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Propulsion MHD Thème

Propulsion MagnétoHydroDynamique (MHD) en eau de


mer
JEAN-PAUL THIBAULT
Univ. Grenoble Alpes, CNRS, Grenoble INP, LEGI, F-38000, Grenoble,France

Résumé : Les lanceurs à rails, La propulsion MagnétoHydroDynamique (MHD) est un mode de


propulsion direct par réaction en eau de mer. En supprimant l’hélice ou toute autre pièce mécanique en
mouvement, elle offre un haut potentiel de discrétion. Des électrodes, alimentées en courants continus
réglables, combinées au champ magnétique permanent produit par un aimant supraconducteur, génèrent
des forces électromagnétiques volumiques qui pompent l’écoulement et assurent une propulsion par
réaction.

Abstract : MagnetoHydroDynamic (MHD) propulsion is a direct mode of propulsion by reaction in


seawater. By removing the propeller or any other mechanical part in movement, it offers a high potential
of discretion. Electrodes, fed by adjustable DC currents, combined with the permanent magnetic field
produced by a superconducting magnet, generate volume electromagnetic forces that pump the flow and
provide jet propulsion.

1. Introduction
La propulsion MagnétoHydroDynamique (MHD)
est un mode de propulsion direct par réaction envisagé
dès les années 60 pour réaliser une propulsion sans
hélice ou autre pièce mécanique en mouvement [1].
Des électrodes, alimentées en courant continu,
permettent de faire passer un courant de densité J au
Figure 2 : Vues arrières du propulseur MHD annulaire
sein de l’écoulement. Ce dernier, placé dans un champ
intégré à l’arrière d’un sous-marin
magnétique d’induction B, est ainsi le siège de forces
Le propulseur annulaire intégré à l’arrière du
électromagnétiques volumiques JxB qui assurent le
navire, présenté en figure 2, comporte des électrodes
pompage de l’écoulement et la propulsion par réaction
internes en violet et externes en vert qui créent des
du navire (voir figure1).
courants radiaux. L’aimant supraconducteur, voir
figure 3, est contenu dans un cryostat et il comporte ici
un ensemble de 16 bobines qui sont assemblées pour
former deux nappes de conducteurs parcourues par des
courants opposés et parallèles à l’axe qui se ferment
par les têtes de bobine. Le champ, naturellement
confiné entre ces 2 nappes, est orthoradial. Les têtes de
Figure 1 : Schéma du canal de propulsion MHD bobines sont carénées radialement comme le montre la
figure 1.
L’eau de mer est un électrolyte (solution faible de
chlorure de sodium) assimilable à un faible conducteur
électrique [2]. En conséquence pour garantir un
rendement suffisant, le champ magnétique appliqué
doit avoir une induction de l’ordre de 10T [3] et une
excitation permanente. La réalisation récente de grands
aimants supraconducteurs [4] laisse présager de la
faisabilité de ces propulseurs.

Figure 3 : Aimant en nappes de supraconducteur =


assemblage de 16 bobines. Le champ généré entre les deux
nappes de conducteur est orthoradial.

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des avions. En effet l’eau de mer est un liquide


