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Les douleurs neuropathiques

un défi gériatrique

F. Capriz
capriz.f@chu-nice.fr
Déclaration publique d’intérêt

Je soussignée CAPRIZ Françoise déclare avoir un intérêt


avec un organisme privé, industriel ou commercial en
relation avec le sujet présenté.

• Laboratoire Abott
• Laboratoire Grunenthal
Définition de l’Académie Française

• Obstacle ou ensemble « Défi »


d’obstacles qu’il faut
franchir pour atteindre un
certain objectif

• Le fait de tenir tête à


quelqu’un, de s’opposer à
son pouvoir…

• Action de provoquer en
combat singulier…
Douleurs neuropathiques

celles que l’on ne voit pas

• du domaine de l’irrationnel pour


le patient et son entourage
• souvent chroniques à distance
d’une pathologie
• mots clés caractéristiques
• identification et évaluation
spécifiques
Définition
• IASP 1994: • 2008: Treede et al,
– Douleur initiée ou Neurology
causée par une lésion – Douleur associée à
primitive ou un une lésion ou une
dysfonctionnement du maladie affectant le
système nerveux système somato-
sensoriel

Entité spécifique qu’il est possible de


diagnostiquer – évaluer – traiter
indépendamment de l’étiologie en cause
Les douleurs
neuropathiques
chroniques :
diagnostic, évaluation
et traitement en
médecine ambulatoire.

Recommandations pour
la pratique clinique de la
SFETD

Douleurs Évaluation - Diagnostic -


Traitement (2010),11: 3-21
1 - défi sémiologique pour le
gériatre…. et le patient âgé
• Paresthésie: sensations anormales non
douloureuses à type de fourmillements,
picotements, engourdissements
• Dysesthésies: sensations anormales non
douloureuses ayant une tonalité très
désagréable
• Allodynie: douleur causée par une stimulation
normalement non douloureuse
• Hyperalgésie: réponse exagérée à une
stimulation qui est normalement douloureuse
• Hyperpathie: syndrome douloureux
caractérisé par une réponse exagérée à un
stimulus répété et dont le seuil est
Les différentes composantes sémiologiques
de la douleur neuropathique
Lanteri-Minet.M, Press.Med, 2008

systématisation topographique
2- défi épidémiologique
• STOPNEP (Study of the
Prevalence of Neuropathic Pain )
– enquête postale
– population générale adulte
– taux de retour: 81%

• 30.155 personnes
• 31,7 % douloureux chroniques
• 6,9 %: critères + de douleur
neuropathique

– Prévalence ++ > 50 ans


– ++ femmes / hommes
Prévalence selon l‘âge

Douleurs Douleurs
Age (ans)
chroniques neuropathiques
< 25 21,0% 4,9%
25-34 20,9% 4,2%
35-49 25,5% 6,4%
50-64 40,1% 9,3%
65-74 46,3% 8,4%
 75 52,4% 9,0%

Bouhassira 2008
Chez la PA: Prévalence de l’atteinte du SNP +++ / SNC
• Nutritionnelles (anémie de • Mononeuropathies • AVC
Biermer, etc.) • Syndromes canalaires • Trauma.
• Dysimmunitaires • Trauma. tronculaires medullaires
(gammapathies (accidentels ou post-
monoclonales) chirurgicaux)
• Tumorales (S. • Hypothyroïdie
paranéoplasique, etc.) • Zona NPF : atteinte
• Idiopathiques • Compression tumorales fibres C et A
(neuropathies périph. delta.
douloureuses à petites • Polyneuropathie S. sensitifs
– Diabète douloureux +++
fibres (NPF) avec préservation
– Ethylisme
• Plexopathies (traumatique, des fibres de
– Sida gros calibre 
tumorale, post-radique, canalopathie
etc.) • Iatrogènes (antiviraux, (canaux
• Polyradiculopathies (S. de vincristine, cisplatine, sodiques)

la queue de cheval, CLE, taxotères, isoniazide,


etc.) amiodarone) …….
• Radiculopathies (sida,
diabète, compression, etc.)
3 - défi physiopathologique
Mécanismes
périphériques
• activités électriques
ectopiques
• sensibilisation des
récepteurs
nociceptifs
 activité spontanée…
• Éphapses
 « court-circuits» entre
des fibres de petit et
de gros calibre
Mécanismes centraux

• Sensibilisation centrale
(hyperexcitabilité des neurones
nocicepteurs médullaires)
• Altération des systèmes de
modulation
– notamment diminution du
contrôle inhibiteur cérébral
descendant.

