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Ann Pathol 2007 ; 27 : 16-26

Mise au point Les contrôles nécessaires


en immunohistochimie : de la recherche
au diagnostic
Comment valider un anticorps ?

Homa Adle-Biassette (1, 2), Jacques Grassi (3), Catherine Verney (2), Francine Walker (1),
Laurence Choudat (1), Dominique Hénin (1)

(1) Laboratoire d’Anatomie et de Cytologie Pathologiques, Hôpital Bichat-Claude Bernard, 46 rue Henry Huchard,
75877 Paris.
(2) Inserm, U676, Hôpital Robert-Debré, 75019 Paris.
(3) Programme transversal « Technologies pour la santé », Bâtiment 136, point courrier N° 18, CEA/Saclay,
91191 Gif sur Yvette cedex.

Adle-Biassette H, Grassi J, Verney C, Walker F, Choudat L, Hénin D. Les contrôles nécessaires en immuno-
histochimie : du diagnostic à la recherche. Comment valider un anticorps ? Ann Pathol 2007 ; 27 : 16-26.

Summary the primary antibody is responsible for generation of


The importance of controls in the immunostaining. In fact, the production of a
immunohistochemistry: how to labelling may also be related to cross reactivity or to
non-specific physical or chemical interactions. This
validate an antibody, from research to
paper reviews the characteristics of various epitopes
diagnosis and antibodies, describes different strategies which
The specificity of an immunohistochemical reaction prove the specificity of the immunohistochemical
is guaranteed by two sets of controls. Positive con- reaction in research or diagnostic pathology and
trols verify the specificity of the primary antibody and point towards the essential information which should
demonstrate that it binds only to the protein which be reported in a paper. ✦
was used as an immunogen. Negative controls Key words: immunohistochemistry, controls, quality,
ensure that the labelling technique is specific and that antibodies.

Résumé anticorps sur des épitopes croisés ou des


réactions non spécifiques physiques ou
La spécificité d’une réaction immunohisto- chimiques. Après un rappel sur les diffé-
chimique est vérifiée par deux types de rents types d’épitopes, les caractéristiques
contrôles. Les contrôles positifs attestent et la fabrication des anticorps, cet article
la spécificité de l’anticorps, c’est-à-dire développe les différentes stratégies per-
démontrent que l’anticorps reconnaît la mettant de démontrer la spécificité de
même protéine que celle utilisée comme l’immunohistochimie dans le cadre du diag-
immunogène. Les contrôles négatifs nostic ou de la recherche et précise les
garantissent la spécificité de la technique données indispensables à la publication et
de détection en vérifiant que le marquage l’analyse d’un article. ✦
identifie bien l’anticorps primaire fixé au
Mots-clés : Immunohistochimie, contrôles, qualité, anti-
tissu. En effet, l’obtention d’une réaction corps.
« colorée » peut être liée à la fixation des

Accepté pour publication


le 3 mars 2007.

Tirés à part :
H. Adle-Biassette, Introduction essentiels qui permettent de préciser
voir adresse les évènements moléculaires à
en début d’article. l’échelle cellulaire et tissulaire. Le
e-mail : L’immunohistochimie (IHC) et domaine d’application de l’IHC s’est
homa.adle@bch.aphp.fr l’hybridation in situ sont des outils aujourd’hui considérablement élargi.

16 © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.


Les contrôles nécessaires en immunohistochimie : du diagnostic à la recherche. Comment valider un anticorps ?

