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Le développement rural et la politique agricole de transition : quel paradigme


alternatif au productivisme ?Rural development and agricultural policies in a
phase of transitionEl d...

Article in International Review of Community Development · January 1989


DOI: 10.7202/1034027ar

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1 author:

Gilles Allaire
French National Institute for Agriculture, Food, and Environment (INRAE)
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International Review of Community Development


Revue internationale d’action communautaire

Le développement rural et la politique agricole de transition :


quel paradigme alternatif au productivisme ?
Rural development and agricultural policies in a phase of
transition
El desarrollo rural y las políticas agrarias de transición
Gilles Allaire

De l’espace pour le local Résumé de l'article


Numéro 22 (62), automne 1989 Un modèle de développement, considéré comme l’articulation entre un régime
de reproduction des structures économiques et un mode de régulation qui
URI : https://id.erudit.org/iderudit/1034027ar stabilise ce régime dans une période donnée, se décline à différents niveaux
DOI : https://doi.org/10.7202/1034027ar territoriaux, de l’international au local. Selon ce schéma, l’auteur étudie le
modèle de croissance des agricultures européennes : sa mise en place après la
guerre, puis la crise qui le touche à partir des années soixante-dix, et les
Aller au sommaire du numéro
problématiques sociales qui le nourrissent au niveau local. La crise est
complexe; elle ouvre une période de transition où les problématiques du
développement divergent. La question, posée dans sa généralité, est traitée au
Éditeur(s) regard des problèmes posés dans le cadre du développement rural. De
nouvelles formes d’entreprises et une recomposition des solidarités locales
Lien social et Politiques
appellent une réorganisation des systèmes professionnels.

ISSN
0707-9699 (imprimé)
2369-6400 (numérique)

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Citer cet article


Allaire, G. (1989). Le développement rural et la politique agricole de transition :
quel paradigme alternatif au productivisme ? International Review of
Community Development / Revue internationale d’action communautaire, (22),
167–188. https://doi.org/10.7202/1034027ar

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Le développement rural et la politique
agricole de transition : quel paradigme
alternatif au productivisme ?
G. Allaire

