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Introduction/définition :
Une cryoglobulinémie est définie par la présence persistante dans le sang d’immunoglobulines
(Ig) anormales, de caractère monoclonal ou polyclonal, précipitant à basse température et se
dissolvant lors du réchauffement.
Ces immunoglobulines sont appelés cryoglobulines
La Cryoglobulinémie peut rester une anomalie biologique isolée ou être responsable d’une
vascularite des vaisseaux de petit calibre avec une atteinte préférentielle de la peau, des
articulations, du système nerveux périphérique et du rein.
La précipitation réversible des cryoglobulines selon la température est une des propriétés
biochimiques qui permet de les distinguer des autres cryoprécipités : cryofibrinogène, complexe
protéine C réactive-albumine, agglutinines froides
Epidémiologie :
Maladie a prédominance féminine (2 F /1 H)
entre la 5ième et la 6ième décennie
sans caractéristique particulière selon l’ethnie
Physiopathologie :
Depuis 1974, la classification de Brouet est la plus utilisée ; elle repose sur une analyse
immunochimique des cryoglobulines, et clinique, permettant d’en définir trois types :
1- Cryoglobulinémies de type I (monoclonales) : 6 % à 25 %
Ils sont constitués d’une immunoglobuline monoclonale unique.
Il s’agit le plus souvent d’une IgM, parfois d’une IgG, rarement d’une IgA, voire de rarissimes
chaînes légères libres monoclonales.
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Elles sont généralement abondantes (> 1 g/l) et leur cryoprécipitation est rapide sous forme de
floculat gélatineux ou cristallin.
2- Cryoglobulinémies mixtes (type II et type III):
Les CM de type II :( 25 % à 62 %) sont composées de deux types d’Ig, l’une monoclonale (le plus
souvent une IgM kappa) et les autres polyclonales (IgG et parfois IgA)
Les CM de type III :( 32 % à 50 %) sont caractérisées par des complexes d’IgG polyclonales et
d’IgM polyclonales, plus rarement des IgA polyclonales. Leur taux est souvent faible et leur
cryoprécipitation est plus lente.
+++ des techniques immuno-biochimiques très sensibles (immun blot et électrophorèse
bidimensionnelle) ont permis d’individualiser des cryoglobulinémies associant des IgM
oligoclonales et des IgG polyclonales (types II–III) ou encore des cryoglobulinémies biclonales
donc des formes intermédiaires entre les différents types.
Diagnostic positif :
A- Critères de classification :
Le dgc repose sur la présence d’une cryoglobulinémie associée à un purpura, des arthralgies, des
manifestations viscérales.
-Les critères sont remplie si au moins deux des trois items (interrogatoires, clinique et biologique)
sont présents.la positivité de la cryoglobulinémie doit être retrouvée au moins à deux reprises à au
moins 12 semaines d’intervalles
B- Signes cliniques :
Il convient de ne pas confondre l’anomalie biologique (positivité de la recherche de
cryoglobulines) avec les manifestations cliniques de vascularite cryoglobulinémique.
La majorité des patients infectés par le VHC ayant une CM sont asymptomatiques, alors que de
(13 % - 30 %) d’entre eux peuvent présenter des symptômes.
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1- Manifestations cutanées :
Les manifestations cutanées sont la conséquence directe d’une vascularite des vaisseaux de petit
calibre.
Le symptôme principal est le purpura vasculaire, Souvent révélateur et intermittent, il survient
volontiers au cours des périodes hivernales et débute toujours aux membres inférieurs, pouvant
s’étendre progressivement jusqu’à l’abdomen. Il est infiltré, non prurigineux, d’aspect pétéchial
ou papillaire, rarement nécrotique sauf dans les cryoglobulinémies type I.
Les poussées purpuriques peuvent être déclenchées par l’orthostatisme, les efforts prolongés,
l’exposition au froid, voire un traumatisme.
Plus rarement, l’atteinte cutanée peut correspondre à des ulcères supra malléolaires associés au
purpura, un syndrome de Raynaud pouvant se compliquer d’ulcérations digitales ou d’une
vascularite urticarienne (urticaire au froid sans prurit ou par le test au glaçon sur avant-bras).
