au départ d'emprunts à plusieurs régimes politiques. «Au régime parlementaire, les
LA RÉPARTITION DES FONCTIONS 751
(40) ''J'appelle faculté de statuer, écrit MoNTF.HQUIEU, le droit d'ordonner par soi-même, ou
de corriger ce qui a été ordonné par un autre. J'appelle faculté d'empêcher, le droit de rendre
nulle une résolution prise par quelque autre •>. Cette dernière faculté doit se comprendre comme
impliquant une intervention sur les personnes et sur les actes.
LA RÉPARTITION DES FONCTIONS 753
§ 2. - Les réalités
A. - La prééminence de la fonction
gouvernementale
894. - La répartition des fonctions collectives, surtout si elle
n'est pas inscrite en termes clairs dans un texte constitutionnel,
peut s'infléchir sous le poids des réalités politiques, économiques et
sociales. Là même où la Constitution déclare adhérer à un schéma
déterminé d'aménagement des fonctions - voy., par exemple, la
Constitution portugaise (art. 114 et 290) ou la Loi fondamentale de
la République fédérale d'Allemagne (art. 79, § 3) - et interdit la
révision des dispositions qui ont cet objet, des évolutions institu-
tionnelles se dessinent en marge des textes établis.
Elles contribuent à asseoir la prééminence de la fonction gouver-
nementale. Le phénomène est bien connu. Il répond à l'attente du
citoyen. Les autorités investies des fonctions de direction ne peu-
vent se contenter d'être arbitres d'une <<lutte qui se déroule entre
les forces sociales agissant spontanément)) (G. BuRDEAU). Elles ont
mission de gouverner, c'est-à-dire de provoquer des évolutions et
d'en assurer le développement. Elles ont aussi pour tâche de conce-
voir les moyens qui permettront de concrétiser ces orientations poli-
tiques; à ce titre, la fonction administrative est, dans toutes ses
dimensions- l'information, les services et la gestion-, l'accessoire
de la fonction gouvernementale. Ce couple de fonctions tend à l'em-
porter sur les autres. << La convergence et l'efficacité de leurs inter-
ventions )), comme << la cohérence des décisions qui les motivent ))
(id.) suffisent à leur assurer la prééminence par rapport à d'autres
fonctions - comme celles du contrôle - qui peuvent paraître plus
périphériques par rapport à l'exercice effectif du pouvoir.
Ce phénomène caractérise, semble-t-il, tous les régimes politiques.
Même en régime d'assemblée, la fonction gouvernementale s'impose
au premier rang à raison des activités qu'elle génère. En régime par-
lementaire, l'autorité exécutive ne réalise pas le programme politi-
que qu'une ou deux assemblées législatives auraient contribué à éta-
blir; elle met en œuvre son propre programme, celui qu'elle a sou-
mis à l'adhésion de l'autorité délibérante. << Les assemblées n'ont pas
d'imagination créatrice>> relève laconiquement G. BuRDEAU. En
régime présidentiel, plus encore, la fonction gouvernementale et
administrative s'affirme d'autant mieux qu'elle est identifiable et
LA RÉPARTITION DES FONCTIONS 755
B. - La prééminence de l'autorité
gouvernementale
895. - La primauté reconnue aux tâches de gouvernement peut
se traduire dans des changements institutionnels qui confortent
l'autorité qui les remplit dans une situation, elle aussi, privilégiée.
Un exemple illustre la réflexion. Le régime parlementaire a été
décrit comme ménageant des interactions entre une autorité exécu-
tive et une autorité délibérante, chacune étant investie de préroga-
tives qui lui permettent de mettre en cause jusqu'à l'existence de
l'autre. Au niveau fédéral, on reconnaîtra, par exemple, à l'exécutif
le droit de dissoudre les chambres et à la Chambre le droit de ren-
verser le gouvernement. Mais la mise en œuvre de ces principes peut
être génératrice de crises politiques à répétition. Celles-ci peuvent
entraver les équipes gouvernementales dans l'exercice de leurs
tâ.ches de direction. La préoccupation se manifeste alors d'aménager
le régime existant en recourant à ce qu'il est convenu d'appeler,
avec B. MIRKINE-GUETZÉVITCH, les techniques du<< parlementarisme
rationalisé )).
Les Constitutions de l'entre-deux guerres, plus encore celles de
l'après-guerre s'attachent à combattre l'instabilité qui menace les
équipes gouvernementales comme les formations législatives par un
ensemble de procédés qu'on se borne ici à mentionner : l'affirmation
constitutionnelle du rôle du Premier ministre ou du Chancelier, la
définition des missions du cabinet, l'instauration plus ou moins for-
malisée des contrats de législature, la limitation du droit de dissolu-
tion, la modification des pratiques parlementaires et des procédures
législatives, l'aménagement de mécanismes précis de contrôle politi-
que, l'exigence du vote de méfiance constructif, etc.
sion éminente est définie - établir les règles que d'autres seront
tenus d'appliquer - . Le plus souvent, elle est conférée à une auto-
rité qui se trouve, à raison de son investiture démocratique, en posi-
tion de supériorité par rapport à d'autres. Et pourtant, chacun s'ac-
corde à considérer que cette fonction se dévalorise. Non seulement
parce que cette fonction s'exerce, pour sa plus grande part, à l'ini-
tiative du gouvernement (no 894). Mais aussi parce qu'elle se tra-
duit souvent dans des normes fort schématiques, sortes de directives
que d'autres autorités appliquent avec une marge importante d'ini-
tiative, ou - ce qui ne vaut guère mieux - dans des lois fourre-
tout, sans catégories ni structures, simples catalogues de mesures
disparates et circonstancielles. Sans oublier les phénomènes de délé-
gation (no 910) qui amènent une autorité gouvernementale à exer-
cer une part de la fonction législative, en lieu et place des autorités
désignées à cet effet.
Faut-il pour autant annoncer le << déclin des Parlements )) ? Le
jugement serait excessif. La fonction législative n'est pas la seule
responsabilité qui soit confiée aux assemblées. Celles-ci ont aussi
pour mission de soutenir ou de contester l'action des autorités gou-
vernementales et administratives. Des tâches de substitution gagne-
raient peut-être à être développées dans cette perspective. Les mis-
sions de contrôle - dans l'ordre politique, administratif ou budgé-
taire - tendent peut-être à se revaloriser. Les assemblées délibé-
rantes pourraient surtout procéder à une révision fondamentale de
leurs méthodes de travail et utiliser les outils administratifs qui sont
à leur disposition. Sans oublier d'entreprendre les réformes de struc-
tures que l'organisation fédérale de l'Etat requiert.
A. - Le régime parlementaire
897. - Au niveau de l'Etat fédéral, la Constitution instaure une
forme de régime parlementaire. Plusieurs dispositions témoignent de
ce choix fondamental.
La Constitution établit les règles d'une collaboration organique
entre les autorités publiques. Les articles 42, 61 et 67 instituent
deux chambres élues - dont tous les membres représentent la
Nation (no 464) - ; l'article 85 institue un chef d'Etat, désigné
selon la technique de l'hérédité, et le charge de composer un gou-
LA RÉPARTITION DES FONCTIONS 757
B. - La collaboration fonctionnelle
898. - Le système constitutionnel de la Belgique paraît offrir
des exemples particulièrement significatifs du phénomène de collabo-
ration fonctionnelle.
1. Le roi, titulaire du pouvoir exécutif fédéral (art. 37), assume
l'essentiel des tâches qui relèvent des fonctions étatiques (no 827).
Il a aussi, cela va de soi, la responsabilité des fonctions de comman-
dement et de négociation. Il assume les missions qui relèvent de
l'administration des services et du personnel. Ces fonctions sont
véritablement les siennes. Mais, par surcroît, il est amené à interve-
nir à d'autres fins.
L'exécutif participe à la confection des lois fédérales. Il en prend
l'initiative, il dépose des amendements, il prend part aux discus-
sions parlementaires, il assure la sanction, la promulgation, la publi-
cation et l'exécution des lois. Il agit, en lieu et place du législateur
fédéral, lorsqu'il y est habilité par une loi particulière. Il convoque
les Chambres en session extraordinaire, il les ajourne et en clôt les
sessions. Au besoin, il les dissout.
Le pouvoir exécutif participe également à la fonction juridiction-
nelle. Il nomme les magistrats et les officiers du ministère public. Il
assure l'exécution des décisions de justice (art. 40, al. 2). Il exerce
le droit de grâce (art. 110), en réduisant ou en remettant les peines
prononcées par un juge.
Le pouvoir exécutif participe encore à la gestion des intérêts
locaux. Il nomme les bourgmestres (no 461 ). Il confie aux collecti-
vités locales des tâches d'intérêt général (no 345). Sous réserve des
contrôles assurés au niveau régional, il exerce la tutelle sur l'action
de ces entités (art. 162, al. 2, 6°).
Le pouvoir exécutif fédéral n'est associé que sur des points de
détail au règlement des affaires communautaires et régionales. L' ap-
plication du principe d'autonomie le veut ainsi. Le roi est néan-
moins appelé à ratifier l'élection du président d'un exécutif de com-
munauté ou de région.
2. Agissant de manière collective, les autorités qui composent le
pouvoir législatif fédéral, à savoir les deux Chambres et le roi, assu-
LA RÉPARTITION DES FONCTIONS 759
(48) D'autres exemples sont cités par J. VELU (op. cit., t. l'''·, p. 315) : ainsi le pouvoir légis-
latif fédéral fixe la liste civile au début de chaque règne (art. 89).
760 LES FONCTIONS FÉDÉRALES
(49) Voy. aussi les dispositions des art. 48 (qui permettent à chaque chambre de juger les
contestations qui s'élèvent sur l'éligibilité de leurs membres), 59 (qui amènent chaque chambre
à autoriser la poursuite ou l'arrestation d'un de leurs membres- n" 578 -)et 103 (qui organise
le régime de la responsabilité pénale des ministres- n" 559 -).On relèvera aussi qu'une com-
mission ad hoc de la Chambre des représentants est appelée à connaître sur renvoi des affaires
que lui défère la Cour de cassation qui a censuré un arrêt de la Cour des comptes (sur ce sujet,
voy Commission ad hoc de la Chambre des représentants, 29 mai 1986, J.T .. 1987. p. 28, obs.
F. DELPÉRÉE).
LA RÉPARTITION DES FONCTIONS 761
BIBLIOGRAPHIE
Des ouvrages plus particuliers ont été consacrés au régime parlementaire. Voyez
notamment:
M. AMELLER, Parlements, Paris, 1966, 2• éd.; J.C. CoLLIARD, Les régimes parlemen-
taires contemporains, Paris, F.N.S.P., 1978; R. FusiLLIER, Les monarchies parlemen-
taires, Paris, Ed. ouvrières, 1960; INSTITUT UNIVERSITAIRE EUROPÉEN, Parlement et
gouvernement. Le partage du pouvoir, Bruxelles, Bruylant, 1979; P. LALUMIÈRE et
A. DEMICHEL, Les régimes parlementaires européens, Paris, P.U.F., 1978, 2• éd.; <<La
représentation>>, Pouvoirs, 1978, no 9; Ph. LAUVAUX, Le parlementarisme, Paris,
P.U.F., 1987, coll. «Que sais-je!»; UNION INTERPARLEMENTAIRE, Les Parlements
dans le monde. Recueil de données comparatives, Bruxelles, Bruylant, 1986, 2 vol.
Sur le régime présidentiel, on consultera en particulier les ouvrages suivants :
Th. CRONIN, The State of the presidency, Boston, Little, Brown, 1980; R. TATALO-
VICH et B. DAYNES, Presidential power in the United States, Mortery, California,
Books, Cole, 1983; B. GILSON, La découverte du régime présidentiel, Paris, L.G.D.J.,
1982; R. MouLIN, Le présidentialisme et la classification des régimes politiques, Paris,
L.G.D.J., 1978.
Sur le régime parlementaire en Belgique :
W. J. GANSHOF VAN DER MEERSCH et A. VANWELKENHUYZEN, <<Les tendances
actuelles de la répartition des fonctions législatives entre le Parlement et le Gouver-
nement>>, Rapports belges au VIII' Congrès international de droit comparé, Bruxelles,
C.I.D.C., 1970, p. 555; J. GILISSEN, Le régime parlementaire en Belgique depuis 1890,
Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1958; Ch. GoossENS, Caractères fondamentaux de
l'évolution constitutionnelle et parlementaire de la Belgique. Lignes directrices du régime
actuel, Thessalonique, 1966; C.H. HôJER, Le régime parlementaire belge de 1918 à
1940, Uppsala, 1946; L. MouREAU, <<La position de la doctrine belge à l'égard du
principe de la séparation des pouvoirs», in Mélanges E. Mahaim, Paris, Sirey, 1935,
t. II, p. 207; F. PERIN, La démocratie enrayée. Essai sur le parlementarisme belge de
1918 à 1958, Bruxelles, I.B.S.P., 1960; H. RoLIN, <<De la hiérarchie des pouvoirs •>,
Académie royale de Belgique. Bulletin de la classe des lettres et des sciences morales et
politiques, 1936, p. 50; H. VAN IMPE, Le régime parlementaire en Belgique, Bruxelles,
Bruylant, 1968; A. VANWELKENHUYZEN, <<La séparation des pouvoirs 1831-1981 »,in
LA RÉPARTITION DES FONCTIONS 763
(2) A. MAST (op. cit., p. 315) écrit, dans le même sens, que le pouvoir exécutif doit prendre
en charge « het algemeen beleid van 's lands belangen ».
L'EXERCICE DES FONCTIONS 767
C. - La fonction réglementaire
908. - Le roi exerce la fonction réglementaire. Il s'agit pour lui
d'édicter des dispositions abstraites et générales, applicables à un
nombre indéterminé de personnes. Il importe de créer la sécurité en
soustrayant des actions particulières à l'impulsion et à la libre
appréciation de leurs auteurs, pour les soumettre à l'observation de
normes préétablies.
(3) Un conseil héraldique a été créé par l'arrêté royal du 6 février 1844 et une commission
d'avis sur l'octroi de faveurs nobiliaires, par l'arrêté royal du 31 janvier 1978. Ces organismes
donnent un avis au roi sur la reconnaissance de pareils titres ou lui font des propositions pour
la collation de nouveaux titres.
(4) P. WIGNY, op. cit., p. 875; adde : Ph. LoHEST, ~~L'article 74 de la Constitution relatif au
droit de battre monnaie conféré au roi», Ann. Dr. Sc. pol., 1958, p. 121.
768 LES FONCTIONS FÉDÉRALES
(5) Une conséquence en résulte. Le roi ne saurait exercer la fonction réglementaire qu'en exé-
cution de la Constitution elle-même, qu'en application d'une loi (tel est le sens donné à la fonc-
tion réglementaire dérivée) ou qu'en vertu d'une loi d'habilitation (ce qui ouvre la voie aux pou-
voirs spéciaux) (n" 910 s.). Le préambule des arrêtés pris par le roi doit indiquer la base constitu-
tionnelle ou légale sur laquelle ils sont pris.
(6) Sur les significations large ou étroite que peut revêtir l'expression <<exécution de la loi"·
voy. A. MAST, op. cit., p. 265.
(7) Reconnaîtra-t-on également au roi l'exercice de la fonction réglementaire pour procurer
exécution, non pas aux dispositions d'une loi, mais à celles d'un traité? A. MAST (op. cit., p. 320)
résume, à ce propos, la doctrine de la section de législation du Conseil d'Etat. Des règlements
sont concevables dans trois hypothèses : le roi exerce, en l'occurrence, la fonction réglementaire
autonome (n" 909); la loi d'assentiment l'habilite à agir ainsi; une loi particulière lui attribue la
même faculté.
(8) Doc. parl., Chambre, s.o. 1996-1997, n" 810/1, avis du 5 décembre 1994 (cité parR. AN-
DERSEN et P. NmouL, «Le Conseil d'Etat ~Chronique de jurisprudence 1996 •>, R.B.D.C., 1997,
p. 187); I. KovAWVSZKY, <<A propos du pouvoir réglementaire", A.P.T., 1996, p. 301.
L'EXERCICE DES FONCTIONS 769
que la délégation soit suffisamment précise et qu'elle ne porte que sur des
mesures de détail ou de simple exécution (9).
(9) M. LEROY, Les règlements et leurs juges, Bruxelles, Bruylant, 1987, p. 84; J. SALMON, Le
Conseil d'Etat, t. 1"', Bruxelles, Bruylant, 1994, p. 412; R. ANDERSEN et P. NIHOUL, «Le Conseil
d'Etat- Chronique de jurisprudence 1994 (l'' partie)», R.B.D.C., 1995, p. 104.
( 10) La doctrine belge a été longtemps divisée sur cette question. Pour un exposé des thèses
en présence, voy. A. MAST, op. cit., p. 322; M. LEROY, op. cit., p. 70.
770 LES FONCTIONS FÉDÉRALES
mesures nécessaires à la mise en application des lois (art. 108) ou, pour d'autres
mesures, en vertu d'une attribution par la loi d'un pouvoir réglementaire
(art. 105). Il a toutefois été admis que le roi pouvait, en raison de l'étroite union
qui doit exister entre le roi et son gouvernement et en considération de la res-
ponsabilité des ministres devant (l'une des) assemblées législatives, remettre à
un ministre le soin d'arrêter des mesures de détail facilitant la mise en œuvre
des normes établies par la loi (fédérale) ou par un arrêté royal (art. 88, 106 et
102) •> (C.E., L. 22.537/2, 21 novembre 1994).
(Il) F. DELPÉRÉE, <• Belgique. Les délégations législatives>>, Rev. fr. droit adm., 1987, p. 723.
( 12) Sur ce thème, voy. dans une littérature abondante : A. ALEN, ' De bijzondere machten :
een nieuwe besluitenregering in België? », T.B.P., 1986, p. 200; H. CoREMANS, 'Losse beschou-
wingen bij het verschijnsel van de bijzonderemachtenwetten >>, in Liber amicorum Robert Senelle,
Gand, 1986, p. 225; F. DEHOUSSE, • Pouvoirs spéciaux et changement de régime: les nouvelles
perspectives ouvertes par les lois de 1982 et 1983 », J.T., 1984, p. 353; In., • La justification des
pouvoirs spéciaux. Bilan des cinq dernières années », Ann. Fac. dr. Lg., 1987, p. 442; F. DELPÉ-
RÉE, • Chronique administrative», Annuaire européen d'administration publique, 1986; F. DELPÉ-
RÉE et J. LE BRuN, 'Les pouvoirs spéciaux et le domaine financier>>, in Le droit économique et
L'EXERCICE DES FONCTIONS 771
financier en 1985. Hommage à Robert Henrion, Bruxelles, Bruylant, 1985, p. 135; W.J. GANSHOF
VAN OllR MEERSCH et M. DIDERICH, <<Les états d'exception et la Constitution belge>>, Ann. Dr.
Sc. pol., 1953, pp. 49 et 304; Y. L~;.JEUNE etH. S<MONART, <<L'article 78 de la Constitution ou
la faculté d'étendre le pouvoir réglementaire royal>>, A.D.Lv., 1980, p. 250; J. MASQUELIN, <<La
fonction réglementaire et les pouvoirs spéciaux», R.J.D.A., 1969, p. 1: R. ÜCKRENT, Les crises
constitutionnelles du pouvoir législatif en Relgique, Bruxelles, 1944; G. PIQUET, «L'exercice des
pouvoirs spéciaux en 1967 >>, R.J. JJ. A .. 1967, p. 271 ; K. RIMANQUE, << Kritische kanttekeningen
bij de reeente ontwikkelingen inzake de bijzondere machten », in Liber amicorum Robert Senelle,
Gand, 1986, p. 245; J. SAROT, <<La pratique des pouvoirs spéciaux et extraordinaires avant et
après 1945 >>, in Miscellanea W.J. Ganshof van der Meersch, Bruxelles, Bruylant, 1972, t. III.
p. 293; A. VANWELKENHUYZ~~N, <<L'attribution de pouvoirs spéciaux et le contrôle judiciaire de
la constitutionnalité des lois», J.T., 1974. p. 577.
(13) Diverses théories ont été émises pour tenter de justifier la pratique des pouvoirs spé-
ciaux. La justification a été cherchée, à tort, dans la théorie de la délégation de pouvoir mais
elle se heurte aux dispositions de l'artiele 33, al. 2, de la Constitution. Elle a également été cher-
chée dans la théorie de la détermination de compétence entre la loi et le règlement d'exécution
mais, en l'occurrence, il ne s'agit pas de procurer exécution à une loi, il s'agit plutôt de s'y substi-
tuer. La théorie de l'état de nécessité a aussi été développée par le Centre d'études pour la
réforme de l'Etat, mais elle se borne à mettre en lumière la cause du phénomène et ne fournit
pas de justification aux atteintes portées aux articles 33 et 187 de la Constitution. Voy sur ce
thème, J. MERTENS DE WILMARS, Le fondement juridique des lois de pouvoirs spéciaux, Louvain,
1945.
772 LES FONCTIONS FÉDÉRALES
(14) Comme l'a souligné le Conseil d'Etat, dans son avis du 3 janvier 1986, «l'admission d'un
tel fondement constitutionnel pour les lois dites de pouvoirs spéciaux se concilie parfaitement
avec la nature réglementaire qui, selon une opinion unanime, doit être reconnue aux arrêtés
royaux pris sur base de ces lois. Dès lors que les arrêtés royaux de pouvoirs spéciaux ne sont
pas des actes législatifs, mais des actes réglementaires, le juge peut et doit vérifier leur conformité
avec la loi d'habilitation et, le cas échéant, avec certaines lois qui doivent se combiner avec la
loi d'habilitation, ainsi qu'avec des normes qui leur sont supérieures».
L'EXERCICE DES FONCTIONS 773
( 15) Une situation particulière se présente en janvier 1986. Le gouvernement dépose un projet
de loi par lequel il sollicite des chambres législatives la faculté d'user d'une part au moins des
pouvoirs spéciaux jusqu'au 31 mars 1987. A supposer donc que ces intentions soient rapidement
transcrites en termes de loi, l'habilitation procurée vaudrait pour treize ou quatorze mois. Le
Conseil d'Etat n'a pu manquer de remarquer que« cette dernière période est la plus longue des
périodes pour lesquelles des pouvoirs spéciaux ont été sollicités>>. Se référant implicitement à la
durée maximum d'un an, la section de législation est contrainte de relever que cette période vient
s'ajouter à celles qui, en 1982 et en 1983- soit au cours d'une législature précédente-, ont per-
mis au gouvernement de légiférer selon les modalités de l'article 105 de la Constitution.
( 16) Reste l'idée que les pouvoirs spéciaux ne peuvent devenir la règle en matière législative
et qu'ils gagnent à rester l'exception (F. DEHOUSSE, op. cit., p. 353). Comme le souligne, en 1983,
le président de la Chambre, J. DEFRAIGNE, ~<le recours à une procédure exceptionnelle doit rester
exceptionnel» (Le Soir du 14 juin); il renouvelle les mêmes critiques en 1986 : <<On ne peut plus
774 LES FONCTIONS FÉDÉRALES
916. La Constitution (art. 105) prescrit que les lois qui attri-
buent des pouvoirs spéciaux au roi se prononcent formellement sur
cette attribution. Il exige que les lois d'habilitation soient particu-
lières. Ce qui signifie qu'elles ne porteront, en principe, que sur des
objets déterminés et bien circonscrits. Les pouvoirs sont spéciaux et
non généraux. Au sens propre du terme, ils n'affectent que des
situations d'espèce. <<Toute loi d'habilitation, souligne le Conseil
d'Etat, doit donc définir avec précision les pouvoirs conférés au
roi >>. Elle gagne même à les énumérer avec exactitude, pour ne pas
se cantonner dans des formulations trop englobantes.
Sur le principe, il n'y a guère de contestation. Mais comment défi-
nir ces pouvoirs ? Deux conceptions se développent. L'une revient
à exiger que la loi d'habilitation indique les buts ou les objectifs en
vue desquels les pouvoirs spéciaux sont attribués. Dans cette préoc-
cupation finaliste, la loi du 27 mars 1986 indique que, si des pou-
voirs spéciaux sont reconnus au roi, c'est << afin d'assurer le redresse-
ment économique et financier, la diminution des charges publiques,
l'assainissement des finances publiques, la promotion de l'emploi
ainsi que l'équilibre financier, la maîtrise des dépenses et la sauve-
garde des régimes de sécurité sociale)} (art. 1er).
Une seconde conception conduit à définir les pouvoirs spéciaux en
déterminant les matières qui pourront faire l'objet d'interventions
réglementaires, voire en indiquant le sens dans lequel les nouvelles
réglementations devraient être conçues. Une comparaison s'impose :
le pouvoir législatif fédéral agit alors comme il est amené à le faire
en matière de révision constitutionnelle; dans une déclaration préa-
lable, il établit de manière aussi exacte et précise que possible la
liste des dispositions légales - soit par leur intitulé, soit par leur
objet - que le roi sera habilité à modifier ou à abroger.
C'est dans cette optique particulariste que la loi du 27 mars 1986
prescrit par exemple, dans son article 1er, 4", que le roi peut prendre
toutes les mesures utiles en vue de compléter, adapter ou modifier
la législation sur les hôpitaux, les laboratoires de biologie clinique
et les services médico-techniques. particulièrement en ce qui
concerne l'organisation, le fonctionnement, la gestion, le finance-
ment et la programmation de ces institutions ou services, tant pour
parler de pouvoirs exceptionnels quand on y recourt pour la troisième fois en quatre ans>) (La
Libre Belgique du 12 février).
L'EXERCICE DES FONCTIONS 775
( 17) Les lois de pouvoirs spéciaux ne peuvent jamais habiliter le roi à violer la Constitution;
elles ne peuvent pas l'habiliter à régler des matières que la Constitution réserve en propre soit
au législateur, soit au pouvoir judiciaire. Ce précepte a été réaffirmé dans l'avis que la section
de législation du Conseil d'Etat a rendu, en chambres réunies, le 23 décembre 1981. Le Conseil
assouplit, à cette occasion, la rigueur avec laquelle il s'opposait, dans le passé, à toute délégation
en matière fiscale : ' Dans la mesure où le législateur estimerait que le pays se trouve dans un
état de nécessité telle qu'il s'imposerait d'attribuer au roi des pouvoirs spéciaux en matière fis-
cale, il faudrait au moins que la loi dispose que les arrêtés pris en cette matière cesseront de pro-
duire leurs effets s'ils ne sont pas confirmés par le législateur à une date que le législateur déter-
minera». La loi du 2 février 1982 s'est conformée à cet avis (art. 6).
776 LES FONCTIONS FÉDÉRALES
(18) La plupart des lois de pouvoirs speCiaux ont imposé au roi, un certain nombre de
contrôles et obligations du type de ceux que lui impose la loi du 2 février 1982 . l'obligation de
recueillir l'avis de la section de législation du Conseil d'Etat sans pouvoir se réclamer de l'urgence
(art. 3, § l "'); l'obligation de recueillir les avis prescrits par une loi spéciale (art. 3, § 2); l'obliga-
tion de délibérer les arrêtés de pouvoirs spéciaux en conseil des ministres (art. 1,.,, al. l "'); l'obliga-
tion de « communiquer » les arrêtés royaux de pouvoirs spéciaux aux présidents de la Chambre
et du Sénat avant leur publication (art. 3, § 3); l'obligation de faire rapport aux chambres légis·
latives dans un certain délai; l'obligation de faire confirmer tout ou partie des arrêtés royaux par
le législateur.
(19) Ce contrôle s'étend aux dispositions de fond et de forme imposées par la loi d'habilita·
tion, aux conditions de formes substantielles édictées par d'autres lois ou par des arrêtés royaux,
ainsi qu'aux dispositions de la Constitution, pour autant que la loi d'habilitation n'ait pas
expressément autorisé le roi à y déroger.
L'EXERCICE DES FONCTIONS 777
(20) La doctrine et la jurisprudence, sans compter les pratiques administratives, ont parfois
introduit des distinctions aussi subtiles que gratuites en cette matière : le contrôle ne s'opérerait
que par rapport à la loi-mère, ou par rapport aux lois que vise celle-ci, ou encore par rapport
à certaines dispositions de la Constitution ... Ces distinctions sont monnaie courante, alors pour-
tant qu'elles sont dépourvues de réelles justifications. Voy. cependant Cass., 20 avril 1950, Pas.,
1, 560, concl. L. CORNIL.
(21) Les lois de pouvoirs extraordinaires sont des lois par lesquelles le législateur autorise
temporairement le roi, en cas de nécessité et d'urgence, à prendre par arrêté délibéré en conseil
des ministres, des dispositions ayant force de loi, dans un ensemble de domaines dont l'objet n'est
autrement précisé que par l'indication du but d'intérêt général que ces arrêtés devront servir.
778 LES FONCTIONS FÉDÉRALES
(22) La Cour de cassation, dans un arrêt du 27 janvier 1943, a précisé que, par une loi de pou-
voirs extraordinaires, le législateur n'avait pas conféré au roi le pouvoir législatif et que c'était
en sa seule qualité de chef du pouvoir exécutif qu'elle lui avait attribué des pouvoirs extraordi-
naires. Les mots « ayant force de loi » ne signifient donc pas que le roi agit comme pouvoir légis-
latif.
(23) Lorsqu'il a recouru aux pouvoirs extraordinaires, le législateur a eu l'intention de créer
une catégorie normative nouvelle distincte des pouvoirs spéciaux et a entendu soustraire les
arrêtés-lois à tout contrôle des cours et tribunaux. L'arrêt du 27 janvier 1943 introduit un
contrôle minimal sous forme de vérification de la conformité de l'arrêté-loi par rapport à la<< loi-
mère ». Un contrôle général de constitutionnalité et de légalité est, au contraire, indiqué.
L'EXERCICE DES FONCTIONS 779
(24) <<La loi est la règle juridique élaborée par le pouvoir législatif... ». La définition qui peut
paraître tautologique a une explication matérielle - la loi est acte normatif parce qu'elle établit
des règles générales -- et une signification organique -- la loi se définit par son auteur - . Les
deux critères méritent d'être jumelés.
L'EXERCICE DES FONCTIONS 781
A. - Le droit d'initiative
925. - Dans une société démocratique, le droit d'initiative
revient aux assemblées élues et, plus précisément, à leurs membres.
Ce principe est repris, non sans nuances, par la Constitution belge
qui proclame, dans son article 75, alinéa 1er, que ((le droit d'initia-
tive appartient à chacune des trois branches du pouvoir législatif~>.
Trois idées apparaissent ainsi.
- Chacun des membres de l'une et l'autre Chambres se voit
reconnaître le droit de déposer - sur le bureau de l'assemblée dont
il fait partie - le texte d'une proposition de loi. Rien n'interdit à
plusieurs parlementaires de se grouper pour contresigner ce docu-
ment mais, dans son principe, le droit d'initiative est un droit indi-
782 LES FONCTIONS FÉDÉRALES
viduel (25). C'est aussi un droit absolu, puisqu'il peut porter sur
toute question qu'il appartient au législateur de régler (26). C'est un
droit illimité dans le temps - à tout le moins jusqu'au moment de
l'adoption de la nouvelle loi- dans la mesure où le droit d'amende-
ment (no 936) apparaît comme la forme secondaire ou comme
l'exercice différé du droit d'initiative.
- Les membres du gouvernement - qui ne sont pourtant pas par-
lementaires - disposent également du droit d'initiative. L'exercice
de ce droit peut être compris dans deux acceptions différentes. Les
uns y verront, dans l'esprit du régime parlementaire classique, une
initiative qui cesse sans doute d'être parlementaire mais qui reste
législative, tant par son objet que par ses auteurs, puisqu'elle est
l'œuvre de l'une des branches du pouvoir législatif; elle fournit une
illustration caractéristique du dédoublement des autorités et de la
compénétration des fonctions. D'autres y verront, dans une perspec-
tive plus contemporaine, l'habilitation donnée au gouvernement et
à ses membres de déclencher le processus législatif; l'idée est alors
de permettre à l'exécutif de traduire en termes de lois le programme
politique qu'il s'est assigné. Quoi qu'il en soit, l'article 75 de la
Constitution instaure le principe de l'initiative partagée. Ni les
ministres, ni les parlementaires ne détiennent le monopole de l'ini-
tiative législative.