Politiques et mouvements so- approche en termes de régula-


ciaux peuvent être alternativement tion, le niveau local dans les
considérés comme acteurs ou ob- modèles de développement (nous
jets du développement, et sont définirons cette notion). Dans une
effectivement l'un ou l'autre, selon deuxième section, à grands traits,
les niveaux territoriaux pris en à partir du cas européen, et
compte. Cela introduit force confu- spécialement français, nous pré-
sions dans les discours sur le senterons le modèle de crois-
développement; en particulier, de sance agricole productiviste, puis
points de vue locaux, certains
les problèmes structurels aujour-
observateurs veulent trop souvent
d'hui posés, orientant en filigrane
déduire les voies de l'avenir. Tout
un chacun est d'ailleurs disposé à un débat sur un nouveau modèle,
les entendre s'il voit dans le et le contexte des politiques
développement une affaire d'éthi- agricoles de transition. Cela nous
Territoires et modèles de
que. Les principes ont besoin de la amènera à nous interroger, dans
développement
durée, qui procède de la volonté; une troisième et dernière section,
sur les forces et les faiblesses Le terme développement est
or, une volonté tendue vers l'avenir délicat de maniement ; il renvoie à
embrasse tout l'horizon. d'un mouvement rural de déve-
des théories explicatives comme
Nous considérerons ici les loppement local dans l'actuelle
à des théories normatives, à des
principes comme des objets, période de transition. Ces trois politiques publiques comme à des
c'est-à-dire des problématiques parties sont relativement indépen- mouvements sociaux et à des
sociales. Dans une première sec- dantes, la première proposant des problématiques sociales (c'est-à-
tion nous envisagerons, selon une définitions reprises dans la suite. dire à la conscientisation des
Revue internationale d'action communautaire 22/62 alors normal que les critiques rejaillit sur différents niveaux d'or-
Le développement rural et la politique agricole de
radicales du développement, s'in- ganisation par un effet de remous.
transition : quel paradigme alternatif au productivisme ? terrogeant sur le sens du mouve- Inversement, la réalisation d'une
ment de la société tel qu'il est innovation particulière dépend
formalisé dans les modèles des couramment d'innovations dis-
ingénieurs et les références des tinctes dans d'autres secteurs.
décideurs, s'affichent comme des Ces événements, formant le
utopies ou, du moins, s'apparen- contexte nécessaire de l'innova-
tent au tour d'esprit utopique2. tion, sont spécifiquement locali-
Capacité réinvestie par le déve- sés. On en est venu à considérer
loppement lui-même : au nom que, en définitive, ce n'est ni
d'une lutte pour le sens on a l'entrepreneur ni l'entreprise qui
opposé croissance et développe- innove, mais le milieu (Aydalot,
ment! Le développement: légiti- 1986). D'un milieu innovateur, les
168 problèmes sociaux dans les diffé- mation de l'ordre existant ou conditions sont: la spécialisation
rents secteurs d'opinion). Pour- utopie? Intégration ou autonomie complémentaire des agents éco-
tant, les questions du développe- des pratiques sociales, des sys- nomiques locaux; le transfert d'in-
ment sont au coeur des sciences tèmes productifs? On comprend formation; la création de connais-
sociales et le principe du dévelop- que l'on puisse aussi refuser le sances informelles dans les ré-
pement n'est pas contesté, du développement. seaux de relations sociales,
moins jusqu'à la crise contempo- Nous considérerons ici non les c'est-à-dire non dépendantes de
raine. Les théories du développe- débats éthico-idéologiques autour l'organisation industrielle propre-
ment concernent : la conscience de la notion de développement, ment dite. Leur coordination, qui
publique en face des inégalités mais ces « opérateurs » que sont ne résulte pas de synergies spon-
économiques (Myrdal, 1960); les les institutions et le mouvement tanées, met en jeu des institutions
objectifs des politiques publiques; social du développement (la « ré- sociales, financières et politiques
la compréhension des dynami- volution silencieuse», selon le qui forment un espace de soutien
ques sociales et notamment le mot de M. Debatisse, le dirigeant (Gordon, 1989: 115). Avant de
rôle des facteurs non économi- paysan moderniste français des s'appliquer aux politiques macro-
ques de la croissance ; la normali- années soixante). Depuis les an- économiques et de désigner la
sation des stratégies économi- nées soixante, les problématiques déréglementation du marché du
ques. Elles supposent une aune « locales » ne sont pas étran- travail, la notion de flexibilité
universelle à laquelle mesurer le gères au fait que, d'une part, le renvoie à une définition territoriale
bien-être et les volontés hu- nombre de salariés (financés par des systèmes économiques. On
maines lorsqu'elles ont pour am- des fonds publics) chargés de le sait, les théories économiques
bition un modèle général de la l'animation et de la mise en classiques considèrent les varié-
croissance, notion qu'elles élar- oeuvre des politiques sociales et tés spatiales comme des ensem-
gissent, non seulement d'un point de développement s'est fortement bles de ressources qui permettent
de vue méthodologique (prise en accru, tandis que, d'autre part, la autant de modulations, ou réalisa-
compte des structures histori- société civile est façonnée par les tions, d'une fonction de produc-
ques), mais aussi en posant la institutions du développement. tion universelle. Les questions de
question du sens de la crois- Celles-ci sont aujourd'hui diverse- développement se réduisent alors
sance, tout aussi ambiguë que ment en question, et leurs terri- à la réallocation spatiale, c'est-à-
celle du sens de l'histoire. Ainsi, la toires aussi. dire à la mobilité du capital et/ou
définition du développement, La flexibilité des systèmes de la main-d'oeuvre et aux struc-
d'apparence tout opérationnelle, technologiques et des systèmes tures et circuits d'échange com-
comme application de la rationali- d'emploi et, en d'autres termes, la merciaux. La prise d'autonomie
té technique et scientifique à la capacité des agents économiques de la notion de développement a
production (Aron, cité par Chas- et des institutions de s'adapter à donc impliqué une réinsertion du
sagne, 1988), s'appuie sur une des situations caractérisées par temps et de l'espace dans la
conception substantielle de l'État, des changements plus ou moins théorie économique. Par exem-
sorte de conscience éthique. Le rapides, sont les conditions néces- ple, Ph. Aydalot (1980) considère
développement serait une structu- saires à l'accomplissement de tout que l'espace spécifie la fonction
ration transcendante de la ratio- processus de modernisation. Cha- de production elle-même, notam-
nalité. Ou du bonheur1 !? Il est que innovation d'un type particulier ment sous la forme de systèmes
techniques. La flexibilité est alors confiné au cadre régional, mais vent la notion de « système de
une caractéristique qui différencie qui y trouve des formes d'organi- production » comme une simple
les espaces économiques, no- sation dynamiques, autonomes et catégorie statistique et celle de
tamment selon la façon dont les stables (en France : le « modèle « système productif local » com-
relations industrielles s'articulent breton ») ; la « complémentarité », me un ensemble de ressources
aux structures de solidarité so- l'activité agricole étant liée avec n'impliquant pas nécessairement
ciale et aux cultures profession- des activités extra-agricoles quant l'idée de système territorial; voir
nelles locales3. Les recherches à à la formation du revenu ; « l'isole- Allaire, 1987).
propos de la « troisième Italie » ment». Chacune de ces modali-
La « théorie de la régulation »,
(voir les textes de Beccatini, Ca- tés offre plusieurs cas de figures
qui pose que dans le cadre des
pecchi et Bagnasco et l'introduction de réalisation et d'évolution; en
Etats nations les rapports sociaux
de Romani, dans Maruani et au- particulier, selon l'intensité des
engendrent des formes sociales
tres, 1988) l'ont mis en évidence. rapports d'interdépendance entre
dont l'entrecroisement peut pro-
Une cohérence entre ces différents l'agriculture et son contexte, la
duire transitoirement un ensemble
niveaux, eux-mêmes relativement « complémentarité » corres- de régularités, des phases de
consensuels, et une grande mobili- pondra à un « modèle d'industria- développement séparées par des
té interne distinguent des « districts lisation diffuse » ou à une crises et des transitions, me paraît
industriels», c'est-à-dire des en- « connexion économique et so- le cadre conceptuel adéquat à un
sembles de petites et moyennes ciale » (de type « district »). Ces réexamen des réflexions sur le
entreprises exportatrices qui s'iden- cas de figure sont à mettre en développement. Les formes so-
tifient à l'image du district; les rapport avec les typologies de ciales, dans une conjoncture don-
districts proprement dits tiennent milieux économiques également née, sont ambivalentes, comme
« à un réseau stable de connexion élaborées en Italie, par exemple les rapports sociaux qu'elles réali-
avec les marchés finaux » (Becatti- celle de Garofoli (1986), adoptée sent sont contradictoires (Aglietta,
ni, 1988: 263), mais la « troisième par Courlet (1987), que nous 1982: lll-IX). Elles n'acquièrent
Italie» correspond aussi à la dé- citons. Aux « systèmes productifs de régularité, c'est-à-dire de du-
centralisation productive des locaux » (spécialisation à l'inté- rée, donc de réalité, que dans une
grandes firmes dans les années rieur d'un secteur dominant, mo- structuration institutionnelle et un
soixante-dix. Comme le souligne dèle de développement « exten- « projet » social qui est son es-
Bruno (1988: 35), «ce sont les sif », dont la maîtrise repose sur pace de légitimité, un espace
rapports avec le milieu qui octroient des formes de travail de genèse multi-indentitaire, animé par les
sa valeur à un choix d'organisation ancienne; voir Courlet: 11) peu- problématiques sociales du déve-
donné » (à un comportement vent correspondre des agricul- loppement. Par rapport aux
micro-économique). tures « intégrées » ou « complé- concepts fondateurs de la théorie
mentaires » du premier type (sys- de la régulation, on définit un
Ces analyses ne concernent
tème d'industrialisation diffus; par modèle de développement com-
pas que l'organisation industrielle.
exemple, l'aire viticole languedo- me la « conjonction d'un régime
Des économistes ruraux italiens y
cienne) ; aux « aires-systèmes » d'accumulation et d'un type de
font référence en ce qui concerne
(qui sont en gros des districts ou régulation » (Boyer, 1986 : 60) ; un
« une approche globale du déve-
loppement territorial de l'agricul- des systèmes régionaux de di- régime d'accumulation est un
ture » (Fabiani, 1988, souligne la stricts), la complémentarité de mode de transformation conjointe
portée interprétative du concept deuxième type. Ces considéra- des normes de production et des
de district tel que le développe tions (mentionnées ici à titre normes de consommation repo-
Beccatini). Pour leur part, ils d'exemple) vont dans deux direc- sant sur des principes généraux
proposent un modèle reposant tions : une analyse morphologi- qui guident l'évolution de l'organi-
sur la constatation élémentaire que des différenciations spatiales sation du travail et des formes de
d'une double intégration des sys- et une analyse des fonctionne- gestion, que l'on désigne comme
tèmes agricoles locaux, intersec- ments locaux qui en sont la base. « paradigme technologique » ; un
torielle et géographique. Trois Pour ma part, j'ai proposé la mode de régulation c'est l'ensem-
modalités sont mises en évi- notion de « système social de ble des dispositifs et des institu-
dence : «l'intégration», via le production », dont les différentes tions qui permettent les ajuste-
marché des produits et des fac- variétés correspondent à des or- ments. Les travaux de Lipietz, en
teurs de production, dans un ganisations territoriales (le choix particulier, proposent une métho-
ensemble agro-industriel dont du terme étant lié au fait que, en dologie d'analyse des modèles de
l'ancrage territorial n'est pas économie rurale, on entend sou- développement qui ajoute à cette
Revue internationale d'action communautaire tres en expriment les « lois »
Le développement rural et la politique agricole de
internes; ou, selon une autre
transition : quel paradigme alternatif au productivisme? terminologie (empruntée à Silves-
tre, 1985), des changements « or-
ganiques » utilisent les potentiali-
tés des structures tandis que des
changements « structurels » dés-
tabilisent les pratiques de repro-
duction et les systèmes de régula-
tion. L'analyse d'un modèle de
développement revient ainsi à
mettre en évidence une architec-
ture des crises; pour l'analyse du
1™ définition un troisième aspect modèle de développement agri-
Mise en place et crise du
concernant les systèmes de rap- cole des années soixante, nous modèle de développement
ports, de domination et d'alliance avons proposé des distinctions agricole « productiviste »
entre groupes sociaux, que l'on entre : les crises de repli (longs
appelle, dans la tradition gram- processus de déprime agricole
L'agriculture et le « fordisme »
scienne, des blocs sociaux : « un démarrés dès la fin du dix-neu-
Né de la « grande crise » des
modèle de développement est à vième siècle), les crises de mo-
années trente (Boyer, 1979), un
la fois le produit de la constitution dernisation (nouvelles configura- mouvement complexe des diffé-
d'un nouveau système hégémoni- tions des systèmes de production rentes couches sociales, s'inscri-
que, et la base de sa reproduction qui assurent un accroissement de vant dans de nouveaux para-
sur une longue période » (Lipietz, la productivité, elles caractérisent digmes techniques et profession-
1986: 13) 4 . On peut considérer l'émergence des milieux innova- nels liés à la consommation de
que les politiques développemen- teurs), les crises de croissance masse (qui pour une petite partie
tistes appartiennent à un système
(concentration sans bouleverse- du monde met fin à l'ère du
idéologico-institutionnel hégémo-
ment des systèmes techniques et manque élémentaire), acceptant
nique dirigé par la technocratie
des réseaux professionnels et l'extension de l'organisation taylo-
d'Etat (Lipietz, 1986 : 7), sous des
commerciaux), et enfin la crise du rienne du travail, aboutira aux
formes variables, en particulier
modèle, sur laquelle nous revien- compromis fordistes qui, dans les
selon la place des nations dans la
drons (Allaire, 1988a : 179-180). pays industriels, lient normes de
