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Document information Sociétés T.A.I., E.S.W. et I.E.C. v. sociétés S.I.A.P.E., Engrais


de Gabès and others, Cour d'appel de Paris (1 Ch. suppl.),
Publication 2 June 1989
Revue de l'Arbitrage

Summary
Jurisdiction En se déterminant sans recourir à une mesure d'instruction – fût-elle demandée par toutes
France les parties – les arbitres n'ont fait qu'user de leur pouvoir d'amiables compositeurs (1 re
espèce).
L'indépendance de l'arbitre est de l'essence de sa fonction juridictionnelle, en ce sens que,
Court d'une part il accède dès sa désignation au statut de juge, exclusif par nature de tout lien de
Court of Appeal of Paris dépendance à l'égard des parties, et que, d'autre part, les circonstances invoquées pour
contester cette indépendance doivent caractériser, par l'existence de liens matériels ou
intellectuels avec l'une des parties en litige, une situation de nature à affecter le jugement
de cet arbitre en constituant un risque certain de prévention à l'égard d'une partie à
Case date l'arbitrage; l'obligation légale d'information qui pèse sur l'arbitre quant à de telles
2 June 1989 circonstances afin de permettre aux parties d'exercer leur faculté légale de récusation doit
s'apprécier au regard à la fois de la notoriété de la situation critiquée et de son incidence
sur le jugement de l'arbitre (1 re et 2 e espèces).
Parties La situation notoire et apparente d'un arbitre permettait aux parties d'en faire état à l'appui
Claimant, Sociétés T.A.I., d'une éventuelle demande de récusation; le recours en annulation ne peut venir suppléer
E.S.W. et I.E.C. leur carence à exercer leur droit de récusation en temps utile (1 re espèce).
Defendant, sociétés
S.I.A.P.E. Première décision ( Paris, 1 re Ch. suppl.,2 juin 1989)
Defendant, Engrais de
Gabès Les sociétés de droit français Industrie Engrais Commerce (I.E.C.) et Engrais de Saint-
Defendant, M e Lafont ès Wandrille (E.S.W.), ainsi que la société de droit anglais Trans Agricultural Investment
qual. et Ferrari (T.A.I.) – appartenant toutes trois au «groupe Zouari», du nom de son animateur – ont été
pendant plusieurs années en relations d'affaires avec les sociétés tunisiennes
industrielles d'Acide Phosphorique et d'Engrais (S.I.A.P.E.), Arabe des Engrais Phosphates
et Azotes (S.A.E.P.A.), Industries Chimiques Maghrébines (I.C.M.) et Engrais de Gabès (E.G.)
Key words – toutes intégrées dans le Groupe Chimique Tunisien (G.C.T.) et à qui les sociétés du
ARBITRAGE groupe Zouari achetaient des matières premières (produits phosphates et engrais
INTERNATIONAL. solides).
INDÉPENDANCE DE
L'ARBITRE. Un litige étant survenu en 1984, notamment sur les délais de paiement des factures, les
ARBITRE NOMMÉ DANS sociétés du groupe Zouari ont saisi la Cour d'arbitrage de la Chambre de commerce
DEUX INSTANCES internationale de Paris (CCI) désignée dans la clause compromissoire figurant dans les
PARALLÈLES. contrats de vente, d'une demande d'arbitrage et le tribunal constitué de trois arbitres
CONDITIONS. sous l'égide de cet organisme a prononcé le 26 mars 1988 une sentence d'amiable
LIMITES. composition aux termes de laquelle il a:
ARBITRE. – retenu sa compétence pour statuer sur toutes les demandes, à l'exception de celles
1°) INDÉPENDANCE. ayant trait à l'exécution ou à la rupture du contrat du 16 décembre 1982;
SITUATION NOTOIRE ET
APPARENTE. – débouté T.A.I., I.E.C. et E.S.W. de leur demande relative à l'existence alléguée d'un
ELÉMENTS POUVANT ÉTRE «crédit revolving»et à sa prétendue rupture;
UTILISÉS À L'APPUI D'UNE – dit et jugé fondées à concurrence d'une somme de 3 217 505 F et de 90 619 $ les diverses
ÉVENTUELLE DEMANDE DE réclamations commerciales présentées par T.A.I., I.E.C. et E.S.W.;
RÉCUSATION.
RECOURS EN ANNULATION. – dit et jugé fondées à concurrence d'une somme de 16 371 082 F et 16 915 162 $ la
MOYEN DE SUPPLÉER LA demande reconventionnelle présentée par S.I.A.P.E., S.A.E.P.A., I.C.M. et C.E. pour des
CARENCE DES PARTIES À ventes de marchandises restées impayées et des despachs;
EXERCER LEUR DROIT DE – dit et jugé que ces diverses dettes produisaient intérêt au taux de 9,50 %;
RÉCUSATION (NON).
2°) POUVOIRS. – prononcé la compensation entre ces dettes réciproques;
ARBITRES AMIABLES – condamné en conséquence solidairement les sociétés T.A.I., I.E.C. et E.S.W. à payer aux
COMPOSITEURS. sociétés S.I.A.P.E., S.A.E.P.A., I.C.M. et E.G. les sommes de 13 153 777 F et de 16 824 543 $;
MESURE DEMANDÉE PAR
TOUTES LES PARTIES. – fixé à 4 337 475 F les intérêts moratoires dus solidairement au 2 mai 1988 par T.A.I., I.E.C.
MESURE IMPOSÉE AUX et E.S.W.;
ARBITRES (NON). – dit que T.A.I., I.E.C. et E.S.W. devraient payer la totalité des sommes dues en francs
ORDRE PUBLIC français le 2 mai 1988;
INTERNATIONAL.
INDÉPENDANCE DE – dit que T.A.I., I.E.C. et E.S.W. devraient payer le principal et les intérêts des sommes
L'ARBITRE. dues en dollars aux échéances suivantes;
ELÉMENTS CONNUS DÈS – cinq millions de dollars le 2 mai 1988;
L'ORIGINE.

