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SERIES CONFERENCES
N 1

Analyse historique des défis et enjeux de la souveraineté du Niger


Pr Maïkoréma ZAKARI2

Avant-Propos du Président du CIRAC

Le Niger est à un tournant décisif de son histoire, ce qui requiert l’engagement inébranlable
mais éclairé de toutes les filles et de tous les fils du pays. Le choix de ce thème centré sur
l’analyse historique des défis et enjeux de la souveraineté du Niger résulte de l’impératif de
bien connaitre notre passé pour mieux comprendre le présent afin de mieux préparer l’avenir.
Je voudrais remercier le Pr Maïkoréma qui a su apporter les éléments de substance appropriés
pour rendre la conférence qui s’est tenue le 13 janvier 2024 à la Maison de la Presse à Niamey,
fort productive et utile. Le présent document renferme tous ces éléments de substance évoqués
pour une plus large diffusion.
En matière de souveraineté, c’est à nous de l’arracher, c’est à nous de la défendre, c’est à nous
de l’exercer en toute responsabilité pour prendre notre destin en main et assurer un meilleur
devenir aux générations présentes et futures dans la dignité, la justice, la paix et la prospérité.
Omar Idi Ango

1 Le CIRAC est le Cercle Indépendant de Réflexions et d'Actions Citoyennes, une association apolitique,
indépendante et non confessionnelle nigérienne créée pour contribuer à l’éveil des consciences, la veille
citoyenne et l’engagement pour un meilleur devenir du Niger et de l’Afrique. Il a reçu du ministère de
l’intérieur, de la sécurité́ publique, de la décentralisation et des affaires coutumières et religieuses, l'arrêt
de reconnaissance Numéro 000055 MISPD/ACR/DGAPJ/DLP du 25 janvier 2021.
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Pr Maïkoréma Zakari est historien, Professeur titulaire des universités à l’Université Abdou Moumouni de
Niamey

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Introduction
« La lutte pour la conquête de notre souveraineté nationale ». L’expression est aujourd’hui en
vogue dans au moins trois pays ouest africains : le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Un peu
plus de soixante ans après les indépendances formelles accordées par la France à ses Territoires
d’Outre-mer d’Afrique subsaharienne, certains Africains prennent enfin conscience que leur
véritable indépendance reste toujours à conquérir. Mais comme on a coutume de le dire : «
mieux vaut tard que jamais». Espérons que cette prise de conscience et cette volonté de lutte
clairement affichées, gagnent les autres peuples de la région qui se trouvent dans la même
situation.
La démarche retenue dans le cadre de cet écrit, l’analyse historique de la question, répond à une
logique : connaître le passé, pour mieux comprendre le présent, afin de mieux préparer l’avenir,
c’est-à-dire, donner à la lutte pour la conquête de la souveraineté tout le soutien populaire dont
elle a besoin pour qu’elle soit concluante. Ces préalables énoncés, d’abord, qu’est-ce-que la
souveraineté ?
La souveraineté, c’est l’autorité suprême d’un Etat, c’est-à-dire un gouvernement et des lois
communes s’appliquant à une nation, un groupe humain établi sur un territoire donné,
partageant la conscience d’avoir une histoire, une culture, des traditions et des langues
communes. L’Etat est souverain lorsqu’il a le plein pouvoir dans la gestion de tous les domaines
relevant de sa compétence : social, politique, économique, culturel. Ainsi, l’Etat souverain ne
subit aucune influence, aucun diktat, à l’interne comme à l’externe, dans ses prises de décisions.
Est-ce le cas du Niger ? Sinon, quels sont les défis et enjeux à surmonter pour qu’il soit ainsi ?
Les fondamentaux
Le territoire du Niger a été créé le 4 décembre 1920. C’est un pays immense, 1 267 000 km 2,
continental, aride, désertique en grande partie, comportant des zones hautes au nord (Aïr, Djado,
Manguéni, Tchigaï) et des zones basses au sud (plateaux, plaines, cuvettes et vallées). Si on
prend en considération les modes de vie et les principales activités, sa population peut être
répartie en deux grands groupes : des sédentaires agriculteurs dans toute la bande sud du
territoire, et des nomades éleveurs au nord de la zone sus-indiquée. Mais la délimitation entre
ces deux mondes n’a jamais été précise ni étanche : l’interpénétration existe et les habitants ne
sont pas uniquement agriculteurs au sud et éleveurs au nord. De nos jours, cette population est
jeune car les Nigériens en majorité ont entre 15 et 20 ans.
Quant à l’échiquier religieux, il comporte deux pôles : un pôle polythéiste représenté par les
cultes du terroir, généralement appelés animisme, et un pôle monothéiste au sein duquel,
l’islam, reconnu comme religion de la majorité des Nigériens (98% de la population selon les
chiffres officiels), le christianisme et le baha’isme. Ainsi, les minorités polythéiste et
monothéiste font tout au plus 2%.
Le territoire nigérien se singularise aussi par sa position géostratégique : il constitue un trait
d’union entre, d’une part le Maghreb et le Golfe de Guinée et, d’autre part, l’Afrique occidentale
et l’Afrique centrale, ce qui lui confère une vocation de carrefour, de lieu de brassages humains,
d’échanges culturels et commerciaux, et en fait le berceau de brillantes civilisations

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multiséculaires. Par ailleurs, la richesse de son sous-sol fait aussi du Niger une zone de
convoitises et d’intérêts divers.
Cet espace, sommairement décrit, n’est pas vide d’expériences politiques. En effet, avant le
XXème siècle, il constituait le théâtre d’expansion de divers Etats aux dimensions variées, avec
des structures politico-administratives plus ou moins stables, des Etats entretenant des liens
commerciaux suivis dans le cadre d’un commerce interrégional et régional, notamment le
commerce transsaharien, avec le recours au troc et à l’usage de monnaies diverses. Il s’agissait
d’Etats souverains, islamisés à des degrés différents. Les principaux d’entre eux sont :
- au nord, le Sultanat de l’Ayar (Aïr), avec comme capitale Agadès (XV è-XIX è s) ;
- à l’ouest, l’empire Songhai de Gao (XVème-XVIème siècle), dont la zone d’influence couvre
pratiquement toute la partie ouest du territoire nigérien jusqu’en Aïr ;
- à l’est, l’empire du Bornu (IX è-XIX è s), dont la zone d’expansion englobe la quasi-totalité
du bassin tchadien, allant au nord jusqu’au sud de la Tripolitaine (Murzuk), à l’ouest jusqu’aux
proches environs de l’Aïr et de Kano, en passant par le Damargu et le Damagaram, au sud
jusqu’au Mandara (nord du Cameroun) et à l’est tout le Kanem (sud-ouest du Tchad) ;
- entre ces deux grands ensembles politiques se trouvaient les Etats Hausa (Kano, Daura, Zaria,
Katsina, Gobir, Kabi, pour ne citer que les principaux) ; suite au succès du jihad de Shehu
Usmane dan Fodio au début du XIXème siècle, ces Etats sont inclus dans l’empire de Sokoto. A
la fin du XIXème siècle, tous ces Etats connaîtront le choc colonial. Pourquoi ce choc
précisément à cette période et quelles ont été ses conséquences immédiates ?

