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CATÉGORIE SOCIALE

COMMUNICATION GENERALE

Cécile DELFOSSE

1ère année Bachelier en Gestion des Ressources humaines

ANNÉE ACADÉMIQUE 2015-2016

Communication générale C.Delfosse  Syllabus 2015-2016 1ère GRH Page 1


Sommaire
Présentation générale du cours

Chapitre 1 : Communication, un mot caméléon


1. Aux sources du mot communication
2. Communication et modernité
3. De l’empirisme aux théories et leurs modèles
4. Vers une classification des théories de la communication

Chapitre 2 : Médias et influence


1. Critique du modèle de la seringue hypodermique
2. Une sensibilisation plus ou moins prégnante
3. L’approche behavioriste

Chapitre 3 : La théorie mathématique de la communication


1. Le schéma de Shannon
2. Ses concepts clés
3. La notion de bruit aujourd’hui
4. Transposition du modèle émetteur-récepteur

Chapitre 4 : Linguistique et communication


1. L’héritage de F. de Saussure
2. Bloomfield, Morris et l’influence behavioriste
3. R. Jakobson et les fonctions du langage
4. La pragmatique de J.L. Austin
5. Conclusions et évolutions

Chapitre 5 : L’émergence de la systémique


1. La cybernétique de N. Wiener
2. Systémique et communication

Chapitre 6 : Les théories interactionnistes en psychosociologie


1. L’interactionnisme de G.H. Mead
2. L’analyse transactionnelle d’E. Berne
3. L’Ecole de Palo Alto
4. Les cinq axiomes de la communication selon Watzlawick
5. L’approche systémique et communicationnelle des organisations avec A.Muchielli

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Chapitre 7 : Le courant anthropo-sociologique de la communication
1. Le code selon R. Birdwhistell
2. L’interactionnisme symbolique d’E. Goffman

Chapitre 8 : Espaces de travail et communication : une lecture psychosociale

1. La proxémie de E.T. Hall


2. Autres recherches

Chapitre 9 : Le modèle orchestral

Conclusions

Bibliographie

ATTENTION : Ce syllabus est accompagné d’un portefeuille de lecture composé de documents et


d’exercices

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« Entre
Ce que je pense,
Ce que je veux dire,
Ce que je crois dire,
Ce que je dis,
Ce que vous avez envie d’entendre,
Ce que vous croyez entendre,
Ce que vous entendez,
Ce que vous avez envie de comprendre,
Ce que vous comprenez,
Il y a neuf possibilités qu’on ait des difficultés à communiquer.
Mais essayons quand même… »

Bernard WERBER

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Presentation generale du cours
Le champ du savoir sur la communication étant vaste, ce cours de 30 heures ne pourra présenter qu'une
sélection des théories existantes. Pour une étude plus approfondie, nous vous renvoyons aux différents
ouvrages dont les références figurent dans la bibliographie.

Objectifs généraux du cours


Ce cours commence par répondre à la question "pourquoi étudier la communication?". L'étudiant sera
amené à prendre conscience que la communication constitue l'assise des sociétés modernes.
Ensuite, le cours présentera un ensemble (non exhaustif) de théories de la communication en les situant
dans leur contexte historique et scientifique. Il sera demandé à l'étudiant non seulement de restituer les
principes généraux de ces théories mais aussi d'être capable de les critiquer.
Les étudiants apprendront à cesser de penser la communication par le biais des modèles analytiques et
à choisir l'une ou l'autre théorie globalisante en fonction des questions auxquelles ils devront
répondre.

Il est vivement recommandé à l'étudiant d'assister au cours en possession du support écrit réalisé par le
professeur, de prendre des notes et de participer activement aux exercices proposés en classe.
Régulièrement, le professeur y mentionne les « tuyaux » utiles pour l’examen.

Communiquer en étudiant la communication


Un cours de communication doit respecter les règles de la communication.
Etudiants et enseignant s'engagent donc à...
1. S'efforcer de produire un message clair pour exprimer leurs idées (avoir vraiment le souci de
les partager avec les autres membres du groupe).
2. Eviter les bruits ou parasites de la communication: respecter celui ou celle qui s'exprime, s'écouter
entre nous, ne pas bavarder pendant que quelqu'un parle.
3. Accorder le codage et le décodage: demander sans complexe à l'interlocuteur de préciser le
sens d'un mot, d'une tournure qu'on n'est pas sûr d'avoir compris.
4. C'est le feed-back qui permet de se comprendre. L'utiliser chaque fois que nécessaire, ne pas rester
sur un non-dit, formuler ses questions, ...

Evaluation
Un examen écrit, basé sur les concepts théoriques du syllabus et sur des exercices tels que ceux
réalisés au cours, sera programmé en session. Les types de questions et leur pondération seront
explicités par l’enseignante lors des dernières séances de cours.

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Chapitre 1
Communication : un mot cameleon
« Communication. Terme irritant: c'est un invraisemblable fourre-tout, où l'on trouve
des trains et des autobus, des télégraphes et des chaînes de télévision, des petits
groupes de rencontres, des vases et des écluses, et bien entendu une colonie de
ratons laveurs puisque les animaux communiquent comme chacun le sait
depuis Lorenz, Tinbergen et von Frisch. Mais c'est par là même un terme fascinant. »

Yves WINKIN

La notion de communication recouvre une multiplicité de sens.


Tantôt nous songerons aux moyens de communication, tantôt aux échanges entre individus, tantôt
à la communication biologique, ou encore aux nouvelles technologies, etc.

Situés au carrefour de plusieurs disciplines, les processus de communication ont suscité l'intérêt de
sciences aussi diverses que la philosophie, la géographie, la psychologie, la zoologie, la sociologie, la
linguistique, l'anthropologie, ... Pour Dominique WOLTON, la communication est un objet
interdisciplinaire.

« Chaque domaine de communication a sa ou ses propres définitions de la communication, mettant, selon


les cas, l’accent sur l’échange, le contact, le transfert, l’énergie, l’information, … »1

1. Aux sources du mot communication2


La définition contemporaine la plus courante, celle du Petit Robert, associe communication et transmission
d'information : « passage ou échange de messages entre un sujet émetteur et un sujet récepteur au moyen
de signes, de signaux ».

Pour Dominique WOLTON3, la communication est une expérience anthropologique fondamentale et


constitue une valeur occidentale essentielle depuis les XVI et 1XVIIe siècles car elle véhicule l’idée du
progrès, de la libre diffusion de l’information, et de l’accès à autrui. Cette valeur sera notamment affirmée
dans l’article 11 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 : La libre
communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen
peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas
déterminés par la loi.

La notion de communication est complexe car elle contient, étymologiquement deux acceptions, l’une
normative (idéal de partage et compréhension mutuelle), l’autre fonctionnelle (échange de nombreuses
informations au sein de sociétés). Les dictionnaires historiques font remonter les premières occurrences du
mot aux alentours de 1350. Communication est à l'époque interchangeable avec communion, et signifie

1
In LOHISSE J., La communication, De Boeck Université, p.8
2
Yves WINKIN, « COMMUNICATION », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 26 février 2013.
URL http://www.universalis.fr/encyclopedie/communication/
3
WOLTON, D. Penser la communication. Flammarion. Paris, 1997

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partage, mise en commun. On retrouve encore aujourd'hui ce sens ancien dans le terme du vocabulaire
ecclésiastique « excommunication », qui est l'exclusion de la communauté, la sortie de la « communion ».

Ce n'est qu'au XVIe siècle qu'apparaîtra une spécialisation des termes : communion gardera son acception
religieuse, tandis que communication va se séculariser, tout en signifiant toujours partage, mise en
commun. C'est un sens qui va traverser les siècles en s'affaiblissant progressivement. Au XIXe siècle, on
retrouve encore dans le Littré le terme « communiers », pour parler des fermiers qui mettent leurs terres
en commun.
e
Mais un autre sens commence à apparaître au XVII siècle : de partage, on passe à faire part, c'est-à-dire à
transmettre, comme dans le célèbre exemple du dictionnaire de Furetière (1690) : « l'aimant communique
e e
sa vertu au fer ». Le terme va ainsi devenir de plus en plus technique. Aux XVIII et XIX siècles, les « moyens
de communication » désignent les routes, les canaux, puis les chemins de fer. À la fin du XXe siècle, les
« nouvelles technologies de communication » renvoient aux multiples combinaisons entre informatique et
télécommunications. Il s'agit plus que jamais de moyens de transmission d'un point vers un autre.

Les premiers travaux universitaires sur la communication, dans le premier tiers du XXe siècle, mettaient en
place un rapport très large entre communication et société. Mais la place que prennent la presse, le cinéma,
la radio puis la télévision dans les événements dramatiques du deuxième tiers du siècle (montée du
nazisme, Seconde Guerre mondiale, guerre froide, etc.) va amener les chercheurs à ne plus voir dans la
communication qu'une transmission de messages par les médias. Ce recadrage du rapport entre
communication et société doit en outre beaucoup à l'apparition d'une « théorie générale » à la fin des
années 1940.

« Il n’y a jamais de communication en soi, elle est toujours liée à un modèle culturel, c’est-à-dire à
une représentation de l’autre, puisque communiquer consiste à diffuser, mais aussi interagir avec
un individu ou une collectivité. L’acte banal de communication condense en réalité l’histoire d’une
culture et d’une société. »4

Dans les dictionnaires aujourd'hui, quelles définitions trouve-t-on? 5

Communiquer :
Verbe transitif Verbe intransitif
1. Faire connaître qqch à qqn 1. Etre, se mettre en relation.
2. Faire partager 2. Etre en rapport avec, par un passage
3. Rendre commun à, transmettre (qqch)

Communication :
1. Le fait de communiquer, d'établir une relation avec (quelqu’un, quelque chose)
2. Action de communiquer quelque chose à quelqu’un et résultat de cette action.
3. La chose que l'on communique.
4. Moyen technique par lequel les personnes communiquent, message qu'elles se transmettent.
5. Ce qui permet de communiquer, passage d'un lieu à un autre.

4
WOLTON, D. Penser la communication. Flammarion. Paris, 1997, p.15
5
Le Petit Robert

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On nomme « communication », dans un sens large, toute opération de transfert ou d’échange
d’informations entre un émetteur et un récepteur. La communication ne se réduit pas à l’échange verbal,
puisqu’il existe bien d’autres systèmes de communication, aussi bien humains (l’écriture Braille, la
signalisation routière, les cartes, etc.), que non humains (par exemple, la danse des abeilles). Quel que soit
le type de communication, le transfert d’informations n’est possible que si émetteur et récepteur
partagent, au moins partiellement, le code (c’est-à-dire le système de signes) dans lequel a été transcrit le
message. La communication constitue un phénomène omniprésent, que l’on rencontre chez tous les
organismes vivants. Par exemple, les différents signaux (olfactifs, sonores, visuels) que les animaux
émettent (pour protéger leur territoire, échanger des informations concernant les sources de nourriture,
etc.) seront considérés comme étant des manifestations de la communication animale.

Chez l’Homme, la communication ne se réduit pas non plus à des échanges verbaux, puisque, en dehors
même de la langue des signes, nous émettons et recevons sans cesse, entre autres, des signaux visuels
(postures, gestes, mimiques) et tactiles (les différents touchers, de la poignée de main aux caresses de la
mère à son bébé). Ces signaux peuvent remplacer certains énoncés verbaux, mais peuvent aussi les
accompagner ou les illustrer (comme dans les gestes illustratifs : « un poisson gros comme ça »).

2. Communication : origines et modernité


D’un point de vue historique, on peut rappeler que la révolution politique, sociale et culturelle qui a pris
cours dans la Grèce antique au VIIIe siècle s’est assortie d’une communication fonctionnelle. Dans l’exercice
de la démocratie, la parole devient l’outil politique par excellence. Dans une société où l’art de convaincre
remplace la violence physique et la justice la vendetta, cette parole remplit des fonctions sociales : pensons
à la défense de la loi à travers des plaidoiries devant des jurys populaires ou encore à la mise en place du
débat politique.
Dans ce contexte, Aristote (384-322 ACN) propose une rhétorique ou théorie du raisonnement visant à
argumenter un discours en fonction de son objet, du récepteur et d’une méthode de construction du
message (analyse des figures et de l’ordre des parties du discours). Cette rhétorique est à la base de notre
culture communicationnelle.
Mais si les hommes ont de tout temps cherché à communiquer avec leurs semblables, l'on s'accorde
cependant à associer la communication aux sociétés modernes. C'est en effet au XIXe siècle que
l'avancée des technologies va permettre des innovations importantes. L'électricité permet l'invention
du télégraphe et du téléphone. La machine à vapeur rend les moyens de transports (navigation et
chemin de fer) plus rapides. Dès les années 1830, la réduction des distances facilite les échanges
d'information entre les pays industrialisés. Les moyens de communication permettent aussi d'unifier les
territoires des nations et l'intégration sociale. La communication participe à l'émergence de l'Etat
moderne. 6
La communication commence aussi à devenir une interrogation, un objet d'étude, un problème
scientifique dans les sociétés modernes. 7 Comment expliquer cette émergence à ce moment de l'histoire
en Occident?

Les sociétés traditionnelles se concevaient essentiellement comme gouvernées par la transcendance


divine. Ainsi, les hiérarchies, les inégalités, l'autorité expriment la volonté divine. De ce fait, l'ordre
social ne peut être questionné.

Les membres de ces sociétés n'ont pas à débattre de ses fondements, de ses origines, de ses fins.

6
D’après L’homme et la communication, p.10 et 42
7
D’après ATTALLAH P., Théories de la communication. Télé-université, chap.2

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L'ordre divin est fixe et immuable.

Les sociétés modernes qui émergent entre le XVIe et le XVIIIe siècle refusent cette transcendance
divine. Elles croient que l'ordre social est déterminé par l'exercice de la raison humaine confrontée
aux difficultés et contradictions du monde empirique. En d'autres mots, elles affirment que
l'ordre social est d'abord et avant tout humain. A partir du moment où c'est l'homme qui déter -
mine le sens de la vie sociale, la société se dote d'institutions et de moyens de communication. Les
parlements, l'opinion publique, la liberté d'expression, le suffrage universel, ... sont autant de moyens
par lesquels se déterminent les règles de la vie sociale et humaine. Elles en appellent donc à la
communication entre les hommes.

Caractérisées par l'émergence de l'individualisme, les sociétés modernes voient des hommes qui
veulent exposer leurs raisons et leurs raisonnements et les défendre contre autrui.

3. De l’empirisme aux théories et leurs modèles


Comme on l'a déjà dit, nombreuses sont les sciences qui vont s'intéresser à la communication, créant
ainsi chacune leur définition propre de la communication et dégageant à l'occasion l'une ou l'autre
théorie.

Soulignons que longtemps, la communication ne sera pas considérée comme une discipline à part
entière mais comme un "sous département" de l'une ou l'autre science "reconnue". Aujourd'hui,
cette vision réductrice est dépassée et l'on peut enfin parler d'une science de la communication à part
entière.

L'intelligibilité scientifique est le fait de donner du sens à un phénomène. Dans notre cas, pour
comprendre la communication, pour lui donner du sens, les chercheurs vont construire des théories.
Comment procèdent-ils?

Ils observent des phénomènes de communication qui ont lieu et choisissent un objet d'étude parmi
la réalité perçue. Ensuite, ils analysent les éléments constitutifs de ce phénomène et leurs relations.
Les chercheurs les nomment grâce à des instruments intellectuels: des notions, des idées, des concepts...
La "réalité perçue" est transformée en "représentation scientifique" que l'on appelle aussi "modèle".
Un modèle théorique est donc une représentation "simplifiée" d'un processus.

Les chercheurs s'attachent ainsi à élucider les phénomènes observés et à tenter de saisir le processus
de communication dans sa totalité. Ce faisant, ils élaborent des théories. Comme l'explique Lohisse 8,
la théorie est la tentative de représenter abstraitement un réel toujours insaisissable dans son intégralité.
La théorie nécessite une sélection, implique le rejet de certains éléments jugés secondaires. Il ne s'agit
pas de simplification, synonyme d'appauvrissement, mais d'abstraction, qui est une façon de
connaître en proposant une interprétation à un certain niveau de généralité de pensée.

Le plus souvent, la théorie va proposer un modèle partiel permettant de sché matiser une situation
déterminée ou un modèle explicatif général, dit aussi paradigme, applicable à des domaines différents.

Les théories et modèles en communication sont nombreux. Il n'existe pas "une" bonne théorie, ni "un"
bon modèle. Aussi est-il important d'en approcher plusieurs.

8
In LOHISSE J., op.cit., p.11

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Les modèles ont en effet un rôle référentiel. Ils guident la pensée et orientent les investigations sur la
communication. Lorsqu'on a un modèle en tête, on cherche à répondre, de manière privilégiée, à
certaines questions car ce modèle met en avant certaines données sur ce que serait la communication.
Il est donc intéressant de connaître les modèles disponibles en sciences de la communication car, selon
les phénomènes observés d'une part, et ce que l'on veut mettre en évi dence d'autre part, on choisira
tel ou tel modèle.
On verra également que les modèles comportent souvent des suppositions, des hypothèses, des
croyances, des valeurs cachées... qu'il faut chercher à saisir. Un modèle peut aussi cacher et perpétuer des
erreurs ou des inexactitudes fondamentales, ce qui retarde le développement des connaissances. Ce n'est
qu'en confrontant ces modèles à des observations systématiques et à des modèles concurrents qu'on arrive
à déceler ces erreurs.
Enfin, il arrive que les chercheurs attribuent une métaphore à un modèle. Les métaphores permettent de
schématiser les idées essentielles mais l'esprit a parfois bien des difficultés à s'en défaire.

4. Vers une classification des théories de la communication


Si des filiations entre théories de la communication ne sont pas toujours évi dentes à soulever, une
étude de ces théories permet cependant de mettre en avant les oppositions, les distinctions, les
associations, les relations, les lignes communes, ...

Pour approcher ces théories et faciliter leur mémorisation, nous reprendrons la classification proposée
par J. LOHISSE. Celle-ci repose sur la distinction entre l’idée de transmission et celle de relation.

