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Janvier FERMOSE
Docteur/Ph.D en Droit public
Chargé de Cours à la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques
Université de Ngaoundéré (Cameroun).
et
Résumé
La détermination des choix budgétaires est devenue une des priorités des organes
budgétaires en charge de la gestion financière des entités publiques, notamment l’État, les
collectivités territoriales décentralisées et les établissements publics. Bien que les choix
budgétaires soient par définition discrétionnaires et donc difficiles à encadrer, le législateur
camerounais parvient à le faire sans priver les organes budgétaires d’une certaine liberté d’action
nécessaire. Suivant une approche juridique, il ressort que le législateur camerounais encadre les
choix budgétaires de façon variable selon que l’on est au stade de l’élaboration ou de l’exécution
du budget. Dans le premier cas, il y a une primauté de l’opportunité des choix budgétaires alors
que dans le second cas, émerge la prégnance de la légalité dans les choix budgétaires.
Abstract
The determination of budgetary choices has become one of the priorities of the budgetary
bodies in charge of the financial management of public entities, in particular the State,
decentralized local authorities and public institutions. Although budgetary choices are by
definition discretionary and therefore difficult to regulate, the Cameroonian legislator manages to
do so without depriving the budgetary bodies of a certain necessary freedom of action. Following
a legal approach, it appears that the Cameroonian legislator regulates budgetary choices in a
variable way depending on whether one is at the stage of drawing up or implementing the
budget. In the first case, there is a primacy of the timeliness of budgetary choices, while in the
second case, the importance of legality in budgetary choices emerges.
Introduction
L’évocation des choix budgétaires conduit généralement à une mise en corrélation
spontanée avec à la Rationalisation des Choix Budgétaires (RCB) qui, dans les années 1970, a
conduit à la pratique des budgets programmes1. Or, il s’agit là une conception militée qui ne
favorise pas l’étude des problèmes juridiques que soulèvent tous les choix budgétaires. Déjà,
telle qu’elle fut pratiquée, cette technique ne s’appliquait initialement qu’aux dépenses.
Aujourd’hui, la détermination des choix budgétaires constitue une préoccupation constante des
entités publiques, notamment l’État, les collectivités territoriales décentralisées et les
établissements publics. En France, si au moment de son introduction, la RCB était souvent
perçue comme la Rationalisation du Choix des Dépenses (RCD), en 1968, le Ministère de
l’Economie et des Finances avait ainsi d’ailleurs porté « […] sa préférence sur le sigle ODP
(Optimisation des Dépenses Publiques) »2.
Depuis une décennie, la modernisation de la gestion budgétaire dans bon nombre
d’États de l’Afrique noire francophone conduit à l’optimisation des choix budgétaires, à la
rationalisation des recettes et dépenses publiques et à l’équilibre des rapports entre l’exécutif et
le législatif. Ainsi, si la RCB donne l’impression que l’exécutif est le seul pouvoir à effectuer des
choix budgétaires, il est à noter que le législatif n’est pas du tout en reste. Cette technique
conduit à porter toute l’attention uniquement sur la rationalisation des choix au détriment de
l’encadrement des choix. On le voit bien au Cameroun où Benjamin BIDIAS constate, certes
avec dépit, que « les choix budgétaires sont des compromis politico-économiques entre intérêts
contradictoires »3, mais préconise seulement d’y introduire la RCB sans même envisager s’il est
possible de mieux encadrer des choix qui sont par définition discrétionnaires.
Conceptuellement, afin de définir les choix budgétaires, il convient d’abord de procéder
séparément avec les termes clés avant d’envisager une définition d’ensemble.
Par définition, les choix sont simplement entendus comme un pouvoir de décision. De
son côté, la notion de budget reste perçue comme « un acte par lequel sont prévues et autorisées
1
Michel PAUL, « Rationalisation des Choix Budgétaires (aspects juridiques) », in Loïc PHILIP (dir.), Dictionnaire
encyclopédique de finances publiques, Paris, Economica, 1991, p. 1273.
2
Ibid., p. 1270.
3
Benjamin BIDIAS, Les finances publiques du Cameroun, Yaoundé, Editions BB Sarl, 2ème édition, 1982, p.320.
les recettes et les dépenses annuelles de l’État […]»1. Cette conception classique de la notion de
budget qui a certes connu une évolution au cours du XXème siècle2, conserve encore une portée
pratique et permet d’appréhender les choix budgétaires comme des décisions prises en matière de
recettes et de dépenses. Mais cette définition qui se limite uniquement à l’objet des choix
budgétaires demeure insuffisante pour donner une compréhension claire du sujet. Il faut encore
pouvoir identifier les organes habilités à effectuer ces choix ainsi que leurs moments
d’intervention respectifs, c’est-à-dire le stade de la procédure budgétaire où s’effectuent les
choix budgétaires. Concrètement, il s’agit des choix effectués par les organes exécutifs et
délibérants pendant l’élaboration et l’exécution du budget.
