Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Herausgegeben von
Claudia Polzin-Haumann und Wolfgang Schweickard
Band 363
Édité par
Venceslas Bubenicek
DE GRUYTER
ISBN 978-3-11-025660-4
e-ISBN (PDF) 978-3-11-025827-1
e-ISBN (EPUB) 978-3-11-039470-2
ISSN 0084-5396
www.degruyter.com
Illustrations IX
I ère partie
Edition critique de la version particulière contenue dans les mss. de Paris,
Bibliothèque de l’Arsenal, n° 3325, et de Florence, Biblioteca Mediceo-
Laurenziana, Ash.123: « troisième branche » du Roman de Guiron le Courtois
A. Introduction
IX Valeur littéraire 48
I Tome I 813
II Tome II 871
D. Appendices
E. Glossaire 925
II ème partie
Analyse et édition partielle de la Continuation du Roman de Meliadus
contenue dans le ms. Ferrell 5 (Sigle G)
II Le roman 983
VI Glossaire 1205
Bibliographie
8 Paris, Bouillon, Bibliothèque de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, n° 82, 1891 ; réédition
Slatkine, Genève, 1974.
9 Lathuillère (1978a, 610).
10 Christiana, J. Dybwad (Extrait de Videnskabsselskabets skrifter II. Historik-filosofisk Klasse,
t. IV, 1–38).
11 Kristiania, J. Dybwad (Videnskapsselskapets Skrifter II. Hist.-filos. Kl. 1924, n° 3).
12 Giornale storico della Letteratura italiana 63, 79–88, repris en volume plus tard : Bertoni
(1921).
13 Med. Aev. 29, 1 (1960), 1–9.
14 Med. Aev. 30, 2 (1961), 89–92.
15 Romance Philology 17, 3 (1964), 623–632.
16 Med. Aev. 33, 2 (1964), 89–101.
17 Medieval Miscellany presented to Eugène Vinaver, Manchester University Press, 1965, 45–
64.
18 Nottingham Medieval Studies 13 (1969), 27–48.
19 Romania 88 (1967), 323–349.
Arthur’s War against Meliadus: the Middle of Part I of the « Palamede »,20 Bogda-
now étudie les rapports entre la version fournie par le ms. Arsenal 3325 et celle
des manuscrits BnF, fr. 338 et 350.
Comme nous l’avons indiqué, Guiron le Courtois était non seulement lu,
copié en Italie, il y était aussi parfois traduit: en 1962, Alberto Limentani édi-
tait, sous le titre Dal Roman de Palamedés ai Cantari di Febus-el-Forte,21 un
épisode pittoresque de notre roman – celui de « Brehus à la caverne des
Bruns »22 – qui présentait l’avantage de figurer, à la fois, dans un ms. français
(BnF, fr. 350) et dans un « volgarizzamento » italien, plus particulièrement
d’origine pisane ou lucquoise. Il avait fait précéder son édition d’une substan-
tielle introduction portant, notamment, sur la tradition manuscrite du roman,
limitée toutefois à l’épisode édité par lui.
Enfin, en 1966, le regretté Roger Lathuillère publiait sa thèse complémen-
taire, intitulée Guiron le Courtois. Etude de la tradition manuscrite et analyse
critique,23 ouvrage de base pour quiconque voudra s’occuper de l’œuvre.
Conscient de la nécessité de disposer d’un texte fiable, seule base pour une
étude littéraire,24 nous avons édité, en 1985, une centaine de feuillets de la
version particulière du roman, donnée par les mss. de Paris, Bibliothèque de
l’Arsenal, n° 3325, et de Florence, Biblioteca Mediceo-Laurenziana, Ashburn-
ham, Libri, n° 50,25 une véritable « troisième branche » du roman.26 C’est ce
travail, dont la bibliographie et l’apparat critique ont été remis à jour, que nous
présentons aujourd’hui au public.
On trouvera plus loin, dans une IIème partie, l’Analyse et édition partielle
de la Continuation du Roman de Meliadus,27 fournie par le manuscrit Ferrell 5
28 Dès nos premiers travaux sur le début du roman, section intitulée désormais le Roman de
Meliadus, dont nous avons procuré une édition critique partielle (Bubenicek 1998a), nous nous
sommes aperçu des liens étroits unissant les manuscrits A(2) et G. Nous avons, en effet, utilisé
ce deuxième codex comme manuscrit de contrôle dans l’édition précitée et nous lui avons
consacré des études dont le but était de déterminer la place de G dans la tradition manuscrite
du roman : cf. Bubenicek (1998b ; 2000a). Enfin, initialement prévue pour le Congrès interna-
tional arthurien d’Utrecht (2005), notre communication sur la « suite » rétrospective du ms.
Ludwig XV,6, ancienne appellation de l’actuel Ferrell 5, a été prononcée au Congrès de Rennes,
en 2008.
« De LIV quaternis scriptis de Libro Palamides qui fuerunt quondam magistri Johannis
Romanzor quos nobis per notarium Symonem de Petramajore2 mictere te scriptisti, gra-
tum ducimus et acceptum. »3
Ainsi, Guiron le Courtois est la seule œuvre arthurienne dont la présence sur le
sol italien est clairement indiquée et dûment attestée, si l’on admet, avec les
érudits tels que Ward,4 Paris,5 Suchier,6 Sommer,7 Bruce8 et Lathuillère,9 que
le « Liber Palamides » désigne bien notre roman.10
1 C’est en descendant de Lombardie (déc. 1239), puis, après avoir « prêché » à Pise, que l’em-
pereur s’arrête, d’abord dans sa ville natale d’Iesi, puis à Foligno, cité « dans l’éclat de laquelle
notre enfance commença et que nous révérons comme le lieu qui nous nourrit » (voir Kantoro-
wicz 1987, 459–464 ; Brunetti 2000, 145 n. 85 ; 2003, 132 n. 16).
2 Sur ce « notaio », qui apparaît dans deux autres documents contemporains, voir Brunetti
(2000, 145 n. 85). Un « notaire Symon de Petremaieur », alias « Pierremaiour » est nommé dans
le registre angevin le plus ancien, à l’année 1282, 16 juin (Melfi, pièce n° 233), publié par de
Boüard (1935, II, 240 n. 7, et 243s.) (auditeur) : il fait l’objet d’une gratification, de la part de
Charles 1er, en argent, et en « robes ». Déjà Durrieu (1886, I, 217 n. 8), à qui renvoie la n. 7 de
la p. 240 de de Boüard, mentionnait le personnage : il fait partie des 6 notaires du corps des
« auditeurs des raisons » (ibid., 218 n. 1).
3 J. L. A. Huillard-Bréholles, Historia diplomatica Frederici Secundi, t. V, 2 e partie, 721s., cité
par Lathuillère (1966, 32 n. 10).
4 Ward (1883, I, 366).
5 Paris (21890, 103).
6 Suchier (1900, 160).
7 Sommer (1908, 323–337).
8 Bruce (1923, vol. II, 20 n. 2 et 21 n. 6).
9 Cf. la note suivante.
10 Cette affirmation a été remise en question par une série d’articles émanant de spécialistes
de la littérature byzantine. Ces derniers, indignés de voir un héros arthurien prendre place
dans un poème grec tardif Imbérios et Margarona, aux côtés d’autorités telles que Homère,
Platon ou Aristote, voient dans le Palamède du texte soit le célèbre héros d’Homère, soit un
ouvrage scientifique auquel, par métonymie, il aurait donné son nom. Lathuillère, dans un
article dont nous venons de résumer le début (Lathuillère 1973), a promptement réagi. A l’en-
droit de ses détracteurs, notre regretté Maître avait, en effet, réuni une argumentation qui ne
manque pas de poids. Comme points forts de sa démonstration, on retiendra : la quasi-absence
d’écrit nommément attribué à Palamède (ibid., 444) et la dénomination de magister Johannes
« Quel nom li porai je doner ? Tel nom con pleira a mon seignor le roi Henri ; il velt que
cestui mien livre, qui de cortoisie doit neistre, soit apelez Palamedez por ce qe si cortoiz
ffu totez voies qe nul plus cortoiz chevaliers ne ffu au tens le roi Artus et tel chevalier et
si preuz come l’estoyre veraie tesmoigne. Or donc, qant a mon seignor [plest] qe je cest
mien livre encomence el nom del bon Palamedés, et je le veil encomencier … ».12
Romanzor, dont le nom renvoie à « celui qui écrit en roman, en langue vulgaire » (Gdf 7, 230a,
cité par Lathuillère 1973, 445).
11 Lathuillère (1978a, 611). Ce texte, qui contient tout un cortège de « platitudes et de naïves
vanteries » (Lathuillère 1966, 23), est absent des mss. les plus anciens ; ainsi, il manque à A(2),
sigle B dans notre éd. du Roman de Meliadus. Le ms. 350 du fds fr. de la BnF (fin XIII–déb. du
XIVe s.), sigle A, devait en contenir un. Il a été, en effet, retrouvé, sans doute lors de la restau-
ration de la reliure de 350, effectuée en 1998, cf. Morato (2007, 262 n. 50).
12 Je cite le texte du Prologue d’après l’édition diplomatique du ms. de Florence, Ashburnham
123 (F de Lathuillère 1966 et de notre éd. figurant infra ; C dans notre éd. du Roman de Melia-
dus), procurée par Löseth (1924, 85), en introduisant la ponctuation moderne, en rétablissant
les majuscules et en distinguant entre les i–j et u–v. Cf. aussi Cigny (2006, 108). On trouvera
une édition critique de ce texte chez Lathuillère (1966, 175–180).
13 Voir Lathuillère (1966, 16). Néanmoins, Delcorno Branca fait état, à côté des dénominations
de Gyron le Courtois et Meliadus, d’un ms. appelé Palamedes : cf. Delcorno Branca (1998, 35 n.
53). Déjà Paulin Paris ironisait à propos du choix opéré par le prétendu Hélie de Boron : « Il
eût pu tout aussi bien l’appeler Meliadus, Pharamond … ou Phébus … » : Les Romans de la
Table Ronde, Paris, 1877, t. V, 362, cité par Novati (1890 ; 1905, 316s. n. 78).
14 Voir Lathuillère (1966 (sigle Ar, Ar(2), début du XIVe s.), 17 et 39).
15 Première moitié du XVe s. : Lathuillère (1966, 17 et 67).
16 Lathuillère (1966, 17 et 71).
17 Ibid., 17 et 64.
« … Igitur vos atente deprecor quatenus vobis libeat per lactorem presentium michi mutuo
destinare librum Meliadus, quem vobis remissit Gilbertus de Corigia. »25
18 Ibid., 17 et 59.
19 Bruce (1923, vol. II, 22 n. 6).
20 Archivio estense di Stato in Modena, Guardaroba : Memoriale delle cose prestade 1453 ;
Memoriale 1457–68 : voir Bertoni (1918/19, 117 n. 1).
21 Voir Girolla (1921–1923, 35 n. 4) ; Novati (1905, 265) (Meliadus).
22 Cf. Lathuillère (1966, 17). Notons que l’inventaire le plus ancien des Gonzague est de 1407.
23 Rajna (1873, 51 n° 17) ; Cappelli (1889, 26 n° 209).
24 Girolla (1921–1923, 72 n.).
25 Novati (1905, 265). Sur les deux correspondants de Guido Gonzaga, Manfredino di Sassuolo
et Gilberto di Corregio, membres de la petite noblesse, voir le même ouvrage, 266s. et la n. 30.
26 Registre d’Este de 1474, n° 36 : Bertoni (1904, 178).
27 Reg. d’Este, 1474, n° 32 : Bertoni (1904, 178), voir, ci-dessous, n. 147.
28 Reg. d’Este, 1474, n° 7 : Bertoni (1904, 174).
I.2 L’auteur
Si, comme l’a démontré Roger Lathuillère, la dénomination de Johannes Ro-
manzor ne saurait renvoyer à l’auteur lui-même,40 qui désigne-t-elle donc ?
D’après Grt, romanzor, forme de romanceor, désigne « celui qui écrit en roman,
en langue vulgaire ; [les] auteurs de romans ».41
Se fondant sur une suggestion de Pio Rajna, Vincenzo Crescini, après avoir
d’abord refusé de voir dans le personnage « un nuovo autore del Palamede »
et l’acceptant tout au plus comme « un ricopiatore » ou « lettore di romanzi
della tavola rotonda »,42 se tourne, ensuite, vers la « cité des poètes », Bologne,
pour y trouver un membre de la famille qui tirerait son nom du surnom profes-
sionnel romanceor, un Johannes Romanzorum.43
I.3 Le milieu
Comme nous venons de le voir, nous sommes beaucoup mieux renseignés pour
ce qui est du milieu où le roman de Guiron le Courtois est signalé pour la pre-
mière fois, et cela dès le 5 février 1240.
Avant d’évoquer la cour de Frédéric, ce royaume sicilo-italien sur lequel
régnait sa famille depuis le mariage de son père, l’empereur Henri VI, avec
a été beaucoup médité par ces poètes, car son influence est perceptible chez
plus d’un d’entre eux, comme, p.ex., Giacomo da Lentini.59 Des motifs prove-
nant directement de cette œuvre se retrouvent chez Giacomo Pugliese (théorie
de la vision amoureuse).60 Giacomo da Lentini, que nous venons de mention-
ner, semble avoir utilisé, de préférence, la première partie du roman, plus cour-
toise et arthurienne.61
Mais ces œuvres, Enéas et Cligès, n’ont pas servi seulement de réservoir
d’images et de motifs poétiques. Dans un article fort intéressant sur Giacomo
da Lentini e Brunetto Latini : una questione di firme,62 Simonetta Bianchini a
démontré l’utilisation politique d’Enéas comme texte fondateur de la naissance
de la « civiltà romana » et sa survie en la personne de Frédéric, conception à
laquelle le topos de la « translatio studii » n’était pas étranger. Or, c’est juste-
ment au début de Cligès, si prisé visiblement à la cour du dernier Staufen,
qu’on trouve clairement défini ce lieu commun au sujet de la transmission de
la chevalerie et de la clergie, de Grèce à Rome, et de cette dernière à la France.63
Au début de Guiron le Courtois – attesté, comme il a été vu, dès 1240 auprès
de ce même Frédéric –, le même mouvement conduit le père de Palamède,
Esclabor, de Babylone à Rome ; puis, participant d’une autre « translatio », ces
chevaliers d’Orient veulent, à l’instar d’Alexandre de Cligès,64 être adoubés de
la main du roi Arthur. Enfin, le plaidoyer pour la chevalerie errante, prôné là
par Alexandre, ici par Esclabor, est un autre point qui unit le roman nouvelle-
ment acquis par l’empereur au vieux livre du romancier champenois ; tous
deux s’adressent à un empereur qui veut les retenir :
« … miex vaudroie estre .I. povre chevalier d’un sueill escu en aucune autre region ou ge
puisse acoustumeement porter armes que estre un grant, riche baron et sejorner toutes
voies. »65
66 Voir, sur l’évolution de l’attitude des Occidentaux vis-à-vis du vainqueur des chrétiens, les
articles fondamentaux de Paris (1893).
67 Après bien des péripéties et au terme d’une longue évolution spirituelle, que retracent le
Tristan en prose (t. IX, ed. Harf-Lancner, §§ 118–132) et les Prophéties de Merlin. En effet, alors
que toute la famille est convertie au christianisme, Palamède demeure fidèle à la religion an-
cestrale (voir l’édition de Curtis, t. I, 1963, § 327, 17–22).
68 Ed. Busby 1983, 105s.
69 Kantorowicz (1987, 178s.).
70 Roman de Meliadus, ed. Bubenicek (1998a, t. I,14, 14–17).
71 Ed. Micha, t. II, § XLVIII, 6 (var. Arfusat li Gros). Ce personnage apparaît sur les fresques
du palais ducal de Mantoue, attribuées à Pisanello : cf. Bertolucci-Pizzorusso (1972, 39s.).
78 Les mss. comportant en plus de la rédaction propre à A(2) une version particulière sont
examinés plus loin, au chap. III.
79 Les sigles, par lesquels seront désignés les manuscrits, sont empruntés à Lathuillère (1966).
80 Ce magnifique ms. de facture lombarde – il est illustré d’une centaine de dessins aquarel-
lés – donne, pour commencer la rédaction commune (ms. 350), puis, à partir du f° 65 r° jus-
qu’à la fin (f° 92 v°), un texte proche de A(2). Cf. Lathuillère (1966, 125s.). Consulter en outre
Avril/Gousset (2005) ; Cerrini (1990, 365–367) ; Cigni (2004, 306 n. 33) ; Delcorno Branca (1998,
27 n. 29) ; Lathuillère (1966, 77–79 ; 1980a) ; Lauby (2000). Morato (2010, 209–218).
81 Lathuillère (1966, 57s., 130s.). Sur le mécénat artistique de Jacques d’Armagnac, grand
amateur de romans de chevalerie, commanditaire de ce codex, et à qui appartenaient aussi les
mss. A(2) et T de Guiron, voir Avril/Reynaud (1993, 164–168) ; Blackman (1994 ; 1996b) ; Morato
2010, 9, 21) ; de Mérindol (1997). Voir infra.
82 Lathuillère (1966, 70–74, 129). On lira, sur le seigneur de Gruthuyse i.e. Louis de Bruges,
pour qui les mss. ont été exécutés : Baurmeister/Lafitte (1992) ; Caron (2003, 275s.) ; Cools
(2001) (notice Bibl. n° 042) ; Martens (1992) ; Morato (2010, 11s.) ; Vale (1995, 115–131) ; Vlaamse
miniaturen (1997) ; Wahlen (2004, 233–239).
83 Lathuillère (1966, 74–77, 130). A compléter par : Avril/Gousset/Rabel (1984, 19s., pl. IX) ;
Bogdanow (ed., Folie Lancelot, 1965) ; Cigni (1999, 31–69 ; 2004, 303 n. 23) ; Limentani (1962) ;
Morato (2010, 12, 25) ; Parodi (1889, 590–625). Version spéciale du f° 1 à 10 v°, c. 2. Ce ms. a la
particularité de donner une portion du texte du roman d’abord en français, puis de continuer
en italien.
84 Inconnu de Lathuillère, en dépôt à la Parker Library, Université de Cambridge, ce ms. porte
le sigle que nous qui lui avons attribué. Après avoir suivi la version principale (celle du
ms. 350, cf. Lathuillère 1966, §§ 1 à 49 n. 3), il donne, à partir du f° 217b et jusqu’à la fin, f°
288a, une suite qui lui est propre. Voir, supra, IIème Partie, une description détaillée, puis une
analyse critique et une édition partielle de ce codex. Cf. Morato (2010, 7 n.14, 16s.)
85 Lathuillère (1966, 36s.). La datation du ms. fait l’objet d’un examen particulier ; cf. IV. Les
manuscrits.
86 Lathuillère (1966, 123–126). Du f. 1 r° c. 1 au f° 47 v° c. 1, le ms. donne la Vulgate du roman,
partie appelée A (cf. ibid., 37), résumée aux §§ 1 à 22 n. 1 (nous avons édité ce texte, d’après le
ms. BnF fr. 350 –, cf. la note suivante – aux pp. 1–308. 17 de notre édition critique de la version
principale) puis, à partir du f° 48 r° c. 1, la rédaction spéciale jusqu’à la fin du volume (f° 237
v°), partie appelée A(2). Par suite d’un déplacement de feuillets, de f° 61a–d contient une
portion du Roman de Meliadus : cf. Bubenicek 1998 (55.21 n. 96–62.16). Voir infra, B. Les textes
…, I.A.79.b.
87 Voir Bubenicek (1998a).
88 Voir Lathuillère (1966, 82–85), Morato (2010, 21s. n. 31, 32 n. 19s.), et infra, VIII.1 et VIII.2.
89 Ce manuscrit contient, en plus de la version A(2), un développement propre, s’étendant
sur 4 feuillets et qu’on trouve aussi dans L 3, cf. Lathuillère (1966, 42–45, 129s.). Cf. infra, X.
Les manuscrits, une description.
90 Lathuillère (1970) ; Morato (2010, 16s.).
91 Ce manuscrit connaît lui aussi une version particulière propre ; cf. Lathuillère (1966, 49s.,
127s. et 129s.). Morato (2010, 18s.)
92 Voir pour la description de ce fragment consistant en 4 feuillets de parchemin, Lathuillère
(1966, 54) ; Bogdanow (1969a) ; Camus (1891, 170) ; Cigni (2004, 306) : « Italia settentrionale » ;
Morato (2010, 19, 221).
Bodleian Library, Douce 383, 0, XVe siècle ;93 Paris Bibliothèque nationale de
France, anc. fonds français 358 (anc. 6978), 358, XVe siècle ;94 Rome, Biblio-
thèque Vaticane, Regina Lat. 1501, R, XIVe siècle.95
93 Lathuillère (1966, 56–57) ; Bogdanow (1964a) ; Morato (2010, 20, 221 n. 4–5, 242).
94 Consulter Lathuillère (1966, 70s.), pour la version particulière qu’il contient et que l’on
rencontre également dans G (sigle de Lathuillère 1970, pour le ms. M. Bodmer ; cf. supra,
n. 90), F, L 3, M 1 (ms. de Modène, Bibl. Estense, E. 42. α.W.3.13, manuscrit appartenant à la
version 350) ; Morato (2010, 11s.). Voir supra, chap. II, n. 82.
95 Lathuillère (1966, 80–82, et, pour la version particulière qui lui est propre, 129s.) ; Morato
(2010, 7s. n. 17, 23s.) ; voir infra, chap. IV.
Mademoiselle Bogdanow, qui, de son côté et en même temps que notre regretté
Maître, s’est intéressée à ce problème, lui apporte une solution tout à fait diffé-
rente. Selon elle, ce qui constitue, aux yeux de Lathuillère des renvois à la
version principale, forme en fait un maillon manquant de la narration de 350,
interrompue au § 49 n. 3 de l’analyse de Lathuillère102 et reprise, par les mss.
des deux versions,103 au § 52 n. 1 (Bogdanow 1964c, 180s.). Son idée majeure
est que « the whole narrative » – de 3325 et du ms. BnF, fr. n.a. 5243, qui pro-
longe les récits du codex précédent 104 – « fits into the general situation of the
middle of Part I ».105 Cette affirmation, juste dans ses grandes lignes,106 ne ré-
siste pas à un examen de détail :
a) On remarquera que, tandis dans la version principale on assiste à un
changement des saisons – la nef de Pharamond arrive chez Arthur le jour de
la feste saint Gehan en esté, jour de naissance du souverain (éd. Bubenicek
1998a, 61.13–62.2) ; on est toujours en été lorsque Sagremor refuse une joute :
il est, en effet, traveilliés ... del chaut qui grant estoit (ibid., 284.4–5) ; Meliadus,
ayant reçu de bonnes nouvelles de Logres, arrive à Kamaalot la veille de la
Chandeleur (Lathuillère 1966, § 37) ; l’invasion saxonne, de même que le com-
bat singulier, qui opposera Ariohan à Meliadus, ont lieu à la Saint-Jean (ibid.,
§ 44, 229, et § 48, 234) –, le ms. 3325 situe les aventures qu’il déroule en plein
hiver ; il est constamment question du froid vif, de la neige. Au début de la
version particulière éditée par nous, le Bon Chevalier sans Peur et Yvain aux
Blanches Mains avancent lentement por lé nois qi estoient trop granz e trop
merveilleuses et à cause du limons qui estoit adonc nois e gelé (I, § 1.10–14).
Pour d’autres mentions, voir Lathuillère, §§ 184, 188, 189, 191, 198, 201, 204. Il
nous semble alors loisible d’affirmer que si l’une des versions est illuminée
résolument par le soleil radieux d’un été perpétuel – une seule fois est faite
mention de la froide saison – l’autre, la version particulière, déroule ses aven-
tures sous le sceau de l’hiver, expression d’un certain pessimisme qu’elle véhi-
cule.
102 Seuls les mss. Venise, St-Marc, fr. XV (Lathuillère sigle V(2), notre thèse d’habilitation
sigle E) et Ferrell 5 (sigle G) − voir infra, IIème Partie − prolongent la narration.
103 Les mss. 338, 356, 360, formant « un groupe remarquablement stable » (Lathuillère 1966,
105), se sont séparés de 350 au § 41 n. 1.
104 Ajoutons que la « facture lombarde » du 5243 (le F de notre édition : 1998a) ne constitue
pas un obstacle pour voir en lui la suite de 3325 – copié, lui aussi, en Italie –, bien au contraire
(Bogdanow 1964c, 180s.).
105 Bogdanow fait allusion à une tripartition de l’œuvre, « une sorte de lieu commun [dû] à
des remanieurs ou à des compilateurs soucieux d’ordonner leur matière à peu de frais » : voir
Lathuillère (1966, 109s. ; 1978b, 618) ; Suite du roman de Merlin, ed. Roussineau 1996, I,
XXXIIIs. n. 51.
106 Voir ce qui est dit, notamment, de l’âge des protagonistes : Bogdanow (1964c, 181 n. 20) ;
Lathuillère (1966, 110).
b) Pour ce qui est des personnages, déjà Lathuillère avait remarqué (1966,
123 n. 2) que, d’une version à l’autre, ce n’étaient pas les mêmes. Force est de
noter, nous semble-t-il, que la version principale, celle du ms. 350, emploie
surtout des protagonistes issus du Tristan en prose ou identifiés comme pères
des héros de ce dernier roman : citons, comme exemples éloquents, Esclabor,
père de Palamède et Pellinor, père de Lamorat. D’autres paraissent avoir été
créés par l’auteur de cette version pour faire le lien entre le Tristan et notre
roman ; ainsi de Tarsin, père de Seguradés, ce dernier « héros d’un véritable
roman »107 dans l’œuvre précitée. La version particulière, quant à elle, semble
mettre en scène des personnages indépendants du Tristan : arrêtons-nous sur
le cas de Hervi de Rivel,108 qui, absent totalement de ce dernier roman, ne fait
que deux brèves apparitions dans le Guiron ordinaire, l’essentiel de ses activi-
tés se déroulant dans la version particulière (Lathuillère 1966, §§ 162, 165, 172,
173, 176, 177, 184, 188, 203 et 205). Ce chevalier, en revanche, est un habitué
du cycle Lancelot-Graal.109 Enfin, les protagonistes jouant un rôle à la fois dans
l’un et dans l’autre texte sont dotés de caractères parfois fort différents : ainsi,
en premier lieu, de Gauvain ; conforme au personnage gracieux et bon de ses
débuts littéraires dans la version particulière (voir, surtout, dans notre éd.,
infra, II § 101.2–12), il est comme accablé d’une lourde hérédité dans le texte
du ms. 350. Le prosateur se plaît à montrer que Gauvain, jeune chevalier, a
plus de mal que d’autres à accepter les défaites dues à son inexpérience (voir,
Bubenicek 1998a, 277.4–5, 20–22 ; 25s.). Furieux d’être désarçonné, il laisse
libre cours à sa rancœur devant Arthur qu’il n’a pas reconnu et le regrettera
par la suite.110 On peut voir, dans ces pages, comme en filigrane, le personnage
violent et emporté du Tristan.111 Dès le début, enfin, le ton est donné : dans un
texte, commun aux deux versions et qui servira notre démonstration de tout
à l’heure, on énumère ceux qui, parmi les chevaliers errants, se sont rendus
coupables de quelque trahison hautement condamnable. 350, dans un assez
long développement (Bubenicek 1998a, 49.9–26), s’emploie à expliquer les for-
faits à venir de Gauvain ; le romancier motive la conduite de son personnage
par le dépit ressenti devant le succès des nouveaux venus à la cour d’Arthur,
Lancelot, Tristan et Palamède, qui lui portent ombrage :
... el conmenchement del regner le roi Artus, il estoit tenus a uns des meillours chevaliers
..., mais aprés, quant misire Lancelos vint a cort et li autres bons chevaliers de celui
lingnage, misire Tristran et Palamidés, le pris de lui enconmencha a apetichier ... (ibid.,
49.12–17).112
Plus loin dans le récit, le compagnonnage de Gauvain avec Blioberis est une
occasion de montrer leurs développements diamétralement opposés : tandis
que Gauvain stagne, son ami est perfectible : après des débuts modestes, il ala
toutes voies en amendant (ibid., 313.24–25). Et l’auteur de la version principale
d’ajouter, comme un refrain (ce que souligne l’emploi d’un vocabulaire quasi
identique), les raisons qui ont poussé Gauvain à opérer la mutation que l’on
sait (ibid., 313.25–314.7).
Ce que nous avons dit de Gauvain, nous pouvons l’appliquer à un autre
personnage, Marc de Cornouaille. L’auteur de la version principale puise à
pleines mains dans ce qu’il appelle soit l’estoire del latin (ibid., 488.21), soit
l’ystoire (ibid., 489.12) ; ce livre-source est bien évidemment le Tristan en prose
qu’il démarque sans sourciller : ainsi pour dresser le portrait à la fois physique
et moral de son personnage (ibid., 489.1–10) ;113 lorsqu’il parle de la raison qui
fit venir Marc en Logres – le roi de Cornouaille se prépare en effet à raconter à
Arthur comment son royaume fust aquitiés del servage ou il estoit pour le
treüage d’Irllande (487.27–488.1) –, il se remémore un grand moment du roman
(ed. Curtis, t. I, §§ 287–303). On peut considérer comme une « mise en pratique »
de ce fonds venu du Tristan lorsque le romancier décide de faire éclater au
grand jour la veulerie de Marc : par suite d’une joute indécise, Gasonain d’Es-
trangorre, fraîchement adoubé – encor n’avoit mie .II. mois complis que li rois
Artus l’avoit fet chevalier (notre éd., 496.8–9) –, le convie à se mesurer une
nouvelle fois ; Marc prend alors le prétexte de sa mauvaise forme pour lui op-
poser un refus catégorique : il estime, en effet, que le « cors ... bien est la plus
chiere chose que l’on ait » (ibid., 498.24–26). Ce comportement lâche soulève
l’indignation de son beau-frère Meliadus.114 Rien de tel dans la version du
ms. 3325 : le Marc de ce texte fait preuve, au contraire, d’une grande détermina-
tion lorsqu’il s’agit de délivrer son amante, la reine de Norgalles, que son mari
112 Cf. infra, le développement de G : IIème Partie, IV. Analyse, §§ XLV et LI.
113 Voir Baumgartner (1975, 163, 191).
114 « Certes, rois, ge estoie bien faus quant ge voloie que vous feissiés proueche que vous ne
fustes onques acoustumés ; ge vous voloie fere bon la ou Dex meesmes ne veut mie que vous le
soiés ! » (499.6–9).
s’apprête à faire brûler (cf. notre édition, infra, I, §§ 97–117). Faut-il ajouter que
ce texte se garde bien de n’emprunter au roman de Tristan aucun de ses élé-
ments, infamants pour le personnage ?
c) L’épisode des chevaliers félons de la Grande-Bretagne semble fournir
une clé de lecture des deux versions. Présent dans l’une comme dans l’autre,
il y offre des divergences notables. Dans la version principale, il est associé au
personnage de Pellinor, qu’Esclabor et Arphasar, son frère, vont sauver d’une
entreprise de vengeance (notre éd., 38.1–46.18). A l’occasion d’une promesse
de clémence faite par le roi de Norhomberlande à ceux qui ont voulu le mettre
à mort, l’auteur rappelle la lignée de renégats qui ont transgressé les lois, de-
puis Escanor le Grant, ... compaingnon ... de la Table Reonde (ibid., 46.24–25),
jusqu’à Gauvain, à qui, comme on l’a vu plus haut, on consacre un développe-
ment spécial (ibid., 49.9–26). Le rapprochement opéré entre Pellinor et Gauvain
n’est certes pas fortuit. Le frère de Lamorat, ayant tué le roi Loth au combat,
devra périr de la main du fils de ce dernier. Telles sont les données que fournit
un groupe d’œuvres auquel appartiennent la Suite Huth du Merlin, le Tristan
en prose, la Folie Lancelot et notre roman.115 Le ms. de l’Arsenal, quant à lui,
insère la généalogie des félons dans un tout autre contexte : un vieux chevalier,
hôte d’Hervi de Rivel, raconte à celui-ci un double meurtre dont il fut le témoin
impuissant ; l’odieux auteur de ce forfait, un chevalier de la Table Ronde, resté
anonyme, est le premier d’une longue lignée. Elle se compose des mêmes
membres que la liste du ms. 350, le neveu d’Arthur excepté. Cependant, si Gau-
vain n’en fait plus partie, le prosateur augmente sensiblement son récit en
faisant de Calinain le Mauvais le fils de Guiron le Bon, le premier n’héritant
que des qualités de vaillance du second. Cette adjonction lui permet de brosser
un portrait rapide mais essentiel du héros auquel il entend consacrer son tra-
vail.116
d) L’examen stylistique, auquel il a été réservé un chapitre particulier,117
confirme, lui aussi, la disparité entre les deux versions. La première, s’atta-
chant à décrire la vie chevaleresque dans ce qu’elle a de plus physique met
l’accent sur la valor, la force et la vigueur du combattant. La grande valeur
morale est, incontestablement, la courtoisie. La vie intérieure paraît moins
115 La Suite, edd. Paris/Ulrich 1886, II, 11, 129, etc. ; Suite du roman de Merlin, ed. Roussineau,
1996, I, § 183, 19–37 ; 307, 1–15 ; le Tristan en prose : voir Löseth (1890, § 72a), etc. Le meurtre
de Pellinor par Gauvain se produit réellement dans des mss. tardifs de Guiron, British Library,
Add. 36573 (XVI s.) et Turin, Bibl. nat., R. 1622 (XVe s.) ; Bogdanow (1960) en a procuré une
édition. Voir aussi Bubenicek (1993, 197 n. 59).
116 Voir infra, B. Les textes …, II, § 145, 23–40.
117 Dans Bubenicek (1998a, t. IV, 802–815), dont nous donnons ici les grandes lignes.
sions – en fait, soulignons-le avec force, l’allusion unique – faites dans 3325 à
l’amour de Guiron pour la dame de Malohaut, épouse de son ami Danain (voir
Lathuillère 1966, § 201, n. 4 et 58, 59ss.). Ainsi, lors de la confection du volume
de l’Arsenal (1250–1275), la rédaction de Guiron à proprement parler n’en serait
qu’à ses débuts.
119 Bogdanow (1968, 79). Voir, pour la place qu’occupent, au sein de ces compilations, les
épisodes issus de la vers. du ms. de l’Arsenal, Lathuillère (1966, 71 et 83).
120 Et non Rusticien, depuis la démonstration de Benedetto (1953, 71–85).
121 Comme on sait, c’est le voyage d’Edouard 1er d’Angleterre en Terre Sainte, à l’occasion de
la croisade, qui permet de dater l’œuvre de Rustichello : voir Cigni (1993/94, 5).
122 Aucun d’eux ne figure, semble-t-il, dans l’édition procurée par Cigni. Ils paraissent avoir
été écartés, sans qu’on nous en indique la raison. Voir Lathuillère (1978b, 623s.).
123 Calinan y est le « filz de Guiron le Courtois » ; Palamède, « embuchié » dans la forêt, té-
moin de la défaite de ses compagnons, décide de venger « celle honte », etc. Consulter Bogda-
now (1967, 345s.).
124 Marc dans l’Arsenal 3325 ; Baudemagus est le « traître » de la Suite du Merlin. Ceux qui
« veulent tirer vengeance » d’eux sont, respectivement, le roi de Norgalles et le roi Pellinor. Cf.
Bubenicek (1993). Pour l’adaptation de l’épisode par l’auteur de la suite du ms. G, voir infra,
notre analyse, XXXV, 180.1–183.51.
125 Comparer Suite du roman de Merlin, ed. Roussineau, 1996, I, XL n. 79.
126 C’est cet épisode qui permet à Bogdanow (1966, 222s. ; La Version Post-Vulgate, 1991, I, 59
n. 86), de situer la Post-Vulgate avant le 5 février 1240, date de l’accusé de réception de Frédéric
II de Hohenstaufen, mentionnée supra.
lée à Pise dans un document de 1238,136 mais toutes sortes d’associations bour-
geoises ou académiques des cités italiennes.137
Dans les cours princières du Nord, la noblesse imite les romans de chevale-
rie lors de ses fêtes somptueuses ; ainsi à Ferrare, en 1466, le duc Borso d’Este
organise-t-il des festivités chevaleresques se prolongeant pendant trois jours
avec l’obligation de jouter pour franchir un passage.138 Les femmes portent,
attachées à leur manche, des devises empruntées à des phrases de roman.139
Cette fièvre chevaleresque arrachera à un prédicateur de l’époque la même
plainte amère que celle qu’exprima, jadis, le cistercien Césaire d’Heister-
bach.140 La « matière » de Bretagne, tout comme celle de France, est très en
vogue chez les d’Este ; les romans de chevalerie, dont la bibliothèque est am-
plement pourvue, sont souvent de sortie.
Les nombreux inventaires de la bibliothèque ducale – dressés en 1436,
1467, 1474, 1480 et, enfin, en 1495 (« Libreria d’Ercole I ») – permettent d’en
suivre l’évolution ainsi que l’accroissement du nombre des volumes. Alors que
la première liste, rédigée sous le règne de Niccolò III d’Este, ne fait état que
d’un seul ms. concernant notre roman,141 le catalogue fragmentaire de 1467 de
la « Librairia di Borso »142 n’en signale aucun exemplaire. Il faut attendre le
registre de 1474143 pour découvrir quatre copies de Guiron (n° 9, 18, 20 et 61)
et une seule de Meliaduse (n° 7).144
L’inventaire de 1480145 fait état de deux Gurone (n° 10 et 17) ; la première
partie du roman146 est sans aucun doute représentée par des volumes désignés
par des titres variés : Meliadus de gestis militum (n° 21) ; Re Artuse et Re Melia-
dus et ali cavalieri (n° 36), enfin par Cavalieri senza paura et altri cavalieri
(n° 32).147 Dans celui de 1488,148 il y a deux Guiron sur papier (n° 11, 28) et un
en parchemin (n° 19) 149 et aucun Meliadus ! Enfin la dernière liste, celle de
1495,150 signale deux exemplaires de Gurone in francese,151 et trois de Melia-
dus.152 I1 est difficile de rendre compte de ces fluctuations : on passe de quatre
volumes (1474) à deux en 1495.153
Ce qui caractérise la cour d’Este est, nous l’avons déjà dit, le prêt des ou-
vrages de la bibliothèque ducale non seulement aux courtisans, mais aussi aux
hommes d’étude, aux humanistes du « studium » de Ferrare,154 voire au simple
personnel.155 En une seule année (1457), le duc a prêté jusqu’à vingt
mss. !156 Parmi ceux-là le Meliadus–Guiron occupe une place de choix.157 Un
témoignage complémentaire de l’engouement des d’Este pour notre roman est
fourni par l’onomastique familiale : un frère de Borso porte le nom de Gurone
(il est mort en 1484), un autre s’appelle Meliaduse (1406–1452). Peut-on trouver
un plus bel exemple d’enthousiasme arthurien ?158
La bibliothèque des Gonzague de Mantoue est, selon l’inventaire dressé
à la mort de Francesco de Gonzaga en 1407, non seulement l’une des rares
bibliothèques laïques dont nous possédions des notices descriptives,159 mais
certainement l’une des plus riches à l’aube du XVe siècle.160 Le nombre d’ou-
147 Allusion à la bravoure des deux rivaux, Meliadus et, surtout, le Bon Chevalier sans Peur ?
148 Rajna (1873, 55s.).
149 Rajna (1873) l’assimile au volume présent dans le registre de 1436 ; voir supra, n. 141. Ce
qui fait dire à Lathuillère (1966, 95 n. 16), qu’Hercule 1er possède trois ex. de Guiron.
150 Bertoni (1903, App. II ; 1904, 178–181).
151 On se réfère alors à la reliure des mss. sans aucune indication relative au support, ce qui
rend impossible leur identification avec les volumes précédemment décrits ! Voir Bertoni (1903,
n° 199 et 214 ; 1904, n° 8 et 11).
152 Bertoni (1903, n° 119, 211 et 320 ; 1904, n° 6, 10 et 24). Cf. Lathuillère (1966, 95 n. 16).
153 Voir les hypothèses formulées par Bertoni (1904, 183s.), au sujet du contenu des mss.
154 Bertoni (1918/19, 117s.).
155 Ibid., 120.
156 Bertoni (1903, 55).
157 Bertoni (1918/19). Le meilleur témoignage de la faveur dont jouissaient ces volumes est
la détérioration due à leur lecture fréquente : en 1457, le relieur Gregorio di Gasparino est char-
gé de remettre en état « uno libro nominado Gurone » (ibid., 120 n. 2).
158 Bertoni (1903, 72 ; 1918/19, 121).
159 A la différence de l’inventaire de Mantoue, celui qui décrit les volumes appartenant aux
d’Este ne fait état ni des incipit ni des explicit ; il ne donne, non plus, l’indication du nombre
de folios, ce qui ne facilite pas l’identification des mss. Voir Braghirolli/Meyer/Paris (1880,
502).
160 Girolla (1921, 32).
161 67 volumes pour les premiers, 33 pour les seconds : Girolla (1921–1923, 33).
162 En 1389, il est chargé d’accompagner en France Valentine, la fille de Jean Galéas Visconti,
qui doit épouser Louis d’Orléans.
163 Novati (1890, 163s.).
164 On ne trouve pas de mss. de Guiron le Courtois parmi ceux – une quinzaine au total –
commentés du point de vue artistique par d’Arcais 1984. Voir infra la IIe partie, consacrée au
ms. G.
165 « 18 Novembre (1367) – Reggio– Guido Gonzaga di Reggio a Guido Gonzaga di Mantova :
remitto librum vestrum Guroni, quem michi prefata vestra paternitas comodare dignata fuit ».
Arch. E. Gonzaga, XXXIII, 1, b. 1301, cité d’après Girolla (1921–1923, 35 n. 4).
166 Braghirolli/Meyer/Paris (1880, 499).
167 Lathuillère (1966, 94s.).
ce qui constitue, bien entendu, une leçon erronée à l’égard du texte du ms.
de l’Arsenal.
Enfin, certaines erreurs de A(2), qui n’ont pas été corrigées, sont partagées
aussi par T ; signalons, p.ex., le singulier (savoit) de I, § 99.40 (leç.rej. a). La
situation est différente au § 136.1 : par suite d’erreur d’initiale, A(2) porte E
ertes ; voir la var. de T (cf. leç.rej.a et var. T 136.1), etc. Nous voudrions aussi
souligner des rencontres entre A(2) et T portant sur certaines des graphies :
p.ex. à I, § 86.27, A(2) a d’ome, et, à la l. 31 du même § d’un home ; or, rien
n’obligeait le copiste de T à écrire, respectivement, d’ome et d’un home. La
même chose dans honor A(2) I, § 111.10 (T, honneur) ; l’onor A(2) I, § 111.13 (T,
l’onneur), etc. Par ailleurs, il n’est sans doute pas dû au hasard que, lorsqu’il
se présente quelque endroit difficile dans A(2), le copiste de T remplace le
passage ou l’abrège, cf. var. des §§ I.115.26–116.2 (cf. 115n.a et var. T 115.9,
116.2) ; 117.1–3 (var. T 117.1) ; 130.58–59 (130n.e et var. T 130.18) ; 142.3 (var. T
142.1) ; 219.1–13 (var. T 219.2).
En conclusion, la démonstration qui précède nous paraît confirmer l’idée
selon laquelle Jacques d’Armagnac faisait copier à l’un de ses scribes, parmi
lesquels le fameux Micheau Gonnot, des livres de sa riche collection,176 en l’oc-
currence le ms. de l’Arsenal, afin d’obtenir un ensemble destiné à rivaliser,
peut-être, avec la compilation de Louis de Bruges, Bnf 358–362.
dater des environs de 1450, a été soigneusement imité (non sans différer toute-
fois de l’exemplaire angevin) par des artistes travaillant pour Louis de Gruut-
huse, le filigrane du ms. BnF, f. fr. 2696 nous en fournit la date : 1483.180
D’autres indices – peintures additionnelles par rapport à l’exemplaire du roi
de Sicile, ornant le fr. 2693, où le texte de René est précédé du tournoi de
Gruuthuse et de Ghistelles –, nous emmènent à Bruges entre 1479–1480.181 Le
traittié de la forme et devis d’ung tournoy devait être, par conséquent, connu
sur les terres bourguignonnes bien avant ces dates.
Situé dans la même tranche chronologique, mais plus près de notre problé-
matique, le cas de Jacques d’Armagnac nous retiendra davantage, ne serait-ce
qu’en tant que propriétaire de nos principaux manuscrits.
On se remémore, généralement, à son sujet, les actes de l’intelligence cou-
pable avec l’ennemi pendant la guerre du Bien Public, ayant conduit le duc de
Nemours à l’échafaud, pour crime de « leze » majesté, le 4 août 1477 ; citons, à
titre d’exemple, et à la suite des autres : la encontre de l’ancien favori de
Louis XI avec les « confédérés » près de Paris182 ou la correspondance avec le
Téméraire lors de l’entrevue de Péronne, dont Jacques d’Armagnac escomptait,
comme beaucoup, que le roi n’en sortirait que « mort ou prisonnier ».183 Mais
les rapports du duc de Nemours ne se limitaient pas, certes, à des accords
politiques visant à contrecarrer les projets absolutistes du roi de France, ces
« dernières luttes de la féodalité ».184 Si l’on savait le petit-fils de Jean duc de
Berry collectionneur de manuscrits averti, qui ne s’était pas contenté d’hériter
des livres de ses aïeux,185 mais avait commandé des volumes qui témoignent
de ses propres goûts d’amateur de beaux livres,186 on ignorait qu’il était aussi
« bibliophile intéressé par tous les aspects de la production littéraire bourgui-
gnonne ».187 C’est à François Suard, notamment, qu’il revient d’avoir établi que
Jacques d’Armagnac non seulement avait dans sa « librairie » des ouvrages
presque contemporains écrits par des Bourguignons, tels que la Fleur des His-
toires de Jean Mansel, représentée par les mss. BnF, f. fr. 55–58 reliés,188 sinon
T, f. 1–2a Prologue II
197 Les mss. T et L3 présentent le même texte : cf. Bogdanow (1965, 47), et notre Appen-
dice VI.
198 Nous avons donné dans l’Appendice VI. le début de ce texte particulier, d’après T, forte-
ment endommagé, mais permettant la comparaison avec L3.
199 Cette partie combine les textes propres à cette version, ainsi que ceux venus d’ailleurs :
A(2) (3 passages : cf. Lathuillère 1966, 50), 358 et de F (un passage chacun) : ibid.
200 Lathuillère (1966, §§ 210–211). Wahlen (2003, 92a).
201 Lathuillère (1966, § 212). Wahlen (2003, 92b–93a).
202 Version particulière de Guiron le Courtois, qui comporte des textes qui lui sont propres et
ceux de A(2) : cinq passages et pas les mêmes que ceux cités, supra, à la n. 228.
203 Lathuillère (1966, § 1 à 49 n. 1).
204 Lathuillère (1966, § 1 à 133 n. 4).
205 Le ms. devait contenir 252 feuillets : Lathuillère (1966, 82). La fin de ce récit a été détruite
dans T : cf. Bogdanow (1965, 64 n. 39).
206 Ibid., § 261 (version partielle). Texte édité par Bogdanow (1960, 1–9).
f. 1a–14d Guiron libéré de la prison de Luce, sa Guiron sollicité par Armand pour
victoire sur Lamorat, mort de sa gar- combattre à ses côtés contre le
dienne (§ 102) ; roi d’Ecosse, soutenu par Arthur ;
second récit de la guerre d’Arthur la demoiselle « geôlière » le
contre Meliadus ; Guiron participant laisse partir à contrecœur et
à la guerre aux côtés de meurt de chagrin (§§ 232,
Meliadus (§§ 152, 153) 208 234) 209
207 La description qui suit est fondée sur l’étude de Bogdanow (1965, 48s. n. 18), comparée
à l’Analyse critique de Lathuillère (1966), dont nous indiquons les §§ entre parenthèses.
208 Version « divergente » des mss. 338, etc.
209 Version « particulière » de 358.
210 Vers. de base (L4).
211 Vers. « divergente » de 338, etc.
212 Version « divergente » de 355.
213 Source : La Queste post-Vulgate selon Bogdanow (1965, 49 n. 22) ; une version partielle du
Tristan en prose, selon Lathuillère (1966, 83).
214 Vers. particulière de 362, inspirée par le Tristan en prose : cf. Lathuillère (1966, § 262 n. 1
à 4).
215 Voir Lathuillère (1966, § 287) ; Bogdanow (1965, 49).
216 Lancelot du Lac fortement abrégé : Lathuillère (1966, 83, § 161 n.1) ; Bogdanow (1965,
49s.).
217 Vie de Lancelot jusqu’à son adoubement (cf. supra, n. 216) : cf. Lathuillère (1966, § 262 n.
4) ; Wahlen (2003, 94a–b).
218 Tristan en prose, t. I, ed. Curtis, § 1–285, 1, dont le texte a été considérablement abrégé :
cf. Bogdanow (1965, 50).
219 Lancelot du Lac : voir notre Appendice I et II, 887–889 ; Lathuillère (1966, § 161 n. 1) ;
Bogdanow (1965, 50s.).
220 La portion de T utilisée pour l’édition qui suit – voir infra B. Les textes … – va du f. 24b
au f. 145d. Cf. Lathuillère (1966, §§ 161–188).
221 Cette reprise du Lancelot abrégé est limitée par Bogdanow (1965, 51), aux f. 259d–265d,
alors que Lathuillère (1966, 83) la laisse aller jusqu’au f. 281 et renvoie à Sommer, t. III, 119–
263.
222 « Textes particuliers », dit Lathuillère (1966, 83) ; f. 283c–284b : Leodagan ; 284b–285c :
Ariohan ; 285c–287a : Lac. L’ordre de ces feuillets doit être erroné ; Bogdanow (1965, 53) les
range en effet après les f. 311c–317d. Il ne semble pas être question de l’invitation du roi Leoda-
gan dans L-I-7, si l’on se fie à l’Analyse de Lathuillère. Le « primier livre » ne contient que la
portion § 1 à 49 n. 1 de la vers. de 350, suivie du § 261, offrant le texte propre à L-I-7 et à L3 ;
voir ce qui y est dit d’Ariohan : Lathuillère (1966, § 261, 491). C’est, en revanche, L-I-8, qui
comporte le § 52 (portion du texte contenu entre 129a–212a : cf. Bogdanow 1965, 62 n. 18) où
est mentionnée la séparation d’Ariohan et du roi de Carmelide.
223 Cf. Bogdanow (1965, 53) : récit fondé sur le Tristan en prose ; voir ed. Curtis, t. II, § 636–t.
III, §§ 684 ; 693–704 ; 729–749. Voir, infra, la n. 227. Episode situé aux f. 282a–283c.
224 Conte placé par Bogdanow, comme le précédent, après le récit relatif au Bon Chevalier
sans Peur (f. 311c–317d) : Bogdanow (1965, 54s.). Texte différent de celui donné par 358 : ibid.,
54.
225 Episodes analysés par Lathuillère (1966), d’après le ms. BnF, f. fr. 112 au § 288 n. 2, mais
contenu aussi dans T ; voir Bogdanow (1965, 51s. et 55–57). Pour la mort de Gallinant (Cali-
nant), voir notre éd., infra, t. II, § A 145–146, et Bubenicek (1998a, 47,2–49,9). L’érudite britan-
nique les range à la suite de la dernière aventure de Branor – cf. infra, n. 231 – et le renvoi
aux f. contenant ce récit : 55 n. 36.
226 C’est Caradoc qui emprisonne Guiron et Gauvain dans 362, f. 266c (cf. Lathuillère 1966,
§ 263 n. 2) ; ce même ms., dans la version de 350 qu’il reproduit, faisait de Guiron le prisonnier
de Calinan (Lathuillère 1966, § 130). Sur cette contradiction et son origine, voir Wahlen (2003,
94b).
227 Tristan en prose, à peine modifié (cf. Bogdanow 1965, 52) : voir ed. Curtis, t. I, § 285–348.
227bis Cette indication est globale et approximative ; elle se fonde sur Bogdanow (1965, 52 n.
30) ; voir, à propos de l’ordre erroné des feuillets, Lathuillère (1966, 83).
228 Voir Lancelot en prose, ed. Micha, VII, §§ XLa, 2–10, 413–419 ; XLIVa, 1–XLVa, 3, 434–439 ;
t. VIII, §§ XLIXa, 1–LIVa, 7, 1–137.
229 Lathuillère (1966, §§ 277 n. 1 ; 278 ; Wahlen (2003, 94b–95a, n. 27).
230 Cet emprisonnement du Bon Chevalier sans Peur (voir Lathuillère 1966, § 124) n’est pas
relaté par les tomes précédents de T : L-I-7, L-I-8 : cf. Bogdanow (1965, 52).
Ce qui saute aux yeux, lorsqu’on examine le tableau ci-dessus, c’est la pré-
sence, de part et d’autres, des mêmes éléments qui composent les deux compi-
lations : une histoire légendaire de la Grande Bretagne, reposant toutefois –
nous verrons que ce sera souvent le cas – sur des sources différentes,234 et
« Enfances Guiron »,235 à savoir la jeunesse du principal protagoniste. Puis les
deux ensembles intègrent, dans des proportions variables, il est vrai, la version
dite « Vulgate », c’est-à-dire celle du ms. 350 de la BnF. Enfin, T-L3 et 358–363
donnent un dénouement semblable : la délivrance, puis la mort du/des héros.
231 Plusieurs références, outre celle qui vient d’être donnée, sont indiquées par Bogdanow
(1965, 54s. n. 35) : erreur de numérotation, probablement. C’est un épisode tiré de Rustichello
da Pisa : voir Löseth (1890, §§ 621–622).
232 Episode transmis seulement par T et 112 ; il suit immédiatement la mort d’Alexandre l’Or-
phelin – cf. n. 224 ; voir Bogdanow (1965, 54s.) ; personnage non mentionné par Lathuillère
(1966).
233 Lathuillère (1966, §§ 284–286) (vers. part. de 363).
234 « The early history of Logres » des T et L3 diffère de celle que contient le remaniement du
BnF, f. fr. 358 : cette dernière est fondée sur la rédaction en vers du Des Grantz Geantz, transpo-
sition française des chapitres V et XXI de l’Historia Regum Britanniae de Geoffroy de Mon-
mouth, et qui se trouve aussi, isolément, sous le titre De origine gigantum, dans des mss. latins
de la British Library (cf. Lathuillère 1966, 126 n. 30). Le texte latin du conte (vers. brève) a été
publié par Carley/Crick (1984). Il est à souligner que l’abrégé du Brut – seconde « section »
historique de 358 – offre des affinités avec la rédaction introduite au début des Anchiennes
croniques d’Engleterre – cf. l’édition de Dupont (1858, 5s. : seules les rubriques des chapitres
du « Livre Premier » sont données) –, compilées par Jean de Wavrin, livre que possédait juste-
ment Louis de Bruges (cf. supra) ; voir, surtout, l’édition de William Hardy (1864, I, 6–35) : cf.
Wahlen (2003, 100a, n. 18). Quant aux débuts légendaires de Grande Bretagne, donnés par T
et par L3, proviendraient-ils du Mémoire sur les prétentions du roy d’Angleterre a la cour de
France suivi d’une Chronique d’Ecosse qui se trouvait dans la bibliothèque de Jacques d’Arma-
gnac – ms. BnF, Nouv. acq. fr. 20.962 (voir Delisle 1905, 255–269 ; Thomas 1906) ? On ne sait.
235 Voir Bogdanow (1965, 47).
236 Cf. Lathuillère (1966, § 216) ; d’après T-L3, Guiron est le fils d’un certain Fragus et, par
conséquent, arrière-arrière-arrière-petit-fils de Febus (cf. Lathuillère, 1966, § 257), ce qui
semble s’accorder avec les généalogies de 358 (ibid., § 213). Voir Löseth (1890, § 630 n. 1, 437).
237 Cf. Wahlen (2003, 93b–94a) ; voir aussi Löseth (1890, 434 n. 3).
238 Sur ce projet, voir les remarques de Lathuillère (1966, 109s.).
239 Nous nous référons à l’Analyse de Lathuillère (1966).
240 Après le § 259 n. 2 de Lathuillère (1966) dans L3.
241 Entre §§ 222 et 225.
242 Bogdanow (1965, 49s.). Libération annoncée par la vers. de base : cf. Lathuillère (1966,
§§ 130 n.2 (vers. de 350) et 148 (celle de L4)). Voir, en outre, Lathuillère (1966, § 263 : 362–363,
§ 288 : 112 : cf. supra, n. 225.
243 Pour le texte du roman transmis par 362, voir Lathuillère (1966, § 262 n. 4) ; Wahlen (2003,
94a n. 24) ; sur celui, différent, de T, cf. supra, n. 224.
Cette trame du roman, pour laquelle il sera nécessaire d’établir une chronolo-
gie, est considérablement grossie par les récits dans le récit et quelques digres-
sions.
En y regardant de près, malgré une première impression de confusion pro-
duite par l’entrelacement d’épisodes différents, on constate que tous les récits,
rapportés par des personnages qui les racontent souvent à l’auteur même de
l’aventure, ont un seul but : prouver la valeur chevaleresque de leur auteur. Il
s’agit :
Ces récits au second degré sont donc tous des histoires d’exploits chevale-
resques. Ils ne présentent pas une grande variété d’intérêt et reposent presque
tous sur le même thème : il s’agit de venger une tache faite à l’honneur d’un
chevalier ou de réparer une injustice ou un acte de félonie. Le chevalier raconte
lui-même son histoire ou c’est un interlocuteur qui narre une mésaventure que
la victime s’empresse de compléter pour rétablir la vérité et sauvegarder sa
réputation.
Quant aux pures digressions, elles sont, à vrai dire, peu nombreuses. Dans
la partie qui fait l’objet de l’édition, il y en a quatre qui portent toutes sur le
même sujet : quels sont les meilleurs chevaliers du monde et quels sont les
critères pour apprécier la valeur d’un chevalier (I.17–18 ; I.202–205 ; II.101 ;
II.139–148) ?
L’on voit donc que le roman n’est pas dénué d’unité : une unité d’action
pour la trame principale, une unité de sujet pour les récits au second degré et
pour les digressions.
Il faut aussi noter que la partie la plus variée, la plus riche est la trame
principale qui présente une chronologie réfléchie, une vivacité de récits, des
répétitions de motifs aux multiples nuances, des personnages vivants par leurs
dialogues et leur fine psychologie et un humour certain.
IX.1.3 Chronologie
A la différence des romans qui embrassent une partie ou toute la vie d’un per-
sonnage, les événements de notre texte s’insèrent dans un temps très limité.
Le voyage jusqu’au Pont Norgalois (tome I) dure huit jours environ :
– Le premier jour qant vint entor bore de vespres (2.1), Lac et Yvain arrivent
chez Daresen. Ils le quittent le lendemain, jour pendant lequel ils délivrent
le roi Marc et pénètrent, le soir, au château d’Esegon après être restés dans
une meison deserte (99.2–4) : demorent ilec dusq’au soir qe la nuit fu venue.
– Le lendemain, le troisième jour, ils délivrent la reine de Norgales et che-
vauchent toute la journée jusqu’à Laguenon. L’action est alors tellement
interrompue par les parenthèses que l’auteur semble avoir oublié que ses
chevaliers sont déjà devant le château de Laguenon au § 125.1–2 : che-
vauchent tant q’il virent devant els Laguenon, on les voit ainsi approcher
une seconde fois de la place forte au § 129.1–2 : chevauchent tant q’il sunt
al chastel venuz qi Laguenon estoit apellez.
– Le même jour, Daresen invite le Bon Chevalier et Brehus : « Sire, vos herber-
gerez a nuit avec moi » (67.2–3) et se méprendra sur leur valeur respective.
– Le quatrième jour, Lac et Yvain arrivent à Escaloine où ils sont emprison-
nés pendant que le Bon Chevalier sans Peur et Brehus sans Pitié arrivent,
eux, à Esegon où on leur raconte l’enlèvement de la reine.
– Le cinquième jour, le Bon Chevalier et Brehus rencontrent Hoël et sont
hébergés chez un vavasseur qui leur signale la route de Lac : « Ça devant,
bien i a une jornee entiere, a une cité qi a non Aschalone » (187.6–7).
– C’est le sixième jour qu’après avoir rencontré Hervi, le Bon Chevalier, fêté
à Escaloine, obtient la délivrance de Lac et Yvain.
– Ils repartent le lendemain, septième jour, mais se séparent ; Hervi part d’un
côté, Brehus de l’autre pour suivre sa demoiselle et Yvain, accompagné de
Lac et du Bon Chevalier, continue la route pour délivrer son père.
– Nous passons la nuit suivante avec Brehus qui est victime de la trahison
de sa demoiselle (I.265.12–14) : Si destroiz et si angoisseuz cum ge vos cont
s’en dort Brehuz en tel penser et tant dort qe li jors repaire e biaux e clers.
– Le lendemain, il retrouve sa demoiselle et ses compagnons, et le soir ils
parviennent à un « château » où ils rencontrent le messager de Daire. On
s’aperçoit à ce moment du souci de vraisemblance de l’auteur qui, après
ces digressions, a le soin de rappeller l’arrivée des chevaliers au « châ-
teau » (I.299.2–3) : ... il sunt venuz dusq’a un chastel dont ge vos ai devant
parlé. Le soir même, le messager repart annoncer à Daire la venue de son
fils et de ses défenseurs (I.301.11) : Li valet … tant fist q’il vint au Pont Norga-
lois. A ce moment du récit, la chronologie reste floue : l’on sait qu’Hervi,
Lorsque débute le tome II, nous sommes toujours en plein hiver : l’arrivée à
Quimper- Corentin se situe la veille de Noël ; tout ce qui précède a eu lieu en
quelques jours seulement. La rencontre du roi Leodogan de Carmélide, éploré
sur la fontaine, et l’arrivée à l’Escu Loth se passent le même jour (§§ 1–59) :
Einsint chevauchent tant que li jors torne a declin e lor vindrent a un chastel ou
il devoient herbergier, e la nuit estoit ja aprochee, si q’il estoit einsint cum entre
jor e nuit (59.1–3).
Le lendemain, l’Escu Loth est pris par le Bon Chevalier ; le jour même, les
messagers partent pour Quimper-Corentin et il chevauchierent puis tant par lor
jornees q’il vindrent a Canpercorretin de la Forest, la veille de Noël droitemant
(II.84.1–3).
Le lendemain, jour de Noël, tous les invités se pressent à la cour (II.100.6–
10) : A l’endemain, auqes matin, viegnent li chevalier a cort si noblemant e si
richemant cum il avoient a costume a venir a si haute cort.
Puis l’action ralentit ; l’épisode marque une halte rompue par l’impatience
d’Ydier de participer au festin (II.102.14–15) : « Sire, sire, il est ja ore de midi e
li jors sunt brief duremant e trop cort » ; le roi n’a pas le temps d’acquiescer à
sa demande, car une demoiselle portant la tête ensanglantée de son frère
oblige Ydier à quitter la cour le jour même (II.109.17–20) : « Il n’i a null autre
delai, s’il plest a vostre chevalier, mes q’il mont tout maintenant, qe ge sui bien
appareillie de chevauchier orendroit ».
Le soir, ils s’arrêtent pour dormir chez un vieux chevalier (II.111.7–8) : E
jurent celui soir en un chastel. Ils repartent le lendemain matin (II.124.22–23) ;
A l’endemain, auqes matin, demande ses armes.
Ensuite, la chronologie devient plus confuse ; quelque temps s’écoule et,
un jour du mois de Janvier, Ydier rencontre le Bon Chevalier et Lac. Le Bon
Chevalier, après avoir vaincu Ydier, se charge de sa mission et se sépare de
Lac qui rencontre le jour même Hervi de Rivel et Brehus. L’auteur choisit alors
de suivre Hervi à la poursuite du Bon Chevalier.
Le soir, avanture l’aporta a un chastel (II.140.1). Le lendemain, qant li jors
fu venuz e li solleil aparut biaux e clers, Hervis de Rivel, qi en penser estoit de
sa jornee fere, se lieve matin (II.156.4–5). La journée est marquée par sa ren-
contre avec Daguenet, à la suite duquel la curiosité l’entraîne (II.174.1–2) : Ein-
sint cum ge vos di chevauchent le plus esforcieemant q’il poeent celui jor aprés
Daguenet.
Le jour suivant, dernier jour de cette partie, voit la rencontre d’Hervi et de
Danain. Le tome s’achève sur leur séparation.
La chronologie du tome II montre que l’épisode de la fête à Quimper-Coren-
tin est le pivot du volume : ce qui précède se déroule le jour de la prise de
l’Escu Loth que le temps nécessaire au voyage sépare de la veille de Noël. Ce
qui suit s’étend sur trois jours en Janvier.
L’on peut donc constater le souci de vraisemblance de l’auteur qui suit scrupu-
leusement les étapes des chevaliers. Parfois, la chronologie plus floue est rem-
placée par les indications de distance. A la fin du tome I, il a fallu deux jours
à Brehus pour parvenir au château où se fait la rencontre avec le valet de
Daire ; c’est alors que le temps ne pourrait être calculé qu’en évaluant la durée
du voyage jusqu’au Pont Norgalois.
De même, dans le tome II, deux passages restent flous : le temps nécessaire
pour aller de l’Escu Loth à Quimper-Corentin, et surtout, la durée exacte de la
chevauchée d’Ydier qui, parti le jour de Noël, ne rencontre le Bon Chevalier
qu’au mois de Janvier.
On peut noter au passage que la durée très restreinte de l’intrigue peut
expliquer l’absence d’évolution psychologique des personnages, mais là n’est
sans doute pas le but de l’auteur.
Surtout, on remarquera que le roman est bâti à partir d’une unité chronolo-
gique : la journée. Deux moments importants s’accompagnent de rites et parti-
cipent à l’intensité dramatique, le soir et le matin.
Plus intéressant est le rôle que jouent ces moments de la journée dans l’intensi-
té dramatique.
Les soirées commencent à ce moment si indécis qu’est le crépuscule : si
q’il estoit einsint cum entre jor e nuit (II.59.2–3). C’est la période où les corps
sont fatigués et les esprits moins clairvoyants. Il est très net que, dans notre
roman, ces veillées au coin du feu, avant ou après le repas, sont propices aux
malentendus ou au malaise. Les exemples en sont assez nombreux :
Au château de Daresen, Lac, méconnu, pris pour un couard, devrait se
faire connaître à sa mère ; sa réputation le lui défend. Moment pathétique pour
le héros hésitant, partagé entre l’amour filial et l’honneur chevaleresque : Oren-
droit a en sa volanté de soi fere conoistre a lui priveemant, e puis redit a soi
meesmes q’il en soufera encore, qar il ne vouldroit mie q’il fust leienz reconeu a
ceste fois (I.35.46–48).
Le soir suivant, le château sera le théâtre de l’aveuglement de Daresen
refusant par deux fois de croire les demoiselles qui reconnaissent ses hôtes, le
Bon Chevalier sans Peur et Brehus sans Pitié. Il est, lui aussi, invité à choisir
entre la clarté de la vérité et les ténèbres de l’erreur.
Plus tard, à Esegon, Marc manifeste un grand désarroi ; il passe la soirée à
pleurer sur les malheurs de la reine mais doit rendre sa douleur silencieuse
pour ne pas être reconnu : il se met dedenz un lit e comence a faire duel trop
merveilleus ; mes ce est au plus coiemant q’il puet, qar il ne vouxist mie volantiers
qe cil de leiens s’aperceussent de sa dolor (I.104.2–7). Une demoiselle le recon-
naît mais le seigneur refuse de la croire. Là encore, la soirée est le cadre des
troubles et des erreurs.
Lorsqu’avec Hoël, le Bon Chevalier descend pour la nuit chez un vavas-
seur, il est accusé de trahison. Toute la soirée va se passer à élucider les circon-
stances de l’enlèvement de la fille du vavasseur. Le Bon Chevalier est pris à
nouveau pour ce qu’il n’est pas, comme Lac au début du roman. Ceci constitue
le premier trio des malentendus crépusculaires.
Les trois autres grandes soirées peuvent être réunies sous la même ru-
brique : récit de trois amours trahis. Un vieux chevalier tue le cousin de Lac
parce que ce dernier a mis à mort son père et ses frères. Un autre, hôte de Lac,
a abandonné la chevalerie parce que la demoiselle qu’il aimait lui a été ravie
par le Bon Chevalier sans Peur. Daguenet est devenu fou parce que son ami
lui a enlevé sa femme.
Nous pouvons donc conclure que la fin du jour, l’approche de la nuit dans
le roman favorise le désarroi, la méprise. Le moment pousse aux confidences
qui tournent autour des déceptions sentimentales : un fils qui pleure son père,
un père la disparition de sa fille, Lac son cousin particulièrement chéri, un
chevalier sa demoiselle, Daguenet devient fou pour avoir perdu en même
temps l’amour et l’amitié.
vaincu Brehus, comme Perceval l’Orgueilleux de la Lande, après avoir reçu les
avertissements des deux demoiselles que, Daresen, blessé, à la vue de son sang
sur la neige, réalise le courage du Bon Chevalier : cele place ou il estoit, estoit
ja auqes tainte e vermoille de son sanc, e la noif, qi espesse i estoit e grant, en
avoit sa color changié et estoit vermoille, e ça e la ou li chevalier avoit geu [...] ;
« … en ceste mescheance me vait auqes reconfortant ce qe ge reconois orendroit
qe le meillor chevalier dou monde m’a navrez » (I.85.5–12).
Cette prise de conscience est vue avec beaucoup plus de réalisme que chez
Chrétien de Troyes, mais l’intention didactique est ici aussi présente : l’auteur
veut nous montrer comment à l’épreuve des faits la vérité éclate et comment
l’orgueil de Daresen est confronté à un chevalier de grande valeur. Daresen
comme Perceval avance vers la sagesse et tous les deux ont changé avec la
venue d’un jour nouveau.
A Vigneheu, Brehus devrait être assiégé par la population qui le hait mais
avec le lever du soleil, le seigneur qui semblait, la nuit, vouloir le mettre à
mort à tout prix, abandonne ses projets tout à fait anti-chevaleresques et de-
vient plus loyal. Il accepte un duel corps à corps qui termine l’épisode.
Plus tard, à l’Escu Loth, le Bon Chevalier et Lac sortiront sans encombre
du château. Le matin révèle aux habitants l’identité de leurs adversaires. Eclai-
rés par la vue de l’écu du Bon Chevalier, les deux seigneurs reviennent à des
sentiments plus modérés ; la prudence les amène à être conciliants. Lac et le
Bon Chevalier néanmoins décident de venger l’honneur d’Arthur.
Ainsi le matin, les aventures se dénouent, les passions s’apaisent, le réel
prend le dessus. Il ne reste plus aux chevaliers qu’à entreprendre une nouvelle
chevauchée.
L’on peut aussi, rapidement, comparer les réactions que provoque la pas-
sion chez les chevaliers éplorés : Marc désire mourir, mais ne perd pas sa digni-
té. Dès sa délivrance par Lac et Yvain, il retrouve de l’énergie, témoigne sa
reconnaissance et a le courage d’entrer à Esegon.
Le chevalier à la fontaine – Leodagan – est, lui, apathique ; il a perdu tout
respect de lui-même, le sens des valeurs chevaleresques, mais retrouve son
ardeur lorsqu’il sait qu’il peut encore agir pour sa dame. Quant à Daguenet, il
est en proie à des crises de folie que seul le cri « Veez ci venir le roi Artus »
(II.182.22) peut calmer quelque temps. La comparaison montre quel degré de
lucidité les personnages conservent dans la passion : la conservation totale, la
perte momentanée ou la perte totale.
Les trois « vilaines » demoiselles ont aussi leur individualité. Celle que ren-
contre Yvain se montre une acharnée « féministe » ; elle méprise les chevaliers
et refuse toute attention ; la demoiselle de Brehus, vilaine et belle, n’a de goût
que pour un couard et emploie son intelligence et son activité au service du
mal, tout en cachant ses véritables sentiments parce qu’elle craint Brehus ; la
demoiselle de Danain, elle, accable Hervi d’injures, mais s’arrête là. Sa révolte
n’est que verbale puisqu’elle continue à accompagner sa soeur.
Le thème illustre trois types de comportement : le refus, l’intelligence agis-
sante, la révolte passive. On pourrait donc peut-être appliquer à notre roman
l’excellente formule de J. Frappier à propos de la composition de la Mort le roi
Artu : « Il serait sans doute excessif de comparer La Mort Artu à une composi-
tion musicale ; elle s’en rapproche cependant par le développement de ses
thèmes dominants, de ses ‹ leitmotive ›, qui d’abord esquissés, puis amplifiés,
se perdent et se retrouvent en dehors de tout enchaînement logique ».280
Si ces échos, ces variantes soutiennent l’attention du lecteur, il faut aussi re-
marquer que le roman n’est pas fait que de ces épisodes juxtaposés, de ces
chemins parallèles ; l’intérêt est renouvelé par des récits qui sont de véritables
nouvelles.
Dubuis, dans ses recherches sur le genre bref, a essayé de chercher les
constantes qui pourraient définir la nouvelle. Il parvient à cette définition :
« Un récit le plus souvent bref d’une aventure en générale récente et présentée
comme réelle qui intéresse par son caractère inattendu ».281
Dans le cadre du roman, deux passages présentent une unité, une intrigue,
une vivacité, un thème qui en font de petits récits autonomes et d’intérêt diffé-
rent. On découvre une nouvelle, qui prend le contre-pied de la nouvelle cour-
toise traditionnelle, dans les amours du roi Marc et de la reine de Norgalles, et
une nouvelle chevaleresque dans l’aventure du chevalier, assassin du cousin
de Lac (I.86–130 ; II.114–123).
L’histoire des amours de la reine de Norgalles et de Marc offre à Lac l’occa-
sion de prouver sa courtoisie ; il fait preuve d’ingéniosité, de courage et ainsi
dément l’impression donnée à Daresen. Il se place sur le même rang que le
Bon Chevalier dont on nous raconte plutôt les exploits. L’épisode, néanmoins,
serait facilement détachable de son contexte, les personnages principaux n’ap-
paraissant qu’à cette occasion. Il présente, de plus, une unité d’intrigue : quel
est le sort réservé à la passion de Marc ? La manière dont il est raconté et le
dénouement en font un récit intéressant. La structure en est claire :
– un premier mouvement : la complainte et la délivrance de Marc qui suffi-
raient pour constituer une péripétie supplémentaire au voyage de Lac et
d’Yvain ;
– le « tremplin » qui fait rebondir l’action et crée l’effet de surprise est la
nouvelle du supplice de la reine prévu pour le lendemain. Cette révélation
a été habilement préparée par le hasard qui amène Marc précisément à
Esegon et par l’atmosphère étrange qui règne dans la cité ;282
– la scène de l’enlèvement constitue le noeud de l’action ;
– puis le decrescendo s’amorce : l’attitude prostrée de la reine est précurseur
de l’issue moralisatrice ;
– l’auteur nous a en effet réservé un dénouement qui tranche totalement
avec celui d’une nouvelle comme la Châtelaine de Vergy ;283 il transforme,
par la réconciliation des époux, l’amour courtois en une aventure passa-
gère et nous rappelle Chrétien de Troyes dans son respect des valeurs ma-
trimoniales.
Ce texte a donc bien les caractéristiques du récit bref : une unité propre, une
intrigue bien menée, une habile alternance de dialogues et de récits qui permet
d’accélérer l’action.
Le second texte est une aventure chevaleresque ; il est bien intégré au récit
dans la mesure où, comme le précédent, il complète le portrait moral de Lac,
tions et à pousser son ami à rétablir la vérité des faits. Sa sagesse se marque,
en effet, par un net souci de l’exactitude. Daresen lui promettant un accueil
digne de lui, il lui rétorque nettement : « coment me feriez honor en vostre chas-
tel ? ja me fetes vos orendroit deshonor e dites de moi vilenie » (I.7.8–9). Accusé,
d’ailleurs faussement de couardise, assez l’en chaloit petit (I.11.8). Daresen, lui-
même, personnage si crédule, confirme ce goût pour la vérité lorsqu’il raconte
l’aventure de Lac à la cour d’Uterpandragon : Lac voulait éprouver la réputa-
tion du roi : « la renommee de ta cort m’a fet venir d’estrange terre en ta meison ;
veoir vins s’il est veritez q’il ait tant de bien en toi cum dient li un e li autre »
(I.26.12–16). Au roi qui manque de prudence et décide trop hâtivement, il
donne cet avertissement : « cil qi croit trop legieremant se tient souvent deceu ;
si haut home cum vos estes e ssi vaillant ne doit si legieremant croire as paroles
d’une damoisele » (I.30.11–15). C’est lui encore qui remarque : « Or sachez qe
moutz chevaliers sunt appellez chevaliers parfit qil nel sunt mie » (I.18.2–3)
lorsque Daresen l’interroge sur les meilleurs chevaliers du monde. De même,
lorsque le Bon Chevalier lui vante la valeur d’Hervi, il demande : « Or me dites,
sire, fet messire Lac, e de celui chevalier a cui vos donés si grant pris de chevale-
rie, veistes vos ore nulle proece de lui ? » (I.236.61–63).
Cette recherche du vrai est associée chez lui aux qualités que l’on reconnaît
aux preux : la fierté, lorsqu’il supporte le froid de ses armes : « se eles ne sunt
mie trop chaudes, ne eles ne sunt si froides qe ge nes aime bien entor moi »
(I.8.10–11) ; la conscience de sa valeur lorsqu’il s’adresse à Uterpendragon : « Or
sachiez tout veraiemant qe se ge ne sentisse en moi bonté e proece de cestui fet
mener a fin honoreemant, ge ne m’i meisse en tel guise cum ge m’i met » (I.30.23–
27), jointe à une modestie, de règle pour les chevaliers errants : « si fas folie qe
ge me vant en tel maniere ! » (I.30.32–34). Ce n’est pas non plus un héros dénué
d’humanité ; l’épisode où il rencontre sa mère nous le présente partagé entre
son amour maternel et son honneur de chevalier : Orendroit a en sa volanté de
soi fere conoistre a lui priveemant, e puis redit a soi meemes q’il s’ en soufera
encore, qar il ne vouldroit mie q’il fust leienz reconeu a ceste fois (I.35.46–48) ;
il est alors saisi d’un violent sentiment de compassion : Messire Lac fu mout
pensis tout celui soir il menja la teste beissee vers terre e regarde soventes foiz
envers sa mere. Il la vit la dame plaine de grant biauté, or la voit foible e tresalie :
petit vivra des hore mes ; pitié en a assez gregnor qu’il ne mostre, e por ce menjue
il si pensis (I.36.9–13). C’est aussi un ami fidèle et dévoué ; on a vu comme il
souffre lorsque la réputation du Bon Chevalier est en jeu.
Ainsi Lac apparaît comme le digne père de son fils. Si Erec meurt pour ne
pas avoir voulu faillir à son serment, c’est parce que son père, Lac, lui a trans-
mis sa profondeur, sa probité, son sens de la vérité et de l’exactitude.
Le Bon Chevalier sans Peur apparaît, lui aussi, comme père de Dinadan. A
l’instar de Lac, il refuse de jouter gratuitement pour un autre. Il fait figure de
bienfaiteur des affligés : c’est lui qui secourt le chevalier d’Esegon des mains
d’un géant, qui délivre Escaloine de son lourd tribut, qui met fin à la cour de
justice de Daire. Il est toujours compté parmi les quatre meilleurs chevaliers
du monde ; on voit d’ailleurs qu’il est de la trempe de Guiron puisque leur
joute ne s’achève que grâce à l’arrivée d’une demoiselle qui les sépare.
Tous ces traits n’offrent rien d’original par rapport à la tradition, mais l’au-
teur intervient pourtant parfois plus personnellement. Il veut faire sentir que
le courage exceptionnel du Bon Chevalier ne le classe pas parmi les sur-
hommes qui useraient sans discernement de leurs forces. Son surnom de « sans
Peur » pourrait le laisser supposer. Or sa réputation suggérée par cette épithète
de nature, sans être vraiment contestée, est mise à sa juste place par l’auteur
lorsque, par deux fois, devant un adversaire au-dessus de ses forces, le Bon
Chevalier découvre son écu. Garder son écu couvert est un signe de vaillance ;
le chevalier ainsi ne profite pas de son renom pour impressionner l’adversaire.
N’est-ce pas, cependant, un signe de sagesse de savoir évaluer ses possibilités ?
Peut-on parler de peur lorsqu’on évite une défaite assurée ? Le Bon Chevalier
à Escaloine, où Lac a déjà été fait prisonnier, en découvrant son écu, fait fuir
la population : qant il s’aperçoivent de l’escu d’argent et il le vont reconoissant,
il n’i a nul d’els qi n’ait toute peor de mort, qar il sevent qe cil qi le porte est le
Bon Chevalier sanz Peor. La veue de l’escu seulemant les a mortelmant espoen-
tez ; il n’i a nul d’els qui l’ost veoir apertemant, ainz se vont reculhant arrieres e
crient les uns aus autres : « Fuiez, fuiez ! veez le Chevalier sans Peor qi avanture
a ore aporté entre nos » ; […] il n’i a celui qi atende l’autre, ainz s’en fuient tout
maintenant e s’en entrent en la cité (I.231.15–21 ; 232.2–3). Cette terreur excessive
montre le poids d’une réputation que le geste du Bon Chevalier atténue car il
connaît ses limites.
Il usera du même stratagème pour se sortir avec Lac de la situation pé-
rilleuse où ils se trouvent à l’Escu Loth. Ainsi l’auteur essaie de redonner une
juste valeur aux êtres et aux réputations. C’est la même démarche que l’on
découvre dans la manière dont il campe trois autres personnages du texte :
Marc, Brehus sans Pitié et Daguenet. Chacun jouit d’une réputation qui semble
être mise en cause.
Marc, d’abord, a la réputation d’être douée d’une exceptionnelle force phy-
sique, mais d’être lâche et veule. Il passe pour un démon et, dans le Tristan,299
il s’ingénie, par la ruse surtout, à nuire à l’élite de la chevalerie que sont les
chevaliers errants.
Notre version semble prendre le contre-pied de cette vision qu’ont de Marc
les contemporains de l’auteur. Il faut, certes, noter qu’à l’époque où se situe le
ne dites onqes autre chose fors qe Dex li doint honte e deshonor, qe certes, ce
est li plus vileins chevalier qi soit el monde e li plus traïtor » (I.195.14–16). Devant
ce concert de médisances, Brehuz – et par sa bouche l’auteur semble interve-
nir – va prouver que ces ouï-dire reposent sur des jugements non fondés:
« Hostes, ce li a dit Breüz, se Dex vos doint bone avanture, itant me dites : se vos
ore Breüz veissiez, le conoistriez vos de rriens ? – Nanil, certes, fet li vavassor,
coment le porroie ge conoistre, qe ge onques nel vi ? Les grans maus qe ge di ore
de lui ne vois ge mie disant por moi, mes ge le di por ce qe chasqun dit mal de
li. – Ore, fet Breüz, e se vos veissiez celui Bon Chevalier qui ja vos fist celui grant
outrage, le conoistriez vos ? – Oïl, certes, fet li vavasor, ge le conoistroie bien
maintenant qe ge le verroie » (I.196.5–12). Or, comment quelqu’un qui ne recon-
naît pas son propre ennemi qu’il a sous les yeux, est-il crédible lorsqu’il
porte un jugement sur autrui qu’il avoue lui-même n’avoir jamais vu. Peut-
on davantage prêter foi aux bruits répandus sur une personne, surtout
quand on sait la déformation et le grossissement que subissent les propos
rapportés ?
Ainsi, sans blanchir totalement Brehus, l’auteur semble vouloir le délivrer
de cette déformation populaire et ramener son personnage à sa juste mesure.
Certes, il est impulsif : à plusieurs reprises, il a envie de se venger des déboires
subis ; après l’abandon de sa demoiselle, il est rempli de mauvaises intentions :
« se ceste m’a deceus si vileinemant cum vos veistes, ge en decevrai enqore une
autre e vengerai mon duel sor cele » (I.279.15–17) ; il s’en faut de peu qu’il ne
coupe la tête de Daresen à terre. Lorsque sa bien-aimée l’abandonne pour un
couard, il reste loyal ; à la question de celle-ci : « Ore, fet ele, se ge vos leissoie,
qe feriez vos ? – Damoisele, fet il, ore sachez tout veraiemant q’il m’en peseroit,
mes a soufrir m’en covendroit. – Coment, fet ele, ne vos combatriez vos pas a li
por moi gaaigner autre fois, aussint cum vos feistes ore ? – Damoisele, oïl, s’il
fust reison ; mes ge li feroie outrage, se vos leissiez moi e preissiez lui, se ge l’en
assailloie aprés » (I.278.3–7). Où est le Brehus qui ne cherche qu’à écraser plus
faible que lui ?
On retrouve assurément un trait de sa personnalité dans le peu d’ardeur
qu’il met à combattre. Tous les prétextes sont bons pour échapper à la joute :
la valeur du Bon Chevalier qui l’accompagne déprécierait tellement son combat
qu’il préfère s’en abstenir : « se ge voloie mostrer mon hardemant voiant tel
home cum vos estes, donc seroie ge li plus fols dou monde, qar tot le hardemant
qe ge ai seroit droite cohardie a regarder le hardemant de vos ; por qoi ge ne voil
a ceste foiz encomencier chevalerie devant vos » (I.48.12–15), ou il utilise des
faux-fuyants : « le meillor doit joster avant » (I.81.29). Il montre sa mauvaise
volonté, mais finalement il cède et finit toujours par combattre, même si c’est
à contre-coeur.
Quant à son attitude à l’égard des demoiselles, elle est aussi beaucoup
plus complexe que cette haine féroce et sauvage dont l’affuble la tradition. Il
n’est pas naturellement enclin à se soumettre au beau sexe, on sent même
plutôt chez lui une rancune profonde. C’est cette rancoeur qui le pousse à se
réjouir de la description qu’Hervi fait de sa vilaine demoiselle : Il ne trouva a
piece mes chevalier qi deist paroles qi tant li pleussent cum font cestes (I.215.2–
3). Il affirme donc lui-même qu’il est incapable d’un attachement durable : « Si
m’aït Dex, cum onqes, au jor de ma vie, ge n’amai dame ne damoisele plus de
deus jors ou plus de trois ! » (I.223.7–8) ; soulignons que le Bon Chevalier sans
Peur, lui aussi, en amour n’a que des avantures. Brehus n’a pas non plus
envie de combattre pour une demoiselle : ja a cest point ne qiert prendre son
escu por la demoisele defendre : plus tost la velt encombrier, s’il poïst, qe sauver
la (I.164.7–8). Brehus, cependant, n’est pas aussi insensible que son surnom
l’atteste. Non seulement il est séduit par la beauté féminine : Autresint dit
Breüz a ssoi meesmes ; la demoisele li plest tant et embelist de totes choses qe
se ne fust por la doutance dou Bon Chevalier sains Peor, il se meist tout erra-
ment en aventure de gaignier la damoisele par force de chevalerie (I.163.11–14),
mais il tombe amoureux fou de la vilaine demoiselle d’Hervi ; il est anobli par
l’amour : Einsint vet de force d’amors : celui, qi onqes mes n’ama fors par
eschar, aime orendroit de tout son cuer et est del tout si deceuz q’il qide bien
veraiemant qe cele l’aimt sans fauseté (I.240.14–16). La situation, certes, est
comique ; Brehus est « assoutez » par l’amour et ses compagnons en font des
gorges chaudes. Mais l’épisode fait partie de cette démystification par l’auteur
du personnage de Brehus. Loin d’être un marginal de la société, il est devenu
un compagnon loyal soumis aux lois chevaleresques qu’il respecte et que lui
rappelle le Bon Chevalier : « vos savez bien qe les convenances de nos deus sunt
teles qe vos ne devez de tout cest an metre main en dame ne en damoisele »
(I.160.21–23).
Rien ne peut mieux conclure ce chapitre sur la personnalité de Brehus
dans notre version que les adieux qu’il échange avec le Bon Chevalier avant
leur séparation : « sachez tout veraiemant qe en qel qe leu qe avanture m’aporte,
ge sui le vostre chevalier ; e certes, ge reconois bien qe ge sui plus amendez de
la vostre compeignie qe ge ne fusse de la compeignie de nul autre chevalier. –
Brehuz, fet li Bons Chevalier, qant vos departir vos volez, ge vos comant a Deu.
Ore sachez qe se ma compeignie vos pleisoit, la vostre ne me despleisoit, se Dex
me saut, ains me pleisoit assez. Ore vos en alez, q’a Deu vos comant » (I.256.5–
11). Et Lac résume bien la vision de l’auteur : « E tout soit il einsint qe li un e li
autre aillent disant qe vos soiez le plus vilein chevalier qi soit el roiaume de
Logres, si di ge bian, de la moie part, qe enqore ne vi ge vilenie en vos, e si avom
ja chevauché maint jor ensemble » (II.138.28–35).
Le dernier personnage qui mérite qu’on lui prête une attention particulière
est Daguenet, le fou du roi Arthur dans Tristan ;303 il est aussi appelé Daguenet
le Couard dans Lancelot.304 L’épisode de A(2) qui met en scène Daguenet
n’épouse pas complètement cette vision. Daguenet est bien fou : il se promène
nu, en plein hiver ; le dérèglement mental lui donne une force extraordinaire ;
il passe successivement par des crises d’excitation et d’abattement. Cette étude
quasi clinique de son cas donne au récit une vivacité particulière. Au moment
de se précipiter contre Hervi, il s’arrête soudain et laisse exhaler une com-
plainte d’amour avant de jeter à nouveau, ça et là, tous ses vêtements pour
s’enfuir enfin sur la neige.305 La situation paradoxale de Daguenet nu, terras-
sant un chevalier armé, pourrait être comique si elle ne se terminait tragique-
ment puisqu’il le tue en lui assénant un terrible coup sur la tête : il fiert adonc
le chevalier si roidemant qe por la coife de fer ne remaint q’il ne le fende dusq’a
denz. Et a l’estordre q’il fet de l’espee, trebuche le chevalier sor la noif, cum cil
qi estoit mort (II.160.10–12). Car, tout fou qu’il est, Daguenet a reconnu celui
qui lui a enlevé sa femme, son ami Helior de l’Epine : « Ha ! sire, fet li vavasor,
la beste est prise ! Ore sachiez veraiemant q’il a hui ocis, si fu celui chevalier
demeine qi la damoisele li embla, tout einssint cum ge vos ai conté » (II.183.7–
9). C’est bien « un choc affectif intense » qui a provoqué sa folie.306
Daguenet, ici, n’est pas un couard, ni un vantard mais un vaillant cheva-
lier ; le texte le rappelle par trois fois : Einsint avoit il estez apelez por ce q’il fu
primes chevalier qui estoit bien sainz fale uns des plus sages chevaliers qi fust
en tout le roiaume de Logres ; en qel qe leu qe avanture l’eust aporté dusq’a celui
tenz le tenoient si compeignon, e li privé e li estrange, por le plus sage chevalier
de toutes choses qi fust entr’els por ce qe jamés ne pooien veoir en lui auqune
folie q’il feist ; e sor tout ce estoit il chevalier de grant force e preuz e hardiz
303 ... il lor avint qu’il encontrerent Daganet, le fol au roi Artus, qui menoit en sa compeignie
deus escuiers. Li escuier l’avoient fait le jor armer par gaberie et par envoiseüre, et li avoit l’en
fait entendant qu’il troveroit des chevaliers de Cornoaille a qui il porroit joster. Cil Dagenez
estoit fox, si l’avoit l’en fait chevalier par envoiseüre (Le roman de Tristan en prose, ed. Curtis,
t. II, § 654.3–7).
304 Chil Daguenés estoit chevaliers sans faille, mais il estoit fols naïs et la plus coarde pieche
de car que l’en seust : si se jouaient de lui un et autre por les grans folies qu’il faisoit et qu’il
disoit (Lancelot en prose, ed. Micha, t. VII, § XLVIIa, 8), et Ménard (1969a, 326 n. 146) résume
à propos des couards : D’autres couards se rencontrent dans les romans du XIII e siècle, mais ce
sont des personnages qui sont plus complexes et surtout qui ne connaissent pas de piteuses
mésaventures au combat. Il s’agit de Daguenet, à la fois fol, couard et vantard.
305 On reconnaît les manifestations traditionnelles de la folie recensées par Ménard (1977,
443) dans son article sur les fous dans la société médiévale.
306 Ibid., 445.
307 Ibid.
prend un secret plaisir à étaler les imperfections et la malice du beau sexe ».308
Il est, certes, indéniable qu’une grande part de misogynie traverse encore le
ms. 3325. Les demoiselles sont traîtresses : l’une dénonce les amours de sa maî-
tresse, la reine de Norgalles, l’autre la présence de Marc à Esegon et la troi-
sième médite la mort de Brehus. Il serait, peut-être, néanmoins trop hâtif de
les ranger toutes sous la même enseigne.
Beaucoup d’entre elles, assurément, ont la langue bien déliée et manient
allégrement l’injure. Elles semblent surtout être pleines de rancœur à l’égard
de la classe chevaleresque. Les insultes jaillissent, que ce soit dans la bouche
de la demoiselle de Daresen à l’égard de Brehus : felon, desloial, mal traïtor,
desloial, Brehus li desloial (I.77), dans celle de la messagère qui joute verbale-
ment avec Yvain: « vous estes chevaliers failliz, cheitif e recreant (I.135), ou dans
celle de la cousine de Brehus à Hervi de Rivel (II.192.20) : « Le vostre conduit
soit honiz, dan chevalier mauvais e falliz ! »
Lorsqu’à Esegon une demoiselle de leur hôte accourt, affolée, sa descrip-
tion, très péjorative, montre le mépris de l’auteur pour ces cris de femmes :
atant e vos leienz venir une damoisele criant e breiant e fesant si male fin cum
se ele fust feme forsenee (I.112.13–16).309 Yvain et Lac, de même, s’amusent aux
dépens de la demoiselle messagère : E le mestier de teles damoiseles messa-
gieres si est appareillees de dire mal e vilenie (I.134.19–21). A leur avis, la vie
errante des messagères les classe parmi les femmes dévergondées : « ja a maint
an par avanture qe vos, et a plain et a bois, receustes honte e laidure, vos en
estes tant aprise qe honte et vergoigne avez pieça mis arrieres dos ; de ce estes
toute ausee » (I.135.43–48). Ces demoiselles et surtout les messagères des-
cendent directement, semble-t-il, de ces demoiselles à la mule des romans ar-
thuriens qui paraissent venues de l’enfer pour redresser les torts ou se venger.
Perceval est sévèrement admonesté par la demoiselle à la mule :
Ces demoiselles des romans arthuriens sont des sortes de fées placées sur la
route des chevaliers pour les mettre à l’épreuve. Dans le Guiron, elles sont de-
venues des contestatrices mais leurs invectives sont gratuites et sans fonde-
ment puisqu’elles accusent de lâcheté de vaillants chevaliers ; elles se ridicu-
lisent donc d’elles-mêmes. De plus, l’auteur nous invite à prendre du recul par
rapport au code de la courtoisie et à nous méfier des apparences : beauté ne
va pas de pair avec bonté et laideur avec méchanceté. La messagère rencontrée
par Yvain est bien cointe e mignoite malgré son âge. Des deux demoiselles de
Danain, c’est la plus belle la plus mal parliere.
Le défaut réprouvé chez une femme est l’orgueil. La demoiselle qui vient
implorer Uterpendragon pour être vengée de son frère est tant orguelleuse qe
ele ne velt descendre dusqe tant qe ele fu venue pres de la table le roi Uterpande-
gron (I.23.3–4). Yvain s’étonne du dédain de la demoiselle messagère : « avez
orendroit veu l’orgueill de ceste damoisele qi ne nos regarde seulemant ne arester
ne se daigna, ainz s’en ala outre ? » (I.132.7–9).
Mais l’auteur semble établir une hiérarchie parmi les dames et les demoi-
selles. Les plus critiquées sont, en effet, celles qui courent les chemins et, ce
faisant, se rabaissent au rang des vagabonds aux moeurs douteuses. Dès que
la femme fait preuve de stabilité ou peut s’enorgueillir d’un statut social, l’au-
teur se montre plus indulgent. Il a, p.ex., un autre regard sur les demoiselles
des châteaux. Dans les romans précédents, à la suite des romans antiques,313
les femmes jouent un rôle actif dans l’hospitalité des guerriers et des cheva-
liers :
Dans notre roman, ce rôle est imparti à tous les habitants du château sans
distinction. Les demoiselles se fondent dans la population de la cour seigneu-
riale mais elles sont particulièrement vigilantes. Chez Daresen, deux demoi-
selles reconnaissent Brehus et le Bon Chevalier. De même, le roi Marc est iden-
tifié par une demoiselle. Chaque fois, elles sont traitées de folles par leur sei-
gneur et pourtant, ce sont elles les clairvoyantes. Elles ont aussi l’intelligence
et la sagesse de ne pas s’opposer au seigneur qui est tout puissant. Il y a chez
ces demoiselles plus de dignité ; ce ne sont plus de simples hôtesses, elles
interviennent dans l’intrigue et sont même des révélatrices de l’aveuglement
du sexe dit fort.
Quant aux demoiselles qui servent de monnaies d’échange, elles appar-
tiennent à la petite noblesse et sont l’objet de la convoitise des chevaliers. Ce
sont des filles de gentilshommes ou de vavasseurs, leur statut social les destine
à épouser des chevaliers et leurs pères veillent jalousement sur elles. De cette
position sociale bien établie, elles tirent une honnêteté, une fidélité aux tradi-
tions de leur milieu. La demoiselle qu’enlève Daresen, le jour de son mariage
(I.62), pleure, veut mourir et demande au Bon Chevalier de la ramener chez
son père. La jeune fille enlevée par Brun le Félon à son père, vavasseur, hôte
du Bon Chevalier, est partie avec le preux qui l’a délivrée, parce que ce dernier
lui a offert le mariage. Quant à la demoiselle que se sont disputé le Bon Cheva-
lier sans Peur et le roi Hoël, elle est la fille d’un gentilhomme de Petite Bre-
tagne. Le roi Hoël volantiers la preist a fame ; mes ele n’estoit pas de si grant
lignage q’il tant se deust abaissier (I.171.13–14). Néanmoins, il la chérit comme
sa femme et elle est flattée d’être la favorite ; aussi, lorsque le Bon Chevalier la
dispute à Hoël, par un don contraignant, est-elle auqes corroucee ; e neporqant
ele n’estoit mie trop espoentee, qar bien qidoit legieremant estre delivree des
mains au Chevalier sans Peor (I.181.11–12).
L’on voit que ces trois demoiselles manifestent des sentiments sincères,
elles restent fidèles, telles leurs pères. Elles rappellent, sans les valoir, certes,
des filles de vavasseurs célèbres : Enide, qui ne peut s’empêcher, malgré la
défense de son mari, de l’avertir, par amour, des dangers qui le menacent,315
ou la demoiselle d’Escalot qui va mourir d’amour pour Lancelot.316
Le roman nous offre encore deux personnages féminins, plus longuement
analysés, et qui illustrent certainement sa conception des dames d’un haut
lignage. Il s’agit de la reine de Norgalles et de la mère de Lac. Pour Lathuillère,
la reine de Norgalles fait partie de ces femmes volages, qui abandonnent suc-
cessivement mari et amant.317 En étudiant attentivement l’épisode, l’on peut
remarquer que la reine a d’abord éconduit son amoureux : « Qant ele ot apris
bien de toutes parz .IIII. lieues englesches. El mileu de cele plaigne corroit une
mout bele rivere qi estoit apelee Asurne (I.273.3–5) ; les châteaux y sont situés :
un chastel qi seoit en une grant plaine (I.257.12) ; Aprés hore de vespres virent
devant eaus un chastel en une grant plaigne qi estoit fermez sor une grant rivere
(I.280.3–4). Pour fuir on s’enfonce dans la forêt la plus proche : « Seignors, ore
del chevaucher ! se nos nos poom metre en cele forest, la devant, nos n’avom
garde puis de nulle gent qi aprés nos viegne » (I.115.7–11). Cette localisation est
si stéréotypée que l’auteur en oublie ses innovations et parvient à des incohé-
rences comme, p.ex., lorsqu’il situe le château du roi Hoël : En celui termine
aprist il qe li rois Hoël devoit tenir une grant cort a un sien chastel qi seoit tres
desus la mer (I.178.15–17) et plus loin : Qant il fu venuz a la cort, il trova adonc
qe la cort se tenoit desus la rrivere en tres et en paveillons (I.178.22–23).321 Certai-
nement conscient du caractère anonyme des lieux, il y remédie en donnant
une impression de réalité, de vécu : « a celui tertre qe vos veez » (I.272.16), par
le détail de la distance : Qant il vindrent pres du chastel a moins de .III. lieues
englesches, il encontrerent .I. vavasor (I.145.7–8), Qant il sunt pres dou chastel
a moins de demie lieue englesche (I.149.2–3), etc. La fontaine est toujours le
lieu privilégié pour le repos ou les lamentations ; elle est souvent associée aux
arbres.322 Les chevaliers repassent toujours par les mêmes lieux où, soit ils
cherchent un compagnon, soit ils se rappellent des aventures fâcheuses.
Le motif du combat a une forme non moins stéréotypée. Par rapport au
combat épique, il est, ici, plus accéléré ; on en vient directement à l’essentiel.
Comparons deux assauts ; d’abord Hervi contre Hoël (I.220.1–7) :
I. Quant la chose est acreantee ...
II. Li chevalier qi tout estoit appareilliez de la joste leisse corre vers le roi
Hoël tant cum il puet del cheval traire ;
III. Li rois li revint de l’autre part au ferir des esperons ;
IVa. Li chevalier ... le fiert si fort en son venir e si roidemant qe por l’escu ne
por le hauberc ne remaint q’il ne li face enmi le pis plaie grant e parfonde ;
IVb. Défaite, mais sans grande blessure pour l’adversaire : E de tant li avint il
bien q’il n’ot nul mal de cele joste fors qe le dur cheoir seulement (I.276.4–
5) ;
V. Chute à terre du chevalier blessé ;
321 Est-ce à dire que, lorsque la cour est « en tres et en paveillons », c’est toujours, selon ce
motif traditionnel, « desus la rrivere » ? On trouve, en effet, dans Perceval, ed. Lecoy, v. 636–
638 : « ... un tref tandu An une praerie bele Lez la doiz d’une fontenele ». Cf., aussi, The first
Continuation of the Old French perceval, ed. Roach, vol. I, v. 4036–4037. Mais rivere peut vouloir
dire aussi ‹ rive, rivage ›.
322 Cf. Chênerie (1980).
Mais on effectue toujours ces prouesses pour montrer sa vaillance, pour passer
un pont ou un château, pour gagner une demoiselle. Le chevalier les accomplit
selon les règles codifiées depuis longtemps :
– un chevalier doit voyager seul ou à deux ;
– il ne doit se dépouiller de son armure que pour se reposer ;
– les joutes se font corps à corps ; seules les blessures en dispensent ;
– si l’on veut affronter plusieurs adversaires, les écuyers portent autant de
glaives qu’il est nécessaire ;
– toute violence envers une femme est défendue ;
– lorsque le chevalier est désarçonné, il perd la demoiselle sous son conduit ;
– le chevalier est hospitalier ; il est le protecteur des faibles et le défenseur
des opprimés ;
– il accomplit ses exploits sans se vanter ;
– la courtoisie reste la qualité essentielle du chevalier : on n’attaque pas un
hôte, on ne s’empare pas par traîtrise d’un chevalier, on n’achève pas un
adversaire de valeur.
sans Peur : « Il m’est bien avis qe li rois Meliadus soit plus fort, mes ge croi bien
qe li autres soit plus vistes e plus aspres assez e plus set de la maniere de comba-
tre e plus sofroit au loing aler, si cum ge croi, qe ne feroit le roi Meliadus »
(I.205.5–8). De même, les deux frères, Ban de Benoÿc et Bohort de Gaunes,
sont tous les deux reconnus de haute prouesse mais li uns estoit bon a l’espee
e li autre de la lance (I.21.39–41).
La beauté corporelle est d’ailleurs le signe de la valeur d’un chevalier : le
vavasseur de l’Escu Loth ne cache pas ses regards insistants, la stature des
héros lui fait soupçonner des hôtes de marque : li vavasor, qi cortois estoit du-
remant, se travaille de servir les tant cum il puet, e vet regardant l’un e l’autre,
qar il li ressemblent de belle taille e de belle forme ; por quoi il dit bien a soi
meesme qe se il sunt amdui si bon chevalier e si vaillant de toutes choses cum il
ressemblent, a merveilles font a loer (II.62.24–33) ; lorsque Hoël rencontre le Bon
Chevalier, l’estime naît des mêmes considérations : il le voit de si bele chiere e
de si bel contenemant e si bien tailliez de touz membres q’il dit bien a soi
meesmes q’il ne porroit estre en nulle guise qe cist chevalier ne fust prodom des
armes (I.185.7–10).
L’important est donc d’être un chevalier fort et habile aux armes ; la
meilleure preuve en est la considération que les deux héros, Lac et le Bon
Chevalier, ont pour Brehus ; ils jugent sa compagnie agréable à cause de sa
valeur chevaleresque : « Brehuz, fet li Bon chevalier, e se ge sui a cele cort e ge
vos y voi, ge vos pramet qe ge vos y ferai honor de tout mon pooir » (II.7.35–38) ;
et Lac d’autre part : « Brehuz, Brehuz, fet messire Lac, ore sachiez tout veraie-
mant qe vostre compeignie ne refus ge mie ; si m’aït Dex, il ne seroit mie sage
chevalier qi por un chevalier vos refuseroit, qar vos valez bien un chevalier a un
grant besoing » (II.138.22–28).
On s’aperçoit nettement que la vie chevaleresque n’est plus guidée par des
valeurs spirituelles. Mais l’on découvre déjà une réaction interne a cette déca-
dence que nous venons d’examiner car il ne s’agit pas de détruire mais de
construire une nouvelle chevalerie.
D’abord, comme nous l’avons vu, les héros Lac et le Bon Chevalier refusent
les joutes inutiles. Le vieux chevalier qui a abandonné la vie errante donne ses
raisons à Hervi :
« E si avez entre vos, chevaliers erranz, une costume qi est ennueuse duremant, qar se li uns
de vos encontre l’autre, por qe vos soiez ambedui armé, tout le premier salu qe vos vos
entredonez, si est cestui326 : « Gardez vos de moi, sire chevalier, qe vos estez venuz a la
326 Comparer avec les propos de Dinadan dans le Tristan en prose, ed. Faucon, t. IV, § 117.15–
118.14, souvent commentés : cf. Vinaver (1970, 165s.) et Baumgartner (1975, 186).
joste ! » ... Et enqore avez entre vos une autre costume peior qe n’est ceste qe ge ai contee ;
qar se li uns de vos conduit sa moillier ou sa damoisele, li autres qi rencontrera li toudra,
s’il onqes puet ; iceste est la bele costume des chevaliers erranz qe li plus fort toudra au
plus foibles la damoisele q’il conduit e la done a autre s’il velt. Por ce leissai ge dou tot la
vie des chevaliers erranz » (II.150.6–19).
Ensuite l’auteur dans son roman propose donc comme nouveaux modèles des
héros humanisés. Les meilleurs chevaliers subissent des défaites qu’ils doivent
reconnaître : il n’est si bon a cui il ne meschee aucune foiz (I.169.5–6).327
Enfin, c’est surtout l’expérience qui forge le bon chevalier ; l’auteur se mé-
fie de la première jeunesse d’Ydier. Ce qui ressort surtout de l’ensemble des
aventures du roman c’est l’importance de la solidarité entre chevaliers. On ne
dit jamais du mal d’un autre chevalier : « se vos fussiez si cortois cum chevalier
devroit estre, ja de cestui chevalier ne d’autre ne deissiez vilenie, enqore le seus-
siez vos » (I.54.6–8) ; à plus forte raison ne tue-t-on pas gratuitement un cheva-
lier de valeur : le châtiment de Marc par le roi de Norgalles est condamné : « de
sa geunece estoit il preu de chevalier ; e de si gentil home metre a mort, e sanz
jugemant, fist li rois de Norgales grant vilenie e felenie » (I.148.11–13). Ainsi le
Bon Chevalier intervient à temps pour empêcher un chevalier de décapiter Gui-
ron, le Chevalier à l’Ecu d’Or (I.292). La solidarité de classe fait regretter aux
vavasseurs, hôtes des chevaliers, les situations délicates des héros à l’Escu
Loth, de Brehus à Viegneheu. Brehus épargne le défenseur du pont vaincu, qui
le supplie au nom de cette même solidarité : « Ore, por Deu, sire chevalier, por
ce qe li uns chevalier doit avoir pitié de l’autre, por tant aiez pitié de moi qi
chevalier sui cum vos » (I.273.28–30).
Ce chapitre résume bien l’idée directrice du roman ; nous avons affaire à
une sorte d’œuvre didactique où l’apprentissage de la vérité repose avant tout
sur l’expérience. Ce qui sauve les chevaliers d’un monde qui pourrait devenir
absurde, c’est la solidarité.
327 « … s’il m’est ore chi mesavenu, une autres fois m’avenra mieus. Il vait ensi des aventures.
Et sachiés k’il n’a orendroit en tout le roiaume de Logres nul si boin cevalier ki aucune fois ne
soit caüs », répond Dinadan à Marc, qui lui reproche sa défaite (ibid., § 46.18–22).
tiales à miniatures : 1r°, 1v°, 37v°, 48r°, 63r°, 69r°, 72r°, 75r°, 91r°, 147v°, 154r°,
159v°, 163r°, 196v°, 199r°, 222r°, 223r°, 228r°, 228v° ; leur dimension varie entre
65 mm sur 66 mm (f° 75v°). Couleurs dominantes : or (fond), rouge, bleu …
Initiales peintes en or et en couleur : 18v°, 46v°, 61r°, 95v°, 115r°, 126v°, 132r°,
133v°, 136r° et 234v°. Leur dimension : aux environs de 42 mm sur 42 mm.
Petites initiales alternativement rouges et bleues, ornées de rinceaux qui se
prolongent dans la marge et qui sont de couleur opposée à celle de l’initiale.
Quelques initiales non ornées : 76a (Q), 147c (L). Ce ms. avait appartenu à
Jacques d’Armagnac, duc de Nemours, que Louis XI a fait décapiter en 1477, ce
qui se voit à la présence d’un ex-libris caractéristique de ses mss. indiquant le
nombre de feuillets et d’histoires.343 On n’a plus de traces de ce ms. depuis la
dispersion de la « librairie » de Jacques d’Armagnac qui fit suite à la confisca-
tion de ses biens344 jusqu’à son entrée dans la bibliothèque de Marc-Antoine-
René Voyer d’Argenson, marquis de Paulmy (1722–1787), propriétaire de la Bi-
bliothèque de l’Arsenal. Celui-ci, en effet, l’avait acquis en l’achetant à son
cousin germain, le marquis de Voyer, fils et héritier des livres de son père,
Marc-Pierre de Voyer de Paulmy, comte d’Argenson (1696–1764), lieutenant gé-
néral de police, enfin secrétaire à la guerre de Louis XVI. Ce dernier et son
neveu Marc-Antoine étaient très liés ; la Bibliothèque de l’Arsenal conserve
maintes traces de leur collaboration. Aussi fut-il assez naturel qu’à la mort de
l’oncle, le neveu obtînt les volumes les plus remarquables de sa collection.345
Notre ms., quoique parmi les moins chers de ceux qui furent achetés alors –
on l’a payé 30 livres de l’époque – figure dans cette série.346
343 « Ce livre de Guiron le vielh est au duc de Nemours, conte de la Marche. Pour Carlat.
Signé : Jacques », f° 236 v°, marge inférieure. La seconde mention, identique à la première, se
trouve au f° 237 v°, marge supérieure. Cf. Lathuillère (1966, 37). Pour d’autres mentions de
propriété, figurant dans les livres ayant appartenu à l’infortuné duc, voir, Delisle (1868, I, 87)
et, p.ex. ; Renaut de Montauban I, 91 n. 1–95. p.ex. ; Suard (1979, 101 n. 568) ; Benoît de Sainte-
Maure, Le roman de Troie, ed. Constans, II, X.
344 La vicomté de Carlat – le ms. était destiné à ce dépôt, comme on l’a vu par l’inscription
citée à la n. précédente – échut à Jean Blosset, seigneur de Saint-Pierre et grand sénéchal de
Normandie (voir Mandrot 1890, 308s.). Ce dernier la vendit à Pierre II, septième duc de Bour-
bon, qui est entré, ainsi, en possession de la plupart des volumes ayant appartenu à Jacques
d’Armagnac (voir Delisle 1868 (I), 91, n° 1 ; Suard 1979, 4 n. 14).
345 Voir Guignard (1980, 17).
346 Martin (1899, VIII, 116).
352 Aberystwyth, Nat. Libr. of Wales, 446 ; Londres, British Library, Harley 4389 ; Modène,
Bibl. Estense E. 59 ; Paris, BnF, fr. 760 et Venise, Marciana, fr. XXIII.
353 Paris, BnF., fr. 1463.
354 Voir Perriccioli Saggese (1979, 28).
355 Voir, sur ce dernier ms., Lathuillère (1966, 80–82).
356 Toesca (1912, 164) ; Loomis (1938, 117).
357 Voir Degenhart/Schmitt (1977, 71–91) ; Avril (1984, 25 n. 25).
358 Degenhart/Schmitt (1977, 88a).
359 Ibid., 82a.
360 Avril (1984, 25s.), et, surtout, Gousset (1988, 121–149).
361 Quoiqu’en dise Cigni (1993, 425 n. 11).
362 D’Aronco et al. (1990). Pour la liste des mss, voir les pp. 33s.
363 Cigni (1993, 427).
364 Ibid., 427s.
4. Pour a + 1 + consonne, l’on trouve la graphie houte II.A.97.38 (cf. leç rej.).
373 Pour éviter des répétitions, nous avons traité ici même quelques cas de voyelles atones.
374 Fouché (1969, 263s.) ; Gossen (1976, § 1) ; Les Rédactions de la Prise d’Orange, ed. Régnier,
40 (ms. C, picard) et 43 (ms. D, lorrain).
375 D’après Fouché (1969, 320, R. IV), la segmentation de la diphtongue eu n’a pas eu lieu
dans une partie de la Champagne et de la Picardie.
376 Ibid. (lorrain, une partie du Sud-Est, de la Champagne et de la Wallonie) ; cf. p.ex., Chau-
vency, XXX, n° 3.
377 Fouché (1969, 264s., R. VI). Cf. l’ex. de siet pour set du ms. L du Comput ; Pope (1973,
§ 1223).
378 Macchabées, texte localisé dans le Sud-Est du domaine français ; son éd. cite d’autres ex.
des infinitifs en -ier figurant dans des documents bourguignons (XL).
379 Burguy (1856), cité par Mainone (1911, 44), pour les infinitifs en -ier et par Modus, t. 1, XV
à propos de la graphie tieus, quieus ; Chev. II espees, XLI.
380 Cf. Mainone (1911, 44). On relève aussi parlier, laudier, laudiez (part. pass.) et tiel dans la
Vie de saint Léger, composée dans la région wallonne ou wallo-picarde, formes qu’on a bien
voulu expliquer comme une confusion, de la part d’un scribe provençal, des graphies fran-
ciennes e, ie, qui, croyait-il, représentaient le même son. Cf. Linskill (1937, 3s.) ; son explication
a été reprise par Fouché (1969, 264 R VI).
381 Modus, t. 1, XV, qui cite Goerlich (1882, 87) (tieus, quieus).
382 Cf. le commentaire de Palerno, ed. Hector, 32s.
383 Il y est question des mots où la diphtongue ai (< e long et tonique ou de i bref et tonique
libres latins) se réduit à a.
384 D’après Gossen (1976, § 15, 66n.22), mengier n’est pas seulement picard.
385 Gossen (1976, § 15) ; Huon de Bordeaux, 20s. et 23 (§ 13) ; Chauvency, XXX, n° 7, et XLII.
386 On consultera, sur cette dernière graphie, Fouché (1969, 387, RII) (phonétisme de l’Est,
du Centre-Sud et de l’Ouest).
12. a + yod est aussi représenté par ie dans atiegnent I.A.67.1, I.A.132.5
atieignent I.A.133.2 (à côté de atainent I.A.161.1 ; ateignent I.A.213.9 ; ataint
I.A.274.1). Il paraît noter, comme dans les cas précités (§ 11 n°s 3,4) un e388
ouvert.
14. Pour le son résultant du suffixe -ariu, -aria nous avons quatre graphies :
1. la graphie « normale » -ier, -iere ; c’est la graphie de beaucoup la plus
fréquente : cf. p.ex. mainiere I.A.93.20, I.A.95.20, etc. ; chevalier I.A.1.1,
15. -ier < y + a perd souvent son élément palatal ; on sait que cette réduction
a été particulièrement précoce en anglo-normand et dans l’Ouest (cf. Pope
1973, §§ 1155 et 1326, I ; Vising 1923, 29 ; Schwan/Behrens 1923, I, § 243, R2) ;
cf. pour le franco-ital., Espagne, t. 1, LXXXVI :
a) y + are > -er :
chevaucher I.A.137.40, I.A.228.2 ... II.A.42.58 (très fréquent) ; redrecer
I.A.122.27 ; acointer I.A.138.17 ; travailler I.A.158.10 ; qider I.A. 200.6 ;
hucher I.A.258.7 ; encomencer II.A.57.10–11.
b) y + arunt > -erent :
qiderent I.A.95.29 ; aprocherent I.A.138.11, II.A.32.4, etc.
c) y + atis > -ez, -és :
sachez I.A.14.14, I.A.14.16 ... II.A.28.42, I.A.31.48 ... (très fréquent) ; qi-
dez I.A.96.6, I.A.290.3 ; teignés (s.p. 5 e pers.) II.A.35.52–53 ; gaagnez
(s.p. 5 e pers.) I.A.275.10.
d) y + atu, + ata > -é, -ee :
irez I.A.42.1, I.A.86.7 ; appareillez I.A.62.10 ; baillez I.A.95.23 ; chevau-
ché I.A.212.11 ; graphies particulièrement fréquentes vers la fin du 1 er
tome ; II.A.1.50 ; beissee I.A.36.10 ; enseignee I.A.89.12 ; vengee
II.A.6.18.
II.A.108.25 (alors que la merci de Deu I.A.236.42) ; se Dez vos doint bone
avanture I.A.189.6 ; Ha ! Des II.A.9.17 (cf. Gossen 1976, § 9, 56). Cette graphie
se rencontre dans les textes picards, mais aussi dans d’autres dialectes.395
D’après Pope (1973), l’absence de la diphtongaison devant une palatale est
un trait de l’Est (§ 1322, X) et du Nord-Est de la France (§ 1321, I), cf. Modus,
t. 1, XVII ; mais on la relève aussi pour le poitevin.396 Pour ce qui est du
franco-italien, où le maintien de e apparaît dans toutes les positions, cf.
Espagne, t. 1, XXXIX ; Aspremont, ed. Monfrin, 244, §§ 7–8 ; Anseïs, 624, § 2 ;
Kath. Leg., 65, § 9 ; Traités, 34, et Folie Lancelot, § 4.
20. ie francien est noté ei dans dereires I.A.115.5 ; veignent (s.p. 6 e pers.)
II.A.128.40 ; teignent (i.p. 6 e pers.) II.A.154.11. Certaines de ces formes se
retrouvent en franco-italien,397 mais aussi ailleurs.398 Une certaine hésita-
tion semble se traduire dans la graphie iein que l’on rencontre dans vieing
(i.p. 1re pers.) I.A.138.18 ; tieing I.A.168.9 ; vieigne (s.p. 3 e pers.) II.A.70.54 ;
vieignent (s.p. 6 e pers.) II.A.88.18 ; II.A.89.15.
En revanche, l’on trouve, semble-t-il, ie là où l’on s’attendait à un e : vie-
gnant I.A.145.10, I.A.272.11 ; viegniez (s.p. 5 e pers.) I.A.233.12, I.A.299.18 (vie-
gnez) ; tiegnez (s.p. 5 e pers.) I.A.163.2, II.A.46.14. On peut se demander,
avec Schwan/Behrens, si toutes ces formes proviennent des influences
analogiques (le type veignent des formes accentuées sur la désinence ; celui
de viegnant des f. accentuées sur le radical) ou si elles représentent la
transformation phonétique des f. latines correspondantes.399
395 Huon de Bordeaux, 23, et Prise de Cordres, ed. Densusianu, CXIII (ms. lorrain).
396 Pope (1973, § 1326, I) ; Pignon (1960, 139s.). Comme on a pu le constater, le maintien de e
peut s’expliquer, dans la région poitevine, comme dans le Sud-Est, par l’influence de la langue
d’oc, toute proche.
397 Veignent, veigne, vein (IP1), dans Antéchrist, XLIII ; teinent (i.p. 6 e pers.), teigne (s.p. 3 e
pers.) et vegnent (s.p. 6 e pers.) dans Kath. Leg., 268 et 279 ; veignent dans Mainone (1936, 36) ;
sorveigne, reteigne, conveigne, etc., dans Traités, 34, de même que dereeirs (aussi dans Es-
pagne).
398 Cf. Schwan/Behrens (1932, § 385 R), qui parle des « dialectes, sur une grande étendue »,
et les références de Traités, 34 (ex. bourguignons).
399 Ibid. ; on trouve bienviengnans dans Jehan et Blonde de Philippe de Remi, sire de Beauma-
noir, ed. Suchier, t. 2, v. 2975.
28. Pour l’e fermé devant une nasale, le texte de A(2) présente quatre gra-
phies : ei : peine II.A.1.18, I.I.A.1.21, I.A.9.17 ; en meing (i.p. 1re pers.)
I.A.120.30 ; ameine I.A.235.9 ; se peinent I.A.237.3–4, etc. ; en syllabe entra-
vée et accentuée : preindre I.A.146.6, etc. ; preignent (i.p. 6 e pers.)
I.A.143.13 ; atone : aveindra I.A.142.5 ; coveindra I.A.118.14 ; eintre
II.A.86.69 ; veindra II.A.192.32,33 ; veindrom II.A.192.35 .401 Mais, très sou-
vent, comme dans les dialectes de l’Est, l’e passe à oi : poine I.A.14.5,
II.A.9.19, II.A.11.42 ; moine I.A.99.95 ; en moinent I.A.115.29, etc. Pour moins
(< minus I.A.223.10, II.A.11.11, etc.), cf. Fouché (1969, 376s., R.II). Cepen-
dant, c’est la graphie ai qui domine : paine I.A.194.15, II.A.9.21, II.A.11.3,
II.A.50.8, II.A.50.9 maine I.A.160.21, I.A.213.6, I.A.250.8, II.A.9.29,
II.A.110.13 ; mainz I.A.130.55, I.A.264.17, I.A.282.11 ; maindre I.A.188.46,
II.A.24.15 ; frain II.A.16.12, etc. ; sainz I.A.3.10, etc. ; en syllabe entravée et
accentuée : praindre I.A.56.15 ; apraindre I.A.64.7 ; taint I.A.14.4, I.A.51.24.
Enfin, l’on trouve, de loin en loin, e : mene I.A.257.10 (absence de la diph-
tongaison ou reduction de la diphtongue ?) ; senz I.A.17.7. On sait que ain,
plus fréquent que ein, en, oin, est caractéristique du dialecte picard (Gos-
sen 1976, § 19).
30. Suivi de n mouillé, e fermé atone donne ei, e : veignant II.A.61.10 ; seignor
I.A.15.9 ; vegnant I.A.149.7 ; segnors I.A.149.7, ensegnie, p. fém. I.A.18.17.
401 Les graphies ein, ain (< e fermé entravé devant une nasale) semblent témoigner de la
prononciation distincte de ce groupe de celui de a nasale + consonne, trait picard. Cf. Gossen
(1976, § 15).
32. e fermé + yod aboutit à i dans parfit I.A.16.9, I.A.17.7, I.A.167.26, I.A.205.18,
II.A.195.16, II.A.195.37.
33. La réduction de oi (< ei) en o s’observe dans voirs (l’i est suscrit, cf. leç.
rej.) II.A.86.16 ; c’est un trait que l’on trouve dans des textes du Nord, du
Nord-Est et de l’Est (Pope 1973, § 1320, VII). Cette réduction est notée ou
dans damousele I.A.105.36–37 et dans reconoust (o + yod) I.A.161.12 ; sur
cette graphie qui se rencontre en franco-italien, cf. Espagne, t. 1, XCI (fi-
lous, gabous, Pampelonous) ; Traités, 36 (drouturer, moutié).
34. La diphtongue eu (< e + l + cons.) passe assez souvent à eau dans illos et
ses composés : le pronom personnel eaus II.A.1.53, II.A.12.15, II.A.34.26 (à
côté de eus, bien sûr) ; le pronom démonstratif ceaus II.A.13.10, II.A.33.9,
II.A.36.78 (à côté de ceus) ; dans conseault (s.p. 3 e pers.) II.A.1.176, à côté
de conselt II.A.52.4. Assez rarement, semble-t-il, on trouve une ouverture
encore plus accentuée : aus II.A.39.10. Il est intéressant de noter que la
graphie iau fait tout à fait défaut dans notre texte (cf. Chauvency, XLIII :
Bourgogne) et que, de façon générale, le phénomène reste limité aux mots
précités. L’évolution de eu en eau apparaît dans une vaste aire : du Sud-
Est au Sud-Ouest, en passant par le Centre (Fouché 1969, 304, R.I et II).
36. On relève, enfin, une forme apparielliez I.A.159.11 (app. crit.) où ie rem-
place ei. Cette graphie note-t-elle un e ou bien un i, résultant d’une « très
forte palatalisation qui réduit la diphtongue ei, oi … à un simple ï » : Hector,
ed. Palermo, 34 ; mervill, § 14, Folie Lancelot, XLI ?
o ouvert
38. En syllabe ouverte, le résultat de la diphtongaison de o ouvert et tonique
est représenté par ue : pueples I.A.114.4 ; trueve II.A.135.6 ; vuelt I.A.137.23 ;
40. En ce qui concerne reproeche, subst., I.A.131.15, Fouché y voit une forme
normande ou anglo-normande, mais mentionne aussi l’existence des
formes réduites (repruce) dans les mêmes dialectes (Fouché 1969, 238 et
295, R.IX ; cf. Pope 1973, § 1156).
41. Proudeomes II.A.87.49 est une graphie anglo-normande bien accusée, em-
ployée dans des manuscrits anciens, mais aussi au début du XIVe s. (Pope
1973, § 1229 ; Fouché 1969, 294, R.IV).
42. Poent II.A.3.14, II.A.12.16 est une forme phonétiquement régulière ; elle
s’explique par le passage de ùoe (après la chute de la spirante) à uóe puis
wóe, antérieur à la palatalisation de u et est attestée dans le Nord et dans
l’Est (Fouché 1969, 294). Mais il ne paraît pas impossible de penser, non
plus, que poent, au même titre que pot (potet) I.A.268.14, est une graphie
anglo-normande, témoignant de la réduction de ue en u (Pope 1973, § 1227,
et p.ex. Chanson de Guillaume, t. 2, 94 ; St Brendan a poient, v. 983, pot
1720, poit 1392).
43. Bonus latin est continué par bon, par la forme diphtonguée buen I.A.69.5
(buens), I.A.220.14 : adj. épithète dans les deux cas ; enfin par boins, forme
unique, II.38.4. Cette dernière graphie apparaît au Nord, au Nord-Est et à
l’Est (Fouché 1969, 382).
44. La diphtongaison de o ouvert tonique n’a pas eu lieu dans moire (moriam)
II.A.67.19, oimés, II.A.87.23, où elle a été empêchée par la présence de la
palatale (trait du Nord-Est, Pope 1973, § 1321, I).
45. Le produit de o ouvert accentué suivi de 1 mouillé est noté oil dans orgoill
I.A.181.4, II.A.10.8 (à côté de orguelh II.A.10.6) ; oill (oculu) I.A.137.31,
II.A.16.24 ; oils II.A.11.28, et dans les formes de l’indicatif et du subjonctif
du verbe vouloir : voill I.A.4.17, II.A.2.45, II.A.18.15 (à côté de vueilh
II.A.15.48, vuell I.A.177.19, moins fréquent que oil) et voille (s.p. 3 e pers.)
I.A.4.4, II.A.2.50, II.A.20.51 (voile).
48. o ouvert accentué entravé et o fermé issu de au atone passent à [u] noté
ou dans toust II.A.190.14 ; repousa II.A.182.7 ; repousez II.A.37.13. Le phoné-
tisme a été particulièrement précoce dans le Sud-Ouest au XIII e s. : Pope
(1973, §§ 580–581, 1101) ; Fouché (1969, 210) ; Schwan/Behrens (1923, I,
§ 217, R.I ; 1932, § 12).
o fermé
52. o fermé tonique libre est noté souvent eu : seul II.A.9.6 ; deus II.A.22.17 ;
preu I.A.290.9 etc. ; plus rarement ou, u : nevou I.A.2.19, I.A.269.9 ; lur (illo-
rum) II.A.29.4, II.A.87.41 (leç. rej.) ; tenebrous I.A.89.7 ; soulemant I.A.191.17,
II.A.19.11, II.A.29.26 ; hontousemant II.A.20.41–42 (à côté de honteusemant
II.A.22.24–25).
54. o fermé libre devant une nasale aboutit à un résultat qui s’écrit générale-
ment on, om, rarement oum, um : la désinence de la 4ème personne est
exclusivement -om, jamais -um, -un ; soumes II.A.69.52 ; cumençai
I.A.282.17 ; cument I.A.224.9 ; cum (partout dans le ms.). Les formes en -ou-
sont particulièrement fréquentes en ancien picard (cf. Gossen 1976, § 28a :
soumes) ; de rares ex. de -um- (sumes) dans Floovant, CXV (Est).
55. o fermé entravé suivi d’une consonne nasale s’écrit le plus souvent -on-,
mais la graphie -un- paraît assez répandue, surtout dans les formes ver-
bales : parfunt, adj., II.A.4.9–10 (à côté de parfont II.A.6.35, etc.) ; volunté
II.A.69.37 ; denuntiee II.A.24.21 ; cunter II.A.74.6 ; cunvien I.A.252.38 6ème p.
du verbe être à l’I.P. est toujours sunt, les exceptions étant rares : II.A.1.26,
II.A.2.35, etc. ; funt II.A.89.1, II.A.110.4 etc. paraît un peu moins fréquent ;
les autres formes verbales en -unt sont plus ou moins sporadiques unt
I.A.186.5, I.A.227.4, I.A.232.7, II.A.88.3 ; les formes du futur : serunt
I.A.118.44 ; I.A.304.9,12 ; troverunt I.A.227.14 ; irunt I.A.246.19, I.A.304.8 ; de-
morrunt I.A.309.29.
Les formes en -un- paraissent dans les documents bourguignons (Floovant,
CXV) ; parmi les verbes précités, si les futurs en -unt et sunt sont des gra-
56. Le produit de o fermé tonique suivi de n + yod est noté oi dans vergoigne
I.A.18.23, etc. ; besoigne II.A.6.36, etc.
57. O fermé + yod est parfois représenté par ui : conuis (i.p. 1re pers.) I.A.104.22.
On relève de semblables ex. dans Floovant, CXVs. ui, à côté de oi se trouve
en Bourgogne occidentale. Pour des ex. franco-italiens, cf. Espagne, t. 1,
XCIV.
u long
61. La diphtongue ui, issue de la combinaison avec un élément palatal, se
réduit souvent à u simple dans : condusoit I.A.18.20 ; condurai I.A.63.5 ;
II.A.61.28 ; condusoiz (s.p. 5 e pers.) I.A.119.41–42 ; condussiez I.A.202.8 ;
condusoient II.A.54.2 ; deduoit (se) II.A.85.8–9 ; dedusoient II.A.1.53 ; s’en-
402 Huon de Bordeaux, 47 n. 8. La démonstration de Ruelle ne nous semble pas très convain-
cante, les chartes choisies n’étant pas très représentatives : p.ex. dans le n° XIV (wallon), l’on
trouve un futur en -unt (verrunt) contre une forme « ordinaire » seront.
Voyelles atones
a
62. Notons le maintien de a protonique non initial dans les adverbes en -ment
(fréquent) : veraiament I.A.2.16, I.A.55.13, I.A.68.24, etc. (à côté de veraie-
mant, caractéristique, semble-t-il, de la 2 ème partie du texte) ; premieire-
ment, c’est d’abord avec un a, cf. leç. rej. II.A.103.15–16, que le mot a été
écrit ; lentamant I.A.211.15 ; dans des substantifs qui ressemblent aux ad-
verbes précités : comandamant I.A.38.8, I.A.101.11 (leç. rej.) ; començamant
95.6, I.A.143.11, etc. ; parlamant I.A.251.13 ; grevamant I.A.148.20 ; dans des
participes passés : mentau II.A.113.14 ; benauré I.A.129.6, I.A.235.11,
I.A.237.5 dans des formes du futur : encomençarai I.A.125.33, I.A.251.13, leis-
sarai I.A.236.53 ; celarai I.A.281.4 ; baillaerai I.A.236.53 (cf. leç. rej.) ; et
ailleurs : achater I.A.128.14, I.A.137.27 (cf. Fouché 1967, §§ 25,56) ; contradire
I.A.138.10 ; entrametre I.A.4.25 ; damadex I.A.154.6 ; paor I.A.220.21. Il faut
citer à part meravillant I.A.56.10 dont l’a disparaît complètement en fran-
çais et qui rappelle l’italien meraviglia (cf. Fouché 1969, 511, R.I). Pour le
type contradire, cf. Floovant, CXXIV. L’ensemble de ces phénomènes a été
souvent observé en franco-italien. Voir, p.ex., Traités, 39 ; Aspremont, ed.
Meyer, 46, § 8 ; Hector, 396, § 8 ; Aspremont, ed. Monfrin, 244, § 6 ; 378,
§ 7 (formes en -ment) ; Folie Lancelot, XLI, § 19. Outre l’influence latine ou
italienne, on pourrait songer aussi à l’ancien provençal qui connaît le
même phonétisme (cf. Anglade (1921,96 s.). Voir Le Roman de Thèbes ed.
Constans, t. 2, fragments d’Angers (ms. D), écrits « vers les confins de la
langue d’oc », XV.
63. De même, quoique plus rarement, a se conserve en position finale autra
I.A.11.4 ; mainiere I.A.125.12 (cf. leçons rejetées) ; mala I.A.190.3 ; da
I.A.233.3 ; vostra II.A.31.39 ; bona II.A.80.23.
La conservation de a final est très fréquente dans les textes franco-italiens :
Traités, 39 ; Espagne, t. 1, XCVI ; Aspremont, ed. Monfrin, 243, § 5 ; 378, § 5 ;
Folie Lancelot, XLI, § 20 ; elle est caractéristique aussi de l’ancien proven-
çal, cf. Anglade (1921,123).
64. On observe, enfin, quelques rares cas où e initial a été remplacé par a:
davant I.A.99.56, I.A.307.12 ; chavauchier II.A.184.14. Voir Hector, 396, § 8 ;
Mainone (1911, 45) ; Folie Lancelot, XLI, § 19.
65. Parfois a initial passe à i dans chivallers I.A.179.22, I.A.237.2–3, etc. ; grignor
I.A.71.26. C’est un trait du Nord et de l’Est (Pope 1973, §§ 1320, XVIII ; 1322,
II ; Gossen 1976, § 34) que l’on trouve aussi dans les textes franco-italiens :
Hector, 396, § 8 ; Mainone (1911, 45). En ancien provençal, la même voyelle
précédée d’une chuintante peut devenir e et même i ; cf. Anglade (1921,96)
qui cite Chival, Chivalier (ces mêmes formes ont été relevées par Goerlich
1882, 74, pour l’ancien poitevin).
69. Pour a atone devant nasale + consonne, nous trouvons une fois la graphie
ae dans aencien II.A.108.16. Cette notation est relevée par Fahlin (1937, 37)
(ataent) et par Walberg, Saint Thomas, CLXIX, rem. 3 (Saenz < Senɔ ̠nes ;
aen < inde) ; ce dernier pense qu’il s’agit « de corrections de a en e » (cf.
notre baillaerai I.A.236.53). Rheinfelder (1967/68, § 15 d) y voyait une gra-
phie exclusivement anglo-normande.
70. e final, provenant de a latin, a souvent été supprimé : 1°) devant une
voyelle dans enqor un I.A.73.6 ; bon esperance I.A.94.21 ; malais outre
I.A.141.23 ; nois avoir I.A.153.4 ; sach orendroit I.A.153.12 ; compeigni autre-
sint II.A.84.5 ; la port un II.A.59.4 ; tendroi a II.A.72.25 ; son cont en
II.A.86.58, etc. ; 2°) devant une consonne, commençant le mot suivant,
dans haut I.A.55.12 ; cest I.A.142.11, I.A.306.22, II.A.5.22, II.A.28.58,
II.A.67.9 ; cel II.A.112.32 ; enqor I.A.258.2 ; ai I.A.269.4 ; moi II.A.60.29 ; tout
II.A.66.15 ; hont II.A.76.59. Pour la suppression d’un e d’appui et l’addition
d’un e adventice, cf. §§ 82 et 80.
e
71. On trouve, assez souvent semble-t-il, i pour e en syllabe initiale : guirerdon
I.A.18.20, I.A.223.11 (guirardon) ; criature I.A.131.13 ; richiniere I.A.131.13 ; tri-
76. On notera derreaine II.A.5.18 et derreain I.A.304.8, formes plus rares que
dererain-derrain, issues de de-retro-ana, -anu où e (< o) est une voyelle
d’appui.
77. Les voyelles en hiatus sont notées le plus souvent, cependant cheoiz
I.A.44.13 (dont l’e est suscrit) et choit II.A.18.58.
78. Un trait particulier s’observe dans le groupe in- latin, représenté par in-
dans intrerai I.A.98.15. Nous avons relevé le même phonétisme dans Mai-
none (1911, 48s.) (intré, intrare) ; Traités, 40 (in, adv. et préposition, cf.
Glossaire) ; Espagne, t. 2 (intre., Gloss.). Ce phénomène, que nous venons
de constater pour le franco-italien, existe également en anc. prov., cf. An-
glade (1921, 103s.).
79. Il y a lieu de citer ici les monosyllabes dont certains sont dépourvus d’ac-
cent et qui ont des formes en -i à côté des formes normales en -e : le pron.
pers. masc. rég. li (voir infra, § 154c), le pron. rel. cas rég. qi (voir § 159d).
On rencontre aussi inversement le pour li, qe pour qi ; cf. ni pour ne conj.
Cf. là-dessus, Antéchrist, XLI ; Traités, 40.
82. La suppression d’un e final issu de a lat. a été constaté au § 70 ; force est
de noter maintenant l’absence d’un e d’appui devant une consonne dans
contr cui II.A.68.40 ; aut chevalier I.A.160.2–3 ; tordr sa r. II.A.173.18.
o
83. Nous avons trouvé deux graphies insolites pour o initial : prouodom
II.A.135.16 (leç. rej.) et vouodroie II.A.156.22 (cf. leç. rej.).
84. o initial n’est pas affaibli en e dans sojornoit I.A.46.14 ; sojorner I.A.55.5,
I.A.220.11 ; solonc I.A.51.31 (à côté de selonc I.A.56.28, I.A.94.17) ; socors
I.A.301.4, II.A.40.7 (l’absence de la dissimilation de o est un trait dial. an-
glo-norm., cf. Pope 1973, § 1109).
86. o est remplacé par eu dans deulanz II.A.96.8 ; geuvente II.A.107.3 ; doleurese
I.A.35.42–43 (à moins d’une interversion des voyelles) ; seulacent I.A.137.3–
4. Semblables ex. dans Modus, t. 1, XVII et dans Folie Lancelot, XLII, § 26
(deulenz ; apreuchast, etc.).
87. o initial devant nasale passe à a dans le verbe prametre et ses dérivés
(extrêmement fréquent) : pramet II.A.61.32, II.A.69.42, II.A.70.58, etc. pra-
Consonnes
Labiales
88. On notera des hésitations dans la sonorisation de p devant 1 dans pueple
I.A.305.14 qui paraît comporter un b suscrit.
Dentales
89. Remantrai, fut. 1 de remanoir (?), I.A.246.13 représente un assourdissement
de d en t. Inversement, t se sonorise dans recreandisse II.A.56.8–9. D’après
Tillander, Modus, t. 1, XXIIs., la graphie b, d, g pour p, t, k et vice-versa
est « un trait caractéristique des scribes du Nord de la France ».
90. t final est maintenu dans orent droit I.A.2.20. Cf. Prise d’Orange, ed. Ré-
gnier, 41.
91. t appuyé final est tombé : 1°) après n, comme en ancien provençal : einsin
I.A.92.85–86 ; estoien I.A.172.4 ; avoien I.A.232.4 ; cunvien I.A.252.38 ; de-
man I.A.17.15 ; qan I.A.62.12, etc. ; don I.A.65.3, etc. ; tan I.A.94.11, etc. ; gran
I.A.100.9, etc. ; autreman I.A.128.48 ; avien I.A.241.8 ; enten I.A.250.1 ; res-
pon I.A.265.29 ; main II.A.47.4 ; pooien II.A.161.22 ; 2°) après r : mor
II.A.38.18 ; 3°) après 1 : mol II.A.42.5. Graphies inverses : bient II.A.73.11 (cf.
leç. rej.) ; peut-être cest I.A.280.12. Cf. Traités, 43.
92. t est tombé après voyelle dans di I.A.119.31 ; salu I.A.234.12 ; oï II.A.54.2 ; soi
II.A.59.6 ; orendroi II.A.113.14 ; mou I.A.130.30, etc. En revanche, conseut
II.A.69.25 (conseil) possède un t, analogique, peut-être, de conseut (s.p. 3 e
pers.) de conseillier.
Continues
93. s initial devant une consonne peut se passer de voyelle prosthétique : strif
II.A.99.13 ; scient I.A.16.20. Le fait est très commun dans le Nord et le
Nord-Est (Pope 1973, § 1321, X, qui constate aussi l’instabilité de e prosthé-
tique en anglo-normand, §§ 1106 et 1137), de même qu’en franco-italien,
cf. Traités, 43, et en dernier lieu, Folie Lancelot, XLIII § 41 (renvois).
96. On trouve souvent s double pour le son sonore : felleneusse I.A.89.2 ; s’en-
trebaissent I.A.130.40 ; desshonor I.A.147.12 ; conduissoient I.A.173.11 ; dis-
siez I.A.195.17, etc. remisses II.A.36.24 ; gissant II.A.37.39 ; recreantisse
II.A.56.12, etc. A noter le redoublement de s après consonne dans consseil
I.A.97.26, I.A.108.25, etc., einssint I.A.302.24. En revanche, s simple pour
le son sourd : ausint I.A.15.5, etc. ; s’asistrent I.A.36.5 ; feisiez I.A.56.9 ; fau-
seté I.A.89.15 ; leisier I.A.97.17 ; reconoisent I.A.99.30, etc. ; mesire
II.A.1.60 ; peuses II.A.25.3 ; paser II.A.32.7 ; ociesent II.A.34.23 ; leise
II.A.37.38 ; issisent II.A.66.26, etc. La confusion entre -s- et -ss- a été obser-
vée en ancien picard, cf. Gossen (1976, § 49). Pour le franco-italien, voir
Traités, 44.
98. La chute de s final est extrêmement fréquente : 1°) devant une consonne :
e vos I.A.46.1 ; voi I.A.64.5 ; onqe I.A.69.9 ; troi I.A.113.13 ; vo dites
I.A.128.48 ; lé (art. rég. pl.) I.A.137.45, I.A.207.11, II.112.11 ; plu II.A.49.11 ;
certe II.A.58.23, etc. ; 2°) devant une voyelle : troi I.A.212.11 ; II.A.38.5, etc.
Un s final est ajouté à tort dans des beslonc II.A.142.26. Cf. Traités, 44
(renvois) et Modus, t. 1, XXIV. Pour les 4ème pers. en ‑om, ‑on, voir infra,
99. Le groupe latin ct est maintenu dans subjection II.A.86.67 ; ailleurs, il est
remplacé par c qui note aussi le t intervocalique : destrucion II.A.113.9 ;
generacion II.A.52.3, etc.
101. Notons la graphie sz -zs dans mieusz II.A.101.45 ; amansz I.A.96.11 ; sainzs
I.A.141.22 ; elsz I.A.226.5. Cf. Floovant, CLVIIIs. ; cette graphie reflète l’hé-
sitation du scribe dans l’emploi des deux consonnes que nous avons déjà
aperçue au § précédent.
104. Le ms. fait un assez grand usage de x ; ce signe apparaît : 1°) en finale,
où il alterne avec s, cf. chevaux II.A.67.36 et chevaus II.A.8.3–4 ; doloreux
II.A.19.7 et doloreus II.A.19.12–13 ; chastiaux II.A.43.10 et chastiaus
II.A.43.12 ; refux II.A.188.47 ; dux I.A.304.15, etc. Dans la même position,
sa valeur peut être -us : mortex I.A.17.9 ; fox I.A.66.8 ; grevex I.A.180.2, etc.
Nous avons trouvé Desx I.A.221.9 qui pourrait traduire un embarras du
copiste au même titre que la graphie mentionnée plus haut (I.A.96.11) cf.
supra, § 101) à l’intervocalique, x est employé pour s : se paixe II.A.182.26 ;
Palatales
105. Un seul cas dénote l’absence de la palatalisation de k + a à l’initiale :
Chasqun I.A.154.9, dont l’h est suscrit.
107. Gant I.A.130.46 est mis pour gent ; cf. aussi engan (influence de l’ital. in-
ganno ?) I.A.89.21 ; enguignant I.A.89.25 et gurent II.A.66.15. En revanche,
g a la valeur de gu devant la voyelle e dans Geherriet II.101.105. La même
chose dans Modus, t. 1, XXVIIIs. ; Traités, 46 ; Floovant, CLXs.
109. Plus intéressantes sont sans doute deux graphies, influencées par l’anc.
provençal : g peut noter un i final ou intervocalique dans tug I.A.244.5,
I.A.246.19 ; tugit I.A.245.2 (cf. le pron. indéf. in Anglade 1921, 257). Dans
fregres II.A.73.29 le groupe -eg- note le résultat de la diph. de a tonique
libre : cf. supra, § 2, et Espagne, t. 1, CIII (proger = proier).
110. Comme dans l’anc. langue d’oc, le groupe t’c, qui se rencontre surtout
dans le suffixe ‑aticum et qui aboutit, lorsqu’il n’est pas précédé d’une
consonne, à tg, s’écrit tg : passatges I.A.221.12, I.A.268.16 (passatge),
II.A.32.16, II.A.32.20, II.A.32.28 ; triuatge I.A.246.16 messatge I.A.300.6 ; vi-
satge II.A.16.28 ; corsatge II.A.198.9 ; jutgemant I.A.202.50, I.A.203.11. Cf.
Anglade (1921, 153).
h
111. h initial tombe dans beaucoup de cas : onor I.A.13.7 ; ome I.A.86.27 ; aine
I.A.92.68 ; urta I.A.174.9 ; ostes II.A.64.13 ; ostel I.A.62.11 ; erberja
I.A.126.21, etc. On notera plus particulièrement la suppression de l’aspira-
tion dans l’auberc II.A.37.30. Cf. Isopet de Lyon, ed. Bastin, t. 2, XXII. En
revanche, un, h graphique a été ajouté dans harmes I.A.203.4, I.A.258.16,
I.A.262.22 ; haporté II.A.63.19 (dans hait I.A.50.24 ; hot I.A.261.6 ; ha
I.A.272.20, sa présence peut être due à une réaction étymologique), etc. ; et
entre deux voyelles en hiatus dans bahoit I.A.271.37 ; ahatissoit I.A.282.26 ;
vehom II.A.71.34 où il note la diérèse à la manière de h dans esbahi.
Liquides
113. Parfois, l’écriture conserve 1 : molt I.A.2.11 ; els I.A.14.1, I.A.14.3, etc. ; cels
I.A.16.21 ; miels I.A.18.17 ; alquns I.A.71.19 ; malvés I.A.86.14, etc.
114. Pour les mots où 1 a disparu sans laisser de trace graphique, cf. supra nos
§ 3, 45. L’on trouvera une étude détaillée de ce phénomène dans Floovant,
CXXXIIIs.
115. Fiuz I.A. 1.4 présente une vocalisation de 1 après i, trait dialectal du Nord
(cf. documents V, VI, VII, XVII de Schwan/Behrens 1932) et du Sud-Ouest
(Schwan/Behrens 1932, le doc. LXXI provient de la Sarthe, celui qui porte
le n° LXXXI est anglo-normand) d’après Pope (1973, § 391,4) ; dans fieuz
I.A.114.34 (cf. Schwan/Behrens 1932, charte n° XXIX : Meuse) e est un son
transitoire (Pope 1973, ibid., et § 1320, XIX : le Nord).
117. 1 s’est amuï devant une consonne, et surtout lorsque le mot subséquent
commençait par un 1 : cf. d’une part q’i v. I.A.252.31, I.A.312.4 ; s’i me
I.A.253.11 ; i ne II.A.41.14 ; s’i sunt I.A.80.11, etc. ; de l’autre les groupes q’i
le I.A.105.16, I.A.183.18 ; q’i li I.A.60.9–10, I.A.137.5–6 (qu’i) ; s’i li
II.A.82.22, etc. L’amuïssement de 1 final devant consonne est à l’origine
des graphies inverses : qil aient I.A.91.65 et qil li (possible de couper aussi
qi lli) II.A.59.18. Ce phénomène, beaucoup plus rare dans les autres mots
(cf. toutefois chasté < castellum I.A.261.5), est très fréquent à partir du
XIII e s. d’après Pope (1973, §§ 392 et 841) ; cf. Modus, t. 1, XXXI ; Antéchrist,
XLIV ; Traités, 47.
119. Geherriet (II.A.101.43) s’écrit une fois Gehesriet II.A.101.42 ; cf. mesra pour
merra dans Modus, t. 2, Glossaire, 357.
121. Parfois, c’est la consonne qui précède l’r qui s’amuït : tresalie (cf. app.
crit.) I.A.36.12 ; Uterpanderon I.A.17.16 ; soufrist (cf. app. crit.) II.A.9.19 ;
sourir II.A.28.62, I.A.194.15.
Nasales
125. Le copiste écrit quelquefois n pour m devant une labiale : enprisonez
I.A.138.29 ; enprise I.A.148.6, II.A.23.18 ; enporta I.A.171.9 ; enpeinte
I.A.182.4 ; enpeint II.A.37.32, II.A.76.8 ; conbatre II.A.58.8 ; menbres
II.A.8.25, etc. Inversement, m pour n devant une dentale : comtant
I.A.72.3 ; comtoie II.A.46.12 ; comte II.A.70.48 ; comtez II.A.97.26 ; chamge
I.A.215.17, etc. sumt I.A.224.14 ; aimt I.A.240.16 ; amdui II.A.62.30, etc. ; am-
deus I.A.166.2.
127. L’introduction d’une nasale adventice après une voyelle se rencontre par-
fois : vonlez I.A.49.4 ; ounce II.A.198.14 ; grantieus II.A.145.51 ; peut-être en-
tendoient pour atendoient I.A.306.2. Einsint II.A.1.4, II.A.6.32, etc. et Ain-
sint I.A.116.1, I.A.159.9–10, etc. présentent des exemples de nasalité pro-
gressive ; cf. Floovant, CXLV n. 2 ; Pope (1973, § 429 : Est). En revanche, la
suppression d’une nasale organique, la dénasalisation, est extrêmement
fréquente : vegera I.A.80.14 ; Qanpercorretin I.A.139.10 ; leiaz II.A.162.20,
I.A.148.19 (leiez), etc. ; estragemant I.A.222.3–4 ; estrage I.A.273.33 ; fra-
chise I.A.246.6 ; majue I.A.262.20, I.A.263.1 (mejue) ; maitenant I.A.273.26 ;
afoïe I.A.274.25 ; cofort I.A.295.39 ; descofiz II.A.39.7 ; esi II.A.168.8 ; parle-
mat II.A.101.23 ; trechié II.A.118.7, etc. Dans cosseut I.A.51.39 ; cosseil
I.A.97.35 ; messongier I.A.56.7, n a été assimilé à s subséquent. Chute de n
final : E non D. I.A.17.9 (graphie habituelle) ; e[n] vos II.A.77.23, e nulle
I.A.37.15 ; e[n] tel I.A.92.31, etc. ; mo non I.A.166.32 ; leisso a I.A.202.13 ; no
vouxist I.A.216.14 ; no ge II.A.161.71 ; u[n] mois II.A.129.38, etc. L’épenthèse
129. n est en revanche noté gn dans plaigne I.A.3.2 ; fonteigne I.A.236.31 ; c’est
ici qu’il convient de citer les formes verbales où gn pour n est assez fré-
quent : viegnent I.A.35.6, I.A.99.8, I.A.99.59, I.A.108.4, etc. ; tiegnent
I.A.92.71, II.A.29.11, II.A.65.51 ; rampoignant I.A.137.25, I.A.141.5 ; preignent
I.A.201.5, I.A.304.7 ; doignent (i.p. 6 e pers.) II.A.76.23, II.A.81.6. A moins
qu’il ne faille y voir une réelle mouillure de n intervocalique, fréquente
dans les dialectes de l’Est (Floovant, CL : nombreux exemples bourgui-
gnons). Retenons, enfin, l’observation de Pope (1973, § 1311) qui, à propos
des formes verbales (viegnent pour vienent, preigniez pour prenez), parle
de la tendance de l’anglo-normand tardif à simplifier la conjugaison en
généralisant le radical palatalisé du subj. présent. Cf. aussi Vising (1923,
29, § 10).
Vélaires
130. On constate le maintien graphique de la consonne radicale c dans Marcs,
aux côtés de s de flexion : I.A.100.32, I.A.102.43, I.A.103.1, etc. (cependant
Mars I.100.64).
131. c intervocalique se sonorise dans segon I.A.205.16. Cf. Isopet de Lyon, ed.
Bastin, t. 2, XXIII ; Bel Inconnu, V.
135. On trouve c pour q devant a dans c’a joster I.A.165.11 ; encore I.A.166.14
est rare à côté de enqore. Cf. Prise d’Orange, ed. Régnier, 41.
Phénomènes divers
136. La prosthèse franco-italienne s’observe dans apresenter I.A.265.18 (relevé
aussi par A. Thomas, ed., Espagne, t. 2 : glos., v. 12 617 ; Macaire, ed. Mus-
safia, v. 534) ; avint (cf. Gdf 1, 517 a) I.A.41.12. Voir Mainone (1911, 46),
pour d’autres ex.
137. L’aphérèse semble assez fréquente ; celle de a : venue I.A. 169.10 ; viegne
I.A.238.13 ; vint II.A.97.37 ; torner (soi) I.A.217.6 ; franchi I.A.246.22 ; peut-
être donés, pp., II.A.13.3 (cf. ital. darsi ; mais Gdf. 9, 408 c), le porta
II.A.51.3 (cf. ital. portare ; cep.Gdf 10, 382 b) ; Compli, II.A.102.12 ; complitz
II.A.198.13 (ital. compiuto, mais Gdf. 2, 209 b) ; mentau (à côté de amanteu
II.A.113.22) II.A.113.14 ; se paixe II.A.182.24 ; la choison I.A.24.63, I.A.285.6
(divisé dans le ms., cf. Pope 1973, § 1137) ; aphérèse de e, notamment de
celui qui résulte du préfixe ex- (Mainone 1911, 55) : loigniez (p.p.)
I.A.81.23 ; saucier II.A.105.35 ; soi chaufer II.A.111.22 ; vos prouvez
II.A.5.38 ; glise II.A.70.18, II.A.100.39 ; volanté de fendre II.A.39.29 (cf. app.
crit.).
138. Breuhuz I.50.8, 202.8 est une forme labialisée : ilec I.A.114.5, en revanche,
comporte une délabialisation. Voir Modus, t. 1, XVIIs.
145. y apparaît dans les noms propres : Yrlande II.A.33.8, II.A.91.5, II.A.93.8,
etc. (cf. pourtant Irlande II.A.92.4) ; Helayn le Brun II.A.47.5, Helayin
II.A.47.9 ; Melyadus I.A.202.31 ; Hervys I.A.303.3, I.A.304.1 (Hervy) ; à l’ini-
tiale, il paraît noter h, comme l’indique la non élision de la voyelle de
l’article : le yaume II.A.27.11, II.A.58.13, II.A.76.24 (yaumes), II.A.103.33 ;
yver I.A.134.19, I.A.212.19, I.A.256.14, II.A.1.49, II.A.11.22 ; yer I.A.138.22,
I.A.249.22. On relève quelques emplois de y comme pron. adv. : I.A.267.8,
I.A.305.8, I.A.305.13, I.A.305.14, II.A.7.37, II.A.7.46, II.A.7.58, etc. Par
ailleurs y est assez limité : nayn II.A.16.5, II.A.16.51 (mais nains II.A.16.39) ;
traynier II.A.17.9 ; ystriez II.A.43.56 ; haÿr II.A.51.19 ; haÿs I.A.261.6.
X.1.2 Morphologie
Article défini
146. Au cas suj. sg., à côté de li, le apparaît parfois : le chevalier II.A.8.15,
II.A.15.1, II.A.70.13 (attribut). L’on trouve presque côte à côte, une forme
de l’article élidé, l’autre non : l’uns I.A.52.8 ; li autres I.A.52.10. Au cas suj.
plur. masc. les remplace parfois li : II.A.69.16, II.A.76.43, etc. Les peut
perdre l’s final, surtout devant une consonne subséquente : lé povre cum
lé rriche I.A.234.4–5 ; lé plus e. II.A.112.11 ; lé petit come li grant II.A.76.36.
Cf. pour cette dernière forme, notre § 98 ; Chanson de Roland, ed. Moignet
(v. 44 s.) ; pour le franco-ital., Folie Lancelot, XLVI, § 60e. Assez rarement,
le cas rég. sg. est lo II.A.100.42. Après le XI e s., cette forme est dialectale
de l’Est et du Sud-Ouest (Nyrop 1960, § 499, 2).
147. Nous trouvons une seule fois la forme li comme cas suj. sg. fém. : li eve
I.A.118.22. C’est là un dialectalisme, commun au picard et au wallon (Gos-
sen 1976, § 63), au même titre que l’emploi de le comme fém. sujet : la
dame II.A.46.4 (cf. app. crit.). La contraction ou vilenie I.146.6 semble as-
sez exceptionnelle aux dires de Gossen (1976, 121).
Substantif
150. Ebranlement de la déclinaison :
a) cas suj. sg. masc. sans -s de flex. : hoste I.A. 197.1 (mais hostes I.A.
196.1) ; chevalier II.A.4.3, II.A.4.11, II.A.8.15, etc. ; pont II.A..34.11 ; roi
Loth II.A.43.24 ; nayn II.A.16.52, etc. Les subst. qui n’ont pas d’s étymo-
logique prennent un s analogique : sires I.A.10.8 ; hons I.A.92.8 ; peres
I.A.193.12 (pere I.A.245.7) ;
b) Cas rég. masc. sg. avec -s (assez rare) : chastiaus II.A.43.12.
c) Au cas suj. masc. plur. l’s est fréquent : chevaliers II.A.1.2 ; jors
II.A.102.9, etc.
d) Dans les subst. masc. à double forme, la forme longue apparaît très
souvent au cas suj. : home II.A.8.26 ; prodome II.A.12.12 ; seignor (sur-
151. Genre : encontre II.A.3.17, II.A.3.21, etc. est toujours du masc., comme dans
les textes des XII–XIII e s. ; le genre fém. semble attesté, à en croire les ex.
relevés par Gdf. 3, 114a), à partir du XIVe s. L’oscillation que nous trou-
vons dans toute jor I.A.203.3 et tout jor I.A.204.9 est banale ; voir là-dessus
l’explication de Foulet, Glossaire, in Chanson de Roland commentée, 156.
Le genre de onor vacille ; l’on trouve en effet d’une part tout l’onor
I.A.214.12, de l’autre la honor I.A.153.3 ; ces hésitations dans les substan-
tifs en -or se retrouvent ailleurs : Traités, 54s. Luminaire, I.A.159.8, est du
fém. comme luminaria ital. (< lat. eccl. luminaria, n. pl. neutre) ; l’influ-
ence italienne explique aussi le genre inhabituel de menbres, s. fém., dans
talliés de toutes m. II.A.8.25, I.A.68.4 : en effet, l’ital. menbro provient du
lat. membrum et possède encore dans cette langue le pl. en -a lorsqu’il
désigne « tutte le parti del corpo nella loro totalità » et, en tant que plur.
en -a, c’est l’article plur. fém. le qui lui est préposé (cf. Rohlfs 1966,
§§ 368–369). Citons un cherrue II.A.32.8 (erreur ou confusion ? Attila, LIV,
donne quelques ex. du changement de genre en franco-ital.). Amor, enfin,
est tantôt fém. (II.A.9.34, II.A.11.53,54), tantôt masc. (cf. II.A.9.30,
II.A.11.52, etc.), ce qui est un fait bien connu (T.-L. 1, 365s.).
Adjectif
152. Il va de soi que les mêmes infractions à la déclinaison que nous avons
constatées à propos du substantif se retrouvent dans la flexion de l’adjec-
tif. Signalons plutôt la présence de quelques formes analogiques : grande
II.A.11.38 ; cruele II.A.47.28–29, employées toutes deux comme attribut ;
grande comme prédicat se trouve déjà dans St. Alexis (Nyrop 1960, § 385).
153. Remplacement du cas suj. des adj. à sens comparatif par le cas. rég. :
meillor I.A.68.18.
pl. lur I.A.124.24, I.A.160.2, I.A.243.15 (cf. l’app. crit.), II.A.29.4. Citons en-
fin lors I.A.37.2, I.A.47.3, I.A.81.11, II.A.29.6, II.A.67.30, II.A.77.8, forme qui
apparaît à la fin du XIII e s. d’après Moignet (1973, 40). La plupart de ces
traits est dialectale de l’Ouest ou Anglo-Normande (cf. Pope 1973, §§ 853,
1251, 1260) ; men est caractéristique du Nord (cf. Pope 1973, § 1320, XII),
mais Storey la signale dans le ms. L de la Vie de Saint Alexis, 58 ; de même
pour vos (cf. Pope 1973, § 1320, XXV).
161. Le pronom adverbial italien ne (en) apparaît parfois dans notre texte :
I.A.29.21, I.A.35.30, I.A.116.9, I.A.185.16, I.A.285.23, etc. Ce phénomène est
fréquent en franco-italien : Aspremont, ed. Monfrin, 246, § 38 ; Folie Lance-
Verbe
Accidents généraux
163. La chute de t final appuyé à la 3 e p. du sg. et du plur. s’observe parfois,
voir supra § 91. Pour celle de r de l’infinitif, cf. supra § 124.
165. Nous avons observé l’effacement de la nasale finale dans leisso I.A.202.13,
mais sa chute n’a pas la gravité de celle que l’on constate dans Floovant
où elle compromet la distinction entre la 3 e pers. du sg. et la 3 e pers. du
plur. (CLXXIII).
Le radical
166. La distinction entre le radical tonique et le radical atone semble assez
bien observée : oissir I.A.9.1, I.A.142.12, I.A.264.26, etc. (cependant issir
I.A.242.13) ; oissuz p.p. I.A.156.1 ; oissue, s.f., I.A.264.26 ; oissi (p.s. 3 e pers.)
I.A.157.4, I.A.211.21, etc. ; oissirent I.A.147.2–3 (cependant issi I.A.211.7 ; is-
siom I.A.242.14) ; cf. Moignet (1973, 54), et Marchello-Nizia (1979, 220).
1ère personne
Assez rarement, semble-t-il, l’on trouve un -e analogique à l’IP conte
I.A.35.1 ; maine I.A.250.8 ; au SP leisse I.A.97.13, II.A.6.35. L’s analogique
s’observe dans vois (video) I.A.45.20, I.A.99.91 ; conduis I.A.162.9 ; dis
I.A.217.7, II.A.45.6, II.A.97.3 ; ditz II.A.94.7. L’adjonction d’e est postérieure
au XIII e s., celle de s commence déjà au XII e s. (Fouché 1967, §§ 88 et 89,
181–183). Pour a à la place de ai au présent de avoir, cf. notre § 13. La
même réduction s’observe dans les futurs ferra II.A.73.30 et respondra
I.A.80.3. Thomas, Espagne, t. 1, CXVII, a constaté la fréquente disparition
de i devant le pron. je. Au PS on relève, à côté de la graphie ordinaire -ai,
la graphie -é dans m’acompanié I.A.127.11 ; cf. Fouché (1967, § 127a). Un -s
final et analogique s’ajoute parfois à la 1re pers. sg. du parfait des verbes
en -ir : vins est particulièrement fréquent : I.A.62.8 (vinz), I.A.92.7, I.A.95.5,
I.A.140.4, I.A.180.14, I.A.284.3, II.A.1.77, II.A.11.6, II.A.75.25, II.A.96.1 (re-
vinz), II.A.106.14 ; (revins), à côté de ving, majoritaire I.A.282.3, etc. Ce
phénomène se produit dès la fin de l’anc. français ou le début du moyen
français aux dires de Fouché (1967, § 127b, 251). Signalons aussi pois
I.A.64.7.
2 e personne
L’impératif portes I.A.291.14 a un -s analogique ; citons également fais
II.A.16.40 et faiz II.A.106.40 influencés par l’indicatif prés. L’on notera la
présence de la voyelle prédésinentielle dans outroies II.A.107.43 ; cf. Nyrop
(1960, § 136) ; Moignet (1973, 64).
3e personne
Subjonctif prés. mande I.A.136.7 ; rogist (p.s. 3 e pers.), I.A.170.2 a un s non
étymologique ; quant au t, il se répand dans le tpe faible seulement en
m.fr. (Marchello-Nizia 1979, 214), mais la forme fait penser à un i.s. Remar-
quons aussi la terminaison occidentale de l’imparfait de l’indicatif -ot
dans gitot I.A.88.8 et doutot I.A.198.10.
4e personne
Il faut signaler en premier lieu -om, désinence la plus employée dans le
ms. Elle apparaît au prés. de l’ind. poom II.A.1.49 ; volom II.A.2.53 ; leis-
5e personne
a) L’alternance graphique entre -z et -s apparaît parfois dans les terminai-
sons -ez (la désinence majoritaire étant -ez, nous ne citons que les
formes avec -és) : aportés I.A.45.23 ; devés I.A.56.13 ; veés I.A.134.15 ;
savés II.A.48.16 ; avés II.A.48.17, etc. ; teignés II.A.35.52–53 ; -iez, -iés :
seriez I.A.109.4, porriez I.A.109.7, pregniez I.A.221.20, jostissiez
I.A.48.16, deissiez I.A.53.3, d’une part, et de l’autre pregniés I.A.221.14,
sachiés II.A.45.13, veniés I.A.162.8, seussiés I.A.217.3, fussiés II.A.43.55.
L’on sait que la réduction de -ez à -és dans la prononciation date du
XII e s. et que l’ancien picard écrit toujours -és (Fouché 1967, § 96, 192).
b) Le subjonctif présent des verbes incluant -y- dans leurs désinences a
assez souvent la terminaison -ez (-és) : tiegnez II.A.46.16 ; teignés
II.A.35.52–53 ; voiliez I.A.294.6 ; viegnez I.A.299.18 ; sachés, impér.,
I.A.217.9, etc. Voir supra, § 15c, et Fouché (1967, § 103, 205s.), Nyrop
(1960, § 141, 2° : effet de l’analogie).
c) A l’imparfait du subjonctif, nous n’avons presque plus que la dési-
nence -iez (-iés) : regardissiez I.A.4.10 ; jostissiez I.A.48.16 ; gabissiez
I.A.53.2 ; deissiez I.A.53.3 ; fussiés II.A.43.55 ; seussiés I.A.217.3, etc.
Nous avons cependant relevé fausissez I.A.4.10 ; vouxissez I.A.45.3 ;
feissiez I.A.217.11 (cf. app. crit.). L’apparition de la terminaison tardive
-iez semble avoir été plus précoce à l’Est et en Champagne que dans
le Centre (cf. Lanly 1977, 49 n. 1 ; Fouché 1967, § 172, 344 ; Moignet 1973,
78).
d) Un fait notable est la présence massive dans A(2) de la désinence éty-
mologique -eiz, -oiz (-ois) ; elle apparaît à l’indicatif présent voleiz
I.A.62.13 ; conduseiz I.A.168.4 ; jostoiz I.A.39.7 ; failloiz I.A.48.11 ; rema-
noiz I.A.147.10 ; voloiz I.A.311.12 ; II.A.31.23, II.A.97.9 ; au subjonctif pré-
sent (extrêmement fréquente, plus répandue que -ez, -iez) : leissoiz
I.A.4.21 ; I.A.233.11 (leissois) ; ailloiz I.A.9.5 ; dioiz I.A.15.3, II.A.22.10,
II.A.31.47, II.A.48.19 ; entremetoiz I.43.19.22 ; façoiz 48.11, II.57.7 ; metoiz
59.16 ; jostoiz II.A.31.35 ; combatoiz II.A.96.17 ; à l’impératif : metoiz
I.A.268.20 ; sofroiz II.A.44.68, II.A.80.2. Au futur, enfin, c’est la dési-
nence majoritaire, car -ez est limitée : nous n’en avons relevé que
quelque 7 ex. dans les 60 feuillets du ms.403, inutile donc de citer les
exemples d’-oiz. Dans l’ensemble, ces terminaisons appartiennent aux
parlers de l’Est ; cf. pour l’indicatif Fouché (1967, § 96a) ; Schwan/Beh-
rens (1932, § 339, R4) ; pour le subjonctif Fouché (1967, § 102) ; Pope
(1973, §§ 896 et 1322, XXVI).
-oiz (ou plutôt -eiz) est donné par Fouché (1967, § 106, 212), comme la
forme de l’impératif de l’Est, mais uniquement dans les verbes de la
1ère classe ; cependant, d’après Schwan/Behrens (1932), il y eut exten-
sion de cette terminaison à toutes les conjugaisons. Au futur, -oiz est
assez répandue et n’est complètement remplacée par -ez qu’à partir
du XIII e s.
e) Une désinence -oiez apparaît parfois à l’imparfait de l’ind. et au condi-
tionnel : estoiez I.A.235.17, I.A.296.9 ; voudroiez I.A.23.17 et peut-être
voudroiz I.A.150.1 qui représenterait alors la chute de e (cf. variante de
T). Lanly (1977, 24 n. 5), a trouvé la même forme dans le Perceval de
Chrétien de Troyes (v. 453–454) ; il considère -oiez comme analogique
403 Il s’agit de : serez I.A.39.10 ; metrez I.A.51.3 ; herbergerez I.A.67.3 ; leisserez I.A.122.6–7 ;
combatrez I.A.276.9 ; n’avrez I.A.308.21 ; serez I.A.311.12.
6 e personne
a) parlant I.A.299.1 est un rare ex. de la désinence de l’ind. prés. accen-
tuée ; le passage de l’accent sur la syllabe finale est un phénomène
assez répandu, notamment dans le Sud-Est et le Sud-Ouest selon
Schwan/Behrens (1932, § 343, R). Voir des ex. similaires dans Tristan
en prose, ed. Blanchard, CIX. Inversement, à deux reprises, le participe
présent est écrit -ent: planhent I.A.93.3 et I.A.244.9 ; batent II.A.198.7
et, peut-être, parlent I.A.305.1 (cf. supra, § 168). Cf. Floovant, CLXXIII
n. 2.
b) Pour la 6 e pers. du P.S. des verbes non palatalisés en -ierent, cf. supra
§ 6 ; aux ex. cités, ajouter gardierent II.A.34.27.
c) A deux reprises, l’on trouve dans le texte la forme de l’Ouest -oent :
herberjoent I.A.46.3 et manjoent I.A.238.1 (cf. appar. crit.) ; la correc-
tion opérée par le scribe dans cette dernière forme montre, peut-être,
que le modèle comportait d’autres imparfaits de l’indic. de ce type.
Voir Fouché (1967, §§ 123 et 123 bis, 2). Le type « normand » de l’imp.
de l’ind. a été parfois trouvé même dans les textes de l’Est (Joufroi, 39,
§ 39 : 5 ex. ; Florimont, XXXV, § 36 : 3 ex.).
d) A la place de -ont, le fut. se termine parfois par -unt : s’i acorderunt
II.A.102.11 ; entendrunt II.A.145.23 ; metrunt I.A.219.15. Cf. supra, § 55 et
les ex. cités.
Formes particulières
170. Indicatif présent :
1re personne
Pour soi I.A.24.56, I.A.236.33, cf. Fouché (1967, 415 : forme dialectale, sans
identification plus précise) ; la même forme existe en provençal, cf. An-
glade (1921, 313) esser ; on la retrouve aussi dans Traités, 61. Aler possède
deux formes, voi II.A.10.10 et vois, beaucoup plus nombreuse : I.A.35.38,
I.A.251.9 ; II.A.11.10, II.A.11.15, II.A.11.67, etc. (Fouché 1967, § 221a, 425).
Pour faire, on relève fai I.A.251.4 d’une part, forme tardive et isolée dans
le ms. (Fouché 1967, § 81 bis), de l’autre faz (fas) II.A.5.32, II.A.70.58,
II.A.96.22, etc. Revest II.A.85.45, II.A.108.29 devrait avoir un s final. Pour
voill II.A.2.50, etc., voir supra § 45 et Fouché (1967, § 35 n. l, 80 : forme de
l’Est, phonétiquement régulière).
2 e personne
On relève, pour aler, vas II.A.24.12 et ves II.A.18.35 ; la première forme est
la plus ancienne d’après Fouché (1967, § 221a, 425s.), la seconde est to-
nique et figure déjà dans le Tristan de Béroul. Signalons aussi parduigs
I.A.91.40 qui semble témoigner de l’influence de la première pers. et qui
rappelle duins de la Chanson de Roland ; pour g à la place de ng, cf. Bel
Inconnu, VI, et Tristan en prose, ed. Curtis, t. I, 27, § VII.
3 e personne
Vet I.A.9.1, II.A.80.4 n’est sans doute qu’une simple graphie pour vait
I.A.35.35, II.A.80.8, cf. Nyrop (1960, § 116, 1° c) ; Fouché (1967, § 221a, 425).
D’après ce dernier la forme vet ne serait attestée que tardivement (fin du
XVe s.), ce qui est démenti par notre texte et par les ex. cités par Tjerneld,
Traités, 62, tirés de Chrétien de Troyes. Pour pot I.A.268.14, cf. supra § 42
et Pope (1973, § 1227). Meschiee I.A.214.18 est une graphie inverse de mes-
chie ; cf. Fouché (1967, § 75e, 158) et supra, § 16.
4 e personne
Pour la distinction entre fessom II.A.74.29 (IP) et feçom I.A.66.16 (SP), fei-
son II.A.28.38 (IP) et feissom II.A.7.7, II.A.74.14, II.A.74.17, cf. supra § 96 et
glossaire. Soumes II.A.69.52 est une graphie de sumes, relevé par Fouché
(1967, § 220, 4, 417), dans les textes de l’Ouest et du Nord-Est ; cf. Marie
de France, Lais, ed. Warnke (glos., 303b), et supra, § 54.
6 e personne
Signalons en premier lieu se vent II.A.124.15, forme qui rappelle soit le
provençal van (cf. Anglade 1921, 278, et la forme semi-francisée vant dont
on relève 16 ex. dans Girart de Roussillon, ed. Hackett), soit vanno ita-
lien.404 Atendent I.A.160.6 semble s’expliquer par la généralisation du ra-
dical dentalisé de l’infinitif (ataindre), cf. Fouché (1967, § 65a : Nord-Est ;
Pope 1973, § 941, 132s.), mais la voyelle fait difficulté. Pour atiegnent
I.A.67.1, I.A.132.5 ; atieignent II.A.133.2, voir supra, § 12. Quant à atainent
I.A.161.1, cf. supra, § 128s. Voir pour les verbes palatalisés du type
ateignent I.A.213.9, supra, § 129 et infra, § 178 (impér.). Oient II.A.66.2,
II.A.81.2 (à côté de oent II.A.65.44, II.A.81.13) est une forme analogique,
cf. Fouché (1967, § 75, 152 : XIII e s.). Parallèlement à poent, étudié plus
haut, § 42, citons puent II.A.5.51, II.A.65.45 et pouent II.A.53.18.
404 Cf. Mainone (1936, 25 n. 66), et surtout Rohlfs (1968, § 544), qui signale van à Milan.
1re personne
Voir pour moire, supra, § 44, pour mure ibid., § 50.
2 e personne
On remarquera toilles II.A.56.10, la forme analogique de voloir, avec 1
mouillé ; cf. Fouché (1967, § 67 c).
3 e personne
Pour les formes d’aler, cf. glos. Aille est caractéristique de l’Est, du Sud-
Est et du Sud-Ouest ; cette forme ne pénètre dans l’Ile-de-France qu’au
début du XIVe s. Voise appartient au Nord et au Centre. Voir Fouché (1967,
§ 221b, notes 3 et 4). Meschee I.A.169.6 ressemble fort à cheet v. 1064, che-
det v. 769 de la Chanson de Roland ; cf. supra, § 15. Mentionnons place
I.A.188.21, forme phonétique ; respoigne I.A.138.3 apparaît aussi dans le
Roman de la Rose, ed. Langlois, t. 1, 339 n. 5. Pour voille, voir supra, § 45.
Salve I.A.295.11 est attesté dès le XII e s. selon Fouché (1967, § 45b, 96s.)
4 e personne
Siom II.A.2.55 a été relevé par Mainone (1936, 23 : deux attestations) ; il
mentionne dans la note 60 l’existence de la même forme dans la Pharsale
de Nicolas de Vérone (siomes).
6 e personne
Pour aillent, cf. la 3 e pers. Doivent II.A.76.53 est analogique de boire et
apparaît, d’après Fouché (1967, 150), dès le XII e s.
Traits généraux
La métathèse de r s’observe dans deliverra II.A.44.21–22 ; elle est rare dans
notre texte ; cf. Fouché (1967, § 199). Viveroient II.A.43.41 offre un ex. de e
dit « svarabhaktique », de même que responderoie I.A.271.35–36. C’est un
phénomène caractéristique des dialectes du Nord et de l’Est, particulière-
ment fréquent en anglo-normand, alors qu’il est inconnu dans le Centre
(Fouché 1967, § 210). On en trouve des attestations aussi en franco-italien :
cf. Traités, 65 ; Mainone (1936, 15). Pour souferrai II.A.194.13 ; soufera
I.A.35.47 ; soferrom II.A.74.25, cf. Fouché (1967, §§ 211 et 213a). Notre texte
connaît aussi sofrirai I.A.130.32, forme rare en anc. français d’après Fou-
ché (1967, § 214d).
Demorra II.A.77.11, II.A.99.6, II.A.113.34 ; demorrom I.A.162.13 ; demorrunt
I.A.309.29 ; demorroie I.A.127.9, d’une part, et donrrai I.A.108.25, I.A.215.14
(donrai), I.A.291.6, I.A.295.11 ; donrra I.A.109.23, II.A.82.24 (donra) ; per-
1re personne
Fui est assez bien conservé, cf. pour les références le glos. (il devient fu
au XIII e s., Fouché 1967, 422) ; signalons conoi II.A.121.1 (à côté de conu
I.A.199.8), dont la voyelle désinentielle fait penser au prov. conoc (An-
glade, 1921, 326) ; reçui I.A.282.31 et reçu I.A.285.24 (‑ui passe à -u vers la
fin du XII e s. d’après Fouché 1967, 324).
3 e personne
L’i de oit II.A.145.6 est un trait dialectal wallon, picard ou lorrain : voir
Philippe de Thaün, Le Bestiaire, ed. Walberg, VII n. 1 (ouit) ; Fouché (1967,
§ 164a) ; il est aussi connu du franco-italien Traités, 65 (signale ploit, soit) ;
Mainone (1936, 24 : oit, 32 : soit) cette dernière forme également dans As-
premont, ed. Meyer, 51. Pour puot I.A.34.26, voir Pope (1973, § 1227). Reco-
nuit II.A.155.8 est une graphie inverse, occasionnée par la réduction de
-ui à -u. Remist I.A.95.25, II.A.47.31, II.A.155.22 ; remistrent II.A.43.36 (à
côté de remés II.A.106.6 ; remest I.A.198.5 ; remestrent I.A.130.8) sont les
formes analogiques de metre, fréquentes, semble-t-il, en anglo-normand
(dans les textes du XII e s., tels que St Brendan, St Thomas, Chanson de
Guillaume, La vie de St. Nicolas de Wace, ed. Ronsjö, remist est la forme
majoritaire), voir Fouché (1967, 290, § 147b). Tolt I.A.307.16, tout II.A.159.4
doivent probablement représenter tolst < tolsit qui a perdu l’s ; cf. l’anc.
prov. tolc (Anglade, (1921, 349), et surtout Girart de Roussillon, ed. Ha-
ckett, t. 3, 903 (10 tout ; 1 tol, 1 toil). Veint II.A.78.12, forme pour laquelle
Fouché (1967, 276, § 130), ne donne pas d’attestation, a été relevée par
Tjerneld, Traités, 65 ; ce dernier l’explique comme « une sorte de graphie
inverse » : on trouve, en effet, dans notre texte (comme dans le sien) d’un
côté, au prés. de l’ind. et du subj. veignent, teignent (fut. veindra, vein-
drom) : cf. supra §§ 20 et 28, et de l’autre vint, covint, etc., tigne, voir supra
§ 21. Velt I.A.247.30 pourrait être une graphie inverse ; cependant, si l’on
trouve souvent dans les textes anglo-normands volt comme IP3, la gra-
phie velt, voet, veot ne se trouve pas, semble-t-il, comme PS3.
Nous trouvons qeist II.A.104.17, à la place de qist, qui témoigne de l’exten-
sion de la forme atone. Cf. venit (Floovant), cit. par Nyrop (1960, § 191, 1)
comme ex. de la généralisation des formes faibles. Un parfait feist, qui
aurait pu influencer notre forme, n’est relevé qu’à partir de la seconde
moitié du XIVe s., voir Fouché (1967, 277, § 140a), et Marchello-Nizia (1979,
146). Elle pourrait aussi avoir été influencée par l’anc. prov. qui a ques à
la 3ème pers. (cf. Anglade 1921, 342), et Girart de Roussillon, ed. Hackett,
5 e personne
Navrestes I.A.236.31 présente la généralisation du vocalisme de la 1re
pers. ; de telles formes sont connues dans l’Est, et l’on trouve, plus parti-
culièrement en vieux bourguignon : ajornesmes, comandesmes cités par
Philipon (1912, 593) ; cf. Floovant, ed. Andolf, CLXXIV : aseürestes, par-
lestes (l’éditeur de Floovant les explique par l’analogie avec la 6 e pers.)
et Fouché (1967, 255, § 127g).
6 e personne
Chierent II.A.47.29 est à rapprocher de chieerent, trouvé dans Modus, t. 1,
XXXVII ; il peut s’agir soit d’une forme analogique sur le radical en cad-,
sur le modèle du type chient/chierent < cacare, soit d’un parfait faible
*cadéderunt > *cheierent 405 qui, par une absorption précoce de e en hia-
tus (cf. chirent, Lancelot du Lac ; chist, Troilus, XIVe s., ex. cités par Wahl-
gren 1920, 115s.), aboutit à chierent.
Pour oissir–issir, nous avons deux formes au PS : istrent (s’en) II.A.41.17
et oissirent I.A.147.2–3. Poïrent II.A.87.17, forme unique, est un prétérit re-
fait de pooir, assez fréquent dans la Chronique métrique attribuée à Gef-
froy de Paris (déb. du XIVe s.), cf. ed. Diverrès, 68. Rescorre fait d’une
part rescourent I.A.129.9–10, qu’on pourrait expliquer, peut-être, par le
prétérit prov. rescoron, escoron < escodre (secouer, agiter), rescodre (déli-
vrer), cf. Anglade (1921, 331), de l’autre rescoustrent I.A.147.5, cf. l’impar-
fait du subj. et le participe passé. Les formes sigmatiques paraissent assez
fréquentes au moyen âge (cf. Gdf 7, 89a–90a), mais ne survivent pas au
delà du XVII e s. ; voir Wahlgren (1920, 73s.).
405 Wahlgren (1920) démontre que les formes en -u du parfait de cheoir sont assez tardives
(début du XIII e s.) et range notre verbe parmi ceux qui possèdent un parfait -dedi (115–117).
Notre ex. abonderait donc dans le sens préconisé par le savant suédois.
1re personne
Rescoussisse I.A.113.4 est une forme sigmatique de rescorre ; cf. supra le
passé simple, § 174.
2 e personne
On trouve dans notre texte ociesses (te) II.A.14.17 (ociesent II.A.34.23) ; ces
formes remontent au type faible en -dedi : un parfait occidedi ; un impar-
fait du subj. occidedéssem, etc. Cf. Wahlgren (1920, 105 et 108) ; Bogda-
now a relevé un ex. du parfait occiestes : Folie Lancelot, XLV § 59 (franco-
ital.). Mais, en général, l’on trouve ces formes dans les textes de l’Est, du
Nord et du Nord-Est.
3 e personne
On trouve assez souvent dans A(2) -is- pour -us- dans poïst I.A.159.9,
II.A.72.26 ; creisse II.A.106.26 ; creissiez I.A.51.10, I.A.65.2, formes caracté-
ristiques des dialectes de l’Est et du Nord-Est (voir Fouché 1967, § 172c,
343), connues aussi en franco-italien, cf. poïst, Mainone (1936, 31), et la
prédominance, à l’imparfait du subj. de -is- là où le français propre pré-
fère -us-, dans Espagne, t. 1, CXIX (Thomas cite notamment creïssent,
creïst). Chaloir devait posséder, à côté du parfait en -ui- (Fouché 1967,
305ss., § 154), un type en -si, cf. Wahlgren (1920, 172s.), postulé par l’im-
parfait du subj., chausist, assez bien représenté dans notre texte :
I.A.102.13, I.A.113.6, I.A.142.10.
5 e personne
Fuissiez I.A.136.25 est une forme où la combinaison w + i > ü n’a pas eu
lieu (Est, Nord, Nord-Est) ; voir Fouché (1967, 423, § 220g, et 319, § 161a),
et pour le franco-italien, Espagne, t. 1, CXIX (fuise, fuist).
178. Impératif
On notera l’absence d’s à met I.A.301.2 : les formes sans -s se conservent
jusqu’au XVII e s. (Fouché 1967, 210, § 106). L’impératif de savoir est une
fois sach II.A.79.15 (à côté de saches I.A.290.21).
179. Conjonctions
D’après les recherches de Vising,406 la forme monosyllabique cum s’em-
ploie dans les plus anciens textes, dans toutes les positions, la forme
cume est rare et ne s’emploie qu’avec des substantifs dans les comparai-
sons elliptiques. Le texte du ms. de l’Arsenal présentant à la fois une assez
grande quantité de formes cum (com), come, nous avons essayé de voir –
en faisant un relevé exhaustif de ces formes dans les cent premiers §§ du
tome II – si la règle énoncée plus haut pourrait être, dans une certaine
mesure, appliquée à notre texte. Comme dans le Bestiaire de Philippe de
Thaiin, cum est beaucoup plus fréquent que come : il y a, en tout, 22 come
pour 157 cum (com) dans les cent premiers paragraphes du II e tome. A
l’instar de la Vie de Saint Thomas, les formes cum pénètrent dans les em-
plois autrefois réservés à cume : hardiz e fiers cum uns lions II.A.37.26 ; ge
moire cum chevalier II.A.67.19 ; e vos reçoif cum mes homes II.A.87.25 ; il
est cum une beste II.A.12.28 ; bruant cum une foudre II.A.37.36–37 ; cum au
meillor chevalier II.A.74.36–37 ; cf. come dans le même emploi : li aor come
Damedeu II.A.9.32–33 ; come a ma chiere dame II.A.22.10 ; il estoient ja
come descofiz II.A.39.6–7 ; ce fussent dui […] chevaliers come autre
II.A.47.19–20 ; jut [...] come mort II.A.50.5. Nous avons aussi noté que par-
fois come apparaît en tête d’une proposition, à la place de cum : tant ...
come II.A.9.20–21, II.A.51.17, II.A.96.14 (39 cum dans la même situation) ;
aussint come II.A.10.2, II.A.31.8, II.A.64.26, II.A.76.36 ; II.A.94.13 (contre
17 cum) ; si ... come II.A.15.22, II.A.35.21, II.A.61.21, II.A.77.22, II.A.88.3–4,
II.A.102.4 (contre 36 cum) ; einsint ... come II.A.49.10 (contre 25 cum) ; au-
tant come II.A.113.35 (2 cas de cum).407
406 Dans Abhandlungen Herrn Prof. Dr. A. Tobler … dargebracht (1895, 119s.), cité par Walberg
dans Le Bestiaire de Philippe de Thaün, XXXIIIs., et dans son édition de La vie de Saint Thomas
le Martyr par Guernes de Pont-Sainte-Maxence, CXLIIs.
407 La Vie de Saint Thomas, ed. Walberg, CXLIII, n’a relevé qu’un seul cas de cume dans une
telle construction, mais son texte date de la fin du XII e s.
180. La conjonction et s’écrit avec une grande régularité e devant une con-
sonne subséquante et et devant une voyelle ;408 voici quelques rares ex-
ceptions à la règle : e non abrégé devant une voyelle : I.A.100.22, I.A.157.1,
I.A.209.12, II.A.50.6, II.A.70.45, II.A.72.1, II.A.73.5, II.A.75.17, II.A.82.4. Par-
fois, le copiste écrit et devant un h aspiré : I.A.173.10, II.A.108.10 ; en re-
vanche, on a e devant un h prononcé sans aspiration : I.A.184.20,
II.A.123.7. Ne et se prennent quelquefois la forme ni et si : ni pour ne
I.A.166.30 ; si pour se I.A.7.26, I.A.78.13, I.A.112.12, I.A.121.5, I.A.152.4,
I.A.274.25 (si ... non), II.A.70.72, II.A.155.35. Ce phénomène, caractéristique
des dialectes limitrophes du Sud, pénétra rapidement en anglo-normand ;
cf. Pope (1973, § 598). Nous avons relevé un ex. de la locution conjonctive
finale issi qe : I.A.273.21 ; par ailleurs, l’adv. issi est assez bien représentée
dans notre texte, cf. gloss. Peu fréquente en anc. fr. – Gdf 4, 617 a, n’en
donne que trois ex. –, elle est considérée comme anglo-normande par von
Wartburg (FEW 11, 574). On l’a signalée dans le ms. S du Roman de Thè-
bes.409 Signalons, enfin, la conjonction temporelle trusqe II.A.97.8, rare
d’après Ménard (1973, § 247, 2R). Jusqe est beaucoup plus rare que dusqe,
cf. I.A.95.24, etc.
181. Prépositions
Entres II.A.145.38 possède un -s adverbial, mais cette forme est isolée ; cf.
Modus, t. 1, XLI. O (ou), concurrencé dans l’expression de l’accompagne-
ment par avec, avuec (Moignet 1973, 315) apparaît parfois : I.A.184.19, I.A.
221.11 ; cf. aussi a toute II.A.104.14. A côté de par, on relève aussi per :
I.A.95.3, I.A.130.34, I.A.294.9, II.A.70.36, II.A.86.68. Pour par à la place de
por, et vice versa, cf. infra, Syntaxe, § 200.
Davant I.A.99.56, I.A.307.12 (adv.) rappelle soit l’anc. prov. davan (cf. Levy
1973, 105b), soit l’ital. davanti ; on le trouve aussi dans les textes franco-
ital. : Aspremont, ed. Meyer, 53 ; Kath. Leg., glos., 282 ; Espagne, t. 2, glos.,
373 b, mais aussi dans l’Est : Haute-Marne, Joinville, rarement en Bour-
gogne ; cf. Goerlich (1889, 131), cité par Andolf, Floovant, CLXXIX.
Enaprés I, 280.10 (adv.) est connu, comme le mot précédent, en anc. prov.
(Levy 1973, 141a) ; nous l’avons relevé aussi dans Macchabées, gloss.,
122b, et Intr., § 93, XXXI (texte du Sud-Est).
X.1.3 Syntaxe
183. Article
Il paraît parfois omis gratuitement : La feste est grant ... q’il firent a cele
cort ..., mes enqore fust ele greignor ... se li dui proudomes i fussent ... dont
il tenoient les nouveles a cort II.A.102.1–3 ; ... en la compeignie d’un autre
chevalier qi portoit escu d’argent a goutes d’or II.A.113.3–4. Il y a un cer-
tain flottement dans l’emploi de l’article : cf. d’une part : ... e si fu portez
a la terre I.A.209.27 ; Qant il est venus a la terre I.A.276.5–6 ; ... ferus si
mortelmant q’il cheï mort a la terre I.A.247.22, et de l’autre : ... et le porte
del cheval a terre I.A.231.11 ; ... e vole a terre I.A.220.10 ; ... ainz vole a terre
maintenant I.A.276.4 ; ou encore : Cil, qi Daires avoit apellez de traïson ...
I.A.301.14 et ... li chevalier qi Daire appeloit de la traïson ... I.A.306.17–18.
L’article défini alterne avec l’adj. poss. dans : ... et il ont lavé les cox e lor
vis ... I.A.67.9 ; cf. Moignet (1973, 103).
L’article indéfini semble employé à la place de l’art. déf. dans : ... un tour-
noiemant fu feruz devant un chastel d’un jaianz) ... I.A.94.5–6.
L’on sait que unes noveles désigne une multiplicité de nouvelles : cf. p.ex.
I.A.53.4, I.A.138.20 (voir Ménard 1973, § 11) ; cependant, comment expli-
quer : Daresen qi fu oissuz d’unes des chambres I.A.68. 9–10 ?
L’article partitif est assez fréquent ; signalons de sans art. dans de nou-
velles ne sai ge riens I.A.272.12–13 (cf. Moignet 1973, 110s.) ; de + art. : …
ne remest q’il ne li meist le gleive par mi outre le cors, si qe del fer e del
fust apparut par derrieres I.A.242.20–21 (cf. Ménard 1973, § 12,3).
185. Adjectif
Dans ... e herberja ches un mout gentil home ... I.A.244.2–3, l’adjectif pos-
sède son sens plein ; de même que, semble-t-il, dans : ... ge ne croi pas
q’il ait orendroit en touz les chevaliers qi ceianz, sunt […] un si proudome
des armes qe cil ne soit enqore plus II.A.91.17–18, Ménard (1973, § 119).
L’adjectif peut même être employé tout seul : Certes, dan mauveis, tan
m’avez dit I.A.137.25–26 (cf. Ms F, I.A.137.24–25 : ... dan mauveis chevalier
...).
Le superlatif offre plusieurs cas intéressants ; notons : ... e dient orendroit
li grant e li petit qe veraiemant estoit li rois Artus li meus eureus rois a li
plus bon aventureux qi ... soit entre les mortex rois (II.A.89.2–4). Mieux est
d’un emploi rare en anc. fr. devant un adj. Nyrop (1960, § 455, 2), ne l’a
relevé que dans St Alexis, v. 20 : Donc prist muillier ... Des mielz gentils de
tote la contrede. Il est plus fréquent devant un participe, présent ou passé.
Par ailleurs, la soudure entre ben, bien (écrit séparément dans le ms.) et
eureus n’étant pas encore faite, l’adv. ayant gardé son sens fort, il a pu
entraîner le comparatif correspondant, c’est-à-dire meuz (cf.Gdf 1, 621 a,
ex. tiré de Jehan Lescurel : « Dex ! s’aussi m’avoit donnee // S’amour, plus
beneuree // Ne seroit »). En revanche, bon aventureux, envisagé comme
un seul mot, malgré la graphie du ms. (cf. p.ex. le glos. de l’éd. Fahlin
de la Chronique des Ducs de Normandie par Benoît qui ne comporte que
buenaventuros, « heureux », 3 ex., 27 a ; cf. malaventuros, 103 a ; maleüros,
ibid. et beneüros, 24 a), possède le superlatif formé par plus, ce qui n’est
peut-être pas sans rappeler l’ex. de Hugo, cité par Nyrop (1960, § 457, 1,
R) : « Il est mort, ce brave homme, le plus bon homme qu’il y eût dans les
bonnes gens du bon Dieu ». Notons, pour finir, que le comparatif prov. de
bon est formé par mai (Nyrop 1960, §§ 455, 1, et 457, 1 ; Anglade 1921, 232
n. 3, et 234).
Dans : un mout gentil home qi avoit ... a fille toute la plus bele damoisele
qe l’en seust ... (I.A.244.3–4), tout renforce un superlatif ; voir à ce sujet
Tobler (1905, 108), et Nyrop (s.d., § 435,3). On pourrait peut-être en rap-
procher, tout le premier, tournure où tout est variable, comme dans la
construction médiévale, cf. Grévisse (1969, § 457, A, R2 : 392).
On remarquera la place de l’art. dans ... mist il ... a mort deus cenz les
meillors homes de ceianz (I.A.242.11–12).
Dans une période, le sujet nominal est repris par un pron. pers. : E jurent
celui soir en un chastel ou il furent receu mout bel, qar li sires de leianz, qi
a merveilles estoit vielz ... e qi trop amoit ... chevaliers erranz, qar chevalier
errant avoit il esté ..., il fu trop joiant ... (II.A.111.7–13).
A plusieurs reprises, il, cas-sujet plur., fonctionne comme « on » : p.ex.
I.A.2.16, I.A.99.99, I.A.306.2, II.A.101.17, etc.
Fréquemment, le pron. sujet apparaît devant l’impératif (Ménard 1973,
§ 57, 2) ; c’est le type ... vos soiez li tres bien venus ! (I.A.224.14), de même
I.A.233.4, I.A.272.11, I.A.276.18, etc.
L’on trouve lui, forme oblique, à côté de il, forme du nominatif : ... si les
preignent, et il e Yvain autressint (I.A.143.12–13), d’une part, et il le fet
voler … en l’eve, lui e le cheval (I.A.124.21–22) ; ... enqore poez vos veoir
la damoisele e lui meesmes (I.A.236.75–76), de l’autre. L’usage moderne
apparaît dès la fin du XII e s. Cf. Foulet (1967, § 207), et Schwan/Behrens
(1932, § 322,3).
armé cum il estoit il leva des arçons e le gita ... (I.A.209.22–24) ; e les
menerent ... ou paleiz por desarmer (I.A.99.62–63, I.A.165.9–10,
I.A.306.16–17).
c) Le pronom est redondant en revanche dans : Ge, qi doutance avoie ...
qe alquns ... ne m’aperceust por qoi ma dame me recevoit si honoree-
mant ... (I.A.95.6–7) ; E le devise qeles armes il portoit (I.A.158.8–9),
mais le dans cette dernière phrase pourrait aussi être mis pour li,
pron. rég. ind. ; Qant li chevalier ... l’entendi qe la damoisele l’aloit si
... blasmant ... (I.A.297.1–2) ; mout lor grieve … as plus vallans …
II.A.100.15–16.
d) Emploi du pronom régime devant l’infinitif. Nous avons relevé un cas
du régime faible, placé devant l’infinitif : ... s’il plest a vostre chevalier,
... ge sui ... appareillie de chevauchier e del mener dusq’a la ou mi
chiers freres fu ocis (II.A.109.16–21) ; voici les leçons des autres mss. :
... aparoillié del chevauchier ... e de mener le (II.F.109.15–16) ; ...
[me]ner le (T, var. 109.21). Il nous paraît significatif que le pronom
figure sous forme d’enclise, ce qui n’est pas sans rappeler le tour jus-
sif « or del monter », où del est une forme contractée de la préposition
et de l’article. On cite de rares exemples du pron. faible devant l’infi-
nitif dès le XII e s. (voir Moignet 1965b, 63 n. 2 ; cf. Ménard 1973, § 45,
3, R2).
Le ms. a une préférence marquée pour la postposition du pronom
faible avec l’infinitif ; l’antéposition se trouve aussi, bien sûr, cf. p.ex.
cils qi navrez estoient ... ne fesoient nul semblant d’els relever
I.A.173.17–19 et 94.13–14, 21, 122.14, etc.) : ... e por giter le (I.A.1.2) ; ...
e por tort aidier le del qidier (I.A.56.11) ; ... por noier le (I.A.87.44) ; il
qideroit bien reconforter le (I.A.106.25–26) ; por conveier les
(I.A.113.15) ; por beisier li les piez (I.A.153.20) ; de fere vos honor e de
vos servir ... (I.A.153.24) : vos doit être interprété comme pron. pers. et
non possessif, car le texte, semble-t-il, ne présente jamais dans cette
situation vostre honor ; ... qant vos de ce ne me volez croire ... sans
deviser vos coment il avint, e ge vos dirai ... (I.A.170.9–10). Ces
exemples permettent de voir que la postposition du régime ne con-
cerne pas seulement les pronoms de la 3 e pers. – voir à ce sujet Mé-
nard (1973, § 42.3) –, mais aussi ceux de la 5 e..
On trouve un certain nombre d’exemples où un pronom tonique de la
1re et de la 6 e, ainsi que le réfléchi de la 3 e personne, sont placés
après l’infinitif ou la forme en -ant (cette construction est rare ; cf.
Ménard 1973, § 44, 6) : ... si sera une grant vilenie de vanter moi
(I.A.56.23) ; ... il s’en vont au grant feu ... por chaufer els (I.A.67.10–11) ;
... e por ce ne vos tieng ge pas a ssages de demander moi ceste de-
mande (I.A.135.32–34) ; tant avez ore la langue preste de dire moi chose
... (I.A.135.50–51) ; ... cels qi estoient appareillez de couper moi la teste
(I.A.157.9) ; ge sui tout encombrez de conduire moi seul ... (I.A.221.11–
12) ; ... il s’en vet ... et passe le pont gabant soi fort del chevalier ...
(I.A.273.37–38).
Le régime, complément d’un infinitif qui dépend lui-même d’un verbe
à la forme personnelle, suit la même syntaxe : ... ore saches qe se tu
refuses a doner moi cestui don ... (II.108.19–21) : cf. leçon de
II.F.108.15 : ... se tu me refuses a doner c.d.
Au lieu de placer en tête du groupe verbal le pronom complément,
A(2) préfère parfois intervertir les deux verbes, le régime étant au mi-
lieu : La damoisele qi mener le doit (II.A.110.19–20) ; cf. II.F.110.12–13 :
L.d. qui le doit conduire ; var. II.T.110.13 : L.d. qui le doit mener.
Lorsque le pron. rég. est complément d’un infinitif, lui-même dépen-
dant d’un autre infinitif, souvent faire, il figure enclavé au milieu des
deux verbes et à la forme faible : ... si l’ont ci leissié en tel mainiere
por fere le morir (I.A.87.44–46), cf. I.F.87.37–38 : por lui feire morir ; …
peior mort ... ne me pooient il doner qe leissier me morir (I.A.95.27–
28) ; ... e por fere li oblier (I.A.125.32) ; por faire vos asavoir (I.A.170.17) ;
de feire le savoir (I.A.246.13), etc.
e) Quelques cas particuliers
Pronoms atones : la postposition du pron. rég. après sujet + verbe se
rencontre dans la subordonnée: … se vos mantenez le grantment, a
morir vos en covendroit (I.A.228.20–21) ; par la foi qe ge doi vos
(I.A.124.38, I.A.303.21) ; Par cele foi qe ge doi vos (I.A.295.28–29) ; aus-
sint cum vos i tenez nos (I.A.189.7) ; cf. Moignet (1965b, 69). On pour-
rait se demander si dans ce dernier type, la postposition n’est pas due
à l’influence du tour primitif, où la personne sujet n’était pas signifiée
par un mot pronominal foi que doi vos.410
Nous avons trouvé deux cas où le régime indir. précède le régime
direct, phénomène qui n’apparaît qu’en moyen fr. (Ménard 1973, § 50,
2 e, R2) : … l’en me le porroit atorner a vilenie (I.A.163.4) ; Se vos ne mel
dites (I.A.176.6–7).
Dans la phrase suivante, deux pronoms pers. de la 3 e pers. se suivent
(fait exceptionnel d’après Ménard 1973, § 50, 1°, R2) : … mestiers estoit
q’il la li leissast (I.A.209.17). En revanche, même le régime indirect est
410 Cf. par cele foi qe ge vos doi, 303.16, que connaît aussi notre ms.
omis dans: … puisqe li sires … est enemis de Breuz, mestier est … q’ele
face savoir la venue de B. (I.A.257.24–25).
Pronoms toniques : signalons d’abord l’emploi du pronom « prédica-
tif » li avec valeur de sujet dans : ... Ne son duel ne la toucheroit autant
cum li toucheroit moi (II.A.20.18–20) ; cf. Moignet (1973, 139). Moi ne
chausist (I.A.113.6, I.A.142.10) est l’emploi, à la forme forte et sans
préposition, du pron. pers. rég. indirect d’un verbe impersonnel sans
sujet apparent (cf. Foulet 1967, § 164 ; Moignet 1965b, 65). Cele ou ma
dame avoit gregnor fiance ... trahi ma dame et trahi moi (I.A.95.10–11) ;
se vos leissiez moi e preissiez lui (I.A.278.7) ; … ocist il mon fill e moi
navra (I.A.192.15) traduisent une opposition et une mise en relief.
qe, d’autant plus que leur confusion est assez fréquente dans le ms.
(cf. supra, § 159d, et Ménard 1973, § 64, R2).
c) Il arrive, parfois, que le relatif soit omis ; après tel (cf. Foulet 1967,
§ 495) : ... se vos estiez aussi prou de chevalier cum tel a ci (I.A.251.10) ;
après nuls (Foulet 1967, ibid.) : … il n’i a null d’eaux si hardiz … les ost
atendre (II.A.76.32–33) ; onqes ne fu nul chevalier atant me feist grant
domage (II.A.114.3–4) ; dans : mes est duel passe duel (II.A.19.11–12).
d) Dans une proposition relative coordonnée, le pronom n’est pas répété :
Un chevalier de leienz qi mout avoit regardé ... et auqes l’aloit reconois-
sant ... (I.A.68.10–11).
e) L’omission du relatif qe est rare (cf. Ménard 1973, § 60, R1) : ... ja ne
fussiez si hardis ne osez de dire tele parole avés ore dite (I.A.217.3–4).
f) Dom introduit une relative consécutive : Cil qi avec lui venoient por-
toient lor escus descovert ... dom cil ... l’eust bien reconeu ... (I.A.306.4–
6) ; cf. Ménard (1973, § 73, 3° R).
g) … qi voloit regarder a haute gentilece … (II.A.101.21) constitue une rela-
tive hypothétique : « si l’on voulait considérer sa haute noblesse … »
(voir Ménard 1973, § 76).
191. Le pronom réfléchi est souvent omis : qi trop estoit ... gabez de lui
(I.A.14.19) ; D. vet asseoir (I.A.71.1), etc. Dans : E por ce vos convient il ore
soufrir de ceste bataille (242.49–50), le pronom réfléchi, régime de l’infini-
tif, se confond avec le pronom régime du verbe convenir (cf. Foulet 1967,
§ 199, et Huon de Bordeaux, ed. Ruelle, 28).
Verbe
193. Auxiliaire : comme dans les textes franco-italiens, estre sert souvent
d’auxiliaire à estre (cf. Mainone 1936, 42 ; Traités, 70) : vos i fussiez esté
(I.A.64.4) ; se l’eve fust esté parfonde (I.A.209.24).
194. L’emploi du subjonctif dans notre ms. est conforme à l’usage du XIII e s. ;
nous nous contenterons de quelques brèves remarques. On trouve l’indi-
catif après un verbe de volonté : ... de qoi volez vos qe ge doing jugemant ?
(I.A.203.2). Le subjonctif est employé par attraction modale dans : Ore vos
pri q’il n’ait nul de vos qi die qe ge doie fere ceste bataille (I.A.302.22–23).
Après estre avis, l’on releve généralement le subjonctif : ... il m’est bien
avis qe vos soiés chevalier de haut afaire (I.A.111.5–6) ; ... qe certes, il m’est
bien avis qe vos n’en aiez dit se la verité non (I.A.204.7–8), etc. ; cepen-
dant : ... il n’est avis que vos m’avez aqitee (I.A.278.1–2).
195. Construction des verbes
A. Verbes régissant un infinitif (cf. Moignet 1973, 297s.) :
a) Un certain flottement se constate dans la construction de ces verbes ;
mentionnons : avanture trouver qi face a amentevoir (II.A.111.2–3), ha-
bituellement construction directe après un verbe factitif (II.F.111.2 : qi
amentevoir face). Comencier connaît la construction prépositionnelle
et la construction directe : comence a penser (I.A.98.1) et comence pen-
ser (I.A.93.13). Desirer est toujours construit avec a. Savoir connaît les
deux constructions, cf. : chevalier qui nouveles me seust a dire
(II.A.113.22), à côté de : noveles vos aport e vos sai dire (I.A.70.3) ; de
même : savroie dire (I.A.73.10) ; savrai conter (I.A.93.19) ; la construc-
tion prépositionnelle est toutefois plus fréquente dans le ms. La même
chose pour covenir : d’une part, nos covint toz joster (I.A.118.52) ; il te
covendroit morir (I.A.290.20–21) ; de l’autre, a morir vos en covendroit
(I.A.288.21), etc. Leissier, que l’on range parmi les verbes factitifs et
qui de ce fait connaît une construction directe, est suivie de a : por
qoi g’en laisse a chevaucher (I.A.226.7). Dans leissier vos estuet ... ou a
joster (II.A.47.23–24), le verbe estuet admet un premier infinitif direct,
le second, coordonné, est introduit par a (Moignet 1973, 298).
b) Parfois, a est concurrencé par de dans la situation précitée : il avoient
a costume a venir (II.F.100.6–7 : a. a costume de v.), II.A.100.9 ; E por
ce vois ge demorant a asseoir a table (II.F.103.14–15: voi je demorant
de seoir as tablez), II.A.103.17–18. Parfois les deux prépositions al-
ternent : le chevalier qi a empris de venchier ... et a delivrer (II.F.109.3–
5 : ... a enpris a vengier ... et de delivre [r] …), II.A.109.3–5.
c) On remarquera l’incertitude de la construction suivante, où a intro-
duit l’infinitif dont le régime antéposé est précédé d’une préposition
196. Infinitif
a) Nous avons relevé un cas de l’infinitif de forme active à sens passif :
... se ge qidasse qe mon escu fust tant redoutés por descovrir cum sera
le vostre ... (I.A.230.4–5). On consultera sur ce phénomène Sneyders
de Vogel (1927, §§ 268, 273), Huon de Bordeaux, 31, Nyrop (1930,
§ 212).
b) Lorsqu’un substantif est régime direct d’un infinitif introduit par une
préposition, il se place entre celle-ci et l’infinitif, et l’article se con-
tracte éventuellement avec la préposition (cf. les ex. mentionnés par
Ménard (1973, § 170 et R.), et ceux relevés dans Huon de Bordeaux, 31 ;
voir surtout Foulet 1967, § 64) : le visage taint e nerci e le col ... des
armes porter (I.A.14.5) ; Au Bon Chevalier desarmer se metent tuit
(I.A.235.10) ; de ceste avanture sivre (II.A.11.28–69) ; qar au pont garder
200. Préposition
Notons la fréquente confusion de por et par : por employé à la place de
par : nul chevalier ne fu trahiz ... por amor (I.A.93.11) ; ge nel vos demant
se par vostre bien non (II.A.59.7–8), etc. ; ja por moi ne le savrez (I.A.94.2–
3) ; par à la place de por : tenu par sages (I.A.71.11).
201. Adverbe
Certains adverbes sont employés sans préposition ; la juxtaposition a lieu
avec assez : dist l’en assez mal I.A.194.6–7 ; ... il ne livrant assez bataille
I.A.195.8 ; pour se Hervis estoit meillor chevalier d’assez q’il n’est
I.A.306.16, cf. Tobler (1905, 179s.). Tant connaît une tournure préposition-
nelle tant de cortoisie I.A.15.3, mais se construit aussi directement : tant
a en soi fellenie I.A.238.11, etc. De même avec trop (pas d’ex. chez Nyrop
s.d., § 101, 2°) : cf. trop d’enemis I.A.70.13 et trop i a Brehuz enemis I.A.72.6,
I.A.264.7. Nous avons relevé des emplois de plus construit directement :
plus enemis I.A.66.22 ; plus desloiauté I.A.238.10.
Bien est employé comme adjectif dans : au bien matin I.A.265.8–9 ; del
bien matin I.A.305.12. Cf. Nyrop s.d., § 104 (langue moderne). En re-
vanche, l’adjectif est parfois employé adverbialement : il comença ...
guerre sus nos si malemant e si cruelle I.A.242.9.
Rarement, estes se substitue à es : La ou il parloient … de Daresen, estes
le vos … venir I.A.44.1–2.
202. Négation
Notons d’abord la forme en, graphie due à l’emploi de ne=en : « Seigors
chevaliers, g’en voudroie qe vos vos meissiez encontre moi ..., ne ne vou-
droie mie qe vos ... vos vouxissiez combatre ... » I.A.219.10–13.
Parfois la négation ne semble omise lorsque la phrase contient un autre
élément négatif : ge vos voudroie veoir a si grant honte cum ge onqes vi
home ou fame I.A.141.13–14 ; La joie est si grant par tout le chastel q’il n’i
a un ne autre qi [n’] entendent fors a joie feire I.A.159.2–3 (de même
I.A.236.10). Enfin ne fait défaut dans une consécutive (corr.) : se vos hui
me deissiez auttant cum vos dites orendroit, ja n’alissiez avant deux pas
qe ge ne vos qidasse amdeus mener par force d’armes I.A.188.36–37. Ore
me di ... as tu ore nes mie esperance ... ? II.A.19.12–15, etc. Ce dernier cas
n’est pas sans rappeler la suppression de ne dans l’interrogation, fré-
quente au XVI e s. : cf. Gougenheim (1951, 218). Pour l’omission, spora-
dique, de ne en m. fr. dans d’autres contextes syntaxiques, voir Martin/
Wilmet (1980, § 29).
La négation n’est pas répétée, parfois, avec le ne coordonnant : ... si coie-
mant q’il ne les sent ne les ot I.A.88.3–4 ; a cui ge ne feisse bien ne feisse
faire I.A.216.6–7 ; a tel eur qe ge nel vi puis ne n’oï parler I.A.285.23 (n’oï,
dans cette dernière phrase, doit être interprété comme en oï). Le même
phénomène dans Les .XV.joies, ed. Rychner, § 1.82–83, 8.
Dans les exemples suivants, mie et pas sont séparés du verbe par un ad-
verbe : E ce ne feist il voluntiers mie, qar … II.A.165.4 ; nos le volumes
prendre, n’a enqore pas granment II.A.176.25–26. La deuxième partie de la
négation est rejetée après l’infinitif que gouverne le verbe simple nié: …
ne puis ge dire pas II.A.101.6. Cf. Tristan en prose (vers. du ms. 757), t. V,
ed. Ferlampin-Acher, 60.
On emploie non sans reprise du verbe dans la réponse négative, fait rare
selon Ménard (1973, § 278, R.) : « Veistes vos onqes mes nulle plus estrange
merveille ... ? – Sire, si m’aït Dex, fet li Bon Chevalier, ge non » II.A.28.20–
21.
L’emploi de noiant comme négation totale (« pas du tout » : cf.Ménard
1973, § 294) semble rare : … qar de ceste part ne porrom nos noiant demorer
II.A.35.39–40.
f) Citons ici également – parfois dans une même phrase – les change-
ments de personne très fréquents dans le ms., ils s’expliquent par
l’éloignement des sujets dans les propositions. Le plus souvent, l’on
passe de la 3ème pers. du sg. à la 3ème pers. du pl. et vice versa : cf.
d’une part, Quant il ot feit tout l’apareil de celui voiage ..., qant il se
sunt appareillié de la bataille ... I.A.302.1–6 (l’auteur a d’abord à l’es-
prit Hervi tout seul ; puis il pense, peut-être, à Hervi et à Syrion, en-
semble) ; A l’endemain ... s’est esveillez mesire Lac. Li escuiers les ont
apparelliés de lors armes I.A.37.1–2 ; Messire Lac si apelle son escuier et
il fet tant q’il revest le chevalier au mielz q’il puent e le metent ... (revest
est sur une ligne, le reste de la phrase sur une autre) I.A.92.27–30 ; de
l’autre, « Vos porriez tel chevalier encontrer qi ne prendroient mie vostre
chamge ne de cui vos nel porriez faire, qar vos ne porriez envers li con-
qester sa damoisele » I.A.215.16–18.
411
X.2 Langue et graphie du ms. de Florence
X.2.1 Phonétique
Voyelles toniques
a tonique et libre
1. Cf. Ars. L : clers II.A.1.48, etc.
3. Cf. Ars. 3 : tes I.F.133.13. Nous avons relevé une forme licuez pour liquelz
II.F.75.21.
5. Cf. Ars. 7 : nain I.F.86.33 ; plaine I.F.89.3 ; plaigne I.F.131.2, I.F.131.22 ; fon-
taine II.F.1.38, etc.
411 Nous examinerons la langue du copiste en suivant un plan analogue à celui que nous
avons adopté précédemment. Lorsque nous rencontrerons des phénomènes que nous avons
relevés dans notre première étude, nous nous bornerons à en énumérer les exemples en ren-
voyant au numéro correspondant de l’introduction au ms. de l’Arsenal.
9. Cf. Ars. 13 : lasse (s.p. 1re pers.) I.F.97.13 ; mastre I.F.125.23 ; villanie (à
côté de villenie) I.F.134.20 ; a pour ai (habeo) I.A.135.39 ; farai I.F.109.15 ;
farons I.F.119.11, farés II.F.2.24 ; façons II.F.69.19 ; fassoie II.F.71.61 ; fas-
soit II.F.71.5 ; façant II.F.68.31 ; plasoient II.F.62.26.
11. Cf. Ars. 14.2 : mainere (pratiquement la seule graphie du ms.) I.F.86.32,
I.F.87.23 ; I.F.97.17, etc. ; rivere I.F.97.3 ; chivaler I.F.98.1 ; escuer I.F.99.40,
mesajere I.F.131.46.voluntés (voluntarius) I.F.110.14, etc.
12. Cf. Ars. 15a,b,d ; laiser I.F.97.23 ; coucher I.F.103.11 ; 15b : chevaucherent
I.F.86.1 ; laiserent I.F.87.36–37, etc. ; 15c : ensegnee I.F.89.7 ; iree I.F.135.1,
etc.
13. Cf. Ars. 16 : alaitie I.F.89.6 ; corocie I.F.105.2 ; brisies II.F.76.16–17 ; apa-
roillie II.F.109.16.
e ouvert
14. Cf. Ars. 19 : Dés I.F.92.54, I.F.105.24, etc. ; s’entreferent II.F.3.4.
18. Cf. Ars. 24,25 : biaus I.F.105.24, II.F.70.6 ; biauz I.F.89.12 ; bia II.F.61.10 ;
mialz I.F.124.39.
e fermé
21. Cf. Ars. 29 : leial I.F.24.5 ; neier I.F.87.35 ; desleiauté I.F.89.2–3 ; reiaume
I.F.24.9 ; I.F.100.12, etc. (graphie plus répandue que oi).
23. On notera les réductions suivantes : pour presier (pretiare) II.F.71.14 voir
supra, § 21bis ; leens App. III, 2.5 ; poir (*potere), extrêmement fréquent
dans le ms : I.F.109.9, I.F.110.9, etc.
24. Cf. Ars. 34 : eaux I.F.114.5 ; auz (illos) II.F.2.21, II.F.7.30 ; au I.F.86.31 (aux),
I.F.125.2, I.F.125.21 ; ciaus I.F.97.27, I.F.116.12, I.F.131.52 ; soliaux II.F.1.16 ;
ostiaux I.A.99.74, etc.
25. Cf. Ars. 35 : mervoilles I.F.88.5, I.A.100.46, I.F.125.11, App. III, 3.13,19 ;
(mervoillez) II.F.1.21, II.F.1.34 ; mervoil (IP1) I.F. 87.38–39 ; consoil I.F.97.26,
I.F.97.37 ; I.F.108.22, I.F.109.26 ; aparoilent I.F.114.2 etc.
o ouvert
27. Cf. Ars. 38 ; graphies ue : buen II.F.7.16 ; puet I.F.106.26 ; illuec I.F.114.9, etc. ;
oe : poet I.F.99.17 ; poent I.F.114.35 ; (cf. Ars. 42) ; voelent I.F.99.46 ; boen
I.F.108.22 ; troevent I.F.125.14 ; eu : peuent I.F.87.8 ; velt I.F.103.11, etc.
30. Cf. Ars. 45 : voil I.F.130.29 ; voille II.F.2.32 ; oilx I.F.87.23, hoils I.F.103.6 ; or-
goil I.F.131.42. Oculos, cependant, peut aussi aboutir à ealz I.F.92.21 (cf.
Fouché 1969, 335, R.I, et 304, R.I).
33. On a troys II.F.188.60 pour trop où l’on constate oi pour o (cf. Espagne, troi,
t. 1, XCIII).
o fermé
34. Cf. Ars. 52 ; graphies eu : seulle I.F.114.40, vergoigneus I.F.116.9, l’enneur
I.F.119.9, etc. ; ou : merveillous I.F.114.8, joune I.F.137.14 u : u (ubi) I.F.86.4,
I.F.112.11, I.F.119.1, etc. ; escuterent I.F.86.6 ; tut I.F.122.16 ; ure II.F.76.16,
II.F.76.34.
35. Cf. Ars. 53 ; graphies o : hore II.F.1.14 ; honor II.F.7.26 ; entor I.F.86.2 ; dolor
I.F.89.18 ; plore I.F.106.33 ; fellonosse I.F.89.2 ; fellonosement App. III, 3.16 ;
proe (prode) I.F.133.25.
36. En syllabe fermé o fermé tonique est noté souvent u : mult II.F.1.13, etc.
37. Cf. Ars. 55 : munde I.F.99.66 ; fun (IP6) I.F.100.13 ; voluntés I.F.104.25 ; unqes
I.F.106.12, I.F.118.7.
38. Cf. Ars. 56 : vergoigne I.F.89.15 ; bessoigne II.F.6.21, etc.
39. Cf. Ars. 58 : contement II.F.62.26–27, II.F.137.7 ; connossoient II.F.68.20–21 ;
rapognant I.F.137.23 ; drotement II.F.129.18.
40. Cf. Ars. 59: Rois (Danayn le) II.F.191.2 ; noiz (nodos) II.F.16.8 ; toilli
I.F.118.36, point I.F.121.20 ; soint II.F.65.24 ; choissez II.F.62.22.
u long
41. L’on a on pour un I.F.33.31. Cette graphie a été trouvée par Tilander, Modus,
t. 1, XVII, qui renvoie à Wilmotte, Romania, 17, 560 (wallon) ; cf. aussi As-
premont, ed. Monfrin, 390 (fragments du Vatican).
42. Cf. Ars. 61 : condue (IP3) I.F.118.33, I.F.124.21 ; cestu I.F.124.18 ; desduent
I.F.137.1.
Voyelles atones
a
43. Cf. Ars. 62 : bachallier II.F.111.29 ; achater I.F.137.26.
44. Cf. Ars. 63 : da I.F.105.1, I.F.109.11, II.F.5.9, etc. La non-transformation de a
final en e (voir, p.ex., delivra II.F.60.11) pourrait être à l’origine des gra-
phies inverses, telles que l’amoine I.F.118.38.
45. Cf. Ars. 65 : chivauchoient I.F.86.5 ; chivauchier I.F.87.17 ; chivaler I.F.98.1,
I.F.109.28 ; chival I.F.114.15, etc.
46. Cf. Ars. 66 : chevacherois I.F.92.45 ; chevacherent I.F.97.1 ; acun I.F.137.34 ;
maveis App. V. 5.2–3 ; assi App. IV, 124.
47. Cf. Ars. 67 : repelle I.F.130.39.
e
49. Cf. Ars. 71 : primiers I.F.122.7 ; primiere II.F.3.12–13, I.F.5.15 ; primierement
I.F.133.3 ; riaume I.F.124.27.
51. Cf. Ars. 80 : ce phénomène est encore plus répandu dans F que dans le
ms. de l’Arsenal, il brouille constamment la distinction du masc. et du
fém., entre l’IP3 et SP3. L’e s’ajoute : l°) aux substantifs : fforeste
II.F.83.35 ; fonreste I.F.86.4 ; foreste II.F.1.28, I.F.7.22 ; parte II.F.24.26 ;
chare II.F.32.8 ; froide (s.m.) II.F.111.3 ; 2°) aux adjectifs : toute ce II.F.7.19 ;
cete (pron. masc.) I.F.97.22 ; proe I.F.133.25 (prode) ; 3°) aux verbes : este
(IP3) I.F.87.40 ; teste (taire) I.F.90.1 ; reveste I.F.92.28 ; feiste (SI3)
I.F.101.4, l’euste I.F.104.17 ; abate (IP3) I.F.114.24.
52. Cf. Ars. 81 : merevoilles App. III, 3.13 ; coneré (pour contree) II.F.42.38.
i
54. I initial tombe assez souvent dans le nom propre Rvel (Rivel) : I.F.86.11,
I.F.86.14 ; I.F.87.26, I.F.87.29 ; etc. II.F.2.38, II.F.3.11, etc. Citons aussi vllaine
II.F.192.12. Voir Gossen (1976, § 37).
Consonnes
Continues
55. Cf. Ars. 93 : les formes sans e prosthétique sont très fréquentes : spee
I.F.89.15 ; App. V, 5.11 ; scu II.F.189.25 ; scuier II.F.29.4, I.F.111.21 ; sperance
II.F.83.22 ; sperjures II.F.71.62.
58. Cf. Ars. 96 ; s double pour le son sonore : chosse I.F.86.23 ; fellonosse
I.F.89.2 ; traïson I.F.89.4, etc. (extrêmement fréquent). En revanche, s
simple pour le son sourd : tornisonz I.F.86.15–16 ; paser I.F.87.9 ; espoisez
I.F.87.16, etc.
59. Cf. Ars. 100 : la confusion entre l’s et le z final est complète ; le scribe
semble ignorer les lois qui régissent leur emploi ; cf. d’une part : pitiés
I.F.89.11 ; Desleiautés I.F.89.15 ; bontés I.F.92.34 ; delés I.F.106.29 ; pis (pec-
tus) I.F.114.23 ; laiens I.F.97.25 ; de l’autre : meesmez I.F.86.13 ; somez
I.F.86.25 ; brochez I.F.87.16 ; arbrez I.F.87.22, etc.
60. Cf. Ars. 104 ; notons : meixon I.F.99.2 ; ex (pour es) I.F.112.12, etc.
Palatales
61. Nous n’avons relevé qu’un seul cas où -ss- a été remplacé par ch ; ce phé-
nomène est caractéristique du picard et du wallon (cf. Gossen 1976, § 48) :
brochez I.F.87.18.
62. Cf. Ars. 108: jentil I.F.118.7, I.F.120.15, etc. ; mesajere I.F. 131.46.
63. Parfois j est mis pour le son sourd noté par ch : jeitif II.F.191.30 ; jastel
I.F.119.27.
64. Cf. Ars. 109 : g pour i est assez fréquent, comme dans Espagne, t. 1, CIII :
ennegeusez II.F.75.10 ; fuge II.F.76.26 ; annegeus II.F.188.26 ; ennogera
II.F.189.65.
65. Q est employé à la place de c dans : qa (ça) I.F.22.32, I.F.87.31, II.A.75.26 ;
qaiens (çaiens) I.F.125.35, II.F.65.24 (qaens) ; anqois II.F.68.3, II.F.191.17.
C’est un usage assez fréquent en franco-italien : Espagne, t. 1, CIII et glos-
saire (anchois) : d’après Tjerneld, Traités, 45, on trouve dans Galloitalische
Predigten, ed. Forster, la graphie que pour ce ; cf. aussi Antéchrist anonyme,
XLVII (merqeant = marchant).
On trouve, en revanche, un c à la place de g palatal dans s’acenoille
II.F.107.12.
h
66. Cf. Ars. 111 : h graphique se rencontre souvent : hot (PS3) II.F.3.6 ; hont (IP6)
II.F.6.4, II.F.7.30 ; horent I.F.87.6 ; hautres II.F.7.28 ; henemi I.F.91.27 ; hoils
Liquides
67. L est tombé (cf. Ars. 117) après labiale dans : l’asenbe (pour l’asemblee)
I.F.114.12 ; en finale : Rvé I.F.124.23. R disparaît dans Hevi I.F.123.11,
I.F.I35.37 ; en finale dans su le I.F.123.12 ; soufri me I.F.130.27 ; pour l’r
adventice, cf. armor App. III, 3, 32 ; entrastrez II.F.63.22 (cf. Ars. 122).
68. Cf. Ars. 118 : le scribe confond 1 et r : prorer I.F.90.3 ; prore I.F.115.28 ;
trenbre I.F.115.33 ; branche I.F.131.13 ; mar dire I.F.134.18 ; River App. III,
3.18 etc. Maubre II.F.105.40 est une forme de l’Est : cf. FEW 6, 364a.
Nasales
69. Cf. Ars. 127 : a) nasale adventice : eschanper I.F.105.16 : eschanpee
I.F.115.20 : lengierment I.F.109.24–25, I.F.121.15–16, II.F.6.12, II.F.73.5 ; in-
sirent I.F.118.11 ; oinsir II.F.39.20 ; ensiex (Imp. 5) II.F.188.29, etc. ; b) sup-
pression de la nasale organique : aveture I.F.119.1 ; sut (sunt), I.F.124.5 ; te-
ront (tenront) I.F.124.39 ; no mie I.F.131.20.
Vélaire
70. Signalons la sonorisation de c après consonne dans engonbree I.F.116.5 ;
engonbrés II.F.188.23 Cf. Espagne, t. 1, CIII, et ital. ingombrare.
Phénomènes divers
71. Cf. Ars. 137 : aphérèse de a : monesté I.F.110.5 ; ferme I.F.125.41 ; dés
I.F.136.8 ; chevee II.F.40.21 ; venue II.F.7.4 ; celle de i : luec I.F.32.14 ; celle de
de: livrés I.F.98.3 ; II.F.14.17 ; celle de en, em : clinee I.F.99.21 ; pris (a descon-
fire) II.F.36.31.
I.F.90.5 ; enn asez I.F.92.26 ; enn avendra I.F.98.7 ; enn la I.F.100.27, etc. Cf.
Aspremont, ed. Monfrin (le fragment du Vatican), 394s.
X.2.2 Morphologie
Article défini
73. Cf. Ars. 146 : le pour les est fréquent : II.F.1.19, II.F.5.41, etc. Une forme li,
rég. sg. masc. apparaît une fois II.F.2.39. Cf. Aspremont, ed. Monfrin, 246,
§ 34. Li, rég. pl. masc. II.F.2.22, II.F.2.29. Lo rég. masc. sg. I.F.131.35, App.
IV, 2.3. El II.F.36.81 (en el flun) est-il un art. au rég. masc. sg., précédé de
la préposition en (cf. Espagne, t. 1, CVII ; Rohlfs 1968, § 416 ; 1969, § 807)
ou bien une enclise de en + le précédé de intus qui aurait perdu son -s ?
74. Cf. Ars. 147 : li unne II.F.185.42. Cf. Espagne, t. 1, CVIII ; le fém. suj. : le
parole I.F.105.12 ; le bonne aventure II.F.112.4, etc., rég. : II.F.82.10. Des ex.
franco-ital. dans Espagne, t. 1, CVIII ; Folie Lancelot, XLVI.
75. Cf.Ars. 148 : parmi les formes contractées, remarquons surtout les graphies
variées de de + le : dou II.F.97.2, II.F.119.16 etc … ; dau I.F.92.50 ; deu I.F.99.9,
I.F.110.15, etc. ; deo I.F.99.26, II.F.99.28, etc. (la forme la plus fréquente) ;
deho I.F.118.17, I.F.119.12 ; do App. III, 1.12. Eu II.F.62.7 est visiblement em-
ployé à la place de aus ; or Thomas, Espagne, t. 2, 383a, signale une confu-
sion de eu avec au (v. 6028).
76. Remarquons qu’à côté des formes enclitiques, il y a bon nombre de formes
non contractées, p.ex. a le feu I.F.106.35–36 ; de li rois App. III, 3.13. La non
contraction de l’article se rencontre surtout en anc. prov. ; cf. Joufroi, § 26,
36s., Espagne, t. 1, CVIII (de les).
Substantif
78. Cf. Ars. 151 : menbres est du fém. I.F.88.7.
Pronoms
79. Cf. Ars. 154 : pron. pers. masc.
Les formes suivantes sont à remarquer : 3e pers. is, CS masc. sg., App. V,
4.19 (autre lecture : i sse ?). Dans la Vie de St Grégoire le Grand, l’on trouve
parfois is pour il d’après Nyrop (1960, § 552). En ancien piémontais, il
existe is, fonctionnant comme pronom celui-ci (cf. Rohlfs 1968, § 493). El
n’est pas fréquent : I.F.34.37, tout comme elle I.F.118.2, I.F.130.38 (?) : it.elli ?
Cf.Rohlfs 1968, § 436. On trouve un rég. sg. masc. lo I.F.133.5 (Ouest ; cf.
Moignet 1973, 39). Le en fonction du datif masc. sg. : I.F.24.11. A la confu-
sion entre les régimes masc. et fém. est due la graphie la, rég. masc.,
I.F.124.3. Comme dans A(2) li fait fonction du rég.dir ou ind. atone plur.
I.F.37.8 (ou li adv.), I.F.41.10, I.F.43.36, I.F.116.6, I.F.125.16, II.F.34.26, etc. En
revanche lor II.F.85.4 semble employé comme CR ind.sg.
81. ne, n’ est la première pers. du pl., dont l’origine ital. est indubitable (cf.
Rohlfs 1968, § 460) ; on la relève fréquemment en franco-italien, cf. Es-
pagne, t. 1, CX ; Aspremont, ed. Monfrin, 246, § 36: nen ne feisiez II.F.78.15 ;
dusque hore qe n’é venus comandemens I.F.101.5–6 ; Dame, a cestui point
ne convient I.F.121.20.
82. Sur v’ ve, dont le sens est vous, I.F.92.55 (ve), I.F.119.10, II.F.129.17, cf. Rohlfs
(1968, § 461), et Thomas, Espagne, t. 1, CX.
83. Pron. démonstratif neutre cel I.F.86.13. Cf. Modus, t. 1, XXXIV, Nyrop (1960,
§ 563).
Verbes
Les désinences
87. Cf. Ars. 169 : poroie I.F.137.25 ; m’avroiés I.F.137.36 sont des Cond. 5 e pers..
Notons la désinence -iex à l’impératif 5 e pers. : ensiex II.F.188.29 (ensir, ois-
sir).
Formes particulières
Indicatif présent
88. Cf. Ars. 170 : 1ère pers. Remarquons : son II.F.1.32 ; il est à noter que l’anc.
ital. connaît une forme son, à côté de sons, cf. p.ex. Bonino Mombrizio,
Légende de Sainte Catherine d’Alexandrie, poème ital. du XVe s., ed. Bayot/
Groult, glos. 3e pers. : comme en ital., nous avons é I.F.124.6 ; condue (IP
3e pers.) I.F.124.21 semble avoir reçu un ‑e analogique : cf. conduet, Es-
pagne, v. 9552, et les autres formes citées par Thomas, t. 1, CXV. 4e pers. :
semo II.F.138.31 est également une forme ital. ; Rohlfs (1968, § 540, 270) la
définit comme appartenant au « veneto antico ». 5 e pers. : diés I.F.115.14,
II.F.70.6 (Imp.) est la forme collatérale de dites, que Fouché (1967, § 60, 121)
trouve notamment dans les Sermons poitevins. 6 e pers. : nous avons relevé,
pour savoir, soent II.F.38.8 (cf. Aspremont, ed. Meyer, 50 : soient) et seuvent
II.F.73.9, forme labialisée.
Subjonctif présent
89. Cf. Ars. 171 : remarquons les SP 3e pers. sioit I.F.87.32, I.F.131.32, d’estre ; cf.
l’ital. mod. sia ; Espagne, t. 1, CXVIII, sie. Cf. siom de A(2). L’on a seonz à
la 4e pers. Pope (1973, § 1151), signale l’existence, en anglo-normand tardif,
d’une forme seums.
Futur et Conditionnel
90. Cf. Ars. 172 : l’on constate l’absence de d épenthétique dans voroie
I.F.100.11 ; teront (tenront) I.F.124.39, teroie II.F.83.47.
Responderai I.F.24.14–15 possède un e « svarabhaktique ».
Formes particulières : dans oïrés I.F.104.26 ; venirés II.138.46–47 ; venirois
II.F.82.25 (cf. Mainone 1936, 36, veniroit) ; faillirai I.F.124.11 l’infinitif est
visible ; cf. Espagne, t. 1, CXII. L’influence du parfait est perceptible dans
entendirons I.F.135.15 ; firons II.F.69.10 ; firon II.F.70.20 ; firom II.F.74.30 (Es-
pagne, ibid.). Daras, fut.2 (II.F.27.10) continuateur de dare n’est pas exclusi-
vement it., voir outre Espagne, t. 2, daroie (glos.), Fouché (1967, § 203).
Diresiez I.F.136.12 est une forme hybride, qui rappelle celles relevées par
Thomas, Espagne, t. 1, CXVIII, formes où les désinences de l’imparfait du
subj. se substituent à celles du conditionnel. Signalons encore sereonnz
I.F.101.14.
Passé simple
91. Cf. Ars. 174 : instrerent II.F.83.39 est le parfait 6 de entrer ; il est proche de
l’ital. istradare ‹ acheminer ›. Morit II.F.70.29 paraît limité, à côté du parfait
régulier en ui ; on en trouve deux ex. dans le Roman de Troie, v. 17693 et
17709, dont l’un provient du ms. BnF 821, d’origine italienne (éd. Constans,
ms.F, var. du v. 17693 et t. 6, 9s.) et un dans Espagne, voir t. 1, CXVII ; il
92. Cf. Ars. 169 : crieve II.F.16.26 est un imparfait de l’indicatif 3 de l’Est, cf.
Moignet (1973, 66) ; Fouché (1967, 239). On relève un ex. de la désinence
-ot : gisot I.F.105.8.
93. Cf. Ars. 175 : les imparfaits du subj. 3 e pers.aportasse I.F.22.36, meisse
I.F.32.6, alasse II.F.17.20, fusse II.F.34.20–21, possèdent un -e qui se substi-
tue au – t ordinaire ; cf. Espagne, t. 1, CXIX : fuise. Comme dans Espagne
(t. 1, CXIX), l’imp. du subj. est parfois formé sur le thème du présent au
lieu de celui du parfait : enprenisiez II.F.36.5. Cf. la note à II.A.36.6 (T var.2).
94. Cf. Ars. 178 : la présence de -s à l’impératif de croire – crois I.F.30.19 – est
commune depuis le XIII e s. : Fouché (1967, § 106,210).
95. Cf. Ars. 182 : l’adv.nég. prend, devant l’adv. pron. i, la forme de ni : I.F.87.17,
II.F.100.13–14. Comme dans A(2), on a nen + voyelle : I.F.124.6, II.F.16.25.
X.2.3 Syntaxe
96. Consécutive introduite non par que, mais par car : la coustume des joustes
… est telle car se il … I.118.57–58, fait sporadique selon Ménard (1973,
§ 248R).
97. Comme en italien, le v. estre sert d’auxiliaire à lui-même : e tant sont esté
ensemble (I.F.100.23) ; sunt ja esté deschivauchiés (I.F.118.41) ; su[n]t esté
abatu (I.F.124.5) ; il est esté abatus (I.F.125.10–11) ; cf. Espagne, t. 1, CXIX.
X.3 Conclusion
Il résulte de la comparaison entre les ms. A(2) et F que ces derniers partagent
un certain nombre de traits phonétiques, morphologiques et syntaxiques, ce
qui en fait deux copies d’une provenance voisine, origine confirmée aussi par
l’examen paléographique. Seul le nombre de certains phénomènes, plus abon-
dants dans l’un, plus limité dans l’autre, les sépare.
Les traits italiens, toutefois, sont plus accusés dans la copie de Florence ;
celle de l’Arsenal, en revanche, comporte certaines caractéristiques qui la rap-
prochent du provençal.
412 Du f° 48a au f° 147d. Nous avons d’abord édité la partie centrale du ms. de l’Arsenal,
dont la seule unité est celle des quatre protagonistes : le Bon Chevalier sans Peur, Lac, Brehus
et Hervi de Rivel (f° 107b–147d). La trame de la première partie (48a–107a), publiée après, est
constituée par le voyage qu’entreprennent Lac et Yvain aux Blanches Mains, allant soutenir
un duel judiciaire pour la délivrance de Daire, père d’Yvain. La troisième partie converge tout
entière vers un autre combat, celui de Danain et du Bon Chevalier, thème annoncé dès le
f° 147d.
413 Voir, supra ch. VIII.1 ; Lathuillère (1966, 82).
414 Nous pensons l’avoir démontré plus haut : ibid.
415 Lathuillère (1966, 45 et 129).
416 La Chevalerie Vivien, chanson de geste, ed. Terracher, I. Textes, Paris, 1909.
417 Ce chapitre concerne aussi bien les manuscrits de l’Arsenal et de Florence que Ferrell 5.
418 Roques (1926).
Manuscrit A(2)
Ecriture assez claire ; le scribe distingue u, n, i ; cette dernière lettre est surmon-
tée d’un fin accent qui permet de la détacher des jambages voisins similaires :
qi – celui – ge le vi – venir – midi – plaine, etc. Le scribe utilise devant la labiale
presqu’exclusivement m (cf. X.1 Langue et graphie du ms. de l’Arsenal, § 125) ;
c’est ainsi que nous avons résolu la barre de nasalité devant b, p, m ; en re-
vanche, nous l’avons rendue par n devant les dentales (Langue, ibid.) ; surmon-
tant un o final, elle a été rendue par m dans dom + voyelle : dom il sunt dur-
emant irié II.F.36.82–83 ; par don : don ge fusse tant desirant II.A.28.47 ;
Le « neuf » tironien a été rendu par com, lorsqu’il était isolé ; dans le corps
d’un mot par con (conté, conduisoit) et devant labiale par com (compeignon).
Le signe qui ressemble à l’apostrophe note le plus souvent e : q’ = qe ;
d’moroit = demoroit ; d’x = Dex ; d’u = Deu ; mais aussi er : t’me = terme ;
Ut’pa. = Uterpandragon, ou re dans p’mier = premier ; il a la valeur de plusieurs
syllabes dans ch’r = chevalier.
La sorte de petit i surmontant le c a la valeur de ri, cf. c ier = crier.
La barre horizontale a des valeurs multiples : elle est mise pour e dans qn =
q’en (rare) ; avec e, elle indique la 3 e pers. du v. estre, est : I.F.4.9 ; enfin, dans
p-mier = premier I.F. 109.23, sa valeur est re.
Le p barré note par ou per.
Un problème particulier est posé par la conjonction et abrégée par le sigle
7 ; comme le scribe emploie, écrite en clair, et devant voyelle et e devant con-
sonne, nous nous sommes toujours conformé à son usage, cf. X.1 Langue, § 180.
Signalons, enfin, l’abréviation de q- ; q’, etc. Nous les avons développées,
conformément aux règles majoritaires, en qi et qe.
Manuscrit F
Ecriture rapide, dont la netteté est loin d’être parfaite ; hésitation possible entre
e et o, surtout. De nombreuses abréviations : le signe qui ressemble à l’apos-
trophe a des valeurs multiples : s final venu’ = venus, et même os dans v’ =
vos ; er dans m’voilles. Sorte de u à la valeur de er dans t ure = terre ; ro dans
t over = trover ; ur dans avent ues = aventures. L’abréviation ml’t a été développée
mult ; la barre de nasalité rendue partout par n, même devant les labiales ;
signe tyronien par con dans toutes les positions, conformément aux formes
écrites en clair.
Qe et qi ont été développés ainsi selon les règles majoritaires. Signalons,
enfin, l’usage des lettres suscrites, telles que e, o : aut e = autre ; t ovaste = tro-
vaste.
du roi Marc qui leur raconte son amour pour la reine de Norgales. Pris en
flagrant délit d’adultère, il a été condamné par le mari et croit son amante
morte (§§ 86–96).
Mais ramené par Lac et Yvain au château d’Esegon, il apprend le supplice
de la reine pour le lendemain et réussit, avec l’aide de ses deux compagnons,
à la faire échapper au bûcher (§§ 97–117).
Sur la route de Laguenon, où la reine désire retrouver son frère, les cheva-
liers forcent le passage du pont de Toran l’orgueilleux, interdit depuis que le
Bon Chevalier sans Peur a enlevé la demoiselle de ce seigneur (§§ 118–128). Au
château de Laguenon, Lac est congédié par la reine qui est pardonnée et chérie
de nouveau par son mari (§§ 129–130).
Nous assistons ensuite à une joute verbale entre Lac, Yvain et une demoi-
selle messagère accompagnée de son nain ; elle nous montre la mauvaise répu-
tation des demoiselles errantes et la lutte « féministe » de ces dernières (§§ 131–
137).
Les deux compagnons, malgré une lutte acharnée, sont faits prisonniers à
Escaloine (§§ 138–144).
Après sa victoire sur Daresen, sur les traces de Lac, le Bon Chevalier arrive
à Esegon où il est l’objet d’une vénération profonde car il a libéré autrefois son
hôte des mains d’un géant (§§ 145–159).
Puis, accompagné de Brehus, il rencontre le roi Hoël en compagnie duquel
ils traversent avec succès le pont de Toran l’Orgueilleux. Hoël raconte alors au
Bon Chevalier, qu’il ne peut reconnaître, la récente défaite qu’il lui a infligée ;
le Bon Chevalier réplique en lui rappelant comment, devant toute sa cour, il a
obtenu, par un don contraignant, l’amie que le roi chérissait tant (§§ 160–183).
Hébergé chez un vavasseur, le Bon Chevalier est accusé d’avoir enlevé la
fille de son hôte. Il réussit à le convaincre que l’auteur du rapt est Brun le
Félon qui s’est servi de son propre écu (§§ 184–200).
Ils repartent le lendemain vers Escaloine. Brehus, sur la route, s’amuse à
demander à Hoël quel est pour lui le meilleur chevalier : Meliadus ou le Bon
Chevalier ? Difficile réponse ; le premier est plus fort, le Bon Chevalier plus
acharné et expérimenté. Puis Hoël et le Bon Chevalier font le récit de leurs
défaites réciproques face à Lamorat de Listenois (§§ 201–212) avant de rencon-
trer Hervi de Rivel qui abbat Hoël pour lui prendre sa demoiselle et qui impose
la sienne à Brehus. Hoël quitte le Bon Chevalier (§§ 213–227).
A Escaloine, avec l’aide d’Hervi, le Bon Chevalier libère Lac et est vénéré
par les habitants : il a, en effet, délivré la cité d’un tribut imposé pendant six
ans (§§ 228–248).
Brehus, quant à lui, est tombé amoureux (§§ 239–240) de la vilaine demoi-
selle que lui a confiée Hervi. Mais elle ne médite que sa mort et l’entraîne au
419
XII.2 Rédaction de A(2), tome 2
Nous retrouvons le Bon Chevalier, Lac, Hervi et Brehus chevauchant dans le
froid et gagnés par l’ennui. Aussi, Brehus et Hervi sont-ils heureux d’affronter,
près d’une fontaine, deux chevaliers. Vaincus, ils se séparent du Bon Chevalier
et de Lac pour prendre leur revanche et promettent de se retrouver le jour de
Noël à Quimper-Corentin (§§ 1–7).
Seuls désormais, le Bon Chevalier et son compagnon continuent à marcher
vers la fontaine et se trouvent bientôt attirés par la complainte d’amour dou-
loureuse et désespérée d’un chevalier d’une rare beauté. Une demoiselle qui
l’abreuve d’injures essaie de le pousser à mettre fin à ses jours ; elle est relayée
par un nain qui le roue de coups et auquel le chevalier n’oppose aucune résis-
tance. L’ardeur du nain est arrêtée par une messagère. Après avoir, elle aussi,
couvert de sarcasmes le chevalier, elle le tire de son abattement en lui appre-
nant que sa dame est en danger. Il accepte de l’accompagner pour être son
défenseur face aux deux meilleurs chevaliers du monde. En proie à une intense
curiosité, le Bon Chevalier et Lac décident de suivre leurs traces. Les ayant
rejoints Lac se voit refuser la joute et sa curiosité reste entière. Ils poursuivent,
tous ensemble, la route vers un château du royaume d’Orcanie (§§ 7.43–31).
Arrivé au pont interdit par le Morhout d’Irlande, le Bon Chevalier défait
successivement trois gardiens du pont et provoque le recul des défenseurs. A
cette nouvelle, le Morhout comprenant qu’il vient d’être vaincu par le Bon Che-
valier sans Peur décide de s’amender et de promettre fidélité au roi Arthur
(Uterpendragon, ainsi toujours dans F : §§ 32–42).
La vue du château de l’Escu Loth pousse le chevalier éploré à raconter au
Bon Chevalier, qu’il n’a pas reconnu, une de ses mésaventures : Helayn le Brun
a perdu sa demoiselle car le Bon Chevalier a été abattu par un chevalier à l’écu
d’azur et à l’épée d’argent. Le roi d’Estrangorre termine le récit : il s’est vengé
en terrassant son adversaire que la demoiselle a depuis abandonné pour un
couard (§§ 43–58 ; omis dans F).
Le récit abandonne le chevalier éploré et sa dame qui s’installent pour la
nuit chez une parente. Pendant ce temps le Bon Chevalier et Lac entrent à
l’Escu Loth interdit aux chevaliers d’Arthur. L’hospitalité d’un vavasseur cour-
tois n’empêche pas les deux seigneurs du château d’envoyer une troupe
d’hommes en armes pour s’emparer des deux compagnons. Mais la vue des
deux écus, le lendemain matin, rend perplexes les habitants qui n’osent affron-
ter les héros. Les deux frères, seigneurs du lieu, essaient d’amadouer le Bon
Chevalier qui, loin de renoncer à venger l’honneur du roi Arthur, fait subir
avec Lac aux deux frères une cuisante défaite et leur impose, en guise de sou-
mission et de fidélité à Arthur, d’aller à Quimper-Corentin porter les clefs de la
ville (§§ 59–83).
A Quimper-Corentin le roi se réjouit des nouvelles apportées par les en-
voyés de l’Escu Loth et fait l’éloge des deux héros (§§ 84–89 ; F 84–87). Escoralt
le Pauvre et un des messagers rappellent la victoire d’Escoralt et celle du Bon
Chevalier sur le Morhout d’Irlande et le messager est contraint de raconter sa
défaite devant Escoralt qui lui a donné à cette occasion une leçon de courtoisie
(§§ 90–99 ; omis dans F).
A l’occasion de la cour plénière a été accordé à Bliobéris de Gaunes (Uter
de Kamaalot dans F) l’honneur de présenter à Arthur son épée Escalibor
(§ 100). Certains, à cause de son humble naissance, lui contestent ce privilège.
Gauvain le défend en soulignant qu’il est de la race de David comme Tristan
et Lancelot (§ 101 ; omis dans F). Puis une demoiselle, apportant la tête ensan-
glantée de son frère, vient demander réparation au roi Arthur. Malgré quelques
réticences, le roi accepte de laisser partir avec elle le jeune Ydier (Uter, ainsi
toujours dans F), désireux d’éprouver ses qualités chevaleresques (§§ 102–110).
Le premier soir, un vieux chevalier les héberge (§ 111). Après s’être distrait
en écoutant les récentes aventures de l’Escu Loth, il veut lui-même apporter
son témoignage sur la courtoisie de Lac. A son tour de faire le récit d’une de
ses aventures : pour venger la mort de son père et de son frère tués par Lac, il
a occis le cousin de ce dernier mais, assailli par les gens du chevalier, il est
sur le point d’avoir la tête tranchée lorsque Lac lui-même survient, diffère
l’exécution et, après avoir éprouvé la loyauté de l’hôte, lui offre le château de
son cousin tué (§§ 112–123 ; omis dans F).
Le lendemain, Ydier affronte, sans le connaître, le Bon Chevalier. Sa jeu-
nesse ne résiste pas à l’expérience. Le roi d’Estrangorre décide de remplacer,
dans sa mission, Ydier grièvement blessé et se sépare de Lac (§§ 124–130).
Lac retrouve Hervi et Brehus (§§ 131–134). Ils lui racontent leur mésaventure
pour avoir réveillé un chevalier à l’écu couvert d’une housse noire (§§ 135–137 ;
omis dans F). Brehus choisit d’accompagner Lac (§ 138).
Hervi, désormais seul, est l’hôte d’un vieux chevalier. Celui-ci l’entretient
de la lignée des chevaliers félons et de l’origine de la rivalité entre Lancelot et
Tristan (§§ 139–148 ; omis dans F). Puis il confie à Hervi les raisons qui l’ont
poussé à abandonner la vie chevaleresque : le Bon Chevalier sans Peur lui a
ravi la demoiselle de son coeur qu’il venait de mériter en accomplissant bien
des prouesses (§§ 149–155, omis dans F).
Après la nuit passée au château, Hervi repart et va assister à une scène
stupéfiante : un chevalier tout nu, sauf de braies, maîtrise sous lui un autre
chevalier armé ; il ira jusqu’à lui fendre la tête d’un coup d’épée. Il s’agit de
Daguenet le Fou qui est à la recherche de plusieurs Tristan. Il accepte alors le
défi d’Hervi qui se doit de venger l’honneur du chevalier tué, mais, au moment
de s’élancer, il s’immobilise soudain, appelle la mort à grands cris et s’enfuit.
Il blesse ensuite un chevalier et traverse un fleuve en crue.
Hervi, à sa poursuite, arrive au Château Apparent où un vavasseur lui ra-
conte l’histoire de Daguenet : venant d’épouser la fille du roi Pellinor de Liste-
nois, il doit jouter contre un chevalier de Benoÿc qui lui dispute sa femme.
Pendant le combat, il a confié celle-ci à son ami Hélior qui le trahit en enlevant
sa femme qu’il aime aussi. Hervi s’est ému du sort de Daguenet et repart en
quête du Bon Chevalier (§§ 156–184 ; omis dans F).
Hervi rencontre enfin Danain le Roux. Celui-ci lui impose par un combat
ses deux demoiselles, l’une d’une grande beauté et méchante, l’autre laide
mais courtoise. Elles sont en quête de leur cousin Brehus sans Pitié. Hervi té-
moigne son admiration à Danain et le rassure quant à son prochain combat.
Le texte se termine sur leur séparation (§§ 185–199). Pour la suite, cf. XII.4 de
l’analyse.
Blessé, il est hébergé et soigné par des moines blancs. Vient le rejoindre
Hervi qui devine qu’il est le fameux Chevalier aux armes noires qui vient de
vaincre Uterpendragon et ses preux. Aussi décide-t-il de partir avec lui (Appen-
dice III).
Ils rencontrent une demoiselle et son nain. S’ensuit un alerte dialogue
pleins d’injures et de mépris réciproques (§§ 135–137).
Après une chevauchée d’une matinée, ils entendent un cri et découvrent
un chevalier attaché nu à un arbre qui dans une complainte dénonce les mé-
faits de l’amour ; ils le délivrent. Ils arrivent alors à un château où le chevalier
a peur d’être reconnu. Ils y pénètrent donc de nuit et se logent chez un ami de
Lac qui leur apprend l’aventure de la reine de Norgalles et du roi Marc.
Lac et Hervi, ayant compris au comportement de leur compagnon qu’ils
viennent de délivrer Marc lui-même, lui proposent de libérer la reine du bû-
cher. Cet exploit accompli, ils passent le pont interdit aux demoiselles et ar-
rivent à Laguenon chez le frère de la reine. Elle y renvoie Marc en renonçant à
toute nouvelle aventure. Les chevaliers repartent et Marc quitte ses compa-
gnons (§§ 88–130).
L’apparat critique est disposé en pied de page sur deux alinéas. Le premier
contient toutes les leçons rejetées des manuscrits de base, même les plus insi-
gnifiantes, accompagnées le cas échéant de la mention des manuscrits en ac-
cord avec eux et de la mention des manuscrits qui ont fourni la correction. On
y trouvera, en outre, les nombreux repentirs du copiste et des indications qui
délimitent les passages effacés ou difficilement lisibles des textes421. Le deu-
xième alinéa donne la varia lectio du ms. T, et, pour les §§ 190–197 ; 225–234
celle de M, relevées par rapport au texte de A(2). Les crochets carrés encadrent,
dans quelques cas précis, les syllabes ou lettres illisibles qu’il a été toutefois
possible de rétablir avec quelque certitude ; dans les cas contraires, les cro-
chets, associés aux points de suspension, marquent la place des fréquentes
lacunes du ms. T, endommagé par le feu422.
L’apparat critique est disposé également en pied de page, sous la ligne. Les
variantes sont indexées et numérotées. Lorsqu’il s’agit de leçons rejetées des
manuscrits de base, même les plus insignifiantes, elles sont indiquées au
moyen de lettres (a–x), accompagnées, le cas échéant, de la mention des ma-
nuscrits ayant fourni la correction, et placées en retrait.
Nous avons été particulièrement attentifs aux fluctuations de la graphie
des noms propres ; pour ne pas avoir à en signaler les variations tout au long
de notre texte, nous les avons mentionnées dès la première apparition du nom :
Yvains aux B.M ... (I.2.4)
420 Exceptionnellement, pour des raisons de lisibilité de notre apparat, nous désignons ce
troisième ms. par le sigle M, à la différence de Lathuillère (1966, 54), et en accord avec Bogda-
now (1969a).
421 Cette conception de l’apparat critique est inspirée de celle de C. Régnier, Les rédactions
en vers de la Prise d’Orange, Paris, Klincksiek, 1966, et de C. Fahlin, Etude sur le manuscrit de
Tours de la Chronique des ducs de Normandie par Benoît (suivie d’une édition partielle de la
même chronique), Uppsala, Almqvist et Wiksell, 1937.
422 Lathuillère (1966, 82) et Huon de Bordeaux, ed. P. Ruelle, Université libre de Bruxelles,
Travaux de la Faculté de Philisophie et Lettres t. XX, Presses Universitaires de Bruxelles-
Presses Universitaires de France, Bruxelles–Paris, 1960, p. 12 et variantes du ms. T.
XIII.1 Articles
li – le, les
as – aux
el – ou
eu
423 Nous avons notamment écarté de l’apparat critique les très nombreux cas où le copiste
de T remplace le c du manuscrit de base par un s ou, inversement, l’s de A(2) par un c. Voir,
là-dessus, Introduction. Dans les exemples cités, nous suivons toujours l’ordre : ms. de base
A(2) – ms. de contrôle (T).
424 Cf. infra. En présence, le plus souvent, d’un seul manuscrit de contrôle, nous avons pris,
comme critère de discrimination, l’origine étymologique du mot : seuls les mots dont l’étymo-
XIII.2 Substantifs
Distinction entre cas sujet et cas régime, même lorsqu’il s’agit de substantifs à
formes différentes, tels que :
compeing – compaignon ; traistre – traïtor
XIII.3 Adjectifs
adj. au sg. + subst. au pl. – adj. et subst. au pluriel tous deux :
greignor merveilles – greigneurs merveilles
voir – vray
pietous – piteux
XIII.4 Pronoms
a) personnels :
Qe vos diroie ? – Que vous dirais je ?
li (CR at. ind. masc. et fém., CR ton. fém. et masc.) – luy ; l’en – luy
il – ilz
formes enclitiques
nel – ne le
nes – ne les
logie était différente ont été retenus. Nous n’avons pas, cependant, relevé les variantes par
trop répétitives : conte – compte (conte, narration).
b) démonstratifs
changement à l’intérieur du système donné du démonstratif :
cist – cestuy,
en revanche nous avons relevé tous les cas où l’on changeait de système :
cist – celui, etc.
c) possessifs
t’espee – ton espee
s’espee – son espee
d) relatifs
Qe qe – quoy que
qi – que (pron. rég.) ; qe – qui (pron. sujet)
por qe – pour quoy
e) indéfinis
itel – tel
itele – telle
l’en – l’on
f) pronoms adverbiaux
il a – il y a
XIII.6 Verbes
Unification de radical par l’alignement sur l’une des formes disponibles au
présent de l’indicatif et du subjonctif :
giete – gette
viegnez – veignés
veez – voyés
Alignement du radical sur une forme unique au PS par l’adoption d’un radical
faible :
ting – tenis
conut – congneut
poi – peus
pot – peut
Cependant nous avons relevé feist – fit, SI3–PS3, car désormais la confusion
était possible entre le SI et le PS et que, habituellement, l’s, qui permet de
distinguer le SI du PS, subsiste, comme dans :
feist – fist
peust – peut
receust – receut (SI3),
formes facilement identifiables grâce au contexte.
a) à l’indicatif présent :
ot – oyt ; pues – puis (IP2) ; voil – veulx
b) au subjonctif présent :
aut – aille ; dioiz – dissiés ; dioiz – dittes ; retort – retourne
c) au futur :
orrai – oyray
Infinitif :
reqerre – requerir
secoure – secourir
XIII.7 Adverbes
adonc – adont (tout au long du texte)
anuit – ennuyt
ausint – ainsi
autressint – ainsi
autresint – aussi
ci – icy
defors – dehors
donqes – dont
fors – hors ; defors – dehors
nanil – non
ne guieres – non guieres
nen + voyelle – n’ + voyelle
neporqant – nonporquant
piece a – pieça
qe – car
touz – tout (accord, abs. d’acc.)
veraiemant – voirement (souvent)
vrayement (souvent)
voir – vray (partout)
voiremant – vrayement (souvent)
XIII.8 Conjonctions
autant cum – autant que
cum – comme
ne – ny
por qe – pour quoy
se – si
XIII.9 Prépositions
dusq’a – jusques a (général)
dusqe – jusques
jusq’a – jusques a.
1. (48a) Ora1 dit li contes qe li bon chevalier chevauche vers Sorlois tant cum
il puet por delivrer Dayre, se avanture l’en veut aidier, e por giter le de la prison
del Pont Norgalois. Avec li chevauche tote voies Yvain as Blanches Mains qi
fiuz estoit Daires, einsint cum nos avom conté ça en arrieres, puis q’il se furent
5 partiz de celui chevalier qi Guivrez estoit appelliez, del petit chevalier qe li rois
Artus avoit ocis par tel avanture come nos vos avom conté e tout apertemant
devisé. Il chevaucherent tot celui jor tant cum il b porrent, qar mout desiroient,
s’il peust estre, de tost venir au Pont Norgalois, la ou cil demoroit en prison.
Einsint chevauchent celui jorc cum ge vous cont, mesd cele jornee q’il firent
10 adonc ne fu mie grant, qar il ne pooient chevaucher a lor volanté por lé nois
qi estoient trop granz e trop merveilleuses. Totes voies il chevauchent cele jor-
nee a grant peine e a grant angoisse; e se cele besoigne ne lor touchast si
duremant au cuer cum ele les tochoit, il ne chevauchassent e a celui terme q’il
peussent, qar limons estoit adonc nois e gelé.
1. a Or: initiale à miniature représentant deux chevaliers chevauchant, armés de toutes leurs
armes. Début de la « version particulière » du roman; pour ce qui précède dans le ms., cf.
Lathuillère 1966, § 22 n. 1. Le témoignage de F n’est assuré qu’à partir du § 21.
b il oublié, ajouté dans la marge avec signe de renvoi.
c jor idem.
d mes: l’s en fin de ligne est suscrit.
e chevauchassent: le scribe a oublié la troisième syllabe; il l’a rajoutée dans la marge,
avec signe de renvoi.
1. 1 T. A la place du premier § de A(2), le ms. offre − f ° 24b − une rédaction différente qui
permet de relier le texte de Guiron le Courtois à celui du Lancelot en prose; elle figure dans
notre Appendice II. Pour ce qui précède dans ce ms. cf. Lathuillère 1966, § 161 n. 1 et notre
Appendice I.
2. 1 Q. (ni § ni alinéa dans le ms.) ilz eurent ung jour chevaulché e. …: c’est ainsi que débute
dans T le texte commun.
fort a merveilles. « Sire, fet Yvain2 as Blanches Mains au bon chevalier qui Lac
5 avoit nom, en ceste chastel qe vos veez nos3 covient a nuit gesir, qar en avant
ne porriom nos cestui soir venir a nul herberge qi ne nosa fust trop loinhtains
et o nos ne venissom trop tart. − Vos dites bien verité, fet messire Lac, qar
sachiez qe ge qit savoir tot l’estre de cest païs e les chastieus e les cités (48b)
assez meuz qe vos ne le savez, qar ge l’ai chevauchié plusors4 fois. Et certes,
10 en cestui chastel ci devant o nos devom a nuit dormir, vi ge ja un chevalier de
haut afere e de haute chevalerie garni, et estoit alors molt geune chevalier qant
ge le vi et estoit apelez Daresen e de cest chastel estoit il seignor. De ce me
recort ge bien mes a celui terme ne savoie ge granment plus hardi chevalier de
li. Or est mestier, se ge onqes puis, avant qe nos nosb partom de leienz, qe ge
15 sache veraies noveles de li, s’il est morz o vis. − Sire, ce respont Yvain, or
sachiez veraiament qe enqore n’a mie granment de tens q’il en tenoient parle-
mant en la meison le roi Artu, e distrent auqun chevaliers qi ça avoient esté
q’il avoit devant cest chastel assez vileinement c5 deschevauchié Gauvain, le
nevou le roi Artus, e ne sai qex autres chevaliers qi compeignon estoient de la
20 Table Roonde. Einsint parlerent laienz, de ce me recort ge bien orent droit; et
enqore dist un chevalier, qi le feit avoit veu, q’il estoit apelez Daresen. − Certes,
bien est veritez », fet messire Lac.
2. 2 Yvains aux B. M. ou Yvains CS: 121.34, 123.3, 299.13 …, CR: 87.35, 304.17, 305.8). Cepen-
dant il est des cas où T conserve la même orthographe que le ms. de base: Yvain au CS:
137.7 … et Yvains au CR: 86.5. … Pour d’autres formes de ce nom, cf. 4.22; 4.27 et 40.13.
3 nos omis.
4 l’a cher essayé p.
5 vileinement omis.
3. 1 s. tiroient.
2 Et ung ch.
jor n’avoit rien pris, e si avoit le jor assez travallez, e del mal tens e dou grant 3
froit. Quant il vit venir les deus chevaliers qi venoient tout le grant chemin
armez de toutes armes, il reconut tout certeinemant en soi meesmes qe ce
10 estoient sainz faille .II. chevaliers errant. Il les mostre a ses escuiers e dist:
« Cist sunt sainz faille .II. chevaliers errant; se il ne le fussent, il n’alassent pas
armez einsint cum il vont, meesmemant 4 en sint destroite saison cum est ceste.
Ore aie ge dahez, se ge nes apelerai5 de jostera por veoir q’il me respondront ».
4. Lors prent son escu e son gleive e se haste de chevauchier assez plus q’il
ne fesoit devant e tant fet q’il (48c) vient au grant chemin, si q’il ot adonc
adevanciz1 les deus chevaliers. E lors lor torne la teste dou destrier e lor crie
tant cum il puet: « Seignors chevaliers, a il nul de vos qi joster voille? − Sire,
5 fet Yvains a monseignor Lac, n’entendez vos qe cist chevalier nos apelle de
joster? − Oïl, fet il, ge l’entent bien. − Sire, por qoi donc ne li responez vos
vostre volanté?» E il respont adonc e crie tant cum il puet: « Bel sire, ge ne la
voill ore, la joste; il ne m’en tient ore talant. − Ha! sire, fet messire Yvains, e
ce qe est qe vos dites? A cestui point faut 2 orendroit la costume des chevaliers
10 erranz e certes, se vos a honor3 regardissiez bien, ja d’une joste ne fausissez4
a cest chevalier estrange. − Amis, respont messire Lac, par cele foi qe ge vos
doi, se vos longuemant volez mantenir chevalerie a sauveté de vostre cors et a
honor de vos meesmes, vosa feroiz enqore de greignors defautes qe ceste n’est;
or5 ne m’en blasmez si duremant. − Sire, ce li respont Yvains, ge ne sai qel
15 faute ge ferai, mes tant vos di ge bien qe tant come ge soie si sains de mes
membres con ge enqore sui, la Deu merci, ge ne refuserai joste de chevalier,
se ge n’i savoie trop6 haute honte; e por ce voill ge la joste de cestui. − Coment,
3. 3 et eu de mauvais t. et enduré de g.
4 i. font m.
5 appelle.
dist messire Lac, vos veez q’il est desarmez, e vos sor ce volez la joste?7 − Or
sachiez, sire, fet Yvain, qe s’il fust desarmé come il apert, il ne se meist en ceste
20 joste si hardiemant cum il se met; il est armez desouz sa cote de chacier8. − Je
vos lou, fet messire Lac, qe vos ceste joste leissoiz atant. − Coment, fet messire
Yvains9, vos oez q’il nos apele, e ge la leisseroie? Ja Dex ne m’aït, se ge ne m’i
essaie; or i para q’il m’en avendra. − Gardez qe vos feirés, fet messire Lac, qe
ceste enprise10 est contre ma defense; s’il vos en meschiet, ge ne m’en doi puis
25 entrametre. − Sire, ce li respont Yvains, onqes ne vos entremetez por chose q’il
m’en aviegne ». E lors leisse corre au chevalier; cil li revint a l’encontre, le
gleive beissié. Yveins, qi asez estoit fort e rroide chevalier, fiert le chevalier par
tel force11 qe il lib fet voidier les arçons e le porte dedens la noif. E de tant avint
bien au chevalier q’il ne fu grevez de cele joste fors qe dou cheoir solemant.
