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Titre 2 : Les Principes directeurs de la Justice

Ces principes constituent l’architecture de l’organisation judiciaire et en reflètent l’esprit. Leur objectif
est de permettre une justice sereine et équitable. Ils portent sur deux thèmes essentiels : la justice
comme service public d’une part, et d’autre part les garanties relatives à son organisation et aux
procédures applicables

Chapitre 1 : La Justice, un service public


La notion de service public est essentielle en droit. Elle recouvre les activités destinées à satisfaire un
besoin d’intérêt général dont l’administration à la charge. C’est le cas par exemple de l’éducation ou
bien sûr de la justice. Celle-ci répond à des principes : égalité d’accès, principe de continuité…

I) Le principe de continuité de la justice


Cette exigence de continuité signifie que le service de la justice doit répondre à une certaine
permanence. Ainsi, son activité n’est pas organisée sur la base d’une alternance entre période de
fonctionnement et d’interruption. Ce principe de continuité n’est pas appliqué dans tous les pays pour
autant. En Grande-Bretagne, par exemple, les tribunaux ne siègent qu’à certaines périodes de l’année.
Pour autant, cela ne signifie pas que les juridictions fonctionnent de manière ininterrompue. Aucune
activité juridictionnelle n’a lieu les dimanches et jours fériés. Il y a cependant des permanences qui
sont assurées selon les domaines, par exemple pour le juge d’instruction, le parquet ou le juge des
référés (« juge de l’urgence »).

Par exception, deux types de juridiction ne sont pas permanentes :

- certaines ne statuent pas de manière continue car elles sont composées en tout ou en partie de juges
non-professionnels. Ceux-ci ayant d’autres activités, ils ne peuvent siéger toute l’année : par exemple,
le tribunal des prud’hommes est composé de salariés et d’employeurs. Certaines juridictions sont
échevinales, c’est-à-dire qu’elle sont composées à la fois de professionnels et de particuliers. Pour les
juridictions échevinales ou non-professionnelles, on ne peut siéger de manière permanente. Par
exemple la cour d’assise siège par session de trois mois. Quant au TPBR ou au TAAS, ils siègent
également par sessions. Ces trois juridictions sont échevinales.

- Certaines juridictions ne sont pas continues car il n’y a pas un volume d’affaires suffisantes : c’est le
cas du Tribunal des Conflits ou de certaines juridictions administratives spécialisées comme la Cour de
discipline budgétaire et financière.

Le droit de grève en général est un principe à valeur constitutionnel. Pourtant, certaines limitations
sont possibles, surtout lorsque l’activité en cause est un service public. L’intérêt général justifie en effet
que les agents publics ne puissent pas interrompre totalement le service public. Cela traduit la
supériorité de l’intérêt général sur les intérêts particuliers. Ce principe s’applique de manière très forte
au système judiciaire, qui est un service public dont les enjeux sociaux sont très importants
(contrairement par exemple au service audiovisuel). En matière de droit de grève, il faut distinguer celui
des magistrats de l’ordre judiciaire et administratifs.

Pour les magistrats de l’ordre judiciaire, le droit de grève leur est interdit, bien qu’ils soient
fonctionnaires (c’est une exception). Cependant le respect de cette interdiction est valable, car le
ministère de la justice n’ose pas s’en prendre à eux à cause du rapport de force.
Les magistrats administratifs bénéficient du droit de grève en tant que fonctionnaires, mais cette
prérogative peut être limitée pour le bon fonctionnement de la justice.

II) Le principe d’égalité devant la justice


Ce principe signifie que toute personne doit être jugée par les mêmes juridictions et selon les mêmes
règles de procédure et de fond, c’est-à-dire sans la moindre discrimination. C’est une évidence
aujourd'hui, mais par le passé les inégalités furent nombreuses : l’ancien droit mettaient place des
privilèges de juridictions par lesquelles les individus étaient jugés par des tribunaux différents selon
leur classe sociale. C’est ce système notamment qui a abouti à l’abolition des privilèges.

