Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
COMMUNICATION GENERALE
Cécile DELFOSSE
Conclusions
Bibliographie
Bernard WERBER
Il est vivement recommandé à l'étudiant d'assister au cours en possession du support écrit réalisé par le
professeur, de prendre des notes et de participer activement aux exercices proposés en classe.
Régulièrement, le professeur y mentionne les « tuyaux » utiles pour l’examen.
Evaluation
Un examen écrit, basé sur les concepts théoriques du syllabus et sur des exercices tels que ceux
réalisés au cours, sera programmé en session. Les types de questions et leur pondération seront
explicités par l’enseignante lors des dernières séances de cours.
Yves WINKIN
Situés au carrefour de plusieurs disciplines, les processus de communication ont suscité l'intérêt de
sciences aussi diverses que la philosophie, la géographie, la psychologie, la zoologie, la sociologie, la
linguistique, l'anthropologie, ... Pour Dominique WOLTON, la communication est un objet
interdisciplinaire.
La notion de communication est complexe car elle contient, étymologiquement deux acceptions, l’une
normative (idéal de partage et compréhension mutuelle), l’autre fonctionnelle (échange de nombreuses
informations au sein de sociétés). Les dictionnaires historiques font remonter les premières occurrences du
mot aux alentours de 1350. Communication est à l'époque interchangeable avec communion, et signifie
1
In LOHISSE J., La communication, De Boeck Université, p.8
2
Yves WINKIN, « COMMUNICATION », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 26 février 2013.
URL http://www.universalis.fr/encyclopedie/communication/
3
WOLTON, D. Penser la communication. Flammarion. Paris, 1997
Ce n'est qu'au XVIe siècle qu'apparaîtra une spécialisation des termes : communion gardera son acception
religieuse, tandis que communication va se séculariser, tout en signifiant toujours partage, mise en
commun. C'est un sens qui va traverser les siècles en s'affaiblissant progressivement. Au XIXe siècle, on
retrouve encore dans le Littré le terme « communiers », pour parler des fermiers qui mettent leurs terres
en commun.
e
Mais un autre sens commence à apparaître au XVII siècle : de partage, on passe à faire part, c'est-à-dire à
transmettre, comme dans le célèbre exemple du dictionnaire de Furetière (1690) : « l'aimant communique
e e
sa vertu au fer ». Le terme va ainsi devenir de plus en plus technique. Aux XVIII et XIX siècles, les « moyens
de communication » désignent les routes, les canaux, puis les chemins de fer. À la fin du XXe siècle, les
« nouvelles technologies de communication » renvoient aux multiples combinaisons entre informatique et
télécommunications. Il s'agit plus que jamais de moyens de transmission d'un point vers un autre.
Les premiers travaux universitaires sur la communication, dans le premier tiers du XXe siècle, mettaient en
place un rapport très large entre communication et société. Mais la place que prennent la presse, le cinéma,
la radio puis la télévision dans les événements dramatiques du deuxième tiers du siècle (montée du
nazisme, Seconde Guerre mondiale, guerre froide, etc.) va amener les chercheurs à ne plus voir dans la
communication qu'une transmission de messages par les médias. Ce recadrage du rapport entre
communication et société doit en outre beaucoup à l'apparition d'une « théorie générale » à la fin des
années 1940.
« Il n’y a jamais de communication en soi, elle est toujours liée à un modèle culturel, c’est-à-dire à
une représentation de l’autre, puisque communiquer consiste à diffuser, mais aussi interagir avec
un individu ou une collectivité. L’acte banal de communication condense en réalité l’histoire d’une
culture et d’une société. »4
Communiquer :
Verbe transitif Verbe intransitif
1. Faire connaître qqch à qqn 1. Etre, se mettre en relation.
2. Faire partager 2. Etre en rapport avec, par un passage
3. Rendre commun à, transmettre (qqch)
Communication :
1. Le fait de communiquer, d'établir une relation avec (quelqu’un, quelque chose)
2. Action de communiquer quelque chose à quelqu’un et résultat de cette action.
3. La chose que l'on communique.
4. Moyen technique par lequel les personnes communiquent, message qu'elles se transmettent.
5. Ce qui permet de communiquer, passage d'un lieu à un autre.
4
WOLTON, D. Penser la communication. Flammarion. Paris, 1997, p.15
5
Le Petit Robert
Chez l’Homme, la communication ne se réduit pas non plus à des échanges verbaux, puisque, en dehors
même de la langue des signes, nous émettons et recevons sans cesse, entre autres, des signaux visuels
(postures, gestes, mimiques) et tactiles (les différents touchers, de la poignée de main aux caresses de la
mère à son bébé). Ces signaux peuvent remplacer certains énoncés verbaux, mais peuvent aussi les
accompagner ou les illustrer (comme dans les gestes illustratifs : « un poisson gros comme ça »).
Les membres de ces sociétés n'ont pas à débattre de ses fondements, de ses origines, de ses fins.
6
D’après L’homme et la communication, p.10 et 42
7
D’après ATTALLAH P., Théories de la communication. Télé-université, chap.2
Les sociétés modernes qui émergent entre le XVIe et le XVIIIe siècle refusent cette transcendance
divine. Elles croient que l'ordre social est déterminé par l'exercice de la raison humaine confrontée
aux difficultés et contradictions du monde empirique. En d'autres mots, elles affirment que
l'ordre social est d'abord et avant tout humain. A partir du moment où c'est l'homme qui déter -
mine le sens de la vie sociale, la société se dote d'institutions et de moyens de communication. Les
parlements, l'opinion publique, la liberté d'expression, le suffrage universel, ... sont autant de moyens
par lesquels se déterminent les règles de la vie sociale et humaine. Elles en appellent donc à la
communication entre les hommes.
Caractérisées par l'émergence de l'individualisme, les sociétés modernes voient des hommes qui
veulent exposer leurs raisons et leurs raisonnements et les défendre contre autrui.
Soulignons que longtemps, la communication ne sera pas considérée comme une discipline à part
entière mais comme un "sous département" de l'une ou l'autre science "reconnue". Aujourd'hui,
cette vision réductrice est dépassée et l'on peut enfin parler d'une science de la communication à part
entière.
L'intelligibilité scientifique est le fait de donner du sens à un phénomène. Dans notre cas, pour
comprendre la communication, pour lui donner du sens, les chercheurs vont construire des théories.
Comment procèdent-ils?
Ils observent des phénomènes de communication qui ont lieu et choisissent un objet d'étude parmi
la réalité perçue. Ensuite, ils analysent les éléments constitutifs de ce phénomène et leurs relations.
Les chercheurs les nomment grâce à des instruments intellectuels: des notions, des idées, des concepts...
La "réalité perçue" est transformée en "représentation scientifique" que l'on appelle aussi "modèle".
Un modèle théorique est donc une représentation "simplifiée" d'un processus.
Les chercheurs s'attachent ainsi à élucider les phénomènes observés et à tenter de saisir le processus
de communication dans sa totalité. Ce faisant, ils élaborent des théories. Comme l'explique Lohisse 8,
la théorie est la tentative de représenter abstraitement un réel toujours insaisissable dans son intégralité.
La théorie nécessite une sélection, implique le rejet de certains éléments jugés secondaires. Il ne s'agit
pas de simplification, synonyme d'appauvrissement, mais d'abstraction, qui est une façon de
connaître en proposant une interprétation à un certain niveau de généralité de pensée.
Le plus souvent, la théorie va proposer un modèle partiel permettant de sché matiser une situation
déterminée ou un modèle explicatif général, dit aussi paradigme, applicable à des domaines différents.
Les théories et modèles en communication sont nombreux. Il n'existe pas "une" bonne théorie, ni "un"
bon modèle. Aussi est-il important d'en approcher plusieurs.
8
In LOHISSE J., op.cit., p.11
Pour approcher ces théories et faciliter leur mémorisation, nous reprendrons la classification proposée
par J. LOHISSE. Celle-ci repose sur la distinction entre l’idée de transmission et celle de relation.
Jean LOHISSE 9nous propose les métaphores de la machine d'une part et de l'organisme d'autre
part pour mettre en exergue cette distinction.
La machine est un instrument pour réaliser des choses. Un ensemble de théories considèrent donc la
communication comme un instrument de transmission d'un message. Cela les conduit à une
approche analytique: dans celle-ci, les scientifiques découpent le réel en autant d'éléments qu'il
est constitué.
Une autre génération de chercheurs en communication, par contre, voit la communication comme un
ensemble dynamique dans lequel les relations entre les éléments sont le plus important. C'est une
approche scientifique globalisante car le réel est considéré comme un organisme, c'est-à-dire un
univers complexe de composants interactifs.
Y.WINKIN 10 propose quant à lui l'analogie du modèle télégraphique et du modèle orchestral comme outils
pédagogiques et mnémotechniques. La métaphore du télégraphe (comme celle de la machine) veut
mettre en évidence un phénomène de type mécanique.
Le choix de l'expression télégraphique veut suggérer que la théorie mathématique de l'information
mise au point par des ingénieurs en télécommunications a influencé cet ensemble de recherches
en communication. Tandis que l'orchestre, un ensemble de musiciens participant au morceau de
musique, nous rappelle l'organisme. Signalons que contrairement à LOHISSE, WINKIN classe la
cybernétique dans le modèle télégraphique. Nous reviendrons sur cette différence dans le
chapitre consacré à la systémique.
Les théories seront abordées dans un ordre souvent chronologique. Nous démarrerons notre parcours
dans les années 30, soit dans la période de l’entre-deux guerres. Quelquefois, dans certaines disciplines,
nous ferons cependant une courte marche arrière pour mieux comprendre l’influence des réflexions de
certains chercheurs sur les théoriciens de la communication; dans d’autres cas, nous ferons au contraire
un bond dans le temps pour voir quelles évolutions ont été enregistrées depuis.
9
In LOHISSE J., op.cit., p.15 à 18 ;23 ;101 ;102
10
WINKIN Y., op.cit.
Il ne faut pas conclure à la docilité des médias et la passivité de l’opinion à l’égard des médias, soutient
H. Lasswell, sans avoir mené des enquêtes précises sur les conditions de production de l’information.
MEDIAS AUDIENCE
MESSAGE
(Emetteur) (Récepteur)
Si l’on suit ce modèle en effet, les médias peuvent être comparés à une seringue qui injecterait son contenu
dans le cerveau de l’audience. L’audience est constituée de l’ensemble des individus consommateurs de
médias. Cette audience est étendue (massmédia), hétérogène et anonyme.
Il s’agit donc d’une vision transmissive.
Selon Lasswell, la circulation de l’information est essentielle au fonctionnement de tout état démocratique.