- L'énumération procurée par la Constitution est limitative. Des
formes d'initiative populaire n'entrent pas dans les prévisions de
cette disposition (27).
(25) L'initiative individuelle peut apparaître comme une donnée élémentaire du droit parle-
mentaire. Elle est néanmoins tenue en échec dans d'antres Etats. Un député isolé n'y est pas
autorisé à prendre une initiative législative; seul un ensemble de parlementaires peut proposer
une modification de la loi. La justification de cette règle apparaît clairement. Il s'agit d'effectuer
un premier tri parmi les textes à prendre en considération. Avant de mobiliser l'attention des
chambres, un courant politique doit faire la preuve qu'il dispose d'un minimum d'appuis dans
l'enceinte parlementaire et donc - il faut le présumer - dans l'opinion publique. Telle est la
solution retenue au Bundestag. Cette règle traduit le souci de formaliser le jeu parlementaire
autour des groupes politiques constitués dans l'assemblée.
(26) Dans sa version initiale, l'article 75 de la Constitution précisait que «toute loi relative
aux recettes ou aux dépenses de l'Etat, ou au contingent de l'armée, doit d'abord être votée par
la Chambre des représentants>>. La législation a été modifiée en 1921 pour donner à la Chambre
des représentants et an Sénat un droit comparable d'initiative et d'examen.
(27) Le droit d'initiative n'est pas reconnu aux citoyens. Il ne l'est pas non plus à des conseils
consultatifs en matière économique et sociale. Sur le droit de quasi-initiative reconnu à des
conseils collatéraux, tel le Conseil national du travail (loi du 29 mai 1952, art. 1'''), voy. Ann.
Par!., Chambre, 8 février 1956. Il s'agit d'un simple droit de pétition. Il n'y a pas à proprement
parler saisine des chambres législatives.
L'EXERCICE DES FONCTIONS 783
(30) L'article 6 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat permet au Premier ministre de
confier à la section de législation du Conseil d'Etat la rédaction d'un avant-projet de loi dont
il détermine alors <<la matière et l'objet''· Cette faculté n'est guère utilisée. Voy. cependant, la
rédaction de l'article 6 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. Sur ce
thème, voy. P. DR VISSCHER et Y. LEJEUNE, <<La prévention des conflits de compétence •>,
A.P.T., 1979-1980, p. 805.
(31) J. VELU, op. cit., t. I"', p. 654.
(32) Ainsi, pour prendre l'exemple le mieux connu, les dispositions légales qui concernent les
agents de l'Etat ne sauraient être modifiées sans avoir été soumises à la procédure de négociation
qu'organisent la loi du 19 décembre 1974 --en particulier, l'article 2, § 2, modifié par la loi du
19 juillet 1983 ---Voy., à ce sujet, Le nouveau statut syndical du personnel dans le secteur public,
Bruxelles, Jnbel, 1985.
L'EXERCICE DES FONCTIONS 785
(33) Les règles de procédure peuvent être résumées comme suit. Tout avant-projet de loi doit
être soumis à l'avis motivé de la section de législation. Il l'est par le ministre dont il émane.
L'obligation de consulter la section de législation n'existe pas lorsqu'il s'agit d'un projet de loi
au sens formel du terme : Je budget, les comptes, les emprunts, les opérations domaniales, le
contingent de l'armée (lois coord., art. 3, § 1''"). L'obligation n'existe pas non plus dans le cas
d'urgence spécialement motivé. Dans cette hypothèse. l'avis est néanmoins requi•; il porte sur le
point de savoir si l'avant-projet respecte le partage des compétences entre l'Etat fédéral, les com-
munautés et les régions. L'affaire est, en principe, traitée par les chambres réunies de la section
de législation (lois coord., art. 85bis). L'avis motivé est joint au projet. Il ne lie pas le législateur
(sauf dans l'hypothèse et dans la mesure prévues par l'art. 3, § 3, des lois coordonnées). Sur l'en-
semble de ces questions. voy. F.M. RÉMION et M. SoMERHA!JSEN, Le Conseil d'Etat, Les Novelles,
t. VL Bruxelles, Larcier, 1975, n" 418 s.; F. P~RIN, <<Le contrôle de la constitutionnalité des
avant-projets et propositions de loi par la section de législation du Conseil d'Etat». J. T., 1951.
p. 329.
786 LES FONCTIONS FÉDÉRALES
C. - L'initiative, en pratique
929. - Les statistiques les plus récentes - tant en Belgique
qu'à l'étranger - indiquent que l'initiative parlementaire ne re pré-
(34) En vertu de la loi du 13 juin 1961 relative à la coordination et à la codification des lois,
le Conseil d'Etat peut également être habilité à coordonner ou à codifier la législation existante.
Le ministre qui a l'administration générale dans ses attributions doit confier ce travail an bureau
de coordination du Conseil d'Etat; le projet est ensuite soumis, pour avis, à la section de légis-
lation. Les textes coordonnés ou codifiés sont promulgués et publiés sous la forme d'arrêtés
royaux.
L'EXERCICE DES FONCTIONS 787
§ 2. - La discussion de la loi
931. - L'initiative législative marque le début du processus
d'élaboration de la loi. Elle a un effet précis : elle saisit une assem-
blée (36) d'un texte qui est en mesure de devenir une loi.
(36) Une question importante et controversée surgit ici. Une fois l'assemblée saisie d'un pro-
jet, celui-ci peut-il encore être retiré? Lorsqu'il s'agit d'un projet de loi, observe J. VELU, <<on
L'EXERCICE DES FONCTIONS 789
A. ~ La préparation du débat
932. ~ Le débat parlementaire se prépare dans les commissions
permanentes (sur l'organisation et le nombre de celles-ci, voy.
no 537). De sorte que l'assemblée plénière n'est appelée à s'exprimer
que sur un projet qui a déjà fait l'objet de délibérations préalables.
Encore convient-il d'indiquer les missions précises qui reviennent
aux commissions parlementaires.
admet maintenant que le gouvernement peut le retirer aussi longtemps qu'il n'a pas été adopté
par les deux chambres» (op. cit., p. 658). S'agissant d'une proposition de loi, des textes particu-
liers règlent la matière : le parlementaire qui a fait une proposition peut, quoique la discussion
soit ouverte, la retirer, pour autant qu'elle n'ait pas été adoptée par une chambre; mais<< si un
autre membre la reprend, la discussion continue» (Règl. Ch., art. 67; Règl. Sén., art. 51).
790 LES FONCTIONS FÉDÉRALES
B. - L'organisation du débat
933. - Entre la phase de préparation et celle de la discussion
publique se situe un moment important. Il marque la fixation de
l'ordre des travaux. Comme le précise le règlement de la Chambre des
représentants, <<le président soumet pour ratification à la Chambre
l'ordre des travaux des séances plénières établi après avoir recueilli
l'avis de la conférence des présidents >> (art. 28quater, al. pr).
L'établissement de l'ordre des travaux représente plus qu'une for-
malité. Une assemblée parlementaire est saisie d'un ensemble de
(38) Pour sa part, la Constitution française (art. 48) établit que l'ordre du jour des assemblées
comporte, par priorité et dans l'ordre que le gouvernement fixe, la discussion des projets de loi
déposés par le gouvernement et des propositions de loi acceptées par lui. La conférence des prési-
dents prend acte de la liste des projets arrêtés par le gouvernement; elle les inscrit, sans discus-
sion ni modification, à l'ordre du jour.
(39) La lecture unique est la lecture de l'assemblée elle-même.
Dans d'autres Etats, deux lectures sont organisées. Un premier débat s'ouvre sur les principes
généraux du projet. Le texte est alors envoyé en commission. Un second débat se développe
après l'examen en commission; il porte sur les dispositions du texte et sur les propositions de la
commission.
D'autres Etats encore pratiquent le système des trois lectures, comme par exemple la Républi-
que fédérale d'Allemagne. Une première lecture amène à débattre des principes généraux du pro-
jet. Celui-ci est ensuite envoyé en commission. La seconde lecture se donne pour objet de discuter
du projet tel qu'il sort, éventuellement amendé, de la commission; une délibération article par
article est notamment organisée. C'est également à ce moment que les amendements peuvent être
apportés au texte en débat. Une troisième lecture va se situer immédiatement après. Elle porte
sur l'ensemble du texte qui est soumis aux délibérations de l'assemblée. La troisième lecture
consiste donc en un débat général sur les options du projet; il n'y a plus place ici pour des amen-
dements. Elle se conclut par le vote final.
En droit britannique, également, trois lectures sont organisées. Mais elles se conçoivent diffé-
remment. La première lecture est de pure forme et correspond au dépôt du texte. La deuxième
lecture représente la phase principale de la discussion les lignes du projet sont déterminées
avant l'intervention des commissions. C'est à ce moment, notamment, que le ministre, auteur du
projet, développe les arguments essentiels en faveur du bill; il expose l'objet des mesures propo-
sées, il en montre la nécessité. De son côté, le leader de l'opposition ou d'autres orateurs prennent
la parole pour contester ou, au contraire, appuyer le projet. A ce stade, le bill est discuté comme
un tout. Il est hors de question de développer des amendements au projet. Ou, plus exactement,
comme le souligne la doctrine britannique, les amendements n'affectent pas le projet mais affec-
tent la motion qui clôt la seconde lecture. Un parlementaire suggérera, par exemple, que le débat
soit remis de plusieurs mois. Si le bill passe l'étape de la seconde lecture, il faut accepter l'idée
que ses principes fondamentaux ont été acceptés et que les modifications qui pourraient interve-
nir en commission ne porteront plus que sur des détails. La troisième lecture intervient après
792 LES FONCTIONS FÉDÉRALES
l'examen en commission et après le rapport (A.H. HANSON et H.V. WISEMAN, Parliament at work.
A case-book of parliamentary procedure, London, Stevens, p. 121).
(40) Le rapport de la commission contient, outre l'analyse des délibérations sur les divers
articles, des conclusions motivées tendant à l'adoption, au rejet ou à l'amendement du projet ou
de la proposition (Règl. Ch., art. 18, al. 4).
(41) Voy. J. DEMBOUR, «Consultation de la section de législation du Conseil d'Etat par le pré·
sident de l'une des deux chambres législatives», Ann. Fac. dr. Lg., 1957, p. 149.
(42) Selon J. VELV, le droit gouvernemental d'amendement aurait un fondement distinct. Il
trouverait sa base dans l'article lOO de la Constitution, qui reconnaît aux ministres Je droit d'en-
trer et d'être entendus dans chacune des chambres. «ce qui implique le droit d'y présenter des
amendements aux propositions et projets de loi qui y sont discutés>> (op. cit., p. 671). La
construction peut paraître exagérément compliquée d'autant plus que l'article 100 de la Constitu-
tion semble mieux s'inscrire dans le prolongement des tâches du contrôle politique que dans celui
des fonctions de législation.
L'EXERCICE DES FONCTIONS 793
(43) En droit français, un amendement formulé par un parlementaire est irrecevable si son
adoption a pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création et
l'aggravation d'une charge publique. Ce principe est encore accentué en ce qui concerne l'amen-
dement aux lois de finances : il ne peut être présenté, sauf s'il s'attache à supprimer ou à réduire
effectivement une dépense, à créer ou à accroître une recette ou à assurer le contrôle des dépenses
publiques.
(44) Même recevables, les amendements parlementaires sont strictement contrôlés en France.
D'une part, le gouvernement peut s'opposer à l'examen de tout amendement qui n'aurait pas été
soumis à la commission compétente; d'autre part, si le gouvernement le demande, l'assemblée
saisie se prononce par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion, en ne retenant que
les seuls amendements proposés ou acceptés par le gouvernement, selon la procédure dite du vote
bloqué.
794 LES FONCTIONS FÉDÉRALES
(45) La discussion de chaque article est, en principe, suivie de son vote. Mais, comme le note
J. VELU (op cit., t. I"', p. 678), «lorsqu'un article soulève des difficultés, il est quelquefois
'réservé' et le vote des articles 'à problèmes' se fait après l'adoption d'autres ». La disposition
de l'article 76 relative au vote des lois, article par article, peut être aisément éludée. C'est ainsi
que la loi du lO octobre 1967 «contenant» le Code judiciaire, qui figure sous l'article l ., de cette
loi, compte 1.675 articles.
(46) Chroniques de crise ... , p. 95.
L'EXERCICE DES FONCTIONS 795
§ 3. - L'adoption de la loi
940. - Le débat parlementaire achevé, il convient de conclure.
La loi doit-elle être adoptée? Et dans quels termes? Plusieurs ques-
tions apparaissent ici. Comment l'assemblée se décide-t-elle à agir?
Comment l'autre chambre est-elle amenée à se prononcer? Corn-
ment la troisième branche du pouvoir législatif intervient-elle?
Comment parachever l'œuvre accomplie par des opérations qui
attestent notamment de la régularité de la procédure suivie?
941. - Dans une société démocratique, l'assemblée élue se pro-
nonce par un vote, c'est-à-dire par un acte qui, sur la question
débattue, permet de dégager une majorité dont l'opinion l'emporte
sur celle de la minorité. Telle est la logique du système représentatif
L'assemblée délibérante ne cherche pas à obtenir l'unanimité de ses
(47) Sur le recours au mécanisme de la'' sonnette d'alarme», le 14 juillet 1985, voy. <<Une
crise en trois temps>>, J. T., 1986, p. ll7.
796 LES FONCTIONS FÉDÉRALES
L'initiative est prise devant la seule Chambre des représentants. Dans le cas
des lois formelles, elle émane du gouvernement. La formule de présentation du
projet de loi est la suivante : <<Notre ministre de ... est chargé de déposer, en Notre
nom, à la Chambre des représentants, le projet de loi dont la teneur suit : ... '' (48).
Dans l'autre cas, elle procède soit d'une initiative parlementaire, soit d'une
initiative gouvernementale. Il va de soi que les sénateurs ne sauraient déposer
de propositions à ce sujet. La délibération de la loi se poursuit devant la seule
Chambre des représentants, et selon les procédures qui lui sont habituelles.
Le roi sanctionne la loi monocamérale - comme il sanctionne, d'ailleurs,
toute autre loi fédérale (Const., art. 109) - et parfait ainsi son élaboration.
La formule de sanction est la suivante : << A tous présents et à venir, Salut. La
Chambre des représentants a adopté et Nous sanctionnons ce qui suit : (Loi)>>.
(48) Circulaire du Premier ministre du 19 avril 1996 relative à la procédure de dépôt d'un
projet de loi.
798 LES FONCTIONS FÉDÉRALES
(49) La formule de présentation du projet de loi est la suivante :«Notre ministre ... est chargé
de présenter en Notre nom, aux Chambres législatives, le projet de loi dont la teneur suit : . ''·
(50) C.E.. L.25.153f2, 27 novembre 1996 : <<La pratique constitutionnelle qui, de manière
constante, a conduit à réserver au roi le monopole de l'initiative en ce qui concerne l'assentiment
aux traités peut être poursuivie sans inconvénient.. De la même manière que l'on ne conçoit
guère qu'un parlementaire dépose une proposition de loi relative au budget ou aux comptes, une
proposition de loi fixant le contingent de l'armée, ou encore une proposition de loi contenant le
feuilleton des naturalisations, il ne s'indique pas de l'autoriser à déposer une proposition de loi
d'assentiment à un traité ».
L'EXERCICE DES FONCTIONS 799
Selon le cas, elles font l'objet d'une délibération dans une seule ou
dans les deux chambres. Tout dépend de la demande qu'exprime ou
que n'exprime pas le Sénat. Il appartient, en effet, à quinze séna-
teurs au moins de solliciter que le Sénat examine le projet de loi
(art. 78, al. 2). Leur demande doit être formulée dans les quinze
jours de la réception du projet de loi, voire en cas d'urgence dans
un délai qu'une commission parlementaire de concertation déter-
mine.
On ne saurait évidemment comparer la deuxième délibération
avec la première. Non seulement la discussion sénatoriale vient tou-
jours en second, mais mieux encore, elle ne se développe plus sur un
terrain vierge. En réalité, le projet de loi est déjà adopté - du
moins provisoirement - . Dans ces conditions, la seule faculté qui
revient au Sénat, c'est d'amender le projet (art. 78, al. 3). Ces modi-
fications doivent être adoptées dans les soixante jours de la
demande formulée par les sénateurs; ce délai peut être ramené à
trente jours. A supposer qu'un amendement ait été adopté par le
Sénat, il revient à la Chambre des représentants de l'examiner.
Celle-ci l'adopte ou le rejette. Elle se prononce ainsi définitivement
sur le texte qui était en discussion (art. 78, al. 4).
Les modes d'élaboration de la loi bicamérale virtuelle ne s'inscrivent pas,
contrairement peut-être aux apparences, en dérogation des prescriptions de l'ar-
ticle 36 de la Constitution. Le bicaméralisme est préservé.
Car de deux choses l'une. Ou bien le Sénat utilise la prérogative qui lui est
reconnue de procéder à un examen de la loi. Il intervient alors, de manière for-
malisée, dans le processus législatif. Il n'est pas en mesure d'imposer ses préoccu-
pations ou ses volontés. Mais il participe - au sens propre du terme, il prend
une part - au processus de confection de la loi.
Ou bien le Sénat n'utilise pas la prérogative que consacre l'article 78 de la
Constitution. Il estime qu'il n'y a pas lieu d'amender le projet qui lui est soumis.
Il est présumé marquer son accord avec la volonté exprimée par la première
assemblée. Il lui apporte, fictivement, un assentiment tacite.
800 LES FONCTIONS FÉDÉRALES
B. - La sanction de la loi
947. - Dans les monarchies parlementaires, la sanction royale
est l'acte par lequel le souverain marque, en sa qualité de troisième
branche du pouvoir législatif, son accord avec la volonté exprimée
par les chambres (53). Sur un plan plus politique que juridique, elle
indique que le gouvernement participe à l'exercice de la fonction
législative de son origine à son terme.
La sanction est condition d'existence de la loi. Comme en Grande-
Bretagne où << la Reine en son Parlement >> est appelée à faire œuvre
législative, le chef de l'Etat dispose du droit de donner son accord
ou de le refuser à tout projet régulièrement voté par les chambres.
La doctrine contemporaine considère généralement que le refus de
sanction - soit le veto - relève des questions d'école (54). On
n'imagine guère que le roi - agissant avec le concours de l'un de
ses ministres - s'oppose durablement (55) à la volonté politique
formulée par les chambres et relayée par son gouvernement. Il en
irait autrement si, dans des circonstances exceptionnelles, le gouver-
nement fédéral entendait exprimer, à l'occasion de l'élaboration
d'une loi - vraisemblablement d'origine parlementaire - son
désaccord avec la volonté qui aurait été émise dans les assemblées
parlementaires.
Une situation particulière mérite d'être évoquée. Il semble qu'un nouveau
gouvernement pourrait, au lendemain d'élections législatives, s'opposer à un
texte qui aurait été promu, avant le scrutin, à l'initiative d'une autre majorité
que celle qui le soutient.
(56) Sur ce thème, on ne peut manquer d'être frappé par les silences de la doctrine constitu-
tionnelle. La procédure législative est étudiée sous toutes ses facettes. Par contre, la manière dont
un texte législatif entre en vigueur ne fait pas l'objet d'études approfondies, mise à part celle
qu'a préfacée Marcel W ALINE et qui a été publiée sous le titre La promulgation, la signature et
la publication des textes législatifs en droit comparé (Travaux et recherches de l'Institut de droit
comparé de l'Université de Paris, Ed. Epargne, 1961).
(57) On ne s'interroge pas ici sur les problèmes de publication. - soit d'un fait matériel qui
produit des conséquences juridiques, à savoir l'applicabilité de la loi au citoyen -. Il tient
compte d'une suite d'opérations matérielles : transmission du texte, composition, correction,
impression, postage, remise aux abonnés et aux services publics, affichage ... (no 950).
(58) P. DE VISSCHER, La promulgation, la signature et la publication des lois en droit belge ... ,
p. 41).
L'EXERCICE DES FONCTIONS 803
(59) Voy aussi Corr. Bruxelles, 22 février 1889, Pas., 1890, III, p. 64; Cass .. 29 juin 1939,
Pas., 1939, I, p. 341. Sur la promulgation par le roi d'une loi spéciale dont tout ou partie des
dispositions n'auraient pas été adoptées à une majorité qualifiée, voy. F. DELPRftR;;, <<La Consti-
tution et la règle de droit ''• A. D. Lv., 1972, p. 202.
(60) La formule de promulgation n'est pas sacramentelle (Cass., 2 juillet 1948, Pas., 1948, I,
p. 428).
804 LES FONCTIONS FÉDÉRALES
(61) Ch. HuBERLANT, «La présomption de connaissance de la loi, dans le raisonnement juridi-
que>), Présomptions et fictions en droit, Bruxelles, Bruylant, 1974, pp. 186-228. Sur l'entrée en
vigueur des lois publiées «par morceaux» dans deux Moniteurs belges, voy. Cass., 4 juin 1919,
Pas., I, p. 153.
(62) P. WIGNY, op. cit., p. 527. Le contrôle de l'action gouvernementale par la Chambre
n'équivaut pas à un droit d'évocation ou de substitution; il s'exerce sur la personne des ministres
à l'occasion des actes accomplis par eux, avec leur accord exprès ou tacite, ou sous leur autorité.
L'EXERCICE DES FONCTIONS 805
(63) Le Sénat, lui, ne peut que demander la présence des membres du gouvernement fédéral.
(64) Voy. cependant, P. WIGNY (op. cit., n" 379) : «Toutes ces mesures de précaution sont
sages et empêchent l'obstruction. Il va de soi qu'elles ne sont plus admises si l'interpellation est
a la fois fondée et importante ... Dans ce cas, aucune mesure limitative n'est applicable>>.
(65) Si, après le développement de l'interpellation, un membre du gouvernement ne prend pas
la parole, l'interpellation est close; seul l'interpellateur est encore admis à prendre la parole pen-
dant dix minutes au plus.
(66) Si plusieurs interpellations sont déposées ''sur un même objet>>, elle sont ''jointes pour
ne former qu'un seul débat>> (voy. Règl. Ch., art. 90, al. 5, d).
L'EXERCICE DES FONCTIONS 807
(67) Sur la double acception de l'expression« ordre du jour>>, voy. J. VELU, op. cit., n" 473.
808 LES FONCTIONS FÉDÉRALES
§ 2. - La question parlementaire
954. - << Les ministres sont responsables ... ~>. Ils répondent de
leurs faits et actes. Au propre comme au figuré. La responsabilité
politique emporte l'obligation, pour un ministre, de répondre aux
questions qui lui sont adressées par un parlementaire.
La procédure, simple au demeurant (68), va reposer sur l'échange
d'une question posée par un parlementaire et d'une réponse fournie
par un ministre. Ni plus, ni moins. Il n'y a pas place pour une dis-
cussion - avec un dialogue alterné - , ni pour un débat - où
d'autres pourraient intervenir - . Il n'y a pas non plus de vote -
puisque l'assemblée, telle quelle, ne participe pas à la procédure - .
D'où cette idée que la question parlementaire qui s'adresse à un
ministre déterminé ne saurait avoir pour objet d'assurer un contrôle
politique de l'action du gouvernement dans son ensemble; tout au
plus fournira-t-elle au parlementaire un ensemble de renseignements
ou d'informations qu'il utilisera peut-être pour développer une
interpellation ou pour proposer la constitution d'une commission
d'enquête.
La Constitution ne dit rien de cette technique particulière de
contrôle politique. Les règlements d'assemblée comblent cette
lacune. Ils indiquent de manière négative les thèmes des questions
parlementaires : celles-ci ne pourront tendre à régler des cas indivi-
duels ou à obtenir des renseignements statistiques et de la documen-
tation.
Ils précisent aussi la procédure à suivre. En réalité, les assemblées
recourent à des techniques diversifiées : la question écrite avec
réponse écrite (avec publication au Bulletin des questions et des
réponses) (69), la question orale avec réponse orale- à la Chambre
des représentants, selon le système du question time (70) - , laques-
tion écrite avec réponse orale - au Sénat - et, enfin, la question
urgente développée oralement avec réponse orale (Règl. Ch., art. 85;
Règl. Sén., art. 66).
§ 3. - L'enquête parlementaire
955. - <~Chaque Chambre a le droit d'enquête)), precise l'ar-
ticle 56 de la Constitution. La prérogative qui revient à l'assemblée
est celle de s'informer et de se documenter. Elle s'inscrit tout à la
fois dans l'exercice de la fonction de législation- il importe de réu-
nir les faits, les chiffres, les documents, les témoignages qui s'inscri-
vent dans l'œuvre d'élaboration de la loi - et dans l'exercice de la
fonction de contrôle politique - il faut fournir aux députés les élé-
ments qui leur permettront, le cas échéant, de censurer l'action du
gouvernement ou de l'un de ses membres (71) - .
Une enquête parlementaire ne peut, par contre, avoir pour objet
ou 'pôur effet QI' habiliter une deSëli'arii'brëSà-ëXëi·cer les fonctions
'qui rev~erinent en propre -à<I'autrëS"'âutorités publiques. Elle ne
peut être utilisée comme substitut de l'élection (ou de la consulta-
tion). Elle ne peut se donner pour objet de vérifier ce qui échappe
de plein droit à la maîtrise de l'assemblée (telle l'application procu-
rée aux règles de dévolution de la Couronne). Elle ne peut entre-
prendre sur les opérations de poursuite ou de répression des infrac-
tions (voy. cependant la loi du 3 mai 1880, art. 7 à lü). Elle ne peut
se prévaloir des tâches de contrôle sur les agissements des autorités
exécutives et administratives pour s'autoriser à examiner la légalité
des actes accomplis par des particuliers.
C'est la loi du 8 mai 1880 qui règle l'exercice du droit d'enquête.
Chaque Chambre exerce le droit d'enquête par elle-même ou par une
commission créée en son sein (art. 2); dans l'exercice de ses fonc-
tions d'enquête, elle bénéfice 5!es prér?gatiyes gui ~t reconl?:~.es au
juge d'instruction par le Code d'instruction criminelle. On peut se
demander pourqu-oi chaque chambre n'a pas été amenée à établir,
en vertu de l'article 56 de la Constitution, des dispositions régle-
mentaires en ce domaine. L'intervention du législateur pouvait
s'avérer nécessaire pour donner à la commission d'enquête certaines
prérogatives de la puissance publique et pour protéger, à cette occa-
sion, les droits des particuliers : on ne saurait perdre de vue, en
effet, que la commission convoque les témoins (art. 8), fait prêter
(72) Sur ce thème, P.J. BooN, De parlementaire enquete. Een rechtsvergelijkende studie, Zwolle,
1982; M. UYTTENDAELE, <<L'enquête parlementaire sur les événements tragiques qui se sont
déroulés le 29 mai 1985 au stade du Heyse!. Quelques réflexions sur les enquêtes parlementaires
et sur la responsabilité ministérielle», J. T., 1986, p. 357.
(73) M. UYTTENDAELE, Regards sur un système institutionnel paradoxal, p. 362.
(74) Voy. E. LIEKENDAEL, <<La séparation des pouvoirs à l'aube du troisième millénaire>>,
J. T, 1997, p. 557.
(75) Voy F. DELPÉRÉE, <<Une crise en trois temps», J. T., 1986, p. ll7.
(76) Pandectes belges, v" «Enquête parlementaire», n" 96.
L'EXERCICE DES FONCTIONS 8ll
(77) A. MAST (op. cit .. p. 137) donne la liste des enquêtes parlementaires qui ont été instaurées
depuis 1880.
812 LES FONCTIONS FÉDÉRALES
ter d'autres autorités à agir et pour leur conférer ainsi un titre régu-
lier de compétence. Quelques exemples illustrent le raisonnement.
Le conseil des ministres habilite, moyennant un avis motivé, une
chambre législative à reprendre l'examen d'un projet et d'une pro-
position de loi, en l'invitant à se prononcer sur son avis ou sur le
texte éventuellement amendé (Const., art. 54).
Les autorités qui constituent le pouvoir législatif peuvent, de leur
côté, autoriser des institutions de droit international à exercer les
fonctions qu'elles déterminent (Const. art. 34); elles peuvent autori-
ser le roi à conclure des traités de frontières (Const., art. 167, § pr,
al. 3) ou à faciliter le passage de troupes étrangères sur le territoire
national (Const., art. 185). Par des motions appropriées, les deux
chambres agissant séparément doivent donner leur assentiment à un
ensemble de décisions prises par le roi : relever un prince de la
déchéance des droits à la Couronne (Const., art. 85, al. 3), nommer
un successeur (Const., art. 86), accepter une désignation comme chef
d'un autre Etat (Const., art. 87) (78). Elles statuent aussi sur le
bien-fondé de motions qui se plaignent de discriminations pour des
raisons idéologiques et philosophiques et autorisent, le cas échéant,
les parlements de communauté à poursuivre l'élaboration d'un
décret (loi du 3 juillet 1971, art. 5 et 6) (n° 534).
On sait également que la Chambre des représentants est amenée,
pour sa part, à autoriser la Cour d'appel à connaître des infractions
commises par un ministre (Const., art. 103). Une assemblée parle-
mentaire peut autoriser les poursuites contre l'un de ses membres
(Const., art. 59).
§ 2. - La Jonction congressionnelle
957. - Les Chambres législatives sont appelées à exercer cer-
taines de leurs attributions en Congrès.
Cette autorité publique résulte de la réunion conjointe des
membres des deux chambres. Elle ne se confond pas, d'un point de
vue institutionnel et fonctionnel, avec celles-ci. Ainsi les décisions
que prend le Congrès sont adoptées à la majorité de ses membres,
sans qu'il y ait lieu de faire le départ entre des voix provenant de
(78) En ce cas, <<aucune des deux Chambres ne peut délibérer sur cet objet, si deux tiers au
moins des membres qui la composent ne sont présents, et la résolution n'est adoptée qu'autant
qu'elle réunit au moins les deux tiers des suffrages» (Const., art. 87. al. 2).
L'EXERCICE DES FONCTIONS 813
BIBLIOGRAPHIE
On trouvera dans les manuels de droit public, mais aussi dans des cours d'intro-
duction au droit, de larges développements sur l'exercice des fonctions collectives.
Voy. en particulier :
E. CEREXHE, B. HAUBERT et J. REGNIER, Principes généraux et fondements du
droit. Le phénomène institutionnel, juridictionnel et normatif, Bruxelles, Larcier, 1977;
F. DELPÉRÉE, <<Le fonti normative in Belgio >>, Quaderni costituzionali, 1986, p. 277;
Ch. KouRILSKY, A. RAcz et H. ScHAFFER, The sources of law. A comparative empiri-
cal study. National systems of sources of law, Budepest, Akadémiai Kiado, 1982;
A. PIZZORUSSO (dir.), Law in the making. A comparative survey, Berlin, Springer Ver-
lag, 1988; J. VELU, Droit public, t. 1, livre III, Les pouvoirs constitués.
(79) LÉOPOLD l'"' a prononcé huit discours du trône en quarante-quatre années de règne.
ALBERT l'"' en a prononcé deux (en 1910 et en 1918) ainsi qu'un discours exceptionnel, le 4 août
1914. Aucun discours du trône n'a été prononcé par LÉOPOLD III, BAUDOUIN r··· ou ALB!èRT II.
814 LES FONCTIONS FÉDÉRALES
Sur les procédures de contrôle politique et, en particulier, sur les enquêtes parle-
mentaires, voy. :
A. ALEN, F. DELPÉRÉE, A. DE NAUW et J. CI. ScHOLSEM, <<Les commissions d'en-
quête parlementaire et le huis clos», R.B.D.C., 1997, p. 277; D. DE BRUYN, <<L'ac-
tualité des enquêtes parlementaires fédérales>), J. T., 1997, p. 625; N. LAGASSE et
X. BAESELEN, Le droit d'enquête parlementaire, Bruxelles, Bruylant, 1998, p. 265;
E. LIEKENDAEL, << La séparation des pouvoirs à l'aube du troisième millénaire>), J. T.,
1997, p. 557; J. VELU,<< Considérations sur les rapports entre les commissions d'en-
quête parlementaire et le pouvoir judiciaire>), J.T., 1993, p. 589; ID., <<Considéra-
tions sur les rapports entre les enquêtes parlementaires et les droits de l'homme>),
Académie royale de Belgique, 1999; ID., «Enquêtes parlementaires et droits de
l'homme>), R.B.D.C., 1998, p. 105.