Ce qui est interdit n’est pas la différence de traitement mais la discrimination. Ces deux notions sont
fondamentalement différentes puisqu’une discrimination est une différence de traitement non-justifiée.
Cela signifie que toute discrimination est une différence de traitement, mais que toute différence de
traitement n’est pas une discrimination. Certaines différences de traitement sont admises alors qu’elles
constituent une atteinte au principe d’égalité car elles sont justifiées par des critères objectifs.

Par exemple, il y a une différence de traitement fondée sur le domaine jugé. Un litige n’est pas jugé par
les mêmes juridictions et selon les mêmes règles selon qu’il relève du droit public ou du droit privé. Il y
a aussi des différences de traitement fondée sur la personne jugée pour des raisons de vulnérabilité ou
de particularisme. C’est le cas des mineurs (vulnérabilité) ou des militaires (particularisme).

A l’inverse, certaines différences de traitement sont des discriminations car elles sont fondées sur des
critères injustifiés : sexe, race… Ainsi, en France, tout individu doit par exemple avoir accès aux mêmes
juridictions et bénéficier ou subir l’application des mêmes règles, quelque soit sa nationalité et y
compris s’il est apatride, si le litige est en rapport avec la France.

Malgré tout, le juge doit respecter une condition essentielle : la neutralité. Le principe de neutralité de
la justice signifie que chaque justiciable doit être jugé par une juridiction impartiale, c’est-à-dire une
juridiction qui ne doit se fonder sur aucun autre élément que le droit et l’équité pour rendre sa
décision. Afin de garantir cette impartialité, différentes procédures existent : Elles peuvent être
regroupées en différentes catégories : générales et curatives, spécifiques et préventives.

La technique générale et curative existe à travers les voies de recours : elle permet au plaideur de faire
ré-examiner l’affaire afin de purger la décision de première instance d’un éventuel vice de partialité.

La technique préventive et spécifique est propre à la question de l’impartialité existent en trois


catégories :

- S le juge estime que son indépendance peut être remis en cause dans le cadre d’un procès (liens avec
une des parties…), il peut demander à être remplacé.

- Les plaideurs peuvent également demander la récusation d’un juge pour différents motifs,
notamment pour l’existence d’un intérêt personnel en lien avec l’affaire examinée, ou encore l’existence
d’un lien d’amitié ou d’inimitié avec des parties. Devant la cour d’assise, l’accusé peut récuser des
jurés, c’est-à-dire leur refuser le droit de siéger
- Le ministère public peut également récuser des jurés, sans avoir besoin de le justifier.

III) Le principe d’accès à la justice


Il implique la question de la gratuité de la justice, laquelle est posée par l’article 11-2 du code de
l’organisation judiciaire. La gratuité répond à une volonté de protection du justiciable, ce dernier ne
doit pas voir son droit d’accès à la justice limité par des considérations financières. Le risque serait,
sinon, de voir se développer une justice de classe par laquelle ceux qui disposent de moyens financiers
auraient droit à un procès à la différence des plus pauvres. Le fonctionnement du service public a
pourtant un coût, supporté par l’État grâce à la collectivité, composée de chacun. Affirmer que la
justice est gratuite nécessite cependant de distinguer les différents types de frais de justice, ce qui
induira la mise en place d’un système de compensation.

A) Les différents frais de justice

1) les frais générés par le recours à la juridiction

Plusieurs types de dépenses sont concernées : la rémunération des juges est prise en charge par l’État,
même si cela n’a pas toujours été le cas. Sous l’ancien droit, le juge était rémunéré par les plaideurs
spécialement par ceux qui avaient gain de cause, on parlait de versement des épices.

Aujourd’hui cela ne fonctionne plus ainsi :

- la rémunération du juge se distingue don de celle des autres professionnels du droit qui sont parfois à
la charge du justiciable, comme c’est le cas des avocats ou des arbitres.

