Vous êtes sur la page 1sur 25

Contribution à l’étude de l’impact des contraintes

financières sur l’investissement des entreprises familiales


dans le Monde Arabe
Taib Berrada El Azizi, Badr Habba, Azzeddine Allioui
Dans Revue Management & Innovation 2020/2 (N° 2), pages 31 à 54
Éditions Éditions EMI
ISSN 2658-9222
© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)

© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)

Article disponible en ligne à l’adresse


https://www.cairn.info/revue-management-et-innovation-2020-2-page-31.htm

Découvrir le sommaire de ce numéro, suivre la revue par email, s’abonner...


Flashez ce QR Code pour accéder à la page de ce numéro sur Cairn.info.

Distribution électronique Cairn.info pour Éditions EMI.


La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le
cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque
forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est
précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.
Contribution à l’étude de l’impact des contraintes
financières sur l’investissement des entreprises
familiales dans le Monde Arabe

Taieb Berrada El Azizi


Chaire « Entreprises Familiales au Maroc », ESCA École de Management
elazizitaib@gmail.com
Badr Habba
LAREGO, Université Cadi Ayyad
Chaire « Entreprises Familiales au Maroc », ESCA École de Management
badr.habba@gmail.com
Azzeddine Allioui
LAREGO, Université Cadi Ayyad
azzeddine.allioui@gmail.com
© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)

© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)
Résumé

Ce papier s’est fixé comme objectif l’étude de l'incidence des contraintes financières sur
l'investissement des entreprises familiales cotées dans les pays arabes, par le biais d’une
étude comparative avec les entreprises non familiales cotées. L'étude a été menée à travers
l’économétrie de panel sur un échantillon de 337 entreprises cotées dont 151 sont familiales.
Nos résultats corroborent la thèse de la prédominance des contraintes financières dans le
cas des moyennes entreprises cotées, mais pointent surtout la plus forte sensibilité de l’in-
vestissement aux liquidités détenues dans le cas des ME familiales cotées. Ce résultat est
original dans la mesure où il contribue à améliorer notre compréhension des facteurs de
résilience des entreprises familiales cotées dans le Monde Arabe.

Mots clés : contraintes financières, sensibilité financière, investissement, entreprises fa-


miliales, liquidité

Abstract

The purpose of this research is to study the effect of financial constraints on the financial
sensitivity of investments of listed family businesses in the Arab World, through a compara-
tive study using panel data between two samples of 337 firms, and 151 are listed family busi-
nesses. Our results corroborate the hypothesis of the predominance of financial constraints
in the case of listed medium-sized firms, and the greater sensitivity of investment to liquidity
in the case of listed medium-sized family businesses. This result is original insofar

© Éditions EMI 31 Revue M&I / N°2 / Octobre 2020


as it contributes to improving our understanding of the resilience factors of listed family firms
in the Arab World.

Keywords : financial constraints, financial sensitivity, investment, family businesses,


liquidity

Introduction

Le poids des entreprises familiales est communément admis. Les chiffres disponibles mon-
trent en général que les familles contrôlent presque 90% des entreprises. En Asie et Moyen
Orient, on évoque un pourcentage de 95% des entreprises (de Vries et al., 2009). Par ailleurs,
presque 90% des entreprises dans la région MENA (OCDE, 2013) sont familiales et con-
tribuent à hauteur de 60% du PIB (PWC, 2018). L’apport des entreprises familiales pour leurs
sociétés et les économies locales est décisif (Van Gils et al., 2014). Cette prévalence semble
s’affirmer avec plus d’acuité dans le cas précis des pays arabes (Hassan Jameel, 2019). La
© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)

© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)
contribution des entreprises familiales aux économies des pays arabes justifie indéniable-
ment l’intérêt des recherches académiques qui s’y intéressent.
Malgré la présence de certaines disparités culturelles, économiques et politiques entre les
pays de cette région, ceux-ci se retrouvent face à des évolutions et crises économiques et
sociales quasiment similaires. C’est pour cette raison que les instances internationales et
les chercheurs considèrent le Monde Arabe comme un contexte homogène du point de vue
des problématiques traitées (Arab Monetary Fund, 2016). Cette vision est défendable puis-
que dans les faits, malgré ces différences, les économies arabes adoptent des modèles de
développement économiques et des stratégies de développement semblables1. Les points
communs au niveau social et culturel entre les pays de la région restent le meilleur argu-
mentaire pour évoquer les pays arabes comme région monolithique. D’une part, les sociétés
du monde arabe sont marquées par les mêmes valeurs culturelles (Thai et al., 2013). D’autre
part, la religion et les familles conforment profondément l’économie dans les pays Arabes. La
position centrale que la famille occupe est liée à l’importance du clan qui est une structure
séculaire ancrée dans la culture arabo-musulmane. La structure du contexte socio-culturel
elle-même justifie la prévalence des familles dans les affaires dans le Monde Arabe. Dans
une vision interne à l’entreprise, les auteurs en s’intéressant à l’encastrement culturel des
entreprises familiales dans le contexte social arabe identifient un impact clair sur leurs com-
portements (Basly, 2017).

1 Sur la dernière décennie et en dehors de 2018, le taux de croissance dans la région arabe était aux alentours
de de 5% par rapport à un taux de croissance moyen des pays émergents situé autour de 6% et un taux moyen
mondial de 3,91% (Banque Mondiale ).

© Éditions EMI 32 Revue M&I / N°2 / Octobre 2020


Contribution à l’étude de l’impact des contraintes financières sur l’investissement
des entreprises familiales dans le monde arabe

Paradoxalement, au niveau de la recherche, malgré l’importance du capitalisme familial ar-


abe et les études insistant sur l’importance des cadres institutionnel (Block et al., 2018) et
culturel (Gupta et al., 2011) pour comprendre les ressorts du comportement des entreprises
familiales, l’intérêt pour les entreprises familiales issues de cette région est resté relative-
ment timide. La majorité des idées dont nous disposons sur les entreprises familiales, leur
politique financière, d’investissement et leurs contraintes de financement sont issues des
travaux de recherche menées en occident ou dans les pays asiatiques.
Les études existantes montrent qu’en général 65% des entreprises familiales dans le Monde
Arabe sont entre les mains de la première et de la seconde génération et qu’une minorité
d’entre elles disposent de dispositifs et d’instances de gouvernance familiales (Sentuti et al.,
2019). Cette morphologie rend problématiques l’enjeu de la transmission de ces entreprises
et de la continuité dans leur politique d’investissement. Conjugués à la spécificité du con-
texte économique et financer (Laeven, 2003 ; Chuong et al., 2020), les enjeux auxquels font
face les entreprises familiales cotées de la région arabe devraient certainement imprégner
leur pérennité et les leviers de leur croissance. La volonté des pouvoirs publics dans les pays
arabes de renforcer globalement la croissance économique passerait alors nécessairement
par une réflexion en profondeur sur la dynamique de croissance des entreprises familiales et
sur leur capacité à financer leurs différentes stratégies d’investissement.
© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)

© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)
Au niveau académique, l’absence du consensus autour de la nature des variables les plus
déterminantes dans le processus d’investissement des entreprises familiales rend complexe
la réflexion à la question de la dynamique de croissance des entreprises. Si l’idée que la
nature de leur contrôle atypique risque de contribuer à pénaliser les entreprises familiales
quand il s’agit d’accéder aux sources de financement externe est dominante (Berrada et
al., 2014) ; rien ne semble confirmer que les entreprises familiales sont susceptibles plus
que les autres entreprises d’être bloquées dans leur processus de croissance par une con-
trainte financière plus intense. Certaines affirmations de chercheurs très reconnus tels que
Kaplan et Zingales viennent renforcer l’ambiguïté qui entoure cette dimension. Ils affirment
qu’il n’est aucunement établi que les contraintes de financement soient aussi déterminantes
dans la compréhension de la dynamique d’investissement des entreprises que cela ressort
des travaux menés (Kaplan et Zingales, 2000).
L’objectif de notre étude est alors de contribuer à une meilleure compréhension de l’impact
des contraintes financières sur l’investissement des entreprises familiales cotées dans le
Monde Arabe à travers une étude comparative avec les entreprises non familiales cotées.
Notre recherche présente un intérêt multiple. D’abord, comme le montre Palaiologos (2017),
dans les pays arabes, la pression inhérente à la forte dominance de la réputation de la famille,
la loyauté, la solidarité dans le clan renforcent encore plus la culture familiale en tant qu’actif
spécifique de l’entreprise familiale et font que la spécificité des entreprises familiales dans
les pays arabes soit encore plus marquée que dans les autres contextes socio-culturels. Cette
idée justifie l’intérêt empirique de notre recherche.
Notre recherche présente aussi un intérêt du point de vue des implications au niveau des
politiques publiques dessinées en vue de vitaliser la dynamique de croissance des entreprises
familiales.