Il existe en effet de nombreux anticorps les anticorps reconnaissent souvent des


disponibles. La technique est devenue, au épitopes arrangés selon une certaine
moins en apparence, facile et standardisée. conformation spatiale impliquant des aci-
Elle reste néanmoins semée d’embûches et des aminés distants dans la séquence de la
les pathologistes savent bien que l’obten- protéine (on parle d’épitopes discontinus).
tion d’une réaction colorée n’est pas suffi- Les techniques de fixation, d’inclusion et de
sante pour prouver la spécificité d’un démasquage antigénique [4, 5] utilisées en
marquage. Cependant de nombreux arti- immunohistochimie peuvent modifier la
cles sont publiés avec des résultats discu- conformation spatiale des chaînes polypep-
tables ou erronés. Il faut donc s’assurer de tidiques, pouvant entraîner une dénatura-
la qualité des techniques et revenir sur les tion des épitopes, en révéler d’autres
contrôles nécessaires pour valider les masqués ou créer des néo antigènes
résultats, qu’ils soient à visé diagnostic ou (figure 1).
expérimentaux. La spécificité de l’IHC est Deux sortes d’anticorps sont utilisés dans le
vérifiée par des contrôles négatifs qui domaine de l’IHC. Il y a, d’une part, les anti-
garantissent que la technique de mar- corps polyclonaux qui sont un mélange d’anti-
quage identifie bien l’anticorps fixé au corps produits par un grand nombre de
tissu et des contrôles positifs qui attestent clones lymphocytaires B reconnaissant diffé-
que l’anticorps est fixé à la molécule rents épitopes d’une molécule et d’autre
appropriée. Le but de cet article, à la suite part, les anticorps monoclonaux qui provien-
d’éditoriaux récents, est d’éveiller la vigi- nent d’un unique clone lymphocytaire B.
lance des anatomopathologistes, des cher- • Les anticorps polyclonaux proviennent
cheurs, des lecteurs et des reviewers dans du sérum d’un animal immunisé avec un
l’interprétation et la fiabilité des résultats antigène. Dans ce milieu très complexe
obtenus en IHC pour la recherche ou pour composé d’un très grand nombre de pro-
le diagnostic [1-3]. téines différentes, les anticorps dirigés
contre l’antigène d’intérêt reconnaissent
plusieurs épitopes de l’antigène, ce qui
Rappels sur les caractéristiques augmente potentiellement la sensibilité de
des anticorps l’immunomarquage. Cependant, le pro-
blème majeur est la présence dans le sérum
La plupart des anticorps (IgG, IgD, IgA et de l’animal d’autres anticorps produits en
IgE) possèdent deux sites de fixation aux réponse aux stimulations immunologiques
antigènes identiques qui peuvent être dis- naturelles, pouvant reconnaître différen-
sociés et isolés (fragments Fab, Fab’) par tes structures dans un tissu (par exemple,
voie biochimique ou génétique. Le site de le sérum de lapins et de chèvres non immu-
reconnaissance de l’antigène par un anti- nisés avec la cytokératine peut contenir
corps est constitué par l’assemblage des des anticorps anti-cytokératines [6]). Pour
domaines variables des chaînes lourdes cette raison, les anticorps polyclonaux sont
(VH) et légères (VL). Seules les macromolé- souvent « purifiés » par chromatographie
cules (protéines, polysaccharides, lipides, sur des colonnes d’affinité : l’antigène est
acides nucléiques de PM > 5 000 Da) ont la fixé sur un support solide qui retient les
capacité de déclencher une réponse immu- anticorps « spécifiques » lors du passage
nitaire aboutissant à la sélection d’anticorps du sérum. Les anticorps spécifiques rete-
capables de reconnaître spécifiquement nus sont par la suite élués (en général par
« l’antigène » immunisant. Cependant, on un choc acide). À cette étape, ceux qui sont
sait depuis longtemps produire des anti- liés avec une trop forte affinité risquent de
corps contre des petites molécules (haptè- rester fixés au support solide ou peuvent
nes) en immunisant des animaux avec des être dénaturés par le traitement employé
préparations « d’immunogènes » contenant pour les éluer (la purification d’anticorps
l’haptène couplé chimiquement à une polyclonaux par chromatographie d’affi-
macromolécule porteuse. Les macromolé- nité se fait souvent avec un mauvais ren-
cules comportent plusieurs « détermi- dement).
nants » ou « épitopes » qui sont les • Les anticorps monoclonaux sont générale-
éléments structuraux présents à la surface ment fabriqués selon la technique des hybri-
des antigènes directement impliqués dans domes mise au point par Georges Köhler et
l’interaction avec le site de liaison de l’anti- Cesar Milstein en 1975 [7], bien que de nou-
corps. Contrairement aux récepteurs des velles techniques soient en cours d’étude [8].
lymphocytes T qui reconnaissent unique- La technique des hybridomes est basée sur le
ment des séquences linéaires de petits pep- principe que chaque lymphocyte B ne fabri-
tides (on parle aussi d’épitopes continus), que qu’un clone d’anticorps dirigé par défini-

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Homa Adle-Biassette et al. Ann Pathol 2007 ; 27 : 16-26

Epitope Epitope linéaire


« conformationnel »

dénaturation dénaturation

Épitope perdu Épitope devenant Épitope reste


par dénaturation accessible accessible
après dénaturation après dénaturation

Néo-épitope créé par protéolyse

FIG. 1. — Différents types d’épitopes. Modifié à partir des figures 3-9, Cellular and molecular immunology. 5 e édition, 2005, Abbas et Licht-
man Eds. Elsevier Saunders.
FIG. 1. — Different types of epitopes. As modified from figures 3-9, Cellular and molecular immunology 5e édition, 2005, Abbas et Licht-
man Eds. Elsevier Saunders.

tion contre un épitope unique. La souris est (SCID severe combined immunodeficiency
immunisée avec l’antigène à une ou plusieurs immunodeficiency), ce qui est coûteux. Les
reprises. Lorsque le titre d’anticorps est suffi- hybridomes peuvent aussi être cultivés in vitro
samment élevé dans le sérum, l’animal est (techniques peu rentables et coûteuses pour
euthanasié et la rate est recueillie. Les lympho- l’instant) et les anticorps monoclonaux
cytes sont fusionnés avec des cellules de myé- recueillis à partir du milieu de culture. Cepen-
lome pour les immortaliser. Les anticorps dant, la croissance optimale des hybridomes
provenant de chaque clone sont criblés pour peut nécessiter l’utilisation de quantité varia-
sélectionner ceux qui reconnaissent spécifi- ble de sérum (tel que le sérum de veau fœtal)
quement l’antigène d’intérêt. Dans la produc- dont les immunoglobulines peuvent aussi
tion des anticorps monoclonaux à grande « contaminer » le milieu contenant les anti-
échelle, deux systèmes différents sont possibles corps monoclonaux. Les anticorps peuvent
pour le moment, offrant chacun des avantages être utilisés tels quels, depuis le milieu de
et des inconvénients [9]. Les hybridomes peu- culture in vitro ou de l’ascite, ou être « puri-
vent être implantés chez un animal syngéni- fiés » ou concentrés (ce qui peut entraîner une
que pour obtenir une tumeur péritonéale dénaturation et une baisse de leur affinité).
dont l’ascite contient des concentrations très Ceci implique que les meilleurs anticorps
importantes (généralement > mg/ml) de l’anti- monoclonaux nécessitent comme les polyclo-
corps monoclonal. Là aussi, des difficultés naux, un contrôle de leur spécificité en immu-
peuvent survenir : l’ascite peut être contaminé nohistochimie. Les techniques de production
par diverses immunoglobulines de l’animal des anticorps monoclonaux sont appelées à
[10] sauf si l’animal est immunodéficient évoluer rapidement : des anticorps mono-

