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Algie vasculaire de la face


A. Donnet

L’algie vasculaire de la face (AVF) est la plus fréquente des céphalées trigémino-autonomiques. Il s’agit
d’un groupe de céphalées primaires caractérisées par l’association d’une douleur unilatérale siégeant
dans le territoire du nerf trijumeau et de signes autonomiques ipsilatéraux, en rapport avec une activation
du reflexe trigémino-autonomique. Le diagnostic d’AVF est exclusivement clinique, basé sur
l’interrogatoire du patient, l’examen clinique étant quasiment toujours normal. La séméiologie clinique
est stéréotypée : les crises se caractérisent par une douleur orbitotemporale d’intensité atroce, strictement
unilatérale de durée variant de 15 à 180 minutes, associée à des signes autonomiques homolatéraux à la
douleur ; le profil évolutif est basé sur une double périodicité circadienne et circannuelle. Le traitement de
l’AVF comporte deux versants : le traitement de crise qui vise à soulager la douleur le plus rapidement
possible et qui repose sur le sumatriptan injectable et l’oxygénothérapie, et le traitement de fond dont le
but est de diminuer la fréquence des crises.
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Mots clés : Algie vasculaire de la face ; Hypothalamus ; Sumatriptan ; Oxygénothérapie ; Neuromodulation

Plan la céphalée trigémino-autonomique la plus fréquemment


rencontrée, et constitue une des expressions les plus sévères de
douleur faciale. Sa traduction, le plus souvent périodique,
¶ Introduction 1
explique la terminologie anglo-saxonne de cluster headache.
¶ Classification 1 Souvent mal connues du corps médical, ces céphalées sont
¶ Épidémiologie 2 trop rarement diagnostiquées faisant que les patients qui en
¶ Génétique 2 souffrent ont fréquemment un retard de prise en charge. Ce
déficit de prise en charge a des conséquences délétères compte
¶ Physiopathologie 2
tenu de l’intensité (parfois quasi suicidaire) des accès doulou-
¶ Impact fonctionnel 3 reux et du retentissement, tant fonctionnel qu’émotionnel, qui
Impact sur la qualité de vie des sujets 3 entraîne (notamment dans les formes chroniques) une profonde
Impact socio-économique 3 altération de la qualité de vie.
¶ Clinique 3
Crises 3
Symptômes cliniques plus rares
Cycles
4
4
■ Classification
Facteurs déclenchants 4 L’AVF est une entité clairement individualisée au sein du
Habitudes sociales 4 groupe 3 des céphalées primaires dans la seconde édition de la
¶ Bilan paraclinique 4 Classification Internationale des Céphalées publiée par l’Inter-
¶ Diagnostic clinique 4 national Headache Society (IHS) [1]. Ce groupe comprend trois
grandes entités avec :
¶ Diagnostic différentiel 4
• l’algie vasculaire de la face dans sa forme épisodique (code
¶ Traitements 5 IHS 3.1.1) et sa forme chronique (code IHS 3.1.2). La forme
Traitements de la crise 5 épisodique la plus fréquente est caractérisée par des périodes
Traitements de fond médicamenteux 5 douloureuses évoluant de 7 jours à 365 jours avec des
Traitements de fond non médicamenteux 6 périodes de rémission supérieures à 1 mois ;
¶ Conclusion 7 • l’hémicrânie paroxystique dans sa forme épisodique (code IHS
3.2.1), et sa forme chronique (code IHS 3.2.2) ;
• le syndrome SUNCT (code IHS 3.3) qui est l’acronyme de
l’appellation anglo-saxonne Short-lasting Unilateral Neuralgi-
■ Introduction form headache attacks with Conjunctival injection and Tearing.
Il existe enfin une quatrième variété de céphalée que l’on
L’algie vasculaire de la face (AVF) appartient au groupe des peut qualifier de trigémino-autonomique : en effet, l’hemicrania
céphalées trigémino-autonomiques. Ces céphalées sont caracté- continua se traduit par une douleur continue associée à des
risées par une présentation commune associant douleur faciale, paroxysmes douloureux au cours desquels surviennent des
évoluant en crises, le plus souvent de durée brève et associées à signes autonomiques. La classification IHS l’a cependant intégré
des troubles autonomiques ispilatéraux à la douleur. L’AVF est dans le chapitre 4 dédié aux « autres céphalées primaires ».