LIVRE IX
(l) F. DELPÉRÉE, <<Les politiques linguistiques en Belgique», Rev. gén. dr., 1988, 19, p. 255.
820 LES FONCTIONS FÉDÉRÉES
la Cour d'arbitrage, entrer dans la catégorie des<< relations sociales>> et faire l'ob-
jet de prescriptions linguistiques (2).
(2) C. HoREVOETS, «L'emploi des langues en matière sociale : un problème ancien, une solu-
tion classique», note sous C.A., n" 72/95, 9 novembre 1995, R.B.D.C., 1996, p. 186.
(3) C.A., n" 10/86, 30 janvier 1986.
(4) Le propos constitutionnel est souvent mal compris. Le citoyen a tendance à trouver, dans
l'article 30 de la Constitution, l'affirmation du droit qu'il aurait d'utiliser la langue de son choix
dans les relations privées. Ce qui est un contre-sens évident. La disposition ne concerne que « les
langues usitées en Belgique» - soit le français, le néerlandais et l'allemand, qualifiés, par ail-
leurs, de << langues officielles » - alors que le premier principe constitutionnel qui a été rappelé
réserve à l'individu la possibilité de s'exprimer en toute langue, en ce compris en des langues inu-
sitées en Belgique - le finnois, le swaheli ou le créole, pour ne prendre que ces exemples - .
Le citoyen a aussi tendance à trouver, dans la disposition constitutionnelle qui permet l'usage
<<facultatif» des langues, l'affirmation selon laquelle les autorités publiques auraient à faire
preuve de la même souplesse dans l'utilisation des langues officielles et que, dans une logique de
cohérence et d'efficacité, elles seraient tenues d'instruire le dossier administratif en fonction de
la langue dans laquelle l'affaire a été engagée. Ce qui va manifestement au-delà de ce que prescrit
le texte constitutionnel. Celui-ci se borne à proclamer un droit qui va directement au citoyen.
Il ne va pas jusqu'à prescrire une contrainte qui pèserait sur l'autorité publique.
En somme, l'article 30 de la Constitution donne au citoyen, quelle que soit la région d'où il
provienne et quelle que soit la région où il se trouve, la faculté d'utiliser de manière indifférenciée
le français, le néerlandais ou l'allemand lorsqu'il se trouve en contact - et, pourquoi pas?, en
relation positive- avec l'autorité publique.<< Facultatif'' est, dans le texte constitutionnel, syno-
nyme d'<< alternatif».
-~-- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
967. - Dans les relations entre les personnes privées et les ser-
vices de justice, la compétence fédérale est la règle, et ceci pour l'en-
semble du territoire. Ce qui ne signifie pas que le législateur fédéral
doit adopter des règles d'application uniforme. Il peut concevoir des
règles générales qui s'appliqueront à toutes les situations judiciaires.
Il peut aussi élaborer des <<lois-tiroirs>>, c'est-à-dire des instruments
législatifs qui contiendront des règles diversifiées et qui seront sus-
ceptibles de recevoir une application différenciée en fonction de la
localisation des affaires sur le territoire national.
La loi du 15 juin 1935 s'inscrit dans cette deuxième perspective.
Elle présente cette particularité d'être une loi nationale qui établit,
dès avant l'instauration d'un Etat fédéral, des règles juridiques dif-
férenciés en matière d'emploi des langues en justice. A défaut
822 LES FONCTIONS FÉDÉRÉES
(5) F. DELPÉRÉE, ''El uso de las lenguas en la justicia en Bélgica •>, in La administracion de
justicia en los Estados plurilingües, Barcelone, Generalidad de Cataluna, 1997, p. Il; E. FRENe-
KEN, "La ley helga por lo que respecta al uso de las lenguas en el àmbito judicial », ibidem, p. 25.
LA DÉFINITION DES COMPÉTENCES 823
(7) F. DF-LPÉRÉE, Droit constitutionnel, t. 1"'', Les données constitutionnelles, Bruxelles, Larcier,
1987, p. 419.
(8) C.E., L. 14.190/2, 22 septembre 1981. Adde: L. 19.891/9, 17 septembre 1990 (Doc. parl.,
Chambre, s.a. 1977-1978, n" 461/1, p. 28).
(9) F. DF-LPÉRÉE, «Les matières personnalisables. De l'autonomie culturelle à l'autonomie
sociale? >>, in Les Cahiers du Ôacef, 1978, p. 3.
826 LES FONCTIONS FÉDÉRÉES
A. ~ La politique familiale
975. ~ La communauté peut régler << la politique familiale, en ce
compris toutes les formes d'aide et d'assistance aux familles et aux
enfants>> (art. 5, § 1er, Il, P).
Cette compétence renvoie à un ensemble d'initiatives et de mesures qui ten-
dent à apporter une assistance et une aide matérielle, sociale, psychologique et
éducative aux familles, en ce compris l'accompagnement d'une grossesse et l'aide
concernant la contraception et la parenté responsable. Elle ne vise en aucune
manière« la possibilité pour le législateur décrétai de régler ni l'exercice de l'art
de guérir, ni l'avortement>> (10). Elles ne lui permettent pas non plus d'octroyer
des aides aux familles de travailleurs salariés, ces avantages en nature étant assi-
milables aux prestations familiales octroyées aux familles de travailleurs salariés
ouvrant droit aux allocations familiales et << faisant ainsi partie intégrante du
régime de la sécurité sociale qui relève de la compétence de l'autorité fédé-
rale>> (11).
B. ~ La politique de santé
976. ~ La médecine préventive ~ à la seule exception des
mesures prophylactiques nationales ~ est de compétence commu-
nautaire (art. 5, §1er, 2°). Ainsi <<le dépistage et la lutte contre les
maladies transmissibles et sociales sont du ressort des communautés
mais les vaccinations obligatoires échappent à leur compétence, au
titre des 'mesures prophylactiques nationales'>> (C.E., L. 14.172/2).
Au titre de la médecine préventive, il y a lieu de prendre en compte :
* l'éducation sanitaire. <<II ressort des travaux préparatoires de la loi spéciale
que la compétence communautaire englobe notamment l'information et l'édu-
cation sanitaire, la protection sanitaire de la population, notamment par la
prévention du cancer et l'amélioration de l'état sanitaire de la population, soit
dans le cadre d'une éducation sanitaire, soit par d'autres moyens appro-
priés» (12). La réglementation relative aux denrées alimentaires ne relève pas,
par contre, de ce domaine. La communauté n'est pas compétente pour<< régle-
menter la publicité pour le tabac>>.
* la protection sanitaire. II s'agit notamment de protéger la mère et l'enfant dans
le cadre d'activités qui sont poursuivies dans les consultations de nourrissons,
les pouponnières, les maisons maternelles, les gardes à domicile, les centres de
vacances et d'hébergement.
* l'inspection sanitaire. Elle prend notamment la forme de l'inspection médicale
scolaire, telle qu'elle organisée par la loi du 21 mars 1964, et telle qu'elle se
(10) C.A., n" 20(89, 13 juillet 1989. Adde : C.A., no 30(91, 19 décembre 1991, obs. Ph. CaEN·
RAETS : «De nouvelles frontières aux compétences de la Cour d'arbitrage», J.T., 1992, p. 364.
(11) C.E., L. 26.564/1, 19 et 23 juin 1997.
(12) C.A., n" 7/93, 27 janvier 1993, R. W., 1992/1993, col. 987, note P. PoPELIER: "Wie voert
de strijd tegen het tabaksverbruik? >>.
LA DÉFINITION DES COMPÉTENCES 827
pratique dans les centres PMS. Elle peut également justifier les contrôles
médicaux dans le domaine du sport, en particulier ceux qui visent à déceler
les pratiques de dopage (13).
* le contrôle sanitaire. Il implique l'agrément des services inter-entreprises de
médecine du travail. Il requiert aussi le contrôle des dispositions du règlement
général sur la protection du travail.
On ne saurait, par contre, assimiler à la médecine préventive<< l'aide médicale
urgente>>. Cette matière reste de compétence fédérale. Elle implique, en effet, la
mise en œuvre d'un <<dispositif technique dont l'efficacité exige qu'il soit uni-
forme>> (C.A., n° 47/95, 6 juin 1995 et n" 63/95, 2 juillet 1995).
(13) Ged-r. St., VI. R., 1990-1991,448, n" 1, reproduisant l'avis L. 17.506/8, 10 décembre 1986.
(14) C.A., n" 81/96, cité.
( 15) Ibidem.
828 LES FONCTIONS FÉDÉRÉES
La protection minimale assurée ainsi par l'autorité fédérale peut-elle être éten-
due? <<Si l'on admet que l'autorité fédérale est incompétente, cela équivaurait
à figer en grande partie l'état de la législation au moment où la loi spéciale du
16 juillet 1993 est entrée en vigueur. La compétence de l'autorité fédérale relati-
vement aux matières visées à l'article 5, §le', II, 2", b, de la loi spéciale du
8 août 1980 se réduirait alors à une compétence d'appliquer les articles et cha-
pitres mentionnés par cette disposition et n'emporterait pas la compétence de les
modifier. Une pareille réduction de ce qu'il faut normalement entendre par la
compétence d'une autorité ne peut guère se concevoir si elle n'est pas exprimée
explicitement dans le texte même de la règle attributive de compétences concer-
née ou, du moins, dans ses travaux préparatoires ... Il ne peut guère être dérogé
au principe selon lequel le législateur est investi, dans le domaine qui lui est
attribué, du pouvoir de déterminer lui-même la teneur des règles de droit appli-
cables ... L'autorité fédérale est compétente pour déterminer le niveau des 'droits
de base'>> (Doc. parl., Sénat, session 1997-1998, 1-538/2, avis C.E., 25 novembre
1997).
(17) C.A., n" 4/93, 21 janvier 1993, Journ. proc., 19 mars et 2 avril 1993, obs. M. PREUMONT,
«Annulation partielle du décret de la Communauté française relatif à l'aide à la jeunesse''·
(18) Voy. le décret flamand du 19 avril 1995 réglant l'octroi de subventions aux associations
populaires, Mon. b., 9 août 1995.
830 LES FONCTIONS FÉDÉRÉES
(19) Voy. C.E., L. 24.8114/9, 4 mars 1996, à propos d'un avant-projet de décret wallon relatif
à l'intégration des personnes étrangères ou d'origine étrangère. Il convient de noter que la compé-
tence de l'accueil et de l'intégration des immigrés a été transféré de la Communauté française
à la Région wallonne.
LA DÉFINITION DES COMPÉTENCES 831
A. - L'aménagement du territoire
988. - La région est investie, dans les termes les plus larges, de
responsabilités importantes pour ce qui est de l'organisation du
cadre de vie régional. A ce titre, elle règle notamment l'aménage-
ment du territoire (l. sp., art. 6, §1er, I).
Cette compétence implique la possibilité de régler << 2o les plans
d'alignement de la voirie communale, 3" l'acquisition, l'aménage-
ment, l'équipement de terrains à l'usage de l'industrie, de l'artisanat
et des services, ou d'autres infrastructures d'accueil aux investis-
seurs, y compris les investissements pour l'équipement des zones
industrielles avoisinant les ports et leur mise à la disposition des uti-
lisateurs, 4 o la rénovation urbaine, 5" la rénovation des sites d' acti-
B. -L'environnement
989. - La région est compétente pour protéger l'environnement,
c'est-à-dire <~prévenir et combattre les différentes formes de pollu-
tion, parmi lesquelles la pollution de l'eau, du sol, (du sous-sol) et
de l'air}) (C.A. no 55/92, 9 juillet 1992). Elle peut également assurer
la lutte contre le bruit.
Elle est habilitée à régler <~ 2° la politique des déchets, 3° la police
des établissements dangereux, insalubres et incommodes, sous
réserve des mesures de police interne qui concernent la protection
du travail, 4 o la production et la distribution d'eau, en ce compris
la réglementation technique relative à la qualité de l'eau potable,
l'épuration des eaux usées et l'égouttage}) (l. sp., art. 6, § 1er, III).
conduire à certaines difficultés» et que «pour les résoudre, un accord de coopération entre com-
munautés et régions paraît souhaitable, voire indispensable».
834 LES FONCTIONS FÉDÉRÉES
C. - La conservation de la nature
990. - En ce qui concerne la rénovation rurale et la conservation
de la nature, la région assume des responsabilités précises (l. sp.,
art. 6, § 1er, III) : << 1o le remembrement des biens ruraux et la réno-
vation rurale, 2° la protection et la conservation de la nature, à
l'exception de l'importation, de l'exportation et du transit des
espèces végétales non indigènes, ainsi que des espèces animales non
indigènes et de leurs dépouilles, 3° les zones d'espaces verts, les
zones de parcs et les zones vertes, 4 o les forêts, 5° la chasse ... et la
tenderie, 6" la pêche fluviale, 7° la pisciculture, 8° l'hydraulique
agricole et les cours d'eau non navigables, en ce compris leurs
berges, 9° le démergement, 10° les polders et les wateringues >>.
En particulier, << la conservation de la nature tend, comme la loi
du 12 juillet 1973 le précisait déjà en son article 1er, à sauvegarder
le caractère, la diversité et l'intégrité de l'environnement naturel
par des mesures de protection de la flore et de la faune, de leurs
communautés et de leurs habitats, ainsi que du sol, du sous-sol, des
eaux et de l'air>> (C.A., no 1/89, 31 janvier 1989).
La matière réglée par le Code forestier concerne la conservation de la nature.
<< Cette compétence habilite la région à prendre toutes les mesures nécessaires
pour l'exercer'' (26). <<En transférant (à la) région la compétence en matière de
protection et de conservation de la nature et en matière de forêts, le Constituant
et le législateur spécial ont attribué (à la) région, sous réserve de l'exception
indiquée à l'article 6, §1er, III, 2° in fine, toute la compétence d'édicter des
règles propres à ces matières, et ce sans préjudice du recours, au besoin, à l'ar-
ticle 10 de la loi spéciale"· La région peut notamment s'attacher à <<protéger
D. - Le logement
991. - En ce qui concerne le logement (art. 6, § 1er, IV), la
région est investie d'une compétence sans réserve. << D'après les tra-
vaux préparatoires de la loi spéciale, le terme 'logement' doit être
pris dans un sens très large et couvre l'ensemble de la politique du
logement, en ce compris, dès lors, l'octroi de subventions en vue de
stimuler la construction d'habitations >> (28). Par contre, les normes
de protection contre l'incendie restent de compétence fédérale à
moins qu'elles ne visent, par exemple, la qualité des matériaux ou
les installations des habitations (29).
§ 2. -L'économie
(27) Ibidem.
(28) Doc. Parl., Sénat, 1980-1981, n" 535/1, avis, L. 13.739/2, 18 novembre 1980.
(29) Doc., C.R.W., 1982-1983, n" 60/1.
(30) R. ANDERSEN, <<Les attributions de la Région>>, in La Belgique fédérale ... , p. 255 ;
Ch. DARVILLE-FINET, <<Le commerce extérieur, les principales étapes du nouveau paysage institu-
tionnel>>, R.B.D.I., 1994, p. 164. <• Les régions sont compétentes ponr mener leur propre politique
de promotion dans le domaine du commerce extérieur, sans préjudice toutefois des initiatives
fédérales en la matière qui résulteraient soit d'une concertation avec la région, soit d'accords de
coopération» (C.E., L. 26.943/4).
836 LES FONCTIONS FÉDÉRÉES
(34) C.A., n" 6/96, 18 janvier 1996. M.-A. FLAMME, Droit administratif, t. II, Bruxelles, Bruy-
lant, 1989, n" 309bis; B. HAUBERT et P. VANDERNOOT, «La nouvelle loi de réformes institution-
nelles du 8 août 1988 », A.P.T., 1988, p. 239. Les références à la réglementation relative aux
marchés publics doivent aujourd'hui être remplacées par les nouvelles dispositions en vigueur, en
particulier la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de tra-
vaux, de fournitures et de services et l'arrêté royal du 26 septembre 1996 établissant les règles
générales d'exécution des marchés publics et des concessions de marché publics. Pour d'autres
références, voy. P. LEWALLE, «La loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à cer-
tains marchés de travaux, de fournitures et de services et les mesures d'exécution», in La nouvelle
réglementation des marchés publics, Collection scientifique de la Faculté de droit de Liège, 1997,
p. 13.
(35) C.A., n" 6f96, 18 janvier 1996.
(36) C.A., n" 55/96, 15 octobre 1996.
838 LES FONCTIONS FÉDÉRÉES
§ 3. - La politique sociale
998. - La région participe à la définition de la politique de
l'emploi (38). Certes, le législateur fédéral reste compétent pour la
sécurité sociale - ce qui comprend la réglementation du chô-
mage - . Mais la région détient, pour sa part, <<la compétence la
plus large >> pour le placement des travailleurs ou, plus exactement,
des demandeurs d'emploi - << cette appellation générique comprend
généralement les travailleurs (salariés ou même indépendants) qui
ont un emploi et qui en demandent un autre, les chômeurs indem-
nisés et non indemnisés à la recherche d'un emploi>> (39) - .
L'activité de placement <<peut être décomposée en deux séries
d'opérations; les unes sont tournées vers le travailleur que l'on aide
à trouver un emploi et les autres sont plutôt dirigées vers l'em-
ployeur auquel on rend le service de lui fournir une main d'œuvre >>
(C.E., L. 19.480/9, 12 mars 1990).
Dans cette perspective, la région peut élaborer et mettre en
œuvre des <<programmes de remise au travail des chômeurs com-
plets indemnisés ou des personnes assimilées, à l'exclusion des pro-
grammes de remise au travail dans les administrations et services de
l'autorité nationale ou placés sous sa tutelle>> (C.A., no 58/95,
12 juillet 1995). Elle veille également à <<l'occupation des travail-
leurs étrangers>> et assure <<l'application des normes>> internatio-
nales ou nationales qui régissent la matière.
La région ne saurait pour autant définir le régime des conditions
de travail, les délais de préavis ou les modalités de la recherche
d'emploi par les travailleurs <<même si ces conditions sont établies
dans le but d'aider le 'futur' travailleur et de favoriser l'em-
ploi>> (40).
(37) Ibidem.
(38) A. NAYER, <<Quelle est, juridiquement, la compétence régionale 'en ce qui concerne la
politique de J'emploi'>>, Journ. proc., 1985, p. 25.
(39) A. NAYER, op. cit., p. 27.
(40) C.E., L. 19.791/2, 10 mai 1990.
LA DÉFINITION DES COMPÉTENCES 839
§ 4. - L'équipement du territoire
A. - La politique de l'eau
999. - En ce qui concerne la politique de l'eau (art. 6, §1er), la
région se voit, pour l'essentiel, habilitée à régler la production et la
distribution d'eau. Ces compétences principielles se voient néan-
moins assorties d'exceptions importantes. Ainsi la création et la ges-
tion des grands travaux hydrauliques (barrages, bassins d'étiage,
prises d'eau dans les cours d'eau navigables, stations de traitement,
installations de dessalement) restent, pour autant que ces travaux
soient d'intérêt national - ce que précise un arrêté royal délibéré
en conseil des ministres - , de la responsabilité de l'Etat fédéral. La
région est en mesure de définir des règles sur le captage des eaux
(de surface ou souterraines), sur la gestion de sa production à partir
des barrages, sur le contrôle de l'étiage, sur le traitement des eaux
et sur leur distribution par voie de canalisations (41).
B. - La politique de l'énergie
1000. - La formule peut paraître tautologique mais elle est fon-
cièrement exacte. La politique de l'énergie est de compétence régio-
nale mais seulement pour ses <<aspects régionaux)) (42). Les autres
matières sont d'intérêt fédéral.
La loi spéciale de réformes institutionnelles (art. 6, § 1e', VII, al. 1"') en pro-
cure un certain nombre d'exemples : «a. la distribution et le transport local
d'électricité au moyen de réseaux dont la tension nominale est inférieure ou
égale à 70.000 volts, b. la distribution publique de gaz, c. l'utilisation du grisou
et du gaz de hauts fourneaux, d. les réseaux de distribution de chaleur à dis-
tance, e. la valorisation des terrils, j. les sources nouvelles d'énergie, à l'excep-
tion de celles liées à l'énergie nucléaire, g. la récupération d'énergie par les indus-
tries et autres utilisateurs, h. l'utilisation rationnelle de l'énergie>).
En instaurant le droit à la fourniture minimale d'électricité pour la consom-
mation domestique, la région inscrit, par exemple, ses compétences dans le
registre de «la distribution d'électricité au moyen de réseaux dont la tension
minimale est inférieure ou égale à 70.000 volts>) (C.A., n° 14/93, 18 février 1993).
(41) Par contre, noteR. SENELLE (La réforme de l'Etat belge, t. IV, p. 126), «la gestion des
ouvrages proprement dits (barrages, évacuateurs, appareillage hydrologique, etc.), c'est-à-dire la
surveillance, l'entretien et le contrôle technique de l'ouvrage, reste du ressort fédéral, tout
comme la conception, la réalisation et la construction de ces ouvrages, lorsqu'ils sont d'intérêt
national».
(42) B. HAUBERT, Politique énergétique et pouvoir régional, Bruxelles, Bruylant, 1987.
840 LES FONCTIONS FÉDÉRÉES
tences, 2" bis le régime juridique de la voirie terrestre et des voies hydrauliques,
quel qu'en soit le gestionnaire, à l'exclusion des voies ferrées gérées par la
Société nationale des chemins de fer belges, 3" les ports et leurs dépendances,
4" les défenses côtières, 5" les digues, 6" les services des bacs, 7" l'équipement et
l'exploitation des aéroports et des aérodromes publics, à l'exception de l'aéro-
port de Bruxelles-National (44), 8" le transport en commun urbain et vicinal, en
ce compris les services réguliers spécialisés, les services de taxis et les services
de location de voitures avec chauffeur, 9" les services de pilotage et de balisage
de et vers les ports, ainsi que les services de sauvetage et de remorquage en mer>>
(1. sp., art. 6, §le', X, al. 1"').
(43) C.E., 4 avril 1986, Ann. Dr. Liège, 1986, p. 327, note F. DEHOUSSE.
(44) Les avis L. 25.625/9, 16 décembre 1996 et L. 25.624/9, 27 janvier 1997 appliquent à tort
les dispositions de la loi spéciale de réformes institutionnelles à l'aéroport de Bruxelles-National.
LA DÉFINITION DES COMPÉTENCES 841
matières qui relèvent de la compétences des régions, sauf lorsque les missions se
rapportent à une matière qui est de la compétence de l'autorité nationale ou des
communautés; 4" les conditions et le mode suivant lesquels les organes territo-
riaux intracommunaux visés à l'article 41 de la Constituion peuvent être créés>).
(48) Dans un arrêt no 56/92 du 9 juillet 1992, la Cour d'arbitrage s'interroge sur l'autorité
compétente lorsque l'intercommunale groupe des communes situées dans plusieurs régions. Elle
refuse d'admettre la compétence résiduelle de l'Etat fédéral en ce domaine. ''La question se pose
non parce qu'une partie de la matière n'aurait pas été attribuée mais parce que l'application de
la règle se heurte à des difficultés d'ordre territorial». Dès lors que la norme s'adresse aux com-
munes, chaque région est habilitée à régler la matière pour les communes qui sont localisées sur
son territoire. «Une réglementation différenciée n'est pas à ce point impraticable qu'il faille, pour
en éviter les inconvénients, enlever aux régions une compétence que la loi spéciale leur attribue».
Et la Cour d'arbitrage de préciser que, s'il y a lieu de combler un vide juridique, il ne faut pas
nécessairement opter pour la reconnaissance d'une compétence fédérale puisque la loi spéciale
permet la conclusion d'accords de coopération entre les régions.
(49) C.A., n" ll/95, 7 février 1995.
LA DÉFINITION DES COMPÉTENCES 843
que par d'autres personnes morales de droit public dans les matières
qui relèvent de la compétence de la région. La section de législation
du Conseil d'Etat a précisé- à propos des communes- que, dans
le premier cas, il s'agissait du financement de toutes les activités qui
relèvent de l'autonomie communale et, dans le second, du finance-
ment de missions qui leurs sont imposées par la région dans les
matières qui ne sont pas d'intérêt exclusivement communal (50).
L'exercice de pareille compétence << implique tout particulière-
ment la régionalisation complète du Fonds des communes, du
Fonds d'aide au redressement des commune et du Fonds des pro-
vinces>) (51). La région peut prendre des dispositions qui ont pour
objet de <<régir les moyens octroyés par le Fonds des com-
munes>) (52).
1003. - La regwn est investie d'une compétence générale en
matière de recherche appliquée. Elle connaît de toute question qui
s'inscrit dans le sillage de ses responsabilités principales.
1004. - Le projet est actuellement formulé de procéder à la régionalisation
de deux matières supplémentaires.
La première est celle de l'agriculture. Dans les lois de réformes institution-
nelles, l'agriculture reste, pour l'essentiel, de compétence fédérale. L'Etat fédéral
est seul habilité à procurer application aux mesures européennes qui concernent
la maîtrise de la production, les solutions de remplacement pour revenus de
l'agriculture, la définition des techniques et méthodes de production agricole ...
La région est, elle compétente, pour<< l'application, dans le cadre du Fonds agri-
cole, des mesures européennes en matière de structure agricole relative à l'aide
spécifique à l'agriculture dans les régions défavorisées et au développement
rural>> ou pour <<les aides complémentaires ou supplétives aux entreprises agri-
coles>> (l. sp., art. 6, §le', V, al. le'). L'intention est de régionaliser l'ensemble
de la matière, tout en confiant à un secrétaire d'Etat fédéral la tâche de repré-
senter les régions auprès des autorités européennes.
La seconde matière est celle du commerce extérieur. La politique économique
est régionale. Le commerce extérieur fait, par contre, l'objet d'interventions
parallèles, sinon concurrentes, de l'Etat fédéral et des régions. N'appartient-il
pas aux régions de donner, ici aussi, un prolongement externe à leurs missions
dans l'ordre interne 1 Un accord de coopération conclu entre l'Etat fédéral et les
(50) Avis L. 23.107/8, 8 février 1994 sur un avant-projet de décret« houdende instelling van
een Vlaamse Noodfonds voor de gemeenten en diverse bepalingen inzake de onderlinge solidari-
teit bij hun financiering >> (Gedr. St., VI. R., zitting 1993-1994, n" 535/1), cité parR. ANDERSEN
et P. NIHOUL, «Le Conseil d'Etat- Chronique de jurisprudence 1994 >>, R.B.D.C., 1995, p. 200.
(51) B. JADOT, op. cit., p. 180.
(52) C.A., n" 12/96, cité.
844 LES FONCTIONS FÉDÉRÉES
régions devrait aussi conduire à la création d'une Agence fédérale pour le com-
merce extérieur.
A. - Un transfert effectif
1006. - Dès 1980, un transfert global de compétences s'opère
de la Région flamande vers la Communauté flamande. Les autorités
B. - Un transfert virtuel
1007. - La même formule est organisée, dans son principe, pour
le sud du pays. Un transfert global de compétences peut s'opérer de
la Région wallonne vers la Communauté française. Tel est égale-
ment le principe qu'établit l'article 137 de la Constitution : << En vue
de l'application de l'article 39, le (Parlement) de la Communauté
française ... ainsi que (son) gouvernement peuvent exercer les com-
pétences ... de la Région wallonne ... dans les conditions et selon les
modalités )) fixées par une loi spéciale.
La loi spéciale de réformes institutionnelles ne tire pas parti d'une
telle habilitation. Elle se contente de préciser, dans son article 52,
que <<le (Parlement) de la Communauté française et le (Parlement)
wallon peuvent régler leur coopération mutuelle et celle de leurs ser-
vices, tenir des assemblées communes et organiser des services com-
muns )). Il va sans dire que ces formes de coopération ne réalisent
ni en bloc, ni même pour une part, un transfert de responsabilités.
A. - Un transfert effectif
1008. - La Constitution prévoit également un transfert partiel.
Elle envisage la possibilité d'étendre les compétences de la Commu-
nauté germanophone à certaines matières régionales.
Selon l'article 139 de la Constitution, <<le Conseil de la Commu-
nauté germanophone et le (Parlement wallon) peuvent... décider
d'un commun accord que le Conseil et le gouvernement de la Com-
munauté germanophone exercent, dans la région de langue alle-
mande, en tout ou en partie, des compétences de la Région wal-
lonne)). Ils ne peuvent agir ainsi que << sur proposition de leurs gou-
vernements respectifs)). Deux décrets adoptés à la majorité ordi-
naire suffisent pour réaliser ce transfert d'attributions.
Le 22 décembre 1993, la Communauté germanophone et la
Région wallonne se sont mises d'accord pour transférer à la pre-
mière l'exercice des compétences régionales en matière de monu-
ments et de sites. Elles ont passé un accord similaire en matière
d'emploi.
B. - Un transfert distributif
1009. - A partir de 1993, un nouveau transfert - global ou
partiel - de compétences est aménagé. Il peut s'opérer à partir de
la Communauté française (56). Il se réalise concomitamment en direc-
tion de deux autres collectivités politiques : la Région wallonne et
la Commission communautaire française.
L'article 138, alinéa pr, de la Constitution instaure le principe de
ce transfert. Il permet que <<le (Parlement) et le gouvernement de
la Région wallonne, dans la région de langue française, et le groupe
linguistique français du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale
(56) L'on comprend aisément que le même transfert ne soit pas organisé de la Communauté
flamande vers la Région flamande. D'une part, un transfert global des compétences régionales
flamandes a été réalisé, depuis 1980 (n" 608). D'autre part, la Région flamande est désormais
dépourvue d'un appareil institutionnel ad hoc. La formule retenue conduit à instaurer un régime
plus asymétrique encore dans l'aménagement des collectivités fédérées.
LA DÉFINITION DES COMPÉTENCES 847
(!) Voy. 1. sp., art. 19, § 2 . «Le décret a force de loi. Tl peut abroger, compléter, modifier ou
remplacer les dispositions légales en vigueur». Ce qui signifie, dans une perspective de droit tran-
sitoire, que, dans les domaines de sa compétence, le législateur décrétai peut agir de la sorte à
l'encontre de lois fédérales existantes. Le même régime vaut pour l'ordonnance.
854 LES FONCTIONS FÉDÉRÉES
voir de prendre des décrets ayant force de loi dans le ressort et selon
le mode qu'elle établit f) - .
Toujours est-il que seule la fonction législative communautaire ou
régionale est évoquée de cette manière. Les autres tâches ne sont
qu'effleurées (2). A fortiori, les formes de collaboration fonctionnelle
sont rudimentaires. Les lois de réformes institutionnelles s'efforcent
de combler les lacunes du texte constitutionnel.
1019. - Le gouvernement fédéré participe à la fonction décré-
tale- celle-ci <<s'exerce collectivement par le (parlement) et le gou-
vernement f) (l. sp., art. 17) - . Ce qui signifie que l'initiative légis-
lative appartient aussi au gouvernement (Const., art. 132, en ce qui
concerne les communautés; l. sp., art. 18).
A l'occasion de l'élaboration d'un décret ou d'une ordonnance, le
même gouvernement dépose des amendements, prend part aux dis-
cussions parlementaires, sollicite une seconde lecture (l. sp., art. 38,
al. 2), sanctionne le décret ou l'ordonnance, en assure la promulga-
tion et la publication (l. sp., art. 21 et 22).
Le gouvernement prolonge également la fonction législative en
procurant exécution aux normes décrétales ou ordonnancielles - il
<< fait les règlements et arrêtés nécessaires pour l'exécution des
décrets f) et ordonnances (l. sp., art. 20) - . Au besoin, il agit en lieu
et place du législateur fédéré pour autant qu'il y ait été expressé-
ment habilité.
Le gouvernement règle également certaines modalités du travail
parlementaire. Il convoque le parlement en session extraordinaire (l.
sp., art. 32, § 2). Il lui revient de clore la session - ordinaire ou
extraordinaire- (l. sp., art. 32, § 3).
1020. - Agissant de manière collective, le pouvoir législatif
fédéré assure l'élaboration du décret ou de l'ordonnance. Telle est
sa mission essentielle. Il assume également d'autres tâches, telles la
confection annuelle du budget (l. sp., art. 13, §1er) ou l'approbation
des traités internationaux dans le domaine des matières communau-
taires ou régionales (Const., art. 167, § 3; l. sp., art. 16, § pr).
