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40-710

Encyclopédie Médico-Chirurgicale 40-710

Traitement chirurgical du prolapsus rectal


complet de l’adulte
JP Lechaux

Résumé. – Le prolapsus rectal complet est un trouble de la statique du rectum, qui réalise une invagination
aboutissant à son extériorisation à travers l’anus. Le but du traitement chirurgical est de corriger le prolapsus,
mais aussi de restaurer la fonction anorectale sans induire des effets délétères. Il n’existe, pour cela, aucune
technique universelle et infaillible, car le prolapsus rectal est un syndrome qui réunit des entités
anatomocliniques de pathogénie différente. Le prolapsus « de faiblesse », multiélémentaire, de la femme âgée
multipare, est la conséquence d’une maladie dégénérative du périnée, avec hernie du cul-de-sac de Douglas à
travers le diastasis du plancher pelvien. Le prolapsus « de force » pauciélémentaire de l’adulte jeune, ayant un
plancher pelvien et un sphincter normaux, est une maladie primitive du rectum par excès de longueur et de
mobilité. La clinique permet de différencier ces deux entités. Le traitement de la maladie du rectum est une
rectopexie par voie abdominale, presque toujours avec prothèse. Elle assure, quelle qu’en soit la technique, un
taux de guérison anatomique supérieur à 90 %, mais elle est grevée d’un risque de constipation induite ou
aggravée, que la résection sigmoïdienne associée permet d’éviter sans majoration de la morbidité. Le
prolapsus-hernie de faiblesse relève d’une intervention par voie périnéale, comportant l’excision du prolapsus,
soit muqueuse soit totale, associée à une périnéorraphie postérieure avec suppression du sac péritonéal et
réfection de la paroi. Les interventions périnéales, réalisables sous anesthésie locorégionale, mieux
appropriées au sujet âgé à haut risque, ont une efficacité anatomique moindre que la chirurgie abdominale,
mais sont dépourvues de gravité et d’effets indésirables. La mucosectomie de Delorme paraît plus
physiologique que la rectosigmoïdectomie d’Altemeier qui est indiquée en première intention, lorsque nul
espoir d’amélioration fonctionnelle n’est permis. En conclusion, chaque chirurgien doit disposer d’une
technique éprouvée de rectopexie abdominale aux résultats fonctionnels connus, et de deux techniques
périnéales, permettant de choisir le traitement le plus approprié à chaque prolapsus et à chaque patient.
© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : prolapsus rectal, rectopexie abdominale, résection du sigmoïde, opérations périnéales.

Définition parvient, dans tous ces cas, à cet objectif. Dès 1902, Lenormant
considérait qu’ « il n’y a pas un traitement infaillible, unique,
Le prolapsus rectal est une invagination du rectum aboutissant à universel du prolapsus rectal, et cela parce qu’il y a des variétés
son extériorisation à travers l’anus. Le trouble de la statique rectale diverses de prolapsus, et du point de vue clinique, et du point de
s’intègre dans un « syndrome du prolapsus rectal », comportant vue pathogénique » [23]. La pathogénie demeure incertaine, mais les
également le prolapsus interne non extériorisé et la rectocèle. Le anomalies anatomiques constitutives du prolapsus, causes ou
prolapsus est dit complet (full thickness rectal prolapse des Anglo- conséquences de celui-ci, sont connues (fig 1). Ce sont : l’insuffisance
Saxons), lorsqu’il est constitué par toute l’épaisseur de la paroi de fixation postérieure du rectum, la longueur excessive du
rectale, par opposition au prolapsus purement muqueux, rectosigmoïde, la hernie du cul-de-sac de Douglas, le diastasis des
habituellement d’origine hémorroïdaire. Même si certains principes muscles releveurs et la béance anale. L’association de ces anomalies
thérapeutiques sont communs à tous les éléments nosologiques du est variable et permet une approche nosologique. L’existence ou non
syndrome du prolapsus rectal, seul le traitement chirurgical du d’une déficience périnéale avec diastasis des releveurs, hypotonie
prolapsus complet extériorisé, infirmité intolérable, sera envisagé. du plancher pelvien et béance anale reconnue par le seul examen
clinique, différencie deux tableaux anatomocliniques. Le prolapsus
« de faiblesse », multiélémentaire, comportant l’ensemble des
Principes thérapeutiques anomalies, chez la femme âgée multipare, extériorisé en
permanence, s’intègre dans une maladie dégénérative diffuse du
Le but du traitement est double : d’une part corriger le prolapsus, périnée, avec fréquente association d’un prolapsus génital. Le
d’autre part, restaurer la fonction anorectale sans induire d’effets prolapsus rectal est la conséquence d’une hernie par glissement du
délétères. Aucune des innombrables techniques proposées ne cul-de-sac de Douglas à travers la brèche pariétale pelvienne. À
l’inverse, le prolapsus « de force », pauciélémentaire, de l’adulte
jeune, le plus souvent chez la femme volontiers nullipare, plus
Jean-Pierre Lechaux : Clinique Geoffroy Saint-Hilaire, 59, rue Geoffroy-Saint-Hilaire, 75005 Paris, France. rarement chez l’homme, avec un périnée normal et un sphincter