division internationale du travail.
production capitalistes et normes
L'unité d'un modèle de dévelop-
L'analyse en termes de mo- de consommation salariales. Des
pement se décline à trois ni-
dèle de développement, suppo- dynamiques se renforcent mutuel-
veaux : régional, national et inter-
sant une cohérence des dynami- lement : forte urbanisation, haus-
national (voir Leborgne et Lipietz,
ques sociales dans certaines se du pouvoir d'achat salarial,
1989 : 4-5). Voire, à quatre : il n'y
conjonctures (ce qui est une explosion de la productivité agri-
a pas de système hégémonique,
hypothèse de recherche, une cole. L'agriculture joue un rôle
national ou régional, sans crise
grille de lecture a posteriori), tant par son propre rythme de
(de modernisation) qui le consti-
risquerait d'être prisonnière d'un croissance que par la régression
tue en transformant les systèmes
fonctionnalisme historique si l'on de sa position relative, articulation
productifs locaux et en réorgani-
qui s'établit de façon similaire
sant les problématiques sociales. ne prend pas garde au fait que
dans tous les pays « fordistes » et
Il convient de souligner que les chaque forme institutionnelle dis-
d'abord dans ceux du nord de
problématiques sociales s'expri- pose de sa propre temporalité. l'Europe. Dans les années
ment essentiellement dans des Les formes civiles qui s'organi- soixante, seule l'Italie, dans l'Eu-
enjeux locaux. Mais les systèmes sent dans un modèle de dévelop- rope des Six, joue une carte
hégémoniques en sont l'univers pement se déploient dans des différente en réalisant un dévelop-
normatif. temps plus ou moins longs; leur pement industriel sans parvenir à
Parmi les changements socio- genèse et leur histoire ne sont étendre la modernisation agri-
économiques, certains mettent en pas déterminées a priori par leur cole; mais elle change sa politi-
place ou mettent en crise un participation à ce modèle ! Ce que que à partir de 1975 (négociation
modèle de développement, d'au- nous illustrerons. européenne d'un « paquet de
mesures agricoles méditerra- et, par ailleurs, la dépendance portements et des stratégies». La
néennes», tandis qu'une double alimentaire des pays du Sud. création d'un budget annexe de la
dynamique de développement de Cependant, les modèles de déve- protection sociale agricole (dès
petites et moyennes industries et loppement sont concrétisés dans 1949; réaménagé en 1959), «en
de l'agriculture caractérise la un cadre national. C'est le cas fournissant un cadre institutionnel
«troisième Italie», les régions des pactes agricoles modernistes. et législatif annuel à l'action de
centrales et adriatiques). L'Es- Certes, l'institutionnalisation des l'État en agriculture, contribue à
pagne est arrimée vers la fin des marchés s'accompagne d'organi- resserrer les liens déjà existants
années cinquante au fordisme, sations internationales, et celles entre politique sociale et politique
sans que d'abord n'intervienne de de la Politique agricole commune de modernisation » (Alphandéry,
transformation de l'évolution de reposent sur un accord politique. Bitoun et Dupont, 1988: 180) et
ses vastes régions rurales (Roux, Cependant, il serait ridicule de lui donne donc la force d'un
1983), et elle continue de jouer considérer la Commission des compromis institutionnalisé. La
traditionnellement la carte d'ex- communautés européennes cogestion de la politique des
portations agricoles spécifiques comme l'instance régularisatrice structures, dans les années
(et de main-d'oeuvre). Du fait d'un de l'agriculture européenne. La soixante, avec l'élaboration de
alignement sur un modèle de Politique agricole commune, tout références technico-economiques
consommation nordique (impor- en assurant une diffusion du ayant valeur réglementaire, s'ana-
tance de la viande et des lai- modèle fordiste, a permis une lyse pareillement.
tages), sa balance agro-alimen- maîtrise de l'accumulation par des
L'accumulation connaît les
taire est déséquilibrée de 1965 à politiques agricoles nationales,
rythmes les plus intensifs de 1954
1983, mais elle prend le chemin elles-mêmes réalisées dans des
à 1973. Mais c'est durant les
d'un rééquilibrage (phase d'inves- systèmes régionaux agricoles dif-
années soixante que se stabilise
tissement dans l'élevage et inten- férenciés. (pour une décennie seulement)
sification des productions de fruits une nouvelle configuration des
Les dépenses publiques du
et légumes), suivant une voie rapports entre l'État et l'agricul-
« développement agricole » (terme
comparable à celle de ses parte- ture, caractéristique d'une inser-
désignant en France l'organisation
naires du nord. tion dans le mode de développe-
corporatiste du système de qualifi-
La diffusion du nouveau mo- cation professionnelle) et celles de ment fordiste (Allaire, 1988a). Les
dèle de développement (que l'on la «politique des structures», qui principales données macroécono-
a désigné comme « modèle amé- sont cogérées avec les organisa- miques concernant l'évolution de
ricain » ou « agriculture indus- tions professionnelles, sont déter- l'agriculture durant la période, que
trielle ») établit un nouveau ré- minées par des « compromis insti- je ne commenterai pas ici et qui
gime international des échanges tutionnalisés ». L'expression est sont bien connues, s'interprètent
agro-alimentaires. Il se substitue, empruntée à Delorme et André assez facilement selon ce sché-
après une longue période de (1983: 671-674), pour qui elle ma. Les enjeux régulationnistes
transition, à l'ancien modèle impé- désigne essentiellement la détermi- des politiques agricoles d'après-
rialiste établi à la fin du dix-neu- nation des dépenses publiques guerre, qui organisent un régime
vième siècle, qui a été progressi- concernant l'enseignement et la d'accumulation forcée, portent sur
vement déstabilisé durant la pé- sécurité sociale; mais les auteurs l'installation d'un paradigme tech-
riode des deux guerres mondiales considèrent que «des formes de nico-économique aujourd'hui
(il était caractérisé par l'introduc- compromis ayant reçu une institu- contesté, le productivisme. Un
tion des produits d'outre-mer dans tionnalisation peuvent être pré- volet décisif concerne le crédit,
la consommation des masses sentes dans d'autres domaines [...] qui veut permettre à l'agriculture
urbaines, la spécialisation des l'institutionnalisation désigne la de se lancer dans une croissance
agricultures métropolitaines euro- mise en place d'une forme d'orga- anticipant ses résultats. La régu-
péennes, la division de cette nisation créant des règles, des lation porte sur les investisse-
économie internationale en em- droits et des obligations pour les ments et sur les normes de
pires). Ce nouveau régime corres- parties prenantes, imposant une consommation. Un consensus est
pond à un développement des discipline à l'égard de l'institution établi, dans les années soixante,
industries d'amont et d'aval, dont qui prend alors les apparences sur la revendication de « parité »
le fonctionnement s'internationa- d'une donnée objective pour cha- des revenus, en fait sur l'accès de
lise, d'où un entraînement du que acteur, individu ou groupe, par l'ensemble des couches popu-
commerce mondial par les rapport à laquelle se trouvent laires au nouveau confort permis
échanges entre pays développés progressivement adaptés des com- par l'industrie de masse. La scola-
Revue internationale d'action communautaire 22/62 validant la production, permettent n'ont pas été dénoncées comme
Le développement rural et la politique agricole de
la logique de l'intensification et un opposant aux familles une trop
transition : quel paradigme alternatif au productivisme ? régime d'accumulation forcée. Nul forte contrainte; les stratégies
besoin, pour expliquer cette familiales qui s'y coulent parais-
condition structurelle d'un déve- sent les légitimer (Barcelo, 1988).
loppement productiviste, d'invo- En sens inverse, de nouveaux
quer une théorie de la sous-valori- comportements, que l'on peut
sation de la production paysanne. mettre en rapport avec la scolari-
L'organisation des marchés asso- sation et l'entrée des femmes sur
ciée à une politique de crédit le « marché du travail » (Vert,
sélective ne supprime pas la 1984), conduisent à une autono-
concurrence entre producteurs; misation des statuts dans la
au contraire, ce système sécurise famille. Mais la dynamique intrin-
les investissements destinés à sèque des systèmes d'emplois
172 risation favorise une homogénéi- accroître la productivité indivi- paysans, si elle aboutit à une
sation des styles de vie, tandis duelle des exploitations, et distin- autonomisation du statut de
que des revenus « sociaux » faci- gue ainsi les capacités d'adopter «chef d'exploitation», laisse les
litent les nouvelles représenta- les nouvelles stratégies. La mo- autres membres de l'exploitation
tions de l'argent comme pouvoir dernisation des systèmes profes- dépourvus d'un statut « reconnu »
d'achat des éléments d'un cadre sionnels correspond à la diffusion dans la législation socio-profes-
de vie (cependant, malgré une de conceptions « économiques » sionnelle, prenant place dans la
certaine uniformisation, les façons de la gestion (particularisation et définition sociale d'une carrière
de vivre de la population rurale rationalisation des anticipations; professionnelle. Une caractéristi-
restent particulières). Ces enjeux voir Rambaud, 1969; Allaire et que du système professionnel
portent encore sur l'actualisation Labourroire, 1989). agricole est de n'avoir défini qu'un
des qualifications, par l'organisa- seul statut d'accès au métier.
Ces évolutions auraient été Néanmoins les femmes ne sont
tion d'un système de formation
impossibles sans une révolution pas totalement absentes des ré-
massif et ramifié.
des représentations du temps, du seaux professionnels (Allaire,
Au travers des crises de mo- travail, de l'argent, de la famille et 1988b) et leur rôle dans l'élabora-
dernisation, une déterritorialisa- des destins individuels. Cette ré- tion de la culture professionnelle
tion des systèmes de production organisation des rapports entre paysanne moderne est loin d'a-
et une désintégration des réseaux les individus et les collectivités fait voir été parfaitement étudié. On
marchands locaux constituent un entrer la masse des villages dans ne peut nier cependant que les
système de marchés institution- le mouvement biséculaire qui des- agricultrices ressentent un certain
nalisés. Jusque-là filet protecteur serre les liens entre les individus «isolement», compensé par le
contre les petites crises plus ou et leurs territoires (voir Garden et développement de la vie associa-
moins cycliques, l'organisation autres, 1986 : 22). Les formes du tive rurale extra-professionnelle là
des marchés devient un mode travail agraire apparaissent où cela a été possible. Il s'agit
d'antévalidation des investisse- comme problème de développe- évidemment d'une condition lo-
ments, auquel correspond un sys- ment (par exemple la « décohabi- cale du développement; un exem-
tème de représentation des inté- tation » des générations). L'indivi- ple (par la négative) est l'échec de
rêts professionnels (organisations dualisation des carrières agricoles l'implantation de néo-ruraux là où
par produit). Voici un exemple de devient un aspect des transforma- une telle vie associative et les
réaménagement d'une forme ins- tions nécessaires à la mise en services sociaux minimums ne
titutionnelle dont les principes oeuvre du productivisme, en parti- peuvent être assurés (cas de la
originels tenaient plus à la régula- culier parce qu'elle conduit à une montagne corse; ailleurs, dans le
tion des échanges et au contrôle « séparation » de l'exploitation et Midi, des programmes locaux
de l'approvisionnement par l'État du ménage (Barthez, 1987). Mais adaptés y ont fait face depuis les
qu'à la régulation des systèmes du point de vue de leur efficacité années soixante-dix, avec quel-
productifs. Les organisations de l'opposition est toute relative entre que succès).
marché modernes sont simultané- les stratégies successorales et
ment instrumentalisées comme familiales et les normes profes- Aux différents niveaux que
politique des revenus et orienta- sionnelles de l'accès au métier, nous avons rapidement envisa-
tion des investissements agri- individualisées (rôle du niveau de gés, le régime international, les
coles. Les prix administrés, anté- formation scolaire). Ces normes organisations internationales, les
politiques nationales, puis les armature plus ou moins autonome tèmes professionnels restent terri-
systèmes de production régio- à l'économie locale ou régionale, torialisés (ce qui n'est pas vrai
naux et locaux, auxquels il faut ou au contraire qu'il favorise plus uniquement pour l'agriculture).
ajouter les systèmes profession- ou moins la connexion avec un La modernisation réévalue
nels locaux et les organisations modèle de développement des institutions et des structures
départementales, le développe- national et un régime internatio- sociétales qui se déploient dans
ment est en même temps une nal, l'une ou l'autre de ses la longue durée. Alphandéry, Bi-
polarisation. À l'agriculture indus- qualités pouvant conduire à la toun et Dupont (1988), qui font
trielle correspond l'accroissement prospérité comme au déclin, se- remonter la genèse des institu-
de l'ère de la faim sur la planète; lon les caractéristiques des sys- tions de la politique agricole
la CEE connaît à son niveau une tèmes englobants. moderne aux années trente 5,
opposition nord-sud particulière-
Les paradigmes productivistes présentent plusieurs exemples de
ment sensible en matière de
et les systèmes professionnels cela. Ainsi en est-il de la rénova-
politique agricole; en France, les
hégémoniques qui leur corres- tion de l'idéal chrétien : le souci
éleveurs du Sud-ouest envient et
pondent dans les différentes ré- corporatiste du bien commun et
critiquent le « modèle breton »,
gions forment ce que l'on appelle de la communauté se prolonge
parangon du productivisme. L'ins-
le « modèle dominant ». A poste- dans « l'esprit de service » que
titutionnalisation d'un système riori, on peut mettre en évidence,
professionnel national n'emprunte prône la Jeunesse agricole chré-
pour les mettre en question, les tienne et qui, réévalué (servir,
qu'à certaines cultures secto- logiques du modèle. Mais il faut
rielles ou régionales. Je voudrais c'est produire bien et mieux, pour
éviter la tentation d'en faire un les autres), nourrit après la guerre
souligner, cependant, que les déterminisme. Ainsi, malgré l'in-
mécanismes de sélection des l'organisation « de la rationalité
ternationalisation de l'élevage économique et sociale moderne »
espaces par le développement (par les inputs) et malgré la