- En ce qui concerne l’avocat, cette différence est justifiée par la mission du professionnel en cause, qui
défend les intérêts de son client et non celui du service public comme le magistrat. En ce qui concerne
l’arbitre, elle est justifiée par le fait que son rôle relève du service privé, et non public.

- Les frais de personnels sont pris en charge par l’État, cela correspond au droit de timbre, à
l’enregistrement, aux procédures, lesquels ne sont pas supportés par les plaideurs : pour tout ces frais,
le principe est la gratuité, c’est à dire qu’ils sont pris en charge par l’État, les justiciables ne pouvant
être sollicités pour s’en acquitter. Il y a pourtant eu une exception par le passé : la loi du 29 juillet 2011 a
créé une taxe de 35€ pour les instances introduites en matières civile, commerciale, sociale ou rurale
devant une juridiction judiciaire, et pour toutes les instances introduites devant une juridiction
administrative. Depuis,le 1er janvier 2014, elle a été abrogée car elle allait contre le principe de gratuité.

2) Les frais générés par le concours des auxiliaires de justice

Un procès ne peut pas avoir lieu avec la seule présence des magistrats et des greffiers. D’autres
professionnels du droit sont naturellement sollicités afin de permettre au procès de se dérouler de
manière conforme au principe d’égalité et de continuité du service public de la justice. C’est le cas des
avocats ou des experts judiciaires.

L’intervention de ces auxiliaires de justice génère des frais qui peuvent être classés en trois catégories :
- les honoraires correspondent à la rémunération de l’avocat, qui défend et représente son client. Ces
honoraires sont librement fixés par l’avocat et son client. Parfois, l’avocat peut choisir de représenter
son client gratuitement ou pour une somme modeste. On dit alors qu’il travaille pro bono, c’est-à-dire
pour le bien public.

- Les émoluments : ils correspondent au prix des actes de procédure accomplis par certains
professionnels du droit : par exemple, les huissiers, les avocats ou les commissaires priseurs. Le
montant n’est pas libre, mais il résulte au contraire de tarifs fixés par les pouvoirs publics.

- Les frais divers : ils correspondent à l’indemnisation des témoins entendus, aux honoraires de l’expert
judiciaire, aux frais de traduction ou aux frais liés à certaines enquêtes sociales.

La première catégorie se distingue des autres en matière de prise en charge : les honoraires sont à la
charge unique de chacune des parties, l’une ne pouvant supporter les honoraires de l’avocat de l’autre,
mais les seconde et troisième catégories constituent les dépens. Ils sont supportés de manière
automatique, non pas par chacune des parties mais uniquement par la partie perdante, à moins que le
juge, par décision motivée, n’omette tout ou partie à la charge d’un autre plaideur. Le principe de la
condamnation de la partie perdante est fondée sur une idée de justice. Il semble logique qu’une partie
ne supporte pas les frais autres que les honoraires qui ont été nécessaires pour reconnaître qu’elle était
dans son bon droit.

Il ressort donc que la justice n’est que partiellement gratuite, ce qui justifie la mise en place d’un
système correctif.
B) L’aide juridictionnelle

Elle est rattachée à une catégorie plus générale que l’on appelle l’aide juridique. L’aide juridique
comprend deux composantes. La première est l’aide à l’accès au droit, qui porte sur le fond (par sur
l’argent). Elle permet l’information, le conseil et la consultation par des avocats hors du cadre d’un
procès éventuel, le plus souvent de manière gratuite.

La deuxième est l’aide juridictionnelle qui porte sur la dimension financière. L’idée d’une aide
financière pour garantir un accès des plus pauvres à la justice n’est pas nouvelle. Cette aide date de
1851, sous une forme différente. Aujourd’hui cette aide permet la prise en charge par l’État de tout ou
partie des frais de procédure juridictionnelle. Elle est versée aux professionnels de la justice qui
assistent le bénéficiaire de l’aide (et non au bénéficiaire lui-même). Pour la recevoir, il faut déposer une
demande au bureau de l’aide juridictionnelle de la juridiction saisie.