Dans la doctrine, les auteurs camerounais ne donnent pas nécessairement un contenu
précis aux choix budgétaires. Même en France où la RCB a été appliquée, les auteurs s’efforcent
à la décrire sans souvent proposer une définition en soi des choix budgétaires3. À ce propos, le
Dictionnaire encyclopédique de finances publiques de Loïc PHILIP est très illustratif. Au lieu de
définir les choix budgétaires à la page où il prend soin de faire figurer ce vocable, il y est tout
simplement indiqué « voir : Rationalisation des Choix Budgétaires »4. En d’autres termes, ce
dictionnaire spécialisé opère un renvoi du lecteur à la page où est définie la RCB. Lorsqu’on s’y
rend, l’on ne trouve cependant aucune définition pour les choix budgétaires5.
Sous ces considérations, les choix budgétaires doivent être entendus comme les décisions
prises en matière de recettes et de dépenses par les organes exécutifs (Gouvernement, chef de
l’exécutif municipal ou régional) et l’organe délibérant (Parlement, Conseil municipal ou
régional) pendant l’adoption et l’exécution du budget.
Selon le moment où ils s’effectuent, les choix budgétaires n’ont pas nécessairement le
même objectif. Pendant l’élaboration du budget, il s’agit de décider de la création, de la
1
Article 62 du Décret de 1912 portant régime financier des colonies. Cette définition n’est qu’une reprise de celle
du Décret impérial du 31 mai 1862 sur le règlement général de la comptabilité publique.
2
Sur l’évolution de la notion de budget, V. Benjamin BIDIAS, Les finances publiques du Cameroun, op.cit., pp. 43-
53.
3
V. Jacques PERCEBOIS, « Rationalisation des Choix Budgétaires (aspects économiques) », in Loïc PHILIP (dir.),
Dictionnaire encyclopédique de finances publiques, op.cit., pp. 1266-1270 ; Michel PAUL, « Rationalisation des
Choix Budgétaires (aspects juridiques) », in Loïc PHILIP (dir.), Dictionnaire encyclopédique de finances publiques,
op.cit., pp. 1270-1273.
4
Loïc PHILIP (dir.), Dictionnaire encyclopédique de finances publiques, op.cit., p. 289.
5
V. Jacques PERCEBOIS, « Rationalisation des Choix Budgétaires (aspects économiques) », in Loïc PHILIP (dir.),
Dictionnaire encyclopédique de finances publiques, op.cit., p. 1266 ; Michel PAUL, « Rationalisation des Choix
Budgétaires (aspects juridiques) », in Loïc PHILIP (dir.), Dictionnaire encyclopédique de finances publiques,
op.cit., pp. 1270-1273.
1
Gaston JEZE, Cours de science des finances et de législation financière française, Paris, Giard, 1922, 6ème édition,
324p. Cité par Cyril LAURENT, L’encadrement des politiques budgétaires sous la V e République, Thèse de
Doctorat en Droit public, Université de Reims Champagne-Ardenne, 2017, p. 10.
discrétionnaire à l’organe exécutif qui est le premier à exprimer ses choix, puisque c’est lui qui
est chargé de préparer le projet de budget sur lequel l’organe délibérant exprimera ultérieurement
les siens. Ainsi, au stade de l’élaboration du budget, l’organe exécutif (Gouvernement, exécutif
municipal ou régional) détient un pouvoir discrétionnaire étendu pour exprimer ses choix
budgétaires (A), tandis que l’organe délibérant ne détient qu’un pouvoir discrétionnaire étriqué
pour exprimer les siens (B).
A. Des choix budgétaires étendus pour l’organe exécutif
L’organe exécutif (Gouvernement, exécutif municipal ou régional) exprime
discrétionnairement ses choix dans le projet de budget. Ayant le monopole de la préparation des
budgets1, il décide souverainement des prévisions budgétaires en matière de recettes et de
dépenses. Cela paraît peu discutable, car pour l’État, puisqu’il n’existe que « […] des projets de
lois de finances et il ne peut y avoir de ‘‘proposition de loi de finances’’ d’origine
parlementaire »2. Au Cameroun, aucune disposition juridique ne limite le pouvoir d’initiative,
par exemple, du Gouvernement qui jouit d’une totale liberté d’action en la matière3. S’il existe
des documents de programmation pluriannuelle4, ils ne portent pas atteinte à la liberté
d’appréciation et d’adaptation de l’organe exécutif5. Ce constat est autant valable pour
l’élaboration du budget de l’État (1) que de celui du budget local (2).
1. Des pouvoirs discrétionnaires dans l’élaboration du budget de l’État
Il est important que l’exécutif puisse souverainement effectuer des choix budgétaires qui
vont lui permettre de réaliser son projet de société auquel le peuple a adhéré lors des
consultations électorales. Pour ce faire, l’article 11 (1) de la Constitution6 en vigueur au
1
Jean-Luc MATT, « La procédure budgétaire : le Parlement et contrainte budgétaire », in Jean-Marie MONNIER,
Finances publiques, Paris, La Documentation française, 4ème édition, 2016, p. 109.
2
Cyril LAURENT, L’encadrement des politiques budgétaires sous la V e République, Thèse de Doctorat en Droit
public, op.cit., p. 105.