Neurologie 1
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■ Épidémiologie ■ Physiopathologie
L’AVF est une maladie dont la prévalence précise est mal La physiopathologie de ces céphalées trigémino-auto-
connue et qui reste considérée comme une maladie orpheline nomiques est encore partiellement inconnue, même si des
(http://www.orpha.net/). progrès notables au cours de la dernière décennie permettent de
commencer à reconstituer le puzzle.
Son incidence, ajustée sur le sexe et sur l’âge, est voisine de
L’individualisation de ce groupe de céphalées primaires
9,8/100 000 et survient habituellement de façon épisodique. La
résulte d’une présentation clinique commune se caractérisant
forme chronique, qu’elle soit d’emblée chronique ou faisant suite par la survenue d’accès paroxystiques douloureux d’une hémi-
à une forme épisodique, demeure exceptionnelle (10 % à 20 %, face associés à une dysautonomie focale homolatérale et par une
soit une incidence de 1/100 000). Cette maladie touche avec expression clinique souvent périodique, la périodicité étant
prédilection les sujets jeunes et de sexe masculin. circadienne, mais également circannuelle dans les formes
Les études portant sur la prévalence de l’AVF rapportent des épisodiques. Au-delà de cette communauté clinique, l’indivi-
taux variant de 0,05 % à 0,10 % [2-7]. Une synthèse analysant les dualisation de ce groupe est également justifiée par une com-
faiblesses méthodologiques de ces études évoque une prévalence munauté physiopathologique s’articulant autour d’une acti-
de 1/500 [8], suggérant que cette affection n’est peut-être pas aussi vation trigémino-vasculaire couplée à une activation réflexe du
rare qu’on le décrit habituellement. système parasympathique céphalique. En effet, trois structures
Il s’agit d’une maladie touchant essentiellement les hommes sont impliquées : en périphérie, le système trigéminovasculaire,
avec un sex-ratio homme/femme variant de 5,1/1 à 7,2/1 [9-12]. ainsi que les afférences céphaliques du système nerveux auto-
Cependant, des études plus récentes [13] font état d’un ratio nome, et au niveau central, l’hypothalamus. Le système trigé-
minovasculaire et les afférences céphaliques du système nerveux
homme/femme de 2,5/1.
autonome constituent un système effecteur, dont la mise en jeu
L’âge de début de la maladie est le plus souvent entre 20 et se traduirait par une activation trigéminoparasympathique
40 ans [13]. reposant sur des réflexes intégrés au niveau du tronc cérébral [20]
(Fig. 1).
Le caractère cyclique des périodes de crise et la survenue de
■ Génétique crises à horaires plus ou moins fixes, de même que l’existence
quasi systématique d’une crise nocturne suggèrent l’implication
Le développement d’une AVF semble en rapport avec l’inte- d’un rythme circadien, via la mélatonine, sous le contrôle de
raction d’un terrain génétique et d’un environnement favorable,
en particulier lié au tabac [14].
Les données récentes de la littérature remettent en question Système intrinsèque
la nature purement sporadique de l’AVF en objectivant une
composante héréditaire à cette pathologie [15]. La fréquence des Système Système
formes familiales d’AVf est de l’ordre de 7 % à 10 %. Le risque sympathique parasympathique
de développer une AVF est multiplié en moyenne par 5 à NA/NPY/ATP ACh/VIP/PACAP
18 pour les apparentés au premier degré d’un sujet atteint, et de Helodermine/NO
1 à 3 fois plus élevé chez les apparentés au deuxième degré. Le Effet Helospectine
mode de transmission génétique n’est pas formellement identi- vasoconstricteur Effet
fié à ce jour. Plusieurs facteurs contribuent à cette ignorance : la vasodilatateur
faible fréquence de l’AVF, l’absence de grandes familles à forte Marqueur : NPY
prévalence de sujets atteints, ainsi que la très probable hétéro- Marqueur : VIP
généité génétique.
La transmission est probablement autosomique dominante
avec faible pénétrance [16]. L’hypothèse de la transmission par
un gène autosomal est renforcée par la constatation d’une
proportion de femmes plus importante dans les AVF familiales Système
par rapport aux cas sporadiques. Toutefois, on ne peut exclure trigéminal
une transmission autosomique récessive [17] ou multifactorielle CGRP/SP/NKA
dans certaines familles.
Un phénomène d’anticipation (âge de début de plus en plus Effet
précoce dans les générations successives) est probablement vasodilatateur
présent au moins dans certaines familles [18]. Une revue générale
Marqueur : CGRP
sur génétique et AVF vient d’être publiée en 2010 [18].
Le caractère brutal de l’installation des accès d’AVF a fait Système
suspecter l’implication de gènes intervenant dans les canaux extrinsèque
ioniques. Mais contrairement à la migraine hémiplégique
familiale, aucune mutation du canal calcique (CACNA1A) n’a
été démontrée chez les patients porteurs d’une AVF [19]. Figure 1. Modèle physiopathologique de l’algie vasculaire de la face
Plusieurs gènes ont été candidats : NOS (nitric oxide synthase) (d’après [20]). Innervation des vaisseaux cérébraux (adapté de Goadsby et
en raison de l’implication vraisemblable du NO dans la physio- Edvinsson, 1994). L’innervation des vaisseaux cérébraux comprend un
pathologie de la céphalée, ADH4 (alcool déshydrogénase 4), système intrinsèque représenté par le système orthosympathique et le
SERPINA1 (alpha 1-antitrypsine). Le gène Clock semblait un des système parasympatique et un système extrinsèque représenté par le
candidats les plus intéressants, l’algie vasculaire de la face étant système trigéminal. Pour chaque système (en orange) sont indiqués (en
considérée comme une maladie chronobiologique, avec une saumon) : ses principaux neuromédiateurs, son principal effet sur le tonus
implication fondamentale de l’hypothalamus. Jusqu’à ce jour, vasculaire et son marqueur privilégié sur le plan expérimental. ACh : acé-
toutes ces recherches n’ont donné que des résultats décevants. tylcholine ; ATP : adénosine triphosphate ; CGRP : peptide lié au gène
Les deux seuls éléments probants à ce jour sont l’existence d’un de la calcitonine ; NA : noradrénaline ; NKA : neurokinine A ; NO :
rôle possible du polymorphisme HCRTR2 1246G>A dans la monoxyde d’azote ; NPY : neuropeptide Y ; PACAP : peptide activateur de
l’adénylate cyclase pituitaire ; SP : substance P ; VIP : peptide intestinal
physiopathologie de l’AVF, et du polymorphisme GNB3 825C>T
vaso-actif.
dans la réponse aux triptans [18].