Jean LOHISSE 9nous propose les métaphores de la machine d'une part et de l'organisme d'autre
part pour mettre en exergue cette distinction.
La machine est un instrument pour réaliser des choses. Un ensemble de théories considèrent donc la
communication comme un instrument de transmission d'un message. Cela les conduit à une
approche analytique: dans celle-ci, les scientifiques découpent le réel en autant d'éléments qu'il
est constitué.
Une autre génération de chercheurs en communication, par contre, voit la communication comme un
ensemble dynamique dans lequel les relations entre les éléments sont le plus important. C'est une
approche scientifique globalisante car le réel est considéré comme un organisme, c'est-à-dire un
univers complexe de composants interactifs.
Y.WINKIN 10 propose quant à lui l'analogie du modèle télégraphique et du modèle orchestral comme outils
pédagogiques et mnémotechniques. La métaphore du télégraphe (comme celle de la machine) veut
mettre en évidence un phénomène de type mécanique.
Le choix de l'expression télégraphique veut suggérer que la théorie mathématique de l'information
mise au point par des ingénieurs en télécommunications a influencé cet ensemble de recherches
en communication. Tandis que l'orchestre, un ensemble de musiciens participant au morceau de
musique, nous rappelle l'organisme. Signalons que contrairement à LOHISSE, WINKIN classe la
cybernétique dans le modèle télégraphique. Nous reviendrons sur cette différence dans le
chapitre consacré à la systémique.

Les théories seront abordées dans un ordre souvent chronologique. Nous démarrerons notre parcours
dans les années 30, soit dans la période de l’entre-deux guerres. Quelquefois, dans certaines disciplines,
nous ferons cependant une courte marche arrière pour mieux comprendre l’influence des réflexions de
certains chercheurs sur les théoriciens de la communication; dans d’autres cas, nous ferons au contraire
un bond dans le temps pour voir quelles évolutions ont été enregistrées depuis.

9
In LOHISSE J., op.cit., p.15 à 18 ;23 ;101 ;102
10
WINKIN Y., op.cit.

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Chapitre 2
Medias et influence
La première théorie de la communication que nous abordons est à aller chercher du côté de la sociologie
de la communication qui s’est intéressée à la propagande dans les années d’après-guerre.
L’efficacité apparente de la propagande en démocratie a toujours eu de quoi choquer. Elle se heurte au
principe de l’indépendance des médias, de la capacité des citoyens à penser librement. Elle se heurte aussi
à … soixante-dix ans de recherche sur les médias !

En effet, la sociologie de la communication semble avoir largement invalidé la « théorie de la propagande ».


Celle-ci connut son heure de gloire dans les années 1920-1930. L’essayiste américain Walter LIPPMAN
publiait alors les premiers ouvrages consacrés à l’opinion publique, comme Public Opinion (1922) et The
Phantom Public (1925). S’inspirant des travaux de Gustave LE BON et de Gabriel TARDE sur la psychologie
des foules, W. LIPPMAN voyait l’opinion publique comme une masse ignorante, peu rationnelle et très
influençable. Publié un peu plus tard, le livre de Serge TCHAKHOTINE, Le Viol des foules par la propagande
politique (1939), illustre bien l’idée de la manipulation mentale. Les citoyens sont considérés comme passifs
face à des médias tout-puissants.

1. Critique du modèle de la seringue hypodermique


Dans l’entre-deux guerres, Harold LASSWELL, l’un des fondateurs de la sociologie des médias, est
professeur de droit et de sciences politiques à l’Université de Yale (USA). Il a étudié la propagande dans la
première guerre mondiale et lance ses premières recherches sur les effets de celle-ci (Propaganda and
Dictatorship, 1936, et Propaganda, Communication and Public Opinion, 1946). C’est lui qui utilise pour la
première fois la métaphore de la seringue hypodermique en 1931 (hypodermic needle) pour critiquer un
modèle simpliste et répandu à l’époque sur l’influence démesurée que peuvent exercer les médias sur le
public.

Il ne faut pas conclure à la docilité des médias et la passivité de l’opinion à l’égard des médias, soutient
H. Lasswell, sans avoir mené des enquêtes précises sur les conditions de production de l’information.

MEDIAS AUDIENCE
MESSAGE
(Emetteur) (Récepteur)

Si l’on suit ce modèle en effet, les médias peuvent être comparés à une seringue qui injecterait son contenu
dans le cerveau de l’audience. L’audience est constituée de l’ensemble des individus consommateurs de
médias. Cette audience est étendue (massmédia), hétérogène et anonyme.
Il s’agit donc d’une vision transmissive.

Les caractéristiques de ce modèle sont les suivantes :


 Emetteur et récepteur ne sont pas sur un pied d’égalité. L’émetteur est tout puissant (c’est lui qui
actionne le piston de la seringue) et peut influencer.
 La diffusion du message est unidirectionnelle et publique.
 Les individus composants l’audience reçoivent tous le même message en même temps.
 Le message peut modifier le comportement.
 L’influence peut être néfaste, aussi les médias doivent-ils être surveillés.

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On retiendra que :
 Les médias, certes, influencent leur audience, mais pas de manière aussi radicale.
 L’audience est composée d’individus qui ne sont pas atomisés, isolés mais appartiennent à des
groupes.
 Ce modèle simpliste fait l’amalgame entre émetteur et canal, oubliant qui est véritablement
l’émetteur du message.

Selon Lasswell, la circulation de l’information est essentielle au fonctionnement de tout état démocratique.
S’il est connu pour son étude sur les médias et sa critique de la « seringue hypodermique », il a aussi étudié
la circulation de l’information dans la société en général. Pour lui, les zones d’information à l’œuvre ne se
limitent pas aux médias : il y a aussi les diplomates, les chercheurs, les parents, etc.

En 1948, Lasswell formule sa célèbre grille de lecture de sociologie des médias, axée sur cinq questions
clés qui inspireront toute la sociologie de la communication qui s’est inscrite dans ce sillage.

QUI ? dit QUOI ? par quel CANAL ? à QUI ? et avec QUELS RESULTATS ?

l’émetteur le message le canal le destinataire l’effet

 Qui sont les producteurs d’information ? Journalistes , hommes politiques, responsables de


presse, … Il n’est pas toujours facile de déterminer qui est le véritable émetteur : le présentateur
du JT représente une chaîne qui appartient peut-être à un groupe, etc.
 Que disent-ils ? Quels sont les messages diffusés ? Des analyses qualitatives et quantitatives des
messages sont envisagées.
 Comment ? Par quel canal ? Presse, télé, radio, autre ? Il existe des canaux indirects (un politique
va contacter un media planner pour savoir sur quel canal il doit faire passer son spot pour toucher
tel ou tel public) et directs (« Votez pour moi ! »)
 A qui ? Quel est le public touché ? Les gens ne sont plus considérés comme anonymes mais
comme appartenant à des groupes. On segmente le public par catégorie et on étudie les
caractéristiques de ces catégories.
 Avec quels résultats / quels effets ? Manipulation, influence indirecte, suggestion, …

Ces cinq questions essentielles génèrent une foule de recherches spécialisées.


Ex : « Quel est l’effet des médias sur le public ? » peut se décliner en de nombreuses sous-questions :
 Quels sont les effets de la violence télévisuelle sur les enfants ?
 Quels sont les effets de la publicité sur les comportements des consommateurs ?
 etc.

Le modèle de Lasswell conçoit la communication comme un processus d'influence et de persuasion.

L'intérêt essentiel de ce modèle est de dépasser la simple problématique de la transmission d'un message
et d'envisager la communication comme un processus dynamique avec une suite d'étapes ayant chacune
leur importance, leur spécificité et leur problématique. Il met aussi l'accent sur la finalité et les effets de la
communication.

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Mais ce modèle présente des limites. Il s'agit en effet d'un modèle assez simpliste puisque :

 le processus de communication y est limité à sa dimension persuasive.


 la communication est perçue comme une relation autoritaire.
 il présente aussi des situations de communication dégagées de tout contexte.

On peut regretter que Lasswell n’ait pas introduit dans son modèle une sixième question : dans quel
contexte ? Ce modèle est bien issu d'une tradition behavioriste 11, avec un récepteur considéré comme
essentiellement passif.12

2. Une sensibilisation plus ou moins prégnante

Dans les années 1940, le sociologue américain Paul LAZARFELD, avec ses enquêtes sur l’impact de la radio
lors des élections présidentielles, suggère que l’opinion est beaucoup moins sensible aux messages des
médias qu’à ceux de l’environnement immédiat. Contre toute attente, les médias parviennent assez peu à
changer les opinions préalables du public. Il réfute donc, lui aussi, le modèle « hypodermique » de
l’influence. Avec KATZ, il signe en 1955 un ouvrage intitulé Influence personnelle où ils développent leur
théorie des deux étages de la communication ou « two-step flow theory » (schéma ci-dessous). Cette
théorie ne réduit pas le public à une « masse » et considère les individus comme des relais dans la
transmission des informations et la constitution de l’opinion publique. Les médias diffusent des
informations à certains récepteurs particuliers (guides d’opinion) qui les répercutent à leur entourage,
moins bien informé. Le leader d’opinion joue, à un second niveau, le même rôle que le média en amont. Le
leader est donc perçu comme « actif » par rapport à ceux qu’il influence (« passifs »), il entretient de
nombreux contacts avec son groupe et les membres de celui-ci s’identifient à lui. L’impact médiatique serait
donc partiel et indirect.

MEDIAS

leaders
opinion

individus

11
Voir point 3 ci-après
12Peu mise en lumière, la notion de talkback (ancêtre du feedback) est pourtant envisagée par Lasswell qui pense que le message
revient du récepteur à l’émetteur.

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Les limites de ce modèle apparaissent rapidement :

 le leader exerce surtout son influence au sein de son groupe d’appartenance (renforcement des
opinions) ;
 la communication médiatique n’est envisagée que sous l’angle de la persuasion ;
 la communication médiatique peut exercer une influence directe, même sur les individus plus
« passifs ».

Dans la suite des travaux de Lasswell et de Lazarfeld, les théories sociologiques se sont affinées.

En 1951, Jean STOETZEL (sociologue français, 1910-1987) identifie 4 fonctions aux médias :
L’information (fonction principale)
L’appartenance sociale
La psychothérapie
La récréation/distraction

Cette dernière fonction mènera à la notion d’ « infotainment ». Certains JT d’aujourd’hui répondent au


besoin d’évasion du spectateur : les actualités (en particulier aux USA) se présentent comme des
histoires à suivre et utilisent l’info comme matière première, niant finalement l’actualité importante
(politique, économique, culturelle, sociale).

Pour le « modèle de l’agenda », formulé dans les années 70, les médias ne font que sensibiliser le public
à certains thèmes par le seul fait d’en parler souvent. Les médias agissent donc sur l’opinion moins comme
un propagandiste qui dirait « ce qu’il faut penser » qu’en sensibilisant les gens sur certains centres
d’intérêts, c’est-à-dire « ce à quoi il faut penser ». D’où la fameuse formule : « Les médias ne disent pas aux
gens ce qu’ils doivent penser, mais à quoi ils doivent penser ».

Philosophe et sociologue canadien, Marschall MCLUHAN (1911-1980) s’interrogea lui aussi sur les effets
des médias. On lui doit quelques formules célèbres comme « The message is the medium » (le message,
c’est le média), que l’on peut mieux comprendre quand on sait la fascination qu’exerce la télévision par le
pouvoir de l’image. Bref, ce n'est pas le contenu qui affecte la société, mais le canal de transmission lui-
même. Comme si « l’aura » du média déteignait sur le message.

Son autre grande idée est celle du « village planétaire », un monde où les moyens de communication
permettent d’abolir frontières et différences culturelles.

Plus récemment, les recherches en sociologie de la réception ont montré que chaque public filtre,
réinterprète et se réapproprie l’information à sa manière. De leur côté, les études sur les médias et la
fabrication de l’information semblent confirmer une autonomie relative des journalistes et de la presse à
l’égard des pouvoirs politique et économique.

Par ailleurs, les nouvelles technologies de l’information et de la communication modifient, dans une
certaine mesure, le rapport du public aux médias et les interactions entre eux. La collaboration des
individus-citoyens au processus d’information n’est pas née avec internet, mais l’évolution de l’usage du
média a permis de dépasser le stade de l’influence ou du commentaire. Certains internautes, à travers leur
blog notamment, deviennent producteurs d’information.

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3. L’approche behavioriste
Dans les années 50, on peut diviser la psychologie humaine en deux courants: la psychologie
introspective ou subjective et la psychologie objective ou le behaviorisme13. Pour le premier, la
conscience est le domaine de la psychologie; le second se centre exclusivement sur le comportement de
l'être humain.

Pour le behaviorisme, fondé par WATSON 14 en 1913, on ne peut formuler des lois qu'à partir de ce qui
est expérimentalement observable (d'où l'appellation de psychologie expérimentale). Or, nous
pouvons observer le comportement de l'individu en observant ce qu'il fait et ce qu'il dit. La parole
est considérée comme une action comme les autres: dire, c'est se comporter.
Pour le behaviorisme, l'apprentissage est le seul facteur de construction de la personnalité. Tout ce que
nous pensons et faisons est le résultat d'un conditionnement scientifiquement démontrable.
On dira qu'une communication est behavioriste quand elle crée d'elle -même des réflexes
conditionnés ; mais on tiendra également pour behavioriste une communication qui récupère des réflexes
comportementaux déjà acquis par l'éducation, le poids des lois sociales, le discours éducatif d'une
société, etc. En s'inscrivant dans la perspective behavioriste, la recherche en communication s'oriente vers
les rapports entre les symboles et le comportement humain.

Le concept de stimulus-réponse
Le behaviorisme, qui s'appuie sur les travaux physiologistes de la réflexologie de PAVLOV15, explique le
comportement humain par le phénomène des stimuli-réponses.16

A stimulus connu, réponse prévue, et à réponse connue, stimulus diagnostiqué. Est désignée sous le
terme d'apprentissage toute modification stable du comportement due à l'expérience.
Un des apprentissages fondamentaux est le conditionnement. Cette loi du conditionnement a été
découverte par PAVLOV en 1897 au cours de son étude expérimentale sur le chien.

Le comportement de l'être humain est influencé par les stimuli du milieu dans lequel il se trouve. Le
stimulus peut être considéré comme une excitation du monde extérieur. La réponse, la conduite
de l'homme est une réaction liée causalement à une modification de l'environnement extérieur.
Le comportement suppose des adaptations constantes puisque l'environnement varie!

S R

13
Behavior = comportement
14
John WATSON (1878-1958), psychologue américain
15
Ivan PAVLOV (1849-1936), physiologiste russe
16
Stimulus = excitation, incitation externe

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Chapitre 3
La theorie mathematique de la
communication
Pendant la Seconde Guerre mondiale, de nombreuses équipes de recherches civiles se constituent aux
États-Unis autour de thématiques précises. C'est ainsi qu'un groupe de chercheurs se rassemblent au
Massachusetts Institute of Technology (M.I.T.) autour de Claude Shannon, à la fois ingénieur et
mathématicien, pour repenser la transmission télégraphique.

Le télégraphe est en effet fondamental en temps de guerre. Le problème, c'est que le message envoyé n'est
jamais entièrement restitué ; cette perte d'information peut se révéler fatale à une unité ayant demandé
de l'aide… L'équipe de Shannon va modéliser le processus télégraphique, avec force équations et schémas.

Après la guerre, Shannon retourne à ses recherches au sein des laboratoires de la Bell Telephone Company.
Il cherche avec une équipe de spécialistes des télécommunications à améliorer le rende ment du
télégraphe, c'est-à-dire à augmenter la vitesse de transmission du message, à diminuer les pertes en cours
de transmission, à déterminer la quantité d'informations émettables en un temps donné. Il raisonne en
termes de transmission de l'information. Autrement dit, ce qui l'intéresse en matière de
communication, c'est la quantité d'informations reçues par le récepteur. Il estime qu'il est possible
d'exprimer tout message verbal en termes mathématiques.

Le vocabulaire qu'ils utilisent nous montre bien qu'ils s'attachent à expliquer un phénomène
technique: l'émetteur est le dispositif destiné à produire des ondes capables de transmettre des
sons et le récepteur est l'appareil qui reçoit et amplifie les ondes.
Suite à ses recherches, Shannon écrit trois articles très techniques dans une revue interne de la Bell
Company. Le patron de l'entreprise estime alors que ces articles sont pertinents mais « redoutablement
mathématiques » et il demande à un de ses ingénieurs, Warren Weaver, de reprendre ces articles et de les
rendre accessibles à un public plus large. C'est ainsi qu'en 1949 paraît la Théorie mathématique de la
communication sous la double plume de Shannon et Weaver.

À la grande surprise de tous, les ventes de l’ouvrage décollent. Le succès est dû à l'introduction écrite par
Weaver, qui généralise la théorie de Shannon. Le livre s'ouvre sur un « modèle de la communication » fait
de cinq boîtes et de cinq flèches (source d'information – émetteur – source de bruit – récepteur –
destination), qui n'était au départ destiné qu'à représenter des « systèmes de communication » de
messages discrets, mais que Weaver a généralisé à tout système, mécanique, vivant ou symbolique. On voit
ainsi comment s'opèrent, subrepticement, non seulement le glissement de la transmission à la
communication mais aussi le passage du particulier au général par le relais d'une mathématisation
universalisante.

Comment faire en sorte que le message s'altère le moins possible au cours de sa transmission et si
possible qu'il soit reçu tel qu'il a été émis? Si ce n'est pas le cas, à quoi imputer les altérations? Et
comment éviter qu'elles se reproduisent à l'avenir?

Voici le schéma que Claude SHANNON propose dans ce but.