30 Yvains gite la main adonc e prent le cheval au frain, qi s’en voloit foïr e le
moine droit au chevalier e li dit: « Montez, sire chevalier, e vos tenez une autre
fois mieuz en sele. Se ge vos ai fet deshonor, or le vos12 ament en tel manere qe
ge vos rent vostre (48d) cheval qe ge avoie gaaignié par reison de chevalerie ».
5.1 Li chevalier vint au cheval e monte; e qant il est montez, il dit a Yvain:
« Sire, grant merci de ceste2 cortoisie qe vos me fetes; enqore en porroiez rece-
voir guirerdon par avanture. E se Dex vos doint bone avanture aprés ceste grant
cortoisie qe vos m’avez orendroit feit, or m’en feites une autre, s’il vos plest,
5 tele cum ge vos demanderai. − Qele, fet Yvains, dites qe vos volez qe ge vos
face. − Je vos pri, fet li chevalier, qe vos viegniez herbergier avec moi en cest
chastel ça devant; e sachiez tout veraiemant qe por la bone chevalerie qe ge ai
trovee en vos e por la cortoisie vos i ferai ge honor e bonté autant 3 come ge
feroie a mon frere charnel. − Certes, sire, ce dit Yvains, de ceste priere acomplir
5. 1 25a, Rubr., COMMENT LE CHEVALIER QUI AVOIT ESTE ABATU REMERCIE MOULT
YVAINS DE LA BONNE COURTOISIE QUE FAITE LUY AVOIT.
2 d. vostre compaignie de c.
3 h. et joye a.
6. Li1 chevalier s’areste adonc qant il entent ceste parole e comence a pensier.
« Qoi pensez vos, ce2 dit Yvains, se Dex vos doint bone avanture? − Certes, fet
li chevalier, ge le vos dirai. Or sachiez qe ge vi orendroit si grant defaute en
cest chevalier e si grant semblant de cohardie qe ge conois tout cleremant qe,
5 s’il ne fust chevalier de trop cheitif afaire3 e de trop povre, il n’eust pas refusee
la joste d’un chevalier; por qoi ge ne l’en priasse4 volantiers, se per vos ne fust,
qar ge ne qerroie qe5 cheitif chevalier entrast en mon hostel. E neporqant por
vostre priere acomplir l’en reqerrai ge, et encontre mon cuer meemes ». Et il
avoit oï totes les paroles qe messire Lac avoit dites a Yvain.6
7. Lors s’en vient a monseignor Lac e li dit: « Sire chevalier, ge sui un chevalier
qi demore en cest chastel ça devant, e mon repaire i ai. Cist chasteux est a moi
et a un mien freire. E por ce q’il m’est bien avis qe outre le chastel ne porriez
vos pas haaisiemant 1 huimés chevauchier, e demorer vos i estuet ceste nuit se
5 vos ne volez demorer en chans2, vos pri ge qe vos viegniez herbergiera a ceste
fois avec moi. E ge vos creant (49a) qe por l’amor de cest chevalier vos i ferai
ge herbergier e feire servise e honor autant cum se vos fussiez le meillor cheva-
lier dou monde. − Bel sire, fet messire Lac, coment me feriez honor3 en vostre
chastel? ja me fetes vos orendroit deshonor e dites de moi vilenie, ne enqor ne
10 savez qi ge sui. − Certes, ce dit li chevalier, ge vos quit auqes conoistre; e se
5. a herbergiez.
7. 1 haaisiemant omis.
2 d. aux ch.
3 comment […] feriés vous h.: l ère ligne de la col. 25c difficilement lisible.
ge dis chose qi vos despleust 4, ge m’en garderai autre fois, et au moins tant
cum vos seroiz en mon hostel. − E ge por cestui convenant, fet messire Lac,
m’irai herbergier avec vos, e plus por amor d’autre chevalier qe de vos, tout
aussint cum vos me herbergiez plus por amor de cestui chevalier qe por amor
15 de moi ». Qant a ce se sunt acordez, il n’i font delaiamant nul, ançois se metent
a la voie e tant chevauchent en tel guise q’il sunt jusq’au chastel venuz. Li
chevalier les moine droit a la mestre forterece de leienz e descendent devant
la porte puis entrent dedenz, tout einsint armez cum il estoient, e s’en vont en
un grant paleiz molt bel e molt riche ou il troverent genz qi trop honoreemant
20 e a trop grant feste reçurent le chevalier qi de chacier venoit. E chasqun li
enclinoit e disoit 5: « Bien viegniez, sire! » Et il lor dit: « Ne me fetes pas honor,
mes fetes tuit honor a cestui chevalier qe ge ai ceienz amené, qe ge vos dis
bien qe ce est un des plus prodomes qe ge veisse a piece mes; si lor mostre
Yvain as Blanches Mains ». Et il s’en vont errament tuit a lui e li funt tote l’onor
25 e toute la reverance q’il poent e le desarment; tuit entendent a li servir6. A
monseignor Lac n’entent nul, si petit non, qar il voient tout cleremant qe li
chevalier qi amenez les avoit leianz e qi freres estoit charneux de Daresen se
travaille tant cum il puet de lui servir7 e de monseignor Lac ne prent cure; por
ce entendent e li un e li autre a Yvain as Blanches Mains, e monseignor Lac
30 leissent tuit a l’entree dou paleis. Messire Lac regarde q’il ferunt, en estant est;
il ne vet avant ne arrieres, ançois atent ses escuiers q’i le viegnent desarmer,
qant il voit 8 bien qe cil de leienz ne prenent cure de li.
8. Atant e vos venir vers eus une vielle dame qi oissi d’une des chanbres de
leienz et ele estoit el paleis venue por ce qe l’en li avoit dit qe venu estoient
chevalier errant qi la nuit devoient leienz gisir. Et ele les voloit veoir, se ele les
pe(49b)ust reconoistrea,1 qar ele conoisoit grant partie des chevaliers erranz de
5 la meison le roi Artus. Qant ele vit monseigneur Lac tout seul a l’entree dou
paleis, qi en tel maniere s’estoit illec arestez ne nul nel regardoit, qar tuit
entendoient a Yvain as Blanches Mains, ele s’en vint tot droit a li e li dit: « Sire
chevalier, qe fetes vos ici? Q’atendez vos? Por qoi n’alez vos avec ces autres
chevaliers? si vos desarmeront; ces armes qe vos portez ne vos font se grever
10 non, ne ne sunt 2 mie trop chaudes en ceste seison. − Madame, fet il, se eles ne
sunt chaudes, ne eles ne sunt si froides qe ge nes aime bien entor moi. Coment
me metroie ge entre vos chevaliers de ceienz qant il ne m’apellent? Il funt
semblant come s’il ne m’eussent veu; qe sachez, madame, en auqun leu a de
plus cortois chevaliers q’il ne sunt. E certes, por la vilenie qe ge voi en els, n’ai
15 ge mie ore volanté qe ge remaigne3 ceianz cestui soir, ainz m’irai herbergier en
autre leu. Lor vilenie lor remaigne4, qe ge troverai, se Dex plest, alqun prodome
qi cortosie me fera, einsint cum l’en doit feire a chevalier estrange ».
9. Quant il a dit ceste parole, il s’en vet outre, e voloit oissir des portes por
aler herbergier en autre leu, mes la dame ne li soufre mie, ainz se lance a li
einsint cum ele puet e le tire par le pan del hauberc e li dit: « En nom Deu, sire
chevalier, ceste vilenie ne feroiz vos ja a cestui hostel qe vos einsint vos en
5 ailloiz puis qe vos i estes entrez; se li chevaliers de ceienz ne sunt si cortois
envers vos cum il devroient estre, ge le vos ferai amender ». Lorsa comance a
crier as chevaliers de leiens: « Seignors chevaliers, qe est ce qe vos fetesb? Por
qoi estes vos si avilenis qe vos si pou de cortoisie fetes a cest chevalier
estrange? Par Deu, ce sera vilenie trop grant, se il se part huimés de ceienz par
10 vostre defaute! » Qant cil de leienz entendent ceste parole, e il veoient qe li
bon chevalier estoit ja oissuz del paleiz por aller s’en en autre part, il s’en vient
a lui li auqant 1 e li dient: « Ha! Sire chevalier, ne vos corrociezc a nos si dure-
mant. Nos pensons2 de vostre compeignon; de ce ne vos devroit peser si dure-
mant. Or penserom aprés de vos ». E il respont qe s’il funt honor a son compei-
15 gnon, il l’en est bel; mes por ce ne li doivent il mie feire vilenie; et il dient qe
ja vilenie (49c)3 ne li feront e le prient tant q’il retorne.
8. 2 vous […] ne vous f. si non greves […] sont: col. 25d abîmée.
3 voulenté de demour[er].
4 ville[nnie … de]moure.
9. 1 a luy aucuns.
2 pensions.
3 dient (?) […] villennie: col. 26 a abîmée.
10. Quant 1 ils sunt leienz entrez, il le desarment e puis le menent au grant feu
qi leienz estoit o Yvains as Blanches Mains estoit ja assis qi mout estoit joianz
e liez de ce qe encontre le defens a son2 compeignon li estoit si bien avenu de
cele avanture; orendroit s’en prise plus q’il ne se fesoit devant;3 e se grantment
5 li chie[t]a de tels cheances, il dit qe por la bataille de son pere ne metra il ja se
son cors non. Einsint 4 monte en orgueilh et en bobant Yvain as Blanches Mains
e … por ceste avanture5 tuit li chevalier de leienz li funt feste e honor tant cum
il poent,6 qar li sires Daresen le comande e dit bien q’il est voiremant chevalier
a cui l’en devoit feire servise e honor e bontés. E por ce li font b volantiers tuit
10 li autre de leienz.
11. La1 ou il estoient en tel joie et en tel feste, e la disoient li uns e li autre de
leienz qe a merveilles ressembloit prodome messire Lac; domage estoit qu’il
n’estoit bons chevalier! E ja li avoit conté li chevalier de leienz le grant sem-
blant de cohardie q’il avoit en lui veu, si qea li un e li autra s’en gaboient e
5 disoient li auqant qe voiremant estoit il molt autre q’il ne ressembloit, qar il
resembloit assez bon chevalier, e si ne l’estoit mie. Messire Lac entendoit bien
toutes ces paroles, mes il ne responoit ne a cestui ne a cest autre, ainz escoutoit
toutes voies et assez l’en chaloit petit.
11. 1 Tous (initiale; passage très modifié et abrégé) commencerent a faire grande feste a
messire Lac, mais tout n’estoit que par maniere de gabois. Et parlerent de moult de
choses et Daresen mit en parolles messire Lac de la maison le roy Artus. Messire Lac dit
qu’il n’y avoit guieres repairé, et pour ce (26b) n’y(?) savoit il guieres […] Et Daresen se
commence a soubzrire comme pour despit et dit: « Dont ne congnoissés vous mie les
bons chevaliers ». Messire Lac y pensoit et respond a chef de piece: « Si fais », dist il,
« j’en congnois deux qu’on tient aux deux meilleurs chevaliers du monde qui sont a
priser de toute chevalerie et sur tous autres chevaliers de toute prouesse. − A! Biau sire,
… » (cf. 17.3).
13. Messires Lac tout maintenent q’il vit Daresen, il le reconut qar maintes
autres fois l’avoit il ja veu; mes mout avoit grant tens qe v[eu] ne l’avoit mes.
Cil ne reconut mie lui, qar tout veraiament qidoit q’il fust morz ja a pieça. Qe
vos diroie? Por ce q’il estoit cortois chevalier e bien ensenhez, reçut il les deus
5 chevaliers au plus bel et au plus honoreemant q’il pue[t], mes l’un reçut il plus
bel qe l’autre, ce fu Yvain as Blanches Mains: por ce qe li un e li autre de leienz
li disoient trop grant bien de li, a lui fist il toute l’onor q’il onqes pot; bel le
reçoit e tant l’onore q’il ne puet plus. A monseignor Lac ne regarde se petit
non, qar de celui avoit il trop povre esperancea.
14. Quant il se sunt entr’els assis devant le feu, qi grant estoit por ce qe li froiz
estoit grant e merveilleux, il comencent a parlier entr’els de moutes choses.
Messire Lac, qi voit qe cil de leienz ne li font ne honor ne feste come il
deussent, pense adés, la teste enclinee vers terre, et il avoit le visage taint e
5 nerci e le col autressint des armes porter, si qe a grant poine le peust nul autre
conoistre a celui point qi devant l’eust veu. Il pense e voit qe tuit cil de leiens,
aussint li fol cum li sage, funt a honor a son compeignon, mes a lui ne regarde
nul qi neb die de li se vilenie non; ce est une chose qi le fet un pou plus pensif
12. a entr’els oublié, rajouté dans la marge et encadré, précédé d’un signe de renvoi.
b Blanches: l’s final est suscrit.
c Dareson.
q’il ne fu a piece mes. La ou il pensoit en tel manere cum ge vos cont, Daresen
10 qi garde s’en prent li dit: « Sire chevalier, qe pensez vos? − Sire, fet cil, ge pens
qe assez m’estuet pensier, qar assez ai atente. Qui mout a a feire et est sages,
n’est merveille s’il est en grant penser. − Sire chevalier, fet Daresen, se Dex vos
doint bone avanture, dites moi qi vos estes. − E por qoi volez vos savoir qi ge
sui? fet messire Lac. − Se m’aït Dex, fet Daresen, ge le vos dirai. Or sachez q’il
15 m’est bien avis qe ge vos aie veu autre fois, mes onqes ne me puis certeinemant
remembrer ou ge vos vi. − Or sachez, fet messire Lac, qe de mon estre ne poez
vos savoir a ceste foiz autre chose fors qe ge sui un chevalier errant e chevalier
qi est a oniemant c, non mie si bon cum ge vouxisse … ge bien ». A ceste parole
respont un chevalier de leienz qi trop estoit celui soir gabez de lui e dit:
20 « Certes, fet il, vos dites voir; voiremant n’estes vos mie si bon cum vos vou-
driez ne cum il vos seroit mestier, e vos l’avez bien mostré cestui soir ».
15. Missire Lac ne respont riens, ançois se test, e Daresen li dit adonc: « Se Dex
vos doint bone avanture, sire chevalier, puis qe vos vostre nom ne me volez
dire, au mains me feites tant de cortoisie qe vos me dioiz de qel contree vos
estes. − Certes, sire, ce vos dirai ge bien, de la contree de Sorlois. − Certes, ce
5 respont Daresen, se vos estiez bon chevalier ce seroit ausint cum une avanture,
qe Dex le set qe de celui païs ne vi ge enqore venir fors un bon chevalier, ce
est li Rois de Cent Chevaliers; e neporqant, de cele contree n’est il mie nez,
mes voiremant il i rrepaire et est parant charnel de celui qi orendroit en est
seignor. − Coment q’il soient bon o malveis, fet messire Lac, toutes voies sui
10 ge de l’onor de celui païs e lai demor. − Et en la meison le roi Artu, fet Daresen,
fustes vos onqes? − Certes, fet il, nenil; onqes n’i demorai ne onqes le roi Artu
ne vi fors auqes novelement. − E non Deu, fet Daresen, qant vos en l’ostel le
roi Artu ne fustes, il m’est avis qe vos ne porriez estre bon chevalier, qar nos ne
tenom orendroit nul home a bon chevalier se il en celui ostel n’a fait demore ».
16. A ceste parole respont messire Lac e dit: « Sire, vos parlez mout hardiement
des bons chevaliers, mes certes, plusors en parolent qi assez petit les
conoissent. − Ge croi bien, fet Daresen, qe vos en savez petit. E savez vos por
qoi? Por ce qe vos avez petit demoré entre les bons chevaliers. Mes certes, se
5 vos eussiez en la meison le roi Artu granment demoré, vos en coneussiez plus
qe vos n’en conoissiez, qar ilec demorent li prodome. − Certes, ce dit messire
Lac, ge ne blasme la meison le roi Artu q’il n’i ait de prodomes assez. Mes qi
a droit voudroit regarder haute proece de chevalerie, il n’i troveroit orendroit
nul chevalier parfit de bonté de chevalerie, qar sans faille en cestui monde ne
10 sunt orendroit fors deus chevaliers qi facent a prisier de haute chevalerie sor
toz autres chevaliers, ne cil dui n’i sunt mie ». Li chevalier qi Daresen estoit
appellez, qant il entent ceste parole (50b) drece la teste e dit: « Coment estes
vos si certainz de bons chevaliers conoistre? qe vos conoissiez sainz dote les
.II. chevaliers qi sunt meillors de touz autres qi ore portent armes! − Certes, fet
15 messire Lac, oïl, voiremant les conois ge. E sachiez por verité qe cil ne se doit
tenir por chevalier qi ne les conoist. − En nom Dé, fet Daresen, se vos les deus
meillors chevaliers conoissiez, bien donc di ge qe vos n’estes mie de Sorlois,
qar certes, en Sorlois ne repeirent pas acostumeemant si prodome cum vos
dites. E se Dex vos doint venir a honor de chevalerie plus qe vos enqore ne i
20 venistes, dites moi selonc vostre scient qi sunt les meillors deus chevaliers dou
monde e cels qe vos plus prisiez orendroit ». Messire Lac respont tout mainte-
nant e dit: « Certes, fet il, deus chevaliers sunt eu monde qi funt a prisier de
chevalerie e de toute proece sor touz autres chevaliers. E ge seroie appareilliez
de prover ceste chose en la meison le roi Artus encontre un autre chevalier de
25 mon afaire ».
17. Quant Daresen entent ceste parole, il comença a sorrire mout fort e puis
respont aussint come en gabant, qar il ne qidast mie qe cil fust si certeins de
ceste chose cum il estoit: « Ha! bel sire, fet il,1 por Deu, puis qe vos avez si
merveilleusemant toute chevalerie donee a deus chevaliers, qar me dites qi cil
5 .II. chevalier sunt, si le savrai. − Certes, fet cil, ce vos ferai ge volantiers. Or
sachiez tot veraiament q’il n’a chevalier orendroit el monde fors .II. chevaliers
qi droitemant soient parfit de chevalerie: li uns en est li Bon Chevalier senz
Peor2 e li autres li rois Meliadus de Leonois;3 cil dui passent orendroit sanz
faille de bonté de chevalerie touz autres mortex chevaliers. − E non Deu, fet
10 Daresen, sire chevalier, ge ne sai qui vos aprist a conoistre prodomes, mes4 ce
di ge bien seuremant qe cist dui prodome sunt bien orendroit li melhors cheva-
liers qi a cestui tens portent armes entre chevaliers erranz e por ce m’i acort
ge a vostre parole. E neporqant, por ce qe ge voi bien qe vos n’estes si novel
17. 1 f. Daresen.
2 u. si e. l. B. Ch. sans Paour (ainsi toujours, sauf au § 202.5−6, relevé à sa place dans
l’apparat critique).
3 Lionnois. (de même 18.7).
4 (jusqu’à la fin du §) m. moult bien les cognoissés; mais bien en y avoit d’autres bons
a merveilles qui repairoient a l’ostel du roy Uterpandragon qui estoient chevaliers parfais
et acomplie.
ne fust el conduit de si prodome cum ele estoit, ele eust bien receu a celui tens
20 guirerdon de sa vilenie; mes cil qi la condusoit l’en garanti9 de ces .IIII. cheva-
liers qe vos avez ici nomez. Il est bien verité q’il estoient de trop haut pris et
de trop haute renomee, mesc por toute cele renomee ne remest qe li chevalier
as armes noires ne feist a chasqun d’els toute honte e toute vergoigne,10 e par
cop de lance. E certes, ge ne croi mie qe a vostre tens eust meillor josteor en
25 tout le roiaume de Logres qe celui estoit dont ge (50d) vos dis; ce ne sai ge s’il
estoit si bon a l’espee cum il estoit a lad lance ».
19. Missire Lac, qant il entent ceste novele, reconoist tout certeinemant a la
verité de cestui conte, qar il meemes estoit celui qi les armes noires avoit por-
tees a cele feste dont celui avoit parlé. E por ce n’en vet il plus enqerant,1 qar
mieuz savoit il tout celui feit qe cil meemes ne savoit. Mes Yvains as Blanches
5 Mains qi ot oï encomancier2 celui conte, ne enqore n’estoit feniz, et est deziranz
de l’oïr, dit au chevalier qi Daresen estoit appellez: « Bel sire, puis qe vos vos
estes acordez a ce qe a cele cort vindrent li .IIII. meillors chevaliers qi a celui
tenz estoient, selonc ce qe juge cist seignor e vos meesmes vos i alez auqes
acordant, et 3 aprés dites qe tuit .IIII. reçurent honte e vergoigne par celui seul
10 chevalier qi les armes noires portoit, por ce qe cestui conte resemble une grant
merveille − qar merveille est coment .IIII. chevaliers si prodomes cum4 cil
estoient porrent recevoir honte par le cors d’un seul chevalier −, vos pri ge qe
la verité de celui conte nos façoiz5 asavoir e nos contoiz, s’il vos plest, coment
cil .IIII. predomes porrent estre vergoignez par celui seul chevalier, qar certes,
15 ce est une chose qi bien doit estre contee entre chevaliers por ce qe merveille
resemble. Et enqore vos pri ge qe se vos savez le nom dou chevalier qi les armes
noires portoit, qe vos le nos dioiz; adonc savromb certeinemant vostre conte tout ».
18. 9 la garentit.
10 e toute vergoigne omis.
armes n’i portassent, e tant cum la trop bon a l’espee. Li rois Bohors
cort duroit i pooient demorera,2 mes estoit le meiellor josteorc deho
se puis i fussent trové, malemant lor monde, e li rois Ban estoit si mer-
20 alast. A cele cort don ge vos cont vin- veilleus a l’espee qe pou trovaste l’en 20
drent tuit li bon chevaliersb qi a celui meillor de lui; einsint estoit lor pro-
tenz fussent entre les crestiens:3 li esce devisee, qe li uns estoit boen a le
rois Bans de Benoÿc4 i vint e li rois lance e l’autres a l’espee. Il furent
Boorz,5 si freres. A celui tens estoient receu a cele feste si hautement con
25 cil dui frere de trop haute renomee l’en devoient estre, car tuit en furent 25
par la bone chevalerie dont il estoient liez, grans et petit, e si estoit ja .IIII.
garniz qar, a la verité dire, il estoient chevaliers des meillors dou monde,
de trop haute proece selonc ce qe tot qar il i estoit li rois de Strangore, cil
le monde disoit. Et estoit aussint cum qi por son hardement estoit apellés li
30 une fiere merveille de lor feit; qar li Bon Chevalier sans Paor, e li noble 30
uns estoit trop bons de la lance e de rois Meliadus de Leonois e Lamorat
la joste, li autre n’estoit mie si bons de Listenois, de cui chevalerie tos li
de la lance, mes de l’espee estoit monde parloit, e Danayn le Rous. Tuit
meillor. Li rois Boorz6 estoit bien le cist .IIII. i estoient venus a ceste feste.
35 meillor josteor qe l’en seust adonc ne Et li rois Meliadus i estoit venus por 35
loing ne pres, li rois Bans estoit a veoir Lamorat de Listenois, de cui
l’espee si merveilleus q’a paine tro- chevalerie parloit tous li monde, e por
vast l’en meillor de lui; et einsint ceste envie i estoit li rois venuz por
estoit lor proece devisee, qar li uns esprover soi cors a cors encontre lui.
40 estoit bons a l’espee7 e li autre de la
lance. Il furent a cele feste e del 8 roi
21. a i pooient demorer oublié, dans la c 2−18. cort … josteor: certains mots très
marge avec signe de renvoi. effacés.
b L’s de chevaliers abrégé, ajouté en
interligne.
22. Quant cele cort fu assemblee en Quant cele cort fu asenblee si belle e
tel guise cum ge vos coint, e la avoit si riche con je vos di qe ce estoit mer-
(51b) tant de prodomes, e la cort avoit voille de le veoir, au tiers jor avint
ja duré .II. jors entiers, si riche e si entor hore de prime qe tous li prou-
5 merveilleuse que ce fu bien sainz dom estoient dedens paveillons dou 5
faille une merveille de veoir, au tiers rois, e ce estoit en la praerie de Kama-
jor droitemant avint entor hore de [lot, atan]t e vos venir entr’elz un che-
prime qe ja estoient tuit li prodome valiers armés de toutes armes noires,
venu a cort et il tenoient celui jor la sens autres entraseignes, e venoit
10 cort defors1 la cité, en la praerie de avec [une] damoisselle montee sor un 10
Camaalot. La ou il estoient tuit assem- noir palefroi; e se aucun me deman-
blé en la praerie2 en tres et en pa- doit qi estoit li chevaliers, je diroie qe
veillons et il entendoient tuit a feire ce estoit monseigneur Lac, qi mult
feste, atant e vos entr’els venir li che- estoit de grant proesce garni, si con li
15 valier as armes noires; cil portoit escu contes vos devissera ça avant. La 15
noir et armes noires tout enterine- damoiselle vint con la teste desco-
21. 9 compte.
10 a c. en nulle maniere du monde.
mant,3 e menoit avec soi une damoi- verte et sez trecez par ses espaulles. A
sele qi estoit bien sainz faille une des celui tenps qe il vindrent laiens, le
plus beles damoiseles qe ge veisse en rois estoit asiz au desnier a si grant
20 tote ma vie. La damoisele venoit molt conpagnie e a si noble qe ce estoit 20
richemant montee sor un palefroi nor- mervoille del veoir seulement. Celui
rois et 4 avoit sa teste toute descoverte jor ne l’autre n’i estoit venue nulle
e ses treces par ses espaules. A celui [aventure] dont li rois se merveilloit
jor estoit li rois Uterpandegron assis grantment. La damoisellea s’en vait
25 au disnier a ssi grant compeignie e a droit devant lé paveillons le rois mult 25
ssi noble qe ce estoit mervoille del orgueilleusement e puis descent, e li
veoir seulemant. E celui jor ne l’autre chevaliers as noires armes autr[essin]t.
devant n’estoit nulle avanture avenue La damoiselle s’en vint devant le roi
a son hostel, dom il se mervoilloient mult abandoneement; asez la ragar-
30 estrangemant.5 derent e li uns e li a(74b)utres, qar 30
belle estoit estrangement. Qant li roiz
la voit venir, i se aste de saruer la
avant qe elle lui, por ce qe il cudoit
qe elle li aportasseb novelles. La
damoiselle respondi: « Dex vos doint 35
bonne aventure si con vos vorois
avoir ». Qant elle ot ce dit, elle enco-
mence sa parolle en tel mainere.
23. La damoisele1 qant ele vint entre les paveillons demainde maintenent o
estoit le paveillon au roi Uterpandegron, e l’en li mostre. E ele s’en vint droit
dusqa la, e tant orguelleuse2 qe ele ne velt 3 descendre dusqe tant qe ele fu
venue pres de la table le roi Uterpandegron. Cil qi la virent venir en tel manieire
5 e virent qe ele ne descendoit, distrent entr’els errament q’il ne porroit estre4
23. 5 apportast.
6 p. au r.
7 Elle vint d.l.r. et luy a.
8 qar bele estoit omis.
9 se répété d’un feuillet à l’autre.
10 h. d. la saluer tant q. i.
11 s. devant qu’elle luy.
12 b. veignés vous.
13 respond.
tele renomee cum tu sés e come cil de tu terre en guererdon de son servisse,
ta cort recordent, te servi tant cum tu e ce fu en la marche de Norgales ea
15 sés e si te fist par maintes foiz bontez de Sorloys. E aprés qe il fu mors en 15
e cortoisie; ce set li roiaumes de la feleneusse bataille ou tu le meistes,
Logres e tu meemes5 n’en dotes mie. por ce qe il en ton servisse fu mors,
Por la bonté, por le servise q’il te fist feis tu un mien frere chevalier e li
par tantes foiz e por ce q’il tout adés donas tu toute la terre qui men pere
20 escrut et essauça l’onor6 de toi a tout tenoit. Aprés avint qe men frere laissa 20
som pooir, li donas tu terre et honor le servisse de ton hostel e torna a la
en garerdon7 de son servise en la segnorie des Romains e fu contre toi.
marche de Norgales8 e de Sorloys.9 Et Un dé avint qe, aprés la desconfiture
aprés ce q’ il fu mort en la felenesse qe tu feiz encontre tes hennemis, tolis
25 bataille ou tu le meis, por ce q’en ton tu la tere a mon frere e tant feis tu par 25
servize fu morz, feis tu a celui tens ta cortoissie qe tu la me rendist por
d’un10 mien frere chevalier e li donas l’amor mon pere. Rois, la merci de
toute la terre qe mi peres avoit tenue. Dex e la toe, ge ai tenue la terre troiz
Aprés avint qe mi freres par sa folie anz e plus, mes
30 leissa le servise de ton hostel e se
torna a la seignorie dou roiaume de
Sorlois e fu encontre toi en la grant
bataille de Campercorretin de la Fo-
reste. Aprés cele grant desconfiture et
35 aprés cele grant occision qe tu feis a
celui point de tes enemis, toussis tu
24. 11 e. tu tollis l.
12 et rend la c. q.
13 p. la mort de c. Celuy avoit e.
14 m. propres et manoirs a m.
15 ne a. maintenir je.
16 t. es mon p. t. [m’es] s.: col. exté-
rieure et mutilée 27d.
17 si te p.
25. Quant la damoisele ot en tel guise Li rois qi mult estoit corrouciés li res-
parlé devant le roi Uterpandegron, ele pondi tout maintenant e dit: « Damois-
se tut, e fu toutes voies en estant selle, se Dex me sahut, bien me
devant la table. Assez la regardoient recorde de vostre pere: preudom fu e
5 e li uns e li autres volantier por ce qe bon chevalier e tout adés a fait il 5
a merveilles estoit bele. Li rois qi molt l’onor de ma coronne de tout son
estoit cortois li respondi tout mainte- poir; e por l’amor de lui donai ge la
nant: « Damoisele, se Dex me saut, tere a vostre frere e puis la li touli par
bien me recort de vostre pere; pro- sa deserte, et puis la vos donai ge por
10 dome fu, bon chevalier fu, e tout adés l’amor de vostre pere. E qant il est 10
essauça il de1 tout son pooir ma einsint avenus qe tollue vos est
corone; por amor de lui voiremant encontre l’onor de moi, dire poés qe
donai ge la terre a vostre frere, e li toli ceste tere ne remandra pas longue-
por sa deserte. Aprés2 ce la vos donai ment a vostre frere, car je menderai
15 ge por vostre pere e non por autre. E avec vos telz home de mon hostel qi 15
qant einsint est avenu q’il la vos a vos metra en saisine ». Aprés ceste
toloite3 par force et encontre l’onor de parolle ne atendi plus la damoiselle,
moi, ore sachiez tout veraiamant q’il ainz li cort maintenant baissier le piez
est mestier qe ge la vos face rendre; e puis se remist n’estant.
20 dire poez seuremant qe ce est la terre
qi ne remaindra longemant a vostre
frere. E q’en diroie? Ge la vos rent tout
orendroit. Ge manderai de mon hostel
avec vos tel home qi vos metra en sei-
25 sine et en metra fors vostre frere.
Covient il plus en tel besoigne?»4
Aprés ceste parole n’i atendi5 plus la
25. 6 court.
7 les piés.
28. A1 ceste parole respondi2 li rois A ceste parolle respondi li rois Uter-
Uterpandegron e dist: « Bel chevalier, pandragonz e dist: « Dan chevalier, se
se Dex vos saut,3 tendriez vos a grant Dex vos saut, tendrois vos a grant
sen se4 ge en si dure besoigne cum est sens qe en si dure bataille conme est
5 ceste voloie chevalier mander qi5 cest envoiasse chevalier qe ge ne 5
bonté ge ne coneusse? Or sachiez qe coneusse? Or sachiés qe li chevaliers
li chevalier dont se plaint ceste dont ceste se plaint est bon chevalier
28. 6 p. manderay a b.
7 Ge li … affinier omis.
8 je ne s. en luy moult grant bonté.
30. Li rois1 qant il entendi la damoi- Quant li rois entendi parler la damoi-
sele qi parloit si apertemant, e devant selle si ardiemat, e devant celz cheva-
le chevalier meemes, comença a sor- lier meesmes, il comence a sorire
rire, qar bien qidoit q’ele deist verité. mult fort, car bien cuide qe elle die
5 Et il dist adonc au chevalier: « En verité; e puis dit: « En non Dex, sire 5
nom Deu, sire chevalier, or ne chevalier, or ne vousiste je mie qe je
vouxisse ge mie qe2 ge vos eussea vos eusse otroié cest don, qar aprés
otroié cestui don, qar aprés cestes ces novelles qe ceste damoiselle me
noveles qe ceste damoisele m’a conté contes de vos, fusse je tart au repen-
10 de vos fusse tart au repantir. − Sire, tir. − Sire, ce dit meser Lac, cil qi croit 10
ce dit li chevalier, cil qi croit trop trop legierement se trove sovent
legieremant se tient sovent 3 deceu; si deceus; si haut home con vos estes e
haut home cum vos estes e ssi si vaillant ne doit mie croi(74d)re as
vaillant ne doit si legieremant croire paroles d’une damoiselle. Or sachiez,
15 as paroles d’une damoisele. Or sire roiz, qe se vos a sez parolle creez, 15
sachiez, rois, qe se vos creoiz ces
paroles, enqore verroiz vos tele ore qe4
vos vos en repantirez. Rois, ne creez encor vos porois repentir. Rois, ne
si de legier ne ne me fetes tel ver- crois si lejermant, ne me tolez le don
20 goigne qe vos me toliez le don qe ge qe m’avés doné! Chevalier sui, e bien
vos demant; chevalier sui: ne fetes sachiés veraiement qe se ge ne me
honte a chevalier! E ge vos di une sentisse hardiment por qoi je peusse 5
autre chose.5 Or sachiez tout veraie- mener ceste chosse a fin honoree-
mant qe se ge ne sentisse en moi6 ment, je ne me i meisse en tel guisse
25 bonté e proece de cestui fet mener a con je me i met. Creez moi ceste
fin honoreemant, ge ne m’i meisse en chosse e ne metés vostre senz a
tel guise cum ge m’i met; creez moi, parolles de cest damoisselle. Je sai
rois, de ceste chose e ne metez le bien qe preudome est li chevalier a
vostre7 sens a parole de damoisele. Ge cui je doi aler, mes sanz faille il
30 sai de voir qe prodom est li chevalier n’avra duree a moi; si fas follie de
a cui vos me volez mander, mes ge sai vanter moi en tel mainere! »
bien q’il ne porra contre moi durerb;
si fas folie qe ge me vant en tel ma-
nere! »
31. Quant 1 le rois entendi ceste van- Qant li rois oï ceste responzse, adont
tance, adonc ot il peior esperance de ot il peior esperance en lui qe il
li q’il n’avoit eu devant, qar il n’avoit n’avoit eu devant, car il n’avoit pas
pas apris qe nul chevalier se vantast apris qe nul chevalier se vantasse en
5 en tel maniere. E respondi adonc tout tel mainere, e lors dit il: « Sire cheva- 5
planemant: « Sire chevalier, or sachiez lier, or sachés tout veraiement qe je
tout veraiamant qe ge ne vos mande- ne vos manderai en ceste bessoigne,
rai mie en ceste besoigne, ge mande- ainz i manderai meillor de vos, se je
rai assez meillor de vos, se ge onqes unqes puis. − Rois, ce dit meser Lac,
10 puis. − Rois, respondi li chevalier, ge je croi bien qe il hait en ton hostel 10
croi bien a mon esciant q’il 2 ait ore en aucun meillor chevalier de moy, mes
cest ostel (52c) meillor chevalier de toutes voies, a voir dire, qi est cil qe
moi; mes toutes voies, a voir dire, se vos manderés en cestui fet qui soit
Dex vos doint bone avanture, qi est plus hardis de moy? − Qi est? fet li
15 celui qi vos manderoiz en ceste rois; en non Deu, ceens n’a asez! − 15
besoigne plus hardiemant de moi?3 − Rois, fet meser Lac, qant vos si grant
Qi il est? dist li rois,4 e non Deu, dist honte me fetes qe vos sor moi mande-
li rois, ceianz en a assez. − Rois, res- rés autre chevalier en cest bessoigne,
pondi li chevalier, qant vos si grant il m’est avis qe a cestui point ne me
20 honte me fetes qe vos sor moi volez porois feire greignor honte; e qant vos 20
mander un autre chevalier en ceste honte me feites la o vos me devriés
besoigne e vos par cestui fet mostrez honorer por ce qe chevalier estrange
qe voz chevalier ne me tenez, il m’est sui, sachez veraemant qe je ferai
avis qe a cestui point ne me poez vos desormés honte e vergoigne a ton
25 feire greignor honte. E qant vos des- hostel tant con je porai e me ne irai a 25
honor me fetes la ou vos honor me toute ma honte; mes se je de ceste
deussiez faire, au meins por ce qe honte ne me veng asez prochaine-
chevalier estrange sui, or sachiez tout ment, ne me tenés por chevalier! »
veraiamant qe ge ferai des or mes
30 honte e deshonor a vostre hostel tant
cum ge porrai; si m’en irai a tant a
tote ma honte et a toute ma ver-
goigne, mes se ge cestui fet ne
venche, et assez tost, ne me tenez a
35 chevalier! ».5
32. Li chevalier tout maintenant q’il Tout maintenant qe meser Lac ot dit
ot dite ceste parole n’i fist autre cest parole, il ne fet autre delaiement,
delaiement, ainz oissi fors dou ainz insi deo paveillon e monte e se
paveillon e vint a son cheval e monta parti de iluec entre lui e sez excuer.
5 e se departi d’ilec entre li e ses La damoiselle estoit toute vois devant 5
escuiers. La damoisele remest devant li roiz e atendoit qe il meisse conseil
le roi qi atendoit toutes voies qe1 li en son afeire, einsint con il li avoit
rois meist conseill en son afaire, ein- promis. Celui jors se acorde li rois e li
sint 2 cum il li avoit pramis. Celui jor, austrea baronz qu’il briseront lances
10 aprés hore de disnier, s’acorderent 3 li aprés disnier, e li rois Uterpandra- 10
roi e li autre baron q’ilec estoient q’il gons meesmes dit qe il porteroit
briseroient lances entr’els e porte- armes avec elz. Aprés celui parlement
32. 1 r. car toutesvoyes elle attendoit que. a Ms. aus: mot incomplet
2 m. son fait en conseil ainsi.
3 d. midi s’a.
33. Quant il orent en tel maniere cum Quant il horent encomenciés le bri-
(52c) ge vos cont comencé le briseiz seis des lances, aprés ce ne demore
des lances, aprés ce ne demora1 gue- gueires qe devers la foreste vint li
ires qe devers la forest vint li cheva- chevalier as armes noires, cil qi Lac
5 lier as noires armes e menoit en sa estoit només, e menoit en sa conpa- 5
compeignie dusq’a .III. escuiers don gnie dusque .IIII. escuiers dont chas-
chasqun d’els portoit bien dusq’a cuns li portoit .IIII. glaives gros e mer-
.IIII. gleives grosses a merveilles. Li veillos. Meser Lac meesmes portoit
chevalier meesmes as noires armes son escu au col e un glaive au poing,
10 portoit son escu a son col e un gleive cort e gros, e s’en venoit a le petit pas 10
an son poing gros assés2. Il ne venoit 3 de son cheval, la teste enclinee vers
mie grant oirre vers l’assemblee, ainz tere, pensant, parmi la praerie de
venoit le petit pas, e venoit la teste Kamalot. E quant il fu pres de l’asen-
enclinee, ausint come chevalier qi blee, il se mist mantenant as rencs
15 pense. En tel maniere cum ge vos (75a) e avint per aventure qe le pre- 15
cont s’en venoit li chevalier parmi la mier qe il encontre estoit li rois Uter-
praerie de Camaalot. E qant il aproche4 pandragonz. E meserr Lac le fiert si
de l’asemblee, il se mist mantenant es durement en son venir qe tout fust il
rens, e si avint en tel maniere qe le de merveilleusse proesce e force, si ne
20 premier chevalier q’il encontra a cele se puet il tenir en selle, tanta fu hurté 20
fois si fu5 le rois Uterpandegron si feleneusement qe il fu abatus a la
meemes. Li chevalier feri le roi si roi- terre. Qant meser Lac hot abatus li
demant en son venir qe tout fust 6 li rois qe il ne conosoit mie, il s’en vait
rois plains7 de merveilleuse force, si oltre, bruiant come ventb, e lor avint
25 ne se pot il tenir en sele, tant 8 fu dur- en tel mainere qe il encontre li rois 25
emant hurtez, ainz vola des arçons a Bohors de Gaunez; si s’entrefierent
terre. Li chevalier, qi le rois ne reco- andeus sor l’escuz de toute lor force,
noissoit mie, qant il ot fet celui cop e tout fuste li rois Bohors le meillor
s’en ala outre, bruant come foudre. E josteor deho monde, si fu il feru si
30 li avint en tel manere q’il encontra le durement qe il fu porté par terre, lui 30
roi Boort de Gaunes; tout autretant e le cheval, tot en on mont. Qant il
cum il avoit 9 fet dou roi Uterpande- hot sez deus abatus e pluseor autres,
gron fist il dou roi Boort q’il abati cil qi armes ne portoient e qi touz
errament de cele joste. Qant il ot ces regardoient encomencerent a crier:
35 .II. abatuz, e ne sai qanz autres10 che- « Trop le feit bien le chevalier as 35
34. Puis q’il vit en qel maniere li che- Puis qe il vit qe meser Lac les aloit
valier as armes noires aloit abatant einsint abatant, il ne fet autre demo-
les uns e les autres, il n’i fist autre rance, ainz laisse corre vers lui e
demorance, ainz li leissa corre tout meser Lac ausint a lui. E qant vient au
5 maintenant le gleive beissé; mes tout joindre des glaives, meser Lac le fiert 5
autant come li noirs chevaliers avoit si asprement qe il le porte a la terre
fet des autres, fist il de celui, qar il par desuz la crope deu chevaus e
l’abati maintenant. Aprés abati il le brisse son glaive e puis s’en fait
roi Melyadus de Leonois e pueis li baillier un autre qe sez escuer por-
10 Bon Chevalier sainz Peor. Et au der- toient. Et la u il voit le roiz Meliadus 10
rain josta il a Lamorat de Listenois, qi a la joste trahoit, l’escu au col, la
mes cil le navra mout duremant; e lance au poing basie, il laise corre a
neporqant (53a) li chevalier as noires lui e le fiert si durement que il l’abati
armes le porta a terre de cele joste e a la terre, navrés molt duremant. Le
15 l’abati mout cruelmant. E por ce q’il roi d’Estrangores, qi por sa proesce 15
se sentoit navrez se parti adonc de estoit apelés le Bon Chevalier sanz
cele assemblee, qar aprés celui cop qe Paor, li revient aprés, e qant meser
Lamorat de Listenois li avoit doné ne Lac le voit venir, il ne fait senblant qe
pot il porter armes. Por ce1 voiremant il le redote de riens, ains li vient a
20 q’il ne voloit mie q’il fust arestez a l’encontre au ferir des esperons e le 20
cele fois, ne por le roi Uterpandegron fiert si durement qe il fist autretel de
ne par autre de cele assemblee, gita il lui con il fist des autres. E qant Lamo-
son escu a terre e s’en ala en tel rat de Listenois voit ce qe li chevalier
maniere tout sans escu e se departi de as armes noires fassoit, il s’en vient
25 cele plassce si sagemant qe nus ne se cele parte tot droit por jouster a lui. E 25
puot 2 apercevoir de son departimant qant meser Lac le voit venir, il le conut
fors qe si escuiers tant solemant. En tout maintenant a l’escu qe il portoit,
tel maniere cum ge vos ai conté abati e por ce se adrece vers lui e met cuer
li bon chevalier as armes noires les e force por ce qe a proudom se devoit
30 .IIII. chevaliers qi a celui tens estoient joustrer. E qant vint au joindre des 30
tenuz por les .IIII. mellors dou gleivez, Lamorat le fiert si durement
monde. En tel maniere li fist il honte que il brise son glaive e li fist une
e deshonor e se departi d’els si sage- grant plaie en mi le piz. E meser Lac
mant q’il ne sorent qel part il s’en fiert lui de si grant erre, a ce que il i
35 alast.3 Si vos ai a cestui point finé mist toute sa force, qe il le porte a la 35
mon conte e devisé tout plainement tere navrés mult durement. E qant il
ce qe vos me demandastes ».4 voit q’el avoit abatus tuit li proudomes
qui iluec estoient e qe les autres
estoient si espoentés qe n’i avoit nulz
qi l’atendist, il se parti de la meslee, 40
ensi navrés con il estoit, si coiement
qe nulz ne s’en aperçoit, fors qe sez
escuiers. Il gete son escu a terre et s’en
ala sens escu vers la foreste qui pres
estoit e se feri dedenz »a. 45
35.1 A celui point qe li chevalier qe ge vos conte devisoit en tel maniere celui
conte dou chevalier qi Lac estoit apellez, e devant li meemes, la vielle dame,
35. 1 Avant de donner, comme A(2) le texte du § 35, le ms. T (f ° 29b−c) fournit une rédaction
différente (cf. le début de la version de A(2) dans ce ms, f ° 24a) qui permet de l’introduire.
Ce texte est illustré par une miniature avec encadrement de rinceaux de fleurs et de
feuillages. 29c, Rubr., COMMENT LA DAME DU LAC QUI VIVIENNE AVOIT NOM
REQUIERT A LICANOR QU’I LUY DIE NOUVELLES DES CHEVALERIES DE MESSIRE LAC.
Quant (grande initiale) la Dame du Lac qui Viviane s’appelloit et son nourrisson Lancelot
eurent oÿ ce compte, il leur pleut moult et agrada de mou grant maniere. Si commença
cele qi l’avoit arestez qant il volt de leienz oisir, estoit ilec presentemant; ele
ot tot le conte escouté et entendu des le comencemant dusq’a la fin. Qant cil
5 ot son conte finé, ele sospire de cuer parfont e dit adonc em plorant, si qe les
lermes li viegnent as euz dusqe sus sa face: « Lasse! fet ele, cum sui morte!
Cum doi estre triste e dolente! Tout hardiemant puis ge dire qe voiremant n’ot
il nulle dame el roiaume de Logres, ja a grant tens, del tout si mescheant cum
ge sui, qi perdi en tel manere si riche porteure cum ge avoie; de celui jor qe ge
10 fis cele tres grant perte me deusse ge estre ocise a mes deus mains: si fust lors
ma dolor finee a un seul cop! » Lors2 regarde Daresen qi celui conte avoit conté
e dit: « Sire, vos m’avez mes dolors renovelees; avis m’est qe vos m’aiez feru
orendroit d’un gleive parmi le cuer, e feru m’ia avés sans faille qant vos m’avez
ci ma dolor remanteu. − Dame, ce respont Daresen, coment vos ai ge en cestui
15 conte ramenteu vostre dolor? − En non Deu, fet ele, ge le vos dirai; si ne le vos
(53b) dis onqes, mes ce savez vos tout certeinemant qu’il a ja plusors anz pas-
sez qe ge vins ceienz par tel avanture cum vos savez: vos meesmes m’ame-
nastes e m’i feistes remanoir tout 3 encontre ma volanté. Assez me demandastes
puis qi ge estoie e dont ge estoie venue e qel part ge voloie aler qant vos me
20 trovastes sor la fontaine toute sole menant mon duel; plusors fois me meistes
en celes paroles, mes onqes ne vols reconoistre qi ge estoie ne por qoi ge fesoie
duel. Ore, qant il est einsint qe vos mon duel avez4 ramenteu ici, ore vos ferai
savoir sainz faille partie de mon estre; ge vos dirai a cestui point ce qe onqes
mes ne vos vols dire. Or sachiez tout veraiament qe celui chevalier meemes
25 dont vos avez feit vostre conte, cil qi portoit lesb noires armes, si fu mi filzc.
Ge le portai5 dedenz mon cors tant come mere doit porter filz; e certes, de tel
porteure fui ge mout liee auqune foiz, mes petit m’en dura la joie: puis q’il fu
35. la Dame du Lac a regarder Lancelot qui fremissoit tout quant il oyoit parler de
che(29c)valeries. Adont parle la dame au chevalier de leanz qui Licanor s’appelloit:
« Sire, dist elle, moult nous avés bien resjoÿz de ces beaulx comptes que vous nous avés
comptés. Mais, s’il vous plaist, comptés nous comment messire Lac ne Yvain aux
Blanches Mains se porterent aprés qu’ilz furent partis de leans. − Voulentiers, dist le
chevalier; un peu vous veulx deviser de ce qu’ilz firent ne des parolles qu’ilz eurent
avant qu’ilz partissent de l’ostel Daresen. Si vous diray en telle maniere.
2 douleur a ung seul cop passé L.
3 mesmes m’y f. demorer t.
4 d. m’a.
5 armes fut mon f. et l’en p.
35. 6 f. que u.
7 en vie.
8 peust: col. extérieure et mutilée 29d.
9 m’e. aucunes fois nouvelles mandees M.
10 i m. en c.
11 n’e. pourriés a. r. Car.
12 morte pieça.
13 m. des c.
14 fait de puis Et.
15 f. et e. a p. et a voulenté.
16 assavoir la verité.
37. A l’endemain, auqes maitin1, avant qe li soleuz levast s’est esveillez messire
Lac. Li escuiers les ont appareilliés de lors armes. Il comandent q’il lor facent 2
venir lor chevaux, qar il monteront por fere lor jornee, e ce les reconfortoit
aucun pou q’il veoient qe li tens estoit auqes biaux. Mes voiremant les nois
5 estoient si granz e si merveilleuses cum ge vos ai ça arrieres devisé. La ou il
voloient monter, atant e vos devant els venir3 devant els venir Daresen qi lor
dist: « Dex aïe, seignors, qe est ce qe vos volez faire? Por qoi vos partiez vos si
tost de ceienz? Ja veez vos qe li froiz est forz e les nois sunt si merveilleuses.
Ore sachiez qe li chevaucher est si perilleux estrangemant, por ce vos lo ge en
10 toutes guizes qe vos ceianz remaignoiz enqore .III. jors o .IIII.; adonc4 porroiz
plus seuremant chevaucher ». Messire Lac respont e dit tout premieremant:
« Sire, moutes mercis de ces paroles; mercier vos en devom mout, qar bien
conoissom qe vos le dites por nostre bien. E sachiez, sire, qe por vostre priere
remansissom assez tost, mes5 nostre besoing est si grans e si astif qe demorer
15 ne porriom nos e nulle maniere. E por ce vos comandom nos a Deu, qar chevau-
cher nos estuet. − Certes6, fet Daresen, ge vos lo assé miaus le demorer qe le
chevauchier, e por moltes reisons. Mes, puis qe ge voi qe por ma priere ne
demoriez,7 ge vos comant a Nostre Seignor q’i bone voie vos doint tenir ». E cil
se partent de leienza errament.8
38. a partiz de leienz oublié, placé dans la marge avec signe de renvoi.
38. 1 je ne c.
5 ge vengerai ce qe mi freres fu ier abatuz ». Qant il a dit ceste parole, tout main-
tenant li sunt ses armes aportees q’il n’i funt autre delaiament. E qant il est
armez, il dit a son escuier: « Chevauche aprés moib, si me porteras mon escu e
mon gleive. − Sire, fet cil, a vostrre comandamant ». En tel maniere s’en vet
Daresen aprés les .II. chevaliers. Il savra, avant q’il retort, coment il sevent
10 porter armes! Grant oirre chevauche aprés els tout les esclouz q’il vont devant.
Il ne peust pas a celui point legieremant perdre la voie, qar la noif qi estoit
merveilleuse e grant duremant si mostre tout apertemant qele voie cil devant 2
tiegnent. Einsint chevauche Daresen e tant fet qe en un grant val ateint les
chevaliers qi tout soef chevauchent, qar il ne pooient granment aler. Et il, qi
15 mielz savoit la droite voie qe cil ne savoient, torne d’autre part 3 son chemin et
en tel maniere lor vient a l’encontre ainz q’il oissisent del vaucel. Il 4 portoit
son escu covert d’un houce5 vermoille, e por ce ne puet pas messire Lac recono-
istre l’escu; s’il fust descovert, legieremant le reconeust, qar autre fois l’avoit
ja veu, et enqore se recordoit il bien de qel teint il 6 estoit e de qel maniere. Se
20 missire Lac portast autresint l’escu q’il seult porter,7 et il fust descovert, cil le
coneust errament 8.
39. Quant messire Lac voit q’il lor vient a l’encontre, il le mostre a Yvain e li
dit: « Veez ci venir un prodome par semblant. Ge le voi si bien chevaucher e si
seuremant q’il m’est avis q’il ne porroit estre se bon chevalier non;1 de celui
voill ge avoir la joste. − E non Deu, sire, salve vostre grace, fet Yvains, non
5 avroiz, ainz l’avrai ge; ge sui plus geunes qe vos n’estes, e por ce doi ge joster
premieremant selonc la costume des chevaliers erranz. − Or sachiez, fet mes-
sire Lac, se vos jostoiz, vos seroiz abatuz, qar ce est sainz faillie assez meilor
chevalier qe vos n’estes; e creez moi2 de ceste chose. − Coment q’il soit bons
38. 2 c. de d.
3 tourne autre p.
4 qu’ilz l’oyssent Il.
5 d’une h.
6 q. couleur i.
7 qui souloit p.
8 l. recongneust e.
chevaliers, fet Yvains, ge voill ces(54b)tea joste por3 moi. − Qant vos ceste joste
10 me tollez, fet messire Lac, or sachiez tout certeinemant qe ja par moi ne serez
revangiez. − Ne ge ne qier, fet Yvains, por voz jostes, s’il vos plest, qar por moi
voill ge cesteb joste e l’esproeve de cest chevalier qe vos tenez a prodome ».
41. Quant 1 messire Lac voit ceste2 avanture, il devint auqes esbaïz, qar il
conoissoit tout cleremant en soi3 meemes qe Yvains n’estoit pas si bon cheva-
lier d’assez cum estoit li autres. Voiremant, il en done le blasme au cheval e
non pas au chevalier qi abatuz fu. Qant Yvains ot fet celui cop, il 4 s’en vet
5 outre; orendroit est assez plus liez q’il n’estoit devant e plus s’en prise. E qant
il est un pou alez outre, il dist a monseignor Lac: « Sire, sire, or pooms veoir
cum5 vos conoissiez bon chevalier; vos disiez orendroit qe cist estoit assez
meillor chevalier qe ge n’estoie e qe ge ne porroie durera encontre lui. − Certes,
dit messire Lac, enqore di ge ardiemant q’il est meillor chevalier qe vos n’estes.
10 E se vos fussiez de sa proece, assez vaudriez miels qe vos ne valez, e se vos
estiez si sages (54c) cum chevalier devroit estre,6 ja de ce qe vos l’avez abatu
en ceste maniere ne vos donrriezb7 loux ne pris, qar il n’avint mie par vos a la
terre,8 ainz fu por la defaute de son cheval; ce savez vos or bien se ge vos di
ore verité ou non ». De ceste parole se corrouce Yvains auqes duremant, mes il
15 n’en mostre mie le semblant, qar il n’ose. E neporqant il dit une tel parole a
guise d’ome corroucié: « Coment, fet il a monseignor Lac, ne vos est il pas avis
qe ge soie tel chevalier de mon cors qe ge peusse por droit abatre un tel cheva-
lier cum cil est? − Certes, non, fet messire Lac, se avanture ne li nusoit trop
duremant; si nel di ge mie por blasme de vos, mes ge di ceste chose por ce qe
20 ge sui auqes certain de lui ».
42. Molt 1 est Yvains dolanz e irez de cesteaparole; petit s’en faut q’il ne cort
sus a monseignor Lac; se il quidast qe il peust de lui chevir en nulle maniere,
il le meist tout errament a la meslee. Mes ce q’il le redoute toutes voies si le
retient de ceste chose; e neporqant, il dit bien a soi meesmes qe se avanture
5 donoit q’il le veist encombré d’auqune chose, il nel seccorroit mie, ainz le leis-
soroit tout plainement en la besoigne e s’en iroit outre, droit au Pont Norgalois
et ileqes feroit la bataille por son pere. A ce pense Yvains as Blanches Mains e
chevauche outre en tel maniere q’il ne dit mot a monseignor Lac, ne messire
Lac a lui autresint. Mes molt li poise de ce qe li chevalier a esté abatu par tel
10 maniere, ce est par la defaute dou cheval, qar il a bien veu qe par defaute de
lui ne cheï il 2 mie.
44. La1 ou il parloient entr’els deus en tel maniere de Daresen, estes le vos
aprés2 els venir tant come il puet. E qant il en est auqes aprochiez, il crie a
Yvain tant cum il puet: « Sire chevalier, gardez vos de moi! A combatre vos
estuet!3 ou ge vengerai la deshonor qe vos m’avez feite ou ma honte sera gre-
5 gnor; autremant vos ne vos poez departir ». Yvains respont a celui point molt
hardiemant: « Dan chevalier, ge sai bien qe vos demandez; vos demandez
bataille de moi e vos l’avroiz! » Lors n’i a plus de parlemant, ans s’adrece li
42. 2 n. cheut i.
43. 1 pensent.
2 il regarde.
3 a c. point n.
4 d. s’il venoit a.
5 vos omis.
uns vers l’autre, les espees nues es mains;4 assez sunt amdui de grant force e
pros5 e hardiz duremant. Mes li uns est plus forz de l’autre e mielz apris de
10 celui mestier, ce est Daresen sanz doute qi bien estoit chevalier de haute pro-
ece. Cil fiert Yvains as Blanches Mains de l’espee desus le hiaume as deus
mains si duremant qe cil est si estordiz e si chargiez de celui cop recevoir q’il
n’a pooir ne force q’il se peust tenir6 en sele, ainz pert la sele et est cheoiza
enmi la7 noif. Qant messire Lac voit celui cop, il comance a sorrireb e dit a soi
15 meemes: « Certes, voiremant est cestui cop de chevalier ou il a bonté e force! »
45. Quant Daresen ot abatu Yvains as Blanches Mains en tel guise cum ge vos
ai conté, il retorne versa (55a) monseignor Lac e li dit: « Sire chevalier, avriez
vos hardemant qe vos la honte de vostre compaignon vouxissez vengier
encontre moi?» Cil li respont: « Ne il ne fist ceste emprise por moi ne por moi
5 nel laissera; ce1 q’il en fist, fist il encontre mon defens; por ce ne m’entremetrai
ge. − Certes,2 ce dit li chevalier, ge sai molt bien qi vos fet leissier ceste
emprise: la grant cohardie qi en vos est herbergie ne vos laisse faire chose qi
a honor vos peust 3 tornier; e certes, a cestui point conois ge bien tout clere-
ment qe voiremant estes vos chevalier de cheitif afaire qi en tel manere fallez
10 a vostre compeignon, et a tel 4 besoing ». Lors passa avant e prent le cheval
Yvain e li remaine e li dit: « Montez, sire chevalier,5 e ne vos poist de ce qe ge6
vos abati par cop d’espee ». Cil qi trop estoit irez de ceste avanture ne respont
riens, ains monte. E qant il est montez, Daresen li dit: « Sire chevalier, vos
m’abatistes einsint come vos avez veu. Avez vos hore volanté de plus combatre
15 a moi? − Nenil ore, fet Yvain, e si vos dirai reison por qoi: vos m’avez bien
45. 1 ne la laissa et c.
2 f. il le fit a l’e. de ma deffence et p. c. ja n. m’en entremettray Certes.
3 puisse.
4 compaignon a ung t.
5 Montez sire chevalier omis.
6 je: col. extérieure et mutilée 31d.
mostré a cest cop qe vos estes meillor chevalier e plus roide e plus fort qe ge
ne sui; por qoi ge conois auqes qe7 ge ne porroie mie granmant gaagnier de
combatre a vos a la meslee des brans, e ce est ce por qoi ge me sofrai ore de8
ceste bataille, qar ge ai mout afaire alhors. − E ge vos en qit, fet Daresen, puis
20 qe ge vois qe vos n’en avez volanté; si m’en irai atant e vos comant a Deu. − A
Deu soiez vos », fet Yvain; et en tel maniere9 se departent. Daresen se torne10
a son chastel; e qant il est la venuz, cil 11 de leienz, qi bien savoient ou il estoit
alez,12 li demandent: « Sire, qeles noveles nos aportés vos de nos hostes?» Et
il lor13 dist: « Certes, prodom est li geunes chevalier, mes li autres est li plus
25 droit cohart qe ge ja mes qidasse veoir ». E lor conte les paroles qu’il li14 avoit
dites e qe cil avoit 15 respondu. E lors dient li un e li autre qe voiremant est
celui li plus droit cohart chevalierb16 qi onqes mes portast armes. E lors desar-
ment Daresen et en tel maniere demore tout celui jor en son hostel.
46.1 A celui soir assez tart a, e vos venir leienz un messages a pié qi venoit
droitemant de vers Camaalot.2 Il s’en ala droit vers la mestre forterece (55b) ou
li chevaliers errant herberjoent. Li chevaliers de leienz, por ce q’il conurent qe
ce estoit messagier de cort, le reçurent entr’els molt bel e li comencierent a
5 demander dom il venoit. Il dist q’il venoit de Camaalot droitemant. « E3 qex
noveles, dient il, nos aportes tu del roi Artus? − Certes, seignors, fet cil, li rois
Artus estoit ja partiz de sa cité de Camaalot avant qe ge m’en partisse e s’en
devoit venir a granz jornees vers Qenpercorrentin de la Foreste, la ou il doit
45. 7 c. bien q.
8 seuffre de.
9 manie (le scribe n’a pas terminé le mot).
10 s’en t.
11 et luy venu c.
12 qi … alez omis.
13 h. si l.
14 qui luy.
15 c. luy a.
16 chevalier omis.
46. 1 32a, Rubr., COMMENT A[RR]IVA UNG MESSAGER A L’OSTEL DE DARESEN [QUI] LUY
A[PPORT]A NOUVELLES DU ROY ARTUS.
2 t. d’aventure va venir ung message qui droictement venoit (invers.) de d. Camalot.
3 de Came[lot … ]ent Et.
tenir sa cort a ceste feste de Noel. E sachiez qe se les nois ne fussent si granz
10 cum eles sunt orendroit e li tens ne fust si felon, mout i eust gregnor4 gent e
greignor pueple q’il n’i avra ». En tel maniere parlent celui soir del roi Artus e
de la cort q’il devoit tenir a Qenpercorretin. A lendemain,5 auqes maitin, se
departi li valez6 de leienz. Daresen, qi estoit acostumez de chevauchier toutes
les foiz q’il chevauchier pooit, ne granment 7 ne sojornoit por q’il fust sainz se
15 mal tenz ne li fesoit feire, por ce q’il vit celui jor qe li tenz estoit assez biaux e
clers, se fist il armer entor hore de prime. E qant il fu armez e montez, il
enmena avec li deus de ses escuiers e se mist a la voie; et en tel maniere che-
vaucha le petit pas dou cheval 8 dusqe vers hore de none. La ou il chevauchoit
en tel maniere tout le grant chemin ferré, il li avint qe si chemins l’aporta droit
20 a9 une fontaine. Cele fonteine savoit il bien, qar mainte autre fois i avoit il ja
esté. E la ou il estoit descenduz e voloit boire de la fontaine qi chaude estoit
come en yver, .I. de ses escuiers li dist: « Sire, ne descendez mie, s’il vos plest,
qe veez ci venir .II. chevaliers armez de toutes armes, e ce ne seroit mie sens
por vos s’il vos10 troevent a pié e desgarni de vostre hiaume ».11
47. Quant il entent ceste parole, il se regarde e voit adonc tout apertemant .II.
chevaliers qi estoient oissuz d’une broces e venoient tout droit vers la fontaine
por lor chevals abevrer. Li chevaliers portoient ambedui lors escuz coverz
d’une ouce, e si nes portoient il mie mes lors escuiers. E se alquns me deman-
5 doit qi li dui chevaliers estoient, ge diroie qe li uns estoit li Bons Chevaliers
sainz Peor e li autres Brehuz sainz Pitié.1 Ge vos ai ja conté ça arrieres (55c)
coment il chevauchoient aprés monsenhor Lac e coment il avoient apris en qel
guise il le porroient conoistre. Li Bon Chevalier, qi molt estoit desiranz de tro-
ver lea, tout 2 adés aloit pensant. A celui point q’il aprochierent de la fontaine,
47. 1 a. Bruns sans P. ou Bruns, quelle que soit l’orthographe de A(2): 47.10; 48.3,6,8,12;
49.2−3,5; 50.4,6,9; 56.10; 60.12,17; 64.10; 194.3−4; 205.23 (ces deux derniers relevés dans
les variantes).
2 le trouver (invers.) qui t.
10 Brehuz qi chevauchoit devant vit Daresen tout premieremant, e por ce q’il dit 3
bien a soi meesmes q’il ne puet estre qe cist ne4 soit chevalier errant, s’areste
il e5 se rregarde e voit adonc qe li Bon Chevalier aloit pensant; e il parole6
adonc si haut qe il en leisse som pensier e dit: « Sire, noveles vos sai a dire,
veez la7 un chevalier errant ».
48. Quant 1 li Bon Chevalier entent ceste parole, il drece la teste e regarde
devant soi e voit adonc tout apertemant Daresen, qi arestez estoit devant la
fontaine. « Breüz, fet li Bon Chevalier, icist est 2 sanz faille chevalier errant, e
vos chevalier errant estes e vos veez q’il est arestez ilec por joster a vos; se vos
5 ore l’apelliez de joster avant q’il vos en apellast, a grant honor vos torneroit et
a greignor qe s’il vos en apelloit avant. − Certes, sire, fet 3 Brehuz, ge n’ai ore
nulle volanté de joster, por qoi ge di qe ge ne l’en apellerai mie. − E s’il vos en
apele, fet li Bon Chevalier, l’en faudroiz vos? − Nainil, certes, fet Breüz, por qe
vos me façoiz tant d’avantage qe vos jostoiz por moi. − Por vos, fet li Bon
10 Chevalier, ne josterai ge mie; ge savrai bien joster por moi qant volanté m’en
vendra. Mes ge vos di bien qe s’il vos apele de joster, e vos l’en failloiz, ce sera
bien signe de cohardie. − En nom Deu, sire, fet Breüz, se ge voloie mostrer
mon hardemant voiant tel home cum vos estes, donc seroie ge li plus fols dou4
monde, qar tot le hardemant qe ge ai seroit droite cohardie a regarder le harde-
15 mant de vos; por qoi ge ne voil a ceste foiz encomencier chevalerie devant vos.
S’il fussent voiremant .II. chevaliers e vos jostissiez a l’un e tout 5 premiere-
mant, adonc me peussiez vos tenir por failli se ge a l’autre ne jostasse ».
49. De1 ceste parole se comence a sorrire le Bon Chevalier e respont: « Brehutz,
Brehuz, vos savez plus qea ge ne vos ai apris. E se Dex vos doint bone avanture,
dites moi por qoi vos avez ja refusee la joste de cest chevalier, e si n’en estes
enqore apelez. − Sire, fet il, vonlez vos qe ge vos die la verité (55d) de ceste
5 chose? − Oïl, fet il. − En nom Deu, fet Brehuz, e ge la vos dirai. Ore sachiez qe
qi conoist certeinemant un plus fort b chevalier de li, il n’est mie trop bienc
senez se il 2 ne refuse l’esproeve. Ge qi conois certeinemant qi est cist chevalier
e sai sa3 force e som pooir, por ce qe ge sai q’il est meillor chevalier qe ge ne
sui e trop plus fort, ne contre lui ne porroie durer, se avanture ne m’aidoit trop
10 duremant, vois ge la joste refusant, qe ge ne4 la voill ».
49. b fort oublié, placé dans la marge droite avec signe de renvoi; dans la ligne le même signe
a été placé par erreur après chevalier.
c trop bien oublié, placé dans la marge avec signe de renvoi.
50. 1 print.
2 B. si crie.
3 qui veult l. j.
4 Bon se rit t.
5 Brehus (ainsi toujours ou Brehus sans Pitié, sauf les cas où le copiste de T le remplace
par Bruns, Bruns sans Pitié, cf. 47.6, et sauf 50.14); col. extérieure et mutilée 32d.
dites moi por qoi vos avez ja refusee la joste de cest chevalier, e si n’en estes
enqore apelez. − Sire, fet il, vonlez vos qe ge vos die la verité (55d) de ceste
5 chose? − Oïl, fet il. − En nom Deu, fet Brehuz, e ge la vos dirai. Ore sachiez qe
qi conoist certeinemant un plus fort b chevalier de li, il n’est mie trop bienc
senez se il 2 ne refuse l’esproeve. Ge qi conois certeinemant qi est cist chevalier
e sai sa3 force e som pooir, por ce qe ge sai q’il est meillor chevalier qe ge ne
sui e trop plus fort, ne contre lui ne porroie durer, se avanture ne m’aidoit trop
10 duremant, vois ge la joste refusant, qe ge ne4 la voill ».
49. b fort oublié, placé dans la marge droite avec signe de renvoi; dans la ligne le même signe
a été placé par erreur après chevalier.
c trop bien oublié, placé dans la marge avec signe de renvoi.
50. 1 print.
2 B. si crie.
3 qui veult l. j.
4 Bon se rit t.
5 Brehus (ainsi toujours ou Brehus sans Pitié, sauf les cas où le copiste de T le remplace
par Bruns, Bruns sans Pitié, cf. 47.6, et sauf 50.14); col. extérieure et mutilée 32d.
hardiemant, qar ge voill qe vostre honor soit gardee toutes voies puis qe ge me
sui mis en vostre compeignie. − Brehuz, fet li Bon Chevalier, molt m’amez ore
qi si volez qe l’onor de moi soit gardee. Biaux amis, ceste honor soit vostre,6
qe ge ne la voill por moi; ge n’ai ore talant de joster a ceste foiz, ne a cestui
20 ne7 a nul autre ». Lors crie au chevalier tant come il puet: « Sire chevalier, a
soufrir vos estuet ore de ceste joste, qar ge n’ai talant de joster. − Coment? fet
Daresen, vostre compeinz me fist entendant qe vos voliez joster; ore vos en
estes si tost repantiz. Par Deu, si grant defaute ne si grant noienté cum8 est
(56a) ceste ne vi ge pieça mes fere9 a nul chevalier. Or hait dahez qi10 plus vos
25 tendra por chevalier ne qi plus vos apelera de joster. − Bel sire, fet li Bon Che-
valier, or sachiez tout veraiamant qe se vos por chevalier ne me tenez, por ce
ne remaindra qe autre ne me tiegne. − Bien puet estre, fet Daresen, mes certes,
se cil qic por chevalier vos tendra avoit veu vostre cohardie si apertemant cum
ge l’ai veu orendroit,11 ja por chevalier ne vos tendroit, qar certes, vos n’estes
30 mie chevalier. − Or sachiez, fet li Bon Chevalier, qe si sui; e le meilher home12
qi a son tens fust selonc mon esciant, ce13 fu bien le nobles rois Uterpandegron
qid me fist chevalier de sa main, e por ce ne me tieng ge meins por chevaliere
ou qe ge soie ».
51.1 Lors se met avant e voloit entrer en la fonteine por abevrer son2 cheval,
mes Daresen ne li soufre mie, ainz li vet a l’encontre e li dit: « Par Sainte Croiz,
dan malveis chevalier, ja en ceste fonteigne ne metrez ore le pié, qar ceste
fonteine est de dames e de damoiseles3 e de chevaliers; cist est leux de solaz
50. 6 l’onneur soi[t? …] mienne et qu’elle me s. gardee […] aulx amis soit ceste honneur
(invers.) v.
7 t. ne voulenté d. jouster a cestuy n.
8 g. noise c.
9 je grant temps a f.
10 aït maleur q.
11 comme j’ay fait o.
12 m. chevalier et le meilleur h.
13 m. advis c.
51. 1 33a, Rubr., COMMENT DARESEN, LE BON CHEVALIER SANS PAOUR ET BREHUS
SANS PITIÉ TIENNENT PARLEMENT DE PLUSEURS CHOSES.
2 p. faire boire s.
3 [d]amoiselles: col. extérieure et mutilée 33a.
5 e de desduit; cist est leux ou si malveis chevalier e si recreant cum vos estes
n’i doit entrer, ne a cheval ne a pié; por qoi ge di bien qe vos n’i entreroiz, qar
trop en seroit li leux avilez4 e deshonorez.a − Si m’aït Dex, sire chevalier, fet
Breüz, vos dites verité, e par ceste parole conois ge bien orendroit tout clere-
mant qe voiremant estes vos chevalier qui bien conoist un cohart chevalier et
10 un prodome autressint. E certes, se vos m’en creissiez, vos5 ne le leiroiz entrer
dedenz »6 la fonteigne, qar puis qe li leux est si nobles cum vos dites, il seroit
deshonorez7 d’un si malveis chevalier come est cestuib. − S’il metoit 8 le pié?
fet il; en moie foi, il ne l’i metra9 ne ja n’i entrera, se Deu plest! − Bel sire, fet
li Bon Chevalier, qant il ne vos10 plest qe g’i entrec, e ge m’en sofrai11 atant, qe
15 ge ne vos voudroie corroucierd mie. Mes or me dites, se Dex vos doint bone
avanture, de qel part venistes vos hui? − E vos, qe tient, fet 12 Daresen, de mon
aler e de13 mon venir? Me volez vos les voies estoper? − Certes, nenil, fet li Bon
Chevalier, mes ge vos avoie por ce demandé14 por savoir se vos me seussiez a
dire15 novelles de deus chevaliers qe ge vois qerant. − E por qoi les qerez vos?
20 fet Daresen; certes,16 ge ne croi mie qe17 cee soit por ce qe vos voilliez a els
combatre (56b). − Vos18 dites bien verité, fet li Bon chevalier, combatre ne m’i
voill ge mie; ge les qier molt por autre chose. − Or me dites, fet Daresen, qeles
armes portent il? − Certes, fet li Bon Chevalier, ge croi q’il portent armes noires,
sainz autre taint,19 et est li uns noveus chevalier, mes li autre est chevalier qi
25 longemant a porté armes ». Qant 20 Daresen entent ceste parole, il reconoist 21
tot errament qi sunt li dui chevalier dont cist vait demandant noveles; ce sunt
sainz doute si dui hoste22 don il se parti en tel maniere cum j’ai ja devisé ça en
arrires. Lors23 se comence a sorrire, si qe24 li Bons Chevaliers sainz Peor s’aper-
çoit bien del rire q’il a feit, e por ce li demande il: « Se Dex vos doint bone
30 avanture, sire chevalier, dites moi por qoi vos riez, qe ge n’en puis orendroit
conoistre l’achoison, se ce n’est par vos meesmes. − E non Deu, fet Daresen,
qant vos volez savoir por qoi ge me sui ris en tel maniere, e ge vos en dirai
tout orendroit la verité. Ge ai toz jors oï dire qe li prodom si vait le prodome25
qerant, li bon chevalier voit volantiers l’autre bon chevalier; tout ausint vait
35 qerant l’un malvais l’autre e desire a avoir la compeignie de lui. Sire,26 ceste
parole ai ge dite por vos, qe ge sai bien orendroit e conois qe vos alez sainz
faille qerant celui chevalier des deus qi plus longemant a porté armes, solonc
ce qe vos meesmes alez disant. E certes, se vos l’alez qerant, ce n’est mie mer-
veille grant, qe, se Dex me cosseut, ge27 ne vi en tote ma vie un chevalier qi
40 mieuz covenist avec vos q’il covendroit, qar se vos estes coart de cuer et il plus
d’assez, trop28 sera bele compeignie e covenable de vos deus. Qar li uns est
malveis de toutes29 choses, e li autres enqore plus. Et a la verité conter, si
m’aït 30 Dex, ge ne porroie mie legieremant conoiste le peior de vos deus, qar
tres estes maveis amdui! »31
52. Quant li Bon Chevalier entent ceste novele, il comence a rrire mout fort,
mes toutes voies, por miels savoir la verité de ce q’il vet demandant, parole il
51. 19 a. couleur.
20 l’a. a porté armes moult longuement Q.
21 recongneut.
22 e. que les d. ch. d. celuy aloit d. n. estoient ses deux h.
23 e. la manie[re] que j’ay j. ça en arriere compté L.
24 s. tant q.
25 preudoms va tousjours l. p.
26 t. ainsi font les mauvais chevaliers car ilz quierent l’un l’autre et desirent avoir leur
compaignie S.
27 grant merveille (invers.) car en verité je.
28 cueur il l’est encores plus t.
29 l’un ne vault guieres en t.
30 e. pis Et a l’aventure c. ainsi m’a.
31 d. pour ce que tres mauvais estes tous deux ainsi comme il me semble (à partir de
ainsi, écriture plus serrée et plus haute).
autre foiz e1 dit: « Bel sire, tout soit il einsint qe vos nos ailloiz si duremant
blasmant qe nus ne nos porroit a plus blasmer, totes voies vos voudroie2 ge
5 proier qe vos me deissiez noveles de ce qe ge vos demant: veistes vos les deus
chevaliers as armes noires? − Oïl (56c), certes, fet Daresen, ge les vi voiremant
e si herbergierent en un mien chastel, ça devant, et ier matin s’en partirent. E
sachiez de voir q’il ne sunt mie tres bien covenable ensemble, qar l’uns sans
doute est bien le plus3 cohart chevalier e le plus cheitif de cuer qe ge veisse
10 onqes. E li autres est bien un des plus seurs chevalier qe ge veisse a piece. E
por ce di ge q’il ne sunt mie covenable de chevauchier ensemble, a ce qe li
uns4 est trop cohart, e li autres hardiz5 a merveilles ».
53. Li1 Bons Chevalier comance a sorrire qant il entent ceste parole e li dit:
« Sire chevalier, dusqe ci avoie ge qidé qe vos vos gabissiez e qe vos par gab
deissiez teles paroles2 de celui chevalier. E ge vos en dirai unes orendroit 3
autres noveles qe celes ne sunt qe vos me dites. Or sacchiez tout veraiemant
5 qe celui chevalier don vos me parlez orendroit est bien le meillor de cels qi
armes portent el roiaume de Logres. Malveisemant le conoissiez; si m’aït Dex,
se vos ausint bien le coneussiez come fet li rois Artus, qi bien est orendroit le
meillor home dou monde, vos en deissiez autre chose qe vos n’en alez disant.
E4 certes, por le meillor chastel q’il ait, il ne voudroit avoir dit ceste vilenie qe
10 vos avez dit a cestui point, qar il set bien qi il est ».
54. Quant 1 Daresen entent ceste novele, il comence a rrire mout fort e res-
pont:2 « Certes, dan chevalier, se vos a celui chevalier donez los e pris, ce n’est
mie merveille, qar il est bien autretel cum vos estes: il est li plus coharz cheva-
lier del monde, e vos estes tout autretel; il est failliz, e vos aussint. E por ce
5 q’il vos ressemble einsint de toutes choses, li donez vos celui grant lox; autre-
mant ne puet estre. − Certes, fet li Bons Chevalier, biaux sire, se vos fussiez si
cortois cum chevalier devroit estre, ja de cestui chevalier ne d’autre ne deissiez
vilenie, enqore le seussiez vos; e Dex le set 3 qu’il ne vos ena puet venir se
deshonorb non de mesdire en tel manere de4 chevalerie. − En non Deu, fet
10 Daresen, ge vos fas bien assavoir qe de nul prodome ge ne diroie vilenie, mieuz
voudroie recevoir une vilenie de moi5 meemes; mes de tex deus cum vos estes,
qi en porroit dire se vilenie non? qar vos estes bien deus chevaliers sans bonté
e sanz valor; por qoi nus ne porroit (56d) dire bien de vos s’il ne voloit dire
encontre verité. − Or, fet li Bons Chevaliers sainz Peor, q’en dites vos? Qel qe
15 nos somes, chevaliers somes6 et en conte de chevaliers somes mis. − Certes,
fet Daresen, ce est domage e vergoigne grant de chevalerie, ce voi ge bien ».
55. Einsint 1 parlant entr’els .II. chevauchent tant qu’il sunt venuz au chemin
ferré. E lors estoit ja none passee e vespres aprochent 2 duremant. « Por Deu,
fet Daresen au Bon Chevalier sainz Peor, or me dites, bel sire, qel besoing vos
fet ore chevauchier en cest tenz qi si duremant est ennueux, e de noif e de mal
5 tenz? Ne vos vauxist ore miaux sojorner3 en auqun chastel et aasier ilec vostre
cors dusqe atant qe4 li bel tenz soit retornez5? Certes, ge sai bien qe por tout
cest chevauchier qe vos fetes hore ne metroiz vos a fin nulle haute avanture
ne nulle grant merveille, ne nulle grant chevalerie n’en sera fete por vos. −
Bien puet estre, fet li Bons Chevalier, les granz chevaleries ne les granz mer-
10 veilles ne sunt mie si tost fetes cum eles sunt devisees; e neporqant, si voire-
mant m’aït Dex, ge croi qe vos ne vos porriez mie partira trop honoreemant
d’une haut chevalerie puis qe faute de chevalerie m’en avreit fet departir. E ge
qit tout veraiamant qe se ge estoie orendroit en la meison le roi Artus, qe ge
troveroie bien leienz auquns qi de ceste parole s’acorderoient a moi ».
56. Quant 1 Daresen entent cest plait, il se comence a rrire trop fort, qar il qide
de verité qe li Bons Chevalier li ait dite ceste parole par folie de teste; e par
droite verité il qide bien qe2 ce soit un droit foux, e por ce le met il en cel
meesme parlemant e dit: « Se Dex vos doint bone avanture, sire chevalier, itant
5 me dites qel fu la plus haute chevalerie qe vos onqes feissiez jor de vostre vie. −
Ce ne vos dirai ge mie ore, fet li Bons Chevalier sainz Peor, car par avanture,
vos ne m’en creiriez mie, ainz m’en tendriez por messongier, e por ce m’en
voill ge mieuz taire qe conter la.3 E neporqant, se vos me voliez dire la gregnor
chevalerie qe vos onqes feisiez, ge vos conteroie de moi une itele dont vos ne
10 seriez mie petit meravillant ». A ceste parole respont Brehuz e dit por tout des-
voier Daresen e por tot aidier le del qidier, si q’il n’ait nulle esperance del
Bon Chevalier sainz Pe(57a)or:4 « Certes, dan chevalier, de ce qe cest mien5
compeignon a orendroit dit le devés vos mot bien croire, qe ge vos pramet qe
s’il vos comance a conter de ses chevaleries, ja puis nel creiroiz6 de riens, ainz
15 vos merveilliriez estrangemant 7 ou il porra praindre ces paroles8 q’il vos con-
tera. Ce vos ai ge dit avant q’il comence son conte, qe ge sai bien qe vos nel
creiroiz9 de rriens q’il vos die. − Bel sire, fet li Bons Chevalier sanz Peor, s’il
m’en veut croire, il m’en creira; e s’il ne m’en croit, ge n’i fas mie grant force;
e neporqant, s’il me veult conter la plus haute chevalerie a son escient q’il 10
20 onqes feist, ge li conterai de mes ovres e li dirai sainz faille tel chose dont il se
merveillera e11 dont il ne me creira mie par avanture. − Certes, sire chevalier,
fet Daresen, por oïr de vos granz merveilles, vos conterai ge ja ce qe vos me
demandez; si sera une grant vilenie de vanter moi devant autrui. Mes ge le fas
par oïr ces granz merveilles qe vos volez conter, e si vos sera ja un grant solaz
25 en ceste voie, qar dusq’a cest chastel ça devant a encore auqes grant 12 voie. −
Or comencez vostre conte, fet li Bons Chevalier sainz Peor. − Certes, fet Dare-
sen, ce vos ferai ge bien volantiers13 por vos solacier en ceste voie; e sachez qe
ge vos conterai la greignor chevalerie qe ge onqes feisse selonc mon avis, e vos
pramet 14 qe ge ne vos dirai se verité non, e tout ausint cum il avint.» E mainte-
30 nant comence son conte en tel maniere.
57.1 « Enqore n’a pas plus de .XII. ans compliz2 qe ge chevauchoie par le roia-
ume de Logres, en tel guise et en tel maniere cum chevalier erranz sunt acostu-
mez3 de chevauchier qant il vont qerant chevaleries et avantures. Ge n’avoie a
celui tens home qi compeignie me feist fors solemant un mien escuier qi me
5 portoit un escu et un gleive. Qant ge oi bien chevauchiéa par le roiaume de
Norgales4 en tel guise cum ge vos cont un mois entier, ore une part ore autre,
non mie le droit chemin del païs, mes cele part totes voies ou l’en me disoit qe
ge porroie plus tost trouver chevaleries et avantures, ge m’acordai au derrein
qe ge iroie veoir une damoisele qi estoit en celui païs, fille d’un gentil home,
10 et estoit a celui terme de mout grant biauté. Ge amoie la damoisele de tout
mon (57b) cuer, mes ele ne m’amoit mie. Qant ge vins cele part ou li peres de
la damoiseleb demoroit e la damoisele meemes autressint, adonc me furent
contees teles noveles don ge fui irez e dolanz estrangemant, qar il me fu dit qe
la damoisele fu fiancee e donee a un chevalier. E maintenant 5 devoient estre
15 les noces, e l’en devoit menerc li chevalier a un chastel qi assez pres de celui
leu estoit. Qe vos diroie? Ge fu de ces noveles tant duremant corrouciez qe ge
ne peusse plus estre dolanz qe ge estoie. Ge m’en6 aloie droit a un chastel ou
57. 1 34b, Rubr., COMMENT DARESEN COMPTE DES GRANS MERVEILLES QU’IL AVOIT
FAITES AU BON CHEVALIER SANS PAOUR.
2 a. acomplis.
3 e. ont a coustume.
4 Norgalles (ainsi toujours, sauf 24.23 relevé à sa place: var. 8).
5 Et que m.
6 q. plus ne pouoye Je m’e.
les noces devoient estre e fui leians mout bel receu e mout honoreemant, car7
li chevaliers de celui païs me conoissoient mout bien. Qe vos diroie? As noces
20 fu e vi la damoisele, tam bele rien e tant avenant de toutes choses qe ge dis a
moi meesmes qe morir me covenoit astivemant se ge ne l’avoie en auqune
maniere, ou par force ou par amor ou par autre chose.8 E ce fu le derrain de9
mon conseilh.
58. 1 d. pres Q.
2 amer omis.
3 m. autre chevalerie en f.
4 q. j’estoye tout certain q. celuy qui la damoiselle devoit emmener passeroit par
illecques Q.
59.1 Quant il orent l’enseigne del duc crier en tel maniere, il qiderent veraia-
ment qe le duc fust illec presentemant e qu’il eust mis ilec chevaliers por ocir
les; si2 comencierent a foïr, les uns ça e les autres la, si qe li uns n’i atendoit
l’autre. A la premiere pointe qe ge fis m’avint en tel maniere qe le premier
5 chevalier qe ge encontrai si fu le mari de la damoisele, e cil estoit armez3 de
toutes armes cum cil qi toutes voies avoit 4 doute e por ce se gardoit il plus qe
li autre ne fesoient; celui chevalier feri ge si roidemant qe ge li mis le fer dou
gleive parmi le cuer e l’abati mort a la terre del premier cop. Aprés celui en
ocis ge un autre; ge crioie tote voies l’enseigne del duc e disoie ore a elsa:
10 « Gardez qe un seul n’en eschap! » Del grant cri e de la grant noise qe ge fesoie
furent desconfit tuit li autre, qar bien gidoient tuit de voir qe li dux fust ilec
presentemant, e por ce s’en retornerent il au ferir des esperons la d’ou il
estoient venuz. Qant ge vi q’il m’avoient einsint laisié le champ, ge ne fis autre
delaiemant, ainz pris la damoisele de maintenant e m’en alai au travers de la
15 forest qe ge savoie trop bien. En tel guise cum ge vos ai conté gaagnai ge la
damoisele par ma proece e desconfis touz les cent chevaliers. Ge di bien qe
ceste proece fu unes des plus beles proeces qe ge onqes feisse. Si vos (57d) ai
ore finé mon conte; e qant ge finé le vos ai, ge voill huimés5 oïr le vostre, s’il
vos plest ».
59. 1 35a, Rubr. (précédée, au f ° 34d, d’une miniature à rinceaux de fleurs; elle occupe le
bas du feuillet et montre le combat de Daresen cntre ceux qui escortent la demoiselle),
COMMENT DARESEN COMPTE AU BON CHEVALIER LA MENIERE COMMENT IL GAIGNA
LA DAMOISELLE QUE TANT AYMOIT.
2 p. parler s.
3 et si e. il toutesvoyes a.
4 qi avoit.
5 huimés omis.
60. Quant il a tout finé son conte, li Bons Chevalier sainz Peor1 respont en
sorriant e dit: « Sire chevalier, se Dex me doint bone avanture, icestui fet fu
auqes grant hardemant, et il vos avint bien. E certes, tot ausint cum vos l’avez
conté fu il, mes por ce qe vos cestui conte n’avez mie tout conté, vos en conte-
5 rai ge la fin: vos en avez conté l’onora qe vos en avint, mes l’autre aprés ne
contastes vos mie, ce est la deshonor. E por ce qe vos cestui conte laissastes,
le voill ge preindre a conter; si en savra la verité cest mien compeignon qi vos
fet entendant qe ge ne sui mie trop voir disant ». Li chevalier estoit b trop hon-
teux qant il entent ceste novele, qar celui conte ne vousist il mais2 oïr, a ce q’i
10 li estoit bien avis qe ce avoit esté la greignor honte qi onqes li fust avenue. Et
il dit au Bon Chevalier: « Bel sire, cestui conte ne vos reqier ge onqes qe vos
riens en dioiz, qar3 ge nel qier oïr. − Haï! bel sire, fet Brehuz, se vos nel volez
oïr, si4 le voill ge oïr, qe li cuer me dit q’il ne puet estre qe ce ne soit conte bel
e delitable a oïr. − Ore5 sachiez, fet li Bons Chevalier sainz Peor, qe cestui conte
15 sera assez plus biaux qe cist autre n’a esté q’il nos a6 dit. E tout soit il ainsint
qe vos ne me teignoiz a voir disant, si me tendroiz vos a voir disant de ceste
chose. − En non Deu, fet Brehuz, ore comenciez donqes le conte, qe ge le vou-
droie ja avoir oï puis q’il est si biaux! » E li Bons Chevalier velt encomencier,7
qant li autres li dit:8 « Ge vos defent, sire chevalier, si chier cum vos amez
20 vostre cors, qe vos cestui conte ne contoiz. − E por qoi ne volez vos qe ge le
die? − Q’il ne me plest, fet Daresen; e se vos le dites, vos estes a la meslee
venuz. − Coment, fet li Bons Chevaliers, si vos combatriez9 a moi por ces
qereles? − Oïl, certes, fet il, e honte vos en feroie, e par reison; qar qant vos
volez ausint faire asavoir ma honte, ge doi bien la vostre honte porchacer. −
25 Ha! sire, fet Brehuz, sofrez, por Deu, qe nos oiom cestui conte e ne vos chaille
de riens q’il die. Certes, il est si droit foux naïs10 qe, se il disoit toute la verité
del (58a) monde, si ne l’en creiroie ge. Leissiez le dire sa folie, q’il ne vos en
63. 1 35d, Rubr., COMMENT LE BON [CHE]VALIER SANS PAOUR COMPTE LA MANIE[RE]
COMMENT DARESEN PERDIT SA DAMOISELLE QU’IL AVOIT GAIGNEE SUR CENT CHEVA-
LIERS.
2 Début du § difficilement lisible et déchiré.
3 mien[ne].
4 l’a. erramment a.
5 ne f.
6 s. roidement n. qu’il n’a.
7 s. relever L.
8 remmena.
9 ainsi […] deshonnorés: col. extérieure et mutilée 36a.
bon grez cum ge savroie, se vos m’enseigniez3 en qel maniere ge peusse trover
5 celui chevalier4 qi cele deshonor me fist. − En non Deu, fet li Bon Chevalier, e
ge por vostre priere le ferai e vos dirai tout orendroit qi cil fu qi cele deshonor
vos fist e cele grant honte: ge sui il; or i parra qe vos en feroiz, qar bien estes
venuz a point de vengier vos, se vos en avez le pooir e la force ».5
66. Quant 1 li chevalier entent ceste novele, il comence a rrire trop fort.
« Certes, fet il, dan chevalier, aprés le duel qe vos m’avez fet orendroit de con-
ter ceste moie onte, me fetes vos ore grant solaz e feste e geu. E2 ce m’est un
grant reconfort de ma dolor qe ci me3 volez faire entendre qe vos estes celui
5 chevalier meemes qi me desconfist; certes, ore conois ge bien qe voirem(58d)
ant me dist la droite verité vostre compeignon de vos: il me dist qe vos estiez
droit foux, e ge vos truis droit fol droitemant en toutes guises. E certes, enqore
seroie plus fox se ge de ceste chose vos creoie e se ge male volanté en avoie
vers vos. − Sire chevalier, fet Brehuza, ne le creez de riens q’il vos die; ore
10 sachiez q’il est foux naïs, et assés plus qe ge ne vois enqore contant. − Certes,
ce respont Daresen, vos dites voir, a vos croi ge de ceste chose ». Einsint par-
lant entr’els .III. chevauchent tant en tel maniere qu’il vindrent auqes pres dou
chastel de Daresen. Tout mantenant qe Brehuz vit le chastel, il le reconoist et
il s’areste adonc, cum cil qi n’est pas tres bien seur: la veue de cest chastel li
15 met en cuer toute peor et il tret adonc a une part b le Bon4 Chevalier e li dit:
« Sire, qe feron nos? − Certes, ge ne sai, fet il, qe nos feçom fors qe de herber-
gier huimés a cest chastel nos estuet ce soir remanoir, qar il est ja si tart qe
nos ne porrioms avant aler, e por ce remaindrom nos ceiens e demain maitin
nos remetrom au chemin por trover celui chevalier qe vos savez. − En non Dé,
20 fet Brehuz, en cest chastel n’oseroie ge demorer mie,5 car ge avroie doute de
reconoissance; e se ge i estoie coneuz, ge vos pramet qe ge ja n’en eschaperoie
sanz la teste perdre, a ce qe ge ai leienz plus enemis mortex qe ge n’ai en tout
67.1 Lors vont avant e tant funt q’il atiegnent Daresen. E qant il sunt venuz
pres dou chastel au giet d’un arc, Daresen se torne e dit a Brehuz: « Sire, vos
herbergerez a nuit avec moi, e demain, se vos volez chevauchier, fere le por-
roiz. E ce meesme di ge a vostre compeignon. − Sire, fet Breüz, qant vos plest
5 qe nos herberjom,2 e nos le ferom; e de ce vos merci ge mout, qar a cestui point
en a(59a)voms nos mestier bien. − Or alom donc », fet Daresen. E lors s’en
entrent au chastel e tant funt q’a la mestre forterece viegnent e descendent a la
ou il estoient acostumé3 de descendre e s’en vont en un dels paleiz de leianz
desarmer. E qant il furent desarmé et il ont lavé les cox e4 lor vis por le taint
10 des armes qi auqes les avoient nercis, il s’en vont au grant feu qi leienz estoit
por chaufer els, qar li froiz estoit 5 si granz cum ge vos ai conté ça en arrieres.
68. Atant e vos entr’els chevalier e dames1 e damoiseles qi vienent veoir les
chevaliers estranges por aprendre qi il sunt e dont il viegnent, e por savoir s’i
les2 conoistront. Si les comencent a regarder e dient entr’els q’il sunt amdui
bels chevaliers e bien tailliez de toutes menbres.3 E qant il ont auqes regardé
5 le Bon Chevalier4 sanz Peor, il dient entr’els qe merveille seroit se cist n’estoit
66. 6 v. onques.
7 garde que v. y soyés recognus et.
67. 1 36c, Rubr., COMMENT DARESEN MENA BREHUS SANS PITIE ET LE BON CHEVALIER
SANS PAOUR EN SA MAISON POUR HERBERGER CELUY SOIR.
2 n. y h.
3 i. avoient a.
4 l. leurs cops et.
5 eulx chauffer (invers.) car l. feu e.
bon chevalier, qar molt le ressemble bien.5 Qant Brehuz voit q’il le vont einsint
regardant, ce est une chose qi en cuer6 li met grant peor; il n’est pas trop bien
asseur: grant doutance a q’il ne soit reconeuz en auqune guise, e ce est une
chose qi auqes le tient a mal aise. Atant e vos entr’els venir Daresen qi fu oissuz
10 d’unes7 des chambres de laiens. Un chevalier de leienz, qi mout avoit regardé
le Bon Chevalier sanz Peor et auqes l’aloit reconoissant, qant il vit Daresen qi
de la chambre fu oissuz, il s’en vient a lui droitemant e le tret a une part e li
dit a: « Sire,8 savez vos qi sunt cist dui chevaliers qe vos avez ceianz herber-
gié? − Certes, nanil, fet Daresen, ge nes conois de riens fors q’il sunt dui9 che-
15 valiersb errant, si cum ge croi, qi ne sunt de10 si grant bonté de chevalerie cum
ge ai ja veu maint autres chevaliers. − Ha! sire, fet li chevalier, cum vos les
conoissiez ore mauveisemant a ce qe vos dites! Ore sachez qe li uns est le
meillor chevalier dou monde; de l’autre ne vos sai ge qe dire, qar ge nel conois
de riens ». Daresen comence a sorrirec 11 qant il entent ceste parole e dit: « Leqel
20 est celui qe vos conoissiez?» Il li mostre le Bon Chevalier sanz Peor. E Daresen
comence adonc a rrire plus fort q’il ne fesoit devant e dit adonc au chevalier:
« Or me dites, se Dex vos doint bone avanture, e qi cuidiez vos ore qe cest
chevalier soit qe vos tant loez? − E (59b) nom Deu, fet li chevalier, ge le vos
dirai. Ore sachiez veraiamant qe ce est le Bon Chevalier sanz Peor; a vos
25 meemes ai ge ja maintes foiz oï dire qe cil estoit le meillor chevalierd dou
monde e qi ore portast armes ».
69. Quant Daresen entent ceste novele, il comence trop fort a rrire, assez plus
q’il ne fesoit devant, e dit tout en riant au chevalier: « Ore sachiez bien qe cist
est le plus cohart chevalier e le plus failli de toutes choses qe ge onqes veisse.
Ore gardez cum ce est bien le Bon Chevalier sanz Peor! Mout savez fieremant
5 conoistre les buens chevaliers qant vos les veez! − Dex aïe! fet li chevalier, qe
68. 5 m. y ressembloit b.
6 q. au c.
7 f. sailli d’u.
8 l. tire a part puis […] Sire.
9 s. tous d.
10 je c. mais ilz n. s. pas garnis d.
11 commence […] soubzrire.
est ce qe vos dites? Sachez qe ce est celui qe1 ge vos di. − Ore sachiez qe ce
n’est il mie, fet Daresen, ançois est .I. tel cum ge vos ai conté; e certes, enqore
est il plus malveis. − Dex aïe! fet cil chevalier, ce se puet estre, par foi ore me
truis ge2 a cestui point plus esbaïz qe ge ne me trovai onqe mes, car3 cestui
10 chevalier me semble celui qe ge vos di si mervelleusemant qe ge jurasse bien
orendroit, qant ge l’oi regardé, qe ce fust 4 il tout veraiamant; mes qant vos
avez veu de lui ceste chose qe vos me dites, ge di bien tout hardiemant qe
voiremant a n’est ce mie li Bons Chevalier sanz Peor; e neporqant, qi q’il soit,
s’il estoit si prodom cum il semble, il seroit prodom duremant. − Oreb sachiez
15 de voir, fet Daresen, q’il est tex cum ge vos ai dit ».
70. La1 ou il tenoient einsi lor parlemant del Bon Chevalier sanz Peor, atant e
vos une damoisele qi s’en vient droit 2 a Daresen e le tret a3 une part e dit a:
« Sire, noveles vos aport e vos sai dire qe assez vos pleiront, si cum ge croi.
Ore sachiez qe vos avez ceienz herbergié l’ome del monde qe vos tenez plus a
5 enemi e cil qi a ja plus fait honte e vergogne a vos et a celzb de cest chastel ».
Cil est 4 touz esbahi de ceste novelle qant il l’entent e demande qi est celui. « E
non Deu, fet la damoisele, ce est Brehuz sanz Pitié. − Brehuz? fet il, damoisele,
e ce qe est qe5 vos dites? leqel dites vos qe est 6 Breüz?» Et ele li mostre, et il
le7 comance a regarder e puis a penser.8 E qant il a auqes pensé, il respont a
10 la damoisele: « Damoisele, fet il, chevaliers s’entreressemblent mout; cist puet
bien ressembler Brehuz d’auqune chose, mes bien sachiez qe ce n’est il mie.
Breüz n’est mie (59c) si foux q’il por9 nulle avanture se meist entre nos mains,
qar il set bien q’il a trop d’enemis en cest chastel, e por ce ne s’i metroit il en
nulle guise. Damoisele, nel dites mais; sachiez de voir qe cist n’est 10 mie Bre-
15 huz: vos n’estes mie trop11 bien reconoissant. − Ha! sire, fet ele, merci! Sachiez
qe ce est Brehuz, ne n’est autre.12 − Damoisele, fet Daresen, ore vos taiziez
atant ne n’en fetes semblant. Ge vos pramet qe se cec est Brehuz, si cum vos
dites,13 il ne se porrad si vers moi celer14 qe ge nel conoisse assez tost. Or leis-
siez sor moi cestui feit.»15
71.1 Atant 2 fine cest parlemant. Daresen vet asseoir de joste Brehuz;3 assez
l’onore e mout plus q’il ne fesoit au Bon Chevalier sanz Peor, qar il qide bien
q’il soit trop meillor chevalier qe cist ne soit. Mes, qant il a grant piece regardé
Brehuz, il dit a soi meemes q’il ne set q’il doie dire: cist hom ressemble assez
5 Brehuz selonc ce q’il avoit oï devisier de la taille de Brehuz e de son semblant;
lors comence a pensier mout duremant. E Brehuz, qi garde s’em prent e bien
avoit veu qe cil l’avoit avisé molt, le met adonc em paroles e dit: « Hostes, qe
pensez vos? Se Dex vos doint bone avanture, dites le moi.» Daresen drece la
teste e dit: « Certes, sire chevalier, ge pens a laa greignor folie qe ge pensasse
10 onqes mes. − Se4 vos pensez folie, fet Brehuz, ne la dites mie, qar vos n’en
seriez mie tenu par5 sages. − Certes, fet Daresen, ceste folie qe ge pensoie est
mestier qe ge vos die, qar folie qi n’est seue ne vaut. Ore sachiez qe ge pensoie
70. c se ce: le scribe a d’abord écrit ce se, mais il a exponctué le premier mot et ajouté ce.
d Ms. porrra par la suite du premier r, arrondi.
70. 9 f. qui p.
10 d. plus car sachés que ce n’e.
11 trop omis.
12 B. sans a.
13 si cum vos dites omis.
14 pourra vers m. si bien sceler.
15 f. du tout.
71. 1 37c, Rubr. (précédée au bas du f ° 37b d’une miniature), C[O]MMENT [DAR] ESEN HON-
NORE MOULT A TABLE BREHUS SANS PITIE ET NE TIENT COMPTE DU BON
CHE[VAL]IER SANS PAOUR (début de la colonne détériorée).
2 Atant: grande initiale.
3 s’en v. a. devant B.
4 je oncques pensasses S.
5 pour.
a deus choses et assez merveilleuses, qar cil de mon hostel m’avoient fet enten-
dant, et enqore le me dient, qe vos estes Brehuz sanz Pitié, e cist autres cheva-
15 lier qi avec vos est si est le Bon Chevalier sainz Peor. Ge, qi vois orendroit
reconoissant en moi meesmes qe Breüz sainz Pitié ne seroit hardiz en nulle
maniere q’il en cest chastel se meist einsint cum vos i estes orendroit mis, di
bien qe ge pensoie la greignor folie dou monde qant ge pensoie qe vos fussiez
celui Brehuz. Aprés ceste folie ge pensoie6 enqore gregnor, qar por ce qe alquns
20 de ceianz m’avoit 7 fet entendant qe cist chevalier qi est ceianz avec vos estoit 8
le Bon Chevalier sainz Peor, e ge pensoie a ce,9 se ce po(59d)oit estre verité o
non. Ge, qi sai tout veraiament qe li Bon Chevalier sainz Peor ne soufriroit en
nulle guise qe Brehuz, li plus desloiaux chevalier qi soit el monde, li tenist
compeignie ne pou ne grant, di bien qe ce ne peust 10 estre gregnor folie qe ce
25 qe ge pensoie qe li uns estoit le Bons Chevalier sainz Peor e li autres Brehuz.
E ce est ce por qoi ge di qe ge pensoie bien a la grignor folie dou monde ».
72. A1 ceste parole respont Brehuz e dit: « En non Deu, sire chevalier, qi a folie
pense e pueis se recorde de sens, a grant bien le se puet atorner. En non Deu,
ceste fu bien estrange compeignie qe vos m’alez ore comtant qe de Brehuz sans
Pitié e del Bon Chevalier sainz Peor. − Certes, fet Daresen, vos dites bien verité.
5 Ge di bien qe se vos Breüz fussiez, ja n’eussiez hardemant de metre vostre cors
ceianz: trop i a Brehuz enemis. Ne cest autre chevalier qi ça est ne porroit estre
e nulle maniere le Bon Chevalier sanz Peor;2 por qoi g’en sui orendroit tout 3
fors del qidier. Ore parlom huimés d’autre chose. − Certes, fet Brehuz, a ce
m’acort ge bien ». E Daresen dit autretel 4.
73. A toutes ces paroles ne respont riens li Bon Chevalier sainz Peor, ainz en
a grant joie e grant feste; il entent bien toutes les paroles qe cil vont disant,
71. 6 je la p.
7 m’avoient.
8 v. est.
9 a ce omis.
10 peut.
mes assez petit l’en chaut fors tant i a1 q’il s’en solace e s’en deduit. Daresen2
demande a Brehuz: « Se Dex vos doint bone avanture, dites moi vostre nom. −
5 Ha! sire, fet Brehuz, merci! Ore sachiez qe ge mon nom ne vos diroie mie volan-
tiers a ceste fois, qar ge sui enqor un3 noviaux chevalier; e li noveux chevaliers
ne dient mie volantiers lor noms la ou il viegnent. − Vos dites auqes verité, fet
Daresen,4 mes qant vostre nom ne me volez dire, ore vos voudroie ge prier qe
vos le nom de vostre compeignon me deissiez. − Ore sachiez de voir, fet Bre-
10 huz, qe ge nel vos savroie dire. Ge ai ja maint jor chevauché avec li et il avec
moi qe ge ne soi son5 nom ne riens de son afeire, fors tant sanz faille qe ce est
bien le plus droit fol qe ge onqes trovasse: il n’a sens ne reizon en li; e certes,
il est si droit fol e si forcené6 qe por ce solemant qe vos avez orendroit parlé
del Bon Chevalier sainz Peor, et il entendia cele parole qe (60a) vos deistes de7
15 li e de moi, se vos li demandez orendroit b qi il est, il vos diroit por verité q’il
est le Bon Chevalier sainz Peor. E ge i metroie q’il diroit de moi meemes, por
ce qe vos deistes de moi, qe ge sui Brehuz sainz Pitié; or esgardez cum8 il est
sages! − En non Deu, fet Daresen, s’il me juroit cent mile foiz q’il fust le Bon
Chevalier sainz Peor, ge ne l’en creiroie, qar9 il ne le porroit estre. Ge ai veu
20 en lui tantes foiz defautes10 qe ge sai bien qe ce n’est il mie; e neporqant,
certes, por ce qe vos m’avez dit de lui, li voill ge orendroit demander auqunes
noveles:11 si orrai coment il me respondra. − Or i parra qe vos feroiz, fet Brehuz,
qe vos porroiz ja oïr merveilles, se vos le metez en auqun grant 12 parlemant ».
73. 1 i a omis.
2 et s’en […] D.
3 un omis.
4 Daresem (?).
5 n. sçay s.
6 et forcenné.
7 v. dictes d.
8 o. regardés c.
9 c. pas car.
10 toutesfois tant d.
11 d. aucques n.
12 [gra]nt: col. extérieure et mutilée 38a.
74.1 Lors2 parole Daresen au Bon Chevalier e li dit: « Se Dex vos doint bone
avanture, sire chevalier, dites moi ce qe ge vos demanderai. − Certes, sire,
volantiers, mes se ge vos di3 verité de ce qe4 vos me demanderoiz e vos ne
m’en creez, qel blasme m’en volez vos donc doner? Ge croi bien5 qe ge vos
5 dirai tel chose don vos m’en creiroiz6 malemant; e neporqant ge vos pramet qe
ge vos7 dirai verité de ce qe vos me demanderoiz,8 se ce n’est chose qe trop
me toche au cuer ». Daresen li comence a demander tout errament: « Bel sire
chevalier, ge vos pri qe vos me dioiz qi vos estes e qi est cest chevalier qi
chevauche en vostre compeignie. − En nom Deu, fet li Bon Chevalier sainz
10 Peor, qant vos de ceste chose volez savoir la verité, ore sachiez qe ge ne vos
en mentirai de riens.» Brehuz est si espoentez, qant il entent ceste parole, q’a
pou q’il ne muert de peor e q’il soit leianz reconeuz en auqune maniere; e por
ce dit il a Daresen: « Or orroiz ja merveilles, or orroiz ja les folies qe ge vos ai
dit de cest home ». E li Bons Chevalier comence sa parole e dit en tel maniere:
15 « Sire chevalier, qant vos estes desiranz de savoir qi ge sui, ge le vos dirai tout
orendroit e sans mentir. Or sachiez tout veraiament qe ge sui celui meesmes
Chevalier sanz Peor e si vos pramet qe ge ne sai orendroit entre les chevaliers
errans fors deus solemant qe ge doutasse cors a cors, chevalier por chevalier.
Ge sui celui qi por son hardemant ot le plus aut soznom qi enqore fust donez
20 a chevalier errant; ge sui(60b) celui qi n’ai peor selonc ce qe conte li mondes ».
74. 1 38a, Rubr., COMMENT DARESEN […] BON CHEVALIER SANS PAOUR QU’IL […] ET LE
BON CHEVALIER LUY DIST.
2 [L]ors.
3 je dy.
4 Entre ce et que présence d’une lettre inconnue.
5 Je sçay b.
6 me croirés.
7 pramet qe ge vos omis.
8 vous demanderés.
tant cum ge puis, e vos tout adés creez qe ce soit mençonge: einsint est ma
pene gastea; se vos me vouxissez3 croire de ce qe ge vos deisse, or sachiez qe
10 ge vos feisse bien aconoistre4 mon compeignon. − Or soit, fet Daresen, qe ge
ne vos mescroie de5 ce qe vos me diroiz que vostre compaing est.6 − En non
Deu, fet li Bons Chevalier, e ge le vos dirai. Or sachiez qe cist chevalier dont
vos7 me demandez est sainz faille Breüz sainz Pitié, celui meesmes chevalier
qi tant vos a feites hontes e vergoignes cum cil de ceienz vont recontant;8 e se
15 vos de ceste parole ne me creez, ge ne sai jamés qe9 dire puis qe vos a la verité
ne volez croire ».
76. Quant Brehuz ot ceste novele, il est mout plus espoeenté q’il ne mostre1 le
semblant; grant peor e grant doute a q’il 2 ne soit leienz reconeuz en auqune
guise. Mes por oster Daresen de tout cest quidier, li dit il autre foiz: « Ore, biaux
hostes, ne vos disoie3 ge bien qe jamés n’orroiz de cest chevalier se folie non?
5 Certes, se ge fusse Brehuz, autant deist il q’il nel leissast ne por ma mort ne
por ma vie. Il est assez plus droit fol qe ge ne vos avoie dit.4 − Si m’aït Dex, fet
Daresen, vos dites verité; bien est il foux5 qant il dit q’il est le Bon Chevalier
sainz Peor, e de vos qe vos estes Breüz sainz Pitié».
77. La1 ou il parloient entr’els .II. en tel mainiere, atant e vos devant els venir
une2 damoisele, et estoit de molt grant biauté. Qant ele vit Brehuz et ele l’ot
un pou regardé, ele dit a soi meemes: « Par Sainte Croiz, cist est Breüz, li des-
75. 3 m. voulés c.
4 v. diray sachés q. je v. feray bien congnoistre.
5 Or fait Daresen je vous croiré d. tout.
6 ce qe … compaing est omis.
7 ch. que v.
8 f. de hontes comme c. d. c. vous racomptent.
9 je n’en sauroye q.
76. 1 n’en m.
2 p. a et moult g. doubte qu’il.
3 dirois.
4 Certes … avoie dit omis.
5 est fol.
loiaux, li3 traïtor, qi vait ociant les dames e les damoiseles; qant (60c) cil de
5 ceienz ne le conoissent, il est mestier, se Dex me4 saut, qe ge le face orendroit
conoistre ». Lors parole si haut qe tuit de leianz le porent entendre: « Brehuz,
fet ele, mal traïtor, chevalier felon e5 desloial, coment eustes vos hardemant
de venir ceianz? ja savez vos qe vos avez mesfeit a cels6 de cest chastel tant qe
s’il vos7 fesoient mil foiz morir, se tant morir poïssiez, il ne se seroient 8 mie
10 vengiez de vos! Certes, desloial traïtor, vos9 estes mort; jamés de cest chastel
n’isteras! » Lors10 se torne vers le seignor de leienz e li dit: « Sire, sire, q’aten-
dez vos? Por qoi ne prenez vos Breüz11? Cist est Breüz li desloial, voiremant le
sachiez vos, ne l’alez pas mesconoissant, qe ce est il 12»!
78.1 Aprés ceste parole2 s’escrient tuit cil de leienz qi ja aloient Breüz reconois-
sant: « Sire, sire, cist est Brehuz; faites le prendre! honiz estes s’il vos
eschape! » Qant Daresen entent ceste nouvelle et il voit qe tuit cil de leienz
vont ore reconoissant Breüz, il 3 parole adonc en tel maniere e dit a Breüz:
5 « Vassall, fet il, se Dex me saut, bien eustes fol hardemant e fol conseill qant
vos en cest chastel entrastes; ja saviez4 vos bien qe vos nos aviez5 trop mesfet,
e par tantes foiz6 cum vos poez enqore recorder. Dire poez seuremant, se Dex
me saut, qe vos estes a la mort venuz; jamés ne feroiz plus honte as dames ne
as damoiseles qe vos alés ociant par les chemins; des hor mes seront asseurees
10 de vos; jamés ne les corroceroiz! » Qant Brehuz entent q’il est si dou tout
77. 3 d. et l.
4 me omis.
5 elle traistre ch. mauvais et.
6 c. car vous savés que trop a. fait tort a c.
7 si v.
8 ne seroient.
9 C. mauvais t. et desloyal v.
10 n. saillirés L.
11 Brehus pour quoy ne prenés vous (invers.).
12 d. et le s. tout de vray et ne l’a (sans doute pour allez!) point m. car sans nulle
doubte c’est luy mesmes.
78. 1 38c, Rubr., COMMENT BREHUS SANS PITIÉ FUT RECONGNEU DE TOUS LES GENS DE
DARESEN.
2 parolles.
3 l. le recognoissent i.
4 savez.
5 avés.
6 tant de f.
coneuz qe7 son celer n’i vaudroit riens, il parole adonc, non mie cum esbahi
chevalier, mes cum seur:8 « Hoste, fet il, se Dex me saut, puis qe ge vois qe
entre vos me conoissiez, ni mi celers nea m’i vaudroit, ge9 di bien qe ge sui
Breütz; mes tout soie ge Breüz, si vos reqier ge qe vos me façoiz tele reison
15 cum chevalier doit feire a autre. E certes, biaux hostes, vos estes tel chevalier
e de si grant renomee qe vos ne devriez faire ne por moi ne por autrui chose
qe l’en vos poïst torner a fellonie ne a traïsonb.10 − Certes, fet Daresen, ne ge
nel voil faire. − Ore soufrez donc, fet Breüz, qe ge vos die une parole. − Volan-
tiers, certes, fet Daresen (60d), ore dites, si orrom qe dire volez. − Hoste, ce dit
20 Breüz, vos savez tout veraiamant qe puis qe un chevalier moine un autre en
son hostel por herbergier, puis q’en son hostel l’a receu, se tout li mondes li
voloit feire mal, si le devroit il garentir de tout som poir, au mainz tant cum il
demore en son hostel; mes tantost q’il s’en11 seroit partiz, s’il recevoit honte e
vergoigne por son mesfeit, cil n’en12 feroit puis a blasmer. Biaux hostes, iceste
25 est la13 costume de touz les loiaux homes dou monde; e qi autremant le fet, il
doit estre tenuz a desloial et a traïtor. Tuit prodome, sainz nulle doute, doivent
garder ceste costume; por qoi ge di qe vos ne poez par reison ne ne devez metre
main en moi a ceste foiz, au mainz tant cum ge sui en vostre hostel por ce qe
vos m’amenastes meesmes ceianz, ançois me devez garder e garentir tant come
30 ge i demorerai e defendre encontre toz ceus qi mal me voudroient feire. Voire-
mant, puis qe ge sui oissuz14 de vostre hostel e de votre chastel, adonc serai
ge fors de vostre garde, adonc n’en vendra sor15 vos le blasme, se ge reçoif
honte ne domage por mon mesfait. E certes, se vos autrement le volez dire, ge
seroie orendroit tout appareilliez qe ge m’en combatisse encontre16 vos o
35 encontre autre chevalier de ceianz ».
79. Quant il a dit ceste parole, il se test, e Daresen respont adonc: « Breüz, fet
il, se Dex me saut, ceste costume qe vos dites sainz faille doivent a maintenir
tuit prodome ne nus ne la doit trespasser qi loiauté ait en soi; por qoi ge di qe
ge a ceste foiz ne la trespasserai, ainz la tendrai fermament por ce qe en mon
5 hostel t’amenai. Ore soiés ceianz asseur, qe ge vos pramet qe vos n’i avroiz
huimés garde, ne de moi ne d’autre; e tout soit il verité qe ge ne sai null cheva-
lier orendroit a cui ge voille si grant mal come a vos, e par raison, si vos pramet
qe se ge vos haioe enqore plus mortelmant, si estes vos asseurez a ceste foiz e
de moi e de touz ceus de ceianz. Demain, voiremant, puis1 qe vos seroiz oissuz
10 de ceianz e de cest chastel, ne vos asseur ge mie, ainz vos pramet qe se vos ne
vos poez2 defendre de moi, ja sanz mort n’en es(62a)chaperezb. − Certes, biaux
hostes, fet Breüz, se vos ore me vouxissez prametre qe ge de null chevalier de
ceiens n’eusse garde fors de3 vostre cors seulemant, ge vos creant qe petit de
peoor avroie. − Coment, fet Daresen, Breüz, me doutez vos si petit? − Certes,
15 fet Breüz, se ge de ceaus4 de ceianz fusse orendroit asseurez, ge avroie puis
mout petit peor de vos. − Voir, fet Daresen, si me dotez si5 petit; en non Deu,
por ceste parole qe vos avez orendroit dite vos asseur ge qe de touz cels de
ceienz n’avés vos garde, fors qe de moi tant soulemant; se de mon cors puez
le tuen defendre, donc vos en porroiz aler qitemant. − E ge vos pramet, fet
20 Breüz, qe de vos me defendrai ge bien. Ore nos reconfortoms huimés, qe ge
vos pramet loiaumant qe ge sui orendroit tornez de grant peor a grant seurté;
asseur sui des horemai. − Or i parra, fet Daresen,6 que vos feroiz; par tens en
seroiz a la prouve ».7
80. Aprés cestui parlemant dist Daresen a tuit ceaus de leianz q’il soient tuit
em peis e qu’il n’i ait null si hardi qi die a Breüz se cortoisie non. Il l’a dou tot
79. 1 D. seurement p.
2 poez omis.
3 f. que d.
4 de ceaus omis.
5 Voire f. D. et m. d. vous s.
6 D[a]resen.
7 a l’espreuve sans nul delayement.
asseuré fors qe de lui tant seulemant; e por ce estuet 1 q’il a le leissent tuit em
peis: a lui seulemant en couviegne, e non a autre, et il le funt tout ainsint cum
5 il 2 le comande. Brehuz est mout reconfortez de ceste chose; se il avoit peor
devant, or est asseurez dou tout. E neporqant, s’il venissent cors a corsb entre
lui e Daresen, ce set il bien qe au derrain en vendroit sor li le peior. Mes ce q’il
a avec li le Bon Chevalier sainz Peor le vait dou tout asseurant. A cestui point
est il bien de fort eschapez;3 se il fust fors dou chastel, jamés n’i metroit le pié
10 qu’il peust. Atant furent les tables mises. Daresen est mout plus joiant q’il ne
fu a piece mes; de ce q’il tient orendroit Breüz entre ses meins le reconforte
duremant,4 qar bien qide sainz faille5 qe Breüz ne se peust en nulle mainiere
dou monde defendre encontre li. E por ce dit il a soi meemes q’il est orendroit
venuz em point et en leu q’il se vegera de Breüz. E ce est une chose qui le fet
15 assez plus joiant q’il n’estoit devant.
81. Quant a1 il est hore de mangier, il (62b) s’asient e manjuent mout bel e mout
richemant. E sachiez q’il furent trop bien2 servi celui soir. Qant il fu hore de
couchier, il menerent Breüz dormir en une chambre de leienz, e le Bon Cheva-
lier sainz Peor avec lui. E firent mout bien garder qe Breüz ne s’en peust oissir
5 en auqune maniere. A l’endemain, avant q’il ajornast, li3 Bon Chevalier sainz
Peor, qi deziranz estoit de chevauchier, esveille Breüz mout maitin. Li escuiers
sunt aparelliezb qi les vestent e les appareillent. E4 qant il sunt armez, e vos
devant els venir le seignor de leienz qi dit a Breüz: « Breüz, traiez vos a la voie
et issiez fors de mon chastel! − Certes, biaux hoste, fet Breüz, se vos bien voliez
10 qe g’i demorasse, si n’i demoreroie ge mie, qar ge ai mout afaire; nos issiroms
80. 1 c. convient.
2 c. ilz (le z serait-il rayé?).
3 eschapper.
4 r. moult d.
5 sa[ns] f[ai]lle.
fors maintenant ». Lors demandent lors chevaus, e l’en lor ameine. E qant il
sunt montez, il issent de leienz et a l’issir qu’il funt dit Daresen a Breüz: « Puis
qe vos seroiz for de cest chastel, gardez vos de moi, qe ge vos desfi. − Biaux
hostes, ce a dit Breüz, ore sachiez tout veraiamant qe ge n’ai de vos nulle dotec
15 ne nulle peor, por qoi vos viegniez sainz compeignie ». Atant fine lor parle-
mant. Breüz s’en ist fors dou chastel; aprés li vont criant li grant e li petit:
« Breüz, Breüz, male voie puissiez vos tenir! Alez sanz revenir jamés! » Il ne dit
mot, qar totes voies a peor. « Breüzd, fet li Bon Chevalier, il m’est avis q’il ont
grant amor en vos, cil de cest chastel! Mout par vos aiment coralment. − Sire,5
20 ce dit Breüz, vos dites voir; voiremant me volent bien. Tel bien aient il tuit
ensemble cum il me voellent! » Atant issent del chastel fors e se metent au
chemin, cele part ou l’en lor ot dit 6 qe li dui chevaliers as noires armes s’en
estoient alez. Il ne se furent granment loignez del 7 chastel q’il oent aprés els
venir Daresen qi venoit grant oirre aprés Breüz, apareillez de toutes armes.
25 Breüz s’areste qant il le voit venir; aussint fet li Bon Chevalier. « Breüz, fet li
Bon Chevalier, qe feroiz vos? venuz estes a la meslee. − Sire, ce li respont
Breüz, qant dui chevaliers sunt ensemble compeignon cum8 nos dui somes,
vos savez bien adonc selonc la costume des chevaliers9 erranz qe se ce vient a
faire joste, le meillor10 doit joster avant. − En non Deu, fet li Bon Chevalier, s’il
30 m’en (62c) appellast avant, cum ge sai bien q’il vos en apellera, ge ne la devroie
mie refusier; mes puis q’il ne m’en apelle, coment m’i metroie ge, tant cum ge
vos sache si sainz de vos membres cum vos estes? Adonc mostreroie ge tout
apertemant qe voiremant vos tendroie ge por failli11 e por recreant, se ge vostre
besoigne enprenoie sor moi. − Ha! malveis hom, ce dit Breüz, ge conois bien
35 tout orendroit vostre fause compeignie; bien conois tout ce qe vos pansez.
Certes, ge vos voi dedenz le cuer; vos ne dezirez orendroit fors qe vos me voiez
a terre; si vos en gaberoiz aprés! A cestui est vostre pensier; mes se Deu plest,
de ceste joste n’avendra pas en ceste guise, q’il est mestier tout orendroit, se
ge onqes puis, qe ge abate l’orgoilh de cestui chevalier ».12
82. Quant il a dit ceste parole, il prent son escu et son1 gleive. Daresen, qant
il voit q’il est venuz auqes pres d’els, crie a Breüz: « Vos estes morz, honiz estes,
se Dex m’aït, se vos vostre cors encontre moi ne poez defendre. − Vassall,2 ce
li respont Breüz, por qoi m’alez vos menaçant? ge sai bien qe vos demandez;
5 vos demandez ce qe ge voill, ce est la joste e la bataille, e vos l’avroiz tout
orendroit, qant ge ne puis vers vos finer en autre guise.» Aprés icestui parle-
mant, il n’i font delaiamant null, ainz laisse corre3 maintenant li uns vers
l’autre au ferir des esperons de tel force, q’il estoient amdui plein de haute
chevalerie, qe li plus fort e li plus roides est chargez de cel encontrea. Breüz4 fu
10 feruz de tel force q’il ne puet b es arçons remanoir, ainz vole a terre si estordiz
et estonés5 q’il ne set s’il est nuit ou jor; ja a maint jor q’il ne reçut un si grant
cop de lance q’il n’ait ore greignor receu.
83. Quant 1 Daresen le voit a terre, il voloit maintenant descendre por lui cou-
per le chief, s’i le peust feire,2 mes li Bons Chevalier ne li soufre mie, ainz hurte
des esperons e li vient au devant e li dit: « Ne descendez, sire chevalier, ne ne
qidiez mie qe ge soefre qe vos Breüz metoiz a mort en tel manierre; contre moi
5 vos estuet 3 avant feire une joste! − Coment, ce res(62d)pont Daresen, qidiez
vos Breüz defendre contre moi? − Se ge ne le puis encontre vos defendre, fet li
Bon Chevalier sanz Peor, don l’ociez,4 s’il vos plest. − Certes, ce respont Dare-
sen, de vos e de li me quit ge bien assez dellivrer tost, se avanture ne m’est
trop contraire a cestui point. − Or i parra, fet li Bons Chevalier, qe vos feroiz;
10 par tens en verromes la proeve ». Aprés icestui parlemant, il n’i a delaiament
nul, mes Daresen s’apareille de la joste; li Bon Chevalier de la soe part en est
tout prest. Et en tel guise s’entre viegnent ferant des esperons, si grant oirre
cum puent des chevaux treire. Il furent amdui de grant force e de grant vigor
e de grant pooir, mes li uns est assez plus fort en toutes guises qe n’est li autres
15 e plus set de celui mestier, ce est li Bons Chevalier sainz Peor. Cil fiert l’autre
si roidemant e de tel force en son venir q’il li fet ses arçons voidier e li a fet de
cele joste une gran plaie enmi le piz. Il est navrez si en parfont q’a piece mes
navra pooir5 de porter armes. Breüz, qi ja estoit revenuz en pooir, qant 6 il voit
Daresen a terre qi abatuz avoit esté auqes pres de li, il ne fet pas adonc sem-
20 blant q’il ait de lui nulle peor, ainz s’en vait vers li as grans pas, l’espee trete,
e s’apareille q’il l’ocie tout maintenant, s’il onqes puet. Qant il est dusqe la
venuz, il voit qe cil se voloit redrecier e mout s’en esforçoit, mes il estoit si
duremant navrez q’a paine puet il revenir en estant. E Brehuz, qi grant mal li
voloit e volantiers le metroit a mort, li done de toute sa force un mout grant
25 cop desus le hiaume, si qe7 cil est de celui cop si estordiz8 q’il nel puet sostenir,
ainz flatist a terre, e des9 paumes e des genoils. Qant Breüz voit celui semblant
et il conoist qe li chevalier est si duremant grevez, il 10 n’i fet autre demorance,
ainz se lance avant errament e prent le chevalier al hiaume11 e le tire si fort a
soi q’il en ront les12 laz e puis le giete en voie tant cum il puet.
84.1 Quant 2 Breüz voit q’il a en tel maniere le chevalier mis au desouz, il
s’esforce plus qe devant de metre (63a) le a mort. E bien l’eust adonc ocis, mes
li Bons Chevalier ne li sofre mie, ainz se met avant e dit: « Breüz, assez en avez
feit! Il ne seroit mie loial chevalier qi soferroit qe vos tel chevalier come est
5 cestui meissiez a mort, puis q’il le peust delivrer. Huimés remetez vostre espee
en sauf, qar assez en avez fet. − Ha! sire, fet Breüz, qe est ce qe vos dites? Vos
savez qe cist m’estoit si mortel enemis, et ore m’est einsint avenuz qe ge le
tieng einsint come vos veez. Por Deu, soufrez qe ge m’en venge! − Breütz, fet
le Bons Chevalier, leissiez le atant, qe ge ne voill mie qe si bon chevalier cum
10 est cestui reçoive mort devant moi. − Sire, ce li respont Breüz, puis qe ge voi
84. 1 40b, Rubr. (précédée d’une miniature: Brehus essaie de retirer le heaume de Daresen
pour lui couper la tête, mais le Bon Chevalier s’y oppose), COMMENT BREHUS VOULOIT
OCCIRE DARESEN, MAIS LE BON CHEVALIER L’EN GARDA.
2 Quant: grande initiale.
q’il vos plest, e ge l’en qit et encontre ma volanté, Dex le set bien ». Qant 3 il a
dite ceste parole, il n’i fet autre demorance, ainz vint 4 a son cheval e monte qe
si escuier li amoinent. E5 qant il est montez, il dit au Bon Chevalier: « Sire, qe
vos plest il qe nos façom? − Chevauchom, fet il, qe nos n’avoms qe demorer ».
15 E lors se metent a la voie.
85. E Daresen, a chief de piece, qant il est auqes revenuz, se redrece en1 son
estant, mes il est si duremant navrez q’il reconoist bien orendroit en soi
meesmes q’a piece mes n’avra il pooir de porter armes. Si escuiers font si grant
duel q’il ne peussent greignor faire, qar bien qident veraiemant 2 q’il soit navrez
5 a mort par la foison dou sanc q’il avoit perdu, qar cele place ou il estoit, estoit
ja auqes tainte e vermoille de son sanc, e la noif, qi espesse i estoit e grant,3
en avoit sa color changié et estoit vermoille, e ça e la4 ou li chevalier avoit geu.
Qant il est 5 redreciez einsint cum il puet, si escuiers6 li dient: « Sire, coment
vos sentez vos? − Certes, fet il, ge sui si duremant navrez qe ge ne puis mes en
10 avant, mes bien7 en garrai;8 e neporqant, en ceste mescheance me vait auqes
reconfortant ce qe ge reconois orendroit 9 qe le meillor chevalier dou monde
m’a navrez; se autre chevalier m’eust fete ceste deshonor, a gregnor honte me
tornast. Ore me baillez mon cheval, si monterai si cum ge porrai10 e retornerai
a mon chastel ». Et il le font tout einsint cum il le comande, et il monte a
15 mout grant poine cum cil (63b) qia angoisseus estoit duremant. En tel maniere
chevauche a grant dolor et a grant destrece q’il est au chastel retornez. Qant
cil de leienz le voient venir11 si navrez e si angoisseux cum il estoit, s’il sont 12
85. 1 s. dresse e.
2 b. cuidoient v.
3 et moult g.
4 e. e. ça et la toute vermeille la.
5 il s’est.
6 i. pot ces e.
7 q. plus n. puis mais b.
8 e. gueriray.
9 je cognois o.
10 m. ainsi c. et au mieulx que je p.
11 venir omis.
12 si en s.
mout dolanz e corrouciez de ceste chose, ce ne fet pas a demander; grant duel
e grant ploreisb font li un13 e li autre. E voloient tuit prendre lor armes e mon-
20 ter14 et aler aprés Breüz, mes15 il ne lor soufre mie, ainz lor dit: « Ge ne voill qe
vos vos movoiz. − Coment,16 sire, dient il, ne vengerom nos ceste honte qe
Breüz nos17 a fetec » Et il respont esint cum18 il puet: « Ce ne fu pas Breüz qi
ceste honte me fist, ainz fu le meillor chevalier dou monde, ce est li19 Bons
Chevalier sainz Peor, qi entre nos fu airsoir, ne ne le20 coneumes; bien fumes
25 tuit nices e mesconoissant qant si prodome aviom entre nos e puis nos en
aliom21 gabant. Mes ce m’est avis qe au derrain en tornent li gap sor22 moi e le
domage. − Coment, sire, dit un des chevaliers23 de leienz, fu ce li Bons Cheva-
lier sans Peor qi avec Breüz vint einsint en cest chastel? − Oïl, fet il, ce fu il
voiremant. Onqes tant ne nos gabames arsoir de li q’il ne sed soit ore plus de
30 nos, e de moi plus qe de vos autres ». Einsint parole Daresen, dolant e corrou-
cés duremant de ceste avanture qi a cestui point li est avenue; enqore vouxist
il mieuz24 qe Breüz ne fust venuz en son chastel 25 q’il eust receu tel domage
cum il a receu a cest point. Daresen se fet maintenant regarder sa bleceure,26
mes atant leisse li contes a parler de lui e rretorne a monseignor Lac e a Yvain
35 as Blanches Mains.
II
86.1 Or a dit li contes qe qant messire Ena ces diz chevaucherent toute celle
Lac se fu partiz de Daresen en tel matinee, e qant vint entor hore de
guise cum2 ge vos ai conté ça en tierce lor avint qe il entrerentb en une
arrieres, il chevauche3 (63c) toutes belle fonreste ancienne; e la u li .II.
5 voies avant entre lui et Yvains as chevalier chivauchoient de jouste la 5
Blanches Mains. Yvains est tant dur- dameiselle, il escuterent et oïrent a
emant irez de ce qe Daresen l’ot abatu destre un grant cri, e fu celui cri
q’il ne set q’il doie dire, e mout set auqez pres d’elz. Tout maintenant qe
maugré a monseignor Lac de ce q’il mesire Lac oï le cri, il conut tout
10 n’ot fet son pooir de4 cele honte maintenant qe ce estoit cri d’home; si 10
revengier. Il chevaucha pensis e dit a Hervi de Rvel: « Sire, vos poés
mornes qe mot ne dit, mes tant dit il avoir oï un cri d’ome, e est auqes pres
85. fait Licanor, que je vous monstreray ung livre en quoy sont contenus tous les comptes
que je vous ay comptés et encores d’autres beaulx que vous lirés pour passer temps et
vous gardés d’ennuy, et si oirés tousjours nouvelles de la court le roy Artus ». Moult fut
joyeus[e] la dame du Lac de la prouesse du livre et s’en alerent coucher et reposerent
moult bien. Au matin, Licanor vint a la dame du Lac et luy porta ung beau livre et la
dame du Lac le prent qui moult en fut joyeuse et tandis que demoura leans ne fit que lire
le livre. Si trouva en escript tous les comptes que Licanor luy avoit comptez; si regarda
en avant ou livre et trouva tous les comptes qui s’en suivent. Et Lancelot tousjours
l’escoutoit voulentiers. Si vous laisserons a parler de la dame du Lac et retourne a comp-
ter les comptes que la dame du Lac trouva en escript en livre en ensuivant la matiere
[…] que Licanor luy avoit [comp]tés. Si commençoient les [comp]tes en telle maniere:
86. a Or: initiale à miniature (deux cheva- a En: reprise du texte commun après l’inter-
liers à pied, traînant leurs montures der- ruption signalée au § 34.45 (n.a). Entre temps,
rière eux, approchent d’un arbre auquel F donne un récit qui lui est propre – il figure
est lié un personnage dénudé). en Appendice III – cf. les § 131 à 137 de A(2).
Le début du § 86 correspond au § 86.16 de
86. 1 41a, Rubr., COMMENT […] ET A(2). Cf. Lathuillère 1966, § 162 n. 1.
YVAINS AUX BLANCHES[… O]ŸRENT b entrerent: primitivement encontrerent
UNG GRANT CRY D’OMME […] ENT avec con (abrégé) rayé.
CHEVAULCHERENT CELLE PART.
2 t. maniere c.
3 a. si chevaulcha.
4 n. fit s. devoir d.
bien a soi meemes qe onqes mes ne de nos sans faille. − Cel meesmez vos
fu nul si malvés compeignon ne si voloie je dire, fet Hervi de Rvel. − Or
15 vilains cum5 est messire Lac qi einsint seroit bon, fet meser Lac, qe nos tor- 15
si est falliz a cestui besoing. En tel nisonz celle part por savoir qui est
guise chevauchent amdui celui jor celui qi a gité cestui cri, qar je croi
dusqe hore de none e lors entrerent bien qe il ne soit senz achoison. − E
en une grant foreste anciene dur- je m’ic acort bien a ce que vos dites »,
20 emant qi a merveilles6 estoit bele fait Hervi. Lors se retorne meser Lac 20
forest de toutes choses. Qant il orent vers la damoiselle e li dit: « Ma chiere
bien chevauchié par la foreste entor damoisele, nosd vos crions merci e
deus lieues englesches, messire Lac pardon, se ci vos est dit chosse qe
s’areste por ce q’il oï un grant cri a […], e sachés que en qelque leu qe nos
25 senestre, e fu celui crib7 auqes pres de seonz, nos somez vostre chevalier. − 25
li, e bien reconut qe ce estoit cri Certes, dit la damoisele, mauvaiz che-
d’ome. Qant il est aresté, il dit a Yvain valier, je n’ai cure de vos pardon, qe
as Blanches Mains: « Avez vos oï ce vos m’avez tant dit qe por aventure
qe ge ai oï? − Sire, ge ne sai qe vos encor n’avrois le gererdon ». Qant elle
30 avez oï, mes tant sai ge bien qe ge ai a dit ceste parole, elle s’en vait outre 30
oï le cri d’un home, et est bien pres q’elle ne tient plus parlement a aux.
de nos, e ceste part sans faille. − En tel mainere se depart la damoiselle
Certes, ceste meesme chose vos voloie e lle nain des deus chevaliers.
ge dire, fet messire Lac. Ore seroit
35 bien qe nos tornissom cele8 part por
veoir qi cil est qi a gité cestui cri, qe
ge di bien q’il ne gita onqes cest cri
sans achoison. − Sire, fet Yvans, don-
qes tornoms ceste part, qe ge m’acort
40 a ce qe9 vos dites ».10
86. 5 n. s. vaillant c.
6 une forest et encienne vrayement
car a m.
7 a senestre e fu celui cri omis (saut
du même au même).
8 s. bon q. vous tournissiez c.
9 a tout c. q.
10 d. bien le sachés.
87. 1 cy (pour cry?) quant qu’ilz o. pou- a Quelque chose au dessus de grant(ment).
oient il nous esteut s. b Devant loing, ce exponctué.
2 Ce omis. c damoiselle (l. 1) … braies: écriture très
3 g. tellement qu’on pouoit seurement. effacée.
4 n’eussent peu ch.
5 ce omis.
6 descendirent.
7 e. tiennent leurs ch.
8 t. leurs e. et leurs g.
9 Après moult, le texte est interrompu
par une miniature (Lac et Yvain à che-
val, lances au poing, découvrent Marc
qui, déshabillé, est lié à un arbre): COM-
MENT MESSIRE LAC ET (?) MESSIRE
YVAIN OYRENT UNE VOIX.
10 arbrusses.
25 chier por la11 planté des arbres e des Lac le voit, il le moustre a Hervi de 25
branches. Il 12 n’orent granment alé Rvel e li dit tout soef: « Sire, veez la
cerchant les arbres en tel guise cum celui qui en celle part noz a fait
ge vos cont q’il oïrent autre foiz le cri. venir. − Sire, vos dites voir, fet Hervi
Messire Lac regarde adonc devant soi de Rvel, ce est il sans faille; or allons
30 e voit tres desus le lac un home tout jusque a lui por savoir se noz le 30
nus, em braies, lié a un arbre, et il poronz connoistre, qar je croi mielz
avoit les euz bendez en tel mainiere qu’il sioitd chevalier errant que
q’il ne pooit veoir gote. Tout mainte- autre. − Hor sachiés veraiement, fet
nant qe messire Lac le vit, il le mostre meser Lac, qe si annemis le menerent
35 a Yvain as Blanches Mains e li dit tout por neier en cest lac, mes qant il 35
soef: « Veez la celui qi ceste part a nos virent qu’il estoit si gelee, il le lai-
a13 feit venir. − Sire, fet Yvains, vos serent en tel mainere por lui feire
dites verité, ce est il voiremant, ce est morir. E si m’aït Dex, con je me mer-
un chevalier sans doute; ore alom voil coment il n’en est mort a ce que
40 dusqe lui por savoir se nos le porrom il este tout nus fors de braiez; e li froiz 40
conoistre, qar ge croi mieuz qe ce soit est grant con vos veois. Or allons lui
chevalier errant qe autre. − Ore sachez, veoir tout coiemant e por savoir se
fet messire Lac, qe si enemi l’ame- nos le porion connoistre ».
nerent ici por noier le en cest lac; si
45 l’ont ci leissié en tel mainiere por fere
le morir. E si m’aït Dex, ge me mer-
veilh q’il n’est mort a ce q’il est nu,
fors qe ses braies;14 e li froiz est mer-
veillexb 15 en tel mainiere cum nos
50 veom ore. Alom16 pres de lui tout
coiemant por savoir se nos le porrom
conoistre! »
87. a part oublié, rajouté dans la marge d sioit avec le premier i suscrit.
droite.
b Ms. merveillexus.
89. « Amor,1 amor, tant mal vos vi! « Amor, tant mal vos vi! Amor, chose
Amor, chose felleneusse et amere, fellonosse e amere, garnie de deslei-
garnie de desloiauté, pleine de fel e auté, plaine de venin e de mort,
d’amarece,a2 pleine de venin e de engendree de traïsson e norie de felo-
5 mort et engendree de traïson e norrie nie, nee de martir e de doulor, nee de 5
en felenie, nee en martire et en dolor. diable d’infern; norie e alaitie de
Amor tenebrous et oscurs, nee qant venin, de serpenz, aprise e ensegnee
tuit bien defailloient,3 nee de mal, de menzconges; decevance d’amor,
nee de duel,4 nee des grans dolors chose de male part, plaine de toute
89. b divisier: la deuxième syllabe est diffi- a Ms. mesfaire, corr. d’après A(2).
cilement lisible.
c Ms. mon: la syllabe finale manque.
90. Quant 1 il a dit ceste parole, il se Quant il a dit ceste parole, il se teste
test e giete un sospir de parfont e e jete un grant souspir de cuer parfont
comance a plorer trop fort, si q’en e comence a prorer mult for e mot ne
pou d’horea a de ses lermes amdeus dit, si qe li .II. chevalier qi les regar-
5 les faces moilliees. Il plore adés ne doient enn ont trop grant pitié; e 5
mot ne dit, si qe2 li dui qi le regardent neporqant, il se teisent por escuter se
en ont pitié grant; e3 neporqant, por il dira plus.
ce qe enqore orroient volantiers
auqun autre dementeis, se plus en
10 fet, qar trop duremant prisent toutes
ces paroles, se teisent il e tiegnent
cois por escoutier s’il dira plus.4
91. 1 v. y compte.
piece son duel mené, e li dui2 cheva- e dit: « Qui es tu qui en tel mainere te
5 lier voient q’il ne velt ore plus dire, complaint?» Qant cil oï celle parole, il 5
messire Lac comence adonc a parler e cuide veraiement qe ce soit celui che-
dit en tel maniere: « Qi es tu qi si te3 valier meesmez qi iluec l’avoit amené
plains?» Li chevalier, qant il entent e feit lier a l’arbre; e bien cuide qe il
ceste demande, qide bien tout veraie- soit retornés por lui metre a mort, e
10 mant qe cist soit 4 celui meesmes che- ce voldroit il mult volentiers, e por ce 10
valier qi ilec l’avoit (64b) fet mener e respont il mult hardiement (76d) e
lier a l’arbre, bien qide q’il soit retor- dist: « Ensi ne t’aïst Diez, com tu sez
nez por metre le a mort; ce voldroit il qi je sui! por qoi me fes tu ceste
trop volantiers. Il n’a orendroit nulle demande? ja sés tu qi je sui e dont je
15 chose el monde q’il dezire autant cum sui e que je puiz e qe je vaill. E certes, 15
la mort, e por ce respont il mout har- se tu fussiés home qui eusiez leiauté
diemant: « Einsi t’aït 5 Dex, cum tu ne en toi, tu ne me feissiez morir con tu
sés qi ge sui! por qoi me fas tu ceste fes de si grant martire; ce n’este mie
demande? bien sés6 qi ge sui e don ge mort qe je fais, ainz plus qe pasa
20 sui e qe ge puis e qe ge vailh. E certes, mort. Se tu a un coss ou a deuz eusiez 20
se tu fusses home qi eust loiauté en mis mon cors a mort, adonc fust ma
soi, tu ne me feisses en nulle guise poine legiere; mes ceste est passe
morir a si grant martire cum tu me fas mort e rage! Chevalier cruelz e fellon,
sofrir ici; ce n’est mie mort qe ge sans pitié e sanz cortoissie, por qoi ne
25 suefre,7 ains est assez plus qe passe fes tu ce qe justice de chevalerie 25
mort. Se tu a un cop o a deus eusses comandea? por ce qe, se tu pues venir
mis a mort mon cors, adonc fust cele au desuz por ta proese de ton henemi,
mort legiere. Qe me8 costast? certes tu le dois ocire maintenant sens delai
noiant, ce m’est avis: tost eusse passé o tu li pardonnes la mort; e ce est
30 l’angoisse. Mes ceste mort qe tu me mielz qe de far le morir ensi desloial- 30
fas ici soufrir est passe mort e droite ment con tu me fez ici morir. Desloial
rage! Chevalier fellon e cruel,9 sanz traïtor, ne sez tu qe je sui rois e tu es
pitié e sans cortoisie, por qoi n’eustes chevaliers? E por ce qe je sui cheva-
tu fait a ce qe justece et asprece de lier, te requier qe tu aies de moi merci
35 chevalerie comande? Va,10 chevalier e qe tu me delivres e me llaisez 35
failli e mauveis! Asprece de bonté eschamper; e tel merci ne te cri je mie
comande11 qe, se tu puez par ta pro- por ce qe je croie qe tu aies pitié en
ece venir au desus de ton enemi, qe toy, mes je te cri tel merci qe bien est
tu l’ocies maintenant e sans delai ou convenable a toi. Tu es chevalier sanz
40 tu li parduigs la mort! E ce est plus qe pitié, e je sans pitié voil avoir merci; 40
fellenie de feire le morir si doloreuse- e sés tu qel merci? qe tu me ocies
mant cum12 tu me fas morir ici. Deslo- maintenant! Ceste morte seulle me
ial plus qe home, ne sés tu bien qe ge donne e sera bien la plus douce mort
sui chevalier e roi? Por ce qe ge sui qe chevaliers receust onqes mes; cest
45 chevalier e tu autressi chevalier, te pri dollor me senblera douçor e ceste 45
e te reqier de tout mom poir13 qe tu morte me sera joie! E certes, a si faite
aies de moi merci; e sés tu qele merci proiere te devroies tu bien acorder;
ge voill? nom pas merci qe tu me del- oci moi tost, mauvais chevalier, coart!
livres de ci e qe m’en leisses escha- oci celui qi te porchace ta honte
50 per, mes14 tel merci te reqier ge qi sempre! » 50
bien est covenable a toi. Tu es cheva-
lier sans pitié, e ge sans pitié voil
merci; e sés tu qele? qe tu m’ocies
maintenant, si sera ma dolor finee.
55 Ceste mort, se tu la me dones tout
maintenant, sera bien la plus dolce
mort qe chevalier receust mes; ceste
dolor me ressemblera dolçor e ceste
mort si me sera solaz e vie! Certes, a si
60 faite priere15 te devroies bien acorder;
fais le por amor de moi e de gentilece;
92. (64c)1 A ceste parole respont mes- A ces paroles respont mesire Lac e
sire Lac e dit: « Sire chevalier, ge ne dit: « Sire chevalier, je ne sui mie
sui mie celui qe vos qidiez; ge ne sui celui chevalier qi vos cuidiés ne qui
mie celui qi cest mal vos a fait, ains ceste mal vos a fait, ains sui un che-
5 sui chevalier2 estrange qi avanture valier estrange qui aventure aporte 5
aportaa ceste part. Crier vos oï ceste parte. Crier vos oï auqes loing e
d’auqes3 loing e por ce vins ge ça tout por ce venimes nos ceste part. − Dex
droit. − Dex aïe! fet li hons liez, e aïe! fet li chevalier liez, e puis qe vos
puisque chevalier estes e mal ne me estes chevaliers qi mal ne me volés,
10 volez, certes, bien estes sanz pitié por qoi allés vos delaiant qe vos ne 10
qant vos pitié n’avez de moi! Q’aten- me delivrés? Certe, bien estez sanz
dez vos, por Deu e por gentilece? itant pitiés qant vos pitié n’avés de moi! Qe
me fetes de cortoisie qe vos m’ocioiz atendés, por Dex et por cortoissie?
mantenant ou vos errament me deli- itant me feites: ou qe vos m’ociés
15 vrez. Tant ai dolor4 qe autant me maintenant o qe vos me delivrés; tant 15
chaut des or meis de la vie cum de la ai de dolors qe tant me chaut ormés
91. 16 pouchaceroit.
des armes garnis, qar autressint iroie recovrer armes. − Certes, dit li cheva-
ge volantiers cele part. − Ore vos dirai lier, e je m’i acort bien ». Lors se par-
50 qe vos feroiz, s’il vos plest, fet messire tirent dau lac e retornerent au grant 50
Lac; vos chevaucheroiz avec nos chemin. Mesire Lac, qi desirant estoit
dusq’au soir, e ge qit qe nos vendrom de connoistre le chevalier, le mist en
cestui soir dusq’a un chastel ou nos paroles e li dist: « Sire chevalier, se
porrom legieremant recovrer tout ce Dés voz doint bonne aventured, ditez
55 qe vos est mestier d’armes.10 − Certes, qui vos estes e por qoi vos ve plai- 55
ce a dit li chevalier, e ge m’acort a gnois si durement d’amor. − Sire, dist
cestui dit ». Et en tel maniere se li chevalier, sauve vostre grace, ce ne
partent d’ilec e retornent au grant vos dirai ge mie, mes tant vos promet
chemin. Messire Lac, qi trop estoit je bien qe je le vos dirai avant qe je
60 de(64d)sirans de conoistre le cheva- me depart de vos, se vos ne trovez qi 60
lier, se conoistre le peust, le met em avant le vos die de moi ». E mesire Lac
paroles e li11 dit: « Sire chevalier, se dit qu’i le vuelt volantierse.
Dex me doint bone avanture, onqes
au12 jor de ma vie ge n’oï si fieremant
65 blasmer amor cum vos l’avez hui
blasmee devant nos. Trop savroie
volantiers, s’il vos plesoit, por qoi vos
avez empris13 si mortel aine a amor,
qar ge ai apris en totes les contrees ou
70 ge ai esté qe chevalier loent amor14
sor toutes choses e q’il tiegnent tout
plainemant q’il n’ont bien se d’amor15
non e se d’amor16 ne vient, ne qe
jamés chevalier ne fera tres haute
75 chevalerie ne proece, se ce n’est par
force d’amor. Or donc, qant nos avom
oï qe vos alez blasmant amor si dur-
emant, ce qe ne font li autre cheva-
92. 10 q. mestier vous fait d’a. d aventure omis, corr. d’après A(2).
11 li omis. e Après cette fin de § différente, F passe
12 au omis. directement aux événements narrés dans le
13 entreprins. § 97 de A(2).
14 amours.
15 d’amours.
16 d’amours.
93. Li chevalier, qant il entent ceste demande, giete un sospir de cuer parfont
e comence a pensier. E qant il a une grant 1 piece pensé, il 2 respont a monsei-
gnor Lac: « Certes, fet il, bel sire, se ge me vois planhent d’amor,3 ce n’est
merveille, qar ge sui cil qi onqes n’en ot se dolor non; nus ne m’en doit blas-
5 mer: qi bien a d’amor, si s’en loe e qi mal en a, si s’en plaint;4 por ce qe amor
m’a fait mal e por ce q’il m’a mis a mort − autant se vaut, e mort i fusse au
voir dire se vos n’i fussiez venuz −, m’en vois ge einsint plaignant. E q’en
diroie? amor m’a fait toutes les dolors qe ge ai, por qoi ge voi blasmant amors
e blasmerai toute5 ma vie. Certes, sire, se vos saviez l’achoison de cestui blasme
10 ausint bien cum ge sai, ja ne me blasmeriez ne ne reprendriez, qe ge vos di
92. 17 c. vous v.
18 feus[tes]: col. extérieure et mutilée
42d.
19 coment … ilec omis.
20 A. vous d.
94.1 « Seignors,2 fet il, il est bien veritez q’un chevalier estrange sui, nom pas
del roiaume de Logres mes d’autre region. Se ge sui rois ou ne sui rois, ja por
moi3 ne le savrez ore ne autre chose de mon estre fors qe ge sui un chevalier.
Chevalier sui, mes non mie si bons des armes cum ge voudroie ne cum il me
5 seroit mestier. En cest esté qi passez est ot deus ans acompliz q’un tornoiemant
fu feruz devant 4 un chastel d’un jaianz, e sachez qe ge ne me puis mie recor-
dier qe ge en une assemblee sanz guerre mortel veisse autant de bons cheva-
liers cum il ot a celui tornoiemant. E si il i ot assés de prodomes, il n’i ot gueres
moins de hautes dames e de5 vaillanz qe lor amis e lor maris e lor paranz orent
10 amenees6 por veoir le tornoiemant. A celui tornoiemant avint par ma mort e
par mon pechié q’une dame i fu amenee, tan bele riens7 de toutes choses qe
ge8 di bien tout seuremant q’a celui tens estoit ele bele et, au voir dire, la plus
bele dame del monde. Tout maintenant qe ge la vi, ge mis si ententivemant
mon cuer en li amer qe ge ne porroie plus; e certes, a celui tornoiement me
93. a cum oublié, rajouté avec signe de renvoi dans la marge droite.
94. 1 43a, Rubr., COMMENT LE ROY MARC COMPTE A MESSIRE […] YVAINS AUX
BLANCHES MAINS […] POUR QUOY IL AVOIT ESTE AD […] OU ILZ L’AVOYENT TROUVE.
2 [S]eigneurs: initiale invisible.
3 o. non r. j. par m.
4 f. fait d.
5 d. ne d.
6 p. avoie[nt] a.
7 riens omis.
8 ch. car je.
15 travallai ge de tout mon pooir de porter armes e de feire le bien, e plus por
amor de li qe por autre chose. Qe vos diroie? tant fis a celui tornoiement qe ge
en conqestai pris e loux selonc la bonté de chevalerie qe ge avoie e tant fis qe
ma dame sot qe ge l’amoie de grant amor. Qant ele ot apris qi ge estoie et ele
sot ma gentilece e conut veraiament (65b) coment ge l’amoie de grant amor,9
20 ele me fist assavoir qe ele n’avoit mie enqore volanté de moi respondre. Por ce
qe ele ne m’avoit tout plainemant escondit, oi ge bon esperance e dis a moi
meesme q’il ne pooit estre qe ge n’en venisse10 bien a chief en auqune maniere.
Tant fis puis qe a ma dame parlai e qe ge pris congié a lui e li dis q’en qel qe
leu qe ge alasse, ge seroie toutes voies son chevalier. Et en tel mainiere me
25 parti e m’en retornai en mon païs. Puis fu grant tens qe ge ne vi ma dame ne
qe ge en cest païs ne retornai. Mes, por ce, se mis cors estoit loing de ma dame,
n’en estoit mie loing mi cuers; en qel qe terre qe mi cors demorast, mi cuers
estoit adés avec li. E se ge ne la veoie des euz del cors, ge la veoie tout adés
des elz dou cuer e sovent li mandoie message.11
95. Que vos diroie? tant fis vers ma dame la gente, la meesmes ou ge estoie
en estrange contree e loing de li, q’ele me otroia s’amor. Qant ge fui bien de
ce certains per mon message meesmes e ge soi qe ma dame, la soe merci,
s’acordoit a moi, ge n’i fis1 autre demorance, ains me parti de mon païs e m’en
5 vins2 ça tout droitemant por ma dame veoir. Ma dame, la soe merci, me reçut
mout bel e mout honoreemant.3 Ge, qi doutance avoie mout grant qe alquns
de leienz n’aperceust a por4 qoi ma dame me recevoit si honoreemant 5 e por
qoi ele me fesoit si grant feste, m’aloie gardant de reconoissance. Mes ce qe
vaut? Traïson6 qi honit le siecle e qi tout le monde envenime se prist garde en
10 nostre amor: cele ou ma7 dame avoit gregnor fiance q’en nulle autre dame dou
95. 1 ne fit.
2 [pa]ïs et vins.
3 m. honnorablement.
4 m’a. et p.
5 s. honnorablement.
6 c. ribault T.
7 c. que m.
monde trahi ma dame e trahi moi,8 qar ele fist tout maintenant savoir au mari
de ma dame qi ge estoie, por9 qoi ge estoie venuz et en qel guise ge pochaçoie
la deshenor de li. Qant il entendi cest afeire, se il li greva duremant, nel deman-
dez, qar10 il amoit la dame de tout son cuer. E q’en diroie? puis q’il oï ceste
15 novelle, il fist tant q’ensemble nos prist. Pris fui e liez e vergoindez por ma
dame et ele por moi. E tout errament fu comandé11 qe nos fussoms mis a la
mort: ma dame au feu − ensint fu jugee sa mort −; de moi fu aprés comandé
(65c), por ce qe gentil home estoie e de tel afaire qe a doutance et a peor me
metoient 12 a mort, qe ge fusse menez en tel leu qe l’en ne seust puis de moi
20 novelles et illec fusse puis mis a mort, si q’en tele mainiere fust vengiee cele
deshonor qe ge avoie porchaciee au prodome. Einsint fu comandé de moi qe
ge fusse mis a la mort. Pris fu errament et amené ça tout de nuit; e ge fui
baillez au mari meemes de cele qi avoit acusee13 ma dame e moi, e cil m’ame-
na14 jusq’au lac ou vos me trovastes. Ou lac15 m’eust noiez adonc, mes il estoit
25 si glaciez come vos veistes, e por ce remist q’il ni m’i16 gitierent. Qant il virent
qe ge avoie failli a cele mort q’il avoient ordenee en tel mainiere, il me despol-
lierent errament e me lierent a l’arbre, e distrent entr’els qe peior mort ne plus
aspre ne me pooient il doner qe leissier me morir en tel mainiere. E por ce q’il
qiderent bien qe ge ne peusse mie17 vivre illec un jor seulement por ce qe trop
30 estoit li froiz grant, si me18 leissierent il en tel guise. Or vos ai mon conte finé
e dit por qel achoison ge fui liez a l’arbre. E sachez qe de cestui conte ne vos
ai ge dit se verité non e coment il avint ».
96. Quant il a son conte finé, messire Lac respont adonc e dit: « En non Deu,
bel sire, vos nos avez bien tenu covenant, qar vos nos en1 covanançastes qe
vos diriez cestui conte au plus covertemant qe vos porriez, e vos l’avez bien
95. 8 et moy.
9 d. la d. q. j’e. et p.
10 d. ja ne le fault demander car.
11 commandé répété (le second avec un e devant la cons. nasale).
12 mettroient.
13 q. fut a.
14 me mena.
15 Au lac.
16 veistes pour quoy il resta qu’i. ne m’y.
17 mie omis.
18 q. le froit estoit moult g. ilz m.
96. 1 en omis.
fet. En tel maniere2 vos nos avez finé tout vostre conte et enqore ne savom3
5 nos qi vos estes ne qi fu la dame ne qi fu le mari de la dame; nos n’en savom
gueres plus qe nos saviom au començamant. Mes ore nos dites: qidez vos
toutes voies qe la dame fust morte? − Certes, ce4 dit li chevalier, oïl; ge qit bien
q’ele soit finee, qar de celui point qe ge vos di avoient il tout ordené coment
ele devoit morir, e morir devoit maintenant; por qoi ge di bien q’il ne peust
10 estre q’ele ne soit ore morte. E ce est ce por qoi ge blasmoie si duremant amor,
qar il ne m’est pas avis qe amors rendist onqes mais a deus amansz si mauveis
gaerrerdon d’amer cum ele a rrendu a nos deus de nostre amor, qar ma dame
en est ja finee, e ge en morrai prochainemant, (65d) ce sai ge bien; qar aprés
la mort de ma dame, qi por moi est einsint ocise cum5 ge vos ai dit, ne qier ge
15 vivre longemant ».
97. 4 j’estoye.
5 m’en p. q. a m. n. me c.
6 p. asseuré.
7 que endroit.
8 v. cognoississions (est-ce un SP avec
un redoublement erroné de la 3ème syl-
labe?). Certes.
mestier; ce est bien domage a toute ne m’est contraire ou trop grant mes-
chevalerie. Cil est mes amis si dur- cheance ne nos avint ».
45 emant e si poissant de leienz qe ge sai
bien q’il metra tel conseill en vostre
afaire qe ja n’i seroiz retenuz; por qoi
ge voill qe vos viegnez tout seuremant
avec moi, qe ge vos pramet loialmant
50 qe ge de leienz vos treirai aussint sau-
vemant cum vos i entreroiz, se Dex
seulement ne nos i9 est contreire ou
trop grant mescheance ne nos i10 ave-
nist ».
97. 9 n. vous y.
10 g. meschanceté n. vous y.
99. Lors issent dou grant chemin e Lors isent dou grant chemin e tornent
tornent vers une meison deserte qi vers unne meixon deserte qui estoit
estoit enmi les chans e demorent 1 ilec enmi le chanz e demorent ilec (77b)
dusq’au soir qe la nuit fu venue. Qant jusque au soir qe la nuit fu venue. E
5 il virent qe la nuit estoit venue, il qant il voient qe la nuit estoit venue 5
se remetent au chemin e tant che- noire e oscure, il s’en vindrent au
vauchent en tel maniere q’au chastel chastel; mes a celui point qu’il i
viegnent. Mes a celui point q’il vin- furent venus troverent qe cil deu
drent, il troverent qe au chastel chastel fessoient si grant duel qe
10 fesoient comunemant si grant duel qe jamés si grant ne fu oïz. Qant il oïrent 10
gregnor ne porroient. Il s’arestent: le grant duel qe cil demenoient, il
« Dex aïe, fet messire Lac, ce qe puet s’arestent: « Dex aït, fet mesire Lac, ce
estre? por qoi funt ore si grant dolor qe poet estre? por qoi font cist si grant
cil de ceienz? cist tres2 grant duel, au duel? car cest duel n’est sans ochais-
15 mien avis, n’est mie sanz tres3 grant sonz. − Certes, sire, vos ditez voir », 15
achoison. − Certes, sire, vos dites fet Hervi de Rvel. Li chevalier est tant
verité», fet Yvains. Le chevalier est iriez qant il ot ceste duel qe il ne poet
tant irez qant il ot le grant duel q’il mot respondre, ainz baise la teste
font q’il ne puet mot respondre, ainz vers tere ne mot ne dit. Mesire Lac,
20 beisse la teste vers terre ne mot ne dit; qui le regarde e le voit einsint la teste 20
se onqes reconoist en son cuer por qoi clinee vers terre, cuide voiremant qe
cil de leienz demenent si grant do- il le face einsint por non estre reco-
lor, tout en set orendroit l’achoison neuz, e por ce ne le met il en paroles,
selonc son avis, dont il est a soi ainz chivauche outre, tant qe il
25 meesmes tant duremant irez q’il ne vienent a unne grant tor qi estoit le 25
set q’il en doie dire. Messire Lac, qi recet deo proudome de cui mesire Lac
le regarde e si li voit einsint la teste avoit parlé; e ce estoit droitement en
baissie, qide bien tout veraiament q’il mi leu deo chastel dont cil proudome
le face por dotance qe cels de leienz avoit feit feire une meison closse de
30 nel reconoisent e por ce ne le met il mur e de fossez. 30
onqes em paroles, ainz chevauche
avant totes voies. E tant fet q’il vient
a une grant tor, ne ce n’estoit mie la
maistre forterece, ainz estoit le recet
35 dou4 prodome qe messire Lac avoit
99. 1 demourerent.
2 tres omis.
3 tres idem.
4 l. retrait d.
99. 5 d. au m.
6 s. devant y.
7 i. tiennent l.
8 e dient … qi ceienz omis.
9 s. q. le chastel de leans n’e. jamais
reffusé aux ch.
10 v. au devant et.
11 m. honnorablement.
qar de ce faire estoient bien acostu- astivement qe il puet: « Hai! Sire, fait
mez, e les menerent leienz ou paleiz12 il, qe vos soiés li tres bien venus, qe
por desarmer. Qant il les orent si m’aït Dex, conme je me tieng de vos
desarmé e li sires de leienz qi se gisoit mielz a paié e de vostre venue qe je
65 sor une couche devant le feu cum cil ne feiroie de chevalier qi orendroit 65
qi ne se pooit bien aidier reconut le soit au munde. Cist ostiaux est hore
bon chevalier, il saut en estant dolent, ausi con sunt tuit cil de cest
encontre li, au plus vistemant q’il chastiaus, mes por vostre venue est
puet: « Ha! Sire, fet d il, vos soiez li mestier qe nos faiçons tuit joie et
70 tres bien venuz; issi m’aït 13 Dex, cum feste. − Sire, fet mesire Lac, vostre 70
ge me tieng orendroit a mieuz paié de merci ». Lor se asierent tuite .IIII., li
vostre venue qe ge ne feisse de null unz aprés l’autre; li sire de laiens
chevalier qe ge14 sache orendroit ou estoit tant liez de la venue de meser
monde.15 Cist ostiaux estoit orendroit Lac qe il ne poroit estre plus. « Sire,
75 tristes e dolanz duremant, einsint dist mesire Lac au chevalier maag- 75
cum sunt tuit li autres de16 cest chas- niés, je vos pri qe vos me disoiz por
tel, mes certes, por vostre venue est il qoi cil de cest chastiaus font si grant
mestier qe nos façom feste tuit e qe duel, et ce est une chosse qi mult me
nostre duel tort en joie. − Sire, fet il, feit mervoillier; por Dex, dites le moi,
80 vostre mercis! » Lors s’asient tuit se il vos pleiste ». 80
qatre les uns delez les17 autres; li sires
de leienz est tant lez duremant de lae
venue monsenhor Lac q’il ne peust
estre plus liez; e s’il estoit devant
85 dolanz e corrouciez, or est confortez18
a merveilles. E qu’en diroie? la venue
de monseignor Lac a tout celui ostel
99. 12 l. au p.
13 v. ainsi m’a.
14 ch. qu (pour que) je.
15 o. au m.
16 d. d. et tous ceulx d.
17 u. devant l.
18 v. de m. L. qui a tout c.
100.1 Quan li sires de leiens entent Quant li sire de laienz entent cest
ceste demande, il beisse la teste vers parole, il baise la teste vers tere e
terre e pense; e qant il a un pou comence a penser mult durement e
pensé, il respont aussint cum tout ler- qant il a un pou pensé, il respont tout
5 moiant des euz: « Certes, sire, s’il font maintenant ena lermoiant des ielz e 5
en cest chastel grant dolor, ce n’est dit: « Certes, sire, se il font duel, ce
merveille, qar une avanture nos est n’est mie merveille, car unne aven-
ore novelemant avenue en cest païs qi ture nos est venue en cest païs nove-
99. 19 D. comme e.
20 Ar[t]us: col. extérieure et mutilée
44d.
21 m. dirés.
22 je seusse n’o.
100.1 Quan li sires de leiens entent Quant li sire de laienz entent cest
ceste demande, il beisse la teste vers parole, il baise la teste vers tere e
terre e pense; e qant il a un pou comence a penser mult durement e
pensé, il respont aussint cum tout ler- qant il a un pou pensé, il respont tout
5 moiant des euz: « Certes, sire, s’il font maintenant ena lermoiant des ielz e 5
en cest chastel grant dolor, ce n’est dit: « Certes, sire, se il font duel, ce
merveille, qar une avanture nos est n’est mie merveille, car unne aven-
ore novelemant avenue en cest païs qi ture nos est venue en cest païs nove-
99. 19 D. comme e.
20 Ar[t]us: col. extérieure et mutilée
44d.
21 m. dirés.
22 je seusse n’o.
nos torne a grana deshonor e mout lement qi mult nos torne a grant
10 nos en poise, Dex le set, qe ge endroit desenor e mult nos (77c) en poisse, 10
moi en sui si corrouciez de tout mon Dex le set; e voroie bien endroit moi
cuer qe ge vouxisse mieuz avoir fet avoir fet une grant perte qe ce fust
mout grant perte qe ce nos fust adevenus, e ausi fun tuit cil deu rei-
avenu, et autressint font cist de ceste aume de Norgales; e si vos dirai qe est
15 contree, voire certes tuit cil de roia- ce qe noz est adevenus. Il est verités 15
ume de Logres; e vos dirai ore qe ce qe li rois de Norgales, cui chevalier je
est qi avenu nos2 est. Bien est voirs qe sui e home, est sire de ceste contree
li rois de Norgales, qi home ge sui e e de maintb autres, a tenue une soe
qi segnor est de ceste contree e de moillier bien dis anz ou plus a si
20 maintes autres, a tenu sa moiller i a grant henor e ausi grant hautece con 20
bien .X.3 anz ou plus a si grant honor rois doit tenir sa moiller, e tant sont
e a si grant hautece cum si grant esté ensenble qe il hont eu qatre filz.
home come il est doit sa moillier tenir La dame, se Dés me saut, nulz ne nule
e tant q’il ont ja eu enfanz dusq’a .IIII. ne ne poïst dire se bien nom. Or par
25 La dame, se Dex me saut, se tient mesaventure, ne sai coment, vint li 25
adés en tel mainiere qe nus ne nule roiz Marc de Cornuaille en ceste païs
n’en peust dire vilenie. E q’en diroie? enn la conpagnie de un escuier e vint
ele se tint 4 si sagement qe nus ne entre nos si puvrement con sec ce fust
repeiroit 5 entor li qi n’en deist bien e un sinple chevalier. Qe vos diroie je?
30 honor. Mes ore par mesaventure, ne il n’i ot nul qi le coneust ne qi por roi 30
sai coment ce pot avenir, vint li rois le tenist en toute l’ostel le roi de Nor-
Marcs6 de Cornoaille en cest païs en galez, e fessoit entendant qe il estoit
la compeignie d’un escuier tant seule- un povre chevaliers de Cornuaille qi
mant; si vint entre nos si povremant estoit venus de Cornuaille por servir
35 cum se ce fust un povre chevalier. E le roi de Norgales. Et por ce qe il estoit 35
100. a Après gran, dolor exponctué. b A partir de maint, colonne 77c très effacée
par endroits jusqu’à la fin du §.
100. 2 a. vous. c si puvrement con se rajouté en interligne,
3 m. ja b. a dix. à la place d’un texte rayé.
4 s. tient.
5 repaireroit.
6 Marc ainsi toujours sauf dans les cas
où T conserve la même orthographe que
le ms. de base (100.51; 101.32; 107.9, 11;
110.27; 111.2; 115.22; 130.41; 148.15) et
102.43 relevé à sa place dans les
variantes.
101.1 (66d) Quant 2 li rois de Norgales Qant li roiz de Norgales sot la honte
sot la bonté qe li rois Mars li fesoit e qe li rois Mars li avoit faite, il le prist
il vit q’il tenoit le roi Marc pris, il le e le livre a un suen chanberlan qu’il
livra puis a un suen chamberlainz por en feiste justisse. E cil le prist e le mist
5 ce q’il en feist justice. Cil le prist e le a mort, mes ne savons de qel mort il 5
mena a mort, mes enqore ne savoms le feiste morir; mez mort est, ce cui-
nos de qel mort il le fist morir; mes dons nos bien. Li rois fist prendre la
morz est, ce savoms nos bien. Li rois roine e la mist en prison çaienz
fist prendre la roine e dist q’il la feroit dusque hore qe n’é venus comande-
10 ardoir, e l’a tenue en prison dusq’a mens qe nos demain la feissonz morir 10
ore. A nuit 3 nos vint comandement en in el feu. Nos, qui la roine amons
cest chastel qe nos demain, sans conme celle en cui nos trovames tout
delaier, façom morir la roine e qe nos adés cortoisie, e ne alons menant tel
la metom en feu4 et en feu la façom duel con vos veez por s’amor, car trop
15 finer. Nos, qi la roine amioma cum nos en poisse chierement e por ce q’il 15
cele ou nos trovames tout adés cortoi- convient qe nos einsint la faiçons
sie,5 alons demenant tel dolor e por morir. E se cest mort fust comandee
sa mort, qar trop nos poise chiere- a autre jenz qe a nos, noz ne ne
mant por ce q’il convient qe nos ein- sereonnz si dolenz ».
20 sint la doiom fere morir6 de ceste
mort. E se ceste mort fust comandee a
autre qe a nos, nos n’en fussom pas
tant dolanz; mes ceb q’ele nos a touz
jors amé trop merveilleusemant, et
25 ore estuet qe7 nos meesmes la menom
a mort, si nos done ire e dolor. Por
ceste chose qe ge vos ai orendroit
conté funt si grant duel cum vos
oïstes cil 8 de cest chastel. Ore sachiez
30 tout veraiement c qe pou a d’omes
orendroit en cest regne qui enqore
sachent qe ce fust li rois Mars qe l’en
102. Quant il a tout finé son conte, li Quant il ot bien finé son conte, mesire
bons chevalier, qant il l’a entendu,1 Lac qi bien l’ot entendu aperçut bien
bien aperçoit adonc e conoist en soi qe li chevalier qe il avoient le jor deli-
meesmes qe li chevalier q’il avoient le vré estoit le roi Mars de Cornuaille; si
5 jor delivré est sanz faille li rois Mars comence a penser a ceste chosse e 5
meesmes. Lors comence2 a penser a puis respont a chef de piece: « Coment,
ceste chose e puis respont a chief de fet il, si covient qe vos feroiz morir
piece: « Coment, fet il, si covient qe vostre dame? − Oïl, fet il, nos meez-
vos meesmes façoiz vostre dame mesa l’ocirons a force et de duel ». Et
10 morir? − Einsint est, fet li chevalier, e bien estoit sanz faille verité qe celui 10
c’est 3 li duels qe nos avom: se ele estoit le roi Mars qi avoit geu avec la
morust par autrui mains qe par les roine de cuib il avoit eu une fille mult
nostres, il ne nos en chausist mie belle qe le roiz de Norgalles tenoit a
tant, mes ce q’il covient par force qe fille e qe li niés au roi Artus, ce est
15 nos meesmes l’ocionz nos fent bien mesire Gauvain, ot puiz pucelle a ces- 15
cuer de duel ». E qant il a dite ceste tui tens qe il s’en alloit en Sorelois por
parole, il se test qe plus ne me conte qerre monseignor Lancelot deo Lac.
e tuit 4 li autre en leissent adonc le Celle fu fille au roi Mars de Cor-
parlemant e parolent d’a autre chose.5 nuaille, e qant mesire Tristan, li niés
20 Et il estoit bien verité sans doute6 qe au roi Mars, oï parler de la biauté de 20
ce estoit le rois Mars meesmes7 qi lei- la damoiselle e il la vit e sot qe son
enz estoit en lor compeignie (67a) e oncle avoit aucunne fois geu avec la
101. 9 v. compte.
102. a sanz faille … parolent d’: passage a meezmes: seconde syllabe du mot illisible;
très effacé. ms très effacé par endroits.
b de cui: idem.
102. 1 c. et l. b. chevalier l’eut e.
2 commencent.
3 chevalier c’est.
4 l. d. q. n. menons pour amour de la
royne et t.
5 parolent … chose omis.
6 sans doute omis.
7 meesmes omis.
102. 8 q. avecques l.
9 f. du r.
10 Gauvain (ainsi toujours).
11 Sorelois.
12 L. du L. (ainsi toujours).
13 que Galehot.
14 adont elle t. e. s. c. Lancelot du Lac
ainsi c. le livre l’a t. a. devisé c.
15 Tristan.
16 Mars, de même 109.1.
17 l. voioit.
103. Li roisa Marcs est dolanz et tristes Tant estoit li roiz Mars triste e dolenz
qant il entent les noveles de la roine; qant il entent les novelles de la roine;
si dols li est renouvellés par cestes ore se tient il mort, onque mes n’ot il
nouvelles,1 a mort se tient et a honi; dolor qi a ceste se apareillaste; e por
5 onqes mais a jor de sa vie n’ot il dolor le grant dol qe il a li vient lez lermes 5
qi a ceste li atornast. E2 por le grant as hoils, si qe mesire Lac s’en aperçoit
duel q’il en a, ne se puet il tenir qe les e lors dist il bien a soi meesme qe voi-
lermes ne li viegnent 3 as euz, si qe rement estoit ciste le roiz Marsa. Li
li bon chevalier s’en aperçut 4 tout roiz Mars ne puet plus ilec demorer,
10 cle(67b)remant. E lors dit il bien a soi ainz entre en unne chanbre e dist qe 10
meesmes qe cil est sanz faille li rois il estoit malades e se velt coucher. Il
Marcs de Cornuaille,5 ce n’est nul n’i a nulz laiens qui de cest chosse se
autre. Li rois est tant fieremant iriez aperçoit ne dont ceste dolor li viegtb,
de ceste chose q’il ne puet ilec demo- for mesire Lac seulement e Hervi de
15 rer, ans entre en une chambre e dit Rvel. 15
q’il est malades; couchier se velt. Il
n’a nul home de leienz qi s’aperçoive
de ceste chose ne dont vient b ceste
102. 18 M. qu’il n.
103. a Li rois: initiale à miniature: trois per- a Mars ajouté en interligne, abrégé.
sonnages assis devisant. b viegt: le t est suscrit au-dessus du g.
b Ms. effacé de dols (l. 3) à vient.
104. Li 1 rois, einsint cum ge vos cont, Li rois Mars s’estoit couchiés en un lit
s’en est entrez en une chambre e se de celle chanbre e fassoit grant duel
met dedenz un lit e comence a faire tout plainement. Une damoiselle qi
duel trop merveilleus; mes ce est au mult le regardoit le soir le cunut
5 plus coiemant q’il puet, qar il ne maintenant e s’en vint au seignor de 5
vouxist mie volantiers qe cil de lei- laiens e li dit: « Sire, savés vos qi est
ens2 s’aperceussent de sa dolor3 q’il cil chevalier qi est leiens entrés, cil qi
demaine e une autre chose: por qoi il vint avec ces autres vostre amiz? −
se parti trop volantiers dou paleis; se Certes, fait il, nenil, car je ne le conois
10 fu4 ce q’il avoit totes voies doutance mie; e vos le connoisieza, damoi- 10
q’il ne fust leianz reconeuz en auqune sele? − Oïl, bien, fait elle. − Et qui est
maniere. Ensint cum ge vos cont s’est il? fet li prodom. − Il est, fet elle, cil
li rois Marcs mis en une chambre e qui avec ma dame la roine fu trovés e
por deus achoison. Une damoisele de por cui elle doit demain morir ». Qant
15 leienz, qui mout l’ot regardé5 tant li sire l’entent, il comence mantenant 15
cum il ot demoré avec6 les autres che- a rire, qar bien cudoit qe la damoisele
valiers, ele s’en vient au seignor de l’euste mesconeu. « Damoisele, fait il,
leiens e li dit: « Sire, savez vos qi est vos n’estes mie de trop belle recon-
cil chevalier qi orendroit s’en est noissance, qe cel qe vos dites est
20 entrez en cele chambre, cil qi ceians mort, e je le sai e celz meesmez qi 20
vint orendroit avec cil vostre ami? − l’ocistrent. − Sire, fet elle, sauve
Certes, fet il, non, ge nel conuis mie; vostre grace, je l’ai bien avissé. − Tu
e vos le conoissiez? − Si7 m’aït Dex, es folle, fet li chevalier, tu ne sez qe
sire, fet ele, ge le qit bien conoistre. − tu diezb; ne tenés mes de lui parle-
103. 6 f. tant s.
25 E qi qidiez vos q’il soit, fet li sires? − ment. − Sire, a vostre voluntés, qe 25
Ore sachiez sire, fet ele, de voir qe ce jamés de lui ne m’oïrés parler! »
est celui meesmes qi avec ma dame la
roine fu avantier trouvez e por cui ma
dame doit demain morir ». Qant li
30 sires entent ceste novelle, il comence
fort a ssorrire, qar il qide tout de voir
qe cele l’ait mesconeu. « Damoisele,
fet il, se Dex me saut, malemant
l’avez coneus; vos n’estes mie de trop
35 bone reconoissance. Ore sachiez qe
cil dont vos parlez est mors; ge le sai
par cels meesmes qi l’ocistrent. − Sire,
fet ele, vos diroiz ce qe vos voudroiz,
mes salve vostre grace, ge l’ai mieuz
40 avisé qe vos n’avez. Ore sachez tout
veraiament qe c’est cil ne autre
n’est. − T’es8 fole, fet li chevalier, tu9
ne sés qe tu dis; de celui ne tiens mais
parlemant,10 qar il est mors. − Sire, fet
45 ele, ore soit a vostre vo(67c)lanté;
jamais ne m’en orroiz parler! ».11
105. La damoisele s’en voit mout cor- La damoiselle s’en vait da une part
roucie de ce qe si sires ne1 la croit − mult corocie de ce qe ses sire ne la
ele vouxist volantiers qe cil de leienz creoit. E qant ele s’este partie, li serea
preissent le roi Mars −, mes2 jamés, si de laens dist a meser Lac en soriant:
5 cum ele dit, n’en parlera por ce q’ele « Sire, savez vos qe ceste damoisele 5
voit qe si sires la tient por fole. Qant m’a dit horendroit dont ele m’a fet
ele s’est d’ilec partie, li sires de leienz asez rire? Elle m’a dit qe cel chevalier
dit au bon chevalier tout en sorriant: qi la gisotb e qi vint en vostre conpa-
« Sire, savez vos qe ceste damoisele gnie est li rois Mars de Cornuaille;
10 me disoit orendroit dom ele m’a fet mes certes, je nel puis croire, qe cil 10
assez rire? ele me fesoit entendant qe meesmez a cui il fu baillé por l’ocire
cil chevalier qi avec vos vint e qi lei- me dist qe il l’avoit ociz. Ne ancor, se
enz est entrez est li rois Mars de Cor- il fust en vie, ne cuit je qe il fust si
nualle; mes certes, ge ne le puis hardiz qe il se osaste metre en cist
15 croire, qar cils meesmes en cui mains chastel, qar il set veraiment qe il ne 15
cil fu mis por ce q’i le meissent a poroit eschanper sans mort ». Meser
mort 3 me distrent hui q’il l’avoient Lac, qui bien connoist qe en grant
ocis sains faille. E d’autre part, s’il ne aventure est li rois Mars se il poroit
l’eussent ocis, si ne fust li rois Mars si estre coneuz, respont en tel mainere:
20 hardi q’il venist en cest chastel, qar4 « Certes, sire, la damoiselle ne fu mie 20
il set tout veraiemant q’il n’en por- trop bien reconnoisant qi ce vos fist
roit 5 eschaper sanz morir s’il s’i entandant, ne vos meesmez n’en
metoit par avanture, a ce qe li plusors devrois si legieremant croire. − En
de cest chastel le conoissent bien ». non Dés, biaus sire, fet il, ne je ne le
25 Messire Lac, qi bien conoist par ces creirai mie por le parole de une 25
paroles qe li rois Mars est en avanture damoyselle. − Or me dites, fet mesire
s’il est leienz reconeuz, respont en tel Lac, vos mec fetes entendant qe vos
mainiere e dit: « Certes, sire, la devés demain metre la roine au feu. −
damoisele ne fu mie trop bien reco- Sire, fet il, vos dites voir; a feire le nos
30 noissant qi ce vos fist entendant, e estuet. − E en qel part devés vos faire 30
vos meesmes, sire, ne devez6 mie le feus? − Sire, fet il, tout droit sor le
legieremant croire qe li rois Mars chemin qe vos devés demain chevau-
fust eschapez a cels qi ocirre7 le chier, qar je sai bien ou vosd devés
devoient. − En non Deu, fet il, ge ne aler, si con vos m’avés feit enten-
35 le creirai ja se ge nel sai plus certeine- dant ». 35
mant qe par les paroles d’une damou-
106. Missire1 Lac, qant il entent ceste Quant mesire Lac entent celle parole,
parole, se test ne ne dit 2 plus a cele il n’i parole plus, ains intent a feire
foiz; il pense bien toute autre3 chose autre chosse qe l’en n’ cuide. Aprés ce
qe l’en ne qide. Aprés ce ne demore ne demore gueires qe les tables furent
5 qe4 les tables furent mises. Messire misez. Mesire Lac s’en veit tout droit 5
Lac s’en voit au roi Marc e dit: « Sire, au rois Mars e li di: « Sirea, venez
venez mangier ». E cil respont tant mangier ». Cil li respont: « Sire, (78a)
dolanz q’a pou q’il ne crieve (67d) de5 ge vos pri por cortoisie qe jamé ne me
duel: « Sire, ore sachez veraiement qe querés ceste chosse, qe je vos promet
10 ge jamais ne mangerai; e ge vos pri qe jamés ne m’entera viande in el cors 10
par cortoisie qe vos plus ne me reqe- fors seulement la mort; e ce sera
rez de6 ceste chose, qe ge vos di qe proucheinement, se je unqes puiz ».
jamés ne m’entrera viande el cors fors Qant mesire Lac entent ceb respons, il
une seule, ce sera la mort; e cele avrai enc a grant pitié, car il connoiste bien
107. 4 M. que q.
tout orendroit bones armes e cheval seront pas tuit armés, porons nos len-
25 bon. Qant nos serom tuit .III. armé e gierment delivrer la roine e si l’amen- 25
nos savrom qe la reine sera menee au rons avec nos, e ce este mon consoil
feu, nos n’i ferom nulle autre demo- e le mielz qe je avoie. E l’en ne devroit
rance, ans nos en istrom de ceianz tenir por chivaler celluis qui ne meiste
garniz de noz armes. Qant nos serom son cors enn aventure por si aute dame
30 lai fors venuz dusq’a la reine, nos deliver de honteusse morte! » 30
hurterom sor cels de la place; nos les
troverom desarmé, e por ce les por-
roms nos trop legieremant desconfir.
Nos prendroms puis la reine e l’en
35 enmenrrom avec nos; la forest est
devant ci si grant e si mer(68b)veilleuse
qe puis qe nos serom entrez dedenz,
jamés n’i seromes trovez. Ce est un
conseill. Nos ne le ferom autremant;
40 e certes, se nos4 autremant le voliom
feire, jamés ne devriom estre tenuz
por chevaliers; qar dame de si grant
lignage e de si noble come est ceste
ne devroit en nulle5 mainiere leissier
45 morir chevalier6 errant, tant cum il la
peust defendre7 e rescorre. E s’il estoit
auqes certain q’il rescorre8 ne la
peust, si s’en devroit il metre en avan-
ture; autremant seroit il trop desho-
50 norez ».
110. Quant Yvains as Blanches Mains, (78b)Quant Hervi de Rvel entent ces
qi assez estoit de grant cuer e de parolez, il respont conme cil qui de
vaillant selonc sa chevalerie, entent grant cuer estoit: « Je ne sai, sire, qel
ceste parole, il respont au bon cheva- conseil vos avés eu ne qui vos a
5 lier: « Sire, ge ne sai qel conseil vos monesté de cestui fet, mes je vos pro- 5
avez eu ne qi vos a amonesté de ces- met qe vos avés bien parlés sor ceste
tui fet, mes ge vos pramet qe vos avez aventure conme chevalier erant. E
bien parlé sor ceste ovraigne cum certes, je vos di bien qe je vos aiderai
chevalier errant 1 e cum prodome. E de tot mon poir, qar cil ne seroit mie
10 certes, se vos le voliez maintenir2 de chevalier qi son poir ne feist de la 10
vostre pooir selonc ce qe vos avez dit dame delivrer ». Qant mesire Lac
orendroit, ge vos pramet q’il vos tor- entent ceste parole, il est assez plus
nera ad honor, soit del faillir ou soit liez qe devant e dit bien qe de grant
del faire. E certes,3 ge vos di bien de cuer estoit Hervi de Rvel; hor voudroit
15 la moie part qe a cest besoing ne vos il savoir voluntés la volenté deu roi 15
faudrai ge tant cum ge peusse ferir Mars e por ce li dit il: « Sire, qe dites
d’espeea,4 qe ge di bien q’il ne devroit vos de cest chosse? E je vos di veraie-
estre tenuz por chevalier errant qi ment qe nos somes tes .III. chevalier
vendroit en cestui point e ne feist son qe il n’avront vers nos duree ».
20 pooirb de dellivrer ceste dame ». Qant
li bon chevalier entent ceste res-
ponse, il est um pou plus joians q’il
n’estoit devant: il conoist bien tout
certeinemant qe de bone volanté est
25 Yvains as Blanches Mains; ore voudra
savoir, s’il pot, la volanté dou roi
Mars. « Sire, fet il, qe dites vos de
ceste chose? Ge vos fas premieire-
mant assavoir qe alqun sunt qi
30 diroient q’il eust 5 peril en cestui fet,
mes ge vos di bien q’il n’i a peril nul,
meesmement a tex trois chevaliers
111. A1 ceste parole respont li rois A ceste parole respont li rois Mars:
Mars e dit: « Sire, fet il, se Dex me « Sire, fet il, se Dex me saut, je ne sai
saut, ge ne sai enqore qi vos estes, encore qi vos estes, mes selonc ce
mes selonc ce qe ge croi, il m’est bien qu’il m’est aviz je croi bien qe vos
5 avis qe vos (68c) soiés chevalier de estes chevalier de haut afeire. Je, 5
haut 2 afaire. Ge, endroit moi, des or endroit moi, desormés ne puis plus
mais ne me puis pas vers vos3 celer vers vos celer; or sachiés que je sui li
puis qe ge sui li rois Mars de Cor- rois Mars de Cornuaille; il me poisse,
nuaille qi vos fas bien4 asavoir q’a se Dex me saut, qe vos le savés. Je vos
10 grant 5 honor vos tornera, se vos par faiz bien asavoir q’e grant honor vos 10
vostre proece poez cestui fet mener a tornera, se vos poriés cestui fet mener
fin einsint cum vos orendroit l’avez a fin par vostre proesce; e aprés vos
devisé; e sachiez bien qe l’onor i di qe je sui touz apparoilliés de vivre
seroit assez gregnor qe vos meesmes ou de morir avec vos, liqel qui m’en
15 ne qidiez. Ge, endroit moi, vos di doit avenir; itant me feites seulement 15
aprés qe ge sui tout appareilliez de qe je soie d’armes garniz. − E non
morir avec vos ou de vivre, leqel qe Dex, fet li bon chevaliers, ja por
m’en6 doie avenir; itant me feites seu- armes ne remandra, car vos les avrois
lemant qe ge soie d’armes garniz. − maintenant; or gardés qe cest chosse
20 En non Deu, fet li bon chevalier, ja soit feite si priveement qe home de 20
por armes ne remaindra, qar tout çaiens ne le sache, nei nos scuier
maintenant les avroiz; e gardez qe meesmez, e en tel mainere la porois
ceste chose soit si priveemant faite qe mener a fin. − Certes, dient li autres
home de ceienz ne le sache, ne nos dos, vos dites verités ».
25 escuiers meesmes ne sachent qe nos
baom a ceste chose. En ceste mainiere
le porrom mener a fin legieremant. −
Certes, sire, dient li autre dui, vos
dites verité»7.
112. Quant a ce se sunt acordez dou Quant a ce se sont acordés, meser Lac
tot, li bon chevalier mainde mainte- mande tout maintenant por le seignor
nant por1 le seignor de leianz. E cil de laiens. E cil i vient erraument e li
vient e li ore bon2 jor e bone avanture ofre le bon jor e le bonne aventure, e
5 en sa venue, a lui et a sses compei- a lui e a sa conpagnie. Li bon cheva- 5
gnons. Li bons chevalier le tret d’une lier le tret a une part e li dist a conseil
part 3 e li dit a conseill 4 ce q’il li plest. ce qe li pleste. E il respont: « Vos
E5 cil respont aprés tout maintenant: avroiz mantenant ce qe vos deman-
« Avroiz ce qe vos demandez ». E dés ». E tout maintenant li fait venir
10 maintenant fet venir armes e chevaus armes e cheval por le rois Mars. E la 10
por le roi Marc. E la6 ou il le fesoient u il le fesoient esaier por veoir se elles
armer por veoir si les armes li fussent li estoient bonne, atant ex vos venir
bones e bien a point, atant e vos lei- laiens une damoiselle criant e braiant
enz venir une damoisele criant e brei- con s’elle fust forsenee. « Hai! sire,
15 ant 7 e fesant si male fin cum se ele fait elle, con male jornee hont hui 15
fust feme forsenee. « Ha! sire, fet ele cista de ceste chastel! » Qant li sires
au seignor de leianz, cum male jornee entent ceste novelle, il baisse la teste
funt hui cil de cest chastel! » Qant li vers tere e les lermes li vienent as elz;
sires entent ceste novele, il besse la e qant il parole a chief de piece, il dist
20 teste vers terre e les lermes li viegnent tout en plorant: « Hai! les, chaitif b! 20
as euz; e qant il parole a chief de con malec jornee sera hui, qar hore en
piece, il dit tout en plorant: « Hai! las, vait madame la roine a la mort! »
113. Li1 chevalier respont e dit: « Einsint voiremant m’aït Dex, bel sire, cum se
ge fusse orendroit aussint sains de mes (68d) membres cum ge fui ja, ge ne
leissasse por nulle avanture qe ge tout maintenant ne preisse mes armes e qe
ge ma dame ne rescoussisse orendroit.2 Puis qe ge l’eusse delivree de ceste
5 mort, ge l’en enmenasse3 la ou ele vouxist e la meisse a4 ssauveté, e puis demo-
rasse toute ma vie en autres regions: moi ne chausist, se ge, por delivrer ma
dame, fusse or mes desheritez.5 Mes einsint m’avint por mon pechié e por mon
orguell 6 qe une hore dou jor fui mahaigniez, einsint cum il apert enqore. Li
Morholz7 me fist cest mal; enqore m’en envoit Dex venjance! » Messire Lac ne
10 respont pas a8 cele parole, ainz demande au roi Marc: « Sire, vos sunt bones
ces armes? vos9 sunt eles bien a point faites? − Sire, fet li rois, certes, oïl. Ge,10
endroit moi voudroie bien qe nos fusson ja a11 cheval. − E nos isserom erra-
ment », fet li bons chevalier.12 Qant il sunt tuit troi garniz de lor armes, il n’i
112. 8 je aussi s.
9 c. autreffois ay esté L.
10 et du g.
font 13 autre demorance, ainz s’en issent fors14 dou paleiz e truevent lor15 che-
15 vaux touz appareilliez. Li sires monte por conveier les.16
114.1 Quant 2 il furent fors dou chastel, Quant li chevalier entent ceste parole,
il regardent devant els e voient qe li il se aparoilent mult hastivement e
feus estoit ja alumez, grant e mer- vindrent enmi la cort e monterent en
veilleux,3 e tout li pueples del chastel lor chevaus; e le sire monte avec elz
5 estoit ilec e fesoient duel merveilleux por eaux convoiera. E qantb il furent 5
de ce q’il covenoit q’il meissent lor hors dou chastel, il regarderent devant
dame a mort. Qant il sunt venu elz e virent qe le feu estoit ja alumés,
dusq’a la place ou l’asembleea estoit grant e merveillous, e tout le people
si grant cum ge vos cont, li bons che- del chastel estoient illuec e fessoient
10 valier n’i atent plus, ains hurte cheval grant duelz de ce qe il lor convenoit 10
des eperons devant ses compeignons metre lor dame a mort. Qant il furent
e leisse corre tant cum il puet e crie a venus jusque a la place ou l’asenbé
haute voix: « Certes, tuit estes mort »! estoit ja si grant con je vos cont, li
e leisse corre au chevalier qi ilec bon chevalier n’atent plus, ainz hurte
15 estoit venuz, celui sainz doute qi le le chival des esperonz devant ses con- 15
roi Marc avoit mené por morir.4 Li pag(78c)nons e leisse corre tant con il
bons chevalier le fiert si duremant en puet del chevax traire e crie a haute
son venir q’il li fet voidier les arçons voiz: « Certes, tuit estes mors! » e fiert
e le porte a terre; e li fist de cele joste un chevalier qi illuec estoit armez, e
20 une grant plaie enmi le piz. Li rois estoit celui meemes qi avoit amenés 20
Mars en abat un autre; si fist Yvains le roi Mars a morir. Il le hurte si dure-
as Blanches Mains. E cil dui furent ment qe il le porte dou cheval a terre
navrez mortelmant a ce q’il les trou- e le fist une grant plaie enmi le pis. Li
verent desarmé. Qant li autre voient rois Mars en abate un autre, e Hervi
25 ceste chose, il sunt si duremant de Rvel un hautre: cil .II. furent inna- 25
esbaïz q’il ne sievent q’il doient dire; vré mortelment, car desarmé le tro-
icestui encontre q’il voient e cestui verent. Qant li autre voient ceste
embateis5 les tient si cois6 q’il leissent chosse, il sont si fierement hesbahiz
del tout la reine, il n’entendent a qu’il ne sevent qu’il doient dire; ces-
30 autre chose fors a foïr tant seulemant: tui encontre e cestui abateiz qe il tro- 30
li (69a) uns vont de l’une part fuiant vent les tient si coi qu’il leisent tuit la
e li autre de l’autra, e au plus7 has- roine; il n’entendent autre chosse fors
tivemant q’il le puent faire, e se a fuir tant seulement: li unz vait de
boutent en lor chastel;8 li fieuz n’i une part e les autres de l’autre; au
35 atant 9 le pere: espoenté sunt male- plus hastivement qe il le poent faire 35
mant de ce q’il ont veu. E q’en diroie? se fuient dedens le chastel, qe li pere
en tel maniere est la reine remese10 n’i atent le filz ne li filz le pere; espo-
devant le feu; nuls hom ne la tient entés sont malement de ce qe il hont
orendroit: cil qi la tenoient devant si11 veu. E qe vos diroie je? en tel mainere
40 l’ont dou tot 12 abandonnee. Ele,13 qe remest la roine seulle devant le feu e 40
fet? ele est si fort espoentee q’ele ne est einsint espoentee q’ele ne savoit
set orendroit se ele est vive ou morte. se elle estoit o vive ou morte. Elle ne
Ele ne voit rien de ce q’il font: la tres voit riens de ce qe il font: la tres grant
grant peor q’ele avoit eue si li avoit ja paor q’elle avoit li avoit tout tollu la
114. 5 c. abbatis.
6 s. croy.
7 d. l’a. le p.
8 boutent […] chastel: col. 48a exté-
rieure et mutilée.
9 n’attend.
10 demoree.
11 si omis.
12 dou tost omis.
13 habandonnee La dame e.
45 toloit e le14 veoir e le oïr. Ele est 15 ilec veue e le senz, q’ele se estoit in estant 45
tout en estant, aussint cum une fame devant le feu, aussi conme une feme
morte; ele qide morir sains faille. morte.
115. Quant ce voit li bon chevalier q’1 Quant mesire Lac voit en tel mainere
il ont en tel maniere la place delivree, la place delivree, il ne font autre
il n’i funt autre demorance,2 ainz fet demorance, ains la font monter sor
la roine monter sor un cheval et un un cheval e un escuier deriere por
5 des escuiers dereires lui por tenir la.3 sostenir la. E qant il l’ont montee, 5
E qant il l’ont montee, il dit as com- mesire Lac dist a sez compagnons:
peignons: « Segnors, ore del chevau- « Segnor, hor del chivauchier! qar se
cher! se4 nos nos poom metre en cele nos se poons metre en celle foreste,
forest, la devant, nos n’avom garde nos ne avons plus garde de nullui qi
10 puis de nulle gent qi aprés nos vie- aprés nos veignent; e se nos se volons 10
gne;5 e se nos nos volom un pou tra- hui un pou esforcier, certes, hui
vaillier6 et esforcier de chevaucher serons hors deo reiaume de Norgales
ceste jornee, certes, nos porrom e entrerons en Soreloys. − Sire, font li
enqore hui issir7 del roiaume de Nor- autres, vos diés verités, hor del chi-
15 gales et entrer en la seignorie del roia- vauchier! » Qant il se sont a ce acor- 15
ume de Soreloys. E se nos en cele sei- dés, il se metent a la voie e con-
gnorie poom venir, nos n’avriom puis mandent lor hostes a Dex. E cil s’en
garde8 ne doutance de cels de Nor- torne au chastel liés e joianz de cest
gales. − Sire, vos dites verité, fet aventure, car mult li est bel de ce qe
20 Yvains as Blanches Mains, ore del la roine est eschanpee. Li autres qi la 20
chevacher! » et autretel dit li rois royne en moinent s’en vont lor che-
Mars. Qant a ce se sunt acordé, il se min toute voies e se metent en la
metent a la voie e comandent a Deu foreste dedenz. E puis qe il se sont
lor oste. Cil s’en retorne au chastel dedans mis, il sont auqes reconfor-
25 liez e joians duremant de ceste avan- tés. Li bon chevalier dit a la roine: 25
ture: mout li est bel de ce qea la reine « Coment vos est il, dame? reconforté
est en tel maniere delivree de mort;9 vos desormés; vos estes delivree, la
el chastel entre. Li autre, qi la dame Dex merci ». Celle qui prore toutes
en moinent, s’en vont lor chemin voies e qi n’est mie trop bien aseuree,
30 toutes voies e tant font qe a lab forest qar paor a encore q’ele ne viegne as 30
viegnent e se metent dedens. Puis q’il mainz de sez hannemis, ne set q’elle
se sunt dedens la forest mis, il sunt doie respondre, car tout le cuer li
auqes reconfortez. Li bon chevalier trenbre ou ventre de la grant paor
dit a la roine: « Confortez vos, dame, q’elle a; car il li est toutes foiz avis
35 qar delivree es(69b)tes, Deu merci. q’elle soita devant le feu e bien cuide 35
N’ayez huimés peor ne doute ». Cele veraiement qe enqor doie retorner a la
qi plore totes voies e qi n’est pas trop mort, e por ce ne set qe dire.
bien asseuree, qar peor a qe enqore
ne remegne as mains de ses enemis,
40 ne set q’ele doie respondre: tout li
cuers li tremble el ventre de la grant
peor q’ele a; la ou ele est en la forest
et a cheval li est il bien avis q’ele soit
enqore devant le feu; bien qide tout
45 veraiemant qe enqore doie ele retor-
ner a la mort q’ele veoit orendroit
devant soi presentement. E por ce ne
respont ele a cestui ne a cest autre,
qar ele n’a sens ne memoire; peor si
50 li a tout tolloit, e force e sens.
116. Ainsint 1 s’en vont li chevaliers Insint s’en vont li chevalier, liés e
qui la roine orent rescouse;2 joanz joiant de ce qu’ill ont la roine rescose.
sunt e rreconforté de ce q’il ont cestui E de tant lor avint bien alors qe la noif
afaire si bien mené a fin; joiant che- n’estoit mie trop grant a cestui point
5 vauchent e lié e baut. E de tant lor3 ne il ne troevent nulle engonbree en 5
avint biena qe a celui point n’estoit tout celui jor. Cil del chastel ne li
mie la noif trop grant par la forest; firent mie trop grant enchauce, car lor
bien sevent le chemin tenir, tout droit (78d) consoil ne lor donnea mie, e por
s’en vont par la4 ou il s’en voloient ce remestrent il vergoigneus de ce qe
10 aler. E de tant lor avint trop bien q’il il avoient esté desconfit par trois che- 10
ne troevent null encombrer5 cele jor- valiers seulement. Mes hore se teste li
nee; il ne troevent qi les areste ne qi contes a parler de ciaus deu chastel e
riens lor aut demandant 6. Cil dou retorne a meser Lac e a sez conpai-
chastel 7, ou il orent la nuit geu, ne lor gnons.
15 font mie trop grant presse; bien
fussent il venuz aprés por la reine
prendre autre foiz, mes lor conseill ne
III
117. Lia contes devise en ceste partie qe li bons chevalier chevauche en tel com-
peignie cum ge vos ai devisé. Il reconforte la roine tant cum il puet e la met en
moutes paroles por reconforter la. (69c) Mes1 cele ne li respont onqes mot por
parole q’il li die: enqore n’est pas asseuree, enqore a tout adés peor, enqore a
5 doute qe2 ele ne remaigne entre les mains de ses enemis; et en ceste peor che-
vauche tout cestui jor, plorant adés e maudisant l’ore qe ele fu nee; onqes mes,
si come ele dit, nulle gentil dame ne fu si dou tot deshonoree cum3 ele est ne
si avilee en totes mainieres. Ele ne demande des ore mes fors4 qe la mort tant
seulemant; la mort demande a ceste foiz, nulle autre chose ele ne reqiert.
118. Ainsint 1 chevauchent tout le jor Or dit li contes qe mesire Lac che-
a tel compeignie cum il avoient e tant vauche a tel conpagnie comme elle
117. 1 Or dit le c. que moult chevaulchent fort les trois chevaliers qui la royne de Norgalles
emmenent. Et le bon chevalier la reconforte de tout son povoir M.
2 as. ains a encores paour et se doubte q.
3 d. ne fut n. g. femme si deshonnoree c.
4 n.d. plus f.
funt q’il issent de la forest qi tout le hot. Il vait senpre la dame reconfor-
jor dura; e lors veoient devant els un tant, mes ce este neiant, car elle ne
5 chastel el pié2 d’une grant monteigne. parole a riens qe il li die, ainz plore 5
Tout maintenant qe li bons chevaliers toute foiz e maudit l’ore q’elle fu nee,
vit le chastel, il dit au roi Mar et a qe unques nule jentila dame ne fu si
Yvain as Blanches Mains: « Seignors, dessonoree con ele est ne si avilee.
noveles vos sai a dire;3 ore sachiez Ele ne demande desormés fors qe la
10 tout de voir qe nos serom tout oren- mort. Tantb chivauchierent celui jor 10
droit fors4 dou reiaume de Norgales, qe il insirent de la foreste qi tout le
mes a cest chastel qe vos la veez vos jor li dure, e lor voient devant elz un
pramet ge qe por madame5 la roine, a chastel in el pié d’unne montaigne.
qui nos tenom compeignie, coveindra Qant mesire Lac voit le chastel, il dit
15 chasqun de nos joster a un chevalier au roi Marc e a Hervi de Rvel: « Sei- 15
ou autremant il 6 seroit mestier qe nos gnors, novelles vos sai dire qe nos
lor leississom, qar la costume de celui somes hors deho reiaume de Nor-
chastel est tele qe nus chevalier ne gales; mes a cel chastel la qe vos veés
puet conduire dame ne damoisele qi vos promet ge qe per madame la roine
20 ne7 couviegne desor un8 pont joster. nos covendra a chascuns de nos jous- 20
E sachez qe li pont est assés annuieus tier a un chevalier ou nos li qiterons
e li eve desoz parfonde e9 perilleuse la dame, qar la costume de cel chastel
duremant. − Sire, fet Yvains, e porrom est telz qe nus ne i puet conduire
nos estre delivré chasqun por son dame ni damoisselle qe ne li convie-
25 chevalier? − Oïl, fet il; Dex doint qe gne desuz le pont joustier, e li pont 25
chasqun10 de nos s’en puisse11 bien est assez hennoieus e l’eive desouz
delivrer, qe ge vos pramet qe cil de roide e parfonde. − Sire, fet Hervi de
leienz sunt trop bon josteor12 a mer- Rvel, e serons nos par unne seulle
veilles. − Ore me dites, sire, fet Yvains, joste de chascuns de nos delivrés? −
30 e se nos ne fussom en la compeignie Oïl, feit il. − E se nos nen eusonz 30
madame la roine, nos covendroit il dame, joster arrion nos? − Nenil, fet
joster? − Nanil, fet li bons chevalier, mesire Lac, nulz n’i est aresté se il ne
nus n’i est arestez s’il ne moine avec li condue dame ou damoiselle. E ceste
dame ou damoisele. E ceste costume costume fu establie par un fet qe i fist
35 i fu ja establie por un fet qe li Bons ja li Bon Chevalier sanz Paor qant il 35
Chevalier13 sainz Peor i fist, qar il toli toilli au seignor del chastel une
au seignor de leienz une soe damoi- damoisele devant la porte del chastel
sele, e devant la porte meesmes del e l’amoinec avec lui. E por celle honte
chastel, e l’en mena. E por cele honte vengier fu establie ceste coustume qi
40 qu’il fist adonc au seignor fu ceste encor dure, dont mainte bon cheva- 40
costume establie qi enqore se man- lier sunt ja esté deschivauchiés por
tient. Maint bons chevaliers i ont ja cest fet e hencor seront, qar il sont
esté deschevauché por cestui fait et laiens boen chevalier e bien prou-
encore se(69d)runt, qar il sunt leienz domes. Je ving une fois en la conpa-
45 bien prodome e bons chevaliers14 e gnie de .V. chevalier eranz, e li unz 45
sunt bien assez bons josteors, ce sai menoit avec elz une damoiselle belle
ge bien por voir tout apertemant, qar a mervoilles; e por celle damoiselle
ge i vins ja; cele hore fu15 en la com- nos convint il jouster au trepas dou
peignie de .V. chevaliers errans. Li uns pont. Si jostames chascun de nos a un
50 d’els menoit avec li une damoisele a chevalier de laiens; si nos avint en tel 50
merveilles bele; por cele damoisele mainere qe il n’i ot nuls de nos qui
soulemant nos covint toz joster au abatus ne fust, fors moi seulement. E
trespas dou pont. Si jostames chas- por ce qe je ne fui abatus fu la dame
quns de nos encontre un de leienz, et delivree e a mes conpaignons mees-
55 en avint en tel mainiere, se Dex me mes furent rendus lor chevaus qe il 55
doint bone avanture, q’il n’i ot un avoient perdus se je eusse esté abatus
seul de nos qi abatuz n’i fust, fors moi ausi con il estoient; car la coustume
seulemant. E por ce qe ge tout seul n’i des joustes de laienz est telle car se il
fu abatuz16 fu la damoisele delivree et estoient dis chevalier estranges qi
60 a mes compeignons meesmes furent dehors venisent ed fusent tuit abatus, 60
lor chevaux renduz q’il eussent dou perdroient lors chevauz e lor armes e
118. 17 f. du tout a.
18 q. meneroient.
15 nees, ne qe nos nen issom granment 6 mult este dolente de ce qe elle se part 15
de nostre chemin ». Qant la roine por tel achoisson dou reihaume de
entent et ot qe ele est or mes asseuree Norgalles. E bien dit a soi meesmes qe
e q’ele est fors dou roiaume de Nor- bien sera huimés tenue vil. La royne
gales, ce est une chose qi duremant la qui mult estoit pensive e iree che-
20 conforte.7 E neporqant, mout est cor- vauche tuite vois avant, con la teste 20
roucee e dolente de ce qe ele s’est pa inclinee vers terre, e respont adonc e
ceste achoison departie dou roiaume dit: « Sire, puis qe il est insint avenus
de Norgales; ele dit bien a soi8 qe je me sui par mon pechié partie
meesmes qe assez sera vil tenue des dou reiaume de Norgalles si honteus-
25 or mes: ele ne trovera un ne autre qe sement con vos savés, vos pri je qe 25
ne li die deshonor. Por cestui fet la vos me façoiz tant, se il vos pleist, qe
roine, qi pensive estoit e dolante vos me conduisoiz a un jastel ça
d’estrange9 (70a) guise, chevauche devant qi est a un mien frere, car je
toutes voies la teste beissie vers terre; sai bien qe laiens avrai je mains de
30 e qant ele parole, ele respont a ce qe honte e mains de desenor qe en 30
li bons chevalier li ot di10 e dit en tel hautre leu, car tuit cil de laienz sont
mainiere: « Sire, puis q’il est en tel mi homes aussi con de mon frere ».
mainiere par mon pechié avenu11 qe
ge me sui partie de Norgales et b hon-
35 teusemant 12 cum vos savez, por ce qe
plus n’aie de honte ne de deshonor qe
receu ai a ceste foiz vos pri ge por13
vostre cortoisie qe vos me façoiz tant
d’amor e de bonté, s’il vos plest, qe
40 vos dusq’a un chastel ça devant, qi
est a un mien freire charnel, me con-
119. 6 n. menissions g.
7 l. reconforte.
8 b. en s.
9 q. doulente e. d’e.
10 l. avoit d.
11 maniere Par m. [p]eché est a.: col.
extérieure et mutilée 49a.
12 et si h.
13 v. pris je par.
120.1 Li bons chevalier pense un petit, Le bon chevalier pense un petit e puis
qant il entent ceste parole, e puis res- dist: « Dame, je cuit qe vos dissoiz
pont: « Madame, ge qit bien2 qe vos d’un chastel qui est ça devant qi a
dioiz d’un chastel qe l’en apele nom Laguenom. − Certes, sire, vos
5 Laguenon.3 − Certes, sire, fet ele, vos dites voir; e se vos jusque la me con- 5
dites voir; se vos4 dusqe la me volez5 duissois, je ne vos demant plus ». A
conduire, ge ne vos demant plus ceste parole respont li rois Mars e dit:
autre chose, e si me sera trop grant « Hai! dame, qe est ce qe vos dites?
bonté et a vos ne grevera mie grant- mes feites einsint con je vos dirai: vos
10 ment ». A ceste parole respont li rois devés bien savoir qe l’amor e la bien- 10
Mars e dit: « Ha6! Dame, por Deu, qe vollanté deo rois de Norgales avés vos
est ce qe vos dites? qant vos par perdue par moy, e encontre cestui
vostre franchise avez tant fet qe vos daumage vos ferai je tel restaurement
avez de moi fet vostre chevalier, ne le con je vos dirai: vos savés bien qe je
15 fetes en tel mainiere cum vos me sui roi e jentil e poissant ausi con est 15
dites, mes einsint cum ge vos dirai: li rois de Norgales. Puis qe vos avés
vos poez bien savoir tout certeine- rois perdus, e vos roi poés recovrer,
mant l’amor e la bone volanté del roi mes perte n’a i avés feite aucunne
de Norgales; vos l’avez perdu, e por sanz faille; mes je sui apparoilliés de
20 moi, bien le savez. Et encontre cestui mener vos en ma terre et de reçoivreb 20
domage vos ferai ge tel restauremant vos a dame e a moiller veiant tous
cum ge vos dirai orendroit a: vos savez mes barons; e ce vos creant jec conme
bien qe ge sui rois puissans d’avoir e rois ».
de terre, aussi gentil et aussi riche
25 cum est li rois de Norgales sui ge
bien, la Deu merci. Puis qe vos roi
avez perdu, e vos roi poez recovrer:
perte avez fete sainz null domage. E
savez vos en qel mainiere? Ma dame,
30 ge sui apareilliez qe ge vos en meing
tout droitemant 7 en ma terre et ilec,
voiant mes barons, vos recevrai por
dame e por mollier; ce8 vos creant ge
cum rois loiaumant ».9
121. La1 roine pense un petit e puis La roine pense un petit e puis respont
respont a chief de piece: « Sire, ge a chef de piece e dit: « Sire, je vos res-
(70b) vos respondrai tout maintenant pondrai tout mantenant qe nos
qe nos serom venuz au chastel ou nos seronz au chastel venus; e se mon
5 devom aler; e si mi conseill le me loe, conseille me loera, je le ferai, e se 5
ge le ferai, se non ge remaindrai non, je remaindrai illuec ». Einsint
illec.2 − Ma dame, ce dit li rois Mars, parlant chevauchent tant qe il sont
a vostre volanté en soit ». Einsint par- venus jusque au chastel, a celui chas-
lant chevauchent tant q’il sunt venuz tel meesmes ou toutes les dames e le
10 dusqu’au chastel, a celui meesmes damoiselles estoient arestee ausi sanz 10
chastel ou toutes les dames e damoi- conduit conme con conduit de cheva-
seles3 estoient arestees qi la venoient lier. E tres parmi le chastel corroit une
120. 7 t. droit.
8 p. femme c.
9 creantay je loyaulment.
121. a mie oublié, rajouté dans la marge a li dit omis, corr. d’après A(2).
avec signe de renvoi.
b Ms. peussiés, corr. d’après F et le
§ 121.13−14.
c Ms. nos, corr. d’après F 121.25.
122. 1 49b, Rubr., COMMENT APRES QUE LE ROY MARC FUT ABBATU ET YVAINS AUX
BLANCHES MAINS, MESSIRE LAC DESCONFIT LES TROIS CHEVALIERS DU CHASTEL ET
DELIVRA LE PONT (elle est suivie, au f °49c, d’une miniature qui montre deux chevaliers
s’affrontant sur le pont, alors que deux autres, de part et d’autre, assistent au spectacle).
2 La: grande initiale.
3 p. en telle maniere i.
4 crioient a. a. q. i. veoient.
5 v. convient o.
6 conduisés.
a vos, coment q’il nos doie avenir ». E chevalz de esperonz e laissea corre
qant il a dite ceste parole, il n’i fet desuz le pont au chevalier qi li venoit
autre demorance, ainz hurte cheval le glaive baissié. E qant ce vient au
15 des esperons e leisse corre desus le parurter, li chevalier fiert li rois Mars 15
pont a un des chevaliers de la qi si durement en son venir qe, tut fust
autressint li venoit a l’encontre molt li rois grant e fort, si fu il si durement
roidemant. Li chevalier fiert le roi encontrés qe il voide les arçons
Marc en son venir si duremant qe, andeus e cheït a terre, desuz le pont,
20 tout fust li rois grant e fort et assés e fu si estordis qe il jut desuz le ponte 20
bien chevauchant (70c), si est il si fort unne grant piece.
encontrez q’il voide les arçons; e li
avint adonc si bien q’il ne cheï7 en
l’eve de cele joste; si est si duremant
25 estordiz et estonnés de celui cheoir
q’il gist sor le pont tout adenz ne n’a
pooir de soi redrecer d’une piece.
123. Quant 1 li bons chevaliers voit Quant meser Lac voit celle jouste, il
cele joste, il en est un pou esbahiz: en est un pou esbahiz: « Hervi de
« Yvain, fet il, qe dites vos? ore poez Rvel, fet il, qe dites vos? or poés veoir
veoir cleremant qe bons josteors e qe boen josteor sunt cil de ceste chas-
5 fort 2 sunt cil de leianz; si m’aït Dex, tel. − Sire, vos dites voir, fet Hervi, 5
ci ot une3 roide joste e bien perilleuse mes puis qe encomencié avom, il nos
por l’eve, a ce qe li pont n’est mie trop convient avant aller ». Aprés ceste
liez! − Sire,4 vos dites verité, fet parole, il hurte le chevaux des espe-
Yvains; mes puis qe comencié avom, ronz vers un chevalier de laienz qui
10 il nos estuet 5 avant aler, ou a honor aussi li venoit a l’encontre. Li cheva- 10
ou6 a deshonor, qar de ceste emprise7 lier del chastel fiert Hevi si durement
ne nos poom retrere ». Qant il a dite qe il le porte su le pont, tout envers;
124. Quant 1 ce voit li bons chevalier, Quant mesire Lac voit ce, il dit a soi
il 2 dit a soi meemes: « Dex, ce qe sera? meesmez: « Ai! Dex. Qe sera ce? prou-
En non Deu, voiremant sunt pro- dom est le chevalier e bien la mostre
domes cil de leiens; si l’ont 3 bien a cestui point! » E la roine qi voit qe li
5 mostré, ci et aillors ». E la roine qi fie- .II. chevalier sut esté abatu dit a mon- 5
remant 4 est espoentee de ce qe ele seignor Lac: « Ai! sire, hor nen é
voit parole e dit: « Ha! sire, or n’i a remés de la vostre part fors qe vos, e
mais de la vostre partie fors qe vos se par vos ne sui defendue, desehono-
seulemant; se par vos ne sui defen- ree sui. − Madame, fet il, or ne vos
10 due, deshonoré sui. − Madame, fet il, esmaiés; se cist .II. vos hont faili, je 10
ore ne vos esmaiez mie; se les autres sui cil qi ne vos fallirai ja a mon
vos ont failli, ge sui cil qi ne vos fau- poir ». E lor s’apparoille de la jouste
drai qe ge puisse ». E lors s’aparelle e fiert un chevalier, qi desuz le pont
de la joste e s’en vet encontre l’autre estoit, si asprement qe il le fait voler
15 chevalier5 qi ja li venoit tant cum il en l’eive, e lui e le chival. Qant cil del 15
puet au ferir des esperons. Li bons chastel voient lor chevalier en l’eive,
chevaliers, qi a celui encontre met il ne font autre chosse fors qe secora
123. 8 ne f.
9 ne omis.
10 se puisse.
11 cheut.
124. 1 Quant: ni initiale ni alinéa dans le a Ms. fors qe a secor (cf. note).
ms.
2 le b. ch. voit tout cecy i.
3 l. et l’o.
4 q. si f.
5 chevalier omis.
cuer e force e hardemant por le che- le. Mes li bon chevalier qi cestu coup
valier metre a terre, s’il onqes puet, avoit fet, il ne lle regarde plus, ainz
20 fiert celui en son venir si roidemant s’en vait droit a la roine e la prent au 20
q’il le fet voler dou pont en l’eve, lui frein e la condue tant q’elle a le pont
e le cheval. L’eve estoit de toutes parz passé. Li rois Mars estoit ja monté sor
grant e merveilleuse duremant. Qant son cheval e Hervi de Rvé ausint.
cil del chastel voient lur chevalier en Qant la roine est passee, Hervi vint a
25 l’eve, il n’entendent a autre chose fors li e li dit: « Dame, fet il, par la foiz qe 25
a socorre le, qar s’il le leissassent en je vos doi, je ne voudroieb mie qe tuit
l’eve, legieremant peust no(70d)ier, a li pont deu riaume de Logres fusent si
ce qe l’eve estoit parfonde duremant. estroitement gardés con est cestui,
Li bons chevalier qi celui cop ot fet ne car il ne seroit mie seure chosse de
30 regarde onqes au chevalier qi en l’eve conduire dame ni damoisselle. − Sire, 30
estoit, ainz s’en vait droit a la roine e ce li respont la roine, sire, se vos por
la prent par le frain e tant la conduit moi avés receu honte ne vergoigne, ce
en tel guise qe ele passe le pont. Li poisse moy mult chierement, e si ne
rois Mars se fu redrecez e montez m’en poisse gueires meins que a vos
35 en son cheval; ausint fu Yvains6 as meesmes. − Madame, fet mesire Lac, 35
Blanches Mains. Il passent le pont e ne vos chaille de ces parolle puis
vienent a la roine. « Madame, fet (79c) qe vos estes outre passee a
Yvains, par la foi qe ge doi vos, ge ne honor; il me chaut petit de lor fet, qar
voudroie mie qe7 tuit li pont del roia- autre fois par aventure se teront mialz
40 ume de Logres fussent einsint estroi- en selle ». 40
temant gardé cum est cestui; il ne
seroit mie legiere chose de mener en
son conduit dame ne damoisele, qar
bien tost la porroit l’en perdre. − Sire,
45 respont la roine, se vos avez a cestui
point receu honte por moi, ce me
poise mout chieremant.8 − Madame,
fet li bon chevalier, ne vos chaille de
ces paroles9 puis qe vos estes passee
50 outre10 et a honor. Il me chaut petit
126.1 « Il a avint ja, fet il, qe li Bons2 Chevalier sains Peor vint en cest chastel
herbergier. Li sires de leiens estoit adonc mout geunes chevalier; e bon cheva-
lier de son cors estoit, mes orguelleux estoit a merveilles. Si tenoit adonc une
damoisele qi bien estoit la plus bele de toutes choses qe3 ge seusse a celui tens.
5 Ge demoroie adonc el chastel 4 navrez duremant d’une plaie qe li rois Meliadus5
de Leonois m’avoit feit a celui termine e por achoison de cele damoisele
meesmes, qar ge avoie dit qe cele damoisele estoit la plus bele damoisele dou
monde; li rois Meliadus disoit encontre qe non estoit. E por ceste achoison
aviom josté ensemble, e m’estoit de cele joste avenu en tel mainiere q’il m’avoit
10 abatu e navrez assez duremant, si qe, por achoison de cele plaie, estoie ge
remés el chastel.6 E neporqant ge n’estoie mie si duremant navrez qe bien ne7
peusse adonc chevauchier se ge vouxisse, mes ge me delitoie tant en veoir8
cele damoisele qe jamés ne me qeisse de9 leienz partir. Qe vos diroie? a celui
terme voloie ge mout grant mal au Bon Chevalier sainz Peor, qar il m’avoit fet
15 celui an une mout grant vergoigne, e devant le roi Uterpandegron meesmes.
Ge, qi savoie certeinemant 10 q’il estoit si bon chevalier qe ge ne peusse si11
legieremant vengier cele honte se avanture ne m’aidast mout, me sofroie en
moi meesmes tant qe ge venisse en point et en leu qe ge l’en peusse faire
autretant. Qant il vint en celui chastel, il vint si priveemant e si covertemant
20 qe nus de leiens ne sot qe ce fust li Bons Chevalier sans Peor, ne il n’estoit pas
enqore leiens grantment coneuz. Il n’erberja mie en la forterece, ainz se her-
berja chiés un vavasor, tres devant l’ostel ou ge estoie herbergié. Tout mainte-
nant qe ge le vi, ge le conui, mes il ne me conut mie. Celui soir apreimes nos12
qe li sires dou chastel devoit a l’endemain13 chevauchier e mener avec soi sa
126. 1 50a, Rubr., COMMENT MESSIRE LAC COMPTE EN QUELLE MANIERE LA COUSTUME
DU PONT FUT MISE A CAUSE DU BON CHEVALIER SANS PAOUR.
2 B [on]: finale illisible.
3 t. celles q.
4 a. au ch.
5 r. de M.
6 je demoré au ch.
7 que je n.
8 t. a v.
9 m’eusse voulu d.
10 s. tout c.
11 n’eusse peu s.
12 s. sceumes n.
13 d. le landemain.
25 demoisele, qar sanz li (71b) n’aloit il mie granment nul leu. Il se prisoit assez
plus de la biauté de la damoisele qe la damoisele ne se prisoit de sa chevalerie.
Li chevalier estoit apellez Toran l’Ergoilleux.14 Li Bon Chevalier sainz Peor vit
celui soir la damoisele, ce ne sai ge coment la pot veoir adonc mes i la vit b15 e
por la grant biauté q’ele avoit en fu il si duremant empris q’il la ama tout
30 maintenant.
127. A l’endemain,1 entor hore de prime, monta li chevalier qi seignor estoit del
chastel et en mena en sa compegnie dusq’a .X. autres chevaliers qi li2 devoient
fere compeignie a un tornoiemant ou il aloit; et il estoient tuit si home e
tenoient terre de li. Toran li Orguelleux en menoit sa damoisele avec li si
5 orguelleusemant e si noblemant, si cointemant apareillee de toutes choses qe,
se Dex me doint bone avanture, ce estoit ausint cum3 une richece qe de tel
damoisele4 veoir. Qant ge soi qe la damoisele s’en voloit aler, ge dis a moi5
meesmes qe puis qe ge ne porroie veoir la damoisele plus el chastel, ge n’i
demorroie plus, qar plus demoroie leiens por lui veoir qe por autre chose. Ge6
10 me fis errament armer e montai a cheval entre moi e mes escuiers7 e me mis
au chemin,8 e m’acompanié enmi le chemin de la rue dou chastel a Toran
l’Orguelleux, si q’il aloit devant entre li e sa compeigniea, e ge aprés.
128.1 Tout 2 maintenant qe nos fumes oisuz de la porte dou chastel e nos aviom
passé le pont, estes vos3 saillir d’unes broces le Bon Chevalier sainz Peor4 qui
nos vint au devant armez de toutes armes. Il ne nos vint pas saluant ne mot
ne nos dist, mes la ou il vit la damoisele il s’en alaa tout droit a li e la prist au
5 frain e dist: « Damoisele, ge vos preing par la costume dou roiaume de Logres,
einsint cum chevalier errant puet preindre damoisele en conduit d’autre cheva-
lier. Mestiers est qe vos en veigniez avec moi, qar ge sai tout veraiamant q’il
n’a ci nul chevalier qi contre moi vos peust defendre ». Qant Toran entendi la
parole del Bon Chevalier et il vit q’il tenoit toutes (71c) voies la damoisele par
10 le frain, il qida bien q’il fust alqun fol 5 chevalier qi par folie de teste se6 fust
mis en cele emprise;7 si se mist errament avant e dist au Bon Chevalier: « Dan
chevalier, vos n’estes mie si sages cum il vos seroit mestier; ore laissiez tost 8
la damoisele ou, par la foib qe ge doi Deu, ge vos ferai ja vostre folie trop
chierement c achater. − Coment? dist li Bons Chevalier, avriez vos donc harde-
15 mant qe vos ceste damoisele voussissiez defendre encontre moi? − Certes, oïl,
dit Toran, contre9 le mellor chevalier del monde! − E non Deu, dist li Bons
Chevalier sainz Peor,10 donc estes vos venuz a la meslee, qar ceste damoisele
voill ge avoir ». Qant il ot dite ceste parole, il n’i fist autre demorance, ainz
retorne a ses escuiers e prist son escu e son gleive e leise corre sor Toran e li
20 dona en son venir un si grant cop q’il le porta a terre navrez si duremant enmi
le piz q’il gisoit enmi le chemin cum s’il fust mort. Qant li Bon Chevalier sainz
128. 1 50c, Rubr., COMMENT MESSIRE LAC COMPTE, ENCORES AINSI COMME ILZ ALOIENT
CHEVAULCHANT ENTRE LUY, LE ROY MARC, LA ROYNE DE NORGALLES ET MESSIRE
YVAINS AUX BLANCHES MAINS, LA MANIERE COMMENT AUTREFFOIS LE BON CHEVA-
LIER SANS PAOUR (l’A est suscrit) TOLLIT LA DAMOISELLE A TORANT L’ORGUILLEUX
PAR FORCE D’ARMES ET DIX CHEVALIERS QU’I MENOIT OULTRA D’ARMES (elle est sui-
vie, au f ° 50d, d’une miniature: une demoiselle, richement parée, est escortée par une
troupe de chevaliers en armes).
2 Tout: grande initiale.
3 pont […] vous: col. extérieure et mutilée 50d.
4 s. le Bon (difficilement lisible) Chevalier d’unes b. l. B. Ch. s. P.
5 f. ung f.
6 p. ceste folie se.
7 ceste entreprise.
8 tost omis.
9 oÿ […] contre: col. extérieure et mutilée 51a.
10 Fin du §: mots difficilement lisibles.
Peor l’ot abatu en tel mainiere, il ne s’areste pas sor li, ainz leisse corre sor les
.X. e tant fist q’en petit d’ore en mist il a terre les .IIII. E q’en diroie? qant il ot
sun gleive brisé, il mist main a l’espee e sanz fere delaiement leissa puis corre
25 a touz les autres, l’espee en la main toute nue. E q’en diroie? einsint voiremant
m’aït Dex cum ge vi tout apertemant q’il mist a desconfiture touz les .X. cheva-
liers de leianz en petit d’ore, einsint legieremant cum .I. bon chevalier feroit
un autre de povre afaire. Qant il les ot touz tornez a desconfiture, il s’en vint
par moi − ge endroit moi ne me voloie meller a li por ce qe navrez estoie − et
30 il me dist: « Avez vos talant de combatre?» E ge respondi: « Nanil, dan cheva-
lier, qar ge ne sui mie bien sains de mes mambres ». Il ne me dist 11 plus, ainz
s’en ala outre maintenant et en mena la damoisele q’il avoit conqise par tel
proece cum ge vos cont; ge ne sai q’il fist puis de la damoisele, mes avec soi
l’en enmena. Ge endroit moi m’en fusse volontiers combatuz encontre li por
35 conqestier la, se ge peusse, mes ce m’en retint 12 qe ge me sentoie navrez. (71d)
Por achoison de cele damoisele qe Toran perdi en tel mainiere, e par chevaliers
erranz, mist au pont ceste costume qe13 vos ore i veistes: nul chevalier errant
n’i puet menerd avec soi dame ne damoisele q’il ne la perde maintenant, por
q’il 14 ne la puisse defendre encontre un chevalier de leienz. E sachiez qe cil de
40 leienz sunt puis si15 amendez des16 armes qe a poine i17 veignent orendroit
chevaliers estranges qi deschevauchiez n’i soient; il 18 sunt prodome duremant,
mout me plest duremant lor19 chevalerie. Ore m’en puis ge bien huimés20 taire,
qar tout vos21 ai finé mon conte. − Si m’aït Dex, fet Yvains,22 biaux fu cist
contes ne ge ne voudroie mie qe ge ne l’eusse oï; bele emprise23 fu ceste qe fist
45 li Bon Chevalier sainz Peor de soi tout seul combatree encontre24 tant de che-
128. 11 m’en d.
12 j’eusse peu m. c. me r.
13 c. aventure q.
14 m. se i.
15 s. depuis s.
16 des omis (à cause de la non répétition de la finale du mot précédent, divisé).
17 i omis.
18 qu’ilz n’y soient deschevaulchés i.
19 p. a merveilles l.
20 bien huimés omis.
21 car je v.
22 Yvain.
23 entreprise.
24 Paour tout s. combatit e.
valiers. E certes, il a tant fet par mantes foiz, e la et en autre part, qe bien puet
l’en dire seuremant qe voiremant est ce25 le meilhor chevalier del monde. − Si
m’aït Dex, fet messire Lac, vo dites verité; e qi autreman le diroit, il ne seroit
mie sages ».
129. Einsint parlant chevauchent tant q’il sunt al chastel venuz qi Laguenon
estoit apellez. Tuit estoient laienz a celui point dolent e tristes estrangemant,
qar l’en1 lor avoit fet entendant qe la roine estoit morte e qe li rois de Norgales
l’avoit fet ardoir. De ceste novele estoient triste e dolant de tout lor cuer. Mes
5 mout furent reconfortez duremant qant il la virent entr’els venir; lor duel est
retornez en joie e lor plor revenuz en ris; chasqun d’els se tient a benaüré qant
il voient entr’els lor dame qi revenue est saine et aitie de son cors. E q’en
diroie? il mainent la roine a la mestre forterece de leienz. Toute l’onor q’ele
onqes puet, ele fet faire as trois chevaliers e dit bien tout apertemant a cels de
10 leienz qe se ne fussent cist troi prodome, sa vie fust pieça finee, qar il la res-
courent del feu; e se il furent 2 celui soir servi e honoré tant cum cil del chastel
porent, ce ne fet pas a demander. Celui soir dist la roine au roi Marc: « Sire,
qant il vos pleira, vos en3 poez retorner en (72a) vostre païs, q’en cest chastel 4
ou nos somes orendroit ne poez vos demorer fors cestui soir seulemant. Ge
15 endroit moi tant cum ge vive ne me partirai de ceianz; jamés, se Dex plest,
n’avrai honte ne deshonor por vos ne por autre chevalier plus qe ge ai eu. De
ce qe ge ai fet 5 me poise, Dex le set bien. E sor6 ceste parole qe ge vos ai dite
ne me reqerez plus, qar ce seroit peine gastre; li cuers me devine et aferme7 qe
enqore avrai ge la pes e la concorde de mon seignor, le roi de Norgales; e por
20 ce ne voill ge qe vos demoroiz plus ceienz ». Li rois Marc voloit respondre a
cele parole, mes la roine ne li sofre mie, ainz s’en vet en ses chambres; et ele
ne velt desormés avoir parlemant avec li. Li rois Mars en est tant dolanz q’a
pou q’il n’enrage de mal talant e de duel; cele nuit demena grant duel, mes ce
fu au plus coiemant q’il le pot fere, qar il ne vouxist mie volantiers qe si com-
25 peignon le seussent.
128. 25 ce omis.
130. 1 51c, Rubr., COMMENT LES TROIS a A l’endemain: reprise de F après l’inter-
CHEVALIERS PARTIRENT D’AGUENON ruption signalée au § 125.12(a).
ET COMMENT LE ROY MARC PRINT
CONGE DE MESSIRE LAC ET DE YVAINS
AUX BLANCHES MAINS.
2 Le landemain.
3 c. de l.
4 et moult s’efforça de savoir l.
5 p. par c.
6 a. congnoissance.
7 plus omis.
8 dittes.
errant;9 e ge vos pri q’il ne vos em vient. Or vos comant ge a Dex, car je
p(72b)oist a.10 − Si m’aït Dex, fet li voil tenir ma voie ». E qant il s’en
30 rois, si fet mou duremant, mes qant vienent au departir, il se hostent lor 30
ge voi qe vostre volanté n’est de dire heaumes e s’entrebaissent e se co-
le moi,11 ge m’en sofrirai atant, puis mandent a Deu. Li rois Mars s’en
qe ge force ne vos en puis fere. E se vait droit vers la mer, qe mult li tarde
per vos ne le puis savoir a ceste foiz, qe il soit en Cornuaille, retorné a sa
35 ge le savrai par avanture por auqun jent, e mult li en poisse de ce qe ilb 35
autre. Ore mes vos comant ge a Deu, laise la roine, qar volentiers l’euste
qar ge voill d’autre part ma voie amenee en sa contre. Mais mielz li
tenir ». Qant il voient q’il sont b au n’avint, qar elle ne demore puis gue-
departir, il ostent lor hiaumes e ires qe li rois de Norgales la repelle a
40 s’entrebaissent e s’entrecomandent a sa conpagnie e li pardonne tout son 40
Deu. Li rois Mars nec s’en vet vers mal talent e la tient puis non gueires
Soreloys,12 ainz s’en retorne d’autre meins chierement avec soi qe il fes-
part; il s’en vet tout droit vers la mer, soit devant. Mes atant laisse li contes
qar volantiers passeroit vers Corno- a parler dou roi Mars de Cornuaille e
45 alle: mout li targe13 q’il soit retornez de meser Lac e de Hervi de Rvel, qe 45
a sa gant et a sa contree; mout li est bien i savra retorner qant il sera l’eure
fort de ce q’il leisse la roine arrieres e tens, e parlerons de meser Galeot le
li; volantiers l’eust menee en Cornoia- Brun e de meser Guron li Cortoisc.
ille, mes cele ne volt. Si l’en avint
50 bien por ce q’ele remist en tel guise e
leissa le roi14 Marc, qar ele ot sa15 pes;
IV
131. a Puis: grande initiale historiée: ren- a Un jor: § situé dans F à la suite du texte
contre de la « male » demoiselle, escor- reproduit en Appendice III (cf. F § 86.1 n.a).; il
tée d’un écuyer et d’un nain. correspond au § 131.8 de A(2).
b Puis … Marc: repassé à l’encre noire.
c chevauchent oublié, placé dans la
marge avec signe de renvoi.
giere; ele a ja veu maint iver, sa teste qe il sont .II. chevalier, elle ne s’areste
40 le demostre qi est tant blanche de pas, ainz s’en vait oltre e mostre bien 40
chenes ». qe li chevalier li soient a petit. « Sire,
dit Hervi, avés hore veu l’orgoil de
ceste damoiselle (75d) qi ne nos regar-
dee seulement un petit? − De ce ne vos
chaile, feit meser Lac, ce este unef 45
damoisele mesajere, si con je croi; e se
nos trovames onqes damoiselle de
malle paroles, je croi qe nos enn avons
une trovee. Or porrois hoïr mer-
veilleuses paroles e mauveisez, car ele 50
n’eng set mie petit, si con je croi, e si a
en sa conpagnie un de ciaus qui ne
porent bien dire: or avons trové solas! »
132. Li bons1 chevalier sorrit de ceste parole e respont: « Cumbien q’ele ait
d’aage, ele est bien cointe e mignoite. Ore chevauchom a lui, si orrom q’elea
dira; ge croi q’ele soit mandee a la cort le roi de Sorolois ».2 Lors croissent lor
oirre e chevauchent un pou plus tost q’il ne fesoient devant, e3 tant font q’il
5 atiegnent la damoisele. Qant ele les ot venir aprés li, ele se regarde e4 voit qe
ce sunt chevaliers armez; ele ne s’areste onqes, ainz chevauche adés e mostre
bien que mout li est a petit de ces chevaliers. « Sire, fet Yvains, avez orendroit 5
veu l’orgueill de ceste damoisele qi ne nos regarde seulemant ne arester ne se
deigna, ainz s’en ala outre? − De ce ne vos chaille, fet li bons chevalier, ce est
10 une damoisele mesagiere: a poine troveroiz cortoisie en li; e se ge conu6 onqes
damoisele de males paroles, ge croi qe nos en avom une trovee orendroit. Or
porroiz ja oïr merveilleuses paroles, crueles e males, car ele n’enb (72d) set mie
petit, si cum ge croi; e si a en sa compeignie un de cels qi onqes ne porent
bien dire: ore avom nos trovee soulaz! »
sainz preu e sainz bien, por qoi l’en5 selle, por Diex, merci! fet meser Lac,
vos doit bien doner respons sainz6 por qoi me dites vos villeinie? ja ne
preu e sainz honor. − Ha! damoisele, vos di je se cortoisie non. − Dan che-
30 merci! fet li bons chevalier, por qoi valier, feit elle, vos avés esmeu vers 30
me dites7 vos vilenie? ja ne vos di ge moi vostre parlement en tel mainere
se8 cortoisie non. − Certes, fet ele, dan qe je connois qe vos ne poriés dire
chevalier, vos avez envers moi vostre cortoisie. Or esgardés coment vos la
parlemant comencié en tel mainiere poriés feire! »
35 qe ge9 conois certainemant qe vos ne
poerrez10 dire cortoisie. Or esgardez11
comant vosb la porriez12 faire! »
134. Li1 bons chevalier se sorrit fiere- Le bon chevalier se sorit fierement de
mant de ceste parole, et li nains qui ceste parole e le nain qi rirea le voit
sorrire le voit se comence adonc a cor- se corouce mult fort e dit: « Or ai je
roucier e dit: « Ore aie ge dahiez, sire dahés, sire chevalier fol, se il n’en a
5 fol 2 chevalier, s’il n’a par le monde de par le monde de plus sages qe vos 5
plus sages chevaliers qe vos n’estes; n’estes; ensi voirement m’aït Dex, con
si m’aït Dex, vos estes fol e vilaina − vos estez fol e vilain! − Hervi, fait
Yvans, fet li bons chevalier, qe diraib? meser Lac, ici ne sai je qe respondre;
ge ne sai qe respondre; se Dex me se Dex me conset, ceste damoisele me
10 conseult, ceste damoisele me set tant set tant dire d’une part e li naim de 10
133. 5 q. on.
6 d. reppos s.
7 q. ne d.
8 se omis.
9 m. comme je.
10 pourriés.
11 O. regardés.
12 v. le p.
135.1 La damoisele est trop iree qant La damoiselle est iree qant elle entent
ele entent ceste parole. « Certes, fet ceste parole; si dit: « Certes, dan che-
ele, dan chevalier malveis, ge ne sui valier malveis, je ne sui mie si mal
mie si non sachant qe ge ne sache sachant qe je ne sache bien conno-
5 bien conoistre un prodome qant ge le istre un preudom qant je le voi e un 5
voi et un mauveis qant ge le trueve. mauvais qant je le trove. Tot meinte-
Tout maintenant 2 qe ge vos vi e ge oï nant qant je vos vi e qe je oï vostre
vostre parlemant, ge vos conui par mi parlement, je vos conui parmi le cuer,
le cuers e sai de voir qe vos estes che- si sai de voir qe vos estes chevaliers
10 valiers failliz, cheitif e recreant; e por failliz e chaitif e recreant; e por ce vos 10
134. 3 d’une.
4 f. que l.
5 s. nos e.
6 appareillees omis.
7 s. ne b.
ce vos ai ge doné adés respons tel ai je donés tout adés telz respons con
cum l’en doit doner a tex chevaliers il convient a tel chevalier con vos
cum vos estes. − Madamoisele, fet li estez. − Madamoiselle, fet mesire Lac,
bons chevalier, vos diroiz ce q’il vos dirois ce qe vos plaira, e nos vos
15 vos pleira, e3 nos vos escouterom. − entendirons. − Dahés, fait ele, avec 15
Dahez aient 4! fet ele, toutes voz toute vostre damoiselle, qar vostre ne
damoiseles, qar vostre damoisele ne serai je, se Dé pleist. (76a) − Ha! fet
serai ge ja, se Dex plest. − Ha! fet il, meser Lac, puiz qe il ne vos pleste
chiere damoisele, puis qe ge voi q’il d’estre moie damoselle, e je vos en
20 ne vos plest qe vos soiez ma damoi- quit atant, ja de ce ne vos ferai force. 20
sele, e ge vos en qit autant,5 ja de ce Mes tant me dites, se il vos pleist, qel
ne vos ferai force puis q’il ne vos vient part chevauchés vos? − Je vai, fait
a talant. Mes tant me dites, s’il vos elle, plus avant qe je ne faiz ariere. −
plest, qel part chevauchiez vos?- Ge E non Deu, fait mesire Lac, ce seroit
25 voisa, fet ele, ça avant car arrieresb ne mervoille se vos avant alissiez tant qe 25
vois ge mie. − En non Deu, fet il,6 ce vos trovasiez terre. − Se je vai avant
seroit merveilles se vos arrieres aliez ne arieres, a vos qe chaut? fait elle; il
tant cum vos tenissiez vostre chemin, ne vos apartient de rienz, fait elle, e
einsint 7 cum vos le tenez orendroit. − por ce ne vos tieng je a sage de
30 Se ge vois, fet ele, avant ou arrieres, demander moi ceste demande. − 30
a vos qe chaut? Il ne vos apartient 8 de Damoiselle, fait il, e je m’en terai puis
riens; e por ce ne vos tieng ge9 pas a qe il ne vos pleist; mes hore me
ssages de demander moi ceste dites… − A cele piere parlés, fait elle,
demande. − Damoisele, fet il, e ge car je n’a cure ne talant de vos res-
35 m’en teirai puis qe ge voi q’il ne vos pondre; de tant seulement con je ai a 35
plest; mes ore me redites … − A10 cele vos parlé me tieng dessonoree. −
piere, fet ele, parlez,11 qe ge n’ai Damoiselle, fet Hevi de Rivel, ce n’est
talant de respondre a vos; de tant seule- pas horendroit de novel qe vos deso-
mant cum ge ai orendroit tenu parle- noree fustes; ja a maint anz par aven-
40 mant me tieng ge a trop deshonoree. − ture qe vos receustes, en plain e en 40
Damoisele, ce dit Yvains,12 ce n’est pas boiz, honte e laidure, vos en estes
ore de nouvel qe vos deshonoreec bien tant aprise qe vergoigne avés
fustes; ja a maint an par13 avanture qe pieça mis ariere dos; de ce estes vos
vos, et a plain14 et a bois, receustes dame usee! − Hai! fet elle, chevalier
45 honte e laidure, vos en estes tant aprise mauvais, faillis, recreant, tant avés 45
qe (73b) honte e vergoigne avez pieça hore la langue preste de dir moi chose
mis arrieres15 dos; de ce estes toute que autre chevalier ne devroit dir a
ausee!16 − Ha! fet ele, dan chevalier damoyselle ».
recreanz,17 failli e mauveis! Tant avez
50 ore la langue preste de dire moi chose18
qe autre chevalier ne devroit dire a
damoisele.
136. Certesa1, bien est veritez, fet « Certes, bien est verités, fet Hervi,
Yvains,2 por qoi la damoisele soit cor- por qoi la damoiselle soit cortoisse;
toise; mes se cele est par avanture mé se per aventure elle fuste si vilaine
aussint vilaine cum vos estes, qi li con vos estes, qi li poroit dire cortoi-
5 puet dire cortoisie? Por les vileines sie e receivre vilanie? qe a Dex pri ge 5
damoiseles, dom il a trop par les con- qea il vos mande entre les mainz de
135. 11 parler.
12 se fait Y.
13 m. jour et maint ans p.
14 vous a p.
15 [a]rriere.
16 e. vous t. a[…]see.
17 recreu.
18 l. fresche et p. d. me d. ch.
136. a Ms. Eertes: erreur d’initiale. a Ms. Dex pri ge des (en interligne) qe: cf.
note.
136. 1 Et (ni § ni alinéa dans le ms.; cf. note
à 136.1(a) de A(2).
2 fet Yvains omis.
trees, e Dex mande el roiaume3 de Breüs sanz Pitiéb qi vos savra treis
Logres celui qi les set chastier, ce est bien chastier. Se Dés me sautc, qe se
Brehuz sanz Pitié, le bon ami des vos fusiez entre le soez mains, hore
10 damoiseles! Damoisele, fet il, se Dex vos n’estes d’asez si vilaine qe adonc 10
me saut, se avanture vos otroiast qe4 ne fussiez asez plus cortoisse qe
vos cheissiez auqun jor entre ses jamezajordevostrevienediresiezvilenie
mains, ge vos pramet 5 q’il vos savroit a nul chevalier privé ne estrange.
si chastier qe tant n’estes ore vilaine Damoiselle, fet il, se Dés vos saut,
15 qe vos ne fussiez puis cortoise,6 ne veistes vos honqes cel chevalier qi fait 15
jamés jor de vostre vieb a chevalier des vilaines dame cortoisse? qe, se
privé ne estrange ne diriez puis vile- Dex me saut, vos en avés bien mester
nie.7 Damoisele, se Dex vos saut, de trover le, car il vos feisse mainte-
veistes vos encores celui8 qi fet des nant plus cortoisee qe vos n’estes
20 vileines damoiseles cortoises? si m’aït hore. − Sire, fait elle, se Dex ma saut, 20
Dex, vos eussiez mout bien9 mestier se vos fussiez enn un mauveis leu e
de trover le, qar il vos feist mainte- enn un vilain vos deus, la chevalerie
nant mout 10 plus cortoise qe vos n’en valdroit mie de pis; e certes, vos
n’estes. − Sire, fet ele, se Dex me saut, avés tant dit e je connois tant en vos
25 s’entre vos e Breüz fuissiez en un paroles qe je cuit tout veraiement qe 25
mauveis leu et en11 vilain, ja chevalle- entre vos deus soiés d’un afeire: il est
rie n’en vaudroit pis; e certes, vos telz con nos savons e certes, vos
m’avez tant dit e ge conois tant vos n’estes mie meillor! »
paroles qe ge quit tout veraiamant
30 q’entre vos deus soiez tout d’unc
136. b vie oublié, dans la marge avec signe b sanz Pitié (en interligne).
de renvoi. c se Dés me saut répété.
c Ms. tout un, corr. d’après FT.
tan m’aveza dit en ceste voie qe enqore encor le poroie vos achater chiere-
le porriez achater; vos ne m’avez ci dit ment, ne vos ne m’avés ci dit ver-
vergoigne don vos n’aiez le guererdon, goigne dont vos n’aiés le guererdon
et assez tost. Ore dou venir! qe, se Dex asés tost. Or de l’aller! car se Dés me
30 me defende de mal, vos avroiz honte a conselt, vos n’avrés la honte as ueilz 30
l’oill prochaine mant, e vos l’avez asés procheinement, e vos l’avés bien
deservi bien, q’il 6 ne puet estre en nulle deservi, qu’il ne puet estre en nulle
guise qe vos ne7 soiez Breüz meismes guisse qe vos ne soiés Breüs ou aucun
ou alqun compaignon de Brehüz. − conpagnon de Breüs. − Ma chiere
35 Madamoisele, fet Yvains, einsint voire- damoiselle, si voirement m’aït Dex 35
mant m’aït Dex cum, se ge estoie oren- con, se je fusse Breüs ou acun conpa-
droit aussint bons chevalier des armes gnon de Breüs, qe vos nen m’avroiés
cum est Brehuz, li bon ami des damoi- dit tant de vilaniez. − Or deo chivau-
seles, ge me priseroie ja mout plus qe ge chier! fet elle, qe de tant con vos
40 ne me prise. − Ore dou chevaucher! fet venez plus avant, de tant aprochés 40
la damoisele, de tant cum vos alez vos plus a vostre mort. − Or ne sai
plus avant, de tant venez vos plus coment il m’en avendra, fet Hervi de
pres de vostre honte. − Or ne sai Rvel, mes por toutes sez menaces ne
comant il sera, fet Yvains, mes por lairon nos cestui cheminc».
45 toutes lé vos8 menaces, chiere damoi-
sele, ne leisserom nos cest chemin ».
138.1 En tex2 dit et en tel paroles3 chevauchent tout le jor entier. La damoisele
est tant iree q’a pou q’4ele ne crieve de duel, e li nains autressint: il ne poent
137. a tan m’avez dans la marge sans signe c cestui chemin: fin de l’accord F pour notre
de renvoi, face à la ligne où ces mots 1ère partie, A(2) f ° s 48a−107b. Pour ce qui suit
manquent. immédiatement dans le ms., cf. supra, § 86.
138. 1 53b, Rubr., COMMENT MESSIRE LAC ET YVAINS, AINSI QU’ILZ CHEV[AULCH]OIENT
COSTE LA RECHINEE DAMOISELLE, APPROUCHERENT DE LA BONNE CITE D’ESCA-
LOINNE ET RENCONTRERENT UNG MESSAGER DU ROY ARTUS.
2 tel.
3 parolle.
4 a peine q.
onqes dire5 parole qe Yvains ne lor respoigne tout a point. Einsint chevauchent
tout le grant chemin dusqe vers hore de vespres, e lors voient devant els une
5 cité6 qe l’en apeloit Escaloine et estoit de la seignorie de Soreloys, riche cité e
bone e bele. Un parant Galeot 7 en estoit seignor e la tenoit einsint cum par
force por ce qe Galehot 8 estoit enqore trop enfant, mes cil estoit bon chevalier
a merveilles; e por la proece de li se delitoit il plus en chevalerie q’en autre
chose. E por sa grant proece le redotoient tant li home Galehot 9 q’il ne li
10 osoient contradire riens q’il feist el roiaume10 de Soroloys. Qant li dui cheva-
liers, qi delez la damoisele chevauchoient einsint com ge vos cont, aprocherent
de la cité, il regardent 11 devant els e voient (73d) devers12 la cité venir un valet 13
a pié qi venoit grant oirre le grant chemin. Tout maintenant q’il aprocha14 des
deus chevaliers, il s’arreste e lor dit: « Seignors, estes vos chevaliers erranz ou
15 de cest païs? − Valet, fet li bons chevalier, nos somes chevaliers erranza; mes
por qoi le demandes tu? − En non Deu, fet cil, ge nel vos demant se par vostre
bien non e por vos acointer de vostre mal. Ge sui un correor de la meison le
roi Artus qi vieing de la fin15 de Soroloys; li rois Artus me manda cele part, si
m’en retorn a li au plus hastivemant qe ge puis. Por ce voiremant qe ge doi
20 amer plus chevaliers erranz qe autre gent, vos16 dirai ge unes noveles qe vos
ne savez enqore mie par avanture, et eles vos porront faire preu. A ceste cité
qe vos veez ci devant vint yer matin un chevalier errant, ne17 sai qi il est; il
trouva le seignor defors la cité, ne sai qe li sires de leianz li avoit mesfeit, mes
il li corrut sus tout maintenant e le feri d’un gleive parmi le piz, si q’a pou q’il
25 ne l’ocist, et aprés ce li voloit coper le chief; mes il fu rescos. Il s’en ala outre
q’il ne pot estre arestez par null de cels de la cité. De ceste honte e de ceste
vergoigne qe li sires de leianz reçut est il corroucié si estrangemant q’il a
138. 5 p. aucques d.
6 u. grant c.
7 U. paiant Galaot.
8 Galeoth.
9 p. se r. tous l. h. de Galeoth.
10 f. au r.
11 c. ceulx r.
12 v. de d.
13 varlet.
14 s’approucha.
15 de la fin omis.
16 q. autrement v.
17 e. je n.
139.1 Quant messire Lac entent ceste novelle, il dit au valet: « Di moi, sés tu qi
sunt li dui chevaliers qi hui furent pris? − En non Deu, fet cil, li uns en est
appellez Aiglans li Blancs2 e li autres est apellez Ossenan Cuer Hardi.3 − En
non Deu, fet li bon chevalier, cels ne conois ge de neient, qar4 onqes ne les vi;
5 e neporqant, por honor de la meison le roi Artus, se ge peusse metre conseill
en lor delivrancea, volantiers l’i metroie.5 − Onqes (74a) a ce ne pensez, fet li
valet,6 qar vostre aide ne lor vaudroit riens; pensez a ce seulemant qe vos ne
choiz7 entre lor mains, qar se vos i chiez, mors estes, veraiamant 8 le sachiez
vos. − Ore me di, valet,9 fet li bons chevalier, et ou qides tub trouver le roi
10 Artus? − Certes, sire, fet li valet, ge m’en vois droit vers Qanpercorretin10 de la
Forest; cele part le quit ge bien trouver, qar il doit la tenir sa feste a cest Noel. −
Ore t’en va a Deu, fet li bons chevalier, qar assez nos as dit de ces noveles ».11
Li valet s’en vet tot maintenant de l’une part, e li dui chevaliers s’arestent qant
il oent ces noveles e12 prenent conseill q’il feront. « Ha! sire, merci! fet Yvains,
138. 9 v. que p.
10 p. la mort l.
139. 1 53c, Rubr., COMMENT MESSIRE LAC NE LAISSE DE TIRER DROIT A LA BONNE CITE
D’ESCALOINE POUR CHOSE QUE LUY AYE DIT LE MESSAGER ET COMMENT YVAINS
L’EN VOULT DESTOURBER.
2 A. l. Blans.
3 O. C. Hardy.
4 je point car.
5 v. luy m.
6 varlet.
7 cheyés.
8 cheyés vous estes mor[s] v.: col. extérieure et mutilée 53d.
9 m[e] d. varlet.
10 Campercorrentin.
11 d. tes n.
12 s’arresre[nt] aprés qu’i. eurent oÿ ces […] et.
15 por Deu, n’entrez en la cité; sachez de voir qe se vos dedenz entrez ne vos
metez, vos estes13 pris; e se il em prison vos tiegnent, le mien afeire qe vos
avez empris sor vos, coment iert il menez a fin?14 Vos savez tout voiremant qe,
se vos ne venez au jor qe la bataille se doit fere por la delivrance de mon pere,
qe vos estes deshonorez a touz jors mes por ce qe vos empreistes le fes sor vos;
20 e mi peres, qi vos atent e qi est em perill de mort enc covendra morir a honte.
Sire, por Deu e por pitié, ne tornons pas a la cité, mes tenom un autre chemin;
si porrom adonc eschaper, e tout sainemant et a sauveté de nos cors ».
140. Missire1 Lac qant il entent ceste parole comence a penser; e qant il ot un
pou pensé, il respont: « Yvains, fet 2 il, se Dex me saut, ge ai esté chevalier
errant toute ma vie e ge me sui travailliez de conqerre honor tant cum ge
pooie;3 se Dex me doint bone avanture, enqore ne vins granment en4 leu ou
5 ge leissasse mon chemin por peor ne por esmaiance. E se ge la fis,5 ge ne fis
mie ce qe chevalier devroit 6 fere, qar bien sachiez veraiamant qe cil n’est mie
chevalier qi por peor de7 paroles guerpist son chemin, por q’il soit sainz de ses
mambres. Por qoi ge di apertemant qe ge ne leirai cest chemin se trop greignor
force8 qe ge ne voi enqore nel me fesoit leisier; se9 il vos plest, vos tendroiz
10 une autre voie, e ge tendrai ceste tant 10 cum (74b) ge la porrai tenir; se force
la me fet leissier, adonc n’en ferai a11 blasmer ne a rrepeindre ». Qant Yvains
voit q’il nel puet en nulle mainiere oster de cest volanté, il li respont aussint
139. 13 s. vou[s…] vous e. (l’espace entre les mots conservés ne paraît pas assez grand pour
contenir tout ce qu’il y a dans A(2).
s’arreste [nt] aprés qu’i. eurent oÿ ces […] et.
Vou[s…] l’espace entre les mots conservés ne paraît pas assez grand pour contenir tout ce
qu’il a dans A(2).
14 q[ue] v. a. entreprins ne pour […] mener a f.
cum tout lermoiant des eulz: « Sire, fet il 12, si m’aït Dex, de cest voiage qe vos13
fetes a cestui point me poise fort, qar ge ai doute qe mal ne vos en aviegne; qe
15 endroit moi, puis qe ge voi qe autremant nel volez fere, ne vos leisserai pas
einsint: compeignie vos voill tenir en ceste voie, se ge devoie avoir la mort ».
141.1 Quant a ce se sunt acordé, il s’en vont outre; e qant la damoisele voit q’il
viegnent avant toutes voies2 e q’il ne leissent le chemin, ele en est joianz a
merveilles, qar ele dit bien a soi meemes q’il n’istront ja de la cité sainz avoir
honte, a ce qe ele avoit bien entendu toutes les paroles dou valet. Qant il sunt
5 dusq’a li venuz, ele lor dit 3 en rampoignant: « Avant, avant, malvais chevaliers,
vos aprochiez de vostre honte! Certes, vos avroiz male nuit e4 si vileine e si
honteuse cum vos devez avoir. − Damoisele, fet Yvains,5 Dex la nos doint
meillor, la nuit, qe vos ne dites; e Dex vos mete procheinemant entre les mains
de Brehuz, vostre bon ami. − De ce, fet ele, n’aiez peor; il ne puet faillir q’il
10 n’ait enqore honte nea laidure.6 E vos en avroiz bien la7 vostre part avant brief
terme, ce sai ge tout certeinemant; enqore hui verai ge de vos deus ce qe ge
desir8 a veoir. − E q’en desirez a9 veoir? fet Yvains; se Dex vos doint bone
avanture, dites le moi. − Si m’aït Dex, fet ele, ge vos voudroie veoir a si grant
honte cum ge onqes vi home ou fame. − Certes, fet il, madamoisele, se vos
15 veoir me peussiez si honteux chevalier cum vos estes honteuse damoisele e
laide, adonc me verriez vos a honte, qar, se Dex me doint bone avanture, ge
ne vi en toute ma vie si vil, si laide, si honteuse damoisele qe vos enqore ne
soiez plus ». Qant la damoisele ot cest plet, ele se test;10 ele ne set tant dire a
140. 12 il omis.
13 v[ou.]s: col. extérieure et mutilée 54a.
141. a ne: le copiste a d’abord écrit me; par erreur, il a exponctué tous les jambages du m.
141. 1 54a, Rubr., COMMENT YVAINS AUX BLANCHES MAINS ET SA DAMOISELLE SE DIENT
[M]OULT DE VILLENNIES ET INJURES.
2 toutes voies omis.
3 jusques la v. a elle elle […] dit.
4 e omis.
5 D. dist Y.
6 h. et l.
7 la omis.
8 j’en d.
9 d. vous a.
10 ele se taist omis.
Yvain q’il ne le sache11 respondre mot a mot. E neporqant, orendroit li12 respon-
20 dist mieuz e se soulaçast em paroles, mes ce li tolt q’il (74c) est si fieremant 13
corrouciez et esmaiés auqes de cest voiage14 q’il funt a la cité. Li cuers15 li vet
bien devinant q’il n’en partiront sainzs16 corrouz, e ce est ce qi orendroit le fet
pensif et a mal ais, outre ce q’il 17 ne fu a grant piece mais.18
142. Tant ont chevauchié li dui chevaliers en tel mainiere plus pensif q’il
n’estoient devant q’il sunt mout pres venuz de la cité. E lors oent un cor soner
mout hautemant qi pot estre oï tout cleremant par1 toute la cité. « Sire, fet
Yvains au buen chevalier, avez vos oï cestui cor? Ore sachiez qe ce est por nos
5 q’il est sonez. Ge ne sai q’il nos aveindra2 a ceste foiz, mes un penser3 si me
met en peor estrangemant. − Dex aïe! fet li bon chevalier, e ce qe est qe4 vos
me dites? enqore ne veez vos riens dou mounde, e si avez ja peor! Certes, ce
est trop grant defautea. − Qel qe defaute qe soit ceste, fet Yvains5, ore6 sachiez,
sire, q’il m’en poise qe tant somes venuz avant e si pres de ceste cité; seb cele
10 autre voie de la sus eussem tenue, moi ne chaussist,7 ge n’eusse nulle dou-
tance, qar adonc fussom asseur;8 mes cest me met en peor ». La ou il parloient
einsint, atant e vos de la porte de la cité oissir dusq’a9 .X. chevaliers apareillez
de toutes armes; tout maintenant q’il voient les deus chevaliers estranges, il
141. 11 i. n. luy s.
12 n. il l.
13 p. si ne fust q. i. e. tant f.
14 e. e. du v.
15 c. car le c.
16 qui n. partiroit s.
17 malaise plus q. i.
18 f. en p. m. ne jour de sa vie.
lor crient 10 tant cum il puent: « Seignors chevaliers, mort estes se vos ne vos
15 rendez a nos; rendez vos tost ou nos vos metrom a la mort! » Yvains parole
tout premier e dit au bon11 chevalier: « Sire, entendez vos ces nouveles? mort
somes, ce poez oïr, se12 nos ne nos rendom. − Ore n’aiez si grant peor! » fet li
bons chevalier. Lors prent son escu e son gleive e crie assez haut: « Seignors
chevaliers, a vos me rendrai ge en tel mainiere cum vos poez veoir! » Si hurte
20 cheval des esperons e s’adrece a un chevalier de leienz qi venoit devant touz
les autres e le fiert en son venir qe cil n’a ne poir13 ne force q’il se peust es
arçons tenirc, ainz14 vole del cheval a terre. Qant il a celui abatuz, il ne s’areste
pas sor lui, ainçois leisse corre a un autre au ferir des esperons, si roidemant
q’il est avis a cels (74d) qi le regardent qe15 la terre doie fondre soz les piez del
25 cheval, et il fiert celui autre chevalier de celui encontre si duremant q’i li met
le glaive par mi le cors; et au cheoir qe cil fet de la sele brise le gleives. Yvains
li fet tant de secors q’il en abat 16 un autre en son venir.
143.1 Einsint comence la barate devant 2 les murs de la cité des deus chevaliers
erranz encontre cels de leienz. Cil de leienza les vollent prendre par force
d’armes, mes li dui chevaliers se voldront defendre, si cum il dient. Puis q’il
ont les gleives brisiez, il metent les mains as espeesb; fort se defendent ambe-
5 dui; il 3 mostrent bien q’il sunt chevaliers de valor. Mes ce qe valt? Cil 4 de leienz
qui mout savoient, puis q’il conoissent lor proece, e coment il sunt de grant
142. 10 crie.
11 t. premierement a. b.
12 p. croire s.
13 n’a pouoir.
14 f. de se tenir aux arçons a.
15 r. qu’il leur semble q.
16 s. comme il pueut et e. a.
143. 1 54c, Rubr. (que précède une miniature: des hommes armés, piques sur l’épaule, se sai-
sissent de Lac et d’Yvain qu’ils ont encerclés), COMMENT MESSIRE LAC ET YVAINS AUX
BLANCHES MAINS FURENT EMPRISONNES ET PRINS PAR CEULX DE LA CITE APRES
QU’ILZ EURENT ABATUS DEUX CHEVALIERS.
2 l. bataille d.
3 d. eulx deux i.
4 Mais que v. tout ce C.
afaire, et il voient cum il se defendent fieremant,5 por ce q’il ont doute q’il ne
lor feissent trop grant domage avant q’il les eussent pris, s’esforcent tant q’il
ocient lor chevaus. Cil se tiegnent mot fieremant, qar prodome sunt ambedui,
10 mes ce les desconforte cec q’il s’en voient 6 a pié, qe7 cil de leienz croissent
adés: .X. estoient au començament d, mes orendroit sunt e plus de .XXX. e tant
s’esforscent e travaillent 8 que, voille le bon chevalier ou ne voille, si les
preignent, et il e Yvain autressint. Mes ançois qe pris l’eussent, li9 ont il fetes
plaies plusors.10 E q’en diroie? pris est e menez leienz, et Yvainz avec li. Desar-
15 mé11 sunt a fine force et emprisonez ambedui12 avec les autres deus chevaliers
dont li valet li avoit dit noveles.
144. Quant 1 Yvains se voit emprisonez, s’il est dolanz, nel demandez; il ne set
mes q’il doie dire: trop duremant est desconforteza. « Ha! fet il au bon cheva-
lier, cum vos m’avez mort e trahi! le mal qe ge ai ai ge por2 vos e non par autre;
trahi m’avez vileinemant! E celui fet qe vos savez de mon pere qi est appellez
5 de traïson ne sera pas menez a fin par vos ne par autre; trahi m’avez e mon
pere en sera destruit! − Yvains, fet li bons chevaliers, ore ne vos esmaiez si
fort; maint chevalier cum nos somes ont ja esté emprisonez qi puis en estoient
delivrés,3 et assez (75a) tost; si serom nos par avanture. Prodom ne se doit
esmaier si legieremant ». Einsint parolent entr’els; Yvains est trop desconfor-
143. c ce presqu’illisible.
d au començament dans la marge avec signe de renvoi.
e sunt idem.