1) Les conditions de bénéfice de l’aide juridictionnelle

a) la nationalité française

SI il veut bénéficier de l’aide juridictionnelle, le demandeur à l’aide doit être une personne physique et
disposer de la nationalité française. Face à ce principe, il y a trois types d’exception :

- une exception relative par laquelle le demandeur peut avoir une nationnalité étrangère dans certains
cas : si il est ressortissant de l’UE, ou d’un État ayant conclu une convention internationale sur ce sujet
avec la France, ou encore si l’étranger réside habituellement en France en situation régulière.

- une exception absolue existe, qui permet de dispenser le demandeur de toute condition de
nationnalité : si il est mineur ou s’il dispose d’un statut spécial (accusé, prévenu…)
- enfin, une exception existe au sujet de la condition de la personne physique : l’aide juridictionnelle
peut en effet être accordée par dérogation à une personne morale à trois conditions : elles doivent être
à but non-lucratif, leur siège doit être en France et elles doivent ne pas disposer de ressources
suffisantes.

b) la condition de ressource

Le versement de l’aide juridictionnelle dépend des revenus du demandeur. Il n’est pas possible de
bénéficier de cette aide si les frais liés à la procédure sont totalement couverts par un ou plusieurs
contrats d’assurance de protection juridique. Par ailleurs, la moyenne mensuelle des ressources perçues
entre le 1er janvier et le 31 décembre de l’année précédant la demande doit être inférieure à un plafond
de ressources, fixés par décret et ré-évalués chaque année. Les ressources prises en compte ne
comprennent pas les allocations familiales et sociales mais elle englobe les revenus des autres
personnes vivant au domicile du demandeur.

En cas de divergence d’intérêts, ou si la procédure oppose entre elles les personnes vivant
habituellement au même foyer, on ne tiendra compte que des ressources du demandeur. Ces ressources
intègrent les revenus du travail comme les loyers, les rentes, les retraites, les pensions alimentaires…
Par exception, quatre catégories de personnes sont dispensées de justifier de leurs ressources : les
bénéficiaires du RSA, les personnes formulant une demande en justice sur le fondement du Code des
pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, les victimes de crimes constituant les atteintes
les plus graves (vie ou intégrité de la personne), les personnes détenues et formant un recours dans le
cadre d’une procédure devant la commission de discipline d’un établissement pénitentiaire ou pour une
mesure d’isolement.

2) Les domaines de l’aide juridictionnelle

Elle peut être versé pour une demande devant toutes les juridictions judiciaires et administratives, que
ce soit en première instance, en appel ou en cassation. En cas de transaction amiable en-dehors d’un
procès, une prise en charge est possible quelle qu’en soit l’issue, mais ici seuls les honoraires d’avocats
sont pris en charge par l’État. Cette aide peut être totale ou partielle. En cas d’aide totale, aucun frais
n’est supporté par le justiciable. Il est dispensé totalement du paiement, de l’avance, ou de la
consignation des frais du procès. Cependant, les sommes qu’il aurait déjà engagé avant de formuler la
demande ne lui sont pas remboursées. Les professionnels sollicités dans la procédure seront rémunérés
directement, de manière forfaitaire, en fonction d’un barème. Si l’aide est partielle, l’État prend en
charge une partie des frais exposés par le justiciable : la contribution correspond à un pourcentage du
montant du forfait, établi au titre de l’aide juridictionnelle totale. La participation de l’État n’est donc
pas calculée sur la base des dépenses réelles du justiciable, mais en fonction de ses barèmes. Que l’aide
soit totale ou partielle, elle peut être retirée totalement ou partiellement dans trois hypothèses :

- si le bénéficiaire ne saisit pas la juridiction dans un délai de douze mois suivant l’acceptation de la
demande d’aide

- si les ressources du bénéficiaire augmentent largement au cours de l’instance.