Toute référence à cet article doit porter la mention : Lechaux JP. Traitement chirurgical du prolapsus rectal complet de l’adulte. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés),
Techniques chirurgicales - Appareil digestif, 40-710, 2002, 12 p.
40-710 Traitement chirurgical du prolapsus rectal complet de l’adulte Techniques chirurgicales

1 Anatomie pathologique du prolapsus rectal. Anomalies


constitutives constantes : 1. Insuffisance de fixation posté-
rieure ; 2. verticalisation du rectum ; 3. longueur excessive du
rectosigmoïde ; anomalies constitutives inconstantes : 4. béance
3 3 anale ; 5. diastasis et laxité des releveurs ; 6. hernie du cul-de-
sac de Douglas ; 7. association à un prolapsus génital.
A. Prolapsus de faiblesse de la femme âgée au périnée hy-
2 2
potonique.
1 1 B. Prolapsus de force du sujet jeune au périnée normotoni-
que.

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4

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A

continent, est une maladie primitive du rectum par excès de peut être directe par suture, ou indirecte par l’intermédiaire d’une
longueur et de mobilité. Entre ces deux tableaux extrêmes, tous les prothèse. La plupart de ces techniques sont réalisables par voie
intermédiaires existent. Les notions d’âge et de terrain et le seul laparoscopique.
examen clinique suffisent à différencier ces deux types de prolapsus.
Les explorations fonctionnelles, manométrie et électromyorraphie, ¶ Préparation
n’ont aucune valeur diagnostique. La défécographie n’a d’intérêt
que dans les troubles de la statique rectale sans extériorisation. La préparation par régime sans fibre et évacuation rectale par
lavement (Normacolt) la veille de l’intervention est suffisante. Une
Le traitement de ces deux variétés de prolapsus ne peut être
antibiothérapie prophylactique est systématique.
univoque. La maladie du rectum justifie un abord abdominal pour
corriger les deux anomalies constitutives. La maladie du périnée
¶ Dispositif opératoire
justifie un abord périnéal pour corriger à la fois la conséquence par
résection du prolapsus et la cause, par une réfection périnéale. « Il Le patient, sous anesthésie générale, est installé en décubitus dorsal.
faut, chez ces sujets, reconstituer un périnée solide et résistant et La vacuité vésicale est assurée par sondage ou cathétérisme sus-
rendre au canal anal, sa longueur, sa tonicité et son obliquité pubien chez l’homme, après la laparotomie. L’incision peut être une
naturelles » [23]. Les indications thérapeutiques théoriques doivent médiane hypogastrique ou, préférable par sa solidité, son caractère
également tenir compte de l’efficacité anatomique et fonctionnelle peu douloureux et esthétique, une incision de Pfannenstiel haute [20].
de chaque technique, de l’incidence de la morbidité et des effets Après protection pariétale, deux valves de Rochard de taille
indésirables. Ainsi, on oppose les opérations de rectopexie moyenne, antagonistes, solidarisées à des barres transversales,
abdominale ayant un taux de récidive inférieur à 10 %, aux permettent une excellente exposition. Le grêle et le cæcum sont
opérations périnéales comportant une incidence plus élevée. La maintenus dans la partie haute de l’abdomen par des champs
gravité de la chirurgie abdominale nécessitant l’anesthésie générale humides.
augmente avec l’âge et devient incompatible avec certains terrains à
haut risque, alors que la chirurgie périnéale réalisable sous ¶ Mobilisation du rectum sous-péritonéal (fig 2)
anesthésie locorégionale, voire locale, est pratiquement exempte de
tout risque. Les rectopexies abdominales peuvent induire ou C’est un temps commun à toutes les techniques. Seule l’étendue de
aggraver une constipation dans 30 à 88 % des cas [26, 41], risque que la la dissection varie. La clef de l’ouverture du petit bassin est l’artère
résection sigmoïdienne associée semble capable de réduire ou rectale supérieure, qu’il faut découvrir dans la racine primaire du
d’éviter, alors que la chirurgie périnéale, par la réduction ou la mésosigmoïde pour parvenir sur le « verrou » de la charnière
suppression de la compliance rectale qu’elle induit, est facteur de rectosigmoïdienne. L’anse sigmoïde est libérée de ses attaches non
polychésie, voire de dégradation de la continence. anatomiques dans la fosse iliaque gauche, jusqu’à la racine primaire
de son méso sur la ligne médiane. L’ébauche du décollement du
côlon iliaque et du fascia de Toldt gauche au niveau de la racine
Techniques chirurgicales secondaire facilite la reconnaissance de l’uretère et de ses vaisseaux,
et leur séparation d’avec le mésosigmoïde. En soulevant le côlon
Seules sont décrites les techniques évaluées par des études vers l’avant, il devient facile d’identifier l’arcade vasculaire rectale
comportant un nombre de cas et un recul suffisants, à l’exclusion de supérieure qui parcourt la racine primaire. L’incision du feuillet
celles, anecdotiques, obsolètes ou n’ayant pas dépassé la pratique gauche du mésosigmoïde est effectuée aux ciseaux le long et à courte
de leur auteur. distance de l’arcade, jusqu’au niveau de la charnière
rectosigmoïdienne où le mésosigmoïde devient mésorectum en
regard du promontoire. Une incision symétrique est faite sur le
feuillet droit du mésocôlon. Reste à séparer sur la ligne médiane la
Interventions par voie abdominale racine primaire des éléments vasculonerveux postérieurs, par une
dissection prudente dans un plan transversal avasculaire.
RECTOPEXIES
¶ Dissection postérieure du rectum
Elles consistent, après dissection du rectum sous-péritonéal, à le fixer
aux structures solides du pelvis, aponévrose présacrée ou périoste Au niveau de la charnière rectosigmoïdienne pour accéder à l’espace
du sacrum, ligament longitudinal antérieur du promontoire rétrorectal, il faut sectionner aux ciseaux, au contact de la graisse
lombosacré ou plancher musculaire pelvien. Le rectum doit périrectale et de la bifurcation de l’artère hémorroïdale supérieure,
retrouver sa position horizontale dans la concavité sacrée. La fixation des tractus fibreux courts tendus entre le mésorectum et le

