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Rmi 202 0031
Rmi 202 0031
© Éditions EMI | Téléchargé le 09/11/2023 sur www.cairn.info via Université Hassan II (IP: 196.200.191.18)
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Résumé
Ce papier s’est fixé comme objectif l’étude de l'incidence des contraintes financières sur
l'investissement des entreprises familiales cotées dans les pays arabes, par le biais d’une
étude comparative avec les entreprises non familiales cotées. L'étude a été menée à travers
l’économétrie de panel sur un échantillon de 337 entreprises cotées dont 151 sont familiales.
Nos résultats corroborent la thèse de la prédominance des contraintes financières dans le
cas des moyennes entreprises cotées, mais pointent surtout la plus forte sensibilité de l’in-
vestissement aux liquidités détenues dans le cas des ME familiales cotées. Ce résultat est
original dans la mesure où il contribue à améliorer notre compréhension des facteurs de
résilience des entreprises familiales cotées dans le Monde Arabe.
Abstract
The purpose of this research is to study the effect of financial constraints on the financial
sensitivity of investments of listed family businesses in the Arab World, through a compara-
tive study using panel data between two samples of 337 firms, and 151 are listed family busi-
nesses. Our results corroborate the hypothesis of the predominance of financial constraints
in the case of listed medium-sized firms, and the greater sensitivity of investment to liquidity
in the case of listed medium-sized family businesses. This result is original insofar
Introduction
Le poids des entreprises familiales est communément admis. Les chiffres disponibles mon-
trent en général que les familles contrôlent presque 90% des entreprises. En Asie et Moyen
Orient, on évoque un pourcentage de 95% des entreprises (de Vries et al., 2009). Par ailleurs,
presque 90% des entreprises dans la région MENA (OCDE, 2013) sont familiales et con-
tribuent à hauteur de 60% du PIB (PWC, 2018). L’apport des entreprises familiales pour leurs
sociétés et les économies locales est décisif (Van Gils et al., 2014). Cette prévalence semble
s’affirmer avec plus d’acuité dans le cas précis des pays arabes (Hassan Jameel, 2019). La
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contribution des entreprises familiales aux économies des pays arabes justifie indéniable-
ment l’intérêt des recherches académiques qui s’y intéressent.
Malgré la présence de certaines disparités culturelles, économiques et politiques entre les
pays de cette région, ceux-ci se retrouvent face à des évolutions et crises économiques et
sociales quasiment similaires. C’est pour cette raison que les instances internationales et
les chercheurs considèrent le Monde Arabe comme un contexte homogène du point de vue
des problématiques traitées (Arab Monetary Fund, 2016). Cette vision est défendable puis-
que dans les faits, malgré ces différences, les économies arabes adoptent des modèles de
développement économiques et des stratégies de développement semblables1. Les points
communs au niveau social et culturel entre les pays de la région restent le meilleur argu-
mentaire pour évoquer les pays arabes comme région monolithique. D’une part, les sociétés
du monde arabe sont marquées par les mêmes valeurs culturelles (Thai et al., 2013). D’autre
part, la religion et les familles conforment profondément l’économie dans les pays Arabes. La
position centrale que la famille occupe est liée à l’importance du clan qui est une structure
séculaire ancrée dans la culture arabo-musulmane. La structure du contexte socio-culturel
elle-même justifie la prévalence des familles dans les affaires dans le Monde Arabe. Dans
une vision interne à l’entreprise, les auteurs en s’intéressant à l’encastrement culturel des
entreprises familiales dans le contexte social arabe identifient un impact clair sur leurs com-
portements (Basly, 2017).
1 Sur la dernière décennie et en dehors de 2018, le taux de croissance dans la région arabe était aux alentours
de de 5% par rapport à un taux de croissance moyen des pays émergents situé autour de 6% et un taux moyen
mondial de 3,91% (Banque Mondiale ).
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Au niveau académique, l’absence du consensus autour de la nature des variables les plus
déterminantes dans le processus d’investissement des entreprises familiales rend complexe
la réflexion à la question de la dynamique de croissance des entreprises. Si l’idée que la
nature de leur contrôle atypique risque de contribuer à pénaliser les entreprises familiales
quand il s’agit d’accéder aux sources de financement externe est dominante (Berrada et
al., 2014) ; rien ne semble confirmer que les entreprises familiales sont susceptibles plus
que les autres entreprises d’être bloquées dans leur processus de croissance par une con-
trainte financière plus intense. Certaines affirmations de chercheurs très reconnus tels que
Kaplan et Zingales viennent renforcer l’ambiguïté qui entoure cette dimension. Ils affirment
qu’il n’est aucunement établi que les contraintes de financement soient aussi déterminantes
dans la compréhension de la dynamique d’investissement des entreprises que cela ressort
des travaux menés (Kaplan et Zingales, 2000).
L’objectif de notre étude est alors de contribuer à une meilleure compréhension de l’impact
des contraintes financières sur l’investissement des entreprises familiales cotées dans le
Monde Arabe à travers une étude comparative avec les entreprises non familiales cotées.