Le choc colonial
Le XIXème siècle en Europe est celui de la révolution industrielle qui entraine un développement
du machinisme, une croissance économique et démographique, un besoin de terres fertiles, de
matières premières pour faire fonctionner les industries, et des débouchés pour écouler le
surplus de produits finis. Même si les premiers contacts entre l’Europe et l’Afrique remontent
du XVème siècle, la réalité est que jusqu’au XIXème siècle, les Européens, installés sur les côtes

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africaines, plus préoccupés par le commerce du «bois d’ébène» (esclaves noirs) dans le cadre
du commerce triangulaire, connaissaient très peu l’intérieur du continent africain. Mais, au
XIXème siècle, pour les raisons précitées, ils cherchent de plus en plus à connaître l’intérieur du
continent africain. A cette fin, des sociétés scientifiques et des gouvernements européens,
financent plusieurs missions d’exploration ayant pour but de glaner des informations,
cartographier des régions, signer des traités, gagner des territoires. Dans le cas du Niger, on
retiendra les missions Denham, Clapperton, Oudney (1824-1826), Richardson, Henrich Barth,
Overweg et Vogel (1850-1855), Rohlfs (1866-1868), Nachtigal (1870-1871), Monteil (1891),
Toutée (1894), Cazemajou (1898) et Foureau (1899).
Par ailleurs, sur initiative du Chancelier allemand, Bismark, se tient du 15 novembre1884 au
26 février 1885, la conférence de Berlin. Elle regroupe une quinzaine de pays européens, qui
définissent les règles du partage de l’Afrique. Ce fut ensuite le «scramble » (ruée sur l’Afrique),
chaque pays européen voulant avoir sa part d’Afrique, la plus grande possible. Des troupes de
conquête coloniale furent alors dirigées vers l’Afrique. Généralement, celles-ci étaient
constituées de plusieurs centaines d’hommes de troupe africains, appelés péjorativement
« tirailleurs sénégalais » dans le cas français, avec à leur tête tout au plus une dizaine d’officiers
et sous-officiers européens.
Deux missions de ce type eurent à traverser le territoire nigérien à l’extrême fin du XIX ème
siècle : la « mission Afrique centrale » ou « mission Voulet-Chanoine » et la « mission
saharienne » ou « mission Foureau-Lamy». Si, cette dernière, venue d’Alger, n’eut pas, au cours
de son trajet (Agadès-Zinder-Lac Tchad), à faire face à une résistance significative, il n’en fut
de même pour l’autre mission. En effet, sur une bonne partie de son parcours, la mission Voulet-
Chanoine dut affronter des populations déterminées à sauvegarder leur souveraineté. La
résistance a été particulièrement forte à Lougou (Aréwa), face aux hommes de la Saraounia
Mangou, la reine des Azna de cette localité, et à Birni N’Konni. Ces oppositions armées
suscitèrent une furie de dévastation : des villages incendiés, des populations décimées, des
cadavres pendus ou jetés dans des puits, des hommes et des femmes valides capturés et réduits
au rôle de porteurs de bagages pour les premiers et de concubines des tirailleurs de la mission
pour les secondes. Tels sont les faits de ceux qui disaient apporter la « civilisation » au sein de
l’Afrique « barbare », de ceux allaient pour combattre Rabih Fadl’Allah, un « esclavagiste » au
bord du Lac Tchad. Bref, « Voulet-Chanoine » au Sahel à la fin du XIXème, c’était déjà le
terrorisme, la barbarie.
Le Lieutenant-Colonel Klobb, dépêché par le gouvernement français pour prendre le
commandement de la mission, est assassiné le 14 juillet 1899 sur ordre du capitaine Voulet à
Dankori. Chanoine et son collègue Voulet sont éliminés respectivement les 16 et 17 juillet 1899
par les hommes de troupe de la mission révoltés et las d’éliminer quotidiennement des âmes
innocentes. La troupe reconstituée sous les ordres du Lieutenant Pallier reprend le déplacement
vers l’est. Avant d’occuper Zinder évacuée le 30 juillet 1899, elle dut affronter la veille les
troupes d’Ahmadu Kuran Daga3, sultan de cette localité, à Tirmini. La mission grandement
allégée (160 hommes de troupe) quitte Zinder le 3 octobre 1899 pour le Kanem qu’elle atteint
le 2 novembre 1899. Là, après avoir éliminé quelques résistants Toubou, un traité de protectorat
est signé avec Halifa Djerab, une autorité politique de la place, le 21 novembre 1899. Le 24

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Le sultan Ahmadu qui s’était retiré dans la localité de Rumdji, à 80 kms au sud-est de Zinder, est finalement tué
le 15 septembre 1899 par les hommes d’une patrouille de reconnaissance française sous les ordres du sergent Suley
Traoré.

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février 1900, les hommes de la mission Afrique centrale et ceux de la mission saharienne arrivés
au Kanem le 17 février 1900, sont placées sous les ordres du Commandant Lamy. Ces forces
associées à celles de la mission Gentil venue du Congo affrontent le gros de l’armée de Rabih,
le 22 avril 1900, à Kousséri (nord du Cameroun actuel). L’armée de Rabih est défaite suite à un
affrontement très meurtrier des deux côtés : Rabih et la plupart de ses chefs de guerre y trouvent
la mort ; du côté des français également de nombreux combattants succombent, dont deux
officiers, le chef suprême des forces françaises, le Commandant Lamy, et le capitaine De
Cointet.
La lutte pour la sauvegarde de la souveraineté avait donc débuté dès la fin du XIX ème siècle
dans l’espace qui correspond à l’actuel territoire du Niger. Mais le manque de communication
entre les résistants afin de constituer de larges fronts de lutte, et leur équipement, généralement
à l’ancienne (armes blanches), face à des ennemis équipés de fusils à tir rapide et d’armes
lourdes, firent que le rapport des forces ne leur fut pas favorable, scellant ainsi leur défaite et la
consécration de la domination coloniale.
La conquête et la colonisation de l’Afrique avaient été entreprises non pas, comme on a voulu
le faire croire, pour «civiliser» les Africains, mais pour les dominer et les exploiter. Dans
l’entendement du colonisateur, l’espace conquis, la colonie, a pour vocation de servir de source
de revenus, de matières premières, de débouché du surplus des produits finis métropolitains.
Son exploitation ne doit rien coûter à la métropole.
L’Etat colonial (1900-1960)
C’est donc selon cette logique que l’Etat colonial a été installé au Niger par arrêté en date du
25 juillet 1900 du Gouverneur Général de l’Afrique Occidentale Française (AOF). L’espace
nigérien conquis fut d’abord érigé en « Territoire Militaire » rattaché au Soudan français (Mali),
avec comme centre Zinder, puis en «Territoire Militaire du Niger» distinct agrandi
progressivement jusqu’en 1914 jusqu’au Tibesti et, en dernier ressort, en «Colonie du Niger» à
compter du 13 octobre 1922, avec comme nouvelle capitale Niamey à partir de 1926.
La Colonie du Niger : 1 267 000 km2 dont 800 000 km2 de Sahara est divisé en huit cercles
avec des subdivisions pour certains : cercle de Niamey (subdivisions : Tillabéri, Niamey, Gaya,
Dosso, Doutchi, Filingué), cercle de Tahoua (subdivisions : Tahoua, Madaoua, Konni), cercle
de Tessaoua (subdivisions : Tessaoua, Maradi), cercle de Zinder (subdivisions : Zinder,
Magaria, Tanout), cercle de Gouré, cercle de N’Guigmi (subdivisions : N’Guigmi, Mainé-
Soroa), cercle d’Agadès, cercle de Bilma ou Kawar-Tibesti. A l’exception de Niamey et ses
subdivisions administrés par le Gouverneur Général de la colonie, tous les autres cercles étaient
administrés par des officiers et sous-officiers.
Le système d’exploitation coloniale despotique mis en place suscite des révoltes en divers
endroits de la colonie. C’est ainsi que, dans l’ouest du territoire, dès août 1899, les français font
face à la première révolte : les habitants de Sargadji et de Loga refusent d’obtempérer aux
injonctions des conquérants français installés à Dosso, tuent dix-huit des vingt-deux hommes
de troupe envoyés pour mater les dissidents dont les villages seront détruits, trois mois plus
tard, les 16 et 18 novembre 1899, par une colonne de près de 600 tirailleurs sous les ordres du
capitaine Berger. En janvier 1906, Amiru Umaru, chef de Karma, arrive à soulever les
populations Songhay de Kokoro, Dargol, Diamare, Namaro, Lamordé, Torodi et les Kurtey des
îles du fleuve Niger. Au cours de la même année, sous le leadership du marabout aveugle Alfa

