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La désignation par un tiers de l’avocat de la personne gardée à vue

10/11/2021

Jean-Yves MARÉCHAL

Seul le proche, informé du placement en garde à vue à la demande de la personne concernée, a le droit de désigner un avocat pour l’assister au
cours de la mesure.

Crédit photo : Gilles Vallée / Fotolia

Parmi les droits accordés à la personne placée en garde à vue figurent celui de faire prévenir un proche et son l’employeur (CPP, art. 63-2) et celui de se faire
assister par un avocat au cours de la mesure (CPP, art. 63-3-1 à 63-4-3). Ces deux droits peuvent se compléter en ce sens que si le choix d’être assisté par un
avocat appartient d’abord à la personne placée en garde à vue, l’article 63-3-1, alinéa 3, du Code de procédure pénale dispose que « l'avocat peut également
être désigné par la ou les personnes prévenues en application du premier alinéa du I de l'article 63-2 », cette désignation devant alors être confirmée par la
personne. Dans un arrêt du 19 octobre 2021, la Cour de cassation donne, pour la première fois, un éclairage sur l’interprétation de cette disposition. En l’
occurrence, la personne placée en garde à vue avait demandé que sa mère soit informée de cette mesure et, quoique la relation des faits manque de précision,
elle avait également demandé l’assistance d’un avocat même si, selon le moyen du pourvoi, sa première audition a eu lieu hors la présence d’un conseil. Or, le
père de l’intéressée avait lui-même mandaté un avocat pour assister sa fille et cette assistance a été refusée.

Une requête en annulation a été formée, invoquant une atteinte au droit à l'assistance d'un avocat, résultant du fait que celui désigné par le père de la gardée à
vue aurait dû pouvoir assister cette dernière. La chambre criminelle a écarté l’argument en affirmant qu’il résulte des dispositions de l'article 63-3-1 que seule la
personne régulièrement avisée de la mesure de garde à vue en application de l'article 63-2, à l'exclusion des autres qui y sont mentionnées, peut désigner un
avocat pour assister la personne. Elle ajoute que cette interprétation, conforme aux travaux parlementaires relatifs à la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011, permet
de garantir l'existence d'une relation de confiance entre ces personnes et ne porte pas une atteinte excessive au droit à l'assistance d'un défenseur tel qu'il est
garanti par l'article 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme. Elle approuve la chambre de l'instruction d’avoir relevé que la personne gardée à
vue a bien exercé son droit de choisir un avocat et a effectivement bénéficié de l'assistance de celui-ci. Son père était irrecevable à désigner un avocat parce que
l’intéressée a demandé que sa mère, et non son père, soit prévenue de la mesure prise à son égard, les juges ajoutant que le fait que les parents partagent la
même ligne téléphonique est sans incidence sur le choix fait d’informer la mère de la gardée à vue.

L’arrêt commenté constitue un précieux apport sur la question peu traitée en jurisprudence de la désignation d’un avocat par un proche. Dans une autre affaire,
ayant donné lieu à deux arrêts de cassation (Cass. crim., 4 oct. 2016, n° 16-81.778 : JurisData n° 2016-020378 et Cass. crim., 13 nov. 2018, n° 18-82.108 :
JurisData n° 2018-020198), le problème était lié au fait que la personne gardée à vue avait été interpellée en présence de sa mère, laquelle avait été informée de
la mesure par un officier de police judiciaire de sa propre initiative, sans que le gardé à vue ait choisi de la faire prévenir. Alors que l’intéressé avait renoncé à l’
assistance d’un avocat, sa mère en avait désigné un mais l’avocat n’avait pas pu assister le gardé à vue quoiqu’il ait averti l’officier de police judiciaire de sa
désignation. La Cour de cassation a considéré ici que la mère avait été informée conformément à l’article 63-2 du Code de procédure pénale même si ce n’était
pas à la demande de son fils mais plutôt en raison des circonstances de l’interpellation, et que, dès lors, elle avait le droit de faire désigner un avocat pour son
fils, qui devait en être informé afin de confirmer cette désignation, ainsi que le prévoit l’article 63-3-1, alinéa 3, ce qui n’avait pas été fait en l’espèce.

Dans la présente affaire, la chambre criminelle entend faire respecter la lettre des textes, ce qu’elle n’avait pas fait dans l’affaire précitée puisque l’article 63-2
vise les personnes informées de la garde à vue dans le cadre de l’exercice du droit de la personne concernée de les faire avertir. Au demeurant, l’article 63-3-1
ne pose pas de réelle difficulté d’interprétation, en ce qu’il interdit qu’une personne informée d’une garde à vue, autrement que par un officier de police judiciaire à
la demande de la personne concernée, puisse désigner un avocat pour assister celle-ci. La solution ne peut donc surprendre, ce d’autant moins qu’en l’espèce, le
gardé à vue avait bien été assisté par un avocat, ce qui excluait donc un quelconque grief. La chambre criminelle la fonde sur l’existence d’une relation de
confiance entre le gardé à vue et le tiers choisi pour être informé de la mesure mais il semble qu’il faille déduire des deux arrêts précités que le tiers, figurant dans
la liste de l’article 63-2, s’il est informé par l’officier de police judiciaire sans demande en ce sens du gardé à vue, pourrait aussi désigner un avocat.

Auteur : Jean-Yves Maréchal, Maître de conférences HDR en droit privé et sciences criminelles – Codirecteur de l’Institut de criminologie de Lille

Bibliographie

Textes

- CPP, art. 63-2 et 63-3-1

JurisClasseur

- JCl. Procédure pénale, Art. 53 à 73, Fasc. 30

Jurisprudence

Cass. crim., 4 oct. 2016, n° 16-81.778 : JurisData n° 2016-020378

Cass. crim., 13 nov. 2018, n° 18-82.108 : JurisData n° 2018-020198

C. Ribeyre, L'avocat et la phase préparatoire du procès pénal, Dr. pén. 2021, dossier 11

- A.-S. Chavent-Leclère, Le droit à la désignation d'un avocat par la famille, Procédures 2016, comm. 378

Source

Cass. crim., 19 oct. 2021, n° 21-81.569 B : JurisData n° 2021-016553

Pour aller plus loin

JCl. Procédure pénale, Synthèse 20

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