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Les contrôles nécessaires en immunohistochimie : du diagnostic à la recherche. Comment valider un anticorps ?

clonaux très prometteurs sont actuellement • Préciser le mode de préparation de l’anti-


fabriqués chez d’autres espèces que la souris corps : donner la structure exacte de l’anti-
ou le rat, et notamment chez le lapin. gène utilisé pour l’immunisation, l’espèce
chez laquelle l’immunisation a été réalisée, la
nature polyclonale ou monoclonale de l’anti-
Pour la publication d’un article corps et son isotype. Certains fournisseurs
refusent de communiquer ces informations
ou la validation d’une technique, qu’ils considèrent comme confidentielles.
obtenir et fournir Cependant, compte tenu de la variabilité qua-
des informations complètes litative et quantitative des résultats obtenus en
sur l’anticorps immunohistochimie, il est indispensable de
fournir ces données, afin que les résultats
soient fiables et reproductibles. Les anticorps
• Lire attentivement la fiche technique et les pour lesquels la structure du peptide immuni-
articles de références cités. Les renseigne- sant n’est pas fournie n’ont pas de valeur
ments n’y figurant pas devraient être récla- scientifique, il ne faut pas les acheter et les tra-
més auprès du fournisseur. Nous en vaux scientifiques présentés peuvent refusés
donnerons un exemple personnel ; Pour un pour publication dans certains journaux [12].
travail étudiant la migration et la colonisa-
tion de la lignée microgliale/macrophagique
du cerveau fœtal humain [11], après accep- Spécifité des anticorps
tation de l’article, le rédacteur en chef du
journal [3, 12] nous a demandé des rensei-
gnements précis sur les anticorps ; les con-
L’immunohistochimie peut poser un certain
trôles demandés ne figuraient pas sur les
nombre de problèmes techniques.
fiches techniques et ont dû être demandés
aux fabricants. De plus, l’éditeur a réclamé • Un résultat faussement négatif est défini
par la suite et, à plusieurs reprises, des par l’absence de détection du marqueur
modifications concernant la description de alors qu’il est présent dans le tissu. Plusieurs
ces anticorps. Pourtant, nous avions eu explications sont possibles : l’anticorps ne
recours à des anticorps bien connus, qui reconnaît pas sa cible car l’antigène est inac-
sont utilisés en routine dans le cadre diag- cessible (il faut alors effectuer un démas-
nostic, tel que le CD68, le CD34 ou le Ki67 ! quage) ou qu’il a été modifié ou détruit au
cours des prétraitements.
• Décrire en détail la technique d’immunohis- • Un résultat faussement positif est défini
tochimie : préparation des prélèvements, fixa- par la présence d’un marquage dans un tissu
tion, coupe, démasquage, méthode d’IHC… qui est dépourvu de l’antigène étudié. Ceci
• Préciser l’identité de l’anticorps : source implique qu’il faut démontrer la spécifité de
commerciale, numéro du catalogue et du l’anticorps en immunohistochimie et ne pas
lot. Si l’anticorps est un don d’un autre labo- faire confiance aveuglement à ce qui est
ratoire, citer le nom du laboratoire ; s’il s’agit prétendu par la fiche technique.
d’un anticorps monoclonal, donner l’identi- Les anticorps sont spécifiques c’est-à-dire
fiant précis du clone ; si c’est un anticorps qu’ils sont capables de ségréger des différen-
polyclonal, donner le code de l’antisérum et ces subtiles entre 2 épitopes. Cependant,
l’identifiant de la saignée.
• certains anticorps sont capables de se fixer
sur des épitopes différents qui partagent un
Box 1 : comment citer un anticorps dans un article ou plusieurs acides aminés ne modifiant pas
(pour un exemple concret, voir Monier et al [11])
la conformation spatiale du déterminant
• Cet antisérum de lapin (compagnie, catalogue,
lot) a été préparé contre un peptide synthétique
Box 2 : exemple d’un anticorps reconnaissant
représentant la séquence en acides aminés x de la
une protéine dans différentes espèces
protéine Z.
• Cet anticorps monoclonal, généreusement offert Exemple : l’anticorps monoclonal 6H4 (IgG1) de Prio-
par docteur x université de $, a été synthétisé en utili- nics reconnaît la séquence DYEDRYYRE de la protéine
sant la protéine £. prion (position 144-152 de la protéine PrPc humaine).
• Si le Western Blot n’est pas réalisé sur le tissu étudié Cette séquence est conservée parmi de nombreuses
au cours de la recherche, il faut indiquer que « l’antisé- espèces (homme, mouton, lapin, primates…), mais
rum marque une bande unique de x kd sur le Western chez le hamster et le rat, la tyrosine en position 145
Blot » ou « cet antisérum marque la bande de x kD est remplacée par un tryptophane. Cependant, 6H4
et non pas les bandes de $ ou * kD de la molécule sur reconnaît en Western Blot les protéines prion du rat
le Western Blot » (informations fournies par la fiche et du hamster, quelques travaux ont aussi été réalisés
technique). en immunohistochimie chez le rat.

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Homa Adle-Biassette et al. Ann Pathol 2007 ; 27 : 16-26

Protéines membres d’une même famille X

Épitopes spécifiques

Épitope commun

X1 X2
FIG. 2. — Épitopes croisés.
FIG. 2. — Cross-reactive epitopes.