Notre recherche présente un intérêt multiple. D’abord, comme le montre Palaiologos (2017),
dans les pays arabes, la pression inhérente à la forte dominance de la réputation de la famille,
la loyauté, la solidarité dans le clan renforcent encore plus la culture familiale en tant qu’actif
spécifique de l’entreprise familiale et font que la spécificité des entreprises familiales dans
les pays arabes soit encore plus marquée que dans les autres contextes socio-culturels. Cette
idée justifie l’intérêt empirique de notre recherche.
Notre recherche présente aussi un intérêt du point de vue des implications au niveau des
politiques publiques dessinées en vue de vitaliser la dynamique de croissance des entreprises
familiales.
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1. L’étude du poids des contraintes financières dans la compréhen-
sion de la décision d’investissement des entreprises familiales
Les études empiriques portant sur l’investissement des entreprises ont amélioré notre com-
préhension des déterminants de la dynamique d’investissement des entreprises (1.1). La
prise en compte de la structure de propriété dans ce cadre a permis de mettre la lumière sur
l’investissement des entreprises familiales (1.2). Ce cadre enrichi a permis la formulation de
nos hypothèses de recherche (1.3).
Dans le cadre des travaux menés en finance, les décisions d’investissement et de finance-
ment ont initialement été traitées sous l’hypothèse de la perfection des marchés financiers.
Modigliani et Miller (1958) avaient ainsi proposé un cadre postulant la neutralité de la struc-
ture de financement par rapport à la décision d’investissement et à la valeur des entrepris-
es. Dans ce contexte, les dirigeants, à l’occasion des décisions d’investissement, étaient
confrontés à deux arbitrages décisionnels, celui de l’investissement immédiat ou du report
de la décision pour plus-tard, et celui de la nature des actifs. Dans cette grille, la décision
d’investissement n’est soumise à aucune contrainte financière.
Les altérations introduites dans le cadre théorique dès la moitié des années 70 ont pris
en compte l’existence d’une asymétrie d’information entre les acteurs internes et externes
(Greenwald et al., 1984 ; Myers et Majluf, 1984).
Cette lecture renouvelée avait été incarnée, entre autres, par la théorie du rationnement de
crédit (1981) et la théorie du financement hiérarchique dite pecking order theory (1984). Ces
deux théories ont fondamentalement permis d’enrichir la compréhension du comportement
d’investissement réel des entreprises. Elles ont surtout permis de contribuer à une première
explication rigoureuse des phénomènes de rationnement de crédit (Stiglitz et Weiss, 1981),
des contraintes de financement et leur impact sur la décision d’investissement des entre-
prises.
Dans la lignée de ces travaux, Fazzari et al. (FHP, 1988), ont proposé une modélisation de la
décision d’investissement en admettant l’existence des contraintes d’accès au financement
externe. Leur étude avait permis de jeter le pont entre les modèles d’investissement et les
nouvelles théories fondées sur les imperfections des marchés financiers.
L’idée originale de Fazzari et al. (1988) était d’étudier les différences en termes de finance-
ment et d’investissement au sein de groupes de firmes présentant des caractéristiques
distinctes. De cette manière, si effectivement les contraintes financières comptent dans la
décision d’investissement, elles devraient conduire à une hétérogénéité des niveaux d’in-
vestissement entre entreprises classées selon l’intensité des contraintes de financement
qu’elles subissent. L’hypothèse ainsi formulée est que selon qu’une entreprise est plus ou
moins contrainte financièrement, son investissement devrait réagir différemment au niveau
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du financement interne (cash-flow). Le niveau d’investissement mené par les entreprises
les plus contraintes financièrement devrait logiquement être plus sensible au niveau du
cash-flow. Cette sensibilité financière de l’investissement devrait apparaitre avec plus de
signification au sein des catégories d’entreprises qui sont les plus soumises aux contraintes
financières.
Pour rendre leur étude faisable au niveau empirique, la première difficulté fut celle de
procéder à la classification des entreprises selon leur degré d’intensité des contraintes fi-
nancières. C’est sur cette étape cruciale, que le travail fût original puisque les chercheurs
ont opéré la classification des entreprises en ayant recours à une approche de classification
à priori sur la base du niveau de dividende distribué. Ce critère suppose que le niveau de
dividende distribué par une entreprise est un signe pertinent du niveau de la contrainte
financière qu’elle ressent. Les entreprises qui ont un taux de rétention élevé devraient
normalement être plus contraintes financièrement et de ce fait devraient plus relier leur
investissement à leur financement interne. L’étude a montré clairement que les entrepris-
es souffrant de problèmes intenses d’asymétrie informationnelle subissent des conditions
d’investissement sous-optimales. L’étude de Fazzari et al. (1988) a déclenché un pont de re-
cherche considérable sur cette question de l’impact des contraintes financières. Les travaux
qui se sont succédé ont permis de corroborer l’hypothèse du sous-investissement lié à l’effet
des contraintes financières. Ils ont souvent introduit des critères de classification différents
des entreprises étudiées (Aggarwal et Zong, 2006 ; Botta, 2020).