© Éditions EMI 33 Revue M&I / N°2 / Octobre 2020


En effet, face à l’enjeu et la nécessité de dynamiser l’investissement des firmes familiales
arabes, les pouvoirs publics devraient-ils renforcer le système de financement au cas où
le niveau d’investissement s’explique essentiellement par l’intensité des contraintes au fi-
nancement ou devraient-ils plutôt concentrer les efforts, dans une première phase, sur les
actions de sensibilisation et d’information des dirigeants de ces entreprises en vue d’atténer
leur défiance présumée à l’égard des marchés financiers au cas où leur politique d’inves-
tissement serait plutôt dictée par des considérations culturelles et patrimoniales?
Les entreprises familiales dans les pays arabes représentent un véritable enjeu pour l’écon-
omie de cette région, ce qui positionne la question de leur croissance et leur politique d’in-
vestissement au centre des préoccupations. Les travaux académiques menés en finance
offrent aujourd’hui un cadre pertinent qui nous permet d’étudier de manière rigoureuse la
politique d’investissement des entreprises familiales et son articulation avec les questions
relatives à leurs possibilités de financement pour mieux comprendre la dynamique de leur
croissance (1). L’étude empirique à travers le test d’un modèle d’investissement sur la base
d’un échantillon d’entreprises familiales cotées et non familiales cotées appartenant à la
région du monde Arabe permettra d’approfondir notre compréhension de la logique et des
spécificités qui gouvernent la décision d’investissement au sein des entreprises familiales de
cette région (2).
© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)

© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)
1. L’étude du poids des contraintes financières dans la compréhen-
sion de la décision d’investissement des entreprises familiales

Les études empiriques portant sur l’investissement des entreprises ont amélioré notre com-
préhension des déterminants de la dynamique d’investissement des entreprises (1.1). La
prise en compte de la structure de propriété dans ce cadre a permis de mettre la lumière sur
l’investissement des entreprises familiales (1.2). Ce cadre enrichi a permis la formulation de
nos hypothèses de recherche (1.3).

1.1. Le cadre théorique et empirique de l’étude des effets des con-


traintes financières sur la décision d’investissement

Dans le cadre des travaux menés en finance, les décisions d’investissement et de finance-
ment ont initialement été traitées sous l’hypothèse de la perfection des marchés financiers.
Modigliani et Miller (1958) avaient ainsi proposé un cadre postulant la neutralité de la struc-
ture de financement par rapport à la décision d’investissement et à la valeur des entrepris-
es. Dans ce contexte, les dirigeants, à l’occasion des décisions d’investissement, étaient
confrontés à deux arbitrages décisionnels, celui de l’investissement immédiat ou du report
de la décision pour plus-tard, et celui de la nature des actifs. Dans cette grille, la décision
d’investissement n’est soumise à aucune contrainte financière.
Les altérations introduites dans le cadre théorique dès la moitié des années 70 ont pris
en compte l’existence d’une asymétrie d’information entre les acteurs internes et externes
(Greenwald et al., 1984 ; Myers et Majluf, 1984).

© Éditions EMI 34 Revue M&I / N°2 / Octobre 2020


Contribution à l’étude de l’impact des contraintes financières sur l’investissement
des entreprises familiales dans le monde arabe

Cette lecture renouvelée avait été incarnée, entre autres, par la théorie du rationnement de
crédit (1981) et la théorie du financement hiérarchique dite pecking order theory (1984). Ces
deux théories ont fondamentalement permis d’enrichir la compréhension du comportement
d’investissement réel des entreprises. Elles ont surtout permis de contribuer à une première
explication rigoureuse des phénomènes de rationnement de crédit (Stiglitz et Weiss, 1981),
des contraintes de financement et leur impact sur la décision d’investissement des entre-
prises.
Dans la lignée de ces travaux, Fazzari et al. (FHP, 1988), ont proposé une modélisation de la
décision d’investissement en admettant l’existence des contraintes d’accès au financement
externe. Leur étude avait permis de jeter le pont entre les modèles d’investissement et les
nouvelles théories fondées sur les imperfections des marchés financiers.
L’idée originale de Fazzari et al. (1988) était d’étudier les différences en termes de finance-
ment et d’investissement au sein de groupes de firmes présentant des caractéristiques
distinctes. De cette manière, si effectivement les contraintes financières comptent dans la
décision d’investissement, elles devraient conduire à une hétérogénéité des niveaux d’in-
vestissement entre entreprises classées selon l’intensité des contraintes de financement
qu’elles subissent. L’hypothèse ainsi formulée est que selon qu’une entreprise est plus ou
moins contrainte financièrement, son investissement devrait réagir différemment au niveau
© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)

© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)
du financement interne (cash-flow). Le niveau d’investissement mené par les entreprises
les plus contraintes financièrement devrait logiquement être plus sensible au niveau du
cash-flow. Cette sensibilité financière de l’investissement devrait apparaitre avec plus de
signification au sein des catégories d’entreprises qui sont les plus soumises aux contraintes
financières.
Pour rendre leur étude faisable au niveau empirique, la première difficulté fut celle de
procéder à la classification des entreprises selon leur degré d’intensité des contraintes fi-
nancières. C’est sur cette étape cruciale, que le travail fût original puisque les chercheurs
ont opéré la classification des entreprises en ayant recours à une approche de classification
à priori sur la base du niveau de dividende distribué. Ce critère suppose que le niveau de
dividende distribué par une entreprise est un signe pertinent du niveau de la contrainte
financière qu’elle ressent. Les entreprises qui ont un taux de rétention élevé devraient
normalement être plus contraintes financièrement et de ce fait devraient plus relier leur
investissement à leur financement interne. L’étude a montré clairement que les entrepris-
es souffrant de problèmes intenses d’asymétrie informationnelle subissent des conditions
d’investissement sous-optimales. L’étude de Fazzari et al. (1988) a déclenché un pont de re-
cherche considérable sur cette question de l’impact des contraintes financières. Les travaux
qui se sont succédé ont permis de corroborer l’hypothèse du sous-investissement lié à l’effet
des contraintes financières. Ils ont souvent introduit des critères de classification différents
des entreprises étudiées (Aggarwal et Zong, 2006 ; Botta, 2020).
Les premières critiques à l’égard de ce corpus ont été adressées à l’interprétation des coef-
ficients de sensibilité financière de l’investissement. Plus particulièrement, Chirinko (1993)
met en doute le fait que les paramètres de sensibilité financière aient été reliés à la présence
de contraintes financières. Mais, ce n’est qu’en 1997, qu’apparait la véritable remise en cause

© Éditions EMI 35 Revue M&I / N°2 / Octobre 2020


de cette approche émane de l’étude empirique de Kaplan et Zingales qui dénotent le
non-réalisme de l’approche de classification adoptée de Fazzari et al. (1988) qui est au fond-
ement même de leur conclusion.
Kaplan et Zingales (1997), ont proposé une méthodologie renouvelée pour apprécier le degré
de contrainte financière sur la base d’une classification des entreprises à partir des con-
traintes ressenties par les dirigeants et non à partir des proxys. Leur étude menée, sur la
base du même modèle empirique et du même échantillon que ceux adoptés dans l’étude de
leurs prédécesseurs, conclut à la non-pertinence des contraintes financières dans la décision
d’investissement. Les chercheurs ont en effet relevé que les investissements des entrepris-
es les moins contraintes financièrement manifestaient une plus forte sensibilité financière.
Ils ont expliqué cette situation atypique par un comportement excessivement conservateur,
irrationnel, des managers qui préfèrent souvent un financement par fonds internes de leurs
investissements et ce même quand ils ont la possibilité de recourir au financement externe.
Les auteurs notent qu’il leur parait invraisemblable de justifier la sensibilité élevée de l’inves-
tissement d’entreprises telles que Hewlett-Packard et Microsoft par la force des contraint-
es financières en rajoutant qu’il leur parait tout aussi impertinent de considérer une telle
sensibilité comme étant la conséquence des problèmes d’agence, les deux entreprises évo-
quées étant caractérisées par l’importance de la part du capital de leurs dirigeants (Kaplan
© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)

© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)
et Zingales, 2000). D’autres études menées dans la lignée des travaux de Kaplan et Zingales
ont quasiment confirmé ce résultat formant ainsi le courant des contraintes financières ap-
parentes.
Dans le prolongement des travaux fondateurs, certains chercheurs ont apporté des ajuste-
ments notamment à travers la prise en compte d’autres variables représentatives du finance-
ment internes (autres que le cash-flow). On peut dans cette lignée, évoquer l’introduction
des actifs liquides détenus par les entreprises comme variable modératrice de la sensibil-
ité financière de l’investissement. Cet aménagement s’explique dans plusieurs registres.
D’abord, tout un corpus de travaux académiques défend l’idée que les entreprises devraient
renforcer leur niveau de détention des liquidités au fur et à mesure que le niveau de risque
ressenti s’accroît. De ce point de vue, le risque évoqué est multidimensionnel et couvre
le niveau de risque spécifique (Morellec et al., 2014), celui de la volatilité des cash-flows
générés et le risque d’accroissement des contraintes financières (Duchin et al., 2017). Le
risque de volatilité des cash-flows apparait particulièrement pressant. En effet, la volatilité
des cash-flows augmente non seulement la probabilité de devoir recourir au financement
externe mais accroît également les coûts du financement externe à cause de la réticence des
créanciers à prêter à une entreprise dont les cash-flows sont volatiles. Ce qui est évident,
c’est que ce risque semble encore plus douloureux au sein des entreprises dont les activités
sont peu diversifiées.
La détention des liquidités ressort ensuite comme une manœuvre stratégique pour les en-
treprises souhaitant lever des fonds par endettement. En effet, la capacité d’endettement
est fortement associée au réservoir financier que permet la détention des liquidités par les
entreprises. Cette association s’explique lorsqu’on sait qu’au préalable de la signature de
contrats de financement, les créanciers apprécient deux types de risques.