S’il est connu pour son étude sur les médias et sa critique de la « seringue hypodermique », il a aussi étudié
la circulation de l’information dans la société en général. Pour lui, les zones d’information à l’œuvre ne se
limitent pas aux médias : il y a aussi les diplomates, les chercheurs, les parents, etc.
En 1948, Lasswell formule sa célèbre grille de lecture de sociologie des médias, axée sur cinq questions
clés qui inspireront toute la sociologie de la communication qui s’est inscrite dans ce sillage.
QUI ? dit QUOI ? par quel CANAL ? à QUI ? et avec QUELS RESULTATS ?
L'intérêt essentiel de ce modèle est de dépasser la simple problématique de la transmission d'un message
et d'envisager la communication comme un processus dynamique avec une suite d'étapes ayant chacune
leur importance, leur spécificité et leur problématique. Il met aussi l'accent sur la finalité et les effets de la
communication.
On peut regretter que Lasswell n’ait pas introduit dans son modèle une sixième question : dans quel
contexte ? Ce modèle est bien issu d'une tradition behavioriste 11, avec un récepteur considéré comme
essentiellement passif.12
Dans les années 1940, le sociologue américain Paul LAZARFELD, avec ses enquêtes sur l’impact de la radio
lors des élections présidentielles, suggère que l’opinion est beaucoup moins sensible aux messages des
médias qu’à ceux de l’environnement immédiat. Contre toute attente, les médias parviennent assez peu à
changer les opinions préalables du public. Il réfute donc, lui aussi, le modèle « hypodermique » de
l’influence. Avec KATZ, il signe en 1955 un ouvrage intitulé Influence personnelle où ils développent leur
théorie des deux étages de la communication ou « two-step flow theory » (schéma ci-dessous). Cette
théorie ne réduit pas le public à une « masse » et considère les individus comme des relais dans la
transmission des informations et la constitution de l’opinion publique. Les médias diffusent des
informations à certains récepteurs particuliers (guides d’opinion) qui les répercutent à leur entourage,
moins bien informé. Le leader d’opinion joue, à un second niveau, le même rôle que le média en amont. Le
leader est donc perçu comme « actif » par rapport à ceux qu’il influence (« passifs »), il entretient de
nombreux contacts avec son groupe et les membres de celui-ci s’identifient à lui. L’impact médiatique serait
donc partiel et indirect.
MEDIAS
leaders
opinion
individus
11
Voir point 3 ci-après
12Peu mise en lumière, la notion de talkback (ancêtre du feedback) est pourtant envisagée par Lasswell qui pense que le message
revient du récepteur à l’émetteur.
le leader exerce surtout son influence au sein de son groupe d’appartenance (renforcement des
opinions) ;
la communication médiatique n’est envisagée que sous l’angle de la persuasion ;
la communication médiatique peut exercer une influence directe, même sur les individus plus
« passifs ».
Dans la suite des travaux de Lasswell et de Lazarfeld, les théories sociologiques se sont affinées.
En 1951, Jean STOETZEL (sociologue français, 1910-1987) identifie 4 fonctions aux médias :
L’information (fonction principale)
L’appartenance sociale
La psychothérapie
La récréation/distraction
Pour le « modèle de l’agenda », formulé dans les années 70, les médias ne font que sensibiliser le public
à certains thèmes par le seul fait d’en parler souvent. Les médias agissent donc sur l’opinion moins comme
un propagandiste qui dirait « ce qu’il faut penser » qu’en sensibilisant les gens sur certains centres
d’intérêts, c’est-à-dire « ce à quoi il faut penser ». D’où la fameuse formule : « Les médias ne disent pas aux
gens ce qu’ils doivent penser, mais à quoi ils doivent penser ».
Philosophe et sociologue canadien, Marschall MCLUHAN (1911-1980) s’interrogea lui aussi sur les effets
des médias. On lui doit quelques formules célèbres comme « The message is the medium » (le message,
c’est le média), que l’on peut mieux comprendre quand on sait la fascination qu’exerce la télévision par le
pouvoir de l’image. Bref, ce n'est pas le contenu qui affecte la société, mais le canal de transmission lui-
même. Comme si « l’aura » du média déteignait sur le message.
Son autre grande idée est celle du « village planétaire », un monde où les moyens de communication
permettent d’abolir frontières et différences culturelles.
Plus récemment, les recherches en sociologie de la réception ont montré que chaque public filtre,
réinterprète et se réapproprie l’information à sa manière. De leur côté, les études sur les médias et la
fabrication de l’information semblent confirmer une autonomie relative des journalistes et de la presse à
l’égard des pouvoirs politique et économique.
Par ailleurs, les nouvelles technologies de l’information et de la communication modifient, dans une
certaine mesure, le rapport du public aux médias et les interactions entre eux. La collaboration des
individus-citoyens au processus d’information n’est pas née avec internet, mais l’évolution de l’usage du
média a permis de dépasser le stade de l’influence ou du commentaire. Certains internautes, à travers leur
blog notamment, deviennent producteurs d’information.
Pour le behaviorisme, fondé par WATSON 14 en 1913, on ne peut formuler des lois qu'à partir de ce qui
est expérimentalement observable (d'où l'appellation de psychologie expérimentale). Or, nous
pouvons observer le comportement de l'individu en observant ce qu'il fait et ce qu'il dit. La parole
est considérée comme une action comme les autres: dire, c'est se comporter.
Pour le behaviorisme, l'apprentissage est le seul facteur de construction de la personnalité. Tout ce que
nous pensons et faisons est le résultat d'un conditionnement scientifiquement démontrable.
On dira qu'une communication est behavioriste quand elle crée d'elle -même des réflexes
conditionnés ; mais on tiendra également pour behavioriste une communication qui récupère des réflexes
comportementaux déjà acquis par l'éducation, le poids des lois sociales, le discours éducatif d'une
société, etc. En s'inscrivant dans la perspective behavioriste, la recherche en communication s'oriente vers
les rapports entre les symboles et le comportement humain.
Le concept de stimulus-réponse
Le behaviorisme, qui s'appuie sur les travaux physiologistes de la réflexologie de PAVLOV15, explique le
comportement humain par le phénomène des stimuli-réponses.16
A stimulus connu, réponse prévue, et à réponse connue, stimulus diagnostiqué. Est désignée sous le
terme d'apprentissage toute modification stable du comportement due à l'expérience.
Un des apprentissages fondamentaux est le conditionnement. Cette loi du conditionnement a été
découverte par PAVLOV en 1897 au cours de son étude expérimentale sur le chien.
Le comportement de l'être humain est influencé par les stimuli du milieu dans lequel il se trouve. Le
stimulus peut être considéré comme une excitation du monde extérieur. La réponse, la conduite
de l'homme est une réaction liée causalement à une modification de l'environnement extérieur.
Le comportement suppose des adaptations constantes puisque l'environnement varie!
S R
13
Behavior = comportement
14
John WATSON (1878-1958), psychologue américain
15
Ivan PAVLOV (1849-1936), physiologiste russe
16
Stimulus = excitation, incitation externe
Le télégraphe est en effet fondamental en temps de guerre. Le problème, c'est que le message envoyé n'est
jamais entièrement restitué ; cette perte d'information peut se révéler fatale à une unité ayant demandé
de l'aide… L'équipe de Shannon va modéliser le processus télégraphique, avec force équations et schémas.
Après la guerre, Shannon retourne à ses recherches au sein des laboratoires de la Bell Telephone Company.
Il cherche avec une équipe de spécialistes des télécommunications à améliorer le rende ment du
télégraphe, c'est-à-dire à augmenter la vitesse de transmission du message, à diminuer les pertes en cours
de transmission, à déterminer la quantité d'informations émettables en un temps donné. Il raisonne en
termes de transmission de l'information. Autrement dit, ce qui l'intéresse en matière de
communication, c'est la quantité d'informations reçues par le récepteur. Il estime qu'il est possible
d'exprimer tout message verbal en termes mathématiques.
Le vocabulaire qu'ils utilisent nous montre bien qu'ils s'attachent à expliquer un phénomène
technique: l'émetteur est le dispositif destiné à produire des ondes capables de transmettre des
sons et le récepteur est l'appareil qui reçoit et amplifie les ondes.
Suite à ses recherches, Shannon écrit trois articles très techniques dans une revue interne de la Bell
Company. Le patron de l'entreprise estime alors que ces articles sont pertinents mais « redoutablement
mathématiques » et il demande à un de ses ingénieurs, Warren Weaver, de reprendre ces articles et de les
rendre accessibles à un public plus large. C'est ainsi qu'en 1949 paraît la Théorie mathématique de la
communication sous la double plume de Shannon et Weaver.
À la grande surprise de tous, les ventes de l’ouvrage décollent. Le succès est dû à l'introduction écrite par
Weaver, qui généralise la théorie de Shannon. Le livre s'ouvre sur un « modèle de la communication » fait
de cinq boîtes et de cinq flèches (source d'information – émetteur – source de bruit – récepteur –
destination), qui n'était au départ destiné qu'à représenter des « systèmes de communication » de
messages discrets, mais que Weaver a généralisé à tout système, mécanique, vivant ou symbolique. On voit
ainsi comment s'opèrent, subrepticement, non seulement le glissement de la transmission à la
communication mais aussi le passage du particulier au général par le relais d'une mathématisation
universalisante.
Comment faire en sorte que le message s'altère le moins possible au cours de sa transmission et si
possible qu'il soit reçu tel qu'il a été émis? Si ce n'est pas le cas, à quoi imputer les altérations? Et
comment éviter qu'elles se reproduisent à l'avenir?
Source de
bruits
C'est une chaîne d'éléments: la source d'information (la personne qui parle au téléphone) produit un
message; l'appareil émetteur transforme le message en signaux (par exemple, au téléphone, la voix
devient un ensemble d'impulsions électriques); le canal est le moyen utilisé pour transporter les signaux
(le câble téléphonique); l'appareil récepteur reconstruit le message à partir des signaux (le téléphone
retransforme les impulsions électriques en sons). La destination est la personne ou la chose à
laquelle le message est envoyé. Durant la transmission, les signaux peuvent être perturbés par des
bruits (ex: grésillement sur la ligne).
Comme on le voit, Shannon fait de l'émetteur et du récepteur non pas des personnes mais des
appareils ou dispositifs qui ne produisent ou ne reçoivent pas le message mais le traduisent (l'encodent et
le décodent, si l'on veut).
Claude Shannon détermina qu’une information a d’autant plus de valeur que sa probabilité est faible.