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2 Dissection du rectum sous-péritonéal.


A. Plans de dissection du rectum sous-péritonéal. 1. Aponévrose présacrée ; 2. fascia propria du rectum ; 3. fascia
rectosacré ; 4. cloison rectovaginale ou aponévrose de Denonvilliers. Dissection postérieure : a. en avant du fascia
propria ; b. en arrière du fascia propria. Dissection antérieure : c. en arrière de la cloison rectovaginale ou de
l’aponévrose de Denonvilliers.
B. Ouverture de la racine primaire du mésosigmoïde sur la face gauche.
C. Dissection postérieure au contact du mésorectum.
D. Dissection postérieure jusqu’au plancher musculaire pelvien respectant les ailerons latéraux.
E. Dissection antérieure au contact de la musculeuse rectale. Le vagin est attiré vers le haut et vers l’avant par la
pince de Duval.

*
E

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promontoire lombosacré. La traction antérieure sur la charnière,


effectuée par l’aide ou la main gauche de l’opérateur, permet de
respecter l’intégrité du méso en avant, et des éléments nerveux du
plexus hypogastrique supérieur en arrière, qui franchissent le
promontoire dans la bifurcation aortique. De chaque côté, l’incision
péritonéale symétrique du mésosigmoïde est prolongée en direction
du cul-de-sac de Douglas, en restant à distance de la paroi pelvienne
et en clivant au préalable, par les ciseaux fermés, la séreuse de la
graisse périrectale. L’ouverture de l’espace rétrorectal est alors facile
dans un plan cellulaire lâche avasculaire, classiquement entre
l’aponévrose présacrée en arrière et le fascia périrectal en avant. Il
est préférable, dans cette pathologie bénigne où l’on veut préserver
au mieux l’innervation, d’effectuer la dissection postérieure au
contact même du mésorectum, en refoulant en arrière le fascia
périrectal. Cette dissection doit être effectuée aux ciseaux, sous
contrôle de la vue, en repoussant le rectum vers l’avant. Vers le bas,
à la hauteur de S4, il faut dépasser un fascia rectosacré dense
presque avasculaire, dont la section, au contact du rectum, entraîne
la verticalisation et l’allongement de l’ampoule rectale, et met en
évidence le plancher musculaire pelvien. À condition de toujours
rester à distance de l’aponévrose présacrée et des parois pelviennes
latérales, le risque de blessure du plexus hypogastrique inférieur et
des nerfs pelviens est inexistant.