© Éditions EMI 36 Revue M&I / N°2 / Octobre 2020


Contribution à l’étude de l’impact des contraintes financières sur l’investissement
des entreprises familiales dans le monde arabe

Le premier concerne le risque de défaut de la contrepartie, alors que le deuxième concerne


le risque de substitution d’actifs. Une des procédures les plus simples d’évaluation de ces
risques consiste à évaluer les actifs de l’emprunteur qui peuvent servir de collatéral en cas
de défaut de ce dernier. Le « collatéral » correspond à la valeur de la garantie mobilisable
par les créanciers et qui couvre leur risque de sélection adverse. Parmi les actifs de l’em-
prunteur, une catégorie d’actifs intéresse particulièrement les créanciers, il s’agit des actifs
liquides en sa possession. En outre, la disponibilité d’actifs liquides rassure les créanciers
car elle signale un moindre risque de défaut (Nance et al., 1993). Dans ce sens, Pettit (2005),
considère que la faiblesse des réserves de liquidités émet un signal négatif concernant les
perspectives d’investissements futures de l’entreprise. Plusieurs études empiriques ont pris
conscience de l’importance des liquidités détenues par les entreprises dans le cadre de la
compréhension de l’impact des contraintes financières et les ont intégrés dans leur modèle
en tant que proxy du financement interne (Whited, 1992).
Parallèlement, au fur et à mesure que la recherche avançait sur cette question, il est apparu
un début de corrélation entre la gouvernance des entreprises et leurs conditions de finance-
ment. Conscience a ainsi été prise du poids que pourrait jouer la nature de la structure de
propriété des entreprises dans l’étude de la sensibilité financière de leurs investissements
(Pindado et De La Torre, 2009 ; Ellouze et Cherif, 2020).
© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)

© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)
1.2. La prise en compte de la structure de propriété dans le cadre de
l’étude a permis de mettre plus de lumière sur l’investissement des
entreprises familiales

La prise en compte de la particularité des entreprises familiales s’explique par la spécificité


du cadre explicatif du poids des contraintes financières dans leur cas (1.2.1), les résultats des
études empiriques menées demeurent équivoques quant à la particularité de la sensibilité
des entreprises familiales aux contraintes de financement (1.2.2).

1.2.1. La spécificité du poids des contraintes financières dans le cas


des entreprises familiales

Le contexte financier des entreprises familiales est fortement spécifique. Cette particularité
a poussé plusieurs chercheurs à militer pour promouvoir un cadre d’analyse qui leur est
spécifique ou du moins prendre en compte leurs particularités profondes dans les analyses
effectuées. Plusieurs raisons militent pour cette prise de conscience. D’abord, au sein des
entreprises familiales, la nature des objectifs est fondamentalement imprégnée par le poids
des intérêts propres à la famille détentrice du contrôle (Sharma et al. 1997 ; Berrada et
Habba, 2016). Ces objectifs ne répondent pas forcément à la finalité de la recherche de la
maximisation de la valeur de l’entreprise. Il semble que les soucis des chefs d’entreprises fa-
miliales témoignent d’une volonté de préservation du contrôle de la famille, la pérennisation
du patrimoine, la réussite de la succession au sein du cercle familial et dans une certaine
mesure la sauvegarde de l’indépendance financière de leurs décisions.

© Éditions EMI 37 Revue M&I / N°2 / Octobre 2020


Les objectifs propres à la rentabilité sont relégués au second plan (Allouche et Amann, 2000;
Gillet-Monjarret et Lafont, 2020). La préservation du contrôle de l’entreprise et sa transmis-
sion entre les générations sont donc la principale raison d’être du management familial ;
elles conforment les décisions prises et influencent la volonté d’ouverture sur les possibilités
offertes par l’environnement externe. C’est pour cette raison que la culture dominante au
sein des entreprises familiales génère une culture du secret et de discrétion et la primauté
du contrôle familial sur la croissance.
Pour sa part, le cadre issu de la théorie financière, considère l’asymétrie d’information
comme la cause naturelle des contraintes financières. Le différentiel informationnel qui joue
au profit des agents internes accroissent le risque supporté par les parties externes et accroît
la contrainte financière qui pèse sur les entreprises (Myers et Majluf, 1984). Cette asymétrie
informationnelle qui concerne tant les caractéristiques des projets d’investissement (la na-
ture des actifs, le niveau de risque réel) que les flux et avantages en nature générés est
crainte puisqu’elle pourrait déboucher sur un risque de substitution des actifs2 . Dans cette
lignée d’idées, moins les marchés financiers disposent d’informations sur l’entreprise et ses
projets, plus le risque des acteurs externes augmente emportant avec lui une intensification
des conditions d’accès au financement externe pour les entreprises concernées voire un
rationnement tout court.
© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)

© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)
Le caractère familial du contrôle suppose un gap informationnel plus important (Ali et al.,
2007). Pour cette raison, ce contrôle a été rattaché à une contrainte financière plus intense.
En somme, la nature du contrôle familial qui tient tant à garder les affaires et les secrets en
famille agirait comme un facteur d’aggravation du risque perçu par les partenaires externes
actuels et potentiels. De ce fait, l’entreprise familiale devrait être soumise à une plus forte
contrainte financière.
Plusieurs éléments viennent appuyer cette thèse. D’abord, en plus des facteurs de risque
économiques propres à toutes catégories d’entreprises, les entreprises familiales représen-
tent des facteurs de risque aggravants qui leur sont tout à fait particuliers. Ces risques,
gravés dans l’esprit des acteurs externes, sont liés à la forte présence de conflits familiaux
très intenses3 (de Vries, 1993), le fait que les possibilités de continuité ne vont pas de soi et
dépendent des niveaux de conscience et de rigueur dans la gestion de la succession, et la
plus grande tendance à privilégier le secret des affaires. Le manque de préparation de la suc-
cession est fortement douloureux pour la dimension financière des stratégies des entreprises
familiales et incarne intensément la crainte des pourvoyeurs de fonds externes.

2 Les fonds consentis par les acteurs externes (créanciers financiers) peuvent être détournés et utilisés pour
l’acquisition d’actifs autres que ceux prévus dans le contrat de prêt.
3 Ces conflits peuvent à l’extrême remettre en cause la continuité de l’entreprise. Ils engendrent du point de vue
financier des coûts d’agence très élevés qui viennent grever sa performance et altérer son image auprès des
marchés financiers.

© Éditions EMI 38 Revue M&I / N°2 / Octobre 2020


Contribution à l’étude de l’impact des contraintes financières sur l’investissement
des entreprises familiales dans le monde arabe

La nature du contrôle familial dans certaines circonstances est plus favorable au gaspillage
des ressources de l’entreprise (Hirigoyen, 2008) et au prélèvement sous forme d’avantages
non financiers au dépend des parties prenantes. Pindado et al. (2011) affirment dans le
même sens que le fait que les dirigeants familiaux soient épargnés du contrôle des marchés
pose un problème fondamental de « contrôle de soi » (self control). Ces dirigeants peuvent
ainsi en profiter pour satisfaire leurs propres intérêts et ceux de la famille au détriment des
autres parties prenantes et notamment des créanciers. L’auto-contrôle lorsqu’il est couplé
à des comportements fortement irrationnels auquel l’environnement familial est parfois fa-
vorable (égo familial, népotisme, …) peut mener les dirigeants à prendre des décisions qui
leurs sont tout autant préjudiciables que pour les parties prenantes (Jensen, 1994 ; Berrada
et al., 2014). La conjonction de ces variables a nourri l’idée que l’accès aux marchés financi-
ers ne va pas de soi pour les entreprises familiales et implique de leur part une plus grande
communication financière sur leur vision, leur gouvernance, leurs perspectives de rende-
ment et la maitrise des divers facteurs de risque qui leur sont inhérents (Berrada et al., 2014).
Dans un registre tout à fait opposé, d’autres auteurs ont affirmé que ce même contrôle famil-
ial pourrait jouer plutôt en faveur des entreprises familiales lorsque la contrainte financière
résulte du coût des conflits d’agence liés aux comportements inefficients de certains di-
rigeants au sein des entreprises non contrôlées par des familles. C’est le cas, en particulier,
© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)

© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)
lorsque l’entreprise dispose de fortes liquidités et que son management n’est pas contrôlé
par un actionnaire de référence ; ce qui peut engendrer des décisions non optimales du point
de vue des actionnaires (Jensen,1986). Les entreprises familiales devraient de ce fait être
moins soumises à ce type de coûts d’agence puisque même lorsque l’actionnariat familial
est relativement disparate, les mécanismes de gouvernance familiale implicites (réputation
de la famille, rôle actif des actionnaires, etc.) et de plus en plus explicites aussi (chartes
familiales, instances familiales) jouent leur rôle de discipline et évitent de telles situations.
Enfin, la confusion entre le patrimoine de la famille et le patrimoine de l’entreprise dénotée
par plusieurs auteurs dont Hirigoyen (1984) et Ang et al. (1995) peut jouer le rôle de collatéral
aux yeux des créanciers, elle devient ainsi un facteur d’allègement du risque financier perçu
a priori par les partenaires des entreprises familiales. Il est fort intéressant d’observer l’im-
portance de plus en plus soulignée du contexte culturel et social pour la compréhension des
comportements financiers des entreprises familiales et leurs relations avec les pourvoyeurs
de fonds (Wiecek-Janka et al., 2016). Cette idée va de pair avec l’hypothèse relativement
ancienne selon laquelle les firmes familiales montreraient une plus grande interactivité avec
leur contexte culturel (Dyer, 1986 ; Sharpe, 2014). Ce constat ne fait que renforcer l’impor-
tance d’approfondir l’étude empirique de leur politique d’investissement.
Globalement donc, l’impact qu’ont les fondamentaux du contrôle familial sur le degré de
leur contrainte financière n’est pas univoque. Cette ambiguïté a certainement motivé les
chercheurs à s’intéresser de plus en plus à l’étude de la sensibilité financière de l’investisse-
ment des entreprises familiales et à aiguiser la lecture faite de cette sensibilité dans leur cas.

© Éditions EMI 39 Revue M&I / N°2 / Octobre 2020


1.2.2. Les résultats des études empiriques dans le cas des entre-
prises familiales

Les travaux empiriques en étant intéressés au cas des entreprises familiales s’inscrivent
dans un courant plus global ayant permis d’étudier le poids de la nature de la gouvernance
dans l’explication de la sensibilité financière de l’investissement (Koo et Maeng, 2006). Ces
études relèvent dans leur majorité la présence d’une plus forte sensibilité financière de l’in-
vestissement de la part d’entreprises familiales disposant d’opportunités d’investissement
profitables (Gugler, 2003 ; Lins et al., 2013 ; Chu et al., 2016). Gugler (2003) relève ce résultat
sur un échantillon de 214 entreprises dont 58 entreprises sont sous contrôle familial. Chu et
al. (2016) confirment cette hypothèse dans le cas des entreprises malaysiennes pendant la
crise de 2008-2009. Lins et al. (2013) montrent à travers une étude menée sur 40 pays que les
entreprises non contraintes financièrement ont été moins performantes par rapport à leurs
comparables non familiales pendant la période de la crise de 2008-2009. Ce constat a été
rattaché à la nature des prises de décision et d’allocation des financements pratiquées par
les entreprises familiales. Par ailleurs, la même étude a laissé clairement ressortir la soumis-
sion des entreprises familiales à des conditions de financement plus intenses pendant cette
même période. Les constats effectués par Lins et al. (2013) corroborent l’hypothèse selon
© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)

© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)
laquelle le contrôle familial constitue un signal préjudiciable pour les entreprises familiales à
l’égard des pourvoyeurs de fonds potentiels et accroit le risque perçu par ces derniers.
Le constat inverse ressort de plusieurs travaux empiriques (Andres, 2008 ; Karaivanov et al.,
2018). Andres (2008) a étudié un échantillon de 264 entreprises sur la période allant de 1997
à 2004. Il a conclu que les investissements des entreprises familiales semblent être plus
sensibles aux opportunités d’investissement qu’au niveau de leur financement interne. Il a
expliqué ses résultats par la volonté des dirigeants des entreprises familiales de se concen-
trer sur les investissements créateurs de valeur. Nous notons que cette idée est conforme
au constat empirique de la plus forte profitabilité manifestée par les entreprises familiales et
qui témoigne de l’optimalité de leurs décisions d’investissement (Allouche et Amann, 2000;
Anderson et Reeb, 2003).
La tendance des entreprises familiales à détenir de manière plus importante des actifs liq-
uides constatée empiriquement va dans la lignée de ces idées. Selon les chercheurs, les
entreprises familiales manifestent un tel comportement pour des raisons stratégiques mais
aussi pour répondre à des besoins qui leurs sont tout à fait spécifiques (Lozano, 2015).
D’une part, les familles maintiennent des volumes importants de liquidité pour maintenir une
dynamique de croissance rentable à long terme, ce qui devient possible lorsqu’elles ont les
possibilités de mobiliser leur financement propre quand des opportunités d’investissement
profitables se présente même dans des périodes difficiles.
La stratégie d’endurance qui caractérise la décision d’investissement des entreprises famil-
iales et l’inscrit dans un horizon de long terme (James, 1999) explique aussi cette détention
de liquidités surtout lorsqu’on sait que l’investissement dans les yeux des dirigeants des
entreprises familiales est d’abord un levier de pérennisation de la dynastie familiale et sert
de bras porteur pour le déploiement des processus familiaux fondamentaux (Gómez-Mejía

© Éditions EMI 40 Revue M&I / N°2 / Octobre 2020


Contribution à l’étude de l’impact des contraintes financières sur l’investissement
des entreprises familiales dans le monde arabe

et al., 2007 ; Miller, et al., 2011). Les familles pourraient aussi voir dans la détention de la
liquidité un moyen d’accumulation de richesse et qui leur permet d’éviter l’imposition des
distributions de dividendes.
Du point de vue qui nous intéresse le plus, l’acte de détention des actifs liquides du point
de vue des dirigeants des entreprises familiales est surtout une décision stratégique car il
leur offre la possibilité de préserver un niveau élevé de flexibilité financière en maintenant
leurs investissements sans être lésés par l’impact des contraintes de financement (Dittmar
et Duchin, 2012).
En synthèse à cette réflexion, l’idée de la spécificité du contexte des entreprises familiales
semble dessiner à la fois la nature de leur relation avec les marchés financiers mais aussi la
morphologie de leur comportement financier face au risque de contraintes financières. De
ce fait, la sensibilité financière des investissements des entreprises familiales devrait être
elle-même tout à fait spécifique.

1.3. Hypothèses de la recherche

Nos hypothèses sont directement inspirées des travaux sur la question de l’investissement
des entreprises cotées (Fazzari et al. 1988, Kaplan et Zingales, 1997), particulièrement les
© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)

© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)
études qui s’intéressent à la particularité de la sensibilité financière manifestée par les inves-
tissements des entreprises familiales (Gugler, 2003 ; Andres, 2008 ; Karaivanov et al., 2018).
La nature profonde de la gouvernance des entreprises familiales a souvent été rattachée à
une volonté de la part des actionnaires dominants de prendre des décisions d’investissement
dans l’intérêt familial et d’entourer leur vision et leur stratégie du culte du secret tout en
désirant préserver la valeur créée dans le cercle familial. Cette culture accroit le risque d’ex-
propriation pour les minoritaires (La Porta et al., 1999) et altère la crédibilité des entreprises
familiales sur les marchés financiers. De ce fait, lorsque les entreprises familiales n’ont pas
la capacité de compenser la faiblesse de leur marché interne de capital par le recours aux
marchés externes, leurs investissements devraient être significativement altérés et mani-
fester une plus forte sensibilité au financement interne (Love, 2003 ; Pindado et al., 2011).
Ainsi, notre objectif dans ce travail est de tester l’hypothèse suivante :
Hypothèse de la recherche 1: Il existe une relation positive entre le contrôle
familial des entreprises et le degré de sensibilité financière de leur l’inves-
tissement au financement interne.
Néanmoins, de nombreux travaux empiriques ont soutenu que la taille est un proxy pour le
degré des contraintes financières. La partition des entreprises en fonction de leur taille a
permis de ressortir que plus la taille des entreprises se réduit, plus la sensibilité financière de
leur investissement augmente, témoignant d’une plus forte contrainte de liquidité (Angelini
et Generale, 2008 ; Driver et Muñoz-Bugarin, 2019). De ce fait, les moyennes entreprises
devraient manifester une plus forte sensibilité financière de leur investissement par rapport
aux grandes entreprises en raison de leur soumission à une plus forte contrainte financière.

© Éditions EMI 41 Revue M&I / N°2 / Octobre 2020


Ainsi, notre second objectif dans ce travail est de tester l’hypothèse suivante :

Hypothèse de la recherche 2 : Plus la taille de l’entreprise est grande, plus


sa sensibilité financière devrait relativement s’atténuer.

2. Méthodologie et résultats de l’étude

L’objectif de cette deuxième section est de contribuer à l’identification empirique du poids


relatif des contraintes financières dans la décision d’investissement des entreprises famil-
iales cotées. Le premier paragraphe (2.1) est consacré à la méthodologie de l’étude. Il s’agit
de définir la variable dépendante qui nous permet d’estimer les différents arguments théori-
ques développés dans le cadre de notre travail de recherche, les données de l’étude empiri-
que et la méthodologie économétrique utilisée. Enfin, le deuxième paragraphe (2.2) présente
les résultats empiriques de la recherche.