Les premières critiques à l’égard de ce corpus ont été adressées à l’interprétation des coef-
ficients de sensibilité financière de l’investissement. Plus particulièrement, Chirinko (1993)
met en doute le fait que les paramètres de sensibilité financière aient été reliés à la présence
de contraintes financières. Mais, ce n’est qu’en 1997, qu’apparait la véritable remise en cause
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et Zingales, 2000). D’autres études menées dans la lignée des travaux de Kaplan et Zingales
ont quasiment confirmé ce résultat formant ainsi le courant des contraintes financières ap-
parentes.
Dans le prolongement des travaux fondateurs, certains chercheurs ont apporté des ajuste-
ments notamment à travers la prise en compte d’autres variables représentatives du finance-
ment internes (autres que le cash-flow). On peut dans cette lignée, évoquer l’introduction
des actifs liquides détenus par les entreprises comme variable modératrice de la sensibil-
ité financière de l’investissement. Cet aménagement s’explique dans plusieurs registres.
D’abord, tout un corpus de travaux académiques défend l’idée que les entreprises devraient
renforcer leur niveau de détention des liquidités au fur et à mesure que le niveau de risque
ressenti s’accroît. De ce point de vue, le risque évoqué est multidimensionnel et couvre
le niveau de risque spécifique (Morellec et al., 2014), celui de la volatilité des cash-flows
générés et le risque d’accroissement des contraintes financières (Duchin et al., 2017). Le
risque de volatilité des cash-flows apparait particulièrement pressant. En effet, la volatilité
des cash-flows augmente non seulement la probabilité de devoir recourir au financement
externe mais accroît également les coûts du financement externe à cause de la réticence des
créanciers à prêter à une entreprise dont les cash-flows sont volatiles. Ce qui est évident,
c’est que ce risque semble encore plus douloureux au sein des entreprises dont les activités
sont peu diversifiées.
La détention des liquidités ressort ensuite comme une manœuvre stratégique pour les en-
treprises souhaitant lever des fonds par endettement. En effet, la capacité d’endettement
est fortement associée au réservoir financier que permet la détention des liquidités par les
entreprises. Cette association s’explique lorsqu’on sait qu’au préalable de la signature de
contrats de financement, les créanciers apprécient deux types de risques.
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1.2. La prise en compte de la structure de propriété dans le cadre de
l’étude a permis de mettre plus de lumière sur l’investissement des
entreprises familiales
Le contexte financier des entreprises familiales est fortement spécifique. Cette particularité
a poussé plusieurs chercheurs à militer pour promouvoir un cadre d’analyse qui leur est
spécifique ou du moins prendre en compte leurs particularités profondes dans les analyses
effectuées. Plusieurs raisons militent pour cette prise de conscience. D’abord, au sein des
entreprises familiales, la nature des objectifs est fondamentalement imprégnée par le poids
des intérêts propres à la famille détentrice du contrôle (Sharma et al. 1997 ; Berrada et
Habba, 2016). Ces objectifs ne répondent pas forcément à la finalité de la recherche de la
maximisation de la valeur de l’entreprise. Il semble que les soucis des chefs d’entreprises fa-
miliales témoignent d’une volonté de préservation du contrôle de la famille, la pérennisation
du patrimoine, la réussite de la succession au sein du cercle familial et dans une certaine
mesure la sauvegarde de l’indépendance financière de leurs décisions.
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Le caractère familial du contrôle suppose un gap informationnel plus important (Ali et al.,
2007). Pour cette raison, ce contrôle a été rattaché à une contrainte financière plus intense.
En somme, la nature du contrôle familial qui tient tant à garder les affaires et les secrets en
famille agirait comme un facteur d’aggravation du risque perçu par les partenaires externes
actuels et potentiels. De ce fait, l’entreprise familiale devrait être soumise à une plus forte
contrainte financière.
Plusieurs éléments viennent appuyer cette thèse. D’abord, en plus des facteurs de risque
économiques propres à toutes catégories d’entreprises, les entreprises familiales représen-
tent des facteurs de risque aggravants qui leur sont tout à fait particuliers. Ces risques,
gravés dans l’esprit des acteurs externes, sont liés à la forte présence de conflits familiaux
très intenses3 (de Vries, 1993), le fait que les possibilités de continuité ne vont pas de soi et
dépendent des niveaux de conscience et de rigueur dans la gestion de la succession, et la
plus grande tendance à privilégier le secret des affaires. Le manque de préparation de la suc-
cession est fortement douloureux pour la dimension financière des stratégies des entreprises
familiales et incarne intensément la crainte des pourvoyeurs de fonds externes.
2 Les fonds consentis par les acteurs externes (créanciers financiers) peuvent être détournés et utilisés pour
l’acquisition d’actifs autres que ceux prévus dans le contrat de prêt.
3 Ces conflits peuvent à l’extrême remettre en cause la continuité de l’entreprise. Ils engendrent du point de vue
financier des coûts d’agence très élevés qui viennent grever sa performance et altérer son image auprès des
marchés financiers.