¶ Dissection antérieure du rectum


La séreuse du cul-de-sac de Douglas est souvent modifiée, épaissie, 3 Opération de Ripstein.
vallonnée, témoignant du lieu de l’invagination rectale. La plupart
des techniques comportent une dissection antérieure plus ou moins fixée par ses bords latéraux au périoste du sacrum de part et d’autre
étendue. Les deux incisions péritonéales latérorectales symétriques de la ligne médiane, à 5 cm au-dessous du promontoire, et suturée à
se rejoignent au niveau du versant rectal du cul-de-sac de Douglas. la paroi rectale. Un espace admettant deux ou trois doigts doit être
La dissection est effectuée au contact de la musculeuse rectale, en ménagé entre le rectum et le sacrum, pour éviter la sténose.
arrière de l’aponévrose de Denonvilliers chez l’homme, qu’il faut Néanmoins, d’importants troubles fonctionnels, constipation
inciser. Vagin ou vessie sont soulevés par une large pince de Duval terminale, impaction fécale, ont été rapportés [13, 40]. Ripstein a
transposée vers l’avant par l’aide. Une valve malléable modelée ou renoncé à la fronde circulaire au profit d’une technique de rectopexie
une valve rigide de St Marks [33] facilite le décollement dans un plan postérieure [29].
transversal presque avasculaire.
• Opération de Wells (« posterior sling rectopexy ») [46] (fig 4)
¶ Dissection latérale C’est la technique élective en Grande-Bretagne. La prothèse
d’Ivalont (polyvinyl-alcool), initialement utilisée, responsable de
Les ailerons latéraux, qui sont des attaches tranversales du rectum, complications infectieuses, a été remplacée par d’autres, Marlext ou
font l’objet de controverses quant à leur réalité anatomique [16] et à Mersylènet. La pièce prothétique, rectangulaire, de 15 cm × 10 cm,
leur importance physiologique [36]. Cependant, leur préservation est fixée à l’aponévrose présacrée, sur la ligne médiane, le plus bas
semble préférable, afin de respecter au mieux l’innervation possible, par une rangée de cinq à six sutures de fil non résorbable,
autonome du rectum. L’étude randomisée de Speakman [43] a montré à intervalles d’environ 2 cm. Le rectum est remis à sa place dans la
que la section des ailerons augmentait la fréquence de la concavité sacrée, entouré par la prothèse sur ses deux tiers
constipation postopératoire. postérieurs, fixée à la paroi rectale par ses extrémités, laissant libre
le tiers antérieur. Comme dans toute rectopexie postérieure
¶ Fixation du rectum présacrée, le risque hémorragique par blessure veineuse doit être
connu. Il paraît réduit par l’utilisation de l’agrafage automatique.
Rectopexie directe sans prothèse
La face postérieure du rectum est fixée à l’aponévrose présacrée par • Opération d’Orr-Loygue (promontofixation par bandelettes latérales)
des sutures de part et d’autre de la ligne médiane, ou par des (fig 5)
bourses successives de fils non résorbables [12, 22]. Une suspension au C’est l’opération élective en France [24]. Deux bandelettes de Nylon
promontoire est également possible par l’intermédiaire des ailerons (Mersuturet), larges de 3 cm, sont fixées sur les faces antérolatérales
latéraux remis en tension [5, 15] . La rectopexie par suture est du rectum sous-péritonéal, le plus bas possible, par une double
habituellement associée à la résection colique dans la technique de rangée de quatre à cinq sutures de fil non résorbable. En arrière, les
Frykman et Goldberg (cf infra). bandelettes sont amarrées, sous tension modérée, au promontoire,
de chaque côté de la ligne médiane, en réclivant latéralement les
Rectopexie indirecte avec prothèse éléments vasculonerveux par deux points de fil non résorbable,
Ce sont les plus utilisées. Les prothèses sont, en général, non passés dans le ligament longitudinal antérieur, en évitant toute prise
résorbables : polypropylène (Marlext, Prolènet), Nylon profonde, facteur de complication douloureuse ou infectieuse. Un
(Mersylènet, Mersuturet) ou polyester (Parietext). Les prothèses espace admettant deux doigts doit être ménagé entre le rectum et le
résorbables (Vicrylt, Dexont) n’exposent pas aux complications promontoire. L’objectif est non pas une « suspension » mais une
septiques avec des résultats comparables [2]. Les trois techniques les reposition souple du rectum dans la concavité sacrée, afin de limiter
plus utilisées se différencient par le mode et le lieu de fixation et la la fréquence des troubles fonctionnels.
nation d’origine. Leur efficacité anatomique est identique. Autres techniques de rectopexie avec prothèse
• Opération de Ripstein (« anterior sling rectopexy ») (fig 3) • Rectopexie postérieure au promontoire de Kuijpers [18] (fig 6)
Pratiquée aux États-Unis, elle réalise une fronde circulaire Préconisée pour obtenir le meilleur résultat anatomique et
périrectale, à l’aide d’une prothèse rectangulaire de 5 cm de large, fonctionnel, cette technique comporte une dissection latérale

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Techniques chirurgicales Traitement chirurgical du prolapsus rectal complet de l’adulte 40-710

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4 Opération de Wells.
A. Rectopexie par prothèse fixée à l’aponévrose présacrée.
B. Implantation de la prothèse dans la concavité sacrée.
C. Fixation de la prothèse à la paroi rectale laissant libre le tiers antérieur.

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C

respectant les ailerons, et postérieure jusqu’à la pointe du coccyx • Rectopexie abdominale élargie de Mann et Hoffman [30]
sans aucune dissection antérieure. La prothèse est une pièce de L’objectif est de corriger le plus grand nombre possible d’anomalies
Téflont de 7 cm × 15 cm, en forme de T, dont la partie verticale est anatomiques. La technique associe, après dissection complète du
amarrée au promontoire par trois points, et la partie transversale rectum avec section des ailerons latéraux, une rectopexie au
entoure la face postérieure du rectum, suturée le plus bas possible à promontoire par suture et au sacrum par prothèse, une réfection de
la paroi rectale par ses extrémités, en laissant libre une partie de la la cloison rectovaginale par suture ou par prothèse, une résection
face antérieure. Cette technique permettrait de « corriger du cul-de-sac de Douglas et une hystéropexie à la paroi abdominale
l’invagination et le dysfonctionnement du rectum sans induire de antérieure. Cette hypercorrection, efficace sur le plan anatomique,
nouveaux désordres anatomiques ou fonctionnels » [18]. est responsable d’une incidence élevée de troubles fonctionnels.
• Rectopexie antérieure et postérieure de Nicholls [32] (fig 7) • Rectopexie postérieure au plancher pelvien [19] (cf fig 9)
Elle a été décrite pour le traitement de l’ulcère solitaire du rectum Cette technique est originale par le lieu d’implantation de la
sans prolapsus extériorisé. Duthie [10] et Costalat [7] l’ont appliquée prothèse, sur le plancher pelvien, le lieu de fixation postérieure du
au traitement du prolapsus complet. La technique associe une rectum au niveau de la réflexion péritonéale, site de l’invagination,
rectopexie postérieure présacrée par prothèse et une rectopexie et par l’association à une myorraphie des releveurs. C’est donc une
antérieure par fixation à la paroi rectale d’une pièce prothétique de stabilisation courte favorisant l’angulation anorectale, toujours
5 cm × 2 cm, le plus bas possible en arrière du vagin. L’intérêt serait associée par l’auteur à une résection sigmoïdienne. La technique
de respecter au mieux la fonction rectale. comporte une dissection complète postérieure, une dissection