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1. Le schéma de Shannon

Source Emetteur CANAL Récepteur Destination


d’information

Message Signal émis Signal reçu Message

Source de
bruits

C'est une chaîne d'éléments: la source d'information (la personne qui parle au téléphone) produit un
message; l'appareil émetteur transforme le message en signaux (par exemple, au téléphone, la voix
devient un ensemble d'impulsions électriques); le canal est le moyen utilisé pour transporter les signaux
(le câble téléphonique); l'appareil récepteur reconstruit le message à partir des signaux (le téléphone
retransforme les impulsions électriques en sons). La destination est la personne ou la chose à
laquelle le message est envoyé. Durant la transmission, les signaux peuvent être perturbés par des
bruits (ex: grésillement sur la ligne).
Comme on le voit, Shannon fait de l'émetteur et du récepteur non pas des personnes mais des
appareils ou dispositifs qui ne produisent ou ne reçoivent pas le message mais le traduisent (l'encodent et
le décodent, si l'on veut).

2. Ses concepts clés


 L’information
Il est essentiel de savoir que dans la théorie mathématique, le terme "information" n'a pas le sens de
"nouvelle" ou de "renseignement" mais bien de "donnée", c'est-à-dire un ensemble de signaux non
signifiants.
Le message (les données) est une simple chaîne de signes: lettres, barres, points, chiffres, sons qu'il
importe de transmettre le plus fidèlement, le plus rapidement et le plus économiquement possible. Le
prix d'un télégramme est fonction du nombre de mots/signes. Le sens attribué aux mots, leur charge
éventuellement poétique, persuasive, ... n'a pas importance. Ni les sujets ni leur contenu n'in -
téressent les ingénieurs. Bien codé et bien décodé, un message logique ou absurde, arrivera à son
destinataire à condition qu'il n'y ait pas de bruit.

Claude Shannon détermina qu’une information a d’autant plus de valeur que sa probabilité est faible.
Par exemple, il peut être utile d’apprendre que « l’autoroute est coupée dans 20 km » car cet événement
se présente relativement rarement ; en revanche, signaler que « l’opposition n’est pas d’accord avec le
gouvernement » est une information de faible valeur, car fortement probable.
L’information contenue dans un message est donc une quantité mathématiquement mesurable, liée à la
probabilité que ce message soit choisi parmi un ensemble de messages possibles. Plus le message est
probable, plus la quantité d’information qu’il transporte est faible. Par conséquent, un message attendu
avec certitude possède une quantité d’information nulle.

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Si l’on traite un texte, on s’aperçoit que les suites de lettres sont loin d’être le fruit du hasard. Par exemple,
la probabilité est très forte pour que la lettre suivant la séquence « informatio » soit un « n ». Il apparaît
donc possible de réduire le nombre de bits nécessaires au codage, optimisant ainsi la transmission ou le
stockage de l’information.
On peut montrer que le français écrit ordinaire véhicule de l’information d’environ 1 bit par lettre, ce qui
signifie que la langue française, comme d’ailleurs toute autre langue, possède un haut degré de
redondance, appelée redondance naturelle. Cette redondance n’a pas que des inconvénients : elle permet
en effet de comprendre des messages dans lesquels les voyelles ont été enlevées, ou encore de déchiffrer
une écriture peu lisible.

 Le codage et le décodage
Le message est codé en signaux émis, c'est l'opération de codage de l'information. Ensuite, le récepteur
reçoit des signaux qui sont décodés pour retrouver le message initial. Il est nécessaire que les opérations
de codage et décodage s'effectuent sur base d'un code dont la convention est partagée par l'émetteur
et le récepteur. Le code est composé de signaux univoques. Chaque signe se réfère à une seule chose:
aucune ambiguïté n'est tolérée. Pensez au morse ou au langage binaire de l'informatique. Le code
apparaît comme extérieur à la source: celle-ci doit se soumettre au code.

 Le bruit et la redondance
L'information lorsqu'elle circule sur le canal est menacée par le bruit (la fameuse friture sur la ligne). Mais
le bruit n'est pas toujours sonore: il peut s'agir de taches d'encre dans un journal ou de "neige" sur l'écran
de télé.
SHANNON montre que l'on peut économiser la transmission d'informations hautement probables
mais qu'il faut répéter des informations peu probables et hautement informatives si l'on veut augmenter
la sécurité de la transmission.
Pour lutter contre le bruit, la source peut répéter (= redondance) certains signes ou groupes de
signes du message ("Trois cent trente deux". Je dis bien: "trois, trois, deux") ou bien utiliser plus de
signes que nécessaire. (KLAPISH: K comme kilo, L comme Luc, A comme..., etc.)

W.W. WEAVER a collaboré avec C.SHANNON à l'ouvrage The Mathematical Theory of


Communication. A la notion de bruit créée par SHANNON, WEAVER ajoute celle de bruit sémantique
qui ajoute au décodage physique un deuxième décodage (tenant compte des caractéristiques sémantiques
du message et des capacités sémantiques du public). La bonne transmission du message peut souffrir
de ce que la source ou la destination sont (dans le cas où il s'agit de personnes) affectées par la fatigue,
la maladie, l'ivresse, le stress, la distraction,...

En résumé, la théorie mathématique de l'information étudie les problèmes de transmission des données
en mesurant la quantité d'informations. Shannon met à jour des concepts clés pour l’étude de la
communication mais n’en propose qu’un développement limité aux phénomènes techniques
observés. L’approche demeure purement mécanique.

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3. La notion de bruit aujourd’hui

Par extension, on appelle aujourd’hui bruit tout ce qui peut affecter ou freiner la transmission du
message.

Les bruits peuvent provenir :

 du canal : parasites divers


 de l’émetteur ou du récepteur : attitudes hostiles, perturbations physiques, …
 du message : s’il est par exemple mal formulé
 du code : non adapté au message, non connu du récepteur
 du référent : inconnu du récepteur ou objet de malentendu

Les bruits survenant au cours d’une communication orale sont d’ordre :

 physiques : bruits extérieurs, voix trop basse, débit trop rapide, bafouillages, mauvaise
articulation, …
 linguistiques : mots inconnus du récepteur (ex : emploi d’un jargon) ; interprétations
différentes d’un même concept
 psychologiques : inattention du récepteur, éléments passionnels parasitant le message,
préjugés, …

Pour pallier ces bruits, on aura recours à :

 La redondance : il s’agit d’une répétition qui n’apporte donc pas d’informations supplémentaires
mais permet au récepteur d’enregistrer ces informations ("Trois cent trente deux". Je dis bien:
"trois, trois, deux").

 L’empathie : habileté à percevoir, à identifier et à comprendre les sentiments ou émotions d’autrui


tout en maintenant une distance affective par rapport à ce dernier.

Comme le précise Carl Rogers : « L’empathie ou la compréhension empathique consiste en la


perception correcte du cadre de référence d’autrui avec les harmoniques subjectives et les valeurs
personnelles qui s’y rattachent. Percevoir de manière empathique, c’est percevoir le monde
subjectif d’autrui "comme si " on était cette personne – sans toutefois jamais perdre de vue qu’il
s’agit d’une situation analogue, "comme si ". La capacité empathique implique donc que, par
exemple, on éprouve la peine ou le plaisir d’autrui comme il l’éprouve, et qu’on en perçoive la cause
comme il la perçoit (c’est-à-dire qu’on explique ses sentiments ou ses perceptions comme il se les
explique), sans jamais oublier qu’il s’agit des expériences et des perceptions de l’autre. Si cette
dernière condition est absente, ou cesse de jouer, il ne s’agit plus d’empathie mais
d’identification ».17
L'empathie (ou verbalisation) s'exprime par des messages verbaux (reformulation) et non-verbaux (signes
de tête, regards,…). Le thérapeute doit être capable de comprendre une situation non pas depuis son cadre
de référence, mais depuis celui de son patient.

17 In Psychothérapie et relations humaines, 1962, Vol. 1, p. 197

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 La congruence : correspondance exacte entre l'expérience et la prise de conscience. Ce terme
peut aussi désigner d'une façon plus large l'accord de l'expérience, de la conscience et de la
communication. 18

Dans l'approche rogérienne, le thérapeute se doit d'être un exemple d'authenticité pour son client, à la fois
pour éviter tout langage paradoxal et pour signifier au patient qu'il est, lui aussi, un être humain. Il doit
donc y avoir correspondance exacte entre l'expérience et la prise de conscience …

4. Transposition du modèle émetteur - récepteur

Des chercheurs américains ont transposé la théorie mathématique de l'information à la biologie et à la


communication humaine. Ils appliquent les concepts de base à la physiologie du système nerveux. La
linguistique et la sémiologie, quant à elles, étudient les répertoires de codes. Le modèle émetteur-
récepteur s'est ainsi propagé en oubliant qu'initialement l'information était envisagée sous son aspect
physique et non biologique ou anthropo-sociologique.

Néanmoins, c'est le départ des recherches sur la communication et le modèle shannonien se généralise.

Le modèle de SHANNON se répand sous une forme simplifiée qui est:

Emetteur Message codé porté par un canal Récepteur

Plusieurs cas peuvent se présenter :

 un émetteur et un récepteur
 un émetteur et plusieurs récepteurs
 plusieurs émetteurs et un seul récepteur

Ce modèle est défini par 4 grands principes. Il est:

 Linéaire : le schéma prend la forme d'une ligne dirigée de gauche à droite. Le but est que les
données passent de A à B avec le moins possible de déformation. La communication est
qualifiée de bonne lorsque l'information de départ se retrouve bien dans le message à
l'arrivée. Remarquons aussi que le mouvement est en sens unique. Il peut être contrarié par
des bruits parasites mais le principe de redondance doit permettre de conserver l'intégrité de
l'information.

18
In ROGERS C., Le développement de la personne. Paris, Dunod, 1968, p. 238

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 Séquentiel: la communication est une suite d'opérations qui sont décrites et analysées
successivement. Il y a un ordre de succession obligé: A formule son message et le met dans le canal.
Le message arrive à B qui en subit les effets. Les unités du processus de communication sont
repérables à des moments différents de l'action.

 Atomiste: les éléments qui constituent le processus de communication sont séparés, ils ne se
rencontrent pas. L'émetteur et le récepteur sont deux sujets distincts, tout comme le
message qui est une unité indépendante du canal.

 Référentiel : l'idée à transmettre est transformée en signes conventionnels. Ces derniers sont
des copies, des représentations du message. Ils sont étudiés indépendamment des personnes
qui communiquent.

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Chapitre 4
Linguistique et communication
En Europe, au début du XXme siècle, naît le courant de pensée structuraliste qui recouvre des champs
d'études diversifiés: la linguistique d'abord, puis la philosophie, l'anthropologie, la psychanalyse.
Le structuralisme considère tout phénomène comme un ensemble structuré où les rapports définissent
les significations. La structure est mise en évidence et la combinaison des éléments détermine la
signification.

1. L’héritage de Ferdinand de Saussure


Suisse, Ferdinand de Saussure (1857-1913) est le père de la linguistique moderne. Dans son Cours de
linguistique générale (1912), il rompt avec une approche descriptive et historique des langues pour
rechercher les règles formelles de son fonctionnement (approche synchronique). Il défend un point de vue
«structural», où la langue est étudiée comme un système. Il voulait étudier le système intérieur de la langue
(linguistique "interne") en rejetant les questions d'origine, d'influence, de diffusion, ... objets de la
linguistique "externe". Les actes de communication ne l'intéressent pas comme tels. Il constate que
le langage présente un dualisme entre deux éléments: le langage est à la fois un phénomène social et un
phénomène individuel. Il distingue nettement la langue, qui est une "institution sociale" soit un système
organisé de signes institués exprimant des idées, et la parole, qui est un "acte individuel" puisque
l'individu choisit les éléments offerts par la langue. Langue et parole, ensemble, forment le langage.

langue : institution sociale

parole : acte individuel

langue + parole = langage

Le langage est segmentable, c'est-à-dire analysable; il s'agit de dégager les oppositions, les écarts qui
permettent à une langue de fonctionner et de signifier.

La sémiologie est la science générale des signes et étudie leur signification. Le signe, c'est ce qui est porteur
de message(s). Les images, les mots, les gestes, les objets, les sons, ... tout est signe.

On distingue : les signes linguistiques (mots) et les signes iconiques (images)

La langue est considérée comme un code ou encore un système de signes.

Le signe linguistique = signifiant (Sa) + signifié (Sé)

Un signe a deux faces:


 l'une, matérielle: les sons transmis, le signe en lui-même (Sa)
 l'autre, immatérielle: l'idée, le sens, la signification, l'image mentale (Sé)

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Prenons un exemple: un chat Le signifiant est : …
Le signifié est : …

Le signifiant (Sa) est uni au signifié (Se) par pure convention.


Pour s'en convaincre, partons du même (Se) et donnons le (Sa) en langue anglaise. Le son est différent mais
l'idée est la même.

Il n'y a donc aucune analogie entre la langue et le référent, le rapport entre le (Sa) et le (Se) est arbitraire.
Il n'y a aucune ressemblance entre un chat et le son "CH-A" ou le son "K-ae-T". C'est un accord collectif qui
a été institué.

Si pour rendre l'idée d'un chat, les uns utilisaient "fauteuil" et les autres "chat", ils ne pourraient pas se
comprendre. Donc à un moment donné, la langue institue une appellation fixe. Les dictionnaires sont
des instruments d'institutionnalisation.

Les signes apparaissent sur un axe du temps, l'un après l'autre. Si l'ordre des signes change, le sens change
aussi. Pensons aux anagrammes!

Nous voyons donc que pour DE SAUSSURE, la langue est une abstraction, un système de signes considérés
hors de leur contexte. A aucun moment, il n'envisage la situation dans laquelle les mots sont prononcés.

Quelle comparaison peut-on faire avec la théorie mathématique de l'information ?


Bien que la linguistique de DE SAUSSURE soit antérieure à la théorie de SHANNON et que l'un soit
européen et l'autre américain, il y a deux similitudes à relever.

1. La notion de code est proche.

Pour SHANNON, le code est extérieur à la source d'information, elle doit s'y soumettre.
Pour DE SAUSSURE, le sujet est extérieur à la langue.

2. Deux modèles mécanistes.

Le modèle de DE SAUSSURE est tout aussi linéaire, séquentiel, atomiste et référentiel que celui de
SHANNON.

Mais le rapport au sens les sépare.


Pour SHANNON, les signes n'ont pas de sens.
Pour DE SAUSSURE, la langue est une structure logique signifiante. C'est l'arrangement entre les signes
qui produit le sens.

2. Bloomfield, Morris et l’influence behavioriste


Sur le modèle Stimulus Réponse , Léonard BLOOMFIELD (linguiste américain ; 1887-1949) définit
le langage comme une « réaction linguistique de substitution ». Il permet chez une personne de susciter
une réaction quand une autre personne ressent un stimulus. Il est aussi considéré comme le fondateur du
distributionalisme qui tente d’expliquer les faits de langage à partir de la fréquence d’apparition des mots.
En 1914, il écrit Introduction to the Study of Language.

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S r s R
Un stimulus (S) conduit à une réaction linguistique de substitution (r) qui conduit elle-même à
un stimulus linguistique de substitution (s) qui engendre une réaction (R).

Nous retrouvons ici une approche mécaniste de la communication :


 le passage du stimulus à la réponse est parfaitement linéaire;
 il s'agit d'une relation de cause à effet;
 les parties sont distinctes et le processus est séquentiel.

Se fondant sur la tradition américaine du behaviorisme et sur les enseignements de BLOOMFIELD,


Charles MORRIS (philosophe et sémioticien américain ; 1903-1979) proposera que des
tentatives soient faites pour développer une doctrine générale des signes. Il suggère d'appeler celle-ci
semiotics.
La préoccupation de la sémiotique est la sémiologie (science générale de tous les systèmes de
signes) appliquée à la vie sociale.

Dans les années 40, MORRIS et d'autres behavioristes développent l'idée que toute communication
poursuit un objectif : agir sur autrui.

Les signes sont liés à un comportement visant à atteindre un but.


Par exemple, quelqu'un m'avertit que la route que je compte prendre est barrée par un obstacle. Les
mots (élément A) sont des signes de l'obstacle en ce qu'ils dirigent le comportement de façon similaire à
celui que provoquerait la vue de l'obstacle (élément B), le but étant de contourner l'obstacle.

En schématisant, on peut dire:


Si un élément A dirige le comportement d'une personne vers un but de façon similaire à la façon dont
un élément B dirigerait son comportement en vue de ce but, alors A est un signe.

L'accent est mis sur la dimension persuasive du langage: pour MORRIS, on ne peut communiquer
sans vouloir persuader, que ce soit en politique, en éducation, en publicité, ... Cette idée va
intéresser les sociologues empiristes américains qui étudient la manipulation des foules par les
signes dans le contexte de l'immédiat après-guerre.

Étudier les signes nous oblige à nous rappeler que:

1) on distingue les signes linguistiques (mots) et les signes iconiques (images)

2) « tout discours est composé de ce qui est signifié et de ce qui signifie » (Quintilien). De fait, le signe dénote
et connote à la fois. L'image ne peut être une simple représentation, reproduction du réel, commune à
tous. Chacun, la percevant, le fait sous l’influence de son milieu socioculturel. Aussi peut-on dire que
l'image est polysémique, elle a plusieurs significations possibles.

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Enfin, on retiendra qu'un signifié dénoté correspond à un signe et qu'un signifié connoté correspond à un
symbole. Ex :

Pour le behaviorisme, le langage est ce qui permet à une personne de susciter une réaction quand une
autre ressent un stimulus.

D'une vision analytique du langage et d'une présentation très mécaniste, on passe, peu à peu, à une
optique un peu plus globaliste.
Il n'y a plus, comme en linguistique structurale, un langage idéal désincarné. On assiste à une
extériorisation du langage. On reconnaît qu'un individu entretient des rapports psychologiques et
sociaux au langage.

Toutefois, cette approche reste abstraite; elle ne s'appuie pas sur une observation sur le terrain. De
plus, le contexte social et culturel est occulté. La seule préoccupation est l'individu.

Ce qu'il est essentiel de retenir, c'est que sous l'impulsion de MORRIS, les recherches en
communication avancent progressivement vers une étude des relations des signes à leurs
utilisateurs, qu’AUSTIN (philosophe anglais ; 1911-1960) appellera pragmatique. Les signes ne sont
pas choisis "par hasard" par les individus.

3. Roman Jakobson et les fonctions du langage

Roman JAKOBSON (linguiste russe, 1896-1982) et les linguistes qui fréquentent le Cercle de Prague
(créé en 1926) vont définir le programme réellement fondateur du structuralisme.