(2) L'article 134, alinéa 2, de la Constitution ne fait pas obstacle à l'exercice de la fonction
réglementaire. De son côté, l'article 140 précise, pour sa part, que« le Conseil et le gouvernement
de la Communauté germanophone exercent par voie d'arrêtés et de règlements toute autre com-
pétence qui leur est attribuée par la loi» fédérale.
LA RÉPARTITION DES FONCTIONS 855
§ 3. ~ La collaboration
entre autorités fédérales et fédérées
1024. ~ L'Etat fédéral peut également être partie à un accord
de coopération avec une ou plusieurs collectivités fédérées. Un tel
accord~ cela va de soi~ doit s'inscrire dans le respect des disposi-
tions de la Constitution et de celles des lois de réformes institution-
nelles. Il doit tenir compte de leurs prescriptions matérielles tout
comme de la répartition des compétences qu'elles établissent. Corn-
856 LES FONCTIONS FÉDÉRÉES
ment ne pas observer que cet accord, qui porte notamment sur le
développement d'initiatives en commun, conduit l'une et l'autre
collectivités à partager certaines de leurs compétences et certains de
leurs moyens? Comment ne pas constater aussi qu'il conduit à
transférer dans l'ordre de la fonction gouvernementale ce qui, au
départ, figurait, fût-ce au titre des compétences résiduelles, dans le
domaine des responsabilités assignées aux législateurs - fédéral et
fédérés, confondus -?
(3) R. WITMEUR, La Commission communautaire française : une copie à revoir pour un Etat
fédéral achevé?, Bruxelles, Bruylant, 1996, p. 88.
(4) S. DEPRÉ, <<A propos de la compétence décrétale de la Commission communautaire fran-
çaise>>, obs. sous C.A., n" 31/95, 4 avril 1995, J.L.M.B., 1995, p. 1277.
(5) Y. LEJEUNE, ''La réforme de l'Etat. VII. Les institutions bruxelloises>>, J. T., 1989,
p. 213.
860 LES FONCTIONS FÉDÉRÉES
(6) L. sp., 12 janvier 1989 : ''Il est créé un comité de coopération qui délibère selon la procé-
dure du consensus, des initiatives que peuvent prendre en commun l'Etat et la Région de
Bruxelles-Capitale en vue de favoriser et de promouvoir le rôle international et la fonction de
capitale de Bruxelles. Les initiatives ... peuvent être financées en tout ou en partie par le budget
de l'Etat» (art. 43). Voy. l'accord de coopération du 15 septembre 1993 entre l'Etat fédéral et
la Région bruxelloise, relatif à certaines initiatives destinées à promouvoir le rôle international
et la fonction de capitale de Bruxelles (Mon. b., 30 novembre 1993), complété par les avenants
no 1 du 29 juillet 1997 et no 2 du 29 mai 1997.
LA RÉPARTITION DES FONCTIONS 861
(7) Sur cette appellation, voy. F. DELPÉRÉE, «Quelle coopération entre les communautés et
les régions?», Rev. pol., 1989, p. 16.
CHAPITRE III
L'EXERCICE DES FONCTIONS
plement aux textes qui sont en vigueur et qui commandent l' exer-
cice de la fonction législative fédérale. L'exercice doit être accompli
avec prudence.
dans la même assemblée, les membres qui résident dans une com-
mune germanophone peuvent également s'exprimer en langue alle-
mande (l. sp., art. 53, al. 4).
Dans son article 44, la loi spéciale de réformes institutionnelles prescrit la
constitution de commissions aux fins de préparer le débat au sein du parlement;
ces commissions sont composées « suivant le système de la représentation propor-
tionnelle >), en tenant compte de l'importance respective des groupes politiques.
Dans son article 39, elle reconnaît à chaque parlement<< le droit d'amender et
de diviser les articles et amendements proposés >).
Sur la technique de la seconde lecture, voy. n° 642.
BIBLIOGRAPHIE
Outre les ouvrages généraux déjà cités, l'on prendra connaissance des travaux sui-
vants, tout en relevant que certains d'entre eux peuvent être désuets à raison des
réformes successives des lois de réformes institutionnelles:
M. BARBEAUX et M. BEUMIER, Administration, parastataux et réforme de l'Etat,
Namur, Faculté de droit, 1998; H. BRIBOSIA et J.-L. VAN BoxsTAEL, Le partage des
compétences dans la Belgique fédérale, Brugge, La Charte, 1994; F. DELPÉRÉE, <<La
santé et la réforme de l'Etat>>, lnfo-Nursing, 1997, p. 65; M. DoNY et B. BLERO, <<La
répartition des compétences en matière de politique de santé •>, CH CRISP, 1990,
n° 1300-1301; R. ERGEC, <<La réforme de l'Etat. V. Les compétences économiques>>,
J.T., 1989, p. 141; B. HAUBERT, Politique énergétique et pouvoir régional. Le cas de la
Wallonie, Bruxelles, Bruylant, 1987; Het federale België na de vierde Staatshervorming.
Een commentaar op de Nieuwe Grondwet en haar uitvoeringswetten (dir. A. ALEN et
L.P. SUETENS), Brugge, Die Keure, 1993; B. JADOT, <<La réforme de l'Etat. VI. Les
compétences régionales dans les matières autres que celles qui concernent l'écono-
mie>>, J.T., 1989, p. 178; Les compétences régionales et communautaires (dir. E. CE-
REXHE}, Namur, Faculté de droit, 1983; J.-M. VAN BoL,<< Les matières communau-
taires et régionales •>, J. T., 1981, p. 633.
LIVRE X
(2) Sur l'ensemble de la question, F. D!i:LPÉRÉE, Chroniques de crise 1977-1982, Bruxelles, Ed.
CRISP, 1983.
LA DÉFINITION DES CRISES 877
s'est dégradé, ou bien l'entente entre les membres d'une même auto-
rité s'est détériorée. Des initiatives peuvent être prises aux fins de
faire éclater la crise. Il faut mentionner à cet égard la révocation
individuelle (A) et collective (B), le renvoi individuel (C) et collectif
(D), la démission individuelle (E) et collective (F) ainsi que la disso-
lution (G).
Des données extrinsèques (§ 3) peuvent enfin être génératrices de
crises. La survenance de cas fortuits ou de circonstances de force
majeure (A), la guerre, l'insurrection (B), d'autres dangers publics
(C) perturbent à des degrés divers le fonctionnement du système
constitutionnel. Ces phénomènes échappent-ils à la maîtrise du
droit ? Le constitutionnaliste doit-il attendre le rétablissement de
l'ordre ou de la paix pour faire œuvre utile? Ici encore, le droit peut
contribuer à mieux définir les situations dans lesquelles l'organisa-
tion et le fonctionnement des pouvoirs sont supposés connaître des
altérations et des aménagements.
A. - La maladie
1054. - Une personne est investie d'une fonction publique.
Celle-ci lui a été conférée à temps ou à vie. Mais, en cours de man-
dat, sa santé se détériore. Cette situation l'oblige-t-elle à se
démettre de ses fonctions? Des formes d'intérim sont-elles conce-
vables? Un régime de suppléance est-il à organiser? La Constitution
ou la loi fédérale ne sont pas, sinon sur des points précis, attentives
à ce type de situations.
Dans la Constitution, une seule hypothèse est évoquée : l'impossi-
bilité de régner qui peut affecter le chef de l'Etat (Const., art. 93).
Qu'est-ce à dire ? Le constituant a été préoccupé de régler l'exercice
des pouvoirs au cas où le roi se trouvait dans l'impossibilité physio-
logique de régner, à raison d'une maladie grave ou d'un accès de
démence. Les travaux du Congrès national (3), comme la rédaction
du texte - il est fait appel à un tuteur en même temps qu'à un
régent - , confirment cette interprétation. Elle laisse dans l'ombre
la situation du roi qui, alors même qu'il souffrirait d'affection
(3) Les auteurs de la Constitution n'ignoraient pas la situation d'aliénation mentale du roi
GEüRGER III.
878 LES PROCÉDURES DE CRISE
(4) Le système retenu n'est-il pas trop radical? L'article 7 de la Constitution française orga-
nise l'intérim du· Président, non seulement en cas de vacance, mais aussi pour quelque cause
d'empêchement que ce soit, pourvu qu'elle ait été dûment constatée par le Conseil constitution-
nel. Sur l'institution d'une lieutenance du Royaume, voy. P. WIGNY, op. cit., n" 75.
(5) A nouveau, le droit belge peut paraître excessivement lacunaire sur ce point. La Constitu-
tion française qui ne contient aucune règle fixant les conditions d'exercice des attributions du
Premier ministre, lorsqu'il est empêché ou provisoirement absent, lui permet cependant de délé-
guer certains de ses pouvoirs à des ministres (art. 21, al. 2). La loi fondamentale de la R.F.A.
précise, pour sa part, que << le Chancelier fédéral désigne un ministre comme son suppléant >>
(art. 69). Sur ce thème, voy« L'intérim du Premier ministre», Cahiers constitutionnels, 1983, n" l,
pp. 45 s.
(6) L'article 383, § 1"", du Code judiciaire précise, de son côté, que peut être admis à la
retraite le magistrat qui est atteint d'une «infirmité grave et permanente'' qui ne lui permet plus
de remplir convenablement ses fonctions.
LA DÉFINITION DES CRISES 879
B.- Le décès
1055. - Survient le décès d'une personne investie d'une fonction
publique. Qu'advient-il de cette fonction? Privée inopinément de
son titulaire, va-t-elle rester inoccupée - momentanément ou dura-
blement-?
A nouveau, la Constitution n'aborde cette question que sous un
angle particulier, celui de la mort du roi. Elle prend soin, à cette
occasion, de distinguer trois situations différentes.
Dans un cas, le roi meurt. Il a un ou plusieurs successibles - soit
qu'ils aient été désignés par l'hérédité, soit qu'à leur défaut, ils aient
fait l'objet, moyennant l'assentiment des chambres législatives,
d'une nomination royale (no 431) -. L'héritier est en mesure de
monter sur le trône (7). Une période s'ouvre, celle de l'interrègne.
Elle désigne l'espace de temps qui sépare la mort du roi (ou son
abdication) et la prestation de serment de son successeur.
Dans un autre cas, le roi meurt. Il a plusieurs successibles. Mais
une situation particulière apparaît. Le premier en titre est mineur.
Il ne saurait prêter le serment requis. Un régent va être désigné aux
fins d'exercer la fonction royale jusqu'à l'âge de la majorité du nou-
veau roi. Une période particulière d'interrègne va donc s'ouvrir; elle
court depuis la mort du roi qui laisse un héritier mineur jusqu'au
moment de la prestation de serment du régent. Si le régent venait
lui-même à décéder, un nouvel interrègne (8) s'instaurerait avant la
prestation de serment d'un nouveau régent.
Dernier cas. Le roi meurt, mais il est sans héritier. Il n'a ni succes-
sible, ni successeur désigné (ou, ce qui revient au même, celui qu'il
a choisi n'a pas été accepté par les chambres législatives). Il y a
vacance du trône, au sens de l'article 86, alinéa 2, de la Constitu-
tion. <<La conjoncture est grave; le pays doit se mettre en quête
d'une nouvelle dynastie)> (9). Des mesures provisoires doivent être
prises. Une nouvelle période d'interrègne va s'ouvrir - entre la
mort du roi et la prestation de serment d'un régent - . Dans le
même temps, en effet, il est pourvu provisoirement à la désignation
d'une personne qui assurera la suppléance du roi. Il conviendra
(7) <<A défaut de descendance masculine>) de LÉOPOLD l''', à défaut aussi de nomination par
le roi d'un successeur ou à défaut de l'assentiment des Chambres à pareille désignation, <<le trône
sera vacant», précise l'article 86 de la Constitution.
(8) Contra : P. WIGNY, op. cit., p. 587.
(9) P. WIGNY, op. cit., p. 588.
880 LES PROCÉDURES DE CRISE
(10) Le décès du secrétaire d'Etat F. TERWAGNE, le 15 juillet 1971, n'affecte pas la composi-
tion pantaire du cabinet; celui du ministre A. ÜLEFFE, le 18 août 1975, pose, au contraire, la
question d'une correcte application de l'article 99 de la Constitution.
(Il) Sur les règles particulières à l'élection d'un nouveau sénateur communautaire ou coopté,
voy. C. El., art. 218 à 221.
( 12) Encore convient-il que la procédure de choix soit achevée.
LA DÉFINITION DES CRISES 881
(13) Celui-ci doit-il être contresigné par un ministre? La réponse parait négative. Ne faut il
pas considérer que seuls les actes du roi investi régulièrement de sa fonction appellent contre-
seing?
(14) Sur les conditions dans lesquelles est passé l'acte d'abdication du 16 juin 1951 par lequel
LROPOLD III «met fin à son règne et renonce définitivement aux pouvoirs constitutionnels qu'il
détient en vertu de l'article (85) de la Constitution •>, voy. Pasin., 1951, p. 803. Sur ce thème,
adde : J. DUVIEUSART, La question royale. Crise et dénouement, juin-juillet août 1950, Bruxelles,
Ed. CRISP, 1975.
( 15) Un sort particulier est fait à la démission du Premier ministre. En principe, elle résulte
de données politiques plus que de données individuelles (n" 1072). Elle entraîne la démission de
tous les membres du gouvernement (Chroniques de crise ... , p. 16).
(16) Il peut aussi écrire au Premier ministre en lui demandant de présenter sa démission au
roi. Le procédé qui revient à téléphoner au Palais pour faire part de la démission d'un ministre
peut paraître inélégant; en outre, il ne répond pas aux impératifs de clarté et de sécurité juridi-
que.
(17) En ne prêtant pas le serment qui lui permettrait d'entrer en fonction, le ministre nouvel-
lement désigné est virtuellement démissionnaire (voy. Chroniques de crise ... , pp. 38 s.).
882 LES PROCÉDURES DE CRISE
(24) Au cours de la première guerre mondiale, ALBERT r•·•· refuse, le 26 juillet 1915, <• la démis·
sion offerte pour motifs de santé par M. DA VIGNON, ... ministre des Affaires étrangères »; par la
même occasion~ un congé lui est accordé et l'intérim de ses fonctions est organisé.
884 LES PROCÉDURES DE CRISE
(25) F. DELPÉRÉE et F. JoNGEN, «La législature>>, Cahiers constitutionnels, 1984, n°' 3-4.
Adde : M. LEROY, <<La date des élections législatives ordinaires>>, J.T., 1984, p. 541.
L'A DÉFINITION DES CRISES 885
(26) F. D~LPÉRÉE et D. DELAHAUT, «Le remplacement d'un parlementaire •>, Cahiers constitu·
tionnels, 1985, ll 3.
0
886 LES PROCÉDURES DE CRISE
(27) En effet, selon l'art. 61, al. !''',de la loi spéciale,<< nul ne peut être à la fois membre d'un
Exécutif et membre du gouvernement national >>.
LA DÉFINITION DES CRISES 887
A. - La révocation individuelle
1066. - L'article 96 de la Constitution permet au roi, non seule-
ment de nommer, mais aussi de révoquer ses ministres.
Dans la terminologie du droit public, la révocation désigne la
mesure par laquelle une autorité publique met fin discrétionnaire-
ment et définitivement aux fonctions qu'elle a conférées par le pro-
cédé de la nomination à une personne qui dépend directement d'elle.
L'expression peut recevoir deux acceptions différentes. Dans un
cas, la révocation est conçue comme une sanction disciplinaire - la
plus grave de toutes - , celle qui tend à réprimer l'infraction du
même ordre qu'un ministre commet dans ou hors l'exercice de ses
fonctions. Un manquement caractérisé aux règles de la solidarité
gouvernementale justifie, par exemple, qu'un ministre soit rappelé
à l'ordre, voire - en cas d'infraction grave - révoqué. Dans un
autre cas, la révocation est conçue comme une mesure de pure
administration. Elle entraîne la destitution sans faute du ministre
qui, alors même qu'il n'est plus d'accord avec la politique arrêtée
par le gouvernement, refuse de se retirer. Elle apparaît comme le
procédé qui permet de rétablir l'unité de conception et d'action au
sein d'une équipe ministérielle que pourrait paralyser le mauvais
vouloir de l'un de ses membres (28).
Si la révocation qui intervient est une mesure disciplinaire, elle
est prise dans le respect des règles qui assortissent l'exercice de la
répression disciplinaire; le ministre concerné doit connaître les faits
qui lui sont reprochés et être entendu dans ses moyens de défense.
Si la révocation est une mesure d'administration, elle gagne à n'être
prise qu'après que le Premier ministre a tenté une dernière
démarche pour convaincre le << rebelle ~> et qu'il lui a fait connaître
son intention de proposer au roi la signature d'un arrêté qui le
décharge de ses fonctions (29).
(28) <<En utilisant de manière correcte cette procédure (celle de la révocation). le gouverne-
ment est en mesure d'écarter de ses rangs ceux qui se sont clairement désolidarisés de son action ·~
(Chroniques de crise ... , p. 83).
(29) Ibid., p. 84.
888 LES PROCÉDURES DE CRISE
(30) J. GoL, ''Naissance et mort des gouvernements belges au XIX'' siècle», Ann. Dr. Lg.,
1966, p. 513.
(31) B. WALEFFE, op. cit., p. 92.
(32) Sur les démissions sollicitées et obtenues par LÉOPOLD TI et par ALBERT re•, voy. Chroni-
ques de crise ... , p. 21 <<Soit un ensemble de démissions -- sollicitées, provoquées, forcées
certes- mais des démissions qui permettent toujours d'assurer que la démission donnée (en 1871
et en 1884), voire même offerte (en 1911) par tel ou tel ministre a simplement été acceptée par
lui)).
(33) Le gouverneur de province peut, dans les mêmes conditions, prendre une mesure identi-
que à l'encontre d'un échevin.
LA DÉFINITION DES CRISES 889
B. - La révocation collective
1069. - Faut-il reconnaître au roi la faculté de provoquer le
renvoi du ministère, étant entendu que celui-ci aurait à se plier aux
injonctions qui lui seraient adressées?
La Chambre des représentants peut contraindre le gouvernement
à démissionner. Le roi peut-il faire de même? Ou, pour poser la
question en d'autres termes : le roi nomme ses ministres; il désigne
ceux qui bénéficient de sa confiance (no 439); peut-il se séparer
d'eux lorsqu'il n'approuve plus la politique qu'ils mènent?
L'article 96 de la Constitution ne confère-t-il au roi qu'un droit de
révocation individuelle ou lui assure-t-il par surcroît un droit de ren-
voi collectif?
Il ne fait pas de doute que les deux premiers rois comprirent leurs
prérogatives dans le sens le plus large de l'expression. Sans pronon-
cer de manière expresse la révocation du ministère, ils provoquent
la démission des gouvernements DE DECKER en octobre 1857,
n'ANETHAN en décembre 1871 et WoESTE en novembre 1884. Le roi
ALBERT pr fit de même en juin 1911 avec le cabinet SCHOLLAERT.
Mais ne s'agit-il pas là de réminiscences du parlementarisme orléa-
niste?
Une lettre du roi ALBERT pr au Premier ministre JASPAR est sou-
vent citée dans ce contexte : << A défaut d'une manifestation non
équivoque d'un manque de confiance des Chambres, qui m'aurait
tracé clairement mon devoir constitutionnel, l'acceptation de votre
démission n'aurait pu avoir d'autre raison qu'un refus de confiance
de ma part. Et je n'ai pas besoin de vous dire que vous avez gardé
toute ma confiance)) (14 novembre 1930) (34).
(34) Cette lettre appelle, semble-t-il, un triple commentaire. Tl convient d'abord de rappeler
l.'hypothèse. En 1930, le roi est saisi d'une offre de démission du cabinet. L'initiative ne vient pas
de lui. Le chef de l'Etat ne se demande pas s'il peut provoquer le retrait du gouvernement, mais
s'il y a des raisons d'accepter la démission qui lui est proposée. On n'est pas sûr que le raisonne-
ment soit identique dans d'autres circonstances. Il faut aussi indiquer la solution. En 1930, le roi
tire argument des relations de confiance qui doivent exister entre ses ministres et lui pour refuser
la démission du gouvernement. On n'est pas sûr qu'un raisonnement a contrario puisse être tenu
pour imposer la solution inverse. Il faut peut-être aussi se souvenir des circonstances de l'espèce.
En 1930, pour éviter une crise politique préjudiciable, le roi fait un bref rappel des justifications
d'un refus de démission. On n'est pas sûr que la liste de ces événements soit complète (n" 1120);
890 LES PROCÉDURES DE CRISE
dix ans plus tard, le roi refusera, pour des circonstances tenant à la situation internationale, la
démission du gouvernement PIERLOT III.
LA DÉFINITION DES CRISES 891
C. - Le renvoi individuel
1071. - Un ministre fédéral peut être révoqué. Il peut aussi
être renvoyé - ou renversé, selon la terminologie usuelle en la
matière (35) - . Le renvoi n'émane pas de l'autorité qui nomme, mais
de celle qui contrôle. Il est implicitement visé par l'article 101 de la
Constitution selon lequel les << ministres sont responsables ~> de l'ac-
tion gouvernementale dans ses différents secteurs.
Le renvoi entraîne la démission obligée. Celle-ci ne laisse aux
autorités qui relèvent du pouvoir exécutif- le roi et chacun de ses
ministres - aucune marge d'initiative. La Chambre met en cause,
d'une manière ou d'une autre (n° 951), l'action d'un membre du
gouvernement. Un vote intervient. Le ministre désavoué dans de
telles conditions ne peut rester au pouvoir. Telle est la logique du
régime parlementaire : il doit remettre sa démission au rm.
1072. - Depuis la première guerre mondiale, on ne connaît
guère de crise politique qui ait débuté de la sorte. La raison en est
simple : la responsabilité individuelle du ministre se fond dans la
responsabilité collective du gouvernement. Est-ce à dire que les
(35) On dira peut-être qu'en l'espèce, la démission relève moins de données individuelles que
de données politiques. L'observation n'est pas entièrement exacte. Le 5 novembre 1962, le
ministre des Travaux publics J.-J. MERLOT démissionne de sa charge ministérielle pour protester
contre l'attitude prise par la majorité dans la discussion des lois linguistiques. Son retrait n'en-
traîne cependant pas le départ de ses collègues socialistes wallons. Le même jour, il est remplacé
par G. BoHY.
892 LES PROCÉDURES DE CRISE
(36) Une situation exceptionnelle se produit, en juillet 1921, lorsque le ministre THEUNIS pose
personnellement la question de confiance à propos de la discussion d'un projet portant création
de nouvelles réformes fiscales («Si la Chambre ... refusait de voter l'impôt, ... il ne me serait pas
possible d'assumer plus longtemps la responsabilité de diriger les finances de l'Etat ''• cité par
C.J. HüJER, op. cit., p. 117, note 9); le Premier ministre CARTON DE WlART considère, pour sa
part, que seul le vote sur l'ensemble du projet est« une question de vie ou de mort pour le cabi-
net» (ibid.).
(37) Faut-il interpréter autrement la démission de P. VAN ZEELAND, le 25 octobre 1937? L'af-
faire parait d'autant plus caractéristique qu'en l'espèce, c'était moins la fonction de chef de gou-
vernement que la personne du Premier ministre qui était visée. Le gouvernement JANSON qui lui
succède est, selon la formule de C.J. HilJER, <<un gouvernement VAN ZEELAND sans M. VAN ZEE-
LAND» (op. cit., p. 272).
(38) Le 13 juillet 1937, le Premier ministre P. VAN ZEELAND déclare à la presse : ''J'ai estimé
que dans les conditions générales où se présentait cette démission (celle de M. DE LAVELEYE), il
convenait d'y joindre la mienne ... J'ai demandé à Sa Majesté de pouvoir lui offrir la démission
collective du cabinet. Le roi, devant la décision absolue de M. DE LAVELEYE, a bien voulu accep-
ter cette démission. Mais il a estimé qu'il était contre-indiqué d'ouvrir une crise ministérielle dans
les circonstances présentes. Il m'a donc prié de ne pas insister» (cité par C.J. HôJER, op. cit.,
p. 264, note 3).
LA DÉFINITION DES CRISES 893
D. - Le renvoi collectif
1074. - De son propre mouvement, et sans qu'une autre autorité
publique ne puisse faire obstacle à sa volonté autonome, une assemblée
est-elle en droit de renvoyer le ministère fédéral? Le roi ne peut-il, dans
ces conditions, qu'accepter la démission de ceux qui sont contraints de
se retirer (39)?
C'est une réponse nuancée qu'il convient d'apporter à cette ques-
tion.
D'une part, la Constitution aménage le principe de la responsabi-
lité politique des ministres fédéraux devant la Chambre des repré-
sentants. Elle ne manque pas de faire référence aux modes de
(39) Dans son principe, la règle constitutionnelle est sous-estimée, en période de crise, par
ceux qui souhaiteraient voir se maintenir en place le gouvernement au pouvoir.
894 LES PROCÉDURES DE CRISE
(40) Comme le relève J. LEBEAU, à la tribune du Congrès national, «le ministère ... ne peut
survivre qu'à la condition d'administrer selon le vœu de la majorité de la Chambre, c'est-à-dire
selon le vœu du pays qu'elle est censée représenter>> (E. HUYTTENS, op. cit., t. I, p. 208, cité par
B. WALEFFE, op. cit., p. 13). Adviendrait-il que ce cabinet ne réponde plus, d'une manière ou
d'une autre, aux vœux de l'assemblée, il doit se retirer.
LA DÉFINITION DES CRISES 895
(43) P. WIGNY, op. cit., p. 531; «Droit constitutionnel, Démission du ministre. Lettre du roi
du 14 novembre 1930 », Rev. Adm., 1930, p. 5.
(44) Dans l'entre-deux-guerres, voy. la démission des gouvernements THEUNIS, le 14 juin
1923, V ANDE VYVF:RF:, le 22 mai 1925 et DE BROQUEVILLE, les 15 février 1933 et 6 juin 1934. A
ce propos, C.J. HôJF:R observe que les votes du 6 juin étaient <<en grande partie un prétexte que
M. DE BROQUEVILLE saisit pour procéder au remaniement de son équipe» (op. cit., p. 221). L'ob-
servation est sans doute exacte du point de vue de l'analyse politique. Le problème juridique se
pose autrement : le Premier ministre ne pouvait rester en fonction après avoir essuyé ce vote
négatif.
(45) Le 17 juillet 1945, le gouvernement VAN AcKER 1 avait déposé un projet destiné à procu-
rer exécution à l'article (93) de la Constitution et à préciser les modalités de l'exercice des pou-
voirs en cas d'impossibilité de régner. Ce projet fut adopté à la Chambre par 99 voix contre 6
et 32 abstentions et au Sénat par 78 voix contre 58 et 5 abstentions.
LA DÉFINITION DES CRISES 897
(48) F. DELPÉRÉE, ''Avec mon boulier compteur •>, Journal des procès, 24 décembre 1987, p. 4.
Dans le même sens, C.J. HOJER, op. cit., p. 339. «En régime parlementaire, le gouvernement
démissionne, soit parce qu'il est mis en minorité au Parlement dans un vote à l'occasion duquel
la confiance a été posée ou sous-entendue, soit à cause d'un échec électoral qui transforme l'an-
cienne opposition en majorité». Voy., par exemple, les élections du 5 avril 1925 qui marquent
un échec notoire du gouvernement THEUNIS; celles du 13 décembre 1988 qui expriment un désa-
veu à la reconduction pure et simple du gouvernement MARTENS VII.
(49) Voy. le communiqué du palais du 18 décembre 1978, cité in Chroniques de crise ... , p. 52.
(50) Chroniques de crise ... , p. 35.
(51) Dans un sens différent, B. WALEFFE, op. cit., pp. 120 et 131. Dans le même sens,
C.J. HOJER, op. cit., pp. 187 et 271, qui montre que la tradition n'est pas aussi bien établie qu'il
ne paraît à première vue; ainsi, à l'issue des élections du 26 mai 1929, le gouvernement JASPAR Il
fit savoir qu'il restait au pouvoir et qu'il n'était donc pas dans ses intentions de démissionner.
En 1932, le gouvernement DE BROQUEVILLE ne démissionne pas non plus au lendemain des élec-
tions du 27 novembre, il ne le fait que le 13 décembre. Un cabinet légèrement remanié est désigné
le 17 décembre.
LA DÉFINITION DES CRISES 899
E. - La démission individuelle
1079. - La démission est à distinguer du renvoi. Comme lui,
elle emporte sortie de charge du titulaire de la fonction ministérielle.
A sa différence, elle se réalise sinon à la demande, du moins à l'initia-
tive de la personne qui s'apprête à quitter la charge qui lui a été
confiée. Outre les cas de démission spontanée (no 1059), il y a lieu
de relever deux hypothèses distinctes : la démission sollicitée et la
démission d'office.
1080. - Au niveau fédéral, la démission sollicitée intervient à
l'invitation du Premier ministre (52).
Elle peut prendre la forme d'une démission-sanction. Un échec
politique caractérisé conduit le ministre qui n'a pu mener sa politi-
que à bonne fin à se retirer. Le gouvernement fédéral fait sa propre
police. Tenant compte des critiques qui ont été émises dans les
rangs de la majorité et des controverses rapportées par la presse, il
se sépare d'un collègue dont l'échec peut compromettre sa crédibi-
lité, voire sa stabilité. Ainsi, le 18 octobre 1986, le ministre de l'In-
térieur Ch.-F. NoTHOMB quitte le gouvernement pour n'avoir pu
mener à bien l'opération qui consistait à faire nommer un bourg-
mestre à Fourons, en dehors du conseil communal (53).
La démission sollicitée peut prendre aussi la forme d'une démis-
sion-désaccord. L'attitude prise par un ministre, les propos qu'il a
tenus, les projets qu'il a formés peuvent être révélateurs d'une
atteinte aux règles de la déontologie ministérielle ou de la solidarité
gouvernementale. Dans ce cas, il revient au Premier ministre de
demander des explications à l'un de ses collègues. Si le désaccord
(52) Sur la démission collective sollicitée par le roi, voy. n" 1083.
(53) Voy. égal. la démission du ministre de l'Education nationale André DAMSEAUX, le 9 mars
1987.
900 LES PROCÉDURES DE CRISE
F. - La démission collective
1083. - Les causes de démission collective du gouvernement
fédéral sont nombreuses. Les circonstances de crise sont diverses. Il
est permis de recenser ici quelques cas de figure.
1. Le gouvernement est renvoyé par la Chambre des représentants
(no 1074); il démissionne.
2. Le gouvernement constate, à l'occasion d'élections législatives,
qu'il a perdu son assise parlementaire (n° 1077); il en tire les mêmes
conséquences.
3. Un nouveau roi est appelé à monter sur le trône. Une pratique
constitutionnelle veut qu'après la prestation de serment du roi (54)
(ou du régent), le gouvernement en place présente sa démission. Le
nouveau chef de l'Etat la refuse aussitôt. Il s'agit plus d'un geste
de courtoisie que de l'accomplissement d'une réelle obligation juridi-
que.
4. Dans la même perspective, on admet qu'au lendemain d'événe-
ments exceptionnels - tels ceux qui résultent d'une guerre qui sous-
trait le gouvernement au contrôle politique des chambres - , le
cabinet se retire (voy. la démission de M. CooREMAN, le
17 novembre 1918 et celle de M. PIERLOT, le 26 septembre 1944). A
ce moment, il n'y a ni conflit entre les ministres, ni méfiance des
chambres vis-à-vis du gouvernement : les ministres jugent simple-
ment << qu'il convenait qu'un gouvernement qui avait joui de pou-
voirs si exceptionnels démissionnât à la veille du jour où le régime
parlementaire allait reprendre son fonctionnement normal>> (55).
5. La démission d'un gouvernement résulte le plus souvent d'une
mésentente grave au sein de l'équipe au pouvoir, soit d'un phéno-
mène de dislocation et de désagrégation de la majorité. Le gouver-
nement, miné de l'intérieur, s'effondre. Souvent, il n'a même plus la
force de se présenter devant la Chambre, ni la cohésion suffisante
(54) Le 16 juillet 1951, le roi BAUDOUIN prête serment. Le gouvernement PHOLIRN présente
aussitôt sa démission. Le roi la refuse sans délai (sur les conséquences du changement de titulaire
du pouvoir exécutif entre 1944 et 1950, voy. B. WALEFFE, op. cit., pp. 96 s.).