• certains anticorps peuvent se fixer sur un Contrôles nécessaires


épitope qui est exprimé par les produits pour l’immunomarquage,
d’une même famille de gène donc structu-
rellement apparentés : il s’agit d’une « réac- caractérisation de la spécificité
tion croisée » (figure 2, box 3) de l’anticorps

Box 3 : un exemple de réaction croisée entre protéines


apparentées Anticorps primaire
L’immunodétection de l’antigène carcino-embryonnaire
(ACE) en utilisant l’anticorps monoclonal T84.66 [13] Plusieurs types de contrôles peuvent être
se traduit par un marquage du pôle apical des cellules réalisés et au mieux être associés. Ils sont
intestinales ; l’utilisation de l’anticorps polyclonal de cités ici par ordre d’importance.
DAKOCytomation A0115 aboutit au contraire à un
Le contrôle le plus fiable est l’absence de
marquage diffus des cellules épithéliales et révèle en
outre les polynucléaires neutrophiles. Il s’agit proba-
marquage par l’anticorps (monoclonal ou
blement d’une réaction croisée non spécifique avec polyclonal) dans un tissu qui est dépourvu
une protéine apparentée à l’ACE, appartenant à une de l’antigène ; le meilleur contrôle est
famille connue sous le nom de «non specific cross- alors un animal chez lequel le gène a été
reacting antigen» (NCA) [14-19]. En effet, cet anticorps invalidé (exemple : souris dite knock out
polyclonal est connu pour réagir de façon croisée où le gène a été invalidé par recombinai-
avec les protéines NCA1 et NCA2 et la glycoprotéine
son homologue). La disparition du marquage
biliaire, tous membres de la famille ACE [20].
sur un tissu qui normalement exprime forte-
ment cet antigène prouve que l’épitope
appartient à la protéine qui est absente
• Des réactions croisées entre des protéi- chez la souris. De plus, l’absence de marquage
nes structurellement non apparentées peu- dans les autres tissus prouve que l’anti-
vent aussi se produire [21-23]. corps ne reconnaît aucun épitope croisé
Ces réactions croisées non spécifiques peu- ni de néo-épitope. Il est donc considéré
vent être identifiées et la spécificité prouvée comme spécifique contre le(s) épitope(s)
en utilisant des anticorps différents dirigés annoncé(s) par le fabriquant. Il est cepen-
contre différents épitopes d’un même anti- dant évident que ce contrôle n’est pas
gène. toujours disponible. De plus, il n’est le plus
souvent applicable que dans des situations
expérimentales : il est en effet rare qu’une
Box 4 : un autre exemple de réaction croisée protéine humaine soit suffisamment homolo-
CagA est une protéine d’Helicobacter pylori : un anti- gue d’une protéine murine pour pouvoir
corps polyclonal de souris dirigé contre CagA et être reconnue par les mêmes anticorps.
actuellement disponible reconnaît aussi les cellules Si l’antisérum est dirigé contre un peptide
musculaires lisses et les cellules endothéliales des de taille suffisante pour être détectable en
plaques d’athérome [21].
Western Blot, il faut vérifier les caractéristi-

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Les contrôles nécessaires en immunohistochimie : du diagnostic à la recherche. Comment valider un anticorps ?

Box 5 : immunoempreinte (Western Blot)