10 tez: jamés ne qide estre delivrés. Li dui autres chevaliers qi devant estoient pris
lor demandent comant il avoient esté pris; Yvains lor conte tout mot a mot, e
bien dit qe li bons chevalier s’estoit si4 bien defenduz encontre si grant gent
cum vint 5 sor li q’il ne qidast mie qe nul chevalier peust metre en son cors si
grant defense cum il i6 mist. Trop li done grant pris e grant lox, mes aprés se
15 plaint trop de li, qar il dit q’il est par lui pris, e non por autre; si ne li poise
mie de cestui fet por li, tant cum fet por autre; tex paroles dient entr’els.7 Mes
atant leisse ore li8 contes a parlier d’els e retorne au Bon Chevalier sainz Peor
por conter partie de ses avantures e coment il delivre cestui bon chevalier e
touz les autres qi leienz furent emprisoné.
145.1 Ora dit li contes qe puis qe li Bons Chevalier sainz Peor fu2 partiz de
Daresen q’il avoit desconfit en tel mainiere cum ge vos ai ça en arrieres devisé,
chevaucha tout celui jor entier3 entre lui e Brehuz sans Pitié sans avanture
trover qi face a amentevoir4 en conte. Qe vos diroie? tant chevauchierent puis
5 q’il vindrent pres de celui chastel qi Hosegon5 estoit apelez, a celui chastel
meesmes ou la reine de Norgales6 avoit esté delivree dou feu, einsint cum ge
vos ai conté ça arrieres. Qant il vindrent pres dou chastel a moins de .IIII. lieues
englesches, il encontrerent 7 .I. vavasorb qi chevauchoit en la compeignie8 d’un
144. 4 si omis.
5 c. il v.
6 i omis.
7 [pa]rolles tiennent e.
8 ore li omis.
145. a Or: initiale à miniature: rencontre du Bon Chevalier sans Peur et de Brehus sans Pitié
avec le vavasseur et son écuyer.
b Ms. vavsor.
145. 1 55a, Rubr., en grande partie illisible (cf. var. 144.3), [COM]MENT UNG VAVASSEUR
COMPTE AU BON [CHEVALIER SANS PAOUR POUR] QUOY CEULX DE HOSEGON VOUL-
DRENT […] ET […] MESSIRE LAC LA SAUVA.
2 P. se f.
3 entier omis.
4 ramentevoir.
5 Osegon.
6 de Norgales omis.
7 rencontrerent.
8 e. leur (le mot est-il radié?) c.
escuier seulemant. Qant il vint pres des chevaliers, il les salue e lor dit:9 (75b)
10 « Seignors chevaliers, bien viegnant! − Bone avanture vos doint Dex, dient
il.10 − Seignors, dit li vawassor, savez vos nulles noveles? − Nanil, dient 11 li
chevaliers, mes nos en aprendriom volantiers12 de vos, se vos nulles en savez. −
En non Deu, fet li vawasor, e ge lé vos conterai13 tout maintenant, les plus
estranges dont vos oïssiez pieça mes14 parler. Vos chevauchez ça avant a un
15 chastel qi est appelez Hosegon;15 ilec furent ier trois chevaliers errant qi firent
si grant merveilles qe de si grant n’en vit c l’en mais nulle en cest 16 païs. − Ore
me dites, sire, fet li Bons Chevalier sains Peor, e qeles armes portoient cil troi
chevaliers qi ces merveilles firent? − En non Deu, fet li vawasor, li dui portoient
armes noires, sanz autres entresseignes,17 e li tiers armes mi parties de blanc
20 e d’inde;18 mes cil troi desconfirent touz cels dou chastel qi ne sunt mie pou
de gent ».
146. Quant 1 li Bons Chevaliers sans Peor entent ceste novele, il dit a soi
meesmes qe ce est sainz faille celui bon chevalier q’il voit qerant. Lors redit au
vawassor: « Or nos dites,2 bel sire, por qoi cele desconfiture fu fete. − Certes,
fet li vawassor, ge le vos dirai puis qe vos savoir le volez. Il avint qe la roine
5 de Norgalesa fu trovee ou vilenie3 avec le roi Marc de Cornoaille; li rois de
Norgales, qant il le sot, fist preindre le roi Marc e la roine sa fame autressint.
Il fist mener le roi Marc a mort, ce savom certeinemant, mes tant i a voiremant
qe nos ne savom voiremant coment 4 il le fist morir. Il comanda puis qe la roine
145. 9 dist.
10 D. dit (!) ilz.
11 dist.
12 e. savrions v.
13 je v. en c.
14 mes omis.
15 q. s’appelle Osegon.
16 m. q. nul n’en v. oncques en c.
17 enseignes.
18 e d’inde omis.
fust arse; autremant il ne voloit vengier la vilenie q’ele li avoit fete. E q’en
10 diroie? puis qe li rois l’ot comandé,5 il estoit mestier q’il fust fet.6
147. Cil de Hosegon1 firent le feu appareiller e metent la reine au feu; e bien
en2 eussent adonc fet le comandemant le roi q’il avoient eu, mes adonc ois-
sirent dou chastel li troi chevaliers dont ge vos ai parlé; cil corrurent sus main-
tenant a cels dou chastel e les mistrent par force d’armes a desconfiture. Et en
5 tel maniere rescoustrent la3 reine dou feu et avec els l’en emenerent; ce ne4
savom (75c) nos q’il en firent puis. Ces merveilles qe ge vos ai dit firent trois
chevaliers seulemant qi oserent envaïr toutes5 les gens d’un tel chastel cum est
cestui. E por ce le vos cont 6 ge si hardiemant qe ge meesmes vi la desconfiture
q’il firent; e savez vos por qoi ge vos ai conté ceste chose? por ce qe vos el
10 chastel nen herbergiez, qe certes, se vos i remanoiz, ge croi qe l’en vos i fera
autre chose qe vos ne vodriez,7 a ce q’il sunt orendroit trop duremant corrou-
ciez envers les chevaliers erranz por ceste desshonor q’il li ont fete. Si m’en
irai atant puis qe ge ceste chose vos ai fait assavoir e vos comenderai a Deu. −
A Deu soiez vos comandé », dient li8 chevaliers; si s’en vont outre maintenant.
148. Quant 1 se sunt parti dou vawasora, li Bons Chevaliers parole e dit a Bre-
huz: « Brehuz, qe dites vos de ces paroles qe trois chevaliers seulemant ont
desconfit tant de gent cum en un chastel a, e meesmemant en un chastel cum
est cestui qe nos trouverom ja ça devant? − Sire, ce li respont Breüz, si m’aït
5 Dex, iceste fu bien haute emprise.2 − Ore sachiez, fet li Bons Chevalier, q’ele
n’eust ja esté enprise3 ne a fin menee, se ne fust li bons chevalier qe ge vois
146. 5 l’avoit c.
6 f. sans aucune faulte.
147. 1 Hosegan.
2 en omis.
3 m. recouvrerent l.
4 l’emmenerent si n.
5 toutes omis.
6 comptay.
7 vouldrés.
8 c. font l.
qerant; cil l’encomença4 sains faille e cil la mena a fin; e se5 Dex me doint
bone avanture, il en6 fist une grant gentilece de ceste chose empreindre7 e
delivrer la roine. Mes dou roi Marc, qui mort est, me poise fort, qar ge di bien
10 q’il estoit de sun aage bien preuz e fort duremant; ge le vi ja deus foiz ou trois
mout bien prover, et en besoigne auqes grevant; de sa geunece estoit il preu
de chevalier;8 e de si gentil home metre a mort, e sanz jugemant, fist li rois de
Norgales grant vilenie e felenie. E certes, se li rois Artus le set, ge croi bien q’il
l’en9 fera repantir chieremant. − Si m’aït Dex, fet Brehuz, ce ne seroit 10 nulle
15 merveille dou monde; si grant home cum estoit li rois Mars ne deust feire morir
li rois de Norgales sans le seu dou roi Artus. Mes ore me dites, puis qe cil de
Hosegon ont empris11 si mortel haine envers les chevaliers erranz, qe voldriez
vos fere? volez vos qe nos herbergi(75d)om en cest chastel, ou nos aillom
outre? − Certes, fet li Bons Chevalier, ge lou bien qe nos leiez herbergiom hui-
20 més, qar d’aler avant seroit grevamant de nos e de nos chevaux. E s’il estoit
einsint q’il eussent ore dou tot juré encontre les chevaliers erranz, si ne nos
feroient il en nule guise dou monde chose qil 12 nos deust desplesir puis q’il
nos conoistront, a ce qe ge lor fis ja une bonté ja auqes grant dont il auqes se
recordent, ce sai ge tout veraiamant. − Ore, sire, ce fet Breüz, puis qeb vos
25 savez de voir qe nos n’avom garde13 leienz, donc i poom nos bien chevaucher,14
qar d’aler outre sanz faille ne seroit mie mou15 grant sens ».
149.1 Quant 2 a ce se sunt acordé, il n’i font autre demorance, ains chevauchent
dusq’au chastel. Qant il sunt pres3 dou chastel a moins de demie lieue engles-
148. 4 la commença.
5 fin si.
6 en omis.
7 entreprandre.
8 preux chevalier.
9 je sçay b. qu’il en.
10 Brehu[s…]seroit col. extérieure et mutilée 55d.
11 Horegon o. entreprins.
12 ch. qui.
13 Après garde un d.
14 n. doncq ch.
15 mou omis.
149. 1 55d, Rubr., COMMENT LE BON CHEVALIER SANS PAOUR ET BREHUS SANS PITIE
ARRIVERENT AU CHASTEL DE HOSEGAN OU ILZ SCEURENT NOUVELLES DE MESSIRE
LAC ET DE YVAINS.
2 Quan[t]: col. extérieure et mutilée 56a.
3 s. aucques p.
150. En1 tel mainiere se departent. « Sire, fet Breüz, voudroiz vos toutes voies
herbergier ceianz? − Oïl, fet 2 il, seuremant i poom remanoir; e sachiez, Breüz,
q’il seront ja de ma venue trop liez e joianz, s’il la sevent. E certes, se li rois
de Norgales, qi homes liges il sunt, fust orendroit de l’une part del chastel e
5 ge de l’autre, e l’en lor feist savoir ma venue, ge croi q’il en vendroit en aissi
gr(76a)ant 3 partie encontre moi cum encontre lor seignor meesmes, tant sunt
fieremant desiranz de moi veoir. − Sire, ce dit Brehuz, se Dex vos doint bone
avanture, dites moi, s’il vos plest, qel bonté fu cele qe vos ja lor feistes. − Ce
ne vos dirai ge mie orendroit, fet li Bons Chevalier, qar de ce qe ge fas ne me
10 doi ge loer, qar un lox me vaudroit un blasme. Mes voiremant, tant vos pramet
ge bien qe avant qe nos issom de cest chastel, ge vos ferai conter a home de
leians, et a cel meesmes qi le vit, qele fu cele bonté qe ge lor fis ja e por qoi il
me voelent si grant bien. − E ge me tieng atant a paiez, fet Breüz, puis qe vos
conter le me feroiz a celui qi le vit; e chevauchom huimés, qar il me targe, se
15 Dex me saut, qe nos soiom leianz venuz ».4
149. 4 n. d’e.
5 dist.
6 et que j’ayme.
150. En1 tel mainiere se departent. « Sire, fet Breüz, voudroiz vos toutes voies
herbergier ceianz? − Oïl, fet 2 il, seuremant i poom remanoir; e sachiez, Breüz,
q’il seront ja de ma venue trop liez e joianz, s’il la sevent. E certes, se li rois
de Norgales, qi homes liges il sunt, fust orendroit de l’une part del chastel e
5 ge de l’autre, e l’en lor feist savoir ma venue, ge croi q’il en vendroit en aissi
gr(76a)ant 3 partie encontre moi cum encontre lor seignor meesmes, tant sunt
fieremant desiranz de moi veoir. − Sire, ce dit Brehuz, se Dex vos doint bone
avanture, dites moi, s’il vos plest, qel bonté fu cele qe vos ja lor feistes. − Ce
ne vos dirai ge mie orendroit, fet li Bons Chevalier, qar de ce qe ge fas ne me
10 doi ge loer, qar un lox me vaudroit un blasme. Mes voiremant, tant vos pramet
ge bien qe avant qe nos issom de cest chastel, ge vos ferai conter a home de
leians, et a cel meesmes qi le vit, qele fu cele bonté qe ge lor fis ja e por qoi il
me voelent si grant bien. − E ge me tieng atant a paiez, fet Breüz, puis qe vos
conter le me feroiz a celui qi le vit; e chevauchom huimés, qar il me targe, se
15 Dex me saut, qe nos soiom leianz venuz ».4
149. 4 n. d’e.
5 dist.
6 et que j’ayme.
151. Einsint parlant chevauchent tant q’il sunt au chastel venuza et entrent
dedens. E maintenant q’il furent leianz, il entendent q’il n’i a un ne1 autre qi
ne lor die: « Mal viegnant! seignor chevaliers, alez avant! alez avant! vos avroiz
a nuit mal hostel ». Li chevaliers entendent bien ce qe chasquns lor vait disant,
5 mes il ne responent ja a rriens q’il 2 lor dient, ains chevauchent avant toutes
voies. « Sire, fet Breüz au Bon Chevalier sains Peor, savez vos en qel meison
vos devez herbergier?3 − Oïl bien, fet il, onqes de ce ne vos esmaiez, mes che-
vauchom seuremant ». En4 tel maniere chevauchent b tant q’il sunt venuz a une
grant meison qi estoit auqes pres de la mestre forterece. Li Bons Chevalier fet
10 leienz5 apeler; la porte de la meison est maintenant ouverte et un valet saut
fors e dit au Bon Chevalier: « Sire, qe demandez vos? − Frere, fet il, nos somes
chevaliers erranz qi volom leienz herbergier. − Si m’aït Dex, fet li valet, enqore
n’a mie grantment de tens qe chevaliers erranz estoient volantiers ceianz her-
bergiez, e por amor d’un seul chevalier errant sunt orendroit haïz mortelmant
15 par cest chastel. E neporqant, por ce qe enqore ne vos a mis sire respondu de6
son hostel, ge irai parler a li e savrai se il vos voudra herbergier ou non. − Ore
va tost, fet li Bon Chevalier, e retorne tost a nos; si nos diras sa volanté ». Li
valet s’en vet au seign(76b)or de leienz qi chevalier estoit e prodom duremant
e cortois mout, si li dit:7 « Sire, la fors a deus chevaliers erranz qi ceianz voelent
20 herbergier ceste nuit; vos plest il q’il 8 descendent ou q’il aillent qerre lor ostel
d’autre part? » Li chevalier panse un petit e puis respont a cels qi entor li
estoient: « Certes, ge devroie mout amer chevaliers erranz, e por amor d’un
seul, qar cil me fist ja bonté9 trop grant; mes s’il me firent bonté, li autres
chevaliers errant qi ier se partirent de cest chastel me firent honte e vergoigne
25 bien autretant cum il me firent d’onor ja. E q’en diroie? por ce qe ge sai tout
de voir qe cil de cest chastel lor voelent orendroit mal de mort,10 ne les herber-
151. 1 a nul n.
2 respondent riens de ce q. i.
3 herbergés (!).
4 ch. seulement E.
5 fet leienz omis.
6 q. ne v. a encores r. mon seigneur d.
7 dist.
8 p. ilz (!) q. i.
9 f. la. b.
10 veullent mal jusques a m.
gerai ge mie; aillent aillors lor hostel qerrec, qar ge ne les voil recevoir. Va tost
a els e lor di de la moied part qe ge ne les voill herbergier ».
152. Quant 1 il a dite ceste parole, li valet 2 n’i atent plus, ains vint fors a celsa
qi l’atendent, si lor dit:3 « Seignors chevaliers, alez vostre hostel qerre en autre
leu; çaienz ne porriez4 vos descendre, qe mis sire ne le velt mie. − Ore va a li,
fet li Bons Chevalier sainz Peor, e si li di qe si li5 souvenist dou chevalier qi ja
5 le delivra des mains6 des deus jaianz qi l’en portoient devant la porte de cest
chastel, ja ne me veast son7 hostel. Il a tost mis arrieres dos et en obli8 la bonté
qe cil chevalier li fist a celui point. S’il por nos ne nos velt recevoir, por amor
de celi le face qi ja li fist ceste bonté.9 Ore va a li e si li di ceste parole de ma
part. − Sire, ce a dit 10 li vallet, itant ferai ge bien por vos ». E lor s’en revient a
10 son seignor e li conte tout mot a mot ce qe li chevalier li mande.
153.1 Quant il entent ceste novele, il respont oiant touz ceus de son hostel:
« Certes, il dit verité, li chevalier; e por amor de ceste parole q’il m’a orendroit
mandee le herbergerai ge e li ferai toute la honor qe ge porrai fere, se g’en
devoie nois’2 avoir, la haine de touz cels de cest chastel. Va t’en a li isnelemant
5 e le fai descendre ». Li valet s’en vet au Bon Chevalier e li dit: « Sire, descendez;
herbergiez estes huimés ». E3 cil descent tout errament et entre leianz tout ein-
sint armez cum4 il estoit. Cil de leianz, tout maintenant q’il voient ve(76c)nir les
chevaliers erranz, se drecent encontre eus e les reçoivent mout honoreemant e
les desarment. Tout maintenant qe li sires de leienz vit le Bon Chevalier sains
10 Peor desarmé, il le reconut e saut contre li errament. « Ha! sire, fet il, qe vos
soiez li tres bien venuz! Einsin voiremant m’aït Dex, cum ge sui plus liez de
vostre venue qe ge ne fusse de nul chevalier qe ge sach’ orendroit eu monde.
Seignors, fet il a cels de leienz qi entor li estoient, veez vos ore cest chevalier?
sachez qe ge sui par lui vis: ce est celi qi de mort me delivra a celui point qe li
15 dui jaiant me pristrent devant la porte de cest chastel; cist est mis sire sans
doute, e ge me tieng por sun serf liges: il est mis sires, e ge sos sers; ce est
celui qi delivra par sa proece cestui chastel ou nos ore somes del vil 5 servages
des jaianz qi nos tenoient por lor sers; cist est celui6 qe nos devom aorer cum
sea ce fust un damedex,7 qar toz nos osta de la mort! » e lors se velt agenoiller
20 devant lui por beisier li les piez. Mes li Bon Chevalier nel soufre mie, ainz le
redrece e li dit: « Osté! biaux sire, ne me fetesb tel vilenie en vostre hostel! se
ge vos fis honor si cum vos meesmes dites, ne me feites deshonor, qar ce seroit
male deserte. − Ha! sire, fet il, por Deu, ne vos corrouciez; ore sachiez qe la
tresc grant volanté qe ge ai de fere vos honor e de vos servir outre ce qe ge
25 serviroie autre home si me8 fesoit ce faire; e qant ge voi q’il vos anuie, ge m’en
tendrai atant qe, si voiremant m’aït Dex, il n’est ore nulle chose el monde9 qe
ge feisse a mon escient encontre vostre10 volanté ». Lors dit a cels de son hostel:
« Pensez tuit de servir e d’onorer cest mien seignor ». E cil 11 dient qe del faire
sunt il appareilliez tuit.12
154. Atant est la joie qe tuit 1 cil de leianz comencent 2 qant il entendent la
volanté de lor seignor; il ni a nul qi nel sierve de tout son pooir. Li chevalier
154. 1 l. j. de t.
2 comencent omis.
fet assavoir par le chastel qe li chevalier est venuz qi les3 gita del grant servage
ou il furent ja. Qant il orent oïa ceste novele, il corrurent tuit a l’hostel per veoir
5 le Bon Chevalier; e qant i l’ont reconeu, il l’aorent et enclinent cum se ce fust
un damadex. E q’en diroie? il sunt tuit si joiant e si lez de sa (76d) venue q’il
ne fussent si joiant dou roi de Norgales meesmes; aussi li grant cum li petit le
vienent veoir a grant merveilles e tuit li dient: « Sire, bien soiez vos venuz! » Il
rent a chasqunb d’els son salu e chasqun d’els reçoit au plus bel q’il le puet
10 fere. Brehuz, qi molt c est dezirans de savoir qele fu ja la proece dont cil de
leienz teignent orendroit 4 si grant parlemant, se tret pres del seignor de leianz
e li dit: « Biaux sire hostes, se Dex vos doint bone avanture, itant me dites, s’il
vos plest, qele fu cele proece qe cist chevalier fist qe vos alez orendroit recor-
dant entre vos a ssi grant merveilles; contez la moi,5 se Dex vos saut, qe ce est
15 bien une chose qe ge mout desir assavoir. − Coment, dit 6 li sires de leianz, vos
chevauchiez avec cest mien seignor, et enqore ne savez les merveilles q’il fist
ja devant la porte de cest chastel? En non Deu, qant vos nel savez, e ge le vos
conterai maintenant d, qe cestui fet doit bien chascun home savoir, qe, si m’aït
Dex, ce7 fu bien un des plus estranges faiz et un des plus merveilleux8 qe
20 chevalier feist a nostre tens, ne ci ne aillors. − Ha!9 por Deu, biaux hostes, fet
Breüz, contez le moi, qar tres le dezir a oïr.10 − En nom Deu, fet li prodom,
e ge le vos conterai; or11 escoutez ». E maintenant comence son conte en tel
mainiere.
155. « Hostes,1 fet il, il avint ja, e ge estoie a celui tens nouvel chevalier e
m’avoit fet novel chevalier de sa main li rois Uterpandegron meesmes, a celui
154. a oï omis.
b chasqun avec l’ h suscrit.
c molt: l’ l est suscrit entre l’m et l’o.
d Ms. maint tenant: le scribe a d’abord écrit maint, puis il a ajouté, dans la marge, avec
signe de renvoi, tenant.
156.1 Un2 jor avint qe ge estoie oissuz de cest chastel, armez de toutes armes,
e m’en voloie aler droite(77a)mant el roiaume de Logres. Li Bons Chevalier
sainz Peor qi ci est avoit bien demoré deus mois entiers en cest chastel por
achoison d’une plaie qe ge ne sai qi li avoit fete. Qant ge fui la fors3 oissuz,
5 adonc m’avint par mon pechié qe li dui jaiant me trouverent. Tout maintenant
qe ge les vi, ge fuisse mout 4 volantiers, mes ge ne poi,5 qar il me pristrent
errament e me desarmerent; e por ce qe ge lor avoie ja6 fet auqune chose a
despleisir me despoillierent il em braies7 e me firent monter sor un roncin, e
distrent q’il me feroient mener batant a un des lor valetz tout entor le chastel 8
156. 1 57b, Rubr., COMMENT LE SEIGNEUR DE HOSEGAN COMPTE OYANT TOUS CEULX DE
LEANS COMMENT LE BON CHEVALIER LE GETTA DU SERVAGE AUX DEUX GEANS (Elle
est suivie, au f ° 57c, d’une miniature: combat du Bon Chevalier sans Peur contre un géant,
que l’on voit déjà à terre; devant la porte du château un chevalier assiste à la scène).
2 Ung: grande initiale.
3 l. dehors.
4 je feusse m.
5 mes … poi omis.
6 ja omis.
7 braye.
8 u. de l. varletz entour de leur ch.
10 e puis me feroient trenchier la teste tres devant la porte de cest chastel. Einsint
cum il le distrent, le firent fere: ge fui tout maintenant menez batant tout entor
cest chastel. An cest chastel n’ot si hardi home ne chevalier qi s’osast metre
avant por moi rescoure, qar trop avoient grant peor des deus jaianz. Li9 Bons
Chevalier sainz Peor estoit adonc auqes gueriz, et il avoit toutes voies demoré
15 en cest hostel, don nos somes orendroit, si navrés cum ge10 vos ai conté. Mes
a celui point estoit si gueriz qe armes pooit porter.
157. Quant 1 il oï le duel q’il fesoient por moi, e2 il sot qe ce estoie ge qe li jaiant
en menoient si vileinemant e puis me voloient trenchier la teste, il n’i fist autre
demorance, ainz demanda ses armes e se fist armer au plus hastivemant q’il
puet et oissi fors dou chastel; e ge estoie ja venuz a la porte ou il me devoient
5 la teste tranchier, qar ja m’avoient 3 mené batant entor cest chastel. Qant ge
estoie4 ja venuz a ce qe ge veoie tout cleremant la mort as elza 5 e morir qidoie
bien, atant e vos par ma bone avanture qe li Bons Chevalier qi ci est vint entre
nos appareilliez de toutes armes; e sachez q’il venoit si grant oirre cum il pooit
dou cheval traire. Qant il vit cels qi estoient appareillez de couper moi la teste,
10 il lor comance a crier: « Fuiez! fuiez! qe tuit estes morz ». E maintenant s’adrece
a un des jaianz e le feri si roidemant en son venir q’il li mist le gleive par mi
(77b) le cors e l’abati mort. E por ce q’il ot son gleive brisé de celui encontre,
mist il la main a l’espee e leisse corre a l’autre si roidemant q’il li abati toute
l’espaule destre. Li6 jaianz cheï errament, qar mortelmant estoit feruz: onqes
15 puis ne se releva. Ces deus granz merveilles qe ge vos ai ici contez fist ja por
moi li Bons Chevalier sains Peor qi ci est;7 par ces deus cox me delivra il de
mort, e delivra tout cest païs dou grant servage ou li jaianz l’avoient mis. E ce
fu bien le gregnor fet e le plus merveilleux qe le cors d’un seul chevalier feist
enqore en cest païs a nostre8 tens. Or vos ai devisé le conte trestout einsint
20 cum il avint por cestui fet. Por ceste honor qe cist sires fist ja a moi et a cest 9
chastel et a toute ceste contree sont orendroit si liés e si joianz touz cels de
cest chastel, e ge vos pramet qe vos ne veistes pieça mes si grant joie en un
leu,10 cum vos porroiz veoir anuit en11 cest chastel. Sachiez qe devant cest
hostel s’asembleront anuit e fol 12 e sage, grant e petit, e feront huimés feste e
25 joie por amor de cest prodome qi ja lor fist si grant bonté. − Si m’aït Dex, fet
Breüz, ce n’est mie trop13 grant merveille s’il 14 font joie de sa venue; cele fu
bien bonté trop grant q’il vos fist q’il b ne la peust greignor fere ».15
158. Atant furent les tables mises, qar il estoit tens de mangier. Tuit cil dou
chastel s’asemblent laienz por veoir celui Bon Chevalier qi ja ocist les deus
jaianz; tuit s’enclinent e tuit l’aorent:1 il ne feissent mie tant d’onor au roi de
Norgales meesmes cum il funt a cestui. Qant il sunt as tables assis, li Bon
5 Chevalier sains Peor met em paroles son hoste e li demande noveles de la roine
de Norgales. E cil 2 li conte mot a mot cum il l’en estoit avenuz, e coment ele
estoit delivree par trois chevaliers erranz qi menee l’en avoient; ce ne set il ou3
il sunt puis alé, mes avec els l’en menerent. E le devise4 qeles armes il por-
toient. « Certes, fet li Bons Chevalier, ge voudroie ore estre la ou il sunt, qar
10 por trouver l’un d’els quit a ge maint jor travailler, et enqore travallerai jusq’a
tant qe ge trouvé l’aie. − Certes, fet li sires de leienz, (77c) il ne puet estre qe
vos tost n’en oiez noveles; ge ne croi mie q’il vos conviegne des or mes gran-
ment travailler por trover le, qar il ne s’est enqore granment esloignez por les
voies de5 cest païs qi sunt auqes mauveises et annuieuses, e meesmemant en
157. 9 moy a c.
10 e. nul l.
11 v. huy e.
12 d. c. chastel se a. huy folz
13 trop omis.
14 s’[i]lz: col. extérieure et mutilée 58a.
15 f. nullement.
159. En1 tel mainiere parolent celui soir2 del buen chevalier qi Lac estoit ape-
lez. La joie est si grant par tout le chastel q’il n’i a un ne autre qi n’a entendent 3
fors a joie feire. E s’il estoient devant dolanz e corrouciez por ce q’il avoient
esté ahontez et avileiniz par trois4 chevaliers seulemant, orendroit ont tout
5 oblié celui corrouz. Il n’entendent a autre chose fors qe a faire joie e feste por
l’amor5 dou Bon Chevalier sainz Peor qi ja lor fist si grant bonté cum il vont
enqore recordant. En tel guise cum ge vosb cont dura toute la nuit cele feste.
La luminaire6 estoit si grant par le chastel de toutes parz qe qi le veist par
defors, il poïst 7 legieremant croire qe tout li chastiaux fust empris de feu. Ain-
10 sint dura toute la nuit cele grant feste e cel soulaz. A l’endemain,8 auqes matin,
se lieve li Bon Chevalier; e qant il est vestuz et appareilliezc, il d demande ses
armes, e l’en li9 aporte errament. Et il se fet armer, et autressint fet Breüz.10
Qant il sunt ambedui armez e montez, il trouvent tuit cil dou chastel qi estoient
montez por convoier les. E q’en diroie? Qant il trespasse11 par mi les rues dou
15 chastel, tuit li vont aprés, cil qi le convoient. Qant il orent bien chevauché
demie lieue englesche, li Bon Chevalier s’areste, e por ce q’il trouve ilece deus
voies, demande a cels qi devant lui estoient: « Savez vos laqele de ces deus
voies tindrent li trois chevaliers? » Et un escuier de leianz qi bien le savoit li
159. a n’omis.
b vos: os suscrit.
c Ms. apparielliez.
d il: l’ l est suscrit.
e ilec oublié, dans la marge avec signe de renvoi.
dit:12 « Sire, oïl, ore sachiez q’il tindrent ceste. − Ore vos en retornez huimés,13
20 biaux seignors, fet il 14, qe ge n’ai ore mestier de vostre15 convoier ».
160.1 Quant il conoissent sa volanté et il voient q’i lia plest qu’il retornent tuit,2
il le comandent 3 mout a Nostre Seignor e puis s’en tornent 4 (77d) arrieres a lur
chastel. Cil qi se sunt mis au chemin chevauchent 5 tant tout le grant chemin
de la forest auqes esforceemant qe avant qe fust 6 hore de vespres orent il la
5 foreste passee e furent dou tot oissuz dou roiaume de Norgales et entrent el
roiaume7 de Soroloys. E lors ateindent b un chevalier qi condusoit une damoi-
sele, et estoit cele damoisele de mout merveilleuse biauté. Li chevalier estoit
armez de toutes armes e tres bien montez sor un grant destrier e menoit avec
li deus escuiers. Tout maintenant qe li Bons Chevalier voit le chevalier qi la
10 damoisele condusoit, il dit 8 a Breüz: « Veez la un chevalier errant. − Sire, vos
dites verité, fet Breüz, mes certes, il n’est mie des plus sages chevaliers dou
monde qi en ceste seison ou touz li mondes est engelez de froit vet damoisele9
conduisant. Certes, se il fust de mon sens, il la leissast plus tost as loux q’il
ne10 la menast, e par cest froit. E se Dex me conselt, por la11 grant folie qe ge
15 voi orendroit en li, li voill ge tolir la damoisele, e12 tout maintenant. − Coment,
Breüz, fet li Bon Chevalier, conoissiez vos ore qe li chevalier soit si mauveis qe
vos li peussiez la damoisele tolir si legieremant cum vos dites? − En non Deu,
159. 12 dist.
13 e. tournés h.
14 fet il omis.
15 d. vous ne de v.
160. a li: le scribe a d’abord écrit le, puis il a exponctué l’e et suscrit l’ i.
b Ms. atendent.
160. 1 58c, Rubr., COMMENT LE BON CHEVALIER ET BREHUS, APRES QU’ILZ SE SONT PAR-
TIS DE HOSEGAN, TROUVERENT UNG CHEVALIER QUI LE ROY HOEL ESTOIT APPELE.
2 tuit omis.
3 recommandent.
4 s’e. retournent.
5 m. en ch. chevaulchant.
6 a. qu’il f.
7 e. au r.
8 dist.
9 e. perdu d. f. de d.
10 ne omis.
11 c. par l.
12 e omis.
sire, fet Breüz, ce porroiz vos veoir par tens; ore sachiez bien qe s’il ne la puet
vers moi defendre, il est mestier q’il la me laist. − Breüz, fet li Bons Chevalier,
20 ore soit qe vos conqerre13 la peussiez envers le chevalier qi la maine,14 si nel
devriez15 vos feire, ne metre main en la damoisele ne devriez vos,16 qar vos
savez bien qe les convenances de nos17 deus sunt teles qe vos ne devez de tout
cest an metre main en dame ne en damoisele, ainz lor avez tout plainemant c
donez trieves e ferme18 pes. − Ce me feistes19 vos fere, fet Breüz, et 20 encontre
25 ma volanté; e covenant qi vient par force ne fet a tenir se l’en ne velt. − Breüz,
fet li Bons Chevalier, puis qe vos la pramesse me feistes qe vos savez, vos ne
vos en poez retraire,21 se vos ne faussez covenant. − Ge n’en dirai mie ore qant
qe g’en pens, fet 22 Breüz: sor le parler nuist auqune foiz! mes puis23 qe ge
voi qe vostre volanté est tele qe ge cest chevalier n’envaïsse por24 gaagnier la
30 damoisele, e ge m’en sofrai atant ».25
161. (78a) Einsint parlant chevauchent tant q’il atainent le chevalier; e sachiez
q’il estoit bien grant e bien tailliez de touz membres, e bien ressembloit home
qi par semblant deust valoir auqune chose e faire auqune bonté. « Biaux sire,
fet li Bons Chevalier sainz Peor, Dex vos conduie! » E cil s’areste maintenant e
5 regarde le Bon Chevalier e puis respont: « Sire, la bone avanture vos doint
Dex! − Qi estes vos? fet li Buen Chevalier sainz Peor. − Ge sui, fet il, un cheva-
lier errant qi vois ceste part en une moie besoigne. E volez vos venir, fet li
chevalier, a cel chastel qi est la devant? » si lor mostre celui meesme chastel
ou li rois Mars avoit esté abatuz, et Yvains as Blanches Mains, por la roine de
10 Norgales, la ou il covenoit qe chasquns chevaliers qi condusoit dame ou
abatuz e qe vos perdissiez la11 vostre damoisele por achoison d’une seule joste,
ce vos seroit une grant vergoigne; por ce qe nos nos somes ausint mis come en
20 compeignie, miels est qe nos passom ensemble, qar se vos estes abatuz, ge
remandrai par avanture en sele ou12 cist autre mien compeignon. Se13 li uns de
nos trois remaint en sele, ceste damoisele sera delivree e nos trois autressint;
por ce est il mieuz au mien avis14 qe nos passom tuit .III. ensemble qe vos
par vos15 e nos par nos: assez vaudromes mieuz ensemble qe se nos fuissom
25 partiz ».
163.1 Quant li chevalier entent ceste parole, il respont: « Ore, biaux sire, puis
qe vos acordez a ceste chose et il vos plest qe vos compeignie nos tiegnez, or2
chevauchom donc ensemble; se ge vostre compeignie refusoie qant vos la moie
volez, l’en me le porroit atorner a vilenie et a orgueil ». Einsint s’acordent a
5 ceste chose; li chevaliers chevauchent ensemble vers le pont, e tant font qe al
pont viegnent. Cil qi gardoient le passagea les virent venir de loing e virent b
q’il estoient troi; e por ce firent il oissir dou chastel dusq’a .III. chevaliers por
defendre le passage e por la damoisele gaagnier qe cil conduisoient. E sachiez
qe la damoisele estoit de si merveilleuse biauté qe li Bons Chevaliers sans Peor
10 qi la regarde dit a soi meesmes qe ceste est sainz faille unes des plus beles
damoiseles qe il c veist a piece mes. Autresint 3 dit Breüz a ssoi meesmes; la
damoisele li plest tant et embelist de totes choses qe se ne fust por la doutance
dou Bon Chevaliers sains Peor, il se meist tout 4 errament en aventure5 de gai-
gnier la da(78c)moisele par force de chevalerie, coment d q’il l’en deust avenir.
162. 11 la omis.
12 ramenderay p. aventure ou.
13 c. demourera en celle Se.
14 c. vault m. a mon a.
15 par vous répété d’une ligne à l’autre.
163. 1 59b, Rubr., COMMENT LE ROY HOEL ET BREHUS SANS PITIE FURENT ABBATUS SUR
LE PONT OU LE BON CHEVALIER SANS PAOUR DESCONFIT LES DIX CHEVALIERS.
2 q. je c. vous tiengne o.
3 Tout ainsi.
4 tout omis.
5 en aventure omis.
165. Quant 1 li Bons Chevalier sains Peor voit celui cop, il le mostre a Brehuz:
« Brehutza, fet il, se Dex me saut, a cestui point peustes vos veoir un bel cop
de lance; de grant force est li chevaliers e de grant raidor qi la damoisele con-
duit. − Sire, fet Breüz, vos dites bien verité, mes enqore vouxisse ge mieuz qe
5 nos n’eussom trouvé ne lui ne ceste damoisele, q’il me covenist joster. − Breüz,
fet li Bons Chevalier, vostre escondit ne vos vaudroit riens; ici vos estuet a
joster,2 guenchir n’en poez autremant. E se Dex vouxist orendroit qe les damoi-
seles peussent estre venchiees de vos, alqune en a par le monde qi grant joie
(78d) en feroient puis. − Sire, ce dit Breüz, li fez n’ira pas en tel guise cum les
10 damoiseles voudroient par avanture ». Qant il a dite ceste parole, por ce q’il
voit apertemant c’a joster le covient,3 ne autremant ne s’en puet partir, n’i fait
autre demorance, ainz4 hurte cheval desb esperons e leisse corre par desus le
pont, tant cum il puet del cheval treire, e fiert un des chevaliers dou chastel qi
de la joste estoit tout appareillez ec li remuet de l’autre part.
166. Einsint s’entreviegnent par desus le pont ferant des esperons; e qant ce
vient 1 a l’aprochier, il s’entrefierent si roidemant qe amdeus voident les arçons
e chient 2 desus le pont; e de tant li avint bien3 de cele joste q’il n’i orent mal
ne ennui fors del cheoir q’il pristrent. Breüz, qi assez estoit fort chevalier e
5 legier, se relieve mot vistemant e met main4 a l’espee e velt corre sus a l’autre
chevalier qi s’estoit relevez. « Biaux sire, fet li chevalier, ge ne voill ore vostre
bataille; puis q’il est einsint qe nos nos somes entrabatus, nostre guerre est
atant finee selonc la costume de cest pont. − En non Deu, fet Breüz, ge vos en
qit, qar autresint n’avoie ge mie trop grant volanté de combatre a ceste foiz; ce
10 qe ge fesoie, fesoie ge bien5 por ce qe ge qidoie qe a combatre me covenist ».
166. 1 q. il v.
2 cheÿrent.
3 a. il b.
4 m. la m.
5 fesoie ge bien omis.
Lors s’en vet outre Breüz e trueve qe cil del chastel meesmes avoient ja6 pris
son cheval e li7 remenoient. Il le prent e monte e passe le pont e dit a soi
meesmes a cestui point a il trop chierement achatee la compeignie de la damoi-
sele; encore volsist il mieuz q’il ne l’eussent hui trouvee.8 Lors regarde un des
15 chevaliers de leienz qi s’apareilloit de joster encontre le Bon Chevalier sainz
Peor. « Ami, ce li a dit 9 Breüz, ore sachiez tout veraiemant a qe se vos ne vos
tenez bien, a terre vos estuet aller; e se vos de cestui encontre n’alez a terre,
jamais en, si cum ge croi, ne seroiz abatuz par home ». Qant cil entent ceste
novele, il est auqes esmaiez e por ce s’areste e dit a Breüz: « Qi est donc cil
20 chevalier dont vos estes asseur10 q’il b m’abate? − Certes, fet Breüz, ge croi q’il
soit le meillor chevalier del monde ou le peior; ore en creez leqel qe vos vou-
droiz, mes (79a) il est mestier a cestui point qe vos ailloiz a terre ja, se bien
ne11 vos tendroiz en sele! » Qant cil entent ceste parole, il desvient auqes esba-
hiz; peor12 li est el cuer13 entree tout errament, dont il s’areste e crie au Bon
25 Chevalier tant cum il puet qi ja voloit movoir encontre li: « Sire chevaliers,
arrestez vos tant qe ge aie parlé a vos un pou! » E cil s’areste errament e li dit:
« Qe volez vos? − Ge vos pri, fet li chevalier, qe avant qe nos jostom qe vos me
dioiz14 qi vos estes, qar vostre compaignon qi ci est m’a orendroit dit une parole
qi mout m’a espoenté.15 − Se vos par une parole seulement, fet li Bon Chevalier,
30 estes espoentez ni esmaiez, ce ne vient mie de trop grant bonté. Ore me dites:
qe volez vos demander? − Ge vos pri, fet li chevalier, qe vos me dioiz16 vostre
non. − Certes, fet li Bons17 Chevalier, mo non ne poez vos savoir a ceste foiz
ne autre chose fors q’un chevalier errant sui, einsint cum vos poez veoir. Ore
defendez vostre passage encontre moi se vos poez, qair ge passerai outre, se
35 ge onqes puis ».
166. 6 ja omis.
7 et le l.
8 damoisell[e] e. vaulsist huy m. q. n. l’eussent trouvee: col. extérieure et mutilée 60a.
9 l. dist.
10 asseuré.
11 terres je sçay b. que n.
12 e. et p.
13 e. au c.
14 dittes.
15 m’espovente.
16 dittes.
17 Bons omis.
167.1 Quant 2 il a dit ceste parole, il n’i fet autre demorance, ainz hurte cheval
des esperons e muet par3 dessus le pont encontre le chevalier del chastel e le
fiert si roidemant en son venir q’il l’abat a desus le pont; e chiet a cele foiz si
malemant q’il se brisa le braz destre. Li Chevalier sains Peor qib einsint l’ot
5 abatu, a cui en chaut petit, s’en vet outre qu’il nel regarde4 plus. Einsint s’en
vont li chevaliers, et einsint ont passé le pont li dui honoreemant 5 e le tiers a
deshonor. Puis q’il ont passé le pont, il chevauchent le grant chemin. « Sire,
fet li chevalier qi la damoisele condusoit − e ce disoit il au Bon Chevalier sains
Peor −, savez vos por qoi la costume de cestui pont fu en tel mainiere establie
10 cum ele est enqore mantenue? − Sire, fet li Bons Chevalier, ge ne le sai miec
tres bien. E vos le savez? fet il. − Oïl,6 fet li chevalier, ele fu establie por un fet
qe li Bons Chevalier sainz Peor fist ja della7 cel pont; cil de cest païs m’en ont
ja conté auqes la8 verité ». Qant Brehuz sainz Pitié entent qe por le9 Bon Cheva-
lier sainz Peor avoit esté ceste costume establie qe chasqune dame ou damoi-
15 sele qi a celui pont venoit i estoit arestee par cels de leiens, por ce q’il ne
savoit 10 enqore mie l’achoison de ce(79b)le costume, dit il au chevalier: « Se
Dex vos doint bone aventure, bel sire, puis qe vos cestui11 feit savés e l’ochoi-
sond del començament, contez nos si cum il avint, si nos sera ausint 12 cum un
solaz de l’escoutier. E certes, ce est une chose qe bien devroit savoir chasquns
20 chevalier13 errant, qar ge ne croi mie qe ceste costume fust establie fors por
167. 1 60b, Rubr., COMMENT LE BON CHEVALIER SANS PAOUR MIT A DESCONFITURE LES
TROIS CHEVALIERS DU PONT ET PASSA OULTRE (elle est précédée d’une miniature qui
en apporte l’illustration).
2 Quant: grande initiale.
3 et vient p.
4 ne r.
5 honnorablement.
6 s. vous O.
7 f. une fois d.
8 o. aucques racompté l.
9 q. par l.
10 savoient.
11 v. de c.
12 ausint omis.
13 s. ung ch.
alqun grant 14 fet qe li Bon Chevalier sainz Peor fist ça devant. − Certes, biaux
sire, vos dites bien verité; ore sachiez qe ci devant et en maint autre leu a ja
fet li Bons Chevalier sainz Peor si grant merveilles d’armes15 qe bien en doit
l’en parler par tout le monde de sa haute chevalerie, e si fet l’en. E certes,
25 biaux sire, a la verité dire, il n’est orendroit en cest monde nul chevalier qi soit
droitemant parfit de toute chevalerie fors q’il seul. E qant vos estes dezirans
de savoir coment ceste vileine costume fu establie e por qele achoison, ge le
vos dirai maintenant; or escoutiez e sachiez qe vos orroiz ja un des plus biaux
hardemans qe chevalier feist pieça ». E maintenant comence a conter le conte
30 en tele mainiere cum ge le16 vos ai ja conté ça arrieres.17
168. Quant il a tout finé le conte, Breüz qi trop volantiers l’ot escouté, qar mot
li plesoit 1 duremant, li dit:2 « Ore me dites, biaux3 sire chevalier, fet Breüz, se
Dex vos doint bone avanture − ne vos corrouciez ore de ce qe ge vos dirai −,
amez vos ore mout ceste damoisele qe vos condusieza? − Oïl, fet li chevalier,
5 ge l’aim voiremant; e se ge tant ne l’amasse cum ge l’aim, ge ne me fusse por
li trant travaillez cum ge meb sui, qar Dex le set, por gaaignier la meillor cité
qe li rois de Norgales ait, ge ne m’en traveilleroie autant por qe ge la deusse
gaaignier cum ge me sui por ceste damoisele travalliez; e tout le travaill qe
g’en ai sofert tieing ge a mout bien emploié puis qe ge l’ai en4 ma saisine. −
10 Or me dites, biaux sire, fet Brehuz, qant vos si grant travailh avez soufert por
ceste damoisele, se venist ore encontre vos auqun chevalier par avanture qi
tolir la vos wouxist c, la voudriez vos defendre? − E qe feroie ge donc, fet li
chevalier, se ge ne la defendoie? − E s’il estoient dui chevalier, fet Breüz, le lor
lessiriez vos? − Nanil, certes, fet li chevalier, s’il estoient trois. − E s’il estoient
15 .IIII.? fet Breüz. − Nom pas s’il estoient .V., fet 5 li chevalier; si faz une fole
167. 14 p. ung g.
15 d’armes omis.
16 le omis.
17 ç. en a. comme savés.
169. Li chevalier1 respont errament e dit a Brehuz: « E por qoi n’avroie ge har-
demant de defendre la encontre lui? ja n’est il fors un seul chevalier ne qe ge
sui? se avanture m’aidoit, aussint tost le porroie ge occirrea d’un cop de lance
cum il porroit moi, qar il n’a mie plus dur vantre qe ge ai. Ce ne2 di ge mie q’il
5 ne soit sainz faille le meillor chevalier dou monde a mon esciant, mes il n’est
si bon a cui il ne mescheeb aucune foiz; ce devroit il souvent regarder. Il est si
bons, il est si preuz qe toz li mondes le redoute por sa haute chevalerie; e
neporqant, enqor n’a mie lonc3 tens q’il reçut honte e vergoigne par4 le cop
d’un seul chevalier qi n’est pas d’assez de si haute renomee cum il est, ne si
10 bon chevalier de trop. E certes, cele honte fu si grant qe se ele fust venue a un
chevalier d’assez povre5 afaire, si s’en tenist il c a trop vilein ».
170.1 Quant li Bon Chevalier sainz Peor entent ceste nouvelle,2 tout le vis li
rogist de honte; Breüz s’en corrouce mout fort: « Certes, fet il au chevalier,
si(79d)re vassall, pou troveriez de chevaliers qi de ce vos creust qe li Bons
Chevalier eust 3 estés ahontésa et avileniz4 par un seul chevalier. − Certes, biaux
5 sire, fet li autres, ge ne vos di mie ceste parole por mal qe ge voille au Bon
Chevalier sainz Peor, mes ge le di por ce qe ge sai qe ce est verité. − Qant vos
savez qe ce est veritez, fet Breüz, ore nos contez cestui conte; si orrom coment
ce puet estre qe si bon chevalier cum est celui fu5 ahontez par un seul cheva-
lier. − Certes,6 fet li autres chevalier; qant vos de ce ne me volez croire sainz
10 oïr le conte e sans deviser vos coment il avint, e ge vos dirai orendroit le conte
et a breves paroles, car ge ne vos porroie mie ore trop longues7 paroles tenir a
ce que nos somes si presb cum vos veez de cest chastel ou ge voudroie des-
cendre; ce ne sai ge se vos meesmes i descendrez autressint. − Oïl, fet li Bon
Chevalier, nos i dormirom a nuit sainz faille. Ore nos comenciez cestui conte;
15 si8 orrai coment il avint au Bon Chevalier sainz Peor dont il 9 fu si avileniz. − E
ge le vos conterai, fet li chevalier, non mie por abaissement ne por avileine-
ment de luic, mes por faire vos asavoir q’il n’est ore nul si bon chevalier a cui
il ne meschiee auqune foiz; e d’autre part, ge le vos dirai por ce qe ge ne
169. 5 de pouvre.
170. a Ms. haontés: l’a oublié a été placé en interligne, entre h et o.; corr. d’après 170.8.
b pres suivi, à la fin de la ligne, d’un t.
c de lui oublié, placé dans la marge avec signe de renvoi.
170. 1 61b, Rubr., COMMENT LE BON CHEVALIER SANS PAOUR ET BREHUS SANS PITIE
DIENT AU ROY HOEL QU’IL LEUR COMPTE EN QUELLE MANIERE LE BON CHEVALIER
AVOIT ESTE HONY COMME IL LEUR ALOIT DISANT.
2 entendit c. parole et n.
3 Ch. sans Paour e.
4 avillenné.
5 c. il est f.
6 u. ch. seulement C.
7 ore mie (invers.) longues.
8 o. je ne yroye descendre Ore n. avancés c. c. fait le bon Chevaliers s.
9 a. Bon Ch. s. P. et ou i.
voudroie mie qe vos me10 tenissiez a menssongier de ceste chose ». E11 mainte-
20 nant comence son conte en tel mainiere.
171. « Seignors,1 fet il, ore sachiez bien qe il n’a mie mot grant tens qe li Bons
Chevalier sainz Peor s’en vint en la Petite Bretaigne. Bien estoit veritez qe a
celui2 tens avoit en la Petite Breigtaigne une damoisele, fille d’un3 gentil home,
mes ele estoit si merveilleusemant garnie de toute4 biauté qe l’en ne savoit en
5 toute la Petite Bretaigne nulle damoisele qi de biauté se preist a5 lui. Li Bons
Chevalier sainz Peor vint a celui6 tens en la Bretaigne Petite por un tornoiemant
qi lors fu feruz devant le chastel Creut a; e bien fu veritez qe a celui tornoiemant
le fist si bien de toutes chevaleries li Bons Chevalier sainz Peor q’il par force
d’armes e de chevalerie7 venqi celui tornoiemant et enporta le pris de touz cels
10 qi ilec estoient. Il ot la damoisele ve(80a)uee e rregardee e tant qe il l’amoit a
merveilles. Un autre chevalier estoit en la place qui la damoisele amoit de tout
son cuer, e tant l’amoit estrangemant qe se ele fust damoisele q’il deust
preindre8 por moillier, volantiers la preist a fame; mes9 ele n’estoit pas de si
grant lignage q’il tant se deust abaissier.10
170. 10 qe vous ne m.
11 a aucun mal gré d. c. ch. car je ne le vouldroye mie Et.
172. 1 p. de l.
2 q. la f.
3 g. bonté d.
5 armes e pensoient q’il iroient celui soir gesir a un chastel qi estoit a un lor
parant. Li Bons Chevalier sains Peor qi mout s’en estoit pris garde, tout mainte-
nant q’il vit qe la damoisele s’estoit partie dou tornoiemant a tel conduit cum
ele avoit, il se mist aprés tout le chemin. Li autres chevalier dont ge vos ai
conté, qi tant amoit la damoisele e qi toutes voies avoit l’oill cele part, tout
10 maintenant q’il vit qe li Bons Chevaliers sainz peor aloit aprés, il conut mainte-
nant en soi meemes q’il estoit mestier sans doute q’il veist a qoi il a vendroit
de ceste chose; e maintenant se mist aprés.
174.1 La2 damoisele comence a feirea le greignor duel dou monde qant ele vit
qe li chevalier l’en enmenoit 3 en tel mainiere. Li autres chevalier, qi la damoi-
sele amoit e qi venoit aprés e qi ot veu tout celui fet tout apertemant, qant il
vit qe li Bons Chevalier enmenoit la damoisele en tel mainiere, il dit 4 a soi
5 meesmes qe ceste honteb ne soufra il ja q’il en leissast mener au cors d’un
seul chevalier cele q’il amoit 5 tant; puis q’il estoit seul a seul, chevalier contre
chevalier, bien6 se pooit metre en avanture de gaaignier la. Einsint cum il le
dist 7 a soi meesmes tout priveemant, mostra il tout maintenant q’il le voloit
faire,8 qar il urta maintenant 9 cheval des esperons vers le Bon Chevalier sainz
10 Peor e tant fist q’i li vint au devant; cil estoit ja entrez en la forest. Li chevalier
comença maintenant a crier au Bon Chevalier: « Vassall, leissiez la damoisele,
qe vos ne l’en poez avant 10 mener! » Par ceste achoison qe ge vos cont comen-
ça11 li estrif des deus chevaliers, qar li Bon Chevalier qi la damoisele avoit
conqise ne la voloit mie leissier a l’autre. Tout maintenant leissa corre li uns
15 vers l’autre; li Bons Chevalier sanz Peor n’avoit point de gleive a celuic point,
e por ce mist il maind a l’espee. Li autres, qi tenoit un gleive cort e grose et a
174. 1 62a, Rubr., COMMENT LE ROY HOEL COMPTE COMMENT LE BON CHEVALIER SANS
PAOUR AVOIT ESTE AUTRESSI ABATU ET NAVRE MOULT DUREMENT (elle est précédée
d’une miniature: le Bon Chevalier désarçonné par un chevalier portant un heaume orné
d’une couronne royale devant les yeux d’une demoiselle).
2 La: grande initiale.
3 l’emmenoit.
4 dist.
5 souffre […] laissast emmener la da[moi]selle par le c. d’u. s. ch. celle q.[…] a.
6 bien omis.
7 disoit.
8 faire omis.
9 maintenant omis.
10 n. la p. mes en a.
11 vou[s…] commen[ça]: la première ligne du f ° 62b est très abîmée.
fer trenchant, vint au ferir des esperons e feri si12 en son venir le Bon Chevalier
sans Peor qe por l’escu ne por le hauberc ne remaint q’il ne le feist 13 le fer
sentir a la char (80c) nue, e le charja si duremant de celui cop q’il porta tout
20 en un mont e lui e le cheval a terre. Li Bons Chevalier fu si duremant navrez
de celui encontre qu’il f sembloit bien q’il fust mort, e gist ilec une grant piece.
Li chevalier prist puis la damoisele e l’en mena avec li. E qant ele le reconut,
ele se tint 14 a bien paiee de ce q’ele estoit venue entre ses meins. Einsint cum
ge vos ai conté fu li Bon Chevalier sainz Peor desconfit par un seul cop e si
25 legieremant cum ge vos ai dit. Li chevalier en mena puis la damoisele et en fist
sa15 volanté. E sachiez q’il avint tout ausint cum ge vos ai dit; si vos ai ore finé
mon conte. »16
175. Qui adonc fust ilec a celui point qe li chevalier contoit ceste avanture e
veist le Bon Chevalier sains Peor teste desarmee, bien le peust adonc veoir1
muer color souventes fois dou grant duel q’il a el cuer.2 Il regarde le chevalier
qi cest conte avoit mis avant; il regarde son corsage, son contenement e son
5 chevaucher, e tant le regarde en tel guise q’il conoist tout certeinemant qe ce
est sains doute le roi Hoël de la Petite Bretaigne; ce est il ne ce n’est nul autre.
Tant le conoist d’orendroit e d’autre3 foiz; tant l’a veu, ci et aillors, en tornoie-
mant 4 et en batailles, q’il dit bien5 seuremant qe cist est sainz doute un des
bons chevaliers dou monde. Il ne set pas orendroit, ne el roiaume6 de Logres
10 ne en autre leu doi7 meillors chevaliers de cestui; cist est li chevalier sainz
doute qi ceste deshonor li fist q’il a a cestui8 point conté. E tout ausint estoit
174. 12 si omis.
13 n. luy f.
14 tient.
15 f. puis s.
16 c. entierement.
il sainz faille avenua cum il l’avoit 9 conté. E ce estoit sainz doute le roi Hoël
meemes qi fu pere de Kehedinb.10
176. Quant 1 il a finé tout son conte e li Bon Chevalier sainz Peor l’avoit ja
reconeu tout cleremant por le roi Hoël, il se met adonc a respondre e2 dit: « En
tel a mainiere, dan chevalier, se Dex me saut, voiremant avint il einsint de ceste
avanture cum vos avez conté. Bien fu verité3 qe li Bon Chevalier sainz Peor fu
5 desconfit en tel mainiere, e par un seul cop. Mes savez vos qi fu cil qi le descon-
fist? − Ge ne vos dirai ore mie qant qe ge sai, fet li rois Hoël. − Se vos ne mel b
dites, fet li Bon Chevalier, ge le vos dirai. Ec (80d) savez vos por qoi ge le vos
voill dire? por ce qe de ceste meesme matire vos voil ge conter un autre conte,
e de ces deus chevaliers meesmes qe puis avint, e ne demora mie mout lonc
10 tens4 aprés ».
177.1 Li rois Hoël, qant il entent ceste parole, il est si duremant iriez q’il n’a
pooir de respondre; il reconoist errament qe ce est qe cil vuelt 2 conter e ce ne
vouxist il jamés oïr, qar celui conte estoit bien de la greignor honte qe onqes
li fust avenue en toute sa vie, e por ce se tint il a mort orendroit et a vergoignié
5 qant il 3 entent ce q’il vout conter e dire. E li Bon Chevalier sainz Peor, qant il
le voit einsint penser, conoist tout errament en soi meesmes qe li rois est cor-
175. 9 il avoit.
10 q. ce luy avoit fait.
177. 1 62c, Rubr., C[OMMENT] APRES QUE LE ROY HOEL EUT FINE SON COMPTE, LE BON
CHEVALIER ENCOMMENCA UNG AUTRE DE CELLE MESME MATIERE.
2 c’est ce qu’il v.
3 qant il omis.
rouciez4 de ces noveles q’il a amenteues;5 lors li redit autre foiz: « Sire cheva-
lier, qant vos ne me volez dire qi fu cel chevalier6 qi einsint vergoigna le Cheva-
lier7 sainz Peor, e ge le vos dirai. Ce fu li rois Hoël de la Petite Bretaigne, bon
10 chevalier, certes, e pros et un dels bons chevaliers e fereor de lance qi soit ore
dusqe la ou il est; bien fu voirs qe li Chevalier sainz Peor desconfist le tornoie-
mant cum vos avez conté e puis fu desconfit par le roi Hoël, e li toli la damoi-
sele; vos nos avez ore conté l’onor qi adonc li avint e coment il gaaigna la
damoisele, mes sor tot ce nos leissiez vos a dire la meillor partie del conte, qar
15 vos leissiez a conter en qel mainiere il perdi puis la8 damoisele. − E de cestui
conte, fet li rois, qel mestier avom nos ore? ja ne començai ge mie cestui conte
por celui metre avant.9 − Vos començastes, fet li Bons Chevalier, vostre conte
de l’onor del roi Hoël e de la vergoigne au Chevalier sainz Peor; e ge de celui
meesmes conte qe vos orendroit contastes vos vuell un10 autre conte treire,
20 mes nona mie en tel mainiere qe vos le vostre deistes: ge conterai tout autre-
mant, qar ge conterai orendroit la vergoigne dou roi Hoël e l’onor dou Cheva-
lier sainz Peor. Einsint veintra mon conte tout b le vostre, e sachiez tout veraia-
mant qe se li rois Hoël fust orendroit ici aussint cum vos i estes, il ne me
desdiroit de parole qe ge die en cestui conte, qar ge ne dirai se verité non (81a)
25 e tout aussint cum il avint. − Sire11 chevalier, fet li rois, se Dex vos doint bone
avanture, ore me dites por qoi estes vos si desirant de conter la vergoigne dou
roi Hoël; li volez vos mal? − Nainil, certes, fet li Bon Chevalier, nul mal ne li
voil ge. − Ne tres grant bien ne li volez vos, fet li rois Hoël, e bien apert qant
vos de lui volez conter vilenie. − Ore sachiez, fet li Bons Chevalier, qe cil c sainz
30 Peor est mesd amis, qe ge ne12 seroie en leu ou l’en contast sa honte qe ge nel
revenjasse de tout mon13 pooir; e ge sai bien q’il feroit de moi tout autretant,14
qar il me velt bien. Ore donc, se ge cont l’onor de lui aprés ce qe vos en avez
dit la honte, e ge di de cele matiere meesmes, vos ne me devez mau gré savoir
ne dire qe ge voille mal au roi Hoël. E certes, cestui conte qe ge vos conterai
35 orendroit est si biaux e si delitables qe ge sai tout veraiemant q’il vos pleira
assez; e ge croi15 qe, se vos puis le contez au roi Hoël, qe ja mau gré ne vos en
savroit. − Ore,16 fet li rois, por qoi encomencieriez vos cestui conte? nos somes
huimés si pres de cest chastel qe vos nel porriez17 avoir finé avant qe nos i
siom. − Si ferai, sire, fet li Bons Chevalier, ge le vos avrai finé a deus moz. −
40 En non Deu, fet li rois, donc seroit ce merveilles se vos si tost l’aviez conté cum
vos dites, qar cestui est un gran conte qe vos volez encomencier. − Ha! sire, fet
li Bon Chevalier, ore sai ge bien qe vos ne savez riens de tout ce qe ge voill
conter; ce est un petit conte qe ge voill dire, e vos dites18 q’il est grant; vos n’en
savez rien, bien l’entent, e por ce le vos vuell ge diree por ce qe, se avanture
45 vos aporte une autre foiz avec le19 roi Hoël, qe vos li dioiz q’un chevalier errant
vos conta de li cestui conte ». E maintenant comença son conte en tel mainiere.20
178. « Sire1 chevalier, bien fu voirs, e vos bien le savez aussint cum vos avez
dit, qe li rois Hoël desconfist en tel mainiere le Bon Chevalier sainz Peor por
le cop d’une lance; e certes, se li Chevalier ne se pot redrecier, ce ne fu mie
merveille e q’il nea morut 2 de celui cop, e ge sai par lui3 meesmes qar celui fu
5 un desb plus peril(81b)leux cox q’il receust jor de sa vie come cop de gleive. −
En non Deu, sire chevalier, fet li rois Hoël, vos comenciez cestui conte si de
loing que vos ne l’avroiz huimés finé a deus paroles, ja en avez dit plusors! −
A deus paroles, fet li Bons Chevalier, ne le porroie ge finer, qar il i ot auqes
grant fet, mes tost le vos avrai dit sainz faille ». E maintenant comance en tel
177. 15 et si c.
16 qu’il ne vous en saroit malgré O.
17 pourrés.
18 [qu]e je vous v. d. e. v. [d]ittes.
19 d. affin que si une autres fois aventure v. [ap]porte avecq l.
20 m. comme vous orrez.
179.1 La2 ou il estoient einsint as tables, atant e vos venir entr’els celui Cheva-
lier3 sainz Peor. Il fu armez de toutes armes et a cheval, e tot einsint appa-
reilliez4 cum s’il vouxist maintenant combatre vint il devant le roi, qe des-
cendre ne vuelt 5 por home qi le deist 6 q’il descendist. « Rois, dist adonc li
5 Chevalier,un chevalier estrange sui qui sui a ta cort venuz por veoir s’il est
veritez ce qe l’en vet disant; ge ai ja7 trouvez plusors homes qi me vont de toi
affermant qe tu as deus vertuz en toi qe l’en ne trouve mie ligieremant en maint
grant home: l’en dit qe tu es lea meillor chevalier de touz cels qi en ton hostel
repairent, e si larges qe tu n’escondis home, mes8 meesmemant chevalier, de
10 chose qe tu li peusses9 doner. Ore, por veoir se ce est veritez sui ge venuz en
ta presenceb; tout premieremant c voill savoir10 de ta largece: done moi oren-
droit un doin tel cum ge te11 dirai; se tu le me dones, bien saches qe ce sera
honor de roi: ge ne voill argent ne or, ge ne voill cité ne chastel, ge ne voill
armes ne cheval, ge ne voill autrui moillier; itant m’otroie, s’il te plest, qe ge
15 peusse12 en ceste cort preindre cele damoisele13 qe ge vouxisse14 par tel mai-
nieire voiremant 15 qe tu puis ne la me toilles, por qe ge la peusse16 defendre
encontre deus chevaliers. Maintenant qe ge l’avrai prise, ge voil bien qe li dui
179. a le suscrit.
b Ms. presente.
c premieiremant avec le deuxième i exponctué.
179. 1 63c, Rubr., COMMENT LE BON CHEVALIER SANS PAOUR COMPTE AU ROY HOEL
COMMENT IL GAIGNA SUR LUY LA DAMOISELLE QU’IL AYMOIT TANT, ET LE ROY HOEL
NE SAVOIT PAS QUE CE FUST LE BON CHEVALIER SANS PAOUR (elle est précédée d’une
miniature: le Bon Chevalier emmène la demoiselle conquise sous les regards impuissants
du roi Hoël).
2 La: grande initiale.
3 e. le Bon Ch.
4 t. prest et a.
5 r. et d. n. voult.
6 quil luy d.
7 ja omis.
8 h. ne m.
9 puisses.
10 p. pour premierement savoir.
11 je le t.
12 puisse.
13 p. telle d.
14 vouldray.
15 voiremant omis.
16 puisse.
meillor chevaliers de ton hostel preignent 17 lor armes; e se il puis par lor proece
la me poent tolir, ge voill bien q’ele remaigne e ge perde aprés par celui18 fet
20 mon cheval e mes armes. Rois, otroie moi cestui don; autre chose ge ne demant
a ceste foiz. E certes, se tu ne lem dones, tu mostreras premieremant qe tu n’es
pas larges donerresd ne q’il n’ait pas en ton hostel si bons chivallers come l’en
conte ».
180. Aprés1 cestui parlemant respondi li rois sainz atendre: « Dan chevalier,
vos emprenez2 biena grevex fet qi emprenez estrif 3 encontre deus chevaliers; e
qant vos cest estrif prenez, (81d) non mie par moi mes par vos meesmes, e ge4
vos otroi maintenant ce qe vos demandez; alez e prenez a vostre chois laqel de
5 ces damoiseles q’il 5 vos pleira: voiremant ge vos pramet bien qe la covenance
qe vos avez fete n’i sera pas obliee. − Rois, ce dit 6 puis li Chevalier, ge voill qe
vos me prametez, e toz vostres chevaliers ausint, qe puis qe ge avrai la damoi-
sele prise, cele qe ge voudrai, e ge me serai delivrez des deus chevaliers, qe ge
n’aie garde de nul autre de vostre contree e qe ge l’en puisse mener qitemant. −
10 Certes, ce li respondi7 li rois, de ce vos asseur8 ge bien, e ce meesmes feront
tuit li chevalier de mon hostel ». Qant il fu einsint asseuré dou roi Hoël premie-
remant, il s’en ala droitemant a la9 damoisele qe li rois tenoit si chiere10 e la
fist lever de la ou ele seoit, e dist oiant tout cels de leienz: « Ge ne voill se ceste
damoisele nonb, qar por autre qe por ceste ne vins ge ceienz; ore viegnent
15 avant li dui chevaliers qi defendre la voudront encontre moi! qar ge croi bien
qe por deus chevaliers11 ne remaindra qe ele ne me remaigne a la fin ».12
181. Quant li rois, qe tant amoit la damoisele cum chevalier porroit amer
damoisele, vit 1 qe li Chevalier voloit la demoisele mener, il en devint tout
esbaïz, qar il ne qidast mie2 qe li Chevalier empreist si3 fol hardemant qe
devant lui meesmes et en si riche cort cum celea estoit li venist faire cel orgoill.4
5 Il dist errament: « Sire chevalier, il ne seroit pas honor qe null chevalier levast
des tables por fere ceste defense; itant soufroiz, s’il vos plest, qe nos soiom
levez dou mangier, e puis, qant nos5 avrom mangié, se vos ne trovez entre nos
qi la damoisele defende, adonc l’an enmenez qitemant;6 ge vos en doing bien
congié! » Qant li chevalier vit qe atendre le covenoit tant qe les tables fussent
10 levees, il s’areste desouz un arbre, e delez lui estoit toutes voies la damoisele,
auqes corroucee; e neporqant ele n’estoit mie trop espoentee, qar bien qidoit
legieremant estre delivree des mains au Chevalier7 sans Peor. Tant atendi le
Chevalier en tel mainiere qe les tables furent levees; e qant il orent (82a) man-
gié, li rois, qi ne se fioit tant en nul chevalier de son hostel cum il fesoit en
15 soi, dist 8 oiant touz ces chevaliers q’il feroit ceste defense e ja autres n’en
prendroit ses armes fors qe il tant seulemant, e de tant feroit il avantage au
chevalier q’il n’i metroit fors lui: il n’i voloit nul compaignon puis qe li cheva-
lier estoit seul et il tout seul se voloit metre en cest estrif.
182. Aprés1 cestui parlemant, puis qe li rois fu armez de toutes armes e montez
en un destrier, il n’i ot delaiemant null, ainz leissa corre li uns envers l’autre.2
Li rois brisa son gleive del premier encontre, ne mal ne fist a son enemi. Le
Chevalier sainz Peor le feri si roidemant de cele enpeinte q’il li coissi le braz
5 au cors,3 e pou s’en failli q’il nel feri mortelmant; e l’abati a terre si enferré e4
si mau mené q’il gisoit a terre cum s’il fust mort: avant furent dui mois passé
qe li rois fust puis gueriz5 de cele plaie. Par tele avanture cum ge vos di perdi
li rois Hoël la damoisele e fu abatuz e deshonorez par un seul chevalier, e
devant touz ses homes e devant si riche cort cum il avoit assemblee a celui
10 point. Li chevalier qi cele honte li ot fete s’en ala tout qitemant en6 tel mainiere
q’il ne trovaa home qi riens li demandast et en mena la damoisele. Sire cheva-
lier, ore vos ai ge finé7 mon conte; ore me dites, se Dex vos doint bone avan-
ture, qi ot gregnor deshonor: ou le Chevalier8 sainz Peor ou le rois Hoël, qi en
tel maniere fu desconfiz e deshonorez par un seul cop, e voiant touz ses homes
15 e de toute la cort q’il avoit ilec assemblee qi vit sa9 honte e sa deshonor? »
183.1 Li rois qi trop est corrociez de ceste nouvelle, qar bien conoist qe li Che-
valier li ramentoit sa deshonor, respont au plus2 sagemant q’il puet: « Certes,
fet il, sire chevalier, ge ne puis mie dire qe li rois Hoël ne receust ici deshonor
e honte, mes qi voudroit regarder a la valor de l’un e de l’autre et au pris3 et
5 au lox qe chasqun d’els a, trouveroit bien qe li Bons4 Chevalier sainz Peor fu
assés plus deshonorez de la premiere vergoigne qe ne fu li rois de la Petite
Bertaigne de la soe; e vos5 dirai raison por qoi. Vos savez bien, (82b) se vos
granment avez esté chevalier errant, qe li Bons Chevalier sainz Peor est ore
bien le meillor dou monde; li rois Hoël de l’autre6 part, qe puet 7 valoir? ce est
182. 3 b. ou c.
4 si enferré e omis.
5 a. fut puis d. m. passés fut gueris.
6 t. appertement e.
7 d. tout quittement. Si vous ay ore f.
8 o. la g. d. o. l. Bon Ch.
9 v. toute s.
183. 1 64b, Rubr., COMMENT LE ROY HOEL ESTOIT COURROUCE DE CE QUE LE BON CHE-
VALIER AVOIT COMPTE ET COMMENT IL LUY RESPOND A SA DEMANDE.
2 d. luy r. le p.
3 et ou p.
4 Bons omis.
5 et je v.
6 d’autre.
7 pot.
184. A1 ceste parole voloit respondre li Bons Chevalier, mes il lor avint adonc
q’il entrent dedenz le chastel, e maintenant lor vint a l’encontre un vawassor
dou chastel qi lor dit:2 « Biaux seignors, estesa vos chevaliers errant 3? » Et il
dient qe chevalier errant sunt il voiremant. « Biaux seignor, fet il, puis qe vos
5 chevaliers errant estes, itant me dites, s’il vos plest, estes vos4 enqore herber-
gez? » Et il dient qe herbergiez ne sunt il pas enqore. « Seignors,5 fet il, puib qe
herbergiez n’estes, ore6 vos voudroie ge prier qe vos venissiez herbergier en7
mon hostel; e sachiez8 de voir qe ge vos i ferai honor e servise tant cum ge
porraic, e sor ce vos pramet ge qe vos9 i herbergerai a vostre honor ». Lors
10 parole li Bons Chevalier sainz Peor e dit au roi Hoël: « Sire, vos plest il herber-
gier avec cest gentil home qi nos prie10 d’entrer en son hostel? − Oïl, fet 11 li
rois, il me semble si prodome qe ge voill cestui soir herbergier avec li. − Sire,
fet li Bons Chevalier sanz Peor, s’il vos plest qe nos herberjom avec vos, nos i
herbergerom, e s’il 12 ne vos plest, nos herbergerom aillors, qar encon(82c)tre
15 vostre volanté ne voudriom nos herbergier avec vos ». Li rois respont tout main-
tenant e dit: « Certes, biaux sire, vostre compeignie me plest mout e sachiez qe
de ce vos voudroie ge fere priere e qe nos herbergissom ensemble. − Biaux
seignors, fet li vawassor, puis qe vos chevauchiez ensemble, ore sachiésd qe ce
ne seroit mie cortoisie qe vos vos departissiez; venez o moi seuremant, e ge
20 vos pramet qe ge vos ferai en mon hostel e servise e honor ». Et il dient q’il e 13
s’acordent tuit a ceste chose. Tant ont alé par mi la rue q’il sunt venu a la
meison14 dou vawassor e descendent, qar cil lor dit:
185. 1 et ilz s.
2 v. les s.
3 recongnut.
4 qe ce est il omis.
5 ja omis.
nel reconoist mie, qar onqes au jor6 de sa vie ne l’avoit veu se armé non; por
ce nel conoist a il de riens a ceste fois. E neporqant, il le voit de si bele chiere
e de si bel contenemant e si bien tailliez de touz membres q’il dit bien a soi
meesmes q’il ne porroit estre en nulle guise qe cist chevalier ne fust prodom
10 des armes. Li Bons Chevalier, qi trop7 volantiers le regarde e qi mout le prise
en son cuer, premieremant por la haute chevalerie q’il savoit en li, et aprés por
ce q’il savoit certeinemant 8 qe ce estoit un des plus cortois chevaliers9 de tout
le monde, le mostre a Breüz sainz Pitié e li dit b: « Se Dex vos doint bone avan-
ture, que vos semble de cest chevalier? − Qu’il m’en semble, sire? fet Breüz; si
15 m’aït Dex, se il estoit aussint bon10 chevalier cum il ressemble, bien n’i avroit
pou de meillor eu monde. Ge ne vi11 pieça mes qi mieuz ressemblast 12 prodome
de cestui. − Breüz, fet li Bons Chevalier sanz Peor, si m’aït Dex, ge vos dic q’il
est assez meillor chevalier13 q’il ne resemble; e ge vos di enqore une autre
chose de lui: ore sachiez qe se ge voloie prendre un des bons chevaliers dou
20 monde por mon cors defendre, ge prendroie seuremant cestui. Ore esgardez
cum (82d) il 14 vos fust bien avenuz, se vos vos fussiez mis en avanture de tolir
li ceste damoisele: tart en fussiez au repantir! − Sire, ce li respont Breüz, selonc
ce qe15 vos alez disant m’est il avis qe vos le conoissiez bien. − En16 non Deu,
fet li Bons Chevalier, voiremant le conois ge, e ge le doi bien conoistre: il feri
25 ja tel cop sor moi q’il me fist sejorner un mois e plus. − Sire, ce li a dit 17 Breüz,
puis qe vos bien le conoissiez, et il est si prodom cum18 vos dites, ore vos
voudroie ge19 prier qe vos me dioiz20 qi il est. − Certes, fet li Bons Chevalier, e
185. 6 o. en j.
7 Ch. que t.
8 s. tout c.
9 p. notables et c. chevalier.
10 e. si b.
11 Je n’en v.
12 ressem[bl]ast: col. extérieure et mutilée 65a.
13 chevalier omis.
14 regardés comment i.
15 selon que.
16 i. bien a. q. v. l. congnoissés En.
17 se dit.
18 et […] si bon chevalier c.
19 d. je vous vouldroye.
20 dittes.
ge le vos dirai, mes qe vos nel dioiz avant; ore21 sachiez qe ce est li rois Hoël
de la Petite Bretaigne, un des bons chevalier qe ge sache orendroit el monde. −
30 Ha! sire, fet Breüz, par ma foi, ore vos en croi ge; por ce se corrouçoit il anuit
si duremant qant vos encomençastes le conte qi estoit de sa deshonor. − Vos
dites verité, fet 22 li Bons Chevalier sanz Peor, por ce nel voloit il oïr ».
186. La1 ou il parloient einsint entr’els2 deus, atant e vos entr’els venir le
vawasor qi ot fet penser des chevaux; il fet a la damoisele venir un mantel por
covrir la3 et a chasqun des chevaliers un autre por ce qe li froiz estoit granz e
merveilleux. Aprés les maine4 en une chambre, a un grant feu q’il ot fet 5 feire
5 leianz ou il se pooient aaisier puis q’il i sunt, qar il unt orendroit pleiniere-
mant 6 tout ce qe mestier lor7 estoit cum de boire e de mangier.
187.1 Quant il se sunt auqes reposez, li Bons Chevalier sanz Peor2 demande au
vawasor: « Dites moi, biaux hostes, se Dex vos doint bone avanture, veistes
vos par cest chastel passer deus chevaliers qi portoient armes noires, sainz
nulles autres entresseignes? − Certes, sire, fet li vawassor, il ne passerent mie
5 par cest chastel qe ge veisse ne qe ge seusse; mes3 ge vos en dirai ce qe ge en
oï hui conter4 a un chevalier de cest païs. Ça devant, bien i a une jornee entiere,
a une cité qi a non Aschalone,5 riche cité duremant e grant; li sires qi la tient
est gentil home duremant. Devant ier, n’a enqore mie .VI. jors, passa par devant
.I. chevalier estrange en guise de chevalier errant e fist vilenie et outrage au
10 seignor de leiens (83a) e s’en ala outre en tel guise. Li sires de la cité, por ce
187. 1 65b, Rubr., COMMENT LE BON CHEVALIER SANS PAOUR SCEUT NOUVELLES DE
MESSIRE LAC ET DE YVAINS AUX BLANCHES MAINS PAR LE VAVASSEUR.
2 sanz Peor omis.
3 j’aye veu ne sceu m.
4 e. ay oÿ compter.
5 Ascalonne.
q’il vit q’il ne se pooit a vengier de sa deshonor sor celui qi li6 avoit feite, dist
qe des or meis n’i passeroit chevalier errant a qi il ne feist honte e deshonor
por l’amor7 de celui qi ce li avoit fet. Ier, ice me resemble ou8 avantier, vindrent
la li dui chevalier qi les armes noires portoient e furent assailliz de cels de
15 leienz e pris et enprisonez ambedui, et emprisonez9 sunt enqore. Ces noveles
qe ge vos ai dites me conta hui .I. chevalier qi estoit dedens la cité qant furent
pris li chevaliers, et il les vit emprisoner. Ge ne sai autre chose d’els, qar ge ne
les vi ».
188. Quant li Bons Chevalier entent 1 ces noveles, s’il est iriez e dolanz, nel 2
demandez;3 a Breüz meesmes em poise duremant, qar il aparoit tout 4 clere-
mant qe li Bons Chevalier en est trop iriez.5 E neporqant, li Bons Chevalier se
reconforte tost de ceste chose qant il se recorde orendroit qe a cele cité fist il
5 ja une grant bonté et un si grant servise qe, puis q’il le conoistront il set de
voir q’il ne feroient nulle chose encontre sa volanté: bien li rendront ces deusa
chevaliers tout maintenant q’il se fera a els conoistre. Ce est une chose qi mout
le reconforte en ceste avanture. La ou il estoit en cestui penser, li sires de leianz
lor dit:6 « Seignors, venez mangier, qar li mengiers est tout appareilliez ». Et 7
10 il le funt tout einsint cum il le8 comande, qar bien en avoient mestier a ce qe
le jor avoient assez travalliez. Qant il orent lor mes eu e tant q’il disoient bien
qe a piece mes n’avoient trouvé un9 si cortois vawasor cum estoit cestui, li10
rois Hoël met le Bon Chevalier em paroles e li dit: « Sire chevalier, estes vos
187. 6 d. la d. que c. la l.
7 pour amour.
8 m. semble o.
9 prins ambedeux et e.
dou roiaume de Logres? − Certes, fet il, non; e neporqant, assez i a repeiré
15 einsint cum11 chevalier errant vont ça e la. − E dom estes vos? se Dex vos doint
bone avanture, fet li rois. − Certes, fet il, ge sui dou roiaume d’Estrangorre. −
Ha! por Deu, fet li rois, puis qe vos estes de celui roiaume, ore me dites nou-
velles dou meillor chevalier dou monde, ce est li rois d’Estrangorre. − Sire, fet
li Bon Chevalier, se ge dou meillor chevalier vos voloie12 dire nouveles, donc
20 vos diroie nouveles ou dou13 (83b) roi Meliadus de Leonois ou d’un chevalier14
qe ge vois qerant qar, sanz faille, cil sunt bien li meillors chevaliers dou
monde. − Ne place15 Deu! fet li rois, qe est ce qe vos dites, sire chevalier? vos
estes home dou roi d’Estrangorre, e puis alez einsint encontre la verité et
encontre ce qe touz li16 mondes dit? Certes, vos moustrez bien ici qe vos n’estes
25 mie trop loial home de vostre seignor. − Biaux sire, fet b li chevalier,17 ge ne sai
de qel loiautez vos me parlez, mes ge vos pramet qe vos ne me feroiz otroier
hui18 ne demain qe li rois d’Estrangoirre19 soit le meillor chevalier dou
monde. » De cest estrief sorrit fort Breüz, mes li rois se corrouce mout fort e
dit: « Coment, dan chevalier, par male avanture vos gabez vos de moi por ce
30 qe ge di qe li rois d’Estrangorre est le meillor chevalier dou monde?20 − Oïl, fet
Breüz, ge le di bien voiremant q’il n’est mie le meillor chevalier dou mondec21
il puet 22 estre bons, mes de meillors en i a. − Dex aïe! fet li rois, vos estiez hui
encontre moi e por li e disiez toutes voies qe ce estoit le meillor chevalier dou
monde, et ore alez encontre ce; fieremant vos savez changier qui ores dites e
35 hore desdites! Mes ce qe vaut?23 Einsint voiremant m’aït Dex, se vos hui me
deissiez auttant cum vos dites orendroit, ja n’alissiez avant deus pas qe ge ned
vos qidasse amdeus mener par force d’armes a ce qe vos m’otrissiez tout
188. 24 me combatre.
25 descordés a c. que t.
26 grant[…] e m’e. courroussois: col. extérieure et mutilée 66a.
27 c. moult de [chev]aliers.
28 p. tourner(?).
29 que meslee.
189. 1 66a, Rubr., COMMENT LE VAVASSEUR HAYOIT MORTELLEMENT [LE] BON CHEVA-
LIER POUR CE QU’IL CUIDOIT QU’IL LUY EUST FAIT L’OUL[TR]AGE QUE BREHUZ LE
FELON LUY FIT.
2 adonc omis.
3 s. a D. pleust o.
4 feriés.
5 si non mort.
herbergiez einsint cum nos e puis le meissiez a mort en vostre hostel meesmes,
10 ce seroit bien la greignor traïson dou monde e6 la gregnor fellonie! − Certes,
biaux sire, fet li vawassor, il m’a tant mesfet qe, si voiremant m’aït Dex, qe se
ge l’ocioie mil fois, se tantes7 ocire le pooie, il m’est avis qe ge ne m’en porroie
vengier; por qoi ge di qe loiautez ne cortoisie ne me porroit tenir, se ge ceienz
le tenisse, qe ge ne porchaçasse en toutes guises coment ge le metroie a8 mort.
15 Certes, tout soit il einsint q’il soit loez des hautes chevaleries, si vos di ge bien
q’il me fist ja un fet qi ne fu mie sainz traïson ne sanz fellenie, ainz i ot bien
fellenie e traïson; por qoi ge di qe, tout soit il bon chevalier de9 fort chevalerie,
si ne remaint il mie q’il n’ait en li e fellenie10 e traïson assez plus qe l’en ne
qide. E qant il est si desloiaux chevalier q’il a11 traïson se consent, certes, qi le
20 metroit a mort ou en traïson ou en12 qel qe mainiere, il ne devroit estre blasmez
ne repris ».
190. Quant li rois Hoël entent ceste parole, il dist au vawassor: « Biaux hostes,
por Deu merci, teisiez vos de ceste chose! ne dites vilenie del meillor chevalier
dou monde, qe nus ne vos en creiroit, et em porriez bien avoir tost la mala
volanté d’alquns prodomes qi lea vos orroient dire. − En non Deu, sire, fet li
5 vawassor, ore sachiez qe se ge devoie la (83d) teste perdre, si ne m’en terroie
ge mie qe ge ne deisse1 hardiemant q’il ne feist envers moi felenie e traïson la
ou2 ge li fesoie honor; e se Dex me doint bone avanture, s’il fust orendroit
ceianz einsint cum3 entre vos i4 estes, ge li diroie tout apertemant ce qe ge vos
di e bien li savroie recorder celui fet de qoi ge me vois si plaignant.5 − Hostes,
10 ce dit li rois Hoël, se Dex me doint bone avanture, onqes mes ne trovai cheva-
lier ne vawassor qi de li deist tel vilenie; trop est grant cele don vos l’apelez,
qar greignor ne puet 6 estreb qe de traïson; por ce voudroie ge, s’il 7 vos plesoit,
qe vos me contissiez celui fet por qoi vos le blasmez si fort, qe par avanture il
ne le vos fist mie, e si qidastes8 qe ce fust il e por ce si l’alez blasmant. Ore
15 contez le fet e certes, ge vos savrai bien a dire9 se ce fu il qi ceste vilenie vos
fist. − En non Deu, fet li vawasor, e ge vos dirai tout errament 10 tout ce qe vos
me demandez; or escoutez cum il me mena cruelmant.11
191.1 Au tens le roi Uterpandegron2 avint qe li sires de Soroloys3 tint une grant
feste e le fist savoir pres4 e loing qe a cel jor5 tendroit sa feste en ceste cité qi
est ça6 devant qi est apelez Eschalone, e sor ce7 comanda il a qe, chasqun qi
avroit bele moillier8 ou belle fille ou bele amie, q’il l’amenast a cele feste ne
5 nel leissast 9 en nulle guise. Puis q’il l’ot 10 einsint comandé, il n’i ot si hardi
null de cels11 qi de li tenoient terre qi ne se penast d’acomplir le comandemant:
cil 12 qi avoit bele moillier covenoit q’il l’amenast a la cort; celui qi avoit belle
190. 6 porroit M.
7 je prier s. i. M.
8 cuidés T.
9 mie Or me c. l. f. et je v. s. bien dire M.
10 dirai erraument M.
11 m. duelment M.
191. a il en interligne.
191. 1 T 66c, Rubr., COMMENT LE VAVASSEUR COMPTE L’ACHOISON POUR QUOY IL BLAS-
MOIT TANT LE BON CHEVALIER, CUIDANT QU’IL LUY EUST FAIT CE QUE BREHUS LE
FELON LUY FIT.
2 Uterpandragon M.
3 Sorelois (ainsi toujours) M.
4 f. asavoir et p. M.
5 a tel j. M.
6 cité ça T.
7 Esalone (Escalonne T ) et sus tout ce M.
8 moillee M.
9 n. la l. T.
10 qu’il ot M T.
11 o. nul si ardi de celz M T.
12 qu’il n. s. p. d’a l. c. de lor seignor c. M.
fille le fesoit autressint. Ge13 n’avoie pas adonc moillier, qar morte m’estoit de
nouvel; une fille m’estoit remese, tant 14 bele riens de toutes choses qe ce estoit
10 deduit e joie qe de voir la; tant estoit belle duremant qe tuit li chevalier de
ceste contree la venoient veoir a merveillesb. Qant ge soi qe a la feste me cove-
noit aler, qar ge veoie qe tuit mi per i aloient,15 ge pris un mien fill a16 escuier,
qi celui an meesmes devoit estre fet 17 chevalier novel, e deus de mes escuiers,18
e sor ce pris ma fille qi tant estoit belle cum ge vos ai conté. Au plus honoree-
15 mant qe ge poi et au plus noblemant l’acesmai, qar19 ge pens(84a)oie20 bien
qe assez seroit regardee a la feste; et, a la verité dire, ele estoit tant bele qe por
sa biauté soulemant l’avoient ja fet demender por moillier maint prodome a
cui ge ne la voloie21 doner. Celui soir, qant ge voloie movoir22 a lendemain23
en tel guise cum ge vos ai conté,24 se herberja ceianz un chevalier errant aus-
20 sint cum vos i25 estes herbergiez26 ore. Dex le set qe ge li fis assez plus de
cortoisie e d’onor27 qe ge n’ai ore fet a vos. Il ressembloit assez prodome, qar
trop estoit bien tailliez de touz ses28 membres. E por la bone esperance qe ge
avoie de li, li demandai ge qi29 il estoit, mes il ne me voloit dire son non ne
riens de son estre fors q’un chevalier errant estoit. Ge demandai30 puis a un de
25 ses escuiers q’il estoit et il me31 respondirent:32 « Nos ne vos osom33 dire son
191. 13 f. pareillement Je T.
14 m’e. adont d. n. u. f. m’e. demoree t. T.
15 a. et que tous mes pareilz y a. T.
16 a omis T.
17 fet omis M.
18 d. des m. escuire M.
19 puis e. a. p. n. l’abillay car T.
20 pensay T.
21 maint … voloie omis M.
22 i m. M.
23 s. que v. partir le l. T.
24 vous compte T.
25 i omis M.
26 h[er]begés: col. extérieure et mutilée 66d T.
27 je le f. a. plus cortoissie et honor M.
28 ses omis M.
29 demandai qui M.
30 demandoie M.
31 u. des[…] me: la partie supérieure du f ° 1b a été rognée M.
32 qui […] estoit cil respondit T.
33 oserions T.
nom, qar il le nos a defendu e sor son defens34 n’oserions nos riens35 dire, mes
alez36 veoir son escu; e se vos son escu veez, bien savroiz donc qi il 37 est, por
qe vos conoissiez l’escu dou meillor chevalier dou monde. Qant 38 ge oï cele39
parole, ge m’en alai tout maintenant a l’escu e vi q’il estoit d’arjant, sanz40
30 autres entresseignes41 nulles. Ge conui adonc qe ce estoit 42 li Bons Chevalier
sanz Peor43 qi en mon hostel estoit herbergiez, qar nul autre chevalier fors qe
li ne portoit autretel escu,44 ne enqore ne fait. De ceste avanture fui ge trop
liez e trop joianz, qar bien m’estoit avis q’il ne m’en porroit avenir se bien non.
E por ce qe ge vi q’il s’aloit si duremant celant envers moi,45 ne li vols46 ge
35 plus demander de son estre, mes puis li47 fis plusc bele48 chiere e bel semblant
d’assez qe49 ge fesoie devant e plus volantiers le servi.50
191. 34 s. sa deffence T.
35 n’oseriom rienz M T.
36 aller T.
37 qu’il M.
38 Quant: § spécial dans M.
39 j’entendy c. T.
40 v. quel il e. devant s. T.
41 autre saignes M.
42 q. cil e T.
43 Bon Chevaliers s. Poor (ainsi toujours) M.
44 fors luy (celui M) n. p. (porroit M) ung tel e. M T.
45 envers moi omis T.
46 l. vousi M l. vais T.
47 m. plus l. M.
48 m. luy fis puis b. T.
49 d’a. plus q. T.
50 s. que nul autre (ces derniers mots d’une écriture plus serrée) T.
peignie, qar autressint voil ge5 sa6 aler a tel compeignie, qar ge i menrrai7 ma
5 fille e mon fill e8 mes escuiers ». Et 9 il dist qe de ce estoit il trop joianz10 e q’il
nos prenoit bien en11 son conduit et en sa garentie dusq’a la cort de Soroloys.
Einsint nos asseura li desloi(84b)al et einsint nos pramist; mes12 de tout ce nos
menti il, qar tout maintenant qe nos venimes la devant, a l’entree d’une forest,
il feri mon filz d’un gleive q’il portoit, si q’il l’ocist; e de13 celui cop moi
10 meesmes feri il puis enmi le piz, si qe petit s’en failli q’il ne m’ocist de celui
cop.14 Qe vos diroie? il m’abati tout erramant e me leissa gisant a terre, tel
atorné15 qe ge ne valoie miels d’un16 home mort. Il prist ma fille maintenant
e17 l’en mena avec li, a tel eur qe18 onqes puis ne la vi. Ceste fellenie, qe ge vos
ai contee, me fist celui qe l’en apele Chevalier sainz Peora,19 qe la ou il me
15 devoit conduire, et 20 a21 sauveté, ocist il mon fill e moi navra e ma fille me toli;
pot il 22 feire23 greignor24 fellenie ne greignor traïson qe ceste fu?25 Voir, nus
hom ne m’en devroit desdire qant il si grant traïson me fist: et s’il avenoit
demain qe ge le herberjasse en mon hostel, ne le devroie ge metre26 a mort en
toutes les mainieres qe ge porroie, ou en27 apert ou en respost? »
192. 5 je veul T.
6 sa omis M.
7 c. si merai M.
8 mon[…] et: col. extérieure et mutilée 67a T.
9 m. e. plus seurement Et: § spécial dans M.
10 que […] il estoit moult j. T.
11 et il n. premnoit en M. et il […] prandroit b. en. T.
12 [pr]amit il m. T.
13 q. tenoit s. que l’ocist de M.
14 moi meesmes … celui cop omis (saut du même au même) M.
15 atornee M.
16 v. guieres m. d. u. T m. gueres d. u. M.
17 f. m. elle et M.
18 t. heure q. T.
19 Li Ch. sanz Poor M Bon Ch. s. P. T.
20 et omis T.
21 P. q. la damoiselle et moi et mun filz l. o. i. nous d. conduire a M.
22 f. mi t. puet i. M.
23 t. eust i. peu f. T.
24 f. et g. T.
25 q. ce f. M.
26 devroye mettre T.
27 p. et e. T.
193.1 A ceste parole respont li rois Hoël e dit:2 « Hostes, se Dex vos doint bone
avanture, li3 escu vos deçut; ore sachiez4 veraiamant 5 qe ceste fellenie6 ne vos
feist en nulle mainiere dou monde li Bons Chevalier sanz Peor; ce fu auquns
autre chevalier qi portoit autretel escu, qar cil ne vos feist 7 jamés ceste felle-
5 nie ». Li Bons Chevalier,8 tant cum li rois disoit ceste parole, se sorrioit toutes
voies. E li rois qi garde s’en prent 9 le met adonc em paroles e dist:10 « Sire
chevalier, se Dex vos doint 11 bone avanture, dites moi por qoi vos riez. − Sire,
fist 12 il, salve vostre grace, ce13 ne vos dirai ge mie ore;14 e neporqant, ge vos
fas bien asavoir qe cil chevalier15 qi est orendroit apelez le Chevalier16 sanz
10 Peor ne fist pas ceste fellenie ne ceste crualté, ainceis la fist un autre cheva-
lier17 qi estoit appellez18 Brun le Fellon. E ge sai qe cil 19 chevalier, selonc ce qe
l’en en dist, fu peres Breüz20 sainz Pitié;21 bien fu voirs qe cil chevalier porta
une grant piece escu d’argent sainz entreseignes nulles, tout autretel cum
fesoit a celui tens le Chevalier22 sanz Peor et enqore porte; mes puis23 fu tele
15 hore qu’il s’en repenti chieremant, qar li Chevalier sanz Peor l’en fist honte e
193. 1 T, 67b, Rubr., COMMENT LE ROY HOEL ET LE VAVASSEUR SON HOSTE TIENNENT
PARLEMENT DU BON CHEVALIER SANS PAOUR.
2 dist M T.
3 D. i me saut l. M.
4 D. me d. b. a. ce vous estiés en son hostel s. T.
5 s. i v. M.
6 q. ja f. T.
7 fit T.
8 s. Poor Et l. B. Ch. (saut au même) M.
9 prist M.
10 dit T.
11 D. nous d. M.
12 fet M T.
13 ce omis M.
14 dirai ore mie M.
15 q. le ch. T.
16 l. Bon Ch. T.
17 a. le f. avant ce ch. T.
18 et ne[…] apellés: le haut du f ° 1c abîmé M.
19 Brehus l. Felons T; Bruns (abr. Brs) […] cil M.
20 s. qu’on e. dit fut Brehus T.
21 p. de Brehuz sanz P. (ainsi toujours) M.
22 l. Bon Ch. T.
23 porta et depuis T.
vergoigne un jor e li fist 24 q’il meesmes ardi25 l’escu e li fist creanter26 loiau-
mant 27 qe jaa(84c)mes jor de sa vie ne porteroit escu28 de celui semblant ».29
194. Li rois Hoël respont adonc1 e dit: « En non2 Deu, sire chevalier, vos croi
ge bien de ceste parole qe vos avez orendroit dite mieuz3 qe ge ne faz cele qe
nos conte4 nostre hoste. E certes, de celui Brun oï ge dire tantes crualtez qe5
de Breüz sanz Pitié, qi orendroit regne el roiaume de Logres e qi fu son fil; l’en
5 n’en dit tantes desloiautez qe l’en ne deist assez plus dou6 pere tant cum il
vesqi. − Certes, biaux sire, fet li Bon Chevalier, ore sachiez qe del pere dist l’en
assez7 mal et enqore dit, ne dou fil ne di l’en mie mielz8 mes pis enqore, se
Dex me doint bone avanture. − Dex aïe! biaux sire, fet 9 li rois Hoël, celui Breüz,
dont tantes genz10 dient mal e don les damoiseles11 se plaignent si malemant,
10 veistes vos onqes? − Certes, fet li Bon Chevalier, oïl, ge le vi e parlai12 a lui, e
compaignie li ting n’a enqore mie grant tens. − Por Dex, sire,13 fet li rois, e fet
il tant de maus cum l’en conte? − Si m’aït Dex, fet li Bons Chevalier, il ne fet 14
moins q’il ne soloit. − Ha! fet li rois, enqore s’amendera par15 avanture,
193. a vos doint (l. 1)… ja: la deuxième partie de cette colonne est, par endroits, très effacée.
193. 24 et si f. T.
25 l. dist (pas très clair) q. i. m. ardist (pas très lisible) M.
26 acreanter M.
27 loiaumant omis T.
28 m. a j. d. s. v. n. p. celui escu (dernier mot de ce §) M.
29 s. ne de celle coulleur T.
enqore16 leissera sa vilenie. − Ce ne sai ge, fet li Bons Chevalier, mes ge conois
15 tant son afaire qe a gran paine leisseroit huimés sa17 costume ».18
195. A ceste parole respont Breüz e dit tout en sorriant:1 « Seignors, qe dites
vos de Breüz? por qoi l’alez2 vos blasmant? Ore sachiez3 q’il tenoit 4 ore petit
le5 parlemant de vos.6 − Ge ne sai q’il die, fet li rois,7 mes en qel qe leu q’il 8
soit, ce est un chevalier a cui touz li mondes devroit feire vilenie e laidure, qar
5 touz li mondes en dit mal: chevaliers, dames, damoiseles9 se plaignent de lui;
por10 qoi ge di q’il ne seroit mie chevalier qi le troveroit, qi ne li feist deshonor,
por qoi le11 coneust. − Sire,12 sire, ce dit Breüz, qi faire le pooit?13 qar Breüz
n’est mie chevalier14 de si povre afeire q’il ne livrast assez bataille a un autre
chevalier, avant q’il fust mis au desoz par15 force de chevalerie. − A ce m’acort
10 ge bien, fet li rois, qe Breüs est bon chevalier de sa main selonc ce qe l’en dit,16
mes certes, il est si fellons e si desloiaux q’il ne puet estre en nulle guise q’il
n’ait la male avanture, a ce qe li chevalier errant chevauchent ore comunemant
par (84d) toutes les contrees de la Grant Bretaigne ». A cele17 parole respont li
vavassor e dit: « Seignors, de Breüz ne dites onqes autre18 chose fors qe Dex li
15 doint honte e deshonor, qe certes, ce est 19 li plus vileins chevalier qi soit 20 el
194. 16 a. et e. M.
17 l. ore mais s. M.
18 c. mauvaise T.
195. 1 Brehuz en s. M.
2 vous Brehuz p. quoi alez M.
3 v. ainsi blasmant sachés T.
4 tient T.
5 le omis T.
6 d. nous M.
7 Ge ne sai…li rois omis M.
8 q. part q. i. T.
9 d. et d. M T.
10 l. comunement p. M.
11 p. qu’il l. M.
12 q. il l. recongnust S. T.
13 c. fait B. si f. l. pouoit (porroit M) T.
14 chevalier omis T.
15 a. desus p. M.
16 die M.
17 A c.: § spécial M.
18 dittes autre T.
19 q. c. il e. M.
20 qu’il s. T.
monde e li plus traïtora. − Hostes, ce dit Breüz, mout changiez vostre langage;
coment ce est?21 vos dissiez tout orendroit qe li bons Chevalier sainz Peor estoit
li plus desloial chevalier22 dou monde e le23 plus mal traïtor, et orendroit avez
torné24 toute la trason dou monde sor Breüz; vos25 n’estes pas trop estable,
20 sire26 hostes, trop legieremant vos changiez! − Biaux sire, fet li vavasor, ce qe
ge dis ge dis; mes ore sachiez qe ge dis verité27 de l’un e de l’autre: ge dis28 qe
li Bons Chevalier sainz Peor m’avoit fet cele traïson29 qe ge vos contai30; et
aprés ce dis31 ge qe Breüz estoit li32 plus desloial chevalier dou monde. Ge vos
dib de chasqune partie la verité ».
196.1 Li rois Hoël respont adonc e dit 2 au vavassor: « Hostes, de l’un vos otroi3
ge bien, ce est de Breüz;4 mes de l’autre ne vos croi ge mie;5 ore sachiez tout
veraiemant qe onqes li Bons Chevalier sanz Peor ne vos fist cele traïson qe vos
nos avez ci contee, ce fu autre6 chevalier qi portoit autretel escu;7 de ce ne
196. 1 T, 67d, Rubr., [COM]MENT LE ROY HOEL DEMANDE AU VA[VA]SSEUR SON HOSTE
S’IL CONGNOISTROIT LE BON CHEVALIER SANS PAOUR S’IL LE VEOIT.
2 e dit omis M.
3 l’ottrois T.
4 je ce est Brehuz M.
5 Croie mie M.
6 f. aucun a. M.
7 p. ung tel e. T.
(85a)197. Lors prent 1 li Bons Chevalier la2 parole sor lui e li dit:3 « Biaux hoste,4
se Dex vos doint 5 bone avanture, se li Chevalier sanz Peor vos eust fete cele
196. a qe en interligne.
b il: i en interligne.
197. 1 print T.
2 Ch. sanz Poor l. M.
3 et il d. M.
4 B. sire h. M.
5 D. me d. M.
197. 6 f. tele v. M T.
7 metés M T.
8 se omis T.
9 t. envers v. n. envers a. T.
10 c. ce f. M.
11 m. bien celuy qui vous fit ce je l. T.
12 f. savoir t. T.
13 B. l. Felon (ainsi toujours) T.
14 je mainte foiz oï parler O. M.
15 et bien s. M.
16 qi … fille omis T.
17 e. c. il avint Et M.
18 et la l. T.
19 en la meson le roi Claudax demore (invers.) et vostre: fin du premier fragment de
Modène. Pour un deuxième passage conservé par ce ms., cf. 225.10 (cf. var. 6).
20 f. savoir p.
21 le omis.
198.1 Veritez fu sainz faille qe aa cele feste qe li sires de Sorolois tint si riche
cort cum vos dites vindrent chevaliers plusors de lointeines terres e de pro-
chienes. Ge, qi n’estoie mie de trop pres, i vols2 venir qant ge en oï le parle-
mant, mes puis fui ge destorbez par une3 moie besoigne, si qe ge n’i poi mie
5 venir, e por ce remest ma voie. Brun le Fellon qi de son cors estoit assez bon
chevalier, mes tant i avoit qe de fellenie i avoit b assez4 plus qe mestier ne li
fust, se mist a la voiec por venir5 a la feste, e tant fist qe en cest ostel vint. Qant
il vit la biauté de vostre (85b) fille, il la coveita e desira de tout son cuer; e
maintenant q’il vit som point q’il ot la force sor vos, por ce q’il pensoit bien q’il
10 ne vendroit jamés en si bon point, qar toutes voies se doutot il des prodomes
de celui païs,6 vos corrut il sus errament e vos fist adonc la vilenie qe vos nos
avez ici contee e le grant domage. Puis q’il vit vostre fille en sa baillie, il ne
s’en retorna mie le grant chemin qe vos aviez devant alez, qar tout adés avoit 7
peor q’il ne fust encontrez d’alqun8 qi le reconeussent;9 e por ce torna il au
15 travers de la forest e comença en tel mainiere a chevauchier. Il n’ot mie gran-
ment alé q’il trouva un autre grant chemin. Qant il fu el grant 10 chemin venuz,
adonc li avint par sa grant 11 male avanture e par sa mescheance q’il encontra
un chevalier de la meison le roi Claudas, mot prodome des armes e mout hardi,
e venoit de la meison le roi de Soroloys12 ou il avoit esté envoiez en message
20 de la part le roi13 Claudas; il chevauchoit armez de toutes armes en guise de
chevalier errant e non mie de message. E qant il vit Brun le Fellon qi la damoi-
sele en menoit e vit la damoisele plorer si fort e demener si grant dolor qe nus
ne veist celui duel qi a merveilles nel tenist, qant il vit le duel de la damoisele,
198. a a en interligne.
b qe de fellenie i avoit dans la marge avec signe de renvoi.
c a la voie omis, corr. d’après 199.1−2, 19, etc.
198. 1 68b, Rubr., COMMENT LE BON CHEVALIER COMPTE AU VAVASSEUR SON HOSTE QUE
CE FUT BREHUS LE FELON QUI LUI FIT SI GRANT CRUAULTE.
2 voulu.
3 m. je fus d. pour u.
4 a. de felonnie assés.
5 por venir omis.
6 du paÿs.
7 car il a.
8 f. rencontré d. a.
9 recognust.
10 f. au g.
11 grant omis.
12 m. du S.
13 p. du r.
199. Einsint cum il le dist le fist, qar tout errament fist la damoisele metre a la
voie; e tant li dist a beles1 paroles e bel semblant li mostra qe la damoisele
s’accorda a lui e qe ele se2 tint a mout bien paiee de li.3 Einsint chevauchierent
tant de jornee en jornee q’il vindrent el roiaume4 de Logresb. E pres de Londres,
5 un jor qe ge chevauchoie par une foreste, les trovai ge sor une fontaine ou il
estoient descenduz e mengierent ilec et il me prierent tant qe ge descendi e
199. 1 d. de b.
2 et se.
3 de li omis.
4 vindrent […] royaulme: col. extérieure et mutilée 68d.
200. L’ostes,1 ore vos ai finé mon conte e sachiez tout certeinemant qe ge ne
vos ai de riens menti, qar il avint tout aussint cun ge vos ai dit. − Biaux hostes,
fet li rois Hoël,2 cestui fet creiroie ge legieremant; mes ce qe vos mea contiez
devant ne crerroie ge en nulle fin. − (85d)Certes, biaux sire, respont li vavasor,
5 ore sachiez qe par cestui conte qe cest chevalier nos a dit sui ge orendroit touz
esloigniez del qider qe ge avoie devant: jamés a jor de ma vie ne creirai ge qe
li Bon Chevalier sanz Peor me feist ceste vilenie, ainz croi bien qe ce me feist
199. c noma idem, à la place de nome, dont la première syllabe a été exponctuée pour obtenir
le pron. pers.
199. 5 l. demande.
6 Bruns.
7 droitemant omis.
8 m’y parti Puis.
9 l. Bon Ch.
10 p. ung tel e.
11 e[s]cu au f.: col. extérieure et mutilée 69a.
12 a. Bon Ch.
13 p. ung e.
200. L’ostes,1 ore vos ai finé mon conte e sachiez tout certeinemant qe ge ne
vos ai de riens menti, qar il avint tout aussint cun ge vos ai dit. − Biaux hostes,
fet li rois Hoël,2 cestui fet creiroie ge legieremant; mes ce qe vos mea contiez
devant ne crerroie ge en nulle fin. − (85d)Certes, biaux sire, respont li vavasor,
5 ore sachiez qe par cestui conte qe cest chevalier nos a dit sui ge orendroit touz
esloigniez del qider qe ge avoie devant: jamés a jor de ma vie ne creirai ge qe
li Bon Chevalier sanz Peor me feist ceste vilenie, ainz croi bien qe ce me feist
199. c noma idem, à la place de nome, dont la première syllabe a été exponctuée pour obtenir
le pron. pers.
199. 5 l. demande.
6 Bruns.
7 droitemant omis.
8 m’y parti Puis.
9 l. Bon Ch.
10 p. ung tel e.
11 e[s]cu au f.: col. extérieure et mutilée 69a.
12 a. Bon Ch.
13 p. ung e.
Brun le Fellon; jamés au bon Chevalier sainz Peor ne voudrai si grant mal cum
ge voloie devant. Ge li perdoing tout orendroit toute ma mala volanté, qar mi
10 cuers me dit fermemant qe ce ne fist il 3 mie ».
201.1 En tex paroles et en tex diz passerent celui soir li chevaliers. E qant il fu
ore de dormir, il s’alerent couchier e juirent cele nuit mout a aise e dormirent
bien, qar le jor devant avoient assez2 travaillez. A l’endemain, auques maitin,
se levent tuit. Qant li chevalier sunt vestu, il demandent lor armes, qar chevau-
5 chier voelent matin, si cum il dient. Qant il sunt arrmez e montez, il n’i funt
autre demorance, ainz preignent congié a lor hoste e le mercient mout de la
cortoisie q’il lor avoit fete, et en tel mainiere se partent de leienz. E qant il sunt
fors dou chastel, il se tornent au chemin, e demandent toutes voies la voie de
la cité qui Eschalone3 estoit apelee; assez troevent qi lor enseigne, qar chasqun
10 qi de celui païs estoit conoissoit celui chemin.4 Qant il se sunt mis au grant
chemina, li Bons Chevalier parole au roi Hoël e li dit:5 « Sire, sire, esgardez
qele6 voie vos volez tenir, qe ceste voie ou nos somes orendroit entrez si nos
doit mener a7 une cité qi est apelee Eschaloine.8 − Certes, ce li respont li rois,
a cele cité qe vos dites voloie ge aler; ele est 9 pres de la mer, ge m’en irai d’ilec
15 a la mer droitemant et entrerai dedens. E puis m’en irai, se Deu plest, la ou ge
voloie aler, e ce est ce por10 qoi ge ne voill mie tout cestui jorb leissier vostre
compeignie. Voiremant, ce me vait auqes desconfortant qe l’en nos a11 fait
entendant qe cil de cele cité12 vont arestant e prenant touz les chevaliers erranz
200. 3 n. fut i.
201. a Ms. chein: le même mot à la ligne précédente, divisé chem-in, a pu tromper le copiste.
b tout cestui jor oublié, dans la marge, encadré, avec signe de renvoi.
201. 1 69a, Rubr., COM[M]ENT LE ROY HOEL, LE BON CHEVALIER […] BREHUS CHEVAUL-
CHENT ENSEM[BLE PAR]LANT DE PLUSEURS AVENTURES.
2 assez omis.
3 Escalonne (ainsi toujours, sauf 201.13).
4 c. son ch.
5 dist.
6 s. regardés q.
7 s. va droit a.
8 q. a nom Escaloine.
9 ell est.
10 c’est pour.
11 l’e. m’a.
12 d. la c.
qe avanture aporte cele13 part; por qoi ge14 m’en vois un pou dotant. E nepor-
20 qant, qele qe avanture m’en15 doie avenir, ge ne leisserai (86a) celui chemin
tant cum ge le puisse mantenir ». A ceste parole respont li Bon Chevalier e dit:
« Sire, sire, n’aiez doutance mes chevauchiez seuremant; ore sachiez q’il a en
cele cité la plus cortoise gent qe l’en nec vos voit contant. E ge vos pramet qe
vos i seroiz plus16 serviz et honorez, se nos i venom cestui soir, qe nos ne fumes
25 anuit la ou nos geumes; e17 ge vos lou qe, por paroles qe l’en vos en ait contees,
qe vos ceste voie ne leissiez. − Certes, fet li rois, non ferai ge; huimés pensom
de chevaucher! »
202. Einsint parlant chevauchent cele matinee.1 E qant il ont auqes celui che-
min tenuz, Brehuz, qi les contes dou soir devant a n’avoit pas obliez, ainz l’en
sovenoit bien e de toutes les paroles qe li rois avoit dites, encomença adonc
un tel parlemant envers le roi e li dit 2 − et il estoient adonc a l’entree d’une
5 forest grant e merveilleuse e Breüz qidoit bien tout veraiemant qe li Bon Cheva-
lier3 sanz Peor vouxist tolir volantiers au roi la damoisele q’il menoit − Breuhuz
encomence4 son parlemant en tel mainiere e dit 5 au roi: « Sire chevalier, vos
me feistes anuit entendant 6 qe vos amez ceste damoisele qe vos condussiez
orendroit,7 e tant l’amez qe se li Bon Chevalier sanz Peor la vos vouxist tolir,
10 bien8 la voudriez encontre li defendre ». Li rois Hoël respont e dit: « Certes,
biaux sire chevalier, en bone matire nos avez mis orendroit; Dex aïe! n’est il
201. c ne répété.
201. 13 a. porte c.
14 ge omis.
15 n. quoy ne quelle a. qu’il m. e.
16 s. puis.
17 n’avons esté la o. n. avons geu et.
202. 1 matine.
2 dist.
3 Chevaliers.
4 encommença.
5 dist.
6 f. arsoir e.
7 orendroit omis.
8 v. touldre b.
ou monde nul autre9 de qui nos10 peussom parler cestui matin fors dou Bon
Chevalier sanz Peor? bons hom, leisso a cestui point a11 parler de li e parlom
d’un autre! Certes, il n’est mie en grant de parler de nos tant cum nos somes
15 de lui. − Biaux sire, fet Breüz, vos savez tout veraiemant qe l’en parole12 adés13
plus volantiers des prodomes qe l’en ne fet des autres; por ce qe cil est si
prodome cum vos meesmes afermés, ai ge de lui comencié le parlement. − Ore
me dites, fet li rois, ce est une grant merveille de vos, ne vos est il avis q’il ait
par le monde alquns chevaliers par avanture qi sunt aussint bons chevaliers
20 cum est li Chevalier14 sainz Peor? Se vos volez corre a la verité, ne vos est il
avis qe (86b) el roiaume15 de Logres vindrent li Sesne,16 n’a enqore granment
de tens, e menerent b le roi Artus a ce qe nos savom,17 e puis, por metre a fin
cele qerele, establirent par la force de deus chevaliers tant seulemant seroit 18
menee a fin cele qerele.19 E qant cil de Sessoigne20 orent mis de lor partie
25 Arihoan por defendre lor droiture e lor honor, cil dou roiaume de Logres n’i
voldrent mie metre le Bon Chevalier sainz Peor encontre celui, ne ne s’i vol-
drent acorder, la ou il les prioit touz,21 ançois i mistrent le roi Melyadus de
Leonois. E distrent entr’els qe cil estoit le meillor chevalier e de greignor afaire,
puis qe ce vendroit au22 grant besoing, qe n’estoit cil sanz Peor. Qant il por
30 autel qerele23 cum estoit ceste ne voldrent metre le Bon Chevalier sanz Peor,
ançois i mistrent le roi Melyadus e par comun assentement, ne volez vos dire
q’il tenissent a meillor chevalier le roi Meliadus qe li Bon Chevalier sanz Peor?
Ore donc leissom a parler de li e parlom dou roi Meliadus, qe certes, se nos
volom parler de lui, assez troverom qe dire, por qe nos voillom parler de hautes
35 proeces e de hautes chevaleries. − Coment, fet Brehuz sans Pitié, ne volez vos
202. 9 i. au m. nulle a.
10 d. quoy n.
11 a omis.
12 q. le p. (oubli de la barre de nasalisation?)
13 adés omis.
14 l. Bon Ch.
15 q. au r.
16 Sesnes.
17 n. en s.
18 ser[o]it: col. extérieure et mutilée 69d.
19 f. ceste q.
20 Sessorgne.
21 l. payoit t.
22 c. n’estoit a.
23 p. telle q.
donc dire qe li Bons Chevalier sanz Peor soit c le meillor chevalier dou monde?
ja le disiez vos ier! − Certes, fet 24 li rois, se ge le dis, enqore m’i vois ge auqes
acordant; mes qant 25 ge vois puis recordant qe li prodomes dou roiaume de
Logres le refuserent en tel mainiere et en tel besoigne et i mistrent le noble roi
40 Meliadus, se ge disoie qe li rois Meliadus fust meillor chevalier, ge n’en feroie
mie trop a blasmer, qar cele est auqes merveilleuse proeve por moi la ou tant
de prodomes se mistrent tuit a un acort, et en ceste chose.26 E certes, se ge
contoie ja27 cestui fet de ceste bataille a cestui prodome qi ci est, e les mer-
veilles qe li rois Meliadus de Leonois fist encontre celui chevalier, ge qit bien
45 q’il 28 s’acorderoit tost au roi Meliadus d’un grant afaire qe au Bon29 Chevalier
sanz Peor. E neporqant, ge endroit moi diroie tost qe li Bon Chevalier sans Peor
a fait greignor merveilles par le monde e hautes chevaleries qe ne fist enqore
li rois Meliadus. Ge di selonc ce qe ge ai oï conter, mes celui fet de la haute
bataille Arihoan30 fu honte e deshonor dou Bon Chevalier sanz (86c) Peor. E
50 certes, ge meesmes en reqerroie31 e demanderoie le jugemant de cest chevalier
qi ci est ». E ce disoit il au Bon Chevalier sanz Peor.
203.1 A cele parole respont a li Bons Chevalier sans Peor e dit: « Biaux sire, de
qoi volez vos qe ge doing jugemant? − Certes, fet li rois, ceb vos dirai ge bien:
cest chevalier qi ci est ne me tient toute jor parlemant fors2 dou Bon Chevalier
sanz Peor; ge endroit moi certes3 di bien q’il est trop prodom des harmes, mes
5 qant einsint avient q’en une hore de jor e por si haute qerele cum por tout le
roiaume de Logres defendre s’acorderent tuit li prodomes de la Grant Bretaigne
202. c Ms. P. ne s. (+ T)
202. 24 C. ce f.
25 a[ccor]dant et q.
26 choses.
27 ja omis.
28 ch. qui cui[…] qu’il: col. extérieure et mutilée 70a.
29 Bon omis.
30 Anhoan (ou Auhoan?).
31 requeroye.
203. 1 70a, Rubr., COMMENT LE ROY HOEL REQUIERT JUGEMENT AU BON CHEVALIER DES
PAROLLES QU’ILZ AVOIENT ENTRE LUY ET BREHUS SANS PITIE.
2 t. tout huy p. [fo]rs.
3 certes omis.
204. Quant 1 li Bons Chevalier entent les paroles dou roi Hoël, il respont e dit
maintenant: « Certes, biaux sire,qant vos me demandez de ceste chose ce qe
ge en croi, e2 ge vos en repondrai sanz faille toute la verité. Ore sachiez tout
certeinemant 3 qe li nobles chevalier, li rois Meliadus, est meillor en toutes4
5 guises e plus fort qe n’est li Chevalier sans Peor; e certes, la proeve de cele
bataille5 si le vet auqes demostrant. − Ore aiez vos bone avanture, biaux sire
chevalier, fet li rois Hoël, qant vos vos estes acordez a ce; qe certes, il m’est
bien avis qe vos n’en aiez dit se la verité non.6 − Sire, fet Breüz, ore oi ge
merveilles de vos; se Dex me doint bone avanture, ier, tout jor, vos vos acordiez
10 au Bon Chevalier sanz Peor e dissiez qe ce estoit sanz faille7 le meillor chevalier
dou monde, et orendroit le desdites8 e vos acordez au roi Meliadus; ce est une
fiere chose! Ge conois bien par vos paroles q’il ne porroit 9 estre en nulle guise
qe vos ne vouxissez mal au Bon Chevalier sanz Peor. − Certes, fet li rois, non
faz. − Ore me dites, fet Breüz, e s’il covenoit orendroit qe vos combatissiez10
15 cors a cors dusq’a outrance, ou au Bon Chevalier sans Peor ou au roi Meliadus,
e fust a vostre choisa de com(86d)batre, auqel de ces deus vos combatriez vos
ançois11? »
203. 4 v. devriers.
205. Li rois Hoël pense un petit qant il entent ceste demande e puis respont:
« En non Deu, ce vos dirai ge tout certeinemant qe ge en feroie. Ore sachiez qe
ge me sui esproevez et a l’un e a l’autre e tant qe ge coonois auqes le pooir
d’ambedeus. Ore sachiez qe ge me combatroie plus seuremant au roi Meliadus
5 qe au Bon Chevalier sanz Peor: il m’est bien avis qe li rois Meliadus soit plus
fort, mes ge croi biena qe li autres soit plus vistes e plus aspres assez e plus
set de la mainiere de combatre e plus sofroit au loing aler, si cum ge croi, qe
ne feroit le roi Meliadus. − E coment? dites vos donc, fet Breüz, qe li rois Melia-
dus est meillor chevalier? − Ge le disoie, fet il,1 por ce qe cil dou roiaume de
10 Logres le leissierent au grant besoing e pristrent le roi Meliadus. − Ore me
dites, fet Breüz, savez vos qi sunt ore2 li qatre meillors chevaliers dou monde? −
Oï1, bien, fet li rois, donc ne3 me devroie ge mie tenir por chevalier errant, se
ge nes conoissoie. − Ore les me nomez, fet Breüz, si orrai se vos les conoissiez
si bien cum vos dites. − Certes, volantier, fet li rois Hoël; li rois Melyadus nome-
15 rai ge tout premieiremant por ce qe ce est le plus gentil home des .IIII. e le
plus poissant; le segon est le Bon Chevalier sanz Peor; le tierzb est Danain le
Rousc, cil est bien chevalier de proeve: pou en a de meillors ou monde,4 ce di
ge bien; li qarz est li Morolz d’Yrlande5. De ces .IIII. sunt li trois assez parfit
chevaliers, mes li qart ne l’est mie, e neporqant, il est assez prodom des armes,
20 e ce est li Morolz d’Irlande; chasqun des autres puet l’en bien tenir por pro-
dome.6 − Ore me dites, fet Breüz, e dou roi Hoël, qui seignor est de la Petite
Bretaigne, qe dites vos? − Dex aïe! fet li roi,7 e dou roi Hoël, por qoi avez vos
ore demandé? ja n’en teniom nos null parlemant! − Certes, fet Breüz, ge8 le
vos dirai. Enqore n’a mie grantment de tens q’un chevalier me dist q’il qidoit
25 bien qe li rois Hoël fust li qarz chevalier dou monde. − E qi fu celui, fet li rois
Hoël, qi9 le vos dist? − Ce ne vos dirai ge mied 10 orendroit, fet Breüz, mes (87a)
205. a mes ge croi bien oublié, dans la marge avec signe de renvoi.
b l’r de tierz est ajouté en interligne.
c l’u de rous idem.
d (q.) li rois (l. 25)… mie: la fin de la col. 86d est assez effacée.
einsint le me dist l’en. E se Dex11 vos doint bone avanture, dites moi ce qe vos
en qidiez;12 puis qe vos conoissiez touz les bons chevaliers einsint cum vos
dites, il ne puet estre qe vos celui ne conoissiez. »13
206. A cele parole respont li rois e dit: « Ore sachiez, sire, qe cil qi dist qe li
rois Hoël estoit li qarz chevalier dou monde, il ne set q’il dit. S’il le1 coneust
aussint bien cum ge le conois, ja ne l’eust dit, qar il n’est de si grant afaire;
gentil ome est il assez, mes il n’est pas de si haute chevalerie q’il deust estre
5 contez entre si bons chevaliers cum sunt cist qatre qe ge ore vos nomai. E por
ce vos di ge qe cil nel conoissoit mie tres bien qi tant le loa, ou par avanture il
dist cele parole por eschar ou2 por mal dou roi: auqunes genz sunt qi bien
sevent lor enemis moutes foiz3 blasmer en loant. » La ou il parloient einsint, il
regardent devant els e voient un petit chastel qi estoit fermez auqes pres dou
10 chemin, delez un lac tout 4 droitemant; le lac estoit grant e merveilleux. « Sire
chevalier, fet li Bon Chevalier sanz Peor au roi Hoël, veez vos cel lac? − Oïl
bien, ge le voi voiremant; mes por qoi le m’avez vos demandé? − Por ce,5 fet
il, q’il me sovient orendroit qe l’en me dit 6 qe l’en i a, ilec7 devant, veu desche-
vaucher le roi Hoël mout vileinemant, e par un seul chevalier. − Sire, fet li rois,
15 tenez vos ceste chose a merveille si grant? Ore sachiez qe greignor merveilles
vos puis ge conter qe ge vi devant cest lac meesmes, qar celui jor8 meesmes qe
li rois Hoël don vos parlez i fu si malemant deschevauchez cum vos dites, celui
jor i vi ge, se Dex me doint bone avanture, deschevauchier plus prodome e
meillor;9 et ambedeus les deschevaucha un seul chevalier. E se Dex me con-
20 seult, celui bon chevalier dont ge vos di i fu mout plus deshonoré qe n’i fu10 li
rois Hoël. − Ha! sire chevalier, fet Brehuz au roi Hoël, ore nos dites coment li11
205. 11 m. d. le roy Se D.
12 ce qe vos en qidiez omis.
13 c. en aucune maniere (écriture plus serrée).
206. 1 Si le.
2 p. essayer o.
3 e. maintes f.
4 tout omis.
5 c[e]: col. extérieure et mutilée 70d.
6 dist.
7 quelle ma i.(sic).
8 car je vy c. jo[ur].
9 plus prodome et meillor omis.
10 dy fut m. p. d. q. ne f.
11 a. r. Hoël dittes vous que l.
rois Hoël i fu deschevauchez e par qel achoison. − Certes, biaux12 sire, fet li
rois, ce ne vos dirai ge mie volantiers qe13 conter la vergoigne dou roi Hoël,
qar li rois Hoël estant mes amis, gea 14 ne diroie mie volantiers vilenie de li
25 voiremant. [S]e cist chevalierb 15 qi dist la pre(87b)miere parole vos voloit con-
ter celui conte, ge l’escouterai volantiers, e non mie si volantiers cum ge feroie
mainz autres contes.16 E toutes voies l’escouterai ge volantiers. »
207.1 Li Bons Chevalier qi2 bien savoit tout certeinemant qe ce estoit qe li rois
Hoël voloit conter, tout fust celui conte encontre li,3 si respont il au roi Hoël
e dit: « Bel sire, qant vos me reqerez qe ge vos conte coment li rois Hoël fu
deschevauchez a cest lac, cestui conte fet bon oïr. − Voirs,4 fet li rois, home qi
5 bien ne vuelle5 au roi Hoël! ore sai ge de6 voir, sire chevalier − a vos di ge qi
estes si desirans d’oïr cest conte −, qe vos7 ne volez mie trop grant bien au roi
Hoël. − Ne trop grant mal ne li voill ge, fet il; en Deus estés! ge li voill bien
autretant de bien cum il velt a moi. − Mes, por ce, se vos li volez bien, sire
chevalier, fet Breüz, ne remaindra qe cest conte ne soit conté. Qant vos ven-
10 droiz a lui en la Petite Bretaigne, adonc li porroiz dire ce qe l’en vet de lui
contant par lé roiaumes de ses avantures. − Ore die, fet li rois Hoël, ce q’il
voudra, qe ge sui prest de l’escouter cum vos estes. » E maintenant comence li
Bons Chevalier sanz Peor son conte e dit 8 en tel mainiere:
206. 12 a. Sachés b.
13 m. car ce n’est q.
14 l. r. H. estoit m. a. et je.
15 de luy Cist ch.
16 compte.
207. 1 71a, Rubr., COMMENT LE BON CHEVALIER COMPTE LA VERGOINGNE QUI AUTRES-
FOIS ADVINT AU ROY HOEL PAR LES MAINS DE LAMORAT DE LISTENOIS DONT IL EST
MOULT COUROUSSE.
2 L. roy q.
3 c. contre l.
4 Voire.
5 r. a h. q. b. n. veult.
6 H. n’est mie sage d.
7 compte[…]vous: col. extérieure et mutilée 71a.
8 c. son compte en telle maniere le Bon Chevalier et dit.
208. « Au1 tens le roi Uterpandegron, fet il,2 avint qe li rois Hoël, li sires3 de
la Petite Bretaigne, vint en cest païs mout priveemant − ce ne4 sai ge5 qele
avanture li amena −, mes il vint en guise de chevalier errant, armez de toutes
armes, e menoit en sa compeignie deus escuiers seulemant. A celui tens estoit
5 seignors del chastel qe vos ore veez un chevalier qi bien fu sainz faille le
meillor chevalier qe ge veisse en toute ma vie, ce fu Lamorat de Listenois, le
frere au roi Pelinor.6 − Certes, fet li rois Hoël, vos dites verité; voiremant fu ce
le meillor chevalier de toutes chevaleries7 qi en son tens portast armes; mal-
eoit 8 soit qi l’ocist, q’il fist 9 domage a toute chevalerie! E si veraiemant m’aït
10 Dex, se Lamorat m’apartanist autant cum il apertenoit au roi Pelinor de Liste-
nois,10 la mort de si prodome cum il ne fust pas ore a vengier einsint cum il
est: ou li Chevalier11 sanz Peor m’eust ocis aprés lui, ou ge eusse sa mort ven-
gee! Ore dites avant vostre conte, sire chevalier. » E cil re(87c)comencea son
conte adonc, mes mout est corrocié de ce q’il a ramenteu la mort de Lamorat
15 q’il avoit ja tant amé.
209. « Seignors, fet il, a celui point qe ge vos cont estoit Lamorat seignor de
cest chastel; li roi Hoël vint en cel tens devant cest lac. Ou il estoit arestez
devant le lac1 entre lui e ses escuiers, e demoroit ilec entor hore de primea
droitemant, atant e vos qe envers le lac vint un chevalier qi menoit en sa com-
5 peignie une damoisele e deus escuiers. Li chevalier s’en vint tout droit au lac
por fere abevrer son cheval e les autres chevaucheures. Li rois Hoël, tout main-
tenant q’il vit venir la damoisele qe li chevalier condusoit, il n’i fist demo-
208. a voiremant (l. 7)... E cil re(comence): la fin de la col. 87b est assez effacée.
rance,2 ainz s’en vint tout droit a la damoisele e li dist q’il la voloit prendre par
la costume dou roiaume de Logres; e la costume de preindre les dames e les
10 damoiseles el conduit des chevaliers erranz estoit aillors acostumee, enqore
est bien maintenue, ce3 m’est avis. Li rois Hoël prist la damoisele einsint cum
ge vos cont; li chevalier qi la damoisele conduissoit se comença a sorrire e a
gaber de cele emprise, e li disoit tout en riant: « Ha! biaux sire, ne me fetes
ceste vilenie qe vos ma damoisele me toliez, qe ce seroit trop grant vilenie que
15 vos me feriez e honte por moi ». Li rois Hoël, qi bien qidoit qe ce lib deist li
chevalier por peur e por cohardie, se mist adonc avant plus hardiemant e dist 4
qe la damoisele ne li porroit remanoir; mestiers estoit q’il la li leissast dou tout.
« Voir, dist li chevalier, me qidiez vos donc avoir pris por ce qe ge vos prioie?
en moie foi, vos n’estes mie si sages cum5 il vos seroit mestier, dan chevalier,
20 e ge vos mostrerai vostre folie tout orendroit! » A ces paroles q’il disoient
estoient tres desus le lac; li chevalier n’i atendi6 plus qant il ot dite ceste
parole, ainz leissa corre maintenant au roi Hoël, non mie q’il le ferist, ainz gita
les braz e le prist par mi les flans, e tout ausint armé cum il estoit il leva7 des
arçons e le gita dedens le lac; e se l’eve fust esté8 parfonde la ou il le gita, bien
25 i eust esté noiez a ce q’il estoit pesant des armes. Einsint vileinemant (87d) et
einsint vilmant cum9 ge vos cont fu deschevauchiez li rois Hoël devant cest lac
q’il ne10 fu feru ne de gleive ne d’espee, e si fu portez a la terre. Ore vos ai mon
conte finé; si conteroiz ore le vostre, sire chevalier s’il vos plest; e s’il vos plest,
taire vos en poez dou tot 11 e leissier ».
210. Quant li Bon Chevalier a finé sun conte, li rois Hoël, qi bien conoist qe
cil n’i disoit 1 se verité non e qi de cestui conte estoit irez trop duremant, res-
209. 2 f. autre d.
3 b. maintenant c.
4 dit.
5 m. ce sachés c.
6 n’attendit.
7 i. le l.
8 l’e. eust e.
9 et tout ainsi c.
10 l. qui n.
11 t. a loisir maintenant.
210. 1 ne d.
devant le lac.12 Atant 13 e vos qe a14 hore de vespres vint vers le lac un chevalier
(88a) qi condusoit une damoisele et avoit en sa compeignie .IIII. escuiers. Li
15 chevalier venoit mout lentamant le petit pas dou cheval e s’en venoit tout droi-
temant vers le lac por abevrer ses chevaux. Qant il ot son cheval abevré, il s’en
vint tout 15 droitemant au roi Hoël, qi enqore demenoit son duel desouz le lac,
e li comença a demander q’il estoit e por qoi il demenoit itel duel. Li rois ne
l’en velt riens dire, qar trop estoit dolanz. E la ou li chevalier estoit en tel
20 mainiere devant le roi tout a cheval et il le tenoit a parlemant einsint cum ge
vos cont, atant e vos qe dou chastel oissi li chevalier16 qi le roi avoit abatu el
lac. Il vint armez de toutes armes, montez sor un grant destrier, son escu el
col,17 le gleive e son poing, e la ou il vit li chevalier qi la damoisele condusoit
e qi le roi Hoël tenoit en parlemant, il s’en vint a lui droitemant e li dist:18
25 « Sire chevalier, ou vos defendez ceste damoisele encontre moi, ou vos la me
qitez dou tot! » Li chevalier respondi e dit 19 adonc: « La damoisele ne vos qite-
roie ge volantiers,20 ne joster ne voudroie ge, qar ge neb sui de mes membres
aaisiez; e neporqant, avant la defendrai21 ge qe ge la vos quit ». Li chevalier
dou chastel, qant il entendi22 ceste parole n’i fist nulle autre23 demorance, ainz
30 leissa corre maintenant sor le chevalierc qi la damoisele voloit defendre e le
feri si roidemant en son venir q’il le perça l’escu24 e le hauberc e li fist une
211. 12 Après lac, 71d−72a, Rubr., COMMENT LE ROY HOEL COMPTE COMMENT LE BON
CHEVALIER SANS PAOUR FUT AUTREFFOIS DESCONFIT PAR UNG SEUL COP DE LANCE
ET PAR LA MAIN DE LAMORAT DE LISTENOIS ET LUY TOLLIT SA DAMOISELLE QU’IL
CONDUISOIT ET LE NAVRA OU COSTE SENESTRE ET LUY FIT UNE MOULT GRANDE
PLAYE NON MORTELLE ET AUSSI AVOIT ABATU PAR DEVANT LE ROY HOEL DE LA
PETITE BRETAIGNE ET BREHUS (?) S’EN RIOIT. Elle est suivie d’une miniature: combat,
à cheval, de deux chevaliers; devant un château, une demoiselle regarde le spectacle.
13 Atant: grande initiale.
14 a omis.
15 tout omis.
16 a. va issir du chastel ung ch.
17 e. au c.
18 dit.
19 dist.
20 je mie v.
21 l. vous d.
22 entend.
23 p. il ne fait a.
24 i. luy p. son e.
bien ». Li rois est dolans duremant de3 ces paroles: il ne set q’il doie respondre.
10 Li Bons Chevalier sainz Peor est si esbaïz duremant q’il n’ose la teste lever: il
n’oï a piece mes conter qi tant le feist 4 corroucier. Einsint chevauchent tuit troi
une grant piece sanz mot dire. Breüz conoist certeinemant qe de cestui conte
n’a esté5 point de bel au Bon Chevalier sans Peor; enqore vouxist 6 il mieuz q’il
fust a conter. Brehuz ne dist nul mot dou monde, non fet li rois Hoël ne li Bons
15 Chevalier aussint. Qant il orent le chastel passé et il orent bien chevauché jusqe
entor hore de midi, il regardent devant els e voient en la plaigne un chevalier
chevauchier en la compeignie d’une damoisele e de deus escuiers, e portoit li
chevalier un escu blanc a deus lions d’arzur; li escu estoit tout 7 descouvert. E
li soleill estoit biauz e clers e si luisant cum il pooist mieuz luire en yver. Li
20 chevalier estoit armez d’unes armes toutes nouveles, d’autel semblant e d’autel
guise cum li escus estoit, e chevauchoit si soef q’il sembloit bien q’il atendist
les chevaliers qi aprés li venoient; et il si fesoit: il 8 les avoit veu de loing; e por
les armes9 qi (88c) relusoient, conut il tout 10 erramant qe ce estoient chevaliers
erranz, e por ce les aloit il orendroit contretendant e chevauchant le petit pas.
213. 1 72d, Rubr., COMMENT LE BON CHEVALIER SANS PAOUR, BREHUS SANS PITIE ET LE
ROY HOEL CHEVAUCHANT ENSEMBLE TROUVENT HERVY DE RIVEL QUI CONDUISOIT
UNE DESLOYALLE DAMOISELLE.
2 v. s’acommencerent a.
3 et leur d.
4 S. voicy u.
5 ch. tant f.
fet li Bons Chevalier sans Peor, voiremant le conois ge bien: enqore n’a mie
grant tens q’il 6 fu mi compains au tornoiemant ». Einsint parlant ateignent le
10 chevalier; cil s’areste tout maintenant q’il l’aprochent e lor dit: « Seignors che-
valiers, bien veignant! »7 Et il li rendent son salu au plus bel q’il le sevent fere
e se metent a la8 voie. Qant li chevalier a grant piece regardé la damoisele qe
li rois Hoël condusoit, il parole adonc e dit en tel mainiere: « Seignors, conduis-
siez vos tuit troi ceste damoisele ou li uns de vos la conduist?9 − Sire chevalier,
15 fet Breüz, por qoi le demandez vos? − Por ce, fet li chevaliera, qe ge en savroie
volantiers la verité; aprés ce vos porriez tost savoir por qoi ge le demant. »10
214. Aprés ceste parole respont li rois Hoël e dit: « Sire chevalier, ge la con-
duis, la damoisele; cist autre dui chevaliers n’i ont qe fere fors tant q’il font a
moi compaignie e ge a els. Mes por qoi l’avez vos ore demandé? − Certes, ce
dit li chevalier, ge le1 vos dirai maintenant: ge maine ci2 une damoisele, biaux
5 sire chevalier, qi n’est mie granment bele de la vostre ne mains gentil par avan-
ture; mes por biauté ne por gentilece q’ele ait 3 ne la voil ge ore plus mener: ge
la vos leis, ge la vos qit, ge la vos doing tout franchemant voiant ces deus
chevaliers qi ci sunt par tel mainiere voiremant qe vos la vostre me doigniez.
E por ce qe vos4 ne dioiz qe ge vos deçoive en cestui fet 5 et en cele qe ge vos
10 doing, vos fasa ge tout avant assavoir6 ses maus e7 ses costumes: ele est bele
e covenable (88d) de cors et de membres, mes ele n’a autre bonté fors8 tele
cum ge vos dirai: se vos li fetes tout le bien, tout 9 l’onor qe vos porriez, ele vos
fera lait e honte e vergoigne e deshonor tant cum ele onqes porra; ja tant de
bien ne li feroiz qe mal guerrerdon n’en aiez. Ce est bien sa meillor costume,
15 e plus i a qe ge ne voill pas oblier, qar ce seroit traïson se ge avant nel vos
disoie: ore sachiez tout veraiemant q’ele voudroit avoir chasqun jor un novel
chevalier; puis q’il li dure plus d’un jor, ele li velt mal de mort. Mesdissant est
e mal parliere; se ele voit q’il te meschiee, ele en sera liee e joiant; jamés rire
ne la verroiz, se ele ne voit vostre domage. Se ge voill q’ele voist tost,10 adonc
20 se vait ele arestant 11 a chasqun pas. E qe vos diroie? ge la vos doing par tel
convenant qe jamés joiant n’en seroiz tant cum ele soit pres de vos. Ore la
prenez, qe ge vos pramet qe qant qeb ge12 vos ai dit i troveroiz vos, et 13 enqore
plus, se plus de mal i puet avoir ».14
215. De ces paroles q’il disoit, li chevalier s’en rit trop duremant, et autretel
fet li Bons Chevalier sans Peor, si fet Brehuz sans Pitié: il ne1 trouva a piece
mes chevalier qi deist paroles2 qi tant li pleussent cum font cestes. Mes coment
q’il soient des paroles3 liez e joians, li rois Hoël ne s’en joe mie,4 ainz escoute
5 tout plainemant les paroles dou chevalier, si dolanz q’a pou q’il ne crevoit de
duel. Il li responoit 5 ausint cum s’il ne li fust a rriens: « Sire chevalier, vos
demandez change de ma damoisele, mes por honte qe vos m’aiez enqore con-
tee de vostre damoisele, n’ai ge mie grant volanté qe ge vos doing la moie;
tenez la vostre, e ge tendrai la moie! − Ostez! fet li chevalier au roia Hoël, ore
10 sachiez, biaux sire, qe cestui fet ne puet estre einsint cum vos le6 dites; il est
mestier qe vos vostre damoisele me leissiez e preigniez7 la moie. E ge vos pri
214. b qe omis.
215. 1 P. qui n.
2 parolle.
3 des paroles omis.
4 e. esjoyst m.
5 respondoit.
6 le omis.
7 prenés.
qe vos me dioiz, ainz qe vos la me baillez, qeles8 mainieres ele a e qeles cos-
tumes e se ele a la mainiere des9 autres. E ge vos pramet loiaumant qe se ele
est tel cum est 10 la moie, ge lab donrai a11 tout le premier chevalier qe ge encon-
15 trerai e prendrai (89a) la soe, s’il c n’est chevalier de trop haut afaire ». A ce
respont li rois Hoël e dit: « Sire chevalier, vos porriez12 tel chevalier encontrer
qi ne prendroient mie vostre chamge ne de cui vos nel porriez13 faire, qar vos
ne porriez envers li conqester sa damoisele. »14
216. A ce respont li chevalier tout errament e dit: « Ge sai bien qe, se ge encon-
troie par1 auqune avanture le Bon Chevalier sans Peor ou li roi Meliadus de
Leonois ou Danayn le Rous, qi sunt ore sans dote li mellor chevalier dou
monde, qe ge ne porroie mie par ma force fere vers els cestui chamge, s’il ne
5 venoit de lor bone volanté. Mes certes, ge ne sai ore granment autres cheva-
liers, se ge lé trovoie ausint cum ge vos ai ore trouvé avec moi, a cui ge ne
feissea bien faire cestui chamge, vouxist ou ne vouxist. » A cestui point respont
Breüz por corrocier2 le roi Hoël e por oïr q’il voudroit dire: « Ore, biaux sire, fet
il au chevalier, puis qe vos en ostezb ces3 trois prodomes qi sunt li troi mellor
10 chevalier dou monde, si cum vos dites, se vos troviez un tel chevalier cum est
li Morholz d’Irlande ou cum est li rois Hoël de la Petite Bertaigne, avriez vos
hardemant de faire cest chamge par force d’armes? − E non Deu, fet li cheva-
lier, il sunt amdui prodome, mes il n’i a null d’els a cui ge ne quidasse bien fere
215. b la illisible.
c la soe s’il réclame, placée entre les col.88c−d et encadrée.
215. 8 m. laissiés q.
9 et s’elle a les coustumes d.
10 e. e. de t. cueur que e.
11 l. laisseray a.
12 poués.
13 poués.
14 d. nullement.
216. 1 je rencontroye p.
2 o. non A celluy p. r. bien p. couroussé.
3 v. estes certain de c.
217. Quant li rois Hoël entent ceste parole, il respont tout apertemant: « Sire
chevalier, gardez qe vos dites. Ge croi veraiemant qe, se li Moroholz1 d’Irlande
fust ici presentemant, e vos li seussiés, qe ja ne fussiez si hardis ne osez de2
dire tele parole avés3 ore dite; e certes, se vos au roi Hoël, qe vos metez oren-
5 droit en vos afermalles, toliez sa4 damoisele par force d’armes, bien le vos
porriez torner a pris et a honor ». A ce respont li chevalier e dit: « Biaux sire,
certes, ge ne dis vilenie ne de l’un ne de l’autre, mes volez vos orendroit estre
le roi Hoël e defendre ceste damoisele encontre moi, e par force d’armes? Ore
sachés qe se vos fussiez le roi Hoël, qi assez est prodo(89b)me, e no mie, par
10 Deu, des mellors dou monde, si seroit il ore mestiera a cestui point qe vos
de ceste damoisele feissiezb change envers moi5 ou qe vos encontre moi6 la
defendissiez; encontre le Moroholz voiremant ne me prendroie ge mie volan-
tiers por fere cestui change, mes encontre le roi Hoël, qi assez est bon cheva-
lier, l’oseroie ge bien emprendre,7 si m’aït Dex, coment q’il m’en deust ave-
15 nir. »8
218. Quan li rois ot de lui1 parler, tout li cuer li mue e li change: iriez est
duremant; li cerviaux li muet en la teste. E por ce q’il sentoit de soi q’il estoit
bon chevalier e fort,2 respont il: « Ore, sire chevalier, qant vos volez qe ge soie
216. 4 e omis.
5 o. non p.
6 voiremant omis.
7 c. aucunement (oubli de la barre de nasalisation) a celuy point.
217. 1 Morholz.
2 p. vous ne seriés si osé ne hardy d.
3 p. qu’a.
4 s. au r. H. vous tolliés s.
5 ch. encontre m.
6 encontre moi omis.
7 b. entreprandre.
8 a. ou bien ou mal.
en leu dou roi Hoël por defendre cest change, e ge m’i met, non mie qe ge me
5 deusse metre ou renc3 de si prodome cum est cellui, mes ge m’i ofre por ce qe
vos en renc de li me meistes, e4 vos fas asavoir qe cestui change ne voill ge
mie, ainz le voil bien encontre vos defendre par force d’armes. − Voir, ce5 dit
li chevalier, de ce sui ge mout liez: plus6 me plest qe ge l’aie par ma proesce
qe par vostre otroiemant; huimés poom nos bien encomencier les jostes entre
10 nos deus puis qe nostre qerele ne se puet autremant departir ».
219. Quant 1 li rois Hoël voit q’il est a ce venus q’il ne puet 2 honoreemant refu-
ser ceste emprise ou le chevalier le met − ce volantiers li refusast orendroit por
les paroles qe li Bons Chevalier sans Peor en avoit dites −, si se met il a bandon
einsint en ceste folie: « Certes, fet il, dan chevalier, puis qe ge voi qe vos estes
5 si outregeus qe por la moie chose meesmes me metés en batalle et en estrif e
ge croi qe autremant ne me puis de vos departir, e ge m’i met; or vos gardez
huimés de moi, qe ge vos abatrai, se ge puis. − En non Dé, fet li chevalier, se
ge ne me gart, il n’i avra nul qi plus i perde de moi! » Aprés icestui parlemant,
il n’i font nul autre delaiemant, ans s’apareille chasqun d’els de la joste e de
10 la batalle. E qant il sunt prest de movoir, li chevalier s’areste e dit: « Seigors
chevaliers, g’en voudroie qe vos vos meissiez encontre moi, se ge avoie ceste
qerele (89c) menee a fin, ne ne voudroie mie qe vos aprés vos vouxissiez com-
batre a moi. Ge voill, s’il vos plest, qe vos encontre cestui seul chevalier me
leissiez chevir de3 cest fet ». Et il dient q’il sunt tuit 4 appareillié de ceste chose;
15 ja5 encontre lui por ceste qerele ne se metrunt a ceste fois.
218. 3 m. au r.
4 v. me mistes au renc et.
5 Voire c.
6 l. et p.
220. a se omis.
b Ms. mie vos: ordre des mots erroné.
220. 1 73d, Rubr., COMMENT HERVY DE RIVEL JOUSTA AU ROY HOEL, ET L’ABATIT MOULT
FELONNEUSEMENT, ET DU COP QU’IL LUY DONNA LUY FIT UNE GRANT PLAYE EN MY
LE PIS, ET COMMENT HERVY DE RIVEL BAILLA SA DESLOYALLE DAMOISELLE A BRE-
HUS ET LUY FIT PRANDRE MALGRE LUY. Elle est suivie, au f ° 74a, d’une miniature assez
mal conservée qui doit en apporter l’illustration.
2 Quant: grande initiale.
3 q. tost e.: col. extérieure et mutilée 74a.
4 tout le grant chemin omis.
5 le ch.
6 ch. nue qu’a.
7 n. occasion d.
8 l. convenant q.
9 pourrions mie.
10 q. je p.
ou mortelmant ferus. − Non11 est, fet li Bon Chevalier, il est estordiz del dur
cheoir q’il prist contre terre e por ce est il estounés. »12
221. La ou il parloient en tel mainiere del roi Hoël, li chevalier qi cele joste
avoit (89d) acomplie s’en vient a droit a la damoisele q’il avoit conqise en tel
mainiere e li dit:1 « Damoisele, vos estes moie, qar enver le chevalier qi vos
condusoit vos ai ge conqise par force d’armes ». Cele, qi trop duremant plore,2
5 qar trop par3 est desconfortee, ne set q’ele doie respondre. E li chevalier s’en
vint a Brehuz e li dit: « Sire chevalier, ge ne sai qi vos estes, mes por ce qe ge
ai ceste4 damoisele conqise qe ge voill por moi retenir e la moie autre damoi-
sele ne voudroie leissier5 sans conduit, ge la vos doing par tel eur qe aussint
grant joie vos en doint b Desx cum il a fet adés6 a moi ». A ceste parole respont
10 Brehuz e dit: « Sire, fet Brehuz, tantes bontés nos avez7 conté de vostre damoi-
sele qe ge voill qe ele vos remaigne ou8 toutes ses bontés. Ge ne la voil, ge sui
tout encombrez de conduire moi seul par les passatges de cest païs; e ge,
coment porroie conduire damoisele? en moie foi, ge la refus outreemant.9 − En
non Deu, fet li chevalier, il est mestier qe vos lac pregniés, qar sanz conduit ne
15 la voill ge leissier mie. Ge voilh qe vos sachiez par ceste damoisele qantes
vilenies e qantes hontes a celui qi fame conduit.10 − Dan chevalier, ce dit Bre-
huz, tout est noiant, qant que vos dites. Ore11 sachiez qe ge ne voill la damoi-
221. 1 dist.
2 ploroit.
3 par omis.
4 a. oy c.
5 v. je l.
6 adés omis.
7 tant de bontés avés.
8 v. demoure o.
9 e ge … outreemant omis.
10 mie … conduit omis.
11 tout … Ore omis.
sele, a touz deables12 la comant; tantes merveilles nos avés13 contees oren-
droit 14 qe solemant le veoir m’anuie.15 − Ore sachiez, fet li chevalier, q’il est
20 mestier qe vos la pregniez ou ge vos pramet loiaumant qe ge feroie16 de vos
cum ge ai fet de cel chevalier la. Coment? deable!17 fet Brehuz, me volez vos
donc fere force de ce qe ge ne voill vostre damoisele? En non Deu, ançois me
combatroie ge a vos qe ge la preisse por moi. − Par mon chief, fet li chevalier,
donc estes vos orendroit 18 venus a la meslee; or vos gardés huimés de moi,
25 qe19 ged vos metrai a la terre, se ge onqes puis ».20
222. De cest estrif, de1 ces paroles se sorrit le Bon Chevalier trop duremant,
qar orendroit voit e conoist qe Brehuz a peor e doute, ne ce2 n’estoit pas grant
merveille; il voit tout apertemant qe li chevalier estoit bien fort e rroides estra-
gemant e trop bien ferant de lance, por ce ne set il a celui point q’il doie fere:
5 s’il se prent a lui de joster, il li est bien avis sanz faille q’il en avra la peior
part; (90a) si roide le set e si fort q’ill i avroit tost tel geu q’il ne voudroit. Por
ce dist 3 il a soi meesmes q’encontre sa volanté li vient a il mieuz4 q’il praigne
la damoisele q’il encontre5 li se combate. La ou il pensoit en tel guise sor cellui
afeire, li chevalier se fu ja tout 6 appareillié de la joste e por ce vait il criant a
10 Brehuz tant cum il puet: « Gardez vos de moi! Dan chevalier, puis qe vos ma
damoisele refusez, il est mestier, se Dex me saut, qe ge vos mostre maintenant
coment ge sai ferir de lance ». Brehuz ne set q’il doie dire qant il se vet en tel
221. 12 t. les d.
13 tant de m. m’en a.
14 orendroit omis.
15 m’en ennuye.
16 feray.
17 deables.
18 orendroit omis.
19 qe omis.
20 p. tout orendroit.
222. 1 e. et d.
2 d. et c.
3 a. le pire trop durement Et pour c. dit.
4 q. contre s. v. l. vault m.
5 que e.
6 s. mua t.
barate: se7 il vait refusant la joste, li Bons Chevalier sanz Peor conoistroit q’il
parb peor8 la leisse e l’en ira gabant ore mais; se9 il s’abandone10 a la joste, il
15 conoist la force del chevalier11 si grant qe d’un sol cop, par avanture, l’ocira il
ou l’abatra si cruelmant qe a pieça mes n’avra pooir d’aler ne de chevauchier;
por ce li vint il mielz, ce dit, q’il 12 preigne la damoisele. Ore l’en aviegne ce qe
avenir l’en porra; e se il ne s’en set c delivrer, et assez tost, donc ne fu il onqes
Brehuz!
223.1 Lors crie au chevalier qi sor li voloit venir au ferir des esperons: « Sire
chevalier, arrestez vos! soufrez vos tant a qe ge n’é2 parlé a vos! − En non Dé,
fet li chevalier, non ferai, ge ne qier vostre3 parlemant: ou vos prendroiz ma
damoisele tout maintenant, ou vos vos defendez de moi! − Sire chevalier, fet
5 Brehuz, puis qe ge voi qe autre fin ne autre pes ge ne puis envers vos trover,
ge4 voill prendre la damoisele, donés la moi; e savez en qel garde vos la metez?
vos donez la berbiz au lop por garder.5 Si m’aït Dex, cum onqes, au jor de ma
vie, ge n’amai dame ne damoisele plus de deus jors ou plus de trois!6 − En non
Dé, fet li chevalier, ensint doit chasqun prodome fere. Ore sachiez qe ja si petit
10 n’ameroiz ceste damoisele q’ele ne vos aint encore moins; e se vos deshonor7
li fetes, mes qe mains ne metez en lui, bien8 vos rendra le guirardon et assez
223. 1 74d, Rubr., COMMENT BREHUS SANS PITIE NE[…] A HERVY DE RIVEL QUI LE ROY
HOEL[…] ET COMMENT IL PRINT SA DESLOYALLE DA[MOISELLE].
2 n’é omis.
3 n. demande v.
4 q. autre[…]ne p. avoir e. v. je.
5 l. a. g.
6 deus ou [trois?] jours.
7 si deshonneur.
8 f. sans (?) mettre moins sur elle b.
tost, se ge onqes conui son sens.9 − Sire chevalier, fet Brehuz, ore leissiez sor
moi cestui fet. Ge m’en garderai, se ge puis; qant vos tant b m’en avez acontés,
petit 10 savroie se ge ne m’en pooie garder ».
224. Li chevalier n’i atent plus, qant il entent la response de Brehuz, ainz s’en
vient tout droitemant a1 la damoisele e la prent par le poing e li dit: « Ma
damoisele, (90b) ore m’aqit ge de ma pramesse, qar ge me dellivre de vos; en
maint perill, en mant gran fet m’avez ja mis por ce qe a mort me meissiez; mes
5 la2 Deu merci, toutes voies ge sui eschapés de vos mains sains e haitiez. Ge
vos doing a cest chevalier; s’il n’a meillor joie de vos qe ge ai eu, il n’avra pas
trop grant joie. Onqes, certe, ne fustes liee por qe vos me veissiez sains. Sire
chevalier, fet il a Brehuz, se Dex vos doint bone avanture e joie de vostre cors,
dites moi cument vos avez non. − Si m’aït Dex, fet Breüz, qant vos mon non
10 volez savoir, ge3 le vos dirai. Oïstes vos onqes parler de Brehuz sainz Pitié? −
En non Deu, fet cil, oïl, alqun mout conte de li4 q’il set bien doner la reison
des dames e des damoisele:5 il les devore cum fet li lous les agniaus. Estes vos
ce? − Oïl, certes, ce dit Brehuz,6 ge sui voiremant celui de cui ces7 nouvelles
vos sunt contees. − En non Deu, fet li chevalier, vos soiez li tres bien venus!
15 Ore8 sachiez qe ge sui mout liez qant ma damoisele qe ge tant amoie est venue
en si bone garde. Tant i a voiremant qe a ce livrer qe ge vos fas de lui, vos9 me
creanteroiz10 loiaumant cum chevalier qe vos mal ne li feroiz de son cors. −
Certes, fet Brehuz, ge le vos creant. − Enqore me creanteroiz, fet li chevalier,
qe vos ne leisseroiz sa compeignie, se force d’armes ne le vos fet fere. − Tout
20 cen vos creant ge bien, fet Brehuz. − Ore11 la tenez », fet li chevalier, e Brehuz
la prent. Lors parole le chevalier au Bon Chevalier sainz Peor e li dit: « Sire
chevalier, avez vos veu ceste assemblee qe ge ai fete? ore sachiez qe onqes mes
gent ne s’entreconvindrent 12 si bien, qar se l’un est mauvés e13 l’autre plus,14
bien poez a cestui point dire qe l’un deable conduit l’autre ».
225. Li Bons Chevalier s’en rit trop duremant de ces paroles; mes d’autre part,
il est iriez et espoentés duremant dou roi Hoël qi enqore gisoit a la terre, navrez
si duremant qe enqore n’avoit il pooir de soi relever. « Biaux sire chevalier, fet
li chevalier qi la damoisele avoit donee1 a Brehuz, volez vos ici demorer ou
5 chevaucher avant? − Certes, fet li Bon Chevalier, avant qe nos chevauchom,
voudroie ge volantiers veoir coment le fet cestui chevalier qe vos avez2 abatu:
nos avom peor e doutance q’il ne soit mortelmant navrez. − Non est, ce dit li
chevalier, il cheï tout (90c) a un fes a la terre e pesanment, e3 por ce est il
enqore estordis. Ge endroit moi ne puis ici plus4 demorer, a chevaucher
10 m’estuet avant, e5 por ce vos comant ge a Deu ». Aprés6 redit a Brehuz: « Bre-
huz, ore avez7 damoisele; si bone joie vos en8 aviegne cum ele a fet adés9 a
moi »! E qant il a dit ceste parole, il s’en vet outre q’il n’i fet 10 autre demorance.11
226. Atant 1 s’en vet li chevalier et en amoine2 la damoisele q’il avoit toloite3
au roi Hoël par force4 d’armes. Li autres, qi remés estoient 5 enmi chemin, des-
224. 12 n. s’assemblerent.
13 e omis.
14 l’a. l’est encores p.
225. 1 d. m’a. d.
2 v. l’a.
3 e. dist l. ch. mais i. cheut pesamment (?) a terre et.
4 plus icy.
5 ch. avant me convient et.
6 Aprés: commencement du deuxième fragment conservé de M.; le premier tiers du f °
2a−b a été rogné.
7 B. B. vous a. T.
8 en omis T.
9 adés omis T.
10 ne f. M.
11 d. ainsi comme je vous compte T.
cendent por veoir coment li rois Hoël 6 se sent. Li Bons Chevalier, qi mout en
est 7 corrociez en son cuer, li oste le hiaume de la teste, e cil revient adés de8
5 l’estordisson e ovre les elsz e se drece en son seant.9 « Sire, ce dit 10 li Bon
Chevalier, coment vos sentez vos? − Sire,11 fet il, navrez me sent; e neporqant,
il ne m’est pas avis qe ge aie12 mal por qoi g’en leisse a chevaucher.13 De grant
force est li chevalier qi si duremant me feri; mes ou est il qant nel 14 voi?15 −
Sire, fet li Bon Chevalier, alez s’en est; il s’en vet celui16 grant chemin. − Ha!
10 las, fet li rois Hoël, cum il m’est ici mescheu17 vileinemant,18 qant ge ai perdu
en tel mainiere ma19 damoisele qe ge tant amoie e por qoi ge m’estoie20 tant
travalliez! E21 dire puis tout certeinemant qe ge sui morz; ceste dolor me fera
le cuer crever. Onqes mes a nul chevalier de mon afere ne mescheï si fieremant
cum il m’est ici mescheoit. »22
227.1 Lia rois, qi tant est corrouciez qu’a pou qe li2 cuer ne li part, por ce q’il
sen bien3 e conoist q’il aloit mout del sanc4 perdant, se fet il adonc desarmer
227. 1 T, 75c, Rubr., COMMENT LE ROY HOEL EST MOULT DOULENT D’AVOIR PERDU SA
DAMOISELLE ET COMMENT LE BON CHEVALIER PRINT CONGE DE LUY APRES QU’IL
LUI OT DIT LE NOM DE HERVY DE RIVEL (deux derniers mots dans la marge intérieure).
2 a petit le.
3 i. set b. M.
4 de s. T.
au plus hastivemant q’il onqes5 puet e puis fet bender6 sa plaie au7 miels qe
cil le savoient feire.8 Qant il l’unt ensint atorné q’i li9 est bien avis q’il peust
5 huimés bien chevaucher sans grant domage, il remonte sor son cheval feisant
un duel si merveilleus qe nus nel veist adonc10 qi ne deist qe voiremant estoit
il corrouciez11 outre mesure. Il est si duremant navrez q’il ne puet pas orendroit
chevauchier12 si aspremant cum il vodroit, e ce est ce qi plus le fet dolant e
triste; qar s’il peust tost 13 chevaucher e celui chevalier ataindre qi ceste honte
10 li a feite, il se sent a tel chevalier qe enqore revenjast il sa14 (90d) honte, ce li
est bien avis. Mes ce qe a rremanoir le15 convient aprés les autres e chevauchier
le petit pas li crieve le cuer de dolor. Qant li Bons Chevalier conoist qe li rois
est a ce menés q’il 16 ne porra fere jornee, qe17 a rremaindre le covendra18 a tout
le premier recet q’il 19 troverunt, por ce q’il ne puet fere demore ne ci20 ne alhors
15 dusq’il 21 soit venus la ou misire Lac estoit emprisonez, qar celui voudroit 22 ja23
avoir delivrés e mout li targe q’il 24 soit dusqe la venusb, por ce dit 25 il au roi:
« Sire, ore sachez veraiement qe de vostre corrouz me poise;26 e por ce qe a27
chevaucher nos estuet plus hastivement qe vos ne porriez venir a cestui28
228. En tel mainiere se departent:1 li Bons Chevalier s’en vait avant entre li e
Brehuz, e s’esforcent de chevaucher por l’autre chevalier ataindre; mes cil, qi
devant s’en aloit et avoit pris l’avantage de la voie, chevauchea si2 esforcee-
mant entre lui e sa compeignie qe cil ne le pooient 3 ataindre. En tel guise
5 chevauche le chevalier e tant q’il vint pres d’Eschalone. E lors encontra il un4
227. 29 vous [c…] une ch.: le haut du f ° 2b abîmé, cf. § 225.10 (var. 6) M.
30 puisse T.
31 m. dittes l. T.
32 la devant omis T.
33 v. et q. me navr[a] si c. T.
34 Bons omis M.
35 Logres plus M.
36 Et puis que T.
37 n. je ne v. M.
38 recommande T.
39 il omis M.
40 car il me convient avant ch. T.
41 vos omis M.
vielh home monté sor un grant cheval qi li dist: « Sire chevalier, n’estes vos
chevalier errant? − Oïl, fet il, mes por qoi le demandez vos? − Por ce, fet il, qe
ge vos lou5 qe vos leissiez cestui chemin; se vos plus le volez tenir e vos venez
en cele cité, leienz vos morroiz (91a) ou vos i seroiz6 emprisonez, qar nul cheva-
10 lier errant n’i vint orendroit qi ne so[it]b mort ou emprisonez maintenant. Si7
vos ai dit ceste parole por ce qe vos vos en gardez. − De ce qe vos m’avez dit,
biaux sire, fet li chevalier, vos merci ge; ge8 sai bien qe ge en ai a feire ». Si
s’en vet outre maintenant, mes por parole qe cil li ait dite ne leisse il le suen
chemin,9 ains s’en vait dusq’a la cité tout droitemant. Mes atant leisse ore li10
15 contes a parler de li e retorne au Bon Chevalier sans Peor11 et a Brehuz por
conter de lors avantures.12
VI
229.1 Ora dit li contes qe li Bons Chevalier s’esforce de chevaucher aprés l’autre
chevalier; mout li pesera s’il ne l’ataint avant q’il viegne a la cité, qar asb nou-
velles q’il avoient oïes dire qe2 cil de leienz arestoient 3 touz les chevaliers
228. 5 je loe T.
6 [o]u (col. extérieure et mutilée 76a) vous serés T.
7 e. incontinant S. T.
8 s. je vous mercie dit le chevalier je T.
9 l. i. l. son ch. l. point son ch. T.
10 ore li omis T.
11 sans Peor omis T.
12 c. une des a. M.
229. a Or: initiale à miniature très endommagée: un chevalier se trouve aux portes d’une cité,
des créneaux de laquelle il est observé par deux personnages armés.
b Ms. qar les nouvelles (+ T ), corr. d’après M.
229. 1 T, 76a, Rubr., COMMENT LE BON CHEVALIER SANS PAO[UR] ET BREHUS SANS PITIE
ARRIVERENT A LA CITE D’ESCALOINE OU HERVY DE RIVEL FAISOIT MERVEILLES
D’ARMES ET COMMENT LE BON [CHEVALIER] LES MIT TOUS EN FUITE ET A DESCONFI-
TURE (elle est précédée d’une miniature qui montre Hervi résistant à plusieurs adver-
saires).
2 a. entendue de ce q. M.
3 aresteroient M.
errant, il set veraiemant c q’il aresteront cestui. Por ce q’il 4 est chevalier de
5 haute proece garni, verroit il volantiers la proeve encontre cels5 de la cité e por
ce se haste il de chevaucher, e tant chevauche il en6 tel mainiere qe de la cité
aproche e q’il vient pres des murs et il voit adonc les murs touz chargiez d’omes
e de fames qi crioient a merveilles, e disoient li auqant: « Dex, cum se proeve
fieremant le chevalier7 estrange! » « Breüz, fet li Bons Chevalier, qe dites vos
10 de ces nouveles? − Qe g’en di, sire? fet Breüz,8 ore sachiez tout veraiemant qe
li chevalier, qe hui abati le roi Hoël,9 einsint cum vos veistes, a encomencié la
meslee encontre cels de leienz; n’entendez vos qe cil de leienz dient: « Fiere-
mant se proeve10 le chevalier estranged? − Dex, fet li Bon11 Chevalier, ou puet
estre ceste bataille12 qe nos ne veom orendroit un13 chevalier ne autre armé? −
15 Sire, fet Brehuz,14 sachez q’ele est a cele porte, la devant; e devant e la porte a
un petit val, por ce ne le poom15 nos veoir. − Vos dites verités »,16 fet li Bons
Chevalier sans Peor.17
230. Lora 1 se torne vers2 ses escuiers: « Donez3 moi mon escu e mon gleive ».
E cil 4 (91b) li aportent. « Descovré, fet il, mon escu; ja a maint jor q’il ne fu
231. 1 Q[u]an[t]: les trois premières lignes du f ° 76c ont été endommagées T.
2 s’en s. M.
3 d. encommencier ouvraingne M [fa]ire ouvrage T.
4 l. cors d. M.
5 au vancel omis T.
6 c. l. ou e. l. bataille M T.
7 et cruelle quant c. M.
8 a nul ch. T.
9 e. et c. M.
10 dusqua a. M.
11 v. outre l. M.
12 ja omis T.
mestier ne li fust, il hurte cheval des esperons e s’adrece vers els13 e crie tant
cum il puet: « Vil gent, faillie e recreant, leissiez le chevalier!14 Certes, tuit estes
10 mors! » Et 15 a celle parole q’il disoit, il fiert un d’els si roidemant qe voille cil
ou ne voille, si lic fet 16 voidier les arçons amdeus17 e le porte del cheval a terre.
Breüz,18 qi aprés li venoit, en abati19 un autre maintenant. Qant li chevaliers
de la cité, qi sor le chevalier estoient 20 aresté21 e prendre le voloient voient
cestui secors, il sunt si22 duremant esbaï q’il ne sevent q’il doient dire. Mes
15 aprés, qant il s’aperçoivent de l’escu d’argent et il le vont reconoissant, il n’i a
nul d’els qi n’ait toute peor de mort, qar il sevent qe cil qi23 le porte est le Bon
Chevalier sanz Peor. La veue de l’escu seulemant les a mortelmant espoentez;
il n’i a nul d’els qui24 l’ost veoir apertemant, ainz se vont 25 reculhant arrieres
e crient les uns aus autres: « Fuiez, fuiez! veez le Chevalier sans Peor qi avan-
20 ture a ore aporté26 entre27 nos; ce est celui qi ja nos hosta28 (91c) de la
mort ».
232.1 Quant ceste parole est espandue entr’els et il ont dit: « Ce est li Bons
Chevalier sans Peor », il n’i a2 celui qi atende l’autre, ainz s’en fuient 3 tout
232. 1 T, 76c, Rubr., COMMENT HERVY DE RIVEL RECONGNUT LE BON CHEVALIER SANS
PAOUR PAR SON ESCU D’ARGENT QU’IL AVOIT AUTREFFOIS VEU ET DE LA JOYE QU’ILZ
S’ENTREFIRENT.
2 a répété T.
3 fuint M.
233. 1 faisoient T.
2 g. feste c. M.
3 I. ot osté M.
4 e s’en vient au Bon Chevalier omis M.
5 s. bien soiez vous venus L. M.
234. La1 ou il parloient entr’els en tel mainiere, il oent 2 dedenz la mastre forte-
rece de la cité un cor soner mout hautemant. Li Bon3 Chevalier4 demande au
chevalier de leienz: « Cest cor, por qoi est il a sonés? − Sire, por ce qe tuit cil de
leienz s’asemblent orendroit devant la mastre forterece, aussint lé povre cum
233. 6 v. li f. M.
7 offre T.
8 franchisie M.
9 poroient M pourroit T.
10 m. le feroit et T.
11 t. ilz v. r. et premier l. s. T.
12 aprés omis T.
13 q. par vostre franchise (franchisie M) vous veigniés h. T.
14 c. est v. M.
15 cité aussi T.
16 p. et comandez c. M.
17 Moult de m. T.
18 et quant de c. m. quierrent c. M.
19 s. pas c. M.
20 n. en celle belle cité T.
5 lé rriche, et il font ceste assemblee encontre vos por vos recevoir si honoree-
mant cum il le deivent fere: orendroit sevent il comunelmant 5 par la cité qe
vos estes ici devant e por ce s’apareillent tuit de feire encontre vos joie e feste ».
La ou li chevaliers parloient en tel mainiere, il voient oissir chevaliers de lei-
ens, uns et autres, montez trop bel e trop cointemant;6 li sires de leienz venoit
10 devant touz les autres. E la ou il voit le Bon Chevalier sans Peor q’il reconois-
soit tout plainemant a l’escu q’il portoit, si li encline e le salue e li dit qe bien
soit il venuz, e cil 7 li rent son salu au plus bel q’il le set fere. Grant est la joie
e grant est la feste q’il font tuit. Il ne remaint en8 la cité chevalier ne dame ne
damoisele qui soit de pris ne de valor qi ne viegne fors, encontre sa venue; e
15 se porofrent 9 tuit a son servise, et il lé prent et oste son hiaume por ce qe10 tuit
le voient apertemant. « Sire, fet li sires au Bon Chevalier, il est huimés tart;
bien seroit tens, s’il 11 vos plesoit, qe nos rentrissom12 en la cité. − Desirez vos
mout, fet li bon Chevalier, qe ge i entre? − Oïl, certes, fet li sires; si13 m’aït Dex,
il n’a ore en tout le monde le cors d’un14 seul chevalier de cui15 venue ge fuisse
20 outreemant si liez cum ge sui de vos. Ge me recort bien e recorderai toute ma
vie de la grant bonté qe vos feistes a moi et a ceus de ceste cité. − En non
Deu,16 fet li Bon Chevalier, se vos volez qe ge leienz entre, il est mestier qe vos
delivrez tout errament les chevaliers qe vos tenez en vostre prison; autremant
n’i voil ge entrer, se vos ne me creantez qe vos orendroit les17 delivreroiz. − En
25 non Deu, fet li sires, se vos plus fort chose qe n’est ceste me comandiez, si le
feroie ge errament; fet est puis qe vos le volez; chevauchez avant asseur, qe ge
les vos rendrai maintenant touz delivrés ».18
234. 5 a. pour honneur de vous et p. recepvoir vous le plus honnorablement qu’ilz l. pour-
ront f. et comme ilz doivent orendroit car ilz scevent c.
6 montés […] it bien et tant c.
7 v. et il.
8 n. demoure e.
9 se offrent.
10 h. affin q.
11 s. tant s. i.
12 entrissons.
13 seigneur […]si.
14 monde ung.
15 Après d. qui un mot illisible.
16 n. de D.
17 q. maintenant l.
18 r. tout maintenant delivrés.
235.1 Lors s’en entrent en la cité q’il n’i font (92a) autre demorance; et a l’entrer
q’il font leienz peussiez oïr touz ceaus de la cité qi crient: « Bien viegne li Bon
Chevalier »! Qant il oï ceste grant loenge, il en est dolanz a merveilles: il vouxist
mielz2 q’il en feissent assez3 meins q’il ne font. A si grant feste, a si grant joie
5 cum ge vos ai ici conté reçoivent cil de la cité le Bon Chevalier sans Peor e le
moinent herbergier a la4 mestre forterece. Qant il est ilec descenduz entre lui
e sa compeignie qar Hervis de Rivel 5 ot il 6 fet avec lui venir − celui ne vouxist
il mie volantiers leissier arrieres lui por la bone chevalerie qu’il sentoit en li −
qant il sunt devant la porte descendus, assez troevent qi les ameine el mastre7
10 paleis. Au Bon Chevalier desarmer se metent tuit li plus vaillant;8 cil qi puet
metre la main a lui servir, si9 se tient a benauré. Tout maintenant q’il l’orent
entr’els desarmé, il dit 10 au seignor de leienz: « Ge vos apel del covenant qe
nos avom entre nos e vos, ce est des prisons11 delivrer. − Sire, fet il, qant il vos
plest, e ge le feraia tout maintenant ». Lors mande por les chevaliers qi em
15 prison estoient leienz; un des plus gentils homes dou chastel les12 vet qerre. E
qant il est ilec venuz il lor dit:13 « Seignors chevaliers qi prison estoiez,14 ge vos
aport bones novelles. Ore sachiez tout veraiemant qe vos estes delivrez.15 − Ha!
sire Dex, dient il, qi est cil qi delivres nos a? − En non Dé, fet li chevalier de
leienz, cil vos a delivré qi maintes merveilles a feites par force de chevalerie,
20 ce est li Bon Chevalier sans Peor qi osté vos a de prison. − Coment, fet missire
Lac, donc est il ceianz, li16 Bons Chevalier sans Peor? − Enqore i est il, fet cil,17
e par lui estes vos delivré e non par autre. E venez18 leienz, si le porroiz veoir,
qar ceste grant feste q’il font orendroit tout 19 comunemant est por lui e non
par autre. Se li sires de Soroloys, qi nostre seignor liges est, fust ore entre nos
25 descenduz, nos ne fussom autant joiant de sa venue cum nos somes de ce qe
entre nos est venus le Bon Chevalier sanz Peor ».
236. 1 77d, Rubr., COMMENT MESSIRE LAC ET DEUX AUTRES CHEVALIERS FURENT MIS
HORS DE PRISON ET DE LA GRANT FESTE QUE MESSIRE LAC ET LE BON CHEVALIER
S`ENTREFIRENT (elle est précédée, au f ° 77c, d’une miniature qui doit l’illustrer).
2 Lors: grande initiale.
3 v. au p.
4 tout omis.
5 tous.
6 l. venir a.
7 s. vous soyés le bien venu Q.
8 l. et j.
9 herbergiez omis.
10 grant est omis.
11 qu[e]: col. extérieure et mutilée 77d.
12 bons omis.
qant il se sunt en tel guise entretrovés,13 il sunt mout liez de ceste chose. La
joie est si grant par laienz, e d’uns e d’autres, q’il n’i a ne un ne autre qi n’b
entende ore a14 autre chose fors a faire joie e feste. Les chevaliers, qi de la
prison sunt delivrez, mercient le Bon Chevalier sans Peor de ceste bonté q’i lor
15 a faite; jamés, ce lor est avis, ne fussent delivrés,15 se Dex ne l’eut amené a
cestui point. Qant 16 il se sunt leienz assis devant un grant feu enmi le paleis,
messire Lac demande au Bon Chevalier sans Peor: « Sire, se Dex vos doint bone
avanture, qele avanture vos a aporté a cestui point en ceste contree? − Sire, fet
il, bone avanture e cele qi assés me plest; bone avanture sans doutance, qar
20 ge ai trouvé a cestui point ce qe ge aloie qerant; sire, ore sachiez qe ge n’aloie
cerchant mais vos, ge qeroie vos seulemant e trouvé vos ai, Deu merci. − E de
moi, qui vos dist nouveles? fet messire Lac. Coment saviez vos qe ge estoie en
cestui païs? − Ge le savoie bien, fet li Bons Chevalier sans Peor; ja a plusors
jors qe ge savoie vostre venue. E sachiez, sire, qe ge fui mout dolans e mout
25 corrociez17 qant il me fu contez qe vos estiez enprisonez ceienz; e ce fu une
chose por qoi ge me sui hastez auqes de chevaucher. − Por Deu, qi vos dist
nouveles de moi? Coment seustes vos qe ge estoie venuz el roiaume18 de
Logres? − Certes, sire, fet li Bons Chevalier sans Peor, ge le vos conterai. Vos
sovient il d’un chevalier a cui vos preistes compeignie et a cui vos melastes19
30 por ce q’il disoit qe li rois Meliadus estoit mellor chevalier qe ge n’estoie e le
navrestes delez une fonteigne? − Oïl, fet messire Lac, de ce me sovient mout 20
bien. − Ore sachez, fet li Chevalier21 sans Peor, qe cil me dist teles enseignes
de vos qe ge soi adonc tout veraiemant qe vos estiez venuz en vos parties22 e
qe vos es(92c)tiez cil qi navré l’avoit. Ge me mis tout maintenant a23 la voie por
35 aler ver la cité de Camaalot,24 qar cele part vos qidoie ge25 bien trouver; mes
236. b n’omis.
puis me dist qe veraiemant savoit il qe26 vos estiez tornez en ces parties e qe
vos portiez armes noires entre vos e Yvains27 as Blanches Mains, e me dist
l’achoison por28 qoi vos aviez voz armes changiees e por qele besoigne vos
veniez en Soroloys. Tout ce me dist e por ce me mis ge aprés vos a la voie, qar
40 ge fesoie bien reison en moi meesmes qe as enseignes q’il m’avoit dites ge vos
i trouveroie, ja tele part ne chevaucheriez; si m’en est si bien avenu de ceste
qeste, la merci de Deu,29 qe trouvé vos ai. − En non Dé, fet messire Lac, ge doi
mielz estre liez de ceste troveure qe vos ne devez, qar ge en sui delivrés de tel
prison ou il me covenist longemant demorer, se avanture ne vos eust si tost
45 aporté ceste part. − Or me dites, messire Lac, fet li Bons Chevalier, coment vos
sentez vos? − Coment? la Deu merci, ge me sent bien; il m’est avis qe ge n’ai
mal qant ge me voi délivré. E neporqant, a la verité dire, navrez soi duremant;
grant peor ai e grant doutance qe ge ne puisse fere la bataille ou ge me doi
metre por le peres Yvains as Blanches Mains. − Ne vos chaut,30 fet li Bon Che-
50 valier, ge la ferai por vos; onqes de31 ce ne vos esmaiez, qar ge sui tout sainz
de mes membres, la merci de Deu. − Sire, fet messire Lac, ore sachez tout
veraiemant qe se ge la peusse fere aisiemant c, ge la feisse trop volantiers; mes
puis qe vos prendre la volez, ge la vos leissarai, car plus seuremant la bailleraid
ge a32 vos qe a moie meesmes. Mes ore me dites: qi sunt cist chevalier qi avec
55 vos sunt venuz? − Sire, fet il, ce sunt dui chevaliers errant qi assez sunt pro-
domes des armes; mes voiremant li uns est trop meillor chevalier qe n’est 33 li
autres. Cil de la » − si le mostre34 Hervis de Rivel − « est prodome des armes
duremant, celui poés vos seuremant tenirf por un des bon chevaliers qe ge
sache ore, et est trop bien ferant de lance; cest autre de35 sa est assez bon
60 chevalier e hardi mes la soe bonté ne la soe valor36 ne se prent mie a la bonté
de37 l’autre: trop vaut mielz li uns qe li autres de bonté de38 chevalerie. − Or
me dites, sire, fet misire Lac, e de celui chevalier a cui vos donés si grant pris
de chevalerie, veistes vos ore nulle proece de lui? − Oïl, si m’aït (92d) Dex, fet
li Bons Chevalier, ge vi hui en cest jor un mot bel cop q’il fist, e d’un autre bon
65 chevalier; e certes, ge ne qidasse q’il le peust feire si bien cum il le fist adonc ».
E lor li comença a conter coment il avoit desconfit le roi Hoël par un seul cop
e tolue39 li avoit sa damoisele. Aprés li conte mot a mot coment il fist a Brehuz
prendre la damoisele, vouxist ou ne vouxist; e Brehuz ne la voloit mie, e si la
prist,40 vouxist ou non! « De qel 41 Brehuz me parlez vos? fet messire Lac; me
70 parlez42 vos d’un Brehuz dont tantes gens43 vont parlant e44 disant mal? Onqes
mes en toute ma vie ge n’oï parler de chevalier dont l’en feist tantes complain-
tes45 cum l’en fet 46 de lui; non mie en un seul leu, mes pres q’en touz les leus47
ou ge ai chevauché, puis qe ge ving48 el roiaume de Logres a ceste fois. − De
celui meesmes Brehuz vos paroil 49 ge, fet li Bons Chevalier50 sans Peor; cil
75 prist la damoisele, vouxist ou ne vouxist; enqore51 poez vos veoir la damoisele
e lui meesmes », si li mostre. Aprés li mostre la damoisele qe li rois Hoël condu-
soit e q’il perdi. « Sire, ce dit 52 messire Lac, se Dex53 me doint bone avanture,
icestui fu un bel conte, e ge l’eusse volantiers veu, icestui fet, tout einsint cum
il avint ».54
236. 36 b. et valour.
37 a celle d.
38 b. et d.
39 tolut.
40 Après … la prist omis.
41 Duquel.
42 L. ne p.
43 tant de g.
44 parlant e omis.
45 ch. de quoy on f. tant de c.
46 on f.
47 mais en tous lieux.
48 que vins.
49 parlay.
50 fait Chevalier.
51 o. non e.
52 dist.
53 comme D.
54 a. alors.
237. Einsint tiegnent lor parlement 1 de ceste chose une grant piece. E la ou il
parloient entr’els en tel mainierea fu crié errament: « A laver, seignors chival-
lers! » E q’en diroie? de fere honor e servise au Bon Chevalier sans Peor se
peinent tuit cil de leiens tant cum il poent: qi plus li puet fere servise, e2 plus
5 se tient a benauré; tuit li servent e tuit l’onorent. Et il lor dist: « Seignors, ne
me fetes ceste honor, mes a cest prodome la fetes! » − si lor mostre3 monseignor
Lac −, « qe ge vos di, fet il, q’il est tel 4 chevalier qe l’en li doit feire plus honor
e plus servize5 qe a moi ». E li uns d’els respont adonc: « Sire, a vos qe nos
conoissom e qe6 nos feistes ja tant, cum nos alom enqore recordant, feissom
10 nos ce qe nos devom; a cest seignor ferom nos servise e bonté tant cum
nos7porrom, puis qe vos comandé le nos avés ».8
237. 1 t. le p.
2 e omis.
3 monstra.
4 e. bien t.
5 d’onneur et de s.
6 Après et que un mot illisible; est-ce ja? (col. extérieure et mutilée 78d).
7 no[us].
8 a. sans faille nulle.
238. 1 au t.
2 R. avec s.
3 B. o l.
4 a merveilles et.
5 et celle l.
6 adonc omis.
239.1 Quant Brehuz ot ceste parole, s’il ne fust adonc2 en la compeignie del
Bon Chevalier sans Peor, il ne fust adonc trop bien asseur. E li sires de leiens
qi le regarde e qui adonc le vait reconoissant, qar autre foiz l’avoit ja veu, li
dit:3 « Soiez asseurez, n’aiez peor de parole qe l’en4 vos die; or sachiez qe vos
5 n’avez garde a ceste fois de nul home de cest chastel: vos venistes en la com-
peignie de tel por amor a cui nosa vos ferom amor e cortoisie de toz noz pooir.5
Mes ce vos fas ge bien savoir: se por l’amor de lui ne fust, vos i peussiez6 bien
recevoir chose qe vos ne vouxissiez; mes ore vos est tout pardoné a7 cestui
point por l’amor de8 cestui prodome, e ge comant a la damoisele q’ele ne vos
10 tiegne plus parlemant, ne de vostre cortoisie ne de vostre fellenie ». E cele s’en
test maintenant; si fet Brehuz: mout li chaut pou de qant qe cil vont 9 disant
pus q’il est asseurez; mes il dit bien a soi meesmes qe, puis qe les damoiseles
sunt si acostumees10 de dire li vilenie en qel qe leu q’il viegne q’eles ne li dient
238. 7 p. de d. a. e. s. et de f. q. a n.
8 et que je.
9 v. le r.
10 mais omis.
239. a Ms. por a cui amor n., mais un signe semble indiquer l’interversion des mots.
239. 1 78d, Rubr., COMMENT BREHUS SANS PITIE S’EN AMOURA DE SA DESLOYALLE
DAMOISELLE.
2 [a]dont: col. extérieure et mutilée 79a.
3 dist.
4 qu’on.
5 t. que p. amour de luy on v. fera honneur et c. d. tout nostre p.
6 pour amour d. l. n. f. v. en p.
7 m. tout vous est pardonné a.
8 p. honeur d.
9 d. ce qu’ilz v.
10 d. estoient tant a.
onqes autre chose se honte non, ja11 plus tost ne sera partis del Bon Chevalier
15 sanz Peor q’il ne tro(93b)vera damoisele a cui il puisse feire honte e lait q’il ne
le face maintenant; jamés ne li fera honor, si li aït Dex, qar eles li funt toutes
voies toute la honte12 qe elesb puent; e por ce se revengera, s’il onqes puet.13
A ce pense e puis regarde sa damoisele e la voit tant bele riens14 de toutes
choses e tant avenant q’il met son cuer en lui amer. Or l’aime assez plus q’il
20 n’ama onqes dame ne damoisele; onqes mes ne sot qe fu amor: se il ama, ce
fu a gas, mes ore aime il sans doutance de tout son cuer. El cuer,15 qi plus est
dur qe pierre et ou pitié n’entra onqes se trop pou non, est orendroit entré
amor si fieremant q’il aime ceste damoisele de16 tout son cuer, ne por parole
qe li chevalier li ait dite ne velt il leissier cele amor; si se merveille en soi
25 meesmes dont tel penser li est venuz q’il a en amor son cuer mis, ce q’il ne
mist onqes mes.17 Ore se tient a fol, ore a sage. Orendroit se blasme, ore s’en
loe, or18 est en tant divers pensier q’il ne set qel consell il peusse19 prendre ne
metre. E neporqant au derrein,20 qant il ac assés estivé encontre21 amors,
aferme il e dit e jure q’il ceste damoisele veut amer des22 or mais si loiaumant
30 qe jamés d’amor ne li faussera, s’ele avant ne li fausoit. Se li chevalier lad
blasma, s’il li dit honte e vilenie, il 23 ne l’en chaut, il met arrieres dos tel 24
blasme; ele est tam bele e tant plaisant e tant ressemble vaillant chose q’il ne
li est pas avis qe jamés fasse vilenie.
239. b qe eles: le scribe a dabord écrit qel, puis il a exponctué l’ l et ajouté eles.
c a omis.
d la omis.
240.1 En tel guise est Brehuz li foux dou tout entrés en la follie, orendroit aime
de tout son cuer cele qui mortelmant le het. Qant ele set qe ce est Brehuz sans
Pitié, dont touz li mondes vet disant mal e qi tant het les damoiseles, ele dit
en son cuer meesmes qe, se ele onqes vient en leu ou il li puisse fere vergoigne,
5 don ne set ele riens se ele ne li fait honte e vergoigne avant q’ele se parte de
lui. Einsint pense li uns vers l’autre diversemant: Brehuz li foux, li assoutez,
aime orendroit la damoisele de tout son cuer, trop li velt grant bien duremant;
cele le het si mortelmant qe de ses deus mains le voudroit avoir ocis. E nepor-
qant, por la peor q’ele a de lui li mostre ele bel semblant; ele pense a unes,
10 mes ele dit autres: mout li est li cuers esloigniez e (93c) des paroles qe ele dit
e del semblant qe ele fet. Einsint avint a celui tens qe Brehuz ama par amors
si loiaumant, si finemant cum chevalier porroit 2 amer onqes en toute sa vie; il
n’ama autant damoisele cum il fist cele, ne onqes mes en tout son aage ne fu
si duremant haïs cum il fu de cele. Einsint vet de force d’amors: celui, qi onqes
15 mes n’ama fors par eschar, aime orendroit de tout son cuer et est del tout si
deceuz q’il qide bien veraiemant qe cele l’aimt sans fauseté. Einsint corrent
diversemant, qar cil l’aime de tout son cuer, e cele le het mortelmant; ele vou-
droit mout volantiers q’il fust ocis, mout l’ameroit plus mort qe vif.
240. 1 79b, Rubr., COMMENT BREHUS EST PLUS AMOUREUX DE SA DAMOISELLE QUE NE
FUT ONCQUES CHEVALIER DE DAME, ET SA DAMOISELLE LE HET MORTELLEMENT.
2 pouoit.
241. 1 79b, Rubr., COMMENT MESSIRE LAC DEMANDE AU SEIGNEUR DE LEANS POURQUOY
CEULX DE LA CITE FONT SI GRANT FESTE AU BON CHEVALIER SANS PAOUR.
2 mangoient.
3 advis répété après est.
4 t. a l.
5 d. coste l.
6 d. vient.
7 joie e omis.
10 mie merveilles; e certes,8 il n’en font une tant cum il deussent feire, qi regarde-
roit a la grant bonté q’il fist ja a ceste9 cité et a cels de leiens, ne enqore n’a
mie grant tens qe ce fu. − Se Dex vos doint bone avanture, sire, fet messire
Lac, ore me dites qele bonté fu cele q’il 10 vos fist dont vos vos loez tant e si
duremant, qar ceste est 11 une chose qe ge orroie trop volantiers. − En non Deu,
15 fet li sires de leienz, qant vos ne le savez e vos le volez savoir, e12 ge le vos
conterai orendroit;13 or escoutez ». E maintenant comence14 son conte15 en tel
mainiere.
242.1 « Enqore n’a mie mout grant tens qe pres de ci, ça devant, en une mon-
taigne qe vos porroiz demain veoir se vos cele part chevauchiez, avoit un che-
valier de grant afeire, si preuz des armes duremant q’en toute la seignorie dou
roiaume2 (93d) de Soroloys il n’avoit un seul chevalier qi encontre lui s’osast
5 metre cors a cors a force d’armes. Qe vos diroie? tant fist li chevalier par sa
proece q’il n’ot en toute ceste contree q’il 3 ne meist en sa subjection e qi ne li
rendist 4 triuagea fors seulemant cils de ceste cité. Qant il vit qe nos ne li
volioms estre obeissant e subjet aussint cum estoient li autre de ceste contree,
il comença errament guerre sus nos5 si malemant e si cruelle q’il ne trouvoit
10 home de ceienz fors des murs q’il ne meist errament ab mort o en prison. Tant
fist par sa chevalerie li chevalier dont ge vos cont qe le premier an mist il bien
a mort deus cenz les meillors homes de ceianz. E qe vos diroie? tex nos6 atorna
242. 1 79d, Rubr. COMMENT LE SEIGNEUR DE LA CITE COMPTE A MESSIRE LAC L’ACHOI-
SON POU[R] QUOY ILZ FAISOIENT SI GRANT FESTE AU BON CHEVALIER SANS PAOUR
ET DU GRANT SERVAGE DONT IL LES OSTA.
2 dou roiaume omis.
3 c. c. chose q. i.
4 n. le r.
5 g. sur n.
6 tellement nous.
par sa force qe nos n’estiom mes hardis7 d’issir fors de ceste cité, qe mainte-
nant qe8 nos issiom, estiom pris. Qant nos veimes qe nos ne peumes a lui durer
15 e qe trop duremant nos avoit domagié, nos9 eumes conseil entre nos et au
derrein nos acordames a ce qe, puis qe nos nel poioms fere autremant,10 nos
nos metriom dou tot en sa merci et en sa manoie. E nos le feimes einsint e puis
li feimes asavoir.11
244. A celui point q’il demoroient en tel dolor en ceste cité, atant e vos par la1
nostre bone avanture qe li Bons Chevalier sanz2 Peor vint en ceste cité e her-
berja ches un mout gentil home qi avoit adonc a fille toute la3 plus bele damoi-
sele qe l’en seust en ceste contree. E q’en diroie ge? tant ert 4 bele damoisele
5 qe por la5 grant biauté de lui la venoient veoir tug cil de ceste contree; e de
cele damoisele estoit adonc avenu en tel mainiere q’il estoit mestier e besoigne6
qe en celui triuage fust donee avec les autres damoiseles a celui qi le triuage
devoit recevoir. E ce estoit une chose qe cil de ceste cité aloient trop duremant
planhent; plus estoient dolant por cele damoisele seulemant qe por toute
10 l’autre perte q’il fesoient adonc.
245. 1 Q[uant]: ni § ni alinéa dans le ms.; les trois premières lignes du f ° 80b ont été endom-
magées.
2 l. la cause d.
3 c. la c.
4 riens omis.
5 mie omis.
6 et il r. que nennil.
7 cil omis.
roit ore8 sanz faille nul chevalier qi contre li s’osast combatre cors ab cors: E
15 neporqant, la covenance si est tele entre nos qe se nos poiom par auqune avan-
ture trouver en cest païs auqun chevalier qi meillor fust de chevalerie e qi
llen peust pover cors a cors e mener le dus(94b)qe outrance,9 nos seriom tout
maintenant delivré de cest triuage. Mes ce10 qe vaut? cestui confort ne11 nos
vaut ne mal ne bien: ge sai de voir qe nos ne porriom trouver nul meillor cheva-
20 lier de lui, e por ce ne vaut a cestui point de parler de ceste avanture; qant Dex
voudra, osté serom de cest triuage. »12
246. Quant li sires ot parlé en1 tel mainiere, li Bons Chevalier sanz Peor li
respondi tout errament e dist: « Biaux sire hoste, ge sui un chevalier errant qi
en maintes besoignes me2 sui ja3 esprovés; e sachiez qe por4 ce qe ge voi qe
cestui triuage qe vos rendez ne vient pas de reison mes de force, e ceste grant
5 vergoigne qi vos en est faite ne devroit nul prodome sofrir qi amender le peust
por Deu e por frachise, sui orendroit tout 5 apparelliez qe ge mete mon cors
encontre celui chevalier, qi q’il 6 soit, por mostrer li7 par force d’armes qe cist
triuage q’il vait demandant vos ne li devez rendre ». A ceste parole respondi li
ostes e dit: « Certes, bel sire, ge croi bien qe vos en aiez la volanté, mes ge ne
10 croi mie qe vos en eussiez le pooir, qar vos ne ressemblez mie chevalier qi par
force d’armes peust son cors defendre encontre celui. Qar puis q’il vos avroit
mené a outrance, adonc nos seroit il pis q’il 8 ne nos fet orendroit; e por ce
m’en remantrai ge de feire le9 savoir a cels de ceste cité, qar il ne vos metroient
pas en ceste qerele, ce sai ge10 tout certeinemant ». Qant il ot dite ceste parole,
246. 1 o. respondu e.
2 b. je m.
3 ja omis.
4 [pour]: les quatre premières lignes du f ° 80c ont été abîmées.
5 tout omis.
6 ch. quel q. i.
7 luy monstrer.
8 s. i. plus q. i.
9 c. je me remettray a le faire.
10 ge omis.
15 li Bons Chevalier sans Peor li dit adonc:11 « Ore, biaux hostes, itant me dites:
cil bon chevalier dont vos me parlez, qant doit il venir qerre le triuatge dont
vos estes si esmaiez? − Sire, demein, autor hore12 de prime vendra devant
ceste13 cité, appareilliez de toutes armes, a grant compeignie de chevaliers,
mes tuit li autre seront desarmez; il seul ira d’armes garniz, tug li autre irunt
20 desarmez fors qe d’espees. Se a celui point venoit voiremant auquns chevaliers
qi contre lui s’osast combatre, e por ceste gerelea le peust metre au desoz par
force d’armes, adonc seriom nos delivré e franchi14 del servage q’il demande;
mes autremant ne poom avoir15 la franchisse. − Biaux hostes, fet li Bons Cheva-
lier, assez m’en avez dit; ore meis n’en voill ge plus savoir ».
247. Einsint remest 1 cil parlemant; li Bon Chevalier sanz Peor n’en parla plus
celui soir, ainz se tuit leienz q’il ne se fist (94c) adonc conoistre leienz autre-
mant 2 qe conté vos ai. A l’endemain,3 qant il ot oï messe, il se fist armer; et a
celui point comença la dolor par la cité assez gregnor q’ele n’avoit devant esté,
5 qar adonc prenoit l’en les4 damoisiaus e les damoiseles qe l’en devoit mener
la fors5 e doner a celui chevalier por aqiter le triuage; e li chevalier estoit ja
devant la porte de la cité et atendoit ilec qe li triuage li fust rendus. A cele
noise et a cel cri qe cil de la cité feisoient, li Bons Chevalier sans Peor s’en oissi
fors de la cité, appareillé de toutes armes. E la ou il vit celui qi le triuage
10 demandoit, il n’i fist 6 autre demorance, ainz le desfia maintenant e dist q’il se
voloit contre lui combatre por delivrer le triuage q’il demandoit a ceste cité.7
Qant cil oï ceste novelle, il devint auqes esbaïz, qar il ne qidast mie q’en toute
ceste contree eust un chevalier qi contre lui osast prendre son escu,8 e lors
246. 11 l. respondit a.
12 d. entour h.
13 v. en c.
14 afranchis.
15 p. nous a.
mant le22 savoient. Ceste bonté qe ge vos ai dite e ceste grant franchise nos fist
40 ja par sa23 grant cortoisie li Bon Chevalier sans Peor, qar il nos osta de cel
servage cum24 ge vos ai conté. E ce est ce25 por qoi cil de ceste cité sunt si
duremant liez de26 sa venue; si vos ai ore mon conte finé en tel mainiere. − Si
m’aït Dex, fet messire Lac, iceste fu une bele avanture et un bel cop; mes maint
plus bel cop qe cestui ne fu a il ja fet em plusors leus.27 E se Dex me doint
45 bone avanture, ge ne vouxisse por grant chose qe ge n’eusse oï cestui conte
qar assés est bel ».
248.1 Einsint parlant entr’els les uns d’une chose e les autres d’autre, en tel
mainieire demorerent tant el paleiz2 q’il est ore de couchier. Li lit furent fet e
bel 3 e rriche. Li chevaliers s’alerent coucher, qi lassés4 e travailliez estoient de
chevaucher e de porter les armes, chasqun en sa chambre par soi. Brehuz se
5 couche avec s’amie; qant il la tient, avis li est q’il soit segnor de tout le monde;
onqes mes ne fu foux naïs cum5 il est ore: bien tost en petit de tens li a amor
tolu le sens; il aime cele qi voudroit q’il eust la teste trenchee. Qant ele le voit
et ele le vet regardant et ele set qe ce est Breüz, qi si volantiers fet vergoigne e
deshonor as damoiseles, tart li est q’ele voie l’ore qe ele li ait porchaciee mort;
10 et ele li porchacera tost, se ele onqes puet, ce dit ele bien a soi meesmes. E
neporqant, por ce q’ele a peor e doute qe Brehuz ne l’ocie avant, li mostre ele
tel semblant cum6 se ele l’amast de tout son cuer. Qant il voit celui bel sem-
blant e cele bele chiere qe cele damoisele li fesoit, ce est une chose dont il est
joiant a merveilles; ore est plus liez q’il ne selt,7 qar bien qide (95a) veraiament
247. 22 c’e. celuy s. doubte qui c. b.n.a. f. le Bon Chevalier sans Paour Et n. le sceumes par
autres depuis q.vrayement l.
23 j. pour s.
24 c. s. ou nous estions c.
25 ce omis.
26 d. joyeulx d.
27 mes … leus omis.
248. 1 81b, Rubr., COMMENT LES QUATRE CHEVALIERS: MESSIRE LAC, LE BON CHEVALIER
SANS PAOUR, HERVY DE RIVEL ET BREHUS SANS PITIE FURENT CELUI SOIR LOIGES
LEANS.
2 t. au p.
3 fais beaulx.
4 c. car las.
5 f. si folz comme.
6 t. semble c.
7 souloit.
15 q’ele l’aint de tout son cuer, mes l’afere vet autrement:8 ele dit un, mes ele
pense toute autre chose. En9 tel soulaz et en tel joie demore la nuit ou s’amie
Brehuz li foux.10
249. A l’endemain,1 auqes maitin, se lieve li Bons Chevalier sans Peor, cil qi
rois estoit d’Estrangorre; e por ce q’il a volanté de chevaucher, demande il ses
armes qar ja se voudroit 2 estre mis3 a la voie. E l’en li aporte errament. Messire
Lac se fesoit ja autressint armer e tuit li autre compeignon. De cest grant
5 besoing q’il voelent si tost chevaucher n’est mie Brehuz trop joiant; bien
vouxist demorer en chambre tout le jor avec sa damoisele. Mes puis q’il voit
q’il n’i puet faire demorea, il demande ses armes; armez est tost e montez isne-
lemant, qar ligier estoit sans doutance. Tuit cil de la cité estoient ja appareilliez
por convoier les; mout lor pesoit chieremant de ce q’il s’en departoient 4 si tost,
10 qar bien vouxissent tuit qe li Bons Chevalier sans Peor i demorast loing tens.
Puis qe li chevaliers errant se sunt armezb de lor armes, il n’i funt 5 autre demo-
rance, ainceis se metent a la voie e chevauchent par la cité tant q’il s’en6 sunt
fors oissus. Et il orent chevauchié dusqe vers une7 forest qi assez8 est pres de
la cité. « Seignors chevaliers, fet li Bons Chevalier9 a ceaus de la cité, assez nos
15 avez convoié huimés; lé vos mercis, retornez ». E cil retornent 10 qant il voient
sa volanté e molt c le comandent a Deu, et il els autressint et en tel mainiere se
departent: cil de leienz s’en11 retornent a lor cité,12 e li chevaliers errant, qi
249. 1 Au l.
2 j. il v.
3 mis omis.
4 s’e. partoient.
5 ne f.
6 s’en omis.
7 issis E. i. eurent ch. jusques a. u.
8 assez omis.
9 Ch. sans Paour.
10 l. c. huy mes nous avés assés convoyés (invers.) retournés Ilz r.
11 s’en d. c. d. l. et s. e.
12 a la c.
250.1 Li chevalier s’en comence2 a sorrire, qant il enten ceste response; grant
joie a en soi meesmes: ore voit il bien qe Breüz est afolez. « Brehuz », fet Her-
vis − e ce lia dit por gaber3 e por oïr q’il 4 respondra −, « qant einsint est qe tant
vos plest ma damoisele, ge sai de voir qe vos i avez autre bonté trouvee qe ge
5 n’i trouvai5 qant ele fu en ma compeignie. E puis q’ele est tant amendee entre
vos mainz q’ele est devenue cortoise e tornee a valor, ge sui celui qe plus ne
la vos leisserai, ore mais la voill ge por moi avoir; rendez la6 moi tout erramant
e prenez cele qe ge maine! » Brehuz, qi bien qide de voir qe cil 7 li die a certes
cele parole, respont dolanz e corrouciez, qar cestui change ne feist il volantier
10 a cestui point: « Vassal, fet il, se Dex me saut, cestui parlemant ne me plest;
249. 13 dedens.
14 f. se s.
15 dist Brehus […] dirois je ainsi v.: col. extéreure et mutilée 81d.
16 donnastes l’a.
17 b. vrayement n. remaindra q. je ne l.
18 ore omis.
250. 1 81d, Rubr., COMMENT LE BON CHEVALIER ET SES COMPAIGNONS SE VONT MOULT
SOULASSANT DE BREHUS QUI TANT AYME SA DAMOISELLE QUI TANT LE HET.
2 se c.
3 dist p. le gaber.
4 p. veoir q. i.
5 ne t.
6 a. baillés l.
7 v. qu’il.
250.1 Li chevalier s’en comence2 a sorrire, qant il enten ceste response; grant
joie a en soi meesmes: ore voit il bien qe Breüz est afolez. « Brehuz », fet Her-
vis − e ce lia dit por gaber3 e por oïr q’il 4 respondra −, « qant einsint est qe tant
vos plest ma damoisele, ge sai de voir qe vos i avez autre bonté trouvee qe ge
5 n’i trouvai5 qant ele fu en ma compeignie. E puis q’ele est tant amendee entre
vos mainz q’ele est devenue cortoise e tornee a valor, ge sui celui qe plus ne
la vos leisserai, ore mais la voill ge por moi avoir; rendez la6 moi tout erramant
e prenez cele qe ge maine! » Brehuz, qi bien qide de voir qe cil 7 li die a certes
cele parole, respont dolanz e corrouciez, qar cestui change ne feist il volantier
10 a cestui point: « Vassal, fet il, se Dex me saut, cestui parlemant ne me plest;
249. 13 dedens.
14 f. se s.
15 dist Brehus […] dirois je ainsi v.: col. extéreure et mutilée 81d.
16 donnastes l’a.
17 b. vrayement n. remaindra q. je ne l.
18 ore omis.
250. 1 81d, Rubr., COMMENT LE BON CHEVALIER ET SES COMPAIGNONS SE VONT MOULT
SOULASSANT DE BREHUS QUI TANT AYME SA DAMOISELLE QUI TANT LE HET.
2 se c.
3 dist p. le gaber.
4 p. veoir q. i.
5 ne t.
6 a. baillés l.
7 v. qu’il.
250. 8 m. demore.
9 v. je ch. pour riens du monde.
251. 1 entend.
2 a rire.
3 se dist.
4 donc omis.
5 Cer[te]s: col. extérieure et mutilée 82a.
6 e. toy n.
7 a. preudoms ch.
8 ge omis.
9 B. fait l.
10 s. entreprins a.
11 ore omis.
12 la omis.
252.1 Quant li chevalier voit ceste chose, il s’areste e comense a rrire mout fort
e dit 2 tout en riant: « Fol! musart! dit il a Brehuz, qides tu ore, se Dex te saut,
qe ge a certes me vouxisse combatre a toi,3 e por ceste damoisele? Dex me gart
de ceste folie! Par Sainte Crois, ja escu ne metrai a col 4 por lui conqerre; e se
5 vos bien la me vouxissieza doner, si la refuseroie ge. Dex5 me gart de plus avoir
la! ge ne la voill; ce seulemant qe ge la voi si m’anuie fort ». De cestui pleit se
soulacent li chevaliers e se deduient fortment entr’els e tuit se rrient de Brehuz.
E chevauchent tant par la forest qi grant estoit q’il sunt venuz a une crois, la
ou il avoit .III. voies. La noif i estoit remese, si qe les voies apparoient tout
10 cleremant. Hervis qi chevauchoit devant, qant il est venuz a la crois et il voit
les trois voies, il s’areste tout errament. « Seignors, fet il, qe ferom nos? ci a
trois voies; se nos volom entre nos chevaucher cum chevaliers errant, ici nos
estuet departir6 e prendre chascun son chemin ou deus a deus ensemble ».
Qant li Chevalier sans Peor entent ceste parole, il respont: « En non Deu, ore
15 parlastes vos en guise de chevalier aventureusb e bien mostrastes a cestui point
qe voiremant estes chevalier7 errant. E nos einsint le feisom,8 se ci fussent
tantes voies9 cum nos somes chevaliers ci; nos10 somes assez plus chevaliers
qe ci ne sunt voies,11 e por ce devom nos garder12 qe nos ferom ». Hervis respont
a cele parole e dit a chasqun: « Chasqunc sed mete a la voie qi miels li pleira! »
20 E maintenant se met en une des voies et ele estoit deforse, a13 destre. E qant il
252. 1 82a, Rubr., COMMENT HERVY DE RIVEL SE DEPART DU BON CHEVALIER SANS
PAOUR POUR ALER PARFAIRE UNG SIEN AFFERE ET METTRE A FIN.
2 dist.
3 contre toy.
4 au c.
5 reffuseroye Dieu.
6 n. convient d.
7 e. vous ch.
8 ferons.
9 fust tant de v.
10 s. de ch. et n.
11 p. de ch. qu’il n’y a icy de v.
12 devons regarder.
13 et celle estoit de dehors a.
s’est mis14 en cele voie, il dit 15 au Bon Chevalier sans Peor: « Sire, ore sachez
qe vos estes un des homes dou monde a cui ge tenisse plus volantiers compei-
gnie; mes por ce qe ge ai afeire ceste partie deça16 ou ge me sui mis, ne autre
chemins ne17 puis tenir a ceste foiz, vos de cestuif departimant qe ge fas ore de
25 vos ne me sachez mau gré, qe bien18 sachiez qe ge trop volantiers compeignie
vos tenisse, se19 ge peusse. Mes ge ne puis ore, qar alhors me covient aler,
voille ou ne voille. − Certes,20 biaux sire, fet (95d) li Bons Chevalier sans Peor,
ore sachez qe de vostre compeignie fusse ge bien autant liez cum vos estes de
la moie, s’il fust einsint qe nos peussom chevaucherg ensemble. Mes puis qe
30 ensint est avenuz qe a departir nos estuet,21 e plus tost qe ge meesmes ne
vouxisse, Dex le set, ge vos comant a Nostre Seignor, q’i vos conduie a sauve-
mant. E a cest departemant qe nos fessom, si vos22 pramet qe ge sui vostre
chevalier e vostre ami ou qe ge soie. − Certes, biaux sire, fet li autres, autel 23
vos di ge de moi; mes avant qe ge me parte de vos, itant h me dites, s’il vos
35 plest, qidiezi vos estre a ceste grant feste de Noël, a ceste grant cort qe li rois
Artus tendra a Qanpecorretin de la24 Forest? − Por qoi le demandez vos? fet li
Bons Chevalier. − Certes, fet cil, ge25 le vos dirai. Ge vois en une moie besoigne
ou il me cunvien aler por feire une bataille a un chevalier; e Dex le set, ge26
ne sai enqore qi cil est.27 Mes tant vos di ge bien qe maintenant qe ge avrai ma
40 bataille fornie, se avanture m’en leisse sauvemant partir,28 se ge qidoie qe ge29
a cele cort vos seusse trouver, ore sachez qe ge aprés ma bataille me hasteroie
tant de chevaucher qe ge seroie a cele cort, e plus por amor de vo qe por autre
chose. Qar si30 veraiemant m’aït Dex, ge ne sai orendroit nul chevalier el
monde avec cui ge sejornasse si volantiers cum ge feroie avec vos; e por ce vos
45 ai ge dite ceste parole. − Ore sachiez, fet li Chevalier31 sans Peor, qe ge a la
cort de Qanpercorretin32 serai, se ge onqes puis ». En tel mainiere se departent.
Li dui chevaliers de la meison le roi Artus qi emprisonez furent avec monsei-
gnor Lac, qant il entendent certeinemant qe li rois Artus doit tenir a cest Noël
sa cort a Qanpercorretin33 de la Forest, dient j qe cele part s’en volent aller: il
50 lor targe mout 34 duremant q’il fussent ja venuz en la meison de lor seignor.
Mes atant leisse ore35 li contes a parler d’els e retorne au Bon Chevalier sans
Peor et a sa compeignie.
VII
253.1 Ora2 dit li contes qe li Bons Chevalier chevauche a tel compeignie cum
ge vos ai dit, soulaçant e deduiant 3 des paroles de Brehuz, qar de4 (96a) tant
cum il vont blasmant la damoisele, de tant s’aloit b plus Brehuzc […] e greignor5
bien en dit e reconoist bien q’il aime par amors et amera, si cum il qide, toute
5 sa vie. « Damoisele, fet li Bons Chevalier sans Peor, qe dites vos de ces paroles?
253. a Or dit li: initiale peinte en or et en couleur (O); lettres suivantes, capitales ornées.
b Ms. s’aloie.
c après Brehuz, le ms. doit comporter une lacune que T ne permet pas de combler.
253. 1 82d, Rubr., CY PARLE DU BON CHEVALIER SANS PAOUR (elle est suivie d’une minia-
ture: quatre chevaliers escortent une demoiselle).
2 Or: grande initiale.
3 e deduiant omis.
4 B. et d.
5 s’alere p. B. en g.
qidiez vos qe Brehuz die ceste chose de bon cuer? » E cele6 qi assés savoit
respont: « Certes, biaux sire, ge ne sai; e neporqant, ge li di bien, e devant vos
meesmes, qe s’il m’aloit decevant par ses paroles,7 l’en li porroit bien atorner
a fellenie et a traïson, qar ge sui une damoisele sains aide e sans socors; li
10 chevalier qi de moi trahir se peneroit feroit bien trop grant fellenie. Ne sai s’il
m’aime ou s’i me het, mes ge li fas bien assavoir, ce ne8 sai ge q’il m’en avein-
dra, qe onqes jor de ma vie ge n’amai tant chevalier cum ge aim li. − Damoi-
sele, ce dit Brehuz, se vos m’amez, vos avez9 droit, qe si voiremant m’aït Dex,
ce vos fas ge bien asavoir qe onqes meis n’amai tant damoisele cum ge vos
15 aim ne n’amerai par avanture toute ma vie. Gardez de la vostre partie ne faille
la vostre amor, qe devers moi ne remaindra ele mie ».10
253. 6 Et elle.
7 p. ces p.
8 a. si n.
9 [vo]us a.: col. extérieure et mutilée 83a.
10 n. faillira m. en nulle maniere du monde (écriture plus serrée).
254. 1 s’en r.
2 oï omis.
3 jusques a.
4 q. nous laissions cestuy chevaliers tiennent et prenons c. a.
5 c. la jusques l.
6 c. bon ch.
7 monstra.
(96b) 255.1 Quant Brehuz ot ceste response, il pense un pou e puis respont:
« Ma damoisele, ore sachez bien qe se vos ceste compeignie2 me fetes leissier,
ce sera bien une chose qi mout me tornera a grant annui; qar bien sachiez
veraiemant qe ge onqes mes n’oi compeignie qi tant me pleust cum fet ceste.
5 E por ce vos pri ge3 qe vos ne m’en ostez. − Sire Brehuz, fet la damoisele, q’en
diriez?4 a cestui point porrai ge tout certeinemant conoistre se vos m’amez e5
cum vos dites; se vos leissiez errament ceste voie a dextre, ge voill aler a un6
chastel por veoir celui mien parant qe ge vos ai dit. − Damoisele, ce dit Brehuz,
e7 q’en diroie? puis qe ge voi qe vostre volanté est tele qe ge leisse ceste com-
10 peignie, e ge la leis maintenant,8 doulans e iriez, bien le vos di, de ce qe vos
la me fetes leissier. Ge ne m’en qeisse partir9 enqore si tost, qar si bone compei-
gnie e si vaillant 10 cum ceste estoit ne troverai ge a piece mes ».11
256. Quant il a dite ceste parole, il se torne vers le rroi d’Estrangorre e li dit:
« Sire, vostre merci, vos me feistes vostre compeignon et en vostre compeignie
me meistes, si m’atorne a si grant honor cum ge sai. Ore de nouvel m’est
volanté venuea qe ge m’en parte e qe ge voise avec ceste damoisele. Si vos
5 comenderai a Deu a ceste foiz, e sachez tout veraiemant qe en qel qe leub qe
avanture m’aporte,1 ge sui le vostre chevalier; e certes, ge reconois bien qe ge
sui plus amendez de la vostre2 compeignie qe ge ne fusse de la compeignie de
nul autre chevalier. − Brehuz, fet li Bons Chevalier, qant vos departir vos volez,
ge vos comant 3 a Deu. Ore sachez qe se ma compeignie vos pleisoit, la vostre
256. 1 me porte.
2 de vostre.
3 v. recommande.
10 ne me despleisoit, se Dex me saut, ains me pleisoit 4 assez. Ore vos en alez, q’a
Deu vos comant ». Et aussint dient li autres chevaliers. Et en tel mainiere se
departirent. Qant il se furent departi en tel guise cum ge vos cont, Brehuz qi
s’en vet avec la damoisele chevauche tout le jor entier e tant qe la nuit aproche.
Qant il voit qe la nuit est pres e li tens est noirs5 et oscurs cum en yver, Brehuz
15 parole e dit: « Ore sachez, damoisele, qe s’il nos covient c chevaucher de nuit,
a ce qe les nuitz sunt oscures estrangemant, ce vos sera anui estran(96c)ge e
peril grant. Por ce vos lou ge6 qed, se celui chastel est loing ou nos devom
annuit herbergier, qe nos aillom a cestui chastel ça devant qe vos veez; ci por-
rom7 venir maintenant. E le maitin, qan li soleulz sera levez, porrom puis aler
20 nostre voie a celui chastel ou vos baez a venir. − Sire Brehuz, ce li dit 8 la
damoisele, n’estes vos chevalier errant? Nul chevalier ne devroit ja9 avoir peor
de chevaucher, fust de jor ou fust de nuit.10 − Damoisele, fet il, ore sachez qe
non ai ge; ge le vos disoie plus por vostre aise qe por la moie. E qant vos vos
acordez au chevaucher, e ge m’i acort; ore11 chevauchom, mes ge ai peor e
25 doutance qe vos de cestui chevaucher ne vos repentez enqore annuit. − Ore
n’aiez doute, fet la damoisele, mes pensom de l’aller ».12
257.1 Lors se remetent a la voie e leissent le chemin dou chastel q’il voient
devant els e tornent a destre un autre chemin, e tant chevauchent en tel guise
q’il lor anuie duremant.2 E sachiez qe la nuit estoit 3 a celui point si fieremant
oscure e noire qe ce estoit merveille4 de si grant oscurté; li tens est si noirs
256. c Ms. covint, corr. d’après T(convient); cf. 258a (même erreur corrigée).
d Ms. qee.
257. 1 83c, Rubr., COMMENT LA DAMOISELLE QUE BREHUS AMOIT TANT LE MAINE EN
UNG CHASTEL OU BREHUS ESTOIT HAYS MORTELLEMENT EN […] DE LE FERE MORIR.
2 qui l. anuite d.
3 n. leur e.
4 merveilles.
5 duremant qe a grant poine puent 5 il lor chemin veoir. E toutes voies che-
vauchent il avant q’il ne se reposent en nul leu. Tant ont alé e chevauché en
tel mainiere q’il lor estoit bien avis q’il pooit estre pres de celui point de6 mie
nuit. A Brehuz annuie ore meis7 celui chevaucher, mes a la damoisele non fet:8
ele velt tel mal a Brehuz qe volantiers le metroit a mort, s’ele onqes pooit; e
10 por ce le mene ele au plus droit q’ele puet la ou el li fera fere9 annui, se ele
onqes puet. Tant ont chevauché et erré en tel guise cum ge vos cont q’il vin-
drent en un chastel qi seoit en une grant plaine. Li chasteus estoit biaux e
grant e bien seant en toutes choses. Li tens estoit si formant oscur e la nuit si
duremant noire qe Brehuz qi entre el chastel nel vet de riens reconoissant. La
15 damoisele qi le het de mortel haine chevauche devant toutes voies; el chastel
entre10 si a tart cum ge vos cont. Qant il sunt dedenz le chastel entrez, Brehuz
demande a la damoisele: « Damoisele, coment a nom cist chastiaux? − Sire, fet
ele, il a nom Viegneheu ». Et il s’areste adonc espoentez duremant de ces
noveles: « En non Deu, fet il, damoisele (96d), vos m’avez malemant amené!ge
20 sui haïs ceianz trop mortelmant; se li sires de ceianz set ma venue, bien puis
dire seuremant qe ma vie est finee. − Sire, fet ele, n’aiez doute, mes soiez
asseur: nus ne savra vostrea venue; por ce ne serez reconeuz en cest chastel. −
Dex le voille! » fet il. Einsint chevauchent toutes voies; la damoisele est trop
joiant de ces nouveles q’ele a orendroit aprises: puis qe li sires de leianz est
25 enemis de Breüz, mestier est, si cum ele dit, q’ele face savoir la venue de Breüz.
Mors est Brehuz, s’ele onqes puet; s’il ne muert 11 icib, donc ne set il nul 12 mal
ne bien.
258. Quant ont 1 chevauché en ceste guise q’il viegnent pres de la mestre forte-
rece dou chastel, et il entendent qe enqor vellent il 2 lassus, e menoient grant
257. 5 peut.
6 estre a c. p. pres d.
7 ennu[ie] o. ma[is]: col. extérieure et mutilée 83d.
8 fet omis.
9 fere omis.
10 v. au ch. entrent.
11 n’en m.
12 nul omis.
258. 1 Q. ilz o.
2 e. vueullent i.
joie e grant feste. « Damoisele, ce dit Brehuz, vos qi nos avez mené en3 cest
chastel, avez vos nulle conoissance ceianz? − Oïl, fet ele, ça devant maint un
5 chevalier qi parant m’est; il sera ja mout liez de ma venue ». Einsint parlant
chevauchent tant q’il sunt venu devant une grant meison qi estoit auqes pres
de la mastre forterece. La damoisele vient a a la meison e fet tant hucher a la
porte qe cil de leianz, qi ja se dormoient, s’esveillent e li auqant vienent a la
porte4 e la ovrent e demandent a la damoisele, qi ja estoit descendue: « Qe vos
10 plest? − Nos volom leianz herbergier », fet la damoisele.5 Et il la vont adonc
reconoistre, si sont de sa venue trop joiant e trop lié e le font assavoir au sei-
gnor de leienz qi parans li estoit sans faille: cil en est liez trop duremant. Tuit
cil de la meison6 s’esveillent; tuit se lievent e tuit se vestent, e tuit sunt joiant
duremant qant il entendent la venue de la damoisele; la meison est en petit
15 d’ore si pleine de chandoiles e de tortiz qe7 l’en voit par tout leiens si duremant
cum s’il fust jor cler, e por ce q’il voient les harmes ou dos del chevalier, le
vont il desarmer e fere8 li honor e bonté tant cum il poent. Qant Breüz se voit
desarmé, sachez de voir q’il n’est pas trop bien asseur9 a ce q’il set veraiemant
q’il est el chastel 10 haïs trop mortelmant; neporqant, por ce q’il qide qe l’en11
20 ne sache sa venue e qe la damoisele ne le face leianz conoistre, s’en vet il
auqes reconfortant. Qant (97a) la damoisele le voit desarmé, ele s’en entre en
une chambre e dit 12 a un damoisel de leienz qi ses parans estoit: « Ore tost va
t’en au seignor de cest 13 chastel e si14 li di qe Brehuz sans Pitié est en cest
hostel herbergiez15. Se il ne le prent ceste nuit, il ne le porra ja mes prendre, a
25 ce q’il chevauchera demain si matin cum il porra; va tost e li di ces novelles ».
Qant b li vallet entent ceste parole, q’il avoit ja auqunes fois oï16 parler de Bre-
258. 3 a. admené e.
4 qe cil … a la porte omis (saut du même au même).
5 Nos … damoisele omis.
6 de celle m.
7 d. torches q.
8 d. a f.
9 asseuré.
10 e. au ch.
11 nonpourquant il q. que on.
12 dist.
13 cest omis.
14 si idem.
15 e. ceans h.
16 j. autreffois o.
huz, e bien savoit veraiemant qe li sires del chastel li estoit mortel enemis e
maint autres chevaliers de leianz, dit il a la damoisele qi cest comandemant li
fesoit: « Coment, fet il, damoisele, est donc Breüz, li chevalier qi ceianz est
30 herbergiez? − Oïl, fet ele, ce est il sans faille; va tost au seignor de cest chastel
e si17 li conte ces nouveles. − Dex aïe! damoisele, fet li vallet,18 coment ferai ge
cest message? coment le ferai ge prendre? ja est il 19 en nostre hostel herbergiez!
se touz li mondes le voloit prendre, si le devriom nos defendre a nostre pooir
por ce qe en nostre hostel est herbergez. E s’il est un pou anuieux e vilain, si
35 est il prodom des armes duremant; por qoi nul gentil home por traïson ne
devroit porchacier sa mort, por q’il le peust garantir. − Ge te comant, fet ele,
si chier cum tu as ton cors, qe tu faces cestui message einsint cum ge le20 t’ai
dit, qe saches tout veraiemant qe se tu ne fas savoir la venue de Brehuz au
segnor de ceste vile, tu en porras bien perde la vie. − Damoisele, puis qe ge voi
40 q’il m’estuet cestui message feire, e ge le ferai, mes ge vos pramet loiaumant
qe ge nel fas mie volantiers, ainçois le fas contre men tuer ».
259. Atant se part de leianz e tant fet q’il vient el chastel 1 e troeve le seignor
qi enqore n’estoit mie couchiez, mes couchier se voloit adonc, qar ja estoi si
tart come ge vos ai dit. E li vallet s’en vient au seignor e li conte tout mot a
mot ce qe li mande la damoisele. Qant cil entent 2 qe Brehuz est en son chastel,
5 un3 des homes del monde a cui il voloit pis, il pense un pou e puis respont au
damoisel: « Ore va, e ge en4 penserai bien; tant fetes seulemant 5 q’il ne puisse
de leianz oissir ». Li vallet s’en retorne a son hostel e conte a la damoisele la
response q’il avoit receue. Et ele est mout joiant, qar ele qide certeinemant qe
cil doie mantenant 6 venir por prendre Brehuz e p(97b)or metre le a mort, mes
10 non fet: cil, qi assez estoit nouvel chevalier e cortois duremant, dit a soi
meesmes qe Brehuz est herbergiez en son chastel;7 por ce q’il set q’il est pro-
dom des armes ne le velt il assaillir a ceste foiz por ce q’il est en son chastel,
258. 17 si omis.
18 fet li vallet omis.
19 il omis.
20 le omis.
259. 1 v. au ch.
2 Q. il e.
3 s. hostel u.
4 en omis.
5 t. fait s.
6 maintena (mot laissé incomplet).
7 s. hostel .
ainz s’en vet en la vile gesir avec un chevalier q’ele amoit par amors, e celui
autressint li. Mes bien sachent tuit qe cil chevalier n’avoit pas tant de bonté qe
nulle damoisele i deust metre son cuer ne s’entente, qar, a la verité conter, il
estoit bien le plus lait chevalier e le plus (97c) annuieux e le plus vilein, e de
10 paroles e de fet, qe l’en seust en toute la contree. Et avec ce il estoit si maveis
des armes e si cohart estrangemant qe de plus cohart ne de plus vilein ne
covendroit jamés demander. Q’en diroie? trop estoient bien assemblé entre li e
la damoisele e trop estoient covenable, qar cil estoit le peior chevalier de touz
e cele estoit de l’autre part la plus vileine damoisele e la plus annuieuse de
15 toutes choses qe l’en peust a celui tens trouver en tout le rroiaume de Soroloys.
Il mauveis4 et ele mauvese; il vilain5 et ele vilaine: trop se covienent bien
ensemble! Mes tant i avoit voiremant q’ele estoit bele duremant, e cil estoit le
plus lait chevalier de tout le monde; en ce se descordent il e non en autre
chose.
261.1 Puis q’il sunt ensemble venuz, se li uns fet joie a l’autre, nel demandez.
Il li demande maintenant coment ele estoit retornee, e cele li2 conte maintenant
coment Hervis de Rivel l’avoit donee a Brehuz sans Pitié; et en cestui chastel
estoit ele venue avec li. « Coment, fet il, damoisele, est donc Brehuz en cestui
5 chastel? Coment ot il hardemant de venir entre nos? ja set il veraiemant q’il
est ceianz haÿs plus mortelmant q’en autre leu; sor ce,3 coment hot il harde-
mant q’il entre nos se meist? − En non Deu, fet la damoisele, ge ne savoie
coment ge me pooie4 delivrer de lui, qar onqes mes ne veistes chevalier qi tant
amast en pou de tens damoisele cum il ama moi. Mes il avoit folemant son
10 cuer assis, qar il ne m’amoit tant qe ge nel haÿsse mil tant plus; e por ce qe ge
ne veoie pas coment ge le peusse metre a mort plus tost qe por amener5 en
cestui chastel, l’amenai ge ça droitemant dom il ne partira jamés, ce sai ge
bien, devant q’il sera oniz. En tel guise cum ge vos cont me sui ge vengee de
celui don les damoiseles s’aloient si duremant plaignant, qar ge l’ai mené a la
260. 4 I. est m.
5 i. est v.
261. 1 85a, Rubr., COMMENT LA DAMOISELLE QUI S’ESTOIT ROBEE DE HERVY DE RIVEL
DIST AU SEIGNEUR DU CHASTEL QUE POUR LE FAIRE MOURIR L’AVOIT ELLE ADMENE
LEANS.
2 retournee […] le luy: col. extérieure et mutilée 85a.
3 sor ce omis.
4 je m. peusse.
5 pour le a.
20 noveles. Il majue e se reconforte au mieuz q’il puet; mes qel qe semblant q’il
mostre, il est duremant desconfortez de ces noveles. Il ne set qu’il doie feire;
foïr ne15 puet en nulle guise, qar il n’a harmes ne cheval. Tant est l’afeire avant
alez e tant est leienz coneuz q’il set tout veraiemant qe s’il demandoit orendroit
ses armes, cil de leienz ne lé voudroient 16 pas doner. Onqes mes ne fu en avan-
25 ture ou il eust greignor doutance de morir q’il a orendroit a cestui pont, qar il
ne voit en nulle mainieirec cum il puisse eschaper.
263.1 Mout est Breüz pensis e mornes; ore ne set il q’il doie fere. Il mejue
dolanz e tristes; ore se vait 2 il repentant de ce q’il ne crut au3 conseill dou Bon
Chevalier sans Peor. Mes cist repantir vient a tart: il est pris, ce conoist il bien,
s’il ne s’en fuit tout a pié; e se il ce voloit bien fere, si ne puet il, qar il est trop
5 gardez de pres. A cestui point ne set il de soi conseill metre; por mort se tient
e por destruit: ce est la fin de som pensier.
(98a)a 264. Einsint 1 destroit et angoisseux cum ge vos cont demore tant Bre-
huz a la table q’il a mengié. Bien a entendu cleremant les paroles qe cil de
leienz disoient; ce est une chose qi met son cuer en grant mesaise et en grant
doute. Qant il ot mengié e la table fu levee, li sires de leienz qi bien conoissoit
5 ja qe ce estoit Brehuz, li dit: « Sire chevalier, vos ne feistes mie trop grant
senz qi en cest chastel vos meistes,2 qar bien sachiez veraiemant qe trop i avez
enemis. − Sire, ce li dit 3 Brehuz, sachiez de voir qe se ge ai tant enemis4 cum
vos dites, ce est a tort, qar ge ne l’ai pas deservi; mes einsint vet des avantures
262. 15 f. seoir n.
16 n. les luy v.
264. a Entre les f °s 97 et 98, un f ° chiffré 97 bis, portant, au recto, d’une écriture plus tardive
(XVIIIe s.) « Giron Le Vieux, chevalier de la Table Ronde, Tom. IIe. »
q’un chevalier est plus haÿs qe ne sunt maint autres, e sans deserte. − Si m’aït
10 Dex, fet li sires de leiens, por ce qe ge vos voi enqore si geune chevalier et ai
ja oï auqes parler de vostre chevalerie e de vostre proece, me poise il chiere-
mant qe vos ceste part venistes a ceste fois; ge5 vos amasse mieuz el roiaume6
de Logres qe ceianz. − Biaux hoste, fet Brehuz, ore est einsint;7 l’en ne se puet
toutes voies garder des avantures qi sunt a avenir. E neporqant, si vos avez si
15 grant pitié de moi cum vos dites, il m’est avis qe legieremant poez metre con-
seill en mon afeire tant cum ge sui en vostre hostel;8 e de ce feriez vos grant
cortoisie au mainz por ce qe avanture m’aporta en vostre hostel.9 − E qel con-
seill i puis ge metre? fet li sires; li aferes esb tant alez avant qe ge ne vos puis
mes aidier, qar10 li sires de cest chastel set bien sainz faille qe vos estes ceianz;
20 s’il ne seust c vostre venue, issi voiremant 11 m’aït Dex qe ja n’i fussiez12 encom-
brez tant cum ge delivrer vos13 peusse, mes puis q’il set qe vos estes ceianz
mis, ge ne vos porroie delivrer a ce qe ge ai ja receu comandemant de vos
garder dusq’a demain. E neporqant, itant vos fas ge bien entendant qe tant
cum vos en cest chastel seroiz, il ne metra main en vos por ce qe li chastiaux
25 est suen; mes puis qe vos en seroiz fors,14 vos gardez de li! Vos ne poez sanz
nulle faille oissir de cestui chastel qe l’en ne sache vostre oissue, qar les portes
sunt bien gardees. Ore vos alez reposerd huimés; Damedex15 par avanture
metra16 meillor conseill qe vos ne qidiez ».
265. Brehuz qi ne set mes qe1 dire, qar fieremant est desconfortez en ceste
(98b) avanture, fet au los de son hoste: coucher s’en vet en une chambre bele
264. b es oublié, ajouté dans la marge et encadré; signe de renvoi dans le texte.
c s’il ne seust répété.
d L’o de reposer est ajouté en interligne.
265. 1 s. plus q.
e cointe. Cil de leienz li orent fet biau lit e rriche cum s’il fust por le roi Artus.
Si escuier2 qi fortmant sunt espoenté si le deschaucent, mes de tant li atorne a
5 enui qe ses armes ne sunt liez li, ne les ose demander, qar bien croit,3 s’il les
demandast, q’eles li fussent contredites. Qant il s’est mis dedens son lit e si
escuier se sunt devant son lit couchié, adonc comence il a penser estrange-
mant; il ne set q’il doie feire: s’il demore en cest chastel, il sera pris au bien
matin; cil de leienz qi trop le heent le feront morir errament. Ore qe fera? ses
10 armes ne puet il avoir, cheval n’a null;4 e sor tout ce il ne puet de leienz oissir,
qar la meison est bien gardee. Il ne voit q’il puisse feire a cestui point:
perilleuse est ceste avanture! Il n’i conoist sauveté en nulle mainiere. Si des-
troiz e si angoisseuz cum ge vos cont s’en dort Brehuz en tel penser e tant dort
qe li jors repaire e biaux5 e clers. Si escuier, qi estoient a mal aise e qi la nuit
15 orent petit 6 dormi por les males nouveles qe cil de leianz avoient contees,7
s’estoient ja esveillez, grant piece avoit. E8 qant il voient qe Brehuz s’estoit
esveilliez, il le vestent et appareillent. Et il demande ses armes adonc e l’en li9
aporte; cil de leienz meesmes li apresentent e li dient qe a cestui point il seroit
bien mestier q’il fust bon chevalier, qar mout a a feire. Il ne dit mot, anceis se
20 test ne ne respont a rriens q’il 10 li dient. Il prent ses armes e se fet armer au
mieuz q’il puet. E qant il est armez, il demande son cheval e l’en11 li ameine.
E qant il est montez, il dit a son hoste: « Beaux sire hoste,12 se Dex me doint
bone avanture, ore voudroie ge volantiers qe cil de ceste vile qi me sunt si
mortel enemi cum vos contez eussent ore mis lor qerele sor le cors d’un seul
25 chevalier e sor moi par tel 13 covenant qe, se ge me14 pooie defendre de lui seul,
qe ge fusse delivrés dou tout; e s’il me pooit metre au desouz par lui seul, qe
tuit me feissent morir. Einsint voiremant m’aït Dex, biaux hostes, cum ge seroie
ja15 petit espoentez! mes qi a afeire a tel gent cum est ceste de16 cest chastel,
s’il a peor e doute, ce n’est mie trop grant merveille. − Sire Brehuz, respon li17
30 sires de leienz, (98c) qi mout fet mal, mal guerrerdon en reçoit: vos avez fet, si
cum l’en dit, maint mal a cels de cest chastel, por qoi ge qit veraiemant 18 q’il
vos feront honte e vergoigne ainz qe vos eschapez de lor mains. Ce poise moi,
Dex le set, tout veraiemant; qe se ge delivrer vos peusse, ge vos delivrasse
errament 19 por honor de chevalerie, mes ge ne puis; fetes del mielz qe vos
35 poez,20 qar secorre ne vos porroie ».
266.1 Quant il a dit ceste parole, Brehuz n’i fet 2 autre demorance, ainz s’en ist
de3 celui hostel; tant a peor e tant a doutance qe ne li sovient orendroit de sa
damoisele: bien l’a a cestui point obliee dou tout. Qant il est oissuz de leienz,
si appareilliez de4 ses armes cum s’il vouxist combatre errament, il se met en
5 la mestre rue por oissir for del chastel. E maintenant li vont criant li un e li
autre: « Certes, Brehuz, vos estes morz! Ore ne poez vos eschaper: venus estes
a vostre fin, ce est vostre derreien jor! »5 Il ne dit mot, mes escoute qanq’il
dient;6 mes sans doutance,7 fieremant est espoentez. Einsint passe par mi la
rrue q’il ne respont nul mot dou monde ne a cestui ne a cest autre. Grant e
10 petit crient sor lui: « Veez la Brehuz! » S’il n’eust peor de mort, il nes escoutast
en tel guise cum il fet, mes la grant peor q’il a si li a tolue la response; outre
s’en vet, maz e pensis; il ne set q’il doie feire. E tant s’en vet en tel mainieire q’il
vient a l’oissue dou chastel e lors troeve enmi le chemin8 bien .XL. chevaliers
apareilliez de toutes armes.
267. Tout maintenant q’il les voit, il conoist bien q’il se sunt por li arestez enmi
la voie; bien voit q’en nulle mainiere encontre tant cum cist sunt 1 il ne porroit
265. 17 B. fait l.
18 cuide bien v.
19 d. tout e.
20 porrés.
266. 1 86b, Rubr., COMMENT BREHUS SEN PITIE SE PAR DE L’OSTEL MOULT DOULENT ET
ESPOUENTE, CAR TOUS CEULX DU CHASTEL LE HUOIENT, GRANS ET PETIS, A MER-
VEILLES.
2 i. ot d. c. p. B. ne f.
3 s’e. part d.
4 e. hors d. l. ainsi prest d.
5 v. derrenier j.
6 dient omis.
7 s. doubte.
8 enmi le chemin omis.
267. 1 c. ilz s.
son cors defendre, e ce est ce qui trop le fet esbahir. Mes coment qe avenir l’en
doie, puis q’il se voit einsint sorpris, il dit bien tout apertemant q’il voudra son
5 cors defendre tant cum il porra; puis q’il est sia pres de mort et il ne puet trover
merci, il veut morir cum chevalier de valor e non mie cum recreant. Lors pres
un2 de ses escuiers e li dit: « Va t’en a ceaus chevaliers qi dela se3 sunt arres-
tez − ge sai bien qe li sires de cest chastel y est − e si4 li di teles paroles », e le
devise qeles.5
(98d) 268.1 Lia escuiers s’en part errament de Brehuz, e qant il est venuz as
chevaliers qi arestez s’estoient enmi la voie, il lor dit:2 « Segnor, ge vos pri qe
vos me fasçoiz parler au seignor de cest chastel, qe ge sai bien q’il est entre
vos ». Et il dient qe ce li feroient il bien mout 3 volantiers; si li mostrent. Et il
5 s’en vet tant tost a li e li dit: « Sire, ce vos mande Brehuz qe, puis q’il voit qe
vos estes ci arrestez por li prendre, se il vos plest qe il face entre vos cum
chevalier errant, il est apareilliez del fairre: ce voit il bien tout plainemant
q’encontre4 vos touz ne se porroit il mie defendre, qar seul est; encontre tant
chevaliers5 cum vos ici estes, qe porroit un seul chevalier fere? Fetes6 le bien,
10 ce vos mande il, e ferez cum chevalier: il est tout seul et est 7 un chevalier
errant si travailliez cum vos savez; prenez le meillor chevalier de vos touz qi
ci estes plus de .XL.; il est tout prest qeb encontre celui8 se combate. Se cil le
puet par force d’armes metre a outrance, adonc le fetes morir; e s’il de celui se
267. 2 L. parle a u.
3 q. la s.
4 si omis.
5 et il les luy devise.
268. 1 86c, Rubr., COMMENT BREHUS SANS PITIE FIT REQUERIR AU SEIGNEUR DU CHAS-
TEL QU’IL PEUST SA QUERELLE DEFFENDRE ENCONTRE LE MEILLEUR CHEVALIER
D’EULX TOUS.
2 dist.
3 mout omis.
4 t. clerement q. e.
5 t. de ch.
6 pou[rroit] faire ung seul chevalier [Fe]tes: col. extérieure et mutilée 86d.
7 mand[e…] est t. s. il e.
8 tous qui e[stes?] p. d. quarente il est tout prest que contre c.
pot delivrer, il 9 vos reqiert qe vos l’en leissoiz10 adonc passer outre qitemant.
15 Tout ice vos11 mande Brehuz, et enqore plus, qar il vos mande qe s’il ne vos
semble assez de metre un chevalier encontre lui por defendre cestui passatge,
il veut bien qe vos en i metoiz deus en tel mainiere voiremant qe li uns viegne
aprés l’autre. Mes se il de ces deus se puet delivrer par force12 d’armes, donc
veut il q’entre vos le qitoiz de toutes qereles; e se cil dui le poent metre au
20 desouz, a mort le metoiz errament qe onqes n’en aiez pitié.13 Sire, sire, ce vos
mande Brehuz; responez par14 moi ce q’il vos pleira ».15
269.1 A ceste parole respont li sires dou chastel e dit: « En non Deu, Brehuz
mostre bien qe voiremant est chevalier errant, e nos qe si grant assemblee
aviom fete por li prendre mostriom bien qe veraiemant estiom bien2 chevalier
failliz e recreant. Ore ai ge dahés se a ceste envaïe avra3 fors seulemant un des
5 noz4 chevaliers por Brehuz recevoir; e se Brehuz se puet de celui delivrer par
force d’armes, ge voill q’il s’en aut qitemant, qe ja par home qi ci soit ne sera
arrestez plus a ceste foiz ».5 Lors comence a rregarder tout entor soi por veoir
qi sera6 celui q’il (99a) mandera en ceste besoigne et il voit adonc un suen
nevou qi bien estoit tout le meillor chevalier de la place; cel chevalier estoit
10 celui q’en tout le païs n’avoit chevalier de greignor renomee. Li sires le fet venir
devant li e li dit: « Ore parra7 qe tu feras! Nos te donom a mantenir cestui estrif
encontre Brehuz; se tu Brehuz ne pues metre au desouz par force d’armes,
Brehuz, qi tant nos a mesfet cum tu sés, s’en partira tout qitemant ».8
269. 1 86d, Rubr., COMMENT LE SEIGNEUR DU CHASTEL FUT CONTENT DE CE QUE BRE-
HUS SANS PITIE LUY AVOIT FAIT REQUERIR ET OULTREEMENT LUY OCTRO[YA].
2 monstrons b. q. v. sommes b.
3 Entre ceste et avra un mot illisible commençant par ri…
4 u. de n.
5 pour ceste f.
6 s[e]ra: col. extérieure et mutilée 87a.
7 O. y p.
8 t. franchement et tout q.
270. Li chevalier respont a son oncle e dit: « Sire, ore sachiez tout veraiemant
qe cestui fet ou vos mea metez n’est mie si legiers cum vos qidiez par avanture:
Brehuz est prou1 de chevalier e puissant e sages des armes, ce sevent tuit cil
qi ci sunt; por qoi il ne seroit pas legiere chose de metre le au desouz par le
5 cors d’un seul chevalier. E neporqant, puis q’il vos plest qe ge ceste besoigne
preigne sor moi, e ge m’i met trop volantiers por acomplir vostre comande-
mant 2 coment q’il m’en doie avenir.3
271.1 Quant il a dite ceste parole, il n’i fait 2 autre demorance, ainçois se lance
enmi le champ, apareilliez de toutes armes e crie a Brehuz tant come il puet:
« Brehuz, Brehuz, ore parra3 qe vos ferez! a nos deus est ceste qerele a desre-
nier. Se4 vos de moi poez seulemant vostre cors defendre, aler vos em poez
5 adonc tout qitemant; se non, bien vos poez tenir a mort, ge le vos di bien. −
Sire chevalier, fet Brehuza, qant ge voi qe nostre qerele est si loiaumant partie
qe nos somes mis chevalier contre chevalier, huimés vet le nostre afeire bien.
Gardez vos de moi a cestui point, qe ge5 vos abatrai sainz faille, se ge onqes
puis ». Aprés cestui parlemant il n’i font nul 6 autre delaiemant, ains leisse
10 corre maintenant li uns vers l’autre tant cum il poent 7 des chevaux trere. Bre-
huz, qi bon chevalier ert e8 de grant force, fiert celui chevalier si roidemant en
son venir qe por l’escu ne por le hauberc ne remaint q’il ne li mete le fer de
son gleive par mi le cors; il l’a feru mortelmant, qe bien9 puet li chevalier dire
270. 1 a. que B. et p.
2 v. mandement.
3 coment … avenir omis.
271. a fet Brehuz oublié, rajouté dans la marge avec signe de renvoi.
271. 1 87a, Rubr. (précédée d’une miniature: Brehus, vainqueur du neveu du seigneur du
« château » que l’on voit abattu, chevauche en compagnie de sa « male » damoiselle), COM-
MENT BREHUS SANS PITIE SE DELIVRA DU GRANT PERIL OU IL ESTOIT.
2 ne f.
3 o. y p.
4 a mettre a fin S.
5 car je.
6 nul omis.
7 peurent.
8 ch. estoit et.
9 a f. par my (répété, le scribe s’étant aperçu de la répétition, il a rayé seulement le corps)
tellement et b.
271. b L’ l de Il en interligne.
c qi: l’ i est suscrit et final.
271. 10 se met o.
11 i. ot a.
12 a cestui point omis.
13 n’[es]t m.(?) de m.
14 osté Il dit.
15 s’amie omis.
16 depuis q. i.
17 Norgalles.
18 et dres l.
19 ch. afin q. i.
20 s. au ch.
21 car elle n. b.
22 c. elle faisoit a faire morir B. s.
23 delivree s’il eust peu.
272. Quant Brehuz se fu delivrez de celui pas en tel guise cum ge vos ai conté
et il se fu mis au chemin, il chevauche liez e joiant, mes mout li poise duremant
de ce q’il a en tel guise sa damoisele leissee darrieres lui; mout vouxist ore q’il
l’eust, s’il peust estre. Mes ce ne puet ore avenir, si cum il dit: ele est remese1
5 el chastel. Il en a mout le cuer dolant. Einsint chevauchea toute cele matinee
mout esforciee(99c)mant. Aprés hore2 de prime et auqes pres de tierce li3 avint
adonc q’il encontra un chevalier de la contree qi menoit avec li deus escuiers
e .IIII. levriers, ne4 ne portoit de toutes armes fors s’espee seulemant et estoit
vestuz a guise de chaceor.5 Tout maintenant q’il voit Brehuz, il conoist certei-
10 nemant qe ce est 6 chevalier errant por ce q’il chevauchoit armé;7 si le salue
auqes de loing e li dit: « Bien viegnant, sire chevalier! − E vos aiez bone avan-
ture, fet Brehuz; me savriez vos a dire nulles nouvelles? − Biaux sire, de nou-
velles ne sai ge riens,8 qar ge sui un chevalier de cest païs qi ne me muef mie9
granment de ceste contree. − Et en cest païs, fet Brehuz, veistes vosb pieça
15 chevalier10 estrange? des chevaliers errant, di ge. − Oïl, sire, fet cil. Ge11 encon-
trai orendroit trois chevaliers la devant, a celui tertre qe vos veez. − E qeles
armes portoient il? » dit Brehuz. E cil 12 li devise errament tout einsint cum i
l’avoit veu. De ceste nouvelle est Brehuz trop liez, qar il 13 reconoist maintenant
qe ce est li Bons Chevalier sans Peor e messire Lac e Yvains as Blanches Mains.
20 E lors se part del chevalier e mout c le mercie duremant des nouveles q’il ha
dites.14
273. Quant 1 il s’est del chevalier partiz, il se haste de chevaucher assés plus
esforcieemant q’il 2 ne fesoit devant, qar mout desire duremant q’il les ait
atainz. En tel guise chevauche dusqe vers hore de midi, e lors vient a une mout
bele plaine qi3 duroit bien de toutes parz .IIII. lieues englesches. El mileu de4
5 cele plaigne corroit 5 une mout bele rivere qi estoit apelee Asurne; eve6 grant e
parfonde estoit duremant. Brehuz, qi se haste7 de chevaucher tant cum il puet,
qar mout desire duremant q’il ait ses compeignons ataint, si se haste tant de
chevauchier q’il est venuz a la rivere qi tele estoit cum ge8 vos cont. E lors
troeve un pont de fust, assez9 grant et assez bel e par ilec passoient li un e li
10 autre qi en cele partie voloient passer Asurne. Qant il est venuz dusq’au Pont,
il troeve a l’encontre dou pont gisant un chevalier a terre, armé de toutes
armes, et estoit li chevalier navré mout duremant e se pleignoit a merveilles.
Qant Brehuz voit le chevalier a terre gisant en tel mainiere, il pense bien tout
erram(99d)ent q’il est navrez e por ce se10 gist illec. Le chevalier, qant il le voit
15 de lui aprochier, il li comence a crier tant cum il puet: « Ha! merci, sire cheva-
lier; por Deu, aiez pitié de moi! ne me leissiez ici en tel mainiere! − Sire cheva-
lier, fet Brehuz, qi estes vos? Qi vos navra en tel guise? E por qoi fustes vos
navrez? se Dex vos saut, dites le moi, nel me11 celez. − Ha! sire, fet li chevalier,
qant vos12 volez qe ge le vos die, e ge le vos dirai errament. Ore13 sachiez qe ge
20 sui un chevalier de cest païs qi par14 ma folie avoie empris a garder cestui pont
encontre touz les chevaliers estranges qi i vendroient, issi15 qe nus n’i peust 16
passer sans joster a moi ou sanz combatre. Gardé l’avoiea longemant e si m’en
273. a avoie: la terminaison était d’abord un t que le scribe a corrigé par un e suscrit, sans
exponctuer le t.
estoit si bien avenuz qe nus n’i estoit enqore venus qi encontre ma volanté
peust passer;17 mes orendroit, par mon pechié, vindrent trois chevaliers
25 estranges a cui ge voloie defendre le18 passage. Li uns des trois leissa corre
maitenant 19 sor moi e me feri d’un gleive20 si duremant q’il me navra a mort e
m’abati; cib me leissa e s’en21 ala outre en tel guise q’il ne me regarda plus;
aussint firent li compeignon e m’ont leissié en avanture de morir. Ore,22 por
Deu, sire chevalier, por ce qe li uns chevalier doit avoir pitié de l’autre, por
30 tant 23 aiez pitié de moi qi chevalier sui cum vos. − Frere, ce li a dit 24 Brehuz,
ge reconois par voz paroles qe vos avez mort deservie, qar vos meesmes conois-
siez qe25 vos aliez arestant a cestui pont les chevaliers estranges. E ge vos ferai
tant d’amor qe, la ou ge vos deusse ocirre por ce qe chevalier estrage sui, ge
ne metrai ore main en vos, ainz vos leirai en tel guise cum vos estes. E vos
35 doing congié plainemant de garder vostre pont, ge ne vos en voill remuer:26
qant vos devant le gardiez, ore le gardez tout autressint! » Qant il a dite ceste
parole, il s’en vet outre e passe le pont gabant soi fort del 27 chevalier q’il a ilec
leissié gisant.
274.1 Tant a chevauche e erre puis q’il se fu del pont partiz q’il ataint 2 les com-
peignons en une valee. E sachiez qe a celui point i estoit la damoisele qe Bre-
huz tint 3 por amie, et avec lui estoit li cohart chevalier, li4 plus noient de tout
274. 1 88b, Rubr., COMMENT BREHUS, APRES QU’IL SE FUT DELIVRE DE CE PERIL, CHE-
VAULCHA TANT QU’IL TROUVA LE BON CHEVALIER ET SA DAMOISELLE QUI TRAHY
L’AVOIT.
2 attains.
3 tenoit.
4 l. est celuy ch. qui est l.
chevalier15 qi ilec l’avoit conduite. « Soe merci,16 ce dit Brehuz, bon gré l’en
sai ».
275.1 Li mauveisa chevalier, qi trop est irez qant il entent qe cil le2 mercie de
ceste chose, parole adonc e dit mout hardiemant: « En non Deu, sire Brehuz,
ge ne l’ai pas ameneeb por vos, ainz l’ai bien por moi amenee; autre damoisele
qerez por vos (100b) qe ceste, qar ceste3 voil ge por moi avoir. − Coment? fet
5 Breüz, ele est moie, e vos por vos la volez ore? Ice ne porroit avenir, se vos ne
vos volez por li contre moi combatre e gaagnier la par force d’armes. Adonc la
porriez avoir,4 e non autremant. − Coment, fet cil, si me covendra donc comba-
tre por ce5 qe ge ai? − En non Deu, fet Breüz, por ce qe ele6 estoit avec vos ne
di ge pas qe vos l’aiez ne q’ele soit vostre. Se vos volez q’ele vos remaigne,7 il
10 est mestier qe vos la gaagnez sor moi par force d’armes. − En non Deu, fet li
chevalier, de fere bataille n’est mie tres8 seure chose! E neporqant, avant me
combatrai ge encontre vos qe ge9 einsint la vos leissasse. − Donc estes vos
venuz a la meslee, ce dit 10 Brehuz, qar ge voill q’ele me remaigne ».11
276. Aprés icestui parlemant, il n’i font 1 autre delaiemant, ains leisse corre
maintenant li uns encontre l’autre. Brehuz, qi bon chevalier ert e2 de grant
274. 15 m. le ch.
16 Sire m.
275. 1 88d, Rubr., COMMENT BREHUS SANS PITIE ABBATIT LE MAUVAIS CHEVALIER QUI
CONDUISOIT SA DAMOISELLE QUI LE TRAHIT.
2 q. Brehus l.
3 car certes.
4 [avoir]: col. extérieure et mutilée 88d.
5 cil me c. il d[ont?] c. de c.
6 pour tant […] qu’elle.
7 demeure.
8 trop.
9 ge omis.
10 dist.
11 qu’e. soit mienne et qu’elle m. demoure.
276. 1 ne f.
2 ch. estoit et.
force, fiert l’autre chevalier si duremant en son venir qe cil n’a force3 ne pooir
q’il se peust tenir en sele, ainz vole a terre maintenant. E de tant li avint il bien
5 q’il n’ot nul mal de cele joste fors qe le dur cheoir seulement. Qant il est venus
a la terre, por ce q’il n’est granment bleciez fors q’un pou estoit estordis, se
redrece il vistemant e vient a son cheval e monte. « Vassal, ce li a dit 4 Brehuz,
avez vos plus talant de bataille? Se vos la meslee des branz desiriez,5 avoir la
poez maintenant; aussint en ai ge bien talant. − A un autre vos combatrez, fet
10 li cohart,6 ge voi bien tout apertemant qe vos estes meillor chevalier de moi7 e
por ce vos leis la8 bataille. E par mi tout ce qe ge voi qe vos estes9 bon chevalier
e trop meillor qe ge ne sui vos pri ge que10 vos façoiz une chose a qoi vos vos
devez bien acorder, e savez qele?11 Se vos amez ceste damoisele si cum vos
dites, vos devés dou tout feire sa volanté enqore plus qe la vostre. − Certes, fet
15 Breüz, si ferai ge; se Dex me doint bone avanture, il n’est ore chose qe ge
quidasse qe li12 pleust qe ge laa peusse fere qe ge ne feisse.13 − Ore vos dirai
qe vos feroiz, fet li cohart chevalier, e lors porroiz certeinemant conoistre se
ele vos aime autant come vos fetes li. Metez la entre nos deus − vos soiez de
l’une part e ge de l’autre et ele sera el mi14 leu −, qitez la (100c) de toutes
20 qereles e li comandez adonc q’ele a celui de nos deus q’ele plus amera s’en
aille. Se cele15 s’en vient b droit a moi avant qe a vos, moie sera; vos n’i poez
plus demander, ne ce ne qoi. Se16 ele vet a vos avant e me leisse por vostre
amor, adonc17 la vos qit ge dou tout; jameis ne m’en orroiz parler. Ore le feites
en tel mainiere, se Dex vos saut; par ceste18 esproeve feroiz vos le voloir de la
276. a la: le scribe a d’abod écrit li puis a exponctué l’ i et l’a remplacé par un a suscrit.
b Le t de vient est ajouté en interligne.
276. 3 n’a ne f.
4 Vien ça se l. dist.
5 m. de Brehus d.
6 A un … li cohart omis.
7 ch. que m.
8 l. je l.
9 Et pour ce que vous e.
10 q. moy je vous prie q.
11 s. vous q.
12 qu’il l.
13 n. luy f.
14 s. au m.
15 que (e.) s’en aille a celuy d. n. d. q. e. plus ayme S’elle.
16 a v. elle sera mienne et riens n’y pourrés p. d. S.
17 a. que a moy adont.
18 s. pour c.
25 damoisele, qar ele s’en ira tout droit a celui q’ele aime mieuz de nos deus e
lors avra sa volanté ».
277.1 Quant Brehuz ot ceste parole, il li respont errament: « Sire chevalier, por
qoi me metroie ge en peor et en doutance de ce qe ge ai entre mes mains? −
Ore le fetes, se Dex vos saut, fet li chevalier; si avroiz adonc dou tout acompli
ma2 reqeste. − Sire, fet Brehuz au Bon Chevalier sanz Peor, qe me loez vos de
5 la reqeste qe me fet cest chevalier? » E cil qi ne qidast pas legieremant qe la
damoisele leissast Brehuz por celui mavés chevalier, qar il lia avoit ja veu le
visage descouvert, dit a Brehuz: « Fetes le3 seuremant; se la damoisele n’est
plus mesconoissant e plus folle qe toutes les autres damoiseles qe ge onqes
veisse, ele ne vos leissera jamés por preindre cest autre4 chevalier. − Se Dex
10 m’aït, fet Brehuz, qant vos le loez, e ge le ferai ». E maintenant met 5 la damoi-
sele entr’els deus e dit:6 « Ma damoisele, ore vos en poez aler a celui de nos
deus qi miels vos plest, qe ge vos qit orendroit de toutes qereles. − Biaux sei-
gnors, fet li cohart chevalier as autres chevaliers, avant qe ceste damoisele s’en
aille a nul b de nos deus, ge voill qe vos me creantez, s’il vos plest qe, se ele
15 s’en vient a moi, qe vos ne la me toudroiz par vostre force ». Et il li creantent
tuit.
278. Lors parole la damoisele a Brehuz e li dit: « Sire Brehuz, il m’est avis qe
vos m’avez aqitee a cestui point de toutes qereles. − Damoisele, vos dites
verité. − Ore, fet ele, se ge vos leissoie, qe feriez vos? − Damoisele, fet il, ore
sachez tout veraiemant q’il m’en peseroit, mes a soufrir m’en covendroit.1 −
5 Coment, fet ele, ne vos combatriez vos pas a li por moi gaaigner autre2 fois,
aussint cum vos feistes ore? − Damoisele, oïl, s’il fust reison; mes ge li feroie
277. 1 89a, Rubr., COMMENT BREHUS DEMANDE AU BON CHEVALIER QU’IL DOIT FAIRE
DE LA REQUESTE QUE LUY FAIT LE CHEVALIER COHART ET FAILLIS.
2 adont acomply toute m.
3 F. la.
4 p. celuy a.
5 Et tout incontinant m.
6 dist.
278. 1 a s. le me c.
2 g. une a.
outrage, se vos leissiez moi e preissiez3 lui, se (100d) ge l’en assailloie aprés. −
Ore me dites, fet ele, se Dex vos doint bone avanture, m’amiez vos mout? qe
bien sachiez veraiemant qe ge ne m’en iroie pas a vos, se ge ne savoiea certei-
10 nemant qe vos m’amissiez de tout vostre cuer. − Damoisele, ce dit 4 Brehuz,
einssint veraiemant m’aït Dex cum ge vos aim de si grant amor cum chevalier
porroit amer damoisele. − Si m’aït Dex, fet ele, e ge vos he si mortelmant cum
damoisele porroit haïr chevalier plus. E5 qerez, s’il vos plest, autre damoisele
qi vos voille, qe certes, ge ne vos voill ne por ami ne por mon chevalier. Alez
15 a touz les maufés!6 Ge me tieng a beneuree de ce qe ge me sui a cestui point
dellivree de vostre compeignie ». E qant ele a dit ceste parole, ele s’en vet au7
cohart chevalier e li dit: « Amis, fet ele, a vos vieng, vos aim, vos voill ge8 ne
ne qier autre. Ge comant Brehuz au maufés ». E maintenant q’ele a dite ceste
parole, li chevalier n’i atent plus, ainz s’en vet d’autre part une autre voie entre
20 lui e la damoisele e vont menant entr’els toute la greignor joie dou monde.9
279. Quant Brehuz voit ceste avanture, il est duremant esbahiz q’il ne set q’il
doie dire; il regarde la damoisele si corrouciez qe onqes mes ne fu si dolanz.
« Sire, fet il au Bon Chevalier sanz Peor, avez veu merveilles qe ceste damoise-
le1 m’a leissié por cel autre chevalier? − Brehuz, fet li Bon Chevalier, de cestui
5 change q’ele fist a cestui point fist ele bien come feme, qar feme fet arrieres
dos qant q’ele2 fet; assez pou troeve l’en de celes qi aillent droit ni qi3 bien
facent. Li bons chevalier qi la vos dona vos fist bien entendant tout ce qe nos
i avom trové e bien le4 vos dist apertemant 5 q’ele estoit tele, e por tele la vos
dona; il la conoissoit bien dou tout. Qidiez vos q’ele fust autre fors tele cum il
10 vos dist? Il vos dist bien ce q’il i savoit; ore le veez apertemant 6 q’ele est tele
cum il vos dist. − Sire, ce li a dit 7 Brehuz, vos dites voir;8 a mal eur la me donaa
il. Ore s’en aut a touz les maufés9 dou monde, qe jamés ne la qier veoir puis
qe ge l’ai einsint 10 perdue. Onqes mais ne trouvai damoisele qi me feist si grant
vergoine cum m’a fet ceste; enqore sera cest feit vengiez sor auqune autre
15 damoisele, se Dex me defent d’encombrier; e se ceste m’a deceus si vileinemant
cum vos ve(101a)istes, ge en decevrai enqore une autre e vengerai mon duel
sor cele. − Ore, Brehuz, fet li Bons Chevalier, qant einsint est 11 avenuz qe vos
estes eschapés des mains12 de ceste damoisele a ssi pou de vergoigne et a si
pou de honte cum ceste a esté, ore sachiez qe vos vos devez tenir a mout bien
20 paié; que13 ge vos pramet loiaumant qe se vos demorissiez granmant avec lui,
ele vos feist a mort metre: ja autremant ne vos partissiez de sa compeignie. Ore
esgardez14 qele damoisele vos aviez por vos trouvee! »15
280. Einsint parolent e tout adés de la damoisele,1 qar cele ne puent 2 il oblier,
e3 chevauchent dusqe vers ore de none si ententivemant q’il ne s’arestent en
nul leu. Aprés hore de vespres virent devant eaus un chastel en une grant
plaigne qi estoit fermez sor une grant rivere. Tout maintenant qe messire Lac
5 voit celui chastel, il comence a sospirer de cuer parfont e giete un grant sospir
qe li Bons Chevalier sans Peor l’entent bien, mes il n’en dit mot a cele foiz,
ainz atant et escoute se autre foiz sospirera.4 A chief de piece giete un autre
sospir messire Lac et enaprés redit:5 « A! Sire Dex, ce qe puet estre? » Li6 Bons
Chevalier sanz Peor, qi bien entent par ces paroles qe messire Lac est a malaise
10 duremant e corrociez, por7 ce q’il voudroit trop volantiers savoir l’achoison de8
cestui corrouz, qar il i metroit puis conseill de tout som pooir, parole il 9 adonc
e dit en tel mainiere: « Sire, vos avez sospiré e cest sospirs,10 ce m’est avis, si
ne viegnent fors de corrouz; et aprés deistes tel parole cum ge ai entendu.11 Se
Dex vos doint bone avanture, sire,12 se ce est chose qe vos me peussiez dire
15 par reison, si la me dites, qe bien sachiez veraiement q’en vostre corrouz metrai
ge tout le conseill qe ge i porroie13 metrea; se ce est chose qe vos voilliez celer,
ne le me dites ».14
281. A ceste parole respont messire Lac e dit: « Sire, ce sachiez veraiemant, se
auqun autre me demandast ce qe1 vos me demandez orendroit, ge ne li deisse
mie volantiers la verité de ceste chose; mes qant vos la volez savoir, a vos ne
le2 celerai ge pas,3 ainz le vos conterai main(101b)tenant; ore escoutez.
280. 7 e. en m. d. et c. et p.
8 s. la chose d.
9 il omis.
10 et ces s.
11 ay biene.
12 sire omis.
13 pourray.
14 ne me d. ores.
282. 1 90a, Rubr., COMMENT MESSIRE LAC COMPTE AU BON CHEVALIER [S]ANS PAOUR
L’ACHOISON POUR QUOY IL DEMENOIT SI GRANS SOUSPIRS.
2 estoit merveilles.
droitemant por trouver les, qar ge ne les avoie veu puis3 q’il avoient esté nouvel
chevalier; si avoie trop grant desirier4 e trop grant talant de veoir les por les
10 bones nouveles qe chasqun jor m’estoient 5 venues puis6 q’il avoient receu
l’ordre de chevalerie. Qant ge vins pres de cest chastel a mainz de demie lieue
englesche, droitemant a un petit pont qe nos troverons ja ça devant, adonc
avint qe ge trovai desouz un arbre le noble roi Melyadus. Il estoit adonc descen-
duz a une fontaine qi ilec estoit e voloit boivre, qar li chaut estoit adonc grant
15 e merveilleux cum el mois7 de jun. Li rois estoit descenduz devant la fontaine
et il 8 avoit osté son hyaume de sa teste et abatues les manicles de son hausberc
e bevoit de la9 fonteigne. Ge cumençai adonc a aprochier de lui. Qant il vit qe
ge sor lui venoie si appareilliez de toutes armes cum ge estoie, il se hasta de
remonter. E tant fist qe remontez fu e laça son hyaume e ses manicles e prist
20 son escu e son gleive qe si escuiers tenoient. E por ce q’il conuit bien a mon
venir qe ge estoie chevalier aventureus, me comença il a crier: « Sire chevalier,
volez vos joster? » Ge, qi tantes fois10 estoie esproez de joster qe a poine pooie
mes trouver11 chevalier qi abatre me peust, s’il ne fust de trop grant force,
qant ge entendi qe li rois m’apelloit de joster en tel mainiere, ge li respondi
25 maintenant 12 qe ge ne refusoie pas la joste. E neporqant, se ge qidasse veraie-
mant qe ce fust li rois Melyadus qi de joster m’ahatissoit, ge13 n’eusse pas josté
adonc, qar, a celui tens, ne doutai14 ge nule (101c) lance de chevalier errant
autant cum ge fesoie la soe, qar touz li mondes aloit plus parlant de celui qe
de nulh autre chevalier. Qe vos diroie ge? Qant nos fumes venus as jostes, nos
30 jostames ensemble; e m’en avint en tel mainiere qe la honte torna sor moi, qar
li rois m’abati mout fellenessemant. E de tant m’en avint bien qe ge n’i reçui15
adonc ne plaie ne bleceure fors qe le cheoir seulemant. Ge me relevai errament
mout dolanz e mout corrouciez de ce qe ge estoie abatuz en tel mainiere, qar,
Dex le set qe ce ne m’avenoit sovant. Qant ge fui remontez e garniz autre foiz
282. 3 v. depuis.