coexistent avec des mécanismes (ouvrage cité: 167-168). De
puissance exportatrice de cer- même, la « cogestion » du sec-
de co-développement. Sans politi- tains secteurs agricoles (à ce titre
ques de co-développement on teur agricole trouve ses origines
particulièrement dépendants des dans la Corporation paysanne de
imagine mal que les processus de mécanismes européens), acquise
modernisation trouvent un espace Vichy puis, dans un autre con-
à la fin de la période « glorieuse »
de soutien, même si, en même texte idéologique, est au coeur du
(dans un premier temps la crois-
temps, il s'agit d'un espace de projet modernisateur du CNJA
sance agricole a contribué à
domination. Avec raison, on a mis l'auto-centrage des modèles for- (Centre national des jeunes agri-
en évidence la désertification de distes), il n'y a pas un système culteurs) (96-98) ; « c'est dans le
certaines régions en plein boum agro-exportateur français organi- syndicalisme agricole que ces
agricole français ; cependant, des sé et dominant. De même, la producteurs responsables assu-
compromis ont été trouvés per- diffusion régionale du modèle ment la totalité de leur être
mettant une représentation pro- dominant est particulièrement professionnel et le personnalisme
fessionnelle unitaire. Tout en as- souple. Selon les secteurs, les jaciste a ainsi renouvelé la vieille
surant une concentration des crises de modernisation se sont doctrine corporatiste des corps
forces productives, les crises de étalées dans le temps ; il y a une intermédiaires» (172). Ce projet
modernisation n'ont pas totale- décennie d'écart entre la moderni- trouve un écho auprès des cou-
ment balayé les anciens sys- sation de la production laitière rants développementistes de la
tèmes, dont certains ont pu trou- bretonne et celle de la viticulture technocratie d'État (planisme). On
ver des formes de survie et de méridionale; de plus, les formes pourrait dire que la réorganisation
repli. Ces considérations permet- de modernisation diffèrent (si l'on des anciennes structures dans le
tent de formuler quelques critères assiste à une concentration du mouvement de modernisation
globaux concernant les conditions négoce du vin, on observe égale- s'effectue, d'une part, sous la
de développement : les para- ment le développement de la pression des mouvements so-
digmes d'un modèle de dévelop- vente directe par des coopéra- ciaux qui se réfèrent, d'abord de
pement peuvent être appréciés tives de village ou des caves façon implicite et fragmentaire, au
selon qu'ils lui assurent une plus particulières, ces petites unités nouveau paradigme societal et,
ou moins large base sociale et participant à divers réseaux stra- d'autre part, par imprégnation, les
régionale; réciproquement, un tégiques qui leur permettent un principes du mode général de
système de production pourra certain lien avec les marchés de régulation (lorsqu'il commence à
être apprécié selon qu'il offre une consommation). Au total, les sys- être explicite) donnant un sens
Revue internationale d'action communautaire 22/62 N'est-ce pas oublier que cette soit pas accompli en pratique par
Le développement rural et la politique agricole de
prise en charge du développe- une élite issue du milieu lui-
transition : quel paradigme alternatif au productivisme? ment par des institutions civiles même » (113)6. Mais cette «prise
faisait partie du programme mo- en charge du secteur par l'Etat»
dernisateur (on disait alors « révo- revêt, pour le moins, des formes
lutionnaire ») de la Résistance, politiques complexes. Servolin
dont l'esprit se perpétue dans le (1985: 48) critique Muller pour
courant planiste (F. Bloch-Lainé, s'être laissé abuser par « l'appa-
directeur du Trésor de 1947 à rence d'autonomie » de cette
1953, préface en 1963 le livre de élite, si « essentielle » qu'elle fait
M. Debatisse), et en même temps « partie de l'idéologie des intéres-
surestimer le rôle de la conjonc- sés eux-mêmes » (ne pourrait-on
ture politique dans l'explication pas dire la même chose de toute
des formes mêmes de cette problématique sociale, y compris
174 nouveau aux structures secto- organisation? Car il a fallu le de celle des serviteurs de l'É-
rielles. temps que se réorganisent les tat!?); mais il ne dit rien (dans
La réévaluation de l'ancien systèmes de représentation pay- ses textes récents) sur le proces-
corporatisme agraire en modifie sanne pour que se concrétise la sus de constitution de cette élite.
radicalement la nature. Il ne s'agit politique de modernisation N'a-t-elle pas d'intérêts propres?
plus de corporatisme au sens de (certes, cette réorganisation n'a A-t-elle des moyens d'imposer
la constitution en bloc socio-politi- pas manqué d'enjeux politiques), son rôle au milieu? Une fois de
que de la profession agricole face et s'il s'agit d'un « moment straté- plus, pour saisir la complexité des
au reste de la société, corpora- gique », c'est précisément celui formes de cogestion, il faut garder
tisme réactionnaire, anti-étatique, de la constitution d'un bloc social présent à l'esprit le rôle qu'a joué
territorial, qui est néanmoins une et pas seulement d'un instrument l'idéologie développementiste
tendance d'une partie des diri- politique. Plus que les moyens dans l'administration et la re-
geants professionnels des an- administratifs (dans le même cherche agricoles (elles aussi
nées cinquante (réactualisée par temps l'enseignement agricole et soumises, de façon interne, au
les crises postérieures). Pour Mul- la recherche connaissent un dé- nouveau paradigme technolo-
ler (1985: 33), «à partir du veloppement prodigieux), ce sont gique), ainsi que la diversité des
moment où l'agriculture n'est plus les moyens d'organisation ad hoc voies de diffusion des nouveaux
un ensemble de terroirs mais un qui font défaut. Ce qui est vérita- modèles, l'importance des problé-
secteur productif, conçu comme blement en jeu, c'est l'articulation matiques critiques dans les an-
un assemblage de rôles profes- politique entre les groupes profes- nées soixante-dix et les luttes
sionnels spécialisés, les condi- sionnels locaux et l'action de (incessantes) entre les différentes
tions de sa reproduction cessent l'État. Pour Servolin (1989), c'est composantes du système profes-
d'être principalement endo- de l'État que naît le problème de sionnel. Si, comme le souligne
gènes », mais les jeunes leaders la régulation agricole ; « la géné- lui-même Servolin (45-46), c'est
syndicaux modernistes doivent ralisation de la régulation des « une couche de grands proprié-
batailler contre la « vieille garde » marchés » conduira à « l'émer- taires fonciers d'origine aristocra-
pour obtenir de l'État une politique gence d'un État-providence agri- tique qui furent des adeptes
favorisant ce que l'on pourrait cole » (105-128) : « d'un système enthousiastes des premières
appeler une endogénéisation des d'organisation des marchés on théories corporatistes » (au dix-
paradigmes productivistes (le mo- passe à un système de prise en neuvième siècle) car elles allaient
dèle des années soixante); or, charge par l'Etat du secteur agri- dans le sens de leurs intérêts et
selon Muller (35-36), aucun corps cole » (106). La législation de légitimaient leur hégémonie sur le
de l'État n'est vraiment en me- 1960-1962, en organisant la base monde agricole, il faut se livrer
sure, à ce moment-là (1965- sociale de la production agricole, pareillement à l'analyse sociale
1966), de prendre en charge est une entreprise de sélection de la nouvelle élite. La politique
l'organisation sur le terrain de la « de ceux qui seront admis à être des années soixante trouve sa
politique de modernisation : « vide les agriculteurs modernes » et « il base naturelle dans une couche
administratif, volonté profession- n'est guère concevable que ce productive (et innovatrice), c'est-
nelle et prudence du pouvoir travail d'élimination qui est postu- à-dire, comme cela a souvent été
expliquent donc la mise en place lé par la politique agricole des dit, dans une paysannerie
de cet appareil de cogestion ». États capitalistes modernes ne « moyenne » à laquelle elle as-
sure un assez large accès à la autres formes sectorielles de ré- des traits politiques nationaux
modernisation. Cependant, les gulation. Certes, des « rigidités spécifiques. Ce schéma général
techniciens salariés des organisa- corporatistes » des systèmes pro- est applicable à la crise de
tions professionnelles font eux fessionnels peuvent apparaître l'agriculture moderne. On en pen-
aussi partie du bloc modernisa- lorsque se renverse la conjonc- sera d'autant plus facilement la
teur. La sectorisation de l'agricul- ture, mais cela est vrai tout aussi spécificité qu'on s'attachera à
ture, c'est aussi sa tertiarisation, bien dans le rapport salarial l'analyse génétique concrète des
et si l'on considère que ces fordiste. En agriculture, particuliè- processus, dans une pluralité de
salariés sont souvent eux-mêmes rement, se retrouvent des mouve- temporalités. Si la mise en évi-
issus de différentes couches agri- ments sociaux qui se situent « à dence des logiques d'un système
coles, c'est d'un considérable l'intérieur » du paradigme domi- permet de mettre en lumière, en
processus de mobilité sociale que nant et d'autres qui le contestent théorie, ses contradictions, leurs
naît le nouvel ordre. La particulari- au nom de conceptions tant effets ne sont repérables qu'ex
té du rôle social des organisations passéistes qu'utopistes, voire qui post. D'une façon générale, les
agricoles (qui organisent cette expriment des rationalités qui se crises qui interviennent dans la
mobilité) n'est donc pas si grande maintiennent à l'écart du modèle, remise en cause d'un mode de
qu'on aurait pu le croire. autonomes ou refoulées. Si, une développement réactivent des
fois trouvée, la cohérence d'un questions locales jusque-là plus
Cette observation nous ra- ou moins occultées, mettent en
modèle de développement se
mène à une question plus géné- question les normes et les réfé-
consolide d'elle-même (« ce qui
rale. Compte tenu des particulari- rences, désolidarisent les com-
permet de parler à son propos
tés de chaque secteur, la conver- promis et les systèmes de légiti-
d'un «fonctionnalisme ex post»,
gence dans un mode de régulation mation et de régulation particu-
écrit Lipietz, 1988: 8), les carac-
de problématiques sociales diver- liers de différents niveaux ou
gentes et s'opposant entre elles téristiques d'un nouveau modèle
ne sont pas données immédiate- secteurs de la société. D'où la
dans l'univers des discours politi- multiplication d'espaces d'initia-
ques s'opère par la mise en place ment, ne sont pas cohérentes
dans les problématiques sociales. tives locales, dont s'emparent ou
de systèmes professionnels diffé- non des mouvements sociaux.
renciés; autrement dit, les para- D'où, entre ces mouvements, une
digmes fordistes ne sont pas que certaine confusion des valeurs,
L'évolution interne de l'offre et
des paradigmes industriels, ils qui s'accroît avec les politiques
de la demande de produits agri-
concernent aussi le travail indé- agricoles de transition face à la
coles, la conjoncture internatio-
pendant (et même le travail do- crise, car celle-ci conduit à une nale, les contrecoups des crises
mestique associé aux pratiques nouvelle redéfinition des rapports pétrolières et industrielles abou-
de consommation familiale). Il y a entre l'État et les systèmes pro- tissent à un contexte de crise.
donc, si l'on veut, des régulations fessionnels. Mais, dans ce contexte, la forte
sectorielles, mais que je préfère intensification agricole détermine
appeler des systèmes profession- La crise de l'agriculture spécifiquement la crise agricole
nels 7, pour éviter toute ambiguïté. moderne en exigeant une socialisation ac-
Il me paraît préférable d'éviter de Le modèle fordiste est entré crue de l'accumulation forcée. Le
parler de « régulation corpora- en crise, selon les régulation- processus de réduction de la
tiste » pour l'agriculture des pays nistes, pour deux raisons princi- base productive et de capitalisa-
fordistes, surtout si on réserve ce pales : l'internationalisation de la tion effrénée en agriculture, s'il
terme, comme Lipietz (1986 : 17), production est venue perturber les augmente la productivité à un
« aux cas de fusion des instances régulations nationales; la forme rythme supérieur à celui des
de représentation des intérêts dominante d'organisation du tra- autres secteurs, contient en lui-
sociaux et des institutions de vail a trouvé des limites dues même une crise de la profitabilité
régulation étatiques». Cette défi- simultanément à l'intensification et à terme la remise en cause du
nition d'ailleurs, ne paraît pas capitalistique et aux luttes ou- productivisme. Les conséquences
admettre un mode de régulation vrières; d'où chute de la rentabili- en sont le ralentissement des
se déployant selon plusieurs prin- té, crise de l'investissement, crise rythmes de la capitalisation, le
cipes politiques en fonction des de l'emploi, crise de l'État renouveau de formules d'agricul-
secteurs : si la régulation de l'inté- providence et des compromis ture « différentes », voire de I n -
gration de l'agriculture était plus institutionnalisés, crise des orga- tensification. Des situations « diffi-
ou moins corporatiste, elle ne nisations professionnelles. Ces ciles » se multiplient dans les
pourrait qu'être à l'image des enchaînements s'organisent selon secteurs intensifs.
Revue internationale d'action communautaire 22/62 mentations sectorielles des mar- le FNSEA ne peut plus se conten-
Le développement rural et la politique agricole de
chés agricoles sont aussi remises ter de prôner une fuite en avant
transition : quel paradigme alternatif au productivisme? en question, de façon interne, par productiviste au fur et à mesure
l'évolution technique et institution- que la crise dure. Repli corpora-
nelle des branches et des sys- tiste, repli technique, repli des
tèmes professionnels. On assiste administrations sur une gestion
alors à un réaménagement orga- malthusienne, l'organisation pro-
nique du compromis européen et fessionnelle devient inapte à favo-
à une renationalisation (partielle) riser cette ouverture des horizons
des politiques agricoles ; du moins que demande la relance de pro-
dans un premier temps (période jets locaux.
des montants compensatoires),
les réformes récentes (1984 : les Le manque de flexibilité des
quotas laitiers; 1988 : les « stabili- structures est souvent rendu res-
sateurs budgétaires » et la ré- ponsable de la crise du producti-
Après une politique de tempo- visme (quoique une politique for-
risation (et une modification de forme des « fonds structurels »)
préservent la PAC mais renvoient tement interventionniste, comme