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5 Opération d’Orr-Loygue.
A. Rectopexie par bandelettes antérolatérales fixées au promontoire.
B. Fixation des bandelettes à la partie basse du rectum sous-péritonéal.
C. Fixation des bandelettes, sans tension, au fascia prépromontorien.

*
C

antérieure limitée sur environ 2 ou 3 cm, le respect des ailerons et ¶ Soins postopératoires
l’implantation d’une prothèse de polyester (Parietext), en forme de
T, fixée sur la ligne médiane par des points non résorbables aux La reprise des boissons puis de l’alimentation est possible dès le
muscles releveurs préalablement remis en tension par plicature, premier jour postopératoire, sans attendre le transit gazeux. La
depuis la jonction anorectale jusqu’aux ligaments sacrococcygiens. survenue de la première selle est souvent tardive, nécessitant le
La partie transversale du T, large de 7 cm, entoure la face postérieure recours aux laxatifs osmotiques.
du rectum, fixée à la paroi rectale par ses extrémités, laissant libre la
face antérieure. La partie verticale de la prothèse est apposée sans RÉSECTIONS COLIQUES ET COLORECTALES
fixation dans la concavité sacrée, afin de favoriser la rectopexie
L’objectif est de supprimer l’excédent de longueur et d’éviter ainsi
spontanée.
la reproduction de l’invagination. En effet, « de toutes les
La myorraphie rétroanale des releveurs par voie abdominale, utilisée insuffisances et anomalies requises pour réaliser un prolapsus rectal,
dans cette technique, l’est également par d’autres auteurs [8]. Elle le seul facteur qui puisse être contrôlé avec exactitude est la
contribue au résultat anatomique en supprimant le diastasis. Elle longueur du côlon » [ 1 2 ] . Il peut s’agir d’une résection
aurait également un effet bénéfique sur la continence. rectosigmoïdienne, d’une résection sigmoïdienne avec rectopexie, ou
d’une colectomie étendue.
¶ Péritonisation et drainage
¶ Résection rectosigmoïdienne [39]
Toutes les techniques de rectopexies qui comportent une dissection
antérieure créent, par mobilisation et reposition du rectum, une Elle a l’inconvénient d’exposer à une morbidité supplémentaire, à
solution de continuité du péritoine pelvien dont le versant rectal est une dégradation possible de la continence par diminution de la
ascensionné. La reposition du côlon sigmoïde peut tenir lieu de compliance rectale, et à une incidence plus élevée de récidives à long
péritonisation. Sinon, la continuité péritonéale est rétablie par suture terme.
bord à bord, supprimant l’excès de profondeur du Douglas, et
rendant inutile tout procédé de résection de la séreuse. ¶ Résection sigmoïdienne associée à une rectopexie
Un drainage aspiratif par tube de Redon dans la concavité sacrée La responsabilité du côlon sigmoïde, siège de perturbations motrices
est laissé en place pendant 48 heures. dans la genèse de la constipation après rectopexie, a été démontrée

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Techniques chirurgicales Traitement chirurgical du prolapsus rectal complet de l’adulte 40-710

6 Opération de Kuijpers. Rectopexie par une prothèse en T fixée au rectum sous- 8 Opération de Frykman-Goldberg. Rectopexie par suture des ailerons latéraux au
péritonéal et au promontoire, sans dissection antérieure. promontoire, associée à la résection du sigmoïde.

Résection sigmoïdienne et rectopexie par prothèse (fig 9)


L’argument des promoteurs est d’assurer une fixation rectale plus
stable à longue échéance par prothèse que par simple suture, étant
admis que la résection colique, à elle seule, n’est pas garante de la
guérison du prolapsus. La technique de rectopexie est celle de Wells
par Vicrylt ou Ivalont, pour Athanasiadis [3], ou la fixation au
plancher pelvien par prothèse de Parietext en T pour Lechaux [19].
Le risque d’infection postopératoire ne semble pas majoré par la
résection colique. Une exclusion pelvienne par mèches imprégnées
de Bétadinet doit précéder le temps de résection. La sigmoïdectomie
doit conserver la charnière rectosigmoïdienne et le pédicule rectal
supérieur. L’intervention est pratiquée sans préparation mécanique
du côlon, et ne comporte pas de péritonisation [19]. L’incidence de
l’infection postopératoire est de 0 [19] à 2 % [3]. L’absence de séries
comparatives et de recul suffisant des séries publiées ne permet pas
une évaluation définitive de cette stratégie thérapeutique.

