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Quelques éléments de vocabulaire judiciaire qui doivent impérativement être connus et utilisés
s’agissant de l’analyse d’une décision de justice à l’examen.
● Pour un litige donné, le parcours judiciaire commence par une action en première instance. Cette
première action en justice est exercée devant une juridiction dite « du premier degré ». On parle
alors d’assignation en justice. Cette assignation est réalisée devant une juridiction qui porte le plus
souvent le nom de « tribunal » (ex. : tribunal de commerce, tribunal judiciaire, etc.) et qui rendra un
jugement.
La personne qui introduit cette action en justice est appelée le « demandeur » (demanderesse, au
féminin). La personne contre qui cette action est exercée s’appelle le « défendeur » (ou
défenderesse, au féminin).
Le jugement du premier degré peut, soit recevoir (ou accueillir) la demande, soit la rejeter (ou la
débouter).
Attention
Il faut impérativement utiliser le terme « jugement » pour désigner la décision rendue par la
juridiction du premier degré, et non pas le terme « arrêt » (qui est réservé aux décisions rendues par
les cours d’appel et par la Cour de cassation).
● Si l’une des parties ne se satisfait pas du jugement rendu en première instance, elle peut exercer
un recours afin que le litige soit à nouveau jugé, mais cette fois-ci par une autre juridiction
(hiérarchiquement supérieure à la première). Cette seconde juridiction, dite « du second degré », est
la cour d’appel. Le recours exercé devant elle est l’appel.
La personne qui exerce ce recours est dénommée « l’appelant », la partie adverse étant appelée
« l’intimé ». On dit alors que l’appelant interjette appel, ou qu’un appel est interjeté par l’appelant.
La cour d’appel rejuge totalement l’affaire et sa décision se substitue à celle rendue par la juridiction
du premier degré. La solution rendue par la cour d’appel est qualifiée d’« arrêt » (ne surtout pas
utiliser ici le terme « jugement »). Cet arrêt peut soit :
- aller dans le même sens que la décision rendue au premier degré (on parle alors d’arrêt
confirmatif) ;
- donner une solution différente de celle du premier degré (on parle alors d’arrêt infirmatif).
Remarque
Il est important de regarder, dans la décision de la Cour de cassation, si l’arrêt rendu par la cour
d’appel était infirmatif ou confirmatif. En effet, ce renseignement permet de déterminer la solution
rendue au premier degré et de retracer alors l’intégralité du parcours judiciaire du litige. Toutefois,
cette précision n’est pas toujours présente dans les arrêts de la Cour de cassation.
● Si l’une des parties n’est pas satisfaite de la solution rendue par la cour d’appel, il est possible
d’exercer un nouveau recours, cette fois-ci devant la Cour de cassation : un pourvoi en cassation.
Cependant, ce second recours ne permet pas de faire rejuger l’affaire. En effet, la Cour de cassation
n’est pas un 3e degré de juridiction : elle ne juge pas les faits, elle est exclusivement juge du droit.
Autrement dit, elle se borne à vérifier que le droit a été correctement appliqué par la cour d’appel.
L’analyse de la Cour de cassation porte donc uniquement sur la solution de la cour d’appel et sur les
arguments avancés par celle-ci pour justifier sa solution. La Cour de cassation ne donne donc pas de
solution concrète à un litige. Selon qu’elle approuve ou désapprouve le raisonnement et les
arguments de la cour d’appel, elle rejettera ou acceptera le pourvoi formé devant elle.
L’auteur du pourvoi en cassation est le « demandeur au pourvoi » (ne pas confondre avec le
demandeur initial, qui a introduit la première action en justice au premier degré). La partie adverse
est le « défendeur au pourvoi ». On dit que X a formé un pourvoi en cassation, ou que X s’est pourvu
en cassation. Dans le cadre de son pourvoi en cassation, le demandeur développe des arguments :
ces arguments sont appelés des « moyens ». Il peut y avoir un seul argument (on parlera alors de
moyen unique) ou plusieurs arguments (il sera alors question du premier moyen, puis du deuxième
moyen, etc.). Chaque moyen peut être décomposé en branches.