3
Si d’aucuns peuvent être tentés de voir une forme de limitation dans les six(06) lois de planification quinquennale
votées par l’Assemblée nationale entre 1960 et 1986, il ne faut pas perdre de vue qu’elles n’avaient qu’une portée
indicative. V. par exemple, la Loi n°76/020 du 09 septembre 1976 portant approbation du IV ème plan quinquennal de
Développement Économique, Social et Culturel ; loi n°81-12 du 27 novembre 1981 approuvant le Vème plan
quinquennal de Développement Economique, Social et Culturel ; loi n°86-11 du 14 août 1986 portant approbation
du VIème plan quinquennal de Développement Économique, Social et Culturel.
4
En vertu de la législation de la CEMAC, l’État du Cameroun est tenu d’élaborer quelques documents de
programmation pluriannuelle. Il s’agit du Cadre Budgétaire à Moyen Terme (CBMT) ; du Cadre de Dépense à
Moyen Terme (CDMT) et de la Stratégie d’Endettement à Moyen Terme (SEMT).
5
Jean-Luc MATT, « La procédure budgétaire : le Parlement et contrainte budgétaire », in Jean-Marie MONNIER,
Finances publiques, op.cit., p. 106.
6
Loi n°2008/001 du 14 avril 2008 modifiant et complétant les dispositions de la loi n°96/06 du 18 janvier 1996
portant révision de la Constitution du 02 juin 1972 (ci-après la Constitution).
1
Voir note n°13 supra.
2
À titre d’illustration, nous avons la circulaire n°001/CAB/PRC du 24 juillet 2019 relative à la préparation du
budget de l’État pour l’exercice 2020, pour ne citer que celle-là.
3
V. Benjamin BIDIAS, Les finances publiques du Cameroun, op.cit., pp. 231-236.
1
V. l’article 55 (1) de la loi de 2018 portant régime financier de l’État et des autres entités publiques.
2
Article 228 ter de la loi n02021/026 du 16 décembre 2021 portant loi de finances de la République du Cameroun
pour l’exercice 2022.
3
Article 228 quinquies de la même loi.
4
Article 228 (1) de la même loi,
5
V. Janvier FERMOSE, « Covid-19 : l’aménagement des dispositions fiscales au Cameroun », Lexbase Afrique-
OHADA, n°37, 2020, pp. 24-27. V. aussi Diane MANDENG, « Dépenses fiscales et COVID-19 au Cameroun »,
RAFIP, n010, op.cit., pp. 279-305.
6
L’ordonnance n°2020 du 03 juin 2020 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°2019/023 du 24
décembre 2019 portant loi de finances de la République du Cameroun.
7
Nicanore Uriel EBANGA, L’emprunt de l’État en droit public financier camerounais, Thèse de Doctorat/Ph.D.,
Université de Ngaoundéré, 2021, p. 337.
choix en matière de recettes, sous réserves des arbitrages avec les autres chefs de départements
ministériels, le Ministre des Finances, le Premier Ministre et le Président de la République.
Secondement, les choix du Gouvernement en matière de dépenses sont tout aussi
discrétionnaires, même s’il est communément admis qu’il est plus facile d’établir des prévisions
de dépenses par rapport aux prévisions de recettes1. À l’exception notable des dépenses de
personnel qui sont formellement soumises au respect d’un plafond fixé à 35% des recettes
fiscales2, le Gouvernement conserve, en effet, tout son pouvoir discrétionnaire sur les autres
dépenses budgétaires. En fonction des objectifs poursuivis, il peut discrétionnairement choisir de
créer, de modifier, d’affecter, d’augmenter, de diminuer ou de supprimer les dépenses, qu’il
s’agisse des dépenses de personnel, d’investissement, de transfert, ou encore des dépenses liées
aux charges de la dette, etc. Ici, le Premier Ministre peut être conduit à arbitrer les propositions
de dépenses provenant des chefs de départements ministériels. Ces arbitrages peuvent s’avérer
particulièrement difficiles, compte tenu du fait le Pacte de convergence de la CEMAC adopté en
1994 et révisé en 2016 prescrit aux États membres un certain équilibre budgétaire tout en leur
interdisant d’avoir des déficits et des dettes publics excessifs. En créant ou en augmentant les
dépenses, le Gouvernement devra parallèlement créer ou augmenter les recettes définitives afin
de respecter ces règles de discipline budgétaire de la CEMAC. On l’aura compris, son pouvoir
d’appréciation discrétionnaire se trouve donc quand même limité par ce biais.
Par ailleurs, en début de la crise sanitaire à covid-19, il est intéressant de rappeler que le
Gouvernement a discrétionnairement choisi d’augmenter les dépenses des principaux ministères
impliqués dans la stratégie de riposte nationale. Cela a été légalement rendu possible à faveur
d’une ordonnance présidentielle3 modifiant les dispositions de la loi de finances de l’exercice
2021. Cette situation a donné lieu à une augmentation des dépenses budgétaires, notamment au
niveau du Ministère de la Santé Publique (MINSANTE) et le ministère de la Recherche
Scientifique et de l’Innovation (MINRESI). Ainsi, les dépenses supplémentaires occasionnées
par cette pandémie ont été chiffrées en 2020 à 180 milliards de francs CFA et ont été retracées
dans un compte d’affectation spéciale créé par le Gouvernement à cet effet4. Mais, sous fond de
1
V. Benjamin BIDIAS, Les finances publiques du Cameroun, op.cit., pp. 229-247.
2
Il s’agit du premier critère de convergence parmi les quatre (04) critères de second rang retenus par le Pacte de
Convergence de la CEMAC (PCC), adopté en 1994 et révisé en 2016.