¶ Résection colique subtotale et rectopexie


Une résection colique étendue, voire subtotale, avec anastomose
iléosigmoïdienne a été proposée en cas de constipation sévère, bien
documentée [27].

Interventions par voie périnéale


7 Opération de Nicholls. Rectopexie antérieure et postérieure par prothèse.
Deux interventions décrites depuis plus d’un siècle, la
par les travaux de Siproudhis [42] et Finlay [6]. La résection du rectosigmoïdectomie par Mikulicz en 1889 [31] et la résection
sigmoïde semble permettre de réduire ou de supprimer le risque, muqueuse rectale par Delorme en 1900 [9], longtemps oubliées, ont
sans majorer la morbidité [14, 15, 22, 25, 27, 28, 38]. été réhabilitées du fait de leur efficacité, de leur simplicité
d’exécution et de leur bénignité, réalisables sous anesthésie
Résection sigmoïdienne et rectopexie par suture : opération locorégionale, accessibles à tout patient, même à haut risque
de Frykman et Goldberg [12] (fig 8) opératoire. Des modifications leur ont été apportées pour en faire de
Après mobilisation complète du rectum, les ailerons latéraux véritables périnéorraphies postérieures. Pour certains auteurs, ces
conservés sont fixés sous tension à l’aponévrose présacrée, par deux techniques sont devenues électives. Elles seront seules décrites. En
sutures non résorbables de chaque côté. La résection sigmoïdienne revanche, d’autres interventions ne méritent que l’oubli ou de n’être
doit être suffisante pour supprimer toute flexuosité depuis le rectum que citées, faute d’efficacité tel le cerclage de l’anus de Thiersch et
jusqu’à l’angle splénique, et permettre une anastomose sans tension. ses avatars modernes [11, 37], faute de simplicité d’exécution et de
Lehur [22] réalise la rectopexie par sutures étagées de la face bénignité telle la technique de fixation-suspension transsacrée de
postérieure du rectum à l’aponévrose présacrée, et la Thomas [44], enfin, faute de recul et d’évaluation suffisants telle la
sigmoïdectomie en conservant, dans un but fonctionnel, la charnière rectopexie avec prothèse par voie intersphinctérienne de Wyatt [48] et
rectosigmoïdienne et l’artère rectale supérieure. de Rogers [35].

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extériorisation complète du prolapsus, parfois facilitée par un doigt


vaginal, à l’aide de quatre pinces de Babcock, jusqu’à son sommet.
Dans cette position, un lavage abondant avec Bétadinet diluée est
effectué. Tous les temps de dissection ou de section de la paroi
rectale sont réalisés par électrocoagulation monopolaire. Le seul
élément matériel spécifique devenu indispensable est l’écarteur
autostatique Lone-Start, qui a transformé la réalisation des
anastomoses.

RECTOSIGMOÏDECTOMIE PÉRINÉALE DITE


« OPÉRATION D’ALTEMEIER » [1, 47] (fig 10)
Elle réalise une amputation du rectum et une résection colique
gauche avec anastomose coloanale. Une incision circonférentielle de
toute l’épaisseur de la paroi rectale est effectuée à environ 15 mm de
la ligne pectinée. En avant, le péritoine du cul-de-sac de Douglas est
ouvert. À la faveur de cette ouverture, tout le rectum intrapéritonéal
mobile et le côlon en amont sont extériorisés au maximum de leur
longueur. En arrière, le mésorectum puis le mésocôlon sont
sectionnés entre ligatures, à proximité du bord intestinal, jusqu’à
l’endroit choisi pour la section colique, qui doit dépasser la marge
anale d’environ 2 cm. Le péritoine est refermé par suture au Vicrylt.
Une myorraphie pré- et rétroanale est ensuite effectuée. En avant,
dans l’espace sous-péritonéal, à l’aide d’écarteurs de Farabeuf, les
*
A muscles releveurs, identifiés au doigt, sont rapprochés par un ou
deux points de fil non résorbable (Mersuturet).
En arrière, on pénètre, sur la ligne médiane, dans l’espace présacré
en soulevant, à l’aide d’une valve étroite, le rectosigmoïde. Les
muscles, identifiés de chaque côté sur la paroi pelvienne, sont
rapprochés par deux à quatre points de Mersuturet. Plus
superficiellement, une myorraphie du sphincter externe est réalisée
par adossement à points séparés de Vicrylt. Le côlon abaissé est
alors sectionné progressivement. L’anastomose coloanale, débutée
par les points cardinaux mis en tension sur l’écarteur, est complétée
à points séparés de Vicrylt 2/0. Aucun drainage n’est justifié.

¶ Variantes
L’anastomose coloanale peut être réalisée par agrafage automatique
circulaire, ce qui nécessite la conservation d’un moignon rectal
d’environ 3 cm [4].
Prasad [34] a le premier réalisé avec succès une myorraphie pré- et
rétroanale associée à la rectosigmoïdectomie. Il ajoute à la procédure
une colopexie par suture postérieure au fascia précoccygien au-
dessus du plancher pelvien.