- si la juridiction considère que la procédure est abusive ou faite pour gagner du temps (manœuvre
dilatoire).
IV) La responsabilité de l’État en cas de dysfonctionnement du service de la
justice
Comme tout service public, la justice est soumise à un principe de responsabilité, logique au vu des
enjeux sociaux qu’engage l’organisation judiciaire. Cela signifie qu’un dysfonctionnement de la justice
qui aurait causé préjudice à un justiciable peut engager la responsabilité de l’État. Il faut donc un
dysfonctionnement et un préjudice. Ainsi, le fonctionnement normal de la justice ne peut permettre
aucune responsabilité de l’État, même si il porte préjudice à un justiciable. On ne peut donc engager
aucune responsabilité de l’État sur le fondement du contenu même d’une décision de justice. Si ces
conditions sont respectées, l’engagement d’une responsabilité se traduit uniquement par la possibilité
d’un recours contre l’État, aucun juge ne pouvant voir sa responsabilité personnelle être engagée par
un justiciable. Pour autant, l’État qui fait l’objet du recours pourra toujours se retourner contre le
personnel judiciaire qui serait le responsable direct du dysfonctionnement: c’est une action récursoire
(ce fut le cas du juge Burgaud, qui a instruit l’affaire d’Outreau.) Le principe de la responsabilité de
l’État en matière de dysfonctionnement de la justice est posé pour toutes les juridictions, mais de
manière restreinte. Pour les juridictions judiciaires, l’article L141-1 du code de l’organisation judiciaire
ne permet cette responsabilité que pour des dysfonctionnements graves, comme un déni de justice ou
une faute lourde (délai excessif de procédure). Pour les juridictions administratives, la responsabilité
peut aussi être engagée en cas de faute lourde.
Cette question de la responsabilité amène à citer un cas différent mais proche : la procédure de révision
d’un procès. La révision est une voie de recours extraordinaire qui permet de demander dans des cas
très limités de réexaminer une affaire déjà passée en force de choses jugée, en raison de nouveaux
éléments. La révision peut être demandée tant pour des affaires civiles que pénales. EN matière pénale,
c’est la commission de révision des condamnations pénales, placée auprès de la Cour de Cassation, qui
est compétente. Si, au terme de la procédure, une personne condamnée pénalement est reconnue
innocente, elle peut demander une indemnisation.

Chapitre 2 : Les principes relatifs à l’organisation des juridictions et à la


procédure

I) Les principes relatifs à l’organisation des juridictions

A) Le principe de spécialisation

Ce principe signifie qu’aucune juridiction n’a vocation à statuer sur tout les domaines du droit.
Chancune bénéficie d’un champ de compétence déterminée ne lui permettant d’intervenir que dans un
domaine précis, qui constitue sa spécialisation. Au sein du système juridictionnel français, ce principe
se fonde sur trois oppositions clés, lesquelles sont imbriquées : l’opposition entre ordres judiciaires et
administratifs, la deuxième entre les juridictions civiles et pénales, et la troisième entre les juridictions
qui ont une compétence de droit commun et d’exception.

- La première opposition traduit la distinction entre droit privé et des droit public : elle est aussi
appelée suma divisio. Elle date de la Révolution Française et présente une valeur constitutionnelle.
Selon elle, l’administration ne peut pas être jugée par les mêmes organes et selon les mêmes règles que
les particuliers, car elle agit au nom de l’intérêt général. Chaque ordre dispose donc de juridictions
spécifiques, lesquelles appliquent des règles propres, tant de fond que de procédure.