corps avec l’antigène (en anglais : absorption)
et immunoprécipitation [25, 26]. La qualité de ce test dépend de la
pureté du peptide utilisé. La disparition du
L’immunoempreinte, ou Western Blot (WB) permet de
détecter une protéine donnée au sein d’un mélange
marquage démontre au moins que l’anti-
protéique, de déterminer son poids moléculaire et sérum est dirigé contre l’antigène recherché.
d’évaluer son abondance de façon semi quantitative. Cependant, ce test détermine seulement la
Le principe est de purifier les protéines d’un tissu ou spécificité de l’anticorps pour la protéine ou
de cellules, puis de les faire migrer en électrophorèse le peptide avec lequel il a été incubé mais pas
sur gel de polyacrylamide (SDS-PAGE) pour les séparer sa spécificité pour la protéine au sein du tissu
en fonction de leur poids moléculaire (PM) (des mar-
queurs de PM sont ajoutés pour servir de repère). Une
[1] (figures 1, 2, box 2-4). En effet, un anticorps
membrane de nitrocellulose est ensuite posée sur le peut se lier à n’importe quel autre épitope qui
gel pour réaliser le « Blot » (l’empreinte), c’est à dire de a la séquence et la conformation correspon-
transférer la réplique du gel sur la membrane (les pro- dante, donc non seulement à la protéine utili-
téines qui sont dénaturées dans le gel peuvent réac- sée pour l’immunisation mais aussi à d’autres
quérir leur plicature). Les protéines recherchées sont protéines ayant des épitopes communs, don-
détectées en utilisant un anticorps spécifique marqué,
ce qui permet aussi de déterminer leur poids molé-
nant soit une réaction croisée, soit une réac-
culaire par comparaison aux marqueurs de PM stan- tion avec des néo-épitopes. Cette stratégie
dards ajoutés initialement. La dénaturation protéique s’applique aussi pour les anticorps mono-
au cours du Western Blot explique en partie pourquoi clonaux qui forment a priori toujours des
certains anticorps réagiraient mieux en WB qu’en IHC. complexes avec l’antigène recherché mais qui
Si le test d’immunoempreinte n’est pas possible, peuvent aussi s’accrocher de façon non spéci-
l’immunoprécipitation peut être utilisée pour fixer la fiques à un tissu (par leur fragment Fc par
protéine d’intérêt ayant le poids moléculaire adéquat exemple, qui leur permet de se lier aux cellu-
(figure 4). Ces deux techniques fournissent ici des ren-
seignements équivalents, mais certains anticorps fonc-
les ayant des récepteurs spécifiques, telles
tionnent mieux avec l’une ou l’autre des techniques. que les cellules immunes ; ces fixations sont
d’autant plus importantes que les prélève-
ments sont non fixés). Dans ce cas, l’absence
de suppression du marquage permettra
Box 6 : des exemples personnel de contrôles d’identifier le problème. Au cours d’un test de
(figure 3)
compétition de l’anticorps avec l’antigène,
Nous avons soumis un travail décrivant les anomalies l’inhibition complète de fixation de l’anticorps
de migration neuronales par déprivation en glucose au tissu est difficile car le complexe anticorps-
dans le cerveau de souris au cours du développement
[24]. Parmi les données, nous avions décrit et quanti-
peptide peut se dissocier pendant l’incubation
fié la gliose par une technique immunohistochimique sur le tissu ; même un très faible taux de dis-
utilisant un anticorps anti-GFAP en fournissant des sociation suffit à permettre un marquage spé-
belles figures convaincantes. La gliose est une réac- cifique. La préincubation du tissu avec le
tion « banale » d’hypertrophie et d’hyperplasie astro- peptide diminue la fixation de l’anticorps aux
cytaire. L’un des lecteurs nous a réclamé un Western protéines tissulaires [26]. La persistance d’un
Blot pour prouver l’existence d’une gliose (ce qui
revient à demander un Western Blot pour prouver
marquage pose le problème de la spécificité
que la vimentine est augmentée dans un bourgeon de l’anticorps mais aussi le problème des mar-
charnu). Nous avons été obligés de refaire des modè- quages «non spécifiques», largement débattu
les animaux et un Western Blot pour montrer que la dans les manuels de fabricants d’anticorps
bande de GFAP était plus intense chez les souris mala- (Dako, Chemicon…). Les causes des marqua-
des que chez les contrôles ! ges non spécifiques sont très variables : inter-
actions électrostatiques ou ioniques, activités
enzymatiques endogènes, biotine endogène,
ques de la bande obtenue à partir du tissu diffusion d’antigènes, réactions croisées, pré-
de l’espèce utilisé pour immunomarquage. sence de récepteurs Fc, fixation médiée par le
Idéalement, un anticorps doit détecter une complément, etc. Il faut souligner que, pour
seule bande de la taille moléculaire donnée certains anticorps, le peptide immunisant
(ou plusieurs bandes si différents isoformes n’est pas disponible : l’insistance des lecteurs
de la molécule sont présents dans le tissu, des éditeurs pour réaliser le test est alors inap-
les isoformes sont des formes de poids propriée… et vaine.
moléculaires différents, liées aux modifica- • Si l’antigène, ou le peptide immunisant,
tions traductionnelle ou post traduction- n’est pas disponible, des stratégies alternati-
nelle, pouvant être par exemple des formes ves peuvent être utilisées pour établir la spé-
tronquées et/ou glycosylées). cificité d’un anticorps. Si le profil d’expression
• Un contrôle utile, et souvent demandé, mais de l’antigène de l’antigène est bien connu
qui est surtout indiqué pour les anticorps diri- (c’est le cas pour de nombreuses protéines), il
gés contre des peptides synthétiques est le est raisonnable de montrer que les tissus
test d’inhibition ou de compétition de l’anti- d’intérêt de l’espèce étudiée présentent un

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Homa Adle-Biassette et al. Ann Pathol 2007 ; 27 : 16-26

FIG. 3. — Western Blot. Dans un précédent travail [27] nous avions étudié l’expression de la protéine prion cellulaire PrPc (isoforme nor-
male de la protéine prion amyloïde des maladies à prion) dans le cerveau fœtal en utilisant 5 anticorps monoclonaux dirigés contre différents
isoformes de la PrPc. Nous avons observé un marquage des fibres mais aussi des cellules qui ce sont révélées être de façon surprenante non
pas des neurones mais des cellules microgliales jeunes. La qualité du marquage variait en fonction des anticorps, de plus, certains anticorps
(3F4 et KG9) donnaient un marquage nucléaire intense selon notre technique (artéfacts nucléaire ou marquage réél ?). La localisation de la
PrPc dans différents compartiments cellulaires n’est pas totalement élucidée. Nous avons donc mis à disposition les lames virtuelles des cou-
pes montrées ici à migestation sur: http://teleslide.crihan.fr/forum/pu_subjects.php?forumid=114). Le WB réalisé par docteur Katell Peoch
a confirmé nos résultats en mettant en évidence ici à 16 semaine post ovulatoire la présence principalement d’une bande de 35 kD (mise en
évidence par l’anticorps SAF70) représentant l’isoforme diglycosylée de la protéine dans les cortex frontal et occipital, tandis que la protéine
n’était pas détectable dans le thymus.
FIG. 3. — Western Blot. In earlier work [27], we studied expression of cellular prion protein PrPc (normal isoform of th amyloid prion
protein in prion diseases) in the fetal brain using five monoclonal antibodies directed against different isoforms of PrPc. We observed labeling
of fibers and also cells which surprisingly were not neurons but young microglial cells. The quality of the labeling varied with the antibody
and in addition certain antibodies (3F4 and KG9) exhibited intense nuclear uptake with our technique (nuclear artifact or real labeling?).
The localization of PrPc in different cell compartments is not totally elucidated. We thus have put the mid-gestation slides presented here on:
http://teleslide.crihan.fr/forum/pu_subjects.php?forumid=114). The Western Blot performed by Katell Peoch confirmed our results by
demonstrating (here at 16 weeks post ovulation) the presence of a principal band of 35 kD (antibodies SAF70) representing the diglycosylated
isoform of the protein in the frontal and occipital cortex while the protein was not yet detectable in the thymus.