OPÉRATION DE DELORME (fig 11)


Elle consiste en une mucosectomie du rectum prolabé, associée à
une plicature de la musculeuse. Une incision circonférentielle de la
muqueuse rectale est effectuée par électrocoagulation à environ
15 mm de la ligne pectinée. L’infiltration sous-muqueuse, dans un
*
B but hémostatique ou pour faciliter la dissection, n’est pas nécessaire.
L’incision de la muqueuse fait apparaître la musculeuse circulaire
9 Rectopexie par prothèse au plancher pelvien avec résection du sigmoïde. de couleur pâle qui constitue à ce niveau le sphincter interne. Le
A. Fixation de la prothèse en T au plancher pelvien et aux faces antérolatérales du
clivage sous-muqueux est effectué de façon circulaire par
rectum. La partie verticale de la prothèse est étalée sans fixation. Résection asso-
ciée du sigmoïde. électrocoagulation avec hémostase ponctuelle. Dès que possible, une
B. Myorraphie rétroanale des releveurs précédant l’implantation de la prothèse. pince de Duval étroite saisit le bord libre de la muqueuse, tenue par
la main gauche de l’opérateur, en traction douce, tandis que l’index
gauche introduit dans la lumière rectale facilite la mise en évidence
POINTS COMMUNS AUX DEUX INTERVENTIONS
du plan de dissection. Au-delà du sommet du prolapsus, le clivage
La préparation est faite par un lavement (Normacolt) la veille. est poursuivi sur le cylindre interne en associant à la traction
L’anesthésie est locorégionale avec antibiothérapie péri- et muqueuse la rétraction de la musculeuse par la main de l’aide. La
postopératoire pendant 2 jours. La prescription d’anti- muqueuse initialement fragile et inflammatoire, parfois parcourue
inflammatoires non stéroïdiens pendant la même durée diminue la de volumineuses veines, devient plus résistante et de calibre plus
douleur et l’œdème local. La position du patient est celle de « la étroit. La dissection est suffisante :
taille ». Le décubitus ventral avec cuisses fléchies et écartées, utilisé
par certains pour l’opération de Delorme [45], ne semble pas propice – lorsqu’elle est parvenue, sur le cylindre interne, au niveau de
dans le prolapsus extériorisé. Le sondage vésical à demeure pendant l’incision initiale sur le cylindre externe ;
48 heures est systématique chez des patientes âgées souvent – lorsque la traction sur la muqueuse n’entraîne plus aucun
incontinentes. Le premier temps de l’intervention est une abaissement de la musculeuse ;

8
Techniques chirurgicales Traitement chirurgical du prolapsus rectal complet de l’adulte 40-710

*
A

*
B

*
C

10 Rectosigmoïdectomie périnéale (opération d’Altemeier).


A. Incision circonférentielle au bistouri électrique de la totalité de la paroi rectale
à 15 mm de la ligne pectinée.
B. Ouverture du péritoine et extériorisation du rectum et du sigmoïde.
C. Ligature progressive du méso et myorraphie postérieure des releveurs.
D. Section progressive du côlon et début de l’anastomose par les points cardinaux.
E. Anastomose coloanale achevée.

*
E

*
D

– lorsque la longueur du cylindre muqueux est au moins égale au Dans les suites, un toucher rectal est pratiqué à j2 afin de s’assurer
double de la longueur du prolapsus. de la bonne ascension de la suture et de l’absence de sténose. La
Cependant, un diamètre devenant très étroit, exposant à la sténose, sortie du patient a lieu dès l’obtention de la première selle. Il est
doit inciter à limiter l’étendue de la dissection. La réintégration de revu à j8 pour un contrôle digital.
la musculeuse dénudée et sa contention au-dessus du canal anal
¶ Variantes
sont faites par plicature longitudinale à l’aide de huit à 12 points de
Vicrylt 2/0, serrés après réduction. Sur des prolapsus volumineux, Des modifications comparables à celles de la rectosigmoïdectomie
à musculeuse épaisse déchirant sur les fils, l’invagination ont été apportées, dans le même but d’amélioration des résultats
progressive par sutures concentriques, à partir du sommet, est anatomiques et fonctionnels. En effet, l’opération de Delorme ne
préférable. Le cylindre muqueux est progressivement sectionné en corrige efficacement que l’excès de longueur, n’agit qu’indirectement
ne conservant qu’une courte collerette bien vascularisée. Le sur la hernie du cul-de-sac de Douglas, et laisse persister le diastasis
rétablissement de la continuité entre les deux extrémités muqueuses pelvien.
commence par quatre points cardinaux en U, passés avant section L’opération de Delorme « élargie » [21] associe à la technique
complète et mis en tension sur l’écarteur. Des points intermédiaires précédente une douglassectomie périnéale et une myorraphie des
de Vicrylt 3/0 complètent la suture. releveurs (fig 12).