3
L’ordonnance n°2020 du 3 juin 2020 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°2019/023 du 24
décembre 2019 portant loi de finances de la République du Cameroun.
4
Idem.
contrôle, sa gestion a ultérieurement fait l’objet d’un audit de la juridiction des comptes qui a
relevé de nombreuses irrégularités1. Il est clair que cette augmentation des dépenses a été rendue
légalement possible à la faveur du collectif budgétaire ayant modifié les dispositions de la loi de
finances pour l’exercice 2020. En sus, si le pouvoir du Gouvernement est étendu dans les choix
budgétaires, ce constat est transposable dans l’élaboration du budget local.
2. Des pouvoirs discrétionnaires dans l’élaboration du budget local
La détermination des choix budgétaires dans l’élaboration du budget local recèle
l’exercice des pouvoirs discrétionnaires. Le budget de la collectivité territoriale (commune,
région) résulte des priorités de développement telles que définies dans des documents de
planification, et s’aligne sur les orientations stratégiques de l’État2. En vertu du régime financier
de l’État et des autres entités publiques ainsi que l’arrêté conjoint
n°0031/AC/MINDDELVEL/MINFI du 03 mars 2021 fixant le calendrier budgétaire des
collectivités territoriales décentralisées, les choix budgétaires peuvent être définis lors de la
phase préparatoire du budget et doit prendre en compte la préparation détaillée du budget et des
documents budgétaires.
En effet, l’organe exécutif de la collectivité territoriale décentralisée dispose des larges
pouvoirs d’appréciation dans les choix budgétaires. À ce titre, le secrétaire général de la
collectivité territoriale décentralisée assure la coordination des travaux de préparation du projet
de budget, sous l’autorité et la responsabilité du chef de l’organe exécutif. Le budget de ladite
collectivité s’inscrit dans une démarche de cadrage et de programmation budgétaire à moyen
terme. Les choix budgétaires résultant des programmes des communes doivent être en cohérence
avec ceux de la région de rattachement et vise-vers-ça. Les choix budgétaires définis par l’organe
exécutif de la collectivité locale prend en compte la préparation du budget de l’année N+1 et
s’inscrit dans le processus continu qui débute le 1er janvier de l’année N et s’achève avec son
approbation au cours de l’année N. Le processus d’élaboration du budget local comprend quatre
(04) phases, à savoir : la phase préparatoire3, la phase de cadrage budgétaire et de programmation
1
Sur les résultats de l’audit du CAS effectué par la Chambre des Comptes de la Cour Suprême, V. Chambre des
Comptes de la Cour Suprême, Audit du Fonds Spécial de Solidarité Nationale pour la lutte contre le coronavirus et
ses répercussions économiques et sociales, Synthèse du 1er Rapport Exercice 2020, juin 2021.
2
Article 3 de l’arrêté conjoint n°0031/AC/MINDDELVEL.MINFI du 03 mars 2021 fixant le calendrier budgétaire
des collectivités territoriales décentralisées.
3
Au sens de l’article 6 de l’arrêté susvisé, la phase préparatoire consiste en : la revue des activités et des projets
d’investissement public au niveau et la revue de la performance.
des dépenses à moyen terme, la phase de préparation détaillée du budget et la phase d’adoption
et d’approbation.
Bien plus, les pouvoirs discrétionnaires dont disposent les organes des collectivités
territoriales décentralisées s’exercent aussi dans le cadre de la préparation détaillée du budget et
des documents budgétaires. Le chef de l’exécutif prépare le projet de budget de la collectivité
territoriale en se référant à la lettre-circulaire conjointe du Ministre chargé des collectivités
territoriales et du Ministre chargé des finances1 ; les résultats des consultations citoyennes et du
cadrage à moyen terme arrêté à la suite du débat d’orientation budgétaire2. En fonction des choix
des dépenses (fonctionnement, investissement) ou des recettes (fiscales, non fiscales), le chef de
l’exécutif prépare également le rapport sur la situation et les perspectives économiques et
sociales de la collectivité territoriale, ainsi que les différentes annexes, conformément aux
dispositions des articles 418, 419 et 420 de la loi portant code général des collectivités
territoriales décentralisées. Néanmoins, le projet de performance annuel joint en annexe du projet
de budget est préparé par les responsables de programme.
