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RESEAU LIBRE SAVOIR

BACCALAUREAT EDITION 2021


DOCUMENT CONFECTIONNE PAR MONSIEUR NDOUR
TEL : 77-621-80-97
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DISSERTATION PHILOSOPHIQUE CORRIGEE

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SUJET DE DISSERTATION N°9


La philosophie ne s’oppose pas à la foi, elle s’oppose plutôt au fanatisme.
Quelle réflexion vous suggère ce propos ?

INTRODUCTION
La philo est une forme de pensée caractérisée par l’esprit critique, la subversion radicale (le libre examen) le
désintéressement, la spéculation. Elle a l’ambition d’être une réflexion panoramique sur l’ensemble de l’expérience
humaine ainsi que sur les fins dernières de l’humanité. La foi quant à elle fait toujours penser à la religion, mais elle
désigne avant tout la confiance et la conviction : l’idée de foi suggère l’idée d’adhésion totale et fervente à une cause
ou à un dogme. Autant la foi en Dieu est le fondement de la religion, autant la foi en la raison est la base de la philo
et même de la science. Pourtant l’expression « acte de foi » semble signifier une action non fondée sur la raison, mais
sur une profonde et fervente conviction : n’est-ce pas là une forme de fanatisme ? Justement le fanatisme renvoie à
l’idée d’aveuglement et de démesure : un fanatique est un homme aveuglément dévoué à une cause (généralement
religieuse ou politique) au point de la servir avec intransigeance, intolérance, extrémisme et violence. Le fanatisme
désigne aussi le fait de faire preuve de passion sans limite ni discernement. Le fanatisme est une forme de dogmatisme
qui exclut toute possibilité d’une vérité autre que celle à laquelle il croit.
DEVELOPPEMENT
Partant d’une mise en rapport entre la philo, la foi et le fanatisme, nous notons que « ce qui est incompatible
avec la philo c’est le fanatisme et non la foi ». Par conséquent, il y a une certaine compatibilité entre philo et foi mais
toutes les deux excluent le fanatisme.
La philosophie est avant tout l’expression d’une foi solide en la raison humaine : on ne peut pas philosopher sans
placer toute sa confiance en la raison et en sa capacité à connaître la vérité. La notion de foi est donc suffisamment
large pour converger avec celle de philosophie. La distinction entre la foi et la simple croyance (au sens de tenir pour
vrai) semble corroborer un tel argument : la croyance est généralement sans raison, alors que la foi convoque la notion
de raison dès lors qu’elle suggère l’idée de confiance. Une foi peut donc être laïque et quand Kant dit « abolir le savoir
pour faire place à la foi », la foi dont il parle est rationnelle parce qu’il s’agit de postulats nécessaires de la raison
pratique (morale). Même la foi religieuse ne semble pas s’opposer à la raison car même si elle repose sur un dogme,
la religion reste une exclusivité des êtres rationnels. Les Écritures Saintes sont adressées aux hommes et non aux
animaux, et s’il en est ainsi c’est bien parce que notre rationalité est la condition de notre capacité à recevoir la foi.
Dans son livre intitulé Foi et Raison, le pape jean Paul II revient sur la parabole biblique qui dit qu’au commencement
fut le verbe, or le verbe dans la langue grecque (qui fut une des premières langues bibliques) est le logos qui est
également le symbole de la raison. Même dans la recommandation biblique qui dit que « si vous ne croyait pas, vous
ne comprendrez pas » (Isaïe, VII, 9) on peut voir un conseil raisonnable, de sorte qu’il « y a toujours quelque raison
qui marche devant » comme disait Saint-Augustin pour suggérer que c’est la raison elle-même qui nous persuade de
« croire pour comprendre ». On voit donc qu’on peut valablement trouver dans la raison la convergence entre foi et
philo, même si celle-là ne s’exprime pas de la même façon dans les deux sphères. Or c’est justement ce point d’ancrage
rationnel qu’il est difficile de trouver au fanatisme. Le mode d’être du fanatique est invariablement l’excès, la
démesure et l’exigence rationnellement immotivée que sa vérité ou sa conviction soit partagée par d’autres. Le

