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Le travail

Introduction

I. Délimitation de la notion

Aujourd'hui on parle plus de chômage que de travail. Ce sont les sans emploi qui
nous préoccupent. Pourquoi ? Est-ce une manière pour ceux qui dirigent le
monde de nous forcer à travailler selon leurs volontés ? Mais l'homme peut-il
passer une vie sans travailler ? N'y a-t-il pas un bonheur du travail ? Paul
Lafargue a écrit un livre dans lequel Il revendique un droit à la paresse. Face à un
monde moderne qui idéalise celui qui travaille, Lafargue souligne Les bienfaits du
non-travail.
En effet, le terme vient du latin tripalium qui signifie instrument de torture. Mais le
travail est-il réellement une torture ? N'est-il pas la peine nécessaire que
l'homme doit avoir pour prendre possession d'un monde dont il est pleinement
responsable et celui qui le voit comme tel n'est-il pas un paresseux porteur
de misère pour lui et pour les autres ? Travailler n'est-ce pas aussi mettre au
jour et donner vie avec qui n'attend que nous pour être ? Mais en même temps
n'y a-t-il pas aussi des esclaves de leur travail ?
Peut-on finalement mettre tous Les travaux sur le même plan ? Une phrase
circule désormais sur Les réseaux sociaux : trouver un travail que nous aimons et
nous n'aurons plus !'impression de travailler. Cette phrase est-elle fondée ? N'y
a-t-il pas dans le travail une part irréductible qui fait qu'il ne peut tout à fait
s'assimiler au loisir et plus encore à la paresse ?
2. Distinctions à établir
Le travail ce n'est pas le loisir. Qu'est ce qui les distingue ? Deux éléments :
en premier lieu, il n'y a pas de travail sans efforts. Au contraire, le loisir
représente le relâchement et le laisser aller et le laisser faire. De plus, il ne
peut y avoir de travail sans un certain art qui y est lié. IL n'y a pas besoin
d'entrainement particulier pour profiler de ses loisirs même si certains ne savent
pas quoi faire lorsqu'ils ne travaillent pas.
Mais cela ne s'explique-t-il pas par le fait que ce sont des workaholic comme
on le dit aujourd'hui. Burn out est un terme de plus en plus évoqué dans le
monde contemporain pour évoquer la souffrance qui est désormais ressentie au
travail. Harcèlement moral. Nombre de salariés se plaignent désormais de
dépressions psychologiques au travail. Le travail n'est plus partagé par le
grand nombre et ceux qui travaillent doivent travailler de plus en plus.
Le nombre des actifs tend de plus en plus à diminuer.
Travail et harcèlement. On évoque de plus en plus aujourd'hui la question du
harcèlement au travail. Cela s'explique-t-il parce que Christopher Laseh appelle
dans son livre, La culture du narcissisme par le fait que certaines personnes
vides et pauvres d'esprit cherchent par le pouvoir obtenu dans le travail à combler
le vide de leur vie. Comment faire pour ne pas se laisser abimer par de si vils
personnages ?

Les problématiques envisageables

Pour un élève de terminale, une problématique est évidemment centrale : quel


est le travail qui me rendra heureux ? Cette problématique suppose de se
poser deux questions : qu'est-ce que j'aime le plus et quelles sont mes qualités
premières ? D'autres questions peuvent cependant être envisagées telles que :
Y a-t-il une crise du travail et qu'est-ce qui explique sa rareté dans le monde
moderne ? Le travail structure-t-il encore nos sociétés ? Si le travail peut et doit
conduire à la peine pourquoi ne doit-il pas permettre la souffrance ?

Illustrations artistiques du thème

Les temps modernes. Charlie Chaplin. Film qui montre admirablement la montée
du taylorisme et l'aliénation au travail. Ressources humaines de Laurent Cantet.
Film qui met en évidence la difficulté du chômage et la dureté des conflits sociaux
dans la France contemporaine.