4 avoy[e] je t. g. desir.
5 m’en e.
6 v. depuis.
7 c. au m.
8 il omis.
9 b. a l.
10 tant de f.
11 p. je plus t.
12 r. tout m.
13 me hatissoit je.
14 doubtois.
15 m’advint b. q. g. ne receu.
35 de mes armes, ge ving au roi qi ja s’en aloit outre e qant ge l’ai ataint, ge li
dis: « Sire chevalier, vos m’avez abatu; ore est mestiers, se Dex me saut, qe vos
vos combatoiz a moi a la meslee des branz ». Li16 rois me respondi adonc: « Sire
chevalier, ge n’ai ore volanté de combatre, qar ge ai mout 17 aillors a feire. E
por ce vos convient il ore soufrir de18 ceste bataille ».
283. Einsint parlant entre nos deus − qar ge voloie toutes voies qe li rois se
combatist a moi, mes il ne voloit, ançois refusoit toutes voies1 la bataille −,
chevauchames tant qe nos venimes de l’autre part dou pont. Lors veimes venir2
encontre nos deus chevaliers qi venoient del chastel e voloient passer le pont
5 par devers nos, aussint cum nos le voliom3 passer a aler au chastel. Maintenant
qe ge vi les deus chevaliers, ge les reconui, qar ce estoient li dui chevaliers
meesmes qe ge qeroie qi venoient issi vers4 nos. Nos veimes un chevalier venir
tout 5 contreval l’eve qi chevauchoit droitemant sor la rrivere dou fium.6 Li che-
valier venoit tout seul fors qe un escuier menoit avec li qi li portoit son escu e
10 son gleive; e li escu fu dorez de riche doreure, q’il n’i avoit nul autre tant fors
or7 seulemant a. Li chevalier venoit une grant piece devant son escuier si grant
duel b feisant cum s’il veist tout le monde mort devant lui. Qant nos entendimes
le grant duel qe li chevalier demenoit, nos le tenimes a merveilles, e por ce nos
arestames a l’entree del poncel. E ge endroit moi, qi a celui point n’estoie mie
15 si sages cum mestier me seroit, dis8 a moi meesmes q’il covenoit, se ge onqes
(101d) pooie, qe ge seusse por qoi li chevalier demenoit si gran dolor.9
282. 16 d. bras L.
17 mout omis.
18 o. s. ores (répété) d.
284. Laa ou nos nos estiom1 einsint arrestez devant le poncel, atant e vos qe
entre nos vint li2 chevalier qi si grant duel menoit cum ge vos ai conté. Ge li
vins tout maintenant au devant e li dis: « Sire chevalier, por qoi demenez vos
si grant duel? » Et il me respondi: « Par ce qe ge ne puis autre feire ».3 Ge li dis
5 adonc autre foiz: « En non Deu, sire chevalier, il est mestier qe vos me dioiz
por qoi vos demenez tel dolor ». Il me respondi erramant: « Ce ne vos dirai ge
ore mie, ne ge ne sai orendroit el monde q’un seul chevalier a cui ge le deisse. −
Coment, ce li dis ge, si me prissiez ore4 si petit qe vos ne me volez dire ce qe ge
vos demant? Ore sachez q’il est mestier qe vos le me5 dioiz ou ge vos defendrai
10 orendroit le passage de cest pont. − Coment, ce me dist li chevalier, si volez6
a force savoir ce qe ge ne vos voill dire? En non Dé, vos n’estes mie trop sage
chevalier! Ore sachiez tout veraiemant qe ge me combatroie avant a vos qe ge
le vos deisse. − En non Deu, ce li dis ge, e ge avant me combatroie a vos qe
ge7 ne le seusse. − Coment, dist moi8 li chevalier, somes nos donc venuz a la
15 meslee por ceste qerele? » E ge li dis qe a combatre li covenoit tout maintenant,
s’il ne me disoit ce qe ge li demandoie.
285. Quant teles paroles furent menees entre1 nos, il n’i ot null autre delaie-
mant, ainz nos appareillames amdui de joster e laissames corre ensemble au
ferir des esperons. E fu adonc de cele joste la honte moie en tel mainiere qe cil
m’abati mout felenessemant e me navra enmi le pis auqes parfont. Qant il m’ot
5 einsint abatu cum ge vos cont et il s’en cuidoit adonc aler delivremant, il ne
pot, qar li rois Meliadus, qi n’estoit mie meinz desiranz de savoir la choison
de2 cele dolor qe ge meesmes estoie, li vint a3 au devant autressint cum ge avoie
284. 1 ou nous e.
2 atant va venir e. n. l.
3 a. chose f.
4 je me p. vos o.
5 v. la m.
6 s. vous v.
7 le vos deisse… a vos qe ge omis (saut du même au même).
8 me dist.
fet et en celui meesmes parlemant ou ge l’avoie mis le mist il. E li dist tout
plainemant qe ançois se voloit il 4 combatre a lui q’il ne seust certeinemant la
10 verité de ceste dolor. E q’en diroie? tant alerent parlant entr’els q’il vindrent
as jostes; e de cele joste torna la honte en tel mainiere (102a) sus le roi Meliadus
q’il i fu abatus e navrez aussint duremant cum ge avoie esté. Et a celui point 5
avoient mi dui cosin passé le poncel; e por les deus jostes q’il avoient veu del
chevalier, tout maintenant q’il orent entendu por qele achoison eles avoient
15 esté encomencees, il le mistrent en celui meesmes plet qe nos l’aviom mis
devant. E por ce q’il ne lor voloit dire ce q’il li demandoient, le mistrent il as
jostes. Les jostes furent comencees, et avint adonc de celui joster si grant
domage e si fellon qe mi dui cousin i furent mort: li premiers des deus fu feru
par mi le cuer tout droitemant, si qe au cheoir q’il fist il ne remua granment
20 ne pié ne main; li autres fu aussint ferus, e non mie moins cruelmant; einsint
furent amdui mort, e d’un seul gleive. Li chevalier, qant il ot fet ce qe ge vos
voi disant, il n’i fist 6 autre delaiemant, ançois se mist sor le poncel e s’en ala
outre a tel eur qe ge nel vi puis ne n’oï7 parler, ne plus q’il 8 fust entrez en terre
a celui point. En tel 9 guise cum ge vos cont ge reçu devant le pont si grant
25 domage e si grant perte cum ge vos ai ore devisee. E qant ge vois recordant qe
aprés cele grant perte qe ge fis a celui point ge ne poi nouveles savoir qe devint
celui qi celui grant domage me fist, se ge sospir de cuer parfont, se ge sui
tristes e dolant, ce n’est merveille. E certes, plus me fet esbaïr10 ce qe ge onqes
n’oï nouveles11 dou bon chevalier qe de chose qe ge veisse en toute ma vie. E
30 por ce qe ge le perdi si soudainement qe ge ne soi puis q’il 12 devint ne puis
n’en oï parler, dis ge orendroit qant ge me recordoie de li: « Dex, ce qe puet
estre? » Ce fu a dire: « Dex, qe puet devenir celui bon chevalier qe onqes puis
n’en oï parler13 q’il se parti de cestui pont? » Par ceste entencion dis ge ceste
parole. Ore vos ai finé mon conte, qar bien14 le vos ai devisé de chief en
35 chief ».15
285. 4 il omis.
5 a […] y p.: col. extérieure et mutilée 91a.
6 ne f.
7 t. heure q. oncques puis ne le vy ne n’en o.
8 p. en p. que s’i.
9 E. celuy point et en t.
10 esbaÿ.
11 je ne peu o. oÿr n.
12 q. puis ne sceu q. i.
13 dis ge …oï parler omis (saut du même au même).
14 c. et b.
15 e. ch. sans faillir en riens.
286. Quant il a finé son conte, li Bons Chevalier sans Peor1 comence a penser
e puis dit: « En non Deu, ce fu bien merveilleuse avanture q’un chevalier
estrange fist si haute chevalerie cum vos me contez, e de vos se parti en tel
guise qe puis ne seustes q’il devint. Mes ore me dites en qele saison fu ce et
5 en qel tens por savoir (102b) se ge me porroie certeinemant de lui recorder. −
En non Deu, fet messire Lac, ge vos dirai en qel saison ce fu e teles enseignes
vos dorrai ge ja2 de li qe vos vos recorderoiz maintenant de lui. Vos sovient il
de la grant feste qe li rois Uterpandegron tint a Carlion en un yver, a celui3
tens qe li chevalier as noires armes vos navra si duremant en la praerie defors
10 la vile? − En non Deu, fet li Chevalier sans Peor, de ceste feste me souvendra
toute ma vie, e bien m’en doit souvenir, qar ilec fu ge navrez si duremant qe
g’en fu malades plus de trois mois qe ge ne poi armes porter. − Ore sachiez qe
celui esté propremant qi aprés vint premieremant si avint cele avanture qe ge
vos ai orendroit contee et a cest poncel droitemant ». E lors li mostre, qar il
15 estoient ja pervenu dusq’au pont;4 et aprés li moustre celui meesmes leu ou si
dui cousin avoient esté ocis.5
287. Quant il ont passé le poncel, li1 Bons Chevalier sans Peor2 parole adonc a
monseignor Lac e li dit: « Sire, de celui chevalier dont vos m’avez orendroit
conté vos conterai ge tout orendroit toute la greignor merveille qe ge onqes
veisse de chevalier. E certes, ge ne croi mie qe vos onqes veissiez de nul home
5 plus fiere avanture qe ge vi de celui. − Ha! por Deu, fet messire Lac, qant vos
de celui chevalier veistes si grant merveille, ore la me contez, qar ce est une
chose qe ge mout desir a oïr. − Certes, fet li Bon Chevalier, e ge le vos conterai.
E sachiez qe ge me recort bien orendroit qe en celui meesmes mois qe vosa en
veistes celui fet devant cest poncel, en3 la fin de celui mois propremant en vi
10 ge cele merveille qe ge vos conterai orendroit ». E maintenant comence son
conte en tel mainiere.
287. 1 l. pont l.
2 sans Peor omis.
3 c. pont e.
288.1 « Sire, fet il, a celui tens qe vostre dui ami furent ocis a cest poncel avint
sanz faille, et en celui mois meesme, q’une damoisele me fist venir el roiaume2
de Logres por une soe besoigne, qar un suen frere la deseritoit a3 mout grant
tort. Por la pitié de la damoisele vins ge el roiaume4 de Logres, einsint cum ge
5 vos cont. Un jor qe ge chevauchoie avec la damoisele, ne enqore n’avoie ge
mie sa beisoigne menee a fin, avint qe nos trovames devant une fon-
tai(102c)gne5 celui meesme chevalier don vos començastes orendroit vostre
conte. Li chevalier estoit descenduz devant la fointeignea ne n’avoit en sa com-
peignie n’escuier6 ne autre qi compeignie li feist ne servise. Il avoit atachié son
10 cheval a un arbre e son gleive mis delez li e son escu autressint; et avoit son
hiaume en sa teste e s’espee a son costé. Mes il fesoit un duel si estrange e si
merveilleux q’en toute7 ma vie ge ne vi chevalier si dolant 8 par semblant qe cil
ne fust enqore plus. E q’en diroie? il demenoit si grant dolor qe merveille estoit
del veoir. La fonteigne n’estoit mie trop duremant sor le chemin, mes auqes en
15 estoit pres. Ge endroit moi n’eusse pas adonc veu le chevalier, mes le grant
duel qe ge oï q’il demenoit si9 me fist mon cheval tornerb droitemant a lui.
Qant ge fui a la fonteigne venuz e ge vi le tres grant duel q’il demenoit, ge dis
a moi meesmes q’il ne pooit estre qe cil chevalier ne fust enragiez ou fors dou
sens. Lors parlai au chevalier e li dis: « Ha! sire chevalier, merci! aiez pitié de
20 vos meesmes e leissiez ceste grant dolor qe vos demenez, qe se vos mantenez
le grantment,10 a morir vos en covendroit ».11 Li chevalier me respondi adonc
e dist:12 « Ge voudroie ja estre mort, se Dex m’aït; e se ne fust recreantisse e
mauvestié de soi ocire, ge m’ociroie maintenant; si seroit 13 ma dolor finee ». E
maintenant recomença son duel a faire aussint cum il fesoit devant.14
288. 1 91c, Rubr., COMMENT LE BON CHEVALIER SANS PAOUR, APRES QUE MESSIRE LAC
EUT FINE SON COMPTE, ENCOMMENCA A COMPTER UNG AUTRE.
2 v. au r.
3 d. du tout a.
4 l. partie d. l. d. v. je au r.
5 d. celle (semble rayé) f.
6 compaignie escuier.
7 que toute.
8 d[ou]lent: col. extérieure et mutilée 91d.
9 si omis.
10 s. v. la m. g.
11 v. conviendra.
12 et me d.
13 s[ero]it: col. extérieure et mutilée 92a.
14 f. pardevant moult grant.
290. 1 et plus.
2 li omis.
291.1 Quant 2 li chevalier ot einsint parléa li autre, cil qi son duel demenoit, li
respondi errament: « Est il donc voir, se Dex te saut, qe ma dame voille ma
mort? − Oïl, fet il, ge le sai veraiemant. − Puis qe ma dame velt ma mort, dist
li Chevalier a l’Escu d’Or, e ge morrai tout errament. Mes avant qe ge mure, ge
5 te pri qe tu me doignes un don. − Certes, dist li autres, volantiers; demande e
ge le te donrai, se ce est choseb qe ge doner te puisse.3 Ore me creantes, fet cil
290. 3 d. prinss.
4 v. los je.
5 et que v.
6 j’entendyt.
7 t. plainement l.
8 j. en j.
9 d. la mort p.
10 voir omis.
291. 1 92c, Rubr., COMMENT LE BON CHEVALIER SANS PAOUR GARDA DE COPPER LA
TESTE AU CHEVALIER A L’ESCU D’OR QUE UNG AUTRE CHEVALIER LUY VOULOIT COP-
PER PAR SON VOULOIR MESMES (elle est précédée d’une miniature devant l’illustrer).
2 Quant: grande initiale.
3 q. faire p.
292. Quant li Chevalier a l’Escu d’Or ot parlé en tel mainiere a l’autre cheva-
lier, cil, a cui la priere estoit fete e qi n’avoit pas en soi tant de cortoisie cum
ge ai ja veu avoir a1 maint prodome, n’i fist 2 adonc autre demorance, ainz prist
l’espee maintenant de celui a l’Escu d’Or e li voloit couper la teste. Ge endroit
5 moi, qi trop grant pitié avoie eu de toutes les paroles qe li Chevalier a l’Escu
d’Or avoit dites e disoie bien a moi meesme q’il ne pooit estre en nulle guise
puis q’il avoit teles paroles dites et en tel point q’il ne fust prodome e de grant
afaire, qant ge vi la grant fellenie e qe li autres (103b) chevalier voloit fere qi
en tel mainiere li voloit trenchier la teste, ge me mis errament avant e dis:
10 « Ostez! sire chevalier, ne fetes si grant cruelté qe vos cest prodome façoiz morir
en tel mainiere. Certes, se vos le feissiez, onqes mes chevalier dou monde ne
291. 4 fauldras a.
5 c. convenant l.
6 attend.
7 dist.
8 ge omis.
9 tes[te]: col. extérieure et mutilée 92d.
10 e. le p.
11 t. de mon e.
12 r. en ce monde.
fist si grant fellenie qe3 ceste ne fust greignor assez. Ostez! ne le pensez jamés;
se vos ce feissiez,4 sans faille l’en ne vos devroit puis tenir a chevalier mes au
plus5 desloial dou monde ».6
293. Quant li chevalier entendi les paroles qe ge li disoie, il mist tout errament
a terre l’espee1; il l’avoit ja aucee por coper a celui la2 teste. Qant il ot mis
l’espee jus, il me dist: « Sire chevalier, beneoite soit l’ore qe vos parlastes oren-
droit, qe vos m’avez a cestui point osté de la greignor vilenie e de la greignor
5 fellenie3 qe chevalier feist onqes mes; se ge eusse acompli celui fet qe ge voloie
fere, ge fusse oniz a touz jors. E qant vos m’avez osté par vostre sens e par
vostre bonté, ge vos en merci trop duremant ».
294. Quant li Chevalier a l’Escu d’Or vit qe ge avoie en tel mainiere fet rema-
noira son preposemant et il vit qe li autres chevalier disoit q’il ne l’ociroit a
celui point en nulle1 mainiere, il se drece adonc en son estant e me dist: « Dan
chevalier, vos m’avez honi qi m’avez destorbé de ce qe plus me plesoit en cest
5 monde; mes certes, qant vos ne vouxistes qe cist chevalier me feist ce, or est
mestier, se Dex me saut, qe vos meesme le façoiz, voilliez ou ne voillez; ou2
vos me coperoiz la teste tout orendroit, ou ge vos couperai la vostre, qar ge me
sent bien si poissant des armes, la merci Deu e de ma dame, qe ja contre moi
ne dureroiz3 puis qe ce vendra a la force e donc covendra per estovoir qe4 vos
10 façoiz outreemant ma volanté ou vos perdriez5 la teste. Ore tost pensez de vos
defendre, qar venuz estes a la meslee; del grant corrouz, del grant enui qe vos
m’avez feit a cestui point me qit ge vengier em pou d’ore ».6 Li Chevalier n’i
292. 3 g. villennye q.
4 faisiés.
5 d. plus t. pour ch. m. le p.
6 m. en toutes guises.
atent plus qant il ot dite ceste parole, ainz7 relace son hiaume en sa teste e
prist son escu e s’espee e me dist adonc: « Gardez vos de moi, dan chevalier,
15 qe vos8 estes a la meslee venuz! ou vos feroiz a ceste foiz dou tout mon coman-
demant, ou vos leisseroiz la teste ».9
295. 1 m. et p.
2 trop répété.
3 v. los je. b. orendroit q. v. acompliés c.
4 et luy d.
5 m. ce me d. l. Ch. pensés huymés (invers.).
6 ne si roide … de bataille omis.
7 ung commencement.
8 d’a. puis ç. puis l.
aussint cum a ssa volanté, ne ge ne pooie onqes tant ferir sor lui − e si m’en
25 travaillai si fort − qe ge onqes li peusse feire prendre terre; mes il le me9 fesoit
perdre souventes foiz, e ce estoit une chose qi ja me fesoit tout vergondeux e
tot honteux10 e qi me metoit aussint cum en peor de recevoir honte ou chose
qe ge ne vouxisse.11 Que vos feroie ge lonc conte de cestui fet? Par cele foi qe
ge doi vos, monseignor Lac,12 tant (103d) dura la bataille de nos deus qe ge vi
30 apertemant e conui qe de trop haute proece estoit li chevalier e q’il avoit par13
devers soi le plus bel de la bataille, dont ge n’avoie m’esperance qe ge em14
peusse venir au desus, fors en ce seulemant q’il ne m’estoit pas avis q’il seust
tant de l’escremie cum15 ge savoie, e por ce me qidoie ge bien defendre de li
au loing aler. E neporqant, ge disoie bien a moi meesmes qe par force d’armes
35 ne porroie ge venir au desus de lui ne ge nel qerroie: ge le conoissoie16 a ssi
prodome des armes duremant qe ge ne qeisse ja17 avoir de cele bataille fors
tant qe ge m’en peusse partir honoreemant 18 et a sauveté de mon cors. E ge
veoie bien qe la bataille estoit perilleuse, e d’une part e d’autre, mes plus a
moi qe a lui. Toute m’esperance e tout mon cofort si estoit en ce q’il m’estoit
40 bien avis qe ge savoie plus de l’escremie19 q’il ne fesoit. E nos aviom ja celui
afeire tant mené qe nos estiom amdui navré duremant e mot aviom perdu dou
sanc.20
296. La ou nos estiom amdui en cel point 1 e ja aviom tant fet des armes qe li
plus fort e li plus sainz de nos deus eust bien a celui point greignor mestier2
de reposer qe de bataille,3 atant e vos qe per ma bone avanture versa nos vint
295. 9 i. la m.
10 t. vergoingneux et honteux.
11 e qi … ne vouxisse omis.
12 de cestui … Lac omis.
13 par omis.
14 em omis.
15 l’estrime c.
16 l. car je le c.
17 n. congneusse j.
18 honnorablement.
19 l’estrime.
20 de s.
298.1 Quant il ot sun conte finé en tel guise cum2 ge vos ai devisé, messire Lac
li respont: « Sire,3 issi voiremant 4 m’aït Dex cum cestui conte est bien des5 plus
297. a il suscrit.
298. 1 94b, Rubr., COMMENT MESSIRE LAC EST MOULT JOYEULX DU COMPTE QUE LE BON
CHEVALIER DEVISE DU CHEVALIER QUI PORTOIT L’ESCU D’OR ET EN TIENNENT GRANT
PARLEMENT.
2 t. maniere c.
3 Sire omis.
4 ainsi v.
5 b. ung d.
299. Einsint parlant 1 dou Chevalier a l’Escu d’Or qe d’autre ne tiegnent parle-
mant a cele foiz chevauchent a tant q’il sunt venuz dusq’a un chastel dont ge
vos ai devant parlé. Qant il en sunt pres, messire Lac demande au Bon Cheva-
lier sanz Peor: « Sire, vos plest il qe nos herberjoms anuit en la mestre forte-
5 rece? − Sire, fet li Bons Chevalier, il m’est avis q’il vendroit mieuz qe nos her-
bergissom defors qe dedenz, qar se nos dedens remanom, nos ne porriom mie
demain si matin chevaucher par avanture2 cum nos voudriom;3 qar auqune
gens porroit leienz avoir qi por conoissance4 e por amor nos voudroient demain
plus longemant retenir qe nos ne voudriom par avanture; por ce5 vaut mielz
10 au mien avis6 qe nos herberjoms defors. − E nos leb façoms einsint puis q’il vos
plest », fet messire Lac. Tant chevauchent en tel mainiere q’il entrent dedens
le chastel e maintenant encontrent un vavassor montez sor un cheval qi lor
dist: « Segnors chevaliers, estes vos chevaliers errant? » Et Yvain as Blanches
299. 1 parlent.
2 par avanture omis.
3 vouldrons.
4 q. par c.
5 r. par aventure plus longuement (répété) q. je ne vouldroye pour c.
6 a mon a.
Mains respont: « Oïl, biaux sire (104c), chevalier errant somes nos voiremant;
15 mes por qoi le demandez vos? − Certes, biaux sire, fet il, ge le demant por
vostre honor e por vostre bien e por ce qe ge vos voudroiec fere une priere, tele
cum vavasor gentil home porroit fere as chevaliers. E savez vos qele priere est
cele qe ge vos reqier? Ge vos pri qe vos viegnez anuit mes herbergier a mon7
hostel, e ge vos pramet qe ge vos i ferai honor de tout mon pooir e servir de
20 moi e des miens tant cum ge le porroie feire. − Sire, fet Yvain as Blanches
Mains au bon Chevalier sans Peor, vos plest il qe nos aillom herbergier avec
cest gentil home qi tant nos em prie? − Oïl, s’il plest as autres ». Et il s’i acor-
dent 8 tuit. E li vavasor les en mercie mout e maintenant s’en vet avant et il
s’en vont après.9 E tant vont en tel mainiere q’il viegnent a l’hostel del vavasor
25 qi estoit ostel bel 10 e rriche e bien garni de toutes choses qi a l’hostel de bon
home coviegnent.11
300. Quant il furent leienz descenduz, s’il ne furent adonc1 receuz bel e hono-
reemant, donc nel puet 2 li vavasor fere. Cil se travaille3 tant cum il puet
d’onorer les e de servir por4 ce qe prodomes li semblent. Assez5 demande as
escuiers qi il estoient, mes cil estoient si apris de celer lor seignor6 q’il ne puet
5 onqes riens aprendre, fors qe chevaliers errant sont. Celui soir, qant il sunt 7
leianz assis au soper, atant e vos leianz venir un messatge8 qi a pié venoit.
Qant il fu leianz entrez, il comença9 a demander qi estoient cil chevaliers qi
leienz estoient herbergiez. E l’en li dist qe ce estoient chevaliers10 errant dont
299. 7 h. en m.
8 s’accordent.
9 et eulx a.
10 e. moult b.
11 a hostel de (répété) b. h. appartient qui les receut moult honoreement ainsi comme
cy aprés pourrez oÿr.
300. 1 n. sont a.
2 pouoit.
3 s’en t.
4 d. les servir et honnorer p.
5 c. qu’ilz luy semblent preudommes A.
6 m. ilz estoient si (ces deux derniers mots répétés) a. d. c. leurs seigneurs.
7 furent.
8 u. messager.
9 commance.
10 che[valiers]: col. extérieure et mutilée 94d.
Mains respont: « Oïl, biaux sire (104c), chevalier errant somes nos voiremant;
15 mes por qoi le demandez vos? − Certes, biaux sire, fet il, ge le demant por
vostre honor e por vostre bien e por ce qe ge vos voudroiec fere une priere, tele
cum vavasor gentil home porroit fere as chevaliers. E savez vos qele priere est
cele qe ge vos reqier? Ge vos pri qe vos viegnez anuit mes herbergier a mon7
hostel, e ge vos pramet qe ge vos i ferai honor de tout mon pooir e servir de
20 moi e des miens tant cum ge le porroie feire. − Sire, fet Yvain as Blanches
Mains au bon Chevalier sans Peor, vos plest il qe nos aillom herbergier avec
cest gentil home qi tant nos em prie? − Oïl, s’il plest as autres ». Et il s’i acor-
dent 8 tuit. E li vavasor les en mercie mout e maintenant s’en vet avant et il
s’en vont après.9 E tant vont en tel mainiere q’il viegnent a l’hostel del vavasor
25 qi estoit ostel bel 10 e rriche e bien garni de toutes choses qi a l’hostel de bon
home coviegnent.11
300. Quant il furent leienz descenduz, s’il ne furent adonc1 receuz bel e hono-
reemant, donc nel puet 2 li vavasor fere. Cil se travaille3 tant cum il puet
d’onorer les e de servir por4 ce qe prodomes li semblent. Assez5 demande as
escuiers qi il estoient, mes cil estoient si apris de celer lor seignor6 q’il ne puet
5 onqes riens aprendre, fors qe chevaliers errant sont. Celui soir, qant il sunt 7
leianz assis au soper, atant e vos leianz venir un messatge8 qi a pié venoit.
Qant il fu leianz entrez, il comença9 a demander qi estoient cil chevaliers qi
leienz estoient herbergiez. E l’en li dist qe ce estoient chevaliers10 errant dont
299. 7 h. en m.
8 s’accordent.
9 et eulx a.
10 e. moult b.
11 a hostel de (répété) b. h. appartient qui les receut moult honoreement ainsi comme
cy aprés pourrez oÿr.
300. 1 n. sont a.
2 pouoit.
3 s’en t.
4 d. les servir et honnorer p.
5 c. qu’ilz luy semblent preudommes A.
6 m. ilz estoient si (ces deux derniers mots répétés) a. d. c. leurs seigneurs.
7 furent.
8 u. messager.
9 commance.
10 che[valiers]: col. extérieure et mutilée 94d.
li auqant venoient 11 de la meison le roi Artus. Et il dist q’il les voloit veoir, qar
10 il s’en aloit droit en celui hostel; et il i12 estoit mandez propremant 13 por l’afeire
dou pere Yvain as Blanches Mains, qar li termes de la bataille dom il estoit
appellez estoit ja mout pres, ne14 il ne peust mes avoir en nulle mainiere una
autre respit. Qant li15 vallet fu leianz entrez et il vit Yvain as Blanches Mains,
s’il fu liez de cele trouveure, ce ne fet pas a demander, qar il ne le qidoit 16 mie
15 trouver si pres. Qant Yvain reconoist le valet, il en fu mout liez autressint, e
maintenant li comença a demander nouveles de son pere e coment il le fesoit
e s’il est gariz (104d) enqore. E cil li dist qe bien le fesoit,17 mes duremant estoit
esmaiez de cele bataille dont il estoit apelez, qar si ami e cil qi bien le savoient
li18 avoient enqore conté autres nouveles q’il ne savoit devant, car il li avoient
20 dit par verité qe li chevalier qi apelé l’avoit de la traïson ne feroit mie la
bataille, ainz la feroit enqore un meillor chevalier de li. E ce estoit ce qi en
grant doutance l’avoit mis.
301.1 Quant Yvain entent ces nouvelles, il respont au valet tout en sorriant:
« Ore manjue; e qant tu avras mangié, met toi a la voie e garde qe tu ne reposes
devant qe tu soies a mon pere venus e li di de la moie part q’il 2 se reconfort e
soit asseur qe ge li main si bon socors q’il ne porroit meillor avoir. Mes ore me
5 redi: sés3 tu qi doit estre li chevalier qi contre nos se doit combatre? − Sire,
nainil, ge nel sai mie, fors qe l’en nos fet entendant qe ce doit estre un chevalier
errant, nos ne savom de la meison4 le roi Artus ou d’autre leu. − Qe qi il soit,
300. 11 l. aucuns v.
12 i omis.
13 estoit[…] proprement.
14 j[a] m. prest n.
15 peus[t] avoir e. n. maniere […] ung a. r. Quan[t le].
16 n. se cuidoit.
17 feroit.
18 l. congnoissoient l.
301. 1 95a, Rubr., COMMENT LE BON CHEVALIER REQUIST A MESSIRE LAC QU’IL LUY LAIS-
SAST FAIRE LA BATAILLE QU’IL DEVOIT FAIRE POUR LE PERE DE YVAINS ES (?)
BLANCHES MAINS, ET MESSIRE LAC S’I ACCORDA.
2 de par moy q. i.
3 m. dy s.
4 [m]aison: col. extérieure et mutilée 95a.
dist Yvains, seuremant le recevrom, qar richemant alom garni5 por mener a fin
la bataille de deus chevaliers ». Itant dist Yvains, mes plus n’i dist 6 a cele foiz.
10 Li valet s’en retorne celui soir e se remist au chemin e tant fist q’il vint au
Pont 7 Norgalois e dist a Daire ces nouvelles qe si filz li avoit mandees. Qant
Daires oï cest mandemant, s’il en devient liez e joiant, nel demandez; mainte-
nant fu conté par la contree qe li chevalier venoit qi por Daire8 se combatroit.
Cil, qi Daires avoit apellez de traïson, qant il aprist ces9 nouveles, por ce qe ja
15 li estoit venuz li chevalier qi por lui se devoit combatre, qant il a son fait tout
apareillié, il demande au chevalier qi la bataille devoit feire por li: « Sire, qe
vos plest il qe nos façom? nouveles me sont aportees qe li chevalier qi por
Daire se doit combatre est venuz au Pont Norgalois,10 e tuit li chevalier dou
païs s’i sunt ja assemblez por la bataille veoir. Qant vos plest il qe nos nos
20 metom a la voie? » Li chevalier, qi bon chevalier ert e preuz11 e hardiz duremant
e de grant afeire, qant il entent qe li jors de la bataille vient e qe venuz est li
chevalier qi contre lui se doit 12 combatre, il de(105a)mande a Syrion13 − issi
estoit appellez li chevalier por cui il fesoit la bataille: « Dites moi, fet il, se vos
avez enqores apris qi est li chevalier qi contre moi se doit combatre e metre en
25 champ14 por defendre ceste qerele. − Nanil, fors tant qe l’em m’a dit q’il est un
chevalier estrange, ne sai s’il est de la meison le roi Artus ou d’autre leu. − Qi
q’il 15 soit, dit li chevalier, viegne! puis qe nos serom a la proeve, chasqun fera,
ce sai ge bien, dou miels q’il porra! » Itant en dist li chevalier, mes plus n’en
dist a cele foiz. E se auquns me demandoit qi li chevalier estoit, ge diroie qe
30 ce estoit Hervis de Rivel, cil qi dona a Brehuz la damoisele, le16 vouxist ou non.
Cil estoit bien sanz faille un des bons chevaliers dou moundea et un des seurs.
301. 5 r. avons g.
6 ne d.
7 tant qu’il fait vint[…]Pont.
8 par D.
9 i. a sceu c.
10 Norgalleux.
11 estoit preux.
12 devoit.
13 Siron.
14 m. ou ch.
15 Quel q. i.
16 le omis.
302. Quant il ot feit tout l’apareil de celui voiage et il ot quis armes nouvelles
et escu nouvel e tout cea qe lor covenoit 1 a un chevalier por une2 bataille feire −
e celui escu estoit tout d’autretel teint 3 cum il soloit 4 porter, ce estoit q’il ert
tout blanc a deus lions d’arzur −, qant il se sont appareillié de la bataille q’il
5 ne peussent mielz por le cors d’un seul chevalier, il se metent au chemin e tant
funt qe au Pont Norgalois viegnent a un lundi, entor hore de none. A l’ende-
main aprés, au jor5 de mardi, devoit estre le jor de la bataille. Qant il furent
la venuz, il n’aloient pas herbergier au Pont Norgalois, qar il n’i fussent pas
herbergiez, si leissent a ce q’il n’i avoit fors une tor, ne cil de la tor ne lé
10 receussent pas avec els,6 por ce s’alerent 7 herbergier a un petit chastel qi pres
d’ilec estoit. Et apristrent adonc qe8 Yvain as Blanches Mains estoit venuz le
jor devant, qi s’estoit herbergiez entre9 lui e sa compeignie a un autre chastel
qi pres d’ilec estoit, a moins d’une lieue englesche. E cil dui chastel 10 estoient
ja tuit plains des chevaliers dou païs qi venuz estoient la por veoir la bataille
15 des deus chevaliers. Celui soir alerent li chevalier dou païs de chastel en chas-
tel por veoir les deus chevaliers qi combatre se devoient; de Hervi de Rivel
sorent il maintenant q’il devoit faire la bataille, mes il ne porent celui soir
savoir qi celui estoit qi por Yvains as Blanches Mains se devoit com(105b)batre.
Li Bons Chevalier sanz Peor avoit tant prié monseignor Lac q’il li avoit leissé
20 cele bataille; e neporqant, bien se fust combatuz adonc, qar auqes se sentoit
bien, mes il l’en pria tant q’il li leissa la bataille. Qant il li ot otroiee, li Bons
Chevalier dit 11 a cels qi entor lui estoient: « Ore vos pri q’il n’i ait nul de vos qi
die qe ge doie fere ceste bataille dusqe ge doie entrer en champ ». Et il fu
maintenant fet einssint cum il le comande;12 por ce ne porrent celui soir savoir
25 li chevalier dou païs qi cil estoit 13 qi por Yvain se devoit combatre.
303. Au soir, qant la nuit fu venue, li Bons Chevalier sans Peor demande a
cels qi devant lui estoient: « Savez vos enqore qi est cil a qi1 contre moi se doit
combatre? » Et un del païs qi bien conoissoit Hervys de Rivel respont tout erra-
ment e dit: « Sire, ge sai qi cil est qi demain entrera en champ encontre vos;
5 ore sachiez qe ce est un chevalier de grant afere e de haut pris qi est appelez
Hervis de Rivel ». Qant li Bons Chevalier entent ceste nouvelle, il beisse la teste
vers terre2 e puis respont: « Dex en soit a la nostre partie, qar a3 prodome avom
afeire, ce di ge bien. Certes, il est bon chevalier, coment qe li afeires aut. −
Sire, ce respont messire Lac, certes, il est bon chevalier duremant, mes enqore
10 n’a il en soi si grant bonté de chevalerie q’il peust longemant durer encontre
vos puis qe ce4 vendra a la force de bataille:5 ge le vi ja en tel besoigne dont il
se recorderoit enqore bien, se ge li amentevoie.6 E tout soit il si prodome cum
vos me dites, si ne se prouva pas7 si bien en celui afeire q’il li atornast a8 grant
honor; si ne di ge mie ceste chose por lui desprisier, mes por ce qe ge en vi, et
15 enqore vos fas ge certain d’une autre chose. Ore sachiez tout 9 veraiemant qe
maintenant q’il veira vostre escu et il le10 conoistra, par cele foi qe ge vos doi,
il ne ferra puisb contre vos cop de lance ne d’espeec, ainz vos leira tout qite-
mant; e vos le verroiz avenir tout einsint cum ge vos11 ai dit, que ge sai tout
veraiemant q’il ne seroit mie si foux q’il se meist encontre vos en tel bataille,
20 e meesmemant puis q’il vos conoistroit. − Messire Lac, ce dit li Bons Chevalier,
vos poez dire ce q’il vos plest, mes par la foi qe ge doi (105c) vos,12 ge conois
q’il est chevalier de si haut afeire e de si grant cuer qe puis q’il se sera mis en
champ, il ne leissera la bataille tant cum il la puisse maintenir; il n’est mie tel
chevalier qe l’en peust espoenter legieremant ».
304. Tel parlemant cum ge vos di tindrent leienz celui soir de Hervy de Rivel.
A chief de piece demande li Bons Chevalier sans Peor qi cil estoit qi devoit la
cort tenir por le seignor de Soroloys. E l’en li dit 1 qe ce estoit uns cousins
germeins dou Roi de Cent Chevaliers,2 prodome e de grant afeire; cil tendra3 la
5 droiture de ceste cort e la justice, et autre grant gent avec li, e grant pooir4 e
grant conseill por departir ceste qerele par5 reison e par droiture.6 Qant assez
ont entr’els parlé de ceste chose, il preignent conseill coment a et 7 en qel mai-
niere il irunt en champ8 ou la bataille se doit 9 feire, et au derreain s’acordent 10
a ce q’il irunt tuit qatre armez de toutes armes; tuit li escu serunt descovert
10 einsint cum l’en11 les porra apertemant veoir, fors seulemant l’escu dou Bon
Chevalier qi combatre se doit, cil sera12 couvert tout adés dusq’a13 tant q’il
serunt es destriers montez enmi le champ, mes aillors sera descovert e la houce
levee. Einsint ordenent celui fet et einsint se sunt cossellé. Au soir, qant il fu
grant piece de la nuit alee, Yvains as Blanches Mains se lieve e s’en vet tout
15 droit au chastel ou li dux dou païs demoroit, e ce estoit celui meesme qi cele
cort b devoit tenir et il estoit sanz faille cousin germain dou Roi de Cent Cheva-
liers. Qant il vit Yvain as Blanches Mains, il le reçut mout bel e mout honoree-
mant,14 qar ja avoit tant oï parler de sa chevalerie e de sa valor qe assés l’aloit
prisant cum chevalier de son aage. Qant il orent ensemble parlé longemant,15
20 Yvain li dist: « Sire, nec laissiez qe vos ne façoiz demain matin mon pere mener
en champ ». E cil li dit qe demain matin le porra veoir, e llors li redemande16
304. 1 Et on l. dist.
2 Chevalier.
3 a. et il t.
4 luy grant p.
5 q. et p.
6 et droicture.
7 comment ne.
8 m. cil vint au ch.
9 devoit.
10 derrenier ilz s’a.
11 ainsi qu’on.
12 d. et il s.
13 couvert […]jusques a: col. extérieure et mutilée 96a.
14 m. honnorablement.
15 p. moult l.
16 m. luy p. v. et l. demande.
li dux dou païs: « Dites moi, Yvain, se Dex vos doint bone avanture, qi est li
chevalier qi por vostre pere doit fere cested bataille? » Et il respont: « Sire, ne
vos en poist: ge n’en puis autre chose dire fors q’il est un chevalier errant, e si
25 est prodome des armes duremant; tant voiremant (105d) vos di ge bien qe, se
la bataille ne faut tost par devers nostre enemi, qe vos porroiz demain veoir
une bone bataille. − En non Deu, fet li dux, par devers lui ne qit ge mie q’ele
faille tost, qar li chevalier qi contre vos se combat est prodom des armes dur-
emant ».
305.1 Einsint parlent 2 celui soir de ceste chose. En tel guise se departirent;
Yvain s’en retorne au chastel e troeve qe li chevaliers s’estoient ja couchiez por
els reposer, qar assez avoient ja travailliez puis q’il se mistrent en3 cele
besoigne. A l’endemain, auqes matin, qant il se furent vestuz et 4 appareilliez,
5 il vont oïra messeb tuit qatre e puis se vont 5 armer. E qant il sunt armez en tel
guise cum il avoient le soir devisé, il n’i font autre demorance, ançois se metent
au chemin et il orent adonc grant convoie de chevaliers, qar tuit li parent
Yvain6 as Blanches Mains qi estoient demorant en cele contree y estoient venuz
et autres chevaliers de celui païs meesme i avoit assez, venuz por la bataille
10 regarder. E q’en diroie? a grant convoie de prodomes et a grant compeignie
s’en vet li Bons Chevaliers sanz Peor dusq’au Pont Norgalois. Ilec devant 7
devoit estre la bataille ferue e les lices i estoient ja fetes del c bien matin, e tant
y avoit ja des autres chevaliers e des gens8 qi venuz y estoient por la bataille
regarder qe ce estoit un mout grant puepled. Li dux qi la cort devoit tenir y
15 estoit venuz del bien matin et 9 avoit en sa compeignie des plus prodomes de
305. 1 96c, Rubr., COMMENT LE BON CHEVALIER O SES COMPAIGNONS S’EN VAIT AU PONT
NORGALLOIS FAIRE LA BATAILLE POUR LE PERE YVAINS AUX BLANCHES MAINS.
2 parlant.
3 t. depuis q. i. s’estoient mis e.
4 Au l. a. m. q. ilz furent armés et.
5 s’en v.
6 p. de Y.
7 devant omis.
8 d’autres ch. et de g.
9 tenir […ma]tin il y estoit venu et.
306. A celui point qe cele assemblee estoit fete en tel guise cum1 ge vos cont
a l’entree dou Pont Norgalois et il n’tendoient a mes fors2 qeb l’autre partie
venist, qar cele qi apeloit estoit venue piece3 avoit, atant e vos venir par la
praerie le Bon Chevalier sanz Peor a tel compeignie cum il avoit. Cil qi avec lui
5 venoient portoient lor escus descouvert − mes le suen est couvert toutes voies,
dom cil qi contre lui se devoit combatre l’eust c bien reconeu a celui point −,
mes a l’autre foiz q’il les vit 4 e q’il fu en lor compeignie chasqun d’els portoit
son escu couvert, e por ce nes pot 5 il pas a ceste foiz conoistre. Qant cil 6 furent
306. 1 t. point c.
2 n’attendoient plus f.
3 grant piece.
4 qu’i. le v.
5 ne pot.
6 Q. ceulx la.
venuz el champ einsint armé cum ge vos cont, cil qi el champ estoient assem-
10 blé por la bataille regarder lor firent voie maintenant. E qu’en diroie? il s’en
vient devant le duc; receu sunt de toute gent bel e honoreemant.7 Li dux
demande maintenant qi est celui qi por Daire prent la bataille, et 8 messire Lac
respont adonc: « Sire, veés le ci », si li mostre;9 « cist est cil qi la qerele Daire
veut feire e defendre. − En non Deu, fet li dux, il a empris un mout grant fet
15 qant il encontre10 un tel chevalier cum est Hervi de Rivel se velt combatre. −
Sire, ce dit messire Lac, se Hervis estoit meillor chevalier d’assez q’il n’est, si
velt il la qerele Daire defendre encontre lui, se il puet ». Lor se met avant li
chevalier qi Daire appeloit de la traïson e dist q’il est tout appareilliez q’il le
face prouver de la traïson dom il l’apele e presente maintenant son chevalier.
20 Li Bons Chevalier sanz Peor, qant il conoist qe li feit ne puet remanoir11 sanz
la12 bataille, se met avant e dist q’il est apareilliez q’il 13 defende Daire de la
traïson dom il est appellez. E qant il a dite cest parole, il se retret arrieres
(106b). « Seignors, ce lor a dit li dux, qant li fez est tant alez qe ceste querele
est a desrenier en14 tel mainiere, ore n’i a rien fors dou prouver ».
307.1 Aprés2 icestui parlemant il n’i a delaiemant nul, mes maintenant entrent
en champ3 li dui chevaliers, li uns4 d’une part e l’autre d’autre. Enqore n’avoit
pasa li Bons Chevalier sanz Peor son escu descouvert, ainz le tenoit enqore
couvert 5 de la houce; mes tout maintenant qe li cor comença a soner − e ce
5 estoit senefiance qe aprés celuib son ne parlast nus qi en champ fust fors qe li
306. 7 et honnorablement.
8 et omis.
9 s. le m.
10 qu[ant…]e: col. extérieure et mutilée 96d.
11 p. demorer.
12 la omis.
13 e. tout prest q. i.
14 a mettre a fin e.
307. 1 96d, Rubr., COMMENT HERVY DE RIVEL CONGNUT LE BON CHEVALIER SANS PAOUR
PAR SON ESCU QU’IL AVOIT AUTREFFOIS VEU ET NE JOUSTERENT POINT (elle est sui-
vie, au f ° 97a, d’une miniature qui en apporte l’illustration).
2 Après: grande initiale.
3 au ch.
4 [l’u]n: col. extérieure et mutilée 97a.
5 ainz … couvert omis (saut du même au même: descouvert).
308. 1 derrenier j.
2 s. cil n. e.
3 vit.
4 d. luy a.
5 tollu sa f.
10 qi contre lui voloit movoir por comencier la premiere joste, crie a Hervis: « Sire
chevalier qi apelez, vos devez premieremant movoir! comenciez huimés la
besoigne, qar tens en est! E cist chevaliers6 qi ci sunt venuz por nostre bataille
regarder nos tendront a mauvais et ha coart, se nos alom plus demorant ». A
ceste parole respont Hervis e dit: « Sire, se Dex me conselt, le7 vostre escu
15 d’argent qe ge vois ore reconoisant e qi me mostre apertemant qe vos estes
sans faille le Bonb Chevalier sans Peor si m’a orendroit tout tolu ma force e
mon pooir de combatre; e se ne fust qe ge conois vostre escu, avant ferissom
cent coux qe8 ge vos qidasse faillir. E q’en diroie? puis qe reconeu vos ai, contre
vos ne me puis combatre; fesom au mielz qe nos porrom entre nos deus de
20 ceste qerele, qarc contre vos ne me combatroie ne por mort ne por vie. C’est la
fin de ma response; autre chose vos n’avrez de moi ».
309. Quant cil, qi en la place estoient avec le duc por doner a chasqune des
deus parties1 sa reison, entendent la parole qe Hervis de Rivel avoit dite − qar
bien l’orent oïe tout 2 cleremant −, il dient au duc qi la cort tenoit: « Sire, qe
dites vos de ceste chose? Ceste bataille est afinee,3 ja plus n’en sera a ceste
5 foiz puis qe Hervis a reconeu qe cist est li Bons Chevalier sanz Peor qi encontre
lui est entrez el champ: il conoist bien en soi meesmes qe contre lui ne porroit
il durer en nulle mainiere, e por ce n’en fera4 il plus, qar il ne se velt si aperte-
mant metre a mort cum il feroit, s’il en ceste bataille se metoit. Ore veez qe vos
en feroiz; il sunt amdui si prodome q’il est bien mestier qe vos metoiz conseill
10 en cest afeire ». Li dux, qant il entent ceste nouvelle, por ce q’il savoit tout
certeinemant qe Hervis de Rivel estoit chevalier de mout haut afeire e de haute
renomee duremant − e s’il voloit a celui point, il le porroit fere morir por ce
q’il refuse ceste bataille si plainemant −, il 5 dist a ceus qi entor lui estoient:
« Segnors, qe volez vos qe l’en6 face de ceste chose? Ge conois ore tout
chevalier qi la bataille devoient fere; a chasqun est bel de la soe part. Grant
joie s’entrefont manois q’il 6 furent osté dou champ e dient 7 entr’eaus tout en
10 riant qe a piece mes ne fu nulle bataille si tost finee cum ceste a esté. La ou il
parloient entr’eaus en tel mainiere, e li dux se voloit metre en celui parlemant
cum cil qi estoit desirant d’avoir8 l’acointaincea dou Bon Chevalier sanz Peor,
se avoir la p(107a)eust, lib bon Chevalier dist a Hervis: « Sire, qe vos plest il qe
nos façons? Ici ne voill ge pas demorer; ce ne sai ge, se9 vos demorer i volez.
15 Qe qe vos voillez ore faire, ge voill chevaucher errament. − Sire, ce li a dit
Hervis, sachez de voir qe de ceste meesme volanté estoie ge bien: chevaucher
voill tout 10 autresint. − Ore chevauchom donc ensemble, dit 11 li Bons Chevalier
sans Peor, tant qe avanture nos departe. − Certes, sire, fet Hervis, ce me plest
mout; e de ce qe vos, la vostre merci, m’avez apelé en vostre compeignie sui
20 ge mout joiant; huimés nos metom a la voie, qar ceste qerele est finee a l’honor
d’amdeus les parz ». E12 qant il a dite ceste parole, il n’i font 13 autre demorance,
ainz se metent tuit a la voie e tornent tuit le14 grant chemin.
311.1 Quan li dux, qi la cort tenoit einsint cum ge vos ai conté, entent qe li
compeignon s’en vont en tel mainiere e sanz prendre congié a li, ce est une
chose dom il est trop duremant iriez, qar2 trop volantiers vouxist q’il remansi-
sent avec3 lui au mains deus jors ou trois, tant q’il se fust mieuz acointez dou
5 Bon Chevalier sanz Peur qu’il n’estoit; qar ce estoit l’ome dou monde de cui il
311. 1 98a, Rubr., COMMENT, APRES [QUE] LA CONCORDE FUT FAITE AU PONT NORGA-
LOIS, LE BON CHEVALIER ET SES COMPAIGNONS SE PARTIRENT D’ILLEC ET LE DUC
ALA APRES.
2 moult durement courrousé car.
3 qu’i. demorassent a.
conté fu cele bataille finee e la concorde mise entre le pere Yvains as Blanches
Mains e celui qi apelé l’avoit. Yvains remest avec som pere en celui païs; mout
pria li Bon Chevalier sans Peor e les autres compeignons q’il remansissent avec
10 lui aucun pou de4 tens por eus sojorner e aaesier, mes ne pot estre a cele foiz.
Il n’i voudrent demorer, ainz se mistrent au grant chemin e distrent entr’eus
qe puis qe avanture les avoit einsint ensemble aportez, il 5 ne se departiroient
mes devant 6 q’il fussent a Qanpercorrentin de la Forest, se avanture de cheva-
lerie ne les fesoit departir.
1. b Assés dans la marge avec signe de ren- b Ms. f. i , corr. d’après A(2).
voi.
c sses: un z final corrigé par un s suscrit.
1. 7 i. souffroient.
8 enterrinemant omis.
9 a ramentevoir.
10 merveillez.
11 ch. estoit.
12 chevaliers.
1. d jornee répété.
1. 13 qi omis.
14 ch. et s’e.
15 l. donna.
16 e. ung a.
17 s. maintenant E.
18 ge sui appareilliez omis.
19 p. d’icy.
20 si cum ge croi omis.
1. e la suscrit.
pié,3 et il s’ia metent errament. E mes- vert et de noir de lonc l’escu. Quant li
20 sire Lac lor dit adonc: « Seignors, ore compaignons voient li doi chevalier, 20
sachiez de voir qe ceste sente nos il dient entr’auz: « Cist sont chevalier
menra droit a cele fonteigne4 dont ge eranz », et li Bon Chevalier dit mainte-
vos ai parlé; ge me vois orendroit nant a Breüs: « Breüs, or i para qe vos
recognoissant ». E cil dient qe de ce farés! Bien poés veoir qe le froit n’a
25 sunt il mout liez. Il n’orent pas grant- mie mangiés trestuit li chevalier de 25
ment alé aprés ceste parole q’il cest païz; veés ici deus venir qui ne
encontrerent deus chevaliers armez vos faudront d’unne joste, ensi com je
de toutes armes; e menoit chasqun croi. − E non Dex, dit Breüs, je voeil
d’eaux deus escuiers e portoient avoir la joste de li uns des deus. » Et
30 armes toutes nouvelles e fresches, mi maintenant se mist avant et crie tant 30
parties de noir e de vert dou lonc des com il puet: « Segnor chevalier, a il
escus,5 non mie dou travers. Qant li nul de vos qui la joste voille? » E lli
compeignon6 voient venir ces deus uns des deus respont: « La joste vol-
chevaliers estranges, il en parlent lon nos bien par tel mainere que, se
35 entr’els e dient: « Cist sunt 7 chevaliers chascuns de nosa puet abatre le sien, 35
errant, autremant ne puet estre ». E cil que nos ne seronz plus arestés ». Et cil
sans Peor dit a Brehuz: « Brehuz, ore s’acordent bien a ceste chosse. Hervi
poez veoir tout apertemant qe li froiz de Rvel prie a sez compagnons que il
n’a mie mengiez encore touz les che- li otroient la joste, et cil le font.
40 valiers de cestui païs! Veez en ci deus
venir8 qi ne vos faudront, si cum ge
croi, d’une joste, se vos les apelez9. −
En non Deu, fet Brehuz, ja a grant
piece qe ge n’encontrai chevalier
45 errant. E por ce voill ge la joste de
celui de cels deus qi avant la voudra
avoir ». E maintenant se met devant
2. 3 d. gens a p.
4 a ceste f.
5 des escus omis.
6 les deux c.
7 entr’eulx deux et d. Ceulx s.
8 Voyés en deux v.
9 appellés d’une jouste.
3.1 Quant 2 a ce se sont acordez, il n’i Quant a ce se sont acordés, il n’i a nul
a delaiemant nul, mes maintenant delaiement, mes maintenant leisse
leisse corre Brehuz a l’un des deus core Breüs a l’un des deus chevaliers;
chevaliers qi de la joste estoit appa- einsint s’entreferent si durement qe
5 reilliez. Einsint s’entreviegnent li dui Breüs fu portés desuz la noif, et de 5
chevalier par desus la noif qi en cele tant li avint bien qe il n’i hot nul mau
contree n’estoit pas adonc trop grant; de celui cheoir, fors qe un peu fu
e sachiez q’il s’entreviegnent adonc estordis. Le chevalier qui l’ot abatus
de si grant force cum li cheval puent ne le regarde, ainz s’en passe holtre;
10 aler. Amdui sunt fort, amdui sunt einsinta avint de celle joste. Quant 10
preuz, et au lor venir apert auqes. E3 Hervi de Rvel et l’autre chevalier
qant ce vient 4 au beissier des gleives virent a quel fin estoitb venue le pri-
2. 10 v. et B.
11 Et il li otroient omis.
4. Einsint avint de cele joste a celui point. Li Bons Chevalier sans Peor e mes-
sire Lac autressint, qi cele joste orent 1 veue, en parlerent entr’els e dient qe
cele joste avoit esté fort, e de grant force est li chevalier qi Brehuz abati einsint.
E li autre dui chevalier qi la joste avoient regardee autressint a qele fin ele
5 vendroit, il n’i font autre demorance, ainz recomencent l’autre joste de lor par-
tie. E s’entreviegnent si grant oirre cum il poent des chevaux trere. E qant ce
vient a l’encontrer, il s’entrefierent des fers des gleives ambedeus si roidemant
qe li hauberc en sont rout e desmaillié.2 Hervis de Rivel a cel point 3 ne se puet
mie trop loer de cele joste; cil est 4 si fortmant feruz q’il est a navrez auqes par-
10 funt. E sor tout ce il est si duremant abatuz qe au cheoir q’il prent a terre, il
est si estordiz fieremant q’il ne set s’il est nuit ou jor. Li chevalier qi abatu l’ot
en tel (108b) guise,5 qant il le voit cheoir a terre, il nel vet onqes regardant,
ainz s’en vet otre.
4. 1 j. avoient.
2 rompus et d.
3 a cel point omis.
4 j. il est.
5 a. l’avoit e. t. maniere.
5. Quant li Bons Chevalier sanz Peor1 Quant le Bon Chevalier sanz Paor voit
voit ceste chose, il est si fieremant ceste chosse, il est si fierement esba-
esbahiz q’il ne set q’il doie dire, qar his qe il ne set que il doie dire, qe a
a ce q’il conoist tout certeinement la ce qe il connoist la grant proesce de
5 grant proece de Hervis de Rivel, il dit Ervi de Rvel, il dit bien a soi meesme 5
bien a soi meesmes q’il ne puet estre2 que celui qui l’avoit abatus estoit bien
qe cil qi abatu l’a en tel mainiere ne chevalier de haute proesce garnis. Et
soit chevalier de haute proece garni. E por ce se esproveroit il volentiers a
por ce s’esprouveroit il trop volantiers lui, se le chevalier ne le refusast da sa
10 encontre lui a ceste foiz, por qoi li part; et tout autretel dist mesire Lac. 10
chevalier ne refusast 3 de la soe part Cil sanz Paor n’atent plus quant il voit
ceste esproeve. Tout autretel redit Hervi en tere, ainz prent son escu et
messire Lac. Cil sans Peor n’i atent son gleive et hurte le cheval des espe-
plus qant il voit qe Hervis est a terre, rons et crie au chevalier qui avoit fet
15 ainz prent son4 escu e son gleive des la primiere jouste: « Sire chevalier, 15
escuiers e hurte cheval des esperons a joster vos estuet! » Le chevalier
e crie tant cum il puet a a celui cheva- s’areste quant il entent ceste parole et
lier qi fist la derreaine joste: « Sire respont au roi d’Estrangore mult har-
chevalier, ne vos en alez en tel mai- diemant: « Dan chevalier, se vos
20 niere! Il est mestier qe vos jostez a jouste volés, si la querés en autre leu, 20
moi ». Li chevalier s’areste adonc qant car vos savés bien les convenances qi
il entent cest nouvele e respont 5 au sunt entre nos et vos; et por ce ne me
roi d’Estrangorre mout hardiemant: porés vos feire force, se il ne me plest
« Dan chevalier, dan chevalier, se vos de joster (83c). − Certes, dit le Bon
25 joste volez trouver, en autre leu la Chevalier, vos dites verités, ne je ne 25
porchaciez, qar ge la refus bien dou vos en feiz force, mes voirement por
tout a ceste foiz. Vos savez bienb les ce qe je voi qe vos estes chevaliers de
convenances d’entre nos e por ce ne grant force, me voloie je esprover a
me poez vos feire force de joster s’il vos. − Encontre un autre vos espro-
30 ne me plest. − Certes, dist li Bons Che- vés, fet le chevalier, car je n’ai volenté 30
valier, de ce dites vos bien veritez, ne de mantenir ceste esprove ». Et quant
ge force ne vos en faz. Por ce voire- il a dit ceste parole, il s’en vait oltre
mant qe ge ai bien a cestui point veu qe plus ne tint parlement a lui. Le Bon
e coneu qe vos estes chevalier de grant Chevalier sanz Peor s’areste, car il ne
35 pooir e de6 grant force, me voloie ge set qe il deust dire, et regarde monse- 35
esprouver encontre vos plus volantiers gnor Lac et dist: « Sire, que poonz nos
qe encontre autre.7 − Encontre un feire? − Sire, fet mesire Lac, a ce avon
autre vos prouvez, dit li chevalier, qe8 nos failli par le covenances qui sunt
ge n’ai ore volanté de ceste esproeve entre nos et elz; mes se Hervi et Breüs
40 maintenir ». E qant il a dite ceste voellent lor honte vengier, feire le 40
parole, il s’en vet outre q’il n’i fet poent, car cil II n’ont le poir mes nos
autre parlemant. Qant ce voit li Che- deus n’avons a tendre.
valier sans Peor, il 9 s’areste cum cil qi
ne set q’il doie fere et il regarde mon-
45 seignor Lac e li dit: « Sire, qe poom
nos fere? − Sire, ce dit messire Lac, a
ces deus chevaliers, qi de ces jostes
se sunt delivrez si honoreemant,10 ne
poom nos riens demander, qar la cove-
50 nance qe nos aviom fet a els les en
delivre: aler s’en puent qitemant de
nostre part.11 Voiremant, si Hervi de
Rivel e Brehuz sanz Pitié voelent c lor
honte revengier, et 12 il en ont le pooir,
55 fere le poent par reison. Mes entre nos
deus qe nos en avom entremetre? »
5. c Ms. veelent.
5. 6 g. prouesse et de.
7 e. ung a.
8 v. esprouvés dist l. ch. car.
9 a. delayement. Q. le Bon Ch. s. P. voit
ce il.
10 s. honnorablement.
11 l. e. d. tout quittement de n. p.
12 v. revenger la [honte] et: col. exté-
rieure et mutilée 100a; cf. var. 4.
7.1 E lors parole Hervis de Rivel e dit Lors parolle Hervi de Rivel et dit as
as deus bons chevaliers: « Seignors, deus chevaliers: « Seignors, vos veés
vos veez bien coment il est; puis qe bien coment il est, e puis que ceste
ceste vergoigne nos est avenue par vergoigne noz est venue e devant vos,
5 devant vos e par chevaliers qe nos ne se nos ne feissons nostre poir de 5
conoissom de riens, fors qe prodomes revengier la, l’en ne nos devroit tenir
sunt, se nos ne feissom nostre pooir por chevalier. Por quoi nos vos coman-
de vengier nos aprés ceste avanture, donz a Nostre Seignor, car aprés ces
l’en2 ne nos devroit pas tenir a cheva- deus chevaliers volons nos aler,
10 liers. Por qoi nos vos comandom a coment que il nos en doie avenir, e 10
Deu, qar aprés ces deus chevaliers puiz revendrai a vos a la maisson le
volom nos aler, coment q’il nos en roiz Uterpandragons a Quinporcoren-
doie avenir. Se ge endroit moi m’en tin et serai a celle riche cort, se aven-
puis delivrer legieremant e vengier ture ne me destorbe, au jor de Noel
15 ceste deshonor, ge m’en irai aprés droitement. − Sire, sire, dit Breüs, il 15
(108d) vos tant cum ge porrai, dusq’a est bien verités, fait il au Buen Cheva-
tant qe ge soie venuz a la meison le lier sans Paor, qe je sui aïz au monde
roi Artus en tel mainiere qe ge i serai, et en la cort le roi Uterpandragons,
7. 9 alons cheval.
10 yra tout s. ch.
11 c. q. main c. d. et corroux.
8. 1 tous.
2 d’arbres q. environoit d.
3 s. espesseement q. e.
9. 3 s. dessus l. f.
4 d. qu’il gette u. s.
5 t. ay de p.
6 en joye s. f.
7 r. et p. j’ay douleur e. m. g.
8 Amor… guerit omis.
9 Ainsi m. m. amour que je n’y p.
(109b) 10. Quant il a finé cestui conte, il se test q’il ne dist plus a cele fois e
comance1 a pensier sor la fonteigne, aussint come il fesoit devant, e tient sa
main a sa face2 e fet semblant q’il s[oit du]remant a esmaiés.3 Il ne se prent
garde a cest point de ceus qi sont 4 tres devant li; il ne les voit, mes il voient li
5 tout cleremant. Qant il a grant piece pensé sor la fonteigne, einsint cum ge vos
voi contant b, il comance adonc sa complainte en tel mainiere: « Amor, mal vi
vostre orguelh, qar ge le truis bien5 sans reison e sans mesure. Se fust par
auqune avanture avec l’orgoil e reison e pitié, adonc peusse ge avoir auqune
esperance6 de trouver bien aprés mal, de trouver joie aprés duel, d’avoir con-
10 fort aprés desconfortemant c. Mes ce qe ge voi toutes voies qe mi mal vont adés
creissant 7 e qe ma dolor ne prant fin e qe touz desconfort me vient, si fet ma
complainte esforcier, e por ce dirai ge orendroit ce qe ge autre fois ai eu.8
10. 1 commença.
2 et sa main[tient?]a sa f.: col. extérieure et mutilée 101a; cf. var. 81.
3 et fais (!) semblant […] de riens soit esmayé.
4 a c. p. des […] qui s.
5 A la place de l. truis b., on trouve une leçon incompréhensible l. tu as b.
6 p. a. il avoir […?] avoir aucune e.: omission probable du verbe à la forme personnelle.
7 v. tousjours c.
8 que j’ay autreffois dit, et recommence son grant dueil en telle maniere.
plorer. Desdans estoit bien cestui tra- ma leiauté? que me vaut tout li bon
30 valh qi onqes ne prenoit repos; puis servisse que je li feiz honques, qe je 30
le penser, puis le travail me revenoit voi languissant jor et nuit et vif a cel
l’angoisse sus. E cele10 an(109c)goisse martire? qe me vaut? Piz qe mort! Et
au mien esciant passoit a toutes les tant ai sofert les maus d’amor qe je en
mortex angoisses, qar11 il ne m’ave- morai, ce m’est aviz ».
35 noit jamés q’aprés cele destroite
angoisse12 me venist assoagemant. Se
m’angoisse estoit grant au soir, ele
estoit au matin grande13 et en tel
guise toutes voies aloit croissant e
40 plus e plus.14 E q’en diroie? Se nus fu
onqes deloireux,15 se nus ot onqes
doleur et poine, se nus ot onqes ire e
corroz, se nus ot onqes deheit e
perill,16 se nus fu onqes desconforté
45 por bien amer en son aage, se nus fu
onqes mis au desoz por avoir lonc
tens amé, ge sui celi17 sains nulle
faille qi ai esté toute ma vie lassés e
travaillés e grevés e corrociez18 e
50 tristes e dolans plus qe nul autre che-
11. 19 n. h. elle m. d.
20 en a eu p.
21 m. d. douleur et p.
22 o. vil a ch.
23 d. ses yres et d. ses d.
24 et j’en suis.
25 nul a tesmoing.
26 f. amoreux e. m.
27 tout omis.
28 q. j’ay fait.
29 Amours.
12.1 Quant il a feite cele compleinte2 Quant il a fait ceste complainte en tel
en tel guise et en tel mainiere cum ge guisse com je vos ai conté, il se test
vos ai ici conté, il se test, ne ne dit que il ne dit plus d’unne grant piece.
plus mot d’une grant piece. Li dui Le Bon Chevalier sanz Paor et meser
5 compeignon qi oï l’orent tout clere- Lac le regardent et se tienent quoi et 5
mant e qui enqore le regardoient, e se entendent tot ce qe il dit et dient bien
tiegnent cois3 por escoutier s’il dira entr’aus que cist est bien unz des plus
plus. Itant dist bien li uns a l’autre qe biaus chevalier qe il veissent onquez
cist est bien sans doute uns des biaux mes e de le mielz talliez, et se il
10 chevaliers qe il veissent a4 piece mes n’estoit home seconde la bonne taille 10
et uns des bien tailliés; se il n’estoit qe il a, l’en le devroit tenir au plus
prodome des armes selonc la taille mauveis dou monde. Ensi dissoient
q’il a (109d), touz li mondes le devroit entr’elz pleinement por escouter se il
tenir a maveis et a coart. Einsint diroit pluz. Li chevalier pensoit trop
15 parolent entr’eaus au plus coiemant durement et ploroit adés. La u il pens- 15
q’il poent, cum cil qi ne voloient mie soit ensint, atant es vos venir unne
qe cil les entandist de riens. Li cheva- damoiselle qi s’en vient tote droite
lier qi sor la fonteigne demore, einsint vers la fonteine, montee moult riche-
pensis cum ge vos cont, qant il a finé ment. Ellea s’en vient si pres le cheva-
20 sa complainte, se test adonc une lier qe pou que son pelefroi ne tochoit 20
grant piece e tient sa main a sa face e a llui. Li chevalier estoit si fierement
regarde toutes voies en la fonteigne. pensiz que il ne veoit la damoiselle;
E les lermes li viegnent adés as elz qi celle le regarde toute vois, mes cil qui
li5 corroient toutes voies aval les pensiz estoit ne la voit, car il a le cuer
25 faces.6 Il pense aussint cum7 ge vos en autre leu et ne cuide mie que il ait 25
12. 1 101c, Rubr., COMMENT UNE DAMOI- a Elle: pas d’initiale dans F. Correspond au
SELLE SURVINT A LA FONTAINE OU LE § 13.1 de A(2).
CHEVALIER FAISOIT SI GRANS COM-
PLAINTES D’AMOURS ET PAR QUELLE
MANIERE ELLE PARLA A LUY.
2 f. ceste c.
3 quoy.
4 i. feissent (?) a.
5 qi li omis.
6 la face.
7 p. ainsi comme.
13. La damoisele tout einsint a cheval cum ele estoit s’en vint droit dusqe la
fonteigne, si pres dou chevalier q’a pou qe si palefrois1 ne touchoit a li. Cil qi
pensoit si estrangemant cum ge vos cont estoit si fieremant donés2 a celui pen-
ser qe enqore ne s’estoit pris garde de la damoisele qi sor li estoit venue. Cele
5 l’esgarde3 toutes voies, mes cil ne regarde pas lui; il 4 pense mout autre chose.5
Il ne qide pas q’il ait a cestui point pres de li dame ne damoisele. Qant la
damoiselea l’a en tel mainiere regardé une grant piece, et ele voit q’il ne se
remuera de celui penser, ele parole e dit: « Ha! vil, mauveis, faillis, noient che-
valier,6 recreant, cohart, li plus dolans, li plus honteux e li plus vergondeux7
10 de touz ceaus qi onqes porterent armes el roiaume8 de Logres! por qoi alez
pensant ici, cheitiveté ? vergoigne,9 honte, reproche de touz chevaliers, qe pen-
sez vos ? »10
noble,6 a si tres bele come ele est de chosez ne doit chaloir de si recreant
toutes choses, qe de tel recreant, cum chevalier com tu es, car tu es le pires
tu es, li chaudroit?7 Certes, l’en la deo monde et le plus vilz et le plus
25 devroit ardoir, se ele n’amoit meuz ta honiz. − Certes, dit il, ma damoyselle, 25
mort qe ta vie; qar tu es le pires dou vos ditez voir, je sui li plus vilz dou
monde, li plus vils, li plus honis. − monde et le plus desonorez; et nepor-
Certes, fet il, madamoisele, e nepor- quant, la merci de Deu et de ma
qant, la merci Deu e de ma dame, dame, encor n’a mie mult grant tens
30 enqore n’a mie trop grant tens qe ge qe je estoie loés et prisiez entre les 30
estoie prisiés e loés entre chevaliers. chevaliers. Mes hore est einsint avenu
Mes ore est einsint avenu: onqes jor que onques ne fui tant prisiez qe je
ne fui tant prisiez qe ge ore ne soie ne ssoie hore plus despresiez. Et de si
desprisiez, autant ou plus. E de si grant force est ma dame: tant conme
35 grant force est ma dame: tant cum ele elle me digne de prisier, tout le 35
me velt prisier,8 tant me prise toutz li monde me prisse; et maintenant que
mondes; maintenant q’ele me des- elle me desprisse, tout li monde me
prisa,9 tout li mondes me tint vil.10 tient a vil. Tant com il plot a ma dame
Tant cum plest a ma dame chiere qe chiere qe je eusse le lex de chevalerie
40 ge leux de chevalerie conqeisse, e ge et que honor conquerisse, je le con- 40
le conquis e11 fis tant qe ge oi renom12 quis et fiz tant qe je hoi l’onor de che-
de chevalerie. Mé, puis qe a ma dame valerie. Mes, puiz qe a ma damne ne
ne plot, tout maintenant 13 me covint plot, tout maintenant me vint perdre
perdre la renomee qe ge avoie.14 E l’onor de chevalerie qe je avoie par
45 q’en diroie, madamoisele? La force de lui, et force et vertu; telle est ma 45
ma dame est tex qe ele me fet qant ele dame qe de morir ou de vivre tout est
velt e me desfet a son talant. E15 por a son comandement. Bien sai de voir
ce vueilh morir e vivre tout 16 a son q’elle est telle et si vaillant de toutes
comande(110b)mant. Bien sai de voir chosses qe a si vil home conme je sui
15. 17 e. n’y d.
18 s. fort.
16. 1 tant d.
2 lait le p.
3 hideux le p.
4 e. oncques m. v.
5 rossin maigre chetif.
6 n. en pluseurs loeux et.
7 l’a. nain t.
8 t. estoit lait et assés plus q. d.
9 v. sur l. ch.
17.1 Li nains qi atent au2 ferir sor le (84c) Li nain qui atent a ferir sor le
chevalier, toutes voies, qant il est tant chevalier, toutes voiez, quant il est
las(110c)sés e travailliésa dou ferir q’il tant laz et travaillez qe il ne puet mes
ne puet mes en avant, il 3 giete la cor- en avant, il jete la coroie qu’il tenoit e
5 giee jus e prent le frain q’il tenoit en prent le frein qe il avoit en la senestre 5
la senestre, e ne fet autre chose qant main et ne fet onques autres chosez,
il l’a prisb, ains le giete tout erramant ainz le giete au col del chevalier e lle
eu col 4 dou chevalier e l’en qidoit 5 cuidoit bien trainer, mes il ne puet,
bien avec li traynier. Mes il ne puet, car le chevalier estoit grant et fort;
10 qar il estoit grant e fort; por qoi il ne por que il ne le puet remuer. Quant le 10
le puet remuer. Non feissent tex dis nain voit ce, il saut juz deu rocin et
cum estoit cele vil c creature. Qant li cort sus au chevalier, le frain en la
nains voit q’il ne li puet autre chose main, et li donne grandisme cous
fere, il saut dou roncin6 a terre e cort parmi la teste, tant com il puet ame-
16. 23 O. dois.
24 mauveis omis.
18. A celui point qe li nains estoit A celui point vint une dame sor elz
desor1 le chevalier, en tel guise cum qui estoit auques d’aage et moult
ge vos cont, atant e vos venir une belle et avenant. Quant elle voit le
dame auqes d’aage;2 e de son aage nain sor le chevalier et qui adés le
5 estoit ele bele a mervoilles. Qant ele feroit de le frain, elle se mist adonc 5
vit que li nains estoit en tel mainieire au devant et dit: « Ai, nain! par dez
sor le chevalier e le feroit toutes mercis, ne metés a morte ceste cheva-
voies3 dou frain par la ou il le pooit lier, car il ne l’a mie deservi. − Dame,
ataindre, ele se met adonc avant e dit: diste le nain, vos pleiste il qe je lasse
10 « Ha! nayns, merci! ne metés cest che- atant ceste chevalier vil et cheitif? − 10
valier a mort, q’il ne l’a mie deservi, Oïl, voir, ce dit la dame, et je vos en
17. 7 l. commença.
8 Mais que luy vaul (!).
9 a de f.
10 S’il.
11 n’a grandement plus de p. que ung
faulcon peut avoir.
18. 1 e. dessus.
2 d. assés aagee.
3 l. frappoit t. v.
18. 4 p. il q.
5 ch. lait et ch.
6 e. demouré e. p.
7 tu es le […] de: col. extérieure et
mutilée 103a; cf. le § préc. var. 17.2.
8 a.
9 Qu’a. tu a.
10 auqun omis.
19. Quant la dame ot ceste parole, ele Quant la dame ot ceste parole, si dit:
respont errament e dit: « Comant, fet « Coment, chaitif, mauveiz, cuidez tu
ele, cheitif, mauveis, qides tu donc de de duel morir? veisses tu onquez,
duel morir? veis tu onqes, en ton en ton hage, home qui de duel
5 aage, home qi de duel moreust? − moreuste? − Nanil, fet il, ce di je 5
Nanil, fet il, ce di ge bien. − E tu, fet bien. − E tu, doloreus, fait il, coment
ele, doloreux, coment dont en mor- en moras tu? − Coment dame? fet il;
roies tu? − Coment, dame? Ge sai de je sai de voir qe je ne puiz longue-
voir qe ge ne porroiea vivre, tant ai ment vivre, tant ai grant dolor au
10 grant dolor au cuer. Mi duels n’est cuer, ne jameiz n’en avrai confort ne 10
pas duels soulemant, mes est duel santé, se il ne me vient d’un seul leu,
passe duel. − Ore me di, fet ele, dolo- ce est dont vos savez. A vos ne le puis
reus, as tu ore nes mie1 esperance qe je celer, car vos savez tant de mon fet
jamés jor de ta vie puisses avoir qe ge (84d) voudroie volantiers, se il
15 reconfort? − Reconfort, fet il, moi peust estre, qe vos ne autres nen ne 15
cheitif? Certes, dame chiere, non; ge seussiez tant. − Or me dites, fet elle,
sai qe2 jamais n’avrai confort, s’il ne dollereus, par mi tous le maus et les
me venoit d’un seul leu, ce est de ce poinez qe tu az soufert por lui et qe
qe vos savés. A vos nel puis ge celer, tu encore vé soufrant, se or te fussent
20 qar vos savez tant de mon fet qe ge aportees mauvaises novelles de li, 20
voudroie mout, s’il pooit estre, qe vos celz qui fusent mortelz et qui li tor-
tant n’en seussiez, ne vos ne autre. nasent a honte, ne seroies tu moult
Cele me porreit confortier, se riens qi joiant? nen avroiez tu de son mal joie,
soit en cest monde me pooit avoir ensi com elle a horendroit del tuen?
25 confort.3 − Ore me di, fet ele, dolo- Car bien sachez veraiement q’elle est 25
reux, par toz4 les maus e les peines qe hore mult joiant de ton mal ».
tu as soufert por li, e qe tu enqore
vesb soufrant,5 se ore te fussent apor-
tees mauveises nouveles de li,6 celes
30 qi fussent mortex e qi li venissent a
onte, ne7 (111a) seroies tu mout
joiant? n’avroies tu8 de son mal joie,
20. Li chevalier, qant il ot ceste nou- Quant le chevalier entent ceste novelle,
velle, beisse la teste maintenant e il baisse la teste e comence a prorer
comence a plorer mout fort, si qe les moult fort; et quant il parole, si dit:
lermes corrent 1 tout contreval la face. « Certes, se ma dame est hore joiant
5 E qant il respont, tant dolans e tant de mon mal, por ce ne li puis je aler 5
corrouciez qe nul plus, il dist tout em encontre par nule raisson dou monde;
plorant: « Se ma dame est joiant de se elle me presta un grant temps joie
mon mal e de ma dolor, por ce ne puis e lleesce et elle m’en desvesti, de ce
ge aler encontre par nulle2 reison dou ne la puiz je blasmer; et se elle est de
10 monde; s’ele m’a presté joie un lonc ma dolor joiant et lee, or sache elle 10
tens e leece, et ele puis m’en des- veraement qe de son duel et de son
svesti,3 de ce ne la puis ge blasmer; corous seroie je plus dolens q’elle
ce qe ele fist, ele puet desfere, tant est meezmes ne seroit. Ne son duel ne li
son pooir merveilleux. Ea se ele est de tocheroit tant com il feroit a moy, car
15 ma dolor joiant e liee, ore sachiez tout elle ne set si bien que est duel com je 15
veraiemant qe de son duel e de4 son sai; ne il n’est nulle aventure en ceste
corrozb, se ele l’avoit,5 seroie ge plus monde qui si tost me feisse morir com
dolant q’ele meesme ne seroit. Ne son se elle euste dolor ou je ne peusse
duel ne la toucheroit autant cum il c metre consoil. − Chaitif, fet la dame,
20 toucheroit moi,6 qar ele ne set si bien donc pues tu veraiement morir, car 20
qe est duel 7 cum ge sai. De sa joie, se bien sachez qe onqez a jor de ta vie,
20. 1 l. luy c.
2 e. pour n.
3 p. me d.
4 dueil de.
5 s’e. en a.
6 a m.
7 q. c’est d.
ge la savoie, seroie plus8 joiant qe nul celle por qoi tu traiez cest grant dolor
home mortex e qe ele meesme ne ne fu onquez tant dolente e triste
seroit, e9 de sa dolor plus tristes qe conme hore; et bien sachez, fet elle,
25 tout li mondes; ne il n’est orendroit se nulle dame de grant valor fu 25
nulle avanture en cest monde de qi onques en aventure de recevoir mort
si10 tost me feist morir cum seroit, se et villenie, si est celle qe tu amez tant.
ele avoit dolor ou ge ne peusse metre Et quant je vos ai dit ce, je m’en irai
conseil. − Cheitif chevalier,11 fet la desormés, car je ne ving ça por autre
30 dame, donc poez errament morir, qe chosse, fors por conter vos ce de 30
bien sachiés, veraiemant, qe onqes au elle. » Quant elle a dite ceste parole,
jor12 de ta vie, cele, por qoi tu tres elle fet senblant q’elle s’en voille aler
ceste grant 13 dolor, ne fu tant dolente celle part dont elle estoit venue et
e triste q’ele ne soit orendroit plus. q’elle ne voeille tenir au chevalier
35 Qant li rois, som pere, morut, ele ne plus parlement. 35
fu tant dolente,14 ne tant marturee
q’ele ne soit orendroit plus. E q’en
diroie? Ore sachiés tout veraiemant
qe se ma dame de grant valor fu
40 onqes en grant avanture15 de recevoir
mort laide e vilaine e de morir hon-
tousemant, ele en est bien en avan-
ture. Ces nouveles vos aport ge de
cele qe vos tant amez. E qant ge vos
45 ai cest conte conté, ge m’en irai des
or mais, qar ge ne vins por autre
chose ceste part, fors por conter vos
ceste nouvelle ». E qant ele a dit ceste
parole, ele fet semblant q’elle se
50 voile16 aler cele part dom ele estoit
20. 8 serois je p.
9 qu’elle ne soit elle mesmes et.
10 d. quoy s.
11 O ch. ch.
12 s. certainement q. o. a jour.
13 t. celle g.
14 e triste … dolente omis.
15 en aventure.
16 e. s’en v.
21. Quant li chevalier entent les nou- Quant le chevalier entent lez paroles
velles qe la dame li ot contees, s’il que la dame li hot contee, se il estoit
estoit devant corrociez, ore est il plus. devant corouciés, hore est il plus
Celui corrouz q’il avoit por sa dolor1 asez: ceste dolor li crieve le cuer et le
5 si estoit grant, (111b) mes cestui est metra hors deu senz; et quant il voit 5
assés gregnor q’il a orendroit por sa que la dame qui cez novelles li avoit
dame. Cestui si li crieve le cuer, cestui aportees fassoit semblant de non par-
si le mena fors dou2 sens, se il n’i puet ler plus a lui, adonc est il plus asez
metre conseil. Qant il voit qe la dame corouciés que devant. Or plore il et
10 s’en vet qi ces nouveles li avoit con- meine male fin; et quant il voit que 10
tees, ne ne fet semblant q’ele voille elle est esloignie et qu’elle ne l’atent
plus parler a lui, s’il estoit devant cor- mie, il li crie tant conme il puet:
rouciez, ore est trop plus.3 Il plore e « Merci, dame, merci ! por Dex n’en
maine mala fin.4 E qant il voit q’ele voz alés si tost! retornés, dame, se il
15 s’en vet auqes esloignant, il n’atent vos pleste, et me contez de vos 15
pas q’elle se aille5 dou tot, ains li crie, novelles; car se vos ne retornez, je
tant cum il puet, tout en plorant: m’ocirai tout maintenant qe ja n’i
« Merci, dame! Merci, merci, ne vos en avra nul delaiemant ».
ailez si tost! retornez çaa, s’il vos
20 plest, e me contés de vos novelles.
Certes, se vos ne retornés, ge m’ocirai
tout maintenant b; ja n’i avra delaie-
mant ».6
22.1 Quant la dame ot les2 paroles Quant la dame hot lez parolez dou
dou chevalier, ele retorne aussint chevalier, elle retorne ausi come
cum3 encontre sa volonté e dit en sor- encontre sa volonté et dit en soriant:
riant, qant ele est dusq’a li venue: « Sire chevalier, qe vos pleste? −
5 « Sire4 chevalier, qe volez vos, qe vos Dame, fet il, itant me ditez, por Dex 5
plest? − Dame, por Deu e por vostre et por jentilisse de vos, et se il vos
gentilece, itant me dites, s’il vos plest, pleste, ceste grant corouz qui hore est
cest granz corrouz qi a cest tens est avenus a ma dame, coment (85a) li
avenu, e por qele achoison. Ge vos avint. » La dame respont adonc et dit:
10 pri, come a ma chiere dame, qe vos « Meser, hors deu senz, qe te vaut se 10
me dioiz toute la verité ». La dame li je te conte cestui fait? Or sachiez qe le
respont adonc e dit: « Musart, fet ele, fet est telz e si grant qe tu en nulle
fors dou sens, e qe te vaut se ge te maniere deu munde n’i porois metre
cont cestui fet?5 Ore saches qe li fet consoill. Encor n’a paz doi moiz
15 est tex e si grant qe tu en nulle mai- entiers que II chevalier l’apellerent en 15
nieire dou monde n’i porroies metre la cort d’Orcanie et distrent qu’il
conseil.6 Enqore n’a pas deus mois estoient apareilliés de lui prover
entiers qe dui chevaliers l’apelerent qu’elle n’estoite digne de porter
en la cort d’Orcanie e distrent q’il coronne, ainz devroit estre deseritee,
20 estoient apareilié de prover la q’ele ne e li mistrent un fet avant; adonc 20
devroit porter7 corone, ançois devroit distrent li grans et li petiz qe il conve-
estre deseritee; e li mistrent un fet noit q’elle en moreuste honteuse-
avant dont distrent li grant e li petit ment. Celle, qui n’estoit paz acostu-
q’il est mestier q’ele en muire honteu- mee q’elle fust de tel fait apellee, ofri,
25 semant. Ele, qi n’avoit pas a costume devant la cort, q’elle se defenderoit 25
qe ele8fust de tel fet apelee, ofri, par le cors d’un seulz chevaliers
voiant la cort,9 q’ele se defendroit par encontre celz deus, dont plusors
le cors d’un seul chevalier encontre homez qi bien li voloient ne la tin-
les deus, dont pluzors grant home qi drent pas a sagez de cestui oferte. E
30 bien li voloient ne la tindrent pas a q’en diroie je? Puiz q’elle hot fet ceste 30
sage de cest 10 ofre q’ele avoit fet si ofre, il li estoet mester, ou raisson ou
folemant. E q’en diroie? Puis q’ele ot non raisson, qu’elle manteniste ce qe
fet cestuia ofre, il fu mestier, fust rei- elle ot promis. Elle fist adonc requere
zon ou non, q’ele maintenist b ce qe sez amiz, lez unz et les autres, en cui
35 ele avoit 11 pramis. Ele fist adonc elle plus se fioit, e llez encomence a 35
reqerre ses amis, les uns e les autres requere que il feissent celle bataille
ou ele se fioit, e les comença a reqerre por lui. Elle ne trova adonc nul qui
et a prier q’il feissent cele12 bataille s’en vousisse entremetre, et por ce fu
por lui. Mes13 ele ne pot nul chevalier prisse le jor qe la bataille avoit esté
40 trouver de son linhgnage ne d’autre determinee et fu misse en prisson, et 40
leu qi en ceste bataile vouxist son ancor i este. Et sachiés de voir que a
cors metre por li. E por ce fu prise le morir li convient, se elle ne trove qui
jor qe la bataille avoit esté determi- face la bataille por li ; ce est l’achois-
nee, qar ele ne trouva qi la defendist. son qui la tient en mortel dolor, car
45 Prise fu et enpriso(111c)nee, et en pri- elle a paor de cestui fet. 45
son demore enqore. E se ele14 faut par
auqune avanture au premier jor qi li
est ore aterminez, en tel mainiere
q’ele ne15 puisse trouver qui por li
50 face la bataille, en tel guise cum ele
l’enprist, sachiés de voir q’il la
22. 8 qu’elle.
9 a. or sut veant la c.
10 Ceste (ainsi toujours).
11 qu’elle a.
12 f. ceste.
13 p. elle. M.
14 s’elle.
15 ne suivi de me: est-il rayé?
23. Li chevalier, qant il entent ceste Comment, fet li chevalier, est ce veri-
parole, il respont adonc1 un pou plus tés que ma dame soit apellee de fet si
hardiemant q’il ne fesoit devant: mortel? − Oïl, fet celle, il est einsint
« Coment, fet il, est ce donc veritez qe veritez. − Or me dites, ma dame
5 ma dame soit apelee de si mortel fet chiere, savés voz hore qui sont les II 5
q’ele en peust morir, se ele ne trouve chevaliers qui l’ont apellee de cestui
qui la defande? − Oïl, fet ele, il est fet? − Certes, ce li respont la dame, je
einsint por verité. − Ore me dites, ma ne le sai mie tres bien, mez aucun
chiere2 dame, fet li chevalier, e savez m’ont dit que il sont amdui le meillor
10 vos ore qi sunt li chevaliers qi apelee chevalier dou munde. − Qui ce vos 10
l’ont de celui fet? − Certes, ce li res- dist, ma dame chiere, il ne vos dist
pont la dame, ge ne le sai mie tres pas la verités, car li deus meillor che-
bien,3 mes auqun m’ont dit qe ce sunt valier deou munde ne sont pas en la
dui li meillor chevaliers dou monde. » Grant Bertaigne, ainz ne sont bien
15 Li chevalier respont e dit atant autre4 dehors, et ce est li roiz Meliadus de 15
fois: « Qi ce vos dist, ma dame chiere, Lionoiz; et li autre est li Bon Chevalier
qe li dui meillor chevaliers dou sanz Paor. Cist dui sanz faille sont
monde ont enprise ceste bataille, si bien li doiz meillor chevaliers deu
ne vos distrent mie verité, qar il ne munde. Et quant cez deus n’ont
20 sunt pas orendroit el roiaume de la empris cestui afeire, il vos menti cil 20
Grant Bretaigne, ançois en est bien li qui diste que il estoient dui li meillor
uns fors:5 ce est 6 li rois Meliadus; e li chevalier deu munde; por quoi je di
autres veraiemant y est: ce est li Bons que ma dame ne doit avoir peur ne
Chevalier sans Peor. Cist dui sans doute de cestui fet, car je sui cil qui
25 faille si7 sunt bien li dui meillor che- bien ai poir et force, la Deu merci et 25
valiers de cestui monde. E qant cist la sue, de defandre le suen honor
dui n’ont encomencié cest afeire, li encontre deus chevaliers, qui que il
dui meillor de cestui monde ne l’ont soient, fors ces deus chevaliers seule-
empris: por qoi ge di qe ma dame ne ment qe je vos ai ici només ».
30 doit avoir peor ne doute de cestui fet,
qar ge sui8 cil a qi bien ai pooir e force,
la merci Deu e de li, de defendre9 la
soe honor contre deus chevaliers, qi
q’il soient. Ostez en ces deus10 seule-
35 mant qe ge vos ai ici nomez ».
24.1 Quant la dame ot ceste parole, Quant la dame ot cez parolez, elle est
ele est par semblant assés plus joiant asez plus joiant que devanta, qar por
qe ele2 n’estoit devant. E toutes voies, autre chosse n’estoit elle venue a
por mielz oïr la volanté dou chevalier, celle fonteine, hors por le chevalier;
5 dit ele autre foiz: « Comant, fet ele, et quant elle a grant piece escoutés le 5
maleureux, avroies tu donc ardei- chevalier, elle respont et dit: « Diva,
mant d’enprendre ceste3 bataille fet elle, je voi bien qe tu as del tot le
encontre deus chevaliers? ja es tu ore senz perdus; et neporquant je me vai
si4 cheitif, si povres, si meigres, si las. bien recordant qe tu fustes ja home de
10 Certes, un garçon t’ociroit, s’il voloit bien et chevalier de grant valor et de 10
23. 7 si omis.
8 fait car je suis: mots presqu’illisibles,
surtout le premier.
9 Dieu de luy defendre.
10 ch. quelz qu’i. s. reservé c. d.
24. 1 104c, Rubr., COMMENT LE CHEVA- a devant: dernier mot corresp. au § 24.3 de
LIER ENTREPRINT DE DEFFENDRE SA A(2). Le § 25 est omis intégralement; à partir
DAMOISELLE DU CAS DONT ELLE de qar por autre chosse, § 26.2 de A(2).
AVOIT ESTE APPELLEE.
2 qu’elle.
3 auriés t. d. hardement de prandre c.
4 ch. tu es ja si.
en toi5 main metre; e tu, por6 qoi te grant pris et de grant renom. Mais je
vas vantant? − Dame, ce dit li cheva- te ferai, se te pleste, ici venir un
lier, me blasmez por ce? Se7 ge sui si8 bu(85b)en cheval et riche ou tu poras
maigre e las e cheitif cum vos veez, monter et venir aprez moy. Tu sez
15 n’aiez en moi maindre esperance qe bien qui je sui et bien me connoissez, 15
vos y eustes devant. Mes bien sachiez et ja te fiz maint grant honor en mon
veraiemant: s’il n’i a fors les deus hostel; or t’en vien avec moi la u tub
chevaliers solemant, ma dame n’i fustez ja maintez foiz, et ilec poras
reçura9 mort. Itant me dites, s’il vos demorer un mois ou plus, ce il te
20 plest, a qant 10 doit estre celui jor qe pleste, et jusque tant qe seras venus 20
la bataille est denuntiee dou seul che- en poir et en force et en biautés. −
valier en(111d)contre les deus; qe Dame, fet li chevalier, de ce qe vos me
certes, ge ne voudroie orendroit qe dites vos merci je tant conme cheva-
tout le roiaume de Logres me fust lier poroit mercier nule dame ». Et
25 otroiez orendroit 11 qitemant por cove- maintenant qu’il a dit ceste parolle, le 25
nent qea ge12 mon cor ne meisse en nain s’en vait d’unne parte et la
ceste bataille por defendre l’onor de damoiselle de l’autre. Et la dame
ma dame. Dites moi le jor seulemant, remaint totes foiz avec le chevalier et
se vos le savez; et aprés, dites moi le le vait toutez fois reconfortant; et se
30 leu ou ce sera qe la bataille doit estre elle li avoit devant dit hontes e lai- 30
faite13 certain, e puis leissiez l’autre dure, hore li dit elle belles paroles de
sor moi ».14 solaz et de confort.
25. La dame respont erramant e dit: « Cheitif, fet ele, ces paroles qe tu me ves
disant ici ne pris ge pas une maaille, qar ge sai bien veraiemant qe tu n’as mes
pooir ne force qe tu en nulle guise dou monde peuses ore feire bataille encontre
un chevalier seulemant. E neporqant n’a mie enqore grant tens qe tu valoies
5 bien un prodome au besoing. Mes ore qe vaut? Ti faiz est 1 tornez a noiant, tu
ne vals a noient.2 Tu ne vals un povre garçon a cest point d’ore; por qoi ge sai
de3 verité q’il n’est nul homea en4 cest monde qi vouxist metre son cors en si
fort bataille, ne en si grief cum est ceste. − Madame, ce dit li chevalier, nel
dites,5 ne vos desconfortez de moi si duremant. Ore sachiez tout veraiemant qe
10 a cestui point qideroie ge bien valoir un prodome, e le vaudroie bien sains
doute en fet qi einsint me touchast pres dou cuer, cum fet cestui. Qi seroit ore
le chevalier qi contre moi peust durer? Certes, g’en sai mout 6 petit ».
26. Mout se conforte la dame, qant ele entent ceste parole; assez est plus joiant
q’ele ne moustre1 le semblant, qar por autre chose n’estoit ele venue a cele
fonteigne, fors por le chevalier. Qant 2 ele a grant piece escouté les paroles dou
chevalier, ele li respont adonc: « Diva! fet ele, ge voi bien e rreconois qe tu ne
5 sés mes qe tu dis. Tu as dou tot perdu le sens. E neporqant, por ce qe ge vois
recordant qe tu fus ja home de bien e chevalier de haute valor e de haut pris
e de haut renom, te ferai ge tant, s’il te plest: por ce qe tu n’as ici cheval, t’en
ferai venir bon3 e riche ou tu porras monter errant e4 puis venir t’en aprés5
moi. Tu sés qi ge sui, bien me conois; ja te fis mante grant 6 honor en mon
10 hostel ou tu fus ja auqune fois. Ilec porras demorer un mois ou deus, s’il te
plest, tant que tu soies revenus en pooir, en force et en biauté;7 enqore por-
roies, par avanture, venir en auqun pris et en auqune honor.8 E saches qe ge
(112a) ai9 greignor pitié de toi por la grant bonté qe ge vi10 ja qe ge n’ai por
25. 1 f. tout e.
2 a noiant … a noient omis.
3 de maintenant p. q. je s. donc de.
4 h. ores e.
5 nel dites omis.
6 mout omis.
26. 1 n’en m.
2 [Quant]: col. extérieure et mutilée 104d.
3 v. ung b.
4 m. erramment et.
5 v. tout a.
6 f. maint g.
7 pouoir force et b.
8 a. lieu ou tu pourroyes acquerir p. et honneur.
9 j’ay.
10 je y v.
nulle autre amor qe ge aie11 en toi ». Atant respont li chevalier e dit: « Dame,
15 de ce qe vos me dites vos merci ge tant cum chevalier porroit 12 dame mercier,
mes sachiez qe por ces pramesses13 ne me partiroie ge de ci, se vos ne me
creantez avant qe vos me diroiz qant doit estre cele bataille e qi sunt li dui
chevalier qi la doivent fere. − Certes, fet ele, les noms des deus chevaliers ne
vos savroie ge pas a14 dire a cestui point, qar ge n’en sui pas bien certainea;
20 mes le jor de la bataille vos dirai ge bien mantenant qe vos seroiz venuz a mon
chastel. − E ge m’en irai avec vos, fet il, par tel 15 covenant. » E maintenant q’il
a dite ceste parole, li nains s’en vet d’une16 part e la damoisele d’autre. La
dame remaint toutes17 voies avec le chevalier e le vet 18 mout reconfortant: e se
ele li avoit devant dite honte ne laidure, tant cum ele pooit, ore li dit ele beles
25 paroles de solaz e de reconfort.19
26. 11 j’ay.
12 c. dame (!) p.
13 p. ses pr.
14 pas a omis.
15 i. pour t.
16 n. se met d’u.
17 d. demeure t.
18 et […] vait: col. extérieure et mutilée 105a; cf. var. 26.2.
19 r. a merveilles.
27. 1 g. qu’il va c.
2 d. varletz d. l’un me[…]a d.
3 beaulx et t. cointes.
10 avant q’il soit montez e lacié son d’unne unce vermoille, si que l’en ne 10
yaume, e son escu mis a son col, e poit veoir de quel tinte estoit l’escu,
s’espee4 ceinte, e son escu prist il se il ne fuste decoverte primierement.
auqes pres de li. Et estoit son escu Et puis se parte de la fonteine en la
couvert d’une houces noire, si qe l’en compagnie de la dame et des deus
15 ne peust pas5 adonc veoir de qel taint vallés. 15
il estoit, s’il ne fust avant descouvert.
Qant il est tout appareilliez de che-
vauchier il n’i fet autre demorance,
ançois se depart de la fonteigne en la
20 compeignie de la dame e des deus
valez.6
27. 4 et l’e.
5 pas omis.
6 varlés.
delivree de toute cele compeignie, il « Sire, avés voz veu belle aventure et
en paro(112b)lent entr’els e messire estrange avenir sor celle fonteine?
Lac enprent tout premieiremant la Veistez vos onques nulle plus es-
15 parole e dit au Bon Chevalier sans trange aventure avenir ne pluz mer- 15
Peor: « Sire, sire, avez vos veu bele7 voilleusse comme ceste a esté? − Sire,
avanture et estrange avenir sor ceste fet li Bon Chevalier sanz Paor, non: se
fonteigne? Veistes vos onqes mes m’aït Dex, ja a grant tens qe je ne vi
nulle plus estrange merveille qe ceste unne pluz mervoillesse aventure qe
20 a esté? − Sire,8 si m’aït Dex, fet li Bon cest a estee et que nos avons ici 20
Chevalier, ge9 non; ja a grant tens qe regardee. Et je endroit moi ne vousise
ge portai armes premieremant et el en nulle mainere qe je ne l’eusse
roiaume10 de Logres et en mantes veue, car en toute ma vie m’en soven-
autres regions; mes, se Dex me doint dra. Et certes, je ne ferai rire maintes
25 bone avanture, ge ne me recort mie proudomes a cui je le conterai et 25
qe ge en toute ma vie veisse mes nulle maintes belez dames mervoillier.
plus estrange merveille qe ceste a esté Mes, puis qe nos avons veu ceste
qe nos avoms ici regardee.11 E ge estrange mervoille, qe ferons noz de
endroit moi ne voudroie en nulle mai- veoir le plus? Se noz ne façonz tant
30 nieire dou monde qe ge ne l’eusse qe nos sachons la droite certainté de 30
veuee, qar toute ma vie m’en12 sou- cestui fet, je ne me tieng pas por che-
vendra mes.13 E certes, enqore en valier. − Sire, fet mesire Lac, se Dex
ferai ge rire maint prodome14 a qi ge me doint bonne aventure, ja a grant
la15 conterai e maintes beles dames en tens qe je ne vi mervoille dont je fusse
35 ferai ge merveillier. Mes ore, puis qe tant desiranz de savoir la certainté 35
nos avom veu ceste grant merveille, com je sui hore de cestui fet. − Si
qe ferom nos dou veoir16 le sorplus? m’aït Dex, fet li Bon Chevalier sanz
Se nos ne feison tant qe nos sachom Paor, si sui je; et se voz me creerois,
tant dou17 tout qi cest chevalier est e nos leirons tout autre bessoigne por
28. 7 bonne.
8 Sire omis.
9 ge omis.
10 et au r.
11 a. ainsi r.
12 v. il m’e.
13 mes omis.
14 mains preudommes.
15 je le.
16 n. de v.
17 sachons du.
40 por qoi il a demené ceste grant delor, ceste, e se noz (85c) a la cort le roi 40
e nos ne savom la droite certeineté de Uterpandragons ne porons estre a
cest fet, ore18 sachez que ge ne me cestui Noel, noz i serons un’ autre
tieng por chevalier, se ge ne lan foiz: la cort se puet bien soufrir de
sai.19 − Sire, fet messire Lac, se Dex noz a celui jor, et nos de la cort. Hor
45 me doint bone avanture, ja a grant ne façonz autre demorance, ainz se 45
tens qe ge ne vi merveille ne chevale- metons aprés le chevalier qui de ci
rie don ge fusse tan desirant de savoir s’en vet. − Sire, fet li Bon Chevalier, a
la certeineté cum ge sui orendroit de ce que nos avonz horendroit dit
ceste. − Si m’aït Dex, fet li Bon Cheva- m’acort je bien trop vollentiers; hui-
50 lier sains Peor, si sui ge. − Ore, q’en més nos metons a la voie aprés le che- 50
ferom dou20 tout a vostre volanté? fet valier qui de ci s’en vet. Se il nos
messire Lac; mes se ge en21 estoie eschanpe en tel guisse qe nos ne
creuz, nos leisserom a cestui point sachonz toute la verité de cestui fet,
toutes22 autres besoignes por ceste, e l’en ne nos devroit tenir pas por che-
55 bien le poom orendroit fere, se il vos valier erans. − Vos dites verités, fet 55
plest, qe nos n’avom ore qeste entre mesire Lac, huimés nos metom a la
mains, fors qe ceste. Se nos a la riche voie por enqere ceste aventure, qar ici
cort qe li rois Artus doit tenir a cest n’avom nos plus que demorer ».
feste de Noel a Qanpercorretin23 de la
60 Forest ne venom ore, nos i vendrom
une autre fois; la cort se puet bien
sourir de nos a celui jor,24 e nos autre-
sint de la cort. Leissom ore la cort de
Noel a e maintenom ceste avanture;
65 n’i feisom autre delaiance, mes alom
nos25 droitemant aprés le chevalier qi
29. Quant a ce se sont acordé li dui Quant a ce se sont acordés li dui bons
bon chevaliers, il n’i font 1 autre chevalier, il n’i font autre demorance,
demorance, ainz se departent d’ilec e ainz se departent de illuec et tant font
tant font q’il viegnent la ou lur que il vienent la u li dui scuier
5 escuiers estoient, et il montent erra- estoient. Il monterent errament sor lor 5
ment sor lors chevaux2 q’il n’i font chevaux et se metent a la voie aprés
autre demorance. E se metent erra- le chevalier en tel maniere qu’il vont
ment a la voie aprés le chevalier en tout adés parlant de lui. En tel
tel mainieire q’il vont tout adés par- maniere chivaucherent tout celui jor
29. 1 ne f.
2 s. les ch.
29. 3 l. et a.
4 il omis.
5 d. tant q. i.
6 il omis.
7 p. ou i.
8 varletz.
9 j. grant p.
10 p. une a.
Chevalier sainz Peor, qant il le voit si2 hosteroiz vos, fet mesire Lac? − Ce
duremant penser, dist a monseignor veiroiz vos bien », fet cil sanz Paor.
Lac: « Sire, ge voil oster cestui cheva- Aprés hurte le cheval des esperonz et
lier de son penser. − Sire, coment l’en passe holtre le chevalier a grans
10 osterez vos, fet il? − Ce verroiz vos galos; et qant il l’a oltre passés bien 10
bien », dit cil 3 sains Peor. E qant il a deus arbalestees, il s’areste enmi le
dite ceste parole, il hurte cheval des chemin, aparoillez de jouster, et crie
esperons e passe outre, ferant des tant com il puet: « Sire chevalier, leis-
esperons adés;4 et il estoit adonc gar- sez vostre penser et venés jouster a
15 niz de toutes armes. Qant il a passé moi, car jouster vos estuet ». Quant la 15
le chevalier bien deus arbalestees,5 il dame voit le chevalier qi l’autre apelle
s’areste enmi le chemin, tout 6 appa- de jouster, elle est auques espoentee;
reillié de joster, e crie adonc tant et non por quant, qe mult se fie en la
cum il puet: « Sire chevalier, leissiez7 hute chevalerie de son chevalier, elle
20 vostre penser e venez joster a moi; a8 se torne vers lui et li dit: « Sire cheva- 20
joster vos estuet ici ».9 Qant la dame lier, qe pensés vos? Ne pensez tant,
voit le Bon Chevalier arrester enmi le mes esgardés celui chevalier qui la est
chemin qi apele l’autre de joster, qui vos appelle de jouster; or vos
ele est 10 au(112d)qes espoentee; e11 defendés de lui, si que nos poissons
25 neporqant, por ce qe molt se fie en la outre passer delivreement ». 25
haute proece de son chevalier, se
reconforte ele en soi mesme, qar bien
savoit ele certeinemant, e par veoir e
par oïr dire, qe le chevalier q’ele
20 vers li, il le crie4 autre fois: « Sire che- crie autre foiz: « Sire chevalier, gardez 20
valier, gardez vos de moi ! a joster vos vos de moi! a jouster vos estuet. −
estuet.5-Biaux sire, fet li chevalier, se Biou sire, fet li chevalier, se vos jouste
vos joste voloiz avoir, ore la qerez en vollez, or la querés en autre leu, car
autre leu, qar ci avez vos bien faillis; ici avez vos bien faillis (85d); [ge n’ai
25 ge n’ai ore talant de joster a vos, ne ore]a talent de jouster, ne a vos ne a 25
a autre a ceste fois. − Coment, fet li autre a ceste fois. − Coment, fet cil
Chevalier sainz Peor, n’estes vos che- sans Paor, n’estez vos chevalier aven-
valier avantureus? − Nanil, certes, dit turez? − Nenil, fet le chevalier, ainz
li autres,6 ainz sui bien li plus mal suib bien le plus malaventuros qui
30 aventureus chevalier qi ore soit el soit au monde, e se nus est bien 30
monde ; e se nus est ore mescheanz cheanz, je sui le plus malcheans qui
plus qe nul autre, ge sui enqore plus soit au monde a cens dobles. − Enqor
mescheanz bien a cent dobles. − vos requier je, fet cil sanz Paor, qe vos
Enqore7 vos reqier ge, fet li Chevalier8 joustés. − Je n’en ai hore nulle
35 sainz Peor, qe vos jostoiz. − Ge n’en volenté, fet li chevalier, et por ce ne 35
ai ore volanté, fet cil, e9 por ce ne jos- jousterai je a ceste foiz. − Et je vos en
terai ge a ceste fois. − E ge vos en quit, fet cil sanz Paor, puis qe je voi
quit, fet li Bon Chevalier, puis qe ge qe vostre volenté ne s’i acorde ». E
voi qe vostra volanté ne s’i acorde. E quant il a dit ceste parole, il baisse le
40 maintenant q’il a dite ceste parole, il glaive et atent tant qe cil est venus a 40
baise son gleive et tant atent qe cil est lui, si li dit: « Sire, despueiz que vos
venus dusq’a lui et il li dist aillors:10 ne avés volu joster avec moy, or me
« Sire chevalier, puis qe vos a ce ne faites une cortoissie, se il vos pleiste,
vos vouxistes acorder11 que nos qe vos me dïés vostre nom. − Biau
45 ensemblea jostissom, or me fetes tant sire, fet li chevalier, or sachés qe a 45
de cortoisie, s’il vos plest, qe vostre vos ne a autres ne dirai je mon nom a
nom me dioiz. − Certes,12 biaux sire, cest foiz. Ma proiere, fet li Bon Cheva-
31. a ensemble répété après jostissom. a [ge n’ai ore] illisible, restitué d’après A(2).
b Ms. sunt.
31. 4 regarde v. l. i. luy c.
5 v. convient.
6 c. dist l’a.
7 meschans cent fois. E.
8 le Bon Ch.
9 o. nulle v. f. le chevalier et.
10 et alors dist.
11 accordés (!).
12 m. dittes C.
fet il, ore sachez qe a vos ne a autre lier, me poroit elle valloir ? − Non
ne dirai ge mon (113a) nom a ceste hore, fet li chevalier, et si vos pri que
50 foiz. − Ma priere, fet li Bon Chevalier, vos plus ne m’en travalliez, car ce 50
me porroit ele valoir? − Non ore, fet li seroit poine gastee. − Et je m’en sou-
chevalier, e ge vos pri qe vos ne vos frerai atant, fet cil sanz Paor, mes
en travalliez,13 qe ce seroit peine gas- mult m’en poisse, se Dex me sahut;
tee. − E ge m’en sofrai atant,14 fet li et toutevoiz, itant me dites, se il vos
55 Bons Chevalier, mes molt me poise, pleiste, ou cuidiés vos geissir a 55
se Dex me saut; e toutes voies, itant nuit? − Certes, fet li chevalier, ce ne
me dites, s’il vos plest, ou qidiez vos sai je, mes ou ceste dame voudra. Et
a nuit 15 gesir? − Certes, fet li cheva- nom por quant, je croi qe nos reman-
lier, ge ne sai, fors qe la ou ceste dronz en un chastel qui est ça devant,
60 dame voudra. E neporqant, ge croi qe qui est del roiaume de Norgales; je ne 60
nos remaindrom ceste nuit 16 en un sai se vos i fustez onques. − Oïl, fet il,
chastel qi est ça devant, qi est de je i ai esté maintez foiz ».
l’onor dou roiaume d’Orcanie; ge ne
sai se vos i fustes onqes. − Oïl, fet cil
65 sainz Peor, ge y ai ja17 mantes foiz
esté e ge sai bien, orendroit, ou li chas-
tiaux siet e coment ».18
33. 1 i. entendent c.
2 tout omis.
3 e la … voies omis.
34.1 Quant 2 il vindrent pres dou pont Quant il vindrent pres deu pont qe le
qe li Morholz avoit ja gardé maint jor, Morholt avoit ja gardés maintes jors,
einsint cum ge vos ai ja conté, il lor il lor avint adonc qe il ne troverent
avint adonc q’il n’i trouverent pas le pas le Morholt, car enqor gissoit
5 Morholt, qar enqore gisoit malades malades des plaies qe Escoralz li avoit 5
des plaies qe Escoralz li Povres3 li feites quant il se combati a lui por le
avoit fetes, qi se combati a lui por le pasage deu pont. Mez por ce que le
passage dou pont. Mes por ce, veraie- Morholt n’i estoit adonc n’i remaint
mant, se a celui point n’estoit li Moro- que il n’i euste mis bonne garde, qar
33. 4 s’aucun.
5 c’estoit.
6 mesmes que l. Morhault d’Irlande
(ainsi toujours, même lorsque Morhault
est seul, sauf: 34.28, var. 8, et 42.1–2,
var. 2).
7 a l’encontre de c.
8 en arr.
9 sa propre m. mesme.
10 holz a garder le pont, n’estoit mie le au pont (86a) garder avoit il miz diz 10
pont sans grant garde, qar au pont chevaliers et XX serjans, appareilliés
garder4 avoient mis .X. chevaliers e de toutes armes, qui gardoient le pont
.XX. serjansa5, apparelliez de toutes et par nuit et por jors dusque atant
armes, qi gardoient le pont par nuit e que le Morholt fust gueris qui le
15 par jor6 dusq’atant qe li Morholz fust peuste garder verement. Il n’estoit si 15
gueriz e q’il le peust garder voire- utrageus ne si desmesurés qu’il mei-
mant. Il n’estoient mie si otregeus ne sent main en nul chevalier, se il ne
si desmesurés q’il meissent main en fuste de linage Uterpandragons ou se
nul chevalier, s’il ne fust dou lignage il ne le vousisent avant assaillir. Et se
20 le roi Artus ou s’il ne les vouxist avant il le metoient au desouz, por quoi il 20
assalir. Se il les metoient au desoz, ne fusse de celui linage, il ne lez ocio-
por qoi il ne fust de celui linage, il ne ent mie ne ne li metoient en prixon,
l’ociesent mie,7 ne en prison ne le ainz le fessoient retorner areresa au
metoient, ains le fesoient retorner au chemin dont il estoient venus; autre
25 chemin dom il estoit venus. Autre mal mal ne li fessoient. En tel mainere 25
il ne recevoient d’eaus; et en tel mai- gardoient le pont dusque atant que li
niere gardierent il toutes voies celui Morholt fuste gueris qi preiste la
pont dusq’atant qe li Morholz8 fust garde sor lui.
gueriz qi repreist la garde sor soi.
35. Li troi chevalier dont ge vos cont Li trois chevalier dont je vos cont chi-
chevauchent tan q’il viegnent dusq’au vaucherent tant qe il vindrent jusque
pont e le veoient tout apertemant, et au pont et lor encontrerent un vallet
il encontrent adonc un vallet 1 qi qui passé l’avoit, qui lor dit:
5 passé l’avoit tout errament e qi lor « Segnors, je vos loeroie en droit con- 5
34. a Le ms. portait initialement dis ser- a areres: l’s est-il d’une autre main et ajouté
janz, exponctué. après coup?
35. 1 varlet.
dit:2 « Seignors chevaliers, ge vos loe- seill que vos tenisiez unne autre voie
roie bien en droit conseill qe vos une qe ceste, car certes, je ne croi mie qe
autre voie tenissiez3 qe ceste, qar4 vos horendroit peusiez cestui pont
certes, ge ne croi mie qe vos peussiez paser a ce qe il est gardés trop fiere-
10 orendroit cestui pont passer a ce q’il ment ». A ceste parole respont mesire 10
est gardez trop fieremant ». A ceste Lac et li dit: « Dites les moy, biau
parole respont messire Lac e dit: frere, coment est il adonc gardés qe
« Frere, coment est il donc gardez qe noz ne lle poons passer? − Sire, dit le
nos ne le poom passer? − Sire, fet cil, vallet, et je le vos dirai: or sachés qe
15 ge5 le vos dirai; ore sachez qe cestui ceste pont gardent horendroit diz che- 15
pont gardent orendroit .X. chevaliers6 valiers armés de toutes armes et XX
armez de toutes armes e .XX. serjanz7 serjanz armés, et vos n’estes ici que
armez, e vos n’estes ici8 qe trois che- trois seulement, ne je ne cuit mie qe
valiers; porriez vos,9 par vostre che- vos peusiez metre si grant jent com il
20 valerie, metre a desconfiture si grant sunt a desconfiture. − Or me di, biau 20
gent come cil sunt?10 autremant vos ffrere, fet mesire Lac, por quoi le
n’i poez passer, se (113c) vos touz ne gardent il ensint? ne volent il que
desconfissiez.11 − Ore me dites, frere, chevalier erant i passent? − Oïl, sire,
fet messire Lac, e por qoi gardent il por que il ne ssoient de la meissom le
25 cestui pont? ne voelent il qe chevalier roi Uterpandragonz ne de celui 25
errant i passe?12 − Oïl, sire, fet li val- linage; et se il de celui hostel n’este
let, por q’il ne soit de la13 meison le ne de celui linage, seurement i puet
roi Artus e de celui lignage; se il de passer. − Frere, fet mesire Lac, a il
celui ostel n’est e de celui lignage, grant tenps qe ciste passage fu si
30 seuremant i puet passer. − Frere,14 fet estroitement gardés com il est hore? − 30
35. 2 l. dist.
3 tenissiez omis.
4 ceste cy car.
5 f. il je.
6 o. dix ch.
7 et vingt s.
8 ici omis.
9 pourrés v.
10 ilz s.
11 se vos … desconfissiez omis.
12 chevaliers errans y passent.
13 varlet mais qu’ilz ne soient d. l.
14 s. i. n’est de celuy hostel il y peut
seurement passer F.
messire Lac, a grant tens qe cist pas- Sire, fet il, se Dex me sahut, ce ne vos
sages fu gardez si estroitemant cum sai je hore mie treis bien dire, mes
l’en le garde15 orendroit? − En tel hore est il gardés bien si estroitement
guise cum ge vos cont est gardez. − conme je vos ai dit. − Sire, fet mesire
35 Sire, fet messire Lac au Bon Chevalier Lac au Bon Chevalier sanz Paor, 35
sanz Peor, qe dites vos de cestui pas- qu’en ditez vos de cestui passage? −
sage? − Sire, fet cil, e ge,16 q’en Sire, fet il, et qu’en doi je dire? Paser
diroie? Passer nos y estuet a force, noz estuet, voillons ou nom, car de
voillom ou non,17 qar de ceste part ne ceste part ne porons nos demorer ». A
40 porrom nos noiant demorer ». A ceste ceste parole respont l’autre chevalier 40
parole respont li autres chevalier e et dist: « Coment, seignor chevalier,
dit: « Coment, seignors chevaliers, vos estes II chevaliers, si avez paor de
vos estes dui chevaliers errant e puis dis autres et qui ne sont pas cheva-
avez peor de .X. qi18 ne sunt pas che- liers erranz? Certes, vos ne moustreis
45 valiers errant? Certes, vos ne mostrez pas senblant d’estre trop bon cheva- 45
pas trop grant semblant de haute che- liers ne de tropa haute chevalerie. − Si
valerie. − Si m’aït Dex, dit celui sainz m’aït Dex, fet cil sanz Paor, vos dites
Peor, vos dites verité; e qant vos nos bien veritez; et quant vos noz avés si
avez si cortoisemant repris, ge voill qe cortoisement repris, je voeil qe tout
50 tout cestui fet remaigne sor19 moi or cestui fet remagne desormés sor moy, 50
mes,20 comant q’il m’en doie avenir; coment qe il m’en doie avenir; et ne
e voill qe vos des or mes ne me tei- voeil qe desormez meb tegnois por
gnés por chevalier, se ge ne vos chevaliers, se je ne vos delivrerai
delivre orendroit cestui passage par horendroit de cestui passage por ma
55 ma chevalerie. Ore remanés21 vos chevalerie; car remanezc vos deuz en 55
deus en pes e voiez qe22 ge porrai pes et veirois que je porai feire ».
fere ».
le meillor chevalier dou monde, si esperonz, tant com il puet deu cheval
voill ge joster18 a lui, coment q’il m’en treire, et le fiert en son venir si roide-
doie avenir ». E maintenant s’apa- ment qu’i le porte juz deu cheval
reille de comencier les jostes molt entre l’eive; et de cestui fu feite tost
60 hardiemant, cum cil qi des armes la pes, car il s’en devala jusque au 60
estoit molt seurs,19 e leisse corre par fonz et fu noiés maintenant et en pou
devers le pont, vers le Bon Chevalier. d’ore. Li cris est levez grant de ceaus
E cil, qi20 ne vet demandant fors qe deo pont et la noisse mult grant, car
batailles21 e meslees, car acostumé en il voient qe le lor chevalier est noiés,
65 estoit, li22 revient de l’autre part au dont il sont mult durement iriez, car 65
ferir des esperons, tant cum il puet ce estoit li chevalier plus prisiés de
dou cheval trere. E qant ce23 vient a toute celle compagne. A qui q’en
l’aprochier, il fiert le chevalier dou poisse, li Bon Chevalier sanz Paor
pont si roidemant en son venir qe cil n’enn a cure, ainz s’en vait holtre par-
70 n’a ne pooir ne force q’il se peust fornir son pondre et puis retorne por 70
tenir en sele, ainz24 vole dou cheval abatre un autre, et trove un chevalier
desus le pont e dou pont en l’aigue.25 qui apparoilliés estoit por revengier
De cestui est faite la pes et assés son compagnom et de guarder l’onor
tost, qar a ce q’il est armés de toutes dou pont. Le Bon Chevalier sanz Paor,
75 armes, maintenant q’il chiet en qui bien estoit le plus preudome qe 75
l’aigue, il vet au fonz droitemant: l’en seuste em tout le monde, fiert le
mors est en assez petit d’ore. Li criz chevalier dou pont si roidement en
est grant de ceaus dou pont e la noise son venir qu’il fist de lui tout autretel
merveilleuse, qant il voient lor cheva- com il avoit feit de l’autrea et encor
80 lier verser eu flum.26 Il l’ont perdu a plus, car il abati lui et son cheval en 80
touz jors mes, ce voient il tout clere- el flun, et ffurent mort abedeus.
mant; e ce est une chose27 dom il sunt
molt 28 duremant irié, qar ce estoit li
37. Quant li Bons Chevalier ot einsint Quant li Bon Chevalier ot einsint deus
fetes deus pointes par desus le pont pointes feites par desuz le pont, il
et il fu retornez par devers les compei- s’en retorne a sez compagnons e trove
gnons e voit q’il troeve son glaive adonc qe n’ot son glaive entiers: il
5 entier, il est orendroit assez plus desi- estoit asez pluz desirans de jouster 5
rant de joster q’il n’estoit au comen- que al encomencement. Et meser Lac,
cemant. E messire Lac, qi toutes voies qui toutez voiz avoit peur de lui, li
avoit peor de lui, li dit:1 « Sire, sire, dist: « Sire, puiz qe vos li avés deus
puis qe vos avez deus jostes menees a chevalier abatus et complit deus
10 fin si bel cum nos avom veu, ore sou- jostes, or soufrés qe je en moine deus 10
frez, s’il vos plest, qe ge face deus autres a fin, et vos entretant vos
autres jostes e vos entretant vos repousiez. − Coment, fet li Bon Cheva-
repousez. − Coment, fet li Bons Che- lier, cuidés vos qe je soie travaliés
valier, qidiez vos qe ge soie travalliez adonc par deus joustes et meesme-
15 por2 deus jostes e meesmemant de ment por telz chevalier com sunt 15
tex chevaliers cum sunt cist?3 Ore ciste, et qui ne sont chevalier a ce qe
sachiez, sire,4 q’il ne sunt mie cheva- je voi (86c)? E por ce n’est il mie mes-
liers a ce qe ge voi; e por ce n’est il tier qe vos ve entremetez de ce ».
onqes mestier5 qe vos vos ena entre- Quant il a dit ceste parolle, il retorne
20 metez ».6 Qant il a dite ceste parole, il desuz le pont aparoilliés de la tierce 20
retorne desus le pont e s’appareille de jouste et trove que li tiers chevalier
la tierce joste acomplir, e troeve qe li venoit sor lui. Il laisse corre sor lui
(114b) 38. E li autre, qi devant la tor Li autres chevaliers, qui devant la tor
estoient arrestez, qant il 1 voient ces estoient arestés, quant il voient cez
trois jostes qe li Boins Chevalier sainz trois joustez qe li Bon Chevalier avoit
Peor2 avoit acomplies en tel mainiere, acomplies et en tel maniere que li
5 e regardent qe tuit troi erent mort,3 il trois chevalier i sunt mort, il sunt si 5
sunt de ceste avanture si fieremant fierement esbahiz qu’il ne sevent que
esbaïz q’il ne sevent q’il doivent 4 il doient dire. Il sunt de cestui fet tuit
dire. Il n’i a null d’eaus si hardi qi5 de espoentez qu’il ne soent que il doent
cestui fet ne soit orendroit tout espo- feire ne dire. Et li Bon Chevalier sanz
10 entez; e6 por ce se vont entreregar- Paor, qi ja hot fait son tors, reconno- 10
dant. E li Bon Chevalier, qi ja ot fet 7 iste et voit que il sunt tuit espoenté et
son tor e retornoit e reconoist oren- lors encomence a crier a haute voiz et
droit qu’il sunt tuit presqe8 mort de dit: « Certez, tuit estez morte ne nulz
peor, lor comence errament a crier a de vos ne puet eschanper, ne cheva-
15 haute vois: « Certes, vos estes tuit lier ne serjans, et bien vos poez por 15
mort, nus de vos ne puet eschaper, ne mort tenir! »
de chevalier ne de serjanz; bien vos
poez tuit por mor tenir! »
39.1 Quant il a dite ceste parole, il n’i Quant il a dit ceste parole, il ne fist
fist autre demorance, ainz leisse corre autre demorance, ainz laisse corre as
a toz les autres qi devant la tor autrez qui devant la tor s’estoient
s’estoient arrestez, aussint cum2 ge arestez, einsint com je vos ai contés,
5 vos ai conté, e qi estoient a3 si esbahis et qui estoient ja si come desconfiz de 5
de ce q’il veoient q’il estoient ja come paor. Cel, qui bien s’en aperçoita et
descofiz. Et il, qi bien s’en aperçoit e qui bien connoist lor povre conte-
qi bien conoist tout lor povre contene- nance, lor leisse corre, le frein aban-
mant, lor leisse corre, le frain dou donés, et se fiert entr’elz et n’abat unz
10 tout abandoné, e se fiert 4 entre aus et mult ffellonossement;et lor brisse son 10
38. 5 h. que.
6 o. esbaÿ et.
7 j. avoit f.
8 sont [tou]s presques: col. extérieure
et mutilée 108a; cf. var. 36.37.
en abat l’un molt felenessemant; cil glaive et puis met la main a l’espee
cheï tres dedens la5 porte de la tor, e mult hardiement; et lor torne la teste
bleciez6 dou cheoir q’il prist e de ce de son cheval et lor leisse corre,
q’il fu navrez de cele joste. Et a celui l’espee en la main. Et quant cil le
15 point brisa li glaives dou Bon Cheva- voient retorner desuz elz en tel 15
lier, dont il avoit ja .IIII. chevaliers7 maniere et si asprement, il n’i a nul
abatuz, einsint cum ge vos ai conté. d’elz qui soit tant hardiz qu’i l’osaste
Qant il a son gleive brisé, il ne atendre, ainz se fierent dedenz la tor,
mostre8 pas a celui point q’il soit 9 de si espoentez qu’il n’i a nulz d’elz qui
20 riens esbahiz, ançois met la main a volunté ait de hors oinsir; il mostrent 20
l’espee molt hardiemant e lor torne la bien a celui point que il n’ont talant
teste dou cheval e lor leisse corre del passage defandre encontre le Bon
autre foiz, l’espee en la main toute Chevalier; et autretelz sunt li serjant
nue. Qant cil le voient retorner en tel armés qui gardoient le passage: il se
25 mainiere desus els, e si aspremant, il sont tuit mis en la tor por paor de le 25
n’i a nul d’els qi a celui point ait har- Bon Chevalier sans Paor, car il ne le
demant de lui atendre, ainz se fierent redotent gueire meinz qe la mort por
dedenz la tor, si mortelmant espoen- ce que il hont veu de lui. Quant il voit
tez q’il n’ont ore volanté de fors ois- qe il avoit le passage delivré en tel
30 sir: il mostrent ore10 a cestui point q’il maniere, il s’areste en mi le pont et 30
n’ont volanté11 deb defendre le pas- puiz crie a monseignor Lac, tant com
sage; il se sunt orendroit mis dedens il puet: « Sire, sire, il m’este hore aviz
la tor por peor dou Bon Chevalier. Il qe vos poés paser seurement; et
nel redotent gueres12 meinz qe la mort pasez, si feronz nostre jornee. » Lors
35 por ce q’il ont veu de lui. Qant il voit dist mesire Lac au chevalier: « Or 35
q’il avoit le passage delivré en tel poés passer, se il vos pleiste, biaus
mainiere, il s’areste enmi le pont tout sire, car ciste passage est huimez deli-
droitemant e voit q’il est ore delivrés. vrés ». Et cil, qui estoit touz hesbahiz
Il comance adonc a crier a monsei- de ce que il avoit veu, car bien tenoit
40 gnor Lac, tant cum il puet: « Sire, sire, a haute proesce ceste enprisse et ces- 40
il m’est ore avis qe vos poez ore pas- tui fet, et bien dissoit en soi meesmez
ser seuremant;13 passez huimés, qar qu’il ne poit estre qe ciste chevalier
tens en est. Si ferom (114c) nostre jor- qui cestui fet avoit acompliz ne fuste
nee ».14 Lors dist messire Lac au che- chevalier garniz de haute proesce.
45 valier: « Sire, ore poés passer, s’il vos
plest, qar cist passages est delivrés. »
E cil qi estoit c touz esbahis15 de ce q’il
avoit veu, qar bien tenoit a haute pro-
ece ceste emprise e cestui fet, e bien
50 disoit orendroit en soi meesme q’il ne
pooit estre qe cest chevalier qi cestui
fait avoit einsint acompli16 ne fust
chevalier de haute proece garnis.17
40. Quant il entent les paroles que Quant il entent les paroles qe mesire
messire Lac li vait disant, il respont: Lac li vait (86d) disant, il li respont:
« Sire, paser pooms nos veraiemant, « Sire, paserr poonz noz seurement, la
la merci de Deu1 e de celui qi l’a merci de Deu et de celui qui ne l’a
5 delivré; mes de ce ne nos puet 2 il delivrés; mes de ce ne nos puet il mie 5
mie trop mercier, qar assez povre trop mercier, car asez povrement
socors li avom fet a cest besoing: nos n’avons feit secors a cest bessoing:
avom ja a cestui point auqes mostré noz li avons ja moustrés a cestui point
nostre coardiea3, et il a molt bien mos- nostre coardie, et il nos a mostré son
40. 4 m. fort m.
5 luy dist.
6 l. p. tout seurement et t. q.
7 t. devers t.
8 du c. p.
9 a. le chevalier car il savoit e. l.
10 n. luy toulsist ou trop contraire
(omission du verbe).
41. Atant s’en vont outre, qar il Atant s’en vait holtre, qar il voit qe li
voient qe li passage est touz delivrez passage est delivrés et au paser qe il
et au passer q’il firent devant la tor, il firent devanz la tor, il hoïrent qe cil
oent un1 duel si grant e si merveilleux dedenz fessoient un duel si grant et
5 q’a pieça mes2 n’oïrent il gregnor si merveillous qe a piece mes n’en 5
dolor. E ceste dolor menoient cil de virent un greignor feire. Et ce fas-
leienz por les compeignons qi ocis soient por lor compagnons qui estoient
estoient, mes il n’osoient enqore ois- mors, mes il nen ossoient einsir de la
sir fors3 de la tor, qar la haute proece tor, car la haute proesce del Boen
10 dou Bon Chevalier sainz Peor les avoit Chevalier li avoit si espoentés que 10
si espoenté4 q’il ne savoient orendroit il n’en oserent insir devant que il
q’il peussent feire ni dire. E q’en fussent esloignés de auz. Un valet,
diroie? Grant est li duels qu’il font lei- qui cestui fet avoit veu, maintenant se
anz. I ne issent fors devant q’il ne mete a la voie et fet tant qu’il vient
15 oient qe li chevaliers errant estoient au chastel ou li Morholt demoroit, qui 15
auqes esleigniés; mes qant il les encor demoroit et gissoit malades
voient loing, adonc s’en istrent sor le des plaies qu’il avoit receues en la
pont. Et un vallet qi celui fet ot veu bataillez contre Escoral li Povres, ein-
tout apertemant, qant il voit a (114d) sint com je vos ai devisez. Quant li
20 qe les chevaliers erranz s’estoient dou valet fu venus devant li Morholt, la u 20
pont departis en tel mainiere, il n’i fet il gissoit, il li dist: « Sire, novellez vos
autre demore,5 ainz se part 6 dou pont aport asez merveillousea. Or sachiés
cors d’un seul chevalier. Certes, s’il covert d’un hunce et au venir et a
estoient autant e plus, si fussent tuit 16 l’aler onques ne lle voelt descovrir a
desconfit, qar de trop haute proece celle fois ».
50 estoit li chevalier17 qi celui passage a
delivré. − Si m’aït Dex, fet li Morhot,
icestui18 fet est bien merveilleux, e qi
qe soit 19 li chevalierb, ou de la meison
le roi Artusc ou d’autre leu, il a bien
55 moustré a cestui point qe voiremant
est il garnis20 de haute proece. Mes
ore me di, qel escu portoit il? − Certes,
sire, l’escu ne vos puis ge pas bien
deviser, ne dire ne de qel taint il 21 est,
60 qar il estoit toutes voies22 covert
d’une houce, et au venir et a l’aler
onqes ne le vout descovrir a ceste
fois ».
42.1 Lors comence a penser li Mor- (87a) Lors comence li Morholt a pen-
holz,2 e qant il a une grant 3 piece ser, e quant il a une grant piece
pensé, il dit au4 vallet: « Ore me di, li penssé, il dit au valet: « Or me di, li
chevalier qi ceste proece a faite, estoit chevalier qui toute ceste proesce a
5 il 5 mol grant chevalier? − Grant estoit fait, estoit il mult grant chevalier? − 5
assez, fet li vallet, mes il n’estoit mie6 Grans estoit il asez, fet li valez, mez
si grant qe ge n’aie ja auqune fois veu il n’estoit mie si grans qe je n’en ai
de greignors.7 − Ore me di, fet li aucunne foiz veu de greignor. − Hor
Morholt, veis tu onqes le roi Meliadus me di, fet li Morholt, veis tu honques
10 de Leonois?8 − Oïl, sire,9 fet li vallet, li rois Meliaduz de Lionois? − Oïl, sire, 10
cestui ai ge veu sainz faille plusors fet li valet, celui ai je veu plusor
fois.10 − E le veistes vos onqes armez foiz. − E le veis tu onques armez a
et a cheval?11 − Sire, oïl. − E12 ce cheval? − Sire, oïl. − E te senble qe ce
semble il qe [c]e [s]oit [il, c]estuia13 qi soit il qe ceste passage a delivrez? −
15 cest passage a delivrés? − Sire (115a), Sire, nanil, car cestui n’est si grant 15
nanil, qar cestuib chevalier n’est 14 d’asés com est li roiz Meliadus de Leo-
mie si grant d’assez cum est li rois nois, ce sai je tout veraiement. − Puiz
Meliadus de Leonois, ce sai ge tout qe ce n’a esté li roiz Meliadus, fet li
veraiemant. − Puisc qe ce n’est li rois Morholt, dunt sai ge bien qu’il est, car
20 Meliadus, fet li15 Morholz, donc sai sa proesce le me fait reconnoistre, car 20
ge tout veraiemant qi ce est qi cest maintez greignor mervoillez a il ja fait
42. 4 i. dist a.
5 ch. q. a faicte ceste prouesse e. i.
6 n’e. pas.
7 je n’en aye aucune f. v. de plus
grans.
8 M. de [Leo]nnois (ainsi toujours):
col. extérieure et mutilée 109a; cf. le §
préc. var. 14.
9 sire omis.
10 celi a. je bien v. par pluseurs f.
11 v. v. a cheval armé.
12 oïl E omis.
13 qe ce soit il cestui omis.
14 ch. si n’e.
15 M. dist l.
pasage16 a delivré a ceste fois. Il a tant qe ceste n’a esté; et puiz je bien dire
fet a cestui point qe sa proece le me que bien m’este avenu de ce qu’il ne
fet dou tout reconoistre; maintes grei- me trove au pont a sa venue: ja ne me
25 gnors merveiles qe ceste17 a il ja fet fusse partis de sez mainz senz mort 25
par mainte fois. Ore18 puis ge bien recevoir ou honte. » Ceste parole dist
dire qe bien m’est avenu de ce q’il ne le Morholt a ceste fois, car bien con-
me trouva au pont a sa venue; ja ne noissoit sanz faille que il avoit estés li
m’en fusse partis sans recevoir mort Bon Chevalier sanz Paor qui le pas-
30 ou honte ». Ceste parole dit li Morholz sage avoit delivrés. Or se repent de 30
a cele foiz,19 qar bien conoissoit cer- cestui fet qu’il a enpris encontre la
teinemant qe ce estoit 20 sainz faille maisson le roi Uterpandragons, car
li Bons Chevalier sainz Peor qi le bien connoiste en soi meesmes qu’il
pasage ot delivré.21 Ore se repent de ne puet longuement durera en la
35 cestui feit q’il a empris encontre22 la garde de ceste pont qu’il ne reçoive 35
meison le roi Artus, qar bien conoist honte et vergoigne, a ce que li rois
orendroit en soi meesme q’il ne puet Uterpandragons estoit horendroit ve-
longemant durer en la garde de cestui nus en la coneré. Et Escoralt vendra
pont q’il n’i reçoive honte e vergoigne tost a cort et dira ceste novelle
40 a ce qe li rois est orendroit venus en coment li Morholt porte armes horen- 40
la contree. Escoralt 23 vendra tost a droit encontre l’onor li rois Uterpan-
cort e contera ceste nouvele, e dira dragons. Quant il hoïront ceste
ore en plaine cort a touz les compei- novelle, il leiront tout autres afeire et
gnons de la meison le roi Artus en qel s’en vendront droit au pont, et se il i
45 guise et en qel mainiere li Morholz est trovent leb Morholt, il se puet tenir 45
parjurés, e coment il porte orendroit por mort. Ceste penser li met au cuer
armes enconte l’onor dou roi Artus.24 greignor paor qu’il n’ot onques mes.
Qant il oront ceste nouvele, il leis- A ce vet pensant li Morholt; au
seront tout errament toutes autres dereain de son penser se acorde il a
50 besoignes e s’en vendront tout droit soi meezmez a ce qe, quant il sera 50
42. 16 t. vray q. est celluy qui le p. a Ms. durement, corr. d’après A(2).
17 qe ceste omis. b Ms. la M.
18 p. maintes f. que n’est ceste cy. O.
19 p. dist le Morhault a ceste f.
20 c’estoit.
21 l. p. avoit d.
22 entrepris e.
23 Estoralt.
24 orendroit encontre l’o. de la mai-
son le r. A.
VIII
43.1 Ora 2 dit li contes qe puis qe li Ena ceste partie dit li contez puis que
Bons Chevalier sainz Peor ot delivré li Bon Chevalier sanz Paor hot deli-
le pasage dou pont, en tel guise cum vrés le pont, en tel guisse com je vos
ge vos ai conté, il passa outre, e tuit li cont, il pase holtre et tuit li hautres
5 autre aprés3 qi estoient (115b) en cele aprés qui estoient en celle compa- 5
compeignie. E trouvent adonc un gnie. E trovent adont un grant chemin
grant chemin a destre e se mistrent a destre ou il se mistrent dedenz. Il
dedenz. Il n’orent longemant alé q’il n’orent mie grantment alez qu’il tro-
trouvent un chastel qi estoit fermez verent un chastel qui estoit fermez sor
10 sor4 une mote, et estoit li chastiaux un grant mont, et estoit biaus a mer- 10
molt biaux a merveilles. Tout mainte- voillez. Tout maintenant qe la dame
nant qe la dame voit le chastiaus, ele voit le chastel, elle se torne vers lez
s’en retorne vers les deus chevaliers deus chevalier e lor dist: « Seignor,
e lor dist: « Seignors, estes vos de la estez vos de la maison li roiz Uterpan-
15 meison au roi5 Artus? » Et il dient qe dragons? − Oïl, dient il. − Donc, fet la 15
de la meison le roi Artus sunt il bien.6 dame, vos lou je bien qe voz chivau-
« Seignors, donc vos7 lou ge bien, e le chiez d’autre part (87b) qe da cest
vos di por vostre preu e por vostre chastel, car bien sachiez que leenz ne
honor, qe vos chevauchiez d’autre poés voz herbergier, car cist chastel
20 part qe a cest 8 chastel, qar bien fu fermez encontre li rois Uterpandra- 20
sachiez qe laienz ne poez vos herber- gons, et le fist fermer li noble roi Loth
gier. Cil chastiaux fu fermez encontre d’Orcanie a celui tens qu’il avoit
le roi Uterpandegron,9 e le fist fermer guere contre li roi Uterpandragons.
le roi Loth d’Orcanie a celui tens q’il Onques li roiz Uterpandr[ago]nzb n’i
25 avoit guerre encontre le roi Uterpan- pot onques avoir la segnorie, et s’en 25
degron. Onqes le roi Uterpandegrons est il asez travailliez. Or avint, et ne
n’en pot avoir la seignorie a tout 10 ssai pas coment ne por quel pechié,
son aage, e si s’en travailla il assés. qe li sire de ceste chastel ala a un tor-
Ne li rois Artus meesme, puis q’il vint neament, et a celui tornoiement le
30 a terre, tenir n’en pot faire11 son ocist le roiz Uterpandragons senz 30
comandemant ne sa volanté, qan doute. De cel chevalier remestrent
avint,12 ne sai comant, par pechié e deuz damoysiaus qui hore sont che-
par mescheance, qe li sire de cest valier noviaus. Et maintenant qe il
chastel ala a un tornoiemant, et a furent chevalier, il jurerent por le
35 celui tornoiemant sans doute l’ocist le grantc doumage que li roiz Uterpan- 35
roi Artus. De celui chevalier remistrent dragons li avoit feit conme de son
dui13 damoisel qi ore sunt chevaliers pere ocire, que tant conme il viveront,
nouvel. Il jurerent por14 le grant seront encontre li roiz Uterpandra-
domage qe li rois Artus lor avoit fait 15 gonz et cil de son hostel et que toute
40 de lor pere metre a mort qe, tant cum le domage que il li poront feire, de lui 40
il viveroient, seroient il encontre le roi et de cil de son hostel, li feront. Ein-
Artus et encontre ceaus de son ostel. sint le jurerent il et le firent jurer a
E tout le domage16 q’i li porroient touz ciaus de cel chastel. Ceste parole
faire, e de lui e de ceaus de son hos- voz ai ge dite, segnor chevalier, por
45 tel,17 li feroient, et a touz les cheva- ce qe je ne voudroie qe voz en nulle 45
liers de la Table Reonde qi ceste part maniere vos meissiez dedans, car je
vendroient, il arresteroient por fere sai bien que se vos i fusiez conneu,
lor honte18 e desonor. Einsint le voz n’en ensiroiz despueiz a vostre
jurerent, et aprés ce le firent 19 jurer a voloir por aventure; por quoi je vos
50 ceaus, as chevaliers20 premieirement, lou que vos leisiez cestui chemin et 50
et a touz les autres aprés. Ceste parole retornez ceste autre part, car vos tro-
vos ai ge dite, seignors chevaliers, por veroiz i un chastel qui est de le roy
ce qe ge ne voudroie mie qe vos vos Uterpandragons et est asez pres. Et
meissiez leianz, qar ge sai bien, se vos laenz troverois vos asez qui vos fera
55 leianz vos metez e vos i fussiés honor et feste, puis que l’en savra que 55
coneus, vos n’en ystriez mie puis vos estes de la maison li roiz Uterpan-
par21 avanture a vostre volanté; por dragons. Cestui chemin, biaus
qoi ge vos lou qe vos leissiez cestui segnor, tenez et leisiés le nostre, car
chemin e tornez ceste autre part. Vos de le nostre voz vendroit daumage; et
60 trouveroiz ceste autre part un chastel je le vos di veraiement. Mes de ceste 60
qi est propremant dou roi Artus et est autre de ça ne vos vendra nul dau-
asez pres; leianz trouveroiz, bien le mage ».
sachiez, qi vos ib fera honor22 e feste,
puis qe l’en savra23 qe vos estes de la
65 meison le roi Artus. Seignors, tenez
cestui chemin e cestui nostre nos leis-
siez, qe del 24 nostre vos vendroit
domage; ge le (115c) vos di veraie-
mant. Mes a cest autre par deça25 ne
70 vos vendra domage nul ».
44. Quant 1 li Bons Chevalier entent Quant li Bon Chevalier sanz Paor
ceste parole, il s’areste e dit au cheva- entent ceste parole, il s’areste et dit
lier, a celui qi en la compeignie de la au chevalier qui en la compagnie de
dame s’estoit mis: « Coment, biaux la dame s’estoit miz: « Conment, biau
5 sire chevalier, n’estes vos mie2 de la sire, n’estez vos donc de la maisson li 5
meison le roi Artus? − Nanil, fet il. Ge roiz Uterpandragonz? − Nanil, fet il,
ai3 ja veu, par maintes autres fois,4 qe maiz je ne fui bien, ja fu tenz, mez
ge en5 esteoie, mes non ore mie. » hore nom mie. » Lors dite mesire Lac
Lors dit 6 messire Lac au Bon Cheva- au Bon Chevalier sanz Paor: « Sire,
10 lier sainz Peor: « Sire, qe dites vos de qu’en dites vos de ces novelles que 10
ces nouveles qe ceste dame nos a con- ceste dame nos a hore contees? Vollez
tees? Volés vos qe nos chevauchom a vos qe nos chivauchonz a ceste chas-
cest chastel ça devant ou a cest autre tel ça devant ou a ceste autre qui est
qi est dou roi Artus? − Sire, fet li Bon de le roi Uterpandragons? − Sire, dist
15 Chevalier sans Peor, il ne m’est pas li Bon Chevalier sanz Paor, il ne m’est 15
avis qe l’en nos7 deust tenir por che- pa avis qe l’en nos deust tenira por
valiers, se por peor de nouveles leis- chevalier se noz por paor leisonz
som onqes nostre voie. Chevauchom8 nostre voie. Chevauchon tout seure-
tout seuremant, qar seurté e force de ment, qar seurté e force de chevalerie,
20 chevalerie, qi de maint autre perill 9 qui de maintez perilz noz a gités 20
nos a ja gité plusors fois, nos deliver- maintes fois, nos delivrera de ces-
ra10 de cestui. − Ore chevauchom, fet tui. − Or chevachons donc ceste
messire Lac. » E lors se metent au part », fet mesire Lac. Lors se metent
devant.11 Il n’orent pas grantment alé au devantb et chevaucherent tant que
25 qe li chevalier comence a parler e dit li jor torne au declin. Lors vindrent 25
au Bon Chevalier sans Peor: « Sire, droit au chastel ou il devoient herber-
conoissiez le meillor chevalier dou12 gier, et la nuit estoit mult aprochiee,
monde? − Certes, fet cil sains Peor, si que il estoit ja einsint conme entre
forte chose seroit ja de doner tout 13 le jor et nuit, car la nuit estoit meslee au
30 pris dou monde a un chevalier seule- jor. Quant il furent venus a la porte, 30
mant. E neporqant, ge le qit auqes il troverent un home qui i estoit asix,
conoistre, e croi bien qe le mellor che- qui lor diste: « Seignor, este vos che-
valier dou monde soit orendroit le roi valier erranz? » Et cil dient oïl, qe che-
Meliadus de Leonois. − En non Deu, valier erans sont il voirement. « Et a il
35 dit li chevalier, le roi Meliadus, di ge nulz de vos, fet li proudome, qui soit 35
bien14 q’il est bon chevalier sainz de la meison li roiz Uterpandra-
faille, mes a ce ne me acorderoie ge gons? − Frere, por quoi le demandés
mie qe ce fust le meillor chevalier dou vos, fet li Bon Chevalier sanz Paor. −
monde; ge m’acorderoie15 plus tost a Certez, seignor, fet il, je neu vos
40 un autre e diroie tout hardiemant qe demant (87c) se por vostre bien nom 40
celui est le mellor de toz ceaus qe vos et por vos feire sage d’aucunne cos-
sachiez. − Sire, fet messire Lac, se tume de çaens qe vos encore ne ssa-
Dex vos doint bone avanture, qi est vés por aventure. − Frere, fet li Bon
ore celui que vos tenés orendroit au Chevalier, ciste sire est de la maisson
45 meillor chevalier16 dou monde? − li roiz Uterpandragons, se li moustre 45
Certes, sire, fet cil, ce vos dirai ge ore monseignor Lac, ge meezmes en sui.
bien. Ge di bien hardiemant qe le Mes ceste hautre chevalier n’en est
meillor chevalier qi ore soit est le mie, ce nos a il fet entendant. − Or vos
noble roi d’Estrangorre, celui qe l’en lou ge en droit conseil, fet li proeudo-
50 apele17 le Bon Chevalier sainz Peor. − mec, que vos qui estez de la maison le 50
Certes,18 sire, fet messire Lac, a ceste roy Uterpandragons ne vos metoiz en
chose s’acordent orendroit maint cest chastel, qar bien sachiés veraie-
proudomes, e ge meesme m’i acort ment que vos ne istrois des mainz a
bien; mes19 ge ne qit mie qe cest mien ciaus de laiens sans honte recevoir e
55 compeignon s’i acordast. − En non vergoigne. Por ce est il bonz et seure 55
Deu, fet li chevalier, se il conoist l’un chosse por vos qe vos en autre leu
e l’autre aussi bien cum ge fas, il s’i que en ceste vos en alisiez eubergier.
acorderoit legieremant. Mes il ne Ceste autre chevalier voirement qui
conoist fors l’un par avanture, e por n’est de la maisson li roy Uterpandra-
60 ce parole en tel guise: il conoist le roi gons i puet herbergier seurement, car 60
Meliadus, si cum il meesme dit, mes asez trovera qui li fera honor et ser-
il ne conoist le Bon Chevalier sainz visse; e por ce qe chevalier eranz est,
Peor, come ge (115d) conois. − Sire, fet viegne avant! Et bien soit il venus!
messire Lac, se Dex vos doint bone Mes vos hautres, alez vostre voie se
65 avanture, por qoi començastes vos vos ne vollez recevoir honte ». 65
orendroit a parler dou Bon Chevalier
sainz Peor? − Sire, ge le vos dirai, mes
ore vos sofroiz enquore qe ge aie un
pou20 parlé a vos et a cest chevalier ».
45.a Lors se torne ver le Bon Chevalier sainz Peor1 e li dit: « Biaux sire, puis
qe vos estes de la meison le roi Artus e si prodom des armes cum vos avez hui
mostré, cum est ce qe vos ne conoissiez2 le rroi d’Estrangorre? − Sire, ge le
conois assez. − Qant vos assez le conoissiez, fet li chevalier,3 por qoi deistes4
5 vos qe li rois Meliadus estoit meillor chevalier qe n’estoit celui? − Sire, fet il,
por ce q’il me plot.5 E se ge le dis enqore, ne vois ge pas encontre; ainz di bien
qe enqore m’i acort ge. − Certes, ce dist 6 li chevalier, a ce qe vos m’alez disant,
di ge bien qe vos ne le conoissiezb mie trop bien. E certes, tout soiez vos bon
chevalier cum nos avom hui veu, se ge qidoie qe vos deissiez a certes ceste
10 parole, ge seroie orendroit appareilliez qe ge preisse mon escu encontre vos e
qe ge vos provasse par force d’armes qe li rois d’Estrangorre est meillor cheva-
lier qe n’est celui de Leonois ».7 Li Bons Chevalier sainz Peor comence a8 sour-
rire, qant il entent ceste nouvelle e respont en sorriant: « Biaux sire, ore sachiés
qe ge ne me combatroie mie a vos por ceste qerele, ne a vos ne a autre; ne li9
15 chevalier ne seroit mie grantment 10 sage qi por tel qerele se combatroit, qar
s’il dou tout s’entrocioient, por ce ne seroient li dui chevalier meillor ne peior.
E por ce ne me combatroie ge mie volantiers. − Sire, fet messire Lac, enqore vos
voudroie ge prier, s’il vos plesoit, qe vos me deissiez por quoi vos començastes
orendroit a parler dou Bon Chevalier sanz Peor qi est le meillor chevalier dou
20 monde.11 − Certes, sire, ce fu par une avanture qi li avint, et auqes pres de cel
chastel. E certes, tout soit il bon chevalier e le meillor dou monde sainz faille,
si le vi ge a celui terme assés legieremant desconfire, e par chevalier q’asez12
petit valoit et enqore vaut assez pou; por cestui chastel qe13 ge ore vi et enqore
voi me souvint de cele avanture ».
45. a Rappelons que pour les §§ 45−58, nous ne possédons que le témoignage des mss A(2)
et T. Cf. notre note à F, § 44b.
b conoissiez: les i sont suscrits.
46. Quant li Bon Chevalier entent ceste nouvele, il regarde le chastel e le reco-
noist, et adonc li souvient celui1 fet a dont li chevalier avoit encomencié le
parle(116a)mant. Si est adonc trop vergondeux e2 trop honteux e beisse la teste
vers terre. E lab dame,3 qi parc maintes fois avoit oï parler dou Bon Chevalier
5 sainz Peor, qant ele entent ceste4 nouvelle, ele est fieremant esbahie. E por ce
respont ele au chevalier, corroucie trop fieremant: « Dan5 mauveis chevalier
faillis, fet ele, coment puet ce estre qe le meillor chevalier dou monde fu issi
desconfit 6 par un autre chevalier qi assez petit valoit e qi enqore vaut assez
petit?7 Ce est 8 une chose dont nus ne vos devroit croire s’il ne oïst tout mot a
10 mot conter la certeinité.9 − Madame, fet li chevalier, ore sachiez tout veraie-
mant q’il avint einsint dou meillor chevalier dou monde cum ge vos ai comen-
cié a conter.10 Mes por ce qe vos ne m’en creiriez se ge nel vos comtoie11 mot
a mot coment il avint, e ge orendroit le vos dirai; non mie por vergoingne dou
Bon Chevalier ne por sa desonor, mes por ce qe vos ne me tiegnez a mençon-
15 gier12 de ce qe ge vos ai comencié a conter. Or escoutez coment il avint a un
povre chevalier qi n’estoit pas a13 celui tens se de povre renomee non, ne
enqore n’est. » E maintenant q’il a ce dit, il encomence son conte en tel mai-
niere.
46. 1 s. de c.
2 t. vergoingneux et.
3 [dam]e: déchirure dans le ms.
4 e. ent (forme incomplète sans doute pour entent) c.
5 courroussee durement D.
6 m. fust icy d.
7 e. ne vault guieres?
8 C’est.
9 se il n’oyoit compter tout mot a mot l. certaineté.
10 c. de c.
11 ne le comptoye.
12 m. affin que ne m. teniés pour m.
13 qui estoit pais (biffé) a.
47.1 « Damea, fet il, enqore n’a mie trop grant tens qe li Bon Chevalier sans
Peor vint a cest chastel ou nos devom a nuit 2 gesir, e s’i estoit a celui point
acompeigniez a un chevalier3 qi n’estoit mie de si haute4 proece cum ge ai ja
veu main autre chevalier,5 qar certes, il n’estoit ne preuz ne hardi6 ne puissant
5 des armes, se trop petit non. Li chevalier estoit apelez Helayn7 le Brun, por ce
qe brun chevalier estoit a merveilles; e si8 estoit fieremant de bones paroles;
nule autre9 bonté de cest mondeb il n’avoit en li, fors qe paroles10 de solaz e
de deduit. E por ses bones paroles sai ge bien qe li Bons Chevalier en sa com-
peignie le tenoit, e non par autre chose. Helayin11 le Brun a celui tens menoit
10 en sa compeignie une damoisele q’il amoit tant cum chevalier porroit damoi-
sele amer. En cele seison qe ge vos di qu’il vindrent a cestui chastel ou nos
devom a nuit gesir, il c i demorerent trois jors entiers, ne sai po qele achoison.
Qant il se furent mis a la voie, il chevaucherent tant q’il vindrent a l’entree
d’une forest. Il i avoit a celui point un chevalier armé de toutes armes qi menoit
15 en sa comp(116b)eignie un escuier seulemant e s’estoit arrestez enmi la voie
droitemant. Il voloit a celui terme mal de mort a Helain e desiroit trop a aveir
la damoisele qe cil tenoit por s’amie e q’il menoit avec lui. Veraiemant, ce vos
fas ge bien asavoir qe c’il qidast certeinemant qe li Bon Chevalier fust en cele
compeignie, il n’eust fet icelui assaut q’il fist adonc. Mes il qidoit qe ce fussent
20 dui simple chevaliers come autre; il ne qidoit mie qe cil sains Peor i fust. Qant
li chevalier qi emi le chemin s’estoit arrestez a l’entree de la forest vit venirr
les deus chevaliers qi la damoisele conduisoient, et il vit q’il estoient ja pres
de lui, il lor comance a crier tant cum il puet: « Seignors chevaliers, leissier vos
48. Quant messire Lac entent ceste nouvele, il est si fieremant esbahis q’il ne
set q’il doie dire. Il croit ceste chose e la mescroit, e neporqant, il li estoit
bien avis qe celui copa qe cist chevalier avoit devisé estoit plus mescheance qe
chevalerie. Il croit (116c) bien qe ce pot avenir1 plus par mescheance qe par
5 proece. Il regarde le Bon Chevalier sans Peor qi de cestui conte estoit ja si
tristes e si pensis q’il ne levoit la teste come devant, ainz chevauchoit orendroit
la teste enclinee vers la terre: pensis est estrangemant de ce q’il ooit qe li che-
47. 12 q. nous l.
13 i. cheÿrent.
14 Ch. qui f.
15 i. demoure g.
16 g. [q]ui: mutilation de la col. 111a.
17 f. du premier qui estoit le B. Ch. sans Paour mais il.
18 s’e. a. a tant et laisse.
19 l. t. gisans. S.[en a]dvint.
20 et on.
21 car aussi i n. f. a. je vous asseure.
49. Quant il a einsint respondu, li Bons Chevalier sainz Peor, qi auqes estoit
corrociez des nouveles, reprent la parolea1 sor lui e dit: « Sire chevalier, ge vos
port bien testmo(116d)ingb q’il 2 avint de ceste avanture au Chevalier sans Peor
tout einsint cum vos avez orendroit conté.3 Il li mesavint e cele foiz assez vilei-
5 nemant, ce di ge bien; mes il se puet einsint reconforter en ceste avanture, qe
nos veom apertemant q’il n’est orendroit en cest monde null si prodome a cui
il ne meschiee4 auqune fois; et issi li mescheï adonc.5 Il fu bien tens puis e
hore q’il auqes6 se revencha de cele vergoigne e sor celui chevalier meesme, ce
li fist l’en entendant. E fu celui fet menez a fin7 par droite force de chevalerie,
10 e non einsint par avanture come fu celui cop de lance8 qe vos avez orendroit
devisé ». Qant messire Lac entent ceste nouvele, il est orendroit assez plu liez
q’il n’estoit devant, qar par ceste avanture entent il bien q’il s’estoit revenchés
de celi cop qi ja li avoit esté donez. Cestui conte velt il oïr assez plus volantiers
q’il n’avoit oï l’autre. E por ce le met il adonc en paroles e dit: « Ha! sire, por
15 Deu, puis qe cist chevalier nos a conté coment il mescheï 9 au Bon Chevalier
sans Peor, e par un seul cop de lance, ore nos contez, s’il vos plest, en qel
guise et en qel mainiere il revencha puis sa vergoigne e sor celui meesme qi ce
li avoit fet. − Certes, biaux sire, fet 10 li Bon Chevalier, puis qe vos celui conte
volez oïr, e ge le vos conterai tout errament; or escoutez cum il avint e puis
20 jugiez vos meesme s’il 11 revencha bien sa vergoigne. E sachiez tout certeine-
mant qe cestui conte qe ge vos deviserai orendroit sai ge par le Chevalier sans
Peor e non per autre; e por ce le puis ge conter hardiemant ». E qant il a dite
ceste parole, il comance maintenant son conte en tel mainiere.
49. 1 n. en prent l. p.
2 v. pourray bien estre t. q. i.
3 a. au Bon Chevalier s. P. l’aventure comme v. l’avés o. devisé et c.
4 monde si p. a qui i. n. meschee.
5 mescheut il a.
6 f. depuis temps et h. que aucques.
7 Et sur c. f. mener (?) a f.
8 d. la l.
9 mescheut.
10 C. fait beau s. f. (erreur de T non corrigée).
11 m. comme i.
50.1 « Veritez fu qe il avint tout aussint cum2 cest chevalier a conté qe li Cheva-
lier sans Peor fu einsint mal menez e par un cop de lance entre li e l’autre
chevalier. Puis qe li chevalier,3 qi la damoisele avoit gaagnié par si bone avan-
ture, se fu de la place partis, cill sainz Peora, qi navrés estoit duremant et
5 ausint 4 cum mortelmant, jut granment come mort en la place. Qant il fu reve-
nus en pooir e en force, il se dreça e demanda son cheval, e l’on5 li amaine. E
il monte au mielz q’il pot,6 destrait et engoisseux sib estrangemant que`ac grant
paine7 chevaucheroit autre chevalier (117a) qi si fust navrez cum il estoit.
Toutes8 voies, a qel qe dolor, a qel qe paine, il monta e s’en retorna a celui
10 chastel la devant dom il estoit adonc partis e jut adonc deus mois entiers, avant
q’il fust dou tout gueris de la plaie qe cil li avoit fete. Qe vos diroie? Qant il fu
dou tout gueriz qi il conoist en soi meesme q’il pooit seuremant chevauchier
sanz domage9 de son cors, il se parti maintenant dou chastel e se mist a la
voie; e tant chevaucha puis jornee a jornee, qerant toutes voies e cerchant s’il
15 trouvast auqun qi nouvelles li seust a dire del chevalier10 qi la vergoigne li
avoit fete. E tant avoit il bien entendu eu chastel ou il avoit demoré malades
qe li chevalier qi ce li avoit fet estoit acostumez de porter un escu d’arzur,11 et
avoit emi leu12 une espee d’argent dou lonc de l’escu.13
50. 1 111d, Rubr., LE BON CHEVALIER SANS PAOUR COMPTA COMMENT UNG CHEVALIER
LE BLESSA MOLT[…]MENT ET LUY OSTA SA DEMOISELLE.
2 t. ainsi c.
3 cheval[ier]: col. extérieure et mutilée 111d.
4 et ainsi.
5 et on.
6 pout.
7 que a peine.
8 ch. q. [fust?] ainsi n. c i. esto[it. Tou]tes.
9 p. du tout ch. seurement et s. d.
10 au ch.
11 azur.
12 a. ou my l.
13 l’e. d’azur et tel estoit comme je devise.
51. A un jor1 q’il aloit chevauchant par le roiaume de Norgales aussint cum2
tout seul, qar ne3 menoit adonc en sa compeignie fors un escuier soulemant,
li avint qe avanture le porta sor une fonteigne. A cele fonteigne estoit adonc
un chevalier4 armé de toutes armes: son hiaume en sa teste, s’espee ceinte,
5 son escu a son col, son gleive de joste lui, e son cheval autresint. Li chevalier
estoit apuiez a un arbre tres desus la fonteigne e fesoit un duel trop mer-
veilleux. Qant il vit qe li chevalier si grant dolor demenoit a, il 5 se tret pres de
lui e li dit: « Sire chevalier, Dex vos saut! Por qoi demenés vos si grant duel? −
Por qoi? dist cil, por ce qe g’ en ai tel raison6 qe ge ne puis greignor avoir. Duel
10 fas, e ge doi fere duel, qar bien i a reison por qoi. − E toutes voies, dist cil sans
Peor, porroie ge savoir l’achoison de ceste dolor? qe bien sachiez veraiemant,
sire chevalier, qe ge conseil i metroie, se ge consseil i pooie metre ». Cil res-
pondi autre fois e dit: « J’ai dolor, e dolor doi fere, qar il m’est tant mescheoit 7
q’il ne m’est pas avis q’il peust plus mescheoir. Ha! chevalier, q’il m’est mes-
15 cheoit,8 qar ge ai amé de tout mon cuer si loiaumant une damoisele cum cheva-
lier porroit amer damoisele. E cele qe9 ge tant amoie qe ge morroie por10 ses
amors, la ou ge qidoie q’ele m’amast tant come11 damoisele porroit am(117b)er
chevalier, ele me moustra adonc tout apertemant q’ele me haoit tant cum
damoisele porroit haÿr chevalier. E me leissa por le plus mauveis e por le plus
20 vil chevalier de tout cestui monde, e ce est 12 ce qui me met si grant duel ou
cuer,13 e qe ge sai tout veraiemant qe de cestui duel m’estuet morir; qar se ele
por un meillor de moi m’eust changié, ge n’en eusse si grant duel cum g’en ai,
mes ce q’ele s’en ala prendre au plus mauveis de tout le monde, e moi leissa,14
me fera de dolor morir ».15
51. 1 Un j.
2 ainsi comme.
3 car il n.
4 [cheva]lier: détérioration de la col. extérieure: 112a, cf. § préc., var. 3.
5 d. demenenoit (sic) i.
6 j’en [ai difficilement lisible] si bonne r.
7 mescheu.
8 mescheu.
9 plus a d. E. celle qui.
10 je mouroye p.
11 m’aimast comme.
12 et c’est.
13 douleur au c.
14 le p. m. d. t. l. m. et me l.
15 d. m. et d’yre.
52. Quant cil sans Peor entendi les paroles dou chevalier,1 il comença a sour-
rire e dit adonc:2 « Certes, sire chevalier, de mauveise nature e de mauveise
generacion fu cele damoisele qi celui change prist sor soi qe vos ici me devisez.
E, se Dex vos conselt, ou3 la preistes vos? dites le moi ». Li chevalier comença
5 a souspirer, qant il entendi ceste demande; il respondi4 aprés: « Certes, ge la
conqis; ce puis ge bien dire q’il me cheï mieuz et avint q’il ne cheï a nostre
tens a nul chevalier dou monde. Ge conqis plus honor a celui point qe ge la
gaagnai qe ne fist nul chevalier errant de mon afaire a nostre vivant, qar ge
conqis cele damoisele5 par ma proece envers le meillor chevalier dou monde.
10 Mes certes, ge ne conqis tant d’onor a cele fois qe ge deschevauchai le meillor
chevalier dou monde por achoison de la damoisele q’ele ne m’ait orendroit fet
assés gregnor honte ».6
53. Quant li Chevalier sans Peor entendi celi conte qe li chevalier li contoit,
tout errament li dit li cuer qe ce estoit sans1 faille celui meesme chevalier q’il
aloit qerant. Lors li dist autre fois: « Ore me dites, dan chevalier, se Dex vos
saut, e qi fu celui qe vos tenez au meillor chevalier dou monde e sor qi vos
5 conqeistes par vostre proece cele damoisele qe vos avez ore perdue? » Li cheva-
lier respondi e dit adonc:2 « Certes, le meillor chevalier qi orendroit soit ou
monde3 est li Bon Chevalier sans Peor; e sor celui sainz faille e sor un autre
avec li conqis ge cele damoisele qe ge ai4 perduee a cestui point ». Qant cil
sans Peor entendi ces paroles dou5 chevalier, il li respondi errament: « Certes,
10 dan chevalier, de celi fet dont vos avez orendroit parlé6 ai ge ja autre fois oï
parler ». E la ou il tenoient celui parlemant, atant e vos entr’els venir un (117c)
escuier qi dist au chevalier: « Sire, ore sachiez veraiemant 7 qe li mauveis cheva-
53. 1 c’estoit s.
2 dist a.
3 s. au m.
4 ceste d. sans faille q. j’ay.
5 c. nouvelles d.
6 o. compté.
7 s. tout v.
lier, por qi vos perdistes hui vostre amie, ore l’a el perdue,8 tolue li est oren-
droit: chevaliers qi le trouverent ça devant li ont toloite9 e s’en viegnent tout
15 cest chemin; orendroit les porroiz veoir passer par ci devant, e la damoisele
avec eus. » Qant li chevalier oïa ceste10 nouvele, il fu molt joiant par semblant
e molt reconfortez; si demande a l’escuier: « Qant chevaliers puent estre cil qi
la damoisele conduient? » E li vallet dist: « Sire, il pouent estre .XX. au mien
avis ».11
54. Sea li chevalier avoit esté joiant devant de la nouvele qe cil li avoit aportee,
il fu dolans de l’autre aprés, de ce q’il oï qe grant compeignie condusoient 1 la
damoisele; il se tint coi une grant piece q’il ne dist mot. E qant il parla, il dist:
« Trop i a grant force encontre la moie; por2 noiant emprendroie ceste besoigne,
5 qar ja n’en vendroie, au derrain, fors desoz ».3 Qant cil sans Peor entendi ceste
parole, il respont tout errament e dist au chevalier: « Certes coart estes, sire
chevalier, faillis! por damoiselle qe vos tant amez cum vos meesme dites, des
ore mes ne me porroie ge acorder4 a ce qe vos fussiez chevalier de valor, qar
ge voi en vos trop grant defaute. E certes, qant vos le Chevalier sans Peor
10 meistes a desconfiture par un seul cop de glaive, ce ne fu mie tant par vostre
proece cum par la mescheance de celui. Ore leissiez la damoisele venir, qe
certes vos estes si cheitif de cuer qe vos n’avez hardemant de gaaigner la5 par
force d’armes desus .XX. chevaliers,6 e ge sui cil qi gaaignier la voill, maugré
touz ceus qi la conduient ». Celes paroles furent dites a celui point en cele
15 place; e la ou li dui chevalier estoient ja einsint cum a7 grosses paroles, atant
e vos qe la damoisele comença a aprochier, qi venoit sanz doute a tel compei-
54. a Ms. Sse: le redoublement du s est dû au fait que le copiste n’a pas tenu compte de
l’initiale.
gnie cum li vallet avoit devisé. Le chemin dont ele venoit estoit estroit, tres
delez la fonteigne.8 Qant li chevalier qi tant amoit cele damoisele vit la compei-
gnie aprochier ou cele venoit, il n’i fist 9 nulle autre demorance, ainz s’apareille
20 maintenant d’els assaillir; e qant il fu touz appareilliés de fere ce q’il avoit en
volanté, il se mist maintenant enmi le chemin e comença a crier tant cum il
puet: (117d) « Leissiez la damoisele, seignors chevaliers, ou vos estes mors! » E
tout errament il hurte cheval des esperons e leissa corre a ceus touz.10 E li avint
einsint sainz faille qe dou premier cop q’il dona, il feri le premier q’il encontra
25 si roidemant q’il le rua mort 11 a la terre. Mes a celui cop q’il avoit fet, il ne
demora12 mie granment en sele, qant un13 autre chevalier qi aprés celui venoit
li done si grant cop enmi14 le piz q’il porta15 a terre tout en un mont, lui e le
cheval.16
55.1 Quant 2 li Chevalier sanz Peor vit qe cil qi encontre les .XX. se voloit com-
batre e por la damoisele3 rescorre estoit si tost mis a la terre, il n’i fist autre
demorance, ainz leisse corre maintenant a els e li avint einsint q’il abati de son
gleive4 le premier d’els q’il encontra. E q’en diroie? por qoi feroie ge lonc con-
5 tendre celui fet? Puis qe li Chevalier sainz Peor ot la besoigne encomenciee, il
se travaila5 tant e tant fist q’il mist a desconfiture par force d’armes touz ceaus:
il en mist 6 a mort les uns; e les autres, qi mort ne furent, en desconfist il 7 si
54. 8 e. trait de l. f.
9 i. ne f.
10 a eulx t.
11 l. mit tout roide de mort.
12 demora omis.
13 m. longu[e]ment sur la s. que u.
14 a. le premier v. moult roidement et l. donna ung s. g. et si merveilleux c. droit e.
15 q’i. le p.
16 et son ch.
55. 1 112d, Rubr., COMMENT LE BON CHEVALIER SANS PAOUR DESCONFIT LES XX CHEVA-
LIERS QUI CONDUISOIENT LA DAMOISELLE QUE LE CHEVALIER COHART AYMOIT
TANT, ET DEPUIS S’EN COMBATIRENT ENSEMBLE COMME OYRES.
2 Quant: grande initiale.
3 l. vint s. v. c. et p. l. damoiselle: à cet endroit (113a) le texte est interrompu par une
miniature à encadrement de rinceaux de fleurs: elle illustre le combat du Bon Chevalier
contre les vingt.
4 a. du g.
5 il traveilla.
6 t. ces chevaliers [il en] m.
7 [le]s a. desconfit il.
outreemant q’il n’en remist un8 en la place. Qant il vit q’il les avoit touz des-
confit e la damoisele gaaignieea par sa proece, il la prist tout errament e dist
10 q’il l’en menroit 9 avec soi, non mie por ce q’il en eust volanté, mes por ce q’il
voloit oïr qe li chevalier voudroit dire qi tant l’amoit. Et il estoit ja remontez en
son cheval.10
56. A celui fet et a cele hore qe li Chevalier sans Peor tenoit la damoisele en
sa baillie, atant e vos venir de l’autre part le mauveis chevalier, le1 cohart qi
la damoisele amoit tant. Qant il voit qe ele estoit venue es mains de cel home
cum estoit cil qi touz les chevaliers avoit desconfit,2 il ne sot q’il deust fere,
5 qar ce conoissoit il bien qe par3 sa force ne la pooit il gaaignier encontre celui.
Lors parla il a l’autre chevalier, a celui qi portoit l’escu d’arzur4 a l’espee, e li
dist: « Cheitif chevalier, ja dis tu qe ge sui plus faillis5 e plus recreanz qe autre
chevalier; ce qe tu disoies de moi, voi ge orendroit de toi, qar greignor recrean-
disse ne pues tu feire de ce qe tu es avec cest chevalier seul a seul e n’osez
10 enpreindre, tant as grant doutance de lui, qe tu li toilles ceste damoisele q’il
tient orendroit 6 en sa baillie. Peusses tu fere (118a) greignor semblant de cohar-
die qe tu7 fes ore? Certes, qant ge voi ta recreantisse, e ge sui cel a qui cohardie
leis des or meis e me voill por ceste damoisele combatre a cest chevalier qi
conqise l’a orendroit sor tant de proudomesb ». Lors mist la main a l’espee e
15 ne fist adonc autre demorance, ainz dist tout errament au Bon Chevalier sanz
Peor: « Dan chevalier, se Dex me saut, ou vos me qiteroiz ceste damoisele qe
vos avés conqise e la me rendés tout 8 orendroit, ou vos estes venus a la meslee.
Ge me voil por s’amor combatre encontre vos, coment q’il m’en doie avenir ».
55. 8 e. demoura u.
9 i. la meneroit.
10 r. sur s. ch. et emmenoit la demoiselle.
56. 1 ch. et l.
2 t. Et q. i. la vit entre les mains de celuy qui les XX chevaliers a. d.
3 car il congnoissoit bien que tous les chevaliers avoit desconfis et q. p.
4 d’asur.
5 suis faillis.
6 l. tolles sa d. q. i. veult o.
7 Pourroyes t. f. plus grant s. de c. comme t.
8 m. rendrés t.
57. Quant 1 cil sans Peor vit qe li cohart chevalier emprenoit sor lui tel harde-
mant, e por force2 d’amor, q’il se voloit maintenant combatre por la damoisele
rescorre, il 3 s’en comença molt fort a sourrire e dit 4 a soi meesme qe avant li
rendroit la5 damoisele tout a qitemant q’il se combatist a lui. E li dist adonqes
5 qant il ot auqes pensé, e ce fu tout en sourriant: « Biaux sire, ge vos pri qe vos
ne me façoiz force de combatre aprés ce qe ge me sui combatuz a tant cheva-
liers, cum vos avez veu ». Cil disoit 6 de l’autre part toutes voies que mestier
estoit q’il li rendist tout orendroit la damoisele. Il dit a soi meesme qe mieuz
voloit il la damoisele rendre q’il a celui7 se combatist, qar honte e vergoigne
10 seroit se il a lui se combatoit, et il veoit qe cil li venoit l’espee trete por enco-
mencer la8 bataille.
58. Puis q’il vit certeinemant q’il ne s’en pooit autremant partir del chevalier,
il n’i fist autre demorance, ainz a doné la1 damoisele tout maintenant e li dit
tout en sourriant: « Biaux sire chevalier, por ce qe ge sui lassés2 e travaillié, ne
a cestui point ne me voudroie volantiers combatre ne a vos ne a autre, vos
5 doing ge3 ceste damoisele. Tenez la, ge vos en revest ».4 Qant li chevalier vit
q’il avoit en tel mainiere sa damoisele perdue q’il tant amoit, il dit qe cele
honte ne soufroit il 5 ja; il ne voloit otroier celui don, qar a celui mauveis cheva-
lier, qi orendroit la tenoit en garde, ne s’en voloit combatre: a celui qi gaaignie
l’avoit de tanz proudomes6 s’en prendroit. En tel guise co(118b)mensa la mes-
10 lee des deus chevaliers. E por ce q’il avoient lor glaives brisiez amdui, mistrent
il mains as espees e se entrehurtent 7 li uns contre l’autre, einsint a cheval cum
59. a Einsint chevauchent: reprise de F après la lacune signalée au § 45a; pour le texte, cf.
F, 44b.
59. 1 113d, Rubr., COMMENT LE BON CHEVALIER SANS PAOUR [ET] MESSIRE LAC ARRI-
VERENT A UNG CH[ASTEL] OU TOUS LES CHEVALIERS ERRANS DE [LA] MAISON LE
ROY ARTUS ESTOIENT HAYS MOU[LT].
2 t. au d.
3 ch. la o.
4 a. tant q. i.
5 Et y a.
de vos, fet li hom,6 qi soi de la meison le roi Artus? − Frere, por qoi le deman-
dez vos, fet li Bons Chevalier sanz Peor. − Certes, seignors,7 fet il, ge nel vos
demant se par vostre bien non8 e por vos fere sages d’auqunes costumes de
ceianz que vos encore ne savez par avanture. − Frere, fet li Bons Chevalier, cist
10 sires est de la meison le roi Artus, si le mostre monseignor Lac, e ge meesme
en sui. Mes9 cist autre chevalier10 ici n’en est mie, ce nos a il fet entendant. −
Ore vos lou ge en droit conseill, (118c) fet li hom, qe vos, qi estes chevaliers de
la meison le roi Artus, ne vos metoiz en cest chastel, car bien sachiez veraie-
mant qe vos n’istroiz11 des mains a celz12 de leianz sainz recevoir honte e ver-
15 goigne. Por ce est bon e plus seure chose por vos que vos en autre leu qe ceianz
ailliez herbergier. Cist autre chevalier qi ci est voiremant qi n’est de la meison
le roi Artus puet herbergier en cest chastel seuremant; assés trouvera sans dou-
tance qil li fera feste e honor; por ce qe chevalier errant est, viegne avant b!
bien soit il venus! Mes vos, alez vostre voie, se vos ne volez avoir honte e
20 vergoigne ».
60. Por parole qe hom1 die ne leis- Por paroles qe li preudom die ne
se li rois d’Estrangorre q’il n’entre laisse li roi d’Estrangore qui Bon Che-
dedanz2 le chastel; autressint fet mes- valier sanz Paor estoit appellés qu’il
sire Lac: cil ne leira sa3 compeignie, n’i entre dedans le chastel et ausint
5 si cum il dit, e neporqant auqes li fet mesire Lac: cil ne leira mie sa com- 5
poise de ce q’il se sont leianz mis, por pagnie a cestui point, et neporquant
ce q’il ne sunt qe dui e il sunt 4 leienz asés li en poisse de ce que il se sont
tant de gent. Il conoist bien en soi dedanz mis, por ce que il ne sont que
meesme qe se fortune nes delivre de deuz et laens sunt grandisme jenz. Et
59. 6 cel h.
7 seigneurs: au-dessus de ce mot (début de la col. 114a) guiron, dans la marge, d’une
main contemporaine au texte.
8 ne le demande si non pour v. b.
9 Ch. cestuy et moy sommes de la m. du r. A. s. luy m. messire L. M.
10 [ch]evalier: mutilation de la col. extérieure; cf. § préc. var. 11.
11 [ne] sailliriés.
12 d. m. de c.
60. 1 q. l’omme.
2 qu’ilz n’entrent d.
3 n. lessera s.
4 deulx ceulx s.
60. 5 d. a c. p.
6 corps preux hardis.
7 avec le ch.
8 cil omis.
9 compaignie il r.
10 s. vous o.
11 maintes autres f.
12 herbergés et.
61. Tout maintenant q’il vit les che- Tout maintenant qe li vavassor voit le
valiers, il reconoist certainemant qe chevaliers, il le reconoist qe ce sunt
ce estoi(118d)ent a1 chevaliers errant. chevalier eranz, e por ce qu’il ne cui-
E por ce q’il ne qidast en nulle mai- dassent mie qu’il fussent de la meis-
5 niere qe ce fussent des chevaliers de son li roi Uterpandragons, car bien 5
la meison au roi2 Artus, qar bien savoit que a tous cieaus estoit contre-
savoit qe a touz celz estoit defendu e dit l’aler et le venir del chastel, s’en
contredit e l’alerb3 e le venir de cel vait droit a elz e lor dist: « Seignor
chastel, s’en vint il a els droitemant: chevalier, bien vegniez! estez vos
10 « Seignors chevaliers, bien veignant,4 enquore heubergiez? − Certes, bia 10
estes vos enqore herbergiez? − Certes, sire, fet mesire Lac, heubergiez ne
sire, fet messire Lac, herbergiez ne somez nos pas hencore, que encor ne
somes nos pas, qar enqore n’avom avons nos trovés hoster, ne li cheva-
pas5 trouvé ostel, ne li chevalier douc liers de cest chastel ne sont pas si
15 chastel ne sunt si cortois ne si bien sagez ne si cortoiz qu’il nos apellent 15
apris q’il nos apelent entr’ els6 por entr’eus por he(87d)ubergier. Certes,
herbergier. Certes, l’an porroit bien l’en poroit bien par le monde trover
60. 13 M. ilz.
14 decendre omis.
61. 1 c. qu’ilz e.
2 m. le r.
3 contredit l’aller.
4 b. veignés.
5 n’a. nous p.
6 n. veullent e. e.
par le monde trouver plus cortoise plus cortoisse jent qu’il n’a en ceste
gent q’il n’a en cest chastel. − Sei- chastel. − Seignors, fet li vavasor, vos
20 gnors, ce dit li vavassor, vos estes estez venus si tar com vos veez: li che- 20
venus si tart come vos veez: li cheva- valier de cest chastel sont ja entrez en
lier de cest chastel sunt ja entrez en lor hosteus por le froit qu’i fet e por
lor herberges,7 e por le froit qe fet 8 e ce qe tart est. E non porquant, seignor
por ce qe tant est tart. E neporqant, chevalier, tout soit il tart, si vos est il
25 seignors, tout soit il orendroit tart bien avenus d’ostel, car je meesme 25
cum vos veez, si vos di ge q’il vos est vos conduerai a mon hostel ou vos
bien avenu de herbergier, qa[r moi seroiz mult bien sarviz et honorez de
mee]smed vos condurai tout orendroit tout mon poir, et ce vos promet je lei-
a mon ostel ou vos seroiz a nuit 9 ser- aument. Or vos en venez avec moy car
30 vis et honorez de tout mon pooir, ce bon hostel avrés, sea Dex pleisteb ». 30
vos pramet ge loiaumant. − Ore vos
en venés avec moi ne n’i fetes10 autre
demore, qar bon ostel avroiz a nuit,
ce sachiez vos ».11
62. Quant messire Lac oi ceste nou- Quant mesire Lac entent ceste novelle,
vele, il demande au vavassor: « Biaux il deman au vavasor: « Biau sire, estez
sire, estes vos chevalier qui parlez si vos chevalier qui parlez si cortoisse-
cortoisemant? − Certes, biaux sire, dit ment? − Certez, sire, chevalier ne sui
5 il, chevalier ne sui ge pas, ainz sui je mie, ainz sui un vavassor qui 5
vavassor qi volantiers feroie cortoisie volentiers feroiea cortoisie de tout
de tout mon pooir1 a touz chevaliers mon poir eub chevalier erans ». Atant
erranz. E qi a cels ne feroit cortoisie sont venus a le suen hostel qi biaus et
de tout som pooir, il ne seroit mie pro- richez estoit. Li vavasor le fist des-
61. d qa[r moi mee]sme: tache foncée. a se: difficilement lisible, comme bon nom-
bre de mots de ce §.
61. 7 s. herbergés en leur chastel rayé, b pleiste: l’ i est suscrit.
remplacé par des mots dans la marge;
est-ce: ja … herberges?
8 f. qu’il f.
9 a nuit omis.
10 m. n’en f.
11 a. en nuyt c. s. v. certainement.
vavasor ena regardant toutes voies les dés voz einsint? » De ceste parole
35 deus chevaliers q’il regarde trop s’encomence a rire le vavasor et res- 35
volantiers, qar molt li pleisent amdui. pont en soriant: « Sire, se je vos
E12 qant il est ore de mangier et b il se regart, ce n’est mie mervoille, car
sunt auqes reposé et eschaufé,13 il lor bien sachiez que vos deus me resen-
done a mengier trop bel e trop cointe- blés si preudomez qe je ne vi piece
40 mant,14 qar trop bien lorc avoient apa- mez deus autres qui si preudomez me 40
reilliez cil de leianz. Li vavassor, qi resenblasent com vos me resenblés;
trop estoit cortois e frans, les sert et por ce vos regart je trop voluntiers.
adés e les regarde toutes voies. E tant Et se vos estez si preudomez com vos
les regarde toutes voies en tel guise senblés, trop feite a loer estrange-
45 qe messire Lac s’en prent garde e il ment ». 45
ne se puet tenir q’il ne li die adonc:
« Biaux sire oste, se Dex vos doint
bone avanture, por qoi nos regardez
vos einsint? Se Dex me saut, ge ne
50 m’en merveil mie petit ».15 De ceste
parole comence li vavassor a sourrire
e respont en sorriant: « Sire, fet il, se
ge vos regart, ce n’est mie merveille,
qar bien sachiez q’entre vos deus me
55 semblez si proudomes qe ge ne vi a
piece mes deus chevaliers qi tant res-
semblassent proudomes cum vos
resemblez; vos fetes amdui a loer
estrangemant ».16
mant: qant vos entrastes en cestui parole, il s’en ist hors sanz autre
chastel, vos y entrastes de la male demorance.
hore, qe bien9 sachiez veraiemant
30 (119b) qe ja de cestui chastel n’istroiz10
sanz recevoir honteuse mort ». E qant
il a dite ceste parole, il s’en vet fors11
q’il n’i fet autre demorance.
64.1 Quant li vavasor qi enqore estoit (88a) Quant le vavassor qui encor
devant les chevaliers e servoit a la estoit devant la table et servoit li che-
table2 entent q’il sunt de la meison le valiers entent qu’il sont de la meison
roi Artus, s’il estoit devant joiant e li rois Uterpandragons, se il estoit
5 liés par semblant, ore est corrouciez3 devant joius et liez por senblant, or 5
a merveilles: trop li poise duremant est il corouciez aa mervoilles: trop li
de ce q’il les a receu en sa meison, qar poisse durement de ce qu’il les reçutb
il conoist q’il ne poent dou chastel en sa meisson, car il connoist qu’il ne
oissir sainz recevoir mort; si l’en poise puent del chastel oissir sans recevoir
10 por ce qe herbergiez les avoit en mort; si li en poisse mult por ce qe 10
son hostel.4 E messire Lac, qi bien herbergiez les avoit en son hostel.
s’en prent garde q’il est corrouciez, Mesire Lac, qui bien s’en perçoit et
ne sunt pas ceianz venuz por ce q’il que je vos metrai hors de ceians, si
voillent metre main en vo;12 vos aparoilliés de vos armes com vos i
30 n’avez de ceste nuit garde. Il sunt cei- venistes a nuit. Maiz si toste com vos 30
anz sainz doute por vos toute13 ceste serois de qaens insus, vos seroiz
nuit garder qe vos ne lor eschapez. A asailliz de toutez pars que ja n’i
demain matin14 sainz faille, vos ferai avroiz poir ni force de vos cors
ge tant d’avantage qe ge vos metrai defendre contre elz ». Quant li compa-
35 fors de15 ceianz, si appareilliez de vos gnons entendent ceste novelle, il sunt 35
armes cum vos i venistes a nuit.16 conme jolis et reconfortés, car il font
Tout maintenant qe vos seroiz fors bien raisson ensenble que, puis que il
issus17 de mon ostel, vos seroiz serunt a cheval, ja tant n’i viendra de
assaillis de toutes parz qe ja n’avrez lor hennemis que il n’i metent bien
40 pooir18 ne force que vos voz cors tuit a mort. Or encomencent il a rire 40
peussiez19 defendre encontre ceaus qi et a solacier entre eus (88b), si que cil
vos asaudront. » Qant li dui compei- del chastel qui les regardent les
gnon entendent ceste nouvelle, il en tienent por foux.
sunt trop reconfortez, qant il oent q’il
45 puent a cheval venir. Il font bien rei-
son entr’els qe ja tant ne vendra de
lor enemis q’il ne metent tuit a
mort;20 ore se rient, ore se soulacent
et ore se deduient entr’els, si qe li
50 autre dou chastel qi les regardent les
en tiegnent por fox naïs.21
66. 1 oÿrent l.
2 c. riens (!) n. f.
3 i. doient ravoir.
4 tendrons (sic) l.
5 et dormirent v. toute c.
6 n. s. pouoient ne ne v. contre l.
7 [a]: a effacé; début d’une col. exté-
rieure et mutilée (115d).
8 i. en nulle façon du m[onde].
67. 1 nos omis. a fors: l’r, en fin de ligne, est surmonté d’une
2 f. car […] voyés c. lettre; est-ce un s?
3 ne peuent deffendre.
4 contre n.
5 c. voirement que n. n. vueillons a.
68. Quant il ont tout lor afaire appa- Quant il hont tout lor afeire apa-
reillié, en tel mainiere1 cum ge vos di, roilliés, il ne font autre demoran-
il n’i font autre demorance, ainz ce, anqois isent de l’ostel tout
issent fors de2 l’hostel tout errament. m[ain]tenanta et trovent lor escuiers
5 E qant il viegnent en la rue, il troe- sor lor chevaus. Et il voient qe la rue 5
vent les escuiers touz montez e3 lor estoit tote pleine de chevalier et de
chevaus tout appareilliez. Et il voient serjens armés. Lor comande mesire
qe la rue estoit toute plaine d’une part Lac a sez escuiers: « Descovrés nos
e d’autre de chevaliers e de gent escuz andeus! » Et il le font einsint
10 armee. Lors comande messire Lac as com mesire Lac le comande. « Ha! 10
escuiers: « Descovrés nos4 escus sire, fet li Bon Chevalier sanz Paor,
ambedeus! » Et il font einssint cum que est ce que vos avés feite a cestui
messire Lac lor avoit comandé. « Ha! point? Car se nos metons des or mes
sire, fet li Bons Chevalier sainz Peor, ces jens a desconfiture, ce ne sera mie
15 qe est ce qe vos avez fet? Se nos par nos proescez, mes por la dotance 15
metom des ore mais ceste gent a des- de nos escuz; vos nos avés trop avil-
confiture, ce ne sera pas par noz5 pro- lés a cestui point! » Quant li dui frere
eces, mes por la doutance de noz6 qui estoient seignor del chastel voient
escus; vos nos a(120a)vez trop avilez l’escub d’argent que li Bon Chevalier
20 a cestui point! » Qant li dui frere qi avoit mis a son col − et sez armes con- 20
sont seignor dou chastel, einssint nossoient il bien, que maintez foiz les
cum ge vos ai conté ça en arrieres e avoient ja veues quant il estoient
devisé, voient 7 l’escu d’argent qe li escuiers −, et quant il les hont bien
Bon Chevalier avoit ja mis a son col − reconneus, il sont si fierement esba-
25 e ses armes conoissoient il trop bien, hiz qu’il ne sevent qu’il doivent dire, 25
qar maint autre fois les avoient ja8 car bien connoissoient que cil qui le
veues qant il estoient escuier −, qant porte estoit le meillor chevalier deu
il voient l’escu d’argent q’il vont bien monde et qui plus fet a redouter et ce
reconoissant, il sont si duremant est le Bon Chevalier sanz Paor qui
30 esbahiz q’il ne sevent q’il doient dire, tout le monde vait doutant; cist est 30
qar il sevent certeinemant qe cil qi le celui qui vait tant façant par le monde
porte est le meillor dou9 monde e cil et qui bien meteroit a mort, et par son
qui plus fet a rredouter. Cist est le poir, tant de jent com il avoit, se
Bon Chevalier sainz Peor qe touz li aventure ne li fust trop contraire.
35 mondes vet redoutant. Cist est cil qi
par son cors tant soulemant, ce lor est
avis,10 avroit pooir e force de metre a
dolor et a mort tant cum il en i a, se
avanture ne li nuioit. Cist est celui
40 contr cui il ne porteront jamés armes,
ce dient 11 il bien, car encontre lui ne
porroient durer12 se trop petit non, s’il
n’avoient trop greignor force q’il
n’ont enqore.
69.1 Einsint estoient li dui frere arres- Einsint estoient li dui freres esbahys
tez enmi la rrue, si esbahiz duremant enmi la rue qu’il ne savoient que il
q’il ne savoient q’il deussent fere, deusent feire, car il n’osent asaillir lor
qara il n’osent assaillir lor enemi2 q’il hennemis qe il voent devant els. Et les
5 voient devant elz. E tuit li autre dou autres del chastel, qui voient lor sei- 5
chastel, qui illec estoient assemblé gnors einsint espoentés, s’en mervoi-
por3 les deus chevaliers ocirre, n’en lent mult et por quoi il demorent tant.
osoient encomencier cele4 besoigne Le Bon Chevalier sanz Paor, quant il
devant q’il eussent comandemant de voit lor senblant, il dit a monseignor
10 lor seignor, lequiel tuit essegardent.5 Lac: « Sire, qe firons nos? Cist cheva- 10
Mout b se merveillent tuit 6 orendroit lier estoient ici arestez por nos oucire,
por qoi il vont tant demorant. Le Bon mes il n’en hosent encomencier, ce
Chevalier sanz Peor, qi voit touz m’est aviz. Or que ferons noz? car ici
ceaus dou chastel arrestez enmi la rue ne poons toutes voiez nos demorer.
15 en tel mainiere, ne plus ne font fors Volez vos qe je ceste chosse enco- 15
qe arestez se sunt tuit, qant li Bon mence de la nostre part? Il sont grant
Chevalier lor voit tel semblant feire, il jenz, mes noz somes tez chevaliers
dit a monseignor Lac: « Sire, qe ferom com je sai et le monde; certez, aa
nos? Les chevaliers de cest chastel se unne seuleb pointe que nos façons sor
20 sont arrestez ici por nos7 metre a elz a cest comencement seront tuit 20
mort, se il 8 poent, mes il n’osent desconfit. − Sire, fet mesire Lac, par
acomancier,9 ce m’est avis, ceste celle foi que je vos doi, il avoient
besoigne. Ore, qe ferom? ici ne poom horendroit mult grant volentés de
nos mie demorer toutes voies, car asallir nos, mez puis que il virent
25 molt avom aillors a feire. Qel conseut vostre escuz, il hont mortel paor. − 25
donez vos de ceste chose qant il Certes, fet li Bon Chevalier sanz Paor,
n’osent encomencier?10 Volez vos qe puiz que il est (88c) ensint qe aven-
ge ceste besoigne encomance de la ture nos a aportés entre nos ennemis,
nostre11 part? Il sunt grant gent, mes et nos somes garniz de totes noz
30 nos somes tex chevaliers12 cum ge sai armes et les veom devant nos presen- 30
e cum li mondes set aussint; certes, a tement, se noz nec feisson aucun
une13 seule pointe qe nos ferom sor coux, l’end le noz poroit torner a
eaus a cest comencemant, seront il blasme et a coardie. Hor ne sai qu’en
tout maintenant desconfit. − Sire, avendra, mes quant a ce somes venus
35 sire, fet 14 messirec (120b) Lac, par et que nos somes si pres, je voeil 35
cele15 foi qe ge vos doi, il avoient encomencier cestui fet. Or i para qe
orendroit molt bone volunté de nos vos feroiz de la vostre part ».
asallir; mes puis q’il 16 virent vostre
escu, por ce q’il le vont reconoisant,
40 il 17 en orent mortel peor et enqore
ont. La veuee de vostre18 escu a finee
ceste qerele, ce vos pramet ge leau-
mant. − Certes, fet li Bon Chevalier,
puis q’il est issi avenu qe avanture
45 nos a porté entre19 noz enemis, e
nos20 somes garnis de toutes noz
armes e les veom devant nos presen-
69. 10 commencer.
11 comence de nostre.
12 s. deux ch.
13 c. tout l. m. s. je suis certain que a
u.
14 Sus sire f.
15 L. sur c.
16 m. depuis q. i.
17 c. que bien le congnoissent i.
18 nostre.
19 a apporté e.
20 et que n.
70.1 Quant il a dit ceste parole, il Quant il a dit ceste parole, il voloit
voloit ferir cheval 2 des esperons por encomencier la bataille, mes li ainz
comencier la bataille, mes li ainz nés nés de deus frerez li vint au devant et
des deus freres li vint au devant e li li dit: « Soufrés vos, sire, tant que je
5 dit:3 « Soufrez vos, biaux sire, tant qe aie parlé a vos ». Et il s’areste adonc 5
ge aie parlé4 a vos ». Et il s’areste et dit: « Diés, biaus sire, que vos
adonc e dit:5 « Dites, biaux sire, qe pleiste. − N’estez vos, fait cil, li rois
vos plest.6 N’estes vos li rois d’Estran- d’Estrangores? − Et a vos, qe chaut?
gorre? − A vos, q’en chaut? fet li Bons fet li Bon Chevalier sans Paor, je le sui
10 Chevalier sanz Peor, ge le sui sainz sans faille, mes por quoi le demandés 10
faille, mes por qoi le demandez vos? − vos? − Sire, puis qe je sai per vos qui
Sire, puis qe ge sai par vos meesme vos estes li Bon Chevalier sanz Paor,
qe vos estes le Bon Chevalier sainz sufrez vos tant que je aie parlés as
Peor, qe vos soufrez un7 pou tant qe chevalier de ceste chastel. − Or li par-
69. 21 ne faisons a. c. on l.
22 s. venus q.
23 q. nous ferons d. l. nostre p.
70. 8 j’aye.
9 me souffreray.
10 s. retrait vers u.
11 b. trente a.
12 tous ensemble si c.
13 adonc omis.
14 v. le temps et le point q.
15 Losth.
16 por… guerre omis.
17 n. et si.
18 savés et que telle m.
19 ch. que p.
riom nos riens meus feire, feimes20 tel poons. E puis qe nos telz sairement
seiremant cum vos savez: des ore feimes, je ne sai qe dire; et d’autre
mais ne vendroit chevalier entre nos part vos di qe li uns de ces deus est
40 qi fust de la meison le roi Artus a qi tel chevalier qui honques par force de 40
nos ne feisom honte e vilenie e qe nos chevalerie ne puet estre mis au desoz
ne21 meissom a mort se nos porrom. en toute sa vie, et ce est li Bon Cheva-
E (120c) puis qe nos cestui seiremant lier sanz Paor, qui sormonte touz che-
feimes, en avom ja fetes maintes ver- valier mortelz et qui plus est redotés.
45 goignes e a maint proudome; mes ore Hor i metés consoil, car je ne le voi; 45
tout nouvelemant est entre nos qe se nos le asaillons, il nos descon-
venus, par avanture, un tel chevalier fira touz, car nos ne avrons contre lui
qi n’est pas dou comte des autres, ce duree, que il nos metra tous a mort,
vos pramet ge bien; venuz est celui et bien le connois ».
50 entre nos qi onqes en toute sa vie par
force de chevalerie ne pot estre mis
au desouz: ce est 22 le Bon Chevalier
sainz Peor qi sor touz chevaliers mor-
tex est redoutez, ou q’il vieigne; ce est
55 celui qi porte l’escud d’argent. Ore
q’en ferom? Vos meesme nos con-
seilliez, qar li besoing est venuz, ce
vos pramet ge loiaumant. Ce vos faz
ge bien assavoir tout premieremant
60 qe se nos l’asaillom, ja nel porrom
desconfire ne venir au desus de lui
par force d’armes, ainz i verroiz piz,
ce di ge tout seuremant; qar ce se
vient a la grant forcee, nos n’avromf23
71. Quant il a sa raison finee, tout Quant ill a sa raison finee, un viel
maintenant un vielh chevalier de lei- home parole tout maintenant, qui
anz, qi mainte autre foiz1 avoit oï ja maintes fois avoit oï parler deu Bon
parler dou Bon Chevalier sainz Peor Chevalier sanz Paor et de sa proesce
5 e de sa proece merveilleuse q’il estoit merveillousse que il fassoit en toute 5
acostumé a feire2 en unes contrees et leus ou il aloit, il parole et dit: « Sei-
en autres, qant il vit qe li sires dou gnors, fet il, tant com l’en poet garder
chastell avoit finee sa reison, il prant s’onor, si le doit feire; mes cil qui gar-
maintenant la parole sor lui devant der ne le puet et voit sa honte et sa
10 touz les autres e dit en tel mainiere: mort devant lui presentement, il sea 10
« Seignors, fet il a, tant cum l’en puet doit retraire ariere tant com il puet.
garder s’onor, l’en le3 doit fere; mes Seignors, fet il, jusqueb a cestui point
cil qi garder ne la puet e voit sa honte ne vint entre nos chevaliers qui trop
e sa mort devant lui4 presentemant, il fust da presier; mes cestui ne lou je
15 se doit arrieres retrere tant cum il pas que nos se entremetons de lui 15
puet. Seignors, dusq’a5 cestui point asaillir, car a la haute proesce qu’il a
d’orendroit 6 ne vint entre nos cheva- en lui ne porons noz (88d) durer. Il
70. 24 d. car i.
lier don nos ne peussom ligieremant nos metroit tous a la mort, et certes,
venir au desus; mes de cestui qi oren- grant honte seroit a tous ceaus de cest
20 droit y est 7 venus par avanture ne lou chastel, se noz en tel guisse fussions 20
ge8 pas, se Dex m’aït, qe nos ja9 nos desconfit par un seul home. La honte
entremetom de lui assaillir,10 pou ne ne poroit estre greignor, et greignor
grant. Qar a la tres haute proece q’il a mervoille a il ja fait qe ceste ne seroitc
en lui ne porriom nos ja durer: il nos en plusor leus. Or donc, puis que nos
25 mettroit tous a mort. E certes,11 grant veonz nostre doumage e nostre honte 25
honte seroit a ceaus12 de cest chastel, et nostre mort en cestui fet, se nos le
se nos estiom en tel guise ator(120d)nez volons mantenir, ne vaut il mielz qe
a desconfiture por un seul chevalier. nos les leisonz a pou de honte deo
La honte ne porroit estre greignor, e tout que a trop grant? Donon li con-
30 por la honte ne remandroit q’il a mort gié, que il s’en voit de cestui chastel, 30
ne nos meist, qar maintes greignors et le comandons au mau feu, que de
merveilles qe ceste ne seroit a il ja sa compagnie ne nos poroit venir se
feites en plusors leus. Ore, puis qe mau nom. Ce est li mien lous et le
nos vehom donc nostre domage e mien conseil que nos le leisons aler
35 nostre honte e nostre mort en cestui tout quitement. Je ne sai que vos 35
feit, se nos le volom maintenir, ne autres voldrois dire ». Quantd li autre
valt il mielz qe nos leissom dou tou entendirent qe ce estoit li Bon Cheva-
a pou de honte qe a trop grant? lier sans Paor, il s’acordent volentiers
Donom13 lui congié tout plainemant, que cest bataille remagne; ensint vont
40 q’il s’en haut de cestui chastell, e le entr’els parlant de ceste concorde. 40
comandom as malfez,14 qar de sa Mes li roi d’Estrangore tient autre par-
compeignie ne nos porroit venir se lement a monseignor Lac, qar des lor
mal non. Cist est mi lous e mon con- qu’i lez vit asenbler et tenir parlement
seill 15 qe nos l’en leisomes16 aler tout entr’elz, il pense bien coment il est; si
45 qitemant. Ge ne sai mie qe entre vos le dit a monsegnor Lac: « Sire, ceste 45
en voudriez dire, mes ge n’en diroie guere est finee par devers cil de cest
autre chose ». chastel. Or poés connoistre se il hont
peor de nos. − Sire, vos dites voir, fet
mesire Lac; se il nen eusent peor de
vos, puis qe il vos connoisent, je les 50
tenisse bien a la plus folle jenz deu
monde. − Or qe ditez vos de cest fait?
Nos avrons la concordie d’elz et s’en
porons aler de ceenz se noz volons,
car il ne tienent parlement entr’elz, et 55
je le sai bien. Mes de unne autre
chosse vos faiz asavoir: je sui tenus
en toutes guisses de vengier la honte
deu roy Uterpandragons et la desonor
de son hostel; et se ge autrement le 60
fassoie, l’en ne me devroit tenir por
chevalier mes por sperjures et deslo-
ials. − Sire, bien puet estre, fet mesire
Lac, mes por quoi avés vos encomen-
ciés cestui parlement? − Et je le vos 65
dirai, fet [li B]one Chevalier sanz Peor;
vos avés bien oï et entendu qe cist
chastiaux a toute voies estés encontre
li roiz Uterp[andr]agonzf, cui home
lige je sui, et li bon chevalier de celui 70
hostelz i ont ja esté honté, et senz
raissons. Hor, qui peuste tant feire
par sa proesce qu’il meist cestui chas-
tel en le main le roy Uterpandragonz
et vengier aprés la desenor que li che- 75
valier erant hont receu en cest chas-
tel, je le tendroie a un grant fet; et
certes, sire, il m’est avis que noz le
porons feire sans grant travail ».
72. Quant li autres chevaliers oent ceste chose, e il entendent 1 molt 2 volantiers
a ce qe ceste bataille remaigne.3 Einsint vont entr’els parlant de ceste pes e de
ceste concorde. Mes qi qe4 parolt de la pes, ce n’est mie li rois d’Estrangorre;
cist tient molt autre5 parlemant a monseignor Lac: qar des lors q’il les vit
5 assembler por tenir parlemant entr’els, il pense bien qel parlemant il voloient
avoir; sia le dit adont a monseignor Lac: « Sire, ceste guerre est finee par
devers6 cels de cest chastel; ore poez conoistre tout cleremant s’il ont peor e
doute de nos.7 − Sire, vos dites verité, fet messire Lac; e certes, s’il n’eussent
peor de vos,8 puis q’il vos conoissent,9 ge les tenisse a la plus sote gent 10 del
10 monde. − Ore, ce dit 11 li Bons Chevalier sainz Peor, qe dites vos de cestui fet?
Nos avom la concorde d’els, ce sai ge bien tout veraiemant. Orendroit nos por-
riom12 de ceianz partir, se nos voliom, qar il en tienent parlemant orendroit
entr’els, ge le sai bien. Mes13 ore voiez une autre chose dont vos ne vos estez
enqore14 mie pris garde par avanture: vos savez tout certeinemant qe ge sui
15 tenuz en toutes guises de vengier la honte dou roi Artus e la desonor de son
hostel; e se ge autremant le fesoie, l’en ne15 me devroit tenir por16 chevalier,
mes por parjure e desloial. − Sire, bien puet estre, fet messire Lac, mes por qoi
avez vos comenciez cestui parlemant? − (121a) Ge le vos dirai, fet li Bons Cheva-
lier; vos avez bien oï et entendu qe cist chastiaux fu toutes voies encontre le
20 roi Artus, et encontre le roi Uterpandegron qi home lige ge fui,17 a il toutes
voies esté et enqore est. E li bons chevaliers de la meizon le rroi Artus y ont ja
72. a si: primitivement se, mais l’ e a été exponctué et remplacé par l’ i suscrit.
esté abatuz et avergoignez, et encontre reison. Q’ore poïst tant 18 fere par force
de chevalerie e par sab proece qu’il peust 19 cestui chastel metre es mainsc le
roi Artus e venchier aprés la20 desonord auqes21 qe li chevaliers errant ont receu
25 en cest chastel, ge le tendroi a un grant fet; e certes, sire, il m’est avis qe nos
le porriom fere a cestui point e sainz trop travaillier ».22
73. Quant messire Lac entent ceste Quant mesire Lac entent ceste parole,
parole, il comence a penser; e qant il il comence un pou a penser; et quant
a un pou pensé, il respont: « Sire, se il a un pou pensé, il respont: « Sire,
Dex me doint bone avanture, vos se Dex me doint bonne aventure, vos
5 poez cestui fet acomplir legieremant e poés cestui fet acomplir lengierement 5
a mout petit de travaill, e vos dirai en et a mult petit de travail, et vos dirai
qel mainiere. Ge voi e conois tout de en quel mainere. Je voi et connoiz
voir qe li chevaliers de ceianz, puis tout de voir que li chevalier de ceienz,
q’il sevent orendroit vostre venue, puis qu’il seuvent vostre venue, sont
10 sunt a1 si fieremant esbahiz qe por la si fierement esbahiz que por la grant 10
grant poor de vos,2 se il bienb peor de vos, se il bien voloient, si ne
voloient, orendroit n’avroient il pooir avroient il poir ne force de porter
ne force de porter armes. E por ce armez. (89a) Et por ce tienent il parle-
tienent il ore parlemant entr’els q’il ment entr’elz de noz lasera partir tot
15 vos facent 3 de cest chastel partir qite- quitement. Mez, se il vos pleiste, vos 15
mant. Mes, s’il vos plest, vos porroiz porois feire autre chosse, e vos dirai
faire une autre chose, e vos dirai qele: quele: quant il vendront horendroit a
72. b sa effacé.
c metre e. mains idem.
d desonor idem.
73. a sunt omis, corrigé d’après FT. a laser ajouté au-dessus de partir, dans la
b Ms. bient. marge.
73. c Artus: la 2nde syllabe est illisible. b v[os]: le scribe semble avoir oublié le signe
d de: effacé. abréviatif.
e Ms. n’avroit, corr. d’après T.
et avoir a oés le roi Artusf.15 − (121b) tez sire, fet li Bon Chevalier sanz
40 Certes, sire, fet li Bons Chevalier, vos Paor, vos ditez veritez, et il est mes- 40
en dites la verité, et il 16 est mestier tier que il soit feit tout einsint com
q’il soit fet en tel guise cum vos avez vos les ditesc ».
devisé orendroit ».
74. La1 ou il tenoient entr’els deus tel La u il parloient einsint, atant ex vos
parlemant, atant e vos vers elz venira venir entr’elz celz del chastel, et li
cels dou chastel, e li un des deus uns des deus freres comence a parler
freres comença a parler e dit 2 au Bon et dit au Bon Chevalier sanz Paor:
5 Chevalier sans Peor: « Sire, nos avom « Sire, nos avons hoï de vos tantes 5
oï cunter merveilles de vos e tantes mervoillez et tantes hautes chevale-
hautes chevaleries3 qe nos disom ries que nos disson bien entre nos que
bien4 entre nos qe vos estes sains vos estez bien sanz faille le meillor
faille le meillor chevalier dou monde; chevalier deo monde; et por ce que au
10 e por ce qe au meillor chevalier dou meillor chevalier deu monde doit l’en 10
monde doit l’en fere bonté5 e grace feire bien bonté et honor et grace plus
plus qe a nulh autre chevalier, vos que a hautre chevalier, por ce vos
ferom nos tel bonté e cortoisie si grant feron nos bonté et cortoisie si grant
qe nos ne la feissomb ore a null et plus que noz ne farions hore a nul
15 autre.6 La costume est tele qe touz les hautre; car la costume de ceste chas- 15
chevaliers erranz, qi ceianz viegnent, tel est telle que nulz chevalier erans
73. f (a.) de.… Artus: les quatre dernières c deuz … dites: tache foncée de la même
lignes de cette col. sont très effacées. forme sur tous les feuillets. Cf. 69.27−37. ensint
… part; 70.1−26. Quant … servise; 71.37−71.68.
73. 15 et avoir … Artus omis. Chevalier … estés.
16 et s’il.
nos retenomc e feissom7 noz volantez: qui ceenz vient, nos le retenons et
se8 nos lor volom fere honte, nos lor feissonz de lui nostre volentés: se nos
feisom, o honor. Ceste costume e cest li volonz feire honte o unor, nos le
20 establicement d9 qe nos avom,10 qe feissonz. Ceste costume qui ja a esté 20
nos avom ja maintenu, e par maint establie mainte jors volunz a cestui
jor, volom a cestui point por amor de pooint laiser por vostre amor, qe noza
vos leissier, qe nos11 tenom au meillor tenons au meillor chevalier deo
chevalier dou monde, en tel mainiere monde, en tel mainere que nos sou-
25 qe nos soferrom, por honor de vostre fronz, por honor de vostre chevalerie, 25
chevalerie, qe vos vos poez partir que vos ne poez partirb de ci tout qui-
d’entre nos tout franchemant 12 e tout tement; et, se il vos pleist, alé vos qui-
qitement. E sachiez de voir, biaux tement; et se voz volés demorer avec
sire, qe ceste bonté qe nos vos fessom nos, sachiés de voir que nos vos firom
30 ore, nos ne feissom13 a null autre che- honor come au meillor chevalier deu 30
valier dou monde. Mes por la haute munde ».
chevalerie qe nos savom en vos fes-
som ceste14 bonté; se il vos plest, alez
vos en tout qitemant et orendroit. E se
74. c Ms. retonom, corr. d’après F. a 1−22. La… noz: tache foncée. Cf. § préc. n.
d establicement: ce ajouté en inter- c.
ligne. b Ms. partis.
75. a de ce illisible.
b sui de: restitué à l’aide de F, cf. infra
n. d.
roi14 Artus e qi doi metrec mon pooird gons et qui doit metre mun pooir et
(121c) e ma force por venchier la15 ma force por vengier la honte de mes
20 honte de mes compeignons, sui ça compagnons, sui qua venus, et ne vos 20
venuz por venchier les. E16 q’en ferai longe cont. Prenés licuez des
diroie? le celer ne vaudroit noiant: deus parti qual vos voldriés: ou vos
ou17 vos estes tuit a la mort ou vos rendrois ceste chastel et le metrés en
metroiz cest chastel es mains18 le roi le mains de le roiz Uterpandragons ou
25 Artus; por autre fet ge ne vins ça. Hui- vos estes tuit mort, car por autre 25
més vos gardez bien19 de moi, qar ge chosse ne ving je ça. Or vos gardés de
vos desfi dou tot ».20 moya, qar je vos desfi ».
76.1 Quant 2 il a dite ceste parole, il Quant il hot dit cest parole, il ne fist
n’i fist 3 autre demorance, ainz hurte autre demorance, ainz hurte li che-
cheval des esperons4 e leisse corre valz des esperons et leisse corre mult
molt aspremant a l’einz nez des freres asprement a li anz nés des deus frerez
75. c doi metre restitué à l’aide de F. a 18−27. pooir … moy: tache foncée, cf. §
d 12−18. me. … pooir: très effacé; cf. 73 préc. n. a.
n. f.
emant ceaux dou chastel q’ il 16 n’i a d’enfern qui hont mort le sires de cest
null d’eaux si hardiz des ore mais chastel ». Et s’en vont fuiant parmi le
les17 ost atendre, ainz tornent en fuie rues, ausi com se la mort les chaçast,
tant 18 cum il puent, les uns ça e les si que en pou d’ure remest la place
35 autres la. E vont des ore mes criant, toute voide, for des dui preudomez et 35
aussint lé petit come li grant, aussint des mors; cil proudomez sunt adez a
li vielha cum li geunes:19 « Fuiez! chevals et s’en vont si fierement riant
fuiez! Ce est li Chevalier sainz Peor qi de ce que il hont desconfit si lengier-
touz nos vet metant a mort.20 Mort ment cil de cest chastel que il ne tro-
40 sunt li seignor de ceienz; en els vent grant ne petit. 40
n’avrom jamés recovrier! » Einsint 21
fuiant par mi les rues, cil dou chas-
tel vont criant tant cum il puent. La
place est orendroit voidee; la ou se
45 comensa le fet, nus n’i porroit 22 ore
trouvierb fors les23 chevaliers morz e
les deus24 proudesc homes qi celi fet
comencierent;25 cil sunt entr’els deus
tout adés a cheval 26 e se vont 27
50 du(121d)remant riant de ce q’il ont a
cestui point si legieremant desconfit
ceaux dou chastel. Ore ne sevent il
77. A chief de piece parole li Bon Che- A chef de piece parole li Bon Cheva-
valier a monseignor Lac e dit: « Sire, lier sanz Paor a monseignor Lac et li
qe ferom nos? ore mais cil de ceianz dit: « Sire, que ferons nos? Atendons,
sunt desconfit, ce veez vos bien aper- se il vos pleist, car je cuit bien que il
5 temant. − Sire, merci de Deu, vos nos vendront tuit crier merci et 5
dites verité, fet messire Lac. E qant il metront cest chastel en les mainz le
sunt a ce venuz, et il sevent veraie- roi Uterpandragons et faront rema-
mant qe lors seignors sunt morz e nos noir lez mauveises costumes de cest
nos somes si entr’els mis q’il ne nos chastel. − Et je, sire, fet mesire Lac,
10 poent eschaper, ore sachiez tout 1 voldroie voluntiers que il feissent ein- 10
veraiemant q’il ne demorra mie grant- sint com vos les ditez. − Vos le veirois
ment mes q’ il vendront a nos crier2 ja tost », fet li Bon Chevalier.
merci e por avoir nostre concorde. E
vos verroiz q’il feront outreemant
15 vostre comandemant, et en tel mai-
niere vendra cist chastiauz es mainz
dou roi Artus. E les males costumes e
les vilaines q’il avoient ceianz esta-
blies remaindront dou3 tout. − E non
20 Deu, fet li Bons Chevalier, ge vou-
76. 28 y demoure.
29 tuit omis.
30 et courroussés d.
31 de eulx.
78. A celui point q’il tenoient parle- A celui point que il tenoient celui par-
mant cum ge vos cont, atant es vos lement vint un chevalier armez de
envers els venir1 un chevalier armé2 chaucez et de auberc et montés suz
de hauberc e de chauces; autres un grant destrier. « Sire, fet mesire
5 armes il n’avoit avec li,3 mes il estoit Lac, veez un chevalier venir qui nos 5
montez sor un grant destrier. « Sire, dira novellez ». Li chevalier s’en vient
fet messire Lac, veez ici venir4 un che- droit au roi d’Estrangore et li dit:
valier qui nos dira nouveles de pes; « Sire, puiz que einsint est avenus que
s’il vouxist guerre, il venist autremant aventure vos a portee ceienz por
10 armez q’il ne vient.5 − Bien puet nostre daumage, que vos avés oucis 10
estre », fet li Bons Chevalier. E li che- noz deus seigner et de noz autrez
valier dou chastel, qui einsint veint a [am]isa assez, et est por ce que noz
armez cum ge vos ai conté, se tret veons bien que nos ne porions venir
avant e dit au rroi d’Estrangorre: a desuz de vos, nos vorions vostre pez
15 « Sire, puis qe einsint est avenu qe en tel guisse que vos nen ne feisiez 15
avanture vos a porté entre6 nos por plus domage que feite n’avez. Or
nostre domage, qe vos nos avez pre- m’en dite vostre voluntés ».
mieiremant ocis noz (122a) deus sei-
78. a veint: le t est final et suscrit. a [am]is: tache foncée; restitué à l’aide de
A(2).
78. 1 venirs (!).
2 armé omis.
3 ch. il n’avoit autre harnois a. l.
4 veçy v.
5 que il n. fait.
6 a apporté e.
79. A ceste parole respont messire (89c) A ceste parolle respont mesire
Lac e dit: « Puis qe vos estez mandez Lac et dit: « Puisa que vos estez man-
a nos por ceste chose, e ge vos res- dez a nos por cest chosse, je vos res-
pont por moi e por cest seignor; ore pont por moy et por ceste seignor: or
5 sachez: vos1 ne poez avoir nostre pes sachiés que vos ne poroizb avoir 5
ne nostre concorde2 en nulle mainiere nostre pes ne nostre concorde en
dou monde, se vos ne jurez premiere- nulle mainere deu munde, se vos ne
mant 3 au roi Artus e se vos ne metez jurez primierement au roy Uterpan-
cestui chastel dou tout a son coman- dragons et se vos ne metés cestui
10 demant, e voz cors meesmes. Se ces- chastel deu tot a son conmandement 10
tui4 seiremant volez fere et oster des e voz cors meesmes . Se cestui seire-
ore mes les maveises costumes qe vos ment volés feirec et oste[r]d lez males
i tenez, vos poez avoir nostre pes e coustumes qe vos i tenés, vos poez
nostre bone5 volanté. E se vos einsint avoir nostre pes et nostre bonne
78. 7 et puis d.
8 d. vous a.
9 tot omis.
10 vostre f.
11 a. nostre p.
15 nel volez fere, ore sacheza tout veraie- volunté. Et se vos einsint ne le 15
mant qe nos vos metrom a la mort, [v]olése feire, sachiez veraiement que
tant cum nos porrom, qe ja n’en nos vos metrons a la mort tuit, se vos
eschapera un de vos ».6 fussiés encore deus tant que vos
n’estes, qe ja n’en [es]chanperoizf un
seul qui ne soit mort de vos tous ». 20
Quantg il a sa raisson finee, li cheva-
lier parole et dit: « Je vos ai bien
entendu de ce que vos nos requerés.
Or vos soufrés tant, se il vos pleiste,
que je soie a vos retornés et vos res- 25
pondra[i]h deo tot la volenté de ciaus
de cest chastel ». Et maintenant s’en
vait et trove touz ciaus de cel chastel,
qui ja estoient asenblés enn une
yglisse, si esbahys et espoentés dure- 30
ment que jamés ne veistes plus des-
confite jens conm il estoient. Quant il
hont [ent]endui la responsse des
buens chevaliers, il se i acordent a
ceste chosse et dient entr’elz que a 35
desenor ni a honte ne li tornera ja, se
il sont homez de le roi Uterpandra-
gons, qui bien est le meillor chevalier
deo munde et le plus poissant. Et
quant il sont a ce acordés, mainte- 40
nant se part li mesages et retornent as
deus proudomes, qui encor les aten-
doit. Et quant il est a elz venus, il dit
au Bon Chevalier sanz Paor: « Sire,
tous celz de cest chastel vos saluent 45
et vos mandent por moy qe, puis que
80. Quant il a sa rreison finee, li chevalier parole e dit: « Sire, ge vos ai bien
entendu de ce qe vos nos reqrez. Ore vos soufroiz, s’il vos plest, tant qe ge soie
retornez a vos, e lors vos respondra del 1 tout e vos dirai la volanté de cels de
leianz ». E maintenant s’en vet e troeve touz cels del chastel qi ja s’estoient
5 assemblé en une eglise, si esbahiz e si espoentez duremant qe jamés ne veistes
plus desconfite gent q’il estoient. Qant il ont oï et entendu la reqeste dou Bon
Chevalier sainz Peor, il ont conseill entr’els; e por ce q’il voient qe a force lor
covient fere, voillent 2 ou non, ce q’il lor vait demandant, il 3 s’acordent a ceste
chose e dient entr’els qe ja a vergoigne ne a desonor ne lor tornera s’il sunt
10 home dou roi Artus, qi bien est le meillor home dou monde e le plus poissant;
ja n’i avront desonor4 mes honor s’i sunt si home.5 Qant a ce se sunt acordé,6
80. 1 respondré d.
2 vouloient.
3 ilz leurs vont d. et i.
4 avrons d.
5 s’i … home omis.
6 acordé omis.
80. a 1−12. Quant … de: le reste de cette col. est assez effacé.
b 26−28. aussint … voie: effacé.
Chevalier sans Peor: « Sire, bien viei- « Sire, bien vegnois »! Et il lor dist,
gnez, bien vieigniez! » Et il lor dit mult vergoignos de l’onor que il li fas-
5 molt vergondeux e2 molt honteux de soient: « Seignors, vos savez bien que 5
ce q’il li doignent toute ceste honor: li vostre seignor sunt andeuz mort, et
« Seignor, ceste honor ne me fetes, se vos voreis jurer au roi Uterpandra-
qar ge3 nea l’ai pas deservi, ainzb la4 gons et feire lui homage et prometre
fetes a cest seignor qi meillor cheva- en vos sairemens de tenir le desore-
10 lier est qe5 ge ne sui, bien le sachez mez por vostre lige seignor, je m’i 10
vos. Vos6 me fetes grant desonor de acort bien conme a amiz; et se vos
moi honorer plus de lui;7 ore nel fetes encontre ce volés aler, sachiez de voir
des ore mais ». Qant 8 il oent sa9 que il vos estuet tuit morir orendroit;
volanté, il le font tout einsint cum il or prenés liquelz que vos mielz vou-
15 le comande.10 E qant li criz est apai- driés ». A cest parole li respondent 15
siez, il lor dit: « Seignors, vos savez tuit: « Nos somez tous aparoilliez de
tout de voir qe li vostre seignor sunt feire vostre volunté. − Or jurez, fet il,
mort, et en els n’avez mes d’espe- conme leiaus home au roy Uterpan-
rance q’il vos puissent delivrer dragons ». Et il jurent einsint com il li
20 d’autrui subjection; se11 vos volez dou ot devissé le sairement. 20
tout jurer au roi Artus e faire li
homage12 e prometre en voz seire-
manz qe des or mais le tendroiz por
lige seignor, ge m’acort volantiers a
81. 13 a. peut f.
14 n. vous y v.
15 convient t.
16 plainierement.
17 e. dirions nous?
18 n. s. dous (pour tous?) a.
19 tout outreemant omis.
20 n. demander. O.
21 comme en c.
22 sermens a.
23 errament … jurer omis.
24 des.
25 m. le r.
82.1 Quant il ont fet celui seiremant, Quant il hont fet le sairement, li Bon
li Bon Chevalier dit a monseignor Lac: Chevalier dit a monseignor Lac:
« Sire, la merci de Deu, icestui fet est « Sire, la merci de Dex, cestui fet est
menez a fin e a honor2 de vos e de menez a fin a l’enor de vos et de moy
5 moi et a l’onor dou roi Artus. Ge ne (89d) et a l’enor deu roia Uterpandra- 5
qidasse qe nos le peussom si tost gons; mes puis que nos l’avons si
mené a fin, ne si3 legieremant cum bien faite, q’en loés vos que noz en
nos avom fet. E qant il est einsint façons? − Sire, ce vos dirai je bien, fet
avenu qe nos avom ceste avanture si mesire Lac; puiz que cest chastiaus
10 bien menee a fin e si honoreemant, qe est venus en le main au roi Uterpan- 10
loez vos qe nos façom?4 − Sire, ce vos5 dragons, la Deu merci, or lor coman-
dirai ge bien, fet messire Lac; puis qe dés que deus chevaliers le plus jentils
cist chastiaux est venuz, la Deu homes de ceste chastel preinent les
merci, en la subjection dou roi Artus, cles de ceste chastel en senblance de
15 comandez des ore mais, s’il vos plest, subjecion et que li roy Uterpandra- 15
qe li dui plus gentil home de cest gons est desormaiz lor lige seignor. Et
chastel, en signe de subjection et en quant il avra les cles, il le tendra por
semblant q’il 6 est des ore mais lor sei- soy et por soi le fera garder. − Certes,
gnor lige, portent les7 cles de cest ce dit li Bon Chevalier, vos en dites le
20 chastel au roi Artus. Qant il en avra mielz et je le lou ». Et lor demandent 20
receu les cles, il en fera puis dou tout qui sunt li dui plus jentil home de cel
a son comandemant; s’i li8 plest, il le chastel, et le font venir devant aus et
retendra e por soi le9 fera garder, ou aporter les clez des forterescez et del
83. Quant il a fet cestui comande- Quant ill a fait cestui comandement,
mant, messire Lac, a cui il poise mout mesire Lac, a cui il en poisse mult de
82. a Ms. li plus dui g. h., corr. d’après FT b Ms. et le lor, corr. d’après A(2).
(l. deux p. gentilz h.).
82. 10 il omis.
11 honnorablement.
12 vous e.
13 s. fait l.
14 et pour v.
15 Et on les l.
16 p. les l.
17 V. vous e.
18 Quanpercorrentin.
19 Vos … avec omis.
20 d. comme par belle a. et merveille.
21 q. l’a conquis s.
de ceste chose, parole einsint cum ceste chosse, parle einsint conme cor-
corrouciez e dit: « Sire, sire, vos me rouciez et dit: « Sire, vosa me feitez
5 fetes desonor, e si n’avoie pas deservi desenor, et si ne l’avoie je pas 5
qe vos ce me feissiez. S’il vos plest, deservi. Et se il vos pleiste, ne le feitez
fetes le autremant, qe ge sai tout einsint, car li rois Uterpandragons ne
veraiemant qe li rroisa Artus ne le le creiroit mie que si grant fet fust par
creiroit b mie1, et a reison; qar il set moy fet, se il n’i avoit meillor cheva-
10 tout certeinemant qe si grant fet cum lier de moy. − Sire, fet li Bon Cheva- 10
est cestui ne porroie ge mener a fin, lier, or ne vos chaille; que si voire-
s’il n’i avoit 2 meillor home de moi. − ment m’aït Dex, conme je ne vi a
Sire, fet li Bon Chevalier, ore ne vos cestui point nul meillor chevalier de
chaille. Einsint veraiemant m’aït Dex, vus, et dites quan que vos voudrois
15 cum ge ne vi a cestui fet null meillor3 dire! Il n’i a mult grant tens que vos le 15
chevalier de vos, e dites en qanqe moustrastes apertement, voiant li rois
vos4 voudroiz dire! Et il n’a pas Uterpandragons et li roys Meliaduz de
enqore molt c grant tens qe vos mos- Lionois et voiant moy autresint, quel
trastes tout 5 apertemant, e voiant le chevalier vos estez au regart de nos;
20 roi Artus6 e voiant le roi Meliadus de et ce ne poés vos desdire. Et por ce 20
Leonois e voiant moi, qel 7 chevalier puiz je mander seurement au roi Uter-
vos estiez au regart de nos,8 ce ne pandragons, qar il avra bien sperance
poez vos pas desdire. Por ce puis ge que si haut fait soit mené a chef par
seuremant mander au roi Artus, qar il vos ». Mesire Lac tant con il puet vet
25 avra bien esperansce qe vos si haut encontre ceste mandement, e nepor- 25
fet, cum est cestui, peussiez mener a quant, voille ou non, li est mestier a
fin ». Messire Lac tant cum il puet vet acorder, puiz que li Bon Chevalier le
encontre cest mandemant; e nepor- vuelt. Et por ce li soufre il acomplir
83. 1 croira m.
2 si [n’avoit]: ms. noirci; la col. 119d
est extérieure et mutilée.
3 f. le m.
4 en tout ce que v.
5 v. me oultrastes t.
6 et devant mesmes [le] r. A.
7 et veire […] bien quel.
8 au regart de nos omis.
84. Quant il se furent mis a la voie en tel guise cum ge vos cont, il chevau-
chierent puis tant par lor jornees q’il vindrent a Canpercorretin1 de la Forest,
la veille de Noel droitemant. E sachi(123a)ez qe a cele cort avoit ja molt 2 grant
84. 1 Quempercorrentin.
2 molt omis.
85. a 17−21. dont … l’Escu: assez effacé. a Au bas de la col. 89d, réclame: [roi]s veés
ici.
85. 1 et sollassoit. b cles: ajouté dans la marge supérieure.
2 dist. c Ms. les es clés.
3 v. et liesse. R. veçy l.
4 c. du ch.
5 o. nouvelles.
6 m. et ostages assés n.
7 le roy répété.
8 Utependragon.
9 a. par c.
10 e. en celuy s.
86. Quant li rois ot ceste avanture, il Quant li roy hot cest aventure, il la
le tient a trop grant merveille et a1 ssi tient a trop grant mervoille et a si
grant q’enqore nel pooit il croire, et il grant que hencor ne le pout il croire;
parole adonc: « Amis, fait il, se Dex il parole adonc et dit: « Amis, fet il, se
5 vos saut, coment porroit estre ce qe Dex te ssaut, coment poroit ce avenir 5
vos me dites? Ja ont icil de2 celui que vos me dites? Ja hont cil de cel
chastel nouvelemant juré encontre chastel jurés novellement encontre
moi, e juré q’il metront des ore mes moy de metrea a mort et a desenor tuit
86. 3 i. mettroient a m.
4 i. pourroient tenir de.
5 grant temps.
6 s. sont tournés.
7 e. il bien.
8 faille. Les h.
9 Après advenue lecture anticipée (l. 26)
si comme ilz s’en vindrent au chastel,
par suite d’un saut au même (advenue);
certains mots rayés par le scribe.
10 E maint … fet omis.
11 Peor omis.
12 et en qel guise omis.
13 j. fait p.
le roi Artus, qar aussint 14 le covenoit avoit esté: et coment li dui chevalier
a faire por acomplir le seiremant q’il frere, seignor del chastel, avoient esté
avoient juré. Mes puis q’il avoient veu ocis de la primiere jouste, et coment
tout apertement l’escu dou Bon Che- il avoient le fetc mené a fin par force
35 valier sainz Peor, qi entr’els estoit d’armes, et que tuit cil del chastel 35
venuz si covertemant e qi tel cheva- avoient juré au roy Uterpandragons.
lier estoit q’i ne pooit legieremant Et quant ill a finé son conte tout en
estre desconfit, se trop grant force de tel mainere com je vos ai contés qa
chevalerie ne venist sor li, et avec arieres, il dit au roy: « Sire, por tel
40 tout ce q’il estoit si proudome cum il mervoille com je vos cont avés gaag- 40
savoient et avoit avec li un tel cheva- niez l’Escu Loth: le plus fort chastel
lier qi ne valoit gueres moins d’armes qui soit en vostre tenue ne en vostre
q’il valoit, qant 15 il virent qe tex deus segnorie aprés la Doloreusse Garde
chevalier lor furent venuz entre est venus en vostre main. Et ce vos
45 mainz e dont il ne peussent pas16 mande li Bon Chevaliers sanz Paor 45
aesiemant venir au desus, il orent que cil qui conquista cist chastel,
conseil entr’els q’il porroient fere si est li chevalier cuid porte l’escu
de ceste avanture. E maintenant d’argent as goutes d’or ».
comence17 a conter mot a mot le fet,
50 einsint cum18 il avoit esté: e coment li
dui seignor dou chastel avoient esté
ocis de la premiere joste,19 e coment
il avoient le fet mené a ce par force
d’armes qe tuit cil dou20 chastel
55 avoient juré au roi Artus e feelté li
avoient fet e homage, e le chastel
avoient c dou tout doné aud roi Artus,
et a sson comandemant. E qant il a
87.1 Quant 2 li rois Artus entent ceste Quant li roiz Uterpandragons entent
nouvele, il comence3 a sorrire e puis ceste novelle, il comence a rire et puiz
dit en riant:4 « Par Deu, de ceste dit en riant: « Por Deu, de ceste repen-
87. a Après estoit, saut au même: me- a C’est ainsi qu’après le § 87, F passe aux épi-
nerent a fin et honoreemant (cf. l. 10), sodes relatant les aventures de Guiron le Cour-
corrigé par le copiste. tois, situées au-delà de notre passage (cf.
Lathuillère 1966, § 193 n. 1 et 2, § 195 n. 1−4).
87. 5 d. les m. Ils occupent les feuillets 90b−96b. Pour la
6 s’ilz. reprise de F, cf. le § 100, précédé dans ce ms.
7 hono[ree?]ment: col. extérieure et d’un autre § qui permet de faire le raccord.
mutilée 121a; cf. § préc., var. 20.
8 li faiz omis.
9 r. des a.
10 si [non: ms.: déchiré] petit.
11 l. maine e.
12 oimés omis.
13 e. ceste fiance.
14 Et ils s.
88. A ceste parole respont messire Gauvains: « Certes, sire, ge ne tieng mie
cestui fet a trop grant merveilles,1 puis qe avanture aporta2 ensemble3 deus si
proudomes cum sunt cist dui qi a fin l’unt mené. E puis q’il sunt ensemble
einsint come fortune le velt, ne qit ge mie q’il se departent mes, se avanture
5 ne les departoit ou mescheance, devant q’il aient acompli greignor merveille
qe n’est ceste. E si m’aït Dex, cum ge voudroie q’il fussent amdui devant la
Dolereusea Garde e ge fusse avec eaus. Certes, se nos i fussom tuit troi
en(124a)semble, ge lor qideroie tel conseill doner, avant qe nos d’ilec nos
departissom, qi porroit torner a grant domage et a grant vergoigne a ceaus de
10 celui chastel, et a grant honor a nostre oés.4 E si m’aït Dex, se ge quidasse q’il
fussent demain ceianz en ceste cort, cum ge me partiroie de ci5 orendroit e me
metroie a la voie ne jamés n’avroie6 granment de repos, por qoi ge fusse si
sains de mes membres cum ge sui orendroit, Deu merci, devant qe ge les eusse
trouvez! Se il 7 puis par lor cortoisie me voloient recevoir por lor compeignon,
15 ge me metroie en lor compeignie dusq’atant qe avanture nos departist. −
Certes, ce dist b li rois Artus, ge ne porroie croire q’il ne fussent demain en cest
ostel 8 amdui, qar li Bon Chevalier sans Peor le me pramist a celui point q’il se
88. 1 merveille.
2 apporte.
3 ensemble omis.
4 a vostre ces.
5 je m’en p. d’icy.
6 n’aroye.
7 il omis.
8 d. icy et en ce chastel.
89. E grant a est la joie e grant est la feste q’il funt tuit comunemant par1 laienz,
qant il oïrent ceste nouvele conter de ceste avanture; e dient orendroit li grant
e li petit qe veraiemant estoit li rois Artus li meuz eureus2 rois e li plus bon3
aventureux qi orendroit soit entre les mortex rois. Iceste est veraiemant une des
5 plus beles avantures qe li4 avenist mes5 puis q’il porta premieiremant corone.
E q’en diroie? Tuit cil qi a celui tenz voloient bien au roi Artus sunt de ceste
avanture joianz e liez,6 e dient bien qe cestui fet acroist duremant l’onor7 le roi
Artus e son liene; assés plus sera redoutez8 por cestui fet q’il n’estoit devant.
Cil qi au roi Artus voloient mal sunt tristes et iriez duremant de ceste avanture;
10 ne a celui tens n’estoit enqore li rois Artus amez tant des chevaliers dou monde
cum il fu puis,9 qar il n’avoit fet el monde toutes bontez ne tantes cortoisies
cum il fist puis. E q’en diroie? De10 ces nouveles qe ge vos ai ici11 contees est
la cort toute reconfortee et est assés12 plus joiant q’ele n’estoit devant; bien
entendent a fere joie tuit li chevalier e desirent molt entr’els qe li dui bon che-
15 valiers vieignent a cele feste. Mes sor touz ceauz qi lab estoient les desire le
roi13 Artus. Au soir, entor14 horec de vespres, qant il estoient d ene (124b) tel
89. 1 f. tout c. de p.
2 A. le plus e.
3 bon omis.
4 a. qu’il l.
5 mes omis.
6 e liez omis.
7 l’onor omis.
8 A. et seroit son regne assés plus redoubté.
9 ne a celui … puis omis.
10 De omis.
11 ici omis.
12 et essez.
13 c. de leans estoient desirés du r.
14 entor omis.
feste et en tele joie, atant e vos entr’els venir Escoraut 15 le Povre, bon chevalier
fort e seur, e si hardi16 estrangemant qe a peine peust l’en a celui tens trouver
en tout le roiaume un plus hardi chevalier de lui.17
90. De la venue de celui est toute la cort resjoïe, joiant e povre e riche, qant il
le voient 1 sainz e haitiés de ses membres. Li rois Artus meesme, qi bien savoit
certeinemant qe cil estoit a merveilles bon chevalier e hardiz en toutes mai-
nieres e qe assez estoit ja sa meison redoutee por les oevres de celui, est mout
5 joianz de sa venue: bel le reçoit e bel l’apelle,2 e dit qe bien soit il venuz.
Cestui dit e ceste parole li dient bien3 tuit li prodoume de leianz. E q’ena diroie?
fieremant est la cort joiese de la venue de celui. E qant il est venuz devant le
rroi, il s’est 4 un pou reposez. Li rois li dit voient touz ceaus qi la estoient:
« Escoraut,5 biaux amis, savés vos enqore les merveilles qi novellemant sunt
10 avenues devers le roiaume6 d’Orcanie? − Qeles sunt eles? fet Escoraut; Dex le
voille7 q’eles soient bones et honorables por vostre hostel. − Certes, fet li rois,
si sunt eles. Ore sachiez qe puis qe ge portai8 corone, une plus bele avanture
n’avint el roiaume9 de Logres qe ceste a esté ». E maintenant li comance a
conter, mot a mot, les nouveles qi li estoient aportees:10 coment li chastiaux
15 qe li rois Loth d’Orcanie avoit ja fet fermer encontre le roi Uterpandegron avoit
esté conqis par deus chevaliers seulemant.
89. 15 Escorault.
16 f. estoit et si h.
17 luy ne plus prex.
91. 1 Estorault.
2 ch. estoit et.
92. Quant li rois entent ceste nouvelle, il est touz come esbahiz. « Coment, fet
il, qi est donc1 cil qi tel chevalier est de son cors cum vos me dites? − Sire, ce
91. 3 s. le d.
4 dist.
5 dist l.
6 d[u] p.
7 s.[il?] b. pour ce que je.
8 se a c.
9 p. n’eusse peu deffendre m.
10 ore omis.
11 tout omis.
12 et en s.
13 Estorault.
14 commença.
15 dist.
16 ait omis.
17 q. soient ceans a.
18 [plus. Et certes: illisible; début d’une col. extérieure et mutilée: 122a; cf. le § préc.,
var. 8] s. v. le voyés [qui il?].
19 luy sans villennie recepvoir.
respont Escoraut,2 li celer ne m’i vaudroit riens; il est mestier qe ge le vos die.
Ore sachiez tout veraiemant qe ce est 3 li Morholz d’Irlande qi le pont garde
5 contre vos et encontre vostre lignaige. Il a empris nouvelemant ceste garde
encontre vos; il 4 vet disant apertemant q’il n’a mie grant tens qe vos meistes a
mort le chevalier dou monde q’il plus5 amoit e qi estoit ses paranz charneux,
et estoit celui chevalier apelez Guivrez;6 celui oceistes de voz mains, ce dit il.
E cele mort velt il venchier, ce dit il bien mes non mie sor vostre cors, ce dit il
10 tout adés, ne metroit il main par7 nulle avanture dou monde; mes, ce dit il tout
apertemant, qe se avanture y amaine auqun chevalier de vostre lignage e des
autres q’il savra qe vos ameroiz. Et en tel mainiere a il empris a garder le pas-
sage dou pont por venchier la mort de son parant; e sachiez se ge n’eusse
reconeu8 qe ge li avoie esté compeignon d’armes auqune foiz,9 ge qit bien qe
15 ge eusse acheté mout chierement 10 celui passage au departir. E por ce qe celui
pont est 11 auqes pres dou chastel dont ces nouvelles vos sunt venues, vouxisse
ge volantiers veoir ceaus12 qi de cele part sunt 13 venuz, qar il ne puet estre,14
si cum ge croia, q’il ne me sachent a dire auqu(124d)nes nouveles de celui
passage ».
93. Quant li rois entent ces nouveles, il est auqes corrouciez et assés plus q’il
ne mostre le1 semblant: trop par li est greveux ce q’il 2 entent qe li Morholz s’est
mis encontre l’onor de son hostel; ceste parole li met auqes grant duel ou cuer.3
E por ce q’il sache orendroit de cestui fet auqunes nouveles, se estre puet, fet
93. 1 n. monstra l.
2 ce qu’il répété d’un feuillet à l’autre (122a−b).
3 d. au c.
5 il venir devant lui ceaus qi les nouveles avoient aportees dou chastel e dit a
Escoraut: « Cist dui m’aporterent les cles de celui chastel don ge vos avoie dites
les nouveles ». Lors comence Escoralt 4 a demander: « Seignors, savez vos nul-
les nouveles dou pont qi est assés pres de vos e qe li Morholz d’Yrlande
comença a garder auqes nouvellemant 5? » E li uns d’els qi6 de celui fet savoit
10 la verité, qar au pont meesme avoit il esté puis qe li Morholz en prist la garde,
respont a Escoraut 7 e voiant le roi Artusa e dist: « En non Deu, sire chevalier,
de celui pont dont vos8 me demandez vos sai ge bien a dire nouveles, e toutes
veraies. Ge ne sai se vos celui pont savez ne se vos i fustes onqes, mes ge vos
di qe ge le sai aussint bien cum ge sai cestui leu ou nos somes orendroit, qe
15 ge y ai ja esté deus foiz puis celui jor meesme qe Escoraut li Povres9 i fu e q’il
se combati au Morholt, cum nos seumes tout 10 de voir. E celui jor meesme
avoie ge esté a celui pont qe en nostre chastel 11 meesme fu la fiere bataille qi
adonc i fu entre les deus proudomes ».12
95. Veritez fu qe celui meesme jor qe ge me sui partiz1 de celui pont qe gardoit
le Morholz d’Yrlande, il avint qe ge m’en venoie vers nostre chastel.2 Les noix
estoient a celui tens granz et estranges; greignors assés q’eles ne sunt oren-
droit.3 Ge menoie en ma compeignie une damoisele qe ge amoie de tout men
5 cuer. La ou ge chevauchoie einsint, adonc m’avint qe ge encontrai Escoraut le
Povre,4 armé de toutes armes. Tout maintenant q’il vit la damoisele qe ge con-
duisoie en tel guise, il s’en vint a moi tout droitemant e dist q’il la voloit avoir
par la costume del roiaume de Logres. Il covenoit qe ge la defendisse encontre5
li a force6 d’armes ou que ge li qitasse dou tou ma damoisele.7 Qant ge entendi
94. a 3−9. ge nel … certei(neté): tout le reste de la col. est très effacé: cf. § 92 n. a.
95. 1 q. en c. m. j. q. je m. fu p.
2 v. vostre ch.
3 n’estoient o.
4 j’encontray Estoraut l. Pouvre.
5 je luy d. la damoiselle e.
6 par f.
7 ma damoisele omis.
96. Quant ge revinz d’estordizon, ge trovai qe mon escuier avoit ja pris mun
cheval; si le1 m’avoit ja remané.2 Ge ne fis autre demorance, ainz remontai
errament 3 au plus tost qe ge le poi feire e demandai au vallet qel part s’en vet
li chevalier qi la4 damoisele en maine. Et il me respondi:5 « Sire, il s’en vet de
5 ceste part, et enqore poez vos veoir les escloux des chevaux par mi la noif. »
Ge6 vi q’il disoit verité, si me mis errament aprés. Qant ge fui auqes pres de li,
et il sentoit qe ge venoie, il s’areste enmi le chemin e me demanda qe ge voloie.
Ge,7 qi trop8 estoie esmaiez e tant deulanz qe nus ne peust estre plus,9 dis au
chevalier: « Biaux sire, ge venoie aprés vos por veoir se vos estes si cortois cum
10 chevalier erant 10 doit estre; e s’il a en vos cele cortoisie11 cum ge vi ja12 autre
fois en chevalier errant, vos feroiz bien ce por qoi ge ving ça aprés13 vos ». Qant
li chevalier entendi ceste parole qe ge li avoie dite, il me respondi errament:
« Danz chevalier, se Dex me saut, se li chevalier errant ne feisoient cortoisie,
ge ne sai pas orendroit en cest monde qi la deust fere;14 qar de tant come li
15 home vaut mieuza, et il de tant s’abandone plus de faire cortoisie e franchise.
Mes por qoi toutes voies venistes vos aprés moi? Qel cortoisie volez vos qe ge
vos face? avez vosb en volanté qe vos a moi vos combatoiz a la15 bataille des
espees por gaaignier vostre damoisele? » Ge respondi tout maintenant e dis au
chevalier: « A vos, biaux sire, ne me voill ge mes combatre ore,16 qar ge ai tout
20 a ceste17 foiz esprouvé vostre chevalerie qe ge18 sai tout veraiemant q’en-
96. 1 ch. et l.
2 ramené.
3 a. remontast (sic) e.
4 ch. que l.
5 r. erramment.
6 e. le poués veoir par la trace des piés du cheval. Je.
7 s’a. par my l. ch. et me[…] Je: début d’une col. extérieure et mutilée 123a; cf. le § préc.,
var. 11.
8 trop omis.
9 estoye[…]l (?) plus.
10 erant omis.
11 v. telle c.
12 ja omis.
13 v. icy a.
14 q. le doit f.
15 f. vous voulés vous combatre a moy a l.
16 ore omis.
17 j’ay a c.
18 ch. car je.
contre19 vos ne me20 porroie gec (125c) durer a force d’armes, e por ce refus ge
dou tout la bataille voiremant; une21 priere et une reqeste vos faz ge, e vos22
dirai qele: por ce qe ge conois de voir qe par force d’armes ned porroie ge ceste
damoisele gaaignier sor vos, vos pri ge tant cum chevalier porroit prier autre,23
25 qe vos par vostre cortoisie la me rendez si qitemant cum ge la vos demant. Si
avroiz adonc fet si grant 24 franchise qe chevalier ne25 porroit faire greignor, et
enqore vos di ge qel autre preu vos en feroiz se vos26 ceste cortoisie me volez
fere qe vos ceste damoisele me rendez: ore27 sachiez qe jamais chevalier errant
ne trouverai ae cui ge ne face cortoisie toute cele qe ge feref li porrai. E certes,
30 ce ne fis ge mie dusq’a cest point, ainz lor fis toute la vilenie qe geg fere lor
poi por une autre vilenie q’il me firent ja. Mes se vos ceste cortoisie me fetes
qe ge vos demant, ore sachiez tout veraiemant qe des ore mais, tant cum ge
vivrai, ne lor ferai28 se cortoisie non,29 qui, dusqe ore lor fesoie toute la vile-
nie30 qe ge lor pooie feire. Einssint me feroiz rennier de mes us e31 de mes
35 costumes e me feroiz por cestui fet de vilein chevalier cortois. E se vos ce ne
volez fere, ore sachiez tout veraiemant qe ge meesme morrai en cestui jor; si
sera ma dolor finee en pou de terme ».
97. Quant li chevalier entendi ceste parole, il me dist adonc: « Coment, sire
chevalier, et amez vos tant ceste damoisele qe vos vos ociroiz en cestui jor
passage par force d’armes e fist arester sesa deus16 compeignons, ne ne vost 17
30 q’il s’en entremeissent de riens: il seul voloit celui passage delivrer par sa pro-
ece18 . E si n’estoit pas a celui point celui passage si legier q’il n’i eust .X.
chevaliers19 armez de toutes armes qi le passage defendoient e .XX. serjanz20
autressint. E les desconfist celui chevalier par sa proece, e les fist en une tor
entrer por peor de mort 21 e passa outre premieiremant e si compeignon22 aprés.
35 Ceste grant merveille qe ge vos ai orendroit contee avint a celui pont dont vos
avez orendroit demandé, le jor devant tout droitemant qe nostre chastel 23 fu
conquis. Einssint avint cum ge vos cont. Ge ne sai, certes, qui cil b fu qi fist
ceste hautec proece; ge n’en sai plus qe dit vos ai ». (126a) E qant il a dite ceste
parole, il se test.
98. Quant il a tout finé sun conte, li rois Artus enprent sor1 lui le parlemant e
dit 2 a ceaus qi devant lui estoient: « En non Deu, ceste est haute proece de
metre a desconfiture .X. chevaliers e .XX. serjanz. E certes, il ne porroit estre a
mon avis qe li un de ces deus proudomes ne fust celui qui mena a fin cestui
5 fet; ce fu, sainz faille, le Bon Chevalier sans Peor ou li bon chevalier, celui qi3
porte l’escu d’argent as goutes d’or. − Certes, fet messire Gauvains, sire, il est
einssint sainz faille cum vos le dites.4 Ore me targe plus5 qe devant q’il fussent
a cort venuz; mieuz en vaudroit tout vostre ostel s’il i fussent orendroit. − Vos
dites bien verité, ce dit li rois. E6 certes, il n’a ore ceianz home qi tant desire
10 lor venue cum ge faz ».
97. 16 Après fit le ms. porte tant (?) rayé suivi d’un blanc et de ses d.
17 voult.
18 p. s. force et p.
19 n’eust dix ch.
20 et vingt s.
21 p. le peril de la m.
22 et les deux c.
23 q. vostre ch.
98. 1 Qua[nt…] com[pte…] print s.: début d’une col. extérieure et mutilée 123d.
2 dist.
3 chevalier q[ui].
4 i. fut ainsi certes c. [vous?] l. me d.
5 m. tarde p.
6 verité dist l. r. Artus. Et.
99.1 Grant est la joie e grant est 2 la feste q’il vont tuit par leianz feisant. Il n’i
a nul qi bien voille au roi Artus qi ne soit liez de ceste nouvele. Mes veiremant,
qant il entendent qe li Morholz d’Yrlande est tornez encontre la meison au roi3
Artus, il dient tuit apertemant 4 qe onqes li Morholz d’Irlande ne fist si grant
5 folie qe ceste ne soit enqore greignor: il a encomencié5 tel fet dont il vendra a
deshonor, e si ne demorra granment;6 e tout soit il bon chevalier et uns des
bons de tout 7 le monde, si a il empris tel follie dont il morra vileinemant s’il
la veut longes maintenir.8 Einssint en vont leianz parlant, e dient li auqant
d’elsa qi se sentoient as meillors chevaliers et as plus9 fort q’il ne lor poise mie
10 de ceste folie qe li Morholz avoit emprise, fors q’il fu longemant lorb compei-
gnon d’armes; qar ce sevent tout de voir: de ceste honte10 e de ceste deshonor
q’il lor qide fere se porront il assez tost venchier; trop a empris haute folie qil
a enpris enc tel mainiere guerre e11 strif encontre la Table Reonde.
99. 1 123d, Rubr., [COM]MENT LE ROY ARTUS ET TOUTES [LA?] COURT FONT GRANT
FESTE ET SO[NT] MOULT JOYEUX DES NOUVEL[LES] QUE LES DEUX CHEVALIERS DE
L’ESCU LOTH APPORTERENT DE PAR LE BON CHEVALIER SANS PAOUR ET MESSIRE
LAC.
2 grant est omis.
3 m. le r.
4 d. tout a.
5 commencé.
6 n. demoura g.
7 bon ung meilleur de t.
8 d. i. luy viendra villennie si la v. longuement m.
9 s. les m. ch. et au p.
10 follie […] se fors[…]ment leurs […] car eulx scevent […] de[…] honte: début d’une col.
extérieure et mutilée 124a; cf. le § préc. var. 1.
11 haul[te…]uil a emprins en t. m. [guerre et].
100. Celui jor fu mout grant joie en Celuia jor fu grant joie et la feste que
la1 meison le roi Artus; les nouveles il font tuit de l’Escu Loth; einsint pas-
de l’Escu Lotha les reconfortent b fiere- serent la vigile de Noel. A l’emde-
mant. Joiant c sunt tuit e liez e baut;2 main, auques matin, se leverent li
5 et en tel joie et en tel feste (126b) chevalier et vindrent a cort si noble- 5
passent la veille de3 Noel. A l’ende- ment et si richement com il avoient a
main, auqes matin, viegnent li cheva- costume de venir a si haute cort etb a
lier a cort si noblemant e si richemant si haute feste. La cort estoit grant et
cum il avoient a costume a venir a si pleniere et grant planté i avoit de
10 haute cort et a si haute fested. La cort preudomez et de bonz chevaliers; il 10
est orendroit 4 pleniere; grant plenté y n’i a nulz qui joie ne face, mez mult
a de5 proudomes e de bons cheva- lor greve, as plus vaillans et as
100. 1 j. encontre l.
2 e baut omis.
3 l. voille (sic) d.
4 v. Moult est haulte la court
[oren]droit.
5 et pl. et g. planté[…]de.
100. Celui jor fu mout grant joie en Celuia jor fu grant joie et la feste que
la1 meison le roi Artus; les nouveles il font tuit de l’Escu Loth; einsint pas-
de l’Escu Lotha les reconfortent b fiere- serent la vigile de Noel. A l’emde-
mant. Joiant c sunt tuit e liez e baut;2 main, auques matin, se leverent li
5 et en tel joie et en tel feste (126b) chevalier et vindrent a cort si noble- 5
passent la veille de3 Noel. A l’ende- ment et si richement com il avoient a
main, auqes matin, viegnent li cheva- costume de venir a si haute cort etb a
lier a cort si noblemant e si richemant si haute feste. La cort estoit grant et
cum il avoient a costume a venir a si pleniere et grant planté i avoit de
10 haute cort et a si haute fested. La cort preudomez et de bonz chevaliers; il 10
est orendroit 4 pleniere; grant plenté y n’i a nulz qui joie ne face, mez mult
a de5 proudomes e de bons cheva- lor greve, as plus vaillans et as
100. 1 j. encontre l.
2 e baut omis.
3 l. voille (sic) d.
4 v. Moult est haulte la court
[oren]droit.
5 et pl. et g. planté[…]de.
liers. Assez sunt tuit joianz e liez e meillors, que li dui bon chevalier ni i
baut;6 n’i a nul qi joie ne face, mes ssont avec elz. Li roiz portoit a celui
15 mout lor grieve duremant as plus val- jor coronne si neblement com a tel 15
lans et as meillors qe li dui bons7 che- home apartenoit. VI roys et XVI
valiers ne vieignent. E neporqant, se baronz sont entor lui a tel honor com
cil dui ne sunt a cort, ne remaint q’il convenoit a chascunsc. Li rois Uter-
n’i ait joie trop8 grant. Li rois Artus pandragons se ne vint a tel honor et
20 porte corone celui jor9 si noblemant a tel hautesce jusque a l’eglisse, si 20
cum a tel home apertenoit; si roi, si com il estoit acostumez de feire a si
duc, si haut home10 sunt entor11 li a haute feste. Devant lui portoit un che-
tel honor si12 hautemant cum il aper- valier s’espee, qui mult estoit jeunez
tenoit e a chasqun. Selonc ce qe chas- et bon chevalier, et avoit nom Uter de
25 qun estoit, vet il noblemant f13 celui Kamalot, parenz auques prochanz de 25
jor. E por ce qe Blioberis de Gaunes14 le roi Uterpandragons. En tel maniere
estoit bien estreiz dou plus noble conme je vos cont vont oïr la messe.
lignageg e dou plus gentils de toutes Et quant il hont hoï le servisse de
parz qi a celui tens fust en la meison Nostre Seignor, a tel devocion conme
30 au roi Artus, ne l’en n’i savoit adonc bon chevalier devoient feire, li roys 30
plus gentil lignageh, ainz fu sainz s’en torne au paleiz, la u la fest se
faille celui jor15 veu qe ce estoit le devoit tenir. Quant il furent au palez
plus droit 16 gentil chevalier qi fust venus, ja estoit hore de midi et bien
adonc en la meison le roi Artus, por hore passee de mangier. Et Uter de
35 la hautece q’il 17 ne retenoient pas a Kamallot, qui a celui tenz estoit mult 35
celui tens a trop petite mes a trop jeunes et bon chevalier, s’en vient
grant, covint il q’il portast adonc devant li roy Uterpandragons et li
devant i le roi Artus l’espee toute nue dist: « Sire, il est hore de mi jors et li
des lej palés dusq’a la glise. E ce jor sunt periz; se il vos pleissoit, il
40 estoit 18 la bone espee Escalibot,19 seroit bien tenz de disner, et je croi 40
domt maintes merveilles avoient esté bien que li chevaliers qui entor vos
veues a celui tens, e par20 lo roiaume sunt si acorderont lengierement ».
de Logres. Par ceste chose qe ge vos
di, conoissoit l’en as granz festes le
45 plus gentil home de la meison le roi
Artus, qar il 21 estoit mestier q’il por-
tast devant le roi l’espee toute nue, a
ssi granz festes cum estoient celes22
ou li rois tenoit cort plenierek. De
50 ceste chose parlerent auqes grosse-
mant plusors gentils homes de leienz
e moustrerent tel semblant cum s’il
s’en corrouçassent, e distrent qe plus
gentil home avoit leianz, qar il y avoit
55 plusors qi filh estoient de rois; mes cil
n’estoit mie filz de roi, ainz avoit esté
fil d’un simple chevalier.23
101. A ceste parole respont messire Gauvains e dist a celui qi ce li avoit dit, e
li dit si1 haut qe li plusors de2 leianz l’entendent 3 tout cleremant: « Certes, dist
il, se por estre fil de roi devoit nul home4 avoir ceste honor qi est donee a
monseignor Blioberis, ge (126c) la voudroie aussi tost avoir cum5 un autre, qar
5 fil de roi sui ge, ce sevent 6 tuit cil de ceianz. Mes por ce, se ge sui filz de roi,
ne puis ge dire pas sainz faille qe7 ge soie dou tout estret de si gentil lignage
ne de si haut cum est Blioberis.8 Nos poom trouver son lignage estret de rois e
de toutes parz9 avant qe venist la crestienté en la Grant Breitaigne. E por ce qe
de si ancien tens est celui lignage venus, devom nos bien dire entre nos qe ce
10 est le plus gentil lignage qi ceianz soit. E qant einssint est avenu qe nos avom
sa haute chevalerie entre nos, bien la devom chiere tenir et honorer sor touz
autres e moustrer li apertemant sa hautece e sa gentilece ». Aprés cele parole
qe messire Gauvains dist en tel mainiere por le lignage le roi Ban, n’i ot una qi
plus deist en toute la cort de ceste choseb, qar il 10 conoissent certeinemant qe
15 veritez estoit e qe de trop haute branche e de trop haut lignage estoit estraite
cele generacion, meesmemant de si ancien tenz cum dou tens le roi David. Et
enqore trovoient il 11 par les ancienes12 estoires qe de la haute branche dou roi
David estoit estret celui lignage. E Tristain,13 le filz au roi Meleadus,14 en estoit
estret. E qant il aloient entr’els parlant de grant gentilece, il disoient entr’els
20 q’el monde15 n’estoit si gentil home cum16 Tristain, le filz au roi Meliadus, qi
101. 1 dist s.
2 h. q. tous ceulx d.
3 l’entendirent.
4 d. quel h.
5 je l’en v. si t. querir c.
6 c. sachent.
7 je mie dire que.
8 c. messire B.
9 e de toutes parz omis.
10 avant qu’il vint en l. G. Bretaigne, le savions nous bien, et si vous dy bien que luy
et son lignage scevent tout leur lignage mieulx que autres. Et ceulx a qui messire Gauvain
parle regardent l’un l’autre, car ilz.
11 e. trouverent i.
12 anciens.
13 Tristan (ainsi toujours).
14 Meliadus.
15 que le m.
16 cum omis.
voloit regarder a haute gentilece e de ancien tens venue, qar sans doute de la
part som pere estoit droitemant estret 17 dou lignage le roi David. Autressint
estoit Lancelot, mes a celui point sans doute ne tenoient il nul parlemat de
Lancelot, qar il qidoient veraiemant que Lancelot fust mort avec som pere. Mes
25 puis, qant il 18 fu chevalier et il sorent que il estoit fil au roi Banc, il distrent 19
qe ce n’estoit mie merveille s’il estoit plus proudome qe null autre, qar il estoit d
estret des plus proudomes qe null autre20 e de plus ancien tenz; ne il n’estoit,
a lor escient, en tout 21 le monde nul si gentil home droitemant cum estoit Lan-
celot, fors qe Tristain. Mes cil estoit de cele meesme generacion estrez, e por
30 ce ne porroient dire qe li uns de ceaus deus fust plus gentil de l’autre, car
amdui estoient d’un lignage voiremant. (126d) A celui tens qe Tristain ot bien
porté armes .V. ainz entiers, distrent auquns qi avoient oï par les diz anciens
raconter la faiture dou roi David e le semblant e la stature, e coment il estoit
grant, e cum il estoit consus, e cum il chevauchoit, e qex mainieres il avoit, cil
35 qi par les anciens diz reconoissent entr’els le roi David puis virent le corsage
Tristain, ses oevres e son parlemant, e coment il se contenoit, distrent adonc
tout plainemant qe trop retret Tristain aus oevres et au pooir le roi David qe
ne fesoit nul autre qi fust renomez de celuie lignage, qar cele meesme porteure
e celui meesme22 contenemant qe li rois David avoit maintenue23 el tenz de sa
40 vivence, trouvoit l’en bien24 en Tristain25 droitemant e nom pas en Lancelot:
cil ne retreoit mie en toutes choses au roi David cum fesoit Tristain. E26 por
ceste chose fu ja une grant bataille en Cornouaille entre Gehesriet 27 e Blioberis
de Gaunes, qar Geherriet disoit tout plainemant qe voiremant retreoit mieuz
101. 17 d. estrés.
18 M. depuis qu’il.
19 chevalier ilz s. qui i. estoit et d.
20 qar … autre omis (saut au même).
21 n’e. lors en t.
22 l’a. (l. 30) Et les pluseurs dient que voirement estoit Tristan ressemblant au roy
David, et moult luy ressemble bien en toutes façons et manieres. Et celuy m.
23 a. ce (?) m.
24 s. jeunesse t. il b.
25 Tristain omis.
26 E omis.
27 Cornoulle e. Geherriet.
IX
102.1 La festea est grant e la joie q’il firent a cele cort de Campercorretin, mes
enqore fust ele greignor assez se li dui proudomes i fussent a celui point (127a)
dont il tenoient les nouveles a cort. Li rois Artus, einsint cum ge vos cont, s’en
vet a l’eglise si noblemant e si hautemant come il estoit acostumé dou faire.2
5 Blioberis, einsint cum ge vos cont, porta l’espee devant lui por honor del haut
lignage dom il estoit estrez; einsint vont a la messe. E qant il ont oïe la messe
a tel devocion et a tel humilité cum chevaliers erranz sunt acostumez d’oïr
101. 28 mieulx et de t.
29 de instrumens.
30 car il n’est encores ne l. n. t. de le deviser. M.
31 car il n’est encores lieu.
103. Quant li rois ot ceste nouvelle1, Quant li roi entent ceste novelle, il
il se comence a sourrire e puis res- comence a sorire et puiz respont:
pont: « Ydier, fet il, se Dex me saut, « Uter, fet il, se Dex me ssaut, enquor
enqore n’est il mie trop tart, enqore n’est il mie trop tart, enquor n’avons
5 n’avom nos mie trop longemant noz trop jeunez; mez se encor fust 5
geuné; mes se plus estoit enqore tart, plus tart, si ne manjeronz noz […]a
ne mangerom nos devant qe acomplie devant que complie soit la costome de
soit la costume de mon ostel. La cos- mon hostel et la costume est telle, et
tume de mon ostel est tele, e ge l’ai l’ai tenue des le primier an que je por-
10 tenue des2 le premier an que ge portai tai primierement coronne, que a nulle 10
corone, qe, a nulle si haute feste cum si haute feste com est ceste je ne doi
est ceste, ge ne doi asseoir a table par seoir as tablez po raisson jusque atant
103. 1 [Quant…]ceste n.: y a-t-il une initiale a Après noz un mot illisible; il ne semble pas
dans le ms.? manquer dans A(2).