JAKOBSON va être influencé par DE SAUSSURE et par SHANNON pour élaborer sa théorie. Il a émigré aux
Etats-Unis en 1942.

De prime abord, l'analyse structurale se consacre, comme chez DE SAUSSURE, à la langue. Mais très
vite, en prenant en compte les relations qui s'établissent entre le locuteur et l'auditeur (il parle
de "communication réciproque"), JAKOBSON constate que le code s'étend à des unités plus vastes,
des "figures" consacrées par la culture ou la mode, et qui deviennent obligatoires au même titre que
les phonèmes (= unités sonores du langage).

Ce code "total" véhicule non seulement un sens cognitif mais transmet la signification émotive ou
persuasive.

Il faut donc étudier le langage dans toutes les variétés de ses fonctions. JAKOBSON s'efforce de décrire la
communication humaine dans la complexité de ses éléments. Il dit: "Tout acte de parole met en jeu un
message et quatre éléments qui lui sont liés: l'émetteur, le receveur, le thème du message (le référent) et le
code utilisé. La relation entre ces quatre éléments est variable.(…)

Le message requiert un contact, un canal et une connexion psychologique entre le destinateur et le


destinataire, contact qui lui permet d'établir et de maintenir la communication. " Chacun de ces six facteurs
donne naissance à une fonction linguistique différente.

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Bref, il fait correspondre à chaque élément du modèle E-R une fonction du langage en proposant le
schéma suivant en 1963 dans son Essai de linguistique générale. Voici donc les six fonctions du langage selon
R. Jakobson.

Référent
F.référentielle
(informative)

Destinateur/Emetteur Message Destinataire/Récepteur


F.expressive F.poétique F.incitative
(émotive) (esthétique) (persuasive)

Contact/Canal
F.relationnelle

Code
F.méta-linguistique

Rem : la fonction poétique n’est plus reconnue par les auteurs actuels
la fonction méta-linguistique est un cas particulier de la fonction informative

Un message remplit :

 une fonction référentielle (ou informative) s'il vise à transmettre une information à propos
d'un ou de plusieurs référents (un référent est un objet du monde); de qui ou de quoi parle -
t-on? (personne ou chose). Il s'agit d'informer ou d'expliquer sans commenter, ni sug -
gérer, en toute neutralité; il est donc objectif.

Ex:

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 une fonction expressive (ou émotive) s'il vise à traduire une émotion , c’est-à-dire à fournir
une indication directe sur l'état physique ou mental de l'émetteur; cette fonction manifeste la
présence de l'émetteur, mis en vedette en tant qu'entité douée d'une personnalité, d'un
caractère, de valeurs, d'opinions... et l'attitude de l'émetteur à l'égard du con tenu du
message, du sujet dont il parle.

Ex:

 une fonction incitative (ou persuasive/conative) s'il vise à agir sur le destinataire, à modifier
directement l'état physique ou mental du récepteur; cette fonction vise à produire un effet
sur le récepteur, lequel est impliqué, apostrophé, pris à partie...
On distingue le langage incitatif direct et le langage incitatif indirect.

Ex:

 une fonction relationnelle (ou phatique) s'il vise à établir, à rétablir, à maintenir ou à rompre
le canal (le contact) entre son destinateur et son destinataire.

Ex:

 une fonction poétique (ou esthétique) : elle porte sur le message en soi et a pour fonction de le
glorifier. Propos lyrique, ludique, métaphorique, ... Le contenu est relayé par l'Art: on passe de
la matière à la manière. Les effets de style en font partie.
Ex:

 une fonction méta-linguistique : elle permet de réguler son discours et se manifeste par des
explications sur les éléments de la langue; le destinateur utilise le code pour parler du code,
pour vérifier si lui et le destinataire utilisent bien le même. Le discours est centré sur le code, il
a pour fonction de définir, expliquer, clarifier le code utilisé (un mot, un signe). La démarche est
très didactique.

Ex:

Notons qu’un message peut assumer plusieurs fonctions simultanément.

Ex:

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La signification réelle d'un message dépend avant tout de la fonction prédominante au moment de la
communication. Il n'y a pas de fonctions exclusives ou uniques mais seulement des fonctions
dominantes. La fonction dominante d'un discours est celle qui répond à son intention principale.
L'une des caractéristiques (et des faiblesses) de ce cadre théorique réside dans son refus délibéré
d'analyser ce que le destinateur vise à faire, bref ses intentions informatives ou communicatives.

Or les fonctions du langage sont parfois à l'origine de dysfonctionnements de la communication,


notamment quand les interlocuteurs ne se réfèrent pas à la même fonction de la communication.

Ex:

4. La pragmatique de John L. AUSTIN

Le philosophe anglais John L. AUSTIN (1911-1960), qui s’est intéressé au problème du sens en philosophie,
est considéré comme le fondateur de la pragmatique.

Son œuvre la plus connue en Europe How to do Things with Words (1960 ; traduite sous le titre Quand dire,
c'est faire) porte un titre qui se réfère ironiquement à la tradition anglo-saxonne des livres de conseils
pratiques (ex : How to make friends).

La pragmatique s’intéresse à la parole et à ses effets dans le cadre d'une communication. Pour elle, les
actes de langage désignent des énoncés en tant qu'ils agissent sur les autres.

Les philosophes ont longtemps supposé qu'une affirmation ne pouvait que décrire un état de fait, et donc
être vraie ou fausse ; autrement dit, qu'il n'y avait que des énoncés constatifs. Austin montre cependant
que les énoncés qui sont en eux-mêmes l'acte qu'ils désignent n'entrent pas dans cette catégorie. C'est le
cas par exemple d'une phrase comme « Je vous marie » (autres exemples : « Je te promets », « Je retire ce
que j’ai dit… », « Je lègue ma maison à … »). AUSTIN baptise ce type de phrase de performative ou
énonciation performative. Il explore par la suite, et avec beaucoup de soin, toutes les conséquences de
cette découverte.

Une énonciation est performative lorsqu'elle ne se borne pas à décrire un fait mais qu'elle « fait » elle-
même quelque chose. La phrase « Je vous déclare mari et femme » que prononce le bourgmestre lors d'un
mariage fait changer les fiancés de statut. Il y a donc plus dans l'énonciation de cette expression que la
description d'un fait : dire cette phrase, c'est accomplir un acte.

Mais l'énonciation n'est performative que si les différents protagonistes respectent certaines conditions de
succès, qu'AUSTIN appelle « conditions de félicité » : le locuteur doit être le bourgmestre, les destinataires
célibataires, etc. Ainsi, le même énoncé, prononcé lors d'un dîner privé par un convive éméché, ne ferait
pas de deux personnes visées un couple lié par l'institution du mariage. Il ne semble pas que l'action de
marier soit effectivement accomplie dans ce cas.

Pour AUSTIN, un énoncé s'analyse selon le modèle suivant:

1. l'acte locutoire : je dis quelque chose quand je parle (tel mot renvoie à tel référent, tel autre prend
tel sens)
2. l'acte illocutoire : c’est l’acte effectué en disant quelque chose. Ex : affirmer, décrire, ordonner,
s’excuser, …
3. l'acte perlocutoire : dans quel but, pourquoi ?; acte de causer quelque chose par le fait de dire

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Ex : « Est-ce qu’il fera beau demain ? »

1. Les mots
2. J’interroge
3. Je demande pour voir si ça vaut la peine de faire un pique-nique ; comment m’habiller, etc.

Attention. Dans la phrase « J’ai mal au ventre », différents actes perlocutoires sont possibles :

 Il ne veut pas aller à l’école


 Il a vraiment mal et souhaite que j’appelle un médecin

Remarque : le perlocutoire ne peut pas être dit, sinon, il cesse d’être perlocutoire. Il est toujours tacite,
caché… sinon, l’effet tombe !

Ex : « C’est mon plus beau modèle , mademoiselle, et il vous va à ravir… »


Ce qui est caché : « J’essaye de vendre ce modèle et je vous flatte pour vous faire craquer… »

Il y a des actes illocutoires et perlocutoires qui ne sont pas « locutoires » car du domaine de la
communication non verbale. Ex : je brandis mon poing. Illocutoire = la menace ; perlocutoire : qu’il fuie ou
qu’il arrête de m’agacer.

5. Conclusions et évolutions

Nous utilisons des mots pour référer à la réalité et nous agissons avec ces mots. Il y a une conception sociale
du langage. Le langage véhicule des représentations sociales.

La première grande erreur est de confondre « représentation et signes utilisés » avec la réalité (problème
de la réification = confusion entre modèle construit de la réalité et réalité-même). Il faut résister à la
tentation réductrice qui attribuerait au langage une force à lui seul, indépendamment du contexte et de la
vie sociale. Comme si le pouvoir des mots était dans les mots… c’est faux : souvent, cela tient à l’autorité,
à la légitimité de celui qui parle. Le pouvoir des mots vient de la vie sociale, des interactions, des rapports
de force dans lesquels s’inscrivent les mots.

La deuxième grande erreur est de réduire le langage à sa fonction descriptive, constative. Cette réduction
traverse notre conception philosophique du langage, c’est-à-dire l’idée que l’on apprendrait les mots en
pointant la réalité lui correspondant. Ex : « Ça, c’est rouge », « Voici une table », etc. D’accord dans ces cas
mais comment pointer un objet qui s’appelle « là-bas », une phrase comme « je crois », « j’ai rêvé » ?

En fait, on n’apprend pas le langage de façon référentielle, on apprend plutôt à se servir des mots.

Donc, apprendre un mot, c’est apprendre à se servir d’un mot dans une situation sociale donnée, dans
un contexte.

Nous ne devons plus comprendre les significations des phrases en termes de réalités auxquelles elles se
réfèrent mais en termes d’usages. Bref, pour voir la signification d’une phrase, voyez son usage !

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Les phrases en tant que telles ne réfèrent à rien. Le contexte est fondamental et change la signification. Ex :
« Comme c’est drôle » dit avec deux intonations différentes signifie des choses différentes. Il y a aussi des
phrases qui ne réfèrent à rien : « Il y a anguille sous roche » ne réfère pas à l’anguille.

Ce que nous prenons pour la signification littérale correspond sans doute à l’usage le plus habituel que l’on
fait d’un mot ou d’une expression.

La polysémie des termes contribue fortement à rendre la communication ambiguë et à biaiser une bonne
communication. La pluralité des significations d’un même mot ou d’un même message a été mise en
évidence par la sémiologie, science des signes dont PEIRCE, BARTHES et ECO sont les principaux
représentants.

Charles S. PEIRCE philosophe américain ; un des pères de la sémiologie et de la


pragmatique avec AUSTIN ; génie précoce et libertin, il était maniaco-
(1839-1914) dépressif ; œuvre immense mais ignorée de son vivant à cause de sa
personnalité controversée.

Roland BARTHES sémiologue français ; a étudié le langage des signes dans la publicité (ex :
cigarettes Royal Menthol) ; développe la notion de « rhétorique de
(1913-1980) l’image » (ex : Panzani et les signes « d’italianité »)

Umberto ECO Philosophe italien, admirateur de R. Queneau et de ses « Exercices de


style » qu’il a traduit en italien. Auteur du Nom de la Rose, du Pendule
(1932-) de Foucault, … Son souci : « débusquer du sens là où on serait porté à
ne voir que des faits ». S’intéresse au tissu de non-dits des textes,
analyse les médias et certaines retransmissions télévisées (Ex : mariage
de Charles et Lady Diana)

Précisons encore qu’Umberto Eco émet une forte réserve concernant le schéma classique de la
communication élaboré par les premiers théoriciens de l’information : ce schéma met en place un Émetteur
qui transmet un Message à un Destinataire, et ce Message est transporté par l’intermédiaire d’un code.
Mais les codes du destinataire peuvent différer des codes de l’émetteur, nous le savons : le code linguistique
n’est pas l’unique à entrer en jeu. Prenons comme exemple le syntagme19 « Vous fumez ? ». La réponse
« non » n’est pas seulement une information concernant l’émetteur, mais elle se connote comme
« impolie », non pas en rapport avec une règle linguistique mais une règle « de politesse » : en effet
l’étiquette aurait voulu que l’on réponde « non merci ». Et la question, si elle est posée par un médecin,
aura une signification supplémentaire… Il y a donc véritablement bien une activité sémiotique à part
entière, qui va s’ajouter à une communication linguistique, où plusieurs systèmes de signes se complètent.

19
Syntagme : terme de linguistique signifiant « groupe de mots »

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Chapitre 5
L’emergence de la systemique
Les théories linéaires de la communication présentées jusqu'ici sont mécanistes. Elles proviennent
en partie au moins de théoriciens des télécommunications, de mathématiciens, de linguistes,
d'analystes des mass media. On comprend que leurs préoccupations aient été largement
centrées autour de la question de la transmission des informations (ou du message) et de leur
réception par les destinataires. La communication y est considérée comme une somme d'éléments,
comme un transfert d'information d'un émetteur à un récepteur à partir d'un code commun. Cette
démarche analytique est remise en cause dans différents domaines du savoir dès la fin des années 40'.

Pourquoi?

L'approche analytique sous-entend que:

 les interactions entre les éléments de l'objet étudié sont inexistantes ou négligeables
 les relations entre les éléments sont linéaires (1 cause - 1 effet)

Or, les chercheurs constatent que de plus en plus de phénomènes présentent des interrelations et que les
organismes vivants sont complexes. La science a atteint ses limites, elle ne peut donc plus rendre
compte de la réalité. Pour progresser, la science doit penser d'une autre manière: elle doit envisager
la réalité comme un ensemble dynamique dans lequel les éléments ont des relations interactives. De
plus, les chercheurs estiment que la science s'est tellement spécialisée qu'il est difficile de faire des
ponts entre les différentes disciplines. Ils ont dès lors besoin d'une approche scientifique globale.

C'est ainsi que naît la notion de système et qu'émerge la systémique, initiée par Grégory BATESON20
(Angleterre, 1904-1980). Sa double formation (sciences naturelles et anthropologie) l'a amené à étudier
des sociétés dont il ne connaît, par définition, ni les habitudes ni le langage et à apporter une attention
toute particulière aux interactions: aux comportements des uns et aux réponses des autres en retour,
ainsi qu'à l'enchaînement et à la répétition des séquences.

Par système, il faut entendre un objet complexe formé de composants distincts reliés entre eux par
un certain nombre de relations (système nerveux, système politique, ...). Ces systèmes sont dits "ouverts"
car ils échangent avec les autres systèmes et ont des relations entre eux. L'idée essentielle est que le
système possède un degré de complexité plus grand que ses parties et ce, à cause des relations qui
existent entre les parties. Etudier un système, c'est étudier sa structure et son fonctionnement car le
système évolue, ses composantes internes, ses relations peuvent changer, se modifier, ...

En bref, la communication est un phénomène interactionnel dans lequel l'unité de base est moins
l'individu que la relation qui se noue entre les individus.

20
d’après DUTERME C., La communication interne en entreprise, De Boeck Université, p.33

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1. La cybernétique de Norbert WIENER
En 1948, le savant américain Norbert WIENER crée la cybernétique, science étudiant le contrôle et la
communication, dite aussi science du "pilotage". Durant la seconde guerre mondiale, WIENER étudie le
problème de la conduite de tir des canons anti-aériens. Son objectif est de prédire la position future de
l'avion à partir de ses positions antérieures pour informer le canon de l'écart entre la trajectoire réelle et la
trajectoire idéale de ses obus.
La machine n'est plus un instrument qui agit en fonction des ordres reçus. Elle est capable de
s'autogouverner: elle s'adapte, dans certaines conditions, à des situations non prévues pour atteindre un
but. La boucle rétroactive (feedback) est le processus qui permet le contrôle du système en l'informant
des résultats de son action.
"Le projet de la cybernétique est plus une façon de réfl échir qu'une théorie articulée et détaillée. A
partir de l'idée de la rétroaction, l'explication linéaire traditionnelle devient quelque peu désuète. Tout "effet"
rétroagit sur sa "cause": tout processus doit être conçu selon un schéma circulaire." 21

Schéma de WIENER

Entrée des données Boîte noire Sortie des résultats

RETROACTION
ou FEED-BACK

La cybernétique ignore les causes mécaniques: c'est pourquoi le phénomène est considéré comme une boîte
noire. Les questions importantes sont: "Que fait le phénomène?" et "Dans quel but?" Fait nouveau
également: la prise en compte de l'environnement, qui est considéré comme actif.

La rétroaction comporte trois opérations continues et simultanées. Il ne s'agit donc plus d'un processus
linéaire, mais bien circulaire.

1. l'information de retour: les capteurs d'informations permettent au système de s'informer de sa


performance, de son résultat.
2. l'évaluation de l'action qui conduit à une décision
3. le réajustement permanent : le système reprend son action en s'ajustant aux fluctuations possibles
de la situation.
Signalons que le feed-back ne désigne pas n'importe quelle conséquence d'une communication donnée, mais
un retour d'information qui permet à l'émetteur d'améliorer son émission initiale afin de la rendre plus
conforme à l'objectif qui était le sien.
La notion de causalité circulaire
Nous nous rappelons que dans les approches analytiques, la causalité était linéaire: A est cause
de B. Les cybernéticiens voient les relations entre les éléments différemment. Chaque intervention
d'un membre d'un système est une réaction à l'intervention de l'autre et constitue à son tour un
stimulus auquel l'autre va réagir et ainsi de suite.

21
In WINKIN, op.cit., p.16

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2. Systémique et communication
WIENER écrit: « Quand je communique avec une autre personne, je lui communique un message et quand
cette personne communique à son tour avec moi, elle me retourne un message de même nature qui
contient des renseignements d'abord accessibles à elle et non à moi. »22

L'information signifie simplement programme (comme le programme d'un ordinateur ou le code


génétique) et la communication signifie transmission. Nous retrouvons donc la même définition que
dans le schéma de Shannon!

Par la suite, la théorie mathématique de l'information et la notion de rétroaction sont transposées en


sciences humaines. Les aspects les plus techniques sont évacués pour ne garder que le schéma
général.