La nature du contrôle familial dans certaines circonstances est plus favorable au gaspillage
des ressources de l’entreprise (Hirigoyen, 2008) et au prélèvement sous forme d’avantages
non financiers au dépend des parties prenantes. Pindado et al. (2011) affirment dans le
même sens que le fait que les dirigeants familiaux soient épargnés du contrôle des marchés
pose un problème fondamental de « contrôle de soi » (self control). Ces dirigeants peuvent
ainsi en profiter pour satisfaire leurs propres intérêts et ceux de la famille au détriment des
autres parties prenantes et notamment des créanciers. L’auto-contrôle lorsqu’il est couplé
à des comportements fortement irrationnels auquel l’environnement familial est parfois fa-
vorable (égo familial, népotisme, …) peut mener les dirigeants à prendre des décisions qui
leurs sont tout autant préjudiciables que pour les parties prenantes (Jensen, 1994 ; Berrada
et al., 2014). La conjonction de ces variables a nourri l’idée que l’accès aux marchés financi-
ers ne va pas de soi pour les entreprises familiales et implique de leur part une plus grande
communication financière sur leur vision, leur gouvernance, leurs perspectives de rende-
ment et la maitrise des divers facteurs de risque qui leur sont inhérents (Berrada et al., 2014).
Dans un registre tout à fait opposé, d’autres auteurs ont affirmé que ce même contrôle famil-
ial pourrait jouer plutôt en faveur des entreprises familiales lorsque la contrainte financière
résulte du coût des conflits d’agence liés aux comportements inefficients de certains di-
rigeants au sein des entreprises non contrôlées par des familles. C’est le cas, en particulier,
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lorsque l’entreprise dispose de fortes liquidités et que son management n’est pas contrôlé
par un actionnaire de référence ; ce qui peut engendrer des décisions non optimales du point
de vue des actionnaires (Jensen,1986). Les entreprises familiales devraient de ce fait être
moins soumises à ce type de coûts d’agence puisque même lorsque l’actionnariat familial
est relativement disparate, les mécanismes de gouvernance familiale implicites (réputation
de la famille, rôle actif des actionnaires, etc.) et de plus en plus explicites aussi (chartes
familiales, instances familiales) jouent leur rôle de discipline et évitent de telles situations.
Enfin, la confusion entre le patrimoine de la famille et le patrimoine de l’entreprise dénotée
par plusieurs auteurs dont Hirigoyen (1984) et Ang et al. (1995) peut jouer le rôle de collatéral
aux yeux des créanciers, elle devient ainsi un facteur d’allègement du risque financier perçu
a priori par les partenaires des entreprises familiales. Il est fort intéressant d’observer l’im-
portance de plus en plus soulignée du contexte culturel et social pour la compréhension des
comportements financiers des entreprises familiales et leurs relations avec les pourvoyeurs
de fonds (Wiecek-Janka et al., 2016). Cette idée va de pair avec l’hypothèse relativement
ancienne selon laquelle les firmes familiales montreraient une plus grande interactivité avec
leur contexte culturel (Dyer, 1986 ; Sharpe, 2014). Ce constat ne fait que renforcer l’impor-
tance d’approfondir l’étude empirique de leur politique d’investissement.
Globalement donc, l’impact qu’ont les fondamentaux du contrôle familial sur le degré de
leur contrainte financière n’est pas univoque. Cette ambiguïté a certainement motivé les
chercheurs à s’intéresser de plus en plus à l’étude de la sensibilité financière de l’investisse-
ment des entreprises familiales et à aiguiser la lecture faite de cette sensibilité dans leur cas.
Les travaux empiriques en étant intéressés au cas des entreprises familiales s’inscrivent
dans un courant plus global ayant permis d’étudier le poids de la nature de la gouvernance
dans l’explication de la sensibilité financière de l’investissement (Koo et Maeng, 2006). Ces
études relèvent dans leur majorité la présence d’une plus forte sensibilité financière de l’in-
vestissement de la part d’entreprises familiales disposant d’opportunités d’investissement
profitables (Gugler, 2003 ; Lins et al., 2013 ; Chu et al., 2016). Gugler (2003) relève ce résultat
sur un échantillon de 214 entreprises dont 58 entreprises sont sous contrôle familial. Chu et
al. (2016) confirment cette hypothèse dans le cas des entreprises malaysiennes pendant la
crise de 2008-2009. Lins et al. (2013) montrent à travers une étude menée sur 40 pays que les
entreprises non contraintes financièrement ont été moins performantes par rapport à leurs
comparables non familiales pendant la période de la crise de 2008-2009. Ce constat a été
rattaché à la nature des prises de décision et d’allocation des financements pratiquées par
les entreprises familiales. Par ailleurs, la même étude a laissé clairement ressortir la soumis-
sion des entreprises familiales à des conditions de financement plus intenses pendant cette
même période. Les constats effectués par Lins et al. (2013) corroborent l’hypothèse selon
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laquelle le contrôle familial constitue un signal préjudiciable pour les entreprises familiales à
l’égard des pourvoyeurs de fonds potentiels et accroit le risque perçu par ces derniers.