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POSSIBILITÉ DE LES – trois millions de dollars le 1 er août 1988 et tous les trois mois suivants jusqu'à parfait
INVOQUER AU MOMENT paiement, les intérêts moratoires continuant à courir sur les sommes restant dues et
D'UNE DEMANDE DE étant payés en dernier lieu;
RÉCUSATION.
CONTRARIÉTÉ (NON). – dit qu'à défaut de paiement des sommes ci-dessus aux dates indiquées, la totalité des
PRINCIPE DE LA sommes restant dues seraient capitalisées et produiraient intérêt au même taux de 9,50
CONTRADICTION. %.
ARBITRE STATUANT DANS Les sociétés T.A.I., I.E.C. et E.S.W. – cette dernière représentée par ses administrateur
DEUX INSTANCES judiciaire et représentant des créanciers, intervenant au débat – ayant formé contre
PARALLÈLES. cette sentence un recours en annulation, les sociétés du G.C.T. ont obtenu du magistrat
ACTE DE MISSION RELATIF À de la mise en état l'exécution provisoire de la décision attaquée, moyennant la
UNE INSTANCE ET PRODUIT fourniture de leur part d'une caution bancaire garantissant en cas d'annulation de la
DANS L'AUTRE. sentence la restitution de toutes sommes versées en vertu de l'exécution provisoire.
ABSENCE DE PRÉJUGÉ DES
ARBITRES DANS CET ACTE Le recours en annulation est fondé sur deux moyens:
SOUMIS À DÉBAT – violation du principe de la contradiction et des droits de la défense (article 1502-4° du
CONTRADICTOIRE. NCPC);
ABSENCE DE DÉCISION
DANS LA PREMIÈRE – violation de l'ordre public international, l'un des arbitres ne présentant pas les
INSTANCE POUVANT garanties d'indépendance exigées par le règlement de la CCI (article 1502-5°).
CONSTITUER UN PRÉJUGÉ Les sociétés S.I.A.P.E., S.A.E.P.A., I.C.M. et E.G. ont tout d'abord soulevé la nullité du
DÉFAVORABLE. recours en ce qui concerne la société T.A.I., pour défaut de mention exacte de son siège
VIOLATION DU PRINCIPE social – exception à laquelle les demanderesses ont opposé une régularisation –, puis
(NON). ont répliqué aux moyens du recours pour demander à la Cour, au principal, de le rejeter
et, subsidiairement, de statuer au fond comme amiable compositeur et de prononcer à
ce titre les mêmes condamnations que celles édictées par le tribunal arbitral.
Bibliographic La Cour,
reference – Sur l'exception de nullité du recours en ce qui concerne la société T.A.I.:
'Sociétés T.A.I., E.S.W. et Considérant que les sociétés du G.C.T. font valoir que la société de droit anglais T.A.I. n'a
I.E.C. v. sociétés S.I.A.P.E., pas indiqué l'adresse réelle de son siège social dans la déclaration de recours;
Engrais de Gabès and
others, Cour d'appel de Considérant, cependant, que la société T.A.I. apporte la preuve du transfert de son siège
Paris (1 Ch. suppl.), 2 June social à Quality House, Quality Court, Chancery Lane London WC 2, adresse à laquelle
1989', Revue de l'Arbitrage, cette société a son siège social et où les documents de la procédure arbitrale lui ont été
(© Comité Français de notifiés, ainsi qu'il résulte d'un «affidavit»du premier clerc d'une étude de
l'Arbitrage; Comité Français «solicitors»londoniens, de même que de la déclaration-notification de changement
de l'Arbitrage 1991, Volume d'adresse du siège social, faite par la société T.A.I. à la date du 1 er janvier 1984;
1991 Issue 1) pp. 87 - 87
Considérant qu'en l'état de ces éléments, la nullité invoquée – qui n'a causé aux sociétés
défenderesses au recours aucun grief – n'est pas établie;
– Sur le recours en annulation:
1 er moyen: violation du principe de la contradiction (art. 1502-4°)
Le moyen est fondé sur les griefs suivants:
– «malgré les mémoires suffisamment explicites des demanderesses «dans la procédure
arbitrale le tribunal dûment éclairé a «statué alors que les procédures pénales étaient
encore pendantes «en Tunisie (sur renvoi de la Cour de cassation) et alors même «que les
premières juridictions avaient fait droit aux réclamations «matérielles des sociétés du
G.C.T. portant sur le même objet «que celui de l'arbitrage»;
– «le tribunal a admis la demande reconventionnelle des défenderesses «à l'appui de
pièces communiquées postérieurement aux «plaidoiries»;
– «malgré le commun accord des parties à l'arbitrage le tribunal «a rejeté l'expertise
sollicitée pour déterminer le quantum des «préjudices subis par les demanderesses au
titre des manquants, «des contestations de qualité, des surestaries et litiges»;
Considérant, cependant, que les arbitres n'ont fait qu'user de leur pouvoir d'amiables
compositeurs en statuant sur les demandes dont ils étaient saisis, sans être tenus
d'attendre l'issue de diverses procédures suivies en Tunisie, ainsi qu'en se déterminant
sans recourir à une mesure d'instruction – fût-elle demandée par toutes les parties;
Et considérant qu'il ressort des énonciations de la sentence (n°s 22 à 26, pages 11 à 14)
que des échanges de pièces ont eu lieu entre les parties sous le contrôle des arbitres
jusqu'au 20 novembre 1967, date fixée pour la clôture des débats (lettre du Président du
Tribunal arbitral en date du 31 octobre 1987), et que, pour juger de la demande
reconventionnelle des sociétés du G.C.T., le tribunal s'est fondé sur «l'ensemble des
pièces établissant la réalité des créances»(pages 54 in fine) et livrées au débat
contradictoire;
Qu'aucun des griefs du moyen ne peut en conséquence être retenu;
2 e moyen: violation de l'ordre public international (article 1502-5°)
en ce que l'un des arbitres, M. X, désigné sur la proposition des sociétés du groupe
Zouari, n'aurait pas présenté les garanties d'indépendance exigées d'un arbitre, en