L'ensemble des romans d'Emile Zola permet de mettre en évidence la dureté


du monde du travail dans la France qui s'industrialise. On peut ainsi lire
L'Assommoir qui évoque le monde ouvrier ou sa dureté. Ou bien Germinal qui
traite du monde des mineurs ou encore l’Argent qui met en évidence le
monde de la bourse et du capital.
La perle de John Steinbeck. Ce roman raconte la recherche à laquelle le
travail conduit parfois et qui peut occuper un homme toute sa vie. Mais il met
aussi en évidence !'exploitation qui existe au travail et !'organisation d'un
système qui peut conduire un homme qui travaille à une certaine misère.
Les enjeux contemporains de la notion

La société dans laquelle nous vivons voit de plus en plus de personnes


connaissant une souffrance au travail. Christophe Dejours est un des grands
spécialistes français de la question. On lui doit notamment !'invention d'une
nouvelle forme de science : la psychodynamique du travail. Il évoque
notamment les sentiments de perte de dignité qui affectent nombre de nos
contemporains qui travaillent mais aussi leur sentiment de perte de valeur
dans leur lieu de travail. Pour lui notamment cela vient de la disparition d'une
certaine loyauté que l'entreprise pouvait avoir à l'égard de ses salaries.
Aujourd'hui, ce ne sont plus que le profit et la concurrence entre
individus qui semble primer. De plus, pour lui, plus que le Burn out c'est
l'expérience de la solitude au travail qui pose réellement un problème.
Lorsqu'une personne souffre dans son travail, elle ne peut plus en parler
autour d'elle. Comment expliquer ces situations ?
Pour Dejours tout vient de nous. Si nous cessions d'encourager des
pratiques de gestion inhumaines, celles-ci finiraient par disparaitre. Or nous
ne cessons de les alimenter. D'autres explications sont cependant
proposées. Dans un texte intitulé L'ère du vide, Gilles Lipovetsky évoque la
perte de sens généralisée qui domine dans nos sociétés.
Certains évoquent aussi des écarts sociaux et culturels de plus en plus
importants au sein de nos sociétés et qui mettent en évidence des difficultés de
plus en plus grandes pour les salaries a communiquer entre eux mais aussi
avec leurs élites. Le déclin des syndicats est également peut-être un des
éléments de la situation ainsi qu'une paupérisation de plus en plus conséquente
des classes moyennes dans les pays occidentaux.

Quelle est l'origine de notre obligation de travailler ?


Devons-nous travailler ? Lorsque l'on constate ce qui se produit dans nos
sociétés nous nous rendons à !'évidence d'une montée en puissance d'une
caste qui ne travaille plus mais aussi d'un ensemble de personnes qui sont
privés de travail soit parce qu'elles ont été contraintes soit parce qu'elles ne
souhaitent plus participer à ce système. Dans la chanson Foule
sentimentale, Alain Souchon évoque ce mal-être.
Mais souvent ceux qui ne travaillent pas souffrent aussi. D'où vient ce
lien entre travail et humanité ? Pourquoi ce lien ? Certains interprètent
encore le passage de la Genèse dans lequel Adam et Eve sont obligés de
travailler pour vivre comme une punition. Ils en déduisent que le travail est la
marque d'un péché originel. Pourtant à aucun moment le texte évoque l'idée
d'un travail qui conduirait à la souffrance. L'homme devra travailler à la sueur
de son front. Travailler donne des larmes pour le corps et parfois pour l'esprit
mais en aucune manière le travail doit être source de souffrance pour la
Bible. Les hébreux sont sortis de l'esclavage car l'esclavage est la pire des
choses.

On peut voir dans l’épisode de la Genèse comme la punition juste d'un Dieu
juste qui voulait donner aux hommes ce qu’ils souhaitaient à savoir devenir
des créateurs. Le travail permet de devenir un créateur. L'homme ne devient
donc homme véritablement que lorsqu'il crée et œuvre.

Travailler c'est œuvrer. Les Textes bibliques condamnent fortement la


paresse qui mime le plus souvent à la misère nous disent-ils. Durkheim
soutiendra une thèse similaire dans certains de ses textes. Il écrit ainsi :
L'oisiveté est mauvaise conseillère pour les collectivités comme pour les
individus ... Quand les forces morales d'une société restent inemployées, quand
elles ne s'engagent pas dans quelque œuvre à accomplir, elles deviennent de
leur sens moral et s'emploient d'une manière morbide et nocive. Emile
Durkheim L'éducation morale.