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Saybu, les habitants de Kobkitanda, rejettent l’autorité coloniale, refusent de payer l’impôt, et
assassinent deux gardes. Le 30 mars 1906, le sultan Ahmadu dan Bassa de Zinder, accusé de
complot, et ses complices, au nombre de cinq 4, sont arrêtés, jugés, condamnés à dix ans de
prison, et exilés à Dabou (Côte d’Ivoire). A l’instigation de l’aménokal Fihrun ag el Insar, entre
février et mai 1916, tous les Touareg des régions de Filingué et Ménaka lancent une révolte
contre l’autorité française. A la fin de la même année, du 13 décembre 1916 au 3 mars 1917, a
lieu la grande révolte de l’Aïr animée par le duo Kawsan et Tagama, le sultan de l’Aïr ;
progressivement, la révolte gagne le Damargu, le nord du Damagaram et l’Azawak. La mission
de libérer Agadès est confiée à une coalition de troupes françaises en provenance de Ménaka
(300 tirailleurs) sous les ordres du commandant Berger, et de Zinder (600 tirailleurs). Par
ailleurs, deux compagnies anglaises en provenance de Katsina et de Sokoto (200 tirailleurs),
étaient stationnés dans la région de Tahoua (Madaoua) pour appuyer les français en cas de
besoin. Finalement, le camp militaire français d’Agadès assiégé pendant trois mois par les
insurgés, est libéré par la colonne venue de Zinder, avec à sa tête le Lieutenant-colonel Mourin.
Les révoltés abandonnent le théâtre d’opération. Les populations innocentes restées sur place,
notamment les marabouts de la localité qui avaient demandé la clémence des conquérants sont
passés tous au fil de l’épée : une autre barbarie de la part des « civilisateurs ».
Après la grande révolte de l’Aïr, on ne note plus de soulèvements majeurs et les Français
peuvent s’adonner sans encombre à l’exploitation de la colonie. Celle-ci a revêtu au moins deux
grandes formes : une « économie de pillage et de ponction» marquée par une forte fiscalité, des
prélèvements en nature, en espèce ou sous les deux formes, servant de garantie aux emprunts
de la métropole, une main d’œuvre gratuite (travaux forcés), des réquisitions d’animaux de
transport (bœufs, ânes, chameaux pour faciliter les travaux administratifs), des conscriptions
forcées (participation des soldats africains pour défendre la France au cours des deux guerres
mondiales), diverses autres tracasseries et humiliations et bien d’autres abus. A ce système
d’exploitation déjà infernal s’ajoute, à partir de 1930, l’imposition d’une « économie de traite»
qui implique le développement des cultures de rente : coton, arachide (5000 t en 1928, 150 000
t en 1959), au détriment des cultures vivrières. Les projets de voies ferrées pour faciliter
l’exportation de ces produits agricoles ne se concrétisent point au Niger : du côté ouest le
« Sénégal-Niger » se résume au tronçon Thiès-Kayes, la régie Abidjan (RAN) et le Bénin-
Niger, s’arrêtent respectivement à Bobo-Dioulasso et Parakou.
Les résultats de tout cela, ce sont l’enrichissement des maisons de traite, la réduction des
surfaces dévolues à la céréaliculture, l’appauvrissement des sols et une autosuffisance
alimentaire compromise. Sur le plan pastoral, même si la réalisation de quelques forages
profonds et la lutte contre les épizooties ont contribué à améliorer la santé du cheptel, il n’en
demeure pas moins vrai que la concentration de celui-ci autour des points d’eau permanents, ait
été engendré, par endroits, une mauvaise exploitation des pâturages. Sur le plan social, il y a un
encouragement à l’acculturation et la peur du « complot musulman » a suscité chez le
colonisateur un désir d’apprivoisement de l’islam à travers une politique de surveillance stricte
des milieux musulmans : les principaux marabouts étaient fichés, régulièrement suivis, et leur
milieu était divisé entre collaborateurs et marabouts distants du pouvoir colonial.

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Il s’agit des marabouts et conseillers du sultan : Charif Fadil, Shétima Mamadou et Malam Gapto, du négociant
Malam Yaroh et de l’interprète Ali Diallo. Les deux derniers, en reconnaissance des services rendus à l’autorité
française sont condamnés à deux ans de prison.