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l’hypothalamus. En effet, les noyaux suprachiasmatiques de Tableau 1.


l’hypothalamus sont sous l’influence des stimulations lumineu- Critères de diagnostic de l’algie vasculaire de la face d’après l’IHS 2004 [1].
ses, via une voie directe rétinohypothalamique, et ont pour rôle A Au moins cinq crises répondant aux critères B-D
de synchroniser le rythme circadien endogène. L’hypothalamus
B Douleur sévère ou très sévère unilatérale, orbitaire, supraorbitaire
serait ainsi un véritable « générateur » contrôlant les effecteurs
et/ou temporale, durant 15 à 180 minutes sans traitement
périphériques. Les études récentes en imagerie fonctionnelle ont
permis de démontrer une hyperactivité du noyau postéro- C La céphalée est associée avec au moins un des signes suivants, du
même coté que la douleur :
inférieur de l’hypothalamus qui est ipsilatérale à la crise [21]. Ce
générateur pourrait être commun à toutes les céphalées - injection conjonctivale ou larmoiement
trigémino-autonomiques. Cependant, la localisation précise de - obstruction nasale ou rhinorrhée
ce « générateur » fait débat [22]. - œdème palpébral
- sudation du front et de la face
- myosis et/ou ptôsis
■ Impact fonctionnel - agitation ou incapacité à rester en place
Du fait de la sévérité des crises, l’AVF peut avoir un fort D Fréquence des crises de 1 un jour sur 2 à 8 par jour
retentissement fonctionnel dans la vie sociale, familiale et E Non attribué à une autre affection
professionnelle des sujets. Ce retentissement peut avoir des
conséquences à la fois sur le sujet lui-même, entraînant par
exemple une altération de la qualité de vie, mais peut aussi La seconde, réalisée à partir de données autorapportées, mon-
avoir un retentissement sur l’entourage. trait que l’absentéisme professionnel et la consommation
médicale étaient plus importants pour des sujets présentant une
Impact sur la qualité de vie des sujets AVF par rapport à la population générale.

Très peu de travaux ont étudié l’impact de cette pathologie


sur la qualité de vie [23, 24]. L’altération de la qualité de vie ■ Clinique
apparaît toucher tous les domaines : physique, psychique et
social [23, 24]. Ces données ont été obtenues sur des échantillons L’AVF se manifeste par des crises algiques unilatérales, de
de petite taille et la qualité de vie a été évaluée à l’aide durée relativement brève mais d’intensité sévère, accompagnées
d’échelles génériques [23, 24]. En effet, l’utilisation de question- de signes autonomiques homolatéraux (Tableau 1). La caracté-
naires génériques reste encore l’approche la plus répandue dans ristique de la douleur, l’association aux signes autonomiques
le champ des céphalées et s’il existe des questionnaires qui ont ainsi que l’évolution périodique fait que cette douleur est
été développés spécifiquement pour les céphalées ou la habituellement facile à distinguer des autres céphalées primaires
migraine [25], aucun questionnaire spécifique de l’AVF n’est à ce et de la névralgie du trijumeau (Tableau 2).
jour validé.
Enfin, très récemment, a été démontré que les AVF en dehors Crises
des cycles avaient une altération de la qualité de vie moindre
que les patients en cycle, mais cependant supérieure à celle Les crises se caractérisent par une douleur orbitotemporale
constatée chez les patients témoins. Un syndrome dépressif est d’intensité atroce, strictement unilatérale de durée variant de 15
décrit chez 56 % des patients en forme chronique, une agora- à 180 minutes, associée à des signes autonomiques ispilatéraux.
phobie dans 33 % des cas. Pour 22 % des patients en forme La douleur est maximale au niveau orbitaire, mais peut
chronique sont rapportées des idées suicidaires [26]. également irradier vers la tempe, la joue, la région infraorbitaire,
la mâchoire, la narine, l’oreille ou vers l’hémicrâne, pouvant
Impact socio-économique s’étendre jusqu’au cou ou à l’épaule homolatérale. Cette
douleur, atroce, rarement pulsatile, est décrite comme un
L’impact socio-économique au sens large a été documenté à broiement, un arrachement, un couteau que l’on enfonce dans
travers de deux études [26, 27]. l’orbite, une brûlure, un fer rouge ou un pieu. Son intensité est
La première insiste sur le caractère invalidant des formes maximale en quelques minutes. Sa durée médiane est de
chroniques : 26 % des patients en forme chronique ont une 90 minutes, puis elle diminue pour disparaître en quelques
invalidité contre 4 % des patients avec une forme épisodique. minutes. En général, il n’existe pas de fond douloureux entre les

Tableau 2.
Diagnostic différentiel de l’algie vasculaire de la face (AVF) avec la migraine et la névralgie faciale essentielle.
Caractères AVF Migraine Névralgie essentielle du trijumeau
Sex-ratio (H/F) H > F (8/1) H < F (1/3) H<F

Douleur
Type Broiement Pulsatile/continue Poignard/décharge
Sévérité Très sévère Modérée/sévère Très sévère
Siège Orbito/temporal Hémicrâne V2/V3 > V1
Latéralisation Exclusive Fréquente Exclusive
Côté des crises Constant Bascule/bilatéral Constant