Une expression est très souvent présente dans les arrêts rendus par la Cour de cassation : celle-ci
précise que l’auteur du pourvoi « fait grief à l’arrêt attaqué… ».
Faire grief signifie reprocher. L’expression « l’arrêt attaqué » fait toujours référence à l’arrêt rendu
par la cour d’appel ; généralement un lieu et une date figurent entre parenthèses, ils correspondent
au lieu du siège de la cour d’appel et à la date à laquelle cette cour d’appel a rendu son arrêt.
La Cour de cassation ne peut rendre que deux types d’arrêts :
- soit un arrêt de rejet ;
- soit un arrêt de cassation.
Si la Cour de cassation approuve l’arrêt rendu par la cour d’appel, elle rejettera alors le pourvoi et
rendra un arrêt de rejet. La solution rendue par la cour d’appel est donc définitivement validée.
L’affaire ne sera donc pas rejugée.
En revanche, si la Cour de cassation désapprouve la cour d’appel (elle trouve donc le pourvoi justifié),
elle rendra un arrêt de cassation. Dans ce cas, la Cour de cassation « casse et annule » (totalement
ou partiellement) l’arrêt rendu par la cour d’appel. Dans la mesure où la Cour de cassation ne peut
pas se prononcer sur les faits, elle va alors renvoyer l’affaire devant une juridiction du second degré,
apte à donner une solution concrète au litige : soit une autre cour d’appel, soit la même cour d’appel
mais autrement composée.
Parfois, la Cour de cassation approuve une partie de l’arrêt rendu par la cour d’appel mais en
désapprouve le reste : elle rend alors un arrêt de cassation partielle.
Conclusion
Si ces éléments sont maitrisés, la lecture et la compréhension des arrêts rendus par la Cour de
cassation deviennent relativement aisées.
Lors d’un examen comportant une analyse d’arrêt (au niveau DGC/DCG), deux solutions sont
envisageables :
- soit l’énoncé pose des questions précises ; il s’agit alors d’y répondre tout simplement, sans avoir
besoin de suivre une méthodologie particulière ;
- soit l’énoncé demande de réaliser une fiche d’arrêt.
La première hypothèse est la plus probable. Néanmoins, par mesure de sécurité, la méthodologie
classique de la fiche d’arrêt est présentée ci-après. Il est conseillé de la connaître malgré tout.
Attention : la Cour de cassation a prévu, avant la fin de de l’année 2019, de faire évoluer la rédaction
de ses décisions. La phrase unique introduite par des « attendus » sera abandonnée au profit d’une
rédaction en style direct, accompagnée d’une numérotation des paragraphes assortis de titres de
plusieurs niveaux.
Une motivation en forme développée sera privilégiée pour les décisions les plus importantes : les
revirements de jurisprudence, les questions de principe ou intéressantes pour le développement du
droit, l’interprétation d’un texte nouveau, une question importante pour l’unité de la jurisprudence,
lorsqu’il sera question de la garantie d’un droit fondamental ou lors d’une demande de renvoi
préjudiciel à la CJUE ou à la CEDH.
La présentation des arguments développés par l’auteur du pourvoi ou les arguments de la cour
d’appel selon que l’arrêt est de rejet ou de cassation
Il s’agit de les lister et de les présenter de manière synthétique, sans recopier l’arrêt mot pour mot.
La présentation de la décision et du raisonnement de la Cour de cassation
Il faut ici bien expliquer le raisonnement mis en œuvre par la Cour de cassation et ne pas se
contenter de dire qu’elle rejette le pourvoi ou qu’elle casse l’arrêt de la cour d’appel. À cette fin, la
justification avancée par la Cour de cassation doit être précisément exposée.