Un syndrome de Raynaud et une acrocyanose
La biopsie cutanée objective des lésions de vascularite leucocytoclasique des vaisseaux de petit
calibre avec un infiltrat inflammatoire mixte composé essentiellement de cellules mononuclées
autour des parois vasculaires et dans certains cas des thrombi-endo vasculaires.
2- Manifestations rhumatologiques :
Il s’agit principalement d’arthralgies touchant les grosses articulations, bilatérales et symétriques,
non déformantes et non migratrices. Intermittentes et souvent inaugurales.
Une arthrite vraie ou une atteinte du rachis sont beaucoup plus rares.
À la phase initiale d’une polyarthrite rhumatoïde, des difficultés diagnostiques peuvent se poser,
d’autant qu’existe un facteur rhumatoïde. Le dosage des ACPA permet de faire la distinction car
ils sont présents chez moins de 5 % des patients infectés par le VHC.
Des myalgies pouvant s’intégrer par ailleurs dans un tableau de type syndrome de fatigue
chronique, voire de fibromyalgie
3- Manifestations neurologiques :
Le tableau clinique prédominant (80 % des cas) est celui d’une polyneuropathie sensitive ou
sensitivomotrice distale, prédominant aux membres inférieurs.
Les troubles sensitifs superficiels avec douleurs et paresthésies asymétriques sont les premiers
symptômes, devenant secondairement symétriques. Inconstamment peut s’y associer un déficit
moteur distal touchant les loges antéro-externes des membres inférieurs.
L’évolution prolongée se fait par poussées, avec stabilisation, rémission ou exacerbation des
symptômes, parfois déclenchés par une exposition au froid.
Dans 20 % des cas, il s’agit d’un tableau neurologique de mono- neuropathie ou mono-
neuropathie multiple mimant une vascularite nécrosante de type PAN
L’électromyogramme des quatre membres confirme la neuropathie axonale avec altération des
potentiels sensitifs et/ou moteurs, voire de la conduction motrice sous la forme d’une
polyneuropathie axonale sensitivomotrice ou d’une mono-neuropathie multiple
Dans certains cas, une biopsie neuromusculaire est nécessaire et l’analyse anatomopathologique
révèle alors des lésions axonales modérées à sévères, associées à une vascularite des vaisseaux
de petit calibre
Pour les mono-neuropathies multiples se surajoutent des lésions de vascularites nécrosantes de
type PAN avec une destruction de la paroi vasculaire et une nécrose fibrinoïde touchant des
vaisseaux de moyen calibre.
L’atteinte du système neurologique central est révélée par un tableau d’encéphalopathie, de
convulsions, de vascularite cérébrale avec infarctus cérébraux et atteinte des paires crâniennes.
4- Manifestations rénales :
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La glomérulonéphrite membranoproliférative (GNMP) est associée dans plus de 80 % des cas à
une cryoglobulinémie de type II dont le composant monoclonal est une IgM à activité facteur
rhumatoïde.
La présentation est habituellement retardée et se manifeste par une protéinurie souvent
néphrotique, associée à une hématurie microscopique et une insuffisance rénale de degré
variable. Un syndrome néphrotique impur ou un syndrome néphrétique aigu, voire une
insuffisance rénale chronique sans anomalies significatives du sédiment urinaire peuvent révéler
l’atteinte rénale. Une hypertension artérielle est fréquente.
-Les caractéristiques histologiques des GNMP cryoglobulinémique sont un important infiltrat de
monocytes et de lymphocytes, un aspect en double contour de la membrane basale
glomérulaire, des thrombi -infraliminaux amorphes et éosinophilique.
En immunofluorescence indirecte, on objective des dépôts sous-endothéliaux intraglomérulaires
d’IgG et/ou d’IgM identiques à ceux du cryoprécipité, et de fractions de complément sérique C 3.
l’aspect en microscopie électronique avec des dépôts sous-endothéliaux et endoluminaux
présentant un aspect cristalloïde est pathognomonique
Une glomérulonéphrite mésangioproliférative ou segmentaire et focale (20 %).
Des lésions de fibrose interstitielle (70 % à 90 % des GNMP et 50 % des GN mésangioproliférative
5- Autres manifestations :
Une fièvre inexpliquée, associée ou non à une altération de l’état général, s’associe
fréquemment au tableau de la maladie.
Une atteinte clinique hépatique -hépatomégalie, splénomégalie, circulation veineuse collatérale
voire angiomes stellaires n’est pas rare d’autant que l’existence de lésions hépatiques
importantes (fibrose) est associée au développement d’une vascularite à CM.