Par exemple, il peut être utile d’apprendre que « l’autoroute est coupée dans 20 km » car cet événement
se présente relativement rarement ; en revanche, signaler que « l’opposition n’est pas d’accord avec le
gouvernement » est une information de faible valeur, car fortement probable.
L’information contenue dans un message est donc une quantité mathématiquement mesurable, liée à la
probabilité que ce message soit choisi parmi un ensemble de messages possibles. Plus le message est
probable, plus la quantité d’information qu’il transporte est faible. Par conséquent, un message attendu
avec certitude possède une quantité d’information nulle.
Le codage et le décodage
Le message est codé en signaux émis, c'est l'opération de codage de l'information. Ensuite, le récepteur
reçoit des signaux qui sont décodés pour retrouver le message initial. Il est nécessaire que les opérations
de codage et décodage s'effectuent sur base d'un code dont la convention est partagée par l'émetteur
et le récepteur. Le code est composé de signaux univoques. Chaque signe se réfère à une seule chose:
aucune ambiguïté n'est tolérée. Pensez au morse ou au langage binaire de l'informatique. Le code
apparaît comme extérieur à la source: celle-ci doit se soumettre au code.
Le bruit et la redondance
L'information lorsqu'elle circule sur le canal est menacée par le bruit (la fameuse friture sur la ligne). Mais
le bruit n'est pas toujours sonore: il peut s'agir de taches d'encre dans un journal ou de "neige" sur l'écran
de télé.
SHANNON montre que l'on peut économiser la transmission d'informations hautement probables
mais qu'il faut répéter des informations peu probables et hautement informatives si l'on veut augmenter
la sécurité de la transmission.
Pour lutter contre le bruit, la source peut répéter (= redondance) certains signes ou groupes de
signes du message ("Trois cent trente deux". Je dis bien: "trois, trois, deux") ou bien utiliser plus de
signes que nécessaire. (KLAPISH: K comme kilo, L comme Luc, A comme..., etc.)
En résumé, la théorie mathématique de l'information étudie les problèmes de transmission des données
en mesurant la quantité d'informations. Shannon met à jour des concepts clés pour l’étude de la
communication mais n’en propose qu’un développement limité aux phénomènes techniques
observés. L’approche demeure purement mécanique.
Par extension, on appelle aujourd’hui bruit tout ce qui peut affecter ou freiner la transmission du
message.
physiques : bruits extérieurs, voix trop basse, débit trop rapide, bafouillages, mauvaise
articulation, …
linguistiques : mots inconnus du récepteur (ex : emploi d’un jargon) ; interprétations
différentes d’un même concept
psychologiques : inattention du récepteur, éléments passionnels parasitant le message,
préjugés, …
La redondance : il s’agit d’une répétition qui n’apporte donc pas d’informations supplémentaires
mais permet au récepteur d’enregistrer ces informations ("Trois cent trente deux". Je dis bien:
"trois, trois, deux").
Dans l'approche rogérienne, le thérapeute se doit d'être un exemple d'authenticité pour son client, à la fois
pour éviter tout langage paradoxal et pour signifier au patient qu'il est, lui aussi, un être humain. Il doit
donc y avoir correspondance exacte entre l'expérience et la prise de conscience …
Néanmoins, c'est le départ des recherches sur la communication et le modèle shannonien se généralise.
un émetteur et un récepteur
un émetteur et plusieurs récepteurs
plusieurs émetteurs et un seul récepteur
Linéaire : le schéma prend la forme d'une ligne dirigée de gauche à droite. Le but est que les
données passent de A à B avec le moins possible de déformation. La communication est
qualifiée de bonne lorsque l'information de départ se retrouve bien dans le message à
l'arrivée. Remarquons aussi que le mouvement est en sens unique. Il peut être contrarié par
des bruits parasites mais le principe de redondance doit permettre de conserver l'intégrité de
l'information.
18
In ROGERS C., Le développement de la personne. Paris, Dunod, 1968, p. 238
Atomiste: les éléments qui constituent le processus de communication sont séparés, ils ne se
rencontrent pas. L'émetteur et le récepteur sont deux sujets distincts, tout comme le
message qui est une unité indépendante du canal.
Référentiel : l'idée à transmettre est transformée en signes conventionnels. Ces derniers sont
des copies, des représentations du message. Ils sont étudiés indépendamment des personnes
qui communiquent.
Le langage est segmentable, c'est-à-dire analysable; il s'agit de dégager les oppositions, les écarts qui
permettent à une langue de fonctionner et de signifier.
La sémiologie est la science générale des signes et étudie leur signification. Le signe, c'est ce qui est porteur
de message(s). Les images, les mots, les gestes, les objets, les sons, ... tout est signe.
Il n'y a donc aucune analogie entre la langue et le référent, le rapport entre le (Sa) et le (Se) est arbitraire.
Il n'y a aucune ressemblance entre un chat et le son "CH-A" ou le son "K-ae-T". C'est un accord collectif qui
a été institué.
Si pour rendre l'idée d'un chat, les uns utilisaient "fauteuil" et les autres "chat", ils ne pourraient pas se
comprendre. Donc à un moment donné, la langue institue une appellation fixe. Les dictionnaires sont
des instruments d'institutionnalisation.
Les signes apparaissent sur un axe du temps, l'un après l'autre. Si l'ordre des signes change, le sens change
aussi. Pensons aux anagrammes!
Nous voyons donc que pour DE SAUSSURE, la langue est une abstraction, un système de signes considérés
hors de leur contexte. A aucun moment, il n'envisage la situation dans laquelle les mots sont prononcés.
Pour SHANNON, le code est extérieur à la source d'information, elle doit s'y soumettre.
Pour DE SAUSSURE, le sujet est extérieur à la langue.
Le modèle de DE SAUSSURE est tout aussi linéaire, séquentiel, atomiste et référentiel que celui de
SHANNON.
Dans les années 40, MORRIS et d'autres behavioristes développent l'idée que toute communication
poursuit un objectif : agir sur autrui.
L'accent est mis sur la dimension persuasive du langage: pour MORRIS, on ne peut communiquer
sans vouloir persuader, que ce soit en politique, en éducation, en publicité, ... Cette idée va
intéresser les sociologues empiristes américains qui étudient la manipulation des foules par les
signes dans le contexte de l'immédiat après-guerre.
2) « tout discours est composé de ce qui est signifié et de ce qui signifie » (Quintilien). De fait, le signe dénote
et connote à la fois. L'image ne peut être une simple représentation, reproduction du réel, commune à
tous. Chacun, la percevant, le fait sous l’influence de son milieu socioculturel. Aussi peut-on dire que
l'image est polysémique, elle a plusieurs significations possibles.
Pour le behaviorisme, le langage est ce qui permet à une personne de susciter une réaction quand une
autre ressent un stimulus.
D'une vision analytique du langage et d'une présentation très mécaniste, on passe, peu à peu, à une
optique un peu plus globaliste.
Il n'y a plus, comme en linguistique structurale, un langage idéal désincarné. On assiste à une
extériorisation du langage. On reconnaît qu'un individu entretient des rapports psychologiques et
sociaux au langage.
Toutefois, cette approche reste abstraite; elle ne s'appuie pas sur une observation sur le terrain. De
plus, le contexte social et culturel est occulté. La seule préoccupation est l'individu.
Ce qu'il est essentiel de retenir, c'est que sous l'impulsion de MORRIS, les recherches en
communication avancent progressivement vers une étude des relations des signes à leurs
utilisateurs, qu’AUSTIN (philosophe anglais ; 1911-1960) appellera pragmatique. Les signes ne sont
pas choisis "par hasard" par les individus.
Roman JAKOBSON (linguiste russe, 1896-1982) et les linguistes qui fréquentent le Cercle de Prague
(créé en 1926) vont définir le programme réellement fondateur du structuralisme.
JAKOBSON va être influencé par DE SAUSSURE et par SHANNON pour élaborer sa théorie. Il a émigré aux
Etats-Unis en 1942.
De prime abord, l'analyse structurale se consacre, comme chez DE SAUSSURE, à la langue. Mais très
vite, en prenant en compte les relations qui s'établissent entre le locuteur et l'auditeur (il parle
de "communication réciproque"), JAKOBSON constate que le code s'étend à des unités plus vastes,
des "figures" consacrées par la culture ou la mode, et qui deviennent obligatoires au même titre que
les phonèmes (= unités sonores du langage).
Ce code "total" véhicule non seulement un sens cognitif mais transmet la signification émotive ou
persuasive.
Il faut donc étudier le langage dans toutes les variétés de ses fonctions. JAKOBSON s'efforce de décrire la
communication humaine dans la complexité de ses éléments. Il dit: "Tout acte de parole met en jeu un
message et quatre éléments qui lui sont liés: l'émetteur, le receveur, le thème du message (le référent) et le
code utilisé. La relation entre ces quatre éléments est variable.(…)
Référent
F.référentielle
(informative)
Contact/Canal
F.relationnelle
Code
F.méta-linguistique
Rem : la fonction poétique n’est plus reconnue par les auteurs actuels
la fonction méta-linguistique est un cas particulier de la fonction informative
Un message remplit :
une fonction référentielle (ou informative) s'il vise à transmettre une information à propos
d'un ou de plusieurs référents (un référent est un objet du monde); de qui ou de quoi parle -
t-on? (personne ou chose). Il s'agit d'informer ou d'expliquer sans commenter, ni sug -
gérer, en toute neutralité; il est donc objectif.
Ex:
Ex:
une fonction incitative (ou persuasive/conative) s'il vise à agir sur le destinataire, à modifier
directement l'état physique ou mental du récepteur; cette fonction vise à produire un effet
sur le récepteur, lequel est impliqué, apostrophé, pris à partie...
On distingue le langage incitatif direct et le langage incitatif indirect.
Ex:
une fonction relationnelle (ou phatique) s'il vise à établir, à rétablir, à maintenir ou à rompre
le canal (le contact) entre son destinateur et son destinataire.
Ex:
une fonction poétique (ou esthétique) : elle porte sur le message en soi et a pour fonction de le
glorifier. Propos lyrique, ludique, métaphorique, ... Le contenu est relayé par l'Art: on passe de
la matière à la manière. Les effets de style en font partie.
Ex:
une fonction méta-linguistique : elle permet de réguler son discours et se manifeste par des
explications sur les éléments de la langue; le destinateur utilise le code pour parler du code,
pour vérifier si lui et le destinataire utilisent bien le même. Le discours est centré sur le code, il
a pour fonction de définir, expliquer, clarifier le code utilisé (un mot, un signe). La démarche est
très didactique.