Durée des crises 15-180 minutes 4-72 heures Quelques secondes

Fréquence 1-8/jour 1-12/mois 1-300/jour

Symptômes associés
Neurologiques (aura) Rares 15-20 % Non
Larmoiement, rougeur, obstruction nasale Très fréquents Rares Rares
Myosis, ptôsis Très fréquents Rares Rares
Nausées, vomissements Rares Fréquents Non

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crises. Cependant, au cours des formes chroniques, ou au cours patients présente un à deux épisodes par an, volontiers en
d’un cycle comportant un nombre important de crises, un fond automne et au printemps. Certains patients ont des symptômes
douloureux homolatéral aux crises peut persister. précurseurs de leur cycle, décrivant quelques jours ou semaines
Les signes autonomiques, larmoiement, injection conjoncti- avant son début, des troubles du sommeil ou de l’humeur. En
vale, écoulement nasal, obstruction nasale, myosis, ptôsis, début de cycle, les crises sont plus isolées, survenant souvent
sudation du front et de la face, œdème palpébral sont homola- 1 jour sur 2, puis elles deviennent rapidement quotidiennes,
téraux à la douleur. Le larmoiement est le signe autonomique pouvant atteindre le nombre de 8 par 24 heures. En fin d’épi-
le plus fréquemment rencontré (80 % à 90 % des cas) suivi par sode, les crises s’espacent progressivement pour disparaître.
l’injection conjonctivale, la congestion nasale et le ptôsis [13]. Ils Dans certains cas, le début et la fin du cycle peuvent être plus
sont présents dans 95 % des cas. brutaux. Certains patients décrivent parfois quelques crises
Des signes digestifs (nausées, vomissements) ainsi qu’une isolées dans la période entre deux cycles.
phono- ou photophobie, parfois décrites comme étant homola- Dans 10 % des cas, l’AVF peut évoluer sur un mode chroni-
térales à la douleur [28], sont possibles. que soit d’emblée, soit secondaire à une forme initialement
L’une des caractéristiques les plus remarquables de crises épisodique. La forme chronique est caractérisée par des crises
d’AVF est le comportement d’agitation motrice présenté par le quotidiennes pendant plus de 1 an, sans période de rémission,
patient et décrit dans 90 % des cas. Contrairement à la céphalée ou avec des rémissions inférieures à 1 mois. Cette forme
migraineuse où le patient est plutôt prostré, le patient en crise chronique se caractérise par sa sévérité (à la fois fonctionnelle
d’AVF présente un comportement d’agitation et de déambula- et thérapeutique) et son handicap. Cependant, ces évolutions ne
tion au cours de la crise. Les patients ne tiennent plus en place, sont pas figées et les patients peuvent évoluer d’une forme à
changent de position sans arrêt. Ce comportement au cours des l’autre au cours de leur vie.
crises permet non seulement de distinguer la crise d’AVF de la
crise de migraine, mais permet également, dans le respect des Facteurs déclenchants
critères de la classification IHS, d’inclure les rares patients qui
ne présentent pas de troubles autonomiques au cours de la crise. La prise d’alcool, même en faible quantité, est le facteur
Le nombre de crises peut varier de une à huit crises par jour déclenchant le plus fréquemment rencontré en période de
(2-3 crises en moyenne), souvent à horaires fixes. Dans plus de cycle [33], alors que ce facteur n’est que rarement rencontré en
la moitié des cas, le patient rapporte une crise nocturne, inter-crise. D’autres facteurs ont été signalés : nitroglycérine,
souvent vers 2-3 heures du matin. Dans la journée, les crises hypoxémie, traumatismes craniofaciaux. Chez les femmes
surviennent souvent après les repas. présentant une AVF, il n’y a pas d’influence des facteurs
L’examen neurologique est toujours normal, en dehors des hormonaux, contrairement à ce qui est fréquemment constaté
crises ; on peut cependant décrire un signe de Claude-Bernard- dans la maladie migraineuse.
Horner, ipsilatéral à la crise douloureuse, qui est fréquent au
cours de la crise, et qui peut persister entre les crises. Habitudes sociales
Le rapport entre AVF et tabac est suggéré depuis de nombreu-
Symptômes cliniques plus rares ses années : en effet, en moyenne, 70 % des patients sont
fumeurs et 17 % d’anciens fumeurs [13]. Cependant, l’arrêt du
Aura tabac ne semble pas être corrélé avec une amélioration de l’AVF.
En moyenne, 20 % des patients présentant une crise d’AVF
décrivent des aura. Ces aura sont de description récente, la
plainte du patient portant essentiellement sur la douleur. Ce ■ Bilan paraclinique
n’est qu’un interrogatoire systématique des patients qui a
L’examen clinique, de même que les examens paracliniques
permis de retrouver des aura, dont l’expression essentielle est
sont par définition normaux, puisque rentrant dans le cadre de
visuelle [29]. Ces auras sont retrouvées aussi bien dans les formes
céphalées primaires. Cependant devant un tableau avec une
épisodiques, que dans les formes chroniques d’AVF [30].
séméiologie clinique et un profil évolutif typiques [34], une
imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale sans et avec
Latéralisation de la douleur
une injection, couplée à une angio-IRM des vaisseaux intra-
Si les crises sont quasiment toujours décrites du même côté, crâniens doit être discutée, afin d’éliminer les formes sympto-
il peut exister des crises à bascule, soit au cours du même cycle, matiques d’AVF, et en particulier une lésion hypophysaire.
soit d’un cycle à l’autre. De manière exceptionnelle, cette
alternance peut se faire au cours de la même crise, la douleur
basculant de l’autre côté en fin de crise. ■ Diagnostic clinique
Prodromes Le diagnostic d’une AVF typique est évident dès l’interroga-
toire tant la symptomatologie est stéréotypée. Il repose sur la
C’est là encore un interrogatoire systématique qui a permis de description clinique des crises, l’évolution temporelle de la
décrire des prodromes avant la crise : modifications de maladie, ainsi que la normalité de l’examen clinique, neuro-
l’humeur, fatigue, bâillement, modifications du comportement logique et général.
alimentaire [30, 31].