Sous ce rapport, il est possible de faire une double observation : primo, même si le
calendrier budgétaire des collectivités territoriales décentralisées comporte des objectifs plus ou
moins précis en matière de recettes et de dépenses, l’on ne peut donc véritablement pas
considérer que ces objectifs lient fondamentalement l’organe exécutif dans la définition des
priorités de développement de chaque collectivité. Secundo, l’expression discrétionnaire de des
choix des organes exécutifs des collectivités territoriales décentralisées dans la préparation des
projets de budget reste intacte et entière. Ainsi, les documents de programmation budgétaire font
seulement l’objet d’un débat d’orientation budgétaire (DOB) sans vote devant l’organe
délibérant et ne donne pas lieu à l’adoption d’une résolution. L’exécutif communal conserve
alors son pouvoir d’appréciation discrétionnaire de ses choix en matière de recettes et de
dépenses. En sus, si l’organe exécutif dispose des choix plus étendus en matière budgétaire, ces
choix demeurent étriqués pour l’organe délibérant.
1
Une lettre-circulaire conjointe du Ministre chargé des collectivités territoriales et du Ministre chargé des finances
précise les modalités du processus d’élaboration du budget des collectivités territoriales. Elle est signée au plus tard
le 15 août de l’année N.
2
Article 22 du décret précité.
1
V. l’article 59(2) de la loi de 2018 portant régime financier de l’État et des autres entités publiques.
2
V. l’article 60(1) de la même loi.
3
V. l’article 59(1) de la même loi.
4
V. l’article 60(2) de la même loi.
5
V. l’article 60(3) de la même loi.
6
V. l’article 60(4) de la même loi.
7
V. l’article 18(3) de la Constitution.
8
V. l’article (58) de la loi portant régime financier de l’État et des autres entités publiques.
irrecevables, les propositions de loi ou amendements, qui auraient pour effet, s’ils sont adoptés,
soit une diminution des ressources publiques, soit l’aggravation des charges publiques sans
réduction à due concurrence d’autres dépenses ou création des recettes nouvelles d’égale
importance […]».
Ensuite, s’il est formellement interdit au Parlement de réduire les recettes prévues dans
le projet de loi de finances du Gouvernement, il lui est en revanche permis d’en créer. Cette
hypothèse n’est strictement envisageable que lorsque ses amendements auraient pour
conséquence, s’ils étaient adoptés, une aggravation des charges publiques1, c’est-à-dire des
dépenses. Pour être déclarées recevables, les amendements déposés devraient proposer la
création d’une ou de plusieurs recettes nouvelles pouvant couvrir l’aggravation des dépenses.
Ces amendements seraient, par exemple, déclarés irrecevables s’ils ne visaient simplement qu’à
relever le taux d’un impôt existant ou encore à élargir son assiette. Contrairement au
Gouvernement, le Parlement n’a donc pas la faculté de diminuer les recettes. Cette contrainte
permet de neutraliser les parlementaires qui seraient tentés de verser dans la démagogie en
proposant des baisses d’impôts dans une perspective électoraliste. Alors qu’il ne leur ait même
pas formellement interdit de proposer des amendements qui auraient pour effet une augmentation
des recettes, on constate dans les faits que les parlementaires ne le font presque jamais. Dès lors,
il paraît raisonnable qu’il ne leur soit pas permis d’augmenter délibérément les dépenses.
2. Des choix limités à la réduction des dépenses
Qu’il s’agisse des dépenses de fonctionnement ou des dépenses d’investissement, le
régime financier de l’État et des autres entités publiques ainsi que les textes subséquents, limitent
les pouvoirs budgétaires de l’organe délibérant (Parlement, Conseil régional ou municipal) en
matière des choix des dépenses publiques, notamment les dépenses nouvelles de l’État ou des
dépenses obligatoires des collectivités territoriales décentralisées.
En effet, aux termes des articles 18 (3) de la Constitution et 58 de la loi de 2018 portant
régime financier de l’État et des autres entités publiques, « sont irrecevables, les propositions de
loi ou amendements, qui auraient pour effet, s’ils sont adoptés, […] l’aggravation des charges
publiques sans réduction à due concurrence d’autres dépenses […]». Autrement dit, il est
permis au Parlement de choisir d’augmenter certaines dépenses à condition d’en réduire d’autres
dans les mêmes proportions. En clair, il lui est possible de proposer des réallocations des crédits
1
V. les articles 18(3) de la Constitution et 58 de la même loi.
1
François CHOUVEL, Finances publiques, Paris, Gualino, 23ème édition, 2020, p. 102. V. aussi Michel BOUVIER,
« La LOLF : contrainte budgétaire ou moteur d’une nouvelle gouvernance financière ? », in Jean-Marie MONNIER,
Finances publiques, op.cit., p. 53.
2
Article 7 de la Loi organique n°2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
doivent pas excéder le taux de 60°/° des dépenses totales ; les prévisions de personnel ne doivent
pas excéder 35°/° des dépenses de fonctionnement. De même, peu importe les choix budgétaires,
le budget de la région est élaboré dans le respect des ratios ci-après : les prévisions des dépenses
d’investissement doivent être fixées à un taux minimum de 60°/° des dépenses totales ; les
prévisions des dépenses de fonctionnement ne doivent pas excéder le taux de 40°/° des dépenses
totales ; les prévisions de personnel ne doivent pas excéder 30°/° des dépenses de
fonctionnement.