Ex:
Ex:
Ex:
Le philosophe anglais John L. AUSTIN (1911-1960), qui s’est intéressé au problème du sens en philosophie,
est considéré comme le fondateur de la pragmatique.
Son œuvre la plus connue en Europe How to do Things with Words (1960 ; traduite sous le titre Quand dire,
c'est faire) porte un titre qui se réfère ironiquement à la tradition anglo-saxonne des livres de conseils
pratiques (ex : How to make friends).
La pragmatique s’intéresse à la parole et à ses effets dans le cadre d'une communication. Pour elle, les
actes de langage désignent des énoncés en tant qu'ils agissent sur les autres.
Les philosophes ont longtemps supposé qu'une affirmation ne pouvait que décrire un état de fait, et donc
être vraie ou fausse ; autrement dit, qu'il n'y avait que des énoncés constatifs. Austin montre cependant
que les énoncés qui sont en eux-mêmes l'acte qu'ils désignent n'entrent pas dans cette catégorie. C'est le
cas par exemple d'une phrase comme « Je vous marie » (autres exemples : « Je te promets », « Je retire ce
que j’ai dit… », « Je lègue ma maison à … »). AUSTIN baptise ce type de phrase de performative ou
énonciation performative. Il explore par la suite, et avec beaucoup de soin, toutes les conséquences de
cette découverte.
Une énonciation est performative lorsqu'elle ne se borne pas à décrire un fait mais qu'elle « fait » elle-
même quelque chose. La phrase « Je vous déclare mari et femme » que prononce le bourgmestre lors d'un
mariage fait changer les fiancés de statut. Il y a donc plus dans l'énonciation de cette expression que la
description d'un fait : dire cette phrase, c'est accomplir un acte.
Mais l'énonciation n'est performative que si les différents protagonistes respectent certaines conditions de
succès, qu'AUSTIN appelle « conditions de félicité » : le locuteur doit être le bourgmestre, les destinataires
célibataires, etc. Ainsi, le même énoncé, prononcé lors d'un dîner privé par un convive éméché, ne ferait
pas de deux personnes visées un couple lié par l'institution du mariage. Il ne semble pas que l'action de
marier soit effectivement accomplie dans ce cas.
1. l'acte locutoire : je dis quelque chose quand je parle (tel mot renvoie à tel référent, tel autre prend
tel sens)
2. l'acte illocutoire : c’est l’acte effectué en disant quelque chose. Ex : affirmer, décrire, ordonner,
s’excuser, …
3. l'acte perlocutoire : dans quel but, pourquoi ?; acte de causer quelque chose par le fait de dire
1. Les mots
2. J’interroge
3. Je demande pour voir si ça vaut la peine de faire un pique-nique ; comment m’habiller, etc.
Attention. Dans la phrase « J’ai mal au ventre », différents actes perlocutoires sont possibles :
Remarque : le perlocutoire ne peut pas être dit, sinon, il cesse d’être perlocutoire. Il est toujours tacite,
caché… sinon, l’effet tombe !
Il y a des actes illocutoires et perlocutoires qui ne sont pas « locutoires » car du domaine de la
communication non verbale. Ex : je brandis mon poing. Illocutoire = la menace ; perlocutoire : qu’il fuie ou
qu’il arrête de m’agacer.
5. Conclusions et évolutions
Nous utilisons des mots pour référer à la réalité et nous agissons avec ces mots. Il y a une conception sociale
du langage. Le langage véhicule des représentations sociales.
La première grande erreur est de confondre « représentation et signes utilisés » avec la réalité (problème
de la réification = confusion entre modèle construit de la réalité et réalité-même). Il faut résister à la
tentation réductrice qui attribuerait au langage une force à lui seul, indépendamment du contexte et de la
vie sociale. Comme si le pouvoir des mots était dans les mots… c’est faux : souvent, cela tient à l’autorité,
à la légitimité de celui qui parle. Le pouvoir des mots vient de la vie sociale, des interactions, des rapports
de force dans lesquels s’inscrivent les mots.
La deuxième grande erreur est de réduire le langage à sa fonction descriptive, constative. Cette réduction
traverse notre conception philosophique du langage, c’est-à-dire l’idée que l’on apprendrait les mots en
pointant la réalité lui correspondant. Ex : « Ça, c’est rouge », « Voici une table », etc. D’accord dans ces cas
mais comment pointer un objet qui s’appelle « là-bas », une phrase comme « je crois », « j’ai rêvé » ?
En fait, on n’apprend pas le langage de façon référentielle, on apprend plutôt à se servir des mots.
Donc, apprendre un mot, c’est apprendre à se servir d’un mot dans une situation sociale donnée, dans
un contexte.
Nous ne devons plus comprendre les significations des phrases en termes de réalités auxquelles elles se
réfèrent mais en termes d’usages. Bref, pour voir la signification d’une phrase, voyez son usage !
Ce que nous prenons pour la signification littérale correspond sans doute à l’usage le plus habituel que l’on
fait d’un mot ou d’une expression.
La polysémie des termes contribue fortement à rendre la communication ambiguë et à biaiser une bonne
communication. La pluralité des significations d’un même mot ou d’un même message a été mise en
évidence par la sémiologie, science des signes dont PEIRCE, BARTHES et ECO sont les principaux
représentants.
Roland BARTHES sémiologue français ; a étudié le langage des signes dans la publicité (ex :
cigarettes Royal Menthol) ; développe la notion de « rhétorique de
(1913-1980) l’image » (ex : Panzani et les signes « d’italianité »)
Précisons encore qu’Umberto Eco émet une forte réserve concernant le schéma classique de la
communication élaboré par les premiers théoriciens de l’information : ce schéma met en place un Émetteur
qui transmet un Message à un Destinataire, et ce Message est transporté par l’intermédiaire d’un code.
Mais les codes du destinataire peuvent différer des codes de l’émetteur, nous le savons : le code linguistique
n’est pas l’unique à entrer en jeu. Prenons comme exemple le syntagme19 « Vous fumez ? ». La réponse
« non » n’est pas seulement une information concernant l’émetteur, mais elle se connote comme
« impolie », non pas en rapport avec une règle linguistique mais une règle « de politesse » : en effet
l’étiquette aurait voulu que l’on réponde « non merci ». Et la question, si elle est posée par un médecin,
aura une signification supplémentaire… Il y a donc véritablement bien une activité sémiotique à part
entière, qui va s’ajouter à une communication linguistique, où plusieurs systèmes de signes se complètent.
19
Syntagme : terme de linguistique signifiant « groupe de mots »
Pourquoi?
les interactions entre les éléments de l'objet étudié sont inexistantes ou négligeables
les relations entre les éléments sont linéaires (1 cause - 1 effet)
Or, les chercheurs constatent que de plus en plus de phénomènes présentent des interrelations et que les
organismes vivants sont complexes. La science a atteint ses limites, elle ne peut donc plus rendre
compte de la réalité. Pour progresser, la science doit penser d'une autre manière: elle doit envisager
la réalité comme un ensemble dynamique dans lequel les éléments ont des relations interactives. De
plus, les chercheurs estiment que la science s'est tellement spécialisée qu'il est difficile de faire des
ponts entre les différentes disciplines. Ils ont dès lors besoin d'une approche scientifique globale.
C'est ainsi que naît la notion de système et qu'émerge la systémique, initiée par Grégory BATESON20
(Angleterre, 1904-1980). Sa double formation (sciences naturelles et anthropologie) l'a amené à étudier
des sociétés dont il ne connaît, par définition, ni les habitudes ni le langage et à apporter une attention
toute particulière aux interactions: aux comportements des uns et aux réponses des autres en retour,
ainsi qu'à l'enchaînement et à la répétition des séquences.
Par système, il faut entendre un objet complexe formé de composants distincts reliés entre eux par
un certain nombre de relations (système nerveux, système politique, ...). Ces systèmes sont dits "ouverts"
car ils échangent avec les autres systèmes et ont des relations entre eux. L'idée essentielle est que le
système possède un degré de complexité plus grand que ses parties et ce, à cause des relations qui
existent entre les parties. Etudier un système, c'est étudier sa structure et son fonctionnement car le
système évolue, ses composantes internes, ses relations peuvent changer, se modifier, ...
En bref, la communication est un phénomène interactionnel dans lequel l'unité de base est moins
l'individu que la relation qui se noue entre les individus.
20
d’après DUTERME C., La communication interne en entreprise, De Boeck Université, p.33
Schéma de WIENER
RETROACTION
ou FEED-BACK
La cybernétique ignore les causes mécaniques: c'est pourquoi le phénomène est considéré comme une boîte
noire. Les questions importantes sont: "Que fait le phénomène?" et "Dans quel but?" Fait nouveau
également: la prise en compte de l'environnement, qui est considéré comme actif.
La rétroaction comporte trois opérations continues et simultanées. Il ne s'agit donc plus d'un processus
linéaire, mais bien circulaire.
21
In WINKIN, op.cit., p.16
BRUIT
rétroaction
Critique du "modèle télégraphique" de la communication
Par rapport au schéma de SHANNON, ce nouveau schéma comble deux grandes lacunes:
Ce modèle a été complètement détruit par les globalistes. Les chapitres suivants vont nous montrer que
la communication n'est pas une réalité autonome et qu'il n'y a pas que le contenu du message et ses
effets qui comptent. Cependant, les scientifiques de tous les domaines, comme les gens de la rue,
continuent à penser la communication comme un message à transmettre d'un émetteur vers un
récepteur.
22
WIENER cité par LOHISSE, op.cit., p.123
23
Cf. WINKIN, op.cit.
Le poids du vécu quotidien: à l'école, en famille, au travail, en nous exposant aux médias notamment,
nous rencontrons des situations où nous devons subir ou résister à l'influence ou bien où nous exerçons
une influence sur autrui. Tout naturellement, nous avons donc tendance à penser la communication en tant
que phénomène d'exercice d'un pouvoir sur autrui et le modèle émetteur-récepteur est alors très
pratique.
La culture dans laquelle nous vivons: c'est bien souvent le seul modèle enseigné à l'école et dans les
universités, véhiculé et utilisé par les médias. Nous retrouvons des marques du modèle émetteur-
récepteur dans les expressions de la langue française: être exposé aux médias, l'influence de la
télévision, l'émetteur et le récepteur d'un message, ... Les termes utilisés par les autres modèles sont
moins évidents: structuration des relations, construction des normes, positionnement des acteurs, ...
Par ailleurs notre culture est complètement imprégnée de modèles rationalistes et causalistes issus des
sciences "dures". Elles utilisent des schémas simples cause-effet. Le modèle émetteur-récepteur est
donc en adéquation avec la pensée ambiante. Les modèles renvoyant à une causalité circulaire
ou à la complexité utilisée en sciences humaines heurtent les modes de raisonnement habituels.