Signes autonomiques absents ou isolés ■ Diagnostic différentiel


Dans environ 6 % des cas, il n’existe pas de signes autono-
miques au cours des crises. Malgré l’absence de ces signes très Le diagnostic différentiel doit se faire avec les autres céphalées
évocateurs, si l’ensemble des autres critères est rempli, le patient primaires et la névralgie faciale idiopathique. Il repose sur
doit être considéré et traité comme une authentique AVF. l’interrogatoire (Tableau 2). Ce diagnostic doit surtout porter sur
Exceptionnellement, les signes autonomiques peuvent être la différentiation entre migraine (durée des crises différentes,
isolés, et s’exprimer en l’absence de céphalée [32]. caractère pulsatile de la douleur, tendance à la clinophilie,
absence de cycles, etc.) et AVF en raison des enjeux thérapeuti-
ques. Le diagnostic avec la migraine ne devrait pas poser de
Cycles problème, même si la réalité est très différente : la durée des
À côté de la périodicité circadienne, il existe une périodicité crises de migraine est nettement plus longue et le profil évolutif
circannuelle. Ainsi, la terminologie anglo-saxonne de cluster de la maladie migraineuse n’a pas la double périodicité de l’AVF.
headache témoigne du caractère évolutif de cette affection. Dans Il faut cependant noter que des signes autonomiques peuvent
la majorité des cas (90 %), les crises surviennent par épisodes être décrits dans la crise de migraine, en particulier au cours des
qui durent de 2 à 8 semaines (AVF épisodique). La majorité des crises sévères.

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Tableau 3.
Diagnostic différentiel de l’AVF avec les autres céphalées trigémino-autonomiques.
Caractéristiques AVF HPC SUNCT
Sexe (H/F) H>F F>H H>F

Douleur :
- type Broiement Broiement Poignard
- sévérité Très sévère Très sévère Sévère
- siège Orbitaire > temporal Orbitaire > temporal Orbitaire
- latéralisation Exclusive Exclusive Exclusive
- côte des crises Constant Constant Constant

Durée des crises 15-180 minutes 2-30 minutes 5-240 secondes

Fréquence 1-8/jour > 5/jour 3-200/jour

Symptômes associés
Aura Rares Non Non
Signes autonomiques Très fréquents Très fréquents Constants
Nausées vomissements Rares Rares Rares
AVF : algie vasculaire de la face ; HPC : hémicrânie paroxystique chronique ; SUNCT : Short-lasting Unilateral Neuralgiform headache attacks with Conjunctival injection and Tearing.