2 jusné […]oit encores plus t.[…] nous b voi: difficilement lisible.
jusques atant […]ustume de m. hostel c bellez: tache foncée.
soit [acom]plie. Et je l’ay maintenue d. d Ms. m. fust v.
rreison dusqe3 avanture soit avenue (96d) que aventure soit avenue en
en mon ostel. Ceste costume ai ge mon hostel, et por ce voib je demorant
15 mantenue de celui an qe4 ge fui pre- de seoir as tablez, einsint com tu 15
mieirement rois, et enqore le main- voiz ». La u li rois parloit einsint entre
tendrai.5 E por ce vois ge demorant a sez chevaliers, atant es voz entr’elz
asseoir a table6. » La ou li rois parloit venir une des plus bellezc damoyselle
einsint entre les chevaliers erranz, sanz ffaille qui fuste a piece mes
20 atant e vos leienz venir une damoi- veued a cort; encor fust elle plus belle 20
sele, une des plus beles sanz faille qi asez a celui point se ne fust ce que
piece mes venist a cort. Et enquore elle estoit dollente et triste. La
fust ele plus bele d’assez q’ele ne fu a damoyselle dexendi a la porte dou
celui point, se ne fust ce q’ele estoit palleiz et puiz s’en vient devant le roy
25 triste e dolente. La damoisele,7 qi tele Uterpandragons, et portoit en son 25
estoit cum ge vos cont, vint tout a devant la teste d’un chevalier auques
cheval dusq’a l’entree dou paleiz, novellement aucis; et la test estoit
mes a celui point descendi e (127b) enquore dedans lo hiaume.
s’en vint devant le roi Artus. Et ele
30 portoit en sun devant la teste d’un
chevalier auqes nouvelemant ocis; et
enqore estoit la teste dedenz le
yaume.
teste del chevalier. Qant ele est 3 pres estoit damoiselle qui novellez apor-
dou roi venue, assez troeve qi le4 fet toit; et aprés lez novellez poroient il
voie, qar bien sevent certeinemant qe mangier. Quant elle est devant lui
ce est 5 damoisele qi aporte nouveles venue, elle s’agenoille et li met
10 e qe aprés les nouveles de ceste devant lez piez le hyaume avec la 10
damoisele porront il mengier.6 Qant teste. Li roy se tret un poi arierez
ele est dusq’au roi venue, elle s’age- quant il voit ceste chosse, car a cest
noille devant li e li met devant les foiz ne la queisse il veoir, que bien
piés le hiaume a toute7 la teste. Li rois connoisoit que ce estoit la test
15 s’en retret 8 un pou arrieres qant il d’aucun chevalier ocis. Et non por- 15
voit ceste chose; a ceste foiz ne la quant, por ce que de cestui feit voelt
qeist 9 il ja veoir, qar bien reconoist en il saveir la verité se il onques puet, dit
soi meesmes qe ceste est, sainz faille, il: « Damoyselle, quel novellez apor-
la teste d’auqun chevalier ocis. E tez vos a cort? »
20 neporqant, por ce qe de cestui fet velt
savoir la verité, s’il onqes puet, dit il
a la damoisele: « Damoisele, qeles
nouveles aportez vos a nostre cort? »10
qi ert appelez Dorman, qi ja fist a ton3 de Norgallez qui est apellé Dorman,
pere, le roi Uterpandegron, si grant qui ja te fiste tant de servisse com li
10 servise e si grant bien cum li plusors plusor de lo reiaume de Logles vont 10
del roiaume de Logres sevent tout cer- recordant? Roy, enquor n’a paz gra-
teinemant? Enqore le vont il recor- mentb de tens que il te mande en ta
dant, e tu meesmes4 en as ici ja oï cort de Kamallot que il estoit enpri-
parler par maintes foiz. Rois, rois,5 sonnez et en prison laide et villaine et
15 enqore n’a pas granment de tens6 q’il te prioit conme son seignor que tu le 15
te manda en ta cort de Camahalot 7 feissiez delivrer en aucune maniere. A
q’il estoit emprisonez8 en prison laide celui point que la proiere te fu feite et
e vilaine, e te prioit cum son seignor par un nain, ce sez tu bien, il estoit
qe tu9 delivrer le feisses en auqune presentement un chevalier estrange
20 mainiere. A celui point et a cele hore qui novellement estoit en ta cort 20
qe la priere te fu fete, e par un nein, venus. Quant il hoï les novellez deu
ce sés10 tu bien, qi t’en porta11 les chevalier qui estoit enprissonnés, il se
nouveles, estoit devant toi presente- presenta devant toy et te prie que tu
mant un12 chevalier estrange qi nou- soufrissiez qu’il de part de ta corte
25 velemant estoit venuz a ta cort. Qant alast delivrer le chevalier qui estoit 25
il entendi les nouveles13 del chevalier enprissonnez. Et tu li hotroiastez sa
qi em prison estoit, il presenta erra- requeste et lic deis que de celui jors
ment devant toi e te pria qe tu sou- en avant le tendrois por ton chevalier,
frisses q’il de part de ta cort alast b qant il si volentiers enprenoie a esau-
30 delivrer le chevalier (127c) q’il tenoit cier l’enor ded ta cort. Li chevalier 30
a si proudome, e qi em prison estoit. estoit mon frere, de pere et de mere;
106. Quant mi freres ot leu les letres (97a) Quant mon frere ot leu lez letrez
qi entaillies estoient el marbre, il me qui entallieez estoient en le marbre,
dit qe1 en avant d’ilec ne porroie ge il me dist que de illuec enn avant ne
aler; remanoir2 me couvenoit, vouxisse poroie ge aller et remanoir me conve-
5 ou non. Qant ge oï ces paroles de mon noit, voussisse ou non. Quant je oï ce, 5
frere, e ge remés avec3 un escuier qi je remés avec un escuier qui un
mes paranz estoit charnex; tout le jor parens estoit; tot le jor demorai illec.
atendimes ilec. E qant ge vi qe mi Et quant je vi que mon frere ne retor-
freres ne retornoit,4 e la nuit estoit ja noie, je me retornai le soir a unne
10 venue, ge5 m’en retornai a une mei- abaie, qui pres d’illuec estoit, et 10
son de religion qi pres d’ilec estoit e dormi la nuit leenz. A ll’enndemain,
dormi leianz cele nuit. A l’endemain, quant je vi le jor, me llevai et me
maintenant qe6 ge vi le jor, ge m’en remiz a la croiz, la u mon frere estoit
revins droit a la crois, la ou7 mi freres parti de moy, et atendi illec jusque
15 s’estoit partiz de moi, et atendi tout hore de nonne. Un pou aprés hore de 15
celui jor dusq’a ore de none qe ge ne nonne vint un escuier a moy, non pas
106. 1 dist q.
2 n. pouois je a. et que r.
3 freres (!) je demouray a.
4 f. ne venoit.
5 j. revenue je.
6 Au land. et incontinant q.
7 croix ou.
me remuai onqes, pou ne grant.8 Un celui que mon frere avoit amenez,
pou aprés hore de none vint 9 cele mez un estrange, et je li demandai se
part un escuier,10 non mie celui qi il savoit novelles d’un tel chevalier, e
20 avec mon frere ala, mes un estranges. il me dist que novellez en savoit il 20
Ge li demandai maintenant s’il savoit sanz faille, que il estoit mort celui
nouveles auqunes d’un tel chevalier, matin. Et por ce que je le creisse
et il me dist qe nouveles en savoit il mielz, me baille il les einseignes − ce
sainz faille: il estoit 11 morz celui est ceste teste −, et me dist: « Porte
25 matin; bien le seusse tout de voir. E cestui present au roy Uterpandragons 25
por ce qe ge l’en creisse12 mieuz, il me et li ditez de nostre part que se il ne
bailla cestui present a enseignes qe mande plus preudom et meillor che-
ge l’en creusse dou tout.13 E puis me valier asez, jamez Deorian, li cheva-
dist: « Portez cestui present au roi lier de Norgallez, ne sera delivrez
30 Artus e li dites de nostre part qe s’il de prisson ». Roys, cellui meemez 30
ne mande plus proudome e meillor pressent que de mon frere me fu feit,
chevalier d’assez, jamés14 Dorman15 faiz je a toy. E si te pri et te requier,
ne sera de prison delivrez. » « Rois, einsi com il fu mort por esaucier et
celui meesme present qe de mon frere por acroistre l’onor de ton hostel, que
35 me fu fet, faz ge16 a toi. E si te pri e te tu cest mort facez vengier. Roys, ce 35
requier17 qe, tout einsint cum il 18 fu est que je te demant que tu faces ceste
morz por asaucier e19 por acroistre mort vengier, einsint que l’onor de
l’onor de ton hostel, qe tu20 sa mort roy i soit essauciez et que li mien
faces venchier. Rois, ce est 21 toute ma cuers i soit joianz ». Et quant il a dit
40 priere22 qe ge te faz; faiz ceste mort cest parolle, elle ne dit mot, ainz se 40
einsint venchier23 qe l’o(127d)nor de trait arierez et leisse ilec la teste avec
toi i24 soit sauvee e li miens25 cuers le hiaume. Li roys fist prendre la teste
en soit joianz ». E qant ele a dite ceste et la fiste metre de susa une table del
parole, ele ne demore26 devant le roi, palés, en si haut leu que tuit cil deu
45 ainz se met arrieres e leisse ilec la palés quib laenz estoient, qi venoient, 45
teste de son frere avec le hyaume. E li la poent veoir tout clerement. Et
rois fet prendre la teste e metre desus quant il hot ce feit, il comande que li
une table enmi le paleiz, en si haut mangier soit doné, que bien n’estoit
leu qe tuit cil qi aloient e qi27 venoient temps; et l’en le fet tot maintenant
50 le pooient tout cleremant veoir. E que il le comande. 50
qant il out ce fait, il comande adonc
qe li manger soit doné, qar bien en28
est tenz; e l’en le fet tout maintenant
q’il le comande.
(128a) 108. Li rois qi de grant cuer (97b) Li rois qui de buen cuer amoit
amoit Ydier, le fil Nu,1 qe toutes voies Uter et por ce quea toute voiz avoit
avoit esté entor lui norriz et escuié2 e esté entor lui noriz et si parent estoit,
chevalier, e por ce qe geunes home por ce que jounez estoit durement, ne
5 estoit duremant 3 ne le vouxist pas4 lle voust il metre em si grant afeire 5
enqore metre si tost en si grant aferes com est cestui ne en si gref aventure,
cum estoit cestui ne en si grief, res- li respont il: « Uter, se Diex me sahut,
pont: « Ydier, fet il, se Dex5 me saut, je sai bien tout de voir que vos estez
bien sai e conois6 qe vos estes fort e preus et vaillanz et hardis; mez tut
10 vaillanz e preuz et hardis7 e legiers de soiez tu garniz de chevalerieb selonc 10
l’aage qe tu as enqore; mes tout soies ta jovente, si m’est il aviz que en cest
tu bien proudome8 de ton afaire9 e besoigne convint il a mander un plus
garnis de chevalerie selonc ce10 qe tu ancien chevalier de toy et de greignor
le dois estre, si m’est il bien avis qe afeire que tu n’ez. − Roys, ce li res-
15 nos en11 ceste besoigne covient man- pont Uter, se tu me refuses a donner 15
der un autre chevalier plus aencien e cestui don, jamez ne m’en refusseras
de greignor afere qe tu n’es ». Ydier a donner un autre, car je m’en irai
respont a celui mot: « Rois, fet il, tu maintenant de ton hostel, si que
sés en qel guise ge t’ai servi; ore jamez a jor de ta vie n’i interai. − E
20 saches12 qe se tu refuses a doner moi non Deu, fet li roy, ce ne voudroie je 20
cestui don qe ge t’ai demandé, jamés mie que vos por tant leissiez mon hos-
ne me refuseras nul autre don: ge13 tel; avant vos hotroy je le don que vos
m’en irai tout maintenant de ton hos- me demandés; et tenez, que ge vos en
tel qe ja puis a jor de ma vie14 n’i revest. Et Diex vos en dohint a chef
25 entrerai. − En non Dé, fet li rois Artus, venir en tel mainere que il soit sau- 25
Ydier,15 ce ne voudroie ge mie qe vos veté de vostre cors et honor de cheva-
por tant leissisiez16 mon hostel; avant lerie et de mon hostel ».
vos otroi ge le don qe vos me deman-
dez; tenez, qe ge vos en revest.17 Dex,
30 par sa bonté, vos en doint a chief
venir en tel mainiere qe il soit sauveté
de vostre cors18 et honor de chevale-
rie ».
109. Lors se retorne li1 rois vers la Lors se torne li roys vers la damoys-
damoisele e li dit: « Damoisele, ore elle et li dist: « Damoyselle, or poés
poez veoir le chevalier qi a empris de veoir le chevalier qui a enpris a ven-
venchier la mort de vostre frere et a gier la mort de vostre frere et de deli-
5 delivrer de prison le bon chevalier de vrera le bon chevalier de Norgalez de 5
Norgales, se vos li mostreroiz qel 2 la prison, se vos li poez mostrer celui
part il porra trouver celui qi vostre qui vostre frere ocist. − Sire, fet elle,
frere a mort.3 − Rois, ce respont 4 la la mort de mon frere me toche tant au
damoisele, iceste mort si me touche si cuer que je meesmez le voeil conduire
pres dou cuer5 qe ja ne li deviserai ne jusque la et je meezmez, se il poroit
10 les voies ne les chemins qi sunt entre estre, voldroie veoir celle bataille de 10
ci e la: ge meesme qi sai bien la voie quoi la mort de mon frere doit estre
l’i voill menera; ge meesmes6 le voil vengiee; et ja n’i hait hautre delay, se
conduire dusqa la; e ge meesme, se il plest au chevalier, mes que noz
ge puis, voudroie veoir7 cele bataille montonz tout maintenant, car je sui
15 dont la mort de mon frere doit estre toute aparoillie del chevauchier ho- 15
venchiee. Il n’i a null autre delai, s’il rendroit et de mener le jusque la u
plest a vostre chevalier, mes q’il mont mon frere fu mort ».
tout maintenant, qe ge suib bien ap-
pareillie de chevauchier orendroit e
20 del mener dusqa la ou mi chiers freres
fu ocis ».8
109. 3 f. a occis.
4 se resp.
5 [mor]t me t. de s. p. au c.
6 v. luy [vue]il m. moy m.
7 m. vueil se je p. veoir.
bel e cointemant. E qant il est armez lermoiant des ielz se part de cort et
de toutes armes, il prent congié au puiz vient a son cheval et monte et
roi5 Artus et a touz ses compeignons6 moine avec lui deus escuiers. Il se
10 de leianz, e tout lermoiant dels elz se part en tel maniere et mult entalentez 10
part 7 de la cort, en tel guise q’il n’i fist et voluntoz de bien feire et por con-
autre demorance,8 ainz vient a son quere loux et pris. La damoyselle, qui
cheval e monte e maine9 en sa com- le doit conduire jusque la, chivauche
peignie deus escuiers qi le servoient. asés liee et joiusse durement, car bien
15 En tel guise cum ge vos cont se depart cuide veraiement que cist puisse ven- 15
Ydier, li filz Nu, de la meison le roi gier la mort de son frere par force
Artus. Grant volanté e10 grant desirier d’armes. Et elle menoit avec lui un
avoit adonc11 Ydier d’avoir pris e loux escuiers qui son cosin germain estoit,
de chevalerie, s’il puet.12 La damoi- bel enfant et bon escuier, qui la ser-
20 sele, qi mener le doit dusqa la, che- vira en ceste voie. 20
vauche e leebb13 e joieuse duremant,
qar bien qide veraiemant qe cist peust
venchier la mort de son frere par force
d’armes. Et ele menoit un suen cou-
25 sinc germein, bel enfant e bel escuier
qi la servira en ceste voie.14
110. 5 du r.
6 t. ces c.
7 l. qui tous lermoient si s. p.
8 t. maniere et sans y faire a. d.
9 ains monte en son ch. et m.
10 qi le … volanté e omis.
11 g. desir a a.
12 s’i. oncques p.
13 q. le doit mener jusques la che-
vaulche o luy l.
14 q. le servira celle v. moult honno-
reement.
111. 1 a ramentevoir.
2 m. trop gr.
3 Et vindrent.
4 i. e. de s. a.
5 v. de Y. l. f. Un (!) qui b. le congneut
m. qui.
6 f. Un (!) au ch.
7 de ses armes omis.
8 e. au f.
9 s. pres l. f. et emprés l. s’as.
10 leans prestement.
112. Quant il se furent auqes chaufé, li sires de leienz qi mout estoit de bones
paroles comença adonc a parler e dist en tel mainiere a Ydier: « Sire chevalier,
fet il, dont estes vos? − Sire, fet il, ore sachiez bien qe ge sui de la meison au
roi1 Artus. − (128c) Certes, fet li proudom, vos estes d’une bone meison e d’une
5 noble. E2 qant vos de cele meison estes, e qant 3 vos en partistes vos? − Sire,
fet il, ge4 m’en parti hui aprés disnier. − Ha, fet li proudom, donc vos depar-
tistes vos de Canpercorretin5 de la Forest, qar en celui chastel propremant tient
il ora sa cort.6 − Sire, dit Ydier,7 vos dites verité. − Por Deu, dit li8 proudome,
ore me dites: vint ore a cort ne un ne autre qi aportast auqunes9 estranges
10 nouveles? − Certes, sire, oïl, fet Ydier; ore sachiez qe10 la veille del Noel 11 i
furent aportees lé plus estranges qi fussent mes aportees a la12 cort le roi Artus
puis q’il 13 porta premieremant corone. − Dex aïe! fet li proudome, e qeles
pourent ore estre14 ces nouveles qi furent si estranges fieremant? − Certes,15
112. 1 m. le r.
2 b. et noble maison. Et.
3 e. je vous en prise mieulx et q.
4 Certes sire f. Ydier je.
5 Campercorrentin.
6 p. veult il tenir sa c.
7 dist Idier.
8 dist l.
9 v. il nul a court qui portast a.
10 que répété d’un feuillet à l’autre (126b−c): au-dessus du deuxième, dans la marge
supérieure gauche, un mot, est-ce Le tiers?
11 l. voille de N.
12 a. les p. e. nouvelles q. oncques mes vindrent a l.
13 A. depuis q. i.
14 q. pourroient elles e.
15 q. tant furent estranges. C.
sire, fet Ydier, ge le vos conterai. Ore me dites: oïstes vos parler d’un chastel
15 qe l’en apele l’Escu Loth? − Oïl, mout bien, fet li proudom, ge ai ja maintes
foiz esté dedenz celui chastel; e di bien qe ce est 16 le plus fort chastel de toutes
choses qi soit orendroit en la Grant Bretaigne, se ce n’est veraiemant 17 un autre
chastel qi est apellez la Dolereuseb Garde;18 mes cil me semble un pou plus
fort. Ge ai19 veu, e l’un e l’autre, et esté dedanz.20 E por ce sai ge auqes21 la
20 force e de l’un e de l’autre. Mes de cestui chastel dont vos ore me demandastes
e qi fu toutes voies encontre22 le roi Uterpandegron des lors q’il fu fermez, et
encontre cestui roi meesme qi fu filz dou roi Uterpandegron a il esté e jor e
nuit, qex23 nouveles furent aportees a cort? − En non Deu, sire, fet Ydier, ge
les vos24 dirai maintenant. Ore sachiez tout veraiemant qe li chastiaux a esté25
25 nouvelemant pris; et a preindrec si fort chastel, cum estoit celui, n’ot il fors
deus chevaliers seulemant; e cil le pristrent par force d’armes. E cil dui si26
firent jurer touz ceaus de leianz a la feelté et a la seignorie dou roi Artus,
vouxissent ceaus de leianz ou non. Sire,27 sunt ces nouvelles estranges e mer-
veilleuses qe dui chevaliers seulemant, par lor proece e par lor28 force, porent
30 prendre si fort chastel cum est celui, e porent mener29 a desconfiture touz
ceaus qi leianz demoroient 30 qi estoient bien plus de trois cens homes31
armés? » Qant li proudome a escouté cel (128d) parole, il d se comance a sour-
rire aussint cum s’il tenist a gab tout 32 celui fet; et il 33 tenoit bien toutes ces
112. 16 c’est.
17 B. si non v.
18 q. s’appelle l. Douloreuse G.
19 J’ay.
20 et entré d.
21 auqes omis.
22 d. comment fut il recouvrés enc.
23 U. et au jourd’uy q.
24 je le v.
25 ch. estoit.
26 si omis.
27 d. l. voulsissent ou non a la seigneurie du r. Artus. S.
28 s. pour l. p. et pour l.
29 e. cestuy et mener.
30 l. estoient et d.
31 homes omis.
32 il commença a soy s. ainsi c. s’i. se gabast de t.
33 f. car i.
113. Lorsa comance a conter adonc coment et en qel guise et en qel mainiere1
li dui message dou chastel estoient venuz a la cort; e coment il avoient avec
eaus aporté les cles dou chastel; e coment li Bons Chevalier sainz Peor en la
compeignie d’un2 autre chevalier qi portoit escu d’argent a goutes d’or vint au
5 chastel por herbergier; e coment cil de leianz les voudrent prendre, qant il
sourent q’il estoient de la meison le roi Artus. Aprés devise tot mot a mot
coment il furent esbaïz et espoentez mortelmant, qant il virent l’escu d’argent
qe li Bon Chevalier sans Peor estoit acostumez de3 porter: le regard de celui
escu les mist si a destrucion q’il n’orent a celui point pooir ne force de porter
10 armes contre lui. E q’en diroie? Tout li devise4 mot a mot cum il estoit alez de
l’encomençament 5 dusq’a la fin. E qant il a finé son conte, il demande: « Ore,
biaux sire, dites le moi: vos est il avis qe ce peust avenir einssint cum ge vos
ai conté? − Oïl, certes, fet li proudome, bien puet avenir ce qe vos m’avez
113. a Rappelons que pour les §§ 113−123 nous ne possédons que le témoignage des ms. A(2)
et T. Cf. notre note à F, 112 n. b.
mentau orendroi6 ci: tex deus chevalier lab furent qe chasqunc d’els, si cum ge
15 croi, porroit bien7 par force de chevalerie mener a fin et honoreemant 8 un si
grant fet come fu cestui. E certes, ge ai coneu la9 proece de l’un e de l’autre e
de lonc tenz, qar ge fui compeignon d’armes de l’un e de l’autre, qe se l’en me
demandoit orendroit leqel est meillor chevalier de cels deus, ou li Bon Cheva-
lier sans (129a) Peor ou li autresd qi porte l’escu d’argent as10 goutes d’or, ein-
20 sint veraiemant m’aït Dex, cum11 ge ne savroie eslire des deus, tant sunt prou-
dome duremant! E certes, il y a ja .XV. anz passez qe ge ne trouvai mes
chevalier qi nouveles me seust a dire de cestui chevalier qe vos avés amanteu
en cestui fet. Celui qi porte l’escu d’argent as goutes d’or, ge qidoie de verité
q’il fust mort, ja a grant tenz, mes puis q’il est vis, la Deu merci, dire poom
25 seuremant qe orendroit est el roiaume de Logres tout le meillor chevalier e li
plus seur josteor qe ge veise12 en toute ma vie; et a l’espee est il bien tex qe
certes ge ne qit mie qe l’en peust trouver un meillor entre crestiens. Mes del
gleive le doing ge le loux e le pris sor touz cels qi ore portent armes, s’il est
voiremant a cestui terme si bon josteor come ge le vi ja. − Dex aïe! sire, fet
30 Ydier, si donez ore si grant loux a celui chevalier dont nos n’oïmes onqes mes
parler? − Oïl, certes, dit li proudom, ge li doing le loux, qar ge conois certeine-
mant qi il est e q’il porroit fere se or venoit a grant besoing. E se Dex le defent
d’ancombrier, et il est d’aussi grant pooir cum ge le vi ja, ore sachiez q’il ne
demorra qe l’en en parlent por le roiaume de Logres et par mainte autres region
35 e de sa haute chevalerie autant come l’en fet orendroit dou Bon Chevalier sans
Peor ou del roi Meliadus. E certes, ceste proece q’il ont orendroit fete de cestui
chastel prendre n’est si grant ne si merveilleuse q’il n’en facent assez greignor
s’il demorent granment ensemble.
114. En non Deu, sire, fet Ydier, merveilles sunt qe vos dites. − Ge di, fet li
prodom, ceste chose hardiemant cum ge la di por ce qe ge sai tout de voir qe
114. 1 toute (cf. 113.26) […roiau]lme de Logres a l’ espee[…] fault[…] di je (?) bien […] estoit
(?) le meilleur que je veisse oncques[…] moult luy doins[…]s de chevalerie. Moult me (?)
fit: la version de T est visiblement très abrégée, autant que nous puissions en juger, étant
donné l’état fort lacunaire du texte.
114.4−115.10. Après fit T offre un texte à nouveau très abrégé; il nous paraît intéressant
d’observer que cette rédaction apparaît justement lorsque la version du ms. de base se
montre, à deux reprises, très déficiente (cf. 114.5−14; 115.1−10): f. une fois grant courtoisie
et si avoit il occis mon pere devant ce chastel ou nous sommes. Et moy, qui estoye
[do]ulent de la mort de mon pere, l’aloye serchant pour le mettre a mort, si je oncques
eusse peu. Que vous dirais je? Tant chevaulchay amont et aval pour le sercher que je
trouvay ung sien cousin germain, et estoit armé de toutes armes; et lors me fut dit que
le chevalier a l’escu d’argent a la g[out]te d’or ne seroit mie moins doulent de la mort de
cestuy que de son frere charnel proprement. Adont fus moult [heu]reulx a moy mesmes
et pensay que vengeroye une partie de mon cour[ro]ux sur cestuy. Si descendi de mon
cheval a terre et regarday qu’il n’y faulct riens, ny a mes armes aussi, et remontay sur
mon cheval et prins mon escu et ma lance et me garny si bien de toutes armes qu’il n’y
failloit riens, et attendit tant qu’il fut pres de moy. Lors luy commençay a escrier qu’il se
gardast de moy, et il s’appresta moult bien car moult estoit preux et leger. Adont n’y ot
plus aucunes parolles ne nul autre parlement fait …
doulanz del corroz de celui qe del suen propre. Qant ge entendi cele nouvele,
ge dis a moi mesme qe puis qe ge ne pooie trouver celui chevalier qe ge aloie
qerant, e tant m’en estoie ja travailliez ne trouver nel pooie enqore, ge venche-
25 roie sor cestui mon corroz e le metroie a mort. A ce m’acordai ge dou tot. Ce
fu la fin de ma pensee.
116. Quant nos nos fumes grant piece combatuz, li chevalier se retrest 1 e me
dist: « Sire chevalier, por qoi m’avez vos asailli? por veoir ou por conoistre qi
est 2 le meillor chevalier de nos deus, ou por mortel corrouza qe vos aiez vers
moi? »3 E ge li respondi errament e dis:4 « Ore sachiez tout 5 veraiemant, sire
116. 1 s. retrait.
2 c. lequel e.
3 a. a m.
4 et luy d.
5 tout omis.
117. Quant ge oi a ll’escuier bailliee la teste dou chevalier,1 il s’en ala tout 2 son
chemin, e ge m’en alai de l’autre part liez e joianz duremant, qar ge disoie3 a
moi meesmes qe ge m’estoie auqes venchiez de mon corroza. E einssint chevau-
choieb joianz e liez de cele avanture4 qi einsint (129d) m’estoit avenue; mes se
5 ge estoie5 joianz e liez6 a celui point, ge en7 fui tristes e corrouciez le jor
meesmes; e vos dirai en qel mainiere. Qant li chevaliers de ceianz sorent qe lor
seignor estoit ocis q’il 8 amoient de mout 9 grant amor, il n’i firent autre demo-
rance, ainz corrurent maintenant as armes e monterent e se10 mistrent au che-
min aprés moi. E tant se hasterent de chevauchier q’il me trouverent sor une
10 fointeigne ou ge estoie11 descenduz por boivre e por reposer, qar auqes estoie
travailliez e llassez de12 cele bataille qe ge avoie13 menee a fin. Qant ge les vi
venir einsint, tout maintenant me dist li cuer q’il venoient por moic e por ce
me hastai de remonter tant 14 cum ge poi. Mes cel monter qe me valt? ne mon
defendre qe me vauxist contre si grant gent cum15 il estoient? Avironez fui de
15 toutes parz et assailli si cruelmant qe ge fu pris en petit d’ore, e la meesme me
voloient couper la teste, autressint cum ge avoie16 coupé la teste de lor seignor,
se ne fust un chevalier de cest chastel qi lor dist: « Nel fetes, biaux seignors,
ne l’ociez pas enqore,17 mes menom le dusq’a nostre chastel. Et ilec feisom
assembler toz noz amis e touz nos voisins; et en18 la presence de ceaus le
20 feissom morir19 de tele mort cum noz amis voudront 20 jugier ».
117. 8 e. mort q. i.
9 mout omis.
10 monterent se.
11 j’estoye.
12 e. las et traveillé d.
13 j’avoye.
14 r. sur mon cheval t.
15 vault contre tant de gens c.
16 j’avoye.
17 Ne faictes b. s. ne le faictes point mourir encores.
18 n. cousins et amis et en.
19 p. d’eulx l. ferons m.
20 a. le v.
teste couper, aussint cum ge l’avoie trechie a lor5 seignor. Ceste nouvele6 me
fu dite qe7 ge devoie morira en tel guise. Ge8 respondi: « E qe me chaut, se ge
doi morir en tel guise? Ge sai bien qe ge doi morir;9 nulle mort n’est sainz
10 dolor, ne nulle mort n’est b bone10 a home, mes chasqune mort est bien angoi-
seuse e trop destroite. Por qoi ge n’ai peor11 de mort, puis qe ge sai certeine-
mant qe ge ne porrai eschaper ac mort a cestui (130a) point ».12 Ceste fu13 la
propre response de ma mort qe ge donai.14
119. A un jor qe li tens estoit biaux, fui ge tret fors de la prison1 et amenez a
ceste cort; et alors y avoit 2 si grant gent assemblee qe ce estoit aussint cum
une grant 3 merveille dont si grant gent estoient venuz4 en cest chastel. Qant
ge fui venus enmi la cort, il n’i ot autre demore, ainz me comencierent a mener
5 tout a pié avant eaus. Et il m’est 5 bien avis q’il estoient a celui tens a scele
assemblee6 plus de mil, qe a pié qe a cheval. Qant ge fu fors de7 cest chastel
et il m’orent mené tout droitemant dusq’aa celui8 leu ou ge avoie9 lor seignor
120.1 Quant il vit si grant assemblee enmi le val, il reconut a2 tout errament en
soi meesmes qe ce n’estoit mie sainz achoison; e por ce vint il vers nos corrant
au ferir des eperons. Qant il fu venuz entre nos, li un e li autre li comencierent
a crier: « Sire, sire, venez avant; si savrez nostre grant doleur e nostre grant
5 domage ». E maintenant le comencierent a conter en qel guise et en qel mai-
niere3 li sires de ceianz avoit esté ocis. Qant il oï ceste nouvele, il moustra bien
semblant e chiere qe voiremant estoit il de celui fet dolanz4 e tristes estrange-
mant. E si estoit il sainz faille, qar le chevalier ocis amoit il (130b) estrange-
119. 10 d. a c.
11 occis[…]il: début d’une col. extérieure et mutilée 127d.
12 long[…]ment quis et cherché celuy.
13 c. de l’assemblee le recongneurent err. Moy m.
14 c. eussent esté m.
15 ch. pas trop […] mouroye bien tost car j’estoye […]né c. p. le recongneuz […].
mant, aussint 5 cum ge vos ai conté ça arrieres.6 Qant il entendi q’il estoient
10 ilec assemblé por moi trenchier la teste, il dist oiant touz q’il ne voloit 7 qe nus
me tranchast la teste, fors qe il seulemant:8 il, de ses mainz, voloit prendre
venjance. E lors mist la main a l’espee e dist oiant touz:9 « Bailliez le moi, qe
ge li voill trenchier la teste ».10
121. Quant ge vi e conoi qe par celui mea1 covenoit morir, qi mon pere e mon
frere avoit mis2 a mort, ge fui assez plus dolantz qe ge n’estoie devant, qar ge
vouxisse mieuz cent fois morir3 par une autre4 main qe une fois par la soe.
Qant ge vi qe celui avoit l’espee trete por moi trenchier5 la teste, ge li dis: « Ha!6
5 por Deu, met moi tost a la mort e fais qe ge plus ne te voie; qe, se Dex me doint
bone avanture,7 plus m’anuie ce qe ge te voi devant moi qe ne fet ce qe ge doi
morir orendroit ». Qant li chevalier entendi ceste parole, il se retret un pou
ariere touz esbaïz e beissa s’espee e me dit: « Coment, vassall, me hez tu donc
si mortelmant? » Ge respondi tout errament e li dis: « Se ge te he trop mortel-
10 mant, ce n’est pas meveille, qar enqore n’a granmant de tenz qe tu me feis en
un seul jor si grant domage qe tu m’oceis un mien frere, chevalier, proudom
des armes duremant. E puis m’oceis mon pere qi des armes estoit puissant et
aidables duremant. E tout dolereux domage me feis tu en un seul jor. Ore, qant
ge vois recordant de ceste perte qe ge ai par toi receue, et a tel jor qe tu oceis
15 de ta main mon pere e mon frere, e de cele meesme main doi orendroit morir,
ne t’est avis qe ce qe ge te voi devant morir me doie trop fort anuier?b »
121. a Quant… me: en face de cette ligne, dans la marge droite, signe de renvoi.
b 15−16. morir … anuier: très effacé.
121. 1 p. luy m.
2 a. occis et m.
3 je n’avoye esté [dev]ant car j’eusse m. aymé [mo]urir cent fois (invers.).
4 par autre.
5 traicte l’espee (invers.) p. me t.
6 Ha omis.
7 m. d. sauvement je ne [d]esire autre chose que la mort. » Et [le] chevalier pense ung
poy et commen[ce] a dire a soy mesmes: « Si voirement m’aÿst Dieux, endroit moy ay
plus grande voulenté que je le face morir de plus cruelle m. » (cf. § 122.8).
122. Li chevalier, qant il entendi ceste parole, comença a penser trop fort; e
qant il ot une grant piece pensé en tel mainiere, il dit a cels qi entor lui
estoient: « Seignor, ge voill qe vos me doignez cest chevalier a feire dou tot ma
volanté ». E cil, qi tout veraiemant a qidoient qe greignor volanté il eust de moi
5 ocirre q’il meesmes n’avoient, s’acordent tuit errament a sa reqeste e me
donerent a lui dou tot; e il lor dist: « Ore vos en poez aler tuit, seignors cheva-
liers, qe ge nel voil enqore fere morir; geb (130c) endroit moi ai volanté qe ge
le face morir de plus cruel mort qe ceste n’est qe vos aviez pensee ».1 E mainte-
nant q’il ot dite ceste parole, il remonta e me mist sor le col de son cheval e
10 m’en porta avec lui; e tant fist qe a un hermitage me mist qi assez pres estoit
d’ilec. E puis me fist acreanter loiaumant cum chevalier qe ge d’ilec ne me
partiroie sainz son comandemant, ainz atendroie ilec tant q’il fust retornez.
Qant 2 il ot dite ceste parole, il se departi de l’hermitage e demora puis .IIII. jor
q’il a3 moi ne retorna. Au qart jor, entorc ore de midi droitemant, e vos le
15 chevalier4 qi portoit l’escu d’argent as goutes d’or retorner5 a l’hermitage. Qant
il i fu entrez, et il me dist: « Certes,6 sire vassall, ore vos tieng ge par loial
chevalier, qant vos ceianz tant m’avez atendu por acomplir vostre fiance;7 ore
montez tost, si vos en venez avec moi ». Ge, qe8 autre chose ne pooie faired,
qar ge estoie desarmez, montai9 adonc sor un palefroi q’il m’avoit fet venir a
20 l’ermittage. E q’en diroie? il me mena10 droit au chastel dont ge avoie11 le sei-
gnor ocis. Qant ge reconu le chastel, adonc dis ge a12 moi meesme qe veraie-
mant venoie ge a ma mort e qe a cestui point ne pooie ge eschaper en nulle
guise dou monde. Ge n’oi mie grantment alé qe ge encontrai13 cels dou chastel
123. Quant ge fui venuz pres dou chastel, ge vi qe del chastel oisoient toutes
les dames e toutes les damoiseles qi leianza demoroient. Et estoient toutes si
noblemant appareilliees e si noblemant vestues qe ce estoit une merveille de
lor biauté e de lor appareil. Et einssint cum chasqune m’encontroit, ele m’encli-
5 noit e me disoit cele meesme parole qe li chevalier m’avoient dit devant. E q’en
diroie? Qant ge fui au chastel venus, et il me menerent maintenant a uneb
(130d) eglise e me jurerent maintenant feelté e homage, aussint li riche cum li
povre.1 E me saisirent de cestui chastel e de tout ce qe li apertenoit. E2 me
donerent por moillier3 une mout bele damoisele, qi fille avoit esté de celui
10 chevalier4 qe ge avoie5 ocis. Ceste cortoisie me fist celui chevalier dont ge vos
ai ore parlé, cil 6 qi porte l’escu d’argent as goutes d’or, q’il me delivra de mort
qi si m’estoit apareillie cum ge vos ai dit.7 E me fist cest chastel doner, et une
des plus beles damoiseles qi fust a celui tens en tout cest païs. Si vos ai ore
finé mon conte, qar bien vos ai devisé apertemant coment il m’avint de cestui
15 fet ».
122. 14 122.24−123.7. Après l’encontre, rédaction particulière de T (cf. notre remarque au § 114,
var. 1): si me honnorerent et servirent celle nuit tant que j’en avoye honte. Et le matin
me firent venir devant moy la fille du seigneur de leans que j’avoye occis, et me distrent
que si je la vouloye pour femme et estre leur seigneur, que je n’aroye garde de mort.
Quant je oÿ ces parolles, j’en fu errament content pour doubte de mourir; et aussi je vy
la damoiselle qui moult me pleut. Au matin me menerent a l’eglise …
124. 1Quant il a son conte finé, e vos Laa u il parloient en tel maniere, atant
un valet venir2 devant li qi li dit: es vos venir un valet qui li dist: « Sire,
« Sire, sire, s’il vos pleisoit, il 3 seroit se il vos pleissoit, il seroit bien tenz
bien tenz de mangier; bien en est de mangier, car il est tous appa-
5 ore ». E li mangiers estoit ja4 touz roilliés. − Or mangionz donc », fet li 5
appareilliez. « Ore, menjom donc »,5 proudome. Il se laverent lez mainz et
fet li proudom. E maintenant a comande se asistrent as tables et mangierent
qe les tables soient mises;6 e l’en le moult envoisieement, car richement
fet tout ausint cum7 il le comande. avoient aparoilliez laienz. Et quant il
10 Qant il furent assis as tables, il man- horent mangiés et il se furent auquez 10
gierent mout bien, qar richemant solaciés de parolles, il s’alerent dor-
avoit l’en leianz apareilliez. E8 qant il mir, car auquez estoit Uter travailliés
orent mengié et il 9 se furent aprés de celle jornee, conme cil qui n’estoit
mangier soulacié auqes de paroles, il pas acostumés de chevauchier ni de
15 se vent errament dormir10, qar auqes porter armes conme estoient maintez 15
estoit Ydier, le filz Nu, travailliez de11 proudomes. Il dormi mult bien celle
cele jornee, cum cil qi enqore n’estoit nuit por le travail des armez. A l’ein-
pas acostumez de chevauchier e de demain, auques matin, il s’arme au
porter armes a jornee, cum12 estoient mielz que il puet et monte sor son
maint autres chevaliers. Il dormi cheval; et puis prent congié au sei-
20 mout bien cele nuit por le travaill des gnor de laienz et se parte maintenant 20
armes.13 A l’endemain, auqes ma- entre lui et sa damoyselle et ses
tin, demande14 ses armes; e l’en li escuiers. Et chevauchent tout celui jor
aporte15 errament. Qant 16 il est armez, sanz aventure trover qui face amente-
bien e bel, au mielz qe si escuiers le voir en conte.
25 sevent fere,17 il prent congié au sei-
gnor18 de leianz e monte 19 e s’en part
tout maintenant entre20 lui e la
damoisele e les escuiers. E se met a la
voie e chevauche21 tout celui jor sanz
30 avanture trouver qi face amentevoir en
conte. Mes il chevauchoit a celui point
a mout petites jornees, qar les voies
estoient mauveises e defondrees e les
eves grans et parfondes e les nois forz e
35 [enneuesses]. Eb por ce ne pooit il che-
vaucher, se trop petites jornees non.
(131a) 125. A un jor1 q’il 2 estoit en Un jor que il chivauchoit li avint que
cele seison un tenz assez bel 3 et il encontre deuz chevaliers armés de
assez4 cler cum il puet estre el mois5 toutez armes; et menoit chascun des
de genver, li avint q’il encontra deus deus chevaliers deus escuiers. Et se
ne voloit il descovrir, ainz vet 10 joster poi que il n’en (97d) est mort; et le
l’escu tout couvert de la houce. E li porte a la terre, tout enferez et si
25 autres, qi de l’autre part estoit de la estordis que bien se cuidoit estre 25
joste tout appareilliez, li vient b au mort. Il jut a la terre en pasmoyssonz
ferir des esperons, tant cum il puet en tel maniere que il se cuidoit estre
del cheval trere. Ainsic s’entrevienent mort, car il ne remue ne pié ne main.
amdui l’un vers l’autre, lesd glaives Et en petitea de hore estb la noif tainte
30 amdui11 beisiez. Ydier se sent(131b)oit et vermoille dec son sanc. 30
de tel force e si bien dou tout chevau-
chant q’il qide tout 12 certeinemant
avoir pooir d’abatre a terre celui q’il
vet encontrer. Mes de ce est 13 il
35 deceuz trop malemant: trop est cestui
plus14 fort e plus poissant de toutes
choses q’il n’est; si li mostre adonc
assez15 tost, qar il le fiert si roidemant
en son venir qe li escu ne li auberc
40 nel sunt garent a celui16 point q’il ne
li mete en la car nue le fer de son
gleive; il l’a si parfont pris el cors qe
pou17 s’en faut q’il ne l’a mort. E q’en
diroie? Ydier est feruz de tel force q’il
45 ne se puet tenir en sele, ainz chiet a
126. 10 c. ains v.
11 amdui omis.
12 chevaul[chant] qu’il cuidoit bien t.
13 c. qui encontre luy venoit. M. d[…]
est.
14 m. car t. e. celuy p.
15 n’e. et bien l. monstre et assez.
16 roidement que l’e. n. le hau. ne luy
s. g. en son venir a c.
17 m. le fer de son glaive dedens le
corps que p.
127. Quant la damoisele voit ceste Quant la damoisselle voit celle aven-
avanture et ele regarde q’il ne remue ture et que il ne remue ne pié ne main
pié ne main e voit qe la noif est ver- et voit la noif vermoille de son sanc,
meille de1 son sanc, ele quide adonc elle cuide bien que il soit mort, dont
5 q’il soit mort, dont ele est 2 tant elle est tant dollent que elle ne 5
dolente estrangemant q’ele ne demande se lla mort non; et enco-
demande orendroit se la mort nona; et mence a feire un duel si estrange et si
encomence adonc a faire un3 duel si dolleroux que jameiz greignor ne lle
estrange e si merveilleux qe jamés veiroiz. Quant li Bon Chevalier sanz
10 greignor ne verroiz. Qan4 li Chevalier Paor voit le grant duel que la da- 10
sainz Peor voit le gran duel qe la moysselle fassoit, il n’a pitié en sun
damoisele mene, il en a pitié grant. cuer. « Damoyselle, fet il, se Diex vos
« Damoisele,5 fet il, se Dex vos doint doint bonne aventure, itant me dites:
bone avanture, itant me dites: cest cist chevalier que vos apartient que
15 chevalier qe vos apertenoit il qe si tielz duel moinez por lui? − Sire, fait 15
grant duel fetes? − Si m’aït Dex, il 6 ne elle, se Dex vosa doint bonne aven-
m’apertenoit de riens; e ceste grant 7 ture, il ne me apartient de riens; mez
dolor qe ge faz orendroit ne fas ge mie cist duel que je faiz horendroit ne fai
tant por amor qe ge eusseb en8 li, cum ge por amor que je eusse en lui, mes
20 ge faz por le grant domage qe ge ai por le grant doumage que ge ai en sa 20
en sa9 mort: il avoit emprise une moie mort, car il avoit horendroit enprisse
besoigne a fornir q’il convien a rrema- une moie bessoigne a fornir qui con-
noir ore, ce voi ge bien. E por ce faz vendra a rem[an]oirb, ce voi je bien.
ge cestui duel qe ge sai tout certeine- Et por ce faiz je cestui duel, car ge sai
25 mant qe ge ne trouverai ore chevalier certainement que je ne troverai hor 25
qi sor soi enpreigne cest fet si volan- chevalier qui sor soi enpreigne ceste
tiers cum avoit fet cest 10 chevalier; e bessoigne si vollentiers com avoit fet
por ce maing ge ceste11 dolor et ai rei- cellui chevalier; et por ce moin je cest
son ». A ceste parole respont li Bon dollor et ai reisson ». A cest parolle
30 Chevalier e dit: « Damoisele, ore me respont li Bon Chevalier sanz Paor et 30
dites, s’il vos plest, qui estoit cestui dit: « Damoysselle, or me ditesc, se il
chevalier?12 − Certes, sire, il estoit c vos pleist, qui estoit cestui cheva-
de13 la meison(131c) le roi Artus, uns lier. − Certes, sire, fet elle, ill est de la
des plus cortois chevaliers, ce vos meisson li roy Uterpandragons et est
35 pramet ge,14 qe ge onqes trovasse. − un dez plus cortoiz chevalier que je 35
127. b eusse: l’ e final est suscrit. a vos abrégé, réécrit sur d’autres lettres:
c Après estoit le ms. porte un l. était − ce me?
b rem[an]oir: tache foncée.
127. 5 Chevalier […] damoiselle faisant si c Ms. dit: mot incomplet (?), corr. d’après
grant […] dont il eut d’elle moult grant A(2).
[…] Damoiselle.
6 D. fait la damoiselle i.
7 et la g.
8 p. l’a. q. j’aye e.
9 j’ay de s.
10 e. le f. qu’avoit f. et [entre]prins c.
11 pour […] maine ceste.
12 e. celuy bon ch.
13 e. chevalier d.
14 ce vos pramet ge omis.
128. Quant li Bon Chevalier entent Quant li Bon Chevalier sanz Paor
ceste parole, por ce q’il li doint alqun1 entent ceste parole, por ce que il
confort de sa dolor, dist il:2 « Mada- doigne a lla damoyselle aucun con-
moisele, ore ne plorez plus mes fort de sa dollor, li dist il tout aperte-
5 reconfortez vos, e ge vos pramet oren- ment: « Madamoyselle, hor ne plorés 5
droit cum loial chevalier qe ge pren- plus, mais reconfortez vos; je vos pro-
drai vostre besoigne sor moi e ferai met hore en droit conme loial cheva-
tout le mien pooir de metre la a fin lier que ge enprendrai ceste bes-
honoreemant.3 E savez vos por qoi ge soigne sor moy et ferai tout mon poir
10 le faz? por ce qe vos m’avez orendroit de metre la a fin a honor de moy. Et 10
dit qe li rois Artus vos avoit pramis de savez vos por quoi je le faiz? Por ce
metre a fin vostre besoigne; por ce q’il que voz m’avés horendroit feit enten-
vos avoit a bailié cest chevalier de dant que li roys Uterpandragons
son hostel pren ge4 sor moi ceste devoit metre vostre bessoigne a fin; e
15 besoigne por la hautece e por l’onor por ce preing ge ceste besoigne sor 15
de la meison le rroi Artus. Ore tost moy por le honor et por l’autesce de
metez vos a la5 voie, qar ge sui celui lui. Or tost metez vos a la voie, car ge
sanz dotance qi ne vos faudra a son sui celui sanz dotance qui ne vos fau-
pooir de ceste pramesse acomplir. − drai a son poir d’atendre vos ceste
20 Ha! sire, fet la damoisele, me dites enpromisse acomplir. − Ha! sire, dist 20
vos en loiauté ceste parole? − Oïl, ge la damoyselle, me ditez voz en leiauté
le vos di cum chevalier. − Sire, fet ele, ceste parole? − Oïl, fet il, je le vos di
moutes merciz. Ore6 me tieng ge a conme chevalier. − Sire, feit elle,
trop mielz guerie qe ge ne fesoie vostre merci. Or me tieng je a trop
25 devant, qar ge conois certeinemant qe mielz paiee (98a) que je ne feissoie 25
vos estes trop proudom e meillor che- devanta, que vos estez meillor cheva-
valier qe n’estoit celui qi ma besoigne lier que cestui qui ma besoigne avoit
avoit emprise ». enprise ».
129. Lors se retorne li Bon Chevalier Lors se torne li Bon Chevalier vers
sainz Peor vers monseignor Lac e li monseignor Lac et li dist: « Sire, que
dit: « Sire, qe ferom nos? Ici nos feron nos? Ici nos estuet departir: aler
estuet departir,1 qara aler vos estuet vos estut aprés le chevalier que nos
5 aprés2 le chevalier qe vos savez, qar trovames sor la fonteine, que celle 5
cele qeste ne voudroie ge en3 nulle queste ne voudroie ge en nulle mai-
mainiere (131d) q’ele fust leissee.4 Ge nere que elle fusse leissee; et je m’en
m’en irai aprés5 ceste damoisele por irai aprez cest damoyselle por mener
mener sa besoigne a fin, se Dex me sa bessoigne a fin. Si vos pri que vos
10 doigne le pooir; mes por ce qe ge ne m’atendoiz en aucun leu, se vos 10
sai enqore qel part ge doi aler, ne qel metez vostre bessoigne a fin que je la
besoing ge doie fornir, ne qant ge doi moie, et je ferai autresint. − Certez,
retorner, ne vos meesme ne savés de sire, fet mesire Lac, volantiers, mez
vostre besoigne coment vos en por- ditez le leu ou vos volés. − Certez, dit
15 roiz venir a fin, seroit il bon,6 s’il vos li Bon Chevalier, et je le vos dyray 15
plesoit, por ce qe nos ne savom hore7 tout maintenant: quant vos avroiz
coment nos nos porrom trouver8 entre vostre queste finee, vos v’en retorne-
nos ne qant,9 qe nos meissom entre roiz tout drotement au chastel que
nos deus alqun terme certain et alqun noz conqueimesa que l’en apelle
20 leu determiné ou nos nos peussom l’Escu Loth, et leenz porons atendre li 20
trouver et assembler ». A ceste parole unz l’autre unb mois o plus, cil qui
respont messire Lac: « Sire, vos en avant y vendra. Hor voz hai dit asez,
avez tout le mielz dit; e nos le feissom au departir somes venus. Je vos
einsint puis qe vos a ce vos estes acor- comant a Nostre Seignor qui vos
25 dez.10 Nomez11 le terme e nomez le envoie sainté et joie ». 25
leu, s’il vos plest. − Certes, fet li Bon
Chevalier sainz Peor, e ge le vos dirai
tout maintenant: tout maintenant qe
vos avroiz vostre qeste finee, vos vos
30 en retornez tout 12 droitemant au chas-
tel qe nos conqeimes, a celui chas-
(132a) 130.1 Quant il a dite ceste Quant il a dit cest parolee, il hoste
parole, il n’i fet autre demorance, son hiaume de sa teste, et autresi fet
ainz2 oste maintenant son hyaume; mesire Lac; si s’entrebaissent plus-
autressint fet 3 messire Lac. Si s’entre- sors foiez au departir, car tristez sont
5 baissent plusors foiz au departir. et dollenz de ceste departement. Mes 5
Triste sunt e corrouciez qe c’est 4 por ce que il voient andui que a feire
departemant; mes por ce q’il voient lor estoet, car hautrement ne tenissent
amdui qe faire le5 lor covint,6 qar il mie la costume dez chevaliers
autremant ne tenissent il mie dou errant, se departent il en tel guisse et
10 tout la costumea7 des chevaliers er- preinent chascuns d’aus son chemin. 10
ranz, se departent il en tel guise, e Li Bonz Chevalier sanz Paor se met
prent 8 chasqun d’els9 son chemin. Li avec la damoyselle qui trop estoit
Bon Chevalier sanz Peor se met avec joianz des nouvelle que elle a aprises,
la damoisele qi trop est fieremant et en cel leu meesmemant, qar por les
15 joiant des nouveles q’ele a aprises10 paroles des deus compagnonz eta por 15
en cel leu meesmemant, qar par les ce qu’elle avoit ja seu tout la force de
paroles des compeignons, e por ce celui chastel que l’en apelloit l’Escu
q’ele avoit ja oï tout le fet de celui Loth, or reconnoiste elle horendroit
chastel qe l’en apeloit 11 l’Escu Lot, tout certainement en soi meesmes
20 reconoist orendroit tout certeinemant que cist II chevalier sunt li dui prou- 20
en soi meesme qe cist dui chevaliers domes qui por lor proescez conquis-
sunt li dui proudomes qi conqistrent terent l’Escu Loth. Or est elle aseuree
par lor proece le chastel Lot.12 Ore est que cist chevalier est bien proudomes
ele asseur qe cestui qi est si prou- et que bien porra sa bessoigne mener
25 dome des armes puisse13 mener hono- a fin et delivrer le bon chevalier de 25
reemant a fin la soe besoigne, e ven- Norgalez de la prison. Mez atant leise
chier la mort son frere, e delivrer de hore li contez a parler del bon Cheva-
la prison14 le bon chevalier de Nor- lier sanz Paor et de la damoyselle et
gales.15 Mes atant leisse ore li contes16 torne a parler de monseignor Lac por
30 a parler dou Bon Chevalier sainz Peor conter partie de sez chevaleries et de 30
e de la damoisele e retorne a monsei- sez aventurez, e dit en tel mainiere.
gnor17 Lac por conter partie de ses
avantures, et dit en tel mainiere.
131. Aprésa 1 ce que messire2 Lac se fu Aprésa ce que mesire Lac se fu partis
departiz del Bon Chevalier sainz Peor, del Bon Chevalier sanz Paor en tel
en tel guise et 3 en tel mainiereb cum guisse com je vos ai contés, il che-
ge vos ai conté,4 il chevauche tout vauche tout un chemin a la traverse,
5 un5 chemin a la6 traverse, qar bien li car bien li estoit aviz que por celle 5
estoit avis qe en cele voie avoient alé voieb avoit alés chevaux celui matin.
cheval 7 celui matin. Il chevauche Il chevauche mor[ne]c et pensiz et
pensis e mornez et auqes esbahiz de auques esbahiz de ce que il avoit ein-
ce q’il a en tel mainiere leissé la com- sint leissé la compagnie del meillor
10 peignie dou meillor chevalier del chevalier deo monde; il ne sset horen- 10
monde e de celui8 q’il plus amoit; il droit qu’il doie dire; il ne fet autre
ne set orendroit q’il doie dire, il ne fet chosse for penser et chevau[cher en
ore nule autre chose fors qe penser e ava]nt. [En tel]d maniere chevauche
chevaucher an (132b) avant la teste jusque hore de nonne que il ne dit
15 enclinee vers terre; en9 tel mainiere parole deo munde. 15
chevauche dusq’a vers hore10 de none
131. a Après: initiale peinte en or et cou- a Initiale à miniature: elle représente un che-
leur. valier chevauchant, armé de toutes armes.
b en tel guise répété devavant mai- b voie ajouté en interligne.
niere et corrigé: le deuxième tel exponc- c mor[ne]: très effacé.
tué par erreur. d chevau[cher en ava]nt. [En tel]: endroits
effacés et noirci; complété à l’aide de A(2).
131. 1 129d, miniature à encadrement de
rinceaux de fleurs; elle montre Lac che-
vauchant tout seul.
2 Quant m.: grande initiale.
3 en tel guise et omis.
4 vous compte.
5 entre chevaulche et ung on a écrit un t.
6 chem. tout a l.
7 a. esté ch.
8 p. et aucques […] maniere […] du
[…]eur chevalier […] de celuy: début
d’une col. extérieure et mutilée 130a; cf.
le § préc., var. 10.
9 aimoit […] droit que dire i. ne […] ose
que p. en che[…]vant la t. enclinee […]
en.
10 jusques a heure.
131. c de omis.
131. 11 c. en m.
12 qant…fort omis.
13 osent.
14 ains soufffrent (?) ce.
avez vos volanté de joster? » Messire onquez ne lla voiz ne lle criz. Et li
Lac, qi pensoit si estrangemant cum escuiers, qui paor hont e dotance que
20 ge vos cont, n’entent mie ce4 qe li li chevalier ne fierent sor monseignor 20
chevaliers li crient; il n’ot ne la voiz Lac avant qu’il soit d’auz aperceus, se
ne le son de lor cri, qar trop pensoit a treient pres de lui et li dient: « Sire, ne
autre chose. E li dui escuiers, qi peor entendez vos ces dui chevaliers qui
ont et doutance que les chevaliers ne de jouste vos apellent? Et gardez que
25 fierent 5 monseignor Lac avant q’il il ne fierent sor vos, car il sont touz 25
soit 6 d’els aperceuz, se treent pres de apparoilliés, ce poez voz veoir tout
lui e li dient: « Sire, sire, n’entendez apertement! »
vos de7 ces deus chevaliers qi vos
apellent de joster? Gardez q’il ne
30 fierent 8 sor vos, qar il sunt appa-
reilliez, ce poez vos veoir aperte-
mant! »9
133. Mesire Lac drece la teste, qant il Mesire Lac drece la teste, quant il
entent ceste parole, e rregarde devan entent ceste parolle, et regarde adonc
lui e voit adonc les deus chevaliers qi devant lui et voit lez deus chevaliers
de joster l’apeloient; et il s’areste a qui de jouste lez apellent. Il s’areste a
5 celui point q’il ne vait avant 1 e dit qe, celui point que plus ne vet avant et 5
puis q’il voloient joster, ja d’une joste dist que, puiz que il volloit jouster,
ne lor faudra a2 cestui point, e si n’en que ja d’unne jouste ne li faudra; si
avoit il mie grant volanté. Lors prent n’avoit il mie vollunté de jouster. Lor
son escu e son glaive e voloit leisier prent son escu et son glaive por leis-
10 corre vers les chevaliers por abatre ser corre sor lez deus chevalier et por 10
l’un d’els, s’il le puet feire; mes il abatre li unz d’aus, se il le peuste
reconoist adonc3 Hervis de Rivel, e li feire; mes il reconut adonc que li unz
autres, Breüz sainz Pitié. De4 ceste estoit Hervi de Rivel et li hautre Breüs
chose est il duremant joianz;5 mout li sanz Pitié. De cest chose est il mult
est bels de ce qu’il les a trouvez ore,6 liés et joianz de ce que il lez a trovés,
15 qar de tel com(132c)peignie avoit il car de avoir tel compagnie avoit il 15
ore grant 7 mestier por soi reconforter, grant mestier por soi reconforter,
aprés ce q’il 8 avoit perdu la compei- aprés ce que il avoit perdu la compa-
gnie del Bon Chevalier sainz Peor. gnie deo Bon Chevalier sanz Paor.
Qant il reconoist bien qe ce sunt il, il 9 Quant il reconnoist qui il sont, il
20 beisse adonc son gleive e s’en vet baisse son glaive et s’en vient aa elz 20
adonc vers10 elz le petit pas. E cil tout le petit pas de son cheval. Cil le
reconoissent a adonc de l’autre part qe reconoissent de l’autre part, et se
ce est messire Lac, e se tiegnent 11 tienent a folz et a mesconnoissant de
orendroit a fol et a mesconoissanz de ce que il les avoient apellez de jous-
25 ce q’il l’avoient en12 tel mainiere apel- ter. Et Breüs, qui horendroitb le con- 25
lez de joster,13 qar bien savoient cer- noist, li comence a crier tant com il
teinemant q’il est de toutes chevale- puet: « Ha! sire, vos soiés li trez bien
ries trop meillor chevalier q’il ne sunt venus! hor sachiés tout veraiement
e trop plus puissanz. E Brehuz,14 qui que nos ne vos conoissonz ». Et il li
30 orendroit le reconoist, li comence a respont: « Autretel vos di je de moy; 30
crier tant cum il puet: « Ha! sire, vos or sachiez tout veraiement que je ne
soiez le tres bien venuz, qar sachiez vos connoissoie quant je voloie jous-
tout veraiemant qe nos ne vos co- ter a voz ».
noissiom! » Et il lor respont aprés:15
35 « Autretel vos redi ge16 de moi; ore
sachiez tout veraiemant qe ge ne vos
134. Grant est la joie e grant est la Grant joie et feste se font li chevalier
feste qe1 li chevaliers s’entrefunt; et 2 ensenble. « Ha! sire, ffet Breüs, que
il s’entracolent e conoissent tant cum avé vos feite de le Bon Chevalier sans
il poent. « Ha! sire, ce a dit Brehuz, qe Paor que nos vos laissames en com-
5 avez3 vos fet dou Bon Chevalier sainz peignie? Einsint com nos le vos leis- 5
Peor qe nos vos leissames en compei- sames, nosa les rendés! » Et mesire
gnie? Einsint come nos le vos leis- Lac respont: « Ce ne puiz je mie feire,
sames, einsint le nos rendez! » Et 4 il car ill a prise une autre voie que
respont: « Ce ne puis ge pas ore faire, ceste; enquor n’a grament de jor que
10 qar il a pris une autre voie qe ceste; il se parti de moy, et ce poysse moy 10
enqore n’a pas gueres q’il 5 se parti de mult durement, mes il se parti einsint
moi, qar einsint le covint a feire por com il le convint feire por une bes-
une besoigne d’une damoisele q’il soigne de unne damoisselle a cui ne
emprist dont 6 il ne me fu point de bel. fu point de bel. Et je m’en voi ceste
15 Ge,7 endroit moi, m’en vois ceste parteb por unne autre bessoigne que 15
part 8 en une autre besoigne qe entre nos avons, entre moy et lui, emprisec;
moi e li aviom9 emprise; mes por ce mes por ce que il ne la puet mainte-
q’il ne la pooit mantenir, la voill 10 ge nir, la voil je mener a ffin, se ge hon-
mener a fin, se ge11 onqes puis. − Sire, quez puis. Or me dites, fet mesire Lac,
fet Brehuz, se Dex vos doint bone comment menastes vos a chef la
20 avanture, est ceste besoigne chose qe queste que [vos emprei]stes quant vos 20
vos ne peussiez dire?12 − Certes, fet ve partistes de nos, que les deus che-
messire Lac, ge nea la vos13 dirai pas a valiers vos [m]e[t]e[r]ent [ju]s de la
cestui point, qar trop y avroit a conter [joust]ed? − (98c) Certes, ffet Breüs,
avant qe ge le vos eusse dit per qele noz les avons asés quis, mes onques
25 hachoisonb nos nos y meimes; voire- n’en poïmes novelles aprendree. 25
mant se nos demorom ensemble e nos
venrom en point et en leu14 qe ge le
vos peusse dire, ore15 sachiez tout
veraiemant qe ge le vos dirai trop16
30 volantiers, mes a cestui point, sainz
faille, ge nel vos dirai mie. Mes ore me
dites ce qe ge vos demanderai: vos qi
venez de ceste part, oïstes vos parler
d’un17 chevalier qui portoit son escu
35 couvert d’une houce noirec (132d) e18
chevauche un grant chevau noir? −
En non Deu,19 sire, fet Brehuz, de
celui voiremant vos savom nos bien20
dire nouveles, et enqore voudriom
40 bien21 qe nos ne l’eussom veu, qar de
134. 22 d. sa venue ne n.
23 s. commença a s. a s.
24 p. car i.
25 fait omis.
26 p. sa f.
27 v. ay dit et.
28 t. encores et v. donne r.
29 s’il.
30 por qoi … point omis.
31 nous advint.
135.a1 Veritez2 fu qe nos geumes a nuit en un chastel qi est fermez desus celui
tertre qe vos veez orendroit la devant; e por ce qe nos estiom desiranz de vos
135. a Rappellons que pour les §§ 135−137 nous ne possédons que le témoignage des ms. A(2)
et T. Cf. notre note à F, 134 n. e.
trouver nos meimes au chemin hui matin, e chevauchames adonc bien dusque
vers hore de prime. Qant hore de prime aprochoit, adonc nos avint en tel guise
qe nostre chemin nosb aporta pres d’une mei(133a)son viez e decheoite.3
5 Devant la meison droitemant avoit un cheval atachié a un arbre et ilec pendoit
un escu, et un gleive y estoit 4 dreciez. Tout maintenant qe nos veimes le cheval
e l’escu, nos deimes errament entre nos deus q’il ne pooit estre qe dedanz la
meison gaste ne fust auqun5 chevalier qi se dormoit illec sainz faille ou qi se
repousoit. Li cheval qi estoit c atachiez a l’albre comença mout fort a hennir
10 qant il vit nos chevaus aproucher de lui; mes por ce ne se remue mie li cheva-
lier qi leianz estoit, qar il dormoit trop6 fieremant. E q’en diroie? Qant nos
fumes a la meison venuz, nos entrames dedanz tout a cheval 7 e trouvames
q’ele estoit viez e gaste duremant; e neporqant, bele avoit esté jadis. Nos trou-
vames adonc leianz dormant le chevalier armez d’hauberc e de chauces, e
15 delez lui estoit s’espee8 e son hyaume autressint. Qant d nos eumes grant piece
le chevalier gardé qui resembloit proudome a merveilles, e nos veimes qu’il
enquore9 ne s’esveilloit, nos deimes entre nos qe bon estoit qe nos l’esveillis-
som.10 Si ll’esveillames adonc e li deimes: « Levez sus, sire chevalier, il est bien
tens de chevaucher ». A celui point s’esveilla le chevalier11 e nos comença a
20 rregarder e sailli sus isnelemant; e la premiere chose q’il feist adonc: il relaça
son hyaume e ceint s’espee,12 e vint tant tost a son cheval e monta, e puis prist
son escu e son glaive. Qant il fu garniz de toutes ses armes, adonc nos dist il:
« Coment, seignors chevaliers, qui vos aprist ceste cortoisie qe se vos trouvez
un chevalier dormant qe vos le doiez esveillier? Certes, vos m’avez fet a cestui
25 point domage trop grant, qar vos m’avez ostez de la greignor joie e de la grei-
135. 3 p. et n’eusmes mie gramment alé que nous venismes devant une maison qui estoit
fort en ruyne et decheute.
4 y estoit omis.
5 d. celle m. n’eust a.
6 l. dormoit ou qui se repousoit t.
7 diroie […] nous feusmes […] venu […] entrasmes de […] a cheval: début d’une col.
extérieure et mutilée 131a; cf. le § préc., var. 38.
8 e. l’espee.
9 que encores.
10 n. qu’il estoit bon que [nous] autres l’e.
11 le chevalier omis.
12 heaulme […] ceintura son e.
gnor bone avanture ou ge fusse a jor de ma vie. E qant vos m’avez tel domage
fet a cest point qe vos jamés en tote vostre vie ne me13 porriez restourer, ore
sachiez q’il est mestier qe ge venche le mien corrouz sor vos deus. E q’en
diroie? Si grant duel m’avez mis el cuer qe ge vos desfi ambedeus; se ge ne vos
30 faz a cest point iriez e corrociez cum vos avez fet, ne me tenez a chevalier ».
Qant il ot dite ceste parole, il n’i fist autre demorance, ainz leissa14 corre main-
tenant desus moi au f(133b)erir des esperons, e me feri si roidemant en son
venir qe ge n’oi15 pooir ne force qe tenir me peusse en sele, ainz volai a terre.16
Qant il m’ot einsint abatu cum ge vos cont, tout maintenant, sainz plus
35 atendre, il leissa17 corre a mon compeignon e fist de lui tout autretant cum il
avoit fet de moi.
136. Quant il nos ot mis a la terre en tel guise, il nos dist: « Seignors chevaliers,
ore soiez une autre foiz plus cortois en tel mainiere qe se vos trouvez chevalier
dormant qe vos ne conoissiez, ne l’esveilliez mes leissiez le dormir e reposier;
qar aprés l’esveillier ne li porriez vos mie par avanture rendre la joie e le soulaz
5 q’il avoit en son dormant ». Qant il ot dite ceste parole, il n’i fist autre demo-
rance, ainz hurte cheval des esperons e s’en ala toute la voie qe nos estiom
devan venuz, ferant 1 des esperons, a ssi grant oirre cum se la foudre le chaçast,
a tel eur qe2 puis nel veimes, ne autre chose ne seumes de son estre. Si vos ai
ore3 tout plainemant conté e dit en qel guise et en qel mainiere nos veimes le
10 chevalier dont vos nos demandez nouveles ».
137.1 Quant il a son conte finé, messire Lac, qi trop volantiers l’escoutoit, qar
trop duremant li plesoit, respont ena sourriant:2 « Si m’aït Dex, seignors cheva-
135. 13 me omis.
14 leisse.
15 que n’euz.
16 f. de me tenir en celle a. volle a t.
17 laisse.
136. 1 frappant.
2 ch. a ceste (?) heure q.
3 ore omis.
137. a Ms. e s.
137. 1 131b, Rubr., COMMENT HERVIS DE RIVEL DEMANDE A MESSIRE LAC EN QUEL LIEU
IL POURRA TROUVER LE ROY D’ESTRANGORRE; ET IL LUY DIST QUE VERS LE
ROYAULME DE SORRELOYS.
2 car moult l. p. durement r. en s.
liers, ce fu bien avanture bele e merveilleuse; belle sainz faille por le chevalier,
mes non mie por vos. E neporqant, certes,3 ge ne croi q’il 4 soit si fieremant
5 proudom des armes q’il 5 ne m’est pas avis qe vos doiez avoir trop grant 6 honte
en ce q’il vos abati. − En non Deu, sire, fet Brehuz, s’il estoit assez plus prou-
dome q’il n’est, si ne vouxisse ge, se estre peust,7 q’il m’eust fete ceste ver-
goigne q’il m’a fete. Mes puis q’il est einsint avenu, a souffir m’en estuet au
mieuz qe ge le porrai faire; une autre foiz, par avanture, le trouverai8 en alqun
10 leu ou ge9 porrai venchier ma honte! »10
138. Einsint parlerent entr’els1 une Einsinta parlerent une grant piece.
grant piece, e messire Lac lor dit:2 Mesire Lac lor dist: « Seignors, que
« Ore, seignors, qe volez vos fere? − vollés vos feire? » Breüs li respont:
Sire, vos saviez qe nos aliom qerant « Sire, nos allionz querant vos et li
5 vos e le3 Bon Chevalier sainz Peor; Bon Chevalier sanz Paor soulement; 5
mes qant nos avon failli a celui tro- mez quant noz avom failli a cellui tro-
ver, nos voudriom a(133c)voir conseil, ver, noz voldrionz avoir conssoil, et
e de vos meisme, qe4 nos ferom. − da vos meesmes, que nos avons a
Certes, fet messire Lac, de ce ne vos feire. − Certes, fet mesire Lac, de ce
10 savroie ge mie conseillier, qar ge ne ne vos savroie je mie bien conseillier, 10
sai mie voz volentez; se ma compei- car je ne sai mie bien vos volentés; et
gnie vos plest, ge sui apparelliez qe se ma compagnie vos pleist, je sui
ge la vos tiegne tant cum ge porrai; se aparoilliés que je la vos tiegne tant
vos volez aler aprés le Bon Chevalier com je porai. Se voz vollez aller aprez
15 sainz Peor, gardez leqel vos volez le Bon Chevalier sanz Paor, feire le 15
mielz ». Aprés5 ceste parole respont poés ». Aprez ceste parolle respont
Hervis de Rivel: « En non Deu, ge sui Hervi de Rivel: « Sire, je sui appa-
celui qi aprés le Bon Chevalier sainz roilliés de aler aprés le Bon Chevalier
Peor6 s’en velt aler. − En non7 Deu, fet sanz Paor. − En non Deu, dist Breüs,
20 Breüz, e ge8 sui cel qi avec cest sei- je sui cil qui aprés cest chevalier m’en 20
gnor s’en velt aler, por q’il voille ma irai, por qu’il vueille ma compagnie. −
compeignie.9 − Brehuz, Brehuz, fet Breüs, fet mesire Lac, or sachiez
messire Lac, ore sachiez tout veraie- veraiement que vostre compagnie ne
mant qe vostre compeignie ne refus refuz je mie. − Sire, fet Breüs, vostre
25 ge mie; si m’aït Dex, il ne seroit mie merci de tant com vos m’en dites; 25
sage chevalier qi por un chevalier vos donc m’en irai ge avec vos, que je sai
refuseroit, qar vos valez bien un che- bien veraiement que de vostre compa-
valier a un grant besoing. E tout soit gnie ne feroie je se amender non. −
il einsint qe li un e li autre aillent Breüs, fet Hervi de Rivel, quant vostre
30 disant qe vos soiez le10 plus vileina vollunté est telle que remanoir vollés 30
chevalier qi soit el roiaume de Logres, avec monseignor Lac, donc semo nos
si di ge bian, de la moie part, qe au departir, car je m’en voeil aller
enqore ne vi ge vilenie11 en vos, e aprés le Bon Chevalier sans Paor. Or
si avom ja chevauché maint jor sachiés que je ne avrai grament de
35 ensemble. E por ce, se Dex me doint sojors devant que je l’aie trovés. − E 35
bone avanture, sui ge liez de vostre non Diex, ce dist Breüs, je tendrai cest
compeignie, por qe la moie vos autre chemin avec monseignor Lac; si
pleise. − Sire, fet 12 Brehuz, vostre vos comanderai a Nostre Seignor, car
merci de tant cum vos en dites;13 e ge je ne sai quant je vos veirai jamés ».
40 me met en vostre compeignie, qar ge Hervi s’en torne vers monseignor Lac 40
sai tout veraiemant qe ge ne puis fere et li dit: « Sire, quel voie me con-
s’amender non de vostre compei- soilliés vos que je tiegne por trover
gnie. − Breüz,14 fet Hervis de Rivel, plus tost le Bon Chevalier sanz
qant vostre15 volanté est tele qe vos Paor? − Einsi voirement me consea-
45 voilloiz remanoir avec16 monseignor hut Dex, fet mesire Lac, com je ne vos 45
Lac, donc somes nos au departir, qar sai conseillier, fors tant que vos veni-
ge m’en voill aller aprés le Bon Che- rés au plus droit que voz porés vers le
valier sainz Peor. Ore sachiez17 qe ge reiaume de Sorellois. Il ne puet estre
n’avrai granment de soujor devant qe en nulle guisse, se vos celui chemin
50 ge l’aie18 trouvé, se avanture me done tenés, que vos ne apreignés aucunes 50
qe ge trouver19 le doie. − En non Deu, novelles de lui. − Toutez foiz, fet
fet Breüz, ge tendrai cest autre che- Hervi de Rivel, me savriés conseillier
min avec monseignor Lac, si vos ou il gist a nuit? − Se m’aït Dex, fet
comanderai a Nostre Seignor: ge ne mesire Lac, je ne sai rienz, mes se vos
55 sai qant ge vos reverrai mes ».20 Lors le trovés, salué le de ma part. − 55
se retorne Hervis vers monseignor Certes, sire, fait Hervi, ce ferai je mult
Lac,21 si li dit: « Sire, qe me conseilliez vollentiers. » Atant se partirent; mes
vos? Qel voie loez vos qe ge tiegne atant se taiste li contes a parler de
por plus tost trouver le noble rois monseignor Lac et de Breüs sanz
60 d’Estrangorre? − Einsint voiremant Pitiés, que bien i savra retornerb, et 60
m’aït Dex, fet messire Lac, qe ge ne parole de Hervi de Rivelc.
vos sai orendroit conseillier en cest
afeire, qar ge ne sai qele voie ge vos
doie enseignier por trouver le,22 fors
65 tant voiremant qe vos vos treez23 au
plus qe vos poez24 vers le roiaume
XI
138. 25 Sorrelois.
26 vous appreignés.
27 g. en nuit. Si.
28 e. sauroye […] dire.
29 e. celle m.
30 ore omis.
139. a Rappelons que pour les § 139−184 nous ne disposons que du témoignage des mss. A(2)
et T. Cf. notre note à F, 138.61 (note c).
Quant: initiale peinte.
139. 1 131d, Rubr., COMMENT (interruption de la rubr. par une miniature qui en apporte l’illus-
tration) HERVY DE RIVEL ARRIVA EN UNG CHASTEL ET TROUVA UNG VIEULX CHEVA-
LIER, QUI MENOIT UNG LEVRIER, ET LE MENA HERBERGER EN SON HOSTEL ET
L’ONNORA DE QUANT QU’IL PEUT.
2 [Quant…] Rivel se […] de m. grande initiale, en majeure partie abîmée: début d’une col.
extérieure et mutilée 132a; cf. le § préc., var. 21.
prisoit en soi meesme trop merveilleusemant; e disoit bien qe s’il pooit longe-
5 mant vivre, il ne porroit en nulle guise faillirb3 a estre proudome. E disoit qe
se il, par auqune avanture, trovoit chevalier qi deist 4 vilenie de Brehuz, il l’en
rescorroit 5 tant cum il porroit, e par paroles e par fait. Einsint chevauche, cum
ge vos cont, Hervis de Rivel tout celui jor enterinemant dusq’a hore de soir;6
et a celui tens li fesoient grant anui les noif qi estoient grant et hannuieuses.7
140. A celui soir1 li avint einsint qe avanture l’aporta a un2 chastel qi seoit
desus une grant rivere, et estoit cele rivere apelee Ausurne.3 Qant il vit le4
chastel, il s’esforsa de chevaucher tant qe de jor i vint.5 Qant il fu auqes pres
de6 la porte, adonc li avint qu’il ataint un vielh chevalier qui venoit 7 de chacier
5 e me(134a)noit avec soi dusq’a .IIII. levriers.8 Qant il ot le chevalier venir aprés
lui, il se regarde, qar enqore ne le voit 9 mie, et il s’areste adonc e tant atent
q’il est dusq’a lui10 venuz. « Biaux sire, fet li chevalier dou chastel, bien soiez
vos venuz! bone avanture aiez vos! Biaux sire, fet li chevalier, avez vos hostel
en cest chastel? − Sire, fet il, nanil, ge ne me recort mie qe ge onqes en cest
10 chastel entrasse; ge n’i ai11 enqore ne hostel, ne acointance. − Biaux sire, fet
cil del chastel, donc vos pri ge,12 par vostre cortoisie, qe vos i veigniez cestui
soir herbergier13 avec moi e ge vos pramet qe ge vos ferai en mon hostel toute
l’onor qe ge porrai. − Biaux sire, fet Hervis, [do]nca estes14 vos chevalier qi de
herbergier me priez? − Sire, oïl, chevalier sui ge voiremant. − Puis qe chevalier
15 estes, fet Hervis de Rivel, e vos de ce me reqerez, e ge15 le vos otroi ». Et en tel
mainiere s’acordent amdui et entrent dedenz le chastel, e tant chevauchent en
tel guise q’il viegnent a l’ostel dou16 chevalier qi estoit meison riche e noble.
Leienz entrent, e leianz sont il receu trop bel e trop17 cointemant. Qant il furent
descenduz et entrez ou paleiz de leianz qui bel estoit e rriche, assez avoit leianz
20 de ceaus18 qi appareillez furent errament de desarmer19 le chevalier errant. E
q’en diroie? desarmé l’ont en petit d’ore. Tant li font b service20 et honor cum
il poent, qar bien voient e reconoissent q’il 21 plest au seignor de leianz. Li sires
de leianz, qi assez estoit cortois chevalier, qant il voit Hervis de Rivel desgarni
de22 ses armes, si bel chevalier e si bien talliez de toutes choses cum il estoit,23
25 il se tient trop bien a paiez24 de ce q’il a25 en son hostel si bel chevalier e si
bon cum26 cestui est; qar il li est c bien avis, sainz faille, qu’ill ne porroit estre,
en nulle mainiere dou monde, q’il ne fust chevalier de pris e de valor au ssem-
blant q’il en a.
141.1 Quant vint a hore2 de mangier, s’il orent a mangier a bel semblant et a
belle chiere, ce ne fet mie a demander, qar le sires de leianz le fist trop volan-
141. 1 132b, Rubr., COMMENT HERVY DE RIVEL ESTOIT HERBERGE EN UNG CHASTEL OU
UNG CHEVALIER LUY COMPTA DE MOULT BELLES AVENTURES OU IL PRENOIT MOULT
DE PLAISIR.
2 vint heure.
142. Lors parole li ostes e dit: « Sire, ge vos pri qe vos me dioiz qi1 vos estez e
se vos estez de la meison le roi Artus ou d’autre leu ». A ceste parole respont
Hervis de Rivel e dit: « Biaux hostes, ore sachiez de voir qe2 ge sui un chevalier
errant, e de la meison le roi Artus. E certes, se ge la verité vos en voill dire,3
5 ge sui compainz de la Table Reonde. − E coment avez vos nom? fet li hostes. −
141. a Après ge vos, lecture anticipée de 141.8, demanderai, à la suite d’un saut au même q.
g. vos, exponctuée d’une manière inhabituelle: les points souscrits espacés.
b Ms. cho: mot incomplet.
c dire omis, corrigé d’après T.
142. 1 m. dittes q.
2 s. tout vrayement q.
3 se verité v. e. vouloye d.
Certes, fet il, cil qui me conoissent m’apelent Hervi de Rivel. − En non Deu, fet
li hostes, de vos ai ge ja oï tantes fois parler qe ge conois4 qe vos estez cheva-
lier5 de haut afaire e de grant renomee. E por ce sui ge mout liez, se Dex me
doint bone avanture, de ce qe vos estes venuz en mon hostel, qar il m’est bien
10 avis qe mis hostiaux vaudra6 miels de la venue de si7 proudome cum vos estes.
Mes por Deu, biaux sire chier, qele avanture vos aporta en cest païs e meesme-
mant en ceste seison qe8 touz li mondes est englaciez e froit?9 − Certes, fet
Hervis de Rivel, mi besoing m’i aporta qar, se ge n’eusse grant besoing, ge n’i
fusse mie venus. − Certes, ce dit li chevalier, enqore n’a mie granment de tenz
15 qe ge vouxisse volantiers qe vos i fussiez aussint venuz10 cum vos estez ore,
qar11 a la bonté de chevalerie qe ge sent en vos et a la cortoisiea, vos eussiez
bienb adonc venchiez la plus grant fellenie qe ge veisse en12 toute ma vie, e fu
fete devant la porte de cest chastel. E certes, ele fu si gr(134c)ant qe ge ne
qidasse mie qe nul 13 chevalier peust faire si grant vilenie; e si m’aït Dex, se ge
20 fusse si bon chevalier de mon cors cum vos estez dou vostre, ge l’eusse bien
venchiee, et honoreemant,14 a l’onor de chevalerie. Mes ge ne pooie, qar ge
n’avoie ne la force ne le pooir a ce qe trop estoit li chevalier plus fort de moi e
meillor de son15 cors qe ge n’estoie. − Ore me dites, fet Hervis de Rivel, e savez
vos qi li chevalier fu qi fist si grant vilenie cum vos me dites? − Certes, sire,
25 nenil, ce dit 16 li hostes, ge ne le conois fors de tant q’il porte un escu tout vert
a deus bandes blanches des beslonc:17 tel escu portoit il adonc, de ce m’recort
ge bien. − En non Deu, fet Hervis de Rivel, de cel chevalier18 dont vos avez
orendroit parlé ai ge ja oï parler, mes certes, ge ne le vi onqes, e si est il compei-
gnon de la Table Reonde; mes tant m’ont dit cil qi le virent qe ce est un cheva-
30 lier19 grant a merveilles. − En non Deu, fet li hostes, qi ces nouveles vos dist
de sa grandor si20 vos dist bien verité, qu’il est bien sainz doute le greignor
chevalier qe ge veisse jamés, e tout le plus vilein e tout 21 le plus fellon qi a
mon escient soit 22 orendroit en toute23 la Grant Bretaigne. − Biauz hostes, ce
dit 24 Hervi, se Dex vos doint bone avanture, ore me contez qele vilenie fu cele
35 e qele fellenie qe li chevalier25 fist devant vos dont vos li donez si grant
blasme. − Certes, sire, ce dit li chevalier, ce26 vos conterai ge mout volontiers,
puis qe vos savoir27 le volez; or escoutez ce qe ge en28 vi.
143.1 Enqore n’a pas granment de tenz qe ge venoie d’un chastel qi est la
devant e venoie ça droitemant,2 e lors m’avint qe ge m’acompaignai a celui
chevalier don ge vos ai comencié mon conte, e3 le trouvai entre unes broces, e
chevauchames tant en tel guise entre moi e li qe nos venimes en cest chastel
5 e lors atainsimes4 un chevalier qui venoit d’autre part e menoit en sa compei-
gnie une damoisele, et estoit li chevalier tout desarmez fors de s’espee seule-
mant. Nos saluames le chevalier et il salua nos autressint, e chevauchames
ensemble; e nos n’eumes grantment alé en tel mainiere qe ge conuia au lengage
del chevalier qe il estoit de Nohombellande. Qant li chevalier en cui compei-
10 gnie m’b(134d)estoie mis ot regardé grant piece la damoisele qi estoit tant bele
143. 1 132d, Rubr., COMMENT L’OSTE COMPTE A HERVY DE RIVEL LA GRANT VERGOINGNE
QU’IL VIT UNE FOIS FAIRE DEVANT A UNG CHEVALIER, ET EMMENA UNE DAMOISELLE
A FORCE.
2 e. ça d. et v. cy d.
3 m’acompaignay […] je v. a. com[…] et: début d’une col. extérieure et mutilée 133a; cf.
le § préc., var. 13.
4 et l. nous a.
144. Quant la damoisele vit qe li chevalier l’en menoit en tel mainiere, ele fu
corroucie duremant; si dist par corrouz: « Certes, sire chevalier, vos n’estes mie
trop cortois qi a force m’en menez, ainz mostrez bien q’il a assés petit de genti-
lece1 en vos. E certes, por ceste vilenie qe vos me fetes, vos vois ge dou tot
5 refusant, e di bien tout apertemant qe se vos estiez plus vaillant qe vos n’estesa,
si vois ge dou tout refusant vostre amistié; qerez une autre qi vos aimt, qe ge2
jamés ne vos amerai jor de ma vie, qe certes, vos n’estes chevalier qe damoise-
le3 doie amer ».
143. 5 N. le s. et i. nous salua (invers.) et ch. e. et venismes pres de ce chastel, et celuy dont
je vous compte regarde moult la damoiselle. Il la regarde tant que merveilles, car a la
verité dire elle … (cf. notre remarque aux §§ 114 var. 1 et 122 var. 14.).
6 Et […] mença a l’emmener.
7 m. en u.
feroiz vergoigne! » Tout 4 maintenant q’il a dite5 ceste parole, il n’i fist autre
5 demorance, ainz mist 6 la main a l’espee e feri la damoisele si cruelemant q’il
li fist la teste [vol]er. Qant il oit la damoisele mi[se a] mort en tel mainiere cum
ge vos cont, [li chevalier] qi la damoisele conduisoit fu to[ut desuz] de7 mal
talant, e tout fust il eins[int come]b il fust, desarmez tout fors de l’espee, si
volt 8 il corre sus au chevalier9 armé, puis se retint, por ce q’il veoit tout certei-
10 nemant qe cil estoit fellon chevalier e desmesurez e garniz de toutes armes.
Mes voiremant, il 10 ne se pot tenir q’il ne deist au chevalier11 qi cele fellenie
avoit fete: « Certes, dist il, dan chevalier, ici avez [vos] bien mostré q’il a petit
de loiauté en12 [vos]c, qar null (135a) loial chevalier n’eust fet ceste vilenie qe
vos avez orendroit fete. − Coment, dist le grant chevalier, volez vos donc dire
15 qe ge ne soie pas13 loial chevalier? Si m’aït Dex, mal l’avez dit,14 jamés tel
chevalier cum ge sui n’apeleroiz desloial ».15 Aprés ceste parole, il n’i fist
autre16 demorance, ainz cort sus au chevalier desarmé, l’espee trete, e fist de
lui tout autretant cum17 il avoit fet de la damoisele. Et en tel guise les18 mist a
la mort 19 ambedeus; iceste fu la grant fellenie qe ge vi fere au chevalier, enqore
20 n’a pas granment 20 de tens. E certes, ge ne qit mie q’un chevalier21 feist a
145. 4 je s. ne feistes vous oncques plus grant folie. (A cet endroit −133a −, le texte est inter-
rompu par une Rubr., précédant une miniature à encadrement de rinceaux de fleurs, située
en haut du f ° 133b: COMMENT UNG CHEVALIER COUPA LA TESTE A UNE DAMOISELLE,
ET FUT LE PREMIER QUI COMMENÇA LES CRUAULTEZ) Tout (grande initiale).
5 i. eut. d.
6 met.
7 t. entalenté d.
8 tout ainsi desarmé comme il estoit f. d’espee voult.
9 sur le ch.
10 r. car i. v. le chevalier felon et d. et prest a toutes a. Toutesfois i.
11 s. peut t. de dire au ch.
12 m. que bien petit de l. a e.
13 n. suis p.
14 mal l’avez dit omis.
15 n’a. ainsi ne d.
16 fait autre.
17 t. autretel c.
18 t. maniere l.
19 a mort.
20 cecy f. l. g. f. qu’il fit et q. je luy v. faire n’a p. encores g.
21 que nul ch.
nostre tenz22 une plus grant fellenie23 qe ceste fu ». E qant il a dite ceste paro-
led, il se test adonc e leisse son24 conte.
E sachent tuit cil qi a cest livre entendrunt qe tout le premier chevalier de
la meison le roi Artus, voire del roiaume de Logres, des chevaliers erranz qi
25 furent au tens le roi Uterpandegron et au tens le roi Artus meesme, qi com-
mença a fere les fellenies si grant come fu ceste, si fui cestui25 chevalier propre-
mant dont cist contes a esté devisez a ceste foiz. Ce fu le premier chevalier
errant qi comença a fere fellenies e traïsons, et il la mantint 26 auqes lonc tens;
e par la main de Palimidés27 l’en covint a morir,28 puis q’il fist venir a fin toutes
30 ses fellenies e toutes ses29 traïsons, en tel guise cum30 nos vos31 deviserom
tout 32 apertemant en nostre livre. E par exemple de cestui mauveis chevalier,
qui proudome estoit des armes mout duremant, encomença Brehuz aprés a fere
fellenies as dames e as damoiseles q’il encontroit. En cestui prist il mauveis
exemple autresint Mordret, le filz au roi Artus, dont il fist puis les granz felle-
35 nies e les granz desloiautez q’il fesoit. Aprés Mordret comença Agravains, si
freres, a fere les grans fellenies e les granz crualtez q’il fist puis33 par le roia-
ume de Logres, si cum li contes devise apertemant.34 Aprés ces .IIII., qi35
comencierent ces grans maus entres les chevaliers erranz, se mist a cele36 vil
costume maintenir Calynainz li37 Noirs, li fors38 chevalier, li legiers, qui fu filz
40 Guron,39 le bon chevalier; e bien sachent tuit qe bien fu Guron40 un des plus
145. 22 a vostre t.
23 p. cruelle f.
24 Et adont se t. et fine s.
25 s. fut c.
26 et les m.
27 Palamidés.
28 convint mourir.
29 toutes ses omis.
30 t. maniere c.
31 vos omis.
32 tout omis.
33 q’il … puis omis.
34 s. en aura l. c. devisé a.
35 c. quatre q.
36 mist celle.
37 Hynains l.
38 Après fors, le ms. porte le rayé, semble-t-il.
39 Guiron.
40 Guyron.
145. 41 porta p.
42 n. quant L.
43 vers Galeoth.
44 qu’il répété d’une colonne à l’autre (133c−d).
45 parfait […]sement car: début d’une col. extérieure et mutilée 133d.
46 fut […] façons d. ung ch. do[…] bel et chantoit t.
47 comme […] faisoit. Et fut d. moult s.
48 q’il …VII. omis.
49 tout il fut de haulte.
50 a. chevalier du monde et p.
51 que on.
52 peut trouver nulle villennie pour (?) nulle aventure qu’i. f. aucuns l’ap. (invers.).
53 Guiron.
54 Mais il.
55 m. le r.
56 Calinés.
57 meill[…]car de s. b.
58 un jour omis.
59 moult b. a.
60 droicte […] abbatit.
61 monseignor omis.
146. A celui point qe li rois parloit en tel maniere a Lancelot, atant e vos vers
elz venir Palamidés qi avoit bien veu1 toutes les jostesa, (135c) e cum il tuit
furent b abatu par un2 seul chevalier, q’il ne tenoit mie a petite merveille mes
a grande, qant il fu venuz a la place ou les jostes avoient estees et il trouva
5 qe enqore estoit en estant le chevalier qi les jostes avoit complies, il l’apella
maintenant de joste, e3 dit bien a soi meesmes q’il ne se tient pas a chevalier4
s’il ne venche ceste honte. Et il aloit ja bien reconoissant q’il estoient si compei-
gnons qi avoient esté abatuz, mes sainz faille, il ne s’apercevoit mie qe ce fust
messire Lancelot qi a terre estoit, qar cil portoit son escu couvert d’une houce,
10 e por ce nel pot reconoistre; si n’i fist autre demorance, ainz leissa corre tout
maintenant au chevalier5 qi ces proudomes avoit abatuz e feri adonc Calinant
dou glaive si grant cop qe por l’escu ne por le hauberc ne remaint q’el ne li
146. 1 a. va venir […] a[v]oit veu: début d’une col. extérieure et mutilée 134a; cf. le § préc.,
var. 45.
2 les[…]mme ilz avoient tous […] par u.
3 d. jouster et.
4 pas chevalier.
5 ceste honte si laisse c. au ch.
mete le fer dou glaive par mi le cors, si qe del fer6 e del fust aparut par der-
rieres. Il l’enpeint bien et esforciemant de celui cop si q’il en fu mort. E qant il
15 vit qu’il l’avoit mort en tel 7 mainiere e revenchié la honte del roi Artus, il ne
fist null autre parlemant, ainz s’en ala outre q’il ne tint parlemant, ne au roi8
Artus, ne a nul autre de ses compeignons.
147.1 Quant li rois Artus, qui bien conoissoit qe ce estoit Palamedés2 qi celui
fet avoit fet e qi lor honte avoit revenchiee si hautemant, vit qe Palemidés s’en
ala en tel mainiere, il dist par corrouz a Lancelot, e corrouciez estoit il dur-
emant de ce qe Lancelot n’avoit venchié lor desonor: « Certes, seignors, fet li
5 rois Artus, ore di ge bien tout hardiemant qe voiremant n’a il orendroit en
cestui monde fors deus chevaliers seulemant: li uns en3 est Tristain de Corno-
aille, e li autres est celui qi de ci s’en vet orrendroit. Cist dui sunt au desus del
monde par force de chevalerie, e tuit li autre sunt desoz ». A ceste parole res-
pont messire Gauvain e dit 4 au roi Artus: « Si m’aït Dex, sire, vos dites verité;5
10 leissiez dire qi dire voudra, mes qant vos awreiz cerchiez6 toute chevalerie e
bien regardee la proce des7 chevaliers erranz, vos n’i trouveroiz fors deus che-
valiers soelemant qi enterrenemant soient parfait 8 de toute chevalerie: li pre-
miers en9 est Tristain de Cornoaille, e le segont est Palamedés. E tuit (135d) li
autre de cest monde se doivent traire encontrea ces deus ». De ceste parole se
15 corroça messire Lancelot mout duremant, si q’il n’i fist nulle autre demorance,
ainz monta10 sor son cheval e s’en ala aprés Palamedés, e tant le sevi11 q’il
146. 6 c. tant q. le f.
7 celui […] tant qu’i. e mourut. Et quant […]t qu’il estoit m. par t.
8 o. sans parler […] roy.
147. 1 Rubr., COMMENT LE ROY ARTUS LOUE MOULT FORT PALAMIDES ET TRISTAN DE
CORNOAILLE ET DIST QU’ILZ ESTOIENT LES DEUX MEILLEURS CHEVALIERS [DU]
MONDE, ET COMMENT LANCELOT [VIN]T APRES PALAMIDES LE PAYEN.
2 c’estoit Palamidés (ainsi toujours).
3 en omis.
4 dist.
5 d. vray.
6 v. vouldriers (?) cercher.
7 de.
8 q. entierement s. chevaliers p.
9 en omis.
10 monte.
11 l. suivit.
148.1 A ceste parole resspondi Palamedé2 e dist:3 « Messire Lancelot, qant vos
de bataille m’apelez, ore sachiez qe ge me combatisse volantiers a vos por
savoir se ge peusse mon cors defendre encontre un si proudome cum vos estes;
mes por ce qe nos somes seul a seul, ne voill ge pas combatre a vos, e vos dirai
5 reison por qoi: se nos orendroit nos combatom e4 ge vos conqeisse par auqune
avanture, vos estez de si haute renomee, e ge de5 si povre, qe l’en ne me creiroit
se ge disoie qe ge conqis vos eusse par force d’armes. Voiremant s’il i avoit
auqun chevalier bon qi nostre bataille veist,6 celui en seroit bien creuz qant il
la conteroit; d’autre part, se vos me menez a outrance e nos fussom seul a seul
10 par avanture, il ne vos seroit atornez a pris ne a loux, ainz diroient qe messire
Lancelot venqi cele bataille por noi(136a)ant e qe Palamedés ne s’i defendi
onqes, car il n’estoit pas chevalier qi contretenir7 se peust encontre tel cheva-
lier cum est messire Lancelot; einsint porroie ge estre conqis qe ja de ma
defense ne seroie loez.8 Por ces deus choses eschiver, messire Lancelot, ne me
15 voill ge pas combatre a vos, ne ne voill qe nos façom ceste bataille en repost
mes a jor determiné.9 E vos dirai en qel mainiere10 ele porra estre a honor de
vos et a honor11 de moi: ge sai bien qe vos vos prisiez por12 un des meillors
chevaliers dou monde, e bien est reison, qar vos l’estes sanz doute; e ge
meesme me pris tant de force de chevalerie e de joster cum13 un autre povre
20 chevalier de mon afaire se doit prisier; vos vos prisiez de l’une part e ge de
l’autre,14 vos qidez estre assez meillor chevalier de force de chevalerie qe15 ge
ne sui, e ge ne qideroie pas estre mainz preuz de vos, puis qe ce16 vendroit au
grant besoing. Si faz une grant vantance de ceste chose: mes corroz si le mea
fet 17 dire. Ore fesom donc entre nos deus qe nos deus, qi tant nos prisom,
25 façom veoir nostre18 proece tout apertemant, voiant le meillor chevalier dou
monde, ce est messire Tristain. Si est bien le meillor ami qe vos aiez el monde
des chevaliers qi ne19 vos apertienent charnelmant, ce ne poez vos pas noier,20
et il est bienb le plus mortel enemi qe ge aie21 en cest monde. E tot soit il mes22
148. 6 b. regardast.
7 q. tenir.
8 s. je l.
9 j. terminé.
10 q. lieu et quelle m.
11 de vos et a honor omis.
12 pour répété d’une ligne à l’autre.
13 d. jouste c.
14 d’une p. et moy d. l’a.
15 e. de force meilleur assés et de chevalerie q.
16 v. quant c.
17 ch. mais […] urrous […] fait: début d’une col. extérieure et mutilée 134d.
18 faisons […] deux qui t. n. prison[s…] nostre.
19 ne omis.
20 ce… noier omis.
21 j’aye.
22 Et […] qu’il soit m.
enemis, si me voill ge voiant lui combatre volantiers, qar23 de tant avra il plus
30 dolor e ire24 au cuer, e ge plus25 de joie, se ge vos puis adonc mener26 a
outrance par force d’armes. Il sera conté27 en la meison le roi Artus, ce ne sera
pas adonc chose reposte28 se vos a outrance me menez. Celui fet ne sera mie
celez,29 ainz sera contez par le monde cum fieremant Palamedés se defendi
encontre monseignor Lancelot. − Et ou porrom nos trouver Tristain? dist mes-
35 sire30 Lancelot. − Ja le trouverom nos en Cornoaille, dist Palamedés, d’ilec ne
se remue il. − En Cornoaillec, dist messire Lancelot, n’iroie ge ore pas por une
bataille, mes tout orendroit sui ge appareilliez de combatre moi31 a vos, s’il vos
plest. − Ge ne me combatroie ore mie », ce dit Palamedés.32 Et einsint remaint
cele haine a celui point dusq’a autre33 foiz, et einssint cum nos vos deviserom
40 autre fois tout apertemant en cestuid (136b) livre, qant il en sera leu e tenz de
raconter. Mes atant leisse ore li contes34 a parler des chevaliers qi premeire-
mant comencierent a mentir de covenant et a faire fellenies e traïson, et torne35
sour autre matiere.
XII
149. 1 134d, miniature à encadrement de rinceaux de fleurs, devant illustrer la Rubr. subsé-
quente (135a): COMMENT HERVY DE RIVEL PARLE A SON HOSTE QUI LUY COMPTE
COMMENT IL LAISSA A PORTER ARMES POUR UNG COP QUE LE BON CHEVALIER SANS
PAOUR LUY BAILLA.
2 Quant: grande initiale.
3 faicte de.
4 dit.
5 c. celle f. je ne oÿ oncques m.
6 a […] il f. le p. l. vengement […] oncques chevalier fist. Or… (début d’une col. extérieure
et mutilée 135a; cf. le § préc., var. 17. Cf. aussi notre rem. aux § 114 var. 1, 122 var. 14 et 143
var. 5).
7 Certes fait l. chevalier […] plaist m. bien. B.
8 de Rivel omis.
9 ge … entier omis.
10 n. me voulx mettre e. aucune a. et des celuy temps laissay je la v.
11 p. qu’oncques puis n’euz t. d’y retourner nullement.
150. A ceste1 parole se comence a sourrire Hervis de Rivel e dit autre foiz:
« Coment, biaux sire hostes, si laissastes en tel mai(136c)niere a porter armes
por la2 doutance d’un seul a cop? ce fu bien trop grant defaute de3 cuer; de pou
fustes espontez, ce m’est avis. − Einsint fu, fet li chevalier, ge vos en4 ai dit la
5 verité tout outreemant qe riens5 ne vos en ai celé. Celui cop m’espoenta si
duremant qe ge ne voil avoir des autres6 onqes puis. E si avez entre vos, cheva-
liers erranz, une costume qi est ennueuse duremant, qar7 se li uns de vos
encontre l’autre, por qe vos soiez ambedui armé, tout le premier salu8 qe vos
vos entredonez, si est cestui: « Gardez9 vos de moi, sire chevalier, qe vos estez
10 venuz a la joste! » Veez ore cum bel salu e cum bel acontemant se funt li cheva-
liers errant qant il s’entrecontrent! Foi10 qe ge vos doi, messire Hervis de
Rivel,11 por cest salu leissai ge la chevalerie; si ne m’en repant enqore pas: se
dusqe ore l’eusse12 maintenue, ge eusse ore par avanture rompu les cuisses e
les braz, qi ore sui tout sain de mes membres. Ne me vaut ore mielz estre sainz
15 qe mahagniez? Et enqore avez entre vos une autre costume peior qe n’est ceste
qe ge ai13 contee; qar se li uns de vos conduit sa moillier ou sa damoisele, li
autres qi l’encontrera li toudra, s’il onqes puet; iceste est 14 la bele costume des
chevaliers erranz qe li plus fort toudra au plus foibles la damoisele q’il conduit
e la done a autre s’il velt.15 Por ce leissai ge dou tot la vie des chevaliers erranz,
20 qar g’en perdi ma damoisele en un matin; e sachiez qe ge ne l’amoie gueres
mainz de moi meesmes.16 Ge la perdi e fu navrez vileinemant e si roidemant
sainz faille qe ge qidai avoir le col rompu. E qant por sivre la vie des chevaliers
150. 1 De c.
2 a. par l.
3 deffaillance d.
4 en omis.
5 d. toute l. verité oultreement et r.
6 je n’en voulx a. d’a.
7 est moult durement ennuyeuse car.
8 salu omis.
9 v. entredonniés et dittes cecy. G.
10 i. s’entrerencontrent. F.
11 Rivel suivi dans le ms. de le dont l’ e a été rayé.
12 jusques a maintenant l’eusse (répété).
13 pire encores q. celle q. j’ay.
14 p. c’est.
15 e la … velt omis.
16 je l’a. autant comme m. m.
erranz fui einsint avilenis, est ce merveille17 se ge leissai de celui18 temz lor
compeignie? Ge la leissai, ce di ge bien, ne enqore ne m’en repent ».19
151. De ceste parole se sourrit assez Hervis,1 e qant il a une grant piece escouté
son oste, il dit:2 « Sire hostes, se Dex vos doint bone avanture, puis qe vos tant
de cortoisie m’avez 3 fet qe vos m’avez comenciez a conter qe vos leissastes la
vie des chevaliers erranz por un seul cop qi donez vos fu, avec celi cop vos fu
5 tolue une4 vostre damoisele qe (136d) vos n’amiez moinz5 de vos meesmes, ore
me fetes assavoir,6 s’il vos plest, coment vos perdistes la damoisele, e qi fu cil
qi ceste vergoigne7 vos fist. − Certes, biaux hostes, fet li chevalier, puis q’il vos
plest qe ge le vos die mot a mot, e ge le vos conterai. Mes ce sera assez breve-
mant; or8 escoutez.
150. 17 merveilles.
18 l. a c.
19 r. je point.
151. 1 H. de Rivel.
2 dist.
3 m’avés suivi de la dont on a rayé l’a.
4 une omis.
5 n’a. pas m.
6 f. savoir.
7 q. telle v.
8 c. et bien bref o.
152. 1 135c, Rubr., COMMENT L’OSTE COMPTE A MESSIRE HERVY DE RIVEL COMMENT IL
DEMOURA A LA COURT DU ROY UTERPENDRAGON QUI LE FIT CHEVALIER, ET COM-
MENT IL AYMOIT UNE DAMOISELLE DE GRANT AMOUR.
2 qe ge … leu omis.
3 j’aimay.
152. 4 Camaalot.
5 p. faire et t.
6 l’eu longuement.
7 t. o. tout q.
8 v. octroyeray mes.
9 e di omis.
10 d. dictes vous que je ne suis mie ch.
11 Ore omis.
12 avilez e plus omis.
13 v. oncques ch.
14 t. pour ch.
15 e qi … chevalier omis.
16 octroyer […] Quant j’entendi: début d’une col. extérieure et mutilée 135d.
17 damoiselles (!).
18 n’en d.
19 pris cueur.
20 q. j’aymoye m.
21 f. reprouchee e.
22 m. œuvre.
153. Quant ge fu partiz de Camahalot e moi mis a la voie por cerchier chevale-
ries e por trouver avantures, il m’avint en tel mainiere qe ge ne trouvai gran-
ment avanture en toute cele seison ne chevalier qi a moi se combatist dont ge
ne venisse au desus par force d’armes. E q’en diroie? Avant qe fussent .IIII.
5 mois passés, me travaillai ge tant de faire d’armes qe dedenz petit de termes1
conqis ge bien .X. chevaliers dont il n’i avoit nul qi ne fust chevalier de reno-
mee. E touz cels qe ge conqeroie par force2 d’armes, ge mandoie au rroi Uter-
pandegron cum prisons.3 E q’en diroie? Si bien m’avint a celui tenz4 de ma
chevalerie qe ge conqis e pris e loux si merveilleusemant a qe tuit cil del païs
10 qi me conoisoient me tenoient bien por proudome a celui tenz. Por mon pechié
e por ma mescheance fu fet nouvel chevalier cil qi est apelez le Bon Chevalier
sainz Peor. Ge le conoisoieb 5 mout bien, qar ge l’avoie veu escuier en la meison
le roi Uterpandegron. Qant ge oi demoré un an entier fors de6 la meison le roi
Uterpandegron, e tant fet qe ge savoie tout de voir qe ge estoie7 ja venuz a
15 grant renomee de chevalerie, ge començai a penser a moi meesmes qe des ore
mais porroie ge venir honoreemant 8 a Camahalot, qar ge avoie tant fet d’armes
qe ge devoie recevoir assez honor entre les chevalierz. Tout einssint cum ge le
pensai, tout einsint le fis, qar ge m’en retornai arrieres a Camahalot;9 e sachiez
bien qe qant ge fui retornez a cort, assez ot leianz qi honoreemant me reçurent.
20 Li10 nobles rois Uterpandegron fu mout liez de ma venue e bel me reçut. Ge,
qi toute cele grant honor avoie conqestee por amor,11 dis a moi meesmes, e
154. a Après avoir écrit q. g. noroie, le scribe a expontué ce dernier mot et répété toute la
séquence: qar ge moroie.
155. c estuet.
155. 18 n. remaint.
19 tout omis.
20 n’eus le col rompu a.
21 e. moult d. n. je valloye.
22 a telle heure.
23 v. oncques p.
24 s. chevalier.
25 je des c.
26 qu’il m’e.
27 de celui tenz omis.
28 appertement car vous n’e: saut au même volontaire? cf. § 153, var. 9.
29 laisser pour s. p. de ch. la chevalerie.
30 nos n. …. bien omis: saut du même au même.
Qant 1 li jors fu(137d) venuz e li solleil aparut 2 biaux e clers, Hervis de Rivel, qi
5 en penser estoit de3 sa jornee fere, se4 lieve matin; e qant il est vestuz, il 5
demande ses armes e s’arme maintenant.6 Qant il est armez bien e bel, au
mielz qe si escuier le sevent faire, il n’i fist nulle autre7 demorance, ainz monte
entre lui e ses escuiers, e puis prent congié de leianz e s’en part atant, et einsint
s’en ist a dou chastel. Qant 8 il se fu mis a la voie, il chevaucha9 cele matinee
10 assez astivemant, qar il li targe duremant 10 q’il ait apris auqune nouveles11 de
celui q’il vet qerant. Einsint chevauche12 celui matin pensis duremant de ce q’il
leissa le Bon Chevalier sainz Peor, qar bien li est avis qe des ore mais ne le
trouvera si tost cum il le voudroit trouver. La noif est grant qi auqes li fet annui
au chevauchier, mes por ce ne leisse son oirre, ainz le mantient 13 tant cum il
15 puet. Einsint chevauche cele matinee, la teste enclinee vers terre, cum cil qi
pensis estoit: mout li targe q’il ait trouvé celui por qi il se travaille. La ou il
chevauchoit en tel guise cum ge vos cont, et il 14 estoit ja entrez en unes brouces
mout espesses e si espeses duremant q’il ne puet veoir grantment loing de lui,
il li avint adonc q’il 15 oï un grant b cri; e fu cil criz auqes pres de lui. Il s’areste
20 maintenant q’il ot le cri et aussint s’arestent si escuier, et il lor demande:
« Oïstes vos ce qe ge ai oï?16 − Sire, dient il, nos avom oï un cri, e cil cri fu
d’ome. − Sainz faille, vos dites verité bien, fet cil; ge voudroiec ore estre avec
celui qi einsint cria por savoir l’achoison de sa dolor ». E la ou il disoit ceste
parole q’il oï autre foiz crier celui qi crié avoit devant, e dist adonc tout aperte-
25 mant: « Aide,17 aide, autremant ge sui mort! »
157.1 Tout maintenant qe Hervis de Rivel entent ceste parole, il dist a ses
escuiers: « Cist est pres de nos qi cest cri a gité. Ore2 tost descendez e tenez
mon cheval, qar ces brouces sunt si espesses qe de ceste part n’i porroie ge
mie aler a cheval. » Et il descendent autressint; e leisse illec ses escuiers e dit:3
5 « Atendez moi ici, qar ge revendrai tost ». E lors se met par mi les brouces a
grant paine et a grant travaill, qar tant estoient espes(138a)ses e destroites qe
cheval ne s’i peust metre qi outre passast. Il n’ot mie grantment alé puis q’ il 4
se fu partis de ses escuiers q’il vit devant une fointeigne un chevalier armé de
chauces e de hauberc, e desus lui estoit un home tout nus, aussint cum il cheï
10 de5 sa mere, fors qe braies avoit tant seulemant; autre robe il n’avoit sor lui ne
autre vesteure. Mes coment q’il 6 fust si nuz cum ge vos cont, si tenoit il toutes
voies le chevalier armé souz lui,7 e le tenoit en tel mainiere q’il estoit adenz, e
le chevalier estoit navrez. Li chevalier qi armez estoit n’avoit 8 point de hyaume
en la teste; e li estoit einsint avenu qe li chevalier qi nus estoit li avoit toloite
15 s’espee9 e la tenoit en sa dextre main e l’en servoit si malemant q’il l’en donoit
par mi la teste, q’il avoit auqes desarmee, si granz coux dou pom de l’espee
cum il pooit 10 remener de haut a la force dou braz, si q’il 11 li fesoit le sanc
saillir fors12 de la teste de plusors parz. Et il estoit plains de13 si grant force q’il
tenoit soz lui le chevalier armé, si q’il ne se puet remuer, se trop petit non;
156. 17 pa[…] celui qui de[vant] avoit crié qui avoit crié […] Ayde.
157. 1 136d, Rubr., COMMENT HERVY DE [RIVEL], APRES QU’IL OYT CRIER A UNG CH[EVA-
LIER], DESCENDIT ET ENTRA EN UNES [BRO]SSES POUR TROUVER QUI CE POUOIT
ESTRE, [ET ORDONNA] A SES ESCUIERS QU’ILZ L’ATTENDISSENT.
2 [escuiers] Celui qui ce cry a ge[cté es]t pre[s de] n. O.
3 et leur dist.
4 a. depuis q. i.
5 n. ainsi c. i. cheut d.
6 M. combien q. i.
7 a. au dessoubz de l.
8 est. moult n. car il n’a.
9 a. tollue s. e.
10 et l’e. frappoit s. mallement par m. la t. tant qu’il p.
11 f. de son bras qu’il.
12 s. hors.
13 t. en p. lieux. Et i. testoit de.
20 assez aloit merci14 criant. Mes tout le crier q’il fesoit ne li valoit se petit non:
cil qi le tenoit en tel guise cum ge vos cont n’entendoit a chose dou monde,
fors a ferir.
158.1 Quant Hervis de Rivel voit ceste avanture, et il voit qe li chevalier desar-
meza tient desouz lui le chevalier armé si fieremant qe cil n’a ne pooir ne force
q’il se peust contre lui defendre, ce est une chose dont il est tant esbahiz dur-
emant q’il ne set q’il doie dire. Il n’est pas esbahiz de ce qe l’ome tient nu le
5 chevalier armé desoz lui, qar il est si grant e si bien tailliez par grandece de
menbres q’il puet bien tenir un home desoz lui, mes il est esbahiz e merveillanz
coment pot avenir qe li homs est nus en tele seison qi si fieremant est froide
qe touz li mondes est engelez. Qant li chevalier, qi einsint estoit tenus en
destrroit cum ge vos cont, vit Hervis de Rivel sor lui, il pense bien qe c’estoit
10 chevalier errant. E por ce q’il se voit tout apertemant em perill de mort, qar
bien conoist qe defendre ne se puet il encontre celi qi le tient e qi n’a de lui
nulle merci por crier q’il face, por ce crie il a Hervis de Rivel (138b) tant cum
il puet: « Ha! sire chevalier, merci! Por Deu e por cortoisie, secorrez moi! ne me
leissiez ocirre en tel mainiere a cest home forsené qi a si dou tot perdu le sens
15 q’il ne set q’il fet ». Lors se met avant Hervis de Rivel e dit a celui qi nus estoit
e qi tenoit en sa main destre l’espee toute nue: « Ha! biaux sire, fet il, por Deu,
ne fetes tel vilenie qe vos ocioiz en tel mainiere le chevalier qe vos tenez desoz
vos! Il ne doit morir par reison puis q’il vos vet merci criant ». Cil qi nus estoit
en tel mainiere cum ge vos cont n’entent parole dou monde qe Hervis li die,
20 ainz fiert orendroit le chevalier en la teste gregnor cox e plus pesanz q’il ne
fesoit devant, e dou pom de l’espee tout adés, si q’il li fet le sanc saillir, e par
la boche e par le nés. Cil crie tout adés tant cum il puet a Hervis de Rivel: « Ha!
sire, por Deu, ne me leissiez ocirre en tel mainiere a cest home forsené! E qant
vos par avanture ici estes venuz, se ge des ore mais i moroie, la honte en seroit
25 vostre e li domages miens; por Deu, ne me leissiez ici morir! »
157. 14 s. pouoit r. si non petit il [alloit] assez m.: col. extérieure et mutilée 137a; cf. le §
préc., var. 15.
159.1 Quant Hervis de Rivel entent qe celui est si duremant espoentez, et il voit
qe li hom nus ne leisse a ferir2 sor lui por priere q’il li face, il se met adonc
avant e le prant 3 par le poing, celui qi l’espee tenoit, e tant s’esforce en toutes
guises q’il li tout l’espee4 de la main. Qant cil voit q’il a en tel guise perdue
5 l’espee q’il tenoit, il se drece5 tout errament e mout vistemant e cort a l’espee
qi estoit cheoite6 en la noif. Hervis de Rivel qi l’espee voloit prendre ne se puet
onqes tant haster de prendre la qe cil ne s’en soit ja mis7 en saisine. E qant il
la tient, il saut un pou arrieres e puis dit a Hervis de Rivel: « Sire chevalier, vos
me fetes outrages qant si armez8 cum vos estes, e ge sui dou tout desarmez, e
10 sor tout ce me tolés9 a venchier moi10 de mon enemi; certes, se vos fussiez bien
cortois, ja de nos deus ne vos entremissiez por moi nuire, meesmemant por
ce11 q’il a sor moi tel avantage q’il est de toutes ses armes garniz, e ge sui nus
de toutes choses ».12
(138c) 160.1 A ceste parole ne set Hervis de Rivel qe dire, qar il voit tout aperte-
mant coment li geux estoit partiz, e por2 ce se tret un pou arrieres e dit a l’aut’
chevalier qi ja estoit redreciez: « Comant, fet il,3 sire chevalier, voss estes
armez4 cum ge voi, e puis ne vos5 poez defendre de cest chevalier qi est nus?6 −
5 Sire, fet il,7 se ge defendre ne m’en puis, ce n’est mie trop grant merveille, qar
159. 1 137a, Rubr., [CO]MMENT HERVY DE RIVEL TROUVA DA[GUENET] TOUT NU SUR UNG
CHEVALIER QU’IL [TE]NOIT, AINSI NU COMME IL ESTOIT.
2 n. cessoit de f.
3 et prant.
4 qui luy oste l’e.
5 m. et (?) tombe en la nege. Q. il v. qu’il a l’espee perdue en telle maniere il s. d.
6 e. cheute.
7 h. que le chevalier nu n. s’e. fust mis.
8 oultrage ainsi armé.
9 des. que me t.
10 moi omis.
11 por ce omis.
12 suis du tout et entierement despourveu de mes armes comme vous pouez veoir.
160. 1 Dans la marge supérieure de la col. 137b, au-dessus de scet H., court[ois]; cf. § 153
var. 10 et 155 var. 4.
2 i. avoit veu appartement c. tout le fait avoit esté et p.
3 fet il omis.
4 e. du tout a.
5 et si ne v.
6 e. tout n.
7 il omis.
il est trop plus fort de moi,8 e si est home forsenez qi n’a peor de moi9 ne d’ome
mortel ». E la ou il disoit ceste parole, li hom qi10 nus estoit adonc n’i fet 11 nulle
autre demorance, ainz se lance avant autre12 foiz, l’espee nue en la main q’il
tenoit a celui point mout fieremant, et il le meine contreval. Qant i l’a drecé
10 contremont de toute la force qu’il a, il 13 fiert adonc le chevalier si roidemant
qe por la coife de fer ne remaint q’il ne le fende dusq’a dent.14 Et a l’estordre
qu’il fet de l’espee, trebuche le chevalier15 sor la noif, cum cil qi estoit mort.
161. Quant Hervis de Rivel voit ceste avanture, il est tant irez duremant qu’il
ne set q’il en doie dire, qar il reconoist orendroit en soi meesme qe li chevalier
est ocis1 en son conduit; qar puis q’il li crioit merci e puis reçut mort, il est
oniz e deshonorez2 trop malemant. Il ne set q’il doie dire, qar ce voit il bien
5 tout apertemant qi cestui qi ci gist mort ne puet il des ore mais recovrer, ne en
cestui qi ocis l’a3 ne metroit il main en nulle maineire, por ce qe desarmez le
voit dou tout. E cil qi nus estoit, qant il vit le chevalier qui a terre gisoit ne ne
se remue de riens, adonc s’aperçoit il premieremant q’il est mort sainz nulle
faille;4 si le comence a rregarder mout vistemant. E qant i l’a une grant piece
10 regardé, l’espee en la main toute nue, qar il ne la velt onqes leissier,5 il se
comence6 a sourrire a soi7 meesme trop duremant, si qe Hervis8 de Rivel qi le
regarde e le9 voit rirea a soi meesme, dit bien q’il ne puet estre qe cist chevalier
qi si se rit por veiant ne soit le plus fol chevalier del mondeb10. Et il aloit [sa
rote] poissant […] mant por le grant [dolor] q’il a[v]oit d[onc] q’il ne puet estre
15 qe il ne fust chevalier, comant q’il fust oissus del sens. E sainz faille chevalier
es(138d)toit c il assez prouz et assés hardis. E se auquns me demandoit coment
il avoit a no,11 ge diroie tout plainemant qe ce estoit Danguenet le Fol. Einsint
avoit il estez apelez por ce q’il fu primes chevalier quid estoit biene sainz fale
uns des plus sages chevaliers qi fust en tout le roiaume de Logres; en qel qe
20 leu qe avanture l’eust aporté dusq’a celui tenz le tenoient si compeignonf, e li
privé e li estrange, por le plus sage chevalier de toutes choses qi fust entr’els
por ce qe jamés ne pooien veoir en lui auqune folie q’il feist; e sor tout ce estoit
il chevalier de grant force e preuz e hardiz estrangemant. Mes se il dusq’a celui
terme avoit esté tenuz por le plus sage dou monde, ore estoit il apelez por le
25 plusg fol del monde; e ce ne fu mie merveille, car il ne feisoit se folies non e
forseneries. Il n’ot plus sens d’une beste forsenee, e por ce fu il apelez des lor
en avant Daguenet le Fol. Ilec tout droitemant encomencierent ses folies.
Enqore a celui tenz estoit mout geunes chevalier, e neporquant si grant renom
de chevalerie, cum ge vos cont, avoit come[ncié]h e si grant si grant pris par la
30 proece qi en li estoit. E si avoit dou tout amé la meison deu roi Artus tant cum
il fu en son sens et en sa bonté; e por ce ne l’ama il mie mainz tant cum il fu
en sa folie, ainz l’ama tant q’il en leissa toutes autres masons por cele e touz
autres repaires; et en qel qe leu qe avanture l’aportast, fust loing ou pres, fust
en estrange contree fust en privee, si retornoit il toutes voies en la meison le
35 roi Artus por […] dont il fu seu tout certeinemant dedenz la cité de Camahalot
qe qant l’en comença premieiremant a parler del bon Tristain et il oï quant li
161. 10 rire dit en luy mesmes qu’i. n. p. e. qu’il ne s. l. p. fol du m. (au-dessus de ce dernier
mot, dans la marge supérieure de la col. 137c, Le tiers (cf. § 112 var. 10).
Après monde T donne, pour ce passage difficile, un texte différent jusqu’à la l. 16 − cf.
notre remarque aux § 114 var. 1, 122 var. 14, 143 var. 5: Et bien pensoit, car c’estoit le
plus fol chevalier du monde, et estoit moult beaulx et grant a merveilles. Il estoit assez
preux …
11 avoit nom.
161. i 32−40. por cele … fin du feuillet: certains mots illisibles; à partir de por (l. 39), 7 lignes
manuscrites complètement effacées.
161. 12 … c’estoit Daguenet l. F. et ainsi fut il appellés, et si vous diray qu’il fit une fois.
Vray est que quant messire Tristan de Leonnois, le bon chevalier, fut chevalier nouvel et
eut occis le riche Morhault d’Irlande et que sa chevalerie fut sceue, et pres et loing,
Daguenet estoit a Camaalot et moult faisoit rire le roy Artus, si entrerent en parolles de
messire Tristan. Et quant Daguenet oÿt parler de messire Tristan, il dresse la teste, car le
roy Artus avoit dit: « Pleust a Dieu que j’eusse pluseurs Tristan! » Quant Daguenet oÿt
ces nouvelles: « Pour Dieu …
13 or m. d.
14 S. l’un d’eulx peusse tr.
15 je congnoistroye incontinant p. c. veoir d.
16 tuit omis.
162. 1 entend.
2 il commence a s. en s.
3 dist il omis.
4 je ne.
5 qar. … l’un omis.
6 voule veoir l’un des T. (invers.) a. vous en e. l. maison du r.
7 C. et illecques sans f.
sourriant: « En non Deu, se tuit li autres Tristainz sunt autressint biaux cum
30 est cestui et il ressemblent si bien proudome cum cestui, il resemblent bien
vaillant homes. Mes26 certes, tout aille l’en27 grant bien disant de cestui, si ne
croi ge mie q’il soit si bon chevalier cum estoit celui qe ge pris oan28 par force
d’armes »; e ce estoit de monseignor29 Lancelot del Lac dont il parloit. E cil qi
cestui conte savoient, comencierent a rrire e dient entr’els: « Coment, messire
35 Daguenet,30 vos est il donc avis qe messire Tristain ne soit pas si buen cheva-
lier31 cum celui qe vos preistes oan32 par force d’armes? − Voiremant, le33 m’est
il bien avis, dist Daguenet, qar enqore ne fist cist Tristain nulle34 si grant pro-
ece cum fist le miens chevalier a celui point q’il ocist les deus jaianz qi gar-
doient le Fellon Passage. Einsint, cum vos savez, cele haute proece qe35 mon
40 chevalier fist adonc ne pot pas36 estre celee, qar tuit cil dou roiaume de Logres
le sevent; mes37 cist Tristain dont chasqun home vet parlant, qe fist enqore
fors de metre38 a mort le riche Moroholt d’Yrlande? Li miens chevalier conqist
par force d’armes39 les deus jaianz, li miens conqist par sa proece le chastel de
la Dolereusee Garde ou li rois Artus ne pot riens faire a tout 40 son pooir ».
45 Einsint dist Daguenet a cele foiz de Tristain, qant il le vit premieremant; mes
atant leisse ore li contes a parler de cele matire, qar bien y savrom retorner
qant mestier en sera, e retorne a nostre conte e dit en tel mainiere.
162. e Doleureuse: le scribe a exponctué l’u primitif que portait le ms. entre l’ e et l’ r; de
même: 88 n. a et 112 n. b.
XIII
163.1 Puisa que2 Daguenet ot le chevalier mort et 3 il se fu une grant piece partis
de des(139c)sus lui de ce q’il veoit q’il l’avoit mort,4 il n’i atendi plus, ainz le
desarme errament,5 e de ses armes arma il adonc soi meesme a tout le mielz6
q’il le sot faire. Qant 7 il se fu armez de chauces e de hauberc e de hieaume e
5 d’espee, mes escu n’avoit il mie sainz faille,8 il se torne adonc9 vers Hervis de
Rivel e li dit:10 « Sire chevalier, armez sui orendroit; qant ge estoie11 tout nus,
vos veniez si aspremant sor moi cum ge sai, mes ore qant ge sui armez12, por
qoi ne m’assaillez vos a cestui point aussint cum13 vos feissiez devant? E se
vos volez, certes,14 ge sui dou tout apareliez qe ge me combate encontre15 vos
10 por esprouver se ge sui auqes meillor de16 vos ou se vos estez meillor des armes
qe ge ne sui ».
163. a Puis: initiale à miniature représentant trois chevaliers: le premier chevauche muni d’un
glaive; le deuxième est à pied, armé d’un bouclier et d’une épée; le troisième chevalier
enfin gît à terre, inanimé. Le fond de la miniature est or et rouge.
163. 1 138a, Rubr., COMMENT DAGUENET OCCIST UNG CHEVALIER (à cet endroit la rubr.
est interrompue par une miniature à encadrement de rinceaux de fleurs qui en apporte
l’illustration) ET PUIS LE DESARMA VOYANT HERVY DE RIVEL QUI CONDUISOIT LE CHE-
VALIER, ET COMMENT DAGUENET SE PARTI DE LA ET HERVY DE RIVEL S’EN ALA
APRES LUY.
2 Aprés q.: grande initiale.
3 ch. occis et.
4 et qu’i. vit qu’i. estoit m.
5 d. moult e.
6 s’arma i. luy mesmes le m.
7 Et quant.
8 de chauces … faille omis.
9 s. retourne a.
10 dist.
11 j’estoye.
12 Au dessus de suis armés, dans la marge sup. de la col. 138b, courteis: cf. § 155 var. 4.
13 p. ainsi c.
14 d. car cert.
15 a. de m. combatre e.
16 suis meilleur chevalier d.
164. Quant 1 Hervis de Rivel voit a qe cil se2 velt contre li combatre, e sanz escu,
il li respont: « Biaux sire, ge n’ai ore volanté de combatre moi a vos; voiremant
de la vergoigne e de la honte3 qe vos m’avez fete me poise mout 4 duremant,
qar ge di bien qe cestui chevalier qe vos avez mort,5 avez vos mort en mon
5 conduit: qar puis q’il vos crioit merci e reqeroit moi6 qe ge le delivrasse de vos,
e vos sor ce le meistes a mort. Ceste mort m’est trop honteuse: l’en ne porroit
orendroit demander sa mort se a moi non;7 por qoi ge di tout plainemant qe a
cestui point m’avez vos vergoignié trop duremant. − E qant ge vos ai vergoignié
si malemant cum vos dites, fet Daguenet, coment est 8 ce qe vos ne fetes vostre
10 pooir de revenchier vostre honte? − Por ce, fet Hervis de Rivel, qe ge9 a vos ne
me combatroie mie volantiers. − Qant 10 vos a moi ne vos volez combatre, fet
Daguenet, e ge vos en quit; ja force ne vos en ferai. » E tout b maintenant se
parti d’ilec e s’en vet outre, tout einsint nus piez cum il estoit. Hervis de Rivel
vet aprés li tout adés, qar veoir voudra, s’il onqes puet, q’il 11 voudra feire. Il
15 n’orent grantmant alé, li un devant e li autres aprés, q’il vindrent a une12 mei-
son vielle duremant e descheeite de13 toutes choses, q’il n’i ot q’un14 petit de
murs, mes couvertures n’i avoit riens dou monde. Leianz15 avoit un destrier bel
e riche e grant e fort, et un escu auqes nouvel. L’escu estoit (139d) tout c noir
ad une bende toute vermeille auqes estroite.16 E delez l’escu avoit un gleive
20 cort e gros et a fer trenchant;17 bien estoit li glaives propremant cum de cheva-
lier errant. Daguenet n’i fait autre demorance, ainz monte sus le18 destrier e
puis prent l’escu e le glaive. E qant il est einsint aparelliez cum ge vos cont, il
hurte cheval 19 des esperons cum s’il vouxist tout 20 errament joster, e fet une
petite pointe mout bele e mout cointemant. E qant il a sa pointe menee a fin,
25 il retorne sus Hervis21 de Rivel e li dit: « Certes, dan chevalier, vos estez mort se
vos ne vos poez defendre encontre moi; vostre mort vos est trop procheine! ».
165. Quant 1 Hervis de Rivel ot ceste parole, il n’est pas trop bien asseur. Il ne
set q’il doie dire, car a ce q’il se voit a pié e cil estoit trop bien2 montez, li est
bien avis qe de cestui ne se porra il 3 trop legieremant defendre, s’il ne met le
cheval a mort. E ce ne feist il voluntiersa mie, qar a celui tenz estoit trop vergoi-
5 gniez e trop avilez chevalier qi nul cheval metoit a mort. Por ce ne set il mie
q’il doie fere ne dire. E Daguenet, qi a pié le voit, li redit autre foiz:4 « Vassaill,
fet il, qe vels tu dire? te vels tu tenir por outré avant qe ge en face plus? »
Hervis de Rivel respont tout maintenant, cum cil qi de grant hardemant estoit
plainz: « Vassaill, feit il, se Dex me saut, ge ne qit pas estre garçon qi si legiere-
10 mant doie estre outrez cum vos me dites. Puis qe autremant ne puet estre, ge
voill combatre contre vos tout einsint cum ge sui; si m’en metrai en aventure. −
Ore, soiom donc a la meslee, fet Daguenet; huimés te garde bien de moi! »
166. Lors s’en vet un petit retreant cum s’il vouxist aler tout le cors deu cheval
sor Hervi de Rivel, e qant il s’est bien esloigniez le cors d’un cheval et il devoit
encomencier son cors, lors s’areste il ausint cum s’il vouxist comencer a penser
ausint a cheval cum il estoit, e comença a penser si estrangemant qe vos ne
164. 17 a fait t.
18 m. sur l.
19 cheval omis.
20 tout omis.
21 r. sur H.
5 verroiz homea (140a) penser einsint cum il pensoit adonc. Qant Hervis de Rivel
voit qe Daguenet a encomencié som penser, il li crie1 tant cum il puet:
« Coment, sire chevalier, n’en feroiz vos plus? Avez vos eu peor de moi por ce
qe ge sui a pié? » Cil, qi enqore pensoit tout adés2 einsint cum ge vos cont, ne
respont nulle chose; e cil qi atent qe Daguené le viegne assaillir, qant il le voit
10 penser si duremant q’il ne se remue d’ilec ne plus qe s’il fust mort,3 ore est il
assez plus esbahiz de cestui fet q’il ne fu huimés de chose q’il veist; enqore
atant desus la noif e regarde4 qe cil fera. Cil pense adés tout a cheval q’il ne
se remue d’un leu. E qant il a einsint longemant pensé, en tel mainiere cum
ge vos cont, e qe cil qib le regarde en5 est tout ennuiez de lui atendre6 − et
15 a celui point li grevoit mout la noif qi estoit froide qi l’aloit tout refroidant,
meesmemant por ce q’il ne7 se remuoit d’un leu8 −, quant c 9 il a si longemant
atendu cum ge vos cont, Daguenet, qi si fieremant d avoit pensé, dreça adonc
la teste q’il avoit tant longemant tenue enclinee vers terre, et il giete adonc un
sospir de cuer parfont. E puis s’escrie a haute voiz e dit si haut qe cil qi l’a
20 atendu10 l’entendi tout cleremant: « Ha! las, fet il, cum ge sui honiz!11 Por qoi
demore tant la mort qi ne me prent? De12 celi point qe ge perdi par mon pechié
la bele qe ge tant amoie ne deusse ge vivre un seul jor. Las qe feray? Las qe
diray? Honis sui, destruiz sui, mors sui! E qant e ge sui einsint onis qe ge ai
perdu menf cuer e m’amie, qe vois ge demorant une hore qe ge ne moir a mes
166. 1 escrie.
2 tout adés omis.
3 d’i. en p. q’ung mort.
4 e. et atant regarde.
5 l. regardoit e.
6 d. le a.
7 r. car aussi ne.
8 Après lieu, 138d, miniature à encadrement de rinceaux de fleurs: COMMENT HERVY
DE RIVEL TROU[VA DAGUENET], QUI PAR FORCENERIE AVOIT GECTE SE[S ARMES]:
début d’une col. extérieure et mutilée.
9 quant: grande initiale.
10 qui tant l’avoit a.
11 Helas f. [il] en rage s. et h.
12 m. qu’elle n. m. print. Des.
25 mains? por qoig demor? Ge demor enqore por ce qe ge vois enqore atendant qe
ge puisse cele trouver qe ge perdi par ma defaute ». E qant il a dite ceste parole,
il comence adonc a penser aussint fort cum il fesoit devant h. E qant il a pensé
une grant piece, si maz e si pensis q’il ne disoit nul mot dou monde, il ne fet
onqes autre chose, ainz descendi del cheval 13 e li oste le frain de la teste e la
30 sele autressint. E qant il a ce fet, il le fiert dou fer del glaive e le chace en sus
de lui tant cum il puet. (140b) Et aprés14 giete le glaive outre les brouces e
s’espee d’une autre part, e son escu d’autre part autressint. Aprés15 hoste son
yaume de sa teste; e qant il l’a hostez, il 16 le giete entre les brouces, la ou il
les vit plus espeses et 17 au plus loing de lui q’il puet. Qant 18 il a en tel mainiere
35 toutes ses armes departies, il hoste son hauberc de son dos e le repont desoz19
la noif, e puis oste ses chauces e les repont en20 un autre leu. E qant il est
remés si nus q’il n’a de toute la robe dou monde fors qe ses braies21 seulemant,
il comence a corre par desus la noif tant cum il puet toutes voies avant q’il ne
regarde22 ne ça ne la, ne a destre ne a senestre. Et einsint s’enfuit si errant e si
40 hastivemant q’en mout petit d’ore l’a Hervis de Rivel si dou tout perduz q’il ne
le voit ne loing ne pres; il ne set orendroit ou il est.
167. Quant il voit q’il ne le puet mes veoir, et il a en cele place une grant piece
atendu por savoir s’il retornast a lui et il 1 voit q’il ne retorne, il 2 s’en revient a
adonc a celui meesme leu ou il avoit leissiez ses escuiers. E qant il le voient
retorner, e qe toute doutance avoient eu de li por ce qe tant avoit demoré, il
166. 13 la belle (l. 22) que je a. et que j’avoye en ma baillie. Lors descent de son ch.
14 fr. et moult le menace et aprés.
15 escu d’un autre costé. A.
16 qant … h. il omis.
17 et omis.
18 Et q.
19 et l. met. d.
20 et l. met e.
21 e. du tout nu fors q. les b.
22 puet et ne r.
167. a Ms.: s’en retorne corrigé en revient de la même façon que 141 n. a.
167. 1 et quant i.
2 r. mie i.
167. 3 luy [die]nt: début d’une col. extérieure et mutilée 139a; cf. notre rem. a la miniature du
§ préc., var. 8.
4 j’ay.
5 s’e. de moy depparti. Et.
6 i. se dressent (!) le p.
7 d. Hervis e. venus devant (invers.).
8 v. en c.
9 adonc omis.
10 s’en aloit a p. Si (!) dient l. varletz.
11 d. s’en v.
12 v. se (?) car.
13 merveilles.
14 esmerveillés.
15 qu’il est a.
16 i. nous nous en esmerveillons. 0.
17 tiendrés.
18 aucune robe ne habillement fors q. s. b. seulement.
19 l. chevaliers c.
20 estre que nul homme peust durer tout nu en si froide saison comme est ceste. N.
21 s. bien v.
de froit tout pleinemant 22 por la grant destrece dou tenz; e cil qi einsint seroit
25 nuz cum vos dites,23 qe feroit il? − Seignors, fet Hervys de Rivel, ore sachiez
tout veraiemant qe celui qi vet devant nos e qi fist ces pas qe vos veez ici si est
nus piez cum vos dites, e si nus en toutes mainieres q’il est dou tout 24 descou-
vert, fors qe de braies seulemant. E ge25 di bien en moi meesmes q’il ne puet
estre en nulle guise q’il n’ait le sens perdu; e si est chevalier sainz faille. Ore
30 nos hastom de chevauchier auqun pou por savoir se nos le porrom ataindre,
qar trop savroie volantiers en toutes guises26 qui il est e coment il perdi le sens
e par qele hachoison ».
168.1 Quant il a dite ceste parole, il comencent a croistre lor oirre e che-
vauchent orendroit plus duremant q’il ne firent huimés; e2 n’orent pas grant-
ment alé q’il leissierent le grant chemin. E cil, qi devant aloit, avoit leissié le
grant chemin por tenir une autre voie. « Sire, dient li escuier qi devant aloient,
5 qe vos plest qe nos façom? Se nos volom tenir les pas de celui qi ci devant vet,
il nos estuet leissier a force le grant chemin; se nos en oissom, nos3 nos porrom
puis metre en tel leu dont nos ne porrom pas oissir4 a nostre volanté a ce qe
les nois sunt esi ennuieuses5 cum vos veez. − Seignors enfanz, fet Hervys de
Rivel, ore ne vos esmaiez si fort, qe ja si grandes ne les trouverom qe nos n’en
10 peussom bien oissir6 a ce que nos somes venuz en droite plaine; e ge, de l’autre
part, ne voudroie7 en nulle mainiere qe nos perdissomes8 del tout celui qi
devant nos s’en vet. Main(140d)tenez tout adés la trace! − Sire, dient li valet,
volantiers ».9
168. 1 139b, Rubr., COMMENT HERVY DE RIVEL TROUVA UNG CHEVALIER AU PRES D’UNE
GROSSE RIVIERE, QUI ESTOIT MOULT NAVRE, ET LE CHEVALIER LUY COMPTA QUI CE
LUY AVOIT FAIT.
2 n. faisoient et.
3 n. convient a f. le g. ch. laisser. s. n. le laissons n.
4 en lieu ou n. n’en pourrons issir.
5 s. si grans et si e.
6 n. ne puissions issir.
7 n. vouloye.
8 n. ne p.
9 l. varletz v.
169. En tel guise chevauchent tant tout adés au1 travers de la champaigne, qar
chemin ne trouvoient il point, q’il sunt venus a une2 grant rivere, parfonde
duremant e rroide duremant 3 a merveilles. Et il trouverent adonx dedenz4 une
sauçoie un chevalier et un escuier. Li chevalier estoit a terre descenduz sor la
5 rive dou flum et 5 avoit mis son hyaume de joste6 lui, e son escu pendoit a un7
arbre e s’espee de joste, mes son gleive estoit leis gitez en loinga; et il 8 fesoit
oster son hauberc por regarder une plaie q’il avoit receu tout maintenant, et 9
estoit la plaie assez grande et assez10 parfonde. Qant il vit de lui aprochier le
chevalier, il reconut 11 tout 12 errament por les armes q’il portoit, et en tele sei-
10 son cum estoit ceste, q’il 13 estoit chevalier errant. E por ce li comence14 il a
crier tant cum il puet: « Ha! sire chevalier, venez a moi e regardez une plaie qe
ge ai15 por savoir se vos i porroiz16 metre conseilh ». Et il savoit de verité qe
pou avoit de chevaliers el monde qi fussent chevaliers erranz qi ne seussent
de lur bleceuresb e de plaies.17
170. Quant Hervis de Rivel entent a ceste parole, il dit bien1 a soi meesme qe li
chevalier est navrez; e por ce descent il e fet au chevalier oster son hauberc e
li comence a regarder sa plaie, e troeve q’il estoit navrez par mi le piz mout
170. 1 dist b.
duremant del cop d’un glaive. E qant il li a bendee sa plaie2 e fet tant de bien
5 cum il li savoit 3 fere, il li demande: « Sire, coment fustes vos navrez? − Coment,
sire, fet il, issi voiremant m’aït Dex cum ge sui navrez par plus fiere avanture
dont chevalier fust onqes mes navrez, qar ge estoie4 ici descenduz por un pou
de besoigne; mi escuier estoit descenduz autressint.5 E la ou nos parliom entre
nos de la saison qi estoit tant froide e nos regardiom ceste rivere e disiom tout
10 apertemant qe nos ne porriom passer, se ce n’estoit par auqun pont, qar trop
est l’aigue parfonde6 e fort en toutes mainieres, atant e vos vers nos venir de
cele part dont vos venez un home nu,7 fors qe de br(141a)aies, e crioit tant cum
il pooit crier. Qant ge8 le vi vers nos venir en tel mainiere, ge fui9 trop fieremant
esbahiz coment ce pot avenir q’il n’estoit mort 10 de froit, e qidai adonc sanz
15 doute q’il criast por la froidure e non por autre chose; mes non fesoit, ançois
crioit cum cil qi estoit 11 enragiez e fors12 dou sens. Qant il fu venuz dusq’a nos,
il ne nos13 regarda de rienz qi soit, ançoiz se voloit metre el flum.14 Ge conuib
adonc tout a certes15 q’il estoit fol e fors del sen, si li començai a crier tant cum
ge poi: « Fui, fol! ne te met dedenz le flum, qar tu es morz se tu t’i mez! » Qant
20 il entendi qe ge aloie16 einsint criant, il se torna adonc devers moi e me dist:
« Se ge sui fol, ce fist amor; ge ne puis nul autre blasmer de ma folie fors qe
amors17 tant soulemant ».18
170. 2 q. il a regardee sa p.
3 i. le s.
4 j’estoye.
5 por un … autressint omis.
6 l’eaue (ainsi toujours) p.
7 h. tout n.
8 Mais je.
9 j’en f.
10 ce […] estre qu’i. ne fust m. (col. extérieure et mutilée 139d ).
11 cil qi estoit omis.
12 hors.
13 il nous.
14 fleuve (ainsi toujours, sauf var. 5, § 169).
15 t. certainement.
16 j’aloye.
17 fors amours.
18 seul. qui m’a ce fait.
171. Quant il ot dite ceste parole, il regarda tout entor lui, et avint adonc par
mon pechié q’il vit mon glaive drecié a un1 arbre, illec devant. Il n’i fist nulle
autre demore, puis q’il ot le glaive veua, ainz2 corrut tout errament e prist le
glaive a deus mains; e la ou ge estoie3 en estant e regardoie q’il voloit faire, il
5 s’en vint a moi tout le cors e me feri, si cum il est enqore aparant. E4 tout
maintenant q’il m’ot feru, il n’i fist autre demorance, ainz se mist el flum erra-
ment e passa outre tout a nou,5 aussint legieremant come se rienz ne li fust.
En tel guise et en tel 6 mainiere cum ge vos ai conté me navra l’ome forsenez
q’il n’i ot nulle achoison; en tel guise passa outre le flum q’il n’ot dou flum
10 nulle doutance. Nos7 ne le peumes aprés sivre, qar l’eve, qi est si parfonde cum
vos veez apertemant, nos toli a aler8 aprés. » E qant il a dite ceste parole, il se
comence a plaindre mout duremant, cum cil qi se sentoit navrez auqes9 en
parfont de la plaie qe cil li10 avoit fete.11
172. Quant il a tout finé son conte,1 Hervy de Rivel parole adonc e dit 2 au
chevalier: « Dan chevalier, vos n’avez plaie ne bleceure dont vos doiez avoir
peor, qar legieremant en garroiz,3 ce voi ge bien tout apertem(141b)ant. Mes se
Dex me doint bone avanture, ore ne sai ge qe faire aprés ce qe vos me dites. −
5 Ore ne sai ge coment ge puisse trouver celui qe ge vois qerant, fet le chevalier
navrez. − Certes4, fet Hervis de Rivel, ge aloie5 qerant celui qi navrez vos a,
qar, en toutes mainieres, ge seusse volantiers qi il est qar ge ai tant veu de son
171. 1 d. en u.
2 a. demourance p. qu’i. eut veu ains.
3 j’estoye.
4 f. comme encores poués veoir. Et.
5 tout a nou omis.
6 guise et en tel omis.
7 le fleuve sans aucune doubtance. N.
8 l’eaue estoit trop parfonde c. v. veés nous garda d’a.
9 auqes omis.
10 li omis.
11 f. perilleuse (écriture, semble-t-il, plus petite et plus serrée).
fet, et hui meesmes en cest jor, qe por ce, s’il est forsenez, ne remaint q’il n’ait
esté chevalier de grant afaire; e por ce meisse ge trop voluntiers6 conseill en
10 sa maladie, se ge faire le peusse, qar au moisne feroit ccortoisie grant qi don-
roit aide a un tel home cum est cestui. − Certes, fet le chevalier navrez, vos
dites cortoisie e gentilece, e croi bien q’il ait esté chevalier de haute proece
garniz; por ce feriez vos bien se vos metiez conseill en sa dolor, se metre l’i
poez. Mes certes, il est ja tant esloigniez de ci, a ce q’il s’enfuoit toutes voies
15 si grant cors cum il pooit aler, q’il ne m’est pas avis qe se vos eussiez tout
orendroit passé que vos le peussiez huimés ataindre, e por ce qe cestui flum
ne porrieza vos orendroit passer en nul leu a cestui point, qar il est si parfont
cum vos veez apertemant ».
173. Lors comence Hervis de Rivel a penser, e qant il a pensé une grant piece,
il dit a sses escuiers: « Passom outre, qar le passage de cest flum si est 1 trop
loinz. − Ha! sire, merci! dient li escuier, qe est 2 ce qe vos volez fere? Li flums est
tel cum vos veez; certes,3 a cestui point ne s’i porroit nuls hom metre dedens
5 qe mort n’i fust tout maintenant. Sire, ne metez a mort nos e vos! » Por parole4
qe dient li escuier ne se refraint Hervis5 de Rivel, ainz se met errament avant
en l’aigue e dit:6 « Assés, escuiers, sivez moi! − Ha! biaux sire, merci! fet li
chevalier navrez, ne vos ociez en tel mainiere ». Cil ne respont a parole qe dit
li chevalier navrez,7 ainz se met el flum toutes voies. E ce8 li donoit si grant
10 seurté de passer9 le sauvemant q’il sentoit q’il estoit montez sor un grant des-
172. a Ms. porrriez: le copiste n’a pas tenu compte du premier r, arrondi.
trer, fort e bon10 e isnel; e por ce li avint il si bien q’il passa11 le flum tout a
nou. Mes avant qu’il fust outre, but 12 il de l’eve assez plus qu’il ne vouxist. E
q’en diroie? toutes voies (141c) passa il outre a grant paine et a13 grant travaill;
et a grant avanture a esté de morir a cestui passage. E neporqant, toutes voies
15 passa il outre e si escuier autressint. Mes il n’i ot nul d’eaus qui tant fust hardiz
qi n’eust peor de morir; toutes voies sunt passé outre.14 E qant il ont l’aigue
passée outre,15 il descendent tout errament. Hervys de Rivel se fet desarmer
por tordr sa robe e ses armes ou il avoit aigue a planté. E qant il sunt appa-
reilliez au mielz q’il puent, il se metent au chemin, qar il trouvent maintenant
20 les pas Daguenet 16 qi s’en aloit par mi la noif davant eaus. « Segnors valet, fet
Hervys de17 Rivel, dou chevauchier, puis qe nos avom trouvé les pas de celui
qe nos aillom qerant; il ne puet estre en nulle guise q’il ne recroie e q’il ne
lasse e qe nos ne l’ateignom cestui jor ».
175.1 Quant il a dite ceste parole, tout maintenant se met a la voie un des
vallez, e tant se haste de chevauchier q’il vint au chastel ou il troeve un vawas-
sor par avanture qi le demanda2 qi il estoit e por qoi il estoit leianz venuz. E
qant li valet li ot conté q’il estoit a chevalier3 errant qi leienz voloit herbergier,
5 li vavasor tout errament dist au valet: « En non Deu, qant vos a chevalier errant
175. 1 140c, Rubr., COMMENT DAGUENET COUROIT PAR MY LES RUES D’UN CHASTEL
COMME FOL ET ENRAGE ET RENCONTRA HERVY DE RIVEL QU’IL CONGNUT BIEN QU’IL
ESTOIT CHEVALIER ERRANT ET LUY CRIA TANT COMME IL PEUT, AINSI NU COMME IL
ESTOIT.
2 v. d’a. q. luy demande.
3 a ung ch.
estes, bien vos est avenu d’ostel: venez avant, qe ge vos herbergerai trop4
volantier ». Si mena tout errament le valet a son hostel e li moustra sa meison
qi tant estoit 5 bele e riche qe bien y peus le rois6 descendre et assez honoree-
mant. Li valet 7 leisse leianz l’escu de son seignor e retorne toute la rue q’il
10 estoit venus. E8 qant il fu venus a la9 porte dou chastel, il trouva son seignor
qi ja estoit pres, et il li dit qant il est pres de lui: « Sire, bien vieigniez! Sachez
qe nos avom bel hostel; ne sai se nos trouverom celui qe nos alom qerant ». A
ces paroles q’il disoient, il entrent dedenz le chastel e s’en10 vont per la mestre
rue. E la ou il trespasoient 11 en tel mainiere, il oent un grant cri de moutes
15 genz qi disoient a plaine voiz: « Gardez vos del fol! gardez vos del fol! » Qant
Hervys de Rivel entent ceste parole, il s’areste, qar maintenant q’il ot parler
dou fol li dit li cuers certeinemant qe ce est 12 celui sainz doute13 q’il vont que-
rant.
176. Aprés1 ce q’il fu arrestez, il n’ot pas demoré granment q’il voient venir
Daguenet, tout contreval la mestre rue, si nus co(142a)me hui le virent au
matin. Aprés lui venoient grant gent: veillarz homes2 e geunes enfanz; li uns
fugent devant lui e3 li autre venoient 4 aprés. Et il tenoit entre ses mainz pierres
5 plusors q’il gitoit amont et aval a ceaus qi estoient plus pres de lui. E qant il
voit Hervis de Rivel, tout fust 5 il foux et enragiés, si conoist il tout certeinemant
qe ce est un chevalier6 errant; e por ce li vet il au devant, si nus cum il estoit,
e li dit: « Bien viegnant, sire chevalier7 errant »! E maintenant q’il a dite ceste
175. 4 v. loigeray t.
5 q. moult e.
6 r. et bien y p. ung r.
7 et honorablement. Le varlet.
8 r. par la voye ou il est. passé. Et.
9 fut a la.
10 s’[en]: col. extérieure et mutilée 140d.
11 i. passoient.
12 f. l. est bien advis q. c’est.
13 sainz doute omis.
parole, il s’en vet outre q’il ne tient adonc a lui null 8 autre parlemant. Hervys
10 s’en vet a son hostel entre lui e ses escuiers, e descent.9 E qant il est descenduz
e desarmez, il demande a son hoste: « Biaux hostes, se Dex vos doint bone
avanture, me savez vos10 a dire qi est un home forsenez qi est orendroit en
ceste vile? − En non Deu, biaux hostes, fet li vavasor, oïl, ge11 le conois bien.
De celui vos sai ge bien a dire qe ce est domage e perte grant e trop dolereuse
15 de ce q’il est 12 einssint mescheoit q’il a dou tout perdu13 le sens cum vos veez;
qe par cele foi14 qe ge doi vos, enqore n’a pas grantment de tenz15 qe ge le vi
biau chevalier e mignot, e preuz des armes duremant e si garni de toutes bon-
tez16 de chevalerie cum chevalier porroit ore avoir en soi, si qe a paine trouvast
l’en en cest païs un plus proudome de lui. − Biaux hostes, fet Hervis de Rivel,
20 puis q’entre vos conoissiez q’il fu si proudome e avanture li a otroié q’il soit si
malades17 cum vos veez, por qoi n’i metez vos conseut por savoir se vos le
porriez garir18 en nulle mainiere dou monde? − Biaux hostes, fet li vavassor,
de ce qe vos avez19 orendroit dit, ne dites vos se cortoisie non e ce qe nos
deussom fere.20 E certes, qant ceste grant mescheance li avint, en eussom nos
25 fet auqune chose se nos le peussom fere; nos le volumes prendre, n’a enqore
pas granment, por fere21 dormir e rreposer en auqun leu, por savoir se par
dormir ou par reposer li peust sa maladie trespasser.22 Mes bien sachez qe nos
ne23 le peumes prendre, e si en feimes tout nostre pooir auqune fois: il est si
estrangemant fort qe nul home ne le puet pren(142b)dre as bras q’il ne le giete
30 contre terre errament; en cest chastel ou nos somes orendroit a il maint cheva-
lier ocis qi le voloient prendre. Por ceste chose qe vos avez orendroit devisee e
por les maus q’il a fet ja a plusors de ceianz, n’i a nul de24 cest chastel qi se
voille metre25 en aventure de prendre le,26 qar il ne puet home trouver qi vers
li peust durer a force ».27
177. Quant li vavasor a dit ceste parole, il prent Hervy de Rivel par la main e li
dit: « Biaux sire, fet il, li froiz est grant e vos avez mout travailliez et en froi-
dure1; ore alom au feu, e si nos reposerom ilec dusq’atant 2 qe li mangiers soit
appareilliez ».3 Et il li otroie volantiers, qar de tout ce avoit il assez grant 4
5 besoing. E qant il sunt au feu venuz et assis ilec devant 5 sor une coltre pointe
de soie, Hervis de Rivel, qi n’avoit pas leissié a demander nouveles de celui6
por qi il estoit venus el chastel, parole adonc qant il se sunt un pou7 reposé e
dit 8 au vavasor: « Sire hostes, se Dex vos doint bone avanture, qant vos cestui
chevalier qi oissuz est fors del 9 senz conossiez si bien come vos me dites, ore
10 me contez, s’il vos plest, qui il est e coment ce li avint e qel chevalier il fu; e
se vos savez por qele achoison ceste maladie li vint, si le me contez, qar certes,
ce est 10 une chose qe ge mout desir assavoir ». A ceste demande respont le
seignor de leianz e dit en tel mainiere: « Biaux hostes, qant vos de ce volez
savoir la verité, e ge le11 vos dirai tout maintenant en tel guise cum il avint tout
15 maintenant.12 Or escoutez fiere avanture e fiere mescheance qi avint a cest
chevalier13 dont vos me demandez ». E maintenant q’il a dite ceste parole, il
comence son conte en tel mainiere.
177. 1 et a grant f.
2 et illecques n. reposerons jusques a.
3 s. prest.
4 i. moult g.
5 ilec devant omis.
6 p. oublié celuy.
7 v. illecques p. a. qu’il se sentit u. p.
8 et dist.
9 qui est hors d.
10 car c’est.
11 je la.
12 en … maintenant omis: saut au même volontaire?
13 a celuy ch.
178.1 « Sire, enqore n’a pas deus anz entiers qe devant cest chastel ot un tor-
noiemant mout grant e mout bel. A2 celui tornoiemant vint mout grant gent e
mout merveilleuse. E fu plus assemblez cil tornoiemanz por marier3 une damoi-
sele qi estoit dame de cest chastel qe por autre chose. E certes,4 a celui tens
5 estoit la damoisele garnie de mout tres merveilleuse5 biautez qe ge croi (142c)
qe l’en peust bien6 cerchier tout le roiaume de Logres avant qe l’en peust trou-
ver deus autressint beles damoiseles cum estoit cele; et enqore est ele bele,
mes non mie tan bele d’assez cum ele estoit a celui7 tenz. E por veoir la grant
biauté de lui vindrent a celi point plusors8 bons chevaliers qi ne fussent mie
10 venuz se ce ne fust entre les chevaliers qi a celui tornoiemant furent, vindrent
dui9 chevaliers qi compeignons estoient d’armes10 et avoient celui an meesmes
estéa nouvel chevalier; e de tant cum il avoient ja porté armes, avoient il ja
conqesté11 loux e pris. Li uns de ces deus compeignons estoit apelez Daguenet
e li autres Helior de l’Espine; biaux chevaliers estoient amdui e gentil home,
15 ce saviom nos bien. Helior de l’Espine n’estoit pas de la meison le roi12 Artus,
mes Daguenet en estoit e13 tant avoit ja fet par la proece14 q’il estoit de grant
renomee, et en celui hostel et en autre leu. Qant Daguenet fu venus au tornoie-
mant entre lui e celi suen15 compeignon, il le firent adonc16 andui si bien q’il
conqistrent a celui point grant pris e grant loux. E tant firent qe cil de cest
178. 1 141b, Rubr., COMMENT L’OSTE COMPTE A HERVY DE RIVEL L’ACHOISON POUR QUOY
DAGUENET ESTOIT HORS DU SENS POUR LA FAULCETE QUE HELIOR DE L’ESPINE, SON
COMPAIGNON, LUY AVOIT FAICTE DE SA FEMME.
2 b. a merveilles. A.
3 m. de gens. Et fut ce t. plus pour m.
4 certes omis.
5 de toute merv.
6 peut b.
7 en cel.
8 c. temps p.
9 q. n’y f. m. v. Et entre les autres vindrent d.
10 d’armes omis.
11 ch. et si avoient ja conq.
12 m. au r.
13 est bien et.
14 p. sa p.
15 et son.
16 adonc omis.
20 chastel en tindrent grant parole,17 qar ill avoient veu en18 ambedeus proeces
merveilleuses. Et il se traveilloient amdui de porter armes, qar li uns e li autres
avoit ja mis son cuer en amer19 la damoisele; ne li uns ne le disoit a l’autre. Qe
vos diroie? Puis qe li tornoiemant fu failliz, demorerent il en cest chastel grant
tenz por veoir la damoisele, se veoir la peussent, mes ele estoit si de pres gar-
25 dee q’il ne la pooient veoir se trop petit non.20
179. Laa damoisele dont ge vos cont, qi tant estoit de merveilleuse biauté, avoit
pere, e cil 1 estoit bon chevalier a celui tenz qe celui tornoiemant avoit esté. Un
pou aprés fu li pere de la2 damoisele apelez de traïson en la cort le roi Pelinor,
de cui honor cist chastiaux est. Li3 peres de la damoisele n’avoit pas en lui si
5 grant bonté de chevalerie q’il peust son cors defendre par sa proece soulemant
encontre celui qi l’apeloit. Qant il fu a cest 4 chastel retornez aprés l’apel qi li
fut fet, e nos seumes qi cil estoit qi l’apeloit, nos en eumes do(142d)lor5 assez,
qar bien saviom certeinemant qe, se il se combatist encontre lui, q’il ne s’en
partist sanz mort ou sanz honte. Daguenet,6 qi la damoisele amoit tant cum il
10 porroit nulle damoisele amer,7 demoroit en cest chastel. E nos aviom8 ja veu
bien et aperceu9 par son semblant et a chiere q’il 10 amoit la damoisele de tout
son cuer. E qant il entendi qe si peres estoit apelez de traïson, e par tel cheva-
lier11 encontre cui il ne se porroit mie defendre, se par autrui12 n’estoit, il vint
a lui tout droitemant e li dist voiant nos touz de cest chastel: « Sire, ne soiez
15 esmaiez de ceste bataille dont vos estes apelez, qe ge sui touz appareilliez qe
178. 17 g. parlement.
18 en omis.
19 avoient j. m. leurs cueurs a a.
20 v. si non petit et a grant moult grande (?).
179. 1 et il.
2 de la omis.
3 Pellinor duquel est l’onneur de cest ch. L.
4 f. en c.
5 e. memsmes (?) d.
6 c. qu’il estoit mort s’il se combatoit a luy ou qu’il n’eust honte et vergoingne. D.
7 i. pouoit damoiselle du monde a.
8 Et bien a.
9 et aperceu omis.
10 et maniere q. i.
11 p. ung ch.
12 cuy ne s. pouoit point d. sinon par a.
180. A chief de l’an tout droitemant revint ceianz en cest chastel entre lui e
son compeignon, ne enqore1 nea qidoit il mie q’il amast la damoisele tant cum
il l’amoit; cil ne l’amoit mie mainz qe fesoit Daguenet. Qant 2 nos seumes q’il
venoit, nosb li alames tuit a l’encontre e le receumes ceianz a grant joie et a
grant feste, e lor feimes3 grant honor. E nos le deviom bien fere; toute l’onor,
180. 1 c. et e.
2 i. a. tant la d. comme luy. Q.
3 j.et deduit et luy f.
5 tout 4 le servise qe nos faire li pe(143a)umes, nos5 li feimes. Qant il ot entre nos
demoré bien .VII.6 jors entiers, il fist adonc asavoir au seignor de leienz q’il
voloit sa fille7 por moillier: il li avoit ja fet bonté si grant cum il savoit; ore l’en
rendist guerredon a cestui point, ne autre guerredon il ne voloit avoir por son
servise, fors q’il 8 li donast sa fille por moillier.9 De ceste nouvelle fu li sires de
10 ceianz mout liez e mout 10 joianz duremant qant il le sot, e nos autres en fumes
tuit liez, qar bien saviom certeinemant qe cil estoit tel chevalier qe bien plus
gentil damoisele qe n’estoit la nostre e mielz vaillant se tenist 11 a bien paiee
d’avoir tel mari.12 E q’en diroie? Il n’i ot autre13 parlemant ne autre14 delaie-
mant qist,15 mes maintenant li fu la damoisele donee et esposee16 un autre jor.
15 E tant tost cum il 17 l’ot prise por moillier,18 il se parti de cest chastel entre lui
e son compeignon e .IIII. escuiers qui les19 servoient, q’il ne voudrent plus de
compeignie avec eaux. E dist q’il ne reposeroit jamés grantment devant 20 q’il
venist en son païs ou il demorroit avec sa moillier.
181.1 Einsint 2 se parti d’entre nos et en mena avec soi nostre damoisele. Celui
jor meesme q’il en menoit nostre damoisele,3 si gente e si bele e si bien aces-
181. 1 142c, Rubr., COMMENT HELIOR EMMENA PAR TRAYSON LA MOILLER DE SON COM-
PAIGNON DAGUENET, AINSI QU’IL SE COMBATOIT TOUT A PIE A UNG AUTRE CHEVA-
LIER QU’IL OULTRA D’ARMES; ET APRES MONTA SUR UNG CHEVAL DE SES ESCUIERS
ET ALA APRES HELIOR, SON COMPAIGNON précédant une miniature située dans la partie
supérieure du f ° 142d, qui en apporte l’illustration.
2 Ainsi: grande initiale.
3 Celui … damoisele omis: saut au même volontaire?
mee de4 toutes choses cum ge vos cont, li5 avint q’il encontra un chevalier dou
roiaume de Benoïc.6 E s’en aloit cil chevalier a la7 meison le roi Artus ou il
n’avoit onqes esté. Li chevalier chevauchoit adonc armez de toutes armes, qar
5 bien avoit apris en quel guise et en quel mainiere li chevaliers errant devoient a
chevauchier par le roiaume de Logres. Tout maintenant q’il vit nostre damoi-
sele, si bele e si gente qe ce estoit 8 une grant merveille, il se mist avant 9 e
demanda qi estoit celui qi la condusoit. Daguenet sailli avant tout maintenant
e dist q’il le condusoit.10 « Puis qe vos la condusoiz, dist li chevalier, donc la
10 defendez contre moi, qe ge la11 voill par force d’armes, se ge onqes puis ». Por
ceste achoison qe ge vos ai contee encomença la meslee des deusb chevaliers
qi dura des hore12 de none dusq’a la nuit oscure. Li chevalier, qi Helyor13 estoit
apelez e qi compeignon estoit (143b) Daguenet,14 qant il vit qe la bataille estoit
comencee entre les deus chevaliers e q’il estoient amdui a pié, qar il avoient
15 lor chevaux ambedui15 ocis de la premiere joste por ce q’il avoient porté lor
glaives trop bas, qant il vit qe la bataille estoit comencie, il dit 16 a la damoisele:
« Chevauchom avant,17 qar ge ai18 doute qe greignor gent ne viegnent aprés
cest chevalier qi prendre vos vouxissent a force; e puis qe nos serom a cest 19
chastel ça devant, nos n’avrom garde ne de20 cestui chevalier ne d’autre ». Par
20 ceste decevancec en mena le chevalier la damoisele en sa compeignie, qar ele
qidoit tout de verité q’il la menast a21 sauveté por Daguenet. Mes cil pensoit
tout autremant: il leissa ilec les deus escuiers Daguenet,22 e les suens deus en
mena; e qant il dut torner au chastel ou il avoit pramis, il torna adonc autre
part, qar il s’en ala en Cornoaille. Et il fu23 bien un an entier avant qe nos le
25 seusson. Einssint fu trahiz e deceuz vileinemant 24 Daguenet par son compei-
gnon; einsint perdi il sa moillier par celui q’il tant 25 amoit et en cui il se fioit
si duremant.26
182. Quant il ot sa bataille a fin menee en tel mainiere cum ge vos cont et il
ot le chevalier mené a outrance par force d’armes, il monta sor un roncin d’un
de ses1 escuiers, qar adonc n’avoit il autre chevaucheure por soi, e se mist
maintenant a la voie aprés2 son compeignon. Mes s’il le trouvast a celui point,
5 ce seroit grant merveille, qar cil 3 tenoit mout 4 autre voie qe ne fesoit Daguenet.
Einsint qist Daguenet nostre damoisele bien deus5 mois entiers q’il ne fina
granment ne de jor ne de nuit; il ne repousa6 pou ne grant fors tant cum il
dormoit. E qant il l’ot qise si7 longemant q’il n’en pooit aprendre nules nou-
veles, il s’en retorna a cest 8 chastel, qar entre nos en qidoit il apreindre toutes
10 voies auqune9 certeineté. E qant il fu entre nos venuz et il vit q’il ne porroit
oïra 10 nulles nouveles de ce q’il aloit qerant, il en prist si grant duel sor lui q’il
acoucha malades.11 E li en dura cele12 maladie bien un an entier e plus enquore
182. 1 un cheval de s.
2 m. en la voye tout maintenant a.
3 car il.
4 mout omis.
5 Après deus un mot incompréhensible: le scribe a sans doute voulu écrire jours, puis,
s’étant ravisé, il a donné au mot la terminaison de mois.
6 n. reposoit.
7 quise et cerchee s.
8 trouver nouvelles il retourna en c.
9 car toutesvoyes entre nous en cuidoit il bien savoir aucune.
10 pouoit o.
11 qu’il en[tom]ba m.
12 lui dura c.
q’il onqes ne pot garir;13 et au derain perdi il del tout le sens q’il ne savoit
(143c) q’il fesoit ne plus q’un14 enfant de deus anzb. De celui15 tens a il entre
15 nos demoré si foux cum il est orendroit, e si nus cum vos le veez orendroit 16
ai il ja bien esté deus mois: une hore s’en vet il fors criant e bruiant cum home17
forsenez par ces foresz e par ces bois cum18 une beste forsenee; mes coment
q’il 19 aille loing, il retorne a nos toutes voies; plus20 demore adés21 en nostre
compeignie q’il ne fet en null autre leu. Mes une altre chose a en li qe ge ne
20 vos ai enqore pas22 conté: onqes enqore23 nel veimes si corroucié ne si enragiez
q’il ne fust errament en pes puis qe nos li comenciom24 a parler dou roi Artus.
Se nos li disom25 auqune fois: « Veez ci venir le roi Artus! » il s’areste tout
maintenant e regarde tout entor soi e dit adés: « Gabez sui,26 ce n’est mie mon
chier seignor ». Mes seulemant por remembrance de li demore il en pes une
25 grant piece; ce veom nos de li tout adés avenir:27 tout maintenent qe nos li
amentivom le roi Artus se paixe e se refrene son28 mal talent. E jamais nulle
fois dou monde, qant il est bien corrouciezc, ne le poom nos repaisier29 se nos
nel ramentevom le rroi Artus, mes lors fine30 tout son mal talant. Si vos ai ore
finé mon conte, ce m’est avis, qar ge vos ai devisé coment et en qel mainiere
30 il devint foux. − Certes, fet Hervis de Rivel, voiremant le m’avez vos bien conté.
E de ce qe vos me contastes de son hardemant e de sa proece vos port ge bien
tesmoing: tant cum il fu en son sens e porta harmes, il fist assez et en maint
leu; por qoi l’en li doit doner e loux31 e pris. E sachiez qe de ces nouveles ne
sera mie li rois Artus trop joianz qant il le savra, ainz en sera bien corrouciez,
35 qar il l’amoit 32 de grant amor. E33 certes, puis q’il tant aime le roi Artus cum
vos me fetes entendant, e meesmemant en ceste forsenerie ou il est orendroit,
ge croi qe, qui34 le merroit au roi Artus, q’il avroit si grant joie q’il garroit 35
tout maintenant de cele forsenerie ou il est orendroit ».36
183. Einssint tindrent celui soir grant parlemant des folies Daguenet.1 Hervis
de Rivel, qi mout en est orendroit corrouciez, conte a son hoste ce q’il en avoit
le jor veu: coment il avoit mis a mort le chevalier armé e coment il s’en
es(143d)toit puis partiz.2 Qant li vavasor entent ceste nouvele, il demande a
5 Hervis de Rivel: « Biaux hostes, se Dex vos doint bone avanture, itant me dites,
s’il vos plest, qel escu portoit le chevalier qe Daguenet ocist? − En non Deu,
fet Hervis de Rivel, il le portoit tel », si le devise.3 − « Ha! sire, fet li vavasor, la
beste est prise! Ore sachiez veraiemant q’il a hui ocis, si fua celui chevalier
demeine qi la damoisele li embla, tout einssint 4 cum ge vos ai conté. Puis q’il
10 a cestui ocis, bien li a rendu toute la traïson5 e toute la fellenie q’il li fist ja. −
En6 non Deu, fet Hervis de Rivel, enqore7 fist il une autre proece qe ge vos
conterai ja ». E maintenant li comença a conter coment il avoit le chevalier
navré q’il trouva devant la rivere, e coment il vint a la rivere qi mout estoit
parfonde e passa outre. « En non Deu, fet li vavasor, cestui fet ne fu mie petite
183. 1 f. de D.
2 c. dist au vavasseur comment et la maniere que Daguenet avoit en sa presence occis
ung chevalier et comment de luy s’estoit […] partis: col. extérieure et mutilée 143a; cf. le
§ préc., var. 22.
3 t. et luy d.
4 a au jour d’uy o. le chev. mesmes q. l. d. luy forvoya en la maniere ainsi.
5 rendu la tr.
6 f. que ja luy fit. E.
7 nom dist Hervis encores.
184. Einssint parlerent celui soir des ovres de Daguenet. E1 qant il est hore de
mangier e li souppier est appareilliez,2 maintenant est la table mise; si man-
juent 3 assez richemant et assez bien, qar assez avoit li vavasor dom il pooit
faire.4 Et au mangier meesme, qant il fu finez, comence Hervis de Rivel 5 a
5 demander au vavasor: « Dites moi, biaux sire hostes, se Dex vos doint bone
avanture, veistes vos ne hui6 ne yer passer par cest chastel nul chevalier7 errant
qi en menast en sa compeignie une damoisele8 e trois escuiers ou qatre? −
Certes, nanil, fet li vavasor. Il a bien ja .X.9 jors entiers q’il ne passa par ci
chevalier errant fors vos seulement qi orendroit venistes. Mes por qoi le deman-
10 dez vos? − Por ce, fet Hervis de Rivel, qe ge vois qerant un tel chevalier cum
ge10 demant. − Certes, ce dit li vavasor, ge n’en sai riens a dire ». En tex paroles
et en teles demandes trespassent 11 cele nuit. E qant il est hore de dormir, il se
vont couchier q’il ne funt autre12 demorance. E se reposent en tel guise dusq’a
l’endemain13 q’’il fu bien hore de chavauchier.
(144a) 185.1 A l’endemain, qant il Ora dit li contes que quant Hervi de
ajorne, Hervi2 de Rivel, qi fu en coite Rivel se fu partis de monseignor Lac
de chevauchier3 por savoir s’il porroit et de Breüs, il chivauche en tel mai-
ataindre celi q’il vouxist ja avoir nere jusque hore de midi que il
5 ataint, ce est le Bon4 Chevalier sainz n’encontre ne home ne feme; et ce li 5
Peor, se lieve matin. E qant il est ves- donne auquez grans confort que il
tuz, il demande ses armes e l’en li5 estoit li tens mult bel et mult clers. Et
aporte errament. Qant 6 il est garniz lors li avint que il entre en unne mult
de ses armes et il est montez,7 il n’i belle plaigne. Il n’i hot grament chi-
10 fet autre demorance, ançois8 prent vauchiés que il trove a lo travers de la 10
congié a son hoste e se part de leianz foreste exclox de chevaux; et bien li
tout maintenant, et en tel mainiere est aviz, quant il les a grant piece
chevauche dusq’a hore de midi q’il a regardés, qe por le travers de la
n’encontre home9 ne feme. E ce li plaigne vont chevaux a grant chemin
15 done adonc mout grant reconfort qe10 devant. Quantb il a le pas regardez, il 15
li tens estoit adonc e bel 11 e cler; et est plus liés(98d) et plus joians que il
estoit adonc en une mout grant e n’estoit devant, car il cuide tout
mout bele plaine. Et il n’ot pas grant- veraiement que, por ce que plusseor
ment alez q’il chevauche par la plaine chevaus y sont passé […]ent le Bon
20 q’il trouva au travers de la plaine pas Chevalier sans Paor; et lors se haste il 20
de chevaux; e bien li est avis, qant il plus de chivauchier qu’il ne fessoit
regarde les pas des chevaux, q’i par12 devant, que mult li tarde qu’il les
185. a q’il omis, corrigé d’après F. a Or: reprise de F après lacune signalée au
§ 138c.
185. 1 143b, Rubr., COMMENT HERVY DE b Quant: ni § ni d’alinéa dans le ms., corres-
RIVEL SE PARTIT DE SON HOSTE ET pond au § 186.1 de A(2).
RENCONTRA LES ESCLOUS DES CHE-
VAULX DE DANAYN LE ROUX ET DE
SES DAMOISELLES QU’IL MENOIT.
2 Au land. qu’il fut jour H.
3 q. moult avoit talent de ch.
4 pourroit trouver le B.
5 et on les l.
6 Et quant.
7 et monté.
8 ains.
9 m. sans rencontrer h.
10 r. de ce q.
11 estoit bel.
12 l. p. ou i trouva pas de chevaulx
qui p.
la passerent; e les pas q’i voit b au ataint. Cil, qui devant lui chivau-
travers de la champaigne13 se me- choient si esforceement com je vos
toient el grant chemin e lors s’en cont, ne se prenoient garde de cellui
25 aloient avant, tout le droit chemin14 qui les alloit sivant. Hervi de River 25
droitemant.15 vint en unne vallee auquez grant, et
185. pensé, Danayn le Roux luy dist une c Quant: nouveau § et alinéa dans le ms;
autreffois: « Sire chevalier, ou vous pre- correspond à 186.25 de A(2).
nés ces deux damoiselles a conduit, ou d Ms. qui a.
vous combatés a moy autreffois. » Et
quant Hervy de Rivel entent ceste
parolle, dit bien a soy mesmes qu’il
ayme mieulx prandre a conduit ces
deux damoiselles, quoy qu’il luy en
doye advenir …
186. Quant il a les pas regardez, il est plus liez e plus joianz q’il n’estoit
devant, qar il qide tout veraiemant qe, por ce qe plusors chevaux estoient pas-
sez par ilec, qe ce estoit li Bon Chevalier sainz Peor qi ja est passez entre li e
sa compeignie. Lors se aste plus de chevauchier qe il ne fesoit huimés, quar
5 mout li targe duremant q’il avoit ataint ceaus qui devant chevauchoient si
esforceemant come ge vos cont. Hervis de Rivel chevauche tant qu’il vient en
une valee auques grant, e lors vit devant li un chevalier qi menoit deus damoi-
seles et un naim e deus escuiers. Tout maintenant q’il voit le chevalier, il reco-
noist bien adonc qe ce n’est pas le Chevalier sainz Peor, e lors se haste un petit
10 moins q’il ne fesoit devant, e neporquant toutes voies se haste il d’ataindre les;
e les ataint avant q’il soient oissuz de la valee, quar il chevauchent sanz faille
mot lentemant. E quant il a le chevalier ataint, il le salue e cil li rent son salu
mout bel e mout cortoisemant. Li uns des deus escuiers portoit son glaive e li
autres son escu, couvert d’une houce toute blanche. E les deus damoiseles
15 estoient mout richemant vestues e mout mignotemant a (144b) appareillees. Et
assez estoient diverses l’une de l’autre, quar l’une estoit sainz faille garnie de
mout merveilleuse biauté que nus ne la veist a celui tens qui bien ne deust
dire qe voiremant estoit ele bele. Se cele damoisele don ge vos cont estoit tam
bele de toutes choses come ge vos di, l’autre damoisele, qi encoste de li che-
20 vauchoit, estoit bien atretant laide et autretant mescheant de toutes choses,
fors tant voiremant qe biau cors avoit, mes d’autres laideces avoit ele tant come
damoisele porroit avoir. E li nains, qi avec eles estoit, n’estoit b ne trop biaux
ne trop leid, mes tout itel droitemant come cil qui sunt estretz de cele branche
maleoite doivent estre: mout y ert petitz mes vieuz estoit de grant maniere.
25 Qant li chevaliers se furent entresaluez, Hervis ac merveilles se tient dou cheva-
lier qui tant est chargiez de mesniee, ne ce n’estoit pas en celui païs si legiere
chose de conduire deus damoiseles. E si estoit bien costume a maint chastel et
a maint passage q’il couvenoit chasqun chevalier qui damoisele conduisoit jos-
ter a chasqun chevalier qi l’en apeloit ou autremant estoit il mestier q’il leissast
30 la damoisele tout errament. E se il deus damoiseles conduisoit, mestier estoit
qu’en quel qe leu qe il trouvast deus chevaliers qe il jostast a ambedeus, por
ce que il de ce l’apellassent ne il n’osast ce refusier; e se il ce refusast par
auqune avanture, il covenoit qu’il leissast tout maintenant les damoiseles. E
por ce s’emerveilla trop fieremant Hervis de Rivel dou chevalier qi conduisoit
35 deus damoiseles, quar il le tenoit a mout grant fes, e meesmemant por l’achoi-
son de la costume de celui païs ou il estoient adonc.
188. Quant Hervis de Rivel ot ceste (99a) Quant Hervi de Rivel hot ceste
parole, il quide bien tout veraiemant parole, il cuide veraiement que li che-
qe li chevalier l’ait dite par gapsa: valier l’ait dit por gabs, et por ce li
« Dan chevalier, se Dex vos saut, me dist il: « Dan chevalier, se Dex vos
5 gabez vos de ce qe vos me dites? − En sahut, gabez vos de ce que vos me 5
non Deu, fet le chevalier, ge ne vos dites? − En non Dex, dit li chevalier,
ai en talant de gaber; ore sachiez tot je ne vos ai talent de gaber, mez bien
certeinemant que ge vos lés mes deus sachiés veraiement que elle me
damoiseles a conduire, lés meesme- ennuient mult a conduire, meesme-
10 mant por les males costumes de ceste ment por la male costume de ceste 10
contree. Mes puis qe ge trouvé vos ai, païs. Mez puis que trovez vos ai, bien
ge di bien tout apertemant qe bien puent dire seurement les damoiselles
poent dire les damoiselesb qe bien lor que bien lor est avenu quant trouvé
est avenu quant trouvé vos ont a ces- vos hont a cestui point, car vos estes
15 tui point, quar vos estes tel chevalier tel chevalier qui seurement le poroiz 15
que legieremant les poez conduire conduire jusque la ou elle voudront
dusque la ou elesc voelent aller ». A aller ». A ceste parolle respont Hervis
ceste parole respont Hervis de Rivel e de Rivel: « Hé non Dés, sire chevalier,
dit: « En non Deu, dan chevalier, vos vos n’este mie trop bien senés! Or
20 n’estes pas bien assenez! Ore sachiez sachiés que cestui don que vos me 20
bien qe cestui don qe vos me fetes volez doner vos refus je deu tout, qar
vois ge bien refusant deu tout: de moi de moy meesmez conduire sui je tous
conduire seulement sui ge touz engonbrés; coment enprendroie je
encombrez en tel tens come orendroit damoyselle a conduire, et meesme-
25 fet; e ge, coment emprendroie donc ment ou li passage et li chastiaus sunt 25
damoiseles a conduire meesmemant einsint annegeus con je sai? Dan che-
en tel part ou li passages e li chas- valier, tout einsint con voz ve meistez
tiaux sunt si annuieux come ge sai? en la follie follementa, vos sagement
Dan chevalier, dan chevalier, tout ne ensiex, se vos poés. − Certez, dit li
30 einssint come vos vos meistes en la chevalier, au plus sagement que je 30
folie folemant, e sagement vos en ois- puis m’en host ge a cestui point, ne
siez! − Certes, ce dit li chevalierd, ge ne lle poroie mielz feire ne plus
(144d) si faz ge; au plus sagemant que sagement conme de donner le a vos
ge puis m’en osté ge, ne a cest point anbedeus. Et por ce le vos lais ge et le
35 ne le porroie ge mieuz fere ne plus vos hotroy, car je sai veraiement que 35
sagemant que doner vos mes deus vos estez tel chevalier et si fort que ja
damoiseles. − E por ce les vos lése ge ne troveroiz en ceste païs si fort pas-
e les vos otroi, que ge sai tout veraie- sage que vos ne delivroiz par force
mant que vos estes tel chevalier qe ja d’armes anbedeus les damoiselles. −
40 ne trouveroiz en cest païs si fort pas- Dan chevalier, ce dit Hervis de Rivel, 40
satge qe vos n’i delivroiz par force les nen entendés vos de ce que ge vos ai
damoiseles e que vos vos conduioiz dit? Je vos dis et encor vos di que je
outre tout sauvemant. − Dan cheva- refuz le damoiselles del tout; je ne
lier, dan chevalier, ce respont Hervis voeil cest conduit enprendre que vos
45 de Rivel, n’entendez vos pas ce que me volés chargier. − E non Dex, dit li 45
ge ai dit? Ge vos dis e di enqore que chevalier, ja por ce se vos ne le volés
ge refux les damoiseles dou tout; ge ne remandra il que il ne ssoit, car
ne voill cest conduit emprendre dom mon voloir ira avant et je vos comant
vos me volez si chargier. − En non les damoisselles des hor mes a con-
50 Deu, dist li chevalier, ja por ce se vos duire la u elle voellent aler, car je le 50
ne le volez ne remaindra qu’il ne soit, conduis dusque ci; et quant je le pris
quar mi voloirs ira avant. Ge vos en conduit, je lor promis que je ne me
comant des ore mes que vos preignez partiroie de llor compagnie jusque
les deus damoiseles a conduire la ou tant que je lor eusse trové chevalier
55 eles voelent aler. Ge les ai dusque ci qui bien lez peusse conduire par force 55
conduites, e quant ge les pris en con- de chevalerie jusque la u elle voldront
duit, ge lor pramis certainemant que aler. Or lor est einsint avenu por lor
ge ne me partroie de lor compeignie bonne aventure que trové vos ai a ces-
devant que ge lor eusse trouvé cheva- tui point. A vos les laiz et a vos les
60 lier quif bien les peust conduire par bail qui troys bien le savroiz con- 60
force de chevalerie dusque la ou eles duire. Et tout avant que vos le prenoiz
188. d 28−32. annuieux … chevalier: effacé. a Ms. sajement, corr. d’après A(2).
e les: l’s est presque illisible.
f Ms. qu.
voloient aler. Ore lor est einsint avenu en conduit vos dirai ge la mainere
par lor bone avanture qe ge trouvé d’eles por ce que bien lez connossiés
vos ai a cest point. A vos les baill, a et sachiés la costume d’eles: cestez
65 vos les lés, qui trop bien les porroiz que vos veés si belles que bien poez 65
conduire. E tout avant que vos les dire seurement que elle est unne des
preigniez en conduit, vos dirai la plus bellez damoiselle dou munde, et
manieire d’eles por ce que bien les est tele a la verité dire qu’ele ne dit
conoissoiz e que vos sachiez la cos- jamésb se mal nom; maldissant est et
70 tume d’eles: ceste que vos veez si bele mal parlant, car quant vos li ferois 70
que bien poez sainz faille dire qu’ele plus de honor, elle vos feira plus
est une des plus beles damoiseles dou honte, se elle onques pora. De cest
monde est tele a la verité dire que autre que vos veés, qui nen est mie
jamés ne dit se mal non, mesdisant e des pluz belles damoyselles deu
75 mal parliere e fellenesse et ennuieuse monde, vos di ge toute autre chosse, 75
e vileine en toutes manieres. Quant car elle est cort(99b)oisse en toutes
vos plus li feroiz honor, et ele plus chosses et bien parleres et bien ense-
vos fera honte, se ele onques puet. E gniee: jamés ne dira vilanie se cor-
q’en diroie? Touz maus, vices e maux toissie nom; sage est mult et bien
80 fez porroiz en lui trouver sainz faille. aprisse conme damoyselle poroit plus 80
De ceste autre que vos veez, qui n’est estre. Ceste autre est belle et villaine
pas des plus beles damoiseles dou en toutes chossez, et ceste autre est
monde, vos di ge bien tout autre laide et cortoisse en toutes chossez
chose: ele est cortoise en toutes deo monde. Dont elle sont ne qui elle
85 choses, biau parlant e bien ensei- sunt ne u je les trovai ne en quel 85
gnee, e jamés ne dira vilenie ne riens guisse ne vos conterai ge mie, car trop
se cortoisie non; sage est mout e bien meteroie parole a conter, mes je le vos
aprise come damoisele porroit estre; lais a cestui point. Et Diex le voz
de biau parler, de biau respondre ne leisse conduire si honoreement com
90 trouveroit ele sa per, se a grant peineg ge ai fait jusque ci! » 90
non. Ceste autre est vilaine, et em
parole et en autres choses; ceste autre
(145a) est laide et est cortoise en
toutes les guises dou monde: plus i
95 trouveroiz cortoisie au voir conter que
enqore ne vos ai dit. Dom eles sunt et
en quel guise ge les trouvai, ce ne vos
189. A ceste parole respont Hervis de A ceste parole respont Hervis de Rivel
Rivel et dit tout plainemant: « Dan e dit tout plainement: « Dan cheva-
chevalier, a un autre fetes cestui don, lier, a un autres ffeites cest don, car
que ge nel vuell mie; se Dex me saut, ge ne lle voeil mie; se Diex me sahut,
5 ge ai encomencié une autre questea je ai encomencié une autre queste 5
que de damoiseles conduire. Cele que de damoyselle conduire. − Dan
queste que ge ai emprise me laist Dex chevalier, ce dit li autres, escundire
mener a fin! autre ne vueill orendroit ne vos vaut: les damoyselles sunt vos-
emprendre, fors que cestui fet tan trez; je voeil que vos le prenois atout
10 seulemant. − Dan chevalier, ce dit li le nain. − Se vos le volez, fet Hervi, ge 10
autres, vostre escondit ne vos vaut: ne le voeil, ne encontre ma volenté ne
les damoiseles sunt vostres e le nain me poés vos feire force. − E non Dex,
o tout. Ge voill qe cest conduit fet li chevalier, si puis; que quant
empreigniez tout orendroit. − Se vos vendra a la force, la peior partie en
15 ce volez, fet Hervis, e ge nel voill pas, sera la vostre. Et quant vos de force 15
et encontre ma volanté ne m’en poez parlés, je vos part un geu telz com vos
vos fere force. − En non Deu, fet li hoïrés: ou vos prenés les damoiselles
chevalier, si puis bien: puis que ce ou vos vos combatoiz a moy. − E non
veindra a fere force, la vostre partie Deu, fet Hervi, avant me combatroie
20 en sera la peior. E quant vos de force je a vos, car cest conduit ne voeil je 20
parlez, ge vos part ici un tel geu come mie. − E non Deu, fet li chevalier,
vos orroiz: ou vos prendroiz les donc estez vos venus a la meslee; hor
damoiseles orendroit en conduit, ou vos gardés huimés de moy, car a jous-
vos vos combatroiz a moi. − En non ter somes venus ». Et maintenant que
25 Deu, fet Hervis, avant me combatroie il a dit cest parolle, il prent son scu et 25
ge, quar cest conduit ne voill ge pas son glaive et s’aparoille de la jouste.
sor moi emprendre. − En non Deu, dit Quanta Hervi connoist que il est
li chevalier, donc estes vos venuz a la venus a la meslee et que por hautre
meslee tout maintenant; or vos gar- ne se puet partir, il s’aparoille au
troeve que cil se relevoit aussint come unne chosse qui mult li grevera et qui
65 a poine, quar il avoit esté feruz si roi- mult li ennogera, car ellg ne sset quel 65
demant q’il n’avoit membre qu’i n’en part elle voellent aller; einsint perdra
sentist enquore. E qant il s’est rele- il sa queste, ce est a trover le Bon Che-
vez, si escuier li presentent son che- valier sanz Paor. Se il da l’autre part
val dom il estoit cheoit, et il monte se voelt combatre encontre celui che-
70 auques vistemant selonc ce qu’il avoit valier qui l’a abatu, ce n’est mie seure 70
estéc abatu trop duremant. E mainte- chosse por soy, ainz seroit bien mortel
nant qe il est montez, li chevalier qui a ce que il connoissoit tout certaine-
abatu l’avoit se torne vers lui e li dit: ment que cist chevalier est trop
« Sire chevalier, vos veez bien coment meillor et plus seurs que il nen est.
75 il vos est pris de ceste joste. Or me Por ce pense il bien a soi meezmes 75
dites que vos volez fere, quar se vos que mielz li vient a prendre les
en vostre conduit ne volez prendre damoiselles en conduit, coment que il
ces deus damoiseles don ge vos ai li ne doit avenir, que combatre soy
parlé, vos estes venuz a la meslee des cors a cors encontre li chevalier, car
80 branz. E sachiez que se vos a ceste trop n’avroit la peior partie, ce li est 80
esprouve vos volez metre encontre aviz. Li chevalier qui penser le voit li
moi, sachiez bien que la peior partie dist: « Dan chevalier, eslisiez laquelz
en tornera sor vos. Or esgardez que vos mielz voudroiz de ce deus chos-
vos volez fere, que se vos ces deus sez! − Siree, fet Hervi de Rivel, ces
85 damoiseles ne volez prendre en vostre deus chosses sunt ennoieuses, car li 85
conduit, venuz estes, tout mainte- unne ne ll’autre nen est profitable, et
nant, a la bataille des branz ». nonporquant a vos ne me combatroie
je mie vollontiers, car je connoiz
auques que vos estez meillor cheva-
lier de moi; et por ce ferai ge vostre 90
requeste por covenant que vos me
moustrés vostre escu ou vos me diez
vostre non. − Certes, ce dit li cheva-
lier, mon nom ne vos diroie je mie
voluntiers a ceste foiz, mes mon escu 95
vos ferai ge veoir tout apertement, se
veoir le vollés ». Et maintenant les fait
descovrir a son escuier. Et lors connut
Hervi que ce estoit l’escu de Danayn
190. Quant Hervis de Rivel entent ces noveles, il ne set qe il doie dire; il est
esbahiz a cestui point trop fieremant, il nea set lequel il doie prendre. Se il
vient a preindre sus soib le conduit de ces deus damoiseles, ce est une chose
que mot li grevera e que mout li annue, quar il ne set quel part eles doivent
5 aler et einssint porroit il perdre la qeste de celui qu’il vet querant, ce est le Bon
Chevalier sainz Peor; se il de l’autre part se velt combatre a cest chevalier
encontre cui il a josté, ce ne seroit mie seure emprise por soi, ainz seroit bien
mortex a ce q’il conoist orendroit tout certainemant qe cist est trop mellor che-
valier e plus seur qe il n’est. E por ce dit il a soi meesmes qe miel[s] li vaut les
10 damoiseles prendre sor son conduit, coment c (145c) qe il l’en doie avenir, qe
combatre soi cors a cors contre le chevalier, quar trop en avroit par devers soi
la peior partie, ce li est bien avis. E li chevalier, qui penser le voit e qu’i li est
avis1 qe, voille ou ne voille2, li couvient prendre laquel q’il voudra3 de ces deus
choses, parole e dit: « Dan chevalier, elisiez toust laqele partie de ces deus que4
15 vos voudroiz prendre por vos. − Sire, fet Hervis, se5 Dex me saut, ces deus
parties sunt greveuses, ne l’une6 ne l’autre ne m’est de rriens proufitable, e
neporquant, por ce que ge a vos ne me combatroie mie volantiers, quar ge
conois auqes qe vos estes mellor chevalier qe ge ne sui, ferai ge vostre requeste
par couvenant que vos tant feissiez por moi qe vos me mostrissiez vostre escu7
20 tout descouvert ou vos me deissiez vostre non. − Certes, sire, ce dit li8 cheva-
lier, mon non ne vos diroie9 ge mie volantiers a ceste foiz, mes mon escu vos
ferai ge bien veoir apertemant puis qe vos le volez veoir ». E10 maintenant fet
190. a Ms. n.
b Ms. sor.
c 4−10. quar … coment: très effacé; cf. le § préc., n. b.
descovrir son escu. E lors voit Hervis11 qe ce estoit 12 un des escuz dou monde
qe il plus redotoit, e ce estoit 13 li escu d’arzur au lion vermoill, celui escu
25 meesmes que Danain le Rous soloit porter. E celui qui celui cop avoit fet estoit
Danain le Rous.14
191. Quant 1 Hervis de Rivel, qui Quant Hervy de Rivel connoist que ce
mainte autre foiz2 avoit veu l’escu e est Danayn le Rois, qui bien estoit un
bien conoissoit qui cel estoit qi3 tel des proudomez deu monde, il ne sse
escu devoit porter, qant il a l’escu tient si ahontés com il fessoit devant,
5 veu, il reconoist errament qe ce est 4 que bien connoist que cestui est tel 5
un des plus proudomes dou monde. chevalier qu’il ne poroit contre lui
Orendroit ne se tient il a ssi honteux durer, puis que ce veroit a la force
come il fesoit devant de ce qe il l’a moustrer. Cil fait covrir son escu et
abatu,5 quant il conoist que cestui est puis li dit: « Sire chevalier, hor avés
10 tel chevalier contre cui il ne porroit en veu mon escu; que vos en semble? − 10
nulle maniere dou monde durer, puis En non Deu, fet Hervi, il m’ena semble
qe ce vendroit au moustrer force mielz que devant; li escu est bel et
d’armes. E Danain derrechief fet riche, mes certes vos estez meillors. Et
covrir son escu e puis dit a Hervis de sachés que se ge avant vos eusse
15 Rivel: « Or, sire6 chevalier, ore avez coneu ausi bien com je faiz horen- 15
veu mon escu, que vos en semble? − droit, je nen eusse pas jousté a voz,
En non Deu, fet Hervis, il me semble anquois eusse je fet vostre volunté et
mieus qe devant; li escuz est e biaux7 vostre requeste. Mes avant que je de
e rriches, mes certes vos estes meillor. vos me depart vos voldroie je prier
190. 11 H. de Rivel.
12 c’estoit.
13 c’estoit.
14 Danayn le Roux (ainsi toujours).
191. 1 143d, Rubr., COMMENT HERVY DE a m’en mais les premiers jambages du m
RIVEL CONGNEUT DANAYN LE ROUX sont à peine visibles.
QUANT IL OT VEU SON ESCU A DES-
COUVERT, ET COMMENT LES DEUX
DAMOISELLES DISOIENT A HERVY
MOULT DE LAIDES PAROLLES.
2 mainteffois.
3 estoit celui q.
4 c’est.
5 qu’il l’abatit.
6 Hervi d. R. Sire.
7 est bel.
192. A ceste parole respont l’une des damoiseles, cele qi tant estoit bele si
come ge vos ai devisé en mon conte, cele parole premieremant 1 e dit a Hervis
de Rivel: « Fui! fet 2 ele, mauveis, failiz, honiz, recreant, ahontez et avilez,3 quar
vos avez greignor peor que n’avroit un livres! Por4 qoi avez5 tel peor, cheitif,
5 honiz, le peior qui soit en cest monde? » Qant Hervins entent ceste parole, il
est tant esbahiz duremant q’il ne set que il doie6 dire. E l’autre damoisele, cele
qui tant devoit estre cortoise duremant, parole7 adonc e dit: « Sire chevalier,
por Deu e por cortoisie, ne fetes si tres8 grant defaute de cuer qe vos nos leis-
siez sainz conduit; vostre en seroit la vilenie, qar vos veez tout cleremant qe
10 cist chevalier, qi dusqe ci nos avoit aconduites, nos9 met ore en vostre conduit
e nos guerpist ici dou tout. Ha! por Deu, biaux sire chier, ne rregardez as
vilaines paroles10 de ceste damoisele et a la11 ladesce de moi, mes recordez, se
il 12 vos plest, qe chevalier ne deit faillir a dame ne a damoisele qi de socors li
qiere; e s’il lor13 faut par avanture,14 il ne doit estre tenuz a chevalier des celui
15 jor.15 Sire, por Deu, ne nos abandonez einsint, ne nos16 leissiez sainz conduit! »
192. a Ms. se, corrigé d’après F et d’après ce qui suit ici même.
b Ms. ne (le), corrigé d’après 193.13–15.
c Ms. p. qe vos dioiz q., corr. d’après 195.10−11.
193. Ena non Deub, sire chevalier, fet la damoisele, puis qe vos ce volez savoir,
e ge le vos dirai tout maintenant qe ja ne vos sera celé a ceste foiz. Ore sachiez
tout veraiemant qe nos qerom un chevalier qui nostre parant est, e le querom
orendroit si hastivemant por ce qe nos savom bien tout certeinemant q’il est
5 en ceste contree e une noveles nos sunt aportees de li qui ne nos pleisent mie
trop; por qoi nos le voudriom ja avoir trouvé. − Madamoisele, fet Hervis, quant
vosc chevalier alez querant par ceste (146b) contree, me feriez vos tant d’avan-
tage qe vos me deissiez son non ou, au moins, qeles armes il porte? Se vos de
ces deus choses me dites l’une, il ne puet estre qe ge ne le conoisse, si come
10 ge croi. − En non Deu, sire, fet la damoisele, ge ne sai mie bien queles armes
il porte, mes son non vos dirai ge tout maintenant. En non Deu, fet la damoi-
sele, ore sachiez de voir qe ce est Breüz sainz Pitié qe nos alom qerant; il est
nostre parant d prochains, e si prochains qe a poine porroit il estre plus. Se
celui eussom trouvé par auqune avanture, nostre queste seroit finee tout main-
15 tenant ».
193. a En: rappelons que pour cette partie finale nous ne disposons que du témoignage des
mss. A(2) et T; cf. note à F 191 n. k. Le § 193 est absent de T qui passe, après la rubrique
ci-dessous, au § 194.1.
b Deu oublié et rajouté par le scribe dans la marge gauche avec signe de renvoi.
c 5−7. e … vos: effacé.
d pararant: redoublement de la deuxième syllabe.
194. 1 144b, Rubr. (pour ce qui précède immédiatement dans le ms. cf. le § 192 var. 20), PAR
QUELLE MANIERE HERVI DE RIVEL LAISSA A CERCHER LE BON CHEVALIER SANS
PAOUR ET ENTREPRINT A CONDUIRE LES DEUX DAMOISELLES QUE DANAYN LE ROUX
LUY FIT PRANDRE PAR FORCE D’ARMES, ET COMMENT PRINT CONGE DE DANAYN LE
ROUX.
2 ce dit il omis.
3 ens. et n’a.
4 e por … guise omis.
5 cuide vrayement que.
Danain le Rous e dit: « Sire chevalier, qant ge conois a qoi ma qeste doit torner
10 e ge sai por quoi ge travaill, ge lés des ore mes ma queste que ge avoie6 devant
e me metrai en novele queste: ce est 7 la queste de Breütz sainz Pitié; celui voill
ge querre e celui querrai tant 8 qe trouvé l’aie. Ge vos comant des or mes a
Nostre Segnor. Se vos m’avez fet deshonor; ge m’en souferrai atant, qar ge
conois bien que par force d’armes ne porroie ge pas vengier mon corrouz sor
15 vos, e por ce m’en estuet sourir autant;9 mes toutes voies, avant que ge me
parte de vos vos voudroie ge prier qe vos me deissiez, se il 10 vos plest, quel
part vos volez aler e11 por quel besoing vos chevauchiez en ceste saizon par
ceste contree, qe ce n’est mie sainz achoison, si come ge croi ». A ceste parole
respont Danain le Rous e dit: « Certes, sire chevalier, fet il,12 ge vois a une
20 bataille que ge ai13 emprise ja a plusors jors; e sachiez qe14 ge (146c) n’i vois
194. 6 j’avoye.
7 c’est.
8 querre celluy q. je t.
9 e por … autant omis.
10 s’il.
11 vous alés et.
12 fet il omis.
13 j’ay.
14 194.20−195.37: nouvelle rédaction abrégée mais surtout assez différente de T; cf. § 192
var. 20 … et sachés que je ne seray mie grandement aisé devant ce que je seray au lieu
de la bataille que je doy faire. Et sachez tout de vray que moult y desire a venir plus que
dire ne vous sauroye. − Or me dittes, sire, fait Hervy de Rivel, par la riens au monde que
vous plus aymez et par courtoisie, que vous me dittes en quel lieu vous devez faire ceste
bataille ne qui est le chevalier qui contre vous se doit combatre, car trop a prinse grant
hatine. Et ainsi voirement m’aÿst Dieux, il n’y a ores guieres chevaliers ou royaulme de
Logres ne en toute la Grant Bretaigne que, s’il vous congnoissoit aussi bien comme je
vous congnois et aussi appertement comme je faiz, qu’il ne craignist bien a mettre son
corps a l’encontre du vostre ». Et quant messire Danayn le Roux entendit ceste responce,
se tourna devers Hervy de Rivel et luy dist: « Et comment, sire chevalier, est ce que vous
parlez de ma chevalerie, qui ne savez qui je suis? − Haa! fait Hervy de Rivel, ainsi me
vueille Dieux ayder, comme je vous congnois bien et sçay bien tout de vray que vous
estes ung des meilleurs chevaliers du monde, combien que je croy fermement qu’il y en
a (une annotation dans la marge sup. droite dont il ne subsiste que quelques jambages;
144d: col. extérieure et mutilée) trois au monde meilleurs[…] − Et qui sont ilz, fait Danayn
[…] me faictes, sire chevalier […] que vous le me dictes.− En no[m Dieu], sire chevalier,
fait Hervy de Rivel[…]vous diray moult voulentiers. [Et] sachés tout vrayement que l’un
est le roy Meliadus de Lionnois, l’autre est le Bon Chevalier sans Paour; l’autre ne con-
gnois je pas, mais bien l’ay veu par deux fois. Mais de ceulx […] je vous dy ilz sont
chevaliers si [par]fais de toute chevalerie que je ne [vous] conseilleroye mie en droit sens
que […] contre l’un de ces trois vous mettiés vostre corps en espreuve; et si estes vous si
bon chevalier comme je sçay, mais au mien cuidier il vous en mesche[rroit] ».
mie trop volantiers, mes toutes voies i vois ge por ce qe ge l’ai pramis. E certes,
se ce ne fust por la pramesse qe ge fis, ja ne tornasse cele part, quar puis m’a
l’en fet entendant qe il me couvient combatre contre un chevalier encontre cui
ge ne me combatisse mie trop volantiers. E neporqant, puis qe ge ai fete la
25 pramesse de la bataille maintenir, ja devers moi ne rremaindra, ainz m’i
metrai, coment q’il m’en doie avenir. − Dex aïe, sire, fet Hervis de Rivel, e qe
est ce qe vos me dites? Coment puet ce estre que vos avez peor d’une seule
bataille? Ja estes vos si preuz des armes come ge sai e come tout li mondes
conoist! »
195. Lorsa respont Danain le Rous e dit: « Se ge sui si proudome des armes
come vos me dites, e ge sai que cil est meillor chevalier de moi; qel seurté puis
ge avoir? − En non Deu, fet Hervis, ge conois tant vostre proesce, e non mie de
cestui tens mes de piece, qe ge di tout apertemant q’il n’a orendroit en cest
5 monde qe trois chevaliers tant soulemant qe vos chaille douter cors a cors par
force de chevalerie. E cil trois sunt li meillor qui orendroit soient ou monde, e
vos estes li quartz sainz faille ». De ceste parole se comence a rirre Danain e
dit au chevalier: « Coment, fet il, dan chevalier, estes vos ore si certains de
conoistre toutz les bons chevaliers dou monde que vos savez certeinemant qi
10 sunt li trois mellors chevaliers dou monde e puis dites qe ge sui li quarz? Ore
me fetes entendant, se Dex vos doint bone avantureb, qui sunt ore li trois prou-
domes qe vos tenez as mellors chevaliers dou monde, e puis me dites coment
ge puis estre li quartz. − Certes, sire, fet Hervis de Rivel, ce vos dirai ge tout
maintenant puis qe vos saver le volez. Ore sachiez veraiemant qe entre nos qui
15 chevalier errant somes disom bien qu’il n’a orendroit en cest monde fors quatre
chevaliers qui sol c tous soient parfit de chevalerie: li uns est li Bonsd Chevalier
sainz Peor, li autres est li bons rois Meliadus de Lionois, li tierz est appelez
Lac, c’é cil qui porte l’escu d’argent as goutes d’or, e vos estes li quarz sainz
faille qui estes appelez Danain le Rous; vos est il ore bien avis qe ge sache
20 toutz les quatre chevaliers mellors (146d) dou monde? » A ceste parole respont e
Danain le Rous e dit: « Oïl, sainz faille bienf m’avez ici nomé les troisg mellors
chevaliers dou monde; selonc ce que li chevalier vont dizant, bien sont cil troi
196. A1 cestea parole respont Danain le Rous e dit: « Vos ne dites pas assez, e
vos2 dirai reison por qoi n’avez vos orendroit conté q’il sunt trois meillors che-
valiers de moi.3 Ce di ge bien tout apertemant qe, se avanture ne m’estoit trop
duremant contraire, ge me sent si puissant des armes qe bien devroie mon cors
5 defendre contre un autretel chevalier come ge sui, qi ne trop4 bon chevalier ne
trop mauveis5 ne sui. Mes se avanture me voloit tant de mal e fortune me fust
196. 1 144d, Rubr., COMMENT DANAYN LE ROUX SE [TOURNE] VERS HERVY DE RIVEL QUI
DEBAT[OIT] DES TROIS MEILLEURS CHEVALIE[RS DU] MONDE ET LUY DIT QU’IL […]
DEFFENDRE A L’ENCONTRE DE L’UN DE […].
2 parolle[…] D. le Roux […] Vous n. dittes […] et vous.
3 que moi.
4 encontre u. autre ch. tel c. je s. q. n. suis t.
5 Après ne mauvais T donne (aux feuillets 144d−145c) un texte qui n’a pas de correspon-
dant dans le ms. de base: Et avant qu’il soit guieres de temps le verrés vous, se Dieu
plaist, mais plus ne m’en enquerez. » Et lors cognut bien Hervy de Rivel que Danayn se
devoit combatre encontre l’un de ces bons chevaliers et ne l’en voult plus enquerir, mais
bien dit a soy mesmes qu’il verra la bataille, s’il oncques peut. Tant vont parlant de
pluseurs choses entre Danayn le Roux et Hervy de Rivel qu’ilz faillirent leur chemin par
my une forest tant qu’ilz retournerent pres du chastel, la ou Hervy de Rivel avoit veu
Daguenet. Si se recongnut erramment et le dist a Danayn. Mais que leur vault ce, car a
fine force leur convint (145a: col. extérieure et mutilée; cf. § 194, var. 14) […]ung [fo]res-
197.1 A ceste parole respont Hervis de Rivel e dit: « Sire, s’il a est einsint qe vos
encontre celui vos combatrez, ore sachiez certainemant qe ce est une chose qi
196. tier(?) pour le […]ps qui survint et icy laiss[e le compte] ung peu a parler d’eulx et […] de
Daguenet qui estoit hors du sens.
197. 1 145a, Rubr., COMMENT DAGUENET OCCIST DEUX CHEVALIERS, LUY ESTANT HORS
DU SENS, VOYANT DANAYN ET HERVY DE RIVEL, suivie d’une miniature à encadrement
de rinceaux de fleurs: après avoir tué un premier chevalier, étendu à terre, Daguenet
affronte à l’épée un deuxième adversaire.
Or (grande initiale) dit le compte que quant ceulx du chastel eurent fais mains
ennuys a Daguenet et il leur eut rué maintes pierres et bastons et tout ce qu’il pouoit
rencontrer, si sault hors du chastel et geut la nuyt en une vieille maison. Et le matin s’en
partit et s’en ala vers une forest et s’arresta pres d’une fontaine. Et n’eut guieres illecques
demouré que Danayn le Roux et Hervy de Rivel y survindrent, qui estoient partis d’iceluy
forestier. Et Hervy le monstra a Danayn et luy compta son estre, et moult en print grant
pitié a Danayn. Ainsi qu’ilz parloient en telle maniere, atant e vous venir deux chevaliers
armez de toutes armes; et quant ilz vindrent pres de la fontaine, si congnurent erram-
ment Daguenet, car long temps l’avoient cerché pour l’occire, car ilz estoient cosins de
Helior de l’Espine que Daguenet avoit occis. Lors descendent les chevaliers et mettent
les mains aux espees et crient a Da(145b)guenet: « A! fol, mauvais, enragé, qui as occis
nostre cosin Helior de l’Espine, a la mort estez venus! » Lors viennent vers luy pour
l’occire. Quant Daguenet les voit venir, tant fust il hors du sens, si les congnut erram-
ment, car mainteffois les avoit veuz, si saulte au travers pour la paour de mourir. Si prant
ung etrullot (?) qu’il trouve pres de luy et le gecte au premier qui vers luy venoit et le
fiert par si desmesuree force que pour heaulme ne pour la coiffe du fer ne remaint qu’il
n’enfonçast le heaulme et l’abat a terre si estourdi qu’il ne scet s’il est jour ou nuyt; et
l’espee luy volle hors des mains, et Daguenet se baisse et prant l’espee. Et au lever qu’il
fit, l’autre chevalier luy fit une grant playe en la teste; et Daguenet, qui enragé estoit, le
fiert si desmesureement qu’il luy coppe le bras destre ou toute l’espee. Et cil, qui se sent
mehaigné, cuide tourner en fuite, mais Daguenet l’ahert au royau et luy oste [le heaulme]
mout vos doit pou esmaier, quar a ce que ge sai que il vos velt si grant bien,
come ge meesmes sai par sa bonté, tout maintenant que il vos ira reconoissant,
5 toust sera la bataille de vos deus finee, tout maintenant i avra pes; quar
encontre vos ne se combatroit il mie en nulle maniere dou monde, pus q’il vos
ira reconoissant. Or esgardez come grant peor e come grant doute vos devez
avoir de ceste bataille qe vos avez emprise, si come vos dites: se il i vient, la
pes i ert fete toust! Se messire Lac i venoit, autant tost sera ele fete, qar cil vos
10 conoist aussint, ge le sai bien, e tant vos aime coralmant qe cop ne ferra sor
vos, puis qe il vos ira reconoissant. D’autre part n’avez vos garde dou noble
roi Meliadus de Lionois, quar cil demore a cestui point ou roiaume de Lionois,
ce savez vos certainemant. E puis qu’il est en tel maniere qe vos de ces trois
chevaliers n’avez garde, de qi poez vos donc peor avoirb? Entre les chevaliers
15 erranz n’a orendroit chevalier qi nos i sachom qui contre vos peust durer, pus
qe ce vendroit au grant besoing, se ce n’estoit l’un de ces trois chevaliers; e de
ces trois estes quites, ge le sai de voirc. − Bien ai oï vostre parole, fet Danain
le Rous, assez m’avez dit de ceste chose, mes ore me dites: savez vos nulles
nouveles dou Bon Chevalier sainz Peor? − Certes, ce dit Hervis de Rivel, oïl,
20 enqore n’a pas grant tens que ge le vi e ge estoie en sa compeignie. Mes ge
m’en parti a tel eur por une avanture qe ge onques puis nel vi ». E puis li conte
coment et en quel maniere il se parti de lui. « Ore me dites, fet Danain, e savez
vos quel part il s’en ala puis qe il se parti de vos? − Certes, sire, fet il, ge nel
sai mie tres bien, fors qe il me dit qe il s’end (147b) estoit alez vers Soreloys
25 avec une damoisele qi venoit de la meson le rroi Artus; autres noveles ge ne
197. de la teste et puis haulce l’espee et le fiert si durement qu’il luy dessure la teste hors du
bu. Et puis revient a l’autre chevalier qui ja se relevoit, si luy coppa la cuisse tout au
travers, rez a rez de la hanche, et puis fiert et reffiert sur luy, si que tout le despiece et
puis gette l’espee en my la voye et s’en va fuyant par my la forest, faisant la plus malle
fin du monde. Et quant Danayn et Hervy voient ceste chose, si se saignent de la merveille
qu’il en ont et dient que moult est grant dommage de Daguenet: trop eust esté bon cheva-
lier et de haulte prouesse. Lors s’en vont leur chemin parlant de maintes choses. A bot
de piece Danayn dist a Hervy de Rivel: « Sire chevalier, se Dieu vous doint bonne aven-
ture, dittes moy le nom du bon chevalier qui est l’un des trois bons du monde, si vous
le savez. − En nom Dieu, fait Hervy de Rivel, je ne sçay. − Certes, fait Danayn, il n’y
a mie encores trop grant temps que j’en trouvé ung moult bon et bien le me monstra
appertement ». Et Hervy de Rivel se print a penser, et a chef de piece il (145c: dans la
marge supérieure gauche trace d’une inscription; est-ce Le tiers?) commence a parler et
puis dit … (cf. 198.8).
vos sai de lui conter. − Ore me dites, fet Danain, e veistes vos un chevalier qui
porte un escu tout a or, sainz nulles autres entreseignes e sainz autre taint, e
m’en savriez vos a dire auqunes noveles certeines? − Certes, sire fet Hervis, ge
ne conois null itel chevalier come vos dites; mes por quoi demandez vos de
30 lui? − En non Deu, ce dist Danain, ge ne vos avroie em piece conté l’achoison
por quoi ge demant de lui, quar trop i avroit a conter; e neporquant, por ce
vos demandoie de lui, qe ge vouxisse volantiers savoir se vos le conoissiez de
rriens, qe ge vos faz bien assavoir qu’il n’a pas grant tens que ge le vi fere une
mout haute proece e si merveilleuse qe, quant ge li vi encomencier, ge le ting
35 bien au plus fol chevalier dou monde et au plus musart. E toutes voies en vint
il a chief honoreemant e par sa proesce la mena a fin. E si Deu me conselt, ele
fu si estrange duremant qe ge ne quidasse jamés qe null chevalier la peust si
bien mener a fin par sa proesce; e por la grant merveille qe ge vi tout aperte-
mant qu’il fist devant moi e qe ele estoit si perilleuse que ge ne qidasse jamés
40 que nul chevalier dou monde la peust si bien mener a fin por nulle avanture
dou monde, e por ce vos demandoie ge orendroit nouveles de lui, se vos le
conoisiez, quar trop volantiers seusse, ou par vos ou par autre, qi il est.
198. Certes, sire, fet Hervis de Rivel, por eingseignes qe vos m’aiez dites de lui
ne le conois ge mie enqore de rriens. Mes tant me dites qele compeignie mene
il avec soi, quel cheval chevauchoit il; par teles entreseignes reconoist l’en les
chevaliers erranz aucune foiz. − En non Deu, fet Danain le Rous, a celui point
5 que ge le vi ne menoit il en sa compeignie ne dame ne escuiera, ainz aloit tout
seul, e voiremant il chevauchoit a celui tens un cheval tout noir e ce estoit [un]
destrier grant e merveilleux, mes tant i avoit q’il estoit batent d’un pié der-
rieres ». Quant Hervis de Rivel entent ceste novele, il cob(147c)mence a parlier
e puis dit: « Sire, de quel corsatge estoit li chevalier de quoi vos me parlez? −
10 Certes, ce respont Danain, ce estoit 1 un grant chevalier, trop bien chevauchant
duremant, ne ge ne me2 recort pas qe ge en toute ma vie veisse mieuz ferir de
lance qu’il feroit. − En3 non Deu, sire, dist Hervis, enquore n’a pas .VII. jors
complitz qe4 ge le vi, ore m’en recort, mes ge ne vi mie son escu, q’il estoit
couvert d’une ounce toute noire, e menoit adonc avec li celui meesmes cheval
198. 1 c’estoit.
2 d. et ne m.
3 l. comme il faisoit. E.
4 s. fait H. de Rivel e. n’a p. ung jour complet q.
15 dont m’avez vos5 ici parlé. E por ce vois ge bien reconoissant en moi meesmes
qe ce fu celi dont vos m’avez parlé.6 Ge le vi, enquore vouxisse ge bien qe ge
ne l’eusse veu,7 quar a cele foiz que ge le vi me fist il honte e desonor et a un
autre chevalier aussint,8 en qi compeignie ge estoie.9 − Ha! por Deu, sire cheva-
lier, fet Danain le Rous, quant vos celui chevalier veistes dom ge vos demant,
20 ore me dites qe il 10 vos fist e coment vos vos pleigniez de la desonor qe il 11 vos
fist. − Certes, sire, fet Hervis, se ge tout ce12 vos voloie conter, il avroit 13 un si
grant conte qe trop me couvendroit ici14 demorer avant qe ge conté le vos
eusse. E neporqant, puis qe vos le volez15 savoir, ge vos en dirai partie de ce
qe ge en16 vi ». E maintenant li conte, tout 17 mot a mot, celui meesmes conte
25 qe il 18 avoient conté a monseignor Lac, entre li e Breütz sainz Pitié: coment il
avoient trouvé le chevalier dormant en la meison vielle e gaste e decheoite,19
e coment il l’esveillierent; e coment il avoit esté corrouciez, estrangemant cor-
rouciez de ce qe il l’avoient esveillié, e lor fist entendant coment il l’avoient
traï e honi20 de ce qe il l’avoient en tel maniere remué de son dormir, e de ce
30 les feroit 21 repantir chieremant avant qe il 22 se departissent de li. E maintenant
josta a eaus e les abati mout fellenessemant qu’il estoit bien avis a chasqun
d’eaus q’il eust le col rompu e les braz aussint. E qant il fu delivrez d’eaus en
tel manieire, il s’en ala d’autre part son chemin, a tel eur qe il ne le virent
puis.23
199. « Einsint a come ge vos ai conté, sire,1 fet Hervis de Rivel, einsint le veimes
nos, et einsint se parti il 2 de nos qe nos ne seumes puis qe il 3 devint. Si vos ai
ore finé mon conte, si m’en4 teirai atant, quar bien vos ai devisé tout ce qe ge
en5 vi. Si vos comande(147d)rai des ore mais a Nostre Seignor, qar ge voill ore
5 aler avec ces damoiseles qe ge ai prises en conduit.6 − A Deu soiez vos! » fet
Danain.7 Et en tel maniere se departent: Hervis de Rivel s’en vet avec les damoi-
seles et en moine le nain avec soi; li autre dui escuier remaignent avec Danain
le Rous: cil nel leisseront pas, se il onqes poent, qar8 il estoient andui si
escuier. Mes atant leisse ore li contes a parler d’eaus e rretorne au Bon Cheva-
10 lier sainz Peor por conter partie de ses avantures.9
1.1 : Sorlois : contrée dont la situation géographique est confuse dans le détail
(West 1978, 281b). Pour les lecteurs du Lancelot en prose, c’est avant tout
le royaume de Galehot. On y accède par deux ponts, dont le Pont Norgalois
(cf. note suivante), bâti sur la rivière Assurne, qui sépare le Sorelois du
royaume d’Arthur (cf. Micha 1987, 252). D’après Lancelot en prose, « la terre
de Sorelois … siet entre Gales et les Estranges Illes » (ed. Micha, t. VIII,
LIIIa, 1 : 128) ; pour aller « en la terre Galahot », Gauvain doit traverser « la
terre de Norgales » (ibid., LVIIa, 7 : 195) ; en effet, selon un ermite interrogé
par le neveu d’Arthur, « Zorelois … [se trouve] en la fin de Norgales, devers
solel couchant » (ibid., LXIIIa, 10 : 332). Enfin, « li roialmes des Frans mar-
chissoit a Sorelois par deuers galerne (nord-ouest) et de cele part cort li
Hombres » (ibid., t. I, II, 3 : 3). Loomis est le seul à localiser ce pays dans
les Galles du Sud (1949, 453s.) ; Brugger (1905, 16–18 ; 1932, 102 n. 3)
penche pour le nord de l’Ecosse ; Lot (1954, 145 n. 6), quant à lui, après
avoir dérivé le nom de lieu de Sorlinc (Guillaume d’Angleterre : Iles Sor-
lingues ou Scilly Islands : nord de l’Ecosse), souligne, à la suite de Paris,
l’impossible identification du toponyme. Voir, infra : Pont Norgalois I.A.1.3,
I.A.1.8 , et Rois des Cent Chevaliers I.A.15.7 ; fille du roi de Norgalles
I.A.102.47–48 ; Escaloine I.A.138.5 ; Galehot I.A.138.6–9 ; Estrangorre
I.A.188.16.
1.2 : Dayre, père d’Yvain aux Blanches Mains, accusé de trahison par un cheva-
lier nommé Syrion, prisonnier au pont Norgallois, délivré par Lac, son
champion contre Hervi de Rivel : c’est un personnage n’apparaissant que
dans la version de A(2) de Guiron le Courtois. Probablement un souvenir
du Darius de Perse du Roman d’Alexandre (voir Bezzola 1967, III, 1, 274),
son nom figure dans la littérature épique : on évoque ainsi le tans le roi
Daire (Adenet le Roi, Beuvon de Conmarchis, ed. Henry, v. 3579), ou le juge-
ment Daire (Roland de Châteauroux et de Venise VII, ed. Foerster, laisse
CCXX (CCXIV), comme renvoi à une époque révolue, lointaine ; ou encore
on l’associe à des rois « sarrasins » : dans la Chanson des Saisnes de Jehan
Bodel, il est ainsi « cousin germain de Galoain », un Saxon (ed. Brasseur,
cf. t. II, Index, 874 et 880).
Enfin, fait beaucoup plus intéressant pour nous, car il unit Guiron le
Courtois au roman antique, on relève une certaine proximité entre Daire le
1.3, 8 : Pont Norgalois ou cauchie norgaloise (Lancelot, ed. Micha, t. VIII, 418) :
l’une des deux voies d’accès au Sorelois, en partant de Norgales, pont sur
la rivière Assurne ou Severn, l’autre étant appelée Pont Yrois. Tous deux
sont fort étroits et très longs, sévèrement gardés par l’un des meilleurs
chevaliers et par des « serjans », armés de haches, d’épées et de « glaives ».
Voir Lancelot en prose, ed. Micha, t. VIII, 128–130 (Lancelot do Lac, vol. I,
ed. Kennedy, 356.35–357.22) ; 368, LXIV, 18 (501, 3–8) ; 409s., LXVIIa, 2
(526.13–22) ; 417, LXIXa, 1 (531.9–14). Cf. Micha (1987, 252–254) ; West (1978,
256b).
Yvain aux Blanches Mains, d’après Guiron-Palamède fils de Daire (La
Folie Lancelot, ed. Bogdanow, 283) ; mis à part les quelques mentions du
Lancelot en prose (ed. Micha, VIII, LIa8, 38), du Livre d’Artus et de la Conti-
nuation Vulgate du Merlin (cf. West 1978, 310b–311a), il est, surtout, le ven-
geur malchanceux de Gauvain, son ami – selon l’Erec en prose, son « pro-
chain parent » –, et cause directe de la mort d’Erec, victime, à son tour, de
la vengeance du neveu d’Arthur.
On lira cet épisode dans l’Erec en prose (ms. BnF, fr. 112 et Demandas
portugaise et espagnole), ed. Pickford, X, 154–272, et dans La Folie Lance-
lot, ed. Bogdanow, V, 264–277 (d’après le ms. BnF, fr. 12.599). Ce dernier
texte est une sorte de résumé de celui figurant dans le fr. 112 et les Deman-
das, et Pickford, dans l’Introduction de l’édition précitée, se demande si
« jamais … cette prophétie (annonce de la mort d’Erec consécutive à son
serment de ne jamais proférer de mensonge) fut complétée dans ce ms. par
un récit intégral des événements » (41s.). La réponse à cette interrogation
pourrait être contenue dans les textes précités eux-mêmes : la version du
ms. 112 omet naturellement ce « résumé », comportant, plus loin, le récit
détaillé de la mort d’Erec ; en revanche, celle du ms. 12.599, où l’épisode
en question est absent, a jugé utile de le résumer. Il peut paraître curieux
1.5–6 : Guivrez … petit chevalier qe li rois Artus avoit ocis … : « les allusions à
Arthur et à Guivret … demeurent obscures » (Lathuillère 1966, § 161 n. 1).
3.13 : Ore aie ge dahez, se ge nes apelerai de joster : l’emploi du futur après se
hypothétique est très rare en ancien français (Savoir ferés, se la fee penrés,
Aubéron, v. 947, cité par Ménard 1973, § 264, R1) – le ms. T (cf. var.) l’a
transformé en IP –, sauf aux XI–XII e siècles (traductions) et à la Renais-
sance (latinisme) : l’exemple d’Amyot, mentionné par Brunot (1936, 888) :
Si ce mien labeur sera si heureux que de vos contenter, à Dieu en soit la
louange, où le futur de l’apodose habituel est remplacé par le subjonctif
présent de souhait, est particulièrement proche du nôtre. Pour les impossi-
bilités de telles constructions en français, voir Wagner (1939, 41 et 307).
Notons enfin, qu’en italien, l’emploi du futur après se est possible, bien
que plus rare que celui de l’indicatif présent (Rohlfs 1969, § 742).
11.3 : E ja li avoit conté : voir, sur le datif pluriel li de l’ancien toscan, Rohlfs
(1968, § 463), et supra, X.1.2 (§ 154d).
14.11–12 : « qar assez ai atente » : le sens de « car je m’attarde trop » (cf. Di Stefa-
no 1992, 40a) se dégage de la suite de la phrase : « Qui mout a a feire … ».
15.7 : li Rois de Cent Chevaliers : cf. Chis rois des. C. Chevaliers estoit issi appelés
por ce qu’il ne chevauchoit nule fois hors de sa terre qu’il ne menast. C.
chevaliers … (Lancelot en prose, ed. Micha, t. VII, § XXXIIIa, 3). Sur le Roi
des Cent Chevaliers, qui apparaît aussi dans les chansons de geste (cf. Lan-
glois, Table, 332 : Malaquin), voir, outre la précédente citation, Lancelot en
prose, ed. Micha, t. IX (son nom y est graphié Maguis, Malaguis, Malaugin,
et il est le cousin de Galehot et son sénéchal : Index) ; sa participation aux
guerres contre Arthur ou à ses côtés est étudiée par Combes, Les voies de
l’aventure, 148s., 153 et 156. Quant au Tristan en prose – il y est appelé
Heraut li Aspres – voir le Roman de Tristan en prose (version du ms. 757 de
la BnF), t. III, ed. Ponceau, § 106,5 ; 107,1, 10, etc. ; t. V, ed. Ferlampin-
Acher, § 104.9 ; le Roman de Tristan en prose (vers. II), t. V, ed. Lalande/
Delcourt, §§ 94–99 (Horel – Horiaus li Aspres lutte d’abord avec Dinadan,
puis avec Tristan, pour avoir le heaume du premier, car les ensaingnes de
la reine Iseut sont les mêmes que celles de sa maîtresse, la reine de Nor-
gales), et Plet-Nicolas, La création du monde, 144s. Pour Guiron le Courtois,
voir infra, t. I, § 304, et Lathuillère (1966, §§ 161–176 : vers. de A(2) ; 234 :
vers. de 358 ; 270, 276, 280, 282 et 283 vers. de 362–363 ; pour la Continua-
tion de G, voir infra, II e Partie, IV. : ... analyse, § L.
15.9 : Coment q’il soient bon o malveis …, toutes voies … « qu’ils soient …, néan-
moins … » : sur l’emploi adversatif de coment que, voir Ménard (1973,
§ 270b, R2).
21., F.21.26–33, A.45–49 : e si estoit ja .IIII. chevaliers des meillors dou monde,
qar il i estoit li rois de Strangore …, e li noble rois Meliadus … e Lamorat de
Listenois … e Daynayn le Rous … : dans un passage de la Continuation de G
(XXIV), Lamorat est cité parmi les trois meilleurs chevaliers du monde du
temps d’Uterpendragon, aux côtés du Bon Chevalier sans Peur et Meliadus,
mais sans mentionner l’intérêt qu’a suscité, chez le roi de Léonois, sa
vaillance.
22.36 F : aportasse est un i.s. 3e pers. italien. Voir supra, X.2 Langue, § 93.
24.5 : mout besoing m’a fet a toi venir : sur l’emploi adjectival de mout, voir
supra, X.1 Langue, § 201, et Ménard (1973, § 298, R2).
24.11 F : ce ne dot je mie : cet emploi de doter tr., au sens de « tenir pour dou-
teux », semble rare avant le m.fr. : cf. FEW 3, 169a ; Huguet 3, 265b, et La
Clef d’Amors, v. 1744 : « … ne doute lors que pour toy n’arde ».
24.11–12, 6–7 F : li Noirs Chevalier de l’Espine, récompensé pour ses services par
Uterpendragon, sa fille et son fils ne semblent appartenir qu’à la vers. A(2)
de Guiron le Courtois (cf. Lathuillère 1966, 551 ; West 1978, 234b).
24.54–55 F : Si l’on doit voir, conformément au texte de A(2), dans sai, un i.p.
2 e pers. ayant perdu son s désinentiel, responderai (au lieu de l’impératif
respon de A(2)) semble pouvoir être conservé : la jeune femme est prête à
se conformer à la volonté du souverain.
32.14 F : Le copiste sépare nettement le relatif qi de l’adv. luec, qui subit donc
l’aphérèse : cf. supra, X.2 Langue, § 71.
34.34–35 : il ne sorent qel part il s’en alast : pour l’emploi du subjonctif dans
les interrogatives indirectes, voir Ménard (1973, §§ 155s., 394). On notera
que le ms. T a, lui, ala.
35.30 : ge n’avoie souvant noveles : on pourrait, bien entendu, lire g’en avoie …,
mais nous respectons la disposition des groupes de mots de notre ms. fran-
co-italien. Pour l’adv. pron. ne « en », voir supra, X.1. Langue, § 161.
35.31–33 : Mes puis celui jor q’il toli au roi Uterpandegron la damoisele … ; ja a
passé plus de .XVI. anz, … : allusion à l’exploit fondateur accompli par Lac
et cause de son établissement dans les îles de Galehot : la Continuation du
ms. G semble donc avoir développé un motif ancien. Voir infra, IIe Partie,
IV. ... analyse, §§ XXV, XXX et XXXI.
35.34–35, 37 : il ne m’eust … mandé noveles (de lui) aucunes fois. Mes il morut
de celui tens … : ces séquences constituent une quasi répétition …
45.27 : li plus droit cohart chevalier : cette accumulation – supra, 45.24–25 – n’a
pas plu au copiste du XVe s. ; voir la var. 45.16 de T.
46.1 : avint – cf. leç. rej. a – fait double emploi avec venir ; pour la périphrase
va venir (var. T, 46.2), qui remplace, au passé, le tour avec présentatif e vos
venir, voir Gougenheim (1951, 136).
47.5–6 : … li uns estoit li bons Chevaliers sainz Peor a li autres Brehuz sainz Pitié :
1. Antécédents de Brehus
Comme d’autres, le personnage de Brehus n’a pas été créé ex-nihilo ; mais
si, p.ex., la carrière de Daguenet, dont le profil a été aussi sensiblement
modifiée, était assez brève (cf. note à II, 157–184.1), celle de Brehus sans
Pitié est nettement plus longue. Ce personnage polymorphe, à commencer
par son nom – il entre en effet en littérature sous la dénomination de Brun
sans Pitié –, apparaît pour la première fois dans la Première Continuation
de Perceval de Chrétien de Troyes, dite Continuation Gauvain, que l’on date
d’avant 1200 : voir l’édition de Roach, Continuations of the Old French Per-
ceval …, vol. III, part 1 : The First Continuation, 1952, v. 3788–3792. Une
demoiselle, interrogée par Perceval, explique à celui-ci qu’elle attendait un
chevalier clamez / Am bautesme Bruns sans Pitiez, / Boens chevaliers et
resoigniez …, apparition donc « indirecte » (cf. Trachsler 1994, 528). Brehus
est aussi cité dans la Continuation Perceval attribuée à Wauchier de Denain
(avant 1212) : cf. The Continuations …, vol. IV, The Second Continuation, ed.
Roach, 1971, v. 25766–25772. Enfin, toujours dans le cadre des Continua-
tions, celle de Gerbert de Montreuil (entre 1226–1230) mentionne notre per-
sonnage « de façon neutre, juste … un nom parmi d’autres », dans un
groupe de chevaliers appartenant aussi bien à la cour d’Arthur (pour nous
est intéressante la présence de Ydres, li fius Nu, au v. 3976 : cf. l’Index de
notre édition) qu’à celle de Marc : Trachsler (1994, 529). Le Brun sans Pitié
du Mantel mal taillé (déb. du XIII e s., ed. Wulff, Romania, XIV, 1885, 343–
388, v. 414–417) manie l’ironie avec maîtrise – il abreuve de sarcasmes Keu
dont l’amie a été convaincue d’infidélité –, ce qui anticipe sur le caractère
railleur de Brehus du Tristan en prose et de notre roman.
C’est probablement vers le milieu du XIII e s. que le personnage a dû
traverser la ligne de partage entre les bons et les méchants pour se placer
du côté de l’Ombre. On a expliqué ce basculement dans le champ du « dia-
bolique » des personnages ambigus, tels que Marc de Cornouailles, Méléa-
gant ou notre Brehus, par la volonté du roman en prose de « se constituer
son réservoir de méchants » (Berthelot 1997, 386). A noter que Brehus con-
serve, cependant, dans la Suite-Vulgate du Lancelot (cf. Les Premiers Faits
du roi Arthur, in Le Livre du Graal, ed. Poirion, I, §§ 176, 982 ; 205, 1007 ;
459, 1257) un caractère positif : sous la bannière du roi Clarion, souverain
de Northumberland, il combat vaillamment l’envahisseur saxon. On signa-
lera pour terminer que l’incohérence – Brehus qui est dit, d’abord, sire de
Salerne (ibid., § 176, 982), apparaît, ensuite, dans une autre liste, § 459, 1257,
à côté du sire de Salerne, comme s’il s’agissait de deux personnages diffé-
rents … –, observée par Trachsler (1994, 533 n. 22), est partagée par le ms.
de Bonn, choisi par Poirion. Vers cette date, en effet, a été composé un
roman où « le premier dérapage dans le comportement de Brun » se pro-
duit. Le roi de la « Rouge Cité », qu’est Brun dans cette œuvre, est certes
un très bon chevalier (Atre périlleux, ed. Woledge, App., 212ss., v. 20–23),
« D’ailleurs, on finit par avoir l’impression qu’il [Brehus] est plutôt une figure de
croque-mitaine qu’un véritable danger dans l’espace arthurien : on ne cesse de répé-
ter plus ou moins sous le manteau la liste des crimes qu’il a commis, et il est admis
une fois pour toutes que sa présence rend les déplacements dans la forêt chevale-
resque … dangereux … ».
S’il est vrai que les principaux romans du XIII e s. où Brehus apparaît rela-
tent parfois des faits avérés – citons, sans être exhaustif, Tristan en prose,
M III, 200.17–201.14 (meurtre d’un chevalier, ami de la demoiselle, puis de
la demoiselle elle-même, sous le conduit de Palamède) ; ibid., IX, 57–58
(une demoiselle, conduite par son frère, ne doit son salut qu’au fait de
s’être jetée en bas de son cheval, puis, lors d’une nouvelle rencontre, de-
mande à Tristan de la protéger par son corps) ; Guiron le Courtois, ed. Bube-
nicek (1998a) de la vers. du ms. 350, 205.11–206.23 ; Lathuillère (1966, § 16)
(le jeune Brehus, dépité par la trahison d’une demoiselle, coupable
du supplice du Morhout, assouvit sa vengeance en tuant l’amie d’Yvain) –,
dans la plupart des cas ses intentions sont beaucoup moins claires.
Ainsi, lorsque Brehus réclame à Gauvain sa demoiselle (Lancelot en
prose, ed. Micha, t. VIII, 396–403), on ignore ses raisons. Ailleurs, ce n’est
que par les appréhensions d’une autre jeune personne que Dinadan ap-
prend qu’elle se sent menacée par celui qui la retient contre son gré (Tris-
tan en prose, M III, 160.15–16). Enfin et surtout, Brehus semble être victime
d’une « commune renommée », autrement dit de « ce qui est pensé par une
grant plenté de gens » (voir Philippe de Beaumanoir, Coutumes de Beauvai-
sis, ed. Salmon, § 40, cité par Gauvard 1993, 7, et Gauvard 1994, 168), d’une
fama diffamatoire, qu’on se plaît à répéter, à colporter (cf. Berthelot 1997,
393 n. 9), sans en vérifier le bien fondé. Car la société médiévale, « dans
son plus grand nombre, ne vit que par la parole proférée et se trouve, du
même coup, sous la menace constante de subir des informations qu’elle
ne peut pas contrôler », dit Gauvard (1993, 7s.), inspirée par Zumthor
(1987). Ce qu’on dit le plus souvent de Brehus sans Pitié ressemble alors à
ces « litanies des désordres », dressées, à propos des « gens d’armes », dès
le XI e s., dans les écrits de la Paix de Dieu et, la guerre de Cent Ans aidant,
fréquemment mentionnées au cours des XIVe et XVe siècles (Gauvard 1993,
6). La rumeur, funeste (sinistra), se nourrit, comme nous le verrons plus
tard, de fantasmes sociaux profonds. Pour le moment voyons comment à
ces stéréotypes du contenu correspond un véritable style « formulaire ».
Très souvent, l’auteur utilise une relative « qualificative » apposée, soit
au nom des victimes, type : « les demoiseles qui mout se vont plaignant de
vos et de vos felonies », Tristan en prose, C I, 417.8–9 ; toutes les autres
(demoiselles) ki de lui se vont plaignant …, ibid., M III, 163.21–23 ; soit appo-
sée à celui du bourreau : « Breüs sans Pitié …, li cevaliers desloiaus ki les
dames et les damoiseles vait ochiant … », ibid., 9.13–14 ; « li hom (Brehus)
du monde ki plus legierement met a mort une dame u une damoisele, que ja
n’en ara pitié ne merchi », ibid., 160.17–19 ; Brehus sans Pitié, qui grant honte
et grant laidure faisoit souvent as damoiseles, ibid., IX, 58.7–8. Breüs sans
Pitié, ki aloit toutes voies querant mal a faire …, ibid., V, 9.20–21. Le temps
de la relative – on remarque la périphrase durative – insiste sur la validité
permanente de l’affirmation. La phrase suivante, outre la construction as-
pective précitée, met l’accent sur l’ubiquité du personnage malfaisant : …
se ne fust sa boine cevalerie, il ne peüst pas avoir duré u roiaume de Lo-
gres … com il i dura, as grans malaventures k’il aloit faisant et en tous les
autres lieus ausi u il repairoit (Tristan en prose, M IV, 151.16–19).
Pour suggérer la transmission des bruits qui courent sur lui, le prosa-
teur a recours à des formules stéréotypées où apparaît le « tandem » faire
mal, mal a faire, maint grant mal … fait, aloit … querant mal, faisant interve-
nir un verbe d’énonciation, précédé d’un verbe d’audition, tout en men-
tionnant, parfois, la source éventuelle de la rumeur ; c’est le type : « je ai
oï dire tant de mal de vos a plusors chevaliers » (Tristan en prose, C I, 417.7) ;
Quant Dynadans ot parler de Breüs, de qui il n’oï onques dire se mal non …
(ibid., M III, 161.1–2). Si le caractère stéréotypé des affirmations qui pleu-
vent sur Brehus sans Pitié saute immédiatement aux yeux, les raisons du
choix du personnage comme bouc émissaire sont moins évidentes. Ce sont
elles qui vont être étudiées désormais.
« Brehus, fait messire Tristrans, vous ne demandés fors raison et droiture ; et certes,
se vous fuissiés devant le roi Artu, vous ne demandés cose que il ne vous feïst conme
cil qui est li plus droituriers sire que je sace … » (191.28–32).
« Sire, grans mercis de la courtoisie que vous m’avés faite en cest point, ne ce n’est
mie la premiere courtoisie que vous m’avés faite el royaume de Logres en mains
liex. » (ibid., VII, 191.40–42).
« Certes, dist li rois, çou fu pres de la Dolerouse Garde, … a celui point que jou ochis
Brun le Felon, dont vos oïstes bien parller … » (ed. Bubenicek 1998a, 62.21–24).
« … Brehus sens Pitié … a celui tens avoit esté novel chevalier ; li rois Artus meesmes
l’avoit feit novel chevalier com ge l’ai devisé cha arieres en mon livre del Bret … »
(Guiron le Courtois, ed. Bubenicek 1998a, 207.9–12).
51.15 : L’auteur – son copiste – semble avoir des problèmes avec la négation :
tantôt il la laisse redoublée : il ne vos plest qe ge n’i entre (voir notre correc-
tion : leç. rej. c), tantôt, au lieu de lui faire encadrer le verbe à la forme
personnelle, il la place après l’inf., complément de ce verbe : ge ne vos
voudroie corroucier mie (T : je ne vous vouldroye mie courrousser). Si l’on
est bien renseigné sur les conditions où l’auxiliaire précède la négation
proprement dite, types point, pas, mie + ne (voir Nyrop 1930, § 30.2 ; Mar-
chello-Nizia 1979, 243), que sait-on de la place qu’il occupe après le verbe ?
51.20–21 : ge ne croi mie qe ce soit por ce qe vos voilliez a els combatre : sur le
subjonctif d’attraction modal, voir Ménard (1973, §§ 159 et 407).
52. 3–4 : tout soit il einsint qe vos nos ailloiz si duremant blasmant … = non
obstant que vous si fort nous alés blasmant T (var. 2) : bien que l’on conti-
nue à employer la construction paratactique pour exprimer la concession
(voir Marchello-Nizia 1979, 341s.), le rédacteur de T a recours à une locu-
tion « récente », nonobstant que, au demeurant rare, gouvernant soit l’indi-
catif, soit le subjonctif (ibid., 300).
53.3–4 : E ge vos en dirai unes orendroit autres noveles : ordre bizarre ; la suite
des déterminants du substantif a été interrompue par l’adverbe temporel
orendroit ; cette syntaxe est-elle acceptable au vu de T (var. 3) ?
60.8 : Dans fet entendant, le verbe faire est suivi de la forme -ant invariable,
c’est-à-dire du gérondif : voir Ménard (1973, § 181, R1) ; le sens est « … mon
compagnon qui vous fait comprendre, qui affirme que … ».
60.8 : ge ne sui mie trop voir disant : sur cette périphrase durative, admettant
un complément d’objet direct, l’équivalant au verbe simple, consulter Gou-
genheim (1971, 36s.).
60.12 : ge nel qier oïr : la construction de querre verbe modal est directe. Cf.
Moignet (1973, 199) ; Gougenheim (1971, 267s.).
61.7–8 : … qar il avoit doutance … qe il alast le droit chemin q’il ne fust arestez … :
l’hypothétique il alast le droit chemin est construite en parataxe (nous com-
prenons : « car il redoutait d’être arrêté … s’il prenait le chemin direct ») ;
sur l’emploi du subjonctif en parataxe sans se, voir Ménard (1973, § 263a).
Pour la répétition de que après une interruption par une incidente – ici
l’hypothétique en parataxe –, lorsque la complétive reprend son cours, cf.
ibid., § 224b : exemple tout à fait semblable au nôtre, excepté l’emploi de
se.
65.7 : Dans le tour ge sui il (fidèlement recopié par T), il attribut du sujet est
identifié à la 1re pers., au narrateur, comme elle peut l’être à elle-même :
« Et je sui ge », avant d’être remplacée par le cas régime prédicatif ; voici
une phrase où le deux emplois, l’ancien et le moderne, apparaissent côte
à côte : « Je iere tu, tu ieres moi » (Barl. Et Jos., v. 5532, cité par Moignet
1965b, 79). Sur le remplacement du tour « subjectif » par le tour « objectif »
dans les phrases « identitaires », voir Moignet (1965b, 78–80 ; 85 et 115–
117).
66.20 : n’oseroie ge demorer mie : négation qui n’encadre pas le verbe conjugué,
mais qui inclut aussi l’inf. complément : cf. supra, 51.15.
71.9–10 : la greignor folie qe ge pensasse onqes mes : sur cet emploi positif de
onqes avec un superlatif, voir Ménard (1973, § 455 R).
71.11–12 : … ceste folie qe ge pensoie est mestier qe ge vos die, qar folie qi n’est
seue ne vaut : quel est le sens exact de ces propositions ? La causale con-
tient une affirmation qu’un proverbe trouvé ailleurs semble contredire :
« Folie garde[e] vaut deuz foiz dite » (Rec. de Cambridge : cf. Proverbes fran-
çais, ed. Morawski, n° 753).
74.10–11 : Brehuz est si espoëntez … q’a pou q’il ne muert de peor et q’il soit
leianz reconeuz : si le premier qe, introduisant un tour marquant l’immi-
nence, et également consécutif, est à l’ind. prés., le second, complétif, co-
ordonné par et, figure au subjonctif car il dépend de il muert de peor. Pour
plus de clarté, on pourrait envisager la suppression de et (présent aussi
dans T).
75.15 : ge ne sai jamés qe dire : « je ne sais plus que dire » ; cf. Ménard (1973,
§ 309, R2), et, surtout, 454 ; c’est le sens de mes, résolument temporel, qui
semble prévaloir ici : voir Moignet (1973, 278).
76.5–6 : « Certes, se ge fusse Brehuz, autant deist il q’il nel leissast ne por ma
mort ne por ma vie » : « Assurément, même si j’étais Brehus, il aurait décla-
ré qu’il n’y renoncerait pas – c’est-à-dire à raconter ses balivernes – au
prix de ma mort ou de ma vie ». Ce passage, T l’a omis – cf. la variante
n° 4 ; ne l’aurait-il pas compris ?
79.14 : peoor : cette façon de noter l’o fermé tonique – le groupe -oo- indique-
t-il l’allongement de la voyelle ? – est isolée dans notre ms : voir supra, X.1
Langue, §§ 52 et 53.
79.18–19 : « se de mon cors puez le tuen defendre, donc vos en porroiz aller qite-
mant. » : ce passage brutal de vous à tu n’est pas isolé dans A(2) ; il doit
s’expliquer par une charge émotive et traduire le dépit de Daresen. Cf. sur
cette question Woledge (1986, 118, 124 et 161) ; Woledge (1976) ; Bianchini
(1971, 69–114) ; Kennedy (1972), et Bubenicek (1998a, Intr., § 126h).
80.4 : a lui seulemant en couviegne, e non a autre : « cela le regarde lui seul, et
non quelqu’un d’autre » : sur cette locution, exprimant le dépit, et qui
peut faire intervenir l’adv. bien, comportant toujours un pron. pers. au
« datif », voir T.-L. 2, 983–984 et 982–983 ; Gdf 2, 348b), et Suite Merlin, n.
2 § 50, 40.
80.9–10 : … jamés n’i metroit le pié qu’il peust : « jamais il n’y mettrait les pieds,
s’il le pouvait » ; sur que, signifiant « dans des conditions telles, à condition
de, pourvu que », équivalent à une hypothétique et suivi de sujonctif, voir
Ménard (1973, § 249).
80.14 : vegera : sur la chute de la nasale organique, voir supra, X.1 Langue,
§ 127.
81.31–32 : « tant cum ge vos sache si sainz de vos membres cum vos estes » : sur
le subjonctif « d’éventualité », après la locution conjonctive marquant la
durée, cf. Ménard (1973, § 432).
85.26 : « ... en tornent li gap sor moi », var. de T (22) : « … en tourne le gabis s.
m ». Cette leçon du ms. de Turin semble être intéressante du point de vue
lexicographique ; en effet, les dictionnaires de Gdf 4, 198b, et de T.-L. 4, 23
donnent un mot gabil, s. m., au sens de « moquerie » (Gdf), de « joie folle »
(Übermut : T.-L.) ; « réjouissance, ripaille », selon le dernier éditeur du Ro-
man de Rou de Wace (ed. Holden, t. III, 229s.). De ce dernier mot, qu’Hol-
den met en rapport avec le normand mod. gabillon, gabillonner, et FEW 16,
3b, avec le bas-manceau gabi « méchante langue », haut-manceau « mé-
chante babillarde », la forme de T, pourrait-elle représenter le CSS (cf. fīlĭŭs
> fi(s)) ?
85.33 (T, var. 26) : Licanor, hôte de la dame du lac et de Lancelot : aucun per-
sonnage de ce nom n’est signalé par le répertoire de West 1978 pour le
roman en prose ; en revanche, on le trouve fréquemment dans les textes
du Roman d’Alexandre : cf. Flutre 1962, 121b.
86.29 F : n’avrois = en avrois ; voir supra, X.1 Langue, § 161 et X.2, § 85.
86–130 : Comme il a été dit ci-dessus (voir supra IX.1.5 L’art de la nouvelle
…), l’histoire des amours de Marc de Cornouailles fournit le sujet à un récit
autonome, sorte de nouvelle anti-courtoise. Le point de départ de la trame
romanesque est constitué par le motif de l’exposition au froid, visiblement
très apprécié par les romanciers de l’époque puisqu’on en trouve jusqu’à
quatre attestations dans des œuvres contemporaines : deux dans la version
de A(2), une dans la continuation de G, et une autre dans la Suite du Roman
de Merlin (cf. infra, note à 95.22). Force est de constater que seule la moti-
vation sentimentale, combinée à un autre motif, celui de la libération de
l’amante condamnée au bûcher (cf. notre note à 95.16–17), est capable de
donner lieu à des prolongements qui peuvent aboutir à une nouvelle. Voici
les points constitutifs de ce récit bref :
Pourquoi Marc a-t-il été choisi pour devenir le héros de cette nouvelle ?
Nous avons déjà démontré que son apparition dans la version de A(2) –
un « retour réécriture », selon la terminologie d’E.Baumgartner (1992,
303) – est en opposition constante avec la vision traditionnelle du person-
nage (voir supra, IX.3 Les personnages), telle que la véhicule le roman en
prose, contemporain de notre texte. Lorsqu’on pense au soin pris par l’au-
teur du Tristan de motiver, dès ses antécédents familiaux, la sinistre car-
rière du souverain de Cornouailles (voir Traxler 1987 ; Van Coolput 1984),
on ne peut que s’étonner de la position de notre narrateur. Non content de
se tenir à égale distance entre un Marc à la psychologie complexe – due,
selon Bogdanow 1985, à une nécessité esthétique d’équilibre, expliquant
« l’inconsistance » de l’époux d’Iseut, attitude caractéristique non seule-
ment des romans en vers (cf., p.ex., Ménard 1990, 167s. ; Plet 1997, 344s.) –
et le « méchant » de la prose, notre romancier semble faire table rase de
tout ce que l’on sait du personnage.
Aussi l’épisode qui lui est consacré dans la rédaction du ms. A(2) dé-
ment-il, point par point, le réquisitoire dressé contre Marc depuis le travail
fondateur de Baumgartner (1975 ; sur Marc, 224–230).
Marc possède-t-il une exceptionnelle force physique (Baumgartner
1975, 192 ; Plet 1997, 340) ? Il succombe, le premier, lors de la traversée
d’un pont, et ce devant les yeux de son amie : voir supra, I, 122.18–27. Il
n’est ni lâche ni veule, comme le veut la tradition : lorsque la décision est
prise de sauver la reine de Norgalles des flammes, il s’empresse d’accepter
2) du venin administré par Amour aux amants en tant que pasture, et qui
constitue sa substance propre : Tristan, v. 104, et notre complainte, 1–4 :
« Amor … pleine de venin … ; norrie et alaiter de venin … (11) ;
3) Enfin, de la constatation du malheur dans lequel il a plongé sa victime :
« Amor, … tant mal vos vi ! « (89.1) ; « Amours, mar vi le vostre orgueil ! »
(Tristan, v. 65).
89.13–14 : Amor, chose de male paree ; Amor … chose de male part 89. 1–9 F : à
priori, ce passage pose un problème d’interprétation : d’une part, paree
pourrait être un part. pas. subst., déterminé par l’adj. male – cf. la solution
de F, qui, ayant sans doute le même modèle que A mais ne le comprenant
pas bien, a transformé paree en part, mais a conservé la forme de l’adj.
fém –, de l’autre, male serait un subst. muni d’un – e inorganique, ce qui se
rencontre ailleurs dans notre ms. de base. Mais voyons en détail la première
solution. Alors que parmi les dictionnaires d’a. fr., seul Gdf 5, 757a, connaît
parre comme terme du droit coutumier, synonyme du « droit de suite » – ex.
repris par FEW 7, 630a –, ce dernier signale d’autres emplois du vocable. Si
l’on écarte les sens techniques : parée « surface de pré … » (ibid., 625a) ; « par-
tie de la chaîne » (terme de tissage : ibid., 625b), « abri formé d’une grande
claie » (Angers ? ibid., 630a), il reste un composé provençal, maou-parado
« orage ; contre-temps ; mauvaise humeur ; danger », et surtout mauparada
(Nice : « malheur qui menace », ibid.). La deuxième solution, la plus simple
sans doute, aurait le sens de « Amour, créature (il s’agit d’une personnifi-
cation) garnie de mal … ».
89.32–37 : Traïson est ta baniere, Felenie si est ton escu, Desloiauté est t’espee,
Vergoigne e Honte est le tuen hiaume, Cohardie si est ton hauberc, Mort e
Dolor si sunt ti grant cop : l’identification des vices avec des pièces d’ar-
mure d’un chevalier, à laquelle Marc a recours dans son réquisoitre contre
l’amour, nous semble dériver – peut-être par inversion – du procédé, lui
beaucoup plus fréquent, où l’auteur attribue à chaque « arme » une valeur
allégorique positive, c’est-à-dire une vertu ; c’est est un lien commun de la
littérature morale et didactique. Elle peut, sans doute, surprendre dans le
contexte d’un roman de chevalerie. Nous avons dénombré, en nous fon-
dant sur les travaux de nos prédecesseurs, une douzaine de textes mettant
en œuvre ce procédé d’allégorisation, qui a son départ dans un passage de
l’Epître de saint Paul aux Ephésiens (VI, 13s.) : « Accipite armaturam Dei
… ». Sans doute la liste qui suit est-elle incomplète ; notre ordre est alpha-
bétique :
1. Le Chevalier de Dieu (XIII e s.) : voir Meyer (1880, pièce n° IV ; analyse
et extraits). Urwin (1937) : abr. Ch D.
2. Guillaume de Digulleville, Pèlerinage de Vie humaine (1330–1331), ana-
lyse dans Langlois, 1928, t. IV, 220s. : D.
3. Guiot de Provins, L’Armeüre du chevalier (avt 1220), ed. Orr, in Les
Œuvres … (pièce n° 3), 94–113 ; 152–155 : G.
4. Jouham de la Chapele de Blois, Le Conte dou barril (1220), ed. Bates : B.
5. Anonyme, auteur d’un poème provençal de 54 vers alexandrins (XIII–
XIV), cité par les Leys d’amors (1341), ed. Toulouse, I, 118–122 (cf.
Meyer 1877, 152 ; Meyer 1891, XX, 580 ; « Notice », 59s.), cf. supra 1 : L.A.
6. Marie de France, The Espurgatoire saint Patriz, ed. Atkinson Jenkins :
M.
7. L’Ordene de chevalerie (1220), ed. Busby, in Le Roman des Eles and L’O.
d. ch., 103–146 : O. Livre de chevalerie de Geoffroy de Charny (avant
1356) suit de près l’Ordene, ed. Kennedy, 36.21–47.
8. Peire March, « Le harnois du chevalier » ; cf. ci-dessus, n° 5, 581 : P.M.
9. Le Poème moral, ed. Bayot, 9 (str. 10) : P.
10. La Queste del saint Graal, ed. Pauphilet, 160.10–12 ; 163.16–18 : Q.
11. Robert de Blois, L’Enseignement des princes (1250), ed. Fox : R.
12. Ramon Llul, Libre que és de l’Ordre de Cavalleria (1275), ed. Bohigas ;
Livre de l’Ordre de Chevalerie, ed. Minervini : L.
opposera les vices, associés aux pièces d’armure d’Amour, aux vertus qui
les qualifient habituellement (Tableau N° 1).
Notes du tableau
(1) Certaines pièces d’armement symbolisent plusieurs faits moraux : ainsi
des chauces R (v. 209–212) : justice (car sans doute fabriquées en métal –
cf. Busby (1996, 136 n. à 159) –, elles sont dures ou roides) et lutte contre
la luxure (froides) ; R (v. 220–234) ; des esperons : peur et esperance ; R (v.
177–192) ; du haubert : … charitez, foi …, humilitez … ; Q (163.17) de l’escu :
escu, ce est pacience et humilité.
(2) Quatre dénominations différentes, un seul fait : « sorte de vêtement rem-
bourré qui se porte sous le haubert pour amortir le contact de celui-ci ;
voir Enlart (1927, 537 : auqueton) ; 568 (gambeson) ; 592–593 (pourpoint) ;
479 (jaque).
(3) Cotte qui se revêtait par-dessus le haubert, ornement mais aussi protec-
tion (cf. Enlart 1927, 556s.).
Il doit y avoir une confusion entre le perpunt et la cotte à armer chez
Lulle, car l’auteur établit une comparaison entre la superposition de ce
vêtement (lo perpunt està desùs a los altres guarnimens) et la position
d’élection du chevalier, supérieur aux autres (cf. note de Busby 1996, aux
v. 147 et autres de l’O) ; ed. Minervini, 152.7–10).
(4) Permet de relier la coiffe, portée sous le casque, à la cotte de mailles (En-
lart 1927, 448).
(5) Cf. « gantelets de mailles en forme de moufles » (fin du XII e s. : Enlart 1927,
465s.).
(6) Camail ou collet de maille remplace la coiffe que le port du bacinet rendait
inutile ; il se laçait à ces casques légers (Enlart 1927, 546).
(7) Selon Enlart (1927, 562), « un détail de costume qui … sert de signe de
reconnaissance », sous forme d’« afiques ou de pentacols ».
(8) « Comme la coiffe enserre les cheveux du chevalier, aussi celui-ci doit te-
nir son cœur serré, afin que l’orgueil n’y puisse entrer » (R, 165–176).
(9) Nous avons distingué ces deux notions de foi-fiance (n° 3), car elles ont
des représentations différentes.
(10) Chez Lulle, la selle symbolise « seurté de courage et la charge et le grant
fais de chevalerie ». (ibid., 148.26–149.1).
(11) Afin qu’il puisse, grâce à « ses biens temporelz », être « deffendu de mau-
vais pensers, car povretez fait a homme penser baras … et traisons » (ibid.,
151.22–152.3).
(12) Comme il a été vu ci-dessus (cf. n° 19), le texte de Lulle fait état aussi du
« penoncel » auquel il attribue un symbolisme différent.
Vertus, etc
droiture-justice
amour de Dieu
Parole de dieu
bonne volonté
Saint-Esprit
humilité (8)
main droite
abstinence
pénitence
chasteté
patience
aumone
oraison
loyauté
mesure
la croix
charité
pleurs
paix
parties de l'armure, etc
20
21
22
23
24
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
chauces (1) Ch D R O R B
éperons G ChDG R B
haubert Ch D M BR R L
LA G
épée Ch D LA M Ch D B
G,R L
D,O
PM
heaume ; bacinet (PM) R ChDGP B LA
MR
écu ; targe (D, PM) Q MChD Q Ch D G R B
lance ; glaive (pique PM) B G
destrier, cheval B
arc LA
10 flèches LA
16 fer de lance
17 charbon pour forger, feu B
18 marteau pour forger B
19 bannière («penoncel») B
20 «gorgiere» (4)
21 gantelets (5)
22 «renge»
23 boucle de la «targe»
24 ceinture OP
25 selle PM
26 étriers
27 camail (6) PM
28 braies de maille PM
29 cuissards
30 parure de l'âme P
31 Enseignes «seignol» (L) (7)
32 couteau PM
33 hache
34 masse d'armes
35 «testiere» du cheval
36 «garnemens» du cheval
26 tempérance
D
27 sobriété
D
28 continence
D
29 persévérance
PM
D
30 constance
D
31 prudence, « pourvoiance» (R)
RChD
P
32
B
33 « ferme créance» (M) « droite créance» (R)(9)
M ChD
L
RO
34 perdre son sang pour le Christ
R
35 esperance (de Paradis)
L
L
36 « hardement» (R), courage (PM)
PM
PM
R
O
37 service de Dieu
38 vergogne
PM
39 amour du prochain
PM
40 contre la paresse
PM
41 largesse
L
42 sagesse, raison (2)
PM
PM
43 chair qu'il faut dompter
ChD
44 châtiment, réprimande
Ch D
45 reconnaissance
PM
L
46 vérité
L
47 force de la vérité
Authenticated
48 vérité opposée à la lâcheté
L
Tome I
L
50 obéissance
L
51 protection du seigneur
52 excellence
PM
839
L
54 protection de l'avoir du chevalier (11)
L
L
L
56 se garder du blâme
Commentaire
Bien que, d’ordinaire, on pense que « les armes choisies » pour symboliser les
vertus « semblent différer d’un auteur à l’autre » (Lecoy 1938, 186) – ce qui est
vrai de façon générale –, le tableau ci-dessus permet néanmoins de dégager
quelques correspondances entre œuvres apparentées chronologiquement :
Chevalier de Dieu (ms. de la fin du XIII e s.), le Purgatoire de St Patrice de Marie
de France (après 1189 ; ms. unique de la fin du XIII e s. : cf. ed. Atkinson Jenkins,
3) : haubert-justice ; écu-foi ; épée-St-Esprit ou Parole de Dieu, mais cet accord
pourrait reposer sur la source commune de ces textes, à savoir l’Epître précitée
de St Paul. Toutefois, il est légitime de se demander pourquoi les autres ne lui
avaient pas emboîté le pas … Si beaucoup attribuent à l’épée le même symbo-
lisme (cf. Ordene, ed. Busby, 138 n. à 205s.), l’entente entre Armeüre (1220), Ro-
bert de Blois (1250), Raymond Lulle (après 1263 : cf. l’édition de Minervini, 18–19)
et Peire March : heaume (bacinet) – humilité mérite d’être signalée.
Tab. 2: Allégories des vices (complainte de Marc de Cornouailles) comparées à celles des ver-
tus incarnées par les pièces d’armure.
(1) Chez Charles d’Orléans, ed. Champion, ballade XXV, v. 1–2, Loyauté est
invitée à déployer sa bannière.
Il est sans doute possible de déduire la valeur négative attribuée ici aux pièces
d’armement d’Amour des vertus qu’elles symbolisent habituellement. Il en va
ainsi de l’épée de desloiauté (III), simple inversion de la valeur positive dont
cette arme est porteuse (droiture, justice). De même cohardie (V) peut être oppo-
sée à force, qui brave la mort. Il n’est peut-être pas sans intérêt d’évoquer ici
la bataille où, exaspérés de ne pouvoir prouver leur supériorité l’un sur l’autre,
Meliadus et le Bon Chevalier sans Peur décident de jouter sans armure. Mais
au dernier moment, l’un d’eux recule, de peur d’être tué ; son geste sera quali-
fié de la plus grande « couardise » par l’assistance : Première partie de Guiron
le Courtois, version du ms. BnF, fr. 350, ed. Bubenicek (1998a, 187.7–190.19).
Enfin, felenie (II) pourrait être considérée comme une inversion de pitié.
On pourrait penser, par ailleurs, que notre romancier ait eu recours à
quelques allégorisations des vices comme celles que met en scène Huon de
Méry, auteur du Tournoiement de l’Antéchrist. En fait, la comparaison avec ce
poème ne peut être que limitée ; en effet, comme l’a démontré Marc-René Jung
dans ses Etudes sur le poème allégorique en France au moyen âge (1971, 279),
les seuls signes distinctifs que possèdent les combattants des deux camps –
les vices et les vertus qui s’affrontent – sont les « armes, peintes sur [leurs]
bouclier[s] … », c’est-à-dire « des descriptions de blasons, car le reste est fer-
raille ». Voici quelques rapprochements glanés à grand-peine dans le « roman »
allégorique d’Huon : l’écu de Forcenerie est partis … De coros et de felonie (ed.
Wimmer, variantes du ms. O, v. 659–870 (25–78) : v. 42–47 (49a) ; quant à Envie,
elle ot l’escu … Entrebrodez de traïson (ibid., v. 659–870 : v. 48–49 (50a) ; enfin,
comme exceptions, signalons hiaume de pacïence, faisant partie de l’armure
de Religion (ibid., v. 1556) et : Une glaive (lance plutôt qu’épée) a fer poitevin
Traïson … ot de venin Bien loé … : var. de O, v. 44–47. De la même veine que
notre texte semble être le Débat du cœur et de l’œil (ed. Wright, The Latin
Poems attributed to Walter Map, 310ss.), cité par Lozinski, editeur de La Ba-
taille de Caresme et de Charnage, 88 n. 1 : le cœur y est, en effet, armé de
harnois fait de dueil ; ses armes sont trois soupirs ; son épée estoit de tristesse
tempree et sa lance ferree de soussy, alors que celle de l’œil est ferree de plai-
sance.
90.4 F : les pourrait-il représenter le, puisque le figure, souvent, l’art. déf. plu-
riel ? Cf. supra, X.2 Langue, § 73 F et X.1, § 146 A(2).
91.40 : parduigs, forme sans -n, soumise à l’autorité de comande, devrait être,
comme ocies au subjonctif, c’est-à-dire, en respectant le type issu de
doing – pardoner se conjugue comme le v. simple –, doignes ; or, même
comme indicatif, on a à P2 dones. On relève, néanmoins, dans un texte qui
offre des affinités avec le nôtre, Girart de Roussillon, éd. du ms. d’Oxford
(Canonici Misc. 63) par Hackett, t. III, 822a, un SP3 pardunt < perdonet ;
aussi pardui(n)gs ne pourrait-il pas remonter à perdones ?
91.50 F : sempre « toujours » : nouvel italianisme (?) de ce ms. (cf. supra, 89.6
F). On trouve senpres, v. 54, davantage francisé, dans, p.ex., Espagne, ed.
Thomas ; Girart de Roussillon, ed. Hackett, t. III, glossaire, 877b–878a, etc.,
textes influencés par l’italien, mais aussi ailleurs : voir Gdf 7 (sempres,
sempre …), 375a–b. Cependant, le sens de l’adv. n’est pas constamment
« toujours » ; en gallo-roman, en effet, « le sens latin ‹ toujours › disparut
très tôt », dit von Wartburg : FEW 11, 442b et n. 4.
92.30–32 F : Qant le chevalier voit … qu’il a trovés secors de tout qant mester li
est … : notre tour, « quantificateur », figure avec une expression indiquant
la totalité, à laquelle il est directement apposé : cf. Kunstmann (1990, 383) ;
mais à la différence des ex. cités par Kunstmann – p.ex. « Tut amat quant-
cunque dut haïr » –, notre texte utilise le simple qant, ce qui est rare selon
Ménard (1973, § 374 R).
92.47 F : (leç. rej. c) : Nous avons corrigé F qui accumule deux relatifs – dont
et ou – qui possèdent le même sens « où » ; voir Rohlfs (1969, §§ 487 et 912).
92.55 F : Malgré la forme des jambages – pas assez nets toutefois- qui fait son-
ger à ne, on peut probablement lire vos ve plaignoiz : cf. supra, X.2 Langue,
§ 82.
93.6–7 : « e mort i fusse … se vos n’i fussiez venuz » : emploi du tour ancien – le
plus-que-parfait du subjonctif dans la protase suggère l’intériorité de la
subordonnée par rapport à la principale – peut surprendre dans un texte
en prose : cf. Ménard (1973, § 266).
94.28–29 : E se ge ne la veoie des euz del cors, ge la veoie tout adés des elz
dou cuer : la métaphore de « l’œil de l’âme » ou du « coeur » fait partie des
« expressions traditionnelles » chrétiennes qui concernent les différents
sens spirituels, et principalement l’ouïe et la vue : ainsi « l’oreille du co-
eur », « le toucher de l’âme » sont présents chez Grégoire de Nysse (cf. Da-
niélou 1944, 240s.) ; quant à notre topos, on le trouve, pour la première
fois, semble-t-il, chez Saint Paul, Ephésiens, I, 18 :
« Daigne le Dieu de notre Seigneur Jésus Christ … vous donner un esprit de sagesse …
Puisse-t-il illuminer les yeux de votre cœur pour vous faire voir quelle espérance vous
ouvre son appel … » (La Bible de Jérusalem, 1688a),
du corps » : ibid., 256 n. 10. Quant aux poètes du nord, on relève l’image
des yeux du cuer ou des yeux de ma pensee chez un poète savoyard, Oton
de Granson (1340/1350–1397) : ballades n° XII et XXIII, publiées en extraits
par Arthur Piaget (1890, 59 n. 1) : « Qu’il veille ou qu’il dorme, le poète a
sa dame devant les yeux … ».
95.19 : metoient : pour la faiblesse de r après une dentale (cf. T, var. 12), voir
supra, X.1 Langue, § 120,2.
95.22 : Le châtiment dont Marc de Cornouailles est la victime présente des ana-
logies indubitables avec un épisode de La suite du roman de Merlin (ed.