2.1. La démarche méthodologique


© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)

© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)
L’objectif assigné à l’étude est de mesurer le niveau de la sensibilité financière de l’inves-
tissement au sein de chacune des catégories d’entreprises étudiées « entreprises familiales
cotées » versus « entreprises non familiales cotées ». Pour ce faire, nous procéderons à l’es-
timation de la force d’association entre le taux d’investissement et le financement interne
sur une période de 9 exercices successifs allant de 2009 jusqu’à 2017. Le modèle utilisé est
issu des travaux fondateurs de Fazzari et al. (1988) en introduisant des variables de contrôle
spécifiques. La variable expliquée capture le niveau d’investissement réalisé sur la période
étudiée. Notre modèle introduit deux variables explicatives : La première variable explicative
étant le taux de financement interne déterminé à partir du rapport de la capacité d’autof-
inancement et le capital investi du début de l’exercice CF (t) / K(t-1). La seconde capture
l’importance des actifs liquides détenues (Liq (t) / K(t-1))4.

I. t /K. (t-1) = β0 + β 1 [CF (t) / K(t-1)] + β 2[Liq (t) / K(t-1)] + β 3 Q + ε t

4 La prise en compte du cash-flow comme proxy du financement interne pose problème parce qu’il est corrélé
au niveau des ventes. Les ventes mesurent, d’après plusieurs hypothèses, la rentabilité du capital. Le cashflow
est donc, à la fois, un indicateur de la rentabilité de l’investissement et une mesure du financement interne. Son
interprétation est donc sujette à caution. La seconde variable représentant le montant des actifs liquides détenus
échappe à cette critique, mais critiquable aussi dans la mesure où sa valeur est généralement faible par rapport
au montant de l’investissement.

© Éditions EMI 42 Revue M&I / N°2 / Octobre 2020


Contribution à l’étude de l’impact des contraintes financières sur l’investissement
des entreprises familiales dans le monde arabe

Avec :
I. (t) / K(t-1) Le taux d’investissement calculé comme le rapport de l’investissement
productif annuel au capital investi du début de l’exercice.
CF(t) La capacité d’autofinancement secrétée en t.
CF (t) / K(t-1) Le taux d’autofinancement. Il est estimé par le rapport du cash-flow an-
nuel au capital investi du début de l’exercice.
Liq (t) / K(t-1) Le taux de liquidité détenue. Il est estimé par le rapport des liquidités
bilantielles détenues au capital investi du début de l’exercice.
K (t-1) Le financement propre plus l’endettement global (hors dettes non fi-
nancières). Le financement propre, quant à lui, est égal à la somme du capi-
tal, primes, réserves légales et réserves d’autofinancement (amortissement
et provisions). La référence au capital investi comme dénominateur dans les
variables utilisées permet de neutraliser l’impact de la taille des entreprises.
Q de Tobin Les opportunités d’investissement mesurées par le ratio Q de Tobin : Valeur
boursière de l’entreprise / Valeur de remplacement du capital fixe.

Les données utilisées ont été collectées à partir de la base de données Orbis. L’échantil-
lon de l’étude empirique inclut 337 entreprises dont 151 sont familiales. Nous considérons
© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)

© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)
qu’une entreprise est familiale quand le niveau de contrôle du capital et des droits de vote
par une famille atteint au moins 50% et qu’au moins un membre de la famille fasse partie
des instances dirigeantes (Leach et al., 1990). Les entreprises étudiées sont toutes cotées
en bourse durant toute la période étudiée. Nous choisissons pour des raisons préalablement
précisées de centrer l’étude empirique sur les entreprises cotées dans les marchés boursiers
des pays du Monde Arabe. Les entreprises de l’échantillon sont issues de 13 pays arabes et
représentent 10 secteurs d’activité (le textile, l’agriculture, les services, la communication,
l’informatique et fournitures, l’agro-alimentaire, l’industrie, la logistique, l’administration
publique, et le commerce).
Figure 1 : Représentativité des entreprises de l'échantillon par pays
Représentativité des entreprises de l'échantillon par pays

Source : Elaboration propre

© Éditions EMI 43 Revue M&I / N°2 / Octobre 2020


Il parait essentiel de souligner que le choix de la représentativité par pays est essentiel pour
conserver un équilibre entre les pays de golf dits pétroliers et les autres pays arabes. Cela
permet d’éviter la présence d’un biais dans la nature des résultats obtenus qui n’est pas
directement lié au phénomène étudié5 .
Conscients du risque de présence des problèmes de multi-colinéarité entre les variables
explicatives, avant de procéder aux tests statistiques, nous avons effectué des tests de cor-
rélation entre les variables indépendantes du modèle. Les résultats sont rassurants et per-
mettent d’intégrer les variables simultanément dans les tests menés.
Par ailleurs, notre étude empirique exploite l’information dans les deux dimensions tempo-
relle et individuelle sur la période 2009-2017. Ces données de panel, permettent d’étudier
un ensemble d’individus suivi dans le temps. Cette double dimension constitue un avantage
décisif par rapport aux autres types de données notamment celle des séries temporelles. Elle
permet en effet de rendre compte simultanément de la dynamique des comportements et de
leur éventuelle hétérogénéité, mais surtout, elle permet de tenir compte de l’influence des
caractéristiques non observables des individus sur leur comportement, dès lors que celles-ci
restent stables dans le temps.
Nous avons testé deux modèles, un modèle à effet individuel fixe et un modèle à effet in-
dividuel aléatoire. La différence entre ces deux modèles porte sur les hypothèses faites sur
© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)

© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)
l’hétérogénéité individuelle. Pour le modèle à effet individuel fixe, l'hétérogénéité indivi-
duelle est spécifiée sous la forme d'une constante spécifique à chaque individu, quant au
modèle à effet aléatoire, il prend en compte un effet spécifique individuel au niveau du
résidu. Ce dernier est donc constitué de deux composantes : la composante aléatoire stand-
ard et la composante aléatoire qui capture l'hétérogénéité individuelle. Les différents tests
statistiques que nous avons menés nous ont permis d’accepter l'existence de l'hétérogénéité
individuelle dans les deux modèles (Test de Fisher pour vérifier la significativité des effets
fixes et le test de Breush-Pagan pour tester la significativité des effets aléatoires). Le test
de spécification de Hausman nous a permis de rejeter l'hypothèse de l'indépendance entre
l'hétérogénéité individuelle non observée et les variables explicatives. C’est la raison pour
laquelle nous avons opté pour un modèle à effet individuel fixe qui présente des résultats
plus robustes. La prise en compte des spécificités des entreprises n’est ici effectuée qu’au
niveau de la constante du modèle qui varie d’une entreprise à l'autre.
On corrige l’hétérogénéité individuelle par une transformation dite within consistant à cal-
culer pour chaque variable sa différence par rapport à la moyenne de la période pour chaque
entreprise.

5 La proportion relativement plus élevée des pays pétroliers s’explique par le fait que le choix de l’échantillon
étudié a été effectué dans une première phase en constituant un premier échantillon global à partir de la base de
données « Orbis » regroupant à la fois les entreprises familiales et non familiales sur la base du critère de la taille
de l’entreprise. La taille plus grande des entreprises cotées dans les pays pétroliers tels que l’Arabie Saoudite
explique la composition de l’échantillon. Mais, de manière globale, le fait que notre échantillon ait été constitué
d’entreprises issues pour 44% de pays non pétroliers et 56% de pays pétroliers permet d’atténuer l’impact du
pays d’appartenance (pays pétrolier ou non pétrolier).

© Éditions EMI 44 Revue M&I / N°2 / Octobre 2020


Contribution à l’étude de l’impact des contraintes financières sur l’investissement
des entreprises familiales dans le monde arabe

2.2. Résultats empiriques et discussions

La sensibilité financière de l’investissement au niveau du cash-flow a été majoritairement


interprétée comme le signe du poids des contraintes financières sur la décision d’inves-
tissement. Certains travaux ont remis en cause cette lecture en avançant qu’elle peut aussi
s’expliquer par l’aversion au risque de la part des dirigeants (Kaplan et Zingales, 1997). Notre
étude a eu pour finalité d’éclaircir la nature de cette sensibilité financière au sein des entre-
prises familiales cotées. L’hypothèse (1) que nous avons formulée a permis de construire un
modèle linéaire testé séparément sur deux catégories d’entreprises. Une première catégorie
regroupant des entreprises familiales et une seconde incluant des entreprises non familiales
issues des pays arabes. Les résultats générés par le logiciel Stata sont exposés dans le Tab-
leau 1.