Ce schéma est généralement appelé par les critiques le « modèle télégraphique de la


communication » 23

Emetteur Canal Récepteur


(codage) Message (décodage)

BRUIT
rétroaction
Critique du "modèle télégraphique" de la communication

Par rapport au schéma de SHANNON, ce nouveau schéma comble deux grandes lacunes:

1. il n'est plus linéaire, unilatéral, ponctuel


2. le récepteur n'a plus un rôle passif

Néanmoins, la communication y est toujours définie comme un transfert d'information d'un


acteur à l'autre. Il se préoccupe uniquement des propriétés du contenu du message. Il est utilisé
pour étudier les effets de ce contenu. A aucun moment, la signification du message n'est liée au
contexte.

Ce modèle a été complètement détruit par les globalistes. Les chapitres suivants vont nous montrer que
la communication n'est pas une réalité autonome et qu'il n'y a pas que le contenu du message et ses
effets qui comptent. Cependant, les scientifiques de tous les domaines, comme les gens de la rue,
continuent à penser la communication comme un message à transmettre d'un émetteur vers un
récepteur.

22
WIENER cité par LOHISSE, op.cit., p.123
23
Cf. WINKIN, op.cit.

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Pourquoi le modèle émetteur-récepteur est-il toujours utilisé pour penser les phénomènes de
communication? 24

Le poids du vécu quotidien: à l'école, en famille, au travail, en nous exposant aux médias notamment,
nous rencontrons des situations où nous devons subir ou résister à l'influence ou bien où nous exerçons
une influence sur autrui. Tout naturellement, nous avons donc tendance à penser la communication en tant
que phénomène d'exercice d'un pouvoir sur autrui et le modèle émetteur-récepteur est alors très
pratique.

La culture dans laquelle nous vivons: c'est bien souvent le seul modèle enseigné à l'école et dans les
universités, véhiculé et utilisé par les médias. Nous retrouvons des marques du modèle émetteur-
récepteur dans les expressions de la langue française: être exposé aux médias, l'influence de la
télévision, l'émetteur et le récepteur d'un message, ... Les termes utilisés par les autres modèles sont
moins évidents: structuration des relations, construction des normes, positionnement des acteurs, ...

Par ailleurs notre culture est complètement imprégnée de modèles rationalistes et causalistes issus des
sciences "dures". Elles utilisent des schémas simples cause-effet. Le modèle émetteur-récepteur est
donc en adéquation avec la pensée ambiante. Les modèles renvoyant à une causalité circulaire
ou à la complexité utilisée en sciences humaines heurtent les modes de raisonnement habituels.

La prégnance de la métaphore qu'il utilise: la métaphore du télégraphe, attachée au modèle


émetteur-récepteur, est simple et immédiatement saisissable. Elle s'impose car elle schématise bien
les intuitions banales que l'on peut avoir de la communication: il y a quelqu'un qui parle et un autre qui
écoute, il y a un contenu qui est transmis et il sera décodé par le récepteur, ...

24
In MUCCHIELI A., Nouvelles méthodes d’étude des communications, Paris, Armand Colin, pp.7-8

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Même s'il lui manque une vision plus amplement systémique, le schéma inspiré de Shannon, Jakobson
et Wiener peut s'appliquer à l'analyse du fonctionnement de certaines communications. Dans ce cas,
n'oublions pas de déployer toutes ses possibilités.25

L'émetteur
 Qui est exactement l'émetteur? Quelles sont ses particularités? (origines sociales,
géographiques, profession, personnalité, époque... ) Cela influe-t-il sur le code et le message?
 Y a-t-il un ou plusieurs émetteurs? Dans ce cas, quelle est leur relation? Un émetteur principal et
des émetteurs annexes... (ex. meneur manif et manifestants)? L'émetteur a-t-il l'initiative de
son message ou a-t-il un commanditaire? L'émetteur ne fait-il que retranscrire un message
émis par quelqu'un d'autre (avec ou sans modification: filtrage, censure...)?
 L'émetteur est-il conscient de son émission? Si oui, quel est son but?

Le récepteur
 Qui est-il? Est-il identique à l'émetteur? Y a-t-il un ou plusieurs récepteurs? Dans ce cas, quelle
est la relation entre eux? Caractéristiques du ou des récepteur(s)?
 Quelle relation y a-t-il entre l'émetteur et le récepteur (supériorité, infériorité, complicité, ...)?
 L'émetteur s'adresse-t-il à tous les récepteurs potentiels?
 La réception est-elle volontaire ou inconsciente? Le récepteur est-il apte à recevoir le
message?
 Le récepteur reçoit-il effectivement le message?
 Comment réagit-il?

Le message
 Y a-t-il un ou plusieurs messages? Sont-ils tous reçus?
 Quel est le message: qu'est-ce que l'émetteur dit à propos du référent? Est-il objectif ou, au
contraire, prend-il parti? Est-il d'accord, enthousiaste, hostile,... ?
 Que signifie le message? A-t-il une ou plusieurs significations?
 Quels sont les buts, les causes, les conséquences du message?
 Le message est-il clair? complet? explicite? Y a-t-il un message caché dans le message apparent?
Le message exprimé correspond-il au message que l'émetteur voulait émettre?
 Y a-t-il des messages annexes, des indications extérieures au message principal: légende d'une
photo? titre d'un article?

Le référent
 A propos de quoi l'émetteur s'exprime-t-il exactement? (le fait, la personne dont parle
l'émetteur...)
 Y a-t-il un ou plusieurs référents? (un référent réel et un référent apparent: on fait semblant de
parler de... pour évoquer en fait ...)
 Quelle relation y a-t-il entre le référent et l'émetteur (dégoût, admiration, ...)?
 Sont-ils situés au même moment du temps (le message peut évoquer un référent passé, actuel, à
venir...)?

25
In BARLOW M., Améliorer la communication, Chronique sociale, Lyon, novembre 2001

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 Emetteur et récepteur ont-ils bien en vue le même référent (sinon: quiproquo)?

Le codage et le décodage
 Quel(s) est (sont) le(s) code(s): écrit, oral, gestuel...? Sont-ils connus du récepteur dans tous leurs
éléments (p.ex. l'émetteur parle français devant un récepteur francophone mais utilise un
vocabulaire trop recherché, trop technique, ...)?
 Y a-t-il distorsion entre la grille de codage et celle de décodage? (vocabulaire utilisé, culture, ...)
 Quelle relation y a-t-il entre les différents codes utilisés (accord, contradiction...)?
 L'émetteur maîtrise-t-il parfaitement le code qu'il utilise?
 Le code est-il adapté au type de message? au récepteur? Est-il vraiment commun à l'émetteur
et au récepteur?
 Plusieurs décodages sont-ils possibles?
 Le décodage se fait-il intégralement?
 Le message est-il passé ou, au contraire, y a-t-il eu malentendu, quiproquo...?

Le canal
 Par quels moyens matériels ou outils le message est-il transmis?
 Le canal est-il approprié au message? au code? à l'émetteur? au récepteur?
 Le canal influence-t-il le code (ex. style télégraphique)? le message (ex. tract ou note de
service...)?
Les bruits et les fuites
 Y a-t-il des éléments perturbateurs, des facteurs qui peuvent gêner la communication?
 Comment les réduire? les éliminer? L'émetteur cherche-t-il à le faire?
 Quels sont les éléments du message qui ont été perdus du fait des bruits? (= fuites)
 Ces fuites sont-elles volontaires?

Le feed-back
 Quelle est sa nature? Est-ce un autre acte de communication? Avec le même code que le
message reçu ou avec un autre code? Est-ce une parole? une réponse en acte?
 Ce feed-back est-il destiné à être compris de l'émetteur ou non?
 Ce feed-back est-il attendu, souhaité, inattendu, indésirable? ("Excusez-moi, ça m'a échappé!")

Bien entendu, votre analyse sera plus pertinente si vous vous penchez égale ment sur l'interaction
entre tous ces éléments...

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Chapitre 6
Les theories interactionnistes en
psychosociologie
1. L’interactionnisme de G.H. MEAD
Le sociologue américain George-Herbert MEAD (1863-1931) fut le premier à introduire la notion
d’interaction. Ces interactions sont définies comme les formes d'échanges réciproques qui se
produisent entre l'homme et tout sujet ou objet de son environnement.
Pour MEAD, l'individu n'existe que par et dans l'interaction sociale . Dans un cours qu'il donna à
l'université, MEAD proposait une théorie de la formation sociale du « soi » comme instance où
l'individu prend conscience de lui-même en se plaçant aux divers points de vue des membres de son
groupe (comme dans un jeu de rôles). Une interaction ne fonctionne jamais seule: elle fait partie d'un
ensemble, d'un système, et comme tout système, ce dernier possède des caractéristiques propres,
différentes de celles de ses éléments pris isolément. Ici se marque le passage d'une transmission de
message à celui de partage de significations. C'est dans ce passage, note Mead, que se constitue
l'identité personnelle.
MEAD s'oppose au modèle stimulus/réponse du behaviorisme: pour lui, les êtres humains agissent les uns
sur les autres sur base d'échanges symboliques (interactionnisme symbolique).

L'approche interactionniste s'intéresse à l'interprétation que le récepteur fait en même temps que le
décodage du message. On ne peut jamais rien faire sans que ce soit interprété; nous ne nous en rendons
compte que lorsque ces interprétations, portées à notre connaissance, ne nous conviennent pas.
« La notion d'inférence (reprise du philosophe von Foerster) traduit ce travail d'élaboration du récepteur.
Elle concerne la capacité qu'il a d'effectuer des opérations logiques, de conduire des raisonnements
non formalisés pour comprendre un message. » 26
L’inférence est une opération intellectuelle par laquelle on passe d’une vérité à une autre vérité ; la
déduction est une inférence. Ex : une mère dit à son enfant : « Ta chambre est en désordre ». L’enfant
comprend qu’elle ne lui donne pas une information mais l’incite à ranger.
« Cette activité d'interprétation montre que le sens d'un message ne naît pas seulement des
systèmes de signes préalables à l'échange, mais apparaît bien comme le produit de l'interaction entre
le message émis et le message reçu, et comme une coproduction progressive impliquant autant le
récepteur que l'émetteur. » 27 En d’autres termes, le sens du message n’appartient pas à l’émetteur.
Le récepteur n’est jamais un spectateur neutre : il filtre, décode, sélectionne, réinterprète l’information
reçue.
Avec ce modèle, on commence à étudier l'interaction ici et maintenant, c'est -à-dire que le chercheur
n'explique pas le présent par le passé (comme le fait la psychanalyse), mais essaye de comprendre comment
le système fonctionne.

26
In LOHISSE, op.cit., p.134
27
ibidem

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2. L’analyse transactionnelle d’Eric BERNE
L'analyse transactionnelle 28 a été fondée par Eric BERNE (1910-1970) dans les années 60-70 aux
Etats-Unis. Médecin, psychiatre et psychanalyste, il est l’auteur, entre autres, de « Que faites-vous après
avoir dit bonjour ? » ou encore « Faites vous-même votre propre malheur. » BERNE voulait utiliser des
concepts qui pouvaient aider les individus à comprendre leurs difficultés relationnelles et psy -
chologiques. En ce sens, il s'oppose à la psychanalyse qu'il juge beaucoup trop ardue pour l'homme de
la rue.

Pour lui, la psychologie se résume à l'étude des relations entre individus. Il nomme ces relations
des "transactions", d'où le terme d'analyse transactionnelle, analyse des échanges entre êtres
humains.

L'analyse transactionnelle utilise différents concepts dont les différents états du moi (parent, enfant,
adulte).

Sa théorie décrit (et non "explique") différents cas de figure de la communica tion humaine. L'analyse
transactionnelle permet d'identifier les moments précis qui font basculer une relation vers le conflit et
donne des clés pour mener à bien une communication saine et positive.

L'idée de transaction cachée ou à double fond


Par dessous les transactions socialement acceptables et visibles, il existe des transactions cachées. Ces
dernières proviennent de motivations individuelles profondes qui finissent par entretenir un rituel.
L'analyse des jeux psychologiques a permis de montrer qu'un jeu d'interactions reposait sur des motifs
psychologiques cachés comme la peur de l'affrontement de certaines situations.

Un jeu d'interactions est donc un système récurrent et répétitif mis en place pour préserver
l'individu/le groupe de confrontations à des situations qu'il ne peut maîtriser. Tout rituel est
destiné, sur le plan psychologique, à rassurer devant l'angoisse et, sur le plan social, à apporter des
bénéfices sociaux.

Par exemple, le jeu de la victime29 :


 "Je n'arrive pas à étudier cette matière", se plaint la fille.
 "Ça serait peut-être plus facile si tu étais dans le calme. Tu devrais arrêter ta musique", conseille la mère.
 "Non, sans musique, je déprime. Le problème, c'est que je ne retiens pas ce que j'apprends"
 "Veux-tu que je te fasse réciter?"
 "Surtout pas! J'aurais l'air idiote et ça me bloquerait encore plus!"
 "Alors abandonne le par coeur et essaie de comprendre en t'aidant des schémas."
 "Les schémas sont encore plus compliqués. Il y a des flèches dans tous les sens."

Nous voyons que la fille refuse chaque proposition de la mère (sauveur!) pour l'aider. En fait, le but plus ou
moins inconscient de la fille est de montrer que personne ne peut l'aider. Elle ne cherche pas réellement
de solution à son problème, elle veut seulement entrer en contact avec son entourage.

28
L’A.T. sera approfondie dans le cours « Aspects psychosociaux de la communication »
29
L’exemple est repris de LOHISSE, op.cit., p.135

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Appréciation de l'analyse transactionnelle
Comme l'école de Palo Alto présentée ci-après, l'analyse transactionnelle a le souci de regarder la
communication comme un système qui s'explique au travers de la relation de deux individus.

La communication est définie comme une succession ritualisée d'échanges se déroulant à plusieurs niveaux.
C'est un système de relations.

Au-delà de la théorie, l’A.T. est aussi une thérapie et un outil d'analyse et de contrôle de la
communication, qui remporte toujours un certain succès auprès du public.

3. L’Ecole de Palo Alto 30


Palo Alto est une petite ville de la banlieue sud de San Francisco, Californie. L'Ecole de Palo Alto
désigne un groupe de chercheurs, issus de différentes disciplines, qui ont travaillé dans la ville de
Palo Alto, dans les années 1960. Ce qui fait l'unité entre ces chercheurs, c'est leur référence
commune à la démarche systémique que l'on trouve aussi bien dans leurs approches
théoriques de la communication, leurs analyses du changement ou leurs techniques de thérapie.

Les idées nouvelles sont issues de recherches théoriques mais aussi d'intuitions cliniques: les chercheurs se
sont en effet efforcés de confronter leurs modèles et concepts à l'analyse de communications réelles, et
ceci surtout dans le domaine de la psychiatrie.

Les schémas antérieurs réduisaient considérablement la notion de communica tion, comme si celle-
ci n'était faite que de mots, transmis volontairement, écoutés consciemment. L'Ecole de Palo Alto
évoque au contraire un modèle orchestral où tous et chacun jouent une partition polyphonique dans un
ensemble général.

 Quelques concepts phares

L' interaction
Ce ne sont pas les caractéristiques des individus (éléments isolés) qui expliquent l'interaction,
mais bien les interactions des éléments du système relationnel tout entier.
Par exemple, dans une famille où un membre est alcoolique, c'est la famille tout entière et les
interactions entre ses membres qu'un thérapeute systémique soignera car le comportement des
autres membres est fonction de celui qui est alcoolique.

Le contexte (ou cadre de référence)


Il convient d'analyser les actions d'un individu en les mettant dans un contexte, c'est-à-dire un système
dans lequel elles prennent place.
C'est en ce sens que l'on parlera de "cadrage" des observations. Un phénomène demeure

30
Cf. WINKIN, op.cit., p.27

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incompréhensible tant que le champ d'observation n'est pas suffisamment large pour qu'y soit inclus
le contexte dans lequel ledit phénomène se produit.31
La famille est considérée comme un "système ouvert": c'est-à-dire que les éléments de cet ensemble
appartiennent à un ensemble plus large qui l'englobe. Dans une famille en effet, il existe un ensemble
de règles qui régissent les relations entre ses membres. De plus, la famille est incluse dans une société
donnée qui comporte des valeurs, des modes de pensées, des idéaux, des règles, des tabous, ...

Un système est donc un ensemble hiérarchisé où chaque niveau sert de contexte pour le niveau inférieur.

La totalité
La famille est également une totalité: le système familial possède plus de pro priétés que les
membres de la famille pris isolément. Cela s'explique par la présence des relations qui unissent les
composants du système.

La rétroaction
Tout système se caractérise à la fois par la stabilité et le changement.
Si des variations ou modifications surviennent, le système utilise des feed-backs dits négatifs
pour retrouver la stabilité. Par exemple, s'il y a infidélité conjugale (une variation), l'institution familiale
prévoit une sanction (feed-back négatif) qui permet de rétablir l'ordre (stabilité).
Il existe par ailleurs des feed-backs positifs qui conduisent quant à eux au changement et
transforment le système, voire le détruisent. Par exemple, la naissance d'enfants au sein d'un
couple apporte des modifications au système qui change et s'adapte à cette nouvelle situation.

 Quelques figures incontournables

Gregory BATESON et la communication paradoxale


Né en Angleterre en 1904, décédé en 1980, il est une figure importante de l'Ecole de Palo Alto.
Zoologue comme son père dans un premier temps, il est passé ensuite à l'anthropologie et a mêlé
avec un grand souci d'interdisciplinarité psychologie sociale, anthropologie sociale, psychiatrie et
science politique.
En 1929, il part en Nouvelle Guinée.
En 1936, il épouse Margaret MEAD avant de partir pour Bali.
Ils s'attachent tous les deux à comprendre la culture et les processus de socialisation. Ils
essaient de comprendre le problème de l'incorporation de la culture: comment l'enfant parvient-il
à devenir un membre de sa culture en mangeant, marchant, jouant, dansant, dormant?
En 1942, il découvre les principes de la démarche systémique.