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A la veille de l’indépendance, la colonie du Niger faisait figure d’un pays déshérité, quasi-
démuni, sans aucune voie ferrée, avec un taux de scolarisation le plus faible de toute l’Afrique
française (15000 écoliers soit 2,2% de la population scolarisable en 1959), une société écartelée
entre les valeurs culturelles traditionnelles, l’islam, et un modèle de vie occidental imposé.
Les réalités socio-politiques du monde après la deuxième guerre mondiale (1939-1945),
notamment le rejet du système colonial dans bien de milieux (USA, Union soviétique, ONU),
la domination par les nazis allemands, quatre années durant (1940-1945), d’une bonne partie
du territoire français, et l’affaiblissement de la France au sortir de la guerre, sont autant de faits
qui ne peuvent permettre à ce pays de plaider raisonnablement pour le maintien du système
colonial pur et dur. En conséquence, la France en vint à adopter, le 27 octobre 1946, une
nouvelle Constitution, celle de la IVème République française, qui proclame dans son préambule
:
« La France forme avec les peuples d’Outre-mer une union fondée sur l’égalité des droits et
des devoirs, sans distinction de race ou de religion».
L’empire colonial cède alors la place à l’Union française et les colonies deviennent des
« Territoires d’Outre-Mer » (TOM), c’est-à-dire des circonscriptions administratives avec une
représentation politique locale, et au sein de la République. Au terme de la Loi cadre du 26 juin
1956, chaque TOM dispose d’une Assemblée locale élue avec un pouvoir délibérant, un Conseil
de Gouvernement avec un pouvoir de décision en matière d’administration locale, un Président,
le Gouverneur du Territoire, et un Vice-Président issu des rangs du parti politique ou de la
coalition des partis politiques constituant la majoritaire parlementaire.
Ces réformes administratives conduisent donc à une première expérience démocratique dans
les Territoires d’Outre-Mer avec la création de plusieurs partis politiques 5. Les libertés
d’expression et de manifestation constitutionnellement reconnues permirent aussi aux colonisés
de plaider pour l’émancipation et même l’indépendance immédiate dans certains cas. Le
courant pour l’émancipation des peuples dominés se développe au sein de l’empire colonial, et
il s’en suit un recul progressif du pouvoir français en bien d’endroits, ainsi que l’illustrent la
défaite française en 1954 à Dien Bien Phu face aux nationalistes Vietnamiens, le
déclenchement, toujours au cours de la même année1954, par le Front de Libération Nationale
(FLN), d’une guerre d’indépendance en Algérie, et l’indépendance accordée en 1956 au Maroc
et de la Tunisie.
En France même, du fait du régime parlementaire qui avait cours, la situation politique interne
était très instable : entre 1947 et 1958, le pays a connu vingt-quatre gouvernements et une
menace de coup d’Etat du côté des généraux d’Alger, qui suscita le retour sur l’arène politique,
le 13 mai 1958, du Général de Gaule. Il y a aussi que la IVème République n’était pas favorable
à la décolonisation. Pour solutionner tous ces problèmes, une nouvelle Constitution, celle de
Vème République, fut adoptée le 4 octobre 1958. Elle consacre un exécutif fort, une stabilité
gouvernementale, une justice constitutionnelle et une procédure de résolution de la question
coloniale.

5
Pour le Niger, on retiendra le Parti Progressiste Nigérien, section du Rassemblement Démocratique Africain
(PPN/RDA), l’Union Démocratique Nigérienne (UDN) qui, avec sa fusion, le 19 novembre 1956, avec le Bloc
Nigérien d’Action devient le Mouvement Socialiste Africain (MSA/Sawaba), section du parti panafricain (PRA),
l’Union des Nigériens Indépendants et Sympathisants (UNIS), l’Union Progressiste Nigérien (UPN) et les Forces
Démocratiques Nigériennes (FDN).

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En effet, le Titre XII de la nouvelle Constitution consacre la création d’une « Communauté
franco-africaine», fruit d’une «gymnastique intellectuelle», une sorte d’alchimie, visant à
«libérer» les Territoire d’Outre-Mer, tout en les maintenant dans une situation de dépendance
et de servitude vis-à-vis de l’Etat français. Ainsi, aux termes de l’article 78 de la Constitution, la
« Communauté d’Etats autonomes associés à la République française» a pour domaine de
compétence la politique étrangère, la défense, la monnaie, la politique économique et financière
commune, la politique des matières premières stratégiques, ainsi que, sauf accord particulier, la
justice, l’enseignement supérieur, les transports extérieurs communs et les télécommunications.
Le Président de la République française préside et représente la Communauté (art.80). Il a un
représentant dans chaque Etat de la Communauté (article 81). Il préside le Conseil exécutif de
la communauté réunissant le Premier Ministre français et les Chefs des gouvernements des Etats
membres et les Ministres chargés des affaires communes (article 82). Il ouvre et clôture les deux
sessions annuelles du Sénat de la Communauté regroupant les délégués du Parlement français
et des Assemblées législatives des Etats membres. Le Sénat délibère sur la politique
économique et financière commune, et prend des décisions exécutoires dans les domaines à lui
délégués par les Assemblées législatives (article 83).
La duplicité de la « Communauté franco-africaine» apparaît clairement à l’alinéa 2 de l’article
86 où il est notifié :
« Un Etat membre de la Communauté peut également, par voie d’accords, devenir
indépendant, sans cesser de ce fait d’appartenir à la Communauté».
Visiblement, il y a là, une volonté de concilier des inconciliables. Car, lorsqu’on considère la
structuration de la Communauté et son domaine de compétences, on ne peut cesser d’être un
Etat indépendant tout en restant un membre de la Communauté. La réalité, c’est que
l’appartenance à la communauté vous fait systématiquement perdre votre statut d’Etat
indépendant. L’esprit de cet alinéa, c’est donc de faire perdurer sous une autre forme le système
colonial décrié à l’échelle internationale. Il est certain qu’une telle supercherie ne peut résister
à l’épreuve du temps. C’est pourquoi le constituant a jugé nécessaire de garantir la perpétuité
de son application en précisant dans le même article 86 ce qui suit :
« La situation de ces Etats (les Etats indépendants membres de la Communauté, ajouté par
nous), au sein de la Communauté est déterminée par les accords conclus à cet effet… ».
Les accords en question, ce sont les onze « accords secrets », désignés aussi par l’expression le
« pacte colonial », signés le 24 avril 1961 par les nouveaux dirigeants nigériens. Il s’agit
précisément des accords ci-après :
1 Le remboursement de la « dette coloniale», c’est-à-dire le coût des infrastructures construites
par la France au sein des colonies ;
2 La confiscation automatique des réserves financières nationales des « Etats autonomes »
(obligation pour chaque Etat associé de verser 80% de ses réserves financières au compte
d’opération sis au Trésor français ; l’Etat concerné peut disposer des 20% restants à titre de
prêts dont les conditions d’obtention sont précisées dans l’accord 9 ;
3 Le droit de premier refus sur toute ressource naturelle découverte dans le pays (interdiction
d’avoir d’autres partenaires dans ce domaine sans l’aval de la France) ;