profil de marquage avec l’anticorps utilisé manière, la spécificité d’un immunomarquage


identique à celui connu pour l’antigène cor- est mieux établie si celui-ci est observé au sein
respondant préalablement. Il est aussi possi- des cellules qui expriment le messager en
ble de vérifier si l’anticorps à valider donne le hybridation in situ.
même profil de marquage qu’un autre antisé- • Enfin, démontrer que le marquage
rum bien déterminé qui a réussi le test de observé est spécifiquement lié à l’anticorps
compétition de l’anticorps avec l’antigène. primaire, celui-ci peut être remplacé par du
Différents anticorps, dirigés contre différents sérum non immun (sérum normal dilué), ou
épitopes d’une molécule produisant un par les fractions immunoglobulines (IgG) du
patron de marquage comparable, sont des sérum de l’animal de même espèce et iso-
arguments de poids pour déterminer la spéci- type que l’anticorps primaire ; il peut aussi
ficité de l’anticorps (figure 3). De la même être remplacé par un anticorps primaire du

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Les contrôles nécessaires en immunohistochimie : du diagnostic à la recherche. Comment valider un anticorps ?

Y Y
Western
Y Blot
(1) (2) (3)
Y Y
Y
Y Y YY
FIG. 4. — Immunoprécipitation. Le principe de l’immunoprécipitation est de purifier un antigène particulier à partir d’une solution compor-
tant des protéines variées en utilisant l’anticorps spécifique de l’antigène. Après extraction protéique, l’anticorps spécifique de l’antigène est
immobilisé par fixation sur un support solide (billes magnétiques, gels, latex) et ajouté à la solution (1). Les complexes antigène-anticorps for-
més sont précipités (2), lavés pour les débarrasser des autres protéines. Puis les antigènes spécifiques sont élués de leur anticorps. Ces protéines
peuvent être analysées de différentes façons, par exemple par Western Blot.
FIG. 4. — Immunoprecipitaiton. The basis of immunoprecipitation is to purify a specific antigen using a solution containing various pro-
teins and using an antigen-specific antibody. After protein extraction, the antigen-specific antibody is immobilized by uptake on a solid sup-
port (magnetic beads, gels, latex) and added to the solution (1). The antigen-antibody complexes which form precipitate (2) then are washed
to remove other proteins. The specific antigens are then eluated off their antibodies. These proteins can be analyzed with various techniques,
for example Western Blot.

même isotype mais non réactif sur le tissu Anticorps secondaire


étudié (un exemple est l’anticorps monoclo-
nal anti-IgG2a de souris immunisé avec le L’omission de l’anticorps primaire, presque
KLH, protéine de mollusque servant de constamment effectuée en recherche comme
« porteur »). Ces contrôles « négatifs » sont en pratique diagnostique, ne doit pas donner
les contrôles les mieux connus, les plus cou- lieu à un contre-sens : ce n’est pas un contrôle
rants et les plus facile à mettre en œuvre, qui de la spécificité de l’anticorps primaire mais
confirment la spécificité de la réaction de de celle de l’anticorps secondaire (contrôle
« détection » immunohistochimique c’est- négatif) et doit être inclus à chaque fois que la
à-dire de la réaction colorée, mais qui ne technique est réalisée. En effet, l’absence de
permettent pas d’attester la spécificité de marquage prouve que l’anticorps secondaire
l’anticorps primaire. est pur et bien dirigé contre un antigène qui
n’est pas présent dans le tissu et que les
sérums et les techniques d’inhibition des acti-
Box 7 : exemples de contrôles
vités endogènes ont été utilisés à bonne dose.
Un anticorps polyclonal de chèvre, dirigé contre un
peptide HGF humain recombinant (H-0652 ; Sigma, St.
Louis, MO) marquait l’épithélium du col. Le marquage Pour résumer
a été inhibé au cours du test de compétition de l’anti-
corps avec l’antigène avec le peptide. La disparition
du marquage prouve que l’anticorps est dirigé contre
Différentes stratégies sont disponibles pour
des épitopes de HGF [25]. démontrer la spécificité d’un anticorps.
Dans la suite de nos travaux sur l’expression de la pro-
Nous les avons résumées dans la figure 5,
téine prion normale [27], nous avons récemment testé dans le contexte d’un article hypothétique
un anticorps polyclonal anti-prion humain développé soumis à un lecteur ou un éditeur. Nous
contre un peptide synthétique pour pouvoir réaliser avons aussi résumé un article [26] très élé-
des doubles marquages associant des anticorps gant qui démontre l’apparition d’un épitope
monoclonaux (les doubles marquages utilisant 2 anti- (ou néo-épitope) par la fixation (figure 6).
corps monoclonaux que nous avions réalisés étaient
beaux, mais coûteux et devaient être adaptés à cha-
que modification du lot d’anticorps !). Le marquage
observé avec cet anticorps polyclonal était magnifi- Conclusion
que : la technique marquait beaucoup plus de cellules
que les monoclonaux dont nous disposons. Le Doc-
teur Moleres qui l’avait utilisé dans une publication
[28] nous a « re »confirmé que le test de compétition La spécificité de l’IHC est validée par des
de l’anticorps avec l’antigène était parfait et que le contrôles négatifs et positifs. Il faut toujours
marquage avait totalement disparu. Cependant, nous fournir le plus grand nombre de contrôles
devrions réaliser le test sur nos tissus humains avec le possibles. En effet, des éditeurs signalent le
lot d’anticorps à notre disposition pour vérifier si le
retrait de travaux de recherche, par exemple
marquage disparaît.
quand les tests d’inhibition ou de compétition