24
In MUCCHIELI A., Nouvelles méthodes d’étude des communications, Paris, Armand Colin, pp.7-8
L'émetteur
Qui est exactement l'émetteur? Quelles sont ses particularités? (origines sociales,
géographiques, profession, personnalité, époque... ) Cela influe-t-il sur le code et le message?
Y a-t-il un ou plusieurs émetteurs? Dans ce cas, quelle est leur relation? Un émetteur principal et
des émetteurs annexes... (ex. meneur manif et manifestants)? L'émetteur a-t-il l'initiative de
son message ou a-t-il un commanditaire? L'émetteur ne fait-il que retranscrire un message
émis par quelqu'un d'autre (avec ou sans modification: filtrage, censure...)?
L'émetteur est-il conscient de son émission? Si oui, quel est son but?
Le récepteur
Qui est-il? Est-il identique à l'émetteur? Y a-t-il un ou plusieurs récepteurs? Dans ce cas, quelle
est la relation entre eux? Caractéristiques du ou des récepteur(s)?
Quelle relation y a-t-il entre l'émetteur et le récepteur (supériorité, infériorité, complicité, ...)?
L'émetteur s'adresse-t-il à tous les récepteurs potentiels?
La réception est-elle volontaire ou inconsciente? Le récepteur est-il apte à recevoir le
message?
Le récepteur reçoit-il effectivement le message?
Comment réagit-il?
Le message
Y a-t-il un ou plusieurs messages? Sont-ils tous reçus?
Quel est le message: qu'est-ce que l'émetteur dit à propos du référent? Est-il objectif ou, au
contraire, prend-il parti? Est-il d'accord, enthousiaste, hostile,... ?
Que signifie le message? A-t-il une ou plusieurs significations?
Quels sont les buts, les causes, les conséquences du message?
Le message est-il clair? complet? explicite? Y a-t-il un message caché dans le message apparent?
Le message exprimé correspond-il au message que l'émetteur voulait émettre?
Y a-t-il des messages annexes, des indications extérieures au message principal: légende d'une
photo? titre d'un article?
Le référent
A propos de quoi l'émetteur s'exprime-t-il exactement? (le fait, la personne dont parle
l'émetteur...)
Y a-t-il un ou plusieurs référents? (un référent réel et un référent apparent: on fait semblant de
parler de... pour évoquer en fait ...)
Quelle relation y a-t-il entre le référent et l'émetteur (dégoût, admiration, ...)?
Sont-ils situés au même moment du temps (le message peut évoquer un référent passé, actuel, à
venir...)?
25
In BARLOW M., Améliorer la communication, Chronique sociale, Lyon, novembre 2001
Le codage et le décodage
Quel(s) est (sont) le(s) code(s): écrit, oral, gestuel...? Sont-ils connus du récepteur dans tous leurs
éléments (p.ex. l'émetteur parle français devant un récepteur francophone mais utilise un
vocabulaire trop recherché, trop technique, ...)?
Y a-t-il distorsion entre la grille de codage et celle de décodage? (vocabulaire utilisé, culture, ...)
Quelle relation y a-t-il entre les différents codes utilisés (accord, contradiction...)?
L'émetteur maîtrise-t-il parfaitement le code qu'il utilise?
Le code est-il adapté au type de message? au récepteur? Est-il vraiment commun à l'émetteur
et au récepteur?
Plusieurs décodages sont-ils possibles?
Le décodage se fait-il intégralement?
Le message est-il passé ou, au contraire, y a-t-il eu malentendu, quiproquo...?
Le canal
Par quels moyens matériels ou outils le message est-il transmis?
Le canal est-il approprié au message? au code? à l'émetteur? au récepteur?
Le canal influence-t-il le code (ex. style télégraphique)? le message (ex. tract ou note de
service...)?
Les bruits et les fuites
Y a-t-il des éléments perturbateurs, des facteurs qui peuvent gêner la communication?
Comment les réduire? les éliminer? L'émetteur cherche-t-il à le faire?
Quels sont les éléments du message qui ont été perdus du fait des bruits? (= fuites)
Ces fuites sont-elles volontaires?
Le feed-back
Quelle est sa nature? Est-ce un autre acte de communication? Avec le même code que le
message reçu ou avec un autre code? Est-ce une parole? une réponse en acte?
Ce feed-back est-il destiné à être compris de l'émetteur ou non?
Ce feed-back est-il attendu, souhaité, inattendu, indésirable? ("Excusez-moi, ça m'a échappé!")
Bien entendu, votre analyse sera plus pertinente si vous vous penchez égale ment sur l'interaction
entre tous ces éléments...
L'approche interactionniste s'intéresse à l'interprétation que le récepteur fait en même temps que le
décodage du message. On ne peut jamais rien faire sans que ce soit interprété; nous ne nous en rendons
compte que lorsque ces interprétations, portées à notre connaissance, ne nous conviennent pas.
« La notion d'inférence (reprise du philosophe von Foerster) traduit ce travail d'élaboration du récepteur.
Elle concerne la capacité qu'il a d'effectuer des opérations logiques, de conduire des raisonnements
non formalisés pour comprendre un message. » 26
L’inférence est une opération intellectuelle par laquelle on passe d’une vérité à une autre vérité ; la
déduction est une inférence. Ex : une mère dit à son enfant : « Ta chambre est en désordre ». L’enfant
comprend qu’elle ne lui donne pas une information mais l’incite à ranger.
« Cette activité d'interprétation montre que le sens d'un message ne naît pas seulement des
systèmes de signes préalables à l'échange, mais apparaît bien comme le produit de l'interaction entre
le message émis et le message reçu, et comme une coproduction progressive impliquant autant le
récepteur que l'émetteur. » 27 En d’autres termes, le sens du message n’appartient pas à l’émetteur.
Le récepteur n’est jamais un spectateur neutre : il filtre, décode, sélectionne, réinterprète l’information
reçue.
Avec ce modèle, on commence à étudier l'interaction ici et maintenant, c'est -à-dire que le chercheur
n'explique pas le présent par le passé (comme le fait la psychanalyse), mais essaye de comprendre comment
le système fonctionne.
26
In LOHISSE, op.cit., p.134
27
ibidem
Pour lui, la psychologie se résume à l'étude des relations entre individus. Il nomme ces relations
des "transactions", d'où le terme d'analyse transactionnelle, analyse des échanges entre êtres
humains.
L'analyse transactionnelle utilise différents concepts dont les différents états du moi (parent, enfant,
adulte).
Sa théorie décrit (et non "explique") différents cas de figure de la communica tion humaine. L'analyse
transactionnelle permet d'identifier les moments précis qui font basculer une relation vers le conflit et
donne des clés pour mener à bien une communication saine et positive.
Un jeu d'interactions est donc un système récurrent et répétitif mis en place pour préserver
l'individu/le groupe de confrontations à des situations qu'il ne peut maîtriser. Tout rituel est
destiné, sur le plan psychologique, à rassurer devant l'angoisse et, sur le plan social, à apporter des
bénéfices sociaux.
Nous voyons que la fille refuse chaque proposition de la mère (sauveur!) pour l'aider. En fait, le but plus ou
moins inconscient de la fille est de montrer que personne ne peut l'aider. Elle ne cherche pas réellement
de solution à son problème, elle veut seulement entrer en contact avec son entourage.
28
L’A.T. sera approfondie dans le cours « Aspects psychosociaux de la communication »
29
L’exemple est repris de LOHISSE, op.cit., p.135
La communication est définie comme une succession ritualisée d'échanges se déroulant à plusieurs niveaux.
C'est un système de relations.
Au-delà de la théorie, l’A.T. est aussi une thérapie et un outil d'analyse et de contrôle de la
communication, qui remporte toujours un certain succès auprès du public.
Les idées nouvelles sont issues de recherches théoriques mais aussi d'intuitions cliniques: les chercheurs se
sont en effet efforcés de confronter leurs modèles et concepts à l'analyse de communications réelles, et
ceci surtout dans le domaine de la psychiatrie.
Les schémas antérieurs réduisaient considérablement la notion de communica tion, comme si celle-
ci n'était faite que de mots, transmis volontairement, écoutés consciemment. L'Ecole de Palo Alto
évoque au contraire un modèle orchestral où tous et chacun jouent une partition polyphonique dans un
ensemble général.
L' interaction
Ce ne sont pas les caractéristiques des individus (éléments isolés) qui expliquent l'interaction,
mais bien les interactions des éléments du système relationnel tout entier.
Par exemple, dans une famille où un membre est alcoolique, c'est la famille tout entière et les
interactions entre ses membres qu'un thérapeute systémique soignera car le comportement des
autres membres est fonction de celui qui est alcoolique.
30
Cf. WINKIN, op.cit., p.27
Un système est donc un ensemble hiérarchisé où chaque niveau sert de contexte pour le niveau inférieur.
La totalité
La famille est également une totalité: le système familial possède plus de pro priétés que les
membres de la famille pris isolément. Cela s'explique par la présence des relations qui unissent les
composants du système.
La rétroaction
Tout système se caractérise à la fois par la stabilité et le changement.
Si des variations ou modifications surviennent, le système utilise des feed-backs dits négatifs
pour retrouver la stabilité. Par exemple, s'il y a infidélité conjugale (une variation), l'institution familiale
prévoit une sanction (feed-back négatif) qui permet de rétablir l'ordre (stabilité).
Il existe par ailleurs des feed-backs positifs qui conduisent quant à eux au changement et
transforment le système, voire le détruisent. Par exemple, la naissance d'enfants au sein d'un
couple apporte des modifications au système qui change et s'adapte à cette nouvelle situation.
En 1948 (I’année de Cybernetics), il tente en vain de convaincre WIENER de se tourner vers les sciences
sociales. Face à ce refus, BATESON se consacre lui-même à appliquer la démarche systémique aux
sciences sociales et notamment à l'étude de la communication.
Il écrira, en collaboration avec un psychiatre, un ouvrage original où la communication apparaît comme
"la matrice dans laquelle sont enchevêtrées toutes les activités humaines" (activité scientifique ou
ordinaire comme l'art, le langage, les comportements, l'hérédité, la génétique, ...).
31
In WATZLAWICK P., Une logique de la communication, 1972, Points Essais, p.15
Dans la communication paradoxale, si le message est un ordre, il faut lui désobéir pour obéir...
d'où le paradoxe!
Alors qu'il s'est entouré de plusieurs chercheurs, en 1959, des divergences naissent entre eux et Bateson
quitte Palo Alto.