Conseil à suivre
Ne surtout pas recopier des paragraphes entiers de l’arrêt pour réaliser cette fiche d’arrêt ! Cela ne
sert à rien. De telles réponses ne peuvent pas être validées par les correcteurs. L’évaluation porte sur
une analyse et une rédaction personnelles. Certes, certains termes utilisés par la Cour de cassation
peuvent être repris, mais il faut que l’écrit reste essentiellement personnel, afin que les correcteurs
puissent constater le degré de compréhension de l’arrêt du candidat.
Exemple
Cass. Com. 13 oct. 2009, n° 08-15722
LA COUR
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (CA Versailles, 27 mars 2008), que M. X. a été nommé gérant de la
société MCDA, dès la constitution de celle-ci, en février 1993 et reconduit dans ces fonctions lors de
l’assemblée générale du 29 janvier 1996 ; que la société rencontrant des difficultés et les assemblées
n’étant plus tenues, Mme Y., associée, a obtenu la désignation d’un mandataire ad hoc avec pour
mission de convoquer une assemblée ; que celui-ci n’ayant pas accompli sa mission, M. X. a obtenu
sa révocation et a été autorisé par ordonnance sur requête, en sa qualité de gérant, à convoquer une
assemblée générale pour le 17 octobre 2001 ; que Mme Y. a fait assigner la société et ses associés
aux fins d’annulation de cette dernière assemblée ;
Attendu que Mme Y. fait grief à l’arrêt d’avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ que l’article 10 des statuts de la société MCDA stipulait que « les fonctions du ou des gérants
prennent fin à l’issue de la réunion de l’Assemblée générale ordinaire des associés ayant statué sur
les comptes de l’exercice écoulé et tenue dans l’année au cours de laquelle expire le mandat du ou
des gérants » ; qu’en affirmant que l’article 10 ne limitait pas la durée du mandat du gérant à un an,
la cour d’appel a dénaturé les statuts de la société MCDA et a violé l’article 1134 du Code civil ;
2°/ que le gérant qui exerce ses fonctions en violation des dispositions statutaires ne peut
valablement convoquer une assemblée ; qu’en affirmant que M.X. avait valablement convoqué
l’assemblée générale du 17 octobre 2001 quand il résultait de ses propres constatations qu’il avait
manqué gravement à ses obligations de gérant et méconnu les dispositions des statuts qui lui
imposaient de solliciter annuellement la décision de l’assemblée générale sur la prolongation de son
mandat, de sorte qu’il ne pouvait exercer régulièrement ses fonctions et convoquer l’assemblée
générale du 17 octobre 2001, la cour d’appel a violé les articles L. 223-18 et L. 223-29 du Code de
commerce ;
Mais attendu que l’arrêt retient par motifs propres et adoptés que l’assemblée générale du 29
janvier 1996 a approuvé le renouvellement du mandat de gérant de M. X. et que la mission de
l’administrateur ad hoc n’a pas suspendu son mandat ; qu’il relève que l’article 10 des statuts stipule
que les fonctions du ou des gérants prennent fin à l’issue de la réunion de l’assemblée générale
ordinaire des associés ayant statué sur les comptes de l’exercice écoulé et tenue dans l’année au
cours de laquelle expire le mandat du ou des gérants ; qu’ainsi, c’est sans dénaturation de ces
dispositions, que la cour d’appel a décidé que M. X. avait le pouvoir de convoquer l’assemblée
générale qui s’est tenue en octobre 2001 ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
Légende
1re partie : exposé des faits qui ont abouti au litige + indication de quelques éléments de procédure
(on y apprend que le demandeur initial était Mme Y, que la Cour d’appel ayant rendu l’arrêt contesté
était la Cour d’appel de Versailles et que Mme Y s’est pourvue en cassation)
2e partie : présentation des deux parties de l’argumentation développée par Mme Y dans le cadre de
son pourvoi devant la Cour de cassation (elle conteste, par ces deux points, l’arrêt rendu par la Cour
d’appel de Versailles le 27 mars 2008)
3e partie : réponse et justification de la Cour de cassation (elle approuve le raisonnement de la Cour
de cassation et rejette donc le pourvoi)