Par conséquent, dans la phase d’élaboration du budget, il est clair que le pouvoir
discrétionnaire de l’organe délibérant (Parlement, Conseil municipal ou régional) sur les
autorisations budgétaires, est moins étendu que celui du Gouvernement en matière de prévisions
budgétaires. De façon caricaturale, les choix effectués lors de la prévision budgétaire sont
totalement discrétionnaires pendant que les choix effectués lors de l’autorisation budgétaire le
sont beaucoup moins. De son côté, l’exécution des choix budgétaires est très formalisée et laisse
très peu de place à l’appréciation discrétionnaire. S’il en était autrement, les autorisations
budgétaires données chaque par l’organe délibérant (Parlement, Conseil municipal ou régional)
perdraient complètement leur sens.
II. La prégnance de la légalité des choix dans l’exécution du budget
Dans l’encadrement des choix effectués pendant l’exécution du budget, les
considérations relevant de l’ordre de la légalité priment sur les considérations émanant de l’ordre
de l’opportunité. Autrement dit, les choix effectués doivent impérieusement se conformer à la
légalité budgétaire. Il s’agit ici d’une application de la théorie de la hiérarchie des normes de
Hans Kelsen1. Ainsi, la portée obligatoire des autorisations de recettes ne permet pas à
l’administration d’effectuer des choix discrétionnaires en la matière (A) tandis que la portée
facultative des autorisations de dépenses le lui permet mais dans des conditions aménagées par la
loi (B).
A. La rigidité de la légalité dans les choix en matière de recettes
Dans l’élaboration et la mise en exécution du budget, l’administration ne jouit pas d’un
pouvoir discrétionnaire en matière de recettes parce que les autorisations annuelles y relatives
ont une portée obligatoire. Elle a ici une compétence liée. Elle est en effet obligée de recouvrer
1
Hans KELSEN, Théorie pure du droit, Paris, Bruylant et LGDJ, Collection La pensée juridique, 2 ème édition, 1999,
368p.
les recettes dans les conditions autorisées par la loi de finances ou de la résolution du Conseil
municipal ou régional, sans pouvoir modifier le régime d’imposition (1). D’ailleurs, les
comptables qui sont chargés d’exécuter ces opérations encourent des sanctions pénales s’ils ne
s’en tiennent pas aux prescriptions de la loi financière (2).
1. L’obligation de recouvrement des recettes autorisées
En vertu des différentes phases du processus budgétaire, une fois le budget voté, adopté
et mis en exécution, les organes en charge du recouvrement des créances des entités publiques
notamment les comptables, doivent procéder au recouvrement des recettes autorisés par l’organe
délibérant (Parlement, Conseil régional ou municipal). Dès lors, c’est une obligation pour
l’administration d’État ou locale de recouvrer les recettes autorisées même si cette obligation est
susceptible d’avoir une portée plus ou moins ambivalente.
Pour ce faire, l’administration ne peut par exemple pas décider de modifier le taux d’un
impôt, que ce soit pour le rabaisser ou pour le rehausser. On voit ainsi très clairement que
l’administration ne dispose effectivement d’aucune marge d’appréciation discrétionnaire dans le
recouvrement des recettes budgétaires. Toutefois, il convient d’admettre qu’elle retrouve une
certaine marge au niveau des recettes pour lesquelles la loi a laissé au pouvoir réglementaire le
soin de fixer le régime et les modalités d’exercice. Il en est ainsi par exemple du cas des taxes
fiscales et parafiscales. Elle retrouve aussi une marge d’appréciation en matière de recettes
d’emprunt pour lesquelles la loi de finances fixe traditionnellement un plafond annuel. Ici, si
1
Benjamin BIDIAS, Les finances publiques du Cameroun, op.cit., p. 263.
l’administration n’a pas le droit de dépasser le plafond fixé par le Parlement pour l’année
considérée, elle n’est pas obligée d’émettre des emprunts à concurrence de ce plafond.
1
Michel BOUVIER, Marie-Christine ESCLASSAN et Jean-Pierre LASSALE, Finances publiques, Paris, LGDJ,
16ème édition, 2018, p. 299.
2
Ibid., p. 300.
sont pas pour les opérations effectuées sur ordre écrit des ordonnateurs dans les conditions
définies par ledit décret.
Sur le plan pécuniaire, la responsabilité comptable s’étend à toutes les opérations du poste
qu’il dirige depuis la date de leur installation jusqu’à la date de la cessation de ses fonctions.
Cette responsabilité couvre dans la limite du contrôle qu’ils sont tenus d’exercer : les opérations
des comptables publics secondaires placés sous leur autorité et celles des régisseurs ; les
opérations des comptables publics secondaires et des correspondants centralisés dans leur
comptabilité ; les actes des comptables de fait s’ils en ont eu connaissance et ne les ont pas
signalé à leurs supérieurs hiérarchiques2. La responsabilité des comptables publics ne peut être
mise en jeu en raison de la gestion de leurs prédécesseurs que pour les opérations prises en
charge sans réserves lors de la remise de service ou qui n’auraient pas été contestées par le
comptable entrant dans un délai de six (06).
1
Article 30 du RGCP de 2020.
