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Patricia Marin : Et Tendances Lab, avec vous, Pierre Collard. Bonjour Pierre !

Pierre Collard : Bonjour Patricia Marin ! Cette semaine, on va parler de prêt-à-


porter « made in France » car nous nous sommes rendu compte que les Français
apprécient de plus en plus les produits fabriqués en France. Alors, on savait déjà
que les Français aimaient particulièrement acheter des voitures françaises. Et
figurez-vous que pour plus de 90 % d’entre eux, acheter français est un acte citoyen
car cela leur donne l’assurance que leur achat a été produit selon des normes
sociales respectueuses des salariés. Une majorité de Français voient aussi dans les
produits fabriqués en France un gage de qualité. Concernant l’habillement, même
tendance : à la question « Pour quel produit la fabrication française compte-t-elle
davantage ? », 74 % répondent l’habillement et l’automobile, juste après l’alimentaire
qui, lui, arrive en tête. C’est ce qu’affirme une étude récente. Patricia Marin : Ça,
c’est plutôt une bonne nouvelle ! Ça veut dire que les conditions de fabrication des
vêtements deviennent une préoccupation pour le consommateur. En plus, compte
tenu de l’impact de l’industrie textile sur la planète, les consommateurs français ne
s’y trompent pas quant à l’aspect environnemental.
Pierre Collard : C’est le moins qu’on puisse dire ! Chaque année, les Français
achètent 700 000 tonnes de vêtements alors que nous n’utiliserions que 30 % de
nos habits.
Patricia Marin : C’est pas vrai ?
Pierre Collard : C’est incroyable, effectivement ! Ce qui aggrave encore plus
la situation, c’est quand on prend conscience qu’il faut plus de 2 000 litres d’eau
pour fabriquer un simple tee-shirt.
Patricia Marin : 2 000 litres d’eau ? Pensons-y quand on coupe l’eau en se
lavant les dents, parce qu’on n’y pense pas forcément quand on achète un tee-
shirt…
Pierre Collard : Et justement, c’est peut-être sur le plan des valeurs que le «
made in France » peut se faire une place dans le prêt-à-porter. Hélène Sarfati-Leduc
est fondatrice associée du French Bureau, un bureau d’étude sur la mode
responsable. Elle confirme : les consommateurs sont désormais plus attentifs aux
conditions de fabrication des vêtements. Écoutons-la.
Hélène Sarfati-Leduc : La crise a quand même beaucoup changé les
choses. On s’est rendu compte que, finalement, acheter toujours moins cher et loin,
ça n’était pas un bon calcul. On s’est rendu compte qu’il y avait des emplois qui
disparaissaient et qu’au final le consommateur se dit : « Je vais faire un acte citoyen,
quelque part, en essayant d’acheter local, comme ça, j’aide des gens à garder leur
travail. » Alors, en ce qui concerne la question du prix, elle est fondamentale et
majeure, c’est toujours pareil ! On veut toujours acheter moins cher, mais nous, ce
qu’on défend et ce qu’on a pu constater, c’est qu’en travaillant de manière propre et
responsable, c’est-à-dire éthique, on peut complètement rester encore compétitifs
sur le marché. Pierre Collard : Et elle a raison car les Français se disent également
prêts à payer plus cher pour acheter des produits fabriqués en France. Et ça, les
marques l’ont bien compris ! Elles s’attachent d’ailleurs à ne pas faire déraper les
prix.
Patricia Marin : C’est notamment le cas de 1083, une marque de vêtements
qui connaît un vrai succès en France. Pierre Collard : Tout à fait. 1083, ce sont des
jeans à 89 euros ou des chaussures à 69 euros fabriqués dans un rayon de 1 083
kilomètres, les deux points de France les plus éloignés : Porspoder au nord de la
Bretagne et Menton au sud-est. L’entreprise a déjà vendu en trois ans 15 000 jeans
et 5 000 paires de chaussures, ce qui lui a permis de multiplier par cinq son chiffre
d’affaires. Et s’il y a un secret à cette réussite, à retenir pour le fondateur Thomas
Huriez, c’est la transparence. On l’écoute.
Thomas Huriez : On dit ce qu’on fait, on fait ce qu’on dit ! C’est-à-dire que
sur les réseaux sociaux, on explique chacune des problématiques auxquelles on fait
face et on explique nos solutions quand on les trouve. Récemment, par exemple, on
a dû acheter des poubelles pour notre atelier et donc, on a trouvé des poubelles
fabriquées en France et on a expliqué à nos clients que voilà, ces poubelles, elles
avaient été fabriquées en Mayenne, je crois ! Et je pense que cette démarche de
transparence et de cohérence donne de la crédibilité et fait comprendre la sincérité
de notre démarche. Et du coup, commercialement, c’est beaucoup plus puissant
qu’une carte de fidélité banale, quoi ! Les clients apprécient
Patricia Marin : La réussite du « made in France » serait donc directement
liée à l’éthique des produits ?
Pierre Collard : Disons que quoi qu’il arrive, Patricia, les marques ne peuvent
plus échapper à la question éthique. On pourrait même dire que dans l’esprit du
consommateur, « fabriqué en France » égale « fabriqué avec une certaine éthique ».
Écoutons à nouveau Hélène Sarfati-Leduc du French Bureau.
Hélène Sarfati-Leduc : Si on est en France, on part du principe qu’on est
déjà responsable et éthique puisqu’on a des conditions de travail et un code du
travail qui, quand même, est nettement plus exigeant qu’à peu près partout ailleurs
sur la planète, on va dire ! Et puis, on respecte des normes environnementales
assez rigoureuses au niveau européen aussi. Ça me semble donc totalement
incohérent de proposer du « made in France » sans être complètement éthique,
aussi bien dans la communication que dans le marketing : c’est l’ensemble de la
stratégie de l’entreprise qui doit être éthique et responsable.
Pierre Collard : Notez d’ailleurs qu’un site Internet – www.madine-
france.com – recense une bonne partie des marques de vêtements qui fabriquent en
France. Cela prouve bien que cette question prend de plus en plus d’importance aux
yeux des consommateurs.
Patricia Marin : Mais est-ce qu’il suffit de choisir des vêtements dont les
étiquettes indiquent qu’ils ont été fabriqués en France pour acheter éthique ?
Pierre Collard : Malheureusement non, puisqu’il suffit que la dernière
transformation sur le vêtement ait été réalisée en France pour qu’il soit considéré
comme un produit « made in France ». Par exemple, un jean qui a été fabriqué en
Chine mais assemblé en France pourra se dire « made in France ».
Patricia Marin : C’est de la triche !
Pierre Collard : C’est quasiment de la triche ! Pourtant, c’est la loi qui le dit.
Alors, des labels peuvent vous guider, comme par exemple le label Origine France
Garantie, qui impose des contraintes très précises aux vendeurs. Après, si toutes les
marques ne sont pas parfaites, on peut voir le côté positif des choses et se dire
qu’acheter des produits « made in France » aide à changer les modèles de
consommation actuels et ça, c’est un bon début !

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