incompressible donc la conservation du débit impose
que, à section de passage du propulseur constante la
vitesse de l’écoulement reste constante. Les forces
électromagnétiques se traduisent alors par un gradient
de pression positif. Si l’on considère que l’écoulement
sortant est à la pression psortie de l’océan ambiant
(condition de sortie d’un jet libre), la pression d’entrée
pentrée du propulseur est plus basse que l’ambiante.
Figure 4 : Vue semi-transparente du propulseur complet. Cette entrée est donc un « aspirateur » de l’écoulement
externe au navire. Ainsi le débit massique qm passant
Les forces générées par le propulseur complet, dans le propulseur, donc sa vitesse interne U, n’est pas
présenté en figure 4, sont pilotées en intensité et en connu a priori et dépend des conditions d’avancement
sens (propulsif ou contra-propulsif) par l’alimentation du navire et de l’intensité du forçage. Le bilan
des électrodes. Ces dernières peuvent être alimentées propulsif du navire comporte donc une contribution de
séparément suivant des secteurs angulaires et ainsi les la dépression d’entrée additionnée d’un effet possible
forces produites sont distribuées autour du navire. de survitesse du jet sortant. L’équation (4) donne une
Cette particularité permet de contrôler directement la expression intégrale simplifiée de cette force
manœuvrabilité du navire sans nécessité de barre ou de propulsive F.
dérive.
(4) F = qm (Usor. − Uent. ) + Ssort. (psort. − pent. )
2. Problématique
3. Travaux en cours
Comme le montre la figure 2, l’écoulement soumis
au forçage électromagnétique dans cet espace annulaire Les calculs d’optimisation réalisés dans le années
est « ouvert » sur l’océan environnant. La MHD en eau 90 ont mis en évidence des performances en rendement
de mer couple la mécanique des fluides avec comparables, à bas régime ; à celle des propulseurs
l’électromagnétisme et l’électrochimie dans les limites traditionnels avec cependant des courbes de rendement
de la réalisabilité technologique. Les termes de présentant un maximum généralement situé au premier
couplage dépendent des propriétés physiques du fluide tiers de la gamme de vitesse. La possibilité de
dont la conductivité électrique apparente . La concevoir un propulseur à électrodes segmentées (voir
distribution de courants électriques au sein du paragraphe 1) avait été proposée alors. Le paragraphe
propulseur résulte de la compétition entre le gradient précédent illustre pourquoi les calculs à mener sont
du potentiel électrique  appliqué aux électrodes et la complexes puisque la fraction de l’écoulement passant
force contre-électromotrice UxB liée au déplacement dans le propulseur dépend de l’avancement du navire et
de l’écoulement conducteur dans le champ magnétique. de l’intensité du forçage alors que ce forçage est piloté
Il s’agit ici d’un couplage faible dans la mesure où le par les courants, qui eux-mêmes dépendent de
champ magnétique d’induction B n’est pas affecté par l’écoulement.
l’écoulement conducteur. Il ne dépend que de la Pour parvenir à de nouveaux calculs de
géométrie de l’aimant supraconducteur. Le système performance consolidés, une étape préalable consistera
d’équation à résoudre couple les équations de Navier- à déterminer une (ou des) géométrie(s) de propulseur
Stokes (1) avec un terme source : les forces de référence, en particulier de ses électrodes et de son
électromagnétiques JxB avec la loi d’Ohm (2) qui met aimant supraconducteur. Cette géométrie sera
en évidence la compétition le gradient du potentiel extrapolée à une première configuration 2D
électrique et la force contre-électromotrice. Enfin la axisymétrique (distribution azimutale uniforme de
conservation des courants électriques permet l’écoulement et des forces électromagnétiques) qui
d’exprimer la distribution de potentiel électrique par permettra des simulations des divers régimes
(3). d’avancement : à vitesse constante ainsi qu’en phases
d𝐔 d’accélération et de décélération. La configuration 3D
(1) ρ dt + 𝛁p + ρ𝐠 = ρν∇2 𝐔 + 𝐉 × 𝐁 complète sera ensuite utilisée pour des simulations
(2) 𝐉 = σ(𝛁Φ + 𝐔 × 𝐁) destinées à évaluer le potentiel de manœuvrabilité
(3) 𝛁 2 Φ = −𝛁. (𝐔 × 𝐁) résultant d’un forçage de distribution azimutale non
Le mode de propulsion par réaction mis en œuvre uniforme.
est très différent de la propulsion par réaction dans l’air

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En conclusion les prédictions de performances


fiabilisées pourront être exploitées en vue
d’entreprendre un programme de recherche et
développement orientant la conception d’un navire à
propulsion MHD.

4. Références
[1] O.M PHILLIPS.“The Prospects for
Magnetohydrodynamic Ship Propulsion”, J. of Ship
RES., 1962.
[2] P.BOISSONNEAU.& J.P.THIBAULT,
“Experimental Analysis of Couplings Between
Electrolysis and Hydrodynamics in the Context of
MHD in Seawater”, J. Phys. D: Appl. Phys. 32 (1999)
2387-2398.
[3] MHDS 91, Proceedings International Symposium
on Superconducting Magnetohydro-dynamic Ship
Propulsion, Kobe, Japan, 1991.
[4] P. BRINDZA, S. LASSITER, E. SUN & M.
FOWLER; JeffersonLab; F. FORREST, A. PORHEIL,
D. RAUMAGE, P-E. MALLARD, S. ANTOINE and
V. SIGALO; SigmaPhi “Final Assembly and Factory
Testing of the Jefferson Lab SHMS Spectrometer
Quadrupole and Dipole Superconducting Magnets”,
IEEE Trans. Appl. Supercond., Vol 27, 2017.

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