2
Article 31 du RGCP de 2020.
3
Loi n°2016/007 du 12 juillet 2016 portant code pénal.
1
Benjamin BIDIAS, Les finances publiques du Cameroun, op.cit., pp. 262-263.
2
Ibid., p. 262. V. aussi Jean-Luc MATT, « La procédure budgétaire : le Parlement et contrainte budgétaire », in
Jean-Marie MONNIER, Finances publiques, op.cit., p. 111.
3
Article 63 (1) de la loi de 2018 portant régime financier de l’État et des autres entités publiques.
1
Article 63(2) de la même loi.
2
Sur les décrets d’avance, V. Djibrihina OUEDRAOGO, « La pratique des décrets d’avances dans les États
membres de l’UEMOA », RAFIP, n010, op.cit., pp. 8-45.
3
V. l’article 39(4) de la loi de 2018 portant régime financier de l’État et des autres entités publiques.
4
V. l’article (article 39(1) de la même loi.
autorisées, car les crédits budgétaires sont en principe limitatifs1. Autrement dit, s’ils décident
d’engager une dépense quelconque, ils ne doivent normalement pas dépasser le montant des
crédits ouverts pour la dépense considérée. Les dépassements des crédits ne peuvent avoir lieu
que dans les hypothèses expressément prévues à l’instar de l’ouverture par décret des crédits
supplémentaires2. En règle générale, les ordonnateurs ne peuvent engager les dépenses qu’en-
deçà et non au-delà des crédits ouverts par une loi de finances ou par un décret. Sous le régime
financier de l’État fixé par l’ordonnance de 19623 qui n’est plus en vigueur aujourd’hui,
l’ordonnateur qui se permettait d’engager une dépense au-delà des crédits ouverts se rendait
d’ailleurs coupable de l’infraction de forfaiture et était passible d’une peine d’emprisonnement.
C’est du moins ce que prévoyait son article 20 qui disposait que « se rendront coupables de
forfaiture et seront punis comme tels d'une peine d'emprisonnement pouvant, aller jusqu'à cinq
années les membres du Gouvernement et tout fonctionnaire de l'État et des collectivités et
Etablissements publics, qui auront pris, en violation des dispositions de la présente ordonnance
et des règlements financiers de l'État, les mesures ayant pour effet d'engager des dépenses
dépassant les crédits ouverts ou qui ne résulteraient pas de l'application des lois ». Même si
cette disposition a disparu avec l’ordonnance de 1962 et n’a été reconduite sous aucune forme
dans les régimes financiers successeurs, c’est-à-dire celui fixé par la loi de 20074 et celui fixé par
la loi de 20185, il reste constant qu’en règle générale, les ordonnateurs n’ont pas le droit
d’engager des dépenses en dépassement des crédits ouverts. La loi leur accorde, en revanche, le
droit de redéployer les dépenses.
2. Une relative discrétion dans le redéploiement des dépenses
La loi de 2018 portant régime financier de l’État et des autres entités publiques a prévu au
moins deux(02) hypothèses dans lesquelles l’administration peut redéployer les dépenses. Il
s’agit des virements de crédits et des transferts de crédits. Si ces redéploiements permettent de
modifier la répartition des crédits entre les programmes d’une mission dans la première
hypothèse6, elles le font d’une mission à une autre dans la seconde7. Les modifications de crédits
1
V. l’article 35 de la même loi.
2
Article 39 al. 1 et 4 de loi de 2018 portant régime financier de l’État et des autres entités publiques.
3
Ordonnance n°6/OF/4/ du 07/02/1962 portant régime financier de la République fédérale du Cameroun modifiée
par la loi n°2002/001 du 19/04/2002.
4
Loi n°2007/006 du 26 décembre 2007 portant régime financier de l’État.
5
La loi n°2018/012 du 11 juillet 2018 portant régime financier de l’État et des autres entités publiques
6
V. l’article 38 (2) de la loi de 2018 portant régime financier de l’État et des autres entités publiques.
7
V. l’alinéa 3 du même article et de la même loi.
ainsi effectuées peuvent aboutir à une diminution ou à une augmentation des dépenses d’un
programme au profit d’un autre. C’est avec raison que Michel BOUVIER a pu affirmer que les
gestionnaires de crédit sont en effet « dotés d’une grande autonomie » qui leur offre une « liberté
de choix »1. Ainsi, le législateur a aménagé des mécanismes de redéploiement des dépenses et a
fixé des limites aux choix discrétionnaires que les ordonnateurs sont à mesure d’effectuer dans ce
domaine.
Primo, la loi a encadré les opérations de redéploiements permettant d’effectuer des choix
discrétionnaires dans l’exécution des dépenses afin qu’elles ne conduisent pas à remettre
complètement en cause les autorisations annuelles données par le Parlement en la matière. Qu’il
s’agisse des virements de crédits ou des transferts des crédits, elle exige qu’ils soient « […]
immédiatement communiqués pour information au Parlement »2. Tandis que les premiers sont
effectués par arrêté du Ministre chargé des finances sur proposition du ministre concerné, les
seconds sont effectués par décret du Premier Ministre, pris sur rapport du Ministre chargé des
finances, après avis du ministre concerné3. Pour ce qui concerne exclusivement les virements des
crédits, leur montant ne saurait dépasser 2% des crédits ouverts par la loi de finances pour
chacun des programmes concernés4. Aucun plafond n’a été fixé pour les transferts de crédits, ce
qui donne une plus grande marge de manœuvre aux ordonnateurs dans ce domaine.