La culture est l'environnement de l'homme. Il ne peut vivre dans une nature qui
n'est pas contenue et ce même si celle-ci ne doit pas être ignorée ou violentée.
Ce qui transforme la nature en culture n'est autre que le travail qui est donc
indispensable pour l'homme s'il veut être homme. Freud pourtant évoque, dans
un ouvrage qui porte ce titre, un malaise lie à la culture. D'où vient-il ? Il peut
provenir de la morale très forte que les individus ont intégrée et qui peut les conduire
parfois à se brimer, à détruire leur vie et leur bonheur en pensant se dépasser au travail et
en acceptant toutes les humiliations pour y parvenir.

Pourquoi acceptent-ils d'être humiliés ? Parfois cela vient d'habitudes. Ils ont
vu leurs parents se laisser faire, ils intègrent ainsi cette souffrance parentale et
ils la reproduisent. La reproduction est d'ailleurs le propre de toute névrose.
Elle enferme l'individu dans des cercles vicieux dont il ne parvient jamais à se
sortir.

Une société juste est-elle une société qui récompense les travailleurs ?
La nécessite d 'une importance du travail afin de construire la société est
repartir les richesses a été développée par les penseurs anglo-saxons des
Lumières que l'on a parfois appelé les individualistes possessifs de manière
un peu péjorative.
S'opposant à la société d'Ancien Régime qui permettrait aux mieux nés de prendre
le pouvoir et de le conserver en abusant bien souvent de leurs privilèges en
prenant les autres moins chanceux pour leurs esclaves, des auteurs comme J.
Locke ont démontré qu'une société ne pouvait que périr si elles ne mettaient
pas au pouvoir des hommes qui avaient le gout de) 'effort et du travail juste et
correctement reconnu. En effet, il était impensable pour lui, de laisser se
perpétuer un système de rentes qui ne faisaient qu'affaiblir la société.
Encore que la terre et toutes les créatures inferieures soient communes et
appartiennent en général a tous les hommes, chacun pourtant à un droit
particulier sur sa propre personne sur laquelle nul ne peut avoir aucune
prétention. Le travail de son corps et l'ouvrage de ses propres mains,
nous le pouvons dire sont son bien propre. Tout ce qui a été tire de l'état
de nature par sa peine et son industrie appartient à lui seul car cette peine et
son industrie étant sa peine et son industrie propre, personne ne saurait avoir
droit sur ce qui a été acquis par cette peine et cette industrie surtout s'il reste
aux autres assez de semblables et d'aussi bonnes choses communes. Locke
Second traité de gouvernement civil. V 27
Défendant la liberté, ces auteurs s'opposaient également a la vision élitaire et
aristocrate du monde qui était défendue par leurs opposants car elle divisait
fortement la société en deux groupes : Les esclaves travaillant pour tout le
monde et a un faible prix (dont il était considère que leur travail ne leur
appartenait pas alors que Locke nous rappelle qu'il est notre bien) et les
rentiers ne travaillant pas et faisant travailler les autres tout en gagnant
beaucoup d'argent en ne faisant rien sinon naitre dans le bon endroit de la
société.

Dans la Théorie de la justice, J Rawls va soutenir l'idée d'une nécessité de


répartir équitablement le travail en donnant a chacun la chance - quelle que
soit son milieu de naissance - d'accéder aux postes les plus élevés s'ils le
méritent. Pour cela, il faut selon lui favoriser la discrimination positive. Ce
principe est désormais contesté par certains. Pourtant, dans notre pays
aujourd'hui et d'une manière générale dans l'ensemble des pays
occidentaux se développent des systèmes de quota. Ces quotas ont-ils
réduit le racisme et l’exclusion ? Ce n'est pas si assure. Notre système n'est-il
pas dans une situation de crise profonde par rapport au travail ?

ITT. La c rise du modèle moderne axe sur le travail.

Le philosophe Jean François Lyotard, dans La condition post-moderne met en


évidence le fait que nos sociétés contemporaines sont dans le flou à l'égard des
grandes notions qui ont structure la société moderne. Cette société fonctionnait
sur la science, la technique et le travail comme valeur première. Cependant
désormais il semble que le travail lui-même soit remis en cause. Plus personne
aujourd'hui en Europe ne parvient désormais à croire en la méritocratie. Le
système scolaire autrefois destine à sélectionner les élites travailleuses a été
dénoncé comme lieu de la reproduction sociale. C'est la thèse défendue par
Bourdieu et Passeron dans le livre qui porte ce nom. Pour eux, l'école n'est
pas un espace de méritocratie. Il ne fait que reproduire les privilèges des
classes dominantes.