En 1948 (I’année de Cybernetics), il tente en vain de convaincre WIENER de se tourner vers les sciences
sociales. Face à ce refus, BATESON se consacre lui-même à appliquer la démarche systémique aux
sciences sociales et notamment à l'étude de la communication.
Il écrira, en collaboration avec un psychiatre, un ouvrage original où la communication apparaît comme
"la matrice dans laquelle sont enchevêtrées toutes les activités humaines" (activité scientifique ou
ordinaire comme l'art, le langage, les comportements, l'hérédité, la génétique, ...).

31
In WATZLAWICK P., Une logique de la communication, 1972, Points Essais, p.15

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En 1949, BATESON est à l'hôpital psychiatrique de Palo Alto. Il y développe sa célèbre hypothèse du double
mind (double contrainte), point central de la communication paradoxale. De quoi s'agit-il?
Il arrive qu'un message présente une contradiction: deux contenus contra dictoires ou opposés
sont communiqués en même temps.
L'injonction "Soyez spontané", l'affiche "Interdiction d'afficher", la déclaration "Je suis en train de
mentir", ...en sont des exemples.
Dans la communication paradoxale, le message émis est le support d'une double contrainte telle que:
- il affirme quelque chose
- il affirme quelque chose sur sa propre affirmation
- ces deux affirmations s'excluent

Dans la communication paradoxale, si le message est un ordre, il faut lui désobéir pour obéir...
d'où le paradoxe!
Alors qu'il s'est entouré de plusieurs chercheurs, en 1959, des divergences naissent entre eux et Bateson
quitte Palo Alto.

DON JACKSON et Paul WATZLAWICK


Psychiatre et psychanalyste, DON JACKSON , devient en 1954, un des collaborateurs de BATESON. Il
crée à Palo Alto en 1959 le Mental Research Institute. Il se donne pour objectif d'appliquer les
découvertes sur la communication au domaine de la psychothérapie. Il fonde le principe de la thérapie
familiale systémique.
Il engage en 1961 Paul WATZLAWICK, docteur en philosophie et diplômé en psychiatrie qui, après la
mort de JACKSON en 1968, reprendra le flambeau avec d'autres.

La théorie de la communication élaborée par l'Ecole de Palo Alto repose sur trois hypothèses
essentielles. 32

1. L'essence de la communication réside dans des processus relationnels et interactionnels. Ce sont


moins les éléments qui comptent que les relations entre eux. L'approche est donc bien
systémique.
2. Tout comportement humain a une valeur communicative. En obser vant la succession des
messages replacés dans leur contexte horizontal (la suite des messages - ce qui précède, ce
qui suit) et dans leur contexte vertical (la relation interactants/système où cette relation
s'insère), il est possible de dégager une logique de la communication, c'est-à-dire un ensemble
cohérent de règles et de concepts.
3. Les troubles psychiques de la personnalité peuvent être ramenés à des perturbations de la
communication entre l'individu porteur de symptômes et son entourage. Il existe donc une
pathologie de la communication dont les mécanismes permettent de comprendre la plupart
des prétendues maladies mentales.

WATZLAWICK jouera un rôle important dans la diffusion des recherches de Palo Alto: il est le
formulateur des logiques parfois nébuleuses de BATESON et des intuitions cliniques de JACKSON.

32
In LOHISSE, op.cit., p.138

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En 1967, WATZLAWICK publie, en collaboration avec Jackson, "Une logique de la communication" où
il systématise avec rigueur, sous forme d'axiomes, une somme d'idées nouvelles fondées sur la
cybernétique et la théorie des systèmes.

4. Les cinq axiomes de la communication selon WATZLAWICK

 On ne peut pas ne pas communiquer


Rappelons tout d'abord que le comportement n'a pas de contraire.
Or, si l'on admet que, dans une interaction, tout comportement a la valeur d'un message, c'est-à-dire qu'il
est une communication, il s’en suit que la communication n'a pas de contraire non plus, qu'on ne peut
pas ne pas communiquer, qu'on le veuille ou non.
La communication n'a donc pas besoin d'être intentionnelle pour exister.
Activité ou inactivité, parole ou silence, tout a valeur de message

De tels comportements influencent les autres (car l'autre donne toujours sens à mon comportement),
et les autres, en retour, ne peuvent pas ne pas réagir à ces communications et donc communiquer. Le sens
que nous donnons à la réaction (à la communication) de l'autre est appelé réaction sémantique.

Un jeu de rôle nous fait tout de suite prendre conscience que toute action offre des aspects
communicationnels.

Dans cette optique, on ne s'interroge pas sur l'intention ou non d'envoyer un message, mais sur la
perception d'impressions qui proviennent des autres individus, de soi-même et de l'environnement.
Il faut donc toujours être prêt à saisir les retours de notre interlocuteur et à les gérer. Ne jamais croire
que notre message ne peut être « que » compris…

Le contexte de la relation fait donc partie intégrante du sens des messages échangés.

La communication commence par une négociation sur le sens du message.

La communication n'a pas besoin d'être consciente, ni réussie… Mais elle est polyphonique (plusieurs voix),
réunissant nombre de comportements (verbal, tonal, postural, ...).

Plus notre palette de réactions sémantiques sera large, moins nous nous refer merons sur nous-
mêmes.
Selon Watzlawick, 3 attitudes sont possibles:
- l'acceptation
- le rejet
- l'annulation

On l’a compris, la communication est à la fois verbale et non-verbale. Watzlawick distingue trois aspects
dans le non-verbal : un aspect instrumental, un aspect démonstratif et un aspect interrelationnel.

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 Dans toute communication, il y a deux aspects: le contenu et la relation. Ces deux
aspects sont organisés de manière telle que le second englobe le premier et
constitue, par suite, une métacommunication.

 Le contenu, ce sont les données de la communication: l'information ou l'opinion


transmise par le message. Nous ne nous préoccupons pas de savoir si c'est vrai ou faux.

 La relation, c'est la manière dont on doit entendre, comprendre le message, le sens que l'on
doit lui attribuer. Ce sont des informations sur la relation qu'entend entretenir l'émetteur
avec le récepteur. La relation peut s'exprimer verbalement ("c'est pour rire") ou non (ex: ton
ironique). En ce sens, la communication écrite est souvent plus ambiguë parce qu'elle ne
comporte pas (ou peu), par exemple, d'intonation qui explique comment il faut prendre le
message.

Deux messages "passent" dans la communication: l'un est explicite, l'autre plus implicite, plus subtil ...
et ce dernier doit d'ailleurs parfois faire l'objet de communications explicites complémentaires =
métacommunication.

Exemples :
« Voudriez-vous avoir l'extrême obligeance de dégager la voie », « Circulez y'a rien à voir » et « Casse-toi »
rendent compte d'un même contenu mais avec des relations bien différentes.

L'homme qui dit à sa femme : « Tu as une jolie robe », transmet un contenu mais peut aussi suggérer une
relation de séduction entre eux.

Contexte = où je le dis

Relation = comment je le dis

Contenu = ce que je dis / quoi

L'enjeu peut ne pas être au niveau du contenu mais toucher les relations entre les personnes.

L'observation démontre que l'enjeu majeur est souvent dans la relation. Il est donc important de
se poser la question: « Dans cette communication que j'échange avec l'autre, quel est l'enjeu ? »
La relation est une communication sur la communication ou métacommunication.
Le "comment" et le "où" déterminent fortement la façon dont je dois interpréter le contenu.

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La métacommunication, c'est aussi quand on invite l'autre à communiquer sur ce qui se passe entre nous.
Pour métacommuniquer efficacement, il est important :

 de se restituer en terme de "je"


 sous forme d'hypothèses
 et d'utiliser le "nous"

Dans une communication interpersonnelle, on veillera aussi à vérifier la conformité de notre perception au
moyen de la reformulation. Proposée par Carl ROGERS, cette technique nous apprend à vérifier
régulièrement nos dialogues pour savoir ce qui est communiqué en réalité, la manière dont ce qui a été dit
a été perçu et/ou filtré par l’autre.

 La ponctuation de la séquence des faits


Une relation entre deux êtres est une suite ininterrompue d'échanges

La nature d'une relation dépend de la ponctuation des séquences de communication entre les partenaires.
Une série de communications peut être considérée comme une séquence ininterrompue d'échanges.
Toutefois, les partenaires ont leur propre façon de voir l'interaction et lui attribuent un début et une fin.
Ainsi, il peut y avoir un désaccord sur la manière de ponctuer les faits. L'erreur des partenaires provient
justement de croire qu'il y a un commencement.

Dans un couple désuni, chacun considère que la responsabilité du conflit revient à l'autre, chacun
prétend réagir à un mauvais comportement de l'autre. Chacun "ponctue" différemment et nomme "cause"
ce que l'autre appelle "conséquence". Les individus sont pris dans un jeu sans fin, prisonniers de l'interaction
qu'ils ont élaborée ensemble. En s'attaquant à une cause erronnée, ils ne parviennent pas à provoquer le
changement qu'ils souhaitent.
De plus, l'échec de la métacommunication renforce la rancune et aggrave le phénomène.

Le concept de rétroaction permet de comprendre le système dans lequel se trouvent les partenaires de la
relation.

Exemple : Les faits

Se fâche
Se ferme complètement
Devient plus agressive
Se replie davantage
Se plaint, le questionne
Se tient sur la défensive

Mari Femme

Métacommunication maladroite :
Elle : « Je me fâche parce que tu te replies ! »
Lui : « Je me replie parce que tu es agressive ! »

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 Les êtres humains utilisent deux modes de communication, deux modes
d'expression dans la communication: le digital et l'analogique

Tout message implique deux modes complémentaires d'information.

 le digital où l'on utilise des signaux conventionnels et arbitraires (le langage humain, les
mots). C'est un code arbitraire qui permet d'entrer en communication, un mode de
communication raisonné, cérébral.

 l'analogique où on évoque la chose représentée par un son, un geste, un dessin qui lui
ressemble. L'analogique entretient un rapport de ressemblance (d'analogie) avec la
chose représentée, il essaie de « coller » avec la réalité. C’est un mode de communication
plus proche de nos émotions, plus proche de la perception globale.

L'attitude corporelle pour partir ou venir se comprend sans qu'il soit nécessaire de comprendre les mots.
Mais l'analogique est parfois ambigu car polysémique: les larmes , un sourire,…

Dans un échange, le contenu sera généralement digital, la relation analogique.


Le digital et l'analogique se complètent, mais se traduisent difficilement l'un en l'autre.
Le langage digital possède une syntaxe logique très complexe et très commode, mais manque d'une
sémantique appropriée à la relation. Par contre, le langage analogique possède bien la sémantique, mais
non la syntaxe appropriée à une définition non équivoque de la nature des relations.

 Tout échange de communication est symétrique ou complémentaire


Les relations entre individus sont symétriques ou complémentaires selon qu'elles se fondent sur
l'égalité ou la différence.

L'interaction entre les individus est envisagée comme une séquence: une suite de réactions entraînées
par les réactions aux réactions. Chacun se comporte d'une manière qui présuppose ou justifie le
comportement de l'autre.

Les deux types de relations (toutes deux essentielles pour la construction de la personnalité):

 symétrique: cette relation se base sur l'égalité et la minim alisation des différences.
Les partenaires ont un comportement "en miroir" (cette expression n'est pas acceptée de
tous).
 complémentaire : cette relation se fonde sur l'inégalité et la maximalisation des différences.
Les partenaires forment ensemble une entité bipolaire (par exemple: protection/faiblesse,
autorité/soumission,). Le contexte culturel et social fixe, dans certains cas, une relation
complémentaire (mère/enfant, médecin/patient, professeur/élève). Les partenaires
adoptent des comportements contrastés qui s'ajustent l'un à l'autre.

Il n'y a pas un type de relation meilleur que l'autre. Ce qui importe, c'est la stabilité du système
(rappel: feed-back négatif = retour à l’équilibre), ou, au contraire, sa destruction (feed-back positif
= changement).

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Dans une relation symétrique saine, les partenaires sont capables de s'accepter tels qu'ils sont. Cela
équivaut à une affirmation positive et réciproque de leur "moi".
Quand il y a une rupture dans la relation symétrique, on observe un rejet de la définition de l'autre. La
rivalité s'installe et on assiste à une escalade symétrique.
Dans une relation complémentaire saine, les partenaires acceptent la définition de l'autre. "Il n'y a pas
de mère sans enfant" et réciproquement. La définition de soi ne peut donc se maintenir que si chaque
partenaire joue son rôle.
Dans le cas contraire, il peut se produire des troubles pathologiques. Le partenaire dénie le moi de l'autre.
Cette situation est appelée complémentarité rigide.

Ce qui caractérise une relation symétrique ou complémentaire positive, c’est sa capacité à passer à
tout instant du symétrique au complémentaire, bref d’accepter qu’un égal devienne supérieur pour
m’apprendre quelque chose, puis inférieur pour recevoir quelque chose de moi. Le conflit naît dans la
rigidification de la relation.

Nous pouvons synthétiser ces deux types de relations à travers les tableaux suivants. 33

 Ce que l’on observe

Relations symétriques Relations complémentaires


positives négatives positives négatives
J’écoute l’autre et l’autre Aucun des deux n’écoute ; L’un donne, l’autre reçoit, L’un donne, l’autre reçoit,
m’écoute. ils veulent tous les deux mais la situation peut et la situation ne peut pas
être écoutés. s’inverser ou la relation s’inverser, ni la relation
peut devenir symétrique. devenir symétrique.
L’excellence de l’autre L’excellence de l’autre Je suis prêt à répondre à Je veux prendre et donner
m’attire et me stimule. me fait peur et je veux le l’offre ou à la demande de quand cela me convient.
détruire ou le soumettre. l’autre. L’autre est mon objet ou est
Je donne ou je prends ; réduit à néant.
chacun est sujet.

 Ce qui en découle

Relations symétriques Relations complémentaires


positives négatives positives négatives

Respect mutuel / Estime Rivalité Satisfaction mutuelle Dépendance

Collaboration Escalade symétrique Relation d’échange Complémentarité rigide


Emulation
Stimulation

Rejet Evolution adaptée aux Déni


Haine changements Haine
Amitié Sensation d’aliénation

33
Adapté de ORGOGOZO I., L’entreprise communicante, Paris, Les Editions d’Organisation, 1998, p.176

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Nous nous orientons vers une nouvelle définition de la communication: celle-ci est définie comme la
participation d'un individu à un système d'interactions qui le lie aux autres. Cette liaison dépend du
système lui-même, qui prend une certaine forme au cours des échanges.

Les préoccupations fondamentales des interactionnistes sont de :

 repérer la dynamique générale du système ainsi que ses finalités pour les acteurs et
pour l'ensemble des acteurs.

 expliquer le sens que prend chaque communication dans l'ensemble du système


constitué.

L'analyse transactionnelle et l'École de Palo Alto ont le mérite de quitter l'analyse abstraite pour
l'étude de communications réelles. Nous pouvons cependant leur reprocher de s'être exclusivement
attachées à la thérapie et de ne pas accorder d'importance aux notions de groupe, communauté, cl asse
so ci al e, re pr ése nt at io n co l lect iv e , c u lt ure ,…

5. L’approche systémique et communicationnelle des organisations avec


A.MUCHIELLI

Le modèle interactionniste-systémique de l’école de Palo Alto, les travaux d’Eric Berne et ceux de Paul
Waltzlawick ont nourri l’« approche systémique et communicationnelle des organisations » d’Alex
Mucchielli.

Mucchielli est né en 1943 en Algérie d’une famille corse. Il a une formation pluridisciplinaire : sciences
humaines, psychologie sociale, lettres, mais aussi physique… Il fut professeur en Sciences de l'Information
et de la Communication à l'Université de Montpellier. Depuis 2009, il est le concepteur et le directeur d'un
site de formations à distance en management et communication (Enov formation).

Pour Mucchielli, ce qui compte dans les conduites des hommes, ce sont les « significations ». Il s’est efforcé
de montrer comment les significations apparaissaient aux hommes. Elles sont construites à travers des
« processus de contextualisation » qu’il a systématiquement étudiés dans les nouvelles méthodes
qualitatives qu’il a mises au point : la « sémiotique situationnelle » et la « systémique qualitative ».

Selon Mucchielli, les problèmes rencontrés dans une organisation ne peuvent pas être attribués
uniquement aux individus concernés. C’est le système d’interactions dans son ensemble qui est responsable
de ces situations.

Les acteurs, à travers les jeux d’interactions, sont à la recherche de certaines valeurs : la liberté, la
reconnaissance professionnelle ou identitaire, la sécurité. La répétitivité des interactions dans les jeux est
synonyme du non-aboutissement d’une négociation autour d’une de ces valeurs.

L’approche systémique et communicationnelle consiste donc d’abord à expliciter, sous forme de schémas
d’interactions, les principales communications internes d’une organisation. Elle consiste, ensuite, à analyser
le fonctionnement de ces noyaux stables d’échanges pour faire ressortir les problèmes latents et

les valeurs émergentes des systèmes qui orientent et freinent les évolutions.

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Les étapes de l’analyse sont les suivantes :

 « cadrage » de l'observation
 repérage des interactions fortes et constantes venant du contexte englobant
 observation « hic et nunc » des « communications récurrentes qui se ressemblent » entre les
acteurs et observation des “non-communications”
 la recherche des redondances d’échanges et des formes de ces échanges
 « contextualisation » systémique par rapport au vécu collectif

Dans cette approche, les "styles de management" sont rapportés aux systèmes de relations que managers
et subordonnés mettent en place. L’approche est aussi appliquée aux systèmes de communication des
sous-ensembles organisationnels. Le fonctionnement global de l’organisation apparaît alors comme la
combinaison d’un ensemble de jeux relationnels articulés entre eux dans un méta-système, lui-même
régulé par un méta-jeu. Ces modélisations systémiques font apparaître des possibilités d’intervention pour
modifier les jeux rituels repérés.

Découvrir à ce propos dans le supplément articles et documents , le chapitre intitulé Soigner l’hôpital, où
Mucchielli analyse les relations de travail dans les hôpitaux.