Roussineau, § 543.69–548.30 et n. au § 548, 24) ; un autre épisode de A(2)
qui met en scène Guiron le Courtois et son sauveur, le chevalier Nessaux,
est situé plus loin dans le texte particulier donné par celui-ci (f. 181s. ; cf.
supra, n. 86–130 ; Lathuillère 1966, § 194, 410) : voir Bubenicek (1993) ; en-
fin l’histoire de la « plus grande peur » racontée par le Bon Chevalier sans
Peur reprend le même thème : cf. infra, II e Partie, IV. … analyse,
XXXV, 180–183.
95.25 e por ce remist q’il ni m’i gitierent : sur cet emploi de remanoir (idée de
« ne pas faire que »), où le verbe factitif traduit le résultat atteint effective-
ment, et où il est suivi, dans la complétive, d’un indicatif avec la négation,
voir Moignet 1973, 217–218. Pour le forme de la négation, cf. supra, X.1
Langue, § 182.
96.10–11 : amor, amors : nous ne mettons pas une majuscule, car ele (96.12) qui
suit ne saurait renvoyer au dieu d’Amors, comme, p.ex., chez Charles d’Or-
léans où Amour personnifié est repris par il : cf. La Retenue d’Amours, v. 241
et 243.
97.41 F : tarai : nouveau cas de faiblesse de r, plus rare dans F que dans A(2)
après la dentale : comparer supra, X.2 Langue, § 67 (F) et ibid., X.1 Langue,
§ 120, 2 (A(2)).
99.8 : q’il pourrait être – cf. 99.7 F – une graphie inverse pour q’i : voir supra,
X.1 Langue, § 117.
99.33–34 F : li unz aprés l’autre : « l’un à côté, près de l’autre » (cf. A(2) delez
99. 81) ; on a affaire soit à un vocable provençal (apres, prép., « auprès
de »), ou apres ayant le sens de l’ital. appresso « presso » ; encore au-
jourd’hui, dit Rohlfs (1969, § 825), « appare, sporadicamente, nel Settentri-
one, a indicare prossimità di luogo » : Lombardie septentrionale, Emilie,
et, déjà Uguccione da Lodi (XIII e s.) : apreso’l fuogo. La variante de T (n°
17) : les ungz devant les autres, sur quelle version se fonde-t-elle ?
100.14–16 : « … et autressint font cist de ceste contree, voire certes tuit cil de
roiaume de Logres » : bien que ce soient, surtout, les habitants du royaume
de Norgalles qui sont concernés par la mésaventure de leur reine (cf. le
texte de F : § 100. 13–14), il est loisible de penser que la funeste nouvelle
puisse toucher l’Angleterre tout entière : cf. Loomis (1949, 486) : « Logres =
Modern England ».
100.25 : tient (même forme dans T) a visiblement le sens d’un parfait : voir,
plus loin, peust, et surtout, tint : T a essayé d’accorder ces deux formes (cf.
var. 4) ; faut-il corriger ?
102.8 F : « Coment, fet il, si covient qe vos feroiz morir vostre dame ? » (A(2) : …
façoiz … § 102.9). Dans le cas présent, covenir est un verbe d’obligation
équivalant à estuet, est besoigne, et non au verbe de convenance (cf. Moi-
gnet 1959a, II, 330s.). Il est donc d’autant plus surprenant qu’il se fasse
suivre d’un indicatif futur, tel un verbe de la volition à effet probable,
proche particulièrement des verbes de décision ; cf. Rol. 884, cité par le
même savant, 324 : « Il est juget que nus les ocirum ». Comme en français,
« grâce à son fort contenu potentiel », le futur se substitue au subjonctif en
italien : cf. Rohlfs (1969, § 675, 54).
cum li Livres Lancelot dou Lac devise tout apertemant : la fille cadette du
roi de Norgalles a fait le vœu d’appartenir à Gauvain, le meilleur chevalier
du monde ; cette annonce faite par son aînée à Gauvain (cf. ed. Micha,
t. VIII, § LXa, 25, 234 ; ed. Kennedy, t. I, 419.36–420.2) prépare l’épisode à
venir, celui d’une nuit d’amour de la jeune fille et du neveu d’Arthur (ed.
Micha, t. VIII, § LXIVa, 38–39, 381–382 ; ed. Kennedy, t. I, 508.36–509.32).
Voir aussi la note d’E. Kennedy à 507.23–514.32 (t. II, 330s.).
102.40–49 : « … e qant messire Tristain … ainz fu bien fille del roi Marc » : ces
propos tenus par Tristan à Dinadan au sujet de la paternité de Marc
semblent ignorés du roman éponyme en prose (à se fier à l’Analyse de
Löseth 1890).
104.42 : « T’es fole » : te forme du CSS, à la place de tu, est propre aux dialectes
du Nord, et surtout au picard, où elle est encore mentionnée par Sylvius
(J. Dubois d’Amiens) au XVI e s. (cf. Pope 1973, § 828). Insuffisamment expli-
quée, selon Schwan/Behrens (1923, § 321 R), on la croit née « d’un parallé-
lisme phonique avec la pers. I » (Zink 1989b, 93 ; Pope 1973, ibid.). Outre
l’aire picarde, on la trouve dans Florimont d’Aymon de Varenne, le Lyon-
nais : v. 7628 de l’édition de Hilka ; cf. Franzén (1930, 4 n. 1).
105.17–19 F : … en grant aventure est li rois Mars se il poroit estre coneuz : nou-
veau cas d’asymétrie entre l’apodose, présentant le fait comme assuré et
la protase hypothétique. Nous avons relevé un grand nombre de « condi-
tionnels » faisant suite à se – fait rare, selon Ménard (1973, §§ 264 R1 et 265
R2) – dans notre édition de la vers. principale : cf. Bubenicek (1998a, Intr.,
§ 157).
106.10 F : el(cors) semble être soit une forme toscane de l’art. déf., présente
surtout dans des textes originaires de Sienne, elle apparaît au contact de
la consonne, alors qu’une forme collatérale, ell’, précède les voyelles
(ell’amore ; ell’occhio) : cf. Rohlfs (1968, § 416), soit septentrionale (ibid.,
§ 417) ; à ajouter à notre Intr., cf. supra, X.2 Langue, §§ 73–76.
106.26 F : Hervi de Rvel : comme il a été dit précédemment – cf. supra 86.6 (F) –
le compagnon de Lac dans F n’est pas Yvain aux Blanches Mains, mais
Hervi de Rivel.
110.13–14 : … soit del faillir ou soit del faire : cette configuration de l’alterna-
tive – soit … ou soit n’est signalée que chez les poètes au XVI e s. : « soit en
paix ou soit en guerre » (Ronsard) ; « soit que je vive ou bien soit que je
meure » (Du Bellay), cités par Grevisse (1969, § 985 Hist.). Cf. Lerch (1925, I,
86s. ; 1929, II, 351ss.) ; Gamillscheg (1957, 702–704) ; Marchello-Nizia (1969,
285s.).
110.14 F : voluntés semble être l’adv. « volentiers », dont le son ie s’est réduit à
e et l’r s’est effacé devant l’s (cf. supra, X.2 Langue, §§ 10 et 67).
111.10–11 F : … q’e grant honor vos tornera : nous avons transcrit q’e, car il sem-
blerait que le copiste de F a confondu deux tours voisins ; l’un où figure
en à côté de a : p.ex. « Turné fussent en ublïance … » (« passer d’une ma-
nière d’être à une manière d’être opposée » : cf. T.-L. 10, 431) et torner au-
cune rien a aucune rien (ibid.), où seul a paraît figurer. Notre forme aurait
perdu, par ailleurs, la nasale finale. Il peut sembler troublant que T partage
la leçon de F (cf. var. 5). Pour se vos poriés …, voir supra, n. à 105.17–19 (F).
111.24 F : dos est un CR provençal de dui, doi (cf. Anglade 1921, 235 ; Girart de
Roussillon, t. III, 700b : seul CR), fonctionnant ici comme sujet. A rajouter
à ce qui est dit dans notre Intr., supra, X.2 Langue, § 86.
112.20 F : « Hai ! les, chaitif ! » : nous préférons voir dans les une graphie inverse
de las (cf. supra, X.2 Langue, § 9), plutôt que l’art. déf. pl. (Les chaitif),
renvoyant aux habitants du « château », obligés de conduire leur reine au
supplice. Cf. A(2) 112.16–18.
113.12 : isserom (ysserom dans T) n’est pas sans rappeler enseroit cond. 3 du fr.-
it. ensir, insir : cf. Espagne, t. 2, 379b (glossaire) ; Burguy (1856, III), signale,
par ailleurs, un inf. isser : 210a. Voir supra, X.1 Langue, § 172. Cf. infra, in-
sirent 118.11 F.
114.25–26 F : cil .II. furent innavré mortelment : ce part. passé est un italianisme
(cf. anc. it. inaverare : Battaglia 8, 30b–c), fréquent dans les textes fr.-it.
Voir Espagne, t. 2, 377b (glossaire) ; Gdf 3, 206a–b : 3 ex. de Marco Polo, 1
ex. de la Prise de Pampelune et 1 ex. wallon : Namur) et, en dernier lieu,
Holtus (1979a, 289, Bibl.).
115.5 : dereires : prép. venant de l’anc. prov. : voir Levy (1973, 112b) ; REW, 2582 ;
Appel (1912, 235b) ; FEW 3, 47a ; apparaissant aussi dans des texts fr.-it. ;
cf. Espagne, t. 2, 374b (glossaire).
115.7–11 F : qar se nos se poons metre en celle foreste … ; e se nos se volons hui
un pou esforcier … : si les échanges entre se et lui, lei, loro sont signalés
pour l’italien (seco pour con lui, etc. : Meyer-Lübke 1974, III, 67) ou pour
l’a. fr. (soi pour lui et vice-versa : cf. Ménard 1973, § 46, 2°), on ne trouve
pas, semble-t-il, ce curieux emploi du réfléchi de la 3e p. du sg. à la place
de celui de la 4e p. que présente notre texte.
115.16–18 : E se nos en cele seignorie poom venir, nos n’avrions puis garde … :
nouveau cas d’asymétrie entre la protase et l’apodose ; cf. supra, I.A. 73.15.
115.35 F (leç. rej. a ) : Si hait est une graphie de est (l’indicatif semble possible
après estre avis selon Ménard 1973, § 155c, R1, et Moignet 1959a, II, 386s.),
notre correction est inutile.
116.8 F (leç. rej. a) : pour li CRP atone, voir supra, X.2 Langue, § 79. Li à côté de
lor faisant double emploi, nous avons corrigé le ms. d’après A(2). Cepen-
dant, comme le ms. F utilise par ailleurs le pour li (cf. I.F.24.12), serait-il
possible qu’on ait affaire à « le leur » dont l’ordre aurait été inversé ?
116.21 : Tex n’i a … : comprendre Tex en i a : cf. supra, 35.30 et notre Intr., supra,
X.1 Langue, § 161.
118.2 F : Pour elle, CSS masc., voir supra, X.2 Langue, § 79.
119.9–11 : … huimés nos poés vos bien dire qele part volez vos aller … : pour
l’interrogation indirecte prenant la forme de l’interrogation directe (inver-
sion du sujet), voir Ménard (1973, § 104).
119.10 F : Sur ve, 2 e pers. du pl., voir supra, X.2 Langue, § 82.
121.19–20 F : a cestui point ne covient joustier : pour ne = nos, voir supra, X.2
Langue, § 82.
122.10 F : coment qe il m’en doie a avenir : bien que les verbes auxiliaires de
modalité se construisent directement, l’antéposition de l’objet, ici secon-
daire (m’), entraîne l’introduction de l’infinitif par a (cf. A(2) 122.12) : Moi-
gnet (1973, 297–299) ; notre Intr., supra, X.1 Langue, § 195.
122.14–15 F : Et qant ce vient au parurter : cet infinitif subst. n’est connu que
par le Roman de Troie de Benoît de Sainte-Maure : cf. Gdf 5, 769b) ; T.-L. 7,
267 (3 ex.).
123.8 : liez < latus « large » ; graphie inverse, qui témoigne de la confusion entre
e (< a) et ie, fréquemment réduit à e dans les dialectes de l’Ouest : cf. ci-
dessous lez pour liez (CSP) I.A.154.6, et piert pour pert (paret) chez Marie
de France (Guigenar, v. 484 ; cf. ed. Rychner, XXIV). Voir supra, X.1 Langue,
§ 5.
124.4–5 F : li .II. chevalier sut esté abatu : sut, forme dénasalisée de sunt (cf.
supra, X.2 Langue, § 69b) ; pour l’auxiliaire estre, voir ibid., X.2, § 9.
125.16 F : Pour li, fonctionnant comme un CRP, se reporter à notre Intr., supra,
X.2 Langue, § 79, et n. à 116.8.
126.28 : La variante n° 15 montre clairement que le ms. T a été copié sur A(2).
127.11 : « Ge me fis errament armer e montai a cheval entre moi e mes escuiers e
me mis au chemin, e m’acompanié enmi le chemin de la rue dou chastel a
Toran » : ce passage fait difficulté : c’est pour la première fois qu’on rencon-
trerait un PS1 terminé par -é, au lieu de -ai ; par ailleurs, si l’on s’acom-
pagne a qn, c’est-à-dire qu’on « se joint à lui », peut-on marcher à sa suite,
comme il est indiqué ? Voici une autre solution, tout aussi précaire, inspi-
rée de la variante de T (n° 8) : « … e me mis au chemin e[n] ma companie,
enmi le chemin de la rue dou chastel a Toran l’O. » ; la forme du complé-
ment du nom, construit avec a, serait tout aussi inédite.
128.28–29 : Qant il les ot touz tornez a desconfiture, il s’en vint par moi … et il
me dist … : l’emploi de par au sens de « vers » rappelle celui de para, dont
le second élément contient ad et indique clairement le but dans l’espace,
la direction, le point d’aboutissement d’un mouvement. Il est à noter que
dans A(2), c’est toujours avec venir que la construction apparaît ; cf. E cil …
s’en vint par le chevalier dou pont e le fiert … (II.36.98–103). Voir Meyer-
Lübke (1974, III, §§ 457s.) ; Bourciez (1967, § 243c).
129.18 : peine gastre « peine perdue » ; pour l’r parasite, voir supra, Langue,
§ 122.
130.13 F : je la vos demant : cf. I.F. 124.3; nouvelle confusion entre les régimes
masc. et fém. Voir supra, X.2 Langue, § 79.
130.38 F : n’avint = en a.
131.13 F : branche : pour la confusion entre l et r : voir supra, X.2 Langue, § 68.
131.19–20 F : elle chevauchoit ne mie trop toste, mes … : devant un autre terme
que le verbe, ne alterne avec non, forme pleine ; cette dernière étant toute-
fois majoritaire : cf. Ménard (1973, § 291).
136.14–18 : … tant n’estes ore vilaine qe vos ne fussiez puis cortoise, ne jamés jor
de vostre vie a chevalier … ne diriez plus vilenie : on notera que le second
membre coordonné de la consécutive, permettant d’exprimer la concession
(cf. Ménard 1973, § 448), est au « conditionnel », au lieu d’être à l’imparfait
du subj., sans doute à cause de son éloignement.
137.17–18 : … qi qe soit prodome, vos estes dels mauveis ! « … quel que soit celui
qui est un chevalier accompli, [quant à vous], vous faites partie des mau-
vais » ; il est préférable de voir, avec F, dans dels ne contraction de de +
les, plutôt qu’une graphie du numéral « deux » (cf. la var. 4 de T) : cf. deus
I.A.138.14 ; II.A.22.17.
138.5 : Escaloine : ville de Sorelois, située près de la mer, et qui n’apparaît que
dans la vers. particulière de A(2) de Guiron le Courtois. La variante Ascha-
139.3 : Aiglans li blancs, Ossenan Cuer Hardi : si le premier des chevaliers faits
prisonniers à Escaloine n’est connu que par notre épisode (voir Lathuillère
1966, § 167 ; West 1978, 9a ; Aiglant, nom d’un « chevalier » figurant dans
Escanor (v. 5192) selon Flutre (1962, 7b), ne semble qu’une graphie de Ai-
glin), Ossenan, lui, fils de Quinados d’après notre roman (Lathuillère 1966,
§ 95), outre l’histoire relatée par A(2), est un habitué des romans de cheva-
lerie, tels que Lancelot et le Tristan en prose, le Livre d’Artus ou encore la
Continuation du Merlin de la Vulgate : là-dessus West (1978, 241a : Bibl.).
139.7–8 : pensez a ce seulemant qe vos ne choiz … : étant donné que pensez a ici
nettement le sens volitif (cf. Moignet 1959a, II, 676 et 384) de « préoccupez-
vous seulement de ne pas tomber … », choiz, bien que proche de l’indicatif
*cadétĭs > cheoiz, choiz (réduction précoce-avant le mil. du XIII e s. – en
picard : Gossen 1976, § 30), doit être un subj. présent de cheoir. C’est que,
justement, -oiz est la désinence majoritaire au subjonctif présent : cf. supra,
X.1 Langue, § 169d. Cf. les var. de T (n° 7,8) : cheyés.
142.7 : mounde : graphie anglo-normande isolée : cf. Stimming, Boeve, 192 ; Vi-
sing (1923, 29, § 7). Un autre ex. à I, 301.31.
143.2–4 : Cil de leienz les vollent prendre par force d’armes, mes li dui chevaliers
se voldront defendre, si cum il dient. Puis qu’il ont les gleives brisiez, il
metent les mains as espees ; fort se defendent … : sur le futur « par anticipa-
tion » – le sujet parlant a dans l’esprit la réalisation de sa volonté –, voir
Gougenheim (1971, 190ss.), Ménard (1973, § 142, 1°). Il y a, dans cette
phrase, un raccourci saisissant entre la volonté de combattre et sa réalisa-
tion.
145.5 : chastel qi Hosegon estoit apelez : cette ville – cf. 97. 5, Esegon (A) ; Osegon
97. 4 (F) et var. de T (n° 5) –, lieu où la reine de Norgalles devait être
suppliciée, ne figure que dans A(2) : cf. West (1978, 107b).
153.4 : nois’avoir : l’élision d’e devant l’initiale vocalique du mot suivant s’ob-
serve aussi à 141.23 : a mal ais, outre … ; cf. 153.12 : sach’orendroit.
153.16 : il est mes sires, e ge sos sers : la forme sos, rare, si elle n’est pas une
erreur, rappelle la forme abrégée toscane de so (nome), citée par Rohlfs
(1968, § 427), ou bien sò, répandue aussi bien en Italie septentrionale que
méridionale (ibid., §§ 428 et 429).
155.8 : Nous n’avons pas corrigé li en lor, comme l’a fait le copiste de T (cf. var.
n° 7 ), car li semble fréquemment fonctionner comme le compl. ind. plu-
riel : cf. supra, X.1 Langue, § 154d.
159.8 : luminaire est du masc. ou du fém. en a. fr. : cf. T.-L. 5, 728 ; fém. (lumina-
rie) d’après FEW 5, 445b. Cependant c’est le pronom le qui reprend le sub-
stantif un peu plus loin, à moins qu’il ne s’agisse d’un picardisme.
160.25 : covenant qi vient par force ne fet a tenir se l’en ne velt : ce propos silen-
cieux de Brehus a l’allure d’un proverbe (non trouvé).
160.28 : sor le parler nuist aucune foiz ! proverbe : les plus proches sont ceux
réunis dans Proverbes français, ed. Morawski, n° 2275 et 2276 : Seurparler
nuist, seurgrater cuist ; sorparler nuit et trop se reput len tere. Voir aussi Le
Roux de Lincy (1842, II, 266 et 278) ; Di Stefano (1991, 639b) ; Di Stefano/
Bidler (1992, 441a) ; Hassell (1982, P 51, 191b).
164.9 : il s’entremetra pour il s’en e. : en, pron. adv., disparaît par haplologie.
gnet (1959a, II, 338s.) ; Moignet (1973, 216) ; Marchello-Nizia (1979, 208s.).
Nous avons relevé des faits semblables dans notre édition de la vers. princi-
pale, donnée par le ms. 350 de la BnF : cf. Bubenicek (1998a, Intr., § 154).
172.8–9 : Li autres chevalier … qi … avoit l’oill cele part : loc. proche de celles
réunies par Di Stefano (1991, 597b, 598b) : avoir l’œil a qqch « se préoccuper
de, faire attention à » ; avoir l’œil après (ibid., 597c) ; avoir l’œil sur, vers
(ibid., 598). Cf. T.-L. 11, 9s. (« achten auf »).
177.39, 178.7 : ge le vos avrai finé a deus moz ; vos ne l’avroiz huimés finé a deus
paroles : loc. proche de dire a un mot, a un brief mot …, au sens de « rapide-
ment » : cf. Di Stefano (1991, 560b) ; Di Stefano/Bidler (1992, 390b).
182.14–15 : e voiant touz ses homes e de toute la cort : comment rendre compte
de la préposition de (présente, à la fois, dans A(2) et dans T) dans cette
phrase qui signifie clairement « devant tous ses hommes et devant toute la
cour … » ? Se pourrait-il que le rédacteur du ms. ait vu dans touz ses homes,
etc., un complément du nom de voiant substantivé (cf. Lyer 1934, 62 et
242), un CR absolu donc (rare, toutefois, au pl. : Foulet 1967, § 31), et l’ait
fait alterner, dans le complément coordonné inanimé, avec la préposition ?
185.15–16 : … bien n’i avroit pou de meillor en monde : n’i = en i (cf. supra, X.1
Langue, § 161) : « … il y en aurait bien peu de meilleurs dans le monde ».
188.22s. : Hoël veut persuader par force ses compagnons que le Bon Chevalier
est le meilleur du monde : c’est un motif, ici traité avec humour, ailleurs
pouvant prendre une coloration moins souriante, que celui où un tiers (ici
Hoël, dans la Continuation donnée par G Erant), c’est-à-dire un personnage
sans accointance avec le héros ou bien le héros lui-même – dans le Novelli-
no 63, le Bon Chevalier sans Peur – qui, par courtoisie, est prêt à défendre,
éventuellement les armes à la main, celui qu’il estime le meilleur chevalier
du monde (ici le Bon Chevalier sans Peur, dans le G Meliadus, ou l’adver-
saire du héros : Novellino) et est maltraité par celui/ceux (ami du héros :
Lac dans la Continuation, et les « sergents », ne reconnaissant pas leur
maître dans le conte italien) qu’il a devant lui. Le côté plaisant de notre
épisode provient du manque de clairvoyance de Hoël, alors que le roi d’Es-
188.27 : hui ne demain « jamais », loc. voisine de celle citée par Di Stefano (1991,
442b) : Ne … huy ny hier « jamais, aucunement » ; id. Di Stefano/Bidler
(1992, 312b).
188.29 : « Coment, dan chevalier, par male avanture vos gabez vos de moi … ? » :
la loc. par male avanture « par malheur » semble faiblement attestée : cf.
T.-L. 1, 722, qui renvoie au Roman de la Rose de Guillaume de Lorris (cf.
l’édition de Lecoy, glossaire, t. 3, 208a, v. 2161 et 3661 : « Coment dormez
vos a ceste eure, fet ele, par male aventure ? »). Si ce sens convient à la
phrase précitée, où il se rapporte à dormez … eure, on ne voit pas très
bien son rôle dans la nôtre : on dirait une exclamation indépendante du
contexte.
191.28–31 : … ge m’en alai … a l’escu e vi q’il estoit d’arjant, sanz autres entres-
seignes nulles. Ge conui adonc qe ce estoit li Bons Chevalier sanz Peor … :
cf. Pastoureau, Armorial des Chevaliers de la Table Ronde, n° 42 « Brunor
le Chevalier sans Peur », « d’argent plain », 54s. D’après un tableau statis-
tique, donné par l’auteur, l’argent est la seconde couleur la plus fréquem-
ment employée dans le blason arthurien (87 armoiries sur un total de 178),
mais surtout, probablement, en association avec d’autres émaux tels
qu’azur, sable ou gueules. Selon La Devise des chevaliers de la Table
Ronde, « En armes l’argent signifie cinq vertus, humilité, beauté, pureté,
blancheur, et innocence » (8).
196.12–14 : Ore est bon … ge ne li lou mie q’il se mete en vostre hostel ! Rupture
de construction : la séquence Ore est bon est isolée ; on attendrait un que
explicatif lui faisant suite.
202.22–24 : … e puis, por metre a fin cele qerele, establirent [qe] par la force de
deus chevaliers tant seulement seroit menee a fin … : souvent redondante,
la conjonction que est parfois omise dans les complétives ou les consécu-
tives. Elle ne paraît donc pas limitée à la période ancienne de la langue,
ni à un certain genre : comparer Moignet (1974, 339) ; Ménard (1973, § 199),
et notre relevé effectué sur la version principale du Guiron, cf. Bubenicek
(1998a, Intr., § 192). Autres ex. I.A.253.15 ; II.F.43.1.
202.40–42 : … ge n’en feroie mie trop a blasmer, qar cele est auqes merveilleuse
proeve por moi la ou tant de prodomes se mistrent tuit a un acort … : la ou
semble avoir le sens causal de « puisque », fait attesté à date ancienne par
le v. 241 de la Chanson de Roland ; ou (u) y passe du sens temporel au sens
causal, ce qui était déjà le cas du latin ubi : voir Lerch (1929, II, 4) et, peut-
être, Le Bidois/Le Bidois (1967, II, § 1357) (où équivalant à « si, puisque »).
Cet emploi est rare, mais d’autres conjonctions, telles que dès (là) que, dès
que, s’emploient pour marquer la cause immédiate en français classique :
cf. Le Bidois/Le Bidois (1967, II, § 1469). L’on sait que notre la ou possédait,
à côté du sens de concomitance, habituel – Lerch (1929, II, 7) –, celui d’im-
médiateté, « dès que ».
203.1–2 : … de qoi volez vos qe ge doing jugemant ? Cette forme du SP1 de doner
peut s’expliquer, peut-être, par l’équivalence entre donem, dono aboutis-
sant tous deux à don, remplacé, dans le cas de l’ind., par doing, et par le
soutien du SP3 doint. Cf. Fouché (1967, 144s., § 70).
203.5 : en une heure de jor (e por si haute qerele …) : nous paraît être une va-
riante de l’expression relevée par Di Stefano (1991, 433c), En une heure,
signifiant « en peu de temps », l’accent étant mis sur l’opposition entre la
gravité du problème à résoudre – la défense du royaume de Logres – et la
brièveté de la délibération des sages du royaume, brièveté due aux émi-
nentes qualités de Meliadus.
203.8–9 : qi ce vos conteroit, ne vos devriez vos plus tost acorder qe … : sur cette
relative hypothétique, au sens de « si l’on vous racontait cela … », voir Mé-
nard (1973, § 76b).
207.1–2 : … qe ce estoit qe li rois Hoël voloit conter : il résulte des lignes qui
précèdent que voloit conter a, tout au plus, le sens de « voulait qu’on ra-
conte » ou encore « voulait faire conter », l’aspect factitif ou « causatif »
étant exprimée par le verbe simple, comme, en fr. mod., lorsqu’on dit il
bâtit pour il fait bâtir. Voir, pour l’anc. fr., Buridant (2000, §§ 288,2 et 289).
Le fait que vouloir + inf. puisse traduire le futur « prochain » ne change
rien à l’affaire (« … ce qu’était ce que le roi H. allait faire raconter »).
207.3–4 : « … qant vos me reqerez qe ge vos conte comant li rois Hoël fu desche-
vauchez …, cestui conte fet bon oïr » : nouvelle rupture de construction ; la
principale abandonne les deux protagonistes de la causale pour « conti-
nuer » seulement l’idée exprimée par la complétive. C’est, semble-t-il, ce
type d’anacoluthe relevé par de Boer (ed. de l’Ovide moralisé en prose, 22,
§ 2, A) : « Qui veut du lait, il est tout chaud ». Cf. Bubenicek (1998a, t. IV.
Intr., § 173).
207.4 : « … cestui conte fet bon oïr – … home qi bien ne vuelle au roi Hoël ! » Si
l’emploi du CR sans préposition, en fonction du régime indirect est assez
fréquent – cf. Foulet (1967, §§ 37–43) ; Woledge (1979, 60–65) –, notre cas
est intéressant du fait de l’ellipse du verbe dans la réplique de Hoël.
211.23 : e son poing : en s. p. Sur la chute du n final consulter supra, X.1 Langue,
§ 127.
211.28 : avant la defendrai ge qe ge la vos quit : selon Ménard (1973, § 245 R.),
la tmèse avant … que est rare avant la fin du XIII e s.
212.13–14 : … enqore vouxist il mieuz q’il fust a conter : Brehus souhaiterait que
le récit n’ait pas été narré, qu’on ait encore le choix de ne pas le narrer.
Voir Gougenheim (1971, 52s., 210).
212.14–15 : Brehuz ne dist nul mot dou monde, non fet li rois Hoël ne li Bons
Chevalier aussint : il est bien connu que faire, verbe suppléant, est réguliè-
rement négativé par non dans les réponses lorsque le verbe à reprendre
n’est pas l’un des verbes fondamentaux estre ou avoir. Son emploi n’est
cependant pas limité aux réponses, à condition de ne pas être accompagné
d’un complément (on emploie alors la négation non prédicative ne : cf. nel
faz, n’en faz rien, etc.). Autre ex. II.A.170.15. Surtout ceci, voir Moignet
(1965a, 46s., 61s.). Pour ne … aussi de l’ancienne langue, plus logique que
notre moderne non plus, lire les explications de Le Bidois/Le Bidois (1967,
II, § 1768).
215.8 : … n’ai ge mie … volanté qe ge vos doing … : voir, sur la forme doing,
supra, 203.1–2.
217.5 : afermalles « assertions » semble être un hapax : voir FEW 1, 50b ; XXIV,
252a (affirmare).
219.7 (220.15, 220.19–20 ; 223.8–9 ; 235.18 ; 236.42, etc.) : En non Dé : « dans des
textes littéraires », dit Gossen (1976, § 9), « on trouve un type Dé, en général
dans des expressions exclamatives » ; le nom du Seigneur rime avec des e
issus de la dipht. de a tonique et libre, p.ex. de par Dé/demandé. Ce phéno-
mène est-il propre seulement au picard – les ex. cités par Gossen sont tous
tirés des textes de cette aire dialectale – ou est-il plus général, dû à une
volonté d’atténuation (cf. par le cuer dé : Schwan/Behrens 1923, §§ 11 R et
247 R) ?
219.11 : g’en voudroie = ge ne voudroie : cf. supra, X.1 Langue, §§ 161, 182 et 202.
222.18 : ne set : (cf. leç. rejetée c) s’explique par l’haphologie, la non répétion
de se ; en outre, la nasale pouvait être omise.
223.2 : soufrez vos tant qe ge n’é parlé a vos ! Notre texte présente à plusieurs
reprises, et parfois littéralement, ce type de phrases où le verbe soufrir
(pronominal) figure à l’impératif au sens de « patientez, attendez » : Sire, …,
mes ore vos sofroiz enquore qe ge aie un pou parlé à vos … (II.A.44.67–68) ;
Soufrez vos, biaux sire, tant qe ge aie parlé a vos ! (II.A.70.5–6) ; de même
I.F.70.13–14. Comme on peut l’observer, tant qe « aussi longtemps que, jus-
qu’à ce que », exprimant l’idée d’attente d’un événement (Moignet 1959a,
II, 690), y est naturellement suivi d’un subjonctif passé marquant l’achève-
ment, dans le futur, d’une action mettant fin au procès de la principale
(ibid., 450 et 452). La forme phonét. é de notre passage est donc censé
représenter aie. En revanche, l’emploi de la négation explétive n’ pourrait-
il s’expliquer par « une idée négative plus ou moins explicite » (« patientez
tant que je n’aie pas parlé … » : cf. Ménard 1973, § 290 R) que l’on rencontre
dans des phrases comportant ainz que, dont l’idée est assez voisine (type :
car en grant peine vueil ma jovente user / Ainz que cist reis n’ait ses granz
eritez) : voir Moignet (1959a, 446s.). A moins qu’il ne faille voir dans n’ le
pronom adv. en, représentant les idées de Brehus, formulées par le roman-
cier au DIL dans le § précédent ?
223.7 : vos donez la berbiz au lop por garder : curieusement, aucun des pro-
verbes, pourtant assez nombreux, mettant en scène les deux animaux (cf.
Proverbes français, ed. Morawski, n° 480*, 612, 2126 ; Le Roux de Lincy
1842, 96s.) n’évoque le propos sentencieux du texte ; toutefois, voir, pour
le moyen fr., Di Stefano (1991, 112a) : Donner en garde la brebis au loup.
236.20–21 : ge n’aloie cerchant mais vos : sur ne … mais restrictif, portant sur le
syntagme nominal, voir Ménard (1973, § 273 R, b) (ne … mais plus rare que
ne … ne mais …) ; Moignet (1959b, 31–41).
239.28 : estivé encontre amors, cf. estrivé : voir supra, X.1 Langue, § 120,2.
239.31–32 : il met arrieres dos tel blasme : sur cette locution, voir Di Stefano
(1991, 269 a–b : jeter derriere le dos, bouter arriere dos, mettre qqch arrieres
(le) dos) ; Di Stefano/Bidler (1992, 195a).
240.9–10, 248.15–16 : … ele pense a unes, mes ele dit autres ; ele dit un, mes ele
pense toute autre chose (p. ung autre : T) : loc. à rapprocher de Dire un,
penser el : voir Di Stefano (1991, 860c) ; Hassell (1982, 97b : D 106).
241.10–11 : il n’en font une (grant joie) tant cum il deussent feire, qi regarderoit
a la grant bonté … : nouvelle relative hypothétique (« ils – les habitants de
la cité – ne célèbrent pas autant qu’ils devraient [le Bon Chevalier sans
Peur], si l’on tenait compte de l’action généreuse … ») : voir supra, § 203.8–
9.
242.5–7 : tant fist li chevalier … q’il n’ot en toute ceste contree q’il ne meist en sa
subjection e qi ne li rendist trivage … : le premier qi est régime et élidé, ce
qui est rare (voir Hasenohr 1990, § 125, R.2) – à moins que q’il ne soit qil –, le
second sujet. Cf. Foulet (1967, § 253). L’élision de qi a gêné le copiste de T
qui s’est cru obligé d’ajouter un antécédent (cf. var. n° 3). Autre élision de
qi, interrogatif, 247.14.
243.1–3 : Quant il vit qe …, il dist qe, por ce qe nos li aviom fet greignor domage
de sa gent … qe nulle autre cité de ceste contree, avroit il merci de nos … :
pour l’inversion du sujet pronominal après une causale, voir Bubenicek
(1998a, Intr., § 126b).
243.13 : e cil de ceste cité fesoient … doit faire office de la principale, bien que
commençant par la conj. e : à défaut, il faudrait relier la fin de l’actuel
§ 243 au début du § suivant ; ainsi, la proposition débutant par atant e vos
et contenant le PS vint deviendrait la proposition principale de cet en-
semble de subordonnées. Cependant la temporelle A celui point qe (244.1),
qui reprend ce qui précède, semble confirmer notre découpage.
248.11–12 : li mostre ele tel semblant ; var. de T (n° 6) : tel semblé. Ce mot n’est
attesté, au sens de « semblance, apparence », que par un ex. tiré des ser-
mons de Maurice de Sully (ms. Poit. 124, f° 23r° ; non relevé par Robson
1952, glos. : éd. du ms. de la cathédrale de Sens) : cf. Gdf 7, 370a ; T.-L. 9,
397 ; FEW 11, 627a.
251.10–11 : se vos estiez aussi prou de chevalier cum tel a ci, e vos la me vouxis-
siez tolir … : pour la coordination des hypothétiques, voir supra, § 97.10–11 ;
pour prou de chevalier, cf. supra, I.99.59–60 (F).
252.16–17 : E nos einsint le feisom, se ci fussent tantes voies cum nos somes che-
valiers ci (« Et nous l’aurions fait de la sorte s’il y avait eu ici autant de
voies que nous sommes de chevaliers ») : feisom doit être, si notre lecture
est bonne, un IS4 ; il s’agit là alors d’un type ancien, répandu encore au
XIII e s., mais surtout en vers : cf. supra, § 93.6–7.
252.20 : Et maintenant se met en une des voies et ele estoit en cele defors, a
destre : nous avons corrigé cette phrase en enlevant en cele (defors) – leç.
rej. e – qui fait double emploi avec la préposition précédente, et dont la
présence fautive pourrait s’expliquer par l’anticipation de la ligne 21 (en
cele voie).
254.1–2 : … se ceste amor ne torne tost a grant aine, ce seroit grant merveille :
type d’asymétrie déjà rencontrée ; pour la dernière occurrence, voir supra,
222.13.
271.25–28 : E toute la voie qe la damoisele l’avoit mené puis q’il se parti des
compeignons si estoit desvoiemant : qant q’il avoit le jor alé devant l’avoit
ele remené la nuit … : ce passage fait difficulté ; on peut toutefois com-
prendre : « Et tout le chemin que la demoiselle lui avait fait faire depuis
qu’ils avaient quitté les compagnons (cf. 255.1ss.) n’était que s’écarter du
bon chemin (cf. 271.28 : Il estoit el droit chemin …) : toute la distance que
Brehus avait parcourue la journée précédente, elle l’avait regagnée, annu-
lée (en le faisant revenir sur ses pas la nuit) » : cf. la chevauchée nocturne
et forcée, relatée au § 257. En revanche, à qui renvoie e des le jor devant
avoient il ja le chastel passé auqel il estoient (271.30–31) ? S’agit-il des
« compeignons » qui avaient dépassé le bourg où la demoiselle avait con-
duit Brehus et où lui et elle séjournaient ? auqel, au reste, semble bizarre ;
on attendrait ouqel. Ce qui paraît, en revanche clair, c’est la volonté de
Brehus de se diriger au Pont Norgalois (271.29), contrariée par la « mauvaise
demoiselle » qui veut l’amener là où on se saisira de lui …
275.5–6 : Ice ne porroit avenir, se vos ne vos volez por li contre moi combatre :
cf., pour ce type d’asymétrie, supra, 254.1–2 ; 222.13 ; 115.16–18 ; 73.15.
282.22 : esproez, p. pas. influencé par l’anc. prov. : cf. esproar, Levy (1973,
173b) ; REW, 6764 (prǒbāre) ; FEW 9, 404a (id.).
283.8 : fium « fleuve, cours d’eau » semble être un italianisme : fyüm « fleuve »
est attesté, selon l’Atlas linguistique d’Italie (AIS), repris par FEW 3, 643a,
dans la province de Turin (points 131 : Noasca ; 143 : Ala di Stura ; 181 :
Valdieri). En fr.-prov. méridional (Genf, canton de Genève), fion désigne le
« ruisseau » : FEW, ibid.
283.10–11 : il n’i avoit nul autre tant fors or seulemant : nous conservons tant
pour teint, taint < tĭnctŭ, même si sa graphie peut provenir d’une confusion
avec tant dans la locution tant seulemant ; celle-ci pouvant être contenue
dans notre texte : il n’i avoit nul autre taint fors or tant seulemant ; en effet, le
fr.-it. connaît des ex. de la réduction de ai à a devant la nasale : cf. com-
plandre, mant (gaul. *mantî), sant (sanctŭ) : voir Espagne, t. 1, LXXXVIII.
De même notre texte mantenez 288.20, etc.
292.11–12 : se vos le feissiez, onqes mes chevalier dou monde ne fist si grant felle-
nie qe ceste ne fust greignor assez : on a affaire à une anacoluthe, ressem-
blant à celle citée par Ménard (1973, § 208), où, après une hypothétique à
l’imparfait du subjonctif, la principale exprime explicitement une compa-
raison, tout en restant à l’indicatif : « si vous le faisiez, jamais aucun cheva-
lier au monde ne pourrait commettre une félonie plus grande, et de loin ».
295.11–12 : assez vos donrai a faire, se Dex me salve la main dextre : salve est un
subj. présent au radical refait – d’après Fouché (1967, 96s.), la forme mo-
derne apparaît dès le XII e s. Pour la locution doner a faire a qqn « lui créer
des difficultés, lui donner du fil à retordre », cf. Di Stefano (1991, 324c). Si
l’on ne trouve pas précisément notre expression, main dextre à la connota-
tion positive apparaît dans le type cher comme sa main destre : cf. Di Stefa-
no (1991, 504a) ; Hassel (1982, M6, 154b) ; par conséquent notre tour signi-
fie-t-il : « … aussi vrai que je demande à Dieu de protéger (puisse Dieu pro-
téger) ma main droite ».
297.24 : ne por mort ne por vie « nullement, jamais, à aucun prix » ; cf. Di Stefano
(1991, 556c).
306.2 : n’entendoient mes : pour la nasale adventice, voir supra, X.1 Langue,
§ 217, et comparer la var. de T (n° 2).
1.4 F : le : le ms. A(2) confond les régimes dir. et ind., mais seulement au sg. ;
voir supra, X.1 Langue, § 155c et X.2, § 79. Le présent cas semble être le
premier où il s’agit d’une forme de pluralité. Pour le à la place de les, cf.
supra, X.1, § 98.
5.41–42 F : cil II n’ont poir mes nos deus n’avons a tendre : si le premier n’est
le pronom adverbial italien « en », il faut voir dans le second la négation
ordinaire ; l’a de atendre a disparu soit par haplologie, ou bien par aphé-
rèse, fréquente dans F : voir supra, X.2 Langue, § 71. Le sens semble être :
« ces deux-là en ont la possibilité, mais, [quant à nous deux], nous n’avons
rien à attendre ». Pour la périphrase d’obligation avoir + a + inf., se reporter
à Gougenheim (1971, 205ss.).
7.19 F : por toute ce … : le genre féminin de l’indéfini peut être inspiré par la
leçon de A(2) – toute cele haine –, mais notre ms. ajoute des e là où ils
n’ont que faire ; par conséquent, nous ne corrigeons pas.
7.46–47 F : mes se noz i alissons a cheval, il montera … et s’en ira : pour ce type
d’asymétrie entre la protase et l’apodose, voir supra, I.F.92.40–42, dans le
présent cas, le futur souligne, mieux que le présent, le caractère impératif
de l’événement.
17.22–23 : Mes toutes voies qe vaut crier merci ne li vaut riens : construction en
« apo koinou », surtout après la suppression de crier : voir leç. rej. d.
20.18–20 : Ne son duel ne la toucheroit autant cum il toucheroit moi : nous avons
corrigé li (leç. rej. c), pr. pers. sujet masc. atone, conformément à F ; à
moins que ce li ne représente gli, employé dans les parlers populaires tos-
cans, mais seulement devant une voyelle : voir Rohlfs (1968, § 446 n. 2).
Une autre possibilité serait de lire cum’[e]li – cf. Traités, 57 : De la garde
dou faoconers ch’eli doit metre … (I.23.10) qui renvoie à Wiese (1928, § 136),
et à Salvioni (1898, 248 n. 5) –, mais on n’a jamais, semble-t-il cume dans
notre ms. ; aussi préférons-nous y voir une simple inversion de lettres.
22.29 F : (cestui) oferte : mot attesté à partir du début du XIVe s. (1317) : Gdf 5,
576b), mais seulement au sens de « offrande, don, présent » (id. au XVI e s.,
cf. Huguet 5, 502a–b), spécialement « offrande, don que l’on offre à Dieu »
(FEW 7, 332b–333a), alors que notre sens est celui d’« offre, proposition ».
Cependant, même en it. mod., le mot a encore le sens de « proposta »,
« offre ».
27.11 : … e son escu prist il auques pres de li : ce dernier segment d’une longue
énumération des actions effectuées par l’inconnu avant son départ semble
jouer le rôle de la principale débutant par la conjonction e(t), se reporter
à supra, I. A.11.1.
28.50–51 : Ore, q’en ferom dou tout a vostre volanté ? Nous voyons dans en la
graphie inverse de la négation – voir supra, X.1 Langue, §§ 161, 182 et 202 –,
et dans q’ l’adv. interrogatif-exclamatif (Ménard 1973, § 96a) et compre-
nons : « Donc, pourquoi ne pas accomplir votre volonté sans restriction ? »
30.35–36 : einsint qe (si que, F) nos peussom outre passer … : la loc. conj. einsint
qe introduit ici une finale au subjonctif, ce qui est plus rare que si que, à
l’instar de ita ut lat. : cf. les ex. d’Aucassin et Nicolette, ed. Roques, et de
Raoul de Cambrai (si … que), du Psautier d’Oxford (issi que), réunis par
Lerch (1929, II, 384s.). Pour si que, en m. fr., cf. Marchello-Nizia (1979, 298).
Autre ex. : II.78.27 (15 F). Quant à F, il use dans les mêmes circonstances
de en tel guisse que + subj., proche de en tel manière que, indiquant seule-
ment la conséquence et rare en m. fr., selon la même érudite (ibid.).
31.29 F (leç. rej. b) : nous avons corrigé sunt de notre copie, mais peut-être
représentait-il la P1 italienne de essere, résultant de la confusion entre sum
et sunt, observée aussi bien en Italie septentrionale (Lombardie) que méri-
dionale : Salento suntu « io sono », etc. Surtout ceci, voir Rohlfs (1968,
§ 540).
31.41 F : despueiz que « puisque » est la conj. causale provençale, passé du sens
temporel au sens causal (cf. Meyer-Lübke 1974, III, §§ 554, 587 et 601),
« grâce à la confusion des idées de conséquence et de postériorité » (Chaba-
neau 1980, 345). Cf. Levy (1973, 112a) (depois que « puisque »).
33.6–7 : … qi cil pont estoit (var. F 33.6 : qui celui point gardoit) : c’est une gra-
phie de cui c.p.e.
35.21–23 : autremant vos n’i poez passer, se vos touz ne desconfissiez : sur ce
type d’asymétrie, déjà rencontré, voir supra, I.136.11–13 (si, toutefois, des-
confissiez est un SI avec la réduction de ei à i).
36.22 F : placite « terrain vague entourant une tour » est un vocable de l’ouest
(cf. Gdf 6, 182c–183a ; FEW 9, 39a : placiste). Notre texte contient la pre-
mière attestation de ce mot, l’ex. le plus anc. relevé par le FEW remontant
à 1471 : Comptes du roi René.
36.58–59 F : … i le porte juz deu cheval entre l’eive : on sait que dans plusieurs
dialectes de l’Italie méridionale intra a le sens de « in » (intra la cascia
« nella cassa ») et que « dans une bonne partie du ‹ Midi › intra s’est substi-
43.1 F : En ceste partie dit le contez puis que … : comme dans A(2) (cf. I.202.22–
24, 253.15), la conj. de subordination peut être omise, peut-être par haplo-
logie dans le présent cas.
43.8 : Il n’orent longemant alé : pour l’emploi de l’auxiliaire avoir avec le verbe
aller, voir l’article de Nordahl (1977).
43.45–47 : Nouvel emploi de la construction « apo koinou » (pour les cas précé-
dents, voir II.A.17.22–23, 28.42–43) : touz les chevaliers … vendroient joue le
rôle du C.O.I. de la première phrase (faire domage a) et du C.O.D. dans la
seconde (arresteroient).
49.9–11 : Un des lieux communs de notre roman, qui oppose un cop de lance,
qui ne signifie pas grand’chose, comme le démontre le récit de l’inconnu,
et la droite force de chevalerie, sans doute « l’escremie », combat à l’épée.
Cf. Chênerie (1986, 287), qui estime que « l’escremie suppose … un plus
long apprentissage que la joute » et donne des ex. des XII e et XIII e s., anté-
rieurs à notre roman.
64.22–25 T (var. n° 8) : Et pour ce que je vous avoye herbergés m’en poise plus
car si je en mon hostel ne vous eusse receuz : la conjonction car employée
à la place de que (A(2), F) paraît insolite dans le contexte d’une compara-
tive ; en effet, car se substitue généralement à que pour introduire une
complétive d’un verbe déclaratif (dire) ou d’un verbe de crainte (avoir pao-
ur car), ou encore une subordonnée de conséquence : cf. Ménard (1973,
§§ 223b, R, 248 R) ; Marchello-Nizia (1979, 294).
lieu d’arai) ; notre ms. de contrôle paraît donc archaïsant, utilisant les
formes du siècle précédent (cf. Fennell 1975, 144–149).
68.19–21 (leç. rej. b) : … les escuz d’argent que li Bon Chevalier avoit mis a son
col – et sez armes connossoient il bien … : l’erreur – que nous avons corri-
gée –, c’est-à-dire l’emploi du pl. à la place du sg., peut provenir de la
confusion entre sez armes (« les armoiries ») et l’écu d’argent qui est censé
les contenir … ou de la répétition de la première syllabe l’esescuz.
70.12–15 : Sire, puis qe ge sai … qe vos estes le Bon Chevalier sainz Peor, qe vos
soufrez … tant qe ge aie parlé … : que peut, parfois, introduire l’impératif
positif, avec la valeur de car, protégeant ainsi le pronom réfléchi faible (cf.
Moignet 1973, 337).
71.62 F : sperjures : voir, sur ce mot, ayant probablement subi une influence
italienne, notre notice : Bubenicek (1997a, 49s.).
72.3 T (var. n° 4) : Mais que qui parle de la paix, … : le copiste de T a-t-il bien
compris qu’il avait affaire à une « relative indéterminée à valeur conces-
sive » ? Toujours est-il que, même en moyen fr., et à l’époque sensiblement
la même (cf. l’exemple tiré des Cent Nouvelles Nouvelles, 1462, cité par Mar-
chello-Nizia 1979, 165), on utilise qui que en fonction du sujet animé.
74.15–16 F : car la costume de ceste chastel est telle que nulz chevalier erans qui
ceenz vient, nos le retenons … : nulz semble avoir la valeur positive de « un,
quelque, tout ». Sans s’agir d’une atmosphère franchement négative, la
phrase contenant le terme employé sans négation semble affectée d’un
« coefficient d’incertitude » (« si, au cas où un chevalier errant venait … »).
79.4–14 F (leç. rej. c) : or sachiés que vos ne poroiz avoir nostre pes …, se vos ne
jurez … et se vos ne metés cestui chastel … a son conmandement e voz cors
meesme … et oste[r] lez males coustumes qe vos i tenés, vos poez avoir nostre
pes … : cette phrase est visiblement lacunaire. Sans doute le rédacteur de
F, qui travaillait sur une copie proche de A(2), ne s’est-il pas aperçu, en
82.16–18 F : Et quant il avra les cles, il le tendra por soy et por soi le fera garder :
le renvoie, bien entendu, au « château ».
82.31–32 F : … et se li roys vos vet demandant qui les conquiste … : bien que le
ms F confonde le et les – cf. la formule einsint com vos les dites II.F.73.41–
42 –, le pluriel peut renvoyer au « château » et aux hommes soumis avec :
cf. supra, 80.21s.
82.43–44 : cil le conqist qi porte l’escu d’argent as goutes d’or (cf. supra, F.86.47–
48 ; A.86.74–75) : cette description de l’écu de Lac, donné comme vain-
queur de l’Escu Loth par son ami le Bon Chevalier sans Peur, ne corres-
pond pas à celle donnée par Pastoureau (1983, 80). Selon l’Armorial des
chevaliers de la Table Ronde, Lac porte « d’or à trois têtes de serpent de
gueules, languées de sinople ». On retrouve, toutefois, l’argent dans les
« supports » : « deux lévriers d’argent, moucheté de sable … ». Sur la figure
de la « goute », cf. Brault (1972, 217a–b, fig. 37).
85.19–20 F : « Sire, ce dient li chevaliers, celui chastel est hore vostre aussi liqui-
dement com est Kamallot : le sens de l’adverbe apparaît clairement par
comparaison avec A(2) – ou un autre ms. proche – que le rédacteur de F a
abrégé : « … cist chastiaux si est ore vostres aussi proprement cum est (le
chastel dou monde ou vos vos fiez orendroit plus ; celui chastel est vostre
aussi cum est) Camahalot » (A.85.39–43) ; si propremant signifie « exacte-
ment, personnellement, réellement », liquidement semble avoir un sens
voisin, mais plus juridique, de « clairement, nettement, sans contesta-
tion ». Le problème est que l’adv. n’est attesté dans cette acception qu’à
partir de 1558 (cf. la pièce des Papiers d’Etat de Granvelle, citée par Gdf 4,
794c, et par Huguet 5, 27a ; comparer FEW 5, 371a–b, dont la datation re-
tarde sur les dictionnaires précités : « liquidement ‹ clairement, manifeste-
ment › (Mon(et) 1636 … ». On sait que cette signification dérive de celle de
l’adj. liquide : « qui a … la même consistance que l’eau » (Brunet Latin : T.-L.
5, 505 (« flüssig »), d’où « limpide », puis « évident, clair » (1540)).
85.21 F(leç. rej. c) : veés ici les esclés, tenés le, que je vos en reveste : bien que
esclés ne présente qu’une simple répétition d’une partie de l’art. défini qui
précède, le mot est si soigneusement écrit – le copiste-rédacteur du ms. a
changé de forme de s intérieur par rapport aux s situés en fin de mots,
86.15–16 : Il m’est avis qe ce ne porroit estre voirs : estre avis, une « locution de
perception », dénotant une impression, « peut être élaborée en opinion …, en
supputation de probabilité » (Moignet 1959a, II, 386s.). Cf. Ménard (1973,
155c, R1).
86.45 F : … cil qui conquista cist chastel : nous avons réservé à conquister, qui
apparaît dans le ms. E de la vers. « ordinaire » de Guiron le Courtois (Roman
de Meliadus), une notice dans notre mémoire sur les « Variantes ‹ franco-
italiennes › » de notre roman : voir Bubenicek (1997a, 55). Selon Holtus
(1979a, 175, 260s.), ce verbe accuse une influence italienne (conquistare
attesté dès le XIII e s. en italien).
86.64–66 (86.41–43 F) : le plus fort chastel par covenant qi soit en vostre teneure
ne en vostre seignorie : on notera l’emploi de la conjonction ne après un
superlatif : cf. Ménard (1973, § 214).
89.7–8 : le roi Artus e son liene ; assés plus sera redoutez … : vu le contexte et
la variante de T (n° 8) : … Artus et seroit son regne assés plus redoubté,
liene représente rěgnŭm latin, ce qui présuppose la confusion entre l et r
(notée après consonne dans notre supra, X.1 Langue, § 118 ; ajouter à la
bibl. du § Goerlich (1882, 78, § 65) : ex. présentant des échanges entre l–r à
l’intervocalique et après consonne) d’une part, la diphtongaison de l’é ou-
vert entravé de l’autre, dont notre texte fournit des ex. (cf. supra, X.1
Langue, § 23).
100.30–31 (cf. leç. rej. h) : … ne l’en n’i savoit adonc plus gentil de part lignage :
de part semble une répétition de de toutes parz, figurant ci-dessus. Tout le
segment coordonné : ne l’en … sainz faille a, au reste, l’apparence d’une
redondance qui n’apporte aucune information complémentaire et a été for-
tement abrégé par le rédacteur de T (cf. var. n° 15).
100.37 (cf. leç. rej. i) : … covint il q’il portast adonc corone devant le roi Artus,
l’espee toute nue, des le palés dusq’a la glise : nous avons corrigé cette
phrase, car elle comporte deux C.O.D. ; le premier, corone, sans art. déf.,
semble être une répétition de la ligne 20, où il s’agit d’une locution ver-
bale – l’absence de déterminant est donc normale, le verbe et le complé-
ment formant un tout : Li rois Artus porte corone celui jor … (cf. F. 14–15 :
Li roiz portoit a celui jor coronne si neblement …) –, mais anormale dans le
cas de l’accidentel, relatif au complément des lignes 37–39 qui exprime une
tout autre réalité … Par ailleurs, il paraît sans doute logique que si Arthur –
Uterpendragon dans (F) –, « porte couronne », son fidèle Blioberis ne peut
la « porter devvant lui » … Cette interprétation est confirmée par le texte de
F, qui ne fait état que de l’épée.
L’épée, et cette fois-ci toute seule, reparaît quelques lignes plus loin
(ibid., l. 46–49) lorsqu’on affirme qu’aux grandes fêtes, ici celle de Noël,
le plus noble personnage de la cour devait porter devant le roi l’espee toute
nue. A quoi devait-elle servir ?
La Chronique de Metz, 99, citée par Delachenal (1909, 278 n. 1), nous
apprend que, dans la cathédrale de la ville, le jour de Noël de l’an 1356,
Charles IV, « vêtu comme empereur, la haute couronne d’or en la tête, lut
la septième leçon de matines, l’épée nue à la main », au grand étonnement
du Dauphin, futur Charles V, et de son escorte, non habitués à ce rituel
impérial. Il est à noter que Charles IV exhibait à cette occasion les insignes
remontant prétendument à Charlemagne, dont il a renouvelé considérable-
ment le culte, et surtout qu’il brandissait « son » glaive, en fait un travail
sicilien, commandé, sans doute, par cet autre admirateur du fondateur du
Saint-Empire romain germanique qu’était Frédéric II avant son sacre de
1220 (voir sur tout cela Folz 1950, 460 n. 189 et 190 ; 463 n. 201, et Heimpel
1983). Lors du voyage fait en France en 1378, Charles IV a été obligé de
pratiquer ce rituel en dehors des frontières françaises, en terre d’Empire, à
Cambrai, « pour ce que … ou royaume ne le pourroit il faire, ne souffert
ne li seroit » (Delachenal, ibid.), à cause des susceptibilités « gallicanes ».
Serions-nous en présence d’un nouveau point de contact de notre roman
avec l’univers carolingien, après l’évocation, toute littéraire, d’un Charle-
magne, critique sévère d’Arthur manquant d’ambition (cf. notre édition de
la vers. du ms. 350 : Bubenicek 1998a, 3.14–24) ou admirateur de la bra-
voure de Meliadus (ibid., 481, 25–482, 18) et, par delà, avec les milieux de
l’Italie des Hohenstaufen ?
110.19–21 (leç. rej. b): La demoisele qi mener le doit dusq’a la chevauchiee est
lee … : nous avons corrigé la leçon de A(2) à l’aide de FT, car, d’une part
elle est minoritaire, de l’autre on ne comprend pas très bien ce qu’on en-
tend par chevauchiee ; il est dit, en effet, que la demoiselle accompagnera
Ydier jusqu’au bout, dusqa la (109.21). L’erreur de A(2) résulterait-elle
d’une dictée ?
113.34 : l’en en parlent : sur cet accord par syllepse, cf. notre supra, X.1 Langue,
§ 203b.
116.17–18 : por reproche dou chevalier qi portoit l’escu d’argent as goutes d’or
l’avoit celui ocis : celui ne peut que renvoyer au narrateur, l’hôte d’Ydier ;
sinon il faudrait corriger en … d’or avoit celui esté ocis.
129.4–5 : qar aler vos estuet aprés le chevalier qe vos savez : le ms. F est plus
explicite : … aprés le chevalier que nos trovames sor la fonteine : voir supra,
II, A et F 7s.
129.10–12 F : se vos metez vostre bessoigne a fin que je la moie : nous voyons
dans ce segment une comparative (cf. Ménard 1973, § 255 : substitution de
que à com(e)) elliptique dont le sens est le suivant : « si vous conduisez
votre besogne à fin, comme je ferai avec la mienne ».
135.21–22 : il relaça son hyaume e ceint s’espee, e vint … a son cheval e monta
… : il convient d’interpréter ceint, à la lumière des verbes qui l’entourent
133.21 F (leç. rej. a) : s’en vient a elz … : le ms. porte se met a, mais cette con-
struction ne semble pas exister (cf. T.-L. 5, 1763–1773 : réfl.) ; comme le
nombre de jambages de vient (n abrégé par la barre de nasalisation qui
manquerait, tout comme celle placée sur le pron. réfl. se) et de met est
identique, nous avons corrigé F conformément à ce qu’on trouve dans A(2)
qui a s’en vet … vers elz.
162.32–33 : « si bon chevalier cum estoit celui qe ge pris oan par force d’armes » ;
e ce estoit de monseignor Lancelot del Lac dont il parloit … : allusion au
premier épisode où apparaît Daguenet. Alors que Lancelot, subjuguée par
l’apparition de Guenièvre aux murs de Camaalot, est sauvé par Yvain, qui
le sort des flots où il s’est imprudemment engagé, il est fait prisonnier
ensuite par Daguenet : Lancelot en prose, ed. Micha, t. VII, 445 (§ XLVIIa,
7).
162.38–39 : le miens chevalier … ocist les deus jaianz qi gardoient le Fellon pas-
sage : s’il est clair que l’auteur fait allusion à un passage du Lancelot en
prose (ed. Micha, t. I, 329ss.), où le héros éponyme pénètre dans le Felon
Pas, situé à l’entrée de la terre de Caradoc (cf. 330 : § XXVI, 39) dont il tue
le seigneur, sans doute un géant puisqu’appelé Grant, on ignore l’identité
des deus jaianz. Il est question, toutefois, pour Yvain et le duc de Clarence,
d’affronter, soit dix (Yvain, 333) soit deux chevaliers (Clarence, 332 et 335).
164.18 (leç. rej. c) : La séquence L’escu estoit auqes nouvel semble constituer
une répétition de ce qui précède ; nous l’avons éliminée en suivant en cela
le copiste de T.
166.33–34 : il le (le heaume) giete entre les brouces, la ou il les vit plus espeses :
« il jette son heaume en plein milieu des buissons, là où il les voit les plus
épais » ; comme l’a. fr. ne distingue pas nettement le comparatif et le supe-
latif relatifs, le comparatif est parfois employé à la place du superlatif : cf.
Ménard (1973, § 118). De même à II.A.170.6.
172.3–6 : … Mes se Dex me doint bone avanture, ore ne sai ge qe faire aprés ce
qe vos me dites. – Ore ne sai ge coment ge puisse trouver celui qe ge vois
qerant, fet le chevalier navrez. – Certes, fet Hervis …, ge aloie qerant celui qi
navrez vos a … : On peut se demander si la distribution des propos entre
Hervi de Rivel et le chevalier « navré » n’est pas erronée ; la rencontre de
ce dernier et de Daguenet le Fou est, en effet, tout à fait accidentelle, seul
Hervis, intrigué, est à la poursuite du forcené. Par ailleurs, on ne peut
qu’être troublé par le début identique des phrases attribuées à chacun des
deux protagonistes : Ore ne sai ge … Le ms. T ne présente pas une interpré-
tation différente : surpris par la présence redoublée de ce segment, il attri-
bue – à notre avis assez maladroitement – la phrase commençant par Mes
au chevalier blessé, condensant le dialogue. Devant ce manque d’innova-
tion de la part de notre ms. de contrôle unique et prenant en compte la
vélléité du « navré » et de son entourage de suivre Daguenet, nous conser-
vons ce que nous avons devant les yeux.
180.3–6 : Qant nos seumes q’il venoit, nos li alames … a l’encontre e le re-
ceumes …, e lor feimes … ; toute l’onor, tout le servise qe nos faire li peumes,
nos li feimes : nous avons laissé subsister l’incursion du pl. lor dans un
ensemble de phrases au sg., fait corrigé par T (var. n° 3). Le § ne com-
mence-t-il pas par revint … entre lui e son compeignon ?
182.13–14 : Dans il ne savoit q’il fesoit ne plus q’un enfant, « ne, nie l’adverbe
de quantité qui représente le verbe, non répété, dont il signifie le degré
d’intensité » : Moignet (1965a, 55, 58s.). Le remplacement de ne plus que
par non plus que s’explique par sa transformation en locution conjonctive
de comparaison (ibid., 59).
189.74–75 : … vos veez bien coment il vos est pris de ceste joste : « vous voyez
bien ce qu’il vous est advenu de cette joute. » Cet emploi de prendre im-
pers. ne semble attesté que tardivement : voir Gdf 10, 407) pour les ex. tirés
de textes du XVI e s.
191.26–29 F : … home failliz … qui avés greignor peor que nen avroit unne lievre !
Le genre fém. de « lièvre » est commun aux parlers méridionaux (prov. et
fr.-prov.) – il apparaît aussi dans quelques idiomes isolés du Nord à cause
de e, conforme à un a final –, alors qu’en français c’est le masc. qui est
ordinaire (cf. II.A.192.4). A noter que l’italien connaît, lui aussi, de sem-
blables cas de flottement de genres (voir FEW 5, 261a). La réduction de ie <
ě en i, qui s’observe dans livres (II.A.192.4) – cf. supra, X.1 Langue, § 21 –, est
signalée aussi en anc. liégeois (FEW 5, 258b). Sur la couardise proverbiale
du lièvre, voir Hassel (1982, L 48) ; Di Stefano (1991, 486a).
195.1–2 : « Se ge sui si proudome des armes » …, e ge sai que cil est meillor cheva-
lier de moi : « et cependant, mais » ; sur cet et adversatif, voir Li Dis dou
vrai aniel, ed. Tobler, n. aux v. 157s. (Ensi s’en vont bien apaiet, Et si sont
povrement paiet) ; Cleomadés, ed. Henry, n. au v. 518 ; Ménard (1973,
§ 194.3).
App. V, 46 F : por quoi vos me creanterois … : le ms. F construit cette subor-
donnée de condition restrictive avec un ind. futur, contrairement à la règle
générale : comparer Moignet (1973, 248) ; Ménard (1973, § 263d).
I
23d, Rubr., COMMENT LA DAME DU LAC O GRANT ET MOULT [RICHE] COM-
PAIGNIE ... A LA COUR DU ROY ARTUS DE LE FAIRE CHEVALIER COMME ...
Orendroit (grande initiale) dit 1 ... tantost ... garde de la d[ame] ... qu’il ot prins
de la ... Lors fut si beaulx ... les si fut grant et ... sage que ai plus le ... prandre,
si dit la dame ... tardoit plus a le faire chevalier seroit la plus grant traÿson ...
le monde, car moult pourroit ... venir a grant chose. Ung jour (?)2 [est] alé
5 chacer Lancelot et occist (?) ... cerf (?) a merveilles et l’en mena (?). Si esmer-
veilla fort la dame d[e la gran]deur du cerf. Lors3 vint Lance[lot sur] ung chas-
seur moult affiché et ... Quant la dame le vit, si commenç[a]... moult a plourer
et s’en estoit ... chambre, et Lancelot la suivi[t]4 ... (24a) et luy demanda pour
quoy elle ploroit. Et elle luy respond 5 comme femme coroussee, et cil s’en sault
10 pour s’en aler ; et la dame l’arreste6 et luy demande ou il vouloit aler, et il luy
dit 7 qu’il vouloit aler a la court du roy Artus pour servir aucun bon preudomme
tant qu’il me fist chevalier. « Comment, dist la dame, arés vous bien cueur
d’estre chevalier ? Filz de roy, se vous saviés les peines qui sont en l’ordre de
chevalerie, ja tallent ne vous en prandroit. – Comment, dame, fait il, sont il 8
15 de greigneur force que les autres hommes ? – Nennil, fait elle, mais il convient
qu’ilz ayent les cuers de bonnes taches plains et de bonnes meurs. – Dame,
fait il, moult se doit haÿr qui pour paour de ce demoure a estre chevalier, car
plus tost a ung homme les bonnes taches du cueur qu’il n’a pas du corps. » Si
luy dit la dame moult de bonnes parolles et luy devisa moult bien l’ordre de
20 chevalerie et l’enfans luy respondit si sagement que ce fut merveilles ; et tant
fit que la dame luy promit qu’il seroit chevalier le jour de la Saint Jehan prou-
chain qui seoit dimenche9 Si luy quist la dame10 haubert fort, blanc et leger ;
ung heaulme surargenté, moult bel et riche ; ung escu tout blanc et la blogne
blanche pour ce qu’elle vouloit que tout fust blanc, et une espee qui en maint
25 lieu avoit esté essayee, grant ... et trenchant a sa mesure et ung [ecu et une
lan] ce de fresne qui courte, [ro]ide estoit et le fer pointu ... et bien trenchant.
Si luy eut ... cheval fort et isnel aussi blanc [comme] nege, et robe et cothe de
samid blanc, foulré d’ermines. Et quant tout fut appareillé, si eut la dame bien
quarente chevaulx,11 tous blancs, et tous ceulx la qui dessus estoient, [es-
30 toient]12 vestus de blanc. Si estoit la compaignie si belle que c’estoit deduit a
veoir. Et partit la dame ung mardi matin et erra tant qu’elle vint a la Grant
Bretaigne au dimenche aprés.13 Si fit tant qu’elle vint a ung chastel qu’en nom-
moit Lavenor, a deux14 petites lieues anglesches de Camelot. Le matin s’en
partit et vint jusques a deux lieues de Camelot, et ploroit la dame (24b) moult
35 tendrement pour la departeure a son nourrisson. Si15 vindrent la nuit coucher
chés ung vieulx chevalier qui moult bien les herbergia et molt s’esmerveilla de
leur grant ennor ; si regarda moult Lancelot et moult luy pleut sa contenance
et dit que s’il avoit jamais veu homme qui deust venir a honneur de haulte
chevalerie, cestuy cy en estoit ung qui y adviendroit s’il vivoit par aage. Quant
40 ilz eurent souppé, si commencerent a parler de pluseurs choses et se tirerent
a part le seigneur de leans, la dame du Lac et Lancelot. Et la dame pria au
seigneur de leans qu’il luy comptast quelque belle chevalerie de ceulx la qu’il
8 il renvoie à li chevalier tuit omis par le scribe ; cf. ibid., XXIa, début du § 8.
9 Ibid., XXIa, 22.
10 dame : ms. déchiré ; col. 24a en partie abîmée ; ibid., XXIa, 23.
11 Ibid., XXIa, 24.
12 Deuxième estoient omis.
13 Ibid., XXIa, 25.
14 Erreur du scribe, cf. infra, I.34 et Lancelot en prose, ed. Micha, vol. VII, 1980, XXIa, 25
(260).
15 Début du texte propre à T.
avoit veu faire. Le seigneur de leans, qui estoit de grant aage et qui avoit esté
moult bon chevalier et seur, dit que voulentiers. « Non pas, dist il, que je le
45 veisse, mais ainsi comme je l’oÿ compter a ung chevalier, mon compaignon
d’armes pour lors. »
II
COMMENT LE SEIGNEUR DU CHASTEL DE LAVENOR16 COMPTA A LA DAME
DU LAC ET A LANCELOT DE MOULT BELLES ET MERVEILLEUSES AVENTURES.
Vray fut, dist il, qu’il y avoit ung chevalier moult preux a merveilles, qui Daires
s’appelloit et si n’estoit mie de moult loing d’icy, tellement que aventure l’ap-
porta au pont Norgallois ou il fit merveilles d’armes ; mais au derrenier fut il
prins et mis en prison. Et quant Yvain aux Blanches Mains, qui son filz estoit,
5 sceut que son pere estoit en prison, il se mist a chemin pour le aler delivrer. Si
s’acompaigna d’un chevalier qui moult luy sambloit preudoms, et sans faille il
estoit ung des bons chevaliers du monde. Et quant Yvain aux Blanches Mains
luy eut compté l’affaire pour quoy il y aloit, il en fut moult courrossé, car moult
aymoit Dayre, son pere, de grant amour ; si dit qu’il yroit avecques luy. Ainsi
10 chevaulcha Yvain avecques le bon chevalier et faisoit moult froit et moult avoit
grant gelee devers le pays ...
(la suite comme dans A(2))
III
(75a) 1. Quant li rois Uterpandragons voit qe li chevaliers as armes noires s’en
estoit partis en tel maniere, il fist departir la meslee e s’en revint a son pa-
veillon e fist prendre l’escu qe meser Lac avoit geté a tere e le fist tant de honor
con il plus poet e diste qe voirement estoit cil chevalier qi le portoit le meillor
5 josteor deho monde, e malement estoit (75b) deceus, e moult se repent de ce
qe il ne li avoit le don doné. Mult tienent grant parlement e li unz e les autres
del chevalier as noires armes e mult se merveillent qi il puet estre, mais rienz
n’en puent savoir a celui point de son estre, fors tant qe il estoit le meillor
chevalier deo monde. Mes celui mois meesmes vint a cort une damoiselle qi
10 dist le nom del chevalier as noires armes, dont li rois diste qe voirement estoit
meser Lac le meillor chevalier deo monde. Mes hore se teist li contes a parler
dou roi e de sa conpagnie e retorne a parler do buen chevalier qi Lac estoit
apelez qui se mist en la foreste ensi ennavrés con il estoit.17
3. Un jor avint qe meser Lac estoit auqes gueris qe leienz vint herbergier un
chevalier armés de toutes armes en la conpagnie d’un escuier seulement. E se
aucun me demandoit qui li chevalier estoit, je diroie qe il estoit Hervis de River,
boen chevalier e preus e hardis. Tout maintenant qe il fu desarmés, meser Lac
5 lo reconoiste tout maintenant e li dit : « Aï ! meser Hervys, qe vos soiés li tres
bien venus ! Or sachiés qe vostre venue m’a ore endroit trop reconfortés. » E
qant Hervi vit meser Lac, i li cort le bras tendus e se humilie mult vers lui. Qe
vos diroie ? grant joie fist l’un conpagnon a l’autre, e puis s’en vont seoir e
demandent de noveles li un conpagnonz a l’autre. « Sire, dist meser Lac, qeles
10 aventure vos aporta ceste part ? – Sire, feit il, je vieng de cort le rois Uterpan-
dragons por venir sa feste e puis m’en sui partis par ennui e vai cerchant aven-
tures con chevalier erant. – E qell novelles a il a cort ? fet meser Lac. – Sire,
fet Hervi, a la feste de li rois Uterpandragons avint le greignor merevoilles qe
vos oisez onqes mes parler, qar il vint un chevalier as noires19 armes qui abati
15 li roi Uterpandragons e tuit les hautres proudomes qi iluec estoient ; e moi
meesmes abate il mult fellonosement. » E lors li comence a conter tot ensint
con vos avez oï ça arieres. Qant meser Lac oï ceste novelle, il en fu mult liés,
si encomence a rire ; e qant Hervis de River le voit rire, il conut maintenant qe
meser Lac avoit esté celui chevalier meesmes qi les mervoillez avoit fait, e por
20 ce li dit : « Sire, se Dés vos doint bonne aventure, dites moi por qoi vos avés
soris horendroit, qant je vos contai ces aventures. – Sire, fet meser (75c) Lac,
ce ne vos dirai je mie, si vos en pri qe ne vos en poisse. » Hervi li dist qe il s’en
soufrera atant puis qe a li plest, mes toutes voies pense il bien qe meser Lac
avoit esté celui as armes noires ; e por ce dit il bien qe puis qe aventure l’avoit
25 aporté avec si proudome conme estoit meser Lac, il ne s’en partira de lui tant
con il pora tenir sa conpagnie, e por ce li dit il : « Sire, je vos voldroie prier20
conme a seignor e ami qe vos me receussiés a conpagnon tant qe aventure noz
face departir. » E meser Lac dist qe il le voloit volentiers. Einsint demorent li
doi conpagnons ensenble en l’abaïe a grant joie e a grant solaz tant qe meser
30 Lac fu tous garis, si q’il poit seurement chevauchier. Entretant mande meser Lac
un escuier por qere a Kamalot un autretel escu con il avoit gité le jor de l’asen-
blee ; Hervy de Rivel dist qe por le suen armor ne porteroit un autretel : einsint
portent anbedeus armes noires sans taintes. E qant il furent garnis d’escu e de
autres armeures, il se partirent un lunesdi matin e puis comanderent le frere de
35 leiens a Dex e les mercierent asez del grant servise qe il lor avoient feit e puis se
mistrent au chemin entre lui e ses escuiers e chevaucherent mainte jornees sans
aventure trover qi fase amenteveir en conte. Hervis de Rivel se tenoit trop bien
heurés de la conpagnie de mesire Lac.
IV
(82d) 1. Or21 dit li contes qe puis qe meser Lac et Hervi de Rvel se furent partis
deo rois Mars, ensi com vos avés oï ça arieres qu’il delivrerent,22 il chevau-
cherent tuite vois vers lo reaume de Sorelloiz, et estoit [le tens]23 d’iver et le
froit grant, senz aventure24 trover qi amentevoir fface en conte. Un jor que il
5 chevauchoient par unne lande lor avint que il ataignent II chevaliers armés de
toutes armes en la compagnie de deus escuiers seulement, qui auques chivau-
choient [mal] assieement por la noif qui25 les annoioit ; et se aucuns me deman-
doit qui li II chevalier estoient, je diroie qe li uns estoit le Bon Chevalier sanz
Paor et l’autres estoit Breüs sanz Pitiés, qui tant ahoit les dames et les damoi-
10 selles. Tout maintenant qe mesire Lac voit les deuz chevaliers, il les moustre a
Hervi de Rvel et li dit : « Hervi, veez ci deus chevaliers erans. – Sire, ce fait
Hervi, vos dites verités. » Et quant il sunt a eaus venus, mesire Lac, qi devant
chivauchoit, le salue tout primieremant et li Bons Chevalier sanz Paor li res-
20 prier en interligne.
21 Or : cette initiale est précédée, au bas du f° 82c, par un dessin à la plume réhaussé de
couleur ; il s’étend sur la largeur de cette colonne et représente quatre chevaliers chevauchant
armés de toutes les armes, héros, sans doute, de la version fournie par A(2).
22 Allusion à un épisode commun à A(2) et à F situé plus haut dans le roman ; cf. Lathuillère
(1966, § 177 n. 1) et notre Ière partie, § 130.
23 le tens omis.
24 Après aventure on trouve un g. Est-il exponctué ?
25 qui auques chevauchoient por la noif q. répété ; mal omis : corr. exigée par le contexte.
pont qe le bonne aventure li dont Dex. « Seignors, fet mesire Lac, or ne dites,
15 se il vos pleiste, en quel part vos chivauchiés et se vos avés aucunne novelles
en cestui païz ; car certes nos avons chevauchiés pluseor jors, ne ne avons
trovés nulle aventure qi bien nos place ne nulles novelles. – Biaus sire, ce fet
li Bon Chevalier sanz Paor, se vos ne trovés aventure, ce ne fait pas a mer-
voillier en ceste saissonz, car vos veés qe tous li monde est engelee ; et non
20 por quant ier encontrai un valet qui venoit de la cort li roi Uterpandragons qui
nos dist que li rois devoit tenir cort grant a cest Noel, et a Quimporcorentim de
la Foreste, et nos enn alons droitement la, por ce qe piece mes ne veimes li
roiz ne a cort ne fumes. – Sire, fet mesire Lac, puis qe celle part allés, se il vos
pleissoit, nos vos feironz compagnie jusque la, car assi avons nos talent de
25 veoir le roi et les autres de son hostel. – Certes, fet li Bon Chevalier sanz Paor,
puis qe le moie compagnie vos pleist, et je sui cil qui la vostre ne refus mie,
ainz la reçoif volontiers » ; et aussi dist Breüs. Mesire Lac e Hervil les mercierent
assés. Lors se mistrent a la voie tuitz ensemble et chivaucherent tot celui jor
jusque a la nuit qe il alerent jeissir a unne grant tor d’un vavassor qi mult
30 honoreement les reçut, por ce qe un fil avoit qui chevaliers erans estoit. Et
quant il furent laens desendus, asez troverent qui les aiderent a desarmer, car
de honor feire a chevalier estoient il bien acostumés ; et quant il furent desar-
més, il se regardent ; et maintenant qe mesire Lac voit le Bon Chevalier sanz
Paor, il li cort le bras tendus et li dist : « Ai ! sire, qe vos soiés li tres bien
35 venus ! » et li dit : « Si voirement m’aït Dex, com je sui plus joianz de vostre
venue26 et de vostre compagnie qe de chevalier qi soit en tout le monde (83a),
et benoit soit Dex qui en ceste part vos ameina ! » Quant li Bon Chevalier voit
que ce estoit mesire Lac, l’ome au monde qe il plus amoit et que il plus desiroit
a veoir et que il plus prisoit de chevalerie, il li vint a l’encontre et li fait la
40 greignor joie deo monde, car a mervoille l’amoit.27 Et quant il se sont conjoï
une grant piece, li vavassor les moine seoir devant un grant feu por le froit qui
grant estoit ; et quant il se sont asiz devant le feu sor une grant couche, et puis
mangierent mult envoissieement. Grant fu la joie et la feste qe li .IIII. compa-
gnons se firent celui soir. Et quant il horent mangiés, il se leverent des tables
45 et furent couchiés : le Bon Chevalier et mesire Lac en une chambre, et Hervi et
Breüz en une autre ; si se repousierent volentiers jusque a l’eindemain, car
auques estoient travailliés.
2. A l’eindemain, bien por matin, se lieve li Bon Chevalier sans Paor et fist
esveillier sez compaignons ; et puis se armerent et monterent, et puis pristent
V
(100a) 1. Or dit li contes que quant Guron se fu partis de la bataille que il fist
as deus chevalier, frere de la Spinne Noire, et deo roy de Norbelande et deu
segnor del chastel, qui tant l’avoit tenu en sa prison, si com l’estoire vos a
devissé qa arieres,28 il chevauche maintez jorneez par lo reiaume de Norbe-
5 lande29 sanz aventure trover qui amentevoir face en conte. Un jor que il chivau-
choit par unne foreste grant et belle li avint que il vit devant soy un chevalier
qui conduissoit unne damoiselle mult belle ; et se aucun me demandoit qui li
chevalier et la demoiselle estoit, je diroie que ce estoit li Bon Chevalier sanz
Paor et la damoisele estoit cele qui vint a la cort li roi Uterpandragons por
10 quere un chevalier qui vengiast la mort de son frere et rescoire de prison li bon
chevalier de Norgalles. Et por ce que li Bon Chevalier sanz Paor avoit abatus
Uter de Kamallot, qui sor soi l’avoit enprisse a vengier, et l’avoit ennavrés, la
prist li Bon Chevalier sor soy, si com vos avés hoï ça arierez30. Tout maintenant
que Guron vit li chevalier, il se haste un poy plus de chivauchier qu’il ne fesoit
15 devant et tant fet qu’il les ataint avant que il fussent oisuz de la foreste ; et
quant il fu a lui venus, il le salue et li dit que Dés le condue. « Bonne aventure
aiés vos, fet cil sanz Paor. – Or me ditez, sire, fet Guron, quel parte chivauchiés
vos ? – Certes, fet cil sans Paor, je ne sai fors ou ceste damoiselle me moine,
car je li ai promis de moiner a fin unne soe bessoigne. – Sire, fet Guron, puiz
20 que cest chemin tenés, je chevaucherai avec vos jusque atant que aventure nos
departe. – Ce voeil je mult volentiers, fet li Bon Chevalier sanz Paor. » Einsint
chevaucherent ensenble bien la moitié de celle jornee parlant de maintes aven-
tures, et tant que Guron connuit que ce estoit li Bon Chevalier sanz Paor en cui
compagnie il estoit miz ; si en fu mult liés et mult joianz de ce que aventure
25 l’avoit aportés en la compagnie de si proudom com cil estoit. Li Bon Chevalier
sanz Paor demande asés a Guron de son non, mes il ne li vuelt rienz dire, ne
son escu ne poit il veoir car il estoit covert d’unne unce vermoille.
2. Quant il horent einsint chivauché jusque hore de vespre, adonc lor avint que
lor chemin lez a porté devant unne tor, et dedanz celle tor avoit bien jusque
28 Cf. là-dessus, Lathuillère (1966, § 195 n. 4) ; l’s, en fin de ligne, est suscrit.
29 Ajouté en interligne, à la place de Logres exponctué.
30 Voir supra, t.II.F., §§ 126–128.
3. Quant le Bon Chevalier sanz Paor entent cest novelle, il est fierement esbahis
qu’il ne savoit que il deust feire. Il chevauche toute foiz avant que il ne dist
mot ; et quant il hot un poi chivauchiés, il s’areste et dit a Guron qui avec lui
chivauchoit : « Sire, que feron nos de ceste damoyselle ? Je ne la voldroie perdre
5 en nulle mainere deu monde. » Guron respont adonc et dit : « Sire, coment la
poés vos perdre ? Ja estes vos si bon chevalier que nos ne savons au monde
nulz si preudom com vos estes. Si m’aït Dex, se je fus[se]34 garniz de si haute
proesce com vos estes, ja de XL chevalier n’avroie doutance, ainz seroie au
seur que il n’avroient duree35 encontre moy que je ne les meisse asez tost a
10 desconfiture. – En non Deu, dist cil sanz Paor, il ne seroit mie sage chevalier
cil qui encontre XL chevalier se meist tout seul ; mes a cest foiz me i metrai je
bien, por quoi vos me creanterois conme leial chevalier que vos ne me faudroiz
de vostre aide. » A ceste parole respont Guron et dist : « Certez, sire, il ne doit
mie estre tenus por bon chevalier cil qui a paor ne dotance de XL homez armez
15 a cheval ; por quoi je di que vos n’estez bon36 chevalier quant vos de ce avés
paor et je feroie vostre desenor, se je me i meisse. Mais je vos dirai que vos
faroiz, car je por XL chevalier et telz com cist sunt ne vos voldroie je aidier,37
31 le c est suscrit.
32 damoisele ajouté en interligne entre celle et estoit ; les deux éléments rajoutés le sont d’une
encre plus claire.
33 Le t final est suscrit.
34 fust.
35 duree : réécrit en interligne, au-dessus de doutance (saut au même, cf. l.8 : n’avroie d.),
exponctué à l’exception de la première lettre commune aux deux mots.
36 bon ajouté en interligne.
37 aidier : le premier i est suscrit.
que l’en le vos torneroit a viltez ; mais vos poroiz feire unne chosse, se vos ne
vos sentés si preudon que vos cest fait peusiez38 mener a utrance : remanés da
20 l’unne part et je enprendrai cestui fet sor moy ; et se je ne le puis mener tous
XL a utrance, ne me tenés por chevalier ne ne m’aidez ne me donés ne vostre
consoil ne vostre aide. »
4. Quant li Bon Chevalier sanz Paor entent ce que Guron li disoit, il respondi
et li dist : « Puiz que de vostre secors ai falliz, je sui cil qui ne me faudrai tant
com je me porai aidier. » Lors fist regarder a son cheval qu’il ne li faille rienz
de ce qu’il peust amender, et quant il fu tous aparoilliés por soy defendre a
5 tous le XL chevaliers de la tor, il s’areste en mi le chemin ; et quant li XL cheva-
lier furent jusque lui venus, le Bon Chevalier sanz Paor lor demande que il
vuellent et il distrent que il voloient avoir la damoyselle. « E non Dex, fet il, la
damoyselle ne poés vos pas avoir, car je la defendrai bien encontre vos tous. »
Lors leise corre a unz des chevaliers qui li venoit les glaives baissiés et le feri
10 si rodement en son venir que il le porte a la terre mult felonossement ; et puiz
n’abati il un autre de celui poindre meezmes et brise son glaive ; et quant il a
son glaive brissié, il mist la main a l’espee mult hardiement et feri un autre
desuz lo ihaume que il l’abati juz dou cheval. Mez quant li autre virent ceste
chosse, il lor laiserent (100c) corre tuit ensenble sor le Bon Chevalier sanz Paor
15 et le ferirent si durement que il le porterent a la terre mult fellonossement et
tel atornés que il ne se releve39 d’unne grant piece. Et quant il fu redriciez et
montez so sun cheval et il vit que cil enmenoient sa damoiselle, il ne demous-
troit que il eusse nul talant de recovrer la, ainz s’estoit arestez enmi le chemin
et ne feissoit se regarder la non, car is se sentoit si grevez del dur cheoir que
20 il avoit pris que ne lli prenoit plus talant de meslier.
5. Quant Guron vit ceste chosse, il dit adonc : « Coment ? mauveiz, failliz, co-
hart, en laiseroiz vos einsint mener vostre damoyselle en tel mainere et as ma-
veis chevalier de Norbelande ? Certes, puiz que je voi vostre mauveistié einsint
aperte com vos la moustrez ici, je sui cil qui jamés a jor de ma vie ne vos
5 tendrai por chevalier ; or remanés ici a male heure, car je sui cil qui ne souferai
que ceste damoyselle en soit menee en tel mainere. » Et tout maintenant que
il a ensint dit ceste parolle, il crie as chevaliers qui la damoiselle enmoinent :
« Fuiez ! ffuiés ! mauveiz chevaliers, car tuit estez mors ; ja nen eschanpera un
solz de vos tous ! » Et maintenant laisse corre a eaus tous et ocist le primier
10 que il encontre et puiz le segonde et puiz le tiers ; et quant il en hot ociz trois,
38 Ms. fait ne p.
39 releve : ajouté en interligne.
adonc brisse son glaive, il met despuiz main a la spee et se eslance entre les
hautres mult hardiement, la u il voit la greignor preisse, l’espee droite contre-
mont, et en ocist un en pou d’ore a l’espee trenchant. Il encomence a abatre
chevalier et chevaux a la tere et arachier escu de col et hyaumez de testez et a
15 faire si grant mervoille d’armes que il est plus redoutez que tounoire. Quant
cil virent le grant doumage que il recevoient por un seul chevalier, et bien
connoissent que cist est le plus preudom que il eurent unquez maiz veu et que
il ne poroient jamés venir au desuz de lui, il laiserent le champ et comencerent
a fuir, li unz ça et les autres la, tant com il pooient, et se metoient en lor tor,
20 tristez et dolenz del grant doumage que il avoient receus.
40 Fin de la version particulière de F qui remplit la colonne 100c ; la colonne 100d est restée
blanche. Pour ce qui suit dans le ms. au f° 101a, cf. Lathuillère (1966, § 188 n. 3).
41 Le ms. de Turin, partiellement détruit lors de l’incendie de 1904 – voir Lathuillère (1966,
82 n. 1–3), et en dernier lieu, Giaccaria (2007, 335–353) –, a fait l’objet d’une description de la
part de notre regretté Maître et d’un article de Bogdanow (1965, 45–64) ; toutefois, les deux
demandent à être complétés, notamment en ce qui concerne le début du premier tome, afin
de vérifier que T fournit bien le texte identique à L3.
42 Feuillets complètement détruits, semble-t-il ; ce texte a été publié par Rajna (1975, 265s.),
puis, avec les variantes, par Lathuillère (1966, 181–183). Voir Löseth (1890, 434 n. 3).
43 Nous nous sommes aidé, pour reconstituer la partie L-I-7, du ms. British Library, Add.
36673, L3 de Lathuillère, qui contient le même texte que le ms. de Turin : voir Bogdanow (1965,
47) ; Lathuillère (1966, 50). – Nous indiquons alors, pour en circonscrire les parties lisibles,
leurs premiers et derniers mots et renvoyons aux feuillets de T. Nous citons les restitutions du
ms. L3 entre parenthèses carrées ; c’est un ms. à longues lignes ; R désigne la rubrique. « Ana-
lyse » désigne l’ouvrage de Lathuillère (1966) ; les chiffres renvoient aux §§ de cette dernière.
T, 16c ; Quant ly roys Bruns vo[it son] frere au milieu de ses en-
L3, 6r° nemis en [dangier de mort] … Puis mectent les mains
aux espees et departent grans cops sa et la. Ly roys
44 Ms. Gettererent.
45 L3 : d. ce q.
46 On voit que les feuillets de T-I-7 ont été rangés, lors de la restauration du ms., dans le
mauvais ordre : il faut lire : 2b–6c, puis 16a–b–c ; 17b ; 18a ; 19a–20c, puis à nouveau 7a–15c,
puis 21b.
47 L3 n’est pas illustré.
T, 15b ; merveille que [de son fait ; Morin aussi le fait si bien de
L3, 14r° la soue part] que tout [con]font [quant qu’il actaind.]
Ainsy dura la [bataille] …
R, COMMENT MORIN MANDA A HECTOR QU’I VOLOIT DER-
RAIGNER LA QUERELLE CORPS A CORPS CONTRE LUY
Et quant vint au matin …
… par tel couvenant que qui vaincu seroit,
laixroit le royaume et que de ce
T, 15c ; … mande [par] ung [sien chevalier que la] querelle qui
L3, 14r°–v° est de cest [uy royaume qui a mon] pere fut … Hector
dit que moult en est content et l’asseurent …
50 Ms. chestiens.
51 Ms. nommé.
52 Non répertorié par Lathuillère (1966, § 258 ; cf. aussi « Table des noms propres », 575).
T, 24c ; Et les autres deux s’en fuient … Et quant il fut gary et qu’il
L3, 18 r° pot porter armes, sy print congié de l’aabbé et des reli-
gieux, sy se mist a la voye pour trouver aventures, mais
il n’ot mie granment allé
[R, COMME GALHAULT RESCOUX PATRIDES DES DIX CHEVA-
LIERS QUI LE MENOIENT NOYER, ET COMMENT IL EN OC-
CIST QUATRE ET LES AUTRES MIST EN FUYE VILAINEMENT]
54 armé L3.
55 Répété dans L3.
T, 29d ; parti- 259 [R, COMME LE ROY BRUNS, APRÉS CE QU’IL SCEUT
L3, 21v° cu- QUE SES ENFANS FURENT CHRESTIENS, SE REMARIA A
lière LA FILLE D’UN JAYANT DONT IL OT UNG FILZ NOMMÉ HEC-
TOR, ET CELUY
HECTOR OT UNG FILZ QUI OT NOM
SEGURANS, MOULT BON CHEVALIER]
T, 33b 358 223 … mal veignant, dan chevalier, mal veignant qui avec-
n. 1–224 quez le traitre vous estes mis ; certes, vous le comparés
chierement. Et quant Segurans voit [les] chevaliers qui
ainsy luy crient, il prent son escu et son glaive … Et
puis hurte … et en refiert ung61
T, 35b 358 224 « Certes, sires, fait ly varlés, or sachiés vraiement que
vous ne pourrés … or soit de par Dieu », fait Galhaut.
Atant se parti le varlet de luy et s’en retourne a Segu-
rant … Et ung chevalier de Carmelide, qui chevalier (?)
estoit, le congnut maintenant qu’il ot regardé, sy court
64 Galehaut interroge vainement son neveu sur son identité : cf. Lathuillère (1966, § 224).
180. 1 Les numéros des §§ sont ceux de notre édition du ms. 3325 à venir (t. III).
2 Allusion à l’histoire racontée par l’hôte de Danain et de Guiron, où Uterpendragon,
pour pouvoir rester à la Tour de la « mareschiere », trop exiguë pour héberger deux che-
valiers, est obligé de livrer bataille contre un chevalier de petite taille, afin de déterminer
lequel d’eux va rester. Ayant perdu, obligé de céder sa place au vainqueur, il décide d’en
faire une coutume pour tout nouvel arrivant (Lathuillère 1966, § 199).
3 a m. presque effacé.
20 vos diroie? puis que ge l’oi prise por mollier, ge demorai bien avec lui .IIII. anz
entieremant a grant joie et a grant leesce et a grant bone avanture, tant que il
avint en un esté que talent me (192 v° 2) prist d’aler a la cort le roi Uterpande-
gron, quar li rois Uterpandegron sainz faille devoit a celui tens tenir une grant
cort en sa cité de Camahalot. Por veoir cele grant feste que li rois devoit tenir
25 einsint come ge vos cont me parti ge de cest païs por aler a Camahalot e tant
chevauchames entre moi et ma moillier que nos venimes pres de Camahalot.
Il fesoit a celui tens grant chaut, quar nos estiom adonc pres devant Pente-
coste. La ou ge estoie descenduz devant une fontegne e ge me voloie dezarmer
por moi repozer auqun pou, atant e vos sor moi venir Brun le Felon, qui de sa
30 main fu a merveilles bon chevalier et hardiz, et il me voloit mal de mort 4 por
ce que mi peres avoie ocis le suen, ja avoit long tens passé. Tout maintenant
que il me vit, il me reconut a l’escu que ge portoie. Et il avoit en sa compegnie
deus chevaliers qui si frere charnel estoient. Lors s’arestut en mi le chemin, e
quant il fu toutz appareilliez de corre sor moi, il me comença maintenant a
35 crier: « Vassall, gardez vos de moi! or sachiez tout veraiemant que se vos ne
vos poez de moi defendre, vos estes morz! »
181. Quant ge vi venir sor moi Brun le Fellon en tel maniere, ge le conui mout
bien as armes que il portoit. Ge savoie bien, grant piece avoit, que il estoit
sainz faille tout le plus mortel einemis que ge eusse el monde, e por ce montai
ge sor mon cheval au plus isnelement que ge poi e m’apareillai de defendre.
5 Ge n’estoie enquore pas dou tout apareilliez1 de joster quant ill leissa corre sor
moi e me feri si duremant en sun venir que il me porta a la terre e me navra
duremant en mi le piz d’une plaie grant e parfonde. Quant il m’ot einsint abatu,
ge fis de moi relever toute la force que ge poi, quar toutes voies me quidoie ge
defendre; e ma defense ne me valt se petit non a celui point, quar ge fui pris
10 tout maintenant e liez mout vilainemant les mains derrieres le dos. E por ce
que il ne me soit adonc metre a mort 2 por ce que trop pres estiom de Camaalot 3,
me fist il metre sor un roncin e dist que il me feroit amener dusqu’a sun rappro-
cher : re(193r°1)cet et ilec me feroit trenchier la teste.
182. En tel guise come ge vos cont me fesoit 1 il amener avec lui Brun le Fellon
por moi metre a mort. Et il estoit mout liez e mout joianz de ce que il me tenoit
entre ses2 mains, mes il l’en avint tout autremant qe il ne quidoit, quar nos
venimes en une grant chevauchie qe nos encontrames adonc un chevalier qui
5 portoit un escu mi parti de vert e de blanc. Quant il me vit, il reconut tout
maintenant que ge estoie chevalier prison, si dist adonc a ceaus qui m’en
menoient: « Arrestez vos entre vos tant que ge aie a vos parlé », e il s’arresterent
maintenant. Et il lor dist aprés: « Qui est cest chevalier? est il prison? » E ge
me mis adonc avant e li dis: « Ha! merci! sire chevalier, secorrez moi por Deu
10 e por vostre gentilesce; ne me leissiez einsint morir. » E li contai adonc en quel
maniere il me menoient e por quele raison. Quant li chevalier entendi ceste
avanture, il me dist: « Or n’aiez doute, sire chevalier, que par la foi que ge doi
vos, puis que avanture m’a sor vos amené en tel maniere, il est mestier que ge
vos3 delivre, voillent ou ne voillent cil qui vos menent orendroit. » Lors se tret
15 arrieres, e puis lesse corre sor Brun le Felon e le feri si roidemant en son venir
que il 4 l’abati e li fist ou cors une grant plaie. Puis qe il ot celui abatu, il n’i
fist autre demorance, ainz lessa corre as autres deus, le glaive beissié, e fist
d’eaus deus tout autretant come il avoit fet de Brun le Fellon. Et en tel maniere
me delivra de mort e conduist 5 moi e ma moillier dusqu’a tant que il nos ot
20 mis a ssauveté. Iceste fu grant bonté qe il me fist premieremant quant il me
delivra de mort; iceste fu la cortoisie dom ge vos ai parlé, mes encontre le
cortoisie me fist il puis tel vileni come ge vos dirai.6
(206 v° 1) 234. A celui point et a celui jor que ge m’estoie einssint assis avec
les proudomes qui de haute renomee avoient ja passé tout le monde, e maint
proudome m’avoit ja demandé mon non, mes ge nel voloie dire a home fors
que un chevalier errant estoie, e ja estoit tout ordené que aprés le fin dou
5 mangier devoit chasqun de nos conter la gregnor honor de chevalerie que
onques li fust avenue e la gregor deshonor, e li clerc estoient ja tuit appareillié
qui tout ce devoient escrire, atant e vos leianz venir une damoisele tout a pié,
e portoit en sun giron devant la teste d’une autre damoisele tout nouvelement
ocise. E tout nouvelement, que celui matin meesmes avoit ele esté ocise d’une
10 espee. Quant ele fu leianz venue dusqu’au riche paveillon ou nos mengiom,
ele se mist maintenant de(206v°2)vant le rroi Uterpandegron a genoillz e li dist:
« Sire rois, veez ci un present que ge vos aport; Dex le set que il m’en poise
mout de ce que il m’estuet tel presant a vos presenter, car quant ge me parti
ore de ma contree tout nouvelement, ge vos aportoie un autre present, mout
15 plus riche que n’est cestui, e por la richece de lui me fu il toloit e ceste damoi-
sele en fu ocise. Rois, por ce que ge ne vos pooie porter le cors, vos en aportai
ge la teste por veoir la grant deshonor qui vos est fete a cestui point, e por
moustrer vos le grant domage qe ge ai receu. »
235. Li rois Uterpandegron, quant il voit ceste estrange avanture, il est mout
duremant corrousciez, e dist adonc a la damoisele: « Dites moi, damoisele, se
Dex vos doint bone avanture, qui fu celui qui tel present me fist aporter a ma
cort? il n’avoit pas, si come ge croi, l’onor de moi! E quant il est einsint que
5 un tel 1 domage vos est fet, et a moi tel deshonor, ge vos pri que vos me contez
tout mout a mot coment cest fet vos est avenu. E ge vos pramet que g’i metrai
puis tel consell come ge porrai, einsint qe ge n’en puisse estre blasmez par
reizon. » A ceste parole respont la damoisele e dist au roi: « Sire, dit ele, or
sachiez de voir que de la fin de Sorelois fu ge mandee a vos e cele damoisele
10 avec moi dont vos veez ci la teste. Ceste estoit 2 une gentil dame que onques
ne vos vit, mes de vos avoit ele oï bien parler, e qui fu moillier d’un chevalier
qui bien fu, tant come il vesqui, tout le meillor chevalier qui demorast es isles
de mer. Quant si mariz fu morz, il li remest un’ espee que de son mari avoit
esté. Cele espee estoit si bone e si riche que l’en ne savoit nule si bone ne pres
15 ne3 loing come ele estoit por la bonté que ele avoit […] de l’espee. E por ce que
ele avoit oï moutes foiz que si mariz l’amoit trop, dist ele a ssoi meesmes que
ele ne savoit home ou monde qui fust si bien digne d’avoir si riche espee come4
vous estiez, e por ce voloit ele que ele vos fust aporté; e por ce que ele nes fioit
tant en home ne en feme que celui present vos (207 r° 1) fust loiaumant aporté,
20 le nos baila ele. Puis que ma dame nos ot baillee cele espee a aporter a5 vos,
nos nos meimes maintenant a la voie entre moi e la damoisele. E por ce que
nos n’aviom pas apris,6 ne onques ne fu oï dire, que chevalier ne autre home
meissent por nule avanture main en dame ne en damoisele qui alast sainz
conduit d’ome, nos meimes nos a la voie. E sachiez, sire, que en tout cest
25 voiage nos ne trouvames null que de riens nos arrestast, fors que pres de ci.
Hier, pres de ci, a l’entree d’une forest, nos trouvames un chevalier qui estoit
descenduz pres d’un ruissell. Tout maintenant que il vit l’espee que nos por-
tiom, il dist que il la voloit veoir. Nos ne li poiom defendre que il ne la veist,
quar femes estiom; si li bailamas. Tout maintenant que il ot regardee l’espee,
30 il la remist ou ffuerre e dist que ce estoit l’espee qui jamés entre les mains ne
nos retorneroit. Et en tel guise la nos toli. E por ce que ma compeigne dist que
il estoit chevalier fellon et annuieux qui force nos fesoit si grant, e bien mous-
troit que il n’estoit mie gentil mes vilain, dist il que, por cele vilenie que ele li
avoit dite, estoit estier que el’en morust, e de cele meesme espee que ele avoit
35 aportee. E maintenant li trencha la teste e puis s’en ala maintenant son chemin
que puis ne le vi. Sire rois, por ce que de la damoisele ne pooie ge aporter tout
le cors, vos en ai ge aporté le chief, veez le ci. Or metés, se il vos plest, conseill
en revenchier cest grant domage e ceste perte! »
vergoigne a fete a moi et a touz autres chevaliers. Quar certes, damoisele, chas-
15 qun3 proudome devroit ceste vergoigne prendre sor soi aussint come ge doi sor
moi. – Certes, sire rois, dist la damoisele, ce ferai ge volantiers puis que vos le
me comandez. » Li rois fist maintenant prendre la teste de la damoisele e metre
la dedenz terre que plus ne fust veue, quar il ne voloit mie que sa feste fust
meindre por a- choison de cele nouvele, a ce que il veoit tout cleremant qui
20 maint proudome qui la estoient venuz en estoient courrouciez duremant.
237. Atant se part devant le roi la damoisele einsint come ge vos cont e s’en
comença aler de paveillon en paveillon. Et a celui point sainz faille peussiez
vos bien veoir en ceste plaigne dusqua cent paveillons, que bien aparoit voire-
mant cele feste de noble home e de riche. E la peussiez vos veoir mant biau
5 destrier e maintes beles armes, e fresches e nouveles. Quant la damoisele dont
ge vos cont ot alé en trois paveillons, querant toutevoies s’ele peust trouver
celui qui la damoisele avoit ocise, il li avint adonc que ele le trouva en un
paveillon auques pres dou paveillon le roi. E maintenant que ele le vit le rreco-
nut, si s’en retorne errament au paveillon le roi Uterpandegron e li dist: « Sire
10 rois, ge ai trouvé le desloial, le traïtor, celui meesmes qui mist a1 mort la damoi-
sele ma compegne, la, dedenz celui paveillon vermoill. » Li rois comanda main-
tenant que li chevalier fust pris e levez de la table, qui que il fust. Einsint 2
come il le comanda couvint que il fust (207 v° 1) fet errament. Li chevalier fu
pris maintenant, la meïsmes ou il seoit enquore a table, et amenez devant le
15 roi Uterpandegron. E maintenant que li rois Uterpandegron le vit, il le reconut,
quar mainte foiz l’avoit 3 il ja veu venir a cort, a ce que li chevalier estoit assez
de haute renomee de chevalerie. E cil qui le conoisoient l’apeloient acostumee-
mant Brun le Felon, e de son non estoit li rois Uterpandegron meesmes recor-
danz. Tout maintenant que li rois le vit devant lui, e la damoisele lor dit: « Sire,
20 vehez ci le desloial qui la damoisele ocist. » Adonc li dist li rois: « Certes, dan
chevalier, bien vos conoissoit droitemant cil qui primes vos apela Brun le Fel-
lon, quar, certes, se il n’eust veu trop grant fellenie, ja fellon ne vos eust
appelé, ce m’est il bien avis. Dex aïe! mauveis chevalier, coment vos pot entrer
ou cuer si grant fellenie ne si grant cruelté qe vos por nul mesfet dou monde
25 meissiez a mort damoisele sainz null jutgemant? Se Dex me doint bone avan-
ture, vos avez bien deservi mort en cestui fet, e ge croi bien que vos l’avroiz
proucheinemant. Or toust, dist li rois, dites moi ou fu mise la riche espee que
la damoisele aportoit. »
238. Brun le Fellon, qui a celui point ne deigna onques renoier la mort de la
damoisele, dist au roi adonc: « Dan rois, bien vos iert renduee1, l’espee. – Par
l’espee, ce dist li rois, reconoissiez vos bien le fet, e ge croi bien que, quant
vos de ceste fellenie avroiz eu la penitance, que jamés autre fellenie ne comen-
5 ceroiz. » E maintenant comanda li rois que il fust bien gardez, que il ne peust
eschaper de lor mains dusqu’a tant que jugemant fust donez de cele mort que
il aveit fet de la damoisele. E il fu fet tout errament; pris fu e menez en un
autre paveillon e ssi gardez come li rois l’avoit comandé. A celui point que
entre nos, que a la table dou roi Uterpandegron mengiom, teniom enqore parle-
10 mant de cele grant fellenie que Brun le Fellon avoit fete, e chasquns de nos
s’acordoit 2 bien a cen que il devoit recevoir mort, atant e vos leianz venir celui
meesmes chevalier qui …
Abréviations: adj. adjectif ; adv. adverbe ; anc. ancien ; cond. conditionnel ; conj. conjonction ;
c.s. cas-sujet ; c.r. cas-régime ; f. féminin ; fut. futur ; i.i. indicatif imparfait ; imp. impératif ;
impers. impersonnel ; ind. Indéterminé ; indir. Indirect ; inf. infinitif ; int. intensité ; inter. inter-
rogatif ; intr. intransitif ; i.p. indicatif présent ; loc. locution ; loc.conj. locution conjonctive ; m.
masculin ; p.p. participe passé ; p.prés. participe présent ; p.s. passé simple ; pers. personnel ;
pl. pluriel ; pos. possessif ; pr. pronom ; prép. préposition ; prov. provençal ; réfl. réfléchi ; rel.
relatif ; s. substantif ; s.i. subjonctif imparfait ; s.p. subjonctif présent ; subst. substantivé ; tr.
transitif ; v. verbe ; var. variante.
A
A (prép.) I.A.31.31–32 ; I.F.31.25 ; F 125.3 ; a tout II.A.47.36. avec.
A ce qe (loc.conj.) I.A.123.7 ; I.A.124.27–28 parce que, car.
Aamer I.F.137.9. aimer.
Aasier (v.tr.) I.A.55.5 mettre à l’aise, soulager.
Abandoneemant I.A.23.11 ; I.F.22.31 sans retenue.
Abandoner (v.réfl.) I.A.22.14 se laisser entraîner à.
Abateiz I.F.114.30 bataille.
Abevrer I.A.47.3 abrever.
Acesmer I.A.191.15 ; II.A.181.2–3 orner, parer.
Achaisson, acheisson, achoison, ochaison ; ocheisson, choison I.A.24.63 ; I.A.51.31 ;
I.A.63.9 ; I.A.285.6 ; I.A.285.14 ; I.A.289.3,18 ; I.F.24.53–54 ; I.F.86.18 ; I.F.99.14–15
raison, cause.
Acointance I.A.133.14 ; II.A.140.10 amitié ; avoir l’acointaince de I.A.298.7 ; I.A.310.12 ;
I.A.311.6 faire connaissance de, avoir l’amitié de.
Acointe I.A.133.11 ; I.F.133.12 amie (sens courtois).
Acointer (de) I.A.138.9 avertir de, prévenir ; acointer (v.réfl.) I.A.311.4 faire connaissance de.
Acomancier II.A.69.22 commencer.
Acomandez (p.p. cs d’acomander) II.F.191.105 commandé.
Ataindre II.A. 185.4 ; II.A.186.10 ; ataint (i.p. 3e pers.) I.A.274.1 ; II.A 186.11 ; II.F.185.23 ;
ataignent (i.p. 6e pers.) I.F.133.1 ; atainent I.A.161.1 ; atendent I.A.160.6 ; ateignent
I.A.213.9 ; atiegnent I.A.67.1 ; atieignent II.A.133.2 ; atains (p.s. 1re pers.) II.A.115.5 ;
ataint (p.s. 3e pers.) II.A.140.4 ; II.A.147.17 ; II.F.185.32 rejoignit ; atainsimes (p.s. 4e
pers.) II.A.143.5 ; II.A.147.17 ; ataint (p.p.) II.A.115.6 ; II.A.186.5, 12 ; II.F.185.34 ateignom
(s.p. 4e pers.) II.A.173.23 atteindre.
Atant (adv.) I.A.51.14 ; II.A.23.15 alors, sur ce ; dusqe atant (+ qe + subj.) I.A.55.6 jusqu’à ce
que ; (adv.d’int.) II.A.16.2 si, tellement.
Atendre + a + inf. II.A.17.1 ; II.F.17.1 s’appliquer à.
Aterminez (p.p. d’aterminer) II.A.22.48 fixer la date, le jour.
Atorner (tr. + a) I.A.183.14 ; (réfl.) I.A.61.3 ; I.A.72.2 ; II.A.148.10 (s’)attribuer.
Auqes (adv.) I.A.37.4 ; I.A.41.1 ; I.A.41.14 ; II.A.93.1 ; II.A.93.3 ; II.A.93.9 quelque peu, assez,
quelque temps, presque ; II.A.45.20 suffisamment.
Ausee I.A.135.48 usée.
Ausint, aussint, ausint cum (loc.conj.) : ce seroit ausint cum une avanture I.A.15.5 ce serait
un fait extraordinaire.
Autresint, autressint (adv.) I.A.38.20 ; I.A.42.9 ; I.A.43.6 aussi.
Autretel I.A.54.3 ; I.A.302.3 le même, pareil.
Avant (adv.), dire a. I.A.185.28 répéter.
Avanture, aventure I.A.41.1 ; I.A.43.9 ce qui vient d’arriver ; I.A. 55.7 exploit chevaleresque ;
I.A.1.2 ; I.A.41.18 providence, hasard ; par ma bone a. I.A.49.2 ; I.A.157.7 ; II.A.119.12 par
un heureux hasard ; en a. de I.A.273.28 en danger de ; par a. I.A.40.9 ; I.A.136.3 ;
I.F.33.15 ; I.F.135.40 par hasard ; en a. I.A.105.26 ; I.F.105.18 en danger ; soi metre en a.
de II.A.165.11 s’expose au risque de, courir le risque de ; metre en a. de II.A.149.15
risquer de ; avoir male a. I.A.195.12 rencontrer des difficultés, être mis dans une
situation délicate ; par male a. vos gabez vos de moi I.A.188.29 vous avez tort de vous
moquer de moi.
Avenir (v.) il n’avint mie par vos a la terre I.A.41. 12 ce n’est pas grâce à vous qu’il se
retrouva à terre ; a. (+ a qch.) I.A.106.25 parvenir, arriver.
Aventureux II.A.89.4 chanceux.
Avergoignez (p.p.) II.A.72.22 couvert de honte.
Avilé (p.p.) I.A.51.7 souillé, deshonoré.
Avis, estre a. I.A.35.12 sembler.
Avision II.A.84.15, 16 vision.
Avoir: ai pour a (i.p. 3e pers.) II.A.182.16 ; ait (s.p. 3e pers.) I.A.273.2 ; out (p.s. 3e pers.)
II.A.85.37 ; II.A.106.48 ; oit (p.s. 3e pers.) II.A.145.6 ; eussem (s.i. 4e pers.) I.A.142.10.
B
Bachallier II.F.111.29 jeune chevalier.
Baer, beer (v.tr.ind.) I.A.111.26 ; II.A.48.28 aspirer à ; b. + a + inf. I.A.256.20 avoir l’intention
de, souhaiter.
Baillie, en sa b. II.A.56.2 sous son pouvoir.
Baillier (v.tr.) I.A.236.53 ; II.A.8.3 ; I.F.34.9 ; II.F.8.2 donner.
Bandon, metre (v.réfl.) a b., II.A.76.20 ; II.F.76.18 s’exposer au danger ; I. A.219.3
s’abandonner.
Barate (s.f., syn. de desconfiture) I.A.211.47 déroute ; I.A.143.1 combat ; I.A.222.14 embarras,
ennui.
Basie (p.p.f.) I.F.34.12 baissée.
Baut (adj.) I.A.116.5 ; II.A.100.4 joyeux, plein d’allégresse.
Bel (adj.), avoir le plus bel I.A.295.31 l’emporter ; (loc.impers.) estre bel a : a chasqun est
bel de la soe part I.A.310.8 chacun s’en réjouit pour sa part ; si b. I.A.32.29 si bien ;
molt b. I.A.46.4 très bien.
Beneuré, benaüré, bienheuré I.A.62.14 ; I.A.129.6 bienheureux, béni ; App. III, 3.37–38
heureux.
Beslonc, des b. II.A.142.26 en long.
Besoigne I.A.42.6 difficulté, détresse.
Besoing (s.m.), se or venoit a grant b. II.A.113.32 si un grand danger se présentait.
Blasme, doner b. a I.A.41.3 incriminer, rendre responsable qn.
Blogne App. I, 23, cf. broigne cuirasse.
Bobant, einsint monte en orgueilh et en b. I.A.10.6 son orgueil et son arrogance
augmentent, vont croissant.
Bonté I.A.44.15 vaillance ; I.A.54.12 ; b. de chevalerie I.A.17.9 valeur, mérite, qualités
chevaleresques.
Branz cf. meslee des b.
Briseiz, briseis I.A.33.2 ; I.F.33.1–2 action de briser, de rompre.
Broces, brochez I.A.47.2 ; I.A.128.2 ; II.A.143.3 ; I.F.87.16 ; I.F.87.18 broussailles.
Bruiant, bruant come vent I.F.33.24 faisant le bruit d’une tempête ; b. come foudre I.A.33.29
grondant comme la foudre.
C
Ça avant (adv.) I.F.22.15 dans l’avenir, plus tard.
Car (adv.) + imp. II.F.35.55 donc.
Ceianz (adv.) I.A.37.10 ici, endroit où se trouve le narrateur.
Ceint (p.s. 3e pers. de ceindre) *II.A.135.22 ceindre.
Celer (v.) I.A.300.4 cacher ; (inf.subst.) I.A.78.11; I.A.78.13 mutisme.
Ceinturer *II.T.135.19 (var.), ceindre.
Cerchier (v.tr.) I.A.87.27 ; I.A.259.26 parcourir, visiter, fouiller.
Certeinemant (adv.) II.134.80 avec certitude.
Certes, a c. I.A.251.13 ; I.A.251.15 sérieusement.
Chaloir (v.imp.) I.A.11.8 ; II.A.215.17 ; chausist (s.i. 3e pers.) I.A.102.13 ; I.A.113.6 ; I.A.142.10
importer.
Champ, metre (v.réfl.) en ch. I.A.301.25 entrer en ch. I.A.302.23 entrer en lice.
Chançon II.A.11.78 complainte.
Chanoille II.A.155.24 clavicule.
Chans, demorer en chans. I.A.7.5 rester dehors.
Chapel de fer I.A.3.5 heaume.
Chaplei (s.f. ou m. ?) I.F.33.36 bataille, lutte acharnée.
Chare (s.m.) II.F.32.8 chariot, charrette (it. carro « veicolo rurale »).
Chargié (p.p.) I.A.44.12 ; I.A.82.9 accablé.
Chasseur App I, 6–7 cheval de chasse.
Chatif, cheitif (adj.) I.A.29.12 mauvais ; de ch. afaire I.A.45.9 même sens ; ch. de cuer
I.A.52.9 lâche.
Chativité, cheitiveté II.F.12.36 ; II.A.13.11 homme misérable, de peu de valeur.
Cheance I.A.10.5 événement favorable, heureux.
Chemin ferré I.A.46.19, I.A.55.1–2 ; II.A.32.2 route paveé ; ch.forchié I.A.254.5 carrefour.
Chenu I.A.131.18 ; I.F.131.12 blanc.
Cheoir, chiet (i.p. 3e pers.) I.A.10.5 ; II.A.36.75 ; chiez (i.p. 5e pers.) I.A.139.8 ; choiz (s.p. 5e
pers.) I.A.139.8 ; cheï (p.s. 3e pers.) I.A.42.11 ; II.A.39.12 ; II.A.52.6 advenir ; cheoiz,
cheoit (p.p.) I.A.44.13 ; II.A.36.87 ; choit II.A.18.58 (sens figuré) tomber, choir.
Chevalerie I.A.48.15 exploit chevaleresque.
Chevaucheures I.A.209.6 ; II.A.27.7 montures.
Chevauchier (inf. subst.) I.A.55.7 chevauchée.
Chevee (p. p. fém. de chever) II.F.40.21 finir.
Chevir (v.réfl. + de) I.A.42.2 venir à bout de.
Chef, chief, a. ch. II.A.108.30 ; II.F.108.24 ; II.F.180.1 à la fin ; a chef de piece I.A.98.3 ;
I.A.304.2 ; I.F.102.6 ; II.F.15.4–5 au bout de quelque temps ; mener a ch. II.F.134.19 finir ;
de chief en chief I.A.285.34–35 d’un bout à l’autre ; chief a chief II.A.66.11–12 corps à
corps.
Choison (la), cf. Achaisson.
Chose II.A.145.3 créature.
Cohardie I.A.45.7 ; I.A.48.12 couardise.
Cohart, coart de cuer (s.m. et adj.) I.A.51.9 ; I.A.51.40 ; I.A.52.9 ; I.A.52.12 couard, lâche.
Coiemant I.A.87.52 ; I.F.34.41 ; II.F.8.6 sans bruit, silencieusement.
Cointe I.A.265.3 joli, élégant, gracieux ; I.A.298.6 brave, vaillant.
Cointemant I.A.234.9 ; II.A.110.7 élégamment, gracieusement.
Coissi (p.s. 3e pers. de cosdre) *I.A.182.4 coudre.
Coite, estre en c. de + inf. II.A.185.2 être en hâte de, avoir hâte de.
Coltre pointe II.A.177.5 coussin piqué.
Comander (v.tr.) I.A.45.14 recommander.
Coment que (loc.conj. + subj.) I.A.39.8 bien que.
Compaigne (s.f.) I.A.58.4 II.F.36.67compagnie.
Com, cum (adv.exclamatif) II.F.138.25 que ; II.A.82.40 combien, quelle.
Comunement, comunelement I.A.32.32 en tous lieux ; I.A.234.6 en commun, tous ensemble.
Con (prép.) I.F.119.20 ; I.F.121.11 avec.
Concorde, concordie I.A.129.19 ; I.F.125.42 ; II.A.72.11 ; I.F.71.40 paix, accord.
Conduire (v.tr.), condue (i.p. 3e pers.) I.F.124.21, conduis (p.s. 3e pers.) II.F.188.51 conduire.
Conduit II.A.161.3 ; II.A.164.5 responsabilité, charge.
Conforter (réfl.) I.A.115.34 prendre courage.
Congié I.A.181.9 ; II.A.71.39 ; II.F.71.29–30 permission.
Conjoir (v.réfl.) App. IV, 1.40 se faire bon accueil.
Conoistre I.A.35.45 ; I.A.35.46 ; I.A.35.52 ; I.A.273.31–32 reconnaître ; conoi (p.s. 1re pers.)
II.A.121.1 comprendre ; conu (id.) I.A.199.8 connaître.
Conquestier, conquister I.A.128.35 ; II.F.86.45 ; II.F.130.21–22 conquérir.
Conseil, conseut (s.m.) I.A.121.5 ; II.F.70.21 délibération intérieure ; II.A.70.24–25
délibération, conseil ; mettre c. en I.A.309.9 s’ingénier à trouver une solution ; I.A.139.5
aider ; II.A.21.17 tenter de maîtriser ; mettre c. de soi I.A.263.5 venir en aide à soi-
même ; mes lor c. ne lor done mie I.A.116.17 mais leur conviction ne les y engage pas.
Conseillier, cosseller II.A.70.56 ; cosseut (s.p. 3e pers.) I.A.51.39 secourir, aider ; (v.réfl.)
I.A.304.13 se décider.
Consentir (v.réfl.) I.A.189.19 approuver, permettre, autoriser.
Consus (p.p. de consevoir), e cum il estoit c. II.A.101.34 et quelle apparence, quel aspect il avait.
Conte, en c. de chevaliers I.A.54.15 au nombre des chevaliers.
Contenance App. I.37 mine, apparence, façon d’être.
Contenir (v.réfl.) II.A. 101.36 se comporter, se tenir.
Contendre II.A.55.4–5 insister, raconter en détail.
Contenement I.A.185.8 ; II.A.101.39 ; II.A.141.3 maintien, conduite, manière d’être.
Contre (prép.), c. men tuer I.A.258.41 pour ne pas être mis à mort.
Contredites (p.p. de contredire) I.A.265.6 refuser.
Contremont App. V, 5, 12–13 vers le haut, en haut ; (prép.) c. le flum II.A.33.3 ; II.A.160.10 en
remontant le fleuve.
Contretendre I.A.212.24 attendre.
Contretenir (v.pron.) II.A.148.12 résister.
Contreval, tout c. (adv.) II.A.160.9 en bas ; (prép.) 283.8 ; II.A.176.2 en bas de, en
descendant, en aval.
Convoie (s.m.) I.A.305.7 escorte.
Cop, a un seul c. II.A.35.11 d’un seul coup, aussitôt.
Coralment (adv.) I.A.81.19 ; II.A.197.10 cordialement.
Corgiee II.A.16.10 ; II.A.16.17 ; II.A.16.20 courroie, lanière.
Corrant (adj.) I.A.109.21 ; I.F.109.14 rapide.
Corre, leissier c. I.A.34.4 ; I.F.34.3 ; I.F.34.12 ; I.A.40.5 s’élancer à bride abattue.
Corre a I.A.202.20 aspirer à ; corrent diversemant I.A.240.16–17 ils ont des élans de cœur
différents ; venir corrant II.A.120.2 arriver en hâte, à toute vitesse.
Correor I.A.138.17 courrier, messager.
Cors, le c. le roi Artus I.A.36.19 le roi Arthur en personne, le c. d’un seul chevalier ;
I.A.234.19 ; I.A.265.24 ; I.A.302.5 un seul chevalier.
Corsage I.A.175.4 ; II.A.101.35 ; II.A.101.45 ; II.A.198.9 stature, taille du corps humain.
Couvertures (s.f.) II.A.164.17 toiture.
Covenir (avec qn) I.A.51.40 convenir à qn ; a lui seulemant en couviegne et non a autre
*I.A.80.4 cela le regarde lui seul et non un autre.
Covenant, par tel c. II.A.24.25 avec la promesse que ; I.A.27.6 à cette condition ; tenir c.
I.A.96.2 tenir promesse.
Covenable (adj.) I.A.51.41 approprié I.A.52.8 assorti I.A.52.11 bien assorti.
Covertement I.A.96.3 en secret.
Cox I.A.67.9 coups.
Creant I.A.291.8 promesse.
Creanter I.A.193.16 ; I.A.199.20 ; I.A.277.14 ; I.A.277.15 ; I.A.291.6 ; I.A.291.8 ; I.A.291.11
promettre, assurer.
Crespe (adj.) II.A.8.27 ; II.F.8.17 crépu.
Croire, croi (i.p. 1re pers.) II.A.1.69 ; creeroiz (fut. 5) II.F.28.38 ; crerroie (cond. 1re pers.)
I.A.200.4 ; creisse (s.i. 1re pers.) II.A.106.26 ; II.F.106.22 ; croire ; creissiez (s.i. 5e pers.)
I.A.51.10 ; I.A.65.2 ; creusse (s.i. 1re pers.) II.A.106.28 ; creust (s.i. 3e pers.) I.A.170.3 ; c.
a aucun I.A.66.8 se fier à qn, accorder du crédit à ses dires.
Cremu (p.p. de craindre) II.A.95.14 craint.
Cuer, metre c. I.F.34.28 appliquer son courage, faire preuve de courage ; conoistre qn par mi
le c. I.A.108.19, I.F.108.16–17 le connaître intimement, connaître ses sentiments
profonds ; estre de grant c. I.A.110.2 ; I.F.110.2–3 ; 13 être courageux
D
Da I.F.105.1 de.
Dahés, dahez, dahiez I.A.3.13 ; I.A.50.24 ; I.A.134.4 ; I.A.269.4 ; I.F.134.4 ; I.F.135.15 malheur ;
deheit (s.m.), deshet II.A.11.4 chagrin, découragement ; II.F.11.3 chagrin, malheur.
Daire (inf.) I.F.109.15 ; daras (fut. 2e pers.) I.F.27.10 donner.
Dan I.A.135.3 ; I.F.135.2 terme d’adresse à valeur agressive : mauvais !
Davant I.A.99.56 ; I.A.307.12 devant.
De (prép.) I.A.55.4 à cause de, par ; estre d. I.A.51.4 appartenir à.
Dé I.F.24.23 jour.
Debonaire I.A.29.19 ; I.F.29.14 de grande bonté.
Debrisé (p.p. de debriser) II.A.37.38 détruit en brisant, brisé complètement.
Decevance II.A.181.20 tromperie.
Decevoir I.A.193.2 ; II.A.181.25 tromper.
Deduire (v.réfl.) I.A.73.3 ; I.A.137.4 se rejouir ; se deduoit II.A 85.9 se divertissait, prenait du
plaisir ; desduit (s.m.) I.A.51.5 ; App. I, 30 plaisir, réjouissance.
Defaute (s.f.) I.A.50.15 ; I.A.73.20 faute ; d. de cuer II.A.192.22 manque de courage ; por d. de
son cheval I.A.41.13 ; I.A.42.10 à cause de son cheval ; par d. de lui I.A.42.10 par sa
propre faute.
Defondrees (p.p.) II.A.124.33 détruites.
Defors I.A.22.10 hors de.
Defendre (v.tr.), d. qn a qn I.A.251.11 protéger qn devant qn, l’empêcher de s’en saisir.
Defens (s.m.), encontre mon d. I.A.45.5 malgré moi.
Dejoste (prép.) II.A.111.25 ; II.F.111.16 auprès de, à côté de.
Dela, della (adv.) I.A.167.12 ; I.A.267.7 ; II.F.36.38 ; par d. II.A.36.46–47 par delà.
Deleiance, faire d. I.A.58.25 attendre.
Delaiemant, faire d. I.A.7.15 ; I.A.32.3 ; I.F.32.2 ; I.A.38.6 attendre ; n’i faire d. nul I.A.40.5
sans attendre davantage.
Delés, delez I.A.107.9 ; I.A.138.11 ; I.F.106.29 à côté de.
Delitable I.A.60.14 agréable.
Delivremant (adv.) I.A.285.5 sans empêchement.
Demander II.A.164.7 reprocher ; I.A.260.12 chercher.
Demeine (adj.) II.A.183.9 en personne.
Dementeis (s.m.) *I.A.90.9 lamentation, plainte.
Demorer (v.intr.) I.A.37.14 rester, demeurer ; (inf.subst.) I.A.37.16 le séjour.
Denuntiee (p.p. de denuntier ) II.A.24.21 annoncer.
Departeure App. I, 35 départ.
Departement, departiment II.A.130.7 ; II.F.130.5 séparation ; I.A.34.24 ; I.A.251.24 départ.
Departir (v.réfl) I.A.44.5 ; soi d. de I.A.34.33 ; I.A.46.13 ; I.A.297.13 quitter (en partant d’un
lieu ou d’une personne) ; I.A.55.12 abandonner, partir ; d.une qerele I.A.304.6 mettre fin
à une querelle ; departi (p.p.) I.A.172.1 terminé, fini, en parlant d’un tournoi.
Deporter (v.réfl.) II.F.11.7 se livrer à la joie, se distraire, s’amuser.
Dereires (prép.) *I.A.115.5 derrière.
Dereain, derrain, derreain (adj.) II.A.5.18 dernier ; au d. I.A.34.10–11 ; I.A.304.8 ; II.F.42.49 en
dernier lieu ; venir au d. de qchose II.A.54.5 en venir à bout.
Derrenier, au d. App. II.3 en dernier lieu.
Derot (p.p.de derompre) II.F.3.18 briser, rompre, déchirer.
E
E, es, ez, e vos, atant e v. (loc.adv.) I.A.37.6 ; II.A.16.5 ; II.F.16.3 voici.
Embler II.A.183.9 enlever.
Einsint I.A.1.4 ; I.A.1.9 ainsi.
Embateis I.A.114.28 bataille.
Embelir I.A.163.12 être avenant, plaire.
Emi, enmi (prép) II.A.47.21 ; II.A.54.21 au milieu de ; I.A.44.14 dans.
Emprendre, enprendre I.A.181.3 ; II.A.23.29 ; II.F.23.20 ; enprenisiez (i.s. 5e pers.) II.F.36.5 ;
II.F.188.44 entreprendre.
Emprés (adv.) II.F.7.33 près.
Empris I.A.126.29 épris.
Emprise, enprise, enprisse I.A.4.24 ; I.A.45.4 ; II.A.190.7 ; II.A.192.34 ; II.F.39.40 entreprise ;
I.A.45.7 combat.
Enaprés (adv.) I.A.280.8 après, ensuite.
Enchauce (s.f.) I.F.116.7 poursuite.
Encliner II.A.122.27 ; II.A.123.4–5 saluer ; I.A.154.5 s’incliner profondément, saluer.
Encombrier (v.tr.) I.A.164.8 gêner qn, nuire à qn.
Encombrer, encombrier, ancombrier (s.m.) I.A.279.15 ; II.A.7.35 ; II.A.113.33 difficulté,
embarras, mal, dommage.
Encontre (s.m.) I.A.38.16 ; I.A.39.1 ; I.A.51.2 ; rencontre I.A.114.27 ; I.A.174.21 ; I.F.114.30
affrontement attaque, choc.
Encontre (prép.) I.A.35.18 ; I.A.40.1 ; I.A.40.5 ; II.A.126.11 ; contre ; II.A.147.14 devant, à l’égard
de ; a l’e. de (loc.prép.) I.A.273.11 en face, à l’opposé de ; dire e. verité I.A.54.14 mentir ;
I.A.126.8 protester.
Encontré (p.p.) I.A.122.22 ; I.F.122.18 atteint, ébranlé.
Encore (adv.) I.A.303.2 déjà.
Encoste de I.A 137.3 à côté de.
Endroit, chascun e. soi I.A.40.3 ; I.A.43.7 chacun de son côté ; I.A.111.15 ; I.A.283.14 ;
I.F.111.6 ; I.F.125.34 ; II.A.7.13 ; II.F.28.21 en ce qui regarde, quant à.
Engin I.A.295.17 ; II.A.145.47 habileté, adresse.
Engan I.A.89.21 ruse.
Engonbree *I.F.116.5 obstacle.
Enguignant (p.prés.) I.A.89.25 trompant.
Ennavré, innavré (p.p.) I.F.114.25 ; II.F.6.18 ; App. III, 1.13 ; 2.5 blessé.
Ennueux I.A.55.4 pénible, désagréable.
F
Faille, sans f. I.A.35.13 ; I.A.35.23 ; I.A.35.30 sans aucun doute.
Failli (p.p.subst.) I.A.48.17 lâche ; II.A.56.7 faible ; I.A.135.10 ; I.F.135.10 trompeur.
Faillir (+ c.r.indir.) I.A.40.14 faire défaut à, ne pas se comporter comme il eût fallu (en parlant
d’une monture) ; I.A.48.11 ; I.A.50.11 ; I. A.308.18 ; I.F.124.11 (faillirai, fut. 1e pers.) faire
défaut à qn, renoncer à (le) combattre ; estre failliz II.A.178.23 être terminé (en parlant
du tournoi).
Faire (v) fai (i.p. 1re pers.) I.A.251.4 ; faz II.A.5.32 ; II.A.70.58 ; II.A.96.22 ; fas I.A.91.18 ;
I.A.150.9 ; II.A.11.18 ; II.A.44.57 ; fes (i.p. 2e pers.) II.A.14.11 ; fet (i.p. 3e pers.) II.A.5.50 ;
feisson (i.p. 4e pers.) II.F.69.31 ; feison (i.p. 4e pers.) II.A.28.38 ; fessom II.A.74.29 ; fais
(feis) (imp. 2e pers.) I.A.24.61 ; I.A.91.61 ; II.A.16.40 ; faiz II.A.106.37 ; fes II.A.16.39 ; fai
I.A.153.5 ; façoms (imp. 4e pers.) I.A.299.10 ; feron (fut. 4e pers.) I.A.66.16 ; ferons
I.A.289.2 ; firon II.F.70.20 ; firom II.F.74.29 ; feroiz (fut. 5e pers.) I.A.9.4 ; I.43.18 ;
I.A.297.7 ; II.A.69.54 ; façom (s.p. 4e pers.) I.A.99.78 ; I.A.101.14 ; façons I.A.310.14 ;
feçom I.A.66.16 ; façoiz (s.p. 5e pers.) I.A.48.9 ; I.A.294.6 ; I.A.295.3 ; II.A.57.6 ; feissom
(s.i. 4e pers.) II.A.7.7 ; II.A.74.14 ; II.A.74.17 ; feissiez, feisiez (s.i. 5e pers.) I.A.56.5 ;
I.A.56.9 ; façant (p.prés.) II.F.68.31 faire.
Faire cum I.A.268.6 ; I.A.268.10 se conduire en.
Faire a I.A.16.10 ; I.A.16.22 ; I.A.78.24 ; I.A.300.14 ; II.A.62.33 ; II.A.62.58 ; II.A.68.33
mériter de.
Faire, le f. I.A.33.39 ; I.F.33.35 agir, se comporter ; I.A.300.16 ; I.A.300.17 se porter.
Faire, f.regarder (a) son cheval II.A.126.8 ; II.F.126.8 ; App. V, 4.3 faire examiner son cheval.
Feleneusement (adv.) I.F.33.21 violemment.
Ferir (v.tr.), feru (p.p.) I.A.35.13 ; I.A.44.11 frapper ; au f. des esperons I.F.34.20 ; II.A.120.3 à
bride abattue ; ferir une bataille I.A.305.12 soutenir une bataille.
Felon (adj.) I.A.46.10 mauvais, en parlant du temps.
Faute de chevalerie I.A.55.12 manque de qualités chevaleresques.
Fermer (v.tr.) II.A.43.23 ; II.F.43.21 ; fermez (p.p.) I.A.2.3 ; I.A.280.4 ; II.A.43.9 ; II.A.112.21
construire, fortifier, établir.
Fermer (v.tr.), ferme (i.p. 3e pers.) I.F.125.41 affirmer.
Ferré, voir Chemin.
Fes, tout a un f. I.A.225.8 comme une masse.
Fet II.A.17.27 ; II.F.17.21 état.
Fiance II.A.122.17 promesse, serment ; avoir f. I.A.95.10 avoir confiance.
Fier (v. réfl. + en, de) II.A.91.12 avoir confiance en.
Fiere merveille I.A.21.30 chose extraordinaire.
Fieremant I.A.257.3 ; I.A.265.1 ; I.A.289.8 profondément, intensément.
Fin, mener mala f. II.A.21.14 se désespérer ; faire trop male f. I.A.107.10 se désespérer au
plus haut point ; metre a f. I.A.55.7 accomplir, achever, en parlant d’un exploit
chevaleresque ; en nulle f. I.A.200.4 en aucune manière.
Fium (s.m.) *I.A.283.8 fleuve.
Flatir I.A.83.26 s’écraser.
Foiz, fois, auqune f. I.A.35.27 autrefois, parfois ; I.A.35.34 parfois ; toutes les f. I.A.46.13–14
chaque fois.
Force, leissier a f. II.A.168.6 être forcé, contraint de laisser ; a fine f. I.A.143.15 de très
grande force ; a la f. de bataille I.A.303.11 au plus fort de la bataille.
Forchié, voir Chemin.
Fors, estre tout f. del qidier I.A.72.7–8 être bien loin de le croire.
Fort (adj.), estre f. a qn I.A.130.46–47 lui être pénible ; (s.m.) I.A.80.9 situation difficile.
Fortune II.A.88.4 hasard.
Foux naïs I.A.60.26 ; I.A.66.10 fou niais.
Frain II.A.16.12 ; II.A.17.5 ; II.F.16.9 ; II.F.17.5 bride et frein du cheval.
Franc I.A.27.11 noble.
Franchise I.A.24.60 noblesse, générosité.
Fust I.A.121.17 ; I.F.121.14 bois.
G
Gab (gap) I.A.53.2 ; I.A.85.26 ; II.A.112.35 ; I.A.188.3 plaisanterie, moquerie.
Gaberie II.A.112.34 plaisanterie.
Gaber (v.réfl. + de) I.A.11.4 ; I.A.53.2 ; II.A.188.5 ; II.F.188.5 plaisanter, se moquer de ; gabez
(p.p.) sui II.A.182.23 on s’est joué de moi.
Garant, garent, estre g. II.A.126.40 ; faire g. II.F.126.20–21 empêcher qu’une situation ne se
produise.
Garçon (s.m.) II.A.165.9 homme de rien.
Garde, prendre g. (v.réfl. + en) I.A.95.9 s’apercevoir, s’aviser de.
Garder (v.tr.) I.A.4.23 ; I.A.217.2 ; I.A.301.2 veiller à, prendre garde à ; I.A.50.16 ; I.A.50.18
préserver ; (v.réfl. + de) I.A.44.3 ; I.A.95.8 prendre garde à.
Gari, estre g. (p.p.) I.A.300.17 être en bonne santé.
Garnir I.A.109.20 ; I.F.109.13 ; II.A.69.46 équiper ; I.A.171.4 ; II.F.107.9 doter.
Garrerdon II.A.107.30–31 ; gererdon I, A F 8,38 ; garerdon I.A.24.22 ; guererdon
II.F.107.17 ;I.F.24.13 ; guirerdon I.A.5.3 ; I.A.18.20 récompense.
Gaste (adj.) II.A.135.8 ; II.A.135.13 ; II.A.198.26 abandonnée, déserte ; peine gastre I.A.129.18
peine perdue.
Gesir I.A.260.6 ; juirent (p.s. 6e pers.) I.A.201.2 coucher.
Geu (s.m.), i avoir tel g. qe I.A.222.6 être dans une situation telle que.
Giter, giete (i.p. 3e pers.) II.A.9.14 ; II.A.17.4 ; gitot (i.i. 3e pers.) I.A.88.8 jeter ; g.qn de
I.A.1.2 ; II.A.44.21 le délivrer de ; g. la (les)main(s) I.A.4.30 ; II.A.16.26 tendre la (les)
main(s) ; g. un cop II.A.58.12 frapper un coup ; de I.A.1.2 ; gite (i.p. 3e pers.) I.A.4.30.
Glaive, gleive (s.m. et s.f.) I.A.32.26 ; I.A.33.8 ; I.A.33.10 lance.
Grant, estre en g. de I.A.202.14 être très désireux de.
Granment I.A.38.14 rapidement, vite ; I.A.43.8 ; I.A.45.17 ; I.A.46.14 beaucoup ; n’a enqore
pas g. II.A.176.25–26 il n’y a pas longtemps.
Grevamant (s.m.) I.A.148.20 domage.
Grandor (s.f.) II.A.142.31 taille, stature.
Grantieus (adj.) II.A.145.51 gracieux.
Grever I.A.8.9 blesser, fatiguer ; I.A.4.29 ; I.A.83.27 ; App. V, 4.19 blesser ; II.A.166.15 ;
II.A.187.40 ; II.F.185.92 être pénible, désagréable.
Greveux II.A.11.17 ; II.A.93.2 ; II.A.190.16 ; II.A.192.17 ; II.F.191.22 ; II.F.191.51 lourd, dur,
pénible, difficile.
Grief, gref II.A.25.8 ; II.A.108.7 ; II.F.108.6 difficile, rude, terrible.
Grossement (adv.) II.A.100.50–51 grandement, beaucoup.
Gueires, n’en a g. II.F.86.10 il n’y a pas longtemps.
Guenchir de I.A.165.7 éviter, décliner, se soustraire à.
Guerpir I.A.140.7 ; II.A.192.11 ; II.F.191.42 abandonner.
Guise, a g. de I.A.41.16 comme.
H
Haitié I.A.109.10 ; I.A.129.7 ; I.A.F.109.7–8 ; App. III, 2.6 bien portant, en bonne santé.
Hardemant, hardiment I.F.30.22 ; I.A.45.3 ; I.A.48.13 ; I.A.48.14 ; I.A.60.3 ; II.F.40.10 ;
II.A.107.20 ; II.A.107.8 hardiesse.
Hatine (s.f.), prendre grant h. II.T. var. n° 14 lancer un grand défi.
I
Ilec, ileqes, iluec, luec I.A.32.5 ; I.A.32.17 ; I.A.42.7 ; I.F.32.4 ; I.F.32.14 la.
Inde I.A.145.20 couleur venue de l’Inde: violet.
Infern (s.m.) *I.F.89.6 enfer.
Interai (fut. 1re pers. de intrer) II.F.108.19 entrer.
Innavré voir Ennavré.
Insir voir Issir.
Ire I.A.101.22 colère.
Irez, iriez I.F.99.17 I.A.99.18 ; I.A.99.25 en colère, irrité.
Isnel II.A.173.11 ; App. I, 27 vif, prompt.
Isnelement I.A.153.4 vivement, promptement.
Issi (adv.) I.A.249.21 ; I.A.283.7 ; I.A.301.22 ; II.A.46.7 ainsi ; issi ... qe (loc.conj.) II.A.69.44 ;
issi qe I.A.273.21 de sorte que ; issi ... cum I.A.307.9 ainsi … que.
Issir, einsir, ensir, insir, oisir, oissir (fors) I.A.9.1 ; I.A.142.12 ; I.A.242.13 ; II.A.41.8–9 ;
II.F.41.8 ; issent (i.p. 6e pers.) ; II.A.41.14 ; ensiex (imp.5) II.F.188.29 ; issi, insi
(p.s. 3e pers.) I.A.211.7 ; oissi (fors) I.A.157.4 ; I.A.211.21 ; istrent (s’en) (p.s. 6e pers.)
II.A.41.17 ; oissirent I.A.147.2–3 ; insirent I.F.118.11 ; issiom (i.i. 4e pers.) I.A.242.14 ;
isserom (fut. 4e pers.) I.A.113.12 ; istrom (en) I.A.109.28 ; istroiz (fut. 5e pers.) II.A.59.14 ;
II.A.63.30 ; issus (p.p.) II.A.65.38 ; oissuz I.A.47.2 ; I.A.156.1 sortir.
Itant (adv.) I.A.301.9 ; I.A.301.28 ; II.A.12.8 autant.
J
Joindre (inf. subst.) des glaives I.F.34.5 ; I.F.34.30 affrontement à la lance.
Jolif (adj.) II.F.65.36 joyeux, gai.
Jor I.A.3.7 journée ; mi j. II.F.100.15 midi.
Jornee, faire sa j. I.A.1.9 ; I.A.37.3 ; I.A.249.18 ; II.F.39.4 faire son trajet journalier ; a granz j.
I.A.46.8 en parcourant chaque jour de longues distances ; jornee a jornee II.A.50.14 jour
après jour.
Joste (juste), de j. (loc.prép.) II.A.8.18 ; II.F.8.9–10 à côté de.
Jovente I.A.89.47 ; II.F.108.11 jeune âge ; gent de geuvente II.A.107.3 jeunes gens, jeunesse.
Joventure I.F.89.24–25 jeunesse.
Jus (adv.) I.A.293.3 à bas, à terre.
L
La ou (o) (loc.conj.) I.A.31.26 ; I.F.31.21 ; I.A.36.1 ; I.A.37.5 alors que ; I.A.202.27 puisque.
Laz (s.m.) I.A.83.29 lacets, liens.
Leienz (adv.) II.A.60.6 ; II.A.60.7 là, endroit où ne se trouve pas le narrateur.
Legier, de l. (loc.) I.A.30.19 facilement.
Leis (adv.) II.A.169.6 ; lai I.A.15.10 là, là-bas.
Leu, en l. de I.A.218.4 à la place de.
Lices I.A.305.12 palissades, barrière, champ clos pour un tournoi.
Lié I.F.21.26 ; I.A.99.84 joyeux.
Liez (c.s.) *I.A.123.8 large ; l. (prép.) li I.A.265.5 près de lui.
Lige, seignor l. I.A.29.8 se dit en parlant d’un seigneur, à qui son vassal doit la plénitude
des obligations vassaliques ; home l. I.A.119.46 vassal redevable à son seigneur de la
plénitude des obligations vassaliques ; serf l. I.A.153.16 idem.
Limon I.A.1.14 terre détrempée.
Liquidement (adv.)* II.F.85.20 clairement, nettement, sans contestation.
Loer I.A.37.16 ; I.A.121.5 ; I.F.121.5 ; II.F.43.16 conseiller.
Loing (adj.) I.A.24.3 éloigné.
Loux, los, leux, lex II.F.71.33 ; II.A.192.32 conseil, avis ; faire au l. de se conformer au conseil
de ; l. de chevalerie II.A.15.40 ; II.F.15.39 gloire chevaleresque ; ne soi doner l. ne pris
I.A.41.12 ne s’attribuer ni honneur, ni valeur ; doner l. e pris a qn donner honneur et
valeur à qn ; doner grant l. a qn louer qn fortement.
Luminaire (s.f.) I.A.159.8 lumière, clarté.
Lunesdi (s.m.) App. III, 3.34 lundi.
M
Maagnié, mahagnié, mahaignié I.A.113.8 ; II.A.150.15 ; I.F.99.75–76 blessé, malade, infirme.
Maaille, pas une m. II.A.25.2 aucunement.
Main dextre *I.A.295.11–12 main droite, main qui combat, donc précieuse.
Maintenant I.A.34.8 ; I.A.36.4 aussitôt ; tout m.qe (loc.conj.) I.A.32.1 ; I.F.32.1 aussitôt que,
dès que.
Maisselle (s.f.) II.F.9.18 machoire, joue.
Mal talant voir Talant.
Maleoit I.A.208.8–9 ; II.A.155.13 maudit.
Malfé, maufé, maufau I.A.278.15 ; I.A.278.18 ; I.A.279.12 ; II.A.71.41 ; II.F.76.30 diable, démon.
N
Navrer (v.tr.) I.A.34.16 blesser.
Neïs (adv.) I.A.26.9 même.
Ne ... mais I.A.236.20–21 ne ... que.
Neporqant (adv.) I.A.33.43 ; I.A.34.13 cependant, néanmoins.
Nerci I.A.14.5 noirci.
Nice I.A.85.25 ; I.A.290.3 sot, niais.
No (s.m.), tout a n. II.A.171.7 à la nage.
Noiant (adj.) I.A.137.24 ; I.F.137.21 incapable.
Noiant (adv. nég.) I.A.173.6 ; II.A.186.40 ; II.F.185.92 rien.
Noienté (s.f.) I.A.50.23 lâcheté.
Noif (s.f.) I.A.1.10 ; I.A.37.4 neige ; I.A.1.14 enneigé.
Noise, noisse I.A.247.8 ; II.F.36.63 bruit, tapage ; nois’ I.A.153.4 ennuis, querelle.
None, hore de n. I.A.46.18 ; I.A.55.2 neuvième heure, aux environs de 15h.
Norrois I.A.22.21–22 ; I.A.296.4 originaire des pays du nord (en parlant d’un cheval).
Nourrisson I.T.35.1 ; App. I, 35 enfant qu’on a élevé.
Nouvel, de n. I.A.256.3 récemment.
Nuioit (i.i. de nuire) II.A.68.39 être défavorable.
O
Oan II.A.162.32 cette année.
Occision I.A.24.35 massacre.
Ocirre I.A.105.33 ; ocirai (m’) (fut. 1re pers.) II.A.15.12 ; II.A.21.17 ; ocira (s’) (fut. 3e pers.)
I.A.107.13 ; ocie (m’) (s.p. 1re pers.) II.A.15.10 ; ocioiz (s.p. 5e pers.) I.A.92.13 ; oceistes
(p.s. 5e pers.) II.A.92.8 ; ociesses(te) (s.i. 2e pers.) II.A.14.17 ; ociesent (s.i. 6 e pers.)
II.A.34.23 ; ocis (p.p.) I.A.105.19 tuer (se).
Oés, a son o. I.A.212.3 ; II.A.73.39 à son profit, à son avantage, pour lui ; a nostre o.
II.A.88.10 pour nous ; a huoés li roiz Uterpandragons II.F.73.38 au profit, pour le roi
Uterpendragon.
Oferte (s.)* II.F.22.29 offre, proposition.
Oiant II.A.120.10 devant, en présence de.
Oill, ueilz, avoir honte a l’o *I.A.137.32 ; I.F.137.30 voir sa propre honte ; avoir l’o. qelqe part
I.A.172.9 être attentif à quelque chose.
Oimés (adv.) II.A.87.22 dorénavant.
Oïr, oi (i.p. 3e pers.) II.A.62.1 ; oent (i.p. 6e pers.) II.A.65.44 ; II.A.81.14 ; oient I.A.43.8 ;
II.A.66.2 ; II.A.81.2 ; orrons (fut. 4e pers.) I.A.27.7 ; oront (fut. 6e pers.) II.A.42.48 ; oiom
(s.p. 4e pers.) I.A.60.25 ; oï (p.s. 3e pers.) II.A.54.2 ; oï, hoï (p.p.) I.A.27.8 ; I.F.27.7 ;
II.A.53.10 entendre.
Oirre, hoire (s.m. et f.) II.A.152.24 tout ce qui sert pour un voyage, voyage ; I.A.38.10 ;
I.A.138.13 ; I.A.290.15 ; II.A.136.7 ; grant h. II.F.189.35 allure ; I.A.33.12 ; I.A.38.10
rapidement, à toute vitesse.
Oissir voir Issir.
Oltreemant, s’il ne fust mors o. I.A.35.36 s’il n’était pas vraiment mort.
Oniemant *I.A.14.18 honte ; déshonneur.
Onor (s.f.) I.A.15.9–10 ; sui ge de l’o. de celui païs je suis, je relève de ce pays ; encontre l’o.
de moi I.A.25.17–18 ; I.F.25.12 en faisant fi de mon honneur.
Onqes (adv. sans négation) I.A.52.10 jamais.
Ont (adv.) II.A.29.24 où.
Ore, or, hore (adv.) (employé dans une formule conclusive d’une séquence narrative)
I.A.35.22 ; I.A.35.24 donc ; I.A.45.14 désormais, maintenant ; nenil o. I.A.45.15 plus
maintenant ; (précédant l’infinitif jussif) o. dou venir I.A.137.29 o. de l’aller I.F.137.29 et
maintenant en route ! ; o. dou (deo) chevaucher I.A.137. 42 ; I.F.137.38–39 et maintenant
à cheval !
Orendroit I.A.50.29 ; I.A.53.3 ; I.F.99.65 maintenant même, tout de suite ; I.A.53.5
présentement.
Orer I.A.112.4 souhaiter, offrir.
Osté, ostez (interj.) I.A.153.21 ; I.A.215.9 ; I.A.292.10 ; I.A.292.12 mot accompagnant un geste
d’impatience.
Oster I.A.293.6 empêcher.
Otregeus, outregeus I.A.219.5 ; II.A.34.17 excessif, immodéré, téméraire.
Otroier (v.tr.) I.A.50.11 accepter.
Otroiemant (s.m.) I.A.218.9 permission, don.
Outré, estre o. (p.p.), II.A.165.10 être vaincu ; se tenir por o. II.A.165.7 se tenir pour vaincu.
Outre (adv.), aller o. I.A.41.6 poursuivre son chemin.
Outreemant (adv.) II.A.77.14 sans restriction.
P
Paixer (v.réfl.) II.A.182.26 s’apaiser.
Par (prép.) *I.A 128.29 ; II.A.36.102 vers, après ; p.soi I.A.162.24 ; I.A.248.4 chacun de son côté.
Prime, hore de p. I.A.22.8 ; I.F.22.4 ; I.A.46.16 première heure de la journée, six heures du
matin.
Pris I.A.35.28 valeur, renommée.
Prisier (v.réfl.) I.A.41.5 s’estimer, se louer ; II.A.148.17 s’estimer, se considérer.
Prison II.A.153.8 prisonnier.
Priveemant I.A.35.47 en privé.
Proeve, estre a la p. I.A.301.27 être à l’épreuve ; chevalier de pr. I.A.205.17 chevalier
éprouvé.
Proprement (adv.) II.A.85.40 exactement, personnellement, réellement ; II.A.164.20 vraiment,
exactement.
Propris (s.m.) I.A.24.46 propriété, bien propre, domaine.
Pros (adj.) I.A.44.9 preux, vaillant.
Prover (v.réfl.) I.A.229.8 se distinguer.
Puis (prép.) II.A.11.30 après ; puis que (loc.conj.) I.A.1.4 ; I.A.55.12 après que ; I.A.50.11
depuis que.
Q
Qant (adj. inter.) II.A.53.17 combien nombreux ; qanz (pl.) I.A.33.35 combien de ; a q.
(loc.inter.) II.A.24.20 quand, à quel moment ; qant qe (pr.rel.neutre) I.A.160.27–28 ;
II.A.152.10 ; tout q. I.F.92.31–32 tout ce que.
Qe (adv. + imp.) *II.A.70.14 car.
Qerre (v.tr.) qier (i.p. 1e pers.) I.A.39.11 ; I.A.51.22 ; qerez (i.p. 5e pers.) I.A.51.19 ; qeist (p.s.
3e pers.) II.A.104.17 chercha ; qerant I.A.51.34 ; I.A.51.35 ; I.A.51.38 rechercher ; q. por
qch I.A.39.11 désirer, vouloir qch.
Qoi, vos n’i poez plus demander, ne ce ne q. I.A.276.21–22 vous ne pouvez plus rien
demander.
Quidier (v.tr.) I.A.36.13 se figurer, s’imaginer ; I.A.36.21 ; I.A.42.2 penser, imaginer ;
(inf.subst.) I.A.76.3 croyance, pensée.
Quitemant, qitemant I.A.79.19 ; II.A.5.51 ; I.F.74.27–28 sans entraves, tranquillement.
R
Raidor I.A.165.3 vitesse, rapidité ; roidor I.A.295.16 vigueur, force ; roide I.A.4.27 ; I.A.295.19
rude, fort, vigoureux.
Rampoigner, rapogner I.A.137.25 ; I.A.141.5 ; I.F.137.23 railler, quereller, insulter.
Recet I.A.99.34 ; I.A.227.14 ; I.F.99.26 demeure, habitation, château fort.
Recevoir (v.tr.), reçoif (i.p. 1re pers.) II.A.87.23 ; reçura (fut. 3e pers.) II.A.24.19 ; reçui (p.s. 1re
pers.) I.A.282.31 ; reçu I.A.285.24 recevoir.
Reconoistre (v.tr.) I.A.35.21 révéler.
Recordement I.A.21.4 ; I.F.21.3 souvenir.
Recorder, recordier (v.réfl.) I.A.2.13 ; I.A.2.20 ; I.A.35.39 ; I.A.72.2 ; I.A.94.6–7 ; II.A.121.14 se
rappeler, se remémorer.
Recovrer II.A.161.5 secourir, protéger.
S
Sage, faire sage de II.A.59.8 ; II.A.141.7 ; II.F.44.41 avertir, informer, instruire au sujet de.
Saisine (s.f.), metre en s. I.A.25.24–25 ; I.F.25.16 ; I.A.168.9 remettre en possession ; (réfl.)
II.A.159.7 s’emparer de.
Saisir (qn de) II.A.123.8 donner à quelqu’un.
Samid App. I, 28 étoffe de soie sergée.
Saruer I.F.22.34 saluer.
Saucier (cf. essaucier) II.A.105.35 accroître.
Sauçoie II.A.169.4 lieu planté de saules.
Sauf, remetre en s. I.A.84.6 mettre en sûreté.
Saut, Dex vos s. (s.p. 3e pers. de sauver) I.A.50.5 ; I.A.274.11 employé comme exclamation:
Dieu vous protège! ; se Dex me salve la main destre ! *I.A.295.11–12.
Sauveté (a) I.A.4.12 ; II.A.181.21 en sûreté.
Savoir, sai (i.p. 1re pers.) II.A.36.54 ; II.F.41.27 ; sés (i.p. 2e pers.) II.A.26.9 ; set (i.p. 3e pers.)
I.A.54.8 ; ne s. ele riens I.A.240.5 elle est sotte ; savoms (i.p. 3e pers.) I.A.101.6 ;
I.A.101.8 ; savés (i.p. 5e pers.)II.A.48.18 ; savoie (i.p. 1re pers.) I.A.4.17 ; savoit (i.i. 3e
pers.) I.A.46.20 connaissait ; cele qui assés savoit I.A.253.6 elle qui était assez avertie ;
la demoisele qui mout savoit I.A.274.18–19 la demoiselle qui était très avertie ; sach
(imp. 2e pers.) II.A.79.15 ; saches I.A.290.21 ; sachiés (imp. 5e pers.) II.A.45.13 ; sachez,
sachés I.A.217.9 ; II.A 28.42 ; savrez (fut. 5e pers.) II.A.120.4 apprendrez ; petit savroie
(cond. 1re pers.) I.A.223.14 je serais peu intelligent ; sachom (s.p. 4e pers.) II.A.28.38 ;
sourent (p.s. 6e pers.) II.A.113.6 ; seussiés (s.i. 5e pers.) I.A.54.8 ; I.A.217.3 savoir ; seu
(p.p.) sans le s. dou roi Artus I.A.148.16 sans que le roi Arthur en ait la connaissance.
Scuier (s.m.) II.F.29.4 écuyer.
Seconde (prép.) II.F.12.10 selon, d’après.
Seigner (v.réfl.) II.A 91.1 faire le signe de croix.
Seignorie (s.f.) II.A.85.27 puissance, domination étrangère.
Selonc (ce que) II.A.189.70 parce que.
Semblant, II.A.69.17 ; I.F.69.9 extérieur, manière d’être ; n’en mostrer mie le s. I.A.41.15 n’en
laisser rien paraître ; montrer le s. II.A.26.2 faire mine ; faire s. de II.A.56.11 montrer,
laisser voir, témoigner ; par s. I.A.39.2 ; II.A.24.2 ; II.F.64.5 en apparence.
T
Taint (p.p.-adj.) I.A.14.4 hâlé, noirci, en parlant de visage.
Taint, tant, teint, t.des écus I.A.38.19 ; I.A.51.24 ; I.A.283.10 ; I.A.302.3 ; II.A.125.10 couleur,
couche de peinture dont les écus étaient couverts.
Talant, tallant, tallent App. I, 14 envie ; mal t. colère, irritation, dépit ; avoir talant de
I.A.50.19 ; I.A.50.21 ; I.A.135.38 ; I.F.135.34 ; II.F.39.21 ; tenir talant I.A.4.8 ; venir a talant
I.A.135.22–23 avoir envie de ; enragiez de mal talant I.A.43.9 plein de mauvaises
intentions ; tout desuz de mal talant II.A.145.7–8 hors de soi.
Tant (mil tant plus) I.A.261.10 mille fois plus ; deus tant II.F.79.18 deux fois plus.
Tart, a. t. (adv.) I.A.257.16 tard.
Tendre *II.F.5.42 attendre.
Teneure II.A.86.65 possession.
Tenir, tieng (i.p. 1re pers.) I.A.135.40 ; II.A.28.43 ; II.A.87.8 ; tient (i.p. 3e pers.) e vos, qe t.
I.A.51.16 Et vous en quoi cela vous intéresse-t-il ? tenons (i.p. 4e pers.) I.A.139.21 ; tenez
(i.p. 5e pers.) I.A.135.29 ; tiegnent (i.p. 6e pers.) I.A.92.71 ; II.A.65.51 ; tiegnez (s.p. 5e
pers.) II.A.46.17 ; tiegniez I.A.163.2 ; teignés II.A.35.69 ; teignoiz I.A.60.16 ; tendroiz
(fut. 5e pers.) II.A.81.23 ; tendront (fut. 6e pers.) II.A.66.9 ; teroie (v.réfl.) (cond. 1re pers.)
II.F.83.47 ; tindrent (p.s. 6e pers.) II.A.178.20 ; tenissiez (s.i. 5e pers.) I.A.135.28 ; tenons
(imp. 4e pers.) I.A.139.21 ; tenez (imp. 5e pers.) I.A.254.9 tenir ; (v.réfl. + a, por + subst.)
I.A.135.40 ; II.A.28.43 ; II.F.83.46–47 ; (v.réfl. + que) I.A.92.71 (se) considérer comme ;
(v.tr.) II.A.66.9 posséder ; t. son chemin I.A.135.28 poursuivre sa route ; t. un autre
chemin I.A.139.21 choisir, prendre une autre route.
Tens, de celui t. I.A.35.35 ; I.A.35.37 ; I.A.35.42 alors.
Terme I.A.1.13 ; I.A.2.13 ; termen I.F.92.26 ; termine I.A.126.6 époque, temps.
Terminé (p.p.) II.A.179.19 fixé, déterminé.
Terre, faire prendre t. a qn I.A.295.25 faire mordre la poussière à quelqu’un.
Tinte (s.f.)* II.F.27.11 couleur, en parlant du bouclier (cf. supra taint).
Tolir, toudre, tout (i.p. 3e pers.) II.A.159.4 ; tollez (i.p. 5e pers.) I.A.39.10 ; toudroiz (fut. 5e
pers.) I.A.277.15 ; tolt (p.s. 3e pers.) I.A.307.16 ; toussis (p.s. 2e pers.) I.A.24.36 ; toilles
(s.p. 2e pers.) II.A.56.10 ; toloite (p.p.) I.A.114.45 ; I.A.308.9 ; II.A.53.14 ; II.A.157.14 ;
tolu-e I.A.236.67 ; I.A.248.6 ; I.A.266.11 enlever.
Torner (v.tr.) en I.A.108.27 ; I.A.109.6 ; I.F.108.23 ; I.F.109.4–5 transformer, changer en ;
(v.réfl.) I.A.45.21 s’en retourner ; t. (v.réfl.) qch a pris et a honor I.A.183.13 ; I.A.217.6
s’attribuer l’honneur de quelque chose ; a grant honor vos torneroit I.A.48.5 ; I.A.111.10
cela vous vaudrait beaucoup d’honneur ; l’en le vos torneroit a viltet App. V, 3.18 on
vous le reprocherait ; t. la tête du destrier I.A.4.3 ; t. la teste de son cheval II.A.115.9 ;
II.A.189.60–61 diriger son cheval.
Tortiz (s.m.) I.A.258.15 torche.
Tost (adv.) I.A.36.3 vite ; I.A.37.14 volontiers.
Tounoire App. V, 5.15 tonnerre.
Tout (adv.) I.A.34.24 ; I.A.35.18 tout à fait ; t. a plain II.A.16.21 de toute force.
Trace, maintenir la tr. II.A.168.12 continuer la poursuite.
Traire a I.F.34.10 aspirer à ; tr. dolor II.F.20.22 ; II.A.20.32 endurer une grande souffrance ;
traire (v.réfl.) II.A.147.14 se retirer, s’effacer.
Travaillier (v.intr.) I.A.290.20 ; I.A.305.3 s’activer, se fatiguer ; travaillié (p.p.) I.A.268.11
tourmenté ; travalhé (p.p.) I.A.2.2 accablé de fatigue, épuisé ; (v.réfl.) II.A.31.53 se
donner du mal ; (v.tr.) II.F.31.50 tourmenter.
Traverse, a la tr. II.A.131.5 ; II.F.131.4 de travers, par le côté.
Trecepassan (s.m.) I.A.58.19 passant.
Tref, tres (pl.) I.A.178.23 tente, pavillon.
Tres desus le lac (adv.) I.A.87.30 juste au-dessus du lac ; t. devant li II.A.10.4 juste devant
lui.
Tresalie (adj.-p.p. fém.) I.A.36.12 épeurée, épouvantée, tremblante.
Trespas I.A.118.53 ; I.F.118.48 passage.
Trespasser I.A.79.3 ; I.A.79.4 ; II.A.175.14 ; II.F.29.17 ; passer.
U
Umelier (v.réfl.) I.A.236.7 s’incliner.
Unes (loc.), ele pense a u., mes ele dit autres *I.A.240.9–10 elle pense d’une manière et elle
dit autre chose ; ele dit un, mes ele pense toute autre chose I.A.248.15–16 elle dit une
chose et pense autre chose.
Usee I.F.135.44 accoutumée.
V
Vallet, valet I.A.300.13 ; I.A.301.1 ; I.A.301.10 jeune homme noble.
Valor I.A.54.13 courage, vaillance.
Vantance I.A.32.1–2 vantardise.
Vasor. (s.m.) II.F.65.16 vavasseur.
Vassal, vassaill I.A.276.7 ; II.A.121.8 ; II.A.165.6 ; II.A.165.9 adresse, prononcée sur un ton
arrogant et donc avec brusquerie ; sire vassall II.A.122.16 seigneur chevalier.
Vaucel I.A.38.16 ; I.A.58.18 ; II.F.29.11 vallon.
Veez (i.p. 5e pers. de veer) II.A.107.39 refuser.
Veillarz (adj.) II.A.176.3 vieux.
Veintra (fut. 3e pers. de vaincre) I.A.177.22 l’emporter, avoir le dessus.
Venir, viegnent (i.p. 6e pers.) II.A.9.15 ; II.A.12.23 ; II.A.33.5 ; veniés (i.i. 5e pers.) I.A.162.8 ;
vendra (fut. 3e pers.) II.A.65.46 ; veindra II.A192.32–33 ; veindrom (fut. 4e pers.)
II.A.192.35 ; vendroit (cond. 3e pers.) II.A.4.5 ; viegnez (s.p. 5e pers.) I.A.299.18 ;
viegniez I.A.233.12 ; vieignent (s.p. 6e pers.) II.A.88.18 ; ving (p.s.1re pers.) I.A.282.3 ;
II.A.96.11 ; vins I.A.92.7 ; I.A.140.4 ; II.A.11.6 ; II.A.75.25 ; vinz I.A.62.8 ; veint (p.s.3e
pers.) II.A.78.12 ; viegnant (p.prés.) I.A.145.10 venir ; e qant ce vient a l’aprochier
I.A.40.7 et qand le moment de l’engagement, de l’affrontement arriva.
Ventaille I.A.291.10 partie du casque couvrant la partie inférieure du visage.
Veoir I.A.141.1 ; vois (i.p. 1re pers.) I.A.45.20 ; I.A.99.91 ; verra (fut. 3e pers.) II.A.7.63 ; veoira
II.A.7.60 ; veira I.A.303.16 ; verronz (fut. 4e pers.) II.A.84.14 ; verroiz (fut. 5e pers.)
II.A.14.5 ; II.A.16.3–4 ; verroie (cond. 1re pers.) I.A.254.10 ; verriez (cond. 5e pers.)
I.A.141.16 ; vi (p.s. 1re pers.) II.A.10.6 voir ; veissiez (s.i. 5e pers.) I.A.287.4 voir.
CALYNAINZ (LI NOIRS), fils de Guiron, chevalier félon. II, A 145 ; CALINANZ A 145 ; CALINANT
A 146.
CAMAALOT(cité où Arthur tient sa cour.) I, A 18, 21, 22 ; KAMALOT F 22, 33 ; CAMAALOT A 33,
46, 236.
CAMPERCORRETIN I, A 24 ; QENPERCORRETIN A 46 ; QANPERCORRETIN A 139, 252 ;
QANPECORRETIN A 252 ; QANPERCORRENTIN A 312 ; II, QUANPERCORETIN cité où
Arthur tient sa cour à Noël A 7 ; QUIMPORCORENTIN F 7, 82, 83, 99, App. 4 ;
CHEVALIERS (li 3 chargés de défendre le Pont contre Brehuz le bon chevalier sans peur et
Hoël) I, A 163, 164, 165, 166, 167.
CHEVALIER (aimant la damoiselle dont le bon Chevalier sans peur tombe amoureux.) Cf. Roi
Hoël de la Petite Bretaigne) I, A 171, 172, 173, 174.
CHEVALIER (frère de la damoiselle dont le bon Chevalier sans peur tombe amoureux.) I,
A 172, 173.
CHEVALIER (qui enlève une damoiselle à Brun le félon ; appartient à la maison du roi
Claudas.) I, A 197, 198, 199.
CHEVALIER (messager du seigneur d’Escaloine.) I, A 233, 234.
CHEVALIER (abattu par Lac parce qu’il disait que le roi Méliadus était meilleur que le bon
Chevalier sans peur.) I, A 236.
CHEVALIERS (li 2 bons ; Cf : le bon chevalier sans peur et Messire Lac.) I, A 236, 238.
CHEVALIER (félon ayant assujetti Escaloine.) I, A 242, 243, 245, 246, 247.
CHEVALIER (amant de la damoiselle félonne aimée de Brehus.) I, A 260, 261, 271, 274, 275,
276, 277, 278, 279.
CHEVALIER (neveu du Sire de Viegneheu, chargé de se battre contre Brehus.) I, A 269, 270,
271.
CHEVALIERS (li XL de Viegneheu qui voulaient arrêter Brehus.) I, A 266, 267, 268, 269.
CHEVALIER (chasseur.) I, A 272, 273.
CHEVALIERS (li 3: Cf : le bon Chevalier sans peur, Lac et Hervi de Rival.) I, A 272, 273 ;
compagnons A 274.
CHEVALIER (gardien du pont sur la rivière Asurne.) I, A 273.
CHEVALIERS (li dui cousins de Lac.) I, A 282, 283, 285 ; amis A 288.
CHEVALIER A L’ECU D’OR, Cf : chevalier à l’écu recouvert d’une housse noire. I, A 283, 284,
285, 286, 287, 288, 289, 290, 291, 292, 293, 294, 295, 296, 297, 298, 299 ; II, A 197,
198, 199.
CHEVALIER (qui accable d’injures le Chevalier à l’écu d’or.) I, A 290, 291, 292, 293, 294.
CHEVALIERS (li dui, Cf : Lac et Hervi au Pont Norgalois.) I, A 301, 302 ; LE BON CHEVALIER
SANS PEUR ET HERVI A 307.
CHEVALIERS (li quatre, Cf : le bon Chevalier sans peur, messire Lac, Hervi de Rivel, Brehuz
sans pitié.) A 1, (CS).
CHEVALIERS (li dui) aux « armes mi-parties de vert et de noir » II, A 2–6 ; F 2–5.
CHEVALIERS (li dui bons chevaliers, Cf : le bon Chevalier sans peur et Lac.) II, A 7 ; F 7 ; L. DUI
BON CHEVALIERS (CS) A 29, 89 ; L. DUI BONS CHEVALIER F 29 ; L. BUENS CHEVALIERS
F 80 ; LI DUI BON CHEVALIER F 99, 100 ; LI DUI BONS CHEVALIERS A 100 (CS).
CHEVALIER éploré sur la fontaine II, AF 7 ; AF 8 ; AF 9 ; A 10 (il) ; AF 12 ; A 13 ; AF 14, 15, 16, 17,
18, 19 (il), 20, 21, 22, 23, 24 ; A 25, 26 ; AF 27, 28, 29, 30, 31, 35, 40, 44 ; A 45, 46, 47,
48, 49 ; AF 60, 129.
CHEVALIERS (li dui) ceux qui accusèrent de trahison la dame du chevalier éploré sur la
fontaine.) II, AF 22, 23 ; A 24, 26.
CHEVALIERS (li dui meillor du monde) Cf : le roi Méliadus et le bon Chevalier sans peur.) II,
AF 23.
CHEVALIERS (les dix défenseurs du pont, au service du géant le Morhout.) II, AF 35, 36, 37,
38, 39.
CHEVALIER (écu d’azur à l’épée d’argent.) II, A 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56,
58 ; vainqueur du bon chevalier sans peur A 47 ; vaincu par le bon Chevalier sans peur
A 58.
CHEVALIERS (les X, qui ont enlevé l’amante de Hélain le Brun.) II, A 53, 54, 55.
CHEVALIERS (les XXX, chargés de défendre le château de l’Escu Loth.) II, AF 70, 72, 73.
CHEVALIER (le vieux – déconseille aux autres chevaliers du château de l’Escu Loth de porter
la main sur Lac et le bon chevalier.) II, AF 71.
CHEVALIER (envoyé pour parlementer avec Lac et le bon Chevalier sans peur par ceux du
château de l’Escu Loth.) II, AF 78, 79, 80.
CHEVALIER (écu d’argent à gouttes d’or, Cf : Lac.) II, AF 82, 86, 98, 113, 114, 116, 119 ; (il) 120,
121, 122, 123, 195.
CHEVALIERS (les trois, Cf : Lac, le bon Chevalier sans peur et le chevalier éploré sur la
fontaine.) II, A 97.
CHEVALIER (mort après avoir essayé de délivrer Dorman, le bon chevalier de Norgalles ; frère
de la demoiselle qui demande à Uterpendragon de le venger) II, AF 105, 106, 109, App. 5.
CHEVALIER (ancien chevalier errant, seigneur du château où Ydier fut une nuit hébergé, et
dont le frère et le père furent tués par Lac.) II, AF 111, 112 ; A 113, 114 ; (je) 115, 116, 117,
118, 119, 120, 121, 122, 123 ; AF 124.
CHEVALIER (du cousin germain de Lac.) II, A 117, 118, 119, 122, 123.
CHEVALIERS (li dui, Cf : Brehus et Hervi.) II, AF 132.
CHEVALIERS (aux « armes noires », Cf : les deux chevaliers aux armes mi-partie de vert et de
noir.) II, AF 134.
CHEVALIER (à l’écu recouvert d’une housse noire, Cf : chevalier à l’écu d’or.) II, A 134, 135 ;
(il) 136, 137.
CHEVALIER (vieux ch. du château situé sur la rivière Assurne, hôte de Hervi.) II, A 140, 141,
142, (je) 143, 145, 149, 150, 151 ; (je) 152, 153, 154, 155, 156.
CHEVALIER (félon – à l’écu vert à deux bandes blanches – 1er chevalier félon de Grande-
Bretagne.) II, A 142, 143, 144, 145, 149.
CHEVALIER (dont la damoiselle fut emmenée et tuée par le chevalier félon ; originaire de
Norhombellande.) II, A 143, 145, 149.
CHEVALIERS FELONS DE GRANDE-BRETAGNE, Cf : Calynain le noir, Agravain, Mordret, Brehus
sans pitié. II, A 145, 148.
CHEVALIER (frappé par un homme nu près d’une fontaine ; Cf : Helior de l’Espine.) II, A 157,
158, 159, 160, 161, 163, 164, 183.
CHEVALIER (trouvé blessé près d’un fleuve profond.) II, A 169, 170 ; (je) 171, 172, 173, 183.
CHEVALIER (ayant accusé de trahison le seigneur du Chastel apparent.) II, A 179.
CHEVALIER (du royaume de Benoïc, qui dispute à Daguenet sa femme.) II, A 181.
CHEVALIERS (les XL.) II, App 5.
COMPAGNONS DE LA TABLE RONDE ; COMPEIGNON DE LA TABLE ROONDE ; I, A 2 ; II,
COMPEIGNONS DE LA TABLE REONDE AF 42 ; CHEVALIERS DE LA TABLE REONDE I, A 43 ;
CEAUS DE LA TABLE REONDE A 81, 86 ; COMPAINZ DE LA TABLE RONDE A 142 ;
COMPEIGNON DE LA TABLE RONDE A 142.
COMPAGNONS (li qatre, Cf : le bon chevalier sans peur, messire Lac, Hervi de Rivel, Brehuz
sans pitié.) II, F (cs) ; App 4.
COMPEIGNON (li dui), Cf : le bon chevalier sans peur et Lac.) II, A 12, 28 ; LI DUI CHEVALIERS
COMPAGNONS (cs) F 28 ; LI DUI COMPEIGNON A 65, 87 ; LI COMPAGNONS F 65 (cs) ; LI
DUI COMPAGNONS F 66 (cs), F 87.
COMPAGNONS (li dui), Cf : (Daguenet et Helior de l’Espine.) II, A 178.
COMPAGNON (de Daguenet, Cf : Helior de l’Espine.) II, A 180, 181, 182.
CORNOUAILLE (roiaume de.) I, EN CORNOIAILLE A 130 ; EN CORNUAILLE F 130 ; II, EN
CORNOUAILLE A 101 ; EN CORNOAILLE A 148, 181 ; ROIAUME DE CORNOAILLE A 162.
COUSIN (c. germain de monseigneur Lac.) II, A 114, 115, 116, 117, 118, 119, 120, 122, 123.
DAIRE (père d’Yvain) I, DAYRE A 1 ; DAIRE A 301 ; DAIRES (CR) A 1, 305 ; DAIRES 305, 306, 309,
310 ; PERE A 42, 139, 144, 236, 271, 300, 301, 312.
DAGUENET LE FOU (chevalier, Cf : Homme tout nu.) Danguenet le fol ; II, A 161 ; Daguenet
A 162–166, 173–184 ; Dagaenet A 162 ; Daguené (es) A 166 ; (il) A 167.
DAMEDEUS – DAMEDEU II, A 9.
DAME (vieille dame qui réconforta Lac au château de Daresen.) I, A 8, 9, 35, 36.
DAME (la plus belle dame du monde, que le roi Marc aime, cf : la reine de Norgales.) I, A 94,
95, 96.
DAME (du chevalier à l’écu d’or.) I, A 291, 294, 296, 297.
DAME (envoyée au chevalier éploré à la fontaine.) II, AF 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24 ; A 25, 26,
27, 28, 29, 30, 31, 40, 43, 44 ; A 46, 47, 58 ; AF 60.
DAME (du chevalier éploré sur la fontaine.) II, AF 20, 22, 23.
DAMOISELLE (accompagnant le chevalier aux armes noires.) I, A 18 ; AF 22 ; A 23 ; AF 24, 25,
26, 28, 29, 30, 32, 288, 289.
DAMOISELLE (que Lac a enlevée à Uterpendragon.) I, A 35.
DAMOISELLE (que Daresen aimait.) I, A 57, 58, 59, 61, 62, 63.
DAMOISELLE (se plaignant de Brehus au château de Daresen.) I, A 70.
DAMOISELLE (accusant Brehus au château de Daresen.) I, A 77.
DAMOISELLE (messagère accompagnée d’un nain et d’un écuyer, avec Lac et Hervi.) I, F 86,
87.
DAMOISELLE (qui reconnaît le roi Marc à Esegon.) I, AF 104, 105.
DAMOISELLE (qui accourt en se lamentant vers l’hôte de Lac.) I, AF 112.
DAMOISELLE (d’un des V chevaliers que Lac accompagnait.) I, AF 118.
DAMOISELLE (que le bon chevalier sans peur a enlevée à un chevalier juste devant son
château.) I, AF 118.
DAMOISELLE (du sire du chastel où tout chevalier ayant une compagnie féminine doit
jouster, cf Toran l’orgueilleux.) I, A 126, 127, 128, 161.
DAMOISELLE (messagère que rencontrent Lac et Yvain (Hervi).) I, AF 131 ; A 132 ; AF 133, 134,
135, 136, 137 ; A 138, 141.
DAMOISELLE (du roi Hoël.) I, A 160, 162, 163, 164, 165, 166, 167, 168, 169, 185, 186, 202,
213, 214, 215, 217, 221, 226, 236, 238, 250.
DAMOISELLE (dont le bon chevalier sans peur tombe amoureux.) I, A 171, 172, 173, 174, 177,
178, 179, 180, 181, 182.
DAMOISELLE (de Lamorat de Listenois.) I, A 209, 211.
DAMOISELLE (que le bon chevalier sans peur conduit, devant le chastel de Lamorat de
Listenois.) I, A 211.
DAMOISELLE (du chevalier à l’écu blanc aux deux lions d’azur, donnée à Brehus, Cf : Hervi de
Rivel.) I, A 212, 213, 214, 215, 217, 221, 222, 223, 224, 225, 236, 238, 239, 240, 248,
249, 250, 251, 252, 253, 254, 255, 256, 257, 258, 259, 260, 261, 262, 266, 271, 272, 274,
275, 276, 277, 278, 279, 280, 301.
DAMOISELLE (qui reconnaît Brehus sans pitié à Escaloine.) I, A 238, 239.
DAMOISELLE (d’Escaloine faisant partie du tribut devant être versé au chevalier félon.) I,
A 244, 245.
ESCALIBOR (épée du roi Arthur portée par le chevalier Bliobéris de Gaunes.) II, Escalibot
A 100.
ESCALOINE (cité.) I, A 138 ; cité A 139, 141, 142, 188, 229, 231, 235, 242, 213, 244, 246 247,
249 ; ASCHAONE A 137 ; ESCHALONE A 191, 201, 227, 228 ; ESCHALOINE A 201.
ESCORALT LE POVRE (lz li-es) II, A 34, 95, 97 ; Escoralz F34 ; A 41 ; Escoral li povres ; F 41 (cr) ;
Escoraut li povre A 89 ; Escoraut A 90, 91, 92 (cs), 93 ; Escoraut li povres A 93 (cs) ;
Escoraut A 94 (cs) ; Escoralt (cs) A 42, 93.
ESCUS I, – noir : Cf : Lac et Yvain. – mi parties de blanc et d’inde : Cf : roi Marc de
Cornouaille. – d’argent : Cf : le bon chevalier sans peur. – NOIR AU LION BLANC : Brun le
félon (ce dernier avait auparavant pris l’écu d’argent du bon Chevalier sans peur.) –
BLANC AUX DEUX LIONS D’AZUR : Cf : Hervis de Rivel. D’OR : Cf : chevalier à l’écu d’or. II,
ESCUS : ESCU D’ARGENT : Cf : le bon chevalier sans peur. ESCU D’ARGENT A GOUTTES
D’OR : Cf : messire Lac. ESCU D’AZUR A L’EPEE D’ARGENT : vainqueur (une seule fois) du
bon Chevalier sans peur. ESCU MI PARTIE DE VERT ET DE NOIR : 2 chevaliers vainqueurs
de Lac et du bon Chevalier sans peur. ESCU VERT A DEUX BANDES BLANCHES DES
BESLONCS : Cf : Chevalier félon, compagnon de la Table ronde. ESCU D’AZUR AU LION
VERMEIL : Cf : Danain le roux. ESCU TOUT EN OR : Cf : chevalier à l’écu d’or.
ESCU LOTH (château interdit aux chevaliers d’Arthur et libéré par Lac et bon Chevalier sans
peur.) II, chastel A 59 ; AF 60, 61, 63, 64, 65, 66, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78,
79, 80, 81, 82 ; ESCU LOTH AF 85, 86 ; A 87, 91, 97 ; F 99 ; AF 100 ; A 112, 113 ; AF 129,
130.
ESEGON (chastel où la reine de Norgalles fut sauvée par Lac, Yvain et Marc.) A97 ; OSEGON
F 97 ; LEIANZ AF 98 ; A 110 ; CHASTEL AF 99, A 100, 101 ; AF 105, 109, 112, 114, 115, 116 ;
A 149, 160 ; HOSEGON A 145, 147, 148.
ESTOR DES MARES (frère de Lancelot du Lac.) II, A 145.
ESTRANGORRE (roiaume d’.) I, A 188.
FORET (où Marc, Lac et Yvain emmènent la reine de Norgalles.) I, A 109 ; AF 115 ; A 116 ;
AF 118.
FORET (où le bon Chevalier sans peur est battu par le roi Hoël.) I, A 173.
FORET (où Brun le félon avec l’écu d’argent volé au bon Chevalier sans peur enlève
déloyalement une damoiselle.) I, A 192, 198.
FORET (sur la route d’Eschaloine.) I, A 202.
FORET (où se séparent le bon Chevalier sans peur et Brehus de Hervi de Rivel.) I, A 249, 252.
FORESTE (Grant), celle qui abrite la fontaine aux Chevaliers. II, F 1.34, A 1.72.
FRERE (de la damoiselle venue avec le chevalier aux armes noires.) I, AF 24, 25 ; chevalier
AF 28, 30 ; frère A 288.
FRERE (de la reine de Norgalles.) I, AF 119.
FRERES (les deux, seigneurs du château de l’Escu Loth, interdit aux chevaliers du roi Arthur.)
II, AF 68, 69, 70, 71, 73, 74, 75. 76, 81, 86.
FRERES (de l’Epine noire.) II, App 5.
GAHERIET (l’un des meilleurs chevaliers de la Table Ronde.) II, Gehesriet A 101.
GALEHOT (chevalier, ami de Lancelot.) I, A 138 ; II, A 145.
GALEOT I, A 102, 138 ; A 138.
GALEOT LE BRUN (le plus vaillant chevalier de la famille des Bruns.) I, F 130.
GAUVAIN (neveu du roi Arthur.) I, A 2 ; AF 102. II, GAUVAINS A 88, 98, 101, 145, 147.
GEANTS (les 2, dont le bon Chevalier sans peur a délivré le seigneur du Chastel Esegon.) I,
A 152, 153, 155, 156, 157, 158.
GUIRON LE COURTOIS I, Guron li c. F130. II, Guron le cortois F 87, A 145 ; F 192 ; Guron A 145,
App. 5.
GUIVREZ (Chevalier, protégé du Morholt d’Irlande, tué par le roi Arthur.) I, A 1. II, Chevalier
A 33 ; GUIVREZ A 92.
HELAYN LE BRUN (dit le couard.) II, (cs) A 47 ; Helayin le brun ; A 47 (cs) ; Helain A 47 ; LE
COHART A 56, 57, 58.
HELIOR DE L’ESPINE (Chevalier.) II, A 178 ; HELYOR A 181.
HERVIS DE RIVEL F 86 ; HERVI DE RIVEL (cs) F 86, 87, 99, 103, 106 ; F 110, 114, 118, 134, 135 ;
A 238 ; A 306, 307. HEVI (cs) F 86 ; H. D. R. F 87, 118, 121, 123, 130 ; A 227, 235, 249, 261,
302–305, 309 ; HERVI (cs) F 108, 121, 124, 131, 136 ; HERVI F123, 133 ; A 250, 251, 252 ;
A 306, 308, 309, 310 ; HERVI DE RVE (cs) F 124 ; HERVIL DE RIVEL (cs) F 131 ; HERVI DE
RIVEL (cs) F 137. CHEVALIER A 212–229, 231–233, 301, 302 ; HERVIS DE RIVEL (cr) A 236,
303 ; LE BON CHEVALIER A 273 ; HERVIS (cr) A 308, 310. II, HERVI DE RIVEL (cs) A 1 ; F 3 ;
A 5 ; F 6, 7 ; A 7 ; F 133, 138 ; AF185 ; F 186, 188, 190, 192, App. 4 ; HERVI DE RVEL (cs)
F 2 ; HERVI DE RIVEL A 2, 4, 7 ; F 7 ; AF 138 ; A 139, 140, 142, 150, 155–161, 164, 165, 166,
170, 172, 173, 176, 177, 182, 183, 184, 186, 187, 188 ; AF 189 ; A 190, 191, 194–199 ;
HERVI F 3, 5 ; A 5, 6 ; F 138 ; A 140, 141, 149, 151, 158 ; A 186, 189 ; F 189, 190 ; A 190,
191 ; AF 192 ; A 193, 195, 198 ; App. 4 ; ERVI DE RVEL F 5 ; HERVI (cs) A 6 ; F 5, 6, 138 ;
A 142 ; F 186 ; HERVIS (cr) A 6 ; HERVIS DE RIVEL (cr) A 133, 140, 141, 149, 150, 158, 159,
163, 164, 176, 192 ; HERVYS DE RIVEL A 167, 168, 173, 174, 175 ; HERVY DE RIVEL (cs)
A 172 ; HERVY DE RIVEL A 177 ; F 191, 192 ; HERVYS A 176 ; HERVI DE RIVER F 186 ;
HERVINS A 192 ; HERVIS DE RRIVEL A 194 ; HERVIL App. 4 (nos) A 135, 136 ; (IL) A 169.
HOME (vieil, qui avertit Hervi de Rivel, devant Escalone.) I, A 228.
HOME ARMES (XX, envoyés pour s’emparer de Lac et du bon Chevalier sans peur au château
de l’Escu Loth.) II, AF 65.
HOME (tout nu, en braies, frappant un chevalier armé, Cf : Daguenet le fol.) II, A 157, 158,
159, 160, 161 ; H. tout nu A 170 ; il (A 171, 172).
KAMALLOT (cité d’Arthur) II, F 85 ; Camahalot A 85, 105 ; Kamallot F 105 ; Camahalot A 129
152, 153, 154, 155, 161.
KEHEDIN (fils du roi Hoël.) I, A 175.
KEU (–x) (sénéchal du roi Arthur.) II, A 84, 145.
MESSIRE LAC (chevalier, originaire de Sorelois ; Cf : le chevalier aux armes noires ; Cf :
chevalier à l’écu d’argent à gouttes d’or.) ; BON CHEVALIER I, A 1, 2, 4, 6, 7 ; AF 8, 9, 11,
13–16, 18, 19 ; F 26, 27 ; A 102, 103, 105, 106, (il) 107, 109, 110 ; AF 111, 112 ; A 113 ;
AF 114, 115 ; A 117, 118, 123 ; AF 124 ; A 125, 130 ; AF 131 ; A 132, 133 ; AF 134, 135, 138,
139, 142, 143, 144, 146 ; CHEVALIER F 28, 29, 30 ; A 66 ; MESSIRE LAC F 30–34 ; T 35 ;
A 35–39, 41–45, 47, 85 ; AF 86, 87, 91, 92 ; A 93, 96 ; AF 97, 98, 99 ; F 102 ; AF 103 ;
F 105 ; AF 106, 108 ; F 109, 112 ; A 113 ; F 115, 116, 118 ; AF 119, 120 ; A 121 ; F 121, 123, 124,
125 ; A 128 ; AF 130, 131 ; AF 133 ; F 134, 135 ; A 139, 140, 159, 235, 236, 237, 241, 247,
249, 172, 280, 281, 286, 287, 295, 298, 299, 302, 303, 306 ; LE BUEN CHEVALIER A 142,
159, (je) A 126, 127, 128, 182–185, (il) A 51, 52, 53 ; II, LAC A 1 ; mésire L. F 2, 5, 7 ;
messire L. A 4, 5 ; MONSEGNOR LAC F 5 ; MONSEIGNOR LAC A 5 ; MONSEIGNOR LAC A 7 ;
F 7 ; MESER LAC F 12 ; AF 28, 30, 35, 36, 37, 40, 42, 44 ; A 45, 48, 49, 58 ; AF 60–65, 68,
69, 72, 73, 76–80, 82, 83, 86, 125, 126, 129, 130, 131 ; A 195, 197, 198 ; App. 4.
LAC (se trouvant près du château de Lamorat de Listenois.) I A 206, 207, 209, 211.
LAGUENON (chastel du frère de la reine de Norgales.) ; CHASTEL I AF 119, 121 ; F 125 ;’ A 126 ;
LAGUENON A 120, 125, 129 ; LAGUENON F 120, 125.
LAMORAT DE GALES (chevalier, né au chastel apparant.) II A 174.
LAMORAT DE LISTENOIS (abat le roi Hoël et le bon chevalier sans peur.) I A 18 ; AF 21, 34 ;
A 208, 211 ; LAMORAT F 34, 208 ; A 209 ; CHEVALIER A 209, 211.
LANCELOT (du Lac) I A 35, 85 ; L. du Lac AF 102 ; II A 101, 145, 146, 147, 148, 162.
LICANOR (chevalier) I T 35 ; chevalier A 35 ; Licanor T 85, hôte de la dame du Lac et de
Lancelot.
LIONOIS (roiaume d.) II A 197.
LOGRES (roiaume de.) I r. d. L. A 18 ; AF 24 ; A 29, 35, 53, 57, 94, 100 ; AF 124 ; A 128, 136,
156 ; 175, 188, 194, 199, 202, 203 ; mesire L. F 2, 5, 7 ; messire L. A 4, 5 ; 205, 209, 227,
236, 264, 282, 288 ; II LOGRES F 12, A 13 ; ROIAUME DE L. A 24, 28, 90, 95, 100, 105,
113, 138, 145, 155, 161, 162, 178, 181, 195 ; ROIAUME DE LOGLES F 105.
LONDRES I A 199.
NAIN (accompagnant la demoiselle messagère que rencontrent Lac et Yvain (Hervi.) I AF 131,
134 ; A 138.
NAIN (cf. la demoiselle qui accable d’injures le chevalier éploré sur la fontaine) II AF 16, 17,
18 ; F 24 ; A 26 ; AF 28 ; F 29.
NAIN (qui fut envoyé au roi Arthur pour le prier de faire délivrer Dorman, le bon chevalier de
Norgales.) II AF 105.
NAIN (accompagnant Danain le roux.) II AF 186, 189 ; F 192 ; A 199.
NOHOMBELLANDE (roiaume de.) I N. A 100 ; II A 143, 155 ; Norbelande App V.
NORGALES (roiaume de.) I AF 24 ; A 119 ; ROIAUME DE N. A 57 ; F 100 ; AF 115, 118, 119 ; F 131 ;
A 160 ; II F 31 ; A 51.
NOSTRE SEIGNOR I A 160, 227, 252, 311, 312 ; N. SENHOR A 227 ; II NOSTRE SEIGNOR F 7 ;
AF 129, 138 ; F 192 ; A 194, 199, cf. Dex.
NU (père d’Ydier), cf. ce nom.
PALAMEDES II (chevalier sarrasin qui mit à mort le 1er chevalier félon de Grande-Bretagne.)
Palimides A 145 ; PALAMIDES A 146 ; PALAMEDES A 147, 148 ; PALEMIDES A 147 ;
PALAMEDE (cs) A 147, 148.
PARENT I (de Galehot, seigneur de la cité Escaloine.) A 138, 187 ; SIRE A 233, 234, 239, 241
(je) ; A 242.
PARENT (de la demoiselle félonne aimée de Brehus.) A 254, 255, 258.
PERE I (de la demoiselle venue avec le chevalier aux armes noires.) AF 24, 25 ; A 28.
PERE I (de la demoiselle enlevée par Daresen.) A 61, 62, 63.
PERE I (de la demoiselle que le bon chevalier sans peur aimait.) A 172, 173.
PERE I (de la demoiselle qui fait partie du tribut d’Escaloine.) GENTIL HOME A 244 ; PERE
A 245 ; HOSTE A 246.
PERE II (de la demoiselle, dame du chastel apparent, seigneur lui-même du chastel.) A 179,
180.
PONT I (dont la coutume pour les chevaliers ayant dame ou damoiselle, est de jouter.)
AF 118, 121, 122, 123, 124 ; A 125, 128, 162, 163, 164, 165, 166, 167.
PONT I (sur la rivière Asurne.) A 273, 274.
PONT I (près du chastel où Lac fut, abattu par le chevalier à l’écu d’or.) A 282, 283, 284,
285, 286, 287, 288.
PONT II (celui que le « Moroholz d’Yrlande » garde contre Roi Arthur) AF 32, 33, 34, 35, 91,
93, 94, 95, 97.
PONT NORGALOIS I A 1, 42, 271, 301, 302 ; PRUD’HOMME I (ami de Lac) AF 99, 100 ; F 104 ;
SEIGNOR DE LEIANS AF 104, 112 ; SIRE D. L. AF 105 ; F 106 ; A 107 ; SIRE AF 112 ; A 113 ;
F 114 ; CHEVALIER A 113.
REINE DE NORGALES (dame que le roi Marc aime.) I DAME AF 100 ; F 106 ; AF 109, 110, A 113,
AF 114, F 118, AF 120, 122, 125 ;REINE AF 100, 101, 103, 104, 105, 109 ; F 112 ; AF 114, 115,
116 ; A 117 ; AF 118, 119, 121, 124, 125, A 129 ; AF 130 ; A 146 ; REINE DE NORGALES A 101 ;
AF 102 ; F 125 ; A 145, 147 ; A 158, 161.
RIVIERE (entourant le chastel ou tout chevalier ayant dame ou damoiselle doit jouter.) AF 121.
ROIS II (père de la dame du Chevalier éploré sur la fontaine.) A 20.
VI ROYS ET XVI BARONZ (entourant le roi Arthur à Noël) II F 100.
ROI ARTUS I LA MEISON LE ROI ARTU A 2, 15, 16 ; L. R. A. A. 15 ; L. M. L. R. ARTUS A 8, 16, 55,
99, 138, 139, 247, 300, 301, 311 ; L. R. A. A 36, 46, 53 ; T 85 ; F 102 ; A 138, 139, 148,
202, 252, 265 ; L. M. L. R. ARTUS II, 70, 75, 81, 100, 107, 127, 128, 143, 145, 148, 161,
162, 178, 179, 181, 197 ; R. A. A 7, 28, 33, 34, 42, 63, 70, 72, 75, 77, 79, 91, 94, 98–100,
102–104, 106–108, 110, 112, 113, 128, 145–147, 162, 182 ; L. R. A 92, 103, 104, 106, 108,
109, 146. Arthur roi de Bretagne.
ROI BAN DE JE) A 173 ; 1. r. A 227 ; r. H. A (229, 236 ; BEN0IC I F 21 ; BANS D. BENOYC A 21 ;
BANS A 21, BAN F 21, II BAN A 101, 107, père de Lancelot du Lac.
ROI BOHORT I F 21 ; BOHORS F 21, 33 ; BOORZ A 21 ; BOORT DE GAUNES A 32, 33 ; BOHORS D.
G. F 32 ; B. DE GAUNEZ F 33 ; BOORT A 32, 33 ; frère de Ban de Benoÿc.
ROI DES CENT CHEVALIERS I A 15, 304, originaire de Sorelois.
ROI CLAUDAS I la meison l. r. C.A 197, 198 ; Claudas de la Terre Deserte, seigneur de
Bourges.
ROI DAVID II A 101.
ROI D’ESTRANGORES I (cf : le bon chevalier sans peor) F 34 ; R. DE STRANGORRE ; F 21 ;
R. D’ESTRANGORRE A 75, 188, 249, 256 ; R. D’ESTRANGOIRRE A 188, 309 ; II R.
D’ESTRANGORE F 5, 60, 72, 77, 83 ; R. D’ESTRANGORR A 5, 44, 45, 60, 70, 72, 77, 83,
138 ; R. D’ESTRANGORES F 70.
ROI ; HOEL I (chevalier.) CHEVALIER A 160, 161, 162, 163, 164, 165, 167, 168, 169, 170 ; (II) (JE)
A 173 ; L. r. A 227 ; r. H. A 229, 236 ; R. H. DE LA PETITE BRETAIGNE A, 175, 177, 185 ; R. H.
D. L. P. BERTAIGNE A 216 ; R. H. 176–178 ; 180, 182–185, 188, 190, 193, 194, 196, 200–
202, 204–221, 225, 226, 229, 236 ; L. R. A 179, 181, 189, 195, 203, 227.
ROI LOTH D’ORCANIE II F 43 ; A 70 ; AF 85 ; F 90 ; R. LOT D’O. F 70.
ROI MARC DE CORNOAILLE I, HOME TOUT NU AF 87 ; CHEVALIER AF 88, 91, 92 ; A 93, 96 ;
AF 97–99 ; (II) AF 90 ; (JE) 94, 95 ; R. MARC DE CORNOAILLE A 100, 146 ; R. MARC DE
CORNUAILLE F 100 ; A 103 ; R. MARS DE C. F 102 ; A 106 ; AF 108, 111, F 130 ; MARS
AF 100–104 ; AF 106 ; A. 107 ; F 108 ; AF 110, 111 ; F 112 ; AF 114 ; A 115 ; AF 120, 121 ; F 122 ;
AF 124, 125 ; A 129 ; AF 130 ; A 148, 161 ; MARC A 101–104, 106, 108, 109, 112–114, 118,
122, 129, 130, 146, 148 ; L. R. A 107 ; R. M. D. CORNUALLE A 105 ; II LA MAISON L. R.
MARC DE CORNOAILLE A 162 ; L. M. L. R. M.A 162 ; R. M. A 162 ; R. MARS App 4, amant
malheureux de la reine de Norgalles.
ROI MELIADUS DE LEONOIS I A 17 ; F 21 ; A 32, 126, 188, 202, 203, 216 ; R. M. A 21, 32, 34,
126, 203–205, 236, 285 ; R. MELYADUS D. L. A 18, 34, 202 ; R. MELYADUS A 21, 202, 205,
282 ; L. R. A 283 ; II R. MELIADUS D. LIONOIS F 42, A 195, 197 ; R. M. A, 23, 44, 45, 84,
113 ; R M.D LEONOIS A 42, 44, 83 ; R. MELIADUZ F 84 ; R. MELIADUZ D. LIONOIS F42 ;
R. MELIADUZ D LEONOIS F 83 ; R NELIDUS D. LIONOIZ F 23. R.MELEADUS A 101, père de
Tristan.
ROI DE NORBELANDE, II F 192, App 5 roi de Norhomberlande, fait garder une tour par
quarante chevaliers.
ROI DE NORGALES I ; MARI A 95, 96 ; R. D. N. AF 100, 101, 102 ; A 105 ; AF 120 ; F 125 ; A 129 ;
AF 130 ; F 131 ; A 146, 148, 150, 154, 155, 158, 168 ; condamne sa femme et lui pardonne.
SEIGNEUR (du chastel Esegon.) I A 151, 152, 154 ; SIRE A 153, 154, 158 ; (JE) A 155, 156, 157.
SEIGNEUR II (du château, où Guiron fut emprisonné.) App 5.
SESSNE (li.) I A 202. Les saxons.
SESSOIGNE (le pays des saxons) A 202.
SIRE I (du château Viegheheu) A 257, 260, 264, 267, 269 ; SEIGNOR A 268 ; ONCLE A 270:
charge son neveu de combattre contre Brehus.
SIRE I (maître du logis où est hébergé Brehus à Viegneheu.) ; SEIGNOR A 259 ; SIRE A 262,
264, 265.
SORELOIS (roiaume de) I SORLOIS A 1, 16 ; CONTREE DE SORLOIS A 15 ; SORLOYS AF 24 ; A 92,
192 ; R D. SORLOIS A 24 ; SORELOIS F 92, 102, 119 ; A 199, 247 ; SORELOYS A 102 ; F 115 ;
A 119, 130, 138, 199, 236 ; R D. SORELOYS A 115 ; R D. SOROLOYS A 138, 160, 242, 260 ; II
R D. SORELOIS A 138 ; R D. SORELLOIS F 138 ; SORELOYS A I97 ; R D. SORELLOIZ App. 4.
SYRION I (chevalier ayant accusé de trahison le père d’Yvain: Daire.) chevalier A 300, 301,
305, 306, 312 ; SYRION A 301.
UTER DE KAMALOT II (chevalier, parent proche du roi Arthur.) F 100, 111, 126 ; U. D. KAMALLOT
F 100, 107, 110, 112, 125 ; App. 5. UTER F 108, 112, 124, 126.
YDIERS (fils de Nu.) II Y LE FILZ NU A 102, 107, 108, 110, 111, 124, 125 ; YDIER A 103, 108, 110,
112, 113, 114, 126, 127 ; Y. L. F. NUES A 126: compagnon de la Table Ronde.
YVAIN (as blanches mains.) I ; YVAIN A. B. M. (cs) A 1, 2, 10, 13 ; T 35 ; A 107, 108, 299, 300,
301 ; YVAIN (cs) A 4, 40, 45, 137, 304, 305 ; YVAIN (s) A 4–6, 20, 39, 40–44, 86, 87, 99,
118, 121, 123–125, 128, 132, 144, 301, 302, 312 ; YVAIN (s) A. D. M. A 7, 8, 10, 12, 19, 36,
85–87, 110, 114, 115, 118, 124, 131, 161, 272, 300, 304, 305 ; YVEINS A 4 ; IVAINS A 40 ;
YVAINS (cr), A 43, 140, 144 ; YVAINS A. B. M. (cr) A 44, 45, 86, 121, 236, 271, 302, 312 ;
YVANS A 86 ; (cr) A 134 ; YVAINZ A. D. M. A 103: fils de Daire, compagnon de route de
Lac.
1 Les sigles relatifs aux mss. renvoient à notre édition de la première partie du roman (Roman
de Meliadus), à paraître aux éditions Champion ; sigle 350 de Lathuillère (1966).
2 Cf. Lathuillère (1966, § 49 n. 3). Ce ms. y porte le sigle L1.
3 Ibid., sigle V1.
4 Ms. inconnu de Lathuillère. Cf. Euw/Plotzek (1985, vol. 4, 222–227).
5 Voir Catalogue of forty-four Manuscripts of the 9th to the 17th century from the celebrated
collection formed by sir Thomas Phillipps, London 1966, 50.
6 Cf. Durrieu 1889, 414, art. n° XC, n° 3622 : Meliadus de Leonnoys (Italie, XIII e s.). Selon le
Catalogue, il s’agit du ms. Phillipps 3632.
7 Cf. infra, 12.
8 Le premier article de la Bibl. de l’Ecole des Chartes, signalant la dispersion de cette presti-
gieuse collection, semble remonter à l’année 1888, t. XLIX, 694–703 « Les Manuscrits », puis
1889, t. L, 68–96, 180–217 (Omont) ; 381–432 (Durrieu 1889), mais elle a dû commencer dès
1886 ; voir Lanoë (1998, 36). Cf. aussi Munby (1960).
9 Cf. Catalogue of forty-four Manuscripts …, n° 55, 50–52.
10 Lanoë (1998, ibid.). Voir The J. Paul Getty Museum Journal 12 (1984), including Acquisitions
1983, 305, n° 130 (Helie de Borron, Roman du Roy Melyadus de Leonois).
11 Lanoë (1998, ibid.).
d’un certain nombre de mss. Le futur Ferrell 5, toutefois, ne faisait pas partie
de ce premier lot ; comme il a été dit ci-dessus, il n’a été vendu qu’en 1997/98,
pour financer l’acquisition du fameux Missel de Stammheim, époque à laquelle
James E. et Elizabeth J. Ferrell l’ont acheté.12
Comme il a été dit ailleurs,13 le ms. Ferrell 5 se compose de 28 quinions et
d’un quaternion (288 f os) de parchemin soigneusement assemblés,14 comme en
témoigne la présence régulière de réclames et de la numérotation ancienne.
Celles-ci se présentent de trois façons : on a, d’une part, des encadrements tout
simples (cas le plus fréquent) : f os 70 v°, 80 v°, 90 v°, 100 v°, 110 v°, 120 v°,
130 v°, 150 v°, 160 v°, 170 v°, 180 v°, 190 v°, 200 v°, 210 v°, 220 v°, 230 v°, 270
v°, 280 v° ; un fin dessin à la plume, en forme d’animaux ou d’oiseaux, dont
le corps renferme la réclame, est moins fréquent : f° 10 v° (loup), 20 v° (oiseau
couronné ou à la crête), 30 v° (cochon), 40 v° (vache ?), 50 v° (un échassier),
60 v° (une louve ?), 240 v° (loup), 250 v° (un cerf ? très effacé), 260 v° (une
oie : idem) ; enfin, un renvoi n’est pas encadré : 140 v°.
Il y a, si l’on tient compte d’une mention isolée, trois numérotations. La
première est celle d’une main moderne, qui, au crayon, a tracé des chiffres
arabes dans l’angle inférieur gauche des rectos. Elle est, fort probablement,
inspirée de la numérotation ancienne (cf. b/11 ; d/31 ; g/61, etc.), à l’encre, figu-
rant aux mêmes rectos, mais sous la colonne b de ces derniers. Parfois invisible –
si bien qu’on ne trouve jamais, semble-t-il, la série complète (a1–a5 15) –, cette der-
nière indique bien, toutefois, le groupe de cahiers auquel appartiennent les
feuillets ; p.ex. f° 11 b : « b 1 » ; 12 b : « b 2 » ; 13 b : « b 3 », etc. On trouve, enfin,
au verso du f° 40, dans l’angle supérieur gauche, le chiffre « 40 », trace isolée
d’une troisième foliotation, à la plume, d’une main moderne, sans doute. A
noter, à partir du f° 231, l’emploi des majuscules (A 231, B 241, C 251, etc.)
pour distinguer de nouveaux groupements de feuillets (crayon), alors que la
numérotation ancienne continue à utiliser les minuscules (a 3, b 3, c 1, etc.).
12 Selon Madame Suzanne Paul, bibliothécaire de la Parker Library du Corpus Christi College,
que je remercie pour son accueil, J. E. et E. J. Ferrell ont acquis notre ms. peu de temps après
que le Musée Getty s’en est séparé. Une date peut nous être fournie par celle de l’achat du
Missel de Stammheim : « Das Stammheim Missale wurde 1997 vom J. Paul Getty Museum in
Los Angeles aus Privatbesitz der Familie von Fürstenberg erworben » (Notice d’E. C. Teviotdale
sur l’encyclopédie Wikipedia), et la publication, par la même érudite, d’une monographie,
Teviotdale (2001).
13 Voir, pour une description complète, le catalogue précité d’Euw/Plotzek (1985, vol. 4, 222–
227). La présente contribution se propose de développer ou de compléter ce qui a été suggéré
par ces deux auteurs.
14 Ce qui produit tout de même une différence d’aspect et de couleur assez saisissante entre
les côtés « chair » (blancs) et côté « poil » (jaunes).
15 Cf. Euw/Plotzek (1985, vol. 4, 222).
16 La lettre F qui précède l’s signifie-t-elle fa ? Voir ce type d’instructions dans une série de
textes français copiés en Italie et attribué à un même copiste par Brunetti (2003, 153ss.)
(fa qui …).
17 Comparer Hasenohr, in : Martin/Vezin (1990, 267b).
18 Cf. Euw/Plotzek (1985, vol. 4, 222).
19 Cf. supra, la description du ms. de l’Arsenal.
20 Il y a, dans le ms. G (Ferrell 5), 46 lignes pour 270 mm, tandis que A(2) en a 49 à 50,
disposées sur une surface moindre : 256 mm (cf. supra).
21 Elle rappellerait celle du ms. D (B. L. Add. 12.228), sigle L1 de Lathuillère.
« Item. MELIADUSIUS. Incipit : A celui que m’a presté sen e ingen. Et finit : ce est a conter
del bon cavaler sanz purg. Continet cart. 285. »29
22 Le format moyen des mss. du Lancelot en prose est de 360 × 245 mm : cf. Hasenohr, in :
Martin/Vezin (1990, 266a).
23 Euw/Plotzek (1985, vol. 4, 226s.).
24 Euw/Plotzek (1985, vol. 4, 227) ; Hermann (1929, 186s., Pl. LXXV–LXXVI). Sur ce miniatu-
riste, voir Filippini/Zucchini (1947, 175–181) (documents des années 1353–1404, ce peintre étant
décédé, sans doute, en 1403).
25 Hermann (1928, 98s., Pl. XXXV, 3).
26 Avril/Gousset/Rabel (1984, 114s., Pl. LXXI–LXXIV).
27 Euw/Plotzek (1985, vol. 4, 227).
28 Braghirolli/Meyer (1880, 497 s.).
29 Braghirolli/Meyer/Paris (1880, 510). Cf. Novati (1905, 265s. et n. 29).
« Iste liber incipit : « A celui che30 m’a presté sen et engin et memoire et force et de finer
honoreement ». Iste liber finitur ab istis verbis que dicunt : « ce est a conter del Bon Cheva-
lier sanz Poor ».
bue le Roman de Troie à un milieu lombard.34 Comme celle des mss précédents,
l’illustration d’Aliscans – Bibl. Saint-Marc, fr. VIII – est limitée au premier
feuillet : guirlande végétale insérant une seule colonne du texte ; Lombardie.35
Pour les rédacteurs du catalogue de la collection Ludwig, « l’aigle rouge-foncé
aux ailerons gris-clairs », armoirie figurant au bas du frontispice, n’a pu être
identifié jusqu’à présent.36 Cependant, notre volume ne pourrait-il pas être rap-
proché du plus récent des livres gonzaguesques – on le date des années 1389–
1394 d’après les armoiries des Gonzague et des Visconti, figurant sur la page
de titre37 –, un exemplaire de l’Histoire ancienne jusqu’à César (Marciana fr.
II) ? On y trouve, en effet, intégré à la frise végétale (côté droit), un emblème
caractéristique des Gonzague : « deux ailes de faucon ».38 Or cet élément dis-
tinctif, émergeant d’un « quatrefeuille »,39 figure, nous semble-t-il, dans la
même position, sur le « frontispice » de notre livre. Qui plus est, le « polylobe »
droit de l’Histoire ancienne contient un aigle, où les armoiries des Gonzague
sont jointes à celles des Visconti …
En conclusion, le ms. dont nous nous occupons s’inscrit dans une typolo-
gie, visiblement appréciée par les ducs de Mantoue, puisque plusieurs des vo-
lumes commandés par eux connaissent la seule décoration du feuillet de pré-
sentation de l’ouvrage. Par ailleurs, ne pourrait-on pas voir dans les encadre-
ments de certaines réclames, dont les motifs zoomorphes ont été finement
dessinés , une sorte de survivance de ces « jeux de plume », si caractéristiques
de la première période bolonaise ? 40
Mentionnons, pour terminer, l’annotation de notre volume par l’un de ses
anciens propriétaires.41 Celle-ci relève, en fait, de deux types différents. Un
42 Lathuillère (1966, 162). Nous avons utilisé la réimpression publiée par Pickford, London,
Scolar Press, 1980.
43 Voici la liste de ces mentions manuscrites : f. 2b : Ch 2 ; f. 3a–b : Ch 3 et 4 ; f. 4b : Ch 6 ;
f. 5a : Ch 7 ; f. 6b : Ch 8 ; f. 7b : Ch 10 ; f. 8b : Ch 11 ; f. 10b : Ch 12 (même mention dans D, f. 16a) ;
f. 11c : Ch 14 ; f. 14a : Ch 15 ; f. 15c : Ch 16 ; f. 18c : Ch 17 et 18 ; f. 19c : Ch 19 ; f. 22a : Ch 20 ; f. 23b :
Ch 21 ; f. 25a–b : Ch 22 ; f. 26b : Ch 23 ; f. 29b : Ch 24 ; f. 31c : Ch 25 ; f. 33c : Ch 26 ; f. 38c : Ch 27 ;
f. 42a : Ch 28 ; f. 43c : Ch 29 ; f. 46a : Ch 30 ; f. 48a : Ch 31 ; f. 49d : Ch 32 ; f. 51c : Ch 33 (id. D,
f. 80a) ; f. 53b : Ch 34 ; f. 54c : Ch 34 + (ce dernier signe indique une erreur de l’imprimé : en
effet, c’est pour la seconde fois que le texte de Jannot indique « Chapitre .XXXIIII. » : cf. Melia-
dus imprimé, f. XLVIIc et XLVIIId) ; f. 56c : Ch 35 (id. D, f. 88d) ; f. 58b : Ch 36 ; f. 59b : Ch 37 ;
f. 61a–b : Ch 39 ; f. 64b : Ch 40 ; f. 66a : Ch 41 ; f. 68a–b : Ch 43 ; f. 69b : Ch 44 ; f. 71c : Ch 45 ;
f. 74c : Ch 46 ; f. 77c : Ch 47 ; f. 78d : Ch 48 ; f. 81c : Ch 49 ; f. 82b : Ch 50 ; f. 83c : Ch 51 ; f. 86b :
Ch 52 ; f. 88c : Ch 53 ; f. 92a : Ch 54 ; f. 94a : Ch 55 ; f. 95c : Ch 56 ; f. 98b : Ch 57 ; f. 102b : Ch 58 ;
f. 105b : Ch 59 ; f. 107a : Ch 60 ; f. 110c : Ch 61 ; f. 61 + (Janot a deux fois le chapitre 61 : cf.
Meliadus imprimé, f. CVIc) ; f. 113d : Ch 62 ; f. 116a : Ch 63 ; f. 119c : Ch 65 ; f. 121a–b : Ch 66 ;
f. 121a–b : Ch 66 ; f. 122c : Ch 67 ; f. 122d : Ch 68 ; f. 123c : Ch 69 ; f. 123d : Ch 70 ; f. 124d : Ch 71 ;
f. 125c : Ch 72 ; f. 126b : Ch 73 ; f. 127b : Ch 74 ; f. 128b : Ch 75 ; f. 129a–b : Ch 76 ; f. 129c–d : Ch
77 ; f. 130a : Ch 78 ; f. 131a : Ch 79 ; f. 131c : Ch 80 ; f. 133c : Ch 81 ; f. 134c : Ch 82 ; f. 135a : Ch
83 ; f. 135b : Ch 84 ; f. 136a : Ch 85 ; f. 136d : Ch 86 ; f. 137c : Ch 87 ; f. 138a : Ch 88 ; f. 139c : Ch
89 ; f. 141d : Ch 90 ; f. 142b : Ch 91 ; f. 143b : Ch 92 ; f. 144a : Ch 93 ; f. 145b : Ch 94 ; f. 146c : Ch
95 ; f. 151a : Ch 96 ; f. 155c : Ch 97 ; f. 157d : Ch 98 ; f. 158a : Ch 99 ; f. 161a : Ch 100 ; f. 162d : Ch
101 ; f. 163b : Ch 102 ; f. 166d : Ch 103 ; f. 168b : Ch 104 ; f. 168d : Ch 105 ; f. 170a : Ch 106 ; 172d :
Ch 107 ; f. 173a : Ch 108 ; f. 174a : Ch 109 ; f. 174d : Ch. 110 ; f. 176a : Ch 111 ; f. 177b : Ch 112 ;
f. 178a : Ch 113 ; f. 179a : Ch 114 ; f. 181c : Ch 115 ; f. 182c : Ch 116 ; f. 185b : Ch 117 ; f. 185d : Ch
118 ; f. 186b : Ch 119 ; f. 187b : Ch 120 ; f. 189a : Ch 121 ; f. 190c : Ch 122 ; f. 191a : Ch 123 ; f. 194d :
Ch 124 ; f. 199c : Ch 125 ; f. 201a : Ch 126 ; f. 202a : Ch 127 ; f. 203b : « End of Ch 127+ ».
44 Sigle par lequel nous désignons cette copie dans notre édition critique ; chez Lathuillère
(1966), cet exemplaire porte le sigle L1.
45 Voir supra, n. 41.
46 Sigle que nous attribuons à Ferrell 5 dans notre thèse d’Habilitation : Bubenicek (1998a).
tantôt elles indiquent la « varia lectio » : p.ex. au f. 88b, où la « loge des dames »
a plus de trois. C. fenestres dans les mss du groupe α, dont fait partie le Melia-
dus de Londres, alors que la famille β, à laquelle appartient notre ms., porte
ici .XL. fenestres.47 Les deux types d’annotations se terminent naturellement
au f. 203b : « End of Ch 127 + : + what follows is not to be found in the printed
copy » (au bas des f os 203a–b), car D et A (BnF, fr. 350) – que suit l’imprimé
du XVI e siècle – s’interrompent à cet endroit et seuls G et E (Venise, Saint-
Marc, fr. XV) continuent le récit.48
Enfin, la deuxième page de garde contient, au recto, une longue note réca-
pitulative écrite au crayon par la même main que celle à qui sont dues les
annotations précédentes. Elle constate que l’actuel Ferrell 5 correspond, quant
au contenu, au ms. Lang,49 excepté la langue et que, « in this m.s. the dia-
logues are in some few instances curtailed ». Notre codex contient un quart de
texte en plus50 comparé à D et serait d’une valeur plus grande « in point of
contents ». L’auteur de la notice l’estime cependant incomplet puisqu’on y
trouve, « à trois feuillets de la fin », une promesse non tenue, relative à la mort
de Meliadus.51 Il s’étonne, enfin, que, malgré la déclaration liminaire qui an-
nonçait « Les faits du Roy Melyadus », le restant soit consacré au Chevalier
sans Peur.
47 Nous renvoyons à notre article Bubenicek (1998b, 59–67), pour le classement des mss. de
notre roman.
48 Lathuillère (1966, § 49 n. 3, 236).
49 Cf. supra, n. 41. C’est la preuve que les annotations de l’actuel Ferrell 5 sont dues, non pas
au duc de Roxburghe, mais bien à Henry Freeling-Bart.
50 « This contains about one fourth more than the other M. S ... »
51 Cf. notre Analyse, infra § XLVIII, n. 307.
52 Longobardi (1988, 5).
encre marron ; petites initiales alternativement bleues et rouges, avec filets par-
fois prolongés dans la marge ; présence de lettres de rappel (« letterine di gui-
da »). En se fondant sur des critères d’ordre paléographique, Longobardi date
le ms. du début du XIVe siècle ; il a été copié par une main française.53
Les textes que contiennent ces fragments appartiennent tous, à l’exception
d’un passage, à la rédaction particulière de Guiron le Courtois, nommée ci-
dessus Continuation.54 Ce morceau unique (Spontoni-Giunta) de 188 lignes –
ed. Longobardi, pp. 19a–21a – a été bien identifié par l’éditrice : il s’agit du
choix d’un champion d’Arthur à opposer à celui des Saxons (Sesnes).55 Tout le
reste appartient à un « altro nucleo narrativo », la libération du Morhout, amor-
cé par l’arrivée de la messagère de Claudas …56 Ces différents morceaux, rele-
vant, surtout, du thème de la « plus grande peur » vécue et racontée par nos
chevaliers, mais contenant aussi le récit du voyage à l’Île Reposte et une his-
toire rétrospective concernant le roi de Norholt, nous ont fourni les variantes
du texte de G, publié in extenso infra.57 On trouvera une comparaison de la
langue des fragments « Longobardi » et celle du ms. G plus loin.58
Onqes Dex en Jerusalem ne fu receuz a greignor joie qe cil reçurent a celui point le roi
Melyadus.60
« Ha ! place, tant ge te devroie haïr et deshonorer se ge pooie, qar ge fui plus en toi desho-
norez et avilez qe ge ne fui en nul autre leu de cest monde ! Certes, se ge te peusse faire
vergoigne, ge la te feisse, qar ge sui en toi vergoigniez trop malement ! »61
Avant de partir pour l’expédition dont le but est de libérer le Morhout empri-
sonné, un délai est fixé pour la libération des troupes, réunies pour attaquer
Claudas:
[…] Artus […] atorne qe li rois Uriens remandra seignor de toute ceste chevalerie dusqu’a
tant q’il reviegne, et li comande q’il ne laist departir chevalier de Kamaalot de sa vint
jorz.62
[…] et il savoit ja tout certeinement qe tote la grant chevalerie q’il avoit assemblee a sa
haute feste de Pentecoste por aler a force de ge[n]t en la terre le roi Claudas s’estoit ja de
Kamaalot departie, qar li vint jor estoient ja pieça passez qe li rois Artus avoit comandé
au roi Urien.63
Contribue aussi à la cohérence de notre texte toute une série de rappels théma-
tiques qui reprennent des événements précédant la partie originale. Conten-
tons-nous de citer le lai « Duel sor Duel », composé par Meliadus en prison où
l’a fait jeter Arthur ;64 l’auteur avait alors déclaré:
Mais q’il n’est encore pas venuz leu ne tens qe ge celui lai vos doie dire, m’ent irai ge et
tornerai sor une autre matire […]65
63 Ibid., § XLIV.
64 Lathuillère (1966, § 44), et infra, notre Introduction, II.3 Une entreprise de la mémoire.
65 Notre Introduction, II.3.2.1.1 Lai et chanson.
66 Analyse, § III.
67 Cf. Lathuillère (1966, § 51, 238).
68 Analyse, § I.
69 Bubenicek (1998a, t. I, 84s : les chiffres renvoient aux pages et aux lignes de notre édition
à paraître chez Champion) ; Bubenicek (2000b, 122).
70 Récits étudiés dans notre Introduction infra, VII.3 Une entreprise de la mémoire.
« onques a nul jor de ma vie ge ne portai autre escu ne ge nel vi porter a nul autre cheva-
lier qe a moi, fors a un seul qi por sa folie et por son orgoil le fist contrafere et le comença
a porter por honte de moi. Mais ge l’en fis chierement repentir, n’a encor mie mout lonc
tens. » (Analyse, § XXVII),
… si se mist a la voie e tan fist q’il trova Brun e se combati a lui. Et a ce le mena a force
d’armes qe Brun ardi son escu el feu e creanta loiaumant au Chevalier sanz Peor qe jamés
jor de sa vie escu d’argent ne porteroit, ne il ne fist.71
Par souci de cohérence, l’auteur puise dans le vivier que constituent les épi-
sodes précédant son développement propre, c’est-à-dire dans le Roman de Me-
liadus, partie de l’œuvre qu’il entend continuer.
Remarquons, tout d’abord, qu’il s’efforce de réemployer des personnages
qui n’étaient que des silhouettes dans cette première partie en leur donnant
une certaine épaisseur ; citons dans leur ordre d’apparition : le duc de Cla-
rence, un chef de guerre obscure, au service du roi d’Irlande, lors du tournoi
du Pin Géant,73 devient, dans notre Continuation, le père éploré, dont les en-
fants ont été assassinés par le géant Aristanor ; autre silhouette, le roi de Nor-
homberlande, de qui le prosateur fait l’époux de la fille du roi de Norgalles et
cousin de Meliadus.74 Lamorat de Listenois même, dont le début du Roman de
Meliadus évoquait la mort tragique – il est mort tué par mesconnoissance par
l’avoir delivré d’une prison ou li rois Faramonz le tenoit.86 Son personnage, par
ailleurs, est fort complexe : on reconnaît, d’une part, ses qualités chevale-
resques – n’a-t-il pas mis à mal trois chevaliers de Cornouailles qui l’ont atta-
qué ? – mais les courtisans d’Arthur se moquent de lui.87 Il semble qu’on ait
affaire à un Brehus qui n’a pas encore commis de « grands maux » qu’on lui
connaîtra par la suite. Il se rapproche de ce fait du caractère qui apparaît dans
le ms. de l’Arsenal de Guiron le Courtois.88
Enfin, un changement radical relatif non pas au caractère mais au statut
du personnage s’opère à propos de Meliadus. Champion victorieux de Logres
contre les Sesnes à la fin de la première partie de l’œuvre, il voit son person-
nage se dégrader au fur et à mesure que le texte progresse, mais ceci nous
amène à aborder un autre problème, les Intentions de l’auteur de la Continua-
tion de G.
Avant d’évoquer ce point essentiel, soulignons l’introduction dans le texte
des personnages venus d’ailleurs que du Roman de Meliadus.
Force est de constater, nous semble-t-il, que ce sont surtout 89 des carac-
tères venus de ce que Lathuillère avait appelé dans son Analyse, la « version
particulière » du ms. de l’Arsenal, sigle A(2). Souvent inexistants dans le Melia-
dus, comme ce Roi des Cent Chevaliers, ou encore Escoralt li Povres, le roi Hoël,
ils jouent un certain rôle dans A(2). A côté de Daguenet,90 l’exemple le plus
frappant est celui du Chevalier à l’Ecu d’Argent, dont nous parlerons bientôt,
en évoquant les intentions de l’Auteur.
II.2 L’atmosphère
Force est de constater qu’un esprit assez pessimiste traverse le texte. Certaines
valeurs auxquelles on croyait n’ont plus cours. En effet, ceux qui étaient les
héros du roman, ses figures de proue, deviennent l’objet d’âpres critiques d’au-
trui91 ou dénoncent eux-mêmes leur comportement, peu conforme aux valeurs
de la chevalerie. Ainsi de Meliadus. Après le récit élogieux du Chevalier à l’Écu
86 Ibid., § IV.
87 Ibid., § V.
88 Voir, supra, Ière Partie, IX.3, 68s.
89 Danain le Roux, dont le romancier fait le compagnon du Chevalier à l’Écu d’Argent, alias
Lac (voir infra, Analyse, § XXVII), appartient à la « partie » Guiron : cf. Lathuillère (1966, § 58s.).
90 Dans un épisode important, la « version particulière » explique la folie du personnage : voir
notre édition, supra, Ière Partie, B. Les textes, t. II, §§ 156–184.
91 Le rapport entre les nocturnes remords de Meliadus et ce qui précède immédiatement n’est
pas facile à percevoir ; il est question du Bon Chevalier seulement au § XXXIII de l’Analyse.
d’Argent sur le Bon Chevalier sans Peur,92 le roi de Léonois est saisi de remords
qui l’empêchent de dormir ; il se sent durement avileni, car si son rival
« dist de moi toz les biens qe il en veoit, et plus assez, et por ce me mist il em pris, por
ce fist il mon lox acroistre et mon renom, s’il crut mon pris et essauça, et ge apetiçai son
loux, qar ge tesoie tout adés les granz faiz et les granz merveilles qe ge veoie q’il fesoit. »93
Une autre idôle du début du roman, Lamorat de Listenois, est dénoncé pour
sa lâcheté : en effet, devant une supériorité numérique – pour libérer son amie,
il devrait se mesurer à cent chevaliers –, le frère de Pellinor renonce à la
tâche.94
On est aussi surpris par la violence de certaines pratiques : le roi de Nor-
holt, après avoir faussement accusé son vassal de porter atteinte à sa vie, fait
pendre son cadavre à un arbre.95 Se conformant à la loi du talion, le beau-frère
de son amante malheureuse fait subir à sa belle-sœur le même sort.96 Nous
reparlerons de tout cela dans notre chapitre réservé à la Vengeance.
« Et des celui tens encomença la grant rancune entre moi et le roi Melyadus qe vos ci
veez. Qar se ge estoie fox outre mesure d’amer desveement et enragieement cele qe li rois
de Nohorbellande avoit prise por moillier einsint cum ge vos di, li rois Melyadus n’en
estoit pas meins afolez ne meins sorpris de ses amors. Por ce encomença la rancune de
nos deus et la haine qi a duré si longuement cum vos savez. »97
92 Voir n. précédente et, sans doute, Analyse, §§ XXVII–XXVIII. Plus loin, les remarques acides
du Chevalier à l’Écu d’Argent à l’égard du roi de Léonois laissent l’assistance perplexe : Et lors
se comencent a rire tuit li autre qi estoient a la table (Analyse, § XXXV, 177, 8–14 ; 178, 3–6).
93 Ibid., § XXXIII.
94 Ibid., § XXV.
95 Ibid., § XLVII, 293, 14–16.
96 Ibid., 294, 6–10.
97 Ibid., § VIII.
98 Ibid., § XX.
La libération de la jeune personne aura coûté, au total, leur vie à quelque neuf
chevaliers.99 A cause d’une dame inconstante et perfide, Blioberis, rendu fou
par l’amour, tue un neveu du roi de Norgalles et ne doit avoir vie sauve qu’à
la magnanimité de ce dernier.100 Le roi de Norholt, enfin, surpris en flagrant
délit avec la femme de son vassal, n’a pas hésité à tuer ce dernier et à faire
passer son crime pour une légitime défense, salissant ainsi la mémoire de sa
victime.101
Si l’amour ne provoque pas la mort de ceux dont il s’empare, il conduit
ses proies tout au moins à la folie. Dans tous les récits précités, on rencontre,
en effet, le vocabulaire de la démence ; partout il est question de rage102 ou de
folie.103
« Qant li dui chevalier qi illec estoient virent qe ele avoit en tel meniere mon compeignon
ocis et aprés me voloit ocire, il lor fu avis qe ce n’estoit mie bon q’il le soufrissent, et li
uns d’els se mist erraument avant, la ou la dame me voloit ferir del glaive, si dist : « Qe
est ce, dame, qe vos volez faire ? N’est ce trop grant mal qe vos avez devant nos ocis un
chevalier, et encor en volez ocire un autre, et meesmement si bon chevalier cum est ces-
tui ? Nos feimes desloiauté de soufrir qe vos oceistes celui ; por ce ne soufrerom nos mie
qe vos ociez cest autre. »111
Dans un autre texte, dont la trame semble proche du lai d’Equitan112 de Marie
de France, le roi de Norholt convoite la femme de son fidèle vassal, le chevalier
« Sire, qant ele lessa le meillor et se prist au peior, ele fist bien ce q’ele dut, qar par reison
se prent toz jorz feme au peior et lesse le meillor. »120
Déçus par l’amour128 certains chevaliers trouvent une consolation dans le com-
pagnonnage et l’amitié virile. Si toute notre Suite participe de ce mouvement –
122 Voir infra nos Notes d’édition, § XXXV, 206, 12–14 ; 210, 18–211, 6.
123 Première moitié du XIII e siècle, donc encore antérieur à notre roman : cf. Micha (1978,
382) ; Micha (1984, 190b : n° 400) ; nos Notes, ibid. Il s’agit du motif H 467 « tests of wife’s love
or faithfulness » ; cf. Guerreau-Jalabert (1992, 99 et 222).
124 Comparer, supra, I ère Partie, notre chapitre IX.4. Les femmes et l’amour.
125 Analyse, § LI.
126 Cf. supra, Ière Partie, B. Les textes, t. I, §§ 86–130.
127 Analyse, § VIII n. 63.
128 Le texte insiste beaucoup sur les souffrances d’amour du chevalier abandonné par sa
compagne et qu’il semble seul à éprouver : le mari de l’amie de Blioberis, après le départ de
sa femme, remest … desus la fontaine, si tristes et si doulenz qe jamais ne verroiz plus doulent
chevalier de lui (Analyse, § XXXV, 207, 2–3). Bloberis lui-même, trahi à son tour, si de duel
acorez (ibid., 211, 13–14) qu’il est incapable d’avancer, continue, malgré tout, à l’aimer. Aussi,
apprenant qu’elle a été enlevée, par un autre, au mauvais chevalier qu’elle a choisi au détri-
ment de Blioberis, le jeune homme décide de la reconquérir : « Puis qe ge soi certeinement ou
cele demoroit qe ge avoie tant amee, et encore amoie qe ge ne la pooie oblier, ge […] dis a moi
meemes […] qe ge[…]m’en combatroie […] au chevalier qi la tenoit et la conquerroie a force
d’armes […] » (ibid., 213, 4–8).
dans les récits rétrospectifs, surtout, on voit les « couples » se former et se dé-
faire (citons, au fil des pages : Bon Chevalier sans Peur – Meliadus ; Blioberis –
le Morhout ; Blioberis – le Bon Chevalier ; le Bon Chevalier – Lamorat de Liste-
nois ; le Chevalier à l’Écu d’Argent – Danain le Roux) – , une histoire doit rete-
nir notre attention, car elle est une illustration extrême du thème. Lamorat
de Listenois, animé par le même sentiment que celui que porte à la reine de
Norhomberlande le Bon Chevalier sans Peur, sacrifie sa passion en lui préfé-
rant l’amitié du roi d’Estrangorre et va jusqu’à favoriser les amours de celui
qu’il a choisi pour compagnon.129
li preudom tent ses mains vers le ciel et dit: « Beneoiz soit Jhesu Crist qi si tost vos a
secorru en si perilleuse aventure cum ceste estoit ou vos estiez morz, se vos i demoressoiz
[…] »130
On trouve, en effet, dans notre Suite des accents inédits, auxquels les textes de
Guiron le Courtois, un roman résolument laïque, ne nous ont guère habitués.
A plusieurs reprises, les protagonistes de cette rédaction spéciale expriment
leur confiance en la Providence ; si elle est naturelle s’agissant d’un duc de
Clarence, qui essaie de réconforter Arthur, désespéré à l’idée de mourir sur l’île
où l’a laissé Claudas:
« Ce ne poroie ge croire en nulle meniere qe Dex vos eust mis en si haut pooir cum il vos
mist por faire morir si vilainement »,131
cette foi ferme est, peut-être, moins attendue dans la bouche d’un chevalier
vivant dans le « monde ». Voici la conclusion que tire des récits sur la « plus
grande peur », que les chevaliers viennent de se raconter, leur hôte Lac :
« […] en qel qe leu qe li preudome viegnent, Dex lé secort et les maintient, qar autrement
ne porroient il metre a fin ce q’il enprenent ».132
A trois reprises, au moins, il est question dans le récit d’une mort à laquelle
les personnages se sentent acculés. Chaque fois ils sont saisis du désespoir
devant une situation, qui leur paraît, de prime abord, inextricable. C’est la
« désespérance » des théologiens, à laquelle se mêle la mélancolie. Le suicide
semble alors représenter une sortie de l’impasse. Le Chevalier à l’Écu d’Argent
et aux Gouttes d’Or, lorsqu’il apprend que sa bien-aimée, promise à Unterpen-
dragon, doit quitter, en compagnie du roi, le pays,
[fu mout] destroiz, mout […] pensis […] por le departement de la damoisele, qar il savoit
veraiement qe puis q’il (Uterpendragon) seroit el roiaume de Logres, il ne poroit la damoi-
sele veoir […] Mout pensa ententivement […] ; il se veoit mort sanz doute por ces amors.133
« Quant ge oi longuement pensé a cel afaire et ge conoissoie bien en mon cuer meemes
qe por duel de celui fait me covendroit morir et ma volenté meemes s’accordoit a ce qe
ge m’en oceisse … »,
mais rapidement écarte cette idée : il veut aller morir la ou [s]i fil estoient mort
…, c’est-à-dire affronter le géant Aristanor, le plus fort « homme » que l’on con-
naisse, sur son île.134 Le jeune Chevalier à l’Écu d’Argent mentionné ci-dessus
préfère, lui-aussi, une mort rapide à de longues souffrances : aussi, ira-t-il af-
fronter Uterpendragon et ses preux.
Si les deux personnages précités doivent à leur vaillance de survivre à l’af-
frontement qu’ils ont choisi, l’action suicidaire aboutit dans le troisième cas
envisagé. Engagé dans un combat judiciaire contre quatre frères, le Chevalier
à l’Écu d’Argent – Lac, ayant tué les trois premiers défenseurs, propose au frère
survivant de mettre fin à leur différend. Alors que poursuivre la lutte signifie
une mort certaine, le dernier membre de cette fratrie décline l’offre du héros,
il veut en finir:
« […] je ai ci receu tel domaige qe se vos ne m’ociez, si m’ocirai ge, qar ge ne voudroie
vivre aprés ceste grant dolor qe ge voi de mes freres ».135
Si l’auteur de la présente Suite affectionne les fratries, c’est pour les voir rapi-
dement anéanties. Ainsi, un géant malfaisant détruit-il toute la famille du duc
de Clarence : ses douze fils, sa fille et l’époux de cette dernière sont tués par
Aristanor, meurtres provoqués par l’enlèvement de la jeune personne, à l’issue
de ses noces,137 par le monstre.
L’épisode initial, raison du voyage d’Arthur et de ses compagnons vers l’Île
Reposte, met en scène un autre groupe familial constitué, cette fois-ci, de douze
autres frères dont la stricte moitié a été décimée par le Morhout qu’ils avaient
assailli, « ne sai par qel pechié », ajoute le narrateur.138
Enfin, pour suivre un ordre décroissant, le Bon Chevalier sans Peur se verra
opposer, pour libérer une jeune femme emprisonnée, quatre frères, survivants
d’une fratrie de huit.139
Le phénomène à la base de cette hécatombe qui réduit, dans un premier
temps, à l’exacte moitié le nombre des rescapés, est la vengeance. Extrêmement
fréquente dans les textes romanesques en prose, elle n’est cependant nulle
part aussi meurtrière que dans le nôtre. On l’expliquerait par l’incapacité de
l’homme du moyen âge à contenir ses émotions, son « impulsivité indomp-
table »,140 et serait liée à la colère : « ira, appetitus vindicae », disait St Thomas
d’Aquin.141 Selon ce dernier, elle est louable et vertueuse lorsqu’elle n’échappe
pas au contrôle de la raison et de la volonté, et valable pour la « correction des
vices ».142 En revanche, elle est mauvaise lorsqu’il s’agit de faire vengeance
« pour le mal de celui sur lequel elle doit s’exercer ».143
Quelles en sont les causes et les victimes, dans quelles circonstances est-
elle pratiquée et par qui ?
Il faut, de prime abord, faire observer que la rédaction spéciale du ms.
Ferrell 5 présente comme une sorte de monde « stylisé », à l’écart de la vie
véritable. Aucun écho ou presque des conflits du monde réel, tel que les rap-
porte, p.ex., Lancelot en prose – fiançailles ou mariage forcés ; la frustration
d’héritage, successions ; brutalités de maris jaloux144 –, ne s’introduit dans
l’univers clos du roman, recroquevillé sur le thème de la vengeance déterminée
par la mort d’un parent,145 sorte de quintessence du problème. Une seule ex-
ception, l’amour mortifère, que nous avons étudié supra.146
Si la cause de la vengeance est tout à fait stéréotypée, les victimes en sont
plus variées. Toutefois, les frères sont concernés avant tout, comme l’avait déjà
« por une bonté qe vos me feistes, n’a encore pas un an compli. Vos me rescoistes de mort
a l’entree de Soreloys [...] ; de cele grant bonté qe vos alors me feistes vos rendrai ge a
cestui point guerredon, qar ge vos osterai de cest mort por cele mort dont vos me deli-
vrastes alors ».151
« Oeil pour oeil, dent pour dent... », cette loi du talion est respectée tout au
long de notre texte ; pour libérer le Morhout, meurtrier de six frères, le Bon
Chevalier sans Peur devra faire face à six adversaires, ausint cum avoit fait li
Morholz encontre les autres six ;152 le roi de Norholt a-t-il fait pendre le cadavre
de son hôte, qu’il avait lui-même assassiné, à un arbre, le vengeur, frère de la
victime, fait de même avec celui de sa belle-sœur, qu’il a mise à mort aupara-
vant, la croyant coupable de la mort de son mari...153
Les vengeurs sont, bien entendu, les hommes : la « vendetta » est une af-
faire masculine, une question d’honneur à préserver.154 Cependant, lorsqu’une
femme fait fonction de meneuse d’actions punitives,155 elle aura vite rejoint
son « rôle d’instigatrice des violences masculines ».156 Nous avons ci-dessus
montré157 l’action néfaste – aux yeux de ses chevaliers qui la désavouent,
d’ailleurs – menée par une veuve dont le mari, peut-être, mais sûrement les
trois frères, ont péri, victimes de la vengeance.158 La Vie de Saint Arnoul, d’Ha-
riulf d’Oudenburg (Flandre, v. 1087), contient un récit, dont le protagoniste,
une veuve nommée Evergerda, est tout aussi inaccessible à la pitié chevale-
resque ; c’est que « des ennemis cruels lui avaient tué son mari et son fils ».159
Elle non plus ne fait pas l’unanimité parmi ses chevaliers.160 Son tort est de
refuser la médiation du saint à qui elle ferma les portes de son château.
L’exemple de sa mort extraordinaire, une punition exemplaire – elle meurt en-
sevelie dans l’éboulement de sa demeure –, « enclenche une véritable dyna-
mique des réconciliations ».161 La responsabilité de ces femmes est cependant
atténuée ; avaient-elles la même latitude que les hommes de surseoir à la
« faide », de « brader » le sang de leurs maris, fils ou frères, donc encourir la
réprobation de leurs familiers, voire des « méchantes gens » enclins à relancer
la vengeance, « une véritable pression sociale » ?162
Les circonstances, le cadre où la « faide » est pratiquée sont divers. Tout
rassemblement de quelque importance peut devenir le lieu de tous les dangers.
Dans notre roman de chevalerie, ce sont évidemment les tournois, ces « détes-
tables foires », réprouvés par les conciles à partir de 1130,163 qui sont l’occasion
de vider les vieilles rancunes. C’est le lieu où Meliadus cherche noise au roi
d’Irlande, au nom, peut-être, d’un conflit qui remonte à son père.164 C’est l’en-
droit également où les chevaliers veulent prendre revanche sur leurs rivaux
plus heureux, tel ce même Meliadus voulant vaincre le Bon Chevalier sans
Peur, son rival de toujours.165 Un lieu commun de Guiron le Courtois est de
choisir comme gîte, sans le savoir, le château de son ennemi, en lui donnant
ainsi l’occasion de donner libre cours à sa vengeance. Dans notre Continuation,
le Bon Chevalier sans Peur et son ami anonyme se logent chez la veuve dame
précitée et sont pris aussitôt et conduits sur les lieux de leur supplice hiver-
nal.166 Pareillement, Blioberis et la compagne, qu’il a regagnée sur le neveu du
roi de Norgalles, veulent passer la nuit dans le château du cousin de sa vic-
« Quant cil qi en la place estoient venuz por la bataille regarder virent qe ele estoit si tost
finee, pou en i ot de cels qi ne se seignassent de la merveille q’il en orent [...] ».172
167 Ibid., § XXXV, 215, 1–17. Pour les ex. tirés de la version particulière publiée par nous, voir
supra, Ière Partie, B. Les textes, t. I, §§ 67–85 ; 239–240 (Brehus) ; t. II, §§ 59–83 (Le Bon chevalier
sans Peur et Lac), etc.
168 Barthélemy (2004, 214).
169 Analyse, § XXII.
170 Ibid., § XXIII.
171 Barthélemy (2004, 235).
172 Analyse, § XXIII.
173 Barthélemy (2004, 220s.).
Pour les hommes du moyen âge, le passé est par lui-même vénérable et le mieux, pour
ne pas errer, est de refaire ce qui a été déjà fait : l’ancienneté, la répétition confèrent à la
coutume une force qui repose sur la croyance à sa réussite […] ».175
Qant les trives furent donees et fiancés de deus parz, adonc furent aseuré et un et autre ;
adonc se porent reposer seurement, car a celui tens ne faussassent mie volentiers cheva-
liers les uns as autres. (Ms. G, f. 188b).
Devant le chastel avoit chevaliers qi bohordoient et brisoient lances as murs del chastel,
et as creniaux avoit des dames et damoiseles qe regardoient ce qe li chevaliers defors
fesoient […] qar toutes les gentix dames de cele contree avoient sanz doute celui tornoie-
ment veu. Qar des lors estoit a costume qe en qel qe païs qe li tornoiement se feist, il
estoit mestier qe de cele contree venissent toutes les dames et les damoiselles por veoir ;
einsint l’avoit establi li rois Uterpandragon, et tuit li gentil home qi de la seignorie del
roiaume de Logres tenoient terre s’i estoient bien acordé. (Analyse, § XXXV, 186, 8–18).
dit […] bien a soi meemes qe […] trop bien resemble de toutes choses au roi Uterpandra-
gon, et de cors et de visaige et de regarder et de parler (ibid., § XXXV, 173, 3–5),
puis, surtout, en ce qui concerne son action militaire. Reprenant les griefs, plus
généraux, il est vrai, de Charlemagne, qui, contemplant les « ovres del roi Ar-
tus » ne put s’empêcher de critiquer le manque d’appétit de conquêtes du roi
breton:
Et lors dist qe voiremant avoit eu li rois Artus cuer d’enfant qi avoit eu tant en sa compei-
gnie de preudes homes e de vaillanz chevaliers qe onqes nus mortel rois n’en avoit eu
tant, e si n’avoit conqesté en tout son aage qe un poi de terre, qi bien peust avoir mis
tout le monde en sa subjection par force de bons chevaliers. (vers. du ms. 350, ed. Bubeni-
cek (1998a), 3, 16–22),
« Et qant li rois Uterpandragon mena en tel meniere a fin tot le fait del roi Claudas,177 ge
di qe li roi Uterpandragon fu voirement rois et cist rois Artus, qi einsint a esté deshonorez
par le roi Claudas, ne se doit pas tenir por roi mes por enfant. » (Analyse, § XXIV).
Nous rangerons dans la première catégorie, la parole vive, récit dans le récit,
ces discours à la fois rétrospectifs et explicatifs, qui proposent
Dans la société, telle quelle la dépeignent les romans en prose, le clerc n’est
plus le seul à vouloir traverser les siècles et passer à la postérité grâce à ses
« œuvres ».191 Les chevaliers, eux aussi, souhaitent laisser une trace de leur
bravoure aux générations futures. Dans La Suite de Merlin, Balaain, le Cheva-
lier aux Deux Epées, et son frère Balaan, s’étant mortellement blessés par mes-
connissance, se consolent à l’idée d’être enterrés ensemble, car
« tout aussi comme nos cors issirent d’un vaissiel, aussi reseront il en un vaissiel mis »,
« apriés nos mors nous verront veoir li preudomme et li boin chevalier qui plainderont
nos mesqueanches pour la bonne chevalerie et pour les biaus fais qu’il orront conter de
nous ».192
191 Nous songeons particulièrement aux clercs, auteurs du roman antique ; voici, p.ex., la
déclaration liminaire du romancier de Thèbes : Qui sages est nel doit celer, / ainz doit por ce
son senz moutrer / que quant il ert du siecle alez / touz jors en soit mes ramenbrez : Le Roman
de Thèbes, ed. Raynaud de Lage, t. I, v. 1–4.
192 La Suite du roman de Merlin, ed. Roussineau, t. I, § 234, 26–31. Peut-on imaginer, sans
trop forcer le texte, que les biaus fais, dont-il est question ci-dessus, s’inspireront de l’épitaphe
placée sur leur tombe par Merlin (ibid., § 239, 4–7) ?
193 Analyse, § IX.
« Et quant il i a bien demoré en tel maniere un moisa, il prie un des chevaliers de laienz,
celui qi plus le venoit veoirb q’il li qierec une harpe ou il se soulacera et deduira aucune foiz
aprés ce q’il avra son duel demené qe il demenoit chascun jor, card il n’estoit nul jor q’il ne
demenast trop grant duel chascune matinee e. Cil dist que tant li feroit il volentiers de bonté,
si li aportaf une harpe cele semaine meemes q’il l’ot demandeeg. Et lors se com[en]ça li rois
a solacier soi illec et a deduire soi plush q’il ne fesoit devant ; si encomença auqes a entreles-
sieri son duel, non mie einsint qe il del duel ne feist assez plus que mestier ne li fust, mes
totevoies n’en fistj il mie tant puis q’il ot la harpe cu[m] il fesoit devant, car il s’entendoit le
plus del jor a la harpe etk a trover chanz et notes et versl, et en cele prison trova il un lai qe
l’en appellem « Duel sor duel », et ce fun le se (172d) gont lai qui onques fu faiz. Mais q’il n’est
encore pas venuz leuo ne tensp qe ge celui lai vos doie direr, m’ent irai ges et tornerai sor une
autre matire et conterai dout roi Artus. ».
II.3.2.1.2 Epitaphes
D’après Régine Colliot, qui a écrit un bon article sur le sujet qui nous inté-
resse,211
tout cimetière se visite, toute tombe se fait examiner avec complaisance. Les vivants sont
attirés par ces tombeaux qui exercent sur eux une véritable fascination. L’épitaphe appelle
de très loin son lecteur.212
216 Une confrontation avec l’épitaphe du tombeau de Lamorat de Listenois, tué « par mescon-
gnoissance » par son ami le Bon Chevalier, contenue dans la vers. de 350 édité par nous (t. II,
305s. : un texte de 42 octosyllabes à rimes plates) révèle un schéma identique.
217 L’éventuel visiteur du tombeau de Lamorat doit appartenir à la classe chevaleresque :
« Tu, qui vas cherchant aventures » (v. 1, 305), mais le rédacteur de la présente continuation
est plus humble : « Qui qe tu soies, home o feme », dit-il dans l’inscription de la tombe des
douze frères, « Tu qe venis en ceste tor », dans la seconde, celle du géant-meurtrier.
218 Voir Huizinga (1932, 165).
219 L’épitaphe mentionnée de Lamorat déclare (v. 13–20):
Ge fis ja maint orgueill plaissier
Et maint beubant venir a terre,
Mais mort, qui toute riens acuevre
16 Et feit l’onme muer en chendre
Et del greignor devenir mendre,
Me vint veoir soudainnement
Et m’abati si plainnement
20 Com li chaut abat la roussee […]
Cf. Richmond Lattimore, Themes in Greek and Latin epitaphs, Urbana, University of Illinois
Press, 1962, in : Colliot (1973, 173).
220 Voir plus loin notre Analyse, § IX.
221 A ce dois regarder souvent
Et penser que ausint morras […],
dit l’épitaphe de Lamorat (v. 27–28).
222 Cette conclusion manque, tout naturellement, à l’inscription funéraire du géant … Elle
est présente, en revanche, dans l’épitaphe des douze frère, voir infra, Analyse, § VI. v. 20–78 ;
Lamorat :
Por ce te prie que pour moi pries
Et la moie mort pas n’oblies. (v. 36–37).
223 Colliot (1973, 175).
certains textes.224 C’est, en effet, le duc de Clarence, vengeur de ses douze fils
assassinés par le monstre, qui semble à l’origine du mausolée que visitent Ar-
thur et ses compagnons.225
« Certes, voirement les ai ge, ne ge ne voudroie mie qe ge ne les eusse, qe ce sunt les plus
belles letres et les mielz dites qe chevaliers deist a piece mais. ».232
224 Principalement les vers. d’Eilhart von Oberg et de Gottfried de Strasbourg, la Saga de
frère Robert : voir Baumgartner (1990a, 107 n. 1).
225 Cf. infra, Analyse, § IX.
226 Curtis (1969, 54s.). La bibliographie du sujet est vaste, contentons-nous de citer les ou-
vrages les plus importants, œuvres originales et critiques confondus : Brunetto Latini, Li livres
dou Tresor (Rhétorique), ed. Carmody (1948) ; du même, La Rettorica, edd. C. Segre/M. Marti ;
Camargo (1991) ; East (1968) ; Guidotto da Bologna, Fiori di rettorica, edd. C. Segre/M. Marti ;
Leclercq (1946) ; La lettre d’amour au Moyen Age, ed. Wolf ; Melli (1962) ; Murphy (1974) ; Par-
ducci (1942) ; Rockinger ([1863] 1961) ; Wieruszowski (1957).
227 Béroul, Le roman de Tristan, ed. Muret/Defourques, v. 2651–2658.
228 Ibid., v. 2547s.
229 Curtis (1969, 56).
230 « Et sachiez que mout mist mesire Lanceloz grant poine et grant entente a bien faire et a
bien dire por rendre biau respons selonc les beles paroles que mesire Tristanz li avoit man-
dees » : Le roman de Tristan en prose, t. III, ed. Curtis, § 692, 5–8.
231 Curtis (1969, 56).
232 Analyse, § XIV.
Dans le Tristan en prose, c’est Tristan qui reçoit, de la part de Lancelot, des
éloges semblables ; après avoir leü trois fois u.IIII. une lettre de Tristan qu’une
demoiselle vient de lui apporter, l’amant de Guenièvre s’exclame:
« Chertes, bien parole mesire Tristrans, ne nus autres chevaliers que il ne peüst si bien
dire com il a chi dit. Voirement est il gracieus de totes coses sour tous autres cevaliers ;
et s’il ne fust si gracieus, il ne peüst mie si bien dire ».233
La missive de Blioberis que l’on vient de citer, louée par Arthur, l’une des deux
que contient la rédaction spéciale de G, est en fait une lettre « publique », car
son destinataire n’est pas précisé, dans le genre de celles que contiennent les
« aumonières » des demoiselles mortes d’amour, telle la jeune personne d’Esca-
lot,234 ou des messages des chevaliers « enferrés »,235 incitant à la vengeance.
Rien de semblable dans la lettre de Blioberis ; celle-ci s’adresse, en effet, à
Quiconqes regarde cest brief en le priant de procurer à son signataire une sépul-
ture chrétienne, à laquelle, dit-il, après la vie qu’il a menée, il peut légitime-
ment aspirer. Quel contraste avec les « briés » en prose que trouve Brehus sur
Febus et son amante à la caverne des Bruns ! Cet épisode de Guiron le Courtois
ne contient aucune connotation religieuse si ce n’est la comparaison du
bisaïeul de Guiron avec Adam et Moïse, l’un chef de lignée, l’autre pere de tous
chevaliers ; quant à sa compagne, c’est Evain qui, lui ayant administré le fruit
défendu, fut acoison de sa mort. Ceci excepté, le reste est l’éloge de la force de
Febus, où semblent retentir des accents titaniques, la constatation de l’alliance
de la Mort et de l’Amour, celui-ci étant la « sœur » de celle-là.236
La deuxième lettre, la plus longue de notre texte puisqu’elle comporte 76
octosyllabes, est une demande d’aide émanant du Morhout et adressée à Blio-
beris. Elle se trouvait dans une boiste, un substitut de l’habituelle « aumo-
nière »,237 ensemble avec la missive « publique » dont nous venons de parler.
233 Le Roman de Tristan en prose, t. IV, publ. sous la dir. de Ménard par Faucon, § 167, 4–8.
Autre ex. des louanges prodiguées à un chevalier, auteur d’épîtres : Iseut loue Kahedin d’avoir
su si bien mettre sa mort en écriture : Tristan en prose, t. I, ed. Ménard, § 166, 39–43.
234 Elle commence par un très général « A touz les chevaliers de la Table Reonde […] » : La
Mort le roi Artu, ed. Frappier, § 71.
235 Cf. Vengeance Raguidel : le « brief » s’adresse à celui « Qui ostera le tronchon / Qu’il a el
cors ; nus se cil non / N’en poroit prendre la vengance … », ed. Friedwagner, v. 189–191. Une
lettre semblable, sauf qu’elle est destinée à Arthur même, se trouve dans l’« aumonière » du
roi Brangemuer : Première Continuation du Conte du Graal, ed. Roach, t. II, v. 18. 477–18. 515.
236 Amour est du genre féminin en a.fr. On lira les textes cités dans l’édition qu’en a procurée
Limentani (1962, 42–44, 48–50) ; ils ont été résumés ou édités partiellement par Lathuillère
(1966, § 110).
237 Le choix fait par le rédacteur du ms. G concernant le réceptacle des lettres est clair :
protéger ces objets fragiles de la fureur des flots. Il demeure toutefois évident que la lettre est
Elle est une illustration classique de l’« ars dictaminis », et nous l’étudierons
ci-après, dans le développement réservé à l’« Art dans les pièces versifiées »
(II.3.2.1.5).
disait déjà le lai anonyme de Tyolet, première attestation, sans doute, du procé-
dé.239 Les exemples de celui-ci se multiplient, notamment dans le Lancelot en
prose,240 pour disparaître presque complètement dans la Quête du saint Graal
et dans l’épilogue du cycle qu’est la Mort Artu,241 c’est que après la Vulgate
« l’impronta della memoria, necessaria per dare una dimensione storica alla materia bret-
tone e giustificazione della missione collettiva della societas arturiana, è affidata invece
ai monumenti commemorativi ».242
Cependant, Tristan en prose, dans ses versions I et II, fait appel à ce rituel au
moins quatre fois, notamment lors de l’admission de Tristan à la Table
Ronde.243
On trouve, dans la rédaction particulière du Roman de Meliadus donnée
par le ms. G, deux mentions de l’« acte scripturaire ». La première rappelle de
liée organiquement à l’« aumonière » ; voir, outre les ex. précités, celui de la Queste del saint
Graal, ed. Pauphilet, 226, 13–15 : le brief qu’elle contient doit « faire certains les compagnons
de la nef […] ».
238 La définition de « l’acte scripturaire », de même que son nom, sont empruntés au livre de
Combes (2001, 78).
239 Combes (2001, 80).
240 Combes y a dénombré une dizaine d’apparitions (ibid, 78 n. 8). Cf. infra, Analyse, § XLIV
n. 163.
241 Il s’agit d’une même scène dans ces deux œuvres : cf. Combes (2001, 78 n. 9).
242 Hejkant, à propos de la Tavola Ritonda, cité par Cigni (2003, 87). Cf. Bozoky (1985, 80).
243 Le roman de Tristan en prose, publ. sous la dir. de Ménard, t. III, ed. Roussineau, §§ 274–
275 ; Cigni (2003, 84s.).
« Quant li rois Uterpandragon soloit ses corz tenir as hautes festes et li compaingnon de
la Table Reonde estoient assis au mengier, li clerc de laienz […] metoient les aventures
en escrit, einsi com li prodome les contoient a cui eles estoient avenues … ».244
Dans notre texte, lorsque le geune bacheler qu’est alors Arthur s’étonne de
n’avoir jamais entendu parler d’une prouesse du Bon Chevalier sans Peur – sa
victoire sur cent chevaliers245 –, le témoin des faits, Lac, qui était dans le camp
opposé, le renvoie au livre qe li rois Uterpandragon fist faire a Salisbieres des
aventures et des merveilles qe el roiaume de Logres avindrent a son tens.246 Le
témoignage du « Chevalier à l’Ecu d’Argent et aux Gouttes d’Or » est particuliè-
rement précieux car c’est celui d’un combattant « placé à la source du récit »,247
et non celui d’un spectateur, témoin passif des faits. Blessé par le Bon Cheva-
lier sans Peur, inapte à porter les armes pendant un demi an, il eut « la mé-
moire de l’événement inscrite dans son corps ».248 La suite du texte insiste sur
l’existence réelle du livre « des merveilles » : le narrateur l’a consulté lui-même
et il invite le jeune monarque à en faire de même, sans dire si c’est à Salesbieres
qu’il pourra le trouver. Ce premier passage nous révèle, en outre, la scrupu-
leuse honnêteté d’Uterpendragon qui, à la différence de Lancelot 249 ou du Tris-
tan,250 n’hésite pas à mentionner dans son « livre » tous les faits, quels qu’ils
soient:
« Ge vi le livre et lui l’aventure escrite, et delez cele aventure meemes porroiz vos trover
une aventure escrite qe li rois Unterpandragon ne deust ja avoir fete metre en livre, qar
cele aventure parole plus de sa honte qe de s’honor. ».251
Le deuxième morceau est plus étendu et par là même aussi plus explicite.252
De retour à Logres, après la libération du Morhout, Arthur fait le récit des aven-
tures vécues lors de l’expédition, qui est soigneusement enregistré par les
clercs de la Table Ronde. Le texte souligne la complétude de la relation livrée
au public (il n’i lessa ne ce ne qoi) et dresse un historique de l’acte scripturaire:
Et li rois Artus sanz faille avoit ja pieça encomencié a faire escrivre toutes les aventures
et les merveilles qe li chevalier errant trouvoient de jor en jour par le roiaume de Logres,
Et ce avoit il encomencié non mie seulement par son conseil, mes par conseil de toz les
granz homes qi de lui tenoient terre.
Trois livres, trop grant et trop merveilleux, ont été composés à partir des aven-
tures des chevaliers de la cour ; on ignore de quelle langue on s’était servi,
bien que, un peu plus haut, à propos d’Escoraut le Pauvre, le conteur dévoile
sa source : li livres del latin.253 Nous avons étudié ailleurs la répartition géogra-
phique de ces livres originels et son symbolisme.254 Le texte reste muet quant
à la localisation précise des écrits : une « armoire à livres », comme celle de
Salebieres où puisa Mestre Gautier Map, pour écrire son livre del Seint Graal ?255
On ne sait ; seul le nom de Salisbury est prononcé.256 Ce qui, en revanche, est
certain, c’est le rôle pilote des trois livres, livres-sources, à la base de tous les
autres qui en furent puis estret.257
a b c d e f g h
4 4 4 4 4 4 4 4
a b c
4 2 2
encontre le roi … et disoient une tele chançon […]267 Il est donc à noter que dans
notre texte dire s’applique aussi bien à la musique instrumentale (dire aucun
son de harpe « jouer une mélodie,268 un air à la harpe ») qu’à la musique vo-
cale.269 Le mot lai – « Qe volez vos qe ge harpe, lay ou sonet ? » demande Melia-
dus à ses compagnons – désigne, vu le texte reproduit plus loin, comme dans
le Tristan en prose, un poème composé de quatrains d’octosyllabes mono-
rimes ;270 quant à « sonnet », il qualifie, depuis le Roman de Thèbes, un « petit
poème, chansonnette ».271
Quant à l’échange épistolaire, son objet est appelé, d’abord, letres,272 puis
les mêmes missives portent le nom de chartes.273 Enfin, leurs auteurs parlent
eux-mêmes de brief,274 ce qui montre la parfaite équivalence de ces termes.275
Les circonstances d’exécution de nos pièces sont clairement évoquées dans
le texte. C’est Meliadus lui-même, en dépit de la douleur que lui occasionne sa
récitation,276 qui interprète le lai dont il est l’auteur. Mais avant de le chanter,
le roi de Léonois comence a atemprer sa harpe et les cordes a acorder, celes
desus et celes desouz, en tel manière cum il savoit q’il le couvenoit a faire.277 Ces
« conditions de production » d’un chant sont évoquées à l’aide de vocables fort
voisins du Tristan en prose, dont notamment les verbes acorder et atemprer,
qui paraissent synonymes.278 Enfin, c’est tout en qerolant,279 c’est-à-dire en
dansant, que dames et damoiselles de la cité entonnent leur chant de bienve-
nue à Meliadus de retour au pays.
288 Les chiffres romains qui suivent renvoient aux §§ de notre Analyse.
289 Puisque les traités théoriques y encouragent : cf. Lote (1955, 44).
290 Voir Biller (1916, 47).
Ce tour, qui consiste à reprendre sous une forme interrogative un terme qui
donne lieu à des objections, est une véritable marque de fabrique de Chrétien
de Troyes.293 Au service de l’ironie, l’anadiplose se fait accompagner de l’anno-
minatio, puisque l’auteur de la lettre précitée rapproche hoste de osté (XII,
v. 46–47).294
Il y a, bien entendu, une grande variété dans le rythme du vers : rejet et
contre-rejet permettent de souligner un mot, insistant ici sur la situation insup-
portable du prisonnier:
A deux reprises l’attention d’Arthur est captée par des fresques sur lesquelles
il croit discerner le nom de son père, le roi Uterpendragon. Une première fois
c’est lorsque le jeune souverain et ses compagnons, victimes d’une trahison de
Claudas qui les a abandonnés sur une île déserte, pénètrent dans une tour qui,
dans la plus belle chambre del siegle […] toute peinte, abrite un mausolée fami-
lial : une « lame » contient les restes des douze fils du duc de Clarence ; leur
meurtrier, le géant Aristanor, repose, lui, dans un tombeau placé à leurs pieds.
La reconnaissance – l’identification – du prédécesseur d’Arthur s’effectue
grâce à la didascalie:
[…] et en un leu de leienz i avoit un chevalier point tout armé qi au jaiant se combatoit
cors a cors. Et desus son hiaume avoit letres qe disoient Uterpandragon.299
299 Analyse, § VII. Les personnages « réels », peints par Pisanello au château ducal de Man-
toue, illustrant un épisode du Lancelot en prose, celui de la victoire de Bohort sur douze autres
chevaliers au tournoi du château de la Marche (ed. Micha, t. II, §§ XLVII, 32–XLVIII, 4 (182–
189), sont également assortis de didascalies : voir Bertolucci Pizzorusso (1972, 38–44). Cf. Lan-
celot en prose, ed. Micha, t. V, § LXXXVI, 20(52): … et desus chascunne ymage avoit letres.
300 Ibid., §§ LXXXVI, 20 (51) – LXXXVI, 23 (54).
301 Bertolucci (1988, 147).
302 Analyse, § VIII. Le récit du Bon Chevalier se rattache au conte de Meliadus plutôt qu’au
thème de la lutte contre le géant : le thème développé est celui de la rivalité amoureuse puis
du compagnonnage.
303 Selon la formule percutente de Van Coolput : « Sur quelques sculptures anthropomorphes
dans les romans arthuriens en prose » (1987, 260).
304 Analyse, §§ VI et VII.
305 Van Coolput (1987, 260).
306 Cf. les propos de Morgane à celle qui o lui estoit venue : Lancelot, t. V, ed. Micha, § LXXXVI,
22 (53). Voir Baumgartner (1990a, 107s.).
La deuxième évocation de la peinture dans notre texte fait partie d’un dis-
positif diégétique encore plus parfait. Ces fresques appartiennent, en effet, à
un système d’annonces d’un conte fondateur. D’abord, au détour d’une conver-
sation relative au meilleur chevalier du monde, le maître des lieux, le Chevalier
à l’Ecu d’Argent et aux Gouttes d’Or, fait allusion à une défaite d’Uterpendra-
gon, qu’Arthur, au reste, pourra lire dans le livre que son père a fait confection-
ner à Salesbieres:
« [On] dit en cele aventure coment li rois Uterpandragon, entre lui et douçe compeignons,
fu desconfiz par le cors d’un seul chevalier, et li touli a celui point li chevaliers une
damoisele qe li rois Uterpandragon enmenoit et l’amoit de greignor amor qe toutes les
autres damoiseles del monde. Et puis, qant li rois fu desconfiz, et tuit cil de sa compei-
gnie, en enmena li chevaliers la damoisele et la prist por sa moillier, et encor la tient ».307
images n’ont pas le dernier mot : on les assortit d’un commentaire – récit de
Lac –, et y renvoie comme à une preuve complémentaire:
« et tout ce qe ge vos ai ore conté et retret poez [vos ore] ci veoir portret tot apertement »,
dira, après avoir terminé son récit, le narrateur.314 Au reste, sans la didascalie
Uterpandragon, la peinture aurait-elle été compréhensible pour Arthur, la
fresque aurait-elle suscité son intérêt ? 315 Pour notre texte, il s’agit, avant tout,
de portraire et escrire toutes les chevaleries qu’il (Lac) avoit faites tant cum il
demora el roiaume de Logres.