L’atteinte digestive se manifeste par des douleurs abdominales parfois pseudo-chirurgicales et
des hémorragies digestives peuvent révéler une vascularite mésentérique.
Une atteinte cardiaque peut se manifester par une atteinte valvulaire mitrale, une vascularite
coronaire avec infarctus du myocarde, une péricardite ou une insuffisance cardiaque congestive.
L’atteinte pulmonaire est souvent asymptomatique. Ailleurs, elle se manifeste par une dyspnée
d’effort modérée, une toux sèche, des épanchements pleuraux ou des hémoptysies. La
radiographie thoracique peut montrer un syndrome interstitiel et les explorations fonctionnelles
respiratoires une atteinte des petites bronches distales, parfois associée à un trouble de la
diffusion alvèolo-capillaire.
Atteinte oculaire : courant veineux granulaire de rétine ou conjonctive, occlusion veineuse
rétinienne
Un syndrome sec oculo-buccal et a histologie une Sialadénite lymphocytaire sans fibrose ni foci
le syndrome de Meltzer et franklin ou cryoglobulinémie mixte essentielle associe un purpura,
une asthénie des arthralgies avec ou sans neuropathie périphérique
C- signes paraclinique :
1- dosage des cryoglobulines :
Certaines Cryoglobulines sont peu abondantes et leur mise en évidence nécessite un
prélèvement d’au moins 10 ml de sang, ces Cryoglobulines sont des immunoglobulines
précipitant à une température inférieure à 37 ◦C.
Les prélèvements sont transportés au laboratoire dans des boîtes calorifugées. Après
centrifugation à 37 ◦C, le sérum est décanté dans des tubes qui sont secondairement placés à + 4
◦C pendant 7 jours.
-La présence ou l’absence de cryoglobulines est déterminée selon l’aspect visuel des tubes.
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La recherche d’une cryoglobuline est considérée négative si aucun précipité n’est apparu au fond
du tube à l’œil nu après un délai de 7 jours à une température + 4 ◦C.
Une fois la cryoglobulinémie détectée, il faut compléter l’analyse par deux étapes indispensables
le dosage quantitatif (mg/l ou %) appelé cryocrite ou cryoprécipité
le typage immunochimique, par immunofixation ou par immunoempreinte (western
blot), qui permet le classement de la cryoglobuline et une orientation étiologique
Diagnostic différentiel :
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GPA
GEPA
Purpura rhumatoïde
PR
LES
Sjogren
Vascularites médicamenteuses
Vascularites infectieuses : endocardite, septicémie, CMC, parvovirus B19, HIV……..
2- Devant un cryoprécipité à l’examen au laboratoire :
Hyperlipidémie (sérum trouble de façon diffus, et mauvaise dissolution après
retournement à 37°C)
Fibrine : précipité ne dissoudre pas au retournement à 37°C et floute à la surface du
tube.
3- Devant la glomérulonéphrite membranoproliférative :
Idiopathique la plus fréquente
Connectivite : LES, Sjogren (très rare)
GNMP associées aux infections
Bactériennes
Endocardite bactérienne
Infection de shunt ventriculo-atrial
Abcès chronique
Parasitaires
Bilharziose
Paludisme
Leishmaniose
Filariose
Cancer : (p. ex., leucémie lymphoïde chronique, lymphomes,
mélanome)
Autres troubles (p. ex., lipodystrophie partielle, déficits en C2 ou
C3, sarcoïdose, microangiopathies thrombotiques)
Diagnostic étiologique :
1- Enquête étiologique :
L’orientation étiologique d’une cryoglobulinémie est en grande partie déterminée par son type
immunochimique.
Pour les cryoglobulinémies de type I, le raisonnement est facile car elles sont toujours associées à
une hémopathie lymphoïde B maligne sécrétrice d’une Ig monoclonale cryoprécipitante (maladie
de Waldenström IGM ou IGG vers myélome multiple) ou bénignes (gammapathie monoclonale
de signification indéterminée)
les CM type II et type III, les pathologies causales ou associées sont particulièrement diverses,
comprenant de nombreuses infections (virales, bactériennes, fungiques, parasitaires), des
connectivites, des néoplasies et des hémopathies lymphoïdes B.