Exemple
Cass. Com., 7 oct. 2008, n° 07-17731, Sté Maghreb Solutions
LA COUR
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses deux premières branches :
Vu les articles L. 263-3 et L. 236-22 du Code de commerce ;
Attendu que, sauf dérogation expresse prévue par les parties dans le traité d’apport, l’apport partiel
d’actif emporte, lorsqu’il est placé sous le régime des scissions, transmission universelle, de la société
apporteuse à la société bénéficiaire, de tous les biens, droits et obligations dépendant de la branche
d’activité qui fait l’objet de l’apport ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. Y. X. était employé par la société ABX Logistics France (la
société ABX Logistics), devenue la société A + Logistics, en qualité de chef de l’agence de Marseille
exerçant son activité sous l’enseigne ABX Maghreb ; que M. Y. X. a démissionné de ses fonctions et
constitué la société Maghreb Solutions dont il a été désigné directeur général ; qu’au mois de
septembre 2004, la société ABX Logistics, reprochant à M. Y. X. et à la société Maghreb Solutions des
actes de concurrence déloyale, a fait assigner ceux-ci devant le juge des référés ; que par contrat du
22 novembre 2004 prenant effet au 1er octobre précédent, la société ABX Logistics a fait apport à la
société ABX Logistics Eurocargo France (la société ABX Logistics Eurocargo) de son activité de
transport public international de marchandises ; que par ordonnance du 1er février 2005, le juge des
référés a dit n’y avoir lieu à référé et renvoyé l’affaire à l’audience du tribunal ;
Attendu que pour écarter la fin de non-recevoir tirée de l’absence de qualité pour agir de la société
ABX Logistics à la date de la saisine du tribunal et condamner la société Maghreb Solutions et M. Y. X.
à lui payer des dommages-intérêts, l’arrêt, après avoir relevé que le contrat d’apport conclu entre la
société ABX Logistics et la société ABX Logistis Eurocargo porte sur l’activité de transport public
international de marchandises par route, et accessoirement par combiné rail-route et route-mer,
s’exécutant entre deux pays différents avec prise en charge ou livraison en France, retient que
cependant l’agence marseillaise de la première société, à l’enseigne ABX Maghreb, n’est jamais citée
dans les différentes annexes du contrat comportant notamment la liste des agences, tandis que
l’extrait au 18 janvier 2006 du registre du commerce et des sociétés de la société A + Logistics,
nouvelle dénomination de la société ABX Logistics, mentionne diverses enseignes dont ABX
Maghreb, et qu’il en résulte que l’agence marseillaise n’a pas été apportée à la société ABX Logistics
Eurocargo ;
Attendu qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que l’agence de Marseille
était étrangère à la branche d’activité faisant l’objet de l’apport ou qu’elle avait été exclue de celui-ci
par la volonté expresse des parties, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS
Et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvois principal ni sur le pourvoi incident :
Casse et annule, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 15 mars 2007, entre les parties, par la
cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se
trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-
Provence autrement composée.
Légende
1re partie : la Cour de cassation vise les deux textes sur le fondement desquels elle conteste la
solution rendue par la Cour d’appel, puis elle énonce le principe résultant de ces deux textes
2e partie : éléments de fait et de procédure nous exposant les principaux faits ayant abouti au litige
3e partie : solution de l’arrêt rendu par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le 15 mars 2007 +
présentation du raisonnement mis en œuvre par la Cour d’appel pour aboutir à cette solution
4e partie : la Cour de cassation explique les raisons qui l’amènent à désapprouver la solution rendue
par la Cour d’appel ; toutefois, la Cour de cassation ne se prononce que sur l’arrêt de la Cour d’appel,
elle ne tranche pas le litige.