Tableau 1 : Estimation de l’équation sur les deux catégories EF et ENF


© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)

© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)
Source : Sorties de nos tests empiriques par le logiciel STATA 14

Les résultats du test de régression mené réfutent l’hypothèse (1) formulée. Ainsi, concernant
la sensibilité financière du niveau d’investissement au cash-flow, le test aboutit à la similar-
ité entre le cas des entreprises familiales et leurs équivalentes non familiales. Ce résultat va
à l’encontre de l’existence d’une forte association entre le degré d’alignement des dirigeants
sur l’intérêt des actionnaires et le niveau de la sensibilité financière de l’investissement
(Gugler, 2003). Il est fort intéressant de noter que jusque-là, peu d’études ont souligné la
faible influence de la structure de propriété sur la sensibilité du niveau d’investissement des
entreprises à leur financement interne (Andres, 2008).
Nos résultats semblent néanmoins imprégnés d’une relative ambivalence. En effet, si la sen-
sibilité financière (au cash-flow) de l’investissement constatée est statistiquement significa-
tive au sein des entreprises à la fois familiales et non familiales, notre test montre, en plus,
que les entreprises familiales manifestent une relative sensibilité de leurs investissements
aux liquidités détenues.

© Éditions EMI 45 Revue M&I / N°2 / Octobre 2020


Ce résultat renvoie à la question quasi-incontestable de l’importance du poids des liquidités
dans la stratégie financière des entreprises familiales (Allouche et Amann, 1998 ; Yu-Thomp-
son et al., 2016). Dès 1991, dans une étude où il n’avait pas pris en considération la structure
de capital comme élément pertinent, Whited (1992) avait relevé que les investissements des
grandes firmes étaient fortement liés, dans le temps, au niveau des actifs liquides détenus. Il
avait avancé qu’en général, les dirigeants des entreprises ont tendance à renforcer le niveau
de liquidités avant de procéder à l’investissement projeté en vue d’atténuer l’impact des con-
traintes financières sur leur capacité à mettre en œuvre leur programme d’investissement6.
Ce raisonnement parait logiquement encore plus transposable au cas des entreprises famil-
iales et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, dans la vision des dirigeants d’entreprises
familiales, la consolidation du niveau de la trésorerie augmente leur pouvoir discrétionnaire
sur leur politique d’investissement et leur flexibilité financière (avantage compétitif : lance-
ment de produits, politique prix, acquisition, crise de liquidité, etc.) ; elle leur permet en-
suite d’échapper au contrôle des marchés financiers, préserver leur autonomie (Allouche
et Amann, 1998) et surtout de déployer leur vision de création de la valeur sur un horizon à
long terme dans une finalité de transmission aux autres générations (James, 1999 ; Stock et
al., 2019).
La sensibilité relevée au niveau des liquidités détenues peut s’apparenter à une sorte
© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)

© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)
de manœuvre de la part des entreprises familiales dans l’intention de conserver leur in-
dépendance et la flexibilité de leurs décisions d’investissement face un contexte financier
qui peut s’avérer contraignant ou restrictif (Berrada et al., 2014 ; Yu-Thompson et al., 2016).
Nos résultats semblent intéressants quand ils sont restitués dans le contexte du débat
théorique et empirique autour de la pertinence du poids des contraintes financières sur la
dynamique de croissance des entreprises familiales. Rappelons à cet égard que tandis que
des études invoquent la non-optimalité de la gouvernance des firmes familiales et le risque
élevé d’expropriation auquel sont soumis leur actionnaires minoritaires (La Porta et al., 1999;
Lins et al., 2013) pour expliquer l’existence d’une association entre le contrôle familial et
l’intensité des contraintes financières (Pindado et al., 2011 ), d’autres défendent plutôt l’idée
que le nature familiale du contrôle constituerait un signal sécurisant à l’égard des parties
prenantes et ferait que les entreprises familiales disposent de plus de possibilités d’accès au
financement externe lorsqu’elles le souhaitent (Anderson et al., 2003).
A ce niveau malheureusement, l’interprétation des résultats issus du premier test empirique
mené parait délicate. La sensibilité financière pourrait donner lieu à diverses lectures. Pour
cette raison et partant du fait que la taille des entreprises est un proxy pertinent du degré
de leurs contraintes financières, il a semblé raisonnable d’introduire une segmentation plus
affinée des entreprises sur la base du critère de leur taille. Notre objectif est d’améliorer la
compréhension de la sensibilité financière de l’investissement des entreprises familiales.
Empiriquement, une seconde classification a été effectuée en intégrant en plus du premier

6 Autrement dit, plus les dirigeants auront le sentiment que leur position de liquidité actuelle pourrait déboucher
sur des contraintes financières en cas d’investissement immédiat, plus ils reporteront leurs projets d’investisse-
ment.

© Éditions EMI 46 Revue M&I / N°2 / Octobre 2020


Contribution à l’étude de l’impact des contraintes financières sur l’investissement
des entreprises familiales dans le monde arabe

critère « type du contrôle de capital » (familial ou non), un second critère représentatif de la


taille des entreprises. Le second test empirique a été mené sur les quatre catégories d’entre-
prises ainsi obtenues en préservant la même variante du modèle élaboré.

Tableau 2 : Estimation de l’équation sur quatre catégories d’entreprises

Source : Sorties de nos tests empiriques par le logiciel STATA 14


© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)

© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)
Les résultats issus du second test corroborent l’hypothèse (2) formulée. La sensibilité fi-
nancière de l’investissement est statistiquement plus significative au sein de la catégorie des
moyennes entreprises avec un coefficient de 2.049 (significatif à 0.001) pour les moyennes
entreprises familiales et un coefficient de 0.706 (significatif à 0.001) pour les moyennes en-
treprises non familiales. Les coefficients relevés dans le cas des GE familiales et des GE non
familiales sont respectivement de 0.0540 (significatif à 0.05) et 0.0976 (significatif à 0.05).
En premier lieu, ces résultats renforcent l’hypothèse de la pertinence de la taille comme
proxy de l’intensité des contraintes financières. L’investissement des moyennes entreprises
nonobstant la nature du contrôle de leur capital paraît être plus sensible au niveau du cash-
flow. Ce constat s’inscrit dans la lignée des résultats issus de la majorité des travaux ayant
introduit la taille des entreprises dans l’étude de la sensibilité financière des investissements
(Bruinshoofd et Letterie, 2004 ; Driver et Muñoz-Bugarin, 2019).
En second lieu, notre test montre que les grandes entreprises à la fois familiales et non
familiales manifestent un comportement quasi-similaire. Ceci va dans le sens des travaux
affirmant l’existence d’un conformisme financier de la part des grandes entreprises famil-
iales. Cette idée du conformisme signifie que plus l’entreprise familiale grandit, plus ses
investissements seraient rattachés à ses possibilités rationnelles de financement. Le com-
portement financier des GE familiales devrait être expliqué par le cadre traditionnel issu de la
théorie du financement hiérarchique. Cette conclusion n’aurait pas eu de sens si les grandes
entreprises familiales montraient elles aussi une sensibilité financière de leur investisse-
ment alors que même leur potentiel de financement externe devrait être moins contraint que
dans le cas des ME familiales.

© Éditions EMI 47 Revue M&I / N°2 / Octobre 2020


Il est tout à fait logique que plus l’entreprise grandit et dure dans le temps, plus le contrôle
migre entre les mains des jeunes générations ayant moins d’attachement émotionnel à l’en-
treprise et plus enclines à développer une décision plus émancipée que leurs prédécesseurs
(De Visscher et al., 2011 ; Lohwasser et Hoch, 2019). En cela, notre résultat est en accord
avec la thèse d’atténuation du lien familial dans le temps (Mishra et McConaughy, 1999).
Ensuite, il convient de rappeler du point de vue purement financier, que la taille des grandes
entreprises familiales est un signal de la qualité de leur gouvernance. En effet, la croissance
d’une entreprise familiale et le fait qu’elle atteigne une taille considérable est considéré
comme le signal d’une gouvernance raisonnée (Berrada et Habba, 2016). La grande taille des
entreprises familiales devient alors un levier de leur réputation sur les marchés financiers et
consolide leurs possibilités de financement (Anderson et Reeb, 2003 ; Brenes et al., 2011).
Enfin, les résultats de notre second test montrent que les entreprises familiales moyennes
reflètent de manière singulière une forte sensibilité de leur investissement au niveau des
actifs liquides détenus. Le coefficient lié à cette variable est de 0.00461 (significatif à 0.001)
contre l’absence de toute sensibilité de cette nature de la part des moyennes entreprises non
familiales et des grandes entreprises.
Il est vraisemblable que les dirigeants des M.E. familiales tentent de réagir face à la con-
trainte financière par le biais du recours à d’autres ressources internes pour mener leur
© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)

© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)
investissement. Cette manœuvre leur a probablement permis d’investir plus que leurs com-
parables non familiales sur la période allant de 2009 à 2015 et surtout lors de la période post
crise de 2009.