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4 La priorité aux intérêts et aux entreprises français dans les marchés et appels d’offres publics ;
en clair, tous les leviers économiques des Etats autonomes sont détenus par des entrepreneurs
français ;
5 le droit exclusif de fournir des équipements militaires et de former les officiers militaires des
Etats autonomes ;
6 le droit de la France de déployer des troupes et d’intervenir militairement dans le pays pour
défendre ses intérêts (dans ces conditions, quel est le sens de l’indépendance accordée ?) ;
7 L’obligation de faire du français la langue officielle du pays et la langue pour l’éducation ;
8 L’obligation d’utiliser le franc CFA, (véritable vache laitière de la France qui lui permet
d’engranger chaque année des milliards de dollars appartenant au pays de la zone franc) ;
9 L’obligation d’envoyer en France, un rapport annuel et un rapport d’état des réserves, le cas
échéant le pays ne pourra pas obtenir les crédits désirés ;
10 L’interdiction de toute alliance militaire avec d’autres pays, sauf sur autorisation de la
France ;
11 L’obligation de s’allier avec la France en cas de guerre et de crise mondiale.
Quel sens donner à ces « accords » ? Logiquement, un accord requiert un consentement mutuel
entre les signataires et, conséquemment, il ne doit pas être rédigé en termes contraignants. Or,
dans le cas présent, il s’agit plutôt d’un chapelet d’impositions, d’obligations, voire même de
chantages, si on se réfère à l’accord 9. En réalité, ces «onze accords secrets» visent à perpétuer
le système colonial, à asseoir un cadre permanent de non développement ou de perpétuation du
sous-développement des pays concernés. Il s’agit ni plus ni moins «d’accords de servitude»
dans le cadre desquels, aucune souveraineté, aucun développement, n’est possible. Leur rôle,
c’est d’encadrer les indépendances formelles, d’empêcher leur mutation en une indépendance
véritable.
Les indépendances formelles de 1960
En 1960, la France accorde donc une indépendance formelle à chacune de ses colonies
d’Afrique subsaharienne dans le but non seulement d’avoir une bonne conscience auprès de
l’opinion internationale qui rejetait le système colonial, mais aussi et surtout, d’éviter que le
courant d’émancipation, qui a vu le jour dans les Territoires d’Outre-Mer d’Afrique sub-
saharienne, ne conduise à de véritables luttes d’indépendance difficiles à maîtriser. En d’autres
termes, il faut sauver rapidement ce qui reste du champ de domination français.
Ce qui précède donne lieu à une compréhension différente des indépendances de 1960 selon les
milieux. Pour les bénéficiaires, ainsi que l’attestent les scènes de liesses populaires au moment
de la proclamation des indépendances, celles-ci signifiaient la liberté de décision, de gestion
des affaires, enfin retrouvée. Les Africains avaient sincèrement cru à leur indépendance. Mais
dans l’entendement du colonisateur français, il s’agissait juste d’indépendances formelles
accordées conformément à l’esprit de la Communauté franco-africaine qui deviendra la
Françafrique.
Concrètement, l’indépendance formelle signifie avoir un territoire, une Constitution, un hymne,
un drapeau, des armoiries et des institutions étatiques. C’est une coquille vide. Pour qu’il en

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soit toujours ainsi, des mesures d’accompagnement ont été définies. La première et la plus
importante, c’est que la France doit absolument conserver le monopole du choix des dirigeants
dans ses anciennes colonies d’Afrique subsaharienne. Et la règle retenue sur ce plan et qui est
toujours en vigueur c’est « d’accorder l’indépendance à ceux qui la réclament le moins et
d’éliminer politiquement et militairement ceux qui la réclament avec intransigeance »
Ainsi, conformément à l’esprit de la Communauté franco-africaine devenue la Françafrique
après les indépendances formelles, il s’agit de placer à la tête de ces Etats nouvellement
« indépendants », des « Présidents » avec délégation de pouvoir, faisant juste office de
représentants du Président français, l’Elysée demeurant le véritable centre de toutes les
décisions. Ceux-ci auront pour tâche principale de garantir l’application des «onze accords
secrets», afin d’assurer la pérennité des intérêts français outre-mer. En résumé, pour la France
officielle, les anciens TOM ne sont rien d’autres que des néo-colonies françaises, et leurs
«Présidents», des commis du Président français.
A partir de ce moment, on comprend aisément la forte propension de l’Etat français à vouloir
s’impliquer dans le choix des dirigeants dans ses ex-colonies d’Afrique noire. On comprend
aussi pourquoi, suite au coup d’Etat militaire intervenu au Niger le 26 juillet 2023, l’Elysée, par
la voix la plus autorisée, a cru bon de convoquer un conseil de défense, de clamer haut et fort
que les nouvelles autorités politiques nigériennes sont « illégitimes » et que son seul
« interlocuteur légitime » est le Président nigérien déchu, venu au pouvoir selon la règle définie
et qui est toujours en vigueur. Toute cette hostilité ouverte de la France officielle à l’endroit du
Niger s’explique donc par le fait que le coup d’Etat du 26 juillet 2023, dont les auteurs ont
officiellement et clairement annoncé leur ligne patriotique ou leur désir de conquête de la
souveraineté de leur pays, porte un coup de semonce au principal fondement de la domination
néocoloniale française en Afrique.
Au Niger, comme au Mali et au Burkina Faso quelques mois avant, la surprise, le
mécontentement et le désarroi de la France sont grands. Cette dernière interprète tout cela
comme un défi à relever à tout prix, d’où toutes les tentatives de déstabilisation subséquentes
qui, apparemment, sont loin d’être terminées. S’agissant du Niger où son ambassadeur et ses
troupes militaires stationnées à la capitale et ses environs ont finalement été obligés de quitter
en dépit du refus catégorique émis au début, la France, en s’abritant derrière la CEDEAO
poussée à prendre des sanctions inédites, totalement arbitraires, illégales et inhumaines à
l’encontre du peuple nigérien innocent, est allée jusqu’à envisager une intervention militaire,
afin de rétablir le statu quo ante. En effet, l’enjeu est de taille : pour l’Etat français, il faut
absolument réinstaller ses « nègres de maison » à la tête de ces trois pays qui ont osé quitter les
rangs, afin que perdurent leur exploitation, le pillage de leurs ressources naturelles, et
l’appauvrissement de leurs populations. Voilà les vraies raisons qui expliquent l’agitation
actuelle de la France officielle et, au-delà, des pays membres de l’OTAN6. La mission
civilisatrice mise au-devant par le passé et, de nos jours, la lutte pour sauvegarder la démocratie,
l’Etat de droit, réinstaller des « démocratiquement élus », ne sont que des subterfuges pour
occulter ces objectifs.

6
En effet, il est incorrect de circonscrire cette lutte de déni de l’indépendance, de la souveraineté, des Etats
africains, sahéliens précisément, au seul Etat français. La réalité est qu’elle devenue, depuis la chute du colonel
Kadhafi en 2011, une lutte des Etats de l’Organisation du Traité de l’Atlantique nord (OTAN) dans son ensemble.

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Outre le monopole du choix des dirigeants, toujours pour sauvegarder l’ordre politico-
économique imposé, d’autres mesures ou stratégies ont cours, telles que :
- la perpétuation de l’esprit de la communauté franco-africaine à travers la mise au point de la
Françafrique ;
- la continuité de la politique de diviser pour mieux régner qui a fait ses preuves avec l’échec
de tous les projets de fédérations envisagés au moment des indépendances et qui continue à
alimenter la persistance de l’instabilité politico-institutionnelle entretenue à travers le
développement des particularismes et des oppositions entre acteurs politiques ;
- l’imposition de régimes autoritaires liberticides (régimes de partis-Etats, régimes d’exception
militaires françafricains, démocratie de façade), qui œuvrent continuellement à l’étouffement
de toutes les tentatives de remise en cause de l’ordre établi ;
- la liquidation des dirigeants nationalistes désireux de donner un sens véritable à
l’indépendance de leurs pays ;
- le suivi de l’action administrative à travers la présence, dans un premier temps, d’un nombre
important de coopérants techniques français puis, avec la diminution de leur nombre du fait de
l’augmentation des effectifs des cadres nationaux, de conseillers techniques en poste dans les
institutions clés ;
- l’installation de bases militaires pour imposer les desideratas français ;
En résumé, jusqu’à nos jours, les rapports entre la France et ses anciennes colonies d’Afrique
subsaharienne, sont régis par les constantes ci-après :
- la perpétuation du système colonial : exploitation et exportation de matières premières et
écoulement des produits finis, avec comme corollaire l’étouffement de toute industrialisation
véritable, c’est-à-dire la mise en place d’industries de transformation ;
- l’installation et le soutien de régimes politiques autoritaires, susceptibles d’assurer la
pérennisation de l’ordre établi et, en cas de défaillance, l’intrusion de la France pour imposer
des dirigeants de son choix, à travers des simulacres d’élections servant de faire-valoir pour la
légitimation des dirigeants désignés à l’avance et présentés pompeusement de
«démocratiquement élus » , des assassinats et/ou des destitutions manu-militari (coups d’Etat
militaires françafricains), de dirigeants nationalistes qui œuvrent pour donner un contenu
véritable à l’indépendance de leurs pays ;
- le maintien d’un cadre de non-développement par l’application stricte des onze accords secrets
ou « accords de servitude » pour assurer un état de sous-développement permanent7.
Depuis plus de soixante ans, les anciennes colonies françaises d’Afrique vivent en permanence
ce néocolonialisme plus infernal que l’ancien ordre colonial. Le Niger ne fait pas exception :
de 1960 au 26 juillet 2023, tous les régimes politiques qu’il a connus ont évalué dans le cadre
sus-indiqué. Ils ont abouti, certes à des degrés différents, pratiquement aux mêmes résultats :