De plus, le chômage de masse a plongé une bonne partie de la population


dans la misère alors que les inégalités ne reposent plus bien souvent sur
le mérite. Comment expliquer cette évolution ? Pour Yves Charles Zarka :
On voit donc en quoi la modernité politique est liée a l'utopie où le travail est
conçu comme fondement exclusif de la valeur et vecteur d'une libération de
l'homme et de la société. Or le travail est entre en crise... Premièrement, on
ne peut plus dire que le travail est l'unique fondement de la valeur...que l'on
pense par exemple à la valeur d'un top model ou d'un footballeur.
Deuxièmement, les progrès considérables de la technique, de
l'informatique s'ajoutant aux effets de la mondialisation dans un contexte de
déséquilibre considérable entre les pays riches et les pays pauvres
produisent le phénomène de pénurie du travail, si difficilement
compréhensible lorsqu'on s'en tient aux schémas anciens ... troisièmement,
il n'est plus possible de concevoir le travail ni comme l'instrument de la
formation de la nature, ni comme le vecteur privilégié d'une libération sociale
de l'homme. Si le travail forme, il déforme et défigure également Yves C
Zarka. Figures du pouvoir. Puf 2001 Quelque chose a donc bouger dans la
relation que les sociétés occidentales entretiennent avec le travail et cette «
chose » n'a pas encore été bien analysée.

Il est fort possible qu'outre Les informations sociales et économiques proposées par
Y E Zarka nous assistions à la confrontation de deux logiques qui ne parviennent
plus à cohabiter : la première tient le travail pour nécessaire et cherche à en faire
le cœur de la société. En revanche la seconde croit plus aux valeurs de don et de
sacrifiée ainsi que de gratuité. Entre Les deux une troisième gouverne peut-être
et elle n'aurait pour seul objectif que de profiter du sacrifié de ceux qui croient
en lui pour en abuser et tirer bénéfice du travail de ceux qui espèrent en Lui afin
de profiter de leur peine.
Ces trois logiques s'ignorent peut-être. Elles ne parviennent sans doute plus à
cohabiter aisément compte tenu de la crise sociale et économique évoquée
plus avant qui oblige en effet à prendre de fortes décisions. Les plus faibles
souffrent donc plus que Les autres de cette guerre qui ne dit pas son nom. Ils
sont mis sur le bas-côté et nul ne leur dit précisément ce qui est en train de se
passer. Pendant ce temps des schémas dépassés sont prétendument proposes
pour expliquer notre monde. Ils ne font qu'entretenir la confusion.
Dans un texte devenu un best-seller mondial et intitule Père riche père pauvre,
R. Kyosaki met en scène son père enseignant cultivé qui a fini sur la paille et un
oncle riche qui a fait très peu d'études mais qui a très vite compris les règles
de la société contemporaine construite autour des valeurs de l'individualisme
et de la débrouillardise. Pour lui, la culture est dévalorisée et elle a fini par
rendre les hommes malheureux. Ce qu'il faut avant tout c'est penser à se
trouver des moyens de capitaliser plutôt que de travailler.

Autrefois, on apprenait aux individus à trouver un travail. Désormais ceux


qui travaillent et qui enseignent sont méprisés selon lui. Pourtant, ce qui
détermine de plus en plus des parents et des personnes à choisir un lieu de vie
ce sont les universités, Les écoles et les lieux de formation de qualité qui
existent dans cette zone. Comment expliquer ce mouvement ?

Pour Kyosaki cela résulte d'un aveuglement des classes moyennes qui craignent
pour la réussite de leurs enfants et qui ne veulent pas que ceux-ci vivent plus mal
qu'eux mais selon lui elles se trompent en misant sur l'enseignement. Pourtant,
les pays riches sont ceux qui ont développes des universités et des écoles de
qualité. De plus, Kyosaki se contredit lui-même car après s'être enrichi, il a fait le
métier critique de son père : il est devenu enseignant.

Il est indéniable cependant aujourd'hui de noter qu'aux temps d'Aristote, il était


honteux pour un homme accompli de ne pas enseigner aux jeunes générations
ce qu'il avait appris or il semble aujourd'hui qu'il soit devenu honteux pour un
homme (et selon Les avis de certains) de devenir enseignant.

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