l'équilibre entre les différents cha- la nouvelle politique laitière, soit
pitres budgétaires, d'autant plus néanmoins au niveau national la
« gestion » des restructurations. parvenue à modifier totalement le
qu'à cette période chaque type secteur!). Les limites à la flexibili-
d'exploitation nécessite des me- Le principe structurel de l'antévali-
dation des investissements n'est sation des formes de travail sont
sures spécifiques), le budget de un facteur tout aussi décisif, sinon
l'État, soumis à toutes les pas abandonné, de nouvelles
formes de contrôle, plus sélec- plus, à un moment où une relance
contraintes résultant de la crise de la productivité demande sans
de l'emploi et de la conjoncture tives, s'imposent. Les réorganisa-
tions qui s'en suivent font réappa- doute une organisation différente
internationale, ne peut plus sui- du travail, par exemple des collec-
vre. Le « tournant financier des raître des contradictions entre les
intérêts des systèmes ou sous- tifs plus nombreux (y compris,
années quatre-vingt», stabilisa- pourquoi pas, sous forme coopé-
tion et régression relative du systèmes régionaux. Ce sont
alors les institutions territoriales rative), une organisation en-
budget de l'agriculture (Alphandé- trepreneuriale des services à
ry, Bitoun et Dupont, 1988 : 191), de régulation et celles de repré-
sentation des intérêts profession- l'agriculture, un comportement
est un facteur aggravant par le d'entrepreneur des agriculteurs
biais de la crise de la protection nels qui sont mises en crise.
eux-mêmes dans la différencia-
sociale (conséquence et non tion de leurs activités, la revalori-
cause de la situation actuelle) : la Tous les ingrédients sont réu-
nis pour une crise de l'hégémonie sation du salariat agricole, c'est-à-
croissance des dépenses (adap- dire une réorganisation des sys-
tation mécanique dans le cadre de l'agriculture productiviste, en
particulier du syndicalisme « offi- tèmes d'emplois (par des moyens
d'une forme institutionnelle) a juridiques et organisationnels ap-
conduit à des aménagements ciel » (jusqu'en 1981, une seule
organisation syndicale est recon- propriés), sauf à se satisfaire de
organiques du compromis institu- la précarisation des emplois des
tionnalisé; le souci d'éviter une nue en France; elle est restée
jusqu'à aujourd'hui un partenaire aides familiaux, des salariés agri-
charge excessive des trésoreries coles et de ceux du secteur
d'exploitation est contrebalancé privilégié de la concertation).
Celle-ci se traduit par : un glisse- associatif para-agricole. D'ail-
par celui de mieux asseoir les leurs, de nombreux indices mon-
cotisations sur leurs facultés ment des directions régionales
des systèmes professionnels vers trent que l'attitude des jeunes
contributives. Coût direct ou indi- chefs d'exploitation a changé
rect de la crise des structures, elle les organisations professionnelles
de type « économique » (avec, en quant à l'utilisation de salariés,
la renforce. tandis qu'auparavant la mécani-
conséquence, un éclatement sur
C'est aussi par l'intermédiaire le plan national que compense sation avait facilité l'élimination
d'une crise budgétaire (qui ex- mal la politisation de certains rapide de ceux qui existaient dans
prime à la fois la contrainte dirigeants tel F. Guillaume); et un des exploitations de moyenne
extérieure et les crises budgé- progrès (limité, pour des raisons importance et que la taille des
taires nationales) que se mani- que nous ne discuterons pas ici) ateliers d'élevage intensif restait
feste la crise de la Politique de l'organisation de courants syn- limitée par l'importance de la
agricole commune, même si par dicaux alternatifs. La crise est main-d'oeuvre familiale. Ces pro-
ailleurs les organisations et régle- manifeste à partir du moment où blèmes se conjuguent dans la
crise des structures de production tures sociétales dès lors qu'elles crédibilité des grands projets so-
et n'ont pour issue qu'une redéfi- «font système», mais, avec la ciaux ; la société est soumise à la
nition des statuts professionnels. crise, chacune suit une dynami- loi de fait des changements (Ba-
que intrinsèque et les analyses landier, 1983: 5-12), le sujet
L'observation de systèmes
qui peuvent en être faites (sépa- individuel déporte son action vers
professionnels locaux (Allaire,
rément) ne peuvent pas dire ce sur quoi il estime avoir davan-
1988b) donne à penser que le
comment elles sont susceptibles tage prise : le cadre de sa vie
modèle de développement se-
de faire à nouveau système. Si privée, les relations personnelles
coué à partir des années
soixante-dix (dans sa régulation crise du métier il y a (comme immédiates. Les organisations
macro) continue pourtant de sou- l'affirme Muller, 1987), elle est professionnelles agricoles, qui ont
tenir les appareils professionnels! d'abord une crise des systèmes été des leviers de la diffusion des
Le problème du renouvellement professionnels, elle doit être méthodes modernes de produc-
des réseaux locaux se pose pensée au travers de processus tion, sont confrontées à une crise
néanmoins, dans un contexte dialectiques : qualification-déqua- de leur efficacité. L'identité profes-
général bouleversé. La solidité de lification ; dépendance-maîtrise du sionnelle des techniciens et des
l'identité de la génération d'agri- métier; sélection économique-so- agents de développement eux-
culteurs qui est en train d'être lidarité professionnelle... C'est mêmes est troublée par une crise
relevée à la tête des exploitations pour cette raison que je ne pense éthique. On prend conscience
confirme que, jusqu'à aujourd'hui, pas que l'on puisse caractériser la d'un processus de différenciation
l'organisation des systèmes de « crise du référentiel technique » continue. La mise en place de
production et des systèmes pro- (ouvrage cité : 4) en termes de nouvelles formes de production
fessionnels, comme la politique « gestion » et que l'alternative passe tantôt par une spécialisa-
économique agricole, n'a connu puisse consister dans la substitu- tion productiviste, tantôt par la
qu'une série d'adaptations qui tion à une identité de type « ingé- diversification, tantôt par un res-
s'inscrivent dans les tendances nieur » d'une identité de type serrement de l'intégration (sec-
du modèle de développement en «commercial» (13)! Cependant, teur laitier), tantôt par un raccour-
crise. Mais ces changements l'auteur a bien perçu ce que les cissement des circuits de com-
aboutissent progressivement à agricultures « différentes » em- mercialisation... P. Daucé (1985)
une remise en cause des struc- pruntent à l'esprit d'entreprise, constate que trois types d'atti-
tures du métier. La réduction du contrairement à d'autres auteurs tudes se dégagent dans la remise
nombre d'emplois agricoles n'est qui insistent essentiellement sur en cause du modèle agricole
plus synonyme de rationalisation, les formes plus « souterraines » breton : une attitude « producti-
le paradigme technologique ne de cette diversification; l'écono- viste libérale», qui «renvoie la
peut plus assurer un élargisse- mie souterraine n'est pas, en soi, solution des difficultés "internes" à
ment de la base productive, la un modèle de développement, un rétablissement d'une véritable
diversification est à l'ordre du jour, l'alternative se situe dans les concurrence sur les marchés eu-
la crise professionnelle est en façons dont elle s'articule avec un ropéens » ; une attitude « produc-
train de venir. Mais nous ne système productif local formel. tiviste tempérée», qui se «re-
pouvons qu'être prudents par Dans un premier temps, comme trouve majoritairement dans l'ap-
rapport à toute prospective sur les nous l'avons vu, la volonté des pareil d'encadrement » et s'y
voies que pourra prendre une jeunes générations de s'impliquer traduit par des problématiques
mobilisation paysanne vers une dans le travail, et d'assurer pour ambivalentes vis-à-vis de la politi-
sortie de la crise. Car si le constat cela leur qualification individuelle, que des prix, de la fonction des
des tensions qui révèlent le carac- a été le ressort prodigieux des coopératives et des prescriptions
tère dépassé des compromis ins- nouvelles stratégies technico-éco- techniques; une attitude « anti-
titutionnalisés ne fait pas de nomiques qui assurèrent la crois- productiviste », minoritaire mais
doute, il n'est pas aisé de distin- sance. Aujourd'hui, comment peut qui n'est pas pour autant le fait de
guer parmi des pratiques nou- se développer l'implication dans producteurs marginaux. Il s'agit
velles celles qui seront suscepti- le travail? Paradoxalement, le aussi, dans des sens divers et
bles de conduire à de nouveaux ménage ou de petits collectifs opposés, d'une expérimentation
compromis capables de tirer parti sont-ils redevenus les cadres de de nouvelles formes de travail :
des dynamiques économiques. l'implication? La crise actuelle mécanisation supprimant le travail
La notion de modèle de dévelop- des formes de travail s'inscrit salarié saisonnier (exemple : les
pement permet certes de penser dans une période qui se caracté- vendanges), intensification et
l'articulation de différentes struc- rise par la chute d'efficacité et de nouveau salariat, familles pluriac-
Revue internationale d'action communautaire 22/62 rapport Gouzes, 1984). Quant à la oeuvre. Ceux-ci sont définis ainsi
Le développement rural et la politique agricole de
première voie, s'il faut à la fois (ouvrage cité: 18): permettre, à
transition : quel paradigme alternatif au productivisme? adapter l'appareil de production et long terme, « aux signaux du
garantir un droit à produire, c'est marché d'influencer l'orientation
la quadrature du cercle. La politi- de la politique agricole » (autre-
que des structures ne peut plus ment dit, assujettir les politiques
faire office de politique de l'emploi économiques aux contraintes ex-
agricole. La question d'un statut térieures) par une « réduction
du producteur agricole, mal résolu progressive et concertée de l'aide
dans la politique des années à l'agriculture » (concertation qui
soixante, doit être inscrite dans a pris des formes conflictuelles
une politique de l'emploi. L'« agri- entre les USA et la CEE) ; prendre
culture duale » n'est pas seule- en compte des « préoccupations
ment, comme on se l'imagine de nature sociale ou plus géné-
178 tives, tentatives de nouvelles souvent, une séparation entre rale, telles que la sécurité alimen-
formes de coopération locale... deux types d'exploitations, que taire, la protection de l'environne-
Ces nouvelles orientations n'ont conditionnent les politiques publi- ment ou l'emploi global » (la crise
pas débouché sur de nouvelles ques, mais aussi, et peut-être du mode de développement est
cohérences globales et de nou- surtout, une diversification des générale, l'agriculture ne peut être
velles problématiques hégémoni- emplois et des statuts. Comme traitée à part); agir de façon
ques. Elles ont ouvert une période pour les autres secteurs économi- pressante pour « éviter que ne
de transition. ques, la volonté de ne pas s'aggrave le déséquilibre actuel
compromettre l'équilibre euro- des marchés [voir plus haut] en
Le programme des forces qui péen (depuis 1983), c'est-à-dire
ont soutenu en 1981 la candida- réduisant les incitations à la
d'accepter d'externaliser le production et par l'imposition de
ture de F. Mitterrand était celui contrôle de l'appareil productif
d'un parachèvement du fordisme. limites quantitatives » ; alors, pour
interne, ou de légitimer les réamé- préserver en partie les compromis
En agriculture, cela aurait pu nagements par la « contrainte
consister à parfaire les garanties sur les normes de consommation,
extérieure» (!?), laisse aux ac- « il faudra naturellement assurer
de revenu des producteurs agri- teurs sociaux le soin d'expérimen-
coles. Or, la régulation agricole autrement le soutien de certains
ter de nouvelles régulations ; l'effi- revenus agricoles puisque ceux-ci
associée au fordisme n'a pas cacité des politiques économi-
bouleversé fondamentalement le dépendront de moins en moins de
ques ne se mesure plus en systèmes de garantie des prix ou
statut hybride de petit propriétaire termes de retombées immédiates
des producteurs, limitant ainsi des mesures liées à la production
sur le développement interne ou aux facteurs de production » ;
l'action au système des prix, sauf (n'est-ce pas le schéma typique
à intervenir directement par des on espère des aides directes une
de la crise de régulation for- meilleure capacité de réduire les
mesures concernant les statuts diste?).
sociaux (pour un approfondisse- écarts de revenus, selon des
ment, voir Allaire, 1984a et b). La critères diversifiés; enfin, les mi-
deuxième voie fut utilisée en Des politiques agricoles de nistres de l'agriculture de l'OCDE
matière de retraites et de droits de transition sont convenus que « l'ajustement
la femme, mais l'essentiel reste à Selon l'OCDE, tous les pays du secteur agricole serait facilité
faire pour adapter les conditions membres de cette organisation s'il peut s'appuyer sur un ensem-
de transmission du patrimoine, « estiment que la situation agri- ble de mesures visant au déve-
étendre la reconnaissance profes- cole est entrée dans une crise qui loppement de diverses activités
sionnelle à l'ensemble des sta- semble échapper aux méca- en zones rurales » (ce qui néces-
tuts, y compris les collaborateurs nismes nationaux et internatio- site une nouvelle articulation de
du chef d'exploitation, favoriser naux traditionnels de régulation » plusieurs politiques). Dans cette
l'association et la coopération au et s'accordent sur la nécessité perspective, le développement lo-
niveau de la production, permettre d'une réforme des politiques agri- cal rural se voit encouragé parce
la pluriactivité et, au total, favori- coles (OCDE, 1988). Nous ne qu'il faut prendre acte des trans-
ser une implication dans la trans- discuterons pas ici des réformes formations sociologiques et cultu-
formation et la maîtrise locale des entreprises, mais des principes relles de la société rurale (où les
conditions d'existence (certains essentiels qui, toujours selon agriculteurs ne forment plus un
de ces aspects ont fait l'objet du l'OCDE, devraient être mis en groupe à part, ni même prépondé-
rant) et parce qu'il serait suscepti- accrues les actions structurelles régions les systèmes profession-
ble de favoriser une réorganisa- de la CEE, en particulier les fonds nels se différencient. La seule
tion du secteur agricole. Mes coordonnés avec les politiques façon d'éviter une dégradation
commentaires sur cet ensemble régionales). des statuts d'une partie de la
porteront sur trois points. population agricole et de négocier
Troisièmement, l'« incitation à
Premièrement, ces principes cette réorganisation me paraît