Le constat inverse ressort de plusieurs travaux empiriques (Andres, 2008 ; Karaivanov et al.,
2018). Andres (2008) a étudié un échantillon de 264 entreprises sur la période allant de 1997
à 2004. Il a conclu que les investissements des entreprises familiales semblent être plus
sensibles aux opportunités d’investissement qu’au niveau de leur financement interne. Il a
expliqué ses résultats par la volonté des dirigeants des entreprises familiales de se concen-
trer sur les investissements créateurs de valeur. Nous notons que cette idée est conforme
au constat empirique de la plus forte profitabilité manifestée par les entreprises familiales et
qui témoigne de l’optimalité de leurs décisions d’investissement (Allouche et Amann, 2000;
Anderson et Reeb, 2003).
La tendance des entreprises familiales à détenir de manière plus importante des actifs liq-
uides constatée empiriquement va dans la lignée de ces idées. Selon les chercheurs, les
entreprises familiales manifestent un tel comportement pour des raisons stratégiques mais
aussi pour répondre à des besoins qui leurs sont tout à fait spécifiques (Lozano, 2015).
D’une part, les familles maintiennent des volumes importants de liquidité pour maintenir une
dynamique de croissance rentable à long terme, ce qui devient possible lorsqu’elles ont les
possibilités de mobiliser leur financement propre quand des opportunités d’investissement
profitables se présente même dans des périodes difficiles.
La stratégie d’endurance qui caractérise la décision d’investissement des entreprises famil-
iales et l’inscrit dans un horizon de long terme (James, 1999) explique aussi cette détention
de liquidités surtout lorsqu’on sait que l’investissement dans les yeux des dirigeants des
entreprises familiales est d’abord un levier de pérennisation de la dynastie familiale et sert
de bras porteur pour le déploiement des processus familiaux fondamentaux (Gómez-Mejía
et al., 2007 ; Miller, et al., 2011). Les familles pourraient aussi voir dans la détention de la
liquidité un moyen d’accumulation de richesse et qui leur permet d’éviter l’imposition des
distributions de dividendes.
Du point de vue qui nous intéresse le plus, l’acte de détention des actifs liquides du point
de vue des dirigeants des entreprises familiales est surtout une décision stratégique car il
leur offre la possibilité de préserver un niveau élevé de flexibilité financière en maintenant
leurs investissements sans être lésés par l’impact des contraintes de financement (Dittmar
et Duchin, 2012).
En synthèse à cette réflexion, l’idée de la spécificité du contexte des entreprises familiales
semble dessiner à la fois la nature de leur relation avec les marchés financiers mais aussi la
morphologie de leur comportement financier face au risque de contraintes financières. De
ce fait, la sensibilité financière des investissements des entreprises familiales devrait être
elle-même tout à fait spécifique.
Nos hypothèses sont directement inspirées des travaux sur la question de l’investissement
des entreprises cotées (Fazzari et al. 1988, Kaplan et Zingales, 1997), particulièrement les
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études qui s’intéressent à la particularité de la sensibilité financière manifestée par les inves-
tissements des entreprises familiales (Gugler, 2003 ; Andres, 2008 ; Karaivanov et al., 2018).
La nature profonde de la gouvernance des entreprises familiales a souvent été rattachée à
une volonté de la part des actionnaires dominants de prendre des décisions d’investissement
dans l’intérêt familial et d’entourer leur vision et leur stratégie du culte du secret tout en
désirant préserver la valeur créée dans le cercle familial. Cette culture accroit le risque d’ex-
propriation pour les minoritaires (La Porta et al., 1999) et altère la crédibilité des entreprises
familiales sur les marchés financiers. De ce fait, lorsque les entreprises familiales n’ont pas
la capacité de compenser la faiblesse de leur marché interne de capital par le recours aux
marchés externes, leurs investissements devraient être significativement altérés et mani-
fester une plus forte sensibilité au financement interne (Love, 2003 ; Pindado et al., 2011).
Ainsi, notre objectif dans ce travail est de tester l’hypothèse suivante :
Hypothèse de la recherche 1: Il existe une relation positive entre le contrôle
familial des entreprises et le degré de sensibilité financière de leur l’inves-
tissement au financement interne.
Néanmoins, de nombreux travaux empiriques ont soutenu que la taille est un proxy pour le
degré des contraintes financières. La partition des entreprises en fonction de leur taille a
permis de ressortir que plus la taille des entreprises se réduit, plus la sensibilité financière de
leur investissement augmente, témoignant d’une plus forte contrainte de liquidité (Angelini
et Generale, 2008 ; Driver et Muñoz-Bugarin, 2019). De ce fait, les moyennes entreprises
devraient manifester une plus forte sensibilité financière de leur investissement par rapport
aux grandes entreprises en raison de leur soumission à une plus forte contrainte financière.