La névralgie du trijumeau (NF) a des caractéristiques cliniques cérébral ou d’accident ischémique transitoire, d’hypertension
et un âge de survenue également différents. La survenue au-delà modérée ou sévère et d’hypertension légère non contrôlée.
de 60 ans, le caractère à type de décharge électrique de la Certaines associations avec des médicaments (ergotamine ou ses
douleur et l’existence d’une zone-gâchette sont des arguments dérivés, y compris le méthysergide, et les inhibiteurs de la
en faveur du diagnostic de névralgie faciale. On rapporte des monoamine oxydase [IMAO]) sont également une contre-
troubles autonomiques au cours des crises de NF, soit dans un indication à l’utilisation du sumatriptan. Enfin, la notion d’une
contexte de crise intense, soit au décours de gestes allergie aux sulfamides contre-indique également la prescription
neurochirurgicaux. de sumatriptan. Ce traitement de crise est réservé à l’adulte de
Le diagnostic avec les autres céphalées trigémino-autonomiques plus de 18 ans et de moins de 65 ans. Le patient s’administre
(Tableau 3) est affaire de spécialistes, et repose sur la description grâce à un auto-injecteur une ampoule d’Imiject® (6 mg) en
séméiologique des symptômes cliniques, et pour l’hémicrânie sous-cutanée en début de crise. Le soulagement est générale-
paroxystique sur la réponse thérapeutique. La durée des symp- ment atteint en 5 à 10 minutes. La dose maximale est de deux
tômes est un élément important : durée de moins de 3 heures ampoules (12 mg) par 24 heures, en respectant un intervalle
pour l’AVF, moins de 45 minutes pour l’hémicrânie paroxysti- minimal de 1 heure entre deux injections. Ce traitement
que, et moins de 2 minutes pour le SUNCT. possède une autorisation de mise sur le marché (AMM) et un
Enfin, il faut connaître l’existence de formes secondaires remboursement à 65 %.
d’AVF. Ce diagnostic doit être suspecté devant des atypies La tolérance est correcte, même si certains effets secondaires
cliniques : âge tardif d’apparition de la maladie, longueur des sont rapportés (douleur transitoire et réactions locales au point
crises supérieure à 180 minutes, existence d’anomalies à d’injection, flush, paresthésies et sensations de chaleur, de
l’examen neurologique ; cependant, une grande majorité des pression et de lourdeur). Ils sont en général acceptables par
patients présentant une AVF secondaire a une présentation rapport au bénéfice sur la douleur.
clinique identique aux patients présentant une céphalée
primaire [35, 36] ; ceci constitue un argument supplémentaire Oxygénothérapie à haut débit
pour la réalisation systématique d’un bilan paraclinique chez De 7 à 10 l/min d’O 2 à 100 % pendant 15 minutes au
tout patient présentant un tableau de céphalées trigémino- masque nasobuccal, elle a également l’AMM et un rembourse-
autonomiques. Les étiologies les plus fréquemment retrouvées ment à 65 % (forfaits 28 avec bouteille fixe, ou 29 avec une
sont vasculaires (dissection des artères des vaisseaux à destinée grande bouteille fixe et une petite transportable). Elle doit être
céphalique, anévrisme, fistule durale), tumorales (adénome systématiquement proposée en cas de contre-indication, d’échec
hypophysaire, méningiomes, carcinomes des structures parana- ou d’intolérance au sumatriptan, ou lorsque le nombre de crises
sales ou de la fosse postérieure) et enfin inflammatoires ou dépasse deux par jour (utilisation en complément du sumatrip-
infectieuses (aspergillose sphénoïdale). tan). L’intérêt d’un débit plus important, à savoir 12 l/min au
masque, a été démontré récemment et doit être proposé pour
■ Traitements les crises les plus sévères et/ou pour les patients ne répondant
pas aux doses moindres [37] . Il n’est pas rapporté d’effets
secondaires.
Traitements de la crise
En raison de la rapidité d’installation des crises, de leur durée Traitements de fond médicamenteux
relativement brève et de leur intensité très sévère, le traitement Le traitement de fond a pour objectif de diminuer la fré-
nécessite des substances à action rapide. Il doit être mis en place quence des crises lors d’une forme épisodique. Il est bien sûr
par tout médecin et repose sur le sumatriptan injectable et également proposé pour la prise en charge des formes chroni-
l’oxygénothérapie. ques. Il n’est pas systématiquement indiqué chez tous les
patients ayant une forme épisodique, en particulier pour ceux
Sumatriptan (Imiject®) ayant des cycles courts, un nombre de crises peu important, et
C’est la molécule de référence qui a révolutionné la prise en une bonne réponse thérapeutique au sumatriptan.
charge de la crise d’AVF. La prescription doit se faire sur une Il faut veiller à la compatibilité entre traitements de crise et
ordonnance d’exception (Cerfa n° 12708*01). Les contre- de fond. Compte tenu des difficultés de mise en place, le
indications sont essentiellement cardiovasculaires : antécédents traitement de fond reste du ressort du spécialiste. Par ailleurs, il
d’infarctus du myocarde, de pathologie cardiaque ischémique, faut convenir que la réalisation d’essais cliniques en double
de pathologie vasculaire périphérique, d’accident vasculaire aveugle contre placebo est difficile dans cette pathologie.

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Vérapamil (Isoptine®) Traitements de fond non médicamenteux