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raison de ses liens avec les parties ayant proposé sa désignation du fait de ses fonctions
anciennes au sein de la maison-mère de l'une de ces sociétés (la C ie de Gafsa, dont
dépend la société S.I.A.P.E.), ainsi que de sa situation actuelle de fonctionnaire de l'Etat
tunisien, autorité de tutelle des sociétés du G.C.T.;
Considérant que l'indépendance de l'arbitre est de l'essence de sa fonction
juridictionnelle, en ce sens que, d'une part il accède dès sa désignation au statut de juge,
exclusif par nature de tout lien de dépendance à l'égard des parties, et que, d'autre part,
les circonstances invoquées pour contester cette indépendance doivent caractériser, par
l'existence de liens matériels ou intellectuels avec l'une des parties en litige, une
situation de nature à affecter le jugement de cet arbitre en constituant un risque certain
de prévention à l'égard d'une partie à l'arbitrage;
Considérant que l'obligation légale d'information qui pèse sur l'arbitre quant à de telles
circonstances afin de permettre aux parties d'exercer leur faculté légale de récusation
doit s'apprécier au regard à la fois de la notoriété de la situation critiquée et de son
incidence sur le jugement de l'arbitre;
Considérant qu'en l'espèce, la situation de fonctionnaire de M. X était notoire et
apparente, de sorte qu'il appartenait aux parties d'en faire état à l'appui d'une
éventuelle demande de récusation et que le recours en annulation ne peut venir
suppléer leur carence à exercer leur droit de récusation en temps utile;
Considérant qu'en outre, le fait que M. X ait appartenu, dans un passé lointain – puisqu'il
a cessé ses fonctions en 1963 – au conseil d'administration d'une société dont dépend
l'une des parties (la société S.I.A.P.E.) ne permet pas d'induire que son indépendance et
son impartialité aient pu en être affectées, cette circonstance – de même que son statut
de fonctionnaire, secrétaire général de l'Association Professionnelle des Banques de
Tunis – étant insuffisante pour faire présumer que son jugement ait été influencé par une
prévention en faveur des sociétés ayant proposé sa désignation, dès lors qu'il n'est pas
établi que ses fonctions actuelles ou récentes le placent dans une situation de
dépendance à l'égard de ces sociétés;
Considérant que dès lors c'est à tort qu'il est fait grief à cet arbitre d'avoir omis de faire
état de ces circonstances lors de la constitution du tribunal arbitral;
Considérant que dans ces conditions, la reconnaissance ou l'exécution de la sentence ne
sont pas contraires à l'ordre public international, et que le moyen doit, en conséquence,
être rejeté;
Par ces motifs:
Rejette le recours;
Dit n'y avoir lieu, en la cause, à application de l'article 700 du nouveau Code de
procédure civile;
MM. J.P. ANCEL, prés.; BERGOUGNAN, BRISSIER, cons.; M me BERNARD - CATAT, subst. gén.;
M es LOUVARD, TOURNOIS, av.

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