(55) Cité par C.H. H6JER, op. cit., p. 84.
902 LES PROCÉDURES DE CRISE
(56) Comment ne pas observer que le schéma constitutionnel - qui veut que le gouvernement
et chacun de ses membres n'engagent leur responsabilité que devant la Chambre et ne se retirent
que lorsqu'ils perdent sa confiance - est aujourd'hui largement battu en brèche?
LA DÉFINITION DES CRISES 903
(57) «Un gouvernement qui ne se sent plus soutenu disparaît '· écrit avec à-propos P. WIGNY
(op. cit., p. 370).
(58) Selon E. VANDERVELDE, la démission du gouvernement JARPAR, le 21 novembre 1927,
procède d'un • divorce par consentement mutuel" (cité par C.J. HôJER, op. cit., p. 178).
(59) <<En un sens, on peut dire que la démission des ministres (du gouvernement THEUNIS,
le 6 juin 1923) était un coup monté contre les partis gouvernementaux>> (C.J. HôJER, op. cit.,
p. 137).
(60) C'est ainsi qu'un gouvernement homogène EYSKENS remet, le 4 novembre 1958, sa
démission au roi pour composer un gouvernement élargi.
(61) Voy. la composition du gouvernement PIERLOT, le 3 septembre 1939.
904 LES PROCÉDURES DE CRISE
peut encore accepter la démission qui lui a été offerte. Ceci se fait
en deux étapes.
Dans un premier moment, le roi procède à une acceptation offi-
cieuse et provisoire de la démission collective. Un communiqué du
palais en garde la trace. Il témoigne de l'unité de vues du chef de
l'Etat et de son gouvernement sur l'interprétation à donner aux
événements politiques et indique la suite qu'il conviendra normale-
ment de leur réserver. L'acceptation officieuse marque le début pré-
cis de la crise ministérielle (63). Dès cet instant, le gouvernement est
démissionnaire (no 1144).
Dans un deuxième moment, soit au terme de la crise, le roi pro-
cède à une acceptation officielle et définitive de la démission collec-
tive. Un arrêté royal concrétise cette opération. Il intervient conco-
mitamment avec un autre arrêté royal qui procède à la désignation
de la nouvelle équipe ministérielle. Il marque le moment où les
ministres en place sont désinvestis de leur charge. A ce moment, le
gouvernement est démis de ses fonctions.
Le roi peut encore accepter officieusement l'offre de démission
collective, puis la refuser. Au terme de la crise, une solution peut
paraître s'imposer : la reconduction pure et simple de l'équipe au
pouvoir.
1085. - Reste à préciser la procédure selon laquelle cette opéra-
tion peut se réaliser. Deux hypothèses peuvent être dégagées de
manière abstraite.
Dans l'une, les ministres qui ont demandé à être déchargés de
leurs fonctions retirent leur démission : moyennant << l'agrément du
roi f>, précise un collège de juristes réuni en février 1974, ils repren-
nent l'exercice normal et complet de leurs fonctions (64). Dans
l'autre hypothèse, le roi revient sur une première décision et refuse
la démission qu'il avait au préalable acceptée de manière officieuse;
il invite alors ses ministres à assumer les prérogatives normales de
leur charge (65). Retrait et refus ... Dans la pratique, les deux hypo-
thèses tendent à se confondre. Mais, en tout cas, le concours du roi
(63) Cette acceptation, dit-on, est officieuse. Ce n'est pas à dire qu'elle soit sans incidences
juridiques. Dès cet instant, le gouvernement n'est plus habilité à expédier que les affaires cou-
rantes. Encore faut-il, pour ce faire, que l'offre de démission ait fait l'objet d'une première accep-
tation par le roi (Chroniques de crise .... p. 53) (no 1143).
(64) Chroniques de crise ... , p. 195.
(65) C'est ainsi qu'au terme de la crise de 1977, le roi refuse la démission que lui avait présen-
tée le Premier ministre L. TINDEMANS et qu'il avait officieusement acceptée.
906 LES PROCÉDURES DE CRISE
G. - La dissolution
1088. - La dissolution s'entend de la mesure qui procède au ren-
voi collectif des membres d'une assemblée, qui met fin à leurs activités
et qui entraîne le renouvellement, avant l'échéance normale (66), de l'as-
semblée concernée.
La dissolution se distingue de la démission, puisqu'elle n'inter-
vient pas à l'initiative de l'autorité dont les fonctions prennent fin.
Une assemblée ne se dissout pas elle-même. Comme l'indiquent clai-
rement les articles 65 et 70 de la Constitution, les membres des
chambres sont élus <~pour quatre ans>> et les assemblées sont renou-
velées <~ tous les quatre ans >>. S'il est permis à la loi fédérale de pré-
ciser comment pareil délai sera calculé, il ne lui revient pas d' autori-
ser une assemblée à déterminer quand elle entend mettre fin à ses
activités (67).
La dissolution se différencie aussi de la révocation, puisqu'elle
n'est pas l'œuvre de l'autorité qui <~ désigne >> les titulaires d'une
fonction publique.
Elle s'apparente plus au renvoi. Elle émane, comme lui, d'une
autorité distincte de celle qui a conféré l'investiture. En ce sens, elle
apparaît même, dans la théorie des checks and balances, comme le
contrepoids de la mesure de renvoi. <~On a l'habitude, écrit P. WI-
GNY, de dire que celle-ci (la dissolution) établit l'équilibre entre le
pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Le premier accorde ou
refuse la confiance; le second peut dissoudre les chambres récalci-
trantes>> (68).
Des différences techniques subsistent néanmoins. Le renvoi peut
n'affecter qu'une personne. La dissolution, elle, produit nécessaire-
ment des effets collectifs. Le renvoi fait, pour l'essentiel, œuvre
négative. La dissolution, pour sa part, produit des effets destruc-
teurs mais, en même temps, déclenche la mise en œuvre de procé-
dures qui visent à constituer de nouvelles assemblées.
1089. - Quelles sont les causes de la dissolution des Chambres
législatives ?
(66) Il est incorrect de parler de dissolution des chambres lorsqu'au terme normal de la légis-
lature, celles-ci sont renouvelées intégralement.
(67) Comp. M. SEIGNEUR, <<L'Assemblée nationale peut-elle faire varier la durée de son man-
dat?>>, Droit et Economie, 1987, n" 55, p. 19.
(68) P. WIGNY, op. cil., p. 236.
908 LES PROCÉDURES DE CRISE
(69) Cette hypothèse n'est pas inscrite dans le texte de l'article 46 de la Constitution mais a
été évoquée, à plusieurs reprises, par le Premier ministre DEHAEN,~.
(70) Selon A. MAST (op. cit., p. 136), les dissolutions prononcées par LÉOPOLD r·· les 28 avril
1833, 4 septembre 1851 et 16 juillet 1864 reposent sur ces principes. Sur les circonstances de ces
dissolutions, voy. ,J. VELU, La dissolution du Parlement, Bruxelles, Bruylant, 1966, pp. 135 s.
LA DÉFINITION DES CRISES 909
Encore n'y a-t-il pas lieu de célébrer outre mesure les mérites des
procédures de dissolution. Si l'on tient compte du fait que le pou-
voir exécutif fédéral est un et que les ministres sont l'émanation
d'une majorité parlementaire de coalition, on comprend aisément
que la dissolution a aussi pour objet de vérifier ou de rétablir la
cohésion de la majorité parlementaire et gouvernementale, ainsi que
sa représentativité. La dissolution des chambres devient de cette
manière une technique pour résoudre les conflits nés au sein de la
majorité.
ques alors que, dans la réalité, c'est plutôt une dissolution faculta-
tive qui eût pu s'imposer (71).
1092. - Le roi a <~le droit>> limité de dissoudre les chambres.
N'a-t-il pas aussi, en certaines circonstances, <~le devoir>> de dis-
soudre les chambres? Existe-t-il un droit éventuel de ne pas dis-
soudre les chambres?
Le droit de dissoudre les chambres n'est pas absolu. Il ne traduit
pas une prérogative discrétionnaire du chef de l'Etat. Il s'agit d'une
attribution fonctionnelle. Le roi peut dissoudre, mais c'est aux fins
de contribuer au fonctionnement harmonieux des institutions publi-
ques. Il ne saurait utiliser cette prérogative pour obtenir de<~ bonnes
chambres>>, celles qui correspondraient à ses préoccupations person-
nelles (72). Il ne saurait céder aux sollicitations d'un gouvernement
qui l'inviterait à multiplier les dissolutions jusqu'à obtenir <~une
majorité parlementaire résignée et docile>>. <~Les textes ne l'interdi-
sent pas >>, concède Pierre WIGNY qui souligne, cependant, que cette
pratique relèverait d'un <~véritable abus de droit>> (73). Les disposi-
tions de l'article 46 de la Constitution limitent considérablement le
danger qui pourrait s'attacher à de telles pratiques.
Le devoir de dissoudre les chambres n'est pas non plus inscrit dans
les textes. On admettra pourtant qu'un gouvernement ne peut res-
ter indifférent à l'attitude de la Chambre qui, de manière systémati-
que, refuserait la confiance à quelque coalition que ce soit. Il peut
être tenté de passer outre à cette forme de paralysie. Peut-il utiliser
à cet effet les prérogatives que l'article 46 de la Constitution confère
au roi pour vaincre cette obstruction? Ici encore, le cas est destiné
à demeurer exceptionnel. Mais, dès lors qu'il est impossible de
constituer un ministère assuré d'une stabilité suffisante, la dissolu-
tion peut s'avérer<~ nécessaire>> pour assurer l'équilibre des pouvoirs,
(71) Les dissolutions des 22 octobre 1919, 12 mars 1954,29 avril 1958, 16 avrill965, 1"' mars
1968, 14 novembre 1978, 5 octobre 1981 et 8 novembre 1987 sont organisées en exécution de l'ar-
ticle 131 de la Constitution.
(72) En ce sens, la dissolution royale- l'expression est particulièrement équivoque, puisque
l'acte de dissolution émane du roi- ou dissolution forcée (sur ce thème, Ph. LAUVAUX, «Le droit
de dissolution>>, A.P. T., 1979-1980, p. 246) ne se concilie pas avec les données actuelles du régime
parlementaire.
(73) P. WIGNY, op. cit., p. 613.
LA DÉFINITION DES CRISES 911
(74) W.J. GANSHOF VAN DER MEERSCH, <<Rapports entre le chef de l'Etat et le gouverne-
ment<>, Rev. dr. comparé, 1950, p. 197. A. EsMEIN (op. cit., p. 564) écrit, dans le même sens, que
le droit de dissolution <<peut fournir le moyen de mettre fin à l'impuissance inévitable d'une
Chambre ... dans laquelle la majorité nécessaire pour produire et soutenir le cabinet ne se serait
pas formée, ou ne se serait pas maintenue ».
(75) W.J. GANSHOF VAN DER MEERSCH,« Préface» de J. VELU, La dissolution du Parlement,
p. XII. Comp. J. VELU, op. cit., p. 80 : <<On peut reconnaître à la Couronne le droit en matière
(de dissolution) de ne pas se conformer à l'avis des ministres et en même temps de ne pas sous-
estimer les risques que l'exercice d'un tel droit comporte<>. Adde : In., p. 82 : ''Les ministres en
fonction n'entendent pas s'incliner. Dans ce cas, le roi ne peut maintenir son refus (de dissoudre)
que s'il a la certitude d'obtenir le concours d'une personnalité disposée à succéder aux ministres
en fonction et à assumer la responsabilité de l'acte de refus<>. Mais pourquoi les ministres en fonc-
tion se retireraient-ils ?
912 LES PROCÉDURES DE CRISE
(76) L'arrêté du 29 avril 1950 fournit l'exemple d'une dissolution prononcée sans que le
conseil des ministres n'en ait au préalable délibéré (B. WALEFFE, op. cit., p. 125). En 1950, le for-
mateur conseille au régent de procéder à la dissolution des chambres et le Premier ministre
contresigne la mesure «En conséquence du rapport de M. VAN ZEELAND, le Prince régent a
refusé la démission du gouvernement de M. EYSKENS et chargé le Premier ministre de prendre
les mesures nécessaires pour assurer la dissolution immédiate du Parlement. M. EYSKENS a
accompli cette mission» (A. Rgt du 29 avril 1950, Mon. b. du 30 avril).
(77) <<Un gouvernement qui contresigne un arrêté de dissolution n'est pas tenu d'offrir sa
démission. Aucune des dissolutions antérieures à 1919, ni la plupart de celles qui eurent lieu
depuis lors, ne furent accompagnées de la démission du gouvernement» (Avis d'un collège de
juristes, le Il mars 1977, in Chroniques de crise ... , p. 198).
(78) «Un gouvernement démissionnaire peut proposer au roi de dissoudre les chambres. De
telles dissolutions eurent lieu en 1939 et en 1950; dans le second de ces cas, le régent refusa
d'abord la démission du gouvernement» (Avis d'un collège de juristes en janvier 1974, cité in
Chroniques de crise ... , p. 196).
<< La dissolution peut être proposée et contresignée même par un gouvernement qui a perdu
la confiance des chambres, qui n'est plus certain de l'avoir ou qui ne s'est pas encore présenté
devant elles. C'est ainsi que les dissolutions de 1857 de 1870 et de 1932 furent l'œuvre de gouver-
nements qui ne s'étaient pas présentés devant les chambres. Dans le premier cas, il s'agissait d'un
gouvernement qui· ne pouvait présumer avoir l'appui d'une majorité à la Chambre des représen-
tants. Dans le deuxième. cet appui était incertain. Dans le troisième cas, le gouvernement pou-
vait présumer disposer d'une majorité. De même, la dissolution de la Chambre des représentants
en 1833 et celle du Sénat en 1851 eurent lieu, l'une et l'autre, après que le gouvernement eût
été mis en minorité par la chambre dont il s'agissait •• (Avis d'un collège de juristes, le 11 mars
1977, ibid., p. 198).
(79) <<Il va de soi que jamais un ministre ne prendra cette responsabilité s'il n'est d'accord
avec la majorité parlementaire», écrit P. WIGNY (op. cit., p. 614). Mais il est vrai aussi qu'une
fois dissoutes, les assemblées ne sont pas en mesure de contester le bien-fondé de pareille inter-
vention.
(80) Dans cette perspective, on dira que l'arrêté de dissolution est typiquement un acte d'af-
faires courantes (n" 1152).
(81) Sur la computation de ce délai, voy. <<Une crise en trois temps», J.T., 1986, p. 122.
LA DÉFINITION DES CRISES 913
(84) Cette hypothèse est destinée à demeurer exceptionnelle puisque comme on l'a souligné
les chambres ne procèdent plus à un renvoi formel du ministère. Mieux encore, dans les seuls cas
cités après guerre (n" 1076), la crise se résout sans recours aux procédures de dissolution.
(85) P. WIGNY, op. cit., ibid.
(86) Les dissolutions qui interviennent les 22 octobre 1921, 6 mars 1925, 28 octobre 1932,
6 mars 1939, 9 janvier 1946, 19 mai 1949, 29 avril 1950, 29 septembre 1971, 30 janvier 1974 et
9 mars 1977 s'inscrivent notamment dans cette perspective. Voy. aussi n" 1090, note 70.
(87) P. EltRERA, Traité de droit public belge. Droit constitutionnel et administratif, Paris, Giard
et Brière, § 110.
(88) P. WIGNY, op. cit., p. 613.
(89) Contra : A. MAST. op. cit., p. 137.
LA DÉFINITION DES CRISES 915
(90) Dès que la dissolution est intervenue, les membres de l'assemblée perdent leurs qualité
et avantages; ils redeviennent de simples particuliers. L'article 239 du Code électoral, qui dispose
que le mandat des membres des chambres expire <<normalement>> à la date fixée pour la réunion
ordinaire des collèges électoraux appelés à pourvoir à leur remplacement, ne peut être appliqué
en la circonstance.
(91) Une exception est aménagée par l'article 90 de la Constitution. Si le roi vient à décéder
alors que les chambres sont dissoutes, elles «ressuscitent» dans l'attente de leur remplacement
et reçoivent notamment le serment du nouveau roi.
(92) A l'inverse, il y a évidemment des cas de «démission sans dissolution» le gouvernement
voit réformer sa composition à la suite de démissions individuelles; il peut aussi être remplacé
en bloc par une autre équipe ministérielle.
(93) A. EsMEIN, op. cit., p. 118.
(94) A. EsMEIN, op. cit., ibid. et p. 559.
(95) <<Stratégies de crise'' ... , p. 533 : ''Lorsque le peuple a parlé, fût-ce en plusieurs langues
et en termes compliqués, il n'appartient pas à une autorité publique d'en ignorer le message,
moins encore d'en contester la légitimité en provoquant un retour aux urnes».
916 LES PROCÉDURES DE CRISE
1101. - Un conseil communal ne peut être dissous. Ni par une autorité com-
munale, ni régionale, ni fédérale : tel est le signe de son autonomie organique.
<<La réunion ordinaire des électeurs à l'effet de procéder au renouvellement des
conseils communaux a lieu de plein droit tous les six ans, le deuxième dimanche
d'octobre>) (L. él. corn., art. 79, al. l ec); des élections extraordinaires peuvent
avoir lieu, mais c'est uniquement à l'effet de pourvoir aux places devenues
vacantes et aux places nouvellement créées (art. 7, al. 2).
(96) Sur la pratique de l'ajournement en France : <<Le but poursuivi est facile à saisir. Un
conflit a éclaté entre le gouvernement et le parlement; en suspendant la session, le président (de
la République) peut espérer ramener le calme dans l'esprit des représentants qui, nécessairement,
se mettront, dans l'intervalle, en rapport avec leurs électeurs. On peut se demander s'il n'y a pas
là une illusion et si l'ajournement, comme l'indiquait M. LABOULAYE, ne se présenterait pas tou-
jours comme le préambule d'une dissolution de la Chambre des députés. C'est ainsi qu'il s'est pré-
senté en fait la seule fois qu'il en ait été fait usage, au mois de mai 1877 » (A. ESMEIN, op. cil.,
p. 552).
LA DÉFINITION DES CRISES 917
(97) Sur ce thème, voy. G. CAMLJH, L'état de nécessité en démocratie, Paris, L.G.D.J., 1965;
R. EIWEC, <<L'état de nécessité en droit constitutionnel belge>>, in Le nouveau droit constitut·ionnel,
Bruxelles, Bruylant et Louvain-la-Neuve, Academia, 1987, p. 149.
918 LES PROCÉDURES DE CRISE
moins pour partie (n" 1054). Il faut aller plus loin. Il y a d'autres
cas d'impossibilité d'agir. Il y a aussi des périls plus vastes, liés à
la guerre et à ses développements. Il faut encore tenir compte des
dangers graves qui peuvent assaillir une nation et compromettre ses
intérêts vitaux. Sur tous ces terrains, le droit public construit à pas
mesurés une doctrine.
1103. - Une hypothèse est envisagée par la Constitution.
Qu'advient-il << si le roi se trouve dans l'impossibilité de régner ... >>?
L'article 82 de la Constitution a été compris, pendant plus d'un
siècle, comme signifiant que le chef de l'Etat ne peut, s'il est grave-
ment atteint par la maladie, exercer les pouvoirs qui lui reviennent
(n" 1054). Au lendemain de la première guerre mondiale, où
ALBERT 1er s'est engagé personnellement et avec succès dans la
conduite de l'armée, Maurice VAUTHIER ne peut s'empêcher de
poser cette question. Comment l'Etat aurait-il été gouverné si, à
l'occasion de ces opérations militaires, le roi eût été fait prisonnier?
La doctrine répond. Le chef de l'Etat aurait été mis momentané-
ment dans l'impossibilité de remplir la fonction que la Constitution
lui assigne. Devant cette impossibilité << matérielle >> de régner, il eût
été logique d'appliquer << par analogie >> les procédures prescrites à
l'article 93 de la Constitution et d'organiser en conséquence la sup-
pléance (98).
Ce qui n'était qu'hypothèse d'école en 1919 se trouva établi en
1940. Voyez l'arrêté du 28 mai 1940 : <<Au nom du peuple belge, vu
l'article (93) de la Constitution, considérant que le roi est sous le
pouvoir de l'envahisseur, les ministres réunis en conseil, constatent
que le roi se trouve dans l'impossibilité de régner>> (Mon. b. des 18
au 30 mai 1940) (99).
(98) M. VAUTHIER. obs. sous Cass., 11 février 1919, Rev. Adm., 1919, p. 201. Adde : Cass.,
30 décembre 1918, Pas., 1919, p. 47. <<La captivité du roi, écrit Marcel VAUTHIER (Rev. Adm.,
1943-1944, p. 204), mettait une entrave matérielle à l'exercice des prérogatives de la Couronne,
au moins aussi grave que l'incapacité intellectuelle >>.
(99) L'application de l'art. 93 n'a pu cependant être littérale : l'impossibilité de régner est
constatée par les ministres, et non par des experts; la désignation d'un régent est différée jus-
qu'au 20 septembre 1944; la nomination d'un tuteur n'est évidemment pas envisagée; la réunion
des chambres ne peut avoir lieu ..
LA DÉFINITION DES CRISES 919
B. - La guerre et l'insurrection
1104. - Comme l'écrit A. BuTTGENBACH, la Constitution belge
est <<une Constitution de temps de paix>> (101).
Non qu'elle ignore l'agression ou la guerre, voire même les périls
internes (voy. l'art. 196 de la Constitution). Mais, d'une certaine
manière, elle entend en exorciser les effets les plus néfastes, en pro-
clamant que << la Constitution ne peut être suspendue en tout, ni en
(lOO) La Constitution laisse dans l'ombre un ensemble de situations dans lesquelles le titulaire
de l'autorité publique peut être empêché de remplir effectivement ses fonctions. Un ministre
retenu à l'étranger ne peut participer au conseil des ministres du vendredi, un parlementaire vic-
time d'un accident de la route ne peut rejoindre à temps le palais de laN ation pour prendre part
au vote, un magistrat ne peut, pour des raisons de force majeure, tenir audience ou concourir
à un délibéré ... Ce faisant, la Constitution reste aussi en défaut de préciser toutes les consé-
quences juridiques qui s'attachent à ces situations imprévues.
(101) A. BUTTGENBACH, i< L'extension des pouvoirs de l'exécutif en temps de guerre et la révi-
sion de la Constitution belge», B.J., 1935, col. 393 (cité par R. ERGEC, op. cit., p. 145).
920 LES PROCÉDURES DE CRISE
(102) Une interprétation littérale de la Constitution permettra peut-être de soutenir que J'ar-
ticle 187 fait obstacle à ce qu'une autorité belge entreprenne de décider la suspension de la
Constitution, mais n'entend pas exclure que la Constitution se trouve. pour des circonstances
indépendantes de la volonté même des autorités, suspendue de facto.
(103) R. ERGEC relève que, dès l'indépendance, Je gouvernement belge s'est trouvé confronté
à l'état de guerre. <<En 1831, après avoir dénoncé J'armistice, les Hollandais envahirent le jeune
Etat. LÉOPOLD I'' demanda et obtint de la France l'intervention de son armée pour repousser
l'ennemi hors du territoire national. Le roi ne pouvait se prévaloir d'aucun acte du pouvoir légis-
latif autorisant une telle intervention conformément à l'article (185) de la Constitution. Le
Congrès national qui exerçait Je pouvoir législatif n'était pas assemblé et le temps manquait pour
le réunir. Entre deux valeurs en conflit, Je respect des prescriptions constitutionnelles et la sauve-
garde de l'Etat, le roi opta pour la seconde. Dans une adresse ultérieure au roi, la Chambre des
représentants approuva implicitement cette brèche nécessaire au prescrit constitutionnel» (op.
cit., p. 146).
LA DÉFINITION DES CRISES 921
(104) Sur ce thème, voy. W.J. GANRHOF VAN DER MEERSCH et M. DIDERICH, ''Les états d'ex-
ception et la Constitution belge •>, Ann. dr. sc. pol., 1953, pp. 49 s.
922 LES PROCÉDURES DE CRISE
<< Y a-t-il une commune mesure entre, d'une part, des crises localisées dans le
temps et l'espace, pour lesquelles il est possible de définir de manière précise les
risques encourus ainsi que les remèdes envisageables et, d'autre part, la pertur-
bation de la chaîne alimentaire - 'de la fourche à la fourchette', comme disent
certains- qui, par définition, s'étale dans le temps, ne connaît pas de frontières
dans l'espace, touche tant les circuits de production que les filières de distribu-
tion et même les habitudes de consommation, ce qui appelle éviaemment des
réponses multiples s'inscrivant dans le court, le moyen et le long terme 1 >> («La
gestion de la crise par le gouvernement ... >>, cité).
(106) "La première garantie, écrit J. LAMARQUE, c'est qne ce n'est pas un seul homme qui
décide discrétionnairement du caractère anormal de la situation et soit investi des pouvoirs de
crise>>(<< La théorie de l'état de nécessité et l'article 16 de la Constitution de 1958 >>, R.D.P., 1961,
p. 595).
924 LES PROCÉDURES DE CRISE
(107) Voy., par ex., Chroniques de crise ... , p. ll4 : 'Lorsque le chef de l'Etat s'estime suffi-
samment informé de l'état de la situation et du rapport des forces politiques, lorsqu'il entend que
la crise connaisse un rapide dénouement, il procède à la désignation immédiate d'un formateur >>.
928 LES PROCÉDURES DE CRISE
(108) Sur le rôle du négociateur, voy. «Stratégies de crise», J.T., 1988, p ..530.
(109) L'autorité gouvernementale est contestée; quelles fonctions va-t-elle remplir en atten-
dant d'être remplacée? Les chambres sont dissoutes; qu'en est-il, en attendant la réunion des
nouvelles chambres, de la fonction de délibération ou de contrôle?
930 LES PROCÉDURES DE CRISE
(llO) J. DABIN, Doctrine générale de l'Etat. Eléments de philosophie politique, Bruxelles, Bruy-
lant et Paris, Sirey, 1939, p. 150.
(111) Le principe d'obéissance à la Constitution et aux lois du peuple belge est rappelé, pour
les autorités constituées, par l'article 91 de la Constitution. Il vaut a fortiori pour les individus.
Sur <• la fidélité que les citoyens doivent à l'Etat et aux institutions du peuple belge>>, voy. égale-
ment l'art. 135bis du Code pénal.
LA DÉFINITION DES CRISES 931
(ll2) Voy. aussi l'art. 124, al. 1''', du Code pénal : <<L'attentat dont le but sera d'exciter la
guerre civile, en armant ou en portant les citoyens ou habitants à s'armer les uns contre les
autres, sera puni de la détention extraordinaire>>. Adde : C. Pén., art. 104.
932 LES PROCÉDURES DE CRISE
l'on sait que les mêmes formations politiques sont présentes au gou-
vernement et dans les chambres législatives, il faut admettre, cepen-
dant, qu'un usage abusif des techniques de crise et qu'un prolonge-
ment excessif de leur durée peuvent conduire à un singulier gauchis-
sement des règles constitutionnelles. Celles-ci ne sont plus utilisées
pour résoudre des tensions nées entre les pouvoirs publics. Elles
peuvent contribuer à ébranler la confiance des citoyens dans la
capacité du système constitutionnel de réduire le nombre des crises,
d'en discipliner le cours et d'en contrôler les effets. Selon l' expres-
sion consacrée, le régime de crises endémiques génère la crise de
régime.
BIBLIOGRAPHIE
(113) Voy. C. Pén., art. 113 s. sur les crimes et délits contre la sûreté extérieure de l'Etat, et
spécialement l'art. 135bis qui s'attache à réprimer « une activité ou une propagande de nature à
porter atteinte à l'intégrité, à la souveraineté ou à l'indépendance du royaume».
LA DÉFINITION DES CRISES 933
(l) Ces tentatives sont vaines là où la Constitution et la loi ont dicté des solutions toutes
faites ou la marche à suivre pour sortir rapidement de la crise.
LE DÉROULEMENT DE LA CRISE 935
(2) Comme le souligne B. WALEFFE (op. cit., p. 141), <<formellement, le refus de la démission
d'un gouvernement dans son intégralité ne fait l'objet d'aucun acte officiel, en dehors d'un com-
muniqué du palais. Malgré l'absence de contreseing écrit, le Premier ministre doit assumer la res-
ponsabilité de cet acte politique du Souverain ».
LE DÉROULEMENT DE LA CRISE 937
B. - Le refus de la démission
d'autres autorités publiques
1123. - L'autorité désignée par le procédé de l'hérédité, soit le
roi, peut démissionner. Il abdique. Conçoit-on qu'une autre autorité
C. -D'autres refus
A. - La démission différée
1125. - A l'ouverture de la crise, un ou plusieurs ministres,
voire l'ensemble des membres du gouvernement, présentent leur
démission au roi. Au lieu de l'accepter aussitôt, celui-ci tient sa déci-
sion en suspens. Un communiqué du palais fait connaître cette
façon de voir. A quoi bon ce délai de réflexion supplémentaire?
Lorsque le roi n'apporte pas immédiatement réponse au gouverne-
ment qui lui présente sa démission, son attitude peut avoir au mini-
mum trois significations.
Dans une première hypothèse, le roi réserve sa réponse pour
exprimer un doute. La crise est-elle réelle, est-elle si profonde qu'on
le dit, une mauvaise humeur passagère ne pourra-t-elle être dissipée
moyennant des éclaircissements circonstanciés sur un point ou sur
un autre? Bref, la situation justifie-t-elle l'ouverture d'une crise?
Une seconde hypothèse est mentionnée. Le roi tient sa décision en
suspens, parce qu'il considère, selon l'expression du langage cou-
rant, que la situation est << grave mais pas désespérée >>. Le temps
qu'il se réserve pour la réflexion et pour la consultation est aussi
celui qu'il offre aux partenaires de la coalition gouvernementale
pour engager, de manière formelle ou informelle, des conversations,
voire des négociations approfondies. A eux de profiter de ces quel-
ques journées supplémentaires pour concevoir les solutions qu'ils
n'ont pas été à même d'élaborer durant les dernières semaines.
Peut-être même l'imminence de la crise incitera-t-elle certains à la
modération et à la conciliation (4)?
Une troisième hypothèse ne peut être négligée. Le roi reçoit la
démission de son gouvernement. Il sait que cette offre ne pourra
être refusée. Mais, pour ne pas instaurer de vacance inutile du pou-
voir gouvernemental, il se préoccupe de précéder l'événement. Il se
donne quelques jours pour recueillir tous avis utiles et pour prépa-
rer la sortie de la crise. De cette manière, s'il doit accepter la démis-
sion du gouvernement en place, il aura à portée de main la solution
(4) Dans cette perspective, le délai de réflexion annonce un refus de l'offre de démission. Les
statistiques sont claires à ce sujet. Depuis 1945. quatre offres de démission ont été tenues en sus-
pens par le roi (le 19 mars 1960, le 8 février 1968, le 16 juillet 1985 et le 14 octobre 1986). Chaque
fois, le roi a refusé que le gouvernement se retire.
940 LES PROCÉDURES DE CRISE
B. ~ Les consultations
1126. ~ Une crise ministérielle est sur le point de s'ouvrir.
N'est-il pas temps pour le roi d'ouvrir une procédure de consulta-
tion? Il ne s'agit pas pour lui de recueillir, comme à l'occasion de
la formation d'un gouvernement, les premiers avis des milieux poli-
tiques concernés. Mais il lui revient d'apprécier l'ampleur de la crise
qui pourrait s'ouvrir et de contribuer, si possible, avec les moyens
qui sont les siens, à consolider le gouvernement en place. De brèves
consultations permettent de faire le point.
Deux démarches distinctes peuvent ici être engagées.
Le roi peut recevoir une à une (selon la technique du <<confession-
nal ~>) des personnalités du monde politique, économique et social,
en particulier le Premier ministre, les vice-premiers ministres, les
présidents d'assemblée ... Il recueille leur sentiment, leur fait part de
ses préoccupations, juge des possibilités de préserver la stabilité
gouvernementale.