Pour les CM, les causes principales à rechercher prioritairement sont une infection par le virus de
l’hépatite C (VHC), une hémopathie lymphoïde B surtout pour les types II, et une connectivité
(notamment syndrome de Gougerot-Sjögren et lupus).
Dans quelques cas l’enquête étiologique reste négative : cryoglobulinémies mixtes essentielles
(10 % à 30 %)
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2- Etiologies :
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1- Glomérulonéphrite extracapillaire
2- Cancer : Sein, nasopharynx, œsophage.
Traitement :
1- Cryoglobulinémie et HCV :
Traitement antiviral par interféron alpha pegylé et ribavirine:
Les cryoglobulinémies mixtes associées au VHC ne justifient de traitement que si elles sont
symptomatiques.
La base de ce traitement est une association antivirale anti-VHC optimale comportant de
l’interféron alpha pegylé et de la ribavirine.
En cas d’efficacité virologique durable (virémie indétectable 6 mois après l’arrêt des
traitements antiviraux), une rémission complète et prolongée des vascularites
cryoglobulinémique et des manifestations associées est généralement obtenue.
Place du rituximab dans le traitement des vascularites cryoglobulinémiques associées au virus
de l ’hépatite C :
Plusieurs études ouvertes ont suggéré l’intérêt du rituximab (375 mg/m2 par semaine 4
semaines de suite) pour le traitement des vascularites cryoglobulinémique.
La meilleure combinaison pourrait être au moins, dans les vascularites cryoglobulinémiques
graves, d’associer le rituximab à une combinaison antivirale optimale pour faire disparaître
l’agent causal après une durée moyenne de traitement de 12 mois.
Quelle place reste-t-il pour les corticoïdes, les immunosuppresseurs et les échanges
plasmatiques ?
Les corticoïdes peuvent être utiles à la phase initiale d’une forme grave de vascularite,
notamment du fait de l’insuffisance rénale et/ou de manifestations viscérales graves
(atteinte rénale, atteinte cardiaque, atteinte digestive sévère)
Le schéma repose sur des bolus intraveineux de méthylprednisolone, relayés par la
prednisone orale à une dose de 0,25 à 1 mg/kg par jour
Des échanges plasmatiques pendant 3 à 4 semaines peuvent être discutés dans les
vascularites cryoglobulinémiques florides avec des manifestations rénales sévères, isolées ou
associées à une atteinte viscérale, mettant en jeu le pronostic vital (système nerveux central,
appareil digestif, mono neuropathie sévère)
Les immunosuppresseurs doivent être utilisés en dernier recours, en raison de leur efficacité
inconstante et des risques infectieux liés à l’immunodépression profonde.
En cas d’atteinte rénale, la néphroprotecteur doit être assurée par un inhibiteur de l’enzyme
de conversion ou un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine, et un traitement
diurétique pour réduire la protéinurie.
2- Cryoglobulinémies mixtes non infectieuses :
Trt étiologique++++++
Le traitement des vascularites cryoglobulinémiques non VHC repose sur les corticoïdes, les
échanges plasmatiques et les immunosuppresseurs.
Dans les formes mineures : absence d’exposition au froid, éradication des foyers infectieux, le
repos en cas de purpura, les antalgiques, AINS en cas d’arthrites ou arthralgies, les analogues de
la prostacycline avec les antiagrégants plaquettaires ou les anticoagulants en cas de lésions
ischémiques distales dans les formes sévères ou récidivantes une corticothérapie associé ou non
au rituximab ou aux immunosuppresseurs
Intérêt du rituximab un effet d’épargne cortisonique mais des infections sévères chez les
personnes âgées
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Conclusion :
Les cryoglobulines sont des Ig qui précipitent au froid et qui peuvent être à l’origine de
vascularites à complexes immuns parfois sévères, avec atteinte multi viscérale.
Les causes de production de cryoglobulines sont très nombreuses.
La recherche de la cryoglobuline est parfois difficile et s’effectue au mieux dans des laboratoires
spécialisés.
Le traitement des formes symptomatiques repose d’abord sur celui de la cause (traitement
antiviral, chimiothérapie, etc.) en association ou non avec le Rituximab.
Dans les formes sévères, des échanges plasmatiques ou l’introduction d’un immunosuppresseur
peuvent être discutés
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