C’est le traitement de première intention dans les formes Blocs du grand nerf occipital
épisodiques et chroniques, même s’il est prescrit hors AMM [38].
L’initiation se fait à 240 mg/j (120 mg matin et soir), avec une Ils sont utilisés par certaines équipes en alternative à la
augmentation de 120 mg tous les 2 jours jusqu’à 480 mg/j. Une corticothérapie orale pour avorter un épisode avec un nombre
surveillance électrocardiographique est nécessaire avant l’ins- de crises important, ou soulager une exacerbation dans l’AVF
tauration du traitement puis à chaque changement de palier [39]. chronique. Le rationnel repose sur des considérations anatomi-
La posologie quotidienne moyenne est de 360 à 480 mg dans ques ; en effet, il existe une convergence sur le noyau caudalis
l’AVF épisodique, mais peut être augmentée jusqu’à 960 mg/j du trijumeau à la fois des fibres cervicales et trigéminales. Il
dans les formes chroniques, avec monitoring ECG. La tolérance n’existe pas de procédure standardisée, ni de consensus sur le
est généralement bonne ; les effets secondaires (constipation, produit injecté (corticoïde et/ou anesthésique local) [43].
œdèmes des membres inférieurs, hypotension ou bloc auriculo- Traitements chirurgicaux
ventriculaire) sont rares. Une réduction de fréquence des crises
peut être observée dès la première semaine de traitement mais Un traitement neurochirurgical peut être discuté dans les
nécessite souvent un délai plus long (2 à 5 semaines). Dans formes rares, mais gravissimes d’AVF chroniques et pharmaco-
l’AVF épisodique, le vérapamil est prescrit pour une durée résistantes (1 % des AVF chroniques). Ces techniques plus ou
équivalente à celle des épisodes précédents. Lorsque le patient moins invasives nécessitent une évaluation et une prise en
considère le cycle comme terminé, il arrête progressivement le charge multidisciplinaire. Les critères de pharmacorésistance ont
traitement de fond. Dans les formes épisodiques, il n’y a pas fait l’objet de recommandations européennes [44]. Les critères
d’indication à poursuivre le traitement de fond, une fois le cycle retenus dans les protocoles de recherche clinique en France sont
terminé. les suivants [45] :
• AVF évoluant sur une forme chronique depuis au moins 3 ans
Corticothérapie orale (afin d’éviter le retour à une forme épisodique) ;
• nombre de crises supérieur à deux par jour ;
Elle est réservée aux formes épisodiques, avec de nombreuses • résistance aux traitements suivants : vérapamil jusqu’à une
crises, répondant mal ou lentement au vérapamil. Une dose de posologie de 960 mg/j ; lithium avec une lithémie comprise
prednisolone (1 mg/kg) est prescrite pendant quelques jours entre 0,6 et 0,9 mEq/l ; association des deux (la réponse
suivie d’une diminution progressive. La corticothérapie doit inadéquate étant définie par l’inefficacité, l’efficacité insuffi-
s’utiliser avec prudence et parcimonie dans les formes épisodi- sante ou la survenue d’effets secondaires ayant entraîné
ques et doit absolument être évitée dans les formes chroniques. l’interruption du traitement).
En effet, si l’amélioration est souvent spectaculaire, la réduction Les techniques chirurgicales et les cibles sont multiples.
des doses entraîne fréquemment un phénomène de rebond. En Certaines ne sont plus utilisées aujourd’hui en raison de
cas de crises fréquentes en début de cycle, il peut être intéres- résultats insuffisants, souvent associés à une morbidité non
sant de combiner une corticothérapie brève au vérapamil. négligeable : injection de glycérol dans le ganglion de Gasser,
thermocoagulation du ganglion de Gasser, lésions du nerf
Méthysergide (Desernil®) intermédiaire de Wrisberg ou du grand nerf pétreux superficiel,
À la dose de 4 à 6 mg/j en moyenne, c’est une alternative lésion sélective du nerf trijumeau par radiochirurgie (gamma-
« classique » qui dispose d’une AMM. Cependant, la prescription knife). Actuellement, la tendance est de ne plus utiliser de
de ce dérivé de l’ergot de seigle est limitée car il interdit l’usage technique destructive, mais de favoriser les techniques de
concomitant de sumatriptan (dans ce cas, seul l’oxygène est neuromodulation. Trois cibles peuvent être discutées : l’hypo-
autorisé en crise). Enfin, les effets secondaires peuvent être thalamus, le nerf grand occipital et le ganglion sphénopalatin.
graves, même s’ils sont rares (ergotisme, fibroses rétropéritonéale
Stimulation hypothalamique
et des valves cardiaques) et imposent une prescription incluant
une fenêtre thérapeutique de 1 mois tous les 6 mois, ainsi que Des développements récents dans la physiopathologie de
la réalisation annuelle d’une échographie cardiaque [40]. l’AVF montrant une activation de la substance grise de l’hypo-
thalamus postéro-inférieur homolatérale aux crises, ont conduit
Lithium (Téralithe®) à proposer l’implantation en conditions stéréotaxiques d’une
électrode hypothalamique [46] . Cette implantation permet
Il est réservé aux formes chroniques et s’utilise à la dose d’obtenir une réduction de 50 % du nombre de crises dans
moyenne de 750 mg/j (600 à 1 200 mg). Le lithium, prescrit environ 60 % des cas [47]. Ces résultats obtenus dans des études
hors AMM, nécessite un bilan complet avant mise en place ouvertes ont été retrouvés dans l’étude randomisée française,
(fonction rénale, calcémie, recherche d’une protéinurie, iono- multicentrique, en double aveugle de Fontaine et al. [45] .
gramme sanguin, numération et formule sanguine, hormones Cependant, le résultat final de l’essai français est négatif,
thyroïdiennes et thyroid stimulating hormone [TSH] plasmatique, probablement en raison de la durée trop courte des périodes
glycémie, examen cardiaque). Le suivi repose sur l’évaluation thérapeutiques (stimulation ON) au cours de la phase randomi-
clinique et le dosage des lithémies plasmatiques et intraérythro- sée. Par ailleurs, cette technique comporte des risques de
cytaires (lithémie cible entre 0,6 et 0,9 mEq/l). Les effets morbidité et de mortalité (notamment par hémorragie cérébrale)
indésirables (tremblements, soif avec polyurie, nausées, diar- qui sont liés à la localisation anatomique de la cible et ont
rhées, manifestations cutanées, goitre) limitent souvent son conduit à développer d’autres alternatives [48].
utilisation.
Stimulation du grand nerf occipital
Autres traitements médicamenteux Elle a fait l’objet de deux essais cliniques publiés portant sur
Ils ont un niveau de preuve moins évident. La réponse à 17 patients [49, 50]. Le pourcentage de résultats positifs (réduc-
l’indométacine fait partie des critères diagnostiques d’autres tion du nombre de crises et de l’intensité) est inférieur à celui
céphalées trigémino-autonomiques (hémicrânie paroxystique), obtenu avec la stimulation hypothalamique, mais les grands
mais est classiquement considérée inefficace dans l’AVF. Cepen- avantages sont la facilité du geste technique et le pourcentage
dant, l’indométacine a un effet remarquable chez certains faible de complications. Le délai entre la mise en place du
patients et mérite d’être essayée y compris dans les formes stimulateur et l’amélioration clinique est souvent de 2 mois ou
chroniques (à la dose de 150 mg /j) [41]. Les antiépileptiques, plus, témoignant que les mécanismes d’action reposent sur des
notamment le topiramate, sont parfois utilisés dans les formes processus de neuromodulation lents.
rebelles au vérapamil et au lithium. Leur place dans le traite-
ment de l’AVF reste à déterminer car il n’existe pas d’essais Nerf sphénopalatin
randomisés reproductibles de haut niveau méthodologique Enfin, les dernières recherches portent sur le nerf sphénopa-
prouvant l’efficacité de cette classe thérapeutique [42]. latin, soit en tant que traitement de la crise [51] , soit en