7
Répondent à cette même fin, la fameuse « aide publique au développement » (APD) qui permet aux pays
bénéficiaires juste de garder la tête hors de l’eau et vivre un état d’éternels assistés, le «piège de la dette», dont le
but est d’augmenter le service de la dette des Etats afin d’accroître et pérenniser leur dépendance, et la dévaluation
du franc CFA décidée unilatéralement par la France en 1994, dans le but surtout d’annihiler les efforts de
remboursements de la dette fournis par les pays endettés.

11
autoritarisme, constitution d’une oligarchie, développement socio-économique non réalisé du
fait du «pacte colonial» toujours en vigueur.
Ainsi, comme bilan sommaire de leurs gestions respectives, on peut retenir que de 1960-1974,
le régime de parti-Etat (PPN-RDA), héritier d’un pays déshérité où tout était à construire, a tout
de même eu le mérite de fonder l’Etat, de doter le pays de mini-unités industrielles et, vers la
fin de son règne, de manifester un désir ardent de valoriser le cours de l’uranium.
Entre 1974-1987 le régime militaire d’exception qui lui succède, celui du Conseil Militaire
Suprême (CMS), pose d’entrée de jeu un acte de souveraineté en décidant le renvoi troupes
françaises stationnées à l’actuel camp militaire Bagagi Iya de Niamey. On note aussi à l’actif
de ce régime le renforcement de l’Etat, l’imposition de l’ordre et de la discipline dans la marche
de l’Etat, la lutte pour l’autosuffisance alimentaire, un effort d’équipement en infrastructures et
en matériels de télécommunication, des réalisations de voies de communication bitumées, et
l’adoption d’une charte nationale qui annonce un retour progressif du pays vers une vie
constitutionnelle. Suite au décès subit de son chef, le Général Seyni Kountché, le 11 novembre
1987 dans un hôpital parisien, le régime militaire d’exception se mue en un régime de parti
unique, celui du « MNSD parti-Etat », dont le bref règne (1987-1991), est marqué par la «
décrispation politique» et une implication officielle des militaires dans la vie politico-
administrative du pays.
La situation économique et financière catastrophique du pays et les aspirations à plus de liberté,
au pluralisme politique, fortement exprimées dans les milieux scolaires, universitaires et les
syndicats des travailleurs, contraignent l’Etat considérablement affaibli à accepter la tenue, du
29 juillet 1991 au 3 novembre 1991, d’une «Conférence Nationale Souveraine» qui, à l’issue
de ses travaux, met en place un régime transitoire durant la période du1 novembre 1991 au 31
mars 1993, avec pour mission d’œuvrer à l’installation d’un régime démocratique et d’amorcer
un redressement économique du pays.
L’ère démocratique (avril 1993 - 26 juillet 2023), au cours de laquelle les Nigériens avaient
fondé beaucoup d’espoir pour le développement de leur pays, s’est plutôt illustrée par une
instabilité politique et institutionnelle (cinq régimes démocratiques entrecoupés par trois
régimes militaires d’exception), une politisation à outrance de l’administration, une régression
progressive des libertés et des droits fondamentaux, un délitement de l’Etat, une mal
gouvernance, une insécurité grandissante, avec en filigrane une recolonisation rampante du
pays du fait de l’installation irrégulière de plusieurs bases militaires étrangères qui font plus
partie du problème que de la solution de la question sécuritaire à laquelle le pays se trouve
confronté depuis quelques années.
Dans ce tableau peu reluisant, il y a tout de même lieu de relever l’acte de souveraineté posé
par le Président Tandja Mamadou (2000-2011) qui a fait venir le Président français Nicolas
Sarkozy à Niamey le 27 mars 2009 pour renégocier et obtenir à l’avantage du Niger les contrats
relatifs à l’exploitation de l’uranium. Malheureusement, sur ce plan, ses successeurs de la VII ème
République (par insouciance ?), se dépêchèrent de rétablir le statut quo ante8.

8
Pour plus de détails sur l’ère démocratique au Niger, voir ZAKARI M, L’expérience démocratique à la
nigérienne. Ma part de vérité, Niamey, Gashingo, 2016, 187 p.

12
Le défi impérialiste
De nos jours, prétextant la lutte pour la sauvegarde de la démocratie, de l’Etat de droit,
l’impérialisme occidental accroît son ingérence dans la gouvernance africaine afin de continuer
à œuvrer ardemment pour le maintien de l’Afrique dans ses rôles de source de matières
premières, de débouché de ses produits finis, tout en accentuant l’appauvrissement de ses
populations. A cette fin, l’impérialisme en général, l’impérialisme Français en particulier,
développe ou renforce les stratégies suivantes :
- installer et maintenir des dirigeants soumis en opérant ou en encourageant des coups d’Etats
civils et des coups d’Etats militaires françafricains ;
- garantir leur protection et les intérêts de l’Occident par l’installation de bases militaires sur le
sol africain ;
- diviser pour mieux régner, notamment en manipulant les institutions d’intégration politique et
économique africaines (UA, CEDEAO, UEMOA), et en accentuant les particularismes et les
querelles partisanes au sein d’une démocratie de façade ;
- démolir les Etats africains en désorganisant tous les secteurs sociaux de base par l’application
des plans d’ajustement structurel (PAS), en affaiblissant les institutions républicaines,
notamment les forces de défense et de sécurité (FDS), en pratiquant une politique de la terre
brûlée par le renforcement du terrorisme et du crime organisé pour décimer les populations
innocentes et le cheptel, et créer le chaos, les conditions idoines, pour une meilleure exploitation
des ressources africaines9.
Toutes ces stratégies constituent autant de défis pour les populations du continent. Mais le défi
majeur reste bien sûr la reconquête de la souveraineté perdue depuis plusieurs siècles. Existe-t-
il des raisons d’espérer sur ce plan ? L’espoir est permis pour plusieurs raisons. Il y a d’abord
l’existence d’une longue tradition de lutte patriotique ainsi que l’attestent les résistances des
populations locales à la fin XIXème siècle, les révoltes de la première moitié du XXème siècle, et
les luttes d’émancipation engagées par les syndicats et les partis politiques au lendemain de la
deuxième guerre mondiale. Cette tradition peut constituer un tremplin pour les Africains qui
partagent la même vision. Actuellement, il y a aussi sur le continent un développement notoire
du courant panafricaniste qui mène un travail remarquable d’éveil des consciences pour une
véritable indépendance de l’Afrique. Il y a enfin les coups d’Etat militaires patriotiques
perpétrés au cours des deux dernières années au Mali, au Burkina Faso et au Niger, avec comme
objectif la reconquête d’une pleine souveraineté de ces Etats. La création de l’Alliance des Etats
Sahel (AES) et la dénonciation de certains accords de servitude sont autant d’actes forts qui
confirment le sérieux de cette volonté politique qui faisait défaut depuis un certain temps en
Afrique. Conscient de l’importance des enjeux, de son côté, l’impérialisme s’active pour
étouffer cet élan souverainiste en utilisant la politique du bâton et de la carotte.
Les enjeux
L’enjeu majeur du côté des « souverainistes », c’est de conserver fermement cette volonté de
libération politique en dénonçant l’intégralité des accords secrets qui lient leurs pays à la
France. Car, comme cela a été indiqué plus haut, aucune indépendance, aucune souveraineté,