La théorie de la communication élaborée par l'Ecole de Palo Alto repose sur trois hypothèses
essentielles. 32
WATZLAWICK jouera un rôle important dans la diffusion des recherches de Palo Alto: il est le
formulateur des logiques parfois nébuleuses de BATESON et des intuitions cliniques de JACKSON.
32
In LOHISSE, op.cit., p.138
De tels comportements influencent les autres (car l'autre donne toujours sens à mon comportement),
et les autres, en retour, ne peuvent pas ne pas réagir à ces communications et donc communiquer. Le sens
que nous donnons à la réaction (à la communication) de l'autre est appelé réaction sémantique.
Un jeu de rôle nous fait tout de suite prendre conscience que toute action offre des aspects
communicationnels.
Dans cette optique, on ne s'interroge pas sur l'intention ou non d'envoyer un message, mais sur la
perception d'impressions qui proviennent des autres individus, de soi-même et de l'environnement.
Il faut donc toujours être prêt à saisir les retours de notre interlocuteur et à les gérer. Ne jamais croire
que notre message ne peut être « que » compris…
Le contexte de la relation fait donc partie intégrante du sens des messages échangés.
La communication n'a pas besoin d'être consciente, ni réussie… Mais elle est polyphonique (plusieurs voix),
réunissant nombre de comportements (verbal, tonal, postural, ...).
Plus notre palette de réactions sémantiques sera large, moins nous nous refer merons sur nous-
mêmes.
Selon Watzlawick, 3 attitudes sont possibles:
- l'acceptation
- le rejet
- l'annulation
On l’a compris, la communication est à la fois verbale et non-verbale. Watzlawick distingue trois aspects
dans le non-verbal : un aspect instrumental, un aspect démonstratif et un aspect interrelationnel.
La relation, c'est la manière dont on doit entendre, comprendre le message, le sens que l'on
doit lui attribuer. Ce sont des informations sur la relation qu'entend entretenir l'émetteur
avec le récepteur. La relation peut s'exprimer verbalement ("c'est pour rire") ou non (ex: ton
ironique). En ce sens, la communication écrite est souvent plus ambiguë parce qu'elle ne
comporte pas (ou peu), par exemple, d'intonation qui explique comment il faut prendre le
message.
Deux messages "passent" dans la communication: l'un est explicite, l'autre plus implicite, plus subtil ...
et ce dernier doit d'ailleurs parfois faire l'objet de communications explicites complémentaires =
métacommunication.
Exemples :
« Voudriez-vous avoir l'extrême obligeance de dégager la voie », « Circulez y'a rien à voir » et « Casse-toi »
rendent compte d'un même contenu mais avec des relations bien différentes.
L'homme qui dit à sa femme : « Tu as une jolie robe », transmet un contenu mais peut aussi suggérer une
relation de séduction entre eux.
Contexte = où je le dis
L'enjeu peut ne pas être au niveau du contenu mais toucher les relations entre les personnes.
L'observation démontre que l'enjeu majeur est souvent dans la relation. Il est donc important de
se poser la question: « Dans cette communication que j'échange avec l'autre, quel est l'enjeu ? »
La relation est une communication sur la communication ou métacommunication.
Le "comment" et le "où" déterminent fortement la façon dont je dois interpréter le contenu.
Dans une communication interpersonnelle, on veillera aussi à vérifier la conformité de notre perception au
moyen de la reformulation. Proposée par Carl ROGERS, cette technique nous apprend à vérifier
régulièrement nos dialogues pour savoir ce qui est communiqué en réalité, la manière dont ce qui a été dit
a été perçu et/ou filtré par l’autre.
La nature d'une relation dépend de la ponctuation des séquences de communication entre les partenaires.
Une série de communications peut être considérée comme une séquence ininterrompue d'échanges.
Toutefois, les partenaires ont leur propre façon de voir l'interaction et lui attribuent un début et une fin.
Ainsi, il peut y avoir un désaccord sur la manière de ponctuer les faits. L'erreur des partenaires provient
justement de croire qu'il y a un commencement.
Dans un couple désuni, chacun considère que la responsabilité du conflit revient à l'autre, chacun
prétend réagir à un mauvais comportement de l'autre. Chacun "ponctue" différemment et nomme "cause"
ce que l'autre appelle "conséquence". Les individus sont pris dans un jeu sans fin, prisonniers de l'interaction
qu'ils ont élaborée ensemble. En s'attaquant à une cause erronnée, ils ne parviennent pas à provoquer le
changement qu'ils souhaitent.
De plus, l'échec de la métacommunication renforce la rancune et aggrave le phénomène.
Le concept de rétroaction permet de comprendre le système dans lequel se trouvent les partenaires de la
relation.
Se fâche
Se ferme complètement
Devient plus agressive
Se replie davantage
Se plaint, le questionne
Se tient sur la défensive
Mari Femme
Métacommunication maladroite :
Elle : « Je me fâche parce que tu te replies ! »
Lui : « Je me replie parce que tu es agressive ! »
le digital où l'on utilise des signaux conventionnels et arbitraires (le langage humain, les
mots). C'est un code arbitraire qui permet d'entrer en communication, un mode de
communication raisonné, cérébral.
l'analogique où on évoque la chose représentée par un son, un geste, un dessin qui lui
ressemble. L'analogique entretient un rapport de ressemblance (d'analogie) avec la
chose représentée, il essaie de « coller » avec la réalité. C’est un mode de communication
plus proche de nos émotions, plus proche de la perception globale.
L'attitude corporelle pour partir ou venir se comprend sans qu'il soit nécessaire de comprendre les mots.
Mais l'analogique est parfois ambigu car polysémique: les larmes , un sourire,…
L'interaction entre les individus est envisagée comme une séquence: une suite de réactions entraînées
par les réactions aux réactions. Chacun se comporte d'une manière qui présuppose ou justifie le
comportement de l'autre.
Les deux types de relations (toutes deux essentielles pour la construction de la personnalité):
symétrique: cette relation se base sur l'égalité et la minim alisation des différences.
Les partenaires ont un comportement "en miroir" (cette expression n'est pas acceptée de
tous).
complémentaire : cette relation se fonde sur l'inégalité et la maximalisation des différences.
Les partenaires forment ensemble une entité bipolaire (par exemple: protection/faiblesse,
autorité/soumission,). Le contexte culturel et social fixe, dans certains cas, une relation
complémentaire (mère/enfant, médecin/patient, professeur/élève). Les partenaires
adoptent des comportements contrastés qui s'ajustent l'un à l'autre.
Il n'y a pas un type de relation meilleur que l'autre. Ce qui importe, c'est la stabilité du système
(rappel: feed-back négatif = retour à l’équilibre), ou, au contraire, sa destruction (feed-back positif
= changement).
Ce qui caractérise une relation symétrique ou complémentaire positive, c’est sa capacité à passer à
tout instant du symétrique au complémentaire, bref d’accepter qu’un égal devienne supérieur pour
m’apprendre quelque chose, puis inférieur pour recevoir quelque chose de moi. Le conflit naît dans la
rigidification de la relation.
Nous pouvons synthétiser ces deux types de relations à travers les tableaux suivants. 33
Ce qui en découle
33
Adapté de ORGOGOZO I., L’entreprise communicante, Paris, Les Editions d’Organisation, 1998, p.176
repérer la dynamique générale du système ainsi que ses finalités pour les acteurs et
pour l'ensemble des acteurs.
L'analyse transactionnelle et l'École de Palo Alto ont le mérite de quitter l'analyse abstraite pour
l'étude de communications réelles. Nous pouvons cependant leur reprocher de s'être exclusivement
attachées à la thérapie et de ne pas accorder d'importance aux notions de groupe, communauté, cl asse
so ci al e, re pr ése nt at io n co l lect iv e , c u lt ure ,…
Le modèle interactionniste-systémique de l’école de Palo Alto, les travaux d’Eric Berne et ceux de Paul
Waltzlawick ont nourri l’« approche systémique et communicationnelle des organisations » d’Alex
Mucchielli.
Mucchielli est né en 1943 en Algérie d’une famille corse. Il a une formation pluridisciplinaire : sciences
humaines, psychologie sociale, lettres, mais aussi physique… Il fut professeur en Sciences de l'Information
et de la Communication à l'Université de Montpellier. Depuis 2009, il est le concepteur et le directeur d'un
site de formations à distance en management et communication (Enov formation).
Pour Mucchielli, ce qui compte dans les conduites des hommes, ce sont les « significations ». Il s’est efforcé
de montrer comment les significations apparaissaient aux hommes. Elles sont construites à travers des
« processus de contextualisation » qu’il a systématiquement étudiés dans les nouvelles méthodes
qualitatives qu’il a mises au point : la « sémiotique situationnelle » et la « systémique qualitative ».
Selon Mucchielli, les problèmes rencontrés dans une organisation ne peuvent pas être attribués
uniquement aux individus concernés. C’est le système d’interactions dans son ensemble qui est responsable
de ces situations.
Les acteurs, à travers les jeux d’interactions, sont à la recherche de certaines valeurs : la liberté, la
reconnaissance professionnelle ou identitaire, la sécurité. La répétitivité des interactions dans les jeux est
synonyme du non-aboutissement d’une négociation autour d’une de ces valeurs.
L’approche systémique et communicationnelle consiste donc d’abord à expliciter, sous forme de schémas
d’interactions, les principales communications internes d’une organisation. Elle consiste, ensuite, à analyser
le fonctionnement de ces noyaux stables d’échanges pour faire ressortir les problèmes latents et
les valeurs émergentes des systèmes qui orientent et freinent les évolutions.
« cadrage » de l'observation
repérage des interactions fortes et constantes venant du contexte englobant
observation « hic et nunc » des « communications récurrentes qui se ressemblent » entre les
acteurs et observation des “non-communications”
la recherche des redondances d’échanges et des formes de ces échanges
« contextualisation » systémique par rapport au vécu collectif
Dans cette approche, les "styles de management" sont rapportés aux systèmes de relations que managers
et subordonnés mettent en place. L’approche est aussi appliquée aux systèmes de communication des
sous-ensembles organisationnels. Le fonctionnement global de l’organisation apparaît alors comme la
combinaison d’un ensemble de jeux relationnels articulés entre eux dans un méta-système, lui-même
régulé par un méta-jeu. Ces modélisations systémiques font apparaître des possibilités d’intervention pour
modifier les jeux rituels repérés.
Découvrir à ce propos dans le supplément articles et documents , le chapitre intitulé Soigner l’hôpital, où
Mucchielli analyse les relations de travail dans les hôpitaux.