23
Homa Adle-Biassette et al. Ann Pathol 2007 ; 27 : 16-26

Si modè
modèle knock out ACE existe, si l’
l’anticorps reconnaî
reconnaît la proté
protéine murine

Pas de marquage Anticorps reconnaît


. épithélial de l’intestin l’épitope sur la molécule
Réclamer un marquage ni du foie prétendue
de plusieurs tissus Marquage des
neutrophiles dans Réaction croisée
différents tissus

Réclamer un western blot ou une immunopré


immunoprécipitation
1 2
Molécule de la même
Profil 1: Bande verte seule => taille que ACE
anticorps reconnaît ACE
Molécule de taille
Profil 2: Bande verte et rouge: différente d’ACE
l’anticorps ne reconnaît pas seulement
ACE, mais aussi une molécule inconnue

Test de compé
compétition anticorps-antigè
anticorps-antigène si le peptide est disponible
le marquage épithélial intestinal et des polynucléaires neutrophiles disparaît => anticorps
dirigé contre le peptide immunisant (mais qui est croisée).

Réclamer un marquage avec d’


d’autre(s) anticorps anti-ACE
notamment un anticorps monoclonal bien caractérisé. Il n’y aura pas de marquage des
polynucléaires neutrophiles, donc l’anticorps ne reconnaît pas seulement l’ACE.

FIG. 5. — Démarche hypothétique d’un lecteur dans l’analyse et la critique d’un article. Imaginons que nous soyons reviewer d’un article qui
prétend que les polynuclaires neutrophiles expriment l’ACE en utilisant l’anticorps polyclonal ACE de DAKOcytomation cité plus haut, et
que ceci fournirait un outil diagnostic infaillible pour le diagnostic de certaines maladies myélodysplasiques. Différentes stratégies peuvent
être réclamées, qui sont présentées de la plus spécifique à la plus simple.
Ici le test de compétition de l’anticorps avec l’antigène n’aurait pas prouvé la spécificité de l’anticorps pour l’ACE. L’anticorps polyclonal
n’est pas spécifique de l’ACE, donc les neutrophiles n’expriment pas l’ACE, mais il est utile pour évaluer les syndromes myélodysplasiques :
à vous de voir !
FIG. 5. — Hypothetical critical review of a submitted paper. Imagine you were to review an article that states that polymorphonuclearl neu-
trophils express ACE using the polyclonal ACE antibody from DAKOcytomation mentioned above and that this provides a fail-proof dia-
gnostic test for certain myelodysplasic diseases. Different strategies can be claimed, presented here from the most specific to the simplest.
Here the antigen-antibody competition test would not prove the antibody specificity for ACE. The polyclonal antibody is not specific for
ACE, thus neutrophils do not express ACE. But you will have to determine whether it is good to evaluate myelodysplasic syndromes!

de l’anticorps avec l’antigène ont été initiale- devient beaucoup plus délicat lorsque le mar-
ment concluants mais que, par la suite, des quage observé paraît authentique. Ce type de
marquages ont été observés chez les animaux difficultés est bien illustré par un exemple per-
où le gène correspondant a été invalidé par sonnel. Nous avons découvert qu’un anti-
recombinaison homologue. Il faut garder un corps anti-EMA monoclonal marque aussi les
aliquot du lot d’anticorps utilisé pour les éven- astrocytes réactionnels (et certains de nos
tuels tests demandés ultérieurement et four- collègues neuropathologistes nous l’ont
nir le plus de renseignements possible afin confirmé). Il est évident qu’il s’agit dans le
que les résultats puissent être reproduits par cerveau normal d’une réaction croisée. Le
d’autres. Bien évidement, quelques soient les problème se pose devant une tumeur céré-
moyens utilisés, simples ou complexes, au brale peu différenciée : dans ce cas, comment
final, c’est le lecteur qu’il faut convaincre ! interpréter l’immunomarquage avec cet anti-
Petite remarque pour conclure. Ces stratégies corps anti-EMA, notamment lorsqu’il existe
peuvent aussi s’appliquer à notre exercice de une insertion méningée et que la tumeur
routine et doivent être employées pour vali- paraît agressive ? Est-ce un méningiome
der un anticorps nouveau ou chaque fois que atypique, une métastase de carcinome ou
surgit un problème d’interprétation. Nous une tumeur astrocytaire? Pour l’instant, nous
sommes tous confrontés à ces difficultés. avons exclu cet anticorps de notre gamme
Nous savons par expérience bien identifier de dans ce type d’indication ; le fabricant a été
simples « bruits de fond », mais le problème prévenu. Comment avancer sur la base des

24
Les contrôles nécessaires en immunohistochimie : du diagnostic à la recherche. Comment valider un anticorps ?

Box 8 : résumé de l’article de Josenphsen et al [29]