C’est que le conte du Chevalier à l’Écu d’Argent est un véritable récit fonda-
teur, une histoire des origines, de son installation dans les îles Loingtenes, terre
de Galehot, où Lac a trouvé refuge après son départ de sa Grèce natale316 et
surtout après le « crime » commis à l’endroit d’Uterpendragon qui l’a contraint
à l’exil. Il n’est pas sans rappeler le prototype littéraire de l’activité artistique
de Lancelot, la représentation de l’estoire d’Eneas, coment il s’anfoui de
Troie,317 tracée, sur les murs du palais de Morgue, par un peintre anonyme,
histoire avec laquelle notre conte s’accorde à merveille.318
Selon une autre typologie le récit ferait partie de ce qu’on a appelé « amori
proibiti », histoires d’amour dont les protagonistes appartiennent à des classes
sociales différentes,319 ce qui les empêche de s’épouser. Dans le cas du récit de
Lac, lui, chevalier d’un sel escu, tombe amoureux d’une demoiselle de si haut
lignage et de si puissanz que [il] ne la peust en nulle meniere avoir por moillier.
Les amants donc, pour vivre leur amour, sont alors obligés de fuir et trouvent
refuge dans une habitation souterraine, construite par un géant pour abriter
ses amours. Le modèle de ce type de narration semble être le fameux épisode
de la « Salle aux images » du Tristan de Thomas. Un géant, venu d’Afrique,
s’était installé dans une grotte pour y vivre avec Elaine, la fille du duc de Bre-
tagne Hoël, mais elle meurt écrasée sous son poids.320 Tristan, à l’aide d’un
autre géant, Moldagog, convertit le lieu en un mémorial d’Iseut, recelant, no-
tamment une « image » de la reine de Cornouaille. Ces « trois traits significa-
tifs » du conte : « un protagoniste gigantesque, une grotte-palais, un amour tra-
gique »,321 nous les retrouvons, sans trop solliciter le texte, espérons-nous,
dans la relation de Lac, quelque peu transformés. Pour ce qui est des amours
« tragiques », l’histoire du Chevalier à l’Écu d’Argent ne l’est ni plus ni moins
que celle d’Anasten.322 Concernant le « premier trait », on se rappelle que Lac
a conquis l’île sur un géant naufrageur anonyme et qu’il demeure, peut-être,
dans la forteresse occupée jadis par le monstre.323 Reste que la forteresse habi-
tée par Lac et son épouse ne ressemble en rien à une caverne …324
rieux … Sous les coups de buttoir de Lac,327 Meliadus lui-même bat sa coulpe
et reconnaît que, par son silence au sujet des exploits du Bon Chevalier, silence
dû à sa jalousie, il a pu influencer la décision finale de ceux de Logres.328 Après
ce réquisitoire en règle, Arthur lui-même est persuadé que si les récits du Che-
valier à l’Ecu d’Argent avaient été sus en Logres, les dirigents du pays
« n’eussent mie changié l’un (c’est-à-dire le Bon Chevalier) por l’autre (Melia-
dus) ».329
Comment expliquer cet acharnement contre le roi de Léonnois ? Il nous
semble loisible de penser que celui-ci représente l’essence même de l’amour
courtois : « inventeur » du lai d’amour,330 Meliadus n’a-t-il pas beaucoup aimé,
y compris sa cousine par alliance, la femme du roi de Norhomberlande ? La
guerre, qu’a occasionnée sa passion pour une autre femme mariée, la reine
d’Ecosse,331 doit encore être dans toutes les mémoires.
Il est intéressant de constater que c’est un champion de la vérité qu’on
lui oppose. Dans une sorte de médaillon-portrait que le prosateur a rédigé à
l’attention de son nouveau héros, le Chevalier à l’Ecu d’Argent, il souligne avec
énergie la filiation qui l’unit à son fils:
« Et sachent tuit qe de cestui bon chevalier qi Lac estoit apellez fu puis Herec, le bon cheva-
lier qi onqes ne fu provez de mençoigne puis q’il fu chevalier ».332
C’est son souci de vérité qui pourrait justifier le démenti qu’il entend donner
au « mauvais » choix de Meliadus comme défenseur des couleurs de Logres.
Lac n’est pas un inconnu pour les lecteurs de notre roman. Totalement
absent de sa première partie, c’est le héros de A(2) et de Guiron le Courtois. Il
constitue même, avec le Bon Chevalier sans Peur,333 dans la version donnée
par le ms. de l’Arsenal, un tandem prestigieux puisque, ensemble – déjà ! –,
ils conquièrent l’Escu Loth, une forteresse résistant à Arthur, dont ils remettent
les clés au souverain de Kamaalot.334 Mais, le prosateur de A(2) ayant éludé
les origines du personnage,335 voici que notre continuateur complète sa biogra-
1. L’a initial représente très rarement un o : caharz 209, 5 (coarz 18, 71).
2. Devant une nasale, le passage de o à a est un picardisme : pramist PS3 9
(218c) ; pramet IP1 224, 8 ; 296 (285d) (Gossen 1976, § 36).
3. A l’atone, a alterne avec e devant l’n : maniere (193a ; 21, 157–158L), mais
meniere est majoritaire : 193, 26 (même gr. 14, 193L) ; 200, 24 ; 209, 14, 22,
etc.
4. Alternance entre ai, ei devant la nasale : main (manum) 292, 7 ; mains
(*manos) 180, 40 (meins 13, 74–75L) ; meins 213, 13 ; fonteine 21 (221d) ;
203, 3 ; plain (plēnu) 187, 15 ; plains 208, 17 ; plaine (plēna) 14 (219d) ; 70
(233a) ; plainement 201, 10 ; meing (mĭno) 214, 8 ; demaine (de-mĭnat)
13 (219b). La notation systématique de e, ĭ + nasale par ain est considérée
comme picarde par Gossen (1976, § 19) ; Zink (1985, 15).
5. a + n, e + n se confondent : mengié 3 (217c) ; 4 (217d) ; mengier 10 (218d),
et manjoient 10 (218d), ma[n]gier 13 (219c) ; prandre 180, 25 (prendre
12, 26–27L) ; tandu 69 (233a) ; toujours sanz (sine + s) 174, 5 ; 175, 9, etc.,
mais jamais ‑mant à l’adv. : Zink (1985, 12) ; cf. supra A(2), § 10.
6. Le résultat de a + yod est généralement noté par ei : meison 4 (217c) ; 10
(218d) ; 20 (221c) ; 22 (222b) ; 195, 3 (cf. 14, 203L) ; 294, 14 (meson 16, 30L)
(cf. 14, 203L) ; paleis 202, 12 (cf. 16, 12L) ; mauveis 188, 4 ; mauveise 199,
9 ; pleignoit 19 (221a) ; compeignon 19 (221a), graphie constante, face à
compaignons 18 (220d), rare ; mais e apparaît parfois : lessa 209, 18 (leis-
1 Le sigle L renvoie aux fragments publiés par Longobardi (Longobardi 1988a, cf. supra, I.2).
La langue de ces fragments étant très proche de celle du ms. G, nous indiquons, lorsque
c’est nécessaire, l’écart des formes entre parenthèses, suivi du sigle L : le 1er chiffre renvoie à
la page, le second aux lignes de l’édition de Longobardi. Pour les parties non éditées présente-
ment de G – il s’agit, d’une part, du texte qui précède le f° 217b où débute notre Suite : nous
donnons, alors, seulement l’indication des folios : ex. savion (69c) : cf. infra, § 116 ; de l’autre,
du texte de la Suite que nous éditerons plus tard : nous signalons, outre les §§ de notre édition
future, les folios du ms. Enfin, pour ce qui est des portions de G éditées in extenso, se reporter
au tableau des chapitres figurant en tête du Glossaire. Nos renvois mentionnés par supra, suivi
de §§, concernent la description de la langue et des graphies du ms. Paris, Arsenal 3325 A(2) :
Ière Partie, X.1 et 2. Les cas signalés par l’astérisque * indiquent que la forme considérée fait
l’objet d’une note.
sa 19, 305L) ; leroit 19 (221a) ; meson 224, 1 ; 296 (285d) ; teirai 199, 12 ;
cheitive 182, 10 (chaitive 13, 163L), ou encore par ai : braies 180, 27 ;
laienz 4 (217d), à côté de leienz, général : 173, 15, etc.
7. ai peut se réduire parfois à a : mehagnent (187c) ; mehagnié 146 (252b) ;
donra F1 280 (282d). Voir, supra A(2), § 13, pour le franco-ital. ; Joufroi de
Poitiers, ed. Fay/Grigsby, § 1,49 ; Gossen (1976, § 6). A l’opposé, nous trou-
vons parfois ai pour ; a : serai (n. 49) VII,42 ; a (n. 49) : il vos ai … conté
170 (257c), graphie qui indiquerait une palatalisation de a : Wahlgren
(1925, 301s.) ; Floovant, CIs.
8. Monophtongaison de au à a : a (plus richement) 284 (283c) ; acune 165
(256a) ; roiame 16, 27L (roiaume 294, 13) : Est, Nord et Nord-Ouest (cf.
Gossen 1976, § 58, 115 ; Remacle 1948, § 8, 46).
9. Le suffixe ‑ātĭcŭ est représenté avec une grande constance par ‑aige :
avantaige 223, 19 ; messaige 1 (217b) (mais message 1 (ibid.) ; passaige
(avec un i suscrit 231, 24 (270d) ; rivaige 225, 16. Par ailleurs, on trouve
domage 73 (233c). Est, Nord : cf. supra A(2), § 17.
10. ai employé pour oi note la réduction de [wɛ] à [є] : retorneraie cond. 1,
avec l’a exponctué et un o suscrit, 280 (282c). Inversement, on a oi pour
ai dans roie (del soleil) 187b.
11. L’aphérèse semble assez fréquente, parfois en accord avec l’usage italien :
spendu, p. pas., 112 (242d) « donné, dépensé » (it. mod. « dépensé ») ; be-
vroient 21 (221d) ; compliz 139 (250c) ; 217, 23 ; 235 (271d) ; costumez,
p. pas., 178, 5 ; spee 145 (252a) ; venues 278 (282a). Parfois c’est le décou-
page des mots par le copiste qui témoigne de sa prononciation : ne stoit
205c ; l’achoison 225, 7. Voir Espagne, t. 1, C.
A l’opposé, il y a des formes, où le français propre n’a qu’une forme
syncopée : areceu, p. pas. d’arecevoir 134 (248b) : cf. Aliscans : areculé
pour reculé (v. 5541) ; abaloya, v. 4942 (note) ; Stussi, ed., 1965 : arecor-
dar (gl.).
12. La gr. ar témoigne de l’ouverture de e devant la liquide : s’aparçoit (68b) ;
darrien 223, 30 ; pardu 58 (230b) ; 184, 9.
13. On note une graphie curieuse en ‑au‑ dans tampestause 64 (231d) pour
tampestose, ‑ouse, ‑euse, qui fait penser à pitau (pietōsus) : voir Flutre
(1970, § 97, 440).
14. L’a final ou prétonique demeure souvent non affaibli : una (cort) 175
(258c) ; quela (cohardie) 14, 222L (qele 195, 10) ; da (ma part) 4 (217d) ;
bachalers 103 (241a) ; contrafere 138 (249d) ; començarai 193, 25 ; parla-
ment 11 (218d).
15. Le copiste du ms. G ne fait pas la différence entre le et les, ce qui semble
trahir ses origines italiennes : « Sire Dex, aiez merci de nos ! morz somes !
nos les veons bien […] » 70 (233b). Cf. Traités, 58.
35. Souvent, l’o fermé reste intact : sol (solum) 20 (221c) ; 292, 13, notamment
devant un r : demore 1 (217b) ; dolor 181, 10, 11 ; flor III, 3 ; honor 2 (217b) ;
plor IP1 de plorer 15 (220a) ; 15 (subst.), cf. supra A(2), § 53. Ainsi égale-
ment, sans doute, dans dous (dŭos) 69c ; 70c ; 168b ; 205a ; 20 (221b), etc.,
ce qui rapproche cette forme des langues où la diphtongaison ne s’est pas
produite, comme le prov., le catalan, le portugais ou encore le parler de
l’Engadine : cf. REW, n° 2798 ; Meyer-Lübke (1974, II, § 68).
36. Les graphies o ou ou sont employées, parfois, pour noter la non diphton-
gaison d’un o ouvert tonique : esproves (70a) ; ouvres 153 (253d) ; pople
190d ; 204a ; 253 (277a) ; 216, 14 ; trove (70b) ; prouve/trouve XII, 41–42.
Cependant poet IP3 de pooir 202, 11.
37. La réduction de oi en o s’observe dans orre (svb tiré de ĭtĕro) 205, 4 (même
graphie dans L 17, 93) ; angouseusement 177, 4 : cf. supra A(2), § 33.
38. oin pour e fermé et tonique + nasale est plutôt rare : notons toutefois
amoine 259 (277d) ; ploine (plena) 187b ; poine 12 (219b) ; pēna donne
beaucoup plus souvent peine, p.ex., 15 (220a).
39. Dans poor, constant dans le ms. G, l’a initial a été assimilé à o subsé-
quent : cf. p.ex., Bons Chevaliers sanz Poor 174, 5, etc., mais peor 70
(233b) ; voir Rheinfelder (1953, I, § 307).
40. couvre (huis de) 202a semble être le continuateur de cuprum ou *co-
prum, qui a donné en a. prov. coure (cf. Levy 1973, 82b ; Bloch/Wartburg
1968, 173b).
41. Dans poüsse IS1 17 (220c), la voyelle étymologique o est maintenue sans
doute par archaïsme, comme dans des textes de l’Ouest ou anglo-nor-
mands. « Elle n’est pas rare », dans cette aire géographique, à « la fin du
XIVe siècle » (Tanquerey 1915, 666 ; Zink 1989a, 200).
42. La graphie u + nasale est très fréquente, d’abord dans cum, qui semble
s’opposer, de façon constante, à l’usage des fragments L, où il y a, généra-
lement, com : 180, 17, 41, 43, 44, 45, etc. ; cumbien 185, 16. Parmi les
formes verbales sunt est commun aux deux mss., p.ex., 180, 41, 43, 44,
etc. ; on relève aussi funt 14 (219d) ; 15 (220b) ; 228, 6 ; 229, 1 qui appartien-
drait à la tradition graphique anglo-normande ; à noter, pour le futur : de-
livrerunt 2 (217c) ; ferunt 226, 14 (cf. 22, 155L) ; metrunt (217a) ; morrunt
180, 42 ; porunt (217a) ; 13, 79L (poront 180, 44) ; 226, 14 ; serunt 16
(220b) ; vendrunt (204d ; 207b) ; voudrunt 229, 11. On relève également
quelques formes pronominales intéressantes : mun est particulièrement
fréquente : 139 (250c) ; 211, 5, 20 ; 217, 20 ; 218, 14 (munseignor) ; 226, 7 ;
mun 15, 324L, mais mon 197, 8 ; sun 15, 347L (son 198, 2) ; 15, 7L (son 291,
18) ; 15, 26L (son 291, 24) ; 218, 11. Notons aussi dum (de unde) 16 (220b)
et feluns 70 (233a). Ce sont là des formes dial. de l’Ouest ou anglo-nor-
mandes. Voir supra A(2), §§ 54, 55 et 158.
Consonnes
8 Sur la nasalisation lire l’article de Lahti (1953) et celui de Lanher (1972, 337–345) consacré à
ce problème en Lorraine.
9 grant : mauvaise lecture de erant ?
84. avventures 21, 66–67L (aventures 225, 6) présente une assimilation ita-
lienne de d à v : cf. it. avvenire.
85. Le signe x apparaît parfois :
1. en finale (alternance avec s) : biaux 9 ; tex 9 (218c) ; lox 11 ; mer-
veilleux 11 (218d), etc. ;
2. à l’intervocalique, il semble noter un [z] : vouxist 189c ; vouxissiez 18
(220d) ; touxist 188, 4.
86. y est réservé aux noms propres : Yguerne 156 (254a) ; Melyadus 14 (219d),
etc. Nous l’avons relevé aussi dans les mots lay 14 (220a), etc. ; yver 180,
46.12
87. Le copiste écrit régulièrement un z dans sanz après la nasale : li Bons
Chevaliers sanz Poor 18 (220d), etc. ; il y a aussi remez (remansus) 229 ;
voiz (vocem) 14, 6 (219d).
88. Le z, enfin, est employé à côté de ch et ç, pour noter le résultat de la
rencontre de k + a à l’intér. appuyée (cf. ci-dessus, § 49) : venzai 170
(257d) ; venzeroient 220, 29, et venzier 260 (278a). Voir Antéchrist, XLVII :
manzier < manducare).
B Morphologie
89. L’emploi des cas sera examiné en syntaxe : voir infra, § 125.
90. L’article défini féminin le apparaît parfois : le main 54 (229d) ; le qerele
180, 1 ; on notera que l’art. fém. le ne se contracte pas : a le force 17 (220c).
Comme pronom, cette forme apparaît à 306 (287d).
91. Les formes enclitiques sont ordinaires : de + le aboutit en général à deu 2
(217b) ; 13 (219c) ; 23 (222b) ; 185, 7 (del 24, 336L) ; 211, 11 ; 229, 14, etc. ; dou
apparaît parfois : 5 (218a) ; 12 (219b) ; 23 (222b) ; 21, 25L (223,33) : voir Pope
(1973, § 843) : Est, Centre-Est, Nord. Le ms. connaît la contraction nes (ne
les) 5 (218a), qui ne semble plus fonctionner au XIVe s. (cf. Marchello-Nizia
1979, 112–114) ; nel 14 (220a). En + le donne el : 5 (219a) ; 23 (222b) ; 180,
16 ; au III,12, 13 est-il l’enclise de a + le ou en + le ?
92. Genre :
tot l’onor semble être du masc. 222, 3–4 : c’est au XIVe s., d’après Bloch/
Wartburg (1968, 323b), que le subst., féminin au moyen âge, commence à
reprendre le genre du latin. Cf. supra A(2), § 151.
93. veritez, attribut du sujet à 5 (218a), conserve sa marque de flexion.
13 J’avais noté, pour mon édition critique du Roman de Meliadus – cf. Bubenicek (1998a, 399,
19) – la présence de sui : ce fu li rois Artus et sui compaignon, ms. G, face à si c. dans A (ms.
98. Le démonstratif présente toute une série de formes renforcées : ice 229,
2, 4 ; icestui 222, 5 ; iceste CSS fém. 111 (242d) ; ici 4 (217d) ; 183, 30 ;
220, 11. A noter la présence de formes renforcées par des adv. : cels ci
VII, 38.
99. Pronom relatif :
a) Remarquons la présence de cui, non confondu avec qui 4 (217d) ; 5
(218a) ; 180, 18, 23.
b) Pour la confusion entre qe et qi, voir plus loin, Syntaxe, § 157.
100. Interrogatif et indéfini : les formes analogiques sont fréquentes : qele 1
(217b) ; 22 (222b) ; 195, 10 ; 218, 12 ; 224, 7 etc. ;14 tele 20 (221c) ; 196, 6 ;
201, 3, etc. ; mais tel 292, 9.
A souligner la conservation du CSP masc. tuit, non remplacé par tous :
p.ex. 10 (218d) ; 188, 2.
101. Li : de grant cuer li vint[…]10 (218d) ; même locution dans le ms.A , est
un adv. italien, équivalent de i français. (BnF, f.fr. 350 : Bubenicek 1998a,
80,7, et voirement li vint, ibid., 116,16)
Verbe
Accidents généraux
102. Pour la chute de r de l’infinitif, voir, ci-dessus § 69. Pour la réduction de
rr à un r simple, qui peut, parfois, entraîner des confusions entre temps
verbaux, voir § 66.
103. Le participe passé peut se terminer, parfois, par un t ; on ajoutera aux
ex. étudiés au § 81 abatit 108 (242a). Voir, infra, § 111.
104. reveinchu, p. pas. (191, 17), semble témoigner d’un changement de con-
jugaison (‑ier > ‑ir) ; cf. Espagne, t. 1, CXIX, fait état, pour les textes fr.-
ital., des remplacements des part. faibles en ‑i par des part. faibles en
‑u. Par ailleurs, Schwan/Behrens (1923, § 243, R. 2), notent la réduction
(Est-Wallonie) de ‑ie‑ à ‑i‑, aidier devenant aidir ; ibid. (III), 124 (Liège,
doc. de 1236 ; 1270) ; cf. afebloïz pour afebloiez, cité par Traités, 66.
Le radical
105. La distinction entre le radical tonique et le radical atone semble bien
observée ; on notera, toutefois, que le vocalisme propre aux formes ac-
350). Cette forme est originaire de l’Est du domaine d’Oïl (cf. Meyer-Lübke 1974, II, § 90, 125s.).
Elle n’est pas sans rappeler l’it. suoi ; cf. Rohlfs (1968, § 427, 120 : Italie centrale).
14 Face à qel 202, 15 (quele 16, 20L) ; 226, 12.
Formes particulières
107. Indicatif présent, impératif :
faz, IP 1 de faire : la forme étymologique est la seule employée : 185, 1 ;
220, 4, etc. Dé est un impératif 2 : 200, 28 ; il est difficile à expliquer à
partir du vulgaire *dīce, mais facile à partir du classique dĭc… A moins
qu’il n’ait subi l’influence de deriez, cond. 5 45 (268c) ; 220, 22, et de-
siom II, 4 144 (251d), également présents dans le texte, et où l’e du
radical semble dû à une dissimilation, inconnue du français propre (cf.
l’esp. decir < dīcere : Meyer-Lübke 1974, II, § 122).
Vois dans « Et por qele achoison, dist il, me vois tu ocire ? » (56, 230a)
semble être un IP2 de voloir délabialisé (oi indiquant parfois un e < we ;
cf. supra § 10).
108. Futur – Conditionnel :
si donrai 13 (219c) et envoierai 7 (218b)16 sont, tout compte fait, banals,
fara Fut. 3 de faire (197c) se relève dans des textes fr.-ital. (Espagne, t. 2,
glos. 383b ; Holtus, ed. Aliscans, glos., 257a, outre fara cite farai, faron,
fareç, farez, faroit, etc.).
109. Passé simple :
on notera que fui, PS1, est la seule forme qui soit employée dans les
mss : 14 (220d) ; 21 (221a) ; 187, 9 ; 204, 5 ; 209, 1, etc. Nous avons relevé
aussi reçui 53 (229b) ; connui 209, 3–4 ; reconui 214, 1. Fistrent 169
(257a), PS6 de faire, est analogique de mistrent et figure dans la Vie de
St Martin (XIIIe s., S.-Ouest) : Fouché (1967, § 152f, 303).
110. Subjonctif :
la forme doint, fort probablement un SP3 de devoir : il est … corrociez
de ce qe li rois Artus doint einsint aller … (206c), peut s’expliquer par la
phonétique particulière du ms., par la présence de la nasale adventice :
ainsi doie et doi[nt] deviennent à peu près homophones … Poïst SI3
192d (20, 114L), dû à la non-labialisation de i, typique du Nord-Est, sem-
blerait assez répandu : Zink (1989a, 210). Voir supra A(2), § 175. Pour
poüsse, soüse, voir ci-dessus, § 106.
111. Participe passé (cf., supra, §§ 81, 103 et 104) :
à noter la présence de deux participes passés faibles analogiques en
‑oit ; si toloite 136 (249a) est assez fréquent aux dires de Fouché (1967,
§ 193), cheoiz 17 (220c) paraît mieux circonscrit (anglo-normand, Nord
et Est : Fouché 1967, ibid.). Quant à cuilli 78 (235b), ce p. pas. présente
un phonétisme propre aux parlers de l’Ouest : voir Pope (1973, § 1161)
(cf. Marie de France, Fables, ed. Warnke, glos., 382b ; R. de la Rose, ed.
Langlois, t. V, 164a, etc.). Abatit, 108 (242a), à la place de abatut, fait
penser à ensoi pour issu cité dans Espagne, t. 1, CXIX.
Les désinences
112. La 1ère p. sg. ne connaît quasiment que la forme sans désinence à l’IP et
au SP : port 4 ; comant 4 (217d) ; merveil 5 (218a) ; di 5 ; cont 5 (218a) ;
SP 179, 34 ; 181, 1 ; doi 7 ; cuit 7 ; ain 7 ; otroi 7 (218b) ; remet 8 ; croi 8
(218c) ; desir 183, 3, etc. Comme exception, utilisant un ‑e analogique,
citons doute (fin de ligne) 220, 31 ; osse (ose) 280 (282c).
113. Pareillement, le SP3 du gr. 1 est à désinence zéro : cont 179, 23, 33.
114. On relève une désinence ‑eist pour ‑ast à l’IS3 : cf. ameist 41 (226c). Elle
s’expliquerait par analogie avec la 1ère personne du PS en ‑ai : voir Fou-
ché (1967, § 172b, 342) ; Zink (1989b, 210) ; Floovant, CLXXVII n. 1, et in-
fra, 117.
115. A la 4e p. de l’IP, II, SP, Fut. et Cond., ‑om alterne avec ‑on ; par consé-
quent, on a, d’une part : orrom 9 (218c) ; metom 18 (220d) ; savom 18 ;
serom 18 ; poom 18 (220d) ; deiom 41 (226c) ; cuidiom 52 (229a) ; aiom
206, 8 ; poom 206, 11 ; ociom 180, 39, etc. ; de l’autre : savion 69c ; por-
ton 17 (220c) ; meton 18 (220d) mais metom 180, 39 ; ferion 180, 37, etc.
Ces désinences qui apparaissent d’abord dans l’Ouest (cf. supra A(2),
§ 169), sont employées d’une manière plus vaste : cf. Lorentz (1886, 37).
116. ‑omes, désinence picardo-wallonne (cf. Lorentz 1886, 37 ; Gossen 1976,
§ 78 ; Fouché 1967, § 95, 191), mais plus largement répandue d’après Pope
(1973, § 895), est limitée à quelques verbes : avomes 52 (229a) ; par-
tomes 276 (281b) ; poomes 41 (226c) ; avromes 227, 23 ; 276 (281a) ; se-
romes (213a) ; veromes 62 (231b). Cf. supra A(2), § 169.
117. A la 5e p. du SI, pour le 1er gr., se relève, à la place de ‑issiez habituel,
une désinence ‑esoiz (var. ‑oissoiz), ‑essiez : regardessiez 67c ; porte-
soiz 65 (232a) ; demandesoiz 116 (244a) ; donoissoiz (ibid.). Ajoutons
ve[n]geson 126 (246c) pour la P4. Des faits semblables apparaissent
dans Floovant : cf. Andolf (ed., 1941, CLXXVII) (aulesez ; trovesis) :
Bourgogne. Voir ci-dessus, § 115, pour les références bibl.
118. ‑és (à la place de ‑ez) est assez exceptionnelle ; citons, tout de même,
creantés IP 65 (232b) ; ‑ez note l’IP : creez 5 (218a) ; soufrez impér. 7
(218b) ; 13 (219c) ; remanez, mandez impér. 13 (ibid.) ; poez 18 (220d) ;
mais aussi SP des verbes non palatalisés : contez 183, 52 ; montez 192,
11 ; venez (ibid.).17
119. ‑iez, fonctionne comme désinence des verbes palatalisés à l’impér. (IP) :
aidiez 18 (220d) et à l’IS : vouxissiez (à côté de ‑oiz) : 18 (220d). Comme
exception, signalons abatiez 70d.
120. Un fait notable -comme dans A(2), cf. supra, § 169d – est la présence
massive de la désinence ‑oiz. Si elle apparaît, de loin en loin, à l’IP :
entroiz 12 (219b), elle est extrêmement fréquente au subjonctif, surtout
présent : contoiz 184, 7 ; creantoiz 209, 33 ; façoiz 209, 27 ; metoiz 210,
19 ; montoiz 192, 16 ; movoiz 3 (217c) ; pardonoiz 218, 8, etc. ; parloiz
204, 10 ; pour le SI, on notera : demorissoiz 14 (219d) ; meissoiz 65
(232a) ; portesoiz (ibid.) ; tenissoiz 9 (218c) ; vouxissoiz 201, 6. Au fu-
tur, c’est la désinence majoritaire, semble-t-il : connoistroiz 293, 7 ; fe-
roiz 53 (229b) ; porroiz 209, 36, etc. Dans l’ensemble, ces terminaisons
appartiennent aux parlers de l’Est : cf. supra A(2), § 169d.
121. Comme à l’IP, au fut. 6, la désinence peut être ‑unt : reconforterunt 18 ;
soulacerunt 18 ; ferunt 18 (220d).
122. A la 1ère p. du PS, la présence du s analogique est un fait assez fréquent ;
ainsi de vins 1 (217b) ; 180, 10 ; 186, 4 ; 189, 2 ; 195, 2 ; 200, 26 ; 214, 12,
etc., mais ving est aussi attesté, p.ex., à 186, 8. On relève aussi tins 54
(229b).
123. La 3e p. du PS des verbes faibles se termine très rarement en ‑t : cf. valut
215, 15.
C Syntaxe
124. La déclinaison : son état n’est ni pire ni meilleur que celui des mss. co-
piés, à la même époque, en France.
a) Comme c’est souvent le cas, le CR empiète sur les fonctions du CS :
un sage home (CSS) 295 (285b) ; biaux seignors chevaliers (apos-
trophe CSP) 205, 6 (bel seignor chevalier 17, 98L) ; l’attribut du sujet
est souvent sans marque : cil chasteaux estoit un petit chastel 97
(239b) ; ge sui un chevalier errant 21 (221d) ; cum se ge fusse le peior
chevalier 209, 10 ; vos estes[…] meillor chevalier 220, 5, 10 ; […] vos
soiez nostre compeignon (227, 32–33) ;18 à l’opposé, le CSP est souvent
terminé au part. passé par un ‑s, ‑z ; trois chevaliers qui s’estoient
arestés 21(221d) ; il furent venuz 226, 20 ; nos somes tuit apareilliez
227, 13.
b) Ce qui pourrait, peut-être, s’opposer à l’usage du français propre est
l’emploi du cas marqué après préposition, comme, p.ex., dans : au
chevaliers 3 (217c) ; aprés le Bons Chevaliers 176 (258d) ; devant li
Bons Chevaliers 219, 16–17 ; voiant li rois Artus 219, 19 ; par li mari-
niers 227, 18 ; ou comme C.O.D. : tendroit li rois Artus 19, 18 (221a) ;
lors li osta li glaive 183, 28 ; ou encore comme complément du nom :
parenz est li rois de Norholt 295 (285b). Cependant, Marchello-Nizia
(1979, 98), constate la présence des mêmes « anomalies » dans des
textes de provenance française certaine.
c) Le fém. à ‑s de flexion semble tendre vers l’uniformisation des deux
nombres, comme en français propre :19 CSS sans ‑s : nef 227, 20 ; 229,
3 (nefs 23, 305L) ; mais, parfois, l’s fait également défaut au pl. : une
des nef de […] 227, 20 (même forme dans L, 23, 231).
d) Parfois, un élément figurant au bon cas est placé à côté d’un autre,
non accordé : chevaliers errant 208, 15 ; grant chevaleries 208, 17, etc.
125. Genre : à l’exemple de onor étudié ci-dessus § 92, ajoutons celui de ille,
isle, assez fréquemment masc. dans notre texte (voir Glossaire). Il sem-
blerait – mais il faudrait conduire une enquête approfondie – que ce
subst. est surtout masc. dans des textes anglo-norm. ou de l’Ouest (cf.
ex. relevés par T.-L. 4, 1465–1467).
126. Article : relevons la présence d’un étrange art. indéf. plur. unes con-
trees 194, 4.
18 Cependant, le CS n’est pas sans exemples : compainz 70d ; voir ci-dessus, § 98, 1, pron.-
adj. possessif : type mi compeinz, assez fréquent.
19 Voir, cependant, veritez 5 (218a).
20 Le problème n’est plus le même pour la 1ère p., cf. por moi servir 183, 44.
21 Voir supra A(2), § 187d.
Verbes
Constructions
138. L’infinitif complément d’objet se construit surtout avec la préposition a,
y compris savoir ou faire : ont acostumé a cerchier 226, 10 ; couvient […]
Temps et aspect
Voici maintenant les emplois des temps et des modes qui paraissent s’écarter
de l’usage habituel :
141. Dans les complétives, le subjonctif est exceptionnel après les verbes de
sentiment, sauf en anglo-normand (cf. Ménard 1994, § 155, R2) : « trop
me plest qe vos i veignioiz » 227, 29. Alors qu’après les verbes d’opinion,
lorsque l’opinion est assurée, ou emploie généralement l’indicatif, notre
texte offre l’ex. d’un subjonctif : « il m’est avis qe ce soit le mielz » 8
(218c) ; voir Ménard (1994, § 155c, R1). La phrase avant q’il s’aperceust qe
la dame se fust departie (291, 27) contient un subjonctif employé par
attraction modale : cf. Ménard (1994, § 159).
142. Subordonnées non complétives : le subjonctif de l’exceptive sui-
vante : […] fors q’i demorassent ici […] 180, 43–44, s’explique car il dé-
signe l’objet d’une visée (Moignet 1973, 251).
143. On relève, dans la finale qui suit, une dissymétrie : seul le verbe de la
subordonnée la plus proche subit l’attraction du verbe de la régissante ;
l’autre, plus éloigné, est à l’indicatif : « Et ge sui apareilliez que ge mete
mun cors en cest viage … et qe ge vos ferai compeignie tresqe la » 226, 7–
8. Voir Meyer-Lübke (1974, III, § 674, 752).
144. Les hypothétiques : le fait frappant est la prédominance des construc-
tions anciennes ; en effet le subj. imparfait, combiné avec lui-même ou
avec le PQP du subjonctif, apparaît 12 fois dans les exemples recensés
(parties éditées in extenso), sans compter les cas des tours mixtes, alors
que les tours faisant intervenir le « conditionnel » ne représentent que 8
cas (le type mixte compris : 4 conditionnels). En voici le détail :
1. se + plus-que-parfait du subj. + imp. du subj. : 190, 6–7 ;
2. se + imp. du subj. + plus-que-parfait du subj. : 179, 19–20 ; 218, 9–10 ;
3. se + plus-que-parfait du subj. + plus-que-parfait du subj. : 187, 21–22 ;
223, 14–15 ;
4. se + imp. du subj. + imp. du subj. : 180, 32–34 ; 182, 12–13 ; 183, 20–
21 ; 193, 4–5 ; 200, 19, 20.
Un groupe homogène est formé par des propositions où l’imparfait de
l’indicatif de la protase est remplacé par le subjonctif du même temps,
la forme en ‑rais se trouvant dans l’apodose :
a) « Et se li rois Melyadus […] et li Morholz d’Yrlande […] fussent […]
ceienz […], il n’en diroient autre chose [ …] » 177, 19–21 ;
b) « […] tout ne soie ge si hardiz, si me tendroie ge a […] deshonorez se
vos me peussiez reprouver […] » 194, 11–12 ;
c) « Et g’en seroie apareilliez qe ge l’en provasse […], s’il fust armez
[…] » 206, 5–6 ;
d) « Et certes, se li rois Melyadus fust […] ici, il ne seroit ja si hardiz qe
[…] » 220, 11.
D’après Ménard (1994, § 265, R1), le type « mixte » se trouverait surtout
dans les textes anglo-normands ; nous en avions relevé plusieurs
exemples dans le ms. 350 (A) ; voir, Bubenicek (1998a, Intr., § 151).
Nous pouvons seulement signaler, dans notre Suite, un seul exemple du
type se + ind. imparfait + cond. : « […] et certes, vos feriez ja trop grant
gentilesce se vos nos oceiez »22 182, 13.23
Enfin des phénomènes de discordance temporelle se constatent, parfois,
dans le domaine des propositions hypothétiques ; c’est ce que Ménard
(1974, § 267) a étudié sous le nom d’asymétrie. Il s’agit de tours sui-
vants :
1. Le type se + ind. présent + cond. présent : « qar se vos demorez […],
vostre secors ne me vaudroit […] riens » 192, 15–16, est particulière-
ment présent dans le ms. A de Guiron le Courtois : Bubenicek (1998a,
Intr., § 161).
22 Malgré la graphie -le copiste a d’abord écrit ociez, puis a rajouté un e en interligne entre
c et i‑, nous préférons voir dans cette forme un ind. imparfait, ayant subi l’influence de l’im-
parfait du subjonctif (oceissiez), plutôt qu’un ind. présent (ociez).
23 Un autre ex., avec un Fut. dans l’apodose, se trouve en dehors des passages édités :
« […]vos n’en istroiz […] se vos ne descendiez[…] » 12 (219b).
Renforcements pléonastiques
Assez répandus dans le ms. G, ils concernent des parties du discours allant du
pronom personnel aux adverbes.
148. « Réduplication expressive » du sujet : « il est un chevalier qi mout volen-
tiers trebuce, li Bons Chevaliers sanz Poor … » 177 (259a).
149. « Réduplication expressive » du complément direct ou indirect : « […] ele
ne vos aime tant q’ele nel feist demain vole[n]tiers, cel change de vos por
un autre » 209, 23–25 ; « il lé peust faire si granz merveilles […] » 219, 10 ;
« […] par la foi qe vos nos devez, a touz les chevaliers […] » 220, 36. Voir
Bubenicek (1998a, Intr., § 177a).
150. Le, pron. pers. neutre, annonce la complétive à venir (cf. Bubenicek
1998a, Intr., ibid., § 177b ; Suite Merlin, ed. Roussineau, t. 1, § 1, LXXXIV) :
« […] cum s’il nel vouxist mie que l’en li ostast […] » 73 (233d) ; « Dex lo
set qe ele avoit […] » 202, 4–5 ; « Qant tot est prest […], il le dient a lor
seignor : « Sire […] » 229, 2–3.
151. Pronoms adverbiaux :
a) i : « […] que vos volez qe ge face ? – Ce est, fet li rois Artus, qe […] vos
nos i portesoiz el roiaume de Logres » 65 (232b) ; « […] mes encontre
le Bon Chevalier […] ne s’i combatroit […] » 223, 23–24.
b) en : « […] li rois Melyadus n’en estoit pas meins afolez […] de ses
amors » 40 (226b) ; « por ce qu’il emprist celui fait […] n’en devise
pas li contes […] » 243 (273c). Assez souvent le ms. G redouble en
contenu dans le verbe par un en qui ne semble pas posséder une
valeur propre ; aussi a-t-il été, parfois, omis par les fragments L :
« […] il me mistrent en lor nef […] et distrent q’il m’en enmetroient la
ou ge comanderoie » 22 (222a) ; « le roi Uterpandragon […] gita la main
et me toli l’escu qe ge portoie et l’en emporta a ses compeignons […] »
188, 6–9 ; « Quant li chevaliers qi si mariz estoit […] vit qe ge l’en
enmenoie […] » 204, 1–2 (l’enmenoie 16, 60L) ; « Sire chevalier, or l’en
enmenez la dame avec ilui[…] » 207, 10 ; « il chevauchoit d’un suen
chastel a un autre […] et en enmenoit la dame avec ilui » 213, 11–13. A
côté de ces en redondants, le pron. adv. fait défaut dans : « ge ne qier
onques que mi compeinz se entremete […] », 142 (251b), peut-être par
haplologie.
152. Prolepse expressive :
Dans la phrase suivante, la prolepse d’un terme le situe « hors phrase »
et nécessite, alors, qu’on le rappelle à l’aide d’un pronom anaphorique :
« Li Bons Chevaliers sanz Poor, qi n’estoit pas mout acostumez de
cheoir, il est si durement hurtez […] » 94 (238d). Cf. Bubenicek (1998a,
Intr., § 183).
153. répétitions de la conjonction que :
« et ge cuit bien qe m’aventure estoit tele a celui point qe, se ge eusse josté
a celui point a chascun d’els, qe chascun d’els m’eust abatut » 187, 20–22 ;
« Au soir ot devisé li rois a la dame qe, qant ele sentiroit qe si sires s’i
dormiroit, qe ele se levast […] » 291, 17–18.
Ruptures de construction
Articulants du discours
24 L’usage d’écrire u après q est sporadique ; avec régularité il est appliqué là où l’u suit
une petite ou une grande initiale : « Quant li chevaliers … » (249c). Partout ailleurs, le groupe
contenant que, qua‑ apparaît seulement lorsqu’il s’agit, en fin de ligne, de compléter un es-
pace libre ; sinon c’est qe, qa‑ qui sont utilisés.
conterai […] » 111 (242d) ; « qant vos ne les volez ocire, et ge les ocirai »
183, 7–8.
158. Com, cum, come, coment alternent : coment 225, 17 : come 22, 97L,
etc.
159. Cuz, une conj., qui ressemble à cussi, « avverbio di similitudine », cité
par Boerio (1983, 215b) (como sic ? Meyer-Lübke 1974, III, § 607 ; Rohlfs
1969, § 946) fonctionne dans notre texte :
1. comme conjonction de comparaison : « […] vilenie feroit trop grant qi
tel enfant cuz cestui est deseriteroit […] » (170b) ;25 [... ]« fist autant li
jaianz de lui cuz il avoit fait del roi Melyadus » 145 (252a) ; « et bien le
mostra adonc qant il chevaucha tantes jornees cuz de Kamaalot
dusq’el roiaume […] » 175, 17–18 ; « […] et en menai avec moi cil mien
ami que ge avoie delivré […] cuz ge vos ai conté » 180, 14–15 ; « […] la
dame qe ge amoie de si grant amor cuz (com 18, 189L) ge vos ai con-
té » 207, 5–6 ;
2. comme faisant partie des loc. conj. temporelles : « […] se toutes
avoient la mort si tost cuz je le jureroie, eles l’avroient maintenant
[…] » 24 (222c) ; « […] anceis me combatroie ge a vos qe ge la vos qi-
tasse […], et tant cuz ge la vos porroie defendre, vos ne l’avrez » 214,
8–9 ;
3. comme adv. : « […] et par cuz grant merveille vos fustes rois […] » 60
(230d–231a).
Ce dernier exemple se rapproche de l’usage ital., type così buono : cf.
Meyer-Lübke (1974, III, § 196) ; dans les comparatives, la langue de
Dante use soit de la forme simple come, soit de la corrélation complète
così – come (ibid., § 216).
160. Quelques adverbes :
Assez se construit sans la préposition de, comme d’autres adverbes de
quantité ; il est alors employé adjectivement : « assez[…] cortoisie et ser-
vice » 227, 27–28. Voir, là-dessus, Foulet (1967, § 92) ; Tilander (1955, 28) ;
notre Intr. à A(2), supra, § 201. Tant peut avoir, lui aussi, une flexion
adjectivale : tantes jornees 175, 17 : cf. Tilander (1955, 37). La variabilité
de touz devant un adjectif est un fait normal : « glaive qi […] estoit touz
entiers » 187, 12–13.
161. La négation offre au moins deux exemples intéressants. Alors que l’anc.
fr. emploie la négation simple dans des phrases contenant des éléments
coordonnés par ne, les mss G et L s’accordent pour utiliser la négation
ceste parole […] 7 (218b) ; Et qant il ot dite ceste parole […] 217, 26 – on
voit combien il s’agit là d’emplois stéréotypés, limités à des compléments
des verbes d’énonciation (dire, conter …) –, l’accord est négligé de façon
générale : « fierement nos a deceu li rois Claudas » 10 (218d), etc.
26
D Vocabulaire
166. abateor, s. m., ‘celui qui abat, qui triomphe de tous les adversaires en les
désarçonnant’ : « […] vos n’estes pas josteor, mais vos estes abateor de
touz le monde ! » 97 (239a). Cf. Gdf 8, 11b–c (abateur) ‘abatteur d’arbres’ :
1200–1453 ; abbateur de gens : Charles Fontaine, Ruisseau de la fontaine
(1555) ; abatteur ; abatteur de femmes, de filles, de prime lutte, de
bois, de quilles […] : sens fig. et « libre », ‘abateur de femmes’ : Gdf,
ibid., 11b–c ; Huguet 1, 7a ; Di Stefano (1991, 2b).
167. abaudiz, p. pas. masc. CSS d’abaudir ‘effrayer’ : sous l’effet de la tem-
pête, « li Bons Chevaliers sanz Poor est si abaudiz q’il ne set qe il doie
dire » 70 (233a). Déjà Gdf 1, 19a, a relevé un ex. de ce qu’il croit être une
confusion avec abaubir : « Une autre mesaventure leur avint lors meismes
qui touz les parasoma et abaudi ».27 Enfin FEW 1, 210b (balbus) connaît
le même part. à Tournai, provenant, selon lui, d’un mélange (Einmis-
chung) avec baudet, dont le sens est voisin du nôtre : ‘abasourdi, interlo-
qué’.
168. aconduire, inf., ‘conduire, amener’ : Aprés ce q’il orent apris nouveles ou
il poroient le jaiant trover, […] se firent ça aconduire […] 54 (229c).
D’après les relevés de T.-L. 1, 101, ce serait un vocable du Nord, ce que
semblent confirmer les attestations du mot dans les dialectes modernes
(Nord, Wallonie, Ardennes, Normandie : FEW 2, 1025b (conducere), et
Gdf 1, 70a–b : Cambrai, Mons, Rouchi, Haute Normandie).
169. achouchiez, p. pas. masc. CSS d’achouchier, v. intr., ‘être couché’ : « …
li chevalier estoit ja acouchiez et endormis » 124 (246a). Ce verbe est sur-
tout attesté dans la loc. (s’) acouchier malade(s) : cf. Gdf 1, 63c–64a ;
T.-L. 1, 120s., ou au sens de ‘s’aliter’ (cf. T.-L. 1, 121 : ‘bettlägerig’ ; Ilvo-
26 Figurent dans cette liste des mots ou des expressions contenus soit dans les parties éditées
intégralement – certains ont fait l’objet d’une note (ils sont alors signalés par un astérisque) –,
soit ceux qui proviennent des passages seulement résumés (dans ce cas, l’expression est suivie
du n° de § de notre édition à venir, ainsi que de l’indication du f° ; par ailleurs, le contexte de
son emploi est donné). Tous sont faiblement ou tardivement attestés dans les dictionnaires
(Gdf ; T.-L.) ou présents uniquement dans notre Suite.
27 Paris/P. (ed), L’Estoire de Eracles, t. 2, 186, imprime esbahi ; l’édition utilisée par Gdf est
celle des Historiens des Croisades.
189. pié, s.m., ‘pied’ ; loc. où figure ce mot : « il n’i avoit le pié » 81 (236a) ‘il
n’y avait personne’ ; sur cette métonymie précédée d’une négation, voir
Gdf 6, 148b–c ; T.-L. 7, 882–884 ; Di Stefano (1991, 675a). « Vos ne poez
ceienz entrer ne metre lé piez » 12 (219a) ; « Vos n’i poez metre le pié »
12 (219b) : T.-L. 7, 892 (2 ex.) ; Di Stefano/Bidler (1992, 465b).
190. Pont huis, s m., ‘planche de navire pour l’embarquement (?)’ : Li rois […]
s’en vient a la nef tout droit et vient a un pont huis par ont l’en entroit
laienz […] 12 (219a). Les dictionnaires – Gdf 6, 274a ; T.-L. 7, 1407 – ne
connaissent pont qu’au sens signalé (‘Steg zum Beisteigen eines Schiffes
oder zum Aussteigen’), mais point pont huis ; cependant ce terme com-
posé semble posséder la même signification que le mot simple.28
191. Pres de, loc. prép., ‘presque’ : […] il avoit en la nef si grant luminaire qe
l’en veoit laienz pres d’aussi clerc cum se ce fust de parmi jor. 13 (219c).
Cf. T.-L. 7, 1780.
192. Pro, prép., ‘nos le mandames pro espier’ 237 (272b), résulte-t-il d’une
inadvertance du copiste, d’un latinisme ? Signalons que le sarde logou-
dorien porte également pro : REW, 6762 ; FEW 9, 401b.
193. Emploi, en adresse injurieuse, de reprouche ‘opprobre, honte’ : « Vilté
de gent, honte et reprouche, ralez en Cornoaille ! » 25 (222d). Ce type
semble calqué sur des expressions bibliques, telles que Repruece de(s)
humes … (Psaumes), citées par Gdf 7, 72b ; T.-L. 8, 944–945, et apparaît
dans toutes les vers. de Guiron le Courtois : « Ce est la viaulté de toutes
les prudomes, ce est la vergogne et la renproche de toz le monde » ms. R,
Vat. Christ. 1501, f° 10b (vers. de 358).
194. soine, s.m., ‘somme’ : Et li rois Artus […], qant il ot dormi une grant piece
de la nuit, il s’esveille adonc et ot qe li rois Melyadus ne dormoit mie, ainz
s’aloit en son lit tornant et retornant, cum cil qui ja avoit dormi un soine
et s’estoit adonc esveilliez […] 166 (256a). Alors qu’en français propre l’o
ouvert et tonique de somnus demeure intact, la voyelle entravée se
diphtongue dans certaines conditions dans des dialectes méridionaux
(cf. Anglade 1921, 76 ; suon, souem, souen … : cf. FEW 12, 95b) et ita-
liens : cf. suenne ‘rechte Schläfe’ à Cerignola (Pouilles, prov. de Foggia) ;
suenni Otrante ; suonne Naples ; seûnno Gênes ; suen Gröden (Tyrol
du Sud) : Rohlfs (1966, §§ 111 : Ligurie ; 115 : Veneto ; segmentation même
en syllabe fermée , 117 : Rovigo, Istria ; 119, etc.), et FEW, 8086.
195. spendu, p. pas. masc. de spendre ‘dépenser’ : « […] ge ne me recort mie
qe ge veisse el roiaume de Logres […] une plus riche cort de cele. Qe vos
28 Pas de pont huis dans Fennis 1995 (III) ; Jal (1948, 1198b–1200b) ; Jal (2006) ; Kemna (1901).
Conclusion
Le texte de la Continuation du Roman de Meliadus donné par le ms. G se carac-
térise par un certain archaïsme. Cette impression provient davantage de l’ap-
pareil morphologique, syntaxique, voire du lexique, que de son système pho-
nétique. En effet, celui-ci présente un certain nombre de traits déjà « évolués » :
retenons la réduction des hiatus internes, même si elle est assez limitée (§§ 19
et 21) ; la simplification de [we] à [ε] (§ 10), etc. L’armature morphologique du
ms., elle, utilise des formes anciennes au plan du pron.-adj. pos., telles que
suen, soe (§ 97), l’enclise nes (§ 91) ; maintient intact le relatif cui (§ 99a),
ainsi que le CSP tuit (§ 100). En ce qui concerne la déclinaison, son état fait
penser à celui qu’on rencontre dans des textes copiés en France à la même
époque et qu’a étudié avec perspicacité Marchello-Nizia (1979, 97–100). On ob-
serve, en dépit d’une tendance à unifier les fém. de la seconde décl., quelques
vestiges, dont veritez au CSS (§ 124c et n. 19) ; la présence du type ‑mi com-
peinz (§§ 97, 1, et 124a n. 18) ; celle des adj. épicènes, sauf de l’interrogatif et
de l’indéfini (qele, tele : § 100 n. 14) : voir le § 95. Concernant le verbe, force
est de souligner l’absence de ‑e analogique à la P1 de l’IP et du SP (§ 112) ;
la présence quasi exclusive de ‑ez comme désinence du SP5 des verbes non
palatalisés (§ 118) ; l’emploi de formes primitives telles que faz (§ 107), fui, etc.,
non encore réduites à ‑u (§ 109). Enfin, au plan de la syntaxe, la persistance
d’un système hypothétique à prédominance des subj. imparfaits ou plus-que-
parfaits est révélatrice d’un système de langue plus ancien, malgré des correc-
tions apportées à notre connaissance par des travaux récents (voir Marchello-
Nizia 1979, 290s.). Cet acquis semble confirmé par le genre archaïque de cer-
tains vocables (cf., p.ex., voille).
La coloration ancienne du texte est conjuguée, parfois, avec une certaine
teinture dialectale. Laissant volontairement de côté des traits du Nord-Est, ha-
bituels dans des textes fr. copiés en Italie, nous voudrions, en revanche, souli-
gner la présence d’éléments occidentaux que nous avions déjà relevés dans
notre ms. de base de l’édition précédente, le ms. de l’Arsenal A(2). Cette der-
nière, fort systématique dans l’emploi du pron.-adj. poss. (§ 97), se manifeste
à un moindre degré en phonétique : ei non passé à oi (§ 17), dont nous n’avons
pas, sans doute, relevé tous les ex. ; poüsse et soüsse à la voyelle en hiatus
non affaiblie (§§ 41, 106). Quant à la syntaxe, on relèvera la présence du subj.
dans une complétive après un verbe de sentiment dans la régissante (§ 141),
et, surtout, l’emploi du type « mixte » qui caractériserait les textes de l’Ouest
ou anglo-normands (§ 144a–d).
Nous voudrions procéder, enfin, à un bilan comparatif de la langue de G
et celle des fragments L. Sa portée sera forcément limitée étant donné la faible
étendue de L. Malgré tout, une juxtaposition des deux textes nous met en pré-
sence des copies voisines où une même abréviation, une graphie identique, se
rencontrent au même endroit. Prenons, p.ex., le fragment « Corniani » (Longo-
bardi 1988a, 21a et s.), correspondant au texte de G, édité par nous au § 223, à
partir de la n. 5 ; apparaissent alors : 1. les mêmes abréviations : mon (G, 225,
3 = L, 21, 60) ;29 conter (G, 225, 4 = L, 21, 61) ; 2. les mêmes graphies : Isle (G,
226, 12 = L, 22, 148 ; G, 226, 18 = L, 22, 166 ; 226, 21 = 22, 172–173) ; un ille (G,
29 Idem comadez (G, 195, 19) – comadez (L, 14, 246), n abrégé par la barre de nasalisation.
227, 3 = L, 22, 183). Ailleurs, on relève l’accord des deux témoins sur une même
« faute » de déclinaison : « une des nef » (G, 227, 20 = L, 23, 231) ; et, ce qui est
beaucoup plus intéressant, un mot incomplet de part et d’autre : fet[es]vos (G,
195, 9 = L, 14, 218).
Cependant, malgré leur forte ressemblance les deux exemplaires ne sont
pas identiques :
a) G semble posséder une « physionomie dialectale » plus affirmée que les
fragments L qui se caractérisent, eux, par une langue assez peu mar-
quée. Sans étudier toutes les divergences, nous signalerons les traits les
plus saillants :30 1. G cahars – L coarz : alors que le ms.G possède une
forme qui n’est pas sans rappeler le traitement anglo-norm. de o initial :
cf. couhourdes « courges », devenu cahourdes (Jean de Mandeville, ed.
Deluz, chap. XXIX, 427, et Intr., 33 n. 110 coward [‘kauəd] de l’anglais
mod. et (Pope 1973, § 1171), la leçon des fragments est dialectalement
« neutre » ; 18. G roiame – L roiaume ; 18. G vet – L velt ; 29. G tiel – L
tel ; 44. G couse – L chouse ; cambre – chambre, mais G escham-
poie – L escampoie ; 52. G hebergiames – L herberjames ; 65. G
arieres – L arrieres ; darien – darrien ; 66. G hebergiames – L herber-
james, mais G trestrent – L trestent ; 75. G pui qe – L puis qe ; 82. G
par – L part ; 159. G cuz – L com.
b) Parmi les traits partagés, signalons viage (26) ; orre (37) ; sunt, etc. (42) ;
douçe < duodecim (49).
c) Parfois les deux mss présentent les mêmes dialectalismes mais pas aux
mêmes endroits : 14. G una (cort) 175, 3 ; G qele 195, 10 – L quela, 314,
222 ; 42. L porunt 13, 79 – G poront 180, 44, mais G porunt 217a ; 226,
14 … ; L sun 15, 315 – son 197, 4, mais sun G 218, 11 … (toutefois, sun
paraît plus répandu dans L que dans G) ; 43. G conduiront 227, 24 – L
condurront 23, 243, mais amenuse G 10 (219d).
d) Traits appartenant aux aires dialectales différentes paraissent fort limi-
tés ; citons, cependant, 33. G pou (Est) – L poi (Ouest-Sud-Ouest).
e) G présente un état de langue plus ancien que L : 1. G esforcieement – L
efforcieement (76) ; 2. G jorz – L jors, mais G desarmés, soufrés – L
desarmez, soufrez (77) ; néanmoins, la réduction de [ts] à [s] peut s’ex-
pliquer par la précocité du picard ; 3. G li marinier – L lé marinier (75).
f) Pour ce qui est des italianismes, certains sont partagés par nos deux
copies (voir ci-dessus b) viage, douce) ; d’autres n’apparaisent que dans
G : cuz (159) < cusì (it. mod. così) < *eccusīc ; o > u : Pise, Sicile, Calabre
(Bec 1970, t. 1, 49, n° 12), ou dans L : avventures (84).
I1
(f° 217) La demoiselle venue chez Arthur pour qu’il fasse libérer le Morhout
donne des signes d’impatience devant l’attitude indécise du souverain de Lo-
gres. Après une réponse rassurante de la part de celui-ci, elle retourne dans sa
nef, interdisant à quiconque d’y entrer. Arthur veut prendre conseil de ses
proches, et en premier lieu de Meliadus ; ce dernier pense qu’Arthur devra
s’employer à faire délivrer le géant : n’est-il pas son compeinz de la Table
Reonde ? 2 par ailleurs, « aucunes foiz valut il ja a vostre ostel, bien le savom »,
ajoute-t-il. Alors le roi de Logres promet de faire le nécessaire pour l’élargisse-
ment du Morhout.
Après qu’Arthur et ses convives ont mangé, Claudas se présente devant le
roi pour prendre congé de sa cour, sans recommander le roi à Dieu ; il le tient,
en effet, por [son] enemi. Arthur est désolé de le voir partir sans connaître
son identité. Il la saura bientôt, affirme l’inconnu, « hui ou demain, ne plus ne
demorra ». Après avoir repris son épée, qu’il avait déposée,3 il monte et se di-
rige vers la forêt dont il estoit venuz.
Après son départ de la cour, Claudas rencontre un valet qui chevauchoit un
grant roncin et portoit un brachet devant soi. Le jeune homme est porteur d’un
cadeau fait par la Damoisele des Landes4 au souverain de Logres. Alors Claudas
le charge d’un singulier message destiné à son maître : c’est lui, son ennemi
mortel, qui le vint hui veoir a sa feste et ce fu cil meemes qui de vin le servi a
sa table ; Arthur n’a qu’à faire de même pour prouver sa hardiesse ! Devant
l’incrédulité du valet (f° 218) – jamais Claudas ne se mettrait entre les mains
de celui qui lui veut le plus grand mal –, le roi de la Terre Déserte lui cite les
noms des autres convives : Meliadus, le Bon Chevalier sans Peur. Quant à son
identité : « Mon nom ne pues tu savoir », fet li rois Claudas, « devant qe tu ven-
dras au roi Artus ». Le jeune homme parvient à la cour alors qu’Arthur est a
conseil : avec les personnages précités et Urien de Garlot,5 il décide d’aller, en
compagnie de Meliadus et du Bon Chevalier, libérer le frère de la reine d’Irlande
emprisonné.6 Lorsqu’il répète devant le roi les paroles de Claudas : « Vos n’eustes
a piece mais un plus riche serjant a doner vos le vin qe vos eustes hui » ; « … Quant
vos feroiz un si grant hardement cum fu cestui, donc dira il qe li rois Artus est hardiz
chevaliers », il soulève une grande admiration non seulement chez le fils d’Uter-
pendragon – Arthur comence a batre les paumes et a faire la greignor feste dou
monde –, mais aussi auprès de Meliadus : « Fierement nos a deceu li rois Clau-
das … ; de grant cuer li vint qi entre nos se mist ».7 Seul le Bon Chevalier se montre
plus réservé : le fait de n’avoir pas quitté les armes derrière lesquelles il s’abritait
« amenuse trop son pris », estime-t-il.
II
(f° 219) Après avoir longuement parlé de Claudas, Arthur souhaite visiter le
magnifique vaisseau qui a abordé dans le port de Kamaalot – il lui rappelle
l’embarcation du roi Pharamond qe ja vint el roiaume de Logres, et en cestui
meemes leu ou ceste est orendroit venue … –,8 mais s’en voit interdire l’entrée
par les demoiselles présentes à bord : s’il n’est pas des trois héros devant partir
pour libérer le Morhout, impossible d’entrer ; de toute façon, lui répète-t-on,
« li uns sanz l’autre vos n’i poez metre le pié ». Alors le roi s’exécute ; il n’y
entrera qu’accompagné des autres preux. Auparavant, il doit satisfaire la curio-
sité de la demoiselle-gardienne qui veut connaître le nom des trois compa-
gnons : « si Arthur est du voyage », dit-elle particulièrement réjouie, « alors le
Morhout est sauvé ». De retour à son paveillon, Arthur confie l’administration
5 Cette appellation semble propre à Guiron le Courtois (Lathuillère 1966, §§ 43, 250 : ms. 12599,
italien) et à la Suite Merlin, ed. Roussineau, t. 1, § 71, etc. ; Flutre (1962, 243b–244a). Cf. West
(1978, 297b).
6 Ce comportement d’Arthur, chevalier errant, n’est pas sans ressembler à celui qu’il a au
début du roman : cf. Bubenicek (1998c, 53 n. 20 et 21).
7 Tout ce développement relatif au séjour incognito de Claudas chez son ennemi Arthur n’est
pas sans rappeler le jeu de cache-cache auquel se livrent, au début de la première partie de
Guiron, Pharamond de Gaule et Ban de Benoÿc, cf. l’édition de Bubenicek (1998a, §§ 83–89 ;
152–160).
8 La Continuation fait allusion à un épisode de Guiron-Roman de Meliadus : à la recherche de
joutes, le roi de Gaule accoste à Kamaalot et affronte, avec un succès mitigé, Blioberis, jeune
chevalier de la cour d’Arthur, cf. Bubenicek (1998a, §§ 58–73).
du royaume au roi Urien, en lui enjoignant de ne pas libérer les troupes réunies
pour attaquer Claudas avant que vingt jours ne se soient écoulés – il pense
avoir délivré le Morhout avant –, puis, accompagné de Meliadus et du Bon
Chevalier, il embarque au lever de la lune. L’ambiance de ce départ n’est pas
à la joie, un sinistre pressentiment s’est emparé de l’assistance :
Quant … ce vient au departir, vos peussiez veoir maint chevalier plorer et lermoier por le
roi Artus …
Gauvain, en particulier, regrette que son oncle veuille aller exposer sa vie au
danger : « Sire, dit il, l’en ne set des aventures deu monde ne des traïsons … »; il
propose de le remplacer. Mais Arthur est déjà monté dans le bateau, éclairé
somptueusement :
Et sachiez qu’il avoit en la nef si grant luminaire qe l’en veoit laienz pres d’aussi cler cum
se ce fust de parmi jor.9
Trois couches les attendent, et, à la surprise du roi de Logres, seule une demoi-
selle les servira pendant la traversée. Et Arthur, curieux de savoir ou sunt les
damoiseles de ceienz, s’entend répondre : « des lors qe nos seumes qe vos deviez
venir, s’en alerent eles ». Le vaisseau ne compte que la demoiselle et cels qui
ceste nef doivent conduire. Assis sur leurs lits, les trois chevaliers découvrent
une harpe pendue a un fust de la nef ; sans doute ceux qui l’y ont placée sorent
par aucun devinement que Meliadus devait être du voyage. Aussitôt, le Bon
Chevalier, approuvé en cela par (f° 220) Arthur, souhaite que le roi de Léonois
leur deist aucun son de harpe et aucune note dusq’a tant qe [il] euss[ent] tres-
passé partie de la nuit … « Qe volez vos qe ge harpe », demande le roi à ses
compagnons, « lay ou sonet » ? Le Bon Chevalier, qui a entendu parler du lai
Duel sor duel, composé pendant la captivité de Meliadus à Kamaalot,10 voudrait
l’écouter. Alors le père de Tristan de commencer à atemprer sa harpe et les
cordes a acorder, celes desus a celes desouz, en tel maniere cum il savoit, et de
faire enfin entendre sa composition :
9 Notre vaisseau présente des analogies avec la nef des fées de la Suite Merlin (cf. ed. Roussi-
neau, t. I, §§ 358–367, où embarquent Arthur, Urien et Accolon ; elle a été envoyée par Morgue,
afin de mettre à mort son frère et son mari (Urien), au bénéfice de son amant (Accolon).
10 Vaincu par une coalition dirigée par Arthur, Meliadus est mis par celui-ci en une molt fort
prison ; cf. Lathuillère (1966, § 44) ; Fotitch/Steiner, ed. des Lais du Tristan en prose (1974, 128
n° 14), citent notre poème dans une liste constituée à partir de Löseth (1890), ouvrage auquel
elles renvoient : 446 (vers. de 355, etc.), 444s. n. 1. Par ailleurs, la liste établie à partir des
recherches de Maillard (cf. ed. Fotitch/Steiner, 179ss.) ne semble pas comporter notre lai, pas
plus que l’ouvrage de Fotitch/Steiner lui-même (cf. les incipit, 5).
III
11 Chaque strophe débute par une petite initiale. Pour les quatrains d’octosyllabes monorimes
qui composent ce lai, voir ci-dessus, Introduction II.3.2.1.5.
12 Les vers 3 et 4 sont espacés dans le ms.
13 Il n’est sans doute pas nécessaire de corriger et en en, comme le fait Wahlen (2010, 453 n.
28) (XVI) ; voir, p.ex., E li dux […] a estros S’i defent si au brant d’acier Que n’a eu siecle cheva-
lier Qui los e pris ne fust sanz faille (Benoît, Chronique des Ducs de Normandie, ed. Fahlin,
v. 4877), à moins que Qui ne soit une graphie du relatif cui. Nous comprenons : « Moi, qui étais
jadis la gloire et l’honneur de tous les bons, me voici prisonnier comme un larron … »
14 Ici : Wahlen imprime ja, ce qui semble une faute de lecture.
15 La mort me fet son envail : « La mort me fait subir son assaut ». Comme T.-L. 3, 698 ne cite
qu’envai (Gdf 3, 310, quant à lui, n’a que envaie, envaiement, anvasement), qui assonne ou
rime dans les ex. allégués avec cheïr (Doon de la Roche, v. 3936) et esbahiz (Wautriquet), il est
loisible de supposer que le versificateur du lai de Meliadus a transformé envai, déjà peu attesté
(Nord, Nord-Est ?), en envail, forme unique, pour les besoins de la rime : strophe en -ail. De
telles transformations sont bien connues : cf. Lote (1955, 274s.). Ce vers est cependant hypomé-
trique ; pour faire 8 syllabes, il faudrait prononcer envaïl …
16 revont désigne une action faite par la même personne que celle qui était impliquée par
vont du vers précédent.
IV
17 Ce vers fait difficulté ; pour lui donner un sens, il faut admettre que Se représente l’adv.
d’intensité si, il n'est peut être pas nécessaire de supposer derrière jai l’adv. ja (<jam) ; ce type
d’échanges entre a–ai apparaît aussi bien dans des dialectes du français propre qu’en franco-
italien: cf. supra, Intr. III., § 7. Le sens global paraît être « si peu que j’ai, je l’ai péniblement » :
pour a dangier, voir Glossaire. Se a été lu par Wahlen (2010) comme ge et corr. en le.
18 Ms. vot.
19 debattu, avec deux t, est une faute de lecture de Wahlen (2010).
20 Wahlen (2010) lit mefais, mais mesfeire trans. se construit, généralement, avec un compl.
d’attribution (… a aucun) : cf. T.-L. 5, 1632, 1 ; en outre, le ms. porte une fine barre de séparation
entre me et fais trop proches.
21 Evidemment, cet événement est ignoré de l’auteur de la Vulgate, mais aussi de celui de
Guiron le Courtois, cf. Lathuillère (1966, Index, 569).
22 Ce renvoi au Livre del Bret, si fréquent dans les romans arthuriens en prose, est le seul qui
apparaît dans notre Suite. Sur ce problème, consulter la mise au point de Bubenicek (1993, 294
n. 127).
23 Assertion difficilement explicable, car, dans Guiron le Courtois, Pharamond et Claudas sont
des alliés de Meliadus dans la guerre qui oppose le roi du Léonois à Arthur, cf. Lathuillère
(1966, §§ 38 et 50) ; par ailleurs, ce même roman, lorsqu’il raconte l’unique rencontre du souve-
rain de Gaule avec Brehus, mentionne le comportement courtois de celui-là face à celui-ci, cf.
ibid., § 84, Löseth (1890, § 633).
24 Voir supra, § I.
25 Déjà données plus haut, cf. Lathuillère (1966, § 51).
avait lancé aux chevaliers de Logres et q’il le portast mort a la terre d’un sol
coup de glaive. S’il ne s’était montré sans ses armes, ce n’est pas parce qu’il
redoutait Arthur – il était protégé par la coutume26 –, mais parce qu’il craignait
d’être poursuivi à son départ par quelque ennemi dum il i avoit assez ... qi mal
li voloient de mort.
En ceste partie dit li contes ... Retour à Arthur ou plutôt à Brehus qu’Arthur
interroge. Il raconte alors son histoire : chevalier errant depuis son adoube-
ment, il revenait de la fête donnée par le fils d’Uterpendragon ;27 reconnu à
une fontaine par trois chevaliers, qui tentaient de le tuer, il fut obligé de se
défendre. Il finit par mettre à mort deux assaillants ; quant au troisième, il prit
la fuite. Nous apprenons plus tard – l’histoire est complétée progressivement –
(f° 222) que les trois chevaliers défaits par Brehus étaient des Cornouaillais
envoyés à la cour d’Arthur par Marc ; ce dernier appréhendait d’être attaqué
par le souverain de Logres, une fois Claudas vaincu, pour avoir pris part aux
côtés de Meliadus à la guerre contre le souverain de Logres.28 Lors de l’assem-
blée de Pentecôte, Brehus, qui comença a aler d’une part et d’autre par mi la
feste, tomba sur les trois envoyés de Marc. Les ayant reconnus, il leur reprocha
à eux, chevaliers de Cornoaille, coarz et failliz et mauvais sor touz les mauvais
chevaliers29 de souiller, par leur présence, la fête d’Arthur et les invita à quitter
les lieux : « Vilté de gent, honte et reprouche, ralez vos en Cornoaille ! » Hilarité
de tous ceux qui entendent les propos de Brehus, honte des Cornouaillais : il
s’en tenoient tuit a mort, déclare le romancier. Aussi, s’étant fait désigner ses
armes, ils pensèrent en venir à bout dans la forêt de Kamaalot. Le prosateur
nous livre, entre deux bribes du récit, un portrait de Brehus quelque peu con-
tradictoire. Son personnage possède, d’une part, des qualités indéniables, qui
le situent au début de sa carrière, mais déjà les males teches sur lesquelles se
fondera, par la suite, sa triste célébrité :
26 Cf. supra, § I n. 3.
27 Il doit s’agir de la fête de Pentecôte.
28 La présence de Marc est rappelée, au cours de cet épisode fondamental du début du roman
qu’est la guerre d’Arthur contre Meliadus, suite à l’enlèvement par celui-ci de la reine d’Ecosse,
cf. Lathuillère (1966, §§ 40 n. 2, 43).
29 Sur la discussion autour du motif traditionnel de la « mauvestié » des chevaliers cor-
nouaillais qui remonterait, selon certains, à l’instauration du tribut dû à l’Irlande, cf. Van
Coolput (1986, 22ss.).
Aussi, à la cour, est-il est immédiatement reconnu par plusieurs qui lui lancent
méchamment : « Veez ci venir le pere des damoiseles ! » Mais Arthur, admiratif
de sa belle prestance, car l’ayant fait venir devant lui, il vit q’il estoit bel cheva-
lier et assez granz et si bien tailliez de touz membres qe por defaute de taille
d’ome ne deust il perdre a estre bon chevalier, se contente de l’interroger au
sujet du grief majeur qu’on lui fait-il déteste et fait du mal aux demoiselles et
surtout aux damoiseles messaigieres- et souhaite même le garder auprès de lui,
afin de lui faire quitter cele mauvaise costume q’il avoit comencie a tenir. Après
la digression relative à Brehus, le récit revient à la situation du vaisseau et des
(f° 223) voyageurs : ja estoit li venz montez es voilles qi enmenoit aval la mer la
nef si grant oirre cum se tuit li vent dou monde la chachassent. Les compagnons
ont du mal à manger, qar la mer les avoit auqes estordiz. Alors que le navire
navigue toute la journée et la nuit, Claudas et ses marins, réunis en conseil,
décident d’abandonner les trois compagnons dans une île déserte pour les faire
revenir à de meilleurs sentiments : quand ils auront jeûné pendant trois ou
quatre jours, ils seront plus coopératifs et accepteront d’accorder au roi Clau-
das autant de trêves qu’il souhaitera ou une ferme pes ... a toz jor mais ! Au
lever du soleil, les voyageurs découvrent devant eux une île. La demoiselle
encore présente à bord leur explique que c’est là que le Morhout est emprison-
né. On procède à l’accostage ; les compagnons débarqués, le vaisseau s’éloigne
aussitôt.31
VI
Alors ils réalisent qu’ils ont fait l’objet d’une trahison, mais ils gardent l’espé-
rance et croient à l’aide de Dieu. Ils prennent la décision de se diriger vers la
tour aperçue à proximité où ils comptent trouver du monde. Au pied de cette
dernière, très belle, ils découvrent une maisonnette avec un lit de paille à l’in-
térieur. Meliadus croit qu’ils ont affaire à un logis d’ermite : on y trouve, en
30 Ms. ou/ures.
31 L’abandon des trois compagnons sur une île déserte par Claudas fait penser à celui de
Tristan par son oncle relaté par la vers. I du Tristan en prose, cf. ed. Blanchard/Quéreuil du
ms. 757, chap. VII/10 : « Roche aux Ermites ».
effet, un psautier ; et le Bon Chevalier, dont la bonne humeur n’a pas été visi-
blement entamée, d’ajouter, non sans malice :
(f° 224) Revenus à la tour, ils découvrent la plus belle chambre del siegle ... et
estoit par dedenz toute peinte ... En mi la chambre avoit deus lames ; l’une n’es-
toit mie richement mes l’autre estoit riche a merveilles et ovree a peintures d’or
trop cointement et trop bel. Desus la riche lame avoit letres32:
C’est la pierre tombale de douze frères tués par un géant, Aristanor,39 enseveli,
lui, sous la lame moins belle, à leurs pieds.
L’inscription de celle-ci, faite non mie par grant estude, s’adresse, elle aus-
si, au passant :
VII
37 acundant semble être le part. prés. de acondre, une graphie de escondre, v. réfl., habituelle-
ment attesté au sens de « se cacher » (cf. Gdf 3, 420a ; T.-L. 3, 958), passé au sens du v. trans.,
« refuser » (ibid.). On ne comprend pas bien pourquoi Wahlen (2010, 454) imprime acurdant,
qu’elle glose par acurder « réconcilier » (glos., 473) ; le sens de cette phrase est pourtant : « Toi,
qui regarde ce lieu ne refuse pas, au nom de Dieu, de prier … ».
38 Si l’on enterre ensemble des frères succombés à un assassin commun – comme les douze
de notre récit –, un autre ensevelissement, plus dramatique que celui-ci, concerne les frères
Balaain et Balaan, qui se sont entretués quoiqu’« issus d’un vaissiel » (d’un ventre dans notre
texte, v. 15) ; ils demandent à être mis ensemble dans « un vaissiel » (un même cercueil), à
l’endroit même de leur mort : Suite Merlin, ed. Roussineau, t. I, § 234, 24–28. D’anciens enne-
mis, que la mort a apaisés, connaissent le même sort : voir dans Guiron « ordinaire » (I ère Partie
du roman) Melian et Tarsan, Lathuillère (1966, § 42) (ms. G, f° 161 r° a) ; ou encore des amants,
p.ex., Lançor, fils du roi d’Irlande et Lione, dont les corps ont été trouvés par Marc : Suite
Merlin, ed. Roussineau, § 115. On sait que si Lancelot enlève le corps de son ami Galehot, c’est
pour se faire enterrer auprès de lui à sa mort, à la Douloureuse-Joyeuse Garde : cf. Lancelot,
ed. Micha, t. II, § XLIX,8 ; 212. Les cendres d’Etéocle et Polynice, autres « frères ennemis »,
continuent à soutenir leur lutte … dans l’urne commune (Roman de Thèbes, ed. Raynaud de
Lage, vol. II, v. 10.513–10.516) !
39 Ce nom ne figure pas dans les répertoires de Flutre (1962), Langlois (1904) et West (1978).
En revanche, un Aristan(t), chevalier de Sorelois, conduisant deux cents membres de son li-
gnage, affronte, lors du tournoi de Sorelois, le duc de Clarence : Les Prophesies de Merlin, ed.
Berthelot, f° 90va, p. 199. Etant donné les rapports entre ces personnages dans notre roman,
il est loisible de penser que Les Prophesies de Merlin aient servi de modèle à la version de G.
Un roi sarrasin portant le même nom est cité par Langlois (1904, 47, Table). Cf. aussi Löseth
(1890, § 282d, 200) (Prophécies de Merlin).
40 Ms. Vas. Corr. non signalée par Wahlen (2010, 455) (XVIII).
41 ge omis par Wahlen (2010) : vers hypométrique.
42 seüsse (Wahlen 2010 : feüsse : faute de lecture) ; v. 10, n’eüsse ; v. 13 peüst : le décompte des
syllabes oblige à conserver la diérèse, à la différence du texte en prose où la réduction de
l’hiatus est faite : voir supra, Intr., III., § 19 ; Lote (1955, 99 n. 1).
43 Nous comprenons (v. 8–11) : « Assurément je n’ai porté ce nom de géant que tant que,
connaissant quelque homme fort, je pouvais le vaincre et le mettre à mort grâce à ma puis-
sance ».
44 Wahlen (2010) : del home.
45 On ignore pourquoi Wahlen (2010) voit dans a desreison une locution adv. qu’elle glose
par « déraisonnablement ; cf. n. suivante.
46 Nous comprenons (v.19–21) : « et la raison (ou bien « la justice, le droit ») parvient là même
(sa serait une graphie de ça, échange constaté ailleurs : cf. Intr., III., § 72) où règne (il y a)
l’absence de raison (folie, ou l’injustice), et sa joie (la joie de l’homme : cf. v. 15) se transforme
en frayeur, consternation, tristesse ».
47 nulle forz « nulle force » ? Afin de faire rimer si forz < sic fortis, le poète a-t-il fait de fortia
(< force) forz ? Ou bien forz a-t-il le sens de « force » ? Ou, plutôt, rajout d’un e inorganique à
null, permet-il de gagner une syllabe ? Cf. des formes comme foreste, fréquentes dans le texte.
48 Pour la rime leu (lŭpum) et leu (lǒcum), possible dès la monophtongaison (XII e s.) en [oé],
voir Lote (1955, 159) (Thibaut de Champagne).
49 La rime t’ai/serai (et non ferai, comme l’imprime Wahlen (2010) par erreur – le géant rap-
pelle au passant les fins dernières de l’homme) est soit une rime « pour l’oeil » (cf., peut-être
forz – supra n. 47 –, ou establis/mis, v. 43s.), soit un témoignage de la confusion entre -ai et
-a : voir, supra, notre n. 17, relative à jai = ja.
50 si l’a establis : Wahlen (2010) découpe s’il a establis, ce qui ne donne pas de sens … Pour
la forme establis, voir la note précédente.
51 Ms. veīs : il semble difficile d’interpréter, comme le fait Wahlen (2010), cette forme comme
neis (IP2 de naistre ? rien au glossaire) : on oppose, visiblement un passé à un futur inéluctable
pour l’homme que souligne le parallélisme entre venis – revendras. La Vulgate, quant à elle,
utilise le v. tirer : « C’est à la sueur de ton front que tu te nourriras de pain, jusqu’à ce que tu
retournes à la terre, d’où tu as été tiré … » (La Sainte Bible selon la Vulgate, Genèse, III, 19).
Arnoul Gréban (1425–1495) dans le Prologue de son Mystère de la Passion, qui suit fidèlement
le texte biblique le transpose, en utilisant un verbe de mouvement proche du nôtre : « En la
sueur de ton viaire Useras ton pain chascun jour, Jusqu’à tant que faces retour En la terre dont
tu yssy … » (ed. Jodogne, v. 585–588).
52 Ce vers est hypermétrique (8 + 1 syllabes).
53 Ms. nois : nous corrigeons ce vers énigmatique et comprenons : « maintenant tu emprunte-
ras (em- en-, fr.-it. ne- prendre) cette (même) voie ». Ajoutons que la disparition de e « féminin »
est plus rare après diphtongue qu’après voyelle, selon Lote (1955, 101) (cf. aussi 94 : vers cité
de St Alexis où l’e de esteie compte). De toute manière, notre correction de nois en voie est
justifiée par la nécessité de disposer d’un mot plus long, afin d’éviter un vers hypométrique.
54 Wahlen (2010) a oublié le pron. adv. i ; son vers est par conséquent hypométrique.
Dans la contemplation des tombes et la conversation qui fait suite à leur décou-
verte, Arthur et ses compagnons oublient la trahison dont ils ont été les vic-
times. Tantôt ils regardent les lames, tantôt leur vue est attirée par le décor
mural :
Meliadus se souvient alors du fait : après un jor entier de lutte indécise, le géant
s’est retiré dans sa tour et Uterpendragon, sûr de perdre s’il fallait aussitôt
recommencer le combat, blessé a merveilles, reprit le vaisseau qe estoit a port
et retourna en Logres.
55 Chrétien de Troyes fait chasser le lou par l’aignel, l’aigle par l[e] colon (Cligès, ed. Micha,
v. 3805). Sur le topos du « monde renversé », voir Curtius (1956, 117–122), et, plus récemment,
Angeli (1977 ; 1982).
56 Plusieurs affrontements du père d’Arthur avec des géants sont rapportés par nos textes :
Lathuillère (1966) signale la victoire d’Uterpendragon sur un géant nommé Brun qu’il tue, mais
succombe à ses blessures (§ 18). Löseth (1890, § 598) (ms. BnF, f. fr. 24.400), analyse un épisode
du Tristan en prose, particulièrement proche du nôtre, comme nous le verrons plus loin : un
géant habite une île où il bâtit une tour, au sommet de laquelle il allume toutes les nuits un
feu pour attirer les vaisseaux dont il met a mort les passagers. Il a enlevé une noble demoiselle
de Norgalles. Jeté par la tempête sur son île, Uterpendragon combat le monstre et le tue de
trois coups d’épée.
Cette honte, Meliadus dit l’avoir partagée avec le père d’Arthur ; il se trouvait
en effet à la table de ce dernier lors de l’arrivée du messager du géant. Il avait
même visité la présente île à la recherche de la perfide créature mais sans
succès : « a celui terme ... [li jaianz] estoit alez ne sai qele autre part ». Les pro-
pos de Meliadus éveillent les souvenirs du Bon Chevalier sans Peur : lui aussi
a rencontré le monstre, même si, pour lui, il s’agit de la greignor vergoigne qi
onques [li] avenist. Comme Arthur brûle d’impatience de connaître cette his-
toire, le roi d’Estrangorre la racontera lorsqu’ils seront alegié de leurs armes.
VIII
Au moment des faits, le narrateur était assez nouvel chevalier, sans grande
expérience et moindre réputation. Le roi de Norgalles tenait alors une cour
fréquentée par une foule de hauts personnages sur les rives de la Surne.57 « A
celui point qe nous eumes mengié et nos estiom sor la riviere », dit le Bon Cheva-
lier, voici qu’arrive « un batel, non mie grant mes auqes petit, et feri devant nos
en terre, si qe des tables ou nos mengiom peust l’en bien giter un pain dedenz le
batel ». En sort un personnage de taille gigantesque. « Il ne vint mie voide main
entre nos », ajoute-t-il, « ainz aporta deus escuz de champions et deus batons
cornuz ». Il défie, sans saluer le roi, les chevaliers de la cour. Alors que per-
sonne n’ose relever le défi, le roi d’Estrangorre honteux devant leur inertie et,
surtout, poussé par son sentiment pour la fille du roi de Norgalles – « amors
et jouvente me firent a celui point tel fait enprendre qe nul de leienz n’enpreist
por gaaignier un bon chastel » –, avoue-t-il a posteriori, saisit les armes appor-
tées par le géant. Au bout de très peu de temps il voit l’infériorité de son adver-
saire en matière d’escremie. Par un coup adroitement asséné tres desus la teste,
il réussit à le (f° 226) faire a la terre aler d’ambedeus les genolz. Alors qu’il se
hisse sur lui pour l’achever, le Bon Chevalier se voit emporter par le monstre,
qui le troussa desus son col cum un enfant, dans son embarcation. Avant que
le bateau ne prenne le large, le héros s’élance dans l’eive et regagne la rive a
nou. Ce fait, tout honteux qu’il fût, procura au Bon Chevalier l’affection du
souverain de Norgalles, qui lui aurait même accordé la main de sa fille, se ne
57 Dans Guiron le Courtois, la même rivière Surne (var. Aisurne, Arsone, Arsoune, Assurne,
Ausurne), où le roi de Northomberlande tient une cour somptueuse, est le théâtre de la défaite
du « Beau Couard », sans doute Henor de la Selve (Lathuillère 1966, § 62). Ce fleuve, qui sépare
le royaume de Logres du pays de Sorelois, c’est-à-dire des Galles du Sud, semble pouvoir être
identifié avec la Severn : cf. Loomis (1949, 451–456, et surtout 453). Voir aussi West (1978, 9) ;
Lancelot, ed. Micha, vol. IX, Index, 1983, 13 (Assurne).
fust li rois de Norhorbellande qe por soi la demanda et l’ot, mais aussi fut à
l’origine de la rivalité qui devrait l’opposer au roi de Léonois :
Arthur estimant que le narrateur n’a pas finé ... le conte del roi de Nohorbel-
lande, le Bon Chevalier se voit contraint de raconter ce qu’il considère comme
folies et ... vilanies de sa jeunesse, mais, ajoute-t-il, « se a blasmer venoit de cel
fait, l’en en devroit plus blasmer le roi Melyadus ». En effet ce dernier, tout en
étant le cousin du roi de Norhomberlande, aime la reine « a cuer crever, et moi
enhaï mortelment por ce qu’il savoit qe ge l’amoie ». Si Arthur insiste, c’est parce
que
58 Cette explication de la rivalité entre les deux hommes est inédite. Dans la version donnée
par la ms A (BnF, f. fr. 350), elle est purement chevaleresque : cf. Lathuillère (1966, §§ 23, 29,
33, 46, 169, 171 etc.) ; Delcorno Branca (1998, 129 n. 42).
l’un désarçonne l’autre, les chevaux sor les cors. La mellee est tout aussi indé-
cise et meurtrière : « il n’i avoit celui de nos deux si sain de ses membres q’il
n’eust des plaies cinc ou sis ». Après s’être avoué leur admiration réciproque,
ils décident de mettre fin à « l’estrif, qar tost nos porion metre a mort ». Interrogé
par son futur compagnon de chevauchées, le Bon Chevalier dit s’appeler Brua-
mor li Blans ;59 l’autre est Limorat 60 de Listenoys ; li rois Pellynor de Listenoys
est [si] freres charnex. Très satisfait lorsqu’il apprend qu’il a affronté le cheva-
lier qui a celui tens [estoit] de greignor renomee, le roi d’Estrangorre l’est encore
davantage en s’entendant proposer, par son adversaire de tout à l’heure, un
compagnonnage exclusif : « et lesseroie toz autres chevaliers », ajoute celui-ci,
« por ce qe ge vos ai trouvé a cestui point si bon chevalier et si vaillant ... ».
Cette association s’avérera, certes, aussi bénéfique pour l’un que pour l’autre :
« vostre pris acroistra par moi, et mon pris acroistra par vos. » ; elle sera scellée
a une chapelle qe pres d’ilec estoit, et jura li uns a l’autre compeignie. Ils s’accor-
dent en tout à merveilles ; le Bon Chevalier, quant à lui, trouve à son compa-
gnon toutes les qualités : il est (f° 228) le plus gracieus des totes les bones graces
qe chevaliers poroit avoir en soi. Mais cette entente est de courte durée ; en
effet, le narrateur tant regard[a] son estre et son afaire qu’il se rend compte
que son ami est éperdument amoureux de la même femme. Malgré toute la
douleur que puisse engendrer une séparation, le Bon Chevalier décide de quit-
ter son compagnon d’armes et lui demande de le délier de son serment. Trop
durement iriez, Lamorat propose, d’abord, à son ami de réparer le mal qu’il
aurait pu lui occasionner, puis, dans un geste fort pathétique, il demande
d’être mis a mort :
Lorsqu’il apprend que le Bon Chevalier veut renoncer à l’amitié à cause de leur
affection commune pour la reine de Norhomberlande, la décision de Lamorat
est immédiate :
59 Dans le ms A(2) et dans le BnF, f. fr. 112 (cf. Lathuillère 1966, §§ 189 et 289), le Bon Chevalier
sans Peur porte parfois le nom de Brunor le Noir.
60 Par la suite, le nom est toujours orthographié Lamorat.
61 Ce fait acquiert une résonnance particulière lorsqu’on sait que, dans la Première partie de
Guiron, le Bon Chevalier sans Peur a, effectivement, tué son ami et compagnon Lamorat « par
mesconoissance » : cf. notre édition (Bubenicek 1998a, §§ 249–282) ; Lathuillère (1966, §§ 20, 35
et 260). L’auteur de la présente suite s’était, peut-être, souvenu de ce fait.
62 Ms. aīnz.
63 L’histoire de la reine de Norhomberlande rappelle celle d’une autre reine, la reine de Nor-
galles. Séduite par le jeune Marc de Cornouaille, sauvée in extremis du bûcher par Lac et Yvain,
elle est alors pardonnée et chérie de nouveau par son mari : voir, supra, I ère Partie, B. Les
textes …, t. I, §§ 86–103 (Lathuillère 1966, §§ 165–166 n. 3).
IX
(f° 229) La ou il tenoient en tel meniere parlement de ceste chose, voici qu’arrive
un vieillard tout blanc de chennes, mais encore bien vigoureux, notamment en
ce qui concerne son parler ; il manifeste un grand étonnement face aux visi-
teurs : il n’a pas l’habitude de voir du monde sur son île. Alors Arthur et ses
compagnons lui demandent des renseignements au sujet de la tour, des deux
lames et des briés qui les ornent, des douze frères, du géant et de celui qui l’a
tué. D’abord réticent – le fait de se remémorer la mort de ses enfants lui occa-
sionne une vive douleur –, il consent néanmoins à raconter son histoire et celle
du duc de Clarence, car c’est bien de lui qu’il s’agit.64 Ses efforts pour acquérir
pris et lox lui valurent la considération d’Uterpendragon sous le règne de qui
il vivait. Un jour, il organisa une fête somptueuse pour le mariage de sa fille
et d’un chevalier. Après les festivités, alors que le gendre de Clarence allait
s’embarquer pour son pays, un géant, Aristanor, le mit à mort, ainsi que tout
l’équipage, et enleva la jeune femme qu’il emmena avec lui dans son île, là où
ils se trouvent à présent. Les fils du duc finirent par repérer le géant et son île
et s’y firent conduire ; ils furent tués par le monstre, mais réussirent tout de
même à lui infliger de fortes blessures. Le père, apprenant la mort de ses en-
fants par ceux mêmes qui avaient vu le déroulement du combat et qui étaient
retournés dans la duchee de Clarenz, fut tenté par le suicide, mais après avoir
réfléchi, il se dit qu’il préférerait mourir à l’endroit même où ses fils avaient
succombé. Il se fit conduire dans l’île où le géant se moqua de lui (f° 230)
apprenant qu’il était venu pour le tuer ; il plaisanta même sur la façon dont il
ensevelirait, une fois mort, le père avec ses fils ! Mais le duc réussit finalement
à mettre le monstre à mort et se laissa emmener, par les écuyers du géant,
devant la tombe de ses enfants. Il y apprit la funeste nouvelle de la mort de sa
fille : un jour de colère le géant l’avait précipitée dans les flots. Le malheureux
père décida alors de rester à l’endroit où ses enfants avaient été tués qar jamés,
dit-il, il n[e] porroi[t] vivre a joie dans son pays. Aussi, distribua-t-il ses biens
et libéra-t-il les serviteurs venus avec lui dans l’île. Il fit rechercher à travers
ses domaines toute la plus riche lame q’il porroient trouver65 pour la placer au-
dessus de la tombe de ses enfants et une autre sur celle du géant,
64 Guiron le Courtois mentionne le duc de Clarence comme chef de guerre au service du roi
d’Irlande, lors du tournoi du Pin du Géant : voir Lathuillère (1966, § 32 n. 1) ; West (1978, 80b).
Mais c’est, avant tout, un personnage du Lancelot en prose où il porte le nom de Galescalain,
Galechalain ou Galeschin, fils du roi d’Escavalon, frère de Dodineaus, neveu d’Arthur et cousin
germain de Gauvain : voir Lancelot, ed. Micha, vol. IX, Index, 1983, 72s. ; Micha (1984, 11) ; Lot
(1954, 315s.).
65 On observe la même recherche de matériaux précieux dans le cas de la lame d’argent scel-
lant la sépulture des deux jeunes guerriers, Melian et Tarsan (Lathuillère 1966, § 42).
« por ce qe cil qi la sepulture de mes enfanz regardassent veissent la sepulture del jaiant
et regardassent la grant proesse qe ge fis qant g’é vengié la mort de mes enfanz. »
Depuis, il mène sur cette île une vie destroite : se nourrissant seulement
d’herbes teles cum [il] les trouvoi[t] par cest ille, il est si faible qu’il n’attend,
désormais, que la mort ; il a même, dit-il, usé, à force de privations, sa douleur :
« … tant longuement ai mené duel qe leisié l’ai desore mes ; a Deu prier me sui torné ; ilec
ai mis toute ma entente et avrai, se Deu plest, toute ma vie. »
66 Allusion au miracle du perron, épreuve qualifiante, d’où Arthur se montre le seul capable
d’extraire l’épée : cf. Robert de Boron, Merlin, ed. Micha, 1979, §§ 85–87 ; même tonalité dans
le Roman de Meliadus, où un envoyé de l’empereur de Rome fait part à son maître de l’événe-
ment dont il a, semble-t-il, été le témoin oculaire : « Et sachiés sire, tout vraiement qu’il fu rois
par si grant merveille que bien puet l’en tenir son coronnement demoustrance de Dieu et miracle
aperte ». Et lors enconmence tout maintenant a conter la merveille del perron et de l’espee en tel
manere com mesire Robert de Borron le devise tout apertement en son livre … (Bubenicek 1998a,
§ 11).
nef estoit encore si loing qe ele lor sembloit aussi petite cum un oiselet … Le
vaisseau n’accoste pas, mais reste à une distance respectueuse. Au bout de
quelque temps, un viel home tout blanc de cheines fait son apparition. Son ba-
teau a été conduit vers l’île par la tempête ; en effet, « la mer qe a esté tampes-
tause vers les parties de Norgales nos amena a ceste part », affirme-t-il. Très
discret de prime abord (f° 232) – il ne veut point décliner son identité – mais
finit par avouer à Arthur que, s’ils sont venus dans l’île, c’est à cause du souve-
rain de Logres qu’on y retient prisonnier. Et de proposer à Arthur et aux deux
autres rois de se faire leur porte-parole auprès des populations de leurs
royaumes respectifs, afin qu’elles procèdent à l’élection de leurs successeurs :
il les considère, en effet, comme bel et bien morts ! Lorsqu’Arthur propose à
l’inconnu de les embarquer sur son navire ses compagnons et lui-même,
moyennant un guerredon grant et merveileux, sinon « a mauvestié le vos poroit
l’en atorner », son interlocuteur a recours au don contraignant : le fils d’Uter-
pendragon lui doit d’abord
« creante[r] come rois que vos me donroiz celui don qe ge vos demandrai ; et sachiez qe
ge ne vos demanderai ne vostre terre ne mort d’ome … Or sachiez qe ge vos delivrerai de
ceste estrange prison ou vos estes mis par couvenant qe vos quitoiz li rois Claudas de la
Deserte de totes les qereles qe vos avez orendroit vers lui dusqu’a vint anz, en tel meniere
qe dusqu’au terme de vint anz sor sa terre ne corroiz ne domaige ne li feroiz, se ce n’estoit
por ve[n]gier aucun domaige q’il vos feist avant celui terme … »
« qe vos le me façoiz acreanter a ces deus rois qi avec vos sunt, qe se vos de cestui couve-
nant issiez, q’il vos lesserunt del tot et s’en vendroient au roi Claudas et li aideroient
encontre vos ausi loiaument cum il aideroient vos encontre un autre. »
67 Ms. pitet.
la ou sunt [s]i fil enterré, et il conclut : « assez plus me plest ceste poverte ou ge
sui qe se ge fusse en mon païs, en la richesse ou ge fu ja ».68 (f° 233) Après avoir
échangé leurs adieux, Arthur et ses compagnons prennent place dans le navire.
XI
Seul Arthur et ses compagnons gardent une attitude digne face au déchaîne-
ment des éléments ; leur sang froid – ils éprouvent eux aussi une peur légi-
time – fait l’admiration de l’auteur qui les fait assister, témoins muets et
quelque peu hautains, au désarroi des autres.72 Après une nuit agitée, voici
que les voyageurs découvrent une petite île, alors que la tempête n’est pas
encore tout à fait apaisée. Les marins sont encore plus pressés que leurs passa-
gers d’atteindre la terre ferme. Mais tout le monde ne peut se précipiter a seche
terre ; en effet, certains ont été si durement travailliez de la tempeste … q’il
gisoient enmi la nef einsint come mort.73 Arrivé à proximité de l’île, l’équipage
trouve, dejost une roche, une nef brisee et rompue qe la nuit i avoit esté perillee.
La facture du bateau fait reconnaître au chef des marins ceux qe sunt acostu-
més a corre par le Hombre ; ce dernier ajoute, à l’adresse d’Arthur : « il ne puet
estre qe vos n’aiez perdu de vos homes del roiaume de Logres ». La sinistre pré-
diction du chef marinier s’avère vraie : une vingtaine de noyés, que le roi iden-
tifie grâce à leurs vestures comme originaires de Kamaalot, gisent tres desus le
port. Mais voici que nos trois voyageurs découvrent
C’est un homme de grande taille qui serre dans sa main droite une boiste d’ar-
gent. Arthur étant curieux d’en connaître le contenu, le Bon Chevalier veut la
lui prendre, mais
a l’oster q’il voloit faire, li chevalier estraint la main, ausint cum s’il nel vouxist mie que
l’en li ostast la boiste. Mes puis la relasse et la lesse aller …
(f° 234) Comme ils sont persuadés que l’état du naufragé ne lui permettra pas
de survivre, les trois héros concentrent leur attention à l’examen de l’objet ;
celui-ci, ouvert par Meliadus, contient deus paires des letres, les unes granz, les
autres petites. Voici le contenu de la première :
74
XII
84 La ponctuation de Wahlen (2010) ( … en prison. Si fort qe …) est, une fois de plus, incompré-
hensible … C’est la prison qui est Si fort qe …, une métaphore pour dire que les règles de
l’élargissement des prisonniers sont exigeantes, que la prison est « difficile à quitter ». Elle est
donc « inaccessible » (schwierig, schwer zugänglich : T.-L. 3, 2155, 9) d’une certaine manière.
85 le à la place de li : cf. Intr., III., § 95d.
86 On doit sans doute voir dans qe + subj. une finale, plutôt qu’une hypothèse secondaire
(pas de coordination) : cf. Wagner (1939, 489ss.) ; Marchello-Nizia (1979, 291).
87 Ille Repouste : ce toponyme qualifie dans le cycle du pseudo-Robert de Boron (cf. Erec, ed.
Pickford, chap. IV, 243–244 ; Folie Lancelot (la), ed. Bogdanow, chap. IX, 204), un chevalier
orgueilleux, Montenart.
88 … qi m’i sunt hoste : cf. tour être mari ou femme à qqn ; p.ex., infra, IV, § XXXV, 204.5.
Pourrait-on aussi lire qi mi sunt hoste « qui sont mes hôtes » ?
89 … hoste. / Hoste ? voir ! qar il m’ont osté … Cette reprise d’un élément sous forme d’interro-
gation fait songer à Chrétien de Troyes ; on remarque, par ailleurs, le jeu de mot sur hoste/osté
… : pour les figures d’anadiplose et d’annominatio, voir ci-dessus, Intr., II.3.2.1.5.
90 poriez comporte une diérèse normale : les formes de la désinence du conditionnel sont
dissylabiques : Lote (1955, 125).
91 Nouvelle diérèse pour maintenir l’octosyllabe : meïssiez ; cf. supra, v. 20, et infra, v. 52.
XIII
Arthur ayant entendues ces letres se déclare satisfait : ils savent désormais où
ils pourront trouver le Morhout d’Irlande ; il est sûr que c’est lui-même qui en
est l’auteur et que le message a bien été adressé à Blio de Gaunes. Les deux
rois opinent de même et sont prêts pour aller délivrer le géant, prisonnier de
l’Ille Repouste. Mais Arthur voudrait d’abord prendre connaissance du deu-
xième écrit ;94 alors il desplient maintenant l’autre et ja comencent a regarder
et trouvent que ele disoit:
XIV
105 ait, sans tréma (cf. Wahlen 2010), rend le vers hypométrique.
106 Pour l’élision de ge, cf. Elwert (1965, §§ 34d et 35)
107 La crainte de l’insépulture, la privation des honneurs funéraires traditionnels, qui garan-
tissent la paix aux âmes, remonte à l’Antiquité ; voir André/Baslez (1993, 440).
108 C’est, visiblement, l’équivalent d’entendre: cf. la note 94.
109 L’absorption de l’élément liquide salé est mentionnée par Homère : à Ulysse, après son
naufrage, la mer … ruisselait de la bouche et du nez ; son état n’est pas sans rappeler celui de
Blioberis : sans haleine et sans voix, il était étendu, tout près de défaillir sous l’horrible fatigue
(L’Odyssée, ed. Bérard, vol. I, chant V, v. 455–458). Benoît de Ste-Maure, cet autre « transla-
teur » de l’histoire de Troie, évoquant le sort d’Ajax, fils d’Oïlée, l’un des rescapés du naufrage
de la flotte grecque, est tout aussi réaliste :
Tant a beü de mer salee,
Toz en est pleins, groz e enflez.
De grant peril est eschapez ;
Adenz se gist sor le rochier.
Onc ne se pot sor piez drecier … »
Roman de Troie, ed. Constans, vol. IV, v. 27626–27630.
Et plus loin, lorsque ses compagnons, qui
… orent la mer rendue
Qu’il aveient senz seif beüe,
Si se resont tant esforciez
à accomplir le voyage pour aller libérer son ami, il s’entend dire par le maître
de la nef qu’il n’était venu là que dans cette intention, « por qe vos aiez harde-
ment de venir cele part », précise-t-il. (f° 236) Départ immédiat du vaisseau. Dès
qu’ils furent en haute mer, ils rencontrèrent un mal tenz si orrible et si perilleus
estrangement qe tuit cil de la nef distrent q’il estoient mort.112 Alors, craignant
le pire, Blioberis écrivit le deuxième texte se trouvant en possession du roi de
Logres,113 afin que celui qui le trouvast mort … por pitié de chevalerie feist metre
[s]on cors en terre. A son tour Bliobéris interroge Arthur sur sa présence et celle
de ses compagnons dans l’île. Le fils d’Uterpendragon s’exécute et mentionne,
entre autres faits notables – il devis[e] tout mot a mot –, leur débarquement
par trahison dans l’île du géant où il n’i avoit le pié.114 Les amis confrontent les
renseignements qu’ils possèdent sur le lieu d’emprisonnement du Morhout ;
Blioberis sait que celui-ci est détenu dans l’Ille Repouste où il demeurera pri-
sonnier jusqu’à ce qu’un chevalier, capable de vaincre six adversaires, vienne.
Arthur avoue que c’est là un exploit très difficile. Le Bon Chevalier opine dans
le même sens : tout dépendra de la façon dont le combat devra se dérouler ;
pour lutter contre six chevaliers à la fois, il faudrait un trop bon chevalier, et encore
faudrait-il que l’aventure li aid[ast] trop durement. Arthur essayant d’établir un
ordre qu’ils suivront pour affronter les geôliers du Morhout, Blioberis s’efforce de
le persuader qu’il faille que le plus faible commence, à savoir lui-même, qar s’il ne
puet a chief venir, le meillor qi aprés vendra en chivera par force d’armes … Arthur,
qui a deviné le manège de Blioberis,
s[e] comence a sorrire de ceste parole et respont en sorriant : « Vos nos savez bien ghaber
qant il vos plest ; mais tout soit gab qe vos nos dites, si sui ge apareilliez de la moie part
qe ge face de ceste chose qanqe cist dui seignor en voudroient faire, qi ausint sunt seignor
de ceste emprise cum ge meemes sui. »
Mais c’est Meliadus qui fait montre de sagesse : tant qu’ils n’auront pas trouvé
le prisonnier, il est inutile de se disputer la précellence d’un combat hypothé-
tique :
celle de chevalier, d’amoureux et d’écrivain, voir l’article suggestif de Baumgartner (1985, réed.
1994) ; notre Intr., II. 3.2.1.
112 S’agit-il de la même tempête que celle qu’ont essuyée Arthur et ses compagnons ? Pour
la description de cette dernière, voir supra, § XI.
113 Voir supra, § XIII.
114 Outre la présente locution, au sens « il n’y avait personne », on relève dans notre texte :
vos ne poez ceienz entrer ne metre lé piez (12 : f. 219a) ; vos n’i poez metre le pié (ibid.) : Cf. Di
Stefano (1991, 675a : Ne … pié « personne, pas un seul ») ; Di Stefano/Bidler (1992, 465b : metre
pié, le pié, les piez en).
« Por ce en leissom la parole aitant dusq’a celui point qe nos veignom au fait ; adonc nos
porrom entre nos conseillier autrement qe nos ne poom orendroit, qar nos ne savom en-
chore de lui nulle chouse se par cuider non. »
XV
Faisant suite à la conversation qu’il vient d’avoir avec ses amis, Arthur inter-
roge le maître de la nef: connaît-il l’Île Repouste ? Serait-il capable de les y
conduire ? (f° 237) Celui-ci en a déjà oï aucunes foiz parler, mais il n’y a encore
jamais été. Cependant, si le temps était propice, il penserait pouvoir le faire.
Dans l’attente des conditions climatiques favorables, les voyageurs se reposent
six jours entiers dans l’île. Au septième, le temps s’améliore et devient bons et
bels, tel cum il lor estoit mestier ; si se mistrent adonc en la mer. Une fois en
haute mer, Arthur rappelle au maître leur conversation ; alors celui-ci com-
mande aux marins : « Tornom d’autre part noz voilles », et lor mostre qele part
…
Au gré des aléas de la navigation – le bateau avance une hore tost et autre
lent, einsint cum li vent estoient une hore plus fort et autre plus foible –, ils
finissent par approcher d’une petite île : elle n’avoit mie de loing plus de sis
lieues115 englesches. Cette île inconnue aux marins possède un chastel mout fort
et … fermez droitement desus la mer, ainsi que villes plusors. On décide de s’y
arrêter pour prendre du repos.
Alors qu’ils n’ont pas encore quitté le vaisseau, voici que les voyageurs
voient venir un valet du château, montez sor un grant roncin. Il veut connaître
leur identité. Dès qu’il apprend de la bouche d’Arthur qu’ils sont de Logres, le
jeune homme n’i ateint plus … ainz s’en retorne grant oirre au chastel. Au retour
du valet un cor retentit aussitôt, si hautement qe cil de la nef l’entendirent tout
clerement, et Arthur fait observer à ses compagnons que « onques por noienz
ne fu cest cor sonez si asprement cum il a esté sonez. » Il est plus prudent de
revêtir leurs armes !
XVI
Voici que du château sort un chevalier armé, montez sor un grant destrier sor ;
il est de haute taille et son bouclier tout nouvel est d’argent a goutes d’or.116 La
vue de son écu rappelle à Meliadus une humiliation cuisante :
« Ge ne vos en dirai ore plus, fet li rois Melyadus, fors tant sachiez veraiement q’il est bon
chevalier, ne ge ne[l] vi mes puis q’il me fist doulent et irié. »
L’inconnu s’adresse aux compagnons a haute voiz, sanz saluer les, en les invi-
tant à jouter contre lui : il leur fournira les montures nécessaires.117 Blioberis,
dans l’élan de sa jeunesse, souhaite avoir la première joute, malgré l’avertisse-
ment réitéré de Meliadus. Arthur, tout aussi fougueux, la lui cède : il l’a deman-
dée le premier. Meliadus est de toute façon persuadé que la joute leur revien-
dra, car
« se li chevaliers de leienz n’est empiriez de tel force cum ge li vi ja avoir, il donra a faire
a nos quatre a grant plenté, avant qe il soit mis a terre. Et tout soit Blio bon chevalier de
son aage, si vos di ge seurement q’il n’avra a cestui duree. »
Aprés les froisseïz des glaives, il s’entrehurtent des cors et des escus si durement qe li
plus forz et li plus roides pert les estriers, et pou s’en faut qe il ne voident les archons,
armoiries non répertoriées dans Brault (1972). La particularité de cet écu est de juxtaposer
deux métaux, l’or et l’argent, en enfreignant ainsi la règle d’emploi des émaux héraldiques :
interdiction de juxtaposer ou de superposer deux couleurs appartenant au même groupe : cf.
Pastoureau (1982, 143).
117 La pratique qui consiste à fournir à la joute les montures nécessaires à un adversaire qui
en est dépourvu est un usage attesté par le début de la Première partie de Guiron le Courtois :
le chevalier de la nef, Pharamond de Gaule, en fait la demande à la cour d’Arthur dont il veut
affronter les preux : voir Bubenicek (1998a, § 63).
tant se furent entreferu roidement. Li Bons Chevaliers sanz Poor, qi n’estoit pas mout
acostumez de cheoir, il est si durement hurtez q’il vole a terre. Mais itant li avint d’onor
qe il enporte avec lui l’archon derieres de la sele ; il le rompi a fine force ! Li chevaux s’en
est passez outre, bruiant come une foudre. Li Bons Chevaliers sans Poor remaint a terre,
mes il se relieve mout tost …
as chars nus vienent les fers et entrent dedenz si parfont q’a pieça mais ne sera jor q’il
ne s’en sentent amdui.
Mais c’est Meliadus qui a le dessous ; il est, en effet, de ceste joste feruz si
roidement qe il est abatuz a terre entre lui et le cheval sor qoi il estoit montez.
Alors l’inconnu s’adresse à Arthur pour lui demander s’il y a d’autres candidats
à la joute. « En non Deu, sire chevalier », répond le roi, « se plus en i avoit, ja
plus n’en viendroit avant par le mien conseil por jouster encontre vos, que a ce
qe j’ai ore veu de vos, ge di bien tout apertement qe ja tant n’en viendroit qe vos
n’abatissoiz ; vos n’estes pas josteor, mais vos estes abateor de touz le monde ! »
Arthur veut connaître le nom de ce héros, mais ce dernier se contente d’une
réponse évasive. Il ne dira son nom qu’à celui qui le vaincra. Il se retire dans
la forteresse dont les portes se referment aussitôt. Le petit chastel, où il trouve
refuge, ne possède qu’une seule porte et une petite posterne.
XVII
grevast ? » Mais le roi de Léonois, quant à lui, n’est pas vraiment surpris. Il a,
dit-il, assisté à un exploit de l’inconnu, « assez greignor … de ce q’il a ore fait
de nos ». Tout le monde est d’accord pour se considérer honni à quitter l’île
sans avoir autre connoissance de cest chevalier qe encore n’[ont]. Arthur, pour
sa part, pense que les habitants de l’île pourront les renseigner ; ils connaî-
tront, au moins, le nom de leur seigneur. Ils se diviseront alors en deux
groupes : les uns – ce seront Blioberis et le Bon Chevalier – iront aux renseigne-
ments dans l’île : peut-être apprendront-ils où trouver l’Ille Reposte ; (f° 240)
les autres – Arthur et Meliadus – se posteront devant la porte du petit château ;
en effet, estime le roi, « il ne puet grantment demorer, a mon avis, qe la porte
de cest chastel ne soit ouverte. Il ne serunt pas leienz tout adés enferré. Qi leienz
pora le pié metre demant et enqere le fait et les nouveles del chevalier … » Lors-
qu’ils se retrouvent seuls, Arthur demande à Meliadus de lui raconter cele grant
merveille qe jadis fist celui bon chevalier de laienz.
XVIII
« Sire, fet il, entor celui tens qe ge estoie nouvel chevalier, encor n’avoie ge pas,
a mon escient, porté armes deuz anz entiers », Claudas de la Deserte tenait, dans
sa cité de Boorges tote la plus riche cort et la plus envoisiee et la plus noble qe
ge onques veisse ». A celui tens régnait la paix entre Uterpendragon et Claudas,
ce qui favorisa la réunion de tant de bons chevaliers. Uterpendragon s’y rendit
venant de la Petite Bretagne ou il avoit a celui tens veincu en champ le roi de la
Petite Breteigne qi fu peres cestui roi Hoël, qi orendroit seignoroit la petite Bre-
teigne. Il y avait, parmi ces chevaliers prestigieux, Ban de Benoÿc, Bohort de
Gaunes, Pharamont, qi a celui point estoit novelement coronez dou roiaume de
Gaule. Quant à moi, je n’étais pas encore coronez de Loenoys. Dès le premier
jour, après l’heure de dîner, les chevaliers comencierent … a porter armes defors
la cité. Sûr de mes capacités, je comptais sur le tournoi pour acquérir la renom-
mée que je n’avais pas encore. Je réussis, en effet : mes exploits avaient attiré
sur moi l’attention de l’assemblée qui était désormais curieuse de connaître
mon identité et qui m’appelait, une fois celle-ci apprise, par mon nom. Lorsque
le roi d’Irlande, le pere le roi qui orendroit maintient Yrlande, se présenta avec
un écu vert senz autre teint, identique au mien, j’y vis une offense infligée à
ma famille :
« Qant ge vi q’il portoit autretel escu cum mis peres avoit porté tout son vivant et cum ge
meemes portoie, et ge savoie tout certeinement qe au vivant de mon pere n’avoit esté nul
chevalier si hardiz qu’il portast escu vert por doutance de mon pere, il me fu avis qe cil
portoit l’escu vert por honte de moi et por despit et por l’abeisement de mon lignage. »
J’attaquai alors le roi d’Irlande, lui ôtai le bouclier vert et le fis trainer par
tout le tornoiement, voiant toz cels qi la estoient. Honte et douleur du roi, mais
connaissant mon identité, il n’osa pas se venger ; s’étant fait expliquer mon
comportement, il cessa de porter l’écu vert. (f° 241) Le lendemain, les joutes
recommencèrent et j’eus la joie d’être accueilli, à mon arrivée, par de respec-
tueux : « Veez ci Melyadus de Loenois ! » Alors mon ardeur redouble et mes ef-
forts sont couronnés de succès ; au jugement de tous, je suis déclaré le meilleur
chevalier et le plus fort de toz les geunes bachalers qi en la place estoient ; j’ai
remporté grant pris … et grant lox de cele jornee. Le jour suivant, alors que les
chevaliers étaient attablés auques matin, droit a hore de disner, et qu’Uterpen-
dragon m’honorait et m’accordait grant pris de chevalerie, en me prédisant un
brillant avenir, voici que se présenta devant le roi l’inconnu à l’écu d’argent
aux gouttes d’or, réclamant une joute. C’est moi qui fus désigné pour relever
le défi :
« Li rois Uterpan[dragon] comença adonc a regarder tout entor lui et me comença adonc
a regarder plus qe touz les autres. Et ge m’aperçui maintenant q’il voloit bien qe ge jos-
tasse. »
Au cours du combat qui suivit, je brisai ma lance sur l’inconnu, mais de la sele
ne le poi remuer. Désarçonné violemment – bien me fu avis qe ge eusse le col
rompu –, je ne fus que le premier d’une longue série. Devant les tables meemes
ou li rois estoit a mengier …, c’était le tour d’un frère de Pharamond, puis de
Pharamond lui-même. Uterpendragon, qui voulait venger le roi de Gaule por
l’amor de lui, était défait de la même manière, au grand étonnement de l’assis-
tance. (f° 242) Le roi Bohort, qui bien estoit sanz doute le mielz chevauchant
home … et le mielz ferant de lance, connut le même sort. Au total, dusq’a quinçe
chevaliers, qe rois, qe autres chevaliers, furent abattus par le Chevalier à l’Ecu
d’Argent aux Gouttes d’Or.118
XIX
Voyant qu’on ne lui opposait plus personne, l’inconnu s’en alla malgré l’assis-
tance – le roi Uterpendragon en personne –, qui réclamait sa présence. Animé
118 Cet exploit de Lac n’est pas sans rappeler celui qu’il accomplit dans la version du ms. de
l’Arsenal : cf. supra, I ère Partie, B. Les textes …, t. I, §§ 18, 12–34 ; 21–34 ; Lathuillère (1966, § 162).
Le contexte est, cependant, différent : ce n’est pas Claudas qui organise l’assemblee, mais le
roi Uterpendragon ; c’est pour avoir humilié le « chevalier aux armes noires » – Lac –, en lui
refusant de défendre une demoiselle déshéritée, que ce dernier se venge sur les preux de la
cour d’Uterpendragon : Meliadus et Bohort, Danain, le Bon Chevalier sans Peur et Lamorat de
XX
« Grant piece aprés ce qe nos eumes veu, le roi Uterpendragon tenait une grande
cour dedenz sa cité de Kamaalot, et fu droitement au jor d’une Pentecoste. Je ne
me souviens pas d’une assemblée aussi magnifique que celle que ce roi avait
réunie alors, car trop i ot doné et spendu. Alors qu’Uterpendragon est à table,
au jor de Pentecoste droitement, un chevalier gravement blessé fait son appari-
tion. Apprécié du roi et de la cour pour ses qualités de courage, il revient d’une
mission que lui avait confiée le souverain de Logres (f° 243) : il devait protéger
une demoiselle deseritee des menaces d’un chevalier dont le frère était mort à
cause de la passion qu’elle lui inspirait.119 Pendant qu’il escortait la jeune per-
Listenois. A la différence du récit de A(2), que nous publions ci-dessus, où le père d’Arthur
joue un rôle important, en motivant le comportement de Lac, celui de notre Suite ne réserve
aucune place à Claudas, qui disparaît, après quelques lignes du début, de la narration.
119 Comme on peut le constater, le narrateur a, semble-t-il, dédoublé l’épisode cité ci-dessus :
nous retrouvons Uterpendragon dans son rôle d’hôte et, surtout, la demoiselle déshéritée de
A(2).
sonne qui se rendait à un recet … por veoir une soe parente, il fut assailli par
celui que la demoiselle redoutait et assista, impuissant, à son enlèvement :
désarmé, il fut incapable d’opposer la moindre résistance à ses quatre ravis-
seurs. Voyant qu’elle lui estoit tolloite, le chevalier saisit ses armes et chevau-
cha en se hâtant de jornee en jornee après les auteurs de l’enlèvement. Les
ayant retrouvés dans une forteresse portant le nom de Chastel d’Estanc, por ce
qe en mi leu d’un grant estanc est cil chastiaux assis,120 il s’y fit transporter en
batel, sous les quolibets des ravisseurs : serait-il capable d’affronter l’ennemi
de la demoiselle et ses trois comparses ? Auqes desconfortez – quatre autres
chevaliers avaient déjà payé de leur vie la délivrance de la demoiselle –, l’en-
voyé d’Uterpendragon s’y résigna néanmoins. Fort malmené – il fut navré ein-
sint cum vos poez veoir, dit-il au roi –, il ne dut avoir la vie sauve qu’à la
promesse de retourner à Kamaalot et d’y demander l’envoi d’un preux capable
d’affronter quatre adversaires à la fois. Et le chevalier d’accabler le père d’Ar-
thur de reproches :
« Sire rois Uterpandragon, tout cest grant mal et cest grant plaies mortex qe j’ai el cors ai
ge por vos, et non por autre ; ge sai de voir q’il m’en couvendra a morir ; por qoi ge di qe
vos m’avez ocis sanz faille … Moi avez mort et la demoiselle est par vos et trahie et enpri-
sonee, qar se ne fust l’aseurance qe ele avoit de vos, ele se fust autrement gardee q’ele
ne se garda. »
XXI
« Rois, fet il, un chevalier sui, qui sui venuz d’estrange terre, qe jamais a jor de ma vie a
ta cort ne vins, et ne porqant venuz i sui por les granz biens et por la grant honor qe
chascuns home vet disant ; veoir voil s’il est veritez q’il ait tant de bien en ta cort cum
l’en en dit. »
120 Ce « château » relevant du roi de Norgalles – voir infra – est ignoré de Guiron le Courtois
et n’apparaît dans aucun des répertoires habituels.
« Por l’onor de vostre meison me voil ge aler combatre as qatre chevaliers qi la damoisele
ont enprisonee einsint cum vos avez oï. »
« S’il est einsint qe vos au meillor chevalier del monde donoissoiz cestui don avant qe ge
le demandasse, ge ne lo[e]roie mie qe vos li tollissoiz por doner le moi. »
Mais, après avoir appris que le champion était moi-même, il s’inscrivit en faux
contre cette affirmation : « … a ce q’il fust le meillor chevalier del monde ne
m’acorderoie ge en nulle meniere se ge avant n’en veoie plus haute chevalerie qe
ge n’en vi encor » ; et d’ajouter, non sans ironie :
« Ge ne cuit mie q’il ait orendroit ceienz un chevalier qui mielz connoist toute la force de
sa chevalerie qe ge connois. »
Défendu par le Bon Chevalier sans Peur, qi a cestui tens me voloit trop grant
bien et trop durement estoit mes amis, je me vis proposer une joute pour nous
121 Sur le don contraignant familier aux lecteurs de romans de chevalerie, voir, en dernier
lieu, Ménard (1981).
« Souventes foiz avenoit qu’un chevalier non mie de mout grant bonté abatoit trop meillor
de lui », disais-je,122
XXII
122 La déclaration de Meliadus est conforme à l’esprit du roman ; voir infra, § XXXIV n. 149,
et § XXXV, 220.
123 Voir supra, § XVIII.
de l’Estanc un soir auqes tart, alors que le Chevalier à l’Ecu d’Argent aux
Gouttes d’Or s’y trouvait depuis le matin de ce jour, prêt à engager le combat
contre ses quatre adversaires. On nous apprit que ces derniers étaient frères
charnel d’un pere et d’une mere, tous quatre d’une très grande vaillance, et que
de lors (sic) lignaige avoient esté ocis qatre autre parenz de ces qatre frere124 avoient
establi par le comun assentiment del chastel qe jamés cele damoisele n’istroit de prison
s’ele n’estoit delivree par un seul chevalier qi ces qatre frere peust mener a oltrance.
Persuadés qu’il n’y aurait aucun chevalier de si aut cuer qu’il osât se metre en
aventure, ils pensaient pouvoir mettre à mort leur prisonnière dès son arrivée
dans la forteresse, mais, par crainte d’Uterpendragon, ils établirent la règle
que voici.125 Hébergés par un vavasseur hospitalier et enfin alegiez des armes,
dont nous portâmes le poids toute la journée, nous pûmes répondre à notre
hôte, (f° 246) curieux de connaître la personnalité du futur libérateur de la
demoiselle. Lorsque nous voulions lui rendre visite à son logis, on nous répon-
dit que li chevalier estoit ja achouchiez et endormis.
XXIII
li rois de Norgales, en cui tenement li chasteaux estoit fermez, estoit ja venuz au chastel
por la bataille veoir, et avoit amené avec soi grant compeignie des chevaliers qi trop
estoient tuit desirans de veoir la bataille.
Alors que le bon chevalier était prêt à accepter toute manière de combattre : il
affronterait ses adversaires en qel qe meniere q’il voudrunt, le roi de Norgalles,
au nom de la loyauté chevaleresque, ordonna que l’inconnu les combattît, cha-
cun, à tour de rôle, et d’ajouter : « Por ce, se vos estes abandonez chevalier, ne
vos doit l’en faire trop grant oltraje … » En revanche, s’il perdait dans le combat
ainsi défini, il serait prison de Norgales a toz jor mais.
Après l’accord des intéressés, le combat s’engage aussitôt : le premier des
quatre frères est transpercé de part en part, si qe del fer et del fust aparut bien
par derrieres plus d’un pié ; li chevalier fu mort de celui coup, et au cheoir q’il
124 Construction en « apo koinou » : le segment ces qatre frere jouant le rôle, d’abord, de
complément du nom, puis de sujet.
125 A savoir qu’un seul chevalier devait venir à bout de quatre adversaires (cf. supra, § XX).
fist del cheval brisa le glaives. Le deuxième adversaire connaît le même sort
que le premier : au retraire qu[e] le Chevalier à l’Ecu d’Argent fist del glaive,
brisa le fuz. Quand il regarda q’il avoit les deus freres ocis a deus coups, l’incon-
nu demande à ceux qui sont encore en vie d’être raisonnables et de lui livrer
la prisonnière. Mais les deux frères veulent venger les morts : « Nos volom mielz
morir qe vivre, se ne ve[n]geson cest grant domage qe vos nos avez fait ». Après
avoir tué, dans les mêmes conditions, le troisième frère, le vainqueur renou-
velle sa proposition, avant de tirer l’épée. En vain, le dernier frère désire la
mort plutôt que de survivre à sa famille anéantie :
« je ai ci receu tel domaige qe se vos ne m’ociez, si m’ocirai ge, qar ge ne voudroie vivre
aprés ceste grant dolor qe ge voi de mes freres. »
« Non ? dist li bons chevaliers ; en non Deu, or sachiez de voir qe, puis qe vos desirez tant
la mort, qe vos l’avroiz tout maintenant. » Et lors lessa corre au chevalier l’espee trete
contremont et li dona un si grant coup q’il li trencha l’espaule atot le braz, tout einsint
armez cum il estoit, si qe li braz cheï de l’une part et li chevaliers d’autre qi morut tot
maintenant.
XXIV
« Et ne por126 qant, cil qi desarmé le virent me distrent qe ce estoit sanz doute uns des
plus biaux chevaliers q’il onqes veissent. »
Mais voici justement que la porte du château s’ouvre enfin et que deux cheva-
liers qi assez estoient d’un grant, et estoient ambedeus beaux chevaliers a mer-
veilles, en sortent. Ils sont tous deux trop cointement vestu, mais l’un d’eux a
le front pendé por une plaie q’il avoit en la teste. Après les salutations habi-
tuelles, tout le monde s’assoit a terre, desouz une arbre pour converser. L’un
des chevaliers demande alors aux compagnons : « Dun estes vos ? » La réponse
d’Arthur provoque l’étonnement et une certaine irritation de son interlocuteur :
« … [vos] ne feistes mie trop grant sens de venir ceste part, qar cil qi demorent en ces illes
ne tienent riens del roi Artus, ainz tienent del roiaume de Soreloys. Nos somes ausint cum
enemi de cels del roiaume de Logres … »127
« Ge fui ja el roiaume de Logres aucune foiz qe ge avoie mout bien mestier de conseil, qar
ge estoie adonc pouvre chevalier d’un escu, et estoie adonc en celui païs venuz nouvele-
ment … ; en nulle contree ou ge onqes fusse ge ne trouvai del tout si bone gent cum ge
trouvai la ; ge ne trouvoie granment home qi ne m’asennast a son pooir de tout ce qe ge
li demandoie … »
(f° 248) Toutefois, avant de répondre aux questions des voyageurs, il veut ap-
prendre des nouvelles de Logres. Por l’amor d’Uterpendragon, li vaillanz, li puis-
sanz rois qu’il a connu et qui mourut il a ja plusors anz, il souhaite savoir comment
se maintient son fils, se il regarde a la grant noblesce dun il est estraiz … Alors Ar-
thur, tout en parlant auqes couvertement, lui donne de bonnes nouvelles … de
lui-même : l’actuel souverain de Logres est sainz et haitiez, et joianz et envoi-
siez.128 Lorsqu’il se dit unanimement respecté :
« Et sachiez qe il tient si fierement toute sa terre q’il n’a voisin e[n]viron soi qi encontre
lui s’ouse movoir »,
« Cil dui roiaume proprement estoient apendant au roiaume de Logres, mais or les tient
en sa subjetion li rois Claudas qe conquis les a a force d’armes ; et si n’est mie si grant
domaige se li roiaume sunt perdu cum il est de ce que li dui preudome en sunt mort, ce
est li rois Boorz de Gaunes et li rois Bans de Benoÿc … »129
Et l’inconnu d’estimer qu’Arthur a perdu tex deus preudomes par sa faute ; aus-
si ressemble-t-il peu au preudome qi l’engendra. L’actuel souverain de Logres
devrait, d’ailleurs, prendre exemple sur son père :
128 On retrouve avec envoisiez les vocables qui caractérisent Arthur dans la I ère partie de
Guiron le Courtois (version principale du ms. BnF, f. fr. 350 : voir ed. Bubenicek (1998a, § 53,
56, 20 ; § 58, 61, 15 ; § 59, 61, 24) : envoisiement ; un autre terme péjoratif employé à propos
d’Arthur est jolif et, surtout, joliveté « propension aux plaisirs » qi lui ôte toute envie de con-
quêtes : cf. l’édition précitée, § 1, 1, 10) et ailleurs : cf. Baumgartner (1984a).
129 Cf. Lancelot en prose, ed. Micha, vol. VII, § IIIa, 3–5, 24–26 (Ban) ; § Ia, 8, 5 et § IVa, 1, 32
(Bohort).
130 Une nouvelle réminiscence quasi littérale du début du Lancelot ; voir l’édition citée, t. VII,
§ Ia, 3, 2s.: … la chité de Boorges … ne fu mie destruite par le commandement Uterpandragon,
pour che que il se recorda que il i avoit estei neis (p. 3).
131 C’est presque mot à mot le préambule de Guiron ordinaire (Ière Partie) : cf. édition Bubeni-
cek (1998a, § 2, 3, 16–24).
Ces paroles laissent Arthur stupéfait au point de lui ôter la voix, et c’est
Meliadus qui est obligé de prendre sa défense en rassurant leurs hôtes : l’impu-
dence de Claudas ne restera pas impunie. Arthur se montre cependant plus
circonspect ; intervenant à nouveau dans la conversation, il déclare : « Sire che-
valier, se vos ne la (la destrucion de Claudas) veez, si la verrunt autre, einsint le
croi ge ». La conversation roule ensuite sur trois chevaliers qi de bonté de cheva-
lerie passoient touz autres ; lorsque l’inconnu à la tête blessée les a rencontrés
au temps du roi Uterpendragon, « a celui point qe ge repeiroie el roiaume de
Logres », ajoute-t-il, « ils estoient jouvencel tuit troi ». Profitant de la présence
des chevaliers de Logres, il serait heureux d’avoir de leurs nouvelles. Si Arthur
peut lui en donner de Meliadus et du Bon Chevalier sans Peur qui sont sain et
haitié selon lui, li tiers si est morz sanz doute ; en effet « Lamorat de Listenoys
fu ocis »,132 déclare le roi. Son interlocuteur est consterné : « quel dommage
pour toute la chevalerie ; il était tant cortois qe l’en ne peust trouver en lui vilenie
nulle ! » Rassuré sur le sort du Bon Chevalier et de Meliadus, au sujet de qui il
vient d’apprendre qu’ils repeirent … granment en la meison le roi Artus, l’incon-
nu ne peut s’empêcher d’exprimer son étonnement quant à la conduite du fils
d’Uterpendragon face à sa récente humiliation :
« En non Deu, fet li chevaliers, qant li rois Artus a en son hostel deus si preudomes cum
cil sunt, ge me merveil mout coment il demore a vengier la grant deshonor que li rois
Claudas li a fait. »
« Issi voirement m’aït Dex, se ge fusse del pooir le roi Artus et ge peusse si grant gent
assembler …, certes, ge ne cuit q’il ait el monde orendroit terre si fort qe contre moi peust
durer, ne ge ne sai prince de si grant pooir, au meins des princes crestiens, qe ge ne
meisse en ma subjection en petit d’anz. Li rois Artus peust assez, se il conneust son pooir,
mais il ne conneust sa puissance ne la grant force qe il a ; si i perdra plus qe ne ferunt
tuit li autre. »133
132 Tué par mesconoissance par son ami, le Bon Chevalier sans Peur par suite d’un change-
ment d’armure : ibid., §§ 276–277, 300,24–302, 6.
133 Ce passage reprend les griefs formulés à l’égard d’Arthur par Charlemagne, venu en
Grande Bretagne pour conquérir l’île : ibid., § 2, 3,16–24.
XXV
comence a sorrire qant il entent ceste nouvele et puis respont : « Certes, il ne sunt mie tres
bien conoissant qant il funt cestui jugement de ces deus chevaliers, et s’il conneussent la
bonté de (f° 249) ces deus preudomes ausint bien cum ge la connois, il deissent tout
autrement ».
Arthur se montre surpris : « Comment ? ce dit li rois Artus, volez vos dire qe li
Bons Chevaliers sanz Poor soit meillor chevalier qe n’est li rois Melyadus ? »
L’autre est, cependant, sûr de ce qu’il avance et il est prêt à le répéter voiant
tout le monde, tellement il connaît la prouesse de l’un et de l’autre. Et pour
preuve de ses allégations – il ne croit pas que li rois Melyadus osast solement
regarder ce qe li Bons Chevaliers sanz Poor osseroit envahir ! –, il va faire le
récit d’un des faits héroïques de celui qui est hardiz cum un lion, à savoir le
Bon Chevalier.
Alors que Lamorat de Listenois escortait une demoiselle qu’il tenait pour
son amie, la jeune personne lui fut enlevée, et pour la libérer, il fallait se mesu-
rer à cent chevaliers, entreprise que son amant d’une part et Meliadus de
l’autre refusèrent de tenter au prétexte qu’ils n’étaient, avec le Bon Chevalier,
que trois. La réaction du roi d’Estrangorre ne se fit pas attendre ; voyant que
ses compagnons laissaient la demoiselle à son sort tout qitement, il les apostro-
pha avec une rare violence :
« … vos estes failli et recreant ambedeus, se vos ceste damoiselle en lessiez enmener en
tel meniere. Et qant ge voi vostre defaute et vostre noienté si apertement, or remanez ci
tout qoi et me leissiez ceste besoigne ! »
Blessés dans leur amour propre et stimulés par l’exemple du Bon Chevalier,
les autres se ressaisirent et l’alerent maintenant secorre et firent tant qe tuit li
cent chevalier furent desconfiz et la damoiselle rescosse. Le narrateur est témoin
oculaire des faits : « Ge estoie par devers les cent chevaliers », dit-il, et la plaie
qu’il reçut au cours de cet engagement le rendit inapte à porter armes pendant
un demi an. Cette blessure, c’est le Bon Chevalier qui la lui a faite ; et d’ajouter :
134 C’est un véritable leit motiv du roman ; cf. p.ex., supra, I ère Partie, B. Les textes ... , §§ 13–
34, etc.
« Ge vi le livre et lui l’aventure escrite, et delez cele aventure meemes porroiz vos trover
une aventure escrite qe li rois Uterpandragon ne deust ja avoir fete metre en livre, qar
cele aventure parole plus de sa honte qe de s’honor. »135
Cette autre histoire contient, aux dires du chevalier du château, le récit d’une
défaite d’Uterpendragon et de ses douze compagnons par un seul chevalier qui
réussit à enlever au père d’Arthur une demoiselle qu’il aimait plus que toutes
les autres. Le chevalier, qui s’en était emparé, l’épousa et encore la tient. Arthur
se promet d’aller cele part qe li livres est.
XXVI
Quant li chevaliers ot finé son conte, il est à son tour interrogé par Arthur à qui
il promet de répondre à certaines questions, mais pas à d’autres ; il veut bien
en dire une partie. Il avoue, de la sorte, être le maître de l’île, ainsi que de
celles qui se trouvent dans les parages ; les habitants en sont ses hommes. Ces
possessions, l’inconnu les tient du royaume de Sorelois, de celui meesmes sei-
gnor qi est apellez Galeot ; encor est enfes, encor n’est mie chevalier.136 Homme
135 L’auteur de notre Suite se plaît à inscrire son récit dans une préhistoire arthurienne :
comme nous l’avons vu, les premiers exploits de l’inconnu se déroulent du vivant d’Uterpen-
dragon (§ XXIV) ; Arthur, son fils, tout jeune (ibid.), ne peut connaître les histoires qui se sont
déroulées sous le règne de son père ; le Bon Chevalier sans Peur, Meliadus et Lamorat étaient
encore des jouvençaux lors de son séjour en Logres (ibid.). Pour les rapports entre le « livre »
d’Uterpendragon et celui d’Arthur, voir infra, § XLIV n. 163.
136 Ce qui est dit de Galehot est en opposition avec les données précédentes (§ XXIV n. 127) :
cf. celui qui somme Arthur de se soumettre à lui a déjà « conquis » plusieurs rois et est un
« jentix chevaliers » (Lancelot en prose, ed. Micha, t. VII, § XLVIa, 1s., 440s.).
« Onques a nul jor de ma vie ge ne portai autre escu ne ge nel vi porter a nul autre
chevalier qe a moi, fors a un seul qi por sa folie et por son orgoil le fist contrafere et le
comença a porter por honte de moi. Mais ge l’en fis chierement repentir, n’a encor mie
mout lonc tens. »137
Puisque le Chevalier à l’Ecu d’Argent c’est lui, il est donc, opine Arthur, le
meilleur chevalier du monde. L’autre s’en défend et, pressé par le roi qui lui
demande son avis sur cette question, ne tarde pas à livrer son opinion :
« Or sachiez que li Bons Chevaliers sanz Poor, s’il est sainz de ses (f° 250) membres, ausint
cum ge le vi ja, n’a encore pas sis anz entiers, ge di seurement de lui q’il est sanz doute
le meillor chevalier del monde. »
Arthur n’est pas d’accord ; les habitants de Logres n’ont-ils pas accordé leur
confiance à Meliadus lors du duel final l’opposant au champion des Sesnes,
afin que cele qerele [soit] deresnee par le cors de deus chevaliers seulement,
alors qu’il ne l’(le Bon Chevalier sans Peur) i oserent mie a metre, qar il
ne[se]fioient mie tant de sa chevalerie cum il fesoient de la chevalerie le roi
Melyadus138 ? La réponse de l’inconnu est sans appel :
« Assez avoient petit de sens cil qi chengierent le Bon Chevalier sanz Poor por prendre le
roi Melyadus … ; il le firent cum chevalier mesconoissant. »
Le Chevalier à l’Ecu d’Argent dit connaître le roi d’Estrangorre mieux que qui-
conque ; il avoue, cependant, qu’il l’a toujours vu armé : s’il le voyait désarmé,
il serait incapable de le reconnaître. Interrogé sur les qualités guerrières res-
pectives des héros précités, l’inconnu estime que le père de Tristan est un pou
meilleur à la lance, mais que, à l’estrif des branz … en avroit la peior partie li
rois Melyadus. C’est le roi de Léonois qu’il préférerait, d’ailleurs, lui-même af-
137 Thème fréquent dans les textes de Guiron le Courtois ; voir, supra, § XVIII : l’écu vert de
Meliadus et de son père, usurpé par le roi de Norgalles et rendu à son propriétaire ; dans la
version de A(2), modèle probable de notre épisode, le Bon Chevalier sans Peur fait brûler le
bouclier, imité du sien, à Brun le Félon et lui fait jurer « qe jamés jor de sa vie escu d’argent
ne porteroit … » (voir supra, I ère Partie, B. Les textes …, t. I, § 199, 23–27).
138 Le texte fait allusion à un grand moment relaté par le roman : la guerre d’Arthur contre
les envahisseurs saxons et le choix, par les deux états majors, des champions que sont, pour
les Saxons, le prince Ariohan, Meliadus pour les Celtes.
fronter a outrance, plutôt que l’autre. Cette suprématie du Bon Chevalier, Me-
liadus lui-même n’oserait la contester et, si tel était le cas, l’hôte se chargerait
de lui rafraîchir la mémoire,
« qar ge li diroie tout apertement le leu et le point et le jor ou li Bons Chevaliers sanz Poor
mostra tout clerement q’il valoit mielz en toutes guises qe li rois Melyadus ne fesoit, ne
ja li rois Melyadus ne seroit si mesconoissant qe il me alast a l’enco[n]tre. »
XXVII
« Bien a ore noef anz compliz et non gueres plus que je chevauchais au royaume
de Logres, mon écu couvert d’une housse, et cela même lors des combats,
et ge le portoie einsint por une aventure qui m’en estoit avenue dont ge estoie mout
corrociez durement, et encor sui et serai toute ma vie, qar Brun le Felon, qi bien fu le plus
desloial chevalier et le plus mal traïtor qi onqes portast armes a mon escient el roiaume
de Logres, avoit ocis en traïson un mien parent, assez preudome. »139
En effet, lors d’un arrêt près d’une source, tandis que j’avais mun escu penduz
a un arbre delez la fontaine, tout découvert, Brun, qui vint a celui point desus
moi, put le voir et s’enfuir. … en tiel meniere m’eschampa et einsint perdi ge
mon enemi par le reconoisance de mun escu.
Mais retournons à notre histoire : à cette époque-là j’avais pour compagnon
un chevalier errant qi estoit apellez Danayn li Roux, chevalier hardiz trop dure-
ment et preuz des armes a merveilles140 Nous passames ensemble bien trois
mois entiers, si bien que je pus me convaincre de ses éminentes qualités cheva-
139 Le récit narré par le Chevalier à l’Ecu d’Argent à Gouttes d’Or pourrait être la suite logique
de l’esquisse figurant au § précédent : voir § XXVI n. 137. En effet, dans le texte de la version
particulière que nous publions supra, Brun le Félon est bien l’auteur d’une substitution d’écu
et meurtrier, mais la victime n’est pas Lac, mais le Bon Chevalier sans Peur. Cette erreur d’attri-
bution pourrait, peut-être, s’expliquer par l’identité partielle des boucliers : « un écu d’argent »
pour le roi d’Estrangorre, « un écu d’argent à gouttes d’or » pour Lac. Cf. supra,I ère Partie, B.
Les textes …, t. I, §§ 198–199 ; Lathuillère (1966, § 170).
140 Dans la suite que présente le ms. BnF, nouv. acq. frses 5243, Danain doit affronter Lac
champion de Leverzep. Il devient compagnon du même Lac, après un combat indécis qui
l’avait opposé à lui, dans la version principale du roman, donnée par le ms. 350 : cf. Lathuillère
(1966, §§ 251 n. 1, 252 et 89).
leresques. Nous nous dirigeâmes alors vers le royaume de Norgalles, où, nous
a-t-on dit, se trouvait es montaignes … un jaiant de si desmesuree force qe nul
chevalier, tant fust preudom, ne pooit contre lui durer. Il avait déjà fait beaucoup
de victimes et mis en sa subjection une grande partie du pays. Alors que nous
étions à l’entrée de Norgalles, nous rencontrâmes, près d’une fontaine, Melia-
dus et le Bon Chevalier sans Peur venus au pays pour les mêmes raisons.
(f° 251) Invités à jouter, nous relevâmes le défi, car nous n’aliom qerant autre
chose fors qe joustes et batailles.
Le premier assaut eut lieu à cheval et, tandis que Danain triompha à la
joute de Meliadus, le Bon Chevalier me fit mordre la poussière. Puis commença
l’escremie,
et en tiel meniere nos combatimes bien tout enterinement la moitié d’un jor q’il n’i ot
celui de nos qe point se reposast, ainz nos combatimes adés sanz point reposer.
Alors que nous étions à égalité, le Bon Chevalier s’aperçu que son ami, le roi
Meliadus,
« Cil qi premierement vos apella Chevalier [sanz] Poor vos conoissoit mielz qe ge ne vos
conoisoie ore, qi a vos me combatoie ; il vos apella droitement, qe, se Dex me conselt, vos
estes bien sanz toute poor et sanz toute cohardie … »
XXVIII
Le combat ainsi achevé, nous nous séparâmes, non sans nous retrouver peu
de temps après, près d’une tour située el pié d’une mout grant monteigne, où
le géant s’était réfugié après avoir mis à mort son seigneur, un chevalier de
grant afaire et de grant pris. Alors le Bon Chevalier nous apostropha, non sans
ironie :
« Bel seignor, qant nos nos departimes de vos a l’autre foiz, vos ne nos vouxistes dire por
qoi vos estiez venuz el roiaume de Norgales, mes or le savom nos ! Vos estes venuz por
ce por quoi nos venimes … »
et nous proposa le plan de bataille suivant, qar cest afaire est perilleux sanz
faille : on affronterait le monstre à tour de rôle ; c’est Meliadus qui comencerait
étant le plus fort de nos quatre, suivi de Danain ; quant à moi, ge me combatroie
le tierz. En dernier lieu interviendrait le Bon Chevalier sans Peur,
« le meillor chevalier de nos qatre, et celui qe plus endureroit puis que ce vendroit au
besoing, et bien desiom certeinement qe ce estoit li plus hardiz de nos touz. »
Parvenus à la tour, nous trouvâmes le géant atout grant gent. Il était assez
petit espoëntez lorsqu’il apprit la raison de notre présence, mais exigea, (f° 252)
toutefois, qe li uns venist aprés l’autre. Le combat aurait lieu à pieds, selon la
volonté du géant, dont l’armement ne différait guère du nôtre : il oissi de la
tour … armés de toutes armes come chevalier.
La première mellee fut terminée plus vite que je ne m’y attendais : rapide-
ment li jaianz prist le roi Melyadus par le poing et li toli sa spee a force et le
prist as braz et le mist par force sor son col et le porta dedenz sa tor.141 Le
combat contre Danain dura plus qe n’avoit [fet] la premiere bataille, mais le
résultat était le même : vaincu, mi compeinz [qui] se défendi mielz, cependant,
fut fait prisonnier par le monstre. Lorsque ce fut mon tour, le géant comença
desus moi a ferir mout asprement, et ge desus lui, mais je succombai malgré ma
résistance acharnée. Pensant faire de même du Bon Chevalier, notre adversaire
gigantesque
« mout autre fait trouva en lui qe il n’avoit trouvé en nos ; mout i trouva autre pooir et
autre force, greignor valor, greignor esforz, qar atout le premerain coup qe li Bons Cheva-
liers sanz Poor gita sor lui, il li trencha le poing dum il tenoit l’espee, si qe l’espeee atot
le poing li cheï a terre. »
Se sentant mehagné, le monstre essaya alors de gagner sa tour, mais son adver-
saire, assez plus legiers, lui courut dessus ; le coup d’épée qu’il lui administra
fist voler la teste de cette créature diabolique. Que dire de plus ?
141 A comparer avec l’éloge de la force du roi de Léonois, telle que la raconte un épisode de
la première partie de Guiron : Lathuillère (1966, § 37).
« En tiel meniere cum ge vos cont fina li Bons Chevaliers sanz Poor sa bataille si legiere-
ment qe il ne gita fors deus coups ; par ces deus coups delivra il tout le païs de la honte
et del vil servage ou li jaianz les eust mis, se ne fust la venue del Bon Chevalier sanz
Poor. »
XXIX
Sur ces entrefaites arrivent du château deus vallez qui annoncent au maître
des lieux que le repas est prêt. Ce dernier s’enquiert des compagnons absents :
« Vos estiez ore quatre chevaliers qant nos encomençames les joustes », dit-il. Il
tient à inviter tout le monde au repas et puis à se reposer au château, trois jorz
ou quatre ou plus encore, se vos volez, car « vos avez assez travaillié en la mer, »,
ajoute-t-il. Alors Arthur explique que Blioberis et le Bon Chevalier sans Peur
sont partis aux renseignements dans l’île, la porte de la forteresse étant fermée.
Le seigneur de céans est pessimiste : quand ils ne trouveront qi entendre les
puisse … , il retornerunt tost a nos, et d’expliquer, devant l’étonnement du fils
d’Uterpendragon :
« Vos estes assez plus esloingez del roiaume de Logres qe vos ne cuidez ; vos poroiz aler
par cest ille qe vos ne trouveroiz home qi vos entende se trop petit non. »
XXX
Entrés dans la demeure de l’inconnu, les compagnons sont reçus très honoree-
ment par le peu d’habitants que le lieu comporte. Le château est petit, comme
il a déjà été dit,
mes il estoit biaux a merveilles et trop bien garni de toutes les chouses … [Ils sont con-
duits] en un palés trop bel, trop riche et auques nouvelement paint trop richement et
portret a estoires et a merveilles, a dames et a chevaliers.
A leur arrivée dans la salle, les tables sont déjà dressées, et les serviteurs ne
font fors qe dire : « Lavez, lavez ! » qar tout estoit appareillié. Arthur et Meliadus
ont la surprise de trouver
dedenz le paleiz si grant planté de dames et de chevaliers et d’autre gent bien cortoise et
bien afaitiee et bien parlant q’il dient entre els deus qe s’il n’avoit plus de gent en tout le
chastel, si seroit ce assez.
On les fait s’asseoir l’un encontre l’autre à une belle table où ne mangeront,
avec eux, que le seigneur et son compagnon. Le Chevalier à l’Ecu d’Argent
n’oublie pas pour autant ceux qui sont restés à bord du vaisseau ; ils sont, eux
aussi, richement servis.
Li rois Artus, qi a la table seoit, comença a regarder par le paleis les estoires et les pain-
tures qe laienz estoient portraites, et tant qu’il vit desus un chevalier portret a unes armes
vermeilles le nom del roi Uterpandragon qi avoit en sa compeignie douçe compeignon
chevaliers et une damoiselle, et un autre chevalier venoit d’une autre part de vers une
foreste qi lessoit corre sor le roi Uterpandragon et le portoit del cheval a terre ; puis lessoit
corre a tous les autres douçe et les aloit touz abatant, les uns de [la] lance et les autres
de l’espee. Et en tiel meniere les abatoit toz douçe et touz douçe les desconfist par force
d’armes, et puis enmenoit la damoisele, vouxissent ou non vouxissent li douçe chevalier
qi au comencement li voloient defandre. Toute ceste chevalerie qe ge vos devis orendroit
estoit portraite enmi le paleis a or et argent et a açur et as autres colors si noblement et
si cointement qe merveille estoit del veoir. »
S’étant bien aperçu que le nom de son père figurait sur le mur de la salle,
Arthur se promet de connaître la verité de ces port[r]aitures avant q’il se parte
mais de leienz. L’attitude du roi n’échappe pas à Meliadus, qui, bien qu’il men-
jue volentiers, … s’en prent bien garde … qe li rois Artus regardoit plus cele part
qe en autre leu. Aussi, à la fin du repas, le jeune souverain de Logres demande
au Chevalier à l’Ecu d’Argent la signification des images. L’autre, très gêné
pour raconter la défaite d’Uterpendragon devant son hôte, venu du royaume
de Logres, le renvoie d’abord, à l’histoire qu’il a commencé à narrer, ne plus
ne vos en dis,143 puis aux peintures: « … et sachiez qe de cele honte poez vos ci
veoir toutes les ouvres portraites ». Il finit par refuser complètement : « il ne puet
estre qe par force de nature vos n’amoiz vostre seignor lige ». Qui plus est, « en
mon hostel ne vos voudroie correcier puis qe apellé vos i ai », ajoute-t-il. Mais,
désarmé par l’argument de son interlocuteur :
« Vos savez qe li rois Uterpandragon est morz pieça, et de conter les ouvres d’un home
morz et qui morz est pieça, ge ne di mie qe ce fust saiges qi se correceroit por l’oïr »,
l’hôte s’exécute.
XXXI
« Il avint chouse au tens li roi Uterpandragon c’un chevalier d’un sol escu …
chevauchoit par le roiaume de Logres, voulant éprouver sa bonté et sa prouesse.
Au cours de ses chevauchées, il tomba éperdûment amoureux d’une demoi-
selle. Cette dernière étant d’un haut lignage et … puissanz, il était exclu qu’il
pût l’avoir por moillier. Ses qualités de vaillance firent que ce chevalier pauvre
fut pris en affection par le père de la belle ; (f° 254) aussi lui était-il possible
de demeurer dans la maison de l’élue de son coeur, por ce seulement q’il peust
la damoisele veoir. Alors que le sentiment du chevalier ne fait que se fortifier
avec le temps et stimule sa prouesse – mout fist d’armes por amor de li –, le
père aspire à la marier mout hautement.
Il voit son voeu exaucé avec la venue d’Uterpendragon dans la contrée ; le
jeune roi, encore célibataire – encor n’avoit il mie por moillier la reine Yguerne ;
celui an meemes la prist il por moillier –, vint au pays mout priveement, pour
une raison inconnue du narrateur. Dès qu’il entendit parler de la beauté de la
demoiselle, le roi de Logres décida de lui rendre visite. Flatté, le père de la
jeune personne, homme lige du jeune monarque, l’accueillit somptueusement :
les fêtes durèrent trois jours et, à l’issue du séjour chez son vassal, Uterpendra-
gon déclara qu’il la voloit por moillier. La joie du père était tout à fait légitime :
a plus haut home ne a plus gentil ne peust il a celui tens sa fille doner ; si li
otroia maintenant …
Alors que toz li poples en furent si liez, et li gentil et li vilain, qe vos ne
peussiez veoir adonc par tout le chastel se joie non, le pauvre chevalier, amou-
reux de la demoiselle, en fu tristes et correciez : l’arrivée d’Uterpendragon lui
ôta toute la soe esperance. Sentant q’il ne porroit mais longuement durer qe il
por cele amor ne morust, il est prêt à tout. Le jour du départ d’Uterpendragon
et de sa fiancée venu, il décida de les suivre – le roi n’avait gardé que douze
chevaliers pour le service de la jeune fille – à distance, avant de passer à l’ac-
tion. Sa passion ne lui laissait guère le choix : vouxist ou non vouxist, … il se
metroit a l’endemain en aventure de desconfire le roi Uterpandragon et touz les
chevaliers qi avec lui estoient por l’amor de la demoisele. Ce qui le réconfortait,
néanmoins, c’est q’il avoit ja fait mainte bele proesce puis qu’il fu chevalier
nouvel. Après avoir mûri toute la nuit son projet, il s’embusqua dans une vallée
tote plaine d’arbres … , a l’entree d’une mout bele foreste. Quand il vit que le
roi et son escorte estoient si pres de lui q’il n’i failloit fors del ferir, il se lancha
en mi le chemin, l’escu au colle, glaive el poing, tout appareilliez de la jouste …
Les ayant défiés, il se précipite sur Uterpendragon
et li dona en son venir un si grant coup qe por l’escu ne por le hauberc ne remest q’il ne
li meist le fer del glaive en mi le piz, si que pou s’en failli qe de cele plaie ne fu li rois
Uterpandragon ocis. Li rois cheï tout maintenant, cum cil qi de cele plaie cuidoit bien
estre morz.
Touché à plusieurs reprises par les glaives de cels qui aprés le venoient, l’amant
est toujours en selle, maniant l’épée allègrement, de sorte qu’au premier il …
fist la teste voler. Il finit par en tuer six ; les autres, croyant leur souverain mort
et, d’autre part voyant qu’il a déjà exterminé la moitié d’entre eux, alors que
le chevalier encor n’estoit … de riens (f° 255) grevez, sont saisis de frayeur et
vident tous la place.
XXXII
144 Les textes de Guiron le Courtois présentent, certes, un Uterpendragon amoureux, mais
aucun ne ressemble à notre récit. Notons, toutefois, une rivalité amoureuse entre le roi de
Logres et Galehout le Brun, son compagnon, épris, tous deux de la même demoiselle : à l’issue
d’une bataille indécise, Uterpendragon envoie, pour jouter contre Galehaut, jusqu’à dix de ses
meilleurs chevaliers ; ils seront tous vaincus. Dans un autre épisode, censé illustrer l’incon-
stance du coeur féminin, raconté par Guiron, Uterpendragon, suivi par douze chevaliers, se
fait fort d’arbitrer un différend amoureux : voir Lathuillère (1966, §§ 133 et 195 : version de A2).
Li jaianz estoit acostumés qe toutes les foiz qe les nuiz estoient bien oscures, il fesoit faire
grandisme feu devant chastel, si qe de bien loinz en la mer pooit l’en veoir celui feu. Cil
qi en la mer estoient adonc, qant il veoient le feu qi lor donoit senefiance de pes et de
repos, il adreçoient maintenant cele part lor nef au plus droit q’il le pooient faire … Qant
il estoient au feu venuz et descenduz a terre et il cuidoient illec trouver pes et repos,
maintenant lor sailloit le jaiant et lor corroit sus et les ocioit, ou atout le meins, il les
emprisonoit en cest chastel.145
Jusque là, personne n’a réussi à lui résister : il avoit ceienz toute sa mesnee, et
tuit cil qi en cest ille demoroient estoient adonc si home et les tenoit en servaige.
Les voyageurs arrivèrent vers l’île par une nuit bien oscure ; les marins, igno-
rant la malice du monstre, prirent la direction du feu aperçu sur la côte et le
vaisseau arriva tres devant. Alors que ses compagnons en descendirent tout
désarmés, le chevalier avait pris ses armes avant de débarquer, car il n’estoit
pas trop bien asseur à cause de la forteresse sur la côte.
Ne il ne se sot onqes tant haster ne si tost venir al feu q’il ne trovast qe li jaianz estoit ja
sailliz fors del chastel atornez de toutes armes, et ja avoit uns des chevaliers ocis et li
autres estoit si navrez qe il gisoit devant le feu tot autresint cum s’il fust morz. Li autre
s’en aloient ja fuiant mes non mie vers la nef … qar li jaianz lor defendoit bien la voie de
la nef. Et la criee estoit ja desus la riviere de cels qe li jaianz avoit ja desconfit.
145 Ce second volet de l’histoire du Chevalier à l’Ecu d’Argent entretient des rapports étroits
avec le récit mentionné supra à propos du géant Aristanor : cf. VII n. 56. On consultera, sur le
ms. BnF, f. fr. 24400, Trachsler (1996, 195–238).
146 Menage « protection » ; cf. supra,Intr., III., § 53.
s’en était répandue. Comme l’île leur semblait assez bele et assez delitable, le
chevalier et sa future épouse décidèrent de s’y établir, car il n’avoit garde del
roi Uterpandragon. Alors
il fist tout premierement touz les homes de cest ille jurer a lui et aprés prist, voiant els
touz, la damoisele por moillier. Aprés fist il en ces paleis portraire et escrire toutes les
chevaleries qu’il avoit faites tant cum il demora el roiaume de Logres, et coment il descon-
fist le roi Uterpandragon a cele foiz qe il conqist la damoisele a force d’armes, einsint
cum ge vos ai conté ; et tout ce qe ge vos ai ore conté et retret poez [vos ore] ci veoir
portret tot apertement. »
Arthur est satisfait du récit qu’il vient d’entendre ; il a bien saisi la senefiance
de ces portreitures, mais il a surtout compris que le narrateur est l’auteur même
des exploits racontés. Orendroit le prise il plus q’il ne fesoit devant … Quant il
est hore de dormir au soir tout le monde va se coucher.
XXXIII
(f° 256) Une fois les deux invités dans leurs lits, un des vallets de leeanz vient
à son maître et lui demande : « Sire, sire, conoisiez vos nul de ces chevaliers a
cui vos avez a nuit tenu si lonc parlement ? » Tandis que son seigneur a déjà vu
le greignor d’els deus … acune fois – il s’agit du roi Meliadus –, le vallet, lui, a
reconnu le roi Arthur. Alors le Chevalier à l’Ecu d’Argent devint ausint cum toz
esbahiz ; il se promet d’apprendre, demain, par quel concours de circonstances
l’héritier d’Uterpendragon se trouve dans les parages.147
Après avoir dormi une grant piece de la nuit, Arthur se réveille et constate
que son compagnon ne dort pas, lui non plus, ainz s’aloit en son lit tornant et
retornant, cum cil qui ja avoit dormi un soine. Interrogé par Arthur, Meliadus
lui fait part de sa détresse :
« Ge pens a ma vilenie, qe ge voi orendroit bien de moi et reconois q’a grant peine poroit
l’en ore trouver un plus vilein chevalier de moi. »
En effet, touché par les propos du Chevalier à l’Ecu d’Argent, le souverain de Léo-
nois bat sa coulpe et reconnaît la supériorité de son rival. C’est l’envie vis-à-vis
147 La « reconnaissance » d’un invité par le personnel d’une « maison » est un motif bien
connu de notre roman : dans la Première partie de Guiron le Courtois, le roi Pharamond, dissi-
mulant son identité, est reconnu par une demoiselle avisée : ed. Bubenicek (1998a, §§ 76–82) ;
pour la version du ms. A(2) contentons-nous de renvoyer à l’identification de Brehus au châ-
teau de Daresen : cf. supra, I ère Partie, B. Les textes …, t. I, §§ 67–85 ; Lathuillère (1966, § 164).
du Bon Chevalier sans Peur qui a fait qu’il a passé sous silence les succès de son
rival, alors que ce dernier a toujours été parfaitement impartial à son égard:
« … et por ce me mist il em pris, por ce fist il mon lox acroistre et mon renom. S’il crut
mon pris et essauça, et ge apetiçai son loux, qar ge tesoie tout adés les granz faiz et les
granz merveilles qe ge veoie qu’il fesoit. Mes cil qi autresint en vit une grant partie le sot
anuit bien raconter voiant moi meemes. S’il eust veu si granz biens de moi cum il avoit
veu del Bon Chevalier sanz Poor, il les eust ausint conté, mes il n’en vit se petit non … »
XXXIV
Le lendemain, il ne se leverent mie matin, mais vont tout de même oïr messe en
une chapelle qe estoit el chastel. Le seigneur, qui les accompagne, manifeste à
Arthur toute la déférence due à son rang, ne encor ne li fesoit il pas entendant
q’il le reconeust de riens. Alors qu’ils regagnent le paleis, voici qu’on annonce
le retour au château de ceux qi ier se partirent d’eux. Le Bon Chevalier et Blio-
beris se présentent alors, désarmés, fors qe de lor espees seulement, et c’est le
seigneur lui-même qui les accueille pour les conduire à leurs amis. Après s’être
une grant piece conjoïz et assis en mi le paleis, qi touz estoit jonchiez d’erbe vert
fresche et nouvele, ils racontent leur périple.
(f° 257) « Ayant parcouru villes et … bors, nous ne pûmes, cependant, trou-
ver d’autres « châteaux », excepté celui où nous sommes présentement. Confor-
mément à l’avertissement du Chevalier à l’Ecu d’Argent, personne ne put com-
prendre leur langage, ce qui n’empêcha pas la communication : aux abords
d’une petite ville, nous fûmes invités, par des gestes, à jouter contre quatre
chevaliers du lieu. Suite à notre victoire,
Nous passâmes la nuit dans un paveillon trop bel et trop riche …, tenduz delez
une petite riviere. Au matin, nous découvrîmes nos armes et nos chevaux,
qu’on nous avait préparés, mes nos ne trovames ilec ne home ne feme, ne plus
qe se touz li mondes fust morz.148 Puisque noienz estoit d’aller avant, personne
ne nous comprenant, nous décidâmes de revenir vers le château. »
C’est au tour d’Arthur de répondre aux questions du Bon Chevalier et de
Blioberis. Alors le roi comence a conter tot mot a mot coment li sires … estoit la
fors venuz por els et coment il les amena el chastel. S’adressant au roi d’Estran-
gorre, Arthur lui fait accroire que le maître de céans a médit de lui :
« Et sachiez, sire rois d’Estrangorre, qe puis qe ge fui premierement coronez, devant moi
a venu plusors foiz mout de chevaliers qi parloient de vos et de vostre chevalerie, mais
de tot cels qi devant moi en parlassent ne fu nul qi si grant mal deist de vos cum il dit,
ne qi tant blasmast vostre chevalerie cum il la blasme. »
Persuadé que le roi Arthur li ait dit a certes ceste parole, le Bon Chevalier reçoit,
d’abord, ce discours avec une certaine philosophie, voire détachement :
« Il n’est hore nul si bon el monde qe l’en ne trouvast assez a reprendre, si cum ge croi,
ou de chevalerie o de aucune autre chose. »149
148 Le caractère étrange et solitaire de ce réveil n’est pas sans rappeler celui de Perceval,
le héros éponyme du Conte du Graal, après le passage du célèbre vase : voir ed. Hilka, Der
Percevalroman von Christian von Troyes, v. 3359ss. ; ed. Lecoy, Le Conte du Graal (Perceval),
vol. I, v. 3342ss.
149 Cette première réaction du Bon Chevalier sans Peur correspond à l’esprit de la 1ère Partie
du roman de Guiron le Courtois, tel que nous l’avons mis en évidence dans l’Intr. à notre édition
du ms. BnF, fr. 350 (1997) : « L’enseignement profond qui se dégage de la lecture du roman est
que tout est relatif. Il convient d’évaluer à sa juste valeur une victoire … » (Bubenicek 1998a,
t. IV, 864). C’est précisément le roi d’Estrangorre qui se fait pédagogue et dispense des « le-
çons » de chevalerie à ses jeunes et fougueux « collègues ». Ainsi, lorsque Gauvain désarçonné
par Arthur, gardien de gué occasionnel, se plaint amèrement d’avoir été abattu, le Bon Cheva-
lier délivre à son endroit un enseignement empli de sagesse :
« Sire, ce dist li [Bons] Chevaliers, vous avés tort. Or sachiés que, quant vous avrés si lon-
guement porté armes com ge ai, vous ne le tendrés pas a vergoingne d’estre abatus con
vous le tenés orendroit … Certes, encore n’a pas trois ans que ge vi que un chevalier povre
et couart abatit voiant moi meesmes le meillour chevalier del monde, ce est li roi Melyadus.
Onques li rois ne se couroucha et vous, qui n’estes mie si bons chevaliers com est celui qui
passe tout le monde, pour coi vous courouchiés vous, se uns chevaliers vos met a terre ? »
(Ms. 350, ed. Bubenicek 1998a ; § 304, 331, 5–15).
Personne n’est à l’abri des agissements de Fortune ; c’est ce que répètent à l’envi les person-
nages de A(2) et de 350 sous une forme quasi proverbiale : « il n’est si bon a cui il ne meschee
aucune foiz » (Hoël, supra : I ère Partie, B. Les textes …, t. I, § 169, 7) ; « nus ne puet longuement
« Mais, si voirement m’aït Dex, tant m’en avez dit qe avant qe ge me parte de cest ille ge
mostrerai au chevalier qe ge ne sui mie del tot si cohart ne si failliz cum il vos ai ci conté ! »
« Coment, sire ? fet li Bons Chevaliers au roi Artus, dites vos donc que por abatre un
chevalier ou deus ou trois ou qatre soit chevalier de haut afaire, cil qi ce fait ? »150
Et le Bon Chevalier d’illustrer son propos d’un exemple concret : « Encor n’a
douçe anz passez, j’ai rencontré un chevalier au royaume de Norhomberlande,
devant celui chastel meesmes qi est apellez La Quis.151 Alors que celui-ci m’abat-
tit de la premiere joute,
puis m’en venzai ge si bien tout avant qe ge me departisse de lui qe ge li eusse fait toute
honte del cors, se ne fust une damoiselle qe a la bataille sorvint qe departi nostre querelle
et m’en fist aller d’autre part, vouxisse ou ne vouxisse, et il le me couvenoit a faire, qar
maintenir le mestier d’armes a cui il ne mechie aucunes fois » (Pharamond, Ms. 350, ed. Bube-
nicek 1998a, § 73, 75, 2–4).
C’est que l’existence chevaleresque se présente, dans le roman en prose, comme une alter-
nance de succès et d’échecs (mescheanches) qu’il faut bien accepter, dit Arthur, en guise de
consolation, à son hôte :
« Sire, dist il (Arthur) au roi Faramont, que pensés vous tant ? Pour Dieu, leissiés celui
penser et vous reconfortés ! Et che devroit fere chascuns bons chevaliers et regarder que si
grant mescheanche ne porroit venir au bon chevalier que autresi bone aventure ne li porroit
avenir après … » (ibid., § 110, 112,25–113,3 et t. IV, 866).
Pour une comparaison avec l’idéalisation offerte par le roman en vers, voir Chênerie (1986,
397–402), citée par Wahlen (2010, 211 n. 113–115).
150 Nouveau poncif du roman : « un coup de lance ne signifie rien … » : cf. infra, § XXXV, 220,
32–35 et 191.20–23 ; 193.3–6.
151 Ou Laquis; un Laquis de Lampagrés (var. Lampades, Lanbeguez) apparaît dans Meraugis
de Portlesguez (ed. Friedwagner, v. 2014ss.).
ge estoie tenuz par mon creant de rendre a la damoiselle un guerredon por une bonté
q’ele m’avoit faite.
D’ailleurs, la même aventure est arrivée à plusieurs », ajoute-t-il, et, d’un ton
désabusé : « de ce qe il a dit de moi ne m’en chaut. » Arthur, qui a, lui aussi,
assisté au tournoi, qui s’était déroulé devant le château La Quis, demande des
précisions au sujet du bouclier du rival du roi d’Estrangorre. « Il était », répond
ce dernier, « tout autresint cum porte le seignor de ceienz », tandis que lui-même
était armé, « a celui tenz, d’un escu d’argent sanz entre(f° 258a)seigne nulle. »
Alors Arthur comprend que ce preux n’était autre que l’inconnu à l’Ecu
d’Argent à Gouttes d’Or, et se promet de lui faire raconter en détail l’histoire
qui vient d’être esquissée à grands traits.152
XXXV 153
173. Lors fet li sires aporter l’eive, et por ce qu’il voit bien que li rois Artus se
vet celant tant cum il puet et couvrant, ne li velt il onqes faire a savoir qe il
sache riens de son estre, mes toutevoies dit il bien a soi meemes qe ce est sanz
doute li rois Artus, qar trop bien resemble de toutes choses au roi Uterpandra-
5 gon, et de cors et de visaige et de regardera et de parler. Et qant il lui reconoist,
il voldroit trop volentiers reconoistre les autres por ce qe (f° 258b) a merveilles
li semblent preudome tuit quatre. Qant il furent assis et il orent meingié
auqes – et sachent tuit qe il furent trop bien servi a cele foiz come de boivre et
de meingier –, qant il orent eu toz li més et il seoient encor as tables, li rois
10 Artus comence a parler et dit: « Se Dex vos doint bone aventure, ou fu la grei-
gnor poor qe vos onqes eussiez? » et ce dit il au roi Melyadus. Li rois Melyadus
pense un petit, qant il entent ceste demande,b et puis respont: « Se chascuns
de vos me creantoit loiaument come chevalier q’il conteroit ici, voiant nos toz,
la greignor poor q’il onqes eust, ge conteroie tout orendroit la greignor poor
15 qe onqes m’avenist. – Sire, fet li rois Artus au seignor de leienz, vos avez estré
grant piece chevalier erranz; il ne puet estre qe vos n’aiez eu poor aucune foiz;
vos acordez vos a ceste chose qe dit cist chevaliers? Ge ne quier qe nul autre
152 Voir, infra, § XXXV, 192.1–193.6, l’histoire racontée par le Chevalier à l’Ecu d’Argent.
153 Nous donnons ci-dessous la transcription intégrale – §§ 173 à 230 – de la Continuation,
relative, notamment, aux « Contes de la plus grande peur », narrés par les héros de ce texte.
chevalier de ceienz fors vos seulement s’en entremetec del conter. Nos qatre,
qi somes chevaliers errant, nos metrom en cestui afaire, a conter ce qe cist
20 chevaliers nos demande. »
175. « Sire, fet il, einsint avint qe li rois de Norgales tint en une esté une cort
trop grant et trop (f° 258c) riche. A cele feste vindrent chevalier privé et
estrange, si merveilleusement qe ge ne cuit mie qe a celui tens fust una cort
tenue, ne del roi Uterpandragon ne d’autre preudome,a ou l’en eust veu grei-
5 gnor plenté de chevaliers qe a cele feste. Et sachiez, sire, qe ge ne me recort
mie qe ge veisse en une cort autant de bons chevaliers cum ge vi a cele foiz;
de ce me recort ge bien qe nul chevalier de valor ne de haute bonté ne repeiroit
a celui tens el roiaume de Logres qe ge auqes ne reconeusse par les armes qe
il portoit.b Qe vos diroie? A cele cort fu li Bons Chevaliers sanz Poor, et fu
10 leienz si celeement q’il fu pou reconeuz. A cele cort vint li rois Uterpandragon
en guise d’un chevalier errant, et vint a cele cort plus por veoir Lamorat de
Lystenoys qe por autre chouse: il savoit tot certeinement q’il devoit a cele cort
venir et il avoit oï dire de lui touz les bienz del monde et conter les proesces,
ne onques ne l’avoit veu se armé non, et por solement veoir le estoit a cele cort
15 venuz. Qar ce fu bien sanz faille li princes del monde qi a son tens regnast, li
rois Uterpandragon, qi plus desira de tot son cuer a veoir bons chevaliers et a
avoir lor acointance, et bien le mostra adonc qant il chevaucha tantes jornees
cuz de Kamaalot dusq’el roiaume de Norgales por veoir le cors d’un seul cheva-
liers. Qe vos diroie? A cele feste vint li rois Melyadus de Loenoys qi a celui tens
20 estoit auqes nouvelement coronez de sa region.c A cele feste vint li chevaliers,
cil qi portoit l’escu d’argent as cotes d’or, tot autretel escu cum est ore li escuz
de cist chevalier de ceienz. Et ge croi bien qe cist escuz fu faiz por envie de
celui. » Ne il ne disoit mie ceste parole por ce q’il ne seust tout veraiement qe
li chevaliers de leienz estoit sanz faille celui dum il aloit parlant, mes il le disoit
25 por doner semblant au chevalier q’i ne le coneust de riens. « Que vos diroie?
fet li rois Melyadus; se Dex me doint bone aventure, a cele cort vindrent tuit li
(f° 258d) meillor chevalier qe ge seusse ne pres ne loing, de cels, di ge, qi
estoient chevalier d’un escu. A celui tens, ce di ge bien, voloie ge mout grant
mal au Bon Chevalier sanz Poor, et non mie por mal ne por vilenie qu’il onqes
30 m’eust fait, mes seulement por envie de la haute chevalerie qe ge savoie en
lui; et il, sanz doute, ne me voloit mout grant bien.
176. Quant cele cort fu departie, il avint chouse qe li Bons Chevaliers sanz
Poor s’en departi au plus celeement q’il pot, ne ne s’en departi pas adonc si
celeement qe ge ne seusse tout certeinement qant il s’en departi. Ge, qi a celui
tens li voloie si grant mal cum ge vos cont et si mal cuer avoie vers lui qe ge
5 n’oïsse jamés de lui parler qe ge n’en fusse doulenz et iriez, qant ge vi q’il se
departoit de la feste si celeement q’il ne menoit en sa compeignie fors deus
escuiers seulement, ge me mis aprés lui en tiel meniere voirement a qe ge
menoie avec moi deus escuiers autresint, et dis a moi meemes qe ge vençeroie
une deshonor qu’il m’avoit fait a celui tens. En tel guise cum ge vos cont che-
10 vauchai ge cele matinee aprés le Bons Chevaliers sanz Poor, entalentez de moi
vengier se ge pooie; mout en estoie desirant. Tant chevauchoie en tiel meniere
cele matinee qe ge l’atains en une mout bele plaigne. Et qant ge fui auqes pres
de lui, por ce qe ge chevauchoie auqes fort, il s’arestut, quar bien entendi qe
chevalier venoit aprés lui, et se comença a regarder. Et qant il me vit, il me
15 reconut maintenant, qar mainteb autre foiz m’avoit il ja veu. Qant ge vi q’il
s’estoit arestez, ge li criai tout maintenant: « Gardez vos de moi, sire vassal, qe
ge vos apel de la jouste! » Il me respondi erraument: « Vos demandezc ce qe ge
desiroied, et vos l’avroiz tout maintenant. »
177. En tel guise cum ge vos cont comença l’estrif de nos deus. Ge li lessai
corre maintenant le (f° 259a) frain abandoné, et il a moi tout autresint. Et qant
ce vint a l’aprouchier et a beissier les glaives, lea Bons Chevaliers sanz Poor
me feri si angouseusement qe li escuz ne li haubers qe ge avoie el dos ne me
5 garenti contre lui q’il ne me feist en mi le piz une plaie grant et parfonde. Et
por tot ce ne remest qe ge ne voidasse les arçons andeus et cheï adonc a la terre
si feleneusement q’il me fu bien avis qe ge eusse la chanole del col rompue.
En tel meniere cum ge vos cont m’abati li Bons Chevaliers sanz Poor qe ge
n’abati mie lui. »
10 Et li hostes de leienz comence adonc a rire et dit au roi Melyadus en sor-
riant: « Certes, ce fu mout grant merveille qe vos ne l’abatistes a ce qe il est un
chevalier qi mout volentiers trebuce, li Bons Chevaliers sanz Poor! Dex, cum il
vos en mescheï q’il vos abati, et vos n’abatistes mie lui! » Et lors se comencent b
a rirec tuit li autre qi estoient a la table. Et li rois Melydus lesse adonc son
15 conte et dit au bon chevalier de leienz: « Coment? fet cil, cuidez vos donc qe li
Bons Chevaliers sanz Poor ne fust onqes abatuz? – Certes, ce dit li hostes, sire,
s’il fu abatuz, ce fu plus par mescheance qe par force de chevalerie, qe, si
voirement m’aït Dex, il ne fu onques abatuz par meillor chevalier de lui, se par
peior non! Et se li rois Melyadus de Loenoys et li Morholz d’Yrlande, qi sunt
20 ore a mon escient li dui meillor chevalier dou monde aprés celui fussent oren-
droit ceienz ausint cum vos i estes, il n’en diroient autre chose qe ge vos en
di, se il ne voloient dire encontred verité. » A ceste parole respont Blio et dit:
« Coment? bel sire, volez vos donc dire qe li Bons Chevaliers sanz Poor soit le
meillor chevalier qui orendroit soit en cest mondee? – Oïl, certes, fet li hostes,
25 ge le di bien et seroie apareilliez qe ge maintenissef ceste parole en la meison
le roi Artus, la ou reperent ore tuit li meillor chevalier del monde. – En non
Deu, bel sire, fet Blio, tant a de bons chevaliers el monde et de preudomes qe
ce seroit orendroit une fort chouse a maintenir qe ceste! Et il n’a encor mie
mout grant (f° 259b) tens qe vos del Bon Chevalier sanz Poor disoiz mout autre
30 chouse qe vos n’en dites orendroit. – En non Deu, fet li sires, se ge n’eng dis
onqes se bien non, ge fis plus la vilenie de moi qe de lui, qe cil est bien tiel
chevalier qe nus n’en poroit dire vilenie qu’il ne mentist.h – Or lesum ester
cestui conte, fet li rois Artus, et retornom au nostre qi comenciez est. Dex con-
selt le Bon Chevalier sanz Poor, ou q’il soit, qe certes, il est prodom des armes;
35 et certes, ge croi qe il ne tiegne pas orendroit si grant parlement de nos, cum
nos fesom ore de lui. » Et lors comence li rois Melyadus son conte et dit.
178. « En tel guise com ge vos cont, bel seignor, m’abati li Bons Chevaliers
sanz Poor, dont ge fui mout esbahiz et trespensez, qar il n’estoit mie costumez
de moi abatre ». Et li hostes ne se puet tenir de parler, qant il entent ceste
parole, ainz dit ausint come par desdeing: « Ge sai bien por qoi il n’estoit mie
5 granment costumez de vos abatre: por ce qe vos n’estiez mie trop costumez de
jouster souvent a lui! » Et lors recomencent tuit a rire de ceste parole. Et li rois
Melyadus retorne a son conte et dit: « Bel seignor, einsint cum ge vos ai conté,
li Bons Chevaliers sanz Poor m’abati et me navra de cele joste, et fu, a la verité
dire, cele plaie si grant et si parfonde q’aa grant peine me redreçai si tost b cum
10 ge vouxisse. Qant li Bons Chevaliers m’ot abatu, il descendi tout erraument et
bailla son cheval a garder a ses escuiers et mist la main a l’espee, et la ou ge
estoie ja redreciez a grant peine qar navrez estoie durement, li Bons Chevaliers
sanz Poor me vint sus, l’espee toute nue drecee contremont, et me feri desus
le heaume un coup si fort et si pesant qe, vouxisse ou ne vouxisse, il me cou-
15 vint venir a terre, si qe ge cheï a genolz et a peines, et l’espee qe ge tenoie me
vola des mains.
179. Quant li Bons Chevalier sanz Poor vit q’il estoit einsint au desus de moi,
il se feri autre foiz en moi (f° 259c) si roidement qe il me fist del tout verser, et
il me corrut sus maintenant et me aresca le heaume de la teste et m’abati la
ventaille. Ge, qui estoie encore si durement estordiz, qe del premier cheoir qe
5 ge oi fait qe des autres cox q’il m’ot donez, qe ge ne savoie se ge estoie ou
morz ou vis, ne ne fesoie nul semblant de moi defendre, qar ge estoie trop
estonez, et d’autre part ce qe ge me veoie del tot si au desouz me fist une si
grant poor el cuer et une si grant freor, meesmement por ma teste qe ge sentoie
desarmee, qe ge perdi a celui point ausint cum tot le pooir des membres. Et
10 qant il vit de moi celui pouvrea semblant, il remist son espee dansb son fuere
et dist qe ja a moi ne toucheroit plus a ceste foiz, qe ge ne valoie mielz d’un
home morz. Il remonta en son cheval et s’en ala tout maintenant entre lui et
ses escuiers. Einsint m’avint a cele foiz del Bon Chevalier sanz Poor q’il me
180. « Seignors, fet il, einsint avint qe ge alai en Yrlande por le qerele d’un
mien ami deresner. Cil miens amis estoit enprisonez en la prison le roi
d’Yrlande, et estoit appellez de murtre; et l’en apelloient dui chevalier qi
avoient esté frere de celui qi estoit ocis, qar por un chevalier qi avoit esté ocis
5 en Yrlande meemes estoit cil mien amis apellez de murtre. Il, qi bien cuidoit
q’il ne se peust mie tres bien defendre encontre les deus chevaliers qi l’apel-
loient, qar il estoient dui chevalier de grant renomee et assez preudomes des
armes, me manda un message qe ge alasse a lui au plus hastivement qe ge
poroie, qar autrement estoit il morz. Ge, qi mout grant bien li voloie, me mis
10 maintenant a la voie et tant chevauchai qe ge vins dusq’a lui et me combati
por lui encontre les deus freres, et m’en avint adonc si bien einsint cum a
Fortune plot qe ge veinqui cele bataille et mis les deus freres a oltrance.a Qant
j’oi la bataille veincue en tel guise cum ge vos cont, ge me parti tout mainte-
nant de la meison le roi d’Yrlande et en menai avec moi cil mien ami que ge
15 avoie delivré de cele aventure cuz ge vos ai conté.b Qant nos nos fumesc
(f° 260a) mis a la voie por retorner el roiaume1 de Logres, il nos avint, einsint
cum mescheance le fesoit, qe nos hebergiames celui soir en un chastel d’une
veuve dame, et li premiers chevaliers qe mi compeinz avoit ocis, por cui la
bataille avoit esté, et li autre dui chevalier qe ge avoie le jor ocis, estoient frere
20 charnel de cele dame. De toutes ces nouveles ne seumes nos riens qant nos
venimes el chastel, ainz nos herberjames leienz. Au soir vint la dame el chastel,
fesant le greignor duel del monde por le grant domage qe celui jor li estoit
avenu de ses deus freres. Et qant il li fu conté qe tex deus chevaliers estoient
herbergiez el chastel, ele reconut maintenant que nos estiom li dui chevalier
25 par cui si troi frere estoient mort, si nos fist prandre maintenant la meemes ou
nos dormion. Que vos en diroie autre chose? Nos fumes pris tout en dormant
et nos lierent bien les meins cil qui nos pristrent. Et touz nus fors de nos braies
nos enmenerent en un bois qi estoit auqes pres d’ilec, en un petit val; auqes
estoit loing de toutes genz et de touz chemins, en un leu si espés d’arbroissiaux
30 qe jamais n’i peussom estre trouvez, fors qe2 de cels tant seulement qi amenez
nos i avoient. Illec fumes nos liez a deus abres, chascun a un arbre par soi. Et
sachiez qe nos fumes amdui liez si forment et si estroit qe se chascuns de nos
eust la force d’un lion, si n’en peust il eschamper, se ce ne fust trop grant
merveille. Li tens estoit a celui point mout forz, qar ce estoit el tens d’iver,
35 entor Noël. Les nois estoient granz et hautes et merveilleuses por le grant froit
qe il fesoit; et por ce qe nuz estiom ambedui, distrent cil qi ilec nos orent
amené: « Que ferom nos? » Et li uns d’els dit tot premierement: « Q’en ferion
nos autre chose fors ce qe nos est d comandez? Il nos est comandé qe nos les
ociom, por quoi il 3 est mestier qe nos (f° 260b) les metom ambedeus a mort,
40 avant qe nos partom de ci. – Ha! dist li autres, se nos metiom par noz mains a
mort tex deus chevaliers cum cist sunt, ce seroit cruelté et felenie trop grant.
Mais nos le4 poom faire einsint; si morrunt, et si ne morrunt mie por noz mains:
li froiz est tex cum vos veez, et il sunt nuz; se il n’avoient autre mal fors q’i
demorassent ici, en tiel guise cum il sunt orendroit, si5 ne poront il mie vivre
180. 1 roiaumes L.
2 qe omis dans L.
3 li L.
4 les L.
5 il L.
45 un jor entier. Por ce est bon qe nos les lessom einsint liez cum il sunt. Ci ne
vient gent en nulle saison, ne en yver ne en esté, por qoi il peussent estre
delivré. Seurement les poon nos ici leissier, qar il e morrunt de la froidure avant
qe cist jorz soit passez. »
181. Tant parla cil en tel meniere cum ge vos cont qe si compeinz s’i acorda.
Si nos lessierent en tel guise, liez as deus arbres, einsint qe nos n’aviom riens
vestu, fors qe noz braies seulement. Cil s’en alerent maintenant et nos reman-
simes en tel guise liez as arbres. Li froiz ert tex et les nois si tres merveilleuses
5 qe touz li mondez estoit glacé. Touz li monde ert engelez, et se tout le monde
avoit froit la ou il estoient garni contre le froit, nos, qi en tiel guise estiom en
la forest cum ge vos cont, nuz et deschaux et descouverz, cuidiez vos ore qe
nos eussom mout grant aise a celui terme? Or sachiez bien q’a celui point ne
desiroie ge nulle chose autant cum ge desiroie la mort, qar ge croi bien qe touz
10 les maux et totes les dolor qe ge soufri en ma vie furent droit aise et droit solaz
avers l’angoisse et la dolor qe ge soufri adonc de froit. Et certes, se aucuns
venist adonc illec, ge le priasse plus tost de moi ocire qe de moi delivrer. Qe
vos diroie? A tel dolor, a tel martire fumes tot celui jor illec, einsint liez cum
ge vos cont. Mi compeinz demandoit la mort, autre couse il ne reqeroit. Ge me
15 tesoie qe jamais ne disoie mot et atendoie qe la mort venist totevoies. (f° 260c)
Ce vos creant ge loiaument qe onqes, en toute ma vie, ge ne fui tant liez dure-
ment come ge fusse a celui point, se la mort m’eust delivré de cele dolor.
182. Celui jor fumes en tel guise et toute la nuit autresint 1; a grant dolor et a
grant martire passames la nuit et le jor. Mil foiz demandames la mort, qe2
adonc ne voloit venir. A l’endemain, auqes matin, la ou nos estiom en tel dolor
cum ge vos cont, atant ec vos vers nos venir deus chevaliers et une dame, et a
5 avec els3 venoient li dui qui amené nos avoient ilec et qi liez nos avoient as
arbres. Quant il furent a nos venuz et il virent qe nos estiom encore vis, il le
tindrent a trop grant merveille. Il ne pooient mie tres bien venir4 ensint 5 a
182. 1 autrement L.
2 quar L.
3 ces L.
4 veir L.
5 quant L.
cheval cum il estoient por les arbres qi illec estoient trop espeses;b et por6 ce
descendirent et vindrent c dusq’a nos a pié. Li un des chevaliers tenoit un glaive
10 et nos començad a regarder et dist a chief de piece: « Cheitive gent, coment est
ce qe vos n’estes mort? » Ge respondi tout erraument et dis: « Plus me poise qe
nos ne somes morz qe il n’en poise a vos. Se tant vos anuiast nostre vie7 cum
il annuie a nos, vos nos oceissiez tout orendroit; et 8 certes, vos9 feriez ja trop
grant gentilescee se vos nos oceiezf qar nos languissom ici a trop grant dolor.
15 Por Deu, ociez nos orendroit et finez le nostre martyre! »
183. Quant la dame oï ceste parole, ele ne fist autre chose, ainz dist a asb deus
chevaliers: « Ha! por Deu, ociez les, si verrai adonc tout le mien voloir acom-
plir, qar ge ne desirai onqes nulle chose del monde autant cum ge desir lor
mort. » Qant li dui chevalier oïrent la parole de la dame, il 1 respondirent:c « Or
5 sachiez qe nos n’avriom cure d’ocire les, qar trop ont soufert grant martyre, ne
il n’avroit mie cuer d’ome mais de deable droitement qi les ociroit en ceste
grant doulor ou il sunt. – Non? dist la dame; en non Deu, qant vos ne les volez
ocire, et ge les ocirai. Il mistrent (f° 260d) a mort mes deux freres, et por vein-
gier cele mort les voil ge amdeus a la mort metre, et par mes mains. » Lors prist
10 le glaive maintenant q’ele n’i fist autre demorance et lessa corre tout mainte-
nant a mon compeignon et le feri del glaive si durement q’ele li mist parmi le
piz, si q’il morut de celui coup tout erraument. Qant ele ot mon compeignon
mort en tel guise cum ge vos cont, et ge vi qe ele venoit vers moi le glaive
entesé por ferir, por ce q’il est einsint de droite nature d’ome q’il n’est nul si
15 hardiz qi la mort voie venir ne ne se puist defendre encontre q’i n’ait poor, oi
182. 6 lor L.
7 bien L.
8 que L.
9 nos L.
183. 1 si L.
orrom la vostre poor. » Lors dit li rois Artus au seignor de leienz: « Bel sire,
contez, qe cist dui seignor ont e conté ce qe il devoient. – Si m’aït Dex, fet li
55 chevaliers, il ont conté biaus contes et bons et delitables a oïr. Or, puis qe ge
voi q’il me couvient a conter la greignor poor qe ge onqes eusse, ge la vos
conterai maintenant tot en tiel meniere cum il m’avint; or escoutez. » Et lors
comence son conte en tiel meniere.
184. « Seignor, fait il, sachiez de voir (f° 261b) qe tant cum ge fui el roiaume
de Logres en guise de chevalier errant, et ge chevalier errant estoie, et a ge vos
di qe assez me travaillai por pris et por honor de chevalerie conqerre. » Qant li
Bons Chevaliers sanz Poor entent cestui conte, por ce q’il avoit un pou gros
5 cuer vers lui por les parolesb qe li rois Artus li avoit dites, maintenant q’il
entendi qe cil li començoit a parler d’onor, il li dit: « Sire chevalier, nos ne vos
reqerom mie qe vos nos contoiz les contes de vostre honor, ainz vos reqerom
qe vos nos dioiz les contes de la greignor honte qe onqes vos avenist! – Sire,
ce dit li chevaliers, or m’est avis qe vos avez pardu un bon taire qe ceste parole
10 meistes avant. Or me dites: qant vos començastes orendroit vostre conte, ne
parlastes vos avant de vostre honor qe de vostre honte, qar vos nos devisastes
premierement coment vos menastes a oltrance deus chevaliers et preudomes
des armes por la delivrance de vostre compeignon? Cestui fait fu bien de vostre
honor. Aprés nos devisastes vostre honte et vostre poor, qar ce qe vos eustes
15 greignor poor d’une feme, qe vos n’eustes en toute vostre vie de nul autre fait,
vos atornez vos a honte et a deshonor. Et qant entre nos soustenimes qe vos
contastes et vostre honor et vostre poor, or sofrez donc, se il vos plest, qe ge
conte ma volenté et sachiez qe ge ne vos dirai en cestui conte se verité non. –
Bel sire, fet li rois Artus, or contez a vostre volenté ce qe vos plera et nos
20 vos escouterom. – Sire, volentiers »,c fet li chevaliers, et lors recomence en tiel
meniere son conte et dit.
185. « Seignor chevalier, fet il, ge vos faz a savoir bien qe tant cum ge fui
chevalier errant el roiaume de Logres, au tens le roi Uterpandragon, ge me
travaillai mout de tot mon pooir de conqerre pris et lox de chevalerie. Qe vos
diroie? Entre chevaliers qi me connurent fui ge bien tenuz por chevalier et
5 tant q’il avint qe aventure m’aporta a un tornoiement qi fu feruz a l’entree de
186. « En ce, fet il, seignor chevalier, qe ge vos ai conté coment ge veinqi le
tornoiement vos ai ge conté grant partie de l’onor de moi; or vous conterai
aprés ma deshonor et puis ma poor, et a ce vos finerai mon conte. Qant
(f° 261d) ge me fui del tornoiement partiz, ge chevauchai puis tant qe ge vins
5 celui soir a un hermitage qi estoit en une forest et demorai leienz cele nuit. A
l’endemain, ge me senti durement lassé et travaillié, et por ce demorai ge en
l’ermitage tout celui jor. A l’autre jor, ge me mis au chemin et tant chevauchai
q’a un chastel ving qi estoit devant une praerie. Devant le chastel avoit cheva-
liers qi bohordoient et brisoient lances as murs del chastel, et as creniaux avoit
10 des dames et damoiseles qe regardoient ce qe li chevaliers defors fesoient.
Maintenant a qe eles me virent aprouchier d’eles et eles reconurent mon escu,
eles comencierent a crier: « Veez ci le chevalier qi le tornoiement a veincu », et
eles avoient sanz faille esté au tornoiement, qar toutes lesb gentix dames de
cele contree avoient sanz doute celui tornoiement veu. Qar des lors estoit a
15 costume qe en qel qe païs qe li tornoiement se feist, il estoit mestier qe de cele
contree venissent toutes les dames et les damoiseles por veoir; einsint l’avoit
establi li rois Uterpandragon, et tuit li gentil home qi de la seignorie del roia-
ume de Logres tenoient terre s’i estoient bien acordé.
187. Einsint cum ge vos ai conté, les dames et les damoiseles qe desus les murs
de celui chastel estoient comencierent a crier: « Veez ci venir le chevalier qi le
tornoiement a veincu. » Et qant li chevaliers, qi entre les brisoient les lances,
einsint cum ge vos ai dit, entendirent ceste parole, il lessierent maintenant tout
5 le fait q’il avoient encomencié et me comencierent a regarder, et tout
erraument començaa a crier un chevalier: « Sire chevalier, volez vos joster? »
Ge li respondi adonc et dis: « Puis qe vos de joste m’apellez, ge ne vos en
faudrai a ceste foiz. » Ge lessai corre au chevalier et il a moi, et tant me mescheï
de cele joste (f° 262a) qe g’en fui navrez durement, et sor tout ce fui abatuz. Li
10 chevaliers s’en passa outre, son glaive tout entier, liez et joianz a merveilles
de ce q’il m’avoit abatu en tiel meniere. Ge me relevai erraument, doulenz de
tot mon cuer de ceste aventure, et retornai et repris mon glaive qi encor estoit
touz entiers et recomençai a crier: « Qui velt joster? » qar bien cuidoie ma honte
vengier. Et sachiez qe li premiers chevaliers qi m’abati de droite joste si estoit
15 apellez Daguenez; a celui tens estoit il chevalier de haute proesce plain, et
hardiz estrangement. Mais puis devint par son pechié si fox naïs cum il est
encore. Aprés celui chevalier jostai ge au roi Loth d’Orcanie, et m’avint en tiel
meniere de cele joste qu’il m’abati autresint cum avoit abatu li autres. Qe vos
feroie ge lonc conte? Ge fis a celui point sis joustes et m’en avint einsint qe ge
20 fui abatuz de chascune de ces joustes, et ge cuit bien qe m’aventure estoit tele
a celui point qe, se ge eusse josté a celui point a chascun d’els, qe chascunb
d’els m’eust abatut.
188. Quant ge oi tantes jostes faites et ge fui de toutes abatuz, adonc distrent
entr’els tuit cil de la place: « Cist n’est mie li bons chevaliers qi le tornoiement
veinqi avantier, ainz est un autre qi porte son escu por soi doner et lox et pris.
Or seroit bon qe l’en li touxist cest escu, qar si mauveis chevaliers et si faillis
5 cum est cestui ne devroit mie porter l’escu de si bon chevalier cum est celui
qui le tornoiement veinqi. » Et maintenant lessa corre sor moi le roi Uterpan-
dragona et me feri si durement q’il fist de moi tout autretant cum avoient fait
li autre et plus en fist encore, qar au trebuchier qe ge fis, il gita la main et
me toli l’escu qe ge portoie et l’en emporta a ses compeignons, et maintenant
10 comencierent a crier et les dames et les damoiselles desus les murs: « Veez le
mauveis! cha (f° 262b) ciez le, seignor chevalier! gardez q’il ne demort entre
vos! »
189. Quant ge fui revenuz a cheval, tant durement dolenz et tant iriez q’a pou
qe li cuers ne me crevoit de dolor, ge vins a cels qi mon escu emportoient et
lor dis: « Ha! bel seignor, por Deu, rendez moi mon escu! » Et il comencierent
a crier: « Fuiez, fuiez d’entre nos, danz mauveis chevalier! se vos plus demorez
5 avec nos, vos estes morz, qar de vos solement veoir somes nos trop deshono-
rez! » Et maintenant s’en entrent dedenz le chastel, qar il ne voloient qe ge lor
tenisse parlement. Et qant ge vols leienz aprés els entrer,a la porte me fu close
encontre, si q’il me couvint defors remanoir. Et cil des murs me comencierent
adonc a crier: « Fuiez, danz mauveis chevalier! en cest chastel n’entreroiz vos
10 a ceste foiz, qar se vos ceienz entriez, li chastiaux en seroit honiz et aviliez
trop durement. » Qant ge vi que ge leienz ne pooie entrer, ge m’en parti tout
maintenant entre moi et mes escuiers. Mes, se ge fui a celui point doulenz et
correciez, ce ne fait pas a demander. Ceste dehonor, ceste honte qe tant fu
grant cum ge vos ai conté m’avint aprés la grant honor qe ge avoie conquise a
15 celui tornoiement; l’onor, ce m’est avis, ne fu mie si grant qe la honte ne fust
greignor aprés. Or vos ai conté l’onor qi m’avint et la honte; or vos conteraib
la poor.
190. Aprés celui tens avint, non mie mout grant tens aprés, qe el roiaume de
Nohorbellande ot un autre tornoiement, et assez pres de celui chastel qe l’en
apelle La Qis; ce ne sai ge se nus de vos i fu onqes, mais a celui chastel fui ge
plusors foiz. A celui chastel ot adonc sanz faille un des plus apres tornoiement
5 qe ge onques veisse, et celui tornoiement veinqi par force d’armes li Bons Che-
valiers sanz Poor. Et sachiez qe s’il en toute sa vie n’eust plus fait d’armes qu’il
fist a celui jor, si rapprocher con(f° 262c)quist il qe l’en le deust bien des celui
jor tenir au meillor chevalier del monde. Celui jor l’abati ge el tornoiement une
foiz et il moi deus. Ge fui mout doulenz de ce q’il m’avoit einsint abatuz, qar
10 en tout le tornoiement n’avoie ge trouvé chevalier qui abatu m’eust fors que il
seul.
191. Quant li tornoiemenz fu failliz, il s’en parti aprés hore de vespres, au plus
coiement qe il pot, mes il ne s’en pot partir si coiement qe ge ne veisse trop
bien qant il s’en parti. Ge m’en alai aprés lui si iriez et si corrociez cum ge vos
cont et pensai qe ge vengeroiea la honte q’il m’avoit fait el tornoiement de ce
5 qu’il m’avoit deus foiz abatu. Et bien cuidoie certeinement qe ge le peusse faire
adonc, qar bien m’estoit avis q’il estoit si durement travailliez q’il ne se poroit
encontre moi defendre. Qe vos diroie? Por ceste ententionb me mis ge a la voie
aprés lui, et tant fis qe ge l’ateins devant une fonteine ou il voloit descendre
por boivre et por soi repouser aucun pou. Qant ge vi q’il voloit descendre, ge
10 li començai a crier a haute voiz: « Mais apareilliez vos de jouster; a joster vos
estuet a moi! » Qant li chevaliers vit qe a jouster le couvient, il s’apareilla de
la joste; g’en estoie touz apareilliez de l’autre part; si lessames maintenant
corre li uns vers l’autre au ferir des esperons, et qant ce vint au joster, nos
brisames les glaives, et m’avint de celle joste si grant honor qe g’en abati adonc
15 le Bon Chevalier sanz Poor. Qant ge l’oi abatu et ramené le suen cheval, ge
m’en voloie aler d’autre part, qar ge ne cuidoie mie q’il eust volenté de comba-
tre et me tenoie a mout bien paié de ce qe ge avoie reveinchu ce q’il m’avoit le
jor abatu. Qant li Bons Chevaliers sanz Poor fu montez, einsint cum ge vos
cont, et il vit qe ge m’en voloie partir, il me dist: « Ne faites, sire chevalier, ne
20 vos en alez einsint. Or sachiez qe einsint ne vos poez vos departir de moi. Vos
(f° 262d) m’avez mostré a cestui point qe vos estes meillor chevalier de lance
qe ge ne sui; or sachiez bien q’il est mestier qe ge vos mostre coment ge sai
d’espee ferir! » Aprés icestui parlement, il n’i ot delaiement nul, ainz comen-
çames maintenant la mellee des brans, et sachiez qe por ce qe nos ne meissom
25 a mort noz chevaux en combatant a cheval, descendimes nos a pié et comen-
çames la bataille. Et sachent tuit qe ge trovai a celui point le Bon Chevalier
sanz Poor si fort et si aspre, si viste et si legier qe nus ne le veist adonc, por
q’il ne l’eust veu el tornoiement, qi bien ne deist q’il n’avoit le jor feru coup
d’espee, ainz estoit adonqes tout frois. Ge meemes, qi encontre lui maintenoie
30 cele bataille, ne me fui granment combatuz qe ge estoie morz, se li chevaliers
n’avoit pitié de moi, qar ge veoie bien q’il estoit trop meillor chevalier de
l’espee qe ge n’estoie et trop plus savoit de la bataille. Et, a la verité conter, il
feroit sor moi les cox si grant et si pesant qe qant l’espee me descendoit desus le
heaume, il m’estoit bien avis qe le coup d’un mangenel i cheist, et por ce entrai
35 ge adonc en la greignor poor ou ge onqes entrasse, qar ge connui bien en moi
meemes tout certeinement qe ge ne poroie d’illec eschamper ou sanz recevoir
trop grant honte ou sanz morir. Qar ge estoie ja trop vilainement menez au
desouz de cele bataille par la haute proesce del Bon Chevalier sanz Poor.
192. A celui point qe ge avoie ja si grant poor de moi cum ge vos cont et mi
cuers estoit entrés en la greignor poor ou ge onqes fuisse, atant ec vos qe por
ma bone aventure vint entre nos une damoiselle, montee sor un palefroi mout
bel et mont cointe; et qant ele reconut le Bon Chevalier sanz Poor, ele se mist
5 entre nos tout einsint a cheval cum ele estoit et nos dist: « Arestez vos, seignor
chevalier, tant qe ge aie parlé a vos. » Et nos nos arestames maintenant. Et ele
dist adonc au Bon Chevalier sanz Poor: « Sire chevalier, vos me (f° 263a) devez
un guerredon; vos souvient il de qoi? » Li Bons Chevaliers sanz Poor regarda
la damoiselle, et qant il la vit, il la reconut, si respondi maintenant: « Certes,
10 damoisele, vos dites verité. Dites qe vos volez qe ge vos face. – Ge voil, fet ele,
qe vos montez tot maintenant et vos en venez aprés moi. » Ha! damoiselle,
merci! dist il; au meins vos soufrez tant qe ge aie ceste bataille finee, qe ge
avrai finee maintenant,a qar cist chevalier ne puet mais en avant. – Ge vos
reqier, dist ele, sor le creant qe vos avez a moi, qe vos montez tot maintenant;
15 qar se vos demorez ne pou ne grant, vostre secors ne me vaudroit puis riens
del monde, et por ce vos reqier ge qe vos orendroit montoiz. »
193. Quant li Bons Chevaliers entendi que la damoiselle avoit de lui si tres
grant besoing, il n’i fist autre delaiance, ainz monta, et au departir q’il fist de
moi me dist il: « Sire chevalier, sire chevalier, se Dex me doint bone aventure,
se ne fust ceste damoisele qe de ci me fait departir, ge vos cuidasse en pou de
5 tens moustrer tout apertement qe ge sui meillor chevalier a l’espee qe vos
n’estes a la lance. » Si s’en ala atant qe plus ne me dist, et sachiez, bel seignor,
qe qant ge vois recordant cele bataille, ge di bien en moi meemes qe cele fu la
greignor poor qe ge eusse en tote ma vie. Si vos ai ore tout mon conte finé et
dit vos la greignor poor qe ge onqes eusse. Or contez entre vos autres qi conté
10 n’avez, qar ge m’en tes a cestui point. – Or me dites, fet li rois Artus, se Dex
vos doint bone aventure, et qel escu portiez vos a celui point qe li Bons Cheva-
liers vos fist ceste grant poor, portiez vos l’escu vermeil? – Sire, nenil, ainz
portoie l’escu d’argent as goutes d’or, tout autretel cum ge le port orendroit. –
Et qel escu portoit li Bon Chevaliers sanz Poor? – Sire, il portoit un escu tout
15 d’argent, sanz entreseignes nulles. » Et lors reconoist bien li rois Artus que
cestui fait voirement li avoit ja conté li Bons Chevaliers sanz Poor. Et lors rede-
mande autre foiz (f° 263b) au seignor de leienz: « Or me dites, bel sire, et puis
cele grant poor qe vos fist a celui point li Bons Chevaliers sanz Poor, vos com-
batistes vos puis autre foiz a lui? – Oïl certes, fet li sires de leienz, tele hore
20 q’il ne me fu pas avis qe g’en eusse de riens le peior, mes einsint cum ge vos
di m’avint a cele foiz q’il me mena par force d’armes si legierement au desoz
cum ge vos cont. Or vos ai mon conte finé; or recomenciez huimais le vostre
qant il vos plaira ».a Et li autre redient au roi: « Sire, sire, encomenciez huimais
le vostre conte, q’il en est tens. – Qant vos volez qe ge mon conte encomence,
25 fet li rois Artus, et ge le començarai maintenant. » Et lors encomence son conte
en tiel meniere.
194. « Seignor, fet il, encor n’a mie mout grant tens qe ge fui chevalier nouvel,
et vos meemes le savez bien, et Dex le set qe puis qe ge chevalier fui, ge me
travaillai de tout mon pooir de hanter chevalerie et d’acroistre l’onor de moi et
la renomee. Tant chevauchai par unes contrees et par autres q’il avint qe ge
5 trouvai une dame de merveilleuse beauté et l’amai par amors, et mainte cheva-
lerie fis por amor de li. Qe vos diroie? Tant fis qe la dame m’otroia s’amor et
tant fis qe ele m’acompli tote ma volenté de ce qe ge voloie avoir de li. Un jor
qe nos estiom entre moi et lui priveement me dist ele: « Certes, sire, ge ne cuit
mie qe vos soiez si hardiz cum maint autre chevalier sunt. » Et ge li respondi:
10 « Certes, ge croi bien qe ge ne sui mie si hardiz cum est li Bons Chevaliers sanz
Poor; et ne por qant, tout ne soie ge si hardiz, si me tendroie ge a mout desho-
norez se vos me peussiez reprouver une cohardie qe je eusse faite, ne voiant
vos ne voiant autre. – Or i parra, dist la dame, se vos estes hardiz ». La dame
savoit tant d’enchantement et de merveilles qe ge ne croi mie qe en tout le
15 roiaume de Logres eust a celui point ne home ne feme qi tant en seust, se ce
n’estoit Merlins li Prophetes, et sanz faille de Merlin avoit ele apris totes ces
merveil(f° 263c)les. La dame avoit a mari un chevalier mout hardiz et mout
preuz des armes et un des bons josteors de la force q’il avoit qe ge onqes veisse.
Ge reperai tantes foiz entor la dame, cum entor cele qe ge amoie de tout mon
20 cuer, ne dont ge ne me peusse mie bien soufrir, qar trop l’amoie, qe li cheva-
liers le sot a por oïr dire; de ce fu il trop correciez et trop doulenz, qar1 il amoit
194. 1 mais L.
195. Un jor qe li chevaliers dont ge vos cont tenoit une grant feste, et il avoit
semons a cele cort touz les chevaliers del païs, avint qe ge vins el chastel ou
cele feste se tenoit et descendi en la meison d’un mien ami ou ge descendoie
moutes foiz qant ge venoie el chastel. Maintenant qe la dame sot qe ge estoie
5 venuz el chastel, ele manda por moi et tant fist qe ele me mist en la chambre
del seignor de leienz, qi si mariz estoit. Ge estoie leienz venuz touz desarmés,
fors de m’espee seulement. Et qant la dame vit qe ge aportoie m’espee avec
moi, ele la m’osta des mains e dist: « Ge ne voil mie qe vos aiez armes avec
vos; voirement fetesa vos trop volentiers semblant de cohart. » Ge fui un pou
10 correciez de cele parole, si li dis: « Dex aïe! dame, qele1 cohardie veistes vos
onqes en moi, qe tantes foiz m’avez vos ja2 blasmé de cohardie? » Ele ne me
dist plus, ainz prist m’espee et l’emporta en une autre chambre. Ge començai
adonc a aler par la chambre por veoir se armes i avoit nulles et trouvai q’il n’i
avoit tant de toutes armes q’un seul chevaliers en peust son cors defendre. Si
15 me merveillai mout qant ge vi ce, qar ge avoie3 devant acostumé qe la chambre
estoit adés garnie de toutes armes. Aprés ce ne demora guieres qe la dame vint
a moi et dist 4: « Par (f° 263d) Sainte Croiz! or verrai ge se vos estes hardiz; or
tost, despoilliez vos et vos couchiez dedenz mon lit. – Ha! dame, dis ge, qe est
ce qe vos me comandezb? ja viennent en ceste cambre tantes genz, unes et
20 autres, q’il ne puet estre en nulle guise, se ge me couche en vostre lit, que ge
n’i soie veuz maintenant. Et se vostre mariz me trouve ceienz, meesmement si
desarmé come ge sui, qe fera5 il de moi? Il m’avra tout maintenant mort. Dame,
merci! ne soiez si durement desiranz de ma mort veoir! »
196. « Ha! dist la dame, voirement est il veritez qe vos estes si coarz et si failliz
de cuer come ge disoie. Or reconois ge tout de voir que trop me sui avilee et
194. 2 c. [...] se il ne p. L.
195. a fet G et L.
b Ms. comadez.
195. 1 quela L.
2 si L.
3 m’a. L.
4 et me d. L.
5 sera L.
deshonoree qant ge onqes mis mon cuer en vos amer. » Ge, qi tant estoie espris
et alumez de la dame qe il ne me chaloit granment se ge moroie por li ou se
5 ge n’eschampoie, respondi adonc: « Dame, qe volez vos qe ge face? – Ge le vos
ai dit, dist ele, et faites le tout erraument. » Qant ge entendi qe tele estoit la
volenté de la dame, ge n’i1 fis delaiement nul, ainz me despoillai maintenant
la robe et me mis dedenz le lit. Et la dame prist maintenant la robe et la porta
dedenz une autre chambre. Et sachiez qe a celui point qe ge me gisoie en tiel
10 meniere dedenz le lit, n’estoie mie sanz poor et ge vouxisse mielz estre adonc
defors la chambre et del chastel 2 qe la ou ge m’estoie mis. La dame retorna a
moi tot maintenant et vint au lit, la ou ge me gisoie tout si nuz cum ge vos
cont, et me comença a beisier, et ge li. Mes ge avoie sanz faille si grant poor
qe a bien pou qe li cuers ne me trembloit el ventre; ne ce n’estoit mie grant
15 merveille qar ge veoie qe li huis de la chambre estoit touz ouverz et qe trop
souvent venoit leiens damoiselles et vallez por prendre leienz coupes d’argent
et autre vessellement, dont l’en servoit leienz as tables.
(f° 264a) 197. A celui point qe la dame estoit en tel meniere dejoste moi dedenz
le lit et ele me besoit et acoloit, atant ec vos qe leienz entra un vallet et s’en
vint droitement au lit por prendre une cope d’or qe estoit as piez del lit sanz
faille. Et qant il vit qe ge me estoie einsint couchiez dedenz le lit de son seignor
5 et qe la dame me besoit einsint et soulaçoit, il se retret un pou arieres, ne ne
prist mie la coupe q’il voloit prendre, ainz dist a la dame: « Ha! dame, cum
ceste est grant vilenie qe vos faites et grant sorcuidance! Certes, assez petit
prisiez1 mon seignor et assez petit le doutez, qant a cest hore avez ceienz fait
venir vostre ami. Onqemais dame ne fist si grant oltraje ne si fol hardement
10 cum cestui est. Trop vos2 deshonorez et aviliez de cestui fait, et dahez aie ge
se ge tout orendroit ne le di a mon segnor. – Ha! dist la dame, por Deu, ne li
dire, qar tu me feroie ja ocire, et moia et cist chevalier qi ci est. – En nom Deu,
dame, dist li vallez, vos avez bien mort deservie et li chevaliers doit bien morir,
qi ceienz se mist si folement ».
196. 1 ne f. L.
2 defors le chastel L.
197. 1 p. sosiez L.
2 nos L.
198. Quant li vallez ot dite ceste parole, il n’i fist autre demorance, ainceis
sailli fors de la chambre tout maintenant et qant il fu venuz a son seignor, il li
dist: « Sire, sire, pensez de tenir grant cort et de faire grant feste ça defors, qe
ma dame la tient laienz grant et envoisiee, mes ce est plus priveement qe vos
5 ne la tenez: vos la teneza de plus de cent chevaliers, mais ele ne la tient fors
de lui et d’un chevalier seulement. Li chevaliers si s’est couchiez en vostre lit
et est touz nuz. Ma dame le tient entre braz et l’acole et beise. Ce est la feste
qe ele tient orendroit dedenz vostre chambre. »
199. Toutes les paroles qe li valez dist a son seignor entendi ge tout clerement
la ou ge estoie dedenz le lit. « Ha! dame, dis ge, or voi ge (f° 264b) tout clere-
ment qe vos me menastes ici por morir. – Coment? dist ele, se ge muir por vos,
ne volez vos morir por moi? Or apert bien la vostre cohardie, qe vos avez poor
5 de morir por moi, et ge n’aia mie poor de morir por vos! » Qant ge entendi la
parole de la dame, ge li dis: « Ma dame, nos avons ja tant alé avant qe nos ne
poom mais retorner. Or aut cum il pora aler; vos i morroiz, ce sai ge bien, tout
autresint cum ge ferai. – Sire, dist ele, puis qe a morir somez venuz, or faites
tant por la moie amor qe vos ne dioiz parole bone ne mauveise por chose que
10 vos voiez. – Dame, dis ge, et qe me vaudroit mon parler? Il ne me vaudroit ne
ce ne qoi! qar ge voi bien qe ge sui morz. Se ge merci crier voloie, ja tout ce ne
me feroit preu; por ce me teirai ge del tout et recevrai ci la mort qe ja un seul
mot ne dirai. – Et ge avec vos voil morir », ce dist la dame.
200. La ou nos parliom entre moi et la dame en tel guise cum ge vos cont, et
nos aviom ja del tout lessié nostre parlement, atant ec vos leienz venir le sei-
gnor, l’espee en la main toute nue, et avec lui venoient bien dusq’a vint autres
chevaliers dont chascuns aportoit s’espee. Qant ge les vi leienz entrer, ge cui-
5 dai tout veraiement qa ma vie fust finee. Et la dame me dist adonc: « Ne vos
movez ne ne dites nul mot del monde ». Et maintenant gita son enchantement,
si qu’a touz cels qi laienz vindrent fu avis tout veraiement qe ge fusse un levri-
ers, et avoie droitement le semblant d’un levrier de leienz qe li sires amoit trop
durement. Qant li sires fu venuz avant, il li fu bien avis de moi que ge estoie
10 si levriers, si dist a la dame: « Or tost, mostrés moi le chevalier qi orendroit
gisoit en cest lit! – Dex aïe! sire, dist la dame, et ce qe est ce qe vos dites? De
qel chevalier parlez vos? Repaire il donc en ceste chambre chevalier fors vos
seulement? Por Deu, (f° 264c) sire, ne nosa dites si grant vilenie ne chose qe si
fust encontre reison cum seroit ceste; donc seroie ge plus qe enragiee et plus
15 qe feme fors del sens se ge metoie leienz chevalier, meesmement a ceste hore
ou touz li mondes est ceienz! Sire, merci! fu ore ceste parole qe si sage chevalier
cum vos estes deust dire? Certes, nenil, ainz fu bien parole d’enfant! Sire, si
voirement m’aït Dex, il n’ot hui ceienz chevalier estrange fors cestui seulement
qi en mon lit se gist. Or voiez cum bel chevalier! Et certes, sire, se touz li mon-
20 desb le vos deist, si ne le deussiez vos croire, qar ge ne peusse a ceste hore
ceienz metre chevalier se ge ne vouxisse faire trenchier la teste. Et vos meemes,
sire, devez savoir tout certeinement q’il n’a hore en tout le monde si hardi
chevalier qi a ceste hore s’osast ceienz metre, qar il n’en poroit sanz mort
eschaper en nulle meniere ne n’i poroit demorer q’il ne fust veuz tout mainte-
25 nant.c – Certes, dame, dist li sires, vos dites verité, et vos m’avez orendroit tant
dit qe ge me tieng a fol et a musart de ce qe ge vins ore en cest chambre por
esperance de trouver ceienz chevalier estrange. » Lors demanda au vallet qi les
nouvelles avoit dites: « Dé moi, ou est li chevaliers qe tu veis ceienz? – Sire,
ne sai, si m’aït Dex, mais il me fu avis tout veraiement qe ge l’i veisse. – En
30 non Deu, dist li sires de leienz, ce n’est mie la premiere mauveise nouveled qe
tu m’as reaporté de ceste dame; mainte autre vileine parole m’en as tu ja dite,
mes jamés plus nee m’en diras! » Si hauça maintenant l’espee et dona tel coup
au vallet q’il li fist la teste voler et se departi atant de la chambre.
qant il est einsint avenu qe ge ai mon conte finé, or faites qe cest autre cheva-
lier conte la soe poor »; si lor mostre Blio. Et il l’en semonent tuit. Et qant il
15 voit q’il li couvient conter ce q’il voelent, il comence maintenant son conte et
dit: « Or sachiez, bel seignor, qe puis qe ce vient a conter poor, ge ne vos poroie
pas conter une tant seulement, ainz vos en poroie bien conter plusors, qar
plusors sanz faille m’en sunt avenues puis que ge fui premierement chevalier.
Mes, toutevoies, puis qe la greignor poor me covient conter qe onqes m’avenist,
20 et ge la vos conterai tout orendroit; or escoutez. »
202. « Encor n’a mie mout lonc tens qe ge amoie une dame assés gentil a dame
et de grant lignage. Ge amoie la dame, mes ele ne m’amoit mie d’assez tant
cum ge l’amoie; et ne por qant tant fis vers la dame au darrien et tant me
travaillai por li qe ele m’otroia s’amor; si fu une merveille coment ele la
5 m’otroia, qar Dex lo set qe ele avoit a mari plus bel chevalier que ge n’estoie,
et si n’estoit pas a mon escient meins puissant des armes qe ge sui, ainz croi
bien q’il en estoit ou ausint puissant ou meillor. Mout alai entor la dame por
savoir se ge peusse avoir ma volenté de li.b Mais tele fu l’aventure de nos deux
qe nos ne peumes avoir nulle foiz leu ne aise coment nos peussom en-
10 sem(f° 265a)ble priveement parler; bien pooie ge parler a li devant gent, einsint
cum chevalier errant poet 1 parler as dames, mes noienz estoit qe nos peussom
ensemble venir seul 2 a seul. Un jor avint qe3 ge parloie a la dame en son paleis
devant gent assez, si4 priveement cum l’en puet 5 a dame parler devant grant
gent, et ele me dist adonc: « Nos devom chevauchier entre moi et mon mari en
15 tel leu, et chevaucherom au plus priveement qe nos porom. » Et me dist en qel
part. « Venez aprés nos ne nel leissiez et vos feroiz puis einsint. » Et me dist
adonc moutes paroles. Et qant ele m’ot dite toute sa volenté, ge m’en parti
maintenant et m’en alai en ma besoigne.
203. Un jor qe ele m’ot devisé, ge m’en ving tout droit au chemin ou ele
m’avoit a dit qe ge la trouveroie, et avint ensint qe ge la trouvai devant une
202. 1 peust L.
2 seulement L.
3 a tant q. L.
4 si omis L.
5 devoit L.
fonteineb q’ele voloit descendre, et avec li estoit si mariz tout desarmez, fors
de s’espee. Ne il n’avoient en lor1 compeignie ne escuier ne vallet ne home ne
5 feme, fors qe els deus tant seulement. Tout maintenant qe ge vi la dame, ge
m’en alai tot droit vers li por faire ce qe ele m’avoit comandé et dis: « Dame,
dame, dont venez vos? Ou avez vos tant demoré? Se Dex me doint 2 bone aven-
ture, pou s’en faut qe ge ne vos oci, et vos l’eussiez bien deservi, qar vos m’avez
tant fait de honte cum dame porroit faire a son mari, qe en tel meniere m’avez
10 leissié por un chevalier estrange. » Et lors me mis avant et pris la dame par le
frain et li dis: « Or vos en vendroizc vos avec moi! »
204. Quant li chevaliers qi si mariz estoit entendia ceste parole et vit qe ge l’en
enmenoie en tiel meniere par le frain, il 1 se mist avant erraument et me dist:
« Sire chevalier, lessiez la dame, qar ele est ma moillier. – En non Deu, dis ge,
la vostre moillier n’est ele mie,b ainz est moie, ja a plus2 de set anz passez qe
5 ge li fui mariz et ele me fu moillier. Et de ce qe vos m’en avez fait si grant tort
cum ge sai, vos (f° 265b) en rendisse ge orendroit mout mal guerredon. Mais
ge le lesserai a ceste foiz por ce qe desarmez estes et ge sui armez. – Dex aïe,
dist li chevaliers, qe est ce qe vos dites? Ce est 3 ma moillier sanz faille, et non
mie vostre. » Ge respondi atant au chevalier et li dis: « Tesiez vos de ceste
10 parole, gardez vos4 qe vos n’en parloiz plus. Ceste est bien ma moillier, sanz
doute, tout avant fu moie qe vostre. »
205. La ou nos estiom entre nos deux a si grant estrif por la dame, atant ec
vos vers nos venir quatre chevaliers armez de toutes armes, et estoient cheva-
lier errant. Qant il oïrent l’estrif de nos deus et la noise, il asterent a adonc lor
203. 1 entor L.
2 donne L.
204. 1 f. et i. L.
2 puis L.
3 ceste e. L.
4 vos omis L.
orre et vindrent plus tost q’il ne fesoient devant; et tant firent qe a nos vindrent.
5 Tout maintenant q’il furent a nos venuz, li chevaliers lor dist: « Ha! por Deu,
biaux seignors chevaliers, ne soufrez que si grant tort ne si grant oltrage me
soit fait cum cist chevalier me velt faire. – Qel tort est ce qe il vos fait b? »
distrent li chevalier. « Ne puet il faire greignor, dist il, qe ce qe il me tolt 1 ma
feme. Veez qu’il enmeine ma moillier! » A ce respondi ge maintenant et c dis:
10 « Ha! seignor, ne le creez mie2. Sachiez qe de ce ne vos dit il mie verité, qe
ceste dame est ma moillier, veraiement le sachiez; et 3 s’il fust orendroit armez
ausint come ge sui, ge li prouvasse par force d’armes voiant vos. »
206. Quant li chevalier oïrent ceste parole, il ne sorent qe dire. Cil disoit toute-
voies de la soe part: « Ha! bel seignor, por Deu, ne soufrez qe si grant force me
soit faite, qe cist chevalier me toille ma moillier en tel meniere! » Ge disoie de
l’autre part: « Ha! seignor chevalier, ne le creez mie de ce q’il vos dit. Sachiez
5 de voir qe ceste dame est ma moillier. Et g’en seroie1 apareilliez qe ge l’en
provasse orendroit, s’il fust armez come ge sui. » A ceste chose ne sorent qe
respondre li chevalier, fors q’il distrent: « Or vos soufrés un pou, tant que nos
aiom conseil entre nos »; si se trestrent a une par. Et qant il orent grant piece
conseillié, li uns d’els parla par els touz et (f° 265c) dist: « Seignor chevalier,
10 chascuns de vos dit qe ceste dame est sa moillier. Mes por ce qe estrange che-
valier somes, ne nos ne poom savoir a cestui point si bien la certeineté come
par la dame meemes, nos ferom ceste chose: nos metrom la dame entre vos
deus. Ele set mielz qi mariz li est de vos deus qe nos ne savom. A son mari
s’en aille tout droit et l’autre laist, se ele velt. » Qant li chevaliers qi mariz estoit
15 de la dame oï ceste chose, il s’i acorda trop volentiers et dist q’il avoient doné
de ceste chose le meillor jugement que il peussent doner. Ge, de l’autre part,
m’i acordai trop volentiers,a qar mielz conoissoie la volenté de la dame qe ne
fesoit li mariz. Maintenant fu la dame mise entre nos deus. Et ele, qe fist adonc?
Ele s’en vint tot droit a moi et lessa por moi son mari. Et ge dis er-
205. 1 tost L.
2 n. l’agreez m. L.
3 s. vos et L.
206. 1 Et greu s. L.
20 raument as chevaliers armez qui einsint avoient nostre qerele departie: « Sei-
gnor chevalier, or poez veoir la loiauté de cest chevalier desarmé, qi vos fesoit
ore entendant qe ceste dame estoit sa moillier. – Certes, distrent cil, il fesoit
felenie et desloiauté. »
207. Quant li chevaliers vit qe sa moillier l’avoit guerpi en tel meniere et por
la moie amor, il en devint si esbahiz qe il ne sot qe il deust dire; et remest ilec,
desus la fonteine, si tristes et si doulenz qe jamais ne verroiz plus doulent
chevalier de lui. Li qatre chevalier s’en alerent de l’une part et ge m’en alai de
5 l’autre et enmenai avec moi la dame qe ge amoie de si grant amor cuz1 ge vos
ai conté. Et se ge l’avoie devant amee, adonc l’amoi ge plus, qar ge dis a moi
meemes qe trop avoit fait por moi, qant ele avoit en tel meniere son mari lessié
por la moie amor. Qant li chevaliers vit qe ge estoie ja auqes esloigniez de lui,
il vint aprés moi corrant tant cum il pot deu cheval trere, et qant il fu venuz
10 dusq’a moi, il me dist: « Sire chevalier, or l’en enmenez la dame par couvenant
qe encor vos fera ele greignor (f° 265d) honte qe ele n’a fait a moi a cestui
point, et si fera ele encore, bien vos en recort! »
208. Atant s’em parti li chevaliers et g’en enmenai la dame avec moi. Et che-
vauchai puis en sa compeignie mainte jornee, sanz aventure trouver qui face
a amentevoir en conte. Qe vos diroie? Ge amoi la dame de si grant amor qe ge
ne cuit mie qe chevalier peust orendroit plus amer dame qe ge l’amoie. Mais
5 de cele amor me trouvai ge puis mout malement enginié, et vos dirai coment.
Grant piece aprés ce qe la dame fu venue en ma compeignie, par tele aventure
cum ge vos ai conté, avint qe ge chevauchoie un jor vers le roiaume de Gales
et menoie totevoies ma dame en ma compeignie. Ge l’amoie de si grant amor
qe ge ne chevauchoie onques grantment q’ele ne fust en ma compeignie. La
10 ou ge chevauchoie vers le roiaume de Gales, einsint cum ge vos cont, il avint
chose qe ge atains un chevalier de celui païs, non1 mie bel chevalier. Nulle
beauté qe en chevalier soit l’en ne peust veoir en lui, ne nul semblant por qoi
il feist granment a prisier de chevalerie; ne de bonté de chevalerie, a la verité
dire, n’avoit il pas grantment en lui, einsint cum ge vi puis apertement. Por ce
15 qe en celui païs n’avoit pas granment de chevaliers errant, et ge trouvai celui
qi aloit qerant aventures, me mis ge en sa compeignie. Qar il m’estoit bien avis2
qe s’il ne fust chevalier de haut afaire et de grant chevaleries plains, il ne se
207. 1 com L.
208. 1 ne L.
2 ainé L.
208. 3 repereroient L.
209. 1 qe omis L.
qe ele aime dejoste moi autre chevalier ne meillor de moi ne peior, ge vos
creant loiaument qe jamés ne l’amerai, ne mon cuer ne metrai en li. – Encor
voil ge, dist cil, que vos me creantoiz loiaument qe vos ne l’en feroiz mal de
son cors ne au chevalier autresint. » Toutes les paroles qe li chevaliers me dist
35 de ceste chose ge li creantai, et il me dist adonc: « Nos le ferom demain einsint;
et insint l'i2 porroiz veoir. » Et me devisa tote la meniere, et ge m’acordai trop
volentiers a qant q’il disoit. Ne encor ne peusse ge croire qe veritez fust ce q’il
m’aloit devisant.
210. Quant nos nos fumes andui acordez a ce coment nos la porriom a l’ende-
main prouver, nos lessames atant cele parole. A l’endemain, qant nos nos
fumes mis au chemin et nos eumes bien chevauchié entor deus liuez engles-
ches, li chevaliers se mist tout maintenant avant, ensint cum nos aviom por-
5 parlé, et me dist: « Sire chevalier, ge ai trop longuement tenu vostre compei-
gnie. Ge ne la voil ore plus tenir. Vos m’avez tant mesfait, veraiement le sachiez
vos, qe ge ne vos tieng mie por mon ami. Et qant a ge por mon ami ne vos tieng
et ge sai veraiement qe ge ne vos puis correcier de nulle chose autant cum ge
vos puis correcier de ceste dame prendre, prent ge la dame et la vos toil. Se
10 vos volez combatre, ge sui appareilliez de combatre, qar bien sachiez q’il cou-
vient qe ge l’eisb enmeiné, ou par force ou par autre chose. » Ge respondi au
chevalier et dis qe ge n’avoie mie volenté de combatre, ne ore ne m’en comba-
troie, et encore li dis ge plus: « Certes, sire chevalier, vos n’estes mie bien sages
qe por ceste querele vos volez contre moi combatre, que ge sai tout veraiement
15 qe se vos la dame aviez envers moi conqise par force d’armes, si ne s’en vou-
droit ele aler avec (f° 266c) vos. » Atant me respondi li chevaliers et dist: « Cui-
dez vos q’ele vos aim mout? » Et ge dis qe voirement m’amoit ele de tout son
cuer. « Or le fesom adonc einsint »,c dist moi li chevaliers; « puis qe vos por la
dame ne vos volez combatre, ge ne vos demant autre chose fors qe vos metoiz
20 la dame entre nos deus, ausint cum ele fu ja mise entre vos et son mari. Se ele
a vos se velt aler, ge vos qit de ceste bataille et la dame qit d ge ausint de toutes
qereles. Se ele velt a moi venir, mestier est qe ele i remaigne, et vos la qiteroiz
maintenant de toutes qereles, et moi ausint. Et ge voil qe vos me creantoiz
come loial chevalier a tenir ceste chouse fermenent. »
209. 2 le L.
211. En tel guise cum ge vos cont fu ceste chose creantee d’ambedeusa parz :
il la creanta d’une part et ge d’autre; et maintenant b fu la dame mise entre nos
deus. Qant ele fu mise en tel guise, Dex la destruie et la confondec se ele onqes
regarda vers moi, ainz s’en ala tout droitement au chevalier qi tex estoit qe
5 g’en cuidasse par mun cors metre vint a desconfiture en un seul jor. Einsint se
prova envers moi cele qe ge tant amoie cum ge vos ai dit. Ce fu la honte q’ele
me fist et la vergoigne. Or vos conterai la poor, qar por ma poor deviser encon-
mençai ge le mien conte.
Qant ele se fu de moi partie, ele s’en ala son chemin o le mauveis, o le
10 failli, o le peior de tot le monde. Et qant en tel guise se parti de moi cele qe ge
amoie sor toutes les choses deu monde et sor tout ce m’avoit fait si tres grant
vergoigne, ge qi remés en mi la voie et aloie ce recordant, se ge fui adonc
corociez et enragiésd de maltalent, ce ne fait pas a demander.e Ge fui si de duel
acorez qe ge ne peusse a celui terme avant chevauchier por tout le monde
15 gaanier, et por ce descendi ge en mi le chemin et començai adonc a faire un si
grant duel qe jamais a chevalier si grant duel ne veistes faire, quar por ce, se
ele m’avoit fait honte (f° 266d) et vergoigne si grant cum ge vos conté ai, ne
remanoit qe ge encore ne l’amasse autant cum chevalier poroit amer dame.
Ensint demenoie ge mon duel por cele qe guerpi m’avoit: ge ne regardoie mie
20 a la grant vergoigne qu’ele m’avoit fait, mes a ma volenté: a mun voloir la
tenisse ge encor avec moi; ja por la honte ne remansist q’ele m’avoit faite. Mais
einsint n’ala pas adonc; ele ne retorna pas a moi: li mauveis, li coharz failliz
l’en en mena avec soi en sa compeignie. Et bien parut en pou de terme q’il
estoit plus mauveis qe autre, qar einsint cum ge apris puis par un chevalier qi
25 le vit, il ne demora mie granment qe li rois de Norgales se deduioit en une
praerie a grant compeignie de chevaliers, de dames et de damoiselles.
212. La ou il demenoit tel feste devant un suen chastel, en une trop bele prae-
rie, a tel compeignie qe tuit cil del païs, qi gentil estoient i estoient assemblé
por un parent le roi qi adonc estoit novel chevalier, atant ec vos q’il virent par
devant els passer le mauveis chevalier qi la dame enmenoit en son conduit.
5 Tot maintenant qe li rois de Norgales le vit venir de loing, il dist a cels qi
devant lui estoient: « Veez ci venir un chevalier errant. Or i parra qui ira joster
213. Tout a einsint cum li rois le coman(f° 267a)da le fist li chevaliers de Nor-
gales, qar il toli au mauveis, au failli chevalier la dame q’il enmenoit. En tel
meniere perdi li mauveis chevaliers par sa mauvestié la dame; ce ne demora
gueres que me fu conté en qel meniere il l’avoit perdue. Puis qe ge soi certeine-
5 ment ou cele demoroit qe ge avoie tant amee, et encor amoie qe ge ne la pooie
oblier, ge me mis tot maintenant a la voie et dis a moi meemes q’il estoit mestier
qe ge encore l’eusse et ainceis m’en combatroie ge au chevalier qi la tenoit et la
conquerroie a force d’armes avant qe ge ne l’eusse. Et tout erraument me mis a la
voie et chevauchai puis tant par mes jornees qe ge vins el roiaume de Norgales.
10 Qant ge fui el roiaume de Norgales venuz, il m’avint en tel meniere qe ge encon-
traib un jor celui chevalier qi de la dame estoit amis, et il chevauchoit d’un suen
chastel a un autre, armés de toutes armes, et en enmenoit adonc la dame avec
ilui, q’i l’amoit tant q’il n’en estoit guieres meins fox qe ge estoie.
214. Quant ge vi la dame venir, ge la reconui d’auqes loing; si fui adonc mout
liez de ce qe ge l’avoie trouvee en tel meniere. Et lors pris escu et glaive qe mi
escuier portoient a et m’apareillai de la joste et començai a crier a haute voiz
au chevalier: « Sire chevalier, gardez vos de moi! a joster vos estuet! » Atant
5 respondi li chevaliers et me dist: « Sire chevalier, por qoi volez vos joster? –
Por ce, dis ge li, qe ge voil envers vos conqerre par force d’armes cele dame qe
vos enmenez. – Coment? dist moi li chevaliers, si volez avoir ceste dame qe ge
meing? Or sachiez bien qe anceis me combatroie ge a vos qe ge la vos qitasse
franchement, et tant cuz ge la vos porroie defendre, vos ne l’avrez. » Et mainte-
10 nant lessames corre ensemble que nos n’i feimes autre delaiement, et avint
adonc qe ge feri si durement le chevalier de mon gleive qe ge li passai par mi
outre le cors et l’ocis de cele joste, et m’en vins droitement a la dame et la pris
au frain et li dis (f° 267b) : « Ma dame, or vos en vendroiz vos avec moi, qar ge
vos ai conqise a force. »
215. Atant nos partimes d’ilec et nos en alames outre et tant qe nos venimes a
un chastel ou estoit adonc li rois de Norgales. Il estoit si tart qe nos ne peussom
adonc outre chevauchier, et por ce dis ge qe ge remandroie celui soir en celui
chastel; a ce pensoie ge, et einsint entrai dedenz le chastel. Tout maintenant
5 qe nos fumes leienz entrez, nos encontrames un chevalier qi cousin germain
estoit de celui qe ge avoie ocis celui soir. Qant il vit la dame, il la reconuit a
erraument et s’en vint tout droit a li et li dist: « Ou est celui chevalier, ou le
lessastes vos? – En non Deu, dist ele, ge l’ai lessié mort la devant enmi le
chemin. Cist chevalier qi m’enenmeine l’ocist orendroit d’une joste. » Qant cil
10 oï ceste novele, s’i fu doulenz et correciez, nel demandez. Tout maintenant
leva le cri par le chastel: « Cil est ocis! Cil est ocis! » Qant ge entendi la criee
q’il fesoient par le chastel por le chevalier qe ge avoie ocis, ge voloie chevau-
chier outre, mes ge ne poi: onqes si tost ne poi venir as portes del chastel qe
ge ne les trouvasse fermees. Et q’en diroie? Assailliz fui de toutes pars! Tant
15 cum ge poi ge me defendi, mes au darrien n’i valut ma defense rienz: plaiez i
fui, navrez i fui de plusors plaies, et au darrien i fui pris et maintenant fui
emprisonez en une tor ou ge demorai dusq’a l’endemain.
216. En tel guise cum ge vos cont me fist prendre la dame qe ge tant amoie;
bien se travailla a celui point de tot son pooir de moi metre a mort. De li avint
en tel meniere qe ele ne trouva qi li demandast riens, ne mi escuier autresint
de toute cele qerele furent bien qite. A l’endemain,a un pou aprés hore de
5 prime, ge fui gitez forz de la tor, et ge cuidai bien q’il eussent pitié de moi et
q’il me vouxissent pardoner la mort del chevalier. Mes il estoit tout autrement:
il me treoient de la tor por ce q’il me feissent la teste tren(f° 267c)chier. Et li
rois de Norgales meemes, qi touz estoit enragiez de duel de ce qe ge avoie son
neveu ocis en tel meniere,b avoit comandéc qe l’en me trenchast la teste; et a
10 ce s’estoient tuit acordé, et por ce me mistrent il fors de la tor a tel hore cum
ge vos di. Qant ge fui mené fors de la tor, maintenant vindrent li serf le roi qi
me despoillierent en tel meniere qe ge remés en chemise et em breies pure-
ment. Qe vos diroie? En tel guise fui tret del paleis fors et menez par mi la vile
fors del chastel; toz li poples del chastel venoit après moi por veoir ma mort,
15 et li rois de Norgales meemes i venoit et tuit li chevalier de son ostel.
217. Quant ge fui del chastel oissuz et venuz en cel leu ou l’en metoit a mort
cels qi jugiez estoient de recevoir mort, et ge vi qe l’espee fu trete et ge mis ma
teste sor un tronc, et ge vi qe a un serf del roi fu l’espee bailliee, et cil me
devoit trencher la teste, se ge oi poor a celui point, nel demandez. Or sachiez
5 qe devant celui terme n’avoie ge onqes eu poor de morir, mais alors n’oi. Et
qant ge vois recordant toutes les poors qe ge onqes oi, ge di qe cele fu tote la
greignor qe ge onqes eusse. Et q’en diroie? Ge cuidai bien a celui terme qe ma
vie fust finee. A celui point qe ge estoie en si grant poor cum ge vos cont et ja
avoie auqes la poor passee, qar morz cuidoie estre tout certeinement, li rois de
10 Norgales me comença a regarder, qar encor ne m’avoit il veu se loing non. Et
qant il me reconut, il dist a celui qi ja voloit ferir: « Areste toi! » Et cil retint son
coup qi ja avoit l’espee haucee. Et li rois me dist: « Dreciez vos, sire chevalier,
tant qe ge aie parlé a vos. » Ge estoie si durement esbahiz, cum cil qi avoie ja
ausint come perdu le sens et l’ouïe de la tres grant poor qe ge avoie, n’entendi
15 le roi.Et li rois dist a cels qi me tenoient: « Il est esbahiz; lessiez le seoir ».
(f° 267d) Et il m’asistrent et me lessierent une grant piece en seant q’il ne
distrent mot. Qant ge fui revenuz en mon pooir et li rois vit qe ge pooie parler,
il me dist: « N’estes vos Blio de Gaunes? » Et ge li respondi: « Sire, oïl; ce sui
ge voirement. – Certes, dist li rois, vos m’avez fait mout grant domage qe mon
20 neveu m’avez ocis, un des chevaliers de mun lignage qe ge mielz amoie. Tant
m’avez durement domagié qe ge ne lessasse por nulle chose qe ge a mort ne
vos meisse, se ne fust por une bonté qe vos me feistes, n’a encore pas un an
compli. Vos me rescoistes de mort a l’entree de Soreloys; il vos en puet bien
souvenir; de cele grant bonté qe vos alors me feistes vos rendrai ge a cestui
25 point guerredon, qar ge vos osterai de cest mort por cele mort dont vos me
delivrastes alors. » Et qant il ot dite ceste parole, il me fist delivrer et m’en
enmena avec lui en son paleis et puis me tint tant en sa compeignie qe ge fui
gueriz des plaies et des bleceures qe si home me firent qant il me pristrent.
Cele, sanz faille, qe cel mal m’avoit porchachié ne vi ge puis, qar ele s’en foï
30 maintenant qe ele me vit delivrer. Qant ge me vols partir del roi, li rois me
dona largement cheval et armesa et tout ce qe mestier me fu, et ge m’en retor-
nai adonc el roiaume de Logres et contai ceste aventure a cort qant g’i fui
revenuz. Or vos ai mon conte finé de la greignor poor qe onques m’avenist, si
m’en terai atant, qar assez en ai dit. » Et li autre responent: « Certes, se vos
35 eustes poor, ce ne fu mie merveille, qar bien estiez pres de mort qant li rois
vos delivra.Et qant vos de si grant peril eschampastes, bien poez dire qe de fort
eschampastes. » Et li rois Artus dit au seignor de leienz: « Bel sire, qe vos est
avis de ces contes et de ces aventures qe cist nostre compeignon ont conté? –
Sire, ce dit li chevaliers, se Dex me doint bone aventure, il ont conté (f° 268a)
40 contes biaux et pleisanz et tex qi bien devoient avenir a tex homes cum il sunt.
Et certes, s’il ne fusent preudome et de grant afaire, ja ne les eust aventure
delivrez de si grant et fort aventure et perilz cum cist furent. Mais en qel qe leu
qe li preudome viegnent, Dex lé secort et les maintient, qar autrement ne por-
roient il metre a fin ce q’il enprenent. »
218. Quant il ont grant piece tenu celui conte, li sires de leienz dit au roi
Artus:« Sire, ge vos voudroie prier qe vos me deissiez qi vos estes; et se vos nel
me distes, ge le vos dirai, qar ge le cuit bien savoir. – Et qi le vos dist? – Sire,
ge le sai par home de ceienz. Ge sai de voir qe vos estes li rois Artus. – Certes,
5 fet li rois Artus, puis qe vos le savez, et sanz ce qe ge nel vos dis, ja por moi
ne vos sera contredit qe ge ne li die. Or sachiez qe ge sui voirement le roisa
Artus. » Et li chevaliers se met erraument a genolz devant le roi et li dit: « Sire,
or vos pri ge qe vos me pardonoiz ce qe ge jostai a vos, qe bien sachiez veraie-
ment qe se ge vos coneusse autant cum ge vos conois orendroit, ge n’eusse a
10 vos josté en nulle meniere. » Et li rois dit qe de ce ne li doit il savoir nul mal
gré, ne n’en fet il, et li comande adonc q’il se rasiee en sun lit. « Sire, fet il,
avant me feroiz vos une cortoisie, se il vos lest. – Qele? fet li rois. – Sire, qant
vos venistes ceienz, ge ne conoissoie ne vos ne home de vostre compeignie. Or
est einsint qe ge connois et vos et munseignor Blio qi ci est: ge entendi bien
15 par son conte qe ce est missire Blio de Gaunes. Or me faites tant de bonté, se
il vos plest, qe vos me façoiz a savoir qi sunt ci dui autre seignor, q’il m’est
avis a lor semblant q’il ne puet estre q’il ne soient chevalier de haute afaire. Et
sachiez, sire, qe por l’esperance qe ge ai de lor bonté, sui ge tres desiranz et
ardant de conoistre qi il sunt. »
(f° 268b) 219. A ceste parole comence a rire li rois Artus et dit: « Or me dites;
vos semble il qe en ces deus chevaliers peust estre li Bons Chevaliers sanz Poor
qe vos alez si durement loant? » Et il respont, qant i l’a auqes regardez:
« Certes, sire, fet il, cist chevaliers a assez cors et membres por estre de haute
5 bonté, se cuer ne li failloit. » Et ce dist il del roi Melyadus. Et li rois Artus li
redit en sorriant: « Et de cel autre chevalier, qui dejoste lui se siet, vos semble
il q’il peust faire en nulle meniere ce qe vos veistes ja aucune foiz faire au Bon
Chevalier sanz Poor? – Certes, sire, nenil; ge ne cuit mie q’il le peust faire, qar
il n’en a ne le semblant ne le contenement; ne il n’a cors, ce m’est avis, por
10 qoi il lé peust faire si granz merveilles d’armes cum ge vi ja faire au Bon Cheva-
lier sans Poor. » De ceste parole se comença a rire li rois Artus et dit: « Or
sachiez, sire, fet il, qe li uns de ces deus est li Bons Chevaliers sanz Poor. –
Voire, sire? fet il; en non Deu, donc est ce cestui chevalier de ça? Qar ge sai
bien qe li Bons Chevaliers sanz Poor n’est mie de si grant corsaige cum est cil
15 autres chevaliers de la. – Certes, vos dites verité, fet li rois Artus; ce est il
voirement. » Lors se lesse li sires de leienz cheoir a genolz devant li Bons Che-
valiers et li dit: « Ha! sire, vos soiez li tres bien venuz! Issi voirement m’aït Dex,
cum ge me tieng a trop beneuré de ce qe ge vos voi ceienz! Qe ge di bien
hardiement voiant li rois Artus qu’ici est le meillor home deu monde, et sachiez
20 qe de ceste venue me tieng ge a trop riche. »
fet li rois Melyadus, or sachiez qe par le roi Melyadus ne fu ce mie, ainz fu par
20 els meemes, q’il ne fu, ja a grant tens, q’il ne deist c bien toutevoies qe li Bons
Chevaliers sanz Poor estoit en toutes menieres meillor chevalier de lui, et encor
le dit il bien. Mes de vos meemes, qe deriez vos s’il estoit einsint avenu qe vos
eussiez abatu d’une lance, et le Bon Chevalier sanz Poor et le roi Melyadus; ne
devriez vos dire qe voirement estes vos meillor chevalier qu’il ne sunt andui? –
25 Si voirement m’aït Dex, fet li sires de leienz, ged nel diroie por gaagnier un bon
chastel, qar ge diroie plus grant honte de moi qe ge ne feroie honor, et la
avroit e tant de mescheancef qe ge les abatisse andeus, un aprés l’autre; et
certes, pris ne m’en doneroie, qe ge sai tout certeinement qe il ne demoroit
grantment g aprés qe il venzeroient sor moi lor deshonor si fierement qe autant
30 d’onor cum ge avroie d’els abatre, plus me feroient deshonor aprés. Qar de ce
ne doute ge(f° 268b) mie qe il ne sont trop meillor chevalier a l’espee qe ge ne
sui; ferir de lance, ce sachiez vos, n’est mie droite force de chevalerie, mes a
la mellee des brans, illeqes poez vos veoir tot clerement la proesce del cheva-
lier, qi qe il soit; illec se puet chascun mostrer, por qoi il soit sains de ses
35 membres. Et ge vos pri, sire chevalier, qi por le roi Melyadus avez parlé en tiel
meniere, qe par la foi qe vos nos devez, a touz les chevaliers del monde, qe
vos me dioiz qi vos estes, qe ge di bien certeinement qe ge vos ai autre foiz
veu, ne ge connoistre ne vos puis. »
221. Quant li rois Artus entent ceste priere, il se comence a rire et dit au roi
Melyadus: « Ou vos li dirois vostre nom, ou ge li dirai. – Sire, fet il, ge li dirai
puis qu’il vos plest. » Lors se torne vers le seignor de leienz et li dit: « Bel sire
hostes, oïstes vos onqes parler del roi Melyadus de Loenoys? – En non Deu, fet
5 cil, oil; encor en avom nos ici assez parlé! – Or sachiez veraiement, fet li rois,
qe ge sui celui rois Melyadus, dont vos parlés. – Voire? fet li chevaliers;a en
non Deu, or sui ge plus liez qe ge n’estoie devant, et bien le doi estre par
reison, qe ge di tout seurement que j’ai orendroit en mon hostel la flors des
chevaliers del monde. Se nos eussom orendroit avec nos le Morholt d’Yrlande,
10 ge ne seusse orendroit nul chevalier de tres haut pris qi ceienz ne fust! »
222. Lors se dresce li sires de leienz en estant et dit a cels de son hostel: « Or
pensez tuit de joie faire! Joie faites tuit, et joie et leesce, qar bien i a reison por
quoi: onqemés n’eumes honor fors a cestui point. Mes a cest terme nos est tant
d’onor avenue qe jamés n’en avint autant a home de nostre lignage: tot l’onor
5 des mortex homes est or ceienz. » Qe vos diroie? Aprés icestui parlement enco-
mence leienz la joie si grant et si merveilleuse q’il n’i a ne grant ne petit qi
n’entendea a autre chose fors a faire joie et feste. Tuit sunt joiant des nouveles
(f° 269a) de lor seignor, et chascuns s’esforce endroit soi de fere joie, qar bien
voient apertement q’a lor seignor plest.
223. Cele joie dura trois jorz en cel chastel si enterinement a q’il n’i firent riens
se joie non, et tuit cil de celui ille i vindrent.b Dedenz celui terme sot li rois
Artus et tuit si autre compeignon qe li sires de leienz estoit appellez Lac et q’il
estoit estret de Grece et de cele cité meemes qe estoit apellee Salonique. Et
5 sachent tuit qe a celui Lac, por la bone chevalerie qe en lui estoit, dona puis li
rois Artus riche terre el roiaume de Logres aprés la mort del noble Galehot, del
seignor des Loingtenes illes. Mes voirement, tant cum Ghalehot vesqi, ne volt
cil bon chevalier prendre terre del roi Artus ne d’autre, fors qe de Galehot, por
la grant cortoisie qe en Galehot estoit. Mais puis, voirement, qe Galehot fu
10 morz, reçut il terre del roi Artus, et li dona li rois Artus le roiaume de Hosse-
lande. Et sachent tuit qe de cestui bon chevalier qi Lac estoit apellez fuc puis
Herec, le bon chevalier qi onqes ne fu provez de mençoigne puis q’il fu cheva-
lier. Ceste grace ot il bien q’il ne menti puis q’il reçut l’onor de chevalerie, et
s’il eust esté del tout si bon chevalier cum fu si peres, mout eust esté de grei-
15 gnor afaire q’il ne fu. Bien conte l’estoire tout apertement qe le meillor fereor
de lance qui fust au tens le roi Melyadus et au tens le Bon Chevalier sanz Poor
fu celui chevalier, et de l’espee fu il trop preudom et trop fort; par moutes foiz
esprouva il sa grant proesce contre le roi Melyadus, ne onqes ne pot avoir li
uns desus l’autre granment d’avantaige, ainz dist l’en q’il estoient assez egal
20 en force de chevalerie; et il meemes dist bien plusors foiz tout apertement qe
encontre le roi Melyadus se combatroit il toutevoies hardiement, qar il ne li
estoit pas avis q’il i peust granment perdre puis qe ce vendroit a grant force de
chevalerie; mes encontred le Bon Chevalier sanz Poor, disoit il bien tot adés
que ja ne s’i combatroit tant (f° 269b) cum il le peust eschiver. Qar celui avoit
25 il plusors fois esprouvé;e et qant il s’estoit a lui combatuz dusq’a la fin de la
bataille et il cuidoit 1 estre au desus del fet, adonc se trouvoit il au desouz. Qar
a la fin de la bataille trouvoit il, selonc son avis, le Bon Chevalier Sanz Poor
de greignor pooir q’il ne fesoit au comencement; et por ce le redoutoit il sor
touz autres chevaliers, qar ceste chose avoit il plusors foiz esprovee. Et por la
30 parole de celui et d’aucuns autres chevaliers, s’acorderent au darrien li cheva-
liers errant 2 del roiaume de Logres qe, selonc lor avis, de plus haut afaire
estoit, puis qe ce venoit au paraler, li Bons Chevaliers sanz Poor qe n’estoit li
rois Melyadus. A ce s’acorderent li plusor de la meison le roi Artus et d’autre
leu, avant qe Tristans fust chevaliers et qe Lancelot f dou Lac venist el roiaume
35 de Logres, a celui point qe li rois Artus le fist chevalier.
224. En tel guise cum ge vos cont firent et grant joie1 et grant feste en la meson
del bon chevalier li un et li autre. Et por ce q’il le comandoit mout esforcieement,
s’en esforcerent plus. Qant il orent leienz demoré bien qatre jorz entiers, li bons
chevaliers dist au roi Artus: « Sire, ge sai bien qe vos n’estes mie venuz cest parz
5 sanz achoison, qar por noient ne fussiez vos mie si esloigniez del roiaume de
Logres cum vos estes. Ge vos voudroie prier et reqerre cum au meillor home del
monde qe vos me deissiez2 qele aventure vos a aporté ceste part et qele achoison
vos fist venir en ceste partie; et ge vos pramet, sire, come loial chevalier, qe ge
vos conseillerai a mon pooir sor ce qe vos me diroiz de ceste chouse. »
225. A ceste parole respont li rois Artus et dit: « Or sachiez, sire, qe por ce qe
ge croi q’il ait en vos loiauté et valor selonc la haute chevalerie qe vos avez,
por ce vos dirai ge toute la verité de mon afaire. Et sachiez qe se ge vos voil
conter toutes les aventures que nos avindrent pui qe nos partimesa del roiaume
5 de Logres, ge vos conterai ja maintes choses (f° 269c) qe vos tendriez a fieres
aventures et as granz merveilles. – Ha! sire, fet li chevaliers, ge vos pri qe vos
223. 1 en doit L.
2 grant L.
224. 1 joies L.
2 devissiez L.
me dioiz vostre estre et l’achoison de vostre venue. – Certes, fet li rois Artus,
por la grant cortoisie qe j’ai trouvé en vos vos dirai ge ce qe vos me demandez. »
Et lors li comence maintenant a conter la verité de la riche cort qu’il tint le jor
10 de la Pentecoste a Kamaalot 1 et de la riche2 nef qe vint a la feste et aporta
les nouveles del Morholt d’Yrlande, coment il estoit emprisonez. Et por cele
delivrance metre avant, se parti il de Kamaalot 3 entre lui et le roi Melyadus et
le Bon Chevalier sanz Poor. Aprés li conteb mot a mot coment il vindrent en
l’isle ou il trouverent la tombe des douçe freres et la tombe del jaiant. Qe vos
15 diroie? Tout enterinement li devise cele aventure et tout ce qu’il i avoient
trouvé; et coment il trouverent sor le rivaige Blio, ausint come mort, et touz
ses compeignons noiez. Aprés li devise coment 4 il troverent es letres qe Blio
portoit qe li Morholz d’Yrlande estoit emprisonez dedenz l’Isle Reposte et qe
celui qi delivrer le voudroit covendroit combatre encontrec sis chevaliers. Por
20 la delivrance del Morholt se partirent il de cort et non por autre chose. « Or vos
ai ge dit et conté l’achoison por qoi nos nos partimes del roiaume de Logres et
sachiez de voir qe autre aventure ne nos aporta en cestui païs fors ce qe nos
alom qerant ou li Morholz est emprisonez, qar bien sachiez veraiement qe
volentiers meissom conseil en sa delivrance. »
226. Quant li bons chevaliers entent ceste nouvele, il respont au roi Artus et
dit: « Certes, sire, fet il, de ce qe li Morholz est emprisonez me poise chiere-
ment, qar il me fist ja mainte cortoisie et mainte bonté au tens qe ge chevau-
choie par le roiaume de Logres come chevalier errant, au tens le roi Uterpan-
5 dragon, vostre pere. Et por ce sui ge apareilliez, se Dex me conselt, qe ge mete
mon cors en la deliv(f° 269d)rance del Morholt et tout le conseil qe g’i1 porai
metre. Et ge sui apareilliez que ge mete mun cors en cest viage avec vos et qe
ge vos ferai compeignie tresqe la. Et ge meemes en ai orendroit pensé une autre
chose qe ge croi qe mout pora nos valoir en cest afaire. Li mariner de cest ille
10 ou nos somes orendroit si ont molt acostumé a cerchier la mer ou nos somes.
225. 1 Camaalot L.
2 C. (cf. note précédente) et de la fest et riche L.
3 Camaalot L.
4 come L.
226. 1 ge L.
Ge ne croi q’il ait ille nulle en ces parties ou il n’aient esté;a por ce les ferai ge
venir devant moi et lor demanderai ou est l’Isle Reposte et qel part et qel gent
i habite. Et puis, selonc ce qe il nos diront,b avrom conseil entre nos. Ge sai de
voir q’il nos porunt mielz assener et conseillier qe vostre mariner ne ferunt,c qi
15 ne viennent mie souvent en ces parties ou nos demorom. – Ha! por Deu, fet li
rois Artus, or le faites einsint cum vos dites et sanz demorance2. Ge sai de voir
qe voz mariners nos savront mielz assener de celui leu ou nos volom aler qe
ne savront li nostre ». Celui jor fist li sires de leienz mander par toute l’isle qe
tuit li mariner venissent a lui dedenz tel jor, et il vindrent. Et qant il furent
20 venuz devant lui, il lor comença a demander s’il li savoient a dire nouveles ou
estoit l’Isle Reposte et s’il i avoit nul d’els qi onqes i eust esté.
227. A ceste parole respondi un viel mariner et dist: « Sire, ge sai bien de voir1
ou est l’Isle Reposte, qar g’i fui ja et dedenz fui ge, et sachiez, sire, qe ce est le
plus fort leu et le plus merveilleux qe ge onqes veisse, qar ce est un ille grant
assez et est de toutes parz avironez de monteignes granz, si roides durement
5 et si agües q’il n’est nul mortex hom qi contremont peust monter. Icelui ille
dont vos parlés, qi est apellez l’Isle Reposte, est de toutes parz enclos de tex
monteignes cum ge vos cont, ne il n’i a entree fors d’une part, et cele entree
est d’une roche entailliee a cisel, mout estroite durement. A cele entree a une
(f° 270a) porte coleice de fer qe l’entree garde. Tot adés i a gent armee, et jor
10 et nuit, qar qi cele entree poroit a force gaaignier sor cels de l’isle, et il eust un
pou d’aide en sa compeignie, ja en l’isle ne trouveroit qi defense li feist puis,
se il n’i a nouvelement venu autre gent q’il n’i avoit a celui point qe g’i fui. Sire,
j’aia esté dedenz l’isle. Se vos volez cele part aler2, nos somes tuit apareilliez
de mener vos cele part. Et sachiez, sire, que vos avez por aler cele part touz les
15 meillors vaissiaux et les plus seurs qe l’en peust ore trouver en toutes ces par-
ties. » Lors s’en vient 3 li sires de leienz au roi Artus et li conte ces nouveles.
226. 2 demore L.
« Et q’en loez vos qe nos en façom? fet li rois Artus. – Sire, ge le4 vos dirai, fet
li bons chevaliers. J’ai apris par li mariniers de cest ille qe vostre nef n’est mie
bone ne fort por aler cele part ou vos volez aler. Et por ce lesseroiz vos vostre
20 nef et prendroiz une des nef de cest ille. Vostre nef remandra la ou vos plera
et les mariniers autresint 5, quar ne la vostre nef neb seroit bone en cest viage,
ne vostre marinier ne sevent riens de la mer par de ça. Vos entreroiz en une de
mes nes et ge meemes vos i ferai compeignie. Nos avromes nos mariniers qi
sevent la mer par de ça, qi vos conduiront 6 la ou vos volez aler. Plus seurement
25 porroiz aler en lor conduit qe el conduit de vos mariniers. Et ge vos pri, sire,
qe vos7 ne refusoiz moi a vostre8 chevalier en cest viage, qe bien sachiez, sire
veraiement, qe ge vos i cuit assez faire et cortoisie et servise. – Certes, ce dit li
rois Artus, qant il vos i plest a venir, et ge voi qe vos en avez si grant volenté,
ge vos respont a ce et vos di qe trop me plest qe vos i veignioiz et trop sui liez
30 de vostre compeignie; qe ge di bien tout apertement qe ge puis plus amender
de vostre compeignie qe empirier. Et ge le ferai orendroit savoir a mes compei-
gnons. Ge sai bien q’il s’acorderunt trop volentiers a ce que (f° 270b) vos soiez
nostre compeignon en cest viage. »
228. Lors s’en vient li rois Artus a ses compeignons et lor fet a savoir la volenté
del bon chevalier et coment a il velt b avec els venir en cest viage, et il respo-
nent c erraument qe de sa venue sunt il trop lié et trop joiant, qar il le voient si
proudome q’il connoissent bien qu’il ne poent se amender non de sa compei-
5 gnie. Lors apelle li rois Artus le seignor de leienz et li dit la volenté des compei-
gnons; et il en est trop liez. Qant a ce se sunt acordé, il n’i funt delaiement
nul, ainceis apareillient d lor oirre. Li bons chevaliers comande a ses mariniers
q’il qierent tout le meillor vaissel q’il ont et le plus seur por ceste voiage faire
227. 4 li L.
5 autrement L.
6 conduront L.
7 vos omis L.
8 nostre L: cette leçon est fautive, le sens étant: « Et je vous demande, sire, de ne pas
refuser de me considérer, pendant ce voyage, comme votre chevalier (comme l’un des
vôtres) ... »
229. Puis qe li sires l’a comandé, il n’i funt delaiement nul, ainceis1 apareilent
erraument tout ce q’il lor couvenoit en cest voiage. Qant tot est prest, ice q’il
lor estoit mestier, il le dient a lor seignor: « Sire, la nef est apareilliee bone et
bele, garnie l’avom richement de tot ice q’il nos couvient en ceste voiage. Vos
5 poez dedenz entrer, et vos et voz compeignons, qant il vos plera. » Qant il
entent ceste nouvele, il 2 le dit au roi Artus, et li rois le dit a ses compeignons et
il responent: « Sire, puis qe tout est apareillié, qe atendriom en avant 3? entrom
dedenz! Fetes leienz metre noz armes. » Lors comanda li rois Artus qe4 dedenz
la nef soient lor armes mises, et l’en le5 fait tout maintenant q’il le comande,
10 q’il n’i a delaiement nul. Li rois Artus dit as mariniers qi illec l’avoient amené
q’il s’en poent retorner en lor contreea et aler qel part q’ il voudrunt, qar il a
nef qe le portera la ou il velt aler. Qant il lor a doné cestui comandement, cil
s’en partent qi se retornent en lor païs; joianz et liez sunt durement de ce q’il
ont si bien menee a fin la guerre deu (f° 270c) roi Claudas. Il ont tant fet que
15 li rois Claudas n’a ore doute ne poor del roi Artus. Bien li ont finee sa guerre,
et por ce s’en retornent il en lor6 païs liez et joianz, qar bien ont faite lor
besoigne. Et li rois Artus, qui fu remez dedenz l’isle a toute sa compeignie,
quant il voit qe la nef est apareilliee qe les doit porter en l’Isle Reposte, et lor
armes sunt leienz mises, il dit a ses compeignons: « Entrom dedenz! » Et il b
20 entrent maintenant. Li rois Artus entre dedenz premierement et li rois d’Estran-
gorre entrec7 aprés. Li rois Melyadus entre le tierz, Blio de Gaunes entre li qarz;
li bons chevaliers qi Lac8 estoit apellez entre li qinz. Tant a laienz de chevaliers
et non plus; chascuns ot mis dedenz ses armes.
230. Quant se furent leienz mis, li1 marinier drescent les voilles; maintenant 2
se part la nef de terre; en mer se met, or se vet de terre esloignant. Il ont 3 bon
vent et bien portant qi tost les met en haute mer. Trois jors vont par la mer
einsint a grant joie et a grant solaz. Li uns vet reconfortant l’autre, et dient
5 entr’els qu’il ne demorra mais4 granment, se Deu plest, q’il ne viegnent a au
leu ou il baoient a venir, et de ce les asseurent molt li marinier et dient qe tost
viendrunt desore mais. Au qart jor, auqes matinet, avant qe li soleuz levast –
encor se dormoient a celui point li cinc compeignon –, si comencent as crier li
marinier: « Seignor chevalier, Deu merci, veoir poez l’Isle Reposte; nos la veom
10 tout clerement. Nos i serom tout maintenant! »
XXXVI
Il n’y a qu’un seul accès à l’île, et encore est-il mout perilleux, selon les marins ;
en effet ce est un leu mout estroit entre deus roches agües. Les chevaliers
prennent leurs armes et ayant quitté le vaisseau, se trouvent
devant … la tor qe gardoit le passaige et la trenchiee si estroite q’il n’i peust en nulle
guise aler mais un home et un cheval ; dui chevalier ne se peussent encontrer en nulle
guise.
« En cest ille ou nos somes orendroit a gent assez et terre bone et riche, villes et chastiaux
et citez. En cest ille sunt sis freres toz chevaliers, plains de haute chevalerie … Li ainz nez
de touz ces sis freres si est seignor de tout cest ille et tient ses freres en sa compeignie
tout adés … Encor n’a mie lonc tens qe il estoient douçe frere et demoroient en cest ille.
A sis freres vint volenté q’il iroient el roiaume de Logres et tant serviroient le roi Artus …
q’il lor donroit terre et honor dum il se porroient vivre entre les chevaliers erranz. »
230. 1 lé L.
2 v. et m. L.
3 e. N’o. L.
4 d .jamais L.
Ce sont eux qui avaient assailli le Morhout, ne sai par qel pechié, et c’est en se
défendant qu’il les mist, tous les six, à mort. Li ami charnel des six frères se
saisirent alors du géant, qui ne pouvait que succomber à leur nombre : ils
étaient quarante ! Après un conseil de famille – on ne tue pas un chevalier tel
que le Morhout –, on décida de l’expédier « ceste part, as sis freres ». Ceux-ci
le mirent aussitôt en prison d’où il ne sortirait devant qe venist en cest ille qi le
delivrast. Son futur libérateur devra faire face aux six frères, ausint cum avoit
fait li Morholz encontre les autres six. S’il ne parvient pas à les vaincre tous, il
devient lui-même prisonnier et sera enfermé avec le chevalier d’Irlande. L’en-
voyé de la tour est persuadé que le Morhout pourra attendre sa délivrance
dusqu’a li jor de joise, étant donné la haute proesce des six frères. Un seul
chevalier à la fois est autorisé à se mesurer aux geôliers. Lorsque Blioberis
demande des précisions sur la façon de combattre des frères – luttera-t-on en-
semble ou chascun por soi ? –, le chevalier lui explique qu’il convient d’affron-
ter deux adversaires à la fois, comme le fit, il y a deux mois co[m]pliz, un
chevalier venu de Logres. Il s’agit d’Escorant li Pouvres, mout geune chevalier
mes des armes … trop preuz et trop aidanz. Point découragé par les conditions
du combat, (f° 272) il se fit ouvrir la porte et, muni d’un cheval bon et bel,
fourni par la maison, tenta sa chance. Vaincu, il est à présent emprisonné avec
le Morhout.154 Le récit du chevalier terminé, Blioberis, stimulé sans doute par
l’exemple d’Escoraut, se fait ouvrir la porte et entreprend la libération des cap-
tifs.