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Chapitre 7
Le courant anthropo-sociologique de la
communication
« Etant donné que la culture s’acquiert par apprentissage, les
gens ne naissent pas Américains, Chinois ou Hottentots, paysans,
soldats ou aristocrates, savants, musiciens ou artistes, saints,
chenapans ou moyennement vertueux : ils apprennent à l’être. »

Ce propos de T. Dobzhansky (1900-1975, généticien et évolutionniste américano -russe)


caractérise bien la conception moderne de la culture : elle est acquise, mais d’abord par
imprégnation et identification avant de l’être par apprentissage explicite.

Un courant d'anthropologues et de sociologues va s'intéresser à la situation sociale et culturelle


dans laquelle les interactions se déroulent. L'interaction n'est donc pas uniquement
interpersonnelle, elle est aussi sociale, ancrée dans une culture. Les anthropologues de la
communication s'intéressent aux gestes, aux règles, aux rites, aux normes socio-culturelles qui font la
communication.

1. Le code selon Ray BIRDWHISTELL

L'anthropologue américain Ray BIRDWHISTELL (1918-1994) s'intéresse à la fois à la linguist i q u e e t


a u c o m p o r t e m e n t . S e s i d é e s r e j o i g n e n t s o u v e n t c e l l e s d e l'Ecole de Palo Alto mais
BIRDWHISTELL travaille en solitaire.
Il veut mettre à jour la façon dont les interactions, les rapports entre les gens, les communications sont
organisés. Il part de l'hypothèse qu'il y a des règles implicites, une syntaxe de la communication.
Pour BIRDWHISTELL, la gestualité relève de la culture et il cherche la façon dont la tradition sociale joue,
travaille, agit pour organiser cette gestualité.

Ses grands constats

 Il n'arrive jamais que rien n'arrive sur la scène de la communication.


Tout est communication: si j'espère un coup de fil de quelqu'un et que mon téléphone ne sonne
pas, ce "non-message" a une signification pour moi, donc nous ne pouvons pas dire que rien
n'arrive sur la scène de la communication. « Dès le moment où vous faites installer le téléphone, le
contexte communicationnel est établi et dès lors les processus de communication sont activés », 34
explique-t-il.

34
Cité p.63 dans WINKIN Y., Anthropologie de la communication, De Boeck Université, 1996

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 Le corps ne se comporte pas seulement selon les impulsions du moment mais d’après un
ensemble de règles issues de notre culture.
En 1944, Ray BIRDWHISTELL étudie les rituels amoureux de bandes d'adolescents du Kentucky. Il
les étudie à la manière d'un anthropologue qui travaille dans son propre milieu, comme on étudie un
rite dans un pays exotique. Il contribue également à l’étude comparative des rituels amoureux menée en
Angleterre par Marguaret MEAD.

A la fin de la seconde guerre mondiale, l'idée est ancrée auprès des GI's que les Anglaises sont des
filles faciles et auprès des jeunes Anglaises que les soldats américains sont des voyous.

MEAD et BIRDWHISTELL expliquent que cette rumeur repose sur une divergence d'interprétations due à
une conception culturelle différente des étapes du rituel amoureux.

Ainsi aux Etats-Unis, le baiser sur la bouche est une des premières étapes de la conquête amoureuse,
longtemps avant l'étape de la relation sexuelle. Par contre, en Angleterre, le baiser sur la bouche
intervient très tard dans le rituel amoureux, juste avant la relation sexuelle.
Embrassant sans préambule une jeune Anglaise, le GI brûle les étapes; mais celles-ci étant brûlées,
l'Anglaise n'a d'autres choix que de s'enfuir ou d'accepter l'étape suivante... du code anglais!

MEAD et BIRDWHISTELL comprennent que le corps ne se comporte pas seulement selon les impulsions du
moment, mais d'après un ensemble de règles issues de la culture à laquelle nous appartenons.

Les membres d'une même culture intègrent inconsciemment des règles.

Le code est l'ensemble des règles qui énoncent les possibilités du système (langagier, gestuel,
interactionnel, social).

En 1952, il publie Introduction à la kinésie, discipline qui étudie la communication par les mouvements du
corps où il part de l’hypothèse qu’il y a une relation fondamentale entre la culture et la gestualité. Mais son
démontage corporel sera rapidement considéré comme trop poussé et difficilement observable: la kinésie
est vouée à l’échec.

 La langue et la gestualité sont liées.


Une autre observation marquera profondément BIRDWHISTELL. Enseignant à l'université de Toronto, il
observe des Amérindiens canadiens qui parlent deux langues: leur propre langue et l'anglais.
BIRDWHISTELL voit que lorsqu'ils changent de langue, ils changent leur façon de bouger. La langue et
la gestualité seraient donc liées.

Alors qu'à l'époque beaucoup de chercheurs établissent une adéquation entre le signe et le sens,
BIRDWHISTELL affirme qu'un signe peut avoir plusieurs sens selon le contexte dans lequel il a lieu. Il
désire élaborer une anthropologie de la gestualité qui l'amène à conclure que nous ne pouvons pas étudier
les gestes et la parole séparément. L’un et l'autre forment des sytèmes qui font partie d'un ensemble plus
vaste.
Gestualité et langage s'intègrent dans un système constitué d'une multiplicité de modes de
communication, tels que le toucher, l'odorat, l'espace et le temps. Il n'y a pas de hiérarchie entre ces modes
de communication. Si le mode verbal porte le plus souvent l'information intentionnelle explicite, les autres

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modes assurent des fonctions tout aussi nécessaires au bon déroulement de l'action.
La synchronisation des interactions est importante pour maintenir le système en fonctionnement.

La communication ne se limite pas au message, ni même à l'interaction (comme le pensaient les


psychosociologues interactionnistes). L'analyse de Ray BIRDWHISTELL porte sur le système de
communication qui a rendu l'échange possible.

Pour BIRDWHISTELL, les individus "participent à la communication", par opposition à l'idée que les
individus communiquent.

2. L’interactionnisme symbolique d’Erving GOFFMAN

Bien que les sociologues étudient le plus souvent les événements ritualisés, les chercheurs de l'École de
Chicago, née dans les années 1920-1930, considèrent que c'est dans les interactions les plus banales, les
plus quotidiennes, que se livrent les enjeux sociaux les plus riches d'enseignement.

Les interactionnistes symboliques estiment que le "micro" permet d'étudier le "macro". Ils s'intéressent
aux micro-événements (façons de se saluer, discussions informelles entre les gens,...) quand la
plupart des sociologues s'intéressent aux grandes institutions que sont la famille, l'éducation, ... et aux
événements comme les mariages, les enterrements, etc.

Ces chercheurs sont aussi désignés sous l'étiquette d'interactionnistes symboliques. Erving GOFFMAN,
sociologue, né au Canada (1922-1982), est l’un de ses représentants.

Pour eux, les êtres humains agissent en fonction des significations qu'ils attribuent aux choses. Cette
signification naît dans l'interaction sociale.

Chaque individu participe à un système où tout comportement livre une information socialement
pertinente.

Quelques notions clés

 Le dialecte corporel
La communication non-verbale est désignée par GOFFMAN comme un dialecte corporel (gestuelle,
expression faciale, façon de s'habiller,...). Il est conventionnalisé, c'est-à-dire soumis à une codification,
à un point tel que la convention prend parfois le pas sur nos propres sentiments.
Le dialecte corporel est aussi normatif , c'est-à-dire qu'il y a une obligation à appliquer les règles.
La contrainte varie en fonction de l'interaction et des acteurs en présence.

 Faux pas et tact


GOFFMAN cherche à mettre à jour les normes sociales qui régissent la vie quotidienne en observant les
ruptures et fractures au sein de la société. Il étudie des handicapés et des internés pour dégager les
caractéristiques de l'ordre social chez les "normaux". Il observe les faux pas, les maladresses, les gaffes que
nous commettons tous et s'intéresse aux stratégies des individus pour restaurer le soi social quand il

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est mis en danger.

Les acteurs sociaux se comportent comme la société l'attend d'eux. Les attitudes de chacun sont
sanctionnées positivement (récompense) ou négativement (punitions). Ces sanctions peuvent être
matérielles (offre ou retrait d'un bien) ou morales (approbation ou désapprobation sociale).

Au niveau de l'ordre social, la personne qui enfreint les règles est un contrevenant, un déviant. Elle doit se
sentir coupable de son délit.
Au niveau de l'interaction, seules les sanctions morales sont utilisées pour maintenir l'ordre interactionnel.
Si les règles interactionnelles ne sont pas respectées, s'il y faux pas, la désorganisation qui s'ensuit est
habituellement l'embarras des participants ou le sentiment d'une agression. Celui qui enfreint les règles de
l'interaction est qualifié de gauche, de maladroit ou si l'offense est plus grave, d'impoli ou d'inadapté. Si
la réaction au faux pas (à l'impair) est trop brusque, l'interaction peut être mise en péril: il faut
procéder avec délicatesse, avec tact, explique GOFFMAN. Le tact consiste à minimiser un incident ou à
l'ignorer pour éviter une désorganisation plus grande encore.

 Perdre ou non la face


Dans ses observations quotidiennes, Goffman essaie de provoquer des ruptures dans l'ordre social et analyse
tout ce qu'entreprend une personne pour que ses actions ne fassent perdre la face à personne (y compris
elle-même).
Par exemple, il entre dans une cantine et s'assied à une table où un employé a déposé son plateau, le
temps d'aller chercher une tasse de café; GOFFMAN entame le repas comme s'il s'agissait du sien, le
plus naturellement possible. L'employé revient et découvre la scène: interdit, il n'ose poser la question idiote
"Ne vous êtes-vous pas trompé de casse-croûte?" et préfère feindre de n'avoir rien remarqué.
Et GOFFMAN étudie, mine de rien, comment quelqu'un perd ou non la face. L'individu lésé va-t-il
perdre la face et la faire perdre au distrait qui dévore son repas?

La face est l'image valorisée de soi-même, celle qu'une personne revendique effectivement devant les
autres à travers une ligne d'action et de conduite, une "mise en scène" de son Moi. Elle s'exprime dans
le comportement, la tenue, la manière de parler et de se présenter. Cette face, personne ne veut la
perdre...
Pour cela, il est nécessaire qu'au cours des interactions quotidiennes, "tout le monde" coopère
dans une sorte d'accord tacite prévisible. Ce sont les règles cérémonielles ou les rituels.

 L’engagement
L ' e n g a g e m e n t n ' es t p a s u n ét a t m a is u ne a ct i v i té q u i n o u s p e r m et d ' e n t re r e n
représentation. Etre engagé, c'est avoir un comportement approprié, c'est-à-dire qui correspond
aux attentes des personnes qui participent à la communication. Par exemple, on ne bâille
pas en public; à table, on ne se tient pas affalé sur sa chaise. Ces rapports sont ritualisés et
prévisibles.
En effet, nous sommes membres d'un groupe, d'une société dans la mesure où ce que nous y sommes
est prévisible et que nous traduisons cette culture dans notre comportement et dans nos mots.
Dès que deux personnes au moins sont en présence, elles sont soumises à un ensemble de règles
interactionnelles. Les signes non verbaux comme les postures, les expressions du visage,
l'habillement ... fournissent des renseigne ments sur l'engagement des individus.

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 L'ordre social négocié
Erving GOFFMAN pratique l'observation participante sur le terrain (l'idéal en anthropologie aussi) c'est-
à-dire qu'il fait partie intégrante, durant une période donnée, du groupe qu'il étudie. Il s'agit de
décrire "de l'intérieur" l'univers et les expériences subjectives de diverses communautés.

En 1955, il passe un an dans un hôpital psychiatrique de Washington parmi les malades dont il
adopte le point de vue (leurs valeurs, la logique de leur comportement par rapport à la situation
d'interné, etc.). Les résultats de cette recherche l'amènent à publier Asiles. Il y définit
l'institution psychiatrique comme totalitaire. Toutefois, l'ordre social y est négocié: si l'institution
a la prétention de définir ce que les membres doivent faire, dire ou même être, elle ne peut éviter
que ne se mettent en place des systèmes d'adaptation parasites qui permettent à l'individu de
contourner les normes organisationnelles. Par exemple: dans une prison, il observera que les détenus
commandent des livres non pour les lire mais pour impressionner favorablement la commission des libérations
sur parole.

 Les pare-engagements
Ce sont les moyens qui permettent à l'individu de donner l'impression qu'il conserve un engagement
approprié alors qu'en réalité, il transgresse les obligations que la situation exige de lui.
Par exemple: mettre sa main devant sa bouche quand on bâille, retenir ses larmes, dissimuler sa cigarette dans
le creux de sa main, ... L'offensé fera preuve d'indulgence, réelle ou feinte, envers l'offenseur.

 Les coulisses et la scène


Erving GOFFMAN établit une analogie entre la société et une scène de théâtre. Pour lui, le monde est un
théâtre et sur la scène sociale se jouent les rencontres et les relations entre les acteurs. Dans la société,
nous avons parfois la possibilité de nous désengager, de quitter notre rôle.

Goffman divise les lieux sociaux en :


 Régions postérieures (ou coulisses):
ce sont les lieux privés, fermés au public, au sein desquels nous ne sommes pas tenus de nous
comporter en fonction de notre rôle social

 Régions antérieures (ou scène) :


régions où l’on doit tenir son rôle ou en d’autres termes, être adapté à la situation

 Les rôles

Goffman dresse un inventaire des rôles que l’on peut tenir. Il distingue :
 Les rôles francs comme ceux d’acteur ou de public
 Les rôles contradictoires comme celui de comparse : il appartient à l’équipe des acteurs mais fait
semblant de faire partie du public.
 La non personne : présente pendant l’interaction, elle est pourtant considérée comme absente car
la « représentation » n’est pas dirigée vers elle.

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Pour GOFFMAN, l'interaction est « l'occasion de multiples petites cérémonies » dont la fonction est
d'affirmer l'ordre social. Ceci n'implique pas que les acteurs soient conscients de « jouer » ; au
contraire, ils sont généralement tellement fortement impliqués dans le jeu qu’ils le ressentent comme
spontané.
Il s’agit d’une conception systémique de la communication car Goffman considère que l’interaction est
première par rapport aux individus et est dotée d’une certaine autonomie. Les interactions ont leurs règles,
leurs conventions et sont donc extérieures aux individus. Les individus s’inscrivent dans l’interaction s’ils
veulent être considérés comme normaux.

Les anthropologues de la communication ont très souvent étudié les interac tions, mais pour eux, la
communication ne se limite pas à l'ici et maintenant du face-à-face. Les interactions s'inscrivent à la fois
dans le vécu quotidien et dans la culture d'une communauté ou d'une société déterminée.

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Chapitre 8
Espace et communication : une lecture psychosociale

Attardons-nous à présent sur la notion d’espace, très présente également dans les études sur la
communication.

Le travail des chercheurs qui se sont penchés sur les relations entre l’espace et l’homme fait parfois
penser à celui des éthologues. Ces derniers ont étudié le comportement animal en s’intéressant
notamment à la territorialité. L’expérience de Calhoun sur les rats en 1962 permit par exemple de
démontrer les perturbations provoquées par les effets de la surpopulation dans le monde animal. Ces
concepts, bien qu’éclairants, ne peuvent être transposés tels quels aux situations humaines et sociales : les
caractéristiques spécifiquement psychologiques et sociales du comportement humain empêchent tout
rapprochement naïf avec le monde animal.

C’est donc vers la psychologie de l’environnement qu’il faut s’orienter et son pendant français : la
psychosociologie de l’espace. Si la première a vu le jour vers le milieu des années 70 aux USA, les études
françaises, quant à elles, ont fait leur apparition dès le début des années 80.

La psychologie sociale de l’environnement a repris et utilisé un certain nombre de concepts comme celui
de territoire, d’appropriation, de densité, pour appréhender le type d’occupation des lieux par une
personne ou un groupe.

Préalablement, on avait déjà envisagé la question de l’impact des espaces de travail sur la satisfaction et le
bien-être, conscient que certaines conditions physiques ambiantes (éclairage, bruit, chaleur,…) peuvent
être des causes d’absentéisme, de fatigue ou d’accidents. Mais à côté de ces éléments de l’environnement,
c’est surtout le « facteur humain » qui va intéresser tout particulièrement les psychosociologues des
espaces de travail. « Un bureau, par exemple, est organisé en fonction de critères fonctionnels liés au travail
à accomplir, à l’organisation et à la gestion de l’entreprise, mais il est aussi porteur de symboles, de culture…
C’est un véritable construit social permanent, car les gens agissent sur leur environnement spatial,
l’adaptent, en détournent parfois les usages… »35 La communication et la territorialisation de l’espace sont
en effet à replacer dans une perspective plus large qui en révèle la dimension sociale.

1. La proxémie de Edward T. HALL

Anthropologue américain de renommée internationale, Edward T.Hall (1914) est considéré comme le père
fondateur de la proxémie, une discipline qui a pour but d'étudier les usages sociaux de l'espace entre
les individus. Selon E.T.HALL, la distance qui sépare l’émetteur du récepteur n’est jamais le fait du hasard:
elle est déterminée par un ensemble de règles qui reflètent le message et les intentions des interlocuteurs.
Hall examine aussi les chocs culturels qui peuvent survenir suite à une perception et à une utilisation
différentes de l'espace. Il explique que la structuration et la perception de l'espace ne sont pas universelles.

35
La communication, état des savoirs. Auxerre, Sciences humaines Editions, février 2008, p.182

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 « La dimension cachée », ouvrage 36 qu’il signe en 1966, parle de cette « dimension » : c’est celle,
chez tout être vivant, animal ou humain, de l'espace nécessaire à son équilibre. Elle fonctionne comme une
sorte de bulle invisible. Mais chez l'homme, cette dimension devient culturelle. Ainsi, chaque
civilisation a sa manière de concevoir les déplacements du corps, l'agencement des maisons, les
conditions de la conversation, les frontières de l'intimité. Ces études comparatives jettent une lumière
neuve sur la connaissance que nous pouvons avoir d'autrui et sur le danger que nous courons,
dans nos cités modernes, à oublier cette dimension cachée: peut-être est-ce moins le
surpeuplement qui nous menace que la perte d’identité.