9
40-710 Traitement chirurgical du prolapsus rectal complet de l’adulte Techniques chirurgicales

*
D
*
B

*
A
*
C

11 Opération de Delorme.
A. Tracé circonférentiel au bistouri
électrique de l’incision muqueuse à
15 mm de la ligne pectinée.
B. Début du clivage sous-muqueux.
C. Poursuite du clivage sur le cylindre
interne par électrocoagulation.
D. Vue schématique du clivage sous-
muqueux du cylindre externe.
E. Clivage complet du cylindre ex-
*
F terne et du cylindre interne.
F. Réduction et contention de la mus-
culeuse, à droite par plicature, à gau-
che par invaginations successives.
G. Incision progressive du cylindre
muqueux et rétablissement de la
continuité muqueuse (écarteur Lone-
Start en place).

*
G

*
E

Douglassectomie périnéale avasculaire s’ouvre à la pointe des ciseaux et, au-delà du fascia
fibreux de Waldeyer, se poursuit en arrière du rectum. Celui-ci est
Par une incision transversale de la musculeuse antérieure à sa partie
moyenne, le cul-de-sac de Douglas qui descend, en général, jusqu’au récliné vers l’avant par une valve étroite. Latéralement, on voit le
sommet du prolapsus, est ouvert et saisi par des pinces. Le péritoine relief des muscles sur la paroi pelvienne. Ils sont rapprochés par
est disséqué comme un sac de hernie en le clivant, à la compresse, deux ou trois sutures de fil non résorbable (Mersuturet). Plus
des éléments vasculaires, en remontant le plus haut possible à l’aide superficiellement, le sphincter externe est remis en tension par
d’écarteurs de Farabeuf. Il est incisé au niveau de son insertion adossement au pôle postérieur par des points de Vicrylt 2/0. Dans
rectale médiane, excisé en deux lambeaux latéraux, puis refermé par l’espace présacré, une mèche hémostatique résorbable a été mise en
deux bourses de Vicrylt. place afin de favoriser l’accolement postérieur. La myorraphie
antérieure et postérieure réalise un diaphragme musculaire étroit,
Myorraphie des releveurs, pré- et rétroanale au-dessus duquel on réintègre la musculeuse plicaturée. Le résultat
est un allongement et un rétrécissement du canal anal et une
La myorraphie antérieure est faite dans l’espace sous-péritonéal reconstitution de l’angulation anorectale.
après la douglassectomie. Les releveurs, identifiés au doigt et
présentés par des écarteurs de Farabeuf, sont rapprochés par un ou
deux points de fil non résorbable. L’incision de la musculeuse est
ensuite refermée. Indications thérapeutiques
La myorraphie postérieure est faite par voie intersphinctérienne.
L’espace est de découverte aisée, sur la ligne médiane, au pôle Chaque prolapsus, chaque patient est un cas particulier. Coutumes
postérieur, en ouvrant aux ciseaux le sillon entre la musculeuse et dogmes chirurgicaux échappent à tout contrôle. Aucune étude
dénudée en avant, représentant le sphincter interne et le sphincter randomisée ne pourra guider le choix thérapeutique. Ce choix « doit
externe en arrière, revêtu de la muqueuse canalaire. L’espace être ajusté (tailored) à chaque patient et chaque chirurgien » [17].

10
Techniques chirurgicales Traitement chirurgical du prolapsus rectal complet de l’adulte 40-710

*
B
*
C
*
A

12 Opération de Delorme « élargie ».


A. Incision transversale de la musculeuse et identification du péritoine.
B. Ouverture et dissection du cul-de-sac péritonéal.
C. Excision du sac péritonéal et suture par deux bourses.
D. Myorraphie postérieure des releveurs par abord intersphinctérien.

*
D

En ce qui concerne le patient, l’évaluation clinique doit s’efforcer de – proscrire la résection rectale ;
différencier prolapsus « de force », maladie du rectum, et prolapsus
« de faiblesse », maladie du périnée. – proscrire les prothèses circulaires ;
En ce qui concerne le chirurgien, s’il lui est relativement aisé – éviter les larges drapages postérieurs immobilisant l’ensemble du
d’obtenir la guérison anatomique, la guérison fonctionnelle reste sa rectum, toute hypercorrection étant facteur de troubles fonctionnels ;
problématique majeure. Le principe essentiel est de respecter la
compliance et la capacité d’un viscère à physiologie complexe. – privilégier la stabilisation courte du siège de l’invagination ;
Quelques règles générales sont à retenir. – promouvoir la résection associée du sigmoïde coupable.
Par voie abdominale, il convient de :
Par voie périnéale, il convient de :
– veiller à l’intégrité de l’innervation pelvienne et rectale en
conservant les ailerons latéraux, en respectant le plan de dissection – préférer la résection muqueuse plus « physiologique » que
antérieure, surtout chez l’homme ; l’amputation rectale ;
– s’efforcer de reproduire l’anatomie normale en évitant en – préférer l’amputation rectale dans les cas les plus désespérés des
particulier toute suspension rectale ; prolapsus de « faiblesse ».

Références ➤

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40-710 Traitement chirurgical du prolapsus rectal complet de l’adulte Techniques chirurgicales

Références
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