9
A ce niveau, il y a sérieusement lieu de s’interroger. S’achemine -t-on vers une recolonisation de l’Afrique ?
Envisage-t-on une Afrique sans les Africains ?

13
aucun développement économique et social, n’est possible dans nos pays tant que ces accords
sont en vigueur. Mais l’efficacité dans la lutte de libération ainsi engagée requiert que cette
volonté politique clairement exprimée bénéficie d’un élan patriotique populaire, d’un soutien
populaire ferme et permanent. La pertinence d’une telle approche a été suffisamment démontrée
par la mobilisation continue des populations nigériennes au carrefour de l’escadrille, dénommé
depuis lors place de la résistance, qui a fini par bouter hors du territoire les forces militaires
françaises d’occupation stationnées à Niamey et ses environs. Par ailleurs, si le projet
d’invasion militaire du Niger par la «force en attente » de la CEDEAO manipulée par la France
n’a pu se concrétiser jusque-là, c’est justement à cause de cette mobilisation populaire
grandissante et du soutien militaire fermement exprimé dès les premières heures de l’annonce,
par les deux autres pays membres de l’AES : le Burkina Faso et le Mali.
L’union fait la force, gardons cela toujours à l’esprit. Et c’est pourquoi, l’autre enjeu majeur
pour donner à la lutte pour la souveraineté toutes les chances d’aboutir, c’est le renforcement
de notre unité nationale en taisant nos vaines querelles, nos égoïsmes, en œuvrant à l’union des
fils du pays autour d’un idéal commun, à travers le slogan : «zancan kasa ne, labu sanni no».
Pour être pleine et entière, la lutte pour la souveraineté doit être menée avec la même rigueur à
la fois contre les ennemis extérieurs (les impérialistes et les néocolonialistes) et leurs hommes
de main locaux, les « collaborateurs » ou les « nègres de maison », tout aussi nuisibles que leurs
maîtres. L’histoire de la rencontre de l’Afrique avec l’Europe depuis plus de six siècles révèle
à suffisance la grandeur de la trahison de cette catégorie d’Africains qui ont œuvré et qui
continuent de le faire ardemment pour placer leur continent, leurs frères, sous les bottes des
colonisateurs, des impérialistes, le tout pour quelques « privilèges » dans une atmosphère de
soumission, de servitude, d’indignité totale. Il n’y a qu’en Afrique que l’on constate une telle
ignominie : sacrifier les siens pour servir un maître qui n’a que du mépris pour toi. C’est ce que
font en ce moment, sans regret, certains chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats
de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) contre le peuple nigérien et leurs propres peuples qui
subissent par ricochet les conséquences néfastes de sanctions illégales, injustes et barbares par
eux décidées contre le Niger, le tout pour le seul profit des impérialistes en général et de la
France néocoloniale en particulier qui souffre de voir et d’admettre un peuple nigérien
souverain. Rien de vraiment positif, de salutaire, ne peut être accompli en Afrique tant que
cette catégorie de ses fils sont actifs. En conséquence, le combat contre ces derniers doit être
mené avec vigueur et sans répit car, sans leur soumission et leur collaboration active, la
domination de l’Afrique ne serait pas une tâche aisée.
La constance de l’élan patriotique populaire évoqué plus haut requiert bien évidemment des
signaux forts de la part des nouveaux dirigeants ; des signaux qui prouvent suffisamment qu’une
gouvernance telle que celle que les Nigériens ont connue au cours de ces douze dernières années
est révolue. Aujourd’hui, la réalité prégnante, c’est que les Nigériens ont soif de justice. Le fait
de vouloir faire croire qu’on peut faire du nouveau en s’appuyant sur l’ancien ainsi que le fait
la gouvernance nigérienne actuelle, n’est pas de nature à faire perdurer l’enthousiasme
populaire, pourtant indispensable pour une pleine réussite de la lutte pour la souveraineté. Car,
cet enthousiasme est avant tout l’expression d’un grand espoir de changement qualitatif. Il y a
donc lieu de rassurer les Nigériens sur ce plan en continuant à poser des actes forts allant dans
le sens de la reconquête de la souveraineté. C’est pourquoi une refondation de l’Etat au Niger
est incontournable.