- La deuxième est constituée par la distinction, au sein de l’ordre judiciaire, des juridictions civiles et
pénales (ou répressives). Cette opposition est justifiée par la spécificité de la matière pénale qui existe
pour sanctionner les atteintes portées aux valeurs sociales jugées les plus importantes : la vie, l’intégrité
corporelle, la propriété… par opposition aux autres litiges entre personnes privées qui présentent un
caractère crucial moins fort. Cette opposition se traduit de plusieurs manières : La première est la
différence entre les juridictions civiles et pénales. En outre, les procédures sont également différentes.
Aussi importante que soit cette deuxième opposition, elle est moins forte que la première pour deux
raisons : d’abord, ce n’est pas une distinction entre deux ordres juridictionnels mais une différenciation
au sein d’un seul et même ordre (c’est en quelque sorte un dédoublement), et ensuite cette distinction
est relative car certaines des juridictions qui statuent au civil ou au pénal sont les mêmes
matériellement, seule la formation de jugement changeant (c’est le même bâtiment).

- La troisième opposition met en jeu les juridictions de droit commun différentes des juridictions
d’exception ou d’attribution. Cette distinction permet une répartition des domaines entre les
juridictions qui sont compétentes par principe sur certains sujets et d’autres qui ne les sont que par
exception. Ainsi, les juridictions de droit commun sont compétentes pour toutes les matières qui ne
sont pas attribuées spécifiquement à d’autres tribunaux. Elles n’ont pas besoin d’un texte qui leur
reconnaisse une compétence, il suffit qu’il n’y en ait pas un qui la leur refuse : ils sont « compétents
par défaut », ou compétents par principe. A l’inverse, les juridictions d’exceptions ne sont compétentes
que pour les matières que les textes leur ont officiellement attribué. Elles ne pourront donc pas être
compétentes si aucun texte ne leur affecte un domaine. Ces trois oppositions permettent une
spécialisation des juridictions quant à leurs compétences matérielles, c’est-à-dire au sujet du domaine
visé. Il faut cependant préciser que les juridictions disposent aussi d’une autre forme de compétence :
la compétence territoriale. Ainsi, une juridiction ne peut pas statuer de manière aléatoire pour toutes
les affaires qui surviennent sur un territoire : il doit y avoir un lien logique entre l’affaire et la
juridiction qui va la juger. Ainsi, la juridiction pénale territorialement compétente le sera en fonction
du lieu de l’infraction.

B) Le principe de hiérarchie

Une des idées fondamentales de l’organisation juridictionnelle est de remettre en cause une décision de
justice par l’intermédiaire d’une voie de recours, ainsi même si un juge s’est déjà prononcé, l’affaire
pourra sous certaines conditions être re-jugée. C’est sur cette base que l’appel et le recours en cassation
sont possibles mais jamais obligatoires. L’existence de ce recours induit une hiérarchisation des
juridictions : en effet, afin qu’un organe puisse se prononcer sur une affaire déjà jugée, il est nécessaire
qu’il ait une autorité supérieure à la juridiction intervenue précédemment. C’est ainsi, par exemple, que
les juridictions de cassations sont hiérarchiquement supérieures aux juridictions d’appel, lesquelles ont
autorité sur les juridictions de première instance.

La possibilité d’interjeter appel d’une décision rendue en première instance renvoie au principe de
premier degré de juridiction. La possibilité de saisir la cour de cass ou le Conseil d’État d’un arrêt
rendu par une juridiction d’appel ou d’un jugement prononcé en premier et dernier ressort par une
juridiction de premier degré correspond au principe du recours en cassation.

Le principe de double degré de juridiction connaît des exceptions, par lesquelles le seul recours possible
contre une décision rendue en premier instance est une recours en cassation, l’appel étant impossible.
Dans ce cas, on dit que les juges de premier degré ont statué en premier et dernier ressort, et non plus
à charge d’appel, leur décision étant in-susceptible d’appel (l’inverse étant rendu à charge d’appel). Il y
a trois exceptions de ce type :

- la première est justifiée par l’importance du litige : on estime qu’il n’est pas opportun de permettre
des appels pour des affaires dont la gravité est faible. C’est le cas en matière civile où un taux de ressort
est fixé par décret (4000€), taux en-dessous duquel aucun appel n’est possible. Cela fonctionne aussi en
matière pénale pour certaines petites peines prononcées en cas de contravention.