produire », lors de la modernisa-
ne posent pas véritablement une être la mise en chantier d'une
tion, n'a pas été (loin de là)
alternative pour les politiques politique orientée vers l'emploi. Le
qu'une politique budgétaire,
agricoles. Leur « libéralisme », mouvement pour le développe-
aujourd'hui dénoncée. Les pro-
comme celui qui tend à prévaloir ment local est-il porteur de cette
ducteurs n'ont pas uniquement
dans les rapports nord-sud ou répondu à ce genre d'incitation en aspiration et peut-il en être une
dans la déréglementation du rap- calculant leur intérêt, mais aussi force organisationnelle?
port salarial, paraît avoir essen- et surtout en formulant leur propre Or, les orientations néo-rura-
tiellement le souci de la transition. identité de producteur (processus listes ne me paraissent pas une
D'ailleurs, poser « à long terme » facilité par une stabilité de moyen alternative. En tant que procès
l'objectif d'une régulation directe terme des institutions politiques). social, les caractéristiques essen-
par le marché, n'est-ce pas faire Quelle identité peut désormais tielles que l'on voit aujourd'hui
l'aveu de l'incohérence actuelle être liée à la désincitation ? Com- comme celles du développement
des « signaux du marché » ? Ce ment des façons différentes de local ne sont pas nouvelles.
qui est en jeu, c'est une réorgani- produire trouveront-elles quelque Rappelons-les (d'après Chas-
sation institutionnelle des mar- légitimité? On sait que la CEE, en sagne, 1988) : c'est un processus
chés; alors, il est vrai, c'est du dehors du «gel des terres», a avant d'être une procédure (mais
long terme. préparé des mesures incitatives combien de fois n'a-t-on pas vu
pour des façons de produire plus les élus locaux ne savoir que faire
Deuxièmement, dans une pé-
respectueuses de l'environne- des procédures que l'on leur
riode de crise, donc de transition,
ment et moins productivistes, propose?); il s'appuie sur des
les mesures de politique économi-
mais doivent-elles venir s'ajouter forces endogènes ; il est territorial
que sont ambivalentes. Il en va
à la batterie des aides exi- et non sectoriel (mais est-il exclu
ainsi quant à la signification éco-
stantes? Ne vaudrait-il pas mieux des logiques sectorielles?); il
nomique des «aides directes»,
qu'elles soient contractualisées cherche un désenclavement
qui ne sont plus étrangères au
dans des projets collectifs? De (c'est une crise de modernisa-
problème du contrôle des inves-
plus, quelle image de son statut tion!); il repose sur des institu-
tissements. Le problème de la
est renvoyée à l'agriculteur à qui il tions de concertation et sur un
puissance publique n'est plus
reste une question essentielle à « espace de négociation » dans
d'inciter à la transformation des
poser aux conseillers agricoles : lequel se trouve, pourrait-on dire,
genres de vie comme lorsqu'il
« dans ma situation, à quels types le chemin du développement.
s'agissait de mieux intégrer l'agri-
d'aides puis-je prétendre?» La Quels sont ces espaces de négo-
culture à l'économie nationale.
principale critique soulevée par ciation, ou espaces de soutien,
Certaines de ces aides (pour les
ces principes n'est pas qu'ils des innovations locales? Tel est
zones défavorisées) sont propor-
organisent un double secteur de le véritable problème des politi-
tionnelles au volume des moyens
l'agriculture (une « politique à ques de transition. Car si le local
de production (avec l'effet d'inciter
deux vitesses »), dont la diversité est, comme on le dit souvent, un
aux investissements de capacité
est au demeurant à prendre en refuge identitaire, ce n'est pas du
plutôt qu'à l'innovation). S'il est
compte, mais qu'ils n'offrent pas passé seul (même restauré) que
vrai que les anciens mécanismes
des directions pour une réorgani- l'on peut tirer la force du dévelop-
de la politique de modernisation
sation des modes de gestion et pement8.
deviennent (en partie) un moyen
de « réparer les trésoreries des d'organisation de l'agriculture. Il Pour réfléchir ce que pour-
mieux installés déséquilibrées par est erroné de voir la nouvelle raient être d'opportunes politiques
la crise » (Coulomb et Delorme, « agriculture duale » comme une de soutien aux initiatives locales,
1987) et que l'on assiste depuis différenciation géographique en- la distinction entre flexibilité dé-
une dizaine d'années à une chute tre le productivisme, au Nord, et fensive et flexibilité offensive me
des dépenses de l'État en faveur les jardiniers de la nature subven- paraît pertinente. Selon Leborgne
de l'investissement, un relais par- tionnés et/ou les entrepreneurs et Lipietz (1989: 17-22), «les
tiel a été pris par les régions (en ruraux d'un nouveau style, au politiques et les projets territoriaux
même temps se sont légèrement Sud. Dans les différents types de menés au nom de la flexibilité
Revue internationale d'action communautaire 22/62 se conjuguent à moyen terme, ils délocalisations qui peuvent en
Le développement rural et la politique agricole de
s'appuient sur la formation et sur résulter; évolution difficile à pré-
transition : quel paradigme alternatif au productivisme ? l'initiative des différentes catégo- voir dans l'état actuel des
ries de population. Les règles du connaissances, mais où intervien-
jeu, par des accords stabilisés dront tant « les lois de développe-
multipartites, sont fixées à un ment des districts que la volonté
niveau territorial large (au moins de les conserver et de les faire
national). Évidemment, cette des- prospérer par les autorités res-
cription d'un modèle de dévelop- ponsables». Or, aucun des au-
pement laissant une large part à teurs cités ne présente les politi-
des régulations territorialisées est ques économiques italiennes ré-
idyllique. Les auteurs cités font centes, ni même celles des
référence à la RFA, à l'Italie, au régions, comme clairement et
Japon, à la Suède (tandis que de consciemment orientées par de
"180 correspondent à des blocs so- l'autre côté on trouve la Grande-
tels objectifs, malgré une série de
ciaux en formation tout à fait Bretagne, les USA et la France).
mesures favorables. En particu-
différents » (les auteurs parlent Nous n'avons pas ici les moyens
lier, pour une véritable « régula-
des organisations industrielles et de discuter de chacun de ces cas,
mais nous ferons remarquer que tion flexible et négociée», il
des armatures urbaines, mais
les auteurs italiens cités sont, à convient de maîtriser l'évolution
l'observation vaut pour tous les
types de systèmes productifs). cet égard, loin d'afficher un com- du marché du travail ; à cet égard,
D'un côté on détruit les anciens plet enthousiasme. Bagnasco Reyneri (1988 : 71) relève que si
accords territoriaux, tout en ac- (1988: 293) souligne les enjeux les formes atypiques sont désor-
cordant au coup par coup un de la flexibilité offensive : « on mais (loi de 1987) en grande
soutien budgétaire, soit à partir imagine mal voir se perpétuer [les partie réglées par la négociation,
d'initiatives administratives (c'est conditions favorables] si les rap- il manque les institutions de
le cas des « programmes intégrés ports entre l'économie et la politi- développement ad hoc (pour re-
méditerranéens » de la CEE), soit que ne sont pas harmonieux. [...] venir aux questions plus propre-
suivant les aléas des majorités la cohésion sociale [ne peut être ment rurales, indiquons que le
politiques; l'introduction des nou- maintenue, dans] une société plus même type de remarque
velles technologies est exploitée diversifiée et plus moderne [...] concerne en France le salariat
par le patronat pour imposer une que par la promotion de la culture agricole saisonnier ou la pluriacti-
dégradation des contrats de tra- et des fonctions politiques » ; le vité des agriculteurs).
vail, brisant les dynamiques de « renforcement des fonctions or-
mobilité interne; des rapports à ganisationnelles et des fonctions En son temps, la dynamique
courte vue s'établissent entre les politiques appropriées s'impose locale de la modernisation agri-
entrepreneurs locaux et les firmes [...] pour que se créent de nou- cole avait été relayée ou impulsée
donneuses d'ordre; l'épargne lo- veaux systèmes, en particulier par des blocs sociaux et des
cale n'est pas mobilisée... L'exa- dans les zones sous-dévelop- pôles économiques régionaux. Ils
cerbation des dualismes sociaux pées », car là « il y a plus à faire impliquaient des alliances. Di-
locaux, la perte du savoir-faire et pour rendre l'environnement favo- verses institutions ont structuré
surtout de l'initiative en sont la rable ». G. Beccatini (1988 : 267- ces projets9. Mais il semblerait
conséquence. De l'autre côté se 268) souligne que, « pour tout qu'aujourd'hui c'est dans un
forment des systèmes productifs district donné, on imagine mal contexte de périphérisation que
localisés denses où s'épanouis- que la convergence des condi- les questions rurales sont posées
sent le partenariat entre les entre- tions de production requises et comme alliances sociales. On
prises, les centres de recherche des caractéristiques socio-cultu- observe en Europe toute une
(non nécessairement localisés) et relles soit très longtemps préser- gamme de situations intermé-
les administrations territoriales, vée » (les aspects du développe- diaires, où en des termes divers
chaque partenaire s'appuyant en ment ne sont pas co-déterminés) ; les questions de développement
outre sur des alliances stratégi- quant à « l'ensemble du système et de solidarité sont posées à des
ques extra-locales qui permettent des districts industriels », son niveaux régionaux ou micro-régio-
de maîtriser les circuits productifs évolution repose sur celle « des naux. L'élargissement vers le Sud
et le dynamisme territorial (ainsi consommations et des technolo- de la CEE renouvelle, en partie, le
que son « image »). Les projets gies de production », avec les débat sur les politiques rurales.
sionnelles et villageoises, et par- faire de groupes locaux à partir
fois sur des groupes mystiques. desquels se restructurent les sys-
Dans certaines zones de tèmes professionnels, et la situa-
montagne, des réseaux de vente tion actuelle, où des agriculteurs
directe ont été sans lendemain peuvent certes être vecteurs de
(par exemple, dans les Pyré- projets locaux diversificateurs des
nées). Des projets de diversifica- activités, mais trouvent souvent
tion et de relance pour les zones leurs partenaires dans des ré-
méditerranéennes sèches sont seaux de relations (relations sco-
restés très limités 12... Quant aux laires, divers groupes de statut) et
procédures d'animation locale non dans des groupes de localité.
telles que les PAR (« plans d'a- Le mouvement local de moderni-
ménagement rural », procédure sation trouvait une perspective
créée en France en 1976), elles dans une intégration au-delà de
ont du être pérennisées par de l'horizon local, tandis que les
Forces et faiblesses d'un
nouvelles procédures, de projets actuels se veulent une
mouvement rural de
« contrats de pays » en « chartes prise d'autonomie. Néanmoins, il
développement local dans le
intercommunales». Ces politi- ne faudrait pas croire que les
contexte actuel ques contractuelles entre l'État ou agriculteurs qui s'investissent
Voyons maintenant comment les régions, et des collectivités aujourd'hui dans le développe-
les choses se passent au niveau locales regroupées à cet effet ment local étaient marginaux. Un
des problématiques locales. Le suppléent en quelque sorte à une aspect de ce débat concerne la
développement local c'est, nous concentration administrative; si dimension collective de ces pro-
l'avons vu, des espaces d'initia- elles sont à la recherche de jets. Il me paraît exagéré d'y voir
tives, des procédures d'animation l'échelle territoriale correspondant un projet solidariste aux dimen-
(et des institutions qui organisent à la restructuration des systèmes sions économiques et éthiques
les relations non marchandes), productifs locaux, elles restent rappelant celui de la Jeunesse
des remises en cause et des largement tributaires des jeux agricole chrétienne des années
expérimentations sociales. C'est politiciens locaux. Néanmoins, la cinquante (Alphandéry et autres,
à la fois une problématique des loi de 1984 relative au développe-
autorités (c'est l'État qui a promu 1988: 226); cette solidarité était
ment et à la protection de la la promotion collective d'un mi-
des formules comme le « partena- montagne paraît un bon exemple
riat » ; en France, cela s'est fait lieu, notamment au travers d'un
de soutien à la flexibilité offensive. projet de formation (et par là une
par le vecteur des missions lo- Quelles sont les problématiques
cales pour l'emploi et des mouve- ouverture de ce milieu), tandis
sociales derrière ces mouve- qu'il s'agit plutôt aujourd'hui de la
ments associatifs financés — et ments ? Alternatives radicales
contrôlés — par les ministères) et mise en commun de savoirs
(utopies sociales)? Alternatives dispersés et de la rencontre de
une alternative à l'intégration affir- de développement, éléments d'un
mée par certains mouvements personnes disposant chacune de
nouveau paradigme societal ? Ou leurs réseaux plutôt que d'une
sociaux, urbains (autour de l'habi- encore résistances à l'offensive
tat et des formes alternatives entreprise de transformation des
d'un nouveau paradigme qui est réseaux locaux existants.
d'emploi) et ruraux. Dans les déjà là et remet en cause des
années soixante-dix, il y a profu- avantages acquis? Sans aucun Si P. Muller, A. Faure et
sion d'initiatives10 et aussi de doute les trois; l'enjeu de la F. Gerbaux (1989: 158) ont rai-
mouvements avortés, comme période de transition est ce que son de faire l'hypothèse que
l'occupation de terres incultes et sera leur combinaison. « l'esprit d'entreprise qui semble à
la création de coopératives de nouveau souffler à la campagne
production par des jeunes chô- Il me paraît difficile de faire un débouche sur [...] des espaces de
meurs, en Italie, mouvement ba- parallèle, quant aux valeurs qui reproduction [...] structurés autour
layé par les contraintes économi- peuvent animer diverses catégo- de stratégies individuelles et de
ques malgré sa légalisation en ries paysannes et les entraîner réseaux», on peut se demander
197611. Partout, les farouches dans un mouvement d'autodéve- comment sera maîtrisée une plus
communautés post-soixante-hui- loppement, entre la situation des grande fluidité des codes so-
tardes de « retour » vers la terre années soixante, où le dévelop- ciaux? Quelle organisation cultu-
se sont éclipsées ou ont abouti pement agricole (et notamment la relle sera la clef de cette maî-
sur d'honnêtes insertions profes- formation technique) devient l'af- trise? Pour qu'il y ait à la