34
Cité p.63 dans WINKIN Y., Anthropologie de la communication, De Boeck Université, 1996
A la fin de la seconde guerre mondiale, l'idée est ancrée auprès des GI's que les Anglaises sont des
filles faciles et auprès des jeunes Anglaises que les soldats américains sont des voyous.
MEAD et BIRDWHISTELL expliquent que cette rumeur repose sur une divergence d'interprétations due à
une conception culturelle différente des étapes du rituel amoureux.
Ainsi aux Etats-Unis, le baiser sur la bouche est une des premières étapes de la conquête amoureuse,
longtemps avant l'étape de la relation sexuelle. Par contre, en Angleterre, le baiser sur la bouche
intervient très tard dans le rituel amoureux, juste avant la relation sexuelle.
Embrassant sans préambule une jeune Anglaise, le GI brûle les étapes; mais celles-ci étant brûlées,
l'Anglaise n'a d'autres choix que de s'enfuir ou d'accepter l'étape suivante... du code anglais!
MEAD et BIRDWHISTELL comprennent que le corps ne se comporte pas seulement selon les impulsions du
moment, mais d'après un ensemble de règles issues de la culture à laquelle nous appartenons.
Le code est l'ensemble des règles qui énoncent les possibilités du système (langagier, gestuel,
interactionnel, social).
En 1952, il publie Introduction à la kinésie, discipline qui étudie la communication par les mouvements du
corps où il part de l’hypothèse qu’il y a une relation fondamentale entre la culture et la gestualité. Mais son
démontage corporel sera rapidement considéré comme trop poussé et difficilement observable: la kinésie
est vouée à l’échec.
Alors qu'à l'époque beaucoup de chercheurs établissent une adéquation entre le signe et le sens,
BIRDWHISTELL affirme qu'un signe peut avoir plusieurs sens selon le contexte dans lequel il a lieu. Il
désire élaborer une anthropologie de la gestualité qui l'amène à conclure que nous ne pouvons pas étudier
les gestes et la parole séparément. L’un et l'autre forment des sytèmes qui font partie d'un ensemble plus
vaste.
Gestualité et langage s'intègrent dans un système constitué d'une multiplicité de modes de
communication, tels que le toucher, l'odorat, l'espace et le temps. Il n'y a pas de hiérarchie entre ces modes
de communication. Si le mode verbal porte le plus souvent l'information intentionnelle explicite, les autres
Pour BIRDWHISTELL, les individus "participent à la communication", par opposition à l'idée que les
individus communiquent.
Bien que les sociologues étudient le plus souvent les événements ritualisés, les chercheurs de l'École de
Chicago, née dans les années 1920-1930, considèrent que c'est dans les interactions les plus banales, les
plus quotidiennes, que se livrent les enjeux sociaux les plus riches d'enseignement.
Les interactionnistes symboliques estiment que le "micro" permet d'étudier le "macro". Ils s'intéressent
aux micro-événements (façons de se saluer, discussions informelles entre les gens,...) quand la
plupart des sociologues s'intéressent aux grandes institutions que sont la famille, l'éducation, ... et aux
événements comme les mariages, les enterrements, etc.
Ces chercheurs sont aussi désignés sous l'étiquette d'interactionnistes symboliques. Erving GOFFMAN,
sociologue, né au Canada (1922-1982), est l’un de ses représentants.
Pour eux, les êtres humains agissent en fonction des significations qu'ils attribuent aux choses. Cette
signification naît dans l'interaction sociale.
Chaque individu participe à un système où tout comportement livre une information socialement
pertinente.
Le dialecte corporel
La communication non-verbale est désignée par GOFFMAN comme un dialecte corporel (gestuelle,
expression faciale, façon de s'habiller,...). Il est conventionnalisé, c'est-à-dire soumis à une codification,
à un point tel que la convention prend parfois le pas sur nos propres sentiments.
Le dialecte corporel est aussi normatif , c'est-à-dire qu'il y a une obligation à appliquer les règles.
La contrainte varie en fonction de l'interaction et des acteurs en présence.
Les acteurs sociaux se comportent comme la société l'attend d'eux. Les attitudes de chacun sont
sanctionnées positivement (récompense) ou négativement (punitions). Ces sanctions peuvent être
matérielles (offre ou retrait d'un bien) ou morales (approbation ou désapprobation sociale).
Au niveau de l'ordre social, la personne qui enfreint les règles est un contrevenant, un déviant. Elle doit se
sentir coupable de son délit.
Au niveau de l'interaction, seules les sanctions morales sont utilisées pour maintenir l'ordre interactionnel.
Si les règles interactionnelles ne sont pas respectées, s'il y faux pas, la désorganisation qui s'ensuit est
habituellement l'embarras des participants ou le sentiment d'une agression. Celui qui enfreint les règles de
l'interaction est qualifié de gauche, de maladroit ou si l'offense est plus grave, d'impoli ou d'inadapté. Si
la réaction au faux pas (à l'impair) est trop brusque, l'interaction peut être mise en péril: il faut
procéder avec délicatesse, avec tact, explique GOFFMAN. Le tact consiste à minimiser un incident ou à
l'ignorer pour éviter une désorganisation plus grande encore.
La face est l'image valorisée de soi-même, celle qu'une personne revendique effectivement devant les
autres à travers une ligne d'action et de conduite, une "mise en scène" de son Moi. Elle s'exprime dans
le comportement, la tenue, la manière de parler et de se présenter. Cette face, personne ne veut la
perdre...
Pour cela, il est nécessaire qu'au cours des interactions quotidiennes, "tout le monde" coopère
dans une sorte d'accord tacite prévisible. Ce sont les règles cérémonielles ou les rituels.
L’engagement
L ' e n g a g e m e n t n ' es t p a s u n ét a t m a is u ne a ct i v i té q u i n o u s p e r m et d ' e n t re r e n
représentation. Etre engagé, c'est avoir un comportement approprié, c'est-à-dire qui correspond
aux attentes des personnes qui participent à la communication. Par exemple, on ne bâille
pas en public; à table, on ne se tient pas affalé sur sa chaise. Ces rapports sont ritualisés et
prévisibles.
En effet, nous sommes membres d'un groupe, d'une société dans la mesure où ce que nous y sommes
est prévisible et que nous traduisons cette culture dans notre comportement et dans nos mots.
Dès que deux personnes au moins sont en présence, elles sont soumises à un ensemble de règles
interactionnelles. Les signes non verbaux comme les postures, les expressions du visage,
l'habillement ... fournissent des renseigne ments sur l'engagement des individus.
En 1955, il passe un an dans un hôpital psychiatrique de Washington parmi les malades dont il
adopte le point de vue (leurs valeurs, la logique de leur comportement par rapport à la situation
d'interné, etc.). Les résultats de cette recherche l'amènent à publier Asiles. Il y définit
l'institution psychiatrique comme totalitaire. Toutefois, l'ordre social y est négocié: si l'institution
a la prétention de définir ce que les membres doivent faire, dire ou même être, elle ne peut éviter
que ne se mettent en place des systèmes d'adaptation parasites qui permettent à l'individu de
contourner les normes organisationnelles. Par exemple: dans une prison, il observera que les détenus
commandent des livres non pour les lire mais pour impressionner favorablement la commission des libérations
sur parole.
Les pare-engagements
Ce sont les moyens qui permettent à l'individu de donner l'impression qu'il conserve un engagement
approprié alors qu'en réalité, il transgresse les obligations que la situation exige de lui.
Par exemple: mettre sa main devant sa bouche quand on bâille, retenir ses larmes, dissimuler sa cigarette dans
le creux de sa main, ... L'offensé fera preuve d'indulgence, réelle ou feinte, envers l'offenseur.
Les rôles
Goffman dresse un inventaire des rôles que l’on peut tenir. Il distingue :
Les rôles francs comme ceux d’acteur ou de public
Les rôles contradictoires comme celui de comparse : il appartient à l’équipe des acteurs mais fait
semblant de faire partie du public.
La non personne : présente pendant l’interaction, elle est pourtant considérée comme absente car
la « représentation » n’est pas dirigée vers elle.
Les anthropologues de la communication ont très souvent étudié les interac tions, mais pour eux, la
communication ne se limite pas à l'ici et maintenant du face-à-face. Les interactions s'inscrivent à la fois
dans le vécu quotidien et dans la culture d'une communauté ou d'une société déterminée.
Attardons-nous à présent sur la notion d’espace, très présente également dans les études sur la
communication.
Le travail des chercheurs qui se sont penchés sur les relations entre l’espace et l’homme fait parfois
penser à celui des éthologues. Ces derniers ont étudié le comportement animal en s’intéressant
notamment à la territorialité. L’expérience de Calhoun sur les rats en 1962 permit par exemple de
démontrer les perturbations provoquées par les effets de la surpopulation dans le monde animal. Ces
concepts, bien qu’éclairants, ne peuvent être transposés tels quels aux situations humaines et sociales : les
caractéristiques spécifiquement psychologiques et sociales du comportement humain empêchent tout
rapprochement naïf avec le monde animal.
C’est donc vers la psychologie de l’environnement qu’il faut s’orienter et son pendant français : la
psychosociologie de l’espace. Si la première a vu le jour vers le milieu des années 70 aux USA, les études
françaises, quant à elles, ont fait leur apparition dès le début des années 80.
La psychologie sociale de l’environnement a repris et utilisé un certain nombre de concepts comme celui
de territoire, d’appropriation, de densité, pour appréhender le type d’occupation des lieux par une
personne ou un groupe.
Préalablement, on avait déjà envisagé la question de l’impact des espaces de travail sur la satisfaction et le
bien-être, conscient que certaines conditions physiques ambiantes (éclairage, bruit, chaleur,…) peuvent
être des causes d’absentéisme, de fatigue ou d’accidents. Mais à côté de ces éléments de l’environnement,
c’est surtout le « facteur humain » qui va intéresser tout particulièrement les psychosociologues des
espaces de travail. « Un bureau, par exemple, est organisé en fonction de critères fonctionnels liés au travail
à accomplir, à l’organisation et à la gestion de l’entreprise, mais il est aussi porteur de symboles, de culture…
C’est un véritable construit social permanent, car les gens agissent sur leur environnement spatial,
l’adaptent, en détournent parfois les usages… »35 La communication et la territorialisation de l’espace sont
en effet à replacer dans une perspective plus large qui en révèle la dimension sociale.
Anthropologue américain de renommée internationale, Edward T.Hall (1914) est considéré comme le père
fondateur de la proxémie, une discipline qui a pour but d'étudier les usages sociaux de l'espace entre
les individus. Selon E.T.HALL, la distance qui sépare l’émetteur du récepteur n’est jamais le fait du hasard:
elle est déterminée par un ensemble de règles qui reflètent le message et les intentions des interlocuteurs.