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L’objectif assigné à l’étude est de mesurer le niveau de la sensibilité financière de l’inves-
tissement au sein de chacune des catégories d’entreprises étudiées « entreprises familiales
cotées » versus « entreprises non familiales cotées ». Pour ce faire, nous procéderons à l’es-
timation de la force d’association entre le taux d’investissement et le financement interne
sur une période de 9 exercices successifs allant de 2009 jusqu’à 2017. Le modèle utilisé est
issu des travaux fondateurs de Fazzari et al. (1988) en introduisant des variables de contrôle
spécifiques. La variable expliquée capture le niveau d’investissement réalisé sur la période
étudiée. Notre modèle introduit deux variables explicatives : La première variable explicative
étant le taux de financement interne déterminé à partir du rapport de la capacité d’autof-
inancement et le capital investi du début de l’exercice CF (t) / K(t-1). La seconde capture
l’importance des actifs liquides détenues (Liq (t) / K(t-1))4.
4 La prise en compte du cash-flow comme proxy du financement interne pose problème parce qu’il est corrélé
au niveau des ventes. Les ventes mesurent, d’après plusieurs hypothèses, la rentabilité du capital. Le cashflow
est donc, à la fois, un indicateur de la rentabilité de l’investissement et une mesure du financement interne. Son
interprétation est donc sujette à caution. La seconde variable représentant le montant des actifs liquides détenus
échappe à cette critique, mais critiquable aussi dans la mesure où sa valeur est généralement faible par rapport
au montant de l’investissement.
Avec :
I. (t) / K(t-1) Le taux d’investissement calculé comme le rapport de l’investissement
productif annuel au capital investi du début de l’exercice.
CF(t) La capacité d’autofinancement secrétée en t.
CF (t) / K(t-1) Le taux d’autofinancement. Il est estimé par le rapport du cash-flow an-
nuel au capital investi du début de l’exercice.
Liq (t) / K(t-1) Le taux de liquidité détenue. Il est estimé par le rapport des liquidités
bilantielles détenues au capital investi du début de l’exercice.
K (t-1) Le financement propre plus l’endettement global (hors dettes non fi-
nancières). Le financement propre, quant à lui, est égal à la somme du capi-
tal, primes, réserves légales et réserves d’autofinancement (amortissement
et provisions). La référence au capital investi comme dénominateur dans les
variables utilisées permet de neutraliser l’impact de la taille des entreprises.
Q de Tobin Les opportunités d’investissement mesurées par le ratio Q de Tobin : Valeur
boursière de l’entreprise / Valeur de remplacement du capital fixe.
Les données utilisées ont été collectées à partir de la base de données Orbis. L’échantil-
lon de l’étude empirique inclut 337 entreprises dont 151 sont familiales. Nous considérons
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qu’une entreprise est familiale quand le niveau de contrôle du capital et des droits de vote
par une famille atteint au moins 50% et qu’au moins un membre de la famille fasse partie
des instances dirigeantes (Leach et al., 1990). Les entreprises étudiées sont toutes cotées
en bourse durant toute la période étudiée. Nous choisissons pour des raisons préalablement
précisées de centrer l’étude empirique sur les entreprises cotées dans les marchés boursiers
des pays du Monde Arabe. Les entreprises de l’échantillon sont issues de 13 pays arabes et
représentent 10 secteurs d’activité (le textile, l’agriculture, les services, la communication,
l’informatique et fournitures, l’agro-alimentaire, l’industrie, la logistique, l’administration
publique, et le commerce).
Figure 1 : Représentativité des entreprises de l'échantillon par pays
Représentativité des entreprises de l'échantillon par pays
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l’hétérogénéité individuelle. Pour le modèle à effet individuel fixe, l'hétérogénéité indivi-
duelle est spécifiée sous la forme d'une constante spécifique à chaque individu, quant au
modèle à effet aléatoire, il prend en compte un effet spécifique individuel au niveau du
résidu. Ce dernier est donc constitué de deux composantes : la composante aléatoire stand-
ard et la composante aléatoire qui capture l'hétérogénéité individuelle. Les différents tests
statistiques que nous avons menés nous ont permis d’accepter l'existence de l'hétérogénéité
individuelle dans les deux modèles (Test de Fisher pour vérifier la significativité des effets
fixes et le test de Breush-Pagan pour tester la significativité des effets aléatoires). Le test
de spécification de Hausman nous a permis de rejeter l'hypothèse de l'indépendance entre
l'hétérogénéité individuelle non observée et les variables explicatives. C’est la raison pour
laquelle nous avons opté pour un modèle à effet individuel fixe qui présente des résultats
plus robustes. La prise en compte des spécificités des entreprises n’est ici effectuée qu’au
niveau de la constante du modèle qui varie d’une entreprise à l'autre.
On corrige l’hétérogénéité individuelle par une transformation dite within consistant à cal-
culer pour chaque variable sa différence par rapport à la moyenne de la période pour chaque
entreprise.
5 La proportion relativement plus élevée des pays pétroliers s’explique par le fait que le choix de l’échantillon
étudié a été effectué dans une première phase en constituant un premier échantillon global à partir de la base de
données « Orbis » regroupant à la fois les entreprises familiales et non familiales sur la base du critère de la taille
de l’entreprise. La taille plus grande des entreprises cotées dans les pays pétroliers tels que l’Arabie Saoudite
explique la composition de l’échantillon. Mais, de manière globale, le fait que notre échantillon ait été constitué
d’entreprises issues pour 44% de pays non pétroliers et 56% de pays pétroliers permet d’atténuer l’impact du
pays d’appartenance (pays pétrolier ou non pétrolier).