- La deuxième s’explique par la nature du litige. Certains domaines ne permettent pas de pouvoir
interjeter appel. C’est le cas par exemple du contentieux lié aux listes électorales.

- La troisième se fonde sur le type de juridiction : il arrive en effet que le juge qui se prononce en
premier ressort soit aussi la juridiction suprême d’un ordre. Cela rend impossible la remise en cause de
sa décision par une juridiction d’appel, celle-ci lui étant inférieure. Cela peut arriver avec le Conseil
d’État.

Quant au principe de recours en cassation, il ne connaît pas d’exception mais mérite d’être précisé. La
juridiction de cassation est la juridiction suprême d’un ordre. Elle s’oppose à ce que l’on appelle les
juges du fond = les juges de premier degré et d’appel. La juridiction de cassation est unique et elle a
pour fonction d’unifier le contentieux, c’est-à-dire d’unifier l’interprétation des règles de droit. Sa
compétence est cependant restreinte puisqu’elle ne se prononce pas sur les faits, que l’on considère
comme acquis, mais seulement sur le droit, c’est-à-dire sur la bonne application des règle aux faits.

Elle ne rejuge donc pas l’affaire dans son ensemble. C’est pour cela que si elle casse une décision qui lui
est soumise, elle doit le plus souvent renvoyer l’affaire devant une autre juridiction d’appel ou de
première instance pour qu’un juge du fond puisse trancher le litige sur les faits. Pour toutes ces raisons,
les juridictions de cassation ne constituent pas un troisième degré de juridiction.

II) Les principes relatifs au déroulement de la procédure


Il y en a 3 :

A) Le principe du contradictoire

Ce principe existe dans toutes les procédures, qu’elles soient civiles, administratives ou pénales. Il
exige que chaque partie puisse connaître les prétentions, moyens et arguments de l’autre partie du
procès, cela en temps utile. La suite logique exige aussi que chaque partie puisse exposer ses arguments
au juge t à l’autre partie afin de discuter ou de remettre en cause ceux précédemment exposés. Ce
principe ne doit pas être confondu avec la notion de contradiction en langage commun, synonyme
d’illogique. L’idée est que les parties puissent organiser leur défense et que chaque élément du procès
soit soumis à la libre discussion avant que le juge ne se prononce de manière définitive. L’application
de ce principe ne s’arrête pas avec la fin des débats. Il persiste après le procès, certes d’une autre
manière, puisque après que la décision du tribunal ait été rendue publique, aucune mesure d’exécution
ne peut intervenir avant que la décision ait été notifiée aux parties, et avant que la partie condamnée
ait été mise en demeure (demande d’exécution formelle) par un huissier.

Ce principe renvoie aux notions de droit de la défense, de loyauté et d’égalité des armes, qui sont des
concepts protégés, notamment par l’article 6-1 de la CEDH. Ce principe constitue l’une des conditions
d’un procès équitable. Il y a cependant des exceptions puisque certaines procédures n’ont pas lieu de
manière contradictoire : c’est le cas par exemple lorsque le juge prend une mesure d’administration
judiciaire comme un renvoi à une autre audience : le caractère purement technique de la décision ne
justifie pas un échange entre les parties. C’est le cas également des procédures civiles en matière
gracieuse, puisque la contradiction est ici sans objet du fait de l’absence d’une partie adverse.

B) Le principe de publicité
C’est le principe qui exige que la justice soit rendue de manière publique, c’est à dire au vu et au su de
tous. Le secret, la confidentialité sont au contraire synonymes d’opacité et de partialité. Cette exigence
est justifiée également par le fait que la justice est un service public rendu au nom du peuple français.