Le roi peut aussi réunir ceux qui, à son point de vue, représentent
au plus haut niveau << les pouvoirs de droit et les pouvoirs de
fait~> (5). L'audience du 31 mars 1981 s'inscrit notamment dans
cette perspective. L'initiative prise à ce moment par le chef de
l'Exécutif est originale à plus d'un titre. D'une part, le roi agit alors
que la crise n'est encore que virtuellement ouverte et à un instant
où la démission du gouvernement n'a pas encore été officieusement
acceptée. Une solution à la crise est esquissée : maintenir en place
la coalition existante et, en cas d'échec de cette tentative, chercher
sans délai une formule de rechange.
D'autre part, le roi donne à sa démarche une solennité et une
publicité particulières. Alors que les consultations sont marquées
d'ordinaire du sceau de la confidentialité (6), l'audience que le roi
accorde à ses interlocuteurs fait l'objet d'une large publicité; la
(5) Le roi reçoit ainsi les présidents des chambres législatives, le Premier ministre, les prési-
dents de dix formations politiques, les représentants d'organisations d'employeurs et de travail-
leurs, les présidents du conseil supérieur des classes moyennes et du conseil national de l' agricul-
ture. Voy. Chroniques de crise ... , p. 130.
(6) A. MoLITOR indique combien la mise en œuvre de pareille procédure de consultation col-
lective peut s'avérer délicate. Elle est susceptible d'affecter la règle de stricte confidentialité qui
commande les rapports du roi avec ceux quïl consulte (op. cit., p. 38).
LE DÉROULEMENT DE LA CRISE 941
(7) • Je ne vous demande pas, précise le roi à ses interlocuteurs, de réagir immédiatement sur
ce que je vous dis, mais d'y réfléchir, avec la conscience aiguë du fait que, quelles que soient les
divergences de conception et d'intérêts, le malheur nous rend plus que jamais fondamentalement
solidaires. Prenons tous nos responsabilités >).
(8) Certains y ont vu une manifestation éclatante des phénomènes de particratie. Mieux vaut
inscrire le phénomène dans l'ordre de ceux qui marquent le début de toute crise politique. C'est
un fait : les partis politiques et leurs présidents sont appelés, à l'heure actuelle, à jouer un rôle
essentiel dans l'évolution et dans le dénouement des crises. Face à une crise imminente qu'ouvre
la démission du gouvernement, conçoit-on qu'ils restent silencieux et inactifs?
942 LES PROCÉDURES DE CRISE
C. -D'autres avis
(9) Il ne sert à rien, à ce moment, de prolonger les délibérations. Les ministres divisés, hier,
sur les options ou sur les méthodes de l'action gouvernementale risquent de poursuivre, aujour-
d'hui, leurs querelles de procédure en évaluant différemment les opportunités d'une démission.
Pour leur part, les partis politiques auxquels ils appartiennent pressentent des élections immi-
nentes; ils cherchent à profiter de l'opération de démission pour asseoir leur position et pour choi-
sir ce qu'il est convenu d'appeler «un point de chute rentable». Voy. Chroniques de crise ... ,
p. 152.
LE DÉROULEMENT DE LA CRISE 943
A. - Un gouvernement de législature
1130. - L'attention se porte, par priorité, sur les crises endémi-
ques qui affectent l'existence du gouvernement et qui compromet-
tent la poursuite d'une gestion efficace des affaires publiques. Des
techniques particulières ne pourraient-elles remédier à cet état de
choses, restaurer la stabilité gouvernementale et assurer la pleine
efficacité de l'action des autorités exécutives? Des suggestions (12)
sont avancées pour instaurer le gouvernement de législature.
Il faut, disent les uns, modaliser le droit de la Chambre de ren-
voyer le ministère. Cette faculté ne saurait être utilisée à la sau-
vette. Le renvoi ne pourra être prononcé qu'à la suite du dépôt
d'une motion expresse de censure. Eventuellement, celle-ci devra,
pour être adoptée, recueillir un quorum particulier de suffrages
exprimés (ou, variante, une majorité qualifiée des membres de l'as-
semblée). Un délai de réflexion sera laissé aux parlementaires afin
d'éviter un <<vote d'humeur>>. Peut-être même un second vote,
confirmant le premier, sera-t-il requis pour signifier au ministère le
renvoi collectif dont il est l'objet.
Il faut, ajoutent d'autres, modaliser le droit du gouvernement de
démissionner. Il ne peut se retirer quand il veut et comme il veut.
Il faut préciser les conditions de fond auxquelles doit répondre
l'offre de la démission. Il convient aussi d'indiquer les conditions de
forme qu'elle doit respecter pour être valable. On souhaite, par
exemple, que le conseil des ministres puisse, à chaque crise, délibé-
rer du point de savoir s'il convient, et dans quel délai, de remettre
au roi la démission du gouvernement; ou l'on exprime le vœu
qu'une communication aux chambres officialise le souhait exprimé
par les ministres de se retirer.
Il faut, précisent encore d'autres, amender le pouvoir du roi de
nommer les ministres et d'accepter leur démission. Il faut associer
les chambres ou l'une d'elles à l'opération de composition du gou-
vernement. Il faut donc corriger la prérogative qu'a la Chambre
B. - Un parlement de législature
1131. - D'autres préoccupations sont souvent exprimées dans
le débat politique. Ne convient-il pas d'instaurer un parlement de
législature ( 15)?
L'expression surprend à plus d'un titre. La notion même de parle-
ment n'est pas reçue en droit public belge; celui-ci tend à privilégier
l'autonomie organique et fonctionnelle de chacune des chambres-
d'où l'idée que les assemblées peuvent être dissoutes, soit simultané-
ment, soit séparément - . La notion de législature renvoie par ail-
(16) Il s'agit, note Ph. LAUVAUX, d'instaurer<< une quasi-intangibilité des mandats parlemen-
taires'' (op. cit., p. 176).
(17) Doc. parl., Sénat, lOO (S.E. 1979), n" 68.
LE DÉROULEMENT DE LA CRISE 947
C. - Un gouvernement et un parlement
de législature
1132. - L'une et l'autre suggestions peuvent aussi être rete-
nues. Pourquoi ne pas instaurer un régime où, en même temps, le
gouvernement et les assemblées seraient assurés de la stabilité, à
concurrence de quatre ans ?
A la limite, le ministère ne peut être renvoyé en cours de légis-
lature; les chambres ne peuvent être d~ssoutes moins de quatre ans
après des élections législatives; la démission du gouvernement n'est
guère envisageable, puisque c'est la même majorité parlementaire
qui doit lui apporter son appui. Bref, tout est figé pendant quatre
ans. Mais retenir l'une et l'autre propositions et leur conférer cette
portée absolue aboutit à modifier fondamentalement les données du
système constitutionnel. Un régime d'assemblée se substitue au
régime parlementaire.
De manière plus restreinte, on peut s'efforcer de ménager l'inter-
vention obligatoire d'interlocuteurs d'ordinaire absents en début de
crise : les chambres législatives, le conseil des ministres, le conseil de
gouvernement ... L'opération peut contribuer à officialiser la crise.
Elle ne saurait pour autant l'exorciser. On devine, par ailleurs, la
difficulté de l'entreprise. Le gouvernement et les partis politiques de
la majorité vont-ils étaler au grand jour leurs divisions? Vont-ils
plutôt tirer profit du débat public pour ouvrir la campagne électo-
rale? La propagande ne va-t-elle pas prendre le pas sur l'explica-
tion?
1133. - Il convient de rappeler ici que la formule du gouverne-
ment et du parlement de législature est de règle au niveau commu-
nal et provincial, et ce pour une période de six ans. Elle est appli-
quée de manière nuancée dans les communautés et les régions. Les
parlements ne peuvent être dissous par les gouvernements respec-
tifs. Ceux-ci ne peuvent être renversés que dans les conditions pres-
crites par l'article 71 de la loi spéciale de réformes institutionnelles
(n° 1078).
A. - L'interrègne
1135. - L'interrègne dure dix jours maximum : il va de la mort
du roi à la prestation de serment de son successeur (18). Dès que
s'ouvre l'interrègne, tel que l'organise l'article 90 de la Constitution,
il appartient au conseil des ministres d'exercer << au nom du peuple
belge ~> les fonctions qui sont dévolues au roi. Dans cette perspec-
tive, l'application de la règle du contreseing ministériel se trouve
paralysée. Puisqu'il revient à un collège d'agir en lieu et place du
roi, les ministres ne sauraient être rendus responsables des actes
accomplis par ce dernier; en l'occurrence, il agissent collégialement
sous leur responsabilité propre.
Encore convient-il que, durant ce qu'Henri PIRENNE appelait à
juste titre << l'entracte républicain ~>, les contrôles politiques puissent
s'exercer sans entraves. Or, la session parlementaire a peut-être été
close antérieurement; des mesures d'ajournement ou de dissolution
sont au besoin intervenues. Chacune des chambres est appelée
immédiatement à se réunir sans convocation; la réunion a lieu au
plus tard le dixième jour après le décès du roi.
A supposer que les chambres aient été dissoutes avant le décès et que les nou-
velles assemblées soient convoquées, selon les modalités de l'article 46 de la
Constitution, pour une date postérieure au dixième jour, les anciennes chambres
ressuscitent; elles reprennent leurs fonctions normales, elles recueillent le ser-
ment du nouveau roi et poursuivent l'ensemble de leurs activités jusqu'à la réu-
nion des chambres renouvelées à la date fixée par le roi défunt.
(18) En 1940, note A. MAsT (op. cit., n" 239), une application par analogie a été procurée à
l'article 90 de la Constitution : les ministres réunis en conseil exercèrent les fonctions dévolues
au roi, dès l'instant où LÉOPOLD III se trouva prisonnier de l'ennemi (28 mai 1940) et jusqu'au
moment où le prince CHARLES prêta le serment constitutionnel (20 septembre 1944). Voy. aussi
Cass., Il décembre 1944, Pas., 1945, 1, p. 65. Plus précisément, il y eut, en l'espèce, application
combinée des articles 90 et 93 de la Constitution.
950 LES PROCÉDURES DE CRISE
B. - La régence
1136. - On sait que la régence s'ouvre dès que se présente un
des cas prévus par la Constitution : la minorité du roi (art. 92), la
vacance du trône (art. 95) et l'impossibilité de régner (art. 93). Des
scénarios différents s'organisent en fonction de ces trois hypothèses.
Si, à la mort du roi, son successeur est mineur, il convient de don-
ner au nouveau roi un tuteur (qui assurera, selon les dispositions du
Code civil, la conduite de sa personne et de ses biens). Il importe
aussi de désigner un régent (qui sera investi des tâches constitution-
nelles qui reviennent au roi). Les chambres réunies en congrès pour-
voient à ces désignations. Elles sont appelées à le faire dans un délai
de 10 jours, à dater de la mort du roi.
Si, à la mort du roi, le trône est vacant, il y a lieu de reconstituer
une dynastie. Mais, pour cela, et compte tenu des difficultés, voire
des lenteurs inhérentes à cette entreprise, il y a lieu de pourvoir
préalablement et provisoirement à la régence. Les chambres délibé-
rant en commun procèdent à cette désignation. Ce n'est qu'après
avoir organisé de cette manière la suppléance de l'institution royale
que les chambres sont dissoutes de plein droit et intégralement
renouvelées aux fins de pourvoir définitivement à la vacance.
Si le roi se trouve dans l'impossibilité de régner, la situation se
rapproche de celle du roi mineur. Il doit être procédé tout à la fois
à la désignation d'un tuteur et d'un régent. Mais une difficulté se
présente ici. L'impossibilité de régner, à la différence de la minorité,
requiert des appréciations scientifiques. Qui va les solliciter? Qui va
les donner? C'est le conseil des ministres qui est désigné pour les
requérir. Un expert ou un collège d'experts est désigné et amené à
se prononcer sur l'impossibilité de régner. Si le rapport conclut en
ce sens, le conseil des ministres << convoque >> immédiatement les
chambres et les invite à tirer les conséquences institutionnelles de la
nouvelle situation. Le Congrès pourvoit à la régence.
1137. - Quelles que soient les circonstances dans lesquelles il a
été désigné, le régent dispose d'un statut dont la Constitution défi-
nit sommairement les grandes lignes (19).
(20) La Belgique a connu trois situations de régence. Le 27 février 1831, le baron SuRLET DE
CHOKIER - membre du Congrès national - est désigné comme régent, en attendant le choix
d'une dynastie. Il exerce ses fonctions jusqu'à l'installation sur le trône de LÉOPOLD l"". Le
20 septembre 1944, le prince CHARLES - frère du Roi - est chargé des mêmes fonctions; il les
exerce jusqu'au 20 juillet 1950, moment où les chambres réunies constatent que l'impossibilité
de régner qui affectait LÉOPOLD III a pris fin. Le 20 août 1950, le prince BAUDOUIN, fils du roi
et héritier de la couronne, est chargé, avec le titre de " prince royal >>, des mêmes attributions.
(21) P. WIGNY, op. cit., p. 589.
952 LES PROCÉDURES DE CRISE
(22) Dans une lettre adressée au Prince régent, le 14 juillet 1945, LÉOPOLD III écrit : «J'ai
constaté que, pour des raisons politiques, il ne m'était pas possible de régner pour le moment
parce que je ne pouvais constituer un gouvernement qui aurait eu la majorité des Chambres. »
(23) Il faut regretter que cette loi de circonstance, dont il est vain de discuter la constitution-
nalité, puisqu'elle se rapportait à une situation qui échappait aux prescriptions de la Constitu-
tion, ait été édictée dans la forme d'une loi permanente qui s'applique à tous les cas d'impossibi-
lité de régner (maladie, démence, disparition ... ). Voy égal. M. VAUTHIER, «Comment déterminer
la fin de l'impossibilité de régner?>>, R.A .. 1945, p. 177.
LE DÉROULEMENT DE LA CRISE 953
(24) P. W!GNY, op. cit., p. 16l. Voy. également la circulaire du Premier ministre du
28 novembre 1985 : ''Le ministre qui est amené à délaisser momentanément la direction de son
département pour quelque motif que ce soit ~ mission à l'étranger, vacances, maladie ~ doit
veiller à ce que son remplacement soit assuré par un collègue de son choix, dont le nom me sera
communiqué en temps voulu ... C'est seulement si l'absence devait se prolonger qu'il pourrait y
avoir remplacement proprement dit et, dans ce cas, moyennant désignation par arrêté royal. "
(25) L'idée de la suppléance parlementaire ne s'est pas imposée d'emblée. Avant la révision
constitutionnelle de 1893, et le vote de la loi du 29 décembre 1899 instaurant la représentation
proportionnelle, lorsqu'un parlementaire venait à perdre son mandat~ qu'il décède, qu'il démis-
'sionne, qu'il fasse l'objet d'une déchéance ou encore qu'il appartienne désormais à l'autre assem-
blée ~, il y avait lieu de procéder à élection partielle pour pourvoir à son remplacement. L'insti-
tution de la suppléance voit le jour avec l'art. 5 de la loi du 29 décembre 1899, qui offre la possi-
bilité de déposer deux listes distinctes de candidats : celle des effectifs et celle des suppléants.
Le système de la double liste sera vraisemblablement supprimé, les premières candidats non élus
faisant office de suppléants.
(26) Contrairement à une idée reçue, le titulaire d'un mandat parlementaire n'a pas un sup-
pléant qui lui serait propre. C'est la liste qui bénéficie de parlementaires suppléants.
954 LES PROCÉDURES DE CRISE
(30) Dans une perspective proprement juridique, on se demandera aussi si ces règles peuvent
faire l'objet de contrôles juridictionnels, et lesquels.
· (31) Pour éviter les confusions de vocabulaire, il convient sans doute d'éviter de parler en
l'occurrence d'un gouvernement démissionnaire. Mieux vaut évoquer la situation d'un <1 gouver-
nement en voie de démission >>.
(32) Chroniques de crise ... , pp. 53 et 100.
(33) Dans l'hypothèse où la démission du gouvernement est refusée, il appartient aux
chambres de vérifier si la procédure mise en mouvement par le gouvernement n'a pas été un sub-
terfuge imaginé pour mettre, pendant quelques jours, l'exécutif à l'abri des contrôles politiques
(«Stratégies de crise» ... , p. 526).
956 LES PROCÉDURES DE CRISE
(34) Sur !"ensemble de la question, voy H. CoREMANS, « Het regeringsontslag en zijn staats-
rechtelijke en administratiefrechtelijke gevolgen », R. W., 1967-1968, col. 2193 s.; G. CRAENEN,
<<De positie van een demissionair ka binet in België >>, T.B.P., 1977, p. 105; F. DELPÉRÉE, «Quel-
ques aspects constitutionnels d'une crise politique», Ann. Fac. Dr. Lg., 1974, n" spécial, pp. 31
s.; A. MASCARENHAS GoMES MoNTEIRO, « Réflexions sur les compétences d'un gouvernement
démissionnaire •>, A.P. T., 1976-1977, p. 233; du même auteur, <<L'expédition des affaires cou-
rantes>>, Res Publica, 1978, p. 433; A. MAST, << Regeringsontslag, lopende zaken en ministeriële
verantwoordelijkheid naar Belgisch recht», in Politiek, parlement en demokratie (Opstellen voor
Prof DUYNSTEE), 1975, p. 147; H. VAN IMPE, «De jongste regeringscrisis in staatsrechtelijk
opzicht », T.B.P., 1968, p. 82; J. SALMON,<< A propos des affaires courantes: état de la question»,
J.T., 1978, p. 661.
(35) Comme !"indique, en 1974, un collège de juristes, «en !"absence de gouvernement ayant
le plein exercice de ses pouvoirs, les membres du Parlement ne peuvent déposer utilement une
proposition de déclaration de révision, ni discuter pareille proposition ou projet : la déclaration
est, en effet, un acte du 'pouvoir législatif' tout entier auquel doivent pouvoir collaborer ses trois
branches (Const., art. 195, al. 1"' et 36) » (Chroniques de crise ... , p. 195).
LE DÉROULEMENT DE LA CRISE 957
les parlementaires. Rien n'empêche non plus de réunir des groupes de travail
officieux, constitués selon les règles de la représentation proportionnelle, pour
entendre un exposé du gouvernement sur une question déterminée et pour lui
consacrer un premier examen (37).
(38) Voy. Chroniques de crise ... , p. 48 :<<La Constitution aurait-elle engendré ce curieux sys-
tème parlementaire où, à intervalles plus ou moins réguliers, les deux chambres pourraient, pour
deux mois, être mises sur la touche et où le gouvernement et son administration pourraient, pour
le même laps de temps, agir à leur guise sans avoir à se soucier de quelque forme de contrôle
politique? Ce régime de responsabilité à éclipses n'est pas le nôtre. >>
(39) Voy. ''Une crise en trois temps>>, J. T., 1986, p. 183 et les références citées.
(40) Sur ce thème, voy. également A. MASCARENHAS GoMES MONTEIRO, op. cit., p. 233;
J. SALMON, op. cit., pp. 661-663.
(41) Sur ce thème, voy. A. VAN SoLINGE, <<De l'expédition des affaires courantes», J.T., 1979,
p. 214; Ph. LAUVAUX, La dissolution des assemblées parlementaires, Paris, Economica, 1983,
p. 336; du même auteur, «Le renforcement de l'exécutif dans le système constitutionnel belge
contemporain», in Le nouveau droit constitutionnel, p. 85, ici p. 107.
LE DÉROULEMENT DE LA CRISE 961
(42) Ph. LAUVAUX, op. cit., p. 213. D'une certaine manière, l'arrêt Berckx rendu par le Conseil
d'Etat, le 9 juillet 1875, traduit la même préoccupation. Il relève que la décision incriminée a
été prise «dans la période critique où un gouvernement va perdre sa base parlementaire».
(43) Ph. LAUVAUX, op. cit., ibid.
(44) En cas de démission, la difficulté naît du fait que le roi n'accepte officiellement le retrait
du gouvernement qu'au moment de la désignation de son successeur. La crise naît d'une offre
de démission et celle-ci peut être refusée. Mais elle peut aussi être acceptée officieusement : c'est
à ce moment que le gouvernement est chargé d'expédier les affaires courantes. Dira-t-on que
cette acceptation officieuse n'a que des conséquences politiques et qu'elle s'accompagne tout au
plus d'un conseil à la modération, à la prudence ou à la sagesse 1 Ou, au contraire, faut-il prêter
une valeur juridique à l'offre gouvernementale de démission et à la décision royale de l'accepter!
La seconde solution s'impose.
(45) Tl n'est pas sans intérêt de relever que l'art. 201 TUC précise de son côté que «si la
motion de censure est adoptée (par le Parlement européen) à la majorité des deux tiers des voix
exprimées et à la majorité des membres qui composent le Parlement européen, les membres de
la Commission doivent abandonner collectivement leurs fonctions. Ils continuent à expédier les
affaires courantes jusqu'à leur remplacement, conformément à l'article 214 »
962 LES PROCÉDURES DE CRISE
(46) Tel est le mot d'ordre : responsabilité en tout, pour tous et toujours. Sur ce thème, voy.
«Les affaires courantes en Belgique. Observations sur la loi de continuité des services publics»,
in Mélanges R.E. Charlier, Paris, Ed. Université, 1981, pp. 51 s.
(47) Il faut relever un devoir positif : celui d'agir dans le domaine résiduel de compétences
que constituent les affaires courantes. Il faut aussi rappeler un devoir négatif : celui de s'abstenir
d'agir dans les matières qui pourraient mettre en cause la responsabilité du gouvernement. C'est
de contraintes et non de facultés qu'il est question en l'occurrence.
LE DÉROULEMENT DE LA CRISE 963
attendant que la politique générale ait été redéfinie», un ministre ne peut plus
expédier que les affaires courantes:(< n'étant plus politiquement responsable, (il)
agit en dehors des conditions constitutionnelles normales>> et doit, durant cette
période critique, se contenter de gérer les affaires qu'il est (<possible d'inscrire
dans les schémas fixes de l'action quotidienne d'un département>> (48).
(52) Dans un arrêt du 21 juin 1975 (ASBL Fédération des industries chimiques de Belgique,
n" 16.490), le Conseil d'Etat relève notamment que les questions relatives à la fixation des prix
sont, par nature, des questions dont la solution doit être rapide et ne souffre aucun retard.
(53) Bull. Q.R., Chambre, du 6 mars 1973, n" 14.
(54) Robert EsCARPIT, <<Affaires courantes» in Le Monde de juillet 1978, à propos d'une crise
gouvernementale au Portugal : <<Les affaires courent toujours tellement vite que personne n'a
jamais pu les rattraper ».
LE DÉROULEMENT DE LA CRISE 967
C. -L'absence de permanence
1154. - Les chambres nouvellement élues ne succèdent pas aux
anciennes sans solution de continuité : deux mois environ séparent
les législatures. Il en va de même pour les parlements de commu-
nauté et de région.
<<Après chaque renouvellement, le (Parlement) wallon se réunit de
plein droit le troisième mardi qui suit le renouvellement ... Le (Parle-
ment) flamand et le (Parlement) de la Communauté française se
réunissent de plein droit le quatrième mardi qui suit le renouvelle-
ment>> (l. sp., art. 32, §1er, al. 4). Le Conseil de la Région de
Bruxelles-Capitale se réunit le troisième mardi suivant le jour
auquel le renouvellement a eu lieu (l. sp. 12 janvier 1989, art. 26,
§ 1er, al. 2) et le Conseil de la Communauté germanophone, le
deuxième mardi qui suit le mois du renouvellement (l. 31 décembre
1983, art. 42, al. 2)
§ 3. - La continuité de l'Etat
A. - La fonction exécutive
1155. - En temps de guerre, les fonctions qui reviennent au
pouvoir exécutif fédéral sont appelées à prendre plus d'importance
encore qu'en temps de paix. La conduite de l'armée, le constat de
l'état de guerre, la négociation de traités, la représentation de l'Etat
belge constituent des fonctions qui doivent être assurées sans retard
par le roi et ses ministres, et sous leurs ordres, par la force publique
et l'administration.
Une première difficulté apparaît si le roi est dans l'impossibilité
d'agir : le pouvoir exécutif fédéral est décapité (55) (no 1104).
Un autre problème surgit si le gouvernement fédéral est séparé
physiquement de l'armée et de l'administration, sans parler des
citoyens. Comment peut-il faire exécuter ses instructions? La ques-
tion de la transmission et de la publication de ses décisions se pose
avec une particulière acuité en cas de guerre (J. DE JoNGHE, De
staatsrechtelijke verplichting tot bekendmaking van normen, Antwer-
pen, Kluwer, 1985). Voyez aussi la loi du 10 mai 1940 qui règle la
B. - La fonction législative
1156. - Durant la première guerre mondiale, le roi et ses
ministres se trouvent en territoire libre (La Panne) ou à l'étranger
(Le Havre). La plupart des parlementaires sont, eux, en territoire
occupé et mis dans l'impossibilité de se réunir L'exercice normal de
la fonction législative, de la fonction budgétaire ou de la fonction
de contrôle politique n'est plus concevable. Or, la loi doit être
votée : il faut établir le contingent de l'armée, fixer le budget des
voies et moyens, assurer le ravitaillement du pays, prendre des
mesures particulières de police et de sûreté ... (58) En accord avec
ses ministres, le roi exerce la fonction législative en édictant des
textes qualifiés d'arrêtés-lois (voy., par ex., l'arrêté-loi du
(59) Le rapport au Roi précédant l'arrêté-loi du 26 décembre 1919 est particulièrement expli-
cite : ''La Constitution est, de par la force des circonstances, non point suspendue mais inexécu-
table dans certaines de ses dispositions. Le pouvoir législatif notamment ne peut fonctionner
selon les règles constitutionnelles. Dans l'impossibilité où l'on se trouve de réunir la Chambre des
représentants ou le Sénat, une seule des trois branches de ce pouvoir peut agir, le roi, pour les
matières où l'intervention du pouvoir législatif est exigée, telle l'autorisation annuelle de perce-
voir des impôts et la fixation du budget des dépenses de l'Etat. Il n'y a dès lors d'autre solution
que de laisser au roi seul le soin de disposer '·
(60) Dans ses conclusions précédant l'arrêt de la Cour de cassation du 11 février 1919 (Pas.,
1919, I, p. 9; Rev. Adm., 1919, 193), le procureur général TERLINDEN énonce trois<< axiomes de
droit public>> : l. La souveraineté de la Belgique n'a jamais été suspendue; 2. Une nation ne
peut se passer d'un gouvernement; 3. Pas de gouvernement sans lois, c'est-à-dire sans pouvoir
législatif (cité par R. ERGEC, op. cit., p. 148).
(61) P. DE VISSCHER, op. cit., t. II, p. 185.
(62) Autre serait évidemment la situation d'une autorité publique qui serait mise dans l'im-
possibilité d'agir par décision d'une autre autorité publique (les chambres sont dissoutes ... ).
970 LES PROCÉDURES DE CRISE
(63) Les arrêtés-lois de Londres étaient, en effet, introduits par le préambule suivant : <<Au
nom du peuple belge, Nous, ministres réunis en conseil, vu les articles (36) et (93) de la Constitu-
tion, vu l'arrêté du 28 mai 1940, vu l'impossibilité de réunir les Chambres législatives, avons
arrêté et arrêtons ... )).
LE DÉROULEMENT DE LA CRISE 971
de lois de priorité pour restaurer l'égalité des chances entre les can-
didats à un emploi public.
Qu'en est-il des droits de l'homme? En principe, selon l'ar-
ticle 187 de la Constitution, les principes et garanties inscrits au
titre II de la Constitution sont préservés. Un arrêté-loi du
l l octobre 1916 affecte, cependant, ce principe d'exceptions impor-
tantes.
En temps de guerre, la liberté de presse est restreinte. La censure
peut être établie. Il est interdit, en effet, de publier des journaux,
des écrits ou des brochures quelconques ou de répandre, de quelque
façon que ce soit, des informations ou des renseignements de nature
à favoriser l'ennemi ou à nuire à l'esprit des troupes et de la popula-
tion (voy. égal. l'arrêté royal. du 25 août 1939, les arrêtés-lois du
18 novembre et du 27 décembre 1939). La liberté d'aller et de venir
est également compromise. Des déplacements de population peu-
vent être organisés. Sur l'avis conforme du conseil des ministres, le
roi peut, en effet, attribuer aux autorités civiles et militaires qu'il
désigne le pouvoir d'éloigner des lieux où elles pourraient nuire les
personnes suspectes d'entretenir des relations avec l'ennemi ou
celles dont la présence est de nature à entraver les opérations mili-
taires.
L'inviolabilité du domicile, la liberté d'organiser des réunions pai-
sibles et sans armes, la liberté de manifester sont affectées, dans les
mêmes conditions, en temps de guerre.
Comme le souligne à bon escient A. MAST, l'arrêté-loi du
l l octobre 1916 s'expose à des critiques de constitutionnalité dans
la mesure où, malgré les prescriptions de l'article 187 de la Constitu-
tion, il permet de porter atteinte sur des points importants à des
libertés publiques.
La Constitution mériterait d'être amendée pour prévoir, dans ses
dispositions mêmes, la possibilité de déroger, en temps de guerre ou
dans d'autres situations de danger public, au régime de protection
des droits de l'homme (ou de certains d'entre eux) (64).
L'article 187 de la Constitution mériterait d'être corrigé. Peut-être une nou-
velle disposition mériterait-elle d'être rédigée de la sorte : «A moins que l'état
de crise intérieure n'ait été décrété par le pouvoir législatif selon la procédure
BIBLIOGRAPHIE
Au sujet des crises politiques les plus récentes, on se permet de renvoyer aux com-
mentaires particuliers qui ont été procurés à l'occasion de chacune d'elles. Voyez à
ce propos :
<<Quelques aspects constitutionnels d'une crise politique (18 janvier-10 mars
1974) », Ann. Fac. dr. Lg., 1974, p. 27; Chroniques de crise 1977-1982. L'ouvrage réu-
nit un ensemble d'articles qui ont été publiés durant la période envisagée au Journal
des tribunaux. Adde: <<Une crise en trois temps>>, J.T., 1986, p. 125; <<Avec mon bou-
lier compteur>>, Journal des procès, 1987, p. 4; <<Stratégies de crise>>, J.T., 1988,
p. 525; <<Crises, réalités et artifices>>, J. T., 1992, p. 561; «Les pouvoirs du Parlement
en période de crise», J. T., 1992, p. 665; <<Crise sans crise>>, J. T., 1995, p. 657;
<< Courtes crises •>, J. T. , 1999, p. 629.
Sur l'application des règles de droit public en temps de guerre et pendant l'état
de siège, voyez :
F. DUMON, << Over enkele grondwettelijke problemen gerezen tijdens de tweede
wereldoorlog >>, Mededelingen van de Koninklijke Academie van België, 1983, n° 2;
R. ERGEC, Les droits de l'homme à l'épreuve des circonstances exceptionnelles. Etude sur
l'article 15 de la Convention européenne des droits de l'homme, préface J. VELU, Bruy-
lant, Ed. Université de Bruxelles, 1987; ID., <<L'état de nécessité en droit constitu-
tionnel belge», in Le nouveau droit constitutionnel, Bruxelles, Académia-Bruylant,
1987; Ch. HUBERLANT, «Etat de siège et légalité d'exception en Belgique», in Licéité
en droit positif et références légales aux valeurs, Bruxelles, Bruylant, 1982, p. 406;
W.J. GANSHOF VAN DER MEERSCH,<< Enkele juridische aspecten van de actie der rege-
ring tijdens de oorlog 1940-1944 >>, in Liber amicorum A. De Schrijver, Gand, 1962,
p. 393; W.J. GANSHOF VAN DER MEERSCH et M. DIDERICH, <<Les états d'exception et
la Constitution belge>>, A.D.S.P., 1953, p. 49.
CHAPITRE III
LA SOLUTION DES CRISES
A. - Le droit d'avertir
1165. - En cours de crise, appartient-il au roi de faire connaître
son avis? Convient-il qu'il l'exprime publiquement? Ne risque-t-il
pas d'agir ainsi à découvert? Les événements ne vont-ils pas lui
donner tort, et ruiner le crédit moral de la couronne? Des réponses
nuancées gagnent à être apportées à ces questions.