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Source : Sorties de nos tests empiriques par le logiciel STATA 14
Les résultats du test de régression mené réfutent l’hypothèse (1) formulée. Ainsi, concernant
la sensibilité financière du niveau d’investissement au cash-flow, le test aboutit à la similar-
ité entre le cas des entreprises familiales et leurs équivalentes non familiales. Ce résultat va
à l’encontre de l’existence d’une forte association entre le degré d’alignement des dirigeants
sur l’intérêt des actionnaires et le niveau de la sensibilité financière de l’investissement
(Gugler, 2003). Il est fort intéressant de noter que jusque-là, peu d’études ont souligné la
faible influence de la structure de propriété sur la sensibilité du niveau d’investissement des
entreprises à leur financement interne (Andres, 2008).
Nos résultats semblent néanmoins imprégnés d’une relative ambivalence. En effet, si la sen-
sibilité financière (au cash-flow) de l’investissement constatée est statistiquement significa-
tive au sein des entreprises à la fois familiales et non familiales, notre test montre, en plus,
que les entreprises familiales manifestent une relative sensibilité de leurs investissements
aux liquidités détenues.
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de manœuvre de la part des entreprises familiales dans l’intention de conserver leur in-
dépendance et la flexibilité de leurs décisions d’investissement face un contexte financier
qui peut s’avérer contraignant ou restrictif (Berrada et al., 2014 ; Yu-Thompson et al., 2016).
Nos résultats semblent intéressants quand ils sont restitués dans le contexte du débat
théorique et empirique autour de la pertinence du poids des contraintes financières sur la
dynamique de croissance des entreprises familiales. Rappelons à cet égard que tandis que
des études invoquent la non-optimalité de la gouvernance des firmes familiales et le risque
élevé d’expropriation auquel sont soumis leur actionnaires minoritaires (La Porta et al., 1999;
Lins et al., 2013) pour expliquer l’existence d’une association entre le contrôle familial et
l’intensité des contraintes financières (Pindado et al., 2011 ), d’autres défendent plutôt l’idée
que le nature familiale du contrôle constituerait un signal sécurisant à l’égard des parties
prenantes et ferait que les entreprises familiales disposent de plus de possibilités d’accès au
financement externe lorsqu’elles le souhaitent (Anderson et al., 2003).
A ce niveau malheureusement, l’interprétation des résultats issus du premier test empirique
mené parait délicate. La sensibilité financière pourrait donner lieu à diverses lectures. Pour
cette raison et partant du fait que la taille des entreprises est un proxy pertinent du degré
de leurs contraintes financières, il a semblé raisonnable d’introduire une segmentation plus
affinée des entreprises sur la base du critère de leur taille. Notre objectif est d’améliorer la
compréhension de la sensibilité financière de l’investissement des entreprises familiales.
Empiriquement, une seconde classification a été effectuée en intégrant en plus du premier
6 Autrement dit, plus les dirigeants auront le sentiment que leur position de liquidité actuelle pourrait déboucher
sur des contraintes financières en cas d’investissement immédiat, plus ils reporteront leurs projets d’investisse-
ment.
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Les résultats issus du second test corroborent l’hypothèse (2) formulée. La sensibilité fi-
nancière de l’investissement est statistiquement plus significative au sein de la catégorie des
moyennes entreprises avec un coefficient de 2.049 (significatif à 0.001) pour les moyennes
entreprises familiales et un coefficient de 0.706 (significatif à 0.001) pour les moyennes en-
treprises non familiales. Les coefficients relevés dans le cas des GE familiales et des GE non
familiales sont respectivement de 0.0540 (significatif à 0.05) et 0.0976 (significatif à 0.05).
En premier lieu, ces résultats renforcent l’hypothèse de la pertinence de la taille comme
proxy de l’intensité des contraintes financières. L’investissement des moyennes entreprises
nonobstant la nature du contrôle de leur capital paraît être plus sensible au niveau du cash-
flow. Ce constat s’inscrit dans la lignée des résultats issus de la majorité des travaux ayant
introduit la taille des entreprises dans l’étude de la sensibilité financière des investissements
(Bruinshoofd et Letterie, 2004 ; Driver et Muñoz-Bugarin, 2019).
En second lieu, notre test montre que les grandes entreprises à la fois familiales et non
familiales manifestent un comportement quasi-similaire. Ceci va dans le sens des travaux
affirmant l’existence d’un conformisme financier de la part des grandes entreprises famil-
iales. Cette idée du conformisme signifie que plus l’entreprise familiale grandit, plus ses
investissements seraient rattachés à ses possibilités rationnelles de financement. Le com-
portement financier des GE familiales devrait être expliqué par le cadre traditionnel issu de la
théorie du financement hiérarchique. Cette conclusion n’aurait pas eu de sens si les grandes
entreprises familiales montraient elles aussi une sensibilité financière de leur investisse-
ment alors que même leur potentiel de financement externe devrait être moins contraint que
dans le cas des ME familiales.