« Notre sentiment de l'espace résulte de la synthèse de nombreuses données sensorielles, d'ordre visuel,
auditif, kinesthésique, olfactif et thermique. Non seulement chaque sens constitue un système
complexe (ainsi il existe 12 modes d'appréhension visuelle de la profondeur), mais chacun d'entre eux est
également modelé et structuré par la culture. On ne peut pas échapper au fait que des individus élevés
au sein de cultures différentes vivent dans des mondes sensoriels différents (ex: neige chez nous et chez
esquimaux).
La structuration du monde perceptif n'est pas seulement fonction de la culture mais également de la
nature des relations humaines, de l'activité et de l'affectivité. C'est pourquoi des individus issus de moules
culturels différents peuvent souvent se tromper lorsqu'ils interprètent la conduite des autres à travers les
réactions sociales de ceux-ci, de leur type d'activités ou de leurs émotions apparentes. D'où l'échec
des contacts et de la communication. »37

 L'espace informel
Comme les animaux, les humains observent des distances dans les rapports qu'ils entretiennent
avec autrui. L'homme est comme dans une bulle qu'il emmène avec lui. E.T. Hall répertorie 4
distances elles-mêmes divisées en mode proche ou mode éloigné: la distance intime, la distance
personnelle, la distance sociale et la distance publique. On notera que les distances mesurées
peuvent varier légèrement avec la personnalité des sujets et les caractères de l'environnement.

 la distance intime:
c'est la distance qui permet de se parler sur un ton confidentiel; la présence de l'autre s'impose (odeur du
corps, chaleur thermique, rythme de la respiration, souffle de son haleine, ...) pouvant devenir
envahissante. L'intrusion dans cet espace intime déclenche un sentiment d'insécurité (ex: ascenseur,
j'essaie d'éviter de toucher l'autre).
En mode proche (moins de 15 cm), cette distance est celle de l'acte sexuel ou de la lutte. Le mode lointain
se situe entre 15 et 45 cm.

la distance personnelle:


quand deux personnes se croisent dans la rue, elles s'arrêtent ordinairement à cette distance pour
bavarder, échanger à pleine voix des propos sur des sujets assez neutres . L'observation du comportement
d'autrui ou encore la poignée de mains sont possibles.
Mode proche: 45 à 75 cm; mode lointain: 75 à 125 cm

36
traduit en français en 1971 aux Editions du Seuil
37
In La dimension cachée, op.cit., p.222

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 la distance sociale :
elle permet une communication verbale sans contact physique, elle est utilisée par toute personne qui doit
communiquer avec une autre dans une situation sociale où l'échange est non-personnel et peut être enten-
du par d'autres. En mode proche: 1,20 m à 2,10 m; en mode lointain: de 2,10 à 3,60 m.

 la distance publique :
elle est située hors du cercle où l'individu est directement concerné. En mode proche (de 3,60 à 7,50m),
elle permet une information publique destinée à être entendue par un ensemble limité de personnes. C'est
la distance adoptée en réunion, en classe entre le prof et les élèves. En fait, dès qu'une personne joue un
rôle, dès qu'elle adopte un masque social, elle préfère tenir les autres à distance. Ainsi, le regard ne dévisage
plus, la communication est ramenée au mode rationnel, la relation est moins impliquante, plus contrôlable.
En mode lointain (7,50m ou davantage), cette distance réduit encore plus les possibilités d'interactions:
les gestes deviennent plus stylisés, plus symboliques, le contenu du message est valorisé et devient plus
formalisé. C'est la distance adoptée pour un discours, celle aussi du comédien sur la scène du théâtre.

Variations de ces distances


Ces distances varient selon le contenu du message mais aussi selon les individus et les cultures. La
compréhension ou l'apprentissage de ces distances déterminent donc en partie le succès ou les
difficultés de la communication. Par ailleurs, la façon de pénéter dans le territoire d'autrui indique le
rapport qui unit deux personnes: un supérieur hiérarchique pénétrera dans le territoire d'un subordonné et
maîtrisera la communication, alors qu’inversement, le subordonné attendra l'autorisation pour s'approcher
et pour parler. De même, dans la classe, seul le prof dispose de l'espace pour se déplacer, l'élève est
immobilisé à une place déterminée.
L'individu utilise l'espace suivant son sentiment de sécurité et son épanouissement personnel. Une
personne exubérante demande un espace assez étendu, l’espace du dépressif est rétréci, l'obsessionnel
contrôle et occupe rationnellement son espace.
Certains individus sont plus à l'aise que d'autres avec certaines distances: certains ne développent jamais
la face publique de leur personnalité et ne peuvent par conséquent jamais remplir un espace public. Ce
sont des orateurs médiocres, également incapables de diriger des discussions de groupe. De nombreux
psychiatres savent que d'autres individus ont des problèmes avec les régions intimes de leur personnalité
et ne peuvent supporter la promiscuité. Il est important d’en être conscient notamment dans les
aménagements des lieux de travail.

 L'espace à organisation fixe ou semi-fixe

 L’espace à organisation fixe est celui dont les limites sont établies de manière rigide en vue de
certaines activités. Murs, cloisons non mobiles, etc. Une pièce de 25 m2 par exemple (bureau du
directeur) jouxtant une autre pièce de 6m2 (bureau du secrétaire).
 L’espace à organisation semi-fixe contient des éléments semi-fixes tels qu’équipements, mobilier,
cloisons mobiles, etc. La façon dont ces éléments sont disposés orientent et/ou contraignent les
activités et les échanges.

 Conception de l’espace : pas universelle


Culturellement, imposer dans l'aménagement du territoire, dans la construction des villes et des bâtiments

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une universalité de l'espace est une erreur. Les gens ont vite fait de se réapproprier l'espace au grand
étonnement des autres cultures. La signification d'une porte ouverte ou fermée varie ainsi d'une
culture à l'autre. Pour les Américains, au bureau ou à la maison, on ne ferme la porte que lorsqu'on est
indisponible ou lors d'une conversation privée. En France ou en Allemagne, la porte fermée est synonyme
d'ordre, pas d'indisponibilité. Transposer la politique de la porte ouverte dans nos entreprises
occidentales, c'est oublier qu'elle ne fait pas partie de nos habitudes culturelles.

 Les voix du temps


Les différentes périodes de la journée peuvent porter une signification. Exemples: si le téléphone fixe sonne
à 23h ou à 5h du matin, je m'attends à des circonstances graves; si mon patron m'envoie un e-mail daté
d'un samedi minuit 20, je sens monter la pression...
D'autre part, le temps diffère aussi d'une culture à l'autre: en Occident, un retard demandera souvent
une explication. Au Moyen-Orient, il est inutile de fixer des rendez-vous trop longtemps à l'avance car tout
ce qui dépasse le délai d'une semaine est considéré comme du "futur", catégorie plutôt vague de
l'avenir.

 Le temps formel est ce qui est découpé: dans notre conception une semaine comporte sept jours qui
se suivent dans un ordre fixe; une heure contient 60 minutes, etc.
 Le temps informel, c'est l'impression que l'on a du temps. Elle est influencée par l'urgence, l'activité,
... Que signifient « s'absenter un moment », « chercher depuis une plombe », « il est tard », etc. ?

« Comme pour les chercheurs de Palo Alto, mais aussi pour Birdwhistell et Goffman, la
communication est définie par Hall comme un processus à multiples canaux dont les messages se
renforcent et se contrôlent en permanence. »38

2. Autres recherches

Des études expérimentales ont été menées pour préciser l’influence de la disposition spatiale sur la
communication. On a mis par exemple en lumière « l’effet Steinzor »(1950) : il montre que dans un groupe
de discussion réuni autour d’une table ronde, un sujet communique d’autant plus abondamment avec un
autre que cet autre est placé en face de lui, autrement dit que le canal de communication visuelle est plus
accessible.
En d’autres termes, dans un groupe, la communication s’oriente en fonction de la position occupée par les
interlocuteurs ; dans cet exemple, on observe qu’on s’adresse peu à ses proches voisins, par contre, la
communication est beaucoup plus fréquente avec ceux qui sont en face.

En 1959, Osmond étudie l’influence de l’aménagement de l’espace sur l’homme : il appelle espaces
sociofuges ces espaces qui séparent et isolent les individus les uns des autres (hall de gare par ex.) ; les
espaces sociopètes au contraire des premiers sont ceux dont l’aménagement favorise les échanges entre
les individus (terrasse de café parisien).
Barker en 1968 définit la notion de « behavior setting » et révèle que tout environnement aménagé
constitue une unité composée d’éléments physiques qui interfèrent avec des données sociales et culturelles

38
In WINKIN, op.cit., p.89

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propres aux lieux, aux contextes et aux groupes qui s’y meuvent.

S’il est vrai que l’organisation de l’espace oriente les comportements et la communication, si toutes nos
conduites se trouvent prises dans une certaine organisation imposée par les contraintes d’un
environnement, en revanche, « les relations que nous pouvons développer à notre tour ne sont pas toujours
le produit d’une influence spatiale définie : à l’intérieur de chaque espace existe un champ des possibles plus
ou moins large qui permet d’établir sa place et d’aménager son comportement en l’adaptant à la situation
socio-spatiale.

Il est important de souligner que la distance physique crée de la distance sociale. En effet, cette distance est
souvent déterminée au cours des échanges par les équipements de bureau ou les positions des sièges qui
maintiennent les individus dans des limites allant d’un mètre vingt à trois mètres soixante.

Tous ces éléments spatiaux (configuration, disposition, taille) jouent sur la manière dont les individus
occupent un lieu et le perçoivent.

Au niveau organisationnel, la grille de lecture proposée par la psychologie de l’environnement permet


d’appréhender deux aspects de l’aménagement, à savoir d’un côté, l’espace architectural, et de l’autre,
l’aménagement intérieur, comme deux expressions spécifiques du rapport espace et communication.

Dans le premier cas, l’espace est utilisé comme vecteur de l’aménagement organisationnel et de
construction de cette image et dans l’autre, l’espace est utilisé comme un élément de l’organisation du
travail. »39

39
Fischer G.N. et Fousse C., Espaces de travail et communication – Une lecture psychosociale, in Revue Communication et
organisation, n° 21, 2012.

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Chapitre 9
Le modele orchestral
Nous venons de voir qu'au cours des années 50 et 60, à l'époque où le modèle télégraphique (émetteur-
récepteur) commence à prendre une position dominante dans la réflexion théorique sur la
communication, quelques chercheurs américains tentent de reprendre à zéro l'étude du phénomène
de la communication interpersonnelle. Il s'agit de BATESON, WATZLAWICK, BIRDWHISTELL,
HALL, GOFFMAN, ...
Leurs thèses ont amené à une vision de la communication comme phénomène social.
Par opposition au modèle télégraphique, WINKIN va proposer la métaphore de l'orchestre
pour exprimer l'idée que chaque individu intervient dans le processus de communication tout en
respectant un "code culturel", c'est-à-dire une grammaire du comportement propre à sa culture.
Pour WINKIN, les membres d'une culture participent à la communication comme les musiciens
participent à l'orchestre. Deux différences sont à noter cependant: dans la communication, il n'y a
pas de chef d'orchestre et la partition est invisible. Les musiciens sont plus ou moins harmonieux dans
leurs accords parce qu'ils se guident mutuellement en jouant.

Dans le modèle de l'orchestre, la communication est conçue comme une activité sociale au sein de laquelle
chaque acte est intégré à un contexte plus large. Cet échange est permanent: il ne repose pas sur l'acte
isolé et volontaire d'un individu.

Nous voyons donc bien que le modèle de l'orchestre découle des théories interactionnistes systémiques
dans lesquelles la communication est conçue comme un système, un tout irréductible aux éléments
qui le constituent.

Ici encore, les membres de toute société participent à un système où tout comportement livre une
information sociale pertinente. Dans le modèle de l'orchestre, la communication est une production
collective où chaque individu suit le code culturel.

Schéma du modèle de l’orchestre

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Comparons deux visions de la communication : 40

Communication télégraphique Communication orchestrale


La communication est une activité qui La communication est une activité qui
repose sur l'individu, c'est une activité repose sur le groupe, la société, c'est une
individuelle : le langage est l'instrument de activité sociale. Chaque acte de transmission
la communication et la communication est de message est intégré à une matrice plus
l'instrument de la transmission de la vaste, comparable dans son extension à la
pen-
pensée. Il s'agit de la transformation des idées culture. Cette matrice est appelée communication
intérieures en paroles extérieures (codage); sociale. Elle est l'ensemble des codes
en bout de ligne, les paroles redeviennent et des règles qui rendent possible la
des pensées (décodage). communication et maintiennent dans la
régularité et la prévisibilité les interactions et les
relations entre les membres d'une même
culture.
La communication sociale est permanente.

La communication repose sur l'action de L'individu participe à la communication


l'individu. Elle commence dans un individu selon de multiples modes, verbaux ou non
et se termine à l'intérieur d'un autre individu. verbaux.

Importance du contenu de la Importance du contexte de la communication


communication. et de sa signification. Aucune signification
n'est fixée; aucun élément n'est univoque.

Verbale, la communication rationnelle est Communication volontaire ou involontaire.


volontaire... et réservée à l'homme. Communication intentionnelle ou inconsciente.
Communication intentionnelle.

Communication = un système.
Communication = suite de séquences
linéaires E-R qui s'inversent successivement
sur base du schéma classique S-R
(Action-Réaction).
On n'identifie pas d'émetteur et de récepteur:
On identifie un émetteur et un récepteur.
tous participent en même temps.
Il n’y a pas un début et une fin.

Le chercheur observe la communication. Le chercheur fait nécessairement partie du


Il est en dehors du système étudié ou système qu'il étudie.
cherche à "neutraliser" les effets possibles
de son observation sur le système.

40
Adapté de WINKIN Y., Anthropologie de la communication. De la théorie au terrain, pp.81-86

Communication générale C.Delfosse  Syllabus 2015-2016 1ère GRH Page 61


Conclusions
Les théories mécanistes ou analytiques considèrent la communication comme un processus :

1. linéaire
2. séquentiel
3. atomiste
4. référentiel

Les théories organistes, globalistes ou systémiques y opposent quatre autres principes.

La communication est ici un processus :

1. circulaire: pas de commencement ni de fin, on est dans la communication.

2. interactif: il ne s'agit pas de décrire ce qui est dit ou fait, mais de saisir l'acte de communication
en train de se faire.

3. total: un système est un tout non réductible à la somme de ses composantes.

4. relationnel: les signes ne représentent pas, ils expriment une relation.

Quel(s) modèle(s) choisir alors pour l’analyse d’un phénomène de communication ?


Nous avons vu que les différents modèles ne "voient" pas la même chose. Ils découpent un cadre dans la
masse des phénomènes qui sont perçus et extraient ce phénomène des autres. Ils laissent donc de
côté certains phénomènes. Par exemple, le modèle télégrahique découpe, dans l'ensemble des
phénomènes de communication, le phénomène d'influence entre un émetteur de départ et des récepteurs
réceptifs à la diffusion d'un message. Ce modèle ne se préoccupe pas, par exemple, du cadre
temporel et du cadre normatif dans lesquels ce phénomène a lieu.

L'objectif global de ce cours est d'apporter aux étudiants des moyens de cesser de penser la
communication par le biais du modèle émetteur-récepteur.

Nous nous souviendrons des raisons pour lesquelles ce modèle est si répandu et des erreurs
qu'il véhicule pourtant.

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C’est en le comparant avec d’autres modèles que nous pouvons mettre en avant ce qu’il ignore :

 le modèle E-R occulte le problème de la relation affective: dans ce modèle, la communication


emprunte des canaux techniques, mais ne circule pas sur le canal de la relation nouée entre les êtres.

 le modèle E-R escamote le problème des niveaux de l'échange, des échanges cachés et des récurrences
rituelles des échanges. Il postule donc que la communication est toujours rationnelle et qu'elle avance
toujours et non qu'elle puisse tourner en rond et s'enfermer dans des rituels à cause d'enjeux et
d'avantages recherchés par les acteurs.

 le modèle E-R ne voit pas non plus le phénomène de la performance collective. Pour lui, la
communication n'est pas le fruit du travail de synchronisation de plusieurs acteurs. Il con sidère la
communication comme une succession d'expressions individuelles.

 le modèle E-R occulte encore le problème de la communication considérée comme une méta-
communication, c'est-à-dire une communication, un commentaire sur une communication se déroulant
à un autre niveau.

 enfin, dans ce modèle E-R, le sens d'un message est une donnée de base intrinsèquement contenue
dès le départ dans le message lui-même. Or nous savons que le sens résulte toujours d'une mise en
contexte à l'aide de "processus de contextualisation".

Cette démonstration montre bien qu'un modèle peut cacher et perpétuer des erreurs ou des
inexactitudes fondamentales. Il convient d'utiliser des modèles systémiques pour analyser n'importe quel
phénomène de communication.
Nous choisirons donc plutôt l’une ou l’autre des théories globalisantes en fonction des questions auxquelles
nous devons répondre.

Quittons-nous avec D.WOLTON pour qui le véritable enjeu aujourd’hui réside dans les dimensions
relationnelle et culturelle de la communication. « Le problème n’est plus seulement celui de
l’information mais davantage celui des conditions à satisfaire pour que des millions d’individus
communiquent, ou plutôt arrivent à cohabiter dans un monde où chacun voit tout et sait tout et
où les innombrables différences linguistiques, philosophiques, politiques, culturelles, religieuses
rendent encore plus difficile la communication et la tolérance. En un mot, l’information, c’est le
message, tandis que la communication, c’est la relation, beaucoup plus complexe. L’enjeu est
moins de partager ce que l’on a en commun que d’apprendre à gérer les différences qui nous
séparent. Et ce au plan individuel autant que collectif. Finalement dans la communication, le plus
simple reste du côté des messages et des techniques, le plus compliqué, du côté des hommes et
des sociétés. »41

41
WOLTON, D., Informer n’est pas communiquer, CNRS Editions, Paris, 2009, p.11

Communication générale C.Delfosse  Syllabus 2015-2016 1ère GRH Page 63


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WINKIN Yves, « COMMUNICATION », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 26 février 2013.
URL http://www.universalis.fr/encyclopedie/communication/
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