Multiplicité et complexité des


mécanismes physiopathologiques
4 - défi temporel / risque psycho-social
Bouhassira D. – la douleur neuropathique et ses frontières
2007 - Ed. Medline

 Douleur neuropathique = douleur


chronique (intensité ++)
 Évolution propre, souvent séquellaire
– Troubles de l’humeur, émotions (peur, colère,
anxiété, dépression…)
– État de stress émotionnel, syndrome de
résignation, renoncement…
– Risques cognitifs
– Risques sociaux (retentissement fonctionnel)
• Impact négatif sur la qualité de vie 
proposer rapidement un traitement adapté.
Prise en charge des douleurs neuropathiques
chroniques sévères : résultats de l’« Enquête patients, soins et
intervenants de la douleur neuropathique » (Epsidone)
Virginie Van Belleghem, Didier Bouhassira
Douleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (2009) 10, 283—291de

1967
internautes,
majeurs, en
France

douleurs
chroniques avec
caractéristiques
neuropathiques

Activités rendues impossibles par la douleur Qualité de vie et DN


5 - défi diagnostique
Contextes cliniques variés et intriqués

• peu de problèmes si • dans d’autres situations


contexte de maladie probablement
neurologique ou si lésion majoritaires, lésion
du SN facilement nerveuse non suspectée
identifiable.

Diagnostic de douleur neuropathique = clinique


Pathologie de la Nociception
D.Bouhassira, Presse Med. 2008

Un des « paradoxes » des


Douleurs mixtes
lésions nerveuses
• manifestations possibles • source d’ambiguïté
par la combinaison de – (co-existence avec douleurs
– symptômes positifs musculo-squelettiques,
(douleurs, inflammatoires …
paresthésie/dysesthésies)
– et déficit sensitif partiel ou
complet, avec ou sans
allodynie ou hyperalgésie ces douleurs ne sont en
aucun cas l’exclusivité des
neurologues
6 - défi métrologique
• questionnaire DN4 = échelle de
dépistage diagnostique de la douleur
neuropathique en 4 questions
 le questionnaire de référence en France
– permet de faire le diagnostic de douleur
neuropathique avec une sensibilité de 82,9%
et une spécificité de 89,9 % (valeur seuil de 4
pour le score global)
– … mais est-il adapté à nos populations
gériatriques ?
Un outil d’aide au diagnostic…
DN4 = Douleur neuropathique en 4 questions
Bouhassira et al, 2005

Score : 4/10
Spécificité: 90%
Sensibilité: 83%

Score = 3/7
Spécificité : 81,2%
Sensibilité : 78%
• questionnaire painDETECT
détecte la présence de symptômes
neuropathiques

souvent
utilisé dans l’espace germanophone

questionnaire d’auto-évaluation à 9
items =
7 items descripteurs symptomatiques
2 items temporels
pas d’examen clinique

validation dans une population de


patients présentant des douleurs
lombaires

N. Attal, Douleur et Analgésie 2010


2. Outils d’évaluation post-diagnostique :
l’exemple du questionnaire NPSI
(Neuropathic Pain Symptom Inventory - 2004)

Intensité des douleurs spontanées Intensité des douleurs provoquées


Q1. Douleur ressentie comme une brûlure Q8. Douleurs provoquées ou augmentées
? par le frottement sur la zone douloureuse
Q2. Douleur ressentie comme un étau ? ?
Q3. Douleur ressentie comme une Q9. Douleurs provoquées ou augmentées
compression ? par la pression sur la zone douloureuse ?
Q4. Douleurs spontanées présentes : en Q10. Douleurs provoquées ou
permanence / 8 à 12h / 4 à 7h / 1 à 3h / augmentées par le contact avec un objet
<1h Intensité des crises douloureuses froid sur la zone douloureuse ?
Q5. Crises douloureuses ressenties Intensité des sensations anormales
comme des décharges électriques ? Q11. A type de picotements ?
Q6. Crises douloureuses ressenties Q12. A type de fourmillements ?
comme des coups de couteau ?
Q7. Crises douloureuses présentées ? 10 descripteurs (EN 0 à 10)
>20 / 11 à 20 / 6 à 10 / 1 à 5 / aucune Score global : 100
Que nous reste-t-il ?
Les douleurs neuropathiques chroniques
Douleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (2010),11: 3-21
Douleur neuropathique chez la P.A.
Pickering G, Capriz F, Psychol NeuroPsychiatr Vieil 2008
Stratégies d’évaluation des douleurs neuropathiques
Attal N, Bouhassira D, Neurologie – Elsevier Masson SAS 2010