XXXVII
154 Escoraut, ou Escoralt le Povre est, visiblement, un personnage de Guiron le Courtois ; fils
d’Helyanor le « Povre », cousin germain de Soranor le Pauvre, c’est un bon chevalier (cf. La-
thuillère 1966, §§ 78 et 129). Dans la version donnée par le ms. A(2), il est vainqueur du Mo-
rhoult, qu’il a blessé grièvement, lors de la garde d’un pont : là-dessus, voir, supra, I ère Partie,
B. Les textes …, t. II, §§ 32–42 et 90–99. Outre qu’il semblerait qu’il y ait une confusion entre
notre Escoraut – écrit ainsi dans notre Suite au moins une fois – et Escorant, graphie majori-
taire, un chevalier diabolique de Sarras, apparaissant dans la Quête du St Graal et dans le
Tristan en Prose (voir West 1978, 107b), ce jeune chevalier pourrait être identique à Estorel li
Povres, qui dans la section de Galehaut du Lancelot en prose, lutte contre Arthur aux côtés du
Prince des Iles lointaines : cf. ed. Micha, vol. VIII, § LVIIa, 14–16 ; West (1978, 109b : Estorel …) ;
Flutre (1962, 70b : Escorant le Pauvre). Voir surtout, ici même, infra, § XLII.
« Qant ceste chose est entendue, maintenant corrent as murs del chastel dames et damoi-
seles … por veoir la bataille qe defors doit estre. »
Voirement, ce vos faz ge bien a savoir qe li contes devise tout apertement qe … des autres
deus voirement qi aprés vindrent ne se pot il defendre. Cil le pristrent a fine force et
l’enmenerent em prison avec le Morholt ; por ce qu’il emprist celui fait ne nel pot pas
mener a fin si cum il vouxist n’en devise pas li contes ne les cox ne le fait …
XXXVIII
XXXIX
155 Cf. supra, § XXVI ; à noter, cependant, que le nom du champion des Sesnes est cité pour
la première fois, avec une légère variante graphique : le ms. 350 porte toujours Ariohan ; cf.
Lathuillère (1966, §§ 47 et 49).
156 C’est un échange de bons procédés : dans la I ère Partie de Guiron, le Bon Chevalier sans
Peur fait libérer Meliadus emprisonné par Arthur : cf. Lathuillère (1966, §§ 44–45) ; notre conti-
nuateur s’est, peut-être, rappelé le fait.
besoignes et en fort dum il par sa haute proesce venoit tot adés au des[u]s …
Ces paroles calment la peur d’Arthur et le mettent en grant aise.
XL
(f° 276) Le Bon Chevalier sans Peur, quant à lui, franchit la porte de la tour et
muni d’un cheval fort et bien corrant se dirige vers le lieu d’emprisonnement
du Morhout. Il est escorté par le même gardien que celui qui a accompagné
Blioberis ; aussi peut-il recueillir, de la bouche de ce dernier, un récit empli
d’admiration pour le jeune chevalier : garni de haute chevalerie et plain de mer-
veilleuse proesce, … il mena … dusq’a outrance les deus premiers freres …, et as
autres deus dona il puis assez a faire avant q’il fust mis au desouz. Et de préciser
que : même si Blioberis avait réussi à tuer ses deux adversaires, on aurait tout
de même opposé au Bon Chevalier six combattants, après avoir complété le
nombre avec deux chevaliers anonymes. Lorsqu’on annonce aux prisonniers
l’arrivée du chevalier à un escu tot d’argent sanz entreseignes nulles, Blioberis
laisse éclater sa joie :
« En non Deu, puis qe li escuz d’argent est avant venuz, or poom seurement dire qe delivré
somes. Li Bons Chevaliers sanz Poor, qi vaut par son cors tout le monde, est venuz por
nos delivrer. Certes, or amasse ge molt a estre en tel leu ou ge peusse veoir ceste bataille,
qe ge sai tout veraiement qe ceste bataille sera ja mout merveilleuse se il ne faut par
devers les sis freres ; et il poent seurement dire qe pieça mais n’avint un si mal jor por els
cum cestui jor sera ! »
Cet espoir est partagé par les autres prisonniers, le Morhout et Escoralt le
Pauvre.
Le roi d’Estrangorre, ayant entendu la sonnerie du cor en demande la si-
gnification à l’homme du château, ce dernier lui explique : « Orendroit sevent
li frere la verité de vostre venue et orendroit se funt armer » ; quant aux habi-
tants, ajoute-t-il, ils sont tous avertis et, en ce q’il disoit cele parole, atant ec
vos desus les murs venir chevaliers, dames et damoiselles, et uns et autres. Ils
estiment, d’ailleurs, que le nouveau champion n’est pas bien sage de vouloir
combattre les six frères et qu’il finira emprisonné comme Blioberis.
XLI
armes vermeilles, comme il se doit pour les membres d’une même famille. Ces
deux parmi eux qu’a défaits Blioberis la veille ne se combatrunt ore mie premie-
rement, qar tant estoient encor durement travailliez et grevez … q’a poine se
poent il tenir en sele. Après avoir confié son écu et sa lance à son « accompagna-
teur », le roi d’Estrangorre demande qu’on fasse venir devant lui celui qui la
forteresse gardoit afin que, en cas de défaite des six frères ou de leur mort
éventuelle, il puisse être sûr que les prisonniers seront libérés, comme conve-
nu. Celui-ci, qui se dit chevalier, (f° 277) a du reste juré, ainsi que tout le pople
de cest chastel, de se conformer à l’accord : les six frères battus, tot mai[n]te-
nant il rendra au vainqueur le Morhout et ses compagnons d’infortune.
Le premier frère frappé par le héros, qui i met del tout et cuer et cors et
volenté, est transpercé de part en part et tombe mort à terre aussitôt. Le second
brise son glaive sur le Bon Chevalier sans le remuer de sa selle. Celui-ci, après
cette première attaque infructueuse, constatant que encor avoit il bien la moitié
de son glaive – il s’agit d’une des fameuses lances de Meliadus, les plus mer-
veilleux glaives de tout le monde et lé plus forz157 –, pense pouvoir faire avec
aucune chose ; il fait vider les arçons au second adversaire. Comme ce dernier
gît une grant piece estordiz … del cheoir, sans perdre de temps, le roi d’Estran-
gorre se précipite sur lui, l’espee trete, et lui assène un formidable coup sur le
heaume. Le voyant si estonnez … q’il ne set s’il est nuit ou jor, il lui arrache le
heaume et
por ce qe encor ne le velt il mie fere morir, li comence il a doner par mi la teste grandisme
cox de l’espee, si qu’il en fait le sanc saillir de plusors parz. Et il li crie a haute vois :
« Danz chevaliers, danz chevalier, se Dex me saut, vos estes morz se vos ne vos tenez por
outré ! » Toutevoies li redone del point de l’espee grandimes cox.
157 Cf. Lathuillère (1966, § 47) : un glaive « cort et gros, a fer trenchant durement », et surtout,
ibid., § 31.
Voyant qu’il ne lui reste plus que deux frères à combattre, pour éviter des morts
inutiles, (f° 278) le roi d’Estrangorre leur demande de libérer le Morhout ; plus
tard, lorsqu’il sera entrez el fait, il n’aura d’eux si grant merci ne si bele qu’il
éprouve à présent. Mais la réponse que lui oppose l’un des survivants est tout
aussi catégorique :
« Nature nos comande adonc et le sanc de char nos enseigne qe il n’ait jamais pes entre
nos devant qe nos aiom vençié la mort de noz freres ; por Deu, qel pes porriom nos faire
entre nos, qant nos veiom ici noz freres gesir morz ? »
Alors le Bon Chevalier les prévient : « Sachiez de voir qe vos estes ambedui
mort ! » Après avoir frappé à mort l’un et esquivé l’attaque de l’autre – se li
glaives ne fust volez en pieces, estrangement l’eust grevé de celui encontre –, le
champion de Logres est tout de même assez grevez … ; mes por dolor qe il sente
adonc ne fet il semblant mauveis. Aussi il engage le combat à l’épée contre le
dernier frère, qui, qant il se voit orendroit seul a seul avec le Bon Chevalier,
ressent une poor mortel. Son appréhension s’avère juste : le Bon Chevalier mû
par le désir de venger la blessure qu’il a reçue et dont il ressent une vive dou-
leur, trenche l’escu … cum se ce fust une chemise, et a celui point lesse li cheva-
liers tel gage q’il pert le poing senestre dum il tenoit l’escu. Cil li a tout outre
trenchié, si qe l’escu atout le poing vole a la terre. Estropié, il réussit cependant
à s’enfuir : ja mais a nul jor de sa vie il ne qiert veoir de plus pres le Bon Chevalier
sanz Poor. Alors il y avoit si grant duel dedenz le chastel qe l’en n’oïst Deu
tonant, qar li un et li autre ploroient merveilleusement por lor seignor qi morz
estoit, et les prisonniers comprennent que l’heure de leur libération a sonné.
Lorsqu’il est fors de [leur] garde, le Morhout etent ses meins vers le ciel et dit
qe beneoiz soit Dex qi einsint l’a secorru. Ensemble, avec Blioberis et Escoraut
le Pauvre, ils se rendent à cheval qu’on leur a fourni à la porte de la cité pour
éviter les dommages que pourrait leur occasionner un séjour prolongé parmi
une population hostile. (f° 279) Mais avant d’y parvenir, le Bon Chevalier se
voit proposer, pour la grande prouesse dont il a fait montre, la seignorie de
cest ille, qe n’est mie petit ne povre, pour lui ou pour un preux de son entou-
rage, proposition qu’il décline, qar plus ont qe ceste ne valt ne q’ele ne poroit
valoir. Il consent tout de même à révéler aux habitants son nom.
XLII
Quand ils sont de retour à la forteresse qui protège le passage, il fait nuit et la
lune estoit levee bele et clere, qar bel tens fesoit adonc. Le Bon Chevalier et
ceux qu’il a libérés décident d’y faire venir les passagers de la nef : ils y serunt
toutevoies plus a aise qe dedenz la mer ou il sunt. C’est le Morholt en personne
qui va à pied leur annoncer la nouvelle de sa libération et de celles de ses
compagnons d’infortune. A son arrivée, Arthur est si durement pensis q’il ne
savoit q’il deust dire, tellement il est préoccupé par l’issue du combat engagé
par le Bon Chevalier. Alors qu’il se fait consoler par Meliadus, voici qu’arrive
le Morhout, que le roi reconnaît a la voiz. La joie des retrouvailles est grande :
Qi adonc fust a cele joie, a cele feste merveilleuse qe li rois Artus fesoit au Morholz, bien
deist tout hardiement qe voirement amoit li rois Artus le Morholt de tres grant amor.
Et sachent tuit qe Escorant li Pouvres estoit ja compeinz de la Table Reonde et por ce, s’il
estoit pouvre chevalier d’un escu, ne remanoit q’il ne fust bon chevalier, preuz et hardiz
estrangement et maint grant fait avoit il ja mené a fin par sa proesce, si qe par sa haute
proesce estoit il renomez en mainte estrange region. Qar ce nos devise bien li livres del
latin tout clerement qe Escoranz li Povres fu bien un des chevaliers de toute la Table
Reonde qi plus longuement se travailla por honor de chevalerie et mout s’entremist de
cerchier contrees, unes et autres, et mout dura longuement sa proesce et mout vit des
granz merveilles del roiaume de Logres et des autres regions. Tant fist par sa proesce qe
entre les bons chevaliers doit l’en bien amentevoir et conter por bon chevalier.159
158 Un chevalier s’y connaissant en plaies et blessures est un lieu commun du roman cour-
tois, surtout lorsqu’il devint ermite. Frappier (1977, 119–122).
159 Voir supra, § XXXVI, n. 154.
XLIII
« Mais ce, sire, me desconforte, qe puis qe ge seroie en celui païs dont vos avez la seigno-
rie et ou vos avriez del tot la seignorie sor moi et la force, aucunes paroles vos poroient
estre dites, et dites vos seroient, dont l’amistié qe vos avez ore a moi, se amistié i avez,
torneroit en enemistié et en haine ; et de ce me poroit bien venir mortel domaige. »161
(f° 281) Cependant, rassuré par Arthur et par ses deux compagnons qui
joignent leurs prières à celles du roi, il consent à adopter une solution intermé-
diaire : ils retourneront d’abord à son repaire qu’il tient au royaume de Sorelois
et, « qant nos seromes la venuz, dit-il, ge avrai puis mon conseil de venir, et ge
croi mielz qe ge vos tendrai d’ilec compeignie dusq’el roiaume de Logres qe ge
remainne. » Ils passent trois jours dans l’île du Chevalier à l’Ecu d’Argent, mais,
lorsqu’Arthur et ses compagnons veulent reprendre la mer, Lac déclare ne pas
vouloir les suivre immédiatement. Devant le roi, qui souhaite sa compagnie
plus que toute autre au monde, il promet de se rendre a la premiere cort qu’Ar-
thur tiendra el premier esté qi vendra. Les autres chevaliers présents en feront
de même por l’amor de lui.
160 Donnée qui semble en contradiction avec l’affirmation du gardien de la tour qui expli-
quait à Blioberis que Escorant li Pouvres était venu au pays il y avait deux mois compliz : cf.
supra, § XXXVI.
161 Cf. infra, § XLIV, n. 164.
XLIV
Tout lor conta a celui point q’il n’i lessa ne ce ne qoi. Et einsint cum li rois contoit estoient
illec presentement li clerc de la Table Reonde qi metoient en escrit les aventures, einsint
cum li rois les contoit. Et li rois Artus sanz faille avoit ja pieça encomencié a faire escrivre
toutes les aventures et les merveilles qe li chevalier errant trouvoient de jor en jor par le
roiaume de Logres. Et ce avoit il encomencié non mie seulement par son conseil, mes par
conseil de toz les granz homes qi de lui tenoient terre. Et a celui tens fist il faire de ces
merveilles trois livres trop grant et trop merveilleux ; l’un fist il metre a Salebieres ; l’autre
fist il metre a Osenefort ; li tierz fist il metre en son tresor. Et puis sorent par ces trois
livres cil qi aprés lui vindrent les merveilles qe el roiaume de Logres furent venues au
tens le roi Artus ; et de ces livres furent puis estret tuit li autre qi fait en sunt.163
Parmi les récits faits par le roi Arthur, beles aventures et pleisanz, l’attention
d’Urien a été attirée par ceux où le Chevalier à l’Ecu d’Argent aux Gouttes d’Or
s’était particulièrement distingué. En effet, sans signe de vie de sa part depuis
dix ans, le conseiller d’Arthur le croyait mort. Il se dit d’ailleurs dépité par le
manque de courtoisie de Lac : connaissant fort bien Urien, il n’a même pas
demandé de ses nouvelles ! Cependant, il reconnaît que Lac avait de bonnes
raisons pour l’ignorer : il ne peut lui porter la même affection qu’aux autres,
car il lui a fait ja auqes grant anui, mais en agissant de la sorte il n’a fait que
son devoir : « de celui annui qe ge li fis, ne me devroit nus hom blasmer por q’il
a reison regardast ; ge fis vers lui ce qe ge dui » ; et d’ajouter : « et si li fis anui
mout grant, et plus li en eusse fait adonc, mes ge ne poi.164 A Arthur qui, curieux
de connaître comment il fit anui a celui bon chevalier, le presse de questions, il
refuse de raconter leur différend devant une assistance aussi fournie ; il parlera
priveement, dans la chambre du roi, devant un auditoire choisi.165 Alors, on
change de sujet : Arthur estime-t-il que la guerre contre Claudas est terminée ?
v. 7993–7996), c’est, enfin, la place de commémoration de la victoire sur les Saxons – des
textes tardifs, en effet, tels que la Suite Huth, font se dérouler à Salesbieres l’ultime bataille
contre les Saxons où Pendragon perd la vie et Uter remporte la victoire (il prend le nom d’Uter
Pendragon après cet événement : ed. Paris/Ulrich, t. I, 87–94) ; c’est là que Merlin fit dresser,
par sa science magique, la carole as gaianz, cette chorea gigantum de Geoffroy (ed. Faral, chap.
127–130 ; ed. Hammer, liber 8,6–8 ; Wace, v. 8042–8178). Voir, sur tout ceci, le commentaire de
Trachsler (1996, 108). Il est à noter que le récit des aventures du Graal narré par Bohort a été
mis par écrit sur l’ordre d’Arthur et conservé en l’almiere de Salesbieres ; c’est de là que
« Mestre Gautier Map les trest a fere son livre … » (La Queste del Saint Graal, ed. Pauphilet,
279.31–280.2). Mentionnons, pour terminer, le Prologue du Tristan en Prose où son auteur,
« Luces, chevalier et sires del Chastel del Gat », se dit « voisin prochien de Salesbieres », ed.
Curtis, t. I, 39, l. 10s. Consulter Baumgartner (1985).
La mention d’Osenfort (Oxford) semble devoir être mise en rapport avec le texte de la Version I
(V.I) du Roman de Tristan en prose, seule à renvoyer, pour un complément d’informations sur
le parjure de Marc, à la grant estoire de Tristan … Et qui ce voudra trover, si le quiere a Ossene-
fort, car illuec le porra il trover en la mestre yglise … (ed. Blanchard/Quéreuil, t. I, VII, § 7, 31–
34 ; cf. Löseth 1890, § 252 ; cf. pour V. II, t. IV, ed. Faucon, § 134, 45–53). L’abbaye de St Maissent
(Vincent) de la même ville possède une statue en argent d’une demoiselle, dont la laideur est
exceptionnelle, tenant à la main une verge de la même matière indiquant la taille d’Erec :
objets vus par Robert de Boron, selon Erec, ed. Pickford, chap. V, 156–166 (Löseth 1890, § 291a).
Enfin, les trois livres, dont il est ici question, pourraient, peut-être, concerner la tripartition
de Guiron le Courtois, indiquée par certains mss. des XIV–XVe siècles : là-dessus, voir La-
thuillère (1966, 107s.) ; Lathuillère (1978a, 611).
164 La présente et énigmatique déclaration d’Urien est à relier à l’intention, affichée par Lac,
de ne pas se rendre immédiatement en Logres avec Arthur ; il craint, en effet, l’hostilité de
certains : voir supra, § XLIII, n. 161.
165 Promesse non tenue.
Le roi acquiesce ; « del covenant ne devom nos mie fauser », dit-il à son interlo-
cuteur.
XLV
Voici que le roi Meliadus vient solliciter d’Arthur le congé pour retourner dans
son pays où il compte passer tot cestui yver qi vient. Le souverain de Logres
reconnaît le bien fondé de sa demande,166 mais il exige que le père de Tristan
revienne en grande Bretagne qant l’esté repeirera, en telle maniere que le roi
de Léonois soit à la cour a la veille de Pentechoste. Arthur est sûr, par ailleurs,
que le Bon Chevalier, lui aussi, sera présent. C’est tout en plorant que les deux
hommes se séparent. L’attachement du roi à l’égard de Meliadus est partagé
par l’ensemble de sa cour, qar li un et li autre l’amoient si merveilleusement
cum s’il fust de chascun frere charnel. Et le continuateur de déclarer s’adressant
au lecteur :
Et sachent tuit que en la cort le roi Artus n’avoit encor a ce(f° 283)lui tens chevaliers qi
portassent envie les uns as autres ne qi portassent haine mortel. Ne mortel haine ne envie
il n’ot en celui hostel dusq’a tant qe li nobles lignage del roi Ban vint ; ne cil n’encomen-
cierent l’envi[e] ne la haine, qar petit furent envieux. Missire Gauvain et si autre frere lé
comencierent, qi orent premierement envie avant touz autres de la noblesce de celui li-
gnage et de la haute chevalerie ; et por le grant bien q’il veoient en celui lignage plus qe
en autre, empristrent il vers els mortel haine et la celerent longuement. Mes au darrien la
mostrerent il apertement dum li roi Artus torna puis a destrucion, et missire Gauvain
meemes, qi estoit comenciement de cele haine, en fu morz assez onteusement.167
XLVI
Après une traversée sans histoire, la nef de Meliadus accoste dans un port du
Léonois. C’est dans un climat de liesse populaire qu’est accueilli celui qui quit-
« Ha ! place, tant ge te devroie haïr et deshonorer, se ge pooie, qar ge fui plus en toi
deshonorez et avilez qe ge ne fui en nul autre leu de cest monde ! Certes, se ge te peuse
faire vergoigne, ge la te feisse, qar ge sui en toi vergoigniez trop malement ! »170
Ce sont les dames et les demoiselles de la cité qui li vienent a l’encontre, vestues
et acesmees a plus richement q’eles poent. Onqes Dex en Jerusalem ne fu receuz
a greignor joie qe cil reçurent a celui pooint le roi Melyadus,171 commente le
romancier. Alors qu’il descend devant son paleis, voici venir Gouvernal qui
emmène à son père Tristan,
la plus tres bele creature de son aage qe a celui tens fust veue el monde. Tuit cil qi le
vont regardant dient bien qe, puis qe Dex forma le monde, si bel enfant ne fu veuz qe cist
ne soit [encore plus]. Ce est une trop grant merveille de sa beauté. Il avoit ja a celui tens
ot anz d’aage et parloit 172 trop bien173 et estoit envoisiez a merveilles et grant de son
aage plus qe nul autre enfant. Et adonc, qant il vint en la presence de son pere, il estoit
vestuz d’un drap de soie batu a or. Ce estoit un solaz et un deduit qe de lui regarder.
Et li auqant … respondirent au roi : « Certes, sire, nos ne savom por qoi il vint fors por
Tristan tant seulement. »
172 Ms.paloie.
173 A comparer avec le portrait qu’a fait du jeune Tristan l’auteur de la Ière Partie de Guiron
le Courtois (ms. 350), Lathuillère (1966, § 31): … et celui an meesmes qu’il (Meliadus) morut et
qu’il regardoit son fill Tristran, qui tant estoit bele creature ke l’en ne peust a son tens trouver
un plus bel enfant de lui, fors solement Lancelot del Lac …, li rois qui son enfant regardoit, en
celui an que ge vos di, et il pooit ja estre d’entour .VII. ans, grant de son aage, mes trop estoit
bien entendant et bien parllant … Pour les beautés respectives du père et du fils, voir Bubenicek
(1998a, § 396, 440,23–441,7).
174 Dans Guiron le Courtois (I ère Partie), c’est Marc, allié de Meliadus dans le conflit qui l’avait
opposé à Arthur, qui aurait voulu emmener Tristan, son neveu, mais Gouvernal, maître de
l’enfant, l’en empêcha : voir Lathuillère (1966, § 43). Le même texte dit clairement, un peu plus
loin, que l’intention du roi de Cornouaille avait été de s’emparer des terres de Meliadus : ibid.,
§ 45. On notera, en revanche, la générosité d’Arthur à l’égard de Tristan, à qui il restitue le
royaume de Meliadus, vaincu : voir ms. G, f. 206a.
XLVII175
290. A celui tens qe li rois Melyadus fu retornez en son païs avint qe li rois de Nor-
holt ocist un suen chevalier assez preudome des armes, et se aucuns me deman-
doit por qoi li rois de Norholt ocist en tel meniere celui chevalier, qi bien estoit
sanz faille le meillor chevalier des armes qi fust en tout celui païs et le plus loial
5 vers son seignor, ge l’en diroie bien reison por qoi il le fist; non mie qe ce fust rei-
son, mes sa volenté seulement.
Bien fu veritez qe li rois de Norholt avoit en sa meison un chevalier mout preu-
dome des armes et mout vaillant, et avoit nom cil chevaliers Gavis; a merveilles
estoit renomez de chevalerie. Cil Gavis avoit a a moillier la plus bele dame qe l’en
10 seust en cele contree; tant estoit bele dame qe tuit cil qi la veoient parloient a mer-
veilles de sa beauté et disoient comunement qe ce estoit la plus bele dame q’il
onqes eussent veue. Tant alerent li un et li autre parlant de sa beauté que li rois
de Norholt dist q’il voloit la dame veoir puis qe estoit si bele. Tant fist q’il la vit, et
qant il l’ot bien regardee, il dist qe plus avoit beauté en li qe l’en ne disoit, et por
15 la grant beauté qe la dame avoit la comença (f° 284c) il a amer trop merveilleuse-
ment.
291. Quant li rois ot mis en la dame son cuer en tel meniere cum ge vos cont,
un jor qe il aloit chacier en une soe foreste qe pres estoit del recet ou la dame
demoroit, qant il ot tout le jor maintenua la chace, il ala au soir veoir la dame,
cum cil qi trop estoit desiranz de veoir la et de dire li ce q’il pensoit. Einsint
5 s’en vint li rois tout droit a celui recet ou la dame estoit herbergiee et cuida
q’il trouvast la dame priveement, mes non fist. Assez la trouva il priveement
qant il vint et assez li dist il tout ce qu’il pensoit et coment il l’amoit merveilleu-
sement. La dame qe mout amoit son mari et trop le prisoit por la haute chevale-
rie q’ele savoit en lui, et por ce qe li privé et li estrange qe le connoissoient li
10 donoient et pris et lox, se defendi de la priere le roi tant cum ele pot. Mes au
darrien, por ce q’ele ot poor ge li rois ne feist mal a li et a son mari, s’acorda
ele a lui, plus por doutance qe ele ne fist por amor qe ele eust au roi. Qant li
175 Nous donnons à nouveau (voir supra, § XXXV) in extenso, à cause de son intérêt littéraire
(la preuve en est sa conservation dans un 2 e exemplaire, cf. infra) et historique, le texte d’une
petite nouvelle « anti-courtoise ».
rois parloit en tel meniere, il avint chose qe Gavis vint en l’ostel; il estoit adonc
maintenant venuz d’un message ou li rois l’avoit mandé. Li rois le reçut mout
15 honoreement. Li chevaliers ne s’estoit encore pris garde del roi ne de la dame,
qar il ne cuidast b pas legierement qe li rois pensast envers lui si grant vilenie.
Au soir ot devisé li rois a la dame qe, qant ele sentiroit qe si sires s’i dormiroit,
qe ele se levast et q’ele venist a son lit; et ele s’i acorda. Li liz le roi fu faiz en
une des chambres de leienz. Li rois se coucha et por ce q’il ne voloit qe nul del
20 monde seust de cestui fait la verité, dist il q’il ne voloit qe nul se geust en sa
chambre, ne chamberlenc ne autre. Et il fu fait puis q’il le comanda. Li rois se
coucha en son lit. Grant piece aprés ce qe li rois fu chouchiez et cil de leienz
se furent endormi, atant ec vos la dame qe vint au lit le roi. Li rois la re
(f° 284d) çut avec lui et fu mout liez de sa venue. Mes de ce fu la dame deceue
25 vilainement, qar qant ele se fu partie de son lit, ele cuida certeinement qe si
sires dormist, mes non fesoit; il pensoit, et pensa longuement en tel meniere,
avant q’il s’aperceust c qe la dame se fust departie de lui. Qant il ot son penser
finé, et il cuida la dame dejoste lui trouver, noienz fu qe il la trouvast; piece
avoit ja au roi alee et piece i avoit demoré. Qant il ne trouva sa moillier, s’il fu
30 doulenz et correciez, nel demandez,d qar il l’amoit de grant amor et tot mainte-
nant li dist li cuers qe ele estoit alee sanz faille gesir avec le roi.
ment, clerement einsint cum ge vos cont, et por ce gita il tout premierement
sor lui et li dona un si grant coup par mi la teste q’il l’abati mort d’un sol coup.
Qant il l’ot ocis en tel guise, il dist a la dame: « Dame, alez en vos en vostre lit
15 et faites semblant qe vos dormoiz mout fort ». Et ele le fist tot einsint cum li
rois li comanda.
293. Quant ele s’en fu a son lit alee, (f° 285a) li rois comença adonc a crier
mout fort: « Secorrez moi, secorrez moi! trahiz sui! » Qant cil de leienz oïrent
le roi si fierement crier, il saillirent tuit a lui et aporterent lumieres et candeles
et trouverent le roi qi ja avoit ses braies vestues et sa chemise prist. Et qant il
5 les vit aprouchier, il lor comença a crier: « Or tost, seignor, venez avant! veez
ci un home qi en traïson me voloit ocire, ne sai qi est; veez entre vos se vos le
connoistroiz. » Qant il furent venuz avant et il virent qe ce estoit le seignor de
leienz q’il reconnurent maintenant, il le tindrent a grant merveille, qar i l’
tenoient bien entr’els au plus loial chevalier q’il seussent en toute la contree.
10 Et s’il n’eussent dejoste lui trouvé l’espee q’il avoit aportee avec lui, jamés ne
creussent cestui fait. Mes por ce q’il trouverent l’espee, distrent adonc comune-
ment q’il n’estoit en la chambre venuz por autre chose fors por le roi ocire.
Ceste avoit bien esté traïson trop laide et trop vileine de ce q’il avoit appareillié
de metre son seignor a mort, et en son otel meemes. Li rois fist maintenant
15 prendre le cors del chevalier et pendre q’il n’i atendi plus et dist qe pendre le
fesoit por la gran traïson q’il avoit faite vers lui.
294. Einsint cuida li rois celui fait celer, q’il ne fust seu, mais il ne fu fait si
celeement q’il ne fust puis conté avant, qar une damoisele, qe estoit la damoi-
sele de leienz ou la dame se fioit plus, sot de celui fait toute la certeineté, cum
cele qe bien avoit seu quant laa dame ala en la chambreb del roi et qant ele
5 retorna. La damoisele dont ge vos cont, qe avoit seu tout celui fait, qant ele vit
qe li rois se fu partiz de leienz, ele conta tout celui fait a un chevalier qi frere
estoit de celui qe li rois avoit ocis et li1 dist qe tout einsint sanz faille estoit
avenu. Qant cil entendi qe por achoison de la dame avoit si frere esté ocis en
tel meniere, il n’i mist nul autre con(f° 285b)seil, ainz ocist la dame erraument
294. a Début du fragment « Marsimigli – Giunta bis »: Longobardi (1988a, 16, l. 1).
b Ms. chabre.
294. 1 li omis L.
10 et la pendi a un arbre, tout ausint cum li rois avoit fait pendrec son frere. Et
por ce q’il savoit certeinement qe li rois le feroit destruire tout s’il le pooit tenir,
tout maintenant q’il savroit qu’il eust mis la dame a mort, se partid il de cele
region et s’en ala droit el roiaume de Loenoys et demora leienz deus mois
enterinement en la meison d’un suen ami. Qant il vit qe li rois Melyadus fu
15 retornez del roiaume de Logres et revenuz en Loenoys2 et il vit qe tuit li3 suen
fesoient si grant feste de lui, aprés le departement de cele grant feste qe cil
avoient fait de lor seignor et lor sire d’els, s’en vint li chevaliers au roi Melya-
dus. Li rois, qi bien le connoisoit qar veu l’avoit en mainte besoigne et bien
savoit q’il estoit bon chevalier et hardiz, qant il entendi qe li chevaliers voloit
20 remanoir avec lui, il le retint e trop volentiers et li dist qe mout li pesoit de la
mort de son frere; et cil li dist: « Sire, or sachiez qe il morut par assez greignor
tort qe l’en ne set ». Si li conta tout mot a mot einsint cum il l’avoit apris.
XLVIII
Le transfuge reste à la cour de Meliadus ; avant q’il i eust demoré qinçe jorz
compli, il met en garde le roi contre les intentions du souverain de Norholt :
« Sire, gardez vos del roi de Norholt, qe bien sachiez veraiement q’il vos metra a
mort s’il onqes puet, et Tristan, vostre fil, ausint veut il ocire.176 Devant l’étonne-
ment du roi, qui ne lui a jamais fait « chousse qe ge ne deusse faire a bon ami »,
le chevalier lui explique l’achoison de cette haine:
« Or sachiez qe un sage home qi parenz est li rois de Norholt, et est cil si sage home
durement q’il vait disant tout aper(f° 285c)tement grant partie des choses qe sunt a ave-
nir, ne l’en ne trouve onqes mençonge em parole q’il die de tex aferes, dist au roi de
Norholt, n’a encore mie demi an, q’il seroit sanz faille mis a destrucion, ou par vos ou
par Tristan ; ne ja ne faudroit q’il ne venist au darrien a ceste chose, se il ne s’en gardoit
trop durement. Por ceste poor q’il a de vos, sire rois Melyadus, et de Tristan autresint,
porchace il vostre mort et vostre destruiement tant cum il puet. »
294. c Ms. perdre (une barre de nasalisation surmonte le premier e; l'r a-t-il été rayé ?).
d Ms. parti suivi d’un e exponctué et rayé.
e Fin du fragment « Marsimigli – Giunta bis »: Longobardi (1988a, 16, l. 47).
294. 2 Leonoys L.
3 il L.
176 Le texte se contredit en rajeunissant Tristan ; c’est Meliadus qui parle : « … et a Tristan,
mon fil qil n’a encore plus de cinc anz d’aage velt (le roi de Norholt) prochacier mort … » ; cf.
supra, § XLVI, n. 173. Il va de soi que c’est la première indication qui semble juste …
XLIX
Li rois avoit a feme une dame geune durement ; encor n’avoit ele plus de vint anz, et si
avoit ele ja eu deus enfanz del roi, son seignor. Et si estoit li uns de ces deus enfanz
177 Promesse non tenue. D’après le roman de Tristan en prose, Meliadus est assassiné à la
chasse par deux hommes du comte de Norholt (une cité de Cornouaille), car ils avoient apris
par une devinerresse de Cornoaille que li oir de Norholt devoient estre ocis par le roi Melyadus,
ou par home de son linaige. Et por ce estoient il ça venu, plus assez par le conseil le roi Marc
que par autre chose (t. I, ed. Curtis, § 257, 23–26 ; Löseth 1890, § 23). Le ms. X, appartenant à un
collectionneur anonyme, d’une écriture italienne (cf. Lathuillère 1966, 89), semble apparenté
à notre Suite, car il désigne non seulement comme meurtrier de Meliadus le roi de Norholt,
mais le crime s’y produit dans des circonstances voisines, à en croire Lathuillère (1966, § 151) :
« Meliadus regagne son royaume de Léonois où il sera tué plus tard par le roi de Norhout … ».
Cf. aussi Hamel (2004, 89 n. 22).
178 Cette localisation du royaume du Bon Chevalier concorde avec l’affirmation du Lancelot
en prose selon laquelle il marchist au roialme de Norgales et a le duchee de Cambenync (ed.
Micha, vol. VII, § XXXIIIa, 3, 383). La cour de Noël, tenue par Arthur à Quimper-Corentin de la
Forest, est mentionnée comme point de ralliement du Bon Chevalier sans Peur, de Lac, d’Hervi
de Rivel et de Brehus dans la version de A(2), publiée supra, I ère Partie, B. Les textes …, : cf. t.
II, § 7.30–36 ; 83.47–54 ; 84.1–7. Notons que cette ville est située dans Guiron le Courtois, comme
dans le Lancelot en prose, dans la Bretagne insulaire (cf. Lot 1954, 148 n. 5).
apellez Dynadan ; li autres estoit apellez Brunnor por ce qe bruns estoit un pou. Et ne por
qant por toute ceste brunece ne remest qe il ne fust trop durement bel chevalier. Et si bon
fu il des armes qe a son tens en ot sanz doute pou de meillors en tout le monde. Bien
resembla de hardement a celui qi engendré l’avoit, qar trop durement fu hardiz … einsint
cum nos vos conterom apertement en cestui livre qant il sera et leu et tens de conter la
vie de lui.179
De retour dans sa contrée, qant il est un pou sejornez, le Bon Chevalier sans
Peur se consacre alors à son passe-temps favori, c’est-à-dire la chasse ; pendant
179 La I ère Partie de Guiron le Courtois réserve aux enfants du Bon Chevalier sans Peur un
« médaillon » semblable ; parlant, d’abord de Meliadus et de son fils Tristan, elle compare à ce
dernier les deux fils du roi d’Estrangorre pour dire que, s’ils avaient suivi le modèle paternel,
ils auraient dépassé l’amant d’Iseut :
« Mes sens faille, che fu li plus biaux chevaliers (Meliadus) qui en lonc tens fust el roialme
de Logres, et se li dui fill au Bon Chevalier sens Poor eussent esté si bon chevalier d’armes
com fu lor peres, bien eussent avanci Tristran ; et se aucuns me demandoit qui estoient li dui
fill au Bon Chevalier sens Poor, ge diroie que li uns fu Dynadan, un chevalier qui assés sot
bien et mal et que Tristan ama moult. Cil ne fu de trop si prodom com fu li peres, et ne pour
quant bons chevaliers fu en sa vie. Li autres fu li bons Chevaliers a la Cote Maltaillie ; chil
valut, cil fu bien des meillors del monde, cil resembla auques a son pere de sa proueche et de
hardement. De celui ne peut l’en mie dire que ne fust chevalier eslut, quar il en ot grant
hardement et si fu de grant proece que poi trovast l’en de meillours. Cil ama la roine de Cor-
nouaille, madame Yselt, de tout so cuer. Chil trova chant, chil trova notes, chil trova lays et
sens et vers, chil trova bien et canta, et bien fu chevalier de prove, et sour tout che fu bons
(52a) chevaliers durement … » (ed. Bubenicek 1998a, § 396, 441, 5–24).
Si les deux textes sont d’accord pour ne rien dire ou presque de Dinadan, « le contesta-
taire » des mœurs chevaleresques de la seconde version du roman (cf. Baumgartner 1975,
186) – ce qui pourrait s’expliquer par une vision assez conformiste que se fait de la chevalerie
le rédacteur de l’œuvre (cf., ci-dessus, « Dynadan, un chevalier qui assés sot bien et mal … cil
ne fu de trop si prodom com fu li peres … »), plutôt que par la chronologie des versions I et II
du Tristan en prose –, si tous les deux s’accordent pour voir dans le Valet a la Cote Maltaillee
le digne héritier de la prouesse du Bon Chevalier sans Peur, force est de constater le caractère
vague de la Suite du ms. G. Outre l’étymologie toute fantaisiste : Brunnor – bruns – brunece,
qu’il est le seul à donner, il ignore tout du personnage venu du Tristan en prose. En revanche,
la I ère Partie de Guiron, citée ci-dessus, cerne bien le caractère, sorte de « double » (voir Baum-
gartner 1975, 280) de Tristan : son « Chevalier a la Cote Maltaillie » est bien l’amoureux de la
reine Iseut, l’auteur et l’interprète des lais de son propre crû, sans qu’on puisse savoir sur
quelle version il s’appuie. Constatons, toutefois, que le ms. 757 de la BnF est le seul à donner
le lai, dont l’incipit est « Vous qui n’amez traiez vos sus » (cf. Löseth 1890, § 453 ; Le Roman de
Tristan en prose, ed. Ferlampin-Acher, t. V, 2007, § 20). Par ailleurs, le « concours » poétique,
auquel se livrent les deux admirateurs d’Iseut, est reproduit, avec de menues différences, par
les deux traditions (version I, ms. 757, édition citée de Ferlampin-Acher, §§ 90–95 ; version II,
« Il n’y a pas dix jours, je pris pour compagnon un chevalier estrange dont j’ignorais
l’identité : c’est lui qui m’a, dit-il, mortellement blessé. Nous nous dirigeâmes tous deux
vers Logres. Non loin d’ici, ça devant, en cest grant chemin, nous nous mîmes à discuter
qui, du Bon Chevalier sans Peur, sires … de ceste contree ou nos somes orendroit, ou du
roi Meliadus, est le meilleur entre les crestiens. Tant monterent les paroles de nos deus –
le blessé est pour Meliadus, son compagnon pour le Bon Chevalier –, que nous en vînmes
à prouver par nos armes la supériorité de nos champions respectifs. Mon rival, qui se
hastissoit encontre moi de prouvé de chevalerie si asprement, finit par m’abattre d’un coup
de glaive bien ajusté et partit sans me jeter le moindre regard. Mon cheval s’étant enfui,
je réussis à me traîner sur cette fontaine où vous m’avez trouvé. »
Après l’avoir écouté, le Bon Chevalier s’accorde tout à fait à l’opinion du bles-
sé – s’il avait été, lui aussi, là au moment des faits, il l’aurait défendu contre
l’inconnu ! Il fait faire une biere chevaleresce à l’aide d’arbres coupés et fait
emmener l’inconnu à l’un de ses châteaux (f° 287), tout en interdisant aux
siens d’avouer que c’était le Bon Chevalier qui lui a parlé.181 Le mire, envoyé
par le Bon Chevalier, rassure le roi sur la santé du blessé, dont les jours ne
sont pas en danger. Interrogé par le roi d’Estrangorre, l’inconnu dit être de
Soreloys, mais ne veut pas préciser de qel gent. Il finit par avouer qu’il s’appelle
Herant. Le Bon Chevalier a justement en ces parties un ami qui porte ce nom :
li Rois des Cent Chevaliers est apellez Erant 182 Celui-ci lui a fait une bonté qu’il
n’est pas près d’oublier. Lorsque le Bon Chevalier lui demande comment se
ms. de Vienne, Autriche, O.N.B., n° 2542, Le Roman de Tristan en prose, edd. Quéruel/Santucci,
t. VII, 1994, §§ 211–217).
180 Fête le 11 novembre.
181 Le fond de l’histoire narrée ici n’est pas sans rappeler la courtoisie dont le bénéficiaire
était, cette fois – là, le Bon Chevalier sans Peur, et l’auteur le roi Meliadus : voir Novellino, ed.
Segre, 1959, 793–881, nouvelle n° 63 : « Del buono re Emeladus e del Cavaliere senza paura ; et,
pour le commentaire – l’érudite italienne ne connaissait pas le ms. G – Delcorno Branca (1998,
127–131, et surtout 129 n. 44) : « … non è possibile rinvenire nel Guiron alcun episodio stretta-
mente simile a Nov 63 … ». Voir supra, I ère Partie, B. Les textes …, t. I, § 188 (note).
182 Sur le Roi des Cent Chevaliers, voir ibid., t. I, § 157 (note).
porte son ami, l’autre répond : « Certes, sire, ce dit li chevaliers, il ne [le] fait
mie si bien cum il voudroit ». Et l’inconnu de ne pas vouloir en dire davantage.
Et sachent tuit qe li chevaliers navrés estoit li Rois meesmes des Cent Chevaliers, dont li
Bons Chevaliers demandoit, et por ce q’il ne li estoit pas si bien cum il vouxist, qar navrez
estoit, avoit il respondu au Bon Chevalier qe cil ne le fesoit mie si bien cum il voudroit.
LI
En tel guise cum ge vos cont se depart li Bons Chevaliers de son roiaume d’Estrangorre au
plus priveement q’il puet et s’en va après le bon chevalier qi Lac estoit apelés. Il ne set qel
part il le quiert ou il le puisse trouver, ainceis s’en vet aprés lui as aventures, en tel saison
qe li grant froit estoit ja encomenciez et la noiz estoit ja granz em plusors leus par le roiaume
de Logres.184
183 Lieu commun de notre roman et de toute la littérature arthurienne probablement ; cf.
dans la I ère Partie de Guiron, volonté d’Esclabor de se rendre après d’Arthur : ed. Bubenicek,
(1998a, § 24, 24,25–25,5 ; § 27, 29,28–30,11, etc).
184 On retrouve la même ambiance dans la version du ms. A(2), publiée supra : Lac et Yvain,
en route vers le Pont Norgalois, situé en Sorelois, progressent difficilement « por lé nois qi
estoient trop granz et trop merveilleuses … » (I ère Partie, B. Les textes …, t. I, § 1. 9–14).
qe chevauchoit toute seule fors d’un nain, et sachiez qe a celui tens avoit l’en fet messa-
gieres des damoiseles por ce qe alors ne se tenist nul gentil home por chevalier qi dé
mains185 le escondist de chose q’ele demandast, por q’il li pe(f° 288a)ust doner en nulle
meniere ne acomplir sa186 volenté. Et por ce qe eles n’estoi[en]t jamais escondites, les
mandoit l’en plus volentiers en message qe l’en ne fesoit ne chevaliers ne escuiers, qar
trop fesoient mielz les besoignes por qoi eles estoient mandees qe autre ne feissent 187. Ne
eles ne trouvoient a celui tens ne chevalier ne autre qi de riens lor feist a desplesir fors
seulement Breüz sanz Pitié, cil lor fesoit ja mal et anui et honte et vilenie tant cum il
pooit. Eles ne trouvoient en leu ou ele i venissent chevalier, ne un ne autre, qi lor feist se
honor non, mes cil lor fesoit tout l’anui q’il onqes pooit. Et aprés lui comença missire
Gauvain a faire lor anui et chose qe eles ne voloient souventes foiz, et ce vos di ge bien
de monseignor Gauvain, qe, au comencement de sa chevalerie, avant qe La[n]celot venist
en la meison le roi Artus, se pena il de maintenir chevalerie honoreement, et il estoit sanz
faille mout bon chevalier de sa main, qi le mist en cel haut renom ou il fu puis lonc tens.
Et a celui tens fesoit il as dames et as damoiseles tote l’onor qe il pooit, si qe, por la grant
honor q’il lor fesoit, en acoilli il a celui tens si grant renom q’il fu apelez comunement le
Chevalier as Damoiseles188 por ce qe trop lor fesoit volentiers honor et servise, a toutes
les damoiseles q’il trouvoit. Mes puis perdi il celui sornom mout malement, qar il fist tant
des vilenies, et as chevaliers et as dames et as damoiseles, q’il ne fu guieres meins blas-
mez de felenie qe estoit Breüz sanz Pitié189. Mes or en lesserai tot le conte, et de Breüz et
de monseignor Gauvain, qar bien i savrom retorner qant leus et tens i sera, et retornerom
a nostre matire, ce est a conter del Bon Chevalier sanz Poor.190
185 Si notre dé mains est introuvable tel quel dans les dictionnaires et répertoires, il semble
signifier soit « d’avance, préalablement » (Gdf 5, 77c : avant les mains, avant la main, avant
main), soit, et cela nous paraît préférable, « par lui-même » (voir Di Stefano/Bidler 1992, 356b :
de la main, des mains de qqn).
186 On note le « basculement du pl. (damoiselles, ligne 2) au sg. (ele, ligne 3 ; sa, ligne 4) ; le
(ligne 3) représente-t-il lé ou « la » ?
187 Cette parenthèse sur les demoiselles messagères se justifie lorsqu’on considère leur place
dans la version du ms. de l’Arsenal : voir supra, I ère Partie, Introduction, IX.4.
188 Gauvain est surnommé « li chevalier as dames e as damoiseles dans le ms. L4 (Brit. Libra-
ry, Add. 36880) de Guiron le Courtois : Lathuillère (1966, § 146, 354). La dénomination de « li
chevalier as damoiseles » figure dans La Suite du Roman de Merlin, edd. Paris/Ulrich, Merlin,
roman en prose du XIII e s., 1886, t. II, ed. Roussineau, Suite du Roman de Merlin, t. I, § 280,16 ;
t. II, 669 (note). On la rencontre aussi dans la Version post Vulgate de la Queste del Saint Graal,
(texte portugais), ed. Bogdanow, II, § 147,195 : « o Cavaleyro das Donzellas ».
189 Ce développement sur Gauvain est à rapprocher du § XLV supra, n. 167. Dans le § XXIV,
n. 127 (supra), nous citions un autre passage du Roman du roi Meliadus – ed. Bubenicek (1998a,
§ 288, 313,25–314,7) – où l’on fait une allusion voilée à l’intrusion de la nouvelle élite, que
constitue le lignage du roi Ban, dans la société arthurienne : « assemblée » de Galehout et
d’Arthur. Se reporter, en outre, à notre Introduction : I ère partie, IV.
190 Promesse non tenue. Une main différente de celle qui a copié le texte de la Continuation
(?) a tracé, au f.288a–b, le colophon qu’on lira supra, IIème Partie, chap. I.1 Le manuscrit
Ferrell 5.
173, 7–10 : Qant il furent assis et il orent meingié auqes – et sachent tuit ... mein-
gier –, qant il orent eu ..., li rois Artus ... dit : il nous semble préférable de
penser que la principale est introduite par deux subordonnées temporelles,
débutant par qant, plutôt que de considérer que chacune possède sa princi-
pale propre, la première débutant par et sachent tuit qe : voir Ménard (1973,
§ 195).
173, 15 : estré : part. pas. avec un r parasite. Voir, par ailleurs, les nombreux
cas où l’r fait défaut. Cf. supra, III. Langue, §§ 66 et 67.
174, 4 : Pour vo qui s’explique par la chute d’s voir supra, III. Langue, § 75.
175, 1 : une esté : si, en fr., été est devenu masc. – aestas lat. était fém. –, cela
est dû à l’influence des autres noms de saisons (cf. Pope 1973, § 776, III).
Cependant, le genre féminin domine encore dans les patois gallo-romans
du Nord (voir FEW 24, 229b). Il est à souligner qu’en italien, (i)state est
resté au fém. (cf. Bloch/Wartburg 1968, 239b ; REW, n° 245). Mais celui esté :
supra, 13 (219a).
175, 3 : una : l’un des cas où l’a final ou contrefinal n’a pas été affaibli. Pour
d’autres exemples, assez nombreux dans G, voir supra, III. Langue, § 14.
175, 9 : portoit, corr. de portoient (leç. rej. 175, 2) : confusion fréquente entre le
sg. et le pl., à cause de la finale non prononcée : cf. supra, I ère Partie, X.2,
§ 98c.
1 On trouvera les notes relatives aux parties non éditées mais résumées, ainsi que celles con-
cernant les pièces versifiées (cf. § III, VI, VII, XII, XIII et XLVI), en pied de page.
175, 21 : cotes (d’or) pour gotes : la confusion des sonores et des sourdes est un
trait caractéristique des copistes du Nord de la France : cf. Livres du Roy
Modus, ed. Tilander, t. 1, XXIIs., et supra, III. Langue, § 51.
177, 13 : comencent (cf. leç. rej. 177, 2) voir, ci-dessus, 175, 9 ; pour la construc-
tion comencent taire voir supra – cf. leç. rej. 177, 3 – voir supra, III. Langue,
§ 138.
178, 13–14 : me feri desus le heaume un coup : double complément, l’un direct :
coup, l’autre indirect : me.
A(2), 1 G A(2), 2
A(2), 1 G A(2), 2
A(2), 1 G A(2), 2
A(2), 1 G A(2), 2
Tab. 5 : La valeur chevaleresque des victimes empêche les bourreaux de les exécuter
immédiatement.
A(2), 1 G A(2), 2
Tab. 6 : De toute manière, ils sont persuadés que les victimes, à cause du froid am-
biant, ne passeront pas la journée.
A(2), 1 G A(2), 2
A(2), 1 G A(2), 2
180, 22–23 : ... le grant domage ... de ses deus freres : au total, trois membres de
cette famille ont été tués (cf. troi frere 180, 25) : l’ami du Bon Chevalier
sans Peur a probablement mis à mort un premier frère, meurtre, dont il est
« appelé » (180, 4) ; puis, le Bon Chevalier tue lors de son duel judiciaire
les « appelants », qui sont au nombre de deux ; c’est, sans doute, à ces
deux morts, tués « celui jor », que le texte fait allusion (cf. troi frere, 180,
25).
180, 43 : Le subj. après fors que est-il entraîné par l’hypothétique (à rapprocher,
probablement, du tour où se, dans un autre membre de phrase coordonné,
est remplacé par que) ou bien est-il occasionné par fors que seul ? Cf. Moi-
gnet (1959a, vol. II, 635).
181, 5–6 : ... et se tout le monde avoit froit la ou il estoient garni contre le froit,
… : accord du verbe par syllepse ; à noter qu’on passe du sg. au pl. au sein
d’une même phrase. Cf. Ménard (1973, § 128, 2).
182, 8 : Ms. arbres qi ... estoient trop espees (leç. rej. 182, 2) : s’agit-il d’un -e
inorganique, comme notre texte en contient un certain nombre (cf. foreste,
§ 3 (217c) ; 50 (228d), etc. ; ceste (voiage) 228, 8, etc., ou d’un -e féminin,
ajouté à tort après ce qui est considéré comme adj. masc. espé... ? Puisque
le genre primitif d’arbor apparaît ailleurs dans notre texte (cf. supra, III.
Langue, § 171), nous corrigeons en espeses (cf. ibid., § 73).
183, 10 : lessa corre : le narrateur oublie qu’il a fait quitter à ses cavaliers leurs
chevaux, tant les broussailles étaient épaisses (cf. 182, 7–9).
183, 16–17 : Et tout fust ..., si vouxisse : concessive construite en parataxe avec
l’adv. tout en tête de la « subordonnée » : cf. Ménard (1973, § 269c).
183, 29 : « Puis qe cil est morz, morz soit ... » : le pragmatisme du compagnon,
futur sauveur du Bon Chevalier, ne fait-il pas penser à celui de Perceval,
mis au courant, par sa cousine, de la mort de sa mère : « Les morz as morz,
les vis as vis » (cf. Chrétien de Troyes, Perceval, ed. Hilka, v. 3630 ; ed.
Lecoy, v. 3616) ?
183, 34–39 : Et il estoit ilec venuz por faire prendre noz cors … et fist prendre ... :
le verbe est-il vraiment factitif ou a-t-il le sens d’un verbe simple
(prendre) ? Voir Ménard (1973, § 144, 2) et I ère Partie, X.1 Langue, § 197.
183, 37–38 : et me vesti d’une chape : très ample et longue pèlerine avec chape-
ron, portée par les deux sexes : voir Enlart (1927, Table, 549a–b) ; Rathbone
Goddard (1927, Index, 258 : chapp(p)e, chaspe, cape).
183, 43 : geriz : sur les échanges entre gar-/guer-, cf. FEW 17, « warjan », 528.
Retenons que l’AF avait d’abord seulement a, puis, à partir de la fin du
XIIIe s., apparaissent, d’abord en Champagne, les formes avec e. Pour notre
propos, il est intéressant de souligner, peut-être, qu’en zone occitane -er
s’impose dans la partie nord-occidentale du domaine (Limousin, Au-
vergne), au contact des parlers d’oïl de l’Ouest, où était employé werjan,
et que l’anc. ital. a guerire (‘guérir’, all. heilen).
183, 44–45 : puis n’i tornai mie fors une foiz : nous avons affaire à un tour excep-
tif (« je n’y suis plus retourné, si ce n’est qu’une fois »), exception de carac-
184, 4–5 : por ce q’il avoit un pou gros cuer vers lui por les paroles qe li rois
Artus li avoit dites : cf. supra, IV, Analyse, § XXXIV.
184, 6 : cil li començoit : li fonctionne-t-il comme un rég. pl. atone ? Cf. supra,
I ère Partie, X.1 Langue, § 154d.
187, 3 : qi entre les : il serait sans doute possible de considérer les comme une
simple inversion de lettres pour els, mais le texte présente d’autres cas de
substitution d’une forme atone à une forme tonique : voir supra, III.
Langue, § 95e.
en prose (voir ed. Micha, t. VII, § XLVIIa, 7–9, 446s.) ou du roman en prose
de Tristan – il s’y attaque, de préférence, aux chevaliers de Cornouaille,
réputés pour leur lâcheté (cf. ed. Curtis, t. II, §§ 654–657, 661 ; ed. Ménard,
t. I, § 173, 15–17 ; ed. Faucon, t. IV, § 57, 22–27) –, et le personnage du Gui-
ron, qui, comme celui de Matan le Brun, son modèle probable (voir le Tris-
tan en prose, ed. Ménard, t. I, § 176), est un chevalier vaillant, « sage ... et
amesuré de toutes coses ». Pour expliquer l’origine de sa folie, une méta-
morphose partielle, l’auteur de A(2) a recours, comme ceux des frénésies
de Lancelot ou de Tristan, à la passion amoureuse : « Se ge sui fol », dira
le personnage, « ce fist amor ; ge ne puis nul autre blasmer de ma folie fors
qe amors tant soulemant » (cf. notre éd., supra, I ère Partie, B. Les textes …,
t. II, § 170). Ainsi le « pechié » de Daguenet (187, 14) pourrait être l’amour !
On consultera, sur la folie littéraire, l’ouvrage de Fritz (1992, surtout 261–
274). Pour la dimension « politique » du personnage, absente de notre ro-
man, voir Les Prophesies de Merlin, ed. Berthelot, 211–213, 242, etc. ; Fritz
(1992, 270–272). Voir supra, I ère Partie, C. Notes, II.157–184.1.
187, 17–18 : Loth d’Orcanie est un personnage du passé dans la version particu-
lière donnée par le ms. A(2), seule partie de Guiron le Courtois ou presque
à parler de lui : il soutient une guerre contre Uterpendragon et fait fortifier
l’un de ses châteaux, appelé l’Escu Loth – « por ce qe bien li estoit avis
(au roi Loth) qe celui chastel li estoit escu e defendemant encontre toutes
seignories » (cf. supra, B. Les textes …, § 86, 34–37) –, soumis, dans le
même texte, par Lac et le Bon Chevalier sans Peur (ibid., §§ 59–82). La
même version du roman en fait un bâtard, qui a privé du trône la légitime
héritière, la dame de Nohaut (cf. Lathuillère 1966, § 209). Voir aussi West
(1978, 199b–200a).
189, 1 : Quant ge fui revenuz a cheval ... : « Quand j’eus retrouvé ma monture
... ».
190, 6–8 : Et sachiez qe s’il en toute sa vie n’eust plus fait d’armes qu’il fist a
celui jor, si conquist il qe l’en le deust ... tenir au meillor chevalier del monde :
je comprends : « Et sachez que s’il n’avait, dans toute sa vie à venir, plus
accompli d’exploits guerriers, il en a fait (il a gagné), ce jour là, suffisam-
ment pour qu’on le considérât comme le meilleur chevalier du monde ».
191, 3–7 : Ge m’en alai aprés lui si iriez et si corrociez cum ge vos cont et pensai
qe ge vengeroie la honte q’il m’avoit fait el tornoiement … Et bien cuidoie
certeinement qe ge le peuse faire adonc, qar bien m’estoit avis q’il estoit si
durement travailliez q’il ne se poroit encontre moi defendre : nous avons vu,
dans notre Intr. (Bubenicek 1998a, t. IV, 856s.), comment le goût excessif
de l’émulation chevaleresque se transforme en jalousie (envie : cf. avoir
(grant) envie sor : ibid., t. I, 185.1–2, 3 ; esragié d’envie et de dueill : 186.21),
comment cette dernière finit par engendrer le dépit (dueil : 186.12, 21–22)
qui conduit directement au crime. En effet, dans 350, le Bon Chevalier sans
Peur guette le moment propice pour prendre sa revanche sur Meliadus,
tant pis, ou plutôt tant mieux, si son rival peut offrir peu de résistance ;
avec le recul, le roi d’Estrangorre reconnaît son forfait :
« … ce que ge fis, ge le fis encontre l’onnour de moi : quar ge veoie bien qu’il avoit
tant souffert en celui tornoiement … que merveille est conment il n’estoit mort d’anui
et de travail. Ge, qui bien cuidoie qu’il ne se peust vers moi desfendre, l’assailli a celui
point … » (ms. 350, ed. Bubenicek, 1998a, t. II, 367.18–23).
191, 9–10 : Qant ge vi q’il voloit descendre, ge li començai a crier ... : « Mais
apareilliez vos de jouster ... » Mais est certes une conjonction adversative,
opposant l’affirmation que contient le récit à la « négation » que comporte
le disc. dir. mais on le traduira par « donc » (cf. Ménard 1973, § 309, 3),
l’ex. tiré du Couronnement de Louis (v. 2120) « De quei le dotez vos ? Mais
chevauchiez et poignez tres qu’al pont ». La particularité de notre texte
consiste dans le niveau diffèrent des discours opposés (Récit-DD).
192, 1–193, 6 : Voici contée « in extenso » par Lac l’histoire à laquelle faisait
allusion le récit du Bon Chevalier sans Peur : voir supra, IV. …analyse,
§ XXXIV. C’est un autre exemple du « maillage » rigoureux que fait subir au
texte son rédacteur : voir supra, II, 1.1. Chronologie et cohérence textuelle et
II.3. Une entreprise de la mémoire. Si sa technique peut faire penser à celle
des récits « coupés » (Lathuillère 1980b, 208) ou racontés « à moitié », le
but visé n’est pas le même (I ère Partie, IX.2). Au reste, il n’y a pas de focali-
sation interne : c’est le même point de vue de part et d’autre des récits.
193, 15–16 : Et lors reconoist bien li rois Artus que cestui fait voirement li avoit ja
conté li Bons Chevaliers sanz Poor : cf. supra, note à 192,1–193,6 et supra,
IV. … analyse, § XXXIV.
194, 16–17 : ... de Merlin avoit ele apris totes ces merveilles : nouveau disciple
féminin du mage après la Dame du Lac ou Ninienne (voir Lancelot en
prose, ed. Micha, vol. VII, § VIa, 1 et 2 : … la damoisele qui Lancelot emporta
el lac estoit une fee … Chele damoisele dont li contes parole savoit par Merlin
quanques ele savoit de nigremanche … ; La Suite du roman de Merlin, ed.
Roussineau, § 316, 4–7 : Je (Niviene) ne vous (Merlin) amerai ja se vous ne
me fianchés que vous m’aprenderés des enchantemens que vous savés tout
che que je vous demanderai) et Morgue-Morgane (cf. Lancelot, vol. III,
§ XXII, 1–2 : Il fu voirs que li rois Artus ot une soror qui avoit a non Morgain ;
cele soror savoit molt d’enchantement et de carnins et tout ce li aprist Mer-
lins ; La Suite …, § 156, 15–18 : Et quant Morgain sot que Merlins avoit che
fait par enchantement (le fait que les cierges, placés dans les mains des
rois vaincus par Arthur, puissent brûler jusqu’à la mort du prophète), elle
s’apensa que elle s’acointeroit de lui et aprenderoit tant de son sens que elle
porroit faire par tout ou elle vourroit partie de sa volenté ; Tristan en prose
(ms. 757), vol. I, edd. Blanchard/Quéreuil, § 65, 47–49, 181s. : … Et touz ces
enchantemenz li (à Morgue) avoit apris Merlin li sages, que la damoisele de
lle Lac fist morir par grant decevement) ; enfin, on trouve dans La Suite,
une cousine de la Dame du Lac, qui sauve, d’une mort certaine, le Morhout
et Gauvain, engagés par un chantement dans un combat à mort ; elle aussi
a bénéficié de la même formation : Celle damoiselle estoit a la Damoiselle
du Lac et sa cousine germaine, et savoit assés d’enchantemens que Merlin
mesmes lui avoit apris en la court le roy Artus (ed. Roussineau, § 493, 4–7).
Si d’autres magiciennes ont eu une éducation plus classique, c’est-à-dire
l’apprentissage des sept arts libéraux et de « nigromance », selon un pro-
Une fois arrivé dans sa tour, elle lui fait, elle aussi, ôter son épée, avant
de le plonger, sans transformation, dans un état second (ibid., 225, 5–11).
197, 5–6 : ne ne prist mie la coupe : mie semble de trop ; cf. 194, 20.
197, 11–12 : ne li dire : voir sur cet emploi unique de l’infinitif prohibitif supra,
III. Langue, § 139.
199, 6–7 : ... nos avons ja tant alé avant qe nos ne poom mais retorner : selon
Helge Nordahl, « le déterminant quantitatif » tant est « l’un des rares déter-
minants » à admettre l’emploi des deux auxiliaires (estre et avoir). Voir Nor-
dahl (1977, 54–66).
199, 8–9 : or faites tant por la moie amor qe vos ne dioiz parole ... « faites en
sorte que vous ne disiez aucune parole ... » : une consécutive à sens final ;
cf. Ménard (1973, § 156d).
200, 6–9 : Et maintenant gita son enchantement ... et avoie le semblant d’un
levrier de leienz qe li sires amoit trop durement : une transformation sem-
blable – en levriers – des enfants du roi Bohort (Lionel et Bohort), meurtri-
ers du fils de Claudas Dorin, est opérée dans le Lancelot en prose par une
demoiselle, disciple de la Dame du Lac : lorsque la damoisele del Lac …
venir le (Claudas poursuit les enfants, s’espee ... toute nue) voit ..., si jete
son enchantement et fait resambler les .II. enfans as .II. levriers ... Plus loin,
le même Claudas prendra deux levriers qui s’enfuient en une estable por la
noise pour les fils de Bohort : ed. Micha, vol. VII, § XIIa, 14–16, 118–120.
Le thème de la métamorphose d’un homme en animal est fort répandu
dans le folklore universel mais aussi dans la littérature narrative du moyen
âge ; il est parfois lié au motif du loup-garou. Pour nous en tenir à la trans-
200, 16–17 : fu ore ceste parole qe si sage chevalier cum vos estes deust dire ?
Nous comprenons : « Etait-ce donc là une parole qu’un chevalier aussi
averti que vous devrait dire ? » Il semblerait qu’on ait affaire à une phrase
elliptique où l’attribut – fu ore ceste parole [la parole] qe ... – fait défaut.
200, 18–19 : il n’ot ... gist : sorte de serment ambigu, à la manière de celui
d’Iseut du Tristan de Béroul, edd. Muret/Defourques, v. 4201–4208.
200, 21 : chevalier ... se ge ne vouxisse faire trenchier la teste : le c.o.d. n’est pas
repris par le pronom personnel.
200, 28 : Dé (moi) : sur cet impératif, voir supra, III. Langue, § 107.
200, 29–32 : Sur cette femme infidèle, voir supra, II.2.2 Une image négative de
la femme.
202, 3–4 : au darrien semble mal placé ; ne conviendrait-il pas mieux, pour
l’adverbe, qu’il soit situé après ele m’otroia s’amor ?
202, 12–13 : ge parloie a la dame … devant gent assez, si priveement ... : assez
porte-t-il sur parloie ou sur gent ? Voir la var. d de L.
203, 2–3 : devant une fontaine q’ele voloit descendre : pour ce qe, « une sorte de
particule relative adverbiale », ici tenant lieu de « où », voir Brunot (1924,
vol. I, 232 n. 1 et 461, moyen fr.) ; Kunstmann (1990, 463).
203, 11 : « Or vos en vendroiz vos avec moi ! » ; id., 214, 13. Pour le futur, substitut
de l’impératif, voir Ménard (1973, § 409).
204, 4–5 : ... ja a plus de set anz passez qe ge li fui mariz et ele me fu moillier.
Est-ce pour varier l’expression que l’auteur emploie l’attribut du sujet pré-
cédé du datif au lieu du possessif ? Cf. 204, 4 : la vostre moillier n’est ele
mie ; 204, 3 : ele est ma moillier. Même tour à 206, 13 : Ele set mielz qi mariz
li est … Toujours est-il que le ms. A (copie de Guiot) de Cligès a préféré à
la construction avec le datif le tour « ordinaire » : cf. ed. Foerster, v. 755 et
758 :
« Mon cuer et mes deus iauz ansanble ;
[…]
Quant cist troi me sont enemi,
et ed. Micha de A : Quant cil troi sont mi anemi.
204, 11 : tout avant fu moie qe vostre « avant d’être vôtre, elle était mienne » :
phrase elliptique du verbe.
206, 12–14 ; 210, 18–211, 6 : « … nos metrom la dame entre vos deus ... A son mari
s’en aille ... et l’autre laist ... » ; « Or le fesom donc einsint ... Einsint se prova
envers moi cele qe ge tant amoie cum ge vos ai dit : ce scénario imaginé
pour mettre à l’épreuve une amante dont on soupçonne un manque de
loyauté apparaît à plusieurs reprises dans A(2). On lira, ci-dessus, un récit
où un couard est préféré, dans les mêmes conditions, à un preux chevalier,
en l’occurrence Brehus sans Pitié (supra, I ère Partie, B. Les textes …, t. I,
§ 276, 16–278, 18). Comme toujours, l’initiative vient du moins bon, mais si
le lâche chevalier de Galles de notre Continuation œuvre pour lui, c’est, en
outre, un fin connaisseur du cœur féminin, de son instabilité, de ses « rai-
sons » qui lui font constamment opter pour le plus mauvais... Plus loin,
dans le ms. de l’Arsenal, le même stratagème est proposé au vaillant Gui-
ron par un chevalier de petite taille, extraordinairement laid, dont la
femme d’Helynan, aimée du héros, a accepté les propositions d’amour :
voir Lathuillère (1966, § 195, 412s.) ; ms. A(2), f° 175c–176a : Uterpendragon,
à qui le Petit Chevalier se plaignit, en accusant Guiron d’avoir enlevé sa
bien-aimée, rejoint le héros :
209, 5–6 : Por tout ce qu’il estoit caharz ..., ne remest que … : c’est une concessive
introduite par une conjonction qui rappelle parmi tot ce que, citée par Mé-
nard à propos des textes anglo-normands (voir 1973, § 447b), et suivie, elle
aussi, de l’indicatif. Pour caharz, voir supra, III. Langue, § 1 et Concl. (a).
209, 18–20 : … qant ele lessa le meillor et se prist au prior, ele fist ce q’ele dut,
qar par reison se prent toz jorz feme au peior et lesse le meillor : cf. le juge-
ment du Bon Chevalier sans Peur, destiné à réconforter Brehus abandonné
par sa demoiselle (cf. note 206.12–14 ; 210.18–211.6) : … de cestui change
q’ele fist a cestui point fist ele bien come feme, qar feme fet arrieres dos qant
q’ele fet ; assez pou troeve l’en de celes qi aillent droit ni qi bien facent (su-
pra, Ière Partie, B. Les textes …, t. I, § 279, 4–7.
209, 36 : insint l’i porroiz veoir : on pourrait lire aussi li – cf. variante de L – et
y voir l’échange entre régimes direct et indirect du pronom personnel : cf.
supra, III. Langue, § 94d.
211, 3 : confondesse se (leç. rej. 211, 3) : il doit s’agir d’un redoublement fautif
de la conjonction hypothétique se ; nous corrigeons.
211, 3–4 : Qant ele fu mise en tel guise, Dex la destruise … se ele onqes regarda
vers moi, ainz s’en ala ... : rupture de construction : interruption de la pro-
tase par le subj. de souhait.
211, 4–5 : chevalier qi tex estoit qe g’en cuidasse par mun cors metre vint a des-
confiture ... : expression qui rappelle celle de l’inscription tombale du géant
Aristanor : ... ge, qi estoie si forz, … / Fu conqis devant cest ostel / Et ocis
par un home tel / Qe g’en cuidasse mil conqerre (supra, IV. … analyse, § VII).
211, 14–15 : por tout le monde gaanier « dussé-je gagner toutes les richesses du
monde » ; pour cet emploi concessif de la préposition por, après une princi-
pale négative, voir Ménard (1973, § 173).
211, 20–21 : a mun voloir la tenisse ge encor avec moi ; ja por la honte ne reman-
sist : construction d’une concessive en parataxe (ed. Ménard, § 269b), avec
l’inversion de la protase (ja …) et de l’apodose (a mun voloir …) : « s’il ne
tenait qu’à moi, elle serait encore en ma compagnie, malgré ma honte ».
212, 7 (leç. rej. 212, 1) : uns chevaliers constitue une correction indispensable
comme en témoignent, d’abord, la présence de si mes (son messager) (8),
puis celle de Li chevaliers de Norgales (11) ; va dans le même sens l’adresse
du roi de Norgalles à ses chevaliers : « Or i parra qui ira joster a lui » ! (6–
7).
212, 10 : plus cohart que lievres : cf. Hassell (1982, L48) « couard (peureux)
comme lièvre ».
213, 7–8 : anceis fait-il double emploi avec avant ? Ce dernier semble posséder
le sens de préférence pour remplacer anceis dans cette phrase où la tmèse
éloigne trop les éléments : cf. 214, 8. Le recours à avant pourrait, peut-être,
s’expliquer par le fait que anceis signifiant à la fois « avant » et « plutôt »,
dans l’esprit du rédacteur de G, il était, lui aussi, susceptible de fonction-
ner de la même manière.
217, 5 : mais alors n’oi : pron. adv. ital. « en » : « mais alors j’en (de la peur)
éprouvai » ; cf. supra, III. Langue, § 137.
217, 11 : voloit ferir : périphrase exprimant le futur proche : « qui allait frapper » ;
cf. Gougenheim (1971, 88s.).
217, 13–14 : Il manque le que consécutif ou bien le relatif qui après Ge.
perd, comme le couard de notre texte, par sa lâcheté, si bien que c’est un
autre adversaire que devra affronter le héros, toujours épris de la dame :
dans A(2), c’est Menaudon le Blanc (f° 177d). Comme dans le texte ci-des-
sus, le nouvel amant est tué du premier coup : « Et avint au chevalier par
ma prouesche … qe ge l’ocis de la premiere joste » (f° 177c). Alors que dans
la vers. de G, c’est par mégarde que Blioberis cherche à être hébergé avec
son amie dans une ville hostile, dans A(2) l’amie demande à Guiron d’être
conduite chez « un [s]ien cousin germain ». La dénonciation du meurtrier
est présentée de façon similaire dans les deux textes (pour G, cf. supra,
215, 7–9) :
« Segnors, qe ferom nos ? Ge ai domage receu si grant e si merveilleux come vos veez,
qar ge ai mon frere perdu. Et einsint m’en est avenu qe ge puis sa mort venchier ;
mes se ge venchoie sa mort sor celui qi l’a mis a mort, ge domageroie toute chevalerie
trop douleureusemant, qar ge vos faz bien assavoir tout certainemant qe qui metroit
cestui a mort, il metroit a mort le meillor chevalier qi orendroit soit el monde … »
(A(2), III, § 123 ; f° 178b).
218, 6 : ge ne li die : pour les échanges entre rég. dir. et ind., voir supra, III.
Langue, § 94d.
218, 16 : ci dui = cil dui ; la chute de l est fréquente dans le ms. ; cf. ibid., § 58.
219, 19 : Nous préférons lire qu’ici, c’est-à-dire que ici, ce qui renvoie au Bon
Chevalier sans Peur, plutôt que qui ci est, ce qui ferait d’Arthur le meillor
home deu monde.
220, 13 : respoing : cette forme, qu’on trouve aussi dans le Roman de la Rose,
ed. Langlois, ms. A6 (t. I, 339 n. 5), provient-elle de respondeo, ou a-t-elle
été influencée par le SP3 respoigne (ibid., v. 19.626) ?
220, 18–21 : Bel sire … et encor le dit il bien : même tour et même idée qu’à 220,
13–16 sous la forme d’une consécutive négative : « Cher seigneur, répondit
le roi Meliadus, sachez donc que ce n’est pas la faute du roi Meliadus, mais
celle des habitants de Logres (els meemes), car depuis bien longtemps il
affirme que le Bon Chevalier sans Peur lui est de toutes les façons supé-
rieur, et encore continue-t-il à l’affirmer présentement. »
220, 27 (leç. rej. 220, 5) : Ms. alanoit = la avroit : la faute commise peut se justi-
fier par l’inversion des lettres la, par la confusion, de la part du copiste,
entre les u et les n, pourtant clairement distinguée d’habitude, et par la
faiblesse de r : cf. supra, III. Langue, § 66.
222, 7 (leç. rej. 222, 1) : Ms. entende = n’entende : n’ omis par haplologie ?
223, 2 : celui ille : ce subst. est fréquemment masc. en anglo-normand : cf. Lan-
val, v. 661, ed. Warnke (1925) ; ed. Rychner, v. 643 (En un isle ...). T.–L.
(4, 1465s.) le donne masc. dans la Chronique de Geoffroi Gaimar, St Jean
l’Aumonier, Fouke Fitz Warin. Pour d’autres ex. dans notre texte, cf. 226, 9
(cest ille).
223, 3–4 : … Lac et q’il estoit estret de Grece et de cele cité meemes qe estoit
apellee Salonique : ces renseignements semblent provenir de l’ensemble
223, 11 : fui, PS3, corr. en fu (leç. rej. 223, 3) ; il est à noter que le copiste écrit
avec régularité fui à la 1 ère p. du sg. du PS (voir, p.ex. 176,12 ; 183,43 ; 184,1,
etc.). Cf. Floovant, fuit pour fut, CXVII ; cette forme pourrait résulter d’une
réfection sur fui : voir Zink (1989b, 188).
223, 11–15 : Herec : sur la « grace » particulière qu’il a reçue et qui lui permet
de ne jamais mentir, voir Erec, roman arthurien en prose cité ci-dessus
(223,3–4) : III, 297–309, et le Roman de Tristan en prose (vers. du ms. BnF,
fr. 757), t. III, §§ 3.29–36 ; t. IV, § 234.28–32.
225, 1–2 : por ce qe ge croi q’il ait en vos : le subjonctif paraît surprenant dans
cette complétive après croire, sans négation.
226, 7–8 : ge sui apareilliez que ge mete mun cors en cest viage ... et qe ge vos
ferai compeignie : si notre verbe, équivalent de estre prez, est habituelle-
ment suivi, en tant qu’exprimant la volonté, du subjonctif, l’indicatif dans
le membre de phrase coordonné peut s’expliquer par « l’explicitation, dans
l’actuel ... de la volition du protagoniste » : Moignet (1959a, vol. II, 230s.).
227, 12 : se il n’i a nouvelement venu autre gent : s’agit-il d’un passé composé
avec avoir, ou plutôt, faut-il comprendre : « s’il n’y a pas d’autres per-
sonnes nouvellement venues » ?
227, 13 : j’ai : ms. ja (leç. rej. 227, 1), nouvel ex. de la réduction de ai (cf. supra,
III. Langue, § 7), à moins qu’il ne s’agisse de l’adv. ja et d’un oubli de j’ai
…
227, 29 : trop me plest qe vos i veignioiz : cet emploi du subjonctif après les
verbes de sentiment se relève en anglo-normand : cf. supra, I ère Partie, X.1
Langue, § 142.
228, 6–7 : anceis sapareillient (cf. leç. rej. 228, 4) : l’s devant apareillient pour-
rait-il provenir d’une faute de dictée ? En tout cas, l’on a soit un pronomi-
nal intr., soit un transitif ; la correction s’impose donc.
XLVII
290–293 : pour les rapports que cette histoire semble entretenir avec le lai
d’Equitan, se reporter à supra, II.2.2. Une image négative …
291, 5–6 : et cuida q’il trouvast la dame priveement, mes non fist. Assez la trouva
il priveement … : contradiction qui pourrait, peut-être, s’expliquer par une
omission.
291, 17–18 : ot devisé li rois a la dame … qe ele se levast et q’ele venist a son lit :
deviser semble prendre le sens d’un verbe de volonté, tel que « demander »,
ce qui n’est pas sans rappeler dire, passé d’un verbe de communication à
un verbe de commandement. Le dérivé devis (a devis), afr., apr., et devise,
afr., pouvaient signifier « souhait, désir, intention » ou, pour le dernier
mot, « volonté » : FEW 3, 109a (*divisare).
292, 3–5 : La lune luisoit … : à la différence de l’astre bienfaisant tel qu’il appa-
raît dans le Cligès de Chrétien de Troyes, où, envoyé par Dieu, au service
des justes, il permet de déjouer l’attaque nocturne de l’ennemi (ed. Micha,
v. 1672–1686) ou encore dans notre texte – cf. supra, IV. Analyse, § XLII –,
la lune de notre passage joue un rôle néfaste. Voir De Combarieu (1976,
12–31).
293, 1–2 : li rois comença adonc a crier mout fort … : sur la « clameur de haro »,
à laquelle s’apparente l’appel à l’aide du roi, voir, Glasson (1882) ; Pissard
(1911). Ce cri, qui « peut ouvrir une action judiciaire et devenir la preuve
tangible de la culpabilité d’un individu …, autorise … l’usage de la force
pour contraindre celui-ci. » Destiné, au départ, à la dénonciation du vol, le
haro, s’est étendu par la suite à tous les dangers menaçants : consulter la
synthèse de Toureille (2003, surtout, pour nos citations, 175–178).
293, 14–15 : Li rois fist maintenant prendre le cors del chevalier et pendre … : « Le
supplice ne s’arrête pas avec la mort. Parfois le corps mort continue d’être
supplicié, en particulier quand il s’agit de crimes politiques », affirme Gau-
vard, « Pendre et dépendre », chap. 4 de son livre (2005, 69). L’exemple le
plus fameux est celui de Jean de Montaigu, « grant maistre d’hostel du roy
de France » : décapité aux Halles le 17 octobre 1409, son corps fut pendu au
gibet de Paris, « au plus haut, en chemise a toutes ses chausses et esperons
dorés », pour y rester … pendant trois ans (Journal d’un bourgeois de Paris
sous Charles VI et Charles VII, ed. Mary, 40 ; ed. Tuetey, texte présenté par
Beaune, Livre de Poche, 1409, n° 10 n. 15, et Gauvard 2005, 69 n. 18). La
punition infligée au corps du chevalier Gavis est ainsi une pendaison infa-
mante, dont le but est la restauration de la souveraineté blessée par le
crime, et « la vision du corps sur le gibet a pour fonction de prolonger les
effets exemplaires de la condamnation » (Gauvard 2005, 70).
294, 8–10 : Qant cil entendi qe por achoison de la dame avoit si frere esté ocis
…, il … ocist la dame erraument et la pendi a un arbre : lire ci-dessus notre
chapitre II.2.6 Un univers marqué par la vengeance.
Chap. III Duel sur duel, lai composé et chanté par Meliadus ;
VI Inscription tombale des 12 frères ;
VII Inscription tombale du géant Aristanor ;
XII Lettre du Morhout à Blioberis ;
XIII Lettre de Blioberis à qui découvrira son corps ;
XXXV §§ 173–230 ;
XLVI Chanson d’accueil de Meliadus ;
XLVII §§ 290–294.
Les chapitres XXXV et XLVII étant les plus fournis, nous y renvoyons simple-
ment en les désignant par le chiffre du §. Pour les autres parties, nous utilisons
le chiffre romain, suivi de celui du vers.
Abréviations
Absolt. verbe employé absolument ; adj. adjectif ; adv. adverbe ; card. cardi-
nal ; cond. conditionnel ; conj. conjonction ; CS cas sujet ; CR cas régime ; f.
féminin ; fut. futur ; II Indicatif imparfait ; impers. impersonnel ; ind. indica-
tif ; indéf. indéfini ; indir. indirect ; inf. infinitif ; int. interrogatif ; IP indicatif
présent ; loc. conj. locution conjonctive ; m. masculin ; num. numéral ; ord.
ordinal ; p. pas. participe passé ; pl. pluriel ; pr. pronom ; prés. présent ; PS
passé simple ; pers. personnel ; pos. possessif ; prép. préposition ; pron. pro-
nominal ; rel. relatif ; s. substantif ; sg. singulier ; SI subjonctif imparfait ; SP
subjonctif présent ; subst. substantivé ; tr. transitif ; v. verbe ; * l’astérisque
renvoie aux notes.
a, prép., par, 213, 12 ; 224, 22 ; 227, 10 ; – ce que, loc. conj. + ind. parce que, 177, 11 ;
avec, 186, 3 ; 212, 2 ; 229, 17 ; pour, 194, 17 ; 202, 5 ; 227, 26 ; au (a + le) vers, 197, 3.
achoison, s. f., raison, 224, 5, 7 ; 225, 7, 21.
acointance amitié, 175, 17.
acoler, v. tr., serrer dans ses bras, étreindre, 197, 2 ; 198, 7.
acontier, v. tr., faire connaissance de, XII, 3.
acorder, v. pron., soi – a y consentir, 181, 1 ; 183, 31 ; 185, 13 ; 186, 18 ; 206, 15, 17, etc. ; se
mettre d’accord, 210, 1 ; 223, 30, 33 ; céder à, 291, 11–12.
acorer arracher le cœur, faire mourir, III, 28 ; affliger, 211, 14.
acostumé, avoir – avoir l’habitude, 195, 15 ; 226, 10 ; estre – même sens 201, 7.
acundant, p.prés. d’acundre refuser,* VI, 26.
adés, adv., toujours, en permanence, 195, 16 ; 209,13 ; tot – même sens 223, 23 ; 227, 9.
adonc, adonqes, adv., alors, 176, 2 ; 177, 6 ; 180, 11 ; 191, 29, etc.
afaire, s. m., entreprise, 173, 19 ; de haut – de grande valeur, 208, 17 ; 218, 17 ; 223, 31 ; de
grant – même sens 217, 41 ; de greignor – de plus grande valeur, 223, 14–15.
agait, soi metre en – se mettre aux aguets, 194, 22.
agüe pointu, escarpé, 227, 5.
aïe, interj., Dex – à l’aide ! 195, 10 ; 204, 7 ; que Dieu me vienne en aide ! 200, 11 ; 201, 2 ;
204, 7.
ainceis, adv., mais, 198, 1 ; 229, 1 ; plutôt, 213, 7.
ainz, adv., mais, 178, 4 ; 180, 21 ; 188, 3 ; 191, 23 ; 193, 12 ; 195, 12 ; 197, 6, etc. ; et, 191, 29 ;
223, 19 ; au contraire, 202, 6 ; 211, 4.
aise, avoir – être à l’aise, 181, 8.
aït, SP3 d’aidier aider, 177, 18 ; 179, 27 ; 183, 54.
aler, v. aller, vois IP1 III, 17, 25 ; 193, 7 ; 217, 6 ; vais IP2, VI, 25 ; vet IP3 III, 18, 28 ; vont IP6,
III, 19 ; aut SP3, 199, 7 ; aille, 206, 14 ; alai PS1, 180, 1 ; 207, 4 ; alasse SI1 180, 8 ; aller ;
nos avons ja tant alé avant qe nos ne poom mais retorner nous avons atteint le point
de non-retour ; nous en avons fait suffisamment pour ne plus pouvoir retourner en
arrière, 199, 6–7 ; v. imp., einsint n’ala pas adonc des choses ne se sont pas déroulées
ainsi, 211, 22.
aloe, s. f., alouette, VII, 28.
alumer, v. tr. fig. s’enflammer (en parlant de l’amour), 196, 4.
ambedui, CSP, tous les deux, 180, 36 ; ambedeus CRP 180, 39 ; 211, 1.
amdui, CS, tous les deux, 180, 32 ; andeus, CR, 177, 6 ; amdeus 183, 9 ; 220, 23.
amender, v. intr., s’améliorer, 227, 30 ; 228, 4.
amentevoir, v. tr., rappeler, mentionner, 208, 3 ; 209, 3.
amor, por – de par affection pour, 194, 6.
anceis, adv., avant 213, 7 (voir avant qe).
angoisse souffrance physique, 181, 11.
angouseusement, adv., violemment, 177,4.
anuier, v. tr. ind., être pénible, être désagréable à, 182, 12 ; v. impers., même sens 182, 13.
anuitier, v. intr., tomber, en parlant de la nuit, 183, 33.
apareillier, apareilier, v. tr., préparer, 228, 7 ; 229, 1, 7, 18 ; apareilliez, appareilliez, estre –
qe être prêt de + inf., 177, 25 ; 191, 12 ; 206, 5 ; 210, 10 ; 220, 8 ; 226, 5 ; v. pron. + de +
inf. se préparer à + inf. 191, 10 ; 227, 13–14 ; 228, 9–10 ; v. pron. se préparer, 191, 12 ;
214, 3.
apert, IP3 d’aparoir, v. intr., apparaître, être évident, 199, 4.
apertement clairement, 201, 4–5 ; 208, 14 ; 222, 9 ; tout – même sens 223, 15 ; devant tous,
227, 30 ; clairement, franchement, 183, 18 ; 193, 5 ; 223, 20.
appeler, apeller, v. tr., accuser, 180, 6–7 ; v. tr. + de accuser de, 180, 3, 5.
apre, aspre, rude, 190, 4 ; vigoureux, 191, 27.
arbroissel arbrisseau, 180, 29.
ardant, estre – de brûler de désir de, 218, 18–19.
aresca, PS3 de arescier arracher, *179, 3.
arestut, PS3 de arester, v. pron., s’arrêter, 176, 13.
arieres, adv., en arrière, 197, 5.
armes signes distinctifs, armes parlantes, 175, 8 ; armure, 183, 43 ; porter – faire des
exercices guerriers, participer au tournoi, 185, 14, 22, 23 ; faire d’ – accomplir des
exploits guerriers, 190, 6.
asemblee, assemblee, s. f., tournoi, 185, 13, 15, 16.
assembler, v. tr., rassembler, 185, 8.
assener, v. tr., informer, renseigner, 226, 14, 17.
asseoir, v. tr., asistrent, PS6, 217, 16 faire asseoir.
assez, d’ – suffisamment, 202, 2.
ataindre, ateindre, 208, 11 ; atains, ateins PS1 176, 12 ; 191, 8 rejoindre.
atant, adv., alors, sur ce, 174, 1 ; 182, 4 ; 183, 31 ; 192, 2 ; 193, 6, etc.
ator, s. m., parure, VII, 2.
atorner, soi – qch a le considérer comme, 184, 16.
aucun, pr.-adj. indéf., quelqu’un, 181, 11 ; 290, 2 ; quelque, un certain, 183, 35 ; quelque,
223, 30 ; – pou quelque peu, un peu, 191, 9 ; aucune foiz parfois, 219, 7.
auqes, adv., suffisamment, assez, 173, 8 ; 175, 8, 20, etc.
aussi cum, ausint cum, loc. conj., comme, 177, 21 ; 178, 4 ; 179, 24 ; 210, 20 ; presque, 225,
16 ; je perdi … – tot le pooir des membres je perdis toute la force de mes membres,
179, 9 ; cum cil qi avoie ja – perdu le sens en homme qui avait déjà perdu la raison,
217, 13–14.
autresint, adv., de la même manière, 182, 1 ; 209, 34 ; aussi, 176, 8 ; 216, 3 ; 227, 21 ; tout –
même sens, 177, 2 ; – cum, loc. conj., comme, 187, 18 ; 199, 7–8.
autretant, tout – cum tout autant que, 188, 7.
autretel, pr. neutre, la même chose, 174, 5 ; adj. indéf., le même 175, 21 ; 193, 13.
avant, adv., d’abord, 179, 12 ; 184, 11 ; dorénavant, 183, 53 ; soi metre – s’avancer, 183, 23–
24 ; 203, 10 ; 204, 2 ; 210, 4 ; 212, 7 ; venir – même sens 200, 9 ; metre – une parole
rappeler un fait, 184, 9–10 ; por cele delivrance metre – afin de hâter cette libération,
225, 11–12 ; qe atendrions en – pourquoi attendrions-nous davantage ? 229, 7 ; avant qe
plutôt que* 213, 8. Cf. pooir.
avenant, adj., convenable, XIII, 28.
avenir, arriver, v. imp., 175, 1 ; 180, 1, 11, etc. ; v. intr., 173, 15 ; 179, 30.
aventure événement sortant de l’ordinaire, 179, 19, 32 ; 208, 2, 16 ; 209, 2, etc. ; aventure
180, 15 ; 185, 5 ; 201, 8 ; histoire, 183, 49 ; 202, 8 ; ce qui vient d’arriver, mésaventure,
187, 12, 20 ; bele – histoire extraordinaire, 2, 9 (217b) ; bone – chance, 185, 8 ; 192, 3 ;
se – ne lor est trop durement contraire si les circonstances ne leur sont pas par trop
défavorables, 2, 21 (217c) ; soi metre en – courir le risque, 209, 26 ; entrer en – courir le
risque, s’exposer au risque, XIII, 8 ; par – peut-être, VII, 4 ; par tele – cum, loc. conj.,
comme, 208, 6–7.
avers, prép., en comparaison de, 181, 11.
avilier, aviler, v. tr., déshonorer, 189, 10 ; 196, 2 ; 197, 10.
ça, adv., – defors de ce côté-ci, 198, 3 ; de – de ce côté-ci, 219, 18 ; par de – en deçà, 227,
22, 24.
ce, ne – ne qoi rien du tout, 199, 10–11 ; – sui je c’est moi, 217, 18–19.
ceientre, adv. de lieu, ici même, à cet endroit, VII, 16.
ceienz, adv., ici, endroit où l’on se trouve, 173, 18 ; 195, 21 ; 197, 8 ; chevalier de – chevalier
d’ici, chevalier du château, 175, 22.
celeement, adv., en dissimulant son identité, incognito, 175, 10 ; 176, 2, 3, 6, etc.
cerchier, v. tr., rechercher, 208, 18 ; explorer, 226, 10.
certainneté, certeineté chose certaine, VI, 4 ; savoir la – avoir la certitude, 206, 11.
certein, faire qn – de qch. lui donner l’assurance que, 209, 27–28.
certeinement, tot (tout) – avec certitude, 175, 12 ; 176, 3 ; 191, 36 ; 209, 4, 25–26, etc.
certes assurément, 177, 24, 34 ; 179, 33, etc.
chaloir, v. imp., importer, 196, 4.
champ champ clos, lieu de combat singulier, 220, 9.
chanole del col clavicule, 177, 7.
chape long manteau à capuchon, 183, 38.
char, s. f., corps mort, cadavre, 183, 36.
charnel, frere – propre frère, frère par le sang, 180, 20.
cheitif, cheitive, adj., cheitive gent misérables, malheureux, 182, 10.
couvenir, covenir, v. imp., falloir, convenir, VII, 40 ; 178, 14–15 ; 183, 56 ; 189, 8 ; 201, 15 ;
225, 19 ; 229, 2, etc. ; par couvenant qe + fut. avec la promesse que, 207, 10–11.
couvrir, v. réfl., se vet couvrant se cache, dissimule son identité, 173, 2.
cox, s. m. CRR, coups, 179, 5 ; 191, 33.
creanter promettre, 173, 13 ; 181, 16 ; 209, 32, 33, 35 ; 210, 24 ; 211, 1, etc. ;
creant, s. m., promesse, 170 (257 a) ; avoir – a qn être engagé par promesse vis-à-vis de qn,
192, 14.
creez, Imp. 5 de croire, 206, 4.
crenel créneau, 186, 9.
criee clameur, 215, 11.
croiz, par sainte Croiz ! interj., 195, 17.
cruelté, s. f., perfidie, 180, 41.
cuer courage 219, 5 ; avoir mal – vers qn avoir de l’animosité, du ressentiment à l’égard de
qn, 176, 4 ; avoir – d’ome se montrer humain, charitable, 183, 6 ; avoir – de deable être
inaccessible à la pitié, 183, 6 ; avoir gros – vers qn lui en vouloir, avoir du ressentiment
à son égard, 184, 4–5 ; estre failliz de – être poltron, lâche, 196, 1–2 ; oster son – de
moi amer cesser de m’aimer, 209, 7 ; oster son – de qn cesser de l’aimer, 209, 29–30 ;
metre son – en qn se mettre à l’aimer, en tomber amoureux, 209, 32 ; 291, 1.
cuidier, inf. subst., nos ne savons enchore de lui nulle chouse se par cuidier non nous ne
savons rien de lui si ce n’est que ce que nous pouvons en concevoir en imagination,
291, 16 ; 208, 4 ; 194, 8–9 ; 191, 16 ; 185, 25 ; croire, penser, VII, 27 ; 175, 3 ; 179, 29 ;
181, 7 ; 187, 13 ; 210, 16–17 ; + qe + subj. imaginer, se figurer, 177, 15 ; 209, 12 ; bien –,
– bien être persuadé, 180, 5 ; 183, 20, 34 ; 191, 5.
cum, pr. interr., quel, 200, 19.
cure, n’avoir – de + inf. ne pas vouloir, 183, 5.
cuz, conj., adv. de compar., comme, 180, 15 ; 207, 5 ; fist autant li jaianz de lui cuz il avoit
fait del roi Melyadus, 145 (252a) ; et par cuz grant merveille vos fustes rois … et par quel
(combien) grand miracle vous devîntes roi, 60 (230d–231a) ; et bien le mostra adonc
qant il chevaucha tantes jornees cuz de Kamaalot dusq’el roiaume …, 175, 17–18 ; tant –
aussi longtemps que, 214, 9.
doner, doint SP3 donner, 173, 10 ; – a faire a qn lui donner du fil à retordre, 89 (237d) (cf. Di
Stefano, 324c) ; soi – se faire attribuer, 188, 3.
dont, adv., d’où, 203, 7.
dormant, tout en – pendant notre sommeil, 180, 26.
douçe, num., douze, VI, 6, 7, 16 ; 185, 25 ; 225, 14.
doulent, adj., triste, affligé, chagrin (cf. irié), 176, 5 ; 189, 12 ; 194, 21 ; 207, 3 ; 215, 10 ; irrité,
187, 11 ; 189, 1 ; 190, 9.
doutance peur, crainte, 179, 19 ; 291, 12.
doute, sanz – sans aucun doute, 204, 10–11 ; n’avoir – de ne pas avoir peur de, 229, 15.
douter, v. tr., redouter, craindre, 197, 8 ; tr. pron. + qe craindre que, 185, 17.
drecier, v. pron., se relever, 217, 12.
droit, adj., authentique, véritable, 220, 32 ; vrai, véritable, 183, 14 ; juste, équitable, 187, 14 ;
tout – loc. adv., directement, sans détours, 203, 1, 6 ; 206, 19 ; – au jour de précisément
le jour de, XII, 26.
droit, s. m., torner a – retrouver la raison, la justice, XLVI, 4.
droitement, adv., vraiment, 183, 6 ; 200, 8 ; directement, sans détours, 197, 3.
duel, dels, s. m., douleur, II, 2, 13, 23, 28, etc. ; 211, 13 ; fere – laisser éclater, manifester sa
douleur, 180, 22 ; se plaindre, 211, 15–16 ; demener son – même sens, 211, 19.
dui CS de deux, 177, 20 ; 180, 3, 7, 19, etc.
dum, pr. rel., dont, 175, 24 ; 183, 50.
durement, adv., grièvement, 178, 12 ; très, au plus haut point, 179, 4 ; 179, 21 ; 186, 6 ; 187,
9 ; 189, 1 ; 191, 6, etc. ; avec une telle violence, 183, 11 ; manifestement, 2, 21 (217c) ;
trop – au plus haut point, 189, 11 ; 200, 8–9 ; 209, 11–12 ; si – si fort, 209, 10.
durer, – contre qn résister à qn, VI, 14.
dusq’, prép., jusque, 175, 18 ; 180, 10 ; 182, 9 ; 207, 10 ; 223, 25, etc.
ec, – vos, voici, 182, 4 ; 192, 2 ; 197, 2 ; 200, 2 ; 205, 1–2 ; 212, 3 ; 291, 23.
einsint, insint, adv., ainsi, 175, 1 ; 179, 1 ; 180, 1 ; 209, 35, 36 ; – cum comme, 178, 7 ; 180, 11,
16–17, 40, etc. ; tout – cum même sens, 213, 1 ; – qe de sorte que, 181, 19.
eissir, oissir sortir, eissimes PS4 VI, 9 ; oissimes, VI, 15.
eive, s. f., l’eau, 173, 1.
emporter, v. tr., remporter, 185, 15.
en, prép., sur, 179, 22 ; adv. pron., de là, 183, 31, 38.
enchantement magie, 194, 14.
enclos de entouré de, 227, 6.
encomencier, v. tr., commencer, 193, 24, 25 ; v. intr., 222, 5–6.
encontre, prép., contre, 180, 6, 11 ; 191, 7 ; 212, 14 ; 223, 21, etc. ; dire – verité mentir, 177,
22 ; estre – reison être contraire à la raison, 200, 14 ; la porte me fut close encontre la
porte était fermée à ma venue, pour moi, 189, 7–8.
encontrer rencontrer, 215, 5.
encore déjà, 185, 18.
endemain le lendemain, 186, 6 ; a l’ – même sens, 210, 1–2 ; 215, 17.
endroit, prép., – soi quant à lui, de son côté, 174, 4 ; 222, 8.
enfant, parole d’ – propos d’un enfant, c’est-à-dire d’un être qui n’est pas encore apte de
juger, 200, 17.
engelez, CSS adj. et part. passé, gelé, glacé, 181, 5.
enginier, v. tr., tromper, 208, 5.
englesche, lieuz englesches lieues anglaises, 210, 3–4.
faille, sanz – sans aucun doute, certainement, VII, 32 ; 175, 15, 24 ; 183, 45, etc.
faillir faire défaut, manquer, 219, 5 ; se terminer, 191, 1 ; fail IP1 défaillir, III, 12 ; faudrai, fut.
1, faire défaut à, se dérober devant, 187, 8 ; failoiz SP 5 XII, 15 ; failli, p. pas. adj., lâche,
faible, 188, 4 ; 209, 6 ; 211, 10, 22 ; 212, 10 ; 213, 2, etc. – de cuer, cf. cuer ; v. imp., pou
s’en faut qe il s’en faut de peu que, 203, 8.
faire, v. faire, faz IP1 185, 1 ; 220, 4 ; fist PS3 206, 18 ; feist SI3 186, 15 ; – a + inf. tr. mériter
d’être, 189, 13 ; 208, 13 ; 211, 13 ; – a savoir faire connaître, 218, 16.
feindre, v.pron., + de + inf., hésiter à + inf., XII, 58.
feleneusement, adv., violemment, 177, 7.
felenie perfidie, 180, 41 ; 206, 23.
fereor de lance jouteur, 223, 15–16.
ferir, v. tr., frapper, 177, 4 ; 178, 13 ; 183, 11, 14, 24, etc. ; v. pron., li Bons Chevalier … se feri
… en moi le bon chevalier … se jeta, s’élança sur moi, 179, 1–2 ; + en, v. intr., s’enfoncer
dans, toucher, 38 (225c) ; 90 (238a) ; un tornoiement qi fu feruz un tournoi qui eut lieu,
185, 5 ; au – des esperons à bride abattue, 191, 13.
fiance confiance, XII, 60.
fier, adj., extraordinaire, 225, 5.
fierement âprement, d’une manière acharnée, 220, 29.
fin, metre a – accomplir, parachever, 217, 44.
finer, v. tr., mourir, III, 15 ; mettre fin à, 182, 15 ; terminer, 183, 51 ; 186, 3 ; 192, 13 ; 193, 22 ;
200, 5 ; 201, 13, etc.
foi fidélité, loyauté, 220, 36 ; par – certainement, XII, 31.
foïr, v. tr., éviter, 183, 18 ; foiz, p. pas. masc. CSS de soi – de s’enfuir de, 37 (225a).
foiz, aucunes, aucune – parfois, 2, 15–16 (217b–c) ; 173, 16–17 ; autre – une autre fois, 193,
17, 19.
fol, fox naïs fou de naissance, *187, 16.
folement de manière irréfléchie, inconsidérée, 197, 14.
force, faire – a commettre un acte violent, faire violence à, 206, 2–3.
hardi, adj., courageux, 183, 15 ; 187, 16 ; 194, 9, 10, 11, 13, etc. ; audacieux, déraisonnable,
220, 11.
hardiement sans hésiter, 219, 24 ; 220, 5 ; 223, 21.
hastivement rapidement, vite, 180, 8 ; 183, 38‒39.
haubers, 177, 4.
haut, haute proesce grande vaillance, 187, 15.
hebergier, herbergier, v. intr., loger, 180, 17, 24 ; 201, 7 ; estre herbergié loger, 291, 5.
hermitage, ermitage, s. m., habitation d’ermite, 186, 5, 7.
honor, onor honneur, 184, 3, 6, 7, 11, 14, etc. ; faire – faire une action honorable, 220, 26.
honoreement honorablement, 291, 15.
hore, une hore … et autre, loc. adv., tantôt … tantôt, 85 (237a) ; tele – qe à un moment où,
un jour où, 193, 19‒20 ; a tele – cum de telle façon que, 216, 10 ; a cest(e) – en ce
moment, présentement, 197, 8 ; 200, 20, 23 ; a ceste – ou au moment où, alors que,
200, 15‒16.
hostel, ostel maison, logis, 183, 38, 44 ; 201, 7 ; 220, 3 ; 291, 13.
hui, adv., aujourd’hui, 200, 18 ; hui mais, huimés, adv., désormais, 179, 24 ; 185, 27 ; 193,
22, 23.
huis, s. m., la porte, 196, 15.
ilec, illec, illeqes, adv., à cet endroit-là, 180, 31 ; là, 180, 28, 36 ; 181, 12, 13, etc. ; c’est là,
220, 33, 34.
ille, isle, n. m. et fém., île ; celui – 223, 2 ; un – 227, 3 ; cest – 170 (257c) ; 226, 9, 11 ; 227,
18, 20 ; icelui – 227, 5 ; – nulle 226, 11 ; toute l’ – 226, 18.
ire, s. f., peine chagrin, III, 2.
irié, adj., irrité, courroucé, 176, 5 ; 189, 1 ; 191, 3.
issi, adv., ainsi, 179, 27 ; 219, 17.
ja, adv., déjà, 178, 12 ; 192, 1 ; jadis, autrefois, 220, 11 ; marque une protestation : c’est que,
justement, 195, 19 ; renforce une affirmation : assurément, certes, 197, 12 ; 225, 5 ; 226,
3 ; simple renforcement de la négation : 199, 11 ; – ne plus ne, 179, 11 ; jamais ne, 223,
24.
jaiant géant, 225, 14.
jamés, jamais, adv., ne … jamés, 176, 5 ; l’ameriez vos – ? continuerez-vous à l’aimer ? 209,
29.
joiant, adj., joyeux, heureux, 187, 10 ; 222, 7 ; 228, 3 ; 229, 13, etc.
joie, faire – manifester sa joie, 222, 7, 8 ; 224, 1.
jor, le – ce jour-là, 180, 19 ; 191, 17‒18, 28 ; celui – même sens, 180, 22 ; 186, 7 ; 190, 8 ; a
l’autre – le lendemain, 186, 7 ; tout le – toute la journée, 291, 3.
jornee, par mes jornees en parcourant chaque jour de longues distances, 213, 9.
joster, inf. subst., la joute, combat à la lance et à cheval, 191, 13.
josterre (CSS), josteors (CRP) jouteur, combattant à la lance, 194, 18.
la ou, loc. conj., alors que, 181, 6 ; 182, 3 ; 183, 24 ; 200, 1 ; 205, 1 ; 208, 9‒10 ; 212, 1, etc. ;
la meesme ou, même sens, VII, 20 ; de – de l’autre côté, 219, 20.
lame, leme, s. f., pierre tombale, VI, 2 ; tombe, VI, 17.
languir, v. intr., dépérir, perdre ses forces, 182, 14.
largement généreusement, 217, 31.
merveille, s. f., merveilles prodiges, 194, 14, 17 ; estre une – être remarquable, 202, 4 ; a
merveilles, loc. adv., de façon étonnante, très, 173, 6 ; 194, 22 ; 290, 8, 10‒11 ; grant –
chose extraordinaire, 177, 11 ; 180, 33‒34 ; 225, 6 ; chose étonnante, 179, 20 ; 182, 7 ;
196, 14‒15, etc.
merveilleusement, adv., en nombre extraordinaire, 175, 3 ; d’une manière extraordinaire,
290, 15‒16 ; 291, 7‒8.
merveilleux, adj., extraordinaire, 180, 35 ; 181, 4 ; 222, 6 ; 227, 3.
merveillier, v. pron., s’étonner fort, 195, 15.
més, s. m., messager, 212, 8.
més, s. m., plat, 173, 9.
mesaventure malheur, XIII, 7.
mescheance malchance, 177, 17 ; 180, 17 ; 220, 27.
mescheoir, v. imp., arriver du mal ; mescheï PS3, 177, 13 ; 187, 8.
mesfaire faire tort, 210, 6.
mesprison faute, tort, injustice, XII, 62.
message mission, 291, 14.
mestier, estre – qe + subj., être nécessaire que, 179, 32‒33 ; 180, 39 ; 186, 15 ; 191, 22 ; 210,
22 ; 213, 6‒7, etc.
metre, v. mettre ; meist (v. pron.) SI3 208, 18 ; meissiez SI5 209, 21 ; transporter, conduire,
230, 3 ; – avant une parole, cf. avant.
mi, en mi, enmi, loc. prép., au milieu de, 177, 5 ; 211, 12, 15 ; 212, 8 ; 215, 8, etc. ; par – le piz
en pleine poitrine, 183, 11‒12 ; par – la vile à travers la ville, 216, 13.
moillier femme, épouse, 194, 23 ; 204, 3, 4, 5, 8, 10, etc.
monde, touz li mondez estoit glacé tout était gelé, 181, 5 ; n’a en tout le – il n’y a nulle part,
200, 22 ; de tot le – de tous, 211, 10 ; tout le – gaanier obtenir toutes les richesses du
monde, 211, 14‒15.
monter, v. intr., remonter à cheval, se remettre en selle, 191, 18.
morir, v. mourir, 199, 4, 8, 13 ; muir IP1 199, 3 ; morroiz, fut. 5 199, 7 ; morrunt, fut. 6 180,
42 ; morut PS3 183, 12 ; tuer, mort, p. pas., 183, 13 ; 195, 22.
mortex, CRP de mortel 222, 5 ; 227, 5.
mostrer, v. tr., prouver, démontrer, 175, 17 ; 191, 21, 22 ; faire voir, montrer, 200, 10 ;
désigner, 201, 14 ; v. pron., dévoiler ses qualités, 220, 34.
mout, adv., très, 180, 9 ; au plus haut point, 183, 17 ; – autre chouse une chose très
différente, 177, 29‒30 ; – grant tens après beaucoup de temps après, longtemps après,
190, 1 ; moutes foiz qant toutes les fois, chaque fois que, 195, 4 ; Et me dist moutes
paroles et m’a parlé longuement, 202, 16–17 ; par moutes foiz souvent, 223, 17.
movoir, mouvoir, v. pron., bouger, 200, 6 ; v. intr., se mettre en route, partir, 228, 10.
murtre, s. m., meurtre, 180, 3, 5.
musart, s. m., sot, 200, 26.
partie contrée, 226, 11, 15 ; 227, 15‒16 ; en ceste – de ce côté-ci, ici, 224, 8.
partir, v. pron. + de partir de, quitter, 183, 31, 44 ; 185, 15 ; 191, 1, 2, 3 ; 225, 20, etc. ; quitter
les lieux, 189, 11 ; – de qn quitter qn, 202, 17 ; 211, 10.
passer, v. tr., dépasser, 217, 9.
pechié, par son – par sa faute, 187, 16.
peine, a grant – avec beaucoup de difficulté, très difficilement, 178, 9, 12 ; a peines avec
peine, 178, 15.
peior, adj. compar. subst., pire, 177, 19 ; le – le pire, 193, 20.
penser, v. tr., concevoir par l’esprit, 291, 16 ; – de se préoccuper de, 1, 6 ; 1, 12 ; 1, 13 (217b)
+ inf., s’employer à, 198, 3 ; 222, 2.
perilliez, part. pas., qui a fait naufrage, XIII, 7.
peser, v. imp., affliger, causer du chagrin, 182, 11, 12 ; 226, 2.
petit, adv., peu VI, 14 ; un – un peu, 173, 12.
pieça, depuis quelque temps VII, 36 ; a – mais + fut., de sitôt, 96 (239a).
piece, grant piece, loc. adv., pendant longtemps, longuement, 173, 16 ; 218, 1 ; longtemps,
208, 6 ; a chef de – au bout d’un moment, 182, 10 ; une grant – pendant un bon
moment, 217, 16.
piz, s. m., poitrine, 177, 5 ; 183, 12.
plaier, v. tr., blesser, couvrir de plaies, 215, 15.
plaigne, s. f., plaine, 176, 12.
plenté, s. f., quantité, nombre, 175, 5 ; a grant – beaucoup, énormément, 89 (237d).
plor, s. m., lamentation, pleurs, II, 2.
plot, PS3 de plaisir plaire, 180, 12.
plusor, li – la plupart, 223, 33–34.
poindre, point IP3 : li granz dels qi au cuer me ‒ la grande douleur qui transperce mon
cœur, II, 13.
point, s. m., en pouvre point dans un état lamentable, II, 15 ; a celui – alors, 179, 9 ; 180,
34 ; 181, 8 ; 183, 18, etc. ; a cestui – présentement, 191, 21 ; 193, 10 ; 217, 24‒25 ; 222, 3.
pooir, v. pouvoir : puet IP3 173, 2 ; 185, 16 ; 212, 14 ; poom IP4 180, 42 ; 206, 11 ; poez IP5
185, 26 ; 206, 21 ; 229, 5 ; pooie II1 176, 11 ; 183, 43 ; pooiez II5 179, 26 ; pooient II6 182,
7 ; poroie Cond. 1 180, 9 ; poroit Cond. 3 191, 6 ; pot PS3 176, 2 ; 183, 39 ; 191, 2 ; 194,
23 ; 207, 9 ; peumes PS4 202, 9 ; puist SP3 183, 15 ; peusse SI1 179, 23 ; 183, 18 ; 191, 5 ;
194, 20 ; 200, 20, etc. ; peust SI3 180, 6 ; 208, 4, 12 ; peussom SI4 180, 30 ; 202, 9 ;
peussent SI6 180, 46 ; ne – mais en avant n’en pouvoir plus, 192, 13 ; inf. subst.,
puissance, force, 223, 28 ; tot le – des membres toute ma force, 179, 9 ; de tot mon –
de toutes mes forces, 185, 3 ; de tot son – de toutes ces forces, 216, 2 ; revenir en son –
reprendre ses esprits, 217, 17 ; a mon – autant qu’il m’est possible, 224, 9.
poor s. f., peur, 173, 11 ; 179, 8, 24, 26, etc. ; entrer … en la greignor – connaître, ressentir la
plus grande peur, 191, 34–35 ; 192, 2.
por, prép., comme, en tant que, 179, 26 ; à cause de, 180, 35 ; 182, 8 ; 194, 6 ; 199, 9 ; par
180, 42 ; même si (concess.), *211, 15 ; por ce qe + ind., loc. conj., parce que, car, 176,
13 ; 180, 36 ; 183, 14, 20, etc. + subj., afin que, pour que, 191, 24 ; 216, 7 ; por qe (qoi) +
subj. à condition que, pourvu que, 191, 27‒28 ; 209, 20–21 ; 220, 34 ; por tout ce que +
ind., bien que + subj. *209, 5 ; porquoi c’est pourquoi, 179, 14‒15, 30 ; 180, 39.
porchachier, porchacher, v. tr., causer, 217, 29 ; chercher à obtenir, XII, 59.
porparler, v. intr., convenir, décider, 210, 4‒5.
porpens, soi metre en – se mettre à réfléchir, 194, 22.
porter, v. tr., conduire, 229, 12, 18.
pou, adv., peu, 175, 10 ; 179, 27 ; un – 206, 7 ; 216, 4 ; a – qe c’est à peine si, 189, 1–2 ; 196,
14 ; ne – ne grant tant soit peu, 192, 15.
pouvrement très peu, 209, 4.
prametre promettre, 224, 9.
premierement, d’abord, 184, 12 ; puis que ge fui – chevalier depuis que je devins chevalier,
201, 18 ; tot – tout de suite, aussitôt, 180, 37.
premiers, adv., d’abord, en premier, 174, 3.
prendre, v. tr., prendre, pristrent PS6 180, 27 ; 217, 28 ; pris, p. pas., 180, 26 ; sui tenuz – je
suis prisonnier, III, 6 ; v. pron. + a s’attarder à, se lier, à 209, 18, 19.
preu, adj., vaillant, brave, 194, 18 ; s. m., faire – être utile, profitable, 199, 12.
prime, hore de – la première heure du jour (environs 6 heures du matin), 216, 4‒5.
pris, s. m., modèle d’estime, le plus digne d’être estimé, III, 5 ; renom, réputation,
renommée, 184, 3 ; 185, 3, 14 ; 188, 3 ; 221, 10 ; louange, 185, 15 ; 220, 28 ; doner – a
témoigner de l’estime à, 291, 10.
prisier, v. pron., s’attribuer de l’estime, se donner du prix, 91 (238b) ; v. tr., estimer,
respecter, 197, 8 ; estimer, 208, 13 ; 291, 8.
privé, adj., familier, connu, 175, 2 ; 291, 9.
priveement dans l’intimité, 291, 6 ; en privé, 194, 8 ; 198, 4 ; 202, 10 ; au plus – qe nos
porom dans la plus grande intimité possible, 202, 15.
prodom, preudom, proudome, preudome, s. m., home de bien, 173, 7 ; 217, 43 ; chevalier
remarquable, 177, 34 ; – des armes même sens, 184, 12–13.
prodom, prodome, preudome, adj., vaillant, 223, 17 ; 228, 3‒4 ; – des armes valeureux aux
armes, 177, 34 ; 180, 7–8 ; 290, 2, 7‒8.
proesce acte de bravoure, 175, 13 ; vaillance 187, 15 ; 191, 38 ; 223, 18.
prouve, chevalier de – chevalier éprouvé, expérimenté, XII, 41.
prover, v. pron., se distinguer, XIII, 24 ; 179, 22, 23 ; se dévoiler, 211, 6 ; v. tr., – qn de le
persuader, convaincre que, 206, 5‒6 ; convaincre qn de, 223, 12 ; – qn le mettre à
l’épreuve, 210, 1‒2.
puis, adv., depuis, 187, 16 ; 193, 17, 19 ; 213, 4 ; 223, 5 ; ensuite, 201, 6 ; 208, 5, 14 ; 211, 24 ;
217, 29, etc. ; – que depuis que, 201, 18 ; 223, 9, 13 ; quand, 223, 22.
reconnoistre, v. tr., reconnaître, identifier, 173, 6 ; reconoist IP3, 173, 5 ; reconui PS1 214, 1 ;
reconeusse IS1 175, 8.
recorder, v. réfl., se rappeler, 175, 5, 7 ; 179, 15 ; v. tr., même sens 193, 7 ; 211, 12 ; 217, 6 ; v.
imp., bien vos en recort ! SP3 souvenez-vous-en bien ! 207, 12.
regarder, inf. subst., de – par la façon de regarder, 173, 5 ; v. tr., examiner, XIII, 1, 3 ; v. réfl.,
regarder derrière soi, 176, 14 ; v. tr. ind. + a prendre en considération, tenir compte de,
211, 19‒20 ; examiner, 217, 10 ; 290, 14.
region royaume, 175, 20.
reison, s. f., justice, droit, VII, 19 ; par – fidèle à elle-même, conformément à sa raison, 209,
19 ; raisonnablement, 221, 8 ; non mie qe ce fust – non pas que raison y avait sa part,
290, 5‒6.
remanoir rester, remaint IP3 94 (238d) ; remandra, Fut. 3 227, 20 ; remaindroie, Cond. 1, 215,
3 ; remés PS1 211, 12 ; 216, 12 ; remest PS3 207, 2 ; remansimes PS4 181, 3‒4 ; remaigne
SP3 210, 22 ; remez, part. pas., 229, 17 ; v. imp., ne – qe ne + subj. ne pas empêcher
que, de + inf., 177, 6 ; 209, 6 ; 211, 18 (remanoit II3) ; ja por la honte ne remansist la
honte n’aurait pas empêché, *211, 21.
repeirier, reperer, v. intr., demeurer, séjourner, 175, 7 ; 177, 26 ; 194, 19 ; 208, 19 ; être, 200,
12.
reprouver v. tr., – qch. à qn, le lui reprocher, le blâmer au sujet de qchose, 194, 12.
reqerre, v. tr., demander, 181, 14 ; 184, 7 ; 192, 14, 16 ; 224, 6.
rescorre sauver ; rescost PS3 183, 40 ; rescoistes PS5 217, 23 ; rescos, p. pas., 183, 33–34.
respondre répondre ; respoing IP1 220, 13 ; responent IP6 217, 34 ; 228, 2 ; 229, 7.
retrere, v. pron., reculer, 197, 5.
riche, adj., magnifique, 175, 2 ; 225, 9, 10 ; comblé, favorisé par la chance, 219, 20 ;
excellent, 223, 6.
richement, adv., abondamment, 229, 4.
riens, pr. indéf., quelque chose, 173, 3 ; ne … de riens nullement, 175, 25 ; 193, 20 ; – del
monde rien du tout, 192, 15‒16.
rire, v. intr., sourire, 219, 1 ; v. pron., + de sourire de, 219, 11 ; v. pron., sourire, 221, 1.
roide, adj., raide, escarpé, 227, 4 ; fort, solide (en parlant d’un combattant), 94 (238d).
roidement violemment, 179, 2.
rouver, v. tr., prier, XII, 14.
faire – de + subst. donner l’impression que, laisser croire que, 195, 9 ; avoir – de avoir
l’apparence de, 219, 9.
semons, p. pas. de semondre inviter, 195, 2, en – qn l’y inviter, 201, 14.
sens, s. m., savoir, savoir faire 201, 4 ; perdre le – perdre la raison, 217, 14 ; si sens ne li
puet aidier a cestui point sa raison ne lui est d’aucun secours alors, 70 (233b) ; faire les
sens changier faire devenir fou, II, 23 ;
seoir, v. intr., être assis ; seoient II6, 173, 9 ; v. pron., même sens, 219, 6 ; s’asseoir 217, 15 ;
en seant assis, 217, 16.
seurement avec assurance, 183, 46 ; tout – même sens, 201, 8 ; 221, 8.
soi, par – : illec fumes nos liez a deus arbres, chascun a un arbre par – c’est là que nous
fûmes attachés à deux arbres, chacun à un arbre particulier, 180, 31.
sol, adj., seul, VI, 10, 11.
solaz, s. m., plaisir, 181, 10 ; a grant – à cœur joie, 230, 4.
some, venir a – s’accomplir, VII, 16.
sor, prép., sur, 223, 28 ; et – tout ce et en plus, 187, 9 ; 211, 11.
sorcuidance arrogance, 197, 7.
sorpris, p. pas. de sorprendre : Mis cuers … est de mort – mon cœur est désireux de mourir,
III, 8.
soufrir, v. tr., permettre, tolérer, 183, 23, 27 ; 205, 6 ; 206, 2 ; soufrerom, fut. 4 183, 28 ;
permettre, 185, 19 ; v. réfl., patienter, 192, 12 ; 206, 7 ; – + de se passer de, 194, 20.
soulacier, v. tr., donner du plaisir à, 197, 5.
sus, adv., li Bons Chevaliers … me vint – le Bon Chevalier se précipita sur moi, 178, 12‒13 ; il
me corrut – même sens, 179, 3 ; monta – son cheval enfourcha sa monture, 212, 8.
taire, tere, tr. ind., se taire ; tes IP1 193, 10 ; 217, 33 ; tesiez vos de ceste parole taisez-vous
à ce sujet, 204, 9–10 ; inf. subst., un bon – une bonne occasion de garder le silence,
184, 9.
tant, adv., tellement, 177, 27 ; 194, 6 ; 209, 24 ; si, 189, 1 ; – seulement seulement, 180,
30 ; ‒ cum, loc. conj., alors que, lorsque, 184, 1 ; 185, 1 ; aussi longtemps que, 201, 5 ;
215, 14‒15 ; 223, 7, 24 ; tant qe jusqu’à ce que, 192, 6, 12 ; 206, 7 ; pendant que, 217,
13 ; autant que, 202, 3‒4.
tant, tante, adj., un si grand nombre de, 188, 1 ; 194, 19 ; 195, 11, 19.
tenir, v. pron., se retenir, 178, 3 ; – a se tenir, se considérer, 191, 17 ; 194, 11 ; 200, 26 ; 219,
20 ; v. tr. – qch., qn a le considérer comme, 182, 7 ; 190, 7‒8 ; – qn por considérer
comme, l’estimer comme, 185, 4 ; 210, 7 ; – feste faire la fête, se réjouir, 198, 3‒4 ; –
conte s’entretenir d’un sujet, 218, 1 ; la tenisse ge encor avec moi elle serait encore en
ma compaignie, 211, 20‒21.
tens, a celui – alors, 175, 19, 28 ; 176, 3–4, etc. ; grant – longtemps, 177, 29 ; mal – mauvais
temps, rigueur du climat, 183, 34.
terme, a celui – alors, 181, 8 ; 183, 47 ; 211, 14 ; a cest – voici que, 222, 3 ; dedenz celui –
c’est alors que, 223, 2 ; devant celui – avant, 217, 5 ; en pou de – en peu de temps, 211,
23.
terre, tenir – de être vassal de, 186, 18 ; prendre – de devenir vassal de, 223, 8 ; recevoir –
de accepter de devenir vassal de, 223, 10.
tex, adj. indéf., CSP de tel 180, 23 ; 181, 4.
toldre enlever, ôter ; toil IP1 210, 9 ; tolt IP3 205, 8 ; PS3 188, 9 ; toli 213, 2 ; toille SP3 206,
3 ; touxist IS3 188, 4 ; tolez, Imp. 5 212, 15 ; toloit, p. pas. ; savez vos … por qoi ge vos
qe ce venoit au paraler quand il fallait aller jusqu’au bout, 223, 32 ; ensemble – seul a
seul être ensemble tout seuls, 202, 12.
ventaille, s. f., pièce mobile du capuchon de mailles qui recouvre le menton et protège le
bas du visage, 179, 4.
ventre, li cuers … me trembloit el – je tremblais au plus profond de moi-même, 196, 14.
veraiement vraiment, 210, 6 ; tout ‒ même sens, 200, 5, 7, 29.
verité, vos vos en alez por la – vous êtes dans le vrai, vous avez raison, 10 (219d) ; de –
vraiment, 209, 12.
vers, prép., à l’égard de, 290, 5.
verser, v. intr., tomber, 179, 2.
vespres, hore de – heure canoniale entre none et complies, en fin d’après-midi, 191, 1.
vessellement ustensiles de ménage, 196, 17.
vestir, v. tr., revêtir, mettre, 181, 3 ; revêtir, habiller, 183, 38.
viage voyage (cf. it. viaggio), *226, 7 ; 227, 21, 26, 33 ; 228, 2.
vif, vis, adj., vivant, III, 24 ; 179, 6 ; 182, 6 ; 183, 29, 37.
vilainement cruellement, 191, 37.
vilein, adj., insultant, 200, 31.
vilenie affront, 175, 29 ; action blâmable, 177, 31 ; paroles insultantes, 177, 32 ; 200, 13 ;
action vile, 291, 16.
vint, num. card., vingt, 211, 5.
viste agile, rapide, 191, 27.
vivre, vesqi PS3 223, 7.
voiant, p. pr. employé absolument, équivalant à une préposition : devant, en présence de,
173, 13 ; 194, 13 ; 205, 12 ; 219, 19 ; 220, 6.
voidier, v. tr., quitter, 94 (238d) ; 177, 6.
voie, soi metre a la – se mettre en route, 180, 9–10, 15‒16.
voir, adv., tout de – vraiment, 179, 29 ; 196, 2 ; de – en toute vérité, 184, 1 ; vraiment, 209,
22 ; 218, 4 ; 225, 22 ; 226, 13‒14, 16‒17, etc.
voire, adv., vraiment, 219, 13 ; 221, 6.
voirement, adv., précisément, vraiment, 176, 7 ; vraiment, 179, 27 ; 196, 1 ; 200, 18 ;
assurément, 209, 15 ; 217, 19 ; 219, 17.
volentiers, adv., facilement, 195, 9.
volenté, conter sa – raconter ce que l’on souhaite, 184, 18 ; a vostre – selon votre volonté,
184, 19 ; avoir – de + inf. vouloir + inf., 191, 16–17.
voloir, v. vouloir, voil IP1 183, 9 ; 192, 10 ; 195, 8 ; 199, 13 ; 209, 27 ; 210, 6 ; 225, 3 ; velt IP3
173, 2 ; 206, 14 ; 210, 21 ; voelent IP6 201, 15 ; voloie II1 176, 4 ; 180, 9 ; voloit II3 183,
36 ; vols PS1 189, 7 ; 217, 30 ; volt PS3 223, 7 ; vouxisse SI1 178, 10 ; 183, 17 ; 196, 10 ; –
ou ne – que je l’aie voulu ou non, malgré moi, 178, 14 ; vouxissoiz SI5 201, 6 ; a mun –
s’il ne tenait qu’à moi, 211, 20.
Ami du Bon Chevalier sans Peur accusé du meurtre d’un des trois frères ; sa cause sera
défendue auprès du roi d’Irlande par le roi d’Estrangorre qui le fera libérer ; tué par la
soeur des trois frères, une « veuve-dame » (XXXV, 180–183).
Amis « charnels » des six frères de l’Île Reposte, tués par le Morhout, se saisissent du géant
et l’expédient dans l’Île (XXXVI).
Arihoan, champion des Sesnes, se voit opposer Méliadus (XXXVIII).
Aristanor, Astanor, géant, lutte contre Uterpandragon (IX) ; vient à la fête organisée par le roi
de Norgalles pour lutter avec un chevalier de sa cour ; affronte le Bon Chevalier sans
Peur et, sur le point de succomber, essaie de l’enlever (X) ; met à mort le chevalier,
gendre du Duc de Clarence, et enlève sa fille qu’il tuera par la suite dans un moment de
colère ; meurtrier des douze fils du Duc de Clarence, venus dans son île pour libérer
leur sœur.
Armes, cf. écu. vermeilles, celles des six frères, geôliers du Morhout, à l’Île Reposte
(XXXXIII).
Arthur, Artus, roi d’Angleterre, ressemble beaucoup à Uterpandragon (XXXV, 173) ; dirige les
débats sur la plus grande peur vécue par les chevaliers (XXXV, 173) ; arrive avec ses
compagnons (230) ; les six frères de l’Île Reposte avaient voulu le servir pour obtenir de
lui des fiefs (XXXVI) ; redoute une issue fatale pour Bliobéris (XXXVII) ; convoque les
grands du royaume à Kamaalot ; leur montre le Morhout et Escoraut le Pauvre ; rend
hommage au Bon Chevalier sans Peur ; raconte ses péripéties à Urien ; considère la
guerre contre Claudas comme terminée (XLIV) ; victime de la haine de Gauvain et de ses
frères à l’égard du lignage du Ban (XLV) ; plus petit que Méliadus (XXXIII) ; se moque du
Bon Chevalier sans Peur ; a assisté au tournoi qui avait lieu au château La Quis (XXXIV) ;
auteur des paroles blessantes, dites au Bon Chevalier sans Peur (184) ; « miracle » de
son couronnement (IX) ; désarçonné par le seigneur d’une petite île (XVI) ; se voit
reprocher la mort du roi Ban et du roi Bohort, et son manque d’audace (XXIV) ; soutient
que le meilleur chevalier du monde est Méliadus (XXVI) ; se range à l’avis de Lac :
supériorité du Bon Chevalier sans Peur (XXVIII) ; contemple les peintures de la
« chambre aux images » du château de Lac, puis en demande la signification au maître
des lieux (XXX) ; chevalier nouveau depuis peu, il tombe amoureux d’une dame,
magicienne à ses heures (XXXV, 194) ; son courage mis à l’épreuve par la dame (195–
201) ; transformé en lévrier (200) ; donne à Lac, après la mort de Galehot, le royaume
de Hosselande (XXXV, 223) ; raconte à Lac la raison de sa présence dans l’île (225) ;
accepte la proposition de Lac d’embarquer avec lui pour l’île Reposte (227) ; ne veut pas
être reconnu par Lac (XXXV, 173) ; interlocuteur de la demoiselle du bateau lui
demandant d’aller délivrer le Morhout ; prend la décision d’aller le libérer ;
enthousiasmé par l’audace de Claudas (I) ; souhaite visiter le vaisseau qui a abordé
dans le port de Kamaalot mais s’en voit interdire l’entrée ; confie le gouvernement de
son royaume à Urien, avant de s’embarquer avec Méliadus et le Bon Chevalier sans
Peur (II) ; abandonné avec les siens, sur une île déserte (VI).
Ban de Benoÿc, roi, père de Lancelot, à qui Claudas a fait la guerre (IV) ; participe à
l’assemblée de Claudas (XVIII) ; mort à cause de l’inactivité d’Arthur (XXIV). Lignage du
roi Ban n’est pas encore présent à la cour d’Arthur (XLV).
Benoÿc, royaume de Ban, dépend de Logres, mais occupé par Claudas (XXIV).
Bliobéris de Gaunes, Blio, chevalier armé, prétendument noyé ; homme de grande taille ;
tient à la main une boîte en argent (XI) ; destinataire d’une lettre du Morhout ; auteur
d’un exploit chevaleresque, accompli avec le Morhout, en Norgalles ; invité à venir le
secourir (XII) ; a écrit une lettre-épitaphe : il demande à être enterré en chrétien (XIII) ;
soumis à une étrange thérapie ; réchappe définitivement à la mort ; fait le récit de ses
aventures ; veut être le premier à affronter les geôliers du Morhout (XIV) ; vaincu à la
joute par le chevalier de la petite île (XVI) ; envoyé, avec le Bon Chevalier sans Peur, en
prospection dans l’île avec le Bon Chevalier sans Peur (XVII, XXXIV) ; conquiert l’amour
d’une femme mariée (XXXV, 202) ; se fait passer pour son mari devant l’époux lui-même
(203–204) et devant des chevaliers de passage (205–206) ; préféré au mari par la dame
(206) ; chevauche au royaume de Galles où il trouve un compagnon médiocre (208) ;
abandonné par son amie qui choisit de préférence son compagnon (210–211) ; ayant
appris que la dame a été conquise par un chevalier de Norgalles, il la reconquiert et tue
son adversaire (213–214) ; par mégarde cherche à se faire héberger, avec la dame, au
château du cousin de la victime et, dénoncé comme meurtrier par elle, est jeté en
prison (215) ; sur le point d’être exécuté, Bliobéris est délivré par le roi de Norgalles
(217) ; reconnu par Lac (218) ; envoyé par Arthur auprès des gardiens de la tour d’entrée
de l’Île Reposte ; décide de combattre pour libérer le Morhout et Escoraut le Pauvre
(XXXVI) ; d’abord victorieux du premier « binôme », il succombe devant la force des deux
autres adversaires (XXXVIII) ; en prison, réconforte le Morhout : les meilleurs chevaliers
sont là pour les délivrer ! (XXXVIII) ; sa joie lorsqu’il apprend l’arrivée du Bon Chevalier
sans Peur (XL) ; examine la plaie du Bon Chevalier (XLII).
Bohort de Gaunes, roi, frère de Ban de Benoÿc, participe à l’assemblée de Claudas ; abattu
par le Chevalier à l’Ecu d’argent (XVIII) ; mort à cause de l’inactivité d’Arthur (XXIV).
Bon Chevalier sans Peur, le roi d’Estrangorre, porte « un escu tout d’argent, sanz
entreseignes nulles » (XXXV, 193, XL) ; explication de son surnom (XXVIII) ; mutile puis
décapite le géant de Norgalles et libère la contrée de sa tyrannie (XXVIII) ; subit les
moqueries d’Arthur (XXXIV) ; se venge du Chevalier à l’Ecu d’Argent à gouttes d’Or au
château La Quis (XXXIV, 179, 183) ; prend la défense d’un ami accusé de meurtre et est
victorieux (180) ; saisi, avec son ami, pendant leur sommeil, et exposé au froid (181) ;
sauvé par l’un des chevaliers qui devaient le mettre à mort (183) ; blessé, n’a pu
prendre part au tournoi de Norhomberlande (185) ; victorieux au tournoi du château de
La Qis (190) ; obligé, par Lac, à combattre, il est sur le point de vaincre son adversaire,
mais est interrompu par une demoiselle (191–193) ; considéré comme l’un des trois
meilleurs chevaliers du monde (XXIV) ; joute victorieusement (avec Bliobéris) contre les
habitants de l’île de Lac ; leur réveil solitaire (XXXIV) ; meilleur chevalier du monde
selon Lac (XXVI) ; désarçonne Lac ; capable de lutter à la fois contre deux adversaires ;
plus petit que Méliadus (219) ; est victorieux du géant Aristanor, mais sur le point d’être
enlevé par celui-ci, regagne la terre ferme à la nage ; origine de sa rivalité avec
Méliadus : il est épris de la fille du roi de Norgalles, femme du roi de Norhomberlande ;
fait connaissance de Lamorat (Limorat) de Listenoys : veut renoncer à son
compagnonnage à cause des sentiments de Lamorat pour la reine de Norhomberlande
mais, convaincu de la sincérité de ce dernier qui renonce à son amour, s’allie avec lui
pour enlever la reine à son mari (VIII) ; défend Méliadus, à qui il porte beaucoup
d’affection (XXI, XLIX) ; s’oppose à ce qu’on abandonne l’amie de Lamorat de Listenois
enlevée par cent chevaliers (XXV) ; se voit préférer Méliadus comme champion de
Logres (XXXVIII, XXXV, 220) ; participe à la fête de la Pentecôte organisée par Arthur ;
se montre réservé face à « l’audace » du roi de la Déserte (I) ; embarque ensemble avec
Arthur et Méliadus pour aller libérer le Morhout (II) ; vaincu, à la joute, par le Chevalier
à l’Ecu d’Argent (XVI) ; envoyé aux renseignements dans la petite île avec Bliobéris
(XVII, XXIX) ; s’attaque verbalement au Chevalier à l’Ecu d’Argent (184, 185) ; se propose
d’aller libérer le Morhout : Lac apaise les craintes d’Arthur, en soulignant la haute
prouesse du roi d’Estrangorre (XXXIX) ; il tue cinq frères, en estropie un, libère le
Morhout, Esoraut le Pauvre et Bliobéris ; se voir proposer la seigneurie de l’Ile Reposte,
offre qu’il décline (XLI) ; se fait examiner sa plaie par Bliobéris (XLII) ; se sépare d’Arthur
pour aller dans son pays mais lui promet d’être de retour pour la prochaine cour de
Noël ; sa femme et ses enfants* (XLIX) ; rencontre, à la chasse, un chevalier blessé – Roi
des cents chevaliers – et le fait soigner ; se lance à la recherche de Lac (L) ; rencontre
une demoiselle messagère (LI).
Boorges (Bourges), la cité de Claudas, il y tient une cour magnifique (XVIII) ; n’est pas
détruite par Uterpandragon (XXIV).
Brait, livre-source, composé par l’auteur du texte et auquel il se réfère (IV).
Brehus, Breüz, « Chevalier blessé », amené par une petite « nef » ; demande à embarquer
avec Arthur et ses compagnons ; auteur, avec Claudas, d’un complot qui vise à
emprisonner le roi et à l’empêcher de se venger de Claudas ; ami du seigneur de
Bourges, car celui-ci l’a libéré de la prison où il avait été jeté par le roi Pharamond (IV) ;
menacé par trois cornouaillais, à la cour d’Arthur, Brehus en tue deux et met en fuite le
quatrième ; surnommé « le père des demoiselles » ; Arthur veut le garder auprès de lui
pour lui faire quitter sa haine des demoiselles (V) ; ennemi des demoiselles messagères
(*LI).
Bretagne (Petite), Uterpandragon vient d’y vaincre le père du roi Hoël ; gouverné
présentement par son fils (XVIII).
Bruamor li Blans, nom que le Bon Chevalier sans Peur se donne lors de sa rencontre avec
Lamorat de Listenois (VIII).
Brun le Félon, tue « en trahison » un parent de Lac ; reconnaît ce dernier à son écu découvert
et s’enfuit (XXVII).
Brunnor, fils du Bon Chevalier sans Peur (XLIX). Voir aussi Dynadan ou Vallet à la Cotte
Maltaillée.
Chastel d’Estanc, lieu d’emprisonnement d’une demoiselle « déshéritée » (XX, XXII) ; relève
du roi de Norgalles (XXIII).
Chastel le roi Artus, au royaume de Logres, où abordent Arthur et les siens (XLIV).
Chastel d’une veuve dame, où le Bon Chevalier sans Peur et son ami trouvent l’hospitalité
(XXXV, 180).
Château-prison, du Morhout, à l’Ile Reposte (XXXVII).
Chevalier à l’Ecu d’Argent et à Gouttes d’Or, voir Lac.
Chevalier blessé, à la cour d’Uterpandragon, de retour d’une mission ; fait des reproches au
roi et meurt (XXI).
Chevalier, commandant la forteresse-prison du Morhout à l’Ile Reposte, jure de se conformer
à la convention et de libérer, en cas de défaite des six frères, les prisonniers (XLI).
Chevalier, cousin du neveu du roi de Norgalles ayant identifié Bliobéris comme meurtrier de
son cousin, il crie haro sur lui (XXXV, 215).
Chevalier de Galles, d’un médiocre mérite, choisi néanmoins pour compagnon par Bliobéris
(XXXV, 208) ; aimé de la compagne de ce dernier ; son pragmatisme à l’égard du sexe
féminin et le stratagème pour connaître la nature des sentiments de celui-ci (209) ;
préféré par la dame, il quitte la compagnie de Bliobéris avec elle (210–211) ; passant
devant un château du roi de Norgalles, il se voit enlever la dame par un de ses
chevaliers sans combattre (212–213).
Chevalier, gendre du duc de Clarence, tué par le géant Aristanor (IX).
Chevalier de Norgalles, neveu du roi, vainqueur du couard, ancien compagnon de Bliobéris,
à qui il enlève son amie (XXXV, 212–213) ; tué par Bliobéris (214) ; sa mort est déplorée
par son oncle (217).
Chevalier, le meilleur chevalier du monde, Méliadus selon les habitants de Logres ; le Bon
Chevalier sans Peur selon le Chevalier à l’Ecu d’Argent (XXV, XXVI) et selon la majorité
des chevaliers errants du royaume d’Arthur, influencés par Lac (XXXV, 223).
Chevalier (un) du Léonois, renseigne Méliadus sur les projets criminels du roi de Norholt
(XLVIII).
Chevaliers, deux, chargés de l’exécution du Bon Chevalier et de son ami ; décident de les
abandonner au froid (XXXV, 180) ; l’un deux sauve le Bon Chevalier d’une mort certaine
(183).
Chevaliers, deux, du château de la petite île (XXIV), voir Lac.
Chevaliers, deux, frères, accusent du meurtre de leur frère un ami du Bon Chevalier sans
Peur ; tués par le Bon Chevalier (XXXV, 180).
Chevaliers, trois meilleurs chevaliers du monde, du temps d’Uterpandragon ; ils étaient
jeunes ; cf. Méliadus, le Bon Chevalier et Lamorat de Listenois (XXIV).
Chevaliers, quatre, de passage, qui arbitrent le différend entre Bliobéris, l’amant de la
dame, et son mari (XXXV, 205–207).
Chevaliers, douze, compagnons d’infortune d’Uterpandragon ; leur défaite est représentée
sur les peintures du château de Lac (XXX) ; cf. Frères, douze.
Chevaliers de Logres, qui ont opposé à Arihoan le roi Méliadus (XXXVIII).
Chevaliers errants du royaume de Logres, sont d’accord pour penser, influencés par Lac, que
le Bon Chevalier sans Peur est supérieur à Méliadus (XXXV, 223).
Chevaliers, du royaume de Logres, pleurant le départ d’Arthur (II).
Chevaliers constituant le public devant lequel chacun raconte sa « plus grande peur » (XXXV,
183).
Chevaliers d’Estrangorre, sont venus à la rencontre de leur souverain à Kamaalot (XLIX).
Clarence, duc de, vieillard que rencontrent Arthur et ses compagnons, débarqués par
Claudas sur une île déserte ; son histoire, raconté par lui-même : père d’une jeune
femme et de douze fils, tous assassinés par le géant Aristanor ; réussit à mettre à mort
le monstre, enterre ses fils dans la tour habitée par celui-ci, s’installe dans l’île en se
retirant du monde ; n’a vu personne depuis un an, à l’exception d’un ermite ; reconnaît
à peine Méliadus et le Bon Chevalier sans Peur, les seuls qui pouvaient le battre ; ne
connaît pas Arthur mais a entendu parler du « miracle » de son couronnement (IX).
Claudas, roi de la (Terre) Déserte, usurpateur des royaumes de Benoÿc et de Gaunes, ennemi
d’Arthur ; délivre Breüz d’une prison où Pharamond l’a jeté ; fomente, avec ce même
Breüz, un complot pour empêcher Arthur de prendre vengeance de lui ; hait le Morhout
qui aurait soutenu Ban de Benoÿc ; intercepte le messager qui doit avertir Arthur de la
séquestration du géant (IV) ; incognito à la fête de Pentecôte chez Arthur, il espère tuer
le roi pour empêcher de marcher contre lui (I et IV) ; rencontre, au départ de la fête, un
vallet de la cour d’Arthur qu’il charge d’un message (I) ; le bateau qui emmène Arthur et
ses compagnons lui appartient et il est à bord (IV) ; décide d’abandonner Arthur et ses
compagnons dans une île déserte pour l’obliger à composer avec lui (V) ; est en paix
avec Uterpandragon et tient une cour splendide à Bourges (XVIII) ; envoie à Arthur un
ambassadeur (cf. vieil homme) pour parlamenter (X).
Clerc de la Table Ronde, mettent par écrit les aventures d’Arthur et de ses chevaliers (XLIV).
Conte (le), l’une des instances narratives du roman (XXXVII).
Cour, première cour d’été d’Arthur, après la libération du Morhout : Lac promet de s’y rendre
(XLIII).
Daguenet, chevalier très preux à l’époque, renverse Lac à la joute (XXXV, *187).
Dame, aimée par Arthur, magicienne à ses heures (XXXV, 194) ; met à l’épreuve son amant
(195–201).
Dame, aimée par Bliobéris : fait passer Bliobéris pour son mari devant son époux véritable
(XXXV, 203) ; sommée de choisir, préfère Bliobéris à son mari (206) ; se met à aimer le
compagnon de Bliobéris, malgré ses défauts, et à haïr ce dernier (209) ; ayant la
possibilité de choisir, s’en va avec le couard (210–211) ; est gagnée par un chevalier de
Norgalles (212–213) ; reprise par Bliobéris qui l’aime toujours (213–214) ; dénonce
Bliobéris comme meurtrier du chevalier de Norgalles, neveu du roi (215) ; s’enfuit,
voyant son ancien amant libéré (217).
Dame, épouse du chevalier Gavis, aimée par le roi de Norholt ; refuse d’abord la proposition
d’amour du roi de Norholt, mais cède finalement, craignant la vengeance du roi (XXXV,
291–292) ; tuée par son beau-frère (294).
Dame, une veuve, seigneur du château où le Bon Chevalier sans Peur et son ami, meurtriers
des trois frères de cette dernière, trouvent l’hospitalité ; fait prendre les coupables
pendant leur sommeil (XXXV, 180) ; tue l’ami d’une lance et s’apprête à transpercer le
Bon Chevalier mais doit y renoncer (183).
Danain le Roux, chevalier errant et compagnon de Lac ; vainc Méliadus (XXVII) ; fait
prisonnier, à l’issue de sa défaite, par le géant de Norgalles (XXVIII).
Demeure de Gavis (recet, ostel, otel), (XLVII, 291 ; 293).
Demoiselle, amie de Lamorat de Listenois (XXV).
Demoiselle (une), confidente de la femme de Gavis, a vu les allers et retours de sa maîtresse
et la dénonce au frère de son mari défunt (XLVII, 294).
Demoiselle, messagère qui demande à Arthur d’aller délivrer le Morhout emprisonné (I) ;
gardienne du vaisseau mystérieux débarquant à Kamaalot, elle en interdit l’entrée au
roi Arthur ; sert Arthur et ses compagnons sur le bateau (II) ; cf. demoiselles
messagères.
Demoiselle, promise à Uterpandragon, ravie par un chevalier qui a défait le roi et ses douze
preux (XXX) ; représentée sur les peintures du château de Lac ; aimée de Lac, désirée
par Uterpandragon qui propose de l’épouser, est enlevée par le premier (XXX) ;
s’installe avec Lac, son mari, dans l’île au géant (XXXII).
Demoiselle, qui interrompt le combat entre le Bon Chevalier sans Peur et le Chevalier à l’Ecu
d’Argent et aux Gouttes d’Or (XXXV, 192–193).
Demoiselle des Landes, envoie à Arthur, par l’intermédiaire d’un valet, un brachet (I).
Demoiselle « deseritee », menacée par un chevalier, puis emprisonnée par lui (XX) ; libérée
par le Chevalier à l’Ecu d’Argent aux Gouttes d’Or (XXIV).
Demoiselles, qui accompagnent un vaisseau mystérieux débarquant au port de Kamaalot ;
elles auraient quitté le bateau dès l’embarquement d’Arthur (II).
Demoiselles messagères, leur utilité et respect à leur égard ; leurs ennemis (LI).
Dieu, XXXV, 175 ; 179 ; 183 ; XLI (l’en n’i oïst Deu tonant) ; XLIII ; XLVI.
Dolereuse Garde, château de Norhomberlande, non loin de la rivière Hombre, appelé ainsi
avant que Lancelot n’ait fait cesser ses enchantements ; lieu de la séparation de
Bliobéris et du Morhout (XII).
Duel sur duel, lai composé et interprété par Méliadus (II).
Dynadan, fils du Bon Chevalier sans Peur (XLIX). Voir Brunnor et Vallet à la Cotte Maltaillée.
Ecu d’Argent à Gouttes d’Or, celui du seigneur de la petite île (Lac) où débarquent, pour se
reposer, Arthur et ses compagnons (XVI ; XXXV, 193).
Ecu couvert d’une housse, cf. Chevalier à l’Ecu d’Argent et à Gouttes d’Or.
Ecu (tout) d’argent, sanz entreseignes nulles, voir le Bon Chevalier sans Peur (XXXV, 193 ; XL).
Ecu vermeil sanz entreseignes nulles, celui de Lac lors du tournoi qui a lieu en
Norhomberlande (XXXV, 185).
Ecu vert, cf. Roi d’Irlande, Méliadus.
Epitaphe, figurant sur la « lame » d’Aristanor (VII).
Epitaphe, gravée sur la lame qui recouvre la sépulture des douze frères, fils du duc de
Clarence (VI).
Erant, Herant, cf. Roi des Cent Chevaliers.
Erec (Herec), fils de Lac, chevalier qui n’a jamais pu être convaincu de mensonge ; aurait
atteint un degré supérieur de chevalerie s’il avait possédé les qualités de son père
(XXXV, 223).
Ermite (l’), qui habite une île voisine de celle de l’ancien duc de Clarence et qui vient le voir
parfois (IX).
Escoraut le Pauvre, compagnon de la Table Ronde ; jeune chevalier venu de Logres pour
affronter les six frères de l’Ile Reposte il y a deux mois (XXXVI) ; vaincu, il reste
emprisonné avec le Morhout pendant plus de quatre mois (XXXV et XLII).
Estrangorre, royaume du Bon Chevalier sans Peur (XLIX).
Femme (la) du Bon Chevalier sans Peur, sa jeunesse et ses enfants (XLIX).
Fille du duc de Clarence, enlevée et assassinée par le géant Aristanor (IX).
Fille du roi de Norgalles, cause de la rivalité du Bon Chevalier sans Peur et de Méliadus,
épousée par le roi de Norhomberlande (VIII).
Frère de Pharamond, abattu par le Chevalier à l’Ecu d’Argent à Gouttes d’Or (XVIII).
Frère de Gavis, chevalier, ayant appris la mort de son frère et les agissements de sa belle-
soeur, met à mort cette dernière et pend son cadavre à un arbre ; se réfugie à la cour de
Méliadus pour échapper au roi de Norholt et lui révèle les circonstances de la mort de
son frère (XLVII, 294) ; met en garde Méliadus contre les desseins criminels de son
ancien ami et lui en explique la raison (XLVIII).
Frères, quatre frères, geôliers d’une demoiselle « déshéritée » (XXII) ; tués tous par le
Chevalier à l’Ecu d’Argent (XXIII).
Frères, douze frères, fils du duc de Clarence, tués par le géant Aristanor (VI ; VII).
Frères, douze frères, seigneurs de l’Ile Reposte ; six d’entre eux avaient décidé de se faire
chevaliers errants et ont été tués par le Morhout qu’ils avaient attaqué ; les six restants
demeurent dans l’île qui est gouvernée par l’aîné ; mettent en prison le Morhout et
établissent les règles de son élargissement : le futur libérateur devra affronter deux par
deux les six frères ; s’il succombe, il est emprisonné à son tour (XXXV) ; les frères tués
ou blessés sont remplacés par des combattants anonymes, afin d’atteindre le nombre
de six (XL, XLI) ; sont tous tués ou estropiés par le Bon Chevalier sans Peur (XLI).
Galehot, seigneur des « loingtenes Illes », Galeot, Ghalehot, n’est pas encore chevalier ;
seigneur du Chevalier à l’Ecu d’Argent (*XXVI) ; sa mort (XXXV, 223).
Galles, royaume de, contrée où chevauchent Bliobéris et son amie et où il y a peu de
chevaliers errants (XXXV, 208).
Gaule, pays d’origine de l’envoyé de Claudas ; cf. Homme, vieil homme (X) ; voir Pharamond.
Gaunes, royaume de Bohort, dépend de Logres, mais occupé par Claudas (XXIV).
Gauvain, neveu d’Arthur ; regrette qu’Arthur veuille exposer sa vie pour aller libérer le
Morhout et propose de remplacer son oncle (II) ; sa haine, et celle de ses frères, à
l’égard du lignage du roi Ban ; sa mort (*XLV) ; ami et ennemi du sexe féminin (*LI).
Gavis, un preux chevalier, mari de la femme convoitée par le roi de Norholt ; ne se méfie pas
du roi, car il le croit incapable de bassesse (XLVII, 291) ; tué par le roi de Norholt (292) ;
son cadavre est pendu comme celui d’un traître (293).
Géant du royaume de Norgalles, tue son seigneur ; vainc, à tour de rôle, Méliadus, Danain,
Lac ; mutilé puis décapité par le Bon Chevalier sans Peur (XXVIII).
Géant, naufrageur, tué par Lac (XXXII).
Gentilhomme âgé, « serjant », l’un des gardiens de la tour placée à l’entrée de l’Ile Reposte,
interlocuteur de Bliobéris ; pessimiste quant au sort du Morhout (XXXVI) ; ayant vu la
bravoure de Bliobéris, change d’opinion (XXXIX) ; escorte le Bon Chevalier sans Peur
vers le lieu du combat pour la délivrance des prisonniers (XLI).
Gouvernal, précepteur de Tristan, amène le fils à son père (XLVI).
Grèce, pays d’origine de Lac (XXXV, 223).
Habitants du château des six frères, geôliers du Morhout, dans l’Ile Reposte, montent sur les
créneaux pour assister au combat de Bliobéris (XXXVII), du Bon Chevalier sans Peur
(XL) ; populace qui injurie le roi d’Estrangorre ; sa douleur devant la défaite et la mort
de ses seigneurs (XLI).
Habitants du Léonois, leur enthousiasme lors du retour de Méliadus ; protègent Tristan des
intentions mauvaises du roi de Norholt (XLVI).
Herant, voir Roi des Cent Chevaliers.
Hoël, roi de la Petite Bretagne, son père vaincu par Uterpandragon ; règne présentement sur
l’Armorique (XVIII).
Hombre, fleuve côtier qu’emprunte le vaisseau qui emmène Arthur et ses compagnons (IV) ;
fréquenté par la nef brisée trouvée dans une petite île par Arthur (XI).
« Home, un sage-home », a prédit au roi de Norholt que Méliadus ou Tristan le mettraient à
mort (XLVIII).
Homme, vieil homme, envoyé de Claudas, refuse de dire qui il est ; demande à Arthur un
« don contraignant » ; fait jurer au roi de renoncer à son expédition contre le roi de la
Terre Déserte avant de le prendre à bord de son vaisseau ; originaire de la Gaule (X).
Homes, granz homes de Logres, convoqués par Arthur à Kamaalot ; conseillent au roi de faire
consigner les aventures des chevaliers de la Table Ronde par écrit (XLIV).
Hosselande, royaume faisant partie de Logres, donné par Arthur à Lac, après la mort de
Galehot (XXXV, 223).
Ile déserte, où Claudas et ses marins abandonnent Arthur et ses compagnons (VI).
Ile, petite île, où arrivent Arthur et ses compagnons après avoir essuyé une fameuse tempête
(XI) ; ayant trouvé Bliobéris à demi-mort, ils y passent six jours (XV).
Ile au géant, habitée par Lac et les siens : ses dimensions et physionomie ; Arthur et les
siens s’y arrêtent pour s’y reposer (XV) ; relève du Sorelois (XXVI) ; on n’y parle pas la
langue de Logres (XXIX).
Ile Reposte, lieu de l’emprisonnement du Morhout (XII*, XIII, XIV, XV, XVII) ; sa description par
un vieux marin (XXXV, 227) ; un seul accès à l’île, très dangereux ; une tour qui garde ce
passage étroit ; île riche en villes, châteaux et cités (XXXVI).
Irlande (Yrlande), pays où le Bon Chevalier se rend pour défendre la cause d’un ami (XXXV,
180).
Lac, chevalier à l’« Escu d’Argent a Goutes d’Or » (XVI, XXXV, 193, etc.) ; li sires (XXXV, 173) ;
sires (XXXV, 173, 193, 223, etc.) ; un des plus beaux chevaliers du monde ; originaire de
Grèce, de Salonique (XXXV, 123) ; seigneur des îles ; vassal de Galehot (XXVI) ; obtient,
après la mort de son seigneur du roi Arthur le royaume de Hosselande ; se présente à
l’assemblée de Claudas ; abat Méliadus, un frère de Pharamond, Pharamond lui-même,
Uterpandragon, Bohort de Gaunes (XVIII) ; vainc une nouvelle fois Méliadus (XIX) ; arrive
à la cour de Pentecôte tenue par Uterpandragon et lui demande un don qu’il se voit
accorder malgré la résistance de Méliadus (XXI) ; combat victorieux contre les quatre
frères, geôliers d’une demoiselle ; consent à découvrir son écu devant le roi de
Norgalles (XXIII) ; a séjourné en Logres (XXIV, XXXV, 184, 185) ; blessé par le Bon
Chevalier sans Peur de sorte qu’il ne peut porter armes pendant 6 mois ; usurpation de
son écu ; a pour compagnon Danain le Roux ; désarçonné par le Bon Chevalier ; vaincu
par le géant de Norgalles (XXVIII) ; remporte la victoire sur Uterpandragon, ses douze
preux, et lui ravit sa demoiselle bien-aimée (XXXI) ; quitte Logres pour échapper à la
vengeance d’Uterpandragon ; tue un géant et s’installe sur son île ; reçoit l’hommage de
la population et épouse solennellement la demoiselle ; fait peindre son histoire sur les
Lettre écrite par le Morhout à Bliobéris (XII) ; lettre-épitaphe, écrite par Bliobéris à l’attention
de celui qui trouvera son corps (XIII).
Livre, composé sur l’ordre d’Uterpandragon à Salesbières (XXV).
Livre latin, source du roman (XLII).
Livres, trois livres, qu’Arthur fait rédiger pour en déposer un à Salesbières, un autre à
Oxford ; le dernier est destiné « à son trésor » ; source de tous les autres, composés
après (XLIV).
Logres, royaume de Logres, l’Angleterre d’Arthur et d’Uterpendragon ; contrée d’origine des
compagnons du Chevaliers à l’Ecu d’Argent (XXIX) ; pays des marins naufragés, trouvés
sur une petite île (XII) ; retour d’Arthur et des siens ; aventures qu’on y trouve (XLIV).
Loingtenes Illes, patrie de Galehot (XXXV, 223).
Loth d’Orcanie, roi, deuxième adversaire affronté par Lac, son vainqueur à la joute (XXXV,
187).
obligé de céder au Chevalier à l’Ecu d’Argent une mission confiée par Uterpandragon
(XXI) ; suit, avec le Bon Chevalier sans Peur, le Chevalier à l’Ecu d’Argent (XXII) ; ses
remords nocturnes (XXXIII) ; accepte, le premier, de raconter sa plus grande peur (XXX,
173–174) ; demande congé à Arthur pour retourner dans son pays ; promet au roi d’être
à la cour pour la Pentecôte prochaine (XLV) ; sa mélancolie et l’accueil enthousiaste que
lui réserve la population ; apprend que son ami, le roi de Norholt, a voulu enlever
Tristan (XLVI) ; reçoit à sa cour le chevalier, frère de Gavis (XLVII, 294) ; est tué peu de
temps après (*XLVIII).
Merlins li Propheres, Merlin, transmet son savoir magique à la dame aimé d’Arthur (XXXV,
194).
« Merveilles » du royaume de Logres (*XLIV).
Messager, envoyé à Arthur pour le prévenir de l’emprisonnement du Morhout, intercepté et
emprisonné par Claudas (IV).
Nef, La, apprêtée par Lac pour aller à l’Ile Reposte (XXXV, 229).
Nef, La, qui amène l’envoyé de Claudas (X).
Nef, La – brisée par la tempête, à bord de laquelle se trouvait Bliobéris (XI).
La petite nef, embarcation qui amène Brehus sans Pitié (IV).
Noël, entor, saison où le Bon Chevalier et l’ami qu’il a libéré sont exposés au froid (XXXV,
180).
Norgalles, lieu d’un haut exploit de Bliobéris et du Morhout (XII) ; lieu d’un tournoi organisé
par le roi du pays (XXXV, 175) ; pays limitrophe du royaume d’Estrangorre (*XLIX).
Norgalles, fille du roi de, aime le Bon Chevalier sans Peur mais épouse le roi de
Norhomberlande ; enlevée par le Bon Chevalier sans Peur et Lamorat de Listenois ;
reprise par son mari (VIII).
Norhomberlande (Nohorbellande), contrée où a lieu un tournoi auquel participe,
victorieusement, le Chevalier à l’Ecu d’Argent et à Gouttes d’Or (XXX, 185) ; théâtre d’un
autre tournoi, celui du château La Qis (XXXV, 190).
Oxford (Osenefort), lieu de dépôt d’un livre composé à la demande d’Arthur (*XLIV).
Palais, ou la salle haute du château de Lac, ornée de peintures qui racontent l’histoire de
son propriétaire (XXX–XXXI) ; – de Méliadus, où le père rencontre le fils (*XLVI).
Parler, qui traduit l’origine de la personne : vieil homme, envoyé par Claudas (X).
Peintures, de la tour du géant Aristanor représentant Uterpendragon (VII) ; celles qui ornent
le « palais » de Lac (XXX–XXXI).
Pellinor de Listenois, roi, frère de Lamorat de Listenoys (VIII).
Pentecôte, Uterpendragon tient une grande cour à Kamaalot (XX) ; cour tenue ou à tenir par
Arthur (I ; XLV).
Pharamond (Faramond), roi de Gaule ; débarqué du bord d’un bateau, au port de Kamaalot
pour défier les preux d’Arthur (*II) ; avait emprisonné Brehus (IV) ; participe à
l’assemblée de Claudas ; abattu, de même que son frère, par le Chevalier à l’Ecu
d’Argent (XVIII).
Providence (la) (XLIII).
Qenpercorentin de la Forest, lieu où Arthur veut tenir sa prochaine cour de Noël (*XLIX).
Roi d’Irlande, père du roi actuel, porte un écu vert à l’assemblée de Claudas (XVIII) ; geôlier
d’un ami du Bon Chevalier sans Peur (XXXV, 180).
Roi de Norgalles, tient une cour sur les rives de la Surne ; a de l’affection pour le Bon
Chevalier sans Peur ; accorde la main de sa fille au roi de Norhomberlande (VIII) ; établit
les règles de combat entre le Chevalier à l’Ecu d’Argent et les quatre frères (XXIII) ; tient
une cour d’été, à laquelle prennent part Méliadus, le Bon Chevalier sans Peur, Uter-
pendragon, le Chevalier à l’Ecu d’Argent à Gouttes d’Or (XXXV, 175) ; organise une fête
pour un parent qui vient d’être adoubé (212) ; délivre Bliobéris, sur le point d’être
exécuté, car il lui a sauvé la vie (217).
Roi de Norholt, ancien ami de Méliadus, veut enlever Tristan pendant l’absence de son père
(XLVI) ; tombe amoureux de la femme de son vassal (XLVII, 290) ; lors d’une partie de
chasse, fait venir dans sa chambre l’épouse et tue le mari, venu chercher sa femme
(291–292) ; fait passer les faits pour un attentat contre sa personne et pendre le
cadavre du chevalier (293) ; pourquoi il aspire à faire disparaître Méliadus et Tristan
(XLVIII).
Roi de Norhomberlande (Nohorbellande), cousin de Méliadus, épouse la fille du roi de
Norgalles, mais se la voit enlever par le Bon Chevalier sans Peur et Lamorat de
Listenois, la reprend finalement (VIII).
Roi des Cent Chevaliers, appelé Herant (Erant), originaire de Sorelois, ami du Bon Chevalier
sans Peur, gravement blessé par le Chevalier à l’Ecu d’Argent aux Gouttes d’Or, pour
avoir soutenu que Méliadus était supérieur au Bon Chevalier sans Peur ; ses jours ne
sont pas en danger ; se rendait chez Arthur (*L).
Salesbières (Salibieres), lieu de conservation d’un livre composé sur l’ordre d’Uterpendragon
(XXV) ; d’un autre commandé par Arthur (*XLIV).
Salonique, ville de Grèce, d’où est originaire Lac (XXXV, 223).
Sesnes, Saxons, envahissent le royaume d’Arthur (*XXVI ; XXVIII).
Sorelois, royaume, dont relève la petite île de Lac ; ennemi du royaume de Logres (*XXIV ;
*XLIII) ; Bliobéris y sauve de mort le roi de Norgalles (XXXV, 217).
Surne (la), fleuve séparant le royaume de Logres du Sorelois, probablement la Severn ; le roi
de Norgalles tient une cour sur ses rives (*VIII).
Urien, roi Urien de Garlot, conseiller d’Arthur (*I) ; le roi lui confie le gouvernement de Logres
pendant son absence (II) ; demande à Arthur de raconter ses aventures ; son différend
avec Lac, qu’Urien promet de raconter dans l’intimité de la chambre (*XLIV).
Uterpendragon, père d’Arthur, au temps du roi – (XXXI ; XXXV, 185) ; l’amie de Lamorat
enlevée et reconquise deux ans avant la mort d’Uterpendragon ; lutte contre le géant
Aristanor mais, blessé, doit retourner en Logres, injurié par le monstre (*VII) ; participe
à la cour tenue par Claudas dans Bourges, car il est en paix avec lui ; abattu par le
Chevalier à l’Ecu d’Argent (XVIII) ; tient une grande cour à Kamaalot à Pentecôte (*XX) ;
accorde au Chevalier à l’Ecu d’Argent de libérer une demoiselle « déshéritée » (XXI) ;
redouté par quatre frères geôliers d’une demoiselle (XXII) ; pourquoi il n’a pas
complètement détruit Bourges (XXIV) ; avant son mariage avec Ygerne, tombe amoureux
de la fille de son vassal et lui propose le mariage ; se voit enlever, alors qu’il est
accompagné de douze preux, sa bien-aimée par un seul chevalier (XXV ; XXXI ; *XXXII) ;
participe à un tournoi organisé par le roi de Norgalles et espère y rencontrer Lamorat de
Listenois (XXX, 175) ; enlève à Lac son bouclier et le fait chasser de la cité (188) ;
représenté sur les peintures murales de la tour du géant Aristanor (VII) ; mort depuis
plusieurs années ; donné en exemple à Arthur ; sa défaite représentée sur les murs du
palais de Lac (XXX).
Bogdanow, F., The Fragments of Part I of the « Palamède » preserved in the State archives of
Modena, Nottingham Medieval Studies XIII (1969), 27–48 (analyse et édition des
fragments de Modène) (= 1969a).
Bubenicek, V. (ed.), Guiron le Courtois, roman arthurien en prose du XIII e siècle, édition
critique partielle de la version particulière, contenue dans les manuscrits de Paris, Bibl.
de l’Arsenal n° 3325, et de Florence, Bibl. Mediceo Laurenziana, Cod. Ash., Fondo Libri,
n° 50, 3 tomes en 5 volumes, thèse de doctorat de 3 e cycle (dactylographiée),
Université de Paris-Sorbonne (Paris IV), 1985.
Bubenicek, V. (ed.), Guiron le Courtois, roman arthurien en prose du XIII e siècle, édition
critique de la version principale (Ms. B. n. F. f. fr. 350), 4 tomes + 1 vol. de synthèse,
thèse d’habilitation (dactylographiée) de l’Université de Paris-Sorbonne (Paris IV), 1998
(= 1998a).
Bubenicek, V., Correspondance poétique de Meliadus pendant la guerre qui l’oppose à
Arthur, in : Alain Labbé/Daniel W. Lacroix/Danielle Queruel (ed.), Guerres, voyages et
quêtes au Moyen Age. Mélanges offerts à Jean-Claude Faucon, Paris, Champion, 2000,
43–72 (= 2000a).
Camus, J. (ed.), Notices et extraits des manuscrits de Modène antérieurs au XVI e siècle, Revue
des langues romanes 35 (1891), 230–236.
D’Avalle, A. S./Casamassima, E. (edd.), Il canzionere provenzale estense, reproduction
photograhique pour le centenaire de la naissance de G. Bertoni, vol. I et II, Modena,
Mucchi, 1979 et 1982.
Fliegelman Levy, J. (ed.), Livre de Meliadus: an Edition of the Arthurian Complilation of BnF
340 attributed to Rusticien de Pise, PhD, thèse dactylographiée, University of California,
2000.
Lathuillère, R., Guiron le Courtois. Etude de la tradition manuscrite et analyse critique,
Genève, Droz, 1966 (comptes-rendus par F. Bogdanow, Cahiers de civilisation médiévale
11 (1968), 76–79; French Studies 23 (1969), 5–57; F. Ferrand, Bibliothèque de l’École
des Chartes 125 (1967), 479–491; L.-F. Flutre, Romania 88 (1967), 274–279; J. Frappier,
Bibliothèque d’humanisme et renaissance 31 (1969), 215–220; J. L. Grigsby, Romance
Philology 26 (1972–1973), 726–731; R. Guiette, Revue belge de philologie et d’histoire
47 (1969), 117–118; C. E. Pickford, Medium Aevum 32 (1968), 78–80; J. Wathelet-
Willems, Marche Romane 21 (1971), 49–50).
Limentani, A. (ed.), Dal roman de Palamedés ai contari di Febus-el-Forte, Bologna,
Commissione per i testi di lingua, 1962 (ed. de l’épisode de Brehus à la caverne des
Bruns, Lathuillère 1966, §§ 108–115, d’après le ms. Paris, BnF, f. fr. 350, avec, en
regard, le texte du « volgarizzamento » pisan, contenu dans le ms. BnF., f. fr. 12.599,
cf. Lathuillère 1966, §§ 107 n. 3, et 114 n. 1, suivie de l’édition des Cantari).
Longobardi, M., Nuovi frammenti del « Guiron le Courtois », Studi mediolatini e volgari 34
(1988), 5–24 (= 1988a).
Longobardi, M., Due frammenti del « Guiron le Courtois », Studi mediolatini e volgari 38
(1992), 101–118 (= 1992a).
Alamanni, L., Girone il Cortese … novamente riveduto e corretto con altre agiunte del Autore
medesimo, Vinegia, Comin da Trino di Monteferrato, 1549.
Bertoni, G., Nuovi studi su Matteo Maria Boiardo, Bologna, Zanichelli, 1904.
Bertoni, G., L’Orlando Furioso e la Rinascenza a Ferrara, Modena, Orlandini, 1919.
Auberi le Bourgoin, ed. A. Tobler, in: Mittheilungen aus altfranzösischen Handschriften aus
der Chanson de geste von Auberi nach einer vatikanischen Handschrift, I, Leipzig,
Hirzel, 1870.
Aucassin et Nicolette, chantefable du XIII e s., ed. M. Roques, Paris, Champion, 1968.
Aucassin et Nicolette, ed. crit. par J. Dufournet, Paris, Garnier-Flammarion, 1973.
Bataille de Caresme et de Charnage (La), ed. G. Lozinski, Paris, Champion, 1933.
Bec, P./Gonfroy, G./Le Vot, G. (edd.), Anthologie des troubadours, textes choisis, présentés
et traduits, Paris, Union Générale d’Editions, 1979.
Beiden Bücher der Makkabäer (Die), eine altfranzösische Übersetzung aus dem 13. Jahr-
hundert, ed. E. Goerlich, Halle an der Saale, Niemeyer, 1889.
Bel inconnu = Renaut de Beaujeu, Le bel inconnu. Roman d’aventures, ed. G. Perrie Williams,
Paris, Champion, 1978.
Benoît, Chronique des ducs de Normandie, ed. C. Fahlin, vol. I, Uppsala, Almqvist et Wiksell,
1951.
Benoît, Chronique des ducs de Normandie, ed. C. Fahlin, vol. III : Glossaire revu et terminé
par O. Södergard, Uppsala, Almqvist et Wiksell, 1967.
Benoît de Sainte-Maure, Le roman de Troie, ed. L. Constans, vol. IV, Paris, Firmin Didot,
1908.
Béroul, Le Roman de Tristan, poème du XII e siècle, edd. E. Muret/L. M. Defourques, Paris,
Champion, 41974.
Bible (La sainte Bible selon la Vulgate traduite en français, avec des notes par l’abbé
J.-B. Glaire. Nouvelle ed. […] par F. Vigouroux, vol. I : Ancien Testament, Paris, Roger et
Chernoviz, 1889.
Boeve de Haumtone, ed. R. Stimming, Der anglonormannische –, Halle an der Saale,
Niemeyer, 1899.
Brunetto Latini, Li livres dou Tresor, ed. F. Carmody, Berkeley, University of California Press,
1948.
Brunetto Latini, La Rettorica, ed. C. Segre, in : La Prosa del duecento, ed. C. Segre/M. Marti,
Milano/Napoli, Riccardo Ricciardi, 1959, 133–170 (texte), 1056 (notes).
Chanson de Guillaume (La), ed. D. McMillan, vol. II, Paris, Picard, 1950.
Chanson de Roland (La), commentée par J. Bédier, glossaire par L. Foulet, Paris, L’Édition
d’art, H. Piazza, 1927.
Chanson de Roland (La) nel testo assonanzato franco-italiano, ed. et trad. de G. Gasca
Queirazza, Torino, Rosenberg et Sellier, 1952.
Chanson de Roland (La), texte établi d’après le ms. d’Oxford, trad., notes et commentaires
par G. Moignet, Paris, Bordas, 1969.
Chansons satiriques et bachiques du XIII e siècle, edd. A. Jeanroy/A. Langfors, Paris,
Champion, 1921.
Charles d’Orléans, Poésie, vol. I : La Retenue d’Amours, Ballades …, Paris, Champion, 1956.
Châtelaine de Vergy. Conte du XII e siècle publié et traduit par J. Bédier, Paris, Ed. d’Art H.
Piazza, 1927.
Chauvency, cf. Jacques Bretel.
Chev. II. espees = Chevalier as deus espees, ed. W. Foerster, Halle an der Saale, Niemeyer,
1877.
Chevalier à l’épée, edd. R. C. Johnston/D. D. R. Owen, in : The Old French Gauvain Romances,
Edinburgh/London, Scottish Academic Press, 1972.
Chevalier Dé (Le), ed. K. Urwin, Revue des langues romanes LXVIII (1937), 136–161.
Chrétien de Troyes, Les romans de Ch. de T., ed. d’après la copie de Guiot (BnF 794), vol. I :
Erec et Enide, ed. M. Roques, Paris, Champion, 1974 ; vol. II : Cligès, ed. A. Micha, Paris,
Champion, 1978 ; vol. IV : Le Chevalier au lion (Yvain), ed. M. Roques, Paris, Champion,
1971 ; vol. V et VI : Le Conte du Graal (Perceval), ed. F. Lecoy, Paris, Champion, 1975.
Christian von Troyes, Cliges, ed. W. Foerster, Halle, Niemeyer, 1884.
Christian von Troyes, Erec und Enide, ed. W. Foerster, Halle an der Saale, Niemeyer, 1896.
Christian von Troyes, Yvain, ed. W. Foerster, Halle an der Saale, Niemeyer, 1906.
Christian von Troyes, Der Percevalroman, ed. A. Hilka, Halle an der Saale, Niemeyer, 1932.
Chronique métrique attribuée à Geffroy de Paris (La), ed. A. Diverrès, Strasbourg,
Publications de l’Université de Strasbourg, 1956.
Continuations of the Old French Perceval of Chrétien de Troyes (The), vol. I : The First
Continuation, ed. W. Roach, Philadelphia, American Philosophical Society, 1965 ; vol. II :
The First Continuation, ed. W. Roach et R. H. Ivy Jr, 1965 ; vol. III, part 1 : The First
Continuation, ed. W. Roach, 1970 ; vol. IV : The Second Continuation, ed. W. Roach, 1971.
Danois Oger (e), Codice Marciano XIII, ed. Carla Cremonesi, Milano, Cisalpino-Goliardica,
1977.
Débat du Cœur et de l’oeil, in : Th. Wright (ed.), The Latin Poems commonly attributed to
Walter Map, London, Camden Society, 1841.
De Boer, C., Ovide moralisé en prose (texte du 15 e s.). Édition critique avec introduction,
Amsterdam, North-Holland Publishing Company, 1954.
De Origine Gigantum, ed. J. P. Carley/J. Crick : « Constructing Albion’s Past: an Annotated
Edition », Arthurian Literature 13 (1984), 41–114.
Des Grantz geantz. An Anglo-Norman Poem, ed. G. E. Brereton, Oxford, Medium Aevum
Monographs 2, 1937.
Devise des armes des chevaliers de la Table Ronde, lesquels estoyent du tres-renommé et
vertueux Artus, Roy de la Grande Bretaigne, avec la description de leurs Armoiries,
Lyon, Benoist Rigaud, 1590 (fac-similé à partir de l’original de la Bibliothèque
municipale de Troyes, fonds ancien ii 16.688, Ivry, Phénix ed., 2000).
Dis dou vrai aniel (Li). Die Parabel von dem ächten Ringe, französische Dichtung des
dreizehnten Jahrhunderts, ed. A. Tobler, Leipzig, Hirzel, 1884.
Eneas. Roman du XII e siècle, ed. J.-J. Salverda de Grave, vol. I et II, Paris, Champion, 1964 et
1968.
Erec, roman arthurien en prose, ed. C. E. Pickford, Genève/Paris, Droz/Minard, 21968.
Espagne = Entrée d’Espagne (L’), chanson de geste franco-italienne, ed. A. Thomas, t. I et II,
Paris, Firmin Didot, 1913.
Estampies françaises (Les), ed. W. O. Streng-Renkonen, Paris, Champion, 1930.
Estoire de Eracles (Guillaume de Tyr et ses continuateurs), texte français du XIII e siècle, ed.
P. Paris, vols. I et II, Paris, Firmin-Didot, 1879 et 1880.
Estoire de Merlin (Merlin en prose, suite Vulgate) ou Les Premiers Faits du roi Arthur in Le
Livre du Graal I (Joseph d’Arimathie – Merlin – Les Premiers Faits du roi Arthur), ed.
D. Poirion, publiée sous la direction de Ph. Walter, avec la collaboration d’A. Berthelot,
R. Deschaux, F. Freire-Nunes et G. Gros, Paris, Gallimard, 2001.
Etienne de Fougères, Le livre des manières, ed. A. R. Lodge, Genève, Droz, 1979.
Floovant = Floovant, chanson de geste du XII e siècle, ed. S. Andolf, Uppsala, Almqvist et
Wiksell, 1941.
Florimont = Aimon von Varennes, Florimont, ein altfranzösischer Abenteuerroman, ed.
A. Hilka, Göttingen, Niemeyer, 1933.
Folie Lancelot (La), ed. F. Bogdanow, Tübingen, Niemeyer, 1965.
Jouham de la Chapele de Blois, Le Conte dou barril, poème du XIII e s., ed. R. Chapman Bates,
New Haven, Yale University Press, 1932.
Journal d’un bourgeois de Paris sous Charles VI et Charles VII, préface et notes d’A. Mary,
Paris, Jonquières, 1929 ; ed. A. Tuetey, texte présenté par C. Beaune, Paris, Livre de
Poche (Librairie Générale Française), 1990.
Kath. Leg. = Legende der Heiligen Katharina von Alexandrien (Eine gereimte altfranzösisch-
veronische Fassung der), ed. H. Breuer, Halle an der Saale, Niemeyer, 1919.
La lettre d’amour au Moyen Age (Boncompagno da Signa, Baudri de Bourgueil, Manuscrit de
Tegernsee, Manuscrit de Troyes), traduction et présentation par E. Wolf, 1996, Paris, Nil
Éd., 1996.
Lancelot, roman en prose du XIII e siècle, ed. A. Micha, vol. I, Paris/Genève, Droz, 1978 ;
vol. II, Genève, Droz, 1978 ; vol. III, Genève, Droz, 1979 ; vol. IV, Genève, Droz, 1979 ;
vol. V, Genève, Droz, 1980 ; vol. VI, Genève, Droz, 1980 ; vol. VII, Paris/Genève, Droz,
1980 ; vol. VIII, Genève, Droz, 1982.
Lancelot do Lac. The Non-cyclic Old French Prose Romance, ed. E. Kennedy, 2 vol., vol. 1 : The
Text ; vol. 2 : Introduction, Bibliography, Notes and Variants, Glossary, and Index of
Propres Names, Oxford, Clarendon Press, 1980.
Landouzy, L./Pepin, R. (edd.), Le Régime du corps de Maître Aldebrandin de Sienne. Texte
français du XIII e siècle, Paris, Champion, 1911.
Lays of Desiré, Graelent and Melion (The) : Edition of the texts with an Introduction by E. M.
Grimes, New York, Institute of French Studies, 1928.
Les Gestes des Chiprois, recueil des chroniques françaises écrites en Orient aux XII e et XIII e
siècles (Philippe de Novare et Gérard de Montréal), ed. G. Raynaud, Genève, Fick, 1887.
Les. XV. joies de mariage, ed. J. Rychner, Genève–Paris, Droz-Minard, 1967.
Le Roux de Lincy (ed.), Le Livre des Proverbes français, 2 vol., Paris, Paulin, 1842.
Leys d’amors, cf. infra Meyer 1877, Peire March 1891.
Livre d’Artus, ed. O. Sommer, The Vulgate Version of the Arthurian Romances, vol. VII,
Washington, The Carnegie Institution, 1913.
Livre d’Enanchet (Das), nach der einzigen Handschrift 2585 der Wiener Nationalbibliothek,
ed. W. Fiebig, Jena/Leipzig, W. Gronau/W. Agricola, 1938.
Löthringischer Psalter, altfranzösische Übersetzung des XIV. Jahrhunderts, ed. F. Apfelsted,
Heilbronn, Henniger, 1881.
Lyoner Yzopet, altfranzösische Übersetzung des XIII. Jahrhunderts in der Mundart der
Franche-Comté, ed. W. Foerster, Heilbronn, Henninger 1882.
Macaire, ed. A. Mussafia, in : Altfranz. Gedichte aus venez. Handschriften, vol. II, Wien, Carl
Gerold, 1864.
Macaire, ed. F. Guessard, Paris, Franck, 1866.
Macchabées : cf. supra, Beiden Bücher der Makkabäer (Die).
Mandeville, voir Jean de Mandeville.
Marie de France, Lais (Die), ed. K. Warnke, Halle an der Saale, Niemeyer, 1925.
Marie Lais = Marie de France, Les lais, ed. J. Rychner, Paris, Champion 1973.
Marie de France, Fables (Die Fabeln), ed. K. Warnke, Halle an der Saale, Niemeyer, 1898.
Marie de France, The Espurgatoire saint Patriz, ed. T. Atkinson Jenkins, Chicago, The
University of Chicago Press, 1903.
Martin da Canal, Les estoires de Venise, ed. A. Limentani, Firenze, Olschki, 1973.
Maurice of Sully, French Homilies from a Sens Cathedral Chapter Ms., in : « Maurice of Sully
and the Medieval Vernacular Homily ... », ed. C. A. Robson, Oxford, Blackwell, 1952.
Merlin. Roman en prose du XIII e siècle, edd. G. Paris/J. Ulrich, vol. I et II, Paris, Firmin Didot,
1886.
Meyer, P. (ed.), Recueil d’anciens textes bas-latins, provençaux et français, 1ère partie: bas-
latin, provençal, Paris, Vieweg, 1877 (Leys d’Amors, 152–158).
Meyer, W. (ed.), Das lied von Hector und Hercules. Franko-italienische Studien III., Zeitschrift
für romanische Philologie 10 (1886), 363–410.
Modus = Livres du roy Modus et de la royne Ratio (Les), ed. G. Tilander, Paris, S. A. T.F, 1932,
t. I, II.
Mombrizio, B., Légende de Sainte Catherine d’Alexandrie, poème italien du XVe siècle, ed. A.
Bayot/P. Groult, Gembloux, Duculot, 1943.
Mort le roi Artu (La). Roman du XIII e s., ed. J. Frappier, Genève/Paris, Droz-Minard, 31964.
Nĕmcová, B., Národní báchorky a povĕsti (Contes de fées et légendes nationales), vol. II,
Praha, Státní nakladatelství krásné literatury, hudby a umění, 1954.
Niccolò da Verona, Opere. Pharsale, Continuazione dell’Entrée d’Espagne, Passion, ed. F. Di
Ninni, Venezia, Marsilio, 1992.
Nicolas von Verona, Die Pharsale, ed. H. Wahle, Marburg, Elwert, 1888.
Nicole Bozon, frère mineur, Les contes moralisés, edd. L. Toulmin-Smith/P. Meyer, Paris,
Firmin Didot, 1889.
Novellino (Il), ed. C. Segre, in : La Prosa del duecento, edd. C. Segre/M. Marti, Milano/
Napoli, Riccardo Ricciardi, 1959, 793–881.
Novellino suivi des Contes de Chevaliers du temps jadis, introduction, traduction et notes de
G. Génot/P. Larivaille, Paris, Union Générale d’Editions, 1988.
Odyssée (L’), « Poésie homérique », ed. V. Bérard, vol. I, Paris, « Les Belles Lettres », 1947.
Ordene de Chevalerie (L’), voir infra Raoul de Hodenc, Le Roman des Eles.
Paradisi, G./Punzi, A. (edd.), Frammento di Todi [de Tristan ?], con studio linguistico, Critica
del testo V, 2 (2002), 541–566.
Peire March, Le harnois du chevalier, ed. P. Meyer, Nouvelles catalanes inédites (fin), IV,
Romania XX (1891), 579–598.
Perceforest, Quatrième partie, vol. II, ed. G. Roussineau, Paris/Genève, Droz, 1987.
Philippe de Remi, sire de Beaumanoir, Jehan et Blonde, ed. H. Suchier, Paris, SATF, 1885.
Philippe de Thaün, Le Bestiaire, ed. E. Walberg, Lund/Paris, Höller/Welter, 1900.
Poème moral (Le), Traité de vie chrétienne écrit dans la région wallonne vers l’an 1200, ed.
A. Bayot, Liège, Vaillant-Carmanne, 1929.
Prise de Cordres et de Sebille (La), chanson de geste du XII e siècle, ed. O. Densusianu, Paris,
Firmin Didot, 1896.
Prise d’Orange (Les rédactions de la), ed. Cl. Régnier, Paris, Klincksieck, 1966.
Prise de Pampelune (La), ed. A. Mussafia, Altfranzösische Gedichte aus venezianischen
Handschriften, vol. I, Wien, Carl Gerold, 1864.
Prophesies de Merlin (Les), cod. Bodmer 116, ed. A. Berthelot, Cologny/Genève, Fondation
Martin Bodmer, 1992.
Proverbes français antérieurs au XV e siècle, ed. J. Morawski, Paris, Champion, 1925.
Psautier lorrain, cf. Löthringischer Psalter.
Queste del Saint Graal (La). Roman du XIII e siècle, ed. A. Pauphilet, Paris, Champion, 1965.
Ramon Llull, Livre de l’Ordre de chevalerie, ed. V. Minervini, Bari, Adriatica Editrice, 1972.
Raoul de Houdenc, La Vengeance Raguidel. Altfranzösischer Abenteuerroman, ed.
M. Friedwagner, Halle an der Saale, Niemeyer, 1909.
Raoul de Hodenc, Le Roman des Eles ; The Anonymous Ordene de Chevalerie, ed. K. Busby,
Amsterdam/Philadelphia, Benjamins, 1983.
Tristan en prose (Le roman de) (version du ms. fr. 757 de la BnF de Paris), vol. I, edd.
J. Blanchard/M. Quéreuil, Paris, Champion, 1997 ; vol. II, edd. N. Laborderie/T. Delcourt,
Paris, Champion, 1999 ; vol. III, ed. J. Ponceau, Paris, Champion, 2000 ; vol. IV, edd.
M. Léonard/F. Mora, Paris, Champion, 2003 ; vol. V, ed. Ch. Ferlampin-Acher, Paris,
Champion, 2007.
Tristan en prose (Les Lais du roman de), édités d’après le manuscrit de Vienne 2542 par
T. Fotitch/R. Steiner, München, Fink, 1974.
Van den Boogard, N. (ed.), Rondeaux et Refrains, du XII e siècle au début du XIV e siècle, Paris,
Klincksieck, 1969.
Vecchio Cavaliere (Il), ed. F. Rizzo Nervo, Soveria Mannelli, Rubbettino, 2000.
Végèce = Jean Priorat de Besançon, Li Abrejance de l’ordre de chevalerie. Mise en vers de la
trad. de Végèce de Jean de Meun, ed. U. Robert, Paris, Firmin Didot, 1897.
Version Post-Vulgate de la « Queste del Saint Graal » et de la « Mort Artu (La) », troisième
partie du Roman du Graal, ed. F. Bogdanow, t. I, Introduction (1991) ; II (1991) ; t. III
(2000) ; t. IV, 1 (1991) ; t. IV, 2 (2001), Paris-Abbeville, Société des anciens textes
français.
Vie de Saint Léger cf. infra Linskill, J.
Vie de Saint Martin = Pean Gastineau, Das altfranzösische Martinsleben, ed. W. Söderhjelm,
Helsingfors, Wentzel Isagelstam, 1899.
Virgile, Énéide. Livres I–VI, ed. établie par H. Goelzer, trad. par A. Bellessort, Paris, Belles
Lettres, 1934.
Vie de saint Alexis (La), ed. C. Storey, Genève, Droz, 1968.
Wace, La vie de saint Nicolas, poème religieux du XIII e siècle, ed. E. Rönsjo, Lund/Copen-
hague, Gleerup/Munksgaard, 1942.
Wace, Le Roman de Brut, ed. I. Arnold, vol. I et II, Paris, Société des Anciens Textes Français,
1938 et 1940.
Wace, Le Roman de Rou, ed. A. J. Holden, vol. III, Paris, Société des Anciens Textes Français,
1973.
Battaglia = Battaglia, S., Grande Dizionario della Lingua italiana, Torino, UTET, 1961s.
Bloch, O./Wartburg, W. von, Dictionnaire étymologique de la langue française, Paris, Presses
Universitaires de France, 51968.
Boerio = Boerio, G., Dizionario del Dialetto Veneziano, reproduction anastatique de la
seconde ed. (Venezia, 1856), Firenze, Giunti/Martello, 1983.
DEI = Battisti, C./Alessio, G., Dizionario Etimologico Italiano, Firenze, Barbèra, 1950–1957.
Di Stefano, G., Dictionnaire des locutions en moyen français, Montréal, Ceres, 1991.
Di Stefano, G./Bidler, R. M., Toutes les herbes de la Saint-Jean. Les locutions en moyen
français, Montréal, Ceres, 1992.
Tristan en prose (Le roman de) (version du ms. fr. 757 de la BnF de Paris), vol. I, edd.
J. Blanchard/M. Quéreuil, Paris, Champion, 1997 ; vol. II, edd. N. Laborderie/T. Delcourt,
Paris, Champion, 1999 ; vol. III, ed. J. Ponceau, Paris, Champion, 2000 ; vol. IV, edd.
M. Léonard/F. Mora, Paris, Champion, 2003 ; vol. V, ed. Ch. Ferlampin-Acher, Paris,
Champion, 2007.
Tristan en prose (Les Lais du roman de), édités d’après le manuscrit de Vienne 2542 par
T. Fotitch/R. Steiner, München, Fink, 1974.
Van den Boogard, N. (ed.), Rondeaux et Refrains, du XII e siècle au début du XIV e siècle, Paris,
Klincksieck, 1969.
Vecchio Cavaliere (Il), ed. F. Rizzo Nervo, Soveria Mannelli, Rubbettino, 2000.
Végèce = Jean Priorat de Besançon, Li Abrejance de l’ordre de chevalerie. Mise en vers de la
trad. de Végèce de Jean de Meun, ed. U. Robert, Paris, Firmin Didot, 1897.
Version Post-Vulgate de la « Queste del Saint Graal » et de la « Mort Artu (La) », troisième
partie du Roman du Graal, ed. F. Bogdanow, t. I, Introduction (1991) ; II (1991) ; t. III
(2000) ; t. IV, 1 (1991) ; t. IV, 2 (2001), Paris-Abbeville, Société des anciens textes
français.
Vie de Saint Léger cf. infra Linskill, J.
Vie de Saint Martin = Pean Gastineau, Das altfranzösische Martinsleben, ed. W. Söderhjelm,
Helsingfors, Wentzel Isagelstam, 1899.
Virgile, Énéide. Livres I–VI, ed. établie par H. Goelzer, trad. par A. Bellessort, Paris, Belles
Lettres, 1934.
Vie de saint Alexis (La), ed. C. Storey, Genève, Droz, 1968.
Wace, La vie de saint Nicolas, poème religieux du XIII e siècle, ed. E. Rönsjo, Lund/Copen-
hague, Gleerup/Munksgaard, 1942.
Wace, Le Roman de Brut, ed. I. Arnold, vol. I et II, Paris, Société des Anciens Textes Français,
1938 et 1940.
Wace, Le Roman de Rou, ed. A. J. Holden, vol. III, Paris, Société des Anciens Textes Français,
1973.
Battaglia = Battaglia, S., Grande Dizionario della Lingua italiana, Torino, UTET, 1961s.
Bloch, O./Wartburg, W. von, Dictionnaire étymologique de la langue française, Paris, Presses
Universitaires de France, 51968.
Boerio = Boerio, G., Dizionario del Dialetto Veneziano, reproduction anastatique de la
seconde ed. (Venezia, 1856), Firenze, Giunti/Martello, 1983.
DEI = Battisti, C./Alessio, G., Dizionario Etimologico Italiano, Firenze, Barbèra, 1950–1957.
Di Stefano, G., Dictionnaire des locutions en moyen français, Montréal, Ceres, 1991.
Di Stefano, G./Bidler, R. M., Toutes les herbes de la Saint-Jean. Les locutions en moyen
français, Montréal, Ceres, 1992.
Anglade, J., Grammaire de l’ancien provençal. Phonétique et Morphologie, série II, Paris,
Klincksieck, 1921.
Appel, C., Provenzalische Chrestomathie mit Abriss der Formenlehre und Glossar, Leipzig,
Reisland, 41912.
Behrens, D., Unorganische Lautvertretung innerhalb der formalen Entwicklung des
französischen Verbalstammes, Französische Studien 3 (1882), 84s.
Bianchini, S., I pronomi allocutivi in Chrétien de Troyes, Cultura neolatina 31 (1971), 69–114.
Bourciez, E., Eléments de linguistique romane, Paris, Klincksieck, 1967.
Bogdanow, F., Some Hitherto Unknown Fragments of the « Prophéties de Merlin », in: F. J.
Barnett et al. (edd.), History and Structure of French. Essays in the Honour of Professor
T. B. W. Reid, Oxford, Blackwell, 1972, 31–59.
Brasseur, A., Etude linguistique et littéraire de la Chanson des Saisnes de Jehan Bodel,
Genève, Droz, 1990.
Brayer, E., Un manuel de confession en ancien français conservé dans un ms. de Catane,
Mélanges d’archéologie et d’histoire LIX (1947), 155–198.
Brunot, F., Histoire de la langue française des origines à 1900, t. I : De l’époque latine à la
Renaissance, Paris, Armand Colin, 1924 ; t. II : Le seizième siècle, Paris, Armand Colin,
1927.
Brunot, F., La pensée et la langue. Méthode, principes et plan d’une théorie nouvelle du
langage appliquée au français, Paris, Masson et compagnie, 1936.
Burguy, G. F., Grammaire de la langue d’oïl ou Grammaire des dialectes français aux XII e et
XIII e siècles, t. III : Glossaire étymologique, Leipzig, Kittler, 1856.
Buridant, Cl., Grammaire nouvelle de l’ancien français, Paris, SEDES, 2000.
Capusso, M. G., La lingua del Divisament dou monde di Marco Polo, vol. I: Morfologia
verbale, Pisa, Pacini, 1980.
Chabaneau, C., Grammaire limousine, Marseille, Laffitte Reprints, 1980.
Cressot, M., Le style et ses techniques. Précis d’analyse stylistique, sixième ed. refondue et
augmentée par L. Gallo, Paris, Presses Universitaires de France, 1969.
Darmesteter, A., Traité de la formation des mots composés dans la langue française
comparée aux autres langues romanes et au latin, Paris, Bouillon, 21894.
Di Ninni, F., La formazione del lessico in Niccolò da Verona, in : G. Holtus/H. Krauss/
P. Wunderli (edd.), Testi, cotesti e contesti del franco-italiano. Atti del 1° simposio
franco-italiano (Bad Homburg, 13–16 aprile 1987). In memoriam Alberto Limentani,
Tübingen, Niemeyer, 1989, 202–208.
Elwert, W. Th., Traité de versification française des origines à nos jours, Paris, Klincksieck,
1965.
Fahlin, C., Étude sur le manuscrit de Tours de la Chronique des ducs de Normandie par
Benoît, Uppsala, Almqvist et Wiksell, 1937.
Fennell, T. G., La morphologie du futur du français, de 1350 à 1650, Genève, Droz, 1975.
Fennis, J., Trésor du langage des galères : dictionnaire exhaustif, introduction de R. Burlet,
3 vol., Tübingen, Niemeyer, 1995.
Flutre, L. F., Le moyen-picard d’après les textes littéraires du temps (1560–1660). Textes,
Lexique, Grammaire, Amiens, Musée de Picardie, 1970.
Folena, G., Introduzione al veneziano « de là da mar », in : Culture e lingue nel Veneto
medievale, Padova, Editoriale Programma, 1990, 227–267 (= 1990a).
Folena, G., La Romania d’Oltremare : francese e veneziano nel Levante, in : Culture e lingue
nel Veneto medievale, Padova, Editoriale Programma, 269–286 (= 1990b).
Fouché, P., Phonétique historique du français, vol. III : Les consonnes et index général, Paris,
Klincksieck, 21966.
Fouché, P., Morphologie historique du français. Le verbe, Paris, Klincksieck, 1967.
Fouché, P., Phonétique historique du français, vol. II: Les voyelles, Paris, Klincksieck, 21969.
Foulet, L., Petite syntaxe de l’Ancien Français, Paris, Champion, 1967.
Franzén, T., Etude sur la syntaxe des pronoms personnels sujets en ancien français, Uppsala,
Almqvist et Wiksell, 1930.
Frappier, J., « D’amors, par amors », Amour courtois et Table Ronde, Genève, Droz, 1973.
Gamillscheg, E., Historische französische Syntax, Tübingen, Niemeyer, 1957.
Goerlich, E., Die südwestlichen Dialecte der Langue d’oïl. Poitou, Aunis, Saintonge und
Angoumois, Heilbronn, Henninger, 1882.
Goerlich, E., Der burgundische Dialekt im XIII. und XIV. Jahrhundert, Heilbronn, Henninger,
1889.
Gossen, C. Th., Marco Polo und Rustichello da Pisa, in : Philologica Romanica, Erhard
Lommatzsch gewidmet, München, Fink, 1975, 133–143.
Gossen, C. Th., Grammaire de l’ancien picard, Paris, Klincksieck, 1976.
Leumann, M./Hofmann, J. B./Szantyr, A., Lateinische Syntax und Stilistik, München, Beck,
t.II, 1, 1963.
Linskill, J., Saint Léger. Etude de la langue du ms. de Clermont-Ferrand, suivie d’une édition
critique du texte, Paris, Droz, 1937.
Lorentz, A., Die Erste Person Pluralis des Verbums im Altfranzösischen, Heidelberg, 1886.
Lote, G., Histoire du vers français, vol. III, 1ère partie: Le moyen âge, III. La poétique, le vers
et la langue, Paris, Hatier, 1955.
Lyer, S., Syntaxe du gérondif et du participe présent dans les langues romanes, Paris, Droz,
1934.
Mainone, E., Laut und Formenlehre in der Berliner frankovenezianischen Chanson de geste
Huon d’Auvergne, Berlin, Schade (Francke), 1911.
Mainone, E., Formenlehre und Syntax in der Berliner frankovenezianischen Chanson de geste
Huon d’Auvergne, Leipzig, Noske, 1936.
Marchello-Nizia, Ch., Histoire de la langue française aux XIV e et XV e s., Paris, Bordas, 1979.
Martin, R., Temps et aspect. Essai sur l’emploi des temps narratifs en moyen-français, Paris,
Klincksieck, 1971.
Martin, R./Wilmet, M., Manuel du français du moyen âge, vol. II: Syntaxe du moyen français,
Bordeaux, SoBoDi, 1980.
Ménard, Ph., Manuel du français du Moyen Age, vol. I: Syntaxe de l’ancien français,
Bordeaux, SoBoDi, 1973 et 1994.
Meyer-Lübke, W., Grammaire des langues romanes, Genève/Marseille, Slatkine Reprints-
Laffitte Reprints, 1974, t. I à IV.
Moignet, G., Essai sur le mode subjonctif en latin postclassique et en ancien français, 2 vol.,
Paris, Presses Universitaires de France, 1959 (= 1959a).
Moignet, G., Les signes de l’exception dans l’histoire du français, Thèse complémentaire,
Alger, Imprimerie Imbert, 1959 (= 1959b).
Moignet, G., L’opposition NON/NE en ancien français, Travaux de linguistique et de
littérature 3 (1965), 41–65 (= 1965a).
Moignet, G., Le pronom personnel français. Essai de psycho-systématique historique, Paris,
Klincksieck, 1965 (= 1965b).
Moignet, G., Grammaire de l’Ancien Français. Morphologie – Syntaxe, Paris, Klincksieck,
1973.
Nezirovic, M., Le vocabulaire dans deux versions du Roman de Thèbes, Clermont-Ferrand,
Faculté des lettres et sciences humaines de l’Université de Clermont-Ferrand, II, Publ.
n° 8, 1980.
Nobel, P., Etude du vocabulaire des documents français des archives angevines de Naples
(Règne de Charles 1er ), thèse pour le doctorat de 3 e cycle (dactylographiée), Strasbourg,
1979.
Nordahl, H., « Assez avez alé » : « estre » et « avoir » comme auxiliaires du verbe aller en
ancien français, Revue romane de Copenhague 12 (1977), 54–66.
Nyrop, K., Grammaire historique de la langue française, vol. I : Histoire générale de la
langue française, Copenhague, Gyldendalske Boghandel, Nordisk Forlag, 1935.
Nyrop, K., Grammaire historique …, vol. II : Morphologie, Copenhague, Gyldendalske
Boghandel, 1960.
Nyrop, K., Grammaire historique …, vol. III : Formation des mots, Copenhague, Gyldendalske
Boghandel/Nordisk Forlag, 1936.
Nyrop, K., Grammaire historique …, vol. V : Syntaxe. Noms et pronoms, Copenhague,
Gyldendalske Boghandel, Nordisk Forlag, s.d.
Albert, S., Echos des gloires et des « hontes ». A propos de quelques récits enchâssés de
« Guiron le Courtois » (Paris, BnF, fr. 350), Romania 125 (2007), 148–166.
Albert, S., Brouiller les traces. Le lignage du héros éponyme dans le « Roman de Guiron »,
in: Ch. Ferlampin-Acher/D. Hüe (edd.), Lignes et lignages dans la littérature
arthuriennne. Actes du 3e colloque arthurien organisé à l’Université de Haute-Bretagne,
Rennes, 13–14 octobre 2005, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2007, 73–84.
Albert, S., Perdre le fil, nouer la trame: Galehaut le Brun dans « Guiron le Courtois », in : Ch.
Connochie-Bourgne (ed.), Façonner son personnage au Moyen Age. Actes du colloque
d’Aix-en-Provence (9–11 mars 2006), Aix-en-Provence, Publications de l’Université de
Provence, 2007, 21–30.
Albert, S., « Ensemble ou par pieces », Guiron le Courtois (XIII e–XV e siècles) : la cohérence en
question, Paris, Champion, 2010.
Benedetti, R./Zamponi, S., Notizie di manoscritti. Frammenti del « Guiron le Courtois »
nell’Archivio capitolare di Pistoia, Lettere Italiane 47 (1995), 423–435.
Bertoni, G., Le lettere franco-italiane di Faramon e Meliadus, in: Studi su vecchie e nuove
poesie e prose d’amore e di romanzi, Modena, U. Orlandini, 1921, 183–206.
Bogdanow, F., Pellinor’s death in the « Suite du Merlin » and the « Palamède », Ms. Brit. Mus.
Add. 36673, Medium Aevum XXIX, 1 (1960), 1–9.
Bogdanow, F., A hitherto unidentified Manuscript of the « Palamède » : Venice, St. Mark’s
Library, ms. Fr. XV, Medium Aevum XXX (1961), 89–92.
Bogdanow, F., A New Fragment of the Tournament de Sorelois, Romance Philology 16 (1963),
268–281.
Bogdanow, F., The fragments of « Guiron le Courtois » preserved in ms. Douce 383, Oxford,
Medium Aevum XXXIII, 2 (1964), 89–101 (= 1964a).
Bogdanow, F., A hitherto neglected Continuation of the « Palamède », Romance Philology
XVII, 3 (1964), 623–632 (= 1964b).
Bogdanow, F., Arthur’s War against Meliadus : the Middle of Part I of the « Palamède »,
Research Studies, University of Washington 32 (1964), 176–188 (= 1964c).
Bogdanow, F., Part III of the Turin Version of « Guiron le Courtois » : a hitherto unknown
source of ms. BN. fr. 112, Medieval Miscellany presented to Eugène Vinaver, Manchester,
University Press, 1965, 45–64.
Bogdanow, F., A new manuscript of the « Enfances Guiron » and Rusticien de Pise’s « Roman
du roi Artus », Romania 88 (1967), 323–349.
Bogdanow, F., A Note on the Second Version of the « post-Vulgate Queste » and « Guiron le
Courtois », Medium Aevum 39 (1970), 288–290.
Bubenicek, V., A propos des textes français copiés en Italie : le cas du roman de « Guiron le
Courtois », in : G. Ruffino (ed.), Atti del XXI Congresso Internazionale di Linguistica e
Filologia Romanza, Palermo, 18–24 settembre 1995, vol. VI, Tübingen, Niemeyer, 1998,
59–67 (= 1998b).
Bubenicek, V., Du bûcher à l’exposition au froid : avatar d’un motif hagiographique. « Guiron
le Courtois » et la « Suite du Merlin », in : Lorraine Vivante. Hommage à Jean Lanher,
Nancy, Presses Universitaires, 1993, 285–299.
Bubenicek, V., A propos des textes français copiés en Italie : variantes « franco-italiennes » du
roman de « Guiron le Courtois », in : B. Combettes/S. Monsonégo, Le moyen français –
Philologie et linguistique – Approches du texte et du discours, Actes du VIII e Colloque
international sur le moyen français, Didier, Paris, 1997, 47–69 (= 1997a).
Bubenicek, V., Une famille sarrasine en Occident : Palamède et sa maisnie, in : XVIII e Congrès
international arthurien, Garda, 21–27 juillet, 1996, Bulletin bibliographique de la Société
internationale arthurienne XLIX (1997), 310s. (= 1997b).
Bubenicek, V., Quelques figures de Rois-chevaliers errants dans le roman en prose de
« Guiron le Courtois », in : M.-M. Castellani (ed.), La Figure du roi, Actes du colloque du
Centre d’Etudes Médiévales et Dialectales de Lille 3, Université Charles-de-Gaulle-Lille 3,
24–26 septembre 1998, Bien dire et bien aprandre, Revue de Médiévistique 17 (1998),
49–61 (= 1998c).
Bubenicek, V., Féminin ou masculin ? Quelques effets théâtraux du déguisement dans
« Guiron le Courtois », roman arthurien en prose du XIII e siècle, in : R. Robert (ed.), Texte
et théâtralité. Mélanges offerts à Jean Claude, Nancy, Presses Universitaires, 2000, 119–
130 (= 2000b).
Bubenicek, V., Quelques aspects du vocabulaire de la mer dans la « Continuation du Roman
de Meliadus » (ms.Ferrell 5), 27 e Congrès International de Linguistique et de Philologie
Romanes, Nancy, 15–20 juillet 2013, à paraître dans les Actes du Congrès.
Cigni, F., Per la storia del « Guiron le Courtois » in Italia, Critica del testo 7/1, (2004), 295–
316.
Cigny, F., Mappa redazionale del « Guiron le Courtois » diffuso in Italia, in : A. M. Finoli (ed.),
Modi e forme della fruizione della « materia arturiana » nell’Italia dei sec. XIII–XIV,
Milano, 4–5 febbraio 2005, Istituto Lombardo di Scienze e Lettere, 2006, 85–117.
Crescini, V., Frammento di un codice perduto del « Guiron le Courtois », Milano, Atti del Reale
Istituto Veneto di Scienze, Lettere ed Arti LXXIII (1913/14), 2 e partie, 273–321.
Crescini, V., Giunte allo scritto sopra un frammento del « Guiron le Courtois », Atti del Reale
Istituto Veneto di Scienze, Lettere ed Arti LXXIV (1914/15), 1103–1151.
Evrard, A., L’intérêt de l’édition d’un roman inédit du Moyen Age pour l’histoire du lexique
français. L’exemple de « Guiron le Courtois », in: E. Buchi (ed.), Actes de la Journée
d’étude « Lexicographie historique française: autour de la mise à jour des notices
étymologiques du Trésor de la langue française informatisé » (Nancy 2/ATILF, 4
novembre 2005), Nancy, ATILF, 2006.
Fritz, J. M., Guiron le Courtois, in: G. Hasenohr/M. Zink, Dictionnaire des lettres françaises.
Le Moyen Âge, Paris, Fayard, 1994, 657–658.
Lathuillère, R., Le manuscrit de « Guiron le Courtois » de la Bibliothèque Martin Bodmer, à
Genève, in : Mélanges de langue et de littérature du Moyen Âge et de la Renaissance
offerts à Jean Frappier, vol. II, Genève, Droz, 1970, 567–574.
Lathuillère, R., Le livre de Palamède, in : Mélanges de langue et de littérature médiévales
offerts à Pierre Le Gentil, Paris, S.E.D.E.S. et C.D.U réunis, 1973, 441–449.
Lathuillère, R., Guiron le Courtois, in : J. Frappier/R. R. Grimm, Grundriss der romanischen
Literaturen des Mittelalters, vol. IV : Le Roman jusqu’à la fin du XIII e siècle, Heidelberg,
Winter, 1978, 610–614 (= 1978a).
Lathuillère, R., Un exemple de l’évolution du Roman arthurien en prose dans la deuxième
moitié du XIII e s., in : Mélanges de langue et littérature françaises du moyen âge offerts
à Pierre Jonin, Aix-en-Provence, Publ. de CUER MA, 1979, 387–401.
Lathuillère, R., Le texte de « Guiron le Courtois » donné par le manuscrit de Paris, B. N., n.
acq.fr. 5243, in : Jean Marie d’Heur/Nicoletta Cherubini (edd.), Etudes de Philologie
Romane et d‘Histoire littéraire offertes à Jules Horrent à l’occasion de son soixantième
anniversaire, Liège, 1980, 233–238 (= 1980a).
Lathuillère, R., L’évolution de la technique narrative dans le roman arthurien en prose au
cours de la deuxième moitié du XIII e s., in : Etudes de langue et de littérature françaises,
offertes à André Lanly, Nancy, Publications de l’Université Nancy II, 1980, 203–214
(= 1980b).
Lauby, A., Un manuscrit arthurien et son commanditaire. Le « Guiron le Courtois » de
Bernabò Visconti (Bibl. Nat. de France, n.a.fr. 5243), thèse de l’Ecole nationale des
chartes, 2000.
Martineau, A., Les géants dans « Guiron le Courtois », Études médiévales 9–10 (2008), 178–
195.
Morato, N., Il ciclo di « Guiron le Courtois ». Strutture e testi nella tradizione manoscritta,
Firenze, Galluzzo, 2010.
Olsen, M., « Guiron le Courtois », décadence du code chevaleresque, Revue romane
Copenhague 12 (1977), 67–95.
C. E. Pickford, « Palamedes », in: R. S. Loomis (ed.), Arthurian Literature in the Middle Ages.
A Collaborative History, Oxford, Clarendon Press, 1974, 348–350.
Pourquery de Boisserin, J., « Guiron le Courtois » : étude introductive du rapport texte-image
dans le manuscrit BnF, fr. 350, Mémoire de DEA, Université de Rennes II-Haute
Bretagne, 2002.
Pourquery de Boisserin, J., Identification de Meliadus dans les miniatures du manuscrit BnF,
fr. 350 de « Guiron le Courtois », in : Ch. Connochie-Bourgne (ed.), Façonner son
personnage au Moyen Age. Actes du colloque Aix-en-Provence, 9–11 mars 2006, Aix-en-
Provence, CUER-MA, 2007, 297–308.
Pourquery de Boisserin, J., « Guiron le Courtois »: le lignage et sa représentation
iconographique dans l’épisode de la caverne, in : Ch. Ferlampin-Acher/D. Hüe (edd.),
Lignes et lignages dans la littérature arthurienne. Actes du 3e colloque organisé à
l’Université de Haute-Bretagne, Rennes, 13–14 octobre 2005, Rennes, Presses
Universitaires de Rennes, 2007, 115–126.
Pourquery de Boisserin, J., L’Energie chevaleresque: étude de la matière textuelle et
iconographique du manuscrit BnF, fr. 340, thèse de doctorat, Rennes II,
dactylographiée, 2009.
Trachsler, R., A l’origine du chant amoureux. A propos d’un épisode de « Guiron le Courtois »,
in : A.-M. Babbi/Cl. Galderisi (edd.), Recherches sur la mémoire et l’oubli dans le chant
médiéval. Hommage à Michel Zink, Orléans, Paradigme, 2001, 133–150.
Trachsler, R., Guiron le Courtois (Palamède), in : G. S. Burgess/K. Pratt (edd.), The Arthur of
the French. The Arthurian Legend in Medieval French and Occitan Literature, Cardiff,
University of Wales Press, 2006, 364–367.
Trachsler, R., Nouvelles recherches sur « Guiron le courtois ». A propos de trois livres récents,
Romania 140 (2014), 227–245.
Wahlen, B., Du recueil à la compilation : le ms. de « Guiron le Courtois », Paris, BnF, fr. 358–
363, Atelier 30 (2003), 89–100.
Wahlen, B., Du manuscrit à l’imprimé : le cas de « Guiron le Courtois », in : E. Bury/F. Mora
(edd.), Du roman courtois au roman baroque, colloque de Versailles, 2–5 juillet 2002,
Paris, Les Belles Lettres, 2004, 233–249.
Wahlen, B., Nostalgies romaines : le parcours de la chevalerie dans le « Roman de
Meliadus », première partie de « Guiron le Courtois », in : M. Lecco (ed.), Materiali
arturiani nelle letterature di Provenza, Spagna, Italia, Alessandria, Edizioni dell’Orso,
2006, 165–181.
Wahlen, B., Entre tradition et réécriture : le bon Morholt d’Irlande, Chevalier de la Table
Ronde, in : Ch. Connochie-Bourgne (dir.), Façonner son personnage au Moyen Age, Actes
du 31 e colloque du CUER MA 9, 10 et 11 mars 2006, Aix-en-Provence, Publications de
l’Université de Provence, 2007, 351–360.
Wahlen, B., L’écriture à rebours. Le Roman de Meliadus du XIII e au XVIII e siècle, Genève,
Droz, 2010.
II.2.2 Autres
Aarne, A./Thompson, S., The Types of the Folktale. A Classification and Bibliography,
Helsinki, Academia Scientiarum Fennica, 1961.
Abulafia, D., Herrscher zwischen den Kulturen. Friedrich II. von Hohenstaufen, Berlin, 1991.
Abulafia, D., Ethnic Variety and its Implications : Frederic II’s Relations with Jews and
Muslims, Intellectual Life (1994), 213–224.
Adler, A., Auberi le Bourguignon, schéma formel et destinée, Romania XC (1969), 455–472.
Albert, S., Le Northumberland. Les attributs d’une terre de la marge dans quelques romans
arthuriens, Questes 9 (2006), 40–51.
Albert, S., Entre géants et chevaliers. Une famille de géants « intertextuels » dans le Livre II
de « Perceforest », in : M. Closson/M. White-Le Goff (edd.), Les Géants, entre mythe et
littérature, Actes du colloque (Arras, 24–25 novembre 2005), Arras, Artois Presses
Université, 2007, 81–90.
Albertini Ottolenghi, M. G., La Biblioteca dei Visconti e degli Sforza : gli inventari del 1488 e
del 1490, Studi Petrarcheschi n.s. (1991), 1–238.
André, J.-M./Baslez, M.-F., Voyages dans l’Antiquité, Paris, Fayard, 1993.
Angeli, G., Il Mondo rovesciato, Roma, 1977.
Angeli, G., « Mundus inversus et perversus » de la fatrasie à la sottie, Revue des langues
romanes 86 (1982), 117–122.
Antonelli, R., « Non truovo chi mi dica chi sia amore ». « L’Eneas » in Sicilia, in : P. Frassica
(ed.), Studi di filologia e letteratura italiana in onore di Maria Simonelli, Alessandria,
1992, 1–10.
Antonelli, R., La scuola poetica alla corte di Federico II, in : P. Toubert (ed.), Federico II e le
scienze, Palermo, Sellerio, 1994, 309–323.
Antonelli, R., La corte « italiana » di Federico II e la letteratura europea, in : G. Orofino,
Federico II e le nuove culture, Atti del XXXI Convegno storico internazionale, Todi, 9–12
Ottobre 1994, Spoleto, 1995, 319–345.
Arbois de Jubainville, H. d’, Recherches sur les premières années de Jean de Brienne, roi de
Jérusalem …, Mémoires lus à la Sorbonne, Hist-phil. 8 (1867), 235–247.
Avril, F. (ed.), Dix siècles d’enluminure italienne (VI e–XVI e s.), Catalogue d’exposition, Paris,
Bibliothèque Nationale, 1984.
Avril, F./Gousset, M.-Th., avec la collaboration de Cl. Rabel, Manuscrits enluminés d’origine
italienne, vol. 2 : XIIIe siècle, Paris, Bibliothèque Nationale, 1984.
Avril, F./Reynaud, N., Les manuscrits à peintures en France 1440–1520, Paris, Bibliothèque
Nationale, 1993.
Avril, F./Gousset, M.-Th., avec la collaboration de J.-P. Aniel, Manuscrits enluminés d’origine
italienne, vol. 3: XIV e siècle, I: Lombardie–Ligurie, Paris, Bibliothèque Nationale, 2005.
Babbi, A. M., Per una tipologia della riscrittura. L’« Historia Apollonii Regis Tyri » e il
manoscritto Ash. 123 de la Biblioteca Laurenziana, in : F. Beggiato/S. Marinetti (dir.),
Vettori e percorsi tematici nel Mediterraneo romanzo (Roma, 11–14 Ottobre 2000),
Soveria Mannelli-Messina, Rubbettino, 2002, 181–197.
Barthélemy, D., Chevaliers et miracles. La violence et le sacré dans la société féodale, Paris,
Colin, 2004.
Barthélemy, D., La Chevalerie de la Germanie antique à la France du XII e siècle, Paris,
Fayard, 2007.
Bartolucci Chiecchi, L., Qualche nota paleografica su Enanchet (ms. 2585 di Vienna e ms. MR
92 di Zagabria), in : G. Holtus/H. Krauss/P. Wunderli (edd.), Testi, cotesti e contesti del
franco-italiano. Atti del 1° simposio franco-italiano (Bad Homburg, 13–16 aprile 1987). In
memoriam Alberto Limentani, Tübingen, Niemeyer, 1989, 196–201.
Baumgartner, E., Remarques sur les pièces lyriques du Tristan en prose, in : Etudes de
langue et de littérature du moyen âge offertes à F. Lecoy, Paris, Champion, 1973, 19–26.
Baumgartner, E., Le « Tristan en prose ». Essai d’interprétation d’un roman médiéval, Genève,
Droz, 1975.
Baumgartner, E., L’Arbre et le pain, essai sur la Queste del saint Graal, Paris, S.E.D.E.S.-
C.D.U., 1981.
Baumgartner, E., Arthur et les chevaliers envoisiez, Romania 105 (1984), 312–325 [cf. De
l’histoire de Troie …, Orléans, Paradigme, 1994, 263–276] (= 1984a).
Berthelot, A., Brehus sans Pitié, ou le traître de la pièce, in : M. Faure (ed.), Félonie, trahison,
reniements au Moyen Age, Actes du troisième colloque international de Montpellier,
Université Paul-Valéry (24–26 novembre 1995), Les Cahiers du C. R. I. S. I. M. A., n° 3,
Publications de l’Université Paul-Valéry, Montpellier III, 1997, 385–395.
Bertolucci, V., Amor dipinto. Icône della rivelazione amorosa nel « Lancelot en prose », in :
Miscellanea di studi in onore di Aurelio Roncaglia, Modena, Mucchi, 1988, 131–156.
Bertolucci, V., Morfologie del testo medievale, Bologna, Il Mulino, 1989, 35–66.
Bertolucci Pizzorusso, V., I cavalieri del Pisanello, Studi mediolatini e volgari XX (1972), 37–
48.
Bertolucci Pizzorusso, V., Testi e immagini in codici attribuibili all’area pisano-genovese alla
fine del Duecento, in : M. Tangheroni (ed.), Pisa e il Mediterraneo. Uomini, merci, idee
dagli Etruschi ai Medici (Catalogo della Mostra), Milano, Skira, 2003, 197–201.
Bertolucci Pizzorusso, V., La réception de la littérature courtoise du XII e et XIII e siècle en Italie :
nouvelles propositions, in : B. Altmann/C. W. Carrol (edd.), Court Reconvenens: Courtly
Literature Across the Disciplines. Selected Papers from the Ninth Triennal Congress of
the International Courtly Literature Society, University of British Columbia, 25–31 July
1998, Cambridge, Brewer, 2003, 3–13.
Bertoni, G., La biblioteca Estense e la coltura Ferrarese ai tempi del duca Ercole I, Torino,
Ermanno Loescher, 1903.
Bertoni, G., Notizie sugli amanuensi degli Estensi nel Quattrocento, Archivum Romanicum II
(1918), 29–57.
Bertoni, G., Lettori di romanzi francesi nel quattrocento alla corte Estense, Romania XLV
(1918/19), 117–122 (repris en volume : Studi su vecchie e nuove poesie e prose d’amore
e di romanzi, Modena, Umberto Orlandini, 1921, 253–261).
Bertoni, G., I lais del romanzo in prosa di Tristano, Studi Medievali 2 (1929), 140–151.
Bezzola, R. R., Les origines et la formation de la littérature courtoise en Occident (500–1200),
3 e partie, la société courtoise : littérature de cour et littérature courtoise, t. 1, Paris,
Champion, 1967.
Bezzola, R. R., Le sens de l’aventure et de l’amour (Chrétien de Troyes), Paris, Champion,
1968.
Bezzola, R. R., Les neveux, in : Mélanges de langue et de littérature du moyen âge et de la
Renaissance offerts à Jean Frappier, vol. I, Genève, Droz, 1970, 89–114.
Bianchini, S., « Le Cligès » en Sicile, in : XII e Congrès international Arthurien, Regensburg,
7–15 août 1979, Bulletin bibliographique de la Société internationale arthurienne XXXI
(1979), 261s.
Bianchini, S., Giacomo da Lentini e Brunetto Latini : una questione di firme, Studi mediolatini
e volgari 41 (1995), 27–50.
Bianchini, S., Cielo d’Alcamo e il suo « Contrasto ». Intertextualità romanza nella Scuola
poetica siciliana, Messina, Rubbettino, 1996.
Biller, G., Etude sur le style des premiers romans français en vers (1150–1175), Göteborg,
Elanders Boktryckeri, 1916.
Blackman, S., A Pictorial Synopsis of Arthurian Episodes for Jacques d’Armagnac, Duke of
Nemours, The Arthurian Yearbook 4 (1996), 3–57 (= 1996a).
Blackman, S., The Manuscripts and Patronage of Jacques d’Armagnac, Duke of Nemours
(1433–1477), 2 vol., Ann Arbor (Mich.), University Microfilms, Inc., 1994.
Blackman, S., Observations sur les manuscrits religieux de Jacques d’Armagnac, Cahiers de
Fanjeaux 31 : Livres et bibliothèques (XIII e–XV e siècles) (1996), 371–386 (= 1996b).
Bogdanow, F., The Character of Gauvain in the Thirteenth Century Prose Romances, Medium
Aevum 26 (1958), 154–161.
Bogdanow, F., The Spanish « Baladro » and the « Conte du Brait », Romania 83 (1962), 383–
399.
Bogdanow, F., The romance of the Grail, Manchester, Manchester University Press, 1966.
Bogdanow, F., Quelques remarques sur la composition du roman en prose de Tristan, in :
Mélanges R. Lejeune, vol. II, Duculot, Gembloux, 1969, 971–981 (= 1969b).
Bogdanow, F., The transformation of the role of Perceval in some thirteenth-century prose
romances, in : Studies in Medieval Literature and Languages in memory of Frederick
Whitehead, Manchester, Manchester University Press, 1973, 47–65.
Bogdanow, F., Theme and Caracter : the two Faces of King Mark, in : Actes du 14e Congrès
International Arthurien, vol. I, Rennes, Presses Universitaires de Rennes 2, 1985, 89–
109.
Bogdanow, F., Une compilation arthurienne méconnue: le manuscrit L-V-30 de la Bibliothèque
nationale de Turin, in : D. Buschinger (ed.), Europäische Literaturen im Mittelalter.
Mélanges en l’honneur de Wolfgang Spiewok à l’occasion de son 65e anniversaire,
Greifswald, Reinecke Verlag, 1994, 19–31.
Bogdanow, F., Micheau Gonnot’s Arthuriad Preserved in Paris, Bibliothèque Nationale, fr. 112
and its Place in the Evolution of Arthurian Romance, Arthurian Literature 22 (2005), 20–
48.
Bogdanow, F./Trachsler, R., Rewriting Prose Romance : the Post-Vulgate « Roman du Graal »
and Related Texts, in : G.-S. Burgess/K. Pratt (edd.), The Arthur of the French : The
Arthurian Legend in Medieval French and Occitan Literature, Cardiff, University of Wales
Press, 2006, 342–392.
Boor, H. de, Geschichte der deutschen Literatur, die deutsche Literatur im späten Mittelalter
1250–1350, vol. III/1, München, Beck, 1966.
Borg, A./Martindale, A. (edd.), The vanishing Past. Studies of medieval art, Liturgie and
Metrologie presented to Christopher Hohler, Oxford, B. A.R, International Series, 1981,
109–131.
Bossuat, R., Manuel bibliographique de la littérature française du moyen âge, Melun,
D’Argences, 1951.
Bossuat, R., Manuel bibliographique … Second supplément (1954–1960), Paris, D’Argences,
1961.
Bossuat, R./Monfrin, J., Manuel bibliographique … Supplément (1949–1953), Paris,
D’Argences, 1955.
Boüard, A. de (ed.), Documents en français des Archives angevines de Naples (règne de
Charles 1er ), vol. 2 : Les Comptes des Trésoriers, Paris, de Boccard, 1935.
Boutaric, E., Institutions militaires de la France avant les armées permanentes, Paris, Plon,
1863.
Bozoky, E., De la parole au monument : marquer la mémoire dans la littérature arthurienne,
in : B. Roy/P. Zumthor (edd.), Jeux de mémoire. Aspects de la mnémotechnique
médiévale, Montréal/Paris, Vrin, 1985, 73–82.
Braghirolli, W./Meyer, P./Paris, G., Inventaire des mss. en langue française possédés par
Francesco Gonzaga I, capitaine de Mantoue, Romania IX (1880), 497–514.
Branner, R., Manuscript Painting in Paris during the Reign of Saint Louis : a Study of Styles,
Berkeley, University of California Press, 1977.
Brault, G. J., Early Blazon. Heraldic terminology in the twelfth and thirteenth centuries with
special reference to Arthurian literature, Oxford, Clarendon Press, 1972.
Breillat, P., La Table Ronde en Orient : le Poème grec du vieux chevalier, Mélanges
d’Archéologie et d’Histoire de l’École française de Rome 55 (1938), 308–340.
Bresc, H., Le temps des géants, in : Temps, mémoire, tradition au Moyen Age, Actes du XIII e
Congrès de la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public,
Aix-en-Provence 4–5 juin 1982, Aix-en-Provence, Publications de l’Université de
Provence, 1983, 245–266.
Bretel, P., Les Ermites et les moines dans la literature française du Moyen Age (1150–1250),
Paris, Champion, 1995.
Bretel, P., Le Chevalier et l’Ermite, Revue des langues romanes 110 (2006), 125–143.
Brezzi, P., La personalità di Federico II nella storiografia del suo tempo, in : S. Gensini (ed.),
Politica e cultura nell’Italia di Federico II, Pisa, Pacini, 1986, 11–38.
Bruce, J. D., The Evolution of Arthurian romance from the beginnings down to the year 1300,
2 vol., Göttingen, Vandenhoeck et Ruprecht, 1923.
Brugger, E., Beiträge zur Erklärung der arturischen Geographie : II. Gorre, Zeitschrift für
französische Sprache und Literatur 28 (1905), 16–21.
Brugger, E., Loenois as Tristan’s Home, Modern Philology 22 (1924/25), 159–191.
Brugger, E., « Pellande », « Galvoie » and « Arragoce » in the Romance of Fergus, in : A
Miscellany of Studies in Romance Languages and Literature presented to Leon Kastner,
Cambridge, 1932, 94–107.
Brunetti, G., Il frammento inedito « [R]esplendiente stella de albur » di Giacomo Pugliese e la
poesia italiana delle origini, Tübingen, Niemeyer, 2000.
Brunetti, G., Atorno a Federico II, in : P. Boitani/M. Mancini/A. Vàrvaro (edd.), Lo Spazio
letterario del Medioevo, 2. II Medioevo volgare, vol. I : La produzione del testo, tome II,
Roma, Salerno, 2001, 649–693.
Brunetti, G., Un capitolo dell’espansione del francese in Italia : manoscritti e testi a Bologna
fra Duecento e Trecento, Quaderni di Filologia Romanza della Facoltà di Lettere et
filosofie dell’Università di Bologna 17 (2003), 125–164.
Bruni, F., La cultura alla corte di Federico II e la lirica siciliana, in : G. Barberi Squarotti/
F. Bruni, Dalle Origini al Trecento (vol. I della Storia della civiltà letteraria italiana),
Torino, 1990, 213–221, 268s.
Busby, K./Nixon, T./Stones, A./Walters, L., Les manuscrits de Chrétien de Troyes, vol. I et II,
Amsterdam/Atlanta, Rodopi, 1993.
Busby, K. (ed.), Word and Image in Arthurian Literature, New York/London, Garland, 1996.
Camargo, M., Ars dictaminis. Ars dictandi, Turnhout, Brepols, 1991.
Canart, P., Le livre grec dans l’Italie méridionale sous les règnes normands et souabes :
aspects matériels et sociaux, Scrittura e civiltà II (1978), 103–162.
Capaldo, M./Cardini, F./Cavallo, G./Scarcia Amoretti, B. (edd.), Lo Spazio letterario del
Medioevo, 3. Le culture circonstanti, vol. II : La cultura arabo-islamica, Roma, Salerno,
2003.
Cappelli, A., La Biblioteca Estense nella prima metà del secolo XV, Giornale Storico della
Letteratura Italiana XIV (1889), 1–30.
Cardini, F., Concetto di cavalleria e mentalità cavalleresca nei romanzi e nei cantari fiorentini,
in : I ceti dirigenti nella Toscana tardo comunale, Firenze, Papafava, 1983, 157–192.
Careri, M./Fery-Hue, F./Gaspari, F./Hasenohr, G./Labory, G./Lefèvre, S./Leurquin, A.-F./
Ruby, Ch., Album de manuscrits français du XIII e s. Mise en page et mise en texte,
Roma, Viella, 2001.
Carné, D. de, Sur l’organisation du Tristan en prose, Paris, Champion, 2010.
Caron, M.-Th., Les voeux du faisan, noblesse en fête, esprit de croisade. Le manuscrit fr.
11594 de la Bibliothèque nationale de France, Turnhout, Brepols, 2003.
Catalogue de l’exposition du château de Pons (Charente Maritime) : La guerre au Moyen Age,
juillet–août 1976 (introduction de Philippe Contamine et de Jean Glénisson), Imprimerie
Hemmerlé/Petit.
Catalogue of forty-four manuscripts of the 9 th to the 17 th century from the celebrated
collection formed by Sir Thomas Phillips (1792–1872). Day of sale : Tuesday 29 November
1966, Bibliotheca Phillippica, medieval manuscripts : new series : second part, London,
Sotheby and co., 1966.
Ceccanti, M. (ed.), Il codice miniato laico : rapport tra testo e immagine, Atti del IV Congresso
di Storia della Miniatura : Rivista di Storia della Miniatura 1–2 (1996/97).
Cerquiglini-Toulet, J., La couleur de la mélancolie. La fréquentation des livres au XIV e s.,
1300–1415, Paris, Hatier, 1993.
Chênerie, M.-L., Le motif de la Fontaine dans les romans arthuriens en vers des XII e et
XIII e s., in : Mélanges de langue et littérature françaises offerts à Monsieur Charles
Foulon, vol. I, Rennes 1980, 99–104.
Chênerie, M.-L., Le Chevalier errant dans les romans arthuriens en vers des XII e et
XIII e siècles, Genève, Droz, 1986.
Ciampoli, D., I Codici francesi della reale biblioteca nazionale di San Marco in Venezia,
descritti e illustrati, Venezia, Olschki, 1897.
Cigni, F., Manoscritti di prose cortesi compilati in Italia (sec. XIII–XIV) : stato della questione e
prospettive di ricerca, in : S. Guida/F. Latella (edd.), La Filologia romanza e i Codici, Atti
del Convegno (Messina, 19–22 dicembre 1991), Messina, Sicania, 1993, 419–441.
Cigni, F., Tristan e altri testi arturiani. Nuove osservazioni sulla composizione materiale del
ms. Parigi, BNF, fr. 12599, Studi mediolatini e volgari 45 (1999), 31–69.
Cigni, F., La ricezione medievale della letteratura francese nella Toscana nord-occidentale,
in : E. Werner/S. Schwarze (edd.), Fra toscanità e italianità: lingua e letteratura dagli
inizi al Novecento, Tübingen/Basel, Francke, 2000, 71–108.
Cigni, F., Memoria e « mise en écrit » nei romanzi in prosa dei secoli XIII–XIV, Francofonia 45
(2003), 59–90.
Clough, C. H., The Library of the Gonzaga of Mantua, Librarium. Revue de la Société suisse
des Bibliophiles 5 (1972), 50–63.
Colliot, R., Les épitaphes arthuriennes, Bulletin bibliographique de la Société internationale
arthurienne XXV (1973), 155–175.
Combarieu, M. de, Le jour et la nuit dans le « Tristan » de Béroul, Tristania 2 (1976), 12–31.
Combes, A., Les voies de l’aventure. Réécriture et composition romanesque dans le Lancelot
en prose, Paris, Champion, 2001.
Contamine, Ph., La guerre au moyen âge, Paris, Presses Universitaires de France, coll.
Nouvelle Clio, 1980.
Couderc, C., Album de portraits d’après les collections du département des mss., Paris, 1908.
Cropp, G. M., Le vocabulaire courtois des troubadours de l’époque classique, Genève, Droz,
1975.
Curtis, R. L., Some comments on the medieval French art of Letter Writing (with especial
reference to the Tristan romances), in : Tristan Studies, München, Fink, 1969, 54–57.
Curtius, E.-R., La literature européenne et le moyen âge latin, trad. de J. Bréjoux, Paris,
Presses Universitaires de France, 1956.
Dachs, M., Zur Illustration des höfischen Romans in Italien, Wiener Jahrbuch für
Kunstgeschichte 42 (1989), 133–154.
D’Ancona, P., La miniature italienne du X e au XVI e s., Paris/Bruxelles, Van Oest, Librairie
nationale d’art et d’histoire, 1925.
Daneu Lattanzi, A., Una « bella copia » di Al-Hāwī tradotto dall’arabo di Farag Moyse per
Carlo I d’Angiò (Ms. Vat. Lat. 2398–2399), in : Miscellanea di Studi in memoria di Anna
Saitta Revignas, Bibliotheca di Bibliographia italiana LXXXVI, Firenze, Olschki, 1978,
149–169.
Daniélou, J., Platonisme et théologie mystique. Essai sur la doctrine spirituelle de saint
Grégoire de Nysse, Paris, Aubier, 1944.
D’Arcais, F., Les illustrations des manuscrits français des Gonzague à la bibliothèque de
Saint-Marc, in : A. Limentani et al. (edd.), Essor et fortune de la chanson de geste dans
l’Europe et l’Orient Latin, t. II, Actes du IX e Congrès International de la Société
Rencesvals pour l’Etude des Epopées Romanes, Padoue–Venise, Modena, Mucchi, 1984.
Davy, M.-M., Le thème de la vengeance au moyen âge, in : G. Courtois (ed.), La Vengeance.
La Vengeance dans la pensée occidentale, vol. 4, Paris, Ed. Cujas, 1984, 125–135.
Degenhart, B./Schmitt, A., Corpus der italienischen Zeichnungen (1300–1450), vol. I : Süd-
und Mittelitalien, vol. II, Berlin, Mann, 1968 et 1980.
Degenhart, B./Schmitt, A., Marin Sanudo und Paolino Veneto. Zwei Literaten des
14. Jahrhunderts in ihrer Wirkung auf Buchillustrierung und Kartographie in Venedig,
Avignon und Neapel, Römisches Jahrbuch für Kunstgeschichte XIV (1973), 1–137.
Degenhart, B./Schmitt, A., Frühe angiovinische Buchkunst in Neapel. Die Illustrierung
französischer Unterhaltungsprosa in neapolitanischen Scriptarien zwischen 1290 und
1320, in : F. Piel/J. Traeger (edd.), Festschrift Wolfgang Braunfels, Tübingen, Wasmuth,
1977, 71–91.
Delachenal, R., Histoire de Charles V, vol. I : 1338–1358, Paris, Picard, 1909.
Delaissé, L. M. J., Les manuscrits à peintures sous le mécénat actif de Philippe le Bon,
Bruxelles, 1959.
Delaissé, L. M. J., Les copies flamandes du « Livre des tournois », Scriptorium XXIII (1969),
187–198.
Delbouille, M., Apollonius de Tyr et les débuts du roman français, in : Mélanges Rita Lejeune,
vol. II, Gembloux, Duculot, 1969, 1171–1204.
Delcorno-Branca, D., I romanzi italiani di Tristano e la Tavola Ritonda, Firenze, Olschki, 1968.
Delcorno-Branca, D., Per la storia del « Roman de Tristan » in Italia, Cultura neolatina 40
(1980), 211–229.
Delcorno-Branca, D., Il cavaliere delle arme incantate : circolazione di un modelo narrativo
arturiano, in : M. Picone/M. Bendinelli Predelli (edd.), I Cantari, Struttura e Tradizione,
Firenze, 1984, 103–126.
Delcorno-Branca, D., Boccaccio e le storie di re Artù, Bologna, Il Mulino, 1991.
Delcorno-Branca, D., I raconti arturiani del « Novellino », Lettere Italiane 48 (1996), 77–205.
Delcorno-Branca, D., Tristano e Lancilotto in Italia. Studi di letteratura arturiana, Ravenna,
Longo, 1998.
Delcorno-Branca, D., Dal romanzo alla novella e viceversa : il caso dei testi arturiani, in :
Favole Parabole Istorie. Le forme della scrittura novellistica dal Medioevo al
Rinascimento. Atti del Convegno di Pisa (26–27 ottobre 1998), Roma, Salerno, 2000,
133–150.
Delcorno-Branca, D., Le storie arturiane in Italia, in : P. Boitani/M. Mancini/A. Vàrvaro (edd.),
Lo Spazio letterario del Medioevo 2. Il Medioevo Volgare, vol. III : La Ricezione del Testo,
2003, 385–403.
Ferlampin-Acher, Ch., Fées, bestes et luitons. Croyances et merveilles dans les romans
français en prose (XII e−XIV e siècles), Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne,
2002.
Ferrier, J. M., Forerunners of the French Novel. An Essay on the Development of the
« Nouvelle » in the Late Middle Ages, Manchester, Manchester University Press, 1954.
Filippini, F./Zucchini, G., Miniatori e pittori a Bologna. Documenti dei secoli XIII e XIV,
Raccoltà di Fonti per la Storia dell’Arte diretta da Mario Salmi, VI, Firenze, Sansoni,
1947.
Finoli, A. M., La figura dell’eremita nella letteratura antico-francese, in : L’eremitismo in
Occidente nei secoli XI–XII. Atti della seconda settima internazionale di studia (Mendola,
30. 8.– 6. 9. 1962), Milano, 1965, 581–591.
Fleitmann, L. T., The Horse in Art, New York, 1931.
Flutre, L.-F., Table des noms propres avec toutes leurs variantes figurant dans les romans du
moyen âge, Poitiers, Centre d’Etudes Supérieures de Civilisation Médiévale, 1962.
Folena, G., Cultura e poesia dei Siciliani, in : E. Cecchi/N. Sapegno (dir.), Storia della
letteratura italiana, vol. I : Le origini e il Duecento, Milano, Garzanti, 1965, 271–347.
Folena, G., La cultura volgare e l’umanesimo cavalleresco nel Veneto, in : Cultura e lingue nel
Veneto medievale, Padova, Editoriale Programma, 1990, 337–394.
Folz, R., Le Souvenir et la Légende de Charlemagne dans l’Empire germanique médiéval,
Paris, Les Belles Lettres, 1950.
Frappier, J., La poésie lyrique en France aux XII e et XIII e siècles, 1ère partie: Les genres, Paris,
C. D. U., 1949.
Frappier, J., Le roman breton. Chrétien de Troyes : Cligès, Paris, C. D. U., 1958.
Frappier, J., Chrétien de Troyes, Paris, Hatier, 1968 (= 1968a).
Frappier, J., Etude sur la Mort le roi Artu, Genève, Droz, 1968 (= 1968b).
Frappier, J., Le Graal et la chevalerie, in : Autour du Graal, Genève, Droz, 1977, 89–128.
Freud, S., L’inquiétante étrangeté et autres essais, Paris, Gallimard, 1985.
Fritz, J. M., Daguenet ou le bouffon amoureux, in : D. Poirion (ed.), Styles et valeurs. Pour une
histoire de l’art littéraire au Moyen Age, Paris, SEDES, 1990, 37–73.
Fritz, J. M., Le discours du fou au Moyen Age, XII e–XIII e siècles. Etude comparée des discours
littéraire, médiéval, juridique et théologique de la folie, Paris, Presses Universitaires de
France, 1992.
Gasparri, F./Hasenohr, G./Ruby, Ch., De l’écriture à la lecture : réflexion sur les manuscrits
d’« Erec et Enide », in : K. Busby et al. (edd.), Les Manuscrits de Chrétien de Troyes,
vol. 1, Amsterdam, Rodopi, 1993, 97–148.
Gaussin, P.-R., Louis XI. Un roi entre deux mondes, Paris, Nizet, 1976.
Gauvard, Cl., La Fama, une parole fondatrice, La Renommée, Médiévales 24 (1993), 5–13.
Gauvard, Cl., Rumeur et stéréotypes à la fin du Moyen Age, in : La circulation des nouvelles
au Moyen Age, XXIV e Congrès de la Société des Historiens Médiévistes de
l’Enseignement Supérieur Public (Avignon, juin 1993), Paris/Rome, Publications de la
Sorbonne/École française de Rome, 1994, 157–177.
Gauvard, Cl., Violence et ordre public au Moyen Age, Paris, Picard, 2005.
Giaccaria, A., Contributo all’identificazione di manoscritti francesi della Biblioteca Nazionale
Universitaria di Torino, Studi Francesi 152 (2007), 335–353.
Giannini, G., Produzione e circolazione manoscritte del romanzo francese in versi dei secoli
XII e XIII in Italia, thèse consultable auprès des Bibliothèques nationales de Florence et
de Rome et préparée sous la direction de R. Antonelli, 2002/03.
Gidel, M. A. Ch., Etudes sur la littérature grecque moderne. Imitation en grec de nos romans
de chevalerie depuis le XII e siècle, Paris, Imprimerie Impériale, 1866.
Girolla, P., La Biblioteca di Francesco Gonzaga secondo l’inventario del 1407, Atti e Memorie
della Reale Academia nazionale Virgiliana, Mantova (1921–1923), 30–72.
Glasson, M., Etude historique sur la clameur de Haro, Paris, 1882.
Gousset, M.-Th., Etude de la décoration filigranée et reconstitution des ateliers : le cas de
Gênes à la fin du XIII e s., Arte medievale II (1988), 121–152.
Grisward, J., A propos du thème descriptif de la tempête chez Wace et Thomas d’Angleterre,
in : Mélanges Jean Frappier, vol. I, Genève, Droz, 1970, 375–389.
Guerreau-Jalabert, A., Index des Motifs narratifs dans les romans arthuriens français en vers
(XI e–XIII e siècles), Motif-Index […], Genève, Droz, 1992.
Guiffrey, J., Inventaires de Jean, duc de Berry (1401–1416), 2 vol., Paris, Leroux, 1894–1896.
Guignard, J. (dir.), Trésors de la Bibliothèque de l’Arsenal, Paris, Bibliothèque Nationale,
1980.
Hamel, Ch. de, Les Rothschild collectionneurs de manuscrits, Paris, Bibliothèque Nationale,
2004.
Harf-Lancner, L., Les fées au Moyen Age. Morgane et Mélusine. La naissance des fées, Paris,
Champion, 1984.
Harf-Lancner, L., La métamorphose illusoire : des théories chrétiennes de la métamorphose
aux images médiévales du loup-garou, Annales 40 (1985), 206–226 (= 1985a).
Harf-Lancner, L., De la métamorphose au Moyen Age, in : L. Harf-Lancner (dir.),
Métamorphose et bestiaire fantastique au Moyen Age, Paris, Presses de l’École Normale
Supérieure des Jeunes Filles, 1985, 3–25 (= 1985b).
Harrison-Thomson, S., Latin bookhands of the later Middle Ages 1100–1500, Cambridge,
University Press, 1969.
Harward, V. J., The Dwarfs of Arthurian Romance and Celtic Tradition, Leiden, Brill, 1958.
Hauvette, H., Boccace. Etude biographique et littéraire, Paris, Armand Colin, 1914.
Heimpel, H., Königlicher Weihnachtsdienst im späten Mittelalter, Deutsches Archiv für
Erforschung des Mittelalters 39 (1983), 131–206.
Hermann, H. J., Die italienischen Handschriften des Dugento und Trecento, vol. 1: Bis zur
Mitte des XV. Jahrhunderts, II/1, Leipzig, 1928.
Hermann, H. J., Die italienischen Handschriften des Dugento und Trecento, vol. 2 :
Oberitalienische Handschriften der zweiten Hälfte des XIV. Jahrhunderts. Beschreibendes
Verzeichnis der illuminierten Handschriften in Österreich, V/5, Leipzig, 1929.
Hessel, A., Storia della città di Bologna dal 1116 al 1280, Berlin, 1910 (édition italienne:
Bologna, G. Fasoli, 1975).
Huillard-Bréholles, J. L. A., Historia diplomatica Frederici Secundi, vol. V, Paris, Plon, 1859.
Huizinga, J., Le déclin du moyen âge, Paris, Payot, 1932.
Infurna, M., La letteratura franco-veneta, in : P. Boitani/M. Mancini/A. Vàrvaro (edd.), Lo
spazio letterario del medioevo, 2: Il Medioevo Volgare, vol. III : La Ricezione del Testo,
Roma, Salerno, 2003, 405–430.
Iragui, S., The Southern Version of the Prose Tristan : the Italo-Iberian Translations and their
French Source, Tristania 17 (1996), 39–54.
Jacob, P.-L., Dissertation sur quelques points curieux de l’histoire de France et de l’histoire
littéraire, vol. VIII : Sur les manuscrits relatifs à l’histoire de France et à la littérature
française conservés dans les bibliothèques d’Italie, Paris, Techener, 1839.
Jacob, P.-L., Sur les manuscrits relatifs à l’histoire de France et à la littérature française
conservés dans les bibliothèques d’Italie, in : A. Champollion-Figeac, Documents
historiques inédits tirés des collections manuscrites de la Bibl. royale et des Archives ou
Bibl. des départements, vol. III, Paris, 1847, 345–376.
Jal, A., Archéologie Navale, 2 vol., Paris, Bertrand, 1840–1842.
Jeanroy, A., Les origines de la poésie lyrique en France au Moyen Age, Paris, Champion,
1969.
Jonin, P., Les personnages féminins dans les romans français de Tristan au XII e s., Gap,
Ophrys, 1958.
J. Paul Getty Museum Journal (The), Including Acquisitions 1983, 12, 1984, The J. Paul Getty
Museum, Santa Monica, California (Ms. Ludwig XV, 6 : 305 n° 130).
Jung, M.-R., Etudes sur le poème allégorique en France au moyen âge, Bern, Francke, 1971.
Kantorowicz, E., L’Empereur Frédéric II, Paris, Gallimard, 1987.
Kennedy, A. J., The Hermit’s role in french Arthurian Romance (c. 1170–1530), Romania 95
(1974), 54–83.
Kennedy, A. J., The Portrayal of the Hermit-Saint in French Arthurian Romance : the
remoulding of a stock-character, in : K. Varty (ed.), An Arthurian Tapestry. Essays in
memory of Lewis Thorpe, Glasgow, The French Department of the University, 1981,
69–82.
Kennedy, E., Lancelot and the Grail. A Study of the Prose Lancelot, Oxford, Clarendon Press,
1986.
Kennedy, E., Intertextuality between genres in the Lancelot-Graal, in : N. J. Lacy (ed.), Text and
Intertext in Medieval Arthurian Literature, New York/London, Garland, 1996, 71–90.
Koble, N. (ed.), Jeunesse et genèse du royaume arthurien. Les Suites romanesque du Merlin
en prose, Actes du Colloque des 27 et 28 avril 2007, Orléans, Paradigme, 2007.
Kohler, Ch., Jean de Brienne, in: Grande Encyclopédie Larousse, vol. VIII, Paris, Larousse, 13–
15.
Labère, N., Défricher le jeune plant. Etude du genre de la nouvelle au Moyen Âge, Paris,
Champion, 2006.
Laffitte, M.-P., Les manuscrits de Louis de Bruges, chevalier de la Toison d’Or, in :
M.-Th. Caron/O. Clauzel (edd.), Le Banquet du Faisan, Arras, Université d’Artois, 1997,
241–255.
Langlois, Ch.-V., La connaissance de la nature et du monde au moyen âge, Paris, Hachette,
1911.
Langlois, Ch.-V., La vie en France au moyen âge du milieu du XII e et du XIII e siècles, vol. III :
La connaissance de la nature et du monde d’après des écrits à l’usage des laïcs, Paris,
Hachette, 1927 ; vol. IV : La vie spirituelle. Enseignements, méditations et controverses,
Paris, Hachette, 1928.
Langlois, E., Table des noms propres de toute nature compris dans les chansons de geste
imprimées, Paris, Bouillon, 1904.
Lanoë, G., « Ce sont amis que vent emporte … ». Quelques réflexions autour des collections
privées, des collectionneurs, du marché du manuscrit …, Gazette du livre médiéval 32
(1998, printemps), 29–39.
Larmat, J., Le personnage de Gauvain dans quelques romans arthuriens du XII e et du
XIIIe siècles, in : Etudes de langue et de littérature françaises offertes à André Lanly,
Nancy, Publications de l’Université Nancy II, 1980, 185–202.
Lathuillère, R., La Compilation de Rusticien de Pise, in : J. Frappier/R. R. Grimm (edd.),
Grundriss der romanischen Literaturen des Mittelalters, vol. IV,1 : Le Roman juqu’à la fin
du XIII e siècle, Heidelberg, 1978, 623–625 (= 1978a); vol. IV,2, Heidelberg, Winter, 1984,
n° 444, 201b–203a.
Meyer, P., Notice du ms. Douce 210 de la Bibl. Bodleienne à Oxford, Bulletin de la Société
des anciens textes français 2 (1880), 57–62.
Meyer, P., De l’expansion de la langue française en Italie pendant le moyen âge, in : Atti del
Congresso internazionale di Scienze storiche, Roma, 1903, Roma, Tipografia della R.
Accademia dei Lincei, 1904, vol. IV : Sezione Storia delle Letterature, 61–104 (tiré à part
numéroté 1–46).
Micha, A., Le mari jaloux dans la littérature romanesque des XII e et XIII e siècles, Studi
Medievali, nouvelle série, 17 (1951), 303–320 [et in De la chanson de geste au roman.
Etudes de littérature médiévale, Genève, Droz, 1976, 447–464].
Micha, A., Les romans arthuriens en vers, in : J. Frappier/R. R. Grimm (edd.), Grundriss der
romanischen Literaturen des Mittelalters, vol. IV/1 : Le Roman jusqu’à la fin du XIII e
siècle, Heidelberg, Winter, 1978, 377–399.
Micha, A., Sur un procédé de composition de « Lancelot » : les récits rétrospectifs, in :
J. Dufournet (ed.), Approches du Lancelot en Prose, Paris, Champion, 1984, 7–23.
Micha, A., Essais sur le cycle du Lancelot-Graal, Genève, Droz, 1987.
Mölk, U./Wolfzettel, F., Répertoire métrique de la poésie lyrique, des origines à 1350,
München, Fink, 1972.
Monfrin, J., Le roman de Belris, Le bel Inconnu, Carduino, in : G. Holtus/H. Krauss/
P. Wunderli (edd.), Testi, cotesti e contesti del franco-italiano. Atti del 1° simposio
franco-italiano (Bad Homburg, 13–16 aprile 1987). In memoriam Alberto Limentani,
Tübingen, Niemeyer, 1989, 161–176.
Monfrin, J., Les translations vernaculaires de Virgile au moyen âge, in : Lectures médiévales
de Virgile, Rome, École française, Actes du Colloque organisé par l’École française de
Rome, 25–28 octobre 1982, Roma, Ecole française de Rome, 1985, 189–249.
Monnier, Ph., Le Quattrocento. Essai sur l’histoire littéraire du XV e siècle italien, vol. II, Paris,
Perrin, 1931.
Monteverdi, A., Lingua e letteratura a Venezia nel secolo di Marco Polo, in : La civiltà
veneziana del secolo di Marco Polo, Firenze, 1955, 19–35.
Monteverdi, A., Messer lo Re Giovanni, in : Saggi e ricerche in memoria di Ettore Li Gotti,
Palermo, Centro di studi filologici e linguistici siciliani, 1962, 311–318.
Mora, F., La tentation de la nouvelle dans le roman en prose du XIII e siècle : l’épisode du
compagnonnage d’Eugenès et de Galaad dans la version brève du « Tristan en prose »,
in : J. Lecointe et al. (dir.), Devis d’amitié. Mélanges en l’honneur de Nicole Cazauran,
Paris, Champion, 2002, 25–37.
Munby, A. N. L., The Dispersal of the Phillipps Library, Cambridge, Cambridge University
Press, 1960.
Murphy, J. J., Rhetoric in the Middle Ages : A History of Rhetorical Theory from St. Augustine
to the Renaissance, Berkeley/Los Angeles/London, University of California Press, 1974.
Naetebus, G., Die nicht-lyrischen Strophenformen des Altfranzösischen, thèse de Berlin,
Leipzig, Hirschfeld, 1891.
Nebbiai-Dalla Guarda, D./Lombardi, G. (edd.), Livres, lecteurs et bibliothèques de l’Italie
méridionale (IX e–XV e siècles). Sources, textes et usages, Paris, CNRS Editions, 2002.
Novati, F., I codici francesi de’ Gonzaga secondo nuovi documenti, Romania XIX (1890), 161–
200.
Novati, F., Attraverso il Medio Evo. Studi e Ricerche, Bari, Laterza, 1905.
Oakeschott, R. E., The Sword in the Age of Chivalry, London, 1964.
Omont, H., Anciens inventaires et catalogues de la Bibliothèque Nationale, t. IV. La
Bibliothèque royale à Paris au XVI e s., Paris, Leroux, 1913.
Orlandelli, G., Il libro a Bologna dal 1300 al 1330. Documenti. Con uno studio su il contratto
di scrittura notarile bolognese, Bologna, Zanichelli, 1956.
Orofino, G., La decorazione del libro di storia tra età normanna ed età sueva : epos, cronaca
e manifesto, in : F. Oronia (ed.), Civiltà de Mezzogiorno d’Italia. Libro, scrittura,
documento in età normanno-sueva, Atti del convegno, Salerno, 1994, 197–226.
Ourliac, P., Coutume et mémoire : les coutumes françaises au XIII e siècle, in : B. Roy/
P. Zumthor, Jeux de mémoire, Paris/Montréal, 1985, 111–122.
Pächt, O., Der Weg von der zeichnerischen Buchillustration zur eigenständigen Zeichnung,
Wiener Jahrbuch für Kunstgeschichte 24 (1971), 178–184.
Panvini, B., Poeti italiani della corte di Federico II, Napoli, Liguori, 1994.
Parducci, A., La « lettera d’amore » nell’antica letteratura provenzale, Studi medievali, n.s. 15
(1942), 69–110.
Paris, G., La Légende de Saladin, Journal des Savants (1893), 284–299 ; 354–365 ; 428–438 ;
486–498.
Paris, G., Manuel d’ancien français. La littérature française au Moyen Age, seconde ed.
revue, augmentée et corrigée, Paris, Hachette, 1890.
Paris, P., Les manuscrits françois de la Bibliothèque du roi et leur histoire, vol. I, Paris,
Techener, 1836.
Paris, P., Les Romans de la Table Ronde mis en nouveau langage et accompagnés de
recherches sur l’origine et le caractère de ces genres de compositions, vol. V, Paris,
Techemer, 1877.
Pastoureau, M., Traité d’héraldique, Paris, Picard, 1979.
Pastoureau, M., L’hermine et le sinople. Etudes d’Héraldique Médiévale, Paris, Le Léopard
d’Or, 1982.
Pastoureau, M., Armorial des chevaliers de la Table Ronde, Paris, Le Léopard d’Or, 1983.
Pellegrin, E., La Bibliothèque des Visconti et des Sforza, ducs de Milan au XV e siècle, Paris,
CNRS, 1955.
Perriccioli Saggese, A., I romanzi cavallereschi miniati a Napoli, Napoli, Soc. ed. Napoletana,
1979.
Petrucci, A., Storia e geografia delle culture scritte (dal secolo XI al secolo XVIII), in : A. Asor
Rosa (ed.), Letteratura italiana. Storia e geografia, vol. II/2 : L’età moderna, Torino,
Einaudi, 1193–1292.
Piaget, A., Oton de Granson et ses poésies, Romania XIX (1890), 1–72 (tiré à part).
Pickford, C., L’évolution du roman arthurien en prose vers la fin du moyen âge, d’après le
ms. 112 du fonds français de la Bibliothèque Nationale, Paris, Nizet, 1960.
Pickford, C., A Fifteenth-Century Copiyst and his patron, in : Medieval Miscellany presented to
Eugène Vinaver, Manchester, Manchester University Press, 1965, 245–262.
Pickford, C. E., The Compilations of Jehan Vaillant and Michel Gonnot, in: R. S. Loomis,
Arthurian Literature in the Middle Ages, a collaborative history, Oxford, Clarendon
Press, 1974 (= 1974a).
Pickford, C. E., Miscellaneous French Prose Romances, in : R. S. Loomis, Arthurian Literature
in the Middle Ages, a collaborative history, Oxford, Clarendon Press, 1974, 349–358
(= 1974b).
Pickford, C. E., The River Humber in French Arthurian Romances, Arthurian Studies 7 (1983),
149–159.
Pisard, H., La Clameur de Haro dans le droit normand, Caen, 1911.
Plet, F., Le roi Marc, fel et traîtres, dans le « Roman de Tristan en prose », in : M. Faure (ed.),
Félonie, trahison, reniements au moyen âge, Actes du troisième colloque international
Sahlin, M., Etude sur la carole médiévale, l’origine du mot et ses rapports avec l’Eglise,
thèse pour le doctorat, Uppsala, 1940.
Salmi, M., L’enluminure italienne, Paris, Arts et métiers graphiques, 1956.
Salvati, C., La scrittura dei romanzi cavallereschi miniati a Napoli, in : A. Perriccioli Saggese,
I romanzi cavallereschi miniati a Napoli, Napoli, Soc. ed. Napoletana, 1979, 69–77.
Samaran, Ch., De quelques manuscrits ayant appartenu à J. d’Armagnac, évêque de Castres,
frère du duc de Nemours, Bibliothèque de l’École des Chartes LXVI (1905), 246–355.
Samaran, Ch., La maison d’Armagnac au XV e s. et les dernières luttes de la féodalité dans le
Midi de la France, Paris, Picard, 1907.
Samaran, Ch./Marichal, R., Catalogue des manuscrits en écriture latine portant des
indications de date, de lieu ou de copiste, t. II : Bibl. Nat., fonds lat. (1962) ; t. III : Bibl.
Nat., fonds lat., suite (1974) ; t. VI : Bourgogne, Centre, Sud-Est et Sud-Ouest de la
France (1968), Paris, CNRS, 1962–1974.
Saxl, F., La storia delle immagini, Bari, Laterza, 1965.
Schmitt, J.-Cl., Le suicide au moyen âge, Annales ESC 31 (1976), 3–28.
Schmolke-Hasselmann, B., L’intégration de quelques récits brefs arthuriens (Cor, Mantel,
Espee) dans les romans arthuriens au XIII e siècle, in : D. Buschinger (ed.), Le récit bref
au Moyen Age, Paris, Champion, 1979, 107–128.
Segre Montel, C., I Manoscritti miniati della Biblioteca Nazionale di Torino, vol. I, Turin, 1980.
Serra, G., Le date più antiche della penetrazione in Italia dei nomi di Artù e Tristano,
Filologia romanza II (1955), 225–237.
Sforza Vattovani, F., Leggere per diletto e guardare le figure. Nascita del libro illustrato per
una nuova società di lettori e lettrici, in : G. D’Aronco (dir.) et al., La Grant Queste del
saint Graal, La Grande Ricercha del Santo Graal, Versione inedita della fine del XIII
secolo del ms. Udine, Bibl. Arcivescovile, 177, Udine, R. Vattori, 1990, 59–87.
Signorini, R., Hoc opus tenue. La camera dipinta di Andrea Mantegna, Parma, Artegrafia
Silva, 1985.
Soetermeer, F. P. W., « Utrumque ius in peciis » : aspetti della produzione libraria a Bologna
fra Due e Trecento, Milano, Giuffrè, 1957.
Soetermeer, F. P. W., A propos d’une famille de copistes. Quelques remarques sur la librairie
à Bologne aux XIII e et XIV e siècles, Studi Medievali XXX, I (1989), 425–478.
Sommer, H. O., Zur Kritik der altfrz. Artus-Romane in Prosa. Robert und Hélie de Borron,
Zeitschrift für romanische Philologie XXXII (1908), 323–337.
Stiennon, J., Paléographie du Moyen Âge, Paris, Colin, 1973.
Sterling, Ch., La peinture médiévale à Paris 1300–1500, vol. II, Paris, 1990.
Stones, A., Images of Temptation, Seduction and Discovery in the Prose Lancelot : a
Preliminary Note, Wiener Jahrbuch für Kunstgeschichte XLVI–XLVII (1993/94), 725–735.
Suard, F., Guillaume d’Orange. Étude du roman en prose, Paris, Champion, 1979.
Suchier, H./Birch-Hirschfeld, A., Geschichte der französischen Litteratur, von den ältesten
Zeiten bis zur Gegenwart, Leipzig/Wien, Bibliographisches Institut, 1900.
Supino Martini, P., Linee metodologiche per lo studio dei manoscritti in « litterae textuales »
prodotti in Italia nei secoli XIII–XIV, Scrittura e civiltà 17 (1993), 43–101.
Szkilnik, M., Les deux pères de Caradoc, Bulletin Bibliographique de la Société
Internationale Arthurienne 40 (1988), 268–286.
Teviotdale, E. C., The Stammheim Missal, Los Angeles, J. Paul Getty Museum, 2001.
Thomas, A., Un bibliophile français et un enlumineur allemand à la fin du XV e siècle : Jean du
Mas, seigneur de Lisle, et Evrard d’Espingues, Comptes rendus des séances de l’année
1895 de l’Acad. des inscr. et belles lettres, 4 e série, 23 (1895), 74–78.
Thomas, A., Jacques d’Armagnac, bibliophile, Journal des Savants (1906), 633–644.
Thomas, A., Les mss. français et provençaux des ducs de Milan au château de Pavie,
Romania XL et XLI (1911 et 1912), 600 ; 614s.
Thompson, S., Motif Index of Folk-Literature, Helsinki, 1932–1936 (réed. Copenhague, Rosenkilde
and Bagger, 1955–1958, 6 vol.).
Toesca, P., La pittura e la miniatura nella Lombardia dai più antichi monumenti alla metà del
Quattrocento, Milano, Hoepli, 1912.
Toesca, P., Il Trecento, Torino, UTET, 1951.
Toureille, V., Cri de peur et cri de haine : haro sur le voleur. Cri et crime en France à la fin du
Moyen Age, in : D. Lett/N. Offenstadt (dir.), « Haro ! Noël ! Oyé ! » Pratiques du cri au
Moyen Age, Paris, Publications de la Sorbonne, 2003, 169–178.
Trachsler, R., Brehus sans Pitié : portrait-robot du criminel arthurien, in : La violence dans le
monde médiéval, Aix-en-Provence, CUER-MA, 1994, 525–542.
Trachsler, R., Clôtures du cycle arthurien. Etude et textes, Genève, Droz, 1996.
Trachsler, R./Parussa, S., Un riflesso della tradizione arturiana in Italia. La « Vendetta dei
descendenti di Ettore », Romanische Forschungen 114 (2002), 1–26.
Traxler, J. P., Observations on the importance of the prehistory in the « Tristan en prose »,
Romania 108 (1987), 539–548.
Van Cleve, Th.-C., The Emperor Frederic of Hohenstaufen, Immutator mundi, Oxford,
Clarendon Press, 1972.
Van Coolput, C.-A., La « préhistoire arthurienne » : quelques réfléxions à propos de la
première partie du Tristan en prose, Les Lettres romanes 38 (1984), 275–282.
Van Coolput, C.-A., « Aventures querant et le sens du monde ». Aspects de la réception
productive des premiers romans du Graal cycliques dans le Tristan en prose, Leuven,
Leuven University Press, 1986.
Van Coolput, C.-A., Sur quelques sculptures anthropomorphes dans les romans arthuriens en
prose, Romania CVIII (1987), 254–267.
Van Hemelryck, T./Van Hoorebeck, C. (edd.), L’écrit et le manuscrit à la fin du Moyen Âge,
Turnhout, Brepols, 2006, 379–396.
Van Praêt, J. B. B., Recherches sur Louis de Bruges, seigneur de la Gruthuyse, Paris, De Bure
Frères, 1831.
Van Schendel, A., Le dessin en Lombardie jusqu’à la fin du XV e s., Bruxelles, 1938.
Verrier, P., Le vers français. Formes primitives, développement, diffusion, vol. I, Paris, Didier,
1931.
Vezin, J., La réalisation matérielle des manuscrits latins pendant le haut moyen âge, in :
A. Gruys/J. P. Gumbert (edd.), Codicologica 2. Éléments pour une Codicologie comparée,
Leiden, Brill, 1978, 15–51.
Vielliard, F./Monfrin, J., Manuel bibliographique de la littérature française du moyen âge de
Robert Bossuat. Troisième supplément (1960–1980), vol. I et II, Paris, Ed. du CNRS, 1986
et 1991.
Vinaver, E., Un chevalier errant à la recherche du sens du monde, in : A la recherche d’une
poétique médiévale, Paris, Nizet, 1970, 163–177.
Vinaver, E., The Rise of Romance, Oxford, Clarendon Press, 1971.
Viollet-le-Duc, M., Armes de guerre offensives et defensives (Dictionnaire raisonné du
mobilier français, vol. 5 et 6), Paris, 1874/75.
Viscardi, A., Letteratura franco-italiana, Modena, Società tipografica modenese, 1941.
Von Kloos, R., Alessandro Magno e Federico II di Suevia, in : Atti del convegno di studi su
Federico II, Jesi, 1976, 83–106.
Ward, H. L., Catalogue of Romances in the department of manuscripts in the British Museum,
vol. I, London, Clowes, 1883.
West, G. D., An Index of Proper Names in French Arthurian Prose Romances, Toronto,
University of Toronto Press, 1978.
Wieruszowski, H., Sommetta ad amaestramento di componere volgarmente lettere, Archivio
italiano per la storia della pietà 2 (1957), 193–198.
Wieruszowski, H., King Arthur’s Round Table. An academic Club in thirteenth-century
Tuscany, in : Politics and culture in medieval Spain and Italy, Roma, Edizioni di Storia e
Letteratura, 1971, 379–386.
Wiesman-Wiederman, F., From Victim to Villain : King Mark, in : The Expansion and
Transformation of Courtly Literature, Athens, GA, Georgia University Press, 1980, 49–68.
Woledge, B., Bons vavasseurs et mauvais sénéchaux, in : Mélanges R. Lejeune, vol. II,
Gembloux, Duculot, 1969, 1263–1277.
Woledge, B., Bibliographie des romans et nouvelles en prose française antérieurs à 1500 ;
Supplément 1954–1973, Droz, Genève, 1975.
Woods-Marsden, J., The Gonzaga of Mantua and Pisanello’s Arthurian Frescoes, Princeton,
Princeton University Press, 1988.
Zaccagnini, G., La vita dei maestri e degli scolari nello studio di Bologna nei secoli XIII e XIV,
Genova, 1926.
Zink, M., La prédication en langue romane avant 1300, Paris, Champion, 1976.
Zink, M., Les toiles d’Agamanor et les fresques de Lancelot, Littérature 38 (mai 1980), 43–
60.
Zumthor, P., La lettre et la voix, Paris, Seuil, 1987.