Hall examine aussi les chocs culturels qui peuvent survenir suite à une perception et à une utilisation
différentes de l'espace. Il explique que la structuration et la perception de l'espace ne sont pas universelles.
35
La communication, état des savoirs. Auxerre, Sciences humaines Editions, février 2008, p.182
« Notre sentiment de l'espace résulte de la synthèse de nombreuses données sensorielles, d'ordre visuel,
auditif, kinesthésique, olfactif et thermique. Non seulement chaque sens constitue un système
complexe (ainsi il existe 12 modes d'appréhension visuelle de la profondeur), mais chacun d'entre eux est
également modelé et structuré par la culture. On ne peut pas échapper au fait que des individus élevés
au sein de cultures différentes vivent dans des mondes sensoriels différents (ex: neige chez nous et chez
esquimaux).
La structuration du monde perceptif n'est pas seulement fonction de la culture mais également de la
nature des relations humaines, de l'activité et de l'affectivité. C'est pourquoi des individus issus de moules
culturels différents peuvent souvent se tromper lorsqu'ils interprètent la conduite des autres à travers les
réactions sociales de ceux-ci, de leur type d'activités ou de leurs émotions apparentes. D'où l'échec
des contacts et de la communication. »37
L'espace informel
Comme les animaux, les humains observent des distances dans les rapports qu'ils entretiennent
avec autrui. L'homme est comme dans une bulle qu'il emmène avec lui. E.T. Hall répertorie 4
distances elles-mêmes divisées en mode proche ou mode éloigné: la distance intime, la distance
personnelle, la distance sociale et la distance publique. On notera que les distances mesurées
peuvent varier légèrement avec la personnalité des sujets et les caractères de l'environnement.
la distance intime:
c'est la distance qui permet de se parler sur un ton confidentiel; la présence de l'autre s'impose (odeur du
corps, chaleur thermique, rythme de la respiration, souffle de son haleine, ...) pouvant devenir
envahissante. L'intrusion dans cet espace intime déclenche un sentiment d'insécurité (ex: ascenseur,
j'essaie d'éviter de toucher l'autre).
En mode proche (moins de 15 cm), cette distance est celle de l'acte sexuel ou de la lutte. Le mode lointain
se situe entre 15 et 45 cm.
36
traduit en français en 1971 aux Editions du Seuil
37
In La dimension cachée, op.cit., p.222
la distance publique :
elle est située hors du cercle où l'individu est directement concerné. En mode proche (de 3,60 à 7,50m),
elle permet une information publique destinée à être entendue par un ensemble limité de personnes. C'est
la distance adoptée en réunion, en classe entre le prof et les élèves. En fait, dès qu'une personne joue un
rôle, dès qu'elle adopte un masque social, elle préfère tenir les autres à distance. Ainsi, le regard ne dévisage
plus, la communication est ramenée au mode rationnel, la relation est moins impliquante, plus contrôlable.
En mode lointain (7,50m ou davantage), cette distance réduit encore plus les possibilités d'interactions:
les gestes deviennent plus stylisés, plus symboliques, le contenu du message est valorisé et devient plus
formalisé. C'est la distance adoptée pour un discours, celle aussi du comédien sur la scène du théâtre.
L’espace à organisation fixe est celui dont les limites sont établies de manière rigide en vue de
certaines activités. Murs, cloisons non mobiles, etc. Une pièce de 25 m2 par exemple (bureau du
directeur) jouxtant une autre pièce de 6m2 (bureau du secrétaire).
L’espace à organisation semi-fixe contient des éléments semi-fixes tels qu’équipements, mobilier,
cloisons mobiles, etc. La façon dont ces éléments sont disposés orientent et/ou contraignent les
activités et les échanges.
Le temps formel est ce qui est découpé: dans notre conception une semaine comporte sept jours qui
se suivent dans un ordre fixe; une heure contient 60 minutes, etc.
Le temps informel, c'est l'impression que l'on a du temps. Elle est influencée par l'urgence, l'activité,
... Que signifient « s'absenter un moment », « chercher depuis une plombe », « il est tard », etc. ?
« Comme pour les chercheurs de Palo Alto, mais aussi pour Birdwhistell et Goffman, la
communication est définie par Hall comme un processus à multiples canaux dont les messages se
renforcent et se contrôlent en permanence. »38
2. Autres recherches
Des études expérimentales ont été menées pour préciser l’influence de la disposition spatiale sur la
communication. On a mis par exemple en lumière « l’effet Steinzor »(1950) : il montre que dans un groupe
de discussion réuni autour d’une table ronde, un sujet communique d’autant plus abondamment avec un
autre que cet autre est placé en face de lui, autrement dit que le canal de communication visuelle est plus
accessible.
En d’autres termes, dans un groupe, la communication s’oriente en fonction de la position occupée par les
interlocuteurs ; dans cet exemple, on observe qu’on s’adresse peu à ses proches voisins, par contre, la
communication est beaucoup plus fréquente avec ceux qui sont en face.
En 1959, Osmond étudie l’influence de l’aménagement de l’espace sur l’homme : il appelle espaces
sociofuges ces espaces qui séparent et isolent les individus les uns des autres (hall de gare par ex.) ; les
espaces sociopètes au contraire des premiers sont ceux dont l’aménagement favorise les échanges entre
les individus (terrasse de café parisien).
Barker en 1968 définit la notion de « behavior setting » et révèle que tout environnement aménagé
constitue une unité composée d’éléments physiques qui interfèrent avec des données sociales et culturelles
38
In WINKIN, op.cit., p.89
S’il est vrai que l’organisation de l’espace oriente les comportements et la communication, si toutes nos
conduites se trouvent prises dans une certaine organisation imposée par les contraintes d’un
environnement, en revanche, « les relations que nous pouvons développer à notre tour ne sont pas toujours
le produit d’une influence spatiale définie : à l’intérieur de chaque espace existe un champ des possibles plus
ou moins large qui permet d’établir sa place et d’aménager son comportement en l’adaptant à la situation
socio-spatiale.
Il est important de souligner que la distance physique crée de la distance sociale. En effet, cette distance est
souvent déterminée au cours des échanges par les équipements de bureau ou les positions des sièges qui
maintiennent les individus dans des limites allant d’un mètre vingt à trois mètres soixante.
Tous ces éléments spatiaux (configuration, disposition, taille) jouent sur la manière dont les individus
occupent un lieu et le perçoivent.
Dans le premier cas, l’espace est utilisé comme vecteur de l’aménagement organisationnel et de
construction de cette image et dans l’autre, l’espace est utilisé comme un élément de l’organisation du
travail. »39
39
Fischer G.N. et Fousse C., Espaces de travail et communication – Une lecture psychosociale, in Revue Communication et
organisation, n° 21, 2012.
Dans le modèle de l'orchestre, la communication est conçue comme une activité sociale au sein de laquelle
chaque acte est intégré à un contexte plus large. Cet échange est permanent: il ne repose pas sur l'acte
isolé et volontaire d'un individu.
Nous voyons donc bien que le modèle de l'orchestre découle des théories interactionnistes systémiques
dans lesquelles la communication est conçue comme un système, un tout irréductible aux éléments
qui le constituent.
Ici encore, les membres de toute société participent à un système où tout comportement livre une
information sociale pertinente. Dans le modèle de l'orchestre, la communication est une production
collective où chaque individu suit le code culturel.
Communication = un système.
Communication = suite de séquences
linéaires E-R qui s'inversent successivement
sur base du schéma classique S-R
(Action-Réaction).
On n'identifie pas d'émetteur et de récepteur:
On identifie un émetteur et un récepteur.
tous participent en même temps.
Il n’y a pas un début et une fin.
40
Adapté de WINKIN Y., Anthropologie de la communication. De la théorie au terrain, pp.81-86
1. linéaire
2. séquentiel
3. atomiste
4. référentiel
2. interactif: il ne s'agit pas de décrire ce qui est dit ou fait, mais de saisir l'acte de communication
en train de se faire.
L'objectif global de ce cours est d'apporter aux étudiants des moyens de cesser de penser la
communication par le biais du modèle émetteur-récepteur.
Nous nous souviendrons des raisons pour lesquelles ce modèle est si répandu et des erreurs
qu'il véhicule pourtant.
le modèle E-R escamote le problème des niveaux de l'échange, des échanges cachés et des récurrences
rituelles des échanges. Il postule donc que la communication est toujours rationnelle et qu'elle avance
toujours et non qu'elle puisse tourner en rond et s'enfermer dans des rituels à cause d'enjeux et
d'avantages recherchés par les acteurs.
le modèle E-R ne voit pas non plus le phénomène de la performance collective. Pour lui, la
communication n'est pas le fruit du travail de synchronisation de plusieurs acteurs. Il con sidère la
communication comme une succession d'expressions individuelles.
le modèle E-R occulte encore le problème de la communication considérée comme une méta-
communication, c'est-à-dire une communication, un commentaire sur une communication se déroulant
à un autre niveau.
enfin, dans ce modèle E-R, le sens d'un message est une donnée de base intrinsèquement contenue
dès le départ dans le message lui-même. Or nous savons que le sens résulte toujours d'une mise en
contexte à l'aide de "processus de contextualisation".
Cette démonstration montre bien qu'un modèle peut cacher et perpétuer des erreurs ou des
inexactitudes fondamentales. Il convient d'utiliser des modèles systémiques pour analyser n'importe quel
phénomène de communication.
Nous choisirons donc plutôt l’une ou l’autre des théories globalisantes en fonction des questions auxquelles
nous devons répondre.
Quittons-nous avec D.WOLTON pour qui le véritable enjeu aujourd’hui réside dans les dimensions
relationnelle et culturelle de la communication. « Le problème n’est plus seulement celui de
l’information mais davantage celui des conditions à satisfaire pour que des millions d’individus
communiquent, ou plutôt arrivent à cohabiter dans un monde où chacun voit tout et sait tout et
où les innombrables différences linguistiques, philosophiques, politiques, culturelles, religieuses
rendent encore plus difficile la communication et la tolérance. En un mot, l’information, c’est le
message, tandis que la communication, c’est la relation, beaucoup plus complexe. L’enjeu est
moins de partager ce que l’on a en commun que d’apprendre à gérer les différences qui nous
séparent. Et ce au plan individuel autant que collectif. Finalement dans la communication, le plus
simple reste du côté des messages et des techniques, le plus compliqué, du côté des hommes et
des sociétés. »41
41
WOLTON, D., Informer n’est pas communiquer, CNRS Editions, Paris, 2009, p.11