Conclusion

Cette étude s’est proposée d’étudier l’incidence des contraintes financières sur la sensibil-
ité financière des investissements des entreprises familiales cotées dans les pays arabes.
L’engouement pour ces entreprises dans le Monde Arabe se justifie à la fois par leurs spécifi-
cités que par leur poids dans les stratégies de développement adoptées. Le cadre d’analyse
de notre recherche a été emprunté aux travaux menés dans la lignée de (Fazzari et al., 1988).
En premier lieu, les résultats empiriques de l’étude menée ont permis de conforter l’idée
que la spécificité du comportement financier des entreprises familiales semble s’estomper
lorsque ces entreprises deviennent grandes. Ce constat est original lorsqu’on évoque le con-
texte culturel du Monde arabe, mais se justifie par plusieurs arguments. En effet, plus l’en-
treprise familiale devient grande, plus elle se professionnalise et plus s’éclaircit l’interface
entre la famille et l’entreprise. L’éloignement progressif de la famille placerait l’entreprise
dans une logique de marché et libérerait sa politique d’investissement du poids des con-
traintes irrationnelles telles que la volonté des membres familiaux de limiter la croissance
pour préserver le contrôle. Il demeure toutefois étonnant que l’investissement des grandes
entreprises familiales dans le Monde Arabe ne manifeste aucune association significative
avec les opportunités d’investissement7 .
7 La seule association avec le ratio Q a été relevée dans le cas des GE non familiales avec un coefficient de l’ordre
de 0.00816 (significatif à 5%)

© Éditions EMI 48 Revue M&I / N°2 / Octobre 2020


Contribution à l’étude de l’impact des contraintes financières sur l’investissement
des entreprises familiales dans le monde arabe

En second lieu, les constats effectués confortent la lecture de la plus forte sensibilité fi-
nancière manifestée par les ME à la fois familiales et non familiales comme étant la man-
ifestation d’une contrainte de liquidité plus forte dans leur cas plutôt que le signe d’une
aversion au risque plus élevée de leurs dirigeants. Le poids des contraintes financières parait
déterminant pour l’investissement des entreprises familiales arabes.
Par ailleurs, il est ressorti que seules les ME familiales rattachent leur investissement aux li-
quidités détenues ; cela peut être révélateur de leur volonté d’atténuer l’impact des contraint-
es financières et de préserver au maximum la continuité de leur politique d’investissement.
Ce résultat est intéressant dans la mesure où il contribue à améliorer notre compréhension
des facteurs de la plus grande résilience des entreprises familiales. Le contexte actuel et qui
risque de s’avérer de plus en plus hostile et empreint de perturbations comme le dénote si
bien le professeur Davis (2020) justifie d’affecter encore plus d’importance à cette catégorie
d’entreprises dans le cadre des politiques de développement des pays arabes.
Néanmoins, malgré la valeur ajoutée qu’apportent nos résultats, deux limites semblent re-
streindre la portée de notre étude. Tout d’abord, il est indéniable que l’intensité des con-
traintes financières est en partie tributaire du niveau de développement des marchés finan-
ciers au sein desquels opèrent les entreprises (Laeven, 2003 ; Love, 2003).
A cet égard, les marchés financiers des pays arabes ne présentent pas tous le même niveau
© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)

© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)
d’évolution et de maturité. Il faudrait donc affiner plus notre étude de la sensibilité financière
de l’investissement en intégrant cette variable. Ce qui nous intéressera ici, c’est d’apprécier
dans quelle mesure la sensibilité financière de l’investissement est-elle affectée par les car-
actéristiques de systèmes financiers hétérogènes. On remarque que, ce faisant, on pourra
tester l’effet du développement financier sur le comportement des entreprises familiales.
Cela impliquerait de prendre en considération dans nos tests empiriques une variable proxy
du niveau de développement du contexte financier soit en tant que critère de classification
des entreprises étudiées soit en tant que variable explicative en mettant en œuvre une sec-
onde variante étendue de notre modèle empirique.
Ensuite, au niveau méthodologique, notre modèle a intégré deux variables représentatives du
financement interne pour étudier la sensibilité financière de l’investissement, le cash-flow et
les liquidités détenues. Plusieurs études dénotent la limite qui entache le cash-flow comme
proxy du financement interne puis qu’il peut aussi traduire aussi le niveau de rentabilité des
capitaux investis. Il aurait été souhaitable de disposer de données fiables sur les comptes
courants directs des associés familiaux et de les introduire comme variable pour mesurer le
financement interne. Cette proposition découle de la nécessité d’avoir une lecture élargie
du financement interne dans le cas des entreprises familiales. Les associés ont une attitude
patiente atypique et cherchent à maximiser leur valeur financière mais aussi socio-émotion-
nelle. Une telle perspective pourrait enrichir notre compréhension des facteurs de résilience
des entreprises familiales et permettrait au même temps de tirer des recommandations en
terme du cadre fiscal incitatif à mettre en place pour renforcer l’appui du capital familial aux
entreprises en période de crise.

© Éditions EMI 49 Revue M&I / N°2 / Octobre 2020


Bibliographie

Aggarwal, R., et Zong, S. (2006), “The cash flow–investment relationship: International ev-
idence of limited access to external finance”, Journal of Multinational Financial Manage-
ment, 16(1), 89-104.
Ali, A., Chen, T. Y., et Radhakrishnan, S. (2007), “Corporate disclosures by family firms”,
Journal of accounting and economics, 44(1-2), 238-286.
Allouche, J., et Amann, B. (1998), “La confiance: une explication des performances des en-
treprises familiales”, Economies et sociétés, 32, 129-154.
Allouche, J., et Amann, B. (2000), “L’entreprise familiale: un état de l’art”, Finance Contrôle
Stratégie, 3(1), 33-79.
Anderson, R. C., et Reeb, D. M. (2003), “Founding฀family ownership and firm performance:
evidence from the SetP 500”, The journal of finance, 58(3), 1301-1328.
Anderson, R. C., Mansi, S. A., et Reeb, D. M. (2003), “Founding family ownership and the
agency cost of debt”, Journal of Financial economics, 68(2), 263-285.
Andres, C. (2008), “Large shareholders and firm performance—An empirical examination of
founding-family ownership”, Journal of corporate finance, 14(4), 431-445.
Ang, J. S., Lin, J. W., et Tyler, F. (1995), “Evidence on the lack of separation between business
© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)

© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)
and personal risks among small businesses”, Journal of Small Business Finance, 4(2/3),
197-210.
Angelini, P., et Generale, A. (2008), “On the evolution of firm size distributions”, American
Economic Review, 98(1), 426-38.
Arab Monetary Fund. (2016), Investment and growth in the Arab world: A scoping note,
Prepared by Staff of the International Monetary. Arabic Economic Outlook Report (in Arabic),
September. Abu Dhabi.
Basly, S. (2017), Family Businesses in the Arab World, Springer.
Berrada T. et Habba B. (2016), La politique financière des entreprises familiales, in Entrepris-
es familiales : des paradoxes aux opportunités, ouvrage coordonné par T. GHORFI, La Croisée
des Chemins.
Berrada T., El Mabrouki, M. N., et Habba, B. (2014), “L’atténuation des contraintes financières
sur les entreprises familiales: du fatalisme à l’action”, Revue de l’Entrepreneuriat, 13(3), 123-
142.
Block, J. H., Colombo, M. G., Cumming, D. J., et Vismara, S. (2018), “New players in entre-
preneurial finance and why they are there”, Small Business Economics, 50(2), 239-250.
Botta, M. (2020), “Financial crises, debt overhang, and firm growth in transition economies”,
Applied Economics, 1-18.
Brenes, E. R., Madrigal, K., et Requena, B. (2011), “Corporate governance and family busi-
ness performance”, Journal of Business Research, 64(3), 280-285.
Bruinshoofd, A., et Letterie, W. (2004), “Investment and finance when liquidation is costly”,
De Economist, 152(1), 21-45.
Chirinko, R. S. (1993), “Business fixed investment spending: Modeling strategies, empirical
results, and policy implications”, Journal of Economic literature, 31(4), 1875-1911.

© Éditions EMI 50 Revue M&I / N°2 / Octobre 2020


Contribution à l’étude de l’impact des contraintes financières sur l’investissement
des entreprises familiales dans le monde arabe

Chu, E. Y., Lai, T. S., et Song, S. I. (2016), “Corporate governance and financial constraints
in family controlled firms: Evidence from Malaysia”, International Journal of Business and
Society, 17(3).
Chuong, P. H., Hung, N. V., Thanh, T. T., Hoa, H. Q., Dat, T. T., & Nam, P. X. (2020), “Constraints
of Small and Medium Enterprises Access to Bank Loans: Evidence from Vietnam Manufac-
turing Firms”, Academy of Accounting and Financial Studies Journal, 24(1), 1-12.
Davis J. A. (2020), Family Resilience in the Time of Corona, Cambridge Family Enterprise
Group.
De Visscher, F. M., Mendoza, D. S., et Ward, J. L. (2011), Financing transitions: Managing
capital and liquidity in the family business, Macmillan.
de Vries, M. F. K. (1993), “The dynamics of family controlled firms: The good and the bad
news”, Organizational dynamics, 21(3), 59-71.
de Vries, M. F. K., Carlock, R. S., & Florent-Treacy, E. (2009), A empresa familiar no divã: uma
perspectiva psicológica, Bookman Editora.
Dittmar, A., et Duchin, R. (2012), The dynamics of cash, Ross School of Business, Working
Paper 1138.
Driver, C., et Muñoz-Bugarin, J. (2019), “Financial constraints on investment: Effects of firm
size and the financial crisis”, Research in International Business and Finance, 47, 441-457.
© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)

© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)
Duchin, R., Gilbert, T., Harford, J., & Hrdlicka, C. (2017), “Precautionary savings with risky
assets: When cash is not cash”, The Journal of Finance, 72(2), 793-852.
Dyer, W. G. (1986), Cultural change in family firms: Anticipating and managing business and
family transitions, San Francisco: Jossey-Bass.
Ellouze, D., & Cherif, W. (2020), “Corporate governance and investment cash-flow sensitivity:
evidence from Tunisia”, Afro-Asian Journal of Finance and Accounting, 10(2), 168-183.
Fazzari, S., Hubbard, R. G., et Petersen, B. (1988), “Investment, financing decisions, and tax
policy”, The American Economic Review, 78(2), 200-205.
Gillet-Monjarret, C., & Lafont, A. L. (2020), “Analyse discursive des rapports RSE des entre-
prises familiales vs non familiales”, Finance Contrôle Stratégie, (23-1).
Gómez-Mejía, L. R., Haynes, K. T., Núñez-Nickel, M., Jacobson, K. J., et Moyano-Fuentes, J.
(2007), “Socioemotional wealth and business risks in family-controlled firms: Evidence from
Spanish olive oil mills”, Administrative science quarterly, 52(1), 106-137.
Greenwald, B. C., Stiglitz, J. E., et Weiss, A. (1984), “Informational imperfections in the cap-
ital market and macro-economic fluctuations”, No. w1335, National Bureau of Economic
Research.
Gugler, K. (2003), “Corporate governance, dividend payout policy, and the interrelation be-
tween dividends, RetD, and capital investment”, Journal of Banking et Finance, 27(7), 1297-
1321.
Gupta, V., Levenburg, N. M., Moore, L., Motwani, J., & Schwarz, T. (2011), “The spirit of fam-
ily business: A comparative analysis of Anglo, Germanic and Nordic nations”, International
Journal of Cross Cultural Management, 11(2), 133-151.
Hassan Jameel, (2019), Family businesses are the lifeblood of the Middle East. How do we
ensure they survive?, World Economic Forum, 8 August.

© Éditions EMI 51 Revue M&I / N°2 / Octobre 2020


Hirigoyen, G. (1984), “Contribution à la connaissance des comportements financiers des
moyennes entreprises industrielles familiales”, Doctoral dissertation.
Hirigoyen, G. (2008), “Biais comportementaux dans l’entreprise familiale: antécédents et im-
pacts”, Economies et Sociétés, 19, 1901-1930.
James, H. S. (1999), “Owner as manager, extended horizons and the family firm”, Interna-
tional journal of the economics of business, 6(1), 41-55.
Jensen, M. C. (1986), “Agency costs of free cash flow, corporate finance, and takeovers”,
The American economic review, 76(2), 323-329.
Jensen, M. C. (1994), “Self-interest, altruism, incentives, and agency theory”, Journal of
applied corporate finance, 7(2), 40-45.
Kaplan, S. N., et Zingales, L. (1997), “Do investment-cash flow sensitivities provide useful
measures of financing constraints?”, The quarterly journal of economics, 112(1), 169-215.
Kaplan, S. N., et Zingales, L. (2000), “Investment-cash flow sensitivities are not valid meas-
ures of financing constraints”, The Quarterly Journal of Economics, 115(2), 707-712.
Karaivanov A,. Saurina J et Townsend R.M, (2018), “Family firms, bank relationships, and
financial constraints: a comprehensive score card”, International Economic Review, Vol. 60,
n°.2, pp. 547-593.
Koo, J., et Maeng, K. (2006), “Foreign ownership and investment: Evidence from Korea”,
© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)

© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)
Applied Economics, 38(20), 2405-2414.
La Porta, R., Lopez-de-Silanes, F., et Shleifer, A. (1999), “Corporate ownership around the
world”, The journal of finance, 54(2), 471-517.
Laeven, L. (2003), “Does financial liberalization reduce financing constraints?”, Financial
Management, 5-34.
Leach, P., Kenway-Smith, W., Hart, A., Morris, T., Ainsworth, J., Beterlsen, E., et Pasari, V.
(1990), Managing the family business in the UK: A Stoy Hayward survey in conjunction with
the London Business School, London: Stoy Hayward.
Lins, K., Volpin, P., et Wagner, H. (2013), “Does family control matter? International evidence
from the 2008-2009 Financial Crisis”, The Review of Financial Studies, 26(10), 2583-2619.
Lohwasser, T. S., et Hoch, F. (2019), “The influence of political characteristics on the relation-
ship between family control and firm performance: A meta-analytical approach”. Diskussions
papier des Instituts für Organisations ökonomik, No. 5/2019.
Love, I. (2003), “Financial development and financing constraints: International evidence
from the structural investment model”, The Review of Financial Studies, 16(3), 765-791.
Lozano, M. B. (2015), “Strategic decisions of family firms on cash accumulation”, Revista de
Administração de Empresas, 55(4), 461-466.
Miller, D., Le Bretton-Miller, I. et Lester, R. (2011), “Family and lone founder ownership and
strategic behavior: Social context, identity and institutional logics”, Journal of Management
Studies, 48(1), 1-25
Mishra, C. S., et McConaughy, D. L. (1999), “Founding family control and capital structure:
The risk of loss of control and the aversion to debt”, Entrepreneurship theory and practice,
23(4), 53-64.

© Éditions EMI 52 Revue M&I / N°2 / Octobre 2020


Contribution à l’étude de l’impact des contraintes financières sur l’investissement
des entreprises familiales dans le monde arabe

Modigliani, F., et Miller, M. H. (1958), “The cost of capital, corporation finance and the the-
ory of investment”, The American economic review, 48(3), 261-297.
Morellec, E., Nikolov, B., & Zucchi, F. (2014), “Competition, cash holdings, and financing
decisions”, Swiss Finance Institute Research Paper, (13-72).
Myers, S. C., et Majluf, N. S. (1984), “Corporate financing and investment decisions when
firms have informationthat investors do not have”, National Bureau of Economic Research,
No. w1396.
Nance, D. R., Smith Jr, C. W., et Smithson, C. W. (1993), “On the determinants of corporate
hedging”, The journal of Finance, 48(1), 267-284.
OCDE (2013), “Rapports du comité de pilotage de l’initiative MENA-OCDE”, OCDE.
Palaiologos, G. T. (2017), Theorising on Arab Family Businesses. In Family Businesses in the
Arab World (pp. 23-40). Springer.
Pettit, J. (2005), Strategic Decapitalization: Does Excess Cash Matter?, Available at SSRN
644362.
Pindado, J., et De La Torre, C. (2009), “Effect of ownership structure on underinvestment
and overinvestment: empirical evidence from Spain”, Accounting et Finance, 49(2), 363-383.
Pindado, J., Requejo, I., et de la Torre, C. (2011), “Family control and investment–cash flow
sensitivity: Empirical evidence from the Euro zone”, Journal of Corporate Finance, 17(5),
© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)

© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)
1389-1409.
PWC. (2018), “Paying Taxes 2018”, World Bank Group.
Sentuti, A., Cesaroni, F. M., & Cubico, S. (2019), “Women and family firms: a state of the art
literature review”, In Rigour and Relevance in Entrepreneurship Research, Resources and
Outcomes. Edward Elgar Publishing.
Sharma, P., Chrisman, J. J., et Chua, J. H. (1997), “Strategic management of the family
business: Past research and future challenges”, Family business review, 10(1), 1-35.
Sharpe, A. (2014), “Aligning family and business culture: How to create competitive advan-
tage”, Tharawat Magazine, 15, 16-19.
Stiglitz, J. E., & Weiss, A. (1981), “Credit rationing in markets with imperfect information”,
American Economic Review, 71 , 393 410.
Stock, C. R., Hossinger, S., & Werner, A. (2019), “The Familiness Effect on CSR of Privatley
Owned SMEs: Empirical Evidence from German Mittelstand Firms”, In 17 th Interdisciplinary
European Conference on Entrepreneurship Research, Utrecht, Netherlands 2019
Thai, M. T. T., Turkina, E., et Lalonde, J. F. (2013), “Cultural determinants of Arab entrepre-
neurship: An ethnographic perspective”, Journal of Enterprising Communities: People and
Places in the Global Economy, Aug 9.
Van Gils, A., Dibrell, C., Neubaum, D. O., & Craig, J. B. (2014), “Social issues in the family
enterprise”, 193-205.
Whited, T. M. (1992), “Debt, liquidity constraints, and corporate investment: Evidence from
panel data”, The Journal of Finance, 47(4), 1425-1460.
Wiecek-Janka, E., Mierzwiak, R., et Kijewska, J. (2016), “Competencies’ model in the suc-
cession process of family firms with the Use of Grey Clustering Analysis”, Journal of Grey
System, 28(2), 121.

© Éditions EMI 53 Revue M&I / N°2 / Octobre 2020


Yu-Thompson, Y., Lu-Andrews, R., et Fu, L. (2016), “Liquidity and corporate governance:
evidence from family firms”, Review of Accounting and Finance.
© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)

© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)

© Éditions EMI 54 Revue M&I / N°2 / Octobre 2020

Vous aimerez peut-être aussi