Le roi peut faire connaître avec la prudence nécessaire et avec
l'appui de l'un de ses ministres, même démissionnaire, son senti-
ment, voire sa préoccupation, sur les développements de la crise. Il
s'en ouvre à ses interlocuteurs ou il donne à ses propos un plus large
écho. Un message de Noël (5), un discours aux corps constitués (6),
une allocution officielle (7), une lettre au Premier ministre (8) sont,
pour le roi, autant d'occasions d'user du <~ droit d'avertir f) que lui
reconnaissait déjà au XIXe siècle Walter BAGEHOT.
<~Réserve et discrétion ... , observait BAUDOUIN pr le 20 juillet 1981,
n'ont jamais empêché mes prédécesseurs d'assumer pleinement la
mission de conseil, même public, que personne ne leur a contestée. Je
n'ai jamais failli à mon devoir d'avertir, affirmait LÉOPOLD II ... f) (9).
La même préoccupation s'exprime dans les multiples démarches que
le roi accomplit pour contribuer à une solution de la crise ( 10).
B. - Le droit de stimuler
1166. - La fonction incitatrice prend d'autres formes.
La tâche assignée au roi - composer un gouvernement - lui
donne la faculté d'infléchir, sur des points particuliers, le cours des
événements. Les instructions précises et détaillées en certaines cir-
constances qui sont données à un informateur, un négociateur ou un
formateur, traduisent notamment cette préoccupation.
Le calendrier qui leur est fixé aux fins, soit de temporiser (nos 1125
s.),_ soit de trouver rapidement (11) une solution, s'inscrit aussi dans
cette perspective. Le souci du roi d'être tenu au courant, à la faveur
de rapports circonstanciés, de l'avancement des négociations suffit
encore à indiquer qu'il entend exercer à cette occasion les tâches
constitutionnelles qui lui reviennent et conserver, autant que faire
se peut, une certaine maîtrise sur la conduite des événements (12).
A cette occasion, le roi peut notamment exprimer le souci de voir
examiner certains dossiers plus que d'autres, de voir régler à titre
préalable certaines questions ou, au contraire, de les reporter à plus
tard.
Peut-être aussi le roi est-il amené à inciter l'une ou l'autre person-
nalité à accepter d'entrer au gouvernement, voire de le prési-
(14) Ces négociations présentent une originalité lorsque le formateur est aussi le Premier
ministre démissionnaire. Plusieurs délégués sont des ministres de l'équipe sortante. Les discus·
sions ne peuvent se nouer sur une table rase entre des partenaires qui s'ignorent. Il s'agit moins
de composer un gouvernement ab nihilo que de restaurer et de rééquilibrer une équipe ministé·
rielle. Il s'agit moins de concevoir un programme que d'adapter des projets compte tenu de la
nouvelle conjoncture politique (Chroniques de crise ... , p. 116).
(15) Chroniques de crise ... , p. 104.
(16) <<Une crise en trois temps >f ... , p. 126.
(17) Chroniques de crise ... , p. 105.
980 LES PROCÉDURES DE CRISE
un seul (18) ... )). D'autres postes peuvent être mis en balance: le pré-
sident de la Chambre ou celui du Sénat vaut, par exemple, un
ministre (19). Peut-être même sera-t-il procédé à une répartition
plus vaste encore des responsabilités, puisqu'en 1988, on y ajoute
un poste de commissaire européen (20). Le tout fait l'objet d'arbi-
trages sous la conduite du formateur.
(21) Voy. le décret du Congrès national du 28 janvier 1831 sur le mode d'élection du chef de
l'Etat (Pasin .. 1830-1831, n" 34, p. 170). appliqué mutatis mutandis à l'élection du prince
CHARLES comme régent, le 20 septembre 1944 (Ann. parl .. Chambres réunies, 20 septembre 1944,
p. 33)
(22) Acte d'abdication de LÉOPOLD rn. le 16 juillet 1951 (Pasin . p. 803). par lequel le roi
«met fin à son règne et renonce définitivement aux pouvoirs constitutionnels qu'il détient en
vertu de l'article (85) de la Constitution>>.
LA SOLUTION DES CRISES 983
(25) Dans son avis du 11 avril 1984, la section d'administration du Conseil d'Etat (VI' ch.)
(Doc. parl., Sénat, sess. 19831984, 645/2) précise qu'il 'n'a pas été tenu d'élections ordinaires
depuis 1936 ''(p. 12). De son côté, Michel LEROY (<• La date des élections législatives ordinaires»,
J. T., 1984, pp. 541-547) présente les élections du 24 mai 1936 comme un renouvellement ordi-
naire faisant suite à la dissolution d'octobre 1932.
986 LES PROCÉDURES DE CRISE
tion (nos 162 s.) ou s'il se trouve placé dans l'un des cas d'incompa-
tibilité prévus par la loi (no 572) (26); la déchéance joue de plein
droit mais, en cas de contestation, il y a lieu à nouvelle vérification
des pouvoirs.
Lorsque le titulaire d'un mandat parlementaire est défaillant, il
est remplacé par un suppléant. Si ce dernier fait défaut, il y a lieu
de procéder à une élection partielle pour pourvoir le siège vacant de
député ou de sénateur élu direct. Toutefois, pour éviter la répétition
des manœuvres engagées par L. DEGRELLE en 1937, pareille élection
n'a lieu qu'avec l'accord de la chambre intéressée dans les cas sui-
vants : lorsque la vacance se produit dans les trois mois qui précè-
dent les élections générales, lorsqu'elle est la conséquence de la
démission d'un titulaire ou lorsqu'elle résulte du désistement de
suppléants (C. El., art. 106, modifié par la loi du 12 mars 1937).
Le remplacement d'un sénateur communautaire et d'un sénateur
coopté ne peut évidemment s'opérer de cette manière. Ils n'ont pas
de suppléant. Il convient donc que l'assemblée concernée - le par-
lement de communauté ou le Sénat lui-même- procède à une nou-
velle élection.
1185. - Les membres des parlements de communauté et de
région sont soumis à un statut analogue.
1186. - Il convient de souligner la particularité du statut des
conseillers communaux. On sait que les élections communales ont
lieu tous les six ans, le deuxième dimanche d'octobre. Il est cepen-
dant précisé que les conseillers sont <<élus pour un terme de six ans,
à compter du 1er janvier qui suit leur élection>> (NLC, art. 2, al. 1er);
il en résulte que <<les membres du corps communal sortant ... restent
en fonction jusqu'à ce que les pouvoirs de leurs successeurs aient été
vérifiés et que leur installation ait eu lieu>> (art. 4, al. 1er). De cette
façon, il n'y a pas vacance du pouvoir.
(26) Quelle que soit l'opinion que J'on puisse avoir au sujet de la<< moralité» du parlementaire
qui change de parti en cours de législature, pareille attitude ne peut entraîner ni déchéance, ni
révocation du parlementaire en cause.
LA SOLUTION DES CRISES 987
Une autorité publique fait défaut? Une autre s'y substitue. Les
règles à suivre pour le remplacement sont à peu de chose près les
mêmes que celles qui président à la désignation ou à l'élection ini-
tiale. Un quasi-parallélisme des compétences, des formes et des pro-
cédures s'applique en la circonstance.
Des situations plus complexes peuvent néanmoins se présenter.
D'où cela vient-il?
Un remplacement s'opère au terme d'une crise qui a duré plu-
sieurs semaines, voire plusieurs mois. Ne convient-il pas d'avaliser
ce qui a été accompli (A) pour gérer la crise? Comment s'organise,
en particulier, la succession d'un gouvernement d'affaires cou-
rantes?
Autre situation. Il n'y a pas lieu de procéder à une substitution
de personnes, mais de permettre à l'une d'elles d'être restaurée (B)
dans les droits et charges qu'elle avait momentanément aban-
donnés. Comment aménager cette reprise de fonctions et marquer le
retour à une situation normale?
Situation plus préoccupante encore. Une autorité a été déchargée
peut-être à raison de circonstances extérieures, et notamment par la
force, des responsabilités qu'elle était en droit d'exercer. Au
moment où prend fin ce cas de crise, comment la réintégrer (C) dans
les fonctions qu'elle n'aurait pas dû abandonner?
Le droit public met ici encore en place des procédures officielles
qui s'inscrivent toutes sous le signe de la continuité. Celle-ci revêt
cependant des tonalités différentes en fonction des situations de
cnse.
(29) Adde. M. VERDUSSEN, Le droit des élections communales, préface F. DELPÉRÉE, Bruxelles,
Ed. Némésis, 1988.
(30) J. SAROT, J. LIGOT, S. GHELEN, <<Le statut des agents de l'Etat devant le juge adminis-
tratif''· A.P. T., 1977-1978, p. 81.
(31) Chroniques de crise ... , p. 122.
(32) Les requérants étaient, en l'occurrence, des parlementaires appartenant à une formation
politique de l'opposition.
LA SOLUTION DES CRISES 991
nommé ministre (Const., art. 97), mais n'est-ce pas la voie ouverte à l'action
populaire!
La notion d'intérêt fonctionnel ne devrait pas, en l'occurrence, être comprise
de manière trop étroite. Pareil intérêt doit permettre à des requérants de
défendre l'institution à laquelle ils appartiennent mais aussi «les intérêts géné-
raux auxquels leurs fonctions les obligent à veiller>> (33). Des parlementaires de
la majorité comme de l'opposition peuvent sans doute justifier d'un intérêt suffi-
samment précis pour agir devant le juge administratif.
(33) C.E., no 998, 6 juillet 1951, Gothot et Clemens, R.J.D.A., 1952, p. 27, note P. DE VISS-
CHER.
(34) <• Ce contrôle, dira le sénateur DE STEXHE, relève du Parlement et de lui seul, c'est-à-dire
que le vote de confiance des chambres doit clore le débat... Nous défendons la séparation des pou-
voirs et la primauté du Parlement et vous iriez soumettre notre vote de confiance au contrôle
des tribunaux!>> (Ann. parl., Sénat, 31 octobre 1980, p. 109).
992 LES PROCÉDURES DE CRISE
(35) C.E., 4 mars 1987, J. T., 1987, p. 487. Voy. aussi, F. DELPÉRÉE, <<Une crise en trois
temps»..., p. 130. En sens contraire : F. DEHOUSSE, <<Le feuilleton constitutionnel de l'hiver : la
désignation de l'Exécutif régional wallon», J. T., 1986, p. 152.
LA SOLUTION DES CRISES 993
BIBLIOGRAPHIE
Plus encore que d'autres questions liées aux crises politiques, la matière du
<<dénouement des crises>) ne fait guère l'objet d'études scientifiques. La doctrine se
contente de renvoyer aux propos qui ont été tenus sur les procédures de désignation
ou de sélection. Ce qui est une manière de minimiser la spécificité de la question.
Voyez cependant :
F. DELPÉRÉE et D. DELAHAUT, <<Le remplacement d'un parlementaire>), Cahiers
constitutionnels, 1985, n" 3; W.J. GANSHOF VAN DER MEERSCH,<< Propos sur le texte
de la loi et les principes généraux du droit», J.T., 1970, pp. 557 à 572 et 581 à 596,
spécialement p. 581 (à propos de la permanence de l'Etat); B. WALEFFE, Le Roi
nomme et révoque ses ministres. La formation et la démission des gouvernements en Bel-
gique depuis 1944, Bruxelles, Bruylant, 1972; A. VANWELKENHUYZEN, V 0 <<Chef
d'Etat>), in Répertoire pratique de droit belge, 1977, Complément, t. V.
CONCLUSION
847, 848, 849, 850, 854, 871, 932, 939, Cession de territoire : voy. Traité de
943, 1020, ll05, ll68 frontières.
Bulletin des questions et réponses : 954 Chambre des représentants : 88, 171.
Bureau d'assemblée : 488, 531, 532, 533, 425, 437, 440, 441, 442, 443, 444, 451.'
535, 631, 926, 927, 957, 1146 458, 462, 464, 468, 469 à 478, 481,
481, 489, 492, 501, 524, 528, 532, 533,
Bureau électoral: 171, 476, 584, 1061
534, 535, 536, 537, 541, 559, 560, 561,
563, 570, 670, 769, 775, 849, 851, 852,
869, 870, 871, 880, 927, 942, 943, 951,
c 952, 956, 1025, 1068, 1073, 1074, 1076,
1088, 1093, ll47, ll50. Voy. aussi
Cabinet : Gouvernement. Assentiment (à un traité), Chambres
Cabinet du Premier ministre : 500 fédérales, Confiance, Dissolution,
Groupe linguistique, Groupe politique,
Cabinet du Roi : 500
Responsabilité politique.
Cabinet ministériel : 927
Chambres constituantes : Révision de la
Caducité : 1097 Constitution.
Calamité : ll17 Chambres fédérales : 61, 464, 466, 467,
Campagne électorale : 58 753, ll40
Canada : 391, 407, 529 Chambres réunies : Congrès.
Canal : Voirie .. Charte : 49, 52, 187, 806
Candidat : 475, 489 Chasse : 990
Candidat à une élection: 142. Voy. aussi Chef de l'Etat : 128, 301, 407, 428, 429,
Eligibilité. 435, 443, 545, 659, 667, 827, 860, 889,
956. Voy. Roi.
Candidat à une fonction publique : 198
Chercheur : Recherche scientifique.
Canton : 329, 341, 404, 881
Chiffre d'éligibilité : 475
Capacité civile : 138, 169
Chiffre électoral : 476, 477
Capitale : 312, 1032. Voy. Bruxelles.
Chômage : 251, 345, 734, 998
Carte d'identité : 194, 330, 482, 607
Cimetière : 353
Carte d'identité pour étrangers : 133
Cinéma: 217. Voy. aussi Spectacle.
Carte professionnelle : 127
Circonscription administrative : 337 à
Cas fortuit : 1052, llOl 340
Case de tête : 475 Circonscription électorale : 341, 466,
Caserne : 333 470, 473, 474, 477, 631. Voy. aussi
Cassation : Cour de cassation. Collège électoral.
Cautionnement : 232, 279 Citoyen : 6, 10, 61, 101, 102, 104, 105,
128, 135, 136, 423, 427, 462, 463, 469,
Censure : 232, 235, 278
852, 889
Centimes additionnels : 743, 744, 750 Citoyen européen : 105, 135, 143, 158,
Centre Harmel : 324 159, 160, 343. Voy. aussi Droits du
Centre public d'aide sociale : 722. Voy. citoyen.
Aide sociale. Clôture de la session : 541
Centre sportif : 332 Coalition : Gouvernement.
TABLE ALPHABÉTIQUE 1001
Communauté germanophone : 318, 326, Comptes : 356, 532, 740, 850, 854, 871,
329, 600, 627, 634, 635, 692, 707, 740, 943
778, 1008, 1015 Concertation 712, 734, 750, 764, 770,
Communautés européennes voy. 772, 802, 1032. Voy. aussi Commission
Europe. parlementaire de concertation, Comité
Commune: 13, 221, 267, 336, 341, 343, de concertation.
344, 354, 356, 363, 365, 368, 404, 408, Conciliation : 756, 764, 765, 766
409, 425, 462, 467, 740, 909, 1155 Conclave : 511
Commune à facilités : 226 Conclusion d'un traité : Traité internatio-
Commune à statut spécial : 266, 330, nal.
663, 699, 966, 968 Concordance : 60
Commune de la frontière linguistique Concours de compétences : 660, 712 à
330, 362 739.
Commune malmédienne : 330 Condition d'éligibilité : Eligibilité.
Commune périphérique : 227, 330, 695, Confédération d'Etats : 388, 407, 415,
699 420, 757, 829
Communications : 412, 682 Conférence des présidents : 531, 535,
Communiqué du Palais : 521 537, 538, 926, 933
Compétences accessoires : 661, 687, 688 Conférence interministérielle : 671, 764
Conseil de cabinet: 512. Voy. Conseil des Constitution : 2, 3, 632, 662, 801, 806,
ministres. 823. Voy. aussi Révision de la Consti-
Conseil de communauté ou de région : tution.
Parlement de communauté ou de région. Constitution ~ caractère : 3, 31
Conseil de gouvernement : 504, 515, Constitution ~ mythe : 14, 16
lll8, ll26, ll3l Constitution ~ objet : 3, 4, 5, 7, 179
Conseil de l'agglomération bruxelloise Constitution~ programme : 14, 15
482 Constitution -· projet de développe-
Conseil de la Communauté française : ment: 14, 17
voy. Parlement de la Communauté Constitution ~ règle fondamentale : 3,
française. 7, 632
Conseil de la Communauté germano- Constitution ~ règle solennelle : 41
phone : 327, 599, 602, 609, 654. Voy. Constitution ~ utilité : voy. Révision de
aussi Communauté germanophone. la Constitution, Suspension de la
Conseil de la Couronne : 516 Constitution.
Conseil de la Région de Bruxelles-Capi- Constitution écrite : 32, 33, 35, 38, 40,
tale : 379, 599, 601, 602, 604, 606, 43, 65
607, 609, 614, 617, 618, 619, 624, 670, Constitution européenne : 187, 806, 8ll
1015, 1016
Constitution originelle : 36, 47, 49, 50,
Conseil des ministres : 39, 93, 134, 352, 51, 52
362, 410, 414, 436, 438, 443, 445, 454, Consul : 131, 145, 147, 526, 833
505, 506, 512, 513, 514, 516, 518, 520,
Consultation : 39, 437, 447, 1059, 1080,
636, 637, 732, 736, 750, 764, 766, 769,
lll2, lll8, ll24, ll25, 1126, ll6l,
802, 927, 939, 956, 957, 1032, 1092,
ll76, ll95
1102, 1104, 1118, 1126, 1129, 1131,
ll34, ll37, ll57, ll74, ll76, ll78 Consultation communale : 152
Démission différée : 1124 Dissolution : 34, 39, 53, 57, 58, 62, 63,
Démission d'office : 1081 76, 428, 437, 441, 449, 451, 462, 488,
509, 605, 892, 895, 897, 898, 1025,
Démission du Premier ministre : 512
1028, 1029, 1031, 1052, 1073, 1087,
Démission du Roi : voy. Abdication. 1088, 1089, 1090, 1091, 1092, 1093,
Démocratie: 17, 22, 138, 149, 154, 176, 1094, 1095, 1096, 1097, 1098, 1099,
187, 296, 463, 469, 799, 800, 852, ll15 1100, 1107, 1109, 1113, 1115, 1119,
Démocratie directe : voy. Référendum. 1127, 1130, 1131, 1132, 1134, 1135,
1140, 1144, 1145, 1146, 1147, 1150,
Déontologie : 512, 522, 1051, 1079, ll49
1151, ll54, 1174, 1181, ll82, 1196,
Département ministériel : 451, 512, 513, ll99
518, 845, 927
Dissolution automatique 1088, 1090,
Dépense : 84 7, 848, 854 1094
Députation permanente : 171, 358, 440, Dissolution facultative 1088, 1091,
488, 490, 574, 621, ll22 1095
Député : voy. Chambre des représentants, Distinction : Egalité.
Représentant de la Nation.
District : 336, 369 à 373, 462
Dernière lecture : Seconde lecture.
Diviseur électoral : 4 76, 4 77
Descendance : Hérédité.
Diviseur fédéral : 474
Désignation : 426, 427, 486, 493, 523
Division d'un article : Droit de division.
Destitution de la nationalité : 121
Division de l'Etat : 300, 336, 423
Désuétude : 38
Domicile : 126, 161, 165, 166, 167, 168,
Détention : 206, 213, 232, 252, 578, 580, 205, 235, 343, 481, 1061, 1159
977
Domicile (Inviolabilité du-) : 203, 204,
Dévolution de la couronne : 427, 431 205, 206, 283, ll59
Différenciation : 194, 195 Domicile civil : 166, 168
Dignité : 127, 138, 169, 265, 274, 481 Domicile électoral : 166
Diplomate : 128, 131, 831, 833, 863, 870 Dommage : Réparation, Responsabilité
Diplôme : 224 civile.
Discipline : 458, 846 Dotation : 260, 433, 535, 740
Discipline des parlementaires : 535 Douane : 338
Discours du Roi : 839, 1165 Double délibération : Bicaméralisme.
Discrétion : 216, 493 Double lecture : Elaboration du décret
Discrimination. 87, 91, 128, 134, 191, Double majorité : 379, 607, 643
192, 193, 194, 196, 274, 631, 696, 740,
Drapeau : 6, 304, 333
821, 956, 1044. Voy. aussi Egalité.
Drittwirkung : 272
Discussion article par article : 934, 938
Droit administratif : 26, 180, 901
Discussion de la loi : Elaboration de la
loi. Droit à la culture : 255
Droit à l'instruction : 256. Voy. aussi Droits de l'homme : 67, 101, 124, 163,
Enseignement. 175 à 299, 758, 816, 841
Droit à une pension de retraite : Retraite. Droits de la défense : 188, 200, 552
Droit au chômage : voy. Chômage. Droits du citoyen : 101, 135, 136, 662
Droit au salaire : 127 Droits économiques, sociaux et cultu-
Droit au travail : 127, 249, 250 rels: 11, 127, 134, 274, 295, 780
Droit budgétaire : Budget. Droits fondamentaux : 51, 800
Droit commercial : 995 Droits sociaux : Chômage, Droit au
Droit communautaire: 817, 818, 819 salaire, Emploi, Travail (Droit au -).
Droit comparé : 27 Dynastie: 407,428, 431,488, 1174. Voy.
Droit culturel : voy. Enseignement. aussi Monarchie, Roi, Vacance du
trône.
Droit d'avertir : 1065, 1161, 1165
Droit de division : 937
Droit de grâce : 497, 561 E
Droit de la comptabilité publique : 847,
850
Eau : 633, 667, 733, 742, 743, 985, 989,
Droit de la procédure pénale : 560 999
Droit de pétition : 425 Echevin : 350, 483, 490, 621, 1062,1122,
Droit de propriété : 241 1195
Droit de réponse : 236 Ecole: 224, 225, 227, 256, 332, 333, 347,
Droit de stimuler :1161, 1166 378, 708, 721
Droit de veto : Veto. Economie: 31, 485, 929, 992 à 997. Voy.
Droit de vote : Election, Suffrage, Vote. Politique économique.
Election législative : 53, 600 Enseignement : 87, 91, 179, 180, 181,
220 à 229, 256, 267, 326, 333, 345,
Election médiate : 468, 483, 599, 603,
374, 378, 412, 590, 618, 643, 659, 633,
614
687, 697, 708, 751, 843, 961, 969, 995,
Election partielle : 1122 1011
Election provinciale : 135 Enseignement universitaire : 147
Elections (en général) : 16, 947. Voy. Entracte républicain : voy. Interrègne,
aussi Candidat (à une élection), Collège République.
électoral, Electorat, Eligibilité, Registre
Entreprise : 266, 687, 964
des électeurs,. Suffrage. :
Environnement : 175, 242, 633, 674, 708,
Electorat : 125, 135, 136, 137, 138, 139,
733, 989, 1000
140, 141, 142, 163, 164, 264, 469, 481,
Epouse du Roi : Reine.
797, 817, 876
Equilibre budgétaire : 850. Voy. Budget.
Electricité : 211, 733, 1000
Equipe gouvernementale : Gouvernement.
Eligibilité : 125, 135, 136, 142, 143, 168,
171, 172, 264, 481, 527, 623, 798, 876, Equipements collectifs : 412
1061, 1184, 1191 Equivalence des normes : 413
Emeute: 348 Espace atmosphérique : 309
Emission télévisée : Radiodiffusion. Espagne : 52
TABLE ALPHABÉTIQUE 1009
Financement des réseaux d'enseigne- Fonction législative : 284, 389, 390, 398,
ment : 224, 225 410, 838, 840, 841, 842, 855, 862, 887,
Finances publiques : 759, 916 896, 898, 901, 902, 911, 912, 913, 916,
917,923 à 950,956,1017,1018,1034,
Finlande : 529
1042, 1103, 1143, 1156. Voy. aussi
Flagrant délit : 578, 580 Elaboration de la loi, Loi fédérale.
Flore : Protection de la faune et de la Fonction modératrice : 503
flore.
Fonction propre : 904, 905, 906, 1035,
Fonction (Notion de~) : 752, 753, 754, 1036
755
Fonction publique : 40, 144, 198, 210,
Fonction arbitrale : 503 572, 586, 589, 846, 1159. Voy. aussi
Fonction budgétaire : 1156 Agent public.
Fonction collective : 826, 836, 860, 887, Fonction publique internationale : 157
1012, 1034, 1105 Fonction réglementaire : 636, 728, 842,
Fonction congressionnelle : Congrès. 898, 908, 912
Fonction constituante : Révision de la Fonction réglementaire autonome : 909,
Constitution. 1038
Ministère public : 459, 581, 589, 898 Monuments et sites : 708, 988, 1008
Ministre: 414, 427, 433, 434 à 451, 452, Moralité et dignité : 143, 146, 169
454, 455, 461, 492, 493, 494, 497, 500, Mort civile : 55
501, 502, 504, 507, 514, 515, 516, 517,
Mort du Roi : 514, 1055, 1108, 1109,
519, 522, 551, 556, 558, 571, 597, 634,
1156. Voy. Décès
648, 650, 653, 852, 853, 864, 865, 906,
908, 925, 928, 929, 930, 951, 1054, Motion : 953, 955
1058, 1059,1060, 1065 1083, 1084, Motion de censure : 451, 1129
1119, 1122, 1134, 1138, 1139, 1155,
Motion de confiance 441, 953, 1047,
1156, 1160, 1171, 1175, 1176, 1177,
1085, 1088
1178, 1193
Motion de méfiance : 441, 952, 953,
Ministre communautaire ou régional :
1031, 1047, 1072, 1073, 1077, 1085,
621, 629, 631, 648, 649, 650, 651,
1088, 1180
1064, 1122, 1180, 1194
Motion de méfiance constructive : 437,
Ministre démissionnaire : 449
895, 953, 1026, 1027, 1072, 1077, 1088
Ministre d'Etat : 446, 516, 1164
Motion de recommandation : 953
Ministre de l'intérieur : 561, 562, 563,
564 Motion motivée : 443, 467
Ministre de la justice : 12, 949 Motivation des décisions de justice : 188,
Ministre du culte : 219. Voy. auss1 200, 366, 553, 588
Cultes. Musée : 378, 708, 972
1016 TABLE ALPHABÉTIQUE
Naturalisation : 113, 114, 537, 753, 943 Ordre de présentation des candidats
475
Navette parlementaire : 944
Ordre de quitter le territoire : 132, 133
Négociateur : 44 7, 1162, 1166
Ordre de succession au trône : Succession
Négociation : 451, 508, 764, 898, 1124,
au trône.
1126, 1160, 1166, 1167, 1196
Ordre du jour : 631, 926, 931, 932, 953
Neutralité : 216, 225, 255, 347, 433, 441
Ordre professionnel : 249
Nigéria : 529
Ordre public : 131, 132, 133, 182, 261,
Noblesse : 527, 907
269, 271, 283, 909
Nomination : 427, 434, 438, 440, 456,
Ordre utile : 480, 623
457, 458, 460, 463, 489, 490, 493, 514,
550, 571, 596, 846, 1054, 1110, 1119, Organe intracommunal : District.
1160, 1192, 1193 Organisation des Nations Unies : 6, 157,
Nomination à vie : 200, 426 791, 836
Nomination d'un ministre : 434, 435, Organisation internationale : Institutions
436, 438, 439, 44 7' 448, 450, 496 internationales.
Nomination d'un secrétaire d'Etat : 452
Nomination du bourgmestre : 461, 490 p
Nomination du Premier ministre : 449
Non-discrimination : Discrimination. Pacte fédératif: 87, 662, 712, 758, 803,
Norvège : 18, 529 813
Notion de Constitution : 3, 4, 34 Pacte scolaire : Enseignement.
Numéro d'ordre : 260, 475 Pactes onusiens: 107, 145, 178, 186,211,
295, 821
Pairage : 544, 1138
0
Paix : 175, 826, 860
Palais législatif : 533
Obéissance : 183
Parallélisme (Principe de -) : 661, 672,
Officier du ministère public : Ministère
679
public.
Parité : 88 90, 143, 410, 414, 436, 443,
O.N.U. : Organisation des Nations Unies.
452, 454, 514, 529, 776, 778, 1032,
Opinion: 215, 216, 217, 255. Voy. aussi 1054, 1110, 1127, 1167, 1176, 1178.
Convictions morales et religieuses. Voy. aussi Conseil des ministres, Cour
Opinion publique : 470, 1163 d'arbitrage.
TABLE ALPHABÉTIQUE 1017
Politique familiale : 209, 258, 975, 977 Pouvoirs spéciaux : 85, 514, 888, 911,
Politique générale du gouvernement 912, 913, 914, 915, 916, 917, 918, 919,
514 920, 1041, 1156. Voy. aussi Arrêté
royal de pouvoirs spéciaux.
Politique sociale : 293, 974, 998
Pratique : Usage.
Politiques croisées : 721
Prééminence de la Constitution : 42
Poli : 475
Prééminence du droit international : 20
Portugal : 894
Précompte immobilier : 734, 735, 749
Postes (Service des-) : 206
Prééminence fédérale : 743
Poursuite : 558, 577, 578, 579, 580, 582
Préfédéralisme : 410
Pouvoir constituant : 31, 43, 53 à 58,
Premier ministre : 414, 437, 438, 440,
413, 424, 426, 427, 486
443, 447, 449, 451, 452, 493, 496, 508,
Pouvoir constituant originel : 6, 48, 49, 512, 513, 514, 515, 520, 598, 895, 933,
50, 466 1065, 1073, 1079, 1092, 1119, 1120,
Pouvoir d'attribution : 21, 65 1125, 1126, 1165, 1171, 1179, 1188,
Pouvoir exécutif fédéral : 301, 362, 424, 1198
425, 427, 435, 436, 439, 455, 457, 460, Présentation : 88, 486, 487, 489, 490,
486, 492, 493, 501, 523, 555, 556, 560, 546, 550, 646, 1110
588, 592, 857, 858, 867, 875, 898, 904, Président : 488
905, 911, 928, 929, 948, 1089, 1145.
Président d'assemblée : 80, 447, 456,
Voy. aussi Conseil des ministres, Gou-
531, 532, 537, 549, 558, 581, 583, 626,
vernement, Roi.
631, 926, 1061, 1125, 1146, 1171
Pouvoir judiciaire : 84, 424, 427, 753,
Président d'un gouvernement de com-
838, 873, 875, 876, 885, 948
munauté ou de région : Ministre-Pré-
Pouvoir juridictionnel : 457, 492, 551, sident
593, 857, 858, 872, 873, 884, 885
Président d'un parlement de commu-
Pouvoir législatif fédéral : 31, 46, 53, 54, nauté ou de région : 623
56, 114, 117' 424, 425, 427, 456, 464,
Président de la Cour d'arbitrage : 89
466, 492, 523, 524, 527, 528, 529, 570,
Présomption de connaissance de la loi
585, 753, 776, 842, 857, 858, 867, 883,
voy. Publication.
897, 898, 908, 911, 913, 923, 928, 929,
940, 942, 946, 947, 1103, 1158. Voy. Presse : 197, 230, 231 à 236, 255, 276,
aussi Chambres fédérales, Loi fédérale. 284, 972, 1051, 1159, 1198
Pouvoir organisateur : 221, 224. Voy. Primauté du droit international : 20, 84,
aussi Enseignement. 85, 795, 796, 797, 798, 809, 814
Pouvoirs : 421, 492 Primauté fédérale : 466
Pouvoirs extraorclinaires : 514, 920, Prince : 428, 431, 432, 433
1156 Prince Alexandre : 432
Pouvoirs fédéraux : 301, 306, 422 Prince Baudouin : 1137
Pouvoirs implicites : Compétences impli- Prince Laurent : 431, 433
cites. Prince Philippe : 431, 433
Pouvoirs locaux : 858, 985 Princesse Astrid : 431, 433
Pouvoirs publics : 334, 355, 425, 426, Principe d'attribution : 661, 663, 664,
466 666, 1005
TABLE ALPHABÉTIQUE 1019
Principe d'exclusivité : 329, 413, 661, Profession : 973. Voy. aussi Organisation
666, 667, 676, 685, 711, 743, 863 des professions.