Secundo, il importe de relever aussi que la loi de 2018 portant régime financier de l’État
et des autres entités publiques n’a pas fait qu’encadrer les redéploiements des crédits, elle a aussi
fixé quelques limites aux choix discrétionnaires que les ordonnateurs sont à mesure d’effectuer
dans ce domaine. Ces restrictions s’appliquent particulièrement à une catégorie de dépenses
précises. Il s’agit précisément des dépenses liées aux charges de la dette, lesquelles doivent êtres
retracées dans un programme spécifique5. Pour ces dépenses qui ont un caractère évaluatif par
dérogation au principe du caractère limitatif des crédits, il est formellement permis de dépasser
les crédits ouverts par la loi de finances6. L’administration retrouve ici une marge de manœuvre
1
V. aussi Michel BOUVIER, « La LOLF : contrainte budgétaire ou moteur d’une nouvelle gouvernance
financière ? », in Jean-Marie MONNIER, Finances publiques, op.cit., p. 54.
2
V. l’alinéa 5 de la loi de 2018 portant régime financier de l’État et des autres entités publiques.
3
V. l’article 38 (2) et (3) de la même loi.
4
V. l’article 38 (2) de la même loi.
5
V. l’article 36 (1) de la même loi
6
Idem.
plutôt favorable à ses créanciers1. En cours d’exercice budgétaire, elle peut donc choisir
d’augmenter les crédits alloués aux charges de la dette.
En plus, ces redéploiements de crédits qui affaiblissent les autorisations annuelles
données par le Parlement ne devraient pas surprendre, puisque la loi de 2018 portant régime
financier de l’État et des autres entités publiques n’accorde qu’une valeur indicative à la
présentation des crédits budgétaires par titres. Son article 32 (2) précise en effet qu’« à
l’intérieur de chaque programme ou dotation, […] leur présentation [des crédits] par titre n’est
qu’indicative et ne s’impose ni aux ordonnateurs, ni aux comptables dans les opérations
d’exécution du budget ». Dès lors, l’administration jouit en la matière d’une véritable marge
d’appréciation discrétionnaire lui permettant de procéder à toutes sortes de manipulations de
crédits. Dans les limites fixées par la loi, elle peut par exemple choisir de diminuer ou
d’augmenter les dépenses de certains titres au profit d’autres. Le législateur financier a
néanmoins encadré ce pouvoir discrétionnaire, qui poussé à bout, pourrait complètement
dénaturer le sens des autorisations budgétaires en matière de dépenses. Il a notamment interdit la
diminution des crédits alloués aux dépenses d’investissement2. De même, il a interdit
l’abondement des dépenses de personnel avec les crédits provenant d’autres dépenses3.
Cependant, il n’a pas en revanche interdit l’abondement des autres dépenses avec des crédits
provenant des dépenses de personnel. La doctrine parle alors d’une « fongibilité asymétrique »4,
puisque « […] des crédits de personnel peuvent en revanche être utilisés pour financer d’autres
opérations »5. C’est dire que cette fongibilité asymétrique concerne davantage les dépenses de
personnel que des autres de dépenses.
Conclusion
En définitive, il ressort que les choix budgétaires sont par définition discrétionnaires et
leur nature budgétaire n’y change pas grande chose. On a ainsi pu voir à quel point il est
pratiquement impossible d’annihiler toutes les considérations d’opportunité dans leur
encadrement, tant au niveau de l’élaboration du budget qu’au niveau de l’exécution du budget.
1
V. Nicanore Uriel EBANGA, L’emprunt de l’État en droit public financier camerounais, op.cit., pp. 339-341.
2
V. l’article 32 (3) de la même loi.
3
Idem.
4
François CHOUVEL, Finances publiques, op.cit., p. 48.
5
Michel BOUVIER, « La LOLF : contrainte budgétaire ou moteur d’une nouvelle gouvernance financière ? », in
Jean-Marie MONNIER, Finances publiques, op.cit., p. 54.
Dans l’attitude du législateur camerounais, il y a, d’une part, cet aveu d’impuissance qui le
contraint à céder un maximum de place à l’opportunité dans l’encadrement de la prise des choix
budgétaires, et d’autre part, une démonstration de puissance qui le conduit à octroyer un
maximum de place à la légalité dans l’encadrement de la mise en œuvre des choix budgétaires.
En fin de compte, les choix budgétaires ne posent pas seulement des problèmes techniques liés à
leur rationalisation ; ils posent aussi des problèmes juridiques liés à leur encadrement. Ainsi, une
approche juridique paraît plus globale en lieu et place de la vision étriquée axée sous le prisme
technique. Les choix budgétaires doivent être canalisés par des mécanismes de contrôle lesquels
peuvent prendre une forme administrative ou juridictionnelle.