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Alors que les Nigériens avaient fondé beaucoup d’espoir sur le fait que l’avènement de la
démocratie concourrait à mettre leur pays sur la voie de la bonne gouvernance et d’un
développement durable, grande a été leur déception de constater que c’est tout le contraire qui
s’est produit : l’Etat est devenu une coquille vide et le développement reste toujours attendu.
En réalité, quelle que soit la qualité d’un système politique et des textes qui le régissent, ceux-
ci ne valent que ce que valent ceux qui ont la charge de les mettre en pratique. En d’autres
termes, au Niger, ce n’est pas le régime démocratique en tant que tel qui a failli, mais les
hommes appelés à l’animer. Cela ne surprend guère lorsqu’on tient compte du fait que la
démocratie au Niger n’a jamais été le fruit d’une revendication clairement exprimée, d’une
longue lutte, mais d’un concours de circonstances. Si bien qu’on a l’impression que beaucoup
d’acteurs politiques nigériens, animés d’abord par l’idée de « ôtes-toi que je m’y mette », en
sont venus à la démocratie plus par opportunisme que par conviction.
Evidemment, une démocratie tenue par de tels acteurs ne peut prospérer. La question des
hommes se pose ici dans toute sa plénitude. L’histoire des nations nous renseigne qu’à chaque
fois que des pays ont connu des avancées significatives en matière développement, ils ont eu
l’opportunité d’avoir à leur tête de « grands hommes », des hommes engagés, pétris de
patriotisme, qui mettent au-devant la satisfaction de l’intérêt général avant toute autre chose.
En d’autres termes, la réussite en matière de gouvernance est liée non pas à la manière dont on
acquiert le pouvoir politique, mais plutôt à la manière dont on le conçoit et qu’on l’exerce.
La réussite de la refondation de l’Etat requiert par conséquent un profond changement des
mentalités tant au niveau des dirigeants que des dirigés. Ainsi, s’agissant du développement
socio-économique du pays, après avoir défini un cadre de développement trans-régimes, il y a
lieu, contrairement à ce qui s’observe jusque-là, de tout faire pour que la question du
développement soit avant tout une affaire nationale, c’est-à-dire assurer son financement
essentiellement sur fonds propres. Ces fondamentaux une fois retenus, il faut mettre les jeunes
nigériens au travail en développant chez eux l’amour du travail bien fait, la régularité dans
l’accomplissement de la tâche, tout en les encourageant à renouer avec nos valeurs ancestrales
d’intégrité, de dignité, de solidarité, de probité, de « communautarisme » (développement de
l’esprit communautaire en lieu et place de l’individualisme très présent en ce moment).
Mais l’effectivité de ce qui vient d’être rapporté, dépend aussi de la présence à la tête du pays
de dirigeants décidés à propulser véritablement la tâche de développement qui exige le
dépassement de soi au profit du grand nombre. Car, la politique, contrairement à ce qui
s’observe actuellement au Niger, est avant tout un sacerdoce ; elle ne doit en aucun cas être
réduite à une source d’amassement de gains faciles, une voie pour améliorer sa situation
matérielle et financière au détriment du grand nombre. Le bon homme politique doit donc se
donner pour mission d’œuvrer dans le sens d’améliorer la situation socio-économique de son
pays, de défendre l’intérêt général. La réussite pour lui, c’est que le peuple témoigne qu’il fut
un « grand homme » qui a contribué largement au développement, à la prospérité, de son pays.
Voilà ce qu’un bon politique est en droit d’attendre.
L’échec de la récente expérience démocratique au Niger impose la quête d’une formule de
gouvernance originale, un régime politique propre alliant nos valeurs de gouvernance
ancestrales avec des éléments positifs tirés du système démocratique importé ; un système
politique doté de règles strictes contraignant ses animateurs à une bonne gouvernance faite
d’intégrité, de transparence, d’équité, de patriotisme. Car, il n’y a aucun doute, la réussite en

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matière de gouvernance ou de développement d’une manière générale est fonction de la qualité
des hommes et non de la défaillance des textes fondamentaux définissant le cadre général
d’action.
Assurer le développement économique et social du pays revient aussi à œuvrer pour l’atteinte
d’une souveraineté alimentaire, énergétique, d’une santé publique gratuite (particulièrement
pour les couches démunies), d’une éducation reposant sur une école publique gratuite et utile,
c’est-à-dire une école source de savoir, de savoir-faire et de savoir-être, productrice de cadres
immédiatement productifs. Bref, toute notre politique de développement doit reposer sur
l’idée du Professeur Joseph Ki Zerbo : « On ne développe, on se développe ». Et, sur ce plan,
la jeunesse de la population nigérienne, loin d’être un handicap comme certains s’évertuent à
le faire croire, constitue plutôt un atout, un potentiel à exploiter en définissant une bonne
politique d’insertion des jeunes. L’emploi des jeunes doit être une priorité dans tous les
domaines d’activités.
Nul doute, il n’y a pas de développement sans sécurité, sans paix. Compte tenu de sa position
géostratégique et de la richesse de son sous-sol, le Niger, devenu un espace de convoitises et
d’intérêts divers, doit se doter de forces de défense et de sécurité aguerries et bien équipées pour
défendre son intégrité territoriale et, au-delà, celle de l’espace de l’AES : « On ne sécurise pas,
on se sécurise ; on ne libère pas, on se libère ».
Ces vérités, nos ancêtres qui avaient lutté contre la conquête coloniale à la fin du XIX ème siècle
et nos compatriotes qui avaient agi dans le même sens dans la première moitié du XX ème siècle,
les ont bien comprises, eux qui avaient compté uniquement sur leurs propres moyens pour
affronter l’adversaire, tout en tant sachant que le rapport des forces n’était pas en leur faveur.
Aujourd’hui, il importe de reconnaître au Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie
(CNSP), le mérite de renouer avec cette noble et salutaire voie de lutte patriotique, totalement
délaissée par les dirigeants de la VIIème République. En effet, ces derniers, entièrement soumis
aux dirigeants étrangers, français notamment, avaient plutôt agi dans le sens contraire en
permettant l’installation illégale de bases militaires étrangères. Manifestement, cette mauvaise
option conduisit à une régression progressive de l’autonomie, un délitement de l’Etat, une
aggravation de l’insécurité, et à un acheminement progressif du pays vers sa recolonisation. Les
Nigériens doivent tirer les leçons de cette grave déviation qui frise la trahison, afin que les
orientations relatives à la gestion de la sécurité du pays relèvent plus du peuple souverain que
d’un groupuscule de personnes plus enclines à œuvrer pour leurs intérêts personnels plutôt que
l’intérêt général.
On ne peut non plus jouir d’une véritable souveraineté sans une indépendance monétaire. Notre
malheureux arrimage forcé au franc CFA, (monnaie purement française, même si elle n’a pas
cours au sein de la France, pays émetteur), en dit long sur ce plan.
Enfin, pour aboutir à des résultats probants, la lutte pour la souveraineté gagnerait à être engagée
dans un cadre d’action large. C’est pourquoi la création de l’Alliance des Etats du Sahel (AES)
est à saluer, et son maintien à encourager contre vents et marées. D’une manière générale, la
vision panafricaniste du développement est à cultiver.
Conclusion
Il est certain que les indépendances formelles accordées par la France aux pays africains en
1960, sont dénuées de toute notion de souveraineté. Par conséquent, pour tous les Etats

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concernés, celle-ci est à reconquérir. Cette reconquête exige une forte volonté politique
soutenue par un soutien populaire ferme et constant. Les coups d’Etat militaires patriotiques
opérés au Mali, au Burkina Faso, et récemment au Niger, et les scènes de soutien populaire
grandioses subséquentes observées dans chacun de ces pays, laissent augurer des raisons
d’espérer, surtout lorsqu’on considère les actes forts de souveraineté posés par les dirigeants de
ces pays depuis lors. Compte tenu des enjeux importants, notamment les richesses énormes que
renferme le sous-sol sahélien, et la détermination des impérialistes à continuer à les piller à tout
prix, la lutte pour la souveraineté sera une tâche de longue haleine qui requiert de la part des
populations sahéliennes de l’ouest africain, un ferme engagement, une résilience, un sacrifice,
sans lesquels la victoire n’est pas évidente. Cette lutte pour être concluante gagnerait également
à être engagée dans le cadre d’un large front (AES ou même au-delà), dans l’unité tant au sein
des différents Etats concernés qu’au sein de l’espace dans son ensemble. Elle devrait être menée
concomitamment et avec la même ardeur, contre les impérialistes et leurs valets locaux dont la
collaboration active et continue rend grandement aisée la perpétuation de la domination de
l’Afrique par les étrangers. L’indépendance, la souveraineté, ne s’octroie pas ; elle s’arrache de
haute lutte au prix de moult sacrifices. Et la lutte à cette fin est incontournable : le Niger,
l’Afrique en général, doit lutter ou disparaître. Le slogan de Kwamé N’Krumah est toujours
d’actualité : «Nous unir ou périr» ; notre salut est dans l’union et la lutte pour la souveraineté
quelle qu’en soit son prix.

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