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investissement. Cette manœuvre leur a probablement permis d’investir plus que leurs com-
parables non familiales sur la période allant de 2009 à 2015 et surtout lors de la période post
crise de 2009.
Conclusion
Cette étude s’est proposée d’étudier l’incidence des contraintes financières sur la sensibil-
ité financière des investissements des entreprises familiales cotées dans les pays arabes.
L’engouement pour ces entreprises dans le Monde Arabe se justifie à la fois par leurs spécifi-
cités que par leur poids dans les stratégies de développement adoptées. Le cadre d’analyse
de notre recherche a été emprunté aux travaux menés dans la lignée de (Fazzari et al., 1988).
En premier lieu, les résultats empiriques de l’étude menée ont permis de conforter l’idée
que la spécificité du comportement financier des entreprises familiales semble s’estomper
lorsque ces entreprises deviennent grandes. Ce constat est original lorsqu’on évoque le con-
texte culturel du Monde arabe, mais se justifie par plusieurs arguments. En effet, plus l’en-
treprise familiale devient grande, plus elle se professionnalise et plus s’éclaircit l’interface
entre la famille et l’entreprise. L’éloignement progressif de la famille placerait l’entreprise
dans une logique de marché et libérerait sa politique d’investissement du poids des con-
traintes irrationnelles telles que la volonté des membres familiaux de limiter la croissance
pour préserver le contrôle. Il demeure toutefois étonnant que l’investissement des grandes
entreprises familiales dans le Monde Arabe ne manifeste aucune association significative
avec les opportunités d’investissement7 .
7 La seule association avec le ratio Q a été relevée dans le cas des GE non familiales avec un coefficient de l’ordre
de 0.00816 (significatif à 5%)
En second lieu, les constats effectués confortent la lecture de la plus forte sensibilité fi-
nancière manifestée par les ME à la fois familiales et non familiales comme étant la man-
ifestation d’une contrainte de liquidité plus forte dans leur cas plutôt que le signe d’une
aversion au risque plus élevée de leurs dirigeants. Le poids des contraintes financières parait
déterminant pour l’investissement des entreprises familiales arabes.
Par ailleurs, il est ressorti que seules les ME familiales rattachent leur investissement aux li-
quidités détenues ; cela peut être révélateur de leur volonté d’atténuer l’impact des contraint-
es financières et de préserver au maximum la continuité de leur politique d’investissement.
Ce résultat est intéressant dans la mesure où il contribue à améliorer notre compréhension
des facteurs de la plus grande résilience des entreprises familiales. Le contexte actuel et qui
risque de s’avérer de plus en plus hostile et empreint de perturbations comme le dénote si
bien le professeur Davis (2020) justifie d’affecter encore plus d’importance à cette catégorie
d’entreprises dans le cadre des politiques de développement des pays arabes.
Néanmoins, malgré la valeur ajoutée qu’apportent nos résultats, deux limites semblent re-
streindre la portée de notre étude. Tout d’abord, il est indéniable que l’intensité des con-
traintes financières est en partie tributaire du niveau de développement des marchés finan-
ciers au sein desquels opèrent les entreprises (Laeven, 2003 ; Love, 2003).
A cet égard, les marchés financiers des pays arabes ne présentent pas tous le même niveau
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d’évolution et de maturité. Il faudrait donc affiner plus notre étude de la sensibilité financière
de l’investissement en intégrant cette variable. Ce qui nous intéressera ici, c’est d’apprécier
dans quelle mesure la sensibilité financière de l’investissement est-elle affectée par les car-
actéristiques de systèmes financiers hétérogènes. On remarque que, ce faisant, on pourra
tester l’effet du développement financier sur le comportement des entreprises familiales.
Cela impliquerait de prendre en considération dans nos tests empiriques une variable proxy
du niveau de développement du contexte financier soit en tant que critère de classification
des entreprises étudiées soit en tant que variable explicative en mettant en œuvre une sec-
onde variante étendue de notre modèle empirique.
Ensuite, au niveau méthodologique, notre modèle a intégré deux variables représentatives du
financement interne pour étudier la sensibilité financière de l’investissement, le cash-flow et
les liquidités détenues. Plusieurs études dénotent la limite qui entache le cash-flow comme
proxy du financement interne puis qu’il peut aussi traduire aussi le niveau de rentabilité des
capitaux investis. Il aurait été souhaitable de disposer de données fiables sur les comptes
courants directs des associés familiaux et de les introduire comme variable pour mesurer le
financement interne. Cette proposition découle de la nécessité d’avoir une lecture élargie
du financement interne dans le cas des entreprises familiales. Les associés ont une attitude
patiente atypique et cherchent à maximiser leur valeur financière mais aussi socio-émotion-
nelle. Une telle perspective pourrait enrichir notre compréhension des facteurs de résilience
des entreprises familiales et permettrait au même temps de tirer des recommandations en
terme du cadre fiscal incitatif à mettre en place pour renforcer l’appui du capital familial aux
entreprises en période de crise.
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