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traitement de fond par différentes techniques [52, 53]. Les blocs [6] Katsarava Z, Obermann M, Yoon MS, Dommes P, Kuznetsova J,
du sphénopalatin constituent une technique peu invasive, mais Weimar C, et al. Prevalence of cluster headache in a population-based
dont les modalités (nature du produit, technique, répétition des sample in Germany. Cephalalgia 2007;27:1014-9.
gestes) demandent une évaluation sur du long terme [54]. Enfin, [7] Katsarava Z, Dzagnidze A, Kukava M, Mirvelashvili E, Djibuti M,
d’autres techniques avec stimulation du nerf vague ou du nerf Janelidze M, et al., Russian Linguistic Subcommittee of the Internatio-
supraorbitaire sont en cours de développement. nal Headache Society. Prevalence of cluster headache in the Republic
of Georgia: results of a population-based study and methodological
La stratégie actuelle devant un patient présentant une AVF
considerations. Cephalalgia 2009;29:949-52.
chronique pharmacorésistante est de débuter par une stimula- [8] Russell MB. Epidemiology and genetics of cluster headache. Lancet
tion du grand nerf occipital et de ne réserver la stimulation Neurol 2004;3:279-83.
hypothalamique qu’en cas d’échec de cette première [54]. La [9] Manzoni GC. Male preponderance of cluster headache is progressively
place des gestes sur le ganglion sphénopalatin reste à decreasing over the years. Headache 1997;37:588-9.
déterminer. [10] Kudrow L. Cluster headache: mechanisms and management. Oxford:
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L’AVF est une céphalée primaire dont le diagnostic est 1-9.
purement clinique et dont le traitement de crise est une urgence [13] Bahra A, May A, Goadsby PJ. Cluster headache. Neurology 2002;58:
thérapeutique, et repose sur le sumatriptan et/ou l’oxygénothé- 354-61.
rapie à haut débit. Le traitement de fond repose sur le vérapamil [14] Rozen TD. Cluster Headache As the Result of Secondhand Cigarette
et nécessite une surveillance électrocardiographique. Enfin, dans Smoke Exposure During Childhood. Headache 2010;50:130-2.
le cadre de formes chroniques et pharmacorésistantes, une [15] Russell MB, Andersson PG, Thomsen LL. Familial occurrence of
approche neurochirurgicale, basée sur des techniques de cluster headache. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1995;58:341-3.
neuromodulation [55], peut être discutée après une évaluation et [16] De Simone R, Fiorillo C, Bonuso S. A cluster headache family with
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• L’AVF est une céphalée primaire dont le diagnostic [20] Lanteri-Minet M. Physiopathologie de l’algie vasculaire de la face. Rev
repose sur un interrogatoire clinique mettant en évidence Neurol 2003;159:1113-24.
des crises dont la séméiologie est stéréotypée, une [21] MayA, BahraA, Buchel C, Frackowiak RS, Goadsby PJ. Hypothalamic
activation in cluster headache attacks. Lancet 1998;352:275-8.
évolution temporelle caractéristique et un examen
[22] Fontaine D, Lanteri-Minet M, Ouchchane L, Lazorthes Y, Mertens P,
clinique normal. Blond S, et al. Anatomical location of effective deep brain stimulation
• Le traitement de la crise est une urgence algologique et electrodes in chronic cluster headache. Brain 2010;133(Pt1):1214-23.
doit être fait par tout médecin. Il repose sur le sumatriptan [23] D’Amico D, Rigamonti A, Solari A, Leone M, Usai S, Grazzi L, et al.
par voie injectable et/ou l’oxygénothérapie à haut débit Health-related quality of life in patients with cluster headache during
au masque. active periods. Cephalalgia 2002;22:818-21.
• Le traitement de fond repose essentiellement sur le [24] Ertsey C, Manhalter N, Bozsik G,Afra J, Jelencsik I. Health-related and
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vérapamil dont les doses varient en fonction de la nature
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épisodique ou chronique de la maladie. [25] Dahlöf CG, Solomon GD. Impact of the headache on the individual and
• Les formes chroniques pharmacorésistantes peuvent family. In: Olesen J, Goadsby PJ, Ramadan NM, Tfelt-Hansen P,
conduire à la discussion d’une approche neuro- Welch KM, editors. The Headaches. Philadelphia: Lippincott Williams
chirurgicale, basée sur des techniques de neuromo- and Wilkins; 2006. p. 27-34.
dulation. Elles nécessitent une évaluation, et une prise en [26] Jürgens TP, Gaul C, Lindwurm A, Dresler T, Paelecke-Habermann Y,
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Cet article a fait l’objet d’une prépublication en ligne : l’année du copyright autonomic cephalalgias. Cephalalgia 2008;28:626-30.
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A. Donnet (adonnet@ap-hm.fr).
Pôle neurosciences cliniques, CHU Timone, 264, rue Saint-Pierre, 13385 Marseille cedex 5, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Donnet A. Algie vasculaire de la face. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Neurologie, 17-023-A-70, 2011.

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