• Pas d’outil spécifique de la


DN validé chez le patient
non communicant
• EVS, EN … et les échelles
d’hétéro-évaluation à
répéter (même échelle)
• ….Le bon sens clinique
CAT chez le patient dément

• connaissance ++ du
patient
• utilisation fréquente d’une
échelle d’hétéro-
évaluation  dépistage
douleur
• repérage d’une DN selon
le contexte clinique
• examen clinique minutieux
Place ? des examens complémentaires dans
le diagnostic des douleurs neuropathiques

• Pour le diagnostic positif de la douleur


neuropathique : NON
diagnostic exclusivement clinique

• … seul intérêt : rechercher si besoin la lésion


nerveuse à l’origine de la douleur.
diagnostic étiologique
7 - défi étiologique
Lanteri-Minet.M, Press.Med, 2008

• Contexte clinique • Contexte clinique


non neurologique: neurologique
– risque principal : erreur – risque principal : erreur
par défaut par excès
• ne pas évoquer la • considérer toute douleur
nature neuropathique de survenant dans un
la douleur dans un contexte neurologique
contexte de survenue comme une douleur
non neurologique. neuropathique.
• ex: douleur • ex: périarthrite
neuropathique post- scapulohumérale
traumatique associée à secondaire au déficit
une lésion articulaire au moteur post-AVC.
premier plan
douleur neuropathique diabétique
Davies M, Brophy S, Williams R, Taylor A. The prevalence ,severity, and impact of painful diabetic peripheral
neuropathy in type 2 diabetes.
Diabetes Care 2006 V

• Les 2 composantes
de la DN:
– seules
– ou en association chez
le même patient

• 26,4% des
diabétiques
Douleur neuropathique cancéreuse
Piano V, Lanteri-Minet M. Douleur neuropathique et cancer :
quelles recommandations en Europe ? Douleurs, 2014

• prévalence élevée, mais difficile à repérer


– Anciennement illégitimes, paradoxales (R à la
morphine)
• > 40 % des douleurs du cancer sont mixtes
• et la toxicité des chimiothérapie ? ( sels de
platines – taxanes…)  peu d’info chez les > 80
ans
Douleur neuropathique et cancer :
quelles recommandations en Europe ?
V. Piano, M. Lanteri-Minet
Douleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (oct. 2014)

Hétérogénéité +++ entre les RBP européennes portant sur le diagnostic et


l’évaluation des douleurs neuropathiques chez les patients souffrant de cancer.
Douleurs du Zona
Vallée J.P. et all, Med, juin 2014

incidence annuelle :
• APZ: > 6 mois après
– < 2 cas/1 000 avant 50
la période infectieuse
ans
– 12 cas/1 000 après 80
ans. • FdR:
– âge
– sévérité de l’éruption
cutanée
– intensité de la Dl en
phase aiguë
Douleurs neuropathiques
post-opératoires
Dual. C, Douleur et Analgésie, sept. 2014

• incidence élevée: • DN = ½ des douleurs


– chirurgie du sein chroniques postopératoires.
– chirurgie de hernie • Mécanismes: association
inguinale lésion nerveuse directe et
– chirurgie thoracique hyperalgésie.
– chirurgie d’amputation
• mais aussi: orthopédie,
viscéral, vasculaire
• composante neuropathique
peu présente en postop.
immédiat mais fréquence
stable de 50 % à 1 et 3 mois
après la chirurgie.
Et les douleurs de plaies chroniques ?
Passadori.Y, la Revue de Gériatrie, mars 2014

• grabatisation fréquente
• souffrance physique et morale
• image personnelle dégradée

• Hyperalgésie zone péri-


lésionelle – allodynie…

• Excès de stimulation des


troncs nerveux proximaux
et/ou désafférentation sur
nécrose (= zone
d’amputation)
• Douleurs « mixtes »
complexes
Conclusion

– Vulnérabilité du • Diagnostic
sujet âgé
clinique ++
– Polypathologies
intriquées • Conséquences
délétères sur
• DN souvent
les plans
« masquées »
cognitif et de
– y penser / les
rechercher
l’autonomie

Encore des manques (connaissances, maîtrise … )  affaire à suivre


Quand la douleur
l’emporte sur la
raison ….

Merci de votre attention

"la douleur"
Mariusz Lewandowski

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