Revue internationale d'action communautaire 22/62 catégories sociales, et de la syndicales paysannes prennent
Le développement rural et la politique agricole de
mobilisation de forces sociales en compte diverses catégories de
transition : quel paradigme alternatif au productivisme? diverses. Il trouve une expression ruraux (un semi-prolétariat rural
dans l'institutionnalisation de la ou des artisans), ce qui corres-
scène politique locale, ce que l'on pond avec l'inachèvement du pro-
appelle, en France, le « mouve- cessus de professionnalisation
ment des pays ». Malgré le poids sectorielle (Grèce et Portugal, en
d'un certain néo-ruralisme dans particulier). Mais, là aussi, peu à
l'administration, les forces réelles peu, des problématiques profes-
d'un mouvement de développe- sionnelles tendent à hégémoniser
ment local en milieu rural sont les organisations agricoles (Es-
limitées, en France comme en pagne des années 1980). Sinon,
Europe (Allaire et Vuarin, 1988). le jeu d'influence des partis politi-
Je reprends ici la discussion de ques les ramène de toute façon
182 campagne de nouveaux entrepre- cette question, à partir de ré- sur des enjeux qui se situent au
neurs, il faut qu'il y ait de flexions sur les problématiques niveau de l'État et ne favorisent
nouveaux salariés, même s'il s'a- professionnelles, d'une part, et pas leur rôle politique local.
git souvent d'une main-d'oeuvre coopératives, d'autre part. Au total, que les organisations
d'appoint (ce que paraissent ou- agricoles relèvent de logiques
blier les auteurs cités). Est-elle Profession agricole et politiques professionnelles ou soient plus ou
essentiellement mobile? Adopte- néo-ruralistes moins directement soumises à
t-elle des stratégies profession- Contestataires, mais dérivées des logiques partidaires, elles
nelles la menant elle-même au de la force sociale du courant sont essentiellement tournées
travail indépendant (ou associant paysan des années soixante (et, vers des enjeux centraux. Elles
les deux types de statut)? Ré- par ailleurs, des luttes sociales de sont, ou elles sont devenues,
sulte-t-elle d'une différenciation 1968 et des années suivantes), inaptes à intégrer des problémati-
de la population locale? Dans les organisations paysannes al- ques rurales 13 car elles se sont
chaque cas, quelles sont les ternatives en France semblent construites contre ce genre de
institutions qui assurent la dyna- avoir un poids politique supérieur problématique. Cela ne veut pas
mique des relations profession- à celui des forces agricoles alter- dire que les agriculteurs le soient,
nelles? (Le succès de l'industriali- natives de l'Europe du Nord, dont ce qui renforce la crise profes-
sation diffuse des années l'organisation paraît limitée à des sionnelle. À cet égard, il est
soixante-dix reposait sur la réseaux (cependant, des liens intéressant de noter qu'un diri-
conservation ou l'adaptation des existent là avec les « Verts » qui geant de l'opposition syndicale
formes de solidarité familiale tra- renforcent l'audience de projets paysanne de gauche (Lambert,
ditionnelles, en Italie particulière- alternatifs pour l'agriculture, tan- 1984a) met d'abord l'accent sur la
ment; on notera qu'il n'y a prati- dis qu'ici l'abandon du pro- nécessité d'une alliance avec les
quement pas en Italie de politique gramme de réformes agricoles de mouvements de consommateurs
spécifique d'aide à l'installation de 1981 indique des limites cer- avant d'admettre, parmi les en-
jeunes agriculteurs ou d'entrepre- taines). Les alternatives syndi- jeux actuels, le problème du
neurs individuels.) cales paysannes sont dans une rapport entre la dimension verti-
logique professionnelle. La mo- cale, syndicale, et horizontale,
Les enjeux territoriaux de dé-
dernisation de l'agriculture pay- développement local.
veloppement, y compris l'agricul-
ture, ne concernent pas exclusi- sanne a pris la forme d'un mouve- Sur le plan politique, c'est
vement des groupes locaux (l'as- ment professionnel qui a séparé moins la vigueur d'une réflexion
sociation agriculture-tourisme, l'agricole du rural. La situation est sur le rural qui fait défaut dans les
souvent mise en avant, en est un différente dans les pays de l'Eu- années récentes, que le lieu de sa
exemple). Les problématiques de rope du Sud, soit que les luttes cohérence. Les chambres d'agri-
développement local re-légitimi- des ouvriers agricoles aient domi- culture, par exemple, s'y attellent
sent ou renouvellent les élites né (dans le passé proche) celles surtout parce que la réduction de
locales, élus, responsables pro- des autres catégories rurales, soit leurs soutiens budgétaires les
fessionnels et associatifs. S'il y a, que la promotion sociale semble contraint à un redéploiement des
localement, un mouvement social passer plus par l'action partidaire services aux agriculteurs. Partout
rural, il s'agit précisément d'un que par l'action socio-profession- où les organisations profession-
nouveau lien politique entre les nelle, soit que les organisations nelles agricoles sont importantes,
cette cohérence manque. En en 1936, à la Libération (en est l'histoire des coopératives
RFA, comme d'ailleurs en France, France comme en Italie, où, dans agricoles. En France, les pre-
il n'y a guère que les organisa- la période récente encore, le mières sont créées vers 1885
tions de jeunesse confession- poids des coopératives de pro- (laiteries du Poitou), puis après
nelles pour afficher un point de duction et de services est plus 1900, dans la zone viticole de
vue plus rural qu'agricole. Et, si important qu'en France), dans la l'Hérault (des coopératives « so-
l'on en juge par le cas français, ce République espagnole et durant cialistes » apparaissent dans une
sont précisément le développe- la Guerre civile, lors de la Révolu- situation de mévente et de crise
ment et la spécialisation des tion des oeillets de 1974 au politique du mouvement socia-
mouvements professionnels qui Portugal. De brèves périodes poli- liste; voir Sagnes, 1981). Le
les ont confirmées dans ce rôle. tiques troublées ont été favora- mouvement de création s'amplifie
Du reste, le terme « rural » garde bles aux initiatives ouvrières, ne dans des périodes de réforme de
dans certains cas une connotation serait-ce que par réaction devant la politique agricole : 1936, 1947,
traditionaliste, voire conserva- la démission des patrons et des 1960, et de nouveau dans les
trice : c'est le cas en Italie, où les propriétaires (dans l'Alantejo, en années quatre-vingt. Dans les
nouvelles problématiques territo- 1974, la plupart des domaines années soixante, l'essor de la
riales sont de préférence asso- « occupés » avaient été abandon- coopération est à mettre en rap-
ciées à la notion de « développe- nés ; la loi les « restituera » par la port avec l'« industrialisation » de
ment endogène ». suite à leurs propriétaires !). D'une l'élevage et « la conquête du
façon plus diffuse, la reprise du pouvoir économique » à laquelle
Coopération et développement capital par une association de s'attellent les jeunes dirigeants
local salariés reste aujourd'hui une modernistes : en Bretagne, « le
On peut s'interroger sur la issue de certains conflits liés aux refus de [la pénétration brutale
faible part de l'esprit coopératif restructurations industrielles. Ce- dans l'agriculture bretonne de
dans les problématiques néo-ru- pendant, si l'on analyse non pas firmes capitalistes] par la majorité
ralistes, alors que la création de chaque expérience particulière, du milieu paysan et ses organisa-
nouvelles organisations coopéra- qui peut être défensive ou offen- tions syndicales a conduit à accé-
tives locales est un débouché de sive, mais le mouvement coopé- lérer le renouveau coopératif en
nombreux projets d'initiative lo- ratif, il s'identifie, notamment dans tant que réponse possible à cette
cale. La coopération n'a-t-elle pas la phase initiale (1830-1880), situation» (Canevet, 1985: 16).
été, lors de précédentes périodes avec une réaction aux mutations En des formes adaptées, on peut
de crise, le point d'aboutissement du capitalisme de collectifs de voir aussi ici une résistance de
d'utopies sociales et de projets travail reposant sur des savoir- producteurs qualifiés (plus exac-
alternatifs? N'est-elle pas par faire qualifiés (d'où ensuite la tement, dans ce cas, une straté-
nature un projet territorial? restriction du mouvement à cer- gie de qualification des produc-
tains secteurs). Les problémati- teurs et une stratégie coopérative
L'associationnisme et l'esprit
ques coopérativistes proviennent vont de pair); les coopératives
coopératif trouvent racine dans le
aussi d'un souci d'organisation devenant des « coopératives-
tourbillon des utopies qui suit la
des solidarités locales (et s'oppo- firmes», la gauche paysanne
révolution de 1789 et se dévelop-
sent à l'organisation sectorielle); tentera par la suite de développer
pent avec les différents courants
la régression des bourses du « un syndicalisme paysan à l'inté-
socialistes et le catholicisme so-
travail au profit des syndicats de rieur de la coopération » (Lam-
cial. Quelques repères montrent
branche a contribué à contrarier bert, 1984b). Au début des an-
le lien entre l'histoire de la coopé-
ration et celle du mouvement leur développement. Mais le mou- nées quatre-vingt et du premier
ouvrier. Lors de la révolution de vement n'a pas que ces aspects septennat de F. Mitterrand, un
1848, en quelques semaines, on défensifs, car les créations de renouveau de ces problématiques
dénombre trois cents créations coopératives interviennent dans apparaît, tant au travers d'initia-
d'entreprises organisées sur le des périodes d'effervescence où tives locales qu'avec la création,
modèle de l'association du capital l'initiative ne paraît plus être du en décembre 1981, de la déléga-
et du travail. La Commune de côté des maîtres, de ceux d'en tion interministérielle à l'Économie
Paris prend un décret organisant haut. Les problématiques asso- sociale. Mais, en agriculture parti-
la réouverture et l'exploitation par ciation nistes réapparaissent culièrement, les coopératives sont
des coopératives ouvrières des comme possible paradigme alter- aussi fortement louées que dé-
ateliers abandonnés par leurs natif dans chaque période de noncées dans la mesure où les
patrons. Des initiatives fleurissent transition. Une autre illustration en pratiques réelles apparaissent en
Revue internationale d'action communautaire 22/62 coopérativistes font bien partie de ger dans la voie d'une accumula-
Le développement rural et la politique agricole de
la révolution des années soixante, tion collective.
transition : quel paradigme alternatif au productivisme ? tandis qu'ils souffrent aujourd'hui
Cette observation ne diminue
de l'extériorité des réseaux.
pas pour autant les enjeux de la
La coopération se présente coopération en termes de dé-
dans les problématiques sociales veloppement. Très justement,
(dans le domaine de l'agriculture) R. Schwob (1985) en souligne
comme un paradigme alternatif, trois principaux (à partir d'exem-
parce qu'elle pose les problèmes ples pris dans des zones défa-
en termes territoriaux et de déve- vorisées du sud de la France).
loppement, en ce qui concerne Premièrement, les nouvelles ini-
tant les politiques et les stratégies tiatives coopératives naissent en
agroalimentaires, que l'organisa- « réaction au mode de développe-
tion des systèmes productifs lo- ment agroalimentaire imposé par
184 contradiction avec les principes caux (Nouvelles Campagnes, une ou plusieurs firmes, coopéra-
de solidarité locale (en Bretagne, 1985). Dans le cadre du sujet tives ou privées, qui interviennent
les luttes sociales dans l'agricul- traité ici, j'envisagerais essentiel- de manière dominante dans la
ture durant les années 1970-1975 lement le deuxième aspect, qui a zone concernée», cette réaction
en sont une illustration). de multiples dimensions : diversi- pouvant être défensive ou offen-
Les stratégies coopératives fication des productions et maî- sive (voir plus haut), ou plus
peuvent être offensives à deux trise technologique, organisation exactement les deux, selon le
titres. Premièrement, comme contractuelle des services aux niveau d'analyse. L'alternative est
forme de contrôle des innovations agriculteurs (exemples : vétéri- d'autant moins simple que les
technologiques; c'est souvent le naires, oenologues...), organisa- initiatives, même collectives,
cas, en agriculture, de la vague tion de l'entraide, voire organisa- s'inscrivent d'abord dans une
récente de création de coopéra- tion en coopérative de production crise de confiance vis-à-vis d'an-
tives d'utilisation du matériel agri- pluriactive de micro-systèmes de ciens projets coopératifs (Val-
cole (exemples : ensilage, ma- production locaux et/ou appro- cheschini, 1984). Deuxièmement,
chines à vendanger, semoirs de priation collective du foncier14. Il y elles « s'inscrivent dans un mou-
précision, fours pour le tabac...). Il a ici un côté utopique : les projets vement plus large d'affirmation
est d'ailleurs paradoxal, mais pas de coopération à la production d'un fait culturel, régional, et
étonnant, que les questions agri- naissent dans la période d'effer- même quelquefois national, et
coles aient été complètement vescence de 1981-1984; malgré dans la perspective d'un dévelop-
évacuées des débats lancés en diverses initiatives de soutien, ils pement plus autonome de ces
1985 (gouvernement Fabius) sur n'ont pas connu de réalisation et régions». Mais, si le fait culturel
la modernisation, étant donné la territorial dans les représentations
l'adaptation du statut de la coopé-
pression des surplus. Alors que le locales peut être un élément
ration alors envisagé par le cabi-
métier des agriculteurs est de déclencheur ou favorisant des
net du ministre de l'Agriculture et
plus en plus qualifié, la représen- consensus locaux (cette dimen-
la Fédération nationale de la
tation de leur utilité sociale est sion existe en maints endroits;
coopération agricole n'a pas été elle caractérise spécifiquement
troublée, sans que de nouveaux mise en oeuvre. J'ai eu l'occasion
thèmes politiques apparaissent certaines réalisations locales et
de parler de la coopération au même régionales, comme le ré-
qui pourraient lier certains as- niveau de la production devant
pects de l'anti-productivisme avec seau de coopératives Mondragon
des groupes d'agriculteurs (à leur dans le Pays Basque espagnol et
les thèmes de la modernisation,
demande, au début des années la mise en place d'une alternative
(ce qu'a tenté de faire, un peu
quatre-vingt); or, chaque fois, je à la transformation du lait de
isolé, le mouvement des CUMA).
les ai surpris en montrant en quoi brebis en « fromage de Roque-
Deuxièmement, par l'organisation