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fanatique est précisément celui qui exige des autres ce qu’il refuse de leur accorder : sa foi ou sa vérité lui semble
tellement évidente qu’il ne comprend pas qu’un autre ne puisse pas y adhérer. Cette incohérence du fanatisme est
justement la preuve de son caractère irrationnel, de son aveuglement et de son inclination vers l’intolérance. Son mode
d’action est le chauvinisme, la haine, et la violence là où la philosophie et la foi religieuse prônent l’amour, la
tolérance, le dialogue et la paix. « Il n’y a point de contrainte en matière de foi. Car le bon chemin s’est distingué de
l’égarement… » dit le Saint Coran (S.2, V.256) pour signifier qu’on ne peut pas forcer quelqu’un à avoir la foi. La
religion reconnaît donc à l’homme la liberté, de croire ou non, car elle lui reconnaît la faculté de discernement, or
c’est justement cette tolérance que le fanatique ne peut comprendre. Ce qui distingue la foi du fanatisme c’est donc à
la fois la liberté et la tolérance que la première présuppose et que la seconde récuse : sur ce point il y a bien une
convergence entre philo et foi contre le fanatisme. Cependant cette compatibilité de la philo avec la foi au détriment
du fanatisme résiste-elle à l’analyse et à l’histoire ?
La philosophie est censée être compatible avec la foi, mais de quelle foi s’agit-il ? La foi véritable peut-elle se
défaire du fanatisme ?
L’histoire de la philosophie nous enseigne que celle-ci est née comme étant avant tout une subversion des références
magico-religieuses qu’elle suspectait d’être de pures fantaisies. La foi religieuse a, aussi bien dans l’antiquité que
dans le moyen-âge, été en conflit flagrant avec la philosophie. Socrate, qui est le symbole de la liberté de la pensée
philosophique, a été sacrifié sur l’autel des croyances religieuses de son temps ; et l’Inquisition ainsi que la persécution
durant le moyen-âge sont aussi des preuves du différend presque insoluble entre les deux sphères. Les tentatives de
concilier les deux ont quasiment toutes échoué, car la philosophie ne peut pas supposer des vérités qui seraient propres
à la foi sans se trahir elle-même. La problématique de « la philosophie comme servante de la religion » n’a, en dernière
instance, été qu’une forme de domestication de l’esprit philosophique, un travestissement de la théologie en philo. Or
la philo est essentiellement une pensée laïque, libre, qui ne reconnaît comme autorité que la seule raison humaine.
Ainsi, même lorsqu’un philosophe comme Kant parle de foi rationnelle en Dieu, en l’immortalité de l’âme et en la
liberté, il ne s’agit plus vraiment d’une foi pure. Ces postulats, la raison les pose comme étant nécessaires à la
cohérence et à l’achèvement de la raison pratique ( la morale), ce qui suggère qu’elle en est l’unique gage. Il faut noter
par ailleurs que les tentatives de la foi religieuse de se mettre sur le pied d’une bonne entente avec la philo l’ont
souvent condamnée à se vider de sa substance pour n’être plus qu’une coquille hybride qui n’est ni raison ni foi. La
foi religieuse implique fidélité et confiance totale, donc ajournement momentané ou définitif de la raison, car la notion
de dogme qui fonde toute foi religieuse s’oppose à la critique et au doute philosophique. La fameuse phrase de
Nietzsche « Dieu est mort » suggère que la foi véritable en Dieu est aujourd’hui chancelante, voire caduque, dans la
mesure où la religion a cessé d’être le ciment des relations sociales et le fondement ultime du pouvoir, de la morale
et des relations intersubjectives. Nous avons fait le pari d’une société bâtie sur le modèle de la raison et c’est pourquoi
la foi religieuse y a perdu du terrain. De son côté la raison philosophique qui est si fière d’elle-même semble se muer
en une foi aveugle (inconsciente) car tout rationalisme présuppose une foi souvent fanatique en la raison.
Autant la foi religieuse a ses fanatiques, autant la raison a les siens. Si la philosophie ne s’oppose pas à la foi,
c’est que celle-ci n’est plus religieuse, car l’idée même de religion renvoie implicitement à une relation de dévotion
et de fidélité sans faille, ce qui est une forme de fanatisme. Quant à la foi rationnelle, elle peut aussi être la pire forme
de fanatisme et les dérives qu’elle a entraînées en sont les témoignages vivants. Au nom de la raison on a exclu
quelques uns de l’humanité ; au nom de la raison certains fondements éthiques de notre civilisation ont été pulvérisés
; et au nom de l’infaillibilité de la rationalité positive l’efficacité est devenue la norme de nos actions. En prétendant
combattre le fanatisme, la raison s’est souvent mue elle-même en fanatisme. L’histoire récente montre de façon
empirique que les dérives nazies et fascistes ainsi que celles ethnocentristes ont non seulement été alimentées et
légitimées par des philosophes, mais aussi qu’elles ont eu pour prétexte la raison. En définissant l’homme comme être
rationnel on a oublié ou occulté qu’il est aussi corps, désirs passions ; et c’est ainsi qu’un fanatisme de la raison a
allumé partout des feux. Si pour croire il faut comprendre, alors le fait de prétendre comprendre semble parfois nous
donner le droit de ne pas comprendre que d’autres ne puissent pas comprendre. Et si pour comprendre on croit d’abord,
cette croyance peut nous fermer l’œil de la sagesse. L’opposition ou la compatibilité entre les notions de philo, de foi
et de fanatisme sont donc conjoncturelles, jamais absolues.
CONCLUSION
Au terme de notre analyse, cette réflexion autour de la problématique de la comparaison entre la philosophie ; la foi et le
fanatisme nous a amené à un résultat mitigé. Bien que la pensée rationnelle et la croyance religieuse peuvent paraître totalement
opposées, les deux peuvent parfois se compléter l’une et l’autre : la foi peut être renforcée par la philosophie comme la
philosophie peut être renforcée par la foi. Seulement, la raison, qui est la faculté humaine permettant de fixer des critères de
vérité, n’est peut-être pas toujours dans le vrai, car le fanatisme exerce un excès jugé souvent nuisible. Nous pouvons alors nous
demander comment atteindre la vérité.

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