Principe d'externalité : 661, 669 à 671, Programme gouvernemental : 509, 512,
710, 982 1083, 1161, 1168, 1169
Principe de discrétion : Discrétion. Projet de loi : 453, 733, 923, 927, 930,
Principe de proportionnalité : Propor- 931, 932, 944, 945, 948, ~55, 956
tionnalité. Promulgation 58, 453, 642, 898, 905,
Principe de publicité : Publicité (Prin- 948, 1036, 1045
cipe de ~) Proportionnalité : 197, 198, 280, 348,
Principe de territorialité : 691, 692, 693, 661, 672, 673, 674, 675
694, 695, 696, 697, 698, 699 Proposition : 729, 738
Principe général de droit public : 40, Proposition de loi : 537, 733, 923, 926,
187, 188, 438, 552, 553, 636, 1051, 931, 944, 948, 955, 956
1156 Propreté : 348, 366
Principe représentatif : Représentant de Propriété : 125, 242 à 245, 256
la nation. Protection de la jeunesse 700, 979.
Principes généraux de la fonction publi- Voy. aussi Politique de la jeunesse.
que : 677, 716, 732, 1038 Protection de la langue : Défense et illus-
Prise en considération : 926, 939 tration de la langue.
Prison : 333 Protection diplomatique : 291
Privation de liberté : 213 Protection sanitaire : 976
Privilège : 191, 199, 555, 907 Province : 314, 319, 320, 329, 336, 341,
Prix : 686 352, 354, 360, 378, 404, 407, 408, 409,
425, 462, 477, 483
Procédure d'aval : 1188
Publication : 58, 93, 842, 898, 905, 948,
Procédure d'incitation 1161, 1165,
950, 1036, 1045, 1155
1166, 1167
Publicité (Principe de ~) : 547 à 550,
Procédure de consultation : 1161, 1162,
840, 1045, 1125
1163, 1164
Publicité des décisions de justice : 367,
Procédure de crise : 421
588
Procédure de nomination : Nomination.
Publicité des séances : 548, 631, 646
Procédure de régularisation: 1187, 1188,
Publicité des votes : 549, 646
1189
Procédure de remplacement : 1173,
1174, 1175, 1176, 1177, 1178, 1179, Q
1180, 1181, 1182, 1183, 1184, 1185,
1186 Quartier général suprême des forces
'Procès-verbal : 532, 534, 544 alliées en Europe : 311
Procès-verbal du conseil des ministres Question parlementaire 869, 952, 954,
512, 520 1049, 1146
Processus législatif : Elaboration de la loi, Question préjudicielle : 95, 96, 97, 98,
Loi fédérale lOO, 786
Produit d'impôt : 750 Questure : 532, 533, 534
1020 TABLE ALPHABÉTIQUE
Quorum de présence : 58, 60, 523, 544, Régence : 57, 488, 514, 541, 957, 1053,
643, 1053 1054, 1075, 1109, 1133, 1135, 1136,
Quorum de vote : 58, 60, 62, 63, 523, 1137, 1138, 1174, 1189
545, 643 Régime d'assemblée : 773, 887, 888, 889,
Quotient d'éligibilité : 475 890, 891, 892, 893, 894, 1031, 1086,
Quotient électoral : 4 76, 482 1131
Quotient utile : 4 77 Régime parlementaire : 39, 55, 350, 429,
439, 441, 448, 449, 494, 501, 525, 542,
634, 773, 774, 779, 784, 887, 888, 889,
R 890, 891, 892, 894, 895, 896, 897, 898,
899, 900, 951, 1012, 1013, 1017, 1025,
1074, 1075, 1076, 1094, 1115, 1131,
Race : 231, 303
1145
Radiodiffusion : 197, 255, 283, 475, 520,
548, 667, 702, 744, 972 Régime politique : 773, 861, 887 à 900
Ratification : 352, 368, 622, 865, 898, Régime présidentiel : 440, 773, 887, 888,
1189 889, 890, 891, 892, 894, 922
Ratification législative : 341, 352, 436 Régime semi-parlementaire : 634, 773,
Recensement de la population : 470, 474 958, 1012, 1013, 1017, 1025, 1026,
1027, 1028, 1029, 1034, 1046
Recette : 304
Régime semi-parlementaire atténué :
Recherche scientifique : 738, 969, 983,
1012, 1025, 1030, 1031
985, 1003
Reconversion professionnelle : 973 Région : 80, 300, 313, 314, 318, 322,
354, 388, 404, 412, 413, 414, 418, 420,
Recours à la Cour d'arbitrage : 92, 93,
551, 596, 604, 626, 628, 630, 631, 632,
229, 265
667, 695, 739, 742, 879
Recours en annulation : 92, 93, 289, 290,
Région bilingue de Bruxelles-Capitale :
786
227, 320, 330, 331, 332, 333, 334, 335,
Recouvrement de nationalité : 106, 122 340, 362, 374, 412, 443, 485, 607, 608,
Récusation : 591 619, 624, 691, 697, 701, 704, 968, 971.
Rédaction de la Constitution : 20. Voy. Voy. aussi Bruxelles.
aussi Constitution écrite. Région bruxelloise : 312, 316, 319, 320,
Redevance : 744, 745, 746, 748 360, 364, 365, 366, 380, 413, 480, 596,
Référendum : 53, 149, 463, 923, 1090, WO,U6,U8,6M,W3,W4,W7,W9,
1094 719, 748, 1027, 1030
Refoulement : Accès au territoire. Région de langue allemande : 329, 330,
340, 602, 608, 627, 691, 692, 959, 1008
Réfugié: 128, 129. Voy. aussi Asile poli-
tique. Région de langue française : 330, 333,
Refus d'appliquer : 76, 77, 84, 85, 286, 340, 692, 697, 705, 748
805 Région de langue néerlandaise : 330,
Refus de démission : 1071, 1074, 1080, 340, 610, 692, 697, 699, 705, 748, 966
1083, 1084, 1109, 1118, 1119, 1120, Région flamande : 316, 319, 596, 602,
1121, 1122, 1123, 1134 608, 610, 624, 631, 705, 707, 719,
Refus de sanctionner : Veto. 1005, 1006
TABLE ALPHABÉTIQUE 1021
Sécurité juridique : 144, 190, 191, 200, Siège: 470, 471, 474, 475, 476, 591
201, 249, 277, 840, 908, 917, 960, 1188 Sigle électoral : 259
Sécurité personnelle : 190, 201 Signature : 494, 947
Sécurité sociale: 127, 253, 259, 663, 751, Sociologie : 22, 303
916, 973, 975, 995, 998
Solidarité: 175, 493, 505, 635, 740, 751,
Séjour des étrangers : 132 1058, 1060, 1065, 1071, 1079
Sénat: 88, 163, 400, 414, 417, 425, 426, Solidarité ministérielle : 504, 511, 514
458, 462, 464, 468, 473, 479 à 485,
Solution des crises : Crise.
489, 492, 501, 526, 527, 528, 529, 531,
531, 532, 533, 534, 535, 536, 537, 541, · Sondage : 1163
570, 657, 670, 764, 769, 770, 775, 778, Sonnette d'alarme : 467, 514, 769, 939
852, 869, 880, 927, 930, 942, 943, 945, Sous-sol : 309
946, 952, 1061, 1093, 1184
Souveraineté : 139, 661, 753, 780, 785,
Sénateur : 423, 653 791, 800, 1116
Sénateur associé : 620, 643, 645 Spectacle : 217, 24 7
Sénateur communautaire : 414, 419, 464, Sport : 333, 972
479, 480, 484, 485, 609, 616, 653, 657,
Stabilité de la Constitution : 31, 47
1016, 1146, 1183, 1184
Sénateur coopté : 457, 464, 468, 479, Stage : 433
481, 485, 527, 536, 609, 1146, 1182, Standstill : 271
1183, 1184 Statut des agents de l'Etat : voy. Agent
Sénateur de droit : 433, 462, 464, 467, de l'Etat, Agent public.
479, 527, 536, 778 Statut du magistrat : 555, 588
Sénateur élu direct : 479, 480, 481, 485 Statut du parlementaire : 555, 570, 588,
Sénateur provincial : 484, 527 591
Séparation de l'Eglise et de l'Etat : 218, Statut spécial : voy. Commune à statut
424 spécial.
Séparation des fonctions : 658, 659, 859, Structures de l'Etat : 300, 383, 384, 423
958 Subdivision de province : 341.
Séparation des pouvoirs : 7, 76, 86, 283, Subordination : 395, 399. Voy. aussi
426, 757, 857, 858, 859, 860, 861, 958 Décentralisation, Tutelle.
Serment : 428, 431, 436, 450, 536, 541, Subsidiarité (Principe de -) : 159, 299,
584, 609, 622, 623, 624, 626, 641, 645, 661, 672, 676, 677, 678
654, 829, 955, 957, 1054, 1080, 1134,
Succession au trône: 427, 431, 432, 433,
1136, 1137, 1173, 1175, 1176, 1178,
479, 544, 1054, 1055, 1173, 1175
1181
Services administratifs : 488, 534 Suède : 529, 800
1123, 1133, 1134, 1138, 1139, 1158, Théâtre: 217, 256, 332. Voy. aussi Spec-
1174, 1184, 1189 tacle.
Suppléance du Roi : Régence. Tolérance intellectuelle : 216
Supra-constitutionnalité : 55 Tolérance religieuse : 218
Suprématie de la Constitution 64, 65, Tourisme : 667, 972, 995. Voy. Politique
66, 67, 68, 75, 179, 273, 757 des loisirs et du tourisme.
Sûreté personnelle: 213, 348. Voy. Sécu- Traité de frontières : 310, 867, 898, 956
rité personnelle. Traité de l'At.lantique Nord: 311, 830
Sûreté de l'Etat : 296, 301, 830, 860
Traité de Rome : 793
Suspension (Arrêt de-) : 739
Traité international : 8, 20, 63, 68, 84,
Suspension (Tutelle de -) : 1032 128, 180, 310, 412, 415, 669, 733, 792,
Suspension de la Constitution 282, 793, 797, 800, 801, 803, 821, 806, 813,
ll03, ll33 816, 834, 863, 864, 864, 867, 869,
Suspension d'une décision : 772 1020, 1040, 1155
Syndicat : 259 Traité mixte : 671, 724, 731
Système d'Hondt : voy. Représentation Traitement : 304, 556, 567, 568, 588,
proportionnelle. 592, 593, 846
Système électoral : voy. Election. Traitement d'un ministre : 568
Système parlementaire voy. Régime Traitement inhumain et dégradant : 179,
parlementaire. 251
Système préventif : 278 Tranquillité publique : 348
Système répressif : 276, 277, 278 Transfert de compétences : 74, 660, 663,
707, 757, 959, 1005, 1006, 1007, 1008,
1009, 1010, 1011, 1022
T
Transparence administrative : 176, 212,
264
Taxe : voy. Impôt.
Transport : 365, 412, 720, 733, 1001,
Taxi : 719, 720, 1001 1032. Voy. aussi Taxi,
Télégraphe : 206 Transport scolaire : 226, 722, 969
Téléphone : 206 Travail (Droit du -) : 995
Télévision : Radiodiffusion, Redevance, Travail forcé : 251
R.T.B.F,
Travailleur : 716. Voy. aussi Politique de
Temps de guerre : 920, 1104, 1139. Voy. l'emploi
aussi Guerre.
Travaux parlementaires : Elaboration de
Tendance philosophique et idéologique :
la loi.
210, 254, 266
Travaux publics : 412, 1001, 1032
Tendance politique : 198
Trésor public : 304, 592
Territoire: llO, 111, 112, 301, 302, 307,
308, 309, 310, 311, 312, 321, 328, 428, Tribunal militaire : 492
466, 498, 660, 690, 701, 710, 829, 830, Troisième âge : 667, 977
956, 1103, 1104, 1105, 1156. Voy. Trône : voy. Abdication, Discours du
aussi Frontière. Roi, Vacance du trône, Succession au
Testament : 499 trône, Vacance du trône.
TABLE ALPHABÉTIQUE 1025
Unité du pouvoir' exécutif: 493 Vote : 139, 140, 141, 338, 523, 934, 937,
938, 941, 952, 953, 954, 955. Voy.
Université : 330, 443
aussi Suffrage.
Urbanisme : 242, 345, 412, 673, 708,
Vote article par article : Elaboration de
1000, 1032
la loi.
Urgence : Affaires urgentes. Vote de confiance : 451
Urgence spécialement motivée : 78, 80 Vote de méfiance : 437, 892, 895
Usage : 39, 447, 1076, 1160 Vote de préférence : 475
Utilité publique : 243. Voy. Intérêt géné- Vote nominatif: 545, 549, 1045
ral.
Vote obligatoire : 139
Vote par appel nominal : 549
v Vote par assis et levé : 549
Vote par correspondance : 140, 167
Vacance du trône : 957, 1055, 1088, Vote par procuration : 140, 167
1112, 1135, 1137, 1174 Vote personnel : 140
Vacances parlementaires : 540 Vote secret : 550, 141
Vaccination : 976 Vote sur l'ensemble de la loi : Elabora-
Vérification des pouvoirs: 171, 172,584, tion de la loi.
607, 641, 654, 883, 1021, 1054, 1108,
1146, 1184, 1186
Veto : 507, 790. Voy. aussi Elaboration z
de la loi.
Vice-premier ministre : 37, 513, 517, Zone contiguë : 309 ,
1125, 1171 Zone neutre : 248, 583
TABLE DES MATIÈRES
PAGES
AVANT-PROPOS 5
INTRODUCTION 7
LIVRE PREMIER
LA CONSTITUTION
CHAPITRE PREMIER
LA NOTION DE CONSTITUTION
PAGES
CHAPITRE II
LES CARACTÈRES DE LA CONSTITUTION
SECTION 1". - LE FORMALISME 47
§le'. - La Constitution, règle écrite 48
A. La Constitution et la coutume 48
B. La Constitution et les usages 54
C. La Constitution et les principes généraux du droit public 55
§ 2. - La Constitution, règle solennelle 56
A. La Constitution et la loi fédérale 56
B. La Constitution et la loi spéciale 61
C. La Constitution et les autres règles législatives 63
SECTION II. - LA STABILITÉ . 63
§ 1e'. - La Constitution, règle fondamentale 65
A. Les fondements théoriques . 65
B. Les fondements historiques. 70
C. Les fondements idéologiques 72
§ 2. - La Constitution, règle rigide 75
A. L'auteur de la révision. 75
B. L'objet de la révision . 76
C. La procédure de révision 79
Bibliographie 86
CHAPITRE III
LE RESPECT DÛ À LA CONSTITUTION
PAGES
C. Le contrôle des projets de loi, de décret et d'ordonnance 98
D. Le contrôle des propositions de loi, de décret et d'ordonnance 102
E. Le contrôle des projets de règlement. 102
§ 2. - Les perspectives d'un contrôle juridictionnel des lois 103
A. Les évolutions constitutionnelles 103
B. Les évolutions jurisprudentielles 103
C. Les évolutions doctrinales . 106
§ 3. - L'instauration du contrôle juridictionnel des lois 107
A. La justice constitutionnelle. 107
B. La jurisprudence constitutionnelle 116
C. Les perspectives constitutionnelles 117
Bibliographie 120
LIVRE II
LES CITOYENS
CHAPITRE PREMIER
LA QUALITÉ DE CITOYEN
SECTION re. - LES BELGES . 125
§ 1"'. - La qualité de Belge . 128
A. L'attribution de la nationalité 129
B. L'acquisition de la nationalité 132
C. Le mariage et la nationalité 135
§ 2. - Les limitations 136
A. Les conditions 136
B. La destitution 137
C. Le recouvrement 139
SECTION II. - LES ÉTRANGERS 139
§ 1"'. - Le statut des étrangers 140
A. Les libertés publiques . 140
B. Les libertés économiques, sociales et culturelles 142
C. Les protections particulières 143
§ 2. - Les limitations 145
A. Les conditions 145
B. Les exceptions 147
C. Les interdictions 149
Bibliographie 150
CHAPITRE II
LES DROITS DU CITOYEN
SECTION re. - LES DROITS-FONCTIONS. 152
1030 TABLE DES MATIÈRES
PAGES
CHAPITRE III
LES DROITS DE L'HOMME
SECTION l'e. - LES LIBERTÉS. 187
§ 1 ec. - La reconnaissance des libertés 191
A. Les sources de droit interne 191
B. Les sources internationales. 197
C. Les sources non formelles 200
§ 2. - L'affirmation des libertés . 201
A. Les conditions de la liberté. 201
B. Les usages de la liberté 227
C. Les instruments de la liberté 253
§ 2. - L'évolution des libertés 257
A. Les exigences de la liberté . 258
B. Les perspectives de la liberté 261
C. Les dimensions de la liberté 265
SECTION Il. - LA PROTECTION DES LIBERTÉS 270
§ 1ec_ - Les conditions d'exercice des libertés 271
A. Le statut des libertés . 271
B. La limitation des libertés 282
C. Les risques des libertés. 284
§ 2. - La garantie des libertés 290
A. Les garanties politiques 290
B. Les garanties juridictionnelles 292
TABLE DES MATIÈRES 1031
PAGES
LIVRE III
LES COLLECTIVITÉS POLITIQUES
CHAPITRE PREMIER
L'ÉTAT FÉDÉRAL ET SES COMPOSANTES
CHAPITRE Il
L'ÉTAT ET SES DIVISIONS
PAGES
§ 1., . - La collectivité politique 336
A. La personne juridique . 336
B. Les intérêts communaux 337
C. Les autorités communales 340
§ 2. - Le ressort territorial de la commune. 341
A. Les données historiques 341
B. Les données juridiques 342
C. Le ressort de la commune 343
PAGES
CHAPITRE III
L'ÉTAT ET SES STRUCTURES
LIVRE IV
LES POUVOIRS FÉDÉRAUX
CHAPITRE PREMIER
LE CHOIX DES TITULAIRES DU POUVOIR
PAGES
CHAPITRE II
L'ORGANISATION DES POUVOIRS
SECTION Ire. - LES PROCÉDURES DE GoUVERNEMENT 469
§ l"'. - La règle du contreseing ministériel 470
A. Le principe 470
B. La mise en œuvre. 471
C. Les effets 474
§ 2. - La règle de la solidarité ministérielle 477
A. Le principe 477
B. Les limites 481
C. Les instruments 481
§ 3. - La règle de la discrétion ministérielle 487
A. Le principe 487
B. Les relations entre le roi et les ministres 488
TABLE DES MATIÈRES 1035
PAGES
CHAPITRE III
LE STATUT DES TITULAIRES DU POUVOIR
SECTION l'e. - LE STATUT DES MEMBRES DU POUVOIR EXÉCUTIF FÉDÉRAL 515
§ 1e'. - Les immunités. 516
A. L'inviolabilité du roi . 516
B. La responsabilité pénale des ministres 517
C. La responsabilité civile des ministres 521
§ 2. - Les avantages économiques 521
A. La liste civile du roi 521
B. Le traitement des ministres 524
C. Autres avantages . 524
PAGES
A. L'indemnité parlementaire . 534
B. Les avantages accessoires 535
C. Autres avantages . 535
SECTION III. - LE STATUT DES MAGISTRATS 536
§ 1e'. - Les incompatibilités 537
A. Les interdictions absolues 537
B. Les interdictions relatives 537
C. Les empêchements 538
§ 2. - Les avantages économiques 539
A. Le traitement 539
B. La pension d'éméritat . 540
C. La pension de retraite . 540
Bibliographie 541
LIVRE V
LES POUVOIRS FÉDÉRÉS
CHAPITRE PREMIER
LE CHOIX DES TITULAIRES DU POUVOIR
SECTION 1'". - LES TECHNIQUES DE DÉSIGNATION 545
SECTION II. - LES TECHNIQUES D'ÉLECTION 546
§ 1"'. - L'élection directe 547
A. Les parlements régionaux . 550
B. Les parlements communautaires 553
§ 2. - L'élection médiate 554
A. L'utilisation des élus . 554
B. L'élection des ministres 557
C. L'utilisation des ministres 563
SECTION III. - LES TECHNIQUES D'AUTO-ORGANISATION 564
CHAPITRE II
L'ORGANISATION DES POUVOIRS
SECTION J'e. - LES PROCÉDURES DE GOUVERNEMENT 568
§ 1ec. - La règle de la collégialité. 568
§ 2. - La règle du consensus 569
§ 3. - La règle de la discrétion ministérielle 570
SECTION Il. - LES PROCÉDURES DE DÉLIBÉRATION 570
§ 1e'. - La règle de la délibération unique . 571
TABLE DES MATIÈRES 1037
PAGES
§ 2. - La règle de la majorité 572
§ 3. - La règle de la publicité 573
CHAPITRE III
LE STATUT DES TITULAIRES DU POUVOIR
SECTION I'e. - LE STATUT DES MINISTRES COMMUNAUTAIRES ET RÉGIONAUX. 574
§ 1e'. - Les incompatibilités 574
§ 2. - La responsabilité pénale des ministres 576
SECTION II. - LES STATUTS DES PARLEMENTAIRES COMMUNAUTAIRES ET
RÉGIONAUX . 577
§ l "'. - Les incompatibilités 577
§ 2. - Les immunités 579
Bibliographie 579
LIVRE VI
LE PARTAGE DES COMPÉTENCES
CHAPITRE PREMIER
LE SYSTÈME DE PARTAGE
SECTION I'e. - LES PRINCIPES DU PARTAGE. 584
§ 1e'. - Le principe d'attribution 584
A. Les compétences attribuées 584
B. Les compétences résiduelles 586
C. Un renversement de perspectives 586
§ 2. - Le principe d'exclusivité . 588
A. Les compétences exclusives 588
B. Les interprétations larges . 589
C. Les interprétations strictes . 590
§ 3. - Le principe d'externalité . 590
A. Les compétences internationales 590
B. Les compétences partagées. 591
C. Les compétences mixtes 591
SECTION II. - LA MISE EN ŒUVRE DU PARTAGE . 592
§le'. - Le principe de proportionnalité 592
A. Les compétences mesurées . 592
B. Les compétences limitées . 593
C. Les compétences adaptées . 594
§ 2. - Le principe de subsidiarité 594
A. Des compétences concurrentes?. 594
1038 TABLE DES MATIÈRES
PAGES
B. Des compétences complémentaires 594
C. Des compétences supplétives 595
§ 3. - Le principe de parallélisme 596
SECTION III. - LES DIFFICULTÉS DU PARTAGE 597
§ 1e'. - Les compétences réservées 597
A. Les compétences réservées par la Constitution 597
B. Les compétences réservées par la loi spéciale . 598
C. Les compétences réservées de manière implicite 599
§ 2. - Les compétences implicites 599
A. Les compétences implicites, selon les textes 599
B. Les interprétations jurisprudentielles 600
C. Les commentaires doctrinaux 601
§ 3. - Les compétences accessoires 602
CHAPITRE II
LA DISTRIBUTION DES COMPÉTENCES
SECTION I'e. - L'EXERCICE DES COMPÉTENCES FÉDÉRALES 604
SECTION II. - L'EXERCICE DES COMPÉTENCES COMMUNAUTAIRES 605
§ 1e'. - Les appartenances communautaires 605
A. Le principe de territorialité 606
B. Le principe de non-territorialité. 608
C. Les effets externes 613
§ 2. - Les régimes juridiques particuliers 613
A. Les Commissions communautaires française et flamande 613
B. La Commission communautaire commune 614
C. Les compétences transférées 614
CHAPITRE III
LES CONCOURS DE COMPÉTENCE
PAGES
C. L'autorité de l'accord . 626
§ 2. - La coopération procédurale 627
A. Le régime juridique des procédures 627
B. Les formes et procédures 628
C. Les formes substantielles 634
CHAPITRE IV
LA DISTRIBUTION DES MOYENS
SECTION 1' 0
• - LES RESSOURCES PROPRES 637
§ 1,.,.. - Les impôts 637
A. Le pouvoir de lever l'impôt 637
B. La prééminence fédérale 639
C. Les additionnels et soustractionnels . 641
§ 2. - Les taxes et redevances 641
§ 3. - Les emprunts 642
SECTION II. - LES RESSOURCES DÉRIVÉES 643
§ 1e'. - Les impôts communautaires dérivés 643
§ 2. - Les impôts régionaux dérivés 643
§ 3. - Le produit d'impôts fédéraux 644
SECTION III. - LA SOLIDARITÉ FINANCIÈRE 645
Bibliographie 646
LIVRE VII
LES FONCTIONS FÉDÉRATIVES
CHAPITRE PREMIER
LA DÉFINITION DES FONCTIONS
SECTION l"c. - LES FONCTIONS INTÉGRATRICES 652
§ l c'. -·-- La jonction constituante . 652
§ 2. - La fonction de justice constitutionnelle 653
§ 3. - La fonction de consultation constitutionnelle 655
SECTION II. - LES MÉTHODES INTÉGRATRICES 656
§ l ". - L'attitude de loyauté 656
A. Le principe politique de loyauté 656
B. Le principe juridique de loyauté 658
C. Les pratiques déloyales 659
§ 2. - Les méthodes de conciliation 659
A. Le principe de conciliation . 659
1040 TABLE DES MATIÈRES
PAGES
CHAPITRE II
CHAPITRE III
PAGES
LIVRE VIII
LES FONCTIONS FÉDÉRALES
CHAPITRE PREMIER
LA DÉFINITION DES FONCTIONS
SECTION l'e. - L'IDENTIFICATION DES FONCTIONS ÉTATIQUES 701
§ 1e•. -Les fonctions de sécurité nationale. 702
A. L'objectif 703
B. Les conceptions 704
C. Les techniques 705
§ 2. - Les fonctions de relations extérieures 706
A. Les relations diplomatiques 706
B. Les relations conventionnelles . 707
C. Les organisations internationales 707
SECTION II. - L'IDENTIFICATION DES FONCTIONS COLLECTIVES 708
§ 1e•. - Les fonctions de direction 709
A. La fonction de gouvernement 709
B. La fonction de législation et de réglementation 710
C. La fonction de coopération . 713
§ 2. - Les fonctions d'administration. 714
A. L'administration des services 714
B. L'administration des personnels 715
C. L'administration des moyens financiers 716
§ 3. - Les fonctions de contrôle 720
A. Les contrôles politiques 721
1042 TABLE DES MATIÈRES
PAGES
B. Les contrôles financiers 722
C. Les contrôles juridictionnels 724
Bibliographie 725
CHAPITRE. II
LA RÉPARTITION DES FONCTIONS
SECTION l'e. - L'ATTRIBUTION DES FONCTIONS ÉTATIQUES 732
§ 1"'. - Le principe d'exclusivité. 732
A. La représentation de l'Etat 732
B. La défense du territoire de l'Etat 734
§ 2. - Les tempéraments 734
A. L'intervention des chambres 734
B. L'intervention des autorités fédérées 735
§ 3. - Les limitations . 736
A. Le contrôle des politiques . 736
B. Le contrôle des moyens humains 736
C. Le contrôle des moyens financiers 737
PAGES
Bibliographie 762
CHAPITRE III
L'EXERCICE DES FONCTIONS
PAGES
LIVRE IX
LES FONCTIONS FÉDÉRÉES
CHAPITRE PREMIER
LA DÉFINITION DES COMPÉTENCES
COMMUNAUTAIRES ET RÉGIONALES
SECTION J'•. - LES COMPÉTENCES COMMUNAUTAIRES. 817
§ 1"'. - L'emploi des langues 818
A. Les personnes privées . 819
B. Les administrations publiques 820
C. La justice et les autres compétences fédérales . 821
§ 2. - Les matières éducatives 822
§ 3. - Les matières culturelles 822
A. La défense et l'illustration de la langue 823
B. Les activités et institutions culturelles 823
C. Les activités liées à un changement de profession 824
§ 4. - Les matières personnalisables 825
A. La politique familiale 826
B. La politique de santé . 826
C. L'aide aux personnes . 827
§ 5. - Les autres compétences communautaires. 830
SECTION II. - LES COMPÉTENCES RÉGIONALES 831
§ 1"'. - L'organisation du territoire 832
A. L'aménagement du territoire 832
B. L'environnement . 833
C. La conservation de la nature 834
D. Le logement . 835
§ 2. - L'économie . 835
A. La politique économique régionale 835
B. La politique économique fédérale 836
C. L'union économique et l'unité monétaire . 837
§ 3. - La politique sociale . 838
§ 4. - L'équipement du territoire. 839
A. La politique de l'eau . 839
B. La politique de l'énergie 839
C. Les travaux publics et les transports. 840
§ 5. - Les autres compétences régionales . 841
SECTION III. - LES COMPÉTENCES TRANSFÉRÉES 844
§ 1•'. - Un transfert global de compétences 844
A. Un transfert effectif 844
B. Un transfert virtuel 845
TABLE DES MATIÈRES 1045
PAGES
CHAPITRE II
LA RÉPARTITION DES FONCTIONS
CHAPITRE III
L'EXERCICE DES FONCTIONS
PAGES
LIVRE X
LES PROCÉDURES DE CRISE
CHAPITRE PREMIER
LA DÉFINITION DES CRISES
SECTION l'c. - LES CIRCONSTANCES DE CRISE 876
§ 1ec. - Les données individuelles 877
A. La maladie 877
B. Le décès. 879
C. La renonciation aux fonctions 880
§ 2. - Les données politiques 887
A. La révocation individuelle 887
B. La révocation collective 889
C. Le renvoi individuel 891
D. Le renvoi collectif. 893
E. La démission individuelle 899
F. La démission collective 901
G. La dissolution 907
§ 3. - Les données extrinsèques 917
A. Le cas fortuit et la force majeure 917
B. La guerre et l'insurrection 919
C. Le danger public . 922
SECTION II. - L'INTENSITÉ DES CRISES 923
§ 1ec. - Le renouvellement des titulaires du pouvoir . 924
A. Les compétences liées . 924
B. Les compétences mesurées . 925
C. Les compétences discrétionnaires 926
§ 2. - La perturbation des fonctions 927
A. Les crises de courte durée 927
B. Les crises de longue durée . 928
C. Les crises en chaîne 929
§ 3. - La mise en cause du système constitutionnel 930
A. Les atteintes aux autorités constituées 930
B. Les atteintes au régime constitutionnel 931
C. Les atteintes à l'existence de l'Etat 932
Bibliographie 932
CHAPITRE II
LE DÉROULEMENT DE LA CRISE
SECTION l'e. - LA PRÉVENTION DES CRISES. 935
§ 1e'. - Les procédures de résorption . 936
TABLE DES MATIÈRES 1047
PAGES
A. Le refus de la démission d'un ministre 936
B. Le refus de la démission d'autres autorités publiques 937
C. D'autres refus 938
§ le'. - Les procédures de temporisation 939
A. La démission différée 939
B. Les consultations . 940
C. D'autres avis. 942
§ 3. - Les tentatives de rationalisation 943
A. Un gouvernement de législature 944
B. Un parlement de législature 945
C. Un gouvernement et un parlement de législature 947
SECTION II. - LA GESTION DES CRISES. 947
§ le'. - La suppléance des autorités publiques 949
A. L'interrègne . 949
B. La régence 950
C. Autres formes de suppléance et intérim 953
§ 2. - La permanence des fonctions 954
A. Les affaires courantes . 955
B. Les affaires urgentes 966
C. L'absence de permanence 967
§ 3. - La continuité de l'Etat 967
A. La fonction exécutive 967
B. La fonction législative. 968
C. Le statut des citoyens 970
Bibliographie 972
CHAPITRE III
LA SOLUTION DES CRISES
SECTION I'e. - LES PROCÉDURES OFFICIEUSES 974
§ l ". - Les procédures de consultation 975
A. Les consultations politiques 975
B. Les autres avis 975
§ 2. - Les procédures d'incitation 976
A. Le droit d'avertir. 976
B. Le droit de stimuler 977
§ 3. - Les procédures de négociation 978
A. Les partenaires à la négociation. 978
B. La négociation d'un programme 978
C. Le choix d'une équipe . 980
SECTION II. - LES PROCÉDURES OFFICIELLES 981
§ le'. - Les procédures de remplacement 982
A. Les autorités exécutives 982
1048 TABLE DES MATIÈRES
PAGES
B. Les assemblées et leurs membres 984
§ 2. - Les procédures de régularisation 986
A. Les procédures d'aval . 987
B. Les procédures de restauration . 988
§ 3. - Les procédures de contrôle. 989
A. Les contrôles juridiques. Les personnes 989
B. Les contrôles juridiques. Les actes 992
C. Les contrôles politiques 993
Bibliographie 994
CoNCLUSION. 995
IMPRIMÉ EN BELGIQUE