Ce principe s’applique de deux manières, selon que la publicité porte sur les débats ou sur la décision
de justice rendue.
Pour ce qui est de la publicité des débats, cela signifie que les débats et plaidoiries qui ont lieu au cours
d’un procès doivent se tenir en un lieu où le public est admis. Tout individu peut donc librement
assister à un procès, que ce soit en matière civile, pénale et administrative. La publicité des débats est
un principe fondamental en France et en Europe, puisque la Conv EDH consacre le premier paragraphe
du premier article à ce sujet. Cette publicité permet un contrôle sur la manière dont la justice est
rendue. Il y a des exceptions de deux types : d’une part, en matière pénale ou civile, un procès peut se
tenir à huis clos. Cela signifie que les débats ne sont pas publics, cette possibilité est justifiée par la
nécessaire discrétion de certaines affaires, en matière familiale ou pénale par exemple. Le huis clos peut
être total (il porte sur tout le procès ou sur toutes les catégories de public) ou partiel (il ne concerne
qu’une phase du procès ou certaines personnes seulement, comme les mineurs…)

Il existe une autre exception, en matière pénale spécifiquement, concernant la phase d’instruction : elle
ne se déroule pas de manière publique, mais dans le cabinet du juge d’instruction

Ce principe s’applique aussi aux décisions de justice, que l’affaire ait été jugée publiquement ou non.
La décision qui en résulte doit être rendue publiquement, sauf exception. Une fois rendue, la diffusion
peut être diffusée sans que cela ne constitue une atteinte au respect de la vie privée. Théoriquement,
l’anonymisation des décisions de justice n’est donc pas nécessaire, même si la commission nationale
Informatique et libertés, la CNIL, la recommande et que la pratique va souvent dans ce sens.

III) L’autorité de force jugée


Cette notion porte sur la force qu’une décision de justice acquiert lorsqu’elle est rendue de manière
définitive. La chose jugée correspond au litige tranché par le juge. Cette autorité est forte car la justice
est rendue au nom du peuple, et elle est essentielle en matière de justice pour deux raisons :

- Elle éteint le contentieux, celui-ci ne pouvant plus être jugé à nouveau si un autre recours porte sur le
même objet, pour la même cause et entre les mêmes parties.

- Elle permet à la décision d’être exécutée par la suite. Cette mise en application étant la raison d’être
des décisions de justice qui deviennent alors effectives.

Les effets de cette autorité peuvent être différents selon qu’ils soient à l’égard des parties ou bien des
tiers.
- Pour les parties, chacun bénéficiera ou subira les conséquences d’une décision rendue, qui connaîtra
alors une présomption de vérité attachée à la chose jugée. La force de cette présomption varie selon
chacune des deux périodes qu’elle peut connaître. Lorsque la décision est rendue, son autorité subsiste
aussi longtemps qu’elle n’a pas été infirmée par une juridiction supérieure. Lorsqu’elle n’est plus
susceptible d’aucun recours, on dit qu’elle passe en force de chose jugée.

- A l’égard d’un tiers, par principe, la décision n’a qu’une autorité relative, elle ne peut pas créer de
droits ou d’obligations à l’égard d’un tiers. Néanmoins, la décision ne peut être ignorée puisqu’elle est
à l’origine d’une situation juridique que chacun doit respecter. On dit alors que la décision est
opposable aux tiers, lesquelles peuvent la remettre en question si la décision leur fait grief, par un
recours spécifique appelé la tierce opposition.

Indépendamment des effets, les décisions n’ont force de chose jugée que si elles sont définitives. Cela
ne signifie pas qu’elle est insusceptible de recours, mais qu’elle doit avoir tranché le fond de l’affaire ou
avoir statué sur une exception de procédure. Une décision non-définitive correspond au contraire à
celle qui ordonne une mesure d’instruction, ou provisoire. La décision provisoire a une autorité, car elle
constitue un acte juridictionnel, mais cette autorité n’est pas aussi forte que celle de la chose jugée.

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