(figure 6)
La figure 6 illustre démarche de l’article de Josephsen et
al [26]. Ce travail très élégant démontre que la fixation
des tissus par la glutaraldéhyde entraîne l’apparition
d’un épitope de l’amelogénine (protéine de l’émail den-
taire) qui devient détectable par un anticorps monoclo-
nal anti-vimentine. À l’origine, le but était d’étudier les
odontoblastes de l’incisive du rat et l’invagination de
leurs prolongements dans l’améloblaste. Les auteurs ont
utilisé plusieurs anticorps anti-vimentine monoclonaux
et polyclonaux pour visualiser les prolongements fins
des odontoblastes en immunoélectronique selon la
technique de post-embedding. L’immunomarquage
anti-vimentine s’est révélé décevant mais un des anti-
corps monoclonaux anti-vimentine (V9-S) a curieuse-
ment marqué le compartiment cellulaire de l’émail
(comportant la protéine AMEL) dépourvu de vimentine.
Ils ont donc utilisé le Western Blot pour faire migrer
3 extraits protéiques : de la vimentine purifiée (V), des
extraits de fibroblastes (F) et des extraits protéiques de
l’émail (E). L’anticorps V9-S a naturellement reconnu les
bandes correspondantes à la vimentine et aux fibroblas-
tes (bandes non reconnues par l’anticorps anti-AMEL). FIG. 6. — Immunoblot avec la sonde V9-S et anticorps AMEL. A
De façon intéressante, l’anticorps V9-S a aussi reconnu gauche, une gamme de protéines standards à poids moléculaires
sur les extraits de l’émail, des bandes identiques à celles croissants : coloration au rouge Ponceau. Chaque panel contient de
la vimetine (V) purifiée, du lysat de fibroblastes humains (F) et de
de l’AMEL mais seulement quand les membranes étaient
l’extrait d’émail (E) au stade sécrétoire. Après le transfert des pro-
fixées à la glutaraldéhyde, confirmant la présence d’un téines, des membranes de nitrocellulose sont fixées au glutaraldé-
même épitope dans deux protéines structurellement hyde à 1 p.100 avant l’incubation avec les anticorps. Les protéines
différentes apparu au cours de la fixation. Il ne s’agissait d’émail au sein des blocs ne sont pas reconnues par la sonde V9-S.
pas d’une réaction croisée car l’épitope n’apparaissait Mais les protéines de moins de 31 kD sont révélées par la fixation.
pas sur la protéine de l’émail native non fixée et qu’il n’y La coloration des échantillons de vimetine et des extraits de fibro-
avait pas d’homologie connue entre les 2 protéines blastes n’a pas eu d’effet sur la fixation. Notez l’absence de réac-
AMEL et vimentine. Le test de compétition de l’anticorps tion avec l’AMEL des deux échantillons. La fixation a aboli la
avec l’antigène n’est pas indiqué ici car l’épitope appraît coloration de certaines bandes à haute poids moléculaire mais n’a
pas eu d’effet sur les protéines d’émail à faibles poids moléculaires
après fixation.
inférieurs à 31 kD.
FIG. 6. — Immunoblots probed with V9-S and AMEL antibodies.
The column at left shows standard broad-range molecular weight
marker proteins (MW) stained with Ponceau. Each panel contains
conseils donnés dans cette mise au point ? purified vimentin (V), human fibroblast lysate (F), and bulk protein
Une stratégie infaillible s’impose : (i) glisser extract from secretary stage enamel (E). After protein transfer,
insidieusement « encore une de ces épuisan- some nitrocellulose membranes were fixed with 1% glutaraldehyde
tes fameuses tumeurs » qu’on peine à dicter before incubation with antibodies. Enamel proteins in the unfixed
blots are not recognized by V9-S. However, proteins below 31 KD
au milieu des plateaux du patron, (ii) changer are revealed after fixation. Staining of vimentin and fibroblast
d’anticorps anti-EMA. Mais pour donner extract samples was not significantly affected by fixation. Note also
l’exemple de la rigueur digne d’un label Assu- that both samples were not stained by AMEL whereas weak stai-
ning of some higher molecular weight bands with AMEL was abo-
rance Qualité, suivons le plan de la figure 5 : lished by fixation, staining of many enamel proteins below 31 KD
(i) allons broyer un cerveau atteint de gliose was surprisingly intensified.
au fond du laboratoire d’Anatomie et Cytolo-
gie Pathologiques pour faire le Western Blot :
avec un peu de chance, il doit y avoir des pré-
lèvements congelés cérébraux dans notre
banque — ou plutôt dans notre collection
de tissus déclarés et répondant aux critères Références
d’assurance qualité et la loi bioéthique (y
compris les autorisations ou les non opposi-
tions des patients ou des tuteurs) —, un kit [1] Willingham MC. Conditional epitopes. is your anti-
d’extraction et le matériel de Western Blot body always specific? J Histochem Cytochem 1999 ;
prêts sur une paillasse puis (ii) attaquons le 47 : 1233-6.
Medline pour trouver une espèce où le gène [2] Ward JM. Controls for immunohistochemistry: is
codant pour EMA a été invalidé et où la “brown” good enough? Toxicol Pathol 2004 ; 32 :
protéine correspondante est suffisamment 273-4.
homologue de la protéine humaine pour réa- [3] Saper CB. An open letter to our readers on the use
gir avec l’anticorps à problème. Finalement, of antibodies. J Comp Neurol 2005 ; 493 : 477-8.
c’est très simple ! Résultat dans un prochain [4] Shi SR, Liu C, Balgley BM, Lee C, Taylor CR. Protein
numéro des Annales de Pathologie… ■ extraction from formalin-fixed, paraffin-embedded tis-

25
Homa Adle-Biassette et al. Ann Pathol 2007 ; 27 : 16-26

sue sections: quality evaluation by mass spectrometry. antigen family of adhesion molecules. Blood 1991 ; 78 :
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