du travail : la coopération corres- le statut de coopérateur relevait fort » par la création d'une appel-
pond à une forme de profession- plus d'une forme alternative de lation d'origine régionale dans le
nalité qui reste communautaire, à salariat que du petit producteur Pays Basque français15, et il
une certaine association entre autonome ; ils se sont en général s'agit alors pratiquement d'une
l'esprit d'entreprise et un système découragés, car ils ne voulaient caractéristique de « district »), sa
plus communautaire que secto- pas abandonner le caractère pa- surévaluation dans l'univers des
riel. En ce sens les thèmes trimonial de leur activité et s'enga- discours politiques peut être l'in-
verse d'un facteur de soutien, dès l'on trouve là, particulièrement en cipes? Des idées, des aspirations
lors qu'un décalage s'ouvre entre France, la limite d'un modèle pour l'avenir sont nécessaires.
les projets « militants » et la réali- exclusivement « paysanniste » du Viennent ensuite les dynamiques.
té de l'expérience sociale locale. développement agricole, qui n'est Le véritable espace de négocia-
C'est en effet, alors, une situation pas encore en question malgré un tion, celui des nouvelles régula-
défavorable à la maîtrise de la début de modification des prati- tions, n'est pas formalisable en
fluidité des codes sociaux (n'est- ques. termes territoriaux restreints, il se
ce pas une des causes internes situe à l'intersection des dynami-
de l'échec d'un développement en Conclusion ques locales et des compromis
Corse après la création du statut Pour les historiens, comme le institutionnalisés (verticaux).
particulier de 1982?). La difficulté disent Bloch-Lainé et Bouvier D'où, certes, l'intérêt des expéri-
est, comme le souligne G. Henry (1986 : 37), « la modernisation est mentations locales, si on ne les
(1985, à propos des CUMA), la à l'ordre du jour de manière mystifie pas. À moins d'être sou-
prise en compte de relations récurrente : en 1840, 1860, 1920, terraines ou de simples esquives,
interpersonnelles « plus distan- 1945, 1954, 1986» (il s'agit de la les alternatives ne peuvent que
cées, moins investies affective- France). J. Bouvier faisait partie favoriser, pour être viables, une
ment, moins organiques que dans des initiateurs d'un point de vue recomposition des systèmes pro-
les communautés tradition- « révisionniste » sur l'histoire du fessionnels (cela n'ira pas sans
nelles » ; elle ne peut résulter que capitalisme français et critiquait la remises en cause chez les « alter-
d'un consensus « actif » et non de théorie d'un « malthusianisme natifs » aussi !). Ce qui est en jeu
« pressions psychologiques » ex- économique » comme caractéris- est une politique organisée de
térieures, ce qui est aussi une tique d'une économie française l'emploi agricole et rural.
limite des pratiques d'animation. toujours présentée «en retard», Ce n'est pas d'emblée,
Troisièmement, « les luttes d'in- alors qu'il est à considérer comme comme par enchantement ou
fluence entre ces nouveaux pro- un fait de conjoncture plutôt que miracle des volontés politiques,
jets et les forces économiques de structure. La dernière grande que s'établira une nouvelle cohé-
dominantes ne se sont pas dérou- révolution agricole, comme toute rence, de bas en haut, des
lées dans un champ clos. Bien au modernisation, a défait des points systèmes locaux au régime inter-
contraire l'État est le plus souvent de vue routiniers, dont les sociolo- national. Des dynamiques hori-
intervenu de manière impor- gues ont pu montrer qu'ils avaient zontales ont un rôle à jouer. Mais
tante » par le biais de divers quelque légitimité, mais elle s'ins- il ne peut suffire qu'il existe de
organismes. À cet égard on se crit dans une vague de longue simples confrontations d'expé-
reportera à ce qui a été dit plus durée (en gros, biséculaire), dans riences micro-locales, qui pour-
haut des conditions de la flexibilité laquelle se répètent, sous des tant sont nécessaires à l'établis-
offensive. structures qui se transforment, les sement de nouveaux horizons
mêmes oppositions de principes. politiques. Par contre, des enjeux
Reste à examiner la portée décisifs se situent, sans doute,
politique des problématiques co- Ces moments où le malthusia-
nisme fait des ravages (en agri- dans des coordinations des politi-
opératives, non en général, mais ques régionales, y compris celles
dans le contexte de l'actuelle culture il s'agit moins d'un malthu-
sianisme d'entreprise que d'un qui s'établissent au delà des
transition. Pour m'en tenir aux cadres nationaux, par exemple
courants syndicaux de la gauche malthusianisme corporatiste) et
où des innovations se dessinent, dans le sud de l'Europe.
paysanne en France, il ressort de
l'analyse précédente deux contra- ce sont des périodes de transi- Gilles Allaire
dictions qui rendent le débat tion. Institut national de la recherche
« introuvable ». Comment s'ap- On peut penser que la décon- agronomique
puyer sur de nouvelles pratiques centration et la décentralisation Station économie et sociologie
coopératives alors que la crise du sont nécessaires, en période de rurales de Toulouse
mode de développement se tra- transition, à la recomposition des
duit entre autres par la restriction modes de régulation. Mais quelles
de la base sociale de projets autorités sociales locales s'enga-
coopératifs antérieurs? Une ré- geront dans une aventure sans
évaluation complexe ! Comment perspectives régionales? Une po-
combiner des conceptions liées litique de développement peut-
au salariat et d'autres au travail elle se contenter d'impulser des
indépendant? Il me semble que dynamiques en posant leurs prin-
Revue internationale d'action communautaire 22/62 alternatives dans chaque période de 1989, il s'agit de l'agriculture danoise du
transition, dans chaque phase de réor- milieu du dix-neuvième siècle). Mais,
Le développement rural et la politique agricole de ganisation du système économique. dans chaque contexte, historiquement, il
transition : quel paradigme alternatif au productivisme? 3 s'agit de la réévaluation, par le bas et
On fait remonter cette conception terri- par le haut, d'organisations non prédé-
toriale des systèmes économiques à terminées pour « faire système ».
A. Marshall. Il s'agit aussi, au fond,
d'une ancienne découverte de l'écono- 7
Un système institutionnel multipolaire,
mie rurale (si ce n'est un fondement), c'est ce que les anglo-saxons appelle-
qu'expriment des notions comme sys- raient, dans leur langue, un corpora-
tème de production et système agraire. tisme ! Servolin (1985 : 42-43) fait une
4
Pour une élaboration propre au do- critique judicieuse de cette problémati-
maine agricole sur ces questions, voir : que « néo-corporatiste » en soulignant
sur les systèmes locaux de normes pro- que si l'on veut rompre avec les théories
fessionnelles, Darré, 1985 ; sur les sys- instrumentalistes de la régulation so-
tèmes locaux de production, Allaire et ciale, la notion de régulation n'a de sens
Blanc, 1979 ; sur l'hégémonie, Muller, « qu'en référence à un ordre par rapport
1983, et Allaire, 1983 ; sur les blocs auquel le fonctionnement social est re-
186 WÊmÊÊÊÊmm sociaux régionaux, Cavailhès, Daucé et connu comme satisfaisant », ordre qui
Perrier-Cornet, 1986 ; sur le modèle de n'est autre que la « loi du capital », à
Notes laquelle doivent se plier toutes les
développement, Allaire, 1988a.
1 classes par l'intermédiaire de leurs,or-
On peut voir dans les critiques de la 5
La continuité des projets de modernisa- ganisations corporatives, et dont l'État
société industrielle du dix-neuvième siè- tion économique,dans certains secteurs est le porteur. Mais cette loi n'est pas
cle et dans les utopies sociales qui s'y de l'appareil d'État (et celle des car- d'airain et cet ordre prend historique-
nourrissent des problématiques de l'ur- rières de certains grands techniciens) ment la forme de ce que Lipietz appelle
banisme (Choay, 1965) et du dévelop- des années trente aux années cin- un « paradigme societal » (associé à un
pement, y compris parmi les « utopies quante, y compris au travers de la pé- modèle de développement) vers lequel
réactionnaires ». Ainsi en est-il de « l'in- riode vichyste, est maintenant bien éta- convergent ou par rapport auquel se
génierie sociale » des leplaysiens, cou- blie par les historiens (voir les situent les problématiques sociales.
rant de pensée qui remonte aux origines références de ce débat dans Bloch-Lai-
des sciences sociales, en cours de ré- né et Bouvier, 1986). Mais toute la mo-
8
Une parole prophétique comme celle de
évaluation (Kalaora et Savoye, 1989). dernisation n'est pas là : c'est aussi des Jean-Marie Djibaou l'exprime très bien :
On trouve dans l'oeuvre de Descamps, mouvements sociaux dont l'évolution « La recherche d'identité, le modèle,
à propos du Portugal (où il séjourne de est complexe, avec des retours et des pour moi il est devant soi, jamais en
1930 à 1935, invité par Salazar à livrer à-coups. arrière » (mars 1985). A contrario, com-
un diagnostic sur l'état social du pays), bien de pétitions locales (sans doute en
6
des formulations que l'on retrouvera Cette question est liée à celle de « l'inté- Kanaky même) manquent de cet esprit
chez les théoriciens du développement : gration de l'agriculture au capitalisme ». visionnaire !
la notion de « répercussion sociale », Servolin (1985 :47) affirme : « Pour que
9
qui évoque « l'effet de remous » de Myr- la [petite production marchande] fonc- Voir par exemple (pour la France) l'ex-
dal ; l'ambition d'établir la « formule syn- tionne efficacement, il est nécessaire périence du « Bureau méridional » de
thétique » de chaque société ou grou- qu'elle se voie reconnaître une marge planification agricole en Provence (Go-
pement, une sorte de modèle de d'autonomie ». Outre que l'on peut trou- dard et Ceron, 1988), la structuration
développement ; l'identification de « ré- ver des exemples d'agricultures étroite- des coopératives bretonnes (Canevet,
gions sociales » à partir des caractères ment contrôlées par un État (y compris 1985), et un organisme de réflexion et
de l'organisation du travail et des fa- de forme capitaliste) qui réduisent la d'action régionale comme le GETIS
milles. Au passage, notons que la défini- protée de cette déduction théorique, (Collenot, 1979) qui, concernant les
tion des autorités sociales initiatrices cette question est plus complexe si on la pays de l'Adour, était animé par des
des réformes, leur formation et leur ex- développe : comment s'intègre l'agricul- ingénieurs parisiens de la Société
tension sont des questions clés des ture nationale à l'économie nationale nationale des pétroles d'Aquitaine.
théories du développement. organisée par les paradigmes for- 10
distes ? Elle rebondit alors sur chacun Pour les initiatives rurales, on trouvera
2
Karl Mannheim considère « comme uto- des aspects du modèle de développe- de nombreux témoignages dans des re-
piques toutes les idées situationnelle- ment, régime d'accumulation et para- vues comme Nouvelles Campagnes
ment transcendantes (et pas seulement digmes technologiques, formes de régu- (publiée en France de 1978 à 1985) ou
les projections de désirs) qui ont d'une lation, blocs sociaux dirigeants. La Alternatives paysannes (publiée à l'ini-
façon quelconque un effet de transfor- sectorisation de l'agriculture (c'est-à- tiative de l'association Peuple et culture
mation sur l'ordre historico-social exi- dire son paramétrage économique par de Grenoble).
stant » (1931 : 145) : les groupes domi- le régime d'accumulation), la cohérence 11
En Corse, des occupations de do-
nants ont besoin d'idéologies de son univers technique avec les para- maines viticoles (tenus par des Pieds-
légitimatrices, tandis que les dominés digmes techniques du fordisme et l'or- noirs alors en faillite et que cela arran-
produisent des projets contestataires, ganisation de ses marchés sous geait bien !) par des jeunes descendus
les « utopies sociales ». Cependant, le contrôle étatique n'ont rien d'incompati- de la montagne n'ont même pas pu
propre des utopies est de faire table ble avec l'autonomisation des formes de obtenir un début de légalisation.
rase du passé et d'être de pures volon- régulation. Certes, quand on observe la
tés. Mais, si ces volontés sont parta- 12
situation ex post, « l'agriculture mo- Un contre-exemple intéressant est ce
gées dans la société, ne quittent-elles derne » apparaît bien comme l'autono- qui s'est passé sur le plateau du Larzac
pas alors le terrain de l'utopie pour nour- misation de valeurs et d'institutions qui après dix ans de lutte contre le projet
rir ce que nous appelons des probléma- forment un tout, dont on pourra trouver d'extension du camp militaire, projet
tiques sociales de développement ? Les le modèle dans tel ou tel mode concret abandonné en 1981 (voir Mathey et
utopies sociales réapparaissent comme de développement (pour C. Servolin, Mathey, 1984).
13
II y a des contre-exemples, lorsque les ALLAIRE, Gilles. 1988a. « Le modèle de CANEVET, Corentin. 1985. « Les muta-
organisations du développement agri- développement agricole des années tions socio-économiques et idéologi-
cole gèrent des procédures d'animation 1960 », Économie rurale, 184-185- ques de la coopération agricole depuis
rurale et y trouvent une partie de leurs 186 : 171-181. un quart de siècle à travers l'exemple
crédits de fonctionnement (c'est le cas breton », Nouvelles Campagnes, 31-
ALLAIRE, Gilles. 1988b. « Une génération
en Dordogne, dans certains départe- 32 : 12-27.
sur ses terres », dans Les Agriculteurs
ments du Languedoc-Roussilon et en
et la politique depuis 1970. Actes du CAPECCHI, Vittorio. 1988. « Petite entre-
Provence-Côte d'Azur) ; certains mou-
colloque de l'Association française de prise et économie locale : la flexibilité
vements associatifs ont également cette
sciences politiques, Paris, décembre productive », dans MARUANI et au-
fonction. En Espagne, la régionalisation
1987, à paraître. tres : 271-286.
du développement agricole paraît favori-
ser cette tendance. ALLAIRE, Gilles et Michel BLANC. 1979. CAVAILHÈS, Jean, Pierre DAUCÉ et Phil-
14
« Typologies des exploitations agri- lipe PERRIER-CORNET. 1986. Méca-
Voir différents témoignages et analyses coles et analyse des couches so- nismes régionaux du développement
dans Nouvelles Campagnes, 1985 ciales », Revue de géographie des Py- agricole et concurrence inter-régionale.
(actes du colloque) ; voir en particulier, rénées et du Sud-Ouest, 50, 2 : INRA-ESR, « Actes et communica-
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de 1976 dans le n° 1. On trouvera aussi « Quelles forces sociales pour l'Europe Utopies et réalités. Une anthologie.
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